(1898) Archives de neurologie [2ème série, tome 06, n° 31-36] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1898) Archives de neurologie [2ème série, tome 06, n° 31-36] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE 1

NEUROLOGIE

HEVUE MENSUELLE

DES MALADIES NEHVEUSES ET MENTALES

F 0 N D I" par J.-M. C Il A n C 0 T.

PUBLIÉE SOUS I.A DIIIEC'IION DE MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la Faculté de médecine

tle Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Agile clinique

(Sle-Annc)

F. RAYMOND

Professeur de clinique

Jcs m;nl,nJics

du svstemc nerveux

à LW'aculé de médecine

de l'.nrns.

coccenuwTSUUS PRINCIPAUX

11D1. BAIIINSKI, BALLET, liLANCIIAI1) (11.) III.1N, P. DOISSIEH, 11UIAND (SI.),

IIIIISSAUB (F.), BHOUAIIBEL (l'.), CATSAIIA, CHABBEIIT, CHAHRO. CIII;ISTIAN,

CIILLEItIif : , DEIIOVE (N.). UENY, BEVAY, ISUCAAIP, BUVAL (MAT ? ),

FLtOE (Cil), ), I'E\4Y110U, 10' Ii Il Il 1 Ii Il , FIIAi'iCOTTE, GILLES 11E LA'l'OUltl's'f'fE,

GAHNllm (S.), G0611SAlII.'f. GRASSET, KKIIAVAL (P.1,

ICLIPPEL, LEGIIAI\, LA\U1WZY, L\YOfF, MABILLE, MA11ANUON l)li 110\TYEL,

MA1111Î, ! 1lEBZEJEWSKY, \ll1SGIIA YE-CLA \', 1'10111, PAIIIS, l'lEHIIEr,

l'IFEIiKOFF, PITIIES, HEGIS, 11EGNAIII) (l'.1. II £ ONIEI,1 cl.), 111(;111'lt 11ELL,Y (P.).

. 110l1BINOVITCII, It0'fll (W.), ROUX (J.), SI ? GLAS, SI : GUIN (I ? C.),

St.ItIEUX, SliiU \ LU (1.), SOLl.llslt, SOI : Olilis, S()IIItY (J.). TEINTURIER (E.),

, T11U7.11's (II.), OIlIiIOLA, VILLAI1), VOISIN (J.), l'VO ? (P.).

Rédacteur en chef : ttOUttNt'sV11.1.G

Secrétaire de la rédaction : ,1.. Il. Cil" IICOT

Dessinateur : LEUISA

Deuxième série, tome VI. 1898.

Avec 30 figures dans le texte et 1 planche.

PARIS

BUREAUX X D U Pli 0 GlU); S 11/ É DI CAL

14, rue des Carmes.

1898

Vol. VI. Juillet 1898. , N° 31

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE

AVEC LÉSIONS TABÉTIFORMES DES CORDONS POSTÉRIEURS ;

, . 1 .

, ' l'AR ¡ .

A. JOFFROY,

Professeur de clinique des maladies

mentales.

ET T

Et. RAISAUD, ¡

Chef du laboratoire d'analomic \ '

pathologique à la clinique des maladies *

mentales.

La question des rapports de la paralysie générale et du

tabes spinal postérieur a soulevé et soulèvera certainement

encore de vives discussions. Elle a provoqué un certain

nombre de travaux et des interprétations diverses. Tout

récemment encore, au Congrès des aliénistes de Toulouse',

M. Arnaud abordait incidemment cette question dans son

rapport sur le diagnostic de la paralysie générale, mais sans

en montrer les incertitudes persistantes.

Cette question date, non de Baillarger; comme on le répète

toujours, mais de la découverte de l'ataxie locomotrice; elle

s'est modifiée incessamment depuis cette époque, parallèle-

ment aux acquisitions nouvelles relatives à l'anatomie patho-

logique du tabes. Tout naturellement, ce fut Duchenne de

Boulogne qui, le premier vers 18(i0, tenta d'établir le diagnos ?

tic clinique différentiel des deux affections qu'il dit avoir ren-

contrées réunies. Il n'avait point osé cependant se prononcer

catégoriquement sur leur coexistence, et s'était surtout efforcé

de faire de l'une et de l'autre maladies une entité morbide

' Congrès des aliénistes. Toulouse, 1897.

Archives, 2e série, t. VI. t

2 CLINIQUE MENTALE.

différente. Baillarger', un peu plus tard, aborda nettement

et crut pouvoir résoudre la question. Il avait, pensait-il, réuni

cinq exemples d'association des deux maladies, association

qui ne lui paraissait pas très rare.

La lecture du mémoire de Baillarger n'entraîne pas préci-

sément à conclure'qu'il y ait association. D'après cet auteur,

la paralysie générale parait faire partie des symptômes pré-

curseurs du tabes; l'antériorité des symptômes cérébraux sur

les symptômes spinaux l'entraîne à se demander dans un cas

« si le malade était véritablement atteint d'ataxie locomo-

trice ». C'est précisément cette antériorité qu'il fait ressortir

de l'étude de ses cinq observations. Il constate que pendant

un an on n'a remarqué autre chose chez l'un de ses malades

que la perte de la mémoire et l'embarras de la parole et

cependant il s'estime satisfait en admettant que « le plus

souvent les symptômes de paralysie générale, quand ils

viennent compliquer l'ataxie locomotrice, éclatent au début

de cette maladie et qu'ils font pour ainsi dire partie de la

période céphalique ». Nous n'avons pas besoin de faire

remarquer que ce n'est pas précisément là la marche obser-

vée dans les cas plus récemment publiés.

Baillarger est beaucoup plus circonspect pour résoudre la

question de l'influence que les deux maladies ont sur la

marche l'une de l'autre, il ne croit pas possible de « rien pres-

sentir à cet égard ».

Il se contente de signaler des faits de rémission des symp-

tômes tabétiques en exprimant l'idée que la paralysie géné-

rale paraît arrêter la marche de l'ataxie locomotrice; il cite

le cas d'un malade « qui a guéri d'une paralysie générale

très grave et dont les symptômes avaient persisté dix-huit

mois ; ce malade offrait, huit ans plus tard, un défaut de

coordination des membres inférieurs, lequel ressemblait

beaucoup à l'ataxie locomotrice ». Dans d'autres cas les deux

maladies suivraient leur marche parallèlement.

Quoi qu'il en soit, bien que Baillarger, à l'exemple de

Duchenne de Boulogne, s'attache à distinguer les symptômes

mentaux du tabes de ceux de la paralysie générale, il n'hésite

pas à conclure à l'association des deux maladies.

t Baillarger. De la paralysie générale dans ses rapports avec l'ataxie

locomotrice. (Ama. médico-psychol., t. VIII, 1862.)

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 3

Il n'est pas un mot de son mémoire pouvant faire supposer

qu'il ait pensé à des lésions spinales propres à la paralysie

générale, différentes de celles du tabes, mais qui, symptoma-

tiquement, se traduiraient par un ensemble de signes simu-

lant plus ou moins le tabes.

Plus tard, toutefois, Baillarger a montré plus de réserve.

Dans une seconde publication faite en 1885 S il estime qu'il

faut parfois se méfier du diagnostic de paralysie générale

chez les médullaires délirants, car, dans ces cas, le diagnostic

clinique n'est pas toujours vérifié à l'autopsie. Nous ferons

remarquer à ce propos, que les cinq observations qui consti-

tuent le mémoire de z1 sont des observations sans autopsie

et qu'il serait difficile, d'après la lecture, de porter un dia-

gnostic sans réserve. C'est ainsi que chez la plupart de ces

malades, on relève des troubles oculaires qui appartiennent

plutôt au tabes qu'à la paralysie générale ; il est vrai que

l'on relève aussi des troubles intellectuels susceptibles d'être

rapportés à la paralysie générale. Mais- cela est loin de suffire

pour conclure à l'association des deux affections.

Sur cette difficulté qu'il y a d'établir un diagnostic exact

dans le cas où l'on se trouve en présence d'accidents céré-

braux et spinaux, Baillarger s'exprime en ces termes : oc C'est

surtout, dit-il, lorsque les symptômes de la paralysie géné-

rale éclatent chez un malade atteint d'une affection locale du

cerveau, ou d'une maladie de la moelle, qu'il faut être plus

réservé pour le diagnostic. Je me bornerai à rappeler ici,

pour ce qui a trait seulement aux maladies de la moelle,

l'observation si curieuse publiée par Renault du Motey, deux

observations de Westphall et deux autres de Plaxton. Bien

que dans plusieurs de ces cas, le délire des grandeurs se fût

prolongé très longtemps, l'autopsie n'a point permis de

découvrir les lésions ordinaires de la périencéphalite chro-

nique » et, faisant allusion à l'observation qu'il vient de rap-

porter, il ajoute : « dans le cas que je viens de citer, il n'y

avait aucune adhérence des membranes à la couche corticale

et l'explosion du délire datait de quarante jours 2. » 1

Dans aucun de ces deux mémoires, Baillarger ne parle de

syphilis cérébrale, et nous ne serions pas surpris que pour

' Baillarger. Des rapports de l'ataxie locomotrice et de la paralysie

générale. (Annales médico-psychologiques, 1885.)

' Ibidem, p. 191. 1

4 z CLINIQUE MENTALE.

quelques-unes de ses observations Cé soit ce diagnostic qu'il

aurait dû porter. Quoi qu'il en soit, la question des rapports

du tabes et de la paralysie générale est loin d'avoir été réso-

lue par Baillarger, comme on le dit habituellement; ces deux

mémoires jettent même très peu de lumière sur cette étude.

D'ailleurs, sans mettre en doute l'existence simultanée du

tabes et de la paralysie générale, les résultats fournis par la

clinique et par l'anatomie pathologique sont le plus souvent

susceptibles d'une autre interprétation que celle de l'associa-

tion de ces deux maladies. Certes, il ne'faudrait pas nier

cette association, mais il'est bonde savoir que l'on peut faci-

lement s'y tromper et qu'il- y a,, dans la plupart de ces cas,

un diagnostic très difficile à établir. Déjà, dès 1892, dans un

discussion à la Société médicale des hôpitaux, l'un de nous

affirmait que cette association devait être extrêmement rare ;

il revenait sur cette question en 1894 au Congrès de Clermont-

Ferrand ' et publiait une observation très démonstrative à

ce point de vue ; à l'heure actuelle, il considère que dans le

plus grand nombre de ces cas où l'on croirait à première

vue à l'existence de cette association, il ne s'agit en réalité

que de symptômes tabétiformes entièrement imputables aux

localisations spinales de la paralysie générale. Pour lui, les

phénomènes tabétiformes et les lésions spinales de la para-

lysie générale doivent être séparés de ceux de l'ataxie loco-

motrice malgré certains points de ressemblance. La diffé-

rence est essentielle en ce sens que la lésion initiale du

tabes n'a pas la même localisation anatomique que celle de

la paralysie générale. Parfois cependant, l'examen insuffisant

et l'absence d'une comparaison minutieuse des coupes aux

différentes régions de la moelle peut faire croire à un tabes

légitime alors qu'une étude mieux conduite démontre qu'en

réalité ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Un mémoire récent de

Klippel 2 conclut dans le même sens.

Mais il faut bien dire que dans la paralysie générale, la

localisation des lésions des cordons postérieurs simule par-

fois la sclérose ataxique. La ressemblance peut être telle que

l'erreur est facile si l'on ne prend pas soin d'examiner de

1 A. Joffroy. De la paralysie générale à forme lctbélizte. (Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, 1895.)

- Klippel. Paralysie générale. Lésions el symptômes spinaux. Formes

pinales. (Archives de Médecine expér., n° 1, 1891.) .

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 5

près, d'analyser exactement la topographie et la succession

des lésions, si aux différents étages de la moelle on n'établit

pas le rapport entre l'intensité et l'étendue des lésions intra-

médullaires d'une part, l'intensité et la localisation de l'atro-

phie des racines postérieures d'autre part.

C'est un cas de ce genre dont nous relatons ci-après l'obser-

vation. Elle retire un plus grand intérêt de ce fait qu'il s'agit

d'une paralysie générale juvénile. On verra, par les détails

anatomiques que les lésions de la moelle peuvent être prises

à première vue pour celles d'un tabes classique. Mais la lec-

ture de l'observation, si écourtée que soit cette dernière,

montre que les symptômes du tabes n'ont pas existé ; on

verra qu'il y a eu de la paraplégie, mais pas d'incoordination

motrice, pas de douleurs fulgurantes, pas d'abolition des

réflexes rotuliens; qu'il y a eu, au contraire, dans les

derniers temps de la vie, un certain degré de contracture

des quatre membres, etc. Bref, ni l'ensemble symptomatique,

ni l'étude minutieuse des lésions des cordons et des racines

postérieures, ne permettent de s'arrêter au diagnostic de tabes

spinal postérieur.

Observation. Asile clinique (Sainte-Anne).

, , Service du professeur JOFFROY.

Le nommé A..., Alpbonse', garçon tripier, âgé de dix-neuf ans,

- est entré à l'asile Sainte-Anne, le 24 octobre 1894.

Antécédents héréditaires. La mère du malade, qui nous fournit

des renseignements, nous parail particulièrement émotive; mais

elle affirme n'avoir jamais eu d'attaques de nerfs. Les grands

parents maternels sont vivants et bien portants.

Le père est mort, il menait une existence assez irrégulière ; il

était buveur, mais on ignore s'il était ou non syphilitique. Il y a

lieu de supposer qu'il est mort de tuberculose pulmonaire.

Antécédents personnels. Enfant naturel, il a été élevé par sa

grand'mère jusqu'à l'âge de treize ans. A neuf mois, il a été très

malade; la mère ne peut spécifier l'affection, toutefois elle affirme

que l'enfant n'a pas eu de convulsions. Il a été considéré comme

très intelligent jusqu'à l'âge de quatorze ans; il était doué d'une

grande force physique. 11 n'a pas eu la syphilis et n'a jamais fait

d'excès alcooliques.

. Ce malade a été le sujet d'une leçon clinique : Sur un cas de para-

lysie générale juvénile à début spinal, publiée dans la Revue de Psy-

clriïrtnie. juin 1S9S.

6 ' CLINIQUE MENTALE.

Evolution de la maladie. Le 24 octobre 1894, on nous amène

ce jeune homme de dix-neuf ans, très amaigri, plongé dans un état

de dépression intellectuelle voisin de la stupeur. Depuis deux mois

il ne faisait plus bien son service, étant sans entrain et oubliant

les ordres qu'on lui donnait. Hypocondriaque et délirant, il se

plaignait d'avoir des bouteilles et des papiers dans le ventre. Par-

fois il avait des idées de suicide et on le voyait alors faire des ten-

tatives pour s'arracher la peau du visage et des mains, ou bien il

manifestait des idées de persécution : « On lui en voulait, on allait

faire tomber le plafond sur sa tête. » La nuit, il dormait mal et

parlait tout haut. Son appétit avait sensiblement diminué et c'est

même avec de grandes difficultés qu'on arrivait à le faire manger.

Le jeune A... était en réalité malade depuis quatre ans : la mère

raconte qu'à l'âge de quinze ans, A... avait voulu soulever un ton-

neau très lourd. Après cet effort, il aurait présenté une déforma-

tion de la colonne vertébrale; lui, si robuste auparavant, dépérissait

à vue d'oeil, marchait voûté et avec une difficulté très grande. Il

fut conduit à la Salpêtrière dans le service de Charcot ; là, après

un examen prolongé, on conclut à une lésion organique de la

moelle ; on appliqua des pointes de feu sur la colonne vertébrale

et on prescri·-it du seigle ergoté. Peu à peu le malade s'améliora et

la paraplégie parut guérir presque complètement.

Cette évolution morbide assez inattendue nous fit même songer

un instant, comme on l'avait fait à la Salpêtrière, à des accidents

hystériques, d'autant plus que le malade présentait une anesthésie

absolue de la face et des membres supérieurs, qu'il refusait toute

nourriture et que sa répugnance pour les aliments rappelait l'ano-

rexie hystérique. On pouvait en effet rattacher logiquement à l'hys-

térie tout un ensemble de symptômes : les lésions de la sensibilité,

la sitiophobie si accusée, et en outre l'histoire du fardeau soulevé,

regardé comme la cause première de tout le mal. Mais ce diagnostic

ne pouvait se soutenir en présence des autres signes présentés par

le. malade. C'est ainsi que les symptômes urinaires étaient tout

différents de ce qu'ils sont chez les hystériques ; et si les urines

étaient peu abondantes, leur quantité s'élevait encore à 850 centi-

mètres cubes, leur analyse décelait un chiffre d'urée presque normal

puisqu'on trouvait 23 grammes pour les vingt-quatre heures.

, Mais bientôt le malade s'alite, la faiblesse et l'émaciation font

des progrès extrêmement rapides, la stupeur et un mutisme pres-

que complet persistent, puis surviennent des symptômes nouveaux

qui remettent le diagnostic en question. Le malade sans doute ne

parle presque plus ; mais les quelques paroles qu'il prononce

semblent être hésitantes, scandées, certaines syllabes sont redou-

blées ; au moment de l'articulation des mots, les muscles des lèvres

sont agités d'un léger tremblement. En outre on constate, à un

degré fort appréciable, de l'inégalité des pupilles, la droite est plus

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 7

dilatée que la gauche, ni l'une ni l'autre ne réagissent plus à la

lumière.

Du côté de l'appareil musculaire, existe une légère contracture

avec conservation, peut-êlre légère diminution, des réflexes rotu-

liens.

Enfin le malade gâte, grince des dents durant de longues heures.

Bref le diagnostic de paralysie générale juvénile vient de

s'imposer lorsqu'une aggravation très rapide de la marche de la

maladie nous permit de trouver à l'autopsie sa confirmation.

Autopsie. Les méninges sont hyperhémiées ; sur les circon-

volutions frontales et pariétales elles sont épaissies et présentent

un aspect opalin; ces plaques sont plus particulièrement épaisses

au niveau du bord convexe de l'hémisphère. D'autres épaississe-

ments opaques siègent au niveau des sillons les plus profonds.

Les troncs artériels de la base, non plus que les artères sylviennes,

ne présentent pas'de lésions apparentes.

8 CLINIQUE MENTALE.- '

grisâtre et paraissent présenter un certain degré de dégénéres-

cence. Les autres racines ne semblent pas altérées.

La colonne vertébrale présente une courbure dorso-lombaire, mais

il n'existe en ce point aucune cause de compression. Le tissu

osseux n'est pas altéré ; le canal vertébral présente un aspect

normal ; il est lissé, uniforme,sans trace de carie ou d'autres lésions,

pouvant agir par compression sur la moelle.

Les muscles des membres supérieurs et inférieurs sont notable-

ment amaigris et présentent quelques stries jaunâtres.

Les poumons n'offrent à l'examen aucune altération notable, ils

ne présentent nulle part de lésions tuberculeuses. Le coeur est

petit, la cavité gauche de dimensions très restreintes, les valvules

sont saines, l'aorte est étroite mais sans lésions.

Le foie est petit; son tissu paraît normal ; on constate quelques

plaques fibreuses sur la capsule. Les reins sont petits, durs, d'un

rouge intense, sans lésions de néphrite. L'estomac est notable-

ment distendu, ses parois sont amincies ; la muqueuse gastrique

est colorée en jaune par la bile; l'intestin est congestionné. La

rate est petite.

Examen HISTOLOGIQUE DE la MOELLE épinière Er du cerveau.

Moelle lombaire (fig. 1). Les faisceaux blancs, colorés par la

méthode de Weigert-Pal, sont entièrement conservés dans toute

l'étendue des cordons antérieurs et latéraux. Les fibres y sont ser-

rées, leur myéline bien colorée. Le cordon postérieur, au contraire

est atteint dans son ensemble mais il y a lieu de distinguer diverses

zones inégalement sclérosées.

Le maximum des lésions siège en deux points : au niveau de la

zone de Lissauer où l'on ne distingue que de très rares fibres

éparses; la dégénérescence gagne le cordon postérieur vers la zone

cornu-radiculaire. L'ensemble de la lésion dessine un champ semi-

lunaire dont le côté rectiligne confine à la périphérie de la moelle ;

les fibres deviennent de plus en plus nombreuses à mesure que l'on

se rapproche du septum médian.

La seconde zone des lésions occupe une grande partie du cordon

postérieur, suivant l'aire d'un triangle rectangle qui, par le sommet

de son angle droit, confine à la corne postérieure, au niveau de la

substance de Rolando. Parlant de ce sommet, l'un des côtés se

dirige en avant et légèrement en dedans, s'écartant de la corne

postérieure pour aboutir au septum médian, un peu en arrière de

la commissure grise. L'autre côté, perpendiculaire au premier des-

cend en arrière et en dedans pour atteindre la périphérie de la

moelle. Le troisième côté est concave, restant séparé vers son

milieu du septum par une zone ovale à peu près saine.

En ces deux régions, le processus scléreux est très accentué,

il n'y existe peu de fibres saines ; on y voit les vestiges de

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 9

fibres en voie de disparition. La lésion se détache avec netteté sur

le fond du cordon postérieur.

Trois zones sont beaucoup moins atteintes, offrant une majorité

de fibres intactes, mais qui manquent de cohésion, marque évi-

dente d'une sclérose commençante. Ces zones correspondent : en

arrière et en dehors à la moitié interne du champ cornu-radicu-

laire et aux fibres endogènes. Les fibres descendantes occupent de

part et d'autre du septum une aire semi-lunaire dessinant par leur

ensemble l'ovale de Flechsig ; les fibres ascendantes occupent la

partie antérieure du cordon et affectent chacune la forme d'un

triangle confinant par l'un des côtés à la corne postérieure, et

s'insinuant entre celle-ci et la zone scléreuse ci-dessus décrite.

La substance grise ne parait pas altérée dans sa forme; mais il

existe une diminution légère du nombre des cellules dans l'une

des cornes antérieures ; de ces cellules elles-mêmes, quelques-unes

sont atrophiées, quelques autres présentent une dégénérescence

granuleuse marquée. Le canal de l'épendyme est comblé par une

substance hyaline avec de nombreux noyaux.

Racines. Les racines an lérieures sont normalement constituées;

1 Fi[/. 1. - Moelle lombaire. )

10 CLINIQUE MENTALE.

les fibres ne sont diminuées ni en nombre ni on volume. Quant

aux racines postérieures, elles sont manifestement atteintes, mais

dans des proportions relativement faibles. Quelques-unes de leurs

fibres constituantes sont détruites : mais il en resle cependant une

grande majorité dont la plupart sont saines et quelques-unes en

voie de dégénérescence.

Méninges. Vaisseaux. La pie-mère est notablement épaissie

ainsi que la couche sous pie-mérienne sur tout son pourtour ; la

paroi des vaisseaux des méninges présente un phénomène du

même ordre, les unes et les autres' sont infiltrées de nombreux

noyaux.

Moelle dorsale (/i. i, 3 et 4). a) Moelle dorsale inférieure et

moyenne. - Les lésions sont plus limitées et l'ensemble du cordon

postérieur possède un plus grand nombre de libres saines. La zone

de Lissauer est intacte ou à peu près. Pour ce qui est de la dégé-

nérescence du cordon postérieur proprement dit, elle occupe de

pari et d'autre du septum une zone symétrique. Cette zone sclé-

reuse a la forme d'un triangle allongé dont la base la plus courte

est en haut où elle confine avec la corne grise et va en s'effilant

Fifj. 2. Moelle dorso-Ioinbaire.

(Elle a subi une déformation post-moitem.)

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE, il J

Fig. 3. Moelle dorsale.

Fig. i. Moelle dorsale.

12 1. CLINIQUE MENTALE» , 1

.vers la périphérie de la moelle; mais elle n'atteint pas cette der-

nière. Le sommet du triangle se trouve, en effet, situé au niveau du

quart inférieur environ du cordon postérieur. Dans cette région

dégénérée, il existe encore quelques fibres saines.

La forme, la disposition et la constitution de la lésion restent les

mêmes dans toute la hauteur de la moelle dorsale inférieure et

moyenne et semblent correspondre à la bandelette externe de

Pierret. -

Substance grise. - A l'étage tout à fait inférieur de la moelle 1

dorsale, l'une des cornes antérieures est très nettement atrophiée ;

les cellules sont diminuées de nombre : de celles qui restent cer-

taines ont l'apparence saine, d'autres semblent atrophiées. Plus

haut les fibres de Clarke sont en partie délllyélinisées.

Le canal de l'épendyme est comblé par une niasse hyaline avec

nombreux noyaux.

Les racines antérieures sont saines; dans les racines postérieures

il manque quelques fibres, mais le plus grand nombre d'entre elles

persistent.

b) Moelle dorsale supérieure (fig. 5). A l'étage supérieur de la

moelle dorsale, lorsque se constitue le cordon de Goll, la lésion

reste encore circonscrite avec les mêmes contours; elle est cepen-

dant plus allongée qu'aux étages sous-jacents, elle est parallèle*

la corne postérieure. Elle se rapproche d'assez près de la périphérie

de la moelle, mais en reste séparée par la zone radiculaire posté-

rieure. Cette bande, qui correspond comme précédemment, à la

bandelelte externe de Pierret occupe par conséquent tout ou partie

du cordon de Burdach. Elle possède très peu de fibres saines dissé-

minées à de larges intervalles. La zone de Lissauer est légèrement

lésée.

Tout le reste du cordon postérieur est sain, dans tous les cas très

peu malade, car aux confins du septum les fibres semblent légère-

ment espacees, ce qui semblerait indiquer un début de sclérose

interstitielle. Cependant l'ensemble du cordon postérieur est moins

coloré que les cordons anléro-latéraux ; un certain nombre de

libres manquent, sans nul doute, dans les unes et les autres des

zones postérieures. Le contraste est moins frappant entre les deux

moitiés de la moelle qu'aux étages précédents. Les cordons autéro-

laléraux sont sains.

Cornes grises. Il existe une asymétrie marquée des cornes

antérieures ; l'une d'elles est très amincie, presque étranglée à sa

base. Sur une coupe, on ne trouve qu'une ou deux cellules d'aspect

granuleux et jaunâtre. La corne postérieure n'a de lésions appré-

ciables en aucun de ses points.

Le canal de l'épendyme est comblé comme dans les coupes sous-

jacentes.

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 13

L'épaississement des méninges et des parois vasculaires est tou-

jours très net.

Moelle cervicale. a) Etage inférieur (fig. 6). - L'intégrité du

faisceau de Goll est ici manifeste. Ses deux portions se détachent

nettement sur l'ensemble du cordon postérieur sous forme d'un

triangle isocèle ; sa base est périphérique et sa hauteur, perpen-

diculaire à la commissure grise, occupe les deux tiers au moins de

l'épaisseur du cordon postérieur.

Sont également sains les faisceaux de Lissaüer et radiculaires

postérieurs. La zone des fibres ascendantes est simplement repré-

sentée par un ruban très étroit, composé par quelques fibres à

peine, immédiatement situé au contact de la commissure grise. Il

existe encore une bande large, constituée par des fibres saines, qui

confine aux cornes postérieures et en suit très exactement la direc-

tion pour aller se confondre avec la zone cornu-radiculaire posté-

rieure et atteindre la périphérie avec cette dernière.

La lésion se présente sous forme d'une bande sclércuse large et

très longue. Elle est comprise de chaque côté entre le faisceau de

Goll intact et le ruban sain dont il vient d'être question. Cette

Pig. 3. - Moelle dorsale.

14 CLINIQUE MENTALE..

bande malade naît en avant presque immédiatement au-dessous de

la commissure grise et s'attache au septum ; de là elle se dirige en

arrière et en dehors tout en s'élargissant un peu jusqu'à la péri-

phérie de la moelle ; elle occupe environ le tiers du demi-cor-

don. Avant d'atteindre la périphérie, elle envoie une expansion

en forme d'ergot dont l'axe se dirige vers la zone de Lissauer; cet

ergot entame le faisceau coniu-radiculaire postérieur.

L'ensemble des deux bandes, droite et gauche, dessine un V ou-

vert en arrière comprenant le faisceau de Goll entre ses deux bran-

ches. La lésion est assez uniforme dans toute son étendue mais les

libres ont surtout disparu en dedans sur les confins du faisceau de

Goll ; leur absence est plus marquée d'un côté que de l'autre.

Les cordons antéro-latéraux sont sains. -

Substance grise. L'asymétrie des cornes antérieures est peu

marquée ; le nombre etl'état des cellules parait normal; cependant

sur certaines préparations les cellules motrices sont peu nom-

breuses. Les cornes postérieures sont également saines.

Racines. - Les racines postérieures et les racines antérieures sont

à peu près saines ; quelques fibres manquent aux uns et aux

autres.

Fig. 6. - Moelle cervicale inférieure.

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. Il 1;

b) Etage supérieur (ftj. 7). L'en<emIJle des cordons postérieurs

est plus pâle que les cordons ;it)Léto-IaLériux. Il est cependant

facile de distinguer des zones plus fournies de libres, et l'on doit

en particulier considérer comme a peu près aiti tout ce qui cor-

respond aux faisceaux de Goll, aux faisceaux cornu-commissuraux

et radiculaires postérieurs.

La bandelette externe se présente au contraire comme franche-

ment et considérablement sclérosée; c'est une tache ovalaire, à

grand diamètre anléro-postérieur, qui empiète sur la corne posté-

rieure au niveau de la substance de liolando. Cette bandelette

renferme très peu de fibres, et parmi celles qui exilent encore, il

s'en trouve fort peu d'absolument saines. Les cordons antéro-laté-

raux sont sains.

Substance grise. Les cornes antérieures sont saines. Les cornes

postérieures présentent une démyélinisation manifeste au niveau

des traclus qui cloisonnent la substance de Rolanùo; on constate

aussi une diminution du nombre des cellules de la colonne de

Clarke.

Racines. Les racines antérieures ont perdu quelques fibres; les

racines postérieures peuvent être considérées comme sdines.

L'épaississement des méninges et des vaisseaux est manifeste.

FI ? 7. - Moelle cervicale supéie ure.

16 CLINIQUE MENTALE.

Écorce cérébrale. L'examen des coupes de l'écorce cérébrale

des lobes frontaux temporaux, pariétaux et occipitaux montre les

lésions dont l'ensemble caractérise la paralysie générale.

Aux lobes frontal et pariétal le réseau sous-méningé d'Exner-

Tuczeck a disparu ou considérablement diminué. Les circonvolu-

tions frontales et pariétales ne possèdent plus que de rares fibres

tangentielles, soit que l'on examine la convexité des circonvolu-

tions ou le fond dessillons. Ce réseau est mieux conservé, bien que

cependant en majeure partie détruit, dans les circonvolutions tem-

porales et occipitales. En ces deux dernières régions de l'encéphale,

les réseaux tangentiels profonds peuvent se discerner sans peine,

tandis qu'ils ont partiellement disparu partout ailleurs.

Comme corollaire, les petites cellules de Cajal sont très dimi-

nuées en nombre, et l'on ne voit que des cellules pyramidales

grandes ou petites, isolées dans le sein d'un espace lymphatique

agrandi, parfois granuleuses et jaunâtres, ou envahies à des degrés

divers par les cellules rondes qui sont normalement accolées à

ces éléments nobles. La névroglie est fort augmentée.

Les méninges et les parois vasculaires sont épaissies et infiltrées

d'assez nombreux noyaux.

Le bulbe est sain.

Nous ne reviendrons pas sur les détails cliniques. La mala-

die a débuté par une paraplégie : l'invasion rapide et les

caractères de cette paraplégie pouvaient faire songer à une

paralysie hystérique plutôt qu'à une lésion organique de la

moelle, mais elle excluait à coup sur le diagnostic d'ataxie

locomotrice progressive. Du reste, à aucune autre période de

la maladie, les troubles paraplégiques n'ont permis de s'ar-

rêter à ce diagnostic ; même, ils suffisaient pour l'écarter.

Nous insistons sur ce point, parce que l'ensemble des

lésions anatomiques, malgré tous les détails que nous avons

donnés, pourrait encore être regardé comme appartenant à

l'ataxie locomotrice. L'absence complète des symptômes tabé-

tiques s'explique seulement par ce fait que les fibres ner-

veuses, dont la destruction caractérise le tabes, se trouvent

respectées dans le cas qui nous occupe.

Evidemment si, ayant étudié un à un les divers étages de

la moelle, nous cherchons à coordonner les résultats obtenus

et à discuter la valeur des lésions, nous devons d'abord recon-

naître la ressemblance apparente qui existe entre certaines

des lésions observées et celles du tabes au début. Prises sépa-

rément, sans qu'il soit tenu compte de la succession des

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 17 7

étages, les coupes de la moelle lombaire, celles de la moelle

dorsale inférieure et moyenne, donnent franchement l'illu-

sion d'une sclérose systématisée des cordons postérieurs.

Cependant, par divers côtés, ces coupes elles-mêmes con-

sidérées isolément, diffèrent, des coupes d'un tabes incipiens.

Mais c'est surtout, en suivant exactement la série des étages,

que l'on arrive à se convaincre que la moelle en question dif-

fère essentiellement d'une moelle de tabes.

Ainsi, on constate dans toute la hauteur de la moelle

l'intégrité presque complète des zones de Lissauer. L'inté-

grité est absolue le plus souvent; parfois il parait manquer

quelques fibres, mais il y en a dans tous les cas très peu d'ab-

sentes et cette lésion, si légère qu'on serait en droit de ne pas

en tenir compte, peut et doit s'expliquer par le processus

spécial que nous invoquerons tout à l'heure. Les racines pos-

térieures semblent plus altérées, mais souvent la lésion est

très peu prononcée.

L'intégrité des racines postérieures et de la zone de Lissaüer,

ou le peu d'intensité de leurs lésions apparaissent avec toute

leur importance si on leur oppose la dégénérescence très

marquée, presque totale d'un champ qui correspond à peu

près aux bandelettes de Pierret. Celles-ci étant la suite anato-

mique des fibres radiculaires, la lésion des unes et la conser-

vation des autres est de prime abord un fait en opposition

avec tout ce que nous ont appris les études histologiques du

tabes.

Il faut relever aussi et mettre en pleine lumière ce fait,

évident sur certaines coupes (6 et 7), moins évident sur

d'autres, que la sclérose est diffuse et irrégulière. D'une

façon générale, elle atteint non seulement la région des fibres

exogènes, mais aussi, tout au moins en partie, celle des fibres

endogènes; la zone de Westphall est en particulier fort malade

sur la coupe 6 et l'intégrité des fibres du centre ovale de

Flechsig (quelle que soit la forme de leur groupement : virgule

de Schulze, bandelettes périphériques, faisceaux triangu-

laires) n'est pas absolue. Cette diffusion des lésions est incon-

testable. C'est là un premier point de grande importance qui

s'accorde logiquement avec celui de l'irrégularité, de l'incon-

gruence si l'on veut, des lésions observées. Poursuivant en

effet la sclérose de bas en haut, il serait à la rigueur pos-

sible d'identifier la systématisation actuellement observée

Archives, 2G série, t. M. 2

18 CLINIQUE MENTALE.

avec celle du tabes dorsalis pour ce qui est de la dégénéra-

tion des bandelettes externes. Mais lorsqu'on atteint l'étage

cervico-dorsal (fig. 6), on se trouve en présence d'une bande

scléreuse dont la situation et la forme ne sont point celles

du champ radiculaire antérieur. Cette bande est séparée de la

corne grise par une épaisseur notable de fibres saines, qui

appartiennent, selon toute apparence, à la zone de Pierret ;

elle est très allongée de haut en bas et dessine assez bien

la virgule de Schulze. Evidemment on n'est pas en droit de

prendre pour base unique d'un diagnostic histologique la

structure et la forme d'un faisceau qui, d'un individu à l'autre,

peut présentera ce double point de vue certaines variations; -,

cependant, nous n'hésitons pas à considérer ce fait comme

en concordance complète avec l'état diffus des lésions étu-

diées aux étages inférieurs d'une part et avec le peu de lésions

des racines postérieures d'autre part. Nous nous croyons

autorisé à penser qu'il s'agit ici, tout au moins en très

grande partie, d'une dégénération des fibres endogènes.

Dans le même sens, il faut invoquer l'état du faisceau de

Goll qui apparaît sain, à quelques fibres près, dès son ori-

gine et que l'on voit tel sur les coupes 6 et 7. Une telle figure

pourrait être obtenue dans un cas de tabes à début cervical,

mais il n'y a pas lieu de discuter ici la comparaison puisque

nous suivons la sclérose depuis la moelle sacrée.

A vrai dire, on ne saurait insister sur la démyélinisation

des fibres qui atteignent la substance grise en général et la

colonne de Clarke en 'particulier. Un tel phénomène se pro-

duit dans le tabes le plus vulgaire et il n'aurait point d'autre

intérêt que d'établir un rapprochement entre l'ataxie loco-

motrice et la paralysie générale, s'il ne venait en concor-

dance avec les lésions qui frappent les éléments des cornes.

En effet, les cellules de la colonne de Clarke sont détruites

dans une certaine mesure, mais non pas en masse, c'est-à-

dire durant toute la hauteur de la moelle. Suivant les étages

examinés, les éléments nobles des cornes postérieures sont

ou ne sont pas atteints. Les cornes antérieures subissent à

leur tour une action analogue. Sur certaines coupes, les deux

côtés sont symétriques ; les cellules constituantes ne parais-

sent ni lésées, ni diminuées de nombre ; sur d'autres coupes,

au contraire, l'atrophie de l'une des cornes est très marquée

et à cette atrophie, visible à l'oeil nu, correspond la dégéné-

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 19

rescence granuleuse des cellules et surtout leur disparition

complète. La lésion n'est d'ailleurs pas limitée au côté le plus

grossièrement atteint, elle existe à droite aussi bien qu'à

gauche; c'est simplement une question de degré.

Tels sont les faits : dégénérescence diffuse des cordons pos-

térieurs atteignant à la fois les zones exogènes et endogènes

avec intégrité presque complète des zones de Lissaüer et

cornu-radiculaire moyenne, lésions peu accusées des racines

postérieures et des faisceaux de Goll d'une part; -.lésions

des éléments cellulaires d'autre part. Il est tout d'abord très

important de constater cette opposition entre l'état presque

sain des racines (caractère le plus nettement opposable au

tabès vulgaire), et des deux premières zones radiculaires dans

toute la hauteur de la moelle, du faisceau de Goll en entier

et la sclérose des champs atteints qui occupent, au moins

en partie, la zone radiculaire antérieure. Ce premier fait per-

met d'affirmer qu'il ne s'agit point ici d'un processus exogène

et par suite laisse un doute sur l'identité des fibres disparues.

En effet, l'absence de quelques fibres dans la constitution de

certaines racines ne suffirait pas à produire une lésion aussi

étendue. La méningite, évidente sur la plupart des coupes

ne saurait davantage être invoquée pour expliquer le pro-

cessus, car une compression exercée entre le ganglion spinal

et la moelle, si elle eût laissé intactes les racines, aurait pro-

voqué en premier lieu la dégénérescence des cordons de Goll

et, de proche en proche, celle des zones radiculaires

moyennes et puis de la zone de Lissaüer.

Le processus est donc nécessairement endogène, sinon

d'une manière absolue, du moins dans son ensemble. Nous

devons en trouver l'origine dans la substance grise constituée

comme on sait par un nombre infini de neurones de divers

ordres dont les cylindres-axes se localisent en des points

variés de lamoelle et qui, de plus, sont en relation intime de

contiguité médiate ou immédiate avec toutes les fibres issues

du ganglion spinal en bas, et de l'écorce cérébrale en haut.

Or, nous avons noté au cours de la description précédente, la

disparition manifeste d'un très grand nombre d'éléments cel-

lulaires tant dans les cornes antérieures que dans les

colonnes de Clarke ; nous avons noté l'état granuleux d'un

certain nombre de ceux qui persistaient. Pour aller jusqu'au

bout, nous pourrions dire que la maladie d'un neurone n'est

20 CLINIQUE MENTALE.

pas appréciable à son début, lorsqu'il n'existe encore que le

trouble organique initial, antécédant à la désintégration pro-

toplasmique. Mais sans aller aussi loin et pour rester sur le

terrain des faits visibles, il nous suffit amplement qu'il y ait

des modifications évidentes d'une partie des neurones intra-

spinaux, modifications. qui portent non pas sur toute la hau-

teur. mais sur des segments plus ou moins isolés de la

moelle ; il nous suffit de constater que ces neurones, disparus

ou malades, n'appartiennent pas à un groupe physiologique,

mais indistinctement à des groupes quelconques de la subs-

tance grise.

Cela nous conduit à la conclusion déjà formulée à diverses

reprises par l'un de nous ' due la paralysie générale « ne s'en

prend pas comme l'ataxie à un système anatomique ayant

une fonction physiologique bien individualisée, mais à des

systèmes anatomiques ayant des fonctions physiologiques

multiples D.

Quelle sera donc la nature des fibres cordonnales dégéné-

rées ? Tout d'abord il est logique de penser que ces fibres

appartiennent aux systèmes commissuraux à court et à long

trajet. L'étude de nos coupes est d'accord avec cette vue,

car, si nous avons pu reconnaître comme sains le centre de

Flechsig et une partie de la zone de Weslphall, aucune autre

localisation n'a été possible, et la zone de Westphall elle-

même n'a pas conservé son intégrité complète. De plus, tout

au haut de la moelle, nous avons décrit une lésion dont l'as-

pect et la siluation étaient à peu de chose près ceux de la

virgule de Schulze. En outre, quelques déficits, en certains

points des racines antérieures viennent concorder avec la

dégénérescence de certaines des cellules de la corne grise.

Est-ce à dire que la lésion observée tienne uniquement à la

désintégration de fibres endogènes ? Une telle affirmation

reviendrait à vouloir transformer de fond en comble les con-

naissances acquises sur la localisation intra-spinale des fibres

radiculaires. Nous voulons dire seulement que le plus grand

nombre des fibres disparues sont endogènes, qu'elles appar-

tiennent ou non à des faisceaux constitués, car il est difficile-

ment soutenables que toutes les fibres commissurales soient

fasciculées. Quant aux autres fibres, elles sont radiculaires,

' A. Joffroy. Contribution Il l'anatomie pathologique de la para-

lysie générale. (Archives de Méd. e,1'pél ? le' nov. 1892, page 850.)

UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE JUVÉNILE. 21

sans nul doute, mais c'est l'infime minorité ; on pourrait

presque les compter en faisant le départ des quelques absen-

ces constatées dans les racines postérieures; les autres per-

sistent en majeure partie et sont représentées, dans le champ

sclérosé, par le nombre relativement grand des' cylindres-

axes sains. Quelques-unes enfin ontsans nul doute subi un

mode de dégénérescence spécial sur lequel nous allons revenir.

La disparition des éléments endogènes s'explique sans dif-

ficulté par l'état des cellules des cornes : Le centre trophique

se trouvant atteint, les prolongements cylindreaxiles ou pro-

toplasmiques ont subi la dégénérescence Wallérienne, et

comme le processus morbide frappe non pas un système phy-

siologique, mais irrégulièrement un certain nombre d'élé-

ments de divers systèmes, la dégénération est diffuse, laissant

intacte une certaine portion de faisceaux. Il est moins aisé

au premier abord de se rendre compte de la disparition d'une

quantité plus ou moins grande des fibres exogènes, quantité

évidemment un peu plus considérable que ne l'indiquent les

minimes lésions des racines sensitives et des deux premières

zones radiculaires. Sans doute on pourrait dire que le champ

des bandelettes externes s'est trouvé plus ou moins étouffé

par la sclérose envahissante. Peut-être ne faut-il pas a Pl'i01'i

rejeter cette cause et refuser de lui attribuer une partie de

l'effet produit. Mais il est un autre processus duquel nous

sommes tentés de faire surtout dériver l'altération constatée,

processus qui a été proposé et mis clairement en relief par

Klippel 1. Il s'agit des dégénérescences combinées des neu-

rones d'une même chaîne, c'est-à-dire la dégénérescence par

contact ou par transmission de neurone à neurone, amenant

la destruction d'un segment des fibres radiculaires, du seg-

ment seul en contact avec le neurone altéré, sans se pro-

pager jusqu'à l'extrémité du prolongement lui-même. En un

mot, l'altération de tous les neurones dont les dendrites se

mettent en rapport avec les ramifications cylindraxiles ou

collatérales du téléneurone peuvent déterminer la dégéné-

rescence cellulipète de ces ramifications. Dans ce cas il est de

règle que la lésion respecte à peu près la racine postérieure

et la zone de Lissauer. Pour aller jusqu'au bout, il n'y a rien

' Klippel. Les neurones, les lois fondamentales de leurs dégéné-

rescences. (Archives de Neurologie, L896, no G.)

22 CLINIQUE MENTALE.

d'invraisemblable à admettre que la lésion puisse devenir

exogène.

Il nous paraît qu'ainsi comprise la question s'éclaire com-

plètement ; étant donné le fait indéniable d'une lésion primi-

tive des neurones centraux- qu'il s'agisse de l'encéphale ou

de la moelle le mode de dégénérescence invoqué pour les

fibres exogènes est le seul qui s'accorde logiquement avec

les faits. La lésion primitive des neurones explique, en outre,

la diffusion et l'irrégularité des lésions observées, en faisant

intervenir l'altération des fibres endogènes.

Telles sont les considérations que nous avons cru bon de

présenter sur ce cas, qui, comme on le voit, peut être uti-

lisé pour l'étude des relations du tabes et de la paralysie

générale. Sans doute, nous l'avons déjà dit, le malade n'a

pas présenté de symptômes capables de faire songer à l'ataxie

locomotrice, comme cela arrive parfois au début de la para-

lysie générale des aliénés; mais après sa mort, l'examen de la

moelle montrait des lésions telles qu'on aurait pu facilement

les croire caractéristiques du tabes spinal postérieur ; un exa-

men méthodique et approfondi pouvait seul empêcher de

commettre cette erreur, en montrant que la lésion frappait

presque exclusivement, non le système des fibres exogènes,

mais celui des fibres endogènes. N'est-ce pas le cas de répe-

ter ce que l'un de nous disait en 1894 au Congrès des alié-

nistes de Clermont-Ferrand, en parlant de l'étude des relations

du tabes et de la paralysie générale : On ne pourra arriver à

résoudre cette question « qu'au moyen d'observations nou-

velles et de recherches anatomiques minutieusement con-

duites ; car il faut des documents nouveaux pour répondre

aux objections opposées à chacune des opinions en pré-

sence. »

Un FOU : 1 L'HOP1TAL COCHI-4. - Un garçon de laboratoire nommé

Eugène Pimoud, âgé de trente ans, demeurant 10, rue de la Comète

qui errait en proie à un accès de folie, est entré hier, vers quatre

heures, dans l'hôpital Cochin, armé d'un rasoir, et a tenté de frap-

per des infirmiers, qui ont pu le désarmer et lui mettre la cami-

sole de force. Il a été dirigé sur l'infirmerie spéciale du Dépôt.

(Le Radical, 17 juin 1898.)

PATHOLOGIE MENTALE.

NOTES SUR LES IDÉES DE NEGATION;

Par M. TRÉNEL,

Médecin adjoint des asiles.

Les idées de négation,malgl'é la gravité de pronostic qu'elleb

comportent en général, sont loin d'être toujours un symp-

tôme tardif et un indice de chronicité. Dès ses premiers tra-

vaux, Colard l'avait indiqué, par des observations person-

nelles jointes à celles de différents auteurs. M. Séglas a de

nouveau établi que ces idées peuvent se rencontrer dans les

conditions les plus variées comme symptôme précoce, isolé,

ou parfois plus ou moins passager. C'est sous ces diffé-

rentes formes que nous avons eu l'occasion de les noter

dans les observations suivantes : dans l'un des cas, il s'agit

d'idées de négation élémentaires au cours d'une mélancolie

simple. Dans le second, ces idées apparaissent dans la

période mélancolique d'une folie périodique alternante. Enfin

dans le troisième cas les idées de négation prédominèrent

un certain temps dans le tableau morbide d'un délire poly-

morphe '.

Observation I. Sommaire : Mélancolie, tentative de suicide par

arme à feu. -- Un an après le début de la mélancolie, apparition

d'idées de négation peu développées, épisodiques portant unique-

ment sur le monde extérieur et disparaissant au bout de peu de

' Depuis l'apparition du livre de M. Séglas sur le Délire des négations,

nous trouvons les travaux suivants sur la question : Francotte. Obser-

vation pour servir il. l'histoire du délire des négations. (l3zcll, de la

Soc. de méd. mentale de Jlelgi'lue, 18\H.) Henry. Délire des néga-

tions dans la paralysie générale. (Thèse Paris 1890.) De Sauctts.

Délire des négations el hallucinations antagonistes. (Rifornza medica.,

12 mai 189G.)- S. Spoto. Le délire des négations (Il Pisani, 1896, f.'4).

Gianelli. Sur le délire systématisé de négation (Revis ta di psicologia,

I, f. 0;.

4 PATHOLOGIE MENTALE

jours. Persistance de la mélancolie. Pas de troubles sensitifs.

Amaurose par section du nerf optique, tremblement épileptoïde de

la jambe du côté opposé au point de pénétration du projectile. Fai-

blesse des réflexes rotuliens.

M"° A... est entrée à l'asile de Saint-l'on le 20 janvier 1897.

Antécédents : Son frère est mort après être resté douze ans para-

lysé. Elle-même s'est toujours bien portée, mais a toujours eu le

caractère triste. Depuis plus d'un an : \1110 A... a de grands chagrins

et de graves préoccupations pécuniaires. Son fils est un alcoolique

invétéré et ne travaille pas, il lui aurait à plusieurs reprises dérobé

des sommes relativement considérables ; il a épousé contre son gré

une femme dont il s'est séparé au bout de quelques mois. Pour

échapper aux exigences et aux déprédations de son fils, la malade

a fait certains placements de fonds qu'elle se reproche maintenant,

disant qu'elle s'est ruinée et a ruiné son enfant. Sous l'influence

de tous ces événements elle était devenue très triste ; elle se sen-

tait inquiète et abattue, ne s'occupait plus de son ménage, ne sor-

tait plus. Un jour elle se dit tout à coup qu'elle était perdue et

brusquement se tira un coup de revolver dans la bouche. Elle ne

perdit pas connaissance et put descendre chez une voisine qui la

fit conduire à l'Hôtel-Dieu. Elle avait la face tuméfiée et brûlée;

la balle, ainsi qu'on peut le constater aujourd'hui, avait pénétré

dans le pli gingivo-labial au devant de la canine gauche supé-

rieure. Les premiers accidents passés, on constata une amaurose

absolue.

Après un séjour de cinq semaines à l'hôpital elle retourne chez

elle, de plus en plus déprimée. Elle y retrouve les mêmes sujets de

chagrin et d'inquiétude. Son fils tombe malade à son tour, puis il

s'enivre, se dispute avec les voisins; finalement il aurait com-

mis chez elle un vol, si bien qu'elle se décide à déposer une

plainte contre lui. Tous ces événements ont joué un rôle impor-

tant dans la genèse des troubles mentaux et sous l'intluence de ces

chagrins répétés, de ces préoccupations constantes M"° A... semble

avoir passé à ce moment par une période de perplexité et de

légère confusion dans les idées sur laquelle elle ne donne que

des renseignements vagues.

Bientôt ses idées prennent une tournure dubitative et néga-

tive ; ces négations vagues, mal dessinées semblent avoir exclusive-

ment porté sur le monde extérieur et les personnes de son entou-

rage, mais non sur sa propre personnalité : « une de ses voisines

est malade, c'est elle qui est cause de sa maladie. 'Elle demande

ce qui va en advenir puisque cette femme ne peut pas se soigner ?

Elle voit son voisin partir pour aller à son travail; mais en réa-

lité il ne doit pas aller à son travail, il sort et rentre aux heures

ordinaires, mais il ne travaille certainement pas parce que tout est

NOTES SUR LES IDÉES DE NÉGATION. 25

at't'êté. Il ,emble il1\1u< A... qu'on VIL sll)'eoi)' Il tout. Eile eottoujout's

à se demander : qu'est-ce qu'on va devenir ? Le boucher vient ré-

gulièrement faire sa tournée, elle le voit aller et venir, mais il ne

fournit pas la viande comme d'habitude; il lui semble même que

ce fournisseur ne vient plus. Il ne va plus y avoir non plus de

pain ; dans cette idée elle se lève la nuit pour vérifier si la boulan-

gerie voisine fonctionne. Elle constate bien que le four est allumé,

mais on ne doit pas y cuire de pain; tous les habitants du village

vont mourir de faim, on va manquer de tout. Il lui semble que les

bateaux ne passent plus sur la Seine; elle est allée demander à sa

voisine comment cela pouvait se faire. Sur la réponse affirmative

de celle-ci, elle se rend compte qu'il y a des bateaux, mais il n'y

en a presque plus. Elle ne saurait dire s'ils marchent; mais leurs

machines à vapeur ne doivent plus fonctionner car on n'entend

plus de bruit. Au port voisin rien ne marche plus; dans la

fabrique voisine tout est arrêté, les ouvriers y sont présents, mais

ils ne travaillent pas : « Tout est à la dernière des positions, il me

semble qu'il ne va plus rien y avoir du , tout. Que va-t-il arriver,

voilà huit jours que cela dure et personne n'est encore mort de

faim, c'est incompréhensible. C'est la fin du monde, rien ne va

reparaître. » Elle a bien elle-même ce qu'il lui faut pour l'ins-

tant, mais tout va manquer dans l'avenir.

C'est dans cet état d'esprit, à la suite de ses plaintes contradic-

toires contre son fils, qu'elle est amenée à l'asile. Le long du

chemin elle voit des gens aller et venir, mais ils vont ainsi sans

but, lui semble-t-il. Son passage dans la ville très animée, la vue

des magasins, des bateaux du port, tout cela la fait cependant

réfléchir un peu; elle se demande si ses idées ne sont pas des

rêveries.

A son arrivée à l'asile elle conserve encore fermement ses convic-

tions délirantes : « C'est comme la fin du monde; tout disparait,

il y a une allée et venue, il n'y a plus personne dans la salle (au

pavillon d'entrée où elle se trouve en réalité au milieu d'une quin-

zaine de malades). Elle sent qu'elle est venue pour mettre le

trouble. Elle sert de jouet, tout le monde rit d'elle dans la salle.

Elle ne sait que iaiie de sa personne, elle est agitée, elle dort

comme jamais cela ne lui est arrivé, elle est comme assommée.

C'est un anéantissement, un engourdissement de tous les membres,

elle est incapable de faire la plus petite chose. Elle a perdu son

enfant. Tout est arrivé par sa faute. »

Son aspect est celui de la dépression mélancolique la plus pro-

fonde ; elle a aussi quelques vagues préoccupations l1ypoehon-

driaques en rapport avec de légers troubles gastriques réels :

« elle a de la diarrhée, mais elle n'en a pas assez, car son ventre

est ballonné; elle n'urine pas assez; on lui donne trop à manger. »

Il existe un peu d'insomnie.

26 PATHOLOGIE MENTALE

Depuis son entrée à l'asile elle est restée dans cet état de dépres-

ion mélancolique, se reprochant d'avoir fait le malheur de son

enfant qu'elle a perdu, de s'être volontairement ruinée. Elle ne

cesse de pleurer, de se désoler sans pouvoir se livrer à aucun tra-

vail. Les idées de négation ont complètement disparu; la malade

se rend bien ccrnpte de tout ce qui se passe autour d'elle, la mé-

moire est bien conservée et n'avait d'ailleurs paru un peu troublée

que dans les premiers jours. A ce moment, en effet, il existait,

~ comme on l'a vu, une certaine confusion dans les idées avec quel-

ques illusions de la vue et de l'ouie et quelques interprétations

fausses; la malade croyait que tout le monde s'occupait d'elle,

qu'on riait en la regardant, qu'elle servait de jouet, qu'on lui disait

toutes sortes de choses qu'elle ne comprenait pas. Elle ne se faisait

qu'une idée inexacte de l'heure et du jour. Cet état ne dura que

peu de jours et dans une lettre que MIle A... écrivait dernièrement

au tribunal qui allait juger son fils, on ne constatait rien d'autre

que des idées mélancoliques.

Au point de vue physique son état général est assez satisfaisant.

Mais on remarque un tremblement oscillatoire permanent du

membre supérieur, prédominant aux doigts et n'augmentant pas

dans les mouvements commandés, et un tremblement épileptoïde

permanent du membre inférieur droit. Sur un ordre réitéré la

malade peut arrêter ces mouvements, et en particulier le tremble-

ment épileptoïde, en appuyant fortement le pied à plat sur le sol

ou en plaçant la main sur son genou; si elle abandonne ces posi-

sitions, le tremblement se reproduit instantanément. 11 ne peut

être provoqué par les procédés classiques. Ce dernier symptôme a

persisté jusqu'aujourd'hui (avril 1897) sans aucun changement,

le tremblement de la main est moins accentué. Il n'existe aucun

trouble de la sensibilité. Les réflexes rotuliens sont très faibles,

presque nuls, des deux côtés.

Il y a amaurose complète de l'oeil gauche ; la pupille est dans un

état de dilatation moyenne et elle ne réagit pas directement à la

lumière, mais elle est le siège de réactions synergiques quand on

examine l'oeil droit.

L'éclairage de la pupille droite estsuivi d'une contraction un peu

lente et de courte durée de la pupille gauche, puis d'une légère

dilatation qui n'atteint pas le degré primitif de la dilatation qui

existait avant l'expérience; par le retrait de l'éclairage de la pupille

droite, la pupille gauche revient à son état de dilatation primitif.

A la convergence il y a une contraction à peine perceptible de

la pupille gauche; la réaction est plus nette dans l'accommoda-

tion. Il existe un léger degré de ptosis et de parésie du droit

supérieur et du droit interne. Enfin il parut y avoir une diminu-

tion notable de la sensibilité de la conjonctive de l'oeil gauche,

laquelle subsiste encore aujourd'hui mais bien moins accentuée.

NOTES SUR LES IDÉES DE NÉGATION. 27

Cet examen est d'ailleurs difficile en raison de l'état de dépression

de la malade.

Avril 1898. - Aujourd'hui, l'état de M110 A... est amélioré, elle

a pleine conscience de ses anciennes idées délirantes, elle retrouve

les souvenirs qu'elle avait perdu, de certains faits qui s'étaient

passés pendant la période J'acuité de la maladie. Mais elle est

déprimée encore, a des idées d'indignité, se fait des reproches

immérités.Le tremblement, après s'être atténué, a complètement

disparu depuis plusieurs semaines. On constate les mêmes phéno-

mènes de synergie de l'oeil amaurolique et une légère anesthésie

de la conjonctive de ce côté.

C'est le tableau banal de la mélancolie simple accompa-

gnée d'idées de culpabilité, de déchéance, de ruine. Ce qui

donne un aspect un peu particulier à ce cas, c'est l'état men-

tal qu'a présenté la malade au moment de son entrée à l'asile.

Les idées mélancoliques passent un instant au second plan;

ce qui prédomine la scène pendant quelque temps, c'est la

tendance à la négation.

Il n'y a pas d'idées de négation complètes, mais il est

bien évident qu'il n'y a qu'un pas de cette perplexité cons-

tante à l'idée de négation vraie. La malade est encore acces-

sible au raisonnement, elle se demande si tout ne va pas

disparaître; elle n'affirme rien quoique toute prête à affirmer

que tout a disparu, et l'on peut combattre encore cette idée;

il est bien vraisemblable que, si la malade n'avait été placée

à ce moment à l'asile, le délire se serait peut-être développé

avec plus d'ampleur. L'unique intérêt de cette observation

serait donc de donner quelques indications élémentaires sur

l'idée de négation chez le mélancolique : en particulier ne

pourrait-on pas voir dans certaines idées de notre malade

(que les vaisseaux ne marchent plus, que les ouvriers ne

travaillent plus) le premier degré de la perte de la vision et

de l'audition mentales ? Elle ne se représentait pas le bruit

des machines, les mouvements des travailleurs et elle éprou-

vait le besoin d'aller vérifier ce qu'il en était en réalité.

Observation II. Sommaire : Folie périodique à marche irrégu-

lière ayant débuté en 1882. Hérédité vésanique (familiale ? ). Appa-

2'ilion d'idées de négation au cours du quatrième accès ; période de

stupeur de quatre mois de durée (août à décembre 1895) ; puis

anxiété subite avec hallucinations et illusions terrifiantes de la vue

et de l'ouïe, idées de négations portant sur la personnalité de la

28 PATHOLOGIE MENTALE

malade et sur le uzmzd; extérieur : quelque* idées d'énormité. Ces

symptômes ne durent que peu de jours. Après quelques alterna-

tives, période normale de trois mots (février-mai 1806). En juin,

période d'excitation de trois semaines. Depuis, légère dépression

mélancolique persistante avec courte, périodes d'anxiété hallucina-

toire (avril t89.) .)

111« \1 ? née en 184,2, entrée pour la première fois le 20 août

.'1884, pour la seconde fois le 28 novembre 1887.

Antécédents héréditaires. Sa mère et sa soeur ont été aliénées.

La mère avait des idées d'imnânite, ci oyait 101l10urs mal faire.

La soeur pnrail avoir été comme notre malade, atteinte de folie

intermittente : elle fut, en cll'et, soignée à plusieurs reprises à l'asile.

Elle y rentra pour la prcmièfe fois en 1873 à l'âge de vingt-quatre

ans, pour un accès de manie ayant débuté brusquement trente

jours après son accouchement, et qui fut naturellement considéré

comme une manie puerpérale. Sortie guérie au bout de six mois,

elle rentre à l'asile quelques mois plus lard dans un accès de mé-

lancolie avec idées de suicide, elle sort guérie trois mois après;

Nous trouvons au dossiei une lettre d'elle dalée de 1880, adressée

à M. Rousselin, qui l'avait soignée dans ses accès précédent*, et où

elle émet de profondes idées de suicide et. manifeste l'idée de ren-

trer à l'asile. L'accès (où les accès, car la malade disait dans sa

lettre avoir été à Liois reprises sur le point de revenir à Saint-Yon)

dut être court car il n'y eul pas internement. En 1888, elle est

ramenée dans un éLit d'anxiété intense avec hallucinations mul-

tiples (certificat de .\1. Giiuud). Cet accès ne dure que quelques

jours, mais la malade, au dernier degré de la phtisie, meurt en

dix-huit jours.

Antécédents personnels. - Notre malade a toujours eu une

bonne santé physique, elle a eu un enfant mort à deux mois. Elle

aurait toujours été d'un caractère triste : à l'époque de sa pre-

mière communion elle avait des scrupules, plus taid elle croyait

ne pas bien faire ; elle se rendait compte de» idées mélancoliques

de sa mère et les combattait tout en présentant elle-même un

état semblable.

Premier accès.- Les premiers accidents mentaux gravesontéclalé

d'une façon subite. En août 18SJ, i,ne l ... cesse brusquement de

travailler; elle présente une anxiété énorme, se croit damnée,

voit les maisons brûler, tomber eu ruines, des enfants écrasés par

des voitures ; et, sous 1 influence de ces hallucinations, tente de se

précipiter par la fenêtre. Elle est très agitée, l'insomnie est ab-

solue. A son entrée, elle est très déprimée, puis elle passe par un

état d'agitation considérable de quelques jours de durée pour

tomber ensuite dans la stupeur (certificat de M. Cort.1). En sep-

NOTES SUR LES IDÉES DE NÉGATION. 29

tembre, on note l'anxiété avec hallucinations : cet accès se termina

rapidement, car elle sort le 31 octobre 1884.

Deuxième accès. Pendant les trois années qui ont suivi sa

sortie, elle a été bien portante. Un second accès débute soudaine-

ment, et elle entre en novembre 1887 dans un état d'excitation

maniaque qui dure deux à trois mois; elle tombe ensuite dans la

stupeur avec gâtisme : l'accès se termine par une période d'anxiété

extrême où elle voyait des enfants écrasés. Eu avril 1888, elle est

calme de nouveau et sort le 23 mai 1889.

Troisième accès. -- Elle est réintégrée un mois après dans un

état de grande anxiété avec refus de nourriture, désespoir. Elle a

des hallucinations terrifiantes. Cette période dure plusieurs mois.

Puis, après des alternatives de calme et d'excitation, elle est de

nouveau normale en janvier 1890.

Quatrième accès. L'accès, dans le cours duquel nous avons

commencé à observer personnellement la malade, a débuté en

août 1893 ; à la suite d'une grippe, elle tombe rapidement dans

un état de stupeur très profonde avec gâtisme. A la fin du mois de

décembre survient subitement la période d'anxiété. Au moment

où nous la voyons pour la première fois (décembre 1893), elle est

dans un état d'angoisse énorme avec hallucinations multiples, agi-

tation permanente, insomnie : elle émet une foule d'idées de né-

gation, par moments elle ne parle pour ainsi dire que par néga-

tions ; on remarquera que parfois elle répète successivement la

même phrase sans forme affirmative puis sans forme négative, en

général à la suite d'une question qu'on lui a posée. C'est dans un

état d'anxiété indeseriptihie qu'elle émet avec loquncité les idées

qui sont reproduites ici telles quelle*, si ce n'est qu'on a tenté de

les classer avec un peu d'ordre. ,

« Allez-vous-en, il n'v a plus de cabinet (la salle d'examen où

elle se trouve en ce moment), il n'y a plus de salle de garde, il n'y

en a jamais eu.» Je lui dis d'ouvrir la porte Réponse : « Il n'y

a plus de porte, il y a des portes, il n'y a plus de porte. Je veux

aller au cabanon, il n'y a plus de cabanon, ou fait des trous dans

la porte (en montrant le luda : ), on les a retirés. » - Question :

« Quel eudroit est-ce, ici ? » Réponse : a Ce n'est rien. Je répète

la question en insistant). Aulrefois cela s'appelait Saint-Yon. »

« Je veux sauver tout le monde et tout tout le monde est mort.

Il n'y a plus personne, il n'v a plus rien, il n'y a plus personne. dans

l'éternité, Il y a du monde ; c'est du monde qui n'est plus du

monde. Comment faire puisqu'il n'y a rien du tout. Il n'y a plus

rien, il y a seulement le néant. (Je lui demande : a Qu'est-ce que cela

veut dire, le néant ? a - Réponse : « Je ne sais point. » Il n'y a plus

de maison, plus rien, on va être enfoui dans l'éternité .. Comment

faire puisqu'il n'y a plus rien, puisqu'il y a tout ? ... Vous écrivez

30 PATHOLOGIE MENTALE

toujours. Comment pouvez-vous tenir un- porte-plume ? . - On

lui dit alors d'écrire aussi ; avec beaucoup de peine, on parvient

à lui faire écrire : « Il n'y a plus rien, je n'ai pas d'yeux. »

Pour ce qui concerne sa propre personnalité. elle s'exprime de

la façon suivante, soit spontanément, soit en réponse aux ques-

tions posées :

« Qui êtes-vous ? Je ne suis rien. Quel est votre nom ?

Je ne me rappelle même plus mon âge. Quel âge avez-vous ?

Il n'y a plus d'état-civil, je n'ai pas d'àge, pas d'tige de siècle en

siècle, je ne sais pas par où je vais, je ne sais pas si j'existe ; oui

pourtant j'existais, je ne sais pas ce que je suis, mais j'existais.

a - Avez-vous été mariée ? - Je le crois, je ne me rappelle plus.

Quel est le nom de votre mari ? Je ne me rappelle plus ;

quand je l'ai pris il s'appelait Léopold, tous les papiers sont brûlés.

« - Avez-vous des enfants ? - J'en ai eu un, on m'a dit que

c'était un garçon. Pourquoi vous bouchez-vous les oreilles ? (elle

vient d'avoir une hallucination). Je n'ai pas d'oreille, c'est rien.

Je ne sais pas comment je suis, je n'ai plus de langue. Qu'est-ce

que je touche (son bras) ? Vous touchez rien (elle s'arrache les

cheveux). Pourquoi. faites-vous cela ? - Ce n'est rien, c'est des

manies; allez-vous-en. Oh ! quelle horreur, rester avec une femme

qui est folle, qui est perdue... Je ne vous regarde pas, je ferme les

yeux. Je ne veux pas qu'on me regarde; ... où allez-vous me tri-

pailler ? »

Elle a des illusions et des hallucinations terrifiantes de la vue et

de l'ouïe, elle voit tout en feu : « Sauvez-vous, si je pouvais vous

donner une place pour vous sauver ! Vous brûlez, vous rehrûlez,

allez-vous-en. Votre manteau brûle. Il y a du feu partout, il n'y a

plus de feu. Pourquoi écrivez-vous puisqu'il n'y a plus rien ? Tout

brûle ; non, on ne va pas brûler ; tout le monde brûle, il n'y a pas

de poêle, il y a des poêles... Vous ne voyez donc pas des écroule-

ments, il y a du feu partout.

« Qu'est-ce que c'est que tout ce monde-là ? (nous sommes dans

la salle commune). Il me semble que j'entends dans mes oreilles

tous les Ilots de la mer, entendez-vous les flots de la mer, tout ça

va passer par dessus... On m'appelle encore.

« Qui vous appelle ? Je ne sais pas. Pourquoi vous agitez-

vous ? - On me pousse, on me dit de faire cela. Qui cela ?

des voix d'hommes' ! - Des voix d'hommes, de femmes et d'en-

fants, de musique... Là-dessous il y a des téléphones, de la télé-

phonerie. Il n'y a plus de téléphones (elle se bouche les oreilles)...» »

Elle entend des voix qui viennent de partout qui disent : 'Amour,

amour... Ils ne pensent qu'à l'amour. » Demande : « Comment

sont ces voix ? C'est l'écho qui accourt. On tire des coups de

fusil, des petits coups de fuil comme le bruit d'un coup de sabre

de bois ( ? ). »

NOTES SUR LES IDÉES DE NÉGATION. 31

A un moment donné, une autre malade passe auprès d'elle, elle

dit : «Qu'est-ce que cette personne ? elle est imperceptible à la vue.»

Pendant plusieurs jours elle reste agitée et anxieuse; elle croit

qu'on écrit sa condamnation, qu'on va la faire mourir, s'effare au

moindre geste qu'on fait, reste obstinément près de la porte du

cabinet de crainte de rester enfermée. Il lui semble qu'il va arriver

quelque chose : «Tout le monde dit qu'il va arriver des malheurs. »

On dit que nous sommes en guerre, et il lui semble entendre le

tambour mais elle se rend compte que c'est une illusion. Elle pa-

raît avoir un liypéracousie très notable, le moindre bruit de porte,

de voix, d'un train qui passe au loin la fait tressaillir, mais elle

reconnaît la nature de ces bruits. Les illusions de la vue sont plus

persistantes, elle voit de drôles de choses auteur d'elle, elle croit

voir le feu; mais tout cela est. éloigné maintenant. De temps à

autre elle reditsa phrase favorite : «Il n'y a plus rien », mais sans

grande persistance. Parfois, dans un court paroxysme d'anxiété

elle refuse de s'entretenir avec nous. Cependant, son état s'améliore

rapidement, elle se rend compte qu'elle a été malade et se rappelle

ses idées délirantes.

A la fin du mois de janvier, elle est un peu agitée, non anxieuse;

au contraire, sa physionomie est^ plutôt gaie, elle fait parfois des

quiproquos, des plaisanteries. Elle répond convenablement aux

questions posées sur son âge, sa famille, sa maladie, etc...

On note de nouveau les jours suivants (février) une légère exa-

cerbation ; elle refuse de répondre sous prétexte qu'elle n'est pas

malade, qu'on se moque d'elle, qu'elle n'a rien à dire. Quoiqu'elle

prétende ne rien entendre de particulier, on l'a vue rester immo-

bile « comme en extase », disent les personnes du service, sous

l'iutluence de ses hallucinations, ou aller ça et là, où les voix lui

ordonnent d'aller.

Enfin, au mois de mars, il persiste seulement un peu de dé-

pression ; la malade est calme, s'occupe très activement; elle a

conscience de son état morbide et a gardé le souvenir très net de

tout ce qui s'est passé.

Elle est retombée malade, dit-elle, au mois d'août après une

attaque de grippe et est restée dans un état d'engourdissement

jusqu'à la fin de décembre. Elle est devenue alors très anxieuse

tout à coup. Elle se souvient de nos interrogatoires; elle avait une

peur terrible, voyant tout lemonde armé de couteaux ; il lui semblait

qu'on la regardait d'un regard menaçant, qu'on allait tout envahir.

Elle voyait des écroulements; la chapelle, les bâtiments se détrui-

saient ; les briques.tombaient en masse. Toute la famille du médecin

était écrasée par le chemin de fer. Des armées se battaient. On

lui disait des choses effrayantes, il y avait des flammes partout,

tout se détruisait. Il n'existait plus rien.

En juin 189G, la malade devient loquace, va, vient sans motif,

32 li PATHOLOGIE MENTALE

promène de tous côlés une petite malade, une débile qu'elle a

adoptée et dont on est obligé bientôt de lui défendre de s'occuper.

Enfin, à propos d'une discussion des plus futiles, elle s'agite beau-

coup, récrimine, met le désordre dans l'infirmerie et l'on doit

la placer dans le quartier des agitées. Là elle se calme rapidement

et trois semaines après le début de ces nouveaux incidents, elle est

redevenue absolument normale.

Dans les derniers'mois de 189G, tout en s'occupant activement

elle se sent de nouveau un peu déprimée, découragée et même

pendant quelques jours' il lui passe des brouillards devant les yeux;

elle dit elle-même,que cela ressemble à ce qu'elle éprouvait à la

fin de la' période d'anxiété du début de l'année : ce sont comme

des flammes qu'elle voit dans le lointain. Ces symptômes sont

d'ailleurs très passagers. Depuis. ce moment, elle est tout à fait

calme, lucide, active, mais toujours un peu déprimée moralement.

Elle croit toujours ne pas remplir convenablement la lâche qu'on

lui donne, travailler beaucoup moins bien que les autres, etc.

(avril 1897). '-

Avril 1898. Depuis un an le même état persiste et le même

état persiste et les idées mélancoliques sont très actives. Cependant

la malade est calme et travaille régulièrement.

Dans cette deuxième observation comme dans la précé-

dente les idées de négation sont survenues d'une façon épi-

sodique, c'est là d'ailleurs la seule ressemblance des deux

observations. Dans la première, en effet, nous avons affaire

à une psychose simple et curable où l'apparition des idées de

négation n'implique pas, en raison même de leur caractère

transitoire, un pronostic particulièrement grave, ou du moins

la gravité de l'affection est due à d'autres causes (âge, persis-

tance des clauses morales, etc.). Enfin les négations sont tout

à fait élémentaires. Il en est autrement ici, l'affection men-

tale préexistante est déjà ancienne même si l'on ne tient

compte que des accès proprement dits (treize ans); il est

d'ailleurs possible que l'état mélancolique date de l'enfance.

Depuis l'année 1884, les accès se sont répétés quatre fois; les

crises d'anxiété semblent avoir toujours eu, comme c'est ! la

règle dans les folies périodiques, des caractères identiques : '.

les mêmes hallucinations terrifiantes y sont notées. Mais les

idées de négation paraissent être de date récente; elles offrent

un développement bien plus considérable que dans l'obser-

vation I et sont accompagnées d'un symptôme important, les

idées d'énormité et d'immortalité. Ces dernières n'apparais-

NOIES SUR LES IDÉES DE NÉGATION. 33

sent, il est vrai, que d'une façon passagère; toutefois les

phrases qui ont été soulignées dans l'observation n'en sont

pas moins caractéristiques; il n'est nul besoin d'y insister.

A côté de ce délire d'énormité, on voit la malade expri-

mer, dans une unique circonstance d'ailleurs, une idée in-

verse, et considérer une malade qui l'approche comme im-

perceptible à la vue. L'idée de négation se retrouve dans

les caractères de certaines hallucinations; ce-sont ces voix

qui ne sont qu'un écho, ces petits coups de fusil sourds.

Mais quelle que soit l'intensité des idées de négations, elles

n'en sont pas moins transitoires; rétrospectivement la malade

se rendait parfaitement compte de leur nature morbide. Il

faut noter encore que le délire d'énormité était non secondaire

et tardif, mais contemporain des idées de négation mêmes.

La psychose elle-même paraît s'aggraver, mais indépendam-

ment du délire des négations et passer à la mélancolie

chronique ; ce n'est d'ailleurs là que l'évolution inévitable

d'une affection qui, au dire de la malade elle-même, préexis-

tait aux accès proprement dits. '

Observation III. - Sommaire : Ménopause ; opération pour mé-

trite ancienne. Préoccupations 7lypOl;7t02C11·ifLq2leS; illusions de la

vue et interprétations délirantes. Hallucinations et illusions de

l'ouie et de l'odorat; délire des négations hypochondriaque, le

délire porte sur la personnalité physique de la malade, sur celle de

ses parents et sur le monde extérieur. Délire hallucinatoire poly-

morphe avec état anxieux et idées de persécution. Consécutivement,

développement des idées de persécution, apparition d'idées de g7·a7z-

deur et de possession. Guérison ( ? ) par disparition subite du délire.

Pas de troubles sensitifs ( ? ) Hérédité niée.

Mm0 II..., née en 1850, entrée pour la première fois le 25 juillet

1895, pour la deuxième fois le 22 septembre 1896. filme H... n'au-

rait aucun antécédent héréditaire vésanique ni ueuropaLhiqne. Sa

mère est morte d'une affection cardiaque. Elle-même a toujours

été d'une bonne santé jusqu'en ces dernières années, si ce n'est

qu'elle est un peu nerveuse, et a parfois des crises de larmes. Deux

grossesses normales ; accouchement avec application de forceps ;

ses enfants, âgés de quinze et vingt ans, sont bien portants. En

mars 1895, elle a subi un curetage pour une métrite. En juin 1S95,

époque où elle était déjà malade mentalement, elle a été opérée

d'un anthrax. Actuellement sa santé physique est bonne. Pas de'

stigmates physiques importants, sauf une notable asymétrie

faciale.

Archives, 2e série, t. VI. 3

34 PATHOLOGIE MENTALE

11 ? II... n'a reçu qu'une éducation élémentaire, mais est trè

intelligente, conduit très bien sa maison et son commerce; elle est

d'un caractère très ferme, très décidé et de très bon conseil. La

situation que' lui a faite son mariage ne l'a pas satisfaite ; elle a été

obligée de vivre dans une petite ville et de se livrer au commerce

pour lequel elle avait toujours eu de la répugnance; elle ne se

liait avec personne et vivait très retirée, depuis 1890 en particulier.

Depuis deux ans elle a éprouvé de vives contrariétés à propos d'ar-

rangements de famille et a dû continuer de vivre dans la situation

qu'elle avait espéré un moment pouvoir abandonner; de Jà décep-

tion très grande. A cela se sont ajoutées des douleurs, assez peu

intenses il est vrai, dues à son affection utérine et les préoccupa-

tions de l'opération.

Les symptômes mentaux ont éclaté deux mois après l'opération,

qui avait bien réussi (il ne persistait que quelques douleurs dans

le bassin). Il y eut d'abord perte absolue de sommeil et quelques

troubles digestifs. La malade se plaint d'avoir la bouche pâteuse.

Elle commence à remarquer que son médecin lui fait de grands

yeux et que son mari et sa belle-soeur ont changé à son égard (en

réalité ils n'ont cessé de manifester la plus grande tendresse pour

elle) ; elle s'imagine qu'ils sont malades, car ils changent aussi

physiquement ; leurs mains sentent la mort, elle-même sent la

mort, elle ne peut s'empêcher de dire aux visiteurs : « Ne sentez-

vous pas la mort ? »

Une nuit elle entend sa fille descendre à la cave (il n'en était

rien d'ailleurs, il y a là une hallucination et non simplement une

illusion) , elle la croit tombée malade dans cette cave, car elle ne

l'entend pas remonter, elle se lève, appelle une voisine au secours;

ses parents la calment en lui affirmant qu'elle fait erreur et en lui

amenant sa fille.

Le soir elle entend sa belle-soeur se lever et se jeter par la fenêtre;

elle a entendu le corps tomber, des gens se précipiter, se concer-

ter à voix basse. Elle ne peut descendre elle-même de son lit pour

avertir son mari qui le saura assez tôt, car la bonne verra le

corps en ouvrant la porte le matin. Juste à ce moment elle entend

ouvrir le magasin au rez-de-chaussée, mais comme il ne se produit

aucun bruit anormal, elle juge elle-même qu'elle a eu une illu-

sion.

A cette époque elle aurait eu des scrupules de religion, des doutes

et quelques idées d'indignité, symptômes qui paraissent avoir été

peu consistants, car les renseignements donnés sont vagues, tan-

dis que tous les autres faits sont racontés avec les plus grands dé-

tails. Ce qui prédomine rapidement, ce sont des idées de négation,

de forme hypochondriaque surtout, et portant sur la personnalité

de la malade même, sur ses parents et en dernier lieu sur le

monde extérieur. « Son médecin l'a blessée, elle va avoir le téta-

NOTES SUR LES IDÉES DE NÉGATION. 35

nos ; c'est une maladie où la transpiration ne se fait plus, les os se

solidifient. Il faut qne le maire et un médecin viennent constater

que le docteur X... l'a blessée et que tout, le monde va avoir le té-

tanos ; il n'y a plus de transpiration sur la figure de sa belle-

soeur et de son mari; ils doivent être morts; il faut que le maire

prévienne leurs parents et les enterre. Pourtant c'est une maladie

dont on ne peut pas mourir, mais dont on ne peut pas vivre non

plus. Elle ne peut pas manger ; quand elle mange, cela frappe sur

sa nuque, se repercute dans son estomac, comme si une bête em-

pêchait les mets de descendre. >

1111ll0 H... ne se nourrit que de lait et de bouillon. Aussi son état

général périclite surtout à lasuited'un anthrax gangreneux du men-

ton, qui guérit très bien d'ailleurs. On l'envoie en plein bois dans

une maison forestière sous la garde de sa belle-soeur. C'est à ce mo-

ment que les idées de négation prennent tout leur développement.

« Tout lui paraît changer, les arbres ne remuent pas, son souffle a

desséché la forêt ; comme elle est la cause de tout cela, le maire et

le comité de la forêt la poursuivent pour la punir ; on va la tuer

par l'électricité et la chaleur, la broyer sous des chariots. Les

oiseaux ne chantent pas; elle n'entend que le chant des coqs qui a

une résonnance extraordinaire, tous les autres bruits ont cessé ou

sont changés : elle entend le bruit d'une voiture, mais il n'y a plus

d'écho ; on tire à la carabine dans le voisinage mais cela ne donne

lieu non plus à aucun écho : cela fait un bruit qui n'est pas un

brait. Son médecin lui a donné une pution pour l'ossifier. (Comme

un jour il lui répondait par plaisanterie : « Non, c'est pour vous dé-

sarticuler », elle prend la chose au mot et l'accuse plus que jamais

de l'avoir estropiée.) Son ossifiement se répand sur tout; les arbres

ne bruissent plus, il n'y a pas de vent, ou, s'il y en a, il ne remue

plus les arbres. Par conséquent tout est mort. Elle même va mou-

rir. On fait du mal à son mari : s'il peut se présenter devant elle,

c'est parce qu'on le raccommode par une science impossible et on

recommence dès qu'il est sorti.

Les hallucinations de l'ouïe se développent et la jettent dans une

grande terreur : des voitures viennent pour l'écraser, il y a un cor-

tège en bas qui l'attend. Elle en tend le bruit des roues, des cymbales;

il faut qu'elle y aille.

Des voix infernales extraordinaires l'appellent; on lance de la

mitraille avec des détonations extraordinaires. Elle entend un

bruit de ferraille et un bruit de pompe, comme si on pompait de

l'eau. Elle ne peut plus dormir naturellement ; s'il lui arrive en-

core de dormir, c'est que ses draps sont chloroformés. Dans son

sommeil, des bêles bourdonnent autour d'elle, et elle se réveille

avec un poids énorme sur la poitrine ; elle fait disparaître cette sen-

sation en déglutissant. Elle entend sa belle-soeur respirer avec

force, parce qu'on lui a fait aussi avaler des bêtes. Elle avoue que

36 'PATHOLOGIE MENTALE

tout cela ne lui semblait pas ordinaire et que les autres personnes

ne devaient pas éprouver les mêmes sensations qu'elle ; mais cela

s'explique très bien, son mari et sa belle-soeur étant malades

sans s'en apercevoir. Enfin, elle a quelques illusions gustatives ;

elle sent couler dans sa bouche l'iodoforme de son pansement.

Au bout de trois semaines on la ramène chez elle ; dans le trajet

elle se montre effrayée, le train va la tuer, il doit être plein de

» poudre et tout doit sauter et tout le monde va mourir. Dans la

journée qu'elle passe chez elle avant d'entrer à l'asile, elle sent

l'odeur de chloroforme partout; le docteur s'en sert pour abuser de

sa fille. Elle entend une masse énorme s'appliquer au plafond :

c'est une machine électrique qui doit l'empêcher de dormir ou de-

viner ses rêves dans son sommeil, elle sent- l'électricité dont on se

sert pour lui faire passer des bêles dans le corps; en bas quelqu'un

écrit ou fait marcher une machine. La veilleuse 'a une lueur extra-

ordinaire. Elle entre à l'asile en juillet 1895, on constate encore

ses idées de négation, elle raconte qu'elle a desséché la forêt, etc.,

elle est très déprimée. Sa famille la reprend en novembre 1895.

A sa sortie elle est dans le même état, se livre chez elle à toutes

sortes d'actes insensés en rapport avec son délire. Ses enfants ne

sont pas ses enfants, mais des images de ses enfants, il en est de

même de son mari ; elle ne comprend pas que de pareilles choses

puissent arriver : On toiture ses véritables enfants et son mari ;

tout ce mal ne peut être commis par Dieu ; il n'y a donc pas de

Dieu, il n'y a qu'un démon du mal. Pour éclairer ses doutes, elle

cherche dans le dictionnaire les mots Dieu, Jéhovah. Il ne faut pas

que les inventions du démon qu'elle a devant les yeux se servent

de ce qui a appartenu aux siens, et dans cette idée elle déchire

et brise une foule d'objets qui ont appartenu à ses enfants ; elle a

commis ainsi de grands dégâts.

On la ramène alors à l'asile'le 23 septembre 1896. Dès son en-

trée elle émet des idées de grandeur et de persécution bien carac-

térisées. « Elle est la reine du monde, Jéhovah ne lui a rien caché ;

il n'y a pas de Dieu, il n'y a qu'un démon, qu'un esprit du mal qui

a fait le monde; la religion à laquelle elle a cru n'existe pas.

Parfois elle se demande si elle n'est pas elle-même un démon.

On a fait sur elle une histoire grosse comme le monde où il n'y a

pas un mot de vrai. Avant peu elle aura une réparation éclatante

ou elle aura quelque chose dans un autre monde. Elle a subi un

martyre spirituel indicible, on lui a volé sa conscience, mais elle

a gardé un coeur pur.

On a changé ses parents, son mari, ses enfants; elle les connais-

sait bien, elle les a étudiés, compulsés : quand une femme a élevé

ses enfants comme elle l'a fait et qu'on vient dire que ce ne sont

pas eux, c'est une fantasmagorie. Elle croyait au martyre, mais elle

ne croyait pas à un martyre semblable. Mais elle espère aussi qu'il

NOTES STR LES IDÉES DE NÉGATION. 37 1

y aura exception pour quelques-uns. Elle sait ce qui se passe main-

tenant, on interprète en mal tout ce qu'elle fait de bien pour faire

rire la galerie ; elle-même rit quelquefois malgré elle quand elle

entend les voix infernales. Un monde pareil n'a pu être fait par un

Dieu ; il n'y a que des démons infernaux : ce sont eux qui ont fait

le monde, et c'est eux qu'elle prie. Elle n'a plus besoinde rien que

de la juste clémence de celui ( ? ) qui la perd, elle et les siens, pour

servir des desseins incommensurables, » Elle parle parfois dans un

langage énigmatique : « Que de choses j'ai entendues, que je com-

prends maintenant ! Viendra-t-il bientôt ce gain qui vient à celui

qui perd... Quelle sera la journée ? Quelle qu'elle soit, je vous

l'offre... » Elle croit que son mari a livré ses enfants sans savoir à

qui; c'est un drame épouvantable; si son mari savait la vérité, il

serait terrifié.

il 11... émet des idées bizarres, absurdes : elle prétend n'être

plus sur la terre, mais dans la lune, tout en sachant qu'elle est à

l'asile. Elle croit avoir des bêles au-dessus de la tête et ayant trouvé

un calendrier où étaient dessinés les signes du zodiaque, elle dit

que ce sont des animaux semblables qui sont sur sa tête. Elle re-

fuse toute visite de sa famille, car ou ne lui montre que des fantas-

magories. Elle se lie intimement avec une autre malade persécutée

mélancolique, dont elle admet et encourage les idées délirantes.

Malgré sou délire très actif, elle est calme et s'occupe avec la plus

grande régularité de travaux de couture. Cet état persiste jusqu'en

décembre 1896, sans aucun changement.

Un beau jour, subitement, elle déclare qu'elle reconnaît qu'elle

a été malade, qu'elle n'a eu que des idées délirantes ; elle ne sait

comment expliquer l'idée absurde qu'elle n'était plus sur terre ;

elle réclame la visite de son mari, le reçoit avec la plus vive affec-

tion, ainsi que ses enfants. Elle combat avec vivacité les idées dé-

lirantes de la malade dont elle était devenue l'intime confidente.

Enfin, réclame avec instance sa sortie.

Sa famille la retire de l'asile en janvier 1897.

Dans ce troisième cas les idées de négation ont encore eu

une très grande intensité à un moment donné, elles ont été

très complexes, portant à la fois sur la propre personnalité

de la malade, sur celle de ses parents et sur le monde exté-

rieur ; nous devons noter l'absence de deux symptômes fré-

quents chez les négateurs hypocondriaques, les idées de

suicide et les troubles de la sensibilité, mais il faut dire que,

si des idées de suicide n'ont pas été notées d'une façon caté-

gorique, il n'en est pas moins vrai que les parents ne cessaient

d'être hantés par la crainte de ,'voir la malade attenter à ses

jours sous l'influence de ses hallucinations terrifiantes et se

38 PATHOLOGIE MENTALE

- livraient à ce propos à la plus vive surveillance. Quant aux

troubles de la sensibilité si je n'en ai constaté aucun, il faut

remarquer que je n'ai observé la malade qu'à une époque où

les idées de négation avaient disparu, et il est permis de

supposer qu'à l'époque où elle se disait ossifiée et morte, il

a pu exister des troubles de la sensibilité. Enfin des idées

d'immortalité nettement-formulées manquent; mais elles se

confondent évidemment avec les idées de damnation, de

possession et de grandeur.

Cette observation rentre dans la catégorie des faits où

l'apparition des idées de négation a lieu, dès les premiers

accidents mentaux ; plusieurs détails donnent à notre cas un

aspect un peu spécial. C'est d'abord lagrande précocité du délire

des négations; dans les cas à évolution la plus rapide, on ne

le voit guère apparaître si vite. Ici les premiers troubles

mentaux datent d'avril IS9; les prodromes consistent en

préoccupations hypochondriaques avec hallucinations mul-

tiples ; ces symptômes font rapidement place aux idées de

négation les mieux caractérisées qui àl'arrivée de 11 ? II... à

l'asile en juillet 1895, s'étaient complètement développées. Il

faut noter ici la place importante qu'occupèrent aussi les

hallucinations de l'odorat, de l'oue, de la sensibilité géné-

rale et les illusions de la vue dès le début de l'affection. Le

délire a pris ainsi dès l'origine un aspect polymorphe qui

n'a fait que s'accentuer dans la suite; mais en même temps

il évoluait avec rapidité d'ailleurs, et de novembre 1895 à no-

vembre 1896 un changement radical est survenu; les idées

de persécution d'abord, puis les idées de grandeur et de pos-

session ont pris la place des idées de négation. Celles-ci per-

sistent cependant encore en partie, mais avec une nuance de

persécution (si 11,10 II... a perdu sa conscience, c'est qu'on la

lui a prise). Les idées de grandeur elles-mêmes n'ont pas ici

la teinte mélancolique de celles des négateurs ordinaires, ce

n'est pas à vrai dire la pseudo-mégalomanie « de ces délirants

par énormité qui sont plus que jamais lamentables, plus

gémisseurs et désespérés », mais bien plutôt la mégalomanie

des persécutés : la malade, pour citerun exemple, « attendait

une réparation éclatante », ce qui n'est pas là une expres-

sion de mélancolique. Cette mégalomanie, à forme d'idées

de grandeur des persécutés qu'on rencontre chez certains

hypochondriaques, a été nettement indiquée par Mo-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 39

rel', et plus récemment par Séglas pour les hypochondriaques

négateurs en particulier (Séglas. Délire des négations, p. 180).

Il est enfin un point à noter encore : ce sont les quelques

idées parfaitement absurdes qui ont été émises à un mo-

ment donné par la malade , comme de se croire trans-

portée dans la lune, idées qui apparaissent d'une façon

inattendue pour ainsi dire ; les idées de ce genre ne sont pas

exceptionnelles et ont été notées çà et là au milieu du délire

le mieux systématisé en apparence (telle l'observation que

M. Séglas donne ajuste titre comme rentrant dans la forme

typique de Cotard . Annales médica-psychologiques 1893,

1 p. p. 198), et en dehors de la débilité mentale qui ne paraît

pas exister dans notre cas.

En dernier lieu il faut remarquer le mode de terminaison

de la maladie; le revirement subit des idées de la malade,

en raison des réticences avec lesquelles elle s'expliquait sur

son délire antérieur, paraîtra un peu suspect ; malheureuse-

ment la rapidité avec laquelle elle fut reprise par sa famille

n'a pas permis de se faire une opinion ferme, et, quoique les

nouvelles qui furent données quelques jours après sa sortie

de la représentent comme guérie et ayant' repris toutes ses

occupations, il est permis de conserver des doutes sur la

- réalité de sa guérison. Mais que le fait soit réel ou non, le

cas n'en reste pas moins difficile à classer. Ce qu'il faut en

dernière analyse faire ressortir, c'est le début presque d'em-

blée et la rapidité de l'évolution ainsi que le polymorphisme

des symptômes.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Sur la démence primitive DE la puberté; par J. Wideiue.

Dans ces dernières années, des voix se sont élevées pour accorder

qu'il peut y avoir en dehors de la sénile des psychoses primaires

' More). Études cliniques, t. II, obs. II.

40 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

pures, caractérisées par une réduction et une oblitération graduelle

des facultés et qualités intellectuelles, ou en d'autres termes : des

démences primaires. C'est ce qui a lieu spécialement pour l'âge de

puberté.

L'expérience a montré à l'auteur qu'il y aussi des démences pri-

maires [se produisant à l'âge mûr, mais il n'insiste pas sur ce

point.

Quanl à la démence primaire de la puberté, elle n'est pas rare

~et se manifeste de diverses façons.

Dans les cas les plus typiques, elle débute d'une façon presque

insensible et une réduction psychique se manifeste graduellement.

Les prodromes bénins n'attirent pas l'attention, et le mal ne se

manifeste que plus tard par un affaiblissement notoire de l'intelli-

gence et une modification dans le caractère et la manière d'être du

sujet. Peu à peu apparaît sur toute la ligne un déchet marqué dans

l'exercice de toutes les fonctions psychiques, déchet qui peut s'ar-

rêter à n'importe quel cran, et donner lieu par suite à une série

indéfinie de déficiences psychiques.

Lorsque le processus dégénératif s'arrête assez tôt pour que le

patient puisse encore occuper une place indépendante et utile dans

le corps social, il y a guérison avec déficience. Dans d'autres cas,

la destruction continue et le patient devient une ruin inlel ! ec-

tuelle complète. Toutefois la destruction est rarement poussée aussi

loin que dans les démences secondaires et la paralysie géné-

rale.

L'auteur cite deux jeunes étudiants, dont l'un surtout était très

bien doué. Sans motif plausible, malgré leur assiduité au travail

et leur bonne conduite. on les vit perdre à l'âge de seize ou dix-

sept ans toute aptitude àpoursuivre leurs éludes, auxquelles ils durent

renoncer pour se livrer à des travaux manuels, qui constituent

depuis lors leurs moyens d'existence, et par lesquels ils subviennent

parfaitement à leurs besoins. '

En même temps il y eut un changement complet de leur carac-

tère et leur manière d'être, se manifestant par une humeur capri-

cieuse, des alternatives d'exaltation et d'indifférence, de fanatisme

et d'abaissement, par des singularités de conduite et des opinions

baroques.

Ainsi qu'on l'observe dans des cas de démence sénile et secon-

daire, la démenée de la puberté peut aussi être coupée de crises

aiguës, qui, si l'on n'a pas observé les premiers symptômes, peu-

vent causer l'illusion d'une psychose aiguë, à caractère mélanco-

lique, maniaque, ament ou parauoïque. Il convient de citer ici l'hé-

béphrénie, qui dans son essence est une démence primaire de la

puberté. Dans ces cas, avec début d'apparence aiguë, l'affection est

inconstante, semble peu sérieuse, et ne former pour ainsi dire

qu'un voile jeté sur l'appauvrissement psychique, qui forme le

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1L t

fond de l'affection. Dans les cas spuranoïques, les impressions sont

décousues, sangrenues et sans liaison entre elles.

Comme cause première, il convient d'attribuer un idle important

l'hérédité, la base de la maladie étant une dégénérescence, qui à

vrai dire peut aussi s'acquérir.

Comme causes accidentelles : les excès vénériens, l'abus de l'al-

cool et du tabac, le surmenage mental. Il ne faut pourtant pas leur

accorder trop d'importance, mais ne pas perdre de vue la nature

endogène de la maladie.

Il faut cependant admettre que le surmenage qui a lieu dans les

écoles supérieures et leur système compliqué et intensif d'examens

peuvent n'être pas sans danger pour des cerveaux peu résistants.

Par une série d'efforts continus, on peut bien atteindre pour un

certain temps un surcroit de force de résistance; mais celle-ci cède

vite lorsque la réaction vient à l'emporter. Il ne faut pas croire

non plus qu'on se remet d'un travail mental fatigant par des exer-

cices corporels forcés, gymnastique ou autre sport; loin de là, les

deux abus s'ajoutent l'un à l'autre, et il en résulte un épuisement

encore plus exagéré.

La prognose est peu favorable, en tant que guérison com-

plète.

11 ne peut être question que d'une guérison avec déficiences.

Enfin l'auteur rapporte deux histoires cliniques empruntées à

l'asile de Newengaarden (à Bergen) :

La première est celle d'une fille, avec fortes tares héréditaires.

Depuis l'enfance, son développement avait suivi un cours abso-

lument normal, et elle était toujours la première de sa classe. ,.

Vers dix-sept, dix-huit ans, sa manière d'être changea du tout au

tout; elle devint distraite, inconstante, oublieuse, indifférente de

son apparence extérieure, capricieuse de caractère, et n'éprouva

plus d'intérêt pour rien. Plus tard, elle devint de plus en plus

idiote, et finalement elle est agitée et violente ; elle ne fait plus rien,

n'a plus le sentiment même de la décence, et elle est, somme

toute, de plus en plus hébétée.

L'autre, un garçon, ayant également des tares héréditaires, se

mit peu à peu il y a une dizaine d'années de cela ayant alors qua-

toize à quinze ans, et étant au lycée où il s'était distingué par son

travail et ses succès, à devenir indiffèrent à tout, quinteux et

colère, et cessa de faire aucun progrès. Plus tard il devint de plus

en plus mou, perdit la mémoire et toute affection pour sa famille

et ses amis.

Plus tard encore il devint de plus en plus hébété, parfois agité et

violent; il retomba comme en enfance, et s'est remis à jouer avec

des cailloux et des images. Il est maintenant plongé dans une

démence apathique, n'a plus le sens de la propreté, et on doit lui

prodiguer les mêmes soins qu'à un petit enfant.

42 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

IL Ophtamoplégie nucléaire; par M. le D'' Marfan. (Revue tinter-

nationale de médecine et de chirurgie : 10 décembre 1897.)

Observation d'un cas d'ophlalmoplégie nucléaire, remarquable

surtout par son étiologie. Cette affection s'est manifestée chez une

enfant de vingt-huit mois, au cours d'une varicelle ayant donné

.naissance à une infection secondaire de la peau et à des abcès

de la région parolidienne. Avant l'ouverture de ces abcès, la ma-

lade a été prise de convulsion^; les abcès ouverts, les convulsions

ont disparu, mais lesjpaupièrees sont tombées et les globes ocu-

laires ont cessé de remuer. La syphilis, autant que les recherches

effectuées permettent de l'affirmer, ne pouvant être invoquée, il y

a lieu de considérer la varicelle comme l'infection provocatrice de ce

cas d'ophtalmoplégie nucléaire. Cette cause n'avait pas encore

été signalée par les auteurs. M. Marfan rappelle qu'il a observé

un cas de paralysie infantile développée au cours d'une varicelle;

l'observation a été conteslée, dil-il; mais elle n'en demeure pas

moins exacte, et le cas actuel la confirme.

1 A. Fenayrou.

III. Syndrome 57R11GOV1'kLIQCE A\EC hlmiatbophie faciale ET

TROUBLES OCULG-l'Ul'ILL : 11RES; par MM. L. QUEYRAT et E. Chrétien.

(Presse médicale, 21 décembre 1897.)

Observation très détaillée d'un cas de syringomyélie remar-

quable surtout : 1° en ce qu'il n'existait pas à proprement parler de

dissociation delà sensibilité ; les troubles partant à la fois sur toutes

les formes de la sensibilité, avec prédominance toutefois sur la

sensibilité thermique ; 2° par l'existence d'une hémiatrophie faciale

gauche avec enfoncement du globe oculaire, rétrécissement de la

fente palpébrale, aplatissement el moindre ouverture de la narine;

l'atrophie portait sur tous les plans, jusques et y compris le sque-

lette sous-jacent aux parties molles ; celles-ci étaient accolées aux

plans osseux et tendues, comme si elles avaient été trop courtes

pour recouvrir les os delà face, du côté correspondant; cela se

traduisait surtout très nettement par la disposition de la bouche

au niveau de laquelle il y avait un véritable hémispasme : les deux

moitiés gauches des lèvres étaient pincées, étroilement accolées

l'une à l'autre, et, quand le malade souriait, elles étaient attirées

en haut et en dehors, comme cela s'observe, mais du côté sain,

chez les individus atteints d'hémiplégie faciale.

La recherche du bacille de la lèpre a été négative : le diagnostic

de syringomyélie, porté par les auteurs , a été confirmé par

11. Déjerine.

S'appuyant sur l'observation qu'ils rapportent, MM. Queyrat et

Chrétien pensent, avec M. Déjerine, qu'à l'exemple de maintes autres

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4 ? 1

affections de la moelle, du tabes, en particulier, la syringomyélie

peut s'accompagner d'un processus d'atrophie osseuse.

, A. FENAYROU.

IV. Glande thyroïde et glandules parathyroïdes : par M. GLry.

(Presse médicale, 12 janvier 1898.)

Dans ce travail, l'auteur passe en revue diverses hypothèses

émises sur la signification physiologique des diverses parties de

l'appareil thyroïdien. Celle d'après laquelle la glande thyroïde

n'est rien et les glandules parathyroïdes seules sont actives, est en

contradiction avec les faits expérimentaux et doit être rejetée. En

l'état actuel de la science, on ne peut non plus admettre l'hypo-

thèse soutenue par Moussu, qui attribue à la glande et aux glan-

dules des fonctions distinctes (la suppression de la glande ne don-

nant lieu qu'à des troubles trophiques, et celle des glandules

amenant les accidents convulsifs). L'auteur manifeste nettement

ses préférences pour une troisième hypothèse : « Il se pourrait,

écrit-il, que les glandules ne fussent pas suffisantes pour empêcher

les troubles nutritifs àévolution lente qui,aboutissent au myxoedème,

et, d'autre paît, que leur extirpation compléterait soudainement le

reste de l'appareil, c'est-à-dire la glande, en état de déchéance

fonctionnelle. Il y aurait entre les deux parties de cet appareil,

association fonctionnelle, les glandules préparant, par exemple, le

produit de sécrétion qui se déposerait ensuite dans la glande pour

être utilisé selon les besoins de l'organisme. » M. Gley trouve la

confirmation de celle hypothèse dans ce fait que, lorsqu'on enlève

la glande thyroïde, chez le chien comme chez le lapin, les glandules

s'hypertrophient et éprouvent peut-être aussi d'autres modifica-

tions. Il croit encore la trouver dans les résultats d'expériences

entreprises par lui, desquelles il apparait que la sécrétion iodée,

que l'on est en droit de considérer comme caractéristique de la

fonction thyroïdienne, dépend aussi bien des glandules que de la

glande. A. FENAYROU.

V. MYXOEOÈJIE thyroïdien ET myxoedème ranaTOrnoïotEV; par

M. Brissaud. (Presse médicale, 1er janvier 1898.)

Il existe, dit M. Brissaud, une variété de myxoedème qui se dis-

tingue du myxoedème commun par l'intégrité absolue des fonc-

tions psychiques. Cette variété, qui s'observe non seulement chez

l'adulte, mais aussi chez l'enfant et l'adolescent, a encore pour

caractéristique de ne s'accompagner d'aucun retard, d'aucune

anomalie dans l'évolution des organes sexuels. L'auteur en rap-

porte plusieurs observations, et fait remarquer que, dans ces cas,

il s'agit, non de myxoedème fruste, mais de myxoedème incomplet.

44 , REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Selon lui, il est, dès à présent, certain que le myxoedème spon-

tané, évoluant sans aucun symptôme de dépression psychique, ne

relève pas de la même altération thyroïdienne totale que la ca-

chexie strumiprive. Il considère comme incontestable que le

myxoedème sans apathie intellectuelle résulte d'une lésion des-

tructive des éléments thyroïdiens, les éléments parathyroïdiens

étant respectés; c'est là le myxoedème thyroïdien proprement dit.

'Quant au myxoedème paralhyroïdien, c'est celui qui, provenant

d'une altération totale de l'appareil glandulaire, se traduit, outre

l'infiltration caractéristique, par l'arrêt de développement de l'idio-

tie crétinoïde ou par l'abrutissement de la cachexie strumiprive.

En effet, rapprochant les faits cliniques des faits expérimentaux,

M. Brissaud est amené à regarder la glande thyroïde de l'homme

comme une parathyroïde perfectionnée à épithélium fragile, mais

conservant encore, parmi ses éléments nouveaux, l'ancien épithé-

lium parathyroïdien plus fruste, plus résistant et plus durable. La lé-

sion systématique qui détruit l'épi thélium thyroïdien et qui ne modifie

en rien l'activité psychique permet d'entrevoir la conséquence d'une

lésion exclusivement piràtli3,roïdieiiiie ; si cette lésion n'entraînait

pas la dégénérescence totale de l'épilliélium paralhyroïdien, elle

ne donnerait lieu peut-être qu'à des troubles intellectuels.

A. Fenayrou.

VI. Sclérose diffuse PSEUDO-SYSTÉU.1TIQUE DE la moelle ÉPINIÈRE

avec polynévrite dans un cas DE diabète sucré; par le professeur

E. Bonardi. (Il Morgagni, n°8, 1807.)

Observation et discussion cliniques intéressantes parle côté pa-

thogénie, Après avoir pu formuler d'une laçon ferme le diagnos-

tic : sclérose difiruse pseudo-systématique de la moelle épinière

avec polynévrite dans un cas de diabète sucré, Bronclio-alvéolite

spécifique du sommet droit, l'auteur arrive à établir clairement :

1° que tous les symptômes cérébro-spinaux et périphériques sont

postérieurs aux manifestations bien déclarées du diabète ; 2° que

contrairement à l'opinion générale, les symptômes médullaires

ne sont pas secondaires et dépendants des symptômes poiynêvri-

tiques, mais que les lésions périphériques sont dépendantes des lé-

sions spinales; 3° qu'il faut reconnaître au diabète sucré une

action prédisposante pour les lésions spéciales des nerfs périphé-

riques; 4° qu'il ne s'agit pas d'une véritable systématisation des

lésions médullaires, mais d'une pseudo-systématisation, avec parti-

cipation des méninges, d'une pseudo-sclérose latérale amyotro-

phique relevant d'une artério-sclésose diffuse. Ces conclusions

diagnostiques sont confirmées par l'autopsie et l'examen histolo-

'gique. R. C.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4'5

VU. Un cas DE sclérose latérale A31TOTROPHIQUE A DÉBUT BULBAIRE

CHEZ UNE FILLETTE DE DIX ANS; par le professeur E. BO : ÜItOI, (Il

Morgagni, n° 10, 1897.)

Il s'agit d'un cas clinique, dont l'analyse très détaillée conduit

l'auteur au diagnostic de paralysie labio-glosso-lar3-ngée ou po-

lyencéplialite inférieure. Mais aux symptômes classiques de cette

affection se sont ajoutés des manifestations relevant de la sclé-

rose latérale amyotophique (contracture musculaire des membres

avec commencement d'atrophie, portant surtout sur les membres

supérieurs, exagération des réflexes tendineux, etc.). Dans cette

forme très grave et rare, à évolution rapide, il y a donc lieu de

subordonner la paralysie glosao-labio-laryngée la sclérose laté-

rale amyotrophique. R..

VIII. UN cas DE contusion DU cerveau. CONTRIBUTION A l'étude DES

localisations cérébrales ; par le professeur LUIGI L.MARCHII. (Il

Morgagni, n° 12, 1897.)

Une fillette de quatorze ans fait une chute sur la tête. On l'ap-

porte à l'hôpital dans un état semi-romateux avec des troubles

moteurs et sensitivo-sensoriels qui font croire à une hémorragie

méningée à gauche. Trois jours plus tard, devant l'aggravation de

son état, on pratique la trépanation de la région temporo-parié-

tale gauche et on découvre un vaste foyer de ramollissement. La

malade meurt dans le coma un mois après l'accident. En regard

des symptômes cliniques minutieusement observés, l'auteur déve-

loppe les résultats de ses constatations anatomo-patliologiques. Les

points principaux de ces recherches sont : A. Il n'existait aucun

signe clinique permettant d'affirmer le diagnostic de contusion

cérébrale, plutôt que celui d'hél11orlha ! ! ie méningée, et cependant

l'autopsie a montré une lésion profonde à conlouis bien définis

intéressant la zone motrice gauche, sans aucune lésion des autres

parties du cerveau. B. Il y avait hémiplégie totale droite, mais

sans paralysie du facial supérieur, et cependant la lésion intéressait

la région rolandique tout entière. On peut, pour expliquer ce fait,

admettre l'hypothèse de J'action bilatérale des cenlres corticaux du

facial supérieur, et d'autant plus qu'il y avait destruction du pied

de la frontale ascendante, sans paralysie linguale, ni pharyngée, ni

laryngée, ni masticatrice, c'est-à-dire de régions pour lesquelles la

bilaléralilé. d'action des centres est démontrée (Reymond, Artaud).

C. On constatait l'iîitégi,ité des fonctions auditives, avec une

destruction complète de la première circonvolution tempolale, ce qui i

justifie l'opinion de Luciani, que les centres de ces fonctions ont

une action bilatérale et non unilatérale et croisée (fermier).

D. La première circonvolution temporale était complètement détruite

46 " REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

et il n'y avait pas eu de surdité verbale, et la malade n'était pas

gauchère, puisque la destruction du centre de Broca avait bien

produit l'aphasie motrice. Il faut donc admettre que la localisation

du centre de l'audition verbale dans la première temporale gauche

(Wernicke, d'Heilly, Chantemesse, etc.) supporte au moins des

exceptions, ou croire, avec Blanchi, que ce centre siège dans la

deuxième temporale gauche qui, dans ce cas, était intacte.

- L'existence d'une hémianesthésie droite totale infirme toules les hy-

pothèses de centres sensitifs spéciaux. Elle permet d'admettre avec

Golgi, Tamburini, Luciani,que ce sont les mêmes centres qui prési-

dent aux fonctions sensitives et motrices, que ces centres méritent le

nom de sensilivo-moteurs, mais que les limites des zones sensitives

ne sont pas aussi nettes que celles des zones motrices, qu'elles dé-

bordent ces derniers pour ainsi dire.

A propos de ce cas l'auteur soutient une discussion très intéres-

sante au point de vue des localisations cérébrales, particulièremen.

en ce qui concerne les différents centres (moteur verbal, moteur

graphique, sensoriel-acoustique, sensoriel-visuel) du langage, entre

lesquels il admet des combinaisons commissurales multiples

avec un centre commun à localiser (peut-être dans les lohes fron-

taux ? ) ce que Brissaud a appelé le centre de gravité des images

des choses. R. CHARON.

IX. Amyotrophie DU membre supérieur DROIT, consécutive A la

variole chez un fellah; par J.-B. CHARCOT. (Not(v. Ie0)zOg)·. de la

Salpétrière, n° 1, 1898.)

Observation très intéressante au point de vue pathogénique et

peu banale au point de vue de sa provenance. Elle nous vient des

cataractes du Nil. L'auteur a rencontré sans les chercher

trois cas identiques d'atrophie réellement squelettique du membre

supérieur, reconnaissant pour cause la variole. Il s'agissait de trois

fellahs d'âges différents qui avaient été atteints de la variole vers

la vingtième année. L'atrophie portait sur la totalité du membre,

entraînant une impotence fonctionnelle presque complète, mais

laissant intacts la sensibilité et le squelette. Les cas semblables,

tant par leur localisation que par leur étiologie seraient nom-

breux en Egypte où la variole fait, et surtout a fait, de si terribles

ravages. M. Charcot incline à croire qu'ils sont la conséquence de

la névrite post-variolique décrite par Joffroy. R. Charon.

X. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'épilepsie symptomatique DES NÉO-

PLASTIES corticales; par Magalhaès LEMOS. (Nouvelle Iconogr. de la

Salpêt1'ièl'e, na 1, 1898.)

Un jeune homme de vingt-quatre ans, chargé d'hérédité vésa-

nique et névropathique, d'un développement physique et intellec-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47

tuel normal, est atteint depuis deux ans de convulsions épileptiques

généralisées d'emblée. Les convulsions sont précédées d'un aura de la

sensibilité musculaire de la jambe gauche et suivies de délire hy-

pochondriaque, se reportant à cette même jambe. L'autopsie dé-

montre l'existence d'un tubercule ankysté de la grosseur d'un pois,

siegeant dans le lobule pariétal droit, tout près de la pariétale as-

cendante, et entouré d'une zone de petits noyaux d'aspect inflam-

matoire ; aucune autre lésion. L'auteur en conclut : «1° Le centre de

la sensibilité musculaire du membre inférieur semble être placé-

dans la partie antérieure du lobule pariétal supérieur; 2°les lésions

corticales siégeant dans la zone psycho-motrice ou en dehors

surtout celles-là peuvent produire non seulement l'épilepsie

jacksonnienne, comme tout le monde l'admet, mais des accès ty-

piques de grand mal; 3° la différence entre l'épilepsie partielle et le

grand mal, bien qu'importante au point dé vue du traitement, est

au fond purement théorique; 4° les lésions très limitées du cortex

sont capables de faire éclater un délire et de lui communiquer

une couleur en rapport avec leur localisation. » R. C.

XI. Sens STliI2GOGNOSTIQUE ET centre d'association : par G.1SNE.

(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 1898.)

Deux observations d'hystériques chez lesquels on constate, dans

un membre supérieur, l'abolition de la sensibilité des reliefs. La

main ne reconnait plus les objets qu'elle touche. Les malades ne

peuvent que dire : c'est chaud, c'est froid. Il en résulte, pour l'au-

teur, qu'il existe, isolable, une sensibilité spéciale qu'on peut

appeler sens stéréognostique et qui consiste dans l'appréciation de

la forme des objets. On est porté à croire qu'une fonction, qui

peut si nettement s'isoler cliniquement, doit aussi pouvoir s'isoler

anatomiquement. Mais quels sont, dans le cerveau, les sièges res-

pectifs des centres de projection servant à la sensation simple et

au mouvement réflexe, involontaire, et des centres d'association, ser-

vant à la sensation complexe et à la motililé volontaire ? La phy-

siologie ni la pathologie ne peuvent le dire. Les observations pré-

cédentes prouvent seulement « que le sens stéréognostique, résultat

complexe de l'association de sensations simples, actuelles et

d'images antérieures conservées par le souvenir, peut disparaître

sans que les parties élémentaires, dont il est formé, aieuL elles-

mêmes disparu ».

XII. Syndrome temporaire de Weber avec héaiiopie permanente; par-

A. JOFFROY. (\'o2cv. Icoaogr. de la Salpétrière, n° 1, 1898.)

Au cours de cette leçon clinique, l'auteur passe en revue les diffé-

rentes formes d'hémiplégie qui peuvent se produire à la suite d'une

48 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lésion cérébrale : hémiplégie purement motrice ou compliquée

de troubles sensitifs et sensoriels, hémiplégie alterne inférieure

(lésion bulbaire intéressant le faisceau pyramidal et le noyau de

l'hypoglose), hémiplégie alterne faciale (lésion bulbo-protubéran-

tielle), hémiplégie alterne supérieure désignée par Charcot sous le

nom de Syndrome de Weber (lésion pédonculaire). La malade pré-

sentait, en plus de ce syndrome, de l'hémiopie et de la paraphasie.

La coexistence de ces symptômes permet, dans la recherche de la

pathogénie, d'éliminer l'hémorrhagie, d'autant plus que le syndrome

de Weber est en voie de disparition. Il y a donc eu seulement sus-

pension des fonctions physiologiques et non destruction des

noyaux. Tous les symptômes observés peuvent s'expliquer « par la

production d'une thrombose de la cérébrale postérieure au ni-

veau même de son union avec la communicante postérieure, de

telle façon que la circulation soit complètement suspendue dans

les branches terminales de cette artère et très ralentie dans la pre-

mière partie de la cérébrale postérieure qui donne naissance aux

dix collatérales de Duret, parmi lesquelles se trouvent les artères

des noyaux du moteur oculaire commun ». R. C.

XIII. Goitre exophtalmique. Maladie DE 13 : 1SEDGN; par M..le profes-

seur Potain. [Revue internationale de médecine et de chirurgie,

10 mars 1897.) )

L'observation d'une malade de quarante-deux ans, chez qui

se sont manifestés simultanément, à la suite de rhumatismes et

d'une scarlatine, les symptômes d'une lésion cardio-aortique

(liyperthropie du coeur et insuffisance aortique) et les signes cli-

niques ordinaires du goitre exophtalmique, a fourni à AI. le profes-

seur Potain l'occasion d'exposer ses idées sur la nature et la patho-

génie de lamaladie de Basedow. L'auteur considère celte affection

comme une névrose pure ; il trouve la confirmation de cette opi-

niondans les antécédents héréditaires des malades, et dans les faits

d'invasion brusque du goitre exophtalmique à la suite d'une vive

commotion morale. Suivant lui, la colère surtout jouerait un

rôle important dans lagenèse de ces cas subits de maladie de Base-

dow. L'attitude, la physionomie, la manière d'être, en un mot,

d'un homme en colère, ressemblent d'une façon frappante à celles

d'un basedowien. Il semble donc, dit M. Potain, que le goitre

exophtalmique ne soit pas autre chose qu'une colère devenue per-

manente. Le système nerveux a perdu son élasticité, l'effet ne peut

plus disparaître avec la cause.Cette hypothèse serait encore confir-

mée par l'expérimentation sur les animaux, de laquelle il résulte

que les lésions centrales dans la maladie de Basedow doivent

porter sur le centre bulbaire, centre de l'émotivité.

Cependant le goitre exophtalmique n'est pas forcément dû à

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49

une cause morale. La tuméfaction thyroïdienne, conséquence de

la maladie de Basedow, peut aussi la provoquer. Certains faits cli-

niques et expérimentaux tendent à faire considérer le goitre

exophtalmique comme une auto-intoxication produite par l'aug-

mentation dans l'économie de la sécrétion de la glande thyroïde.

Mais, soumise à l'action du système nerveux, la glande n'est peut-

être que l'intermédiaire, et la mesure dans laquelle les simples

réactions du système nerveux peuvent produire ces manifestations

n'est pas établie.

Le goitre semble, dans certains cac, sous la dépendance immé-

diate des lésions oculaires; il en était ainsi, par exemple, dans

le cas de la tumeur orbitaire signalée par Berger, et qui, opé-

rée, fit disparaître le goitre; mais les faits peuvent recevoir une

autre interprétation : un réflexe parti de luit pouvait avoir provo-

qué l'apparition des autres symptômes.

La maladie ne doit pas être attribuée aux accidents cardiaques,

qui en marquent le plus souvent le début; ceux-ci, en effet,

peuvent apparaître tardivement. Cependant, il n'est pas défendu

de penser qu'un réflexe parti du coeur ou de l'aorte peut détermi-

ner le syndrome clinique du goitre exophtalmique.

A. FENAYROU.

XIV. 11ÉMORRIIAG1ES D1\S LA NEURASTHÉNIE; pal' AUNET.

(Bévue de médecine, septembre 1897.)

Les troubles vasomoteurs ont déjà été décrits dans la neurasthé-

nie, mais l'attention avait jusqu'ici été peu appelée sur les hémor-

rhagies survenant au cours de cette maladie. Les observations ap-

portées par l'auteur se rapportent à des hémoptysies, des hémate-

mèses, quelquefois des métrorrhagies survenues au cours d'une

neurasthénie et ayant guéri sans avoir donné lieu à aucun signe de

lésion apparente.

Cette absence complète de signes physiques permet d'éliminer

toute cause organique. Dans le cas d'hématemèse le sang est tou-

jours rouge, Lies dilué et mêlé a des aliments. Par quel méca-

nisme se forment les hémorragies; il est incoutestable qu'il se pro-

duit des troubles vaso-moteurs, mais y a-t-il rupture vasculairc

par contraction spasmodiquedes capillaires ou passage du sang par

paralysie; la question n'est pas résolue. Il y a peut-être lieu de

faire aussi intervenir l'élélement glandulaire, par rupture vasculaire

dans le réseau capillaire situé au-dessous de l'épithélium de la

glande.

Ces hémorrhagies surviennent souvent sous forme d'accès : il y

a un aura ; à la suite d'une fatigue, d'une émotion, ou sans autre

cause, le malade éprouve pendant un certain temps un malaise

indéfinissable, une inquiétude vague, puis l'hémorrhagie survient ;

Archives, 2° série, t. VI. 4

50 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

le plus souvent il n'y a aucune douleur locale ; l'hémorrhagie en

général est peu abondante et unique et suivie d'une sensation de

bien-être. Le traitement relève du traitement général de la névrose

et sera surtout tonique. M. 1.lllEL.

XV. Contribution A L'ÉTUDE DES tumeurs DU corps calleux;

par Dévie et P.VIOT. (Revue de médecine, décembre 1897.)

Observation d'un malade mort d'un gliome du corps calleux avec

envahissement de la face internede l'hémisphère droit; le malade

avait depuis trois ans des crises épilepliformes. Mort avec phéno-

mènes convulsifs prédominant à gauche et hyperthermie.

Les auteurs, rappelant les cas déjà observés de tumeur du corps

calleux, se demandent s'il y aquelques signes cliniques permettant

de diagnostiqueur la localisation de la tumeur; l'envahissement des

parties voisines rend la plupart du temps ce diagnostic impossible.

Toutefois il y a lieu d'appeler l'attention sur l'apparition précoce

des troubles mentaux (état démentiel progressif) et les phénomènes

de parésies et de contractures prédominant d'un côté, mais inté-

ressant souvent l'autre à un degré moindre. M. HAUEL.

XVI. Pathologie DES rapports sexuels; par FÉRÉ.

(Revue de méd., sept. 1897.)

Les excitations du sens génital qui sont même chez les sujets

normaux quelquefois suivies de troubles passagers, peuvent pro-

duire chez les prédisposés, chez les malades atteints de névroses,

hystériques, épileptiques, neurasthéniques, des troubles sensoriels

ou moteurs sensations douloureuses après le coït, anesthésie

cutanée, amblyopie passagère, parésie accompagnant l'acte sexuel.

L'auteur apporte deux observations, l'une d'un épileptique chez qui

les attaques étaient suivies de paialysie transitoire etqui éprouvait

des troubles analogues à la suite d'un rapprochement sexuel ;

l'autre observation est d'un neurasthénique qui éprouvait dans les

mêmes conditions une paraplégie durant plusieurs heures : ces

troubles disparurent à la suite d'une cure hydrothérapique.

M. IIAMEL.

X.VII. INSUFrISA ! 'iCI'; hépatique Er névrite périphérique; par GOUJET.

(Revue de médecine, juillet 1897.)

Observation d'une malade morte de cirrhose hypertrophique

graisseuse et ayant présenté à la fin de sa maladie une névrite des

membres inférieurs et supérieurs, avec paralysie des extenseurs de

la main et des muscles de la face antéro-externe de la jambe. L'hy-

pothèse d'une névrite alcoolique doit être écartée, la malade buvant

peu, et les polynévrites alcooliques intéressant rarement lesquatre

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 51

membres. Il ne reste que l'hypothèse d'une névrite par insuffisance

hépatique. Des cas de ce genre ont déjà été signalés par Teissier,

Bronner. Ces névrites doivent vraisemblablement être attribuées

a des troubles d'auto-intoxication. M. Hamel.

XVIII. Polynévrite paludéenne; par J. REGNAULT.

(Revue de médecine, septembre 1897.)

La polynévrite paludéenne avait jusqu'ici été peu observée.

Quelques cas avaient été signalés par Landouzy, Granet, Singer,

Mille Déjerine, etc., la plupart étaient confondus avec le béribéri.

Les nombreux cas observés dans ces dernières années particu-

lièrement chez des sujets, retour des colonies ont permis de donner

une description générale de cette affection. Elle survient presque

toujours à la suite d'impaludisme prolongé ou d'accès pernicieux

graves. Les débuts peuvent passer inaperçus surtout lorsque le

malade est en traitement pour une fièvre grave. Elle débute par un

engourdissement de la faiblesse puis une paralysie plus ou moins

complète des membres inférieurs, la pointe du pied, traîne à terre,

le malade steppe. La paralysie s'étend principalement dans la zone . z

du sciatique poplilé interne. Plus rarement l'affection atteint

les membres inférieurs, dans ce cas, il y a paralysie des exten-

seurs.

Les troubles sensitifs sont des douleurs lancinantes, fourmille-

ments, variations de froid et de chaud, douleurs musculaires; il y

a quelquefois de l'oedème périmalléolaire, chute de poils, phlyctène

atrophie des muscles paralysés.

Ces différents signes, d'ailleurs spéciaux aux polynévrites, ne se

confondront pas avec des troubles d'origine central; quant an dia-

gnostic de paludisme il se fera par la recherche des antécédents et

par exclusion des autres causes.

L'affection suit une marche progressive ascendante pouvant

durer plusieurs mois, puis s'établit une période d'état qui n'a

aucune tendance à rétrocéder naturellement. Le pronostic est

variable ; la guérison est possible si l'on dirige un traitement appro-

prié dès le début de l'affection. La quinine a peu d'action, on est

obligé d'avoir recours à des traitements multiples, galvanisation,

faradisation, arsenicaux, -etc. M. HmEL.

XIX. Sur un cas d'acromégalie; par le D1' Guizeppe FINZI. (Bull.

delle Scienzemediche, n° 4, 1897.)

Anamnesliques, histoire clinique, autopsie et examen histolo-

gique de la moelle épinière d'un acromégalique, reconnu tel

après une discussion diagnostique très complète. Il s'agit d'un

homme, sans antécédents pathologiques, robuste jusqu'à l'âge

52 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de vingt-huit ans; à cette époque, chute et traumatisme grave de

la région lombaire; deux ans plus tard, apparition des premiers

troubles de la maladie, qui se déroulent pendant trente ans et se

terminent par une mort subite à l'âge de soixante ans. Résumé

s3·mplornatoloique : hypertrophie de la face, des oreilles, de la

langue, des mains et des pieds, céphalée, amblyopie, hypertrophie

cardiaque et arlério-sclérose,'lzypertrophie de la moelle et défor-

mation des os, céphose lomho-dorsale. Résumé de l'examen histo-

logique : destruction de la glande pituitaire, lepto-meningo-

myélite chronique, avec sclérose diffuse annulaire et dégénération

partielle des cordons pyramidaux et postérieurs, hypertrophie du

tissu embryonnaire autour du canal central. A propos de ce cas

et de ceux publiés par Chantemesse, Recklengausen, etc., discus-

sion des théories pathogéniques de Marie, de Tamburini. Conclu-

sion : Il n'y a pas seulement coïncidence, mais bien rapport de

cause à ellet entre les lésions osseuses et celles de la moelle épi-

nière. Il n'y a pas, par contre, de rapport constant entre la lésion

de l'hypophyse et l'acromégalie. Par suite, il n'y a pas lieu de

faire deux entités morbides (école française) de l'acromégalie et

de la syringomyélie avec altérations acromégaliques. Mais on est

autorisé à supposer que les divers degrés d'extension de l'hyper-

plasie des os et des tissus dans les diverses formes des altérations

acromégaliques sont l'effet des diverses modalités et des divers

degrés des lésions des centres Irophiques, que l'observation

clinique permet de placer dans la substance grise entourant le

canal central, et que, par suite, les lésions de la substance grise

peuvent aussi bien produire l'acromégalie que les lésions plus

fréquentes de la glande pituitaire. Celte hypothèse semble con-

firmée par les considérations d'ordre anatomique et embryolo-

gique, aussi bien que d'ordre physio-pathologique. R. C.

XX. Tic du colporteur. (Spasme polygonal post-professionnel) ; par

le Dr Grasset. (Nouv. Icono01'. de la Salpétrière, nez3, 1897.)

Leçon clinique sur le cas suivant : un homme qui a exercé

longtemps la profession de colporteur. transportant chaque jour

sur son épaule gauche un fardeau de 50 kilogr., abandonne cet

état et presque aussitôt il présente un spasme par lequel il ne peut

s'empêcher de reproduire son ancienne attitude professionnelle

(élévation de l'épaule gauche et inclinaison de la tête du même

côté). Discussion diagnostique et plrysio-patbolo'ique très serrée,

tendant à démontrer que ce spasme n'est pas une manifestation

choréique, ni myoclonique, mais un tic. Et quel tic ? Non un tic

bulbo-médullaire, ni un tic mental (ou psychique proprement

dit), niais un tic polygonal, c'est-à-dire un tic « qui a les carac-

tères du psychisme, mais du psychisme inférieur, automatique ».

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53

A propos du traitement, l'auteur signale l'inefficacité des médica-

tions et des procédés chirurgicaux. Le seul traitement efficace,

c'est la rééducation : il -faut réapprendre au psychisme supérieur

à diriger son psychisme inférieur, son polygone. Comme adju-

vants : loniques, massage, électro et hydrothérapie. R. C.

XXI. L'attaque d'oputalmoplégie migraineuse; par M. L. d'Astros

(de Marseille). (Presse médicale, 20 janvier 1898.)

L'observation rapportée dans ce travail diffère, par les caractères

suivants, de l'accès de migraine ophtalmoplégique, et, tel que l'ont

décrit les auteur-, notamment en France, Chariot ; persistance des

phénomènes douloureux pendant les premiers jours de la période

paralytique; douleur occupant le front et l'occiput, sans être plus

marqué d'un côté que de l'autre ; apparilion, à la [fin de la crise,

d'une polyurie assez accentuée avec abaissement de la densité uri-

naire, du chiffre de l'urée et des phosphates, sans glycosurie, mais

avec traces d'albuminurie; production de cet accès unique, à l'âge

de soixante-neuf ans, à la suite de surmenage physique et d'émo-

tions morales, chez une personne n'ayant jamais eu de migraines

d'aucune sorte. A raison de ces particularités, l'auteur se demande

si le cas qu'il a observé est un accès de migraine ophtalmoplé-

gique authentique. En effet, à côté de la migraine ophtalmoplé-

gique et s'en distinguant parfois très difficilement, il existe de

fausses migraines (Ballet), des migraines symptomatiques, qui

peuvent être récidivantes et qui relèvent de lésions organiques

diverses.

La pathogénie de l'attaque d'ophlalmoplégie est, d'après M. d'As-

tros, vraisemblablement analogue dans la migraine et dans les

affections organiques susceptibles de la produire; selon lui, c'est

du côté des artères de l'oculo-moteur (artères terminales, éma-

nant de la cérébrale postérieure) qu'il faut chercher le point de

départ des attaques ophtalmoplégiques; celles-ci seraient dues il

l'ischémie simultanée de tous les noyaux d'origine de l'oculo-

moteur. Dans certains cas de paralysies périodiques transformées

en paralysies permanentes, les phénomènes observés pourraient

être attribués à des troubles de nutrition définitifs produits par la

répétition d'ischémies fonctionnelles dans la région des noyaux,

on à des lésions endartéritiques des artères oculu-molrices. Cer-

tains faits suivis d'autopsie, dans lesquels on a trouvé des lésions

assez circonscrites, au voisinage de l'émergence de l'oculo-moteur

commun, et que l'on a considérés comme dus à une altération du

tronc nerveux, pourraient, à raison des rapports de voisinage très

étroit du nerf et des vaisseaux, être attribués plutôt aux troubles

de l'appareil circulatoire de l'oculo-moleur, qu'aux lésions ner-

veuses elles-mêmes. Ces vues palhogéniques ont besoin d'être

54 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

vérifiées; mais la théorie qui reconnaît aux migraines et aux

attaques ophtalmoplégiques une origine vasculaire parait à

l'auteur plus satisfaisante que celles qui leur assignent une ori-

gine purement nucléaire ou purement périphérique ; elle n'est

d'ailleurs pas en contradiction avec ces dernières; elle les com-

prend, au contraire, toutes deux dans le même déterminisme,

puisque le même syslème artériel fournit à la nutrition des noyaux

et'des fibres du nerf de la troisième paire. A. FENAYROU.

XXII. IIÉNINGISAIG ET CATALEPSIE par MM. E. DuPRÉ et RABI.

(Presse médicale, 22 janvier 1898.)

Observations de deux malades qui ont présenté une association

de méningisme et de catalepsie. Chez l'un d'eux, alleint de né-

phrite interstitielle alrophique ancienne, ces syndromes, se sont

produits au cours d'une broncho-pneumonie et d'un anthrax, et la

mort a été due à un double processus d'infection et d'intoxication;

chez l'autre, un vieillard alhéromateux, méningisme et catalepsie

se sont manifestés à la suite d'une kélotomie : dans ce cas, la mort

parait avoir été déterminée par la toxi-infection cohbacillaire

d'origine intestinale consécutive à l'étranglement herniaire ; à

l'autopsie du sujet, on a constaté des altérations diffuses de séni-

lité des reins, amsi que des lésions de néphrite subaiguë récente.

Chez ces deux malades, la combinaison clinique des deux syn-

dromes, méningisme et catalepsie, peut être considérée comme le

produit naturel de deux facteurs : une toxi-infection grave (poi-

sons de l'urémie et toxi-infections terminales), et une p.édisposi-

tion psychopathique déjà prouvée par des accidents antérieurs.

Quant à la forme cataleptique des accidents cérébraux, on peut.

sans invoquer l'hypothèse de la prédominance des poisons stupé-

fiants daus l'intoxication urémique, l'expliquer par l'exagération,

sous une forme particulière, à l'occasion de l'urémie, des tendances

à la dépression et à la stupeur, antérieurement manifestées par les

malades. Dans les encéphalopathies toxiques, la forme des accidents

est déterminée, en effet, au moins amant par les dispositions psy-

chopalhiques du sujetque par les propriétés pathogènes du poison.

La coïncidence des deux syndromes n'a rien qui puisse sur-

prendre. D'une part, la disposition cataleptique a été signalée au

cours de certaines méningites; d'autre part, dans l'étiologie des

deux syndromes en question, figurent des facteurs communs, toxi-

infections, intoxications, hystérie. Tous deux paraissent dus à une

atteinte diffuse et superficielle du manteau hémisphérique. Le

méningisme serait produit par de fines lésions cellulaires, presque

toujours d'origine toxique, de la calotte grise et, aussi, sans doute.

accessoirement par des troubles circulatoires dans le réseau des

artères piales courles. Quant à la catalepsie, elle est aussi mani-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55

festement d'origine corticale; selon les auteurs, elle résulterait de

l'interruption du courant des réflexes intercorticaux par suite de

l'inhibition des centres associatifs corticaux; mais \I11. Dupré et

Rabé reconnaissent que cette hypothèse a besoin d'être vérifiée.

A. Fenayrou.

XXIII. Observation d'encéphalite aiguë primitive IIÉIfORRHAGIQUE;

par Brie. (Neurolog. Centmlb., XVI, 1897.)

Il s'agit d'une démente de trente-six ans, affectée d'hallucina-

tions de l'ouïe et de la vue à caractère pénible, désorientée, obtuse,

mais silencieuse et tranquille. Un beau jour elle mange mal, se

plaint de douleurs physiques, pâlit, s'affaisse. T. s., 38 ? m ? 3 7°,5.

Le lendemain et le surlendemain quelque amélioration; puis,

vomissements, conslipation, langue saburrale, céphalalgies, dé-

chéance intellectuelle, gâtisme, la température est normale, rien

d'anormal à l'examen. Bientôt, soudain, raideur de la nuque, la

têle étant fortement inclinée en arrière, hypermydriase gauche,

cyanose, et légère parésie des membres à gauche; le huitième jour :

T, s., 38°,2; le neuvième jour : T. m ,38°,4; P., 96.; profond assou-

pissement : T. s., 40°,5. P., 160. Finalement, dyspnée, disparition

des réflexes cornéens. Mort le soir du dixième jour. Autopsie : .-

Forte congestion des deux hémisphères. On constate, en outre,

dans l'hémisphère droit, dont ou pratique la coupe antéroposté-

rieure, une hémorrhagie du volume d'un haricot qui siège dans

la substance blanche au-dessous de l'écorce du pli courbe; tout

aulour ramollissement rougeâtre, gros comme une noix. La même

coupe de l'hémisphère gauche révèle contre les ganglions centraux

une zone triangulaire longue de 2 centimètres, ayant la forme d'une

grappe de raisin et constituée par des mouchetures (hémorrhagies)

occupant le lerritoil e du pli courbe. Hémorrhagies encore dans les

couches optiques, en foyers lenticulaires, mouchetés, punctiform.es,

entre lesquels la substance nerveuse est livide gris-ardoisé; de

même, dans les autres parties du centre ovale des deux côtés. Le

microscope montre que les vaisseaux sont gorgés de sang ; les leu-

cocytes se pressent contre leurs parois; les gaines lymphatiques,

fortement dilatées, sont pleines d'hématies et de corpuscules lym-

phoïdes ; par places, la gaine lymphatique déchirée a laissé passer

du sang exlravasé dans le tissu. Hémorrhagies minuscules surtout

nettes au niveau de ramifications vasculaires; en quelques endroits

on voit autour des vaisseaux de l'infiltration nucléaire; en d'autres,

hémorrhagies plus volumineuses et. plus nombreuses, destruction

du tissu nerveux, atrophie des fibres 'nerveuses à myéline. L'écorce,

généralement épargnée, ne présente que çà et là quelques petites

hémorrhagies autour des vaisseaux et de l'infiltration nucléaire.

Etiologie inconnue. P. ICERAYAL.

56 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

1V. Observation DE PARAlIYOCLOXUS multiple A LASUITED'U : UCCIDENT;

par SCUÜTTE. (Neurolog. C6 ? ! <tYt ? XVI. 1897.)

Individu de cinquante-deux ans ayant été précipité du premier

étage danslacavepar l'écroulementd'une voûte. Ebranlement céré-

Iii,al; rapports et examens médicaux multiples concluant à la rente

réglementaire pour cause d'accident. Cinqaus plus tard, contractions

de divers muscles et convulsions fibrillaires, symptômes listé-

ruides ; clou hystérique, émoussement de la sensibilité à la douleur,

du sens thermique, excitabilité vaso-motrice-de la peau. Puis

arrive le paramyoclonus multiple, avec tous les signes de Frie-

dreich : convulsions cloniques d'une catégorie de muscles des deux

côtés, mais non isochrones, présentant sur certains d'entre eux un

caractère plutôt fibrillaires, bien que produisant la plupart du

temps la contracture totale de l'organe musculeux. Tout se réduit

cependant dans les bras à quelques tremblements; la contraction

des muscles de la jambe provoque un léger saut. Les mouvements

voulus d'un extrémité se réfféchissent sur l'autre sous la forme de

vives convulsions musculaires. P. IER : 1V1L.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

1. Sur la valeur thérapeutique DES courants DE haute 1·Rli-

QUENCE ; par M. BERGONIÉ (de Bordeaux). (ourla. de Neurologie et

d'flypnologie, 1897, na 21.)

Il ressort de ce travail que si les courants de haute fréquence

ont une réelle valeur thérapeutique, notamment dans les maladies

de la peau et les maladies par ralentissement de la nutrition, de

nouvelles observations devront être produites pour en fixer défini-

tivement les applications. G. D.

II. La maladie DE TjIOMSEN ET son traitement; par BETCBEREW

(Térup. Wochens., nOs 21-22, 1897, Wien.)

La myolonie, ou maladie de Thomsen, a toujours été considérée

comme échappant à tout traitement. Le professeur Betcherew

publie un cas, le premier de ce genre, d'amélioration rapide et

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 57

notable, par le massage. Il s'agit d'un médecin de quarante-six

ans, avec antécédents névropathiques, mais non similaires, atteint

de myotonie ayant débuté dans l'enfance. Il se souvient d'avoir

éprouvé, étant au collège, une certaine gêne au début de tout mou-

vement, pour sortir des bancs, pour se rendre au tableau noir ou

pour prendre part aux jeux. Ses premiers pas étaient courls et

pénibles; ce n'est qu'au bout d'un moment qu'il pouvait se mouvoir

plus librement. Il éprouvait également de la gêne de la parole qui

devenait peu à peu plus aisée. Plusieurs tracés montrent la façon

dont les muscles et les nerfs réagissent à l'excitation électrique. On

trouve la « réaction rnyotonique ». Après trois semaines de traite-

ment, cette affection, datant de l'enfance, s'est considérablement

améliorée, au grand étonnement du sujet lui-même, convaincu

de l'incurabilité de la myotonie, que certains auteurs considèrent

même comme une anomalie congénitale. Les résultats si remar-

quables du massage s'expliquent du reste facilement, puisqu'il

s'agit d'une affection musculaire. et que la gêne n'existe qu'au

début des mouvements qui, en se 1 épétanl, deviennent déplus en

plus faciles. DARDE.

lIl. Extirpation double du SY1P.IllIQLE cervical pour un cas de

forme fruste DE maladie de 13ASEIJOW; par MM. CERKEZ et E. Ju-

VARA. (Presse médicale, Sa décembre 1891.)

Observation d'une jeuue fille de vingt et un ans, atteinte d'une

forme fruste de maladie de Basedow, caractérisée par un goitre très

gros et des troubles nerveux très accentués (tremblement des mains,

vertiges, sueurs, ballemenls de coeur, douleurs dans les globes

oculaires avec affaiblissement de la vue) ; l'exophtalmie et la ta-

chycardie faisaient défaut. 111AI. Cellcez et Juvara ont pratiqué sur

celle malade la résection bilatérale du sympathique cervical;

ils ont enlevé les sympathiques sur toute leur longueur, sauf les

ganglions inférieurs. Une amélioration notable s'est produite aus-

sitôt après l'opération, et, au bout de quatre semaines, la malade

a pu quitter l'hôpital; elle était alors complètement débarrassée de

tout trouble nerveux ; le goitre, encore sensible à la pression,

avait diminué de plus d'un tiers. Lesauteurs ne se prononcent pas

sur la valeur relative des diverses opérations (résection partielle ou

totale, section simple) surle sympathique cervical, proposées contre

le goitre exophtalmique

« L'élude des opérations déjà publiées ne saurait, disent-ils,

les convaincre en faveur de l'une ou de l'autre, les résultats obte-

nus étant pareils avec la section simple ou avec la résection de 3,

4, fi, 10 centimètres du sympathique, et la récidive s'observant

aussi bien avec la simple section (Jaboulay) qu'avec la résection

lolale (Soulié), » A. Fenayrou.

58 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

IV. Traitement DE l'ataxie DES tabétiques par L4 méthode DE réédu-

cation (Méthode de F1'el1kel) ; par M. M. FAURE, interne des hôpi-

taux. (Presse médicale, 8 décembre 1897.)

L'auteur expose en détail la technique du traitement de l'ataxie

des tabétiques par la méthode de Frenkel. Ce mode de traitement

'est dirigé exclusivement contre le symptôme ataxie et n'agit que

sur lui; il comporte une série de pratiques destinées il refaire

l'éducation du tabétique, à lui rendre la coordination des mouve-

ments et à l'aider à compenser les troubles ataxiques par un sys-

tème nouveau de coordination. La méthode de rééducation, encore

appelée thérapeutique compensatrice, a donné de bons résultats à

MM. Frenkei, Leyden, Hirschberg, Targowla à M. le professeur

Raymond, etc. Sur4S cas connus, dans lesquels elle a été employée,

on n'a eu que 5 insuccès. Elle est particulièrement efficace et cons-

titue la méthode de choix dans les cas où l'ataxie s'est constituée

rapidement, et où elle a atteint presque d'emblée une grande

intensité; dans ceux où l'ataxie est très accentuée alors que les

autres symptômes de tabes sont il peu près nuls et que l'état gé-

néral du malade s'est maintenu excellent ; il faut cependant que,

depuis un certain temps, la progression de l'ataxie soit tout à fait

suspendue et que celle-ci ne marque aucune tendance à l'aggrava-

tion. Les résultats seront d'autant plus rapides et utiles que le

sujet sera plus intelligent, plus jeune et plus appliqué. Le traite-

ment hygiénique et diététique doit être employé en même temps

que la méthode de rééducation. Cette méthode est contre- indi-

quée lorsque l'ataxie est en voie d'évolution croissante et rapide;

lorsque l'état général, les symptômes viscéraux, les troubles tio-

phiques offrent une gravité exceptionnelle ; lorsque le tabes s'ac-

compagne d'amaurose, de troubles intellectuels, de paralysies

réelles ou d'hypereslhésie profonde ; enfin, daus les cas de tabes

avec artropathies et fractures.

Au début du traitement, on observe souvent une amélioration

rapide, qui parait due à l'effet moral produit sur le malade par la

mise en oeuvre d'une thérapeutique qui lui rend la confiance qui

lui manquait et lui donne ainsi plus d'assurance dans ses mouve-

ments. Ensuite commence la période vraiment utile de la méthode

de rééducation où les progrès obtenus sont manifestement dus à

l'action propre des procédés thérapeutiques employés. Les résul-

tats sont tantôt définitifs, tantôt au contraire transitoires; dans ce

dernier cas, il faut recommencer périodiquement le traitement. Le

maximum d'amélioration est obtenu en moyenne après deux mois.

A. FENAYROU.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 59

V. Contribution au traitement DE l'épilepsie; par P. Flechsig.

(iVeM)'o.Cc ? ! <)-«/6 ? XVr, 1897.)

Le traitement par l'opium associé au bromure convient aux cas

qui n'ont pas été sérieusement influencés par le bromure seul

(Salzburg); l'opium doit être administré à doses prudemment pro-

gressives. Cinquante malades ont été traités jusqu'ici; six succès

éclatants viennent encore d'être obtenus; les attaques ont disparu

jusqu'à présent depuis depuis deux ans et demi. Il s'agissait d'épi-

lepsie ancienne (datant même de vingt ans) où toutes les autres

méthodes de traitement, y compris surtout le bromure, étaient de-

meurées sans résultat, avec toute espèce d'anomalies psychiques

(affaiblissemenl intellectuel simple ou nervosité, excitabilité, sen-

timents d'angoisse, hallucinations ou non), avec constitution tor-

pide généralement anémique. Il ne faut pas commencer par

l'opium associé au bromure, excepté peut-être dans les cas où il

y a eu terreurs, émotions morales, chagrins épileptogènes. Tou-

jours il faut débuter par le bromure seul ; on n'ajoute l'opium

que lorsque le bromure est demeuré inactif malgré l'intoxication

bromique. L'influence de l'opium n'est démontrée que lorsque les

mêmes doses de bromures qui, avant l'emploi de l'opium, étaient

demeurées impuissantes, arrivent à suspendre les attaques du fait

de l'introduction de l'opium. Il faut encore prescrire le repos au

lit, les irrigations intestinales, un régime spécial. Puisqu'il s'agit

d'aliénés, il est évident que l'opium supprime l'excitabilité men-

tale et l'angoisse. Il est indispensable qu'on soit aidé d'infirmiers

bien dressés. P. 11ERAV.1L.

VI. Contribution au traitement dus hémiplégiques; par S. ERBE.1;

(Nelcrolog. Centrulbl., XVI, 1897.)

Développer par des exercices appropriés les muscles chargés de

fléchir la cuisse sur le bassin et d'étendre la jambe suivant l'articu-

lation du genou, telle est la formule. On stimulera le triceps fémo-

riel, les adducteurs et le psoas-ihaque par la chaleur, le massage,

l'électricité; on fera fléchir la cuisse sur le bassin, plusieurs fois

par heure, soit dans la station debout, soit dans la station horizon-

tale ; ou, le malade étant couché, on lui élèvera la cuisse soi-même

en la laissant ensuite retomber rapidement. Puis, maintenant la

cuisse élevée, on priera le patient, assis ou couché, de fléchir et

d'étendre la jambe alternativement; on l'exercera dans la sta-

lion debout, appuyé sur la jambe malade, à fléchir l'articula-

tion du genou, ou, la même jambe malade demeurant soit bien

tendue, soit légèrement fléchie, à soulever du sol la jambe saine.

On aura soin de procéder doucement, progressivement, en inler-

calant au besoin une ou deux semaines de repos entre les exer-

60 revue DE thérapeutique.

cices. Ceux des hémiplégiques qui ont complètement cessé de

s'appuyer sur leur membre affecté essaieront peu à peu de récupérer

la fixité de ce dernier; tout d'abord s'il est nécessaire, assis sur une

chaise, la jambe pendante, ils tenteront de la mouvoir volontaire-

ment jusqu'à ce qu'ils arrivent à la flexion et à l'extension parfaite.

On n'entreprendra d'ailleurs celle gymnastique que lursqu'un ne

constatera plus de symptômes d'excitation cérébrale. Les vertiges

dont se plaignent les hémiplégiques au cours de ces séances seront

justiciables de compresses chaudes sur la têle. P. KEHAVAL.

VII. Observation d'un nain \LY1(EDÉUATEU\ traité par LES prépara-

TIONS 1HTROlDIEN\ES; par le D1' P. Jaunis. (Rev. 1)1C(l. de la

Suisse romande, 189G, n° 1.)

Observation d'un enfant dont la taille, il l'âge de seize ans et

demi, n'était que de 1 ? 13 et dont l'aspect rappelait celui de la

cachexie strumiprive. A la palpation, on ne sentait pas trace de

glande Ihyroïde. C'est vers l'âge de quatre ans que le développe-

ment physique et intellectuel de cet enfant, jusque-là normal,

commença à décliner.

A la suite du traitement thyroïdien continué pendant deux ans

la taille de cet enfant atteignit l ? 3 ? Eu même temps, le corps

prit une tournure élancée, les traits s'affinèrent, le visage devint

expressif, le teint rose, la peau lisse et moite, les mouvements

vifs, le pouls plus vigoureux, etc., etc. G. D.

VIII. Traitement DE la paralysie générale DES aliénés ; par GODDING

(Brilish médical Journal, novembre 1897.)

Rien de nouveau, qu'une statistique des résultats donnés sur des

paralytiques traités à l'hôpital de Washington par les courants

d'eau froide dans le bonnet de caoutchouc à tube spirale.

' A. Marie.

IX. LE traitement de l'ataxie par l'élongation vraie DE la MOELLE

épinière; par Gilles DE la '1·OUItE'l'fE et A. CIIIPdUL'r. (1Y0211'. Ico-

nO ! j1'. de la Salpêt1'ièl'e, n° 3, 18S7.)

Recherches anatomiques sur le rachis et la moelle, desquelles il

résulte que : z Tandis que la suspension du rachis ne produit

qu'une élongation insignifiante de la moelle, sa flexion sur un

sujet assis, les jambes étendues, produit une élongation de cet

organe de près de un centimètre, portant presque toute son'action

sur ses parties postérieures, au niveau des premières paires lom-

baires. »

Description d'un appareil imaginé par les auteurs et composé

REVUE de thérapeutique 61

essentiellement d'une fable et d'un système de courroies et de

poulies destinées : 1° à assurer l'immobilisation des membres infé-

rieurs allongés et du siège; 2° à produire, par une traction exercée

sur la partie supérieure du tronc, la flexion progressive des rachis.

Exposé des résultats thérapeutiques obtenus par cette méthode

sur 47 ataxiques : 22 ont été améliorés suivant la presque totalité

des symptômes de leur maladie; 15 ont été améliorés d'une facon

partielle; 10 seulement n'ont pas été améliorés. Le nomhre des

séances de flexion a varié, pour chaque malade, de quinze à cin-

quante, à raison de une séance tous les deux jours.

Conclusion : « Forts d'une expérience de plus de quatre ans,

nous considérons la flexion rachidienne, seul moyen d'obtenir

l'élongation vraie de la moelle, comme exempte des dangers de la

suspension et comme permettant d'obtenir chez les ataxiques un

bénéfice thérapeutique, que l'on peut estimer au double de celui,

déjà satisfant, que procurait cette importante technique. b

R. Charon.

X. Sur la thérapie hypnotico-suggestive; par Paul Ranschburg.

(Zeilsch1'i{t sur hypnotismus, t. IV, fasc. 5.)

L'auteur croit que l'hypnotisme est un agent thérapeutique

précieux dans toutes les névroses ; il ne serait jamais nuisible

quand il est bien appliqué. Lwoff.

XI. LE RÔLE de l'élément suggestif ET DES ERREURS DE la mémoire

dans LE procès DE BI : RCIITOLD; par SCHRENR-0'LIIII'G. (Zeitsch2-ift

sur hypnolismus, t. V, fasc. 2,3, 4, 5, 6.)

Le nommé Berchtold, accusé d'avoir assassiné trois femmes (vol,

mobile du crime), a été condamné à la peine de mort. L'auteur

étudie le procès qui a vivement émotionné l'opinion publique et la

presse à Munich où le crime a été commis. On n'avait pas de

preuves matérielles de la culpabilité de Berchtold; quant aux dé-

positions des témoins, elles étaient très discutables. M. Schrenk-

Notzing a fait une étude détaillée entrés approfondie de ce procès

qui intéressera certainement tous les médecins légistes et les ma-

gistrats. Lwoff.

XII. Résultats ou traitement IIYPnOTICO-SUGGESTIP dans la clientèle

DE ville; parDELiUs. (Zct(se/tt ? </Yt)' /n/p) ! 0<Mm : <s, t.V,fasc. 2, 3,4.)

L'auteur a traité par l'hypnotisme et la suggestion la constipa-

tion, la diarrhée, les troubles de la menstrualion, les douleurs

rhumatismales, la migraine, etc., et aurait obtenu de très bons

résultats. LwoFr.

62 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XIII. Polyclinique HYPNOTIQUE du professeur FonEL, A ZURICn; par

le Dol' Bauer. (Zeitschrift sur hypnotis1nUS, t. V, fasc. 1.)

Relation de quelques cas traités par l'hypnotisme dans le cou-

rant de l'été 1896. On aurait obtenu de bons résultats chez des

chlorotiques, des migraineux, des hystériques, dans la constipa-

tion, troubles de la menstruation, dans le somnambulisme spon-

tané, etc. Aucun résultat chez les aliénés. LWOFF.

XIV. Ell\'OSI3TtIE Er son traitement psychique; par 1'EGNER.

(Zeitschrift fiii, hypizotisiiiiis, V, fasc. 5.)

XV. ETUDES ET observations sur la SUGGESTION; par W.13RUGELMAN ; i

(Zeitsch1'i{t (ÜI' hypnolismus, t. V, fasc. 5.)

XVI. EMPLOI DE la douche FROIDE dans LES convulsions alcooliques; i

par Alex. Robertson. (Edin6urg Médical Journal, juillet 1897.)

Dans une étude sur les applications de l'eau froide dans la pra-

tique médicale, l'auteur rapporte plusieurs cas cliniques (aphasie

hystérique, coxalgie hystérique, rhumatisme articulai¡ avec hy.-

perlhermie), qui ont été guéris sous l'influence de l'hydrothérapie

au moyen de douches ou de la balnéation. Le cas suivant, en rai-

son de sa gravité et de l'influence manifeste de l'eau froide, mé-

rite d'être rapporté.

Il s'agit d'un homme de quarante-cinq ans, alcoolique invétéré,

pris de convulsions dans les rues de Glasgow après des excès de

boissons et amené à l'hôpital. Les convulsions sont intenses, et

plus marquées dans les membres du côté droit. Le sujet est sans

connaissance et cyauosé. L'auteur eut l'idée de recourir à ladouche

froide sur la tête. A cet effet, un récipient est placé au-dessus de la

tête et celle-ci, fixée au côté du lit, reçoit l'eau qui s'en écoule. Au

bout de dix minutes, les mouvements convnlsifs de la face avaient

disparu et le visage était moins cyanosé. Mais les convulsions per-

sistaient aussi fortes dans les membres du côté droit. Au bout de

trois quarts d'heure elles avaient diminué. La douche fut alors

suspendue.

Deux heures après, le malade vomissait une grande quantité de

liquide noirâtre. Il reposait alors dans son lit, respirant facile-

ment. On constata alors une paralysie absolue, sensitive et motrice

du bras droit, et une anesthésie incomplète de la jambe droite.

Le lendemain ces troubles disparaissaient, mais le malade pré-

sente de l'aphasie. Le surlendemain, cette aphasie disparait à son

tour et le malade, absolument [guéri, se trouve dans son état

normal.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 63

Il s'en faut que l'abus du whisky donne lieu à des accès con-

vulsifs comme en produit si fréquemment l'absinthe. Mais il n'est

pas très rare d'observer des buveurs pris de convulsions nou-

épileptiformes, qui guérissent pour reparaître à l'occasion de

veaux excès. La répétition de ces attaques peut amener le sujet

à l'épilepsie définitive, bien que le fait soit rare. Il est rare, en tout

cas, de voir des accès convulsifs aussi intenses et aussi prolongés

que dans le cas rapporté par l'auteur.

L'état du sujet était tel que la mort semblait imminente. Il était

difficile d'établir un traitement rapidement actif. Le chloroforme

et le chloral, utiles en certains cas, étaient ici contre-indiqués; ils

n'auraient fait qu'accentuer la dépression du système nerveux. Le

seul traitement qui put être efficace eût été la saignée. Mais la

saignée du bras était impossible à cause des convulsions. Comment

a agi l'eau froide ? Probablement en stimulant le système nerveux

par excitation réflexe périphérique.

Cet heureux résultat obtenu par la douche froide prolongée per-

met de se demander s'il ne serait pas utile d'y recourir dans les

accès convulsifs d'autre origine, tels que l'épilepsie, l'éclampsie,

l'urémie. Ce cas démontre encore qu'un poison circulant dans le

sang peut non seulement porter ses effets sur un système de l'or-

ganisme à l'exclusion des autres, mais encore affecter davantage

une portion de ce système. La prédominance des convulsions d'un

côlé du corps indique, en effet, qu'un hémisphère a été touché plus

que l'autre. P. l3Er.L.Y.

XVII. LE traitement médical du torticolis mental; par E. FEIaDEL.

(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n" 6, 1897.)

Le tic rotatoire de la tête appelé par Brissaud « torticolis mental »

est le résultat d'un spasme toniclonique des muscles rolateursde la

tête, manifestation monosymplomalique éclose dans un terrain pré-

paré, sous l'influence d'une cause déprimante quelconque et à l'occa-

sion de contractions musculaires répétées Le tic est-il « un acte auto-

maliquecoordouuéetpar conséquent d'origine coricale» (Brissaud),

ou bien esl-il d'origine « poylgouale, sous-corticale (Grasset) ? Pro-

cède-t-il dupsychisme supérieur, on du psychisme inférieur ? Sans

prétendre trancher laquestion, l'auteur fait remarquer que« tous les

actes automatiques, c'est-à-dire inconscients, ont été, à un moment

donné, voulus, calculés, psychomatiques, c'est-à-dire conscients ».

Quoi qu'il en soit, devant la gravité reconnue du pronostic du torti-

colis mental, l'auteur a élé amené à appliquer sur quatre malades,

d'après les indications de Brissaud, un traitement méthodique qui

est une véritable rééducation et qui consiste en exercices très

simples et gradués d'immobilité et de mouvements : efforts d'immo-

bilisation de la tête, du tronc et des membres, fixation du regard,

64 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

flexion et extension alternatives et progressives. Tous ces exercices

sont, bien entendu, subordonnés à une bonne volonté et à une

docilité constantes de la part du patient. Ils doivent être exécutés

par séances de nombre et de durée croissantes, ayant lieu chaque

jour aux mêmes heures; chaque séance durant de deux à dix

minutes au maximum et devant toujours être suspendue au

moindre signe de fatigue. Résultat du traitement : deux succès

*chez deux malades dociles, deux insuccès chez les deux autres ma-

lades indisciplinés. il. C.

XVIII Maladie DE Basedow datant de huit MOIS, traitée par L.1 TIIY-

ROïDECI'0311E partielle; mort; autopsie avec examen histologique

DES ORGANES; DISCUSSION sur la valeur des LÉSONS thyroïdiennes;

par le De SOUPAULT.

L'observation rapportée en détail par l'auteur a déjà fait l'objet

d'une note du professeur Debove, à la Société médicale des hôpi-

taux, et d'un travail de M. Lejars, à la Société de chirurgie, ces

auteurs s'étant surtout attachés dans leurs communications, à mon-

trer les dangers de la thyroïdectomie dans le goitre exophtalmique.

Il s'agit d'une jeune fille de dix-huit ans, atteinte depuis huit

mois du syndrome de Basedow, absolument pur de toute compli-

cation, et de toute association morbide. L'intensité des symp-

tômes, surtout de la tachycardie, l'échec de toutes les médications

successivement essayées, la situatiou sociale de la malade dtéer-

minent le chirugien à intervenir. On pratique une thyrollectomie

partielle ; la malade meurt le soir même avec des accidents d'as-

phyxie aiguë.

A l'autopsie, on constate que la mort ne peut être attribuée à une

faute opéraloii-e : elle semble due à une congestion aiguë du pou-

mon peut-être aggravée el favorisée par des lésions cardiaques.

D'autre part, le système nerveux est absolument indemne. Le

thymus, très notablement hypertrophié est le siège en plusieurs

points d'une prolifération épithéliale dont il est difficile de dire

l'origine et la signification. Le corps thyroïde offre des lésions

accentuées; il existe une hyperplasie considérable du parenchyme

glandulaire; dans toute la glande les vésicules sont augmentées de

nombre et l'épithélium qui les tapisse, au lieu d'être pavimenteux,

est formé de cellules cylindriques assez hautes, disposées sur une

ou plusieurs couches. Dans la lumière de ces vésicules, la subs-

tance colloïde est moins abondante qu'à l'état normal.

Le tissu interstitiel, à peine existant en certains points, est assez

développé en d'autres. L'apparence microscopique du tissu thyroï-

dien rappelle à s'y méprendre celle d'un adénome. Il semble

qu'on puisse concevoiri'évoiution anatomique du goitre basedovuen

delà façon suivante : au début, sous une influence inconnue, peut-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE 65

être en raison d'une circulation plus active, l'élément glandulaire

acquiert un développement exceptionnel.

Secondairement, sous l'influence de ce travail irritatif, le tissu

interstitiel réagit, se développe, devient exubérant et étouffe l'élé-

ment glandulaire qui persiste par places sous forme de kystes ou

de nids cellulaires.

Quelle est la signification de l'hyperplasie épithéliale ? On est

tenté de la considérer comme devant entraîner fatalement une

augmentation de la sécrétion. Or, les investigations anatomiques

et physiologiques ne confirment en rien cette théorie de 1 hyper-

tliyroïdation à l'aide de laquelle on voulait expliquer le syndrome

de Basedow etles lésions thyroïdiennes paraissent en réalité être la

conséquence et non la cause de la maladie de Basedow. (Revue

neurologique, novembre 1897.) E. B.

XIX. Discussion SUR LE crétinisme sporadique, sa fréquence EN

ANGLETERRE ET son traitement. (British Médical Society, B1'itisch

médical Journal, 12 septembre 1896.)

Près de cent photographies et un groupe nombreux de malades

ont été présentés; dix figurent au journal, montrant les crétins

avant et après le traitement thyroïdien.

Le Dr Parker a présenté 60 cas. M. Telfort-Smitli étudie plus

spécialement l'idiotie mongolique et l'action d'extrait thyroïdien sur

la température. John Thomson montre l'action thérapeutique

variable selon que l'on a affaire à des crétins enfants, adolescents

ou âgés. Chez les seconds le développement complémentaire con-

sécutif ne s'obtient plus que pour le tronc et les membres supé-

rieurs, encore le bassin ne se modifie-t-il guère. Au point de vue

mental on note toujours au moins un bien-être, une satisfaction

plus expansive des malades, qui cessent d'être moroses, concentrés

et tristes. V. Ilorsley présente une photographie de crétinisme

intra-utérin. La suite de la discussion a trait à l'étiologie et à la

géographie médicale de l'affection. A. M.

CONGRÈS des MÉDECINS aliénistes ET neurologistes. - Nous rappe-

lons à nos lecteurs que la neuvième session de ce congrès se réu-

nira, le 1CI' août, à Angers. Secrétaire-général : D1' PETRUCCI,

médecin, directeur de l'asile Sainte-Geneviève, par Angers.

Archives, 2e série, t. VI. 5

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 6 juin 1898. Présidence DE M. nIEURIOT.

Présentation d'instruments. M. TOULOUSE présente un pupillo-

mètre se composant d'un monocle en verre divisé en quadrilatères

d'un demi-millimètre et permettant, quand il est à une distance

convenable de la pupille, d'en mesurer la dimension.

LE Secrétaire général donne lecture d'une réponse de MM. Mai-

ret et Vires à la communication de M. Ballet sur la paralysie

générale. MM. Mairet et Vires déclarent que, dans leur livre sur

l'étiologie de la paralysie générale, ils se sont laissé simplement

diriger par les faits, sans avoir jamais eu aucune idée préconçue

au sujet de sa nature. Ils ne comprennent pas la critique que

M. Ballet fait des statistiques hospitalières. Ils les ont établies

consciencieusement et se défendent d'avoir commis aucune erreur

de diagnostic dans les observations qu'ils ont publiées. '

M. Ballet. MM. Mairet et Vires émettent sur la valeur des

statistiques hospitalières une opinion contraire à la mienne ; je

n'en persiste pas moins à déclarer que rien n'est plus trompeur

que ces sortes de statistiques. Qui nous départagera ? Ils affirment

aussi ne pas avoir commis d'erreurs de diagnostic. Pour nous faire

partager leur conviction, il eût mieux valu, au lieu de procéder

par affirmation, nous démontrer que leurs quatre premières

observations de paralysie générale arthritique, s'appliquent

bien réellement à des paralytiques généraux. Il n'est pas un

seul membre de notre société qui puisse considérer ces malades

comme tels. MM. Maire ! et Vires prétendent aussi qu'ils ont pro-

cédé à leur enquête sans aucune idée préconçue, j'en suis fort

aise pour eux ; mais je crois alors à une fausse interprétation

des cas qu'ils ont observés..

M. ARNAUD expose, à propos de la communication de M. Ballet,

qu'en conséquence de l'incerlitude des résultats de l'anatomie

pathologique (opposition des théories interstitielle et 1)(ii-eiteltyni(t-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 67

teuse), la clinique peut fournir des probabilités en faveur de l'une

ou l'autre. Il pense que le début habituel de la. maladie par des

troubles psychiques, est de nature à faire admettre l'antériorité

des lésious nerveuses. -

En ce qui concerne les rapports de la syphilis et de la paralysie

générale, il dit qu'à Vanves M. Falret et lui retrouvent presque

toujours la syphilis dans les antécédents des paralytiques hommes.

Chez les femmes, ils n'ont pas vu depuis plus de dix ans un seul

cas de paralysie générale ; une fois seulement ils l'ont soupçonnée,

et précisément cette femme était une femme galante et très pro-

bablement syphilitique. Si ces faits, pas plus que les statistiques

antérieures, ne démontrent mathématiquement que la syphilis est

la cause de la paralysie générale, au moins donnent-ils à cette

hypothèse une base solide qui fait défaut à toutes les autres.

La cause principale des divergences qui règnent au sujet de' la

paralysie générale lui paraît résider dans l'extension abusive de ce

terme d'ailleurs très défectueux. On oublie souvent que le diagnos-

tic exige la réunion des symptômes somatiques et mentaux, et de

plus que ces symptômes ne sont pas quelconques, qu'ils sont clini-

quement spécialisés, soit par leur physionomie même, soit par leur

groupement, soit enfin par leur évolution. Il estime que l'élément

essentiel du diagnostic, dans les cas difficiles, repose sur la déter-

mination rigoureuse de l'état de démence ; cette démenée si pro-

fonde dès le début, si généralisée, présente des caractères particu-

liers qui la distinguent de tous les autres états démentiels ; elle

constitue un véritable stigmate paralytique. C'est pour n'avoir pas

tenu compte de l'ensemble des symptômes nécessaires que l'on a

décrit à tort des paralysies générales sans aliénation, sans démence,

des paralysies secondaire, athéromateuse ou arthritique, sans lésions

anatomiques, etc. Et ce sont ces faits, indûment rapportés à la z

paralysie générale, qui ont créé la confusion actuelle. Le seul

moyen d'y mettre fin est de ne décrire sous ce nom que des' càs

semblables, en rapport avec des lésions anatomiques déterminées,

et de réserver tous les cas douteux jusqu'à ce que la vérification

anatomique ait indiqué la place qu'ils doivent légitimement occû-

per.

M. TOULOUSE demande si M. Arnaud met la paralysie générale

sans délire au même plan que les paralysies générales arthritiques.

Les premières sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne croit ; quant

aux secondes, elles sont plus qu'hypothétiques.

M. ARNAUD admet l'existence de paralysie sans délire, mais ne la

croit pas très fréquente.

M. Charpentier. L'inconscience du malade à propos de l'em-

barras de sa parole, embarras dont il ne s'aperçoit pas, est un bon

signe de paralysie générale sur lequel les auteurs ont peu- Insisté.

68 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. CHRISTIAN pense que ce qui est surtout caractéristique, c'est

la forme du délire. Quelle que soit la condition sociale du para-

lytique, son délire est le même et ne peut être confondu avec

celui d'aucun autre vésanique.

M. Vallon est étonné d'entendre dire par M. Arnaud que la

paralysie générale sans délire est rare. Sans pouvoir apporter de

chiffres précis, il estime que le tiers des paralytiques généraux de

son service ne délire pas.

M. ARNAUD a observé comme M. Charpentier que les paralytiques,

même médecins, n'avaient aucune conscience de leur bredouille-

ment. Il croit, comme M. Christian, que le délire paralytique est

toujours identique à lui-même ; mais il se sépare de M. Vallon en

ce qui concerne la fréquence de la méningo-encéphalile sans délire.

M. BRIAND. On pourrait mettre facilement d'accord MM. Val-

lon et Arnaud : leur divergence provient de ce qu'ils prennent

leurs observations dans des milieux différents. Dans les familles

riches on garde le paralytique qui ne délire pas, parce que rien ne

s'oppose à ce qu'il soit surveillé et soigné à domicile. Il n'est, par

conséquent, placé que rarement dans. les maisons de santé privées

où M. Arnaud ne l'a que peu rencontré. Dans la classe nécessiteuse

au contraire, qu'il délire ou ne délire pas, on est obligé de s'en

débarrasser, parce qu'il constitue une bouche inutile etqu'en outre

la famille n'a pas les moyens de le faire surveiller. Il entre donc

à l'asile public où il n'est pas douteux que la paralysie générale

sans délire est très commune. J'ajouterai que la forme et la marche

de la démence de la paralysie générale ont une importance au

moins égale à celle des signes physiques.

M. TOULOUSE. En dehors des signes démentiels, il n'y a, dans

les cas douteux, qu'à attendre l'apparition de l'inégalité pupillaire

et de l'hésitation dans la parole.

M. ARNAUD. - Leur constatation ne suffit pas, il faut encore que

la démence se soit affirmée, pour qu'on soit autorisé à porter le

diagnostic de paralysie générale, Marcel BRI\ND.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du 20 février 1898.

L. 1111N0R. -- Sur un trouble moteur qui accompagne la douleur

lombaire (traumatisme, lombago, carie, etc.), et la névralgie scia-

tique. ,

L'auteur attire l'attention sur la valeur des troubles moteurs

SOCIÉTÉS SAVANTES. 69

(dyskynésies) qui accompagnent diverses douleurs et névralgies et

qui constituent des symptômes objectifs très précieux pour le dia-

gnostic.

Une attention particulière doit être accordée aux dyskynésies

pathognomoniques de telle ou telle algie.

M. Minor, se basant sur ses nombreuses recherches, montre que

pour la douleur lombaire de n'importe quelle origine, pourvu

qu'elle soit bilatérale, ce qui est caractéristique, c'est la façon dont

le malade se lève du parquet, analogue à celle de la pseudo-hyper-

trophie musculaire progressive. En effet, le malade atteint de lom-

bago et assis par terre, procède pour se lever en renversant le

corps en avant et en se mettant à quatre pattes, puis redresse gra-

duellement le tronc en appuyant les mains sur les jambes.

Dans la névralgie sciatique, la façon dont le malade se lève n'est

pas moins caractéristique : il appuie solidement les deux mains par

terre, déplace le bassin et les jambes pliées dans les genoux en

arrière, entre les deux bras écartés, et se redresse ensuite, en déta-

chant une main qu'il fait balancer dans l'air, tandis que l'autre

s'appuie d'abord sur le parquet, ensuite sur le genou. Cette der-

nière façon de se lever s'observe accidentellement dans d'autres

cas de douleurs unilatérales de l'extrémité inférieure, de même

que parfois dans les algies lombaires unilatérales. M. Minor ter-

mine en faisant ressortir la valeur de ces signes dyskynésiques dans

le diagnostic des simulations. .

A la discussion prennent part MM. ROTH, ROSSOLIMO, KORNILOFF et

IOJE\PNI60V.

W. MOURATOW. Etudes expérimentales sur l'action simultanée

des toxines diphtéritique et streptococcique sur le système nerveux.

Il existe une opinion d'après laquelle l'infection streptococcique

dans la diphtérie joue presque le même rôle que celle causée par

le bacille de Lhffler. Il est donc nécessaire d'étudier l'action isolée

et combinée de chacune de ces deux infections sur le système ner-

veux. '

I. Sous l'influence de la toxine diphtéritique, injectée aux

cobayes, on constate tout d'abord des lésions graves dans les cel-

lules motrices des cornes antérieures de la moelle : les cellules se

tuméfient ; les granulations chromatophiles s'émiettent et se rédui-

sent en poussière ; de nombreuses vacuoles se forment à la péri-

phérie et dans les prolongements de la cellule, et ces vacuoles pro-

duisent une destruction profonde de la substance achromatique.

Le noyau prend la faculté de se colorer au bleu de méthylène, et

à la longue, toute la cellule s'atrophie. Les altérations des nerfs

périphériques n'apparaissent qu'au bout de quatre à six semaines

après l'injection, et entraînent des paralysies motrices. Il est à sup-

70., SOCIÉTÉS SAVANTES.

poser que les névrites sont secondaires et relèvent du trouble de la

nutrition des cellules motrices.

IL.- .Sous l'influence des injections répétées des cultures strep-

tococciques, on constate des altérations disséminées de lasubstance

blanche du système nerveux central, et des lésions systématiques

des racines postérieures et des cordons postérieurs de la moelle. Les

altérations des cellules des ganglions intervertébraux sont insigni-

fiantes, ce qui permet de présumer l'action directe du streptocoque

sur la fibre nerveuse. Les lésions des cellules des cornes antérieures

ne sont pas caractéristiques : on remarque parfois une tuméfac-

tion et une irrégularité dans la disposition des corpuscules de Nissl,

parfois un certain degré de chromatolyse. Les nerfs périphériques

ne révèlent pas de lésions bien nettes. Les altérations de la subs-

tance blanche de la moelle ont été constatées presque exclusive-

mont par la méthode de « formol-méthylène» ; celle de Marchi n'a

pas donné de résultats précis.

III. Les effets pathologiques produits par l'action simultanée

des toxines diphléritique et streptococcique, sont constitués par l'ad-

dition des actions de chacun de ces agents à part. En terminant,

M. Mouratow émet l'opinion que l'étude de l'état de la substance

chromatophile de la cellule n'a pas autant d'importance, par elle-

même, que par rapport à l'état général de la cellule, et surtout en

tant qu'une indication de l'état de sa nutrition.

A la discussion qui a suivi cette communication, M. Mouratow

ajoute .que le ? altérations qu'il a trouvées dans les cellules de la

moelle dans les cas des paralysies diphtéritiques doivent être consi-

dérées comme secondaires, en rapport notamment avec les altéra-

tions des nerfs périphériques.

X.-K. BouscH. Méthode de coloration de dégénérations du système

nerveux par l'acide osmiqtte.

La méthode de Marchi présente plusieurs défauts techniques,

parmi lesquels le plus important est la faible pénétration de l'acide

osmique dans la substance nerveuse. L'acide osmique est une com-

position très peu stable. Au contact avec une parcelle de cerveau,

il se décompose rapidement, en déposant de l'osmium métallique

de préférence à la périphérie de la préparation. Par contre, si l'on

mélange la solution d'acide osmique avec de l'iodate de soude

(NaI03), celui-ci empêche l'acide osmique de se décomposer trop

vite, ce qui lui permet de pénétrer plus facilement dans la profon-

deur de la préparation. La. méthode de coloration consiste donc

dans ceci. :

La préparation, durcie dans la formaline, de 1 à 1 1/2 centi-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 71

mètre d'épaisseur, est immergée dans une solution composée

de :

z SOCIÉTÉS SAVANTES.

ciennes brûlures. L'annulaire droit se trouve en état de contrac-

ture (flexion forcée) par suite d'une ancienne tendovaginite. : La

surface palmaire du pouce droit présente une cicatrice profonde,

vestige d'mie ancienne inflammation des tissus profonds. Toute la

région anesthésiée est le siège d'une éruption eczémateuse ; par

place, on voit de nombreuses bulles remplies de sérosité ou de

pus. Troubles vasomoteurs sous forme d'apparition de taches bleu-

foncées, et de sensation de froid aux membres. Les réflexes cuta-

nés sont légèrement allaiblis aux membres supérieurs, principale-

ment du côté droit. Aux membres inférieurs, on constate au

contraire une légère exagération du réflexe rotulien du côté droit.

Légère diminution de l'excitabilité électrique neuro-musculaire du

membre supérieur droit. Les sphinctes sont intacts. Etat quelque

peu atrophique des organes pelviens internes (utérus et ovaires).

Les autres organes internes ne présentent rien d'anormal.

Il n'est pas douteux qu'il s'agit dans ce cas d'une syringomyélie

de la partie cervicale et dorsale supérieure de la moelle (anesthésie

partielle et troubles trophiques). Ce qui est intéressant dans cette

observation, c'est d'abord l'absence d'amyotrophies du côté du

bras gauche et du thorax, ce qui est un phénomène assez rare

dans la syringomyélie (voir les cas analogues de Rossolimo et de

Korb, où à l'autopsie les cornes antérieures ont été trouvées nor-

males). Une autre particularité, plus intéressante encore de ce cas,

c'est l'hypertrophie totale de toute l'extrémité supérieure droite.

Des cas semblables ont été décrits par Marie et Alaixuer sous le

nom de chéiromégalie, et par Schlesinger, sous le nom de syrien-

gomélie avec 7 ? 2ac ? ,osotnie. .

La question de pathogénie de ce phénomène, à savoir s'il s'agit

d'un phénomène trophique ou vaso-moteur reste encore ouverte.

Discussion. Le professeur Kojewnikow n'admet pas qu'il

s'agisse chez la malade présentée d'un phénomène 'de nature

acromégalique. L'hypertrophie de l'extrémité supérieure droite

peut être expliquée par l'affection des articulations avec oedème et

hypertrophie concomitante des tissus mous. D'autres remarques

sont faites par MM. Préobrajenski et Rossolimo.

Le D'' Scndrr présente un malade âgé de vingt-un ans avec des

phénomènes très accentués d'infantilisme, Une communication plus

détaillée sera faite à ce sujet dans une des prochaines réunions de

la Société.

Dr W.-A. SAMGUINE. Un cas de lèpre anesthésique avec autopsie.

Le malade était un habitant du gouvernement de Moscou où la

lèpre s'observe très rarement.

La durée de l'affection était de dix ans. Vers la fin de sa vie,

l'anesthésie s'était propagée à toute la surface du corps à l'excep-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 73

lion d'une petite région quadrangulaire comprise entre les deux

omoplates. Dissociation de la sensibilité, avec, pourtant, affaiblis-

sement du tact. Paralysies dans les domaines des nerfs cubital,

médian, péroné et facial. Panaris analgésiques. Pas de déforma-

tions. Tache caractéristique cutanée.

Examen microscopique. Dans la peau on trouve des infiltra-

tions en îlots, autour des vaisseaux, avec des bacilles dans les infil-

trations récentes. Les nerfs présententdes infiltrations spécifiques ; 1

le nerf cubital en est rempli sur tout son trajet, jusqu'au plexus

axillaire, de même le nerf péroné. Par suite des névrites intersti-

tielles très prononcées, les fibres à myéline ont complètement dis-

paru dans ces nerfs. Les bacilles se trouvent dans les infiltrations

en quantité peu nombreuse, pas partout. Dans les racines posté-

rieures on trouve une dégénération secondaire ascendante. Dans

les cordons de Goll, la dégénération est surtout prononcée au

niveau de la partie cervicale de la moelle. Les cellules des gan-

glions et des cornes présentent une pigmentation plus prononcee

qu'à l'état normal, pas de bacilles. Pas d'altérations lépreuses

dans les autres organes internes.

L'auteur pense que son observation confirme l'opinion d'après

laquelle les névrites lépreuses se développent à la suite de la péné-

tration immédiate des bacilles de la peau dans les nerfs périphéri-

ques ; des altérations des racines et de la moelle ne sont que

d'ordre secondaire. Ce qui reste inexplicable, c'est le fait que dans

la lèpre anesthésique, de petites quantités de bacilles sont sus-

ceptibles de provoquer des névrites très étendues, tandis que

celles-ci font défaut dans la forme tubéreuse de lèpre, où la quan-

tité de bacilles est souvent beaucoup plus considérable.

Discussion. M. Rossolimo, en se basant sur le fait que la quan-

tité de bacilles dans la lèpre anesthésique est peu considérable, et

sur quelques autres données de la littérature, admet l'influence

chronique sur les nerfs non seulement des bacilles eux-mêmes,

mais aussi des toxines élaborées par ces bacilles. D'autres remar-

ques sont faites par MM. Muratow et WERZILOFF.

Secrétaires des séances : S. OIILOVSKY et G. Rossolimo.

Adolescent assassin. « On nous télégraphie d'Albi qu'un

apprenti tapissier de Lavaur, Elie Rieuverguet, âgé de seize ans, a

assassiné la femme de son patron, Mme Colin, âgée de trente-neuf

ans. Cette dame se trouvait dans sa propriété; le jeune bandit la

suivit, se précipita sur elle pendant qu'elle lui tournait le dos, lui

asséna un coup sur la tête et l'étrangla. Rieuverpnet a fait des

aveux complets. Il a été écroué à la maison de Lavaur. (Le Temps,

18 juin.)

BIBLIOGRAPHIE.

1-. La Paralysie géné7·ale (Etiologie, Pathogénie, Traitement); par

MM. le professeur MAIRET (de Montpellier), correspondant de

l'Académie de Médecine, et le Dr Vires, chef'de clinique.

Le livre que MM. Mairet et Vires viennent de consacrer à l'étude

de la paralysie générale constitue une oeuvre scientifique d'une

haute importance, car il est l'expression d'un très grand nombre

de faits cliniques soigneusement analysés et groupés; c'est dire

qu'il est éminemment personnel,' et l'intérêt qui s'attache à toute

idée personnelle s'accroît ici de l'autorité'de ses auteurs.

Le terme de paralysie générale s'applique à une conception cli-

nique et anatomique. C'est le côté clinique qui a permis à

MM. Mairet et Vires de faire de la paralysie générale une étude

étiologique et pathogénique. z

Dans la première partie de leur livre, MM. Mairet et Vires ana-

lysent pour chaque observation le facteur considéré comme

étiologique, se demandent si son rôle étiologique est réel et

quelle est son importance ; passant ensuite de cette cause au

mécanisme par lequel elles fait la maladie, ils pénétrent pour

chaque cas sa pathogénie; passant enfin à l'expression symptoma-

tique, ils cherchent si l'action de la cause ne donne pas à

chaque cas clinique un cachet spécial.

De cette délicate analyse devait sortir forcément une vue synthé-

tique : c'est la deuxième partie.

Enfin, essayer de pénétrer la pathogénie de la paralysie géné-

rale appelait un complément, presque un corollaire thérapeu-

tique : c'est la troisième partie du travail.

I. La précision de l'étiologie semblait devoir se heurter à un

ensemble de causes difficiles à séparer comme effets; cependant

dans quelques observations il n'y a qu'un seul facteur étiologique;

dans la plupart, où les antécédents pathologiques sont multiples,

la présence de l'un des facteurs étiologiques rencontrés dans

d'autres observations à l'état isolé, permet de présager l'impor-

tance du rôle de ce facteur. · ,

Dans plusieurs observations, l'hérédité arthritique a produit la

paralysie générale, et cela, par l'intermédiaire de la sénilité anti-

bibliographie. 75

cipée, comme l'indique l'état du système circulatoire, et comme

l'indique la symptomatologie qui a toujours été celle de la paralysie

générale sénile. Quant aux autres circonstances relevées dans le

passé de ces malades, telles que les émotions morales, le trauma-

tisme, les infections, la cérébralité, elles ne constituent pas des

causes de fonds de la maladie, mais elles localisent, du côté du cer-

veau, le processus morbide réalisé par la diathèse. La caractéristi-

que clinique de cette paralysie générale diathésique, c'est la rareté

et la fugacité du délire des grandeurs, c'est la précocité et l'inten-

sité de la démence, faisant en quelque sorte de celle paralysie

générale diathésique une véritable démence paralytique ; c'est

enfin l'existence de troubles de la nutrition, faisant ici une

rapide dénutrition, ailleurs une sénilité progressive. L'interpréta-

tion pathogénique de ces faits réside dans l'action de la diathèse

produisant un état dégénératif, régressif de l'ensemble de l'éco-

nomie, une sénilité anticipée.

Sous le nom d'hérédité cérébrale, MM. Mairet et Vires compren-

nent les différentes lésions organiques du cerveau rencontrées chez

les ascendants, telles que la paralysie générale, les ramollisse-

ments cérébraux suivis de démence, les attaques d'apoplexie. Cette

hérédité ainsi comprise peut-elle être une cause de paralysie géné-

rale ? L'hérédité similaire parait susceptible de produire chez le des-

cendant une prédisposition aboutissant à la paralysie générale, mais

les auteurs ne possèdent qu'une seule observation de paralysie

générale héréditairement transmise; les observations sont plus

nombreuses d'hérédité cérébrale par ramollissement créant chez

les descendants une prédisposition à l'égard de la paralysie géné-

rale ; enfin, des observations plus nombreuses encore montrent que

la cérébralité, née d'une hérédité par attaques, peut être une cause

de paralysie générale. L'étude clinique établit que les paralysies

générales, par ramollissement chez les ascendants, ont les allures

de la paralysie générale sénile et que les paralysies générales nées

de l'hérédité par attaques ont les allures de la paralysie générale

ordinaire avec prédominance nette de la déchéance de la cellule

cérébrale. L'interprétation pathogénique de ces faits doit être cher-

chée dans l'inflammation des vaisseaux et la moindre résistance

de la cellule cérébrale.

L'hérédité alcoolique est aussi une cause pathogène puissante de

paralysie générale, et la paralysie générale est alors précoee,'puis-

qu'elle peut apparaître dès l'époque de la puberté; sous cette

même influence, si la paralysie générale survient plus tard, elle est

due à une sénilité anticipée.

Il était plus intéressant encore de fixer la part qui revient à l'al-

coolisme du sujet dans le développement de la paralysie générale.

Les recherches expérimentales de Mairet et Combemale avaient

antérieurement établi que l'alcoolisme chronique peut produire la

76; bibliographie.

paralysie générale; la clinique a confirmé les résultats de l'expéri-

mentation. L'alcoolisme chronique produit la paralysie générale

vraie, mais il ne la produit pas d'emblée; il va une longue période

préparatoire. De plus, cette paralysie générale est à marche lente,

comporte des rémissions, des intermissions, peut-être même des

guéiisons. Le lien qui unit.la paralysie générale à l'alcoolisme

chronique se trouve dans un double processus de dégénération el

d'inflammation.

Les conditions étiologiques précédemment examinées en regard

de leur produit supposé, la paralysie générale, ont été admises au

rang de causes pathogènes. Les apparences sont que la syphilis

pourrait être envisagée de même. En réalité, il n'en est rien; il

s'agit dans ces cas d'une paralysie cérébrale à forme de paralysie

générale, ou mieux d'une paralysie généralisée syphilitique.

L'hérédité tuberculeuse, lorsqu'elle existe isolément, ne doit pas

non plus être considérée comme un facteur de paralysie géné-

rale. 1

L'influence de l'hérédité mentale et nerveuse, sur laquelle les

avis sont diffécents, devait à son tour être appréciée. Pour

MM. Mairet et Vires, cette hérédité mentale comprend « les cas

dans lesquels on rencontre chez les ascendants des malades, soit

une aliénation mentale, soit ces tares graves morales, comme des

sentiments de jalousie poussés à l'excès, qu'on confond générale-

ment, au point de vue héréditaire, avec l'aliénation mentale, soit

une des grandes névroses, épilepsie, hystérie». L'opinion de

MM. Mairet et Vires est que celle hérédité apporte sa note dans le

concert symptomatique, mais qu'elle ne joue aucun rôle étiolo-

gique et pathogénique dans la réalisation de la paralysie géné-

rale.

Quant aux infections aiguës, incapables de créer de toutes pièces

la paralysie générale, elles créent une prédisposition ou consti-

tuent une provocation. La symptomatologie dans l'un ou dans

l'autre cas se marque de phénomènes de dépression, et la clinique

et l'anatomie pathologique décèlent l'artério-sclérose.

Le traumatisme et les excès divers ne conduisent à la paralysie

générale que sur un terrain préparé. Quant à l'ataxie locomotrice,

elle ne saurait être mise en cause.

Toutes les statistiques établissent que la paralysie générale est

plus fréquente chez l'homme que chez la femme. Mais si l'on prend

la peine d'examiner ces statistiques et de faire le départ de ce qui

revient à l'alcoolisme, que l'on sait atteindre presque exclusive-

ment les hommes, on trouve que la paralysie générale se ren-

contre aussi fréquemment chez la femme que chez l'homme, et

MM. Mairet et Vires peuvent voir très justement dans cette propor-

tion une confirmation de leur manière de voir sur l'influence des

causes pathogènes.

BIBLIOGRAPHIE. 77 Î

IL De cette longue élude analytique, la synthèse devait se faire

d'elle-même, et montrer, en un saisissant résumé, que l'arthri-

tisme, la cérébralité, l'alcoolisme, les excès divers, les causes

morales, le traumatisme, les infections ont à l'égard de la para-

lysie générale un rôle étiologique manifeste, qu'il y a doute pour

] : hérédité alcoolique et pour l'hérédité tuberculeuse et qu'enfin la

syphilis et l'hérédité mentale et nerveuse ont un rôle absolument

nul. '

Abordant la genèse de la paralysie générale, les auteurs la résu-

ment de la façon suivante : « 1° Les causes pathogènes hérédi-

taires créent chez le descendant une prédisposition qui, dans cer-

tains cas, représente un véritable senium proecox, qui toujours

indique une moindre résistance organique, d'où le nom de méio-

nexie que nous avons proposé pour le désigner d'une manière

générale sans rien préjuger de son fond; 2° la méionexie repré-

sente ou bien une tare directe du système nerveux, comme dans

l'hérédité cérébrale, ou bien est l'expression d'un état général,

d'une sénilité en voie d'évolution produite soit par l'arthritisme,

soit par une tare héréditaire modifiant la résistance vitale de l'en-

semble de l'organisme; 3° la méionexie aboutit à la paralysie

générale ou par le processus de la sénilité, ou par un processus

d'inflammation et de dégénération banales. Mais, dans l'un et

l'autre cas, ces processus réalisent les mêmes lésions d'inflamma-

tion diffuse et de dégénération cellulaire, et, par suite, le tableau

clinique de la maladie reste le même dans son fond.» S'il s'agit des

causes acquises, malgré la non-identité du processus, on retrouve

l'imité clinique de la paralysie générale.

Derrière cette unité clinique, que trouve-t-on comme travail

anatomique ? On trouve que «la dégénération est à la base du

travail anatomique de la paralysie générale. L'inflammation qui

caractérise ce travail n'est donc pas une inflammation franche,

c'est une dégénération inflammatoire, ou, si l'on veut, une inflam-

mation dégénéralive qui, dès le début, porte sur les éléments

nobles et sur les autres parties du cerveau ».

Malgré l'unité clinique, la paralysie générale n'est pas une dans

sa nature, et MM. Mairet et Vires admettent quatre groupes patho-

géniques de paralysies générales. Le premier groupe est constitué

parla paralysie générale, maladie locale, les trois autres groupes

sont des maladies localisées et comprennent la paralysie générale

sénile, la paralysie générale pai arthritisme, et la paralysie génÉT

raie alcoolique.

III. Cette longue étude comportait un corollaire thérapeutique.

Le traitement anatomique devait s'adresser à l'inflammation par

les méthodes révulsives, dérivatives et résolutives, aux troubles cir-

culatoires par les médicaments cardio-vasculaires, à la dégénéra-

78 VARIA.

tion par les toniques et les stimulants du système nerveux. Le trai-

tement pathogénique devait différer suivant qu'il s'agissait de

paralysie générale sénile, de paralysie générale arthtitique, de

paralysie générale alcoolique. Enfin, le traitement symptomatique

devait êtie mis en oeuvre suivant l'apparition ou la prédominance

de certains symptômes, tels que l'agitation,' les attaques apoplecti-

formes et épileptiformes, les auto-intoxications digestives, hépati-

ques et urinaires, les troubles cardio-pulmonaires.

Cette analyse bibliographique ne saurait tenir lieu de la lecture

du livre de MM. Mairet et Vires; car, elle ne. donne, somme toute,

que des résultats; or, les résultats ne valent que par, la méthode,

et pour comprendre et juger la .'méthode rigoureusement scienti-

fique suivie par ces auteurs, il faut, avec eux, analyser et synthé-

thiser les éléments cliniques qui ont formé leur conviction.

- " DUCAMP.

VARIA.

LES aliénés EN LIBERTÉ.

Une femme entrait, hier, au commissariat de police, en criant

aux agents qui se trouvaient dans le poste : « Débarrassez-m'en,

débarrassez-m'en ! »

C'était une malheureuse ménagère, nommée Marie Pilot, âgée

de trente-huit-ans, demeurant rue du Vivier, que la peur des rats

avait rendu folle. Elle s'imaginait être assaillie par une bande de

rongeurs qui, disait-elle, étaient en train de la dévorer. Et la

malheureuse secouait ses vêtements, grimpait sur les tables, pous-

sant des cris affreux. Elle arracha son sabre à un gardien pour

faire la chasse à ses ennemis. On eût beaucoup de peine à la maî-

triser et à la conduire à l'infirmerie du dépôt. (Petit Parisien,

19 juin 1898.)

Dangereux aliéné. On nous télégraphie d'Alençon : Un

cultivateur de Tinchebray, nommé Gigan, âgé de 56 ans, devait,

pour changer ses bestiaux de pâturage, passer par une barrière qui

donne sur la propriété d'un de ses voisins, nommé Félix Thomas,

avec lequel il vit en mauvais termes. Au cours d'un de ces passages,

ce dernier, qui était caché à une dizaine de mètres, tira à Gigan

un premier coup de feu qui l'atteignit au côté droit et un second

qui le frappa presque aussitôt au visage. Puis le meurtrier prit la

varia. 79

fuite. L'état de Gigan est assez grave, mais non désespéré. Quant

à Thomas, il compte plusieurs aliénés dans sa famille et on le con-

sidère dans le pays comme ne jouissant pas de toutes ses facultés.

Il a été arrêté avec mille précautions dans un herbage, au moment

où, son fusil chargé à balle, il s'apprêtait à tirer sur les gendarmes

qui le poursuivaient. Il a été écroué à la prison de Domfront d'où

il sera enfermé dans une maison de santé. (Temps, 23 juin 1898.)

- La folie d'un poète. - Un homme de lettres, M. Emile Bois-

saut, âgé de quarante-sept ans, demeurant 104, rue de l'Ouest,

donnant depuis longtemps déjà des signes d'aliénation mentale,

était pris, hier dans la soirée, d'un accès de folie et menaçait son

concierge de l'assommer s'il ne lui rendait sa muse. Celui-ci lui

expliqua que sa muse était en promenade, mais que sa femme

allait aller la chercher. La concierge alla aussitôt prévenir M. Gri-

mal, commissaire de police, qui dut faire enfoncer la porte du lo-

gement de l'infortuné poète. Celui-ci a été dirigé sur l'infirmerie

spéciale du Dépôt. (Le Soleil du 26 juin.)

Un fou dangereux. Vers trois heures, la nuit dernière,

M. Delatour, chef de bureau dans une grande administration de

l'Etat, demeurant rue Saint-Romain, était réveillé en sursaut par

un bruit de vitres brisées. Il s'habilla en toute hâte et visita l'ap-

partement. Eu arrivant dans la cuisine, il aperçut, blotti près de la

fenêtre, un individu qui, à brûle-pourpoint, lui dit :

Je viens chercher ma nièce, car j'ai fait un héritage colossal,

et elle ne peut rester plus longtemps à votre service.

A grand'peine M. DelaLour put maîtriser le singulier visiteur, un

nommé Emile Fourcoux, âgé de quarante-cinq ans, demeurant rue

Lefort. Le malheureux ayant perdu sa femme il y a quelques mois,

avait été frappé d'aliénation mentale. Il s'était introduit dans la

maison habitée par M. Delatour, avait gravi les quatre étages et,

passant par la fenêtre de l'escalier, il avait pu, en suivant une

étroite corniche, gagner la fenêtre de la cuisine.

Le fou a été envoyé à l'infirmerie spéciale du Dépôt. (Petit Pari-

sien, 24 juin 1898 ) D'où la nécessité de l'hospitalisation dès le

début de la folie.

FAITS DIVERS.

Asiles publics d'aliénés. Nominations et promotions. Par

divers arrêtés ministériels et préfectoraux des mois de mai et

juin 1898 : M. le 1)' VERNET, médecin en chef de l'asile de Maré-

AVIS A. NOS ABONNES 80

ville (Meurthe-et-lfoselle), a été élevé à la 2e classe; M. le D Le-

grain, médecin en chef de l'asile de Ville-Evrard (Seine), a été

élevé à la lire classe; M. le Dr Papillon a été nommé à litre

provisoire et pour une période de trois mois, médecin adjoint de

lliontdevergues (Vaucluse) ; - 1\1. 'le D1' GIL13ERT-PET1T, directeur-

médecin de l'asile d'Alençon, a été nommé médecin en chef de

l'asile du Mans, en remplacement «de M. le D'' JouRNiAf : ;

M. le Dr JouRNiAc, médecin en chef de l'asile du Mans, a été nommé

directeur-médecin de l'asile d'Alençon, en remplacement de M. le

Dr UILBEItT-PETIT; M. le Dr Boiteux, médecin en chef de l'asile

de Clermont, est élevé à la 2e classe; M. le Dr 31AU\IEte, médecin

en chef de l'asile de Marseille (Bouches-du-Rhône), a été élevé à la

classe exceptionnelle ; M. le Dr LEVET, médecin adjoint à l'asile

de Fains, a été élevé à la l'e classe; M. le Dr iLIUPA1'L, médecin

adjoint à l'asile d'Armentières, a été élevé à la classe exception-

nelle. .

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étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

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Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLB.

Evreux, Ch. Hébissby, imp. - 798.

Vol. VI. Août 1898. N° 32

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

SUR LES LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE ;

Par le D D. AINGLADE,

Médecin adjoint de l'asile de Toulouse.

(Travail du laboratoire de l'asile.)

I. Dans un mémoire' lu au Congrès des médecins alié-

nistes et neurologistes, en août 1897, sur les lésions médul-

laires des aliénés en général, nous avons réservé, comme

méritant une étude à part, celles observées chez les paraly-

tiques généraux. Il n'est pas besoin de beaucoup insister sur

l'intérêt qui s'attache à la constatation des lésions spinales de

la paralysie générale. La clinique nous laisse entrevoir que

cette affection doit se caractériser anatomiquement par des

altérations du système nerveux tout entier. Nous ignorons

quelle partie de ce système est intéressée la première.

En étudiant la moelle, placée entre le système nerveux

central et le système nerveux périphérique, avec mission de

réunir, de conduire et de relayer les impressions venues du

centre ou de la périphérie, nous avons des chances de ren-

contrer quelque altération des neurones sensitifs ou moteurs,

dans leur trajet médullaire.

Et de fait, la moelle des paralytiques généraux est altérée

à un degré et avec une fréquence remarquables; nous pour-

rions même dire que cette altération est constante en ne

' Congrès des médecins aliénistes el neurologistes, 8' session, août 1897.

Comptes rendus. basson, Paris, 1898.

Archives, 2e série, t. VI. 6

82 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

tenant compte que de nos observations. En tout cas, par son

importance, elle s'impose à notre attention.

Quels sont les caractères de ces modifications patholo-

giques subies par les neurones dans leur portion médullaire ?

Il nous suffira pour l'instant de chercher une réponse à cette

question. Nous pourrons nous demander, après, si ces modi-

fications commencent et finissent dans la moelle, ou bien, ce

qui est plus admissible, si elles ont leur retentissement sur le

système nerveux central et le système nerveux périphérique.

Nous avons dit que nos observations nous autoriseraient à

affirmer la constance des lésions médullaires dans la para-

lysie générale. Mais nous nous empressons d'ajouter qu'elles

sont trop peu nombreuses pour prétendre à infirmer les

résultats fournis par des statistiques plus importantes, comme

celles de Tuczek et de Furstner, qui ne les ont rencontrées

que dans 75 p. 100 des cas observés.

Nos constatations ont été faites sur les moelles de 20 para-

lytiques décédés à l'asile de Toulouse , dans une période

de près de deux ans. Elles n'ont été l'objet d'aucune classifi-

cation, ni d'aucune sélection, mais recueillies au hasard des

nécropsies. Pour prendre rang dans notre série, il leur suffi-

sait de provenir de sujets notoirement paralytiques géné-

raux et dont le diagnostic de paralysie générale avait été

contrôlé et vérifié par les signes anatomiques qui la carac-

térisent. On nous accordera que le rapprochement de ces

20 cas acquiert une importance spéciale de par ce fait qu'ils

représentent tous les paralytiques observés, tout au moins

nécropsies, en deux ans, dans un grand asile comme le

nôtre.

Quoi qu'il en soit, ce sont ces vingt observations consignées

avec le détail des examens microscopiques, dans la thèse de

notre interne, M. Soucaill, qui serviront de base à ce travail.

Et d'abord, disons un mot des méthodes d'investigation

auxquelles nous avons eu recours.

La technique microscopique appliquée à l'étude du sys-

tème nerveux, s'est enrichie, dans ces dernières années, d'un

grand nombre de procédés nouveaux, parmi lesquels il con-

vient de faire un choix. ,

A chacun des éléments qui constituent le système nerveux,

' Contribution il l'élude des lésions spinales de la paralysie générale.

(Thèse de Toulouse, mars 1898.)

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 83 z3

nous appliquons une méthode de coloration spéciale. De la

cellule, nous demandons au procédé de Golgi de nous mon-

trer les prolongements; au Nissl, le corps cellulaire lui-même.

Si cette dernière méthode, avec les modifications qui y sont

apportées tous les jours, donne des résultats merveilleux dans

l'étude de la cellule radiculaire, la méthode de Golgi est très

infidèle. L'imprégnation de cette cellule radiculaire est bien

plus capricieuse encore que celle des cellules pyramidales de

l'écorce cérébrale. En revanche, cette même méthode nous a

fourni des indications précieuses sur la névroglie. Enfin, le

procédé de Weigert-Pal, avec quelques variations peu impor-

tantes, nous semble rester la méthode de choix pour déceler

la dégénération des fibres nerveuses à myéline. Tels sont les

moyens, arrivons aux résultats.

II. - Il n'est pas un des éléments constitutifs de l'axe

médullaire qui ne soit susceptible de s'altérer dans la para-

lysie générale. Dans le plus grand, nombre des cas, l'altéra-

tion porte à la fois sur la substance blanche, sur la substance

grise, sur le tissu de soutènement, sur les enveloppes et les

vaisseaux.

Passons successivement en revue chacun de ces éléments

en notant la topographie et la nature de leur altération.

a) La substance blanche. Nous l'avons vue altérée dans

tous les cas, et son altération, visible à l'oeil nu, après quel-

ques jours de fixation, mérite de prendre rang parmi les

signes macroscopiques les plus importants de la paralysie

générale. Elle est peut-être quelquefois la seule lésion ap-

préciable du système nerveux. Pour notre part, nous avons

la ferme conviction que dans quelques cas de nécropsie avec

lésion cérébrale négative ou douteuse, la lésion médullaire,

évidente et caractéristique, pouvait nous permettre d'affirmer

que nous avions affaire à un paralytique général, avec d'au-

tant plus de raison que nous étions en parfait accord avec la

clinique. Nous ne l'avons pas fait et nous avons écarté de

notre série les cas de ce genre, ne pouvant affirmer que les

sujets étaient des paralytiques parce qu'ils présentaient des

lésions de la moelle, avant d'avoir démontré que ces lésions

existent bien dans la paralysie générale. Il nous importait

seulement de signaler ces faits; ils s'ajoutent à bien d'autres

pour témoigner de l'importance de la lésion.

84 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

La topographie de la lésion elle-même varie. Elle se can-

tonne le plus souvent dans la moitié postérieure de la moelle,

en arrière d'une ligne transversale passant par le canal de

l'épendyme. Nous disons le plus souvent; car, quelquefois,

elle empiète sur les cordons antéro-Iatéraux où elle n'acquiert

jamais, il faut le dire, une grande intensité.

Dans le segment postérieur de la moelle, elle intéresse le

cordon latéral et le cordon postérieur à des' degrés divers,

selon la forme et la durée de la maladie. L'un et l'autre de

ces cordons sont atteints simultanément; quelquefois ils sont

lésés au même degré, souvent il existe entre la lésion de l'un

et de l'autre une disproportion très grande. Le cordon latéral

présentera, par exemple, des lésions peu accusées, tandis

que le cordon postérieur est parvenu au dernier terme de la

dégénération. Il semble d'ailleurs que seul, le cordon posté-

rieur soit capable de dégénérer aussi complètement.

La topographie varie non seulement avec les sujets, mais

avec les régions d'un même organe. Elle atteint son maximum

dans la région dorsale supérieure ou cervicale inférieure; le

fait a son importance. Nous le rappellerons ailleurs. C'est

surtout la topographie des lésions du cordon postérieur qui

varie dans les différents étages de la moelle. Dans le renfle-

ment lombaire, elles sont diffuses et ne respectent que la

portion de substance blanche voisine de la commissure grise

et quelques libres dans l'angle postérieur et interne du triangle

que figure le cordon postérieur.

Plus haut, dans la région dorsale, d'autres fibres échappent

à l'altération. Celles qui longent immédiatement la corne

postérieure jusqu'à la substance gélatineuse qui la coiffe, en

arrière du renflement qui correspond à la colonne de Clarke.

Enfin, une bandelette de fibres, relativement saines, se des-

sine à la partie interne du faisceau de Burdach, au centre

même du cordon postérieur. Cette bandelette ne dépasse pas,

en avant, le niveau de la colonne de Clarke, et s'arrête, en

arrière, à une petite distance de la circonférence.

En sorte que, dans le cordon postérieur, à la région dor-

sale, nous rencontrons successivement, en allant de la corne

postérieure au sillon médian postérieur, une bandelette de

fibres saines adossée le long du tiers moyen de la corne pos-

térieure, une zone de fibres dégénérées, la plus importante

presque toujours, s'étendant de la périphérie jusqu'au niveau

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 85

de la colonne de Clarke, où elle contourne l'extrémité anté-

rieure d'une deuxième bandelette de fibres saines située au

centre même du cordon postérieur. Elle se réunit ainsi à une

nouvelle zone de dégénération moins accusée généralement,

celle qui longe le sillon médian postérieur. Quelques fibres

du centre ovale de Fleschsig et du triangle de Gombault et

Philippe sont demeurées saines.

Dans la région cervicale, on retrouve bien quelquefois la

suite anatomique de ces lésions. La dégénération du faisceau

pyramidal est plus marquée et les lésions du cordon posté-

rieur se localisent exactement dans le faisceau de Goll. Ces

cas sont les plus rares. Plus généralement on voit les lésions

perdre de leur netteté, à mesure qu'on s'éloigne de la région

dorsale. Et cela est vrai, non seulement pour le cordon pos-

térieur, mais encore et surtout pour le cordon latéral. Rare-

ment nous avons pu suivre jusqu'au bulbe l'altération du

faisceau pyramidal et du faisceau cérébelleux direct.

La dégénération atteint quelquefois le cordon antérieur.

Elle y intéresse exclusivement les fibres périphériques et se

continue jusqu'au fond du sillon médian antérieur. A ce

niveau, elle touche, par conséquent, le faisceau de Turck,

mais il est très rare qu'elle délimite exactement sa topo-

graphie.

Dans les zones où la dégénérescence est peu marquée, on

observe seulement un défaut de coloration des fibres à myé-

line. Celle-ci semble avoir perdu son affinité pour le bichro-,

mate, par suite de la modification chimique qu'elle a subie.

Au centre du tube nerveux, le cylindre-axe est marqué par

un point coloré. Lorsqu'elle est plus avancée, on voit, au niveau

de la lésion, des boules de myéline éparses çà et là, hors des

tubes qui en sont presque tous dépourvus. Le cylindre-axe

persiste.

A un degré plus accusé encore, la lésion dégénérative a

abouti à une sclérose intense. Nous l'avons vue remplacer

presque toutes les fibres nerveuses du cordon postérieur dans

deux cas. Les cylindres-axes eux-mêmes avaient disparu,

sauf dans les territoires des fibres endogènes. En sorte que la

lésion représentait exactement ce qui s'observe dans la moelle

des tabétiques. Plus loin, nous dirons un mot des rapports

de ce tissu de sclérose avec les organes de soutien, la névro-

glie et les vaisseaux.

86 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

b) La substance grise. - Nous l'avons toujours vue altérée,

à des degrés divers, dans toutes ses parties : corne antérieure,

corne postérieure, commissure et dans ses deux principaux

éléments : cellules et fibres.

Ce qui frappe dans les coupes examinées à l'oeil nu, c'est la

- déformation à peu près constante de cette substance grise.

Les cornes sont atrophiées et leurs contours sont irréguliers;

la commissure, au contraire, est augmentée de volume. Il en

résulte que, dans la région dorsale et cervicale inférieure, la

substance grise, située en avant des cornes postérieures, forme

un bloc, dans lequel on distingue à peine la saillie des cornes

antérieures.

La lésion microscopique se caractérise d'abord par la des-

truction d'un grand nombre de fibres à myéline et la présence

partout de nombreuses cellules rondes, particulièrement

autour du canal de l'épendyme, dans la substance gélatineuse

de Rolando et la colonne de Clarke. Elle se caractérise

ensuite et surtout par des altérations cellulaires. Les obser-

vateurs n'ont pas beaucoup insisté sur ces altérations cellu-

laires. Klippel le fait remarquer avec juste raison dans son

travail de 1894'. 1.

Au moment même où nous rédigeons ce mémoire, nous

lisons dans la Revue neurologique du 15 janvier z1898, un

travail de Berger qui a soumis au Nissl 10 moelles de para-

lytiques généraux2. C'est bien au Nissl qu'il fallait demander

de nous faire voir les altérations des cellules médullaires des

paralytiques. Ce procédé, avec les modifications d'Unna,

nous a montré des détails précieux à noter. Deux ordres

d'altération s'observent dans les cellules radiculaires anté-

rieures : l'atrophie ou la cbromatolyse. Il est vraisemblable

que la première n'est que la suite naturelle de la seconde,

qui ne fait que la précéder. Nous ne saurions affirmer que

les choses se passent toujours ainsi.

Quoi qu'il en soit, l'atrophie est plus fréquente que la chro-

matolyse. Elle s'observe dans tous les cas de paralysie géné-

rale à longue durée, celle qui s'accompagne toujours d'im-

potence des membres. La cellule atrophiée n'a plus qu'un

prolongement ou deux. Son corps a pris la forme d'un tube

nerveux dans l'intérieur duquel il n'y a plus place que pour

' Archives de médecine expérimentale, 1891.

erger. Analyse in Revue neurologique, janv. 1898.

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 87 I

le noyau déformé, autour duquel les granulations chromato-

philes ont toujours disparu. La cellule atrophiée revêt d'au-

tres aspects; elle a la forme arrondie, sans prolongements,

sans noyau et comme sans membrane d'enveloppe. Elle ne

représente plus alors qu'une masse chromatique homogène

et dégénérée. L'atrophie est souvent plus marquée d'un côté

de la moelle. On voit des cornes antérieures, dans lesquelles

il n'existe plus qu'une ou deux cellules. Elle est plus avancée

dans la région lombaire que dans la région cervicale.

Atrophie et chromatolyse coexistent souvent. Celle-ci s'ob-

serve dans les moelles de paralytiques dont l'évolution a été

rapide sans troubles moteurs graves. Vraisemblablement,

quand le système musculaire a longtemps souffert, la des-

truction de la cellule radiculaire est un fait accompli. Pre-

nons un paralytique en cours d'évolution; celui, par exemple,

dont il s'agit dans une des observations de la thèse de Sou-

cail. La paralysie générale se présentait avec des symptômes

si peu accusés, qu'elle est restée méconnue, malgré son pas-

sage dans plusieurs services. L'exubérance du malade, sans

amnésie, sans embarras de la parole et sans tremblement

musculaire, nous l'avait fait considérer, de prime abord,

comme un maniaque à son arrivée à l'asile de Toulouse,

transféré de Limoux où le même diagnostic avait été porté.

Sans doute, un examen plus approfondi nous eut mis sur la

véritable voie, mais notre erreur témoigne tout au moins du

peu d'intensité des symptômes paralytiques. Le malade fut

emporté par une congestion cérébrale, et l'autopsie nous

montra toutes les lésions de la paralysie générale. Les lésions

médullaires, observées après la fixation, n'étaient pas moins

caractéristiques, et la coloration par le bleu polychrome

d'Unna, nous fit voir, dans les cellules radiculaires de la

moelle cervicale et surtout de la moelle lombaire, deux modes

de chromatolyse.

Car la désorganisation du corps d'une cellule radiculaire

ne semble pas se produire toujours de la même façon.

Si les granulations chromatophiles subissent toujours le

même sort, si elles sont dissoutes et remplacées par une pous-

sière de coloration plus indécise, si elles sont réduites, pres-

que toujours, à une seule rangée, deux au maximum, appli-

quées contre la membrane d'enveloppe, le noyau, lui, ne

disparaît pas toujours. Quelquefois, il reste au centre de la

R8 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

cellule; son nucléole disparaît et la substance homogène,

résultant de la dissolution des granulations chromatophiles,

comble l'espace clair dont on distingue à peine les contours.

Souvent, au contraire, le noyau, au lieu de se modifier sur

place, émigre vers la périphérie comme pour se soustraire à

l'action destructive de la chromatolyse centrale. Il se met en

contact avec la membrane d'enveloppe contre laquelle il

semble subir des compressions qui le déforment, sans que

dans la plupart des cas il parvienne à sortir de la cellule. Ce

qui nous expliquerait pourquoi on le rencontre encore dans

bon nombre de cellules atrophiées.

Les cellules radiculaires ne sont point seules frappées de

chromatolyse et d'atrophie. Celles de la colonne de Clarke

sont constamment atteintes. Les granulations sont rares

même au pourtour du corps cellulaire, et le noyau, quand il

persiste, est presque toujours appliqué et déformé contre la

périphérie. Nous dirons ailleurs dans quelles conditions et

dans quelle mesure on peut attacher de l'importance à l'al-

tération de la cellule de la colonne de Clarke. Klippel a noté

la facilité avec laquelle elle se modifie, et nous avons nous-

même rencontré cette modification dans un grand nombre

de moelles provenant de sujets ayant succombé aux affec-

tions les plus diverses. Il est plus difficile d'apprécier une

lésion des cellules du faisceau intermedio-lateralis, des cel-

lules de cordon, des cellules de la corne postérieure. Disons

seulement que par comparaison avec des moelles saines,

elles paraissent raréfiées et atrophiées.

Pour en finir avec la substance grise, notons une sclérose

active autour de la corne postérieure, au point où les fibres

radiculaires courtes pénètrent dans la substance gélatineuse

de Rolando.

c) Enveloppes tissu de soutien. Vaisseaux. La dure-

mère est habituellement normale. La pie-mère est souvent le

siège d'une infiltration de cellules rondes, sorte de lepto-

méningite qui environne complètement l'organe dans quel-

ques cas, et dans d'autres, au contraire, se limite au segment

postérieur. L'adhérence de la pie-mère à la substance blanche

est très intime. Il se passe là quelque chose d'analogue à ce

que l'on observe dans le cerveau où la pie-mère adhère à

l'écorce grise. Le revêtement externe de la moelle est donc

intéressé, Il en est de même du revêtement interne, c'est-

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 89

à-dire de l'épithélium qui tapisse le canal de l'épendyme.

Les cellules de cet épithélium sont toujours détruites, rem-

placées par une prolifération intense de cellules rondes qui

obstruent le calibre du canal et infiltrent la substance grise

à une assez grande distance de ses parois. Ici encore, nous

retrouvons les traces de ce processus qui aboutit, dans l'en-

céphale, à la production des granulations qui tapissent les

ventricules, le quatrième en particulier.

En sorte que l'inflammation domine là où la névroglie est

plus abondante. Elle ne s'y cantonne pas et nous la voyons

pénétrer dans l'intérieur de la substance blanche en suivant

les travées que l'on considérait à tort, autrefois, comme des

émanations conjonctives de la pie-mère et qui ne sont en

réalité que des travées névrogliques. : Ces travées sont quelque-

fois très nombreuses, extrêmement divisées dans l'intérieur

des faisceaux blancs qu'elles semblent enserrer. Elles sont

plus épaisses à la périphérie qu'au centre, au point où elles

se mettent en contact avec la pie-mère, et semblent rayonner

autour des vaisseaux. -

Les vaisseaux sont toujours altérés. Généralement, ils sont

plus atteints à la région postérieure. Il n'est pas rare, cepen-

dant, de voir des vaisseaux spinaux antérieurs très malades.

Les artères sont le siège tantôt d'une endartérite, tantôt

d'une périartérite, le plus souvent de l'une et de l'autre à

la fois. L'épaississement de toutes les tuniques est d'ailleurs

notable.

L'altération des veines est, sinon plus constante, au moins

plus remarquable. Autour de leurs parois se voit une infil-

tration de cellules rondes parfois si considérable que l'on se

croit en présence d'un processus gommeux, franchement spé-

cifique. Est-ce bien de cela qu'il s'agit ici ? Nous nous pose-

rons cette question tout à l'heure.

Les lésions vasculaires ne s'observent pas seulement à la

périphérie et dans la substance blanche du segment posté-

rieur. Elles sont très accusées dans les vaisseaux des cornes

antérieures, de la colonne de Clarke, et surtout dans ceux

qui avoisinent le canal de l'épendyme.

111. -Il résulte bien des constatations microscopiques que

tous éléments constitutifs de l'axe médullaire sont suscep-

tibles de s'altérer dans la paralysie générale. Essayons d'in-

90 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

terpréter ces altérations, de faire de la physiologie patholo-

gique, à la lumière des connaissances récemment acquises

sur l'anatomie de la moelle.

Cette anatomie nous enseigne que les fibres blanches se

divisent en deux grandes catégories : celles qui sont propres

à la moelle et qui servent- à réunir entre eux ses différents

étages ; celles, au contraire, qui ne font que passer dans la

moelle, venant du cerveau ou des racines postérieures. Disons

tout de suite que la paralysie générale épargné les premières

d'une façon à peu près absolue. Daus'le cordon antéro-la-

téral, les fibres de cordon qui entourent la corne antérieure,

sont presque toujours saines, et, dans le cordon postérieur,

les fibres cornu-commissurales, les fibres de cordon, le centre

ovale de Flechsig et le triangle de Gombault et Philippe, la

virgule de Schultze même, qui semblent représenter la tota-

lité de ses fibres endogènes, sont, presque dans tous les cas,

respectées. Les fibres exogènes, au contraire, c'est-à-dire le

faisceau pyramidal, surtout et presque exclusivement dans

ses fibres croisées, le faisceau cérébelleux direct, parfois

même celui de Gowers, enfin et surtout les fibres radiculaires

postérieures, sont presque toujours atteintes.

Prenons d'abord le faisceau pyramidal. Sa lésion, à peu

près constante, devait évidemment nous faire penser à une

dégénération descendante, ayant pour point de départ la cel-

lule pyramidale de l'écorce cérébrale. Avec d'autant plus de

raison que l'altération de cet élément du neurone moteur,

dont la fibre pyramidale n'est qu'une émanation cylindraxile,

est considérée comme la règle dans la paralysie générale. Il

était donc logique d'admettre, à priori, la dégénération sys-

tématisée du neurone moteur, en général, et de sa portion

médullaire, en particulier. Cette manière de voir a été d'ail-

leurs accueillie par les auteurs, par Klippel en particulier.

Les faits ne nous ont pas paru la justifier pleinement.

S'il est vrai que l'on peut, dans quelques cas rares, suivre

la lésion du faisceau pyramidal à travers le bulbe et la protu-

bérance, le pédoncule cérébral et la capsule interne même,

d'après Klippel, on est bien forcé de reconnaître que, dans la

grande majorité des cas, cette lésion a son maximum dans

la région dorsale, qu'elle s'atténue en bas et surtout en haut

de l'axe médullaire. En sorte- qu'une dégénération, que logi-

quement on pouvait s'attendre à trouver plus intense dans la

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. il 1

région cervicale, y apparaît très peu distincte si elle n'a pas

disparu complètement.

En tenant compte des caractères de la lésion elle-même,

on ne s'explique pas très bien, dans l'hypothèse d'une dégé-

nération descendante, la conservation du cylindre-axe, long-

temps après la disparition de la myéline, et les raisons de ce

fait, données par Klippel, ne nous satisfont pas complètement.

Comment s'expliquer aussi que jamais ou presque jamais le

faisceau de Turck ne soit franchement atteint par la dégéné-

rescence ?

S'agit-il d'une dégénération des fibres ascendantes pyrami-

dales, puisqu'il en existe ? d'une dégénération des fibres hété-

rogènes qui contribuent à la formation de ce faisceau, d'un

retentissement, sur une partie du neurone médullaire, de la

lésion, bien constatée, d'un élément important de ce neurone,

la cellule radiculaire antérieure ? Bien moins encore que la

première, ces hypothèses ne sont pas d'accord avec les faits

anatomiques. -

Plus séduisante, au premier abord, paraît celle qui fait

jouer à la névroglie un rôle considérable. Sa prolifération

certaine d'ailleurs, peut être sous l'influence et postérieure-

ment à l'altération des vaisseaux, avec lesquels le Golgi nous

la montre affectant des rapports si intimes, sa prolifération,

disons-nous, sous forme de travées, pénétrant dans les fais-

ceaux blancs, serait capable de produire une sclérose intra-

fasciculaire et, conséquemment, une destruction des fibres

nerveuses. On ne saisit pas très bien pour quelle raison la

sclérose névroglique se limiterait aux faisceaux latéraux et

postérieurs, encore moins pourquoi elle respecterait, dans

ces faisceaux postérieurs, précisément, les fibres endogènes

éparses un peu partout. Quoi qu'il en soit, cette manière de

voir a pour elle des faits qui ne nous permettent pas de la

condamner sans appel.

Nous ne savons donc pas exactement ce que signifie la

dégénération pyramidale, et la question est plus complexe

qu'on ne le penserait après une observation superficielle.

Tout à l'heure, nous émettrons nous aussi une hypothèse

sans prétendre à résoudre définitivement le problème.

La dégénération du faisceau cérébelleux direct se com-

prend mieux puisqu'elle est en rapport avec celle d'un sys-

tème de fibres et de cellules qu'elle continue, en remontant,

92 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

jusqu'au bulbe. Nous y reviendrons, en parlant des fibres

qui proviennent des racines postérieures.

Les territoires du cordon postérieur qui correspondent au

trajet de ces fibres radiculaires postérieures sont presque

toujours et seuls atteints, avons-nous dit. L'anatomie les

divise en fibres courtes, moyennes et longues. Les fibres

courtes pénètrent immédiatement dans la corne postérieure.

A ce niveau de la substance grise, nous avons noté une sclé-

rose plus active. Les fibres moyennes vont, après un trajet à

la partie externe du faisceau de Burdach, aboutir aux cel-

lules de la colonne de Clarke. C'est leur altération qui trace,

dans la plupart de nos moelles de paralytiques, cette zone de

dégénération souvent la plus accusée à la région dorsale. La

preuve qu'il s'agit bien de la lésion de ces fibres radiculaires

moyennes, c'est qu'elle ne se retrouve plus au-dessus et au-

dessous de la région dorsale, c'est-à-dire partout où dispa-

raissent les cellules de la colonne de Clarke, c'est que cette

lésion est d'autant plus intense que la destruction des cellules

de Clarke est plus avancée, que la lésion du faisceau cérébel-

leux direct, suite anatomique de ce système sensitif, est éga-

lement plus accusée.

Les fibres radiculaires longues, après un trajet très court

dans le faisceau de Burdach, où elles semblent abandonner

leur branche descendante, se rendent dans le faisceau de Goll.

Elles sont moins atteintes que les fibres moyennes, mais elles

le sont toujours et à un degré d'autant plus accusé que l'évo-

lution de la maladie a été plus longue. Hâtons-nous d'ajouter

que les racines postérieures, dont la section se voit dans les

coupes, nous ont paru d'autant plus altérées que le cordon

postérieur était lui-même plus dégénéré.

Les lésions de la substance grise sont encore bien moins

faciles à interpréter, parce qu'elles sont aussi les plus mal

connues. Les cellules de Clarke sont toujours altérées, quand

elles ne sont pas complètement détruites ; elles sont un organe

de relai entre les fibres radiculaires moyennes et le faisceau

cérébelleux direct qui se voient également atteints. On n'a

point de peine à admettre* semblable systématisation dans la

lésion d'une des voies sensitives les plus importantes, sachant

combien les troubles de la sensibilité sont graves dans la

paralysie générale.

L'atrophie de la cellule radiculaire antérieure résulterait

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 93

de la dégénération du faisceau pyramidal, mais la chroma-

tolyse très active de ces mêmes cellules, alors même que les

voies pyramidales ne sont que peu ou pas atteintes, ne peut

être due à la même cause. Nous connaissons mal l'anatomie

normale et pathologique des cellules de la corne postérieure,

des cellules de cordon. Il n'est point facile d'apercevoir une

lésion de ces éléments pas plus que des voies qui les relient

aux cellules motrices antérieures. Et cependant, de cette seule

façon, on pourra se prononcer sur les conditions de retentis-

sement des lésions d'un organe sur un organe voisin, qu'il

importe surtout d'établir.

De tous côtés, de la périphérie vers le centre et du centre

vers la périphérie, la moelle des paralytiques semble envi-

ronnée par du tissu de sclérose et comme comprimée entre

deux cercles concentriques, le canal de l'épendyme en dedans

et la pie-mère en dehors. Nous avons noté, en effet, une pro-

lifération intense de cellules rondes à la périphérie et autour

du canal de l'épendyme. C'est bien là, comme l'ont démontré

Weigert et Ramon y Cajal, qu'abonde la névroglie, et il est

légitime d'admettre que c'est elle qui a proliféré.

L'étude de cette névroglie s'entoure de difficultés techniques

qui sont la cause qu'elle a été négligée. Nous nous employons,

en ce moment, à l'observer par la méthode de Weigert. L'im-

prégnation par le procédé de Golgi nous a déjà fait constater

qu'elle a proliféré dans la paralysie générale. Est-ce unique-

ment pour remplir.les espaces laissés vides par la destruction

des éléments nerveux, comme le pense Weigert ? Et pourquoi

cette prolifération névroglique, si la névroglie n'a pour but,

comme le soutient Cajal, que de réaliser l'isolement des cou-

rants nerveux ? On le voit, cette question du rôle patholo-

gique de la prolifération névroglique n'est pas près d'être

résolue, puisque nous en sommes encore à nous demander

quel peut être le but physiologique de la névroglie.

Les lésions vasculaires sont constantes, nous l'avons vu.

Leurs caractères, tels que nous les avons décrits, rappellent

ceux de l'artérite et de la phlébite syphilitique. Nous y insis-

terons un peu plus loin.

IV. Si, maintenant, jetant un coup d'oeil en arrière, nous

envisageons toutes ces lésions médullaires dans leur ensemble,

nous avons à nous demander si elles portent-un cachet spé-

U4 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

cial, si la pathologie générale nous montre ailleurs des pro-

cessus analogues.

Les lésions de la substance blanche se retrouvent dans les

scléroses combinées, dans la maladie de Friedreich, dans le

tabès, sans compter certaines vésanies, que nous montrerons

capables, à elles seules, de les réaliser.

La chromatolyse des cellules radiculaires s'observe dans

les névrites expérimentales et dans les polynévrites. Elle a

été déterminée, expérimentalement, par quelques toxines

microbiennes : toxine tétanique, toxine pycoyanique, etc. '.

Mais l'analogie est surtout frappante lorsqu'on place, à côté

d'une moelle de paralytique, celle d'un sujet intoxiqué par

un poison minéral ou une toxine. Prenons, par exemple, la

moelle d'un pellagreux.

Le maïs gâté, par les alcaoïdes qu'il contient, d'après Lom-

broso, possède des propriétés convulsivanles qui sont capables

de déterminer des phénomènes tétaniques au cours de la

pellagre. On s'est beaucoup occupé, dans ces dernières

années, en Italie, des lésions médullaires qui s'observent

dans cette maladie. Belmondo2, qui en a étudié 20 cas, au

point de vue clinique et anatomique, a trouvé dans la moelle

épinière : « une dégénération systématisée, combinée et pri-

mitive des cordons latéraux et postérieurs. La lésion du fais-

ceau pyramidal a son maximum dans la région dorsale, celle

du cordon postérieur, à la région cervicale. Dans la subs-

tance grise, il a noté des lésions des cellules nerveuses carac-

térisées par l'atrophie pigmentaire. Enfin, plus rarement, il

a eu l'occasion d'observer de la lepto-méningite chronique. »

La comparaison est frappante et les figures qui accompa-

gnent la description semblent dessinées sur quelques-unes

de nos préparations. '

Et dans l'intoxication expérimentale par le phosphore,

Guerrieri note une dégénérescence des faisceaux pyramidaux,

s'étendant jusqu'à la région cervicale, une dégénérescence

des cordons de Goll et de Burdach, laquelle diminue à mesure

qu'on se rapproche de la région cervicale où elle est can-

tonnée dans le territoire du cordon de Goll ». De même, dans

l'intoxication expérimentale par l'antipyrine, administrée au

chien, à dose toxique, par Masetti, dans l'intoxication par la

' Comptes rendus de la Société de Biologie, 1896-97.

°- Semaine médicale, 21 nov. 1896. Lettres d'Italie, par Marinesco.

LESIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GENERALE. 95

toxine diphtérique réalisée par Donaggio. Les mêmes lésions

ont été constatées par Wassale, Donaggio et Générali, sur

des animaux auxquels ils avaient enlevé les glandes parathy-

roïdiennes. Et l'analogie se retrouve non seulement dans la

topographie de. la lésion, mais encore dans les détails de son

processus.

Dans la pellagre, comme dans la paralysie générale, observe

Wassale, il s'agit d'une dégénération primitive : « La myéline

subit un commencement de transformation chimique; ce qui

fait qu'elle a une affinité moindre pour le bichromate de

potasse, et la coloration est moins facile à obtenir qu'à l'état

normal'. » Qu'il s'agisse ou non d'une dégénération primi-

tive, un fait, pour nous, se dégage de cette incursion dans la

pathologie générale : des lésions médullaires, comme celles

de la paralysie générale, peuvent être produites par des poi-

sons minéraux, organiques, ou par des toxines. Le paraly-

tique général est-il un intoxiqué ? Nous n'avons pas l'intention

d'ouvrir ici un débat sur l'étiologie de la paralysie générale.

Nos observations sont trop mal documentées à cet égard,

parce que bon nombre des malades qui en font l'objet nous

sont arrivés du département de la Seine, sans renseignements

et sans autre note médicale qu'un certificat très laconique.

Contentons-nous seulement d'indiquer que dans notre thèse

inaugurale nous avons établi, avec des preuves à l'appui, que

les paralytiques sont des syphitiques dans la proportion de

98 p. 100 des cas. La fréquence de la syphilis dans les anté-

cédents de la paralysie générale a été d'ailleurs, affirmée en

France par notre excellent maître et ami le Dr Régis, et par

le professeur Fournier. Quelle cause eut jamais de meilleurs

avocals ? Donc, la clinique nous oblige à tenir compte de la

syphilis dans la paralysie générale, et l'anatomie patholo-

gique nous amène à penser que ses lésions doivent être le

- résultat d'une intoxication.

L'anatomie pathologique va même un peu plus loin et nous

signale quelques détails de lésions que certains auteurs, à

tort ou à raison, considèrent comme la signature de la

syphilis. Nous faisons allusion ici aux lésions vasculaires dont

la fréquence et l'intensité nous ont frappé.

A l'article : Syphilis MÉDULLAIRE du Traité de médecine,

' Semaine médicale, loc. cit.

96 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

M. Il. Lamy' écrit : « L'importance des lésions vasculaires

n'a pas échappé aux auteurs dont l'attention a été attirée sur

ce point (Leyden, Rumpf, Siemerling, Lancereaux, etc.), et

l'on s'accorde aujourd'hui à leur faire jouer un rôle de pre-

mier ordre dans la syphilis de la moelle. Les modifications

du côté des veines spinales sont précoces et généralement

prononcées. Greif, le premier, a signalé les lésions veineuses

dans la syphilis des centres nerveux; elles ont été retrouvées,

depuis, un grand nombre de fois. En ce qui concerne la

moelle épinière, la phlébite syphilitique s'est montrée très

prononcée dans les examens anatomiques de Rums, Schmans,

Goldflam, Lamy, Sottas, etc.

Tout récemment, un auteur allemand, parlant d'un cas de

paralysie générale juvénile, affirme qu'elle est due à la

syphilis, parce que l'anatomie pathologique lui a montré de

l'artérite et de la phlébite ? Certes, la spécificité d'une altéra-

tion vasculaire n'est point toujours facile à établir, et nous

nous garderons d'affirmer que les lésions étaient toutes de

nature syphilitique, parce que le microscope nous a montré,

dans les vaisseaux médullaires, de l'artérite et de la phlébite

suspectes. Mais comment ne pas reconnaître que la clinique

et l'anatomie pathologique se prêtent ici un mutuel appui et

se contrôlent l'une par l'autre ! Quelque incomplets que soient

les résultats fournis par chacune d'elles, ils méritent d'être

pris en sérieuse considération. La syphilis agirait-elle direc-

tement et primitivement sur la moelle, ainsi que procèdent

certaines intoxications, au'dire des auteurs italiens ? Ou bien

s'attaquerait-elle tout d'abord aux nerfs périphériques ? Nous

sommes convaincus, pour notre part, que les névrites péri-

phériques sont appelées à jouer un rôle considérable dans

l'histoire de la paralysie générale. Les faits arrivent chaque

jour plus nombreux et mieux observés. Nous lisons, dans les

Archives de la Neurologie de janvier 1898, un travail inté-

ressant de M. Cololian sur les troubles trophiques de la para-

lysie générale, qui sont autant de signes de névrites. Presque

toutes les lésions médullaires de la paralysie générale peu-

vent s'expliquer déjà par le peu que nous savons des névrites

périphériques.

La chromatolyse des cellules médullaires a été observée,

' 7'<Y< : <e</emeWec<eCharcot et Brissaud, p. 633.

* Semaine médicale, janv. 1898.

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 97

notamment, par Ballet, dans la névrite expérimentale 1. Les

lésions des cordons postérieurs sont notées dans un grand

nombre d'observations de névrites périphériques. Pal a

observé en outre, chez un saturnin, des altérations « du

faisceau cérébelleux direct et du système pyramidal2 ».

Nous ne saurions insister plus longuement sur ces faits,

si intéressants pourtant, sans sortir du cadre de ce travail.

Disons seulement que Klippel a bien vu les altérations des

nerfs. Nous les avons nous-inême rencontrées. Et non pas

seulement dans les nerfs des paralytiques généraux, mais

encore dans ceux d'aliénés ordinaires, qui n'avaient de com-

mun avec des paralytiques généraux que de présenter dans

leurs cordons postérieurs des lésions analogues.

Y. Des lésions spinales comme celles de la paralysie géné-

rale ne se rencontrent pas seulement dans les intoxications

et quelques maladies connues de la moelle. Nous les avons

retrouvées, plus ou moins complètes, chez des vésaniques

ordinaires.

Nous avons eu et nous avons encore sous les yeux un

nombre imposant de moelles d'aliénés. Certains d'entre eux,

qui étaient en même temps des tuberculeux, présentaient des

lésions des cordons postérieurs. Nous l'avons dit au Congrès

de Toulouse et nous n'étions pas éloigné de penser alors que

la tuberculose avait joué un rôle important dans leur pro-

duction, à titre de diathèse infectieuse. Ces lésions, nous les

avons observées depuis chez des sujets aliénés, mais non

tuberculeux. Elles sont le plus souvent limitées au cordon

postérieur, mais on les voit quelquefois s'étendre 'dans le

territoire du faisceau latéral, leur topographie rappelant

alors celle des lésions de la paralysie générale. Dans quel-

ques-uns de ces cas, l'altération du système nerveux périphé-

rique était parvenue à un degré extrême.

Pouvons-nous invoquer encore dans ces cas l'intervention

d'agents toxiques ? La question des auto-intoxications dans

les maladies mentales n'est point assez avancée pour nous

permettre de nous prononcer cet égard. D'ailleurs, nous ne

voulons, pour l'instant, que signaler ces faits curieux à plus

1 Ballet. Leçons de clinique médicale, 1897. Doin, éditeur.

. Pal, cité par Babinski, in Traité de médecine Charcot et Brissaud.

Art. OUVRITES.

Archives, 2c série, t. VI. 7

f

98 ANATOMIE PATHOLOGIQUE

d'un titre. Ils seront l'objet d'une étude spéciale. Est-ce à

dire que les lésions médullaires de la paralysie générale

soient banales, communes à un grand nombre de maladies

bien différentes, et que la clinique ne saurait tirer aucun profit

de leur connaissance ? Nullement. Si elles ne sont pas carac-

téristiques de la maladie, pas plus que les autres lésions

~~ anatomiques prises isolément , elles méritent une bonne

place à côté des meilleurs signes anatomo-pathologiques de

la paralysie générale.

Et, s'il en est ainsi, nous aurons à en tenir compte dans

l'examen clinique de nos malades. En effet, puisqu'ils pré-

sentent toujours des lésions des cordons postérieur et latéral,

que l'un est le conducteur de la sensibilité, l'autre, celui de

la motilité, l'une et l'autre pourront être troublées. La lésion

du cordon postérieur est parfois assez- intense pour ressem-

bler à celle du tabes. On devrait voir alors les signes du

tabes s'ajouter à ceux de la paralysie générale. Quand elle

n'est pas arrivée à ce degré, quelques signes seulement pour-

ront se manifester.

Nous avons noté fréquemment, dans nos observations, des

troubles de la réflectivité; mais ces troubles ne sont pas tou-

jours de même ordre dans chaque cas, et, dans le même cas,

à différentes périodes de l'évolution de la maladie. Le réflexe

rotulien est tantôt exagéré, tantôt aboli, sans doute selon

la prédominance de la lésion du cordon latéral ou du cordon

postérieur. En étudiant les lésions de la moelle, nous sommes

conduits à penser qu'elles s'accompagnent de lésions périphé-

riques si elles n'en sont pas la conséquence. Il est intéressant

de rechercher les symptômes des névrites périphériques. Mais

il n'est pas toujours aisé de rechercher les troubles de la sen-

sibilité chez un paralytique général. A une période avancée

de la maladie, cette recherche est, pour ainsi dire, impos-

sible. Nous nous trouvons en face d'un dément qui ne sait

pas nous rendre compte de ses impressions et des troubles

de sa sensibilité. C'est à peine si sa force musculaire peut être

grossièrement appréciée.

C'est dans la période prodromique de la paralysie générale

que les symptômes spinaux et névritiques seront intéressants

à observer. C'est à cette phase de la maladie qu'ils pourront

l'être le plus efficacement. Il paraît, certain que les paralyti-

ques, peu de temps après le début de leur maladie, présentent

LÉSIONS SPINALES DE LA PARALYSIE GENERALE. 99

des troubles moteurs et sensitifs contemporains, tout au moins,

des premiers troubles psychiques, s'ils ne les précèdent pas.

Conclusions. 1. Tous les paralytiques généraux nécrop-

siés dans une période de près de deux ans, à l'asile de Tou-

louse, ont été reconnus porteurs de lésions médullaires. Les

lésions spinales de la paralysie générale peuvent intéresser

tous les éléments constitutifs de l'axe médullaire. Dans la

substance blanche, les fibres endogènes, c'est-à-dire celles

qui, dans le cordon antéro-latéral, entourent la corne anté-

rieure et, du cordon postérieur, les fibres cornu-commissu-

rales, les fibres de cordon, le triangle de Gombault et Phi-

lippe, le centre ovale de Flechsig, la virgule de Schultze, sont

presque toujours respectsé.

Les fibres exogènes, au contraire, dégénèrent. Par ordre

de fréquence et d'intensité , la dégénérescence frappe les

fibres radiculaires moyennes, les fibres longues, les fibres

courtes dans le cordon postérieur; le faisceau pyramidal

croisé, le faisceau cérébelleux direct, rarement le faisceau

pyramidal direct, plus rarement encore le faisceau de Gowers

du cordon antéro-latéral.'

La substance grise est modifiée dans sa forme générale et

profondément altérée dans ses détails. Les fibres à myéline

sont plus rares. Les cellules radiculaires antérieures sont

frappées d'atrophie ou seulement de chromatolyse. Les cel-

lules de Clarke subissent le même sort. Il en est apparem-

ment de même des cellules de cordon, des cellules de la

corne postérieure. La dure-mère est habituellement nor-

male, la pie-mère souvent atteinte de lepto-méningite em-

bryonnaire. La névroglie a proliféré. Dans les artères, on

note de l'endopériartérite; dans les veines, de la phlébite

embryonnaire.

II. Il n'est pas toujours facile de donner à ces faits une

interprétation rationnelle. La dégénération du faisceau pyra-

midal croisé ne peut être considérée, dans tous les cas,

comme une dégénération descendante ayant pour point de

départ la lésion de la cellule pyramidale de l'écorce. Les

lésions du cordon postérieur s'expliqueraient par une dégé

nération ascendante des fibres radiculaires. Les cellules de

Clarke sont atteintes au même titre et au même degré que les

autres portions du système sensitif dont elles font partie. La

100 RECUEIL DE FAITS.

chromatolyse des cellules radiculaires aurait sa raison d'être

s'il existait une névrite périphérique que la clinique dénonce

et que l'anatomie pathologique soupçonne.

III. - Les lésions, prises dans leur ensemble, ressemblent,

comme topographie et-comme processus, à celles que pro-

- duisent les intoxications par les poisons minéraux, par les

poisons organiques ou par les toxines. Or, de par la clinique,

le paralytique semble bien être intoxiqué, puisqu'il est, dans

la grande majorité des cas, un syphilitique. En outre, les

lésions vasculaires observées sont bien de celles que la syphilis

a coutume de produire.

IV. - Envisagées à un autre point de vue, les lésions

médullaires observées dans la paralysie générale ne sont pas

absolument caractéristiques de la maladie; elles méritent

cependant de prendre rang à côté des meilleurs signes ana-

tomopathologiques de la maladie. De leur connaissance, la

clinique peut tirer quelque profit. Puisque la lésion des con-

ducteurs de la motilité et de la sensibilité est aussi profonde

et aussi constante, elle doit se manifester, de bonne heure,

par des symptômes qu'il sera intéressant de bien observer.

Ils aideront à faire un diagnostic précoce de la maladie. Et

qui sait si, de ce diagnostic précoce, ne pourrait pas résulter

un traitement efficace ?

RECUEIL DE FAITS.

GUÉRISON D'UN DÉLIRE CHRONIQUE SYSTÉMATISÉ,

NON LIÉ A DE LA DÉGÉNÉRESCENCE;

Par le D' Alexandre PARIS

Médecin en chef de l'asile d'aliénés de Maréville-Naney.

Voici d'abord le fait sur lequel repose cette note :

Sommaire. Délire systématisé de persécution et de grandeur. Pas

de signes antérieurs de dégénérescence. Fièvre typhoïde suivie de

guérison de la maladie mentale. Enseignements résultant de ce fait.

C... K..., âgée de quarante-quatre ans, dont les antécédents

GUÉRISON D'UN DÉLIRE CHRONIQUE SYSTÉMATISÉ. 10 1

héréditaires seraient bons, d'après ses enfants, et qui ne présentait

aucun signe de déséquilibration mentale avant le début de la ma-

ladie qui l'amène à Maréville, en février 1894, est atteinte depuis

quelques années de délire systématisé, parfois atténué ou dissi-

mulé au point de faire croire à une convalescence, parfois accom-

pagné d'excitation qui éclatait dans son ménage sous l'influence de

discussions, de simples contradictions opposées à ses idées déli-

rantes. Pendant un de ces moments de surexcitation, elle se pré-

cipita même d'un premier étage dans la rue et se fractura une

jambe. Elle voulait fuir, nous a-t-elle dit plus tard, son mari, qui

se disposait à lui faire un mauvais parti; en réalité, elle espérait

ne pas se blesser et faire croire que son mari l'avait jetée par la

fenêtre. Cette première accusation n'est rien à côté de toutes celles

extrêmement graves qu'elle a souvent portées et qui auraient eu

pour son mari les conséquences les plus douloureuses si sa con-

duite leur avait donné seulement un semblant de bien fondé.

D'abord dominée par des idées de persécution de la part de son

mari et de diverses personnes qui la jalousaient, qui le détour-

naient d'elle, qui favorisaient son inconduite (idées de jalousie, etc.),

elle ne tarda pas à arriver aux idées de vengeance. Elle échafauda

contre M. K... tout un système d'accusations assez habilement

combinées de façon à le représenter comme espion au service de

la triple alliance.

Séquestrée, elle @accusa naturellement médecins, anciens amis,

etc., de favoriser les projets de son mari, de divulguer' toutes les

confidences qu'elle leur avait faites et de la maintenir internée

pour éviter des révélations; elle prit en aversion toutes les per-

sonnes qu'elle connaissait, même les amies de ses filles qu'elle

accusait aussi de pactiser avec ses pires ennemis.

Elle arriva insensiblement à se figurer qu'elle était aussi victime

de tès hauts personnages, de la cour d'Italie notamment, qui

redoutaient de la voir revendiquer ses droits, car des révé-

lations (hallucinations), sur lesquelles elle ne pouvait donner

aucun renseignement, lui avaient appris qu'elle était la fille

d'un roi, etc.

C'est avec ce délire absolument fixe de persécution et de gran-

deur et de l'excitation cérébrale, qu'elle était transférée dans notre

seivice en février 1894. Bientôt les idées ambitieuses et l'exagéra-

tion du sentiment de la personnalité prédominaient nettement ; la

malade se croyait douée d'une très grande intelligence, de talents

très développés, etc...; c'est ainsi qu'elle se donnait comme dotée

d'une voix dont elle tirait merveilleusement parti, qu'elle cherchait

parfois, en chantant à tue-tête et avec une prétention inouïe, à

attirer sur elle l'attention de son entourage et à le gagner à sa

' Hallucinations.

102 RECUEIL DE FAITS.

cause'; c'est ainsi' également qu'elle faisait étalage de l'amitié

du général X..., dont elle menaçait de solliciter l'intervention, etc.

Cet état persista pendant plusieurs mois sans se modifier; les

nombreuses lettres qu'elle nous remit pour diverses personnes ne

comprenaient qu'expressions de haine, reproches, récriminations,

menaces et, de temps en temps, des allusions relatives à sa haute

^-origine, aux machinations que les jaloux dirigeaient contre elle,

contre sa fille aînée, etc.

Il semblait, en juin 1894, que les sentiments affectifs repa-

raissaient, nous l'avions du moins noté, mais nous avons appris

ensuite qu'elle dissimulait, qu'elle ne manifestait le désir devoir

son mari ou ses enfants que pour les accabler de reproches.

Une de nos notes d'octobre 1894 est ainsi conçue : Persistance

des mêmes idées, très autoritaire, ne supporte pas la moindre

contrariété, grossière dès qu'elle rencontre le moindre obstacle à

la réalisation de ses désirs. -

En novembre 1894, notre collègue du service des hommes, appelé

pendant un intérim à examiner l'état mental de celte malade,

commençait ainsi son certificat : a.... est atteinte de délire systé-

matisé chronique caractérisé par des idées de persécution et des

idées de grandeur, se dit victime de son mari, prétend être la fille

de Victor-Emmanuel... »

Le 28 décembre, 111 ? K... était alitée par suite de fièvre typhoïde.

1n jccnvie· 1895 : la fièvre continue évolue saus complications;

les idées délirantes persistent, moins accusées toutefois, exprimées

avec moins de spontanéité.

La convalescence arrive fin janvier laissant les anciennes idées

délirantes simplement atténuées, la malade ne les exprimant plus

avec autant de conviction et de ténacité.

Au commencement de février se produit une rechute, la fièvre

reparaît intense, avec céphalée, etc., mais les idées délirantes dis-

paraissent totalement; AI"« K... en rit, les déclare spontanément

fausses.

J'étais tellement persuadé que M ? K... était incurable, que ce

changement si radical ne se maintiendrait pas, qu'il ne serait que

passager, comme il arrive souvent en pareille occurrence, que je

crus prudent de prolonger la séquestration; je ne me décidai à

signer l'exeat qu'en avril 1895.

J'ai eu récemment (avril 1898) des nouvelles de Mille K... ; elle se

maintient très bien. Je pense que cette période de trois ans qui

s'est écoulée depuis la sortie, me permet de publier ce fait sans

' crainte de critiques relativement à la réalité de la guérison.

Voilà donc un cas de délire systématisé, dont le début re-

' Délire professionnel chez cette malade autrefois bonne musicienne.

CAS DE FIÈVRES TYPHOÏDES CHEZ DES ALIÉNÉS. 103

montait à plusieurs années, que, en l'état actuel de nos

connaissances psychiatriques, j'aurais déclaré incurable, à

l'exemple de tous mes collègues, si la question de curabilité

m'avait été posée; une fièvre typhoïde aurait nettement fait

éclater mon erreur.

L'histoire de cette guérison nous montre que nous ne

sommes pas encore assez instruits pour affirmer l'incurabilité

d'une vésanie qui ne s'accompagne pas de déchéance intel-

lectuelle annonçant la démence. J'en conclus que le délire

systématisé chronique, non associé à de la dégénérescence

mentale, n'est actuellement incurable que parce que nous

en ignorons les causes et la nature intimes et, par suite, la

thérapeutique.

A PROPOS DE CINQUANTE CAS DE FIÈVRE TYPHOÏDE

. CHEZ DES ALIÉNÉS ;

Par M. ROGER IIYVERT,

Interne des asiles de la Seine.

Ayant eu l'occasion assez rare d'observer plusieurs cas de

fièvre typhoïde chez des aliénés, il nous a paru intéressant

de réunir quelques faits publiés récemment sur ce sujet et de

rechercher si la dothiénenterie a eu, dans ces observations,

une influence salutaire sur les troubles psychiques.

En France nous ne connaissons que des cas isolés ; il n'en

va pas de même à l'étranger où cette question est étudiée

avec soin. En Angleterre, notamment, J. Kean (in the Jour-

nal of mental science) a observé 38 cas de fièvre typhoïde.

Il oppose ce chiffre à six cas seulement de scarlatine et

arrive à cette conclusion, que l'amélioration de l'état men-

tal survient plus souvent à la suite de la fièvre scarlatine

qu'à la suite de la fièvre typhoïde. Pour celle-ci le febris

spasmos solvit serait au moins inexact.

Nous arrivons à une opinion peu différente si nous consul-

tons plusieurs rapports annuels des asiles de province : il

n'est pas fait mention de guérisons ou d'améliorations pro-

voquées par la fièvre typhoïde.

1 0-in RECUEIL DE B'AITS.

Personnellement, nous avons observé avec soin dix ma-

lades atteints de dothiénenterie grave. L'état mental n'a

été modifié d'une façon certaine que pour deux malades.

Nous verrons que pour l'un d'eux la guérison ne saurait être

scientifiquement attribuée à la dothiénenterie. L'autre se rap-

proche beaucoup d'une observation longuement publiée dans

' les Archives de Neurologie (n° 5, année 1896) par M. Char-

ron. En résumé, le malade de M. Charron était atteint de

manie aiguë très violente. Une fièvre typhoïde à furme ady-

namique grave se déclare. Pendant la période d'état, dispa-

rition brusque et complète des symptômes maniaques durant

un mois. L'état maniaque antérieur revient bientôt suivi d'une

amélioration progressive. Dans notre observation, c'est une

forme de manie qui a bénéficié également du fait de la dothié-

nenterie d'une véritable suppression des manifestations vésa-

niques.

l\Ime Br..., vingtans. Entrée le 26 juin 1896. Manie aiguë, suite de

couches ; loquacité exagérée, insomnie, idées rapides, souvent

incohérentes; difficulté de fixer l'attention de la malade : éclats

de rire et vociférations; délire obscène et penchants érotiques.

Elle crie souvent, se déshabille. On est obligé de la nourrir à la

sonde; la sensibilité est normale. Au mois de juillet l'agitation est

toujours violente. Sommeil la nuit. Gâtisme.

Le 20 août nous la faisons entrer à l'infirmerie, parce qu'elle a

de la fièvre [/excitation est un peu moins forte. Le lendemain et

les jours suivants, la température monte, se maintient très élevée;

taches rosées, langue rôtie, presque tous les signes d'une fièvre

typhoïde à la période d'état. La malade est devenue plus calme,

mais elle répond encore mal aux questions qu'on lui pose, fait des

grimaces, ne veut pas que son mari s'appelle M, Br..., mais bien

M. V... Puis tout à coup cette agitation très légère disparait.

Alme Br... dit elle-même qu'elle va très bien. Et de fait l'amélio-

ration de son état mental persiste; le 18 septembre, la fièvre est

tombée définitivement. La malade ne tarde pas à se lever quelques

heures par jour : elle fait de la tapisserie et des fleurs artificielles.

Au mois d'octobre elle quitte l'asile.

Voilà deux cas de manie qui paraissent avoir été nettement

améliorés par la maladie intercurrente. Plusieurs aliénistes

ont observé à la fois et la fréquence des maladies incidentes

dans la manie et l'amélioration consécutive de cette vésanie,

amélioration et de courte durée presque toujours. (

Mais la curabilité de la manie ôte à ces observations beau-

/

CAS DE FIÈVRES TYPHOÏDES CHEZ DES ALIÉNÉS. '105

coup de leur valeur d'autant plus que ces modifications favo-

rables sont loin de se produire pour tous les cas. D'autre part,

que le pronostic de la manie vienne à se trouver assombri

par de nombreux antécédents héréditaires, la guérison du

fait de la fièvre typhoïde deviendra hypothétique. OI"e B...

entrée huit jours avant Mme Br..., a des antécédents hérédi-

taires très chargés. Le père et la mère présentent de nom-

breux stigmates de dégénérescence et leurs sentiments affec-

tifs sont tels qu'ils souhaitent la mort de leur fille et redou-

tentsa guérison. Le certificat du premier jour est ainsi conçu :

« maniaque; refus de manger; erreur de personnalité; pleure

quand une gardienne qu'elle croit sa parente s'éloigne; doit

avoir des hallucinations de la vue (fixité du regard), perte de

mémoire, anesthésie cutanée. 'Au commencement de juillet,

elle se montre d'une gaîté exagérée. Le 16 juillet elle est

transférée à l'infirmerie avec le diagnostic de fièvre typhoïde.

La malade continue à rire à propos de tout. La maladie inci-

dente guérit, Mye B... se lève au mois d'août sans que son

état mental ait jamais changé.

Ainsi donc, dans l'observation de M. Charron, la dothiénen-

terie paraît avoir provoqué une dérivation passagère ; cette

dérivation a été plus durable dans notre observation de

M"10 Br... (bien que nous ayons perdu la malade de vue depuis),

enfin, dans le cas de M"B..., il n'y a pas eu de dérivation du

tout. Nous ne résumerons qu'une autre observation person-

nelle dans laquelle il est difficile d'attribuer à la dothiénen-

terie une curieuse guérison.

M"° G..., vingt ans. Diagnostic. Imbécillité. Parle et comprend

peu, absence d'initiative. Sentiments affectifs peu prononcés.

Délire mystique avec hallucinations de la vue et de l'ouïe, infanti-

lisme, oreilles séniles et pointues à l'extrémité supérieure. Héré-

dité chargée.

Six semaines après son entrée elle fait une fièvre typhoïde. Elle

reste apathique et indifférente. Cinq jours plus tard, elle a deux

gros frissons : le premier a duré vingt minutes, le second environ

une heure. Elle contracte une broncho-pneumonie très forte.

Tétanie. Les accidents typhiques et broncho-pulmonaires dispa-

raissent ; un mois et demi après l'invasion de la fièvre, la malade

« relativement » guérie obtient sa sortie. -

Ce dernier cas nous donne une idée des difficultés de cette

étude.

106 REVUE d'électrophysiologie ET D'ÉLECTROTHÉRAPIE.

Est-ce la dothiénenterie qui a pu améliorer une aliénée

fortement dégénérée et héréditaire ? est-ce la broncho-pneu-

monie, ou encore l'association de l'une et de l'autre ? Cas

exceptionnel, il est vrai, que celui de M"e G... Voilà donc

cinquante cas de fièvre typhoïde ; simple coïncidence peut-

être la manie, dans deux cas, a bénéficié, en apparence, d'une

- influence salutaire du fait de cette fièvre éruptive.

Les autres formes de folie, en général, n'ont pas été modi-

fiées. Ces études dont l'utilité est incontestable, paraissent

donc devoir être moins fécondes pour la dothiénenterie que

pour d'autres manifestations inflammatoires d'origine micro-

bienne telles que la pneumonie, la grippe, l'érysipèle, le

phlegmon, etc. C'est de ce côté plutôt qu'il y a au moins des

recherches de mise au point à entreprendre. Il serait d'ail-

leurs important de connaître le lieu de causalité grâce auquel

la maladie somatique modifie la maladie mentale. Enfin il ne

faudrait pas se borner, ainsi que le dit un Anglais, John

Bullen, qui a étudié ces questions comme Kean, à constater

les expériences de la nature ; il faudrait tenter de les inter-

préter, arrivera savoir si l'on ne pourrait pas obtenrr volon-

tairement des résultats analogues ou même meilleurs.

REVUE D'ÉLECTROPHYSIOLOGIE

ET D'ÉLECTROTIIÉRAPIE

1. - ELECTROPHYSI 0L0G1E.

Dans l'année qui vient de s'écouler, quelques travaux très impor-

tants méritent d'être cités. En premier lieu celui de MAI. Ch. Ri,het

et A. Broca sur l'action de l'électricité sur le muscle privé d'oxygène'.

Leurs expériences ont porté sur le jambier antérieur et la langue

du chien et ont démontré que si on laisse l'animal au repos com-

plet pendant l'asphyxie, la fibre musculaire n'est pas profondément

atteinte. Aussitôt que l'oxygène est revenu, si on excite le muscle,

on voit que la contraction reprend une valeur assez voisine de sa

1 Al'ch. d'élecll ? méd, janv. 1897. ,

REVUE d'électrophysiologie ET d'électrothérapie. 107

valeur initiale, quoique toujours un peu plus faible. Mais si on pro-

duit l'excitation électrique pendant l'asphyxie, pendant les trois

premières minutes l'excitation augmente un peu; puis, au moment

où les mouvements respiratoires commencent à se ralentir, la con-

traction devient moins forte et disparaît complètement au bout de

la septième ou huitième^ minute. L'affaiblissement est d'autant plus

grand que le travail effectué par le muscle est lui-même plus

"rand et il est beaucoup moins prononcé pour la langue que pour

le jambier. -

Les effets consécutifs varient suivant les conditions de l'expé-

rience : si on a poussé l'épuisement à l'extrême, le muscle est défi-

nitivement mort et plusieurs heures après le retour de l'oxygène, il

continue à ne pas répondre à l'excitation. Lorsqu'on a poussé la

fatigue à un état voisin de l'épuisement, le muscle continue à mou-

rir, même si on lui rend l'oxygène.

L'excitation électrique à cette période accélère la mort du

muscle. Lorsque le travail anaérobie a été moindre, il suffit de

rendre l'oxygène au muscle pour que son excitabilité reparaisse

assez rapidement; la période de restauration est même activée

par un travail régulier à l'aide de la faradisation.

Dans toutes ces expériences, la langue résiste plus que le jam-

bier à cause de sa vascularisatiou considérable et de la possibilité

qu'ont ses muscles de fixer l'oxygène à travers la muqueuse.

Au point de vue pratique, ces recherches ont un intérêt, car

elles montrent que la faradisation est contre-indiquée dans les cas

où comme dans la paralysie pseudohypertrophique et certains

autres il y a vaso-constriction spasmodique parce qu'elle conduit

à des lésions irréparables.

A M. Allard nous devons une étude du tétanos électrique chez

l'homme, qui aboutit aussi à un enseignement pratique. En effet,

les limites entre lesquelles varient le nombre d'excitations tétani-

santes pour un même muscle sont assez restreintes, ce qui permet

d'établir une moyenne pour un muscle donné ; d'autre part, les

nombres d'excitations nécessaires pour produire le tétanos diffèrent

dans des proportions notables d'un muscle à l'autre. On peut donc,

par la comparaison du nombre d'excitations tétanisantes du muscle

sain et de son similaire malade, se faire une idée assez exacte de

la durée de la contraction du muscle atteint et voir si celte durée

diffère de la normale par excès ou par défaut. La comparaison des

nombres obtenus à différentes époques peut renseigner aussi sur la

'marche du mal. Au point de vue thérapeutique, la connaissance du

rythme des excitations nécessaires pour faire entrer un muscle

malade en tétanos parfait est utile, parce qu'il convient de graduer

le nombre des excitations suivant ce même rythme, si on veut évi-

ter la fatigue du muscle.

Les recherches de Richard Fischel sur les modifications toniques

108 REVUE D'ÉLECTROPHYSIOLOGIE ET d'électrothérapie.

et autres tle. quatre segments du coeur des mammifères soumis à l'ex-

citation électrique , nous montrent que chaque segment du coeur

est doué d'une activité indépendante manifestée par l'allorythmie

et l'arythmie de chacun d'eux dont les contractions ne correspon-

dent pas. Il en conclut que l'hypothèse de Krowecker et Scheney

sur l'existence d'un centre coordinateur unique des mouvements

du coeur n'est pas exacte. Les courants induits moyens accélèrent

les contractions rythmiques du coeur, l'augmentation d'intensité

détermine l'arythmie.

Les excitations électriques empêchent l'arrêt des contractions du

coeur empoisonné par le chloroforme, ce qui justifie l'emploi de

l'électricité dans les syncopes chloroformiques.

Avec Danilewsky et Bordier, nous entrons de nouveau dans l'étude

des réactions du système nerveux. Le premier nous montre l'action

du champ électrique oscillant sur un nerf placé dans ce champ.

1° Dans une première expérience le champ électrique oscillant

produit la charge électrique de la préparation neuro-musculaire

isolée. Si on établit la communication avec le sol ou si on approche

la main de la préparation, des contractions peuvent se manifester.

2° Avec une tension plus grande du champ oscillant, il y a des

contractions spontanées. On en observe aussi, si au lieu d'augmen-

ter le courant on approche la préparation d'un des pôles de la spi-

rale secondaire, l'autre étant en communication avec le sol.

Si on réunit le bout central du nerf au muscle au moyen d'un

conducteur collatéral formant circuit fermé, l'excitation induite

s'affaiblit et le muscle ne se contracte pas. Les excitations induites

se produisent également quand la préparation neuro-musculaire

se trouve parfaitement isolée dans un vase de fer bouché, ou quand

elle est plongée tout entière dans de l'huile de vaseline. Elles

subissent un affaiblissement considérable ou cessent complètement

lorsqu'on interpose un conducteur relié au sol entre la préparation

et le pôle de l'électrode libre. Le long d'un fil induit la contraction

se produit quand on promène la préparation à 20 ou 25 centi-

mètres du fil. '

L'auteur a pu aussi constater des phénomènes d'interférence de

l'action des^deux pôles. Lorsqu'on place la préparation entre les deux

électrodes terminant le fil induit, il y a contraction si la position est

dissymétrique, repos si elle est symétrique. L'excitation induite du

nerf peut aussi se produire si le circuit de la bobine secondaire

d'induction se trouve fermé. On obtient l'excitation induite du nerf

même à travers le corps de plusieurs personnes placées sur des

tabourets isolants. Il est très facile aussi avec une spirale acces-

soire introduite dans le circuit secondaire interrompu ou non, de

provoquer l'excitation des nerfs sensitifs de la main. En mel-

' Arch. {ill' exper. Pallt. and 1' ! t(tI'1n" t. XXXVI11.

REVUE d'électrophysiologie ET d'électrothérapie. 109

tant un animal entier dans cette spirale, on remarque qu'il

reçoit une grande charge électrique dont la décharge peut servir à

l'exciter.

Le second nous montre que la sensibilité est d'autant plus irritée

par les courants faradiques que la bobine secondaire a un fil plus

fin. Il faut donc quand on veut électriser les muscles employer des

bobines à gros fil.

M. Dubois 1 (de Berne), étudiant l'action physiologique du courant

galvanique dans sa période d'état variable de fermeture, a démon-

tré : 1° que l'effet physiologique dépend beaucoup plus du voltage

que de l'intensité du courant ; 2° que la résistance propre du corps

dont dépend nécessairement l'intensité, n'a presque pas d'influence

sur l'action physiologique d'une fermeture de courant ; 3° que des

résistances rhéostatiques intercalées dans le circuit principal abo-

lissent l'effet physiologique d'une fermeture de courant, alors

même que ces résistances sont par leur valeur en ohms absolu-

ment négligeables vis-à-vis de la résistance du corps. 11 conclut de

ces recherches que l'effet physiologique doit se mesurer au volt-

mètre et non au galvanomètre.

111. Bordier a communiqué au congrès de Moscou ses recherches

expérimentales sur l'action des états variables du courant galva-

nique sur les nerfs sensilifs. Ces recherches, destinées à compléter

et à préciser celles de Erb ont été, faites en prenant comme point

de comparaison l'apparition de la sensation électrique minima. Il a

aussi démontré que la sensation de fermeture précède toujours

celle d'ouverture au pôle + et que les sensations produites par les

étals variables de fermeture et de rupture du courant se suivent

dans l'ordre suivant KF, PF, PO, NO, ce qui les rend très ana-

logues aux secousses motrices. Ces expériences semblent bien

démontrer, en outre, que les nerfs sensitifs sont excités par l'action

propre, directe du courant Galvanique, car si l'action électroly-

tique seule produisait l'excitation sensitive, il serait difficile d'ex-

pliquer la loi des secousses qui ressort des expériences sus-énon-

cées.

II. Electrodiagnostic

L'électrodiagnostic tient encore une place importante dans l'es-

prit des électrollrérapeutes; aussi aurons-nous un certain nombre

de travaux intéressants à résumer.

En premier lieu, celui de Roumaillac, préparateur à la faculté

de médecine de Bordeaux, sur l'éleclrodiagnostic et son utilité .

Dans la chirurgie du pied bot, l'examen électrique des muscles

permet de reconnaître les muscles sains et ceux qui sont malades,

1 Acad, des Sc" 12 juil. 1897.

2 Arc1t. d'élecli ? méd., fév. 1897.

110 REVUE D'ÉLECTROPHYSIOLOGIE ET D'ÉLECTROTHÉRAPIE.

de faire entrevoir par une contraction forte quelle sera l'attitude

du pied après la myotomie, enfin l'état de l'innervation. Si le

muscle n'obéit plus à l'excitation indirecte, malgré l'opération, il

dépérira. L'exploration électrique permet également de distin-

guer chez un malade soumis à des intoxications multiples (alcoo-

lisme et saturnisme) de distinguer quelle est la cause de la paraly-

sie ; enfin il permet de prescrire un traitement électrique utile et

raisonné pour le choix du pôle actif suivant les réactions neuro-

musculaires. Les règles tracées par l'auteur : repos absolu de la

région à analyser, emploi de l'intensité minima, sont aussi très

judicieuses.

En second lieu, une très bonne étude de M. Carlo Luraschi, de

Milan, sur les méthodes à employer. Première méthode : force

électromotrice variable, collecteur toujours à zéro, électrode diffé-

rente fixe : la contraction normale minima, apparaît avec un cou-

rant de 2 à 2,5 Ma. Pour obtenir la contraction avec le pôle positif

il faut une intensité de 0,5 à 2 Ma plus grande qu'avec le pôle néga-

tif. Dans la seconde méthode, lorsqu'on a trouvé la contraction

minima de fermeture avec l'électrode différente négative, on

cherche la contraction minima avec l'électrode différente positive

en renversant directement le courant sans porter le collecteur au

zéro. Dans ce cas il y a une cause d'erreur due à la polarisation

des électrodes et des tissus qu'on peut éviter en reculant la manette

du collecteur d'un ou deux numéros ou en faisant usage du com-

mutateur. Une fois la contraction minima trouvée on recherche la

contraction tétanique soit par l'excitation directe du muscle, soit

par celle du nerf, en faisant agir le pôle négatif. On obtient alors

les contractions à l'ouverture et à la fermeture de l'anode et à

l'ouverture de la cathode.

Dans la troisième méthode on utilise une intensité connue et on

ferme et ouvre successivement le courant, l'électrode active étant

tenue à la main. On renverse le courant avec le commutateur pour

étudier l'action différente des pôles. Cette méthode est surtout utile

chez les personnes sensibles.

Dans la quatrième méthode on intercale dans le circuit un rhéos-

tat qui permet plus d'exactitude dans l'examen. Au premier con-

grès international de neurologie, psychiatrie, électricité médicale

et hypnologie de Bruxelles, M. le professeur Doumer (de Lille) a

présenté un très intéressant rapport sur la valeur séméiologique

des réactions anormales des nerfs et des muscles. Il se pose d'abord

les deux questions suivantes : le muscle répond-il directement aux

excitations électriques ? Lorsqu'il est excité par l'intermédiaire du

nerf correspondant, par quel mécanisme se fait celte excitation ?

Il lui semble logique d'admettre que l'excitation du muscle, lors-

qu'elle se fait par l'intermédiaire de son point d'élection, n'est pas

une excitation directe du tissu musculaire, mais bien pour une

REVUE d'électrophysiologie ET d'électrothérapie. 111 1

très grande part une excitation indirecte qui emprunte l'influence

des filets terminaux qui aboutissent à ce muscle.

Se basant ensuite sur les expériences de M. Charpentier (de

Nancy) qui a démontré que la contraction musculaire provoquée

par l'excitation d'un nerf n'est pas due à la transmission directe à

l'organe réagissant de l'excitation électrique elle-même, mais de

cette excitation transformée en onde nerveuse, il conclut que si

nous constatons à la suite de l'excitation d'un nerf moteur une

réaction musculaire anormale, celle-ci ne peut s'expliquer que par

trois hypothèses : altération de la substance nerveuse qui trans-

forme anormalement l'excitation électrique, altération du cordon

nerveux en aval du point excité; altération du muscle. On peut

donc poser comme règle que les réactions anormales sont toujours

liées à une altération des organes explorés.

Les diverses réactions décrites depuis trente ans (réactions de

dégénérescence, myotonique, de compression, de diatbèse de con-

tracture, d'épuisement, etc.) sont des syndromes électriques consti-

tués par des réactions élémentaires ou des successions de réac-

tions élémentaires qui sont le plus souvent absolument indépen-

dantes et possèdent sans doute chacune leur signification propre.

Dans l'étude des réactions anormales élémentaires il distingue

deux catégories : la première comprend les modifications quanti-

tatives des excitabilités voltaïque et faradique, la seconde les ano-

malies de la secousse musculaire consécutive.

L'hypoexcitabilité faradique (réaction de Duchenne) se produit

soit dans les altérations du cordon nerveux moteur, le muscle res-

tant sain ; soit dans les altérations du muscle, le nerf restant sain;

soit lorsqu'il y a altération simultanée du nerf et du muscle. Cette

réaction nous enseigne que l'organe moteur est altéré dans ses pro-

priétés fondamentales en aval du point exploré ou en ce point lui-

même ; elle reste muette. sur les lésions situées en amont et ne

nous renseigne en rien sur la nature de l'altération.

L'hypoexcitabiitté voltaïque sans aucune modification qualitative

est due aussi bien à une altération du nerf exploré, qu'à celle du

muscle ou des deux organes. Elle correspond a une altération sié-

geant soit au point exploré, soit en aval de celui-ci. Aucune alté-

ration des centres nerveux ou du cordon nerveux en amont de ce

point ne peut la produire.

L'hyperexcilabilité faradique et voltaïque sans modifications qua-

litatives se rencontre dans les mêmes cas et suivant toute proba-

bilité est caractéristique des mêmes conditions pathologiques; mais

celles-ci sont encore très imparfaitement connues. Les modifica-

tions qualitatives des excitations voltaïques engendrent des réac-

tions anormales nombreuses. La réaction d'Erb est symptomatique

d'une altération du cordon nerveux au point même de l'explora-

tion. Cette altération atteint très probablement le neurone corres-

'2 REVUE d'électrophysiologie ET d'électrothérapie.

pondant. Elle est absolument indépendante de l'état de santé ou

de maladie de toutes les parties de l'appareil nervo-musculaire,

situées en dehors de ce point, soit en amont, soit en aval.

La réaction de Rich (R. de compression) semble répondre à une

altération de l'irrigation sanguine du nerf. Rien cependant dans

les cas pathologiques ne permet encore de rapporter à cette cause

l'existence de cette réaction.

Pour l'étude des modifications de la courbe de la secousse mus-

culaire, il faut, comme l'a fait M. Mendelshon, inscrire cette

secousse. Il y a quatre types bien distincts : 1° courbe spasmodique

(temps perdu diminué, ascension de la combe plus brusque, des-

cente plus longue, amplitude diminuée.); 2° courbe paralytique

(allongement de la période latente, diminution de la hauteur de la

courbe); 3° couibe atrophique (augmentation du temps perdu,

augmentation de la durée de la secousse, ascension lente, descente

lente, amplitude diminuée); 4° courbe dégénérative qui a les mêmes

caractères que la précédente avec cette différence que la ligne des-

cendante présente des ondulations.

111. - Electrothérapie.

La neurasthénie a fourni encore un champ de recherches très

étendu aux électrothérapeutes que nous avons en grande partie

résumées dans un rapport à la Société française d'électrothérapie

et un autre au leur congrès international de neurologie, psychia-

trie, électricité médicale et hypnologie de Bruxelles. En dehors de

la faradisation généralisée et de la voltaïsation centrale préconi-

sées par Beard et Rokewell, M. R. Vigouroux a depuis longtemps

mis en lumière les avantages de la franklinisation. Depuis Betton,

Massey a proposé la voltaïsation du sympathique à l'aide de Liés

larges électrodes appliquées l'une sur le dos, l'autre sur le ventre

et dans lesquelles il fait passer un courant de 50 à 150 Ma. Pour les

applications périphériques, il se sert également du courant vol-

taïque, électrode indifférente placée dans le dos, électrode active

de 3 centimètres de diamètre sur les points moteurs des muscles

avec une intensité de ta à 35 milli-ampères.

'1\L\1. les docteurs Apostoli et Planet (Soc. franc, d'électrothé-

rapie, 489 i-98) ont, dans plusieurs notes, fait connaître les bons

résultats qu'ils obtenaient au moyen de l'auto-conduction produite

par les courants de haute fréquence provenant de l'appareil ima-

giné par 11. le professeur d'Arsonval sur les neurasthéniques artliri.

tiques. Chez les neurasthéniques qui présentent en même temps

des stigmates ou des signes d'hystérie, ils donnent la préférence à

la franklinisation.

Le Dr G. Rauzier (Montpellier médical, n° 27, 1897) propose

dans le traitement des poliomyélites d'associer la galvanisation de

REVUE d'électrophysiologie ET d'électrothérapie. 113

la moelle avec la faradisation des muscles; on peut aussi ajouter à

ce traitement, comme l'a proposé le Dr Huet, la galvanisation

simultanée du grand sympathique. L'électrisation statique, qui a

aussi été essayée, ne semble pas donner d'aussi bons résultats que

les moyens précédents. Le traitement électrique doit être appliqué

longtemps, des mois et des années même quelquefois ; on aura

soin de l'interrompre pendant quelques jours tous les mois. On ne

doit y renoncer que lorsqu'il n'est survenu aucun progrès pendant

un espace de temps assez long.

M. le professeur Doumer (de Lille) a montré par plusieurs obser-

vations présentées à la Société française d'électrothérapie, que le

succès du traitement électrique dans la poliomyélite antérieure de

l'enfant dépend du moment où commence le traitement. Plus il

est hâtif, plus les chances de succès sont grandes. On doit donc le

commencer dès que la période fébrile a pris fin.

Nous avons communiqué au Congrès international de médecine,

de Moscou les résultats que nous avions obtenus au laboratoire

d'électrothérapie de la Charité, en traitant les paralysies saturnines

par les courants alternatifs à basse fréquence provenant directe-

ment du secteur de la rive gauche (arcs. d'électr. méd. 15 sep-

tembre 1897). Des neuf observations présentées, nous avons pu

conclure : 1° que le courant alternatif provenant d'une station

centrale est bien supporté par le malade à la condition que l'opéra-

teur dispose de bons rhéostats.

2 Que l'effet des courants alternatifs sur les nerfs sensitifs est

beaucoup moins prononcé que celui des courants faradiques avec

lesquels on ne pourrait employer un courant primaire de 10 à

12 volts. L'effet mécanique est plus énergique et moins brutal que

celui des courants faradiques.

Au contact de ces courants la peau rougit comme lorsqu'on la

soumet à l'action du pinceau faradique.

L'action des courants alternatifs ressemble, sans y être tout à

fait identique, à celle de la galvano-faradisation de Walteville.

Pour terminer, nous citerons un remarquable travail de 111. le

professeur Bergonié (Arch. d'électr. méd. oct., 1897) sur le traite-

ment électrique palliatif de la névralgie du trijumeau par le courant

voltaïque. Le principe de ce traitement est que l'intensité soit très

élevée, de 35 à 50 W pour une électrode de 35 centimètres carrés.

Le pôle positif doit être appliqué loco dolenti. Pour cela il faut une

électrode spéciale qui s'applique bien sur les sinuosités de la face.

Cette électrode est constituée par une plaque d'étain laminé de

1 à 2 millimètres d'épaisseur, bien isolée sur ses bords au moyeu

d'une bande de caoutchouc et garnie d'une couche de 1 cent. 1/2

d'épaisseur de gaze hydrophile. L'électrode est maintenue en

place à l'aide de bandes de caoutchouc convenablement placées.

Dans ces conditions, le traitement galvanique de la névralgie du

Archives, te série, t. VI. 8

114 REVUE DE pathologie nerveuse :

trijumeau par les hautes intensités et les longues durées (20 à

25 minutes) d'application peut être considéré comme l'un des

plus efficaces. Appliqué suivant une technique correcte, ce traite-

ment est exempt de tout inconvénient, à plus forte raison de tout

danger. Son action doit être probablement classée parmi les effets

.électrolytiques du courant, effets atteignant aussi bien les termi-

naisons périphériques que le tronc et les racines du nerf affecté.

L.-R. REGNIER.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXV. Accès convulsifs ÉPILEPTIQUES ET exagération [de la PUTRÉ-

faction intestinale; par d : àNGEnIO. (Riv. clinica e therap., n° 3,

1897.)

Histoire clinique d'un jeune homme de vingt-quatre ans,qui, par ses

antécédents héréditaires et personnels, peut être considéré comme

un dégénéré, un épileptique prédisposé au mal par l'hérédité; mais

qui pendant son enfance et son adolescence n'a présenté que de

très rares vertiges, avec tendance à la chute, et chez qui les accès

convulsifs se sont manifestés pour la première fois à l'âge de vingt-

trois ans, à la suite d'excès d'alimentation compliqués d'embarras

gastrique avec constipation. Ces accès furent très violents, aug-

mentèrent de fréquence peu à peu jusqu'à ne plus pouvoir être

comptés. Sous l'influence d'évacuants énergiques (débâcle de fèces,

abondantes et fétides), d'antiseptiques intestinaux, de calmants et

de diète lactée, disparition complète des accès convulsifs qui

n'ont pas reparu depuis six mois. L'auteur rappelle les travaux de

Bouchard et ceux de Feré, Voisin, Petit, Alassalongo, Lépine, etc.,

tendant à établir les rapports entre l'épilepsie et les auto-intoxi-

cations. Son cas, en montrant d'une façon certaine l'enchaîne-

ment causal entre l'embarras grstrique, la constipation, la putré-

faction intestinale, l'auto-intoxication et l'accès convulsif, démontre

que, s'il y a une épilepsie gastrique, il y a aussi une épilepsie intesti-

nale, dues l'une et l'autre à l'intoxication résultantde la putréfaction

d'aliments mal digérés. Il ne pense pas, comme Voisin, que les

poisons de l'économie produisent l'excitation des centres convul-

sifs chez les prédisposés, en contractant les vaisseaux cérébraux

par l'intermédiaire des centres vaso-moteurs du bulbe. Il croit

plutôt que les produits toxiques agissent directement sur les élé-

ments nerveux de l'écorce, produisant un paroxysme épileptique,

en rapport avec les régions intéressées. R. Ciiaron.

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 115

XXVI. TIC de l'horloger; par T. COlIN. (Neurolog. Centralbl. XVI.

1897.)

Homme de quarante-huit ans, exerçant depuis trente-quatre

ans son métier, et, depuis vingt ans, sans trêve, seul, de 8 heures

du matin à 8 ou 9 heures du soir. Pendant la plus grande partie de

ce temps, l'oeil gauche est armé d'une loupe enclavée dans l'ar-

cade sourcilière, comme un monocle. Il y a deux ans, à la suite

d'un travail prolongé, il ressentit autour de cet oeil une vibration

scintillante, espèce de convulsion qui se répandit à toute la moitié

gauche de la face; s'accentuant graduellement, sous la forme de

contraction tonique, puis décroissant de même, mais forçant le

patient se lisser en quelque sorte la peau du visage avec la main.

D'abord, cette crampe n'apparaissait que dans la journée; puis

elle commença avec le matin, subsistant, se montrant même en

dehors du travail. Actuellement elle persiste du matin au soir,

avec de faibles interruptions d'un quart d'heure ou d'une demi-

heure ; elle est également provoquée de temps à autre par les mou-

vements musculaires en rapport avec la parole, la mastication, le

bâillement, l'acte de se moucher. Ni douleurs, ni paresthésies, ni

affection mentale. Ce tic occupe tout le facial, mais surtout la

branche moyenne, et en particulier l'orbiculaire de toit; variable

dans son intensité et son rhythme, il est presque continu, car on

constate dans le constricteur de l'oeil, en permanence, une ondula-

tion légère de quelques trousseaux musculaires ; les convulsions

affectent parfois la forme tonique, surtout à l'occasion des mouve-

ments des muscles de la face. Traitement : le patient s'est fait cons-

truire une lunette munie, pour l'oeil gauche, d'un verre noir; pour

l'oeil droit, de la loupe professionnelle. P. KERAYAL.

XXVII. Deux observations DE POLIOENCÉPIIALITE hémorrhagique SUPÉ-

RIEUREAIGUE (DE WERNICKE); par W. MOURAwIEFF. (Neurolog. Cen-

tralbl., XVI, 1897.) .

Observation I. Femme de quarante-six ans. Céphalalgies

opiniâtres. Attaques d'épilepsie corticale. Hémiparésie gauche.

Amblyopie aboutissant très rapidement à l'amaurose. Névrite op-

tique sans papille étranglée. Blépharoptose droite. Immobilité pres-

que complète du globe de l'oeil droit. Dilatation des pupilles; la

pupille droite ne réagit pas à la lumière; celle degauche réagit

lentement. Douleurs dans le dos et le tronc. Absence de réflexes

patellaires. Autopsie. Un sarcome (à cellules rondes) occupe la

partie moyenne de la frontale ascendante droite. Inflammation

hémorragique dans le territoire de la protubérance, des pédoncules

cérébraux et des gros ganglions, avec localisation principale autour

du canal central. Dégénérescence des racines postérieures et des

116 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

cordons postérieurs de la moelle : 1° La dégénérescence des racines

postérieures sur toute la hauteur de la moelle, n'affectant point, aux

divers étages, tout à fait le même contingent de fibres, explique

les douleurs de la nuque et du dos, s'irradiant à la région du foie,

l'absence des réflexes cutanés et tendineux. Elle dérive, suivant

toutes probabilités, de l'influenza et a dû provoquer l'inflammation

mixte parenchymato-interstitielle constatée dans les cordons pos-

térieurs, surtout dans les faisceaux cunéiformes de Goll, au niveau

des régions thoraciques et cervicales; épaississement des travées

conjonctives avec diminution de la quantité des éléments nerveux.

- 2° La tumeur des ascendantes droites explique les céphalalgies

compliquées de temps àautre de vomissements, d'obnubilation de

la connaissance, d'accidents parétiques du facial, du hras et de la

jambe gauche, les attaques épileptiformes (épilepsiejacksonienne).

Il y a longtemrs que la malade avait cette tumeur, si l'on en juge

d'après son volume et l'aplatissement des circonvolutions. Mais les

accidents symptomatiques de l'augmentation de la pression inlra-

cranienne n'apparurent qu'à la suite de l'inlluenza; jusque-là le

cerveau s'était adapté à l'accroissement de la tumeur et à la modi-

fication de la pression correspondante; l'infection a détruit l'équi-

libre relatif, tant par les troubles de la circulation que par l'in-

toxication immédiate qu'elle a produits. Si la craniotonoscopie

n'a fourni qu'un résultat négatif, c'est que les os n'étaient point

atteints. - 3° Dans le pont de Ila2-ole et dans les pédoncules céré-

braux on constate : une hyperémie extrême ; une colossale dilata-

tion des capillaires farcis d'hématies; une accumulation de cel-

lules rondes autour des vaisseaux et dans le tissu ambiant ; une

encéphalite aiguë avec nombreuses petites hémorrhagies. Cette

encéphalite hémorrhagique est, au point de vue morphologique, la

forme de Wernicke, ou, si l'on préfère, la forme de Sttümpell,

modifiée à l'usage des pédoncules cérébraux et de la protubérance.

4° La diminution progressive de l'acuité visuelle était due, et à

la névrite optique, et aux lésions des centres visuels sous-corticaux :

petites hémorragies et inflammation des tubercules quadriju-

meaux, des couches optiques des corps genouillés. La névrite op-

tique émane de l'encéphalite en question d'autant qu'il y a eu infec-

tion. - 5° Les paralysies du nerf oculo-moteur commun droit et du

pathétique du même côté sont expliquées par l'inflammation hémor-

ragique des noyaux correspondants des nerfs. Peut-être, vu l'inté-

grité du noyau de l'oczclomotezvr externe droit paralysé, bien que ce

noyau soit extrêmement congestionné, [pourrait-on penser pour

expliquer sa paralysie, à la lésion du faisceau longitudinal supé-

rieur en rapport intime, très probable, avec le noyau de la sixième

paire.

Observation II. Absence de mouvements conjugués conseil-

.REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 117

suels des deux côtés, sans paralysie des muscles des yeux. Blépha-

roptose bilatérale. Nystagmus, inégalité pupillaire. Psychose poly-

névritique ; névrite multiloculaire. Guérison. P. Keraval.

XXVIII. Observation DE paralysie DE l'oculomoteur commun A réci-

DIVES périodiques; par G. ILIdTSCIiIiIN. (Neurolog. Ce7ll7'albl.,

XVI, 1797.) .

Type de paralysie de l'oculomoteur commun gauche d'origine

maremmatique, purement périodique puisque en dehors des accès

paralytiques, l'oeil demeure normal (Senator). Evidemment, il

s'agit d'une affection périphérique de l'oculomoteur, puisque la

paralysie musculaire s'accompagne d'un trouble -de la réaction

pupillaire à la lumière comme à la convergence ; si l'écorce ou la

substance blanche voisine était atteinte, la pupille resterait

normale. L'ensemble de l'oculomoteur commun étant pris, il n'y a

pas d'altération limitée du système des fibres qui unit l'extrémité

centrale du nerf optique à l'oculomoteur; si celte partie était seule

lésée, on n'observerait que de la mydriase. Une lésion nucléaire

enlraine rarement une paralysie des muscles intrinsèques de

l'ml ; de plu, en ce cas, les deux yeux sont affectés ainsi que, tôt

ou tard, d'autres nerfs crâniens. Il n'y a pas de troubles fonc-

tionnels des membres; donc il n'y a pas lésion de cette partie de

j'oculomoteur qui occupe la substance du pédoncule cérébral. Enfin,

il faut noter un trouble marqué de la sensibilité afférente au

nerf sus-orbitaire. Nous avons affaire à une névrite infectieuse par

l'agent de la malaria, ou peut-être, comme le veul Goldflam par

un véritable élément organique. P. Keraval.

XXIX. Contribution A la pathologie DES paralysies bulbospinales

SPAS3fODICO-ATROPHIQUES; par A. Hoche. (Neurolog. Cent1'albl"

XVI, 1897.)

Etude d'un cas de sclérose latérale amyotrophique combinée à

une paralysie bulbaire progressive; analyse microscopique par la

méthode de Marchi et par celle de Weigert. Figures. En

d'autres termes, il s'agit d'une paralysie nucléaire bulbospinale

spasmodique qui, après un an et demi de durée, entraîna la mort

par l'atteinte du pneumogastrique. Dégénérescence de tout le sys-

tème moteur et surtout des systèmes de fibres qui servent à unir

les divers plans des noyaux moteurs (nerfs crâniens et nerfs spi-

naux) du faisceau longitudinal postérieur et des courtes fibres des

cordons antérieurs et latéraux; altérations des fibres radicu-

laires des nerfs moteurs de l'oeil, du facial, de l'hypoglosse, de

l'accessoire, du glossopharyngien, du nerf vague; lésions relative-

ment faibles des cellules nerveuses. ,

'l't8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Si, dit l'auteur, nous laissons de côte les lésions irrégulières que

l'on peut observer çà et là, telle la dégénérescence du ruban de

Reil, du faisceau de Gowers et même des cordons postérieurs

(Brissaud) ; le bilan anatomique des paralysies bulbospinales spas.

modico-atrophiques se présente comme suit : 1° déchéance du

neurone cortical moteur; dégénérescence du faisceau pyramidal

- jusqu'à sa terminaison. 2° Déchéance du neurone moteur péri-

phérique ; c'est-à-dire du conducteur moteur qui va des noyaux

des nerfs craniens et spinaux à l'extrémité musculaire. 3° Dé-

chéance des cellules commissurales et des fibres commissurales

dans l'écorce du cerveau, dans le faisceau longitudinal postérieur,

et dans les cordons antéro-latéraux de la moelle. P. KERAVAL.

XXX. Contribution A la paresthésie DES NERFS cutanés DE la CUISSE;

par Th. BENDA. (Neurolog. Centralbl. XVI. 1897.)

Homme de cinquante-huit ans, serrurier. Depuis trente ans, depuis

la campagne d'Autriche, il ressent à la cuisse droite une légère

brûlure qui progresse, surtout la nuit et le fait crier dans son lit;

cette sensation a bien diminué au bout de quelques semaines,

mais elle est devenue continue. Les commémoratifs révèlent des

convulsions, des soucis, des excès alcooliques. En 1878, ictus suivi

d'hémiplégie gauche avec perte de connaissance passagère; depuis,

de temps à autre, légers vertiges avec perte de connaissance. La

sensation de brûlure, comparée par le malade à celle que produi-

rait un sinapisme, occupe la face externe de la cuisse droite, du

grand trochanter au condyle externe, et la face antérieure du

même membre, de quelques travers du doigt au-dessous du liga-

ment de Poupart à quelques travers du doigt au-dessus du genou;

quand il frotte cette région avec la main, il lui semble qu'il pro-

mène de la viande crue sur la peau. Les paresthésies sus-iudiquéesne

se montrent maintenant qu'à l'occasion de la marche et de la sta.

tion debout, elles cessent dès qu'il s'assied ou se couche. Rien à la

peau ; la pression n'est pas douloureuse, mais elle provoque la sen-

sation de velu. Il existe un affaiblissement de la sensibilité dou-

loureuse et des réflexes cutanés, le sens thermique est conservé.

Traitement au pinceau faradique ; action favorable à la condition

qu'on ne le suspende pas. C'est une névrite. P. KERAVAL..

XXXI. Observation d'athétose avec autopsie ; par 111. SANDER.

(Neurolog, Ceitralbl. XVI, 1897.)

Longue observation clinique. Démence paralytique compliquée

à plusieurs reprises d'accidents paralytiques à droite, avec phéno-

mènes spasmodiques des plus considérables du côté droit. A la

suite de nouveaux ictus, s'installent des mouvements choréiformes

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 119

des extrémités droites, puis des convulsions spontanées, isolées

enfin une alhélose nette de la main droite. Cette athétose, qui ne

s'arrête que quand le sommeil est très profond, est si intense qu'il

se produit une inflammation considérable des gaines tendineuses

et que pour l'atténuer, car elle est douloureuse, le malade doit

maintenir cette main à l'aide de l'autre.

Jusqu'ici, dans la plupart des cas d'athétose hémilatérale avec

autopsie, on a trouvé une affection en foyer de l'hémisphère céré-

bral du côté opposé, surtout dans le voisinage de la capsule in-

terne. Trois observations concernent une affection corticale, mais

sans qu'on puisse, comme le dit Eiehhorst, exclure l'atteinte de la

couche optique ou du corps strié. Même remarque à l'égard des

cas de Kussner et Ewald (Archiv. f. Psychiat., VIII, 1878), très

semblables à la présente observation; ces auteurs n'ont rencontré

que les lésions corticales de la paralysie générale. Ici, en outre

de la lésion corticale, il y a atrophie très marquée de lacouche optique

correspondante. AI. Sander tend à penser que cette atrophie est

primitive, car, même lorsqu'on est en présence de lésions encé-

plialitiquescorticales des plus graves, il est bien rare de voir une

atrophie aussi avancée de la couche optique. Il n'est guère admis-

sible de rattacher cette atrophie à l'affection corticale car, si l'un

des hémisphères était en effet bien plus atteint que l'autre, le pro-

cessus encéphalitique était partout le même et diffus comme en de

nombreux autres faits. Or, comment expliquer que dans ces faits-là

il n'y ait pas eu d'athétose ? La couche optique a été génératrice de

l'athétose. Tel était d'ailleurs son recoquillement qu'il peut expli-

quer la lésion des voies motrices voisines, la dégénérescence des

pyramides; celle-ci, contrairement à ce que l'on voit dans la para-

lysie générale ordinaire, était aussi .intense au-dessus de l'entre-

croisement, et dépendait, par conséquent, moins del'affection cor-

ticale que de l'atrophie de la couche optique.

Pathogénie. La lésion des conducteurs moteurs, n'interrom-

pant point tout à fait le courant nerveux, oppose quelque résis-

tance à l'influx nerveux qui acquiert une tension donnée. Les cel-

lules motrices de l'écorce, continuant à fonctionner, dégagent

continuellement leur courant nerveux qui, par les pyramides, va

aux cellules des cornes antérieures ; mais ce courant rencontre

l'obstacle en question (la lésion) et il se fait au-dessus de celui-ci

une accumulation d'énergie; dès que celle-ci a acquis une certaine

force, elle surmonte les résistances qu'elle rencontre à l'endroit

de la lésion et se manifeste sous la forme d'un mouvement très

intense dont le rythme, par intervalles égaux, est dû à l'égalité

des deux générateurs : torce des résistances dans la voie conduc-

trice, et intensité du courant nerveux. L'exagération de l'athétose

se fera surtout sentir quand le courant nerveux sera renforcé à

l'occasion des mouvements volontaires; la diminution du courant

120 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nerveux par le sommeil entraine la disparition de l'athétose. Cette

théorie explique pourquoi il n'y a pas d'athétose dans toutes les

hémiplégies; il n'y en a pas quand les conducteurs des pyramides

sont complètement et irréparablement interrompus, ni quand le

territoire cortical moteur est détruit. En effet, il faut, pour qu'il y

ait athétose, que le courant puisse passer à un certain moment.

P. Keraval.

XXXII. UN cas d'ivresse pathologique; par le Dr REPOND. (ReV.

méd. de la Suisse romande, 1896, n° 2.)

C'est l'histoire d'un sujet, sans antécédents héréditaires, qui,

trois heures après des libations un peu exagérées, fut pris, à la

suite d'une vive contrariété, d'un accès de manie aiguë au cours

duquel il tira plusieurs coups de feu sur des maisons de la localité

qu'il habitait. Arrêté et conduit dans un asile, ce malade, après

quelques heures de sommeil, ne présentait plus trace de délire

mais avait perdu complètement le souvenir de ce qui s'était passé

après la sortie de l'auberge jusqu'à son arrestation, G. D.

XXXIII. LE diagnostic différentiel DES crises HYSTÉRIQUES ET des

crises épileptiques; par le D1' BONJOUR. (Rev. méd. de la Suisse

romande, 1896, n° 2.) -

Des prodromes annoncent souvent l'attaque d'épilepsie; ils sont

moins fréquents avant la crise hystérique. L'aura manque rare-

ment au début de la crise épileptique mais ne dure que quelques

secondes; elle est plus rare au début de l'attaque d'hystérie et

quand elle existe dure plus longtemps.

Le en initial que l'épileptique et l'hystérique poussent souvent

au commencement de la crise revêt un caractère particulièrement

horrible et perçant chez l'épileptique. L'épileptique tombe immé-

diatement en perdant connaissance et en se blessant souvent;

l'hystérique ne perd pas complètement connaissance et ne se fail

jamais de mal.

Au début de la crise épileptique, les pupilles se dilatent et ne

se contractent pas ensuite à la lumière : ce caractère manque

chez l'hystérique.

Le visage de l'épileptique devient ensuite hideux, congestionné,

avec écume buccale; dans l'hystérie on ne remarque que la bouf-

fissure du visage et parfois aussi du ptyalisme.

Les yeux sont dirigés en haut chez l'épileptique et se meuvent

rapidement dans leurs orbites : tout le corps est secoué de cou-

vulsions toniques avec cyanose du visage et symptômes aspllyxi-

ques. L'hystéiique présente seulement des convulsions toniques

et ne fléchit jamais les pouces sous les index.

- REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 121 1

Les convulsions cloniques consécutives sont saccadées et vio-

lentes dans la crise épileptique, tandis que l'hystérique se borne

généralement à la contraction opisthotonique ; les bras sont

fléchis et les jambes en extension.

Le poids est petit, filiforme pendant la crise épileptique, tandis

qu'il varie beaucoup pendant la crise hystérique; cette différence

serait encore plus accusée au sphypmographe. La crise épileptique

se termine presque toujours lentement et le malade ne se rappelle

rien au réveil; l'attaque hystérique se termine brusquement dans

la plupart des cas et est suivie parfois de phénomènes délirants.

Tels sont les principaux signes qui permettent, d'après le

Dr Bonjour, de décider de la nature d'une affection convulsive,

mais dans les cas difficiles il conseille de s'attacher surtout aux

caractères du pouls examiné au sphygmographe, à l'état des

pupilles, au caractère du malade et enfin à l'hypnotisme. G. D.

XXXIV. UN cas ISOLÉ DE maladie de Friedreich ; par le Dr BERDEZ.

(Itev. méd. de la Suisse romande, 1896, n° 6.)

Observation d'un enfant de quatorze ans qui présentait tous les

symptômes de la maladie de Friedreich (ataxie des membres infé-

rieurs et supérieurs, ataxie statique, embarras de la parole, aboli-

tion des réflexes tendineux, avec conservation de la sensibilité,

etc.), sauf l'hérédité. En 'outre, le frère unique de ce malade, de

cinq ans plus jeune que lui, jouit actuellement d'une très belle

santé; il ne présente pas l'ombre d'ataxie.

L'auteur fait remarquer à ce propos que sur près de deux cents

cas de maladie de Friedrich qui ont été observés et publiés, il en

a trouvé environ un dixième de solitaires. Le caractère familial,

bien que très important, ne serait donc pas nécessaire pour

affirmer l'existence de la maladie. G. D.

XXXV. PATHOGÉNIE ET prophylaxie DE l'atrophie musculaire ET DES

DOULEURS DES HÉMIPLÉGIQUES; par GILLES DE LA TOURETTE. (NOUV.

Icouogr. de la Salpêll'ière, nos 4 et 5, 1897.)

Viugt observations recueillies simultanément dans le même

service hospitalier, divisées en trois groupes : A. arthrites avec

amyotrophies limitées au membre supérieur, 10 malades.

B. Arthrites et amyotrophies des membres supérieur et infé-

rieur. Séjour au lit, 7 malades.- C. Mobilisation du membre para-

lysé. Absence d'arthrites et d'atrophies musculaires, 3 malades.

Les observations montrent que l'amyofrophie se superpose tou-

jours à une arthrite avec ankylose, que cette atrophie reste tou-

'ours dans les limites de l'articulation lésée (ceinture scapulaire,

fesse et partie supérieure de la cuisse généralement) et qu'elle ne

122 I-) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

s'étend aux articulations des membres que secondairement à l'ar-

thrite de ces articulations, que ni cette amyotrophie ni les dou-

leurs qui l'accompagnent ne se produisent chez les individus qui

ont soumis leurs articulations à une mobilisation méthodique. D'où

il ressort clairement que l'immobilisation seule est la cause de l'ar-

thrite. Conclusion pratique : les mobilisations quotidiennes et mé-

thodiques doivent toujours éviter l'apparition des arthrites, de

l'amyotrophie et des douleurs dans les membres paralysés des

hémiplégiques et monoplégiques par lésion cérébrale. R. C.

XXXVI. Phénomènes pulmonaires graves D'ORIGINE hystérique;

par le Dr E. LEONI (Il Morgagni, n° 6, 1897.)

Un jeune homme de dix-neuf ans se présente devant l'auteur en

racontant qu'il est atteint de tuberculose ; qu'on l'a traité par la

tuberculine de Koch, le sérum de Maragliano, sans résultat; que

d'ailleurs il considère son cas comme incurable. L'auteur remarque

que le sujet cherche à se rendre aussi intéressant que possible,

que les yeux et les muscles de son visage sont constamment se-

coués de mouvements spasmodiques. Il aurait présenté des hémo-

ptysies, une toux presque continue et sèche, de la fièvre, de la

dyspnée, des sueurs profuses. A l'examen on note : hyperestésie de

l'hémithorax droit, matité du côté droit avec râles disséminés.

T. 37 ? Poumon gauche normal. Bromure de quinine. Le ma-

lade est pâle, amaigri; il se lamente et dit souffrir beaucoup du

côté droit. L'auteur constate avec étonnement que les signes pul-

monaires ont disparu au côté droit et se retrouvent tous au côte

gauche. Il lui vient alors à l'idée qu'il a affaire à un hystérique. Il

a la confiance de son malade, il exerce sur lui une forte suggestion

à l'état de veille, il continue le bromure de quinine et le valéria-

nate de zinc et obtient une amélioration rapide, qui se trouve en-

travée par une violente émotion suivie d'hémoptysie.

La suggestion est devenue inefficace. Une voisine conseille l'élec-

tricité dont elle s'est bien trouvée pour des névralgies. L'auteur

consent à appliquer des courants interrompus sur le thorax du

malade qui fut guéri complètement après 12 séances. Après avoir

rappelé les observations intéressantes de névrose pulmonaire, de

fièvre hystérique publiées par Debove, Camuset, Voisin, Mara-

gliano, Charcot, etc., l'auteur conclut que : 1° son malade était un

névrosique avec hérédité névropatique; 2° sous l'influence d'une

cause indéterminée il s'est développé une des formes d'hystérie

latente chez lui; 3° les phénomènes pulmonaires étaient d'origine

hystérique, parce qu'ils variaient d'intensité et de siègeet guérirent

par la suggestion et l'électricité; 4° la fièvre était simplement

nerveuse puisque l'état général et la nutrition n'en furent que

légèrement troublés. R. C.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 123

XXXVII. Deux cas de gigantisme suivi d'acromégalie ; par E. Bris-

SAUD et H. IEIGE. (Nouv. Iconogr. de la Satpétrière, n° 6, 1897.)

L'analyse de ces deux observations, renforcées de celles qui ont

été déjà publiées, conduit à reconnaître que la coexistence fré-

quente chez le même individu des deux états pathologiques, gigan-

tisme et acromégalie, n'est pas un effet du hasard. Les géants et les

acromégales présentent des accidents similaires : anesthésie géné-

rate, torpeur intellectuelle, céphalée, trouble des fonctions cuta-

nées ; les mêmes anomalies anatomiques; hypertrophie de la pitui-

taire, agrandissement de la selle turcique. De plus les statistiques

démontrent que la moitié des cas de gigantisme fait retour à

l'acromégalie. Conclusions : « Le gigantisme et l'acromégalie ne

sont que deux manifestations cliniques d'un même processus ana-

tomique. Le gigantisme peut rester pur et simple; il n'entraîne

pas forcément l'acromégalie. L'acromégalie peut être pure et simple;

elle n'apparaît pas seulement chez les géants. Le premier survient

pendant la période de croissance proprement dite ; la seconde au

temps où la croissance est déjà achevée. Il arrive souvent que chez

le même individu celle-ci succède à celui-là. » R. C.

XXXVIII. UN cas DE SCLÉROSE EN plaques cérébro-spinale CONSÉ-

CUTIVE A L'INFLUENZA; par le Dl BRUTO Sorgoni.(5uM. delle scienze

mediche. F. 12, 1897.)

Observation suivie d'une discussion diagnostique et pathogé-

nique tendant à établir qu'il s'agit bien d'un cas de sclérose en

plaques développé chez un héréditaire névropathique et vésanique,

à la suite d'une attaque violente d'influenza et causée par l'action

toxique et infectieuse sur l'organe minorais resislanlix. R. C.

XXXIX. DISCUSSION SUR la pathologie DU GOITRE exophtalmique.

(Brit. med. Journ., 3 oct. 1896.)

Georges-R. Murray passe rapidement en revue les diverses théo-

ries émises sur la pathogénie de la maladie de Graves : le coeur, le

nerf sympathique, la moelle, le bulbe ont été successivement mis

en cause, mais pour lui les lésions de la glande thyroïde sont pri-

mitives et dans aucun cas d'examen de cette glande après la mort

elle n'a été trouvée saine. Après une étude histologique et ana-

tomo-pathologique de la glande thyroïde avec préparations à l'ap-

pui, il conclut que les symptômes du goitre exophtalmique sont

dus à la présence dans le sang d'un excès de la sécrétion thyroï-

dienne qui agit sur tous les tissus et en particulier sur le système

nerveux médullaire.

La conclusion pratique au point de vue du traitement est qu'on

124 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

doit chercher à provoquer dans la glande un certain degré de

sclérose fibreuse par des injections interstitielles d'iode, par l'élec-

trolyse ou tout autre moyen du même genre, afin de diminuer la

sécrétion glandulaire ; la résection d'une partie de la glande étant

un moyen dangereux.

Walter Edmunds ne considère pas la lésion de la glande thyroïde

comme primitive dans la maladie de Graves. La théorie attribuant

les symptômes à un excès de sécrétion est sujette à plusieurs objec.

tions : elle n'explique pas la ressemblance qui existe parfois entre

le myxoedème et le goitre exophtalmique (tremblement et attaque

de dyspnée), pas plus que l'exophtalmie unilatérale, etc. Le traite-

ment par l'ingestion de glande thyroïde n'a pas donné de bons

résultats, mais n'a pas exagéré les symptômes. Enfin si le corps

thyroïde est hypertrophié, le thymus l'est aussi. La sécrétion de

la glande thyroïde est certainement anormale, malheureusement

son action normale n'est pas connue.

Cette maladie doit avoir une origine partie nerveuse, partie

humorale. L'exophtalmie est due à une altération du système ner-

veux et il est difficile de comprendre comment une altération de

la glande peut se répercuter sur le système nerveux. Il est possible

que la lésion primitive se trouve dans un trouble du métabolisme

du corps.

Le professeur Ilamilton (d'Aberdeen) insiste sur l'étude de la

substance colloïde, sur sa reproduction et sur son analyse. Le pro-

fesseur Adami insiste également sur cette étude. Il a été frappé,

dans les autopsies, de la tendance à la localisation de l'hypertro-

phie de la glande et des grandes variations du contenu des vési-

cules. J. Hill. Abram considère que la théorie thyroïdienne trouve

un point d'appui sur les résultats du traitement qui consiste a

limiter l'aire de sécrétion de la glande. Robert Hutchison pense

que le goitre exophtalmique est provoqué par un trouble de méta-

bolisme des tissus, trouble dû à un vice de fonctionnement des

centres nerveux. L'hypertrophie du corps thyroïde n'est que secon-

daire. ,

Les résultats du traitement chirurgical ne sont pas contraires à

cette manière de voir. Le Dr Abraham rappelle l'opinion de Ger-

hardt, qu'il partage, à savoir que dans certains cas le corps thy-

roïde peut n'être pas touché alors que la rate est hypertrophiée, et

qu'il est possible que des troubles vasculaires soumis à une altéra-

tion du système nerveux, précèdent l'hypertrophie de la thyroïde.

L'auteur eut de bons résultats' en faisant prendre à un malade de

l'extrait de la glande surrénale dont l'action sur les vaso-constric-

teurs est connue. En Allemagne, de bons résultats sont obtenus

par l'ingestion de thymus.

. A. Vrcooaoux.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.. '125

XL. DU PRONOSTIC DANS LE GOITRE EXOPHTALMIQUE; pal' R.-T. WlLIAM-

soN. (Brit. med.Jollrn"nov. 1896.)

L'étude du pronostic de la maladie de Grave est de la plus haute

importance, au moment où se manifeste une tendance à la traiter

chirurgicalement (thyroïdectomie, ligature des artères thyroï-

diennes, etc.).

La marche de la maladie est mal connue, les malades restant

peu de temps à l'hôpital, en sortant dès qu'ils sont améliorés et

ne continuant pas le traitement. La mort survenant pendant la

période active du traitement est rare. A l'infirmerie royale de

Mancliester,-depuis 1884, il n'y eut que 3 décès sur 45 malades trai-

tés à l'hôpital de Saint-Thomas à Londres, de 1870 à 1894, 4 décès

sur 50 ont été notés. Afais c'est là une statistique insuffisante, et

l'auteur a pu suivre trente-deux malades après leur sortie de l'hô-

pital, il en donne les observations résumées d'où résulte lëtabteau

suivant :

12G REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

donnent à la main un aspect et une forme toute spéciale qui per-

mettent de la désigner sous le nom de main succulente;

2° Les troubles trophiques cutanés qui sont permanents consis-

tent dans la tuméfaction de la face dorsale de la main, tumé-

faction ayant probablement pour substratum anatomique une

hyperplasie des éléments du tissu conjonctif sous-cutané; -

- 3° La main succulente a une valeur seméiologique analogue à

celle des autres types (main type Morvan, chiromégalique, etc.)

que l'on rencontre dans la syringomyélie. Elle permet dans la

plupart des cas de diagnostiquer la gliose péri-épendymaire;

4° Dans la production du type de la main succulente, la lésion

des trois neurones médullaires entre en jeu. Le neurone moteur

situé à la partie antérieure, le neurone vaso-moteur siégeant dans

la partie moyenne de la substance grise, le neurone sensitif indi-

rect siégeant surtout dans la corne postérieure;

5° C'est de l'intégrité anatomique de ces trois neurones que

résulte la conservation normale des tissus qui composent la main.

Leur association fonctionnelle et anatomique constitue un métamère;

6° L'affection des neurones moteurs donne naissance à l'atro-

phie musculaire. Or, comme dans la syringomyélie la lésiou

débute au niveau de la huitième racine cervicale et de la première

dorsale, et se dirige vers les régions supérieures, il s'ensuit que

cette atrophie présente une topographie commandée par la

marche de la gliose. Cette marche de la lésion nous permet de

résoudre quelques problèmes de localisation médullaire;

7° Le type le plus fréquent d'atrophie musculaire qu'on ren-

contre dans la syringomyélie, tout au moins au début; c'est le

type Aran-Duchenne;

8° Pour un segment donné du membre supérieur, les muscles

les plus petits sont représentés par les étages les plus inférieurs de

la région cervico-dorsale et les muscles fléchisseurs sont sous-

jacents aux muscles extenseurs;

9° Il en résulte que les muscles fléchisseurs subiront la pre-

mière atteinte et même seront plus atrophiés que les extenseurs.

La conservation relative des extenseurs du poignet donne à

la main une attitude spéciale, à laquelle Charcot a donné le nom

de main de prédicateur. Cette griffe se rencontre presque exclusive-

ment dans la syringomyélie, qui offre les conditions les plus favo-

rables à sa production;

10° Les centres des muscles extensenrs du poignet ont leur siège

principal dans le groupe antéro-externe de la corne antérieure;

11° Il existe chez beaucoup de syringomyélitiques un relâche-

ment et une distension des articulation de la main, constatables

non seulement par les attitudes vicieuses et les mouvements anor-

maux qu'on peut imprimer aux doigts, mais aussi par la radio-

graphie. R. CHARON.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 127

XLII. L'APOPHYSALGIE POTTIQUE; par A. CIIIPAULT. (Nouv. Iconogr. de

la Salpêtrière, n° 2, 1897.)

Deux observations de mal de Pott, compliqué « d'un symptôme

peu connu et peu fréquent qui consiste dans une douleur loca-

lisée, continue, exaspérée par le palper, palper qui démontre

qu'elle a son siège au niveau d'une ou plusieurs des apophyses

correspondant à la gibbosité, et qu'elle ne coïncide avec aucune

modification de leur consistance ou de leur volume ». L'auteur

désigne ce symptôme du nom d'apophysalyie. Elle serait due à la

congestion osseuse et capable de compliquer gravement le mal de

Pott en débilitant lé malade et en rendant très difficile l'immobi-

lisation dans le décubitus dorsal, d'où urgence de porter remède

à cette douleur. Ce remède, l'auteur l'a trouvé dans des injec-

lions, sous le périoste des apophyses douloureuses, d'une vingtaine

de gouttes d'une solution d'acide phéllique à t5. Dans les deux

cas observés, la douleur fut supprimée pendant quatre ou cinq

jours à la suite des premières injections; elle disparut définitive-

ment après la troisième ou quatrième injection. R. C.

LIII. UN cas DE CONTRACTURE HYSTÉRO-TRAUMATIQUE DES MUSCLES DU

tronc; par Paul RICHER et A. Souques. (Nouv. Iconogr. de la Svlpé-

t1'¡ère, n° 2, 1897.)

Observation. Jeune homme, vingt-huit ans, robuste, sans

hérédité, marié, avec deux enfants bien portants, pas d'antécé-

dents personnels, esprit indiscipliné et mobile. Chute dans un

escalier, suivie d'une courte période de subconscience; plaie peu

grave de la région dorsale avec quelques contusions aux membres.

Après l'accident, le malade regagne seul son domicile et marche

droit. Peu à peu il se plaint de violentes douleurs au niveau des

cicatrices dorsales et il se met à courber le tronc en avant pour

atténuer ces douleurs. Huit mois après l'accident, le dos est

arrondi en voûte, le redressement impossible. La moindre pres-

sion au niveau des cicatrices provoque une crise nerveuse. Attitude

vicieuse du tronc déterminée par une hyperesthésie dorsale, ne

pouvant s'expliquer que par l'hystérie. R. C.

XL1V. Des parésies PSEUDOSPASMODIQUES avec TREMBLEMENT, CONSÉCU-

TIVES A un traumatisme; par B. Oeuf. (Neurolog. Centmlbl., XIV,

1897.)

Un homme de quarante ans, alcoolique et grand ivrogne, reçoit

sur la tête un coup qui n'entraîne pas de conséquences locales mais

produit un fort ébranlement cérébral. Pendaut vingt minutes, il

est complètement paralysé, privé de mouvement, incapable de

128 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

parler. Puis la parole et le mouvement reviennent, si ce n'est aux

bras qui restent paralysés et dépourvus de sensibilité; il peut mou-

voir librement les jambes au lit, mais ne peut marcher. En six

jours, la paralysie des bras disparait presque complètement; le

patient marche sans appui. La force motrice n'a pas subi d'atteinte.

On constate chez lui les signes de l'alcoolisme chronique (injection

des petits vaisseaux sanguins de la face dilatés, tremblement de la

langue et des mains), et en outre, surtout aux membres inférieurs,

un tremblement comparable à celui que détermine le froid; la.

parole est trémolanle, précipitée, heurtée comme sous l'influence

du froid. Ce tremblement-là, minime pendant le repos, se montre

au moindre effort, à la plus petite agitation. Tous les muscles du

corps font saillie, relief ; la force musculaire, indemne, n'est pas

cependant proportionnée à la charpente des muscles. Il steppe en

marchant, la démarche est franchement spasmodique. Les réflexes

profonds (osseux, tendineux, musculaires), sont extrêmement exa-

gérés ; frappe-t-on un muscle quelconque, il se contracte; frappe-

t-on le tendon patellaire, on produit une secousse dans toute la

jambe et même dans la jambe opposée. Réflexes cutanés (épigas-

triques, abdominaux, plantaires) en partie absents. Pas de troubles

objectifs de la sensibilité; léger engourdissement de la sensibilité

des doigts. Réaction lente des pupilles; l'odorat et l'ouïe sont un

peu émoussés. Rien de l'hystérie. P. KERAVAL.

XLV. De l'hémicranie OPIITHALhtIQUE(rrtig·aize ophthalmique ; migraine

oculaire) ; par KNAUER (Centralbl. f. Ncrvcnhcilk, XX, N. F., vm,

1897.) .)

Observations. Homme de soixante ans, entaché de toutes les

formes de l'hérédité névropathique et psychopathique ; atteint,

depuis l'âge de 20 ans, de toutes les sortes de phobies et accidents

nerveux, tels qu'angoisses, sténocardie vasomotrice, polyurie, accès

de rage avec instincts de destruction, accidents neurasthéniques,

conceptions hypochondriaques continues et réinventées par lui

comme ci plaisir. Enfin, il y a un an, il a eu une hémiplégie

droite cérébrale à ictus prolongé (il est artérioscléreux) ; contrac-

ture. Il raconte qu'il a été plusieurs fois visité par des phénomènes

lumineux devant l'eeil gauche relevant évidemment du scotome

scintillant, durant de quelque minutes à une heure, nuit et jour,

surtout pendant ces dernières années, pendant qu'il lisait ou

écrivait ; ils étaient précédés d'une aura (vomituritions, malaise,

sensation cardiaque anormale, palpitations, dépression) et suivis de

migraine à droite souvent extrêmement violente. Les accès se

jugeaient par une polyurie excessive d'urine très diluée, très peu

dense, sans sucre ni albumine. Depuis peu, surtout depuis l'ictus

apoplectique, les accès sont devenus plus violents. Il est toujours

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 129

très neurasthénique et très hypochondiraque ; il est aussi astig-

mate sans zone d'anesthésie. Rien à l'optlialmoscope. Influence

favorable sur la polyurie de l'hydrate d'amylène en potion : hydrate

d'amylène 2 à 3 grammes ; parai déhyde, 4 grammes. KERAYAL.

P. KERAVAL.

XL VI. DE l'atteinte précoce du système nerveux par la syphilis : par

A.-G. JuscHTSGHENKO (Cei ? 12,albl. f. Ne1'venhe'ilk., XX., vm, 1897.)

Trois observations ; hémiplégie consécutive à l'infection syphili-

tique, sept mois, quatre mois, trois mois après celle-ci. Nosogra-

phie d'après l'ensemble des cas connus. Il s'agit d'individus jeunes,

de vingt-cinq à trente ans, n'ayant eu que la syphilis, qui tantôt se

sont soignés, tantôt ont été négligents de leur traitement; quelques-

uns cependant ont été atteints malgré un traitement spécifique

antérieur énergique. Accidents hémiplégiques précédés de quelques

prodromes, généralement de céphalées, parfois d'agitation, même

maniaque ; hémiplégie le plus ordinairement non impétueuse,

incomplète, ou inversement. Tous les auteurs croient à des lésions

vasculaires; l'observation de Brault (1878) est caractéristique ; il y

avait lésions artérielles et hémorrhagie cérébrale. Mais il peut y

avoir thrombose avec les accidents correspondant à la localisation.

Il faut administrer K et Hg en même temps qu'on galvanisera le

cou pour rétablir la circulation du sang. Résultats généralement

favorables dans le cours de quelques semaines, comme le dit Four-

nier. A côté de cela, un cas de Gaikiewicz long à se rétablir, et un

cas de Gros et Lancereaux, caractérisé par deux attaques succes-

sives, aggravation continue, mort. P. KERAVAL.

XLVII. LÉREUTHOPHOB1E, forme particulière DE trouble névropa-

thique; par W. DE BECHTEREW. (Neurolog. Ccntralbl., XVI, 1897).

Il s'agit de deux hommes jeunes, vingt et trente-cinq ans, qui

rougissent en des circonstances inopportunes, ce qui leur fait

craindre d'être ridicules, et cette appréhension provoque justement

sur-le-champ, en déterminant de l'angoisse, leur rougeur émotive

immotivée. Quand leur attention ne se porte pas sur leur personne,

ou quand ils oublient cette infirmité vasomotrice, rien ne se pro-

duit, pas plus que lorsqu'ils savent que leur rougeur passera ina-

perçue, le soir par exemple.

L'auteur fait remarquer qu'il a démontré qu'on détermine une

augmentation de la pression du sang, à la suite d'une période

latente plus ou moins longue, quand on excite le segment médian

de la partie antérieure du gyrus sigmoïde (en avant du sillon

crucial), ou le segment postérieur de la même circonvolution (en

arrière du sillon crucial), ou encore les segments des première et

Archives, 2e série, t. VI. 9

130 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

deuxième circonvolutions originelles en arrière de celle-ci, ou bien la

surface externe de la temporale. On détermine une diminution de

la pression latérale suivie d'hyperpression, en excitant la partie

externe et moyenne du segment antérieur de la circonvolution si".

moide, ou les régions adjacentes de la deuxième circonvolution

originelle. Enfin on diminue le tonus vasculaire en excitant les

parties moyennes de l'hémisphère (région pariétale). Par suite, le

stimulus psychique agissant sur ces centres peut, par l'un des

mécanismes sus-indiqués, provoquer cette rougeur émotive du

visage, du cou, de la poitrine. ·

Ce travail était imprimé en russe quand M. de Bechterew a eu

communication du travail de Pitres et Régis.

Traitement, suggestion et autosuggestion aidées, si l'on veut, de

bromure, valériane, codéine. P. KERAVAL.

XLVIII. De la coïncidence de l'hémianopsie llITo;MPOR \0; avec LE

diabète insipide ; par A. SPANBOCK et J. STEINHAUS. (Neurolog.

Ce ? ttlwlbl., XVI, 1897.)

Ce ne peut être, en effet, qu'une coïncidence fortuite, car la ré-

gion en rapport avec l'hémianopsie temporale hétéronyme (angle

antérieur ou postérieur, ou ligne médiane du chiasma), est loin de

celle qui produit le diabète insipide (plancher du quatrième ven-

tricule, entre l'origine de l'acoustique et du pneumogastrique, ou

certains endroits du bulbe). Donc, dans les cas purs de diabèteinsi-

pide compliqué d'hémianopsie bitemporale, un seul et même foyer

morbide aurait peine à causer ces deux troubles ; ils sont par suite

indépendants l'un de l'autre. L'étude critique de onze observations

correspondantes n'en laisse qu'une debout, les autres sont dou-

teuses ou n'appartiennent pas à la catégorie dans laquelle on a

voulu les faire rentrer. L'un des deux éléments syndromiques est

noté par dessous la jambe sans examen de ses caractères précis, où

il y a d'énormes lésions du cerveau. Il ne reste que le cas de

David (1889). En voici un autre concernant la syphilis qui a d'ail-

leurs complètement guéri. Il y eut, dans l'espèce, atteinte du

noyau du nerf vague (accélération du pouls) expliquant la localisa-

tion du diabète insipide à l'endroit piqué par Cl. Bernard, mais

c'est tout ; pas de symptômes en rapport avec de gros foyers céré-

braux. Comment un petit foyer nettement limité au plancher du

quatrième ventricule, admissible ici, eût-il pu exercer sur la ligne

médiane du chiasma une pression et causer ainsi l'hémianopsie î

.D'autre part un foyer, étroitement limité au chiasma, expliquant

l'hémianopsie de la malade, était d'autant plus probable que

l'acuité visuelle des deux yeux n'était que très peu affaiblie; donc,

les faisceaux non croisés étaient fort peu atteints. C'était en réalité

une combinaison fortuite de deux lésions par la syphilis.

P. IEnA vAL.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 131

XLVIV. Observation DE diabète sucré grave avec réaction ÉLEC-

trique LENTE ET prolongée ; par W. KAUSC : I. (Neurolog. Centralbl.,

XVI, 1897.)

Examen électrique complet du corps caractérisé par une lenteur

de contraction qui est l'élément fondamental de la réaction dégé-

néralive. Il s'agit, en somme, dans la plupart des muscles affectés

de la réaction dégénérative partielle, avec lenteur indirecte decon-

traction. On pouvait espérer l'imputer à des lésions anatomiques

des cellules motrices ou des nerfs périphériques, ou tout au moins

des muscles. Or, ['autopsie ne révéla rien de semblable. Reste à

incriminer les échanges chimiques du diabète sucré. En effet, la

composition chimique de l'urine, du sang, voire de tous les organes,

peut s'écarter considérablement de la normale ; de sorte qu'à

priori il est admissible d'y voir la cause de la modalité patholo-

gique du muscle. L'urine du malade contenait du sucre en perma-

nence, au moins dans la proportion de 5 à 6 p. 100 qui correspond

à une contenance dans le sangde 0,3 àO,p.100 au lieu delà quan-

tité normale de 0,1 à 0,15 et à une grande quantité de sucre dans

le» autres liquides et organes de l'organisme. Pendant des années

donc, les muscles ont été alimentés de sang fortement sucré ou

imbibés d'un liquide fortement sucré. De là, sans qu'ils aient subi

de modifications anatomiques appréciables, une altération fonc-

tionnelle se traduisant par des contractions lentes, soit à l'excita-

tion directe, soit à l'excitation des nerfs. Peut-être aussi serait-on

en droit de faire ressortir que les cellules et les nerfs soumis aux

mêmes dystrophies physico-chimiques, n'étaient pas plus aptes que

les muscles qu'ils unissent à leurs fonctions normales ?

P. 11ER : 1VAL.

XLV. Observation insolite D'11 £ Mi ? TI(OPIIIE progressive, myosclérose,

SCLÉRODERMIE ET atrophie des os ET des ARTICULATIONS ; par PELI-

ZOEIH. (Neurolog. Cealrnl6l., XVI, 1897.)

Il s'agit d'un diagnostic difficile, non résolu par la Société de

psychiatrie de Berlin consultée.

Une fillette de six ans, jusque-là bien portante, indemne de

toute prédisppsition héréditaire, sans cause extérieure, indépen-

damment de toute action toxique, n'ayant subi aucune maladie

cérébrospinale, présente du trouble de la démarche du côté de la

jambe gauche, il caractère spasmodique ; on constate une situation

anormale du genou et nu pied et on lui met un léger appareil à

éclisses. Puis apparaissent graduellement, sans douleur, sans phé-

nomènes inflammatoires, sans tuméfaction, sans oedème, en un an

et demi, des modifications des muscle et du tégument. Bientôt là

main gauche est prise d'accidents analogues à ceux de la jambe

132 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

gauche. C'est une sclérose musculaire, une rétraction des tendons

et de l'aponévrose palmaire, sans altération de la peau, tandis que

la jambe gauche est affectée de sclérose musculaire avec rétraction

de quelques tendons et sclérodermie cutanée. Celte sclérodermie

s'est effectuée sans qu'on ait observé des accidents continus du

début de la sclérodermie ordinaire ; on n'en a observé que l'atro-

phie ; elle est demeurée unilatérale tout en sautant irrégulière-

ment sur divers territoires nerveux. Le tronc est resté intact. Cette

allure indique la probabilité d'une lésion du système nerveux

central.

L'auteur fait remarquer que la sclérose des muscles présente la

même tendance à la rétraction cicatricielle et à l'atrophie. Cette

sclérose qui de la peau s'enfonce dans la profondeur, gagne les

aponévroses, les muscles, les os, les articulations, est constante de

la sclérodermie; la myosclérose n'a cependant pas lieu par conti-

nuité (Loubarsek et Ostertug, Bail, Thibierge, Lagrange). Ce qui

fait la particularité de la présente observation, c'est qu'à une cer-

taine époque il y avait une grande différence entre le degré de

développement de l'affection cutanée et celui de l'affection muscu-

laire. Les altérations cutanées n'existaient certainement point il

une époque où l'on constatait le genu valgus et le pied valgus,

par suite d'altérations scléreuses des muscles, et; peut-être, des

aponévroses et de l'appareil ligamenteux périarticulaire. Même

réflexion pour le membre supérieur; on ne trouvait, au milieu de

J'avant-bras, qu'une rétraction cicatricielle à direction transverse

de la peau, alors que, depuis plusieurs mois déjà, s'était dévelop-

pée de la sclérose avec contracture des fléchisseurs et de l'aponé-

vrose palmaire qui avait entraîné une contracture très marquée de

deux doigts. Enfin, l'atrophie des os ici est patente tandis qu'elle

est rare dans la sclérodermie, où elle s'explique par obstacle à la

circulation des vaisseaux afférents, par la compression mécanique

due à la rétraction cicatricielle de la peau et à l'inaction des par-

ties malades ; dans notre cas, elle serait pour ainsi dire indépen-

dante de la sclérodermie, et rappellerait celle qui constamment

survient dans l'atrophie faciale progressive, dans l'hémiatrophie

faciale. L'observation offre, en effet, de grandes ressemblances avec

cette dernière affection, dans les deux cas, il n'y a pas de phéno-

mènes inflammatoires initiaux, pas d'oedème; tout à coup se pro-

duit l'atrophie avec décoloration de la peau, et ily a atteinte iden-

tique des os, des aponévroses, des muscles.

Quelles sont les altérations anatomiques sous-jacentes ? Pas plus

dans la sclérodermie que dans l'hémiatrophie faciale, il n'y a de

lésions anatomiques toujours les mêmes. Il est plus que probable

que les diverses trophonévroses ont diverses causes. Dans le cas de

Schulz caractérisé par de la sclérodermie, avec sclérose et atrophie

musculaire, par places, indépendantes de la première, il y avait

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 133

maladie d'Addison. On trouva une dégénérescence des racines

antérieures de la moelle, des nerfs périphériques (sciatique, radial,

cubital gauches, cervical et péronier droits); une lésion des fibres

musculaires (disparition des stries transversales, hypergénèse du

tissu conjonctif interstitiel) ; une dégénérescence de la capsule

surrénale gauche. Dans l'hémiatrophie faciale, cas de Schlesinger,

on constata des lésions centrales, mais il s'était produit des

troubles de la déglutition et, plus tard, des symptômes ou lésions

de la base. ,

La marche ultérieure de notre observation dira si l'on est vérita-

blement én présence d'une trophonévrose ; jusqu'ici c'en est une

qui se rapproche de la sclérodermie et de l'atrophie faciale pro-

gressive, mais non pas le développement. KERAVAL..

XLVI. Contribution A La connaissance des névropathies organiques

MASQUÉES par l'hystérie ; par H. Deterxhnn (Neurolog. Centralbl.,

XVI, 1897,)

il s'agit d'une paralysie motrice portant sur les trois nerfs du

bras droit, atteignant surtout le radial (paralysie totale du long

supinateur, parésie de l'extenseur commun des doigts, du court et

du long extenseur du pouce) ; atteinte également forte du cubital

(parésie des interosseux, de l'adducteur du pouce, des troisième et

quatrième lombricaux) ; atteinte très faible du médian (parésie

faible des fléchisseurs de la main ; parésie du court abducteur du

pouce, de l'opposant, des premier et deuxième lombricaux). C'est

le complexus symptomalique de la paralysie par compression pen-

dant le sommeil ou la narcose chloroformique, mais avec paralysie

des trois nerfs tandis que d'ordinaire un seul nerf est pris ou. bien

tout le plexus est affecté. Cela s'expliquerait, dans l'espèce, par

les procédés opératoires employés pour une opération antérieure,

s'il n'y avait en même temps une paralysie de la sensibilité qui

n'est pas en rapport avec le trajet des nerfs de la peau et qui

occupe la main et une partie de l'avant-bras ; c'est une anesthésie

hystérique. Dans ces conditions n'aurait-on pas affaire à une mome-

plégie historique ? Or l'examen électrique montre que l'excitabilité

des nerfs du bras gauche au courant faradique est normale tandis

que celle du bras droit est diminuée à partir et au-dessqus de l'en-

droit où ce membre a été serré. La conductibilité des nerfs est

faible au-dessus de cet endroit, molle à l'endroit même, assez bonne

au-dessous. Il s'agit donc d'une lésion et non de simples troubles

fonctionnels. De plus, quelques jours après l'admission, le trouble.

de la sensibilité disparaissait, au moyen du traitement faradique,

en grande partie, et quittait la forme d'anesthéoie à forme de gant

constatée au début. L'anesthésie hystérique disparaissait donc lais-

sant à jour le complexus clinique d'une paralysie par compression.

P. KERAVAL.

134 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLVII. Communications NEUROLOGIQUES; par J. FEINBERG. (Neurolog,

Centralbl., XVI, 1897.)

Ce titre est un piège pour les faiseurs de tables dans les journaux,

car ce sont les sous-titres suivants qui seuls ont de la valeur pour

le chercheur. - .

1. Observation de paralysie de Erb-Klumpke, consécutive à l'influenza

(névrite radiculaire du plexus brachial, supérieur et inférieur). - En

un mot, paralysie combinée de Erb-Klumpke. Phénomènes initiaux

ceux de l'influenza, au cours d'une épidémie. Huit jours plus tard,

brusquement, frisson violent accompagné d'uue épouvantable

douleur, partant de l'occiput et irradiant dans les épaules, la par-

tie du cou et l'extrémité supérieure droite; paresthésie de cette

dernière qui devient immobile. Peu après le bras droit tout entier

s'amaigrit. Donc, névrite infectieuse du plexus brachial. La para-

lysie porte sur : les nerfs sus-scapulaire, axillaire, les branches du

sous-clavier, des pectoraux, du deltoïde, le musculo-cutané, la

branche du grand dentelé, le radial, le médian, le cubital. Lésion

des cinquième et huitième racines cervicale et de la première dor-

sale (par cette dernière, phénomènes oculopupillaires). Parésie du

rameau spinal de l'accessoire destiné au stel'llo-clédo-mastoidien et

au trapèze ; cette paroi étant en rapport avec le troisième seg-

ment cervical (Starr et Edinger), tandis que celle du sus-scapulaire

se rattachera au quatrième, la lésion inflammatoire doit s'être

étendu du plexus brachial au plexus cervical. Cependant d'après

Navratu, Grabower, Darhschewitsch, Schwaller, il se peut encore

que quelques fibres radiculaires du rameau spinal de l'accessoire

soient atteints dans le cinquième segment cervical, ce qui expli-

querait la parésie du sterno-clédo-mastoïdien et du trapèze. Notons

en revanche l'intégrité de l'élévation de l'angle de l'omoplate

et du rhomboïde malgré la paralysie totale du plexus. Il n'y a

pas non plus de réaction dégénératrice des muscles atteints : la

diminution de leur excitabilité aux courants faradiques et galva-

niques tient plus vraisemblablement à une régénération des nerfs

(la maladie date d'un an et demi). Absence de tout trouble de la

sensibililé, mais l'observation montre qu'il a dû y en avoir, la

dégénérescence les a fait disparaître. L'auteur établit le diagnostic

avec la pachyméningite cervicale hypertrophique avec la polio-

myélite antérieure aiguë avec une monoplégie brachiale corticale

- avec la syringomyélie.

II. Observation d'encéphalite hémorrhagique dans le cours de l'in-

fluenza. Au cinquième jour d'une attaque d'influenza, délire,

sopor, convulsions toniques répétées et prolongées, raideur de la

nuque. Bientôt, fièvre peu marquée, sueurs profuses, diminution

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. in'nu

de tous les accidents ; reste simplement de la parésie de l'extré-

mité supérieure droite. C'est une observation à rapprocher des cas

avec autopsie de Strümpell, Lichtenstein, Koenigsdorf, Schmid,

Oppenheim. 11 y a eu guérison comme il peut arriver de l'encépha-

lite protubérantielle et cérébelleuse. Diagnostic d'avec la ménin-

gite cérébrospinale et la leptoméningite. La parésie du bras droit

qui reste est une monoplégie brachiale corticale, car les réflexes

tendineux sont normaux ainsi que la réaction électrique des nerfs

et des muscles. Comme le facial et l'hypoglosse sont indemnes, la

lésion se borne à la zone motrice du centre du bras.

P. Keraval.

XLVIII. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'hémichorée POSTHÉMIPLÉGIQUE ET

DU ramollissement DU pont DE VAROLE; par A. RUBINO. (La Nuova

Rivisttc clinico-thérapeutica, 1\° 3. 1898.)

Un homme de cinquante-sept ans présente une attaque d'apo-

plexie suivie d'hémiplégie droite saus paralysie faciale, ni aphasie.

L'hémiplégie s'amende peu à peu, en même temps que se mani-

festent des mouvements choréiques du même côté intéressant la

face. Un beau jour, les mouvements convulsifs étant plus violents

que d'habitude, le malade tombe brusquement dans un état coma-

teux et meurt. On croit qu'il s'agit d'une seconde hémorrhagie

cérébrale. L'autopsie montre : athérome diffus, plus accentué pour

les artères cérébrales; petit foyer de ramollissement dans la cap-

sule interne à gauche, gros foyer de ramollissement intéressant

toute la largeur du pont de Varole, thrombose d'une partie de la basi-

laire et d'une de ses branches. L'auteur combat l'hypothèse de Cbar-

cot qui, pour expliquer l'hémichorée posthémiplégique, admet l'exis-

tence d'un faisceau spinal hémichoréique ; il lui paraît plus vraisem-

blable d'admettre que l'hémichorée, comme d'ailleurs la chorée

essentielle est due à des troubles de centres encéphaliques spéciaux

dont les lésions circonscrites produisent la chorée localisée ou hémi-

chorée, et dont les troubles bio-chimiques (infections, dyscrasies,

défauts d'évolution), à défaut d'altérations histologiques reconnues,

donneront lieu à la chorée dite essentielle. Ces centres, dont le

siège reste indéterminé, qui se confondent peut-être avec les centres

régulateurs des mouvements, se transformeraient, sous l'influence

de circonstances morbides variables, en centres choréigènes, de la

même façon que les centres psycho-moteurs se transforment en

centres épileptogèncs. R. CHARON.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XX. Pathogénie ET traitement du tabès ; par le professeur de ]iE,471.

(La Nuova Rivesta clinico-thempelltica, N° 1, 1898.)

Pour expliquer les rapports intimes de la syphilis et du tabès,

l'auteur professe qu'en l'état actuel de la science la meilleure

explication est la suivante : le tabes et la paralysie progressive

sont des affections éminemment dégénératives, et la syphilis est un

puissant facteur de dégénérescence ; c'est elle qui met en action

cette dégénérescence latente chez les prédisposés. Mais comment

cette action, en se portant spécialement sur les faisceaux de Bur-

dach et de Goll, produit-elle l'incoordination motrice' ? llia seule

théorie parmi toutes celles qui ont été proposées satisfait l'es-

prit, en mettant d'accord les faits anatomiques et cliniques, et en

expliquant les résultats curatifs de la méthode de l reuhel ; c'est

celle qui fait de la coordination motrice la résultante de l'action

synergique du système nerveux sensitif et qui admet que toute

altération de ce système nerveux entraîne nécessairement l'in-

coordination.

Après avoir passé en revue les différentes médications internes

et externes préconisées contre le tabes, l'auteur s'étend particuliè-

rement sur la méthode de Frenkel, par la rééducation musculaire.

L'explication physiologique de cette méthode, éclairée par des

comparaisons suggestives, tirées de la transmission des ondes

électriques, liquides et sonores par des conducteurs multiples et

différents, constitue le point le plus original de cette leçon : La

fonction crée l'organe et non l'organe la fonction ; quand le cou-

rant nerveux ne peut plus suivre son trajet ordinaire, il se fraie

une autre voie par des nerfs intercalaires ; l'impression sensitive va

de la périphérie 'aux centres supérieurs par l'intermédiaire des

libres longues et des cordons de Goll : c'est la voie maîtresse ; mais

que cette voie soit supprimée, d'autres neurones intercalaires, qui

étaient atrophiés, qui n'existaient qu'en puissance, ouvriront une

nouvelle voie au courant nerveux. Chacun de nous possède depuis

sa naissance un certain nombre de neurones qui sont mis en exercice

pour les occupations et les mouvements habituels de l'existence ;

mais, en plus de ces neurones, il en possède d'autres, en réserve

pour ainsi dire, qui ordinairement sont inactifs, mais qui peuvent

être mis en activité par un exercice extraordinaire. R. CHARNON.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 137

XXI. Action DES anesthésiques, sédatifs ET narcotiques sur LE

nerf isolé; par A. WALLER (l3z'rzit, part. LXXVI. 1896).

Ce mémoire est avant tout graphique ; les 45 planches qui le

composent, en sont la partie essentielle. 111. Waller sesert toujours

du dispositif indiqué dans ses mémoires précédents (voir Arc/¡ de

Neurol. 1897, t. I, p. 397) pour obtenir des tracés lumineux fixés

par la photographie. Résultats : 1° les anesthésiques en petite

quantité augmentent temporairement, en grande quantité dé-

priment ou abolissent à temps ou définitivement l'excitabilité du

nerf isolé; 2° l'acide carbonique agit comme un anesthésique sur

le ;nerf isolé, le protoxyde d'azote n'a pas d'action appréciable;

3° un nerf isolé est plus sûrement anesthésié par l'éther que par le

chloroforme; 4° il y a antagonisme apparententre le chloroforme

et ,1'acide carbonique; 5° les bromures dépriment l'excitabilité,

cette action dépend du sel total, mais plus encore de son élément

basique que de sa valeur acide. KBr est plus déprimant que Na Br;

Sr Cl2 est excitant; Sr Br`= est déprimant; 6° il y a antagonisme

entre le chlorure de potassium d'une part et les sels de calcium et

strontium d'autre part; 7° parmi les alcaloïdes et autres narco-

tiques certains sont déprimants, d'autres inertes à l'égard du nerf

isolé. Toutes choses égales d'ailleurs, la morphine, la strychnine,

la muscarine, l'atropine, l'aconine sont inactives; tandis que

l'extrait d'opium, la cocaïne, l'aconitine, la physostigmine, la

curariue, la gelsémine, la veratrine, le chloral, le butylchloral

hydraté sont déprimants. F. BoissiER.

XXII. Traitement électrique palliatif DE L1 névralgie du trijumeau

(tic douloureux de la face); par le professeur Bergonié, de Bor-

deaux. (Presse médicale, 5 janvier 1898.)

L'auteur expose la technique et les résultats du traitement de la

névralgie du trijumeau par les applications prolongées d'un cou-

rantgalvaniqued'uue haute intensité. Cette méthode thérapeutique

comporte l'emploi de courants continus, obtenus soit avec des élé-

ments de piles, soit avec des accumulateurs, et d'une intensité

variant entre 35 et 50 milliampères. Une électrode appropriée est

placée loco dolenti; elle doit s'appliquer exactement sur les tégu-

ments des régions appartenant au territoire du trijumeau ou à

celui de la ou des branches atteintes; M. Bergonié recommande,

dans ce but, de se servir d'une plaque d'étain laminé de 1 milli-

mètre et demi à 2 millimètres d'épaisseur, garnie d'une épaisse

couche de gaze hydrophile et isolée sur ses bords au moyen d'une

bande en caoutchouc; d'après lui, il y a avantage à relier cette

électrode au pôle positif. L'autre électrode, d'une surface de 400 à

500 centimètres carrés, est placée dans le dos, au niveau des

138 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

premières vertèbres dorsales, descendant jusqu'aux premières

lombaires.

L'auteur rapporte une série d'observations dans lesquelles cette

méthode a été employée avec avantage. La durée des séances a varié

entre dix et quarante minutes suivant les cas; la fréquence et le

nombre en ont été réglés d'après l'intensité et la ténacité des

- symptômes ; dans un cas, 58 applications ont été faites en deux

mois et demi. Appliqué suivant une technique correcte, ce traite-

ment est exempt de tout inconvénient, à plus forte raison, de tout

danger. Dans plusieurs cas, où d'autres médications avaient entiè-

ment échoué, le traitement galvanique a amené une atténuation

notable ou même la suppression, parfois passagère, d'autres fois

durable, des symptômes morbides. (Une des observations rappor-

tées dans ce travail concerne une malade qui n'a pas eu de crise

depuis trois ans.) Aussi l'auteur estime-t-il que ce mode de traite-

ment de la névralgie du trijumeau peut être placé parmi les plus

efficaces.

Le courant galvanique agit probablement par des effets électro-

lytiques atteignant à la fois les terminaisons périphériques, les

branches et le tronc du trijumeau, et peut être même le ganglion

de Gasser et ses racines. A. FENAYROU.

XXIII. LE cubage intérieur DU crâne; par Z.1NEE. (Neurolog.

Centralbl., XVI, 1897.)

On ne peut cuber le crâne qu'à l'aide de l'eau*. Mais, pour cela,

il faut le rendre imperméable à la cire, à la gutta-percha ; autant

de procédés qui salissent les pièces. Il convenait de prendre une

autre méthode simple, ne nécessitantpas de préparation, accessible

à tous les aides de laboratoires.

1° Cubage immédiat. On fait, comme d'habitude, à l'autopsie,

une section bien égale de la calotte crânienne ; on obtient ainsi

deux parties, la base et la calotte que l'on peut, sans inconvénient,

la moelle et la dure-mère n'étant point encore enlevées, remplir

d'eau au moyen d'un verre gradué. Puis vous cubez seul l'espace

compris entre le trou occipital et le commencement de la moelle,

en le défalquant de l'ensemble précédemment obtenu ; si les exi-

gences de la nécropsie vous ont obligé d'ouvrir le canal vertébral,

vous tamponnez le trou occipital avec du liège entouré d'ouate

.humide. Ce procédé, la dure-mère étant conservée, assure l'imper-

méabilité de la base du crâne, mais il faut veiller, en sectionnant

la tente du cervelet, à ne pas inciser le sinus transverse, sinon on

le tamponnera à l'ouate, car, autrement, l'eau s'écoulerait par la

' Voy. Traité pratique de coaniomélrie, par Benedikt; trad. Keraval.

Paris, in-8°, 1889.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 139

jugulaire ; il faut aussi pratiquer à la scie une section bien hori-

zontale. On remplit alors d'eau et l'on se convainc bien que le

niveau n'en bouge plus ; on vide donc le crâne, on assèche avec

l'éponge et l'on procède comme il a été dit suprà. Il peut arri-

ver que la section à la scie ait été un peu oblique; on forcera, en

ce cas, les résultats en chiffres ronds. Les mêmes précautions

seront prises pour la calotte du crâne. Les deux cubages partiels

seront additionnés. Des centaines de cubages ainsi effectués et à

plusieurs reprises du même crâne n'ont pas donné à l'auteur plus

de 10 centimètres cubes d'écart. Quand on ne se trompe pas,

ajoute-t-il, de plus de 1 p. 100 dans ce genre de recherches, tout

est pour le mieux. Pour plus de sécurité la mesuration deux ou

fois trois de suite à chaque moitié du crâne est nécessaire.

2° Cubage de crâne préparé. A. Crâne ouvert par une section

horizontale à la scie. On remplacera la dure-mère par une vessie

de cochon assouplie dans l'eau, aussi grande et aussi mince que

possible, dont l'ouverture soit assez large pour qu'on puisse la

rabattre sur les bords du crâne. a) Calotte crânienne. -Il n'est

pas rare que, par elle-même, elle soit imperméable; point n'est

besoin alors de vessie de cochon. Sinon, la fixant sur un appui

convenable, on y introduit la vessie que l'on remplit d'eau en veil-

lant à ce que, au sur et à mesure, elle se déplisse et se colle aux

parois osseuses. Puis on procède comme il a été dit suprà.

b) Base du crâne.- Ici, pour que la vessie s'applique bien exacte-

ment aux parois intérieures, il faut une certaine dextérité dans les

doigts, il faut encore éviter que le tissu de la vessie n'entre trop

dans les trous et qu'il couvre exactement les trous comme les

remplit normalement la' dure-mère. On y arrive cependant et l'on

se convainc de la fidélité du procédé quand on compare les résul-

tats ainsi obtenus à ceux des cubages de crânes, dont on a bouché

les trous à la gutta-percha.

B. Crânes non sectionnés. On tient le crâne de facon à obtenir

par la pensée une sorte de plan horizontal passant par les orbites,

et le bord postérieur du trou occipital. On bouche les cavités ocu-

laires à l'ouate humide, les petits trous à la cire, et l'on remplit

d'eau. On vide ensuite dans un vase, et l'on mesure. On obtient

ainsi une bonne moyenne comparée à celle des autres méthodes.

P. KERavaL.

XXIV. COMMENT se comportent LRS bromures dans LE CORPS DES ÉPILEP

TIQUES ET COMMENT SE FONT LES ÉCHANGES NUTRITIFS DANS LE TRAITE-

MENT Dnû : l ! O-OPI.\cÉ de t'LEcnsiG ; par R. LAIIDENIIEIMER (Neurolog.

Centralbl., XVI, 1897.)

Comment s'élimine le bromure administré à hautes doses con-

tinues aux épileptiques ? Ce problème est résolu sur de jeunes

140 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

malades suffisamment et uniformément nourris. D'énormes quan-

tités de bromure (on administre toujours de NaBr) sont emmaga-

sinés dans l'économie. Ainsi un patient qui chaque jour en prenait

10 gr. et qui, par suite, pendant trois jours avait absorbé 80 gr. de

ce sel, n'en avait, dans le même temps, éliminé que 39 ; son éco-

nomie en avait donc retenu.41. Tel autre en prend en trois jours

- 27 gr. qui n'en rend que 8 gr. juste. Un troisième absorbe 2 gr.

en trois jours et en garde 21 par. 50. Naturellement, avant les expé-

riences, on avait toujours soin de supprimer tout médicament. Mais

il ne faut pas croire que cet emmagasinage reste perpétuel dans

les mêmes proportions quand on fait usage du médicament pen-

dant des mois et des années; l'économie une fois saturée, reste

chargée d'une quantité donnée et élimine l'excédent par l'urine,

soit à un moment donné, la quantité correspondante à l'adminis-

tration journalière. Par exemple, le troisième sujet, après le dix-

septième jour d'administration bromique (dose 7 à 8 gr. par jour)

présenta les particularités suivantes : du dix-huit au vingtième

jour il prit encore 7 gr. par jour, ce qui fit, pour ce dernier laps

de temps 21 gr. en tout, et, dans le même temps, il élimine

20 gr. 95. L'économie se charge donc d'une certaine quantité de

bromure ; quand cette charge a atteint un maximum donné, l'or-

ganisme le garde, du moins aussi longtemps que l'on continue à

administrer le médicament et rend le surplus. Quant à la valeur

du coefficient de la charge bromique, elle ne dépend passeulement

de la quantité des doses ingérées ; elle dépend encore d'un facteur

individuel, car on est en droit de penser qu'un homme soumis à

une dose quotidienne de 7 gr. se charge, au bout d'un certain

temps, d'une quantité égale à celle dont se charge un homme qui

prend chaque jour 10 gr. du médicament.

Ainsi s'explique : 1° qu'il faille un usage prolongé de Br. pour

agir sur les accès; 2° quels accès, supprimés par l'administration

d'une dose de Br. pendant des semaines et des mois, reparaissent

avec une violence intensive, dès qu'on supprime, ne fût-ce qu'un

jour, le médicament, l'élimination continuant, en quantités pres-

que identiques, affaiblit la charge non renouvelée de bromure.

La molécule de brome chasse le chlore des chlorures de l'éco-

nomie. Un malade qui en sept jours sur 70 gr. de Na Br ingérés,

en avait retenu 36 gr., excrétait, dans le même temps, sur 67 gr.

de Na Cl introduits par les aliments, plus de 93 gr. de chlorure

de sodium, par l'urine. Il perdit donc plus de 26 gr. de chlorure

de sodium. Mais il doit v avoir des variétés individuelles relative-

ment à l'expression de la charge de Br et à l'action du Br ; et il en

faudrait pas en conclure que l'action antiépileptique des bromures

soit adaquate à leur action sur le déplacement du Cl. En tout cas,

l'analyse du sang montre que la plus grande partie du Br est

retenue dans le sang; dans un cas où la teneur en Cl du sang fut

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 14)

déterminée avant et après l'usage du Br il y avait bien moins de

CI après l'administration du Br.

De là à croire que c'est l'appauvrissement de l'organisme en Cl

qui sous l'influence de l'administration du bromure, est la cause

' du bromisme, il n'y avait qu'un pas. En effet, dans un cas de bro-

misme au début, en augmentant l'ingestion du chlorure de sodium

on a considérablement augmenté l'élimination du Br. par l'urine.

Chez deux malades, pendant les premiers jours de l'administration

bromique, non seulement l'excrétion des chlorures augmenta,

mais l'excrétion phosphorique diminua, En outre, le jour de l'accès

avant l'administration du bromure, ou dans les vingt-quatre heures

voisines, l'élimination de chlorures était nettement diminuée, celle

de l'acide phosphorique un peu augmentée, sans modifications

caractéristiques de la balance d'oxygène,

Dans quelques cas, au moment de l'accès, il ya a diminution carac-

téristique de l'action des reins. Chez un malade, notamment un ou

deux jours avant l'accès, invariablement, la quantité d'urine dimi-

nuait en môme temps que sa densité montait, ce qui permettait de

prévoir l'attaque ; les mêmes phénomènes annonçaient aussi les

troubles psychiques, courts du reste, qui remplaçaient les attaques.

Dans la médication opiobromurée, chez plusieurs sujets dont on

analysa exactement les liquides, la période d'administration de

l'opium en augmente remarquablement la quantitéd'urine éliminée

(à égalité d'ingestion des boissons naturellement), de là une perte

de poids sans conséquence fâcheuse. Le malade cité plus haut, qui,

avant le traitement, présentait l'anurie relative praeparoxyslique,

ne la présenta plus quand on lui donna des doses croissantes d'o-

pium (quoiqu'il eût encore de nombreux accès), ce qui semblerait

indiquer que cette anurie est due à une convulsion tonique des

tuniques musculaires des vaisseaux des reins précédant l'accès

d'épilepsie il la manière d'une aura. François Franck a constaté

la diminution de volume des reins pendant l'accès. L'opium, en

paralysant des éléments musculaires en question, de même que

les muscles involontaires de l'intestin, agit comme diurétique, alors

qu'ailleurs il paralyse les sécrétions. Chez le même malade, le bro-

mure seul n'avait pas supprimé les accès tandis que le traitement

opiobromuré les réduisit à un seul accès en six mois. L'analyse

des matières fécales a également révélé que, pendant le traite-

ment à l'opium, il s'élimine, par l'intestin, autant de bromure que

pendant le traitement au bromure seul ; l'opium ne produit donc

pas la résorption des bromures à laquelle Solzburg rattache l'ac-

tion plus efficace du traitement opiobromuré. P. KERAVAL..

XXV. Phosphates ET GLYCÉnOPH03PHA1'BR en injections sous-cutanées;

par le D1' Crocq fils. (Jouin. de Neurol. et d'Hypnologie, 1898, n° 4.)

Dans ce travail, M. Crocq fils revendique la priorité de l'emploi

14 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

des injections de phosphate de soude, comme tonique neuros-

thénique; il reconnaît toutefois que les glycérophosphates intro-

duits récemment dans la thérapeutique, sont plus assimilables et

constituent un réel progrès sur la médication phosphatée ordi-

naire. G. D.

- XVI. Traitement DE la sciatique par la compression DU nerf A l'aide

D'UN instrument spécial, par P.-F. ARULL1NI. (Neurolog. Cen-

tralbl., XVI, 4897.)

L'auteur a inventé un appareil pour comprimer le scialique sans

ouvrir la peau, à l'endroit douloureux, au niveau de l'échancrure

sciatique, qui rappelle la ceinture antihystérique de Poirier.

Séances de cinq minutes, pas plus, quotidiennement jusqu'au maxi-

mum de tolérance possible; la compression franche, intense, est

d'un quart, au plus d'une demi-minute, puis avec la pelote de

l'appareil on pratique une sorte de massage compressif moins vif.

Plus l'opération est douloureuse, plus tôt on obtient la guérison.

Quelquefois, rarement, la compression détermine une légère lipo-

thymie, parfois, quelques ecchymoses : cela n'a pas d'importance,

Six séances suffisent souvent, mais il n'est pas rare qu'il en faille

une douzaine. La compression du point douloureux supérieur peut

à elle seule amener la guérison, mais il est parfois nécessaire d'al.

ler en outre comprimer d'autres points douloureux, en ce cas on

s'adressera au creux poplité à l'angle formé par l'écartement

du biceps et du semi-tendineux, un peu en dehors de la ligne mé-

diane, on y comprime directement le nerf contre la face posté-

rieure du fémur. Dans les cas où le malade se plaint de douleurs

tout le long du membre, exercez les premières compressions au

niveau de l'échancrure sciatique, et les veines en creux poplilé.

L'auteur a traité avec succès quarante malades. Chez six d'entre

eux, atteints de sciatique opiniâtre, la maladie avait résisté aux

moyens réputés les plus actifs; deux cependant guérissent, l'un par

l'élongation non sanglante, l'autre par la faradisation forte. Chez

deux des malades traités, il y eut une simple amélioration. La guéri-

son s'est maintenue sur plusieurs des trente-deux qui ont guéri parla

compression mécanique. La guérison n'est pas difficile à obtenir

quand on a affaire à une sciatique chronique, et quand il existe des

points douloureux trop élevés (lombaire, sacro-iliaque, iliaque),

parce que l'on ne peut aller comprimer le nerf dans le bassin.

S'il y a, en sus, tuberculose ou syphilis, il faut traiter la maladie

sous-jacente. Les maladies constitutionnelles, les névroses graves

ou l'hérédité nerveuse assombrissent le pronostic. L'examen élec-

trique ne fournit, quant à la curabilité par la compression instru-

mentale, aucune indication, car il existe des cas dans lesquels,

quoique la sciatique soit chronique, on ne constate ni atrophie, ni

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 143

dégénérescence, ni névrite, et cependant ils résistent à tout traite-

ment ; par contre, certains cas témoignant d'une névrite légère et

rapide guérissent néanmoins promptement. P. KERAVAL.

XXVII. Thérapeutique vibratoire ; par F. PETER501. (Jledical-News.

'janvier 1898.)

L'auteur décrit avec figures les appareils de Leidbeck et dit en

avoir obtenu de bons effets dans les névralgies périphériques, les

migraines et céphalées neurasthéniques et hystériques, ainsi que

dans l'aphonie névropathique et les bourdonnements d'oreilles de

même nature. A. Marie.

XXVIII. Traitement DU DLIRIUM TItEÙfENS; par CROTHERS et Z. COL-

LINS. (Medical-News, février-avril J898-.)

Les auteurs s'élèvent avec force contre le restreint des alcoo-

liques en délirium ; ils préconisent l'usage modéré des hypnotiques

bromures, la suppression radicale du toxique et les évacuants ordi-

naires aidés des précautions d'hygiène propres à combattre la

dénutrition aiguë de ces malades.. 'D A. MARIE.

XXIX. Traitement DES aliénés A la consultation EXTERNE DES

hôpitaux (British. 111edic. Journ., avril 1898, p. 1158).

Pendant cinq ans, le Dr Baguer a traité des cas d'aliénation men-

tale au début, à la consultation externe de l'hôpital Saint-Thomas,

et le Dr Crocbley Clapham a fait de même à l'hôpital royal de

Sheffield. Daus les deux cas, les résultats ont été satisfaisants, tant

pour le public que pour le corps médical. D'abord, en effet, les

malades pauvres ont pu recevoir des soins au début de leur affec-

tion, c'est-à-dire au moment où les chances de guérison étaient

les plus grandes; ensuite, l'assimilation des maladies mentales aux

autres maladies et leur traitement dans le même établissement

contribuent à enlever à l'aliénation mentale son mauvais renom,

dernier vestige de la croyance à la possession diabolique.

Le médecin, lui aussi, profite de cette étude, et pour les étudiants

l'importance de cette clinique externe est des plus grandes : là, en

effet, il verra des maladies au début souvent difficiles il diagnos-

tiquer telles qu'il les rencontrera dans la pratique générale, tandis

que dans les asiles il ne voit que des maladies bien caractérisées

arrivées à leur période d'état. A tous égards, dans l'intérêt des

malades, pour l'édification du public, pour les progrès de la

science et l'instruction des étudiants, il faut espérer qu'une cli-

nique d'aliénation mentale sera annexée à chaque hôpital général,

comme l'est aujourd'hui une clinique d'optalmologie, par exemple.

A. VIGOUROUX.

144 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XXX. Epilepsie dARSON1ENNE Er opérations; par A. AIORISON.

(British. médical journal, octobre 1856.)

Deux cas de crises monoplégique trépanés avec succès chez des

hommes de dix-neuf et trente-deux ans. La localisation de la

lésion et de la détermination topographique cranio-cérébrale ont

"été déterminées par une méthode simple et nouvelle.

Dans les mêmes numéros d'octobre 1896 est relaté un cas de greffe

réussie de la moelle épinière d'un lapin pour reconstituer le nerf

médian de l'homme, par 11. RoBSON. A. MARIE.

XXXI. Alimentation artificielle DES aliénés ; par HARRIS-LISTON.

(British in journal, février 1897.)

Note tendant à montrer la supériorité de) ta voie nasale sur la

voie buccale dans l'introduction de la sonde oesophagienne.

A. MARIE.

XXXII. Traitement CHIRURGICAL DES tumeurs THYROÏDES; par

F.-T. PAUL. (British médical Journal, juillet 1897.)

C'est une sorte de statistique opératoire de douze cas, avec

figures, donnant le résultat des examens histologiques des tumeurs.

Celles-ci consistaient en adénomes muqueux, colloïdes, fibreux et

cystiques ou caverneux, et en dégénérescences parenchymateuses

ou intrafolliculaires, catarrhe glandulaire ou vascularisation exa-

gérée du corps thyroïde. Cinq de ces dernières liaisons s'accom-

pagnaient d'exophtalmie. A. Marie.

XXXIII. Abcès n : MPoRO-SPH1\ÉNOÏDAL ouvert ET drainé par le conduit

auditif; par AD. 13RONNER. (British medical Journal, août 1897.)

Observation d'un homme de vingt-huit ans. La méthode opéra-

toire pèche par la difficulté du drainage consécutif et de l'asepti-

srtion postopératoire, dit l'auteur. Guérison. A. MARIE.

XXXIV. Deux cas DE MENINGOCBLE OPÉRÉS avec succès ; par SPAUTON

(British médical Journal, octobre 1897.)

Les enfants avaient l'un trois semaines, l'autre trois mois. La

tumeur dans les deux cas ne contenait pas de cerveau et consistait

en un noevus de la pie-mère. A. MARIE.

XXXV. LE traitement du L'ATAXIE LOCOMOTRICE par l'élongation vraie

DE la MOELLE épinière; par Gilles de la 'fOURETTE et G. G : 1SNE.

(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 1, 1898.)

Nouvelle série de 21 malades traités par la méthode des auteurs.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 'l1·

Amélioration considérable de la plupart des symptômes (particu-

lièremeut des troubles douloureux et génito-urinaires et de l'incoor-

dination) dans 17 cas. R. C.

LE traitement DU GOITRE exophtalmique par L section

du sympathique CI·.111'IC.1L par M, Jaboulay. (Presse médicale.

22 février 1898.)

D'après son expérience personnelle (Il opérations), M. Jaboulay

reste convaincu que la paralysie artificielle du sympathique cer-

vical, qu'il a préconisée, est le traitement de choix du goitre

exophtalmique, surtout dans les formes sans goitie, et dans les

cas où l'indication se pose de recourir au traitement chirurgical,

même il une distance éloignée, les résultats sont satisfaisants. Il

croit aussi que si le goitre, lorsqu'il existe, avait de la tendance à

se reproduire après cette opération, il faudrait ne pas craindre de

l'enlever, parce que la sympathicotomie aurait préparé le terrain

à la thyroïdectomie, qui serait moins grave et plus facile. La sym-

palhicotomie, ou l'ablation du ganglion cervical supérieur, telle

qu'il la pratique, est selon lui suffisante pour amender, sinon

guérir, les phénomènes basedowiens.

La sympalhicotoiiiie s'accompagnant de dégénérescences au

loin, il faut être très prudent dans les extirpations que l'on peut

faire sur le sympathique cervical. La résection lotale ne met, pas

plus que la section du ganglion cervical supérieur, à l'abri des

récidives, parce que celles-ci tiennent au sympathique annexé au

trijumeau et au pneumogastrique. Les faits cliniques démontrent

que c'est une erreur de croire que le sympathique cervical, une

fois coupé, va se souder et reproduire la maladie de Basedow. ,

Les procédés de destruction du sympathique cervical, section,

résection, brisement, arrachement, etc., étant équivalents dans

leurs résultats, il faut choisir le plus simple. Il y aurait même

avantage à éviter, si possible, de paralyser le sympathique cer-

vical, et, dans ce but, \I. Jaboulay se propose de pratiquer sur le

premier malade qu'il aura à opérer pour goitre exophtalmique,

l'élongation de ce nerf, opération qui ne fait que modifier son

excitabilité en respectant sa continuité. A. Fenavrou.

Archives, ` ? ° série, t. VI. 10 ()

NÉCROLOGIE.

Auguste-Félix Voisin, né il Vanves le 23 mai 1829, est mort le

23 juin. Son grand-père, Félix Voisin, avait été médecin de

Bicêtre, et avec Falref, avait créé la Maison d'aliénés de Vanves.

Interne des hôpitaux en 185J., docteur en 1858, chef de clinique de

Bouillaud ¡lIa Faculté de Médecine de Paris en 1862, il fut nommé

médecin de Bicêtre en 1866 et passa iL la Salpêtrière l'année sui-

vante.

1 Voir sa bibliographie dans le n° ? 7,1395, p. lô du Progrès médical.

M. le D'' Auguste VOISIN ',

Médecin de ].1 Stlpélrière.

nécrologie. 147

Nous avons le regret d'annoncer la mort du De Léon-François

Guillemin, médecin en chef de la section des hommes à l'asile

d'aliénés de Montdcvergues (Vaucluse), décédé le ¡CI' juin 1898,

à l'âge de quarante-six ans, à la suite d'une longue et douloureuse

maladie. C'était un médecin distingué qui, par son caractère, son

dévouement pour les malades, ses travaux scientifiques, honorait

le service des aliénés, auquel il était attaché depuis plus de vingt

ans; il était entré comme interne dans les asiles en 1878, et était

devenu successivement médecin adjoint et médecin en chef.

Les Annales perdent en Guillemin un collaborateur; parmi les

travaux qu'il a publiés, nous signalerons surtout les deux suivants :

Contribution à l'étude de l'hystérie alcoolique, n° de mars 1888 ;

M. le Dr L. GUILLEMIN

H8 varia.

Contribution il l'étude de la 1'é/J/i sipii dans la paralysie générale

iio de novembre 1891. '

Les obsèques de notre confrère ont eu lieu à Dôle (Jura); mais,

la veille du départ du corps pour sa dernière demeure, une céré-

monie touchante eut heu à l'asile de MonLdevergues, à laquelle

prirent part les autorités du département, tout le personnel de

l'asile, un grand concours d'amis. Trois discours ont été prononcés :

par le préfet deVaucluse; par le D1' Rey, conseiller général, direc-

teur-médecin de l'asile d'aliénés d'Aix-en-Provence, et par le

Dr Pichenot, médecin en chef de la section des femmes de l'asile

de Montdevergues. (Annales médico-pschologiques,,juillet 1898.)

VARIA.

IXe Congrès des Aliénistes et Neurolog is tes (Angers, 1898).

Programme. Le neuvième Congrès des Aliénistes et Neurolo-

gistes français se tiendra à Angers, du ler au 6 août 1898. La

séance d'ouverture aura lieu dans la salle des Fêtes il l'hôtel de

ville. Les autres séances auront lieu à 1'l,cole de Médecine où le

secrétariat se trouvera également pendant la durée du Congrès.

Les ordres du jour sont réglés comme il suit :

Lundi 1er août. Matin, 10 heures : Séance solennelle d'ouver-

ture à la Mairie. Soir, 2 heures : Ecole de Médecine. Constitu-

tion du bureau. Nomination des deux vice-présidents et des secré-

taires des séances. Compte rendu financier de 1897. Nomination

d'une Commission pour le choix des questions à mettre à l'ordre

du jour du Congrès de 1899. Première question : La troubles

psychiques postopératoires. Rappprteur, M, Rayneau. Discussion.

Mardi 2 août. Matin, 9 heures. Deuxième question : Du rôle

des aj'tél'ites dans la pathologie dit système nerveux. Rapporteur,

M. Coulon. Discussion. - Soir, 2 heures : Suite de la discussion

sur la deuxième question. Communications diverses. 7 heures.

Banquet par souscription du Congrès.

Mercredi 3 août. - Matin, 9 heures. Troisième question : te

délires transitoires au point de vue médico-légal. Rapporteur, JI. Val-

lon. Discussion. 3 3 heures : Visite à l'Asile départemental de

Sainte-Gemmes-sur-Loire. Dîner offert par l'Administration de

l'Asile à MM. les Congressistes. Représentation théâtrale. Feu d'ar-

tifice.

VARIA. 149

Jeudi 4 août. Matin, 9 heures : Choix du siège du Congrès

pour 1899. Election du président et du secrétaire général. Choix

des questions à mettre à l'ordre du jour, Nomination des rappor-

teurs. Communications diverses.- 1 heure : Visite de la ville d'An-

«ers et des principaux monuments.

Vendredi 5 août. Matin, 9 heures : Communications diverses.

- t heure : Visite aux Ardoisières de Trélazé.

Samedi 6 août. Excursion ci Saumur : Réception parla Muni-

cipalité, visite de la ville et de l'Ecole de Cavalerie; visite de l'ab-

baye de Fontevranlt, aujourd'hui lllaisoncentrale, du château de

Montsoreau, Candes, embouchure de la Vienne.

Dimanche 7 août. Excursion en bateau à vapeur : Visite des

bords de la Loire : châteaux de la Baumette et de Chàteaubriant,

La Pointe, Behuard, La Possonnière, Chalonnes, Champtocé (ruines

du vieux château de Barbe-Bleue), Montjeau, Inurandes, Saint-

Florent-le-Vieil. Déjeuner à bord. Clôture du Congrès.

Communications. Discussion sur les psychoses ]Jost-opémtoi1'es;

par le D1' Picqué, de Paris. - Observation de paranoïaque p1'OceS-

sive, type du délire raisonnant de dépossession de Régis par le

\J1' Ladame, de Genève. Les délires transitoires (discussion) ; par

le D'' Garnier, médecin-chef de l'Infirmerie spéciale à la Préfec-

ture de police. Discussion sur les ((1'té1'ites. Myélite t/'ans'Ve1'se,

Projections lumineuses; par le U'' Brissaud, de Paris. Forme

fruste de maladie de Parkinson; par le Dr LafforLie, médecin aide-

major à Touggourt (Constantine). Le délire de revendication en

dehors de la folie raisonnante ; par le D'' Cullerre, directeur-méde-

cin de l'asile d'aliénés'de la Roche-sur-Yon.- Le rôle de l'appareil

cardio-vasculairc dans la pathogénie de certaines phobies neumsthé-

niques; par les Drs Hartenberg et Valentin, de Paris. Epidémie

de myélite infectieuse observée ci l'asile de Sainte-Gemmes dans le

cours de l'année 1897; par le D1' Petrucci, directeur-médecin chef.

- Médecine mentale a la campagne. Un cas de respiration de Cheyne-

Stockes à cycle très régulier d'une durée de 25 jours et terminée par

la guérison. L'alcoolisme en Vendée; par le Dl Terrier. - Mémoire

sur les délires transitoires au point de vue médico-légal. Mémoire sur

les mutilations dans les compagnies de discipline : par le Dr Roub,y.

Discussion sur les psychoses post-opé1'atoi1'es; par le Dr Régis. -

Les centres viscéraux de l'écorce cérébrale. Un cas de chorée saltatoire

hystérique datant de 25 ans, guérie en quelques semaines; par le

Dr Sollier. De l'élimination du bleu de méthylène chez les épilepti-

ques ; par le D'' Voisin. Application de la suggestion hypnotique ci

l'éducation mentale des enfants vicieux ou dégénérés ; par le Dr Bé-

l'Ilion, De l'organisation des asiles publics d'aliénés de province : ..

par le D' Brunet, directeur honoraire. - De la thérapeutique dans

les asiles d'aliénés; par le D' Le Filliàtrc. Sur le traitement de.

150 VARIA.

l'épilepsie par (symMf(//teeom ! f; par les DI" Lannois et Jaboulay

ltlélano,dcrrnie chez les épileptiques; par le D'' Lannois. Sur le

traitement des tics. Sur quelques cas d'oedèmes nerveux; par le

Dr Meige. - Epilepsie et traitement chirurgical. Idiotie et alcoolisme;

par le D'' Bourneville (Société de patronage de Paris). Lavage

de l'estomac chez les neurasthéniques; par le Dr Raffegeau. z

I. Les membres du Congrès sont instamment priés défaire

connaître immédiatement s'ils sont dans l'intention de prendre

part : 1° au banquet par souscription du Congrès (prix 15 francs)

(le registre d'inscription sera clos le lundi le,* août au soir) ; 2° à la

réception gracieuse offerte par l'asile de Sainte-Gemmes; 3° à

l'excursion de Saumur; 4° il l'excursion de Saint-Florent-le-Vieil.

' IL Les indications pour les demandes de billets de demi-place

doivent nous être envoyées sans retard, en se conformant à ce qui

a été dit dans la précédente circulaire. Dernière limite à laquelle

ces indications pourront être reçues : 12 juillet.

III. - Nous rappelons également la nécessité d'envoyer, avant

le 15 juillet, les litres de communications ou lectures que les con-

gressistes se proposent de faire.

IV. Les rapports vont être distribués prochainement, ou farci.

cules séparés. -

V. - Quelques congressistes ne nous ont pas encore envoyé

leur cotisation. Nous les prions de le faire. Nous avons l'honneur

de prévenir ceux pour qui nous aurons à faire faire le recouvrement

par la poste, que la quittance sera augmentée de un franc pour

frais de recouvrement.

VI. Pendant le séjour à Angers, les moyens de transport

les plus commodes, du centre de la ville à l'Ecole de médecine,

sont les tramways de la place du Ralliement et du boulevard de

Saumur à la gare Saint-Serge.

VII. Pour la visite aux ardoisières, des pourparlers sont com-

mencés avec la Compagnie des tramways pour obtenir des voilures

spéciales qui transporteront les membres du Congrès d'Angers à

Trélazé.

VIII. - Un service d'omnibus va être organisé pour la réception

à l'asile de Sainte-Gemmes-sur-Loire.

XIII0 Congrès international DE médecine (Paris, 2-0 août 19U0;.

Section de psychiatrie. - Le Comité d'organisation de la section

de psychiatrie du Congrès international de médecine qui se tiendra

à Paris, du 2 au 9 août 1900, s'est constitué. Il est composé de

25 membres choisis parmi les aliénistes, tant de Paris que de la

province. Ce sont :

VARIA. 151 1

MM. Gilbert Ballet, professeur agrégé de la Faculté de Paris,

médecin de l'hôpital Saint-Antoine; Bouchereau, médecin de l'hô-

pital Saiute-lune; Bourneville, médecin de Bicêtre; A. Carrier,

médecin honoraire des hôpitaux de Lyon ; Chrystian, médecin de

la maison nationale de Charenton; Cullère, médecin directeur de

l'asile de La Roche-sur-Yon (Vendée); Doutrebente, médecin-direc-

teur de l'asile de Blois (Loir-et-Cher) ; Jules Falret, médecin-hono-

raire de la Salpétrière ; Ch. Féré, médecin de Bicêtre; Febvré,

médecin à l'asile de Ville-Evrard; Paul Garnier, médecin en chef à

l'Infirmerie spéciale du Dépôt de la Préfecture de police; Giraud,

médecin-directeur de l'asile de Saint-Yon (Seine-Inférieure); Jof-

froy, professeur à la Faculté de Paris, médecin à l'asile Sainte-

Anne ; Magnan, membre de l'Académie de médecine, médecin à

l'asile Sainte-Anne ; Mairet, professeur à la Faculté de Montpellier,

médecin en chef de l'asile de l'Hérault; Meuriot, président de la

Société médico-psychologique; Motet, membre de l'Académie de

médecine, Parant, médecin de la maison de Santé de Toulouse;

Pierrot, professeur à la Faculté de Lyon, médecin de l'asile de

Brou; E. Régis, chargé de cours à la Faculté de Bordeaux; Ritti,

secrétaire général de la Société médico-psychologique, médecin

de la Maison nationale de Charenton; Seglas, médecin de Bir.être ;

Taquet, médecin de l'asile de Vaucluse; Vallon, médecin de l'asile

de Villejuif; Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.

Ce Comité s'est réuni, le 13 mai 1898, pour l'élection du bureau

de la section et le choix de questions à proposer pour sujets de

rapports.

Le bureau a été composé ainsi qu'il suit :

Président : AI. 111.\GNAN; Vice-présidents : 11\1. Jurrnox et Gilbert

Ballet; Secrétaire général : M. Ant. RLTTI. Puis 9 questions ont été

proposées parmi lesquelles le Comité devait être appelé, dans une

séance ultérieure, à en choisir quatre; une de pathologie mentale,

' une d'anatomie pathologique, une autre de thérapeutique, enfin

une dernière de médecine légale. Cette séance eut lieu le 18 juin

1898. 19 membres du Comité y assistaient. Voici les questions qui

ont élé adoptées :

Pathologie mentale : Psychoses de la puberté; Anatomie patholo-

gique : Analomiepctlltologique de l'idiotie; Thérapeutique : De 1'(ili-

tentent (repos au lit) dans le tiaitement des formes aiguës de la folie

et des modifications qu'il pourrait entraîner dans l'organisation des

établissements consacrés aux aliénés; Médecine légale : Les perver-

8ÏOIIS sexuelles obsédantes et impulsives au point de vue iiiédico-légal.

11 a été décidé, en outre, que chacune de ces questions serait traitée

par trois rapporteurs, dont deux étrangers et un Français.

)S'2 VARIA.

Statuts DE la Société de Patronage des .1LIÉ\ES

(,UÉRIS du département DE la seine.

1. But et composition de la Société.

Article premier. L'association dite : Société de patronage des

aliénés guéris, fondée à Paris en 1896, a pour but : 1° de venir en

aide aux malades indigents, ou nécessiteux, majeurs ou mineurs,

pensionnaires de la Seine, sortis des asiles publics ou des quartiers

d'hospice; 2° de combattre les préjugés relatifs à l'hospitalisation

des aliénés, à l'incurabilité et au traitement de l'aliénation men-

tale. Le concours de la Société s'étend aux enfants des aliénés et

au besoin à leurs proches. Elle a son siège à Paris.

ART. 2. La Société se compose de membres perpétuels (ou

fondateurs), de membres titulaires, de membres adhérents et de

membres auxiliaires.

Le titre de membre perpétuel ou fondateur s'acquiert par le don

fait à la Société d'un capital de 200 francs au minimum. Le titre

de membre titulaire est acquis à toute personne payant une sous-

cription de 20 francs au moins. Le titre de membre adhérent

appartient aux personnes qui paieront une cotisation de 5 francs.

Le titre de membre auxiliaire appartient aux personnes qui,

sans effectuer aucun versement, sont chargées par le Conseil d'ad-

ministration de visiter un certain nombre d'anciens aliénés, de

leur porter des encouragements et au besoin des secours. Les

membres fondateurs, titulaires, adhérents, auxiliaires, ont voix à

l'assemblée générale.

ART. 3. La qualité de membre de la Société se perd : Il par

la démission; 2° par la radiation prononcée, pour motifs graves,

par le Conseil d'administration, le membre intéressé ayant été

préalablement appelé à fournir ses explications.

11. Administration et fonctionnement.

Part. 4. La direction de la Société est confiée à un Conseil

d'administration composé de membres de droit et de membres

élus. Les membres de droit sont : 1° le préfet de la Seine, le Pré-

sident du Conseil général de la Seine, le Président du Conseil

municipal de Paris, Présidents d'honneur de la Société; 2° le

Directeur ou sous-directeur des Affaires départementales à la Pré-

fecture de la Seine; 3° le directeur, le médecin-directeur et les

médecins chefs de service de chacun des asiles ou quartiers d'hos-

pice de la Seine.

Les membres élus sont au nombre de trente, savoir : six élus

VARIA. 163

par la Commission de Surveillance des asiles publics d'aliénés

de la Seine; '.3° vingt-quatre élus par l'assemblée générale an-

nuelle.

Le renouvellement du Conseil a lieu par tiers tous les ans. Le

tirage au sort désigne les membres sortants pendant les deux pre-

mières années. Après la troisième année, les membres élus sorti-

ront par voie de roulement. Les membres sortants sont rééli-

ribles. ,

Le Conseil d'administration choisit parmi ses membres, après

chaque renouvellement : un président, deux vice-présidents , deux

secrétaires, un trésorier et un comité de direction composé de dix

membres .

Au\', 5. Le Conseil d'administration se réunit chaque fois qu'il

est convoqué par son Président ou sur la demande du quart de

ses membres. Il peut, après avis du Comité de direction, acheter,

vendre, échanger des valeurs mobilières, ester en justice, plaider

et transiger sous les conditions prévues par la loi, donner tous

désistements et mainlevées, et généralement faire tous les actes de

disposition ou d'administration que besoin serait.

ARr. 6. Le Comité de direction se réunit tous les mois, et, en

outre, chaque fois que les besoins de la Société l'exigent. Le Prési-

dent du Conseil d'administration (ou, en cas d'empêchement, un

des vice-présidents) est président de droit du Comité de direc-

tion. Les secrétaires et le trésorier du Conseil d'administration sont

de droit secrétaires et trésorier du Comité de direction.

Le Comité délibère à la majorité des voix. La voix du Président

est prépondérante. Le Comité est chargé de la gestion matérielle et

morale de la Société, de l'ensemble et des détails de son adminis-

tration. Il présente au Conseil d'administration les comptes et les

budgets de la Société et donne son avis sur toutes les questions

qui lui sont soumises par le Conseil d'administration.

IRT. 7. - L'Assemblée générale des membres de la Société se réu-

nit au moins une fois chaque année, et chaque lois qu'elle est con-

voquée par le Conseil d'administration ou sur la demande du quart

au moins de ses membres. Le Conseil d'administration y expose la

situation morale et financière de la Société et rend compte des

résultats obtenus. L'assemblée générale, en sa séance annuelle,

approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget de l'exercice

suivant, et pourvoir an renouvellement des membres du Conseil

d'administration décédés ou ayant cessé de remplir leurs fonc-

tions. Dans la même séance, l'assemblée délibère, quel que soit

d'ailleurs le nombre des membres présents, sur toutes les ques-

tions qui lui sont soumises par le Conseil d'administration dans

l'intérêt de, la Société. Le compte rendu de la séance annuelle est

adressé à les membres de la Société, à AI. le Ministre de l'Inté-

rieur, il 111. le Préfet de la Seine, il AI. le Préfet de Police, aux

loi VARIA.

Conseillers généraux et aux membres de la Commission de surveil-

lance.

ART. 8. - Le Président, ou un membre du Conseil d'administra-

tion délégué par lui, remplit les fonctions d'ordonnateur et, à ce

titre, signe et délivre tous mandats pour l'acquittement des dé-

penses. - -

ART. 9. Le Secrétaire rédige les procès-verbaux du Comité de

direction, du Conseil d'administration et de l'Assemblée générale,

et les signe avec le Président. Il a la surveillance et la garde des

archives.

ART. 10. Le Trésorier est chargé de la perception des pro-

duits et revenus de la Société et du paiement des dépenses. Il pré-

pare les budgets et comptes, les soumet au Comité de direction à

qui il communique, à chaque séance, l'état de la caisse et la situa-

lion financière de la Société. Il rend compte de sa gestion, par

l'entremise du Comité de direction, au Conseil d'administration;

il vise toutes les pièces de comptabilité; il signe, en vertu d'auto-

risations spéciales du Conseil d'administration, toutes les ventes,

transport de fonds publics ou autres valeurs mobilières, tous

achats, ventes ou échanges d'immeubles, tous baux et marchés et

leur résiliation. Il tient deux registres, l'un pour l'inscription des

recettes et dépenses de la Société, et l'autre pour celles des titres et

valeurs, dont il a le dépôt et la garde. Il représente la Société en

justice, mais il ne peut agir en ce cas qu'en vertu d'une délibéra-

tion spéciale du Conseil d'administration.

III. Ressources annuelles et fonds de réserve.

ART. 11. Les ressources annuelles de la Société se composent :

1° Des cotisations des membres des différentes catégories; 2° des

revenus de toute nature provenant des valeurs lui appartenant;

3" des subventions allouées par l'Etat, le département ou les com-

munes ; 4° du produit des bals, concerts, matinées, kermesses,

ventes de bienfaisance, conférences, etc.; 5° des dons manuels;

6° du produit des troncs placés dans les asiles et quartiers d'hos-

pice de la Seine.

ART. 12. Le fonds de réserve comprend : 1° le dixième au

moins de l'excédent des ressources annuelles ; 2° les sommes ver-

sées pour le rachat des cotisations; 3° le produit des libéralités

autorisées sans emploi. ·

ART. 13. - Le fonds de réserve est placé en rentes nominatives

3 p. 100 sur l'ELat, ou en obligations nominatives de la ville de

Paris ou du département de la Seine, et en obligations de chemin

de fer dont le minimum d'intérêt est garanti par l'Etat.

VARIA. 135

IV. Des secours.

ART. il. Des secours proportionnés aux ressources de la

Société sont distribués soit à domicile, soit aux maisons d'assis-

tance créées ou à créer, soit en nature ou en argent, par les soins

du Comité de direction, aux patronnés, tant hommes que femmes

et enfants.

ART. 15. Les secours moraux sont donnés aux patronnés par

tous les membres de la Société. Ils s'informent de l'état moral des

patronnés, font connaître aux médecins ou au président du Comité

de direction les irrégularités de caractères et les troubles de l'in-

telligence qui leur ont été signalés, et distribuent les secours en

nature et en argent, lorsqu'ils en sont chargés par le Comité.

ART. 16. Les fonctions de médecins de la Société consistent

en des consultations qu'ils donneront ou des visites qu'ils feront à

ceux des patronnés ou à leurs enfants, appartenant à leur circons-

cription, qu'ils ont visités eux-mêmes ou qui leur sont signalés.

Ces fonctions ne peuvent être rétribuées que par décisions spé-

ciales du Comité de Direction.

V. Modifications des statuts et dissolution.

Art. 17. Nul changement ne pourra être apporté aux pré-

sents statuts qu'après avoir été décidé par l'Assemblée générale à

la majorité des deux tiers des membres présents.

ART. 18. L'Assemblée générale appelée à se prononcer sur la

dissolution de l'association et convoquée spécialement à cet effet

doit comprendre au moins la moitié plus un de ses membres en

exercice. La dissolution ne peut être votée qu'à la majorité des

deux tiers des membres présents.

ART. 19. - En cas de dissolution, l'assemblée générale désignera

un ou plusieurs commissaires chargés de la liquidation des valeurs

de l'association. Les capitaux et autres valeurs lui appartenant

seront mis à la disposition de l'Assistance publique avec affectation

spéciale au bien-être des aliénés.

VI. - Règlement intérieur.

ART. 20. Un règlement intérieur, adopté par l'Assemblée

générale, arrête les conditions de détail propres à assurer l'exécu-

tion des présents statuts.

Il peut toujours être modifié dans la même forme.

Professeur DELOOEUF de Liège; par Foret. (Zeitsch/'i{t sur hypnotis-

111US, t. V, fasc. 1.)

Nécrologie du professeur Delboeuf (1831-1896) et énumération de

ses principaux travaux scientifiques. L.

Ib6 VARIA.

LIliI3b : .aULT I : 1 son école; par A.-W. Rentehgiiem. (Zeitschrift 1 ¡il'

hypnotismus, t. V, fasc. 1.)

L'auteur a fondé une clinique d'hypnotisme, il Amsterdam,

après avoir visité les cliniques similaires en France. Il nous apprend

que l'école de Nancy a fiil-de nombreux adeptes à l'étranger et il

"cite à l'appui Forel (Suisse), Schrencc-1\olzinâ (Munich), Kralft-

Hbhing (Vienne), Vogt (Suisse), Tuckey (Angleterre, etc.). Les pra.

tiques de l'hypnotisme seraient inoffensives et donneraient de très

bons résultats thérapeutiques.. , LwoFr.

Nécessité de l'hospitalisation des épileptiques.

Sous ce titre : Une épileptique brûlée vive, le Petit Parisien du

10 juin 1898 publie la dépêche suivante de Bruxelles il la date du

3 juin :

« A Nieumunster, près de Bruges, habitaient la veuve D... et ses

enfants, une fille âgée de dix-huit ans et un fils âgé de vingt ans,

qui étaient sujets à des attaques d'épilepsie. Hier soir, la mère

étant malade dans son lit, fut réveillée par des cris terribles. Elle

vit sa fille se tordre au milieu des flammes d'une lampe à pétrole

brisée..Malgré ses souffrances, la mère sortit de son lit pour voler

au secours de son enfant, mais toutfut inutile. La.jeunefille mourut

après d'atroces douleurs. La mère reçut des blessures graves qui

mettent sa vie en danger. Le fils Lu qui était tombé dans une

nouvelle attaque de son mal pendant que sa mère et sa saur

brûlaient, n'avait pu leur venir en aide. »

De tels faits, répéterons-nous, démontrent la nécessité de

l'hospitalisation des épileptiques.

L'alcoolisme ET ses conséquences.

On adresse de Chartres au Petit Parisien (19 juin), le récit sui-

vant : a A la suite d'une violente scène de ménage dans laquelle son

mari, en état d'ivresse, l'avait battue, la nommée Pauline Bour-

gine, femme de François Fillon, cafetier à Villars, se réfugia chez

ses parents avec ses deux jeunes enfants. Lorsqu'elle rentra le

matin au domicile conjugal, la femme Fillon trouva son mari

pendu dans la chambre à coucher. Le désespéré était un alcoolique

très redouté de sa femme et de ses voisins. »

Un prétendu crime. - Plusieurs de nos confrères avaient raconté

'avec force détails ce qu'ils appelaient le crime du boulevard Dide-

rot. Les faits avaient été dénatures. Les voici rétablissons leur véri-

table jour. M. Rey, marchand de vjn, avait bu avant-hier, coup sur

Varia. '1 i)ï -1

coup, plusieurs absinthes. Ivre, il descendit dans sa cave, et ren-

versa une pile d'assiettes.

Sa femme accourut au bruit. Elle vit son mari, qui, dans un

accès de délire alcoolique, se portait dans la tête de violents coups

de foret. Aime Rey tenta de désarmer le malheureux et de le faire

remonter dans la boutique. Mais le marchand de vin trébucha dans

l'escalier, et entraîna sa femme dans sa chute.

Les cris que 11° Rey poussa alors al tirèrent l'attention des voi-

sins. Quand ceux-ci arrivèrent, ils trouvèrent AI. Rey, la face con-

gestionnée et râlant. Ils le transportèrent dans son lit. Mais, ren-

dait presque aussitôt le dernier soupir, succombant à une conges-

tion cérébrale causée par l'absinthe, plutôt qu'aux blessures assez

insignifiantes qu'il s'était faites. (Le Temps, du 26 mai.)

Un soldat de la garnison d'Alexandrie, nommé Trovato, et

natif de Sicile, rentrait l'autre soir à la caserne dans un état

d'ébriété tel que le sergent de garde lui adressa de sévères obser-

vations. Furieux, Trovato saisit un fusil et fit feu sur le sergent.

Mais il avait mal visé et la balle dévia. Alors .dans un véritable

accès de rage alcoolique, Trovato courut à la chambrée, s'y barri-

cada et commença à tirer indistinctement contre tous ceux qui

s'approchaient.'

Deux généraux et plusieurs officiers supérieurs attirés par la

fusilladé ne parvinrent pas à intimider le forcené et essuyèrent son

feu. Craignant qu'on enfonçât la porte qu'il avait barricadée, Tro-

vato quitta la chambrée par une autre issue et se réfugia sur le

toit d'où il tira encore 23 coups de fusil sur tous les gradés ou sol-

dats qu'il voyait à portée. Heureusement la boisson lui troublait la

vue, et un seul soldat fut blessé à la cuisse.

La foule était énorme aux alentours de la caserne. Mais la ter-

reur de tous était telle que Trovato put passer la nuit sur le toit

sans être inquiété. Au matin il fut cerné par des sentinelles postées

à toutes les issues par où il aurait pu s'échapper. On le somma de

se rendre. Dépourvu de munitions et aussi dégrisé, Trovato n'op-

posa plus de résistance. (Le Temps, du ler juin.)

Les aliénés en liberté.

Un fou dangereux. Riotte, un riche cultivateur de Savigny-

sur-Orge, avait été frappé subitement d'aliénation mentale il y a

environ six mois. Il fut interné dans une maison de santé, mais,

son état s'étant amélioré, il fut bientôt rendu à la liberté. Aussitôt

libre, les premières visites de Riotte furent pour son ami Soissons,

qui le recul à bras ouverts. Mais, au cours de ses visites, Riotte,

imparfaitement guéri, se livra à de telles excentricités, que

M.Soissonsse promit de ne plus recevoir désormais le pauvre dément. L.

')58 FAITS DIVERS.

L'ami, ainsi évincé, en conçut.une haine terrible contre 1\1. Sois-

sons qu'il jura de tuer à la première occasion. C'est ainsi qu'hier,

trompant la surveillance des domestiques, il pénétrait, rue de

Courcelles, dans l'appartement de 11f. Soissons qu'il trouvait dant

son cabinet de travail, assis devant son bureau. Le pauvre fou

se précipita sur son ami, cherchant à le frapper. M. Suissons pus

heureusement esquiver le premier coup, puis il prit la fuite. Des

gardiens de la paix sont venus quelques instants après arrêter

Riotte, qui, conduit au commissariat voisin, a déclaré qu'il avait

voulu tuer 111. Soissons parce qu'il ne voulait plus être son ami.

(Le Radical, 10 juin 1898.)

FAITS DIVERS.

Enfants voleurs. Lundi dernier, 111. Hude, épicier, rue du

Kremlin, 7, au Kremlin-Bicêtre, ayant constaté que, pendant son

absence, on avait dévalisé son tiroir-caisse et soustrait ainsi une

somme d'environ cent francs, porla plainte au commissariat de

police. Une enquête fut ouverte. Le lendemain on apprit que des

enfants s'étaient disputés en se partageant une somme d'argent.

Des personnes témoins de la discussion déclarèrent avoir entendu

que l'argent provenait d'un porte-monnaie volé à une jeune fille,

route de Fontainebleau. Sur ces indices, les agents purent mettre,

hier, en état d'arrestation six gamins, qui constituaient à eux

seuls une bande qui, depuis plus de deux mois, a commis une

quarantaine de vols, entre autres un vol de OO francs rue

de Domrémy, il Paris, et un autre de 200 francs dans l'église

delà place Jeanne-d'Arc. «

Ajoutons que le chef de la bande, le jeune Tardi dit « Toto »,

est âgé de treize ans. C'est lui qui conduisait la bande et prépa-

rait les coups. Quant à l'opération », c'est au jeune Leclerc dit

a Furet », âgé de neuf ans, qu'on en laissait le soin. Grâce à sa

très petite taille, le gamin pouvait facilement se glisser dans le

comptoir, pendant que le patron ou les employés servaient ses

compères. Les autres gamins, les nommés Parent, âgé de douze

ans, dit « Fin. ; Baffou, âgé de dix ans, dit « Grêlé» et Carène,

âgé de onze ans, dit « le Noir D, ils faisaient le guet. Tous étaient

chaussés d'espadrilles ou de chaussures en caoutchouc; ils pouvaient

ainsi se mouvoir dans les boutiques sans être entendus. (Le Soleil,

3 juin.) ,

FAITS DIVERS. 159

Suicide d'enfant. Le Petit Parisien du 15 juin publie le fait

suivant :

Oise), le cadavre d'un enfant de quatorze ans, Albert Sujat, em-

ployé de bureau à la Caisse d'épargne de Saint-Germain, et dont

les parents habitent rue Molière. On fouilla minutieusement les

effets du petit noyé et on découvrit une lettre ainsi conçue : « Je me

Saint-Germain une profonde émotion.

Adolescent assassin. (Châtons-sur-Marne, 12 juin.) - Un nommé

Justin Gabriel, âgé de seize ans, domestique, voulut faire violence

à la veuve Lettrée, âgée de soixante-trois ans, aubergiste à Saint-

Martin-aux-Champs, qui coupait de l'herbe dans un petit bois voi-

sin. Voyant que tous ses efforts restaient inutiles, il prit la faucille

de la femme Lettrée et lui en porta treize coups. Celle-ci a suc-

combé il ses blessures. Le parquet de Chatons s'est transporté sur

les lieux et a commencé une enquête. (Le Temps, 20 juin.)

Folie meurtrière. On nous télégraphie de Grenoble qu'hier

matin, samedi, le cadavre d'un homme d'une soixantaine d'années

ayant l'épaule gauche presque détachée du corps a été découvert

sur un chemin qui longe les escarpements de la Grande-Sure, pic

de 2050 mètres d'altitude du massif de la Grande-Chartreuse, sur

le territoire de Saint-Joseph-de-Rivière. Il résulte de l'enquête que

la victime est un sieur Étienne Ravier-Rougôre, cultivateur.

Le meurtrier, arrêté hier soir après une poursuite mouvementée

par des paysans armés de fourches, se nomme Antoine Roulet, dit

Gros, cultivateur à Sainl-Julien-de-Ralz. Roulet est sujet à des accès

d'aliénation mentale. C'est pendant un moment de démence qu'il

a tué à coups de faux Ravier-Rougère qu'il avait rencontré dansles

pâturages de la Grande-Sure. (Le Temps, 12 juillet.)

Suicide d'un enfant. Un jeune garçon, âgé de quinze ans,

nommé Louis Donnale, demeurant 42, rue Lhomond, a été trouvé

pendu, hier, vers deux heures de l'après-midi, dans les cabinets

d'aisances, au domicile de son patron, M. Prochat, 18, rue Rollin. On

ignore les causes de cet acte de désespoir. (Le Temps, 20 juillet).

DEUX ALCOOLIQUES. Le nommé Botereau, marié et père de famille,

dans une crise nerveuse déterminée par l'ivresse, a tenté de se sui-

cider en se coupant la gorge avec un rasoir. Désarmé, il a été

transporté à l'hôpital, perdant son sang en abondance. Dans le tra-

jet, le malheureux a voulu sauter hors de la voiture d'ambulance;

les agents ont eu les plus grandes peines à le maintenir. Ses bles-

sures sont très graves; néanmoins on ne désespère pas de le sauver.

Avant de tenter de se tuer, Botereau avait menacé de mort sa femme

et sa fille. (Le Soleil, 19 juillet.)

1 HO BULLETIN bibliographique.

Un pauvre' exalté, Jean Cet Un, domicilié à Clichy, a tenté,

hier, de se suicider en se coupant la gorge avec un rasoir. Affole

par la douleur, le fou a appelé du secours et a raconté qu'on avait

voulu l'assassiner. Mais on n'a pas tardé à savoir la vérité. Le

blessé est soigné à domicile, (le Soleil, 3 juillet.)

ALVJ : R1\E de Sequeira. - Os alienudos nos -lyooes. Ensaios de Esta-

tistica. Volume m-8° de 136 pages, avec 20 tableaux hors texte.

Ponta Delgada, 1898. Typogralia elzeviriana.

B.%uÈs (\'.). - Untersuchangen ¡¿bel' den Leprabacillos urzcl itber die

Histologie de;' Lepra. - Volume in-4° de 112 pages, avec 8 planches el

-Il figures. Prix : 10 francs. Berlin, 1898. Librairie S. Karger.

. CIILRON (J.). Du traitement de la syphilis par les injections inlNI-

musculaires de sérum artificiel & ! c/to)';<;'6, ci doses intensives et e/o ? .</nee4.

Brochure in-80 de 8 pages, avec 3 ligures. Pans, 1898, Sociélé

d'éditions scientifiques.

lIUHOURCAU (E.). Le diabète sucré et son traitement hydrologique.

Avec une préface du D' Garriga. Volume. in-8° de wiv-224 pages.

Prix : 5 francs. Paris, 1897. Librairie 0. Uoin.

Grasset (J.). Leçons de clinique médicale faites il l'Hôpital Saint-

Eloi de dlonlpellier (novembre 1895 à mars 1898). 3° série. - Volume

in-8° de viu-826 pages; 20 planches. - Prix : 15 francs. l'aris.

1898. Librairie Masson et Cie.

LEHOY (A.). Congrès international d'Anvers. 3° section : Patronage

des mendiants, des vagabonda et des aliénés; 4' question : Quel don

être le rôle du patronage il l'égard des aliénés avant, pendant et après

leur internement dans la maison de santé ? Brochure in-8° de 52 pages.

Bruxelles, 1898. - Goemaere.

\I1TT05 (J. de). A paranoïa (Ensaio pathogenico sobre os delirios

systematisados). Volume in-12 de 190 pages. Lisboa, 1898. - z

Livraria Tavares Cardoso et Irmâo.

OPPE,I; 1111l (11.). Lel ! 1'buch de ? , nervenlcrazzkheiten sur ÆI';te und

Studirende. Volume in-1" de 985 pages, avec 287 figures. Prix :

28 fr. 75. Berlin, 1898. Librairie S. Karger.

PicK (A.). Beil1'æge cür Pathologie und palhologischen Analomie

des Centralnervensy stems. Volume )n-4° de 324 pages, avec 205 ligures.

- Prix : 15 francs. Berlin, 1898. Librairie S. Karger. v

VICEN·rE Y Esquerdo. Memoria premiada por la Real Academia

de .lledicince en el concuoso de 1896 sobre el lema » La Neu1'{tstenia

Volume iu-4°de 150 pages. Madrid, 1897. Tipografia vida 6

bijos de .Manuel Tello. 0

\VoLrr (.1.). La théorie de la palleogénie fonctionnelle des déforma-

lions. Traduit de l'allemand par 131LIIaeT (M.). Brochure ici-81 de

73 pages, avec t3 figures. Prix : 2 francs. Paris. 1898. Librairie

A. Cnccoz.

Le rédacteur-gérant : ISOUftFVILLR.

(,'Il. Ilémsae, Jlllp. - 898.

Vol. VI. Septembre 1898.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

SYRIi\GOJIYÉLIE ET SARCOMA TOSE DE LA MOELLE;

CONTRIBUTION A LA PATUOGÉNIE DES EXCAVATIONS INTHAMÉDULLAfRES ' 1

Par S. ORLOWSKI.

(Clinique des maladies nerveuses ci la faculté de Moscou.)

Il est indiscutable que l'étude de toute forme nosogra-

phique doit être basée principalement sur les cas typi-

ques. Cependant cet axiome ne fait guère diminuer la va-

leur scientifique des observations où plusieurs processus

morbides se trouvent combinés. Le lien intime qui unit ces

processus d'apparence indépendants, leurs rapports mutuels,

enfin les modifications qu'ils subissent en se combinant,

tout cela peut jeter quelque lumière sur la pathogénie de ces

affections. Tels sont les motifs qui nous encouragent à pu-

blier l'observation suivante, intéressante tant par sa com-

plexité que par son extrême rareté.

P... (Anne), quatorze ans, entrée à la clinique des maladies ner-

veuses le 18 janvier 1896.

Pas de tare héréditaire névropathique. Père mort de phtisie,

mère en bonne santé; la malade est l'aînée de trois enfants; elle a

un frère maladif et scrofuleux et une soeur bien portante.

Née à terme, très scrofuleuse en bas âge, P... fut atteinte dans

sa quatrième année de rougeole et de petite vérole; depuis, jus-

' Communication faite à la Société de Xeitropalhologie et de Psy-

chililrie de Moscou dans la séance du 28 novembre 1897. - '

Archives, 2e série, t. VI. 11 f

162 CLINIQUE NERVEUSE.

qu'à la maladie actuelle, elle a joui d'une santé parfaite. Elle n'est

pas encore réglée.

Au mois d'octobre 1895 apparaissent des douleurs dans les reins,

douleurs vagues et sourdes, assez peu accentuées pour permettre à

la malade de continuer ses études au lycée. Au mois de novembre,

les jambes se mettent à faiblir, et au bout d'une quinzaine de

jours la malade est incapable de marcher. Un médecin appelé

alors suppose une spondylite et administre des vésicatoires le long

de la colonne vertébrale. Pour la cure ultérieure la malade,

envoyée à Moscou, entre, les premiers jours de décembre, il la cli-

nique chirurricale.

La jambe droite se trouve à cette époque atteinte d'une paralysie

absolue, à gauche persistent quelques mouvements dans l'articu-

lation du genou et du pied ; les réflexes patellaires sont complète-

ment abolis, les réflexes du tendon d'Achille sont conservés; phé-

nomène du pied à droite. Sensibilité diminuée au tronc et sur les

deux jambes, mais seulement dans le domaine des nerfs cruraux,

obturateurs et cutanés externes. Rétention d'urine. L'affection

fait des progrès rapides : vers le 1°1' janvier, tous les mouvemenls

spontanés disparaissent.

Le 18 de ce mois, la malade est transférée à la clinique des

maladies nerveuses.

Etat du 18 janvier 189G. Fillette de petite taille, chétive, con-

sidérablement amaigrie. Rien de particulier dans le domaine des

nerfs craniens et dans la partie supérieure du corps.

Paralysie inférieure absolue. Les jambes sont fixées en exten-

sion, les pieds en varo-équinisme; la musculature des membres

inférieurs est amaigrie - et flasque, excepté les gastrocnémiens

quelque peu raides.

Contractilité électrique absolument abolie dans les extenseurs

de la cuisse, notablement diminuée dans les adducteurs et dans la

région antéro-externe de la jambe; traces de réaction de dégéné-

rescence. Pas de troubles électriques dans le domaine du nerf

péronier.

A l'heure actuelle la malade ne se plaint guère de douleurs ou

de sensations subjectives quelconques.

Dans la moitié inférieure du corps, à partir d'une ligne passant

environ 4 centimètres au-dessus de l'ombilic et touchant la neu-

vième vertèbre dorsale, anesthésie très accentuée. Elle occupe la

paroi abdominale jusqu'aux plis inguinaux, la région fessière,

les organes génitaux, et continue sur les téguments des membres

inférieurs envahissant les faces antérieure, externe et interne des

deux cuisses et la face interne des jambes; le domaine du plexus

sacré reste presque intact. Des divers modes de la sensibilité, celle

à la douleur parait la plus altérée. Le territoire de l'anesthésie est

déminé par une zone d'hypéresthésie bien marquée, zone large

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE la MOELLE. 163

de 3 centimètres. Les réflexes cutanés sont normaux, excepté

les abdominaux qui font défaut. Les réflexes rotuliens sont abolis,

ceux du tendon d'Achille sont assez prononcés; phénomène du

pied à droite.

Comme trouble vasomoteur, cyanose des membres inférieurs.

De temps à autre, incontinence d'urine, plus souvent rétention

absolue. Urines troubles, ammoniacales; pas d'albumine. Consti-

pation opiniâtre. Pas de troubles mentaux.

Evolution de l'affection. Malgré le traitement (révulsifs sur le

rachis, courants galvaniques, iodure, etc.), la malade ne bénéfi-

ciait d'aucune amélioration; la marche de l'affection était toujours

progressive.

Au bout de deux mois, on constate que l'atrophie musculaire et

les troubles électriques dans les membres inférieurs ont notable-

ment augmenté d'intensilé; l'anesthésie a envahi la face posté-

rieure des cuisses. Au niveau du sacrum se sont produites des

escarres superficielles, mais étendues.

Un examen pratiqué au mois de mai fait constater l'aggrava-

tion de tous ces symptômes; l'anesthésie est presque absolue,

même dans le domaine du plexus sacré; tous les réflexes des mem-

bres inférieurs sont abolis; amyotropbie très prononcée.

Au mois de juillet, on trouve au-dessus de la zone d'hyperes-

thésie une diminution de la sensibilité jusqu'à la hauteur de la

quatrième côte. Les mouvements des globes oculaires sont accom-

pagnés d'un léger nyslagmus. Bien ! ôt ia malade commence à res-

sentir dans les membres supérieurs des picotements et des four-

millements ; elle accuse aussi une faiblesse des mains qui devien-

nent en même temps le siège d'un tremblement à caractère inten-

tionnel ; l'écriture de la malade est très modifiée.

Au mois de septembre, l'anesthésie atteint la hauteur des clavi-

cules et s'étend à la surface intérieure des deux bras. Parésie pro-

noncée des membres supérieurs, principalement dans les segments

périphériques. Paralysie des muscles de la moitié inférieure du

tronc; la malade a beaucoup de peine à se tenir sur son séant.

Diplopie, vertiges, céphalées intenses; douleurs et raideur de la

nuque; ces derniers symptômes ne sont guère durables et cèdent

aux vésicatoires sur la colonne cervicale.

La parésie des membres inférieurs s'étant accentuée, la malade

n'est plus en état d'écrire et ne manie que difficilement la cuiller.

Contractilité faradique diminuée dans les muscles des bras et

des avant-bras (la partie cubitale est plus atteinte). Anesthésie des

membres supérieurs, prédominante aussi dans le domaine des

nerfs cubitaux. L'anesthésie du tronc ayant monté jusqu'au cou, il

n'y a que la face dont la sensibilité reste intacte. Rétention d'urine

permanente. Escarres très vastes, ulcère profond dans le pli

inguinal droit.

164 CLINIQUE NERVEUSE.

L'état général de la malade a beaucoup empiré vers la moitié de

novembre. Marasme, pouls presque imperceptible; dyspnée, la res-

piration ne s'effectuant qu'au moyen du diaphragme. Déglutition

difficile. Mouvements du cou restreints; paralysie presque absolue

des mains. Bientôt la connaissance s'obnubile, la malade commence

à délirer. Grandes oscillations de la température (35-38°). Diarrhées

- profuses, urines purulentes :

Le 27 novembre, paralysie du voile du palais bilatéral. Le

6 décembre, la malade, un peu plus consciente, se plaint de bour-

donnements et d'un sifflement strident dans l'oreille droite : l'exa-

men découvre de ce côté une surdité absolue.

Le 8 décembre, paralysie du nerf facial droit à type périphé-

rique (participation des branches supérieures).

Agonie qui dure encore dix jours. Mort le 18 décembre 1896.

Autopsie (vingt-deux heures après la mort). - Calotte crânienne

normale. Hyperémie veineuse des méninges cérébrales. A la base

du cerveau, dans le lobe temporal gauche, on voit une tache brune

rougeâtre, de forme ronde, d'un centimètre de diamètre; elle ne

paraît envahir que la couche superficielle de l'écorce.

Des taches analogues, mais de plus grandes dimensions, se trou-

vent à la surface du cervelet des deux côtés du vermis. La substance

du bulbe est excessivement ramollie, presque diffluente, s'écoulant

des enveloppes.

Après l'ouverture du canal rachidien, le cordon médullaire parait

remarquablement déformé; sur toute sa longueur, depuis la décus-

sation des pyramides jusqu'à la queue de cheval, on voit un tissu

néoformé, tantôt détruisant la substance médullaire, tantôt l'enve-

loppant en forme de manchon. Dans la partie cervicale et dorsale

supérieure, le néoplasme n'occupe que la pie-mère et la moelle; le

tissu médullaire est par places mollasse, les parties centrales imbi-

bées de sang; à la coupe tranversale, la substance grise ne se dis-

tingue que diffusément. Dans le segment cervical supérieur et

dorsal moyen se trouvent des excavations intramédullaires à parois

épaisses, bien limitées.

A partir de la dixième vertèbre dorsale, le néoplasme perce la

dure-mère pour pénétrer du côté droit à la surface externe de la

colonne par les trous intervertébraux et les interstices enlre les

lames vertébrales. Les coupes transversales faites à cette hauteur ne

laissent guère distinguer de substance médullaire; rien que le tissu

néoformé, parsemé de vastes foyers hémorrhagiques. Le fond du

sac duremérien est très dilaté et rempli du néoplasme qui éloulfe

les racines de la queue de cheval.

Les poumons, emphysémateux dans les parties supérieures, pré-

sentent à leur base une broncho-pneumonie prononcée; rien qui

accuse la tuberculose.

syringomyélie ET SARCOMATOSE DE la MOELLE. 165

Coew' petit; dégénération parenchymateuse du myocarde.

Foie muscade. Rate volumineuse, congestionnée; à la coupe de

l'organe, teinte marbrée (rate septique).

Reins : pyélonéphrite purulente, dégénération parenchymateuse,

nombreux calculs. Cystite catarrhale.

Pas de métastase du néoplasme dans les glandes lymphatiques,

ni ailleurs.

Le système nerveux central (excepté le bulbe qu'on n'a pas

pu conserver vu sa consistance presque liquide) fut durci

dans le liquide de Millier, puis enrobé à la celloïdine. Les

coupes ont été colorées par différentes méthodes : deWeigert,

de Pal, de Rosin, de Van Gieson ; au picrocarmin, à l'héma-

toxyline alunée avec éosine, etc.

L'aspect général des préparations microscopiques est d'un

polymorphisme extrême même à l'oeil nu. C'est la méthode

de Van Gieson qui a donné les plus belles images vu l'électi-

vité de la tinction : éléments du néoplasme en violet foncé,

tissu conjonctif en rouge et tissu nerveux en jaune. Nous

commençons l'étude des coupes de la moelle par l'extrémité

inférieure de l'organe.

Le cône médullaire est refoulé vers la périphérie et entouré d'une

gaine conjonctive très épaisse; il suffit d'un faible grossissement

pour constater que la substance médullaire est détruite presque

complètement : il n'en reste que quelques îlots épars dans un

amas de sang et d'éléments néoplasiques. Tout le reste de la coupe

transversale (de fortes dimensions à ce niveau : 17 millimètres

sur 24) est occupé par un tissu néoformé, riche en vaisseaux et en

travées conjonctives, adhérant à la dure-mère.

En étudiant la coupe à un fort grossissement, on constate qu'on

a affaire à une néo-formation cellulaire. Les cellules présentent

des formes et des dimensions diverses, mais ce sont les cellules

polyédriques et les fusiformes qui prédominent; leur contenu est

composé presque uniquement d'un grand noyau, pas trop forte-

ment coloré, souvent granuleux; plusieurs cellules en contiennent

deux ou trois. Presque point de substance intercellulaire; par

places, les cellules forment des amas, des nodules, entourés d'un

tissu conjonctif.

Le caractère des cellules et leur distribution ne laissent guère de

doute sur la nature de la néoformation : c'est un sarcome. Les

tractus conjonctifs dont le néoplasme abonde, sont constitués par

la plupart des fibres bien colorées et parsemées de noyaux; mais

on trouve aussi des fibres mal colorées, presque transparentes; par

places on voit des blocs d'une apparence presque amorphe, sans

166 CLINIQUE NERVEUSE.

affinité pour les colorants; il paraît que c'est de la substance

hyaline.

Dans la portion lombaire inférieure la dure-mère est détruite du

côté droit : c'est ici que le néoplasme sortait à l'extérieur de la

colonne et devait être coupé quand on enlevait la moelle. Le carac-

tère de la néoformation ne présente point de modifications, mais

- la moitié gauche de la coupe ne contient' guère d'éléments sarco-

mateux, on n'y voit que du tissu conjonctif. Cette partie corres-

pond à la moelle : les contours en sont dessinés distinctement par

de petits faisceaux fibreux formant une ligne ondulée. Mais pas de

vestiges de substance nerveuse dans l'espace limité par cette ligne;

rien qu'un stroma fibreux ayant subi par piaces une dégénération

hyaline; grande quantité de globules sanguins infiltrés entre les

faisceaux fibreux, quelques petits foyers hémorrhagiques. On

trouve encore dans ce tissu de nombreux disques, mal colorés,

sans structure précise; la plupart de ces disques possèdent encore

une lumière très rétrécie contenant des globules rouges et une

substance granuleuse indistincte; ce sont des vaisseaux eu pleine

dégénèration hyaline.

A ce niveau nous voyons aussi des vaisseaux qui ont subi un

autre genre de métamorphose régressive : la pétrification. Le tissu

paraît parsemé de petites gouttes ou de tractus d'une substance

homogène, luisante, fortement colorée par 1'Irématoxyline : ce

sont des capillaires pétrifiés. Par places on trouve même des vais-

seaux de calibre en forme des anneaux calcaires. Alais outre les

vaisseaux dégénérés, ce stroma fibreux contient encore de nom-

breux capillaires, à parois absolument saines, mais très dilatés et

remplis de sang; par places, ces capillaires forment un amas si

considérable et si dense qu'on a l'effet d'un tissu caverneux.

Au niveau des racines lombaires supérieures l'aspect général de

la coupe se modifie. Nous y trouvons de larges travées fibreuses

entourant des foyers sarcomateux; impossible de définir quel

endroit de la section correspond à la moelle : la destruction en est

complète; le même sort est subi par les racines extramédullaires.

Dans la partie centrale, la substance médullaire manque sur une

grande étendue conséquence d'une hémorrhagie apparemment

récente. Hypérémie très accentuée; outre les altérations vascu-

laires décrites plus haut, nous voyons à cette hauteur des artères

présentant les indices d'un processus inflammatoire des plus mar-

qués : l'adventice et la tunique moyenne sont très infiltrées, l'en-

dartère proliféré réduit la lumière à une fente.

A la hauteur des dernières racines dorsales (XI-YII) (fig. 8),

toute la section ne paraît présenter qu'une masse sarcomateuse

entourée de la dure-mère épaissie. , , 1

Cependant un examen plus minutieux permet de distinguer

dans la partie centrale de la coupe les contours de la moelle; ils

1

m SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. '167

limitent un tissu où les cellules sarcomateuses sont moins abon-

, danies et où prédominent les vaisseaux dégénérés et des blocs

1 1 0

Ii Hyalins. Au centre on trouve un îlot de substance médullaire dont

j cependant la teinte (coupes au Weigert) ne diffère guère du tissu

- voisin. A un grossissement plus fort on y voit des mailles d'une

névroglie épaisse contenant des blocs de myéline, des corps gra-

168 CLINIQUE NERVEUSE.

nuleux, des globules sanguins et un détritus ; par places apparait

un réseau délicat constitué par des fibrilles nerveuses très fines res-

semblant à celles de la substance grise; quelques blocs arrondis

d'une masse granuleuse font l'effet des cellules nerveuses dégéné-

rées.

Un peu plus haut, au niveau de la 11° racine dorsale, l'aspect de

la coupe est le même, la dure-mère reste béante du' côté droit,

mais n'adhère point à la néoformation. Cette dernière est concen-

trée à l'extérieur de la pie-mère, tandis que la moelle se distingue

bien sur le fond du néoplasme par sa teinte claire (coupes au

Van-Gieson). La destruction du tissu médullaire est presque de la

même intensité qu'au segment précédent; au centre de la moelle

on voit une tache foncée c'est un amas d'éléments sarcomateux

avec de nombreux tractus fibreux. Dans les parties périphériques

de la moelle l'attention est attirée par des territoires de forme

irrégulière, presque incolores, constitués d'une substance colloïde

amorphe ou finement granulée; elle paraît avoir été liquide autre-

fois et coagulée par les réactifs; nul doute que ce ne soit un trans-

sudat.

Quelques racines nerveuses apparaissant à cette hauteur dans le

tissu sarcomateux et présentent des altérations très avancées, le

nombre de tubes nerveux y est restreint. L'aspect de la coupe

change subitement à la hauteur de la V111° racine dorsale : l'an-

neau de la dure-mère est fermé; autour de la moelle on voit un

manchon de tissu sarcomateux. La plus grande épaisseur de ce

manchon correspond à la partie postérieure de la moelle; les

foyers des cellules sarcomateuses sont séparés par de larges

bandes conjonctives contenant d'énormes vaisseaux à parois très

épaissies et infiltrées.

La moelle comprimée revêt l'aspect d'un polygone. La partie

centrale est détruite par la néoformation qui paraît y avoir pénétré

par la fissure antérieure; les cellules sarcomateuses ne sont pas

trop encombrées; beaucoup de fibres conjonctives présentent des

indices d'une dégénérescence hyaline; tout ce tissu est excessive-

ment riche en vaisseaux à parois épaissies, pour la plupart aussi

hyalines. Cette néoformation centrale occupe principalement la

moitié droite de la moelle qui ne contient presque point d'éléments

nerveux. Dans la moitié gauche, les cordons latéral et antérieur

ainsi que la corne antérieure semblent relativement bien conser-

vés ; cependant, à l'aide d'un objectif plus fort on y peut constater

des lésions très considérables : hypérémie extrême, travées pie-

mériennes très larges et infiltrées portant une quantité innom-

brable de vaisseaux ; plusieurs tubes nerveux atrophiés, par

places des débris de cylindres-axes, des blocs de myéline, des corps

granuleux; névroglie très infiltrée; presque point de cellules ner-

veuses'

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 169

Les lésions sont un peu moins avancées à la hauteur de la

VIIe racine dorsale. La néoformation méningée entoure la moelle

comme un anneau, et bouffit la fissure antérieure très élargie.

Tout près de celle-ci commence la néoformation centrale, séparée

cependant de la périphérique par une bande du tissu nerveux

la commissure antérieure; dans un endroit de cette commissure

on voit un amas de grandes cellules épithélioïdes - c'est le canal

central oblitéré.

Dans la néoplasie centrale l'attention est attirée par un contour

sinueux, bien limité; sa forme rappelle un peu l'olive du cervelet.

Le contour est constitué par de petits faisceaux conjonctifs, colorés

uniformément en rose; dans l'espace limité par ce contour, on

aperçoit un amas de cellules sarcomateuses et de globules san-

guins. Les coupes au Weigert montrent que le néoplasme, se

développant au centre de la moelle, a plutôt disloqué que détruit

les éléments nerveux. De deux côtés de la tumeur on voit la subs-

tance grise, bien pauvre en cellules nerveuses; la substance blanche

n'est que comprimée, la myéline des cordons latéraux et antérieurs

se colorant très bien ; on ne peut y constater qu'une dégénéres-

cence périphérique d'intensité moyenne; dans les cordons posté-

rieurs, dégénération ascendante très marquée.

A la hauteur de la VIe racine dorsale (fin. 9) la coupe offre un

aspect tout particulier : dans la partie centrale de la moelle se

trouve une grande cavité de forme irrégulière; ses parois sont

constituées par des faisceaux conjonctifs sinueux et ondulés formant

comme des papilles remplies d'éléments sarcomateux. Ces derniers

sont aussi accolés, mais en petite quantité, à la surface interne de

l'excavation. Autour de la paroi on voit un anneau de névroglie

très dense, infiltrée et riche en vaisseaux ; cette couche contient

aussi le canal central tapissé de grandes cellules épitéhliales qui

ne ressemblent guère aux éléments de la néoformation sarcoma-

teuse. Pas de dépendance entre le canal central et la cavité ci-

dessus décrite.

La configuration du tissu médullaire reste la même qu'au niveau

de la VII° racine, sauf que la moelle a subi un moindre degré de

compression par la tumeur méningée. Les racines extramédul-

laires, relativement saines, sont emprisonnées dans le tissu néo-

formé.

La cavité intramédullaire ne s'étend que jusqu'au IVO segment

dorsal, et ses dimensions diminuent graduellement. Une coupe

pratiquée à ce niveau fait voir dans la moelle un amas d'éléments

sarcomateux formant une petite tache dans le cordon postérieur

gauche. A côté de cette tache on aperçoit une fente sinueuse

(l'extrémité supérieure de la cavité centrale), très étroite, paral-

lèle à la corne postérieure ; elle est bordée d'un tissu névroglique

très dense, riche en faisceaux conjonctifs et en vaisseaux. A ce

170 - CLINIQUE NERVEUSE.

niveau nous voyons donc les deux lésions médullaires (la cavité et

la tumeur centrale) quoique juxtaposées, mais indépendantes.

Cette dissociation devient encore plus manifeste un peu plus

haut. Ainsi à la hauteur de la IIIe racine dorsale l'endroit corres-

pondant à la fente est occupé par une hyperplasie névroglique en

forme d'un ruban sinueux, parallèle à la corne postérieure gauche;

dans sa partie centrale le tissu est beaucoup plus lâche, par places

même transparent : il est évident que c'est ici que commence la

fente. Cette gliose, riche en cellules névrogliques (bien différentes

des cellules sarcomateuses), est traversée par une grande quantité

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 'lÎ'1

de vaisseaux à parois épaissies, les uns offrant encore une petite

lumière centrale, les autres complètement oblitérés, ne formant

qu'un cordon fibreux; par places amas de pigment sanguin. Les

éléments sarcomateux forment aussi une tâche dans le tissu mé-

dullaire, mais dans la moitié opposée de l'organe, dans la partie

centrale du faisceau de Burdach droit. Les deux processus (gliose

et sarcomatose) sont séparés par les faisceaux de Goll dégénérés

(dégénération ascendante).

Le canal central, tout en conservant sa localisation normale, est à

ce niveau double. Excepté les territoires indiqués, la moelle paraît

peu altérée; on ne peut constater qu'une légère dégénération

périphérique et une hypérémie générale; les cellules des cornes

antérieures sont presque saines.

La néoformation méningée est aussi moins développée à ce

niveau : elle embrasse, en forme de faux, seulement la moitié pos-

térieure du pourtour de la moelle; les racines nerveuses englobées

dans cette masse sont peu atrophiées.

Un grossissement plus fort permet toutefois de constater que les

éléments sarcomateux occupent un territoire beaucoup plus vaste

que cette faux : ils tapissent toutes les travées conjonctives de l'es-

pace sous-duremérien, atteignant même la surface antérieure de la

moelle.

La tumeur méningée augmente considérablement de dimensions

au niveau du renflement cervical : la moelle apparaît de nouveau

comprimée et déformée. Dans sa partie centrale l'amas de cellules

sarcomateuses persiste en forme d'une tâche à bords diffus; les

autres territoires de la moelle se colorent vivement à l'hématoxy-

line par le procédé de Weigert, excepté les cordons de Goll

(dégénération ascendante).

A la hauteur de la VIe racine cervicale (fig. 10) la tumeur méningée

atteint son maximum : à une coupe transversale, ses dimensions

sont plus grandes que celles de la moelle.

La néoformation est située presque exclusivement dans la partie

postérieure de l'espace subdural et ce n'est que du côté gauche

qu'elle continue jusqu'au sillon antérieur en forme d'un mince

filet. Le stroma est traversé d'énormes vaisseaux, à parois infil-

trées, remplis de sang ; en plusieurs endroits on aperçoit de

grands foyers hémorrhagiques ou des tâches d'exsudat dissociant

les cellules sarcomateuses.

La moelle a subi une compression excessive dans la direction

antéro-postérieure; en outre la tumeur a pénétré dans sa sub-

stance par la corne postérieure en forme d'un large coin détruisant

le tissu nerveux. La partie centrale de la moelle est aussi défor-

mée : ou y voit deux territoires clairs (t. d.), à limites tranchées;

a l'aide d'un grossissement plus considérable le contenu de ces

territoires parait être composé de cellules lymphoïdes à grand

172 CLINIQUE NERVEUSE.

noyau mal coloré, de corps granuleux, de détritus et d'une

grande quantité de blocs de myéline; dans les parois on voit du

tissu conjonctif formant de larges festons (t. c., fig. 10), et des

fibres névrogliques lassées concentriquement. *

Les canaux centraux sont à ce niveau très nombreux ; sur

maintes coupes on en trouve 6-7 de différente forme et grandeur,

tapissés d'un épithélium cylindrique très bien conservé; ils sont

situés dans un tissu névroglique dense, riche en cellules. "

. Un peu plus haut, les dimensions de la tumeur méningée dimi-

nuent sensiblement : au niveau de la IV" racine cervicale les cel-

Fig, 10. Coupe de la moelle au niveau de la VI* racine cervicale.

c, c, canaux centraux; t, territoires de désintégration; f, c, bandes de tissu

conjonctif.

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 173 3

Iules sarcomateuses ne pénètrent plus dans la substance médul-

faire, mais forment un anneau à son pourtour. A cette hauteur ce

sont les dimensions de la moelle même qui attirent une attention

particulière : 16 millimètres dans la direction frontale et 14 milli-

mc'res dans la sagittale (méninges non comprises) : pour un sujet

de quinze ans ces dimensions paraissent anormales. Il est bien

évident que ce phénomène dépend d'un oedème de la moelle : les

intervalles entre les tubes nerveux sont distendus et remplis d'une

matière amorphe, la substance grise paraît gonflée. Le tissu ner-

veux ne présente pas toutefois d'altérations très avancées, les cor-

dons postérieurs exceptés : outre la dégénération ascendante très

marquée, nous y trouvons une destruction des tubes nerveux

résultant d'une hyperplasie diffuse de la névroglie. Cette lésion a

particulièrement atteint la partie centrale du cordon postérieur

gauche : on y voit une gliose bien développée, tissu dense,

riche en cellules névrogliques et en fibrilles formant des touffes

qui s'entre-croisent sous des directions variées; tout ce territoire est

parsemé de vaisseaux à parois fibreuses.

Sur les différentes coupes pratiquées à ce niveau le canal central

offre des modifications très variées : il est tantôt elliptique, tantôt

polygonal, tantôt en fente oblongue, ramifiée ou étoilée ; en étu-

diant toute une série de préparations successives, on peut voir

comme les sinuosités et les ramifications s'éloignent du canal 1

principal, s'en séparent et font sur les coupes suivantes l'effet de

canaux supplémentaires.

A la hauteur de la 111 racine cervicale au pourtour de la moelle

on ne voit presque point d'éléments sarcomateux, mais ils font un

amas considérable dans le sillon antérieur distendu, et infiltrent

abondamment les deux cordons antérieurs ; grâce à sa répartition

symétrique la néoformation revêt en cet endroit la forme d'un

papillon. L'aire de la coupe ne parait plus si augmentée.

Les préparations traitées par la méthode de Weigert prennent

un aspect bizarre, vu le grand nombre de territoires dégénérés :

la partie voisine du sillon antérieur est détruite par la néoforma-

tion, les cordons de Goll et les faisceaux cérébelleux directs pré-

sentent une dégénération ascendante des plus marquées, enfin les

parties centrales des cordons postérieurs et latéraux ne se teintent

pas suffisamment, vu la destruction des tubes nerveux résultant

d'une prolifération diffuse de la névroglie. Dans le cordon de

Burdach du côté gauche on trouve une gliose portant le même

caractère que dans le segment précédent. Hyperémie énorme de

toute la moelle, vaisseaux de dimensions extraordinaires. Le

canal central, en forme de longue fente ondulée, est entouré d'un

tissu scléreux, riche en cellules.

Au niveau de la lIe racine cervicale la tumeur méningée prédo-

mine sur les parties latérales de la moelle sans pénétrer dans sa

174 CLINIQUE NERVEUSE.

substance. Néanmoins les altérations du tissu médullaire atteignent

une grande intensité, celles des cordons postérieurs en particulier.

L'attention y est attirée par une fente étroite formée dans la

gliose du cordon de Burdach gauche; cette fente, très sinueuse, à

plusieurs ramifications, prend la direction de la corne postérieure

sur la moitié de son parcours. Les parois infiltrées d'éléments

cellulaires sont constituées par des fibrilles névrotiques et du

tissu conjonctif; quantité considérable de vaisseaux, par places

petits foyers hémorrhagiques. Il y a un contraste bien vif entre

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. '175

les parois de la fente à structure dense, et tout le tissu environ-

nant, lâche, raréfié même diaphane; les tubes nerveux y sont

rares tandis que la névroglie forme un réseau à mailles très vastes,

tantôt vides, tantôt contenant un détritus ou une substance

amorphe. Pareil aspect présente la plus grande partie de deux

cordons postérieurs (sans compter les cordons de Goll dégénérés).

Le canal central est sur les coupes diverses tantôt double, tantôt

ramifié ; conserve sa place physiologique bien éloignée de la

fente dans le cordon postérieur.

Les dimensions de cette fente augmentant rapidement, nous

voyons un demi-centimètre plus haut, ce qui correspond au

Ier segment cervical, une cavité qui modifie bien l'aspect de la

moelle (fig. 11); les cordons de Goll (dégénérés) se trouvent refoulés

adroite, les cornes postérieures sont très écartées.

La cavité a l'air d'un polygone irrégulier à côtés convexes ; la

structure de la paroi est celle que nous avons décrite plus haut,

sauf que la raréfaction du tissu environnant atteint son plus haut

degré. Il est manifeste que cette altération est due à une stase

emphatique : les éléments du tissu sont dissociés par un transsu-

dat coagulé, qui forme par places de grandes tâches claires;

l'hyperémie de ce territoire est aussi très accentuée. Le cordon

de Burdach droit présente une structure analogue, sa substance

étant toutefois moins raréfiée. Tout ce tissu est extrêmement

friable, ce qui a donné lieu à toute une série de trous et de

manques de substance artificiels, localisés exclusivement dans la

région des cordons postérieurs.

La tumeur méningée n'est guère prononcée que sur la périphé-

rie latérale de la moelle ; dans la zone radiculaire postérieure du

côté gauche on aperçoit une infiltration diffuse d'éléments sarco-

mateux. ·

La plus grande partie du bulbe ne put être fixée, vu son ramol-

.lissement extrême; nous n'avons réussi à conserver que deux

petits segments.

L'un au niveau de la décussation des pyramides; on n'y voit

guère d'éléments sarcomateux, ni dans les méninges, ni dans le

tissu nerveux. Sur les coupes au Weigert la substance blanche a

mal pris l'hématoxyline; le nombre des tubes nerveux sains y est

restreint, beaucoup de mailles de névroglie paraissent vides ou

contiennent des corps granuleux; dégénération ascendante bien

prononcée. Les préparations traitées par des colorants nucléaires

font voir une infiltration inflammatoire très marquée dans tout le

tissu nerveux.

L'autre segment du bulbe, conservé incomplètement, correspond

au noyau du nerf hypoglosse. La partie dorsale de la coupe est

détruite par le ramollissement; dans les autres territoires, hyperé-

mie et infiltrations embryonnaires énormes. A la surface ventrale

176 CLINIQUE NERVEUSE.

on voit la néoformation, riche en vaisseaux et en foyers hémorrba-

giques ; elle embrasse les pyramides très écartées, sans toutefois

pénétrer dans leur substance.

Absolument identique est le caractère des métastases sarcoma-

teux à la face inférieure du lobe temporal et dans le cervelet. Les

éléments cellulaires forment dans les méninges des couches plus

ou moins épaisses, n'infiltrant point ou très peu le tissu nerveux

sous-jacent. t.

Les nerfs périphériques et les muscles, surtout ceux des membres

inférieurs présentent tous les indices d'une atrophie à caractère

dégénératif de la plus haute intensité; en outre les troncs nerveux

des plexus lombaire et sacré sont enveloppés sur une petite partie

de leur parcours extravertébral d'une gaine d'éléments sarcoma-

teux.

Au point de vue anatomo-pathologique le processus qui

prédomine dans notre observation, c'est la sarcomatose dif-

fuse des méninges spinales et de la moelle dans toute la lon-

gueur de l'organe.

Des lésions pareilles sont si saillantes qu'il paraît bien

invraisemblable qu'à une autopsie elles puissent passer ina-

perçues. Elles doivent donc être d'une rareté extrême, si

depuis la première observation analogue, publiée encore en

1837, par Ollivier ', nous ne trouvons dans toute la littéra-

ture médicale jusqu'à nos jours, qu'une dizaine de cas décrits

plus ou moins sommairement.

Impossible de tracer même à grands traits un tableau cli-

nique de cette affection, étant donné le nombre si restreint

d'observations et la variété infinie de symptômes. Car quelle

que soit l'étendue des lésions anatomiques qui occupent

presque toujours toute la hauteur de la moelle, cela n'oblige

guère à des symptômes spinaux précis : ils peuvent être bien

insignifiants, voire même faire absolument défaut. Tels sont

les cas de Schataloff et Nikiforoff 2, de V'estpllal 3, de Busch'

et d'Ollivicr ; dans les deux premiers le tableau clinique était

1 olivier, Traité des maladies de la moelle épinière. Paris, lS3î,

v. II, p. 490.

3 Schataloll' et Nikiforoll. lïe81ltik J'sycltial/'yi (russe), 1887.

3 A. Westphal. Ueber multiple Sunl'omalose des Gehirns uml (le),

/f«c ? eMM«7.'67<aM/e .1 i-chiv Psychiatrie, Bd, X\'I, S. 770.

"Cli. tiusch. Ein Fall von atesgeGreileler Sarkomalose der veichen

Iltcule des Btiscli. Eiii ]7cill voii aiiàfiebi,eileie- Z<;<<. ? «' A'e<'t)e<f/K'<7/tMH<<e

IIieizle (les ceiil-tileitN'ei-veizsysteis. I)eiitsche Zeil. fiai- jyei-veitheilhiiiiile

13(l. IX.

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 177

dominé par des accidents cérébraux, dans les deux autres

par des accidents cérébelleux.

Quant aux symptômes spinaux, ils sont également dépour-

vus d'un caractère défini. Lorsqu'il s'agit d'une affection des

méninges spinales, nous nous attendons à des phénomènes

irritatifs : douleurs rachidiennes ou irradiées, etc. Néan-

moins, dans maintes observations les douleurs manquaient

complètement ou n'étaient que transitoires et peu impor-

tantes : cas de Schultze ', de Richter= et le nôtre.

La paralysie n'est pas plus constante ; cependant dans les

observations de Schultze et de Bruns 3, ily avait une paraplé-

gie inférieure; R. Schultz a vu chez son malade s'installer

progressivement une paraplégie supérieure et bientôt après

une inférieure; l'évolution de la maladie était analogue dans

notre observation, seulement en sens inverse : la paralysie

s'étendait de bas en haut.

La marche de l'affection est aussi variable suivant le cas.

D'après l'avis de Westphal, une marche rapide aboutissant à

une mort précoce serait la règle ; dans son cas toute l'affec-

tion ne dura que cinq semaines, dans le cas de Schulz vingt-

trois jours seulement, dans celui de Schataloff et Nikiforoff

vingt et un jours.

Nous voyons cependant une marche bien différente dans le

cas d'Ollivier, où la durée de l'affection a dépassé six mois ;

dans ceux de Busch, de Bruns et le nôtre, depuis les premiers

symptômes jusqu'à la terminaison fatale il s'est écoulé plus

d'une année, et dans l'observation de llippel3 même sept ans.

Dans des conditions pareilles il est bien impossible d'éta-

blir quelques données générales qui puissent mettre sur la

' Fr. Schullze. Ein Fait von eigenthilmlicher multiplet1 Gesc/I1J'uhl-

61ldunq des cenlmlen Nervensystems und seiiiei- Hiillen. llerl. klin.

l\'ochellsc/l1'i{I, 1880, n° 37.

2 Ricliter. Ueber einerz Fall i-oii multiplet- Sadom der inneren Ile- ? Ii2fici des Cenll'(tlnen'ensysle1l/s. l'rager medic. Wochenschrift, 1886,

n°23.

1 Bruns. Die Geschwillste des Nervensyslems. Berlin, 1897.

'il. Schullz. 'e ? opn</toyo;6'c/te 3leillheiliiiigeii. IV.Vrimoeres Sarcom

(1er Piamaler des IWckenmal'l,s ill seiner gan : ell Læn.']e, Al'ch, filr

l'sychialrie, XVI, S. 592.

'E. llippel. Ein Fall t'on multiplen Sarkomen des gesammten Ner-

nnsystems und seriner Ilizllerz, t'el'lallj'en un ter dem JJilde der 11/ulfi-

plen Sidérose . Deulllche Zeilung /. Nervenheilk. 1892, Bd. II, H. ), 6.

ARCHIVES, 3'série, t. VI. 12

178 CLINIQUE NERVEUSE.

voie du diagnostic clinique. Le fait est que de douze cas con-

nus, dans un seulement (celui de Bruns) on a pu supposer la

présence d'une néoplasie dans le canal rachidien, grâce à un

indice bien rare : métastase de la tumeur àl'oreille , Ce symp-

tôme, dont la haute importance n'est pas à discuter, se

- trouvait aussi dans le cas de Hippel : l'affection nerveuse

étant déjà bien installée, on a vu se développer aux doigts de

la malade des nodules dont la nature sarcomateuse fut re-

connue ultérieurement ; néanmoins le tableau clinique simu-

lait si complètement la sclérose en plaques que jusqu'à l'au-

topsie nul doute n'a été émis sur la nature de l'affection.

Dans les autres cas on croyait avoir affaire à une tumeur

cérébrale (Westphal,), à une tumeurdu cervelet (Busch),àune

embolie de l'artère sylvienne (Schataloff etNikiforoff), à une

myélite transverse (Cramer '), à une méningo-myélite aiguë

(Schulz), etc. ,

Le diagnostic était aussi hérissé de difficultés presque in-

surmontables dans notre observation. Au début de la maladie

on supposa une spondylite, mais un examen minutieux fit

exclure une affection de la colonne vertébrale. A l'entrée de

la malade à la clinique, on n'a pu constater qu'une lésion

médullaire s'étendant depuis la neuvième racine dorsale jus-

qu'au niveau des racines du plexus sacré (sensibilité conser-

vée dans la région du nerf fémoro-cutané postérieur; aboli-

tion du réflexe rotulien mais persistance de celui du tendon

d'Achille et même phénomène du pied).

Quant à la nature de la lésion elle restait indéfinie, c'est

un processus inflammatoire (myélite) que nous étions enclins

à supposer.

Mais quand l'affection, après avoir envahi la partie infé-

rieure de la moelle, s'est mise à monter le long de l'organe,

quand ensuite on a pu constater un nystagmus, un tremble-

ment intentionnel des mains, des vertiges, etc., l'ensemble

de ces signes morbides rappelait à un certain degré la sclé-

rose cérébro-spinale disséminée. Il a fallu cependant changer

d'avis au bout de quelque temps, en présence des phéno-

mènes prouvant une destruction complète de la moelle dans

la région atteinte (paraplégie flasque avec abolition absolue

1 Cramer. Urger multiple Angiosarcome der l'iamaler spinalis mis,

hyaliner Degeneration. Dissert. Marburg, 1888.

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 179

de la sensibilité, des réflexes, de la contractilité électrique,

avec atrophie musculaire, etc.).

C'est alors seulement que nous vint l'idée des tumeurs mé-

dullaires multiples ; mais une participation prononcée des

méninges dans ce processus morbide ne put être admise vu

l'absence presque absolue des symptômes irritatifs. Grande

donc fut notre surprise, lorsque l'autopsie a fait voir que

l'affection s'était développée justement dans les méninges, et

que ce n'est qu'après avoir détruit presque toutes les racines

nerveuses, qu'elle avait envahi la substance médullaire.

Les conditions étiologiques de cette affection sont très

obscures. Impossible cependant de ne pas s'apercevoir qu'elle

prédomine notablement dans l'âge jeune.

180 CLINIQUE NERVEUSE.

nous croyons indispensable de résumer les données d'au-

topsie et d'examen microscopique.

Le canal rachidien contenait une néoformation sarcoma-

teuse ayant pris naissance apparemment dans la pie-mère

spinale ; elle a détruit toute la partie inférieure de la moelle

et a percé la paroi vertébrale. A partir de la neuvième racine

dorsale, la néo-formation a épousé deux directions. La masse

principale s'est jetée dans l'espace subduralpour envelopper

la moelle en forme de manchon et pénétrer par places dans

sa substance ; l'épaisseur de ce manchon qui s'étend jusqu'à

la décussation des pyramides, varie à différentes hauteurs;

son maximum correspond à la partie inférieure du renfle-

ment cervical. L'autre voie suivie par la néoformation est la

partie centrale de la moelle : elle y a poussé en forme de co-

lonne assez nettement limitée, occupant presque toute la ré-

gion dorsale ; la colonne est creuse : on y voit une cavité à

parois conjonctives.

La substance centrale de la moelle cervicale (au niveau des

premières racines) présente aussi une excavation, mais indé-

pendante de la néoplasie sarcomateuse ; cette cavité débute

dans une gliose visible dans toute la hauteur de la moelle

cervicale sous forme de tâche dans le cordon postérieur. Les

deux cavités ne sont point revêtues de cellules épithéliales et

n'ont guère de connexion avec le canal central ; ce dernier

offre cependant des anomalies : on le trouve multiple dans

plusieurs endroits.

Outre toutes ces lésions, il y a à noter dans la moelle une

hyperhémie veineuse très accentuée et un oedème du tissu

nerveux atteignant son plus haut degré dans la région cer-

vicale, justement au-dessous de la cavité supérieure.

Dans le bulbe, ramollissement extrême. Dans la pie-mère

de l'encéphale et du cervelet, quelques métastases du sar-

come.

En ce qui concerne les données anatomo-pathologiques,

notre observation offre bien peu d'analogie avec celles des

auteurs, tandis que les différences sont très grandes.

La prédominance de lanéoformation à la partie postérieure

du cordon médullaire, notée par la plupart des auteurs (Olli-

vier, Schulz, Coupland et Pasteur, Westphal, Busch) était

aussi très prononcée dans notre cas.

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 181

Il est à supposer que c'est la partie inférieure de la moelle

qui donne le plus souvent naissance aux néoformations de ce

genre (les cas de Schultze, de Coupland et Pasteur, de Cra-

mer, de Westphal, le nôtre).

La structure fine ainsi que l'évolutionde la tumeur peuvent

être mises en lumière par l'étude des endroits où la néofor-

mation est très peu développée, presque invisible à l'oeil nu.

Telle est par exemple la face antérieure de la moelle dans la

région dorsale supérieure. On y voit les éléments sarcoma-

teux tapisser toutes les fentes lymphatiques, entourer en

anneau les capillaires et les vaisseaux de calibre ; et à l'état

normal, on trouve à ces endroits un cndothélium (dans les

gaines lymphatiques des vaisseaux, on les nomme périthé-

lium); l'état morbide consiste en une prolifération abondante

de ces cellules endothéliales. Nous avons donc le droit de

ranger cette néoplasie dans ce groupe de tumeurs sarcoma-

teuses qui porte le nom d'endolhéliome.

Sous ce rapport notre cas est analogue à celui de Nikiforoff

et Schataloff, où le caractère de la néoformation était le

même, sauf que prédominait la prolifération du périthélium

vasculaire. Dans les autres observations la structure de la

néoplasie différait un peu : ainsi, dans le cas de Schulz, il

s'agissait d'un sarcome alvéolaire, dans ceux de Cramer et

de Busch, d'un angiosarcome.

Ce dernier nom fait valoir une connexion entre la néo-

plasie et les vaisseaux ; elle était bien intime dans tous les

cas, ce qui n'est guère étonnant vu la grande abondance de

vaisseaux dans le tissu (pie-mère) où prend naissance la néo-

plasie. Dans notre observation la quantité de vaisseaux dans

la tumeur était colossale ; à plusieurs endroits il y avait un

tel amas de capillaires néoformés qu'on aurait cru voir un

tissu caverneux.

Mais en ce qui concerne les vaisseaux notre observation

reste isolée : les auteurs décrivent les parois vasculaires tout

à fait normales, tandis que dans notre cas elles présentent

des altérations de la plus haute intensité. Tantôt ce sont des

altérations à caractère inflammatoire ; de l'infiltration et de

l'épaississement des parois résulte un rétrécissement de la

lumière allant jusqu'à une oblitération complète.

Plus souvent cependant ces lésions portent un caractère

régressif. C'est la dégénération hyaline qui prédomine ; les

18 : 2 CLINIQUE NERVEUSE.

parois vasculaires s'épaississent, deviennent homogènes et

perdent leur affinité pour les colorants; bientôt la lumière

disparaît, il ne reste qu'un cordon plein qui s'émiette ensuite

en des blocs amorphes. Nous trouvons aussi des vaisseaux

en pleine dégénération calcaire. Il est à noter que toutes ces

métamorphoses régressives ne se rencontrent guère dans la

partie de la néoformation qui entoure la moelle en manchon

(c'est-à-dire dans la partie supérieure en commençant de la

huitième racine dorsale). Cela s'explique jusqu'à un certain

point par l'origine plus récente de cette partie. Les condi-

tions étaient les mêmes dans les cas à marche rapide, publiés

par les auteurs ; le sarcome ne se développant qu'à une pé-

riode rapprochée de la mort du sujet, les lésions vasculaires

manquaient de temps pour s'établir. Le seul auteur qui ait

trouvé une dégénération hyaline et calcaire dans les vais-

seaux de la tumeur, est Ilippel, et justement dans son obser-

vation l'affection était essentiellement chronique (elle durait

sept ans) et la malade était d'un âge plus avancé.

Impossible cependant de ne pas s'apercevoir que les alté-

rations vasculaires régressives eurent dans notre observation

un lien intime avec le tissu nerveux. Ainsi dans la partie

inférieure de la tumeur les vaisseaux et les cordons hyalins

-sont limités presque exclusivement au territoire qui corres-

pond à la moelle détruite. Dans la partie supérieure, où la

'néoformation se divise en périphérique et centrale, c'est dans

celle-ci que nous trouvons les vaisseaux hyalins, tandis que

dans celle-là les lésions vasculaires n'offrent qu'un caractère

'inflammatoire.

D'ailleurs le rapport de la néoformation avec le tissu ner-

veux est dans notre observation d'un genre tout particulier,

et ne ressemble guère aux constatations des autres auteurs.

Ainsi, dans la plupart des cas on avait affaire à une sarco-

matose des méninges seules ; la néoformation enveloppait le

cordon médullaire sans pénétrer dans sa substance (cas d'01-

livier, de Coupland et Pasteur, de Cramer, de Scl1ataloO', de

Westphal, de Busch). Dans quelques-unes de ces observations

la néoplasie n'épargnait guère le tissu nerveux (ainsi elle

détruisit une partie du cervelet dans les cas d'Ollivier et de

Busch, la queue de cheval dans celui de Cramer, enfin West-

phal a signalé des métastases dans les nerfs périphériques),

ce n'est que la, moelle qui reste intègre. On serait enclin à

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. H ! 3

croire que la névroglie qui forme la couche périphérique du

cordon médullaire soit une barrière insurmontable pour les

éléments sarcomateux. Certains auteurs (Westphal, Busch)

trouvent même dans cette circonstance un signe particulier

de la sarcomatose méningée, tandis qu'au contraire la néo-

formation tuberculeuse ou syphilitique marque une tendance

bien prononcée à envahir le tissu médullaire.

Cette opinion était cependant discutée : Schultze, Richter,

Hippet ont démontré que la substance médullaire pouvait

aussi être atteinte; néanmoins, même dans ces cas le tissu

nerveux paraissait très peu altéré en comparaison avec toute

l'étendue de la néoformation méningée.

Dans notre observation nous voyons le contraire. La néo-

formation a non seulement détruit toute la partie inférieure

de la moelle, mais elle a donné encore un prolongement

central implanté comme une tige dans la moelle dorsale.

Dans la région cervicale la sarcomatose n'est pas plus limi-

tée à l'espace subdural : à plusieurs endroits elle a envahi la

substance médullaire et, chose étrange, souvent c'est à ces

niveaux mêmes que les méninges contiennent peu d'éléments

sarcomateux. Si on admet que la malignité de la sarcoma-

tose s'exprime par sa tendance à envahir le tissu nerveux,

c'est certainement dans notre cas que cette malignité a

atteint son plus haut degré.

Parmi les lésions du tissu nerveux nous avons mentionné

un ramollissement qui a détruit la partie supérieure de la

moelle cervicale et le bulbe. Les causes de cette altération

sont évidentes : non seulement les troubles circulatoires qui

résultaient des lésions vasculaires devaient être bien graves,

mais cette partie de la moelle offre encore des indices d'un

processus inflammatoire (infiltration embryonnaire) des plus

marqués.

Bien plus intéressantes au point de vue scientifique sont

les cavités dont la moelle est creusée.

Celle de la région dorsale est entourée de la néoformation

sarcomateuse. Au premier abord l'origine de cette excavation

paraît bien simple : c'est la désintégration centrale du tissu

néoformé; nous aurions alors, comme dans la gliomatose

centrale, une syringomyélie résultant d'une sarcomatose.

Une pareille supposition semble justifiée si on n'examine

que les coupes au niveau de l'excavation toute développée

184 . CLINIQUE NERVEUSE.

(la sixième racine dorsale), mais une étude des segments ter-

minaux fait changer d'avis. Déjà à la hauteur de la huitième

racine dorsale, c'est-à-dire à l'endroit où la néoformation se

répartit en périphérique et centrale, on peut voir comme les

fibres conjonctives se rangent en faisceaux pour former en-

suite un contour rempli d'éléments sarcomateux. Ce tableau

s'étend à la hauteur de plusieurs segments, sans qu'on puisse

trouver dans les cellules sarcomateuses des traces d'un pro-

cessus dégénératif; ensuite dans la partie centrale les cel-

lules disparaissent formant une fente dont les dimensions

augmentent rapidement. Il faudrait donc supposer que la

formation de la paroi conjonctive précédât celle de la cavité,

cette dernière résultant de la fonte du contenu de ce sac.

Que la cavité ne dépende pas directement du sarcome, cela se

voit bien plus encore à l'étude de son bout supérieur. On y

voit en effet cette formation complexe se disjoindre : dans

une moitié de la moelle apparaît alors le commencement de

la cavité, bordé d'une névroglie proliférée, dans l'autre une

tache formée des cellules sarcomateuses.

Enfin, si cette syringomyélie était due à ladësintégrationdu

sarcome, il faudrait s'attendre à la voir dans la partie infé-

rieure de la moelle, là où le sarcome est le plus. développé. Il

s'ensuit donc que nous avons affaire à deux processus diffé-

rents : la néoformation sarcomateuse a dû remplir une cavité

médullaire préformée. 1 , ,

Et une preuve palpable que la formation des cavités intra-

médullaires pût être dans notre cas indépendante, nous est

fournie par le fait de l'excavation cervicale qui ne se trouve

pas en connexion avec la néoformation. C'est une vraie

syringomyélie développée dans une gliose. ,

Impossible de définir l'endroit où a commencé cette gliose :

il est bien probable que ce soit la continuation de. cette né-

vroglie proliférée par laquelle se termine la cavité inférieure ;

on ne peut cependant saisir une liaison directe entre ces

deux glioses, vu la grande déformation qu'a subie le renlle-

ment cervical comprimé par la tumeur méningée.

Il est intéressant de suivre l'évolution de la cavité. Dans le

centre de la gliose cervicale, nous voyons apparaître un

ruban foncé : ce sont des fibres névrogliques plus tassées et

scléreuses ; sur les coupes suivantes ces libres commencent

à s'écarter, formant une fente ramifiée dont les dimensions

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 185

augmentent peu à peu. Les parois de cette fente ne sont

constituées nulle part par quelque tissu en désintégration;

au contraire, nous y voyons partout un tissu fibrillaire dense,

bien coloré. Plus haut, où l'aire de la cavité est plus grande,

cette bordure fait contraste sur le fond du tissu environnant,

très raréfié et détruit par un oedème.

Tout le territoire de la gliose abonde en vaisseaux à lu-

mière très rétrécie ou même complètement oblitérée ; par

places on voit ces vaisseaux changés en cordons fibreux, par-

ticiper à la formation des parois de la cavité. Par analogie on

peutsupppser la même évolution des parois de la cavité intra-

médullaire inférieure, sauf que les fibres conjonctives y

eussent subi une dégénérescence hyaline.

Les deux cavités ne sont point revêtues d'épithélium; im-

possible aussi de trouver quelque connexion entre le canal

central et les excavations, le siège de ces lésions restant à

toutes les hauteurs bien éloigné de la place physiologique du

canal. Notre observation est donc en désaccord avec l'opi-

nion de IIofmalln et de Schlesinger- affirmant que toute

gliose centrale primaire résulte d'une anomalie embryolo-

gique du canal central. Dans toutes ses observations anato-

miques de gliose, Schlesinger a pu constater une connexion

entre la cavité et le canal central. Notre observation prouve

qu'une pareille connexion peut faire défaut. ,

Néanmoins, même dans notre cas, le canal central présen-

tait des anomalies graves qui, d'après Schlesinger1, consti-

tuent la première phase dans l'évolution du processus mor-

bide. .

D'après cet auteur, dans la moelle prédestinée à une syrin-

gomyélie, le canal central commence à s'élargir, donne des

prolongements ou des sinuosités, enfin devient double. Dans

notre cas, la dilatation du canal central n'était pas très pro-

noncée ; quant à la formation des sinuosités nous en voyons

un bel exemple, c'est grâce à ce processus que le canal cen-

tral se trouve non seulement divisé en deux, mais à certaines

hauteurs nous voyons 6, 7 canaux tapissés d'un épithélium

cylindrique très bien conservé.

Les rapports entre ces anomalies et la syringomyélie

restent obscurs ; les deux phénomènes réputés comme pre-

' Schlesinger (11.). Die Syringomyélie. Eille Monographie. Leipzig und

Wien, 1895.

186 CLINIQUE NERVEUSE.

mière et dernière phase d'un seul processus morbide appa-

raissent dans notre cas parallèles ; tous deux atteignent une

intensité remarquable , mais manquent d'un lien visible.

Pareille coïncidence mérite bien d'être signalée ; nous n'es-

sayons cependant point de l'expliquer, c'est aux études à

venir d'y répandre quelque lumière.

Il nous reste encore à aborder une question qui surgit

toute seule, si on jette un coup d'oeil d'ensemble sur les don-

nées anatomo-pathologiques.

Nous avons trouvé deux catégories de lésions médullaires

apparemment indépendantes : la sarcomatose d'une part, la

gliose avec la syringomyélie de l'autre. Peut-on admettre

qu'il n'y ait aucun lien intime entre ces deux processus, en

général bien rares et que leur coexistence dans le même orga-

nisme n'eût résulté que d'un pur hasard ?

Et ce n'est pas une curiosité absolument unique que la

combinaison de la syringomyélie avec des tumeurs médul-

laires ou méningées; Seliultzel en a signalé deux cas,

Wiclimanii 2, Zerratll3 et d'autres en ont rapporté aussi.

La question a été mise en lumière par ICronthal4 quia a

aussi publié une observation analogue. Dans son cas la

moelle cervicale était comprimée par un sarcome ayant pris

naissance dans la dure-mère ; dans la partie centrale de la

moelle sur toute l'étendue de l'organe l'attention était attirée

par une prolifération abondante de la névroglie, creusée par

plusieurs cavités dépourvues de revêtement épithélial ; une

de ces cavités communiquait avec le canal central dilaté.

D'après l'avis de Kronthal, la syringomyélie était dans ce

cas la conséquence du sarcome ou plutôt de la compression

produite par cette tumeur. Dans la moelle normale circule

un liquide (le liquide cérébro-spinal) ; si quelques conditions

pathologiques empêchent le cours de ce liquide, il se produit

une stase qui fait augmenter la pression intra-médullaire.

1 Schultze (F.). AI'chio sur Psychiatrie. Bd. XI. - Id. Vii-cliows .11'-

chiv. Bd. LXXXVII, S. 517, Beob. 111. 1

, Wichmann fur..). treschwulsl uacl Illhlenbildnyl im Ritekeunm'l'

Stuttgart, 1887.

' Zerrath. Eein Fall von Saerallmuun mil Spina bifida, Ilydromyelie

etc. Kônigsberg, 1887.

4 Kronthal (P.). Zur Pathologie der IlccIelenbildun im niicl.'el/I/lrll'k,

Xew'oloyisches CetlnalGlall, 1889. NI' 20, 21, 22.

SYRINGOMYÉLIE ET SARCOMATOSE DE LA MOELLE. 187

L'anomalie peut être supprimée jusqu'à certain point par

une dilatation compensatoire du canal central; mais si cette

dilatation fait défaut (le canal central étant par exemple

complètement oblitéré), le tissu médullaire subit, grâce à

cette stase sanguine ou lymphatique, des altérations trophi-

ques : les éléments nerveux s'atrophient, la névroglie proli-

fère ; il se produit des gliomes et ensuite la syringomyélie.

Le même effet que les tumeurs du canal rachidien produi-

sent les processus inflammatoires aboutissant à un épaissis-

sement considérable des méninges : Joffroy 1 (syringomyélie

avec pachyméningite cervicale hypertrophique), les cas de

Kôller2, de mener3, de Vulpian1, d'Oppenheirn 5, etc.

C'est aussi à cette cause qu'est due la syringomyélie dans

les cas de tumeurs siégeant dans la fosse crânienne posté-

rieure ; Langhans a publié trois observations analogues :

c'est lui qui a émis le premier l'hypothèse de la stase, comme

agent provocateur des cavités intra-médullaires.

Quelques expériences furent tentées dans le but de confir-

mer cette théorie. Kronthal déterminait une compression

chronique de la moelle, en introduisant un bouchon dans le

canal rachidien d'un chien ; au bout d'une demi-année il a pu

constater une dilatation prononcée du canal central, accom-

pagnée d'une prolifération discrète de la névroglie. Les

mêmes résultats ont été obtenus par Dexler, sauf que le siège

des lésions fut toujours au-dessus du segment comprimé.

Cependant toutes ces expériences, trop peu nombreuses et

d'une méthode défectueuse, nous paraissent peu concluantes.

Quant aux conditions pathologiques, elles diffèrent sans

doute de celles que produisent les procédés expérimentaux.

Néanmoins la plupart des auteurs dont les travaux ont beau-

coup contribué à l'étude de la syringomyélie, sont d'accord

pour admettre que cette lésion puisse résulter d'une compres-

sion de la moelle. Ainsi, d'après Schlesinger, la compression

' Jo(rroy (A.). De la pachyméningite cervicale hypertrophique (d'origine

spontanée). Paris, 1873.

°- Koeller (H.). Meningilis spinalis. Leipzig, 1861.

'Meyer (L.). I%irchow's Archiv. Bd. XXVII.

1 Vulpian. Archives de Physiologie, 1869. '

° Oppenlteim (H.). Cltal'ilé-.Jllnalen,188 ?

° Langhans. Ueber Ilcehlenbilclung im II¡¡cken1l1w'l, in Folge BllIl-

stattug. 1'irchow's Archiv, Bd. LXXXV.

188 CLINIQUE NERVEUSE.

chronique produit souvent une dilatation du canal central

(hydromyélie) et ensuite la syringomyélie, grâce à la prolifé.

ration de l'épithélium. La théorie de Langhans et Kronthal

est aussi approuvée par Schultze dans son rapport fait au

Congrès international de médecine de Moscou (1897).

En appliquant à notre observation tout ce que nous venons

de dire, nous y trouvons une analogie complète. La tumeur

qui se développait dans la partie inférieure du canal rachi.

dien devait, avant d'avoir détruit la substance médullaire. la

comprimer au plus haut degré. Il en a résulté dans la moelle

une stase énorme, bien manifeste à l'heure actuelle; juste-

ment au-dessus de la région détruite par la néoformation on

voit dans la substance médullaire de vastes territoires d'ex-

sudat, toutes les veines sont bouffies de sang; et c'est ici que

commence la cavité inférieure en forme de. sac à parois con-

jonctives.

Quant à la cavité supérieure où le tableau anatomique n'est

pas embrouillé par la participation directe de la néoforma-

tion sarcomateuse, ces rapports sont encore plus frappants.

Au niveau du renflement cervical la moelle est excessive-

ment comprimée par la tumeur méningée ; tant à ce niveau

que plus haut, la stase a atteint son maximum; les éléments

nerveux sont tantôt détruits, tantôt dissociés par un trans-

sudat coagulé, c'est ce qui fait augmenter d'autant l'aire de

la coupe. La partie centrale de la moelle est la plus atteinte.

le tissu y est extrêmement raréfié, et c'est ici justement que

- commence la gliose donnant lieu ensuite à une excavation.

Il est bien possible que la stase sanguine et lymphatique

excitant le tissu médullaire ait été la cause primaire d'une

prolifération de la névroglie, de la gliose. C'est ainsi que

cette stase, provoquée par le développement des tumeurs

sarcomateuses, sert dans notre observation de lien entre

deux processus morbides si différents, comme la sarcoma-

tose d'une part et la gliose avec la syringomyélie de l'autre.

Notre observation plaide donc en faveur de la théorie

(Kronthal et Langhans) de syringomyélie résultant d'une

stase. Il est évident que cette théorie ne s'applique qu'à un

certain groupe de cas, quoique ce groupe ne comprenne pas

seulement les tumeurs médullaires : on a le droit d'y ranger

' Schttltze. Ne/Jl'olor;isches Cenlralblall, 1897. N° 17.

ÉLIMINATION DU BLEU DE MÉTHYLÈNE. 189

tous les cas de compression de la moelle en général quelle

qu'en soit l'origine.

La manière d'agir de cette stase reste obscure sous plu-

sieurs points ; quoi qu'il en soit, la participation du canal

central dans ce processus n'est pas obligatoire comme l'affir-

ment Langhans, Kronthal et Schlesinger.

CHIMIE PHYSIOLOGIQUE.

NOTE SUR L'ÉLIMINATION DU BLEU DE MÉTHYLÈNE

CHEZ LES ÉPILEPTIQUES;

PAR R

JULES VOISIN,

Médecin de la Salpêtrière,

El

A. 11AOTÉ,

Interne des hôpitaux

Nous avons poursuivi depuis quelque temps des recherches

sur l'élimination du bleu de méthylène chez les femmes épi-

leptiques de notre service ; nous avons essayé de faire nos

injections à deux époques différentes chez la même malade,

c'est-à-dire au moment des attaques en série, et au moment

des espaces intercalaires. Ces différents états sont quelquefois

difficiles à distinguer. Il faut tenir compte exactement de l'état

des voies digestives de la malade, de la qualité toxique des

urines, et s'entendre sur la valeur du mot série, différemment

compris par les auteurs. Nous entendons par attaques en

série, non seulement les accès séparés les uns des autres par

un intervalle lucide de quelques heures ou moins, et ayant

lieu dans la même journée, mais aussi les accès ayant lieu

tous les jours, pendant plusieurs jours de suite. Les malades

présentant ce dernier état sont des sériels dont l'intervalle

lucide est long : un jour, et chez qui la période intercalaire

peut être de huit ou quinze jours '.

' J. Voisin. L'Épilepsie. F. Alcan, 1897.

190 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE.

Comme, dans nos recherches antérieures ', nous avons

employé le procédé de MM. Achard et Castaigne avec une

légère modification dans la quantité de bleu : injection pra-

tiquée aseptiquement à la fesse avec un centimètre cube de

solution au 1/10 de bleu de méthylène stérilisée. La ma.

lade ayant vidé sa vessie spontanément ou à l'aide de la

sonde au moment de l'injection, les urines ont été recueillies

de demi-heure en demi-heure pendant les premières heures,

puis d'heure en heure pendant la première journée, et enfin

de deux en deux heures.

L'examen des urines a été fait à chaud et à froid, soit par

simple inspection avec ou sans le secours du chloroforme,soit

dans certains cas d'urines très pigmentées, en précipitant

les pigments par l'extrait de Saturne, selon la méthode indi-

quée par MM. Chauffard et Cavasse. De même que ces der-

niers auteurs, nous avons, à l'aide des graphiques, étudié

la courbe de l'élimination. Nos expériences ont porté sur une

vingtaine de malades et ont été faites chez la même malade

à deux époques différentes. Nous reproduisons ici les obser-

vations les plus nettes.

Comme dans nos précédentes recherches chez les malades

présentant des attaques en série, nous avons constaté que le

maximum d'élimination était retardé, mais surtout que la

disparition du bleu, au lieu de se faire vers la 30e ou 40° heure,

n'avait lieu souvent que vers la z] 0011 ou même la Il 00, comme

chez l'une de nos malades, qui a présenté 25 attaques ou

vertiges pendant le temps de l'élimination.

Dans certains cas cependant, nous avons trouvé l'élimina-

tion à peu près normale, comme dans les faits rapportés par

MM. Féré et Laubry, à la Société de biologie -. Mais ces

résultats ne sont contradictoires qu'en apparence, car dans

ces cas, nous avons fait, à la vérité, l'injection de bleu pen-

dant la période des attaques, mais au moment où la série

allait prendre fin et où la malade allait entrer dans une

période intercalaire plus ou moins longue, ainsi que nous

avons pu nous en rendre compte en consultant le tableau des

attaques dressé dans le service.

' J. Voisin et Hauser. Remarque sur l'élimination du bleu de méthylène

(Gaz. heb., 27 mai 1897).

.T. Voisin et lIauser. Sociélé mécl. des ltôp" 18 juin 1897.

' Féré et Laubry. Sociélé de Biologie, 23 octobre 1897.

ÉLIMINATION DU BLEU DE MÉTHYLÈNE. 191

Ainsi chez Déc..., dix-sept ans, nous avons pratiqué une

injection le 27 mai à la suite d'une attaque, et il n'existait plus

trace de bleu à la 43° heure; mais nous constatons d'autre

part que la malade qui a eu trois attaques le 23, trois le 24

et une le 25, est restée indemne jusqu'au 27 juin.

De même on peut obtenir un retard si on fait l'injection

au moment où la période intercalaire va se terminer, c'est-

à-dire au moment où comme nous l'avons montré, la malade

présente un état saburral, indice d'une prochaine série

d'accès. Ainsi chez Vaud..., après une injection faite le 20 juin,

les urines contenaient encore du bleu à la 95° heure bien que

l'injection fût faite pendant une période intercalaire. Mais,

dansée cas, nous avions noté chez la malade un état saburral

très prononcé, indice d'une série d'attaques qui commen-

cèrent vers la 80° heure.

Du reste, au cours de ces recherches, nous devons dire que

chez nos épileptiques l'élimination n'était pas la même à

tous les instants, et comme MM. Chauffard et Cavasse, puis

Chauffard et Castaigne l'ont constaté au cours de leurs

recherches chez les hépatiques, nous avons obtenu soit une

courbe oscillant entre des maxima et des minima (type

continu polycyclique), ou plus souvent présentant des inter-

mittences vraies (type discontinu polycyclique) comme le

montrent les quelques observations suivantes, ainsi que les

tracés qui y correspondent :

,NI 1. Ch... (vingt ans, moyenne des accès par mois, 4), période

intercalaire :

Maximum à la 3° heure; absence de bleu à la G° heure; nouveau

maximum à la 11° heure; trace seulement à la 23° heure; nou-

veau maximum à la 43e heure.

tao 2. Au... (dix-neuf ans, moyenne des accès par mois, 10),

période intercalaire.

Col. bleu à la ire heure ; maximum à la 2° heure ; vert clair

pendant les 6, 7, 8, 9° heure; nouveau maximum à la 19° heure;.

trace seulement à la 21° heure ; vert foncé un peu plus faible

que le maximum à la 33° heure. 1

Puis la courbe tombe à 0° entre la 53° et la 56e heure, puis

l'élimination cesse à la 72° heure après avoir présenté à la 69e une

coloration vert léger.

1 Chauffard et Castaiffne. Valeur séméiologique de l'épreuve par le bleu

de méthylène chez les hépatiques (Soc. méd. des laûpilaua°,2'3 avril 1898).

N° 1. Cha..., vingt ans. Injection de 0 gr. 10 à 11 heures le 31 mai.

ELIMINATION DU BLEU DE METHYLENE 193

N° 2. Aug…, dix-neuf ans. Injection le 31 mai à 11 heures, période intercalaire.

194 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE

N° 3. Déc… (dix-sept ans, moyenne des accès par mois, 7), injection faite à la fin d’une attaque sérielle le 25 mai.

N° 3. Déc…, dix-sept ans. Injection de 0 gr. 10 le 25 mai à la suite d’une attaque.

L’élimination tombe à 0° à la 9e et à la 31e heure, pour disparaître totalement à la 43e heure.

ELIMINATION DU BLEU DE METHYLENE 195

N° 4. Esn… (dix-huit ans, moyenne des accès par mois, 9).

N° 4. Esn…, dix-huit ans. Injection de 0 gr. 10 (période intercalaire) le 25 mai.

L’élimination tombe à 0 pendant les 5, 6, 7e heure pour reprendre la teinte vert clair à la 8e heure.

196 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE

N°5. Va…, vingt-cinq ans. Injection le 20 juin à la suite d’une attaque.

ELIMINATION DU BLEU DE METHYLENE 197

N° 5. Va… (vingt-cinq ans, moyenne des accès par mois, 18 ; suite d’une attaque isolée).

N° 6. Re… Injection le 24 juin, le lendemain d’une attaque.

L’élimination tombe à 0 entre la 23 et la 29e heure pour repa-

198 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE

N° 7. Ba… Injection de 0 gr. 10 le 21 juin. Attaques en série.

ELIMINATION DU BLEU DE METHYLENE 199

N° 8. Co…, trente ans. Injection de 0 gr. 10 le 15 juin. Attaques en série.

200 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE.

raître franchement verte à )a 43e et tomber progressivement à 0.

N° 6. Re... (trente-deux ans, moyenne des accès par mois, 7) le

lendemain d'une attaque.

L'élimination tombe à 0 à la 32° heure pour redevenir bleu foncé

à la 1° heure. -

Les urines n'ont pas été prises entre la 1° et la 42° heure.

N" 7. Bar... (quarante-trois ans, moyenne des accès par mois. 8),

attaques en série.

Pas trace de bleu à la 29° heure, tandis qu'à la 91° heure, le

bleu est encore très apparent. '

1\° 8. Go... (30 ans, moyenne des attaques par mois, 3), attaques

en série.

Col. vert foncé à la 3° et 4° heure , nulle à la 8° et 9° heure;

maxima à la 22° heure ; nulle à la 30° heure; nouv. maxima à la

47° heure; nulle entre la 53° et la 59° heure ; vert intense se rap-

prochant du maxima à la 69° heure.

En présence de ces constatations, il est évidemment difficile

de poser des conclusions nettes ; cependant, pour ce qui est

des intermittences dans l'élimination du bleu chez nos épilep-

tiques, nous devons les rapprocher des constatations faites

dans le même sens par MM. Bar, Menu et Mercier, chez les

éclamptiques 1.

D'autre part, on sait que 11. Castaigne, dans plusieurs cas

d'élimination très retardée du bleu ainsi que M. Mavroja-

nis chez un malade du service de M. Charrin, ont trouvé'

l'élimination des toxines, parallèle à celle du bleu. Ces faits,

pris dans leur ensemble, concordent donc bien avec les idées

que nous avons exposées ailleurs relativement au rôle de

l'intoxication dans la pathogénie des accès épileptiques,

idées reprises ces temps derniers par M. Maurice de Fleurez l

et plus récemment par M. Weber 6. Ils montrent une fois de

plus que tout traitement rationnel doit compter avec cette

' Bar. Menu et Mercier. Perméabilité rénale de la femme enceinte

(.oc. obsl. elllyaécolo ? 9 mars 1898).

- Castaigne. Gaz. des hôpitaux, 11 juin 1898.

3 Charrin et Mavrojanis. Société de biologie, mars 1898.

1 Ce travail a été communiqué au Congrès des aliénistes et nenro-

lorlisles, à Angers dans la séance du matin du 3 août.

* Maurice de Fleury. Bulletin de l'Académie de médecine, 1898.

° Weber. De l'auto-intoxication dans l'épilepsie (iutclen médical

It'oc ? 28 juin 1898).

/

SOCIÉTÉS SAVANTES. 201

formation de toxines, en cherchant autant que possible à

modifier les échanges nutritifs et à favoriser l'élimination des

poisons '.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

Neuvième SESSION. (Angers 1898.)

Séance du 1er août. - La matinée.

Le lundi 1 cr août, à Angers, a eu lieu dans la salle des Fêtes de

la Mairie, la séance solennelle d'ouverture du Congrès des méde-

cins aliénistes.

Cette réunion était présidée par M. Joxé, député, maire d'An-

gers, ayant à ses côtés M. le Dr Motet, membre de l'Académie de

médecine, Regnard, inspecteur général de l'Assistance publique,

délégué de M. le ministre de l'Intérieur, Cazanavette, procureur

général et le D'' Petrucci, directeur de l'asile de Sainte-Gemmes.

Dans la salle on remarquait M. Delpecli, préfet du Maine-et-

Loire, Gordien, vice-président du conseil de préfecture, Beaussire,

conseiller de préfecture, Robert, inspecteur d'académie, Dainville,

directeur honoraire de l'Ecole des beaux-arts, Métérié, inspecteur

départemental des enfants assistés, Pichard, juge au tribunal,

Chicotteau, secrétaire général de la mairie, Gilbert, inspecteur de

l'abattoir, Armand Porrot, président de la Société drs lettres,

sciences et arts d'Angers, la plupart des membres du corps médi-

cal d'Angers et un grand nombre de dames. En ouvrant la séance,

M. Joxé a souhaité en ces termes la bienvenue aux congressistes.

« Monsieur le Président, Messieurs,

« Nous avons l'honneur de vous souhaiter la bienvenue parmi

nous et de vous remercier d'avoir bien voulu faire choix de la ville

d'Angers pour siège de votre neuvième Congrès.

' Jules Voisin. Epilepsie. Chapitre : Traitement, et Archives de Seul'o-

loie, zou : De-l'intoxication dans l'épilepsie, par J. Voisin et IL Petit.

202 SOCIÉTÉS SAVANTES.

« Vous êtes ici, Monsieur le Président, au milieu de vos conci-

toyens, de vos amis, tous heureux de vous recevoir et de vous

témoigner leur sympathie et leur admiration pour les éminents

services que vous avez rendus et que vous êtes appelé à rendre

chaque jour il l'humanité dans la spécialité que vous avez choisie.

« Parmi les maux qui affligent l'espèce humaine, l'un des plus

terribles est, sans contredit, celui qui éteint la raison. Il frappe en

aveugle, et souvent les plus intelligents d'entre nous. Aussi,

Messieurs, devons-nous de la reconnaissance à ceux qui se vouent

au traitement de ces intéressants malades.

c Nous sommes persuadés que les travaux auquels vous allez

vous livrer, marqueront une étape nouvelle dans la science médi-

cale et, d'avance, nous escomptons le grand bien qui en ressortira

pour l'humanité. Nous faisons des voeux, Messieurs, pour que vous

emportiez bon souvenir de votre séjour dans notre cité. »

Succédant à,M. Joxé, M. le DJ Motet, membre de l'Académie de

médecine, a prononcé le discours suivant : -.

« Mesdames, Monsieur le Maire, Messieurs,

u J'ai l'honneur de vous remercier des paroles si cordiales de

bienvenue que vous nous adressez, et de saluer, au nom de mes

collègues la ville d'Angers qui nous reçoit aujourd'hui avec tant

d'éclat.

4 lles chers collègues,

« Cette assemblée d'élite n'a pas seulement des sympathies : des

représentants du département et de la ville dont vous allez être les

hôtes pendant quelques jours, sont venus vous témoigner tout l'in-

térêt que vos travaux inspirent, toute l'estime qu'on a pour des

hommes de science venus ici de tous les points de la France, pour

étudier ensemble de graves problèmes, mettre en commun les

fruits de leurs observations, essayer d'adoucir la plus grande des

infortunes, soulager enfin les malheureux qui souffrent de la perle

« du grand bien de l'intellect. »

« Mes chers collègues, l'hospitalité la plus cordiale, la plus géné-

reuse vous est offerte avec cette bonne grâce particulière à la cité

angevine. Elle est depuis des siècles, par une tradition ininter-

rompue, passée dans les coutumes, ici l'accueil est toujours bien-

veillant, les coeurs s'ouvrent aisément; la vie est douce et bonne

sous un climat heureux, sur une terre où les fleurs naissent sous

les pas; ne craignez pas de curiosités indiscrètes ou jalouses, on

n'ignore pas qui vous êtes, et l'on vous sait gré d'être venu avec

tendance vous occuper de choses très sérieuses dans une ville dont

les habitants valent aujourd'hui ce qu'ils valaient pour Ménage,

qui disait que « les angevins étaient les hommes les plus spirituels z

SOCIÉTÉS SAVANTES. 203

« de son temps » . Vous verrez que, du nôtre, l'appréciation sera

de tous points justifiée.

« Vous pouvez travailler ici beaucoup, tout le monde respectera

vos sérieuses occupations, vous pourrez prendre aussi quelques

heures de repos, et pour charmer vos loisirs, vous trouverez des

hommes pleins d'empressement et de courtoisie qui vous montre-

ront les restes pieusement conservés de l'antique cité, les transfor-

mations qui embellissent la ville nouvelle. Tout vous promet l'une

de ces semaines heureuses dont on garde les plus doux souvenirs.

« Dans vos congrès antérieurs, d'éloquentes paroles ont été pro-

noncées sur la nécessité de l'union de la médecine mentale et de

la neuropathologie. Avec moins de talent mais avec une conviction

tout aussi profonde, je dirai à mon-tour que ces deux branches des

sciences médicales se complètent l'une et l'autre, et qu'aujourd'hui

rien de solide, rien de sûr, rien de stable ne pourrait plus être fait

si les liens étroits qui les relient dans leur évolution venaient à être

rompus. Le fonctionnement du cerveau est loin d'être encore com-

plètement connu, mais les conquêtes de la neurologie depuis un

demi-siècle ont été si rapides, les découvertes des micrographes

ont été si importantes qu'il nous est bien permis d'entrevoir dans

un avenir prochain, je l'espère, la solution du problèmp..patiem-

ment cherché. La psychologie avait tout à gagner à s'adapter ces

acquisitions nouvelles ; si quelques esprits ont refusé de les

accepter, on a vu de nos jours des hommes de grand savoir se dé-

vouer à la vulgarisation de données scientifiques positives, et pro-

jeter une vive lumière sur des questions obscures. Les travaux de

Ribot, de Richet, de Ferrier, de Janet, de Binet, etc., ont préparé

un énergique mouvement de rénovation scientifique dont les

sciences dites sociales ont à leur tour largement à profiter.

« N'est-ce pas d'hier que date l'étude de l'anthropologie criminelle ? z

Q'on le veuille ou non, Messieurs, le jour où l'on introduisit les pro-

cédés d'analyse scientifique, les données positives dans l'étude du

crime et de ses facteurs biologiques sociaux, climatériques, un im-

mense progrès fut réalisé. A la notion brute d'un crime ou délit,

vient s'ajouter latrecherehe de la valeur intellectuelle et morale de

l'agent, et une classification empruntée à la fois à la nosologie et à

la philosophie pénale, sujet permettant de différencier des types

aussi nels, aussi accusés que le sont eu pathologie les types'mor-

bides. Seulement, la science était toute nouvelle, elle eut à ses dé-

buts des entraînements ; elle généralisa trop et une vive réaction

se produisit; le congrès de Paris en 1889, rejeta résolument et fit

bien, le type du criminel-né tel que l'avait conçu Lombroso ; mais

il est resté quelque chose qui relève de la médecine mentale et que

nous connaissions depuis bien longtemps, c'est la détermination

de la prédominance des dégénérescences mentales chez un très

grand nombre de criminels. Ne craignez pas, Messieurs, que cette

204 SOCIÉTÉS SAVANTES.

affirmation soit suivie de ma part de propositions qui tendraient à

affaiblir la répression, j'ai trop longtemps vécu au milieu des cri-

minels, j'ai, par une longue fréquentation, trop bien appris à les

connaître pour n'avoir pas la conviction profonde que la société a

le droit de se protéger et de se défendre, mais je peux dire ici, que

la connaissance plus complète de l'individu, étudié dans ses anté-

cédents, dans son évolution, dans ses aptitudes, aussi bien que

dans l'action exercée sur lui par le milieu social où il a vécu, est de

nature à justifier des réformes que réclament dans nos institutions

générales des esprits des plus distingués.

« Vous ne me trouverez pas, Messieurs, trop prétentieux ni trop

téméraire, si je dis devant vous qu'une part dans la vulgarisation

de ces idées nous appartient et que c'est à la médecine légale des

aliénés qu'est dû l'immense effort qui a été fait dans ces dernières

années, sans bruit, sans autre retentissement que celui de discus-

sions entretenues dans un milieu restreint, mais où chacun des

orateurs, conscient de sa force, n'ayant pas besoin autour de lui

de bruit, de propagande, apporlait d'énergiques convictions. Les

luttes furent vives, les vieux principes du libre arbitre et de la res-

posabilité eurent à subir de rudes assauts; mais il se trouva un

nombre imposant de psychologues, de médecins qui se refusèrent

à admettre que le libre arbitre n'existât pas, et que la notion delà la

responsabilité fût une notion toute métaphysique.

« Vous vous souvenez, Messieurs, des discussions soutenues au

sein de la Société médico-psychologique, et qui occupèrent il y a

plus de vingt ans de nombreuses séances. Elles n'aboutirent pas,

et je n'oserais pas dire que nous soyons aujourd'hui beaucoup

mieux en mesure de leur donner une solution pratique.

« Cependant, s'il est vrai que la responsabilité humaine n'est

pas chose qui se mesure ni qui se pèse, il n'y en a pas moins une

notion supérieure qui domine tout débat, qui, à mon avis, s'impose

et dont la formule est d'une extrême simplicité.

« Tout acte dommageable à autrui, prémédité et voulu, doit être

reproché à celui qui l'a commis. C'est là le fondement de la res-

ponsabilité morale. Mais qu'on y prenne garde, cette formule, si

elle n'avait pas la loi écrite pour sanction, nous rejelterrait en

pleine barbarie, nous ne serions pas beaucoup au dessus des peu-

plades sauvages, où, l'individu disparaissant derrière la collectivité,

le crime d'un seul mettaitles armes à lamain du clan, de la tribu,

où la lutte s'établissait entre des guerriers qui substituaient à

l'idée du droit celle de la vengeance et de la. force.

a Les sociétés modernes ne se vengent plus : elles se défendent

contre ceux qui compromettent leurs intérêts, leur sécurité, leur

repos. Plus justes et plus humaines, elles ne veulent pas frapper au

hasard, elles savent qu'il y a des êtres déchus qu'elles n'ont pas le

droit de punir, mais elles ne veulent être indulgentes qu'à bon

SOCIÉTÉS SAVANTES. : 20S

escient : lorsque les magistrats qui ont reçu d'elles la mission de

poursuivre les crimes ou les délits soupçonnent un trouble de l'es-

prit chez le délinquant, c'est au médecin qu'ils s'adressent, c'est il

lui qu'ils demandent de les éclairer.

« Alors , Messieurs, commence cette grande et noble tâche pour

l'accomplissement de laquelle il faut mettre à la recherche de la

vérité, toute son intelligence, tout son savoir. Tâche toujours déli-

cate, souvent difficile, quelquefois périlleuse, non pas seulement il

cause de l'examen qui nous est confié, mais aussi à cause des atta-

ques qui ne nous sont pas ménagées. Nous vivons à une époque de

libre examen, de libre discussion qui nous crée des embarras de

plus d'un genre, nous sommes discutés même avant d'avoir déposé

nos rapports. Chacun a son opinion et l'écrit, quand nous, nous

sommes tenus au plus absolu silence, et si l'on nous prête un lan-

gage qui bien souvent n'a rien de scientifique, nous ne pouvons

pas rectifier ces erreurs avant bien longtemps. Ce que disait Lo-

rain en 1875, peut être redit aujourd'hui : « Quant aux apprécia-

t lions que le public incompétent et les personnes qui se chargent t

« de le renseigner par la voie des journaux, .portent sur nos dépo-

« sitions, je pense qu'il n'y faut pas attacher une trop grande

« importance, dans l'intérêt de notre repos. »

. Quelles que puissent être ces légères atteintes, elles ne sont

pas pour troubler le médecin qui, dans sa conscience, avec une

indépendance de caractère absolue, dit ce qu'il a constaté, ce qu'il

croit être la vérité, et qui, ne sortant pas des limites imposées à sa

compétence, n'avance rien dont il ne soit pas sûr.

' La médecine légale des aliénés avec les intéressants problèmes

qu'elle est chaque jour appelée à étudier et à résoudre, est l'une

des branches les plus importantes de la médecine légale prise dans

son ensemble. Elle est singulièrement attachante, et si variée qu'on

peut dire que chaque cas présente ses particularités qui doivent

être mises en lumière. Sans doute, il importe de déterminer il

quel groupe, à quelle forme appartient le cas soumis à l'examen;

cette précision clinique est au debut de toute expertise médico-

légale : c'est elle qui guidera dans les recherches; c'est elle qui

éloignera les chances d'erreur. Quand le médecin qui sait com-

ment se détermine un aliéné appartenantà un type nettement dé-

fini, aura dans une observation sévère, analysé les symptômes

d'un trouble mental, il pourra s'élever à la notion des mobiles qui

auront amené l'aliéné à commettre l'acte qualifié crime ou délit.

Dans les cas simples, les difficultés ne sont pas grandes ; mais il

en est de compliques où les diversions des sentiments et du carac-

tère peuvent tout d'abord paraître ne pas différer beaucoup de ma-

nifestations qui ne sont pas pathologiques. C'est alors que l'étude

doit porter sur l'ensemble de toute une existence, que les condi-

tions défavorables créées par une hérédité morbide, par une édu-

206 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cation mauvaise, par les habitudes, devenues si communes aujour-

d'hui, de l'abus d'agents toxiques, doivent être appréciées, une à

une, afin que les défaillances de la volonté, les impulsions qui les

suivent, la perte de la conscience de la valeur morale des actes

puissent être rigoureusement démontrées. Nous ne devons jamais

oublier que nos conclusions doivent être assez claires, reposer sur

des déductions positives assez évidentes, pour que la conviction du

magistrat qui nous consulte s'établisse sans effort. La véritable

mission du médecin-expert dans les questions relatives à l'aliéna-

tion mentale, est surtout de rattaclier l'acte incriminé à un état

pathologique antérieur, de montrer qu'il est tout entier sous sa

dépendance, qu'il s'explique par l'influence de causes différentes

de celles qui, chez les individus normaux, deviennent des mobiles

d'action.

« Je ne puis, dans cette séance solennelle, qu'esquisser à larges

traits l'importance du rôle du médecin légiste dans ce qui touche

à ses rapports avec la justice. J'ai de ce rôle une opinion si haute

que je voudrais que le plus grand nombre possible de médecinsfùl

préparé à le remplir. Nos études sont si spéciales, elles supposent

une direction si particulière, la vie dans un milieu si différent du

milieu où d'ordinaire se meut le médecin, que nécessairement bien

peu sont à même d'acquérir l'expérience nécessaire. Je voudrais

que les jeunes gens, étudiants en médecine des facultés, des écoles

de plein exercice, qui déjà trouvent, auprès du professeur de cli-

nique des maladies mentales, un enseignement qui jadis nous

manquait, fussent préparés aux expertises médico-légales.

« Leurs maîtres sont tout prêts à les instruire, à les guider, à

leur donner cet enseignement supérieur. Il répondrait aux pres-

criptions de l'art. 14 de la loi de 1892 sur l'exercice de la méde-

cine, qui dit, paragraphe 3 : «- Un règlement d'administration

« publique déterminera les conditions suivant lesquelles pourra

« être conféré le titre d'expert devant les tribunaux. » Et de fait,

les cours et tribunaux établissent au commencement de chaque

année judiciaire la liste des médecins experts.

« M. le professeur Brouardel, doyen de la Faculté de médecine

de Paris, dans un rapport présenté à la Société de médecine légale

le 18 févrierl884, demandait que l'instruction des élèves fût perfec-

tionnée, et qu'un examen spécial donnant seul l'obtention d'un

diplôme ou d'un certificat témoignant des connaissances du candi-

dat en médecine légale, fut institué.

« L'Association générale des médecins de France donnait son

adhésion à ce projet que nous avons eu l'honneur de lui exposer

en 1891. Les circonstances rendent aujourd'hui plus pressante

encore la nécessité de cette réforme : après, celle de l'instruction

criminelle viendra nécessairement celle de l'expertise qui devra

être contradictoire.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 207

. En aliénation mentale, il importe donc qu'on se prépare sérieu-

sement, dès maintenant, à répondre aux préoccupations, non pas

seulement de l'opinion publique, mais aussi des magistrats, aux

nôtres, car nous avons le souci d'assurer partout, en France, le

concours éclairé du médecin à la bonne administration de la jus-

tice. Il m'a semblé, Messieurs, que je pouvais profiter de votre

réunion pour appeler l'attention du Congrès sur ces questions

d'ordre supérieur. Je ne doute pas qu'elles reçoivent de vous l'ac-

cueil qu'elles méritent. Je vois ici des hommes d'une haute auto-

rité scientifique, acquise au prix d'un travail patiemment, longue-

ment soutenu. Je sais, pour les avoir longuement éprouvées- moi-

même, les difficultés, les angoisses que soulèvent et que causent les

premières expertises médico-légales, et j'ai une profonde recon-

naissance pour ceux qui m'ont aidé, qui m'ont soutenu à mes dé-

buts. C'est pour cela que je souhaiterais que chacun de vous fût à

même de mettre son expérience au service de ceux qui se senti-

raient attirés vers la médecine légale de l'aliénation mentale. Qui

mieux que nouspourrait dire les sombres drames de la folie, les

ruines qu'elle prépare, les convoitises qu'elle fait naître ? Qui sait

aussi bien que nous, dont les avis ne sont pas toujours écoutés,

les tristesses profondes de familles qui cachent aussi longtemps

qu'elles le peuvent, les violences, les tyranniques exigences, les

excès alcooliques de l'un de leurs membres qui devient un jour

un meurtrier ?

« Combien de fois n'avez-vous pas eu à intervenir pour sauver

l'honneur, la fortune d'une famille, quelquefois la vie d'un aliéné

méconnu ? Cette mission sociale, pleine de grandeur, vous la rem-

plissez noblement, et je remplis à mon tour un devoir de la haute

fonction à laquelle vous m'avez appelé, en disant que vous voulez

que partout on le comprenne comme vous le comprenez vous-

même ; que vous voulez que se conservent et se répandent les tra-

ditions d'honneur qui ont été la loi de votre vie, que vous voulez

enfin préparer l'avenir en ouvrant de jeunes intelligences, en leur

donnant à pleines mains les fruits de votre expérience. C'est ce

que vous allez faire dans ce Congrès qui s'ouvre sous d'heureux

auspices, et c'est avec une légitime fierté que, librement choisi par

vous, mes chers collègues, je présiderai les séances remplies par

vos travaux. Il me restera de l'honneur que m'ont réservé vos

affectueuses sympathies, un inoubliable souvenir. »

Prenant la parole à son tour, M. l'inspecteur général Regnard a

prononcé une allocution patriotique, dans laquelle il a fait res-

sortir la supériorité de la France au point de vue intellectuel et en

particulier au point de vue des progrès accomplis par la science

neurologique. Après ces discours .qui ont été très applaudis,

M. Joxé a levé la séance.

08 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du soir. Présidence DE M. MOTET.

Le Congrès a commencé ses travaux à 2 heures dans le grand

amphithéâtre de l'École de Médecine. M. Motet, président du

Congrès, présidait.

M. Motet, après avoir pris possession de la présidence a prononcé

l'allocution suivante :

« Messieurs, mes chers collègues,

« En prenant possession de ce fauteuil de la présidence, mon

premier devoir est de vous remercier de l'honneur que vous avez

bien voulu me faire. J'en ai un autre encore à remplir, c'est de

rendre à mon prédécesseur, M. Ritti, l'hommage qui lui est dû.

Vous avez tous présents à la mémoire ses remarquables éloges de

Pinei et d'Esquirol, prononcées la séance d'ouverture du Congrès

de Toulouse. Sous sa présidence, le Ville Congrès des Médecins

aliénistes et neurologistes de France, a beaucoup travaillé, et les

deux -volumes publiés sous la direction de votre dévoué secrétaire

général, M. Parant, sont le témoignage et du nombre et de l'im-

portance des communications qui se sont succédé.

« Nous sommes ici, Messieurs, dans une ville qui a donné à la

médecine d'illustres savants. Autour de cet amphithéâtre vous

voyez leurs portraits : on consetve pieusement leur souvenir

dans cette Ecole de médecine où le directeur M. le professeur

Legludic et ses collègues nous offrent une si cordiale hospitalité. En

votre nom, je leur adresse l'expression de notre vive reconnais-

sance.

« Je n'abuserai pas, Messieurs de mon tire de président, vous

avez hâte de commencer vos travaux, je cède la parole au rappor-

teur de la première question, M. le D1' Reyneau, d'Orléans, dont

vous avez lu déjà le remarquable mémoire sur : les Psychoses

post-opératoires. »

Sont nommés présidents d'honneur : MM. le D1' Magnan, membre

de l'Académie de Médecine ; le Dr Regnard, inspecteur général de

l'Assistance publique; le Dr Ladame, privat-docent de l'Université

de Genève ; le D1' Pierret, médecin-chef de l'asile de Dron ; le le

Dl' Legludic, directeur de l'École de Médecine d'Angers ; vice-prési-

dents : MM. le Dr Parissot, professeur agrégé à la Faculté de Nancy ;

le Dr Brunet, ex-directeur d'asile; secrétaires des séances : MM. les

Des Coulon, médecin-adjoint à l'asile de Saint-Gemmes; Arnaud,

médecin-directeur de la maison de santé de Vanves, et Boissier,

de Paris. M. le De Petrucci remplit les fonctions de secrétaire géné-

ral du Congrès. -1. lue D'l3ExntEau résume son rapport officiel sur

les troubles psychiques post-opénatoires.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 209

Première question : Les troubles psychiques post-opératoires.

11. RAYNEAU, médecin-chef de l'asile d'Orléans.- Sous le titre de

troubles psychiques post-opératoires, on doit comprendre tous les

troubles intellectuels qui peuvent survenir à la suite d'une opéra-

tion, quelle que soit leur forme. Il y a lieu de distinguer ceux qui

dépendent seulement de l'intervention et ceux qui ont été fausse-

ment considérés comme en étant la conséquence.

Certains auteurs tendent avec plus ou moins de parti pris à

arro-raver la responsabilité de l'acte opératoire dans la production

des divers délires. D'autres admettent une relation étroite entre

les psychoses et les interventions chirurgicales portant sur certains

organes et eu particulier sur les organes génitaux. D'autres attri-

buent à la prédisposition héréditaire ou acquise l'éclosion des

trouhles psychiques post-opératoires, regardant comme absolu-

ment négligeables des facteurs qui jouent pourtant un grand rôle

dans la genèse de ces accidents.

Il convient d'admettre qu'il peut exister diverses causes suscep-

tibles de provoquer des troubles psychiques après une opération et

qu'il faut les étudier avec soin de manière à dégager la part qu'il

convient de leur attribuer et celle qui incombe plus particulière-

ment à l'intervention.

Voici comment nous croyons devoirdiviser le sujet : après avoir

passé en revue, dans l'historique, les travaux parus jusqu'à ce jour,

nous verrons les différentes formes que revêtent les troubles psy-

chiques post-opératoires. Nous rechercherons ensuite s'ils peuvent

apparaître chez n'importe quel sujet ou bien, au contraire, s'il est

nécessaire pour qu'ils se produisent, qu'il y ait prédisposition héré-

ditaire ou acquise, cachexie, intoxication ou quelque autre cause

plaçant l'individu en état de réceptivité . Après avoir suivi leur

évolution, nous ferons ressortir les différents facteurs qui peuvent

intervenir dans leur production, en examinant l'importance qui

s'attache à chacun d'eux. Nous tirerons enfin les conclusions qui

semblent se dégager de l'étude de la question.

Historique. Bien qu'Ambroise Paré et Schrcelter (1804) eussent

déjà signalé que des troubles mentaux pouvaient survenir après

les opérations, c'est Dupuytren (1819) qui, le premier, attira véri-

tablement l'attention sur la question en décrivant ce qu'il appelait

le délire nerveux traumatique.

Il en faisait une entité morbide distincte, une névrose se mani-

festant surtout chez des gens nerveux et s'appliquait à la différen-

cier du délirium tremens. En 1850, à la Société de médecine de

Paris, Grisolle, Robert et Requin déclarèrent que la distinction

était impossible, tandis que Delasiauve, Calmeil, Belhomme et

Cazeux se rangeaient à l'opinion de Dupuytren.

Archives, 2e série, t. VI. 14

210 SOCIÉTÉS SAVANTES. I

En 1865, Court publie la première observation de folie consé-

cutive à une opération gynécologique.

Puis, l'alcoolisme prenant une part de plus en plus grave dans

la pathologie, on s'habitue à ne voir que des délires alcooliques

dans les délires des opérés. C'est du moins l'opinion de Billroth

(1868), mais il déclare aussi que l'on peut voir survenir des troubles

psychiques constituant une véritable aliénation chez des individus

bien portants.

Davidson (ils'75), A. Voisin (1879), Bowne (1881), Schnabel (1883)

et bien d'autres signalent des cas de folie consécutifs à une ampu-

tation de cuisse, à des opérations sur l'utérus on ses annexes, à des

extractions de dent ou à l'ablation de cataracte.

Festal, dans une thèse inspirée par Broca (1877), Bail et Ritti

(1882) dans le dictionnaire encyclopédique des sciences médicales

et enfin Verneuil (1883), dans ses Mémoires de chirurgie, portentle

dernier coup au délire nerveux en déclarant qu'il se confond avec le

délirium tremens. '

Dès lors la question provoque surtout à l'étranger une quantité

considérable de mémoires et soulève dans les sociétés savantes

d'importantes discussions.

Au mois de mars 1885, Barwel communique à la Pathological

Society of London un cas de folie consécutive à l'ovariotomie et

plusieurs de ses confrères, parmi lesquels Torton, Edith, Bristove et

Lawson Tait, relatent des faits analogues.

Brun (1886), Savages (1887), publient des cas de délires post-

opératoires, qu'ils attribuent à l'iodoforme ou aux anesthésiques.

En 1888, Werth, de Kiel, lit au Congrès de Halle un travail sur

l'origine des psychoses consécutives aux opérations gynécologiques;

il incrimine le traumatisme opératoire lui-même. Dans le même

Congrès, de nombreux faits viennent s'ajouter à la statistique de

Werth.

En Amérique, pendant l'année 1889, 1'illlebrown mentionne

trois cas de troubles mentaux à la suite des opérations gynécolo-

giques et Gaillard Thomas rapporte à l'Académie de médecine de

New-York trente-huit cas nouveaux. Des mémoires sur la question

sont aussi publiés par Glaeveche en Allemagne, et Dent en Amé-

rique. C'est alors que nous voyons apparaître successivement les

deux remarquables cliniques du professeur Ma iret, de Montpellier,

et la thèse de son élève, le D'' Denis. Les deux auteurs affirment

qu'entre l'opération et la folie, il y a réellement un lien étiolo-

gique, que c'est surtout chez les prédisposés que les opérations

donnent naissance à la folie et que ce sont les opérations gynéco-

logiques qui y prédisposent le plus.

A noter également des observations de Polaillon de ilafaélo

Gucci. Des troubles psychiques post-opératoires sont signalés

après l'opération de la cataracte par Parinaud et Valude en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 211

France, Franhl. lIochwart en Allemagne, et Calderon en Por-

tugal. M. le professeur Le Dentu (1891), dans deux importantes

leçons à l'hôpital Necker, établit une différence clinique très précise

entre le delirium tremens et le délire post-opératoire. Il inspire la

thèse de Vène où se trouvent consignés 68 cas, dont 38 sur l'ap-

pareil génital de la femme.

Dans un rapport au Congrès de Bruxelles z) sur les compli-

cations de l'hystérectomie, M. le De Segond déclare que snr 92 opé-

rés, il n'a vu que trois fois snrvenir des troubles psychiques.

M. Debove communique, la même année, à la Société des hôpi-

taux l'observation d'une femme sans antécédents morbides qui à

la suite d'une ovariotomie, devint franchement hystérique.

En 1893, à la Société de chirurgie, plusieurs chirurgiens des

hôpitaux rapportent des cas d'aliénation consécutifs à des interven-

tions sur l'utérus et ses annexes.

Il ya lieu de citer encore le mémoire de Ferrarini en Italie, les

travaux de Rohé de Baltimore, de Baldy, de Gray, de Eder en

Amérique, dans lesquels les auteurs rapportent avec force détails,

des opérations gynécologiques ayant été suivies bientôt de troubles

psychiques plus ou moins graves.

Il faut accorder une mention toute spéciale à l'étude si intéres-

sante que M. le D,, Régis (1893) a faite sur un cas de folie consécu-

tive à une ovaro-salpingectomie et sur son traitement systéma-

tique par les injections sous-cutanées de suc ovarien. M. Régis

admet que dans beaucoup de cas les folies post-opératoires relèvent

d'une auto-intoxication. C'est aussi l'avis de Buttler-Smythe qui

rapporte un cas de manie survenue à la suite d'une rupture du

rectum et l'attribue à l'auto-intoxication réalisé par l'absorption

de matières fécales et de gaz. '

Pieracccini en Italie, Jacobs de Bruxelles, Martin de Bordeaux,

publient des observations de délires consécutifs à des opérations

gynécologiques ou à des opérations de cataracte. A noter tout par-

ticulièrement l'excellente thèse du D1' Musin de Lille (1895), dans

laquelle l'auteur conclut qu'en ce qui concerne les opérations

gynécologiques, le traumatisme n'agit que comme cause détermi-

nante, la cause réelle étant la prédisposition héréditaire ou

personnelle.

Du reste, les travaux deviennent de plus en plus nombreux,

l'attention générale étant attirée de ce côté.

A signaler surtout les articles de Krbmer, Rodolphe Lcevy, en

Allemagne, Macpherson Lawric, John Wilson, en Angleterre, les

thèses de Seeligmann, de Prand, de Marlior, en France, l'article de

Luzzati sur une observation de délire transitoire à la suite d'une

opération ando-vasale et bien d'autres encore, pendant ces trois,

dernières années.. <

Nous arrivons enfin à la clinique du professeur Joffroy en mars

212 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

1898. En présentant trois malades entrés dans son service à la

suite d'opérations chirurgicales, l'excellent maitre fait nettement

ressortir que la cause de la folie post-opératoire réside en dehors

de l'intervention et qu'elle apparaît presque toujours chez des pré-

disposés, des hystériques, des dégénérés ou des intoxiqués.

C'est aussi la conclusion à laquelle arrive M. le Dr Ernelle dans

sa thèse toute récente. Son travail fort bien documenté est d'une

lecture particulièrement intéressante. Tout dernièrement enfin,

une discussion qui fera époque, s'est ouverte à la Société de chi-

rurgie. Elle est due à l'initiative de M. le D'Picqué qui s'est adjoint

en la circonstance à M. le D'' Briand. Nos deux confrères démon-

trent que si on ne peut contester d'une façon absolue l'existence

du délire post-opératoire, on peut affirmer qu'il est exceptionnel,

qu'en dehors des délires toxiques (iodoforme, septicémie, etc.), les

troubles psychiques s'observent principalement chez les vieillards,

les hystériques, les héréditaires ou les prédisposés et que les inter-

ventions gynécologiques n'ont pas d'influence spéciale sur les

productions de la psychose.

Enfin, et c'est en cela que leur travail se montre plus particulière-

ment intéressant, ils attirent l'attention sur des aliénés présentant

des obsessions variables qui les poussent à demander à la chirurgie

des opérations qu'ils croient utiles et qu'ils recherchent par simple

fantaisie. C'est surtout dans cette catégorie de malades qu'il faut

chercher les prétendus cas de folie post-opératoire. Si, trompé

par leurs écrits et les symptômes qu'ils accusent, le chirurgien cède

à leurs désirs, l'opération devient un aliment nouveau à leur

leur délire; ils y concentrent toutes leurs pensées; la moindre

sensibilité de cicatrice devient pour eux l'occasion de délires graves

qui lès amènent à l'asile.

Presque tous les membres de la Société ont pris part à la discus-

sion et leurs observations viennent appuyer les conclusions de

MM. Picqué et Briand.

Symptomatologie. - Si l'on parcourt les observations destinées à

mettre en relief les troubles psychiques post-opératoires, on est

frappé tout d'abord par un fait, c'est que les manifestations men-

tales morbides consécutives aux interventions chirurgicales ne

présentent pas toujours et partout le même aspect. Il est impos-

sible de dégager un type à part nettement reconnaissable dontles

caractères seraient toujours identiques avec une évolution cons-

tante, que l'on pourrait étiqueter folie post-opératoire.

On trouve signalés presque tous les états pathologiques du cer-

veau, manie avec tous ses degrés, mélancolie sous toutes ses

formes, depuis la simple dépression jusqu'à la mélancolie anxieuse

avec refus d'aliments et suicide, confusion mentale, délire halluci-

natoire, délire aigu, délire de persécution, démence, paralysie

générale, puis neurasthénie, états neurasthéniformes, hypocondrie,

SOCIÉTÉS SAVANTES..213

sans oublier l'hystérie, l'épilepsie,.voire même la morphinomanie.

Voici quelques exemples destinés à faire ressortir ces diverses

modalités : les deux premiers sont empruntés à la thèse de Seelig-

mann. Une femme de trente-cinq ans, sans antécédents hérédi-

taires, mais hystérique, subit une amputation du col avec colpopé-

rinéorraphie; quatre jours après, accès de manie aiguë et mort au

bout de douze jours sans que l'agitation ait cessé et sans qu'il y

ait eu un accident local capable d'expliquer la mort. Une deuxième

malade du même âge, sans antécédents héréditaires ou personnels,

subit la même opération. Deux mois après, accès de mélancolie

profonde et suicide. Dent rapporte l'observation d'une femme de

quarante-huit ans qui, après une ovariotomie pour kyste de l'ovaire,

tandis que les suites opératoires sont excellentes, est prise le

'sixième jour de délire aigu auquel elle succombe le onzième. Une

femme de soixante-deux ans, que nous suivons en ce moment, a

subi l'amputation du sein droit pour cancer. Ses antécédents héré-

ditaires présentent de nombreuses tares. C'est elle-même une

émotive. Six semaines après l'opération, alors que la plaie est

complètement cicatrisée, elle devient inquiète, s'imagine qu'elle est

perdue et manifeste des idées de suicide. De plus elle a de véri-

tables crises d'onomatomanie. Elle éprouve une impulsion irrésis-

tible à répéter certains mots ou certaines phrases pendant des heures

entières. Cet état la désespère, mais si elle cherche à se retenir elle

éprouve une angoisse indescriptible; elle ne retrouve le calme que

lorsqu'elle a répété plusieurs fois le mot ou la date qui lui sont

venus à l'esprit. '

Un autre malade, cité par Vène dans sa thèse, est atteint de

paralysie générale après une cure radicale de hernie. Il avait eu

auparavant deux accès de manie. Une malade de Prengrueber,'à

la suite d'une ovariotomie, est prise de grandes attaques d'hystérie.

Dans la remarquable communication de M. le Dr Régis à la Société

de médecine de Bordeaux, il s'agit d'un cas de confusion mentale

avec dépression mélancolique, hallucinations psycho-motrices ver-

bales et hallucinations psycho-motrices sensorielles, consécutif à

une ovario-salpingectomie, La malade, âgée de trente-cinq ans,

avait des vésaniques dans sa famille. Les troubles psychiques com-

mencèrent huit jours après l'opération. M. Régis pense, tout en

reconnaissant la large part qui revient à l'hérédité comme cause

prédisposante, que le motif déterminant de la maladie est l'opé-

ration chirurgicale agissant par l'action complexe du traumatisme

psycho-moral, de l'agent anesthésique et principalement par les

modifications biologiques apportées dans l'économie par la sup-

pression d'organes aussi importants que les ovaires, ainsi que cela

a lieu à la suite de l'ablation du corps thyroïde.

Après avoir éprouvé une amélioration très sensible sous l'in-

fluence des injections sous-cutanées de suc ovarien, la malade à la

14 - SOCIÉTÉS SAVANTES.

suite de chagrins de famille perdit une bonne partie du terrain

gagné et finit par se suicider.

M. Le Dentu, en s'appuyant sur 68 cas, admet deux formes bien

différentes de délires traumatiques : 1° la forme agitée 2° la forme

calme, dépressive, lypémaniaque. Dans l'un et l'autre cas on peut

- constater des particularités sur lesquelles, dit-il, les auteurs n'ont

.guère insisté, l'aphasie, l'amnésie verbale, les évacuations invo-

.lontaires, les escarres au sacrum et aux fesses, indices certains de

l'ébranlement du système nerveux et du trouble profond de la

nutrition; mais l'éminent chirurgien est obligé de reconnaître la

difficulté de dégager un type bien défini que l'on puisse étiqueter

délire post-opératoire, délire traumatique pur. C'est du reste l'opi-

nion de la majorité des auteurs. Tout ce que l'on peut dire, c'est

que dans certains cas que l'on ne peut guère prévoir, chez certains

prédisposés qu'on ne peut désigner à l'avance, l'opération déter-

mine l'éclosion d'une bouffée délirante, le réveil d'un délire éteint

ou l'exaspération d'une psychose actuelle.

Etiologie. Terrain de production des troubles psychiques post-opé-

1'/Jtoil'es. - Il ne suffit pas qu'un délire survienne à la suite d'une

opération pour rendre cette dernière seule responsable. Aussi,

comme le fait observer le Dr Picqué, une observation de folie post-

opératoire dans laquelle on n'a pas noté avec soin les antécédents

personnels ou héréditaires du malade ne saurait servir de base à

une discussion scientifique. Si nous passons en revue les observa-

tions résumées ci-dessus, nous voyons que la première a trait à

une malade ayant eu avant l'opération plusieurs attaques d'hys-

térie, que celle qui nous est personnelle concerne une dégénérée

héréditaire, ayant manifesté après l'opération un délire bien spécial

caractérisé par la recherche obsédante du mot.

Dans le cas emprunté à la thèse de Vène et dans celui de Pren-

grueber, il s'agit, d'une part, d'un malade affaibli par l'âge et

.ayant subi auparavant deux interventions pour manie aiguë, el

de l'autre d'une femme hystérique. Enfin, la malade citée dans

l'observation de M. Régis comptait des aliénés dans ses antécé-

dents. On est donc autorisé à considérer tous ces malades comme

des prédisposés. Du reste, le fait de la prédisposition héréditaire

ou acquise a été admis par la plupart des auteurs. Ceux qui lui

'refusent toute influence, comme Rohé (de Baltimore), forment

d'exception. Broca, Verneuil, Billrotli pensent que ce sont les alcoo-

liques qui sont surtout exposés aux troubles psychiques post-opéra-

toires. Or, par le fait de leur intoxication, les alcooliques sont des

.prédisposés au premier chef.

Nous avons relu un nombre relativement considérable d'obser-

vations empruntées aux différents travaux publiés en France et à

l'étranger. La plupart démontrent d'une façon évidente l'influence

'de la prédisposition ou prouvent que certaines opérées étaient

SOCIÉTÉS SAVANTES. 215

folles avant l'intervention. L'opération est donc, suivant une

expression heureuse, le facteur qui fait rouler une boule qui restait

en équilibre instable sur un terrain bien en pente et à laquelle le

moindre choc devait faire quitter sa place. Cependant on est obligé

de reconnaître qu'il n'est pas toujours possible de retrouver cette

prédisposition héréditaire ou acquise. Aussi dans la deuxième

observation que nous avons tirée de la thèse de Seeligmann et

dans laquelle la malade s'est suicidée dans un accès de mélancolie

consécutif à une colpopérinéorraphie, il est dit que ses antécédents

héréditaires, fouillés minutieusement, ne présentaient rien d'anor-

mal. En ce qui la concernait, elle n'avait jamais présenté de symp-

tômes nerveux ou mentaux, elle n'avait aucune frayeur de l'opé-

ration et semblait auparavant très calme el parfaitement lucide.

Dent, Rohé, Se3rs, Baldy, Marlier, Picqué, Broca et Barette

ont relevé également plusieurs observations de ce genre. Mais tous

les aliénistes savent combien il est difficile de se procurer parfois

des renseignements sur le passé des malades ou de leur famille,et

que bien souvent, par négligence ou par fausse honte, on nous

cache des faits de la plus haute importance. Aussi ne faudrait-il

pas se hâter de conclure que le traumatisme opératoire suffit à lui

seul pour engendrer le délire. Ce serait plutôt le cas de dire que

là encore l'exception confirme la règle.

Evolution. Fréquence. Epoque d'apparition. Durée. Terminaison.

- Si l'on considère la quantité énorme d'opérations effectuées

dans ces dernières années, on voit que relativement à ce chiffre

colossal, le nombre des délires consécutifs est plutôt restreint. Il

ressort des différentes statistiques publiées, qu'on ne rencontre

guère que deux cas de folie post-opératoire sur cent interventions.

Tantôt on voit la psychose s'établir pendant la convalescence et

même pendant les premiers jours qui suivent l'opération chirur-

gicale. Tantôt, au contraire, ce n'estqu'àdes époquesplus éloignées

de l'opération, après guérison complète des malades au point de

vue chirurgical, que l'aliénation se constitue définitivement. Enfin,

en raison de la grande variété des troubles psychiques post-opéra-

toires, on ne saurait leur fixer une marche ni un pronostic définis.

A ce point de vue, chaque cas doit être considéré en particulier.

Essai de pathogénie. Il nous reste à rechercher quels sont en

dehors de la prédisposition héréditaire ou acquise les autres fac-

teurs susceptibles de provoquer les troubles psychiques post-opéra-

toires, l'importance qui revient à chacun d'eux et si à eux seuls ils

suffisent parfois à faire éclore la psychose.

Les causes qui ont été invoquées pour expliquer le délire post-

opératoire sont en très grand nombre. : l'impression morale, une

action nerveuse réflexe, un état de shock ; l'opération en elle-même,

la nature de l'intervention ; l'anesthésie au chloroforme, à l'éther,

à la cocaïne; les antiseptiques et en particulier l'iodoforme;

? 1 (j ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'anémie cérébrale ou la cachexie du sujet; l'alcoolisme; l'infection

qui peut précéder ou suivre l'opération; l'auto-intoxication résul-

tant de la formation exagérée ou de 'l'insuffisance d'élimination

des poisons normaux.

La préoccupation joue certainement un role important. Cette

préoccupation devient rapidement chez certains malades une véri-

table idée fixe qui absorbe toute l'attention, captive toute la pensée,

M. le professeur Joffroy, Mosse dans son livre sur la Peur, Dent,

Krafft-Ebing et bien d'autres auteurs admettent l'influence prépon-

dérante du choc moral qui précède ou accompagne l'opération.

Mais cette émotivité poussée à l'extrême n'est-elle pas le signe d'une

dégénérescence manifeste ? Faut-il être étonné si le malade vient

à délirer après l'intervention lorsqu'à cette jpreoccupation anté-

rieure vient s'ajouter celle des suites de l'intervention ? On a

pensé aussi que les troubles psychiques post-opératoires étaient

dus à une action nerveuse réflexe, à un état de shock.

Dans cet ordre d'idées, Vène, Le Dentu ont cité des exemples

intéressants. Denis suppose qu'étant donnée la richesse des éléments

nerveux des organes abdominaux une intervention pratiquée dans

cette sphère pourra, par la voie du grand sympathique, retentir

jusqu'à l'axe cérébro-spinal. Mais ainsi que le proclament M. le

pr Mairet et les D'6 Musinet et Seeligmann, le traumatisme n'estque

le coup final qui fait tomber dans la folie un cerveau déjà vacillant.

Si cette action réflexe avait l'importance que veulent lui attribuer

quelques auteurs, toute intervention portant directement sur un

nerf devrait produire la folie.

L'opération en elle-même n'a pas une grande influence, puis-

que, grâce à l'anesthésie, la douleur est absente, que le malade n'a

pas conscience de l'intervention chirurgicale au moment où elle a

lieu et qu'ensuite il éprouve généralement un sentiment de satis-

faction. La nature de l'intervention, son siège, les organes sur

lesquels elle porte, ont aussi une importance très secondaire.

.Nombre d'auteurs ont attiré l'attention sur l'influence que peut

avoir l'opération de la cataracte; d'autres ont fait remarquer que

les opérations sur les organes génitaux de l'homme donnaient lieu,

assez fréquemment aussi, à des troubles psychiques. Mais ce seraient

les opérations gynécologiques qui tiendraient le premier rang.

Un nombre considérable d'observations ont été publiées dans ce

sens tant en France qu'à l'étranger. Mais les statistiques produites

sont souvent contradictoires.

Finalement, l'accord est loin d'être fait sur ce point, et comme le

fait remarquer M. Picqué, puisque ce sont souvent les opérations

gynécologiques les plus bénignes, prolapsus, déchirures du périnée,

qui sont suivies de troubles psychiques, il est bien évident que la

nature de l'opération n'a que très peu d'importance dans l'immense

majorité des cas.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2)7 7

On a incriminé l'action des anesthésiques de quelque nature qu'ils

soient. Savages, Seeligmann, Guinon, Reclus, ont cité des obser-

vations dans lesquelles les anesthésiques paraissent avoir contribué

à produire des délires post-opératoires, mais on est obligé de

reconnaître qu'ils n'interviennent que bien faiblement, sauf peut-

être dans une certaine mesure chez les intoxiqués, les alcooliques,

chez lesquels le moindre appoint peut déterminer l'éclosion du

délire.

Les antiseptiques et principalement l'iodoforme peuvent aussi

produire des troubles mentaux, Koenig, Krcemer, M. le P'' Berger

et M. le D'' Brun dans sa thèse d'agrégation, ont publié des obser-

vations démonstratives. Des opérés sont pansés à l'iodoforme, le

délire apparaît : on abandonne le médicament, tout rentre dans

l'ordre. On revient à l'iodoforme et les troubles psychiques se

montrent à nouveau. En même temps, on constate chez quelques-

uns de l'iode dans l'urine. ,

Mais à côté de ces cas particuliers, il est bien certain que l'on a

mis sur le compte du médicament des méfaits dont il ne saurait

être rendu responsable. Souvent il s'agit d'individus plus ou moins

entachés d'alcoolisme, chez lesquels le pansement n'avait joué

aucun rôle dans l'éclosion du délire. La preuve, c'est que quelques-

uns d'entre eux ont continué à délirer lorsqu'on a cessé le médi-

cament et que, chez d'autres, le délire a disparu, bien qu'on ait

continué le pansement iodoformé. Même quand il s'agit d'un cas

véritable d'intoxication iodoformique, la notion de l'état cérébral

antérieur doit intervenir pour expliquer l'apparition des acci-

dents.

L'anémie cérébrale, la cachexie du sujet ne jouent qu'un rôle

très effacé dans l'éclosion du délire. Ne voit-on pas quantité de

gens arrivés au dernier degré de l'épuisement conserver l'intégrité

de l'intellect ? Il n'en est pas de même de l'alcoolisme. Tous les

chirurgiens et aliénistes s'attendent à voir survenir de l'excitation

lorsqu'ils ont à intervenir chez des buveurs. La majeure partie des

troubles psychiques post-opératoires relevés chez les hommes se

sont déclarés chez des alcooliques. Toutes les maladies d'ordre

toxique affectent le système nerveux, créent au cerveau des

malades atteints une prédisposition à délire, que la moindre

occasion peut faire naître.

C'est ainsi que certains délires post-opératoires doivent être con-

sidérés comme d'origine urémique. M. Le Dentu a publié un cas

de ce genre. Quant au rôle de J'infection, il est des plus manifestes,

encore faut-il que ce soit chez des prédisposés, sinon tout individu

qui a de la suppuration devrait délirer. La septicémie est devenue

une rareté, il devrait donc en résulter que les cas de folie consécu-

tifs aux intoxications chirurgicales devraient être exceptionnels si

l'infection était seule coupable. Or, il est facile de voir que la folie

218 SOCIÉTÉS SAVANTES.

post-opératoire n'a pas suivi une marche proportionnelle à la dimi-

nution de la suppuration. Enfin il nous reste à examiner le rôle

que peut jouer l'auto-intoxications. M. Régis pense qu'il doit être

considéré comme prépondérant et que le délire post-opératoire

serait le plus souvent provoqué par un empoisonnement de l'orga-

nisme et. par suite, du cerveau, soit par des microbes ou leurs

produits de sécrétion, soit par des substances toxiques résultant de

la formation exagérée ou de l'insuffisance d'élimination des poisons

normaux.

. C'est par l'auto-intoxication qu'on s'explique l'état démentiel qui

survient à la suite de la thyroïdectomie et les nombreux cas de

guérison de ces accidents par le rétablissement artificiel de la

fonction thyroïdienne constituent une preuve irrécusable à l'appui

de cette opinion. Mais, dans ce cas, il y a corrélation constante

entre l'extirpation de la glande et les troubles consécutifs toujours

les mêmes. Mais doit-on interpréter de la même façon les troubles

psychiques qui succèdent à l'ablation d'autres organes importants,

les ovaires par exemple, et faut-il rapporter à l'auto-intoxication

les délires consécutifs à l'extirpation des annexes ?

Curatulo a bien démontré que les ovaires, outre leur rôle phy-

siologique, fournissaient une sécrétion interne spéciale, capable de

favoriser l'oxydation des hydrates de carbone et de graisse, et c'est

pour cela que M. Régis, R. Nond, Jayle, ont songé à attribuer à la

suppression de cette fonction les troubles momentanés après l'ova-

riotomie et qu'ils ont essayé de les faire disparaître en adminis-

trant du suc ovarien. Malgré des succès évidents, les résultats de

ce traitement ont été souvent [incomplets ou nuls. De plus, les

troubles mentaux consécutifs à l'ovariotomie sont rares et ne sur-

viennent guère que chez des prédisposées. On né peut donc pas

véritablement rapporter uniquement à l'auto-intoxication les trou-

bles mentaux consécutifs à la castration ; il faudrait pour cela qu'ils

fussent toujours les mêmes et qu'ils cédassent rapidement à l'opo-

thérapie. Là encore c'est la prédisposition héréditaire ou person-

nelle qui joue le principal rôle.

Conclusions. - 10 Il n'existe point de type spécial de psychose

que l'on pourrait étiqueter folie post-opératoire.

2° Si l'on en excepte certaines opérations sur le crâne et la lln-

roïdectomie, dans lesquelles l'intervention seule peut engendrer les

troubles mentaux, le rôle principal dans leur genèse revient d la

prédisposition héréditaire ou acquise.

3° Diverses autres causes peuvent agir efficacement dans la pro-

duction de ces accidents. Les unes ont une importance des plus

considérables et des plus manifestes, ce sont : 1° les intoxications

d'origine interne ou externe, alcoolisme, infection, ou auto-intoxi-

cation ; 2° le choc moral ou la préoccupation qui accompagne

SOCIÉTÉS SAVANTES. 219

l'opération. Les autres ont une action très secondaire, ce sont les

anesthésiques, les antiseptiques, l'état d'anémie ou de cachexie du

sujet, la nature de l'intervention, son siège, les organes sur lesquels

elle porte.

4" Les opérations gynécologiques n'exposent pas plus que les

autres aux troubles psychiques post-opératoires.

5° Les troubles sont peu fréquents ; leur évolution et leur pronos-

tic dépendent des causes qui les ont fait naître et des formes qu'ils

revêtent.

M. Régis (de Bordeaux) ouvre la discussion du rapport de

M. Rayneao.

« Contrairement à l'opinion du rapporteur et à celle émise par

M. Picqué à la Société de Chirurgie, il admet le délire post-opéra-

toire. Si on l'a mal vu jusqu'à présent, c'est que c'est un délire

hospitalier et non un délire d'asile. Ce délire, d'abord nocturne

exclusivement, devient diurne lorsqu'il est intense. Il repose sur un

fond de confusion mentale à laquelle viennent s'ajouter de l'exci-

tation et de la dépression; mais toujours et c'est là, sa caractéris-

tique, ce délire est un rêve vécu, un état second, un état somnam-

Mique. Quand il disparaît, il y a perte de souvenir, mais avec

possibilité de retour par suggestion.

«En somme,c'est un délire onirique; son mode d'apparition est

variable, tantôt il continue en quelque sorte le rêve chloroformique,

tantôt il apparaît du deuxième au dixième jour, tantôt enfin, plu-

sieurs semaines après l'opération. Quand il est précoce, c'est la

septicémie, l'auto-intoxication, l'empoisonnement médicamenteux

qui le produisent; tardif, il est dû à l'asthénie physique et psychique,

conséquence de la perte d'un organe à sécrétion interne, les

ovaires par exemple. La prophylaxie des troubles psychiques post-

opératoires consistera doue à éviter les accidents chloroformiques,

les suppurations, etc. ; en outre, il faut être très prudent dans les

actes opératoires chez les vieillards, les artério-scléreux, chez ceux

dont les émonctoires naturels sont en mauvais état. M. Régis cons-

tatelesbons résultats que donne dans ces cas l'analyse chimique et

biologique : elle met en effet sur la voie des intoxications et infec-

tions. »

M. Picqué s'élève avec énergie contre la théorie de M. Régis. Il

n'admet comme troubles psychiques post-opératoires que les

troubles dus à l'acte opératoire seul. Les troubles toxiques,

infectieux ou autres, ne rentrent pas dans la question. L'opé-

ration en elle-même peut-elle produire des troubles psychi-

ques ? Tel est le problème. Il cite comme type de psychose post-

opératoire des mélancolies « légitimes», survenues chez les hommes

ayant subi la taille hypogastrique avec méat permanent. Cette

mélancolie disparait quand le méat est fermé. La suppression

220 SOCIÉTÉS SAVANTES.

des ovaires ne joue qu'un rôle très secondaire et, en effet, ce sont

les opérations sur le vagin, le col. le périnée, qui, chez les prédis-

posées, provoquent les troubles psychiques.

M. le Dl' il ! ONTPl\OFIT partage l'opinion de 111 : Picqué. Sur près de

3.000 opérés, il n'aurait observé que 5 cas bien nets de délires

post-opératoires. -

M. Gl\AN,1UX. - Tous les faits relevés par M. Rayneau dans son

rapport si documenté et si complet sont tous relatifs à la pratique

des chirurgiens civils, et il n'est point question d'observations

recueillies par des chirurgiens militaires. Ce n'est pas là nn oubli,

mais, je crois, la constatation de l'absence de psychoses post-

opératoires chez les militaires, du moins en temps de paix; je ne

connais pas, en effet, de faits semblables dans la littérature médico-

militaire, et n'en ai pas vu d'exemples dans les trente ans que j'ai

eu l'honneur de passer dans l'armée.

L'explication de cette constatation est, il me semble, la sélection à

laquelle sont soumis les militaires, et qui élimine en partie les

prédisposés. C'est donc un argument en faveur de l'opinion qui

donne la part prépondérante au terrain dans la genèse des psy-

choses post-opératoires.

Il nous semble, en outre, que le rôle du choc inhérent au

trauma doit aussi être rejeté au deuxième plan, et cette opinion est

basée en grande partie sur ce que nous avons vu dans noire ambu,

lance de hroescbwiller. Dans une église en flammes il restait, à la

fin de la bataille, 931 blessés atteints aux membres inférieurs et au

tronc. Ces malheureux, sortis de ce danger par les Prussiens,

n'avaient, pour s'abriter, que des hangars, des écuries ou des

étables; ils sont restés pendant plusieurs jours, n'ayant comme

nourriture que du bouillon de cheval, non salé, et seraient morts

de faim sans l'assistance si dévouée de la population alsacienne.

Eh bien, parmi ces blessés graves qui sont restés agglomérés dans

de pareilles conditions pendant près de huit jours, il n'y a pas eu

un seul cas de psychose.

Je dois ajouter que je n'ai pas vu non plus de psychose chez les

blessés à Sedan ou à l'armée de la Loire,, malgré les conditions de

détresse physique ou morale qu'ils avaient à subir. Je conclus donc,

comme M. Rayneau, que la question primordiale est celle du

terrain.

M. GARNIER se demande si le délire décrit par M. Régis n'est pas

seulement le délire toxique déjà connu ; il cite l'observation d'une

fille d'alcoolique qui subit trois opérations gynécologiques; après

chacune d'elles elle délira, peu d'abord, davantage la deuxième

fois et plus encore la troisième.

M. JoprnoY fait entrer dans le délire post-opératoire les troubles

psychiques provoqués par l'opération tout entière (chloroforme,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 221 1

infection, etc.). Il rapproche le délire post-opératoire de l'hystéro-

traumatisme. Il insiste sur le grand rôle joué par la rumination

intellectuelle. Alors que dans l'hystéro-traumatisme la rumination

intellectuelle, l'auto-suggestion n'agit qu'après le trauma, dans

la production du délire post-opératoire, elle a agi avant l'opé-

ration et après. Il en est de même pour les psychoses de la

pueipéralité : le rôle de la rumination {intellectuelle, de la pré-

occupation se montre avant, pendant et après l'accouchement.

Le rôle de la suggestion est si vrai que chez les enfants que

l'on trompe sciemment, qui ne se rendent pas compte de la gravité

de l'opération qu'ils ont à supporter ou qu'ils supportent, il n'y a

jamais de délire post-opératoire. En dehors du rôle joué par l'opé-

ration elle-même, dans la genèse des troubles psychiques, il faut

tenir compte de la qualité de l'organe enlevé. Or si l'ablation du

corps thyroïde produit les troubles que l'on sait, l'ablation des

ovaires ne produit aucune modification ni du côté de l'intelligence,

ni du côté du caractère. En manière de conclusion, il faut éviter

autant que possible de frapper l'imagination des malades pour

éviter cette rumination intellectuelle.

M. LADA : 11R (de Genève), revenant sur l'analogie des troubles

psychiques post-opératoires avec les paralysies hystéro-trauma-

tiques, fait une large part à la suggestion. Il a vu deux malades

après une piqûre d'aiguille à la main conserver pendant des

années une paralysie du bras correspondant. Une autre malade,

ayant eu une fracture du crâne pendant l'enfance, complètement

guérie d'ailleurs, revit cinquante ans après le chirurgien qui l'avait

soignée. Celui-ci palpa longuement le crâne de la malade en s'éton-

nant qu'elle n'eût conservé ni céphalée ni accident. Frappée de cet

examen et de ces remarques, la malade, dès lors, eut des maux de

tête persistants.

A la fin de la séance M. le président a donné lecture d'un télé-

gramme de sympathie des médecins aliénistes et neurologistes de

Moscou.

Le Congrès a répondu par le télégramme suivant :

Professeur Clinique psychiatrique Université impériale.

Moscou.

« Médecins aliénistes et neurologistes français, réunis en Congrès

à Angers, reçoivent la cordiale dépêche de leurs sympathiques col-

lègues de Moscou. Us remercient de ce gracieux souvenir et en-

voient chaleureux sentiments confraternité.

« Président : Motet. »

La séance a été levée à 5 heures et demie.

222 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 2 août (matin). - PRÉSIDENCE de M. Motet.

Observation de paranoïaque processive. Type du délire raisonnant

de dépossession de Régis; par le D1' La dame.

Au Congrès de Bordeaux, M. le D1' Pailhas communiquait les

observations de trois malades atteints de troubles mentaux, liés

disait-il, à une déviation de l'instinct de propriété. L'année sui-

vante, en 1896, M. Régis publiait dans les Annales médico-psycholo-

giques, un rapport médico-légal, fait eu commun avec MM. Pitres

et Lande, sur un nouveau cas du même genre, qu'il classa sous le

nom, fort bien approprié, de * délire raisonnant de dépossession >.

Un travail d'ensemble a été publié sur cette question, l'année der-

nière, par M. Chuison, élève de M. Régis, qui en a fait le sujet de

sa thèse de doctorat, présentée et soutenue publiquement à la

Faculté de Bordeaux, le 16 juillet 1897. On trouve dans cette thèse

le résumé de six observations de cette forme spéciale du délire

processif. L'auteur en a observé récemment uu septième cas, qui

offre certaines particularités intéressantes et qui a donné lieu à

une expertise psychiatrique médico-légale dont M. L... commu-

nique les résultats au Congrès. Il s'agit d'une femme de soixante ans,

qui s'était consacrée pendant bien des années à soigner son vieux

père, qui l'avait rappelée de l'étranger où elle était institutrice.

Pour la récompenser des soins dévoués qu'elle lui avait don-

nés, il lui légua par testament une petite propriété qu'ils habi-

taient au moment de sa mort. Les autres enfants, se disent lésés

par ce legs, attaquèrent le testament qui fut cassé, en effet, parle le

tribunal, le legs dépassant les limites fixées par le Code. Dès lors,

c'est une lutte acharnée pendant des années devant les tribunaux.

La petite maison est adjugée à la soeur de la malade qui, se disant

propriétaire envers et contre tout, ne reconnaît aucun des arrêts de

la Cour et interjette appel contre toutes les décisions judiciaires.

On est obligé de la faire sortir de sa maison par les gendarmes, el

dès lors, le délire de dépossession s'accentue à tel point que le con-

seil de surveillance des aliénés la fait interdire. Elle en appelle,

tous ceux qui la connaissent attestent qu'elle est parfaitement

saine d'esprit et deux médecins confirment le fait par leurs certi-

ficats. C'est ce qui a provoqué l'expertise qui fait le sujet du rap-

port médico-légal communiqué au Congrès. '

L'auteur donne une observation détaillée du cas et met en relief

les particularités qu'il présente. Il termine son rapport, longue-

ment motivé, par les conclusions suivantes : « 1° 1\1 ? F... est

atteinte depuis plusieurs années d'une forme spéciale d'aliénation

mentale qui s'appelle en psychiatrie « le délire raisonnant de dé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 223

«possession b, Cette psychose est une variété clinique de la <t manie

«processive » ou paranoïa qllOE1'ltlens, qui appartient à la grande

classe des délires de persécution; 2° toutes réserves faites quant

aux mesures ultérieures qui pourraient être nécessitées dans l'inté-

rêt de cette malade, et pour la sécurité d'autres personnes, nous

concluons qu'il n'y a pas lieu actuellement de provoquer son inter-

diction; 3° la nomination d'un conseil judiciaire nous paraît une

mesure nécessaire pour sauvegarder ses intérêts etmettre un terme

à ses débats devant les tribunaux, aussi préjudiciables à sa bourse

qu'il sa santé. »

Dégénéré inverti sexuel mort paralytique général.

M. JoFFROY présente au [Congrès une observation démontrant

une fois de plus les rapports de la paralysie générale et de la

dégénérescence mentale. Il s'agit d'un malade traité pendant plus

d'un an dans le service de M. Magnan et dont l'observation a été

publiée par ce dernier comme une observation typique d'inversion

sexuelle.

Le sujet est enfant naturel. Dès l'enfance, son caractère timide,

son goût pour les poupées, les jeux de petites filles en général,

l'ont tenu à l'écart des petits garçons de son âge. A quinze ans il a

pour la première fois des relations avec un homme. « Il trouve

cela tout naturel ». A seize ans il vient à Paris, gagne sa vie

comme typographe. Depuis cette époque il n'a cessé d'avoir des

relations sexuelles avec des hommes. Il a plusieurs amants attitrés.

Son grand plaisir est de s'habiller en femme : il possède tout un

assortiment de toilettes féminines. En 1894, les facultés du malade

commencent à baisser. Il a des absences de mémoire. Un peu plus

tard M. Magnan note quelques signes de démence, de l'inégalité

pupillaire et quelques troubles légers de la parole. Passé dans le

service du P Joffroy, le malade présente un délire particulière-

ment intéressant. Son délire est tout à fait féminin, il parle de

son mariage avec X..., de sa toilette de mariée. Il raconte qu'il a

accouché par derrière, etc. Il meurt en mars 1898 après avoir

présenté toutes les phases de la paralysie générale. A l'autopsie,

lésions classiques de cette maladie.

M. Joffroy se demande quelle est ici la cause de la paralysie

générale. Après avoir éliminé la syphilis, l'alcool, les excès véné-

riens, il s'arrête à la dégénérescence mentale présentée par le sujet

à un si haut degré. On a objecté à cette étiologie la rareté de la

paralysie générale parmi les aliénés internés depuis longtemps.

Ce n'est pas un argument, car on peut être dégénéré sans délirer

et par conséquent sans être interne c'est même là le sort de la

majorité des dégénérés. Si les stigmates psychiques de dégénéres-

cence et en particulier les anomalies de la vie sexuelle sont rare-

224 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment notés chez les sujets atteints plus tard de paralysie générale

cela tient en partie à ce qu'ils ont l'énergie et l'habileté de les

dissimuler et ne permettent ainsi de les observer que lorsqu'ils sont

nettement devenus paralytiques généraux. Les actes sexuels contre

nature, les attentats à la pudeur sont alors considérés, à tort

comme relevant directement de la maladie nouvelle, alors qu'ils

lui préexistaient. En terminant M. Jotfroy mentionne des lésions

intéressantes présentées par la moelle de ce malade. A côté d'une

lésion insignifiante des faisceaux blancs et une légère prolifération

névroglique, on trouve des lésions très accentuées des cellules, ce

qui est un argument en faveur de l'opinion qu'il soutient, que dans

la paralysie générale, la lésion cellulaire est primitive et indépen-

dante de la prolifération névroglique.

M. Magnan, tout en reconnaissant qu'il existe d'autres cas de ce

genre, croit cependant que la dégénérescence n'a qu'une influence

secondaire dans l'étiologie de la paralysie générale.

M. Régis rappelle les cas publiés par M. Christian, et en outre les

observations de paralysie générale relevées chez les imbéciles.

Peut-être faut-il incriminer là souvent, la syphilis héréditaire; i

la paralysie générale juvénile prouve que la syphilis héréditaire ne

doit pas être négligée, loin de là.

M. JoFFROY croit qu'il est imprudent de refuser à la dégénéres-

cence sa grande part d'influence dans l'éclosion de la paralysie

générale. Il n'a apporté qu'un fait, parce que celui-ci est typique,

mais il pourrait lui adjoindre un grand nombre d'observations

presque analogues.

M. Charpentier fait observer combien la paralysie générale est

fréquente chez les dégénérés et combien elle est rare chez les

imbéciles. Ceux-ci n'ont évidemment pas une activité cérébrale

suffisante pour mériter la paralysie générale.

M. ARNAUD rappelle qu'on a signalé un certain nombre de fois,

pas plus de dix, il est vrai, la paralysie générale chez les imbéciles.

Pour son compte personnel il en a recueilli deux.

' Tumeur du corps calleux.

MM. Ssr.as et P. LoivoF (de Paris) rapportent l'observation sui-

vante : Mlle B..., âgée de vingt-un ans, présente à partir d'octobre

1892 un état de confusion mentale auquel se joint un mois après,

la faiblesse des membres du côté gauche, puis du côté droit. Elle il

des hallucinations de la vue et de l'ouïe et du délire d'auto-accusa-

tion. A son entrée à la Salpêtrière, en juin, elle est dans un état

typhoïde avec carphologie, raideur des membres, exagération des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 225

réflexes. Après une rémission de deux mois, elle tombe brusque-

ment dans un état méningitique qui l'emporte en trois semaines.

Outre une tuberculose plus ou moins généralisée, on trouve à

l'autopsie un néoplasme occupant le corps calleux et le centre

ovale des deux hémisphères, et qui tranche par sa coloration gri-

sâtre et sa consistance ferme sur la substance blanche.

La lésion s'étend depuis le lobe frontal jusqu'au lobe occipital.

L'examen histologique a montré qu'il s*agit d'un tissu formé de

cellules araignées de la névroglie et de fibrilles fines.

Les auteurs insistent sur les troubles mentaux et sur la topogra-

phie de la lésion.

Le délire (l'auto-accusation systématique.

M. SÉGL.1S (de Paris). Il existe des cas de folie systématique

dans lesquels le délire est uniquement constitué par des idées

d'auto-accusation. Il s'agit alors d'individus héréditaires plus ou

moins déséquilibrés, présentant certains traits de caractère habi-

tuels aux délirants systématiques ordinaires (susceptibilité, égoïsme,

orgueil) et d'autres (timidité, scrupules, méfiance de soi-même)

dont ledélire d'auto-accusation ne représente que l'exagération. Ce

délire, qui se manifeste tantôt d'emblée ou s'installe d'une façon

insidieuse, est toujours primitif et reste prédominant. L'humilité

n'en est souvent qu'une étiquette trompeuse, voilant un sentiment

de vanité blessée et dissimulant un égoïsme profond.

Il n'a pas le caractère de fixité monotone du délire mélanco-

lique, mais se présente sous la forme d'un système constitué par

une série d'interprétations délirantes, portant sur le présent et

même sur la vie passée du sujet. Il peut s'accompagner parfois

d'hallucinations secondaires, surtout de l'ouïe, et d'idées de sui-

cide. De plus, il n'existe pas de symptômes psychiques ou soma-

tiques d'un état mélancolique fondamental. L'exercice des facultés

intellectuelles reste normal en dehors du délire; il n'y a pas de

douleur morale permanente, mais seulement par intervalles de

l'anxiété ou de la dépression réactionnelle. La santé physique

reste bonne, les fonctions organiques intactes.

Tantôt l'évolution est chronique, le délire systématisé persisle

sous une forme stéréotypée; quelquefois il survient des idées de

persécution, de grandeur; d'autres fois le sujet arrive à la néga-

tion systématisée. Tantôt l'évolution est celle d'un délire d'emblée

plus ou moins prolongé, mais curable.

Enfin, le délire d'auto-accusation peut se présenter sous la forme

de simples bouffées délirantes, à type de délire systématisé aigu

hallucinatoire. Dans ces cas aigus, les récidives sont fréquentes,

souvent sous la même forme.

Archives, 2e série, t. VI. 15

226 SOCIÉTÉS savantes.

Par leurs caractères symptomatiques et évolutifs, ces faits de

délire d'auto-accusation se différencient ainsi très nettement de la

mélancolie pour se rapprocher, au contraire, des autres formes

connues du délire systématisé primitif.

Mélanodermie chez les épileptiques.

M. LANNOts a observé cinq épileptiques à mélanodermie. M. Zeré

avait déjà signalé ces cas. Chez ces malades, la mélanodermie

consiste en points arrondis lenticulaires, coalescents. La pigmen-

tation anormale occupe le tronc, depuis la racine du cou jusqu'à

la naissance des cuisses. C'est analogue à ce qu'on observe parfois

dans quelques névroses, le goitre exophtalmique, etc. C'est un

trouble trophique, attribuable au sympathique. L'auteur rapporte

ensuite trois cas d'épileptiques améliorés par la sympathectomie, et

treize cas d'intervention du même genre à conséquences variées

(améliorations, statistiques et aggravations). Ces cas ont été opé-

rés par M. Jaboulay. On peut conclure que, si la sympathectomie

peut rendre des services, il faut reconnaître qu'elle n'a pas tenu les

promesses qu'en faisaient espérer ses promoteurs.

Myélite transverse et paraplégie flaccide.

M. BRISSAUD (de Paris). - On admet depuis les travaux de

Charcot que la dégénérescence secondaire des faisceaux pyrami-

daux, qu'elle soit d'origine cérébrale ou spinale, est toujours suivie

d'une paralysie spasmodique avec exagération des réflexes. Celte

doctrine a été combattue dans ces dernières années par Ch. Bas-

tian. Van Gehuchten et quelques autres neurologistes, qui ont

relaté des cas de paraplégie flaccide avec abolition des réflexes,

dans lesquels il existait une dégénérescence secondaire des fais-

ceaux pyramidaux. Ces auteurs ont donné de ces faits des interpré-

tations différentes mais tendant toutes à infirmer la théorie de

Charcot, d'après laquelle il y aurait une corrélation constante

entre la dégénérescence des cordons latéraux de la moelle et la

paralysie avec contracture permanente.

Le cas que je viens d'observer et que je vais résumer brièvement

montre que l'on ne doit accepter qu'avec beaucoup de réserves les

observations publiées par divers auteurs, entre autres par MM. Bas-

tian, Van Gehuchten, Marinesco. Il s'agit d'un homme de quarante

et un ans, qui contracta la syphilis il y a six années et fut soigné

pendant cinq mois à l'hôpital du Midi. Quatre ans environ après

son chancre, il commença à éprouver des douleurs lombaires et de

la difficulté pour marcher. Ces accidents s'aggravant, cet homme

se décida, au mois d'octobre dernier, à entrer dans mon service.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 227 7

Quarante-huit heures après son admission, on constatait chez lui

tous les signes d'une paraplégie spasmodique avec exagération des

réflexes rotuliens, secousses musculaires, trépidation épileptoïde,

paralysie des sphincters, etc., etc. Cet état persista durant trois à

quatre mois, puis on s'aperçut un jour que de spasmodique la

paraplégie était devenue flasque, qu'au lieu d'être exagérés, les

réflexes rotuliens étaient abolis, qu'il n'y avait plus de clonus du

pied, etc. Quelle pouvait être la cause d'une transformation aussi

complète du tableau clinique ? C'est seulement l'autopsie qui nous

en donna la clef. Le malade étant mort au bout de quelque temps

dans le marasme, on trouva au niveau de la troisième racine dor-

sale une méningomyélite marginale typique, très vraisemblable-

ment d'origine infectieuse, occupant une hauteur de 4 centimètres.

Cette sclérose équivalait à unevéritable section de la moelle, au-des-

sus, la dégénérescence des cordons de Goll, des faisceaux cérébel-

leux et des faisceaux de Gowers se prolongeait jusqu'au bulbe; au-

dessous, la dégénérescence des faisceaux pyramidaux se poursuivait.

Si nous nous en étions tenu à ces constatations, il nous faudrait

reconnaître aujourd'hui que ce cas est contraire à la théorie de

Charcot et qu'il vient à l'appui des idées de Bastian et de Van

Gehuchten, mais nous avons poussé nos investigations plus loin, et

ayant examiné avec le plus grand soin les cornes antérieures de

la moelle, les nerfs périphériques et les muscles, nous avons pu

déceler des altérations de tous ces éléments, et notamment une

véritable destruction de tous les nerfs périphériques, qui étaient

le siège d'une névrite parenchyrnateuse typique. Les cellules et les

racines n'étaient pas à beaucoup près aussi altérées que les nerfs

périphériques. On comprend ainsi aisément pourquoi de spamodi-

que la paraplégie de cet individu était devenue flasque. Ce fait

prouve que pour pouvoir déclarer en défaut la théorie de Charcot

sur les relations des paralysies spasmodiques avec les dégénéres-

cences secondaires, il faut avoir pratiqué un examen complet de

tous les éléments qui servent à la conduction de l'influx nerveux

des centres à la périphérie.

M. PIERRET (de Lyon). - J'ai examiné les préparations micros-

copiques de la moelle et des nerfs du sujet dont AI. Brissaud vient

de communiquer l'observation, et je ne puis que me joindre à lui

pour affirmer que le défaut de contracture secondaire ne peut être

attribué qu'à la névrite périphérique. -

M. Brissaud est donc tout à fait dans le vrai quand il s'élève

contre les conclusions un peu hâtives des auteurs qui, ayant cons-

taté des paralysies flaccides à la suite de compression ou de lésions

de la moelle épinière susceptibles de donner naissance à une

dégénérescence secondaire, se sont empressés de contester le bien

fondé de la théorie de Charcot.

228 SOCIÉTÉS SAVANTES.

11 existe, du reste, une forme de sclérose primitive symétrique

des tractus pyramidaux dans leur ensemble. Cette forme de sclérose

cérébro-spinale est surtout connue des aliénistes : c'est la paralysie

.générale sans délire. Au point de vue anatomique, elle réalise

merveilleusement le type si longtemps cherché de la sclérose pri-

mitive des cordons latéraux sans atrophie musculaire. Je l'ai décrite

dès 1885 sous le nom de tabès moteur. Les troubles intellectuels

.sont peu accentués, les malades se montrant plutôt vaguement

déments, inconscients de leur situation, mais sans délire bien

net. En revanche, les troubles moteurs sont très accentués. C'est

une parésie spasmodique généralisée, avec exagération des réflexes

- et trépidation épileptoïde. La lésion, comme je l'ai dit, est carac-

térisée par une sclérose systématique de tout le tractus moteur, les

cellules de la zone rolandique comprises. Or, c'est ici qu'apparait

nettement la parenté entre cette forme de paralysie générale et la

sclérose latérale amyotrophique. Pendant longtemps, celte dernière

affection avait été considérée comme à peu près purement spinale.

Un jour, une observation du professeur,Kojevnikov vint montrer que,

chez les malades de cet ordre, les fibres pyramidales de la couronne

rayonnante sont atteintes de sclérose, et peu de temps après, MM.Char.

cot et Marie reconnurent l'existence de lésions indubitables des

cellules motrices de l'écorce. Dès lors, la sclérose latérale amyo-

trophique devenait une maladie systématique cérébro-spinale, et

l'on ne tarda pas à remarquer que les sujets qui en sont atteints

se trouvent, au point de vue psychique, dans un état de déchéance

notable. Les observations de tabes moteur sont aujourd'hui nom-

breuses. Il ne manquait que de voir un cas de tabès moteur se

compliquer d'atrophie musculaire. Cette lacune a été comblée

récemment, et on a vu une véritable atrophie détruire peu à peu

les cellules des cornes antérieures et réaliser une sclérose latérale

amyotrophique chez un paralytique général. Tout naturellement

les spasmes cessèrent par la raison que des neurones affaiblis,

commandant à des muscles à peu près impotents, ne peuvent pas

faire naître de contractures appréciables et durables. A ce propos,

je veux, en terminant, rappeler qu'étudiant la pathogénie des états

convulsifs en général et ayant en vue ce fait remarquable que les

membres inférieurs tendent à entrer en convulsions lorsque les

neurones qui commandent à leurs mouvements sont séparés des

centres cérébraux, je rejetais l'explication de Claude Bernard,

qui admet une sorte d'inhibition exercée par les centres supérieurs

sur la moelle épinière : soustrait à cette action frénatrice, le tron-

çon de moelle sectionnée deviendrait 'le siège de manifestations

dynamiques excessives. Il me paraît plus simple de supposer que

dans tout le système nerveux existe une tendance constante à la

réalisation d'un équilibre du dynamisme latent : isolé, le segment

médullaire est amené rapidement à un état de potentialité exagé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 229'

rée, d'où les décharges à caractère spasmodique. Mais des cellules.

saines sont indispensables ? assurer le phénomène : si les neu-,

rones sont malades, si les tubes nerveux centrifuges sont altérés ou

si les muscles ne sont plus normaux, la convulsion fait défaut, en,

vertu d'un mécanisme sur lequel il est inutile d'insister ici.

Séance du 2 août (soir). -- Présidence DE M. Motet.

Deuxième question : Les délires transitoires au point de vue-

médico-légal. -

M. Vallon étudie tous les troubles mentaux transitoires, tous les-

états passagers d'aliénation mentale, qui sont de nature à donner-

lieu à une expertise médico-légale.

Il les classe ainsi : 1° vésanies transitoires; 2° troubles mentaux

transitoires de la sphère émotive : émotions pathologiques; 3° im-,

pulsions irrésistibles conscientes de courte durée; 4° troubles men-

taux de la puerpéralité et de la menstruation; 5° troubles mentaux-

liés à une intoxication : alcoolisme, etc.; 6° troubles mentaux liés-

à une névrose : épilepsie, hystérie, neurasthénie, migraine oph-

thalmique, etc.; 7° troubles mentaux liés à une affection des

centres nerveux (traumatisme, lésion en foyer, etc., ou des nerfs);

8° troubles mentaux dans les maladies autres que celles du sys-

tème nerveux; 9° troubles mentaux liés à des troubles du sommeil :

état intermédiaire à la veille et au sommeil, somnambulisme,

rêves prolongés; 10° de l'égarement momentané.

Dans dix paragraphes correspondant à ces dix divisions, M. Vallon

passe en revue les différentes opinions émises par les auteurs.

Cela fait, après avoir bien délimité la question, il trace la conduite-

de l'expert dans les cas de troubles mentaux transitoires et arrive-

enfin à exposer la façon dont il faut concevoir la question. C'est là-

la partie essentielle du rapport, nous la reproduisons textuelle-

ment : « Tout d'abord, dit M. Vallon, il convient de serrer la ques-

tion d'un peu plus près. 11lttl'cé, comme on l'a vu, englobe sous le

titre de folie transitoire, les accès de folie qui offrent des intervalles-

lucides, des intermittences régulières ou irrégulières. Je ne suivrai

pas son exemple et j'élimine d'emblée tous les cas dans lesquels.

l'individu soumis à l'expertise médicale a été atteint antérieure-

ment d'un ou de plusieurs accès d'aliénation mentale. Ces faits-

sont d'un autre ordre; ils appartiennent à la catégorie des folies

intermittentes, périodiques, des délires par accès; leur étude nous-

entraînerait beaucoup trop loin ; il faudrait aborder la question

des intervalles lucides, question complexe qui ne rentre pas dans

notre cadre et qui mériterait de faire l'objet d'un rapport spécial.

J'avais déjà éliminé les troubles mentaux à début brusque, mais à.

évolution durable. La question se trouve donc parfaitement limitée

230 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à l'accès transitoiie d'aliénation mentale. L'hallucination mentale, ,

d'une façon générale, peut donner lieu à expertise au double point

de vue du droit criminel et du droit civil, mais les troubles mentaux

transitoires, eux, ne sont guère de nature à devenir le point de

départ d'une action civile telle, par exemple, que la contestation

d'un testament, ces troubles mentaux, en effet, semblent acquérir

en intensité ce qui leur manque en durée, en sorte qu'ils se tra-

duisent presque uniformément par des actes violents (homicide,

coups et blessures, etc.).

Voilà donc le médecin expert en présence d'un individu inculpé

de violences envers les personnes. Si par un exceptionnel et heu-

reux hasard la crise d'aliénation mentale, qui va n'être que passa-

gère, n'a pas encore pris fin, le problème à résoudre est relative-

ment simple : il consiste à reconnaître si les troubles mentaux

sont réels ou simulés, c'est-à-dire, dans le cas particulier, s'ils pré-

sentent bien les caractères d'une des formes transitoires de l'alié-

nation mentale ou s'ils n'en ont, au contraire, que l'apparence,

que le masque. Dans l'immense majorité des cas, au moment de

l'examen, le trouble mental qui a donné lieu à l'acte incriminé a

disparu et sa constatation directe, par conséquent, n'est plus possi-

ble. L'expert alors n'est plus un témoin; il peut encore cependant

par un examen et un interrogatoire minutieux, par une enquête

rétrospective bien conduite, arriver à se faire une conviction et

.éclairer la justice qui a fait appel à ses lumières. Les règles de

l'expertise n'ont, en somme, ici rien d'absolument spécial, elles se

réduisent, comme toujours en matière d'aliénalion mentale, à

envisager parallèlement : 1° L'acte incriminé examiné dans les

circonstances qui l'ont précédé, accompagné et suivi ; 2° l'inculpé

étudié dans son état présent, dans ses antécédents personnels,

dans ses antécédents de famille. Je vais passer brièvement en

revue ces divers points :

- 1° Etude de l'acte incriminé. - Souvent c'est l'absurdité même

de l'acte incriminé qui motive l'expertise; l'inculpé, par exemple, a

frappé sans raison, sans mobile, etc. Parfois l'acte présente des

caractères tellement spéciaux qu'il suffit pour mettre sur la voie

du diagnostic : telle l'impulsion épileptique qui porte, pour ainsi

dire, la signature de son auteur. Les circonstances qui ont suivi

l'acte ont quelquefois une grande signification : nul souci de fuir

de la -part de l'inculpé, état d'hébétude, sommeil, torpeur, etc.

Enfin, les circonstances qui ont précédé l'acte revêtent ici une

particulière importance. Il faut rechercher si l'inculpé n'a pas été

atteint dans son cerveau par une de ces influences puissantes

(poisons, alcools, émotions, fièvres, insolation, froid) qui, nous

l'avons.vu, constituent autant de conditions étiologiques favorables

à l'explosion de la folie transitoire. Pour s'édifier sur les carac-

tères et circonstances de l'acte, l'expert aura recours aux pièces de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 231

l'information, à l'interrogatoire des témoins, à celui de la victime,

si elle est en état de s'expliquer, en un mot, il s'entourera de tous

les renseignements capables d'éclairer son jugement.

2° Examen de l'inculpé. Il peut révéler, à défaut de troubles

mentaux caractérisés, quelques vestiges, par exemple, une légère

obnubilation intellectuelle. On peut constater de la débilité men-

tale, des stigmates physiques de dégénérescence, des stigmates

permanents d'hystérie, des cicatrices de la tête et de la langue,

résultant de blessures ou de morsures au cours d'un accès comitial,

du tremblement des mains et de la langue, de nature à faire

penser à une intoxication alcoolique, une maladie des centres

nerveux ou des nerfs, d'autres maladies, telles que la syphilis, etc. ;

en un mot, reconnaître que l'inculpé constituait un terrain favo-

rable pour l'éclosion d'un accès de folie. En étudiant minutieu-

sement l'existence entière de l'inculpé depuis sa naissance, au

moyen des renseignements fournis, et par lui-même et par sa

famille, on arrivera souvent à se convaincre qu'on se trouve en

présence d'un individu atteint d'épilepsie (épilepsie méconnue ou

épilepsie larvée), d'un neurasthénique, d'un de ces dégénérés dont

l'insuffisance cérébrale éclate plus dans la conduite que dans les

opérations intellectuelles, d'un de ces déséquilibrés qui, avant de

faire un court voyage sur le territoire de la folie, en ont longtemps

côtoyé les frontières. Enfin, l'examen des parents, les renseigne-

ments recueillis sur eux, apprendront souvent que l'inculpé se

trouvait héréditairement prédisposé à l'aliénation mentale. '

J'aborde maintenant un dernier point qui me parait être le véri-

table noeud de la question ; existe-t-il des cas dans lesquels ni

l'examen ni les commémoratifs ne révèlent rien d'anormal chez

l'inculpé ou dans sa famille ? La presque unanimité des auteurs

français répond non, et Régis résumant pour ainsi dire leur opinion,

s'exprime ainsi : « L'expert doit se souvenir expressément que les

faits de folie soudaine et transitoire s'observent rarement, pour ne

pas dire jamais, mais que ces faits sont en général l'indice ou le

résultat d'une prédisposition héréditaire ignorée, de vertiges

méconnus, etc. » Pour ma part, dans une pratique médico-légale

qui date déjà de dix ans, parmi une quantité respectable de faits

soumis à mon examen, je n'en ai rencontré en dehors de l'épilepsie

qu'un très petit nombre méritant d'être qualifiés d'états d'aliéna-

tion mentale transitoire. Tous, sans exception, relevaient manifes-

tement soit d'un état de dégénérescence mentale, soit surtout de l'in-

toxication alcoolique. En Allemagne on se fait généralement, de la

folie transitoire et des conditions dans lesquelles elle apparaît, une

idée différente de celle qui a cours en France. Krafft-Ebing, à côté

de la folie transitoire causée par une névrose ou une maladie céré-

brale, décrit une manie ou un délire transitoire c qui survient

chez des individus sains avant et après l'accès, qui se reproduit rare-

232 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment ». Schwarzer et Kraeplin n'admettent pas la prédisposition

héréditaire; pour eux le délire transitoire survient brusquement

chez les individus jouissant jusqu'alors d'une santé parfaite. Mendel

paraît professer la même opinion. On admet donc en Allemagne

qu'une forme au moins d'aliénatien mentale transitoire peut sur-

venir en dehors de toute prédisposition héréditaire et chez des

individus parfaitement-normaux. On conçoit l'importance de

pareilles données au point de vue médico-légal. Je ne voudrais pas

heurter de front une opinion émise par des hommes aussi considé-

rables que ceux dont je viens de citer les noms; il est cependant

des objections que je ne puis m'empêcher de mettre en avant.

Pour les auteurs allemands, la folie transitoire est liée à des états

congestifs du cerveau. Krafft-Ebing, nous l'avons vu, insiste beau-

coup sur ce fait : « L'ensemble des phénomènes peut, dit-il, ana-

tomiquement, se ramener à un processus hypérémiant intense,

mais transitoire dans l'écorce cérébrale ». Or, quels sont les indi-

vidus chez lesquels on observe le plus communément des états

congestifs transitoires du cerveau ? C'est précisément les aliénés dits

héréditaires : raisonnants de toutes sortes, périodiques, intermit-

tents. Il est bien étrange que la folie transitoire, qui reconnaît

pour base anatomique un état congestif du cerveau, se développe

précisément chez des individus indemnes d'antécédents hérédi-

taires. D'un autre côté, rien ne ressemble à un accès de folie tran-

sitoire comme un accès de folie périodique. La folie périodique

reconnaissant plus que toute autre l'hérédité comme cause, la folie

transitoire devrait également s'observer chez les héréditaires. Ce

second argument n'est pas sans réplique néanmoins; on peut me

répondre, en effet, que si l'accès transitoire et l'accès périodique

se ressemblent, ils sont cependant d'une nature très différente,

puisque le premier, à rencontre du second, disparaît pour ne plus

revenir.

Au paragraphe manie, nous avons vu que certains auteurs consi-

dèrent la manie transitoire comme une manie ordinaire à évolu-

tion exceptionnellement rapide; d'autres, au contraire, comme

Krafft-Ebing, en font un type morbide spécial. Il faut avouer que,

quand on lit la description du professeur de Vienne, on songe

malgré soi à l'épilepsie. Comme il ressemble à un comitial, ce

malade qui, à la fin d'une crise qui a duré au maximum quelques

heures, « tombe dans un profond sommeil, dont il se réveille par-

faitement lucide quelques heures plus tard, n'ayant gardé aucun

souvenir de ce qui s'est passé » !

Aussi, malgré la grande et légitime autorité de Krallt-Ebin, et

d'autres savants allemands : Schwarzen, Kroeplin, Mendel, si

j'admets sans réserve l'aliénation mentale transitoire, symptoma-

tique de divers états morbides, je ne puis me défendre d'un doute

à l'égard de la folie transitoire idiopathique. Ce doute, je le traduis

SOCIÉTÉS SAVANTES. 233

par les questions suivantes qui me serviront de conclusions :

10 Existe-t-il une folie transitoire se développant chez des indi-

vidus parfaitement sains, en dehors de toute prédisposition héré-

ditaire, en l'absence de tout état pathologique antérieur, tels que

l'épilepsie, l'intoxication alcoolique, etc. ? 2° Si oui, quels sont les

caractères de cette folie transitoire ? 3° Quelles sont ses conditions

pathogéniques ou tout au moins ses causes déterminantes ? '

A la suite du rapport de M. Vallon, M. Motet, appelé en témoi-

gnage par le rapporteur, déclare n'avoir jamais vu dans sa longue

carrière de cas de folie transitoire qu'il n'ait pu rattacher à un état

pathologique antérieur. Souvent il a fallu un examen minutieux

du passé du malade pour le déceler. Il cite un cas de kleptomanie

qu'il a pu rattacher à un accès de fièvre intermittente. Une autre

fois, un délit passionnel pour lequel il avait été requis en vue de

l'examen médico-légal, fut considéré comme accompli en état de

demi-responsabilité, l'émotion passionnelle ayant pu troubler tran-

titoirement la raison.

M. Ballet partage l'avis du rapporteur, il cite l'observation inté-

ressante d'un jeune homme qui au réveil tua sa maîtresse. Il avait

plein souvenir de l'acte accompli et n'avait pas subi d'impulsion

irrésistible dégénérative (lutte, angoisse, etc.).

Les renseignements donnés par la famille firent découvrir que

ce jeune homme avait déjà deux fois tenté de se suicider dans des

conditions qui permettent de le considérer comme un piédisposé.

M. Vallon cite un cas analogue de tentative homicide chez une

femme adonnée à l'ivrognerie.

M. KERAVAL donne l'observation d'un déséquilibré qui commit un

acte délictueux, poussé à la vengeance par sa fille morte de misère

entre ses bras, en lui désignant sa victime ultérieure comme cause

de tous leurs malheurs.

M. LALANNE apporte deux observations de délire transitoire, dont

un concernait un vieillard congestif et hémophylique, l'autre un

épileptique.

M. Charpentier fait ensuite remarquer que si, jusqu'à présent, on

a toujours trouvé la raison pathogénique de ces délires transitoires, ,

il pourrait cependant se rencontrer un cas où la cause soit

inconnue, étant donnés les anamnestiques négatifs et nos connais-

sances actuelles. Dans ce cas, dit-il, l'embarras du médecin expert

serait extrême.

M. Charpentier, sur la demande de ses collègues, ajoute d'ailleurs

qu'il ne peut citer aucun cas de ce genre.

Il résume son opinion dans les propositions suivantes :

1° A côté des délires transitoires admis par M. Vallon, il y a lieu

234 SOCIÉTÉS SAVANTES.

d'admettre l'existence des délires transitoires sans cause connue

ce qui ne veut pas dire que ces délires sont sans cause ; ,

2° Toute émotion, toute passion peut produire un délire transi-

toire même en dehors de la dégénérescence mentale ou héréditaire

de l'épilepsie, des intoxications et de tout traumatisme ou maladie

appréciable; - -

3° Les délires transitoires, quels qu'ils soient, n'ont pas de carac-

tères spécifiques en dehors de ceux empruntés à leur étiologie

quand il y en a une, et en dehors du fait d'être transitoires ainsi

que l'indique leur nom;

4° Si un individu a commis un délit sous l'influence d'un délire

transitoire, quelle que soit la cause de ce délire et alors même

qu'il n'y a pas de cause pour expliquer ce délire, il échappe à

l'application de la loi qui nous régit actuellement en matière de

responsabilité criminelle; il est irresponsable.

M. REGNARD combat d'une façon générale l'indulgence que les

médecins ont pour les aliénés criminels qu'ils élèvent à la dignité

de malades. Il proclame le droit qu'a la Société de se défendre de

ces criminels aliénés, comme des autres criminels 1.

M. Vallon. -- Cette discussion a montré combien sont rares les

délires transitoires puisque M. Motet, M. Ballet, pas plus que moi,

n'en ont vu d'exemples.

M. Motet. - Je crois que la conclusion qui se dégage des com-

munications précédentes, c'est que le délire transitoire existe, mais

qu'il- est toujours lié à un'état pathologique antérieur. (Cette con-

clusion, mise aux voix, est votée d'acclamation.)

LE BANQUET

Le soir, à 7 heures, les congressistes se sont réunis pour le ban-

quet offert dans la salle des fêtes du Grand-Hôtel. Ce banquet,

auquel prenaient part quatre-vingts convives environ, était présidé

par M. le Dr Motet, président du. Congrès.

Au dessert, M. le docteur PETRUCCI a pris le premier la parole et

a prononcé le discours suivant :

« Lorsque vous m'avez chargé d'organiser le 9° congrès de méde-

' Nous n'avons pas assisté à la séance où notre ami A. Regnard a for.

mulé cette opinion. L'indulgence des médecins est toute naturelle. Par

leur connaissance de l'influence exercée sur l'homme par l'hérédité, le

milieu social, les maladies, etc., ils sont naturellement enclins à plaider

les circonstances atténuantes. Quant aux aliénés dits criminels qui ont

commis un délit ou un crime sous l'action du délire, ce sont indiscuta-

blement des malades et ils doivent être traités en malades.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 235

cine mentale et de neurologie à Angers, j'ai été très flatté de cet

honneur, plus encore pour notre belle cité et le département que

pour moi-même.

« Je ne tardai pas à m'apercevoir que l'épine était sous la rose.

Qui ne le sait ? Surtout en Anjou, au pays des fleurs.

« Je tenais à faire une oeuvre digne des précédents congrès,

digne de notre région, digne de vous, mes excellents confrères. En

apparence, la tâche était des plus faciles. La ville d'Angers est riche

en ressources; elle est une des plus belles de l'Ouest, ses rues sont

larges, spacieuses, ses maisons élégantes, propres, noyées dans la

verdure par une couronne de boulevards.

«Elle est très hospitalière, gracieuse, aimable, avide de fêtes et

de plaisirs, mais il faut bien le dire, quelquefois réservée pour les

étrangers. C'est une grande dame qui ne se donne pas à tout le

monde, il faut savoir conquérir ses faveurs. Là était la difficulté,

la seule à vaincre, les autres tombaient avec elle.

«Il me fallait donc trouver parmi nous, comme président de ce

congrès, non un conquérant irrésistible, et vous l'êtes tous, mais

un compatriote connaissant déjà les moeurs et le caractère du pays,

attaché au sol natal, ayant déjà des intelligences dans la place,

sympathique à tous et dont le nom seul, comme un talisman, fit

ouvrir toutes les portes.

c C'est pour cette raison si puissante que je vous ai demandé le

docteur Motet. Je ne veux point ici vous énumérer ses brillantes

qualités, je craindrais de blesser sa modestie; qu'il me suffise de

vous dire que c'est un charmeur qu'il a fallu arracher à tous. Oui,

mes chers confrères, il m'a fallu l'arracher à vous-mêmes.

« Pour arriver à cette fin, il m'a fallu employer une méthode

spéciale à la thérapeutique nerveuse, la fascination et la suggestion.

Lors des fêtes inoubliables du centenaire delà Société de Médecine,

notre président d'honneur avait laissé dans le coeur de tous une

impression des plus profondes, par le charme de sa parole, mais

après avoir fasciné les autres, j'appris qu'il s'était oublié lui-même,

le coeur très ému, devant une vieille fenêtre à balcon de la rue

Saint-Aubin. Il avait reconnu la fenêtre de sa chambre d'étudiant

où il avait passé les premières heures de sa jeunesse, bercé dans

une vie heureuse, partagée entre l'espérance et le travail.

«Avec un tel sujet, et sur un terrain si bien préparé, je vois

ma cause gagnée et le congrès assuré. Je n'avais plus qu'à prati-

quer la suggestion, à parler pour être obéi partout et immédia-

tement.

« A Toulouse, j'affirme que M. Motet acceptera la présidence de

ce congrès, j'en fais une condition sine quâ non de réussite. C'était

de la suggestion par voie impérative, même par l'électricité ; voyez

si je suis dans le mouvement.

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

« J'adressai au Dr Motel, alors au congrès de médecine légale de

Bruxelles, un télégramme l'informant qu'il venait d'être acclamé

président de celui d'Angers. Je savais qu'une puissance impérieuse

me l'amènerait, peut-être le désir irrésistible d'une nouvelle station

à la fenêtre de la rue Saint-Aubin.

« Tout se passa ensuite comme je l'avais prévu : le conseil général

votait une subvention au congrès, puis le conseil municipal

d'Angers; je n'avais qu'à dire partout : Sésame ouvre-toi, et c'était

fait.

« Maintenant, mon cher présidenl, que j'ai divulgué vos fai-

blesses, que j'en ai profité, que j'ai trahi les plus intimes pensées

de votre coeur, il me reste à vous prier de me pardonner. Je suis

sûr d'avance de votre indulgence et même de votre bienveillance,

car vous êtes angevin et vous ne sauriez manquer à la loi d'ata.

visme.

« Puis il m'a semblé que ce cas remarquable de puissance de

suggestion impérative était digne d'être sablé comme il convenait

au Champagne d'un banquet de psychiatrie.

· « Maintenant je salue le maître éminent qui vient présider vos

travaux, l'académicien dont la science fait autorité, celte légion de

savants qu'il mène derrière lui, comme les satellites d'un astre

lumineux, et dont les glorieux travaux vont enrichir la pathologie

nerveuse, actuellement si en progrès.

« Je salue M. Joffroy, professeur de médecine mentale de la

Faculté de Paris, MM. Magnan de Sainte-Anne, Brissaud, les suc-

cesseurs du vénéré Charcot; 1M. le D1' Regnard, inspecteur général

des services administratifs, représentant ici. M. le ministre de

l'intérieur, Ladame, de Genève, Carrier, de Lyon, tous maîtres en

pathologie nerveuse. Enfin, Messieurs, je voudrais vous nommer

tous, mais dans mon impuissance je vous prie d'agréer l'expression

la plus émue de mes salutations de bienvenue avec mes plus vifs

remerciements.

c Je ne manquerai pas d'y associer très particulièremeutu.dozé,

maire d'Angers, député de Maine-et-Loire, qui a mis si gracieuse-

ment la salle des fêtes de la mairie à notre disposition, pour nous

y offrir l'hospitalité à notre séance d'ouverture, M. le préfet, M. le

Dr Legludic, le distingué directeur de l'École de médecine d'Angers,

qui nous a réservé un amphithéâtre pour nos séances scientifiques;

enfin les membres ici présents des différentes administrations et

corps constitués du département.

« Je ne puis terminer ce toast, hélas déjà trop long, en oubliant

les dames dont la grâce est un des attraits les plus captivants du

congrès. Je remercie plus particulièrement les dames de nos con-

gressistes. Piquées par la curiosité bien naturelle de voir nos mer-

veilles de l'Anjou, elles n'ont pas craint de s'exposer aux fatigues

SOCIÉTÉS SAVANTES. 237

d'un voyage pour donner, par leur présence à nos fêtes, un éclat

encore beaucoup plus vif.

« Je les prie d'agréer ici tous nos remerciements, nos plus

aimables compliments et nos respectueux hommages. Messieurs,

Mesdames, à notre très honoré et cher président du Congrès, à

tous et à toutes. »

Succédant à M. le docteur Petrucci, M. le docteur Motet, membre

de l'Académie de médecine, dit une allocution qui, par la grâce et

le charme des souvenirs, est un véritable bijou d'une merveilleuse

délicatesse. Nous nous en voudrions de ne pas permettre à nos

lecteurs d'apprécier ce petit chef-d'oeuvre de sensibilité délicieuse

et vraie. Voici l'allocution de M. le Dr Motet.

« Messieurs,

« Vos chaleureux applaudissements viennent de prouver à notre

excellent et dévoué secrétaire général qu'il avait été votre, fidèle

interprète, et que vous vous associez de tout coeur au salut qu'il if

adresse à nos hôtes. Si je disais de lui tout ce que je pense, la

modestie de M. Petrucci pourrait'en souffrir un peu. Je me résu-

merai en quelques mots : nous le remercions très sincèrement des

soins qu'il a donnés à l'organisation de notre Congrès. Son succès

sera sa meilleure récompense.

« Je remercie aussi les représentants de la Presse médicale et de

la Presse angevine qui ont bien voulu venir s'asseoir au milieu de

nous.

« Mesdames,

« Un vieux proverbe qu'on croit oriental, mais que je suppose-

rais plus volontiers éclos en Anjou, dit que « les femmes ont été

créées pour parer de fleurs les chemins de la vie ». En venant

prendre place à notre banquet vous donnez raison au proverbe, et

nous vous remercions de nous avoir apporté ici la grâce, le charme

le clair rayonnement qui donnent leur éclat à cette fêle.

« Maintenant, Messieurs, permettez-moi de donner à mon toast

un caractère un peu personnel. J'ai mou excuse.

« Quand vous m'avez fait l'honneur, mes chers collègues, de me

choisir pour votre président, je fus profondément touché, je fus

ravi. Revenir à Angers, dans cette ville à laquelle me rattachent

tant et de si chers souvenirs, c'était pour moi retrouver ma jeu-

nesse en fleurs et donner à ma vie la plus haute récompense.

C'est ici que j'ai commencé à épeler la langue médicale, et j'ai

conservé la reconnaissance la plus vive pour l'Ecole de médecine

d'Angers, pour la mémoire de mes premiers maîtres, comme j'ai

gardé pour mes camarades d'autan la plus sincère affection. Quoi

de meilleur que ce retour vers le passé !

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

« Lorsque nous vieillissons, tout lointain souvenir

Nous est fidèle encore en dépit des années,

Les fleurs de notre avril en vain se sont fanées,

Leurs images en nous ne se peuvent tenir.

.....................

Comme un ptompt échanson qui sans reprendre haleine

Passe devant la coupe et la tient toujours pleine,

Le temps passe et remplit notre coupe à plein bord.

Le souvenir nouveau c'est la dernière goutte

Qui sous le moindre heurt s'en détache d'abord,

Tandis que la première au fond demeure toute '. »

« C'est cette première goutte précieusement conservée au fond

de mon verre que je veux boire ce soir avec vous. C'est avec elle

que je vous salue, vous, Messieurs les représentants de l'hospitalière

et généreuse cité ; vous, mes chers collègues, qui, dans la matu-

rité de votre talent, êtes la gloire de la médecine mentale et de la

neuropathologie, vous jeunes gens qui apprenez de nous ce que

valent les sentiments de réciproque estime, de cordiale union qui

nous animent. Le présent et l'avenir se donnent ici la main,

Ensemble, buvons à l'Aima parens, la Société médico-psychologique,

à la ville d'Angers, à nos hôtes, aux professeurs de l'Ecole de mé-

decine. Je mets dans ce toast toute la chaleur des sentiments dont

mon coeur est plein. Au nom des membres du IX° Congrès des

médecins aliénistes et neurologistes, je vous remercie, messieurs,

de l'accueil que nous recevons de vous. »

D'autres toasts ont ensuite été portés par MM. les docteurs

Regnard, Motais, d'Angers, et Ladame, de Genève. Voici le toast

de notre ami le Dr Ladame, un véritable ami de notre pays :

« Monsieur le Président,

« Mesdames, Messieurs et chers Collègues,

« Depuis les grands jours d'Auvergne que nous avons vécu en 1891

à Clermond-Ferrand, je n'avais pas eu le privilège d'assister à vos

réunions. Chaque année, dès lors, j'ai suivi de loin, avec une vive

sympathie, et le regret de ne pouvoir y participer, le Congrès des

médecins aliénistes et neurologistes français, dans ses brillantes

étapes de Bordeaux, de Nancy et de Toulouse.

« Aujourd'hui je suis heureux de me retrouver au milieu de vous

et de vous apporter, au nom de la Suisse, ma patrie bien aimée,

l'expression la plus cordiale de mes sentiments de solide et vieille

amitié.

« Je te salue, ô France que nous aimons ! grande, noble et

généreuse France ! L'humanité te sera toujours reconnaissante

1 Sully-Prudhomme.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

pour les principes de justice et de liberté que tu as proclamés

en 1789.

« La ville d'Angers représentait alors cet esprit, enthousiaste et

pondéré, qui est bien au fond le véritable esprit francais, quoiqu'il

li'vparaisse pas toujours, les hommes, hélas étant trop enclins à

verser dans les extrêmes, l'enthousiasme aveugle, la pondération

sourde et bornée.

« A l'époque de la première République, la ville d'Angers, nous

dit l'histoire, accepta avec empressement, mais avec modération,

les idées nouvelles. D'un côté elle réprimait énergiquement,

comme nous venons de le faire à Genève, les désordres commis

par les ouvriers des ardoisières, les perreyeurs, et d'autre part

cinq cents braves citoyens, tous pères de famille, sacrifiaient cou-

rageusement leur vie, au pont Barré, pour arrêter les progrès de

l'insurrection vendéenne. -

c Honneur à la mémoire de ces vaillants ! Gloire à la cité qui a

donné de si nobles exemples ! Un peuple, dans le passé duquel on

trouve de semblables dévouements peut envisager l'avenir avec

confiance. C'est à cet avenir, Messieurs, que je lève mon verre :

A l'avenir de la France ! Vive la France ! »

Les discours achevés, les convives se sont rendus au salon où a

eu lieu un charmant concert dans lequel se sont fait applaudir

M110 Bauer, une artiste d'un rare talent, et M. Petrucci fils, un

violoncelliste d'un jeu plein de sentiment. Les deux artistes ont été

fort habilement accompagnés par M'la Lemaire.

Séance du 3 août (matin). Présidence de M. Motet.

Au début de la séance, M. le Dr BRISSAUD a montré par les pro-

jections, des photographies relatives à des malades atteints de

paralysie pseudo-bulbaires, de torticolis mental, d'acromégalie, de

myxoedème avec ou sans troubles psychiques, de nanisme. Ces

deux dernières séries rappellent les photographies présentées par

M. Bourneville au Congrès de Bordeaux (1895) et au Congrès de

Nancy (1896). A ce dernier Congrès il a insisté sur l'action de la

glande thyroïde sur la croissance.

Troisième question : Du rôle des artérites dans la pathologie

du système nerveux.

M. Coulon, rapporteur. Nous allons donner d'abord une vue

d'ensemble de ce rapport que M. Coulon a bien voulu faire, quoique

prévenu tardivement, à la place du rapport désigné à Toulouse.

Parmi les maladies infectieuses qui déterminent des lésions arté-

rielles, certaines se localisent primitivement sur la tunique externe

240 SOCIÉTÉS SAVANTES.

(syphilis, tuberculose, etc.). Cette localisation est due tout simple.

ment à la présence dans cette tunique du tissu conjonctif ou lym-

phatique pour lequel elles ont une prédilection particulière comme

les gommes ou les tubercules primitivement localisés à la périar-

tère ne diffèrent en rien des gommes ou des tubercules qui se déve.

loppent dans le sein même du tissu conjonctif. Dans le système

nerveux la présence du tissu conjonctif uniquement autour de

l'élément vasculaire assigne d'emblée à la gomme ou au tubercule

une localisation dans l'adventice.

Etendues en nappes quoique non localisées, ces lésions consti-

tuent des périartérites dont le début est toujours le tissu conjonctif.

Dans ces cas, l'endartère n'est atteinte que secondairement. Cène le

sont pas là de véritables artérites au sens histologique du mot, car

le véritable tissu artériel n'est représenté que par l'endothélium

vasculaire et la mince couche sous-endothéliale. D'ailleurs ces

maladies infectieuses sont aussi capables de se localiser primitive-

ment sur l'endartère, de sorte que l'on peut décrire à l'artérite

vraie un processus toujours le même à localisation primitive sur

l'endartère et dans lequel la périaitère n'est atteinte que secondai-

rement. t. -

Les substances toxiques portent leur action sur tout le système

artériel. Les faits dans lesquels elles seraient seules responsables

de véritables lésions artérielles, ne sont pas probants. Elles n'agis-

sent le plus souvent qu'en amoindrissant la résistance des artères

vis-à-vis des causes ultérieures dont le processus est plus nettement

localisé. Cependant on peut admettre que si les substances toxiques

ne produisent pas en général de réaction inflammatoire bien

manifeste, il est tout au moins possible qu'elles puissent créer des

dégénérescences cellulaires dans les tuniques artérielles. On peut

en dire autant des maladies infectieuses qui agissent à distance par

leur toxine sur le système nerveux.

Dans les maladies propres au système nerveux, dans lesquelles

les lésions sont plus ou moins locales ou systématisées, elles évo-

luentpresque toujours avec des caractères purement inflammatoires.

Dans les affections inflammatoires aiguës : encpphalo-myétites,

polio-encéphalites diverses, etc., l'agent infectieux n'a le plus sou-

vent pas de localisation précise. Au point infecté, la toxine porte

son action simultanément sur les diverses cellules qui réagissent

chacune par les processus que nous avons indiqués. Dans le foyer

inflammatoire, tout participe à l'inflammation. Prenons, par

exemple, un foyer de myélite infectieuse : les leucocytes, les endo-

théliums vasculaires et périvasculaires, les cellules conjonctives du

tissu conjonctif et des tuniques des petits vaisseaux, les cellules

nerveuses et leurs prolongements cylindraxiles ou dentriliques. Les

altérations pourront être primitivement aussi accentuées sur les

capillaires que sur le tissu nerveux, mais les artérioles d'un

SOCIÉTÉS SAVANTES. 24t

certain calibre restent souvent longtemps étrangères au pro-

cessus.

Lorsque ces affections offrent un caractère subaigu, c'est-à-dire

dans lequel l'action est la plupart du temps plus durable, les réac-

tions étant moins énergiques, les éléments pourront être plus long-

temps maintenus à leur premier stade de réaction sans aboutir au.

stade de nécrose. La conséquence sera l'élaboration bien plus appa-

rente du tissu de sclérose.

Mais la encore nous ne retrouvons pas à côté des lésions des

capillaires et des artérioles des lésions d'artérite au niveau des

artères d'un certain volume dans les affections inflammatoires

chroniques, la complexité des phénomènes devient plus grande du

fait de l'irrégularité de répartition des lésions et des réactions diffé-

rentes que peuvent présenter les divers systèmes de cellules vis-à-vis

de la cause pathogène ; la durée même de la maladie aceentue ces

différences, si bien que les processus dégénératifs peuvent être très

accentués sur tel ou tel système, alors qu'ils sonl à 'peu près nuls

sur tel autre. C'est cet aspect différent des lésions qui a été cause de

la division tout arbitraire des affections inflammatoires ou intersti-

tielles et parenchymateuses, alors que dans la plupart des cas

toutes sont mixtes d'emblée. Mais la vulnérabilité plus grande de

tel ou tel système chez les différents sujets, vulnérabilité due aux

propriétés électives de la cause pathogène et aussi à la valeur

héréditaire individuelle des différents systèmes de cellules, fera que

les lésions conjonctives ou les lésions parenchymateuses peuvent

prédominer les unes par rapport aux autres.

Dans la tuberculose des centres nerveux, le tubercule, quel que

soit le point où il se localise, ne reste pas longtemps confiné à ce

point. A mesure qu'il se développe, les cellules nerveuses voisines

subissent directement l'action de la toxine. Nous pouvons en dire

autant des lésions syphilitiques circonscrites.

Lorsque ces lésions affectent dans le cerveau ou dans la moelle

la forme diffuse (méningo-encéphalites, méningo-myélites tuber-

culeuses ou syphilitiques) on ne voit pas davantage l'élément vas-

culaire être lésé, à l'exclusion de l'élément nerveux ou réciproque-

ment. Les toxines peuvent agir sur ces deux systèmes, avec prédo-

minance sur l'un ou sur l'autre, suivant la réceptivité individuelle.

Dans les affections chroniques dites systématiques, on ne voit pas

davantage que le rôle des vaisseaux soit primordial. Dans les dégé-

nérescences primitives du téléneurone moteur (certaines formes de

atrophie musculaire progressive), de l'archineurone moteur (tabes

dorsaux spasmodiques), des deux neurones moteurs simultanément

(sclérose latérale amyotrophique), on ne voit pas que les lésions

vasculaires soient primitives. Les lésions vasculaires que l'on ren-

contre ne diffèrent pas des lésions inflammatoires vulgaires et

n'atteignent, au début tout au moins, que les plus petits vaisseaux.

Archives, 2° série, t. VI. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

De ce que la lésion vasculaire est la plus facile à constater, on n'est

pas autorisé à admettre qu'elle est antérieure à la lésion nerveuse.

Il semble probable, si l'on admet les théories de la toxi-infection

qu'elles relèvent toutes de la même cause. '

Nous en dirons autant des affections qui ont pour substratum la

dégénérescence primitive des téléneurones sensibles (tabes vul-

gaire), des lésions simultanées du téléneurone et de l'archi-neu-

rone sensibles (maladie de Friedreich, tabes endogène). Les dégé-

nérescences primitives des neurones psychiques qui donnent lieu au

tableau symptomatique de la démence sont encore très peu con-

nues, ainsi que les altérations artérielles qui les accompagnent.

Cependant, les lésions nerveuses ne paraissent pas, dans certains

cas au moins, devoir être mises sur le compte des lésions vasculo-

conjonctives.

Dans la paralysie générale qui parait être également une affec-

tion primitivement parenchymateuse, il n'est pas impossible que

les parois des capillaires ou des espaces lymphatiques subissent dès

l'origine l'action nocive de la cause pathogène toxique ou vraisem-

blablement infectieuse, dont la nature reste encore à déterminer.

Cette hypothèse serait un trait d'union possible entre deux théories

opposées; mais ce qui nous semble actuellement inadmissible,

c'est que dans les formes pures de paralysie générale il puisse

exister des lésions vasculaires, même peu avancées, sans altération

des cellules nerveuses.

La sclérose en plaques parait bien plutôt liée à un processus

'infectieux qu'à un processus vasculaire.

La poreucéphalie, la syringomyélie, qui relèvent, dans la plu-

part des cas, d'un processus gliomateux, ne paraissent pas sous la

dépendance de l'artérite.

Quant aux autres affections du système nerveux et aux névroses,

nous connaissons très peu de chose sur les rapports réciproques des

deux ordres de lésions.

Si le rôle de l'artérite parait bien restreint dans la pathogénie des

affections du système nerveux, il est, en revanche, considérable

dans toute une série d'accidents qui doivent être considérés comme

la conséquence de l'artérite elle-même : l'ectasie anévrismale, la

rupture artérielle et l'oblitération thrombosique.

Lorsqu'une cause quelconque vient à rétrécir le calibre des

artères ou de leurs branches, l'organe pourra avoir encore au

repos une plus-value de matières nutritives ; mais s'il est obligé

d'exagérer un fonctionnement, on verra apparaître des phéno-

mènes de claudication intermittente bien étudiée par Charcot; l'or-

gane est en état de méiopragie d'origine artérielle.

Si le calibre du vaisseau arrive jusqu'à l'oblitération, comme les

artères des centres nerveux peuvent être considérées, pour la plu-

part, comme terminales, l'ischémie sera complète, et à la méio-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243 3

pragie succédera l'apragie. Le dernier stade de ce défaut de nutri-

tion sera la mort du territoire irrigué par le vaisseau, la nécro-

biose des éléments. Ces faits de simple physiologie pathologique

dominent l'histoire d'une grande classe d'accidents dus à l'artérite.

Ils éclairent, en outre, la pathogénie du ramollissement.

Lorsque l'artérite se traduit par l'ectasie anévrismale, ce sont

les accidents consécutifs, soit à la présence de la tumeur anévris-

male, soit à la rupture de cette tumeur que l'on observe. La plupart

des hémorragies qui se font dans les centres nerveux relèvent de

cette cause. Enfin une embolie venue d'un point éloigné du sys-

tème artériel peut déterminer au niveau des centres nerveux des

phénomènes de thrombose suivie d'oblitération et des accidents

consécutifs. C'est presque uniquement, semble-t-il, à ces accidents

et à leurs conséquences, qu'il faut réduire, avec les anatomo-patho-

logistes les plus compétents, le rôle des artérites dans la patho-

logie, et en particulier dans la pathologie du système nerveux.

En dehors de ces accidents, des lésions artérielles, même très

avancées, peuvent ne se traduire par aucun symptôme.

Hémiplégie progressive par artérite et ramollissement blanc.

MM. BRISSAUD et de 111.ss.ar. Le syndrome hémiplégie pro-

gressive parait indissolublement lié au ramollissement cérébral à

début lent, à étapes successives qui s'observe chez le vieillard. Telle

n'est cependant pas la règle absolue, et par opposition à celle hé-

miplégie progressive à attaques successives relevant de foyers de

ramollissement multiples par artérite des petits vaisseaux, nous

signalerons une hémiplégie qui est le fait, non de foyers multiples,

mais d'un foyer unique.

Nous venons d'observer un cas typique de cette variété : un

homme de quarante-sept ans vit son hémiplégie s'installer sans

secousse, sans fracas, sans ictus, lentement, sourdement. Cette

hémiplégie fut complète en un mois, puis les phénomènes s'aggra-

vèrent, le malade mourut dans le coma.

A l'autopsie nous trouvâmes une lésion énorme de ramollisse-

ment blanc, occupant les deux tiers inférieurs des circonvolutions

rolandiques de l'hémisphère gauche. Le caractère particulier de ce

ramollissement était sa consistance identique à celle de l'oedème.

La cause de ce ramollissement devait être recherchée naturelle-

ment dans l'état du système artériel ; or, fait particulier, les bran-

ches de la syl vienne, lasylvienne elle-même étaient saines, l'extré-

mité supérieure de la carotide était, par contre, le siège d'un foyer

d'eudarlérite annulaire ayant diminué considérablementlalumière

du vaisseau.

Voici donc deux lésions éloignées, oedème des rolandiques, arté-

rite de la carotide. Au premier abord ce fait d'une artérite provo-

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

quant l'oedème peut paraitre paradoxal. Ne voyons-nous pas cepen-

dant ce fait se produire fréquemment et pour ainsi dire sous nos

yeux dans l'artérite des gros vaisseaux, et particulièrement dans

l'artérite fémorale. Est-ce qu'un des symptômes de la forme sub-

aiguë de cette artérite ne consiste pas précisément en un

oedème spécial, reconnaissant pour cause la suppression de la ten-

sion artérielle et de la vis a tergo ? Eh bien, cet oedème est précisé-

ment le même que celui qui, dans notre cas, a dissocié, puis lésé

des éléments nerveux de plus en plus nombreux, et créé par consé-

quent cette hémiplégie progressive sur laquelle nous avons insisté.

Le malade que nous avons observé présentait un cas type, un

cas d'étude, de la variété que nous tenons à dégager. Mais ilestde

toute évidence qu'un malade atteint de ramollissements lacunaires

multiples peut avoir sur une des grosse artères de la base du cer-

veau un nodule d'endartérite et présenter ainsi à un moment

donné une hémiplégie progressive semblable à celle que nous

avons décrite, mais dont la pureté clinique se perdra dans les ma-

nifestations morbides antérieures.

Chez beaucoup de sujets atteints de ramollissement chronique

et de débilité sénile on constate souvent, à un moment donné une

hémiplégie progressive typique dont l'autopsie ne fournit pas la

justification. Dans ces cas on trouve souvent des foyers multiples

dans les hémisphères, mais aucun de ces foyers n'explique l'hémi-

plégie, et il est notoire même que souvent le maximun des lésions

n'est pas du côté opposé à l'hémiplégie. Il faut donc bien admettre

une action particulière d'insuffisance fonctionnelle permanente et

s'accusant chaque jour davantage ; celle qui résulte d'un oedème

dû à une oblitération artérielle partielle et lointaine. Si dans des

cas du même genre, il n'y a pas, comme dans notre observation

anatomique, un oedème blanc hypertrophique aussi caractérisé,

cela tient à ce que dans notre observation les faits étaient de date

récente.

De l'état du facial supérieur et du moteur oculaire commun

dans l'hémiplégie cérébrale.

M. Mirallié (Je Nantes). Dans deux communications récentes

à la Société de Biologie, l'auteur a soutenu que chez les hémiplé-

giques, toutes les fois que le facial inférieur était paralysé, le facial

supérieur l'était aussi, mais à un moindre degré. Cette paralysie

se traduit par l'abaissement de la queue du sourcil et la diminu-

tion du champ d'excursion du sourcil paralysé qui se meut par

saccades. Le rétrécissement de la fente palpébrale que l'on observe

dans certains cas tient à une diminution de la tonicité du moteur

oculaire commun. Quatre nouvelles observations d'hémiplégie

présentent la participation du facial supérieur à la paralysie; trois

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

fois la fente palpébrale s'est montrée rétrécie, indice de .la lésion

du moteur oculaire commun.

ligature de l'artère humérale au pli du coude. Troubles paralytiques

- consécutifs.

M. IALLY (de Paris) communique l'intéressante observation d'un

ouvrier de vingt-six ans, qui eut l'artère humérale sectionnée, au

niveau du pli du coude gauche, d'un coup de couteau. La ligature

du vaisseau fut faite le même jour; il en résulta une paralysie

de tout l'avant-bras, intéressant par conséquent des muscles iner-

vés par le médian, le radial et le cubital. L'exploration électrique

fit constater de grosses altérations de l'excitabilité, n'offrant pas

les caractères classiques de la réaction de dégénérescence (secous-

ses tétaniques avec prédominence de l'anode pour le courant gal-

vanique, et conservation de l'excitabilité faradique).

L'auteur considère que ces troubles paralytiques ne peuvent

s'expliquer ni par un traumatisme nerveux (section ou compression

du médian), ni par le mécanisme des paralysies réflexes, ni enfin

par une forme d'hystéro-traumatisme. Il lui semble plus logique

d'admettre que le trouble circulatoire résultant de l'oblitération

artérielle a pu provoquer une altération passagère des troncs ner-

veux. Ce mécanisme a, du reste, été invoqué déjà par MM. Jeoffroy

et Achard, pour interpréter dans un cas de névrite périphérique

les lésions d'autopsie ; enfin, MM. Ballet et Duthil ont récemment

pu provoquer des paralysies en anémiant la moelle par la com-

pression de l'aorte ; ils déterminaient de la sorte des lésions plus

ou moins accentuées dans les cellules des cornes antérieures de la

moelle. Le malade a guéri dans'l'espace de deux mois.

OEdème monoplégique.

M. 1>EicE expose ensuite l'observation d'un cas d'oedème monoplé-

gigue avec hérédité collai érale et antécédente analogue, des plus

curieux. L'anatomie pathologique reste à déterminer et l'auteur se

demande, avec M. Brissaud, si le substratum de ce syndrome ne

résiderait pas dans l'artério-sclérose de centres trophiques céré-

braux correspondants.

Epidémie de myélite et de polynévrites infectieuses.

M. Pernocci expose ensuite son rapport sur une épidémie de

myélite et de polynévrites infectieuses observée à l'asile d'Angers et

due soit à la mauvaise qualité de l'eau, soit au régime alimentaire.

La première cause paraîtrait la plus probable.

M. BOU11NEVILLG. Le Congrès devant aller celte après-midi

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

visiter l'asile de Sainte-Gemmes, et M. Petrucci se proposant de

nous faire voir quelques-uns des malades, objet de son travail, je

demande que la discussion soit ajournée à la prochaine séance.

M. G. Ballet appuie cette proposition qui est adoptée.

[Il s'agit là d'une épidémie très intéressante qui a été l'objet, de

la part de M. Chantemesse, d'un rapport au Comité consultatif

d'hygiène et d'une communication à la Société de biologie,

M. Petrucci doit publier son travail dans les Archives de médecine

d'Angers, nous espérons qu'il insistera sur les causes de cette

épidémie. La discussion qui devait avoir lieu, ne s'est pas pro-

duite.]

Élimination de bleu de méthylène.

M. le D1' J. Voisin a fait sur cette question une communication

que nous avons inséré plus haut in extenso (p. 189).

Etude clinique sur l'obsession.

MM. 1\1.-\.RIE et ViGouROUx. Les formes chroniques de ce syn-

drome sont plus spécialement étndiées dans ce travail : phobies

permanentes, manies dégénératives tardives en quelques sorte

chroniques dont la forme persistante et même progressive cons-

titue presque une démence spéciale.

Note sur la situation médicale et administrative de la Colonie

familiale de Dun.-

MM. Marie et VIGOUREUX. - Cet établissement a reçu jusqu'à ce

jour 674 malades. Le budget prévu pour 1895 comporte 700 ma-

lades et un crédit total d'entretien de 368.000 francs. Le dernier

compte de dépense met le prix de journée total à 1 fr. 40. Une

étude clinique accompagne ce travail cherchant à catégoriser les

aliénés aptes à bénéficier du placement familial.

VISITE A l'asile sainte-gemmes

Les membres du Congrès se sont rendus dans l'après-midi du

3 août à l'asile Sainte-Gemme ? , où ils ont été reçus par M. le

Dr Petrucci, qui a fait visiter l'établissement qu'il dirige. Au cours

de cette visite, M. le Dr Petrucci a montré les cas les plus intéres-

sants de l'épidémie de myélite infectieuse dont il avait entretenu

le Congrès dans la matinée.

Le soir, à 6 heures et demie, les congressistes se sont réunis en

un banquet servi dans la grande salle de l'ouvroir de l'asile. Ce

banquet, auquel ont pris part près de cent cinquante convives, était

présidé par M. Delpech, préfet de Maine-et-Loire.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 247

Pendant le banquet, la musique de l'établissement a fait enten-

dre les meilleurs morceaux de son répertoire.

Au dessert, plusieurs toasts ont été portés par MM. Delpech,

préfet de Maine-et-Loire, Regnard, délégué de M. le ministre de

l'intérieur, le Dr Petrucci, le D1' Motet, le Dr Joffroy et le Dr Le-

gludic. Ces toasts ont été très applaudis. Voilà les principaux pas-

sages du discours prononcé par M. le Dol' Petrucci. Après avoir

rappelé la fondation de l'Asile, M. le Dr Petrucci rend hommage

en ces termes à ses prédécesseurs :

bienfaiteurs. Je croirais manquer au devoir de la reconnaissance,

si je n'évoquais ici la mémoire de mes prédécesseurs. Ils ne sont

pas nombreux, trois, mais le bien fait par cette trinité a été consi-

dérable.

« Levincent dont vous voyez ici le buste, a fondé l'asile en 1842, il

meurt à peine en 1854, laissant une réputation légendaire d'acti-

vité, de philanthropie et de travail. Nuit et jour on le voyait par-

tout ; cet homme ne dormait jamais, répéte-t-on encore à l'asile.

e Billod lui succède de 1854 à 1868. Après avoir grandement

organisé l'asile, créé les beaux jardins que vous avez vus, il est

appelé à terminer sa carrière à l'asile de Vaucluse, près Paris.

Il Il est remplacé par un angevin d'origine, le Dr Combes, dont

la valeur n'avait d'égale que la modestie. Les malades étaient

entassés dans de vieux bâtiments, provenant en grande partie des

servitudes de l'ancien château et surtout des orangeries. Ils y

étaient très mal, l'établissement était certainement au-dessous de

sa grande réputation.

« Combes est poursuivi par la pensée constante de la reconstruc-

tion d'un asile, digne de la situation topographique vraiment

exceptionnelle de la localité. Il s'applique à eréer un boni, permet-

tant au Conseil général de pouvoir commencer ce grand travail. Il

est aidé dans sa tâche par l'habile architecte M. Dainville, que nous

sommes heureux de voir à cette table, créateur et premier direc-

teur de l'Ecole des Beaux-Arts d'Angers. Nous admirons autant

son talent que l'aménité de son caractère. Ces deux hommes

étaient bien faits pour se comprendre. Combes, comme Levincent,

meurt à la peine en 1879. Son fils, un des élèves les plus brillants

de l'école de médecine d'Angers, est également une victime du

devoir, il a été fauché à la lleur de l'âge par une diphtérie con-

tractée au lit d'un malade au moment de devenir interne des

hôpitaux de Paris.

« Je suis heureux de compter parmi nos convives la' fille de mon

prédécesseur, seul reste de cette noble famille. Née à l'asile, elle

me permettra de lui dire que nous la considérons encore comme

l'enfant de la maison. Elle est très heureusement mariée à l'un de

nos plus sympathiques confrères d'Angers, le Dr Moreau, le cama-

'248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rade d'études de son frère. Que tous deux reçoivent ici un nouveau

témoignage de notre plus vive sympathie.

« Enfin, Messieurs je lève mon verre en l'honneur de M. le

Préfet, de MM. les membres du Conseil général, de la commission

de surveillance de l'Asile et de tous ces bienfaiteurs qui nous don.

aient un si bel exemple de solidarité humaine.

c Mon dernier mot sera pour les dames, tous les jours au pre-

mier rang lorsqu'il s'agit de sacrifice, de devoir, de douleur et de

misères à soulager. »

M. Motet, président du Congrès, s'est exprimé en ces termes :

.. Monsieur le Préfet,

c Messieurs les Membres du Conseil général,

« Vous avez tenu à nous recevoir vous-mêmes dans cet asile dont

l'administration vous appartient; nous sommes vos hôtes, très

reconnaissants à la fois de votre bienveillance et de l'intérêt que

vous prenez à nos travaux. La meilleure manière de vous remer-

cier, Messieurs, c'est de louer votre oeuvre comme elle le mérite,

et de vous dire combien nous avons été frappés par l'aspect de

votre asile, par l'organisation de ses services.

« Vous disiez, Monsieur le Préfet, que vous craigniez la compa-

Taison avec d'autres établissements plus vastes, plus largement

installés. Rassurez-vous. Nous n'avons vu nulle part une transfor-

mation plus complète sous une impulsion plus généreuse. Je me

souviens d'avoir visité Saint-Germain il y a près de trente ans. Au

lieu de salles sombres, de rez-de-chaussée un peu tristes, vous nous

- avez montré des bâtiments baignés d'air et de lumière, où vos hôtes

malheureux trouvent des conditions de bien-être qui réparent un

.peu les sévérités du sort. Nous vous avons entendu nous dire que

vous ne considériez pas votre tâche comme achevée, que vous aviez

des projets que vous mettriez à exécution à leur heure. Nous,

Messieurs, qui sommes vos collaborateurs, nous vous remercions

- de vos efforts, et nous tenons à vous assurer que les médecins des

asiles d'aliénés auxquels est confiée la direction de services impor-

tants, donnent à l'accomplissement de leur tâche, parfois très

lourde, toute leur conscience, tout leur coeur.

« N'est-ce pas ainsi, mon cher monsieur Petrucci, que vous avez

- compris la vôtre ? Nous vous avons vu à l'oeuvre, dévoué à notre

congrès comme vous l'êtes à vos malades, à l'administration de

votre grand et bel asile, et nous vous adressons avec nos remercie-

ments, nos sincères félicitations. Nous les adressons respectueuse-

ment aussi à celle qui vous aide et qui a voulu prendre sa paît dans

l'oeuvre charitable. Permettez-nous de vous saluer, madame Petrucci,

'et de dire devant tous le bien que vous faites ici. Je ne vous en

louerai pas, vous écoutez la douce voix intérieure qui vous dit :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

z Ayez pitié ! » avec une bonté touchante, vous tendez la main à

ces pauvres folles dont vous vous êtes faite la providence. Soyez

remerciée par nous et bénie par elles !

« Messieurs, je lève mon verre en l'honneur de M. le Préfet, de

MM. les membres du conseil général et de la commission admi-

nistrative ; et, les remerciant au nom de mes collègues, de l'accueil

que nous recevons d'eux, je les prie de s'unir à nous pour procla-

mer fièrement notre devise :

« Par la science, par la charité, pour les malheureux ! »

Après le banquet qui s'est terminé à 9 heures, a eu lieu une

représentation théâtrale à laquelle assistaient les convives et des

notabilités et des dames d'Angers et des environs, ainsi qu'un cer-

tain nombre de malades. La séance a débuté par un choeur :

C'est ici le pays des roses..., très bien exécuté par les malades et

employés de l'asile, sous la direction de M. Delique. Une charmante

comédie de Labiche et Dufresnois, la Pièce de Chambertin, jouée

par des malades, a été très applaudie. La séance s'est terminée par

la Paludière de Poonichet, opéra-comique en un acte, musique de

M. Petrucci fils, accueilli par des applaudissements enthousiastes,

et les auteurs, MM. P. Petrucci et 0. Meunier, ont dû se montrer sur

la scène.

Une illumination du plus gracieux effet, dans le jardin qui borde

la Loire, et un feu d'artifice pendant lequel la fanfare de l'asile a

exécuté la Marseillaise et l'Hymne russe, ont terminé cette fête

charmante.

Séance du jeudi 4 août. - PRÉSIDENCE DE M. BRUNET.

Délire de revendication.

M. CULLERRE a décrit, en 1897, sous le nom de délire de l'evendi-

cation, une forme particulière de délire systématisé des persécutés

persécuteurs, variété de la folie raisonnante. En dehors de cette

forme type, il a rencontré quelquefois, à l'origine ou dans le

cours de certaines folies plus caractérisées, des idées délirantes de

revendication. Par exemple : 9° Ces idées délirantes peuvent carac-

tériser la période prodromique d'une manie terminée par la

démence incurable. 2° Elles peuvent survenir dans le cours d'une

aliénation héréditaire dont elles inaugurent la période démen-

tielle terminale. 3° Elles peuvent se présenter sous la forme du

délire systématisé ambitieux primitif et constituer une variété de

mégalomanie. 4° Enfin, le délire de revendication peut être symp-

tomatique de la démence organique et se manifester à la suite

d'une attaque de ramollissement cérébral.

En résumé, dans les quatre observations présentées, cette forme

tardive du délire de revendication se rencontre chez des hérédi-

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

taires menacés ou déjà atteints de lésions cérébrales d'origine

vasculaire (athérome cérébral, foyers de ramollissement). Elle est

la conséquence de l'affaiblissement des facultés intellectuelles et

d'une perversion, d'ailleurs habituelle chez les déments organi-

ques, de la sensibilité affective.

Basophobie chez un hémiplégique ; hémineu1'asthénie post-

hémiplégique.

M. IInALLIÉ. Un homme atteint d'une hémiplégie ancienne

voit, à la suite de son traitement électrique qui aggrave son état,

se développer une phobie de la marche. Tandis que chez lui il

marche assez facilement, il ne peut sortir de chez lui ni monter

son escalier sans être pris de crises d'angoisse, avec sueurs, facies

vultueux, contracture extrême de la jambe paralysée et menace de

tomber. Un traitement psychique améliore ces phénomènes. Cette

observation est absolument identique à celle déjà publiée par le

professeur Grasset.

. Des centres corticaux des viscères.

M. Paul Sollier. Nouveaux cas à l'appui des recherches précé-

dentes de l'auteur, exposées dans son ouvrage sur la Genèse et la

nature de l'hystérie, sur la possibilité de déterminer expérimenta-

lement et cliniquement chez les hystériques à manifestations

symptomatiques la localisation de certains centres corticaux des

viscères. Cette méthode, dite des points douloureux, est basée sur

ce fait que, à toute anesthésie ou hyperesthésie assez marquée d'un

organe ou d'un membre correspond une anesthésie avec point

douloureux dans une région du crâne, correspondant elle-même à

une anesthésie limitée du cerveau. L'expérience ayant démontré

que, lorsque ce sont des régions périphériques, dont les centres

sont aujourd'hui anatomiquement déterminés, qui sont atteintes,

ces points douloureux crâniens correspondent à la région céré-

brale contenant leur centre fonctionnel, il est logique d'admettre

qu'il en est de même lorsqu'il s'agit de troubles affectant des vis-

cères dont les centres corticaux sont encore inconnus.

L'auteur signale six nouveaux cas, dont trois se rapportent au

centre de l'estomac, et trois à celui du coeur, et étudié dans des

conditions d'isolement des phénomènes et de spontanéité d'appa-

rition telles, qu'elles constituent de véritables expériences naturelles.

Ces nouveaux faits confirment le siège précédemment établi par

l'auteur, à savoir, pour l'estomac, un point bilatéral placé sur la

circonvolution pariétale supérieure, sur le prolongement de la

branche postérieure de la scissure du Sylvius, et pour le coeur, sur

la ligne médiane même, en un point situé au-dessus du processus.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2§1

11 serait à désirer que l'anatomie pathologique s'inspirât de ces

données physiologiques, expérimentales et cliniques, pour la déter-

mination définitive des centres.

Cas de respiration de Cheyne-Stockes.

M. TERRIEN rapporte un cas de respiration de Cheyne-Stockes, inté-

ressant à plusieurs points de vue, d'abord par la durée du phéno-

mène (trois mois), ensuite par la régularité des pauses et la longueur

des pauses (35 secondes), la phase dyspnéique variant de quarante

à quarante-cinq secondes, et par l'existence de ce phénomène chez

un parkinsonien de soixante-dix-sept ans qui a présenté également

de l'angine de poitrine. M. Terrien se demande si ce Cheyne-

Stockes respiratoire doit être rattaché aux lésions cardiaques,

cause de l'angor pectoris, ou à la maladie de Parkinson, affection

pseudo-1>ulbaire d'après Brissaud.

L'alcoolisme en Vendée.

M. TERRIEN, parlant de ['alcoolisme en Vendée, prouve, par des

faits, que le Vendéen, qui a cette réputation si justifiée d'être un

buveur, fait très rarement de l'alcoolisme et tout à fait exception-

nellement du délire alcoolique. Il cite quatre cas seulement en

dix ans, et pourtant les ivrognes sont légion; ces quatre délirants

alcooliques sont précisément des buveurs de mauvais alcools,

d'apéritifs, etc. Jamais le buveur de vin blanc de pays, même à des

doses quotidiennes exagérées (6 à 8 litres), ne fait de délire alcoo-

lique.

lI. CULLERRE, médecin directeur de l'asile de la Roche-sur-l'on,

vient appuyer l'affirmation du De Terrien. '

Un cas de chorée saltatoire chronique datant de vingt-cinq ans,

guéri en cinq mois.

M.Paul SOLDER. - Il s'agit d'une vieille fille de quarante-trois

ans, sans'grande hérédité, d'un faible développement intellectuel,

qui présentait depuis l'Age de dix-huit ans des troubles spasmo-

diques rythmiques multiples, continus, avec paroxysmes extrême-

ment violents, tantôt localisés, tantôt généralisés le plus souvent :

sauts, contorsions des membres, grimaces de la face, spasmes

laryngés, cris, aboiements, secousses de tête, chorée saltatoire, etc.,

qui avaient fini par confiner la malade dans un placard pour

limiter ses mouvements et étouffer ses cris. Cet état était' absolu-

ment continu, et dans les moments d'accalmie, il subsistait quand

même un état spasmodique généralisé des muscles. Maints traite-

ments avaient été essayés sans succès. Par l'isolement, l'hydrolhé-

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rapie chaude et surtout par une gymnastique spéciale musculaire

les crises cessèrent au bout d'un mois; puis la malade recouvra

toute sa sensibilité interne, retour qui s'accompagna, comme

l'auteur l'a démontré, de régression de la personnalité jusqu'à

l'âge du début de la maladie. Au bout de cinq mois, la malade était

en état de quitter le sanatorium, de se livrer à toutes les occupa-

tions de la vie journalière, et depuis son retour dàns sa famille les

accidents n'ont pas reparu.

En dehors de la longue durée de la maladie, cette observation

est intéressante en ce qu'elle montre que la guérison est toujours

possible, et d'autre part quelle importance ont certaines manoeuvres

gymnastiques dans le traitement des névroses.

Assistance familiale directe des aliénés.

M. TERRIEN lit un travail sur l'assistance familiale directe des

aliénés. Sur 19 aliénés à délire actif, rencontrés dans sa clientèle

en dix ans, il n'a adressé que 5 malades à l'asile ; et il en tire ces

conclusions, que le médecin en clientèle pourrait dans maintes

circonstances, s'il était initié à la psychiatrie, donner des soins

efficaces à ces aliénés et leur éviter l'internement; il contribuerait

ains, dans une certaine mesure, au désencombrement des asiles.

Mais, pour atteindre ce résultat, il faudrait apporter de sérieuses

modifications dans le programme des études médicales, les mala-

dies mentales étant absolument négligées, sacrifiées.

Il serait donc nécessaire qu'il existât une chaire de pathologie

mentale dans toutes nos écoles de province; il serait utile qu'on

imposât à l'étudiant un stage, si court qu'il soit, dans un asile ou

une clinique d'aliénés; il faudrait que l'on s'appliquât à présenter

de temps en temps un aliéné à l'examen clinique; il se ferait ainsi

un peu de décentralisation de la science psychiatrique qui ne res-

terait pas comme aujourd'hui le domaine exclusif du médecin

d'asile et le praticien, sans être un spécialiste, aurait des connais-

sances suffisantes en aliénation pour pouvoir prendre une sage et

juste détermination en présence d'un aliéné, procéder son inter-

nement immédiat ou le maintenir dans sa famille quand la valeur

intellectuelle de l'entourage et la nature de l'affection autoriserait

cette mesure. Pour cela, afin de pouvoir porter un diagnostic,

indiquer un pronostic et instituer un traitement, il faut, ce qui

n'existe pas, que le médecin en clientèle connaisse l'aliénation.

Ai : Terrien est heureux, dans la circonstance, de pouvoir s'appuyer

sur la grande autorité de M. Bourneville qui, depuis très longtemps

et avec une grande constance, ne cesse de demander qu'on donne

plus d'importance à l'étude des maladies mentales.

Dans la même séance, M. IVIEIGE a fait une communication

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

sur quelques cas d'oedëmM nerveux et M. ALLARD sur un Cas de

myopathie primitive avec examens électriques.

Des résultats éloignés du traitement chirurgical de l'épilepsie.

M. BOURNEVILLE, après avoir rappelé que dans l'intérêt de la

science, les chirurgiens qui pratiquent la trépanation dans l'épilep-

sie, la craniectomie dans l'idiotie, ne devraient pas se contenter de

publier peu après l'opération, ce qu'ils ont constaté, mais aussi

faire connaître les résultats éloignés de leur intervention, rapporte

six observations d'épileptiques, trépanés depuis plusieurs années

et dont les accès ont suivi une marche progressivement croissante

aboutitssant dans quelques cas à la mort.

Dans la seconde partie, il insiste sur le mode de réossification

des brèches osseuses, sur les lésions d'ostéite hypertrophiantequil'ac-

compagnent. D'où il suit que le traitement chirurgical ajoute une

nouvelle lésion à celles qui existaient auparavant. Les crânes tré-

panés qu'il montre, ne laissent aucun doute à cet égard. M. Bour-

neville montre ensuite un crâne offrant une perforation congénitale

qui n'a pas empêché le sujet de devenir épileptique. Ce n'est pas

toutefois qu'il ne reconnaisse l'utilité de la trépanaliou dans des

cas bien définis et, à l'appui, il montre la calotte crânienne d'un

vieillard de soixante-douze ans, offrant une cicatrice osseuse, avec

exostoses à la face interne, d'où les lésions méningo-encéphaliques,

cause de l'épilepsie. En terminant, il fait appel aux chirurgiens

pour qu'ils publient les résultats éloignés observés chez leurs

malades trépanés et craniectomisés : c'est un devoir pour eux.

Désignation du siège du Xe Congrès, choix des questions et des

rapporteurs.

Le Congrès s'occupe ensuite de la désignation du siège et de la

date du prochain Congrès. Marseille, au mois d'avril 1899, sera le

siège désigné.

Les rapports choisis, ainsi que les rapporteurs adoptés sont :

1° Des délires systématisés secondaires : M. Anglade (de Toulouse);

2° Des psychoses polynévritiques : M. OUTIL (de Nice) ; 3° Des

aliénés méconnus et condamnés : M. Taty (de Lyon). Le président

nommé à la majorité, par 27 voix, a été M. le Dr DOUTRIOEENTE (de

Blois).

M. BOUIINEVILLE ne veut faire aucune objection aux questions

choisies. Mais il estime qu'il devrait toujours y avoir une question

médico-administrative.

M. Régis objecte que de deux en deux ans on donne une ques-

tion soit administrative, soit médico-légale.

M. Bourneville insiste pour que tous les ans il y ait un qua-

254 SOCIÉTÉS SAVANTES..

trième rapport portant sur une question administrative et comme

exemple il cite ces deux questions : 1° Du régime alimentaire

dans les asiles; 2° Personnel secondaire des asiles, enseignement

recrutement, salaire, pension de repos. Dans la séance où serait dis-

cuté ce rapport, seraient faites également les communications

relatives il ,l'administration et à l'organisation des asiles. Il con-

viendrait aussi de faire annoncer cette séance dans les journaux

de la localité, de convoquer spécialement à cette séance les mem-

bres de la commission de surveillance de l'asile du département

où a lieu le Congrès, les membres de la commission d'assistance

publique, du conseil général, les fonctionnaires ou employés delà

préfecture qui ont l'assistance dans leurs attributions, etc. Les

représentants de la ville et du département, les fonctionnaires qui

nous reçoivent, maires et préfets se rendraient de la sorte un

compte plus exact de nos travaux, de l'utilité de ce Congrès, et y

trouveraient la justification des sacrifices qu'ils réclament de la

ville et du département. Je ne désire pas de vote sur ma propo-

sition, je me contente de la signaler à l'attention de mes collègues.

EXCURSION A SAUMUR

Dans l'après-midi, les congressistes se sont rendus à Saumur.

Ils ont été reçus à l'Hôtel de Ville par le maire, notre distingué

confrère le D PETON qui leur a offert le vin d'honneur. De là, ils

sont allés à l'école de cavalerie où ils ont assisté à une répétition

générale du carrousel qui devait avoir lieu quelques jours plus

tard. Beaucoup ont regretté que l'ordre du jour préalablement

fixé n'ait pas été suivi. On devait, en effet, aller visiter la maison

centrale de Fontevrault où les médecins aliénistes et neurologistes

auraient trouvé des éléments de comparaison entre leurs malades

des asiles et les criminels des malades aussi pour la plupart

enfermés dans la prison.

L'ordre du jour comprenait ensuite une visite au château de

Montsoreau et enfin le carrousel. Au lieu d'une matinée antrhopo-

logique et sociale, artistique et militaire, nous n'avons eu que cette

dernière partie : c'est un peu maigre pour des hommes de science,

pour des médecins'. '.

Séance du vendredi 5 août. Présidence DE M. Motet.

Troubles psychiques post-opératoires.

M. TERRIEN (de la Vendée) rapporte trois cas de troubles psy-

chiques post-opératoires.

1 Des circonstances, que nous ignorons, ont empêché de réaliser ce

programme, excellent dans son ensemble. Si nous faisons ces critiques

c'est afin que, à l'avenir, on s'efforce de bien exécuter le programme.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

Premier cas. Femme de trente-cinq ans, frappée, à la suite

d'une application de forceps, d'une paralysie avec anesthésie des

membres inférieurs jusqu'au-dessus des malléoles. L'électrisation

est faite par le médecin traitant pendant un mois, sans succès.

M. Terrien, appelé en dernier lieu, constate la nature psychique de

l'affection; aussi fait-il de la suggestion en employant une pile

autre que celle du confrère (car il ne pouvait faire de la psycho-

térapie avec un appareil qui, aux yeux de la malade, était usé,

n'ayant rien produit). Après deux séances, la guérison était com-

plète, et M. Terrien profite de ce cas, ajouté à bien d'autres qu'il a

signalés dans les Archives de Neurologie, aux articles « Hystérie en

Vendée» et «Hystérie infantile en Vendée» pour affirmer que

c'est moins le courant électrique que la suggestion faite avec le cou-

rant ou simplement l'appareil qui efface les paralysies hystériques.

Deuxième cas. Femme de soixante-quatorze ans qui, après

l'ablation d'un cancer de l'oeil, présente, après la plaie cicatrisée,

une contracture spasmodique permanente des mâchoires : impossi-

bilité de parler, d'articuler les mots ; la langue reste appliquée,

immobile, sur le plancher buccal. Le traitement psychothérapique

supprime instantanément l'accident.

Troisième cas. Homme de soixante ans, opéré d'un carcinome

du nez, est pris quinze jours après l'opération d'étouffements répé-

tés, de suffocations; des idées hypochondriaques s'installent, le

malade demande la mort, il faut le surveiller. Par la suggestion

avec des pointes de feu appliquées au creux épigastrique, M. Terrien

supprime aussitôt les étouffements. Dès lors, les idées hypochon-

driaques s'effacent, le malade est guéri. Ces trois malades n'avaient

jamais présenté d'accidents hystériques, mais avaient une hérédité

névropalhique très chargée. C'est donc bien le traumatisme opéra-

toire, le choc opératoire qui a été la cause occasionnelle des acci-

dents. De même qu'il n'y a plus une folie post-opératoire, il n'y a

pas une hystérie post-opératoire ; les caractères sont les mêmes et

le traitement est le même. Aux troubles psychiques de l'hystérie,

il faut une médication psychique.

De la basophobie chez les ataxiques.

M. PARISOT (Pierre) (de Nancy). - La basophobie est une com-

plication de l'ataxie locomotrice dont la connaissance offre un réel

intérêt au point de vue de la symptomatologie et de la thérapeu-

tique du tabes. Si c'est sa névropathie qui prédispose l'ataxique à

une phobie quelconque, ce sont les lésions organiques du tabes

qui créent et spécifient cette phobie. L'ataxique tire de ses sensa-

tions anormales musculaire, articulaire, cutanée, de ses sensations

vertigineuses, enfin de la vue même de son incoordination la raison

de sa basophobie.

256 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La basophobie n'est pas proportionnelle au degré d'incoordina.

tion motrice; elle modifie parfois, en provoquant des contractions

musculaires, la démarche classique de l'ataxique; méconnue elle

fait croire à une impotence du malade plus grande que ne le com-

portent réellement les lésions organiques dont il est atteint.

Le traitement moral a une influence heureuse sur cette compli-

cation d'ordre psychique, à condition d'être prolongé et consolidé

par des moyens propres à atténuer les sensations anormales du

tabétique.

Paralysie périphérique d'origine traumatique. Troubles réflexes

concomitants.

M. Mally (de Paris) rapporte l'observation d'une malade de

soixante-quatre ans, chez laquelle une intervention chirurgicale au

niveau du creux poplité, très bien conduite, amena la paralysie

complète du sciatique poplité externe avec réaction de dégénéres-

cence complète. Cette paralysie évolua en l'espace de six mois. En

même temps, la malade présentait d'une façon très nette de la

trépidation épileptoïde des deux pieds, avec exagération des réflexes

rotuliens, avec atrophie du triceps. Ces accidents spasmodiques

disparurent progressivement en l'espace d'un mois du côté non

traumatisé et de deux mois du côté malade. Ces sortes de réactions

réflexes post-traumatiques ne sont pas exceptionnelles ; pour les

mettre en évidence il faut les rechercher avec soin, et surtout elles

ne sont très apparentes que chez les sujets prédisposés. Il est de

toute importance néanmoins d'en tenir compte pour instituer un

traitement rationnel. La formule ancienne de Duchenne et de Erb

est manifestement insuffisante. L'électrisation statique au contraire

présente, tous les avantages.

Un cas de paralysie faciale double d'origine 6ulbceir·e. Traitement

électrique des paralysies faciales.

M. 11lALLY rapporte l'observation d'un malade de soixante-sept

ans qui, à la suite d'une perte de connaissance, présenta une para-

lysie faciale double. L'examen électrique montra la réaction de

dégénérescence complète à gauche, réactions normales à droite.

Le facial droit récupéra ses fonctions au bout de deux mois; le

facial gauche demeura paralysé définitivement. Après avoir insisté

sur l'utilité de l'exploration électrique, l'auteur montre l'inutilité

du traitement local dans les cas qui présentent la réaction de dé-

générescence. Dans ces cas; le traitement local est inutile sinon

nuisible. Les muscles non dégénérés sont susceptibles au contraire

de bénéficier dans une large mesure d'un traitement électrique

localisé et généralisé. (Electrisation statique.)

, . SOCIÉTÉS SAVANTES. 287 Î

Troubles délirants post-opératoires.

MARIE et VIGOUROUX (de Dun-sur-Auron) communiquent un

certain nombre d'observations cliniques concernant des malades

ayant présenté des troubles délirants après qu'elles eurent subi

une opération et montrent combien il est difficile de limiter l'ac-

tion qu'a pu avoir cette opération sur la genèse et l'évolution du

délire. Une de ces malades a présenté des idées de persécution,

avec hallucinations de tous les sens et tendances persécutrices,

quelques mois après avoir subi l'hystérectomie abdominale. Elle

accusait le chirurgien qui l'avait opérée d'être à la tête de ses per-

sécuteurs. Aujourd'hui elle présente un délire très intense assez

bien systématisé, avec tendances ambitieuses et propensions aux

réactions violentes. On pourrait croire à l'existence d'une relation

étroite entre l'opération et le délire ; mais l'examen clinique de la

malade, son observation complète révèlent d'abord des antécé-

dents héréditaires chargés; puis l'existence de nombreuses tares

dégénératives et enfin plusieurs bouffées délirantes antérieures,

idées hypocondriaques, craintes d'empoisonnement, etc., etc.

Depuis qu'elle est internée, elle a compris parmi ses persécu-

teurs les médecins qui l'ont soignée, et le chirurgien opérateur ne

joue plus qu'un rôle secondaire.

La seconde malade a subi, elle aussi, une hystérectomie abdo-

minale ; quatre ans après, elle était internée, présentant de la con-

fusion mentale, de la sensiblerie, etc. A l'asile, elle eut des attaques

d'hystérie, et aujourd'hui elle présente tous les stigmates psy-

chiques et mentaux de cette névrose. Y a-t-il une relation entre

l'ablation des ovaires et la genèse de l'hystérie ? L'observation

nous montre combien il est difficile de se prononcer. Car, non

seulement nous trouvons des antécédents héréditaires névropa-

thiques, mais à l'âge de dix-huit ans, la malade a eu une crise de

dépression nerveuse de nature douteuse, et de plus, dans le laps

de temps qui sépare l'opération de l'internement, elle a subi des

malheurs, souffert de la misère et probablement fait quelques

excès alcooliques. La troisième observation concerne une mélan-

colique qui, dans un accès d'anxiété, s'est jetée par la fenêtre,

s'est brisé la cuisse et a dû être amputée. Cette opération, prati-

quée, il est vrai, alors qu'elle avait à peine repris conscience d'elle-

même, ne semble avoir eu aucune influence sur l'évolution de son

affection mentale ; et c'est surtout dans ses rêves actuels de carac-

tère triste que l'on peut retrouver trace de l'émotion produite par

l'opération.

Le rôle des opérations chirurgicales comme base d'interpréta-

tions délirantes des malades est plus net. Telle cette malade mé-

lancolique opérée d'une hernie, qui accuse sa belle-mère de l'avoir

blessée d'un coup de hache; tel ce dégénéré hypocondriaque qui,

Archives, 2e série, t. VI. 17 7

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

après avoir été sondé, accuse le médecin de lui avoir mis des

vipères dans le ventre, etc.

Un cas de maladie de Liltlc.

M. Poix (du Mans) rapporte l'observation d'une petite fille âgée

de deux ans et demi, née de parents ne présentant aucune tare

névropathique, la mère eut une grossesse normale, l'accouche-

ment se fit à terme, mais fut particulièrement laborieux, et l'en-

fant ne fut extrait qu'à la troisième application du forceps. Il était

en état de mort apparente et les jours suivants eut des convul-

sions. A l'examen les membres inférieurs paraissent normaux à

l'état de repos, mais si l'enfant est mis debout ils de\ lennent aussi-

tôt rigides et les pieds se mettent en varus équin ; les réflexes pa-

tellaires sont très exagérés; il y a du clonus du pied ; cette rigidité

se produit sous l'influence d'une piqûre, d'une émotion quelconque :

au niveau des membres supérieurs la rigidité existe, mais est

beaucoup moins accentuée, surtout à gauche ; pas de troubles de

la sensibilité ni des sphincters ; le facies est hébété et stupide; le

crâne est défurmé, il présente un aplatissement des bosses fron-

tales et une saillie de la région occipitale. Cette observation montre

que la maladie de Little peut être due seulement à un accouche-

ment laborieux, et tend à faire prévaloir l'opinion de Ros, M'ol-

terset Oster qui admettent la prédominance des lésions cérébrales

sur les lésions médullaires', les lésions du faisceau pyramidal n'in-

tervenant que consécutivement à celles de la corticalité.

Etat des cellules nerveuses chez un épileptique mort en étal de anal.

MM. A. HISPAL (de Toulouse) et D. ANGLADE (de Toulouse), rap-

portent l'observation d'un sujet mort en état de mal épileptique,

après avoir présenté toutes les grandes manifestations physiques et

psychiques de la névrose. Son système nerveux a été étudié par les

méthodes de Nissl et de Golgi. Dans les régions cervicale et lom-

baire de la moelle, les cellules radiculaires ont été reconnues nor-

males. De même les cellules des noyaux du bulbe. Dans le cerve-

let, les cellules de Purkiuje sont généralement saines. C'est à peine

si quelques-unes sont le siège d'un processus de chromatolyse peu

accusé et encore moins caractéristique. Dans le cerveau, les lésions

sont très importantes. Les cellules pyramidales ont perdu leur

forme et leur volume. On les voit souvent avec un corps boursou-

flé, vacuolisc, duquel se détache un prolongement filiforme et tor-

tueux. Parfois, au contraire, le volume du corps est tellement ré-

duit et le prolongement protoplasmique principal si augmenté de

volume, qu'il est impossible de dire où finit l'un et où commence

l'autre. La substance chromatique et la trame chromatique sont

SOCIÉTÉS SAVANTES.. 259

détruites en partie. Mais la lésion principale que les préparations

font ressortir avec évidence, c'est l'invasion des cellules par des

corpuscules apparemment névrogliques ; c'est surtout le développe-

ment de ceux-ci aux dépens de la cellule qu'ils envahissent : sorte

de phagocytose d'origine névroglique dont quelques-unes des

phases s'observent bien sur coupe.

On ne peut pas dire si cette phagocytose précède ou suit la mort

dela cellule. En outre, cette phagocytose n'est pas spéciale au cer-

veau des épileptiques. Elle a été observée à un degré beaucoup

moindre, il est vrai, chez les déments complets dont le système

nerveux était le siège d'altérations profondes.

Organisation des asiles publics d'aliénés; par le Dr Daniel Brunet.

MM.Marandon de Montyel, Sérieux, Toulouse, Le Filliâtre conti-

nuent leurs attaques contre l'organisation actuelle des asiles,

demandant la séparation des fonctions de directeur et de médecin

en chef, l'autonomie des médecins adjoints, l'augmentation du

nombre des médecins en chef, des modifications dans la construc-

tion des bâtiments et des murs de clôture, la mise en vigueur de

l'opendoor. Ces questions ont déjà longuement été examinées aux

congrès de Nancy et de Toulouse et à la Société médico-psycholo-

gique ; mais comme on désire qu'elles soient de nouveau soumises

au Congrès d'Angers, je m'empresse de déférer à ce désir. Pour

mon compte personnel, je ne vois aucun inconvénient à ce que la

discussion soit aussi longue, aussi étendue qu'on le voudra, à la

condition toutefois qu'elle ne dégénère plus en accusations aussi

injurieuses qu'imméritées contre les directeurs-médecins, qu'elle

revête toujours des formes parlementaires, un caractère courtois

comme cela doit exister entre collègues.

La réunion ou la séparation des fonctions de directeur et de mé-

decin en chef est une question d'opportunité; en principe la réu-

nion vaut mieux, mais elle n'est pas toujours possible : elle vaut

mieux parce que, quelle que soit la délimitation qu'on établisse

entre ces deux sortes de fonctions, elle assurera toujours une plus

grande unité, une meilleure harmonie de tousles services, que seule

elle permet d'instituer largement le travail des aliénés, qui est un

des plus puissants moyens de guérison de la folie quand elle est

curable, et de son amélioration quand elle ne présente aucune

chance de guérison ; qu'elle facilite la réalisation de toutes les

conditions hygiéniques nécessaires au bien-être des malades, de

toutes les améliorations dont sont susceptibles les asiles, qu'enfin

elle est beaucoup plus économique, condition qu'on me parait trop

dédaigner.

L'organisation du travail des aliénés est très difficile, ne peut

être qu'imparfaite lorsque les fonctions de directeur et de médecin

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sont séparées, parce que les ateliers, l'exploitation agricole et ma.

raîchère, les préposés des services généraux dépendent du premier

fonctionnaire, tandis que les infirmiers et les aliénés sont placés

sous l'autorité du second. Les dissentiments, les luttes continuelles

entre les directeurs et les médecins sont inévitables et trop con-

nus pour que j'y insiste ; personne ne les nie d'ailleurs.

Pour les prévenir on demande l'augmentation des attributions

des- médecins et la diminution de celles des directeurs, de manière

qué ceux-ci perdent l'autorité prépondérante qu'ils possèdent

actuellement. Cette augmentation est juste et possible dans une

certaine mesure et je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on donne

par exemple, toute la police médicale aux médecins qui en ont

déjà la plus grande partie, mais enlever aux directeurs la police

générale et n'en faire que des administrateurs placés en sous-ordre

et sous le contrôle du service médical me semble difficile.

Les directeurs resteront toujours responsables de la gestion

financière et économique, quoi qu'on fasse, et cette responsabilité

ne peut exister sans une assez grande autorité qui suffira pour les

placer au-dessus des médecins, du moins en province, où les con-

seils généraux se préoccupent plus des intérêts économiques des

départements que des intérêts moraux des aliénés.

- Les fonctions de directeur et de médecin me paraissent devoir

être réunies partout où une seule personne peut s'acquitter du ser-

vice médical. Cette réunion doit être maintenue dans les asiles où

elle existe actuellement et pourrait être établie avec beaucoup

d'avantages dans les asiles du Mans, de Cadillac et de Bordeaux.

On objecte à cette réunion que le temps consacré aux fonctions

administratives ne laisse plus aux directeurs-médecins le temps

nécessaire pour se permettre de s'acquitter d'une manière conve-

nable du service médical, de faire des travaux scientifiques ; que

mus par des sentiments purement personnels ils subordonnent les

intérêts des aliénés à ceux des départements, pour satisfaire aux

désirs des autorités dont ils dépendent.

Ces accusations sont complètement fausses. Je suis resté trente-

quatre ans directeur-médecin des asiles départementaux de la

Côte-d'Or, de la Nièvre, de la Charente et de l'Eure, et j'affirme

n'avoir pas consacré en moyenne plus d'un quart d'heure par jour

à mes fonctions administratives, celles-ci ne consistant qu'en un

travail de direction et de surveillance, puisque le travail matériel

peut être fait et doit être fait par les employés du secrétariat, à

part quelques signatures à donner.

La surveillance de l'économat et de la recette ne doit être exer-

cée que rarement; ce qu'il importe à un directeur, c'est de bien

connaître la comptabilité qui concerne cette double gestion, de

pouvoir en vérifier tous les détails quand il le juge nécessaire, afin

que le receveur et l'économe sachent bien qu'ils peuvent être ins-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261

pectés à chaque instant par lui. Il surveille d'ailleurs presque tout

le temps, d'une manière presque inconsciente, le service de l'éco-

nomat, en s'occupant du service médical, et la recette est sous la

responsabilité du trésorier-payeur général qui en vérifie souvent

les écritures et la comptabilité. Que des malversations se produi-

sent trop souvent de la part du receveur et de l'économe, cela est

incontestable et tient à ce que l'administration supérieure ne

montre pas assez de sévérité envers les coupables quand on les dé-

couvre ; mais il est rare que des reproches soient adressés à cet

égard aux directeurs, qui n'y peuvent rien. Quant à l'exploitation

maraîchère et agricole, qu'on considère comme si absorbante,

elle est confiée à un jardinier et à un chef de culture et les direc-

teurs n'ont à s'en occuper que pour indiquer les récoltes qu'ils dé-

sirent. Il me semble nécessaire qu'un directeur ait quelques no-

tions de culture afin qu'il puisse constater, quand il se promène

dans la propriété de l'établissement, si elle est en hon état d'entre-

tien ; mais ces notions sont courtes et faciles à acquérir.

L'ennui réel, presque unique des fonctions administratives, con-

siste dans l'exercice de la police générale et de la police médicale

et comme il est en grande partie réclamé avec beaucoup d'ins-

tances par les médecins qui attaquent l'organisation actuelle, s'il

vient à leur être accordé, ils auront les préoccupations de la réu-

nion des fonctions sans en avoir les avantages.

Un directeur-médecin peut facilement s'acquitter convenable-

ment de toutes ses fonctions sans y consacrer ordinairement plus

de trois à quatre heures par jour. J'ai connu beaucoup de direc-

teurs-médecins et aucun d'eux n'a jamais subordonné les intérêts

des aliénés à ceux des départements, comme on les en accuse et

ils consacrent tous leurs efforts à les défendre ; quand il s'agit par

exemple de réduire le prix de journée de ces malades, ils luttent

toujours contre les préfets et les conseils généraux avec la certitude

de déplaire, avec le risque de compromettre leur situation. Les

économies qu'ils réalisent n'ont qu'un but : l'amélioration des

conditions hygiéniques des aliénés qu'on leur refuserait sans elles.

On objecte encore à la réunion des fonctions que quelques méde-

cins sont incapables de remplir des fonctions administratives.

Cela est exact, et pendant mon internat à Charenton, M. Calmeil,

l'aliéniste le plus éminent de notre siècle, nous répétait souvent et

avec raison, qu'il aurait fait un très mauvais directeur. Ce fait

prouve seulement qu'avant de nommer directeurs-médecins les

personnes qui sollicitent ces fonctions, il est nécessaire de s'assu-

rer qu'elles possèdent les aptitudes nécessaires pour les remplir et

que celles qui ne les possèdent pas, doivent se consacrer unique-

ment aux fonctions de médecin en chef, qui aujourd'hui sont assez

nombreuses. Ce sont les hommes qui doivent s'adapter aux fonc-

tions et non les fonctions aux hommes. <

ZOZ SOCIÉTES SAVANTES.

La légère perte de temps occasionnée par les fonctions de direc-

teur est bien compensée par l'allégement apporté au service

médical par les employés de la direction. A l'asile d'Evreux où le

recrutement des internes est presque impossible comme dans tous

les établissements éloignés des facultés et des écoles de médecine

où sont aujourd'hui obligatoires le stage et les exercices pratiques

des étudiants en médecine, un employé était chargé de tenir les

cahiers de visite, m'aidait à rédiger les observations médicales, à

faire les bulletins médicaux, les rapports semestriels, les statis-

tiques, le rappoit médical annuel, etc., travaux dont j'eusse été

obligé de m'acquitter seul si je n'eusse été que médecin en chef. Si

en province les directeurs médecins ne font pas toujours beaucoup

de travaux scientifiques, cela tient à ce qu'ils n'ont pas les mêmes

facilités, la même émulation pour les produire et les publier qu'à

Paris, qu'ils manquent de bibliothèques, de laboratoires, de jour-

naux de sociétés scientifiques; mais ce n'est certes pas le temps

qui leur manque. ·

La réunion des fonctions administratives et médicales parait

aujourd'hui plus nécessaire que jamais. On a émis le voeu à la pré-

cédente Chambre des députés que les directeurs-médecins fussent

nommés par l'autorité préfectorale comme le sont les médecins et

il est possible que ce voeu soit renouvelé et adopté par la chambre

actuelle. Les directeurs médecins, par suite de leur qualité de

médecins, conserveront peut-être encore alors une certaine indé-

pendance tandis que les directeurs laïques ne seront plus que de

simples chefs de bureaux des préfets qui administreront complète-

ment les asiles et annihileront l'influence médicale, sans qu'aucun

recours soit possible.

Admettre l'autonomie des médecins adjoints dans les asiles admi-

nistrés par des directeurs médecins c'est admettre la séparation des

fonctions, car il n'y a entre un médecin en chef et un médecin

adjoint autonome, chef de service, d'autre différence que le nom

et le traitement. Les médecins assistants qui secondent à l'étranger

les directeurs médecins des asiles d'aliénés ne sont pas autonomes

comme on l'a prétendu. J'ai constaté en Suisse ce fait qui vient de

m'être confirmé par M. Ladanne.

Non seulement on réclame à cor et à cris la séparation des fonc-

tions de directeur et de médecin en chef, mais on demande en

même temps l'augmentation du nombre des médecins qui ne de-

vraient pas avoir à traiter plus de 100, 200 ou 300 aliénés.

Le nombre des médecins doit être moins subordonné à la

moyenne quotidienne des aliénés qu'au total des admissions

annuelles : pour cette raison les asiles de la Seine où elles attei-

gnent un chiffre très élevé, souvent égal à celui de la population

moyenne, ne sauraient être comparés aux asiles de province où

elles sont beaucoup plus faibles. Aucun de ces derniers asiles n'en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

a autant que le plus petit établissement de la Seine, celui de Vau-

cluse où, sans compter la colonie agricole composée d'individus

atteints d'idiotie, on traite 1600 aliénés environ dont la moitié sont

admis dans l'année. On peut donc, sans être inconséquent avec

soi-même, approuver la séparation des fonctions dans cet asile et

rejeter celle des établissements d'Evreux, de Quatre-Mares, de

Bailleul, de Saint-Yon, qui ont plus de lits mais dont aucun n'a

300 admissions. Les deux asiles de province où celles-ci atteignent

le chiffre le plus élevé, sont ceux de Lyon où elles. ont été en 1897,

de 513 et celui de Marseille où il y en a eu 504; bien que très infé-

rieures à celles de l'asile de Vaucluse elles me semblent encore suf-

fisantes, jointes à l'élévation de la population moyenne, pour justi-

fier la séparation des fonctions de directeur et de médecin et la

nomination de deux médecins en chef.

La réunion des fonctions me semble impossible dans les asiles

de Montdevergues, de Maréville et de Clermont, en raison du

chiffre considérable de la population moyenne et du grand nombre

des pensionnaires qui y sont traités. Si l'augmentation des aliénés

continue à progresser Saint-Yon et à Bailleul, la séparation des

fonctions deviendra peut-être nécessaire dans ces asiles ; au lieu

d'admettre cette séparation il me semblerait préférable de cons-

truire un pensionnat bisexué pour le département de la Seine-

Inférieure et pour celui du Nord, et de consacrer uniquement aux

indigents les asiles actuels de ces départements.

La construction de ces pensionnats n'aurait que des avantages,

même au point de vue économique en augmentant le nombre des

pensionnaires qui seraient placés dans de meilleures conditions de

bien-être et par suite les bénéfices de ces départements. La réunion

des indigents et des pensionnaires dans un même asile a beaucoup

d'inconvénients sous tous les rapports, ces deux catégories de ma-

lades qu'il est ordinairement impossible d'isoler complètement,

n'ayant ni les mêmes goûts, ni les mêmes habitudes, ni la même

éducation, étant soumis à un régime alimentaire différent, ce qui

complique beaucoup le service. On a commis une faute en créant

dans les asiles publics d'aliénés de Clermont et de Ville-Evrard des

pensionnats importants qui ne pourront jamais prendre une grande

importance. '

L'asile d'Evreux, qui a 900 lits, dont la population moyenne

quotidienne varie de 850 à 870 aliénés, mais qui n'en reçoit pas

chaque année 140, exige moins de travail qu'un service do la

Seine de 350 lits, qui a plus de 300 admissions annuelles. Cela est

facile à prouver en comparant le mouvement de la population de

cet asile à celui de ce service pendant une certaine période de

temps, de 1888 à 1897 par exemple. Au commencement de cette

période l'asile d'Evreux avait 855 aliénés ; pendant sa durée il en a

reçu 1 234 ce qui porte le nombre des malades traités à 2,089 tandis'

264 SOCIÉTÉS SAVANTES.

que celui du service de la Seine aura été de 3,000 en portant le

nombre des admissions de chaque année seulement à 300. Non

seulement les aliénés traités auront été plus nombreux dans ce

service, mais ils auront exigé beaucoup plus de temps, beaucoup

plus de soins, indépendamment de leur nombre parce qu'il y en

aura eu 2,700 de reçus pendant cette période qu'il aura fallu

étudier longuement, pour lesquels il aura été nécessaire d'établir

des pièces d'admission, de rédiger de nouvelles observations et

que la thérapeutique à leur égard aura dû être plus active puisque

sur 100 guérisons Sa à 90 ont lieu la première année. Les anciens

malades demandent beaucoup moins de travail; leurs observations

n'ont besoin d'être complétées que par quelques notes, les modifica-

tions de leur état mental sont moins nombreuses et les rares guéri-

sons qu'on observe chez eux s'obtiennent plus par le calme, le

travail, des distractions, quelques moyens hydrothérapiques, des

congés, des sorties provisoires que par des médicaments.

M. Le Filiâtre, qui devait faire une communication au congrès,

et que je regrette de ne pas voir ici, réclame dans un article publié

l'année dernière par la Tribune médicale pour un asile de 800 ma-

lades :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

penses étant de 130.000 francs dépassent donc ses recettes de

57.000 francs au lieu de leur être inférieure de 42.000 francs,

comme il le suppose. En outre son chiffre de 200 guérisons n'est

appuyé sur aucune preuve, est très exagéré. A l'asile d'Evreux par

exemple où l'on ne reçoit par an que 137 aliénés sur lesquels il n'y

a que 80 cas de folie récente, qui ne sont pas même tous suscep-

tibles de guérison, comment pourra-t-il guérir 200 malades ? Et

puis, le diviser en huit divisions serait jeter partout le désordre,

rendre toute classification impossible, mêler ensemble toutes les

formes de l'aliénation mentale, et cette confusion loin d'accroitre

le bien-être des malades, d'augmenter leurs chances de guérison,

aggraverait leur état mental.

M. Marandon de Montyel propose de supprimer dans la construc-

tion des asiles, les galeries couvertes et de remplacer par des grilles

les murs avec sauts-de-loup des préaux. Je crois que les galeries

présentent beaucoup d'avantages pour le service du personnel

médical de surveillance aussi bien que pour les aliénés et qu'on

peut remédier aux inconvénients qu'elles présentent actuellement

en substituant aux arcades en pierre trop massives des colonnettes

en fer ou en fonte, et à la toiture de zinc, de tuile ou d'ardoise

une couverture en verre qui n'enlève aucune lumière aux salles du

rez-de-chaussée contre lesquelles elles sont adossées. Pour empêcher

les sauts-de-loup d'être dangereux et malpropres, il suffit d'avoir

des préaux suffisamment grands, comme ceux de la partie anté-

rieure de l'asile d'Evreux qui ont une longueur de 65 mètres, pour

permettre de leur donner une pente très légère et d'y semer du

gazon. Les grilles sont plus faciles à escalader que des murs, à

cause des barreaux transverses qui relient entre eux les barreaux

verticaux, lesquels harreaux peuvent servir en outre de moyens de

pendaison et il est plus agréable de pouvoir regarder la campagne

librement qu'à travers une grille.

Les cellules étroites, à plafond bas, devraient être remplacées

par des chambres d'isolement cubant environ 35 mètres. Je crois

que nulle part, à moins de cas exceptionnels, elles ne sont em-

ployées comme habitations de jour; mais, tous les aliénés qui

poussent des cris, font du bruit la nuit, devraient y coucher et je

ne conçois pas qu'on puisse placer des malades en traitement, qui

ont besoin de calme et de repos, dans des dortoirs où ne règne pas

une tranquillité complète. Pour satisfaire à cette indication très

importante, j'ai fait construire une centaine de chambres d'isole-

ment à l'asile d'Evreux.

L'opendoor qu'on vante beaucoup depuis quelque temps est un

système d'organisation des asiles dans lequel tout ce qui est pratique

esl ancien et tout ce qui est nouveau n'est pas pratique.

On dénigre trop au profit de l'étranger la patrie de Pinel qui ne

mérite pas les blâmes qu'on lui adresse. Que tout soit parfait dans

266 . SOCIÉTÉS SAVANTES.

nos établissements, dans leur construction, dans leur organisation.

personne ne le pense; quelques-uns pourraient être détruits sans

aucun regret et les meilleurs nécessitent des améliorations, mais il

ne s'ensuit pas qu'il faille tout détruire pour améliorer. On réclame

de la liberté, des asiles aux portes et aux croisées ouvertes, pour

les aliénés tranquilles dont le nombre, je le reconnais, dépasse la

moitié de ceux qui sont traités. Il existe des serrures dans toutes

les maisons privées et c'est pousser le paradoxe un peu loin que

d'en priver nos asiles. Ces serrures me semblent nécessaires daus

les asiles bisexués pour éviter des relations entre les deux sections

pour alléger la surveillance qui ne doit pas toujours être sur-

menée.

Les grillages des croisées ont été condamnés il y a plus de

cinquante ans par Parchappe qui a oublié, 'pour éviter les suicides

de placer les infirmeries et les quartiers d'observations au rez-de-

chaussée. Les asiles de Niort, de Limoges et de Breuty, construits

d'après son programme, ont des croisées entièrement libres. Les

malades tranquilles jouissent de la plus grande liberté dans les

asiles de province bien organisés. Ils travaillent dans de vastes

propriétés sans murs de clôture situées ordinairement autour des

établissements en étant distants quelquefois de plusieurs kilomètres

comme celui de la Charité-sur-Loire sous la direction de chefs de

culture, de chefs d'ateliers, n'exerçant sur eux presque aucune

surveillance.

A l'asile d'Evreux, les dimanches et jours fériés ils vont en pro-

menade toute la soirée; ils prennent du café, fument des cigares,

achètent des gâteaux; ils sont conduits aux fêtes et aux foires

locales, déjeunent et dînent avec la fanfare de l'asile plusieurs fois

par an à la campagne; pendant la foire de Saint-Taurin qui dure

quinze jours on y envoie chaque jour un certain nombre d'aliénés

et ils assistent tous à une représentation du cirque au nombre de

plus de 400. ,

Les promenades, les collations avec les parents, les congés, les

sorties provisoires, les visites fréquentes, je n'ai jamais cessé de

les autoriser pendant les trente-huit ans que je suis resté médecin

en chef préposé responsable, ou directeur médecin.

Les visites tous les jours et à toute heure de la journée ne me

paraissent pas compatibles avec l'ordre qui doit régner dans un

grand établissement. Pour les incurables, deux jours de visites par

semaine, comme cela existe partout, me paraissent suffisants; et

quant aux malades susceptibles de guérison, pour lesquels elles

peuvent être plus fréquentes, elles doivent être toujours surveillées

avec soin par le service médical pour ne 'pas aggraver leur état

mental, comme je l'ai vu arriver quelquefois.

La liberté d'écrire peut être illimitée pour les malades curables,

mais me semble devoir être restreinte à un ou deux jours par

SOCIÉTÉS SAVANTES.. 267

semaine pour les incurables. J'ai renoncé à la douche de punition

il y a trente-deux ans, parce que j'avais vu des internes l'employer

avec trop de violence, et déterminer des accidents graves; elle a

été supprimée il y a quelques années dans tous les asiles par une

circulaire ministérielle.

Je ne saurais admettre de grands asiles composés de villas dis-

posées en forme de village, avec boulevards, places publiques,

cafés abstinents, débits de tabac, tramways, et je préfère beau-

coup de petits établissements situés au milieu de propriétés d'une

soixantaine d'hectares, avec de très grands préaux, ayant tous vue

sur la campagne au moins par un de leurs côtés, pouvant contenir

de 4 à 600 aliénés suivant le nombre des admissions et adminis-

trés par un directeur médecin aidé de deux internes qui devraient

être docteurs en médecine ou n'avoir plus que leur thèse à passer.

Le non-restreint doit être appliqué aussi largement que pos-

sible, mais il ne peut pas l'être d'une manière absolue et il ne l'est

nulle part. A l'asile d'Evreux il existe, dans la section des hommes,

deux jeunes dégénérés atteints de débilité mentale, sans épilepsie,

dont l'un est frappé d'hémiplégie survenue peu de temps après sa

naissance, qui présentent une telle surexcitation de l'instinct des-

tructeur, qu'ils ne peuvent rester quelques heures les mains libres,

sans déchirer leurs vêtements, sans casser les carreaux des croisées

et tous les objets qui se trouvent à leur portée. Celui qui est atteint

de l'hémiplégie a conscience de ses impulsions irrésistibles, ne veut

pas qu'on lui laisse les mains libres. L'autre non seulement brise

et déchire tout, mais il frappe en même temps d'une manière

violente les infirmiers quand il a la liberté de tous ses mouve-

ments. Dans la section des femmes, une débile et une idiote se

livrent toute la journée, sur elles-mêmes ou avec leurs com-

pagnes, à l'onanisme : les laissera-t-on démoraliser ainsi toute une

division ?

Il est certain, comme l'a dit M. Doutrebente, que l'envoi des

aliénés des asiles de la Seine dans ceux de province est un obstacle

à l'emploi du non-restreint dans ces derniers. M. Marandon de

Montyel lui a répondu que les médecins ne désignaient pas les

aliénés destinés à être transférés, que ceux-ci étaient choisis uni-

quement parmi ceux qui recevaient peu ou pas de visites de leurs

parents ou de leurs amis. Cette réponse n'est pas fondée; on sait

qu'ordinairement les visites deviennent de moins en moins fré-

quentes, à mesure que l'ancienneté de l'aliénation mentale aug-

mente ; qu'au bout de quelques années, lorsque la maladie ne

présente plus de chances de guérison, elles sont très rares, si même

elles ne cessent pas tout à fait. Or, c'est parmi les incurables qui

peuvent être choisis ordinairement, qu'on rencontre les malades

les plus incoercibles, les dégénérés à perversion instinctive, cer-

tains maniaques chroniques qu'aucun traitement ne peut calmer

268 VARIA.

En terminant cette communication, je ne puis m'empêcher de

renouveler le voeu déjà si souvent émis, que chaque département

ait un asile pour ses aliénés et que celui de la Seine construise assez

d'établissemeuts pour ne pas être dans l'obligation douloureuse

d'envoyer la moitié des siens dans ceux de province. (A suivre.)

VARIA.

LE PATRONAGE FAMILIAL DANS LES VILLAGES ZOTZS1ANSRA.IA, K1\fEiVH.1

KTKnASNOPOLiE (gouvernement d'Ekaterinoslaw) ; par D. SBARSEY.

(Questions de neurologie et de psych. méd., t. II, 1897, p. 513-b37.)

L'enquête faite par l'auteur dans le but de déterminer quelle a

été la situation des aliénés laissés aux soins des paysans de ces

deux villages a montré une fois de plus combien sont nombreux

les avantages de ce mode d'assistance des aliénés chroniques. Le

nombre des malades patronnés a été de 363 en trois ans; là-dessus

à la fin de la troisième année 38S restaient aux villages. Les causes

de la réintégration d'un certain nombre de malades à l'asile sont

assez nombreuses ; la plus fréquente est l'état d'excitation des

malades; ensuite vient l'impossibilité pour les paysans peu aisés

surtout, de garder les malades en hiver dans leurs pauvres mai-

sonnettes (où il n'y a quelquefois qu'une seule pièce habitable et

où tout le monde couche en hiver); le renvoi pour cause de mau-

vais traitement de la part des hôtes est tout à fait exceptionnel;

de même que pour des abus de boisson de la part des malades

mal surveillés où même poussés par leurs hôtes mal inspirés.

Malgré le régime presque exclusivement végétal (la viande n'est

servie que une à deux fois dans les quinze jours) les trois quarts des

malades présentent un état de nutrition tout à fait bon; dans le

quart qui reste il y a beaucoup de vieillards.

Les affections dont les malades sont atteints sont : démence

secondaire (près de 2/5 du nombre total), épilepsie, idiotie,

démence congénitale et quelques autres variétés d'aliénation men-

tale choisies parmi celles qui permettent aux malades de circuler

assez librement parmi les sains.

La majorité des malades travaillent, aidant leurs hôtes dans les

rudes travaux de campagne dans la mesure du possible; ils tra-

vaillent tous sans y être contraints et s'en trouvent fort bien ; leur

vie les satisfait à tel point qu'ils ne désirent nullement rentrer à

VARIA. 269

l'asile (la majorité des malades patronnés appartiennent à la classe

des agriculteurs). Les exemples d'attachement des malades pour

leurs hôtes et inversement ne sont pas rares.

Les malades sont étroitement surveillés par un surveillant qui

reste à demeure dans le village; le médecin vient une fois par

semaine (l'asile est à 7 kilomètres d'un village et à 3 de l'autre).

On surveille attentivement la sphère sexuelle chez les aliénés;

en trois ans il n'y a eu qu'un cas de grossesse d'une malade et une

tentative de viol de la part d'un aliéné.

En augmentant la surveillance, l'habitude de la part des paysans

aidant, on parviendra certainement à écarter très facilement ces

quelques écueils. E. MARGOOLIES.

Ce mode d'assistance et non de traitement ne peut s'appli-

quer qu'à une catégorie de malades choisis avec soin. On devrait

recourii d'abord au placement dans la famille elle-même, puis

dans les familles extérieures, en choisissant les, localités les plus

rapprochées des asiles. B.

Les aliénés EN liberté.

Un fou furieux. Un journalier, nommé Alfred Cotin, âgé de

cinquante ans, demeurant, 62, rue de Paris, pris hier d'un accès

de folie furieuse, s'arma d'une énorme barre de fer avec laquelle

il se mit à briser tout son mobilier.

Quand son logement fut complètement démoli, l'aliéné descendit

l'escalier en couraDt et pratiqua la même opération dans la loge

de son concierge. Celui-ci s'enfuit épouvanté et courut prévenir

des agents de service.

Mais dès que Cotin aperçut les gardiens de la paix. il se réfugia

dans son logement où il se barricada avec les débris de ses meubles

et reçut les agents à coups de revolver.

Enfin, après une lutte acharnée qui dura près d'une heure, on

parvint à s'emparer du forcené qu'il ne fallut pas moins de dix

hommes pour maîtriser et ligotter. M. Mazurié a fait aussitôt diriger

ce fou dangereux sur l'infirmerie spéciale du Dépôt. (L'Aurore du

4 juillet.)

Nous croyons qu'il serait possible d'éviter des scènes aussi péni-

bles et aussi dangereuses en organisant, ainsi que nous l'avons dit,

une escouade d'infirmiers et d'infirmières, bien choisis, instruits,

habiles et spécialement stylés, à l'Asile clinique où l'on prendrait

le personnel nécessaire pour se rendre maître des malades de ce

genre. Au lieu d'agir avec précipitation, il serait préférable de tem-

poriser, tout en exerçant une surveillance rigoureuse. Rappelons

aussi la nécessité d'avoir une voiture d'ambulance spéciale. B.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. le D' MEUNIER,

médecin en chef à l'asile d'aliénés de Marseille, est élevé à la classe

exceptionnelle ; M. le Dr LEVET, médecin adjoint à l'asile de Fains,

est élevé à la 1"C classe (14 juin) ; M. le D1' MAUPATà, médecin adjoint

à l'asile d'Armentières, est élevé à la classe exceptionnelle

(27 juin); M. BALET, directeur de l'asile de Ville-Evrard, est élevé à

la classe exceptionnelle (1er juillet); M. BAUDARD, directeur de

l'asile de Vaucluse, est élevé à la classe exceptionnelle (101' juillet);

M. RAOUL, directeur de l'asile de Montdevergues, est compris dans

la classe exceptionnelle (8 juillet) ; M. le D1' Roux est nommé méde-

cin adjoint de l'asile de la Charité, place créée (8 juillet) ; M. le

Dr LEROY, médecin adjoint à l'asile d'Évreux, est élevé à la 1re classe

(16 juillet) ; M. le Dr PÉCHARMOE, médecin adjoint à l'asile de Cler-

mont, est élevé à la classe exceptionnelle (20 juillet).

Asile DE SAINT-ROBERT. Les fonctions de directeur et de méde.

cin en chef ayant été disjointes, M. GEx, chef de division à la pré-

fecture de l'Isère, est nommé directeur de l'asile public de Saint-

Robert. M. le D1' DuFoun, directeur-médecin, élu député, est admis

à faire valoir ses droits à la retraite par suppression d'emploi. -

Il est très regrettable que celte place ait été enlevée aux médecins.

Ce n'est point par des mesures de ce genre que l'on améliorera le

recrutement du service médical des asiles.

UN assassin DE quatre-vingt-quatre ANS. Un drame vient de

se dérouler au village des Pradeaux, près d'Issoire. Un nommé An-

toine Vigier, âgé de quatre-vingt-quatre ans, a, dans un accès de

folie sénile, tué sa femme, âgée de quatre-vingt-cinq ans, et s'est

ensuite fait justice en se jetant' dans l'Allier, où on l'a retrouvé

mort. (Le Soleil du 30 juillet.)

Aliéné CRIMINEL. Le cordonnier Trood, qui avait commis, il

y a quelque temps, un attentat contre le comte d'Arco Valley,

attaché à l'ambassade d'Allemagne, a été reconnu, ce matin, par

la cour criminelle de Old Bailey, comme atteint d'alienation men-

tale. (Le Temps du 30 juillet.)

Aliéné BRULÉ dans son bain. -A l'asile d'aliénés d'Aix, le nommé

Abd el Kader ben Mohamed, âgé de vingt-quatre ans, en traite-

ment dans cet asile depuis quelque temps, devait par ordonnance

prendre un bain chaud vendredi. Il fut donc mis. dans une bai-

gnoire d'eau chaude que, par oubli, le baigneur Dubosc avait

FAITS DIVERS. 271 I

omis de réduire il 34 degrés en y ajoutant de l'eau froide. C'est

donc dans une eau bouillante que le malheureux fut plongé.

Horriblement brûlé il fut retiré, mais il mourut dans la nuit. Une

enquête a été ouverte par le parquet d'Aix qui a chargé le Dl' Dar-

oelos de faire l'autopsie d'Abd el Kader. Dubosc sera probable-

ment poursuivi pour homicide par imprudence. (Le Radical du

3 août 1898.)

Les drames DE l'alcool. L... avait été longtemps un ouvrier

mécanicien modele, mais un jour vint où il but, et depuis ce fut

un client fidèle de ces « distilleries » qui pullulent aux abords de

la place Maubert. A ce régime, la folie vient vite. Hier, un peu

avant midi, l'ouvrier quitta l'atelier en proie aune surexcitation

fébrile. Ses camarades prêtèrent peu d'attention à ce départ, car

ils étaient habitués à voir L... dans cet état anormal. Chez lui, il

se mit à table. Il déraisonnait déjà. Mais à peine avait-il porté une

cuillerée de soupe à la bouche qu'il se dressa, terrible. - Ah !

coquine, elle est trop salée ! Tu vas me le payer !

En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, il fit passer par

la fenêtre la soupière et la vaisselle; il s'empara d'un « merlin »,

énorme marteau qui lui servait dans son travail, et se jeta sur sa

femme. Celle-ci, s'attendant à cette attaque, put esquiver le coup.

Mais, comme elle se précipitait vers la porte, elle heurta une chaise

et tomba. Le malheureux fou leva une seconde son merlin; sa main

tremblait, heureusement. La femme fut atteinte à l'épaule gauche,

très légèrement, et elle s'évanouit.

A ce moment, les voisins arrivèrent, mis en éveil par le bruit et

surtout par les hurlements de fauve que poussait L... Des agents

vinrent aussi. Il fallut dix minutes pour s'emparer du fou et le

trotter. A la crise succéda un abattement absolu. On dut porter

L ? comme une chose inerte, au commissariat de police, d'où le

magistrat, M. Berthelot, le fit diriger sur l'infirmerie spéciale du

Dépôt. Quant à la blessure de la femme, ce n'est qu'une contusion

sans importance. (Le Soleil du 3 juillet.)

La MORT d'un ROI alcoolique. On se rappelle la mort terrible

dePitje Snot, le'roi des Marolles. vitriolé par sa femme dans un

accès de révolte de cette malheureuse victime. La veuve a comparu

devant le tribunal correctionnel sous l'inculpation d'avoir donné

la mort à son mari sans intention. Un rapport du docteur Lebrun

a établi sur ce point que la mort du héros marollien était due

uniquement au delirium tremens et nullement au vitriol qui lui

avait pourtant corrodé le cou, la figure et la poitrine. Le défenseur

de la malheureuse a fait au tribunal le tableau de son long mar-

tyre qui a duré douze ans, sous l'empire d'une brute ivrogne qui

la battait avec une planche garnie de clous et qui la torturait de

toutes les façons. Elle en eut cinq enfants qui sont toujours à sa

272 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. -

charge. Si un jour elle s'est révoltée, c'est à bout de mauvais trai-

tements. Le tribunal a condamné la veuve Pitje Snot à cinq mois

de prison conditionnellement. (Le Temps.)

Précoces VOYAGEURS. - Hier soir, à huit heures, descendaient, à

la gare de l'Est, du train de Bar-le-Duc, deux fillettes, les soeurs

Marie et Blanche Marlier, âgées de treize et cinq ans. Marie, après

avoir remis ses billets à l'employé, se dirigea résolument vers la

cour de la gare, conduisant sa petite soeur par la main. Au moment

où elle appelait un cocher, survint le commissaire de la gare qui

les emmena dans son bureau. Une dépêche du parquet de Bar-le-

Duc l'avait informé de l'arrivée des deux petites filles et lui enjoi-

gnait de les garder à la disposition de leur père qui arriverait par

le train suivant. Au commissaire qui l'interrogeait, la jeune Marie

fit la déclaration suivante : « Je voulais voir du pays, mais ne vou-

tant pas laisser ma petite soeur toute seule, malgré le chagrin que

cela pouvait causer à papa, je résolus de l'emmener avec moi. Papa

est riche ; alors j'ai pris 200 francs dans son'tiroir; j'ai payé nos

deux billets et il me reste 134 francs. » Informé que son papa allait

arriver, Marie a fondu en larmes; Blanche, voyant pleurer sa soeur,

a fait comme elle, et le commissaire a eu beaucoup de peine à con-

'soler les deux enfants. (Le Soleil.)

Asile public d'aliénés de Maréville (Rapport du médecin en chef de la

division des hommes, à M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle). Brochure

m-8° de 27 pages. - Nancy, 1897. - Imprimerie Berger-Levrault et CI'.

Congrès international de neurologie, de psychiatrie, d'électricité mé-

dicale et d'laypzzoloyie. - Première session tenue. à Bruxelliis du 14 au

21 septembre 1897. Publié par le Dr Crocq fils. - Fascicule I : Rapports.

- \'olume in-4° de 228 pages. Fascicule II : Communications, -

Volume in-4° de 22G pages. Fascicule fil : Résumés. - Volume in-4°

de 79 pages. - Prix des trois fascicules : 5 francs. - Paris, 1898. -

Librairie le. Alcan.

GOLDSCIIEIDER (A.). Physiologie der Uantsinnesnerven. Volume

in-8° de 432 pages, avec 6 planches hors texte. Leipzig, 1898. -

Verlag von J.-A. Barth.

Grenier (P. de). - Contribution (t l'étude du cancer secondaire du

cerveau. Brochure in-8° de 77 pages. - Toulouse, 1898. - Imprimerie

Saint-Cyprien.

Vlomos (P.-J.). - Ueber das Palleologische bei Gcelh. - Volume in-18

de 208 pages. - Leipzig, 1898. - Veriag von J.-A. Barth.

Poisson (G.). - Du râle de l'alcool dans l'éliologie de la folie. -

Volume in-8o de 99 pages. - Nancy, 1898. - Imprimerie G{'rardiu et

Nicolle.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

Evreux, Ch. Htaissey, irnp. - 998.

Vol. VI. Octobre 1898. No 34

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

SYRINGOMYELIE;

Par Cire L. UHRIOLA (de Panama)

D'après Zambaco Pacha, la syringomyélie et sa variété la

maladie de Morvan ne constitueraient pas une entité morbide

indépendante avec un substratum anatomique toujours le

même, mais bien une des si nombreuses formes plus ou

moins dégénérées ou frustes de la lèpre grecque décrite et

comprise par lui dans un seul groupe dénommé lép1'ose j.

Hansen* n'accepte pas cette théorie séductrice de l'unité

qui faciliterait la résolution de plusieurs problèmes pendants

jusqu'à ce jour en neuropathologie ; et il la combat en éta-

blissant que les maladies infectieuses ne dégénèrent pas et

que l'on ne connaît aucune maladie qui, dans le cours des

siècles, ait perdu sa spécificité et qui ne présente, même dans

ses formes les plus bénignes, ses traits cliniques caractéristi- `

ques. Il croit donc qu'il y a exagération à classer comme

lèpre des affections peu étudiées du système nerveux et uni-

quement révélées par l'atrophie ou la perte plus ou moins

complète de la sensibilité. Si la dégénération de la lèpre -

continue le sage léprologue - dépendait de l'âge de la ma-

ladie, il y aurait en Norvège la lèpre fruste, car cette maladie

est aussi ancienne ici qu'autre part, parce qu'elle descend de .

Etal de nos connaissances actuelles sur la lèpre (Semaine Médicale.

1893).

'Medical AlI1wal, art. Leprosy. 1897.

Archives, 2e série, t. VI. 18

274 CLINIQUE NERVEUSE.

la même lèpre orientale. S'il est vrai que la lèpre dégénère,

elle se trouverait aussi dégénérée ici comme partout ailleurs,

et par conséquent nous devrions rencontrer les mêmes

formes dégénérées que constate Zambaco Pacha à Constanti-

nople. Mais il n'en est pas ainsi. '

Cette doctrine de Zambaco sur l'atténuation de la lèpre

'est à présent une doctrine abandonnée qui ne donne que la

façon devoir personnelle de son auteur.

Partisan de la dualité telle que la soutient llansen, nous

allons présenter un cas typique de syringomyélie qui est à

notre étude depuis quelque temps, tout en insistant sur cer-

tains points de diagnostic différentiel. '

Le nommé Manuel de la 0..., âgé de dix-neuf ans, lois de sa

naissance s'est présenté par la fesse et dans un état de mort appa-

rente. Pas d'antécédents névropathiques héréditaires ni person-

nels. A l'âge de quatre ans il a eu la variole bénigne ; et à six ans,

en luttant avec un autre enfant du même âge, il est lombé dans

un puits d'où il n'a pu être retiré qu'après un certain temps et

dans un tel état d'asphyxie que pour arriver à rétablir sa respira-

tion, on a dû avoir recours à tous les procédés, en usant finale-

ment du moyen très populaire de le lancer dans l'espace par trois

fois consécutives. Une fois rétabli de cet accident, rien d'anormal

ne s'est produit dans son état de santé jusqu'à l'âge de neuf ans,

époque à laquelle il a commencé à éprouver dans tout le corps de

grandes fatigues suivies de perspirations profuses; et plus tard,

des mouvements involontaires de flexion aux doigts de la main

gauche qui l'empêchaient de faire des exercices d'écriture à l'école.

A l'âge de onze ans s'est déclarée une telle parésie dans les mus-

cles extenseurs de la tête sur le tronc que le patient portait sa

tête penchée avec impossibilité presque absolue de la redresser et

de la maintenir droite sur les épaules. Cette parésie était accom-

pagnée d'une sensation de poids dans la région cervicale. A qua-

torze ans, l'atrophie envahissait les muscles des membres supé-

rieurs et du tronc, produisant dans sa dévastation les lésions qui

caractérisent aujourd'hui cette maladie.

Atrophie. Celle-ci ayant commencé par le membre supérieur

droit, tout le côté correspondant du corps, excepté le visage, était

endormi. L'atrophie a attaqué en premier lieu les muscles de la

ceinture scapulaire et, dans le court délai de deux semaines, elle

s'étendait à ceux du bras, de l'avant-bras et de la main. Trois mois

plus tard, le membre supérieur opposé était atteint à son tour, et

quelques semaines après il pendait inerte et décharné le long du

tronc. Cette atrophie était accompagnée de fortes contractions

SYRINGOMYÉLIE. 27S

fibrillaires- dans les muscles affectés, contractions qui aujourd'hui

Fi[l, O,

216 6 CLINIQUE NERVEUSE.

encore sont visibles dans divers muscles des membres supérieurs

et plus particulièrement dans les interosseux. Les mains (fig. 20 et 21)

ont pris la forme de griffes à cause de la destruction de ces der-

niers muscles et ont une apparence simienne par suite de la dis-

parition des éminences thénar et hypothénar. Dans la main droite

le pouce est en adduction et recourbé sur ses phalanges et se

trouve opposable à l'index et au médius. Dans la main gauche il

est tendu et n'est opposable qu'à l'index seulement. Le premier

espace interosseux est marqué dans les deux mains par une pro-

fonde dépression. Les muscles du tronc, en particulier ceux du

côté gauche, ont presque totalement disparu. Le thorax présente

la forme plate des myopathiques, non pas le thorax en bateau que

Marie et Astié considèrent comme typique dans la syringomyélie.

Dès le commencement, l'atrophie s'est prononcée davantage

dans le membre supérieur gauche que dans le membre opposé

ainsi que l'indiquent les chiffres suivants :

Membre supérieur droit.

SYRING011YÉLIE. z77

Dissociation syringomyélique de la sensibilité. Analgésie. Excep-

tion faite de la tête et du cou, la sensibilité à la douleur est altérée

sur toute la surface cutanée. L'analgésie règne dans les deux mem-

Fifj. -21. 1.

278 CLINIQUE NERVEUSE.

bres supérieurs, sauf dans un espace limité qui s'étend dans la partis

antérieure du bras droit, depuis l'articulation du coude jusqu'à

trois travers de doigt au-dessous de ce niveau, et au côté opposé

dans une zone plus étroite située dans la partie interne de la même

articulation : la sensibilité est normale dans ces derniers points.

Dans le tronc l'analgésie s'étend dans le côté droit jusqu'à l'anglo

inférieur de l'omoplate et dans le côté gauche jusqu'à la dixième

côte. Dans le reste du corps, il y a hypoalgésie plus prononcée

dans le membre inférieur gauche que dans l'opposé et le reste du

tronc. Les figures 23 et 24 représentent la distribution de l'anal-

gésie.

7'/te)'ma ? ! es</tMM. Chaleur. - La thermanesthésie à la chaleur

existe sur toute la surface du corps, excepté la tête et le cou. De

l'eau très chaude contenue dans un flacon lui fait l'effet de l'eau

tiède ; et tandis que dans la main droite s'écoule un intervalle de

deux secondes entre l'application de la chaleur et la perception de la

sensation, dans le dos du même côté cet intervalle se prolonge

pendant cinq secondes. Ce retard est moins marqué dans le côté

gauche et dans les deux membres inférieurs. La thermanesthésie

au froid est ressentie dans les mômes parties que celle de la

chaleur.

Toucher. La sensibilité au toucher est normale et le patient

éprouve, lorsque les yeux sont fermés, la sensation produite au

moyen d'une plume passée sur toute la surface cutanée.

Perturbations vaso-mot1'ices et sudorales. Depuis deux ans la

sécrétion sudorale a lieu seulement dans la moitié droite du corps,

tandis que la partie opposée reste froide et sèche. La sueur est

très abondante dans la région fessière, dans le dos et à la cuisse,

et à un degré moindre dans la partie droite du visage et au bras

du même côté.

En quelque endroit qu'on lui applique un corps chaud, il apparaît

une phlyctène plus ou moins développée et proportionnée à la

chaleur reçue; le. liquide contenu se trouble ; la suppuration s'éta-

blit plus tard et il reste dans quelques points des cicatrices indélé-

biles. Le phénomène du dermogrdplusllle existe aussi. Si l'on

trace avec la pointe d'un crayon le nom entier du patient, quel-

ques instants après les caractères dessinés se détachent en relief,

entourés d'une auréole rouge. -

Désordres génito-urinaires. Les rétentions d'urine sont si fré-

quentes chez ce malade qu'il est forcé pour pouvoir vider la vessie,

de faire usage de la sonde une ou deux fois par semaine. Ces

rétentions ont lieu seulement le matin. A chaque évacuation

l'urine est précédée de quelques gouttes de pus et le jet est quel-

quefois interrompu. Il a eu parfois des évacuations composées

SYRINGOMYÉLIE. ' 279

exclusivement de pus. Il y a contractions vésicales et rectales.

L'urètre est perméable. L'urine est troublée, à peine acide, char-

gée de pus et de phosphates. Au début de ces troubles le malade

, ,

280 CLINIQUE NERVEUSE.

ne pouvait uriner qu'en prenant la même attitude que prennent

ordinairement les femmes'.

Un traitement alterné, composé de borate de soude, salol et

acides minéraux, a fait disparaître le pus de l'urine en lui resti-

tuant en partie sa limpidité, quoiqu'elle laisse encore déposer une

grande quantité de phosphates. Les rétentions n'ont pas été

influencées par ce traitement.

Les fonctions génitales restent intactes.

Réflexes. - Les patellaires sont exaltés. Le crémastérien et le

plantaire sont normaux.

Les organes des sens ne présentent rien digne d'être nolé.

. Les symptômes présentés par ce malade sont si clairs, leur

ensemble tellement adapté à la forme classique, que le dia-

gnostic de la syringomyélie localisée dans le renflement cer-

vico-brachial de la moelle s'impose presque de lui-môme.

Dès lors le diagnostic différentiel ne sera discuté qu'entre

cette dernière maladie, la pachyméningite cervicale hyper-

trophique et la lèpre anesthésique.

La pachyméningite cervicale hypertrophique se déclare

toujours parunepériodeplus ou moins aiguë, caractérisée par

de fortes douleurs dans la région cervicale pouvant se pro-

pager jusqu'aux articulations des membres supérieurs, rigi-

dité du cou et parfois des éruptions vésiculaires. Cette pé-

riode est suivie d'une autre durant laquelle se manifestent la

parésie et l'atrophie des muscles des membres supérieurs en

respectant généralement ceux qui sont innervés par le radial,

ce qui donne lieu à cette attitude de la main en extension

forcée connue sous le nom de main de- prédicateur.

Il ne s'est présenté chez le patient qui a été l'objet de cette

observation aucun des symptômes de la première période de

la pachyméningite, et, loin d'avoir de la rigidité dans les

muscles du cou, il a eu une paralysie des extenseurs avec

tendance à la flexion et impossibilité de maintenir la tête

dans la position verticale; de plus, les troubles vaso-moteurs

et sudoraux et l'incurvation de la colonne vertébrale suffi-

raient pour la distinguer de la pachyméningite.

' A ce propos les habitudes varient selon les pays, parce que d'après

Hérodote en Egypte, « les femmes urinent debout, les hommes s'accrou-

pissent pour uriner ». (Histoires, livre II, chap. swv, traduction de

P. Giquet.) Nous connaissons plusieurs villages de l'Isthme où la

majeure partie des femmes urinent à la façon égyptienne.

SYRINGOMYÉLIE. 281

Brissaud' a récemment décrit quelques cas de pachyménin-

gite cervicale hypertrophique avec dissociation syringomyé-

lique de la sensibilité. Dans les cas cités par cet auteur, la

période douloureuse a toujours existé avec ses symptômes

caractéristiques; en l'absence de douleurs et delà rigidité du

cou, ces cas entreraient dans le cadre de la syringomyélie,

Leçons sur les maladies nerveuses.

1 Fi[l, 23.

Fig, 2f.

282 CLINIQUE NERVEUSE.

bien que la dissociation de la sensibilité ne constitue pas un

symptôme pathognomonique de cette maladie.

Quant à la lèpre anesthésique, il y a trois points sur les-

quels nous allons insister pour établir ce diagnostic différen-

tiel : le manque d'éruption, les localisations de l'atrophie

dans les muscles des membres supérieurs et du tronc et la

déformation de la colonne vertébrale.

C'est un fait admis aujourd'hui par' toutes les autorités

compétentes en cette matière, que les éruptions cutanées

existent toujours dans la lèpre : « Nos expériences en Nor-

vège, dit Hansen dans l'article précité, ne sont pas parvenues

à démontrer l'existence d'une lèpre mutilante et indépen-

dante, uniquement caractérisée par des affections nerveuses

et leurs conséquencès, ou d'une lèpre sans affection cutanée.» à

c Selon la grande expérience du D'' Danielssen et la nôtre,

on pourrait admettre que l'éruption cutanée ne manque ja-

mais dans la vraie lèpre. » (Hansen et Looft.) Dans le cas

que nous étudions, il n'y a eu jusqu'à présent aucune mani-

festation cutanée dans le cours de la maladie.

Etant donné ce manque d'éruption et vu l'absence de stig-

mates hystériques, nous avons considéré comme syringo-

myélie un cas récent que nous présentons succinctement.

Femme âgée de cinquante-huit ans. Multipare. La maladie a

commencé il y a trente-huit ans, deux mois après avoir eu son

premier enfant, par engourdissement et insensibilité dans le gros

doigt du pied droit; avec le temps, l'insensibilité s'est étendue

aux autres doigts et au talon du même pied. A l'établissement de

la ménopause, à l'âge de cinquante-deux ans, toute la moitié

postérieure de la jambe gauche, l'extrémité des doigts et le talon

étaient insensibles et engourdis. Il y a un an que l'engourdisse-

ment envahit le pouce de la main gauche et un peu plus tard toute

la main en même temps que les pieds devenaient légèrement

enflés.

La thermanesthésie est complète dans la jambe droite jusqu'au

tiers supérieur, dans tout le pied gauche jusqu'à l'articulation

tibio-tarsienne, dans la main gauche et dans le doigt médius de

la main droite; dans ces parties, un flacon d'eau à plus de 801

appliqué directement sur la peau ne produit aucun effet, même

après un long intervalle. La thermanesthésie est moins prononcée

dans les deux membres supérieurs, dans le tiers supérieur de la

jambe droite, dans la cuisse du même côté et dans la jambe

gauche. Dans la tête, le tronc et la cuisse droite, la sensibilité à la

SYRINGOMYÉLIE. 283

chaleur est normale. Quant au froid, l'insensibilité ne comprend

que les pieds jusqu'à l'articulation tibio-tarsienne.

L'analgésie est complète dans les deux pieds, sauf dans la moitié

des plantes où la sensibilité à la douleur est normale, ainsi que

dans les deux tiers inférieurs de la jambe gauche. Il y a hypoal-

"ésie dans toute la jambe gauche et dans le tiers inférieur de la

cuisse, dans la partie dorsale des deux mains et dans une zone

étroite qui s'étend sur toute la face antérieure de la jambe droite

depuis le tiers inférieur jusqu'à l'articulation du genou.

La sensibilité tactile est complète sur toute la surface cutanée.

Les réflexes patellaires sont normaux. Le plantaire n'existe pas.

Comme phénomène trophique il ne s'est présenté jusqu'aujour-

d'hui que la perte de l'ongle de l'index droit par suite de l'inflam-

mation de la matrice. Un autre phénomène qui attire l'attention

est celui-ci : un traumatisme quelconque, si insignifiant qu'il soil,

sur quelque partie des mains ou des bras, provoque une forte dou-

leur qui n'a pas de comparaison avec le choc reçu . 1.

Dans la forme anesthésique de la lèpre l'atrophie ne se

limite pas à un groupe déterminé de muscles, mais elle en-

vahit conjointement ceux des quatre membres, ceux du tronc

et du visage. Dans le cas de Manuel de la 0..., les muscles

atrophiés correspondent précisément à ceux dont l'innerva-

tion émane du renflement cervico-brachial de la moelle ; et

il est impossible d'admettre qu'avec un état si avancé d'atro-

phie dans ces muscles, ceux des membres inférieurs et du

visage auraient pu échapper à ses attaques dans un cas de

vraie lèpre anesthésique. En comparant la ligure 1, qui se

rapporte à cette observation, avec la planche V du livre de

Hansen et Lool't (Lepi-osy : in ils clinical and pathological

aspect), on remarquera que, à part l'identité qui existe

dans les difformités des mains et l'intensité de l'atrophie des

muscles supérieurs et du tronc, il y a aussi la différence prin-

cipale de ce que les muscles des pieds, ceux des mollets etdu

visage, sont affectés chez le lépreux. En outre, la marche de

l'atrophie chez ce patient n'est pas comparable avec le cours

lent qu'elle suit dans la lèpre anesthésique.

Jusqu'à présent on n'a signalé aucun cas de lèpre anesthé-

sique où les déviations de la colonne vertébrale fassent partie

Cela même a été observé par Ferrannini chez Francesco, un des

membres de la famille syrinaomvélique qui a été l'objet de ses études :

una stimulazione legera corne intensita è percepita come una stunu-

lazione fortisima (iperestesia) ».

284 CLINIQUE NERVEUSE.

du complexe symptomatique de la maladie ; lorsque ces dé-

viations existent d'une façon caractéristique en même temps

que l'atrophie et les perturbations de la sensibilité, on peut

presque assurer qu'elles caractérisent la syringomyélie.

En ce qui concerne l'étiologie, nous ne devons pas passer

sous silence l'influence que l'asphyxie grave dont fut victime

ce malade dans sa première jeunesse, a dû exercer, quelques

années plus tard, sur le développement de la syringomyélie.

Il est connu que cette cause, de même que les maladies infec-

tieuses, peut déterminer chez les enfants qui y sont prédis-

posés, des affections incurables du système nerveux, dont la

véritable origine remonte peut-être à la vie intra-utérine. Et

comme, dans le cas que nous venons de citer, il n'existe pas

d'antécédents héréditaires ni aucune des causes occasion-

nelles qu'on invoque souvent dans l'étiologie de cette maladie,

il est naturel de supposer que l'asphyxie a dû réveiller un

processus latent qui existait chez cet enfant à sa naissance.

L'origine congénitale de la syringomyélie, soutenue par

Gowers avec des arguments qu'il est inutile de reproduire

ici, se comprend mieux si on se rappelle que cette maladie

apparaît presque toujours dans la jeunesse, et que les causes

qu'on signale comme l'ayant déterminée, telles que le trau-

matisme, le froid, l'humidité, etc., sont des causes banales et

insignifiantes par elles-mêmes pour produire des désordres

aussi profonds que ceux qui caractérisent la syringomyélie,

si le terrain sur lequel ils agissent n'était déjà préparé avant

la naissance par tant d'intenses et irréparables lésions. Ni

d'aucune autre manière on ne pourrait expliquer ce type fa-

milial et d'hérédité homologue qu'affecte quelquefois cette

maladie '.

' Ferranini. \'eteleo nosologico délia siringomielia definilo da unasna

forma familiale sinora non descrita. (La Ri forma Medica, vol. II.

n" 61 à 65, 1894.) '

CLINIQUE MENTALE.

TUBERCULOSE ET ALIENATION MENTALE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LEURS RAPPORTS

Par le Dr Alexandre PARIS,

Médecin en chef de l'asile de Jlaréwlle-ancv.

Folie tuberculeuse. - Voilà une forme de folie que l'on

est tenté d'admettre depuis quelques années, peut-être bien

à tort, ainsi que semblent l'attester les deux faits que nous

nous proposons d'analyser ici. Ils montrent une fois de plus

l'importance de l'observation clinique, l'utilité de l'étude

complète de toutes les circonstances de début de l'aliénation

mentale et l'intérêt du rapprochement des circonstances de

début et des phénomènes terminaux, etc.

I. M... (Anne-Marie), née en 1867, célibataire, repasseuse,

atteinte de tuberculose pulmonaire, est en traitement à l'hôpital

général de Nancy, service de M. le Pl' Spilmann. Son état mental

est absolument normal. Elle entend dire un jour qu'elle est atteinte

de tuberculose, elle questionne diverses personnes au sujet de la

nature et du pronostic de cette maladie ; les renseignements qu'elle

obtient l'impressionnent vivement, il tel point que, immédiate-

ment, brusquement, éclatent de violents maux de tête et de la con-

fusion mentale avec anxiété. Les troubles intellectuels s'accentuent

très rapidement et, quelques jours après ce début brusque, le pla-

cement à l'asile de lfaréville devient nécessaire.

M... entre le 30 juin 1897, après un séjour de quarante-huit

heures dans un autre service médical, et accompagnée d'un certi-

ficat, en date du 29 juin, ainsi conçu : ...« estatteinte de démence

liée à des manifestations tuberculeuses cérébrales.

« Elle est très agitée, ne peut rester en place, ne cesse de parler

à voix basse, mais sans aucun ordre dans les idées ; elle ne répond

que rarement aux questions qu'on lui adresse, le plus souvent ses

réponses ne sont que des divagations sans rapport avec ce qu'on

lui demande; elle ne sait plus ni son nom, ni son âge, ni le lieu

qu'elle habite, ni le temps qu'elle a passé à l'hôpital, etc... Elle

286 CLINIQUE MENTALE. :

refuse absolument de se nourrir et a besoin d'être alimentée à la

sonde. »

M... nous arrive pâle, amaigrie, la constitution très débilitée.

Tuberculose des deux sommets,- constatée, du reste, par trois pro-

fesseurs de clinique médicale.

Au point de vue psychique, nous notons de l'amnésie, un affai-

blissement considérable de la volonté, la disparition des sentiments

affectifs, une lenteur extrême et de la confusion des conceptions,

un défaut absolu de spontanéité; elle tente bien quelquefois une

réponse à nos questions, mais elle s'embrouille dès les premiers

mots et s'arrête. Pressée de questions, elle finit cependant par dire :

« Il y a des moments où je suis bien, puis je ne sais plus où j'en

suis; j'entends des voix dans ma tête qui disent toujours c les

« petits oiseaux, les petits oiseaux ». - Tremblement de la langue,

tremblement probablement émotif.

Comme traitement, nous prescrivons surtout : bon régime ali-

mentaire, toniques, arsenicaux, vésicatoires volants à la nuque,

pointes de feu, etc...

22 juillet. Amélioration de la mémoire. Il faut arriver en sep-

tembre pour remarquer une amélioration nette de l'état physique

et une modification favorable parallèle de l'état mental. M... arrive

peu à peu à se rendre compte de sa situation, la confusion des

idées est moindre, elle répond assez raisonnablement aux premières

questions qu'on lui pose, mais, après quelques instants de conver-

sation, probablement sous l'influence de fatigue cérébrale qui

arrive promptement, éclate de l'excitation cérébrale avec anxiété,

sensiblerie, crises de larmes, etc...

Pour octobre, nous trouvons dans nos notes : Etat physique rela-

tivement satisfaisant. - La malade a presque complètement cons-

cience de sa situation au commencement d'un interrogatoire,

mais, si l'interrogatoire se prolonge un peu, les idées deviennent

'confuses, elle s'énerve, donne des signes d'impatience, de découra-

gement, pleure, parle avec une assez grande volubilité, ne coor-

dinant plus ses pensées. Elle est habituellement encore sans initia-

tive.

25 novembre. Reste indifférente, sans initiative, lorsqu'on ne

s'occupe pas d'elle. L'interroge-t-on, on constate tout d'abord

qu'elle parait avoir conscience de son état, mais, si l'on retient

trop longtemps son attention, on détermine encore de la confusion

mentale avec sensiblerie, un peu d'excitation cérébrale. Santé

physique relativement satisfaisante.

Décembre. L'amélioration ne progressant plus sensiblement

depuis quelque temps, nous décidons de soustraire M... à l'influence

du milieu dans lequel elle se trouve depuis son admission à l'asile;

nous l'envoyons au repassage, où elle travaille avec une religieuse

et trois ouvrières normales, qui s'occupent d'elle avec sollicitude,

TUBERCULOSE ET ALIÉNATION MENTALE. 287

N

qui complètent le traitement physique par un traitement moral.

Bientôt l'amélioration s'accentue franchement, M... se rend compte

que la modification heureuse de sa santé physique lui permet d'es-

pérer un retour à la santé complète. Son entourage fait le néces-

saire pour affermir cet espoir.

Elle sort nettement guérie le '2 février 1898, ne présentant plus

le moindre trouble intellectuel, sa santé physique étant très bonne.

Elle avait même pris un embonpoint absolument remarquable.

II. - Pendant les dernières semaines de séjour de M... à l'asile,

j'ai observé une infirmière tuberculeuse qui a présenté des troubles

intellectuels analogues, à début brusque, absolument dans les

mêmes conditions : confusion mentale avec anxiété et, de plus,

hallucinations terrifiantes. Ces troubles se sont dissipés sans amé-

lioration de l'état physique, en trois ou quatre jours ; il a suffi, pour

les faire disparaître, un peu de bromure et de codéine aidant, de

donner M... en exemple à cette infirmière, de lui faire remarquer

qu'elle se trouvait absolument dans le même état et que, par con-

séquent, elle verrait aussi sa santé physique s'améliorer bientôt.

Dès que nous eûmes fait cette comparaison, un peu de gaieté

éclaira le visage de cette malheoreuse. Cette dernière malade vit

encore et ses troubles intellectuels n'ont pas reparu, bien que la

santé physique laisse plus à désirer qu'il y a cinq mois.

Voilà deux cas de folie que l'on aurait été tenté de consi-

dérer comme intimement liés à la tuberculose (cela a, du reste,

été fait pour le premier, dans le certificat à fin d'admission),

et qui ne sont en réalité que le résultat d'un choc moral,

d'autant plus retentissant qu'il se produit chez des débilitées :

la première de nos malades apprend qu'elle est tuberculeuse,

entend dire qu'elle est perdue; aussitût apparaissent des

troubles intellectuels qui commencent à se dissiper dès qu'elle

a la satisfaction de constater elle-même une amélioration de

son état physique, c'esl-à-dire dès qu'elle retrouve de l'es-

poir.

Chez la seconde, les troubles intellectuels, développés dans

les mêmes conditions, se dissipent sous l'influence d'un choc

moral, d'une satisfaction apportée par l'exemple de la pre-

mière, sans amélioration de l'état physique, ce qui prouve

bien qu'il ne peut réellement pas être question ici de folie

tuberculeuse, de folie causée par une infection d'origine

tuberculeuse.

Que le choc moral ait déterminé une auto-intoxication, que

semble accuser la confusion mentale anxieuse ou hallucina-

288 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

toire, cela pourrait, à la rigueur, se soutenir, étant donnée

la débilité physique de nos deux malades lors de l'éclosion

des troubles intellectuels, mais il n'en est pas moins évident

le second cas n'en fait-il pas nettement la preuve, que ce n'est

pas une infection tuberculeuse ou d'origine tuberculeuse qui

a causé ces troubles'intellectuels.

A mon avis, ces deux exemples doivent faire hésiter à por-

ter le diagnostic « folie tuberculeuse » lorsque l'on se trouve

en face de troubles intellectuels survenant chez des tubercu-

leux ; ils montrent la nécessité d'une enquête minutieuse sur

les circonstances de début, si l'on ne veut pas s'exposer à des

erreurs de pronostic dont les conséquences pourraient être

fâcheuses à tous égards.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLIX. MYXOEDÈIE spontané DE l'adulte; par M. le professeurDEBOVE.

(Presse médicale, 4 mai 1898.)

Observation d'une malade de trente-trois ans, blanchisseuse,

admise dans le service de M. le professeur Debove pour des acci-

dents alcooliques, et chez qui furent reconnus accidentellement,

des symptômes de myxoedème : face bouffie, en pleine lune; effa-

cement des sillons qui entourent le nez et la bouche; existence de

plis horizontaux sur le front; cheveux clairsemés, de consistance

lanugineuse; sourcils peu fournis; poils des aisselles et des pubis

remplacés par quelques poils follets; peau sèche; déformation et

altération des ongles; paresse intellectuelle; etc. Le corps thyroïde

n'était pas perceptible à la palpation. A l'autopsie de cette malade,

décédée par suite de méningite tuberculeuse, on constata que la

glande thyroïde, de couleur et de consistance normales, ne pesait

que 7sr,S0. L'examen histologique de cet organe révéla un épais-

sissement notable du tissu conjonctif. Les artères, atteintes d'endar-

térite et de périartérite, étaient comme sculptées au sein du tissu

scléreux. Le tissu conjonctif formait des bandes épaisses et s'insi-

nuait entre les vésicules thyroïdiennes; il était infiltré par places

de cellules embryonnaires. La plupart des vésicules avaient con-

servé leurs dimensions normales, leur épithélium et leur substance

. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 289

colloïde; cependant, on voyait dans quelques-unes des traces de

desquamation épithéliale, des cristaux et des boules de substance

hyaline; d'autres étaient étouffées par le développement du tissu

scléreux. En un mot, on trouvait les signes d'une thyroïdite en

voie d'évolution.

La cause de laquelle relève la production de cette maladie, à

l'âoe adulte, chez cette femme, n'a pu être déterminée. L'alcoo-

lisme et les peines morales, facteurs étiologiques habituellement

invoqués dans les faits de ce genre, se sont trouvés réunis dans le

cas spécial rapporté par M. Debove ; mais cet auteur les considère

comme des causes banales, qui, selon toute vraisemblance, ne

jouent qu'un rôle tout à fait secondaire. A. Eenayrou.

L. LES paralysies DU VOILE DU palais ET LE NERF facial ; par

M. Marcel LER1l0YEZ. (Presse médicale, 7 mai 1898.)

D'après M. Lermoyez, le facial n'est pas, ainsi qu'on l'admet

généralement, le principal muscle moteur du voile du palais. La

physiologie expérimentale démontre d'une façon irréfutable que le

facial ne fournit aucun rameau moteur au voile du palais, et que

le pneumogastrique, (nerf vago-spinal, constitué par la réunion du

nerf vague et de la branche interne du spinal), innerve tous les

muscles du voile, à l'exception du péristaphylin externe. Les filets

moteurs, émanés du bulbe, gagnent le voile du palais par l'inter-

médiaire du nerf pharyngien.

D'accord avec la physiologie, la clinique montre qu'il existe des

faits de paralysie du voile par lésions du vago-spinal. L'auteur en

rapporte un, dans lequel il a observé une paralysie du voile du

palais avec paralysie récurrentielle et paralysie linguale, sans

paralysie de la face, provoquée, ainsi que l'autopsie l'a établi, par

un écrasement du vago-spmal par des ganglions cancéreux avec

intégrité absolue du facial et du grand nerf pétreux superficiel.

Les cliniciens, il est vrai, disent avoir observé un grand nombre de

paralysies faciales accompagnées de paralysies du voile du palais,

et l'on ne peut sans parti pris rejeter leurs conclusions, mais

M. Lermoyez regarde néanmoins comme une exception clinique

celle association d'une paralysie du voile avec une paralysie faciale,

et pense que les cas qui en ont été rapportés soulèvent plusieurs

objections qni permettent au moins de douter de leur valeur.

Il est logique d'admettre que le larynx et le pharynx (l'anche et

le résonateur), qui, pcndant l'émission vocale, doivent présenter

un synchronisme et une harmonie de mouvements absolus, qui ne

sont, en somme, que les deux parties d'un même organe vocal,

doivent obéir à un même nerf. Seule, l'unité de commandement

peut assurer la précision des mouvements nécessaires au chant, et

l'on comprendrait mal que le larynx et le voile du palais, destinés

Archives, 2° série, t. VI. 19

290 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.-

à vivre d'accord, reçussent leurs ordres de deux nerfs aussi étran-

gers l'un à l'autre que le facial et le vago-spinal. A. FENAYfioU.

LI. Parasitisme des centres nerveux par mycose; par MM. J. Roux

et J. l'AVIOT (de Lyon). (Presse médicale, 23 février 1898.)

L'observation relatée dans ce travail concerne une femme âgée

de 41 ans, alcoolique, chez qui se sont manifestés, en même temps

qu'une angine légère, des troubles de la sensibilité et une grande

faiblesse des membres inférieurs. Ces symptômes se sont accentués

rapidement; en quelques jours, la faiblesse des membres inférieurs

s'est transformée en une paralysie complète; les membres supérieurs

ont été ensuite envahis, à leur tour, par la paralysie; peu après, se

sont produits des troubles cérébraux : délire tranquille avec hallu-

cinations visuelles et auditives, sensation d'angoisse provoquée par

la vue d'un grand espace vide au-dessus de sa tête (sorte de phobie

des espaces vides) ; enfin, ont apparu des phénomènes bulbaires,

tachycardie et dyspnée, vingt-quatre heures avant la mort de la

malade. Jusqu'aux dernières heures, l'état général est resté excel-

lent, el. les fonctions organiques ont paru s'accomplir régulière-

ment ; à aucun moment on n'a constaté de fièvre. La maladie a

évolué en inât jours environ.

A l'autopsie, on a observé un aspect spécial des centres nerveux

qui semblaient durcis, congelés; la surface, de la moelle, irrégu-

lière, bosselée, paraissait étranglée par les tractus fibreux de la

pie-mère, comme si la gaine formée par cette membrane eût été

trop étroite pour contenir l'axe nerveux médullaire; de fait, sur Il'

les coupes, la substance médullaire faisait immédiatement hernie

et formait une sorte de bourrelet saillant. L'examen histologique a

révélé dans la moelle et le bulbe la présence d'un parasite du

genre streptotbrix, caractérisé morphologiquement par des fila-

ments articulés et branchés. Les cellules pyramidales de la moelle

et les grandes cellules du bulbe étaient très altérées dans leur

forme et leur constitution intime. Il n'y avait aucune réaction

inflammatoire dans la pie-mère médullaire. Les auteurs n'ont pas

trouvé de parasites dans les parties de l'écorce du cerveau qu'ils

ont examinées; ils y ont seulement constaté des grains très forte-

ment colorés en bleu, ronds, un peu moins volumineux que les

grains névrogtiques. Ces grains, dont l'existence a été aussi relevée

dans le bulbe, siégeaient dans les artérioles et capillaires et en

oblitéraient même un certain nombre ; leur nature exacte n'a pu

être reconnue; ils constituaient peut-être le début de la réaction

inflammatoire des centres nerveux vis-à-vis du parasite.

Le tableau clinique de celte affection a été, d'une façon géné-

rale, celui de la maladie de Landry; cependant il a présenté quel-

ques particularités, dont nous mentionnerons les suivantes :

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 291'

lo Apparition de troubles cérébraux très accentués, précédant

même les troubles bulbaires; ces troubles étaient certainement

sous la dépendance des lésions histologiques constatées dans l'en-

acéphale ; la phobie des espaces vides pourrait être considérée

comme un trouble, sinon périphérique, du moins bulbaire, par -

infiltration parasitaire des noyaux correspondant au nerf vestibu-

)aire'2° Intégrité de l'état général et des fonctions organiques,,

absence de fièvre, jusqu'aux dernières heures; ces phénomènes

éloignaient l'idée d'une infection ; mais il est possible que les-

troubles constatés aient été le produit d'une action mécanique-

exercée par le parasite, et non d'une infection ou d'une intoxica-

tion, au sens habituel de ces mots. La nature exacte du parasite-

n'a pas été déterminée : sa porte d'entrée est aussi restée inconnue;

peut-être y a-t-il lieu, à cet égard, d'incriminer l'angine du début..

A. FENAYRoLi.

LII. DE l'aphasie; par C. 13asTIan, B. Bramwell et LISTER (Obser-

vations de mante et Allan dans [les mêmes numéros). (Biilish-

iled. Journal, février-avril-mai 1897.)

Les auteurs étudient à part les lésions des centres de la parole,

droit et gauche, puis les troubles fonctionnels secondaires aux

lésions des images visuelles, auditives et autres. Ils examinent

ensuite l'état mental particulier des aphasiques et leur capacité

civile dans les différents cas. A. Marie.

LUI. Myélites localisées; par B. 13H,vnrNELL. (British medicaL

Journal, avril 1898.)

Deux observations : l'une d'affection médullaire traumatique au

niveau de la région sacrée, suivie de paraplégie incomplète avec

troubles vésicaux et génito-urinaires; l'autre d'origine également

traumatique et suivie de paralysie transitoire des quatre membres.

A. M.

LIV. Contribution A l'étude DE l'étiologie du LICHE : V 13UBEn; par

A. LINDETIlE3r. (Nouv. Iconogr. de la Salpélrière, n° 2. 1898.)

L'étiologie du lichen ruber est peu connue. Parmi les dermatolo-

gistes qui, depuis Ilebra, ont traité de cette affection, les uns ne

parlent pas de l'étiologie, les autres en font soit une tropho- ! 1évrose,

soit une manifestation microbienne. D'une revue d'observations

nombreuses (les unes personnelles, les autres publiées antérieure-

ment), l'auteur conclut qu'on ne peut pas, dans l'affection en ques-

tion, constater un processus inflammatoire ; qu'on rencontre tou-

jours chez les malades qui en sont atteints une hérédité névropa-

292 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

thique ou des troubles nerveux personnels; qu'avec les recherches

expérimentales de Gaule et malgré l'absence d'autopsies, il est

légitime d'admettre que le lichen ruber, comme les autres affec-

tions cutanées qui se traduisent par des troubles de kératinisation

est provoqué par des désordres de la moelle épinière ou des gan-

glions qui s'y rattachent.

LV. DEUX infantiles : infantile MYXOEOÉll \TEUX . ET infantile DE

LoRAi,N ; par H. Meige et F. ALLARD. (.Youu. lconog. de la Scalllé-

trière, n° 2, 1898.)

La juxtaposition de ces deux types d'infantilisme, qui se distin-

guent par un habitus et des caractères étiologiques et palhogé-

niques différents, présente ici un intérêt tout particulier par les

radiographies qui accompagnent les observations et mettent en

lumière les différences caractéristiques des deux formes morbides,

au point de vue du développement squelettique. Dans l'infanti-

lisme myxoedémateux, l'ossification est retardée ; dans l'infanti-

lisme de Lorain, elle parait au contraire être prématurée. R. C.

LVI. Pachyméningite cervicale hypertrophique et pseudotabesalcoo

lique; par A. Luppi. (Il Morgagni, n° 3, 1898.)

Observation clinique non suivie d'autopsie. Il s'agit d'un homme

de soixante-deux ans, à antécédents névropathiques personnels et

héréditaires compliqués d'alcoolisme chronique. Discussion du

diagnostic. L'auteur insiste particulièrement sur les particularités

qui ne rentrent pas dans le cadre classique de la pachyméningite

cervicale hypertrophique : prédominance des troubles parétiques

du côté des muscles extenseurs des membres thoraciques, la para-

plégie foudroyante, coïncidant avec une paralysie vésicale subite,

l'extension des troubles nerveux à la région dorsale. Il y a lieu,

sans doute, de tenir compte, pour l'explication de ces faits, de la

coexistence d'une polynévrile; mais l'auteur ne' croit pouvoir expli-

quer la physionomie des accidents apoplectlformes que par la com-

plication, soit d'une hémorrhagie cérébrale dans les tissus de néo-

formation, soit d'une hémalomyélie. R. C.

LVILCONSERVAT10N des réflexes P.1TELLAIRES dans LE tabès DORS.4LIS;

par Ch. ACHARD et Léopold Lévi. (Nous. Iconogr. de la Salopé-

trière, n° 2, 1898.)

L'abolition des réflexes rotuliens e t la règle dans le tabès dor-

salis dont elle constitue même un symptôme précoce ; mais la loi

de Weslphal présente des exceptions fréquentes, comme en témoi-

gnent les observations publiées depuis plusieurs années. Les

. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 293

auteurs, pour leur part, ont rencontré six cas de labes avec conser-

vation des réflexes. L'un de ces cas, avec autopsie et examen histo-

logique complet, présente un intérêt tout particulier : il y avait

une sclérose des cordons postérieurs de la moelle, avec prédomi-

nance au niveau des régions sacrée et cervicale; la lésion était

particulièrement discrète au niveau de l'union de la moelle lom-

baire avec la moelle dorsale, c'esl-à-dire au niveau de cette zone

dite par Westphal « zone d'entrée des racines », située en avant de

la substance gélatineuse, et dont la lésion détermine toujoursl'abo-

lition du réflexe. Cette exception confirme donc non seulement la

règle, mais encore l'opinion, établies par Westphall, relativement

au siège anatomique de la lésion, qui se traduit par l'abolition des

réflexes patellaires. R. t : HAftoN.

LV111. UN cas D'AMYOTROPHIE DE la main DROITE ; par VAN GEHUCHTEN.

(Journ. de Neurologie et d'Hypnologie, 1898, n° 10.)

La malade, qui fait le sujet de cette observation, présentait au

niveau de la main droite une atrophie complète de tous les mus-

cles innervés par le médian et une atrophie incomplète des

muscles innervés par le cubital. A la suite de cette atrophie, la

main avait subi une déformation particulière, sorte de combinai-

son de la main de singe avec la main en griffe, à laquelle on

donne généralement le nom de main de Duehenne-Aran. Malgré

l'absence de troubles de la sensibilité, l'auteur croit pouvoir ratta-

cher cette amyotropie à une syringomyélie. G. D.

LIX. Un cas d'anurie hystérique avec élimination supplémentaire

d'urée par LE NEZ, LES yeux, LES OREILLES, ETC., ayant DURÉ DOUZE

jours; par le Dr B. Guisy. (jours. deNeuroloyie et d'Hypnologie,

1898, n° 6.)

LX. LE phénomène des ORTEILS ; par vAN GEHUCHTEN. (Journ. de Neuro-

logie et d'Hypnologie, 1898, n° 8.)

Dans un cas d'hémiplégie organique, l'auteur a constaté l'exis-

tence du phénomène des orteils, signalé récemment par Babinski.

Il a, en outre, observé la même modification du réflexe plantaire

dans trois cas de tabes dorsal spasmodique. M. van Gehuchten croit

pouvoir en conclure que le phénomène des orteils est lié intime-

ment à la lésion des fibres des faisceaux pyramidaux, que cette

lésion siège dans la partie encéphalique de ce faisceau (hémiplégie,

monoplégie) ou dans sa partie spinale (paralysie flasque ou para-

plégie spasmodique).

G. D.

294 -il REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

-LXI. UN cas DE maladie DE CHAMOT ; par les D" DE Buck et L. DE-

moon. (Journ. de Neurologie et cl'llpnologie, 1898, n° 5.)

On sait que pour quelques auteurs, la sclérose latérale amyotro-

'phique, au lieu de constituer une véritable entité morbide, comme

. l'a soutenu Charcot, ne serait qu'une variété d'atrophie muscu-

.laire progressive. NI

S'appuyant sur un cas de sclérose latérale amyotrophique dont

ils donnent la relation, de Buck et Demoor démontrent que

si, au point devue anatomo-palhologique, on est en droit de con-

sidérer la maladie de Duchenne et celle de Charcot comme de

simples modalités cliniques (Leyden, Kakler et Pick) d'une même

- affection portant sur les neurones des cornes antérieures (neurone

moteur périphérique et neurone moteur intercalaire) ; au point de

vue clinique, l'existence des phénomènes spasmodiques et la rapi-

. dite beaucoup plus grande de l'évolution caractérisent assez nette-

ment la sclérose latérale amyotrophique pour lui faire une place

- à part en pathologie nerveuse, très voisine mais distincte toutefois

de celle que l'on assigne à l'atrophie musculaire progressive. G. D.

LIII. La suggestibilité ET l'hystérie ; QU'EST-CE que l'hystérie; par

A. FOREL. (Zeitschrirt fil¡' hypnotismes, t. V, fasc. 2, 3, 4.)

L'hystérie n'est pas une entité morbide mais un complexes

symptomatique, un syndrome pathologique. Ce complexus est plus

souvent constitutionnel mais il peut être aussi acquis ; presque

toujours l'élément acquis vient se greffer sur l'élément constitu-

tionnel. Avant tout, ce complexus symptomatique est caractérisé

,par une suggestibilité et une auto-suggestibilité pathologique qui

se combinent très diversement avec les manifestations des autres

/ psychopathie, constitutionnelles.

L'auto-suggestibilité pathologique prédomine dans les formes

. graves de l'hystérie. Les phénomènes hypnotiques ojit pour basela

suggestibilité normale et l'hypnotisme n'est pas une manifestation

. de l'hystérie. La suggestibilité normale est à l'hystérie ce que la

. tristesse est à la mélancolie. ' LWOFF,

LXHI. Auto-observations PENDANT l'état hypnotique ; par Ollo-G,

WETTERSTRAND (de St0ckho)m). (GeltSCl29'il sur hypnolisn2us,

B.-W., fasc. 2 et 3.)

Deux malades hynoptisés racontent leurs sensations : diminu-

' lion de la personnalité; on dort, mais on se sent, on se voit dor-

.mir, on entend ce qui se passe autour, on entend les paroles de

l'hypnotiseur qui pénètrent en vous et modifient votre état d'âme.

z On se rend cependant parfaitement compte qu'on est suggestionné.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1295

On conserve un empire assez grand sur soi-même et un des ma-

lades a pu s'auto-suggestionner et se réveiller à une heure fixée

par lui d'avance; il s'est rappelé pendant son sommeil hypnotique

qu'il avait un rendez-vous d'affaire à cette heure. LWOFF.

S'AGIT-IL DE somnambulisme HYS1'ÉRIQUE ou HYPNOTIQUE ; par

LOEVENFELD. (Zeitsclarift fiii, hypnotismus, t. VI, fasc. 2.)

A. propos d'une observation publiée par le Dr Brugelman, l'au-

teur se déclare adversaire de la théorie qui veut que l'hypnose soit

une modalité hystérique artificiellement provoquée. Il croit qu'il

existe bien une région frontière où l'hystérie empiète sur l'hypno-

tisme, mais il croit aussi à l'autonomie de ces deux états. LworF.

LXV. Parésie transitoire ET récurrente dans LE ramollissement

cérébral aigu ; par 0. itLICIiENZIE. (Brit. med. Journal, janvier

1898.)

L'auteur signale une observation de courtes et fréquentes

attaques de parésie et montre l'intérêt que présentait leur rapport

étroit avec l'hémoglobinurie constatée du malade. A. Blanc.

LXVI. AUTOHYPNOTISIfE, par St. Waruen. (Médical News, mai 1898.)

L'auteur développe les bienfaits à tirer du traitement moral, des

suggestions bienfaisantes et autosuggestions contre les obsessions

et impulsions nuisibles d'ordre hystérique et dégénératif.

Il montre les anomalies de l'idée morbide comme prenant fré-

quemment naissance dans des suggestions ambiantes, imitations,

lectures et dépressions du caractère et de la volonté d'origines

variées ; il propose de les combattre par un mécanisme analogue

en provoquant des auto-suggestions inverses, comme la mère

trompe les fantaisies intempestives de l'enfant en lui offrant

quelque satisfaction voisine seulement de son caprice et qui l'en

distrait. A. Marie.

LXVII. Myélite localisée (paralysie des quatre membres); par

B. 13RAUVELL. (British médical Journal, mai 1898.)

C'est un cas de lésion traumatique de la colonne vertébrale au

niveau de la 5e verticale.

Paralysie et anesthésie transitoires suivies d'atrophie avec

spasmes et rigidités.' La lésion semble avoir été superficielle, affec-

tant les racines d'émergence au niveau des 5° et 6° vertèbres

cervicales. L'auteur rapproche un cas analogue où des paralysies

viscérales (vésicale et intestinale) disparurent avec les paralysies

transitoires des membres. Traitement dans les deux cas par l'élec-

tricité, les massages et les injections strychniques. A. Marie.

296 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LIII. Hystérie infantile; par J. MADiSON TAYLOR. (Médical NC,WS,

janvier 1898.) ,

'L'auteur se place plus particulièrement au point de vue du trai-

tement, qu'il fonde sur l'hydrothérapie et la suggestion. Aux crises

spasmodiques il applique le nitrite d'amyle, les inhalations am-

moniacales et les applications de glace sur la tête et la colonne

.vertébrale. A. Marie.

LXIX. Épilepsie sénile; par C. Lewis ALLEt\. (Médical News,

- mars 1898.)

Quatre observations d'épilepsie tardive que l'auteur rapporte à

la sclérose artérielle des centres nerveux et à la dégénérescence

du muscle cardiaque (cardio-bulbar sclerosis). A. Marie.

LXX. Abcès cérébral; par J. ltosson. (Occidental medical Journal,

février 1898.)

Observation d'un homme de trente-neuf ans ayant succombé,

malgré l'opération du trépan, à un abcès de l'hémisphère droit

d'origine péricranienne. L'auteur, à ce propos, impute son insuc-

cès au retard mis à opérer, en raison de l'opposition de la famille

et du délire du malade; il se demande si l'intérêt du malade ne

devrait pas primer les autres considérations. A. Marie.

LXXI. Du tabès dorsal; par F. FISIIEII, (Occid. medic. Time,

mars 1898.)

A propos des cas d'ataxie observés au Cooper collège de San

Francisco, l'auteur estime que l'influence étiologique de la syphilis

a été exagérée. Quand il y a antécédent syphilitique, la gravité et

la précocité de l'atteinte de tabes est en raison inverse de la gra-

vité des accidents spécifiques initiaux et de l'énergie du traitement

correspondant. L'atrophie optique précoce correspond aux ataxies

tardives et à marche lente. A. M.

LXXII. Étiologie des névroses; par F. (3.vTEnlAi\. (Sied. leg. Journal,

mars 1897.)

- L'auteur incrimine particulièrement le surmenage intellectuel

de l'enfance, en se basant surtout sur la progression du suicide

chez les enfants. Il montre les programmes d'instruction surchar-

gés comme aboutissant finalement il produire l'idiotie par dégéné-

rescence des sujets qui procréent plus tard des arriérés par suite

de la tare névropatbique ainsi acquise. A. Marie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 297

SUR l'épilepsie d'origine alcoolique ; par Heinrich STERN

(de New-York). (Medico légal Journal, juin 1897.)

L'auteur montre d'abord les ravages de toutes sortes produits

par l'alcoolisme ; puis il étudie les diverses opinions des différents

auteurs sur les rapports qui unissent l'alcoolisme et l'épilepsie.

Pour lui, l'alcoolisme,provoque l'épilepsie d'abord par les lésions

organiques qu'elle fait naître dans le système nerveux central par

athérome, sclérose, etc., mais, aussi, avant même que ces lésions

organiques ne soient constituées par le trouble amené dans la

nutrition des cellules nerveuses par l'intoxication. De nombreuses

observations accompagnent le texte A. V.

LXXIV. Paralysie réflexe DU DELTOÏDE DE cause articulaire.

Déplacement secondaire passif ; par le Dr F. MALTY. (Gazette

hebdomadaire de médecine et de chirurgie, le, mai 1898.)

A la suite d'une luxation de l'épaule en avant, on observe par-

fois une paralysie du deltoïde et de quelques muscles voisins et un

déplacement secondaire passif de la tête de l'humérus. Le segment

brachial est allongé, la tête de l'humérus par suite de la paralysie

du deltoïde et de la laxité des ligaments abandonne la cavité glé-

noïde, entraîné qu'il est par l'action de la pesanteur. Bien que ce

déplacement permanent soit facilement réductible, l'impotence

fonctionnelle du membre est presque complète. C'est un syndrome

bien défini constituant une infirmité redoutable.

L'auteur étudie d'abord quelle sorte de paralysie frappe le del-

toïde et montre quel est le rôle de cette paralysie dans la genèse

des accidents.

La paralysie n'est due ni à une myosite, ni aune névrose ; elle est

ou neuropathique, ou myélopathique. Elle n'est pas neuropathique :

l'exploration électrique ne décelant jamais de réaction de dégéné-

rescence permettrait seule de l'affirmer, mais en outre elle n'est

jamais accompagnée d'anesthésie localisée ; l'excitabilité du mem-

bre est exagérée et les réflexes du poignet et du coude sont aug-

mentés, de soite qu'il n'est pas douteux qu'il s'agisse ici d'une

affection myélopathique, c'est bien là la paralysie spasmodique

amyotrophique de Charcot, l'atrophie réflexe de cause articulaire.

L'amyotrophie articulaire est très bien étudiée tant au point de

vue nosographique, qu'au point de vue pathogénique : toute lésion

articulaire retentit sur son centre médullaire. Mais ce retentisse-

ment est variable : tantôt il n'y a qu'une lésion dynamique, épui-

sement de la cellule ganglionnaire, donnant lieu à des parésies et

des amyotrophies passagères, tantôt il y a lésion organique des

cornes antérieures de la moelle provoquant des paralysies, des

amyotrophies graves et une laxité articulaire donnant naissance

298 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

au déplacement secondaire de la tête humorale. D'autre part

jamais une paralysie du circonflexe ou du plexus brachial ne

s'accompagne de laxité articulaire.

L'auteur s'appuyant sur six observations personnelles et sur les

six cas rapportés par M. Hennequin est donc autorisé à formuler les

conclusions suivantes : cette paralysie est myélopathique et répond

au type de la paralysie spasmodique articulaire ; c'est cette origine

qui permet d'expliquer le déplacement et la laxité articulaire; le

déplacement ne se produit pas lorsque la paralysie reconnaît une

autre cause. A. Vigouroux.

LXXV. Tic douloureux ET opération ; par W. EWART. (British

médical journal, 9 novembre f89fi.)

L'auteur conclut au succès douteux et au rejet de l'opération

toutes les fois qu'on n'a pas épuisé les moyens logiques de traite-

ment médical répondant par exemple à l'origine arthritique

héréditaire de l'affection. A. Marie.

LXVI. Notes cliniques SUR la maladie D'rDDISON; par B. BrAU-

WELL. (British médical journal, janvier f89 .)

Ces réflexions à propos d'une observation inédite portent sur

deux points particulièrement importants : l'action nettement effi-

cace du traitement par l'extrait surrénal, l'absence des capsules

constatée. A. M.

LXXVII. Hérédité ET névrose; par Savoye. (B. médical journal,

janvier 1897.)

L'auteur s'attachant à faire la part des prédispositions hérédi-

taires et des facteurs individuels dépendant du milieu (chocs

moraux, surmenage, etc.), estime qu'il D'y a pas de fatalité dégé-

nérative, héréditaire seule ou d'acquisition ; la combinaison de ces

facteurs lui semble indispensable pour l'éclosion fatale des acci-

dents dégénératifs. A. Marie.

LXXVIII. DEUX cas DE névralgie DU trijumeau ET DE trismus associés

A la chute des DENTS; par S. SEwILL. (British medicul journal,

janvier 1897.)

L'auteur, s'appuyant sur deux cas, estime qu'il peut y avoir

relation de cause à effet entre la disparition des dents et les com-

pressions articulaires temporo-maxillaires entraînant constriclion

et irradiation névralgique douloureuse. Ses malades guérissent par

l'apposition de plaques artificielles remplaçant les dents et resti-

tuant à l'articulation maxillaire des rapports normaux. A. Marie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 29U

LXXIX. IIEMIATROPHIE faciale; par E. Yonge. (B. med. OlLr'n.,

mars 1897.)

Hémiatrophie chez une femme de quarante et un ans, consécuti-

vement à des névralgies hémicranio-faciales depuis la 31° année.

A. Marie.

LXX. IIYSTÉRO-ÉPILEPSIE simulant L'ÉPILEPSIE vraie; par IL THOMSON.

(British médical Journal, août 1897.)

C'est une observation type d'hysteria major, conforme à la des-

cription classique établie par l'école de la Salpêtrière, avec les trois

phases cliniques, tonique, clonique et excitation émotionnelle

finale. A. XL1AIE.

LXXXI. Névrites périphériques d'origine puerpérale ; par Ernest-

Sept. REYPIOLDS. (British médical Journal, octobre 1897.)

L'auteur divise les névrites selon leur origine centrale ou péri-

phérique. Il distingue parmi ces dernières celles d'origine infec-

tieuse générale, et celles d'origines traumatique ou infectieuse

locales, pelviennes. Il cite une observation personnelle de névrite

périphérique de cette dernière catégorie, ayant entraîné une para-

plégie, guérie depuis. A propos de cas suivis de mort, il rappelle

les altérations névritiques constatées au microscope par Korsakolf,

Serbski, Lindeman, Mader et Solowieff. A. Marie.

LXXXII. Acromégalie; par J.-N. D'ËSTERRE. (British médical Journal,

décembre 1897.)

C'est l'observation d'un homme de trente ans soumis au traite-

ment par les tablettes d'extrait pituitaire. Amélioration.

A. Marie.

LXXXIII. Myélite puerpérale; par Arthur Conklin-Brush. (Médical

. News, mars 1898.)

L'auteur signale l'absence, aussi bien dans les traités de neuro-

logie que dans les ouvrages d'obstétrique, d'observation de paraly-

sies dues à des modifications inflammatoires de la moelle, cas qui

bien que rares n'en constituent pas moins des complications puer-

pérales.

Il relate cinq cas de myélite puerpérale qu'il a pu observer pen-

dant deux années dans les salles d'hôpital de Kings. Tous ces cas

étaient de nature subaiguë ou chronique, et des proportions

variables de la moelle étaient atteintes.

300 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Il expose que, des causes générales de myélite, une seule est à

retenir dans la complication puerpérale, la septicémie.

A. Blanc.

LXXXIV. Erytrophobie ; par ' BECIITEREW. (Revue de psychiatrie,

neurologie et psychologie expérimentale, 1897, n° 1, p. 23-24.) 1

A propos de la communication de MM. Pitres et Régis, au Con-

grès de Nancy, M. Bechterew fait remarquer que sous le titre :

« Propriété de rougir comme affection particulière », il a décrit dans

laRevzce de psychiút1'ie, etr ? de 1896, n 12, une atfection absolument

analogue à celle qu'ont décrite MM. Pitres et Régis. D'accord avec

ces derniers. M. Bechterew trouve que cette affection se rencontre

tout particulièrement chez les jeunes gens du sexe masculin à sys-

tème nerveux facilement excitable, chez les neurasthéniques, mais

rarement chez les hystériques. Contrairement à l'opinion des au-

teurs français, l'érytrophobie ne débuterait pas nécessairement

après l'achèvement de l'évolution.générale,- dans un cas deM. Bech-

terew, le début de l'affection remonte à l'âge de onze ans. Les

malades restant seuls ne rougissent pas, ils ne rougissent pas non

plus dans l'obscurité ni lorsque l'éclairage est faible, -celas'ex-

plique par le fait que la peur d'être remarqué par quelqu'un est la

cause provocatrice de l'accès de rougeur. La psychothérapie, sous

forme de suggestion ou d'autosuggestion, serait le seul traitement

rationnel.

LXXXV. Remarques sur certaines formes d'imbécillité; par

J. TIIOIPSON. (Tretttment, mai 1898.)

Ch.-John Thompson, dans une communication à la Société mé-

dico-chirurgicale d'Edimbourg, attire l'attention sur les particula-

rités offertes par certaines formes d'imbécillité qu'on observe chez

les enfants.

Parfois une maladie organique quelconque est capable par la dé-

bilité générale qu'elle entraîne, d'occasionner un retard dans le

développement intellectuel de l'enfant, l'acquisition des idées se

trouvant entravée par la lenteur des perceptions. Si cet état d'ar-

riéralion intellectuelle s'accentue, il y a lieu- de l'attribuer à un

trouble mental. La microcéphalie se reconnaît à des signes assez

caractéristiques dans la forme et les dimensions de la tête. La fun-

tanelle antérieure se ferme prématurément, et d'après M. Thomp-

son, l'ohlitération de la fontanelle avant le septième mois serait

toujours due à la microcéphalie. Les essais de crâniectomie, tentés

dans le but d'élargir les dimensions du crâne, n'ont pas donné des

résultats encourageants.

L'hydrocéphalie chronique s'accompagne souvent de déchéance

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. O'1

intellectuelle. Parfois au contraire, malgré une hydrocéphalie bien

caractérisée, l'enfant conserve une intelligence normale et peut

recevoir une instruction très riche. Ces enfants sont d'ordinaire

d'une humeur douce et agréable. ,

Dans la paralysie infantile d'origine cérébrale, l'état mental pré-

sente des degrés divers en rapport avec l'étendue et le siège des

lésions présentées par le cerveau, en rapport aussi avec l'époque

d'apparition des accidents. Certains sujets jouissent d'une intelli-

gence susceptible dese développer par l'éducation. La paraplégie

spasmodique est le symptôme dominant de cet état. tD

Une catégorie distincte d'imbéciles est formée par les imbéciles

Mongols, ainsi dénommés en raison de leur facies qui se rappro-

che du type mongol. Il ne faut pas les confondre avec les crétins ;

leur intelligence présente des caractères bien différents de celle de

ces derniers : par leur humeur éveillée, leur puissance d'imitation

si marquée, ils diffèreul bien du crétin à l'esprit lourd, aux per-

ceptions lentes. Le traitement thyroïdien a été essayé dans ces cas,

maïs d'après M. Kletcher Beach, on n'en retire aucun résultat.

Le crétinisme a donné lieu ces temps derniers à de nombreux

travaux etla valeur du traitementthyroïdien estici nettement éta-

blie. Il faut surveiller les accès fébriles capables de se produire au

cours du traitement et noter avec soin la température. Au moindre

signe de malaise, il faut prendre la température, et si elle est

au-dessus de la normale, il faut suspendre l'emploi du traitement

thyroïdien. P. REr.LaY.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

1. LÉSIONS DES CELLULES NERVEUSES AU COURS DE DIVERSES INTOXICA-

TIONS ET auto-intoxications ; par MM. NAGEOTTE et ETTLINGER,

(Presse médicale, 23 mars 1898.)

Les intoxications expérimentales qui résultent de l'extirpation

des capsules surrénales, de l'extirpation des reins, de l'inoculation

du venin de la vipère, de l'inoculation tétanique, de l'ingestion

d'iodure de potassium, déterminent dans les cellules nerveuses

centrales des lésions protoplasmiques qui portent sur la substance

chromatique et sur la substance achromatique ; leurs caractères

302 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

priucipaux sont : la chromatolyse, la fissuration, la vacuolisation.

En même temps que se produit la désintégration des éléments

chromatophiles, il se forme, entre les granulations colorées, des

fissures claires, tantôt de forme allongée et disposées d'une façon

concentrique dans le corps cellulaire et longitudinale dans les

prolongements (extirpation des capsules surrénales, extirpation

des reins, intoxication par venin de vipère); tantôt losangiques et

disposées sans ordre il l'intérieur de la cellule (intoxication par

l'iodure de potassium et la toxine tétanique). Indépendamment de

ces fissures ou conjointement avec elles, se voient parfois des

vacuoles dans certaines cellules. Les fissures et les vacuoles, que les

auteurs qui ont précédemment étudié ces questions, ne paraissent

pas avoir vues nettement, ont été bien observées par MM. Na-

geotte et Ettlinger, grâce à une modification de la méthode de

Nissl consistant dans l'emploi, comme liquide fixateur, de formol

à 10 p. 100, avant l'emploi de l'alcool absolu.

Ces lésions existent dès le début de l'intoxication (tétanos).

Elles donnent lieu à des manifestations cliniques, lorsque, par

suite de leur confluence progressive, elles ont atteint un nombre

d'éléments trop grand pour que les suppléances puissent s'établir.

Alors survient l'insuffisance nerveuse, processus comparable aux

insuffisances viscérales par destruction de l'élément noble. C'est à

tort qu'on considérerait les lésions nerveuses des intoxications

comme des lésions banales et sans valeur pathogénique. Elles

interviennent dans le mécanisme de la mort, ce qui explique leur

existence dans une foule de processus toxiques mortels.

A. Fenayrou.

II. Abcès cérébraux EN rapport avec DES suppurations CHRONIQUES

DE L'OREILLE moyenne; par Alnasa. (l3ristih medical Journal, avril

1898.)

Cinq observations d'abcès mastoïdien opérés par la méthode de

Percy-Dean, deux morts et trois guérisons. A. Marie.

III. LÉSIONS RÉTINIENNES EN RAPPORT AVEC DES LÉSIONS CÉRÉBRALES;

. par WILLIAMSON. (British med. Journal, juin 1898.)

Treize cas d'examens ophtalmoscopiques chez des malades atteints

d'hémorrhagies, embolies ou thromboses cérébrales, altérations

coïncidant souvent avec des lésions analogues du fond de l'oeil,

sous la dépendance d'une artério-sclérose commune. Quatre figures

d'hémorrhagies rétiniennes de l'oeil correspondant à la lésion céré-

brale. Nous avons nous-même signalé des lésions oculaires analo-

gues en rapport avec les lésions cérébrales de la paralysie générale

(Thèse Paris, 1890). A. Marie.

REVUE d'anatomie ET de PHYSIOLOGIE pathologiques. 303

ri. LE DÉDOUBLEMENT DU TOURBILLON DES CHEVEUX ET DE LINFUNDI-

bulum sacro-coccygien; par Ch. Féré. (Nouv. Iconogr. de la Sal-

pêtrière, n° 3, 1897.)

Ces anomalies - dont l'auteur a rassemblé plusieurs cas

peuvent se rencontrer isolément ou réunies chez le même indi-

vidu. Leur ressemblance et leur siège aux deux extrémités de la

gouttière rachidienne sont propres à établir l'origine commune

des traces qu'on y rencontre à l'état normal. L'observation em-

bryologique permet à bon droit de les rattacher à des accidents

de l'évolution de la gouttière rachidienne et de les considérer

comme des stigmates importants de dégénérescence. R. C.

V. Note sur l'asymétrie cranio-faciale dans LnÉLIIPLI.GIE spas-

MODIQUE infantile ; par Ch. FÉRÉ. (Nouv. Iconogr. de la Sal-

pêtrière, n° 4, 1897).

Recherches portant sur 15 hémiplégies infantiles, à l'aide des

mensurations suivantes : 1° diamètre antéro-postérieur de la tête

de la protubérance occipitale externe aux deux bosses frontales ;

21 diamètres transversal et vertical de l'orbite ; 3° mesure de la

mandibule de la saillie latérale du menton à l'angle de la mâ-

choire... desquelles il résulte que : A. La saillie de labosse fron-

tale est atténuée du côté hémiplégique 7 fois sur15 ; égale ou même

supérieure 4 fois sur 15. - B. Le diamètre vertical de l'orbite est

supérieurdu côté hémiplégique 10 fofs sur f5; les orbites paraissent

égaux 5 fois sur 15. C. La mandibule est moins longue du côté

hémiplégique 12 fois sur 15 '. R. C.

VI. STRUCTURE DE la couche superficielle DE l'écorce cérébrale;

par BEWAN LEwIS. (Edinburglt Médical Journal, juin 189î.)

Dans cette étude, l'auteur décrit avec détails la structure histolo-

gique de la zone périphérique corticale, d'après les résultats four-

nis par les nouveaux procédés de technique de Golgi et Ramon y

Cajal. On décrivait jusqu'ici cette couche corticale comme formée

uniquement de faisceaux de fibres nerveuses à myéline disposés

sur des plans parallèles à la surface. On admettait bien que les pro-

longements des cellules pyramidales traversaient cette couche,

mais c'est seulement par les méthodes de coloration modernes

qu'on a pu constater leurs connexions.

' On trouvera des renseignements sur cette question dans les nom-

breuses observations d'hémiplégie infantile que nous avons publiées soit

tons l'Iconographie photo[ll', de la Salpêlrière (avec Il. Regnard), soit

dans nos Comptes l'emlus de Bicêtie (1880-1897). B.

304 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

D'une façon générale, l'épaisseur de cette couche diminue sur

chaque hémisphère en allant de la suture sagittale vers la base;

elle décroit également d'avant en arrière. C'est aux points où les

groupes cellulaires sous'jacents sont les plus abondants qu'elle

présente son maximum d'épaisseur, fait qui indique une relation

étroite entre les]cellules nerveuses et les éléments de la couche péri-

phérique. La couche en question comprend : »

1° Des éléments névrogliques et lympho-conjonctifs.

Le chromate d'argent permet de pénétrer la structure intime de

la trame conjonctive du cerveau et y décèle chez la grenouille la z

^présence de deux variétés de cellules, absolument indépendantes

fonctionnellement du tissu nerveux. Ce sont : a) de petites cellules

de 6 à 9 fi, avec gros noyau, disséminées dans la substance céré-

brale, placées sur le trajet des vaisseaux sanguins ; b) d'autres cel-

lules, deux fois plus grandes, caractérisées par un abondant proto-

plasma, de nombreux prolongements rayonnés, très délicats et un

ou plusieurs prolongements épais s'attachant à un vaisseau voisin.

L'auteur pense que ces cellules tirent leur origine de l'endothélium

des vaisseaux sanguins et qu'elles passent par des stades de transi-

tion avant d'arriver au type parfait de cellules en araignée de la

névroglie. Les lésions pathologiques du cerveau confirment cette

manière de voir;

2° Un plan de fibres nerveuses tangentielles. Tous les auteurs ont

décrit ces faisceaux de fibres à myéline dirigés parallèlement à la

surface immédiatement sous la pie-mère;

3° Les prolongements terminaux des cellules pyramidales.

les uns viennent des cellules pyramidales qui constituent les

troisième etquatrième couches, les autres des cellules de laseconde

couche. A mesure qu'ils s'approchent dé la périphérie, ils se divisent

en rameaux plus fixes à la façon d'un pinceau. Les divisions ter-

minales ou dendrites présentent un aspect hérissé et tortueux.

L'auteur, après avoir établi les relations de ces dendrites elles

connexions qui existent entre les éléments de la seconde couche

corticale avec la couche superficielle, cherche à établir dans des

considérations intéressantes quel doit être le rôle de ces divers

éléments dans le mécanisme de l'activité nerveuse. P. Rellay.

'VU. Gliome DU BULBE; par Joseph COLLINS. (Médecine, Chicago,

décembre 1897.)

Les néoplasmes du bulbe sont rares et d'un diagnostic diffi-

cile. Ce n'est pas qu'ils ne manifestent leur présence par des

symptômes bien accusés, mais ces symptômes sont trop complexes

pour permettre de formuler une description clinique applicable

aux tumeurs du bulbe. Cette complexité symptomatique tient-elle

même à la complexité physiologique de cette portion des centres'

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 305

nerveux, où se trouvent réunis des centres fonctionnels si nom-

breux, d'où émanent les quatre dernières paires crâniennes, par où

passent les voies conductrices, motrices et sensitives qui mettent

en communication l'encéphale avec la périphérie. Etant donnée

l'impossibilité de tracer un tableau d'ensemble des tumeurs du

bulbe, il convient d'en rapporter avec détails tous les cas nette-

ment observés.

Le cas suivant est intéressant en raison du' peu de signification

de symptômes, de l'indécision du diagnostic, qui n'a pu être fait

qu'à l'autopsie par la découverte d'unetumeur (gliosarcome) nette-

ment limitée au bulbe.

Il s'agit d'un sujet vigoureux sans antécédents pathologiques,

qui a commence par présenter une sensation d'engourdissement

dans les doigts de la main gauche; cette sensation a gagné la

main, puis s'est étendue jusqu'à l'épaule. Même chose s'est passée

pour le membre inférieur du même côté. Plus tard survint une

sensation de tension dans le côté gauche du cou et de la tête, sans

trouble céphalique véritable. Il ne présente d'ailleurs pas de para-

lysie, du côté des membres ni des nerfs craniens; pas de troubles

oculaires ; pas de vomissements. Les mouvements de la main gauche

et de la jambe gauche sont seulement marqués d'ataxie.

L'exploration de la sensibilité montre une analgésie très mar-

quée sur tout le corps. Les sensations tactiles et thermiques sont

au contraire perçues. Les réflexes sont conservés et exagérés. L'in-

telligence est intacte. Pas de troubles respiratoires ni circulatoires.

En l'absence des symptômes cardinaux d'une tumeur cérébrale,

il était difficile de faire un diagnostic et surtout de localiser la

lésion.

Cet état dura huit mois environ. Il présenta alors de la tachy-

cardie avec faiblesse du pouls et des accidents d'oedème pulmo-

naire, le tout accompagné d'un état fébrile très marqué. Devant

la gravité de cet état, on tenta d'intervenir et l'application d'une

couronne de trépan ne donna aucun résultat. La mort survint deux

jours après l'opération par exagération des troubles cardio-respi-

ratoires.

A l'uutopsie le cerveau ne présente rien de particulier, mais le

volume du bulbe attire l'attention. Le bulbe est distendu par une

tumeur qui a envahi sa face dorsale et empiété surtout à gauche.

Cette tumeur d'aspect gélatineux, de couleur gris foncé, plus

dense à la périphérie qu'au centre, est nettement distincte du

tissu nerveux qui l'entoure. Sur des coupes de la moelle, on n'ob-

serve aucune dégénérescence secondaire des faisceaux blancs.

L'examen de la tumeur montre qu'elle est formée d'un tissu de

névroglie avec prolifération vasculaire abondante. Au sein du

tissu gliomateux, on retrouve des cylindraxes et des cellules ner-

veuses intacles.

Archives, 2e série, t. VI. 20

306 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

11 semble donc que la tumeur, au sur et à mesure de son déve-

loppement, ait pris la place des éléments nerveux du bulbe. Et

cette notion éclaire l'évolution clinique présentée par le malade.

La tumeur s'insinuant lentement entre les cellules nerveuses et

leurs prolongements sans les détruire, n'a nui que légèrement à

leur fonctionnement, jusqu'au jour où les centres cardiaque et res-

piratoire ont été englobés et paralysés. C'est un fait bien connu

que le tissu gliomateux s'insinue entre les cellules et les cylin-

draxes au point de les enserrer dans son réseau sans pourtant

arrêter leurs fonctions, quand le processus suit une lente évo-

lution.

Le gliome tire son point de départ du point où le tissu névro-

glique est le plus abondant, c'est-à-dire du canal de l'épendyme

pour irradier de là vers la périphérie. Les premiers troubles obser-

vés se rapportent à là sensibilité, car les voies de conduction sen-

sitive subissent les premières atteintes de la lésion. Ce malade n'a

pas échappé à la règle. Mais le point remarquable de son histoire

est la variété de dissociation sensitive qu'il a présentée. Tandis

que les sensibilités tactile et thermique dissociées dans la syringo-

myélie normale étaient conservées intactes, la sensibilité doulou-

reuse était abolie; l'analgésie était presque absolue. On peut en

conclure que ces trois modes de sensibilité possèdent dans le bulbe

des voies de conductibilité différentes, et que la voie des sensations

douloureuses s'est trouvée seule abolie dans le cas particulier.

RELLAY.

VIII. Diagnostic D'UNE TUMEUR cérébrale sans localisation possible;

par E. Brissaud et E. de Massary. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-

trière, n° 2, 1897.)

Discussion casuistique et diagnostique fort intéressante à l'occa- .

sion d'un malade dont l'observation et'l'autopsie sont détaillées.

Garçon jeune, robuste, sans aucune tare héréditaire ou personnelle

Attaques complètes épileptiques, à forme dite essentielle, surve-

nues brusquement, avec accentuation des mouvements convulsifs

à gauche, attaques se manifestant peu à peu en séries subsistantes

et accompagnées d'une céphalée générale persistante. Mort au

cours d'une de ces séries d'attaques. A l'autopsie on découvre une

tumeur sarcomateuse siégeant au niveau de la première circonvo-

lution frontale droite. Cette tumeur aurait été facilement opérable.

Mais « une tumeur qui ne se traduit que par une épilepsie essen-

tielle et une céphalée diffuse, peut-elle être diagnostiquée assez

sûrement pour qu'on tire d'une symptomatologie si restreinte une

conclusion thérapeutique rationnelle ? Assurément non. Comme

enseignement pratique les auteurs concluent : « Il nous semble

que la céphalée, quoique diffuse, mais continue et intense constitue

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 307

à elle seule un motif d'intervenir. Il suffit d'une trépanation sim-

p ! ement décomprimante pour faire disparaître les douleurs, comme

pour prévenir un état de mal d'où peut résulter la mort. > R. C.

IX. CE QU'ON appelle la PRESSION cérébrale, LE mouvement DU

LIQUIDE CÉPHALORACHIDIEN DANS LE CRANE, ET LA PRESSION ENCÉPHA-

LIQUE ; par A. ADAlKIENICZ. (Neiwolog. Centralbl., XVI,,1891.)

La substance nerveuse est compressible ; elle peut être compri-

mée de plus de un cinquième de son volume sans qu'il soit porté

atteinte à ses fonctions. Le corps qui diminue la capacité de l'es-

pace réservé au cerveau n'a donc aucune tendance à déplacer le

liquide cérébro-spinal. Si, quel qu'en soit le motif, physiologique

ou pathologique, celui-ci quitte le crâne et son réservoir naturel,

ce n'est pas pour pénétrer dans la cavité de la dure-mère; il s'écou-

lera, hors du crâne, par les canaux ouverts que présente ce der-

nier. La tension du liquide céphalorachidien n'augmente jamais

au-delà de ses limites physiologiques ; si cela avait lieu, une mort

immédiale s'ensuivrait. L'injection, dans l'intérieur du crâne d'un

animal vivant, d'un liquide semblable au liquide céphalorachidien

le tue aussitôt, du moins dès que la pression artificielle produite

par cette injection dépasse tant soit peu la tension physiologique,

en déterminant une surcharge du coeur droit et de l'oedème céré-

bral.

Mais la pression exercée à la surface de l'encéphale vivant, loin

de rétrécir les capillaires cérébraux, les dilate ; les phénomènes

décompression ainsi produits varient suivant les territoires psycho-

physiologiques comprimés et sont de tout autre nature que ce

qu'on a décoré du nom de symptômes de la tension intracérébrale;

ceux-ci en revanche peuvent aussi apparaître 'sans qu'il y ait pres-

sion cérébrale, et provenir, par exemple, de l'excitation ou de la

paralysie de l'encéphale. L'augmentation de la pression intra-cra-

nienne par augmentation de la pression épicérébrale, celle que

détermine la pression d'un liquide injecté dans le crâne, se traduit

par une plus forte réplétion des veines de l'encéphale et [de leurs

canaux de décharge. Bientôt la pression augmente dans les veines

du cou ; il ne peut donc y avoir d'excès de tension du liquide intra-

cranien ni de pression cérébrale puisque les veines du crâne com-

pensent elles-mêmes toute tendance du liquide cérébro-spinal à

l'hyperpression.

En réalité, le liquide céphalorachidien est un produit.du sang

artériel et de la pression de celui-ci dans les capillaires qui occu-

pent l'espace céphalorachidien. Or, cette pression-là ne se modifie

jamais considérablement ; donc la source de ce liquide ne se mo-

difie qu'extrêmement rarement. Sa force donne au liquide une

pression qui fait équilibre à la pression atmosphérique ; elle est à

308 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

peu près uniforme et n'oscille autour de ce point d'équilibre que

par suite des mouvements respiratoires. Elle ne suffit pas, en tout

cas, pour chasser le liquide céphalorachidien de ses réservoirs. Il

faudrait pour cela qne la pression artério-capillaire s'élevât d'elle-

même, ce qui n'est pas. Comment donc circule-t-il ? Si l'on empêche

le retour du sang veineux, son écoulement du crâne : mieux que

cela, si on le refoule dans les veines, on verra que l'écoulement du

liquide céphalorachidien est entravé ; en effet, nous avons déjà

constaté plus haut qu'un afflux exagéré de liquide cérébro-spinal

artificiel dans la cavité crânienne augmente la tension dans les

veines du cou, ce qui prouve que non seulement le courant vei-

neux commande le courant du liquide céphalorachidien, mais

encore qu'il existe une communication parfaite entre les réservoirs

de ce liquide et ceux du sang veineux dans le crâne. Cela prouve

encore que la communication établie entre le liquide d'injection

artificielle qui représente le liquide céphalorachidien, et les veines,

se fait par des tuyaux à parois rigides, car l'effet d'une pression

extérieure sur les veines ordinaires à parois minces serait d'ahais-

ser la tension dans les veines du cou. Conclusion : la libre com-

munication entre les réservoirs du liquide céphalorachidien et ceux du

sang veineux doit avoir lieu par les os du crâne. C'est ce que

démontre du reste l'injection de substances colorantes dans la cavité

crânienne ; elles pénètrent les os du crâne.

Le réservoir du liquide céphalorachidien qui siège entre le cer-

veau et le crâne est, au moyen des canalicules osseux, en commu-

nication avec les veines qui traversent le» os du crâne et prennent

leur origine dans les veines de la pie-ruère. Le diploë est un vaste

espace veineux intercalé entre celles-ci et les autres. C'est'ce qui

fait que le liquide céphalorachidien circule réellement et conti-

nuellement sans avoir besoin de forces impulsives positives; sous

l'influence de chaque inspiration, le courant veineux des veines

des os aspire dans les canalicules osseux du crâne, de même que

tout liquide s'écoulant d'un tuyau quelconque exerce une aspi-

ration sur un branchement mis en communication avec ce tuyau.

Le courant veineux dans les os pompe donc lui-même le liquide

cép/¡alomchidien; ce mécanisme joue tant que le courant veineux

circule, tant que la respiration marche. Autant dire qu'il y a des

milliers de petites pompes qui s'opposent à la stagnation du liquide

céphalorachidien. Il n'y a donc pas de pression cérébrale.

Mais il peut y avoir compression du cerveau. Une tumeur, par

exemple, de même qu'une tige de laminaire, en se gonflant,

pousse les éléments de l'encéphale et les disperse, en raison des lois

d'accroissement et d'expansion des cellules pathologiques. Or, cela

n'a rien à voir avec le liquide cérébrospinal. Il y a compression

de la substance cérébrale et non production de pression .cérébrale,

S'agit-il d'une tumeur liquide, au lieu d'une tumeur solide, elle

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 309

produit, dans le crâne, un exsudât inflammatoire diffus qui, se

substituant à l'espace destiné au liquide céphalorachidien, empêche

l'accumulation de ce dernier; comment y aurait-il tension, pres-

sion Si la tumeur liquide s'ouvre, sa tension intérieure s'équilibre

avec celle du crâne, pas davantage. Quant à l'exsudat inflamma-

toire libre dans la cavité du liquide céphalorachidien, nous verrons

son action plus tard. L'action exercée par l'expansion de la tumeur

sur le cerveau, comparable mécaniquement à celle qu'exerce tout

foyer à croissance sur n'importe quel autre endroit du corps, n'en

diffère que par la différence des fonctions propres au cerveau et de

celles relatives aux autres organes. P. KERAVAL.

X. HYPERTROPHIE congénitale DES doigts; par R. CESTAN. (Nouv.

Iconogr. de la Salpêll'ière, n° 6, 1897.)

Observation d'un jeune homme de vingt-quatre ans : Hérédité

névropathique. Développement physique normal, sauf hypertro-

phie considérable des médius et index gauches, intéressant à la

fois les tissus osseux et les parties molles (photo et radiographies).

Manifestations neurasthéniques avec caractère emporté et imagi-

nation extravagante. On doit conclut l'auteur reconnaître

dans ce cas de macrodactylie « un vice congénital de développe-

ment de même origine que toutes les malformations des dégéné-

rés, un des stigmates physiques qui caractérisent la famille névro-

pathique D. R. CHARON.

XI. La GROSSE localisation DES CORDONS MOTEURS DE la MOELLE

destinés A DIVERSES parties DU corps ; par J. G.1D et E. FLATAU

(6 : M-o/09'. Cent¡'albl., XVI, 1897.)

Expériences ayant pour but d'établir si l'on ne pourrait obtenir

des points de repère pour une différenciation topographique dans

la moelle, des fibres des pyramides destinées à diverses parties

du corps. Huit expériences ont été pratiquées sur des chiens. Le

comment et les effets de ces expériences sont spécifiés à l'aide de

figures. En voici le résumé.

La substance blanche de la moelle est excitable à l'électricité,

en particulier en ce qui concerne les conducteurs intercentraux,

notamment les fibres pyramidales. La différenciation topogra-

phique par l'excitation électrique est spécialement remarquable

pour la coupe transverse de la moelle, et les faisceaux pyrami-

daux. En diminuant méthodiquement la force de l'excitation, et

quant à l'intensité du courant, et quant à la durée de l'excitation,

on arrive à conclure que les fibres motrices destinées aux parties

du corps voisines ne sont pas loin de la substance grise des cornes

antérieures, tandis que les fibres des pyramides destinées aux par-

310 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ties du corps éloignées occupent le cordon latéral beaucoup plus

en arrière et à la périphérie. Ce dernier fait concorderait avec

l'opinion, de plus en plus répandue, que les courtes fibres de la

moelle se dirigent près de la substance grise, tandis que les fibres

longues se servent plutôt des zones marginales périphériques.

- - P. KERAVAL.

XII. Poliomyélite antérieure CHRONIQUE avec LÉSION concomitante

DES racines postérieures ET DES cordons DE BURDACH ; par P. SCHUS-

TER. (Neurolog. Centralbl., XVI, 1897.)

Il s'agit d'un homme de quarante-trois ans. En octobre 1893, il est

enroué; en août 489 ? on constate une légère difficulté dans le mou-

vement d'abduction des cordes vocales, del'accélération du pouls. En

novembre 1894, affaiblissement du bras droit qui s'amaigrit; quel-

ques douleurs lancinantes. Tous ces accidents s'aggravent jusqu'en

1895. Déjà, en décembre 1894, il existe des troubles de la déglu-

tition. En janvier 1895, le malade, aphone, éprouve plusieurs accès

de vertige. En février de la même année, légère douleur de déchi-

rement dans le bras gauche; à la fin de ce mois, affaiblissement[des

branches supérieures et inférieures du facial des deux côtés, paré-

sie avec atrophie de la langue, troubles de la déglutition, aphonie

absolue, immobilité cadavérique des deux cordes vocales, atrophie

'en masse dégénérative des muscles du bras droit, qui décroitcepen-

dant de haut en bas, faible diminution des sensations douloureuses

dans le bras droit qui perçoit néanmoins encore les impressions lac-

tiles. Sensation subjective de faiblesse dans la jambe droite dont la

force est conservée de même que celle de la jambe gauche. Réflexes

patellaires très vifs; accélération du pouls. Bronchopneumonie.

Mort. On a fait le diagnostic de gliose du bulbe et de la moelle

cervicale. Autopsie. Les racines extramédullaires présentent deux

espèces de lésions : une lésion récente occupant des zones radicu-

laires circonscrites qui siège au beau milieu de lésions anciennes

- diffuses des manchons de myéline. Les racines antérieures extra-

médullaires, depuis la région sacrée la plus inférieure, jusqu'à la

région dorsale la plus supérieure, sont le siège des deux types de

lésions, dont le premier apparait des plus nets au niveau du ren-

.vilement lombaire. Les racines postérieures à ces mêmes hauteurs

sont aussi le siège des deux types de lésions, mais plus particuliè-

rement du premier, le second type y étant un peu moins accentué

que dans les racines antérieures. De la moelle thoracique inférieure

au bulbe, les racines antérieures trahissent surtout de vieilles alté-

rations principalement marquées par une extrême raréfaction des

fibres, dans la région la plus supérieure de la moelle thoracique.

Les lésions radiculaires en question sont également accentuées à

droite et à gauche. Atrophies insignifiantes des cellules des cornes

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311

antérieures dans la moelle sacrée supérieure et lombaire inférieure;

aspect extrêmement suspect de ces atrophies des deux côtés dans

toute la moelle thoracique inférieure et moyeune; à coup sûr, des

deux côtés, il y a atrophie des cellules dans la moelle thoracique

supérieure et cervicale inférieure. Depuis la sixième racine cervicale

jusqu'en haut, la corne antérieure gauche est tres peu atteinte,

tandis que celle de droite est très fortement prise. Dégénérescence

systématique incertaine très faible, dans les deux cordons de Bur-

dach à la hauteur intermédiaire aux sixième et septièmes racines

dorsales ; elle n'est visible que parle procédé de Marchi. Dégénéres-

cence certaine du cordon de Burdach (surtout à droite), depuis la

deuxième racine dorsale jusqu'au noyau de Burdach. Lésions

récentes, insignifiantes, des cordons antérieurs et latéraux s'accroîs-

sant de bas en haut. Atrophie très marquée des noyaux des neu-

vièmes aux douzième paires craniennes; atteinte des racines intra-

et extra-médullaires de l'hypoglosse et des racines extra (peut-être

aussi intra) médullaires des neuvième et onzième paires. Des deux

côtés, faible lésion du genou du facial, de ses racines extra-médul-

laires ; dégénérescence du faisceau descendant de la cinquième

paire et de ses racines intra-médullaires des deux côtés. Dégéné-

rescence minime des racines émergentes de l'oculomoteur commun.

Forte hypérémie partielle de la moelle ; les parois des vaisseaux

y sont peu altérées, mais le tissu interstitiel est lésé. Hémorrhagies

dans les gaines vasculaires et petites hémorrhagies surtout sur le

plancher du quatrième ventricule. Intégrité des méninges. Très

grande diminution des fibres, atteintes aussi de prolifération gra-

nuleuse, du radial, du cubital, du médian, du pneumogastrique.

Dégénérescence totale des deux récurrents. Les fibres musculaires,

également fort appauvries, ont conservé leur striation transver-

sale ; multiplication des noyaux; surcharge et dégénérescence

graisseuses.

En somme, lésions systématiques avec atrophie primitive des

cellules nerveuses dans les foyers gris moteurs de la moelle et du

bulbe ; lésions des racines antérieures et postérieures et d'une par-

tie des cordons postérieures (Figures). C'est un cas qui ne rentre

dans aucune des catégories connues, ni au point de vue clinique,

ni au point de vue anatomique. Ce n'est ni une atrophie musculaire

progressive, ni une poliomyélite antérieure chronique pure, ni une

polynévrite accompagnée de lésion simultanée des cornes anté-

rieures, ni une affection systématique combinée des cornes anté-

rieures, des racines postérieures et des cordons postérieurs. Il se

rapproche le plus de la poliomyélite antérieure chronique, mais il

ne faudrait pas en induire que cette maladiè-là est une affection

plus diffuse que systématique. C'est un cas fruste dans lequel

on constate l'association d'altérations dans les racines, les cordons

et les noyaux sensitifs à une atrophie chronique des cornes anté-

312 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rieures. On constale encore l'absence de symptômes cliniques en

rapport avec une série d'altérations analomiques marquées.

P. KERAVAL.

XIII. Etat actuel DE l'électrodiagnostic; par L. MANN. (Cent1'ant. f.

Ne¡'venheilk, XX, N. F. VIII. 1897.)

A. Courant galvanique. Rien ne vaut un galvanomètre absolu,

avec une électrode normale (dont les dimensions ne varient pas).

Malheureusement il existe une foule de circonstances qui faussent

l'exactitude réelle de la détermination quantitative du degré (ainsi

mesuré) de l'excitabilité neuromusculaire. Il existe certainement à

cet égard des variétés individuelles qui dépendent de la constitu-

tion, de l'état de la nutrition, de l'âge, etc., et que nous ne con-

naissons que peu ou point, sans compter le mode de réaction"

purement personnel. Et que de causes d'erreur tenant, quoi qu'on

fasse, à nos procédés d'examen : tels; le déplacement inévitable de

l'électrode ou du point le plus excitable du tégument où celle-ci

est placée ; les modifications de l'excitabilité par le courant lui-

même et les transformations de la résistance à la conductibilité

sous l'influence du courant entre le moment où l'on observe la

contraction minima et celui où on lit le déplacement de l'aiguiile

sur le galvanomètre. Si l'aiguille du galvanomètre reprend rapide-

ment sa situation sans secousses, si l'on fait agir de courtes fer-

metures d'un quart de seconde (Goertner), si l'on se sert d'inten-

sités auparavant mesurés (Remak), on atténue ces inconvénients.

Mais les diverses épaisseurs formées par la peau et le tissu cellu-

laire au-dessus du nerf modifient la densité des effluves électriques

et exigent souvent, sans qu'on puisse formuler mathématiquement

ces conditions locales, de renforcer le courant; une peau épaisse

sert de cuirasse, mais, si elle est oedématiée, elle devient, à une

certaine profondeur, meilleure conductrice, trop bonne conduc-

trice même, car elle divise outre mesure les ondes électriques,

avant qu'elles ne rencontrent le nerf; de là des variétés indivi-

duelles et même régionales chez le même sujet (tableaux de Stint-

zing) qui nuisent à l'application des dixièmes ou centièmes de

milliampères au diagnostic des affections uni ou bilatérales.

B. Courant faradique. - Les mêmes sources d'erreur diminuent

la valeur du courant faradique avec cette différence que, tandis

que le courant galvanique modifie lui-même la résistance à la

conductibilité, il n'en est pas de même pour le courant faradique

qui ne change pas cette résistance (Stintzing et Groeber). En

revanche, on peut mesurer l'intensité absolue d'un courant galva-

nique, tandis que celle d'un courant faradique dépend des obser-

vateurs, de leurs appareils (force de l'élément, nombre de tours

des bobines) qui fournissent des valeurs incomparables. Ajoutons

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 313

qu'un seul et même appareil donnera une force électromotrice

variable suivant les jours où l'on s'en sert. Cependant, comme il

n'y a pas à se préoccuper de la résistance à la conductibilité du

courant faradique (Mann, Goertner, Windscheid), pour peu que la

pile soit soignée on peut recommander le faradimètre de Edel-

snann, dans lequel des mécanismes particuliers assurent la cons-

tance des éléments, fournissent (en volts) la force électromotrice

due à une décharge inductive pour les différents écarts des bobines.

C'est une unité qui peut servir à des comparaisons. Il n'y a pas

non plus lien, pour le courant faradique, de tenir compte de la

résistance à la conductibilité du corps humain, puisqu'on en

mesure non l'intensité, mais la force électromotrice. Faute de

l'appareil d'Edelmann, cher et compliqué, on se servira d'un appa-

reil d'induction ordinaire toujours le même. Quoi qu'il en soit,

nous ne pouvons encore avec précision spécifier le degré d'excita-

bilité, à raison notamment de la variation de situation des nerfs,

le même nerf pouvant présenter, à différents examens, des diffé-

rences en volts considérables pour l'excitation (Wertheimer et

Salomonson). '

C. Etudes cliniques. - 1° Quelle est l'importance diagnostique

des modifications quantitatives de l'excitabilité électrique ? Dans les

lésions cérébrales, on tend il admettre que les hémorragies, vieilles

ou récentes. se traduisent par une diminution même considérable

de cette excitabilité, mais cela n'a-t-il lieu que dans les cas de

lésions en foyers (Wernicke) ; peut-elle servir au diagnostic de la

localisation, ne concerne-I-elle que quelques groupes musculaires

du membre hémiplégique ? Autant de problèmes non encore réso-

lus. Dans les paralysies périphériques légères, il peut y avoir aussi

diminution de l'excitabilité électrique purement quantitative,

mais il est bien plus fréquent d'observer concurremment des

anomalies qualitatives légères (Remak). Dans la tétanie il y a

hyperexcitabilité (Erb., 1874);

2° L'importance diagnostique reste encore aux modifications qua-

litatives, notamment à la réaction dégénérative (Baierlacher, 1859) ;

seulement elle comporte aujourd'hui les variétés les plus polymor-

phes se transformant les unes dans les autres,'de sorte que, pour

affirmer son existence, il faut qu'on trouve que, sous l'influence du

courant galvanique le muscle se contr cccte lentement ; c'est cette

paresse de la contraction qui permet de conclure à la dégénérescence

des nerfs et des muscles (Remak). Les treize variétés se répartissant

en quatre groupes, de Stinzing, ne sont point encore établies par

des modifications histologiques correspondantes, ni par une évolu-

tion de l'affection dans laquelle on constate telle ou telle forme de

la réaction dégénérative. Bien plus, la même forme de réaction

dégénérative se peut rencontrer aussi bien dans un processus pro-

314 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

gressif que dans un processus régressif; les autopsies étant de

plus en plus rares, c'est l'expérimentation qui devra préciser, dans

l'avenir, les lésions anatomiques en relation avec l'état électrique.

On a montré que, dans la réaction dégénérative, l'excitabilité gal-

vanique indirecte est à la fois modifiée dans sa quantité (diiniiiitée

ou abolie), à la fois ralentie dans sa transmission (lenteur

de la contraction indirecte de Erb) ; et que l'excitabilité faradique

du nerf et du muscle peut présenter un ralentissement de la réac-

tion (réaction dégénérative faradique). Mais on en est resté à la

division empirique de : dégénérescence très grave caractérisée

par une réaction dégénérative complète - dégénérescence très

légère, à réaction dégénérative partielle - dégénérescence

moyenne, à réaction dégénérative faradique. On n'a pu exacte-

ment rattacher tels ou tels éléments électrophysiologiques à tel ou

tel diagnostic, d'autant que la lenteur de la contraction elle-même

n'a pas encore été distinguée de certaines formes de la contrac-

tion normale, par exemple, en matière de processus régéuératifs,

Puis, il existe des formes de transition dégénératives, en particu-

lier dans la dystrophie musculaire progressive, dans l'hémiplégie.

Il faut compléter les éléments biologiques de la réaction dégéné-

rative de transition par son étude au moyen d'appareils d'enregis-

trement myographiques. Dubois et Remak se sont attachés (1888-

1893) à démontrer qu'il y avait réaction dégénérative complète,

quaud le muscle, inexcitabteàla sollicitation laradique ordinaire,

réagissait encore, mais lentement, à quelques décharges isolées

d'un puissant appareil d'induction. Bien des faits montrent cepen-

dant que si, en pareils cas, il y a une très grande diminution de

l'excitabilité faradomusculaire, la réaction électrique du muscle

n'est justemeut point complètement perdue, ce qui est l'inverse de

la démonstration précédente. Et il conviendrait de soumettre à un

examen du même genre les formes dites de réaction dégénérative

partielle. La réaction myasténique de Jolly et Fajerztajn, c'est la

réaction d'épuisement de Brenner et Benedikt, qui ne permet pas

. de conclusion diagnostique ; au myographe appartient d'en tracer

les caractères distinctifs d'avec l'épuisement normal. La réaction

neurotonique de Remak, ou celle de Marina, par liyperexcital)illté

du neurone, c'est celle de la tétanie, mais par des causes diffé-

rentes ; elle est, en tout cas, parente de la réaction dégénérative

partielle accompagnée de lenteur indirecte de la contraction

{Loewenthal ; paralysie du radial par compression).

3° La résistance du corps humain à la conductibilité du courant

électrique peut-elle enriéhir la symptomatologie d'états patholo-

giques ? Nous avons déjà indiqué les extrêmes variétés indi-

viduelles, l'insuffisance des méthodes de recherches, l'impossibilité

actuelle d'en calculer les causes somatiques. A fortiori chez les

sujets malades. Soit dit pour tous les travaux affirmatifs ou négatifs

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 315

de Cbarcot, A. Vigouroux, Martius, Eulenburg, Kahlen, Herzog,

Bernhard et Schwabach, Erben, Spehl et Sand. On s'est aussi

occupé de la résistance faradique (Windscheid, Eulenburg) qui pré-

sente des valeurs tout autres (bien plus faibles) et bien plus cons-

tantes que la résistance du corps à l'égard du courant galvanique ;

mais rien n'est fait. l.

Conclusion. L'électrodiagnostic de ces dernières années ouvre de

nouveaux horizons, mais n'a encore rien fondé qui permette le

diagnostic sûr des maladies nerveuses. P. KEKAVAL.

XIV. La théorie DE RONCOIIO1VI SUR la genèse physiologique DE la

FOLIE systématisée (paranoïa) ; par E. JE1TSCH. (Central6l. f.

lervelaheill ? XX, N. F., vin, 1S97.)

Arlicle court, fait pour appeler l'attention sur ce mémoire publié

dans l'Allgemeine Zeitschr, f. Psychiat., LIV 3, qui sera mieux

analysé d'après le travail complet. P. IL. ·

XV. Généralités SUR l'interférence ET l'hérédité SEXUELLE ; par

114LLERVORDE\. (Centralbl. f. Nervezlaeilk., XX, N. F., vin, 1897.)

Le principe de l'interférence, principe de toute transformation

de l'énergie, de la forme, du développement quelconque, a de

nombreux emplois biologiques et physiques (Stuber, éditeur,

Wurzbourg, 1887). On a déjà dit que chaque sexe porte en même

temps des marques de l'autre qui est demeuré latent ou disponible,

la transmission du sexe se fait non pas dans la forme mais par

croisement des termes, par transmission de la partie latente du

sexe opposé. Les cellules du germe s'interfèrent et ce sont les con-

ditions de l'interférence qui expliquent les choses de la pathologie,

de la personnalité. Il doit y avoir interférence des énergies d'après

les capacités et les intensités. Les énergies du mâle (avec l'intégra-

lité de ses relations avec le milieu) se manifestent sous la forme

électromotrice, par un appoint chimique. Celles de la femelle,

sous la forme chimique, par un appoint électromoteur Chaque

phase de la division morphologique est une transformation de

l'énergie par l'interférence. L'interférence produit toujours un

croisement de sexe. C'est elle qui explique le plissement. Les exci-

tations chimiqnes modifient le rhythme en faveur de l'un ou

l'autre sexe. On peut trouver un calcul et une formule propres à

expliquer ainsi l'organisation neurochimique, la transformation de

la constitution du système nerveux dans le temps et le lieu et toute

la question de l'hérédité. P. KERAVAL.

XVI. LES documents bibliographiques permettent-ils DE DIAGNOSTI-

QUER l'existence DE la paralysie générale par l'examen H1STOLO-

316 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

GIQUE DES ALTÉRATIONS DE L'ECORCE DU CERVEAU; par W. PûLLiCK

(Centmlbl. f. Nervenlaeillc., XX, N. F., vin, 1897.)

Analyse des travaux de ces 20 dernières années : 1° sur les fibres

nerveuses; ,2" sur les cellules nerveuses; 3° sur les méninges, la

névroglie et les vaisseaux. On n'est pas encore arrivé à affirmer par

l'histologie la paralysie- générale. P. KERAVAL.

XVII. Coloration DES cylindraxes ET de LEURS arborescences TERMI-

NALES, par L. AUERR : 1CII. (Nezerolog. Ceizt2-alb., XVI, 1897.)

Cette méthode fournit un tableau remarquable de la division des

arborisations terminales amyéliniques de la substance grise des

centres nerveux et nous montre l'épais feutrage, par places, inex-

tricable, des fibres qui chez les adultes ou les embryons entou-

rent comme d'une toile d'araignée les cellules nerveuses grandes

ou petites. Mais il faut observer les pièces dans l'immersion, à cause

de l'incroyable délicatesse des fils.

Couper les organes en morceaux de 3 à 4 millimètres et les

faire durcir à l'étuve à 38° pendant quatre à cinq heures dans une

solution picrique ainsi composée :

Solution picrique filtrée à chaud et privée après refroidissement

de l'acide précipité : 100 parties; ajouter 3 parties d'acide sulfurique

concentré, filtrer au bout de quelques heures et étendre 1 partie

de cette liqueur de 3 parties d'eau distilée.

On les place ensuite dans parties égales de liqueur de Muller

(bichromate de potasse, 2 parties, sulfate de soude 1 partie, eau dis-

tillée 100 parties) et de liqueur d'Erlitzki (Bichromate de polasse

2,5 parties; sulfate de cuivre, 0,5 partie; eau distillée 100 parties);

mélange auquel on ajoute 5 gouttes de lactate de soude par

100 grammes et que l'on renouvelle tous les jours. Généralement,

après trois ou quatre jours pour le cerveau et la moelle de

l'homme adulte, le durcissement est convenable et l'on place les

pièces dans une solution de nitrate d'argent à 2 p. 1000 pendant

sept jours, que l'on change tant qu'il se produit un'précipité évi-

dent de chromate d'argent.

Quand la corrosion argentique a pris fin, on place pendant une

demi-heure les petits morceaux dans l'eau oxygénée privée d'acide

chlorhydrique (de Merci;), à laquelle on ajoute par 10 grammes

4 à 5 gouttes d'acide sulfurique pur. Lavez à l'eau distillée, mettez

dans l'alcool à 70°. Inclure dans la celloïdine (un séjour de huit à

douze heures dans ! 'alcool absolu et d'autant de temps dans la

celloïdine suffit.) On colore avec :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317

en ajoutant la pointe d'un couteau d'acide molybdique très pur

(de Merck); mais il faut que ce mélange soit demeuré au repos pen-

dant huit semaines et d'abord à l'étuve, jusqu'à ce que l'hématoxy-

'line soit totalement dissoute ; elle conserve alors son activité pen-

dant un temps très long, pourvu que l'acide molybdique y demeure

toujours en excès. Dans ce mélange ou place les coupes pendant

trois heures au plus; généralement une demi-heure suffit. - Lavez

à l'alcool à 50° ; plongez pendant quelques secondes dans l'eau

distillée.

Différenciez suivant la méthode de Pal, c'est-à-dire pendant

quelques secondes, dans une solution d'hypermanganate de potasse

à 1/4 p. 100 ; puis, jusqu'à ce que la nuance pâlisse, dans un mé-

lange de sulfate de potasse pur, 1 ; acide oxalique pur 1 ; eau dis-

tillée, 200. Si la différenciation est insuffisante, on recommence

l'immersion double, mais a priori les coupes minces ne doivent pas

rester dans l'hypermanganate de K plus de quatre à six secondes.

Lavez avec soin à l'eau distillée; éclaircissez à l'alcool à 90° et au

phénoxylol; puis, un peu plus longtemps, au xylol ; enfin inclure

dans le baume xylol.

Il est prudent de ne pas examiner les préparations trop longtemps

après leur confection bien qu'il en existe qui, soumises à cette tech-

nique depuis six mois, montrent encore les plus fines arborescences

terminales dans une irréprochable fraîcheur. P. KERaVaL.

XVIII. DE QUELQUES variétés DE la MARCHE ET DE la course; par le

Dr P. BICHER. (Nouv. lconograph. de la Salpêtrière, n° 2, 1898.)

Ces études de physiologie morphologique ne se prêtent guère à

l'analyse succincte; oeuvres d'analyse elles-mêmes, elles doivent être

lues et vues sans raccourci. L'auteur laisse de côté le type ordinaire

de la marche et de la course qu'il a décrit antérieurement; il en

donne seulement des schémas analytiques. Il détaille les différents

moments du pas, les oscillations, les compensations, les réactions

qu'il entraîne, successivement, dans les marches banales (à recu-

lons, avec un fardeau sur l'épaule, en poussant, tirant ou portant

une brouette chargée, sur un plan ascendant, descendant, dans un

escalier), dans les marches expressives (enthousiaste, sournoise),

dans la marche « en flexion », la marche sportive et la marche

pathologique. A propos de la marche en flexion, dont il a été beau-

coup parlé récemment, l'auteur nous apprend, appuyé de l'auto-

rité de M. Marey et de M. Laveran, qu'elle est en réalité plus fati-

gante que la marche ordinaire et susceptible même de produire

des troubles cardiaques. L'intérêt médical et artistique qui s'at-

tache à ces études est rehaussé par des reproductions d'instantanés

de M. Londe. '

R. Cuanov.

318 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XIX. Recherches SUR l'origine RÉELLE DES NERFS crâniens; les NERFS

MOTEURS oculaires ; par VAN GEHUCHTEN. (JOU1'1l. de Neurologie et

d'Hypnologie, 1898, n° 6.)

L'entrecroisement partiel des fibres radiculaires du nerf de la

troisième paire est un fait aujourd'hui bien établi. Les seules ques-

tions encore controversées sont celles de savoir de quelle partie

du noyau d'origine naissent les fibres croisées et quels sont les

muscles oculaires auxquels ces fibres sont destinées.

Pour déterminer exactement, chez le lapin, la position des cel-

lules qui donnent origine aux fibres croisées, M. van Gehuchten a

vidé une cavité orbitaire en extirpant le globe oculaire avec toutes

les fibres qui l'entourent. Le lapin a été tué dix jours après l'opé-

ration. Les coupes sériées du mésencépale, traitées par la méthode

de Nissl, montrent en toute évidence que les cellules d'origine des

fibres croisées occupent la partie postérieure et inférieure de

chaque noyau.

Ces fibres se rendent en partie au muscle droit supérieur, au

releveur de la paupière, au petit oblique et au droit interne.

Le droit inférieur est innervé exclusivement par des fibres

directes ainsi que les muscles intrinsèques de l'oeil.

Quant au nerf pathétique, il serait constitué avant tout par des

fibres croisées, mais renfermerait cependant quelques rares fibres

directes. On ignore toutefois si ces fibres directes se rendent du

noyau d'origine dans le nerf périphérique sans passer par la val-

vule de Vieussens, ou bien si ces fibres, avant d'atteindre le nerf

périphérique, passent 'deux fois la ligne médiane, dans le raphé

et dans la valvule.

Le nerf de la sixième paire est formé exclusivement de fibres

directes; il résulte, en outre, des recherches de van Gehuchten,

que ces fibres naissent de deux groupes cellulaires distincts et

situés l'un dans la concavité des fibres radiculaires du nerf facial,

l'autre en dedans de la branche radiculaire externe du facial, près

de l'extrémité inférieure de l'olive supérieure. G. D.

XX. La chromatolyse O'INS LES cornes antérieures DE la moelle,

APRES DÉSARTICULATION DE LA JAMBE ET SES RAPPORTS AVEC LES

localisations motrices ; par les Ors VAN Gehuchten et DE BUCH.

(Journal de Neurologie et d'Hypnologie, 1898, n° 5.)

Un vieillard de soixante-dix ans, athéromateux, ayant succombé

21 jours après une désarticulation du genou consécutive une

gangrène de la jambe droite, la moelle fut fixée dans la formaline

il 5 p. 100, puis dans l'alcool à 96°. On débita ensuite la partie

inférieure du segment lombaire et tout le segment sacré en coupes

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319

de 15 micrones d'épaisseur. Celles-ci furent colorées par le pro-

cédé de Nissl.

Le phénomène de la chromatolyse fut constaté dans toutes les

coupes au niveau d'un grand nombre de cellules situées à la partie

postérieure de la corne antérieure droite. De la situation et de la

disposition des groupements cellulaires chromatolysés les auteurs

croient pouvoir conclure :

1° Que les noyaux d'innervation des muscles de la jambe et du

pied occupent la partie postérieure des cornes antérieures de la

moelle et s'étendent de la partie supérieure du cinquième segment

lombaire, jusque vers l'extrémité inférieure du quatrième segment t

sacré ;

2° Il existe deux grands noyaux d'innervation de ce segment du

membre inférieur : un premier noyau très grand s'étend de l'ex-

trémité supérieure du cinquième segment lombaire jusqu'à la

partie inférieure du troisième segment sacré; un second noyau,

également assez volumineux, surtout vers son milieu, mais sem-

blant unique, commence en arrière du premier et à partir du

premier segment sacré et s'étend jusque vers l'extrémité inférieure

du quatrième segment sacré. ' G. D.

XXI. Etude critique ET expérimentale SUR LES troubles vaso-moteurs

PRODUITS PAR LA SUGGESI'lON DANS DES TERRITOIRES LIMITÉS DE LA

peau; par SCIIItENCE-NOTZING. (Zeilschfrift sur )Lyy7201251722tS, t.-V,

fasc. 4.)

Peut-on déterminer par une influence purement psychique -

auto-suggestion, suggestion à l'état de veille ou de sommeil -une

vésication d'une région limitée de l'épiderme ? Les expériences

faites à ce sujet en Allemagne et à l'étranger ne présentent pas de

garanties suffisantes pour permettre de conclure. L'auteur a fait

des expériences très intéressantes et conduites avec une rigueur de

contrôle admirable. La femme soumise à l'expérience était gardée

à vue par plusieurs médecins, la région où devait apparaître la

vésication était protégée par un pansement très compliqué, ficelé

et cacheté; la malade a pu, malgré tout, déterminer une rougeur

par des moyens mécaniques (frotlement, épingle à cheveux, etc.).

On a eu recours alors à un appareil plâtré qui entourait le bras

en expérience et aucune modification ne s'est produite dans la

circulation cutanée. L'auteur conclut en disant que la possibilité

de produire une vésication n'est nullement démontrée scientifi-

quement, que c'est là une des exagérations qu'on rencontre mal-

heureusement trop souvent dans les études sur l'hypnotisme.

Lworh.

320 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXII. Sur la PHYSIOLOGIE DE l'hypnose ; par A. DBDKEN. (Zeitsclirift

fier hypnotismus, t. IV, fasc. 2 et 3.)

L'auteur a traité par l'hypnotisme 50 malades. Il cherche à dé.

montrer que l'hypnose est une forme particulière de sommeil hyp-

notique qu'on ne doit pas l'identifier avec le sommeil ordinaire

comme le font certains auteurs (Liébeault,Forel), on la considérer

comme « un léger sommeil n (Kreepeliu). LwoFF.

XXI II. Relation DES divers CENTRES nerveux entre eux ET avec LE reste

du corps; par H. JACKSON. (British. med. Journal, janvier 1898.)

L'auteur s'attache particulièrement à dégager les rapports fonc-

tionnels des divers centres du langage, dont les localisations et les

connections fonctionnelles sont d'autant plus stables qu'elles sont

moins complexes, ce sur quoi il s'appuie pour interpréter la valeur

de certaines lésions sans retentissement immédiat apparent.

A. M.

XXIV. Hypospadias ; par Green. (Quarterly med. Journal, 1898.)

C'est l'observation d'un homme de vingt-quatre ans, jusqu'alors

pris pour une femme, par suite d'une absence presque complète

d'organes génitaux externes. Le sexe vrai fut décelé par la descente

des testicules, dont l'auteur fit l'ablation sur la demande du ma-

lade désireux de c rester femme >. A. Marie.

XXV. CnANIO-BACHI-SCBISIS; par W. CLARKE. (Quarterly med. Journal,

avril 1898.)

C'est un cas de fermeture incomplète du canal rachidien avec

acéphalie. Une photographie du monstre. A. M.

XXVI. Relations anatomiques DES noyaux centraux DES nerfs

cochléaires ET vestibulaires; parlFlorence SABIN. (Johns IIOpdumS

Hospital Bulletin, décembre 1897.)

Description minutieuse, avec schémas à l'appui, d'anatomie

topographique d'une partie du quatrième ventricule. A. M.

XXVII. PHYSIOLOGIE ET pathologie du corps thyroïde ; par V. IIOnSLEY.

(British. medical Journal, décembre 1896.)

L'auteur étudie particulièrement la question au point de vue

anatomo-pathologique. Il rappelle l'infiltration péricellulaire des

réseaux lobaires et aciniques, la déformation polyangulaire des

cellules, l'obstruction du tube acinique et partant de sa sécrétion.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 321

Les altérations morphologiques spécifiques de l'épithélium thyroï-

dien dans le myxoedème, sont corroborées par les altérations in-

verses que subissent les organes transplantés, par activité com-

pensatrice (expérience d'Eiselberg). Myxoedème et crétinisme résul-

tent de la perte dus fonctions thyroïdiennes.

Le goitre exophtalmique résulte de ces fonctions perverties (voir

dans le numéro d'octobre, même année, un cas de goitre exophtal-

mique traité par ingestion de thymus, par Owen). A. Marie.

XXVIII. Altérations médullaires microscopiques dans LE tétanos ;

par W. Hunier. (B. med,jou1'1lal, août, 1897.)

Trois examens post mortem ; dans deux, hyperémie hémorrha-

gique avec dilatalions vasculaires et infiltration interstitielle leuco-

cytllaire. A. Marie.

XXIX. Tumeur maligne du cerveau D'ORIGINE auriculaire ; par

Th. BARR et J, NICOLL. (British médical Journal, octobre 1897.)

Le malade présenta tout d'abord des symptômes simulant un

abcès temporo-sphénoïdal. On ouvrit les sinus mastoïdes et le

crâne et on fil l'ablation partielle de la tumeur. Il en résulta un

choc nerveux suivi de suspension de la respiration sous le chloro-

forme : trachéotomie, le malade mourut deux mois et demi après

l'opération, des progrès de la tumeur sarcomélanique (examen

histologique). A. Marie.

XXX. Localisations corticales; par \'4. IIIILLS. (British médical

Journal, novembre 1897.)

Etude d'anatomie comparée chez un certain nombre de quadru-

pèdes vertébrés et d'oiseaux, particulièrement en ce qui concerne

le centre des mouvements des membres inférieurs. A. Marie.

XXXI Altérations CELLULURES DE la COLONNE DE Clarke dans LI

méningite spinale épidémie ; par L. 13.hER. (BI'tl6SJL médical

Journal, décembre 1897.)

Ces lésions (4 figures) se rapprochent plutôt de celles d'un

neurone après section de ses prolongements axiles que des alté-

rations intimes des cellules soumises à un agent toxique.

A. Marie.

Archives, 2e série, t. VI. 21 t

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

1. TROUBLES psychiques I'oST-oIL`R.1TOIRES; par M. le professeur

Joffroy. (Presse médicale, 19 mars 1898.

Les observations de trois malades de son service ont fourni à

M. le professeur Joffroy l'occasion d'étudier dans une de ses leçons

cliniques l'étiologie des troubles psychiques post-opératoires.

L'une de ces malades, âgée de soixante-sept ans, héréditaire, est

tombée, quinze jours après l'ablation d'un ostéo-sarcome, alors

que les suites opératoires semblaient devoir être excellentes, dans

un état mélancolique avec anxiété très vive, idées de suicide et de

persécution, craintes d'empoisonnement et hallucinations terri-

fiantes de la vue et de l'ouïe. Ce* troubles mentaux ont persisté

sans modification appréciable jusqu'à la mort de la malade. Il est

il. noter que les facultés intellectuelles de cette femme étaient déjà

altérées depuis fort longtemps, et qu'à plusieurs reprises, et parti-

culièrement à l'occasion du développement de son ostéo-sarcome,

elle avait eu de véritables crises délirantes. La deuxième malade a

été atteinte, après une opération pratiquée, il y a un an et demi

environ, pour un cancer du sein gauche, d'un délire mélancolique

qui a cédé la place à un état maniaque avec idées de grandeur et

érotiques, et hallucinations multiples. La démence est ensuite sur-

venue graduellement, tandis que le néoplasme récidivait au niveau

des ganglions axillaires et sus-claviculaires. Deux ans avant ces

accidents, cette femme avait déjà présenté des troubles psychi-

ques. Ses antécédents héréditaires sont inconnus. La troisième,

fille d'une mère aliénée, a été opérée, il y a huit mois, pour une

grossesse extra-utérine; au niveau de la suture abdominale se sont

produites deux fistules qui ont donné issue à du pus; mais il n'y a

pas eu de fièvre. Cinq jours après l'opération, a apparu un délire

mélancolique avec anxiété, auto-accusations, idées de suicide, idées

de persécution et hallucinations terrifiantes. Ces troubles persis-

tent encore.

S'appuyant sur ces observations, M. Joffroy pense qu'une prédis-

position héréditaire ou acquise est nécessaire pour le développe-

ment des accidents désignés sous le nom de folie post-opératoire.

« Chez certains prédisposés, dit-il, l'opération détermine réclusion

d'une bouffée délirante, le réveil d'un délire éteint ou l'exaspéra-

tion d'une psychose actuelle. » L'intervention chirurgicale, agis-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 323

saut sur ce terrain spécial, se compose de divers éléments. En pre-

mier lieu, se placent, dans beaucoup de cas, sinon dans la majo-

rité, les éléments d'ordre psychique : la préoccupation du malade

qui redoute l'opération ou ses suites (M. Joffroy- estime que ce fac-

teur étiologique est souvent prépondérant) et le choc moral consé-

cutif à un grand traumatisme qui nécessite une opération d'ur-

gence. Dans d'autres cas, une intoxication, et surtout l'intoxication

alcoolique, parait jouer le rôle prédominant. D'autres fois, il

faudra attribuer ce rôle à l'infection ou à la puerpéralité. L'opéra-

lion en elle-même n'a qu'une action bien effacée. La nature de

l'opération, son siège, n'ont que peu d'importance, exception faite

pour les ablations du corps thyroïde qui peuvent déterminer le

myxoedème post-opératoire. Si l'on a pu croire que les troubles

mentaux sont plus fréquents dans les maladies chirurgicales des

organes génitaux, c'est moins parce qu'il s'agit d'organes dévo-

lus à une fonction spéciale qu'à cause de la préoccupation plus

grande des malades. Les anesthésiques et les antiseptiques né

jouent également, dans la pathogénie de la folie post-opératoire,

qu'un rôle peu actif, sauf peut-être, dans une certaine mesure,

chez les intoxiqués, les alcooliques, par exemple. L'anémie ou

même la cachexie symptomatique de l'affection qui rend nécessaire

l'intervention, paraissent aussi n'avoir qu'une influence bien secon-

daire.

Le plus souvent, on a affaire simultanément a plusieurs de ces

éléments pathogènes, sans que l'on puisse arriver à prédire avec

certitude l'éclosion de la folie post-opératoire, en s'appuyant sur

l'existence de ces causes multiples. A plus forte raison ne pourrait-

on savoir quelles seraient la nature du délire, la forme et la durée

des accidents. Il est cependant une catégorie de prédisposés pour

lesquels on risquerait moins de se tromper : ce sont les alcooliques,

chez qui la fréquence et la forme des troubles mentaux, à l'occa-

sion d'un traumatisme, d'une intervention chirurgicale ou d'une

infection, sont bien connues. A. FENAYl\OU.

IL Psychoses ET rêves ; par le Dr SANCTE de SANCTIS (de Rome).

(Jour, de Neurologie et d'llypnologie, 1S97, nos 23 et 24.)

Les deux questions envisagées dans ce travail sont : te celle des

relations d'identité ou d'équivalence entre le rêve et la folie ; et

2° celle des rapports étiologiques entre ces deux processus. En ce

qui concerne la première question, l'auteur admet qu'en dehors de

certains états aigus caractétisés par de la confusion, de l'incohé-

rence, des hallucinations, qui sont semblables au rêve de l'individu

normal, il n'existe entre la folie et le rêve qu'un rapport éloigné

de simple analogie; mais d'après lui il existerait entre ces deux

états un rapport d'équivalence, c'est-à-dire que certains rêves

324 il REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

constiLuraient de véritables équivalents de la crise d'hystérie,

d'épilepsie, de l'alcoolisme, etc.

Relativement à la seconde question, l'auteur croit que les rêves

peuvent produire la folie de deux façons différentes : in en agis-

sant comme traumatisme psychique ou comme cause déprimante,

et dans ce cas l'affection qui en dérive a les caractères des psycho-

ses traumatiques ou des maladies mentales produites par l'épui-

sement ; 2° en pénétrant l'essence même de l'état de veille, et en

y arrêtant, suspendant ou troublant le cours régulier de l'associa-

tion des idées. Les états psychopatiques, postoniriques sont habituel-

lement transitoires et fugaces. Cependant chez les sujets prédis-

posés les rêves peuvent également donner lieu à des formes aiguës

et même aussi à la folie systématisée. La connaissance de cette

donnée étiologique n'est pas dénuée d'intérêt au point de vue du

traitement à instituer chez ces malades. La psychothérapie par

le rêve est appelée dans ces cas à rendre de réels services.

G. DENY.

III. Paralysie paroxystique DE nature épileptique ; par H. Higier.

(Nezcrolog. Centrnlbl., XVI, 1897.)

Forme paralytique de l'épilepsse jacksonienne. Il s'agit d'un

jeune garçon de six ans, non syphilitique, ni hystérique, ni héré-

ditaire, ayant ce genre d'attaques à toute heure du jour, sans con-

vulsions, sans altération de la connaissance; elles consistent en un

trouble limité de l'appareil moteur. Cela commence par de la pa-

resthésie de la jambe qui est bientôt atteinte de paralysie motrice

Il n'est pas rare de voir les symptômes sensitifs et moteurs passer

de la jambe au tronc et à l'extrémité supérieure. Après avoir dé-

taillé les caractères des épilepsies, l'auteur conclut à l'existence en

l'espèce d'une épilepsie paralytique. Elle est, suivant lui, d'origine

cérébrale. En voici les caractères : aura au début; accès courts et

stéréotypés; les accès se montrent, au besoin, pendant le som-

meil ; les phénomènes sont mono ou hémiplégiques ; ils se succè-

dent et se développent suivant un ordre régulier ; l'enfant a eu

des convulsions peudautl'allaitemenf, les commémoratifs mention-

nent un accès d'épilepsie typique; le bromure agit favorablement;

enfin, il y a eu énorme fréquence de ce,s accès de paralysie tran-

sitoire, jusqu'à vingt en un jour, ce qui ne contredit pas, comme

on sait, à l'épilepsie jachsomenne..

11 pourrait bien y avoir un tubercule solitaire (bronchite, fièvre

légère, habitus anémique), occupant le centre de la jambe, le

lobule paracentral gauche ; sans doute par moments, il y a de l'épi-

lepsie vraie, mais cela n'infirme pas du tout l'idée d'une tumeur.

M. Higier se rallie à la théorie de Loevenfeld, du phénomène

d'arrêt. La paralysie survenant ici soit en plein repos, soit pendant

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 32S 5

le mouvement, soit à l'état de veille, soit à l'état de sommeil, il

appert que ni l'activité, ni le repos des centres moteurs corticaux

n'est l'agent générateur des phénomènes d'arrêt. L'association de

la paralysie à des paresthésies semble indiquer que l'arrêt des

appareils moteurs est très fréquemment préparé par une irritation

des éléments corticaux sensitifs; sans doute chez ce malade, les

troubles sensitifs prodromiques manquent parfois, mais c'est qu'ils

sont trop faibles et passent inaperçus (Loewenfeld). L'accumulation

des paroxysmes pendant les heures vespérales permet de croire que

l'arrêt physiologique est dû à l'action des substances de régression

physiologique, des produits toxiques de la nutrition, à une auto-

intoxication, à des toxines plutôt provocatrices cependant que dé-

terminantes. P. KERAVAL.

IV. Des SYMPTOMES prodromiques principaux DE la paralysie GÉNÉ-

RALE QUI PRÉCÈDENT DE LONGTEMPS LA MANIFESTATION DE LA MALADIE ',

par M. le professeur Thomsen (de Bonn). (Journal de Neurologie et

d'Hypnologie, 1897, n° 21.)

D'après l'auteur de ce travail les symptômes d'Argyll-Robertson n

et de Westphall constitueraient les deux signes prodromiques prin-

cipaux de la paralysie générale; ils pourraient être constatés de

deux à six ans avant l'apparition de la maladie. Dans tous les cas

où l'on trouve ces symptômes chez un homme, arrivé à l'âge mûr,

ancien syphilitique, sans que l'on constate d'autres signes du tabès,

le soupçon d'une paralysie générale est justifié et il se confirmera

le plus souvent s'il existe en même temps des stigmates de neuras-

thénie.

Les autres signes précoces de la paralysie générale sont les

ophtalmoplégies, en particulier le ptosis, et les attaques paraly-

tiques ou aphasiques.

L'importance des autres symptômes précoces (parésies du larynx

et de la vessie, crises d'estomac, atrophie des nerfs optiques, mi-

cropsie, douleurs rhumatismales, changements du caractère, etc.),

est minime en comparaison de celles des signes mentionnés ci-

dessus. Un sujet nerveux sans réaction pupillaire ou sans réflexes

rotuliens n'est presque jamais un neurasthénique, mais probable-

ment un paralytique. G. D.

V. LES opérations GYNÉCOLOGIQUES EN MÉDECINE mentale ; par le

Dr CuYLITS. (Bull. de la Soc. de médecine mentale de Belgique,

décembre 1897.)

On sait que quelques chirurgiens n'ont pas hésité à recourir à

l'ablation des ovaires et de la matrice, en l'absence de toute

lésion de ces organes, pour guérir certaines névroses ou vésa-

326 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nies. Cette pratique, aujourd'hui abandonnée, est combattue a

nouveau dans ce travail par M. Cuylits qui s'appuie surtout sur

l'autorité de M.Jacobs et sur un récent travail de MM. Angeluccini et

Pieraccini lequel se termine par les conclusions suivantes : (Il faut

absolument proscrire l'ablation de l'utérus et des annexes comme

moyen de guérison de l'hystérie ou d'une vésanie ; l'hystérie est

même une contre-indication d'une opération chirurgicale gynéco-

logique.

«Ces opérations ne se justifient que par la gravité des affections

des organes sexuels, sans qu'on puisse en espérer une influence

heureuse sur l'état névropathique des malades. - On n'en peut

tirer parti au point de vue névropathique que si l'on y joint la sug-

gestion. -Enfin en vue de la suggestion seulement et quand tous

les autres moyens auront été essayés pour combattre l'hystérie, on

pourra recourir à la simulation, même sanglante, d'une lapara-

tomie. » G. DENY.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES ' 1

NEUVIÈME SESSION. - (Angers 1898.)

Séance du vendredi 5 août (suite). - Présidence DE M. Motet.

Le rôle (le l'appareil dans la pathogénie de

certaines phobies neurasthéniques.

MM. P. VALENTIN et P. HARTEKBERG (de Paris) ont étudié le méca-

nisme pathogénique suivant lequel se constituent certaines phobies

de la neurasthénie. Après avoir admis, en principe, que toute

phobie a pour élément fondamental un état d'anxiété, et que cet état

d'anxiété consiste essentiellement en un phénomène cardio-vascu-

laire, ils exposent le résultat de leurs observations cliniques. Chez

certains malades neurasthéniques, ils ont vu survenir brusquement,

sans aucune cause connue, un de ces accès de palpitations cardiaques

si fréquents dans la maladie de Beard. Ces désordres cardio-vascu-

laires retentissent dans les sphères sensitives de l'écorce et s'accom-

- ' Voir Archives de Neurologie, no 33.

SOCIÉTÉS SAVANTES. - 327

pagnent, dans la conscience, d'un sentiment d'angoisse, de peur. Cet

état d'angoisse devient permanent dès lors, tandis que reviennent,

périodiquement, des crises de palpitations et d'angoisse aiguë, qui

ne sont que la reproduction de l'attaque initiale, par hypermnésie

émotive. L'histoire de trois malades rapportée par les auteurs, à

titre d'exemples, confirme ces principes théoriques. En somme,

certaines phobies neurasthéniques paraissent avoir, non, comme

on pourrait le croire, un point de départ psychique, c'est-à-dire

cortical, mais un point de départ organique, dans le domaine de

l'appareil cardio-vasculaire. Un désordre initial du coeur et des

vaisseaux, survenu sans aucune représentation psychique préalable,

détermine un état d'anxiété, à la faveur duquel les phobies pour-

ront se constituer.

L'appareil cardio-vasculaire semble donc bien jouer un rôle

prépondérant dans la pathogénie de ces phobies.

Traitement de l'épilepsie par la sympathectomie.

M. Lannois (de Lyon). - Depuis qu'Alexander a préconisé

en 1889 la résection du ganglion cervical supérieur comme moyen

de traitement de l'épilepsie, de nombreux chirurgiens ont recouru

à cette opération avec des résultats variables, les uns affirmant

n'en avoir rien obtenu, les autres publiant des succès encoura-

geants. M. Jaboulay a été le premier à pratiquer cette opération

en France, et depuis nous l'avons répétée ensemble sur un certain

nombre de malades avec des résultats très variables. Chez uu

jeune homme de dix-sept ans, qui présentait des crises très fré-

quentes à caractère hystérique et de grands accès épileptiques,

tous les accidents ont complètement disparu à la suite de l'opéra-

tion, faite au mois de mars et dans laquelle la sympathectomie

a été associée à l'élongalion du pneumogastrique. C'est le seul cas

de guérison que nous ayons enregistré. Les malades améliorés, au

nombre de trois, étaient également hyotéro-épileptiques, de sorte

qu'on peut se demander si dans les cas où l'opération semble

donner des résultats favorables, il ne s'agit pas en réalité d'amé-

liorations apparentes dues à l'autosuggestion, au choc trauma-

tique, etc. Chez la plupart de nos patients l'état est resté slation-

naire. Trois ont été aggravés, soit parce que les crises ont

augmenté de fréquence, soit parce qu'il s'est produit un véritable

état de démence ou de torpeur intellectuelle très manifeste. Enfin,

un de nos malades a succombé quatre jours après l'opération ;

peut-être, cependant, ne faut-il pas incriminer uniquement l'inter-

vention, car le sujet était en état de mal et présentait d'ailleurs

une grave lésion encéphalique (atrophie unilatérale du cervelet) '.

' La communication de 31. Lannois a été faite a la première séance.

Nous avons vu, à Bicêtre, un malade de M. Féré chez lequel, nous a-t-il

328 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Contribution ci l'étude des rapports anle et posl mortcin

de l'épilepsie et de la paralysie générale.

M. Péon. - Il existe fréquemment entre ces deux maladies des

rapports incontestables qui se montrent pendant la vie et à l'aulop-

sie. -

1° Ante mortem. - Les caractères de ressemblance se manifes-

tent dans l'appareil des symptômes soitsomatiques, soit psychiques.

A. Symptômes physiques. - a) Nous connaissons tous la simili-

tude complète qu'il y a entre les attaques épileptiformes (si fré-

quentes dans la paralysie générale) et les accès de l'épilepsie vraie.

- b) Assez souvent on voit survenir brusquement dans le cours

de l'épilepsie une paralysie très irrégulière dans son mode de pro-

duction et dans sa marche. Dans les commencements elle est pas-

usagère, d'une durée de quelques heures à plusieurs jours seule-

ment ; née sans cause appréciable à la suite d'une attaque, elle

disparait de même, enlevée par l'attaque suivante ou dans l'inter-

valle de deux attaques, pour se reproduire aux suivantes, sur les

mêmes points. D'abord partielle, limitée à un membre ou à un

côté du corps, elle se généralise à la longue, à force de se répé-

ter, et prend un caractère de permanence. Elle s'accompagne très

fréquemment d'embarras de la parole. Il est vrai que cette para-

lysie, d'abord locale, progressive quant à son étendue, diffère de la

paralysie générale qui, générale d'emblée, ne progresse qu'en

intensité. Mais le praticien n'est pas moins placé dans un grand

embarras de diagnostic si, voyant le malade, pour la première fois

surtout il n'est pas renseigné sur la marche des accidents survenus

dans le cours de l'épilepsie. c) Parfois encore cette maladie s'ac-

compagne d'inégalité pupillaire et souvent d'embarras de la parole

B. Symptômes psychiques. a) Le plus souvent on constate chez

les épileptiques de nos asiles un trouble mental; soit l'excitation

maniaque, soit la religiosité excessive, la dépression, le délire

mélancolique, soit parfois encore la tendance manifeste aux idées

de grandeurs, ainsi que nous en avons observé un exemple remar-

quable chez une femme mariée atteinte de vertiges épileptiques

extrêmement fréquents ; en voici deux autres :

Première OBSERVATION. - Jules D..., trente-deux ans, terrassier,

marié, placé d'office, août 1884, à l'asile de Breuty (Charente),

comme atteint de manie aiguë, avec exacerbation tous les quinze

été affirmé, la sympathectomie n'a donné aucun résultat. Il en a été de

même chez l'un des malades, dont nous avons parlé, lequel, après avoir

subi, sans aucun avantage, la cranieciomie, a été sympatliectomisé

quelques semaines plus tard et a vu revenir ses crises comme aupara-

vant, après une rémission de trois semaines. (13.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 329

jours environ. Dans la quinzaine qui suit son arrivée, je constate

de la tendance à l'excitation, une certaine confusion d'idées où

surnagent celles de grandeurs. Fin septembre, attaque d'épilep-

sie suivie d'accès d'agitation. Les attaques se renouvellent ensuite

fréquemment et sont précédées ou suivies des mêmes accès d'agi-

talion et de fureur qui rendent cet épileptique redoutable pendant

leur durée qui varie de trois à cinq ou six jours. C'est ainsi que

nous constatons :

1884, octobre; 5 attaques ; novembre, 8 attaques.

1885. Attaques : janvier, 3 le 15; mai, 3 le 22 ; juillet, 3 le 5 ;

octobre, 4 ; décembre, 1.

1886. Mars, 1 le 15 et le 16 ; avril, 1 le 20, le 21 ; juillet, 1 ;

août, 1 le 28 et le 29 ; octobre, 2 le 11 et 1 le 13 ; novembre, 2 le 15

et 1 le 16; 1 en décembre.

1887 : 12 attaques; 1888 : 14 attaques; 1889 : 22 attaques;

1890 : 25 attaques ; 1891 : janvier à septembre, 30 attaques.

Toutes sont violentes, avec écume à la bouche et convulsions.

Parfois dans l'intervalle surgissent des idées de grandeurs : le

malade dit, par exemple, être un grand personnage, avoir mérité

des décorations. C'est ainsi que' le 20 septembre 1891, ayant vu

son pète au parloir, il affirme ses prétentions et me dit le lende-

main, à ma visite du matin, être officier de la Légion d'honneur

depuis 1882, me demande de lui faire confectionner un costume

de commandant ou d'un officier d'un grade plus élevé. La parole

est sèche, brève, hautaine et nullement embarrassée. Dans ses mo-

ments d'excitation et de prétentions ridicules, il a la face animée

et quelquefois vultueuse ; tout indique que chez lui le sang se porte

violemment vers la tête.

Deuxième observation. - Pierre B..., cinquante-cinq ans à son

arrivée, cultivateur, veuf avec une enfant. Placé d'office, novem-

bre 1886, à l'asile de Breuty, comme atteint de monomanie reli-

gieuse. Dans les vingt-quatre heures après son entrée, je remarque

chezluides i.1ées de persécution et de : mysticisme, des hallucinations

des sens, jointes à des troubles musculaires, à un embarras pro-

noncé de la parole, qui se manifeste surtout par instants, des mou-

vements fibrillaires des muscles de la face et du tremblement des

membres. A la quinzaine, je mentionne dans mon certificat des

troubles musculaires qui peuvent se rattacher à la paralysie géné-

rale. Vers fin décembre apparaissent des crises d'épilepsie prises

pour des attaques épileptiformes :

1887 : 9 attaques d'épilepsie; 18S8 : 15 attaques ; 1889 : 29 atta-

ques ; 1890 : 58 attaques; 1891 : janvier à septembre, 27 attaques.

Elles sont violentes, reviennent surtout par séries et sont géné-

ralement précédées ou suivies d'accès d'agitation sans fureur.

Comme la plupart des épileptiques, Pierre B... affiche une grande

330 SOCIÉTÉS SAVANTES.

religiosité. De plus, il a des idées vagues de persécution : on l'a

placé ici par trahison, car on lui disait d'aller à Angoulême tou-

cher 1.600 francs (qu'on ne lui devait pas). Chez lui on remarque

un air habituel de satisfaction et certaines tendances aux idées de

grandeurs et de richesses : « il est très fort, dit-il, très capable de

gagner sa vie »; il lui est arrivé plus d'une fois d'orner sa bouton-

nière du ruban rouge ; il compte au moyen de petits cailloux les

millions de francs qui lui seront dus après sa sortie. En attendant,

il, est titubant, la jambe gauche est plus faible qU.3 l'autre, la

langue déviée à droite (hémiplégie incomplète); les membres

supérieurs sont affaiblis, la parole très embarrassée et les muscles

des lèvres agités de mouvements fibrillaires très prononcés. Chez

cet homme de taille moyenne; de forte constitution, de tempé-

rament sanguin-lymphatique, la face est toujours animée, rouge,

parfois vultueuse, violacée.

Cette observation nous paraît intéressante; elle est un exemple

frappant des difficultés que présente le diagnostic différentiel de la

paralysie générale et de l'épilepsie compliquée de troubles muscu-

laires ; surtout lorsque s'y joignent les symptômes psychiques ordi-

naires à la première de ces deux maladies. Aussi avons-nous été

longtemps dans l'incertitude du nom qu'il convenait de donnera à

une affection que nous regardons maintenant comme une folie

épileptique compliquée de symptômes de périencéphalite chro-

nique diffuse.

6) Quand l'épilepsie est ancienne (principalement dans la forme

vertigineuse), l'intelligence et la mémoire sont affaiblies, la sensi-

bilité morale très émoussée, quelquefois même la démence est

complète.

On comprend que l'on puisse, un temps, dans ces cas, confondre

la démence paralytique avec la démence épileptique qui s'accom-

pagne de paralysie généralisée et d'embarras plus ou moins ac.

cusé de la parole.

s) Que la paralysie générale naisse dans le cours de l'épilepsie

chez certains sujets, c'est indéniable. Calmeill et Parchappe 2 en

ont donné des observations. M. Péon rapporte deux observations;

nous ne relatons que la seconde.

Quatrième observation. Sommaire : Epileptique aliéné; sept

azs à Bicêtre, transféré à l'asile de Pains,. devenu paralysé

général onze ans après son arrivée. Foyer étendu de ramollissement

de l'hémisphère droit.

R..., ouvrier en cuivre, marié, âgé de trente-sept ans, doué

' Calmeil. - Maladies inflammatoires du cerveau.

, Parchappe. Traité de la folie.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331

d'une forte constitution, santé robuste. Venu de Bicétre après y

avoir séjourné sept ans et désigné comme épileptique incurable,

est entré à l'asile de Fains en mars 1847. On avait, en vain, essayé

sur lui différentes médications, entre autres l'inhalation d'éther,

qui selon lui, avait diminué le nombre et la violence de ses accès

dans les premières expériences. A son arrivée, les facultés intellec-

tuelles et affectives ne paraissent pas encore avoir été altérées par

les accès d'épilepsie. Le 15 avril, le Dr Renaudin constate une

grande irritabilité de caractère due aux attaques épileptiques.

La santé est satisfaisante depuis l'entrée jusqu'au 24 novembre 1848.

Le malade fut pris d'accès violents d'épilepsie, dont le nombre

variait de 4, 6 à 8 par mois.

1852, janvier; il est dit atteint de démence maniaque.

1856, janvier; on remarque qu'il est gâteux en dehors des accès.

Enfin R..., d'après l'observation, serait atteint de manie intermit-

tente à intervalles, consécutive à l'épilepsie.

1857, mars; il m'est donné de l'observer et de le voir tomber

dans une sorte de torpeur intellectuelle qui va en augmentant de

plus en plus.

Mais jusqu'au mois d'avril 1858 on ne constate encore aucun

signe évident de paralysie générale ; tandis que le reste de l'année

se passe dans la torpeur mentale avec quelques signes de paralysie.

1859. Dès le mois de janvier, R... est pris de gonflement des

gencives et de flux hémorrhoïdal assez difficile à faire disparaître.

Le malade ne se lève plus; l'appétit, les forces diminuent ; il y a

une grande gêne de la déglutition ; le marasme arrive, les con-

gestions cérébrales se déclarent et la mort survient sur la fin de

mars.

Autopsie. - Crâne mince, pas d'épanchement de sérosité intra-

arachnoïdien, un peu d'infiltration, gélatiniforme du tissu cellu-

laire sous arachnoïdien. Excavation d'une couleur jaune grisâtre,

de trois centimètres de long sur deux de large, recouverte par une

lame épaisse de substance grise. Cette excavation est située à la

partie postérieure de l'hémisphère cérébral droit. Il y a peu

d'hypérémie généralisée de la substance blanche du cerveau.

Il Post mortes. Outre nos observations III et IV, les suivantes

recueillies par nous à l'asile de Breuty' montreront la ressem-

blance plus ou moins accusée des lésions anatomiques des deux

maladies, dans l'encéphale et ses membranes. Nous laisserons de

côté les VIe et IX- observations.

Cinquième observation. Sommaire : Folie épileptique; mort du

' Au moyen de notes et de résumés d'autopsies transcrits au registre

par deux de mes honorables prédécesseurs.

332 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.

sujet après douze ans de présence; substance cérébrale des deux hé-

misphères très injectée; membranes viscérales adhérentes par places.

C..., cinquante-quatre ans, marié, homme d'affaires; entré à

l'asile fin juin 1865 ; épilepsie, hallucinations de l'ouie, idée

d'empoisonnement, excitation maniaque, accès d'agitation, mort

en décembre 1877, de périencéphalite.

Extrait des résultats de l'autopsie. : - Os du crâne très compacts

injectés, irréguliers à la face interne, suture sagittale ossifiée

disparue; trace de la fronto-pariétale à la face externe seulement.

Hémisphère droit. - Très injecté, adhérent par places aux

membranes à la partie antérieure de la'circonvolution de la scissure

de Sylvius très limitée. Foyer hémorrhagique près du nerf olfactif.

Hémisphère gauche. - Foyer hémorrhagique à la partie postéro-

interne. Substance cérébrale des deux hémisphères très injectée. La

protubérance annulaire, le cervelet et le bulbe rachidien sont sains.

Septième observation. - Sommaire : Manie épileptique ; mort ci la la

suite d'accès répétés d'épilepsie; adhérences des membranes viscé-

rales ci la couche corticale du cerveau.

P.... quarante-trois ans, célibataire, cultivateur, entré au ccm-

mencement de l'année 1870 ; épileptique depuis l'âge de treize ans.

Intelligence affaiblie, caractère irritable, travail.

1871, janvier; indocile, paresseux; accès d'épilepsie assez fré-

quents.

1872, janvier; accès fréquents, hébétude profonde et alors plus

de travail.

25 juillet; malade ordinairement très irritable, très violent. ,

1874. Démence épileptique, accès de violence fréquents.

1877, janvier. P... s'affaiblit, reste habituellement couché, a des

accès fréquents. 11 meurt en juillet de la même année.

Autopsie. - Dans l'épaisseur des membranes viscérales du cer-

veau et du cervelet on trouve plusieurs épanchements sanguins

anciens, situés aux endroits que je vais indiquer.

Hémisphère cérébral gauche. A l'extrémité inférieure du lobe

moyen, coloration jaunâtre de l'arachnoïde, de la pie-mère et de

la substance grise dans une étendue de trois centimètres carrés

(superficiels ? ). Sur le tiers postérieur de la troisième circonvolu-

tion frontale, coloration jaunâtre des membranes viscérales d'une

superficie de deux centimètres carrés, ne pénétrant pas dans

l'épaisseur des circonvolutions.

Hémisphère droit. - Coloration jaunâtre des membranes viscé-

rales dans une étendue de trois centimètres à la partie moyenne

de la face externe du cerveau, un peu plus près cependant du bord

inler-hémisphérique que de l'inférieur.

Le corps calleux adhère aux deux corps striés sur les deux tiers

SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

antérieurs de leur surface ventriculaire. Légère adhérence des

membranes à la substance corticale ramollie dans les deux tiers

antérieurs de la face externe du cerveau.

Cervelet. Arachnoïde et pie-mère jaunes (la substance cérébel-

leuse ne l'est pas), à la face inférieure de l'hémisphère droit, vers

son bord postérieur, dans une étendue de trois à quatre centi-

mètres. Les membranes du cervelet s'enlèvent tacitement'. i.

Huitième observation. - Sommaire : Folie épileptique ; mort à la

suite d'attaques. Adhérences généralisées des membranes viscérales

entre elles et à la couche corticale ramollie.

C..., célibataire, sans profession, indigent; placé volontairement

au commencement de décembre 1876, à l'âge de neuf ans. Épilepsie

dès l'âge de trois mois; accès d'abord rares, maintenant deux ou

trois par semaine ; état d'idiotisme et de démence à peu près

complet. Tel est, en substance, le certificat motivant l'admission.

M. le Dr Brunet constate à la quinzaine : « Intelligence presque

nulle, crises fréquentes, caractère très irritable, malade malpropre,

onze attaques. » C... meurt asphyxié dans ses attaques d'épilepsie

au milieu de juillet 1877.

Autopsie. - Les éminences de la base du crâne sont très pro-

noncées et proéminent à l'intérieur. Adhérences très intimes entre

la dure-mère et les parois crâniennes ; sinus remplis de sang

noir; les circonvolutions du cerveau sont aplaties et les anfractuo-

sités peu profondes. Presque partout on constate des adhérences

entre les membranes viscérales et la couche corticale qui est

ramollie. La consistance de la substance blanche est normale.

Cerveau très volumineux pour 1 âge du sujet, qui n'avait que dix ans

au plus : hémisphère droit 421 grammes, hémisphère gauche 413,

protubérance annulaire Il grammes, bulbe 7 grammes, cervelet

99 grammes, encéphale 951 grammes.

Dixième observation. - Sommaire : Epilepsie, manie intermittente ;

épuisement, mort. Opalescences des membranes le long de la fente

inte7'-hémisphérique, etc., sans adhérences à la couche corticale.

F..., quarante-six ans, marié, cultivateur, entré en mai 1878. Il

est atteint, à son arrivée, d'épilepsie ; hébété, il répond difficile-

ment aux questions posées et ne peut donner de renseignements

sur son état.

Pendant la quinzaine, M. le Dr Brunet constate que ce malade

est atteint d'épilepsie, d'affaiblissement physique. En novembre,

entérite. F... meurt de gastro-entérite au commencement de

décembre.

' Malade de les D" Binet et Brunet.

334 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Autopsie 30 heures après le décès. - Taille Les membranes

viscérales du cerveau sont épaissies et opalescentes le long de la

fente inter-hémisphérique, sur la première circonvolution frontale

le tiers supérieur de la circonvolution ascendante et sur la circon-

volution pariétale supérieure. Elles s'enlèvent facilement de la

substance corticale du cerveau. Pas d'autres lésions encéphaliques.

Poids : hémisphère droit 58G grammes ; hémisphère gauche

582 grammes; protubérance 15, bulbe 7, cervelet-132 grammes.

Certificat de quinzaine : Est atteint de démence. Il est mal-

propre, ne sait pas trop ce qu'il fail. La motilité est affaiblie.

Depuis son entrée à l'asile il n'a eu aucune attaque convulsive

Signé : D'' Brunet. 1er avril, démence épileptique. Le 10, il fut-

combe le soir à une série d'attaques épileptiques qui a débuté le

matin.

Autopsie (36 heures après le décès). - Les os du crâne sont

épais et injectés, les sutures de la voûte sont ossifiées. Les mem-

branes viscérales du cerveau sont injectées sur ses deux tiers anté-

rieurs. Au niveau, les circonvolutions sont tuméfiées, aplaties. Les

anfractuosités qui les séparent sont moins profondes que normale-

ment. Le cerveau est évidemment comprimé par la voûte du crâne,

par suite de la turgescence de ces circonvolutions. Les membranes

viscérales ne présentent pas d'adhérences. Elles ne sontpas opales-

centes. Cependant, sur les deux tiers du cerveau, elles adhèrent un

peu à la substance corticale dans certains points. Cette substance

corticale est injectée; le cervelet, l'isthme de l'encéphale sont

sains. L'encéphale pèse 1.291 grammes, l'hémisphère droit 567,

le gauche 562; la protubérance annulaire 20 grammes, le bulbe 7,

et le cervelet 135 grammes.

Dans certains cas, la paralysie générale est une complication de

l'épilepsie, et parfois elle paraît en être le produit qui intrique

avec elle ses manifestations symptomatiques et sous le rapport du

délire (souvent ambitieux ou hypochondriaque, etc), et sous le

rapport des troubles de la motilité et de la sensibilité. Aussi ne

devons-nous pas être surpris de l'embarras extrême où on se trouve

quelquefois quand il s'agit du diagnostic différentiel entre l'épi-

lepsie et la paralysie générale.

Résumé et conclusions. - 1 On peut constater chez certains

épileptiques tous les symptômes de la paralysie générale.

a) Symptômes physiques. - Embarras de la parole, tremblement

des lèvres, des membres, inégalité pupillaire, affaiblissement mus-

culaire, troubles de la sensibilité, etc. (obs, 2, 3, 4, 11 et 12).

b) Toutes les formes délirantes et la démence de cette maladie.

C'est ainsi que nous trouvons :

L'excitation maniaque à divers degrés 9 fois (obs. 1, 2, 3, i, 5, 6.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 335

7, 9, 10); le délire mélancolique 3 fois (obs. 2, 5 et 11) ; les idées

ambitieuses 2 fois (obs. i et 2) ; l'air de satisfaction (obs. 2 et 3) ;

les hallucinations de l'ouïe (obs. 2 et 5) ; la démence 5 fois (obs. 3,

1,7, 8 et il).

2° L'autopsie de quelques épileptiques donne plus ou moins les

lésions macroscopiques de la paralysie générale :

Les membranes viscérales du cerveau sont injectées 5 fois

(obs. 3, 4, 5, 6 et 11) ; épaissies (obs. 10) ; opalescentes (ohs. 9, 10

et 11); il y a adhérence de la pie-mère à la couche corticale du

cerveau dans trois cas (obs. 6, 8 et 12) ; ramollissement de cette

substance corticale (obs. 6, 8 et J2); injection de la substance

blanche et de la substance grise du cerveau (obs. 4, 5, 6 et 11);

atrophie (obs. 9); hypertrophie des circonvolutions cérébrales

(obs. 8 et 11); épanchement séreux intra-arachnoidien et ventricu-

laire (obs. 3); anciens foyers hémorrhagiques dans les méninges

(obs. 4 et 7) ; foyers hémorrhagiques récents (obs. 5). ,

On est forcé de convenir que ces diverses lésions, principalement

les adhérences de la pie-mère cérébrale à la substance corticale

ramollie, diffèrent si peu de celles de la paralysie générale -qu'il

n'y aurait qu'une prédominance d'abondance, d'intensité et de

fréquence dans cette dernière.

Après cette communication finale, M. le président Motet pro-

nonce le discours suivant :

« Messieurs,

« Nous voici arrivés au terme de nos travaux : je n'essaierai pas

de les résumer, mais je puis dire l'impression générale qui se

dégage des communications qui ont été apportées ici. Elles ont

toutes été du plus haut intérêt scientifique, soit qu'il s'agisse des

rapports sur les questions du programme arrêté à l'avance, soit

qu'il s'agisse des questions traitées sous l'initiative personnelle des

membres du Congrès. Vous avez rendu particulièrement agréable

et facile la tâche de votre président; il remercie M. Petrucci, notre

secrétaire général, de son concours si dévoué, comme il vous

remercie, vous aussi, de vos cordiales sympathies.

« Je déclare clos, le neuvième Congrès des médecins aliénistes

et neurologistes. »

Excursion aux ardoisières DE Trélazé.

Répondant à la gracieuse invitation de la commission des Ardoi-

sières d'Angers, et de son vice-président M. le Dur Guichard, les

congressistes se sont rendus aux carrières de Trélazé. Le départ

s'est effectué à 3 heures de la place du Ralliement, sous la direc-

lion très aimable de M. le or Guichard. Le premier arrêt a eu lieu

336 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à la scierie mécanique de St-Léonard. Là, les congressistes ont été

reçus par MM. Larivière, Jamin, Jamin-Richou, Lorin, Laboë, Paul

Hamon, Leydier, les docteurs Lebarzic et Charles Larivière, Moi-

sant, qui ont fait visiter à leurs invités les différents ateliers de la

scierie : rabotage, polissage, tréfilerie, goudronnage, galvanisa-

tion. Cette visite a vivement intéressé les congressistes qui ont

ensuite été transportés à la carrière de l'Hermitage, où ils ont

assisté aux travaux du fendage et de l'extraction au puits à ciel

ouvert de la Saulaie. Les ouvriers ont fait partir des mines en leur

présence.

Du puits de la Saulaie, les congressistes ont été invités à se

rendre au domicile de M. Paul Hamon, directeur de la carrière de

l'Hermitage, où des rafraîchissements avaient été préparés sous

une tente dressée tout exprès. Le champagne et le vin d'Anjou ont

circulé et M. le Dr Guichard, prenant la parole, s'est exprimé en

ces termes :

« Mesdames, Monsieur le Président,

' < Messieurs les Congressistes,

« Votre voyage en Anjou n'eût pas été complet, si vous n'étiez

venus visiter une de nos plus anciennes industries : les Ardoisières

d'Angers. Elles datent de plusieurs siècles; nous nous honorons

d'être les descendants de ceux qui les ont créées ; notre distingué

président, M. Bordeaux-Montrieux, qu'une absence tient éloigné de

nous, aurait pu vous dire, avec orgueil, ses nombreux quartiers de

noblesse. Vous êtes à Trélazé, sur la butte au milieu des Per-

reyeux.

« Avant d'être arrivés au degré de développement que vous avez

vu, nos pères avaient commencé par exploiter sur place; c'était à

dos d'âne, par des sentiers de montagne, que l'on montait l'ar-

doise fabriquée ; puis avec des treuils, des manèges à cheval ; il y a

cinquante ans, l'on introduisit les machines à vapeur; aujourd'hui

nous arrivons à l'électricité. On exploitait à ciel ouvert, puis en

galerie de haut en bas, enfin de bas en haut. La lumière électrique

a remplacé l'huile et le gaz.

« Vous avez suivi la taille de l'ardoise par le fendeur ; l'homme

a été remplacé avec avantage par la machine. Vous avez vu les pro-

duits de la science mécanique; ce sont nos derniers perfectionne-

mcnts. L'Administration sera heureuse si vous conservez de voire

visite un bon souvenir : elle y tient doublement.

« Votre président nous appartient par ses origines; par l'éminent

D1' Boinet, du Saumurois, qui accueillit toujours les angevins avec

tant de bienveillance; il fut l'ami de nos pères et nous prodigua

ainsi que vous, des témoignages d'affection, par le Dr Archambault

dont le frère vivait à Angers, par le Dr Mesriet de Saumur. Les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 337

neurologistes et aliénistes avaient donc droit à toutes nos sym-

pathies.

« Quant à vous, mon cher Président et ami, vous avez bien voulu

attribuer aux angevins et angevines, beaucoup de qualités : per-

mettez-moi de vous dire que nous avons admiré les vôtres. Si elles

sont angevines, vous avez su les cultiver de la plus charmante ma-

nière sur le sol parisien, vous avez fait grand honneur à votre

première patrie.

« Serait-ce le doux climat de l'Anjou qui nous a valu l'épithète

de molles Andegavi de Jules César, notre caractère hospitalier

serait-il dû à notre excellent vin, souvent chanté par nos pères, et

qui sert de trait d'union aux jeunes dans leurs banquets de Paris ?

Aussi est-ce le moment, en votre noble compagnie, de le sortir de

nos celliers.

« Vidons nos coupes, Mesdames et Messieurs, en l'honneur des

congressistes neurologistes et aliénistes, en l'honneur du représen-

tant de M. le Ministre de l'Intérieur, le Dr Regnard, en l'honneur

de notre distingué et aimable président, le D'' Motet et de vous

toutes Mesdames, qui venez apporter au Congrès le charme et

la grâce. » -

Les paroles de M. le Dr Guichard ont été très applaudies. Au nom

des congressistes, M. le Dr Motet, dans une très heureuse improvi-

sation, a remercié M. le Dr Guichard et la commission des ardoi-

sières de leur accueil aimable. Voici d'ailleurs le texte de ce toast

que M. Motet a eu l'obligeance de nous donner :

«'Mon cher Guichard, mon cher ami, \

« Je ne sais plus quoi répondre 1 chaque jour nous apporte un

nouveau témoignage des sympathies des Angevins; les vôtres se

manifestent ici de la manière la plus cordiale, la plus généreuse.

« Vous venez, mon cher Guichard, de nous' guider dans vos

ateliers, vers vos carrières; vous nous avez montré ce que la Société

dont vous êtes l'un des administrateurs les plus actifs, a fait pour

développer une industrie plusieurs fois séculaire, et la faire béné-

ficier des progrès de [la science moderne. Nous avons été émer-

veillés et ravis. Nous vous remercions, vos distingués collaborateurs

et vous, qui avez mis tant d'empressement et de bonne grâce à

satisfaire notre curiosité.

« Je suis très touché, mon cher ami, du souvenir que vous avez

bien voulu évoquer. Vous avez rappelé, non sans émotion, que

mon excellent beau-père, le D1' Boinet, vous avait ouvert sa maison,

et que vous y aviez trouvé l'accueil qu'il réservait aux fils de ses

vieux amis de l'Anjou. Je vous remercie, tout particulièrement, de

vos paroles inspirées par le sentiment le plus délicat. Je suis heu-

Archives, 2° série, t. VI.9 22

338 SOCIÉTÉS SAVANTES.

reux de vous dire que je respecte et que je veux continuer la tra-

dition de famille que vous avez rappelée.

« Je vous salue, messieurs, au nom de mes collègues ; nous gar-

derons de cette belle journée que vous avéz su rendre si intéres-

sante pour nous, les meilleurs souvenirs. Nous buvons à la prospé-

rité de votre grande industrie, aux hommes qui dirigent avec tant

de savoir, tant de bienveillance pour les ouvriers, l'exploitation

des carrières de Trélazé ; et je lève mon verre plein d'un vin

d'Anjou délicieux en l'honneur de Mmc Guichard, à laquelle je

vous prie, mon cher ami, de porter mon respectueux salut ! » »

Après celte réception, empreinte de la plus parfaite cordialité,

les congressistes se sont divisés en deux groupes. Les uns ont repris

le chemin' d'Angers, les autres, les plus braves, munis de la blouse,

du chapeau de cuir, et de la lanterne réglementaire, sont descendus

au fond de l'un des puits de la carrière de l'Hermitage, qui n'a pas

moins de 180 mètres de profondeur, et dont ils ont visité les gale-

ries. Nous remercions personnellement M. le De Guichard qui,

durant la descente dans l'une des carrières, nous a fait visiter en

compagnie du Dr Lebarzic : 1° le dispensaire, très bien aménagé,

qu'il vient de faire installer pour le service médical des ouvriers;

2° les anciennes habitations des ouvriers, les maisons d'habitations

construites naguère par la Compagnie des ardoisières, et enfin les

nouvelles maisons d'habitation, qui constituent un réel progrès

par rapport aux anciennes. - B.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATIIOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 8 mai 1898.

N. SdIATALOFF. - Trois cas de soi-disant arthrite ankylosante de la

colonne vertébrale. L'auteur présente trois malades dont voici les

observations succinctes :

Il Ouvrier d'une usine, âgé de vingt-neuf ans. A la suite d'un

refroidissement, il y a huit ans, douleurs récidivantes dans la fesse

droite ; il y a cinq ans, douleurs des côtés et au dos. Il y a deux

ans, recrudescence des douleurs, à la suite d'un très grand effort

(soulèvement des poids) ; c'est de cette époque que date le déve-

loppement progressif de la déformation de la colonne vertébrale

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

A l'heure actuelle, il existe une cyphose de forme arrondie,

accompagnée d'immobilité complète, de la partie dorsale de la

colonne vertébrale ; les mouvements de la région lombaire sont

insignifiants; la mobilité de la région cervicale est normale. Dou-

leurs en ceinture. La sensibilité cutanée est normale. Les réflexes

rotuliens sont exagérés.

II. Serrurier, âgé de quarante-six ans. Il y a huit ans, contu-

sion de la colonne vertébrale. A partir de cette époque, douleurs

dans le dos et faiblesse dans les jambes, de même une déformation

progressivement croissante de la colonne vertébrale. Celle-ci se

révèle actuellement sous forme de cyphose arrondie de toute la

région dorsale et de la partie lombaire supérieure avec immobilité

complète de ces parties. Les mouvements de la région cervicale

sont limités. Les mouvements du tronc provoquent des douleurs

aux lombes, aux aines et à la face antérieure des cuisses. Tremble-

ment des mains, avec sensation d'engourdissement le matin. La

sensibilité cutanée est normale. Les réflexes rotuliens sont exagé-

rés. Impuissance génitale.

III. - Professeur, âgé de cinquante ans. A partir de 1879, dou-

leurs dans les articulations des pieds et de la colonne vertébrale,

surtout à propos des mouvements. Depuis neuf ans le malade

remarque la difficulté des mouvements du dos ; depuis cinq

ans celle également des mouvements du cou. Sensation de cons-

triction dans les jambes; depuis un mois douleurs aiguës dans le

bassin et dans les cuisses à propos des mouvements volontaires.

L'examen révèle une cyphose de forme, arrondie de la région

interscapulaire et cervicale de la colonne vertébrale. Au-dessous

de cette région la colonne vertébrale est raide et immobile. Les

mouvements des hanches sont limités. Craquements au genou

gauche. Certaine atrophie de la cuisse et de la jambe droite avec

diminution de l'excitabilité électrique des muscles. Hypoesthésie

marquée tactile et thermique de la partie externe de la jambe

droite, en même temps qu'hyperesthésie à la douleur de la même

région. Pas de réflexe plantaire. Rien qu'une allusion au réflexe

rotulieu. Les réflexes abdominal et crémastérien font également

défaut. t.

. Le symptôme essentiel de l'affection en question est l'immobilité

limitée ou absolue de la colonne vertébrale en totalité ou dans une

région plus ou moins étendue. Concurremment on observe sou-

vent la participation des autres articulations du corps. L'immobi-

lité est très souvent accompagnée de douleurs dans la région des

articulations affectées, de même que de différentes paresthésies, et

même parfois d'anesthésies (Obs.III). Des modifications dans l'état

des réflexes cutanés et tendineux peuvent être observées dans les

deux sens contraires (affaiblissement ou exaltation).

340 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Quant à l'étiologie de l'affection, M. Schataloff pense qu'elle

relève probablement de l'affaiblissement précoce de la vitalité de

certaines régions du squelette conjonctif et osseux, sur un terrain

de défaut congénital de développement. Le traumatisme, le refroi-

dissement, etc., ne seraient, d'après l'auteur, que des facteurs

accidentels capables d'activer le développement de la maladie.

Discussion.- MM. 111OORATOw et KojEWKiKow pensent que l'anky-

lose de la colonne vertébrale peut reconnaître des causes de na-

ture diverse.

M. KOR,41LOFF fait remarquer que l'atrophie musculaire dans la

première observation de M. Schatalofr peut être misesurle compte

de l'arthropathie.

M. IIIINOil cite le cas d'un de ses malades chez lequel, à côté de

l'immobilité de la colonne vertébrale, l'examen a révélé l'existence

d'une coxite et d'une myosis unilatérale. La colonne vertébrale a

été redressée dans la suite.

M. RoTH dit que l'ankylose des articulations de la colonne verté-

brale peut bien exister en dehors de toute arthrite.

A. N. BERNSTEIN. Impulsion irrésistible tendant à introduire

dans l'organisme des objets insolites.

B... présente une malade, âgée de quarante-trois ans, sans anté-

cédents héréditaires, qui fut atteinte de mélancolie avec dégoût

des aliments. Une fois elle avala accidentellement un morceau de

papier buvard, ce qui lui parut soulager son état d'angoisse. Dès

lors elle eut souvent recours à ce procédé extraordinaire pour cal-

mer son inquiétude interne, et si elle ne satisfaisait pas à cette

envie elle en ressentait une angoisse profonde et une courbature

générale. Un mois plus tard le papier fut remplacé par de la terre

glaise; encore deux mois, et ce fut le tour du sable, dont elle ava-

lait jusqu'à un seau par jour ! '

La quantité d'aliments ordinaires était réduite au minimum. La

malade maigrit et présenta des troubles gastro-intestinaux. Elle

entra dans la clinique psychiatrique, où l'on procéda au sevrage

rapide. Au cours de ce traitement on eut l'occasion de constater

les mêmes phénomènes qu'on observe lorsqu'on déshabitue l'or-

ganisme des poisons (Entwohnungskuren), à savoir : état d'an-

goisse et d'inquiétude, sensation de brûlure à l'épigastre et à la

.gorge ; sécrétion involontaire des larmes, faiblesse générale et

.ralentissement du pouls. L'introduction de sable faisait immédia-

tement cesser tous ces phénomènes.

A ce propos l'auteur propose une classification des actes impul-

sifs (Zwangshandlungen). Il les divise en trois catégories : ,

1° Dans la première, l'acte impulsif procède d'une idée impulsive

(Zwangsidee), laquelle tend à se réaliser dans l'acte voulu; mais

SOCIÉTÉS SAVANTES. 341

l'accomplissement de cet acte ne donne pas lieu à une satisfaction

interne ;

2° Tendances impulsives (Zwangstrieb), procédant du sentiment

d'inquiétude dans l'attente d'un événement désagréable, et abou-

tissant à des actes indifférents, qui doivent faire disparaître le danger

et partant- rétablissent l'équilibre mental ;,

3° Envies irrésistibles (Zwangssucht), le bien-être primitivement

troublé donne lieu à l'accomplissement des actes voulus, rétablis-

sant immédiatement l'équilibre mental.

C'est à cette dernière catégorie qu'appartiennent les toxomanies

et les envies irrésistibles qu'on observe souvent chez les mélanco-

liques et qui soulagent pour quelque temps le sentiment d'angoisse

interne.

Discussion. - M. Tokarsky ne trouve pas satisfaisante la classifi-

cation proposée par M. Bernstein des actes impulsifs (Zwangshan-

dlungen). Des remarques ont été faites par 11111. lakowenko, Korsa-

koff ot Iiojewnilow. >

III. N. Solowtzow. Sur les déformations congénitales du sys-

tème nerveux. -

Une des causes les plus fréquentes des déformations congénitales

du système nerveux central réside dans l'hydrocéphalie congénitale

interne. Quand l'hydrocéphalie est fortement développée, les ven-

tricules latéraux sont tellement dilatés qu'ils occupent toute la

cavité crânienne ; le septum pellucidum et le corps calleux dispa-

raissent. L'écorce cérébrale sous l'influence de la forte pression

intérieure s'amincit jusqu'aux proportions d'une pellicule ; à la

base du cerveau il ne reste que la couche optique et le noyau len-

ticulaire. Quant au cervelet, celui-ci se conserve grâce à la pro-

tection que lui offre la tente cérébelleuse. Le corps géniculé et le

pulvimar font défaut ; les pédoncules des corps quadrijumeaux sont

à peine développés. Les préparations microscopiques d'après la

méthode de Pal montrent l'absence des faisceaux pyramidaux et la

disparition presque complète des faisceaux de la couche réticulaire

et de la couche supplémentaire interne. Dans un cas de ce genre

que M. S... a eu l'occasion d'observer, l'enfant a vécu deux ans.

Quand l'hydrocéphalie débute à un âge encore plus précoce de la

vie intra-utérine, il arrive que sous l'influence de la distension

extraordinaire, la voûte crânienne ne se développe plus, et il ne

reste que la base seule du crâne, recouverte d'une pellicule laquelle

se continue en bas et passe en la moelle épinière. Celle-ci ne con-

tient alors que les cordons postérieurs et les faisceaux fondamen-

taux des cordons antérieur et latéral. Dans le cas où l'hydrocéphalie

atteint le canal central, on observe le défaut de développement des

arcs postérieurs de la colonne vertébrale sur toute son étendue ou

dans sa partie supérieure seulement. La moelle épinière se trans-

342 SOCIÉTÉS SAVANTES.

forme alors en une mince pellicule de 1 millimètre d'épaisseur

où l'on distingue des cellules nerveuses, les faisceaux fondâmes

taux des cordons antérieur et latéral, et les racines antérieures.

Dans tous les cas où l'on constate l'absence des faisceaux pyrami-

daux, les cellules des cornes antérieures, examinées d'après Nissl,

se trouvent dans l'état de développement embryonnaire. Les cel-

lules des ganglions intervertébraux ne sont pas altérées.

. Secrétaires de séances : W. lIi0UR : IVIBw, G. Rossouao.

Séance du 15 mai 1898.

I. -N1. G. PRIBYTKOFF et N. Ivanoff. Contribution à l'anatomie

pathologique de la gliomatose.

II s'agit d'un malade âgé de quarante-trois ans, ayant eu un

chancre induré il y a vingt ans. Entré à l'hôpital Golitzine, eu

octobre 1895, avec les symptômes suivants : douleurs fulgurantes

aux jambes; troubles de la sensibilité générale aux jambes, au

tronc et aux bras ; ataxie très prononcée des membres inférieurs,

ataxie moins prononcée des membres supérieurs ; absence des

réflexes rotuliens ; immobilité des pupilles à la lumière ; inconti-

nence d'urine; constipation.

L'affection date de cinq-six ans. A partir de janvier 1896, cystite

et pyélonéphrite avec fièvre. Mort le 14 février 1896.

Diagnostic clinique : tabes dorsales.

A1'autopsie on constate : urocystite gangreneuse etpyélo-néphrite.

Sclérose des cordons postérieurs de la moelle dans toute sou éten-

due. Tumeur gliomateuse au niveau de la région cervicale. Hydro-

céphalie interne.

L'examen microscopique offre tout d'abord de la moelle le tableau

habituel du tabes, notamment (dans les régions lombaire et dorsale

dela moelle) l'épaississement de la pie-mère, l'atrophie des racines

postérieures, etc. Dans la région cervicale le tableau est compliqué

du fait de la présence d'une tumeur gliomateuse.

Celle-ci s'étend du milieu du premier segment cervical jusqu'au

bout du sixième segment cervical.

Les parties périphériques de la tumeur sont riches en cellules et

en vaisseaux à parois épaissies ayant subi la dégénérescence

hyaline. Les parties centrales de la tumeur contiennent, par places,

des territoires de fibres névrogliques. d'aspect homogène, ayant

subi la dégénérescence hyaline. Au niveau du bout inférieur du

premier segment cervical, on aperçoit dans la tumeur une cavité

centrale qui s'étend jusqu'au milieu du troisième segment où elle

disparaît progressivement pour reparaître de nouveau au bout

inférieur de ce même segment; de là, elle se prolonge jusqu'à la

terminaison de la tumeur. La cavité supérieure, de même que la

cavité inférieure, se fond par place avec le canal central de la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 343

moelle, et dans ces endroits, la paroi antérieure de la cavité com-

mune est tapissée d'épithélium ; là où le canal central est séparé de

la cavité précitée, celui-là apparaît quelque peu dilaté et revêtu

entièrement d'épithélium disposé en plusieurs couches irrégulières.

Sur des coupes transversales de la moelle, la tumeur occupe

presque toute la commissure grise et le tiers antérieur des cordons

postérieurs.

Dans les régions dorsale et lombaire, le canal central est un peu

dilaté, par places dédoublé et entouré d'amas de cellules épithé-

liales. Immédiatement au-dessus de la tumeur, le canal central se

dilate rapidement et bientôt occupe les deux tiers de la commissure

grise; on y voit également des amas de cellules de revêtement. Au

niveau du bulbe on trouve plusieurs canaux et fentes revêtus

d'épithélium et situés au milieu d'une hyperplasie d'un tissu névro-

glique. De pareils canaux et fentes se rencontrent sous l'épendyme

du quatrième et du troisième ventricules, des ventricules latéraux

et de l'aqueduc de Sylvius, à côté d'une épendymite granuleuse.

Les auteurs pensent, vu l'existence d'anomalies multiples du canal

central, que ce sont ces anomalies du canal central qui ont fourni

le terrain sur lequel s'est développée la gliomatose dans ce cas

particulier. Ayant pu suivre, sur un grand nombre de prépara-

tions, la formation des cavités centrales et les altérations préexis-

tantes du tissu gliomateux, ils admettent que les cavités sont dues

à la fonte préalable du tissu altéré et dégénéré au centre de la

tumeur. Quant au tabes dorsalis, il n'est qu'une combinaison

fortuite qui complique le tableau anatomo-pathologique.

Discussion. M. W. MOURATOw, en se basant sur ses observations

personnelles, croit que la syringomyélie et l'hydrocéphalie chro-

nique interne se combinent assez souvent et ne font qu'un seul

processus morbide.

M. RoTH admet une certaine relation entre la syringomyélie et

l'hydromyélie.

M. le Pr Kojewnikow attire l'attention sur les préparations pré-

sentées par 1111L. nribythofïet Ivanoff, lesquelles sont très démons-

tratives.

IL - M. G. Rossolimo. Le faisceau de Gowers, son trajet et sa

terminaison dans le cerveau.

Dans un cas de sarcome de la moelle et de ses enveloppes au

niveau des onzième et douzième racines dorsales et première,

deuxième et troisième sacrées, chez une fillette âgée de douze ans,

l'auteur a pratiqué l'examen des dégénérations secondaires ascen-

dantes sur des coupes sériées d'après la méthode de Busch (v. Neu-

rol. Centrbl, n° 8).

344 SOCIÉTÉS savantes.

En ce qui concerne le faisceau de Gowers, les conclusions de

l'auteur sont les suivantes :

Le faisceau de Gowers, qui dans la moelle épinière occupe sa

place habituelle, reçoit, au niveau des noyaux des cordons de Goll

dans le bulbe, de petits faisceaux-de fibres non croisées qui pro-

viennent de ces noyaux.. Dans le bulbe il occupe, sur sa périphérie

latérale, un territoire triangulaire dont le sommet est tourné vers

la ligne médiane, et contenu entre le bout ventral du faisceau

cérébelleux longitudinal (dans la partie caudale), le corps resti-

forme (dans la partie proximale), et l'olive. Sur tout ce trajet le

faisceau de Gowers rend quelques fibres rares au corps restiforme.

Au niveau du corps trapézoide, il s'éloigne de plus en plus de la

périphérie pour se placer dans la partie postérieure de la protubé-

rance, dans l'angle formé du côté ventral par les faisceaux du corps

trapézoïde, du côté latéral par la racine du nerf facial. Dans son

parcours à travers la moitié distale de la protubérance, il rend de

temps en temps, mais rarement, quelques fibres dans la direction

du noyau latéral du tegmentum, tandis qu'il se déplace lui-même

dans la même direction, bien que d'une façon moins abrupte,

c'est-à-dire qu'il reste toujours à côté du bout latéral du ruban

médian, à mesure que celui-ci s'aplatit, mais au niveau du noyau

latéral du tegmentum, il fléchit brusquement dans la direction

dorsale et rejoint ici ses propres fibres qui s'étalent antérieurement

détachées de lui pour entrer dans la composition du ruban externe.

Se trouvant le long de la moitié antérieure de la protubérance au-

dessus de.s brachia conjunctiva et se tenant dans la direction

dorso-proximale, les fibres arciformes dégénérées du faisceau de

Gowers se portent en masse de plus en plus vers le vélum médul-

laire antérieur, où une partie de celles-ci (moins que la moitié)

subit un entrecroisement, tandis qu'une autre partie se dirige à

travers le ruban externe dans la région du corps quadrijumeau, où

elle se joint aux fibres entrecroisées de l'autre côté. En s'avançant

vers l'éminence postérieure du corps quadrijumeau, le faisceau rend

un bonne partie de ses fibres (environ un quart) au noyau posté-

rieur du corps quadrijumeau (il est impossible de déterminer si ce

sont des fibres entrecroisées ou des fibres directes) et continue son

trajet, occupant toujours le sommet dorsal du ruban latéral. Dans la

région des pédoncules cérébraux, au niveau des éminences antérieu-

res du corps quadrijumeau, il tourne brusquement dans la direction

ventro-latérale, du côté médian du bras antérieur du corps quadri-

jumeau, contourne le bord latéral de la substance niger et rentre

dans le fascicule longitudinal intermédiaire, se répand dans la for-

mation réticulaire au-dessous de la substance de Soemmering, où

quelques-unes de ses fibres contournent du côté ventral la base du

pédoncule et se continuent dans la même direction du côté médian.

Les fibres disséminées s'amassent dans la région du bout anté-

sociétés savantes. 345

rieur du genou postérieur de la capsule interne et rentrent dans

les segments interne et moyen du noyau lenticulaire, où elles se

terminent. En outre l'auteur a poursuivi :

1° Le faisceau cérébelleux direct dans son trajet ordinaire jusqu'à

l'écorce du vermis ;

2° Le faisceau fondamental du cordon antéro-latéral, en haut,

jusqu'au niveau du bout proximal du noyau de la douzième paire,

où il se termine dans la subtance réticulaire entre le bord dorsal

de l'olive et la racine de l'hypoglosse.

Dans la discussion de cette communication, ont pris part

hlll. Pribytokff, Korniloff et Kojewnikow.

III. MM. G. PR1BYTKOFF et S. ïVi.cor.IETxorr. - Un cas d'abcès

de la moelle épinière.

Mme X..., âgée de soixante ans, ressentait pendant le mois de

mars 1898 une courbature légère. Le 6 avril, apparition rapide

d'une paralysie de la jambe droite, le 7 avril, le matin, paralysie

brusque de la jambe gauche en même temps qu'une rétention

d'urine. Le 8 avril on constate l'absence des réflexes rotuliens,

l'anesthésie complète des deux jambes et du tronc jusqu'au niveau

de deux travers de doigt au-dessous de l'ombilic. Le 91, la malade

rentre à l'hôpital Golitzyne, où la limite supérieure de l'anesthésie

est trouvée au niveau de l'ombilic lui-même; en même temps,

douleurs au cou et aux bras. Les jours suivanlslalimite supérieure

de l'anesthésie s'est élevée jusqu'au niveau de la troisième côte ; il

se manifeste une paralysie des muscles abdominaux, dorsaux et

intercostaux (difficulté de la respiration et de l'expectoration); dé-

cubitus sacré, rétention d'urine et de matières; fièvre il type

irrégulier, 37,5-38,1; le pouls est à 120-125; la conscience est

conservée, dyspnée, cyanose. Mort dans la nuit du 16 au 17 avril.

Le diagnostic intra vitam fut celui de myélite aiguë ascendante.

A l'autopsie, on trouve à l'intérieur de la moelle épinière, dans

ses régions centrales, un abcès qui s'étend du cône médullaire

jusqu'au niveau du deuxième segment dorsal; l'épaisseur de cet

abcès n'est pas partout égale, ce qui donne à la moelle dorsale un

aspect fusiforme, nettement aperçu à la surface externe (5 à 6 ren-

Rernents avec autant d'étranglements intermédiaires); la région

lombaire et le cône médullaire sont au contraire d'un aspect uni-

formément dilaté.

L'examen microscopique a démontré que l'abcès est partout

situé au centre de la moelle, derrière la commissure grise, dans la

moitié antérieure des cordons postérieurs; sa forme et son volume

sont variables ; les cornes postérieures sont dans certains endroits

comprimées et écartées; la commissure et les cornes antérieures

sont fortement comprimées et refoulées en avant (au niveau d'un

seul segment, la corne antérieure est même entièrement détruite

346 SOCIÉTÉS SAVANTES.

par un petit abcès circonscrit); le canal central est partout situé en

avant de l'abcès. La plus grande épaisseur de l'abcès se trouve

dans la région lombaire et dans celle du cône médullaire; les

éléments nerveux sont ici en partie détruits, en partie comprimés,

mais on n'y remarque pas trace d'un processus inflammatoire.

Dans la région dorsale de la moelle il y a myélite diffuse très

prononcée. La dure-mère est partout normale ; la pie-mère pré-

sente des phénomènes inflammatoires et une infiltration de pus

(insignifiante dans la région lombaire). On trouve de petits amas

de pus dans la pie-mère cérébrale, à la base du cerveau, dans la

région du tuber cinereum et des corps mammillaires. La substance

cérébrale et cérébelleuse est normale. Les organes internes ne

renferment pas d'abcès, et en général, on ne trouve nulle part

ailleurs de trace de pus.

L'examen bactériologique a montré l'absence de bactéries pyo-

gènes, mais on a trouvé sur des coupes de la moelle, colorées par

la tionine, des microcoques en petite quantité, que le professeur

Nikiforoff a reconnus pour ceux de l'actynomycose.

Discussion. - M. le professeur Goaewrrlrow montre l'intérêt de

l'observation des auteurs, mais il ajoute qu'il faudrait des prépa-

rations plus démonstratives avant de diagnostiquer avec certitude

l'actynomycose de la moelle comme cause de l'abcès dans ce cas

particulier. Des remarques sont faites par nI\I. RossoLlrso et Roru.

Secrétaires des séances : A. Bernstein, W. MOURAWIEFF,

A. RA1CIIL1\I;.

NÉCESSITÉ de l'assistance DES épileptiques

Parlant de la continence des prêtres, P.-L. Courier rappelle ce

que fit le curé de Pezay à une fille épileptique. « Ce curé, dit-il,

a soixante-huit ans, qui ne l'ont pas empêché, dernièrement

encore, de prendre dans les boues une fille mendiante et tombant

du haut mal. Il en fit sa maîtresse ; autre affaire étouffée par le

crédit des oints; car le père se plaignit, voyant sa fille grosse;

mais l'Eglise intervint. Celui qui ne peut à cet âge s'abstenir d'un

objet horrible et dégoûtant, que pensez-vous qu'il ait fait à vingt

ou vingt-cinq ans, gouverneur d'innocentes et belles créatures ? ... >

(Chefs-d'oeuvre de P.-L. Courier, t. II, p. 80, édit. Pflahei-.)

BIOGRAPHIE.

LES NEUROLOGISTES CONTEMPORAINS

Interne en 1878 à la Salpêtrière, Paul Richer avait été distingué

par M. Charcot, qui savait discerner les aptitudes et répartir à cha-

' C'est par erreur de l'imprimerie que le portrait de notre ami, le

D' Richer, a été inséré dans le numéro d'août.

Le Dr PAUL RICHER,

Membre de l'Académie de médecine*

348 BIOGRAPHIE.

cun sa besogne. L'étudiant d'alors n'était pas seulement un médecin

instruit et laborieux, il possédait un talent de dessinateur très per-

sonnel que' l'âme artiste de Charcot eut vite fait d'apprécier à sa

juste valeur, à tel point que Richer est celui de ses élèves avec

lequel il a le plus collaboré, signant avec lui, en dehors des Démo-

niaques, des Malades et des Difformes dans l'art, une longue série

d'études du même ordre et du plus haut intérêt.

Lorsque fut créée la chaire de Clinique des maladies du système

nerveux en 1882, Richer était tout désigné pour remplir les fonc-

tions de directeur du laboratoire. Renonçant à la carrière des con-

cours pour se consacrer entièrement aux travaux qui lui avaient

déjà conquis,la notoriété, il entreprit une série de recherches qu'il

réunit dans sa magistrale Anatomie artistique renfermant la des-

cription des formes extérieures du corps humain au repos et dans les

principaux mouvements. Cet ouvrage comblait une lacune. Richer s'y

révélait le dessinateur, le graveur impeccable que l'on connaissait

déjà, joint à l'anatomiste qui signait la Myologie dans notre plus

récent Traité. A son Atlas était annexé un canon qui a rendu les

services les plus signalés non seulement aux sculpteurs, mais encore

à tous ceux qui, pour apprécier les déformations pathologiques du

squelette et des parties molles, ont besoin de connaître les propor-

tions normales du corps humain.

Paul Richer connaissait trop bien ces formes pour ne pas essayer

de les modeler à son tour. Il s'imposa vite comme sculpteur. D'em-

blée son Premier Artiste, acquis par l'État, coulé en bronze, vint

orner les galeries du Muséum. Depuis il a édité une série de bustes

d'étude, représentations pathologiques où l'exécution artistique ne

le cède qu'à la justesse de l'observation médicale.

Il était à craindre que ce médecin de haut rang fût considéré

par ses pairs comme un artiste ; l'artiste de grand talent comme

un médecin. La récente élection de l'Académie de Médecine a

prouvé heureusement le contraire ; j'aime à espérer que l'Acadé-

mie des Beaux-Arts n'oubliera pas non plus celui qu'elle choisis-

sait pour le prix Bordin. Décidément, il était écrit que la mo-

destie bien connue de Paul Richer serait soumise à plus d'une

épreuve.

GILLES DE la TOURNETTE.

VARIA.

XIIIe CONGRÈS international DE médecine.

Paris, 2-9 août 1900.

. Section de psychiatrie.

Le Comité d'organisation de la section de psychiatrie du Congrès

international de médecine, qui se tiendra à Paris, du 2 au

9 août 1900, s'est réuni, le mardi 2 août, à 4 heures à Angers,

à l'issue de la séance du Congrès annuel des médecins aliénistes et

neurologistes, sous la présidence de M. Magnan. La plupart des

membres de la province y assistaient.

M. le Secrétaire général -donne communication de lettres

d'excuse de MM. Mairet et Taguet, puis on passe au vote pour la

nomination de deux vice-présidents choisis parmi les médecins

aliénistes de province. Sont nommés par acclamation : 111111. Pierret,

professeur de clinique des maladies mentales à la Faculté de Lyon,

médecin en chef de l'asile de Bron ; Cullerre, médecin-directeur

de l'asile de La Roche-sur-Yon (Vendée).

Enfin, M. le Secrétaire général donne lecture de la liste des

questions et fait connaître les noms des rapporteurs qui ont

accepté de les traiter.

Pathologie mentale. Psychoses de la puberté. Rapporteur

pour l'Allemagne : M. Th. Ziehen, professeur à l'Université d'Iéna.

Rapporteur pour l'Italie : M. Marro, médecin-directeur du mani-

come de Turin. Rapporteur français : M. J. Voisin, médecin de la

Salpêtrière.

Anatomie pathologique. Anatomie pathologique de l'idiotie.

Rapporteurs pour l'Angleterre : MM. Shutleworth et Fletcher Beach.

Rapporteur pour la Russie : M. Mierzejewski, de Saint-Pétersbourg.

Rapporteur pour la France : M. Bourneville, médecin de Bicêtre.

Thérapeutique. - De l'alitement (repos au lit) dans le traitement

des formes aiguës de la folie et des modifications qu'il pourrait

entraîner dans l'organisation des établissements consacrés aux

aliénés. Rapporteur pour l'Allemagne : M. Clémens Neisser,

médecin de l'asile de Leubus. Rapporteur pour la Russie : M. Kor-

sakoff, de Moscou. Rapporteur pour la Belgique : M. More),, de

l'asile de Mons.

350 VARIA.

Médecine légale. - Les perversions sexuelles obsédantes et impul-

sives au point de vue zzédico-léral. - Rapporteur pour l'Autriche :

M. le professeur deKrafft-Ebing,de Vienne. Rapporteur pour l'Italie :

M. le professeur Morselli, de Gênes. Rapporteur pour la France :

M. Paul Garnier, médecin en chef de l'infirmerie spéciale du Dépôt

de la Préfecture de police.

Plusieurs médecins étrangers ont déjà écrit à M. le Président et

à M. le Secrétaire général, approuvant le choix des questions fait

par le Comité, et se sont inscrits pour prendre la parole : d'autres

se sont proposés comme rapporteurs; mais ceux-ci devant être

limités et ayant été définitivement choisis, il a été répondu à ces

honorables confrères que le Comité serait heureux de les voir

apporter le résultat de leur expérience en venant prendre paît aux

discussions que ne manquera pas de susciter l'exposé des rapports.

Assistance DES aliénés

Depuis quelques jours les bergers qui vont garder leurs trou-

peaux dans la forêt des Patauges (Aveyron), forêt de six milleliee-

tares de surface, avaient été effrayés par une singulière apparition.

C'était celle d'un être à face humaine, très velu et très sommaire-

ment vêtu. Aussitôt qu'il apercevait quelqu'un il disparaissait. Pré-

venus du fait, les gendarmes de Laissai, assistés de plusieurs

hommes de bonne volonté, ont organisé une battue dans la forêt.

Ils n'ont pas tardé à découvrir le malheureux qui jetait l'épouvante

dans tout le pays et qui s'est laissé prendre sans faire la moindre

résistance. On l'a vite reconnu : c'était un pauvre aliéné, origi-

naire des environs, qui avait disparu de son domicile le 28 juillet,

et personne ne savait ce qu'il était devenu. Des revers de fortune

ont, paraît-il, altéré complètement la raison de cet infortuné qui

a raconté que depuis plus d'un mois il s'était exclusivement nourri

de fruits sauvages. On va l'interneT à l'asile d'aliénés, dit le Petit

Parisien du 30 août. C'est ce qu'on aurait dû faire dès le début de

la maladie..., ce que ne consentent pus il faire les préfets, les con-

seils généraux, les maires, parce que cela coûte. C'est à qui ne

veut pas prendre les charges d'assistanee.

En se rendant dans sa propriété de Puygros, près Chambéry,

M. Pierre Ilyvert aperçut, au fond d'un ravin, un cadavre qu'il

reconnut pour être celui du nommé Tardy, âgé de quatre-vingt-

trois ans, disparu de son domicile depuis trois jours. Ce vieillard

donnait des signes d'aliénation mentale.

LES aliénés EN liberté

« Hier, lisons-nous dans l'Aurore du 30 août, un individu qui se

trouvait sur l'impériale d'un omnibus de la ligne Clichy-Odéon, au

FAITS DIVERS. 351

moment où la voiture passait rue de Richelieu, versquatro heures de

l'aprés-midi, se levait subitement. Il avisa une dame qui marchait

tranquillement sur le trottoir et lui lança une corde au bout de

laquelle se trouvait un large noeud coulant. IL réussit à lui enserrer

le cou et il tira.

« Cris de la dame, indignation des passants. On fit descendre le

singulier voyageur que l'on mena au commissariat. Devant le com-

missaire il s'écria, l'air satisfait : «Enfin ! je l'ai donc pincé, ce

« sale crocodile ! »

cinq ans, ouvrier tailleur, demeurant rue Hermel prolongée. Il a

déjà été enfermé six fois pour folie. 11 est assez étrange qu'on laisse

un fou courir ainsi par les rues. On se décidera à l'interner défini-

tivement quand il aura blessé ou tué quelqu'un. Il sera bien

temps ! »

Ce fait et les réflexions qui l'accompagnent montrent l'un

des côtés de la situation faite aux médecins des asiles. D'or-

dinaire, les journaux politiques clament contre les bastilles

modernes, contre les séquestrations arbitraires ou contre le

maintien dans les asiles d'individus guéris. Aujourd'hui, le

reporter de l'Aurore se plaint qu'on ait la sortie trop facile

et demande que l'aliéné au crocodile soit interné à perpétuité.

Il s'étonne aussi qu'on laisse courir les fous par les rues. Cette

demande d'hospitaliser en vue de leur traitement, cela va de

soi, les aliénés errants n'est pas pour nous déplaire. Ce qu'il

faut et pour le bien des malades et dans l'intérêt de la société

c'est l'hospitalisation aussi l'approchée que possible du début

de l'aliénation. Alors on évite les accidents de tous genres et

on augmente les chances de guérison. B.

FAITS DIVERS.

Alcoolisme ET SUICIDE. Le nommé Louis Piltan, âgé de qua-

rante et un ans, forgeron, employé au chemin de fer de l'Etat à

Thouars, domicilié à Sainte-Verge, s'est pendu sous un hangar

aliénant à son domicile. Cette triste détermination, est attribuée à

une crise alcoolique. (Petite Gironde, 18 septembre.)

3cZ BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Folie ET professions EN ALLEMAGNE. D'après une statistique

publiée récemment par un' inspecteur des maisons d'aliénés en

Allemagne il résnlte que, parmi les principales professions, le

métier des armes est celui où les cas de folie- douce ou délitante

- sont le plus rares. La proportion exacte est de 105 pour

10.000 officiers ou soldats.

Ce sont les médecins et les chirurgiens qui sont le plus souvent

exposés aux atteintes de la folie. La proportion dans cette profes-

sion est de 16,4 pour 10.000. Et, en suivant l'ordre décroissant,

nous trouvons les avocats et les avoués, 15.4 ; les pharmacien», 14.6;

les voyageurs de commerce, 14.1 ; les mécaniciens de chemins de

fer, 12.5 ; les chauffeurs, 12; et les ecclésiastiques, 11.1, toujours

sur 10.000. Les chiffres donnés ci-dessus ont été obtenus par une

série d'observations faites dans tous les établissements d'aliénés de

l'Empire allemand, et ce pendant une période de 5 années. (Petit

Parisien, 27 septembre 1898.)

111ORPIiINON : 1NIE. Un docteur allemand vient de faire la statis-

tique du nombre d'individus qui meurent en Prusse empoisonnés

parla morphine. 11 en a compté jusqu'à 135 cas dans une année,

soit 80 hommes et 55 femmes. Parmi leshommes, il y avait 20 doc-

teurs en médecine, 2 pharmaciens et 2 gardes-malades, qui mouru-

rent presque tous -entre trente et quarante ans. Chez les femmes,

on remarque des épouses de docteurs, des rentières, des soeurs de

charité et même une camériste qui mourut peu de temps après sa

maîtresse. (Petit Parisien, 28 septembre.)

GO)113.1ULT (G.). - De la confusion mentale. - Volume iu-8° de 117 pages.

- Paris, 1898. - Librairie Il. Jouve.

111numu (A.). - Rapport sur l'influence de l'alcool sur la santé publique.

- Brochure in-8° de 8 pages. Ltège, 1897. - Imprimerie Faust.

31 isius et llaumu (A.). - Recherches sur les altérations de la rétine

et du nerf optique dans l'intoxication fdisique. Brochure in-8° de

11 pages, avec 3 planches hors texte. - Bruxelles, 1898. Imprimerie

Hayez.

nIA11A161. Les progrès réalisés en anatomie du cerveau par la mé-

thode expérimentale. - Brochure in-8» de 8 pages. - Bruxelles, 1898.

- Extrait du Journal de Neurologie.

Roux (J.). - Psychologie de l'instinct sexuel. - Volume in-16 de

96 pages cartonné. Prix : 1 fr. 50. - J.-B. Baillière et fils, éditeurs.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

Evrcaa. Cli. litnissey, imp. - 1098.

Vol. VI. Novembre 1898. N° 35

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

HÉPATISME ET PSYCHOSES ;

Par le D' A. CULLERRE,

Directeur médecin de l'Asile d'aliénés de La Roclie-sur-Yon.

Depuis la communication de M. Charrin à la Société de

biologie en 1892 et les mémoires successifs de M. Klippel,

dont le premier a paru à la même époque et presque à la.

même date, l'étude des rapports du foie et des psychoses est

à l'ordre du jour. Ayant eu récemment l'occasion d'observer

deux faits cliniques où ce problème d'étiologie et de patho-

génie se posait dans des conditions intéressantes, nous avons

songé à en donner ici la relation. Nous y joindrons quelques

observations destinées à étudier l'influence d'une lésion hépa-

tique intercurrente sur la marche et la symptomatologie de

la folie chronique et, avant de passer à l'exposé des faits, nous

entrerons dans quelques considérations générales sur l'en-

semble de la question.

I.

Le rôle de l'insuffisance hépatique dans l'étiologie des

maladies mentales n'a jamais été entièrement méconnu, mais

l'incertitude qui régnait sur les fonctions physiologiques du

foie n'a pas permis, jusqu'à une époque récente, d'en faire

une étude un peu précise. On sait quelle importance les

anciens, un peu vaguement à la vérité, attribuaient au foie

dans la mélancolie. Esquirol signale le mauvais état de cette

glande chez les suicidés. Les arthritiques ont souvent une

Archives, 2° série, t. \'1. 23

354 CLINIQUE mentale.

prédisposition héréditaire aux. troubles hépatiques et chez les

aliénés atteints de cette diathèse on s'accorde à reconnaître

que l'hépatisme n'est pas sans intervenir, surtout à l'âge

mûr et à la ménopause, dans l'éclosion et le développe-

ment de certaines psychoses dépressives.

Selon M. Klippel, le rôle de l'auto-intoxication d'origine

hépatique dans l'étiologie des maladies mentales en géné-

ral et de la folie des alcooliques en particulier est de la plus

grande importance. Une des propriétés de la cellule hépa-

tique est de détruire certaines matières toxiques de l'écono-

mie. Quand cette cellule est lésée et quand son fonctionnement

est altéré, les toxines en question ne sont plus détruites, elles

s'accumulent dans l'organisme et peuvent agir sur l'encé-

phale. On est donc en d/oit d'attribuer légitimement à l'insuf-

fisance hépatique une influence réelle dans la genèse de cer-

taines maladies mentales 1.

Toutefois, dans beaucoup de cas, nous ne pouvons mesurer

la valeur de cet agent pathogène et même il est permis de se

demander si le trouble hépatique et le trouble mental, au

lieu d'être subordonnés l'un à l'autre, ne sont pas un double

effet parallèle de la diathèse. c Fréquemment, dit M. Léopold

Lévy, à qui l'on doit une importante étude sur les troubles

nerveux d'origine hépatique, on voit survenir, sous

l'influence d'une cause, infectieuse, des phénomènes céré-

braux, en même temps que l'urobiline décelée dans l'urine

indique le fonctionnement imparfait du foie. Dans ce cas, le

délire est-il lié au trouble hépatique ? C'est là une question

qui se pose ; mais l'urobilinurie, d'autre part, ne pourrait-elle

être mise sur le compte du délire ? Enfin, hypothèse plus

vraisemblable, les troubles cérébral et hépatique ne doivent-

ils pas être imputés à la cause générale ? On peut aller

plus loin : chez des hépatiques, le délire survenant dépend

parfois d'une cause banale infectieuse et n'est pas en rap-

port avec la lésion hépatique 2 ».

' Klippel. - De l'insuffisance hépatique dans les maladies mentales.

De la folie hépatique (Archives gén. de Méd., août et septembre 1892).

Du délire des alcooliques (Mercredi médical, octobre 1893 et Congrès

des aliénistes et neurologistes, la Rochelle 1893). - De l'origine hépati-

que de certains délires des alcooliques (Ann. met. psych., 1891). -

Délire et auto-intoxication hépatique (Revue de psychiatrie, sept. 1897).

* Léopold Lévy. - Troubles nerveux d'origine hépatique (Archives

gén. de Méd., mai 1896). '

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 355

On voit que la question n'est pas simple et renferme bien

des inconnues à résoudre. Nous pensons cependant que même

dans l'hypothèse où les troubles nerveux et hépatiques relè-

vent de la même cause, un retentissement [secondaire du.

désordre hépatique sur le système nerveux est très vraisem-

blable.

Les troubles fonctionnels du foie ne sont pas seuls à incri-

miner et les grosses lésions, lithiase, abcès, cancers, cirrhoses,

peuvent aussi intervenir dans la production des troubles

mentaux. Nous citerons plus loin une observation de folie

liée à une affection calculeuse du ,foie. Hammond, en 1880,

constatait que les abcès du foie peuvent s'accompagner d'un

état plus ou moins marqué de mélancolie et d'hypocondrie.

Les faits présentés par M. Charrin à la Société de biologie

concernent des individus atteints de cancer et de cirrhose '.

L'influence pathogène des troubles et des lésions hépa-

tiques sur le cerveau une fois admise, une nouvelle difficulté

se présente. Il importe de rechercher dans quelle mesure

cette influence agit, si elle est exclusive, ou tout au moins

prépondérante, ou enfin accessoire. Comme presque toujours

en aliénation mentale, la prédisposition héréditaire ou acquise

préexiste et si sa présence n'infirme pas la valeur étiologique

de l'hépatisme, elle peut l'atténuer à un degré qu'il n'est pas

toujours facile d'apprécier. La prédisposition intervient sou-

vent d'une façon énergique là ou elle apparaît le moins, et

l'imminence morbide peut être telle que la cause prochaine

incriminée n'est que la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

D'autre part l'intoxication hépatique est trop complexe, sa

nature est encore trop mal connue pour qu'on puisse, avec

une certitude absolue, en mesurer exactement la valeur patho-

génique.

D'après M. Klippel, le rôle étiologique de l'insuffisance

hépatique est tantôt exclusif, le foie à lui seul créant le

délire : on se trouve alors en présence de la folie hépatique ;

tantôt elle intervient concurremment avec d'autres causes

dans la pathogénie des troubles mentaux, pouvant entretenir

et développer le délire, ou encore corroborer l'action d'autres

agents toxiques ou toxi-infectieux. L'agent le plus actif de la

détérioration du foie est l'alcool ; aussi est-ce dans les

' Charrin. Maladies du foie et folie (Société de biologie, 30 juil-

let 1892).

356 CLINIQUE MENTALE.

délires des alcooliques surtout que l'on est appelé à cons-

tater le rôle étiologique de l'insuffisance hépatique.

Ainsi M. Klippel admet nettement l'existence d'une folie

hépatique. M. Charrin, dans sa communication à la Société

de biologie, avait également prononcé le mot. Les deux

auteurs s'accordent, en outre, pour faire un rapprochement

tout indiqué d'ailleurs, entre la folie hépatique qu'ils ont en

quelque sorte découverte et la folie brightique, de naissance

plus ancienne et dont l'étude clinique, à tous égards plus

avancée, peut servir de modèle. Si ce rapprochement n'a

d'autre but que de faciliter l'intelligence des faits nouveaux

mis en lumière et de les rapprocher de faits analogues mieux

étudiés, il n'y a qu'à s'incliner ; mais si les auteurs ont entendu

affirmer la réalité d'une folie hépatique, en s'appuyant sur

l'existence d'une folie brightique, ils se sont laissés aller à

une pure pétition de principe. Il n'est pas nécessaire, en effet,

de démontrer que la folie brightique n'existe pas et que l'on

confond sous ce terme commode, mais détestable, les faits

les plus disparates n'ayant d'autre élément commun que

d'être ou de sembler être subordonnés partiellement ou en

totalité à une auto-intoxication d'origine rénale. La folie

brightique comprend le délire, fébrile ou non, si commun

chez les vieux urémiques, des cas de confusion mentale, des

pseudo-paralysies générales, des mélancolies, des délires

systématisés, etc., qui peuvent ne différer en rien des formes

semblables d'une autre origine, ou qui en diffèrent tout au

plus par quelques symptômes accessoires tels que les ten-

dances à la stupeur cataleptiforme, certaines hallucinations

de la vue accompagnées de poses extatiques et dues à des

lésions rétiniennes, certaines interprétations délirantes liées

aux troubles cardiaques ou pulmonaires concomitants, quel-

quefois du délire génital et chez les déments une verbigéra-

tion continue et monotone, faite de la répétition incessante

des mêmes mots, ou une incohérence énorme rappelant celle

des simulateurs. Tous ces signes font songer au brightisme

et à ce titre sont précieux pour le clinicien, mais ils ne cons-

tituent pas une psychose autonome méritant le nom de folie

brightique.

Il ne saurait en être différemment de la folie hépatique.

M. Klippel exprime l'opinion que dans la plupart des cas

l'influence étiologique de l'hépato-toxémie est accessoire et

, HÉPATISME ET PSYCHOSES. 357

alors la forme psychopatique est quelconque. Dans un petit

nombre de cas, au contraire, la lésion du foie paraît d'une

importance telle que' sans elle, l'affection mentale n'existe-

rait pas ; ce sont ces derniers qui constituent la vraie folie

hépatique. Pareille distinction a été établie à propos de la

folie brightique, sans plus de raison d'ailleurs. Il n'y a pas de

complexus psychopathique spécial à l'intoxication urémique;

il n'y en a pas davantage qui relève de l'hépato-toxémie, et

la preuve en est fournie par M. Klippel lui-même. Son cas

unique de folie hépatique débute par le syndrome de la

manie ambitieuse pour se terminer par ce délire confus,

accompagné ou non de fièvre, qui s'observe d'une façon

banale dans le décours des infections graves et des auto-

intoxications d'origine variable. Un cas dû à M. Joffroy est

qualifié de pseudo-paralysie générale d'origine hépatique'. 1.

Il n'y a donc là rien de spécial, encore moins de spécifique.

Et l'on ne peut pas même faire, à propos de ces observations,

la remarque que nous faisions à propos de la folie brightique,

qu'il existe certains symptômes révélateurs de la nature de

l'intoxication. Il en existe au moins un, cependant, si nous

ne nous trompons, et nous aurons occasion de le signaler

plus loin à propos de nos observations. De même que les

tendances stuporeuses accompagnées de phénomènes catalep-

tiformes révèlent souvent l'empoisonnement urémique chez

un aliéné, de, même la somnolence prolongée rémittente ou

continue nous parait indiquer l'existence de l'auto-intoxica-

tion d'origine hépatique.

Cela dit, à quels signes reconnaîtra-t-on la folie d'origine

hépatique ? D'abord aux signes révélateurs d'un mauvais

fonctionnement du foie, dont l'énumération, selon M. Klippel,

est la suivante : hémaphéisme, urobilinurie, selles fétides,

subictère conjonctival ; épreuve positive de la glycosurie

expérimentale, albuminurie et enfin modifications de la toxi-

cité urinaire. Ajoutons-y les signes physiques, d'ailleurs

inconstants, tirés de l'examen clinique du foie : la tuméfac-

tion et la douleur. Il ne suffira pas que les troubles mentaux

paraissent liés à ces manifestations hépatiques; il faudra

encore qu'il n'existe concurremment aucune cause générale

d'origine infectieuse, toxique ou auto toxique, de nature à

expliquer les désordres psychiques.

' Société méd. des hôpitaux, janvier 1896.

358 CLINIQUE MENTALE.

- II.

Notre première observation concerne un individu qui,

buveur sans être ivrogne, fut atteint de mélancolie avec

crises panophobiques et concurremment d'un trouble hépa-

tique qui a évolué peu à peu dans le sens d'une infection

accompagnée d'accès fébriles intermittents.

I. Observation. P..., quarante cinq ans, marié, sans enfants,

admis le 18 novembre 1897, est un homme grand, d'embonpoint

modéré, d'apparence robuste : son père est mort il y a dix-huit ans

d'une attaque d'apoplexie. Sa mère vit et se porte bien. Ses deux

soeurs sont mortes de tuberculose pulmonaire à vingt-deux etàvingt-

six ans. Pas d'aliénés dans la famille. Il n'a jamais fait de maladie

sérieuse, n'a subi aucun traumatisme crânien et avait joui jusqu'en

ces derniers temps d'une excellente santé. Domestique peu occupé

d'une vieille dame, il menait une vie confortable, exempte de

fatigues et de soucis et pour occuper ses loisirs, fréquentait le

cabaret. On estime à deux litres de vin blanc et à cinq ou six

petits verres d'eau-de-vie sa consommation quotidienne.

Depuis deux mois il se sentait fatigué, avait la tête lourde et se

plaignait de ne pouvoir plus rassembler ses idées. Un jour, ayant

donné en paiement d'une petite acquisition quelques sous étran-

gers, il reçut de la marchande une observation désobligeante dont

il demeura très troublé. Depuis, il s'imagine que tout le monde le

prend pour un malhonnête homme, qu'on le regarde quand il

passe dans la rue, qu'on rit de lui et qu'on tient sur son compte

des propos comme celui-ci : « Tiens, voilà P... le voleur qui passe. à

partir de ce moment il appréhende de sortir, a de l'insomnie, se

lève et se promène la nuit en proie à l'anxiété. Il y a quatre jours,

il conduisait cependant sa voiture au bourg voisin pour faire quel-

ques commissions lorsqu'à moitié route, pris de panique, il des-

cend de son siège, attache son cheval à un arbre et se met à fuir

dans la campagne jusqu'à ce qu'il tombe épuisé de fatigue. Ramené

chez lui, il se montre anxieux, manifeste des idées mélancoliques,

se croit perdu de réputation et refuse complètement de sortir, ce

qui décide sa famille à le placer.

22 novembre. - Le malade est triste, déprimé, ne répond que

par monosyllabes en versant des larmes; l'état général est bon;

cependant il y a de l'anorexie, la langue est saburrale, les con-

jonctives jaunâtres. Il se plaint de ne pouvoir manger, d'éprouver

une céphalée persistante. Il ne dort pas ou son sommeil est cons-

tamment troublé par des cauchemars ; constipation.

23. - Nuit mauvaise, mouvement fébrile assez marqué ; les

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 359

urines, rares, sont d'un brun rouge très foncé et laissent déposer

un abondant sédiment uratique; le foie est un peu congestionné,

non douloureux. Pas d'ictère. Rien du côté de la rate. Le malade

n'a jamais eu de fièvres palustres et n'habite pas un pays maréca-

geux. Langue chargée, T. M. 38° 4; T. S. 39° 8. Régime lacté ;

traitement approprié. L'urine ne contient ni albumine, ni sucre.

24. - T. m. 38°4 ; t. s. 37° 6. Céphalée persistante, le malade ne

délire pas et ne s'intéresse à rien. Il est dans une demi-somno-

lence continuelle.

25. T. m. 37° 4. Les urines sont redevenues claires. Le soir, la

fièvre reparait, t. s. 39° 2.

Du 26 au 30, il y a une amélioration dans l'état général ; pas de

fièvre : le malade recommence à prendre quelques aliments.

3 décembre. La fièvre reparaît. Le matin la température était

de 37° 2; le soir, elle monte à 39° 6. En même temps la langue est

redevenue épaisse et sale. Le régime lacté est de nouveau prescrit,

ainsi qu'une médication appropriée.

Du 5 au 13 décembre, la fièvre cesse de se montrer ; les urines

sont claires et abondantes, sans albumine ni sucre; néanmoins

l'état gastrique laisse toujours à désirer. Ce même soir, la fièvre

reparait, t. s. 38° 2.

14. - Le malade se plaint d'éprouver chaque jour deux frissons :

l'un après le repas du matin et l'autre le soir. A 2 heures la tem-

pérature rectale est à 37° 6, et le soir 37° 2, seulement.

15. - A 2 heures la température est de 37° 8, le malade se plaint

toujours de fortes céphalées; il est triste, déprimé, dans une sorte

d'hébétude, pleurant facilement, mais sans idées délirantes au

moins en apparence.

360 CLINIQUE MENTALE.

31. Malgré nos objurgations, et tout ce qu'on a pu lui dire

pour la détourner de cette mesure prématurée, la famille retire le

malade.

5 avril 1898. - Nous apprenons aujourd'hui que P... s'est pendu

quinze jours après sa sortie de l'établissement.

Seule une affection hépatique nous semble pouvoir être

incriminée dans le cas précédent : les urines hémaphéiques

du début, la fièvre avec ses allures tantôt rémittentes, tantôt

intermittentes, si différentes de la fièvre paludéenne, l'impuis-

sance du sulfate de quinine, la céphalée persistante si voi-

sine de la somnolence, tout cet ensemble symptômatique

fait songer exclusivement à un état bilio-septique que nous

ne chercherons pas à caractériser davantage faute d'avoir pu

nous livrer à l'examen chimique des urines et d'avoir pu suivre

le malade jusqu'au bout. Et la filiation des phénomènes qui

ont produit ce résultat nous paraît pouvoir être établie ainsi :

1° Changement de vie. P ? paysan robuste, habitué aux

travaux des champs, devient un domestique inoccupé.

2° Changement de régime. En même temps qu'il cesse de

travailler, P... laisse le régime végétarien de ses congénères

pour vivre d'un régime plus substantiel et plus animalisé.

3° Excès alcooliques. P... se met, par suite de son nouveau

régime, à boire du vin en abondance et, par désoeuvrement,

à faire des excès d'eau-de-vie. Ces excès, quoique modérés,

ont été, en raison des modifications apportées à son genre

de vie, particulièrement nuisibles à l'équilibre de ses fonctions

organiques.

C'est sous l'influence de cette triple cause que le foie sur-

mené a commencé à donner des signes d'une défaillance qui

s'est immédiatement traduite par de la lourdeur céphalique

et de l'obtusion intellectuelle. Mais les effets cérébraux de

l'auto-intoxication hépatique étaient préparés par l'impré-

gnation alcoolique de la cellule nerveuse. Cette dernière

n'avait pas succombé à l'intoxication d'origine externe, mais

sa résistance en avait été amoindrie; c'est pourquoi elle ne

put résister à l'appoint de l'intoxication de cause interne

créée par l'insuffisance hépatique. L'état infectieux fébrile

qui s'est manifesté longtemps après le début du trouble men-

tal, ne semble pas avoir eu grande influence sur lui, car pen-

dant toute la période fébrile, ce n'est pas le délire mais

l'obtusion qui a dominé.

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 361

L'examen psychologique de ce cas n'est pas sans soulever

des questions intéressantes.

Et tout d'abord la forme mentale, à l'encontre de ce que

l'on eût pu attendre, n'est pas nettement caractéristique d'un

état d'intoxication. Les symptômes psychiques fondamentaux

et le mode de terminaison appartiennent nettement à la

mélancolie et seuls les symptômes secondaires, tels que la

crise panophobique transitoire signalée au début de la

période d'état et les rêves terrifiants dont le malade s'est

plaint d'une façon constante, accusent nettement l'origine

du désordre mental.

Ce fait n'est pas pour surprendre. Il en est de même dans

la seule observation jusqu'ici expressément qualifiée de folie

hépatique par son auteur, M. Klippel, et qui débute par la

manie ambitieuse. Il s'agissait d'une dégénérescence granulo-

atrophique du foie. Ce ne fut qu'en dernier lieu, et seulement

quelques jours avant la mort, que l'affection mentale prit

nettement l'aspect du délire confus terminal.

Il en est donc de l'auto-intoxication hépatique comme des

autres, l'empoisonnement urémique, par exemple ; elle peut

se traduire par un syndrome psychopathique banal et en

particulier, comme dans notre observation précédente, par

la mélancolie.

La dépression mélancolique, avec ou sans conceptions déli-

rantes, nous paraît être le produit le plus direct de l'hépa-

tisme ; on l'observe dans tous les cas où le foie fonctionne

mal, dans les états bilieux, hémorrhoïdaires, dyspeptiques,

transitoires ou constitutionnels. La mélancolie a souvent pour

antécédents l'uricémie, la migraine, le rhumatisme vague,

états qui résultent de troubles nutritifs auxquels le foie ne

reste pas étranger.

L'origine hépatique du mal chez notre malade se révèle

néanmoins d'une façon bien significative par cet état de cépha-

lée ou plutôt d'hébétude et de somnolence qu'il a accusé avec

persistance pendant tout le cours de sa maladie.

Un des phénomènes nerveux les plus fréquents parmi ceux

qui résultent d'un état de souffrance du foie, est en effet la

somnolence et la narcolepsie. Elles se manifestent au début

des états graves, mais peuvent aussi se rencontrer dans les

cas sans gravité réelle. On les observe dans la lithiase

biliaire. M. Léopold Lévy a publié il y a deux ans, dans les

362 CLINIQUE MENTALE. '

Archives générales de médecine, l'observation d'une dame de

trente ans, sujette depuis quelques années à des crises de

coliques hépatiques, qui pendant plus d'un mois s'endormait

à chaque instant, ou du moins tombait, selon son expression,

dans un état indéfinissable de pesanteur et de lourdeur cra-

nienne : « On dirait,- disait-elle, qu'on a posé un poids sur

ma tête, ou mieux qu'on l'a serrée entre deux objets sans

que cela ressemble nullement à un mal de tête. » Elle fut

reprise à plusieurs fois de cette narcolepsie en même temps

que de douleurs dans l'hypocondre droit'.

Abordons maintenant les symptômes qui, de l'aveu una-

nime, relèvent incontestablement d'une intoxication ; je veux

dire la crise panophobique et les rêves terrifiants. Les attri-

buerons-nous à l'intoxication alcoolique, à la toxémie hépa-

tique ou à ces deux causes réunies ?

M. Klippel semble refuser tout caractère spécifique au

délire alcoolique. Il est rationnel, d'après lui, d'admettre

qu'en dehors de tout alcoolisme, le délire, dans le cas d'auto-

intoxication hépatique, puisse revêtir la forme clinique qu'il

a chez l'alcoolique, et les délires des névropathes, si souvent

déterminés par auto-intoxication, ne seraient pas sensible-

ment différents de ce qu'on observe dans l'alcoolisme.

Nous ne pouvons souscrire à cette opinion et nous croyons

que c'est une faute d'aller jusqu'à nier l'action spécifique ou

tout au moins élective de l'alcool sur l'élément nerveux lui-

même. En allant du simple au composé et en remontant

l'échelle des accidents mentaux d'origine alcoolique nous

voyons que l'ivresse simple et l'ivresse délirante sont bien

l'effet direct et incontestable de l'alcool. L'homme nerveux, en

santé normale et habituellement sobre, qui à la suite de l'ab-

sorption d'un apéritif a dans la nuit des rêves terrifiants et qui

n'en a que dans ces conditions absolument étroites et définies,

subit bien une action toxique directe de l'alcool. Le dégénéré

qui vient de faire un accès de mélancolie sous l'influence

d'une cause morale et qui, convalescent, guéri de son accès,

sortant de l'asile sous la conduite de ses parents pour faire

une de ces parties champêtres si chères à quelques-uns de

nos collègues, nous est ramené deux ou trois heures après en

proie à un accès de manie ambitieuse pour quelques liba-

' Léopold Lévy. - Somnolence et narcolepsie hépatiques (AI'ch, gén.

de ? ! ! tu.,1896).

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 363

tions en l'honneur des dieux champêtres, subit bien l'action

directe de l'alcool. Et enfin, le buveur qui, sans autres symp-

tômes prémonitoires qu'un sommeil troublé par des rêves

pénibles, est pris de ce délire hallucinatoire et panophobique

d'une durée en général si brève et d'une allure si particulière

que pas un spécialiste n'hésitera à en faire le diagnostic d'un

simple coup d'oeil, subit bien l'action directe et cette fois,

j'ajouterai spécifique de l'alcool.

Dans ces cas très simples nous ne voyons pas comment on

s'y prendrait pour nier l'action spéciale et directe de l'alcool

sur la cellule nerveuse. On reconnaît à la plupart des

poisons d'origine végétale, 'les haschisch, la belladone, pour

ne citer que les principaux, la propriété de provoquer direc-

tement un délire à caractères propres : cette propriété serait-

elle désormais refusée à l'alcool, après lui avoir été unani-

mement reconnue depuis que les hommes boivent du vin ?

La clinique nous offre de temps en temps cette observation

singulièrement intéressante d'un ancien alcoolique, affaibli

mentalement, qui soudain, au cours d'une vie forcément

abstinente, est repris d'un délire panophobique absolument

semblable à celui qu'avait autrefois produit l'alcool. Exami-

nez le foie, nous dirait M. Klippel, car : « le délire alcoolique

se montre en certains cas en relation évidente avec l'auto-

intoxication hépatique sans que l'influence de l'alcool puisse

être autrement invoquée que par son action antérieure sur

la cellule hépatique ». Et pourquoi pas aussi sur la cellule

cérébrale ? N'est-il pas plus naturel d'admettre qu'il s'agit

d'un phénomène de rappel et que, lésée d'ores et déjà par

l'alcool, cette cellule a gardé une certaine infériorité fonction-

nelle qui ne lui permet pas. de résister à une intoxication

surajoutée, qu'elle soit d'origine hépatique ou qu'elle vienne

d'ailleurs ?

Au surplus, malgré l'extrême diversité des aspects que peut

revêtir l'alcoolisme délirant, il se présente dans la majorité

des cas sous des traits assez facilement reconnaissables pour

que le clinicien ne puisse s'y tromper. Outre ses hallucina-

tions si remarquables par leur mobilité, leur nombre, leur

forme, il a, selon le mot de Lasègue, son inventivité qui suffi-

rait à elle seule à le distinguer des confusions mentales

d'autre origine. Par son action élective sur la cellule céré-

brale, l'alcool est essentiellement investi d'un pouvoir excito-

364 CLINIQUE MENTALE.

délirant, nous dirions presque à l'inverse des auto-toxines

dont l'effet est de stupéfier plus souvent que d'exciter le sys-

tème nerveux.

La spécificité du délire alcoolique est tellement réelle que

nousn'hésitonsjamaisà le reconnaître au milieu de complexus

délirants d'autre nature. Ne distinguons-nous pas journelle-

ment ce qui revient à l'alcoolisme dans une mélancolie, dans

nn délire systématisé ? Qui oserait nier l'action propre de

l'alcool dans les manifestations délirantes de certains épilep-

tiques ? Et pour tout résumer d'un mot, la coïncidence de

plusieurs délires d'origine 'différente chez un même malade

n'est-elle qu'une notion illusoire qu'il faut abandonner au

lieu de la tenir pour un progrès réel dans la séméiologie des

maladies mentales ? ' ?

Le rêve à demi-conscient du buveur avec sa durée éphémère

et ses allures fantastiques est bien le produit direct de ses

excès et il ne faut pas craindre de le dire : la confusion mentale

du constipé, du convalescent de fièvre typhoïde, de l'inanitié,

de l'hépatique, de l'urémique, de l'auto-intoxiqué, en un mot,

n'est pas celle de l'alcoolique, et c'est précisément quand

nous voyons les caractères asthéniques, stuporeux ou démen-

tiels de ces dernières se montrer chez un alcoolisé que nous

sommes en droit de ne plus le considérer comme un alcoo-

lique pur, et de voir en lui par surcroît un auto-intoxiqué.

Lasègue, qui a fait une analyse si pénétrante de l'alcoolique

délirant, n'a pas méconnu ces différences. Il fait précisément

cette remarque, que le délire qui survient après abstinence

chez un alcoolique en état de maladie aiguë diffère du véri-

table délire alcoolique et il écrit cette phrase significative :

« Ce délire calme, moins inventif, se ressent de l'engourdis-

sement ou plutôt de l'indifférence intellectuelle du malade. »

Pour en revenir à notre malade il nous semble en défini-

tive que la crise panophobique et les rêves terrifiants relèvent

plutôt de l'intoxication alcoolique que de l'hépatisme, quoi-

qu'il soit probable que si le foie n'eût pas été touché, ces

accidents eussent pu se faire longtemps attendre. L'insuffi-

sance hépatique aurait donc hâté plutôt que provoqué l'appa-

rition de ces symptômes.

D'une façon générale, d'ailleurs, nous pensons que ce n'est

qu'avec une extrême prudence qu'en face d'une intoxication

mixte comme celle qui résulte d'une part de l'alcool et

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 365

d'autre part d'un mauvais fonctionnement du foie, il faudra

se prononcer pour l'actiun prépondérante de l'auto-intoxica-

tion, tant la puissance perturbatrice de l'alcool, au point de

vue mental, l'emporte, à notre avis, sur celle des intoxica-

tions d'origine interne.

III.

Dans notre seconde observation, nous avons affaire à un

cas de folie aiguë éclos au cours d'une crise hépatique provo-

quée par la lithiase biliaire.

Observation II. -l\1me R..., quarante ans, religieuse, est admise

le 6 juillet 1897. Aucun renseignement sur ses antécédents hérédi-

taires. Elle est fille de cousins germains ; son père et sa mère sont

morts jeunes d'affections indéterminées. C'est une femme grande

et forte, un peu polysarcique, d'un caractère mobile et facilement

excitable. Dans son enfance, elle a eu la rougeole et une pneu-

monie. Elle était très sujette aux angines et à la moindre fièvre

avait du délire. Il y a douze ans environ elle commença à éprouver

des coliques hépatiques dont les accès devinrent de plus en plus

fréquents. Peu de temps après, des phénomènes nerveux compli-

quèrent son état : elle devint sujette à des crises qualifiées de

catalepsie par le médecin qui la soignait. A la moindre contra-

riété elle tombait dans une de ces crises, ce qui l'obligea à aban-

donner l'enseignement. D'après la description assez vague qui nous

en a été faite, ces crises nous paraissent de nature hystérique et

constituées par une période épileptoïde pure et simple sans phases

convulsives avec résolution musculaire et sommeil prolongé. Enfin,

elle aurait eu une fois, à une époque que l'on ne peut préciser, des

coliques néphrétiques.

Chaque année, la malade allait faire une saison à Vichy. Elle y

était donc cette année comme d'habitude, suivant un traitement

très mitigé, prenant des bains et buvant de loin en loin quelques

gorgées à l'Hôpital et à la Grande-Grille, quand elle fut prise d'une

crise hépatique qui se prolongea et qui se compliqua peu à peu de

dépression mélancolique, d'hypocondrie etd'anxiété. De violents

orages qui survinrent à ce moment et qui l'affectèrent d'autant plus

qu'elle a toujours eu une peur extrême du tonnerre (astrophobie),

achevèrent de jeter la perturbation dans son état mental et une

violente crise maniaque éclata. La malade fut, avec les plus

grandes difficultés, transférée de Vichy à l'asile de LaRoche-sur-l'on

où elle est admise assez tard dans la soirée.

7 juillet. - La nuit a été calme. La malade est dans un hébéte-

ment profond avec gâtisme complet. Pas d'embarras gastrique,

366 CLINIQIIE MENTALE.

langue bonne ; légère teinte subictérique des conjonctives. Le foie

ne paraît pas sensiblement augmenté de volume, mais toute la

région est douloureuse au toucher et la malade ne se laisse pas

volontiers examiner. Coeur sain. En raison du gâtisme, les urines

ne peuvent être examinées. ,

8. - Hébétude, ou plutôt torpeur entrecoupée de petites phases

de retour partiel de la conscience. A certains moments, la tocpeurest

profonde, avecgrand gâtisme : à d'autres, elle diminue; la malade a

alors une lueur fugitive de conscience, pendant laquelle l'intelli-

gence reste profondément obtuse et troublée ; elle ne se rappelle

pas d'un instant à l'autre ce qu'elle vient de faire ou de demander;

pose des interrogations saugrenues à propos de tout : « Qu'est-ce

que de l'eau ? ... qu'est-ce que du pain ? ... qu'est-ce que manger ? ...

qu'est-ce que dormir ? ... etc. » Nuit calme. La teinte subictérique

des conjonctives et des téguments a augmenté. Eruption des règles.

Peau chaude et moite, sans fièvre. La malade est le plus souvent

affalée dans un fauteuil, la face jaunâtre, les pommettes marbrées

d'un lacis très serré de vaisseaux violacés, l'oeil fixe et vague gar-

dant un mutisme obstiné ou prononçant de loin en loin quelques

monosyllabes dénués de sens.

9. Mêmes alternatives d'abrutissement profond avec gâtisme

et quelques éclairs de lucidité relative. Tendances à la violence :

tantôt elle se laisse tomber de tout son poids sur les autres malades,

ou leur saisit le nez, cherchant à le tordre. Continuation du

gâtisme : on constate que les selles sont composées d'aliments non

digérés, presque intacts.

10. - Depuis hier, quatre heures, une certaine lucidité a persisté;

la teinte subictérique a diminué ; aux selles non digérées a succédé

une diarhée bilieuse modérée. Nous profitons du mieux relatif de

la malade pour rechercher les stigmates de l'hystérie, mais notre

examen est négatif.

11. La journée d'hier a été passable; pas de stupidité, nuit

calme et propre. Ce matin légère excitation, la malade cherche à

frapper : elle dit que ça la soulagerait de faire du mal à quelqu'un.

Crises de forme léthargique : soudain elle se laisse tomber inerte et

demeure sans mouvement. C'est ainsi que nous la trouvons à la

visite, étendue sur le dos, les yeux fermés, immobile, les membres

souples, indifférente aux excitations, avec un pouls normal ou

légèrement ralenti.

16. Persistance des alternatives de dépression et de lucidité

relative. Les accès sont un peu plus espacés et les nuits sont meil-

leures ; le gâtisme a diminué. Hier matin, la malade était tout à

fait bien et se livrait au travail manuel ; mais quelques instants

après elle a été reprise d'une de ses crises à forme léthargique.

Dans l'après-midi, excitation, cris inarticulés; elle cherche à se

laisser couler au fond de sa .baignoire.

' HÉPATISME ET PSYCHOSES. 367

17. - Ce matin, elle est très bien, calme, lucide, s'occupe ; elle

a conscience du cours du temps, sait la date du jour. Hier la jour-

née a été agitée : elle se mettait à quatre pattes, aboyait, tirait la

langue, se disait un chat, un chien. La nuit a été calme et propre.

Urines pâles, floconneuses; une goutte d'acide leur rend leur lim-

pidité ; elles ne contiennent ni sucre ni albumine. Région hépa-

tique toujours sensible. La malade nous dit qu'elle souffre souvent

dans l'épaule droite.

24. L'amélioration mentale continue, mais il y a un grand

affaissement physique ; la malade se traîne avec peine, incapable

de s'habiller ou de se déshabiller seule. Elle a complètement oublié

tout ce qui s'est passé depuis son départ de Vichy. L'oeil, au repos,

demeure atone et perdu dans le vague. Léger gonflement des

jambes, phénomène habituel chez la malade, et attribué par elle à

des varices profondes.

27. - Persistance du mieux ; le foie est moins sensible ; il n'y

a plus qu'un point douloureux au creux épigastrique. Pasd'hyper-

mégalie. Coeur normal. La lucidité revient de plus en plus, ainsi

que l'activité mentale. La malade se plaint du régime qu'elle trouve

insuffisant, elle manifeste une véritable boulimie, phénomène qui

existait antérieurement et qui nous a été signalé. Elle a l'habitude

de manger à toute heure du jour et de la nuit.

31. Lucidité complète ; intelligence normale. On constate

néanmoins encore un peu de fatigue cérébrale ; en écrivant, elle

omet des mots, écrit correctement la première page, moins bien la

seconde, et griffonne la troisième. L'apathie physique est toujours

extrêmement prononcée.

Sortie guérie le 2 aoilt.

Dans cette observation si différente de la précédente au

point de vue clinique, nous retrouvons la coïncidence d'un

état de souffrance du foie et d'un trouble mental, ce dernier,

consécutif et, en apparence tout au moins, subordonné au

premier.

Mais alors que dans le cas précédent l'affection du foie était

d'une nature complexe, nous avons affaire ici à une auto-

intoxication par torpeur du foie et résorption partielle de la

bile, conséquence de l'obstruction et de l'état de souffrance

des voies biliaires. Au cours de ce processus, la folie éclate

sous l'influence probable d'un choc moral, d'une peur ; et elle

semble si bien liée au trouble hépatique que ce dernier conti-

nue à évoluer après l'explosion des troubles mentaux et que

nous assistons successivement, au cours de ces derniers, à une

368 CLINIQUE MENTALE.

phase d'acholie, à l'envahissement de l'ictère, et enfin à une

phase de polycholie critique.

Mais pour être évidents les liens qui unissent les deux syn-

dromes n'en sont pas plus faciles à démêler pour cela. S'agit-il

d'une action propre, et directe sur le cerveau de l'hépato-

toxémie, ou d'une simple action à distance, d'une action

réflexe, sympathique, en un mot ?

Cette hypothèse, en somme, pourrait se soutenir. Les folies

sympathiques, après avoir joui d'une grande faveur, sont

tombées dans un discrédit presque complet qui nous paraît

d'ailleurs justifié ; elles ne méritent pas toutefois d'être com-

plètement rayées des cadres de la pathologie mentale. Dans

la pathologie du foie l'observation d'actions réflexes morbides

n'est pas exceptionnelle. Les coliques hépatiques,en particu-

lier, ont parfois provoqué l'apparition de l'hystérie, de l'épi-

lepsie, d'une hémiplégie droite, de convulsions localisées, de

névralgies intercostales, iléo-lombaires, etc. Les faits d'inhi-

bition nerveuse au cours de la lithiase biliaire ne sont pas

non plus absolument rares et on a vu la mort survenir au

cours d'une colique hépatique sans complication infectieuse

d'aucune sorte. On ne voit pas pourquoi ces mêmes méca-

nismes ne pourraient pas déterminer des troubles intellec-

tuels. -

Nous répugnons cependant à voir dans le cas présent un

trouble mental sympathique ou réflexe.

La nature de ce trouble mental est-elle du moins de nature

à nous éclairer et peut-on par l'étude des symptômes remon-

ter sûrement à la cause qui les a fait naître ? Pas d'une façon

absolue. Il ne nous semble pas démontré, en effet, que les

troubles psychiques en question soient un cas de folie du

type confusion mentale primitive.

Nous avons bien de la stupeur, mais pas de délire de rêve,

pas même de conceptions délirantes à un degré quelconque;

d'ailleurs, les phénomènes généraux somatiques qui accom-

pagnent la confusion mentale primitive font complètement

défaut : l'état général est plutôt florissant, il n'y a pas d'em-

barras gastrique, pas de constipation ; la stupeur n'est pas de

la stupeur, mais de la torpeur cérébrale ; cette torpeur est

rémittente et entrecoupée de fréquents intervalles pseudo-

lucides ; et enfin elle s'accompagne de troubles nerveux qui

ont un cachet hystériforme assez marqué pour qu'on soit en

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 369

,

droit de songer à l'intervention de cette maladie. Les crises à

forme léthargique, en particulier, nous paraissent pouvoir

être rattachées à l'hystérie, à moins qu'on ne veuille y voir

un effet direct de l'hépatotoxémie sur le système nerveux, ce

qui est encore une hypothèse acceptable. Nous aurions donc,

dans cette hypothèse, affaire à un produit complexe résultant

du tempérament névropatique manifeste de la malade et de

l'hépatisme, et nous reconnaîtrions, sous une forme modifiée

par le terrain, la torpeur habituelle à cette auto-intoxication,

torpeur qui, après s'être manifestée pendant de nombreuses

années sous la forme atténuée de crises de forme léthargique,

se serait établie à demeure sous le masque d'une stupidité

mentale subcontinue.

IV.

Un fait digne d'intérêt est que l'éclosion, au cours d'une

folie chronique, d'une affection du foie n'en modifie ordinai-

rement ni la marche ni les symptômes. Tout au plus le trouble

hépatique intervient-il, par l'intermédiaire de la sensibilité,

pour colorer le délire d'une teinte spéciale.

Observation III. - Virginie iII..., femme D..., quarante-deux ans,

mariée, mère de plusieurs enfants, est admise le 30 avril 1883.

C'est une grande et forte campagnarde, d'un tempérament lym-

phatique, portant à l'avant-bras droit les traces d'un abcès froid

ancien, mais d'aspect florissant et n'ayant jamais fait de graves

maladies. Son père a été aliéné, mais a guéri ; cependant il n'a pas

la tête solide. Un oncle paternel ivrogne.

Le début de la maladie actuelle remonte à 1877 et paraît avoir

coïncidé avec une ménopause précoce. A ce moment son caractère

s'est aigri, elle a pris en aversion son entourage et particulièrement

son mari qu'elle accuse de vouloir l'empoisonner. Pour se mettre

à l'abri des persécutions dont elle se croit victime, elle quitte le

domicile conjugal pour s'installer dans une étable où elle s'isole

pendant plusieurs années. Elle vit dans un état d'exaspération con-

tinuel, en proie aux hallucinations, invectivant ses gens, les insul-

tant, les accablant de menaces et de mauvais traitements. Elle

répète souvent que si elle savait manier un fusil, ils n'auraient pas

longtemps à vivre.

Admise à l'établissement, on constate chez elle un délire systé-

matisé avec hallucinations de l'ouïe, dissociation des idées, alter-

natives d'apathie et d'excitation, conceptions délirantes les unes

mystiques, les autres relatives à son mari qu'elle accuse de faire

Archives, 2e série, t. VI. 24

'370 CLINIQUE MENTALE.

le mal, de se charger des péchés des autres, d'avoir voulu em-

poisonner tons ceux qui mangeaient chez lui : elle a, dit-elle,

éprouvé fréquemment des malaises qui venaient de là. Elle parle

constamment seule, cherchant à s'isoler. Elle s'occupe un peu,

mais d'une façon irrégulière.

Trois mois après son entrée, elle a une crise de coliques hépati-

ques qui attise son délire : elle attribue ces dernières à des en-

nemis qui jettent le mal sur elle ; elle proteste de son innocence,

dit qu'elle a supporté bien d'autres souffrances, mais qu'elle ne

veut pas supporter celle-ci.

A partir de ce moment, les crises hépatiques se repétèrent à

époques irrégulières. D'abord assez éloignées, elles revenaient,

dans ces derniers temps, tous les deux ou trois mois. Elle duraient

plusieurs jours, s'accompagnant de phénomènes généraux et

locaux (douleurs abdominales, vomissements, embarras gastrique,

fièvre sans ictère). Elles avaient pour effet d'exaspérer les idées

d'empoisonnement et de provoquer de l'agitation. Elles finit par

manifester en permanence des illusions du goût et de la sensibilité

générale, se plaignait qu'on lui coupât les bras et les jambes; trou-

vait des crapauds, des grenouilles, des pierres dans ses aliments;

n'aurait jamais consenti à boire dans un verre ; se soumettait des

régimes excentriques, ne consentant pendant des périodes de

.quinze jours et plus à ne prendre avec son pain qu'un aliment

unique, sucre, beurre, chocolat, confiture, sel et poivre, etc.

Le 17 mai 1898, elle est prise de coliques violentes qui au bout

de deux jours s'accompagnent d'un ictère intense, avec fréquence

et petitesse du pouls. Le 21 mai, elle succombait brusquement

dans le collapsus avec refroidissement, sans autres manifestations

psychopatiques que ses idées délirantes habituelles. Une heure

avant de mourir, elle demandait qu'on lui donnât du pain et une

pomme qui ne fussent pas empoisonnés.

L'autopsie n'a pu être faite.

Ainsi, chez cette délirante systématique, le seul effet de la

lithiase biliaire et de ses conséquences sur les fonctions

hépatiques a été de provoquer des idées d'hypocondrie et de

persécution ayant trait aux organes digestifs. L'influence de

l'ictère grave terminal a été absolument nulle sur l'état

mental ; aucune complication délirante n'est survenue de

son fait ; pas- de délire fébrile, pas d'hallucinations de la

vue ni de confusion des idées, en un mot aucun des

symptômes psychiques qui sont l'accompagnement habituel

des toxi-infections graves.

Et ce fait est habituel. Parmi les nombreuses observations

que nous pourrions fournir à l'appui de cette particularité

HEPATISME ET PSYCHOSES. 371

nous en choisirons seulement trois se rattachant à des affec-

tions hépatiques différentes.

Observation IV. - Joseph C..., soixante-treize ans, cultivateur,

est admis pour la seconde fois le 28 janvier 1874.

11 y a huit ans, en 1866, il a subi un violent traumatisme crar

nien. L'avant d'une charrette chargée de cinq pièces de vin, s'étant

abattu sur sa tête, lui fit une plaie du cuir chevelu dirigée d'ar-

rière en avant de la partie supérieure du pariétal droit à la partie

inférieure du temporal, et le laissa pendant trois heures sans con-

naissance. A la suite de cet accident se développa un accès de

manie avec un satyriasis intense que rien n'a pu modifier. Placé à

l'asile C... est sorti au bout de quelque temps calmé, mais non

guéri.

L'accès actuel n'est donc qu'une recrudescence d'un trouble

mental déjà ancien. Le malade est agité, avec désordre des idées

et des actes, troubles de la sensibilité générale, idées vagues de

persécution par la physique, propos cyniques et graveleux. Il se

figure que nous le travaillons la nuit et s'en plaint avec irritation.

il se livre à la masturbation et nous en fait part avec satisfaction ; -,

malpropreté dégoûtante, chants et paroles obscènes, agitation per-

pétuelle.

il, janvier 1875. - L'agitation se maintient avec les mêmes

caractères; mais depuis quelque temps C... maigrit d'une façon

évidente. Il présente un peu d'ictère; ses selles sont décolorées.

11. - L'ictère augmente sans que l'excitation maniaque se

modifie. Il existe un oedème considérable des membres inférieurs.

Les cuisses sont le siège d'un purpura hémorrhagique très con-

fluent, surtout à gauche. Le foie parait considérablement diminué

de volume. Urines brunes, chargées de pigment biliaire. Vomisse-

ments, fièvre, soif vive; t. 38° 2.

13. - Le mal fait des progrès rapides ; l'excitation est tombée

et remplacée par une somnolence continuelle; ictère de plus en

plus foncé. Pouls petit et misérable; diarrhée profuse, sueurs;

t.36° 8, puis bientôt de 36°2. -Les vomissements sont incessants ;

la somnolence s'accentue et se transforme peu à peu en coma.

Le malade succombe iL cinq heures du matin, le 14 janvier.

Autopsie. - Le cadavre devant être transporté dans la famille,

nous avons dû nous contenter d'examiner le foie et la rate.

Le foie, très atrophié, pèse 1310 grammes; la capsule est ridée,

ratatinée et liés épaissie. La substance en est résistante à la coupe,

qui apparait comme verdâtre, parsemée de points d'un jaune clair.

La vésicule est très distendue par une grande quantité de bile

claire et fluide. Il y a deux litres environ de sérosité colorée dans

le péritoine.

La rate ne parait pas beaucoup augmentée de volume ; sa capsule

372 ) CLINIQUE MENTALE.

est opaque, épaissie, recouverte d'une sorte d'exsudat blanchâtre

épais. Elle est très ramollie et son parenchyme a l'aspect d'une

bouillie rouge, lie de vin.

S'il est un antécédent qui prédispose au délire, c'est bien

le traumatisme du crâne. Or, malgré la prédisposition ainsi

créée, malgré l'existence d'une psychose de forme maniaque

qui semble avoir été une première conséquence de ce trauma-

tisme, le cerveau se refuse à faire du délire toxi-infectieux

et seule la somnolence de la période terminale est la preuve

qu'il est cependant influencé par la lésion hépatique inter-

currente. On pourrait soutenir que la toxémie hépatique

n'était peut-être pas étrangère à la psychose de ce malade,

ou tout au moins à la recrudescence des désordres mentaux

qui nécessita la seconde séquestration; mais cette hypothèse

une fois admise, il resterait à expliquer pourquoi le délire

n'a pas été en augmentant parallèlement à la lésion viscé-

rale, conformément à ce qui s'est passé dans les cas publiés

sous le nom de folie hépatique.

Observation V. - Elisabeth B..., née en 1822, est admise le

6 septembre 1852. Le diagnostic porté à l'entrée était lypémanie.

Une note de 1873, époque où j'ai commencé à observer la malade,

est ainsi conçue : « Cette malade manifestait autrefois des idées de

persécution ; les conceptions délirantes se sont affaiblies en même

temps que ses facultés intellectuelles. Il existe des hallucinations :

on la voit souvent poursuivre à coups de bâton des personnage^

imaginaires qu'elle accable d'injures et qui disparaissent à travers

les murs. Elle s'agite de temps en temps, s'emporte, menace et en

vient à la violence. Signalée toujours pour son mauvais caractère.

On voit, dans des notes très anciennes consignées au registre de la

loi, qu'elle refusait absolument la viande et ne se nourrissait que

de pain et de végétaux.» En somme il s'agit de démence secondaire

avec délire de persécution.

' Le 20 février 1875, la malade est prise de la grippe qui à ce

moment règne épidémiquement. On constate en même temps une

vive douleur à l'épigastre et dans l'hypocondre droit. Céphalalgie,

vomissements répétés, toux, fièvre.

Le 28, l'état fébrile persiste à un degré modéré, la douleur hépa-

tique est intense, l'organe est sensiblement augmenté de volume

et déborde d'un doigt le rebord costal. On constate sur tout le corp

une faible teinte ictérique. Rien de particulier dans l'état mental,

sauf de l'hébétude.

Le 2 mars, pendant qu'on l'assied sur un fauteuil pour faire son

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 373

lit, elle est prise d'une violente dyspnée avec asphyxie progressive

et succombe en quelques heures.

A l'autopsie, le foie volumineux pèse 2470 grammes et est farci

d'abcès, les plus petits de la grosseur d'une lentille, les plus gros

d'une noisette ou d'une noix. Le pus, d'un vert noirâtre, est d'une

fétidité extrême ; le parenchyme, dans l'intervalle des foyers puru-

lents, est d'une teinte jaunâtre ou chocolat clair.

Le coeur est rempli de caillots en partie organisés se prolongeant

dans les gros vaisseaux.

Les poumons sont entièrement congestionnés.

Les reins paraissent normaux.

Les méninges sont congestionnés, ainsi que le cerveau, mais on

n'y constate aucune lésion macroscopique. Pas d'athérome artériel.

L'hémisphère droit pèse 605 grammes, le gauche 590, le cervelet

avec l'isthme et le bulbe 185 grammes.

L'hépatite suppurée, dans cette observation, n'a eu'd'autre

effet que de reléguer au second plan les symptômes psycho-

pathiques préexistants pour les remplacer par de l'hébétude,

circonstance que l'on pourrait presque invoquer en faveur

de cette proposition paradoxale, loin d'en être modifiée el

aggravée, la psychose préexistante semble s'effacer sous

l'influence d'une affection hépatique intercurrente.

Observation VI. La veuve D..., née en 1805, admise le

20 novembre 1846, est atteinte de délire systématisé avec idées de

persécution. Elle prétend qu'un certain Levêque lui a jeté un sort,

que les prêtres la persécutent, qu'elle est ensorcelée, possédée du

diable, et manifeste des projets de vengeance contre les auteurs

supposés de ses maux. Antécédents alcooliques certains.

Mon observation directe à l'égard de cette malade ne date que

de 1873. A ce moment j'ai constaté le délire susénoncé accompa-

gné d'hallucinations de l'ouïe et de la sensibilité générale. C'est

une grande et forte femme, affectée d'un eczéma des parties géni-

tales qui, par les souffrances qu'il occasionne, entretient les idées

délirantes.

Un octobre 1874, on la voit progressivement maigrir, perdre ses

forces et s'aliter. Elle se plaint de fréquents troubles digestifs.

En avril 1875, ictère généralisé intense ; décoloration des selles,

urines d'un vert foncé. Le foie est tuméfié, la matité est considé-

rablement augmentée dans le sens vertical. Vomissements alimen-

taires ; alternatives de diarrhée et de constipation. La malade mani-

feste les mêmes idées délirantes, sans que la physionomie de l'état

mental soit en rien modifiée.

374 CLINIQUE MENTALE.

28 niai. -Décédée dans le plus complet marasme, ayant conservé

jusqu'à la fin conscience de son état et du monde extérieur.

A l'autopsie, cancer massif du foie d'un volume considérable.

Une partie de l'épiploon, ainsi que du colon transverse, est comprise

dans le néoplasme. La vésicule biliaire contient plusieurs calculs de

volume variable, à facettes et complètement incolores.

La rate est petite et ferme, les reins d'apparence normale, les

poumons sains. Quelques plaques calcaires de l'aorte, au-dessus

des valvules sigmoïdes.

Membranes du cerveau saines, arachnoïde transparente; un peu

de sérosité ventriculaire. Artères de la base légèrement athéroma-

teuses. Hémisphères amaigris et exsangues pesant le droit 495, le

gauche 490 grammes, sans lésions en foyer. Le cervelet avec

l'isthme et le bulbe pèsent 125 grammes.

Ici encore, le développement du cancer hépatique n'a rien

ajouté au délire systématisé préexistant. Ces faits, je le

répète, ne sont pas exceptionnels. Et cependant, le cancer,

la cirrhose, l'hépatite sont fréquemment le point de départ

de troubles délirants chez les gens jusqu'alors réputés sains

d'esprit ; les cas de folie hépatique de M. Charrin rentrent

précisément dans cette catégorie.

De ce qu'un individu est atteint d'une aflection mentale il

n'en résulte pas qu'il soit nécessairement prédisposé à déli-

rer dans un sens différent de sa psychose sous l'influence

d'une cause intercurrente, et en particulier d'une auto-in-

toxication ou d'une auto-infection. Nous voyons même par-

fois et cela n'est pas fait pour dissiper l'obscurité dont

est enveloppée l'origine de la folie et des délires la psy-

chose préexistante disparaître et guérir au cours d'une mala-

die aiguë, la fièvre typhoïde par exemple. Action dérivative

de la lésion intestinale ? Sympathie à rebours ? Mais dans

cette hypothèse, que devient le rôle des toxines sur le cerveau ?

Le délire des intoxications et des infections ne semble

donc pas relever de l'hérédité psychopathique banale, mais

d'une prédisposition spéciale, qui peut être naturelle ou

acquise. Sous l'influence de cette prédisposition, le cerveau,

tout en étant, à l'état normal, d'un fonctionnement bien

équilibré, n'en est pas moins locus minoris 1'esislentiæ vis-à-

vis de ces causes spéciales. Il y a des gens, des adolescents,

des femmes le plus souvent, qui, à la moindre angine, à la

moindre fièvre, se mettent à délirer. Ces personnes-là peuvent

très bien n'avoir aucune tendance à devenir aliénés plus tard.

HÉPATISME ET PSYCHOSES. 315 S

V.

Les observations que nous avons rapportées au cours de

cette étude et les réflexions dont nous les avons accompa-

gnées constituent un ensemble purement clinique qui ne

comporte pas de conclusions et que nous nous contenterons

de résumer d'une façon sommaire.

Il y a lieu d'accorder une importance réelle, au point de

vue étiologique, aux lésions et aux troubles fonctionnels du-

foie dans les maladies mentales.

Dans la majorité des cas, le trouble hépatique vient se

joindre à d'autres causes pour en grossir la puissance et en.

augmenter l'action nocive sur le cerveau.

Son action directe et exclusive nous paraît moins évidente,.

tant en raison de la complexité de ses fonctions physiolo-

giques incomplètement élucidées que de la nature des faits

décrits sous le nom de folie- hépatique. Ces observations, en

effet, de l'aveu même des auteurs qui les ont publiées, se-

présentent sous des formes délirantes variables et mul-

tiples qui semblent, à la vérité, révélatrices d'une auto-

intoxication, mais d'une auto-intoxication qui n'a rien de-

spécifique.

Chez les alcooliques, le foie progressivement lésé ou

troublé dans ses fonctions, peut intervenir pour hâter l'ap-

parition du délire et de la folie, mais son action n'ôte rien

de sa valeur à la puissance pathogène de l'intoxication

alcoolique sur le cerveau. Il est rationnel d'admettre que-

dans certains cas, sans l'appoint de l'intoxication hépatique,

le délire alcoolique pourrait ne pas se produire, ou encore

que lorsque le délire éclate après une période d'abstinence

alcoolique, le foie étant malade, ce dernier joue le rôle de

cause déterminante, mais il ne faut pas omettre de recon-

naître que si, dans ces conditions, la cellule cérébrale suc-

combe, c'est qu'elle était préalablement modifiée par le

poison d'origine externe, au même titre, d'ailleurs, que la

cellule hépatique elle-même.

En dehors de l'alcoolisme, la souffrance et le mauvais

fonctionnement du foie existant chez un sujet qui accuse

une forte prédisposition à délirer, peuvent créer, du côté du

cerveau, un état d'imminence morbide. Dans ces conditions,

376 PATHOLOGIE MENTALE.

l'intervention d'une cause quelconque, physique ou morale,

mais surtout morale, suffira à provoquer l'explosion de la

folie. Le foie intervient sans doute, dans ce cas, par le

mécanisme de l'auto-intoxication, et la fragilité de la cellule

nerveuse provient soit d'un trouble de sa nutrition impu-

table à la défaillance épuratrice du foie, soit à une intoxica-

tion directe produite par les sécrétions viciées ou résorbées

de cet organe.

Chez les individus porteurs d'une lésion organique du

foie, le délire peut survenir : il rappelle en général le délire

fébrile par ses hallucinations de la vue et ses allures con-

fuses et démentielles ; il n'a rien de spécifique et se confond

avec les délires consécutifs aux maladies infectieuses et aux

auto-intoxications.

L'intervention d'une affection organique du foie dans le

cours de la folie chronique n'en modifie pas nécessairement

la marche et la symptomatologie. Elle peut cependant pro-

voquer l'éclosion de certaines idées délirantes en rapport

avec les souffrances locales provenant de la lésion. Mais

dans les nombreux cas que nous avons observés, nous

n'avons jamais vu se superposer au trouble mental primitif

de nouveaux phénomènes psychiques plus en rapport avec

les conditions étiologiques nouvelles. Il semble que chez les

vieux aliénés le cerveau soit réfractaire aux auto-intoxica-

tions, ou tout au moins ne soit plus en mesure de faire les

frais de nouvelles réactions délirantes.

PATHOLOGIE MENTALE.

DU SENS TACTILE ÉTUDIÉ CHEZ LES MÊMES MALADES

AUX TROIS PÉRIODES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE ;

Par le D E. JIARANDON DE IONTYEL, *1

Médecin en chef des asiles publics d'aliénés de la Seine.

Ce mémoire est le premier d'une série destinée l'élude

des principaux symptômes physiques et psychiques de la

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GENERALE. 377

paralysie générale à l'aide d'une méthode d'investigation dont

l'application systématique a été trop négligée jusqu'ici. Cette

méthode consiste à dresser un tableau symptomatique de la

maladie et à avoir la patience et la constance de rechercher,

au même moment et à des intervalles assez rapprochés, tous

les signes qu'il contient sur un nombre assez élevé de para-

lytiques, suivis de cette façon, depuis la première période de

la maladie jusqu'à la troisième, jusqu'à la mort par marasme.

Ainsi seulement, pensons-nous, il est possible d'obtenir des

données comparables ; ainsi seulement il est possible de

connaître l'évolution de chacun des troubles; ainsi seulement

enfin il est possible de rapprocher ces troubles les uns des

autres.

Ce travail, qu'à notre connaissance personne encore n'a eu

le courage d'entreprendre, nous l'avons exécuté pendant

six ans, portant nos investigations sur cent huit paralysés

généraux que nous avons examinés souvent, à tous les points

de vue, du jour de leur entrée, à la phase initiale du mal,

jusqu'ci la terminaison fatale. Nous avons eu soin d'éliminer

tous les sujets chez lesquels la paralysie générale n'était pas

pure, se compliquait d'une névrose ou d'une autre affection

du système nerveux, afin d'obtenir des données appartenant

exclusivement à la périencéphalite chronique et, pour que

ces données fussent comparables entre elles, nous n'avons

jamais manqué de les relever toutes au même moment, nous

résignant à mettre une constatation impossible pour celles que

l'état physique ou mental des sujets ne nous permettait pas

de réaliser ce moment.

Nous espérons avoir rassemblé par cette méthode longue et

minutieuse une masse de documents intéressants qui nous

permettront d'étudier à part, en autant de chapitres distincts,

chacun des symptômes de la paralysie générale ; puis, cette

étude analytique terminée, d'en entreprendre une autre, syn-

thétique alors, de tous ces symptômes chez les mêmes sujets

et chez des sujets différents. Nous commençons aujourd'hui la

partie analytique de notre travail par l'examen du sens tactile

et pour mieux mettre en relief les résultats que nous avons

obtenus par notre méthode nous allons brièvement rapporter

ce qu'en France et à l'étranger contiennent les travaux les

plus récents relativement à l'état du tact dans la paralysie

générale. Nous serons parfois fort embarrassé dans nos cita-

378 PATHOLOGIE MENTALE.

lions, car souvent les auteurs réunissent ensemble le sens tac-

tile et le sens algésique, comme s'ils ne constituaient pas

deux éléments absolument différents, et il est difficile dès lors

de faire la part qui revient dans les appréciations des auteurs

à l'anesthésie et à l'hypéresthesie, à l'analgésie et à l'hyperal-

gésie. -

Le seul Traité complet de la paralysie générale qui ait été

publié chez nous dans ces vingt dernières années est celui de

M. Auguste Voisin. L'auteur examine le tact aux diverses

périodes de lamaladie, en commençant par la prodromique.

Un de mes oncles maternels, le D'' Louis de Crozant, alors

qu'il était interne des hôpitaux de Paris, a écrit, en '1846,

un mémoire pour établir qu'à cette phase prodromique, tout

à fait au début de la maladie, existait une anesthésie presque

complète qui disparaissait quand les troubles de la mobilité

devenaient manifestes. Ce travail a eu un retentissement tel

qu'aujourd'hui, après cinquante ans écoulés, on le trouve

cité dans tous les articles roulant sur la sensibilité des para-

lytiques généraux et publiés non seulement en France, mais

encore à l'étranger. Pourtant le fait soutenenu par le Dr de

. Crozant, bien que vérifié par Baillarger et Brierre de Boismont

est assez contesté, peut-être faute d'observations précises.

M. Auguste Voisin n'en parait pas convaincu. Si cette anes-

thésie transitoire existait réellement, alors que la motilité

n'est pas encore atteinte, il y aurait là un élément d'autant plus

précieux pour le diagnostic et un traitement précoce que la

paralysie générale est d'ordinaire à début lent et insidieux et

par là incurable quand on la reconnaît. Je ne peux malheu-

reusement apporter sur ce point aucune donnée, car la

maladie est toujours à une phase avancée quand les malades

arrivent dans nos services. Aux praticiens de la ville il appar-

tient de rechercher cette anesthésie initiale qui permettrait

de dépister le mal dès la première heure et par une thérapeu-

tie rapide de montrer que cette affection traitée à temps

n'est pas peut-être fatalement incurable. Pour nous, méde-

cin d'asile, nous ne sommes en mesure de fournir que des

renseignements sur les trois périodes de la maladie confirmée.

M. Auguste Voisin, avons-nous dit, examine le tact à ces

trois périodes. A la première phase, dit-il, l'hyperesthésie

peut aussi s'observer tout à fait au début, mais le plus sou-

vent elle n'est que passagère et, selon Mickle, engendrerait des

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 379

conceptions délirantes hyponchondriaques ; à la seconde

période, ajoute-t-il, d'après quelques auteurs, l'anesthésie

qui existe quelquefois au début disparaît graduellement à

mesure que l'affection progresse ; mais, suivant Lasègue, il

n'en est rien et l'anesthésie peut aussi bien se rencontrer à la

deuxième qu'à la première phase ; de même l'hyperesthésie

s'observe aussi souvent qu'à celle-là. Au stade terminal,

d'après M. Auguste Voisin, l'anesthésie est parfois, mais rare-

ment complète et durable. M. Grasset et M. Cullerre croient

que les troubles de la sensibilité sont à peu près constants

mais n'ont qu'une valeur secondaire. Ils acceptent une anes-

thésie cérébrale précédant les troubles moteurs, et ajoutent

qu'on constate parfois une hyperesthésie passagère, due sans

doute, d'après M. Cullerre, à une congestion de la moelle.

Pour MM. Christian etRitti,qui ontécrit l'article : «Paralysie

générale » du Dictionnaire encyclopédique des sciences médi-

cales, la sensibilité peut être lésée dans ses divers modes et de

diverses façons, mais ils estiment que toutes ces altérations

n'offrent rien de caractéristique. « Nous partageons entière-

ment ont-ils écrit, la manière de voir de Mindel qui ne croit

pas possible d'arriver à une formule générale et nous nous

demandons si les troubles de lasensibilité, lorsqu'ils apparais-

sent ne tiennent pas à des complications accidentelles, telles

que, par exemple, l'alcoolisme signalé par Lasègue. »

La sensibilité est-elle altérée et diminue-t-elle au sur et à

mesure des progrès et de la marche de la lésion du mouve-

ment, se demande M. Dagonet dans la nouvelle et récente

édition de son Traité des maladies mentales ? A cette ques-

tion il répond que ces troubles sont difficiles à constater et

que nous ne possédons sous ce rapport que des données insuf-

fisantes. Il se borne ensuite à rapporter l'opinion de Calmeil,

selon lequel les désordres de la sensibilité apparaîtraient les

derniers et ne se manifesteraient que lorsque l'intelligence et

les mouvements seraient déjà depuis longtemps lésés, et aussi

celle de Linas qui trouve digne de remarquer que dans cette

maladie, laquelle atteint si gravement les fonctions muscu-

laires, la sensibilité puisse demeurer intacte presque jus-

qu'aux derniers moments; cependantcet auteur reconnaît que

le plus souvent vers la fin de la deuxième période ou au début

de la troisième la sensibilité s'émousse peu à peu pour

s'éteindre presque complètement. M. Régis a constaté à la

380 PATHOLOGIE MENTALE.

période prodromique des anesthésies et des hyperesthésies

de la surface cutanée, mais la sensibilité tactile pour lui

s'émousse avec la maladie confirmée et devient nulle ou

presque nulle à la troisième période.

M. Gilbert Ballet et M. Paul Bloch, qui ont rédigé l'article

du Traité de médecine de Charcot et Bouchard, trouvent que

les troubles de la sensibilité générale sont tout à fait excep-

tionnels dans la periencéphalite, et ils se demandent même

si, dans les cas où ils ont été notés, ils ne dépendaient pas

plutôt de l'intervention et de l'association de l'hystérie et de

l'alcoolisme. Ils ne disent rien du tact en particulier.

Avec M. Huet, à qui on doit l'article du Manuel de médecine

de Debove et Achard, nous voyons que des anesthésies plus

ou moins durables ont été signalées à la période initiale. A la

période d'état, dit-il, la sensibilité aussi peut être troublée de

façons diverses ; tantôt il existe de l'hyperesthésie, tantôt de

l'anesthésie, mais il est difficile d'en prendre une notion

exacte en raisonde l'affaiblissement intellectuel des malades.

Enfin nous citerons encore, parmi les auteurs français les

plus récents, M. Magnan et M. Sérieux qui s'expriment ainsi :

« Les troubles de la sensibilité ne sont pas rares, mais leur

recherche est malaisée. On peut observer de l'hyperesthésie,

une anesthésie généralisée. Chez quelques-uns on constate un

retard dans la transmission des sensations, des erreurs dans

leur localisation. » '

On voit combien les assertions de nos meilleurs aliénistes

contemporains sont vagues, incertaines et même contradic-

toires. Il apparaît nettement que jusqu'ici on ne s'est pas

livré à des recherches systématiques et que personne ne s'est

imposé la tâche de rechercher méthodiquement les troubles

du sens tactile chez les mêmes paralysés généraux aux trois

périodes de la paralysie générale. Si nous nous adressons aux

auteurs étrangers, nous ne serons pas mieux renseignés.

Voici ce que nous apprennent Schule et de Krafft Ebing en

Allemagne, Mickle en Angleterre.

- « La sensibilité, lisons-nous dans le Traité des maladies

mentales de Schule, est toujours atteinte. Elle est peu trou-

blée au début ; aussi peut-on à cette période établir le

diagnostic différentiel avec l'alcoolisme chronique mais les

troubles de la sensibilité augmentent à mesure que la maladie

se développe. Quelquefois on voit apparaître de bonne heure

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 381

l'anesthésie; il n'est pas rare alors qu'elle devienne l'origine

d'illusions fantastiques qui accompagnent le délire ambitieux

(le corps est couvert de plumes, le malade est transformé en

ange). Dans les périodes avancées, la sensibilité est émous-

sée à un haut degré. »

De son côté de Kraff-Ebing résume ainsi ses constatations :

« A côté des troubles vaso-moteurs et moteurs les troubles de

la sensibiltié jouent un rôle insignifiant. Dans les stades avan-

cés de la maladie la sensibilité est diminuée ; cependant un

examen exact des fonctions est très difficile à cause de la

démence et du trouble de la conscience des malades. »

D71cl : le est de tous les auteurs celui qui s'est le plus appe-

santi sur les troubles du tact et si certaines de ses assertions

ne sont pas confirmées par nos recherches, il en est d'autres

qui le sont de tous points. Pour la période prodromique il se

borne à rappeler l'opinion du Dr de Crozant qu'il paraît

rejeter. A la première période il a observé de l'hyperesthésie

soit réelle, soit seulement-apparente, due aux vives préoccu-

pations mentales des sujets. A la seconde période il a souvent

vu la sensibilité cutanée diminuée ou abolie, mais l'hyperes-

thésie serait au contraire rare comparativement au stade

précédent. A la dernière période de la paralysie générale le

sens du tact est sujet à être grandement diminué ou aboli.

Sans doute, dit l'aliéniste anglais, la perception de légères

touches sur la surface cutanée des mains et spécialement des

pieds devient difficile à constater à cause de la démence,

mais par des examens comparatifs et une étude des condi-

tions dans lesquelles se trouvent les facultés perceptives des

patients, il peut-être nettement établi que la sensibilité cuta-

née est obscurcie dans beaucoup de cas, particulièrement

dans les périodes extrêmes.

D'après M. lliclcle. l'hyperesthésie, qui est quelquefois

observée aux périodes initiales, peut être l'origine d'idées

hypochondriaques et engendrer de l'excitation génitale avec

onanisme. Il pense que cette hyperesthésie peut être locale,

correspondant par exemple à la distribution de certains nerfs

craniens, ou être généralisée ou encore être unilatérale.

Ordinairement elle est de courte durée et parfois survient

durant les rémissions ; dans les périodes avancées elle peut

apparaître, après une attaque épileptiforme, dans le côté où

ont siégé les convulsions ; elle peut aussi survenir localement

382 PATHOLOGIE MENTALE.

ou être disséminée çà et là, indépendamment de toute

attaque spéciale. Mickle dit avoir observé des cas très nets

d'hyperesthésie localisée et entre autres, celui d'un para-

lytique qui avait la sensibilité de la plante des pieds hype-

resthésiée et du reste du pied normale.

Inutile, croyons-nous, de multiplier ces citations ; celles

que nous avons rapportées, puisées dans les écrits les plus

récents, suffiront à établir que tant en France qu'à l'étranger

le sens tactile n'a jamais été l'objet d'une étude patiemment

et régulièrement poursuivie sur un grand nombre de

malades du début à la terminaison de la maladie. Les troubles

du tact semblent avoir été observés de chic, qu'on nous

permette cette expression, tantôt sur un paralytique à telle

ou telle période, tantôt- sur un autre à telle ou telle autre

phase de la maladie. Les auteurs que nous avons cités et

dont les travaux sont les derniers publiés ne nous apportent

aucune masse de faits ; ils ne nous apprennent pas, avec

chiffres à l'appui, dans quelle proportion le tact est altéré

dans la paralysie générale et à chaque période en particulier;

quelle est la proportion des diverses altérations en plus ou

moins selon les phases de l'affection ; dans quelles formes

mentales ce sens est le plus modifié et dans lesquelles il l'est

le moins ; si toujours ou seulement dans certains cas ces

troubles impriment une direction particulière au délire ; quels

rapports existent entre ceux-ci, les désordres moteurs et les

sensations subjectives ressentis par les paralytiques dans la

'peau ; enfin, si les altérations du tact varient avec l'étiologie

de la maladie, tous détails intéressants que fournit seule la

méthode d'investigation que nous avons appliquée, l'étude

du sens tactile poursuivie chez les mêmes malades durant

tout le cours de la maladie.

Parmi les auteurs que nous avons cités plusieurs insistent

sur les difficultés de la constatation exacte du tact chez les

paralytiques par suite de leur état mental. Dans les phases

initiales, c'est la violente agitation et l'intensité du délire qui

empêchent de fixer leur attention et d'obtenir d'eux des

renseignements précis, dans les phases avancées l'affaiblisse-

ment intellectuel. Or, ici là part du malade est entière,

puisque le phénomène à vérifier est entièrement subjectif.

L'expérience m'a pourtant démontré que -1111cl;le a raison

d'avancer qu'il est possible d'arriver néanmoins à des résul-

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 383

tats assez positifs pour être enregistrés ; elle m'a surtout

démontré que le succès est obtenu en prenant les sujets de

bonne heure, quand ils sont encore à demi sensés et en les

suivant pas à pas, ainsi que nous avons procédé, car par là

ils contractent l'habitude de ces recherches qui, à la troi-

sième période, n'aboutiraient pour ainsi dire jamais si elles

étaient chose nouvelle. Et puis en suivant ainsi les sujets on

arrive à acquérir une connaissance approfondie de leur -

mode de réagir. Est-ce à dire que dans ces conditions on

n'échoue jamais ? Certes non et on verra plus loin dans

quelles proportions assez fortes nos résultats ont été néga-

tifs ; néanmoins on en réalise de positifs en nombre encore

assez considérable pour autoriser des conclusions.

Je suis d'accord avec M. Dheur, qui fut mon interne, et qui-

dans son intéressante thèse sur l'Etat de la sensibilité chez

quelques mélancoliques, conseille de donner la préférence

aux procédés les plus simples. Le manuel opératoire dont il

s'est servi est celui que nous avons également employé. Le

sujet ayant les yeux fermés on recherche s'il apprécie nette-

ment la forme, la surface extérieure des objets dont il se sert

chaque jour ; puis on explore directement la peau avec un

objet mousse ou avec les doigts en allant du contact léger à

une pression énergique, il est bon de commencer par des

excitations faibles qu'on augmente ensuite progressivement ;

enfin on emploie le compas de Weber pour terminer l'exa-

men. Inutile d'ajouter que nous avons présidé nous-mème à

toutes ces recherches ; il est indispensable, en effet, que ce

soit le même expérimentateur qui, à chaque constatation,

apprécie l'état de la sensibilité tactile. Et maintenant, lais-

sons parler les faits.

Nos recherches ont porté, avons-nous, dit sur 108

paralytiques chez lesquels nous avons recherché à de fré-

quentes reprises l'état du sens tactile depuis le jour de leur

entrée jusqu'à leur mort, malades qui lors de leur admission

étaient tous à la première période de la paralysie générale.

Mais de ces 108 paralytiques il n'en est que 42 qui aient par-

couru les trois phases de la maladie, les autres ayant

succombé au nombre de 30 à la deuxième période et de

32 à la première ; quant aux 4 restant par suite d'une évolu-

tion exceptionnellement lente de leur affection paralv ! ique,

ils sont restés à la phase initiale.

384 1 PATHOLOGIE MENTALE.

Quoi qu'il en soit, nos 108 paralytiques ont donné lieu

ensemble à 1.802 constatations sur lesquelles 546 n'ont

fourni aucun résultat ; c'est donc dans la proportion de

30 p. 100 qu'il nous a été impossible de vérifier le tact avec

assez de certitude pour le noter. Quant aux résultats des

z1.1.)56 constatations qui ont réussi, ils se répartissent ainsi

qu'il suit :

LE SENS TACTILE ET LA. PARALYSIE GÉNÉRALE. 385

cette loi, mais il s'est trouvé que ces deux malades étaient

manifestement des hystériques.

Voici maintenant comment se répartissent les diverses

espèces d'altérations par nous relevées par rapport au

nombre total de fois que nos constatations ont réussi et par

rapport au seul nombre des anormaux.

386 PATHOLOGIE MENTALE.

Ces chiffres montrent clairement que les affaiblissements

légers sont tout à fait exceptionnels et que quand le tact

s'affaiblit, c'est soit modérément, soit d'une façon marquée.

Ces résultats sont tout aussi nets si nous ne prenons que les

42 paralytiques qui ont parcouru les trois phases de la mala-

die. -

Nous obtenons en effet :

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 387

progrès de la maladie. De rares à la première période, une

fois moins rares à la seconde, les troubles du sens tactile se

notent dans plus de la moitié des constatations à la phase

extrême. Nous ajouterons que plus la maladie progresse,

plus les recherches deviennent difficiles, ainsi qu'il était à

prévoir ; c'est ainsi qu'à la première période 3 p. 100 seule-

ment de nos constatations furent infructueuses; à la seconde

période, rios échecs furent cinq fois plus fréquents, soit de

15 p. 100 ; enfin, à la troisième période nous avons échoué

dans plus de la moitié des cas, soit dans 57 p. 100.

Voici maintenant la nature des modifications d'après les

nériodes :

388 . PATHOLOGIE MENTALE.

de l'exagération et de l'affaiblissement aux diverses périodes.

Pour ce dernier nous avons :

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 389

tions à mesure que la paralysie générale progresse et leur

absence complète à la phase ultime.

Y aurait-il un rapport entre les troubles du sens tactile et

la variété mentale expansive, dépressive, mixte, démente

ou en rémission ? Le tableau suivant répond à cette question.

Nous avons pensé que l'état de calme et d'agitation du sujet

était susceptible peut-être d'être pris en considération et nous

avons subdivisé en conséquence chacune de ces quatre

variétés mentales en deux autres selon l'attitude paisible ou

surexcitée des paralytiques aux moments des recherches.

Quoi qu'il en soit, notre tableau met bien en évidence six

faits intéressants. En premier lieu l'état constamment normal

du tact durant les périodes de rémission ; en effet, 119 fois

nos paralytiques au moment de nos constatations étaient dans

cet état et pas une fois nous n'avons pu relever la moindre

altération de ce sens. Il y a à cet égard une différence com-

plète entre le tact et les réflexes, car nous avons vérifié dans

nos recherches sur ceux-ci, poursuivies également chez les

mêmes sujets durant les trois périodes de la maladie, cette

assertion de M. Briand que les altérations persistent souvent

même dans les rémissions en apparence les plus complètes,

témoignant ainsi que le malade n'est pas guéri mais seule-

ment amélioré. En second lieu, nous voyons par notre

tableau que le sens tactile est, d'une manière générale, beau-

coup plus souvent altéré dans les périodes d'agitation que

dans les phases de calme. En effet, 875 fois lors de nos cons-

tatations nos sujets se trouvaient dans ce dernier état et nous

avons relevé seulement 56 altérations, soit la proportion de

6,5 p. 100 tandis qu'avec les 399 constatations coïncidant

avec de l'agitation nous comptons 84 altérations, soit la pro-

portion de 21 p. 100. Le sens tactile a donc été trouvé trois

fois plus altéré quand les paralytiques étaient agités que

lorsqu'ils étaient calmes. Un troisième fait mis encore en

évidence par notre tableau qui étonne, c'est l'état constam-

ment normal du tact dans les formes purement dépressives

avec conceptions délirantes exclusivement hypochondriaques.

On s'attendrait ici à trouver un maximum d'altération du

tact chez des paralytiques qui prétendaient n'avoir plus de

tête, de ventre ni de membres ; il n'en est rien et comme

56 fois nos constatations ont coïncidé avec cet état, le chiffre

en est assez important pour établir ce fait. Mais il y a encore

RECHERCHES SUR LE SUICIDE EN GRANDE-BRETAGNE. 391

que dans la forme mixte, quand les conceptions délirantes

dépressives s'associent à d'autres conceptions délirantes

expansives, si le sujet est calme, le tact fut toujours trouvé

normal, 35 de nos constatations établissent ce second fait qui

confirme le précédent, c'est donc 91 fois que nous avons noté

le sens tactile normal avec du délire hypochondriaque. Une

quatrième particularité de notre tableau est celle de l'exagé-

ration et de l'abolition du tact, s'étant rencontrées seulement

dans les formes agitées, jamais dans les calmes. Il est assez

curieux de voir ces deux altérations diamétralement opposées

se montrer dans les mêmes conditions d'agitation. A priori

on aurait rattaché l'exagération aux phases d'excitation et

l'abolition aux phases de calme; cette fois encore les faits

démentent les vues de l'esprit. Puis notre tableau, en cin-

quième lieu, établit que de toutes les altérations l'affaiblis-

sement est le plus éclectique et se produit, que le sujet soit

paisible ou agité. Enfin, en sixième et dernier lieu il fournit

les proportions suivantes,- démontrant que c'est dans la

forme expansive que les troubles du sens tactile sont les plus

fréquents, ensuite dans la forme mixte agitée ; puis, serrant

celles-ci d'assez près, arrive, troisième, la forme démentielle

tandis que dans les formes purement dépressives ainsi que

dans les rémissions le tact est toujours normal. Voici d'ail-

leurs ces proportions :

'392 STATISTIQUE SOCIALE.

facultés, l'étude de la statistique a pris un grand développe-

ment. Son importance a fixé l'attention publique, et des

masses de documents ont été réunies parles services publics

et par l'Etat. Ce sont là les éléments fondamentaux qui font

la base documentaire^ de la science statistique, ils ont été

réunis, collationnés, comparés et étudiés par une légion de

travailleurs distingués. Les déductions tirées des éléments

multiples d'informations contenues dans notre Livre bleu

d'une part, dans les publications similaires des pays voisins

d'autre part, ont rendu un service incalculable à l'avance-

ment de la science ; tous ceux qui ont eu à s'occuper de

questions de statistique doivent reconnaître combien ils sont

redevables aux gens de mérite qui leur en ont fourni les

bases. Toutefois, il est juste d'ajouter que les tableaux statis-

tiques des divers ouvrages sont difficiles à mettre en paral-

lèle pour des pays ou des périodes différentes. Quelques

tableaupc seulement peuvent servir de base indiscutable de

comparaison, parce qu'ils correspondent à des faits pour

lesquels il n'y a pas de divergence possible dans l'interpréta-

tion, quelles que soient les différences d'administration, de

législation, de condition sociale, ou même d'opinion publique.

Tels sont les chiffres du recensement des populations dans

les différents pays, ou ceux des moyennes totales de décès.

Mais il y a d'autres points pour lesquels la valeur et la signi-

fication des nombres sont très profondément modifiées par

les conditions dans lesquelles ils ont été établis. Aussi ne les

doit-on accepter qu'après un examen critique très sérieux,

telles sont les données statistiques relatives au crime et à la

folie. Les statistiques du suicide appartiennent aussi à cette

même classe. Aussi me semble-t-il qu'en présence de telles

statistiques, il importe de procéder à une analyse critique de

détails, ainsi qu'à des comparaisons entre chiffres de diffé-

.rents pays, ou pour un même pays entre chiffres d'époques

différentes. Ce n'est qu'après cet examen critique qu'il est

,possible de déduire des conclusions et d'apprécier la significa-

tion exacte de la valeur de ces données ainsi qne la mesure

dans laquelle on en peut établir les comparaisons. C'est à ce

point de vue que j'ai pensé intéressant de tirer des déduc-

tions des éléments statistiques que j'avais entre les mains,

documents officiels du service général, centralisés par le ser-

vice général d'Angleterre, du pays de Galles et d'Ecosse. Je

RECHERCHES SUR LE SUICIDE EN GRANDE-BRETAGNE. 393

me suis placé au point de vue de l'examen de la progression

si souvent invoquée du nombre des suicides. Je présenterai

tout d'abord le tableau suivant, qui au premier abord

semble réellement démontrer d'une façon péremptoire cet

accroissement progressif.

Le tableau suivant donne, calculée d'après les documents

du service central, la moyenne des suicides annuels, par mil-

lion d'habitants, pour les trente années de 1865 à 1894

inclus. Les moyennes sont calculées de cinq ans en cinq ans.

Nombre de suicides pour 30 années (1865-1894).

394 STATISTIQUE SOCIALE.

des tableaux reposent sur une base instable à ce point de

vue. Le classement statistique d'un décès attribué ou non au

suicide, peut être influencé par différentes causes.

Une circonstance très importante et qui peut avoir beau-

coup d'influence est la répugnance naturelle qu'éprouvent

les familles et les amis à attribuer la mort à un suicide, répu-

gnance qui, dans beaucoup de cas, pousse même à écarter

cette hypothèse, alors que sa légitimité n'était pas douteuse.

Comme exemple de ce genre de cas, où il est impossible

d'affirmer d'une façon certaine la mort par suicide, on peut

citer certains morts par submersion, où l'état du corps est

identique dans l'hypothèse du suicide, d'un accident ou même

d'un homicide. De tels exemples sont connus de tous, et pour

ma part j'en pourrais signaler plusieurs. Je sais des décès

par poison ou gorges coupées, enregistrés comme syncopes ou

pneumonies. La nature suicide de ces cas est restée cachée.

Nous n'avons pas à approfondir et à rechercher ici les

causes de ces erreurs qui peuvent être 'dues à des influences

de famille et à des négligences de l'administration qui

recueille les déclarations, ou même de l'autorité judiciaire.

Mais il est nécessaire de tenir compte qu'il peut y avoir une

plus grande chance d'erreurs ou de méprises, et par suite de

statistiques erronées selon les localités et les époques. Il n'y

a pas de doute que dans beaucoup de pays le préjugé que

le suicide comporte nécessairement le déshonneur abeaucoup

perdu de sa force, depuis qu'on le considère dans la majorité

des cas, tout au moins comme le résultat d'une aberration

mentale, et il est assez raisonnable d'admettre que les efforts

faits pour en ignorer les cas ou les tenir cachés sont con-

jointement diminués. Il serait trop long de discuter à fond

sur ces considérations, mais il est certain qu'on doit en tenir

compte lorsqu'on examine les statistiques.

Le tableau suivant montre que les proportions sont consi-

dérablement plus élevées en Angleterre et dans le pays de

Galles qu'en Ecosse pendant les trente dernières années.

C'est là un fait intéressant, mais je ne puis m'en occuper

aujourd'hui puisqu'il ne porte pas directement sur l'augmen-

tation des suicides.

J'attirerai maintenant l'attention du lecteur sur le tableau

ci-après, qui donne les procédés de mort adoptés par les

suicidés.

RECHERCHES SUR LE SUICIDE EN GRANDE-BRETAGNE. 395

Procédés de suicide.

396 STATISTIQUE SOCIALE.

daison des tableaux qui méritent toute confiance. J'ai noté les

décès enregistrés sous la rubrique : « suicide par pendaison» *

en Angleterre et en Ecosse pendant les trente dernières

années (1865-1894), et calculé séparément les moyennes

annuelles : 1° pour chacune des deux périodes de quinze

années ( 1865=I 8 ï J et l S80-1894) ; 2" pour chacune des six

périodes quinquennales comprises dans les mêmes trente

années. Le tableau ci-joint indique les résultats obtenus.

Suicides par pendaison pendant une période de 30 années

( 18G3=189 ! r).

RECHERCHES SUR LE SUICIDE EN GRANDE-BRETAGNE. 397

Les proportions de suicide par pendaison montrent comme

toutes les proportions de suicide d'ailleurs, un total considé-

rablement plus élevé en Angleterre qu'en Ecosse, mais

comme je l'ai déjà exposé, ce fait n'intéresse pas directement

la question de l'augmentation dont nous nous occupons. Il

ressortit à cette question toutefois d'ajouter que quoique les

statistiques des diverses régions d'Ecosse (que j'ai examinées

plus complètement que celles d'Angleterre) accusent des

différences considérables dans les proportions de différentes

localités. Ces proportions qu'elles soient élevées ou qu'elles

soient faibles semblent rester stationnaires de période à

période.,Je ne puis indiquer ces proportions que pour les

années de 1877 à 189 ! r, car les registres écossais n'indiquent

pas les chiffres pour les comtés séparément avant cette

époque.

Je prends toutefois les deux périodes de neuf années cha-

cune, 1877 à 1885 et 1886 à '189/)" et calculant les moyennes

par millions d'habitants pour le suicide par pendaison, je

trouve que les comtés de Forfar et de Kincardine qui ont

les moyennes les plus élevées, montrent exactement le même

chiffre (26 par million pour chaque période de neuf années).

Je constate également que le groupe de sept comtés qui cons-

tituent le district S.-0, de l'Ecosse offre une proportion pour la

première période de neuf années de 14 par million, et pour la

seconde période de 13 par million. Cela nous démontre que

le suicide par pendaison reste sans changement appréciable,

soit dans les localités où les proportions en sont élevées, soit

dans celles où elles sont faibles.

SUICIDE par armes FEU ou par mimes blanches

(Instruments tranchants ou piquants.)

J'étudierai maintenant les chiffres de suicide par armes à

feu et par armes blanches, pensant avoir réussi à démontrer

que non seulement le suicide par pendaison n'accuse aucune

tendance à augmenter, mais qu'il montre au contraire une

fixité de proportions presque surprenante. Les statistiques

de suicide par armes à feu et armes blanches peuvent être

examinées ensemble. Nous avons dit qu'à l'égard des morts

par pendaison il arrivait très rarement qu'elles fussent igno-

rées ou méconnnes et alors enregistrées comme « acciden-

398 STATISTIQUE SOCIALE

telles » . Les morts par les armes à feu sont dans un cas dif-

férent.

Il est également rare qu'on les ignore, mais il est possible

et même prcbable qu'elles ne sont pas toujours considérées

ni enregistrées comme suicide lorsque telle est leur cause.

Les chiffres véridiques dans ce cas ne sont donc pas le nombre

des morts enregistrées comme suicide mais le nombre total

des décès par armes à feu ou par armes blanches qu'ils soient

attribués ou non au suicide..

Nous trouvons heureusement toutes ces morts indiquées

dans les rapports administratifs, soit parmi les suicides, soit

parmi les morts par accident ou par négligence. On ne doit

pas manquer de faire observer ici qu'à l'égard des morts

accidentelles par armes à feu ou blanches et aussi par rap-

port aux morts accidentelles par empoisonnement où par

noyade, aucune d'elles ne figure dans la classe d'accidents,

que ceux d'accidents de chemin de fer, d'industrie ou de

mines, ces accidents peuvent être et ont en effet été diminués

de fréquence par une administration plus vigilante et par

des soins constants pour assurer la sécurité générale. Si les

mêmejs influences étaient intervenues, quelques-uns des argu-

ments qui vont suivre perdraient beaucoup.de leur force.

Dans le tableau suivant, je donnerai les proportions de sui-

cide et d'accidents par armes à feu et armes blanches pour

les deux périodes de quinze années allant de 1865 à 1894.

Morts par armes à feu ou armes blanches pendant

30 années (1865 à 1894). t

RECHERCHES SUR LE SUICIDE EN GRANDE-BRETAGNE. 399

très discutable si elles sont dues à des accidents ou à des sui-

cides. Les chiffres de ces colonnes peuvent par conséquent

être considérés comme absolument exacts et ils apportent un

autre exemple de fixité remarquable pour les proportions

dans chaque contrée pendant les deux périodes successives.

Les proportions sont à peu près les mêmes pour chaque

même période autant qu'elles peuvent l'être sans être abso-

lument identiques.

Dans les autres colonnes intitulées « Suicide » et « Acci-

dent » nous devons compter avec les chiffres des registres,

chiffres influencés peut-être par des interprétations erronées,

bien que faites de bonne foi, ou avec des opinions préconçues.

Nous y trouvons dans les chiffres se rapportant aux deux

pays que la proportion des suicides a augmenté dans la

seconde période et que cette augmentation est balancée par

une diminution correspondante dans la colonne des acci-

dents. Je laisse le lecteur juge des conclusions qui découlent

de ces chiffres. Cette augmentation des suicides est-elle due

à l'enregistrement de morts sous la rubrique « Suicides »,

qui dans l'autre période auraient été considérées comme

accidentelles ? A mon avis cette hypothèse est la plus raison-

nable. Il nous reste à étudier les suicides par poison et par

noyade. Je les ai tenus séparés des autres cas, parce qu'il

était présumable que les statistiques s'y rapportant présen-

teraient encore un caractère plus irrégulier que les autres.

C'est un fait aussi que les morts par immersion sont très

irrégulières comme quantité, si on les étudie année par

année, irrégularités dues surtout aux influences climatéri-

ques et aux eésastres de toutes sortes qu'elles amènent sur

nos côtes. Mais le tableau ci-après montrera que si les morts

par empoisonnement ou immersion sont totalisées pour une

certaine longue période de temps, l'irrégularité des chiffres

deviendra plus apparente que réelle.

Il serait intéressant, si le temps le permettait d'examiner

séparément les statistiques de poison et de noyade. Je

me bornerai à faire remarquer que les chiffres de cette

table concordent dans leurs résultats généraux avec les

chiffres des morts par armes à feu ou armes blanches. La

proportion des suicides s'élève à la fois en Angleterre et en,

Ecosse, et les morts imputables aux accidents diminuent en

Angleterre, l'augmentation des suicides est faible et plus que

400 STATISTIQUE SOCIALE.

contre-balancée par la diminution des accidents. L'exactitude e

de la balance pour l'Ecosse est remarquable, mais quoiqu'elle

semble corroborer l'hypothèse précédente, il paraît permis

de la considérer comme plus curieuse que concluante.

Morts par poison ou par noyade.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 401

J'ai plus de disposition à me ranger à l'avis exprimé par

Henry Thomas Buckle qui qualifie la statistique de « branche

de la science, qui bien qu'encore dans son enfance, a déjà

répandu plus de clarté sur l'étude de la nature humaine que

toutes les sciences réunies ». Dr J. SIBBALD.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXXXVI. Troubles 'gastriques DE nature hystérique. - Clinique du

Professeur DE RENZ) ; par le Dr ScoTT assistant. (La Nuova Rivisla

clinico-lérapel<Licca, n° 6, 1898.)

Femme de cinquante ans, ayant eu 5 enfants et un avortement ;

menstruation normale. A eu pendant huit ans de violentes

coliques utérines, disparues à la suite d'une intervention chirurpi-

cale. Il y a six ou sept ans : typhus abdominal, suivi d'embarras

gastrique, avec vomissements de liquide blanchâtre. Depuis cette

époque troubles gastriques fréquents caractérisés par une douleur

survenant environ deux heures après le repas. Cette douleur,

après une période de rémission, est devenue plus violenle que

jamais. A l'examen : douleur vive à l'inspiration, sensation de

constriction et de boule à la gorge, hémianesthésie droite. Région

stomacale normale. Petite tumeur de la rate. Examen complet

du liquide gastrique ; abondance d'albumine, absence complète

d'acide clilorydrique libre. Diagnostic : hystérisme, avec atonie

gastrique et tumeur spléniqne infectieuse. Traitement : bromy-

draLc de quinine, cannabis indica et valériane en pilules ; solution

d'acide chlorydrique à 1 / 100 ; applications électrofaradiques sur

la région épigastrique. Au bout d'un mois, [amélioration progres-

sive de tous les symptômes, disparition des troubles gastriques;

la malade reprend ses occupations. - H. C.

LÀIaVIt. SCLÉRODERSIIE LARDACÉE EN COUP DE SABRE DE LA RÉGION FRON-

TALE. Crises épileptiformes concomitantes; par L. Spillmann.

(nous. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 3, 1898.) .) ,

Observation d'un cas de sclérodermie en coup de sabre, remar- '-

quable par son siège, sa configuration spéciale et des complica-

tions nerveuses non encore signalées. Homme de trente : deux ans,

antécédents héréditaires inconnus, débilité mentale. Marié vingt-

Archives, 2e série, t. VI. 26

402 . REVUE DE. PATHOLOGIE NERVEUSE.

sept'ans, deux enfants bien portants. Aucun soupçon, ni trace de

syphilis, ni d'alcoolisme. En mai 1897, apparition d'une raie au

milieu du front;, en même temps violentes douleurs névralgiques.

Deux mois après, apparition d'une nouvelle raie blanche, parallèle

à la première. En octobre 1897, première crise épileptiforme

suivie d'nne deuxième crise huit jours après. Céphalée post-paroxys-

tique intense. - Les deux lignes sclérodermiques, d'aspect nacré,

avec dépression osseuse correspondante, partent de la racine du

nez et s'étendent jusque vers la suture fronto-pariétale, sur une

largeur de 1 à 2 centimètres, en suivant à peu près exactement le

trajet des nerfs frontal interne et frontal externe; ni douleur, ni

anesthésie. En novembre 1897, nouvelle crise 'convulsive avec,

depuis cette époque, affaiblissement intellectuel progressif. La

topographie de la lésion et la concomitance de manifestations

convulsives indiquent assez clairement l'origine nerveuse et don-

nent raison à l'opinion du D1' Raymond qui, dans la genèse de cette

curieuse dystrophie, attribue la prédominance au système nerveux.

L'auteur pense que, dans ce cas spécial, il y aurait lieu d'admettre

une lésion périostique de la paroi interne du crâne, ayant produit

une compression ou une irritation de la zone rolandique. R. C.

LXXXVI11. Note sur la paralysie du facial SUPÉRIEUR dans L'JIÉ511-

. PLEG)E par lésion cérébrale ; par Ch. FÉRÉ. (nous. IC0720Cf1'. de

la Salpétrière, n° 3, 1898.)

L'existence de la paralysie faciale dans l'hémiplégie hystérique

est depuis longtemps contestée. Ce qui est assurément très rare

chez les hémiplégiques, c'est la persistance des signes ordinaires

de la paralysie du facial supérieur, dont l'auteur donne une obser-

vation complète. Il s'agit d'une femme de trente-six ans, ayant eu

des convulsions dans l'enfance, suivies d'hémiplégie transitoire avec

parésie faciale persistante du même côté. Pas d'autres troubles pbysi-

'ques ou psychiques. Depuis deux ans, à la suite de chagrins, éblouis-

sements, secousses dans le bras, battements des paupières du côté

hémiplégié, avec sensations de suffocation et sueurs profuses. Per-

sistance de la parésie faciale ; l'oeil reste constamment ent'rouvert.

Cette observation est intéressante par le réveil, après trente ans,

de troubles fonctionnels résultant d'une lésion de l'enfance, et

aussi par la persistance de la parésie faciale, particulièrement de

l'orbiculaire, qui passe pour être toujours indemne dans les hémi-

plégies anciennes. Traitement bromure à doses croissantes : amé-

lioration progressive. " R. C.

LXXX1X. UN cas DE maladie DE FRIEDRE1CH .1 début tardif : autopsie;

par L. BONNUS. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 3, 1898.)

1 L'époque de l'apparition des premiers phénomènes de la mala-

; , '>.31 . ? -

.REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 405

die de Friedreich est sujette à de grandes variations; cependant

les cas ayant débuté après l'âge de vingt ans peuvent être consi-

dérés comme très rares. Celui-ci, dont les débuts ne se sont mani-

festés qu'à l'âge de vingt-cinq ans, diagnostiqué par Charcot et

vérifié par l'autopsie, treize ans plus tard, est en outre intéres-

sant, par l'existence de douleurs fulgurantes généralement consi-

dérées comme propres au tabès, par l'altération très grande des

nerfs périphériques, regardée comme exceptionnelle, et surtout

par l'absence de toute lésion macroscopique et microscopique du

cervelet. Cette dernière particularité semblerait bien infirmer

l'hypothèse de Hammond Sénator qui attribue la maladie de F...,

à l'atrophie primitive du cervelet et vient à l'appui de l'opinion

qui place cette alfection sous la dépendance d'une sclérose systé-

matisée combinée de la moelle. L'auteur pense qu'il y a des degrés

dans la débilité congénitale des systèmes médullaires atteints,

d'où l'apparition plus ou moins tardive des débuts de l'affection.

R. C.

XC. De l'origine congénitale DE certaines syringomyélies ;

par le ri. H. DuFouR.

En juillet 1897, M. Dufour a inséré dans le Bulletin de la Société

anatomique l'histoire d'une petite fille de cinq ans, opérée d'un

spina bifida 'lombo-sacré et ayant succombé peu de temps après

l'intervention avec des symptômes d'infection.

L'extrémité inférieure de la moelle de cette malade portait un

renflement conique formant tumeur, tumeur constituée par un

tissu mixte : fibro-myo-lipôme. L'auteur revient, dans le présent

travail, sur l'étude macroscopique et microscopique de la moelle.

Il existe, depuis la région bulbaire jusqu'à la région sacrée infé-

rieure, une tumeur périépendidymaire formée de fibrilles très fines

au milieu desquelles on trouve de nombreuses cellules. Cette

tumeur prend mat les réactifs colorants, ne se laisse pas colorer

par la méthode de Pal et renferme des vaisseaux sans paroi

propre. Sa situation, ses caractères font admettre qu'il s'agit d'une

formation gliomateuse.

Le canal central dilaté au niveau du bulbe des régions cervicale

et lombaire envoie des diverticuies dans la substance grise. La

conclusion qui s'impose, c'est qu'il s'agissait chez cette enfant

d'une syringomyélie avec gliome.

Sans tirer de la coïncidence des deux modalités pathologiques,

spina-bifida et tumeur congénitale de la moelle, d'une part.

g11ôme et syringomyélie de l'autre, la conclusion.de l'unité patholo-

gique des deux allections, il est permis de les considérer comme

des lésions évoluant à la même époque, c'est-à-dire avant la nais-

sance, in utero, et pouvant être dites congénitales.. , i

404 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Cette origine utérine doit dominer l'étiologie d'un grand nombre

de syringomyélies dont nous ne soupçonnons pas encore la cause.

Peut-être pourrait-on, en autopsiant systématiquement la moelle

d'enfants morts d'affections quelconques, trouver les traces médul-

laires d'une syringomyélie qui ne se serait pas encore révelée

cliniquement. (Revue neurologique, février 1898). E. B.

XCI. UN cas DE CHORÉE ÉLECTRIQUE ; par le Dr 130NaRDI.

En raison de la rareté de cette affection, l'auteur publie un cas

de chorée électrique ou maladie de Dubini, avec autopsie et recher-

ches bactériologiques.

Il s'agit d'une hystérique de vingt ans dont tout le corps, de la

tête aux pieds, était agité par des mouvements en apparence dé-

sordonnés, mais qui, étudiés séparément, présentaient un rythme

bien défini plus ou moins régulier.

Les oscillations étaient de 15 à 20 par minute : mouvements de

latéralité de la tête, attitude du baiser aux lèvres, mouvements de

flexion et d'extension des bras et des jambes. Le rythme et la rapi-

dité des contractions rappelaient ceux déterminés par un courant

électrique à interruptions rares'. '

La malade présenta de la fièvre dès son entrée à l'hôpital, puis

l'état devint infectieux et la mort survint dans le coma : la tempé-

rature monta à 4 ? 5 après la mort.

L'autopsie, pratiquée avec soin, ne fournit aucun renseignement

intéressant et l'examen bactériologique du sang, de la pulpe splé-

nique et de la substance cérébrale resta négatif. (Revue neurolo-

gique, mai 1898.) E. B.

ACII. Lésions DES CELLULES DE la moelle dans UN cas DE maladie

DE Parkinson ; par les Drs Ballet et FAURE.

On ignore encore le siège et la nature des lésions qui déter-

minent la maladie de Parkinson. Les auteurs ont trouvé dans les

cellules des cornes antérieures de la moelle d'un malade atteint de

cette affection un nombre considérable de ruptures des prolonge-

ments protoplasmiques.

Il est vrai que les ruptures de prolongements cellulaires consti-

tuent une altération assez banale qu'on rencontre dans les myé-

lites aiguës, les anémies expérimentales, et qui peut même résulter

de simples manipulations ; mais elles n'en révèlent pas moins

quand elles sont nombreuses, sur une moelle d'ailleurs durcie et

coupée avec soin, une fragilité anormale du protoplasma des

cellules.

Faut-il considérer la fragilité du spongioplasma que ces rup-

tures impliquent comme un phénomène accidentel et contingent

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 405

sans relation directe avec le syndrome de Parkinson ? La réponse

est à l'heure actuelle impossible. Des examens ultérieurs précise-

ront sans doute la signification, la valeur de la lésion, et montre-

ront si, comme Gowers l'avançait récemment, il ne faut pas cher-

cher dans une lésion fonctionnelle des prolongements protoplas-

miques des cellules nerveuses, l'explication de la raideur et de

l'exagération du tonus musculaire qu'on observe dans la maladie

de Parkinson. (Revue neurologique, février 1898.) E. B.

XCIIL LE SIGNE DE CH. BELL dans la paralysie faciale périphérique ;

par le Dr P. BONNIER.

M. Bernhardt donne avec raison le nom de Ch. Bell, qui l'a le

premier signalé en 1823, au phénomène suivant : dans le cas de

paralysie faciale périphérique, quand le sujet fait vainement effort

pour fermer la paupière du côté paralysé, on remarque que le

globe de l'oeil se tourne en haut et en dehors.

L'auteur a déjà cité huit cas dans lesquels ce trouble était nette-

ment associé à des phénomènes d'origine labyrinthique et proposait

la théorie suivante : quand le, globe n'est pas'fixé par l'acte du

regard volontaire, il a naturellement tendance à remonter en

haut et en dehors, c'est son attitude de repos; c'est la position nor-

male, physiologique et anatomique, d'où le regard seul le fait

physiologiquement dévier ; quand le regard cesse, soit que la

volonté de regarder s'éteigne avec le sommeil, la syncope, la fai-

blesse même, soit que le sujet s'efforce d'abaisser la paupière, l'oeil

reprend sa position normale. Il la reprend tranquillement s'il n'y a

pas irritation des centres oculo-moteurs, mais son mouvement

peut être spasmodique si les centres de l'oculo-motricité sont en

quelque sorte exaltés : or, c'est presque toujours le cas lorsqu'il y

a irritation labyrinthique, et celle-éi accompagne très fréquem-

ment la paralysie faciale.

M. Bernhardt a critiqué la théorie de l'auteur, semblant croire

que ce dernier attribuait exclusivement à l'irritation labyrinthique

les troubles oculo-moteurs observés. Or, M. Bonnier, en parlant de

huit cas auxquels l'application de sa théorie semblait. légitime,

a simplement indiqué que dans la plupart des cas l'irritation laby-

rinthique exagérait ou troublait l'élévation normale du globe au

moment de la cessation du regard, sans laisser aucunement sup-

poser que la lésion auriculaire soit la cause unique et détermi-

nante d'un phénomène qu'il définissait d'ailleurs comme normal

dans sa nature. (Revue neurologique, avril 1898.) E. B.

XCIV. DOUBLE syndrome DE BRO\VN-SÉQUARD dans LE mal DE POTT ;

par le D' P. LONDE.

Si, dans une paraplégie motrice bilatérale, on constate des trou-

406 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

bles de la sensibilité également bilatéraux, imputables à la lésion

médullaire, il s'agit certainement d'un double syndrome de Brown-

Séquard. Peu importe d'ailleurs la nature de la lésion : ce qui

détermine le symptôme, c'est sa localisation. Il s'ensuit que la

double hémianesthésie croisée est en réalité très fréquente ; il suf-

fit de la rechercher. L'observation relatée par l'auteur en est un

exemple au cours du mal de Pott ; quoique incomplet, le double

syndrome est indéniable, étant donnée la disposition du schéma

joint à l'observation. (Revue neurologique, juin 1898.) E. B.

LA paraplégie flaccide par compression ; par le Dr BRISS.aUD.

La paraplégie de la myélite transverse est-elle quelquefois flac-

cide ? la chose n'est pas douteuse. Mais comment interpréter les

faits où elle se présente sous cette dernière forme ?

D'après Adarnkiévicz, c'est le liquide céphalo-rachidien qui,

dans les tumeurs intra-rachidiennes, serait la cause des phéno-

mènes paralytiques ; l'auteur préfère s'en tenir à l'action compres-

sive de l'cedème.

Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse du liquide céphalo-rachidien ou

du liquide d'une infiltration oedémateuse, l'action compressive est

toujours exercée par un liquide, et si elle suffit pour interrompre

la conductibilité dans les cordons latéraux, elle ne suffit pas pour

entraîner la dégénérescence de ces cordons ou la désintégration de

la substance grise ; voilà pourquoi ladite compression ne produit

qu'une paralysie flaccide. Mais il ne faudrait pas qu'elle se pro-

longeât trop longtemps, sous peine d'entraîner la dégénérescence

descendante et, partant, la contracture paraplégique.

Dans le cas où l'agent compressif, liquide ou solide, détermine la

dégénération latérale descendante pyramidale, la contracture

apparait. Te ! le est du moins la règle générale. Mais cette règle

n'est admissible qu'à la condition que les nerfs moteurs ou les

muscles ne soient pas eux-mêmes frappés de dégénérescence. Il

est évident que là où il n'y a plus de cellules motrices, ou de

racines antérieures, ou de fibres nerveuses capables de manifester

par le spasme la dégénération secondaire, il ne peuty avoirdecon-

tracture ni même de contraction. A plus forte raison la para-

lysie est-elle flaccide lorsque la fibre striée est profondément

altérée. (Revue neurologique, juin 1898.) E. B.

XCVI. SUR un cas D'ABCÈS DU lobe temporal gauche;

par les Drs P. Marie et SANTON.

Il s'agit d'un homme de quarante-sept ans qui, au commence-

ment du second semestre de 1897, présenta les premiers symptômes

d'un abcès d'origine otitique et mourut en novembre.

REVUE DE PATHOLOGIE, NERVEUSE; 407

. Les commémoratifs d'une collection purulente dans la région

mastoïdienne gauche, l'analyse des troubles de la parole, de la

mimique, de l'ecriture, de l'audition des mots, de l'état intellec-

tuel, l'absence de troubles moteurs permirent dès l'arrivée du ma-

lade, de porter le diagnostic d'abcès cérébral dans le lobe temporal

gauche. '

Une intervention fut faite sans résultat. A l'autopsie on trouva

dans le lobe temporal gauche un abcès encapsulé, du volume d'un

petit oeuf, autour de l'enveloppe duquel s'était produite une encé-

phalite étendue qui amena la mort du malade, plutôt que l'abcès

proprement dit.

A propos de l'intervention, l'auteur constate qu'un temps pré-

cieux a été perdu qui a permis à l'abcès de déterminer une encé-

phalite de voisinage : l'opération chirurgicale devait être demandée

aussitôt le diagnostic posé, et il l'avait été le jour même de l'entrée

du malade. De plus, pendant l'opération le médecin dans la certi-

tude absolue où il était de l'existence et du siège de la lésion,

aurait dû insister pour que le chirurgien ouvrit au bistouri le lobe

temporal, les ponctions avec des trocarts étant en pareil cas mani-

festement insuffisantes. Cette observation est un nouvel exemple

de la nécessité d'opérer de bonne heure et d'ouvrir largement les

abcès du cerveau. (Revue neurologique, avril 1898.) E. B.

XCVII. Tic ou SPASME DE la face; par les Drs FEINDEL et Meige.

Rien n'est plus malaisé que de distinguer, de prime abord, un

tic d'un spasme, tant les apparences extérieures offrent en elles

d'analogie ; et cependant rien n'est plus nécessaire que d'établir

cette différenciation, car le pronostic ainsi que le traitement sont,

dans l'une et dans l'autre affection, diamétralement opposés.

Malgré les difficultés du diagnostic entre le tic et le spasme de

la face, la question n'est cependant pas insoluble, si l'on prend

soin, en l'abordant, de s'appuyer sur les caractères différentiels

établis par Brissaud.

L'observation relatée par les auteurs peut servir d'exemple à cet

égard :

Un homme de trente-sept ans, à état mental bizarre, surmené

peut être intellectuellement, est atteint à l'âge de vingt-quatre ans

de paralysie faciale gauche totale.

Huit jours après débutent des accès de céphalalgie fronto-tem-

porale, bilatérale, accompagnés de nausées, de vomissements, de

troubles de la vue. Ces accès se reproduisent à intervalles inégaux,

durant quatre années, puis disparaissent. Cependant la paralysie

faciale persiste encore, avec quelque tendance à s'amender.

Récemment, nouveau symptôme : tout d'un coup, au milieu de

la nuit, cet homme est réveillé par des contractions spasmodiques

408 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de la moitié gauche du visage. Depuis lors, ce phénomène se

reproduit d'une manière incessante, avec les mêmes caractères de

brusquerie, d'incoordination et d'invincibilité. Sa persistance crée

une infirmité véritable; mais il n'est pas douloureux.

Si l'on étudie de plus près les mouvements du visage, on voit que

sur un fond de contraction qui semble permanente, viennent se

dessiner de brèves secousses partielles, portant, tantôt sur un mus-

cle, tantôt sur un autre; elles n'atteignent souvent qu'une moitié

de celui-ci, qu'un faisceau de celui-là, pour gagner aussitôt les

fibres d'un troisième. Aucune régularité, aucune loi dans la marche

de ce processus à l'allure désordonnée, qui semble n'être régi ni par

le lieu ni par le temps. C'est un morcellement de saccades frappant

à tort et à travers toute une moitié de la musculature du visage.

En tenant compte de l'état psychique du malade qui témoigne

d'une réelle déséquilibration et qui doit, de l'avis de Brissaud servir

de base au diagnostic, ce malade pourrait être rangé parmi les

tiqueurs.

Toutefois, l'analyse des mouvements, le début de l'affection, et

enfin le fait que les accidents, qui offrent tous les caractères objec-

tifs des contractions spasmodiques franches, ont apparu sur un

territoire antérieurement frappé de paralysie, permettent de se

ranger au diagnostic du spasme.

Mais il s'agit d'un spasme chez un malade prédisposé aux tics :

aussi si ce malade a la bonne fortune de guérir de son spasme,

restera-t-il exposé à en conserver la fâcheuse accoutumance et à

tiquer un jour comme il est aujourd'hui spasmodique.

Ce jour-là cependant un changement capital surviendrait dans son

état : une sévère discipline imposée à sa volonté pourrait l'amé-

liorer, si'non le guérir. (Revue neurologique, mars 1898.) E. B.

XCVIII. A PROPOS DE la contracture pOST-nÉMIPLÉGIQUE;

par le Dr Van Gehuchten.

Réponse aux objections posées dans un récent travail de

' M. Gerest, à la théorie de l'auteur relative à l'exagération des

réflexes et à la contracture chez le spasmodique et chez l'hémiplé-

gique. M. Van Gehuchten montre, comme il l'avait déjà fait pour

les objections de MM. Mya et Levi, que ces dernières objections

ne sont pas de nature à démontrer que sa théorie est en désac-

cord avec les faits cliniques, anatomiques ou anatomo-palliolo-

giques. (Revue neurologique, janvier 1898.) E. B.

XCIX. ExiSTE-T-lL UNE ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE

Aran-Duchenne; par le Dr P. Marie.

De l'atrophie musculaire progressive de Duchenne, constituée

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ' 409

par la réunion d'un certain nombre de cas en un groupe com-

pact, Charcot commença par soustraire toute une catégorie de cas

appartenant nettement à une entité morbide spéciale : la sclérose

latérale amyotrophiquer

Depuis lors, ce travail de désagrégation n'a pas cessé et l'on

voit peu à peu la myopathie progressive primitive être éliminée

de l'atrophie musculaire progressive, puis ce seront les polyné-

vrites et enfin la syringomyélie. De l'aveu même de Duchenne

dans une description de la syringomyélie avant la lettre, cette

dernière affection constituait environ un tiers des cas de s'en

atrophie musculaire progressive. De même presque tous les cas

que Duchenne range dans sa catégorie B (dernière édition,

p. 4lui9) doivent être rattachés à la myopathie progressive pri-

mitive.

- A la suite de ces éliminations successives, il devient évident que

Duchenne, de Boulogne, a décrit purement et simplement un

symptôme ; l'amyotrophie progressive, et non pas, comme il le

pensait, et comme on le croit trop généralement encore, une

maladie : l'atrophie musculaire progressive de l'adulte. Et l'auteur

conclut, d'une façon catégorique, que, dans l'état actuel de la

science, il n'y a pas d'atrophie musculaire progressive de

Duchenne, de Boulogne. (Revue neurologique, décembre 1897.)

E. B.

C. Un cas de paramyoclonus multiplex associé A l'épilepsie;

par les Drs S. G.1RIER et S.1N'rENOISE.

Il s'agit d'un débile à hérédité nerveuse chargée, chez qui sur-

vinrent, iL la suite d'une blessure grave à la jambe et d'une

frayeur intense à la suite de cet accident, des secousses muscu-

laires, et quelques mois après des crises d'épilepsie. Les secousses

surviennent par accès périodiques, mais sans régularité et sans

relation apparente avec les conditions extérieures. L'accès d'agi-

tation convulsive survient brusquement, d'habitude pendant la

seconde partie de la nuit, ce qui réveille le malade. Les secousses

n'acquièrent pas d'abord toute leur intensité, qui va en augmen-

tant, puis en diminuant, jusqu'au retour de la période de calme.

Les mouvements cloniques sont d'abord limités aux muscles des

membres, puis ils envahissent ceux du cou et du tronc, les masse-

ters, et enfin parfois l'orbiculaire des paupières à l'exclusion des

autres muscles de la face. Les groupes musculaires qui réagissent

d'ordinaire synergiquement sont habituellement convulsés symé-

triquement et à la fois; il en résulte des mouvements d'ensemble

de tous ces muscles.

Les mouvements ne sont pas rythmiques. La volonté a une cer-

taine action inhibitrice quand les secousses sont peu intenses. Le

410 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

malade ne souffre pas mais éprouve une grande lassitude quand

,l'accès est terminé. Au sujet de l'influence de la crise d'épilepsie

sur les secousses, on peut constater que le malade, étant en immi-

nence de crise comitiale, cette dernière mensuelle, a des spasmes

plus intenses, et inversement on retrouve, après une crise, un

calme absolu d'un jour ou.deux.

Les auteurs pensent que le paramyoclonus, dans cette observa-

tion, est tout à fait distinct de l'épilepsie, malgré le redoublement

des secousses myocloniques, lorsque le sujet est en imminence de

crises, et le calme après la décharge épileptique; on comprend

sans peine que l'irritation spinale étant à son maximum d'inten

site, lors d'une période comitiale paroxystique, le paramyoclonus

lui-même ne peut qu'y trouver une cause d'aggravation sympto-

matiquc.

En somme, le paramyoclonus parait relever d'une cause person-

nelle, acquise : l'accident; et l'épilepsie serait de nature hérédi-

taire. (Annales médico-psychologiques, juin 1898.) E. B.

CI. SUR la rapidité DU courant nerveux chez LES épileptiques;

par Cesare Rossi. (Riv. sp. di (1'en., fasc. 2, 1897.)

L'épilepsie allonge notablement le temps de réaction, en raison

surtout de l'affaiblissement de tous les processus centraux, la trans-

mission périphérique du courant nerveux étant quelquefois accélé-

rée par comparaison avec l'état normal. Par l'effet de la convulsion

épileptique, il y a un retard très notable des réactions, en rapport

tant avec le ralentissement périphérique qu'avec l'allongement

central. Sous l'action prolongée du bromure de potassium, le temps

de réaction subit, par rapport à l'état intercalaire, un léger allon-

gement, en rapport presque exclusif avec le ralentissement péri-

phérique. J. SÉGLAS.

CIL Contribution A l'étude CLINIQUE ET anatomique DE la méningite

syphilitique cérébro-spinale ; par GL>,NULLI (Riv. sp. di (l'en.,

fasc. 4, 187.)

CIII. Contribution A l'étude DU tremblement essentiel héréditaire;

par AMORE-BoNELLI. (Riv. sp. di (1'en, 1897. fasc. 1.)

Etude d'un cas de tremblement essentiel héréditaire, suivi de

considérations générales sur le diagnostic de cette variété de

tremblement. J. S.

CIV. Sur un cas DE tabès spasmodique familial; par T .UI8l\ONI et FlNZI.

- (Riv. sp. di (1'en., fasc. II, 1897.)

Ce cas mettrait en évidence les points suivants : le tabes spasmo-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 411

dique est rarement limité aux symptômes résultant de la seule

lésion primitive des faisceaux pyramidaux ; mais cela ne suffit pas

pour en infirmer l'existence en tant que forme clinique indépen-

dante. Ce syndrome se rencontre avec une fréquence relativement

grande dans les maladies nerveuses héréditaires ou familiales et

dans la très grande majorité des cas unis à des manifestations

morbides autres. Les maladies nerveuses héréditaires ou fami-

liales se rapprochent plus ou moins des tableaux cliniques des

maladies nerveuses communes, mais sont beaucoup plus complexes.

Elles comprennent des syndromes pathologiques multiples et s'as-

socient aux phénomènes somatiques et psychiques de la dégéné-

nérescence. J. SÉGLAS.

CV. Gangrène DES PIEDS dans la paralysie générale ; par J. LORD.

(British med. Journal, mai 18()x.)

C'est un cas de gangrène spontanée, infectieuse et secondaire,

avec élimination du pied par gangrène humide. Une embolie

double est supposable, malgré l'absence de traumatisme et de

dyscrasie diabétique ou purpuriq'ue en rapport probable avec des

troubles neurotrophiques centraux et périphériques simultanés.

A. Marie.

CVI. Alcoolisme aigu MORTEL chez un enfant (Fatal acute alcoho,

lism in a child) ; par PARKES Weber (Edinburgh Médical Journal,

juin 1897.)

Le cas suivant est plein d'intérêt en raison des accidents graves

d'intoxication provoqués par l'ingestion d'une faible quantité d'al-

cool et mérite d'être rapporté avec détails.

Il s'agit d'une petite fille de cinq ans amenée à l'hospice dans

un état comateux profond. On apprend par les renseignements

que cette enfant, jusque-là bien portante, s'est levée dans la mati-

née, vers dix heures, pendant que ses parents dormaient encore et

a bu du whisky. Elle n'était d'ailleurs pas habituée à boire de l'al-

cool ; mais son père ayant coutume de prendre du whisky quand

il se sentait indisposé, il semble que l'enfant ait agi par imitation

pour en apprécier les effets, Quoi qu'il en soit, en moins d'une

demi-heure, elle était plongée dans un assoupissement auquel iL

était impossible de l'arracher. Le médecin qui la vit conclut à un,

empoisonnement par l'alcool et fit un lavage de l'estomac.

A son entrée, on pratique une injection sous-cutanée d'huile

camphrée et on administre du café en lavement. Il faut à chaque

instant pratiquer la respiration artificielle. Vers sept heures du

soir, des convulsions tétaniformes se manifestent et constituent

bientôt par leur intensité le symptôme capital. Elles semblent

412 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

diminuer sous l'influence du chloral,mais reprennent il la moindre

cause d'excitation. 1

Le lendemain, l'enfant semble dormir d'un sommeil naturel,

mais rien ne peut la réveiller. Les pupilles sont égales, mais ne

réagissent pas à la lumière. Le réflexe cornéen est aboli. Le jour

suivant, l'enfant est toujours inconsciente; elle présente de la

dyspnée et de la cyanose. Les bronches sont le siège d'une abon-

dante sécrétion qui rend la respiration très pénible. La tempéra-

ture s'élève brusquement et la mort arrive à six heures du soir,

cinquante-six heures environ après l'ingestion d'alcool.

L'autopsie fournit des résultats en tous points négatifs. L'examen

attentif du cerveau n'y révèle rien de particulier. La, muqueuse

des bronches est injectée et sa sécrétion abondante, mais il n'y a

pas trace de pneumonie. Rien à signaler du côté des autres vis-

cères.

Une enquête s'imposait pour établir les circonstances d'un pareil

empoisonnement. Le père estime à deux cuillerées à soupe la

quantité d'alcool que l'enfant a pu boire; mais c'est un point qui

reste difficile à établir.

Les viscères n'ont pas été soumis à une expertise chimique; rien

d'ailleurs ne permet de supposer une autre cause d'empoisonne-

ment médicamenteux, accidentel ou criminel. L'analyse du liquide

qui restait contenu dans la bouteille ne permit d'y reconnaître

aucun élément étranger; d'ailleurs, d'autres personnes en avaient

bu sans en éprouver le moindre effet fâcheux.

En résumé, une fillette de cinq ans, en bonne santé, absorbe à

jeun une petite quantité de whisky pur. Elle tombe bientôt dans le

coma et il devient nécessaire de pratiquer la respiration artifi-

cielle pour entretenir la vie. Au bout de neuf heures la scène change

et ce sont alors de violentes convulsions comme dans le tétanos.

A cette phase convulsive, fait suite une troisième période, caracté-

risée par de la dyspnée, de la cyanose et une élévation thermique.

L'enfant meurt au bout de cinquante-six heures, sans avoir repris

conscience, à la façon des malades qui succombent dans un état de

mal épileptique.

Ce cas, qui par sa netteté et sa simplicité a la valeur d'une expé-

rience, suggère quelques considérations intéressantes sur la patho-

génie des accidents observés. On n'attribue pas au whisky de pro-

priétés convulsivantes analogues à celles que produit l'absinthe et

qui sont démontrées par l'observation clinique et l'expérimentation

sur les animaux. 'Mais les enfants présentent facilement des convul-

sions sous l'influence de causes qui n'en produisent pas chez l'adulte.

'Aussi est-il probable que ce whisky, pris à jeun et rapidement

absorbé, est allé imprégner et impressionner la substance corticale

de ce jeune cerveau, donnant lieu à un état convulsif suivi de mort.

L'interprétation la plus logique de ce cas est donc d'admettre que

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 413

l'alcool a provoqué un état convulsif, qui comme tout état convulsif

chez l'enfant s'est terminé par la mort.

C'est donc bien à 'une intoxication alcoolique aiguë qu'il faut

attribuer les accidents présentés par cet enfant.

Quelle est la nature de la dyspnée, observée au cours de cet état ? 1

Elle est due en partie à l'intensité des convulsions. Un certain degré

d'inhibition paralytique bulbaire doit aussi intervenir pour la pro-

duire, en même temps que les lésions de bronchite continuent à

l'augmenter. Il faut enfin penser, au cours d'un état comateux, à

la pénétration possible d'aliments dans les voies respiratoires. -

P. RELLAY.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. DE L'ÉPILEPSIE, au POINT DE VUE CLINIQUE ET biÉDICO-Li : GAL;

par le professeur ! \OVALEYSKY.

L'épilepsie se divise en épilepsie [somatique et épilepsie psy-

chique.

L'épilepsie somatique se divise elle-même en grand et petit

mal et l'épilepsie psychique en épilepsie simple et épilepsie com-

plète. Après avoir passé en revue et examiné chacun des symp-

tômes du grand mal épileptique, l'auteur conclut que pas un ne

peut être pathognomonique pour l'épilepsie. La diagnose de

l'épilepsie se base donc non sur un symptôme particulier mais sur

la combinaison de tous les symptômes présents. Le petit mal épi-

leptique, auquel se rattachent les absences, les vertiges, l'automa-

tisme épileptique, se distingue du grand mal par l'absence de con-

mIsions.

Une interruption, une lacune passagère se fait dans la vie cons-

ciente de l'individu, pendant laquelle toute la vie de l'organisme,

excepté la vie végétative, s'arrête.

A la première des variétés d'épilepsie psychique se rapportent

les cas dans lesquels la fureur épileptique s'ajoute aux convulsions;

à la seconde ceux dans lesquels la fureur épileptique se manifeste

comme symptôme isolé ; dans les deux cas le tableau de la fureur

épileptique est pareil. Plus l'accès est court, plus il se manifeste

d'une manière violente et intense. La plupart du temps il existe

chez le malade une amnésie absolue de ce qui s'est passé ; mais

dans quelques cas, cette amnésie ne survient qu'au bout d'un cer-

tain temps : c'est l'amnésie tardive d'Ottolenghi.

414 revue DE MÉDECINE légale.

Une variété importante de l'épilepsie psychique est constituée

par le caractère épileptique ; les individus qui en souffrent sont

depuis leur enfance irritables, hargneux, opiniâtres, colères,

enclins à toute espèce d'agitation et d'emportements, provoqués

par la cause la plus futile. Le développement de la démence à la

suite de l'épilepsie est provoqué non par l'intensité des accès,

mais par leur fréquence et leur grand nombre, de même que par

l'intensité de l'état de dépression qui suit l'accès épileptique.

Aux différents moments de la vie des épileptiques, leur respon-

sabilité pour les crimes commis peut être de trois genres : une

responsabilité absolue, une responsabilité relative et une irres-

ponsabilité totale.

Une responsabilité absolue s'applique aux intervalles lucides,

dans les cas où les sphères intellectuelles et mentales de la vie

des épileptiques restent non altérées.

La responsabilité conventionnelle et partielle s'applique aux cas

où les jugements sains de l'esprit non affecté des épileptiques ont

été influencés par des manifestations morbides de la passion ou

des organes sensoriels.

L'irresponsabilité totale suit tous les cas où les facultés de l'es-

prit et de l'âme ont été sérieusement atteintes par les accès épi-

leptiques, c'est-à-dire les accès épileptiques mêmes, en partie les

périodes précédant et suivant l'accès, l'état de démence épileptique,

ainsi qu'en partie la période du passage de l'esprit normal à la

démence, et les accès d'épilepsie psychique.

, Tous ces cas exigent, avant d'être jugés, une expertise médico-

légale.

En ce qui concerne la simulation de l'épilepsie, l'auteur partage

à ce sujet l'avis du Dr Orlof : « Quand on a à diagnostiquer l'épi-

lepsie, je ne trouve pas juste de se laisser entraîner à chercher un

des symptômes absolus de l'authenticité de l'accès, mais je con-

seille de jeter un regard sur l'attitude du malade (les doigts des

mains), d'examiner ses yeux et son pouls, de concentrer toute

l'attention sur son visage, et d'observer ce dernier jusqu'à la fin

de l'accès. » (Annales méclico-psychologiques, juin 1898.) E. B.

II. DE la criminalité chez les aliénés DU département DE l'A\ey-

RON ; par les D ? RAi9DIElt et FENAYRON.

C'est à défaut d'une expression plus exacte que les auteurs, dans

leur important et intéressant travail, ont employé les mots : crimi-

nalité chez les aliénés; mais après avoir spécifié qu'ils désignaient

ainsi les actes qui constitueraient des crimes ou des délits, s'ils

étaient accomplis par des gens sains d'esprit.

Le groupe des aliénés criminels, englobant tous les aliénés qui

ont accompli des actes délictueux ou criminels, qu'ils aient été ou

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 415

non l'objet de poursuites judiciaires, compte à l'asile de Rodez

de nombreux représentants.

La proportion du nombre des aliénés dits criminels par rapport

à celui de la population de l'établissement est très élevée, plus

considérable probablement que dans la plupart des autres asiles :

elle est, en effet, de 23 p. 100. La grande majorité des crimes et

délits mentionnés ont été commis par des malades appartenant à

la catégorie des dégénérés inférieurs : débiles, imbéciles, idiots.

L'importance numérique excessive du groupe des aliénés dits

criminels à l'asile de Rodez tient, en grande partie, il ,ce que,

d'une façon générale, ou interne les aliénés tardivement, à la der-

nière extrémité. En même temps que les fausses conceptions qu'on

se fait de la folie dans le public, en même temps que la crainte du

discrédit, de la déconsidération qui en résultera pour toute la

famille, le plus grand obstacle au placement des malades à l'asile

dès le début de l'affection, c'est le paiement du prix de pension.

La fréquence exceptionnelle des motifs et mobiles futiles, mais

absurdes, chez les aliénés dits criminels de l'Aveyron, est en rap-

port javec la prédominance des folies dégénératives inférieures

dans le département. Ces malades ne sont, en quelque sorte, que

des criminels d'occasion ou acccidentels : crimes et délits ne sont

le plus souvent que des incidents, des épisodes survenus au cours

de l'affection mentale dont les malades sont atteints.

Les deux tiers environ appartiennent au sexe masculin ; les

crimes et délits qu'accomplit l'aliéné homme sont, en général,

plus graves que ceux que commet l'aliéné femme ; et le plus

grand nombre des attentats contre les personnes commis par les

malades, ont été consommés à l'aide du fusil. ,

Il est un ceitain nombre de dispositions morales qui caracté-

risent les Aveyronnais et qui exercent une influence manifeste sur

la criminalité en général, et sui la criminalité des aliénés en par-

ticulier. Tout d'abord sont à mentionner la rudesse des manières,

la tendance naturelle à la violence, entretenue et développée par

certaines coutumes, telles que les batailles entre villages diffé-

rents ; puis l'amour excessif de la propriété, la méfiance exagérée,

facilitant l'éclosion des idées de persécution. »

Du conflit des idées de propriété et de richesse, d'une part, et

des idées de persécution d'autre part, résultent soit des manifesta-

tions processives, soit des actes délictueux ou criminels, parfois

les uns et les autres successivement. La foi religieuse étant encore

très ardente dans l'Aveyron, les idées mystiques sont très fré-

quentes dans le délire des malades et peuvent être le point de

départ d'actes nuisibles.

t- Enfin, par suite du manque d'instruction, l'Aveyronnais, peu au

courant des conventions sociales, est exposé à contrevenir à des

lois qu'il ne connaît pas et dont il ne conçoit pas, le plus souvent,

416 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

la nécessité : le défaut d'instruction agit encore sur la criminalité

des aliénés du département, en contribuant pour une large part à

entretenir dans l'esprit des populations aveyronnaises la croyance

en une foule de; superstitions, en particulier la [croyance aux sor-

ciers et aux esprits.

Afin de ne pas laisser à l'aliéné le temps de manifester par des

actes les tendances nocives qui sommeillent en lui, sa séquestra-

tion doit suivre d'aussi près que possible l'apparition des trouble

mentaux. '

Pour réaliser ces internements précoces, il faut réagir contre

les préjugés qui éloignent les malades des asiles; faire connaître

aux autorités les dangers qui résultent du séjour des aliénés en

liberté et les avantages qu'il y a à les faire traiter aussitôt qu'on le

peut ; faciliter l'internement des aliénés en simplifiant les formalités

administratives qui précèdent et retardent parfois l'admission des

aliénés indigents ; et surtout mettre les frais d'entretien de tous

les aliénés à la charge de l'Etat, qui solderait les dépenses à l'aide

d'un impôt payé par toutes les communes, proportionnellement à

leurs ressources, qu'elles aient ou non des aliénés.

A l'égard des conditions dans lesquelles il convient d'interner

les aliénés criminels, il faut diviser ces derniers en deux grandes

catégories : 1° les aliénés criminels d'occasion, les plus nombreux,

qui ne sont ni plus ni moins dangereux que les aliénés ordinaires,

et à qui l'asile ordinaire suffit ; 2° les aliénés criminels d'habitude,

foncièrement dangereux, pour qui est nécessaire une surveillance

plus rigoureuse dans un asile spécial, avec un personnel spécial.

L'Interprétation des faits observés dans l'Aveyron, contrée essen-

tiellement rurale, est susceptible de généralisation et peut s'appli-

quer dans une large mesure à d'autres milieux ruraux. (Annales

médico-psychologiques, mémoire de 02 p., janvier-août 1898.)

- E. B.

l ,

III. Expertise médicale dans LE JUGEMENT DU meurtrier KELLEY;

- parle D1' Waller Channing.

A propos du rapport médico-légal relatif au meurtrier Kelley,

lequel, en apparence parfaitement responsable, fut reconnu, après

un examen approfondi, être. un dégénéré avec instincts criminels

et responsabilité atténuée, l'auteur fait les remarques suivantes :

1° L'examen de l'état mental d'un criminel devant un grand nom-

bre de personnes, ne donne que des résultats douteux et incertains;

2° Chaque expert doit pouvoir examiner seul le prisonnier ;

3° Dans un cas médico-légal, l'époque du jugement ne doit être

fixée que lorsque les experts ont eu toutes les possibilités de se

faire une opinion ;

4° Les experts des deux parties devraient avoir une conférence

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 417 Î

avant le jugement, à l'effet de pouvoir échanger leurs idées et for-

muler une opinion commune ;

Sa En même temps que la conférence avant le jugement, une

conférence pendant le jugement serait chose recommandable ;

G° La meilleure façon d'exprimer son opinion, pour l'expert, est

de l'exprimer directement devant le tribunal ;

7° Il est à désirer que des recherches plus approfondies soient t

faites sur la dégénérescence et l'état mental des dégénérés. (Ame-

j'ican journal of insanity, janvier 1898.) E. 13.

IV. UN aspect DE la folie simulée; par le Dr ALL1SON. '

En raison de l'intérêt qui peut en résulter pour eux, c'est chez

les criminels que se rencontre le plus fréquemment la simulation

de la folie.

L'auteur attire l'attention sur ce fait que si un individu montre

qu'il a simulé plus ou moins la folie, il ne s'ensuit pas forcément

que cet individu soit sain. Il cite à ce propos le cas d'un jeune

homme de vingt-sept ans qu'il eut à examiner. Cet individu était

envoyé de la prison à l'asile comme ayant présenté les symptômes

suivants : insomnie, refus de nourriture par crainte d'être empoi-

sonné, turbulence nocturne, violences, tentative de suicide en

essayant de se couper la gorge. Il s'en fallait, du reste, de quelques

semaines, pour qu'il fût arrivé à l'expiration de sa peine.

Peu de jours après son arrivée à l'asile, le malade se calme,

mange et dort bien, puis confesse au médecin qu'il a simulé un

trouble mental pour quitter la prison; il raconte en riant tous les

faux symptômes qu'il accusait et montre que la plaie qu'il s'est

faite à la gorge, est tout à fait légère. Tout ce que racontait ce

malade paraissait fort vraisemblable au premier abord; mais il

avait simulé d'une façon si nette, si précise un trouble mental bien

défini, que le médecin le maintint en observation. Bien lui en prit,

car huit jours après sa confession, le malade eut une période d'agi-

tation au cours de laquelle revinrent les mêmes troubles délirants

qu'il avait prétendu simuler; cet état ne s'est guère amélioré et,

depuis huit ans que ce malade est à l'asile, il est maintenant tombé

à la période de démence terminale.

En présence d'un cas de simulation, i ! est donc prudent de pro-

longer l'observation aussi longtemps que possible, de peser soi-

gneusement chaque forme de dérangement spécial, et de se rap-

peler que la simulation peut être employée, confessée par des indi-

vidus qui sont encore de véritables aliénés. (American journal of

insanity, avril 1898.) E. B.

V. Les stigmates épileptoïdes chez LES criminels aliénés ;

par DE ARGANCELIS. (Riv. sp. di frein., fasc. 2, 1897.)

Archives, 2. série, t. VI. 27

418 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

VI. ASEXUALISATION DES CRIMINELS; par M. Edgor. (Medico-legal

- Journal, mars 1897.)

C'est l'analyse rapide d'un projet de loi original communiqué

par CI. Lightner et extrait des bills proposés pour l'Etat deMichi-

gan. La castration y est demandée pour les délinquants et aliénés

condamnés ou internés pour la troisième fois. Les médecins

d'asiles et de prison sont chargés de l'exécution de cette loi moyen-

nant une allocation de 25 dollars par... tête. A. M.

VIL INVERSION sexuelle au point DE vue légal ET social ; par H. Elles.

(Medico-legal .tournai, décembre 1896.)

L'auteur compare les lois anglaise, française et américaine à

propos d'un récent procès en Grande-Bretagne. Il considère comme

supérieure la loi française qui ne poursuit l'homosexualité que si

elle a outragé publiquement la pudeur, si elle est accompagnée de

violence, ou a été exercée sur la personne d'un mineur. Il rappelle

les pédérastes brûlés sur le bûcher, en 1750, et les considérants

extrajuridiques déplacés, du récent réquisitoire prononcé contre

0. Wilde. , A. Marie.

VIII. DE la valeur relative DES expertises; par H. GooDiticii,

(Médical News, avril 1898.)

C'est à la suite d'une étude au pénitentier de Philadelphie que

l'auteur a rédigé cette note tendant à montrer que les expertises

médico-légales sont parfois confiées en Amérique à des gens incom-

pétents, ce qui encourage et favorise chez les criminels la simula-

tion de la folie. A. Marie.

IX. UXORICIDE Er parricide imputés A un épileptique;

par le Dr CODELUPPI. (L'Anomalo, no, 3 et 4, 1897.)

Observation et résumé d'un rapport d'expertise concernant un

homme de trente-quatre ans, de souche apoplectique et névropa-

thique, soumis à une éducation religieuse étroite, ayant présenté à

la suite d'un violente émotion des troubles de nature épileptique

(pertes de conscience suivis d'anémie, impulsions violentes). Vio-

lent accès convulsif à la mort de sun père, mariage à trente-un

ans. Se montre bon époux, bon père, mais d'un caractère pusilla-

nime et instable. A la mort de son premier né, violent chagrin

suivi d'accès convulsifs. Peu de temps après on trouve sa femme

sur son lit le front troué d'une balle de revolver et tenant dans ses

bras son enfant âgé de deux mois le cou tranché à l'aide d'un ra-

soir. Arrêté sans résistance l'inculpé avoue avoir tué son enfant,

mais seulement aidé sa femme à échapper à des embarras finan-

REVUE DE médecine légale. 419

ciers. Traduit en cour d'assises il tombe en accès convulsifs au dé-

. but de l'audience : D'où expertise médico-légale concluant : L'in-

culpé est un prédisposé héréditaire, un phrénasténique, chez qui

l'épilepsie s'est déclarée à la suite d'un traumatisme à la tête et

d'une violente émotion et dont la mauvaise organisation psychique

a été considérablement aggravée par l'éducation religieuse et la

préparation à la prêtrise. Les embarras financiers ont peut-être

poussé au crime, mais l'idée criminelle est liée à une perception dé-

formée de l'état réel des choses; le crime est le résultat d'un équiva-

lent psychique épileptique. L'inculpé est irresponsable, mais dange-

reux pour la société et doit être enfermé à vie dans un mauicbme.

R. Charon.

X. Responsabilité légale dans l'ivrognerie ; par T.-D. Crothers.

(Medico-legal Journal, mars 1896.)

L'auteur demande avec insistance une nouvelle jurisprudence

appliquée à la responsabilité légale des ivrognes. On considère

toujours l'ivrognerie comme une dépravation morale volontaire

permettant de se livrer sans contrainte aux penchants les plus bas

et d'accomplir des actes nuisibles à la société. De cette conception

découle le remède : la punition ; et souvent même, d'après la règle

donnée par lord Coke, il y a trois cents ans, l'ivrognerie aggrave

le délit et rend la sanction plus sévère. L'expérience a cependant

montré que la punition d'un acte commis en état d'ivresse n'avait

jamais servi d'exemple et empêché d'autres ivrognes de commettre

des actes semblables. D'autre part l'influence de l'usage de l'alcool

est connue, sou action sur les centres nerveux produit l'anesthésie

des sens, la paralysie du système moteur ; par lui les centres supé-

rieurs du cerveau, centres de coordination du siège de la volonté,

sont lises. L'alcoolique est dans un état d'automatisme cérébral. C'est

un malade ; il y a des relations étroites entre l'ivrognerie et la

folie et une séparation exacte de ces deux étals ne peut se faire.

Du reste les statistiques montrent que la plupart des ivrognes sont

des héréditaires. Hérédité similaire ou dissemblable, mais/presque

toujours ils naissent avec un organisme taré, un cerveau déséquili-

bré. L'action de l'alcool dans ces cas est plus forte.

De toute façon l'alcoolique, héréditaire ou non, ne jouit pas de

la pleine possession de soi ni du contrôle sur ses actions, sa respon-

sabilité ne peut être considéré comme complète. Il convient d'étu-

dier chaque cas en particulier et d'en tirer une conclusion. Il ne

peut pas y avoir de règle générale. A. Vigouroux.

XI. Discussion SUR l'allégation DE la FOLIE chez LES criminels.

(British met ! , journ., 3 sept. 1898.)

Le Dr Mercier (de Londres) pose les questions suivantes : Dans

440 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

un procès criminel, les médecins connaissent-ils les conditions qu

peuvent exonérer le criminel du châtiment et quelles sont-elles ? ,¡

Ces conditions sont mal déterminées, et jamais l'opinion géné-

rale n'a été unanime à les fixer : dans ce but il demandé l'assen-

timent de ses collègues pour les trois propositions suivantes :

1° Un aliéné ne doit pas pour un acte déterminé supporter la

même punition qu'une personne saine d'esprit ; 2° Il y a des actes

pour lesquels un aliéné ne peut être puni; telle l'agression d'un

persécuté sur son persécuteur supposé, telle meurtre de son

enfant par une femme atteinte de folie puerpérale ; 3° Peu d'aliénés

sont entièrement irresponsables : et certains doivent et peuvent

être punis de leurs mauvaises actions. La plupart des dlienistes peu-

vent ainsi et punissent en réalité leurs malades lorsqu'ils leur reti-

rent certains privilèges, comme de soi tir seul, d'assister à une

récréation, etc.; quel que soit le mot qu'on emploie c'est en réalité

une punition.

Dans certains cas les médecins devraient donc déclarer qu'un

criminel aliéné est responsable de quelques-uns de ses actes et qu'il

peut en être puni, mais avec moins de sévérité, Cette opinion

serait en rapport avec celle des juges et celle du public.

Les cas dans lesquels l'irresponsabilité totale doit être admise,

sont les suivants : 1° hallucinations; 2° confusion d'esprit telle

qu'il était incapable d'apprécier les circonstances et les consé-

quences de son acte ; 3° extrême futilité des motifs ; 11-0 imprudence

extrême dans l'accomplissement de l'acte; 5° actes impulsifs irré-

sistibles.

M. John SUTIIERLAND, inspecteur des asiles d'Ecosse, répond que

le critérium de responsabilité établi par la loi de 1843, suffit pour

résoudre toutes les questions : « « L'accusé au moment où il a

commis son crime a-t-il eu connaissance de la nature et de la va-

leur de son action, a-t-il pu en apprécier le côté criminel ? Cette

loi n'est pas parfaite assurément, mais cependant, grâce à elle,

l'orateur peut affirmer qu'aucune injustice n'a été faite aux aliénés.

Les ivrognes ne doivent pas être rendus responsables de crimes

qu'ils commettent dans des accès de folie intermittente, état ma-

ladif plutôt que volontaire, et tout ce qu'on peut faire contre eux

pour la protection de la société c'est de les renfermer.

Le D'' BLANFono, médecin d'asile d'aliénés, fait remarquer que

les aliénés n'ont que la notion du bien et du mal qu'un aliéné est

susceptible d'avoir. Il est partisan de les rendre responsables jus-

qu'à un certain point, mais il est d'avis qu'au lieu de pendre les

ivrognes meurtriers, il serait utile non pas de les envoyer fumer

leurs pipes à Broadmoore, mais à la servitude pénale où ils pour-

raient employer utilement leur temps et rendre des services.

Le professeur GLASSTER accepte les propositions de M. Mercier

tout en doutant qu'elles rencontrent l'appui nécessaire pour les

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 421

faits passés dans la pratique. Plusieurs médecins répondent ensuite

en émettant des opinions diverses. Dans une réplique finale, le

1), Mercier maintient les conclusions que nous avons déjà lues.

A. Blanc.

XII. NOTES MÉOICO-LÉG,IL8S. Responsabilité modifiée;

par le Dr ALLISON.

En Angleterre les sourds-muets sont considérés connue des idiots,

à moins que leur responsabilité ne puisse être établie du fait qu'ils

ont été éduqués dans des écoles spéciales, que leur sens moral a

été développé et qu'ils ont connaissance du bien et du mal.

Les idiots, les imbéciles. les sourds-muets, présentent ces cas de

responsabilité modifiée. Ils commettent souvent des crimes plus ou

moins sérieux et leur degré de responsabilité doit être pesé d'après

le degré de leur développement moral et intellectuel, d'après leur

connaissance du bien et du mal.

Si les habitudes criminelles ne sont pas établies définitivement,

le coupable sera placé dans le milieu le plus favorable pour son

développement, milieu variable suivant qu'on aura affaire à un

imbécile, - à un aveugle, à un sourd-muet, etc. S'il s'agit d'un

aliéné dangereux, a impulsions homicides, il faudra assurer sa

réclusion permanente en lui accordant le maximum de liberté

individuelle compatible avec la sécurité de la société. (American

journal of insanily, janvier 1898.) E. Bu.'<.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XXXVII. Le traitement au FOI\\IOMÉTIlYLE; par G. ROSSOLI10 et W.

111OUItANIEN. (Neurolog. Centralbl., XVI, 1897.)

On prend un petit morceau du système nerveux de l'homme, ou

d'un animal qu'on vient de tuer, on le met dans une solution de

formaline à 2 ou 2 et demi p. 100; deux jours plus tard, on le

plonge dans une solution à 4 p. 100; dès le quatrième jour, on peut

le placer dans l'alcool à 95°. On l'y laisse quatre jours. Pratiquez

des coupes. Les préparations convenables et nettes s'obtiennent

en laissant plutôt quelques jours de plus dans la formaline. Colore

avec une solution aqueuse do bleu de méthyleàO,50p. 100 ; on chauffe

jusqu'à ce. que quelques bulles s'élèvent. Après refroidissement.

432 REVUE DE thérapeutique.

mettez dans une solution d'aniline à 1 p. 100 dans l'alcool à 90o,

laissez trois secondes les coupes très fines ou les éléments dissociés,

quelques minutes les coupes plus grandes et plus épaisses. Lavez à

l'alcool à 95°. Eclaircissez à l'essence de cajeput. C'est une prépa-

ration stable qui peut rester seule porte-objet, être incluse dans le

baume; on peut sur le. porte-objet terminer dans une goutte

d'huile de cajeput la dissociation d'un nerf nou encore terminée.

Mais pour chaque série de préparations qu'il ne faut pas faire trop

nombreuses, il faut employer des réactifs frais, éviter le contact

avec l'alcool d'une coupe déjà éclaircie à l'huile de cajeput et ne

pas exposer au soleil. Les cylindraxes sont d'un bleu net, la myéline

d'un bleu tondre; les noyaux de la gaine de Schwann d'un bon

bleu ; les fibrilles des cellules neuves, bleu-clair ; les noyaux du tissu

conjonctif et des éléments musculaires, ainsi que les cellules épithé-

liales du canal central, bleu-sombre.

Cette méthode a donné de bons résultats pour l'étude du sys-

tème nerveux du cobaye, du lapin, du chien, des nouveau-nés et

des adultes, des racines, des nerfs périphériques, de la moelle, de

l'écorce, dans les cas normaux où à la suite des vivisections, des

intoxications, des apoplexies, des myélites, du tabes, des maladies

infectieuses. P. Keraval.

XXXVIII. Douze cas d'alcoolisme traités par la strychnine ; par

J. FEDOROFF. (Vmtch, t. XIX, 1898, ua 7, p. 185-188.)

Ces douze malades ont été traités exclusivement par des injec-

tions de strychnine de 0,003 à 0,005 milligrammes à la fois; les

injections ont été faites en moyenne une dizaine de fois chez

chaque malade et à deux ou trois jours d'intervalle. Dans aucun

de ces cas la guérison ne s'est maintenue plus de quelques semaines;

dans deux cas seulement les malades, effrayés par une maladie

intercurrente ef craignant son passage à l'état chronique, ont

renoncé définitivement à la boisson.

Le seul résultat appréciable du traitement par la strychnine est

l'amélioration incontestable des troubles gastro-intestinaux et neu-

rasthéniques. Le sommeil s'améliorait sensiblement à partir du

sixième jour du début du traitement. E. 111ARGOULIÈS,

XXXIX. LE bain d'air chaud COMME MOYEN thérapeutique DE QUEL-

QUES paroxysmes épileptiques ; par Clemente CODITTO. (Riv. sp, di

fren., 1897, fasc. 1.) ,

Se fondant sur ses expériences relatives à la toxicité de la sueur

chez les épileptiques. l'auteur pense que le bain d'air chaud est un

excellent moyen pour prévenir et interrompre les accès épilep-

tiques. On peut espérer que ce procédé, qui lui a 1 éussi dans

revue DE thérapeutique. 423

plusieurs cas, uni au lavage et à l'antisepsie des voies digestives,

sans exclure les autres moyens propres à activer les sécrétions,

pourra devenir, dans bien des cas d'épilepsie générale, une mé-

thode de traitement utile et tout au moins un adjuvant sérieux de

la cure bromique. J. Séglas.

RECDERCHE SUR l'action DE QUELQUES nervins sur LE travail

des muscles fatigués; par Tavernari. (Riv. sp. di fTela., 1897,

fasc. 1.)

XLI. SUR l'opportunité ET l'efficacité DU traitement chirurgico-

gynécologique dans la NÉVROSE hystérique ET LES aliénations

mentales; par ANGELUCCI et Pieraccini. (iliv. sp. di frela., fasc. II,

1897.)

Ce travail est le résultat d'une enquête internationale, à la suite

de laquelle les auteurs sont arrivés à formuler les conclusions sui-

vantes :

Il faut absolument proscrire l'ablation de l'utérus ou des annexes

normales, comme moyen curatif de l'hystérie ou de la folie. L'hys-

térie même constitue presque une contre-indication aux opéra-

tions chirurgicales à effectuer dans un but gynécologique. Les opé-

rations de ce genre ne doivent tirer leur indication d'opportunité

que de la gravité des maladies des organes sexuels à enlever, indé-

pendamment des considérations relatives à l'espérance d'influer

éventuellement sur l'état névropathique des sujets à opérer.

Dans ces cas, on peut seulement profiter de l'opération, ren-

due indispensable par les conditions pathologiques des organes

sexuels pour tenter d'exercer une suggestion sur un état névro-

pathique coexistant. Enfin, mais seulement dans un but de sugges-

tion et quand on a inutilement expérimenté tous les moyens

réputés les plus efficaces pour combattre l'hystérie, on peut

recourir à la simulation d'une laparotomie. J. Séglas.

XLII. La glande thyroïde chez les aliénés ; par ÂMALDI. (lliu. sp. di

fren., fasc. ll, 1897.)

En règle générale, les lésions de la thyroïde dans un grand

nombre de cas de maladies mentales ne peuvent pas être considé-

rées comme secondaires à l'âge, aux conditions des vaisseaux, à

l'installation ou à la marche de la maladie mentale même. Il

semble plutôt très vraisemblable d'admettre que, dans certains

cas au moins, ces altérations font cortège, en tant que symp-

tômes concomitants, à la maladie mentale, ou peut-être même se

sont installées avant elle, comme manifestation primitive d'une

déchéance individuelle. Dès lors, dans la généralité des formes

424 REVUE DE thérapeutique.

phrénasthéniques, dans beaucoup de formes de démence sénile

dans certaines formes de démence chez des sujets jeunes ou adultes,

il pourrait y avoir indication de recourir à une véritable thérapeu-

tique de substitutiou au moyen d'un traitement thyroïdien bien

dirigé et prolongé. -

Enfin, soit que l'altération de la fonction thyroïdienne puisse

être élevée à l'importance de lésion primitive dans certaines

formes données d'aliénation mentale, soit que dans d'autres elle

puisse être considérée comme un fait secondaire, aggravant l'état

mental, dans tous ces cas, si l'on soupçonne une fonction insuffi-

sante du corps thyroïde, on est fondé à espérer de bons effets d'un

traitement thyroïdien. J. SI : GLAS.

XLIII. Des injections DE sérum artificiel chez les aliénés ; par le

Dr DE BOECK. (Bull. de la Soc. de méd. ment, de Belgique, 1898,

n° 89.)

Partisan de l'origine toxique des psychoses en général, de la

confusion mentale en particulier, l'auteur propose de les combattre

par des injections de la solution physiologique de chlorure de

sodium à 7,5 p. 1000. Ce traitement lui paraît également indiqué

contre la sitiophohie des aliénés. A l'appui de cette manière de

voir, M. de Boeck rappoi te plusieurs observations dans lesquelles

l'emploi des injections de sérum artificiel a été suivi de bons résul-

tats. G. DENY.

XLIV. Morphinomanie. SON TRAITEMENT ET possibilité DE sa GUÉ-

RISON ; par le Dr John W. ROBEeTSON. (The médical Neios, 27 août

1898.)

La morphinomanie se développe chez des sujets chez qui la mor-

phine a été employée dans le but de soulager des douleurs, ou

bien chez des sujets à tempérament nerveux ; et dans ce cas elle

est une névrose fonctionnelle au même titre que la neurasthésic,

la-folie, etc. Ses symptômes physiques et intellectuels sont connus :

cachexie, ataxie, paralysie des sphincters d'un côté, de l'autre

affaiblissement intellectuel et obtusion du sens moral.

Le traitement est délicat et difficile : il importe peu que la sup-

pression de la morphine soit brusque ou progressive; le difficile

est de protéger le malade contre lui-même, alors que rétabli phy-

siquement il n'a pas encore repris possession de sa pleine volonté.

A l'asile de Nape, l'auteur a eu d'excellents résultats dans cin-

quante cas à l'aide de la suppression rapide : au bout de six se-

maines à deux mois la santé physique et mentale semblait totale-

ment revenue. Dans la pratique privée il emploie la suppression

progressive et s'est servi avec grand avantage d'injections hypo-

revue DE thérapeutique. 435

dermiques de strychnine et d'extrait de quinquina rouge donné à

l'intérieur ; mais souvent pendant le troisième mois de traitement,

alors que le retour à la santé paiaissait évident, apparaissaient des

troubles nerveux nécessitant l'emploi du bromure et de la strychnine.

Aussi l'auteur nereçoit-il des morphinomanes dans son sanatorium

que pour une durée minime de six mois qui peut se prolonger jus-

qu'à douze mois. Ce laps de temps est nécessaire pour arriver à

une guérison réelle.

Dans cas de morphinomanie non héréditaire, si la maladie

qui a provoqué l'emploi de la morphine est guérie, le pronostic

est favorable, mais la durée du traitement doit être au moins de

six mois. Quand la maladie est arrivée à affaiblir l'intelligence, le

seul traitement rationnel consiste à protéger le malade contre son

appétit morbide aussi longtemps qu'il est besoin pour le rétablis-

sement complet de sa santé intellectuelle et physique. A. V.

XLV. Diagnostic ET traitement DE la mélancolie;

par le D'' ZtEOEr` (d'Iéna).

Travail important qui constitue une véritable monographie de

la mélancolie.

Après quelques considérations sur la fréquence, l'étiologie, le

développement de cette affection, l'auteur en décrit les symptômes

primordiaux (la dépression, l'empêchement de penser et de se

mouvoir) et accessoires (les divers troubles délirants), puis les

divers modes de terminaison, ainsi que les formes variées : mélan-

colie dépressive ou hypomélancolie, variété apathique, variété

hallucinatoire, variété avec conceptions impératives, variété neu-

rasthénique, variété hystérique, mélancolie périodique.

Quand le diagnostic de l'état mélancolique a été fait, il reste à

établir le diagnostic différentiel, avec la démence paralytique,

avec la paranoïa chronique simple, avec la paranoïa hallucinatoire

aiguë, avec la neurasthénie, avec la démence sénile.

En présence d'un malade atteint de mélancolie, se pose immé-

diatement la question de savoir si ce malade devra être soigné

chez lui ou placé dans un établissement spécial.

D'une manière générale le placement dans un établissement

spécial est indiqué quand le malade devient réellement anxieux,

à plus forte maison quand il y a des idées de suicide.

Dans les mélancolies graves, nécessitant le placement dans un

asile, certaines précautions immédiates de sécurité sont cependant

à prendre à l'égard du malade ainsi qu'un traitement est à

instituer avant son placement.

Ce traitement préliminaire repose sur les trois moyens théra-

peutiques suivants : séjour au lit, enveloppements mouillés, admi-

nistration d'opium.

426 varia.

Appliquée de bonne heure, cette médication peut avoir la

meilleure influence contre le développement et la durée de la

psychose. Le médecin ne doit prendre la responsabilité du traite-

ment à domicile d'un mélancolique que s'il est rompu à tous les

détails du traitement général des psychoses, et si la forme [de

mélancolie est peu grave.

Le malade devra, dans ces conditions, rester longtemps au lit,

faire de petites promenades, se distraire à des occupations peu

compliquées; ses fonctions digestives, son sommeil doivent être

surveillés; l'hydrothérapie sera appliquée sous forme de bains

froids pendant le jour el,le soir, d'une ablution générale avec une

éponge imbibée d'eau chaude. L'opium ne sera donné qu'en cas

de légère anxiété. Si, traitée de la sorte, la maladie parait tourner

à l'état chronique, alors s'impose l'éloipnement dans une famille

étrangère, dans une maison de santé. (¡t ! ncriGa11 Journcal of insanly

avril 1898.) >J. l3t,m.

I

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ il £ l)lco-PSYCIIOLOGI QUE.

Séance du 25 juillet 1808. - Présidence DE M. MEURIOL

La paralysie générale. Rapport sur l'ouvrage de Funaioli. -

M. AnNAUD analyse l'ouvrage de M. Funaioli sur la paralysie géné-

raie. C'est une étude à la fois clinique et statistique qui renferme

de nombreux documents dus à l'observation personnelle de l'au-

teur, médecin super-intendant du Manicome de Sienne. M. B.

VARIA.

L'étendue DE L1 spécialité psychiatrique; par le Du' Théo 11ELLOGG.

En dehors des connaissances de médecine et de chirurgie géné-

rales, connaissances qui ne doivent pas lui servir seulement à soi-

gner les maladies intercurrentes chez ses malades, mais encore à

étudier les maladies au point de vue de leurs rapports avec la folie,

. VARIA. 427 7

l'aliéniste doit aussi être expert en diverses spécialités, ophtalmo-

logie, gynécologie et surtout neurologie.

La connaissance approfondie de l'anatomie fine du système ner-

veux peut seule lui permettre les recherches nécessaires à l'étude

des cas qu'il rencontre.

La psychiatrie comprend tout ce que l'on sait de la science de

l'esprit, eu y comprenant les études psychologiques les plus éten-

dues. La sociologie, 'l'anthropologie doivent être aussi connues

de l'aliéniste sans compter, en surplus la pratique générale des

affaires, des connaissances spéciales sur la construction et l'amé-

nagement des hôpitaux, des qualités administratives pour la direc-

tion des infirmiers et employés, etc. (Ame1'ican Journal of insanily,

janv. 1898.) E. B.

Certains médecins des hôpitaux leur nombre diminue

considèrent les aliénistes comme des médecins d'un

ordre inférieur. S'ils veulent réfléchir sur les considérations

qui précèdent, ils se rendront compte de leur erreur. B.

Service médical DES prisons; par le D'' HAMILTON Wey.

Le rôle du médecin de prison est des plus complexes, des plus

difficiles. En plus des connaissances générales de médecine et de

chirurgie, il doit être un bon hygiéniste et surtout avoir grande

expérience des maladies nerveuses et mentales.

Dans beaucoup de prisons le médecin est appelé seulement quand

il y a une bronchite à soigner ou une luxation à réduire et l'on ne

parait pas se douter de l'importance du médecin dans la prison.

Tout d'abord le médecin de prison avant d'être nommé, devrait

justifier de connaissances générales et spéciales acquises dans la

pratique générale de la médecine, et dans des services spéciaux

de maladies nerveuses et d'aliénation mentale.

Le médecin de prison, une fois nommé, devrait consacrer tout

son temps à la prison où nombreuses se rencontrent les occupa-

tions professionnelles qui le concernent, direction de l'infirmerie,

examens anthropologiques, organisation, surveillance de l'hygiène,

et surtout examen des prisonniers.

En effet, tout nouveau venu devrait être, dès son admission,

examiné au point de vue de son état psychologique, de ses parti-

cularités mentales et tenu en observation régulière par le médecin :

il est probable qu'en agissant de la sorte, nombre de malheureux

verraient leur peine atténuée ou seraient, en raison de leurs con-

ditions mentales, placés ailleurs que dans une prison.

Pour faciliter son action, le médecin devrait, de par la loi, être

absolument indépendant dans sou ressort professionnel, être à

l'abri de toutes les entraves, de toutes les tracasseries que pour-

rait lui créer le directeur de la prison.

428 Varia.

En raison du rôle que le médecin doit remplir dans la prison, sa

situation matérielle et morale devrait être relevée afin d'encou-

rager les médecins de valeur à rechercher cette carrière. (American

Journal o('insanity, avril 1898.) E. 13LIN.

QUEL DOIT ÊTRE LE ROLE DU patronage A l'égard DES aliénés avant, ,

pendant ET après LEUR internement dans la maison DE santé ;

par le D'' J. Morel. (ull. de la Soc. de méd. ment, de Belgique,

1898, no 89.)

Ce rapport se termine par les conclusions suivantes : les sociétés

de patronage doivent étendre leur action à l'aliéné et à sa famille.

Dorénavant cette protection se fera avant, pendant et après la

collocation. L'extension de la mission des sociétés de patronage

impose des sacrifices nouveaux, il faut intéresser à l'oeuvre du

patronage toute personne charitable, quelles que soient ses res-

sources.

Si les membres qui paient un certaine cotisation ont droit à la

direction générale des sociétés, on ne pourraiten exclure d'autres,

ayant les mêmes intentions, mais n'occupant pas la même situation

de fortune; les derniers membres seraient considérés comme adhé-

rents à la bonne oeuvre.

Si une certaine catégorie de personnes, par leur position de for-

tune et par leurs loisirs, peuvent se dévouer à l'oeuvre d'une ma-

nière continue, matériellement et moralement, on doit également

accepter, sous certaines condition;, le concours de toute autre per-

sonne qui offrirait ses bons services.

Les sociétés de patronage ne peuvent répondre complètement à

leur mission qu'à la condition d'être éclairées sur les devoirs à

remplir. Un règlement un peu détaillé rend' de grands services,

mais le but serait plus facilement atteint par la rédaction ou la

publication simultanée de certaines questions relatives aux connais-

sances indispensables pour intervenir utilement, aussi bien dans

les cas où l'aliénation mentale vient d'être constatée, que là où

l'on pourrait agir comme moyen préventif pour empêcher l'éclo-

sion de la maladie.

Les sociétés de patronage interviendront auprès des pouvoirs

publics chaque fois qu'elles rencontreront une cause de dégénéres-

cence ou de malheur qui, par leur concours, pourrait être réduite

ou annihilée. G. DENY.

Les aliénés EN liberté.

Un fou dans une église. Les fidèles qui assistaient hier aux

offices à l'église Saint-Germain des Prés ont eu pendant quelques

instants une bien vive émotion.

Un individu pauvrement vêtu. qui se trouvait depuis quelques

FAITS DIVERS. 429

minutes dans l'église, s'est dirigé tout à coup vers une chapelle du

bas côté de droite, a grimpé sur l'autel et, s'accrochant à la croix

qui surmonte le tahcruacle,·a crié « Vive l'anarchie » ,

Le suisse accourut aussitôt, empoigna l'énergumène et le remit

aux mains des gardiens de la paix, qui le conduisirent au commis-

sariat de la rue des Saints-Pères. Cet individu, qui se nomme Ber-

nard Launay et est âgé de trente-huit ans, est un ancien valet de

chambre du général d'Andigné. Il n'est pas anarchiste, ainsi qu'il

l'a déclaré à M. Girard; mais il est sujet depuis quelques années

à des accès de folie au cours desquels il commet des extrava-

gances ; l'accès terminé, il parle raisonnablement et réclame

lui-même son internement. Il a déjà fait plusieurs séjours dans

des asiles d'aliénés, notamment à Ville-Evrard et à Sainte-Anne.

Ce malheureux n'a aucune ressource ; il n'avait pas mangé depuis

avant-hier et il a annoncé son intention de se suicider pour en

finir avec la misérable existence qu'il mène. Après lui avoir fait

servir un repas, M. Girard l'a envoyé à l'infirmerie spéciale du

Dépôt. (Le Soleil, du 30 septembre.)

Un aliéné, se disant Esterliazy, est venu hier, au bureau de

police de Saint-Mandé, chaussée de l'Etang, déclarer qu'il avaitdes

révélations à faire. Ce pauvre fou a été envoyé à l'infirmerie

spéciale du Dépôt. (L'Aurore, du 30 septembre.)

FAITS DIVERS.

Asile d'aliénés de la Seine. Concours pour. la nomination aux

places d'interne titulaire en médecine vacantes au 1er janvier 1899,

dans les asiles publics d'aliénés du département de la Seine (Asile

clinique, AsilesdeVaucluse,Ville-Gyrard et Villejuif et l'Infirmerie

spéciale des aliénés à la Préfecture de police). Le lundi 5 dé-

cembre 1898, à midi précis, il sera ouvert à la Préfecture de la

Seine, annexe de 1'llôtel-de-Ville. rue Lobau, n°2, à Paris, un con-

cours pour la nomination aux places d'interne titulaire en méde-

cine vacantes dans lesdits établissements au ICI' janvier 1899. Les

candidats qui désirent prendre part à ce concours devront se faire

inscrire à la Préfecture de la Seine, service des aliénés, annexe de

l'Hôtel de Ville, 2, rue Lobau, tous les jours, dimanches et fêtes

exceptés, de midi à cinq heures, du lundi 7 au samedi 19 novem-

bre 1898 inclusivement.

430 faits divers.

- Concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en

pharmacie vacantes au le, janvier 1899 dans les asiles publics d'aliénés

du département de la Seine (Asile clinique, Asiles de Vaucluse, Ville-

Evrard et Villejuif). Le jeudi 10 novembre 1898, à une heure

précise, sera ouvert à l'Asile clinique, rue Cabanis, n° 1, à Paris,

un concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en

pharmacie vacantes au 1er janvier 1899 dans lesdils établissements.

Les candidats qui désirent prendre part à ce concours devront se

faire inscrire à la Préfecture de la Seine, service des aliénés,

annexe de l'Hôtel de Ville, 2, rue Lobau, tous les jours, dimanches

et fêtes exceptés, de midi à cinq heures. Le registre d'inscription

sera ouvert du jeudi 13 au mercreds 26 octobre 1898 inclusive-

ment.

Hospices DE Bicêtre et Il.- la SALPÈTRiÈRE. Concours public

pour la nomination ci la place de rnédecin adjoint du service des

aliénés dans les hospices de Bicélre et de la Salpétoiére. Ce con-

cours sera ouvert le jeudi 1e décembre 1898, à midi, à l'amphi-

théâtre de l'Administration centrale de l'Assistance publique,

avenue Victoria, n° 3. MM. les Docteurs qui voudront concourir

seront admis à se faire inscrire au secrétariat de l'Administration,

de midi à trois heures. Le registre d'inscription des candidats sera

ouvert le lundi 31 octobre, et sera clos définitivement le lundi

14 novembre, à trois heures.

Conditions et programme du concours. - Les candidats qui se

présentent aux concours ouverts pour les places de médecin adjoint

des quartiers d'aliénés dans les hospices de Bicêtre et de la Satpe-

trière doivent justifier de la qualité de français et être Agés de

vingt-huit ans au moins. Ils doivent justifier en outre de cinq

années de doctorat. Pour les candidats ayant été internes en mé-

decine dans les hôpitaux et hospices de Paris ou dans les asiles

publics d'aliénés de la Seine, les années d'internat seront comptées

comme années de doctorat. -

Les candidats doivent se présenter au secrétariat général de

l'Administration pour obtenir leur inscription en déposant leurs

pièces, et signer au registre ouvert à cet effet. Les candidats absents

de Paris ou empêchés pourront demander leur inscription par

lettre chargée. Toute demande d'inscription faite après l'époque

fixée pour la clôture du registre ne peut être accueillie.

Le jury du concours est formé dès que la liste des candidats a

été close. Chaque candidat peut se présenter au secrétariat général

de l'Administration pour connaître la composition du jury. Si des

concurrents ont à proposer des récusations, ils forment immédia-

tement une demande motivée, par écrit et cachetée, qu'ils remet-

tent au Directeur de l'Administration. Si, cinq jours après le délai

ci-dessus fixé, aucune demande n'a été déposée, le jury est défini-

FAITS DIVERS. 431

tivement constitué, et il ne peut plus être reçu de réclamations.

Tout degré de parenté ou d'alliance entre un concurrent et l'un

des membres du jury ou entre les membres du jury, donne lieu à

récusation d'office de la part de l'Administration.

Le jury du concours pour les places de médecin adjoint du ser-

vice des aliénés dans des hospices de Bicêtre et de la Salpêtrière

se compose de sept membres, savoir : trois membres tirés au sort

parmi les médecins aliénistes, chefs de service des hôpitaux et

hospices en exercice ou honoraires; un membre tiré au sort parmi i

les médecins chefs de service des asiles publics d'aliénés du dépar-

tement de la Seine, en exercice ou honoraires, et le médecin du

Bureau d'admission de l'Asile clinique; et trois membres tirés au

sort parmi les médecins chefs de service des hôpitaux, en exercice

ou honoraires.

Les médecins, chefs de service des asiles publics d'aliénés de la

Seine, en exercice, et le médecin du Bureau d'admission de l'Asile

clinique ne peuvent être portés sur la liste des membres parmi les

quels doit être le jury, qu'après cinq années d'exercice. Le tirage

au sort a lieu dans les formes usitées pour les concours des hôpi-

taux, en présence de deux membres du Conseil de surveillance de

l'Administration de l'Assistance publique et de deux membres de

la Commission de surveillance des asiles publics d'aliénés de la

Seine.

Les épreuves du concours pour les places de médecin adjoint du

service des aliénés dans les hospices de Bicêtre et de la Salpêtrière

sont réglées de la manière suivante : 1° une épreuve écrite sur

l'anatomie et la physiologie du système nerveux, pour laquelle il

sera accordé trois heures ; 2° une épreuve clinique commune sur

un malade. - IL sera accordé au candidat dix minutes pour l'exa-

men du malade et vingt minutes pour développer oralement son

opinion devant le jury, après cinq minutes de réflexion ; 3° une

épreuve clinique sur les maladies mentales : un seul malade. -IL

sera accordé vingt minutes pour l'examen du malade et vingt mi-

nutes pour la dissertation, après cinq minutes de réflexion; 4° une

épreuve écrite comprenant une consultation après l'examen d'un

aliéné, et un rapport sur un cas d'aliénation mentale. Il sera accordé

au candidat quinze minutes pour l'examen de chacun des malades.

et une heure et demie pour la rédaction du rapport et de la consul-

tation. La lecture de cette consultation et du rapport.sera faite au

début de la séance suivante; 5° une épreuve clinique sur deux

malades d'un service d'aliénés. Le candidat aura quinze minutes

pour l'examen de chacun des deux malades, et trente minutes pour

la dissertation orale, après cinq minutes de réflexion.

Le maximum des points il attribuer pour chacune de ces épreuves

est fixé ainsi qu'il suit : pour la première épreuve écrite, 30 points;

pour l'épreuve clinique commune, 20 points; pour l'épreuve elini-

4W BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

que sur les maladies mentales, à un seul malade, 20 points ; pour

la deuxième épreuve écrite, 30 points; pour l'épreuve clinique sur

deux malades, 30 points.

La joie qui TUE ? A l'issue d'une revue des batteries alpines

passée hier, par le général Zédé, le brigadier' maréchal-ferrant

Trouilloud fut invité à se présenter devant le général qui avait ma-

nifesté le désir de lui annoncer qu'il recevrait bientôt la médaille

militaire. Trouilloud se précipita dans sa chambre pour se mettre

en tenue, mais il fut saisi d'une telle émotion qu'il succomba subi-

tement. (Le Temps du 16 mai.)

Nécrologie. - Le D'' SISTEIiAY ancien médecin en chef d'asile

d'aliénés, est décédé le 5 juillet 1898, dans sa soixante et onzième

année.

Le De Sisteray, né à Lectoure (Gers), le 30 octobre 1827, ancien

interne et médecin adjoint des asiles publics de Moulins, de Mar-

seille, de Rodez et de Dijon, était en dernier lieu médecin en chef

de l'asile d'aliénés de Bordeaux, lorsque la, maladie délire de

persécution le força de quitter le service. On doit à Sisteray

une thèse de doctorat estimée, intitulée : « Simulation de l'épi- .-

lepsie au point de vue de la pratique et de la médecine légale. » Il a

collaboré aux Annales médico-psychologiques, dans lesquelles il a

publié entre autres, trois intéressants rapports médico-légaux,

dont deux en collaboration avec notre excellent collègue M. le

D'' Delaporte ; tous trois sont d'importants documents de médecine

légale et méritent d'être consultés. (Annales médico-psych.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

GILLES DE la TOURETTE. Les myélites syphilitiques. Volume in-18 S

cartonné de 91 pages. - Prix : 1 fr. 50. Paris, 1898. Librairie

J.-B. Baillière et fils.

Leï. Les. enfants arriérés, leur traitement éducatif. Brochure

in-8° de 1G pages. Anvers, 1898. - Imprimerie Buschmann.

ZucCARELU (A.). - l'sichiatria e organe psichico. - Brochuie in-18

de 03 pages. Prix : 1 fr. 20. Napoli, 1898. - Stabilimento Gam-

bella. '

Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE.

Evreux, Ch. HÉRiSSE\, imp. - 1198.

Vol. VI. Décembre 1898. N° 36

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE.

DES POUSSÉES D'ENCEPHALITE AIGUË DANS LE COURS

DE L'ENCÉPHALITE SUBAIGUE ET CHRONIQUE ;

Par le D' Iv. PIPERKOFF,

Ancien assistant d'natoolic p&thotogfqne a l'Université de Genèse. e.

(Travail DU laboratoire du I)1' DÉJERiE .1 la S,ILP8TRIÈ ! lE,)

En U894-, dans le service de M. le Dr Déjerine à Bicêtre, fut

faite l'autopsie d'un cas dont le diagnostic clinique porté

avait été : paralysie pseudo-bulbaire, crises subintrantes

d'épilepsie. Cette autopsie ne révéla que des lésions corti-

cales bilatérales. M. le Dr Déjerine nous avait confié quelques

morceaux des circonvolutions lésées pour en faire l'examen

microscopique. Dès le début de cet examen nous nous sommes

trouvé en présence d'altérations pathologiques si intéres-

santes que nous avons poussé cet examen aussi loin que

possible et en donnons plus bas le résultat détaillé.

Nous ne présenterons donc dans le présent travail que

l'anatomie et l'histologie pathologiques du cas. L'histoire

clinique de la maladie en rapport avec la topographie des

lésions constatées, fera l'objet d'un autre travail de la part de

notre maître.

Qu'il nous soit permis de lui exprimer ici nos plus vifs

remerciements, pour l'amabilité qu'il a eue de nous aban-

donner l'examen de ce cas intéressant. Qu'il agrée aussi nos

sentiments de reconnaissance pour les conseils bienveillants

qu'il n'a cessé de nous prodiguer pendant notre séjour à son

laboratoire.

Archives, '.le série, t. VI. 28

434 pathologie NERVEUSE.

Autopsie. Homme de taille moyenne, très maigre. Rien

d'anormal à l'extérieur du corps.

Boite crânienne, la dure-mère, l'arachnoïde normales. Pas

d'oedème sous-arachnoïdien. La pie-mère d'aspect normal ; il part

quelques faibles adhérences, elle se détache facilement de la sur-

face du cerveau. Hémisphère gauche. Atrophie légère des deux

tiers postérieurs de la troisième circonvolution frontale, des deux

tiers inférieurs des circonvolutions frontales et pariétales ascen-

dantes, des opercules frontal et rolandique et enfin de la partie

moyenne de la première circonvolution temporale au voisinage de

la scissure de Sylvius. L'atrophie est surtout prononcée au niveau

de la région rolandique inférieure, au-dessus de l'opercule rolan-

dique. La partie qui présente cette atrophie si marquée est de

petites dimensions : en largeur elle atteint les deux circonvolu-

lutions Fa et Pa ; en hauteur elle mesure à peine 2 centimètres.

Hémisphère droit : légère atrophie du pied de la troisième circon-

volution frontale, des tiers inférieur des circonvolutions frontale

et pariétale ascendantes, enfin des opercules frontal et rolandique.

Pas de lésion de la première circonvolution temporale. L'atrophie

ici aussi est plus prononcée à la région rolandique inférieure. Les

circonvolutions atrophiées sont de couleur jaunâtre et assez dures

au toucher. Le reste des hémisphères cérébraux, la protubérance,

le bulbe, le cervelet sont normalement conformés. Les autres

organes de l'économie ne présentent rien d'anormal.

L'examen macro et microscopique après durcissement et coupes

sériées, n'a montré l'existence d'aucune lésion en foyer du centre

oval, de la capsule interne, du pédoncule, de la protubérance et

du bulbe rachidien.

Examen microscopique. Nous n'avons que peu de

chose à dire sur la technique microscopique que nous avons

suivie ; elle est simple. Les pièces ont été durcies dans le

liquide de Muller. Comme coloration nous nous sommes

servi de la méthode de Pal pour l'étude des fibres ner-

veuses ; pour le reste nous avons employé la méthode' de

Forel ou méthode de coloration en masse au picrocarmin

sans passage préalable des pièces dans l'alcool. Nous avons

pu nous convaincre, après tant d'autres, qu'au point de vue

de l'examen histologique complet des altérations du système

nerveux central cette dernière méthode est la meilleure et la

seule dont nous disposons aujourd'hui. Nous savons bien

qu'avec cette méthode on ne peut pas entreprendre l'étude

des altérations fines du protoplasma des cellules nerveuses

poussées d'encéphalite A1GUE. 435

(t\issl), ni celle des modifications progressives du noyau

cellulaire (lemming), Mais en ce qui concerne l'étude de la

kariokinese la vraie difficulté réside non dans la coloration,

toujours simple, mais dans la nécessité d'un durcissement

rapide et précoce du tissu à examiner, immédiatement après

la mort, chose qu'il est presque toujours impossible de faire.

Quant à la méthode de coloration de NissI elle ne nous est

d'aucune utilité ici : les altérations du protoplasma (subs-

tance filaire et interfilaire de Flemming), qui après le noyau

constitue l'élément cellulaire essentiel, n'en sont nullement

expliquées.

Voici maintenant ce qui ressort de l'étude des nombreuses

préparations que nous avons faites en vue de l'examen mi-

croscopique des circonvolutions reconnues altérées déjà

macrohcopiquement. Nous commençons d'abord par l'examen

de la région rolandique inférieure des deux côtés.

En examinant les préparations à faible grossissement, on cons-

tate que dans chacune des deux circonvolutions (Fa et Pa) intéres-

sées par nos coupes, se trouvent des traînées de formes irrégulières

se distinguant nettement du tissu environnant. Ces traînées sont

situées dans la substance grise et plus souvent entourent ou côtoient

un vaisseau d'un certain- calibre. Sauf sur quelques points, très peu

étendus d'ailleurs, les trainées n'intéressent pas la surface des cir-

convolutions. La surface de ces dernières est régulière et la pie-

mère nullement altérée.

A un plus fort grossissement, nous permettant d'observer les

détails de constitution des foyers sus-mentionnés ainsi que ceux

de la structure de la substance cérébrale en général, nous consta-

tous que celle dernière aussi est profondément altérée sur toute

l'étendue des préparations. Nous sommes donc obligés d'étendre

notre étude et de procéder d'une manière méthodique dans l'exa-

men. Nous commencerons d'abord par les altérations les plus pro-

noncées de l'écorce cérébrale les foyers circonscrits et conti-

nuerons avec les altérations diffuses du tissu des circonvolutions.

Un premier coup d'oeil nous montre que les foyers pathologi-

ques ne présentent pas partout le même aspect et la même consti-

tution histologique. On peut facilement distinguer deux formes

principales en laissant décote ce que chacune d'elles peut présenter

de particulier, suivant qu'on la prend dans telle ou telle autre ré-

gion.

Prenons une de ces formes dont le dessin fidèle est représenté

436 PATHOLOGIE NERVEUSE.

par la figure 1 de la PLAKCHE I. Nous la désignons pour plus de com-

modité sous le titre de forme A.

L'élément principal dans la constitution de cette forme de foyer

est représenté par les cellules de neuroglie. Ces dernières se trou-

vent réunies en assez grand nombre, mais leurs corps ne se lou-

chent que rarement : il existe toujours un espace entre elles, sou-

vent assez considérable. Ces cellules névrogliques possèdent des

caractères particuliers. Elles sont tuméfiées, quelques-unes ayant

atteint le double du volume normal. Elles sont généralement arron-

dies, mais souvent allongées, polygonales, triangulaires; le corps

cellulaire quelquefois a des contours très indistincts. Quelques-

unes de ces cellules ne possèdent pas de prolongements, mais la

plupart en sont pourvues. Ces derniers sont peu nombreux, épais

et généralement courts ; d'autres fois assez longs, mais jamais

ramifiés. Le protoplasma cellulaire est tantôt homogène et dans

ce cas le noyau est difficilement reconnaissable, tantôt il est gra-

nuleux, le noyau alors bien visible. Mais dans les deux cas le pro-

toplasma est fortement coloré par le carmin. Le plus souvent et

dans certaines coupes les cellules névrogliques renferment un seul

noyau, mais dans d'autres coupes et en particulier dans des corps

cellulaires à protoplasma granuleux on en rencontre à deux

noyaux, quelquefois plus. Le noyau ou les noyaux sont toujours

ronds ou ovalaires et occupent le plus souvent une position excen-

trique. Dans les préparations qui renferment des cellules à proto-

plasma transparent (ftg. 1), nous constatons que les noyaux sont

riches en chromatine se présentant sous forme de granulations ou

de petits filaments.

Un second élément important de ces foyers est formé par les

vaisseaux. On trouve toujours au milieu ou à côté du foyer plu-

sieurs troncs vasculaires ; en outre ce dernier est parcouru par des

capillaires qui ne paraissent pas être en plus grand nombre ici que

dans l'écorce cérébrale normale. Les artères présentent des modi-

fications intéressant surtout leur tunique externe. Celte dernière

est le siège d'une véritable prolifération cellulaire. Les noyaux de

cette tunique, bien colorés par le carmin, offrent deux à trois cou-

ches superposées. Les tuniques interne et moyenne ne paraissent

pas notablement modifiées. Les capillaires au contraire sont atteints

dans leur endothélium. On voit dans certains d'eux les cellules

endothéliales tuméfiées, arrondies et proéminant fortement vers la

lumière du vaisseau. Quelques cellules même sont en état de pro-

lifération évidente. Ce sont là les principaux éléments du foyer

que nous nous sommes proposé de décrire.

Quant aux cellules nerveuses elles ont subi des modifications

variables mais qui toutes portent le caractère régressif. On observe

e plus souvent la transformation granuleuse, mais aussi l'atrophie

POUSSÉES d'encéphalite aiguë. 437

simple et très rarement la sclérose de ces cellules. Dans toute

l'étendue d'un de ces foyers on ne trouve que 5-6 cellules ner-

veuses seulement profondément altérées. Toutes les autres ont dis-'

paru sans laisser des traces reconnaissables.

La substance fondamentale a perdu sa transparence habituelle.

Elle est comme formée de parties distinctes, de blocs, donnant

l'impression d'un commencement de coagulation. Les fibrilles indé-

pendantes de la neuroglie sont difficiles à suivre dans cette masse

légèrement opaque. Autour de la plupart des éléments cellulaires

et des capillaires, on constate de grands espaces vides, résultat du

ratalinemeut pathologique de la substance fondamentale. Nulle

part nous n'avons vu ces espaces bordés par des cellules en forme

de croissant (Randzellen de Friedmann) ou contenant des éléments

cellulaires quelconques. -

Daus la paroi de certains gros vaisseaux nous avons constaté des

cristaux d'hômatine vestige d'une activité circulatoire anormale

qui pourtant n'a pas été jusqu'à provoquer des extravasations san-

guines. Nous n'avons non plus pu trouver des leucocytes au sein de

ces foyers malgré une recherche minutieuse.

Quant aux rapports qui' existent entre les différents éléments

constituant la forme du foyer que nous décrivons, voici ce que-

nous trouvons. Quelques-unes des cellules névrogliques sont venues

se placer à côté des capillaires et ont même contracté des rapports

inlimes avec eux C/y. 3). Rarement on voit ces cellules se mettre

en rapport avec les capillaires et les artérioles par l'intermédiaire

de leurs prolongements, fait qui est la règle dans la forme sui-

vante.

Quelques cellules nerveuses, atteintes des premiers stades de dégé-

nérescence, présentent le même phénomène que nous venons de

signaler pour les cellules névrogliques, c'est-à-dire se sont mises

en 1 apport avec la paroi des capillaires (fig. 4). Nous ne sommes

pas ici en présence d'une trouvaille fortuite : on en rencontre plu-

sieurs exemples bien caractéristiques. Ce n'est pas là non plus un

phénomène passif, fait de simple voisinage comme on pourrait le

croire. Les cellules nerveuses qui présentent ce phénomène ont

une forme de croissant et enveloppent pour ainsi dire le capillaire;

leur bout effilé et un de leurs côtés se confondent avec la paroi

capillaire. Ce changement de forme de la cellule nerveuse, s'adap-

tant exactement à la conformation extérieure du vaisseau, a dû

précéder la modification régressive de la cellule et est par consé-

quent un processus essentiellement actif. Nous tâcherons plus tard

de faire ressortir la valeur de cette constatation.

La seconde forme de foyer ou forme B occupe une plus large

place dans nos préparations. Les traînées visibles au petit grossis-

438 pathologie nerveuse.

sèment s'étendent à certains endroits sans ligne de démarcation

bien nette dans le tissu nerveux environnant, soit de la substance

grise, soit de la substance blanclie. Elles sont constituées par deux

éléments principaux : les vaisseaux et les cellules névrogliques. A

certains endroits, les capillaires et les artérioles sont lellemeut uour-

breux qu'ils occupent tout le champ du microscope et constituent

un réseau très serré dans les mailles duquel on ne distingue que

de nombreuses cellules de neuroglie. Les vaisseaux d'un certain

calibre présentent les mêmes modifications pathologiques et pro-

gressives que ceux du foyer A. Les gros et petits capillaires ne

paraissent pas manifestement altérés.

Les cellules de neuroglie offrent au fort grossissement des carac-

tères différents de ceux que nous avons décrits pour les mêmes

cellules du foyer précédent. Elles ressemblent ici plus aux cellules

névrogliques que l'on observe normalement dans le système ner-

veux central. Comme morphologie, elles offrent toutes les formes

imaginables; elles sont fusiformes, triangulaires, en forme de

pinceau, éloilées, mais ne sont jamais rondes ou ovalaires.

Quelques-unes sont très riches en protoplasma, d'autres, et le plus

grand nombre, ne sont représentées que par un noyau siégeant à

l'endroit de l'entrecroisement d'une multitude de fibrilles. Le pro-

toplasma des cellules qui en sont richement pourvues est très for-

tement coloré par le car min, mais transparent. Le noyau, dans

n'importe laquelle des différentes formes de ces cellules, est situé

à leur extrémité la plus large. Chez beaucoup d'elles le noyau pa-

rait extérieur, uniquement accolé au corps cellulaire. Il est tou-

jours bien visible, petit, rond, moins coloré que le protoplasma

cellulaire. Le nucléole est central. Mats la véritable caractéristique

de ces cellules sont leurs prolongements. Ces derniers, à l'inverse

de ce que nous avons observé dans les cellules du foyer forme A,

sont nombreux, très longs, minces et ramifiés. Les ramifications

sont d'autant plus nombreuses et complexes que lecorps cellulaire

est pauvre en protoplasma. Les prolongements venant des défé-

renles cellules névrogliques s'entrecroisent dans tous les sens et

constituent ainsi, à certains endroits, un lacis inextricable. Chaque

cellule présente au moins un, mais souvent deux ou plusieurs pro-

logements qui se mettent en rapport avec les vaisseaux. Les pro-

longements vasculaires abordent le vaisseau soit parallèlement,

.soit obliquement, mais le plus souvent perpendiculairement. Dans

ce dermer cas, le prolongement possède uu renflement tiiangu-

laire dont un des côtés repose directement sur l'adventice du vais-

seau. Quand le prolongement est parallèle au vaisseau, il se con-

fond avec les couches externes de l'advenlice et il est le plus sou-

vent impossible de poursuivre plus loin son trajet ?

En décrivant les deux formes de foyer précédentes, nous avons

poussées d'encéphalite aiguë. * 439

intentionnellement omis de parler de quelques petits territoires,

bien circonscrits, que ces foyers renferment et dont l'image histo-

logiqne diffère complètement de celle du reste du foyer. Comme la

structure de ces petits territoires est à peu près la même partout,

nous en réunissons la description ici et évitons ainsi des répétitions

inutiles. Le dessin de la fig. 5 donne l'image exacte d'un de ces

petits territoires; nous en avons choisi un des moins complexes.

Comme étendue, ces petits foyers n'ont jamais leur plus grand

diamètre supérieur à 1 millimètre. A première vue, on se croirait

en présence d'un foyer de ramollissement néerobiotique. En effet,

nous constatons que ces petits foyers sont formés d'une trame de

substance fondamentale à mailles excessivement larges. Les tra-

bécules formant cette trame sont très minces et délicates, souvent

il peine visibles. A gauche du dessin on remarque même desplaces

d'une certaine étendue où le tissu nerveux manque complètement.

Mais c'est là toute la ressemblance de ces foyers avec un ramollisse-

ment cérébral nécrobiolique. Nous ne trouvons nulle part des corps

granuleux. On remarque toujours au milieu du foyer un ou plu-

sieurs petits \aisseaux à paroi fortement proliférée. Autour du

vaisseau, comme un peu partout dans le foyer, on rencontre de

nombreux leucocytes. Là où la substance fondamentale le permet,

on voit très bien le mince liséré du protoplasma de ces derniers.

Mais la plupart des leucocytes sont comme fondus dans la subs-

tance des trabécules. Le protoplasma des leucocytes bien conser-

vés ne contient ni granulations pigmentaires, ni gouttelettes grais-

seuses ou de myéline. Mais à part ces éléments, nous en rencon-

trons d'autres moins nombreux. Ce sont de grosses cellules rondes

ou légèrement allongées dontle volume dépasse de quatre à six fois

le volume normal des leucocytes. Le protoplasma de ces cellules

est tout à fait transparent ou finement granuleux, mais ne contient

jamais de myéline ou d'autres substances étrangères. Les noyaux

de ces cellules sont très gros, d'une forme ovalaire et bien colorés

par le carmin. Dans une pareille cellule nous avons trouvé deux

noyaux. Sans aucun doute nous avons affaire ici à des cellules

épithélioïdes dont parle Friedmann. Quoique moins nombreuses

que les leucocytes, ces cellules par leur présence donnent une

physionomie particulière aux foyers que nous décrivons. En troi-

sième lieu nous y trouvons des ligures peu caractéristiques (c. g.),

dont la nature et la provenance sont difficiles à déterminer. Ce

sont des corps cellulaires à forme très irrégulière ; leur protoplas-

ma, clair et transparent, est d'une homogénéité qu'on ne leur

reconnaît, par place, aucune structure ; d'autrefois ils sont fine-

ment granuleux. Jamais ils ne renferment de noyaux. On trouve

ces petits foyers rarement en dehors de ceux décrits sous le titre A

et B.

Nous les envisageons pour l'instant comme des foyers de ramol-

440 ' pathologie NERVEUSE.

lissement. Plus tard, nous déterminerons leur vraie nature et

sui tout leur mode de production. '

Jusqu'à présent nous n'avons parlé que de la substance grise. En

effet, toutes les trois formes de foyers précédemment décrits siègent

dans la corticalité cérébrale. Mais la substance blanche n'est pas

indemne d'altérations. Ces dernières sont d'autant plus prononcées

que les foyers inflammatoires de la substance grise siègent plus

près de la substance blanche. Voici ce que l'on observe dans cette

dernière quand les foyers siègent à la limite des deux substances.

Les vaisseaux présentent pour la plupart les mêmes altérations que

ceux de la substance grise. Mais dans leur entourage on se trouve

en présence de petites agglomérations d'éléments cellulaires d'as-

pect particulier. On ne peut mieux définir certaines d'elles qu'en

les comparant aux différentes formes que prennent les leucocytes

lors de leur migration hors des vaisseaux dans l'iullammation

hématogène. D'autrefois elles sont arrondies, ovalaires, et ont

l'aspect d'une cellule épithéliale cellules épithélioïdes. La fi-

gure 6 donne le dessin de cette dernière forme. Le protoplasma de

ces cellules est coloré très légèrement en rose pâle. Leurs contours

sont difficiles à saisir. En général le noyau est très grand, ovalaire.

pas ou peu coloré et rcnfermant un nucléole et des filaments de

chromatine. On rencontre assez souvent des cellules à deux noyaux.

Les prolongements que ces dernières présentent quelquefois sont

épais, à contours vagues et en rapport avec les vaisseaux ambiants.

A part les agglomérations, ces ceilules s'observent à l'état isolé

dans une large étendue de la substance blanche. L'endothéliulll

des capillaires a proliféré. Quant à la nature de ces cellules, nul

doute que cesoientlà des cellules névi-o.-liquesen voie de proliféra-

tion. Et pour fournir la preuve de notre observation, nous n'avons

qu'à poursuivre ce qu'elles deviennent quand nous approchons de

la substance grise. En effet, à mesure que nous montons vers

l'écorce nous remarquons que, de cellules pâles et à contours

vagues qu'elles étaient, elles prennent une forme de plus en plus

déterminée, sont nettement limitées, bien colorées et commencent

à présenter des prolongements nombreux, fins et très longs. On

n'observe plus de cellules à deux noyaux. A quoi tient celte diffé-

rence dans la coloration des cellules névrogliques des substances

blanche et grise ? Il nous est impossible de nous prononcer.

Les fibres nerveuses correspondant aux foyers décrits ont subi

une atrophie très prononcée qui n'est plus nettement visible quand

on examine la substance blanche des circonvolutions faiblement

atrophiées.

11 nous reste à étudier maintenant les altérations diffuses de la

POUSSÉES d'encéphalite aiguë. 441 J

substance cérébrale des circonvolutions atteintes. Faisons cet exa-

men d'abord pour la région rolandique inférieure. Les vaisseaux

jouent ici le rôle important et nous les prenons comme point de

départ de notre description, en leur associant la description de la

zone immédiatement voisine. Après cela nous passerons rapide-

ment en revue les faibles altérations de la substance grise loin des

gros troncs vasculaires. C'est loin des foyers inflammatoires que

nous observons les altérations vasculaires les plus prononcées. Ces

dernières consistent en l'épaississement considérable de l'adven-

tice des vaisseaux. A certains endroits, elle dépasse en épaisseur

trois ou quatre fois le diamètre de la lumière vasculaire. Cet

épaississement est constitué par la prolifération des cellules de la

paroi vasculaire, et c'est par la formation de couches assez régu-

lièrement concentriques que cette prolifération se manifeste. Les

corps des cellules proliférées se distinguent difficilement; mais en

revanche leurs noyaux sont très bien colorés et visibles. L'endo--

tliélium des gros vaisseaux ne parait pas altéré. Ces derniers ren-

ferment en général beaucoup de sang, et leur paroi des cristaux

d'hématine. Autour des vaisseaux la substance fondamentale n'est

nullement altérée. Mais le fait capital que nous y observons est

l'existence de cellules nerveuses a modifications progressives. Ces

modifications sont repiésentées dans nos préparations par la pro-

lifération du noyau cellulaire. Le protoplasma cellulaire, vu les

méthodes de fixation et de coloration que nous avons employées,

ne peut pas y être étudié. Dans cette zone donc nous trouvons des

cellules nerveuses à noyau riche en chromatine, des cellules dont

le noyau renferme deux, trois, jusqu'à quatre nucléoles. Certaines

cellules possèdent un noyau excessivement long; enfin nous en

trouvons qui renferment deux noyaux. Un grand nombre de cel-

lules nerveuses de cette zone périvasculaire présentent d'autres

altérations, mais qui toutes portent le caractère régressif. Ains

nous en observons qui ont contracté des rapports de voisinage

anormaux, se sont fortement rapprochées jusqu'à simuler une

seule cellule, se sont juxtaposées par leur base. Beaucoup d'entre

elles ont perdu leurs prolongements tout en conservant leur forme

caractéristique. Enfin on en observe qui ont subi un commence-

ment de dégénérescence granuleuse ou scléreuse. On ne constate

aucune modification, soit qualitative, soit quantitative des cellules

névrogliques.

Les altérations de l'écorce cérébrale, à mesure qu'on s'éloigne

des gros troncs vasculahes, diminuent rapidement d'intensité. Les

cellules nerveuses y sont normalement disposées, et nous aurions

affaire à un tissu cortical normal, n'était les quelques cellules ner-

veuses en état de dégénérescence. Nous faisons remarquer, à pro-

pos des modifications progressives de la cellule nerveuse, qu'à me-

sure que l'on s'approche des foyers inflammatoires, ce phénomène

442 pathologie NERVEUSE.

d'activité limitée ne s'observe plus. Nous avons même un exemple

où la cellule nerveuse possédant deux noyaux se trouve déjà en

état de dégénérescence avancée.

Nous n'avons pas grand'chose à dire des altérations microsco

piques des circonvolutions autres que les FA et PA (à leur partie

inférieure). En effet, à part le léger épaississement de l'adventice

de quelques vaisseaux, nous n'y avons rien trouvé de bien anor-

mal. Il nous a semblé, par place, rencontrer moins de cellules ner-

veuses que dans les circonvolutions correspondantes normales,

mais on sait combien il est facile de se tromper dans ces évalua-

tions délicates.

En nous basant sur les constatations que nous venons de

faire, nous posons le diagnostic histologique suivant : in-

.Ilammation en foyer de la corticalité cérébrale, encéphalite.

Chez nous, cette dernière se manifeste dans tous les stades

qu'une inflammation peut présenter, depuis la poussée in-

flammatoire aiguë jusqu'à la sclérose secondaire bien carac-

térisée, en passant- par les formes intermédiaires. C'est pour

ainsi dire un tableau schématique de l'inflammation en

général et de celle du système nerveux central en paiticulier.

Tout cela apparaîtra clairement quand nous donnerons la

signification des faits que nous venons d'exposer. Mais pour

tirer tout le profit désirable de l'analyse de notre cas d'in-

flammation cérébrale, nous jugeons utile de passer rapide-

ment en revue tout ce qui a trait à l'histoire de l'encéphalite

en général. Nous éviterons aussi par cela même de nom-

breuses et inutiles répétitions.

C'est vers la fin de la première moitié de ce siècle qu'on

parla d'encéphalite pour la première fois. On connaît les

grandes discussions qui s'élevèrent à cette époque au sujet

du ramollissement cérébral. Rohitansl : y ' l'identifiait avec

l'encéphalite. Yirchow, à la suite de ses recherches sur la

thrombose et l'embolie, au contraire, soutint l'origine nécro-

biolique du ramollissement. Plus tard et après de longs

débats on remit un peu en honneur l'encéphalite comme

cause du ramollissement*. Mais la question n'en resta pas

' liokitanslcy. Lelerbttcle der ? t0 ? Analomie. 3 Auf. 1806. Mil II.

1 Celui qu'intéresse cette question trouvera dans la thèse de Poumeau

Uu rôle de l'inflammation dans le ramollissement cérébral, Paris, t86(i)

poussées d'encéphalite aiguë. -H3

moins très obscure. On admettait bien que le ramollissement

d'origine inflammatoire, ou « ramollissement rouge », était

caractérisé microscopiquement par l'apparition précoce de

la cellule ronde et surtout par les petites extravasations san-'

guines qui lui donnent la couleur caractéristique. Mais on

savait d'un autre côté qu'autour du ramollissement nécrobio-

tique il pouvait survenir de l'inflammation quelquefois assez

intense, comme cela arrive autour des abcès ou des tumeurs

dont la croissance est rapide. Pour la même raison, on devait

se méfier des affirmations de certains auteurs qui admettaient

l'origine inflammatoire des kystes et cicatrices pigmentés.

Donc à la fin de celte période qui se termine en 1868, on ne

connaissait bien comme encéphalite spontanée que l'abcès du

cerveau.

lIayem' essaie d'établir par voie expérimentale et anatOl1lO-

pathologique une nouvelle forme d'encéphalite qu'il dénomme

encéphalite hyperplastique. Dans les foyers inflammatoires

qu'il provoque chez les animaux en introduisant des corrusifs

dans le cerveau, il révéla l'existence de grosses cellules

rondes et multinucléaires (jusqu'à huit noyaux dans la même

cellule). Il fait provenir ces cellules de la prolifération des

cellules de la névroglie et les regarde comme cellules-mères

des corpuscules purulents. Ayant observé les mêmes formes

cellulaires dans trois cas d'altérations pathologiques en foyer

chez l'homme, Ilayem conclut à l'identilé du processus.

Depuis les travaux de Cohnheim sur la diapédèse on a aujour-

d'hui l'impression que les éléments' observés par Ilayem

n'étaient autres que des leucocytes en grande quantité qui,

comme nous l'avons observé dans un bas d'hémorragie céré-

brale, peuvent présenter lès mêmes propriétés que les grosses

cellules rondes et multinucléâires de llayem. La dénomi-

nation t hyperplastique » donnée par Ilayem à l'inflamma-

tion qu'il décrit, provient de la propriété qu'ont les cellules

situées à la périphérie des foyers inflammatoires, de donner

naissance à une grande quantité de fibres.

et surtout dans celle de Proust (Des différentes formes de ramollissement

cérébral, Paris, 1886) la plus riche bibliographie.

' (layem, Etudes sur les diverses formes d'encéphalite, 1SG8..

444 pathologie nerveuse.

Une dizaine d'années après, Virchow parla de l'encéphalite

congénitale et plus fard encore' d'encéphalite interstitielle.

En 1883 il y a eu à la Société de médecine de Berlin 3 une

longue discussion à ce sujet, sans qu'on ait pu arriver à

établir la nature pathologique du processus. Nous sommes

tout aussi peu renseignés sur ce qu'on a appelé l'encéphalite

parenchymateuse observée après les maladies infectieuses.

Gluge parlait déjà d'altérations vagues de la cellule ner-

veuse après la fièvre typhoïde. Aujourd'hui, cinquante ans

après, nous ne sommes pas plus avancés. Ces derniers temps

on a Lien étudié les modifications de la substance chroma-

tophile des cellules nerveuses dans les maladies infectieuses

et les'intoxications. Mais le phénomène paraît être d'impor-

tance tout à fait secondaire, puisque les éléments essentiels

de la cellule : le noyau et le protoplasma, ne paraissent

pas sensiblement altérés dans un sens, soit progressif, soit

régressif.

Nous arrivons à l'étude expérimentale de l'encéphalite. On

y a été conduit qar l'observation de ce qui se passe dans les

plaies non suppurées du cerveau. Ziegler5 d'abord, et Coën6

plus tard, donnèrent les premiers une bonne description de

l'encéphalite expérimentale. En blessant le cerveau d'animaux

avec des aiguilles épaisses et portées au rouge, ils obser-

vèrent toujours les mêmes lésions cérébrales et la même

évolution de l'inflammation dans tous les cas. C'est ce qu'ils

appelèrent l'encéphalite t1'alt1natiqlle (N7undeiicepliali Lis) ou

par plaie aseptique. Voici en résumé comment ils décrivent

ce processus inflammatoire. Autour de la piqûre se trouve

une zone plus ou moins étendne de tissu nécrosé qui, avec le

temps, se dissout et est résorbé intégralement. Le second

jour déjà après la blessure, cette zone nécrosée est entourée

par une autre appelée zone inflammatoire, qui sépare le tissu

' Virchow, Ueber congénitale Encephalilis und Jlyelilis (Virchow's

Arcltiv. Bzl. 38, S. 129).

s Virchow, Ueber interslielle Erzcehlzalilis. (Fil'c/ww's rlrvlziv. Bd. 41,

S. 4-2).

3 l3erléner klinische Wochenschl'i(t, 1883, S. i 17.

gruge, Aúhandlungen zur J'h ! Jsioloyie uml l'alhologie. mena, 1S11.

° Ziegler, Lehrbuch der l'cellzolo;l. Anatol1 ! /C, Bd, 11, 1887.

"con, JIeGer lreilztn von Hlichwunden des 7e/< ! '<')M. Beilrseye mur

Patholog..11latomie, etc., von Ziegler und Nanwerck, Il, lena, 1887.

POUSSÉES d'encéphalite aiguë. 445

nécrosé du tissu normal. Mais c'est vers le quatrième ou cin-

quième jour après la blessure que cette zone est le siège de

phénomènes inflammatoires les plus intenses. On y constate

l'accumulation d'une grande quantité de globules blancs;

les cellules névrogliques et les cellules de la paroi vascu-

laire prolifèrent, enfin des corps granuleux et des corps pig-

mentaires apparaissent. La substance fondamentale éprouve

des modifications profondes aussi. Les cellules nerveuses

dans cette zone dégénèrent. La zone inflammatoire est en-

tourée elle-même par une dernière zone, qui est très étendue

quelquefois, oit les éléments nerveux ont subi une dégéné-

rescence plus ou moins prononcée zone de dégénéres-

cence. La prolifération commencée dans la zone inflamma-

toire continue longtemps après. Si la perte de substance

cérébrale n'est pas très considérable, elle est remplacée par

la prolifération névroglique (cicatrisation) ; dans le cas con-

traire il en résulte un kyste ou une plaque jaune comme dans

les ramollissements hémorragique et ischémique.

En 1890, Friedmann ? dans un long et très intéressant

travail, parle le premier de l'encéphalite aiguë spontanée

et non suppurée. Mais tandis qu'on pouvait s'attendre à ce

que les recherches anatomo-pathologiques dé Friedmann

viendraient confirmer ce que l'expérimentation antérieure

avait avancé, nous voyons que cet auteur essaie d'établir une

forme d'encéphalite tout à fait distincte de ce qu'on avait

décrit jusqu'à ce jour. Nous dirons même que Friedmann

dans son travail va plus loin : il essaie d'établir une forme

d'inflammation aiguë pour le cerveau, dans l'ancien sens de

Virchow. Il s'agit d'une inflammation de tissu suraiguë, dans

laquelle l'appareil vasculaire ne jouerait aucun rôle ou au

moins un rôle tout à fait secondaire. Pour établir sa forme,

Friedmann se base sur des expériences, sur les observations

auatomo-cliiiiques de différents auteurs et enfin sur trois

observations personnelles. II avance que l'encéphalite expé-

rimentale ou la forme subaiguë, comme il la nomme, présen-

terait le même phénomène que la précédente; que dans son

évolution l'extravasation des éléments du sang est insigni-

' Friedmann, Zur Histologie und P01'meneintheilun[J de;' aculen nicht

eilrirjen yenninen Encephalitis (Archiv. fil Psychiatrie, 1890, XXI, et

Neuz·olo. Ceazlrczlblall, 1S89).

1'16 PATHOLOGIE NERVEUSE.

fianle en comparaison de la prolifération du tissu nerveux.

Nous n'avons pas à nous prononcer sur la valeur des consta-

tations expérimentales de Friedmann, ni sur la portée en

anatomie pathologique générale de la forme d'inflammation

aiguë qu'il admet, cela n'entre pas dans le cadre de notre

travail. Nous ne relevons ici que ce qui a trait aux observa-

tions anatomo-cliniques de Friedmann et qui lui ont servi

pour ériger sa forme d'encéphalite.

Sur les 16 cas que cet auteur rapporte dans son travail,

13 sont empruntés à différents auteurs et 3 lui sont personnels.

Nous ne pouvons attacher aucune importance aux 13 pre-

miers cas de Friedmann. A part d'autres reproches qu'on

pourrait faire à cette méthode de cueillir des observations

de différentes époques et à des auteurs antérieurs (llayem,

Kiewlicz), nous nous bornons à en signaler un important :

dans la plupart de ces observations la mort est survenue à la

suite de pyémie, fracture du crâne, de la colonne vertébrale,

de la pneumonie, et les foyers d'encéphalite particuliers

(Friedmann) n'ont été qu'une trouvaille fortuite. Les trois cas

personnels se répartissent comme suit : deux cas sans his-

toire clinique dont l'un (observ. XIV) publié déjà par Fried-

mann comme encéplialite chronique multiple. Le troisième

cas présentait à l'autopsie, à part les foyers d'encéphalite

particuliers, des fractures multiples des côtes avec suppuration

abondante, bronchite purulente, méningite purulente très

prononcée, des foyers hémorragiques cérébraux purs; les

méninges nageaient dans du pus. Ces trois observations per-

sonnelles n'ont donc guère plus de valeur que les précé-

dentes.

Quant aux foyers d'encéphalites mêmes, voici comment

Friedmann les décrit. Le principal élément de leur constitu-

tion est représenté par une grosse cellule ronde, d'aspect

épithélial. Ces cellules sont en général situées les unes près

des autres, ce qui fait que quelquefois elles prennent une

forme allongée, irrégulière par compression réciproque. La

cellule épithélioïde a des propriétés essentiellement actives,

proliférant avec une grande vivacité, pouvant présenter des

ligures kariokynétiques abondantes. Elle renferme souvent

un grand nombre de noyaux, ce qui la fait ressembler à une

cellule géante. L'arrangement de ces cellules est type pavi-

poussées d'encéphalite aiguë. 447

menteux quelquefois'. Peu ou pas de substance fondamen-

tale. Les vaisseaux présentent de la prolifération de leur

paroi. Jamais on ne voit dans ces foyers de leucocytes en

grand nombre : quelques exemplaires seulement par-ci

par-là, en voie de régression. Ces foyers peuvent être uniques

(cas n° 3) ou plus souvent nombreux. Ils siègent toujours

dans la substance blanche. Le cas n° 3 siège bien dans la cor-

ticalité, mais il présente des caractères un peu différents de

ceux décrits plus haut.

Comme évolution, Friedmann dit que ces foyers d'encé-

phalite aiguë ne suppurent jamais; les cellules épithélioïdes

disparaissent toujours par dégénérescence, mais très lente-

ment, mettant quelquefois des années pour cela. La cicatri-

sation du foyer, la sclérose, survient toujours, mais avec la

même lenteur que la disparition des cellules épil hélioïdes.

L'établissement d'une nouvelle forme d'encéphalite par

Friedmann, au lieu de répondre à un besoin réel, a, au con-

traire, amené une confusion dans les esprits Greppin (ein

Fall von Iluntington'sche Chorea mit Beruclcsichtigung auf der

Anatom. Befunde. Arc1t. f. l ? cJa., Bd XXIV, -1892) a trouvé

des petits foyers formés de grosses cellules plus ou moins

rondes, disséminées un peu partout dans la substance blanche

du cerveau. Et cette lésion, qui d'après Friedmann serait

l'expression du plus haut degré d'inflammation aiguë, n'avait

jamais provoqué d'autres symptômes que ceux caractérisant

la chorée d'IIuntington. C'est aussi l'unique cas qu'on a

essayé de rattacher au type d'encéphalite de Friedmann,

que nous ayons trouvé rapporté dans la littérature depuis 1890.

Mais c'est surtout depuis les travaux de Wernicke'2 en 1881 1

et de Strtimpell3 en 1890, que commence l'étude régulière de

l'encéphalite aiguë spontanée. Le premier décrit ce qu'il

nomme la polioencéphalite hémorragique supérieure, carac-

térisée anatomiquement par l'existence de petits foyers in-

flammatoires avec hémorragies capillaires consécutives dans

1 La cellule épithélioïde, d'alnis Friedmann, provient de la proliféra-

tion des cellules de neuroglie, des cellules de la paroi vasculaire, des

cellules bordant les espaces pémvasculaires et péricellulaires et en

partie des cellules nerveuses.

'- Wernicke, Lehrbuch der Gelciral-Ierualseilen, Bd. II.

3 Strtimpell, Archiv sur Idinische Jlecl., 1891, XLVII.

448 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la substance grise, recouvrant le quatrième ventricule,

l'aqueduc de Sylvius et quelquefois le troisième ventricule.

Strümpell décrit l'encéphalite aiguë hémorragique qu'il pré-

sente comme une forme inflammatoire différente de celle de

Wernicke, mais caractérisée anatomiquement à peu près par

les mêmes altérations de la substance cérébrale. Seulement

les foyers de cette dernière siègent dans la substance blanche

de n'importe quelle région de l'encéphale. Depuis les travaux

de ces deux auteurs les observations se sont multipliées;

chaque année apporte quelques nouveaux cas. Mais, fait

important à signaler, c'est l'étiologie, l'histoire clinique de

ces maladies qui fait l'objet presque constant des discussions

des auteurs. L'anatomie pathologique est restée au même

point où l'ont laissée Wernicke et Strümpell. En effet, Leich-

tenstern discute sur les relations qui peuvent exister entre

la méningite cérébro-spinale et l'influenza d'un côté et l'en-

céphalite aiguë hémorragique de l'autre. Oppenheim2 s'oc-

cupe du pronostic de la forme de StrÜmpel1. D'autres auteurs

comme Murawielf3 font de longues discussions pour savoir

si leurs cas appartiennent au type Wernicke ou Strümpell de

l'encéphalite, et cela en se basant sur la présence ou l'ab-

sence de fièvre ou tel autre symptôme clinique, ou enfin sur

l'étiologie. Il nous semble qu'une étude approfondie des

lésions qu'on rencontre dans ces deux prétendues différentes

formes d'encéphalite aiguë nous conduirait plus sûrement à

leur identification ou à leur différentiation.

Nous ajoutons ici qu'on a constaté sommairement dans

l'une et dans l'autre de ces deux formes d'encéphalite des

altérations microscopiques ressemblant à des foyers inflam-

matoires circonscrits hématogènes : hyperémie, accumulation

de globules blancs dans la gaine des vaisseaux et dans les

tissus. On n'y trouve pas de corps granuleux. Les cellules

nerveuses, la neuroglie, la substance fondamentale demeurent

intactes. On n'a jamais trouvé non plus de microbes patho-

gènes. Macroscopiquementla substance blanche était humide.

Mais la véritable caractéristique de ces formes d'inflammation

' Leichtenstern, Deulschemed. Vochen., 1890, n° 23; 1892, 11° 2. -

* Oppenheim, Die Prognose cler aculen nichl eitl'i[)en Gzzce ? lzalilis

(Deut. med. Wochenschrift, 1895).

' 111urawielt', 11'eurolo. Cenlralblall, 1897, n° 3.

POUSSÉES d'encéphalite AIGUË. 449

sont les hémorragies capillaires ou autres qui ne manquent

jamais de les accompagner. Les hémorragies surviennent

soit dans le sein des foyers inflammatoires, soit indépen-

damment d'eux. Ce dernier fait nous montre combien nous

devons être prudents dans l'appréciation des altérations

caractérisant les deux formes d'encéphalite que nous venons

de passer en revue. La confusion est facile, et rien d'étonnant

que des auteurs (Jaksch, Pmge1' med. lYochen., 1895, n° 7)

aient décrit de simples ramollissements hémorragiques pour

de l'encéphalite aiguë en foyer. Cette confusion est surtout

possible pour la forme décrite par Wernicke chez les alcoo-

liques. Ces derniers ont la paroi de leurs vaisseaux très

altérée, fragile, et de simples hypérémies actives cérébrales

peuvent amener des extravasations sanguines capillaires. On

sait d'autre part, comme l'a montré Bollinger ', que des trau-

matismes, insignifiants quelquefois, de la tête peuvent donner

lieu à des hémorragies capillaires ayant le même siège que

les foyers de la poliocnc.éphalite supérieure hémorragique.

En résumé nous pouvons dire : pendant que Friedmann{-

attribue dans l'histogenèse de l'encéphalite aiguë spontanée

en foyers, le rôle principal aux éléments constitutifs du tissu

nerveux, les travaux de ces dernières années font voir au

contraire que les phénomènes vasculaires sont'seuls à obser-

ver dans ce processus inflammatoire.

Passons maintenant à l'analyse de notre cas. Macroscopi-

quement, nous avons affaire à une microgyrie intéressant une

partie des régions rolandiques et des lobes frontaux des deux

hémisphères cérébraux. Mais c'est tout particulièrement la

région rolandique inférieure immédiatement au-dessus de

l'opercule rolandique, et cela surtout à gauche, qui est le

plus fortement atrophiée. Il n'y a pas de lésion méningée.

Par l'examen microscopique de la région rolandique infé-

rieure, nous avons révélé l'existence : 1° de petits foyers de

ramollissement; 2° de foyers inflammatoires décrits sous le

titre de foyers forme il ; 3° de foyers inflammatoires forme B;

4° d'une zone de dégénérescence autour des foyers inflam-

matoires.

' Bollinger. Ueber lrctztn2alisclze Spælapoplexie. Ein l3eilra zut

Lelere voit rien Ihii-iiei-eltiiiiei,u ? 9. Internat. Beilræge zur Wissenschaftl.

Médian, leslschrift Rutlolf Virchow's. Bd. Il.

ARCHIVES. 2e série, t. VI. 29

450 PATHOLOGIE NERVEUSE.

1. Les petits foyers de ramollissement que l'on observe au

sein ou à côté des foyers inflammatoires décrits peuvent être

la conséquence de trois processus pathologiques : a) d'hémor-

ragies capillaires, b) d'oblitérations vasculaires, ou enfin c) de

processus inflammatoires aigus. Contre l'hémorragie parle

l'absence complète d'hématies, de l'hémaloïdine soit amorphe,

soit à l'état de cristaux d'hématine dans les tissus. D'autre

part aucun vestige de corps pigmenlaires. La paroi vasculaire

(gros vaisseaux, capillaires) ne présente aucune des altéra-

tions suivantes : atrophie, dégénérescence de l'une des

tuniques, anévrismes miliaires.

Contre un ramollissement ischémique nous avons d'une

part la parfaite intégrité de l'endothélium des petites arté-

rioles et des capillaires dans le domaine et tout autour des

foyers de ramollissemenl. D'autre part, le siège, le volume de

ces derniers excluent toute idée d'obstruction vasculaire par

embolie. On ne constate d'ailleurs nulle part dans le cerveau,

ni dans les autres organes de l'économie, des embolies et des

infarctus consécutifs. Nous n'y trouvons pas non plus de corps

granuleux. Donc, rien que par exclusion, nous sommes amenés

à admettre l'origine inflammatoire de ces foyers de ramollis-

sement. Mais les preuves positives ont une autre importance.

D'abord à côté de ces foyers on trouve toujours d'autres élé-

ments de l'inflammation. Ainsi certains des foyers de ramol-

lissement siègent au sein même des foyers inflammatoires

subaigus et chroniques. Nous savons d'autre part que, si cer-

taines parties de ces petits foyers ressemblent à un foyer de

ramollissement nécrobiosique, d'autres parties, au contraire,

présentent l'aspect caractéristique des foyers d'encéphalite

aiguë non suppurée décrits par Coën. En effet, nous trouvons

ici principalement des leucocytes et des grosses cellules

rondes, les cellules épithélioïdes de Friedmann. Mais à l'en-

contre de ce dernier auteur, nous avons trouvé les leucocytes

en bien plus grande quantité que les cellules épithélioïdes.

Chez nous c'est l'image assez exacte de l'inflammation aiguë

en général. L'extravasation des leucocytes, leur diffusion

dans le tissu périvasculaire, la présence d'hématies dans la

paroi des vaisseaux, la dégénérescence rapide des cellules

nerveuses, la dissolution de la substance fondamentale,

mais surlout la formation de grosses cellules rondes aux

dépens des cellules névrogliques voici les principaux phé-

poussées d'encéphalite aiguë. 451

nomènes observés. Donc il n'y a rien d'étonnant qu'à certains

endroits les foyers d'inflammation aiguë de la corticalité

aient à première vue l'aspect de petits foyers de ramollisse-

ment. Les cellules épithélioïdes sont la réponse - phénomène

inflammatoire particulier au système nerveux central des

éléments névrogliques à l'agent inflammatoire. Pour affirmer

l'origine névroglique des grosses cellules rondes, nous ne

pouvons assurément pas nous baser, comme l'a fait Ilayem,

sur la multiplicité des noyaux, ni sur des propriétés mal

définies du protoplasma cellulaire (Friedmann), mais sur la

forme même du noyau de ces cellules. Ce dernier est très

gros, ovalaire et d'un aspect qui ne permet aucune confusion :

jamais les leucocytes ne possèdent un pareil noyau. Et puis

dans la même préparation et à côté des grosses cellules

rondes on trouve des leucocytes, de sorte que leur différen-

tiation est-une chose très aisée. Nous ne disculons même pas

la possibilité de provenance de ces grosses cellules des cellules

nerveuses ! Comme nous l'avons vu dans notre description

précédente, les cellules nerveuses disparaissent au début de

l'inflammation même subaiguë. En résumé, nos constatations

prouvent que l'encéphalite aiguë en foyer et non suppurée

offre à peu près la même image histologique.que l'inflam-

mation aiguë en général. 1

2. Les foyers inflammatoires forme A ne sont autre chose

que ce qu'on a décrit sous le nom d'encéphalite subaiguë. OR

y constate de l'hyperémie, de la dégénérescence précoce et

incomplète des cellules nerveuses, coagulation de la subs-

tance fondamentale, tuméfaction des éléments de la neu-

roglie, prolifération modérée de ces éléments comme des

éléments de la paroi vasculaire. Jamais nous n'y avons révélé

la présence de leucocytes.

C'est ici que nous devons parler des rapports cyto-vasculaires

et de leur signification en anatomie pathologique spéciale.

Nous avons mentionné déjà qu'on trouve dans les foyers d'en-

céphalite subaiguë des cellules névrogliques qui ont contracté

des rapports très intimes avec les capillaires et les petits

vaisseaux. Certaines de ces cellules, en état de modifications

progressives, sont en effet accolées par une large base aux

vaisseaux. La figure 3 en donne le dessin exact. Il ne faut pas

confondre ces rapports directs de la cellule névroglique et

les capillaires avec ceux se faisant indirectement , par l'in-

452 pathologie NERVEUSE.

termédiaire des prolongements des cellules névrogliques, fait

que l'on observe communément à l'état normal et surtout

dans les foyers d'encéphalite chronique et qui est connu

depuis longtemps (Gierke, Boll, Axel, Key). Mais comme

pour ce dernier cas, on a voulu invoquer les rapports directs

des cellules névrogliques avec les vaisseaux comme un fait

plaidant en faveur de la parenté de ces éléments, donc en

faveur de l'origine et nature conjonctive de la neuroglie.

Sans oser émettre une opinion catégorique dans un sens ou

un autre, ce que nous avons observé- dans notre cas nous

autorise au moins de douter de l'exactitude de cette affirma- -

tion. Comme on peut le voir dans la figure 4, les cellules ner-

veuses aussi peuvent présenter le même phénomène que les

cellules névrogliques, et cela dans les mêmes foyers d'encé-

phalite. On ne peut pourtant pas suspecter l'origine épithé-

liale des cellules nerveuses et admettre qu'elles puissent

avoir quoi que ce soit de commun avec les éléments de la

paroi vasculaire ? : ' .

3. Les foyers forme B représentent le tableau fidèle de

l'encéphalite chronique, ou ce qu'on appelle plus communé-

ment de la sclérose cérébrale. Mais ici il s'agit de la sclérose

cérébrale secondaire ayant succédé aux poussées inflamma-

toires aiguës, mais surtout subaiguës. Nous avons vu dans

la description que ces foyers occupent la plus large place

entre tous, et, comme la sclérose de n'importe quel tissu

amène sa rétraction, nous avons là aussi l'explication de la

diminution du volume des circonvolutions affectées.

4. La zone inflammatoire, formée elle-même des foyers

inflammatoires, est entourée par une autre zone que les uns

.(Ziegler, Cocn) appellent zone de dégénérescence, d'aulres

(Friedmann) zone d'irritation. Chez nous cette zone s'étend

très loin du groupe des foyers inflammatoires. Les altérations

histologiques qu'on y constate vont en diminuant d'intensité

à mesure qu'on s'éloigne de ces foyers, de sorte que, dans la

région rolandique moyenne par exemple, on ne constate

plus rien autre d'anormal qu'un faible épaississement de

l'adventice des vaisseaux et peut-être l'atrophie d'un certain

nombre de cellules nerveuses. C'est dans cette zone et dans

le voisinage immédiat des foyers inflammatoires que nous

avons signalé des légères modifications progressives dans les

cellules nerveuses.

poussées d'encéphalite aiguë. 453

La substance blanche répond très vivement au processus

inflammatoire qui se passe dans la corticalité. Les cellules de

la neuroglie y prolifèrent fortement; c'est surtout ici que

nous rencontrons les cellules type épithélioïde, et nous tenons

à nous expliquer sur leur véritable signification. La figure 5

représente une petite agglomération de ces cellules épitlié-

lioïdes au voisinage des foyers inflammatoires corticaux. Il

est hors de doute que ce sont des cellules- névrogliques en

voie de prolifération, mais à l'inverse de ce que prétend

Friedmann, nous considérons leur apparition comme la

conséquence d'une faible irritation de la substance blanche.

Comme preuve de ce que nous avançons vient se ranger le

fait qu'on trouve ces cellules épithélioïdes même dans le voi-

sinage des foyers d'encéphalite chronique, là où le processus

prolifératif est à son minimum d'intensité. Nous ne nous

expliquons pas pourtant pourquoi les cellules névrogliques

répondent avec plus de vivacité que celles de la couche cor-

ticale aux mêmes irritations. La plupart des fibres nerveuses

correspondant aux foyers inflammatoires ont disparu. Le

reste de la substance blanche paraît normal.

Donc dans notre cas, au point de vue morphologique, nous

nous trouvons en présence de foyers d'encéphalite aiguë,

subaiguë et chronique. Mais au point de vue de l'évolution

nous n'avons à considérer comme processus primitifs que les

deux premiers; la troisième forme n'est que l'aboutissant des

deux autres, particulièrement de la dernière.

Les foyers d'encéphalite aiguë, quoique datant de plusieurs

mois, présentent le tableau assez exact de l'inflammation

aiguë en général. C'était d'ailleurs à prévoir après les recher-

ches expérimentales de Ziegler, mais surtout de Coëii 1. Si

dans les foyers d'encéphalite aiguë spontanée non suppura-

tive nous trouvons une certaine différence de ce qu'on

observe ordinairement dans l'inllammation aiguë en foyers,

cela tient uniquement au terrain où le processus s'est déve-

loppé. En effet, comme nous l'avons déjà mentionné, Fried-

mann a eu le mérite de signaler dans les foyers d'encéphalite

aiguë l'existence de grosses cellules rondes ou de cellules

épithélioïdes 2. Mais cet auteur a été trop loin en soutenant

' Loc. cil.

- La prolifération des cellules névrogliques constitue en elle-même un

processus qui ne s'observe que dans l'inflammation aiguë du système

454 pathologie NERVEUSE.

que ces cellules constituent l'essence même de cette forme

d'inflammation. Notre cas démontre que nous n'avons affaire

là qu'à des éléments d'importance secondaire. Les faits

essentiels, nous le répétons, qu'on constate dans les foyers

d'encéphalite aiguë sont : la présence de leucocytes, de dégé-

nérescence des cellules nerveuses et la dissolution de la sub-

stance fondamentale. En second lieu seulement nous voyons

l'endothélium des vaisseaux et les cellules névrogliques pro-

liférer. La prolifération de ces dernières est si vive pourtant

qu'on comprend jusqu'à un certain point la méprise de Fried-

mann. Notre cas montre que, loin des foyers inflammatoires,

les cellules névrogliques de la substance blanche prolifèrent

avec une grande intensité. Ce que nous avons observé dans

les foyers d'encéphalite subaiguë vient confirmer encore la

susceptibilité extrême des cellules de la névroglie vis-à-vis

de l'agent inflammatoire apporté par les vaisseaux. Dans ces

foyers, avant toute extravasation des, globules blancs du

sang, les cellules névrogliques sont déjà en état de prolifé-

ration assez avancée, phénomène suivant de près la dégéné-

rescence des cellules nerveuses. Toutes ces constatations

prouvent surabondamment que les éléments nerveux

cellules nerveuses et cellules névrogliques - sont beaucoup

plus sensibles à n'importe quelle irritation que toutes les

autres cellules de l'économie. C'est pour la même raison que

nous avons de la peine à comprendre l'absence complète

d'altérations des cellules nerveuses, delà substance fonda-

mentale et des cellules névrogliques dans les cas d'encépha-

lite aigué non suppurative décrits ces derniers temps par

différents auteurs.

D'après Friedmann les cellules épithélioïdes sont destinées

à disparaître toutes, mais le processus peut durer plusieurs

années. Chez nous, un an à peu près après le début de l'affec-

tion, nous en trouvons encore de nombreux exemplaires dans

nos préparations.

A mesure que les éléments constitutifs des foyers d'encé-

nerveux central ; dans les autres organes atteints d'une forte inflamma-

tion aiguë (d'origine vasculaire on non) les éléments fixes du tissu

subissent tous au début des modifications i agressives plus ou moins

prononcées en rapport avec l'intensité de l'inflammation. Quoique les

névrogliques proliférant si vite et si fortement soient destinées il une

destruction définitive, on ne doit pas moins considérer le processus

comme un signe caractéristique de l'encéphalite aiguë spontanée.

POUSSÉES d'encéphalite aiguë. 455

phalile aiguë dégénèrent, la prolifération avoisinante rem-

place le tissu disparu. C'est comme cela que nous nous expli-

quons l'existence de larges zones d'encéphalite chronique

autour des petits foyers d'encéphalite aiguë.

L'évolution des foyers d'encéphalite subaiguë est différente

de celle des foyers précédents. Ici nous n'observons plus la

mort complète du tissu enflammé : il n'y a que les cellules

nerveuses qui dégénèrent et disparaissent. L'inflammation

chronique s'installe lentement, mais au sein même des foyers

d'encéphalite subaiguë, en empruntant pour cela les mêmes

éléments qui caractérisent cette dernière forme. Jamais la

prolifération des éléments névrogliques n'y va jusqu'à donner

naissance aux vraies cellules épithélioïdes

Tout ce que nous pouvons avancer au point de vue étio-

logique, c'est que l'agent inflammatoire inconnu a dû être

apporté dans le cerveau par le courant sanguin. La preuve

en est donnée par'l'altération prononcée des vaisseaux san-

guins, même en dehors de la région inflammatoire propre-

ment dite.

Les symptômes de paralysie pseudo-bulbaire, observés

pendant la vie, relèvent histologiquement de l'atrophie

complète des cellules nerveuses dans. le domaine des foyers

inflammatoires aigus, subaigus et chroniques. La faiblesse

des quatre membres correspond aux altérations de la

zone de dégénérescence. Enfin les crises épileptiformes à

caractère subintrant reconnaissent, sans nul doute, comme

cause les poussées d'encéphalite aiguë. Cliniquement, les

poussées d'encéphalite subaiguë paraissent avoir évolué

comme de la sclérose cérébrale.

Après ce qui vient d'être dit nous nous croyons autorisé à

pouvoir formuler les conclusions suivantes :

1° 11 existe anatomiquement une encéphalite aiguë en

foyers, spontanée, non suppurative et non hémorragique;

2° Celte forme d'encéphalite aiguë spontanée correspond à

l'encéphalite aiguë expérimentale de Coën;

3° Des petits foyers de ramollissement peuvent en être la

conséquence;

4° Les foyers d'encéphalite aiguë peuvent coïncider dans

le même cas avec des foyers d'encéphalite subaiguë. Ces der-

niers se présentent avec des caractères anatomiques diffé-

rents des premiers, tout en étant une forme atténuée.

456 psychologie.

EXPLICATION DE LA PLANCHE

Fig. 1. Foyer d'encéphalite subaiguë, en, cellules névrogliques en

voie de modifications progressives; c g, cellules nerveuses dégénérées

ou en voie de dégénérescence granuleuse, scléreuse ou d'atrophie

simple ; v, capillaire à endothélium proliférant. (Zeiss, ocul. 3 obj. E.)

Fig. 2. - Foyer d'encéphalite subaigue, mais il moindre grossisse-

ment. (Zeiss. ocul. 3 obj. D.)

Fig. 3. Accotement des cellules névrogliques à la paroi des capil-

laires. Le noyau d'une des cellules présente un abondant réseau de

fibrilles* de chromatine. (Zeiss. ocul. 3obj.E.)

Fig. i. Accotement des cellules nerveuses à la paroi capillaire.

Les cellules nerveuses en voie de régression, même grossissement.

Fif). 5. - Foyer d'encéphalite aiguë spontanée et non suppurative.

l, leucocytes ; c e, cellules épithéloides ; c g, cellules nerveuses com-

plètement dégénérées; ! ), petit vaisseau à adventrice proliférée ; f r,

dissolution de la substance fondamentale. Même grossissement.

PSYCHOLOGIE.

MÉCANISME ANATOMIQUE DE L'ATTENTION;

Par le D' Jo ,\ : \ Y R 0 U X, .

1, : x-iiiteri,e des hôpitaux.

Les découvertes récentes de l'histologie et de l'anatomie

du système nerveux ont fait entrer la psychologie dans une

nouvelle voie : on a essayé, de divers côtés, de donner une

explication mécanique des phénomènes de la pensée 1. Mais,

'Voir les travaux de Rabl Ruckard, de Lépine, de Duval, de Cajal,

résumés, soitdans la revue critique e Cl'i7011 lly (l il llée PSYCIIO10fliq lie, 1896),

soit dans la thèse de Pupin (l'ans, 1890). Voir aussi plus récemment :

Deyber (Th. Paris, 1898); Mallouéhan (Biologie, 18 ! )8) ; )I. Duval (liev.

scientifique, 1898, p. 321); Gerest (Itev. £ le méd" 1898).

mécanisme anatomique DE l'attention. 457

dans ces recherches, on n'a fait usage que des découvertes de

l'histologie fine (méthode de Golgi) ; d'autre part, si l'on a

montré comment s'établissaient les contacts entre neurones

[mouvements protoplasmiques, mouvements amoeboïdes,

plasticité des éléments nerveux, intervention de la névro-

glie ( ? ), etc.], on n'a pas recherché sous quelle influence se

faisaient ces mouvements, quel était leur ]Jrinwm movens.

Il m'a semblé, en outre, que pour l'interprétation des phé-

nomènes psychologiques on pouvait aussi utiliser les con-

naissances de plus en plus précises que nous avons acquises

sur l'anatomie et la systématisation des centres (méthode

des dégénérescences, méthode embryologique de Flechsig).

Un progrès considérable a déjà été réalisé dans cette voie

par M. Duval, lorsqu'il a invoqué l'intervention des nervi

nervorum.

C'est en faisant appel à toutes ces données que je veux

essayer de faire l'étude du mécanisme anatomique de l'atten-

tion. Je prendrai pour .cela un exemple très simple : la

vision d'un objet, et j'étudierai par suite de quels processus

physiologiques l'image est rendue plus nette et plus précise '.

Dans l'étude de ce phénomène nous trouvons toutes les

formes de l'attention, depuis l'attention organique, automa-

tique, inconsciente, jusqu'à l'attention consciente, dite volon-

taire. La connaissance assez précise des premières nous

éclairera sur le mécanisme des formes dites supérieures.

Lorsqu'une image vient exciter notre rétine, voici ce qui

se passe. Dans la région des cônes et des bâtonnets (en A, g. `3)

il se fait une transformation de force : les vibrations lumi-

neuses donnent naissance à des vibrations moléculaires de

nature spéciale ; ce qu'on appelle l'influx nerveux est né. Il

chemine à travers une série de neurones qui le conduisent à

l'écorce cérébrale. Des cônes et bâtonnets (A) il passe succes-

sivement à travers les cellules à cônes et à bâtonnets (B) - la

couche plexiforme externe (G), les cellulaires bipolaires (D),

la couche plexiforme interne (E), les cellules ganglionnaires

(F), les neurones visuels périphériques (G) comprenant le

1 On peut accepter la définition de James Sully qui considère l'atten-

tion « comme une simple activité mentale qui amène : \ sa plus grande

intensité, à son achèvement, à sa définition précise certaine sensation

ou certain fait psychologique, et qui produit une diminution correspon-

dante des autres phénomènes présentés simultanément ·.

488 PSYCHOLOGIE.

nerf optique, le chiasma, les bandelettes ; les cellules inter-

calaires (H) au niveau des noyaux gris centraux ; les radia-

tions optiques (1), enfin l'écorce cérébrale (K).

A chaque articulation de neurones (aux points C, E, 11, K)

les vibrations trouvent à leur passage une certaine résis-

tance, qui est variable suivant l'état de ces articulations.

Dans l'attention interviennent un certain nombre de processus

physiologiques, ayant précisément pour but de diminuer

cette résistance au passage des vibrations, qui constituent ce

qu'on appelle l'influx nerveux. Etudier le mécanisme de ces

processus, c'est étudier le mécanisme de l'attention.

I. Attention ORGANIQUE INCONSCIENTE.

En premier lieu, nous trouvons deux réflexes qui ont pour

but de limiter la quantité de lumière arrivant jusqu'à la

rétine : ce sont les réflexes irien et pigmentaire.

1° Réflexe irien il la lumière. Lorsqu'on approche de

l'oeil une bougie allumée, l'iris se contracte afin de protéger

la rétine contre une trop grande intensité lumineuse. Voici

ce qui se passe : l'influx nerveux chemine à travers les

divers neurones que nous avons étudiés plus haut. Arrivé au

niveau des noyaux gris centraux V, ((lg. 26) il se réfléchit et

vient faire contracter l'iris.

Fig. 25.-Trajet suivi par les vibrations nerveuses, de la rétine à l'écorce,

dans la vision simple, sans attention. Les figures suivantes nous mon-

treiont l'intervention, aux points A, C, G. II, Ii, de divers processus

ayant pour but de faciliter le passage de l'influx, lorsqu'intervient

l'attention.

MÉCANISME ANATOMIQUE DE L'ATTENTION. 459

' Le circuit de ce réflexe est aujourd'hui assez bien connu ;

il comprend les noyaux gris centraux de la vision (pulvinar,

corps genouillé externe, tubercules quadrijumeaux anté-

rieurs), le ganglion de l'babenula, la commissure postérieure,

le noyau irien, la troisième paire, le ganglion ophtalmique,

les nerfs ciliaires.

2° Mouvements pigmentaires. On sait que l'épithélium

pigmenté de la rétine envoie entre les cônes et les bâtonnets

une série d'expansions protoplasmiques (i'ig. 26). Lorsque la

rétine est exposée à la lumière, ces expansions sont allongées

au maximum, et remplies de granulations pigmentaires.

Lorsque l'oeil est placé dans l'obscurité ces granulations se

retirent dans le corps de la cellule, et les expansions pro-

toplasmiques paraissent plus courtes. Il y donc là un mou-

vement alternatif qui a pour but évidemment de régler la

quantité de lumière arrivant au contact des cônes et des

bâtonnets pour y être transformée en vibrations nerveuses.

Le rôle de ces dispositions est très comparable à celui joué

par l'iris.

Ces mouvements ne sont pas produits directement par la

lumière, mais indirectement par un mécanisme réflexe. En

effet a) la.- section du nerf optique empêche la descente

du pigment sous l'influence de la lumière ; b) l'éclairage

d'un seul oeil fait descendre le pigment dans les deux yeux

(analogie complète avec le réflexe consensuel de la pupille).

Le point de départ de ce réflexe peut même être en dehors

de la rétine : une grenouille ayant la tête dans l'obscurité,

l'éclairage du reste du corps fait encore descendre le pigment

(Van Ganderen Stort).

Fig. 26. Circuits du réflexe irien à la lumière et du réflexe

pigmentaire.

460 PSYCHOLOGIE.

Quelles sont les voies de ce réflexe ? Nous ne savons rien

encore à ce sujet. L'analogie avec le réflexe irien rend très

probable l'hypothèse suivante : au niveau des noyaux gris de

la couche optique, réflexion de l'influx nerveux vers le noyau

de la troisième paire, puis trajet centrifuge par le troncde ce

nerf, puis les filets ciliaires' (V. fig. 26).

Le réflexe irien à la lumière et le réflexe pigmentaire se

produisent d'une façon absolument automatique et incons-

ciente : leur condition nécessaire et suffisante est que le

rayon lumineux arrive jusqu'à la rétine et que le circuit

réflexe soif intact. Ce sont des réflexes complètement adaptés ;

ils se rattachent à l'attention organique.

Il. Attention CONSCIENTE involontaire.

Nous allons étudier maintenant des réflexes plus compli-

qués, dans lesquels la conscience intervient : un rayon lumi-

neux n'est plus leur condition suffisante ; il faut que nous

regardions, que l'attention consciente intervienne. Un objet

éveille notre curiosité, attire notre attention ; nos regards

convergent vers lui, nous avons conscience d'un effort pour

mieux voir, en même temps que les détails de l'image se pré-

cisent. A quoi cela répond-il au point de vue anatomique et

physiologique : voilà ce que nous voulons essayer de déter-

miner.

I. Adaptation musculaire . Nous trouvons en premier

lieu une série de contractions des muscles intrinsèques et

extrinsèques de l'oeil dans le but de renforcer l'image.

a) Les muscles extrinsèques de l'oeil se contractent, de

façon à faire converger les axes visuels sur l'objet en question,

afin que son image optique vienne se placer sur la macula,

au point le plus sensible de chaque rétine.

b) Le muscle de Bruce se contracte, et le cristallin prend

la courbure nécessaire pour que l'image rétinienne soit au

point.

c) Le muscle irien se contracte de façon à régler l'intensité

lumineuse.

1 On pourrait encore supposer que le trajet vers la pénphérie se fait

par les filets centrifuges du nerf optique, que nous étudierons dans un

instant. Mais cela est peu probable, car ces filets n'ont pas pu être sui-

vis dans la rétine au delà de la couche des grains internes.

- MÉCANISME ANATOMIQUE DE L'ATTENTION. 461

Voyons maintenant le mécanisme de ces phénomènes.

L'influx nerveux a franchi les noyaux gris centraux, est

arrivé au niveau du centre cortical. Tant que l'attention

n'entre pas en jeu, l'image est trop faible pour être cons-

ciente : nous regardons sans voir. Présente- t-elle une inten-

sité inaccoutumée ou quelque chose d'insolite, elle devient

consciente, notre attention est attirée; l'image, augmentée

d'intensité, devient claire et précise.

L'influx nerveux a cheminé comme précédemment jusqu'à

l'écorce (A), puis s'est réfléchi pour venir mettre en jeu les

noyaux (B) tenant sous leur dépendance la contraction de

l'iris, l'accommodation, la convergence. De l'écorce (A) à ces

noyaux (B) l'influx suit les fibres centrifuges mêlées aux

radiations optiques, dans l'épaisseur du lobe occipital (Mo-

nakow, Flechsig, etc.).

Je m'écarte de la doctrine classique en admettant que les

mouvements de l'iris et du cristallin ont ici une origine cor-

ticale. On les considère plus généralement comme produits

par un réflexe analogue au réflexe lumineux irien, et se pas-

sant comme lui au niveau des ganglions de la base. Mais il

est à remarquer que le réflexe irien lumineux se produit

quel que soit l'état psychologique du sujet. Le réflexe accom-

modateur ne se produit que lorsque nous regardons, lorsque

Fig. 27. Citcuitdes réflexes ayant pour but la convergence (M. eÀtl'lns.),

l'accommodation (M. accommodât.) et la contraction irienne (IRIS).

Contrairement aux auteurs classiques, je place le centre de réflexion

au niveau de l'écorce en A.

462 PSYCHOLOGIE. 9

nous prêtons une attention consciente, ce qui suppose Fin

tervention de la corticalité.

Quant au réflexe irien qui accompagne le réflexe accom-

modatcur, dans l'attention consciente, il doit avoir le même

mécanisme puisqu'il se produit dans les mêmes conditions.

C'est bien à tort qu'on a considéré ce réflexe irien comme

subordonné au réflexe accommodateur : ce sont simplement

deux réflexes parallèles. Il faut au contraire séparer nette-

ment le réflexe irien lumineux du réflexe irien de l'attention

consciente. Le premier a son point de réflexion dans les

noyaux de la base, le second dans l'écorce cérébrale. La

pathologie se charge d'ailleurs dé les dissocier : c'est le signe

d'Argyll-Robertson '.

II. Ajustement des neurones rétiniens. - Outre les neu-

rones qui servent à conduire l'impression nerveuse et dont

nous avons donné le schéma (g.2p), la rétine contient encore

des cellules nerveuses dont nous allons étudier le rôle pro-

bable.

1 Cellules horizontales de la couche granuleuse interne.

Ce sont de petites cellules situées au-dessous de la couche

plexiforme externe et envoyant leur prolongement dans

celle-ci au niveau du point où les cônes et bâtonnets entrent

en contact avec les cellules bipolaires ( ? 28). La supposition

la plus probable, c'est que ces cellules servent à établir des

contacts plus intimes, à favoriser le passage de l'influx ner-

veux, à ce niveau.

2° Spongioblastes. Le corps de ces cellules est égale-

ment situé dans la couche granuleuse interne (/ ? . 28). Mais

leurs prolongements se dirigent du côté opposé vers la

couche plexiforme interne, au niveau du point où les cellules

bipolaires entrent en contact avec les cellules ganglionnaires.

1 Nous avons développé ces idées ailleurs. Voir Dr Joanny Roux. Le

signe d'Argyll Robel tson (l'rovizzce médicale, mai 1898). Brissaud (Leçons

sur les maladies nerveuses, 1895) avant nous avait déjà placé dans la

corticalité le point de départ de la contraction menue accompagnant la

convergence. Notre opinion diffère de la sienne en ce qu'il le localisait

dans les circonvolutions motrices centrales. Gerest (Th. Lyon 1896)

admet l'opinion de Brissaud. Tout récemment Ingebrans (Echo 'médical

du Nord, juillet 1898. An. in Presse méd.) a développé à propos du

signe d'Argyll-Robertson absolument les mêmes idées que nous.

MÉCANISME ANATOMIQUE DE L'ATTENTION. li 63

Ici encore ces cellules ne peuvent servir qu'à perfectionner

les contacts.

Ce rôle des cellules horizontales et des spongiobfastes été

nettement admis par M. Duval. De par leur situation et leurs

dispositions, c'est la seule hypothèse qu'on puisse faire.

Duval admet qu'ils remplissent ce rôle par des mouvements

amiboïdes ; puis, se demandant sous quelle influence se pro-

duisent ces mouvements amiboïdes, il montre qu'on doit

invequer une excitation venue du cerveau par les fibres

visuelles centrifuges : a Une excitation née dans ,1e cerveau

est transmise à l'articulation de deux neurones sensitifs !

Mais ce ne peut être que pour modifier l'état de cette articu-

lation à un certain moment, pour, en un mot, provoquer par

amiboïsme de ces prolongements des contacts plus ou moins

intenses selon l'état d'attention commandé par le cerveau. »

A notre tour, nous nous demanderons : quelle est l'origine

de cette excitation venue par les fibres visuelles centrifuges ? ` ?

L'étude des phénomènes précédents nous permet de répondre

par analogie. L'excitation apportée au centre visuel par les

fibres visuelles centripètes est réfléchie par les fibres visuelles

centrifuges jusque dans la rétine où elle provoque un ajuste-

ment des neurones, qui rend plus facile le passage de l'influx

nerveux 1.

' V. Dr Joaiinv Roux. Béflexes réhino-réliniens. (AI'ch. tl'Ophttlmo-

logie, juin 1898.)"

Fiv. 28. Circuit du réflexe prenant naissance au niveau de la rétine,

et y aboutissant, dans le but de modifier les articulations de neurones

par l'intermédiaire des cellules horizontales et des sporigioblastes.

464 PSYCHOLOGIE.

III. Ajustement des neurones intercalaires des noyaux

gris centraux. Les noyaux gris de la couche optique sont

des stations où passe l'impression lumineuse. La transmission

ne se fait pas directement d'un neurone périphérique il un

neurone central, mais par l'intermédiaire d'une troisième

cellule, le neurone intercalaire f'/<. 29) '.

Comme les spongioblastes de la rétine, ce neurone interca-

laire ne peut évidemment servir qu'à établir des contacts plus

ou moins intimes, probablement par amiboïsme.

Mais il faut que cet amiboïsme soit sollicité d'une façon

quelconque. Ici encore nous pouvons invoquer un réflexe ana-

logue aux précédents. L'inllux nerveux apporté en B ((tg, 29),

par les fibres visuelles centripètes est réfléchi par les fibres

visuelles centrifuges, jusqu'au neurone intercalaire par l'in-

termédiaire duquel les contacts deviennent plus intimes,

d'où encore intensité et netteté plus grande de l'image.

IV. Ajustement des neurones corticaux. L'influx

nerveux ne s'arrête pas au centre visuel, il est porté plus

loin par les voies d'associations intra et inter-hémisphériques,

et passe ainsi par une série de neurones d'association avant

d'être définitivement réfléchi vers la périphérie parles voies

de projection. Ce trajet complexe constitue la voie des réflexes

cérébraux, qui sont tout le substratum des phénomènes de la

pensée.

Dans ce trajet la communication de neurone à neurone se

fait au niveau de la couche des fibres tangentielles, où les

cylindraxes centripètes se mettent en communication avec les

panaches protoplasmiques des cellules pyramidales.

1 Voir dloacclaow.irclc. f. Psych. und Serv. liruakleilea, t. YYVII, 1895.

l'ig. 29. L'influx nerveux venant de la rétine (A) arrive à la cortica-

lité (R), se réfléchit par les libres visuelles centrifuges jusqu'à la cellule

intercalaire.

MÉCANISME ANATOMIQUE DE L'ATTENTION. 465.

\

Dans cette couche des fibres tangenlielles sont trois espèces

de cellules particulières : a) des cellules polygonales angu-

leuses avec un seul cylindraxes) des cellules fusiformes de

Cajal avec des cylindraxes multiples naissant tous d'une den-

drite ; c) des cellules triangulaires différant des précédentes

seulement par leur forme, leur plus grand volume, leur

nombre plus grand. (V. flg. 30.)

Ces cellules ont pour caractère commun d'être tout en-

tières situées avec tous leurs prolongements dans la couche

des fibres tangentielles Elles ne peuvent que recevoir l'influx

nerveux des fibres centripètes pour le transmettre aux

panaches protoplasmiques des cellules pyramidales. Elles

sont donc absolument comparables aux cellules intercalaires

des noyaux gris centraux, ou aux spongioblastes de la rétine.

On peut donc leur attribuer un rôle analogue : le perfection-

nement des contacts qui se fait au niveau de Ld couche des

fibres tangentielles du cerveau.

L'influx nerveux parti du centre visuel arrive en un point

quelconque de l'écorce (lig. 30, B).. puis il revient sur ses pas

jusqu'au niveau du centre visuel (A) où par l'intermédiaire

des cellules de cette région les contacts se perfectionnent,

l'image devient plus nette et plus claire.

11 est inutile de pousser plus loin cette analyse : l'écorce

Archives, 2e série, t. VI. 30

fit. 30. Structure schématique de la couche des libres tangentielles du

cotte. Les flèches permettent de suivre le trajet de l'influx nerveux,

et montrent comment en B il revient sur ses pas jusqu'en A, où par

l'intermédiaire des cellules de cette région, il peifectionne les contacts

et diminue les résistances.

466 PSYCHOLOGIE.

cérébrale a sensiblement la même structure en tous ses points;

tous les réflexes cérébraux doivent se produire d'une façon

analogue, il nous suffit d'avoir étudié l'un d'eux. Dans celte

étude nous nous sommes avancé pas à pas, en partant d'un

terrain solide, de phénomènes bien connus, et nous n'avons

fait intervenir que des notions anatomiques bien établies.

III. Attention consciente et volontaire.

L'attention organique, inconsciente, nous a préparé à com-

prendre l'attention consciente. Il nous reste à dire un mot de

l'attention dite volontaire.

Dans les exemples précédents, l'attention quoique cons-

ciente était encore automatique. Sa condition nécessaire et

suffisante est qu'un objet insolite, curieux, intéressant, vienne

se placer dans notre champ visuel. Notre regard se dirige

tout seul de ce côté, sans que nous ayons conscience de vou-

loir regarder. .

Lorsque, au contraire, je me lève de mon bureau pour aller

voir par la rue, j'ai conscience de vouloir regarder, de prêter

une attention volontaire. Le phénomène semble tout différent

des précédents, et en effet beaucoup de psychologues sépa-

rent l'attention volontaire de l'attention automatique.

Ce n'est pas le lieu de discuter ici cette question, ni de

prendre la défense du déterminisme. Nous dirons simple-

ment que pour nous tout n'est qu'automatisme.

Au point de vue psychologique, le mouvement volontaire

se distingue du mouvement involontaire : a) parce qu'il est

précédé de la représentation consciente, de l'image du mou-

vement à exécuter, b) parce qu'il s'accompagne d'une illusion

qui nous fait croire à notre libre arbitre. Lorsque je me

retourne vivement dans la rue à l'audition de mon nom,

j'exécute un mouvement conscient mais involontaire. Lors-

que m'apercevant que je me trompe de route, je me décide

à rebrousser chemin, j'ai dans ma conscience la représen-

tation du mouvement à exécuter, puis l'illusion d'agir libre-

ment. Cet acte est qualifié de volontaire. Ce n'est cependant

comme le premier qu'un acte réflexe, mais plus compliqué,

ayant passé par les centres d'associatiou.

Au point de vue anatomique il y a, en effet, une diffé-

rence. Nous avons vu que l'attention était constituée pour

une série de réflexes superposés, grâce auxquels l'influx

MÉCANISME ANATOMIQUE DE L'ATTKNTION. 116-1 I

nerveux se fraye lui-même sa voie, en aplanissant les

obstacles, et diminuant les résistances.

Dans l'exemple d'attention volontaire que nous avons

donné plus haut, voiei comment nous nous représentons le

mécanisme anatomique et physiologique. Reportons-nous à

la figure 30. L'inllux nerveux vient d'abord au point B puis

au point A, d'une autre parité du cortex, par exemple du

centre auditif, lorsque c'est un bruit venu de la rue qui nous a

donné l'idée d'aller voir ce qui s'y passe. L'influx arrivé au

point A prépare ce centre à recevoir l'image visuelle de la

rue, toujours par l'intermédiaire des cellules de Cajal de la

couche des fibres tangentielles.

Le mécanisme de l'attention est toujours le même, l'ori-

gine du réflexe seul diffère. Dans le réflexe conscient et

involontaire le plus souvent les centres de projection sont

seuls mis en jeu : l'influx nerveux arrivé par les fibres cen-

tripètes à la corticalité en repart aussitôt par les fibres cen-

trifuges correspondantes (V. fig. 27, 28 et 29). Dans le réflexe

conscient et volontaire, l'influx, des centres de projection

passe dans les centres d'association puis dans un autre centre

de projection souvent fort éloigné de celui où il a abordé la

corticalité.

En résumé, l'attention, au moins sous l'une de ses faces ',

nous apparaît comme constituée par une série de processus

physiologiques, se produisant tous sur le même type. Toute

attention est le résultat d'un réflexe, qui a pour effet de faci-

liter le passage de l'influx nerveux, en diminuant les résis-

tances en certains points déterminés. C'est tantôt l'influx

nerveux qui se fraye lui-même son passage, étapes par

étapes (attention involontaire, consciente ou non). C'est tantôt

un influx qui prépare le passage à un autre influx, ayant son

origine ailleurs (exemple : bruit de la rue attirant notre regard

et préparant notre centre visuel = attention dite volontaire).

Nous sommes loin de l'attention, faculté de l'âme '.

1 Il reste il expliquer pourquoi, en même temps que certains phéno-

mènes augmentent d'intensité, d'autres diminuent.

, Tout ce que nous avons dit d'une sensation visuelle, pourrait se

répéter d'une sensation olfactive : nos connaissances anatomiques sont

assez précises pour cela. Quant aux autres sensations, l'étude de leurs

appareils anatomiques n'est pas encore assez avancée.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

VI. Des convulsions COl\TICILES prolongées dans la PWi.ILY511's

générale des nLlsés ; par l\-. MUII,TO%7. (Neuroloil. Ccnlral0l.,

XVI, 1897.)

Deux observations d'accidents de ce genre chroniques pendant

des semaines et des mOIs JUSqU'il la mort.

Ons. 1. - Encéphalite diffuse, avec dégénérescences secon-

daires marquées. L'extension des dégénérescences secondaires et

des altérations périvasculalres permet de croire à une intlam-

mation subaiguë.

uns. Il.- Phénomènes d'excitation corticale continus avec accès

jacksomens. Epilepsie corticale partielle continue (de Kojew-

nikow) par dégénérescence diffuse de l'écorce (Jluratow). Le syn-

drome en question nécessite, pour qu'il se produise, deux condi-

tions indispensables : 1° la persistance des cellules motrices de

l'écorce qui, si dégénérées, si malades soient-elles, ne doivent

point être complètement atrophiées; 2° la dégénérescence d'une

quantité de fibres arcifolmes excitant continuellement les cellules

corticales.

Conclusions. 1° Les attaques congestives apoplectiformes ou

épileptiformes des parai} tiques généraux se compliquent parfois de

convulsions corticales prolongées incitant continuellement divers

groupes de muscles. 2° Ces convulsions d'ordinaire s'associent

aux attaques apoplectiformes, sont unilatérales et typiques,

témoignent de leur origine corticale et d'un trouble du sens mus-

culaire. 3° Ce sont des mouvements iirésistibles, impulsifs,

provenant de l'écorce, exactement comme ceux de plus courte

durée, transitoires, qui accompagnent l'épilepsie corticale ordi-

naire. C'est donc un phénomène postépileptique. 4° Ces mani-

festations naissent par propagation de l'encéphalite aux circonvo-

lutions ascendantes au moyen de la dégénérescence étendue et

très ténue des fibres arciformes. 5° On observe aussi des atta-

ques convulsives corticales prolongées, en dehors de la paralysie

générale, comme signes d'une dégénérescence diffuse du territoire

moteur de l'écorce. 6° Les attaques congestives épileptiformes

ordinaires de la paralysie générale proviennent aussi d'une irrita-

tion réflexe des ascendantes, moins atteintes, par le processus

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 469

encéphalitique des circonvolutions frontales. Les influences vaso-

motrices ne peuvent servir que d'agent accessoire non provo-

cateur. 7° Les cas de paralysie générale à attaques convulsives

corticales prolongées impliquent un très mauvais pronostic.

8° Traitement : bromure, chloral. Déconseillez les vésicatoires et

les sangsues. P. Keraval.

VII. Des obsessions musicales ; par L. LOEVENFELD. (Centrvlbl. f.

Ne1'venheilk., XX, N. F., vm, 1897.)

11 s'agit d'une héréditaire de 30 ans, sujette à des accès mélan-

coliques, sans délire, dont deux pendant les suites de couches

(accouchements normaux). Etat de dépression avec angoisse, idées

de suicide et quelque anesthésie psychique. En même temps, échos

permanents dans la tête de mélodies gaies qui la torturent. Cette

malade dut la dernière fois être traitée pendant quatre mois de

suite ; la mélancolie présentait des variations ; chaque fois, qu'elle

régressait, les mélodies se montraient plus rares ou disparaissaient,

chaque fois que la mélancolie s'aggravait, les mélodies revenaient

plus obsédantes. Le thème de la mélodie dépendait de l'audition

accidentelle de n'importe quel morceau, de morceaux antérieure-

mentjoués par la patiente, ou de simples réminiscences fortuites.

Prédominance générale d'airs gais, faciles à jouer; par instants,

mélodies difficiles à jouer, obligeant la malade à se représenter la

manoeuvre des doigts correspondante, ce qui l'importunait au plus

haut point, l'irritait très péniblement, la surexcitait, tout en

aggravant sa dépression. Ce sont bien là des mélodies obsédantes,

car elles sont indépendantes de l'association des idées, s'implan-

tent dans l'esprit et résistent à tous les efforts faits pour les chasser,

s'imposent de force comme un corps étranger.

Nosographie. Ce genre d'obsessions qui peuvent se produire,

à l'état passager et peu marqné, chez des individus bien portants

ou un peu nerveux, n'acquièrent persistance et intensité que chez

les nerveux et les psychopathes, en particulier dans la neurasthénie,

l'hystérie, la mélancolie, et surtout chez ceux qui, par profession

ou par dilettantisme très vif, s'adonnent passionnément à la

musique, mais aussi chez des musiciens ordinaires, comme dans

l'observation qui précède. Les thèmes sont quelconques, de valeurs

diverses, accidentellement entendus ou joués ; mais les personnes

d'une haute culture musicale semblent avoir principalement des

obsessions d'une musique triviale, ce qui les importune et les affecte

énormément. L'obsession est surtout auditive; quelquefois néan-

moins elle s'accompagne de conceptions motrices, d'un besoin de

remuer les doigls comme pour jouer les morceaux obsédants, de

chauler, siffler, fredonner. Une dame, très musicienne, également

malade, prétend que cet accompagnement de mouvements tech-

470 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

niques est spécial aux mécaniciennes plus qu'auxmusiciennes audi-

tives et intellectives. L'obsession en question est parfois si opiniâtre

qu'elle dure nuit et jour, trouble le sommeil, détermine de l'in-

somnie, devient la source d'un perpétuel tourment, bientôt suivi de

palpitations, angoisses, vomituntions, vomissements, agitation,

confusion mentale, dégoût de la vie, mais d'ordinaire, elle ne dure

que quelques heures à l'état d'intermède épisodique. Presque

toujours ce senrn d'obsessions alterne ou coexiste avec d'autres

obsessions ou des phobies. Enfin l'obsession musicale est gaie chez

le mélancolique par contraste, et rappelle les obsessions sacrilèges

des gens pieux, le désir de tuer des êtres chéris. Elle porte aussi

sur des motifs de \aleur musicale inférieure chez les grands musi-

ciens, tout à fait à l'inverse des tendances de ces derniers.

q Pathogénie. On peut admettre une hyperémie fonctionnelle

surexcitant certains éléments de l'hémisphère cortical, dans le

cas où l'obsession, roulant sur des morceaux étudiés, est le fruit

d'un surmenage musical. Sinon, on peut croire que la cérébras-

thénie forte produit directement des obsessions musicales, la céré-

brasthénie faible augmentant la prédisposition organisée par une

occupation musicale. La cérébrasthénie peut d'ailleurs être exa-

gérée par un surmenage intellectuel quelconque non musical ;

dans ce cas, elle rappelle des obsessions musicales sur des thèmes

tout à fait indifférents. P. KERAVAL,

VIII. Contribution A la statistique et A l'étiologie delà paralysie

générale progressive des aliénés; par I. GREIDENBEIIG. (Neurolog.

Cellt1' £ llbl., XVI, 1897.)

A l'asile des aliénés de Symphél'opol (Crimée), de 988-189, il

est entré 2.914 malades, dont 2.010 hommes et 004 femmes ; en

tout 369 paralytiques généraux hommes et 0 paralytiques géné-

rales.

Si nous nous bornons aux malades entrés pour la première fois,

nous voyons ce qui suit :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 471 I

A cet égard, l'auteur a observé la paralysie générale à l'âge de

vingt et un ans (âge minimum) et à soixante-six ans (âge maxi-

mum), mais seulement deux fois chez l'homme. Les autres âges

se iépartisseut comme suit :

472 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

la mélancolie; mais leur véritable étiologie était inconnue. Cette

classification, suffisante pour le public, pour les hommes de loi, ne

l'est plus pour le médecin qui veuL connaître fonts et origo mali, le

substratum anatomo-patho logique.

La méthode psychologique, dans les mains de Pinel et de son

école a donné de bons résultats : la description de la paralysie

générale des aliénés, par exemple; mais, pour le reste, elle pousse

à s'attacher à des détails minutieux sans importance. Ainsi, la folie

morale a été décrite avec ses subdivisions : pyromanie, klepto-

manie, et pour les cas où lès lésions du sens moral étaient plus

évidentes que celles des facultés intellectuelles mais l'observation

clinique montre que ce n'est qu'une question de degré; que, dans

tout cas de folie le sens moral est louché, et que dans les cas de

folie morale les facultés intellectuelles ne sont pas non plus intactes

puisque le malade n'est pas capable de juger l'immoralité de son

action ni d'en prévoir les conséquences.

Cette conceplion psychologique de la folie fut la cause de bien

des confusions et des erreurs.

Ce n'est que depuis trente-cinq ans que l'étude des maladies

appelées psychiques entra dans une voie positive et scientifique et

par là même se rattacha à la médecine générale. Les progrès en

anatomie et physiologie cérébrale furent rapides, trop peut-être

pour que ces notions nouvelles soient bien assimilées. Il est dé-

montré aujourd'hui que l'activité mentale est le résultat d'une

connexion d'éléments cellulaires et le corollaire pathologique de

cette opinion est qu'une interruption dans ces connexions produit

un trouble mental. Nous connaissons la marche des excitations

nerveuses de la périphérie au centre; nous savons qu'une série de

fibres partant de la peau, des muqueuses et des muscles sont

réunies, passentdans la moelle épinière, tiaversenLle corpsoplique

et se divisent en trois systèmes pour se rendre à l'écorse grise.

L'un d'eux va directement à la circonvolution de Hofando sans

avoir subi aucune connexion et là ils entrent en communication

avec les prolongements protoplasmiques des cellules pyramidales.

Le transfert de l'excitation se fait par contact, car il n'y a aucune

communication anatomique entre ces fibres et les prolongements

protoplasmiques, ceux-ci sont en communication avec les prolonge-

ments des autres cellules en formant ce que Torski appelle des

« synapses ». L'excitation descend du corps de la cellule à la péri-

phérie du corps par l'intermédiaire du cylindraxe. Le neurone

devient le centre vital; c'est le récepteur, le conservateur, le trans-

formateur de l'énergie, qu'il distribue par ses prolongements pro-

toplasmiques à d'autres cellules ou à des centres cellulaires. Mais

chose importante, toute excitation vient du dehors, la conception

de l'idée, batterie (productrice d'énergie), doit être écartée. Sur ces

bases la science doit progresser et les recherches anatomo-patho-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 473

logiques des centres nerveux sont de plus en plus intéressantes et

se poursuivent dans tous les laboratoires de la Grande-Bretagne et

de l'Europe entière.

Autrefois la théorie de l'influence du moral sur le physique occu-

pait la première place et donnait naissance à de nombreuses

erreurs. Par exemple, l'affaiblissement général du système, les

complications survenant dans les appareils génitaux ou intestinaux

qui sont des symptômes très marqués et très importants dans

beaucoup de folies, étaient pris pour le résultat d'une action men-

tale anormale, ou comme la déterminant : aujourd'hui que nous

savons que le cerveau exerce des fonctions trophiques sur tous les

organes du corps il nous faut admettre que de tels affaiblisse-

ments sont produits par l'action imparfaite du cerveau, qu'ils pro-

viennent de la diminution de son pouvoir de nutrition et par con-

séquent doivent être traités dans ce sens. Nous rappellerons les

résultats bien connus de l'ablation expérimentale des hémisphères

cérébraux, ils sont bien d'accord avec les effets observés chez des

malades atteints de maladie de ces mêmes régions.

Une aulre preuve du changement d'opinion se trouve dans l'ac-

ceptation en psychiatrie du principe d'après lesquels tous les symp-

tômes mentaux résultent de lésions morbides analogues à celles

qui se trouvent dans les systèmes autres que le système nerveux.

En l'absence temporaire, j'aime à le croire, d'une nosologie des

folles basée sur l'anatomie pathologique, le psychiatre étudie

l'évolution de chaque cas de la même façon que le médecin d'hô-

pital suit les maladies ordinaires.

Le psychiatre ne se contente plus de la classification rudimen-

laire des folies, il laisse de côté les six Désordres de l'esprit, publiés

en 1871, mais il classe et qualifie chaque symptôme d'un terme

étiologique qui rappelle l'influence morbide qui a été sa cause

déterminante.

De cette façon le psychiatre reste en contact intime avec la

médecine générale et il peut affirmer, en s'en rapportant aux

paroles du clairvoyant Griesinger, que les maladies du système

nerveux forment un tout inséparable dont les affections désignées

sous le nom de maladies mentales ne forment seulement qu'une

bien minime proportion.

Traitement des aliénés. - Dans cette partie, le psychiatre a

déterminé un courant public d'opinion très remarquable. Dans la

plupart des établissements fondés récemment pour les aliénés,

nous trouvons des hôpitaux séparés, destinés au traitement des cas

récents et des cas aigus.

Cette détermination indique sûrement le passage de la théorie à la

pratique. Au lieu de mélanger les sujets atteints d'accidents récents

au résidu des chroniques, on les place dans des installations sépa-

rées où on les soumet à un traitement systématique conforme aux

474 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

habitudes des hôpitaux. L'extrême délicatesse de la texture du cer-

veau exige un traitement médical prompt et assidu destiné à pré-

venir la désagrégation et la destruction des tissus. Le psychiatre

est enfin parvenu à convaincre de cette idée les autorités adminis-

tratiH's, les amener peu à peu à placer à la disposition des malades

des hôpitaux répondant il ces indications. Ceci montre, à mon

avis, combien est répandu actuellement le changement d'opinion

snr la folie. Malgré de telles dispositions la tâche des aliénistes est

lourde, car on ne s'applique pas assez à leur confier le traitement

des cas au début de la folie.

Les statistiques démontrent la progression des chroniques dans

la classe pauvre, progression qu'on ne constate point dans la classe

riche. Je crois que ce fait est dû à ce que la classe riche peut sou-

mettre ses malades à un traitement systématique précoce, tandis

que les pauvres sont obligés d'attendre la confirmation de la folie

avant de pouvoir la traiter. Nous savons tous que si l'on exclut la

paralysie générale et la folie épileptique 80 p. 100 au moins des

autres cas sont améliorables par le traitement; mais cela est coû-

teux, car cela comprend l'entretien de surveillants, une assistance

médicale constante et aussi la possibilité de changement de iési-

dence. Tout cela le pauvre ne le peut faire. Les hôpitaux ordinaires

ne reçoivent pas les personnes suspectées de folie, sous prétexteque

les asiles sont créés pour cela.

D'autre part, les asiles ne reçoivent les malades qu'autant que

les symptômes sont assez nets pour justifier un certificat médical

et, en Angleterre particulièrement, où les formalités pour le trans-

fèrement des aliénés aux asiles est si absurdement compliqué, il

arrive que des personnes sont empêchées d'être soumises à un trai-

tement jusqu'au jour où les possibilités de guérison sont sérieuse-

ment diminuées ou que le cas devient désespéré. Comment remé-

dier à cet état de choses ? C'est à une commission mixte de

médecins, de légistes et d'administrateurs qu'il revient de résoudre

la question. Un progrès peut être apporté par l'obligation imposée

par le conseil général de la médecine aux étudiants de l'avenir,

d'étudier les affections mentales pendant les cinq années que

durent leurs études. Si les professeurs enseignaient la psychiatrie

en se basant sur les principes généraux qui régissent l'enseigne-

ment de la médecine, le praticien ordinaire traiterait bientôt

la folie comme il soigne chaque jour les autres maladies et nous

pouvons alors prévoir sans crainte de nous tromper, comme consé-

quence d'un traitement rationnel et précoce, une glande diminu-

tion dans la population des asiles. J ai simplement abordé le sujet,

je ne puis ajouter que ceci : pour moi inopem me copia fecil ; mais

si j'ai été capable de montrer, bien que fies faiblement, que les

membresde la psychiatrie sont avec vous en toutes choses pratiques

et théoriques, le but de cette étude sera atteint. A. Blanc

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 475 5

X. Du réflexe patellaire étudié chez les mêmes malades aux trois

PÉRIODES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE : par le D1' 11.1naDO\ DE

111oNTYEL.

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

1. Dans la paralysie générale, le réflexe patellaire est bien plus

souvent anormal que normal.

2. L'altération de beaucoup la plus fréquente est l'exagération,

et les exagérations modérées l'emportent en fréquence sur les

exagérations marquées.

3. Le réflexe patellaire esl plus souvent altéré à la première qu'à

la seconde et à la seconde qu'à la troisième période.

4. C'est dans la forme dépressive de la paralysie générale que le

réflexe palellaire est le plus souvent exagéré.

5. L'exagération du réflexe pateilaire est, au point de vue de la

fréquence, en raison inverse des troubles de la parole.

6. Cette exagération n'est pas due à la suppression de l'influence

cérébrale, puisqu'elle a sou minimum de fréquence à la dernière

période où cette suppression est au contraire à son maximum.

7. La période des altérations du réllexe patellaire n'a aucune

valeur au point de vue du pronostic.

8. Il n'est pas exact de dire que la conservation du réflexe

patellaire est toujours en rapport avec un minimum de signes

physiques, puisque cotte conservation est plus fréquente à la troi-

sième période qu'aux deux autres. -

9. Il n'est pas rare que, dans les rémissions, les altérations du

patellaire persistent alors même que les signes physiques se sont

considérablement amendés au point même de pouvoir passer ina-

perçus. Il y a là un élément important à rechercher qui établit que

la guérison n'est qu'appareute.

10. Chez les buveurs, comparés aux syphilitiquee, le réflexe

patellaire serait plus souvent altéré, soit en plus, soit en moins.

11. Il n'est pas possible d'établir un rapport quelconque entre

les altérations du réllexe patellaire et les troubles de la sensibilité

à la douleur et du tact. (A ? itzalesii2étlico-psychologiqzies, avril 1898.)

L. BLm.

XI. Epidémie DE FOLIE religieuse au Brésil;

par le Dr Nmn-RoDmGUES.

L'auteur relate tout au long l'épopée instructive et anachronique

de cet aliéné, Antonio Maciel, qui après avoir présenté dans son

existence les particularités d'un simple persécuté, entre dans la

période mégatomaniaque du délire chronique en se baptisant

Antonio Conselheiro, le Ministre, l'Envoyé de Dieu, le propaga-

teur de la foi, prêchant contre le luxe, faisant brûler sur les.

476 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

routes tous les objets qui ne sauraient convenir à une vie i,cé-

tique, prêchant contre les francs-maçons, puis, à l'd\ènement de la

République Brésilienne, contre la République, et, lorsque le pou-

voir, poussé à bout, se voit dans l'obligation de rendre effective

l'obéissance à la loi, peut avec quelques centaines de paysans gros-

siers, culbuter trois expéditions successives, l'une de 100 hommes,

l'autre de 500, la dernière de 1.500, expéditions composées de sol-

dats téguliers, expérimentés et bien armés. a fallu, du reste,

pour permettre à la démence d'un homme d'arriver à ce résultat,

la psychologie spéciale de l'époque et du milieu où a travaillé la

folie d'Antonio Conselheiro, trouvant du combustible pour alimen-

ter l'incendie d'une véritable épidémie de folie. (Annales médico-

psychologiques, juin 1898.) E. B.

XII. Considérations cliniques SUR la parenté DES névroses et DES

PSYCHOSES ; par le D1' SBRIiIG\1.

Les deux observations relatées par l'auteur ont trait à deux

malades, X... et Y..., dont 1'liistoit clinique, différente par le détail,

présente cependant des analogies frappantes.

Chacune d'elles possède, de par ses antécédents héréditaires ou

collatéraux, une prédisposition indéniable.

L'une est une hystérique avérée, l'autre une hystérique fruste.

L'une et l'autre sont ries intoxiquées, la première eu raison

d'une tuberculose au début et d'une constipation opiniâtre ; la

seconde en raison d'une dilatation d'estomac. -

Toutes les deux ont un état mental de nature convulsive; seul le

degré diffère. ;\FIe X... a passé successivement et progressivement

de l'hystérie à la mélancolie. pour revenir ensuite à de l'excitation

maniaque à type convulsif. Al"° Y..., au contiaire, n'a pas de

délire actif d'une certaine durée. On ne peut lui reprocher que cer-

taines divagations délirantes très temporaires rappelant l'épilepsie.

Ces deux observations montrent que la ligne de démarcation

assignée aux psychoses n'est que pure convention. Les vésanies

touchent, en effet, de très près à toutes les affections organiques,

de plus près encore à ces états que l'on rangeait c daus le vieux

cadre des névroses ». Il est souvent bien difficile de dire si un

malade a franchi ou non ce que l'on est convenu d'appeler les

« frontières de la folie ».

Entre la neurasthénie et la mélancolie, par exemple, il n'y a

qu'une différence de degrés et la question se pose toujours de la

même façon, savoir où débute la neurasthénie, même légère,

savoir où elle s'arrête, quand, devenant grave, elle va faire place à

de la mélancolie. Examinons avec soin de vrais neurasthéniques ;

tous sont mélancoliques, à des degrés divers, il est vrai, mais tous

le sont. (Annales médico-psyclaologiques, janvier 1898.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 477 I

XIII. 1.lTnOGLIrIE ET pronostic DU delirium TREMENS ; par le 1)' VIL-

LERS, (Bull, de la Soc. de méd. ment, de Belgicl'ce, 1898, n° 89.)

Cette étude porte sur 100 cas de delirium tremens observés à

l'hôpital Saint-Jean pendant une période de trois années. Tous ces

malades étaient des alcooliques chroniques consommant au moins

un quart de litre de liqueurs fortes par jour. C'est entre trente-cinq;

et cinquante ans que le delirium tremens éclaterait le plus souvent

à Bruxelles. En ce qui concerne les cau,es déterminantes ou occa-

sionnelles de l'accès on a constaté que sur les 100 cas observés, 17 î

présentaient des complications dont deux d'ordre Lraunialique.

Tous les cas exempls de complications ont évolué sans fièvre ;

10 fois on a trouvé de l'albumine dans les urines. Le sommeil cri-

tique est survenu du deuxième au sixième jour après l'entrée des

malades. Le nombre des décès par delirium tremens est très peu

éleve à Bruxelles, il serait seulement de 1,5 p. 100, c'est-à-dire

presque dix fois moindre qu'en Allemagne.

Cette différence serait due, d'après l'auteur, à ce que les Alle-

mands, avant de se livrer l'abus des boissons alcooliques, ont par

devers eux un long passé d'excès énormes de bière. G, DENY.

XIV. Des hallucinations DITES PSYCHIQUES : par M. X. Francotte.

(Bull, de la Soc. met. ment, de Belgique, juin 1898.)

On sait que d'après M. Séglas l'hallucination psychique est une

véritable hallucination intéressant la fonction du langage dans ses

éléments psycho-moteurs. Cette théorie est combattue par M. Fran-

cotte qui considère ces hallucinations comme de simples interpré-

tions délirantes dépourvues de tout élément hallucinatoire propre-

ment dit. 1

« Les hallucinations psychiques, dit-il, consistent en des pensées

dont le malade méconnaît l'origine personnelle : il croit n'en être pas

l'auteur, il les extériorise et les attribue à une influence extérieure.

« Ces pensées comme les pensées de l'homme normal, se formu-

lent au moyeu des images psycho-motrices, ou bien au moyeu des

images auditives, ou bien des images visuelles, ou des images gra-

phiques. » G. D.

XV. DE L'1\rLUEI\CE SUGGESTIVE des hallucinations DE l'ouïe ; -

par \Y, DE BELllfEllE\)'. (Cent1'ulbl. f'.lYervenheilli., Xs., N. F., vin, 1897.)

Un homme fort intelligent, même pendant son affection men-

tale sur tout ce qui n'a pas de rapport avec son délire, affirme ce-

pendant qu'un être invisible ayant une voix d'homme et comman-

dant à son organisme s'est établi dans son oreille gauche ou près

de celle-ci. Le délire restellnllté à cette allégalion : hallucinations

478 8 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

unilatérales de l'ouie. Il soutient celle absurdité en répondant à

toutes les objections que c'est un cas unique dans les annales mé-

dicales, méritant d'êlre élucidé dans l'intérêt d'autrui; semblable

à Galilée, il dit : « et pourtant cela est n. M. de Bechterew compare

cetle idée délirante à l'idée suggérée pendant l'hypnotisme, qui

pénètre la conscience en dehors du Moi. Tout ce que la voix

ordonne est inoculé au patienl, qui le subit sans pouvoir le recti-

fier. Dans ce cas particulier, la voix annihilait toute pensée person-

nelle, provoquait une obnubilation de la vue qui rappelle l'halluci-

nation négative de l'hypnotisme, produisait une modification de

la tension musculaire rendant la marche difficile, du tremblement

des mains en écrivant, un engourdissement des doigts. Ces troubles

physiques étaient du resle annoncés par la voix qui, en somme,

les suggérait exactement comme on suggère et provoque les mille

phénomènes que l'on sait aux patients endormis par t'hypnotisme.

P. Keraval.

>\VI. DE la provocation artificielle des hallucinations sensorielles

CHEZ LLS ALCOOLIQUES ATTEINTS DIS MODALITÉS 111LLUCI\.aTOInES DU

délire; par DE BCUrruEw. (Centrulbl. f. NC1'vcnheil, XX ,'\ ,F"

îx, 1897.)

. Des hallucinations de l'ouïe sont provoquées en fixant l'attention

du malade sur le son uniforme du marteau de l'appareil d'induc-

tion ; eu lui faisant fixer un objet brillant tenu près du globe oe

l'aell, on détermine des hallucinations de la vue. Ces expériences

réussissent facilement et invariablement, non seulement pendant

la période même du délire alcoolique, mais encore un long temps

après qu'ont disparu les hallucinations pathologiques, voire quel-

ques mois plus tard : la vibration du marteau en question provoque

le retour d'une voix tenant tels ou tels propos ; la fixation de

l'objet brillant fait apparaître des objets et des physionomies quel-

conques. A fortiori, quand le délire a laissé après lui quelques

hallucinations perpétuelles. (Exemple emprunté à l'article Audition

de la pensée, In Oûo : rénié ]JsychÚUl'lt, 18%, n° 10.) - Ces halluci-

nations artificielles, sont, comme l'a montré Liepmann, l'inverse

des hallucinations alcooliques ; elles n'ont rien de menaçant, sont

peu désagréables. Il faut surtout les imputer a la tension de 1 at-

tention, et a l'hyperirrilabllité des centres psychiques. Toutes spé-

ciales qu'elles soient au délire hallucinatoire d'origine alcoolique,

elles peuvent également se produire dans d'autres formes de trou

blés mentaux. 1'. Keraval.

XVII. Epilepsie sénile; par P.-J. KOWALEWSKL (Cenlmllil. flil-

Xervenheitk, XX, N. F., vin, 1897.)

Examen méthodique de la question de l'épilepsie en général.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 479

Deux observations d'épilepsie survenue après soixante ans. Conclu-

sions : 1° Tous les cas d'épilepsie peuvent être divisés en deux

groupes principaux : l'epilepsie idiopathique, essentielle ou médul-

laire ; l'épilepsie symptomatique ou corticale. La première, c'est

l'épilepsie vraie ; la seconde représente un état épileptiforme ou

épileptoïde ; 2° les causes de l'épilepsie idiopathique sont, les unes,

radicales ou génératrices; les autres, accessoires ou provocatrices;

3° parmi les causes radicales, la première place appartient à la

prédisposition pathologique; 4° l'intoxication et l'auto-intoxication

appartiennent, en tant que causes, à la seconde série, et servent,

dans l'immense majorité des cas, de facteurs provocateurs de la

maladie produite par la prédisposition pathologique; il y a peu de

cas où elles aient la valeur d'agents générateurs, de causes effec-

tuant une modification du système nerveux adéquate à la prédis-

position pathologique ; 5° aux causes accessoires les plus impor-

tantes appartiennent l'âge : l'enfance, la jeunesse, la vieillesse ;

6° l'épilepsie sénile survient après soixante ans. Asez souventellea a

lecaractère d'une épilepsie idiopathique; l'épilepsie symptomatique

est également possible à cet âge et laisse surtout supposer des

lésions en foyers; 7° l'épilepsie sénile peut aussi bien survenir

chez des gens à prédisposition congénitale que chez ceux à fonds

pathologique acquis; 8° on peut tenir pour ses éléments écolo-

giques : l'hérédité, l'artériosclérose, l'alcoolisme, la syphilis, des

lésions organiques diffuses du cerveau et de ses enveloppes, des

secousses morales, etc. ; 9° l'épilepsie sénile peut affecter la lorme

de grand mal ou de petit mal, parfois surviennent des équivalents de

diverses espèces et des accès demame; 10°la maladieest assez sou-

vent accompagnée d'aliaiblissement de l'attention, de la mémoire,

de l'aperception et d'autres fonctions psychiques, quoique ces acci-

dents ne soient pas aussi marqués que dans l'enfance et la jeu-

nesse ; Ho la maladie se complique fréquemment d'insomnie, de

sensation vertigineuse, d'accès d'angoisse précordiale (Mendel) et

d'autres troubles du côté du système nerveux ; 12° la marche et le

mode d'apparition de la maladie ne se distinguent en rien de

l'épilepsie idiopathique habituelle. Evidemment elle est influencée

par le traitement médicamenteux et diététique correspondant,

mais, à cet égard, il faut encore des observations plus étendues.

P. KEIUVAL,

XVIII. POREKCËPIIAHE BILATÉRALE DE NATURE DIFFÉRENTE ;

par E. DEYER. (Nezcrolog. Centt'ft ? XVI, 1897.)

Il s'agit d'un idiot soigné pendant quelques années à la clinique

psychiatrique de Strasbourg et mort de pneumonie à l'âge de dix-

neuf ans. Il était atteint d'une diminution quantitative de l'intelli-

gence. 11 avait peu de mots à sa disposition et ne pouvait en pro-

480 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

noncer que les voyelles, mais participait à la vie commune, était

demeuré propre et sociable, riait volontiers, ne pleurait jamais;

il était paralysé des deux jambes ainsi que du bras et de la main

du côté droit, avec contracture; jamais d'accès d'épilepsie. Besoins. A A

gaucho, on trouve un trou qui occupe exactement l'endroit du cer-

veau où se produisent les foyers de ramollissement par embolie ou

thrombose de lasylvienne, dans le territoire du rameau artériel qui

suit la branche ascendante de la scissure, de S ]vins. Seule, la partie

inférieure des ascendantes est détruite; la lacune pénètre toute

l'épaisseur de la paroi de l'hémisphère jusqu'au ventricule. Ce trou

a donc probablement été consécutif à la résorption d'un foyer de

ramollissement par embolie ou par thrombose. Le microscope

montre, en effet, sur ses confins, une grande abondance de névro-

glie présentant la disposition caractéristique fasciculaire ; il y a,

non pas agénésie, mais dégénérescence secondaire du faisceau py-

ramdal. A droite, le pourtour de la scissure de Sylvius est normal;

la plus grande partie des ascendantes manque, et principalement

leur partie supérieure jusqu'a l'arête du manteau, mais c'est tout

superficiel, la substance blanche est restée intacte. Il existe en

même temps un endroit aminci dans le pariétal. Il est probable

qu'il y a eu hémorragie méningée (Gowers), qui entraîna la des-

truction du tissu nerveux et l'amincissement de l'os. On constate

un épaississement et une vasculal isalion des méninges molles dans

le sillon et une prolifération de la névroglie à la limite de la

lacune. Ces deux trous empiètent : à gauche sur un morceau du

lobe frontal et des autres frontales; à droite, sur le lobe pariétal.

Celui de gauche s'étend en profondeur ; il y a un plissement radié

de toutes les circonvolutions voisines, mais elles ne sont altérées

que dans son voisinage immédiat; le reste de l'hémisphère est

intact, notamment le lobe occipital. Celui de droite s'étend eu

surface et en largeur; en haut, jusqu'au sillon longitudinal : en bas,

il a laissé une partie de l'ascendante.

L'auteur tend à croire qu'un traumatisme a, à l'âge de trois

mois, produit directement une hémorragie dans l'hémisphère

droit et le crâne, (d'où la lacune), et induectement un foyer (par

embolie et thrombose) dans l'hémisphère gauche. Cette simulta-

néité est indiquée par le retard uniforme que présentent les deux

hémisphères dans leur accroissement. P. Keraval.

XIX. LES signes DE dégénérescence (extérieurs) dans la paralysie

PROGRESSIVE AVEC QUELQUES POINTS RELATIFS A CEfTE MALADIE ;

par P. 1\o;crcE. (Veunolo. Ceizlnulbl., XVI, 1897.)

Examen détaillé de cent paralytiques généraux et de quatre-vingts

individus normaux (du personnel des infirmiers). L'auteur en fait

un résumé provisoire. Il dit qu'il a. trouvé plus de stigmates de

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 481

dégénérescence chez les paralytiques, qu'ils présentaient les degrés

plus accusés d'un seul et même stigmate, qu'ils avaient les signes

de dégénérescence les plus graves, et que les signes de dégénéres-

cence étaient chez eux aussi plus disséminés. Par conséquent, il

est probable que le cerveau de la plupart des paralytiques est

invalide, soit dès la naissance, soit plus tard. Le paralytique est un

être presque prédestiné à la paralysie générale, dont le cerveau,

invalide dès la naissance ou plus tard, subit de la syphilis acquise

un affaiblissement tel qu'à un moment donné, une cause occasion-

nelle quelconque, toujours existante et souvent combinée à d'autres,

pioduit la maladie. Les émotions morales semblent être les causes

occasionnelles les plus importantes. La syphilis, en tout cas, n'est

jamais la seule cause de paralysie générale, elle n'est qu'une cause

préparatoire et d'ordinaire rien que là ou le cerveau a subi l'inva-

lidité préalable : il est très rare qu'elle engendre la paralysie

générale directement. Toujours d'autres causes occasionnelles

semblent nécessaires; ce sont les causes qui la développent. Natu-

rellement plus le terrain a été préparé, plus minime a besoin

d'être la dernière cause, de sorte qu'il y a des cas où l'addition à

l'invalidité cérébrale de la syphilis suffit pour engendrer la para-

lysie générale. ' P. KERAVAL.

XX. LÉSIONS ANATOMIQUES DE LA DEMENCE PARALYTIQUE ; par BOEDEKER

et 0. ,TULIUSBERGER (Neurolog. Centralbl., XVI, 1897.)

Trois observations. La première observation témoigne d'une

exagération du processus dégénératif et prolifératifau niveau de la

pariétale ascendante, par rapport à la lésion corticale d'ailleurs

généralisée. Dans les deux autres observations, il y a bien des dif-

férences locales, mais elles ne sont pas si marquées. Cette poussée

des lésions paralytiques en certains territoires de l'écorce a été sou-

lignée par Lissauer.

Dans les trois cas, il y avait dégénérescence des faisceaux pyra-

midaux depuis les ascendantes jusque dans la moelle. Les troubles

variés de la sensibilité constatés pendant la vie sur les membres

affectés dans leur motilité rendent probable l'opinion de Wer-

nicke que toute région corticale représente un territoire central de

projection pour l'ensemble de la sensibilité et de la motilité de la

partie correspondante du corps. La simultanéité des troubles de la

sensibilité et de la motilité observée chez ces malades permettrait

donc ici de rapporter les troubles sensibles à la lésion corticale des

centres moteurs.

Il est impossible de décider si la prolifération du tissu interstitiel

constitue le premier processus de la paralysie générale, ou si c'est

l'atrophie des éléments nerveux constitutifs. Mais on ne peut guère

séparer les deux processus l'un de l'autre. Qu'il y ait, comme le dit

Archives, 2e série, t. VI. 31

482 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

W. Roux, une espèce de lutte des deux partis on présence qui fait

que l'un soit prédominant l'autre moins actif suivant tel ou tel

autre cas, c'est possible, mais les deux lésions sont indissolublement

unies. P. KERA VAL.

XXI. Analyse d'une observation DE mélancolie avec verbigération;

par BRESLER. (Neurolog. Centrulbl., XVI, 1897.)

Ne sont pas de la verbigération les répétitions de mots par dis-

position d'esprit pathologique, par association d'idées morbides,

par hallucinations sensorielles, par nécessité psychologique (mé-

lancolie, manie, folie systématisée) - ni celles qui surviennent chez

les imbéciles et les déments par lacunes de conceptions verbales

et défaut de provisions de mots. La verbigération, c'est un mouve-

ment mécanique des mêmes muscles produisant les mêmes sons,

produit par une excitation centrale de voisinage due à une lésion

du centre verbal, c'est donc un symptôme de lésion en foyer du

centre de la parole.

Voici une femme de quarante-six ans, atteinte, à trois ans d'in-

tervalle, d'une mélancolie anxieuse avec Verbigération, mais sous

des aspects bien différents. La première fois il y eut excitation

maniaque intermittente et catalepsie, ce qui ne se présenta pas

la seconde. La première fois la maladie dura considérablement

plus longtemps et fut bien plus violente. - Les 12, 15, 1fi et

28 mai 1896, la malade n'exprime que quelques mots en rapport

avec la question qu'on lui adresse, sous la forme de verbigération.

Pendant l'angoisse elle répète des mots ou des phonèmes cohé-

rents par alliLLéraLion. On constate aussi parfois du bégaiement, un

défaut d'images verbales ; un manque de suite dans les idées, sem-

blables aux mêmes accidcats qui atteignent beaucoup de gens

après une terreur vive ou une surprise pénible, le débit de laparole

subsistant et demeurant actif. Une trop vive excitation centrale

gêne alors non l'association des idées, au début suffisante, mais la

direction, le courant de celles-ci, l'association des phonèmes con-

sécutive, qui aboutit à l'allittération, ne suffit plus à assurer le

recrutement des mots correspondant aux idées, la parole reste bien

ordonnée mais elle est inintelligible, si bien qu'à la fin des néolo-

gismes incompréhensibles accompagnent l'émotion. A cet état cor-

respond vraisemblablement une congestion intérieure dont témoi-

gnent la congestion de la face, sans mots, mais non sans paroles,

et le tremblement des lèvres. P. KERAYAL.

XXII. Nouvelles observations SUR L'ÉltEUTIIOPHO]311,, anxieuse ; par

W. DE BECHTEREw. (Neurolog. Centrcalbl., XVI, 1897.)

Observation I. Jeune homme de vingt-six ans, d'assez bonne

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 483

constitution, d'une nutrition modérée. Mère nerveuse. De dix à

vingt ans onanisme. C'est depuis cette époque qu'il lui semble que

toute personne qui le fixe devine qu'il se masturbe ; il en est

confus et rougit. Cette émotion n'a lieu que devant le monde

même dans l'obscurité; dès qu'il la sent venir, pour cacher sa rou-

geur, il sort et rentre quand cela est passé. Quelquefois, seul, il se

sent rougir à l'évocation de ce qui a lieu quand il est en société. Il

a donc l'appréhension anxieuse de cette émotivité, qui suffit pour

la provoquer. Quantité d'autres sensations neurasthéniques. Sous

l'influence du bromure et de la codéine, ce malade s'est amélioré ;

il a refusé la suggestion hypnotique.

Observation II. - C'est une consultation par lettre d'un homme

de trente-quatre ans de New- York, qui explique qu'il rougit en

société dès qu'il attire l'attention de beaucoup de personnes ; il

redoute donc les gens qu'il ne connaît pas et le monde de peur de

rougir. Cette appréhension est particulièrement marquée lorsque

le temps est sombre et mauvais. Quelques verres de vin et de

cognac dissipent l'angoisse et la rougeur. , P. KERAVaL.

XXIII. CONTRIBUTION A la casuistique DE la PERVERSION sexuelle;

par P. ROSENBACH. (Neurolog. C6; : ( ! 'a/6<., XVI, 1897.)

Jeune homme de dix-neuf ans. Tare héréditaire, consanguinité

des générateurs, conditions défavorables de la conception. Débilité

intellectuelle : émoussement du sens moral ; accidents neuras-

théniques. Homosexualité; rapprochements non pédérastiques;

dégoût du corps de la femme. L'odeur de l'urine étrangère, même

en décomposition ou chaude, dont il se parfume et qu'il déguste

dans sa bouche, excite chez lui l'orgasme vénérien ; il prend de

l'urine d'homme ou faute de mieux, de l'urine de femme (maso-

chisme larvé). L'excitation sexuelle naît aussi de la vue ou de l'idée

d'un wagon qui déraille. Il s'en allait placer des pierres sur les rails

pour produire ce stimulus ; au moment où le wagon était soulevé

par l'obstacle, il ressentait l'excitation sexuelle et entrait en érec-

tion, soit qu'il vit la chose, soit qu'il fût dans le wagon soulevé. Le

même phénomène a lieu en présence de l'urine féminine, des

linges sales de femmes, mais le corps de la femme provoque de la

répulsion chez lui, de même que l'idée d'un commerce charnel

avec elle, parce que cela serait normal. P. Keraval.

XXIV. État d'obnubilation avec amnésie, SUITE DE commotion CERE-

BRALE LÉGÈRE, PRODUIT PAR UN COUP VIOLENT PORTÉ SUR LA FACE ;

par P. NOECKE. (Neurolog. Cent1'albl., XVI, 1897.)

Frappé à la figure, la main à plat, par un aliéné, d'un coup trèa £

violent, M. Noecke tomba et perdit connaissance momentanément.

484 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Aucune blessure, aucune trace de blessure, mais ébranlement de

deux incisives déjà peu solides. Donc, commotion cérébrale indi-

recte, caractérisée par une première inconscience de courte durée.

Pendant les dix à quinze minutes suivantes, en regagnant son

appartement, M Noecke exécuta machinalement des actes assez

compliqués et il resta obnubilé, sans conserver la mémoire de

ce qui s'était passé. Pendant toute la journée, il fut en proie à une

torpeur cérébrale légère qui gêna le jeu de la mémoire et lui

rendit difficiles des travaux qui n'étaient pas dans le courant ordi-

naire de sa vie ; tête lourde, sensation de pression sur le front,

mais pas davantage. Ce jour-là et le lendemain, impossible, en

dépit de l'attention et de la réflexion, de reprendre le fil de ses

pensées décousues. Cette note a été rédigée par lui sur-le-champ.

Etude critique et bibliographique corrélative. P. KERAYAL.

XXV. DES relations QUI existent ENTRE LE TIC général ET LES OBSES-

siorqs ; par G. FLATAU. (Ccnt1'lLlbl. f. Nervenheilk, XX, N. F., vm,

1897.)

Trois observations. Dans les observations 1 et III, la mère des

malades était atteinte d'obsession tandis que les malades étaient

impulsifs. Dans l'observation II, les ascendants (soeur de la mère et

son fils) étaient affectés de tic généralisé, le malade était obsédé.

Donc ces deux espèces de troubles se suppléent. S. Freud, de son

côté, dans sa traduction de la policlinique de Charcot, raconte avoir

vu un malade de vingt-trois ans qui entre huit et quinze ans avait

eu des tics ; dès l'âge de douze ans apparaissaient des obsessions

remplaçant peu à peu les tics disparus depuis. P. IiERAVat.

XXVI. Observations CLINIQUES ET anatomiques SUR LES DÉMENCES POST-

apoplectiques; par MiNGAZziNi. (Riv. sp. di f7-ci2., fasc. 3, 1897.)

XXVII. SUR LE rétrécissement pupillaire chez les aliénés ;

par STEFANi et IiIORPURGO. (Riv. sp. di (l'en., fasc. 2, 1897.)

Le degré plus ou moins notable du rétrécissement pupillaire est

essentiellement en rapport avec l'intensité et le développement

plus ou moins récent du trouble psychique. ' J. S.

XXVIII. La démence paralytique chez les imbéciles ; par COPELLETTI.

(Riv. sp. di fren., fasc. 3, 189 î.)

XXIX. Examen des caractères anormaux somatiques ET fonctionnels

dans LES cas DE dégénérescence physique ET d'arrêt DE développe-

MENT mental avec llÉRIDITÉ PELLAGREUSE; par 11 ! 0RPURGO. (Riv. Sp.

di (¡'CIJ., fasc. 3, 1897.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 485

XXX. Un cas DE vagabondage mystique ; par DONATI. (Riv. sp. di

fren. 1897, fasc. 1 )

Observation d'un individu qui dans les premiers temps de l'ère

chrétienne et au moyen âge eût été considéré comme un saint et

qui aujourd'hui encore, dans certains milieux, eût passé pour tel

tandis que dans d'autres il eût été regardé comme un agitateur

public. En réalité, l'examen psychique et anthropologique lui

assigne sa place dans la grande classe des dégénérés, parmi ces

vagabonds de sens moral faible, chez lesquels un mysticisme exa-

géré donne une forme spéciale au délire ambulatoire dont ils sont

possédés. J. SÉGLAS.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

' PATHOLOGIQUES.

XXXII. Contribution A L'ÉTUDE des localisations DES noyaux MOTEURS

dans la moelle épinière ; par le D Marinesco.

Continuant ses intéressantes recherches sur l'application à

l'étude des origines nerveuses, de la réaction qui se produit dans la

cellule nerveuse, après la section de son cylindraxe, l'auteur tire

de son présent travail les conclusions suivantes : 4° la solution de

continuité d'un nerf spinal pratiqué dans certaines conditions

suffit à elle-même pour produire la chromatolyse qui caractérise les

sections nerveuses ; 2° cette réaction ainsi produite peut servir à

déterminer la topographie des noyaux des nerfs médullaires ;

3° habituellement, chaque nerf tire ses origines d'un noyau prin-

cipal et des noyaux accessoires ; le noyau principal constitue une

masse bien circonscrite, excepté pour le médian et le cubital qui

ont un noyau principal commun ; 4.° chaque nerf spinal lire ses

origines de plusieurs segments médullaires deux, trois et même

davantage. (Revue neurologique, juillet 1898.) E. B.

XXXIII. Recherches SUR l'action simultanée DES TOXINES diphtérique

ET STREPTOCOCCIQUE SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES COBAYES ; par le

Dr iIOURAVIErF.

Les propriétés pathogènes des toxines diphtériques et strepto-

coccillues, sous bien des rapports, sont d'une action opposée sur le

486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

système nerveux des cobayes. En effet : 1° c'est avant tout les

cellules des cornes antérieures de la moelle qu'attaque, et d'une

manière très sensible, la toxine diphtérique, tandis que les strep-

tocoques se montrent, à l'égard de ces mêmes cellules beaucoup plus

indifférents et ne produisent que des modifications peu caracté-

ristiques ; 2° la toxine diphtérique ne modifie la substance blanche

de la moelle que dans des cas exceptionnels, alors que la toxine

streptococcique la modifie invariablement; 3° à la suite de l'injec-

tion de la toxine diphtérique, il se développe avec le temps une

névrite dans les nerfs périphériques; le streptocoque, au contraire,

n'amène aucune dégénérescence dans les nerfs périphériques,

mais provoque des modifications dans le prolongement central des

cellules des ganglions intervertébraux; 4° la toxine diphtérique

agit sur les fibres nerveuses principalement, parait-il, par l'inter-

médiaire des modifications qu'elle amène dans les cellules, tandis

que le streptocoque les attaque directement en y provoquant des

lésions toutes particulières.

Après avoir étudié l'action isolée de ces deux agents pathogènes,

l'auteur, dans le présent mémoire, complète ses recherches par

l'étude minutieuse de leur effet en commun.

D'une manière générale, on peut dire que l'effet pathogène de

l'action combinée des toxines diphtérique et streptoccique sur le

système nerveux des cobayes égale les sommes des effets isolés de

ces deux facteurs.

En ce qui regarde la technique microscopique, l'auteur estime

que dans les cas concernant des maladies infectieuses la méthode

formol-méthylène, qu'il emploie et dont il donne le résumé, peut

rendre des services qu'on attendrait vainement d'autres procédés.

(Revue neurologique, juillet 1898.) E. 13LIN,

XXXIV. SUR les difformités congénitales DU cerveau dans leurs

RAPPORTS AVEC L'ÉTAT DES CELLULES NERVEUSES DE LA MOELLE ; par

N. SOL01 TZOPF. (Nouv. lconogr. delà Salpêtrière, un 1898.)

Trois cas d'anencéphalie ou plutôt de microcéphalie par hydren-

céphalie interne, présentant entre eux une grande ressemblance.

Macroscopiquemenl, le tronc cérébral seul est conservé avec une

moelle allongée, un pont de varole, des tubercules quadrijumeaux,

des couches optiques défigurées ; absence presque absolue des hémis-

phères cérébraux, intégrité du cervelet, absence absolue des fais-

ceaux pyramidaux dans la moelle, avec atrophie des cornes anté-

rieures. Microscopiquement, les cellules motrices des cornes

antérieures de la muselle sont défigurées, d'aspect embryonnaire,

privées de chromatine et présentent de grandes vacuoles. L'étude

de ces cas pathologiques comparée avec celle de systèmes nerveux

humains et normaux faites à divers âges de la vie embryonnaire,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 487

conduit l'auteur aux conclusions suivantes : 1° Le développement

de la cellule nerveuse de la moelle épinière est très étroitement

lié avec celui du prolongement cylindraxile de la cellule pyrami-

dale de l'écorce cérébrale. Tant qu'il n'y a pas eu de contact entre

la cellule motrice de la moelle et le prolongement cylindraxile de

la cellule pyramidale de l'écorce cérébrale, la cellule motrice de

la moelle ne possède que très peu de grains de chromatine et le

protoplasme consiste principalement en une substance achroma-

tique ayant l'aspect d'un réseau (spongioptasme). 2° Les diffor-

mités du cerveau sont accompagnées d'une absence des hémis-

phères ; telle est la cause de l'arrêt du développement des cellules

motrices de la moelle épinière. Ces dernières restent dans un état

de développement embryonnaire. R. C.

XXXV. SUR LES effets DE l'extirpation DES capsules surrénales CHEZ

LE chien. RECHERCIIES expérimentales; par le Dr LUIGI SODDU.

(Lo Sperimentale, n° 2, 1898.)

Malgré les nombreuses recherches entreprises depuis quelques

années sur la fonction des-capsules surrénales, particulièrement

dans ses rapports avec l'étiologie de la maladie. d'Addison, la ques-

tion est loin d'être résolue. L'auteur fait un exposé complet de

toutes ces recherches, depuis les mémorables expériences de Brown-

Sequard, établissant que le système capsulaire est indispensable à

la vie et que la décapsulation complète entraine rapidement la

mort, jusqu'à celles récentes de Lo Ré affirmant que des chiens

ont survécu à la décapsulation complète. Il met en présence les

opinions contradictoires qui expliquent les troubles mortels consé-

cutifs à l'extirpation double (traumatisme opératoire, accumulation

de pigment dans les capillaires cérébraux, lésion du sympathique,

auto-intoxication). Deux théories s'en dégagent : théorie nerveuse

et théorie de l'intoxication qui, malgré leur valeur expérimentale,

laissent d'ailleurs le pioblème irrésolu et particulièrement em-

brouillé, puisque les expérimentateurs n'ont pas encore pu se

mettre d'accord sur ce point primordial : l'appareil surrénal cons-

titue-t-il un organe nécessaire à la vie ? L'auteur a voulu reprendre

la question à sa base et toutes ses expériences ont été établies en

vue d'éclaircir ces deux problèmes fondamentaux : 1° étant donné

une espèce animale déterminée, les capsules surrénales sont-elles,

pour cette espèce, des organes absolument indispensables à l'exis-

tence, et, dans l'affirmation, la fonction de ces organes (quelle

qu'elle soit) dépend-t-elle de l'intégrité des organes ou seulement

de la conservation d'une portion de ces organes ; 2° étant donné

que l'ablation totale ou partielle de l'appareil capsulaire entraine

la mort pour une espèce animale déterminée, quelle est la'cause

déterminante de cette mort ? La mort est-elle le fait de la suppres-

488 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

sion de la fonction capsulaire ou de la lésion opératoire inévitable

du sympathique ? Pour répondre à la première partie du premier

problème, l'auteur a pratiqué une série d'expériences portant sur

16 chiens (série A, ablation bilatérale complète et en deux temps

des capsules surrénales). La survie des animaux à la deuxième opé-

ration a varié de trois heures à vingt-six heures (moyenne, huit

heures). Ces résultats permettent d'affirmer que chez le chien l'ap-

pareil surrénal est indispensable au maintien de la vie. - Neuf chiens

ayant subi l'ablation de la totalité d'une capsule et d'une portion

de l'autre capsule, variant de un tiers à deux tiers, ont tous survécu

après une indisposition de quelques jours, d'où l'auteur se croit

autorisé à conclure qu'une portion même très peu considérable d'une

seule capsule surrénale suffit au maintien de la vie (série B, décap-

sulation partielle. Réponse à la deuxième partie du premier pro-

blème). Dans une troisième série d'expériences (série C, a \ianeâ-

gio »), l'auteur a fait subir à huit chiens une opération qu'il désigne

sous le nom de « maneO ! 1Ólo » et qui consiste à isoler successivement

les capsules surrénales, à l'aide du manuel opératoire suivi pour

l'ablation bilatérale, et à ne respecter qu'un très mince pédicule

contenant quelques vaisseaux ; cette ingénieuse manoeuvre (maneg-

gio) ayant pour résultat de produire des désordres au moins égaux

a ceux de l'ablation totale. Aucun des chiens soumis à cette expé-

rience n'a succombé et tous ont repris leur embonpoint après

quelques jours d'abattement, ce qui semble bien démontrer que

la mort des animaux décapsulés n'est pas due aux lésions nerveuses

périphériques, mais bien à la suppression de l'appareil capsulaire.

(Réponse au deuxième problème.) - Les résultats d'une quatrième

( série d'expériences (série D, transfusion réciproque et substitution

sanguine à l'aide de solutions physiologiques), dans laquelle

huit chiens décapsulés soumis aussitôt après l'opération a la trans-

fusion sanguine réciproque, ou à la substitution sanguine par le

sérum artificiel, ont présenté une survie moyenne de treize et di\-

huit heures (au lieu de huit heures seulement dans la décapsula-

tion totale pure et simple), permettent de conclure que la suppres-

sion du travail bio-chimique capsulaire entraîne une altération '1ua-

litative du sang.

Faut-il, pour ce qui regarde l'étiologie de la maladie d' ldrlison,

proclamer, sur la foi des résultats qui précèdent, la ruine de la

théorie nerveuse et triomphe de la théorie de l'auto-intoxication Y

L'auteur ne le pense pas, et pour lui l'antagonisme, généralement

admis entre ces deux théories, n'est qu'apparent. L'influence du

traumatisme opératoire sur le sympathique semble réellement

nulle, d'après les expériences citées plus haut ; il ne reste donc

plus à considérer que deux hypothèses : A, celle qui attribue à la

capsule une action dépurative sur le sang; B, celle qui regarde

cette action comme stimulante du système sympathique. Mais ces

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 489

deux actions peuvent coexister et coexistent très probablement, de

sorte que la question en dernière analyse se ramène à voir

lequel des deux faits est primitif : l'altération du système sympa-

thique ou l'intoxication du sang. Il serait donc plus exact et plus

logique d'établir la distinction entre une théorie capsulaire et une

théorie nerveuse; la première plaçant à la base de l'étiologie de la

maladie la lésion capsulaire, cause immédiate de l'auto-intoxica-

tion ; la deuxième supposant, avant toute intervention capsulaire

un trouble primitif du système sympathique de cause inconnue.

Maïs si ces deux théories peuvent être soutenues dans le domaine

clinique, l'expérimentation ne permet d'admettre que la théorie

capsulaire. Si l'on peut considérer comme certain que, chez les

chiens décapsulés, les symptômes morbides et la mort sont dus à

la suppression de la fonction capsulaire et que cette suppression

entraine l'accumulation rapide de substances toxiquesdans le sang; -,

il reste à déterminer la nature de ces-substances, leur provenance,

leur action directe sur les divers organes et le mécanisme intime

de l'action protectrice de l'appareil capsulaire, toutes questions

dont l'étude, par des méthodes variées et sur des espèces animales

différentes, doit être du plus haut intérêt. L'auteur termine son

substantiel mémoire par l'annonce de nouvelles recherches sur les

animaux herbivores. R. Charon.

XXXVI. Recherches SUR l'histologie fine DES CELLULES DU système

-sympathique ; par le Dr G. MARINESCO.

Le type principal de cellule nerveuse qui domine dans les gan-

glions sympathiques de l'homme est celui qui est représenté par

des cellules à noyau excentrique, avec partie centrale de la cellule

privée des éléments chromatophiles. lesquels se déposent surtout

à la périphérie de la cellule. Le spongioplasma offre un réseau à

mailles plus ou moins denses dans lesquelles il existe une substance

fondamentale d'un- pouvoir tinctorial variable. (Revue neurolo-

gique, avril 1898.) E. B.

XXXVII. Contribution A l'étude DES dégénérescences propagées ET

EN particulier DES altérations des cordons postérieurs CONSÎ3CU-

tives aux lésions EN foyer DE l'encéphale ; par le D1' DURANTE.

Dans les quatre observations rapportées par l'auteur, il s'agit

d'altérations systématisées des voies sensitives hulbo-protubéran-

tielles et des cordons postérieurs coïncidant avec des lésions en

foyer siégeant soit dans l'écorce, soit dans les noyaux gris centraux.

Ces lésions vont en décroissant à mesure qu'on s'éloigne de leur

point de départ encéphalique : l'intégrité des racines et de la subs-

tance grise, l'intégrité du faisceau de Burdach particulièrement

490 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

dans sa partie externe n'autorisent guère à interpréter la lésion des

cordons postérieurs comme secondaire, soit à une affection des

ganglions spinaux ou des racines postérieures, soit à de la polyo-

myélite. La nature enfin de ces altérations apporte une nouvelle

preuve en faveur de leur origine cérébrale, car il s'agit uniquement

d'une altération ou d'une disparition plus ou moins complète de la

myéline avec conservation des cylindraxes.

De par ces caractères histologiques, cette lésion des cordons pos-

térieurs s'éloigne des dégénérescences secondaires wallériennes et

se rapproche au contraire de ce que l'on a décrit sous le terme

assez impropre du reste, de dégénérescence rétrograde, car il s'agit

Lien plutôt d'une « atrophie * par désagrégation moléculaire assez

différente delà dégénérescence wallérienne.

Cette atrophie rétrograde propagée des voies cérébro-spinales

sensitives est moins exceptionnelle que l'on serait tenté de le croire

puisque l'auteur en a relevé vingt-trois exemples épars sous diffe-

rents titres dans la littérature et diversement interprétés par leurs

auteurs. Cette propagation peut s'étendre plus ou moins loin, s'ar-

rêter dans la région cervicale ou descendre jusque dans la région

lombaire, intéresser tous les cordons postérieurs ou se limiter à

tout ou partie des cordons de Burdach ou de Goll ; enfin, généra-

lement bilatérale, elle pourrait être croisée par rapport à la lésion

cérébrale. Ces variations dépendent du siège et de retendue du

foyer primitif : pour ce qui est de l'écorce, plus le foyer siège en

'arrière, plus les cordons postérieurs sont fortement atteints. Ce

sont surtout les lésions du lobe occipital puis celles du lobe pariétal

inférieur qui déterminent la sclérose la plus intense des faisceaux

de Burdach et de Goll.

L'étude des lésions du nerf, leur apparition relativement tardive

permettent de 1 egarder l'atrophie rétrograde comme une lésion

non pas d'origine cellulaire, mais au contraire cellulipète.

La propagation de l'atrophie rétrograde d'un neurone à un autre

neurone explique certains phénomènes complexes : dans le domaine

moteur, au moins une partie des faits publiés sous le titre de sclé-

rose latérale amyolrophique, semblent relever d'une lésion ascen-

dante du faisceau pyramidal consécutive à une affection des cellules

des cornes antérieures; quant au tabès spasmodique, lorsque l'al-

tération du faisceau pyramidal ne dépasse pas le bulbe et que rien

ne permet de l'attribuer à une affection cérébrale, il reproduit ce

que l'on a observé dans la dégénérescence ascendante des voies

motrices et peut-être y peut-on voir une dégénérescence rétrograde

de ce faisceau consécutive une altération légère ou passagère des

cellules des cornes antérieures.

Dans le domaine sensitif, on tient de voir qu'une dégénérescence

systématisée des cordons postérieurs peut se montrer consécutive-

ment à une affection localisée de l'encéphale ou du bulbe, et ces

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 491

données peuvent servir de point de départ pour de nouvelles recher-

ches relatives à la grande classe encore obscure des affections tabé-

tiformes (Revue neurologique, juin 1898.) E. B.

XXXVIII. Recherches SUR LE trajet INTR.111ÉDULL.11RE DES racines

postérieures ; par BRIAN et Bonne.

Les conclusions des auteurs sont les suivantes :

1. La section des racines postérieures est suivie dans la moelle

d'une double dégénération. 1° Une dégénération portant : a) sur

les fibres mêmes des racines et qui d'abord disséminée dans tout

le cordon postérieur du même côté se cantonne progressivement

dans la partie postéro-interne de ce cordon jusqu'au noyau de Goll

à partir duquel elle cesse; b) sur les collatérales issues de ces

fibres, collatérales qui d'abord assez volumineuses pour laisser dans

la substance grise des traces directes ou indirectes de leur dégéné-

ration, ne peuvent plus être suivies à partir de trois espaces environ

au-dessus de la racine sectionnée. 2° Une dégénération aberrante

et qui peut occuper tout le champ de la substance blanche. Elle se

distingue de la première en ce qu'elle est plus tardive, moins régu-

lière, beaucoup moins étendue en hauteur. Il y a donc intérêt à

les différencier sous les termes de principale et aberrante.

2. La dégénération aberrante porte sur des fibres endogènes ou

commissurales : toutes les fibres directes des racines postérieures

sont parquées dans le cordon postérieur et la zone de Lissauer du

même côté.

3. Il n'y a pas de voie directe allant des ganglions spinaux

(racines postérieures) au cervelet.

4. Il n'existe pas de fibres passant directement des racines pos-

térieures aux antérieures. La dégénération partielle de celles-ci

après section des premières doit être considérée comme étant de

même nature que celle des fibres commissurales, c'est-à-dire ter-

tiaire. (Revue neurologique, mai 1898.) E. B.

XXXIX. DE l'importance fonctionnelle du corps cellulaire DU

neurone ; par C. PuGriAT. - z

Cajal, dans son livre sur le système nerveux de l'homme et des

vertébrés, s'est expliqué très catégoriquement sur le rôle du corps

cellulaire : « En considérant attentivement la signification physio-

logique du corps cellulaire, dit-il, on arrive à la conviction que

celui-ci ne représente aulre chose que le point de convergence des

expansions protoplasmiques à l'origine du cylindraxe. »

Cajal ajoute que le corps cellulaire « n'est, en dernière analyse,

qu'un segment de conducteur ». Or, le corps cellulaire n'est pas

seulement « un segment de conducteur », il est aussi le véritable

centre génétique, trophique et fonctionnel du neurone.

492 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Centre génétique, le corps cellulaire l'est indiscutablement;

n'est-ce pas lui qui, dans l'ontogénèse comme dans la phylogénèse

apparaît le premier ? n'est-ce pas de lui que proviennent ensuite

ces prolongements qui, dans la nouvelle, théorie, ne constitueraient

que la seule partie importante du neurone ?

L'histogenèse nous enseigne que le corps cellulaire ne résulte pas

de la fusion des prolongements protoplasmiques, puisqu'il apparait

antérieurement à eux ; de même, physiologiquement parlant, le

corps cellulaire a une tout autre importance que celle qu'on veut

bien lui accorder. '

Et d'ahord le corps cellulaire grâce au noyau qu'il contient

exerce une action trophique sur tous les prolongements qui partent

de lui.

De plus le corps cellulaire du neurone des ganglions spinaux est'

volumineux parce qu'il remplit une fonction active, parce que les

ondes nerveuses le traversent, s'y modifient peut-être, et l'existence

d'une grande quantité de substance chromatique est une consé-

quence même de cette fonction.

Mais il a encore d'autres fonctions à remplir : il ne conduit pas

seulement les ondes nerveuses mais encore il les transforme ; les

modalités de sa structure sont à la base de la multiplicité des réac-

tions que présentent les différentes espèces de cellules nerveuses.

L'excitation d'un neurone des centres corticaux est toujours

suivie d'une 1 éaclion spécifique : comment donc expliquer les mo-

dalités des diverses sensations, si l'on admet que le corps cellulaire

n'est qu'un simple conducteur ?

Le neurone, unité cellulaire nerveuse, possède des conducteurs,

les prolongements cylindraxiles et protoplasmiques, mais il pos-

sède aussi un centre génétique, trophique et fonctionnel, et ce

centre n'est autre que le corps cellulaire (Revue neurologique,

mars 1898.) E. B.

XL. L'origine du facial supérieur; par le Dr Marinesco.

Sur des coupes sériées pratiquées sur toute l'étendue du noyau

facial, l'auteur a constaté qu'au point de vue de leur structure le

noyau externe et le noyau médian se ressemblent, c'est-à-dire

qu'ils sont composés de cellules multipolaires grandes, analogues

à celles des autres noyaux moteurs et que, par contre, le noyau

interne est composé de petites cellules polymorphes.

Le noyau facial, tout au moins dans sa partie moyenne, est

donc un noyau complexe, contenant plusieurs types cellulaires.

Après la section chez le chien du nerf facial supérieur, on

constate une réaction très manifeste dans l'extrémité inférieure

du noyau du facial, réaction diminuant à mesure qu'on se rap-

proche de l'extrémité supérieure. On pourrait conclure de celte

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 493

expérience que l'origine du facial supérieur, tout au moins chez

le chien, se trouve dans le noyau commun du facial. De plus, le

noyau du moteur oculaire externe reste intact : donc il n'a rien à

faire avec cette branche.

Lorsqu'on coupe le facial inférieur, les phénomènes de réaction

se passent dans le groupe externe du noyau facial.

Les différents noyaux secondaires qui constituent le noyau

commun du facial sont donc affectés à l'innervation des différents

territoires musculaires de la face.

L'auteur, dans un prochain travail, étudiera les fonctions du

noyau à cellules polymorphes du facial. (Revue neurologique, jan-

vier 1898.) " K. B.

XLI. CONTRIBUTION CLINIQUE ET anatomique A L'ÉTUDE DU cysticerque

du cerveau humain ; par GioNNi, (ruz di (l'en., fasc. III, 1897.)

XLII. RECHERCHES SUR LES lésions DES fibres NERVEUSES spinales dans

LES PSYCHO-NEVROSES AIGUËS ET CONTRIBUTION ANATOMIQUE A l'ÉTUDÉDE

LA PARALYSIE SPINALE SPASMODIQUE; par DONAGGIO. (Riv. S. cli f1'e1a.,

fasc. IV, 1897.) -

XLIII. SUR un cas de sarcome DE la fosse crânienne POSTÉRIEURE DROITE

AVEC HYDROCÉPHALIE ET ÉCOULEMENT DU LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN

par LE NEz ; par CAMPO. (Riv. sp. di (¡'en., fasc. IV, 1897.)

XLIV. TÉTANIE PAR ALLAITEMENT CHEZ UNE CHIENNE PARTIELLEMENT PARA-

tuyho'idectomisée; par Vassale. (Riv. sp. di fren., fasc. 4, 1897.)

XLV. Recherches SUR la physiologie DE l'écriture ; par OBICI.

(Riv : sp. di fren., fasc. III, 1897.)

YLVI. DE QUELQUES associations verbales. NOTES DE PSYCHOLOGIE INDI

VIDUELLE; par GUICClARDi et FERR.1RI. (Riv. sp. di (¡'en., fasc. III,

1897.)

XLVII. SUR L'ÉTIOLOGIE DES dégénérations systématiques DE la MOELLE

épinière; par C$NI. (Riv. sp. di ? 6) ? fasc. III, 1897.)

XLVIII. LES réflexes vasculaires dans les MEMBRES ET dans LE CER-

veau DE l'homme; par l'ATRIZI. (Riv. sp. di frein., 1897, fasc. I.)

L'auteur résume dans les conclusions suivantes les résultats de

ses expériences, entreprises sur des enfants de treize ans environ.

Les réflexes vasculaires chez l'homme suivent les lois fondamen-

tales de localisation et d'irradiation, reconnues aux réflexes de la

vie de relation. Le réflexe vasculaire localisé s'accomplit en un

494 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

temps moindre que le réflexe vasculaire irradié. Le cerveau exerce

une influence évidente sur l'activité réflexe de la moelle épinière,

même en ce qui regarde les mouvements réflexes des vaisseaux

sanguins. Le temps de réflectivité vasculaire dans la veille, pour

des excitations sensitives, est, pour le bras, d'environ trois

secondes; pour la jambe d'environ cinq secondes. Le réflexe vascu-

laire du cerveau par stimulus sensoriel demande un temps égal à

celui du réflexe brachial pour la même excitation. Le sommeil

produit dans le temps de réflectivité vasculaire un grand retard

qui va en diminuant du cerveau au bras et est inappréciable dans

les vaisseaux du membre inférieur. Les mouvements du sang dans

le cerveau pendant le sommeil, consécutifs aux excitations, sont

sans doute des réflexes actives et autonomes. Le réflexe vasculaire

dans les membres par stimulus sensoriels et psychiques s'accom-

plit en un temps (quatre secondes pour le bras) plus long que le

réflexe par excitation sensitive. Pour chaque sens excité il y a un

temps de réaction vasculaire. Certaines excitations sensorielles

sont moins capables que d'autres de provoquer des réactions vaso-

motrices. J. SÉGLAS.

xLlx. La toxicité DE la sueur des épileptiques; par Clemente

C,lnrfTo. (Riv. sp. di fren., 1897, fasc. I.)

La sueur des épileptiques dans la période prodromique des

accès, injectée dans la circulation, a, chez le lapin, une action

toxique manifeste et des propriétés convulsivantes marquées. Les

propriétés toxiques et convulsivantes augmentent à mesure que

l'accès est plus proche et durent dans la période qui suit immédia-

tement le paroxysme, en rapport avec la durée de l'état post-

épileptique. Les accès survenus chez le malade le jour précédant

l'expérience, n'exercent pas d'influence sur la toxicité de la sueur.

Dans les périodes éloignées des accès, l'action de la sueur des

épileptiques ne diffère pas de celle de la sueur de sujets sains.

J. SÉGL4S.

L. Le calculateur mental Zaneboni, contribution A la PSYCIIO-

LOGIE DES mémoires partielles; par GUICCIARDI et FERRARI. (Riv. sp.

di fren., 1897, fasc. I.)

1

LI. La signification pathogénique DES substances toxiques dans

l'urine DES aliénés; par PELLEGRINI. (Riv. sp. di fren., fasc. I,

1897.) ,

Les urines des aliénés renferment en général un excès d'endossil-

sulfate de potasse, et sont plus toxiques que celles des individus

sains. Dans une même forme de maladie mentale, le coefficient

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 495

urotoxique est d'autant plus élevé que les urines contiennent une

plus grande quantité de cette substance, dont l'augmentation dé-

pend surtout des mauvaises conditions dans lesquelles se trouve

chez les aliénés l'appareil gastro-intestinal. J. Séglas.

LU. LE temps DE réaction simple étudié dans SES rapports avec la

courbe PLETHISMOGRAPHIQUE cérébrale; par P.11RIZI. (Itiv. sp. di

fren., fasc. II, 1897.)

L'oscillation de l'activité spécifique des cellules cérébrales et

celle de la circnlation du cerveau suivent chacune une marche

propre. La fermeté de l'attention se manifeste par une plus grande

rapidité des temps de réaction, et par une plus grande régularité

de la courbe psychométrique, en même temps que par des inéga-

lités moindres dans la courbe plethismographique du cerveau.

J. Séglas.

LUI. Recherches bactériologiques sur LE délire aigu ; i pal' CENI.

(Riv. sp. di (l'en., fasc. IV, 1897.)

Dans la forme de délire aigu, qui correspond cliniquement à

celle que Bianchi et Plccinino appellent délire aigu bacillaire, on

ne rencontre pas toujours dans le sang le bacille spécifique qu'ils

ont décrit. Dans quelques cas, en revanche, l'examen bactériolo-

gique du sang ne fait que révéler la présence d'autres germes pa-

thogènes et spécialement de pyogènes communs. Cela peut faire

croire que si l'on doit admettre réellement un délire aigu infec-

tieux, l'étiologie n'en est pas unique, ou, ce qui peut-être est plus

probable, que ces divers micro-organismes pathogènes rencontrés

dans le délire aigu, ne représentent qu'une infection secondaire, à

l'occasion d'origine intestinale, et qu'ils ne peuvent avoir de

valeur étiologique pour la forme morbide en question. J. SÉGLAS.

LIV. Recherches SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS crâniens : LE

nerf facial; par van GEHUCIITEN. .%tl9')t. de Neurologie, 1898,

nos 14 et 15.)

D'une série de recherches expérimentales pratiquées chez le

lapin, l'autour conclut que toutes les fibres constitutives du nerf

facial sont des fibres directes et que toutes ses fibres proviennent

exclusivement de la masse grise située entre l'olive supérieure et le

noyau d'origine de la partie motrice du pneumogastrique.

Cette masse grise peut être décomposée en territoires plus

petits dont chacun est en rapport avec des groupes musculaires net-

tement déterminés : ZD

1° Le groupe interne du noyau du facial serait formé de deux

parties : une partie externe en rapport avec les muscles auricu-

lof96 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

laires et une partie interne dont les cellules sont en connexion

avec les muscles que le facial innerve pendant son trajet dans le

canal de Fallope ;

2° Le groupe postérieur est formé par les cellules d'origine des

fibres du facial supérieur;

3° Le groupe médian et le groupe externe représentent le noyau

d'origine des fibres du facial innervant tous les autres muscles.

Toute la partie ventrale du noyau du facial représente donc

l'origine du facial inférieur, tandis que la partie dorsale seule de

ce noyau est l'origine du facial supérieur.

Ces dernières conclusions ne s'appliquent cependant qu'au noyau

d'origine du nerf facial chez le lapin; elles ne doivent pas être

admises sans contrôle pour le facial de l'homme.

Il résulte enfin d'une autre série d'expériences de M. van Gehuchten

que les fibres sensitives qui entrent dans la constitution du facial

ont leurs cellules d'origine dans le ganglion géniculé. Ces fibres

sensitives appartiennent donc au nerf intermédiaire de Wrisberg,

qui devient ainsi réellement la racine sensitive du nerf de la sep-

tième paire. G. D.

LV. Etat DES réflexes ET anatomie pathologique de la MOELLE

LOMBO-SACRÉE DANS LES CAS DE PARAPLÉGIE FLASQUE DUS A UNE

lésion DE la moelle cervico-dorsale ; par M. van GEHUCIITEN.

(Journal de Neurologie, 1898, n° 12. <

Il résulte des recherches expérimentales de l'auteur qu'à la suite

d'une section complète de la moelle cervico-dorsale chez le chien,

la substance grise de la moelle lombo-sacrée ne reste pas intacte,

mais que toutes les cellules des cordons dont le cylindraxe a été

sectionné, sont envahies par la chromatolyse. Cette lésion de la

substance grise de la moelle lombo-sacrée n'est cependant pas

suffisante pour expliquer l'abolition complète des réflexes des

membres inférieurs, puisque les cellules des ganglions spinaux et

les cellules radiculaires de la corne antérieure ont toujours été

trouvées intactes. L'auteur admet que si les mouvements réflexes

sont abolis, malgré l'intégrité des neurones sensibles et des neu-

rones moteurs périphériques, c'est parce que le tonus normal des

cellules motrices de la moelle lombo-sacrée se trouve considérable-

ment affaibli par suite de la suspension d'action qu'exercent sur

elles les fibres provenant du cervelet, du mésencéphale et du cer-

veau terminal, et cela quel que soit l'état de la sensibilité. G. D.

LVI. De l'influence des réactifs SUR l'excitabilité électrique D'UN

NERF isolé; par A. WALLER. (Brain, part. LXXVI.)

Cette influence diffère un peu selon que l'agent chimique agit

sur l'extrémité coupée seulement, ou sur la continuité uon lésée

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 497

du nerf. Le dispositif de l'auteur est fort ingénieux et les condi-

tions expérimentales constantes. Pour chaque cas le nerf baigne

une minute dans une solution au dixième de la substance essayée.

Les corps étudiés dans cette nouvelle série de recherches sont des

bromures (aloïdes), des alcaloides et d'autres hypnotiques choisis

au hasard, et enfin des combinaisons destinées à l'étude des faits

d'antagonisme. Malgré tout il est difficile de fixer la part respec-

tive de dépression ou d'excitation de l'élément basique ou de l'élé-

ment acide dans l'influence d'un sel aloïde. Par exemple : Sr est

éminemment stimulant alors que sa combinaison Sr 131'2 est dépres-

sive. Les chlorures de Sr et de K sont antagonistes entre eux au

lieu que les bromures des mêmes bases ne le sont pas. Doue un

'se), soit AB, agit selon sa capacité de composé (AB) et non selon

une capacité individuelle A, pas plus que selon une capacité indi-

viduellle B. Il n'agit pas non plus selon la somme de deux capa-

cités A + B; mais l'action de B est modifiée par A et réciproque-

ment, et selon qu'un des éléments l'emporte, son influence peut

prédominer. En envoyant deux sels l'un après l'autre ou ensemble

au point de vue des antagonismes, on arrive à voir un antago-

nisme faux, équivalent à un simple lavage du nerf d'essai pro-

duit par la substance arrivant la seconde ; un antagonisme suc-

cessif survenant un certain temps après l'application du second

réactif ou même de l'ensemble des deux ; et enfin un antagonisme

immédiat ou simultané.

Pour les alcaloïdes la solution est à 1 p. 100, l'immersion dure

une minute. Certaines de ces substances n'ont permis aucune

conclusion ferme, d'autres au contraire en plus grand nombre ont

donné des résultats importants. Quelques-unes, comme l'aconitine

et l'acomne, d'une parenté chimique et originelle étroites, ont

donné sur le nerf isolé des résultats tout à fait différents. D'autres,

d'une constitution chimique indéterminée, comme la curarine ont

sur le nerf isolé une action physiologique d'une précision et d'une

constance rigoureuses. D'autres encore, comme la digitaline, qui

revêtent en chimie des aspects très divers ont selon ces formes une

action spéciale et distincte. Beaucoup d'alcaloïdes : curarine,

strychnine, vératrine, atropine, hyoscine, convaUamarine, digita-

line, gelsémiue, morphine, cocaïne, physiostigmine, etc., sont

étudiées ainsi selon l'unité de temps et de concentration, puis

reprises et comparées dans leurs effets en variant la durée d'im-

mersion et la force de la solution. L'auteur se propose ultérieure-

ment de chercher la corrélation des phénomènes positifs et négatifs

ainsi trouvés avec la polarisation et la dépolarisation du iierf. Il

voudrait les rattacher à la [doctrine générale d'assimilation et de

désassimilation de la matière vivante qu'il a abordée dans l'étude

des phénomènes rétiniens. (Voir lrcla. neurol., 1896.)

F. BoISIrn.

A RCH 1 \"FS, 2° série, t. \'I. 32

498 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

LVII. Du TROUSSEAU SPÉCIAL MEDIAN DES CORDONS LATÉRAUX;

parW. DE Bechterew. (1 ! 'eierolog. Cenl1'alúl., XVI, 1897.)

La partie des cordons latéraux blancs contigué à la substance

grise, ou couche limitante de Flechsig, ne contient pas de filtres des

racines postérieures, mais,-dans son segment postérieur existe le

- trousseau médian du cordon latéral décrit par moi en 189 et en

1896. Ainsi s'exprime M. de Bechterew. Les fibres de ce trousseau

se développent plus tard que celles du trousseau fondamental, mais

plus tôt que cellesdestrousseaux voisins. Figures de pièces emprun-

tées à un foetus humain de sept mois, à un foetus de cinq à six

mois. « Les fibres de ce trousseau médian sont, disais-je (l'auteur

continue), très probablement en rapport avec les cellules des seg-

ments postérieurs de la substance grise et constituées de fibres

courtes. Or, l'observation récente de A. Bruce (Revue neurologique,

189G, n° 23), relative à une sclérose latérale amyotrophique, indi-

que, entre autres dégénérescences, celle de la partie antérieure de

la couche limitante et l'intégrité de sa partie postérieure en con-

nexion avec les cellules des cornes postérieures. Cette partie posté-

rieure que M. Bruce décrit comme étant un trousseau spécial est

précisément mon trousseau médian des cordons latéraux. » P. K.

LVIII. UNE NOUVELLE méthode DE coloration DU système NERVEUX

central; par J. Allerhand. (Neurol. Ceztz·ulLl., XVI, 1897.)

Coloration double au tanin et au perchlorure de fer ; différen-

ciation d'après la méthode de Pal. On voit les fibres myéliniques

d'un bleu-noir intense se détachant sur un fond incolore ; on voit

très bien les fibres les plus fines de la substance grise de la moelle,

des lobes cérébelleux, de l'écorce. Cette méthode est compatible

avec n'importe quel mode de fixation antérieure, avec le durcisse-

ment à l'alcool ou à l'acide chromique; mais les coupes à l'alcool

sont moins uniformément colorées et semblent plutôt de couleur

bleu-clair, les fibres les plus fines y sont cependant nettes.

Prenez des coupes aussi minces que possible. Placez-les dans une

solution officinale de perchlorure de fer à 50 p. 100 pendant quinze

à vingt minutes. Chauffez un peu, surtout pour les préparations

durcies il l'alcool. Mettez ensuite dans une solution de tanin à

20 p. 100 obtenue de la façon suivante. Le tanin, dans la propor-

tion de 20 p. 100 est dissous à chaud dans l'eau distillée ; la cornue

estplacée au soleil dans un endroit à température variable ; la solu-

tion moisit et devient rouge-brun sombre. Le tanin, jaune s'est

dédoublé en acide gallique et en acides élalique, mélanique, etc.,

deux à trois semaines plus tard, l'acide tannique a subi la décom-

position voulue. On filtre et on s'en sert; il faut s'opposer mainte-

nant à toute nouvelle moisissure par l'ébullition.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 1199

Les coupes placées dans la solution de tanin en question

sont chauffées au bain-marie pendant une à deux heures. Presque

tout de suite, la substance blanche de la moelle tranche sur la

substance grise plus claire ; la couche blanche du cerveau devient

noire, la couche grise, plus claire. Déjà souvent, dans les quelques

minutes suivantes, la différenciation est suffisante, mais générale-

ment il faut une heure ou deux. Si deux heures n'ont pas donné

les résultats voulus (c'est surtout quand on a affaire à des prépara-

tions durcies à l'alcool), recommencez les opérations après lavage

à l'eau ; replacez de la solution ferrugineuse (coloration d'ensemble

noire) ; après quelques secondes, lavez à l'eau fraîche, remettez

dans le tamn chaud pendant dix à quinze minutes, et lavez à

l'eau fraîche. On peut se servir plusieurs fois des solutions.

Pour décolorer et différencier, on emploiera la méthode de Pal

modifiée. Mélange à parties égales de la solution de permanganate

de potasse à 0,50 p. 100 et d'acide oxalique avec sulfate de soude

à 1 p. 100. On décolorera ainsi à son gré jusqu'à ce qu'à l'oeil nu

la substance blanche soit bleu-noir et la substance grise plus ou

moins incolore. Au microscope, les cellules nerveuses apparaissent

avec tous leurs prolongements ; le protoplasma en est jaune, le

nucléole noir intense, la substance intermédiaire incolore. Dans les

préparations cérébelleuses durcies à l'alcool, les cellules de Purkinje

montrent un protoplasma gris jaune ou gris foncé, et un nucléole

d'un jaune foncé. t

Apres la décoloration, on lave avec soin dans l'eau; on augmente

la[beauté, la netteté, la stabilité de la teinture en plongeant pendant

quelques minutes ou davantage dans une solution d'acide acétique

à 0,50 p. 100. Puis on met dans l'alcool ; on éclaircit au xylol.

P. KERAVAL.

LIX. EPIP¡¡¡;NOMÈ : OES ANATOMIQU1ÏS CONSÉCUTIFS A L'EXTIRPATION ÉTENDUE c

DES centres CORTICOMOTEURS DU CHAT ; par E. REDLICH. (lB2lTOLO(.

Cent1'llIbl., XVI, 439 ï.)

Extirpation étendue de la région motrice chez quatre chats ;

extirpation bilatérale chez un cinquième. Troubles habituels typi-

ques. Entre la deuxième et la cinquième semaine consécutives, on

tue les animaux. Durcissement des pièces dans la liqueur de

Muller et la solution du formaline à 2 p. 100 ; coloration Murchi.

L'étude anatomique et histologique montre que chaque fois on a

détruit non seulement la partie corticale motrice, mais la plus

grande partie du lobe frontal. Malgré cela, intégrité des ganglions

de la base. En certains endroits des destructions d'artères ont pro-

duit des foyers de ramollissement.

Les dégénérescences des systèmes de fibres contenus dans le*

pyramides du bulbe et d'autres sont conformes aux résultats des

SOO REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

expériences des expérimentateurs connus. (Voy. figures et dévelop-

pements dans le texle.)

11. Redlich s'occupe plus spécialement des voies d'union de la

partie cérébrale extirpée avec les ganglions sous-corticaux.

Les dégénérescences constatées dans la couche optique et ses

organes antéro-mférieurs-(couche grillée) prouvent qu'en outre

des fibres qui de la couche optique vont à l'écorce (Monakow) il y

en a qui prennent naissance dans l'écorce et se terminent dans la

couche optique (IiolUher).

Quelques animaux présentent aussi une dégénérescence légère

de la capsule externe (Schukowski). La pallie latérale de la sub-

stance noire témoigne aussi de dégénérescences des trousseaux

disséminés qui imperceptiblement passent de l'aire du faisceau

pyramidal dans la zone de celle-ci.

Dégénérescence des fibres de la région du faisceau pyramidal,

qui vont aux noyaux prolubérantiels, de ces fibres qui s'épanouissant

dans les noyaux en question où, de concert avec les cellules de

ceux-ci, elles forment un nouveau neurone, destine à l'hémisphère

cérébelleux du côté opposé.

Les fibres du ruban de Reil sont également dégénérées ; ce sont

des fibres appartenant aux voies descendantes : leur manièred'être,

leur situation dans le pédoncule vertébral et la protubérance indi-

quent qu'il s'agit d'un système très semblable aux trousseaux dis-

séminés du ruban de Reil de Bechlhew ou au trousseau piolubé-

ranliel de Schlesinger. Fibres centrifuges en pitre expliquées par

les dégénérescences du ruban de Reil depuis longtemps connues,

mais ayant un trajet différent de celui des autres organes du ruban

de Reil. On trouve aussi une dégénérescence descendante du trous-

seau qui va du ruban de Red au pied du pédoncule.

Dégénérescences des systèmes d'associations et des systèmes commis-

suraux du cerveau. -- Elles forment un arc à convexité postérieure

(forceps antérieur) parce que l'endroit d'extirpation corticale était

situé en avant de l'extrémité antérieure du coips calleux. Les coupes

transverses et perpendlculailes pratiquées à partir du pôle posté-

rieur du cerveau, d'arrière en avant, montrent que les premières

fibres dégénérées du corps calleux occupent la partie moyenne de

ce dernier. Puis, elles deviennent de plus en plus nombreuses, des

deux côtés, en plein rayonnement forcipital des hémisphères; fina-

lement voit des trousseaux ininterrompus relier l'hémisphère opéré

à l'hémisphère sain, où ils s'irradient en avant. Les circonvolutions

auxquelles ils se distribuent correspondent aux parties operées du

côté opposé. Ce qui prouve justement que le corps calleux est bien

un système commissural. - La circonvolution du corps calleux est

surtout dégénéré au niveau des segments antérieurs de l'hémis-

phère ; en avant c'est une ceinture dégénérative intense, étroite et

longue, transverso-frontale appliquée immédiatement sur le corps

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 501

calleux; plus en arrière, la dégénérescence forme un dessin ver-

tical à angle droit dans la subslanee blanche de la circonvolution

en question ; tout à fait en arrière, la dégénérescence se pel'd gra.

duellement en diminuant progressivement d'intensité et d'étendue

ce qui prouve que la circonvolution du corps calleux se compose

de fibres de diverses longueurs. P. KERAVAL.

LX. Contributions A l'étude DES affections DES segments LES PLUS

inférieurs DE la. moelle ; par E. BREGMAN. (iV6M)'00 ? Centralbl.,

XVI, 1897.)

Après avoir résumé l'état de la question clinique dans ses rap-

ports avec les localisations anatomiques, l'auteur communique une

observation dans laquelle, à la suite d'une chute de 4 à 5 mètres de

haut sur le siège, on constatait un complexus symptomatique en

rapport avec une lésion du cône médullaire (intégrité du plexus

sacré). La parlie inférieure de la moelle sacrée est atteinte parce

qu'il existe une paralysie motrice et sensitive de la région vésico

rectale et que le territoire du plexus sacré est indemne. La subs-

tance blanche est bien plus probablement atteinte que les racines,

car Schullze a démontré que les fragments osseux rétrécissent sur

tout le canal vertébral sur la ligne médiane et épargnent les régions

latérales; dans l'observation en question, en outre, il y avait une

dissociation de la sensibilité dans les parties anesthésiées comme

si l'on avait affaire il une syringomyélie, ce qui prouve l'atteinte

de la substance grise, et suppose vraisemblablement une hémato-

myélre. Toutefois à droite une zone d'anesthésie correspondrait aux

première et deuxième racines lombaires ; en effet le traumatisme

aurait particulièrement porté à droite et la paralysie de la jambe

droite a duré bien plus longtemps que celle de la jambe gauche

rétrocédée au bout de quelques jours; les racines postérieures

auraient le plus souffert, car la paralysie motrice a presque complè-

tement disparu; cette lésion des racines postérieures est du reste

compatible avec la paralysie dissociée de la sensibilité, et l'anes-

Lliésie droite a, quoique lentement, diminué d'étendue et de degré

progressivement. P. KEHAVAL.

LXL Des altérations DES CELLULES nerveuses PFNDANT l'inanition;

par K. Schaffer. (Ncurolog. Celltmlbl., XVI, 1897.)

Etude par le procédé de Nissl au bleu de méthyle (1894 et 1893),

de la cellule des cornes antérieures à type somatostichochrome,

chez le lapin inanitié totalement (privation d'aliments solides et

liquides) ou privé d'aliments solides seulement.

1° Inanition avec conservation des liquides. Les dessins de la

substance chromatique subsistent, mais les mottes chromatiques

802 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

sont dissociées en granulations excessivement fines, ténues (lentille

apochromatique homogène). Quelques cellules sont faiblement

teintées comme si les granulations chromatiques s'étaient peu ou

pas colorées. Intégrité des bords et des noyaux de la cellule très

rarement vacuolisée.

2° Inanition totale. - A. Ch1'omatQlyse. Le protoplasma, à partir

de la partie périnucléaire du corps de la cellule, est parsemée de très

fines granulations qui se prennent en globes desquels se détachent

de grosses granulations d'une coloration intense qui, finalement se

dissolvent en pâlissant. - B. Vacuolisation. Les vacuoles se mon-

trent dans la partie périphérique du protoplasma ; entourées de

substance chromatique vive, elles débutent par un tache pâle cir-

conscrite : cette tache doit être du liquide, car les mottes chroma-

tiques qui l'entourent lui sont intimement adhérentes et sont apla-

ties (Juliusburger et Schaffer. Neurolog. Cenlmlbl. 1895.) La situa-

tion des vacuoles à la périphérie change l'aspect des bords des

cellules qui sont zigzagues, érodés. La résorption des granulations

malades forme la vacuole, les mottes chromatiques intervacuo-

laires et les cloisons intervacuolaires persistant. - C. Altération

du noyau. Le noyau, qui normalement reste clair et non colorable,

se colore d'abord vivement, puis d'une teinte foncée et finalement

présente la même coloration que le nucléole. On asous lesyeuxles

dessins de Sarbov à la suite de la ligature de l'aorte. (JV6M)-o<oy.

rem6/. 1895.)

Tout cela prouve qu'il y a trouble de nutrition de la cellule, et

que la substance chromatique est intimement en rapport avec la

nutrition du protoplasma. P. KERAVAL.

LXII. POIDS du cerveau ET cubage intérieur DU crâne;

par ZANKE. (Neu1'OIo(J. Cezztralbl., XVI, 1897.),

L'idée de comparer une grandeur en poids aune grandeur volu-

métrique et de figurer sur un tableau en colonnes et pavillons noirs

et gris sur fond blanc, les divers volumes des cerveaux de paralyti-

ques, d'épileptiques, et autres aliénés, parait légitime à l'auteur

parce que la densité du cerveau oscille assez généralement autour

- de 1 030 et que la substance de cet organe se gonfle assez bien dans

l'eau pour que le déplacement de ce liquide en fournisse le cube.

Mais la masse cérébrale d'un individu est-elle pendant la vie une

grandeur constante, non modifiée par les liquides ambiants, la force

du courant sanguin; n'est-elle pas modifiée par la pénétration de

la matière cérébrale par l'eau et par sa faculté d'élimination de

la même eau ? Le cerveau n'est-il qu'une éponge capable de rece-

voir et de rendre l'eau ? Ou jouit-il de celte propriété dans le cas

seulement de lésions cérébrales notamment de lésions paralyti-

ques ? Questions qui infirmeraient les calculs de l'auteur.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. JO

Les expériences instituées pour déterminer l'imbibition cérébrale

du lapin dans l'eau courante ou non'semblont montrer que la subs-

tance de son cerveau s'emplit très notablement d'eau. Cette apti-

tude n'est pas influencée par une tempérasure restant dans les

limites de la chaleur animale, elle l'est beaucoup par la teneur en

sels de l'eau. Cette imbibition diffère notablement de l'aspiration

de l'éponge, on a beau, en effet, soumettre à la pression la plus

foi te le cerveau frais ou imbibé, il ne rend pas son eau. La quo-

tité d'eau adhérente à la surface est insignifiante (elle est de 1 gr.)

pour le cerveau humain. Comparativement, chez l'homme, on peut

trouver qu'un cerveau de 1.200 grammes après vingt-quatre heures

d'imbibition dans l'eau distillée pèserait 3.000 grammes mais que,

en tenant compta de son accroissement pondéral de par l'imbibi-

tion dans un liquide cliloruro-sodique, on n'arriverait pas à enre-

gistrer les différences constatées entre les cerveaux des paraly-

tiques et ceux des autres malades. Voyez les formules. D'autres

expériences sont nécessaires. P. Keraval.

LXIII. De l'aspect des cellules motrices DE la corne antérieure DE la

MOELLE A la suite DU repos ET DE l'inanition ; par L. J.consoii.-4,

(Ne ! l1'olo ? Cenlralbl., XVf, 1897.)

C'est l'hivernage dont il est question ici. Le hérisson (Erinacoeus

europoeus), maintenu sans nourriture pendant quatre à six

semaines dans un lieu froid, n'a présenté aucune altération, pas

plus que des animaux semblables, pas plus que le lapin totalement

inanitié pendant sept à dix jours et ayant diminué d'un tiers ou de

moitié de son poids (température du corps : 35° et 32°). Préparations

à l'alcool, examinées par la dernière méthode de Nissi, avec l'ob-

jectif pantachromatique de milllm. de E. Seitz à immersion

dans l'huile. P. Keraval.

LXIV. Des voies CONDUCTRICES DES réflexes dans la MOELLE ET du lieu

DE transmission nÜLExE ; par J. 1105ENTÜ.\L et M. uIENDELSSOHN.

(Ne1t1'olol). Cent1'lllbl., XVI, 1897.)

Voici ce que l'étude des rapports entre le temps employé pour

la transformation des excitations en réflexes et la force de l'excita-

tion initiale ont démontré aux auteurs, de concert avec les faits

de Kaner, Weiss, Rallier et Pick, Bastian, Schwarz, Tooth, Thorn-

burn, .Bowlby, Babinsky, Bruns, Gerliardt, Hitzig, Egger, Hoche,

Ilabel, van Gehuchten.

Les prolongements des cylindraxes de tous les neurones sensitifs

qui pénètrent dans la moelle entrent en contact avec les prolonge-

ments protoplasmiques des neurones centraux qui, à leur tour,

ont des relations avec les neurones périphériques des nerfs

504 BEVUI, d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

moteurs. Les fibres radiculaires postérieures après leur entrée dans

la moelle se divisent en une collatérale ascendante et une collate-

rale transverse (la collatérale réflexe) dont les arborescences termi-

nales forment les connexions précédemment mentionnées. C'est

pourquoi à toute hauteur de la moelle peut avoir lieu, par la plus

courte voie, une transmission de l'excitation d'un tractus sensitif à

un tractus moteur : c'est un réflexe. Mais les rameaux ascendants

de ces fibres radiculaires forment les longues voies qui gagnent la

substance grise du bulbe par le cordon postérieur jusqu'au noyau

de Goll. De là de nouveaux neurones établissant de nouvelles

communications avec l'écorce cérébrale du côté opposé, où ils se

relient aux neurones des cellules motrices pyramidales, Et c'est

précisément à cet endroit de la moelle qu'ont lieu les réflexes

normaux. Sans doute il peut y avoir transmission aux hauteurs

intermédiaires de la moelle ou dans le cervelet. Mais les courtes

voies forment ci la transmission de^ excitations une plus grande

résistance que les longues puisque toujours les faibles excitations ne

produisent de rellexes que par ces dernières. Pourquoi cela ? Peut-

être est-ce parce que. dans les comtes voies sont enclavées de

nombreuses ramifications (arborescences terminales) qui, n'étant

qu'en connexion lâche avec les amorces des neurones moteurs,

opposent au passage de l'excitation une grande résistance. Les

longues voies sont celles qui sont chargées de conduire l'excitation

sensible au cerveau pour qu'une sensation ait lieu. C'est par là

qu'est prévu le trajet direct des neurones sensitifs, et c'est dans le

bulbe, ou dans son voisinage, que ceux-ci aboutissent. C'est là

qu'est prévu le passage aux cellules motrices, facilité par des con-

nexions spéciales, de sorte que c'est la que les réflexes ont lieu le

plus aisément. l'. IiLa.weL.

LXV. Des 'dR1.1T105 U\NS le trajet DU l'.\ISOEAU pyramidal ;

par A. Hoche. (Neu1'olog. Ccntmlúl., lVl, 1891.)

Observation de dégénérescence descendante d'un faisceau pyra-

midal à la suite d'une tumeur cer6braie(gUosarcome) du volume

d'une petite pomme, occupant le milieu des ascendantes et ayant

entraîné la mort en quelques mois. Méthode de Marchi. Dégénéres-

cence exclusive du territoire de la pyramide gauche, dans le pédon-

cule cérébral, la protubérance, le bulbe ; entrecroisement au

niveau ordinaire, mais une partie des fibres s'infléchit dans le

cordon antérieur du coté opposé et. s'y place dans le voisinage

immédiat de la corne antérieure droite. Ce faisceau du cordon

aiitéiietir croisé s'en va tout le long de la moelle cervicale en se

raréfiant peu à peu jusqu'à la hauteur de la première racine

dorsale Il semble que ses fibres se terminent dans la corne anté-

rieure voisine. 11 existe encore une faible dégénérescence du

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 808

faisceau du cordon latéral dans la pyramide du même côté que

la lésion cérébrale.

Donc, un )réllaisyhène cérébral est en communication avec les deux

cordons latéraux et avec les deux cordons anléiieurs. L'intégrité de

la pyramide droite dans la protubérance et le bulbe, et le canton-

nement de la dégénérescence à l'aire de la pyramide gauche dans

les régions élevée*, indiquent que les faisceaux antérieurs croisés

n'ont pas d'autre origine. La dégénérescence du cordon latéral

dépasse le territoire ordinaire du faisceau latéral dé la pyramide,

qui normalement demeure en deçà de la zone limitée par une

ligne tirée de dehors en avant au droit des cornes latérales; or,

au niveau de l'entrecroisement, quelques libres la dépassent en

avant, au niveau de la deuxième paire cervicale : c'est une véritable

invasion qui, dans le domaine du faisceau de Gowres, gagne la

pie-mère; dans toute la moelle cervicale c'eL une invasion irrégu-

lière mi-partie dans le faisceau de Gowres, mi-partie dans la couche

limitante; la dégénérescence dépasse encore les limites antérieures

dans la moelle dorsale et dans la moelle lombaire. P. Keraval.

LXV bis. Examen DE DI1·I·LRENTI's5 110DI11C\'l'IONS DES cellules géantes

du LOBULE P.IRaCE\1'1WL ; par le Dr Adolf MEYKR.

L'auteur a choisi pour son étude les cellules géantes du lobule

paracenlral, parce qu'il lui a pain préférable d'étudier les modifi-

cations d'un même type de cellules dans des formes variées d'af-

feclion, et que, d'autre part, ces cellules géantes sont le plus aptes

à montrer les modifications pathologiques sans être trop sensibles

' aux altérations post-mortem.

Dans un cas de démence sénile avec artériosclérose, au milieu

de cellules d'aspect normal s'en trouvent qui ressemblent à un

véritable sac de pigment : à la base d'un reste du prolongement

du sommet, se trouve comprimé un noyau atrophié. Ces cellules

sont fréquemment réunies sous forme d'amas, ce qui permet de

supposer un trouble local de nutrition.

Dans un cas de mélancolie sénile, la plupart des cellules ont des

granulations plus petites qu'à l'état normal. Une partie du proto-

plasma présente un aspect vitreux homogène, comme si les

détails de la structure avaient été lavés ; le noyau est fréquemment

tordu, comptimé contre la paroi. En outre, le long de la paroi se

rencontre parfois une accumulation de pigment jaune. Sur d'au-

tres cellules, les minces corpuscules de Nissl sont disposés sous

forme de tourbillons ayant le noyau pour centre. Quelques cellules

présentent une combinaison de la degénération vitreuse et de la

dispositioD des corpuscules de Nissl en tourbillons.

Dans un cas de mort huit jours après une hémorrhagie ménin-

gée, les cellules présentent une sorte de dissolution des corpus-

506 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

cules de Nissl sous forme de poussière. Chez un syphilitique secon-

daire mort après plusieurs jours de délire avec convulsions, les

cellules montrent une disparition complète des corpuscules de

Nissl en même temps que les noyaux paraissent élargis.

Dans un dernier cas, où le malade, après un gros rhume, eut

des spasmes musculaires, des crises de pleurs et de rires et enfin

une période d'agitation maniaque qui détermina la mort un mois

seulement après le début du rhume, les corps cellulaires gonflés

ne présentent plus de granulations de Nissl, et ont subi la trans-

formation vitreuse en même temps que le noyau est repoussé vers

le cylindre-axe : le malade était atteint d'un commencement de

broncho-pneumonie avec infection streptococcique. De belles

planches hors texte illustrent cet intéressant mémoire. (.1me1'iean

Journal of itzsunit, octobre 1897.) E. B. ).

LXVI. DES fibres spinales centrifuges originaires DE la couche

optique ET DES tubercules quadrijumeaux ; par W. de BECIl'l'E12E\V

(uczvrolog. Ce ? ! hYf/6 ? XVI, 1897.)

La couche optique et la paire antérieure des tubercules quadri-

jumeaux sont des organes complexes servant, aux phénomènes

réflexes qui peuvent être mis en action par les nerfs crâniens et

aussi par les nerfs de la peau. La démonstration pour les tubercules

quadrijumeaux est ancienne. La couche optique sert aux réflexes

psychiques qui expriment les émotions et commandent aux fonc-

tions végétatives du coeur, des vaisceaux, de l'estomac, de l'intestin,

de la vessie, des organes sexuels.

Voyons leurs corrélations avec la moelle.

Fibres centripètes. Les fibres du ruban de Reil, issus des

noyaux des cordons postérieurs vont à ces deux organes. Aux tuber-

cules quadrijumeaux va cette partie du ruban de Reil qui provient

des noyaux du faisceau cunéiforme. Une partie des fibres du ruban

de Reil va à la partie postérieure de la couche optique, où elles

s'éparpillent entre les cellules placées un peu en dedans du corps

genouillé interne. Les excitations des racines postérieures arlivent

donc bien à la couche optique et aux tubercules quadrijumeaux.

Fibres centrifuges. Il existe un système de fibres qui du tuber-

cule quad1'ijll1neau antérieur en gagne la couche profonde et con-

tribue à l'entrecroisement fontainlforme de Meynert. Une portion

notable de ces fibres file à l'intérieur du faisceau longitudinal posté-

rieur chez l'homme tandis que, chez le chat, en avant de ce dernier

faisceau, elles courent des deux côtés de la ligne médiane pour

atteindre les cordons antérieurs (Iield). Boyce en a observé la

dégénérescence descendante. En réalité les fibres émanées des c3 lin-

draxes des cellules qui se trouvent dans la profondeur du tubercule,

quadrijumeau antérieur gagnent en rayonnant en dedans la région

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. S07 î

de la substance grise de l'aqueduc de Sylvius et, l'embrassant de

dehors en dedans, projettent dans la substance grise de nombreux

rayons collatéraux; après avoir tourné autour du bord externe de la

substance grise, après avoir contourné le noyau principal del'oculo-

moteur commun de dehors en dedans, elles forment, entre les

noyaux rouges, l'entre-croisement fontaniforme de Meynert. Puis

les fibres desrendent dans les segments internes de la formation

rétiforme, en avant du faisceau longitudinal postérieur, et passent

avec les fibres de ce dernier dans la portion interne du faisceau la-

diculaire des cordons antérieurs. Chez l'homme ce système de

fibres forme partie constituante du faisceau longitudinal postérieur

et atteint ainsi les cordons antérieurs. Il envoie dans son parcours

des ramifications au noyau rouge des deux côtés, et au noyau du

pathétique et de l'oculo-moteur externe du coté opposé. Et de la

couche optique à la moelle ? Quand on enlève un hémisphère céré-

bral, ou quand on sectionne le cerveau moyen chez le chat, au

niveau de l'oculo-moteur commun, c'est-à-dire immédiatement en

arrière de la couche optique, on produit la dégénérescence des

fibres du faisceau pyramidal, du faisceau longitudinal postérieur

et du système de fibres de i'entre-croisement fontaniforme, et

en outre, la dégénérescence des fibres qui forment l'entre-croi-

sement antérieur de l'étage supérieur des pédoncules céré-

braux de Forel : les fibres dégénérées descendaient donc dans la

région de la calotte, en arrière du ruban de Reil, et de là passaient

dans la moelle où elles se plaçaient en avant des faisceaux pyra-

midaux ; elles pouvaient être suivies jusqu'à la moelle lombaire. Tel

est le système de Boyce qui relève bien de la couche optique, car la

destruction isolée de la couche optique (de Bechtercw et Souko-

witsch) entraîne la dégénérescence descendante du même système.

P. 11ER.1 ? 1L.

LXVI bis. Perturbations MYOTONIQUES dans L'\TIIÉTOSE;

par 0. Kaiser. (Il7ettt·olog. Centralbl., XVI, 1897.)

La myotonie ou maladie de Thomsen (phénomène d'arrêt du

mouvement avec tension musculaire normale ou un peu augmen-

tée) peut accompagner des troubles cérébraux. Il est des cas où

elle est combinée à des troubles convulsifs tels que l'athétose ou

la paramyotonie. Voici un exemple d'athétose avec myotome

chez un jeune homme de dix neuf ans. Vraisemblablement les

troubles myotoniques n'ont ici de commun avec la myotonie vraie

familiale que l'aspect exiérieur et non la cause anatomo patholo-

gique. Cette association d'alhétose et de myolonieest peut-être due

à un état d'excitation tout particulier du neurone corticomoteur

(Freud, Anton), ainsi que semble l'indiquer l'hypertrophie si

curieuse de la moitié droite du corps chez ce malade. P. KERAVAL.

508 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

L\Y11. Contribution A l'étude DES dégénérescences secondaires DE la

MOELLE; par B. Woroiynsm. (Neurolog. Cent1' £ ! lbt., XVI, 1897.)

Ce sont les conclusions d'un travail publié en russe, qui repose

sur 18 expériences pratiquées^ par l'auteur chez le chien : section

totale ou hénlllatéraie de la moelle diverses hauteurs. Les chiens

étaient demeures en vie de un à cent vingt-sept jours.

1° Les dégénérescences secondaires de chacun des systèmes de

la moelle ne se développent pas simultanément ; les libres des cor-

dons postérieurs et du faisceau de Loewenthat dégénèrent les pre-

mièi es ; puis ce sont les faisceaux directs cérébelleux et antéro-

latéraux des cordons latéraux; enfin ce sont les faisceaux latéraux

des pyramides; 2° Le processus de dégénérescence une l'ois com-

mencé se développe très promptement, on peut même dire d'un

seul, trait dans toute l'étendue du faisceau ; 3° Dans les faisceaux de

Goll et de Loewenthal la dégénérescence atteint son maximum

pendant le cours de la deuxième semaine qui suit la section de la

moelle (méthode de marche) ; elle atteint dans les faisceaux

directs cérébelleux et autéro-latëraux des cordons latéraux son

maximum dans le cours de la troisième semaine; elle est à sa

période d'acmé à la fin de la quatrième semaine dans les faisceaux

latéraux des pyramides; 4° Par la méthode de Weigert les dégé-

nérescences secondaires sont à peine visibles trois semaines après

la section de la moelle; 5° L'ordre dans lequel décénère chacun

des systèmes correspond à peu près à celui dans lequel chacun

d'eux en se développant acquiert sa myéline ; GO La loi de Kahler

sur la disposition des fibres radiculaires dans les cordons poste-

rieurs est certaine; '7° De bas en haut jusqu'à la moelle cervicale

les faisceaux de Goll reçoivent leurs fibres des racines posté-

rieures. Au niveau de la moelle cervicale les fibres radiculaires posté-

rieures passent non plus dans les faisceaux de Goll mais dans les

faisceanx de Burdacli ; 8° Le système descendant des cordons pos-

térieurs se compose de préférence de fibres myetogènes. Les trous-

seaux de fibres descendantes des cordons postérieurs, décrits- par

les auteurs sous dinérents noms, appartiennent à un seul et même,

système, qui change de situation et de forme aux diverses hauteurs

de la moelle ; 9° La section hémilatérdle de la moelle entraîne une

dégénérescence bilatérale des faisceaux de Goll, de Burdach, de

Flechsig, de Gowers et de Lcewenthal. L'entre-croisement des fais-

ceaux de Goll et de Burdach, et en partie celui des faisceaux de

Flechsig, a lieu dans la commissure postériem e ; les libres de

Govers et de Loeventhal s'entre-croisent de préférence dans la com-

missure antérieurs ; 10° Les faisceaux anléro-latéraux (de Gowers)

atteignent, à la circonférence antérieure de la moelle chez le

chien, le sillon antérieur, et pénètrent en partie profondément

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 509

dans les cordons antérieurs; 11° Les faisceaux de Gowers et de

Flechsig doivent être anatomiquement tenus pour un seul et même

système. Une partie des deux faisceaux se termine à n'en pas

douter dans le cervelet, dans le territoire de l'olive cérébelleuse, et

du noyau du toit. Dans le vermis cérébelleux supérieur se trouve

probablement le passage d'une partie de ces fibres à l'autre côté ;

12° La dégénérescence descendante des faisceaux de Gowers et de

Flechsig parait douteuse, c'est plutôt aux libres des faisceaux de

Loewenthal que doit être attribuée la dégénérescence dans le ter-

ritoire de ces faisceaux; 13° L'existence d'un système descendant

séparé dans les cordons antéro-latéraux, chez l'homme, peut être

considérée comme démontré, 14° La dégénérescence descendante

des racines antérieures intraspinales sur une large étendue, à par-

tir du lieu de la section, serait plutôt expliquée par le passage dans

ces racines de fibres des faisceaux de Loewenlhal; 15° La dégénrres-

cence ascendante des racines antérieures intra-spluales est produite

par le passage en ces dernières de fibres des faisceaux directs

cérébelleux et antéro-lateraux des cordons latéraux ; 16° La dégé-

nérescence traumatique, au sens de Schielîerdecker, ne peut s'ob-

server que sur une étendue 'de un demi à un centimètre à partir

du lieu de la section de haut en bas; 17° Dans les faisceaux anté-

rieurs des pyramides du cerveau humain il y a des fibres qui dégé-

nèrent en montant et peuvent être séparées en un système propre.

(Marie). P. KERAVAL.

LXVIII. DE l'ataxie centripète chez l'homme ET CHEZ le singe;

par II. E. IIEHIt`c. (Newolog. Centralül., XVI, 1897.)

L'ataxie du tabétique tient-elle exclusivement au simple trouble

fonctionnel des nerls centripètes ? Mes expériences sur la gre-

nouille, le chien, le singe m'ont démontré que la section desiacines

postérieures laisse après elle de l'ataxie. Toute différente que soit

la forme de cette dernière suivant la variété de locomotion des

individus, selon qu'il s'agit d'une extrémité antérieure ou posté-

rieure, suivant le nombre des racines postérieures sectionnées, elle

doit son origine iL la même cause. Puisqu'il s'agit d'une paialysie

centripète, c'est-à-dire par suspension de la fonction des nerfs

centripètes, il est légitime de dire que l'ataxie consécutive à cette

paralysie est une ataxie centripète.

Qu'est-ce qu'une alaxie ? Elle se compose de mouvements dont

l'excursion dépasse les limites normales, dont les lignes directrices

dévient, qui présentent aussi une accélération anormale. Pour bien

définir l'ataxie centripète, il faut en étudier préalablement les

attributs. Ces expériences se proposent donc de sonder les causes

et particularités du mouvement ataxique, chez le singe. L'auteur

insiste surtout sur la diminution de volume du bras droit paralysé

510 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

due à l'immobilité du membre pendant les mouvements associés,

et à la jeunesse de l'animal (sorte d'arrêt du développement), et

sur les efl'ets de l'excitation électrique de l'écorce du cerveau sur

les extrémités atteintes de paralysie centripète. Il a vu l'excitation

de l'écorce produire la détente des muscles auparavant contractés,

déterminer un mouvement sur un membre pendant; mais ce mem-

bre retombe bien plus vite après la suspension de l'excitant que le

membre non paralysé et il subit alors des oscillations pendulaires

que le membre normal ne subit pas en s'abaissant.

Mais dans ces expériences ajoute M. Iléring, la narcose chlorofor-

mique ou autre joue un grand rôle. L'oscillation pendulaire de

l'extrémité paralysée indique que les contractions musculaires sont

bien plus fugitives que celles de l'autre extrémité, par suite, qu'il y

a une bien plus grande excitabilité dans la première que dans la

seconde. La section des racines postérieures correspondant à l'ex-

trémité paralysée se traduit par une mobilité passive frappante de

celle-ci. Si l'on excitait l'écorce sans la narcose ou par une légère

narcose, il y aurait peut-être à noter d'autres particularités. Les

expériences doivent donc être multipliées et continuées.

P. KERAVAL.

LXIX. DE la valeur des centres d'association DE FLECHSIG appliqués

A l'étude DU développement DE l'intelligence, DE la parole, DE

la PSYCHOLOGIE de la parole ET DE L1 théorie DE l'aphasie; par

W. OTUSZEWSKI. (Neurolo. Centl'¡tlbl., XVII, 1898.)

Flechsig distingue, comme chacun sait, quatre centres sensoriels :

1° la région tactile, aboutissant des fibres émanées des racines

postérieures, qui comprend le pourtour du sillon de Rolando, le

pied des circonvolutions frontales, une partie du lobule para-

central, et de la circonvolution du corps calleux; 2° la région

olfactive, située à la base du cerveau, et comprenant l'extrémité

antérieure de la circonvolution de l'hippocampe, une partie du

lobe frontal, et de la circonvolution de l'hippocampe ; 3° la région

visuelle : c'est la zone du sillon de l'ergot de Morand, une partie

du coin, du lobule lingual et du pôle postérieur du lobe occipital ;

4° la région auditive : c'est la première temporale et ses deux

racines dans la profondeur de la scissure de Sylvius. Ces centres

sensoriels sont,en réalité, sensitivo-moteurs; les conducteurs sensitifs

qui y aboutissent y trouvent des nerfs moteurs, de sorte que le

réflexe psychique s'y opère. Par contre, les trois centres d'association

sont des champs corticaux, placés entre les régions précédentes,

ne sont point en relation avec l'assemblage des fibres de projec-

tions ou conducteurs sensitivo-moteurs. Tels : le centre d'associa-

tion postérieur, sis entre la région tactile, la région auditive, la

région visuelle, et, en partie, entre la région visuelle, la région

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 511

auditive et le gyrus hippocampe; le centre d'association antérieur

ou frontal, à la pointe du lobe frontal, et, de préférence, à sa base;

le centre insulaire, le plus petit, au milieu, 'occupant l'insula de

Reil. La lésion d'un centre d'association aura donc une grande

importance, parce que le centre en question renferme l'assemblage

des diverses excitations des régions sensorielles et leurs images

commémoratives; cette coordination est le fait de l'activité d'un

grand nombre de cellules qui ont pour fonction unique d'associer.

Voilà qui distingue la théorie du mécanisme d'association de

Flechsig de celle de Meynert ou de Wernicke, qui prétendent que

les divers centres sensoriels sont unis directement entre eux par

des fibies d'association. Il y a, en réalité, un mécanisme particu-

lier aux centres sensoriels, et en particulier aux centres d'asso-

ciation.

Développement de l'espril humain. La vie psychique du nouveau-

né procède des perceptions brutes de sensations élémentaires im-

médiatement eu rapport avec les impressions sensibles ainsi que de

certains mouvements innés (réflexes, impulsions, instincts). Ce

n'est qu'à l'âge de quatre mois qu'il y a individualisation des

impressions sensibles, formation de sentiments tels que la joie, la

crainte, la volonté, constitués par l'association d'idées et de souve-

nirs. L'enfant prend alors conscience des sens et des choses, et

réfléchit le monde extéiieur. Mais il n'arrive à se séparer du monde

extérieur, qu'entre deux et trois ans ; il prend conscience du Moi,

et se reconnaît comme sujet (personnalité).

Développement de la parole. La mémoire des sons s'amasse pro-

bablement d'assez bonne heure dans le centre sensoriel de Ver-- "

nicke, mais à huit mois seulement, les mots s'unissent avec les

conceptions dans le centre d'association postérieure ; cette union

est indispensable pour que se forme la conception du mot. A cette

époque l'enfant comprend la parole. Vers onze mois, grâce au

développement de la faculté d'imitation, il unit les sous-entendus

aux sensations correspondantes qui dépendent des mouvements

effectués par les appareils d'articulation pour exprimer les sons;

l'émission de ces sons laisse des traces dans le centre sensorio-

moteur de l'écorce (région de Broca) et y forme la mémoire motrice

d'articulation. A mesure que cette mémoire mécanique augmente,

à mesure que s'accroît la mémoire sensorio-audilive, l'enfant com-

mence à répéter les mots. Cette répétition, en rapport avec de

nombreuses associations de la région frontale sensorielle et mo-

trice, laisse des traces dans le centre d'association moyen, pré-

parant ainsi la période bien plus tardive (vers la fin de la deuxième

année) du développement de la parole autonome. La mémoire sen-

sible sensorielle et motrice ayant enregistré une provision de traces

de mots, due à de nombreuses associations de séries de sons et de

bruits (mots) avec les mouvements correspondants d'articulation,

512 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

il s'agit de porter jusqu'au seuil de la connaissance les images

sensorio-motrices déjà unies pour avoir la mémoire des mots. Celte

faculté prend ensuite un caractère automatique subordonné aux

centres des conceptions et des notions. Le même mécanisme a lieu,

mutatis mutandis, pour la lecture et l'écriture. Ici l'association aux

images phonétiques des images commémoratives visuelles ou mo-

trices nécessaires pour écrire, ainsi que la faculté de se rappeler

les images, a lieu dans le même centre, au début consciemment,

puis automatiquement. La parole personnelle, même à ses débuts,

au même titre que la répétition, ou parole inintelligente appa-

rente des premiers temps du développement de l'enfant, est donc

non un réflexe (Kussniaiil, Wernicke, l.ichtlieim), mais un proces-

sus psychique, qui tient à l'élaboration des mémoires sensorielles

et à l'association consciente des images phonétiques sensorio-

motrices dans le centre d'association moyen.

Les aphasies. Bien que la région motrice de Broca contienne

l'ensemble de la mémoire des mots (mémoire sensorielle), il est très

probable que les altérations de cette région ne produisent que la

perte des mouvements d'articulation sans toucher à la parole inté-

rieure, et que, suivant la place des altérations, en cet endroit, le

malade perd la parole autonome tout en continuant à comprendre

l'écriture et à écrire (aphasie motrice sous-corticale), tout en conti-

nuant à comprendre l'écritnre, à lire à haute voix, et à répéter

(aphasie motrice transcorticale); tandis qu'il y a aphasie montée

totale avec agraplde et alexie par lésion du centre d'association

moyen ou insula de Reil, par anéantissement des traces accumu-

lées des images d'association sensorio-motrices, et des souvenirs

automatiques des mots (Déjerine, Pascal, Sabourin).

Mécanisme psychologique de la parole. La parole dépend d'un

rouage psychique qui, pour celte raison, appartient à l'écorce. Les

mémoires sensorielles ne sont pas du tout des centres speciaux

présidant à la parole; les centres qui les emmagasinent reçoivent

en même temps d'autres excitations que celles qui servent à la

parole. Pour la parole, comme pour l'entendement en général,

il faut : la mémoire, l'aptitude à l'association des idées et des

images. Toute opération élémentaire de l'activité psychique met

en jeu, en sus des centres sensoriels, des centres d'association éle-

vés. Il en est de même pour la parole, qu'elle soit active (articula-

tion, écriture), ou passive (intelligence de la parole ou de l'écri-

ture). Mais la parole est plus compliquée ; il faut que les mémoires

sensorielles des mots se mettent préalablement en relation avec le

centre d'association moyen pour former la parole automatique. Ce

qui n'empêche que diverses régions sensorielles de l'écorce se

réunissent dans le centre d'association postérieur. Aussi l'acte

psychique de la parole comprend-il : 1° un mécanisme inférieur

jusqu'à un certain point automatique dans j'insula de Reil (centre

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 513.

d'association moyen) ; 2° un mécanisme supérieur spécial à la

notion du mot, dans le cent ! e d'association postérieur, comprenant

toute la région du lobule pariétal inférieur de Charcot (gyrus

supramarginal), et du pli courbe (gyrus angulaire), qui sert à)

unir nos conceptions avec les mots capables d'en traduire le sens.

L'aphasie comporte donc : A, soit un trouble de la mémoire

sensible (motrice, sensorielle, et visuelle des lettres) : aphasie sen-

sible ; B, soit un trouble de la mémoire d'association des centres

d'association moyen ou postérieur : aphasie d'association. Dans

chaque genre le trouble peut être organique ou fonctionnel.

A. Aphasie sensible.

1° Organique. - a) Aphasie motrice isolée, par lésion de la troi-

sième frontale. C'est l'aphasie motrice subcorlicale dans laquelle le

malade, incapable de parler spontanément, conserve la parole in-

térieure, c'est-à-dire comprend l'écriture et peut écrire. h) Apha-

sie sensorielle ou surdité verbale ; le centre d'association moyen

agit sans contrôle sur la mémoire sensitive des mots entendus, .des

sons des mots ; le malade ne comprend pas les mots, la parole; il

est paraphasique, il est aussi alexique, parce qu'il n'a plus dans

l'esprit les images des sons d'articulation ; il est agraphique,

excepté quand il s'agit de certaines personnes très exercées à l'écri-

ture, mais le malade ne comprend pas ce qu'il écrit. - c) Alexie

isolée, cécité verbale de perception; le malade voit les lettres, mais

sans les reconnaître et les nommer, il ne comprend pas non plus

l'écriture.

2° Fonctionnelle ou amnésique. a) Motrice (t1'l ! nscorticale) par

affaiblissement fonctionnel de la mémoire motrice.- b) Sensorielle,

exemples : les aphasies de Grashey ; les cas où l'affaiblissement de

la mémoire sensible de l'ouïe rend difficile l'intelligence des mots

et des propositions exprimées; les cas de Goldscheider.- c) Alexie,

impossibilité de lire les mots, mais possibilité de lire les lettres ; le

malade ne peut lire à haute voix bien qu'il comprenne ce qu'il lit,

ou bien il peut lire, mais non écrire à cause de l'impossibilité dans

laquelle il est de conserver assez longtemps dans la mémoire

l'image du mot pour pouvoir le transcrire ; la dyslexie fait aussi

partie de ce genre, c'est l'alexie intermittente caractérisée par ceci

que le malade, tout d'abord lit bien, puis, au bout d'un instant,

ne peut lire davantage.

B. Aphasie d'association.

x. Du centre moyen. 1° Organique. - Aphasie motrice avec

alexie et au besoin avec agraphie. Perte des images d'association

sensorio-motrice ; le malade ne peut plus se représenter les mots

dans l'esprit; il ne possède plus la parole intérieure, en dehors de

la mémoire sensible sensorielle, pour comprendre les paroles ;

2° Fonctionnelle. Aphasie motrice satis alexie ni agraphie.

Archives, 2° série, t. VI. 33

514 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES

Du centre postérieur. - 1° Organique. - a) Aphasie d'asso-

ciation sensorielle par lésion du lobule pariétal inférieur (supra-

marginal); les mots bien que répétés et écrits automatiquement

(au moyen du centre moyen d'association) ne sont plus compris ; le

malade est paraphasique. b) Alexie d'association ou cécité ver-

bale d'association ; exemples : alexie transcorlicale de Wernickte,

par lésion du pli courbe (gyrus angulaire) ; les mois ne sont plus

liés aux conceptions correspondantes; le malade lit cependant

lettres et mots (an moyen du centre d'association moyen), -

c) Aphasie optique, le malade voit et reconnaît les objets, mais ne

peut les nommer, n'en peut trouver le nom, que quand une autre

région sensible de 1 écorce est excitée, telle que la zone tactile,

olfactive, ou auditive; l'outil de la parole étant intact, il doit y

avoir trouble partiel des associations entre le centre des mots et le

centre des conceptions d'une part et ses composants visuels. -

d) Cécité psychique; le malade a perdu la plus grande partie de ses

conceptions mnémoniques antérieures, et aussi la faculté d'en con-

server de nouvelles dans sa mémoire; il voit les objets, mais ne

les reconnaît pas, ne peut les nommer, s'oriente mal dans l'espace

car il ne peut plus comparer les impressions des sens avec les

images commémoratives. Quand la cécité psychique est légère, le

malade conserve une partie des images commémoratives, a la

notion des objets, mais est incapable d'identifier de nouvelles im-

pressions avec celles qui existent déjà dans la mémoire. Cette

cécité psychique dénote un trouble des associations qui vonl de

tons les sens au centre conceptuel, où les composants visuels jouent

le principal rôle dans la formation de nos conceptions et notions.

Lésion de la surface externe du lobe occipital et du lobe pariétal.

2° Fonctionnelle. - Cas dans lesquels le malade n'est pas en

état de donner à l'objet qu'il se représente dans l'esprit le nom

qui lui convient.

C. Cas mixtes Une petite lésion organique peut déterminer

des phénomènes fonctionnels qui masquent, jusqu'à un certain

point seulement, l'image pure de l'aphasie organique.

Tout n'est encore pas dit sur la parole et l'aphasie. Ce qui pré-

cède n'est qu'un progrès par rappoit au schéma de Wernicke et

Lichtheim. Ainsi pense M. 0 tuszew : : ki, P. IiEn.wnL,

LXX. Lésions fines des CELLULES NERVEUSES dans LES poliomyélites

chroniques; par G. Marinesco. (Ceîit7,ttlbl. f. Nervenheilk., \11,

T. F., IX, 1898.)

Mémoire écrit en français, avec figures. P. Keraval.

BIBLIOGRAPHIE.

IL Les étals neurasthéniques ; par le D1' Gilles de L1 TounE'fTE, in-12

cart. (Actualités médicales.) J.-B. Baillère et F., Paris, 1898.

La neurasthénie n'est pas une maladie, mais le nom donné à une

réunion d'états qu'il faut savoir différencier, et qui a donné lieu a

une foule de théories tombées une à une dans l'oubli dont elles

étaient dignes. La neurasthénie M'aie que l'auteur décrit avec une

précision parfaite est un état acquis, frappant un sujet valide et

guérit facilement. La neurasthénie constitutionnelle ou héréditaire

se développe sur un terrain prédisposé par l'hérédité et peut se

passer de cause occasionnelle pour apparaître : elle comporte un

état mental beaucoup plus accusé que la neurasthénie vraie ; elle

est infiniment plus rebelle, paroxystique et en tout cas sujette à

rechutes. L'état neurasthénique accompagne souvent d'autres affec-

tions nerveuses par simple adjonction comme dans le tabès, par

association comme dans certains cas d'hystérie. Le diagnostic

souvent liés difficile avec la paralysie générale au début se fait par

les signes physiques objectifs ou avec le temps par l'apparition

d'autres signes. 1.'Lystéro-ueurastliéme traumatique mérite une

place à part dans la nosologie. Ces différenciations sont indispen-

sables pour le pronostic et le traitement. On usera de peu de mé-

dicaments : broute à petites doses, très peu d'hypnotiques, ré-

gime diététique sévéïc, manger peu à la fois et souvent, des choses

substantielles facilement digestibles et assimilables. Au premier

rang hydrothérapie rationnelle, douches pour la dépression, bains

tièdes prolongés pour l'éréthisme, traitement moral, change-

ment de pays et de milieu temporairement. Ce petit ouvrage est

une excellente mise au point de la question des états neurasthé-

niques, tous les points de vue y sont abordés, de l'historique au z

traitement. C'est, en outre, un résumé pratique fortement rehaussé

de cas cliniques qui eu précisent encore la valeur pour le praticien

et l'élève. F. Boisson.

111. Questions de neurologie et 'de psychologie médicale. Journal

publié sous la direction de M. le professeur Sikorsky. (Kiew,

t. II, 1897.)

Les Questions de neurologie, elc..., entrent dans leur troisième

année d'existence; la façon dont leur rédacteur en chef les a conçues

mérite d'arrêter notre attention. Les nombreux journaux cousa-

516 G BIBLIOGRAPHIE.

crés à la neurologie et à la psychiatrie se bornent habituellement

à traiter et analyser les faits et les questions concernant ces deux

branches de la science médicale étroitement comprises. M. Sikorsky

pense que le i ôle de la psychiatrie et de la neurologie est beaucoup

plus important et beaucoup plus large ; les découvertes, les pro-

grès réalisés dans leur domaine ont permis d'introduire des notions

plus exactes dans les sciences connexes : l'anthropologie, la psycho-

pathologie légale et sociale, l'hygiène; à leur tour, la neurologie et

la psychiatrie se sont servi des données acquises par les méthodes

expérimentales dans la philosophie et la psychologie. Le rédacteur

en chef a conçu le projet séduisant de réunir dans cette publica-

tion toules les branches de la science si étroitement liées les unes

aux autres, et, pour commencer, c'est lui-même qui a accompli la

plus grande partie de la besogne en écrivant des articles origi-

naux sur différentes questions et en faisant des quantités d'ana-

lyses. L'énumération des articles originaux publiés en 1897 et celle

des titres des groupes sous lesquels sont réunies les nombreuses

analyses nous montrent la grande variété et l'importance des ques-

tions auxquelles les pages du journal ont donné l'hospitalité.

Nous relevons parmi les articles originaux :

Actes élémentaires de l'attention et de la cognition », « contribu-

tion à la psychopathologie des imposteurs », « la Statistique des

affections du système nerveux dans l'armée russe », « Traitement

de l'hémiplégie par l'électricité », « Contribution à l'étude de

la maladie de Thomsen », a Contribution à l'étude des réfiexes

tendineux », : Matériaux pour la psychologie de la profession

médicale », « la Peur et l'Éducation », etc.

Analyses, groupes : 1° philosophie ; 2° anthropologie ; 3° psy-

chologie : pure, des peuples; comparée ; biographie des grands

hommes; 4° neurologie ; 5° psychiatrie; 6° psychopathologie so-

ciale et légale ; 7° hygiène nerveuse et psychique.

Enfin un groupe très original : « Progrès dans le domaine des

arts p - étude des oeuvres d'art au point de vue de l'expression

des sentiments; les analyses sont accompagnées de belles phototy-

pies, comme d'ailleurs certains articles originaux. Ainsi celui du

rédacteur sur e les actes élémentaires de l'attention, etc. », est

accompagné de dix photographies qui ne laissent rien à désirer au

point de vue de l'exécution. Nous souhaitons à cette belle publica-

cation le succès qu'elle mérite et nous espérons que son exemple

trouvera bientôt de nombreux imitateurs. D'' Margouliès.

IV. Archives d'anthropologie criminelle , de criminologie et de

psychologie normale et pathologique, publiées par \111. Lacassagne

et Tarde. (Années 1897, 1895 1.)

1 Voir les numéros de février et de mars des Archives.

BIBLIOGRAPHIE. 517 Î

Le Suicide en Chine, par le 1), Matignon. Dans cette étude sur

le suicide en Chine, M. Matignon apporte comme dans ses autres

études, généralement bien documentées, des observations person-

nelles intéressantes. Il s'y abandonne aussi à ses habitudes de

dénigrement à l'égard des Chinois. On y lit des appréciations

comme celles-ci : « Egoisme et fatalisme : ces deuxmots résument à

peu près ce qui sert de morale aux Chinois. La haute estime

en laquelle la fidélité conjugale est tenue nous permet de supposer

qu'elle est chose rare chez la femme chinoise ( ? ). - La veuve est,

dans la famille, à la merci de sa belle-mère et de ses beaux-frères.

La première pourra, tout à son aise, la tyranniser ; les seconds

abuseront d'elle, ou essayeront de la vendre pour la prosti-

tution ( ! ). On peut dire avec raison, car tous les jours mon

expérience de l'hôpital me confirme dans cette opinion, que le

Chinois est un être absolument indigne de sympathie( ! ). »

Nous savons bien tous que les Chinois forment le peuple le plus

nombreux qui existe et ait jamais existé ; que leur organisation

est la plus ancienne et la plus résistante que nous connaissions,

et que leurs moeurs sont les plus douces et les plus policées dont

une grande mase d'hommes 'puisse aujourd'hui donner le spec-

tacle. Les jugements méprisants de M. Matignon déroutent donc

et sont bien capables d'altérer la confiance que peuvent mériter

ses observations. Nous admettons bien volontiers avec lui que le

suicide est bien plus répandu en Chine que chez nous et que dans

toutes les classes on y a recours pour des motifs qui seraient jugés

bien insuffisants en Europe. Il y a à ce phénomène des raisons

connues. La première est que les Chinois n'ont pas pour la mort

cette terreur affolante, presque systématiquement développée chez

nous. Libre à M. Matignon de voir dans cette disposition de leur

caractère une infériorité. Mais on peut la juger d'un point de vue

tout opposé. Ensuite, et peut-être un peu pour cela, les Chinois

avouent, honorent même, et cela ouvertement, bien plus, officielle-

ment, les suicides qui s'inspirent de motifs honorables. Vaudrait-il

mieux qu'ils montrassent les contradictions hypocrites que nous

professons à l'égard de tels cas ? Je l'ignore. Enfin, chez eux, il

n'est pas permis, comme chez nous, de pousser impunément

quelqu'un au désespoir. Et je ne vois pas bien encore en cela qu'il

y ait lieu d'éprouver une fiel té particulière à ne pas leur ressem-

bler. Leur point de vue a, il est vrai, pour conséquence pratique

de déterminer de pauvres gens à se venger de leurs ennemis, en

allant se suicider chez eux ou à leur porte. Et l'on voit souvent des

plaideurs ou des malheureux obtenir réparation, rien qu'en

menaçant de se suicider. En d'auttes cas la mort volontaire d'un

homme entraine fatalement celle de plusieurs autres. Et M. Mati-

gnon nous raconte à ce propos l'histoire d'une demi-mondaine de

Pékin qui a son côté comique. Elle avait deux amants. L'un de

518 BIBLIOGRAPHIE.

ceux-ci se donna la mort sans tapage, par simple jalousie. Mais

l'autre put craindre qu'on lui demandât compte de l'événement.

Il se tua aussi. Et enfin la dame elle-même, cause première de ces

deux malheurs, en iedotilatitles suites pour elle-même, abandonna

la vie à son tour.

Toutes les causes passionnelles de désespoir que nous connaissons

sont aussi connues des Chinois, qui par là au moins, si j'ose en

avertir les lecteurs du Dr Matignon, sont des hommes comme

nous. Les motifs de suicide qui nous paraîtraient futiles, et qui

suffisent néanmoins à les déterminer, sont en première ligne les

mauvais traitements à l'égard des enfants, surtout des fillettes

confiées aux parents de leurs futurs époux, et à l'égard des jeunes

femmes molestées par leurs belles-mères. Parmi leurs motifs

déterminants d'un caractère élevé il faut citer la perte d'un

fiancé, d'un époux, d'un père, un souci exagéré de l'honneur,

rattachement à un maître. De faits, semblables M. Matignon conclut

textuellement : « L'antithèse, l'incohérence sont une des caracté-

ristiques de l'esprit chinois. » J admire, que détestant à ce point cet

immense peuple de Chine, il en ait fait l'objet de ses études de

prédilection. En ce qui concerne les moyens d'exécution, il faut

noter que les Chinois ne connaissent pas l'intoxication par l'oxyde

de carbone, journellement employée à Paris. Mais ils ont lecours

fréquemment à l'opium, dont on ne se sert pas chez nous. -

La jeunesse criminelle. Lettre à il ! . Buisson par M. Tarde. - Dans

celle remarquable lettre, M. Tarde note eu particulier la progres-

sion des suicides et de la criminalité même chez les enfants. De

1836 à 1880, la progession générale du suicide pour tous les âges

réunis a été de 2.514 à G. 259, c'esl-à-dire de 2u3 p. 100, pendant

que celle des mineurs était d'environ 200 p. 100. Mais de 1881 à

1894, alors que le nombre total des suicides s'élevait de 6.741 à

9.703, augmentant de 153 p. 100 en quatorze ans, celui' des

suicides des mineurs s'accroissait de 17G p. 100 ( ! ), devançant la

marche si accélérée et si attrayante des adultes. Ce phénomène ne

nous est pas particulier, sans parler de la Chine de M. Matignon.

Dans l'empire allemand, de 1888 à 1893, le nombre des condamnés

de tout âge s'est élevé de 21 p. 100 et celui des enfants ou adoles-

cents de douze à dix-huit ans a augmenté de 32 p. 100. Quand on

a voulu rendre notre régime, notre école publique responsable de

cette crise de moralité, ou s'est donc bien trompé, et c'est plaisir de

lire à ce sujet la nette déclaration d'un homme aussi pondéré que

M. Tarde. L'école nous sert au contraire aujourd'hui pour com-

battre les progrès de l'alcoolisme, qui furent si rapides, et l'action

dissolvante de la basse presse dont « la pornographie et la diffama-

tion, sont devenues les deux mamelles». En face de cette crise

actuelle (le la moralité, provoquée sans doute par des tiansforma-

BIBLIOGRAPHIE. 519 9

tiens, des changements un peu troublants, M. Tarde ne s'abandonne

donc pas au découragement. « Dans le culte et l'amour de notre

civilisation européenne à propager, à déployer, à épurer, à établir

pacifiquement, il y a, conclut-il, quelque chose de plus réellement

attractif et fascinateur que dans l'idéal socialiste, qui aura servi,

je l'espère, à lui préparer les voies. »

Du tatouage chez les criminels, par Ch. Perrier. - Ce mémoire

est une partie détachée d'une étude relative à 859 condamnés

détenus dans la maison centrale de Nîmes. On sait que la pratique

du tatouage en pays civilisé a été signalée comme un caractère

atavistique et presque un symptôme de criminalité. M. Perrier

observe justement : « La vérité, c'est que, pour conclure de la

précocité, de la fréquence et de la variété des tatouages chez les

condamnés à un caractère criminel, il faudrait pouvoir établir,

non seulement dans quelle proportion on se fait tatouer dans les

divers milieux auxquels appartiennent les condamnés, mais encore

quelle est la proportion de ceux qui, s'étant fait tatouer en bas âge,

sont devenus criminels. Resterait alors à savoir si ces mêmes

individus, devenus criminels, seraient porteurs d'emblèmes quel-

conques, ayant été élevés dans un milieu distingué et honnête.» »

jG,64 p. 100 des sujets de M. Perrier sont aux regrets d'être

tatoués. « Pour quelques-uns, les tatouages sont des révélations

compromettantes qu'ils essaient de faire disparaître par toutes

sortes de moyens. Pour les autres, ils impliment un cachet

spécial qui différencie du commun et dégrade. » Les regrets

exprimés par ces tatoués ne sont peut-être pas très sincères. Ils

sont subordonnés sans doute à la nature des objets représentés.

Les emblèmes érotiques toutefois, par exemple, sont véritablement

tares, plus rares qu'on ne le croit ait. M. Perrier en a relevé 33

seulement sur 2.314. Un quart de tous ces tatouages a été exécuté

dans la prison même, au su de M. Perrier. Et il relève ces propos

des tatoués : «Un de plus, un de moins, qu'importe, nous sommes

marqués;» et tendant le bras au tatoueur : «Tiens, vieux, pique-

moi un autre dessin sur la peau, cela ne compromet pas davan-

tage et fait passer le temps. » Le désoeuvrement de la prison est

donc une des causes de la fréquence des pratiques du tatouage

chez les criminels. Et le désoeuvrement de la caserne parait avoir,

un effet tout semblable. La proportion élevée des gens tatoués

parmi les criminels n'a donc peut-être pas la signification spéciale

et exclusive qu'on est d'abord tenté de lui attribuer. Le fait n'en

reste d'ailleurs pas moins établi que cette proportion est élevée.

Sur les 859 condamnés de M. Perrier, 346, soit plus de 40 p. 100,

étaient tatoués.

Le double suicide d'amour, par Louis Proal. Les causes des

doubles suicides d'amour sont aussi diverses que les circonstances

520 BIBLIOGRAPHIE.

dans lesquelles les amants ont vécu et se sont aimés. La plupart se

ramènent cependant au désir passionné d'être unis même dans la

mort, à la souffrance de vivre séparés. M. Proal met en relief les

cas où c'est la femme passionnée et inquiète des suites de son

déshonneur, qui pousse l'homme à la tuer et à se tuer avec elle.

L'histoire de Chambige, celle du Dr Bancal qui, à trois repiises

différentes et espacées, lacéra le corps de sa maîtresse à coups de

scalpel, sur les instances mêmes de celle-ci, sont toutes deux

mémorables en leur genre. Mais qui peut dire si la femme a été

poussée par la folie érotique ou par l'effroi d'une existence vouée à

l'abandon et au mépris ? M. Proal affirme, d'après les documents

judiciaires qu'il a consultés, « que les amants préparent, en

général, leur double suicide avec une insouciance, une gaieté

surprenantes ». Cette gaieté, à mon avis, n'a pas toujours le même

motif, et elle peul avoir sa source dans des sentiments différents.

Mais je n'ai pas à l'analyser ici.

La responsabilité, par 11. ¡¡amon. - ill. Hamon a résumé sous ce

titre trois des leçons qu'il a faites à l'Institut des hautes études de

l'Université nouvelle de Bruxelles. Son but est de démontrer que

«l'universel déterminisme étant la vérité scientifique, il en résulte

que la responsabilité morale n'existe pas, qu'elle ne peut se

concevoir. L'irresponsabilité générale, telle est la vérité scienti-

fique, » dit-il. Et il conclut : «Nous n'avons nul besoin du concept

de responsabilité basée sur un libre arbitre, une liberté de l'intelli-

gence qui n'existent pas, sur une normalité, une identité indivi-

duelle dont il est impossible de fixer les critères. Il suffit qu'il y

ait dissonance de certains actes pour que la conséquence en soit la

répression, la prévention... Nous estimons donc qu'il faut remplacer

le teime de responsabilité sociale par celui de la réactivité sociale,

car le concept entendu sous le premier terme ne correspond pas

à l'idée commune, classique de la responsabilité. La réactivité

sociale a pour produit nécessaire, au lieu des peines et châtiments,

un traitement préventif, une hygiène et une prophylaxie sociales

s'adressantplus haut que l'individu agent, aux causes mêmes des

actes dissonants. »

Il est peut-être ici nécessaire de rappeler le mot de Berthelot

-que cite M. Tarde dans la lettre ci-dessus : « La nature organique

.opère à la façon de l'industrie humaine, en harmonisant des effets

inconciliables en géométrie absolue. » J'oserai presque dire que le

principe nécessaire des sociétés humaines est d'harmoniser des

effets inconciliables en logique absolue. Les déductions de

M. Ilimon sont de logique vigoureuse, je le veux bien, mais sont-

elles la «vérité scientifique», comme il le dit ? Si la science

n'explique pas le sentiment de la responsabilité, elle doit du moins

reconnaître son existence. Chacun, de nous et M. Ilamoe tout le

BIBLIOGRAPHIE. 521

premier sans doute, se conduit vis-à-vis de ses semblables, comme si

ceux-ci étaient responsables de leurs paroles et de leurs actes. Et

il ne peut en être autrement, le sentiment de la responsabilité

étant un élément de la conscience. Si d'ailleurs dans une société,

celui-ci s'affaiblissait seulement, car il est impossible qu'il dispa-

raisse, la dépression morale qui s'ensuivrait finirait par entraîner

la perte de la société elle-même où un tel phénomène se serait

produit.

Contribution (¡.l'étude de l'intoxication par l'oxyde de carbone,

par MM. Kachholz et Sieradzki. - Une femme accusée d'avoir

empoisonné son mari et son père, racontent les Annales d'hygiène

et de médecine légale pour 1894, fut condamnée aux travaux forcés

à perpétuité. Au bout de sept ans, une nouvelle enquête prouva

que les victimes avaient succombé à une intoxication par l'oxyde

de carbone et que la condamnée était innocente. Une méthode

sûre et rapide, pour reconnaître la présence de l'oxyde de carbone

dans le sang, est donc indispensable au médecin expert. Celle de

l\l1. Kunkel et Scbulz consiste en ceci. On prend une solution

de 'sang au huitième, on l'additionne de dix centimètres cubes

d'une solution d acide tannique au 3/100 et on secoue forte-

ment. Si le sang examiné contient de l'oxyde de carbone, le

précipité a une belle couleur rouge ; s'il est normal, son précipité

est gris. MM. Kachholz et Sieradzki ont modifié cette méthode de

manière à n'avoir pas besoin de mettre en comparaison du sang

normal avec le sang suspect d'être vicié. Ils soumettent à l'épreuve

simultanément deux parties de ce dernier. Et sur l'une de ces

parties, ils opèrent de manière à mettre en liberté l'oxyde de

carbone qu'elle peut contenir. S'il y a ensuite une différence de

coloration enlie les deux précipités; si celui de la partie non

soumise au piocédé destiné à le débarrasser de l'oxyde de carbone

est rougeâtre, la présence de ce gaz dans le sang expérimenté est

certaine.

Des conditions psychologiques du dépeçage criminel, par Niiia-

Rodngues, professeur de médecine légale à la Faculté de Bahia

(Brésil). M. Vina-Rodrigues croit avec M. Marandon de Montyel,

« qu'il y a eu précipitation de la part des partisans de l'école

anthropologique à condamner au mépris l'atavisme en tant que

facteur important de la criminalité ».

Pour lui des liens ataviques relient le dépeçage criminel moderne

aux fo : mes du dépeçage sauvage ou barbare. Assurément les

exemples qu'il relate sont bien faits pour nous en convaincre. Les

cas de dépeçage criminel au Brésil sont presque constamment,

sinon toujours, attribuables à des métis et ils revêtent parfois un

caractère de férocité, d'horreur, inconnu chez nous. Le dépeçage

52 BIBLIOGRAPHIE.

réduit, comme moyen de fdire disparaître la victime, peut s'imposer

logiquement à l'assassin. Et lorsqu'il a ce but de défense, lorsqu'il

est utile au criminel, il ne me semble pas être en lui-même une

pieuve spécialement décisive du rôle de l'atavisme dans le crime.

Or c'est bien sous cette forme, avec ce but d'utilité évidente pour

le criminel, qu'il se rencontrechez nous. Il se présente aussi de

même au Brésil. Dans le cas du juge Pontes Visguero, vieillard

qui, en 1875, coupa des parties du corps de sa maltresse qu'il avait

tuée par jalousie, pour le faire rentrer dans une caisse, y a-t-il

même vraiment dépeçage ?

L'influence atavistiquese révèle, me emble-t-il, lorsque le dépe-

çage n'a pas d'objet, lorsqu'il constitue non pas un moyen plutôt

pénible d'échapper aux conséquences du crime, mais une satisfac-

tion pour le ci iminel. C'est avec ce caractère qu'il se présente dans

les cas de crimes commis par des métis. En 1892, sur une place de

Rio-de-Janeii'o, on découvrait dans un panier un sac contenant un

tronc de femme. Peu après on pécha un autre sac dans lequel se

trouvaient les membres et la tête qui se rapportaient à ce tronc.

Et voici alors ce qu'on apprit. Un nègre, Timothée, aidé par deux

métis, avait tué sa maîtresse, une mulâtresse. Les membres et la

tête furent jetés à la mer, et le tronc confié à l'un des métis, Sol

Porto. Celui-ci ex-marchand ambulant de viande de cochon, pensa

que même sans enlever à ces dépouilles la forme humaine, on pou-

vait arriver à les vendre pour de la viande de porc. Et dans ce but

il promena pendant deux jours son panier dans la ville. Le pre-

mier, il en offrit le contenu à un pâtissier qui refusa. A la nuit il

obtint la permission de déposer ce panier dans une bouclielie. Le

lendemain matin, il se rendit dans un restaurant, discuta du prix

de sa marchandise et conclut marché. Puis il alla chercher son

panier. Mais après qu'il l'eut apporté, le restaurateur, découvrant

les restes humains, fut suffoqué et le jeta à la porte.

En 1893 est mort au pénitencier de Poelo-Alè¡ : ! 1 e, l'ancien bou-

cher Jose liamos qui s'était livré au commerce de chair humaine.

La police, à la recherche de deux personnes disparues qu'on avait

vues entrer dans sa boutique, les y trouva à moitié dépecées, ainsi

que plusieurs tonneaux d'os humains. On apprit que depuis long-

temps il attirait des personnes chez lui, surtout des enfants, et que,

les faisant asseoir au-dessus d'une trappe, il les assommait en les

précipitant dans une cave et fabriquait avec leur chair des sau-

cisses et saucissons estimés. De tels forfaits, si authentiques qu'ils

soient, ont un cachet d'invraisemblance qui déroute l'imagination.

Les monstres capables de les commettre ne sont pas des criminels au

sens ordinaire; ce ne sont pas non plus des fous, puisqu'ils ont opéré

avec méthode dans un but de profit. 11 y a donc en eux quelque

chose de la bête sauvage que furent certains de leurs ancêtres.

L'auto-crémation des prêtres Gr.uddhistes en Chine, par J.-J. Mali-

BIBLIOGRAPHIE. 523 3

gnon, attaché à la légation de Chine. Il arrive en Chine, mais

assez rarement d'ailleurs, que par ferveur religieuse et sous le sti-

mulant des adulations des fidèles, des bonzes montent sur le

bûcher qu ils allument eux-mêmes. Les monastères qui possèdent

parmi leurs membres des sujets capables de se livrer ainsi aux

flammes, en retirent de gros bénéfices. 1f. Matignon a copié l'af-

fiche suivante qui date de 1888 : « L'abbé a Vivre-toyours », du

monastère de la montagne des Esprits, informe les fidèles qu'In-

telligence Lucide, diplômé du monastère des Grands-Nuages,

s'étant consacré à la contemplation de Bouddha et étant arivé à la

perfection, a été gracieusement poussé par Bouddha à réaliser la

« transformation assise ». Il a, en conséquence, fixé au 28 janvier,

à onze heures du matin, la cérémonie au monastère de la mon-

tagne des Esprits : il s'assiéra sur le bûcher, et prendra au milieu

des flammes, congé pour toujours de son enveloppe terrestre. Que

les fidèles des deux sexes qui désirent y assister, viennent- sur-

tout sans oublier les offrandes de bonne heure réciter pieuse-

ment les prières à Bouddha et à la reine du Ciel, prières qui les

rendront très méritants et leur permettront d'atteindre, en même

temps, aux régions du suprême bonheur. »

Evolution de la peine, par Makaiewicz, professeur à l'Université

de Cracovie. Ce travail étendu est d'un érudit auquel les docu-

ments sociologiques recueillis par les ethnographes sont familiers.

Ses conclusions paraissent être celles-ci : « La réaction sociale pro-

prement dite peut prendre trois formes : 10 celle de vengeance pu-

blique, sociale et instinctive; 2° celle d'autorité paternelle dont

dérivent plus tard la juridiction de la famille et celle de la tribu, et

qui est toujours concentrée entre les mains d'un seul individu;

3° celle de juridiction sacerdotale, qui s'étend à tous les actes qui

outragent la divinité. Ces trois facteurs peuvent exister simultané-

ment, mais ils peuvent aussi se montrer séparément. Dans les

sociétés d'animaux, ainsi que dans les sociétés primitives formées

par les hommes, nous trouvons le droit de juger au pouvoir d'un

chef unique, qui est en même temps la plus puissante des indivi-

dualités de la communauté, et quelquefois nous voyons aussi la

vengeance sociale. A un degré plus élevé de culture, nous voyons

que les deux fadeurs se font concurrence de plus en plus. Cepen-

dant on ne peut contester que celui de ces trois qui apparaît le der-

nier ne soit la juridiction sacrée qui s'appuie sur la religion et sur

l'existence des dieux, ni que l'autorité judiciaire du père de famille

ne soit en relation avec la délégation d'employés spéciaux, les

juges, fait qui constitue la véritable base de l'état actuel des choses

dans les états civilisés. » '

M. Makarewicz ne voit donc pas un ordre de succession, de déri-

vation régulière, entre les trois formes de réaction sociale. Et il

assigne comme base à l'administration de la justice, au principe

824 BIBLIOGRAPHIE.

des peines, l'autorité primitive du père de famille. L'évolution de

la peine se ramènerait ainsi simplement au transfert du droit du

père de famille à la tribu représentée par son chef, puis à l'Etat.

Est-ce que tous les faits exposés ou connus s'expliquent ainsi, cadrent

dans cette théorie d'apparence d'ailleurs si rationnelle ? Je ne le

crois pas, je dois le déclarer. ;\1. irlaharev icz soutient que la peine n'a

pas son origine dans la vengeance personnelle. Le démontre-t-il ?

Il me semble au contraire que toutes les observations qu'il fait va-

loir en faveur de sa thèse, dans le chapitre consacré à cette ques-

tion, ne s'accordent précisément pas avec elle. Ainsi il nous rap-

pelle lui-même que « chez les Grecs du temps d'Homère, le meurtre

est laissé à la vengeance des parents et ne constitue ni un délit ni

même une action immorale ». Il en fut de même, à notre connais-

sance, dans beaucoup de sociétés, sinon dans toutes, à une certaine

phase de leur organisation.

M. Makarewicz cite les indigènes du Brésil, où « celui qui a tué

n'a pas d'autre désagrément que d'être exposé à une vengeance

dont l'exécution dépend exclusivement de la volonté de la famille

intéressée ». Je lui citerai le cas des Ossèthes, où la vengeance du

sang est le principe de toute répression. Un acte quelconque qui

ne provoque la vengeance de personne, est en lui-même indifférent.

Il n'est pas même immoral, tout comme chez les Grecs au temps

d'Homère. D'où s'ensuit cette conséquence extrêmement grave

qu'une famille privée d'une descendance mâle, de vengeurs, sera

exposée aux pires injures et peut-être condamnée à périr.

De cette phase, nous passons clairement à celle où la tribu vient

au secours du vengeur, soit en sanctionnant son droit, soit aussi

même en lui en assurant l'exercice.

En Perse, le meurtrier est livré aux parents du mort, si ceux-ci

ne veulent pas consentir àaccepter un dédommagement pécuniaire.

Le Coran même dit que l'autorité qui a saisi un meurtrier doit le

remettre au vengeur du sang, pour l'exécution du jugement. Il en

était ainsi chez les Hébreux et chez maints peuples, en Thuringe,

dans la Frise, etc. Pour rendre plus efficace et irrévocable l'exé-

cution opérée par le vengeur, chez divers peuples, tous les habi-

tants du village devaient prendre part effectivement ou symboli-

quement à cette exécution.

Par la suite et d'ailleurs dans des sociétés rudimentaires, la tribu

ou plutôt le chef, s'est fait le vengeur d'actes ne portant atteinte à

personne en particulier, mais pouvant nuire à tout le monde, ou

aux intérêts de sa domination confondus avec ceux de la tribu.

Mais jusque-là même, jusqu'à la naissance de l'état, c'est bien le

droit de vengeance qui apparaît comme la source de la peine. J'au-

rais donc pour mon compte exposé l'évolution de la peine, autre-

ment que ne le fait M. Makarewicz. Son mémoire n'en est pas

moins très instructif. Zaborowski.

VARIA.

L'Alcoolisme.

Sous ce litre : l'Ennemi de la Belgique, la Revue médi-

cale de Louvain (p. M5) publie les renseignements suivants :

« Voici les chiffres de la consommation et de la dépense

annuelles pour l'alcool en Belgique.

« Consommation de boissons fortes : 75 millions de litres. -

Dépense pour cette consommation : 150 millions de francs. -

Dépense pour les boissons alcooliques en général : environ

500 millions de francs.

« Donc, chaque jour qui se lève, environ 1.310.000 francs, dont

plus de 410.958 francs pour le genièvre seul, sont dépensés en

boissons alcooliques. Donc, chaque année, il se perd environ un

demi-milliard pour l'amélioration morale et matérielle de la

population, pour l'épargne, pour le commerce et les industries

étrangères à la vente des boissons; c'est un demi-milliard dépensé

pour peupler les prisons 74 alcoolisés sur 100 condamnés

pour peupler nos dépôts de mendicité 19 ivrognes sur 100

internés pour donner 80 suicides causés par l'ivresse et 45 cas

de folie, suite de l'alcool, sur 100. Est-ce tout ? Non.

« Cette somme énorme est dépensée encore pour dégénérer la

race; les alcoolisés ne donnent à la patrie que des enfants chétifs,

misérables, souffreteux dès leur naissance. (Voir p. 527.) A leur

tour, ceux-ci, s'ils vivent, donneront le jour à des enfants scro-

fuleux, épileptiques, vicieux. Voilà, en deux mots, la situation que

les 198.000 cabarets et la consommation actuelle de 75 millions de

litres d'alcool ont créée à la Belgique.

e Mais ce demi-milliard ne représente que la dépense faite pour

boire. Il convient d'ajouter la valeur des heures de travail per-

dues ; des matières premières gaspillées; de la dépréciation d'un

travail mal fait; des affaires négligées, et de cent autres causes de

pertes d'argent. Alors, nous arrivons à un chiffre autrement for-

midable. En effet, un homme qui, pour s'enivrer, dépense par

exemple 1 à 2 francs, en perd ordinairement 5 à 6, souvent

davantage, il cause de ce qu'il perd avant, pendant et après son

ivresse. »

526 VARIA.

Dans le Calvados, on sait que, grâce à la facilité avec

laquelle on fabrique l'eau-de-vie de cidre, l'alcoolisme ne

cesse pas d'exercer ses funestes effets. Et cela va en aug-

mentant d'année en année. C'est ainsi que, dans le canton de

Dives, il y a cinq ou six ans, dans les fermes, on ne prenait t

du café (alcoolisé) que le jeudi et le dimanche. Depuis, c'est

presque tous les jours qu'il faut le café. « Et, nous dit-on,

ils ne prennent pas le café sans l'eau-de-vie du Calvados...

On n'épargne pas l'eau-de-vie depuis qu'on peut faire

bouillir son cidre. » Les mêmes pratiques envahissent un

grand nombre de communes du département de l'Eure.

L'habitude de prendre le café quotidiennement se répand de

plus en plus.) Mais c'est surtout pour boire l'eau-de-vie de

cidre que les ouvriers des champs réclament le café.

L'influence de l'alcoolisme sur la production des crimes

est indubitable. Tantôt c'est l'ivrogne qui commet le crime,

soit sous l'action de l'ivresse, soit sous celle des troubles

intellectuels et moraux de l'alcoolisme chronique; tantôt ce

sontles violences « habitudinaires » qu'il exerce sur les

siens qui pousse l'un d'eux à se débarrasser de l'ivrogne. Tel

est le cas de Blériot, condamné par les assises de l'Eure

(5 nov.) à sept ans de réclusion pour avoir assassiné l'amant,

de sa mère, battue par lui, alors qu'il renouvelait ses vio-

lences étant ivre.

La lutte contre l'alcoolisme est menée énergiquement par

beaucoup d'hommes dévoués. Nous avons publié le travail de

l'un des plus actifs, notre ami le Dr Legrain. (Archives de

Neurologie, '1898, t. V, p. 241, 29G.) La propagande dans les

écoles, les conférences publiques porteront assurément des

fruits. Mais l'administration, par la police, ainsi que nous

l'avons dit si souvent sans succès, peut y contribuer d'une

façon très efficace : appliquer régulièrement la loi sur

l'ivresse; surveiller soigneusement les cabarets; sévir sans

pitié sur les cabaretiers qui se rendent coupables d'infrac-

tions à la loi; s'assurer de leur façon d'agir envers les ivro-

gnes auxquels certains, en rendant ia monnaie, écoulent des

pièces... qui sont retirées de la circulation ou se trompent

sur la monnaie à rendre ; appliquer avec la plus grande

sévérité les lois et règlements sur les falsifications des bois-

sons ; ne tenir aucun compte des interventions malsaines en

faveur des délinquants. Il est du devoir des représentants du

VARIA. 527

peuple à tous les degrés de prendre sérieusement ses intérêts

et de ne pas s'incliner, par intérêt électoral, devant les

intérêts de ses empoisonneurs. B.

Action de l'alcoolisme SUR H PRODUCTION DES maladies nerveuses. ,

1.773 enfants idiots, épileptiques, imbéciles ou hystériques

sont entrés dans notre service de Bicêtre depuis le le, jan-

vier L879 jusqu'à la date du le, janvier 1898.

528 VARIA.

a Quand cet homme a bu, il se trouve dans un état morbide tel

qu'il est complètement irresponsable. »

C'est donc avec ce certificat de très bon augure que notre an-

cien huissier se présentait hier devant la 8° chambre. M. le prési-

dent Aibelet l'a interrogé avec une très grande bienveillance,

l'invitant à s'expliquer lui-même, ce qu'il s'est empiessé de faire

avec volubilité : c Monsieur le président, je suis un brave homme,

j'ai femme et enfants. Je ne demande qu'à travailler et je travaille ;

mais, malheureusement, je n'ai pas de chance ! J'ai le seul métier

du monde que je ne devrais pas avoir, moi qui ne peux supporter

la boisson : Je suis voyageur en liquides ! (Sic.) Vous savez que,

dans ce métier, le premier bonjour est : « Voulez-vous prendre

quelque « chose ? »

M. le président Arbelet de répondre alors avec beaucoup de

bonhomie : « Mais, même comme voyageur en liquides, je vais

vous indiquer le moyen d'être sobre. Prenez une spécialité : soyez

voyageur en eaux minérales ! "

Et l'auditoire de rire, de même que les juges et que le prévenu

lui-même. Tout est bien qui finit bien : le tribunal, après plaidoi-

rie de M. Comby, a acquitté l'ancien huissier comme irresponsable.

Cet homme est un malade, c'est certain. Il est seulement à regret-

ter qu'avant de s'en appercevoir la justice correctionnelle se soit

trompée à son égard quarante-deux fois. C'est le record de l'erreur

judiciaire ! (Le Soleil, du 23 octobre.) La réflexion du journal est

très juste. Nous avons relaté sommairement un cas analogue moins

le nombre des arrestations. Le malade qui n'a que vingt ans,

est, quand il a bu, comme le voyageur en liquides : il ne sait plus

ce qu'il fait, insulte les agents et les tuerait. (Voir Compte rendu

de Bicêtre pour 1896, p. 225.)

Considérations médicales ET économiques SUR l'emploi industriel

DES aliénés ; par le 1)' Aider BLUMER.

Bien qu'on ait depuis longtemps préconisé le travail comme

un moyen de rendre les aliénés chroniques des membres pacifiques

et utiles de la société, il reste encore beaucoup à faire pour rendre

au travail la place importante qui lui revient dans la pratique thé-

rapeutique. La couche motrice des bras et des jambes renferme un ,

nombre énorme de cellules destinées à assurer la coordination

délicate des muscles dans l'infinie variété des mouvements ; ces

cellules motrices et sensitives s'accroissent et se développent

comme toutes les parties du corps par la nutrition et l'activité

fonctionnelle et l'exercice, donné d'une façon appropriée est néces-

saire à leur santé.

Aussi, en mainte circonstance, l'exercice, le travail rendront-ils

beaucoup plus de services que le nombre infini des drogues, chaque

FAITS DIVERS. M9

jour nouvelles, que tous les narcotiques qui, à la longue, font plus

de mal que de bien.

Les malades, heureux d'échapper à l'ennui de la vie monotone

de l'hôpital, acceptent avec plaisir le travail : quant à la crainte du

danger qu'il peut y avoir à laisser des instruments entre leurs

mains, elle ne résiste pas plus à la réalité des faits que n'y résistent t

les arguments opposés au non restreint.

L'utilisation d'un grand nombre de malades aux divers travaux

de l'asile peut amener il une production plus grande que la consom-

mation de l'asile ne le comporte : dans ce cas, la quantité de pro-

duits supplémentaires devrait être donnée aux institutions simi-

laires, asiles ou hôpitaux. (American Journal o/`insanitr, oct. 1897.)

E. B.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. le D DODERS

est nommé médecin adjoint à l'asile de la Charité (fièvre) en rem-

placement de M. Roux, placé sur sa demande dans le cadre de dis-

ponibilité (15 septembre) ; M. le D1' S.1TENOISE, médecin adjoint à

l'asile de Saint-Ylie est élevé à la première classe (30 septembre) ;

M. le Dur Ramadier, directeur-médecin de l'asile de [iodez est élevé

à la première classe (10 oct.) ; M. le Dr BARUK, médecin adjoint

de l'asile de Lesvellec, est élevé à la 110 classe (8 oct.) ; ;- M. le

Dr Papillon est nommé médecin adjoint à l'asile de Montdevergues

(15 oct.); ;\1. LESMUEK, conseiller de préfecture, est nommé

directeur de l'asile de Saint-Méens (26 oct.) ; - M. le Dr BE5SIÈRE,

directeur médecin de l'asile de Saint-Alban, est nommé directeur

médecin de l'asile d'Evreux (24 oct.) ; - M. le D1' 1\ICOLa : v, direc-

teur médecin de l'asile d'Auch, est nommé médecin en chef de

l'asile de Cadlllac (9 nov.) ; M. le Dr DUPAIN, médecin adjoint

de l'asile d'Alençon, est nommé médecin en chef à l'asile de Saint-

Mécns (9 nov.) ; M. le Dr COUPON est nommé médecin adjoint

à l'asile d'Alençon (18 nov.) ; M. le Dr Mahon est nommé méde-

cin adjoint de l'asile Sainte-Gemmes (18 nov.).

Concours DE médecin suppléant DE Bicêtre. - Ce concours

ouvrira le Icr décembre. Les candidats sont MM. Noir, Boissier,

ARCIIIVES, 2e série, t. VI. 34

530 AVIS A NOS ABONNÉS.

Londe, Ettlinger, Michel Dansac, Roubinowilch. Le jury est com-

posé comme il suit : MM. Ballet, Besnier, de Beurmann, Bourne-

ville, Deny, Féré et Taguet.

UN nouveau JOURNAL de Neurologie. Parmi les journaux médi-

caux nouveau-nés qui sont toujours' de plus en plus nombreux,

nous avons la satisfaction d'en trouver un qui sort de la banalité

courante et pourra rendre de grands services à ses lecteurs : c'est

l'Intermédiaire des Neurologistes et des Aliénistes, organe interna-

tional trilingue de neurologie, psychiatrie et psychophysiologie.

En créant cet organe écrit en français, en allemand et en anglais,

son savant et distingué directeur, M. leD'P. SOLLIER, a voulu moins

créer un journal ou une revue spéciale traitant des maladies ner-

veuses et mentales qu'offrir dans ses colonnes aux neurologistes

et aliénistes de divers pays l'occasion d'entrer en relations scienti-

fiques et de s'éclairer mutuellement sur les points qui les intéi essent.

Tous les lecteurs de l'Intermédiaire pourront bénéficier des questions

et des réponses qu'il publiera, et nous ne doutons pas du succès

de la nouvelle publication à laquelle les Archives de Neurologie

souhaitent prospérité et longue vie.

AVIS A NOS ABONNÉS,- L'échéance du lor JANVIER

étant la plus importante de l'année, nous prions instam-

ment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à cette

date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et dit Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE.

EXPLICATION DE LA PLANCHE

Fig, 1. Foyer d'encéphalite subaiguë. en, cellules névrogliques en

voie de modifications progressives; c ri, cellules nerveuses dégénérées

ou en voie de dégénérescence granuleuse, scléreuse ou d'atrophie

simple; v, capillaire à endothélium proliférant. (Zeiss, ocul. 3 obj. E.)

Fig. 2. Foyer d'encéphalite subaiguè, mais à moindre grossisse-

ment. (Zeiss. ocul. 3 obj. D.) -

Fig. 3. - Accotement des cellules névrogliques à la paroi des capil-

laires. Le noyau d'une des cellules présente un abondant réseau de

fibrilles de cliromatine. (Zeiss. ocul. 3 obj. D.)

Fig. 4. Accolement des cellules nerveuses à la paroi capillaire.

Les cellules nerveuses en voie de régression, même grossissement.

Fig. 5. Foyer d'encéphalite aiguë spontanée et nou suppurative.

l, leucocytes ; c e, cellules épitliéloides ; c g, cellules nerveuses com-

plètement dégénérées ; v, petit vaisseau à adventrice proliférée ; f r,

dissolution de la substance fondamentale. Même grossissement.

TA13L1 DES MATIÈRES S

Abcls temporo - sphéno1llal, par

Hronner,144. cerebra),par

Hossen, 296; par llarslt. 30, -

du lobe temporal gauche, par

P. Marie et Sainton, 406.

AciioilGALII. Sur en cas d ? par

Fmzi, 31. -, par Esterre, ? 99.

Adolescent assassin, 73.

Alcool Drames de l'- 271. Action

de l'- sur la production des ma-

ladies mentales, par liourneville,

527. i.

ALCOOl JOUES. Douche froide dans les

convulsions -, pai, Itobertsori, 62.

Alcoolisme et ses conséquences, 156.

L'- en Vendée, par Terrien, 251.

I ? 3,ï. - aigu mortel chez un

enfant, par \\-eber, 411. L'- traité

par la strychnine, par Federoir,

422.

Aliénation. Tuberculose et - men-

tale, pal A. Paris, 285. Traitement

chirurgical gynécologique dans la

névrose hystérique et 1 ? par

Angelucci et Pteraccinl, 123.

Aliénés en liberté, 78, 157, 269, 350,

428. Traitement des - à la consul-

tation externe des hôpitaux, 143.

Alimentation artificielle des ,

par Liston, 1 H, Assistance des .

350. Injections de sérum artificiel

chez les -, par de Bceck, 421.

Patronage des -, par Mortel, 428.

Considérations médicales et éco-

nomiques sur l'emploi industuel

des -, par 1Jlllmer, 528.

AmoTRoPll1E du membre supérieur

droit, par J.-B. Chalcot, 46. - de

la mam droite, par van Gehuch-

ten, 293.

Anestiilsiques. Action des - sur le

nerf isolé, par \\'aller, 137.

Anthropologie criminelle. Archives

d ? par Lacassagne et Tarde, 516.

Aphasie. De l ? par Bastlau, Bram-

well et Lister, 291.

AI'OPIIS-S-1LG1E pottique, par Chipault, '1

127.

AItTI.Itt'IES. Hôle des - dans la pa

thologie du système nerveux, par

Coulon, 239.

ASE'-UI l'>A'I 10;0; des criminels, par

Edgor, 41S.

Asiles publics d'aliénés, nomma-

lions. 79. Organisation des -

par Brunet, 2 ? - d'aliénés : faits

divers, 2 il. - de la Seine, 429.

Assisivnce familiale directe des

aliénés, par Terrien, 232.

Associations verbales, par Guiccardi

et l'errari, 493. Valeur des centres

d'- de Flechsig, par Otuze\vshl,

510.

AT.1BIC. Traitement de l'- par la

rééducation, par Faure, 38. Trai-

tement de l'- par l'élongation

vraie de la moelle, pai Gilles de

la Tomette et CLlpault, 60, 144.

- centripète chez l'homme et chez

- le singe, par Jle1'lI1g, 509.

Atiiéiose avec autopsie, par Sander,

118.

Atrophie. Existe-t-il une - muscu-

]aire progressive d'Aran-Du-

chenue, par Il. Marie, 408.

attention. Mécanisme de l ? par

J. Houx, 463.

At : 7'octli u.wloY des prêtres bou-

dillstes en Chine, par Matignon,

522.

Au 1 om P;\OTI'» ! C, pal' Warren, 29J.

BASOI'11011lr chez un hémiplégique,

par 11llI'allié, 250. chez les ataxi-

ques, par Parlsot, ? ï5.

Btllloclt vrulc, î 515.

131o(iti,iiir : P. Iticher, par Gilles de

la Tourette, 347.

BLEU de méthylène. Elimination du

- chez les épileptiques, par J. Vol-

sin et Mauté, 189.

Bhomures. Les - dans l'épilepsie,

par 139.

BULIIL Gliome du -, par Collins,

304.

TABLE DES MATIÈRES. 533

Calculateur mental de Zaneboni,

par Gui(,car(li et Ferrari, 194.

Capsules SUfiRI.\ALES. Extirpation

des - chez le chien, par Sodou,

487.

CELLULES nerveuses. Lésions des -

dans les intoxications, par Na-

geotte et Etthnger, 301. Altéra-

tions des - pendant l'inanition,

par Scha(ier, ,i01. 1.

Centres ERVEL\, Les - corticaux

des viscères, par Soli 1er, 350. Re-

lations des - et du corps, par

Jackson, 320. Extirpation des -

corucomoteurs du chat, par Red-

]ici], 499.

Cr : H\ EAU. Poids du - et cubage du

ci âne, par 7.anl.e, 502.

Chorée saltatolre chronique, par Sol-

lier, 251. - électrique, par Bo-

nardi, 404.

Cociill vires. Relations des noyaux

centl anx, - et vestibulaires," par

Sabjjj, 3620.

Colorai'ion des dégénérations du

système nerveux par l'acide os-

mlque, par Bousch, 70. - du sys-

tème nerveux centiat, par Aller-

hand.498.

Congrès «les aliénistes et neurolo

gistes français, 65, 148, 201, 326.

- de médecine, 150. - interna-

tional de médecine de 1900, 349.

Contractures hystéro-traumatique

des muscles du tlonc, par P. RI-

cher et Souques, 127. - posthé-

nl1plég,que, par van Gehucbten,

408.

CO\ 1 USIO. Sur un cas de - du cer-

veau, par Lamarchia, 45.

COIIDOS LA'IÙ, \UX Trousseau médian

des - de la moelle, par de Becti-

tercez,'498.

Cornes .1\TLIiILLf7ES. Chromatolyse

dans les - après la désarticulation

de la jambe, par van Gehnch[en

et de liuck, 3 18. Aspect des cellules

des - après le repos, par Jacob.

sohn, ù03.

Corps calleux. Tumeurs du -, par

Devic et Paviot, 50; par Séglas et

Londc, 224.

Courants. Valeur thérapeutique des

- à haute fréquence, par Ber-

gommé, 56.

CH \\1 : , Cnllage intérieur du -, par

Zanl.e, 13S.

CRA-"10-R tciiisciii,,is, par Clarke, 320.

Cm : lI\ISME sporadique; discussion à

la Britisch médical Sociefy, 65.

Cunw wîr des aliénés dans l'Avey-

ron, par Ramadier et Fenayroul

41 >.

Cotnrsavrs. Coloration des -, par

Auebach, 311.

C\STlCLHQUr. du cerveau humain, par

Gionm, 493.

Dnromwrcov congénitale du système

nerveux, par Solowtzow, 311.

Dégénérât ions systématisées de la

moelle, pai Ceïn, 493.

Uics ? m : inverti sexuel mOI para-

lytique général, par Jotrroy, 223.

Degém rescences. Etude des - pro-

pagées consécutives aux lésions en

foyer de l'encéphale, par Durante,

489.

Délire. Guérison du - chronique

systématisé non lié à la dégéné-

rescence, par Paris, 100. - d'auto-

accusation systématique, par Sé-

glas, 22,ï. - transitoire au point

de vue médico-légal, par Vallon,

229. - de revendication, par Cul-

lei re, 249. Recherches bactériolo-

giques sur le - aigu, par Cem,

493.

Delirium THE11E\S, Traitement du ,

par Ciothers et Collins, 143. Pa-

thogél1Je du -, par Villers, 477.

Démence. Sur la - pillnitive de la

puberté, par \\ïrleroe, 39. Lésions

anatomiques de la paralytique,

par Boedecker et Juliusbei'ger,4Sl.

Dépeçage. Conditions psychologi-

ques du criminel, par Rodti-

gues, 521.

Diabète. Sclérose diffuse de la

moelle avec polynévrite dans le-,

par Bunardi, Il. Hémianopsie bi-

temporale et insipide, par

Spanboc6 et Stemhaus, 130. -

sucré grave avec réaction élec-

trique lente et prolongée, par

Kausch, 131.

Dipiiiériques. Action des toxines -

et streptococciques sur le sys-

tème nerveux des cobayes, par

Mourawieff, 485.

DIP'OMAIE, Voyageurs en liquides :

, 527.

Doigts. Hypertrophie congénitale

des -, par Cestan, 309.

Dut. Colonie familiale de -, par

A. Marie et Vigoureux, 16.

534 . TABLE DES MATIÈRES.

Ecorce cérébrale. Structure de l ?

par Bewan Lewis, 303.

Ecriture. Physiologie de F- , par

Ohici, 493.

EecTeontcvosrc, parlIassou, 312.

ELCTROTIIÉR.\PIE. Revue d'électlo-

physiologie et d ? parL.-H. lté-

gnier, 106.

ExcLr'iiAUTE aiguë primitive hémor-

ragique, par Brie, 55. Poussées

d' - aiguë dans le cours de

l' stibaigiic et chronique, par

PepirkoJf, 433.

EPILEPSIE symptomatique des néo-

plasies corticales , par Lemos,

46. Contributions au traitement de

Il -, par Flechsig, 59. jack-

sonnienne et opérations, par Mori-

son, 144. Des résultats éloignés

du traitement chirurgical de l'-

par Bourneville,253. - sénile, pal'

Lewis Allen, 296. - d'origine al-

coolique, par Stern, 297. Trai-

tement de l'-par la sympathec-

tomie, pap Lannois, z et pa-

ralysie générale, par Péan, 328.

- au point de vue clinique etmé-

dico-lénal, par liovalewshy, 4J3.

sénile, par Kovalevvsky, 478.

Epileptiques. Accès convulsifs et

exagération de la putréfaction in-

testinale, par Angerjo, Il Dia-

gnostic des crises hystériques et

par Bonjour, 120. Nécessité de

l'hospitalisation des -, 156, lî6.

Elimination du bleu de méthy-

lène chez les - par J. Voisin et

Haute, 189. Etat des cellules ner-

veuses chez les - morts en état

de mal, pa : 'llispal et.\nglaUe, 259.

Rapidité du courant nerveux chez

les -, par Itossi, 410. Uxoi,icide

et parricide imputés à un -, par

Cadaluppi, 418. Bain d'air chaud

dans le traitement des -, par 1

Cobitto, 422. Toxicité de la sueur

des -, par Cobitto, 494.

Epileptoïdes. Stigmates - chez les

criminels aliénés, par de Arcan-

gelis, 417.

ERuTnoPlIoBl, par de Bochterew,

129, 300, 482.

Expertises médico - légales, par

Chassing, 416. Valeur relative des

- , par Goodrich, 418.

Facial. Origine du - supérieur,

par Marinesco, 492. Recherches

sur l'origine réelle du nerf -,

par van Gehuchten, 495.

Faisceau nu Gowers, son trajet, par

Rossolino, 33.

Folie. Théorie* de Roncorini sur la

- systématisée, par Jentsch, 315.

simulée, par Allison, 417. Dis-

cussion de l'allégation de la

chez les criminels, 419. Concep-

tion moderne sur l'étiologie de la

- , par Baty-Tuke, nI. Epidémie

de religieuse au Brésil, pai

Rodnguez, 475.

FOR\IOMÉrnvLE. Traitement au -,

pat Mossohno et llourawiew, 421.

Gigantisme. Deux cas de et

d'acromégalie, par Brissaud et

11. Meige, 123.

GLI011.1'fO;,E, Anatomie pathologique

de la -, par Pribytkoll'etlvanoff,

342.

Goitre exophtalmique. Maladie de

Basedow, par Potam, 48. Patho-

génie du -, discussion, par

iay, 123. Pronostic dans le -,

par Wihamson, 12J. Traitement

du - par la section du sympa-

thique cervical, par Jaboulay,

145.

IIIf.LIiCI\.1110\5 dites psychiques,

par Frai)cotte, 477. Influence sug-

gestive des - de Fouie, pm de

IJechterew, 477. Provocation aiti-

ficielle des - sensasoiielles, par

de 13ecltterem, fï8.

HI.1UAOPSIE bltempol'ale et diabète

insipide, par Spanbock et Stein-

haus, 130.

IIEI1.1'l'ItOPlIIC progressive, myo ? c)ë-

rose, sclérodermie, etc., par Peli-

zoeus, 131. - faciale, par Yonge,

299.

Ilenncuonce poslliémiplégiquc et

ramollissement du pont de Va-

role, par Rubino, 135.

Ht : wctc.wc oplitalmique, par Knauer

128.

Hémiplégie progressive par artérite

et ramollissement blanc, par Bris-

saud et de Massary, 243. Etat du

facial inférieur et du moteur ocu-

laire commun dans l' -, par Mi-

rallié, 244. Asymétrie cranio-

faciale dans l' - spasmodique

infantile, par Féré, 303. Paralysie

du facial supérieur dans l ? par

Féré, 402.

TABLE DES MATIÈRES. 535

Hémiplégiques. Contribution au trai-

tement des -, par Ei ben, 59. Pa-

thogénie et prophylaxie de l'atl'o-

plue musculau et des douleurs

des -, par Gilles de la Tourelle,

121.

lILPA 1'I;,\lC et psychoses, par Cul-

leire, 353.

H £ ¡¡(DlI et névrose, parSavoye,298.

Hospices. Concours des médecins-

adjoints pour les - de Bicêtre et

de la Salpétrière, 430.

HU.)11']iAi,E. Troubles paralytiques

consécutifs à la ligature de l' -,

par llally, 245.

Hydrocéphalie. Sarcome de la fosse

crânienne postérieure avec-, par

Campo, 493.

Hypnose. Physiologie de l' -, par

Dodhen, 320.

HYPOIICO-SUGGCSTIOE, Thérapie ,

par Rauschburg, 61, par Delins, 61.

Hrenomnce. 1301clipique - de Fa-

rel, par Bauer, 62. Auto-observa-

tion de l'état -, par Wetters-

transi. 294.

Hypnoiisme. Somnambulisme hys-

té, l'lue et -, par Loevenfeld,205,

Hystérie infantile, par'Pa5'lor, 295.

IIosÉmnoes. Diagnostic différentiel

des crues -, par Bonjour, 120.

Phénomènes pulmonaires d'ori-

gine -, par Leoni, 122.

HVS'l'EHO-épILEPSIE simulant l'épi-

lepsie vraie, par'l'homson, 299.

Idées DE négation. Notes sur les

- , par Trénel, 23.

Imbécillité, Formes de l' -, par

Thomson, 300.

Impulsion tendant introduire des

objets insolites dans l'organisme,

par Bernstein, 310.

Infantile. MY10rlémate¡1'{ et - de

Loram, par 9leye et Allard, 292.

Interférence et hérédité sexuelle,

par IJollel'l1orden, 315.

Ivresse pathologique, par Repond,

120

Ivrognerie. Responsabilité dans

l ? par Crothers, 419.

Jeunesse criminelle, par Tarde, 518.

Lichen RU BeR Etiologie du -, par

Lindetrem, 291.

LiÉ]3AUL'r et son école, par Renter-

ghell, 136.

LLrsc anesthésique avec autopsie,

par Samguine, 72.

Locai.isatioxs des cordons moteurs

de la moelle, par Gad et Flatau,

309. - corticales, par IIlls, 321.

.Main succulente. La -, par Jlari-

nesco, 125.

MAL DE Pots, Double syndrome de

Brown-Sequard dans le -, par

Londe, 405.

i·In.ame D'elLmssov : , par Bramwell,

298.

Maladie de Basedow, traitée par la

thyroidectomie partielle, par Sou-

paît.64.

Maladie de C,11%ECOT, par de BllCk

et de Moor, 294.

Maladie DE Fmenrssrcn. Un cas de-

par Berdez, 121. à début tardif,

par Bonnus, 402.

MAL1DIC DE Lill LE. Un cas de -,

par Poix, 259.

maladie de Pyrkinson. Lésions des

cellules de la moelle dans un cas

de -, par Ballet et Faure, 404.

1\1 IL IDIE de Tiiousen. La -, et son

traitement, par de Becillerew, 50.

Marche. Variétés de la -, et de la

course, par P. Rucher, 317, ï.

Mélancolie. Diagnostic et traite-

ment de la -, par Ziehen, 425, -

avec verbigération, par Bresler,

482.

111 1.1\ODC1;61tC chez les épileptiques,

par Lannois, 226.

\li.nmosue et catalepsie, par Dupré

et ltabé, 5f.

Méningite. Altération des cellules de

la colonne de Clarke dans la

spinale épidermique, par Baker,

321. - syphilitique cérébro-spi-

nale, par Gianulli, 110. - '

)11NINGOCILE. Deux cas de - opé-

rés avec succès, par Spanton, 144.

.Moelle. Abcès de la -, par Pnbyt-

],OIT et àlololieth-off, 3î5. ConUi-

bution à l'étude des segments les

plus mlél'leurs de la-, par Berg-

mai, 501. Voies conductrices ré-

flexes de la -, par Mendelssohn,

503. Dégénérescences secondaires

de la -, par Worotynsk, 508.

)[OHPlIlKOM.1 \IC et son traitement,

par Robertson, 4 : ! i.

Myélite transverse et paralysie flac.

cide, par Urissaud, 226. Épidémie

de - et de polynévrites infec-

tieuses, par Petrucci, 215. - loca-

lisées, par f3ram·.vell, 291. 295.

1\1\ XOEDE11A 1 EU", \am - traité par

536 TABLE DES MATIÈRES.

l'injection thyroïdienne, par Jan-

nin, 60.

Myxoedème thyroïdien et -. para-

thyroulleu, par 13nssaud. +3. -

spontané de l'adulte, par Uehuve.

2S8.

Nécrologie. A. Voisin, 146. Guille-

min, 147.

>teri. Excitabilité électrique d'un

isolé, par Waller, 490.

Eltl'S \IO'l'CUItS OCULAIRE. Olgine

réelle des , par van Gehucluen,

318.

Neurasthénie. Ilémorrhagies dans

la -. par .lunrt, 19.

NWH l' 11ll : IQES, Etats , par

Gilles de la Tourelle, 1>1 : >,

TEl : Il01.OGIE. uestlons dé - et de

psychologie médicale, par Sikors-

ky,515.

Neurologiques. Communications -,

par Keinberg, 134.

Neurone. Importance fonctionnelle

du corps cellulaire du , par

Pugnat,'r91 .

NI'1'11 1LGIC. Traitement électrique de

la - d trijumeau, par Bergonié,

137. - dn W jumeau et trlsmns

associé il la chute des dents, par

Lewll, ` ! 98.

Névrite. Insuffisance hépatique et

- périphérique, par l'suuet, a0.

périphérique d'origine pue1'jJé-

rale, par Reynolds, 299.

Névropathies organiques masquées

par l'hystérie, par Determans, 133.

Névroses. Etiologie des -, par tia-

lemann, 290. Hérédité et , par

Savoye, 298. Pal enlé des - et des

psychoses, par Serrigny, 476.

)/0\ vu\ 1101J : Lns. Localisation des

de la moelle épinière, par Mari-

nesco, 485.

OnNunILAIIOx. Etat d' avec am-

nésie à la suite d'un coup, par

\oecl.e, 53.

Obsession. Etude clinique suri'

par .Marie A. et Vigouroux, 210.

OCLI.01l0l EII commun. Paralysie de

l'- par IvIIatschl : ln, 117.

OEoi.ue monoplégique, par Meige,

245. -

Opérai ions gynécologiques en mé-

decmp mentale, par Cuylits, 325.

OpnnI.1[OPLl'Con : nucléaire, pal' )Iar-

fall, 42. migraineuse, par

d'Asti 08, : >3,

Oxyde de cRROVE. Intoxication par

r,parKockhottzetSieradxki,

521.

Paciiy méningite cervicale hypertro-

phiqueet pseudo-tabès alcoolique,

par Luppi, 292.

Paralysie spinale spasmodique. par

1 Uonannio 593. - périphémuue

d'origlne traumatique, par \Ially,

°5G. - tln voile du palals et du

nerf facial, par Desnoyer, 289. -

transitoire el récuriente dans le

ramollissement cérébral aigu, par

i\lacliensip, 295. - du deltoïde de

cause articulaire, par Mally, 297.

paroxystitjuedfuatureÉpiiPp-

tique par Hyier, 3` ? i. - fuciale

périphérique et signe de Ch. l3ell,

jarHonner.m.j.butbairssspas-

modlco-atrophiques, par Hoche,

117. î.

Paralysie générai e progressa e. Sur

un cas de juvénile avec les sons

tabétiformes ries cordons posté-

rieurs, par Joflroy et Rabaud, 1. .

Traitement de la" des aliénés,

par Gooding, 60. Discussion sur

la -, par liallet, Arnuud, Tou-

louse, Cbarpputier, Chnstian, Val.

lon, Briand, ( ! 6. , par Mairet, 74.

Lésions spinales de la -, par

Pollack, 315. Symptômes plocilo-

m in ues de la , par Thomseu.

3"5. Epllepsie et -, tlar l'éan, 3°S.

Sens tactile dans la , par Maran-

don de Montyel, 376. Gangrène

des pieds dans la , par Lord. : r11. La-, par Iunaioll, S°G. Con-

vulsions cortcaesdans)a,p ?

Muratow, 468. Statistique de

la -, par Greidenberg, 470.

Réflexes patellaires aux diverses

éloques cle l, -, par 3larancion

de Montyel, 475. Signes de dégéné-

rescence dans la -, par t\oecke, .

480.

PAIt \MYOCLONUS IUL11PLE\ après lin

accillt'nt, par scUu«e, 56. - asso-

cié à l'épilepsie, par S. Gartner e

Santenmse, 109.

Paranoïaque processive, par Ladame,

222.

Paraplégie Ilaccille par compression,

par Brissaud, 406. Etat des réllexes

dans les cas denasque,parvan

Gehuchten. 496.

Parvsitisme des centres nerveux par

mycose, par Roux et Paviot, 2UO

TABLE DES MATIÈRES. 537

Pnlli nas pseudo-spasmorliques, par 1

Onuf, 127.

PA\OEl'In'&¡E des uel'fs cutanés de la

CUisse, par Benda, 1] 8,

I'ArRO ! '\GEf.uTnttatenHussie,par

Sbar·l.ç, 268.

Pr.mr. >;volutlou de la-, llar111a1 : a-

rewicz, 53.

Phénomènes des orteils, par van

GeUucIUen, 293.

Ptcolsna. ltôle de l'apparell cardlo-

vasculaire dans les neurasthé-

niques, par Valenlin et llarten-

bers, 326.

Phosphates et glycél'opho'phates en

injections sous-cutanees, par

Crocq, 141. ,

pOLOE\CI l'II \1.11 E hémorrhagiq ue SlI-

périeure ayuc, par 1\luurawieff,

11 ?

Poliomyélite antérieure chronique

avec lésions des racines posté-

rtenreset les cordons <ie l3urdacll,

par Schiister, 310. Lésions fixes

des cellules dans les-chroullues.

par))ar)uesco.511. \,

Polynévrite paludéenne, par He-

gnaull, 51.

1'0\ l' DI; V AIIOLE, Ramollissement du

et hémichoi'ée post-hémiplé-

gique, par Rubino, 135

Poaeaci;ru.ILlr Inlatérale, par l3eyer, ! l71),

I'eoSSlO\ ClIi11111ALE. Ce qu'on ap-

pelle -, yar Adaml : iewlcz, 30ï.

Prisons. Service médical des -, par

Wey, 417.

Plocia de l3echtold, par Sclirenclc

NOlzlOg, G1.

Psvcm.atlllnt,r. Etendue de la spé-

ciaUté -, par Iiello, 126.

Psychiques. Troubles postopéra-

toires, par Reyneau, 209 ; par

Terrien, 254; par A. Marie et Vi-

goureux, 237 , par Joffroy, 322.

I's<.uoes et ri;ves, par de Sanctis,

323. Hépatisme et , par Cullerre,

- 353.

I'C1CI10-I : IlOSE. Lésions des fibres

nerveuses spinales dans les -

aigu es, par Donaggio, 493.

PUPII.LAIHE, Rétrécissement - chez

les aliénés, par Stefani et Mor-

purgo, 484.

Pyramidal. Variations du trajet du

faisceau , par Hoche, 504.

Racines postérieures. Trajet intra-

médullaire des -, par Brian et

Bonne, 491. 1.

RÉACTION. Le temps de - simple,

par Patnzi, 495.

Rn'LEXEvascutaire dans les mem-

bres et le cerveau de l'homme.

par l'atrizl, 493.

Respiration de Cheyne Stockes, par

Terrien, 251.

RF.spo ? sAi311,i,i modifiée, par Allison,

421. -, par Ha ! non, 520. -

Rétiniennes. Lésions - en rapport

avec les lésions cérébrales, par

Villiamson, 302.

Richer l'aul.-B ! onrapl ! ie par Gilles

de la T'omette, 3n.

Saint-Gemme. Visite il l'asile de -,

246.

SCI'11(,UE. Traitement de la - par

compiession du nerf, par Arul-

lanm, 142.

SCu'RODJ : : R111E lardacée, par Spill-

mann, f01.

Sclérose latérale amyotrophique il

début hnthaire, par Bonardi, 45.

- en plaque cérébrale consécutive

il l'iutluenza, par Sogorni, 123.

Sens stéiéognostique et centre

d'association, par Gasne, 47.

Sexuels. Pathologie des rapports -

par Féré, 50. Inversion -, par

Elles, 118. Perversion -, par

Itoenbacl ! , 483.

Société de neuropathologie et de

psychiatrie de Moscou, par Ros-

solnno, Bernstein, MOIra wielT,

haicliline et Ol"iovsln, 68, 338. -

m édlco, psychologlque,par Briand,

66, 426. de patronage des

aliénés ; statuts, 152.

Spasme. 'l'tc ou du la face, par

Feindel et nleine, 407.

Spinales. Fibres centrifuges

originaires (le la couche optique

et ries tubercules quadrijumeaux,

par de Bechterew, 506.

SUGHSTIlIILlTÉ et hystérie, lla ! ' Forel,

2 ! )4.

Suicide. Recherches sur le en

Grande-Bretagne, par Sibbald,

391. Le en Chine, par Matignon

517. Double - d'amour, par

Proal, 519.

Sympathique. Extirpation double du

cervical pour un cas funeste de

maladie de liasedow, par Cercliez

1 et Juvara, 37. Histologie des cel-

538 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Iules du système-, par Marines-

co, 489. ·

SYDROMr DE Weber avec hémiopie,

par Jolh'oy, 47.

Syphilis précoce du système nerveux

par Juschtschenko, 129.

SYRINGO.IYI'LIE avec phénomènes

acromégaliques. par Luntz, 71. -

et sarcomatose de la moelle, par

Ol'lo\Vsld, 1G1 -, par Urriola, 273.

Origine congénitale de certaines

- , par Dufour, 403.

S1'RI\GOVYÉLIQUES. - Syndrome -

avec liemiatrophie faciale, par

Queyrat et Chrétien, 12.

Tabès. Pathogéme et traitement du

- , par de Benzi, 136. Réflexe

patellaire dans le , par Achard

et L. Levi, 292. -, par Ficher,

296. spasmodique familial

par Tambroni et F1l1zi,41O,

Tatouage chez les criminels, par

Ch. Perrier, 519.

Tétanie chez une chienne parathy-

roidectomisée, par Vassale, 493.

Tétanos. Altérations médullaires

microscopiques dans le -, par

Humer, 321.

Thyroïde. Glandes - et parathy-

roides, par Gley, 43. Traitement

chirurgical des tumeurs -, par

Paul, 1H. Physiologie et patholo.

gie du corps -, par Elorsley, 320.

Glandes - chez les aliénés, par

Amaldi, 423.

Tic du colporteur, par Grasset, 52.

- de l'horloger, par Colin 115.

douloureux et opératoires, par

Eward, 298. ou spasme de la

face, par Feindel et Melge, iû7.

Relation entre le - général et les

obsessions, par Flatau, 181.

Torticolis. Traitement du - men-

tal, par Feindel, 63.

Tourbillon. Dédoublement du- des

- cheveux, par Féré, 303.

TOXIXES, Action des- diphtériques

streptococciques sur le système

nerveux, par 111ouratow. 6 !

1'aeum.enew essentiel héréditaire,

par Bonnelli, 410.

Trouble moteur. Sur un - qui ac-

compagne la douleur lombaire, par

Minor, 08.

T(rnI;CULOSEeta11él1at1011, par Paris,

144.

Tumeurs. Diagnostic d'une céré-

brale sans localisation possible,

par Brissaud et de Massary, 306.

maligne du cerveau d'origine

auriculaire, par Barr et Nicol ! . 31.

Typhoïde. Fièvre chez les alié-

nés, par Hyvert, 103.

Urine. Substances toxiques de l' -

des aliénés, par l'ellegrini, 91.

Vagabondage mystique, par Donati,

485.

Vasomoteurs. Troubles - produits

par la suggestion, par Schrenck-

Notzll1g, 319.

VEIiTÎ UR.11.G. ArtUrite anl : ylosante de.

la colonne -, pai Schataloff, 338.

Vibratoire. Thérapeutique -, par

Peterson, 143.

Voyageurs. Précoces , 272.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Achard, 292.

Adamhiemclc, 307.

Aimet, 49.

Allard, 292.

Allerhand,498.

Alhson, 417, 421.

Amaldi, 423.

Angelucci, 423.

Angerio, 111.

Anglade, 81, 258.

Arcange]¡s (de), 417.

Arnaud, 60.

Arullani, 142.

Astros (d'), 53.

Auerbach, 317.

Backer, 322.

Baleman, 296.

Ballet, 66 233, 40.

Barr, 321. t.

Bastian, 291.

Baguer, 62.

Becliterevv (de). 56,129,

300,477,478,482,498,

506.

Benda, 118.

- TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 539

Beuzi (de), 136.

Ber(lez, 121.

Bergonié, 56, 137.

Del'llstell1, 71, 338, 310.

Deyer, ..79.

Bewan Lewis, 303.

Blumet, 528.

Bonardi, 44, ! r5, 404.

Boech (de), t24.

DoedeclOEI', 481.

Bonjour, 120.

lionne, 491.

13otitielli, 410.

Bonifier, 405.

Bouillis, 402.

Bourneville, 245, 253,

J2 ï.

Bouse)),70.

Bramwell, 291, 298.

Bresler, 482.

Brian, 491.

Brigand, 00, 68.

Brie, 55.

Brissaud, 43, 123, 220,

213, 30G, 40G.

Bronner, 14j..

Brunet, 259.

Bl'IIse, 299.

Buck (de), 294, 318.

Campo, .i93.

Ceikey, 57.

Cestau, 309.

Challl1lng, 4

Charcot (J.), 46.

Charpentier, 67, 233.

Chipault, 60, 127.

Chrétien, 42.

Christian, 68.

Clarke, 320.

Cobitto, 4221,494.

Codeluppi, 418.

Cohn, 115.

Collins, 143, 304.

Coulon, 239.

Crocq, 141.

Crothers, 143, 419.

Cullerre, 249, 251, 353.

Cuylits, 325.

Debove, 288.

Delius, 01.

Desnoyet, 289.

Determann, 133.

Devic, 50.

Dôdken, 320.

Donaggio, 493.

Dufour, 403.

Dupré, 54.

Durante, 489.

Edgor, 418.

Elles, ils.

Grben, 59.

Esterre, 299.

Ettlinger, 301.

W vard, 98.

Faure, 58, 404.

Fedoroff, 422.

Fell1berg, 134.

Feindel, 63, 407.

Fei rou 11, i.

Féré (Ch.), 50, 303, 402.

Ferrari, îq3, 494.

Ficher, 296.

Fini,51.410.

Flatau, 309.

Flechsig, 59.

Forel, 29r.

Francotte, 477.

Funaiolli, 426.

Gad, 309.

Garnier (P.), 220.

Garmer (S.), 409.

Gasne,'t7, J44.

Gehuchten (van), 293,

31R, 508 495, "96.

Gianulll, \10.

GuiccardJ, 493, 49L

Gilles de la Tourette,

60, 121, 144, 347.

Gionni, 493.

Gley, 43.

Gooding, 60.

Goodrich, 418.

Goujet, 50.

GranJur, 220.

Grasset, 52.

Green, 320.

Greidenberg, 470.

Ilamon, 520.

Hallervorden, 315.

Hartenberg, 326.

Higier, 324.

Hoche, 117, 50f.

liorsley, 320.

Hunier, 321. ! [;vert,)03.

Ivanow, 342.

Jaboulay, 145.

Jackson, 320.

Jacobsohn, 503.

Jannin, 60.

Jentsch, 315.

Jomon, 1, ii, 220, 223,

332."

Julmsberer, 481.

Jusclllsclenho, 1 ? 9.

Juvara, 57.

Kellog, 426.

Keraval, 233.

Klausch, 131.

Kliatschliiii, 117.

Knauer, 12S.

Kockholtz, 521.

Kovalewski, 413, 478.

Lacassagne, 516.

Ladame, 221, 222.

Lamarchia; 45.

Landenbeimer, 139.

Lannois, 226, 327.

Lemos, 46.

Leoni, 122.

Levi (L.), 292.

Lewnll, °9S.

Lewis Allen, 296.

Lindetrem, 291.

Lister, 291.

Liston, 144.

Loevenfeld, 295.

Londe, 224, 405.

Lord, VA. J.

Luntz, 71.

Luppi, 292.

Mackensie, 293.

viairet, 7 i.

Makarewicz, 523.

111a11y, 215, 256.

Main',297. y

Mann, 312.

Mal andon de Ilontyel,

376, 475.

\larfan, 42.

Marie (A.), `316, 257.

Marie (P.), 406, 408,

485.

Marinesco, 1251, 489,

bil.

Mars,302.

Massary (de), 243, 306.

Matignon, 517, 522.

nlauVé, 159.

Meige, 123, 245, 292.

407.

Mills, 321.

Minor, 8.

Mu-allié, 244, 250.

Nololtetlsolf, 345.

540 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Mon profit, 220.

Moor (de), 294.

Iol'el, 438.

Morison. II\.

Morpargo. 184,

Motet. 202, ` ? 31, °3î.

\louratow. 691, 468.

MOtll'1lwleOE, 115, 338,

421, j.85.

llurray, 123. -

Nageotte. 301.

\coll, 321.

oecke, 1183.

Obici, 193.

Omit, 127.

Orlovsld. 73, 161.

Otuzewslii, ,ï10.

Paris, 100, 285.

Parisôt, 255,

Patrizi. 93, 495.

Paviot, 50, 290.

Pelizæus, ll.

Pellenrm, 19L

Péon, 32S.

Perrier (Ch.), 519.

Peterson. 143.

Petrucci. 234, 245.

1·icquF, 219.

Pieraccini. 423.

llieri-et, 227.

Pipeikolï, 433.

Poix, 258.

Poilai" 313.

Potairi, 48.

Pribylkoff, 342, 343.

Pi oal, 519.

Plignat, 491.

Queyrat, 42. 1

Rabaud, 1.

Rabe,5).

Raichhne, 338.

Kamader, 414.

1{,11lschbul'g-, 61.

Rayneau, 209.

Itellicl. 499.

Régis, 219.

Régnard, 234. -

Regnault, 51.

Régnier, 106.

lIensl (de). 401. i

Ilentergheii, 156,

Repond, 120.

Revnolds. 299.

Richer (l'.), li, 31î,

347.

Rispal, 258.

Robertson, 62, 424.

l0(il-IgLiès, 47 : ), 321.

Roseubacli, 483.

Rossel,. 296.

Rossi, 410.

Rossolnuo, 69, 71, 73,

3F3, 4`31.

Roux (.1.1, `390, -iG3.

Ilubitio, 135.

Sabin, 320,

Sainton, 406. I

Sanguine, 12.

Sanclls (de), 323.

Sander, 118.

Santenoise, 409.

Savoye, 298.

Sbarsky, 268.

Schaller, 01.

Schataloff, 338.

Schrenl,, 61. 319.

Schuster, 310.

Schutte, 56.

Scotti, 401.

Séglas, 224, 22 ?

Serrigny, 476.

Stbbald, 391.

Sierariski, 5 ? 1.

Sihorsln, 515.

Soriou, 487.

SOg01'll1, 123.

Solliei. 250, 231.

Solowzow, 341.

Soupault, 04.

Souques, 127.

Spanhock, 130.

Spnnton, 144.

Spillmann, 401.

Stefani, 481.

Stern, 297.

Tambroni, 410.

Tarde, 516, 518. ,

Taylor, 29.).

Teirien, 251. 2j2,231.

'I homsen, 32a.

Thomson, 299, 300.

Toulouse, 66.

1'renrl, 23.

Urriola, 213.

Valenlln, 326.

Vallon. 68, 229, 234.

Vassale, 193.

\gourow, 246, 257.

Villers, 177,

Vorotynsl,, 508.

Waller, 137, 496.

Warren, 29 : i.

Weber, 411.

Vetteistial](1, 291.

\\ey, r2 i.

\\'Idel oe, 39.

Williamson, 123, 302.

Yonge, 299.

Zanke, 138, 502.

Ziehen, 425.

Evreus, Ch. HtRISSt.\1 IInp. - 1lb