(1898) Archives de neurologie [2ème série, tome 05, n° 25-30] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1898) Archives de neurologie [2ème série, tome 05, n° 25-30] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE l :

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE r,

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NEHVEUSES ET MENTALES]

1. 5 r.

1 o N n n. P m J . -111. C Il A Il C 0 T \ r , r¡ ,) .t

PUII1.IÉI ! SOUS I.A DII1ECTION DE ù111.

A. JOFFROY

Pt-uresseut'dechtnque 1

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à I, Faculté de médecine

de Paris. 1

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(SIe-Ali lie).

F. RAYMOND

Piofasseur de cliniyue

des maladies

du système nerveux

à la Faculté de médecine

de Paris.

COLLABOHATIiUHS l'ItIpCIPAUE

MSI. 11AII1NSK.1, BALLET, BL AN Cil A (11.). ULl ? l'. 1301SSIEIi, onIANU (nL),

ItIIISSAIIU (E.), Ilil0llAIWEL (l'.), CA1'SAnAS, ( : fIAItüf3ltT, CIIAIIIIO.'i.

CIIIlISTIAN, (,01,01,IAN, GULLEIIRE, UI ? u0\IS E pl.). DENY, IJEVAY, IJUCAMI',

1)(J ? AL (âIÀTiii,s), l'EllE (Cu.), tENAYItOLI, Fl.111(ililt, F11A]\COTTE,

GILLE3 UE LA 'rOllU1's'rTE. GAIINOEII (S.), GmlllAULT. (;IIASSFT, KLIIAVAL (1'.1,

KLIPPEL, LEG1UIN. LAXDOUZÏ, L\t'Of''I, MA1SILLE, MAUANDON IJE MONTYEL,

61A11llr" MICItZI ? JIi\VSIiY, 11USG1tAV1's-('LA1'· NoIlt, PAIIIS, PAVIOT.

PIT11rtS, 11ÉG1S, HEGNAnl> (P.), 11LGLIrl (P.), 111GIIEII (P.), RELLAY (P.),

1l0lll ! INOVITCII, IIOTU (W.), HOUX, SANTE.NOISE. SEGLAS. SEQUIN (E.-G.),

SIsItIP.L'l, 501.1.11· : It, SOUQUE^, Sotilv ri.), 'fLIN'rIIItII'slt (E.), TESSLER,

TIIULIE (H.), TOULOUSE (E), VALLON, YILLAUD, YOISIN (J.), YYON (P.).

Rédacteur en chef : UOUUNtiVILLE

Secrétaire de la rédaction : J.-Ii. CIIAItCOT

Dessinateur : LEUBA

Deuxième série, tome V. 1898.

Avec 7 ligures dans le texte et 3 planches.

PA 11 I S

Il U 1\ EAU DU l' H 0 G H b; MÉDICAL L

14, rue des Cannes.

1898

Vol. V. Janvier 1898. ` N° 25

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

ESSAI DE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL \ e , el4l

ENTRE LA SYPHILIS ARTÉRIELLE, LA SYPHILIS MÉNINGÉE-'

ET LA SYPHILIS GOMMEUSE DE L'ENCEPHALE; ? " - '

PAII ns DOCTEURS

J. TEISSIER.

Professeur à la Faculté de médecine

doL¡on.

ET T

JO.\XNY ROUX,

E\.-l11lcrnc des hôpitaux

, de Lyon.

' La syphilis peut frapper l'encéphale de façons très di-

verses. Elle porte son action tantôt sur les enveloppes : boite

crânienne et méninger ; tantôt sur la substance cérébrale

elle-même ; tantôt enfin sur ses vaisseaux. Sur les os elle

produit des gommes, des caries, des exostoses ; sur les mé-

ninges des gommes et de l'infiltration gommeuse,des lésions

inflammatoires banales et de la sclérose ; dans la substance

cérébrale encore des gommes, de l'infiltration gommeuse

diffuse, de l'encéphalite et de la sclérose, sans compter les

lésions para-syphilitiques. Les vaisseaux, enfin, peuvent être

simplement comprimés par une lésion de voisinage, ou bien

présenter de l'endartérite, de la périartérite, de l'infiltration

diffuse de leur paroi, des gommes circonscrites miliaires ;

enfin consécutivementdes thrombose ? , des dilatations anévris-

males, des ruptures, etc. Et cependant, malgré la diversilé

de, ces lésions, les symptômes sont toujours sensiblement les

mêmes, beaucoup plus sous la dépendance de la localisation

que de la nature des désordres anatomiques.

Archives, 2° série, t. V. " 1

2 CLINIQUE NERVEUSE.

La richesse symptomatique de la syphilis cérébrale est très

grande; on s'est ingénié à la dépister dans ses moindres ma-

nifestations et à la distinguer des autres affections cérébrales.

Cette étude est bien faite partout; nous ne la recommence-

rons pas. Ce que l'on ne trouve nulle part, au contraire, c'est

la description de types cliniques superposables aux variétés

anatomiques. Pour beaucoup d'auteurs même, la création de

ces types cliniques serait impossible : chacun des symptômes

de la syphilis cérébrale se rencontrant indifféremment, quelle

que soit la nature de la lésion (gomme, lésions méningées,

syphilis artérielle, etc.). « Quels que soient, dit Mauriac ',

le siège primitif des lésions encéphaliques et le mode sui-

vant lequel elles se produisent, la symptomatologie, le pro-

nostic et le traitement ne présentent que des différences

souvent insensibles. »

Tel n'est pas absolument notre avis; nous croyons qu'on

peut arriver quelquefois au diagnostic de la variété analo-

mique de la lésion. Et cela n'a pas seulement une impor-

tance théorique : le pronostic de la syphilis méningée est

différent de celui de la syphilis artérielle, et surtout de la

gomme intra-cérébrale ; le traitement lui-même pourra être

influencé; la trépanation, justifiée pour une gomme, serait

parfaitement inutile dans la syphilis des artères. Sans doute

ce diagnostic est extrêmement délicat ; il sera souvent rendu

impossible par ce fait que les différentes lésions se combi-

nent fréquemment entre elles. Mais ne s'appliquerait-il qu'a

quelques cas, son utilité n'en serait pas moins incontestable.

Nous avons pu crbserver longuement et minutieusement

trois cas de syphilis cérébrale dans' lesquels la vérification

nécropsique ou chirurgicale nous a montré trois lésions dif-

férentes et assez pures gomme intra-cérébrale dans le pre-

mier cas, syphilis méningée dans le second, syphilis arté-

rielle dans le troisième. C'est avec ces trois observations, en

nous aidant des cas semblables recueillis dans la littérature,

que nous essaierons d'établir les bases d'un diagnostic diffé-

rentiel entre ces trois variétés de lésions syphilitiques -de

l'encéphale.

Mauriac. Syphilis tertiaire et syphilis héréditaire, p. 862

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. : 1

CHAPITRE PREMIER

De la syphilis artérielle.

De toutes les formes de syphilis cérébrale, celle qui frappe

les artères est certainement la mieux connue au point de vue

symptomatique. Très souvent observée, pure, sans mélange

d'autres lésions, elle a attiré l'attention des cliniciens qui se

sont efforcés de lui créer un tableau clinique spécial. La

littérature est assez riche à cet égard, et nous lui ferons de

nombreux emprunts.

La syphilis artérielle ne possède cependant aucun symp

tôme palhognomonique ; tous ceux qu'elle présente peuvent

aussi se montrer dans les autres formes de syphilis cérébrale,

et réciproquement. L'édification d'un tableau clinique spécial

doit donc se baser : 1 ° sur l'analyse de chacun des symptômes

et des caractères qu'il présente dans la syphilis artérielle ;

2° sur l'évolution de ces symptômes; 3° sur leur groupement.

Nous n'aurons en vue ici que les lésions artérielles primi-

tives et nettement syphilitiques ; nous laisserons de côté la

compression des vaisseaux par une néoplasie syphilitique,

et aussi l'artério-sclérose vulgaire, dans l'étiologie de laquelle

la syphilis joue un rôle banal.

1. Caractères généraux et particuliers des symptômes de

la syphilis artérielle de l'encéphale. Le caractère le plus

général est le suivant : dans la syphilis des artères cérébrales

comme dans presque toutes les affections encéphaliques, il y

a un mélange de phénomènes de déficit et de phénomènes

irritât ifs; mais les premiers dominent la scène, les seconds

sont réduits au minimum. La raison en est facile à com-

prendre : en effet, en dehors des cas d'anévrismes et de

ruptures artérielles que nous étudierons 'à part, la syphilis

des artères agit presque uniquement en ischémiant ou ané-

miant la substance cérébrale, c'est-à-dire en supprimant

fonctionnellement ou organiquement un territoire plus ou

moins étendu. L'action irritative est minime. Nous allons

retrouver ce caractère dans l'analyse des troubles de la

motilité, de la sensibilité, de l'intelligence.

4 ' CLINIQUE NERVEUSE.

A. Troubles moteurs. Ce que l'on observe de beaucoup

le plus souvent c'est la paralysie flasque avec abolition des

réflexes. Elle peut affecter la forme d'une hémiplégie com-

plète, mais le plus fréquemment on a une monoplégie affectant

soit tout un membre, soit une partie seulement. Ces mono-

plégies très limitées, avec flaccidité complète, lorsqu'elles

surviennent et évoluent de la manière que nous indique

rons plus loin, chez un sujet non hystérique et paraissant en

pleine santé, sont presque caractéristiques de la syphilis des

artères. -

Rarement on observe des paralysies spasmodiques, avec

raideurs, contractures, exagération des réflexes. En dehors

du ramollissement ancien par thrombose et avec dégéné- z

rescence du faisceau pyramidal, ces phénomènes irritatifs

devront faire songer à une autre forme de syphilis, surtout à

a syphilis méningée, ou bien à des manifestations médul-

laires concomitantes comme dans le cas que nous rapportons

plus loin. ,

L'épilepsie partielle se voit dans la syphilis des artères

comme dans les autres formes; mais elle est plus rare et \

surtout moins localisée; le plus souvent hémiplégique ou

généralisée, elle est rarement monoplégique comme dans les

autres formes. Le plus souvent, d'autre part, on peut décou-

vrir une cause, tout au moins occasionnelle, autre que la

syphilis.- Cette cause secondaire est habituellement une

intoxication, soit médication intempestive, soit écart de

régime, soit surmenage, soit enfin auto-intoxication rénale.

comme dans le cas rapporté plus loin.

L'épilepsie de la syphilis artérielle semble donc relever de

la combinaison de deux facteurs : l'ischémie artérielle, d'une

part, une intoxication quelconque, d'autre part.

Les autres phénomènes irritatifs, tels que tremblements,

mouvements choréiques, rares il est vrai aussi dans les

autres formes, sont absolument exceptionnels dans celle-ci.

B. Troubles de la sensibilité. La céphalalgie existe là

comme dans les autres formes; cependant elle fait défaut

beaucoup plus souvent que dans la gomme ou la syphilis

méningée. En outre elle est plus diffuse, affecte généralement

tout un côté de la tête; n'est réveillée ni par la pression ni

par la percussion du crâne. ·

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. S

La céphalalgie, dit Thibierge', doit faire songer à l'arté-

rite, surtout lorsqu'elle « a un caractère de profondeur et

une dissémination à toute une moitié de la tête que l'on n'est

pas habitué à rencontrer dans la méningite syphilitique ou

dans les gommes ».

Il existe assez souvent des troubles subjectifs de la sensi-

bilité générale : engourdissements, fourmillements, etc. Mais

ces troubles sont très passagers, souvent précurseurs de la

paralysie. Ils relèvent de l'irritation corticale par ischémie.

Les troubles objectifs de la sensibilité n'appartiennent pas

au tableau de la syphilis artérielle ; à part, bien entendu, le

cas exceptionnel de destruction de la partie postérieure de la

capsule interne, par un ramollissement ou une hémorragie

d'origine spécifique.

On observe rarement des troubles des sensibilités spéciales.

La vue est habituellement intacte : nous accordons une très

grande importance il l'absence de phénomènes du côté de la

pupille; la staungs-papille et la névrite optique qui sont

habituelles dans la syphilis méningée et gommeuse, sont

rares dans la syphilis des artères. Cependant elles ont été

signalées quelquefois (UtholT); leur absence est une pré-

somption en faveurde la syphilis artérielle, mais leur présence

ne doit pas faire rejeter ce diagnostic. Dans quelques cas

on a pu, à l'ophtalmoscope, diagnostiquer des lésions syphi-

litiques des artères de la rétine : c'est là un signe trop rare

pour qu'on puisse compter sur lui.

Les paralysies oculaires sont très rares ; elles n'existent

guère2 que dans les cas de compression d'un nerf par une

artère dilatée comme dans le cas rapporté plus loin. Loin

d'aider au diagnostic elles ne peuvent guère qu'induire en

erreur en faisant songer à une méningite de la base. Il faudra

penser à la possibilité de la compression par un anévrisme

lorsque les symptômes concomitants seront ceux de la syphilis

artérielle plutôt que de la syphilis méningée. Il n'y a jamais

d'hallucinations chez les sujets n'ayant pas de tares ner-

veuses. On observe très rarement des troubles de l'ouïe ou de

l'odorat.

1 Thibierge. Gaz. des Hôpitaux, 1889.

2 En dehors bien entendu des paralysies précoces passagères, sponta-

nément curables, qui surviennent sans autre symptôme cérébral et

paraissent dues à l'action directe du virus syphilitique sur les nerfs.

6 ¡ CLINIQUE NERVEUSE.

C. Troubles intellectuels. Là encore il n'y a guère que

des phénomènes de déficit. C'est le plus souvent un affaiblis-

sement progressif de toutes les facultés, sans délire actif.

La mémoire diminue progressivement. le travail intellectuel

devient de plus en plus difficile, le malade néglige ses

affaires, devient indifférent à tout ce qui l'entoure, indolent

et apathique, marchant peu à peu vers la démence. Très

rarement il y a de l'excitation, et alors elle doit le plus sou-

vent être mise sur le compte de la céphalalgie. Nous avons

déjà noté l'absence d'hallucinations.

Les troubles du langage ont une place considérable dans la

syphilis artérielle. Toutes les modalités d'aphasie peuvent

être observées, surtout l'aphasie motrice. Mais c'est l'évolu-

tion de ces troubles qui est surtout caractéristique. Nous y

reviendrons.

Tels sont les éléments de diagnostic qui nous sont fournis

par l'analyse des symptômes; l'étude de leur évolution et de

leurs groupements symptomatiques va nous en apporter

d'autres plus précis.

II. Evolution et groupements symptomatiques de la

syphilis artérielle de l'encéphale. - On peut distinguer dans

l'évolution de la syphilis des artères cérébrales, deux périodes

assez distinctes : l'une pendant laquelle les éléments nerveux

sont simplement atteints dans leur fonctionnement, sans

désordres anatomiques irrémédiables; l'autre caractérisée par

des lésions qui ne peuvent plus rétrocéder. Nous décrirons

successivement : 1° la période des accidents curables; 2° la

période des accidents incurables. -

z10 Période des accidents curables. On peut dès celte

période accepter la division, proposée par Dieulafoy', en

artérites oblitérâmes et artérites ectasiantes, la symptoma-

tologie de ces dernières différant de celle des premières par

l'adjonction des phénomènes de compression 'dus aux dila-

tations anévrismales.

2° Artérites oblitérantes. Leur mode d'action est l'is-

chémie ; la substance cérébrale reçoit moins de sang que

normalement; elle est en imminence morbide, et incapable

d'un excès de travail. Tant qu'elle n'est soumise qu'à' un

' Deulafoy. Des artérites cérébrales syphilitiques (Gaz. hebdoma-

claire, 1892, p. 579). 1

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. -1

exercice modéré, elle suffit à sa tâche : vienne un surmenage

quelconque elle fléchit, et c'est, suivant le cas, une paralysie,

des phénomènes aphasiques ou un léger trouble intellec-

tuel. Ces phénomènes sont au cerveau ce que la claudication

intermittente est aux membres inférieurs dans le rétrécisse-

ment de l'aorte abdominale, ce que l'angine de poitrine coro-

narienne est au coeur ; c'est en somnie une méiopragie céré-

brale, une claudication intermittente du cerveau. Une

intoxication même légère, le plus souvent une auto-intoxi-

cation, quelle que soit son origine., peut produire le même

effet. Son action serait nulle sur un cerveau normal, elle peut

suffire à éteindre l'activité d'un cerveau ischémié, ou bien

dans d'autres cas, beaucoup plus rares, déterminer comme

nous l'avons déjà dit une décharge nerveuse, un ictus épilep-

tiforme. Il est rare, dans la période de début de la syphilis

artérielle, que l'on ne trouve pas l'une de ces deux causes :

le surmenage, ou l'intoxication. A cette période de début se

rattache trois formes symptomatiques.

A. Forme paralytique. - Le plus souvent il s'agit d'une

monoplégie, quelquefois très limitée, comme dans le cas que

nous rapportons plus loin. Elle survient brusquement, en

pleine santé, sans être annoncée par aucun prodrome, sans

être accompagnée d'aucun autre symptôme qu'un peu d'en-

gourdissement de la région paralysée. ' La paralysie est

limitée, mais elle est le plus souvent complète d'emblée pour

les muscles atteints. C'est une grande surprise pour le malade

de voir, tout d'un coup, sa main retomber inerte, sa jambe

fléchir ou sa face se dévier. La paralysie dure un, deux, trois

jours, puis rétrocède même sans traitement, simplement par

le repos. Mais c'est là un avertissement grave, et si le malade

n'en fait son profit, des accidents sérieux ne tarderont pas

à survenir. Cependant une longue période de santé en appa-

rence parfaite peut suivre; plusieurs avertissements du même

genre peuvent se succéder avant l'apparition des lésions irré-

médiables. Cette forme a été magistralement décrite par

Fournier dans son traité de la syphilis cérébrale.

D'autres fois, mais plus rarement, on a une hémiplégie

complète, présentant les mêmes caractères, la même évolution

rapide. Mais le fait est plus rare et on devra toujours redouter

dans ce cas des lésions irrémédiables de ramollissement.

Cette hémiplégie peut même débuter par un ictus apoplec-

8 CLINIQUE NERVEUSE.

tiforme et. cependant être encore due à des phénomènes isché-

miques aidés soit du surmenage, soit d'une intoxication. Cette

hémiplégie curable succédant à un ictus est encore plus rare

et devra toujours imposer des réserves au point de vue du

pronostic. Tous- ces accidents paralytiques présentent les

caractères que nous indiquions au début : flaccidité, abolition

des réflexes, absence de troubles objectifs de la sensibilité.

B. Forme aphasique. Elle est en tous points compa-

rable, à la précédente, à laquelle elle s'unit d'ailleurs très

souvent. Toutes les modalités du langage peuvent être

atteintes, soit simultanément, soit séparément. Contraire-

ment à ce qui s'observe dans les lésions organiques, il n'est

pas très rare d'observer une forme d'aphasie pure, surtout

de l'aphasie motrice, sans trace d'aphasie sensorielle, sans

troubles de l'écriture. Cette aphasie peut être complète, mais

elle est transitoire, de durée très courte, souvent de quelques

heures seulement. Il n'est pas rare de la voir succéder à un

certain degré de surmenage du centre atteint : on voit par

exemple la cécité verbale succéder à une lecture prolongée.

Souvent combinée à des phénomènes parétiques du côté

de la face ou du membre supérieur droit, on peut aussi la

voir s'allier à la forme suivante.

Cette aphasie transitoire, intermittente, a été décrite pour

la première fois par Mauriac ', et après lui par un grand

nombre d'auteurs. Mais Mauriac a eu tort, croyons-nous, d'at-

tribuer l'aphasie et l'hémiplégie intermittente à l'infiltration

gommeuse méningée avec congestion de voisinage.

C. Forme intellectuelle. Elle est extrêmement difficile

à dépister : elle conduit rarement le malade à consulter un

médecin; et celui-ci le plus souvent ne la reconstitue qu'à

l'aide de l'interrogatoire du malade, lorsqu'il a été appelé

pour des accidents plus sérieux.

Objectivement en effet elle se traduit par très peu de chose :

l'entourage du malade a simplement remarqué qu'il devenait

triste, ne s'occupait plus de ses affaires avec le même soin,

oubliait souvent dès choses très importantes.

Subjectivement le trouble est plus appréciable; le malade

s'est aperçu de la diminution de sa mémoire, tout effort

' Mauriac. Gaz. hebd., 1876, n° 5. 5. Leçons sur l'aphasie syphil. (Gaz.

hebd., 1877, n° 6). Traité de la syphilis, 1800.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 9

intellectuel le fatigue, il comprend moins facilement, se

décide aussi moins facilement à l'action ; tout le lasse et

l'ennuie. Nulle idée délirante d'ailleurs chez les sujets non

prédisposés.

2° Artérites ectasiantes. Toutes les formes précédentes

peuvent s'observer : à cette période du moins les artérites

ectasiantes comme les oblitérantes agissent surtout par

l'ischémie cérébrale. Elles se distinguent simplement par

l'adjonction de symptômes de compression dus aux ané-

vrismes. Cette compression peut porter sur l'encéphale lui-

même, mais surtout sur les nerfs craniens. Nous rapportons

plus loin un exemple de paralysie de la sixième paire pro-

duite par un anévrisme de l'artère cérébelleuse intérieure.

La troisième paire, par son voisinage de l'artère cérébrale

postérieure, paraît tout particulièrement exposée à cet

accident. On a vu une compression du chiasma, sur son

angle latéral, par une dilatation de la carotide interne. Dans

un cas de Knapp ' il y avait une dilatation bilatérale des

artères cérébrales antérieures, et une hémianopsie bilatérale

nasale. Tous ces faits, loin de servir au diagnostic, ne peu-

vent que l'égarer en faisant songer à une méningite de la

base. Les anévrismes des artères cérébrales ont été bien

décrits par Spillmanu=.

Pour compléter cette symptomatologie de la période de

début, nous dirons qu'on a voulu rattacher à la syphilis

cérébrale certains cas de migraine ophtalmique; que souvent

on peut dès cette période voir des paralysies oculaires, dues

probablement à l'action du virus syphilitique sur le neu-

rone moteur périphérique. Dès cette période aussi on peut

noter des troubles de la nutrition : amaigrissement, perte

des forces, etc., prélude de cette cachexie cérébrale particu-

lière qui emporte souvent les syphilitiques.

La fièvre n'est pas non plus exceptionnelle à cette période,

mais nous ne sommes pas encore bien fixés sur sa valeur

diagnostique entre la syphilis artérielle et la syphilis ménin-

gée ; nous y reviendrons à propos de cette dernière.

Ce sont là des faits qu'il faut connaître, mais qui ne sont pas

assez importants pour ustifier la création d'un type clinique.

' Knapp (de Kew-York). Arch. of isc. and pract. med., n° 4, 1873.

La lésion, il est vrai, dans ce dernier cas, n'était peut-être pas syphilitique.

'S)ji)tmann. .l ? t.c/eerMft<o/. et syphil., 1886.

10 CLINIQUE NERVEUSE.

II. Période des accidents incurables. Il ne s'agit plus

d'ischémie, les lésions ont progressé : l'oblitération artérielle

s'est complétée par la formation d'un thrombus, et a produit

un ramollissement de la substance cérébrale. Ou bien les

parois infiltrées de l'artère ont cédé à la pression sanguine,

se sont déchirées avec ou sans dilatation anévrismale anté-

rieure.

Il ne peut être question de décrire ici tous les ramollisse-

ments d'origine syphilitique. Leurs symptômes dépendent

surtout de leur localisation, et celle-ci peut être très variée.

La thrombose, en effet, non seulement peut atteindre tous

les gros troncs de la base, mais elle peut aussi se localiser

sur les artérioles intra-cérébrales et donner des ramollis-

sements très limités dans tous les points de la substance

cérébrale. Le diagnostic de la cause se basera surtout sur

l'étude des antécédents, la connaissance des accidents anté-

rieurs, la recherche des manifestations actuelles, l'absence

d'autres causes, d'oblitération vasculaire. Le diagnostic de la

syphilis une fois posé, l'absence de tout phénomène irritatif

fera rejeter l'hypothèse de gomme ou méningite. Il n'y a

donc pas lieu de décrire avec Charrier et Klippel. la forme

paralytique incurable par thrombose. Il suffit de dire que le

ramollissement cérébral avec toutes ses localisations peut

reconnaître pour cause la syphilis des artères.

Nous dirons la môme chose de l'hémorragie cérébrale :

très rare d'ailleurs, elle n'offre pas de symptômes spéciaux

lorsqu'elle reconnaît pour cause la syphilis. Une seule forme

symptomatique mérite une description spéciale, c'est la

forme apoplectique et mortelle.

Elle reconnaît un double mécanisme, soit l'oblitération

brusque, soit la rupture d'un gros tronc de la base. Dans le

premier cas il y a anémie brusque d'une grande partie de

l'encéphale, dans le second il y a irruption du sang dans les

espaces sous-arachnoïdiens et dans la cavité arachnoïdienne.

Les observations de thrombose sont assez fréquentes. Letulle 2

a rapporté récemment un cas de syphilis artérielle par

thrombose de la carotide interne à sa bifurcation. Dans le

même article il rapporte aussi un cas mortel par rupture de

la sylvienne gauche à son émergence. Ces cas de rupture ne

' Charrier et Klippel. - Revue de méd., 18(H, p. 771.

Letulle. Presse médicale, 1896, p. 605.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. '11

sont pas exceptionnels (Spillmann, Lanceraux, Brault,

Muller, Blachez, Dieulafoy, etc.). La rupture 'ne porte pas

toujours sur un anévrisme. « Les lésions permettant une

pareille rupture de la paroi artérielle, qu'il s'agisse de la

carotide, de la sylvienne ou d'une cérébrale, sont toujours

identiques. La totalité des membranes est le siège d'une

inflammation nodulaire, diffuse, térébrante, si l'on peut dire

ainsi, en ce sens que sur une hauteur déterminée toutes les

couches du vaisseau se sont transformées en un maigre tissu

de granulations ; fibres élastiques et cellules musculaires des

membranes extérieures, couche lamellaire de la membrane

interne, tout est dissocié, désagrégé par les éléments lym-

phatiques et les cellules proliférées. » (Letulle 1.)

La symptomatologie de cette forme apoplectique et mor-

telle est très restreinte : coma brusque aboutissant à la mort

en quelques jours, souvent en quelques heures. Il est le plus

souvent impossible de dire si l'on a affaire à une thrombose

ou à une hémorragie : la première paraît un peu moins

soudaine, s'accompagne le plus souvent d'hémiplégie ; la

seconde est toujours très [brusque, s'accompagne rarement

d'hémiplégie, assez souvent de phénomènes convulsifs, quel-

quefois de symptômes bulbaires (compression).

La ponction lombaire pourra peut-être servir au diagnostic.

Déjà Quincke, en 1894, admettait que ce sera là un puis-

sant élément de diagnostic pour les cas dans lesquels sponta ?

nément ou après un traumatisme, se manifesteraient brus-

quement les symptômes connus del'excès de pression intra-

cranienne ». Dans un cas d'hémorragie ventriculaire, la

ponction lui donna 26 centimètres cubes d'un liquide san-

glant contenant de nombreux globules rouges.

Dans un cas analogue, Furbringer fit la ponction après la

mort et retira du sang presque pur. Dans un cas d'hémor-

ragie bulbaire et cérébelleuse, la ponction faite pendant la

vie lui donna également du sang presque pur. Freyau, dans

deux cas d'hématomes sub-dure-mériens, trouva le liquide

céphalo-rachidien coloré en rouge.

Il est donc probable qu'on obtiendrait aussi des résultais

positifs dans la rupture d'une artère syphilitique. Cette inter-

vention est d'ailleurs justifiée puisque l'inondation sanguine

produit un excès de pression considérable.

' Loc. cil., p. 607.

12 '2 CLINIQUE NERVEUSE.

Charier et Klippel' décrivent de plus une forme intellec-

tuelle c présentant beaucoup de symptômes de la paralysie

générale, mais dont la [nature syphilitique se révèle non

seulement comme dans les trois autres formes par les pro-

dromes mais aussi parce que, outre les signes de paralysie

générale, il y a certains symptômes d'endartérite localisée,

tels que la monoplégie, le ptosis, l'aphasie transitoire, etc. 11

Il est probable que ces symptômes de paralysie générale

ne relèvent pas directement des lésions artérielles, mais

plutôt des lésions interstitielles bien décrites par Raymond2.

Les troubles intellectuels que nous avons décrits plus haut,

dès la première période, évoluent souvent vers la démence

d'une façon progressive sans présenter le masque de la para-

lysie générale. Souvent aussi cette évolution est arrêtée avant

la démence terminale par des accidents plus graves qui

emportent le malade. Lés cas bien connus où la syphilis

cérébrale prend le masque de la paralysie générale ne nous

ont pas paru se rattacher à la syphilis des artères plutôt

qu'aux autres formes; le plus souvent il s'agit au point de vue

anatomique des formes mixtes.

Tels sont les symptômes qui peuvent quelquefois servir à

distinguer la forme artérielle des autres variétés de [syphilis

cérébrale. Nous avons cru bon de les réunir dans un tableau

synoptique qu'on comparera utilement à un tableau analogue

que nous donnerons plus loin pour la syphilis méningée.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 13

14 ? CLINIQUE NERVEUSE. ' ·

absolument indolent. On trouve de plus actuellement une fissure

médiane sur la langue, et sur les bords une petite ulcération de

nature suspecte. ,

Son amant interrogé confirme le diagnostic de syphilis. Elle n'a

jamais subi aucun traitement.' .

Pas d'alcoolisme. Aucune cause d'intoxication. Pas de surme-

nage.

Histoire de l'affection actuelle. Il y a un an, subitement, sans

prodromes et sans aucun autre symptôme, elle s'aperçut qu'elle

voyait double; une personne qui se trouvait avec elle lui fit remar-

quer la déviation de son oeil gauche. La diplopie dura quinze 'e

.jours, puis disparut, mais la déviation est restée la même jusqu'à ce

jour. Un oculiste consulté lui conseilla des lunetles. Ces troubles

oculaires restèrent d'abord isolés.

Il y a trois mois, la malade commença à avoir des troubles de la

marche. Sans avoir perdu ses forces, sans sensation subjective de

vertige, elle ne pouvait marcher droit, oscillait et titubait; parfois'

ses membres étaient agités de secousses convulsives.

Il y a deux jours, pendant la nuit, elle eut des douleurs abdomi-

nales très vives et en même temps une impossibilité absolue

d'uriner. Au malin, les douleurs cessèrent, et la miction se rétablit

spontanément. Mais le soir les douleurs et la rétention réappa-

rurent : un médecin appelé la sonda.

Hier dans la journée, pendant qu'elle travaillait, elle s'aperçut

tout d'un coup que sa main droite retombàit inerte etqu'il lui était

impossible de s'en servir. Pas -d'ictus, aucun autre symptôme.

'Il n'y a jamais eu de céphalalgie, aucun trouble subjectif de la sen-

sibilité, rien qui ressemble à de l'épilepsie jacksonienne, jamais

d'ictus.

Ce matin seulement la malade s'esl aperçue qu'elle parlait plus

difficilement et éprouvait une certaine gêne en mangeant; les ali-

ments s'accumulaient dans le sillon labio-gingival du côté gauche.

Etat <'<e< ! <e ? A. Motilité.- Lebras et l'avant-bras droit exécutent

tous les mouvements et- avec une force normale. La paralysie est

localisée aux muscles moteurs de la main et des doigts Elle porte

surtout sur les fléchisseurs et les interrosseux ; la malade est inca-

pable d'esquisser un mouvement de flexion. Elle relève encore le

poignet et les premières phalanges, mais sans force.

On trouve une paralysie très nette du facial inférieur gauche : .'

sillon naso-labial effacé, commissure tirée du côté droit, surtout

lorsque la malade rit, nez légèrement dévié. Cependant cette para-

lysie est incomplète : les mouvements des lèvres s'exécutent assez

facilement, la malade peut siffler, gonfler. ses joues, etc. La pro-

nonciation est très défectueuse, la parole est lente et bredouillée.

Mais la malade n'a aucune difficulté à trouver ses mots, elle les

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 15

prononce difficilement, mais ne les estropie pas, ne met pas une

syllabe pour une autre. 11 n'y a ni aphasie ni paraphasie, mais

seulement dysarthrie.

Le voile du palais est normal, la luette n'est pas déviée. La

langue exécute facilement tous les mouvemeuts. Le timbre de la

voix n'est pas modifié. Il n'y a aucun trouble de la déglutition.

Réflexe pharyngé normal. Le facial supérieur paraît intact; l'orbi-

culaire des paupières se contracte normalement.

L'oeil gauche est fortement dévié en dedans, son excursion est

extrêmement limitée du côté externe. Tous les autres mouvements

s'exécutent normalement. La motilité de l'oeil droit est intacte. Il

- y a donc une paralysie périphérique de la sixième paire gauche.

Aucun trouble du côté de la face du côté droit ni du membre supé-

rieur du côté gauche.

La démarche est nettement cérébello-spasmodique. Eîle est im-

possible si la malade ne prend un point d'appui; sans cela elle

titube et tomberait. Les pas sont de longueur inégale; la direction

rectiligne ne peut être conservée ; les mouvements sont irréguliers

et spasmodiques, les pieds portés dans des directions différentes,

sans être projetés en avant et sans qu'en retombant le talon frappe

le premier le sol. Les changements de direction se font assez faci-

lement. La station verticale est impossible sans appui, les deux

pieds joints : l'oectusioti des yeux n'exagère pas ce défaut d'équi-

libre.

La malade résiste bien à tous les mouvements. La force semble

normale aux membres inférieurs ; cependant elle sent sa jambe

droite un peu moins forte; il n'y a pas d'incoordination.

Les réflexes rotuliens sont très exagérés des deux côtés, un peu

plus à gauche, où on provoque en outre quelques secousses de tré-

panation épileptique. Réflexes plantaires également exagérés.

Les deux membres inférieurs sont raides. les articulations, se

mobilisent difficilement, il y a de la raideur ¡musculaire. Pendant

l'examen et quelquefois au repos, les deux membres inférieurs sont

agités par quelques secousses convulsives involontaires. Rien de

semblable aux membres supérieurs ni à la face. Pas de tremble-

ment.

La rétention d'urine, qui s'est montrée il y a deux jours, est

remplacée par de l'incontinence : la malade souille continuellement

son lit; la vessie n'est pas distendue.

Pas de troubles du côté du sphincter anal.

B. Sensibilité. Aucun trouble aux membres supérieurs ni il la

face. La main droite est un peu plus froide que la gauche ; les

doigts sont un peu violacés. Aux membres inférieurs, le contact

même léger est pourtant senti et bien localisé. Il y a un peu

d'hyperesthésie à la douleur : les piqûres sont plus vivement sen-

16 CLINIQUE NERVEUSE.

ties qu'à l'état normal. La sensibilité thermique est atteinte : un

objet froid provoque une sensation de brûlure.

L'acuité visuelle est à peu près normale, un peu de myopie ; au-

cun trouble du côté de l'iris ou de l'accommodation.

L'examen ophtalmoscopique montre une pupille absolument nor-

male. Aucun trouble de l'odorat ni de l'ouïe.

C. Intelligence normale, sauf une légère diminution de la mé-

moire.

D. Etat des divers organes. Rien au poumon. Coeur normal. Pas

d'oedèmes. Rien du côté des voies digestives. On n'a pu recueillir

de l'urine.

Traitement. On prescrit 3 grammes de Il à l'intérieur et des

frictions journalières avec 6 grammes d'onguent mercuriel.

10 novembre. -Jusqu'ici il avait été impossible] de recueillir des

urines, la malade souillant son lit. Depuis hier elle a de la réten-

tion. On a été obligé de la sonder : les urines sont très rouges, con-

tenant une notable quantité d'albumine. Le dépôt examiné au

microscope contient un très grand nombre de globules rouges. La

parésie de la main droite a un'peu diminué; les autres symptômes

restent stationnaires. On cesse les frictions mercurielles.

Le 18, à 9 h. 1/2, la malade est prise subitement d'une sorte de

crise. Appelé auprès d'elle, nous la trouvons les quatre membres

en contraction tonique et agités d'une sorte de trépidation convul-

sive ; pas de perte de connaissance; souffrances très vives dans les

membres et sensation d'angoisse, de mort prochaine; légère cya-

nose de la face et des lèvres.

Nous la retrouvons à 10 h 1/2 ; les qualre membres sont en réso-

lution ; la respiration est stertoreuse; la paralysie faciale gauche

s'est accentuée, la malade fume la pipe. Le pouls est extrêmement

rapide = 200. La perte de connaissance est complète. Mort à

2 h. 1/2.

Autopsie le 20 novembre.-A l'ouverture du crâne, les os sont ab-

solument normaux, ne présentent ni gommes, ni hyperostoses, ni

adhérences anormales à la dure-mère. Celle-ci est également abso-

lument normale. La surface extérieure du cerveau ne présente au-

cune lésion; la pie-mère est normale; les vaisseaux de la convexité

ne paraissent pas altérés.

L'encéphale étantretiré, on examine d'abord l'état des vaisseaux :

l'artère basilaire présente un aspect irrégulier, un peu moniliforme ;

ouverte, elle ne contient pas de thrombus. Sur trois des collalé-'

raies qu'elle donne du côté gauche on trouve de petits anévrismes

le plus antérieur sur la cérébelleuse supérieure; le plus en arrière

et le plus gros sur la cérébelleuse antéro-inférieure; le moyen sur

une des petites artères protubérantielles. Plusieurs de ces petites

artères protubérantiellesprésenfent en outre des dilatations monili-

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 17

formes. Autour de ces dilatations anévrismales il n'existe aucune

trace d'inflammation; les méninges sont souples et non adhé-

rentes. Le plus gros de ces anévrismes atteint le volume d'un petit

pois. Le nerf moteur oculaire externe gauche lui est accolé, et

lorsqu'on l'a séparé on le trouve aminci et grisâtre surtout par,

comparaison avec celui du côté opposé. Le facial du -même côté : sf1 : i

intact. Les autres artères de la base présentent de l'artérite mans-

feste : elles sonf irrégulières, et de place en place on trouve s^lië léar5

paroi des petits points jaunâtres. En suivant les sylviennes,'pfiples

trouve également très altérées. \/^p

En suivant la sylvienne gauche, au niveau du point où elle^'

donner le tronc commun des artères frontale inférieure et frontale

ascendante, on trouve un thrombus. Le caillot blanc, fibrineux,

très adhérent aux parois, présente à peu près un centimètre de

long. 11 ne parait pas obstruer complètement le calibre de l'artère,

car les parois sont facilement sectionnées sur lui, et rabattues

de chaque côté; iln'envoie pas de prolongements dans le tronc com-

mun des frontales. L'artère est perméable en deçà et au delà. Nulle

part ailleurs on ne trouve d'oblitération artérielle ni aucune

thrombose veineuse.

L'isthme de l'encéphale est détaché du cerveau et du cervelet.

Le plancher du quatrième ventricule n'offre aucune lésion ma-

croscopique. On fait d'abord une section médiane; puis de chaque

côté on débite la protubérance et le bulbe en un grand nombre de

tranches minces. On trouve partout un aspect normal.

Le cervelet ne présente également à la coupe aucune lésion

appréciable.

Les hémisphères cérébraux étant séparés l'un de l'autre, on pra-

tique d'abord de chaque côté la coupe de Brissaud, puis les coupes

de Flechsig. Puis les tranches étant réunies on pratique les coupes

de Pitres. Nulle part on ne trouve de lésions. Tout ce qu'on peut

noter, c'est un brillant spécial ,de la surface des coupes, et un

état un peu poisseux de la substance cérébrale. Mais l'autopsie a été

faite quarante-huit heures après la mort.

La moelle est également retirée. 11 n'y a aucune lésion du canal

vertébral. La dure-mère est aussi absolument saine. Mais la face

antérieure de la moelle étant mise à découvert, on note une teinte

opaque qui semble témoigner d'un peu d'infiltration de la pie-mère

spinale tout le long du sillon médian antérieur. Réservée pour un

examen microscopique, elle a été perdue.

Tous les autres organes sont sains macroscopiquement, à l'excep-

tion des reins. Ceux-ci présentent l'aspect des gros reins blancs :

volume doublé, aspect blanchâtre de la substance corticale par-

semée de stries rouges.

Dans cette observation, non seulement le diagnostic pen-

Archives, 2e série, t. V ? 2

18 CLINIQUE NERVEUSE.

dant la vie, mais l'interprétation après la mort, présentaient

de grandes difficultés. Nous éliminerons d'abord les symp-

tômes du côté des. membres inférieurs (phénomènes spasmo-

diques, raideurs, exagération des réflexes, troubles de la

sensibilité) et des sphincters, manifestement en rapport avec

une myélite spécifique.

Cette méningo-myélite spinale présentait comme caractère

intéressant des troubles dissociés de la sensibilité. La sensibi-

lité tactile était intacte, il y avait de l'hyperesthésie à la

douleur, el surtout des troubles de la sensibilité à la tempé-

rature. Cette dissociation a été signalée dans la syphilis de la

moelle par Brissaud ', Oppenheim 2, Schlesinger 3, Raymond 4,

Max Lueur 5. Brissaud y est revenu récemment et la considère

comme très fréquente dans la syphilis spinale (Progrès mé-

dical, 1897, p. 34).

La démarche cérébello-spasmodique, qui était typique,

offrait peut-être dans notre cas une pathogénie spéciale qui

n'a peut-être pas encore été observée. Habituellement, elle

est due uniquement à une lésion cérébelleuse, irritative

(sclérose, tumeur, abcès). Dans notre cas, elle semblait due

en partie à l'anémie du cervelet (qui, seule, donne habituel-

lement la démarche cérébelleuse pure), en partie à la myélite

qui ajoutait le caractère spasmodique.

Il nous reste à interpréter trois symptômes : la monoplégie

droite, la paralysie de l'abducens et du facial gauches. Clini-

quement, trois interprétations étaient à discuter : on pouvait t

admettre une, deux ou trois lésions.

L'existence d'une paralysie du droit externe, sans aucun

trouble du côté du droit interne opposé, sans déviation conju-

guée des yeux (fibres anastomotiques de Duval et Laborde 6) 5

1 Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, 1893, 189t, IX, XI,

XII, Paris, Masson, 1895.

- Oppenheim. 13e·licz. t'; ? . 1Voch., 1889, Il"' 18 et 49. : Schlesinger. Club médical de Vienne, 26 mars ]895.

4 Raymond. Leçons, 1896.

5 Max Luehr. Ai'ch. f. Psych., Bd. XXVIII, Heft 3.

8 Von Gehuchlen (Rev. nell1 ? 1897, p. 322) a contesté dernièrement

l'importance de ces fibres anatomiques. Il admet bien qu'elles servent

à associer les mouvements du droit interne avec ceux du droit externe

opposé, mais seulement dans les mouvements réflexes. Dans les mou-

vements volontaires, l'incitation qui portera le regard latéralement à

droite ou à gauche part de l'hémisphère opposé (il admet toujours la

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 19

nous forçait à admettre une lésion siégeant sur le tronc de la

sixième paire gauche. Pouvait-on aussi lui faire expliquer la

paralysie faciale gauche et la monoplégie brachiale droite ?

Sans doute une lésion siégeant à ce niveau peut bien s'étendre

en largeur jusqu'au facial du même côté, et en profondeur

atteindre le faisceau pyramidal pour déterminer des troubles

moteurs du. côté opposé, réalisant ainsi une forme d'hémi-

plégie alterne.

Les cas analogues ne sont pas exceptionnels. UhtholT', sur

150 cas de syphilis cérébrale a relevé 26 fois la paralysie de

la sixième paire; 11 fois elle était accompagnée d'une para-

lysie croisée des membres. n .

Raymond= a observé un cas ayant beaucoup d'analogie

avec le nôtre. Il s'agissait d'une femme, âgée de trente-neuf

ans, syphilitique, présentant, à la suite d'un rictus apoplec-

tiforme, une paralysie de la sixième paire gauche avec hémi-

plégie droite intéressant la face et dysarthrie. Le traitement

antisyphilitique fit disparaître la paralysie oculaire, l'hémi-

plégie diminua mais sans disparaître entièrement. Raymond

rapproche ce cas des autres variétés d'hémiplégie alterne :

syndrome de hlillard-Guhler, de Weber. Mais il fait très

justement remarquer la difficulté qu'il y a à admettre une

lésion limitée atteignant à la fois l'abducens et le faisceau

pyramidal. En effet, une telle lésion devrait respecter la face

du côté de l'hémiplégie puisqu'elle atteint le faisceau pyra-

midal après qu'il s'est débarrassé des fibres destinées au facial

de l'autre côté.

D'autre part, dit-il, la paralysie faciale n'atteignant que le

facial inférieur ne pouvait être une paralysie périphérique.

localisation au pli courbe) ; arrivée au niveau de la base, elle subit une

semi-décussation : une partie va au noyau du droit interne du même

côté; l'autre franchit la ligne médiane pour aller au noyau du droit

externe opposé.

Il fait remarquer à juste litre que si l'on admettait pour ce mouvement

l'intervention des filets anastomotiques de Duval et Laborde, l'excitation

passerait d'abord tout entière du côté opposé, pour revenir en partie du

même côté, c'est-à-dire subirait un double entrecroisement analogue à

celui qu'on lui a tant reproché d'avoir admis un instant pour les voies

optiques. '

' Uhthoff. Urger die Loehmung bei der Syphilis des Cen/mlne"

vensyslems vorkommenden, Augensloe¡'ungen. Leipzig, 1893.

2 11¡¡l1Jo : Jd, - Mal. du syst. nerveux, 1896, p. 363.

20 CLINIQUE NERVEUSE.

Le faisceau pyramidal étant atteint-avant d'avoir abandonné

les fibres du facial, il faut invoquer, ou bien une double

lésion (l'une pour le faisceau pyramidal au-dessus de la pro-

tubérance, l'autre pour l'abducens), ou bien une large lésion

touchant en bas l'abducens, remontant en haut jusqu'au

niveau du pédoncule, pour léser le faisceau pyramidal.

Raymond penche pour cette dernière interprétation en invo-

quant quelques troubles dans le domaine de la troisième

paire (mydriase, troubles de l'accommodation) qui serait

atteinte également par le processus.

Dans notre cas la difficulté était analogue'pour la paralysie

de la septième paire : si la paralysie faciale gauche avait été

totale on aurait pu invoquer une compression englobant à la

fois la sixième et la septième paire, en même temps que le

faisceau pyramidal. On connaît des observations semblables;

dans un cas de Raymond* il y avait paralysie simultanée

des sixième, septième et douzième paires avec hémiatrophie

de la langue.

Dans une observation de Gajlciewicz il y avait hémiplégie

gauche incomplète, paralysie des sixième et septième paires

droites. L'auteur invoque un foyer pathologique, probable-

ment de nature gommeuse, comprenant la pyramide droite

et les sixième et septième paires du même côté.

Le type cérébral de la paralysie faciale gauche dans notre

cas ne nous permettait guère d'admettre une explication

analogue. En effet, l'autopsie nous montra que la sixième

paire seule était comprimée ; le facial était assez loin de l'artère

dilatée, et macroscopiquement paraissait sain. Nous sommes

donc déjà amenés à admettre une deuxième lésion siégeant

dans l'hémisphère droit, probablement de l'ischémie simple,

l'autopsie ne nous ayant montré aucune lésion macroscopique.

La monoplégie brachiale droite pouvait-elle être attribuée

à la même lésion que la paralysie de l'abducens ? Nous

n'avions pas la même raison que Raymond de repousser

la compression de la pyramide, puisque dans notre cas la

paralysie, n'atteignant que le bras, respectait la face du même

côté. Mais cliniquement déjà on pouvait faire à cette opinion

de graves objections. Nous avons vu que ces monoplégies

1 Loc. cil., p. 369.

' Gajkiewicz. Gaz. lel.arslsa, II et III, 1895, analysé in Rev. ? : eu ?

1896, p. 460.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 21 1

limitées, survenant brusquement, atteignant un petit nombre

de muscles, mais les paralysant complètement, étaient carac-

téristiques de l'ischémie de la corticalité. Pour l'expliquer

par une lésion du faisceau pyramidal au niveau du bord

inférieur de la protubérance, il fallait admettre une action

extrêmement limitée. Cliniqucment les deux interpréta-

tions étaient possibles, la première offrait cependant plus

de probabilités. L'autopsie nous montra en effet un petit

anévrisme comprimant manifestement la sixième paire, res-

pectant la septième, n'ayant contracté aucune adhérence avec

la substance cérébrale, ne paraissant pas exercer de compres-

sion de ce côté. D'autre part, l'existence d'une thrombose de la

sylvienne gauche nous expliquait bien la monoplégie bra-

chiale droite. Nous sommes donc amenés pour l'interpréta-

tion des symptômes à admettre trois lésions : deux lésions hé-

misphériques pour la monoplégie brachiale et la paralysie fa-

ciale, une lésion basale pour la paralysie de l'abducens gauche.

Quant à l'ictus terminal, il faut vraisemblablement faire

intervenir la néphrite et l'auto-intoxication, favorisée par

l'ischémie cérébrale. (A suivre.)

CLINIQUE MENTALE.

LES TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE

(ÉTUDE CLINIQUE ET STATISTIQUE)

Par il. Il. COLOLIAN,

Interne de l'Asile clinique (Sainte-Anue).

CHAPITRE PREMIER R

Historique.

1.- L'éLude de la paralysie générale a fait de grands pro-

grès. Mais depuis Bayle' qui, le premier, constitua la para-

' Bayle. Sur l'arachzzilis chronique, etc. (Thèse de Paris, 1822), et

Traité des maladies du cerveau et des membranes, 1825.

22 CLINIQUE MENTALE.

lysie générale comme entité morbide, et Calmeil ', qui en a

donné la première description classique, on n'est pas encore

d'accord sur la fréquence des troubles trophiques de là para-

lysie générale.

Pour les uns,-les troubles trophiques sont rares, acciden-

tels. Pour les autres, ils sont fréquents, constants. Il faut

avouer pourtant que si l'histoire de la paralysie générale est

vieille, il n'y a qu'une dizaine d'années que les névropatholo-

gistes s'occupent des névrites au point de vue clinique et

anatomo-pathologique, et c'est depuis que les troubles tro-

phiques ont pris de l'importance et ont été étudiés dans les

maladies de l'axe cérébro-spinal, quoiqu'il ait été reconnu

depuis longtemps déjà que le processus inflammatoire de la

paralysie générale ne se localise pas uniquement au cerveau,

mais se propage à l'axe cérébro-spinal et même aux nerfs

périphériques.

Déjà en 1S i l, notre éminent maître M. Magnan 2 attirait

l'attention sur ce point, et faisait remarquer les relations

étroites qui existent entre les lésions nerveuses, médullaires

et cérébrales dans la paralysie générale.

M. Auguste Voisin', dans son traité, décrit les moindres

signes et signale les troubles trophiques de la paralysie

générale, sans dire pourtant si les symptômes trophiques

observés sont fréquents. Il' observe, dans la période de

cachexie, l'alopécie « si le cuir chevelu n'est pas soigné »,

la teinte brunâtre des ongles, l'atrophie musculaire des

interosseux palmaires et des muscles des membres.

Dans le remarquable article du dictionnaire Dechambre sur

la paralysie générale, MM. Christian et Ilitti ne pensent

point que les troubles trophiques soient fréquents. Ils croient,

au conlraire, que ces symptômes observés chez les paraly-

tiques généraux ne dépendent nullement de la lésion céré-

brale, « mais de complications accidentellement survenues

dans la moelle épinière ». Pour ces auteurs, les affections de

la peau qu'on observe sont « en raison même des soins

de propreté auxquels les paralytiques sont soumis ».

1 Calmeil. De la paralysie considérée chez les aliénés, 1826.

. Magnan. - Gazette des Hôpitaux, mars 1871, et Recherches sur les

centres nerveux. Paris, 1876, p. 70.

3 A. Voisin. Traité de la paralysie générale des aliénés, 1879,

p. 152.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 23

Pour M. Régis', les troubles trophiques et de dégénérescence

des paralytiques ne se manifestent qu'à la dernière période

de la maladie. Il oublie également de noter s'ils sont oui

ou non fréquents. [II. Schüle 2 constate l'existence d'éruptions

de zona, de pigmentations, des pemphigus, la canitie. Mais,

selon lui, tous ces troubles trophiques sont rares.

Nous trouvons mentionnées dans le petit traité de M. Cul-

lerre3, les desquamations furfuracées, les éruptions pemphi-

goïdes. Il ne nous dit pas toutefois à quoi sont dues ces

lésions. Bail ? sans insister, divise les troubles trophiques des

paralytiques en troubles généraux et troubles locaux. Il

observe les premiers chez les malades qui pendant un temps

mangent beaucoup, engraissent, puis tout à coup et rapide-

ment maigrissent; c'est « la fonte » des paralytiques géné-

raux. Les troubles locaux, selon lui, sont extrêmement

nombreux, mais il n'en cite que deux : le zona et la gan-

grène. -

Suivant MM. Ballet et Blocq s, les troubles trophiques sont

fort rares dans la paralysie générale : en l'absence de compli-

cations, et, en particulier, d'association tabétique, on n'en

observe qu'exceptionnellement.

Il n'y a que dans la monographie de MM. Magnan et

Sérieux 6 que nous trouvons l'énumération complète de tous

les troubles trophiques qu'on peut rencontrer : le zona, le

vitiligo, l'aspect ichthyosique de la peau, l'atrophie muscu-

laire, la diminution de l'excitation électrique des muscles, la

chute des cheveux, leur décoloration; dès pigmentations, des

bulles, des maux perforants, des lipomes symétriques, des

arthropathies, des hémorragies spontanées diverses : héma-

turie, purpura, hématémèse.

Tout dernièrement M. Arnaud', en parlant de la période

1 Régis. Manuel pratique de médecine mentale, 1885, p. 318.

Il. Schule. Traité clinique des maladies mentales, 1888,p. 342.

3 A. Cullerre. Traité pratique des maladies mentales, 1890, p. 363. y

` B. Bail. Leçons sur les maladies mentales, 2° édit., 1890, p. 861.

5 Traité de médecine de Charcot-Bouchard, t. VI, p. 1042.

8 Magnan et Sérieux. De la paralysie générale, p. 47.

7 Arnaud. Sur la période terminale de la paralysie générale et sur

la mort des pamlytiglles généraux (Archives de neurologie, juin 1897,

p. 441).

24 CLINIQUE MENTALE.

terminale de la paralysie générale, dit que ces troubles « ne

sont, à beaucoup près, ni aussi fréquents ni aussi graves

qu'on l'a dit généralement ».

Nous nous sommes bornés à quelques noms classiques ; on

voit qu'ils ne tombent d'accord ni sur l'existence ni sur la

fréquence des troubles trophiques dans la paralysie générale.

II. Il est étrange que ces troubles trophiques n'aient pas

davantage attiré l'attention dans une maladie du système

nerveux qui s'étend aux méninges, cerveau, cervelet, bulbe,

moelle, nerfs périphériques. Depuis longtemps cependant les

physiologistes ont démontré qu'une lésion quelconque du

système nerveux produisait fréquemment une action directe

ou indirecte, déterminait des altérations secondaires plus ou

moins profondes sur les organes innervés par le point lésé.

Charcot, disait qu'une irritation morbide produite sur les

nerfs agirait sur les éléments anatomiques, sur la nutrition

même en apportant des modifications et des troubles dans

les échanges intimes des éléments, et provoquerait le déve-

loppement consécutif d'un processus inflammatoire. Et l'on

trouve en effet dans la paralysie générale des lésions de tout

le système nerveux central.

Nous sommes forcés ici de sortir de notre cadre clinique

et statistique, pour faire un court aperçu sur l'anatomie

pathologique, afin de prouver que la méningo-encéphalite

diffuse est une maladie de tout le système nerveux.

Dans la paralysie générale, les cellules corticales sont pro-

fondément altérées. Pour certains auteurs (Ballet, Blocq) les

prolongements des cellules sont les premiers atteints; pour

Colella 2, au contraire, les prolongements nerveux résistent

longtemps. Outre les altérations de la cellule, il y a des alté-

rations profondes des fibres fines de la couche superficielle

de l'écorce, des fibres myéliniques ou amyéliniques(Tuczeck,

Zacher, Schultz, Binswanger).

La moelle épinière est également atteinte. M. Magnan, le

premier, signala l'analogie des lésions de la moelle épinière

et du cerveau, en 1865 3 d'abord, puis dans sa thèse inaugu-

1 Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, 1876.

2 Bulletin de l'Acad. des Sciences. 1893. Sur les fines altérations de

I'écorce.

3 Magnan Rapports de la paralysie générale el de la folie, mémoire

couronné par l'Acad. de médecine; prix Civrieux, 1865.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 25

raie (1866) il insista sur la propagation du processus inflam-

matoire du cerveau à la moelle. Il démontra sous le micros-

cope que la lésion permanente était une prolifération nu-

cléaire du tissu interstitiel dans la totalité du cerveau, qu'une

* gangue de tissu-conjonctif épaisse, couverte de noyaux,

entoure les tubes nerveux. Ceux-ci sont pour la plupart

granuleux ; les uns, atrophiés, sont presque réduits à leur

cylindraxe ».

Cette prolifération nucléaire des couches corticales dans

les lésions avancées se propage, quand elle est plus accusée,

à toute la profondeur de l'encéphale. Les travaux de Lubimoff

et de llierzewslcy ont confirmé les faits signalés par M. Magnan.

Actuellement, l'altération de la moelle épinière n'offre plus

aucun doute. On découvre parfois des foyers de myélite,

mais le plus souvent ce sont des lésions fasciculaires plus ou

moins systématiques qu'on trouve. On les constate 75 fois sur

100 suivant G. Ballet et Blocq Bonnet et Poincaré' ont

aussi trouvé des lésions très avancées dans le grand sympa-

thique, surtout dans les ganglions. Plus tard (1888), Krafft-

Ebing, après avoir fait observer l'importance des troubles de

l'innervation vaso-motrice de la paralysie générale, au point

de vue de la marche clinique de la maladie, insiste sur 'les

paralysies vasculaires constatées aux différents stades de la

paralysie générale. Elles sont analogues aux paralysies expé-

rimentales de Claude Bernard, dues aux sections du sympa-

thique cervical.

On s'éloigne donc déjà de la conception de Bayle, qui

expliquait tout par les lésions de la surface du cerveau. Il

était logique qu'on examinât et qu'on recherchât les lésions

des nerfs après celles du cerveau, des méninges, du bulbe, du

cervelet (Luys), de la moelle et du sympathique.

C'est encore M. Magnan* qui en 1878, dans ses Leçons

cliniques, signala les lésions nerveuses de la paralysie géné-

' Magnan. De la lésion anatomique de la paralysie générale. Thèse

de Tans, 1866, p. 15.

a Traité de médecine de Charcot-Bouchard, t. VI, p. 1025.

3 Bonnet et Poincaré. Recherches sur l'anatomie, pallzolo ! lique et la

nature de la paralysie générale (Annales 71étlico -psycho 1., 1S65).

" Magnan. Des relations entre les lésions du cerveau el certaines

lésions de la moelle el des nerfs de la paralysie générale (Gaz. des

Hôpitaux, mars 1871).

26 CLINIQUE MENTALE.

raie et attira l'attention sur les rapports des centres nerveux

et des nerfs. Ayant étudié les névrites des diverses paires crâ-

niennes, il expliqua leur rôle important dans la paralysie

générale. Plus tard, se basant sur l'examen histologique, il

démontra qu'il s'agissait de sclérose, et, dès cette époque,

M. Magnan' conclut qu'une sclérose du nerf optique peut

devancer de plusieurs années l'éclosion de la paralysie géné-

rale.

Krafft-Ebing 2 considère l'amblyopie, l'amaurose comme

des conséquences de la dégénérescence de la rétine ; l'anosmie

résulte de la dégénérescence du lobe olfactif. Mais les nerfs

rachidiens ne sont pas indemnes, le processus inflammatoire

peut s'étendre aussi bien à tous les nerfs rachidiens ; c'est

généralement une névrite parenchymateuse, et parfois une

névrite atrophique. Ces lésions de névrite périphérique ont

été signalées par différents auteurs : Bewau-Levis, Dejerine,

Westphal, Bianchi, Pick, Klippel, Colella.

III. Nous touchons à un point qui intéresse particuliè-

rement notre sujet. Ces névrites sont-elles fréquentes, autre-

ment dit, les troubles trophiques sont-ils fréquents dans la

paralysie générale ? On sait que les troubles trophiques

sont aujourd'hui considérés comme des névrites, et qu'on a

trouvé des névrites cutanées dans presque tous les cas de

troubles trophiques (Babinski)3.

D'après nos observations personnelles de malades et la

statistique que nous rapportons plus loin, les troubles tro-

phiques paraissent assez fréquents dans laparalysie générale.

Cette conclusion nous incite à nous demander d'où vient le

désaccord des auteurs. C'est qu'en général on n'examine pas

à fond les paralytiques : leur diagnostic n'exige pas un exa-

men minutieux du corps, des mains, des pieds, etc. Il se base

sur les troubles physiques et psychiques qui suffisent am-

plement.

' Magnan. De. ceroe i< Ke) ? o«y«e < f/e ne)' mo/eM te

' Magnan. - De.la sclérose du nerf 'Optique et des nerfs moteurs de

l'oeil clans la paralysie générale (Archives de physiol. norm. et pallcol.,

novembre 1877).

' Krafft-Ebing. Lel ! 1'buch der psychiatrie. Dritte umgens beitete

Aulla.-e. Stuttgard, 1888.

' Babinsky. - Traité de médecine Charcot-Bouchard, t. VI, article

Néphrite périphérique, p. 680, et Congrès des médecins aliénistes el neu-

rologisles (à Clermont-Ferrand), 1894.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 27

Dans les hôpitaux, durant des mois, on examine les tabé-

tiques, qui se mettent au lit au moment de la visite. Les

paralytiques, en général, passent inaperçus dans un service

de 800 malades, après le certificat immédiat et celui de quin-

zaine.

Les paralytiques, d'autre part, ne se plaignent pas habi-

tuellement de la décoloration de leurs ongles, de la desqua-

mation ichthyosique de la peau, et les troubles trophiques en

général douloureux, tels que le zona, le mal perforant, ne

provoquent pas souvent de douleur chez eux. (Nous revien-

drons plus loin sur l'indolence des troubles trophiques dans

la paralysie générale.)

Ces mauvaises conditions entravent les recherches statis-

tiques. Si les troubles trophiques de la paralysie générale

étaient aussi bruyants que ceux du tabes, depuis longtemps

le désaccord des cliniciens aurait cessé. Mais ils n'attirent pas

l'attention, ils n'incommodent pas, ils semblent insignifiants.

Il faut se livrer à des examens attentifs et fréquents pour les

découvrir.

CHAPITRE II

I. -Nous avons observé pendant plusieurs mois cinquante-

sept paralytiques, et nous rapportons l'observation et la sta-

tistique de leurs troubles trophiques. Nos malades n'ont pas

été choisis, nous les avons pris au hasard de la clinique.

Nous avons suivi d'abord toutes les paralytiques de Villejuif,

celles dont le diagnostic a été confirmé et maintenu. Le

nombre des paralytiques hommes y étant très élevé, nous

n'avons pu les examiner tous. Nous avons donc pris deux

quartiers, celui des paralytiques calmes ou en rémission et

le quartier des gâteux; et, après avoir dressé la liste alpha-

bétique de tous les paralytiques de la section, nous en avons

pris le premier quart, dix ou quinze, puis au hasard des

noms, deux ou trois sur le reste de la liste.

Après ce premier choix, nous avons écarté de notre liste

ceux qui errent sur les frontières de la paralysie générale, un

pied dans la démence paralytique et l'autre dans la démence

alcoolique. Nous avons observé de cette façon 24 femmes

et 33 hommes atteints de paralysie progressive :

28 8 CLINIQUE MENTALE.

Sur ces 57 paralytiques, neuf n'ont présenté aucun trouble

trophique. Nos observations sont résumées; mais comme

preuves incontestables de l'exactitude des diagnostics, nous

rapportons les certificats des maîtres, MM. Magnan, Garnier,

Vallon, etc. -

II. Il existe des troubles que les auteurs ne sont pas

tous d'accord à déclarer troubles trophiques, tels que l'anes-

thésie, l'oedème, les troubles dentaires, non signalés jusqu'au-

jourd'hui. Nous les avons notés chaque fois que nous les

avons trouvés' coïncidant avec d'autres troubles chez les

mêmes paralytiques.

Nous avons noté l'anesthésie, car nous pensons avec

M. Klippel 1 que l'anesthésie cutanée des paralytiques est due

à une altération des nerfs périphériques dans bon nombre de

cas, et qu'elle peut se localiser dans la sphère des nerfs de la

sensibilité générale ou dans celle de sens spéciaux. De

Crozant 2 a signalé une anesthésie générale appréciable dès le

début, mais elle est surtout notable à une période avancée,

où l'on trouve même parfois une analgésie complète. Quel-

quefois il y a lenteur dans la transmission des sensations

comme dans le tabès. L'hyperesthésie se montre fort

rarement. Griesin-er3 a observé dans quelques cas un état

passager d'hyperesthésie considérable à la surface de la

peau. '

L'oedème est dû souvent à cette même influence des nerfs,

à notre avis.

Vulpian" croyait à la suppression de l'action musculaire

dans la formation de l'oedème. C'est peut-être le cas des para-

lytiques qui ont des dégénérescences musculaires provoquées

par la névrite périphérique. Ranvier5 d'abord. I)tiisBoddaerL6

' Klippel. - La paralysie générale, lésions et symptômes spéciaux,

formes spéciales (Arch. de médec, expél-im.), janvier 1894.

7''o)')) ! M pcci'<M (J;'e/t. </e H ! e<7cc. epe ? ) ! .), janvier 189t.

- De Crozant. Revue médicale, 1846.

" Griesinger. Traité des mal. ment., trad. Douncie, 1865, p. 405.

4 Vulpian. Vaso.mote1l1', t. If, p. 608.

o Ilouviel'. Recherches expérim. sur la production de l'oedème. C. R.

Académie des 'sciences, 1869.

o l3oddaert. Noie sur la lm/holortie du goitre exophtalmique. Gand,

1872. '

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 29

ont prouvé que la ligature de la veine cave inférieure (expé-

rience de Lower) ne produit de l'oedème qu'au cas de section

du sciatique. '

L'oedème a été constaté dans les plaies ou contusions des

nerfs; Mongeot 1 en rapporte plusieurs cas. On a signalé de

simples névralgies produisant de l'oedème (Arnozon)2. Aussi

plusieurs auteurs pensent-ils que l'action nerveuse ou tro-

phique peut produire l'oedème, en dehors de tout trouble

circulatoire. « Nous classons dans les dermatoneuroses cer-

tains oedèmes qui nous semblent être d'origine trophique »,

dit M. Brocs3. C'est à ce titre que nous notons l'oedème des

paralytiques généraux.

D'autres troubles, troubles trophiques, il nous semble,

sont l'abrasion et l'expulsion des dents. Nous avons constaté

chez les paralytiques généraux la destruction, l'usure du

tissu dur de la dent. Cette abrasion ne paraît pas résulter t'

d'une défectueuse articulation des mâchoires, ou du frotte-

ment direct des dents les unes contre les autres. Nous n'avons

pu trouver l'étiologie de l'abrasion dans les traités d'affec-

tions dentaires. Nous croyons qu'elle est due, dans la para-

lysie générale, à l'action trophique des nerfs dentaires, pro-

duisant une destruction lente mais progressive.

Les dents, surtout les incisives centrales inférieures, sont

usées dans leur hauteur, rarement en épaisseur. Dans les

cas moins graves (Ier degré), la partie usée est plane, polie,

la dentine est de coloration normale. Dans les cas graves

(2e degré), la pulpe est à nu ou insuffisamment protégée

par une très mince pellicule de dentine. Les tissus sous-

jacents ne sont ni ramollis ni décomposés ; la pulpe est

jaune, entourée d'une dentine blanc grisâtre. Nous avons vu

des dents à moitié usées parfois, détruites en hauteur et en

épaisseur. On a bien signalé l'expulsion des dents chez les

ataxiques. Nous l'avons également trouvée chez quelques

1 Mougeot. - Rech. sur quelques troubles de nutrition consécut. aux

affections des nerfs (Thèse de Paris, 1867).

2 Artiozon. - Lésions trophiques consécutives aux maladies du syst.

nerveux (Thèse d'agrégation, 1880, p. 81).

3 Brocq. - Traitement des maladies de la peau, 2e édit., Paris, 1892,

p. 820.

30 CLINIQUE MENTALE.

paralytiques généraux, sans qu'il y ait eu aucune compli-

cation de tabétique. Les paralytiques perdent leurs dents

comme les ataxiques.

111. Galippe1, dans une, intéressante communication à la

Société de Biologie, fait remarquer que les lésions observées

chez les tabétiques, du côté du trijumeau, et les troubles

fonctionnels pouvant en résulter paraissent plutôt de nature

à créer un terrain, c'est-à-dire à favoriser le développement

d'une maladie connue sous le nom d'ostéo-périostite alvéolo-

dentaire. Cette affection est produite par un ou plusieurs

parasites. Si la chute des dents dans-le tabes était due exclu-

sivement à des troubles trophiques, on n'y trouverait point

de parasites. L'examen de plusieurs dents tombées (des tabé-

tiques) a prouvé à M. Galippe qu'elles étaient envahies par

les parasites.

Sans être absolu, nous croyons que chez ces derniers aussi

bien que chez les paralytiques généraux, la chute des dents

est due d'abord à des troubles trophiques, à la dégénéres-

cence du trijumeau, et c'est pour cela même peut-être que les

parasites y peuvent vivre, étant donnée cette entrave à la

nutrition dentaire.

III. L'othématome a attiré l'attention d'un certain

nombre de cliniciens, parce qu'il affecte une partie appa-

rente du corps, et constitue une difformité très visible. On l'a

donc déclaré assez fréquent. Pourtant, nous n'en avons

rencontré aucun exemple chez nos malades; et M. Magnan

dit avoir vu «. une épidémie d'hématomes cesser à la suite du

renvoi de plusieurs infirmiers violents ».

L'otliématome a été décrit pour la première fois par Bird

(1833). On l'a considéré depuis-comme trouble trophique. Il

nous serait impossible de citer tous les travaux qui se sont

succédé depuis Bird ; d'ailleurs, nous n'insisterons pas sur

cette tumeur qui paraît être plutôt un trouble de circulation2,

et, « sans vouloir nier l'influence des troubles trophiques et

vaso-moteurs, nous pensons qu'habituellement ces hémor-

ragies sonl, non point spontanées, mais dues à des transmo-

1 Galppe. - Compte rendu de la Société de biologie, 1886, p. 231.

r " Vallon, Etiologic et siège de l'ollaénualonxe (Encéphale, 1881,

p. 231).

TROUBLES TROPIIIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 31

tismes plus ou moins intenses que démontrent d'ailleurs les

ruptures des cartilages, ». (Magnan et Sérieux.)

Les complications trophiques des organes des sens sont

rares, exception faite des troubles oculaires. L'appareil de la

vision, dès les premiers travaux sur la paralysie générale, a

attiré l'attention des cliniciens. Toutes ses parties ont été

étudiées. Nous ne parlerons que des lésions du nerf optique

et de la rétine. M. Galezowski2, après des recherches faites

à la Salpêtrière, avait indiqué l'anémie et l'atrophie progres-

sive de la pupille chaque fois que la vue était troublée

chez les malades atteints de paralysie générale. Il parla

aussi d'un oedème péripupillaire, se présentant sous la forme

d'un cercle brunâtre, que l'on rencontrerait dans quelques

cas.

M. Magnant pour vérifier ces différents faits, examina

indistinctement tous ses malades atteints de paralysie géné-

rale. Dans au moins les deux tiers des cas, dit-il, « on ne

trouve aucune altération du fond de l'oeil ». Duterque 1 a

remarqué qu'avant l'atrophie la pupille subit une congestion

intense avec dilatation variqueuse des veines, puis oedème

pupillaire et péripupillaire.

M. Neil Jameson lIepbul'l15 croit que les symptômes ocu-

laires pourraient être constatés deux à trois ans avant

l'apparition des signes cliniques ordinaires de la paralysie

générale. La pupille se modifie en couleur, pâlit, devient

couleur de cuir, puis bleuâtre. Ces modifications semblent à

l'auteur' le résultat d'une hyperplasie du tissu conjonctif et

surtout d'une névrite optique interstitielle.

Nous n'avons pas cherché à vérifier ces troubles, n'ayant

aucune compétence vis-à-vis de maîtres comme Galezowski,

Magnan. « Il est souvent plus difficile de reconnaître un état

* Magnan et Sérieux. La paralysie générale, p. 19.

2 Galezowski. Sur les altérations de la pupille el du nerf optique

dans les maladies cérébrales (Union août 1866).

' Magnan. Signes essentiels et accessoires de la paralysie générale

(Gaz. des 116pi1., 12, li, 19 et 23 mai 1868).

' Duterque. - Des lésions ophtalmiques dans la parai, yértér. (Ann.

méd. psychol., 1822, t. \ 111, p. 213).

0 Neil Jameson Hepburn. Symptômes oculaires précoces dans la

paralysie générale (Vol. LI, p. 301, i, American Journal of insanity,

1895).

32 CLINIQUE MENTALE. 1

normal qu'un état pathologique, » disait M. Ballet dans une

leçon sur les troubles oculaires de la paralysie générale.

Enfin, Chariot2 et ses élèves, Parinaud3, Blocq\ ont attiré

l'attention sur la migraine ophtalmique qui précède la para-

lysie générale. Mais ces faits sont rares, les auteurs ont été

favorisés par le hasard de la clinique.

CHAPITRE III

Troubles trophiques de la peau et des annexes.

Le revêtement cutané est souvent atteint dans la paralysie

générale.

Ce sont tantôt des éruptions aiguës, telles que l'érythème,

le pemphigus, le zona, les bulles, les vésicules, etc., tantôt

des affections chroniques : ichthyose, alopécie, etc.

Troubles aigus. L'érlTt·on2élczlgie a été signalée par

Marchai ? Les éruptions aiguës apparaissent et disparaissent

à un moment donné de la paralysie générale; nous avons

observé qu'elles se manifestent parfois à la suite d'ictus ou

qu'elles coïncident avec une poussée congestive ainsi que le

croient Zacher et Durante7. : . -

Tous ces troubles trophiques cutanés proprement dits sont

des lésions « qui surviennent dans la nutrition des tissus

cutanés par suite d'une modification de l'influence spéciale

exercée par le système nerveux sur la nutrition des éléments

de ces tissus ». (Lenoir.) .

Nous abordons maintenant le chapitre de nos observations.

' S. Ballet. Les troubles oculaires dans la paralysie générale (Pro-

grès médical, 1893, t. II, p. 436).

2 Charcot. - Migraine ophtalmique comme prodrome de la parai,

générale (Progrès médical, 1882).

3 Parinaud. - Migraine ophtalmique au début de la parai, générale

(Arclt. de neurologie, 1883, t. V, p. 57).

4 Blocq. Archives de neurologie, 1890, n° ai.

11 Mâchai. Erythromélalgie chez un paralytique général (Berl. Inclut.

Loch.,1892).

« Zacher. Contribution à l'élude de la pathologie et de l'anatomie

pathologique de la paralysie générale (Arch. f'. Psych., Ud. XIV).

' Durante. Les troubles trophiques de la paralysie générale (Gaz.

heb., 1894, p. 98).

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 33

Observation I'. Eruption érythémateuse,

L... Jouas, trente-neuf ans, camelot, est entré à Villejuif le

12 août 1896.

Certificat de M. le Dr Pactet : « Est atteint de paralysie générale.

Affaiblissement des facultés mentales. Embarras de la parole. Iné-

galité pupillaire. Contusions multiples. »

C'est un homme petit, brun, apathique et indifférent. Il a des

idées de grandeur et de richesse. Mémoire nulle. Hémianesthesi'6'

droite. Rougeur é1'ythémateuse intense de toute la région lombaire, z

fessière et de la partie postérieure des jambes. Ce malade est op5-" '

ché depuis une semaine ; par moments il gâte. La rougeur était,

bien moins intense avant le décubitus dorsal, d'après les rensel

gnements des infirmiers. Sur cet érythème, depuis que le malade

reste couché, on voit un léger soulèvement de l'épiderme, une

petite vésicule transparente. Ailleurs, au nombre de dix en tout,

d'autres vésicules un peu plus grandes, arrondies et remplies d'une

sérosité louche. C'est bien un érytheme vésiculo-bulleux. Pas de

fièvre. Alopécie depuis un an, assez prononcée. Abrasion des dents

au premier degré.

Réflexion. Cette rougeur érylhémateuse est-elle due à

des troubles trophiques ? Nous le pensons; elle existait avant

le décubitus; après, nous avons trouvé de petites vésicules.

Observation1 Il. Eruption huileuse.

C... Eugène, trente-six ans, marchand de vins, est entré à

Villejuif le 3 décembre 1896.

Certificat immédiat de M. Magnan : « Est atteint de paralysie

générale avec idées ambitieuses. Hésitation de la parole. Inégalité

pupillaire. » M. le Dr Vallon a également porté le diagnostic de

paralysie générale « avec affaiblissement intellectuel et physique.

Embarras de la parole. » C'est un homme de petite taille, bien

musclé, apathique et indifférent. La mémoire est mauvaise ; l'em-

barras de la parole est accentué. Les pupilles n'agissent pas à la

lumière et sont inégales. Les pieds sont légèrement oedématiés.

Depuis son entrée, il y a une éruption de bulles sur la partie

interne de la jambe gauche. Ces bulles sont formées par un sou-

lèvement circulaire de l'épiderme, et sont remplies d'un liquide

jaunâtre ; au nombre de trois ou quatre sur la partie interne infé-

rieure de la jambe, de la grosseur d'une lentille ; l'une de la

4 Toutes nos observations ont été prises dans les services de Vallon

(hommes) et Briand (femmes) à Villejuif.

Archives, 2e série, t. V. 3

34 CLINIQUE MENTALE.

dimension d'une pièce de 50 centimes sur la malléole interne-

Sur la jambe droite, presque symétriquement, l'on trouve des taches

pigmentaires, vestiges probables d'une éruption antérieure iden-

tique. Le tronc, le dos et les membres supérieurs sont indemnes.

Chaque bulle durait de huit à dix jours, puis disparaissait en lais-

sant une tache pigmentaire. Il en apparaissait d'autres plus petites.

Ces bulles n'étaient ni prurigineuses ni douloureuses. Légère

alopécie généralisée. - Légère abrasion dentaire. z

Observation III. Éruption bulleuse. Alopécie, lchthyose.

V... Paul, trente-neuf ans, employé de banque, est entré à

Villejuif, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est atteint de

paralysie générale avec idées de satisfaction et quelques préoccu-

pations hypocondriaques. Hésitation de la parole. Inégalité pu-

pillaire. »

Maigre, petit, brun. L'affaiblissement intellectuel est très pro-

noncé. La peau de la région fessière est rouge, érythémateuse ; on y

voit une éruption de bulles, disposées presque symétriquement.

Elles sont une dizaine, grosses comme des lentilles et remplies

d'une sérosité claire. Après quelques jours, ces bulles disparaissent

et font place il des taches pigmentaires. On retrouve les mêmes

taches disséminées sur le dos, les fesses et les jambes.

. Alopécie accentuée sur tout le cuir chevelu. Anesthésie cutanée

généralisée. La peau des jambes et des avant-bras est couverte de

fines lamelles dïchthyose. Abrasion dentaire premier degré.

Observation IV. Éruption bulleuse, pemphigokle. Alopécie.

La malade D... Estella, quarante-huit ans, lunetière, est entrée

à Villejuif le 14 septembre 1896.

Certificat de M. Briand : « Est atteinte de paralysie générale avec

agitation et idees incohérentes de satisfaction. Pupilles resserrées

et inégales. Hésitation de la parole. »

Quelques mois avant son entrée, la malade avait des cauche-

mars, des pituites. Elle buvait, du cognac le matin à jeun. Pas de

sypliilis. L'amnésie a été remarquée au mois de juillet 1896. A

cette époque, la malade fut prise d'une aclivité dévorante : elle

concevait des projets irréalisables. La parole devint traînante deux

mois plus tard. ,

, D... Estella est grosse, petite, apathique. Elle a quelques idées

puériles de satisfaction. La mémoire est défaillante. L'embarras de

la parole très net. Depuis trois semaines (décembre 1896) elle a de

petites vésicules sur la poitrine et les deux seins. Elles sont arron-

dies, hémisphériques; quelques-unes- irrégulières par confluence

d'éléments voisins. Leur grosseur varie d'une tête d'épingle à un

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 33

petit pois. Elles sont remplies d'nn liquide séreux. Les unes se

rompent, les autres se résolvent au bout de quelques jours, et se

dessèchent en laissant des taches pigmentaires. Nous en avons vu

couvertes de croûtes jaunes peu épaisses. Sur les jambes, quelques

petites vésicules de même nature.

La malade n'a eu ni douleur ni fièvre durant la période d'érup-

tion. Un mois plus tard (janvier 189' ! ), les grandes vésicules dispa-

raissaient, laissant des taches pigmentaires; ou voyait encore

quelques petites vésicules milliaires comme dans l'eczéma.

Vers la fin de janvier toute éruption avait disparu. Les pigmen-

tations restaient toujours. Légère alopécie disséminée depuis quel-

ques mois. Anesthésie cutanée.

Réflexion. Les observations II, III et IV qui précèdent

sont concluantes. Chez nos trois malades, à un moment donné,

sans cause apparente, une éruption bulleuse, pemphigoïde se

détermine, sans fièvre; elle dure un certain temps et dispa-

raît en laissant quelques taches pigmentaires. Ces éruptions

sont bien de nature trophiques avec leurs bulles et leurs

taches pigmentaires. L'indolence, le manque de fièvre font

qu'elles passent inaperçues presque toujours chez un grand

nombre de paralytiques. '

Beaucoup, parmi nos malades, présentaient de ces taches

pigmentaires provenant sans doute d'éruptions semblables.

Nous ne les notons pas, n'ayant aucune certitude sur leur

cause. L'un de ces malades, pourtant, a des pigments apparus

subitement, paraît-il, sans éruption bulleuse. En voici d'ail-

leurs l'observation.

Observation V. Pigmentation de la peau.

C... Albert, cinquante ans, jardinier.

Certificat immédiat du 10 juillet : « Est atteint de paralysie

générale. Idées ambitieuses. Emotivilé. Hésitation de la parole. »

(De Ch. Vallon.) . '

Rien de particulier dans ses antécédents. Ni syphilis ni alcool.

C'est un homme de taille moyenne. Grand bavard; il énumère

d'une voix traînante tous ses, titres (empereur d'Angleterre et de

France, ambassadeur de tout l'univers), ses richesses (plusieurs

fois millionnaire). La mémoire est très mauvaise. Les pupilles

sont immobiles, inégales. Anesthésie cutanée généralisée.

Sur la poitrine, des taches pigmentaires symétriquement placées,

les unes arrondies, ovales, les autres irrégulières, d'une coloration

jaune brun, d'une dimension variable entre la lentille et une

36 CLINIQUE MENTALE.

pièce de 50 centimes. On en compte une trentaine. Elles sont

venues vers le mois de juin 189G, sans éruption d'aucune sorte,

d'après les renseignements pris dans le service. Le malade n'a ni

lentigo sur la peau ni plithiriase sur le corps. -

Réflexion. Que les renseignements des infirmiers soient

inexacts, c'est possible, et que ces taches aient apparu avec

éruption et bulles, il n'en est pas moins vrai qu'elles sont

la et n'existaient pas avant la paralysie générale. Elles sont

survenues au cours de la maladie et ne peuvent être que le

résultat des troubles trophiques de la peau.

Purpura. - Le purpura est considéré comme trouble circu-

latoire dans la paralysie générale. Cependant l'apparition et

la disparition des taches purpuriques sans que le malade soit

soumis à un régime quelconque, ne sont-elles pas dues plutôt

à l'action trophique des nerfs cutanés agissant sur les capil-

laires ? « Les phénomènes morbides résultent ici de la dilata-

tion ou de la contraction anormale des vaisseaux sanguins

et des troubles de nutrition qui peuvent en être la consé-

quence. » (Leloir.)

Et M. Brocq ' range dans ce groupe certains purpuras à

côté de certaines hypérémies (érythèmes).

Observation VI. Pétéchie.

La malade L... Elisa, cinquante-un ans, modiste, a été atteinte

de paralysie générale ; affaiblissement des facultés intellectuelles,

idées de satisfaction : « elle confectionne des chapeaux admi-

rables ». Turbulence. Embarras de la parole; inconscience de sa

situation. » (D1' Paul Garnier.)

Elle est entrée à Villejuif le 9 décembre 1896, avec le certificat

suivant de M. Magnan : « Est atteinte de paralysie générale avec

préoccupations hypocondriaques et quelques idées de satisfaction.

Hésitation de la parole, inégalité pupillaire. » Pas d'antécédents

alcooliques ou syphilitiques. Elle est mariée, mère d'une fille bien

portante. Pas de fausse couche. Le commencement de la maladie

remonte à l'été de 1895.

L... Elisa est de taille moyenne, d'un faciès triste. La parole

est hésitante, la mémoire est mauvaise. Pupilles inégales. Sur les

membres inférieurs, on constate des taches plus ou moins arron-

dies, régulières, en très grand nombre. Elles sont d'un rouge noi-

râtre et ne disparaissent pas sous la pression du doigt. Ce sont bien

1 Brocq. Loc. cil., p. 818.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 37

des taches de purpura, pétéchies. Elles disparaissent au bout de

quinze à vingt jours, pour faire place à d'autres. Nons ne savons

pas exactement le début du purpura de la malade. D'après les ren-

seignements de sa fille, il n'existait pas avant son entrée à Villejuif.

Depuis son entrée, elle n'a pris aucun médicament. Anesthésie

cutanée complète.

Le zona. L'existence de l'herpès zoster chez les paraly-

tiques généraux a été longtemps ignorée, soit des dermato-

logistes, Lenoir', Dtihring5,@ Kaposi °, etc., qui ont fait sur le

zona des études magistrales; soit des neuropathologistes et

aliénistes, Charcot4, Fouille 1, Fèvre 6. On le trouve signalé

dans l'article de MM. Christian et Ritti 7 : « On a cité assez

fréquemment chez les paralytiques généraux l'apparition du

zona, du pemphigus et du purpura. » -

Bail en parle également dans ses leçons, mais c'est son

élève, M. Ramadier 8, qui attira l'attention en rapportant

plusieurs cas de paralytiques atteints de zona. Schüle note

aussi les éruptions de zona dans la paralysie générale. Pour

Krafft-Ebing, le zona n'est pas rare dans la paralysie géné-

rale. Dans la thèse de M. Gonnet 10 nous trouvons plusieurs

observations de zona chez des paralytiques généraux. Trois

de ces observations sont dues à M. le Dr P. Sérieux et deux à

l'auteur de la-thèse.

Le zona existe dans là paralysie générale sans aucun doute.

Il y est même assez fréquent : nous en relevons 3 cas sur

i Lenoir. Article Trophonévrose in Dict. Jaccoud.

2 Duhring. Traité pratique' des maladies de la peau. Trad. fran-

çaise, 1883.

3 Kaposi (Moritz). leçons sur les maladies de la peau. Trad. fran-

çaise 1881. »

* Charcot. Leçons sur les maladies du syst. nerveux faites à la

Salpêtrière, t. I, 5° édit., 1884.

. Foville. Article Paralysie générale, in Dict. Dechambre.

° Fèvre. - Des altérations du syst. nerveux cutané dans la folie

(Ann. médico-psych., 1876).

. Loc. cit.

8 Ramadier. Contribution à l'élude des troubles trophiques dans la

paralysie générale (Thèse de Paris, 1884).

9 Schiile. Traité 'clinique des maladies mentales, 3° édit., 1886.

Trad. française Duhamel et Dagonet.

10 Gonnet. Quelques cas de zona chez les paralytiques généraux

(Thèse de Paris, 1889). ,

38 CLINIQUE MENTALE.

57 malades. La statistique de M. Ramadier est de 4 p. 100.

D'après nos observations, jointes aux observations déjà

publiées, le zona des paralytiques n'est pas douloureux, et

pour cette raison passe souvent inaperçu. Il peut survenir

avant l'éclosion confirmée de la paralysie générale.

Tout dernièrement,- à propos d'un cas de zona ophtalmique

chez un homme de trente ans qui présentait six mois après

des phénomènes de paralysie générale, M. Danlos' demandait

dans une communication à la Société médicale des hôpitaux,

s'il n'y avait pas un rapport entre les troubles trophiques du

trijumeau et les lésions corticales. Axenfeld, d'après M. Rendu,

déjà en 1868, considérait comme très probable la nature cen-

trale du zona.

Nous avons eu aussi à observer un cas de zona ophtalmique

survenu quelques mois avant les signes physiques et psy-

chiques de la paralysie générale (observation VIII).

Observation VU. Zona thoracique. Alopécie.

Mme B... Jeanne, trente-sept ans, journalière.

Certificat de M. Magnan : « Est atteinte de paralysie générale

avec irritabilité. Légère excitation par intervalles. Hésitation de la

parole. »

N'a jamais eu de maladie vénérienne. Pas d'enfant, pas de

fausse couche. Son mari est chez un marchand de vins, mais ni

l'un ni l'autre ne faisaient excès de boissons.

Début de la paralysie en 1892. A cette époque, la malade a eu

de l'aphasie passagère, sans ictus. En 1895, elle a eu le zona un

mois, dans la partie supérieure du thorax, côté gauche. Elle

n'avait pas et n'a jamais eu de douleurs névralgiques. Actuelle-

ment, nous ne trouvons qu'une alopécie prononcée sur tout le cuir

chevelu. La malade gâte par moments.

Observation VIII. Zona ophtalmique et esc ! Ù ! 1'e.

Mme R... Céline, trente-quatre ans, cuisinière, est entrée à Ville-

juif, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est atteinte de

paralysie générale avec idées de satisfaction ; propos incohérents,

hésitation de la parole, inégalité pupillaire. »

Aucun antécédent héréditaire ou personnel. Elle n'est pas

alcoolique et ne parait pas être syphilitique. Au mois d'août 1896,

' Société médicale des ltûpilaux, séance du 27 novembre (Bull, médis,

1896).

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 39

R... Céline fut atteinte de zona ophtalmique diagnostiqué d'abord

par le médecin traitant, puis au bastion 29, où elle alla consulter,

croyant à un érysipèle. Les vésicules étaient de petit volume; la

conjonctive était rouge les premiers jours, la paupière s'est ensuite

gonflée sans aucune doideur néozalyique du trijumeau. L'herpès

zoster a duré trois semaines. Trois mois après le zona, le mari

s'aperçut que sa femme hésitait en parlant, perdait la mémoire.

A son entrée à Villejuif, R... Céline ne conservait aucune trace

de zona et ne présentait aucun trouble trophique. Elle eut quelques

jours après une attaque épileptiforme; nous la faisons coucher le

20 décembre. Le 25, la peau de la région fessière est érythéma-

teuse, mais la malade ne gâte pas encore. Le 27, deux grosses 1

bulles apparaissent sur le sacrum, remplies de sérosité brunâtre.

Le 1er janvier 1897, commencement d'eschare sacrée. Rougeur

érythémateuse sur les malléoles externes des deux pieds. La ma-

lade gâte. En dépit des soins antiseptiques et hygiéniques, l'eschare

augmente jusqu'à la dimension d'une pièce de 2 francs. La sur-

face est violacée, piquée de points noirâtres, entourée d'une zone

d'érythème. Pas de sucre, ni d'albumine dans les urines. i

Réflexion. Cette malade est doublement intéressante,

par le zona qui, chez elle, a précédé de quelques mois les

premiers troubles de la paralysie générale, et par l'eschare

qui a rapidement évolué au bout de quelques jours de décu-

bitus dorsal. Elle n'était ni alcoolique ni syphilitique. La

paralysie générale a marché il grands pas : six mois après le

début de l'affection, l'affaiblissement intellectuel et physique

était considérable.

Observation IX. Zona. Eschare. Amaigrissement.

Ch... Charles, vingt-huit ans, menuisier. '

Certificat de M. Vallon : « Est atteint de paralysie générale.

Affaiblissement des facultés mentales, particulièrement de la

mémoire. Idées mélancoliques. Pupilles resserrées, la gauche plus

que la droite. Tremblement fibrillaire de la langue. Parole lente

et embarrassée. »

Ch... Charles est grand, brun, très maigre ; à son entrée, il pesait

86 kilogrammes ; depuis deux mois il a beaucoup maigri. Le

zona s'est déclaré sans névralgie six mois avant son admission à à

Villejuif, sur le côté droit de la poitrine. L'herpès zoster dura trois

semaines, puis les vésicules disparurent sans laisser de trace. Deux

mois plus tard, l'entourage du malade s'aperçut qu'il perdait un

peu la mémoire. Il est inconscient, apathique. A peine était-il

couché depuis deux semaines qu'on constata un commencement

40 . CLINIQUE MENTALE.

d'eschare sacrée. Actuellement l'eschare est assez volumineuse,

remplie de croûtes noirâtres, sous lesquelles la surface est rouge,

piquée de points violacés.

Mal perforant. Le mal perforant n'est pas rare chez les

paralytiques généraux. Il suffit de « passer en revue » , comme

dit M. Marandon de Montyel, tous les pieds des paralytiques

pour voir qu'il est aussi fréquent que dans les autres mala-

dies du système nerveux. En général, le mal perforant est

indolent, suppure peu, n'attire pas l'attention des malades ou

du médecin. Aussi son existence n'a-t-elle été reconnue que

depuis peu.

La première observation en est due à M. Lanceraux' : le

malade ayant succombé, le diagnostic de paralysie générale

fut confirmé par l'autopsie. Mais c'est M. Christian 2 qui

attira l'attention sur deux cas de maux perforants chez des

paralytiques généraux. Puis ce fut M. Marandon de Montyel3 3

qui rapporta d'autres observations.

Le fait connu, M. Barthélemy" en fit le sujet de sa thèse,

et le mal perforant fut admis définitivement par les cliniciens

et les auteurs classiques. Nous n'en avons observé qu'un cas.

Notre malade a éte vue plusieurs fois et examinée par M. le

D'' Sérieux, qui a confirmé le diagnostic de mal perforant.

En voici l'observation :

Observation X. - Mal perforant.

Mme B... Catherine, cinquante-trois ans, cuisinière, est entrée à

Villejuif le 29 avril 1892. Certificat de M. Magnan : « Est atteinte de

paralysie générale avec idées de satisfaction, propos incohérents,

hésitation de la parole. Inégalité pupillaire. a

Mariée à 35 ans, n'a jamais eu d'enfant ni de fausse couche. Pas

'de maladie vénérienne. En 1887, elle buvait beaucoup de vulnéraire

et liqueurs. Début de la maladie en 1889. Il y eut à cette époque

hallucinations de l'ouïe, perte de la mémoire, hésitation de la

parole. Elle n'a jamais eu d'attaque ni de vertige. Hémianesthésie

droite. Retard de la sensibilité au côté gauche.

' Lanceraux. - Trccilé d'anatomie pathologique, 1879, t. II, p. 71.

2 Christian. Mal perforant dans la paralysie générale (Annales

médico-psych., 1882, p. 230).

3 Marandon de Montyel. Mal perforant et paralysie générale (Encé-

phale), 1888, p. 257. j z

* Barthélémy. Du mal perforant dans la paralysie générale (Thèse

de Paris, 1890).

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 41

Le 10r décembre 1896, on s'aperçut dans le service que la malade

avait une plaie sous l'articulation du gros orteil gauche. L'ulcère,

qui est un mal perforant, existait depuis un mois, selon la malade,

mais comme elle n'en souffrait pas, elle n'en disait rien.

Le mal perforant se trouve au-dessous et un peu en dedans de

l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil gauche. 11 est

étendu de 2 centimètres, profond, rempli de pus. Avec la sonde

cannelée, on arrive à l'os, mais l'articulation est intacte; autour

de l'ulcère se trouve un bourrelet. Toute la région environnante

est anesthésiée, nous enfonçons une. épingle très profondément

sans que la malade se plaigne. (Nous faisons remarquer que la

malade n'est pas anesthésiée du côté gauche.)

Au bout d'un mois de repos et de pansements, le bourrelet s'est

graduellement resserré, les bords se sont rapprochés et le mal

perforant a disparu. Sur le gros orteil du pied droit, symétrique-

ment placé, nous constatons un épaississement de l'épiderme. La

malade est très sobre depuis son entrée ; nous ne pouvons incri-

miner ses anciennes habitudes alcooliques de 5 à 6 ans, puisqu'elle

est à l'asile depuis 1892. Elle n'est pas non plus syphilitique. Pas

de sucre ni albumine dans les urines.

L'eschare. Un des troubles trophiques de la paralysie

générale les plus connus, c'est l'eschare. Elle a été particuliè-

rement étudiée par Geoffroy ! et plus tard par Frégevu2. Les

publications se sont succédé trop nombreuses pour que nous

les citions. L'eschare est due à la névrite périphérique relevant

soit d'une lésion centrale (encéphale), soit d'un état général de

cachexie (Durante 3). Elle existe dans la paralysie générale ;

elle n'est pas due seulement à la malpropreté, au décubitus

ou au frottement, comme le croit M. Arnaud', mais quel-

quefois aussi aux troubles trophiques.

Les deux services (hommes et femmes) de Villejuif, où

nous avons étudié nos malades, sont des services modèles au

point de vue de la propreté et de l'hygiène. Pourtant nous

avons rencontré huit fois l'eschare sur nos 57 malades. En

général, l'eschare, une fois apparue, suit graduellement sa

marche, s'entoure d'une zone érythémateuse, inflammatoire;

les parties sphacélées s'éliminent lentement. Mais quand elle

est traitée au début, le processus s'arrête et l'eschare disparaît.

1 Geoffroy. Annales nédico scla., 1865.

2 Frégevu. Des eschares dans la paralysie générale (Thèse de

Paris, 1876).

' Loc. cil.

42 CLINIQUE MENTALE.

L'eschare peut apparaître dès le début de la paralysie géné-

rale, ainsi que le signalent MM. Christian et Ritti 1, Morer 2.

M. Vallon 3 observé l'apparition d'eschare loin de tout

point comprimé. Nous - même avons observé l'eschare

(obs. VIII et IX) -chez des paralytiques généraux à peine

couchés depuis quelques jours (donc pas ou peu de compres-

sion) ; tandis que, dans les mêmes salles, nous avons vu

d'autres malades, non paralytiques, mais gâteux, couchés

depuis longtemps et n'ayant pas même l'érythème fessière

des paralytiques généraux.

Dans le service de notre éminent maître M. Magnan, nous

avons vu-un homme de quarante-six ans, atteint de « porencé-

phalie double ». Entré à l'admission le 25 mars 1892, couché

depuis lors (cinq ans) dans le décubitus dorsal, grand gâteux,

il n'a pas la moindre eschare.

Les paralytiques généraux sont prédisposés aux troubles

trophiques de toutes sortes, par la nature même de leur

affection. La malpropreté ne fait qu'accroître cette tendance

aux troubles trophiques. L'hygiène la plus parfaite n'empêche

pas toujours l'apparition d'eschare. Nous ne donnons ici que

six observations, les* deux autres sont dans le chapitre du

zona (obs. VIII et IX).

Observation XI. Eschares. Coloration des ongles.

Mue G... Amélie, cinquante-deux ans, piqueuse de bottines,

est entrée à Villejuif le 38 octobre 1896.

Certificat de M. Magnan : « Est atteinte de paralysie générale

avec idées ambitieuses. Propos incohérents. Hésitation de la parole.

Inégalité pupillaire. »

En 1895, elle avait été internée une première fois pour alcoolisme

chronique. A cette époque, M. Magnan avait soupçonné la para-

lysie générale, et signé le certificat suivant : a Alcoolisme chroni-

que tendant à la paralysie générale. Hallucinations pénibles. Idées

de persécution. Excitation passagère. Tremblement des mains.

Pupilles resserrées et inégales. Légère hésitation de la parole. »

Eschares petites comme une pièce de un franc, sur les deux grands

trochanters. Couchée depuis un mois, gâte par moments. Les

ongles des doigts sont colorés en brun.

t Loc. cil. ·

2 Morer. Thèse de Paris, 1882.

3 Vallon (Th.). Thèse de Paris, 1882.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 43

Observation XII. Expulsion de dents. Eschares. Purpura.

Hématurie.

9lme T..., Louise, trente-huit ans, couturière, est entrée il Ville-

juif le 1er avril 189G. Certificat de M. Briand : « Est atteinte de

paralysie générale avec idées hypocondriaques. Légère hésitation

de la parole. Inégalité pupillaire. »

C'est une femme de moyenne taille, brune, apathique. La

mémoire est faible, la parole hésitante. Les pupilles dilatées

et inégales, réflexes rotuliens conservés intactes. Idées hypocon-

driaques prononcées. A une maladie dans le ventre, dans l'esto-

mac, etc. ; elle souffre de partout, ses intestins ne fonctionnent

plus.

Au mois de janvier 1897, elle a une attaque apoplectiforme ;

nous la faisons coucher. Deux jours plus tard, une érythème

intense se forme dans la région sacro-fessière, et 5 à G jours après,

des phyctènes remplies d'une sérosité sanguinolente. A la même

époque, nous trouvons des taches purpuriques disséminées sur les

membres inférieurs.

Vers le 20 janvier, l'eschare se forme, malgré tous les' soins

hygiéniques et antiseptiques, dans la région sacrée et trochan-

térienne droite. - Le 21 janvier, la malade a de l'hématurie sans

cause apparente. L'hématurie dure trois jours. Il n'y avait antérieu-

rement ni albumine ni sucre dans les urines. Quantité d'urine :

1 litre 1/2.

La malade ne prenait aucun médicament et n'était soumise à

aucun régime particulier. - Elle n'a plus qu'une denlà la mâchoire

supérieure. Il y a déjà un an qu'elle perd ses' dents, sans la moin-

dre douleur. Les dents deviennent trop petites pour les gencives,

elles s'ébranlent et tombent quelque temps après. Plusieurs jours

avant son entrée à Villejuif t a, dit-elle, reçu une gifle de son ami

qui lui a déboité quatre dents ». Syphilis ?

Réflexion. Dès le début de la paralysie générale, la

malade commence à perdre ses dents, sans douleur : une

gifle a suffi pour expulser quatre de ses dents. Plus tard, après

quelques jours de décubitus, apparition d'eschare, purpura et

hématurie, qui coïncide avec une attaque apoplectiforme,

ainsi que l'a signalé Zacher'. L'apparition de ces troubles

aggravait l'état de la malade au lieu de l'améliorer (comme

l'ont prétendu quelques auteurs). L'intelligence baissait de

jour en jour, le moi s'effondrait, et la paralysie marchait à

grands pas.

' Zacher. Loc. cit.

44 CLINIQUE MENTALE.

Observation XIII. - Eschare. Phlyctène. Ichthyose.

B... C... Charles, trente-trois ans, menuisier, est entré à Villle-

juif, le 23 juin 1896, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est

atteint de paralysie générale avec préoccupations hypocondriaques,

idées de persécution, excitation, insomnie. Hésitation de la parole.

Inégalité pupillaire. »

C'est un homme de taille moyenne. La voix est basse, hésitante.

Anesthésie cutanée complète de tout le corps. Ichthyose des mem-

bres inférieurs.

Eschare de la dimension d'une pièce de cinquante centimes sur

la malléole externe du pied droit. Grosses taches érythémateuses

rouges sur les malléoles interne et externe du pied gauche, et sur

le sacrum où se trouvent deux bulles de phlyctène de la grosseur

d'une lentille, remplies d'un liquide brunâtre. Abrasion des dents,

deuxième degré.

Observation XIV. Petites eschares malléolaires. Alopécie.

P... Eugène, quarante-huit ans, tonnelier, est entré à Villejuif

le 19 décembre 1896. Certificat de M. le Dl' Vallon : Est atteint

de paralysie générale. Affaiblissement des facultés mentales.

Inconscience de sa situation. Hésitation de la parole. Inégalité

pupillaire. Contusion à la région fessière gauche. »

C'est un individu de taille moyenne, maigre. Inconscient et

indifférent de sa situation. La mémoire est affaiblie. Quelques

idées puériles de satisfaction et de fortune. L'embarras de la parole

est fort appréciable. Les pupilles sont inégales. Anesthésie cutanée

du côté gauche. Alopécie disséminée sur Lotit le cuir chevelu,

depuis le début de la maladie actuelle.

Eschares sur les malléoles des deux pieds, en dedans et au dehors,

de la dimension d'une piéce de un franc et couvertes d'une croûte

noirâtre. Chacune, entourée d'une zone érythémateuse. Insensibi-

lité de la peau environnant les eschares du pied droit.

A la région fessière et au sacrum, on trouve des plaques conges-

tives, érythémateuses, rouges ; quelques phlyctènes au milieu de ces

plaques, pleines d'un liquide jaunâtre. - Légère abrasion des^dents.

Observation XV. Grande eschare sacrée. Ichthyose généralysée.

Amaigrissement rapide.

A... Emile, trente-trois ans, employé des postes et télégraphes,

est entré à Villejuif le 23 novembre 1895. Certificat immédiat :

« Est atteint de paralysie générale avec idées incohérentes de

satisfaction, conscience très incomplète de ses actes. Hésitation de

la parole. Inégalité pupillaire. » (Magnan.)

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 45

A... Emile est maigre, gâteux, inconscient, 11 était énorme au

début de sa maladie, pesait 92 kilogrammes. 11 maigri^ beaucoup

depuis un mois. L'appétit est bon pourtant, et il n'a pas de diar-

rhée. L'affaiblissement intellectuel est très accentué. La parole

très embarrassée. Les pupilles inégales. '

Il est couché depuis son entrée. Les eschares datent de deux

mois. Actuellement (décembre 1896) il existe une eschare sacrée

de 5 centimètres de diamètre, très profonde, à bords violacés, à

surface piquetée de points sphacélés. Elle augmente chaque jour

de volume malgré tous les soins hygiéniques et antiseptiques.

La peau des membres inférieurs et supérieurs est rugueuse, sèche.

Ichthyose légère de tout le corps. Anesthésie cutanée complète.

Observation XVI. Eschare petite. Ichthyose.

H..., Charles, trente-sept ans, vernisseur sur cuir, est entré à

Villejuif le 15 février 1896, avec le certificat suivant de I. \Iannau :

« Est atteint de paralysie générale. Apathie. Indifférence. Cons-

cience très incomplète de sa situation. Hésitation de la parole.

Déjà traité. »

II... Charles est de taille moyenne, maigre, brun. Le faciès est

apathique, indifférent. Parti en Afrique à l'âge de vingt-deux ans,

il y a contracté des habitudes alcooliques. 11 y est resté dix-huit

mois. Syphilis ?

La maladie actuelle date de 1895. Le malade fut pris de très

fortes névralgies dans la région cervicale et à la nuque. Ces

douleurs l'empêchaient de dormir. Inégalité pupillaire. Embarras

de la parole. ' ' '

La peau des deux jambes est sèche, rugueuse au toucher ; elle

est couverte de lamelles épidermiques fines, blanches, quelques-

unes nacrées. Sur les trochanters existent des eschares de la

dimension d'un franc, il surface rouge vif, piquetée de points viola-

cés putréfiés. Les dents sont usées à moitié, jaunes au centre.

Abrasion dentaire au troisième degré. (A suivre.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. MÉTHODE POUR FAIRE PARAITRE DES CELLULES GRANULEUSES SUR LES

PRÉPARATIONS DURCIES A LA FORMALINE; par On. 13UbCH. (Nelll'olQg.

' Centralbl., XV, 1896.)

Ce sont, comme on voit, des cellules qui renferment des granu-

lations graisseuses. La formaline a l'avantage de ne pas dissoudre

la graisse ; elle fixe les cellules granuleuses. La pièce est mise,

pendant un jour ou deux, dans une solution de formaline à

5 p. 100, puis dans l'alcool dont on élève graduellement le degré,

enfin incluse dans la celloidine et coupée. Les coupes sont placées

pendant deux ou trois heures dans une solution d'acide chromique

à 0,5 p. 100, lavées à l'eau distillée, mises dans un plat d'acide

osmique à 1/500. Au bout de vingt-quatre heures on a une colora-

tion brune sur laquelle tranchent des points plus foncés. Si, après

les avoir enlevées de la solution chromique, on les plonge pendant

vingt-quatre heures dans le mélange suivant :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 47

Reil est largement en relation avec la pariétale ascendante. Mais

comment ? Directement, ou indirectement ?

Une partie du ruban de Reil se termine probablement dans la

couche optique ; après avoir traversé transversalement le centre

médian, elle ne gagne que la partie postérieure du noyau latéral;

quelques fibres s'épanouissent directement en dendrites finales.

Les cellules de cette région de la couche optique sont indubitable-

ment reliées à la pariétale ascendante, car elles dégénèrent à la

suite de la lésion de cette circonvolution (observation person-

nelle). De nouvelles pièces anatomo-patlioloniques, prises sur des

foetus, permettront bientôt de démontrer qu'une autre partie du

ruban de Reil (notamment les fibres à genèse tardives des trous-

seaux latéraux du ruban de Reil principal) va, par la couche

optique, directement à la capsule interne. P. KERAVAL.

111. Contribution A l'étude DE la tonicité musculaire ; par E. JEN-

drassik. (Neul'olo[]. Cenl1'aIiJI" XV, 1890.)

La flaccidité musculaire et tabétique est démontrée par l'obser-

vation publiée en 1888 (Archiv ? lsl. médis., XL111) dans laquelle il

s'agit d'une femme qui, droite, sur ses jambes bien tendues, incli-

nait le tronc au point d'arriver à placer sa tête à ses pieds, en

étreignant en même temps ses jambes au plus haut degré ataxiques.

Cette diminution de la tonicité musculaire est en rapport avec

la perte des réflexes tendineux. (Archiv f. kl. met ? XXXIII).

L'auteur a inventé un appareil propre à mesurer la tonicité mus-

culaire. Le patient étant couché horizontalement sur une table, si

on lève la jambe étendue on fléchit la cuisse d'une venue, et dans

ces conditions le bassin se fléchit également. Implantez un bâton

sur la symphyse pubienne et maintenez-le avec deux fils de cuivre

sur les épines iliaques antérieures et supérieures (trois points d'appui),

son extrémité supérieure (surmontée d'un point de repère) mar-

quera les mouvements du bassin. Vous pourrez aussi mesurer les

mouvements passifs imprimés à la cuisse et au bassin par des

angles; surtout si vous avez soin de tracer sur la jambe demeurée

horizontalement immobile la droite qui va du grand trochanter à

la malléole externe. M. Jendrassik à réuni dans un tableau : A l'an-

gle obtenu par l'élévation passive maxima de l'extrémité inférieure

étendue; B, l'angle du mouvement du bassin; C, la différence

entre ces deux angles qui indique l'exacte extensibilité des muscles

de la cuisse; a, l'angle plein quand on fléchit la cuisse; b, l'éléva-

tion du bassin ; c, la différence entre ces deux derniers c'est-à-dire

l'extensibilité du triceps fémoral. Mais il a soin de vous dire que

ce n'est que dans les cas excessifs qu'on peut dire qu'il y a hypo-

tonie car on ne connaissait pas le degré antérieur de l'extensibilité

musculaire chez le même individu. Il en est de même pour les

48 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

réflexes tendineux. En général, l'angle de réflexion de la cuisse

paraît moindre chez .l'enfant, les individus musclés, supérieur chez

les adultes amaigris. L'hypotonie parait marcher de pair avec la

diminution des réflexes. Mais l'extensibilité passive semble n'avoir

aucune relation avec l'ataxie puisqu'elle est quelquefois très grande

chez des individus nullement ataxiques. Seulement l'ataxie existant

d'ordinaire dans les cas avancés de tabes, et manquant au début

de l'affection, tandis que l'hypotonie a l'air de croître avec le déve-

loppement de la maladie, on s'explique ainsi que les observations

dans lesquelles il y a une ataxie notable, témoignent d'un grand

angle d'extensibilité (89°), en tout cas d'un angle qui est supé-

rieur à celui des autres (78°). P. KERAVAL.

IV. DE l'organisation DU noyau principal DE l'oculomoteur COMMUN

et DE la POSITION (U'Y OCCUPENT LES territoires correspondant A

chacun DES muscles DE L'OEIL; par H. Schwabe. (Neurolog. Cen-

tI al6l., XV, 1896.)

On enlève à des lapins les différents muscles de l'oeil; on les tue

dans les neuf à quatorze jours suivants. On fixe la légion du noyau

de l'oculomoleur commun par l'alcool à 96°, on inclut dans la

paraffine ; on 'coupe et l'on colore à l'érylhrosine et au bleu de

méthyle (méthode Held). M. Schwabe a obtenu des résultats

positifs par l'extirpation des quatre muscles moteurs de l'oeil inner-

vés par l'oculomoteur commun. Toutes les fois aussi qu'il a vidé

la cavité oculaire, toutes les cellules nerveuses du noyau en question

appartenant au type moteur ont dégénéré, ainsi que les cellules

latérales placées dans le faisceau longitudinal postérieur. Il a cons-

taté qu'il y a généralement entre-croisement, c'est-à-dire que les

fibres radiculaires provenant de la partie la plus postérieure du

noyau s'en vont à l'a;il du côté opposé après s'être entre-croisées

dans le repli. On trouve même dans les autres régions du noyau

servant à J'inervation de l'organe du même côté, certaines cellules

isolées qui donnent des fibres à l'oculomoteur du côté opposé. Les

divers segments du noyau qui nous occupe ne sont d'ailleurs point

absolument séparés par des limites tranchées. On doit reconnaître

dans l'organisation du noyau de l'oculomoteur commun une portion

reculée (surtout postérieure) et une partie rapprochée (surtout

antérieure), séparées par une zone pauvre en cellules. Dans la pre-

mière on rencontrerait le noyau postérieur (dorsal) de Gudden.

Dans la seconde, qui se rétrécit à mesure qu'on se rapproche du

plan antérieur du corps, tout en gagnant la ligne médiane, il

faudrait placer la partie antérieure du noyau antérieur (ventral

antérieur) de Gudden. Ceci dit, voici la localisation de chacun

des muscles. l-

1° Il n'y a parmi les muscles moteurs de l'oeil innervés par l'ocu-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 49

lomotcur commun, que le droit supérieur qui soit innervé par le

noyau du coté opposé. Les fibres radiculaires qui lui sont destinées

viennent de la moitié postérieure du segment reculé (postérieur) de ce

noyau. Ce serait presque le noyau dorsale (postérieur) de de

Gudden. '

2° La moitié antérieure du segment reculé (postérieur) du même

côté fournit les fibres innervant l'oblique inférieur ;

3° Le droit inférieur tire ses fibres du segment rapproché (antérieur)

du noyau du même côté ; à cette zone appartiennent encore une

partie des cellules latérales.

4° Droit interne. les fibres qui s'y rendent proviennent des

cellules disséminées sur tout le côté du noyau homolatéral qui occupe

le faisceau longitudinal postérieur. Ce sont : la plupart des cellules

latérales ; nombre de cellules situées entre le segment reculé et le

segment rapproché du noyau en question ; peut-être aussi la moi-

tié des cellules qui, de concert avec les cellules d'innervation

destinées au droit inférieur, constituent la pointe la plus externe

du segment rapproché du noyau.

C'est là tout ce qu'il y a de certain. L'auteur ajoute : Il est en tout

cas intéressant de constater que : ,

a). Les muscles (droit supérieur et oblique inférieur) qui

concourent au mouvement simple d'élévation du globe de l'oeil ont

leur centre dans le segment reculé du noyau des deux côtés.

b). Il y a mélange intime des cellules innervant le droit inférieur

et le droit interne, dans la pointe la plus externe du segment

rapproché du noyau; on pourrait, à juste titre, désigner ce point

sous le nom de centre de convergence. P. KERAVAL.

V. Du PHÉNOMÈNE ROTULIEN COMME SIGNE DIAGNOSTIQUE D'AFFECTIONS

NERVEUSES ET D'AUTRES MANIFESTATIONS DU MÊME GENRE; par W. DE

BECIITEREW. (Neurolog. Cezztralbl., XV, 1896.)

Attire-t-on brusquement la rotule en bas avec deux doigts et la

maintient-on dans cette situation, on allonge le tendon du triceps

fémoral et provoque des contractions de ce muscle qui, par l'ex-

tension continue-, dégénèrent en véritables convulsions cloniques;

la rotule est agitée de trépidations convulsives.

Mais cela ne se produit pas chez les individus sains. De même

que le clonus podalique, ce phénomène est dû à l'exagération des

excitabilités réflexes. Aussi le trouve-t-on, comme le premier, dans

la paralysie spinale spasmodique, la sclérose latérale amyotro-

phique, la sclérose en plaques, les affections cérébrales et spinales

en foyer, toutes les fois qu'il y a dégénérescence descendante des

cordons latéraux. Mais il y a des cas où le clonus podalique existe,

et non ce réflexe rotulien, parce que le crural, qui innerve les mus-

cles de la cuisse, vient des deuxième et quatrième racines lom-

Arciiives, 2e série, t. V. 4

je REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

baires, tandis que le sciatique, qui innerve ceux de la jambe, vient

des dernières racines lombaires et des premières sacrées. Si donc la

lésion occupe la région' lombaire au-dessus de la deuxième paire

lombaire, il y aura clonus podalique et clonus rotulien sinon, ou

en cas d'inégale lésion des deux régions, il n'y aura pas simultané-

ment les deux symptômes.

Cliniquement le phénomène rotulien peut exister sans le clonus

podalique; son existence des deux côtés semblait devoir, dans un

cas de l'auteur, en faire un signe de lésion organique, tandis que

d'autre part indique que c'est son unilatéralité, et surtout son

existence, alors que dans d'autres régions chez le même malade

il n'y a pas la moindre hyperexcitabilité réflexe, qui est en

faveur de lésion organique du système nerveux. M. de BechLerew

dit encore : On trouve aussi le phénomène rotulien, de même que

le clonus podalique, avec ou sans ce dernier, quelquefois dans des

affections fonctionnelles avec hyperexcitabilité réflexe (hystérie,

névrose traumatique), et c'est alors son intensité symétrique et sa

bilatéralité qui assurent le diagnostic de névrose fonctionnelle.

Les formes rares du tremblement clonique de l'extrémité supé-

rieure (convulsions de la main par exlension des fléchisseurs

profonds) (tremblements convulsifs de tout le bras par extension

du biceps et des muscles de l'épaule) indiquent, de même que

les formesrares du clonus musculaire des extrémités inférieures : une

hyperexcitabilité réflexe du système nerveux, car ils sont toujours

accompagnés d'une forte exagération des réflexes tendineux

l'existence d'une affection organique du système nerveux central,

car, d'ordinaire, on n'observe pas ces phénomènes dans les

maladies fonctionnelles. P. KERA V AL.

VI. Contribution A la physiologie DE la racine spinale DU TRIJU-

1E,\U; par A. Wallenberg. (1T26T'UGOg. 'Bitl9'nl(rl. XV, 1896.)

Expériences sur 15 lapins, ayant pour but de déterminer la

place de la racine spinale du trijumeau et de sou noyau, dont voici

provisoirement les résultats quant à la racine sensilive du nerf :

1° Dans le territoire du premier segment cervical, les deux tiers

antérieurs de la corne postérieure et sa calotte témoignent de très

constantes relations avec la sensibilité cutanée de la région tem-

porale de l'oeil du même côté. Un peu moins certaine est l'in-

fluence de sa partie postérieure sur la région du dos du nez et la

région maxillaire ; 2° La partie postérolatérale du faisceau de

Burdach paraît ( ? ) être en rapport avec l'innervation de la pupille.

3° Dans la région de l'entrecroissement des pyramides, on peut

avec certitude distinguer un territoire antérieur destiné il la région

latérale de l'oeil et un territoire postérieur dont la lésion entraîne

une anesthésie localisée. l'angle de la mâchoire. Entre ces deux

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 51

territoires existe le segment radiculaire qui innerve le nez et la

partie contiguë de la lèvre supérieure. 4° La destruction du terri-

toire postéromédian de la substance gélatineuse à la même hauteur

pourrait bien entraîner des troubles de la muqueuse buccale. 5° Au u

niveau de l'ouverture du canal central les territoires en rapport

avec la peau de la face n'occupent que la moitié antérieure de la

coupe transverse de la racine. Go Les parties postérieures du noyau

et la corne dorsale de la demi-lune radiculaire sont en relation très

étroite avec la sensibilité de l'oeil. Leur destruction a engendré

non seulement une anesthésie cornéenne de plusieurs semaines,

mais un ramollissement consécutif du globe de l'oeil qui a persisté

pendant des semaines. Quelques heures après celte opération,

s'installait une kératite qui guérissait malgré la persistance de

l'anesthésie cornéenne, alors que les paupières, dès le début anes-

thésiques, récupéraient leur sensibilité. Ce ramollissement du

globe oculaire doit êtie tenu pour un trouble trophique et non

pour la conséquence de l'anesthésie. 7° En arrière du territoire

radiculaire qui vient d'être décrit dans le noyau de Burdach et aux

envrions on rencontre une zone qui parait être en rapport cons-

tant avec l'innervation de l'iris. Si on la lèse seule, sans atteindre

les parties voisines du noyau, la pupille se rélrécit au maximum.

8° en même temps que ce phénomène de déficit de la sensibilité,

se produisaient certains troubles moteurs dont la relation avec les

lésions accessoires est évidente. La destruction coexistante de

fibres cérébelleuses, due à l'intervention opératoire expliquerait, à

l'occasion, les mouvements d'aiguille, de manège, de rotation du

côté lésé, ainsi que les phénomènes ataxiques. Dans le cas de

parésie des extrémités du même côté, dans les opérations portant

sur le haut de la moelle cervicale, il est naturel de l'expliquer par

la coatteinte das fibres pyramidales. P. KERAVAL,

VII. Les ALLURES électriques DU NERF radical dans Lrs PARALYSIES

par compression; par S. LOEWENTHAL, (Neurolog. Centralbl..

XV, 189G.)

Observation I. Etude de la réaction électrique et mécanique

du radical et des muscles qu'il anime dans un cas de paralysie par

compression de radical, Tableaux. Tracés. Lenteur des convulsions

directes et indirectes, tandis que l'excitabilité du nerf n'est pas

amoindrie et que l'excitabilité galvanique du muscle est augmen-

tée. Apparition relativement rapide de KOZ et KSTe.

Observation II. Absence de toute autre altération quanti-

tative. Apparition prématurée de KOZ et KSTe.

Observation III. Survenance en temps voulu de la convulsion

minima par KS et faible diminulion de l'excitabilité faradique

52 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

indirecte, le reste comme dans l'observation II. Apparition

rapide de KOZ et KSTe. Dans ces deux dernières observations le

décours des contractions ne paraîtras modifié. P. KERAVAL.

VIII. Contribution A l'étiologie DU TROUBLE DE la sensibilité DE BER-

NHARDT .1 LA cuisse; par A. Dr LUZENDERGER. (Neurolog. Central6l.,

xv, 1896.)

Il y a cinq ans, dit l'auteur, en traversant rapidement ma cham-

bre, je me heurtai la cuisse gauche contre un angle de mon bureau ;

il en résulta une contusion dont les traces persistèrent quelques

jours, puis j'éprouvai de temps à autre, aux changements de temps,

des picotements en cet endroit. Il y a huit jours, j'eus une amyg-

dalite folliculeuse qui guérit en une semaine. Pendant la conva-

lescence, sur une étendue large comme la paume de la main, j'éprou-

vai à l'endroit où je m'étais heurté, une sorte de gêne, comme si

l'on m'y avait placé un appareil; les mouvements et le moindre

contact y déterminaient les sensations du pincement; en y passant

la main je ressentais une légère douleur; la marche m'incommo-

dait. L'auteur précise les dimensions de l'endroit affecté, qui cor-

respond au territoire innervé par le fémoro-cutané. Sensibilité

tactile conservée, bien localisée par le patient, mais exagérée :

une légère piqûre fait l'effet d'une brûlure; il en est de même

des pointes du compas de Weber, d'ailleurs presque à la même dis-

tance à droite et à gauche. Le farado-æsthésiomètre d'Erb, donne

les résultats suivants : la bobine secondaire étant écartée de t 1 cen-

timètres, le malade, dans la région correspondante du côté

droit, ressent d'abord un fourmillement, puis bientôt des pico-

tements; à gauche, c'est d'emblée une forte brûlure. Le trauma-

tisme, conclut M. de Luzenberger, en modifiant la structure du

lacis nerveux, a permis l'action des micro-organismes de l'intoxi-

cation amygdalitique sur le nerf (névrite). P. KERAVAL.

IX. DES sensations pathologiques simples ET associées chez LES

aliénés; par W. de 13ECllTlWEW. (Neurolog. Centoalbl., XV, 1896.)

5

Toute sensation se compose de la qualité, de l'intensité, de la

nuance ou timbre, c'est-à-dire du sentiment de plaisir ou de déplai-

sir qu'elle laisse en nous. Ce n'est pas tout. 11 est certaines sensa-

tions qui provoquent dans un autre territoire une autre sensation.

C'est ainsi que l'action d'une trop vive lumière sur la rétine provo-

qnera du chatouillement dans la muqueuse nasale. Quelle que soit

la théorie (réflexe ou transmission régionale), il faut, pour produire

ce phénomène, une notable inteusiti; de la sensation première.

Chez les nerveux, la nuance sentimentale d'une sensation est trans-

formée à cause de l'altération de leur excitabilité physiologique

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 53

ou de la conductibilité de leurs tissus, de sorte que, d'agréable, elle

peut devenir désagréable ou douloureuse. Cette hyperirritabillté

(exemple : la douleur dans l'hyperesthésie), en exagérant l'inten-

sité d'une sensation, normale ou morbide, provoquera justement

sa propagation à d'autres territoires du système nerveux. De là chez

l'aliéné les sensations morbides et les cosensations ou sensations

associées toutes particulières qui modifient ou expliquent l'évolu-

tion morbide, les allures du psychopathe, la genèse de telles ou

telles idées délirantes créées souvent par les sensations anormales

ou les hallucinations sensorielles.

Voici (obs. I) un délirant chronique halluciné qui de temps à

autre, sans cause apparente, ressent au bas de l'épine dorsale un

chatouillement; il croit qu'il a besoin d'aller à la selle, se rend

aux water-closets, et le besoin de déféquer cesse aussitôt. Le malade

croit à des influences sensationnelles. Parfois il ne peut regarder

son interlocuteur, parce qu'alors le visage de celui-ci demeure

devant ses yeux. Puis, quand il regarde quelqu'un dans les yeux,

il ressent dans le pénis une sensation comparable à celle qui pré-

cède le débit de l'urine. Mais cette sensation peut à son tour dispa-

raître lorsqu'il- regarde à nouveau fixement la personne qui lui

parle; de là son attitude. Il n'a pas de signe objectif de lésion ver-

tébrale, rectale, sexuelle. Ces sensations associées n'ont pas d'autre

action sur sa conscience ; il n'est pas rare qu'il critique ses halluci-

nations.

Autre exemple où des sensations simples et associées de nature

morbide on, ainsi que des hallucinations sensorielles, donné nais-

sance à des idées délirantes (obs. II). II s'agit d'une jeune fille per-

sécutée de vingt-neuf ans, affectée d'hallucinations de la vue, de

l'ouïe, de l'odorat, avec sensations associées de l'ouïe, du tact, de la

vue. Toutes les, personnes de la clinique, complotant contre elle

(c'est elle qui parle), ne lui ont fait que du mal. Les infirmières

ont murmuré quelque chose contre elle au professeur qui pour

cette raison, n'est pas venu la voir; elles entrent d'ailleurs, fré-

quemment dans sa chambre pour respirer et corrompre l'air

qu'elle respire ; elles ont porté la main sur elle. Il n'est pas rare

qu'elle voie dans sa chambre son propre frère ; elle décrit sa

figure, son attitude, décrit son habillement, montre la place où il

s'est assis, entend sa voix qui lui dit qu'il s'efforce de l'assister, delà

sauver. Les sensations associées pathologiques ou douloureuses de

cette malade se reconnaissent à ce que, pendant qu'on lui cause

de choses ordinaires, elle fait une grimace de douleur, se bouche

les oreilles avec les doigts et vous prie de ne pas répéter ce qu'on

vient de lui dire, parce que ce sont des paroles qui lui ont endolori

les oreilles. Tantôt elle attribue cette vertu aux mots « ja

wasser nicht lichen» - tantôt c'est aux mots « gut essen

sie », A d'autres moments, elle se croit aveugle, elle ne peul

54 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ouvrir les yeux, il lui est passé des éclairs dans l'oeil droit ; c'est

parce qu'etle n'a pas fumé, ou fumé en temps voulu, parce que la

servante ne lui a pas, à l'heure opportune, donné une serviette à

l'aide de laquelle elle se fût couvert la tête. De là, se attitudes à

l'égarddes objets et personnes qui l'entourent; tel médecin lui est

odieux parce qu'il est grossier à son égard, ou désagréable ; elle

éprouve des sensations désagréables quand elle touche la table,

les murs de la chambre, l'accoudoir de la fenêtre, etc., elc.

P. ICR.1V.1L.

X. L'ÉTAT DU C1RCULUS NUTRITIF DANS UN CAS SPÉCIAL DE FOLIE OHCU-

LAmE ; par A. SCHOEFEII. (Neurolog. CcnGralGl., XV, 1896.)

, 11 s'agit de l'observation de C. Westphal (Charité Annalen, l. XI,

1896) caractérisée par de l'atrophie musculaire avec atteinte des

muscles de la face, compliquée de folie circulaire entée sur un

délire systématisé chronique. Il y a alternance continue de périodes

.d'exaltation et de dépression avec ou sans intervalle de calme.

La période d'exaltation coïncide régulièrement avec une excrétion

considérable de l'urine dans les vingt-quatre heures, atteignant

6,000 cent. cubes, la densité s'abaissant à 1001. La période de

dépression se traduit par une diminution considérable de l'émis-

sion d'urine, qui ne dépasse plus 300 cent. cubes dans les vingt-

quatre heures; alors la densité monte à 1031. L'urine n'est jamais

pathologique. Pendant ces deux phases, la malade (âgée de soixante

quatre ans) prend.'ou à peu près la même quantité d'aliments

solides; mais il lui faut pendant la période d'exaltation ingurgiter

d'incroyables quantités de café froid, léger, jusqu'à 10.000 cent.

cubes par jour. Son poids à peu près stationnaire, oscille entre

56 et 63 kitogs ; à peine perd-elle quelques livres à la phase

d'acné de la période d'exaltation. On a chimiquement déterminé,

parallèlement dans les deux périodes l'élimination de l'azote total

et de l'azote représenté par l'acide urique et la série xanthique,

l'alloxane ou les corps qui en fournissent. Voyez les tableaux. IL

en résulte que, pendant la période, d'exaltation la malade excrète

proportionnellement plus d'alloxanes, c'est-à-dire d'acide urique

et d'éléments xanthiques, parce que pendant cette période il se

forme, dans la nutrition, plus d'azote, qui apparaît dans l'urine à

l'état d'acide urique et d'éléments xanthiques, que pendant la

période de dépression. L'azote de ces corps provient de substances

qui contiennent de la nucléine; elles sont éliminées par les noyaux

des cellules, pendant la fonte des tissus du corps. Il y a donc en

réalité, pendant la période d'exaltation destruction des tissus de

l'organisme exprimée par la petite perte de poids signalée,

P. Keraval.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 55

XI. Du CENTRE DES MUSCLES, DU TRONC DANS LA RÉGION SENSITIVE DE

l'écorce du cerveau; par M. ROTHMMANN, (Neurolog. Cent1'albl.,

XV, 1896.

Cinq expériences chez le chat et le chien permettent de formuler :

1° Le centre cortical des membres, localisé dans les ascendants,

n'a chez ces animaux aucun rapport avec les muscles du tronc ;

2° les incurvations de la colonne vertébrale, qui succèdent, chez

eux, à l'excitation électrique des régions en question, sont tou-

jours secondaires ; elles résultent de la vive contraction du psoas

iliaque ou des muscles de l'omoplate, sans que les muscles du dos

soient le moins du monde animés ; 3° Les phénomènes de déficit

qu'ont observés Unverricht et Kusick après avoir extirpé la région

correspondant aux membres, dans l'expérience connue sous le

nom d'expérience de la table, tiennent non pas à une perte de la

fonction des muscles du dos du même côté, mais à celle des mus-

cles auxiliaires du côté opposé et avanttout à celledu psoas iliaque;

4° il n'y a donc point chez le chien de fibres homolatérales du

faisceau pyramidal subissant, comme le veut Unverricht, un second

entrecroisement dans la substance grise de la moelle dorsale et

unissant les centles des membres avec les centres médullaires des

muscles du tronc.

Quatre nouvelles expériences, qui semblaient indiquer la proba-

bilité d'une union directe entre le cerveau frontal et les centres

médullaires des muscles du tronc du côté opposé, sont contredites

par l'étude microscopique des pièces. Aussi, chez l'un de ces ani-

maux, tué trois semaines après l'opération de la réparation du

cerveau frontal, il n'existait, ni dans la moelle, ni dans l'entre-

croisement des pyramides, ni dans le bulbe, aucune trace de

dégénérescence, tandis que dans la région des membres on trou-

vait une dégénérescence partant du cerveau frontal et se

dirigeant en arrière et en bas (méthode de Marchi). S'il y a par

conséquent une union avec les muscles du tronc, cette union subit

dans le cerveau moyen une interruption par des cellules nerveuses.

Lesquelles ? C'est à chercher. P. KERAVAL.

XII. SUR LES terminaisons NERVEUSES dans la dure-mère cérébrale

DE l'homme ; par V. ACQUISTO et E. PUSATERI. (Riv. di. pat. nerv.

et ment., fasc. 7, 1896.)

SUI. Modifications DU NUCLÉOLE DE la CELLULE NERVEUSE par L'EM-

POISONNEMENT strychnique ET CHLOROFORMUJUË ; par GiUOppe Mana-

sERi. (Riv. di. part. nerv. et ment., fasc. 7, 1896.)

XIV. SUR UNE forme SURTOUT ataxique DE crampe DES écrivains avec

quelques considérations sur la PATHOGÉNIE des SPASME fonction-

NELS ; par E. BELYOI'iDS. (Riv. di. pat. nerv. et ment., fasc. 8, 1896.)

56 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

XV. Empoisonnement expérimental par l'acétate d'urane; dégéna-

tion systématique de la moelle épinière ; par RaflaCle Gurrieri.

(Riv. di. pat. nerv. et ment., fasc. 8, 1896.)

XVI. Nouvelles données ET nouveaux problèmes sur la pathologie

DE la cellule nerveuse ; par E. LUG.1R0. (Riv. di. 7at. et

ment., fasc. 8, 1896.)

XVII. Recherches expérimentales sur LES altérations DES cellules

nerveuses dans l'intoxication alcoolique AIGUH ; par II. DL ? iiio.

(C.e72tralbl. f. F. A7eiveizheilk., XVIII, N. F. "J,18\J¡j.)

1

Etude sur la lecture de la cellule de Purlcinje (écorce céribelleux)

parla méthode de Nissl (bleu de méthylène) chez le lapin empoi-,

sonné soit par l'injection gastrique à l'aide de la sonde oesopha-

gienne) soit par des injections sous-cutanées. A l'aide de 7 a 10

centimètres cubes d'alcool à 40°, on produit d'abord l'ivresse que

l'on entretient ensuite par des doses- de 5 centimètres cubes ;

chaque séance consomme 20 à 25 centimètres cubes. L'animal

ayant été ainsi empoisonné pendant plusieurs heures, si on vent

le maintenir vivant, on l'enveloppe dans des couvertures de laine,

afin d'éviter le refroidissement. Un des lapins put ainsi subsister

trente-quatre heures, y compris la nuit intermédiaire pendant

laquelle il s'était complètement ranimé. Les autopsies ont éte

faites immédiatement après la mort et les pièces ont été comparées

à celles de deux animaux de la même portée.

Toutes les fois que l'ivresse a duré assez longtemps, on a vu :

1° les fines mailles de la substance colorable remplacées par des

granulations assez égales, mais irrégulièrement disposées; 2° un

ton légèrement bleuâtre dans la substance non colorié; 3° les

lésions occupent soit toute la cellule, soit une partie de la cellule,

dès que les granulations des prolongements demeuraient indemnes

constamment : ' 4° intégrité eu noyau et du nucléole; 5° quelle que

fût l'intensité des altérations, il s'en fallait de beaucoup que

toutes les cellules fussent atteintes.

Les mêmes altérations, bien plus marquées, se retrouvèrent chez

un chien enivré pendant trente heures. Utilité très grande de la

microphotographie. P. Keraval.

XVIII. DE l'hétérotopie de la moelle; par B. Nagy. (Ce7tl'Cllbl. f,

Ne)roenl2eill ? N. F. vu, 18S6.)

Pendant quelques semaines qu'il passe dans le laboratoire du

professeur Laufenauer, l'auteur constate quatre fois l'hétérotopie

de la moelle chez l'homme. Il s'agissait de trois déments séniles et

d'un paralysé général. Ce déplacement , de la substance grise était

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 57

simple dans trois cas, compliqué de réduplication dane un cas, et,

chose particulière, le tout dans la moelle cervicale. Origine

embryonnaire indéniable (voir les descriptions). D'ailleurs, sur

cent individus, malades ou sains, on trouve dans 'la moelle un

grand nombre de parties dont le développement est certainement

anormal, sans parler des petites irrégularités de structure ainsi

des différences entre les cornes antérieures et postérieures 4ti.91fes

et gauches. ,

Cela ne veut pas dire que ces anomalies prédisposent à e

affection du système nerveux; pour décider de la question il faül-r

drait, en tous cas examiner beaucoup de moelles d'individus

n'ayant jamais eu de maladie du système nerveux. De nombreux

examens cliniques pourrraient seuls aussi indiquer si les hétéro-

topies en queslion se traduisent par des symptômes locaux. Les

quatre faits précédents concernent des individus ayant atteint un

âge avancé, sans avoir auparavant, dans le jeune âge, présenté de

symplômes qui dénotassent d'affection nerveuse. Point à noter, ce

génie de préparation est très difficile à durcir. P. KERAVAL.

XIX. Etude sur les sensations illusoires des amputés; par le pro-

fesseur Pitres. (Annales médico-psychologiques, avril 1897.)

C'est un fait de connaissance courante que les amputés éprouvent

fréquemment des sensations désagréables ou douloureuses, qui leur

paraissent siéger dans les parties du corps qu'ils ont perdues.

Depuis les recherches de Millier sur la transmission des impressions

sensitives, on admet généralement que les sensations illusoires des

amputés ont leur point de départ et leur raison d'être dans l'irri-

tation des filets nerveux contenus dans la cicatrice des moignons.

On se demande cependant depuis quelque temps si cette manière

de voir suffit à rendre compte de tous les phénomènes observés et

si, en l'absence d'irritation périphérique, des processus purement

psychiques ne peuvent pas créer de toutes pièces ou modifier nota-

blement les sensations étranges perçues par les amputés.

Dans la première partie de son travail, l'auteur décrit les sensa-

tions illusoires dont se plaignent les amputés avec leurs caractères

fréquence des sensations illusoires (96,87 p. 100); date et durée de

leur apparition ; forme, volume, écartement, température, mobi-

lité de l'extrémité fantôme;' douleurs spontanées siégeant dans les

extrémités fantômes, névralgies des moignons, syncinésies; acci-

dents résultant de la sensation illusoire des amputés; disparition

spontanée des sensations illusoires; état mental.des amputés.

Reprenant ensuite l'étude des faits sur lesquels repose l'inter-

prétation psycho-physiologique de ces sensations, AI. Pitres montre

que l'illusion en vertu de laquelle l'amputé s'imagine porter, à la

place de l'extrémité qu'il a perdue, « un membre fantôme qui le

58 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

suit partout D est étroitement liée à l'état des nerfs contenus dans

la cicatrice du moignon. Elle disparaît quand on anesthésie ces

nerfs à la cocaïne; elle reparaît quand on les excite par la faradi-

sation. Il est il remarquer que les filets nerveux compris dans la

cicatrice y conservent toute leur indépendance fonctionnelle et que

l'excitation isolée de chacun d'eux donne lieu le plus souvent à

des sensations distinctes qui sont rapportées par les sujets aux

extrémités périphériques des nerfs excités.

D'autre part, les sensations illusoires des amputés peuvent être

influencées, dans une certaine mesure, par des phénomènes d'ordre

psychique. La fixation de l'attention leur donne plus de netteté.

Certaines associations d'idées ou de sensations les rendent plus

précises ; mais elles ne sont jamais créées de toutes pièces par le

cerveau. L'amputé ne localise des perceptions sur un point quel-

conque des membres absents que s'il a, au préalable, la notion

illusoire de l'existence de ces membres, etcette notion est toujours

d'origine périphérique. E. BLIN.

XX. UN cas DE mouvements DU membre inférieur droit associés A

l'exercice DE la parole chez un aphasique; par M. SAIXTON.

Certains hémiplégiques présentent des mouvements spéciaux

désignés sous le nom de mouvements associés.

Tel ce malade paraphastque dont l'observation est [apportée

par M. Sainlon, qui présente des mouvements associés toujours

les mêmes, se produisant à l'occasion de l'élaboration et de la

prononciation des mots, associés par conséquent non pas au fonc-

tionnement des lèvres et de la langue, mais à l'ensemble des actes

nécessaires à l'émission du son articulé. Quand on cause avec le

malade assis sur une chaise dans la position normale, on ne tarde

pas à constater que son membre inférieur du côté droit paralysé est

animé, pendant qu'il parle, de mouvements particuliers : la cuisse

se soulève, la jambe se fléchit sur la cuisse à angle droit, le pied

s'étend sur la jambe de façon que le talon se détache du sol, en

même temps que le talon est animé d'oscillations latérales en

dedans et en dehors. Ces mouvements, peu marqués au début de

la conversation, augmentent et, de temps à autre, sont accompa-

gnés d'un mouvement subit d'extension de la jambe sur la cuisse

qui porte la pointe du pied violemment en avant pour la ramener

d'ailleurs presque aussitôt à sa position première.

Il paraît vraisemblable d'admettre que, dans ce cas, l'ensemble

des actes nécessaires pour l'élaboration des mots nécessite des

efforts d'attention qui suppriment la fonction d'arrêt du cerveau

sur les fibres motrices : la réflectivité médullaire se montrerait alors

exagérée par suite même de la suspension de l'action frénatrice

du faisceau pyramidal. (Revue neurologique. Juillet 1897.) E. B.

REVUE O'ANAT01ÍIE ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 59

XXI. Pathologie générale DE la cellule NERVEUSE (lésions secon-

daires et primitives); par lli. G. Marinesco. (Presse médicale, 27 jan-

vier 1897.)

Dans ce travail, l'auteur s'est, dit-il, « simplement attaché à

montrer combien est mobile et fugace l'expression des lésions

primitives de la cellule nerveuse et combien celles-ci diffèrent

toujours des lésions secondaires dans leurs caractères essen

tiels ».

M. Marinesco prend pour type la cellule nerveuse de la corne

antérieure, qui est composée de trois parties distinctes : 1° une

substance fondamentale achromatique contenant : 2° les éléments

chromatophiles, constitués par des granulations réunies entre

elles par une substance amorphe ; 3° une substance d'aspect

fibrillaire ou strié dans les prolongements protoplasmiques et

dans le cylindre-axe, semblant former un réseau intra-eellu-

laire. Au centre de la cellule est le noyau avec son nucléole ;

autour du noyau, se trouve une couche concentrique d'éléments

chromatophiles qui, à la périphérie, s'irradieut dans les prolon-

gements protoplasmiques ; le cylindre-axe est dépourvu de ces

éléments.

Lorsqu'on sectionne un nerf moteur, on observe dans le centre

d'origine de ce nerf des lésions secondaires, caractérisées tout d'a-

bord par une phase de réaction et par une phase de dégénéres-

cence. Au cours de ces deux phases se produit la désintégration

de la substance chromatique qui commence au voisinage du

cylindre-axe ; puis cette chromatoylse s'étend, le noyau se place

excentriquement ; enfin la striation du corps cellulaire et des

prolongements protoplasmiques disparait et les éléments chroma-

tophiles se résolvent en une fine poussière. Les mêmes lésions

s'observent à la suite de la section des nerfs sensitifs et des nerfs

sympathiques.

La dégénérescence de la cellule ne conduit pas toujours à son

atrophie ; dans un grand nombre de cas, une phase de réparation

succède à la phase de dégénérescence. A cette période les cellules

lésées se distinguent par leur hypertrophie et par leur coloration

foncée résultant de l'augmentation de volume des éléments chro-

matophiles. Ces données trouvent leur application dans.l'étude

des névrites dégénératives. Ces névrites s'accompagnent d'une

réaction à distance dans les centres des nerfs lésés, on doit obser-

ver dans la moelle des sujets qui en sont atteints les lésions corres-

pondant aux trois phases de réaction, de dégénérescence et de

réparations. M. Marinesco et d'autres auteurs ont apporté des faits

à l'appui de cette manière de voir.

La connaissance de la réaction à distance éclaire aussi d'un jour

nouveau la question de la névrite ascendante. La réaction à dis-

60 revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

tance diffère de la névrite ascendante par ce fait qu'elle laisse

intacte la continuité du nerf. Or, dans un groupe de ces soi-disant

névrites ascendantes où le poison est peu diffusible, il se produit

une répercussion sur la moelle avant que la portion nerveuse inter-

médiaire soit atteinte. Dans ces cas la dénomination de névrite

ascendante ne répond pas à la réalité des faits. -

De même, dans les altérations de la moelle consécutives aux

amputations on a souvent affaire à une réaction à distance et non

à une névrite ascendante, comme on l'a admis jusqu'à maintenant.

Les mêmes considérations s'appliquent à la dégénérescence rétro-

grade. Tandis que le type des lésions secondaires est unique, celui

des lésions primitives est essentiellement variable.

L'auteur examine ces lésions primitives dans l'anémie expéri-

mentale les embolies expérimentale, la rage, le botulisme, le téta-

nos et l'urémie expérimentale.

De cette étude il ressort que la première altération, que l'on

rencontre dans la plupart des cas de lésions primitives, semble

bien être la désagrégation des éléments chromatophiles ou chro-

matolyse ; mais la chromatolyse peut être périphérique, comme

dans l'anémie pernicieuse, la rage, l'anémie expérimentale, le

botulisme, l'urémie expérimentale; ou bien elle est périnucléaire

(intoxication expérimentale par l'arsenic, paralysie de Landry), ou

encore elle peut être diffuse partielle ou générale. Ces divers types

de chromatolyse, qui ne sont peut-être pas les seuls, sont suscep-

tibles de se combiner de diverses manières. Ce qui caractérise et

ce qui fait surtout la gravite des lésions primitives, c'est l'altéra-

tion de la substance achromatique, soit du protoplasma, soit du

noyau. Cette altération consiste, tantôt en une désintégration

moléculaire (achromatylose), tantôt en une coagulation et proba-

blement une transformation chimique qui fait de la substance

achromatique une masse incolore, d'aspect vitreux. Dans les deux

cas, elle aboutit à la mort de la cellule nerveuse.

On observe aussi dans les lésions primitives, une colorabilité

intense de la substance achromatique. Toutes les fois que la subs-

tance achromatique est très altérée, les cellules névrogliqucs qui se

trouvent au voisinage des cellules nerveuses s'hyperplasient et

jouent le. rôle de neurophages. Il existe aussi, dans la plupart des

cas d'affections primitives des centres nerveux, des lésions vascu-

laires qui font presque défaut dans les lésions de réaction à dis-

tance ou lésions secondaires. Les lésions primitives elles-mêmes

présentent des différences histologiques qui permettent de les dis-

tinguer jusqu'à un certain point les unes des autres. Les divers

poisons agissent d'une façon différente sur la même espèce de cel-

lule, et le même poison a une action différente sur les diverses

espèces de cellules nerveuses.

A. FENAYMU.

revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 61

XXII. Arrêt DE DÉVELOPPMENT DU membre supérieur consécutif A un-

traumatisme datant DE l'enfance. Atrophie IUSCUL11BE NULLE-

RIQUE ; par M. J. KLIPPEL. (Revue médicale, 31 juillet 1897.)

L'auteur relate l'observation suivie d'autopsie d'un malade ayant

présenté un arrêt de développement du membre supérieur consé-

cutif à un traumatisme du coude. L'examen histologique des muscles,

des os, de la moelle et des nerfs a démontré qu'il s'agissait d'un

cas d'atrophie numérique affection caractérisée par le seul défaut

du nombre des éléments d'un muscle, d'un os, d'un nerf, sans dimi-

nution de volume de ces éléments, ni altération de leur structure

(diagnostic avec l'atrophie simple et l'atrophie dégénérative).

L'atrophie numérique, localisée ou généralisée ne s'observe qu'à

la suite de maladies locales (traumatismes, brûlures, arthrites, etc.)

ou générales de l'enfance. La lésion qui la constitue, consiste en

la disparition définitive d'un certain nombre d'éléments anato-

miques. D'après ses recherches, l'auteur pense que toutes les fibres

musculaires existent à la naissance et que seul le volume de ces

fibres fait la différence entre les muscles du foetus à terme et du

sujet adulte ; il est porté à croire qu'il en est de même pour les

autres organes ; l'atrophie numérique n'est donc pas due à un

arrêt de développement d'éléments anatomiques nouveaux qui

devraient apparaître avec l'âge.

Les causes, qui chez des sujets n'ayant pas atteint leur complet

développement produisant l'atrophie numérique déterminent chez

l'adulte, des atrophies véritables. M. Klippel fait observer que les

sujets atteints d'atrophie numérique semblent prédisposés à la

tuberculose, par suite de la diminution de pouvoir de régénération

des tissus. ' A. FENAYaou.

XXIII. ÉTUDE CLINIQUE du dynamisme psychique; par H. Aimé. ,.

Paris, 0. Doin, 1897.

Rien de bien nouveau sous ce titre un peu pompeux, mais beau-

coup de faits assemblés et présentés sous une forme assez con-

crète et rendant cette thèse intéressante, malgré une pléthore

d'observations dont certaines sont excellentes, mais dont un grand

nombre, moins nécessaires, hachent et morcellent la dissertation,

nuisant ainsi à la netteté de l'ouvrage. L'auteur y poursuit l'élude

des troubles nerveux sans lésions pour en déterminer la genèse,

l'évolution, les conditions essentielles, et pour chercher s'ils peuvent t

arriver à modifier des troubles organiques concomitants ou à pro-

duire eux-mêmes des troubles organiques. Il définit ainsi l'élément

dynamique morbide : « Toute action nerveuse anormale qui ne

correspond à aucune altération organique apparente connue et

durable se compose d'idées, d'émotions et dépend de l'individualité

63 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

psychique. Elle est susceptible d'être effacée par une autre action

dynamogénique thérapeutique telle que la suggestion. » C'est dire

que ce travail est composé à la plus grande louange de l'école de

Nancy et de la suggestion. Il se termine par un essai de diagnos-

tic et de pronostic et un résumé de leur traitement, celui-ci étant

développé tout au long de l'ouvrage; un peu plus de théories psy-

chologiques et une bibliographie plus nourrie lui donneraient un

intérêt réel. F. BOISSIER.

XXIV. Trajet suivi par les fibres du GOUT; par Francis Dixon. (The

Edinbu1"gh médical Journal, avril 1897.)

. 1

La question du trajet que suivent pour se rendre de la langue

au cerveau les fibres nerveuses préposées à la gustation, est loin

d'être élucidée, malgré les nombreux travaux des physiologistes

modernes. Récemment encore, Gowers, à propos d'un cas de para-

lysie complète et isolée du trijumeau, avec abolition du goût, cas

publié dans ce journal et analysé précédemment par nous, Revue

de neurologie (Edinburgh med. J., janvier 1897), était amené à

admettre que tous les nerfs du goût gagnent le cerveau par la voie

du trijumeau. Les partisans de cette théorie donnent aux nerfs en

question un trajet très compliqué, « qui nous laisse sceptiques,

dit l'auteur, tant qu'il ne sera pas démontré absolument exact ».

Les fibres qui reçoivent les impressions gustatives dans les 2/3 an-

térieurs de la langue passent, comme on le sait, dans le nerf -lin-

gual ; elles le quittent par la corde du tympan pour rejoindre le

nerf facial. Là, d'après la théorie en question, ces fibres suivraient

le grand nerf pétreux superficiel, qui, par le nerf vidien, les apporte

au ganglion de Meckel, et elles gagneraient ensuite le cerveau par

le nerf maxillaire supérieur, deuxième branche du trijumeau.

Quant aux fibres gustatives de la partie postérieure de la langue,

elles passent d'abord dans le glosso-pharyngien. Mais elles le quitte-

raient par le nerf de Jacobson pour gagner le plexus tympanique.

Elles aboutiraient par là, soit au nerf maxillaire inférieur, troi-

sième branche du trijumeau, par le petit nerf pétreux superficiel

et le ganglion otique, soit, comme d'autres l'imaginent, au maxil-

laire supérieur, grâce à une anastomose existant entre le plexus

tympanique et le grand nerf pétreux superficiel.

Les partisans de cette théorie se basent sur certains faits' cliniques

s'accompagnant d'abolition du goût, alors que le diagnostic avait

localisé la lésion aux racines du trijumeau. Mais comme la plu-

part de ces cas n'ont pas eu de contrôle anatomique, ils perdent de

leur valeur. Car, remarque Dixon, sur quoi se baser pour prétendre

qu'une lésion intéressant l'origine du trijumeau ne s'étend pas

plus loin ? D'autant plus que la cinquième paire et la septième

paire- n'émergent qu'à 10 millimètres l'une de l'autre et qu'un

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 63

même processus peut les atteindre. En plus, le facial, à son passage

dans l'aqueduc de Fallope, est très proche du trijumeau (3 à 4 mil-

limètres), et si une lésion intéresse ce dernier dans sa totalité, elle

est dès lors bien voisine de l'autre.

Aussi le cas de Erb, où le trijumeau était enserré dans une masse

de tissu d'inflammation chronique (le malade avait présenté de

l'abolition du goût), n'est pas probant aux yeux de Dixon. Il y a

tout lieu de croire, en effet, que cette masse devait comprimer le

ganglion géniculé du facial et que l'abolition du goût -n'avait pas

d'autre origine. n

L'auteur invoque enfin quelques arguments originaux tirés de

l'anatomie et du développement, pour prouver que les fibres du

goût passent bien par le facial et le glosso-pharyngien, et non pas

par le trijumeau.

Si l'on refuse aux nerfs facial et glosso-pharyngien de porter les

fibres du goût, pourquoi ces deux nerfs ont-ils, comme les nerfs

sensitifs, des ganglions, qui sont l'homologue des ganglions spi-

naux ? Si la corde du tympan n'était pas une branche sensitive du

facial, à quoi répondrait le nerf intermédiaire de Wrisberg, qui

n'en est que la prolongation, et qui ne peut avoir que le rôle d'un

conducteur centripète, puisqu'il émane du ganglion géniculé ? De

même pour la neuvième paire, dont le ganglion a la structure d'un

ganglion spinal. Est-il possible d'admettre que le petit nerf de

Jacobson contienne toutes les fibres gustatives du glosso-pha-

ryngien ?

Autre objection. A supposer que les fibres du goût gagnent le

trijumeau, elles devraient traverser deux fois deux groupes de gan-

gelions : 1° celles du facial, le ganglion géniculé et le ganglion- de

Meckel; 2° celles de la neuvième paire, le ganglion d'Andersch e

le ganglion otique.

Ce serait là un fait exceptionnel, dérogeant au trajet habituel

des nerfs sensoriels.

L'auteur démontre d'ailleurs, en se basant sur des recherches

personnelles, que la corde du tympan est une branche afférente du

facial, de même que le nerf de Jacobson est une branche afférente

du glosso-pharyngien; la conduction nerveuse doit donc se faire

dans le même sens. On sait que les cylindraxes des nerfs sensi-

tifs sont les prolongements de cellules ganglionnaires semblables

à celles des ganglions spinaux. '

Ces mêmes cellules donnent naissance, d'une part, à des prolon-

gements périphériques qui constituent le nerf, d'autre part, il des

prolongements centraux qui gagnent le cerveau ou la moelle

(racines postérieures). Le nerf transmet les impressions sensibles

au ganglion dont il émane, et de là elles gagnent le cerveau ou

la moelle par les racines sensitives. Telle est loi générale. Or,

l'étude du développement de la corde du tympan chez l'embyron

C4 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

a révélé à Dixon des points intéressants. Ce nerf est à l'ori-

gine, indépendant du lingual, il émane du ganglion géniculé; en

sa qualité de nerf sensitif, c'est bien vers ce ganglion qu'il doit

diriger l'influx nerveux. De même, le grand nerf pétreux superfi-

ciel émane du même ganglion, et ce n'est que très tard qu'il entre

en rapport avec le trijumeau. De même encore, le nerf de Jacob-

son est une émanation du ganglion d'Ander : ch. Si ces nerfs con-

duisaient les sensations au trijumeau, ce serait une exception à la

loi générale. N'est-il pas évident, au contraire, à l'appui de ces faits

nouveaux, qui viennent corrohorer les résultats expérimentaux,

que les impressions gustatives gagnent le cerveau par la voie du

facial et du glosso-pharyngien ? P. RELLAY.

XXV. État actuel DE l'anatomie ET DE la pathologie DES CELLULES

nerveuses; par F. NISSL. (Centralbl. f. JVC ! 'MH/tCt ? XVIII, N. F.

vi, 1895.)

Exaltation des études sur les réactions chromophiliques des cel-

lules ! Nissl prétend que maintenant nous connaissons exactement

le mode de manifestation du réactif sur la cellule nerveuse, et que

nous pouvons en distinguer les dessins artificiels produits sur un

tissu mort. De là, à nettement différencier les dessins histochi-

miques dus à des altérations pathologiques, il n'y a qu'un pas.

Que les neurones soient la dernière unité anatomique; que les pro-

longements nerveux, les collatérales, les ramuscules terminaux et

les dendrites représentent des organes conducteurs et de contact,

la cellule nerveuse n'en reste pas moins l'article spécifique par

excellence, essentiel du neurone, surtout si c'est la variété de

structure de la cellule qui implique la variété de fonction qu'elle

donne au neurone. C'est cette structure que la chromophilie per-

mettra de révéler (voir les travaux de Nissl). P. KE ! \AY.\L.

XXVI. QUESTIONS critiques relatives A l'anatomie DES CELLULES ner-

, veuses; par F. NISsL. (Neurolog. Ce)tt2'alGl., XV, 1896.)

M. Benda a critiqué la division des cellules nerveuses de Nissl,

disant que les dénominations proposées par celui-ci ne sauraient

constituer des types puisqu'entre elles on trouve toules les transi-

tions (Neurolog. Cet2trcalbl., z 1\1. Nissl répond par une argu-

mentation technique qui n'ajoute-rien à sa théorie vraie ou fausse.

, P. 1\1..

XXVII. Contribution A L'ÉTUDE DES TROUBLES DE la sensibilité

cutanée; par L. 1,(rWENrrLD. ICentmlbl. f. Ne7'venlte2ll ? XIX, N. F.,

vu, 1890.)

Résumé des phénomènes relatifs aux troubles de la localisation

de la sensation; aux troubles de l'appréciation des distances de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 65

deux sensations; aux troubles de la perception. Conclusions :

1° la localisation est un élément accessoire de la sensation tactile,

élément qui peut se trouver isolément supprimé; 2° dans une

région cutanée où deux contacts ne sont point perçus séparément,

il est cependant encore possible de constater la distinction d'une

certaine distance dans les contacts, et cette appréciation peut avoir

une remarquable précision; 3° eu outre des symptômes perma-

nents (phénomènes de déficit) nous trouvons, lorsque la sensibi-

lité cutanée est fort endommagée, des phénomènes de fatigue et

d'interférence d'origine spinale et peut-être aussi d'origine

périphérique dont on doit tenir compte. P. K.

XXVIII. SUHFONCTION DE LA GLANDE PITUITAIRE. GÉANTISME ET CHOYé-

GALlE : par B. IASSALONGO. (Cent1'llIbl, f. Nervenheilk, XVIII, N. F.,

vi, 1895.)

L'acromégalie est le géanlisme tardif anormal. Due à la persis-

tance de la fonction de cette glande foetale qui n'a pas subi l'invo-

lotion nécessaire à l'âge de vingt ans. Rapprochemenls entre les

géants et les acromégaliques. Chez les acromégaliques cachec-

tiques, il y a lésion de la glande pituitaire. P. K.

XXIX. Des lacunes musculaires congénitales : par S. KALISCHER.

(Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)

Etude clinique comparative et différentielle de deux observa-

tions dans lesquelles il y avait absence des pectoraux des deux côtés

(fillette de douze ans) ou du côté gauche (garçon de huit mois). Ces

observations rapprochées des autres faits publiés, actuellement au

nombre de 61, permettent d'établir de nombreuses variétés soit en ce

qui concerne les atrophies musculaires soit en ce qui regarde les

phénomènes concomitants. Sont-elles dues à des aplasies simples

indépendantes du système nerveux central, dérivent-elles d'ab-

sences ou d'atrophies des centres spinaux trophiques (lésions des

cornes antérieures) ? On ne sait. Enfin sont-elles bien congéni-

tales ? Ne sont-elles pas plutôt dues à des lésions pathologiques

acquises mais précoces ? et notamment à la dystrophie musculaire,

progressive, précoce, mais arrêtée dans son développement ? Cette

dernière manière de voir est repoussée par l'auteur. D'abord il

existe en même temps d'autres malformations; puis presque cons-

tamment la défectuosité est unilatérale; il n'y a pas de paralysie

ni de troubles fonctionnels essentiels. Ce sont les mêmes difficultés

que l'on a à vaincre quand on se trouve en présence d'absences

de muscles à la face et aux yeux. L'auteur fournit en terminant

une troisième observation type d'absence des muscles de la poitrine

unilatérale congénitale avec anomalies de développement du sque-

lette, syndactyle, etc. P. KERAVAL.

Archives, 2e série, t. V. , 5

66, REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXX. LES longs tractus sensitifs DE la substance grise DE la £

MOELLE ET LEUR DÉGÉNÉRESCENCE EXPÉRIMENTALE; par A. CIAGLINSII.

(Neurolog. G'elatrnl6l., XV, 1896.)

La substance grise de la moelle contient trois sortes de fibres

nerveuses : 1° les unes viennent des faiceaux pyramidaux ; 2° les

autres, des racines postérieures ; 3° les dernières prennent naissance

dans les cellules nerveuses de la substance grise et passent à divers

endroits dans la substance blanche.

Les racines postérieures après leur entrée dans la substance de la

moelle, dessinent un Y dont les deux branches sont l'une supé-

rieure, l'autre inférieure. La branche inférieure furme le cordon de

Schultz qui, entre le faisceau de Goll et le faisceau de Burdach,

gagne, entre les deux, la ligue limitante. La branche supérieure

monte dans le faisceau de Burdach et surtout dans le faisceau de

Gel] jusqu'au bulbe, pour se terminer dans les centres du faisceau

grêle et du faisceau cunéiforme. La branche ascendante (par le

faisceau de Burdach) et la branche descendante éJl1E'.lteut à angle

droit des fibres nerveuses à myéline nombreuses, qu'on appelle des

collatérales (collatérales sensilives) qui, perpendiculaires à l'axe de

la moelle, conséquemment parallèles au plan transversal, pénètrent

dans la substance grise. Là, elles affectent quatre directions. Les

unes tendent aux cornes postérieures et enlacent la substance de

Rolando. Les autres se rendent aux colonnes de Clarke. Les troi-

sièmes, aux cellules des cornes antérieures (collatérales réflexes).

Les quatrièmes s'étendent jusqu'à la commissure postérieure ; ces

dernières, peu développées chez l'homme, sont des plus nettes

chez le chien, le lapin, et surtout le cobaye.

Les fibres myélogènes se dirigent en deux sens. Celles qui vien-

nent des cellules des cornes antérieures et rayonnent dans les cor-

dons antérieurs sont parallèles au plan transverse. Celles qui vien-

nent des autres cellules de la moelle, surtout des cellules des

colonnes de Clarke, après être sorties de la substance grise par les

cordons latéraux et antérieurs de la moelle, sont parallèles à l'axe

longitudinal de celle-ci. '

Et, malgré la netteté de ces indications, il est impossible de

retrouver le trajet de ces fibres dégénérées dans la substance grise

sur des coupes transverses (méth. de Marchi), alors qu'on les voit

si bien sur des moelles normales (méth. de Weiggert et Pal). Elles

ont disparu sans laisser de traces. C'est à peine si l'on voit çà et là

de petites raies étroites, noires, qui, des cordons postérieurs, pénè-

trent dans la substance grise ; aussi peu en remarque-t-on dans

les cornes postérieures ou aux points où elles sortent des cornes

antérieures.

Voici des expériencee qui semblent fournir un point de repère.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 67

Chez un chien dont on a comprimé la moelle lombaire avec une

forte ligature de soie (paralysie complète des pattes postérieures),

on trouve au bout de quatre jours une dégénérescence secondaire

ascendante d'un cordon de fibres nerveuses blanches occupant la

substance grise entre les terminaisons antérieures du cordon pos-

térieur et la paroi postérieure du canal central de bas en haut.

Même résultat chez un chien tué cinq jours après écrasement de la

moelle (paralysie complète). Un troisième chien tué le 24° jour

après le même traumatisme révèle, au-dessous de l'endroit lésé,

dans la substance grise une petite cavité exactement localisée,

et dans les mêmes limites, un point du cordon en question ; de

nombreuses coupes trahissent la présence de nombreuses fibres

dégénérées qui, des cordons postérieurs, à côté de la ligne mé-

diane, entrent dans la substance grise juste à la place qui cor-

respond à la localisation de notre cordon. Il doit y avoir un rap-

port entre ce cordon et les fibres sensitives de la moelle. Il est

probable, d'après les documents acquis de la clinique, et de la

physiologie expérimentale, que le cordon de fibres blanches qui

passe par la substance grise de la moelle entre les terminaisons anté-

rieures des cordons postérieurs et le canal central appartient au

groupe des cordons sensitifs et sert ci conduire la-sensation doulou-

reuse ainsi que la sensation thermique. KERAVAL.

XXXI. Contribution A la question DE l'entre-croirement du nerf

optique; par L. Jacobsohn (Neurolog. Cetztralbl., XV, 1$96).

Koelliker prétend que chez les mammifères et chez l'homme il \

y a dans le chiasma entre-croisement total des fibres optiques.

Enlevons un oeil à lapins, cobayes, chats et singes; tuons-les de

quatorze jours à quatre semaines plus tard et colorons par la

méthode de Marchi. Nous verrons ce qui suit. Chez le lapin et le cobaye

il n'existe pas un seul tractus nerveux dégénéré, c'est-à-dire coloré

en noir, allant du nerf optique coupé, par le chiasma, à la bande-

lette du même côté; toutes les fibres colorées en noir vont oblique-

ment à la bandelette optique du côté op'posé : en un mot il y a

entre-croisement total des fibres optiques dans le chiasma. Chez le

chat etle singe une grande partie des fibres colorées en noir vont au

côté opposé; un nombre considérable de fibres ainsi colorées passe

par le chiasma du même côté où on peut les suivre plus loin : il y a

entre-croisement incomplet des fibres optiques dans le chiasma. Il est

problable qu'il en est de même chez l'homme (Schmidt-Rimpler.

Deutsche medic. Wochcnschrift, n° 36, 1896). P. 11ERAVaL.

XXXII. Abcès du cervelet d'origine OTIQUE; par M. Ed. HIST,

(Presse médicale, 6 janvier 1897.)

Les otites moyennes et les caries du rocher jouent un rôle pré-

68 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

pondérant dans l'étiologie des abcès encéphaliques en général ;

d'après les statistiques citées par l'auteur, le cervelet est, plus

souvent qu'on ne le croit d'ordinaire, le siège de ces abcès. Les

signes spéciaux aux abcès du cervelet.(titubation cérébelleuse; ten-

dance à la rotation du corps du côté de la lésion; attitude spéciale,

le malade étant couché sur le côté opposé à la lésion, les membres

fléchis, etc.) ne permettent pas toujours de porter un diagnostic

ferme. Dans quelques cas, un syndrome spécial signalé par deux

chirurgiens anglais, MM. Acland et Bellance, syndrome dit céré-

belleux, permet de faire avec certitude le diagnostic.

Ce syndrome est composé de trois phénomèmes principaux :

1° paralysie du membre superieur du côté de la lésion, avec

faiblesse musculaire dans les membres inférieurs ; 2° exagération

du réflexe rotulien du côté de la lésion; 3° déviation conjuguée des

yeux du côté opposé à la lésion; et de quelques signes secondaires :

contractures et accès convulsifs limités aux membres du côté de

la lésion, parésie des membres du côté opposé à l'abcès, nystagmus

latéral..

Pour le diagnostic différentiel de l'abcès du cervelet et de l'abcès

du lobe temporo-sphénoïdal, l'examen de l'oreille donne de pré-

cieuses indications.

A la fin de son travail, l'auteur étudie le traitement de l'abcès du

cervelet d'origine otique ; il insiste surtout sur la méthode de

MM. Acland et Bellance, qui consiste à faire la trépanation en dis-

posant la couronne de trépan de façon que son bord antérieur soit

tangent au bord postérieur de la mastoide et que son bord supé-

rieur demeure au-dessous d'une ligne partant du bord inférieur

de l'orbite et passant par le centre du méat auditif (ligne basale

de Reid), à évacuer par cette ouverture la collection cérébelleuse

et à pratiquer ensuite la trépanation mastoïdienne. A. Fenayrou.

XXXIII. LÉSIONS DE la moelle épinière dans un cas d'amputation

congénitale des doigts; par MM. Souques et Marinesco. (Presse

médicale, 2 juin 1897.)

A l'autopsie d'une malade, qui présentait une amputation con-

génitale des trois doigts du milieu et une atrophie notable du

pouce et de l'auriculaire de la main droite, les auteurs ont constaté

une réduction de volume de la moitié droite -de la moelle, au

niveau du renflement cervical. L'hémisphère gauche, au niveau du

centre moteur du membre supérieur, ne présentait pas d'atrophie

visible à lit nu.

Le maximum des lésions de la moelle siégeait au niveau du

premier segment dorsal et du 8° cervical de la substance grise,

centre de l'innervation vaso-motrice des doigts. Là, on constatait

une hémiatrophie massive de la moitié droite de la moelle : dimi-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 69

nution de volume des racines postérieures; les collatérales réflexo-

motrices sont plus serrées et moins nombreuses que du côté sain.

Réduction de nombre des collatérales du centre de la corne posté-

rieure. Atrophie de la substance gélalineus de Rolando. Atrophie

des racines antérieures (sans prolifération interstitielle comme pour

les racines postérieures). Corne antérieure diminuée du tiers envi-

ron ; le groupe antéro-inteme des cellules motrices est bien con-

servé ; le groupe postéro-latéral est atrophié en partie; le groupe

médian a disparu. Réduction de nombre des cellules occupant à

ce niveau de la moelle une situation correspondante à celle de la

coloune de Clarke. Atrophie du cordon postérieur droit : la zone

postérieure est la plus altérée. Il existe une lésion bilatérale des

cordons de Goll sans doute due à la cachexie et à l'autoxication

cancéreuses auxquelles a succombé la malade. Le cordon latéral

est peu atrophié.

Ces lésions sont sans aucun doute de* lésions secondaires, résul-

tant de la .réaction à distance provoquée dans les centres corres-

pondants par la section des nerfs du membre amputé. Elles corres-

pondent et sont superposables aux lésions trouvées dans les faits-

d'amputation chirurgicale ou accidentelle des doigts. A. FENAYROU.

XXXIV. Contribution A la QUESTION relative A l'état DES PETITS

CAPILLAIRES DE l'ÉCORCE DU CERVEAU DANS L ARTÉRIOSCLÉROSE DES

GROS vaisseaux; par M. Lapinsky (Neurolog. Centralbl., XV, 1896).

Examen de vingt-huit pièces. Quinze seulement présentaient une

apparente dégénérescence des gros vaisseaux de la base (artério-

sclérose). Sur ces quinze (étude détaillée) il n'y avait aspect normal

des capillaires de l'écorce qu'une seule fois; six d'entre elles témoi-

gnaient d'une déviation de la normale de ces capillaires, mais sans

rétrécissement de leur lumière; restent donc huit cerveaux dans

lesquels les plus fins capillaires étaient altérés et plus ou moins

réduits de leur capacité, sinon obturés, ou bien diminués dans leur

élasticité et leur contractilité. Or la clinique apprend que l'arté-

riosclérose généralisée s'accompagne très souvent de troubles fonc-

tionnels de l'écorce se traduisant par une moindre activité motrice,

un affaiblissement de la sensibilité et des organes des sens, des

troubles de la marche, des modifications dans l'association des

idées. Jusqu'ici on avait expliqué ces phénomènes par de l'anémie

cérébrale consécutive à la diminution du calibre des gros vaisseaux.

Il faut y ajouter l'anémie des régions considérées comme centres

due aux mêmes modifications de leurs petits tuyaux. Il n'y a

d'après l'auteur que Loewenfeld qui les ait décrites (Studien über

Gehirnblutung, Wiesbaden, 1885). P. KERAVAL.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. TRAITEMENT DE par EsCUDrR. (Siglo mcdico, avril 1897.)

L'auteur voudrait qu'on n'eût recours aux asiles que quand ce

mode d'assistance s'impose absolument, notamment pour les alié-

nés, suicides, criminels et incurables. L'internement tel qu'il est en

usage n'est pas un traitement rationnel, mais un effet de l'égoïsme

social ; tout autre moyen d'arracher le matade aux fatigues de

son négoce et aux vicissitudes et soucis de la lutte quotidienne

pour la vie est préférable à la monotonie matérielle et morale de

la réglementation et de l'aspect même du manicome, uniformité

qui finit par être un véritable élément de systématisation du délire

et un agent de chronicilé. Comment la cellule et la camisole,

restes surannés des périodes primitives, peuvent-elles subsister ?

L'opinion de M. Escuder s'appuie sur une longue et substantielle

expérience. Il a vu nombre de malades soignés dans leurs propres

familles, fort assidûmeut et avec beaucoup d'intelligence, guérir

très vite. Dans d'autres cas où l'incompatibilité d'humeur ou

l'absurdité de la famille rendait impossible le traitement individuel

chez le patient même, il a pu donner ses soins hors de l'entou-

-rage et du milieu habituel, mais aussi hors de l'asile. Il montre

les moyens d'agir ainsi et en calcule les avantages, qui permettent

.entre antres de soigner « le malade et non la maladie ». Malgré

sa vénération pour Esquirol, il trouve passé sans retour le temps

où l'on pouvait dire : « L'asile est un moyen de guérison. » La len-

teur relative des progrès de la psychiatrie, la richesse trop anar-

chique des classifications diverses et des descriptions contradic-

- toiles qui encombrent les traités classiques, par opposition à la

- pauvreté thérapeutique qu'ils étalent, tiennent à l'usage des grands

.asiles. L'isolement est un excellent moyen de traitement, mais

l'asile peut être une séquestràtion, mais n'est pas un isolement.

Anatomie, histologie, chimie biologique, physiologie patholo-

gique, etc., laissent espérer une thérapeutique utile qui permettra

.de soigner l'aliéné chez lui comme un malade quelconque.

. F. BOISSIER.

II. SUR LE RÔLE DU séjour au LIT dans LE traitement DES aliénés;

par le Dr BEHNSTEIN,

La question sur le rôle du séjour au lit dans le traitement des

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 71

aliénés est à l'ordre du jour de la psychiatrie contemporaine, sur-

tout en Allemagne et en Russie. Sur l'initiative du professeur Kors-

sakoff, l'auteur a appliqué, pendant l'année scolaie 1895-96, la

méthode du séjour au lit dans le service des femmes de la clinique

psychiatrique de Moscou. Ce système a présenté des avantages

sérieux : tout d'abord, durant toute l'année, aucune cellule n'a été

occupée; sous l'influence du séjour au lit, l'excitation motrice est

réduite au minimum, l'excitation de l'intelligence diminue, le

délire devient pauvre et monotone. De plus, grâce à la mise en scène

de l'hôpital, les malades gardent leurs qualités humaines qui dégé-

nèrent bien vite dans l'emprisonnement solitaire des cellules. Le

gâtisme par terre, compagnon indispensable du séjour dans les

cellules, est rentré dans des proportions minima, et disparut com-

plètement quand l'attention des gardes s'y porta. Le gâtisme au lit

diminua dans de notables proportions.

A côté de ces avantages, il faut constater que les malades n'ont

pas guéri plus promptement qu'auparavant.

En tout cas, quelle que soit l'influence du séjour au lit sur la

durée des psychoses aiguës, ce système possède le mérite indiscu-

table de procurer la possibilité de renoncer à l'isolement cellulaire

-des aliénés.

En même temps, il facilite les soins à donner et améliore la sur-

veillance sans exiger l'augmentation du personnel; il économise

l'entretien des malades, parce qu'il diminue le gâtisme et la des-

truction du mobilier. Enfin, ce système simplifie le type de l'asile,

en rendant superflues toutes les installations coûteuses qui garnis-

sent les cellules. (Annales médico-psychologiques, févr. 1897.)

. E. B.

III. Contre LE traitement CHIRURGICAL DU TORTICOLIS mental;

par le Dr BRISSAUD.

Les faits de torticolis mental présentent toujours et invariable-

ment le même tableau clinique. Ils sont presque tous mathémati-

quement superposables par leurs traits essentiels. La cause seule

varie : tantôt c'est un spasme fonctionnel du bras ou de l'épaule,

tantôt c'est un haussement involontaire des épaules à l'occasion d'un

bouton d'acné ou d'un furoncle cervical, tantôt c'est un rhumatisme

musculaire de l'épaule ou du cou, enfin c'est, quelquefois un vrai

torticolis douloureux et transitoire. La cause disparaît, mais

l'effet subsiste, servitude à laquelle le patient, toujours déprimé,

neurasthénique ou de volonté débile, ne peut se soustraire autre-

ment que par un subterfuge qui devient servitude à son tour. La

nature mentale de ce torticolis spasmodique se révèle fortuitement

lorsqu'une puissante diversion psychique impose au patient une

obligation plus rigoureuse. Quelques auteurs sont d'avis que, dans

72 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

ces cas, la médecine étant impuissante, c'est aux procédés chirurgi-

caux qu'il faut s'adresser.Acet effet, la méthode de Kocher se propose

de diminuer ou de supprimer le spasme en annihilant ou en rédui-

sant au minimum l'effet moteur du raccourcissement des muscles :

section du sterno-mastoïdien, section de la portion occipitale du

trapèze, section du splénius, section du grand complexus, section du

petit complexus, section de l'oblique inférieur.

Il ne s'agit pas là d'une petite action opératoire, et deux ou trois

interventions sont nécessaires pour chacun des cas, et pour s'atta-

quer, en somme, à'une névrose de localisation variable. Et quand

le malade est guéri, est-il enfin une bonne fois guéri ? Pas du tout.

« Il est de la plus grande importance, dit le chirurgien, que le

malade commence, dès la guérison de la plaie, à se livrer à des

exercices de gymnastique comprenant tous les mouvements de

l'extrémité céphalique. Celle gymnastique, surveillée d'abord par

le médecin, doit être continuée d'une manière régulière et journa-

lière pendant de longs mois. Il est de nos malades qui la pratiquent

des années encore après l'intervention. » On conviendra que ces

gnérisons complètes ne sont pas de celles dont la chirurgie peut être

le plus fière, et l'on se demande pourquoi le chirurgien, au lieu de

conseiller à ses malades de se livrer, dès la guérison de la plaie, à

une gymnastique qui durera de longs mois ou même des années,

ne leur donne pas le même bon conseil de longs mois ou même des

années avant de leur infliger cette plaie.

Et ce procédé que les chirurgiens recommandent après l'opéra-

tion, est le seul efficace, mais avant. En même temps que la

gymnastique, la psycho-thérapie montrera au patient par où pèche

sa volonté, et à exercer ce qui lui en reste, dans un sens favorable.

Grâce à cette méthode, une malade, dont l'auteur résume

l'histoire, atteinte de torticolis mental depuis plus de quatre ans, a

vu son état s'améliorer en moins de 15 jours, à tel point qu'elle

entrevoit la guérison définitive. (Revue neurologique, janvier 1897.)

E. B.

IV. LE traitement de L'ÉPILEPISË d'après LES méthodes modernes

(Modem Methods of Treating Epilepsy); par Xavier SUDDUTH.

(Medicine Détroit, avril 1897.)

Cette étude n'a en vue que l'épilepsie essentielle, idiopathique.

Parmi les nombreux médicaments auxquels on a recours et qui ont

pour action de diminuer l'excitabilité nerveuse, aucun n'est spéci-

fique, et l'on peut se demander, en présence d'un cas d'épilepsie

guérie, si cet heureux résultat n'est pas plutôt dû à l'hygiène phy-

sique et morale suivie par le malade qu'au traitement pharmaceu-

tique lui-mème. Ce sont les lois de cette hygiène qui constituent la

base du traitement de l'épilepsie. -

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 73

On cherchera d'abord à supprimer les causes d'excitabilité

réflexe qui entrent en jeu dans la production des attaques. Ces

causes provocatrices sont de divers ordres. Il faut surveiller l'ali-

mentation et les fonctions digestives, car la crise peut être due à

une autointoxication par fermentations anormales d'ordre alimen-

taire. Mais ce sont surtout les émotions morales qui entrent en

jeu dans la production de l'épilepsie. Mosso, dans son étude sur

« la Peur », insiste sur le rôle des terreurs nocturnes, si fréquentes

chez les enfants. Le mécanisme par lequel une émotion, telle que

la peur, donne lieu à une crise convulsive est d'ailleurs inconnu.

Elle agit probablement en modifiant l'équilibre chimique des cel-

lules de l'écorce cérébrale, source de l'énergie nerveuse. Les effets

localisés de l'épilepsie jacksonienne sont assez démonstratifs, et

permettent de considérer le système nerveux central comme un

réservoir d'énergie, se déchargeant à la façon d'une bouteille de

Leyde.

L'état mental du sujet exerce aussi son action sur la reproduc-

tion des accidents nerveux et il est certain qu'une première attaque

convulsive en prépare une seconde, et que les attaques suivantes

tendent ainsi à se répéter. Nous comprenons ainsi comment l'épi-

lepsie peut continuer à évoluer, même après suppression de sa

cause provocatrice.

Connaître la valeur de ces différentes causes, c'est comprendre

le traitement de l'épilepsie. Pour supprimer les diverses causes

d'excitation réflexe qui jouent un si grand rôle dans la production

des attaques, il convient de soustraire l'enfant à son entourage

habituel, si la chose est possible, et de le placer dans un milieu

nouveau. Il est en effet beaucoup plus facile de le soumettre, hors

de sa famille, au régime qui lui convient. Son existence sera réglée

militairement, en ce qui concerne l'heure et la durée de ses occu-

pations et de ses récréations. On cherchera autant que possible à

divertir son esprit. Dans quelques cas, on pourra recourir avec

utilité à la suggestion. P. RELLAY.

V. Pathogénie ET traitement du goitre EXOPBTUALMIQUE ;

par M. Ch. ABADIE. (Presse médicale, 3 mars 1897.)

L'auteur, s'apuyant sur des considérations cliniques et sur des faits

thérapeutiques, est amené à considérer comme fausse la théorie

qui place le point de départ de la maladie de Basedow dans l'hyper-

trophie du corps thyroïde. Selon lui, cette théorie doit céder la place

à celle d'après laquelle le goitre exophthalmique est dû à une excita-

tion permanente des fibres vaso-dilatatrices seules du grand sympa-

thique cervical ou de leurs noyaux d'origine. La turgescence des

artères thyroïdiennes, résultant de la vaso-dilatation des artères de

la tête et du cou, a pour conséquence l'hypertrophie du corps thy-

74 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

roïde, qui détermine à son tour, mais toujours secondairement et

tardivement, des phénomènes d'hyperthyroïdisation. La dilatation

des vaisseaux rétro-bulbaires provoque la propulsion du globe ocu-

laire en avant; d'où ]'exophtha : mie; l'excitation des filets cardia-

ques,la tachycardie. La production des formes frustes s'explique par

la variabilité de la localisation etdel'intensité de l'excitation; celle-

ci peut porter, en effet, soit exclusivement, soit plus spécialement

sur tels ou tels des centres qui président aux phénomènes d'où

dérivent les divers symptômes de la maladie.

D'après cette théorie, on est amené à penser que la section du

sympathique doit modifier favorablement la maladie. C'est ce qui

a lieu en. effet. Tous les cas de section du sympathique ont été

suivis de succès ; non seulement l'exopththalmie a toujours dis-

paru, mais les autres symptômes ont au;si rétrocédé en grande

partie.

Quand l'exophthalnie domine et que l'hypertrophie thyroïdienne

. est peu accusée, il faut sectionner le sympathique entre le ganglion

,cervical moyen et le supérieur; quand le goitre est plus accusé, la

section doit porter au-dessous du ganglion moyen ; alors seulement

que la tachycardie est extrême, il faut descendre encore plus bas et

couper les filets efférents du ganglion inférieur. L'ablation et

l'extirpation totale (Jonnesco) peuvent avoir des inconvénients et

ne semblent présenter aucun avantage sérieux sur les sections.

A. FENAYROU.

VI. Traitement CIIIRURGICAL de LI névralgie faciale; par M. P. : IAUCLA1RE. (Presse médicale, 9 juin 1897.)

L'auteur passe en revue les divers moyens de traitement d'ordre

chtrurgical qui peuvent être mis en oeuvre contre le tic douloureux

de la face après l'échec de tous les procédés thérapeutiques d'ordre

. médical. Qu'il s'agisse d'interventions extra-crâniennes portant

sur les branches du trijumeau (cautérisation, section, résection, arra-

chement, écrasement, élongation, etc.), ou sur la carotide externa

(ligature), ou qu'il s'agisse d'opérations intra-craniennes (résection

du nerf maxillaire inférieur, ablation du ganglion de Gasser), les

résultats sont toujours incertains ; les récidives sont fréquentes

dans les cas .suivis de guérison. ' A. f ENnvaoo.

- VII. GOITRE ExOPHTIIALMIQUE traité par la résection DES deux sympa-

t THIQUES cervicaux ; par MM. Gérard Marchand et ABADIE. (Presse

- médicale, 3 juillet 1897.)

. Observation d'une malade de vingt-neuf ans, qui, en 1896, a été

. atteinte de goitre exophthalmidue. Lors de son entrée à l'hôpital,

. au mois de mars 1897, l'exorbilisme était si prononcé que les pau-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 75 j

pières ne pouvaient recouvrir les globes oculaires ; la tachycardie

était à peu près nulle (70 pulsations au lit) ; le corps thyroïde était

légèrement hypertrophié ; le tremblement des membres était très

appréciable. A part un certain amaigrissement, il n'existait pas de

troubles trophiques.

La malade a eté opérée le 5 avril 1897 par M. Gérard Marchand.

L'opération a consisté en la résection de la partie inférieure du

ganglion cervical supérieur avec 3 centimètres et demi à 4 centi-

mètres du tronc nerveux sous-jacent des deux côtés. Immédiate-

ment après l'opération, l'exophthalmie a déjà diminué à gauche

(premier sectionné). A droite, elle est encore très notable et on

constate à la surface de la conjonctive de petits épanchements

sanguins qui se sont produits pendant l'opération. L'exophthalmie

diminue progressivement les jours suivants ; le 9 avril elle semble

augmenter, mais, le lendemain, elle est de nouveau en décroissance

et la malade sort guérie le 14 avril. '

Depuis lors, disent en note les auteurs, ce résultat ne s'est pas

maintenu dans sa perfection; sous l'influence de l'émotion, de la

fatigue, l'exophthalmie reparait, bien qu'à un moindre degré qu'a-

vant l'opération ; mais il n'y a plus trace de goitre, l'état général

physique et moral est demeuré excellent.

Cette observation vient à l'appui de l'opinion déjà émise par

M. Abadie, d'après laquelle le goitre exoplitlialmique a son point

de départ dans l'excitation des vaso-dilatateurs du sympathique cer-

vical. D'après les auteurs, la production d'hémorrhagies sous-con-

jonclivales à droite après la section du sympathique gauche, con-

firme la théorie de la vaso-dilatation. S'appuyant sur des expé-

riences de MM. Dastre et Moral, ils admettent que la section du

sympathique, l'excision et les tiraillements du ganglion cervical

supérieur ont déterminé une excitation, sans effet pour le côté

opéré, mais qui s'est traduite du côté opposé par une vaso-dilata-

tion qui, s'ajoutant à celle déjà existante, il. provoqué des ruptures

vasculaires et des extravasations sanguines sous la conjonctive. La

production de ces hémorrhagies prouve qu'il faut toujours pratiquer

la section des deux sympathiques cervicaux. A. Lrraonoo.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. La responsabilité dans ses rapports avec la folie. (Criminel

responsabilité as related to insunily) ; par t\V.-T. PATTERSON

(Médecine Détroit, mars 1896).

Existe-t-il, se demande l'auteur, un état mental dans lequel un

individu est entraîné d'une façon irrésistible à commettre un acte

que sa conscience réprouve ? 2

La folie morale est difficile à préciser. C'est un état mental dans

lequel l'individu conserve toute son intelligence et sa raison, mais

présente une perversion d'instincts naturelle. Un pareil état a ses

racines dans l'hérédité qui transmet les caractères moraux et psy-

chiques aussi bien que les caractères physiques des ascendants.

De même que l'intelligence peut faire complètement défaut

(idiotie) ou existera un faible degré (imbécillité), de même on peut

observer une absence complète du sens moral (idiotie morale).

Il existe des individus qui sous l'influence de leur folie morale

commettent des délits ou des crimes.

Ce sont souvent des sujets intelligents occupant une haute posi-

tion sociale. Dans les conditions normales, leur esprit n'a aucune

idée criminelle, mais par l'effet d'une altération du sens moral

héréditaire ou acquise, ils arrivent à commettre des actes criminels.

La loi les condamne souvent comme criminels. L'auteur

maintient que de pareils individus, bien qu'ils soient capables

d'apprécier le bien et le mal, ne sont pas responsables de leurs

crimes. Ils cèdent à de fausses déductions d'un sens moral

défectueux. ' P. RELLAY.

II. HYPNOTISME ET crime; par CI. BELL (Medico-legal Journal,

décembre 1895.)

Rappelant les procès retentissants auxquels l'hypnotisme a sou-

vent donné lieu, tant en Amérique qu'en Europe, l'auteur dit qu'il il

ne partage pas l'opinion de certains auteurs français qui pensent

que l'hypnotisme joue un rôle prépondérant dans l'accomplissement

de certains crimes. Il reprend un à un tous les cas célèbres en

Amérique, tels que ceux d'Hayward, de Briggs, etc., et montre

qu'il s'agissait là la plupart du temps de simples criminels de droit

commun.

Il rappelle que l'hypnotisme ne peut'jamais aller à rencontre de

- REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. ï7 7

l'éducation et du fond du caractère du sujet hypnotisé. De nom-

breuses années d'expérience et d'observation ont toujours con-

firmé cette règle. Il n'a jamais pu obtenir d'un sujet en état de

sommeil, d'accomplir un acte qu'il croit criminel. (Expériences

avec des couteaux de papier, etc.)

Il n'y a pas de différence essentielle entre le sommeil ordinaire

et le sommeil hypnotique. Une hypnotisation prolongée se termine

très souvent par le sommeil normal et l'hypnotisé à qui on essaye

de persuader quelque chose qui révolte sa conssience se réveille

presque toujours. Un sujet qui accomplit un crime sous l'empire

de la suggestion a pleinement conscience de l'acte qu'il commet;

il faut que cet acte ne lui répugne en rien. L'hypnotisme ne joue

dansce cas qu'un rôle déterminant absolument secondaire. Il en est

de même pour les prétendus actes de séduction par hypnotisme.

L'auteur conclut ainsi : Etant donnés deux sujets également

pervers ou immoraux, l'hypnotisme peut quelquefois déterminer

l'accomplissement d'une action criminelle ; mais doit-on le con-

damner pour ces quelques cas d'ailleurs très rares, quand il peut

par ailleurs rendre des services incontestés ? ' A. Marie.

III. Responsabilité criminelle DES imbéciles ET faibles d'esprit;

par F. BEACH (Medico-legal Journal, mars 1895).

Trois cas de crimes commis par des faibles d'esprit dont un fut

condamné par les tribunaux. L'auteur admet une responsabilité

atténuée ; mais il pense que la plupart des cas de ce genre ne sont

relevables ni de l'asile ni de la prison. Il désirerait voir se créer

des établissements spéciaux pour l'éducation des jeunes imbéciles

et faibles d'esprit criminels ou à mauvais penchants. A. Marie.

IV. Des rapports entre l'anthropologie CRIMINELLE, la MÉDECINE

légale ET la psychiatrie; par le professeur A. ZUCC : 1RELLI.

L'anthropologie criminelle, tout en ayant bien des points de con-

tact avec la médecine légale et avec la psychiatrie, ne peut faire

partie ni de l'une ni de l'autre; mais elle est elle-même une science

ayant un but, une méthode de recherches et un corps de doctrine,

et, par conséquent, dans l'enseignement, on doit aussi la considé-

rer comme telle.

La médecine légale a avec l'anthropologie criminelle les mêmes

rapports qu'avec les autres sciences.

Science d'application, elle met au service du barreau les résultats

de l'anthropologie criminelle, de même qu'elle use des résultats de

la chimie, de la physique, de la pathologie chirurgicale et médicale,

de l'obstétrique, de l'anatomie pathologique, de la hactériologie, etc.

Dans la médecine légale comme dans l'anthropologie criminelle

78 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

l'application de données provenant d'une autre science ne permet

pas de les confondre.

La chose est par elle-même si claire et si évidente qu'elle n'a pas

besoin, je crois, d'autres éclaircissements. De sorte que la médecine

légale, tout en s'aidant de l'anthropologie criminelle, n'est et ne

peut pas être l'anthropologie criminelle elle-même. Vient ensuite

la psychiatrie : avec celle-ci l'anthropologie criminelle a plus spé-

cialement de commun les méthodes cliniques d'observation et

d'évaluation des désordres psychiques, comme elle a de commun

avec la pathologie spéciale et médicale et avec la neuropathologie

en espèce, les méthodes cliniques d'observation et d'évaluation des

désordres fonctionnels ordinaires.

Mais l'anthropologie criminelle consiste-t-elle seulementen cela ?

Non, certainement. Ce qu'il y a avant tout de spécifique et de fon-

damental, c'est l'élude directe, étendue, détaillée de la morpholo-

ye anthropologique, individuelle et ethnique, extérieure et inté-

rieure, en sorte qu'on la peut définir : VHistoire naturelle de'

l'homme délinquant. Pour cette étude, elle puise des méthodes et des

moyens d'observation dans l'anthropologie générale ou pure; elle

emprunte aussi à l'anatomie et à la physiologie comparée pour

l'appréciation et l'évaluation onlo-pliiloénétique des formes et des

développements différents anatomiques; elle prend à la pathologie

commune et il l'anatomie pathologique l'appréciation et la distinc-

tion des formes sur la base de communs processus morbides et de

celles par évolution anormale et par réversion atavique. Là-dessus,

il n'est pas nécessaire d'insister davantage. Il suffit de mentionner

l'extension prise et l'intérêt éveillé dans ces derniers temps seule-

ment de quelques-unes de ces recherches morphologiques, comme

celles des os crâniens surnuméraires, bregnatiques, interpariétaux

et pré-interpariétaux, des anomalies du palais et des dents, du

dveloppemeut de la troisième molaire, etc., les différentes inter-

prétations et théories, le contrôle étendu et passionné, les larges

discussions à cet égard pour se convaincre que l'anthropologie cri-

minelle n'a que trop de terrain devant elle pour qu'elle parcoure

un chemin tout particulier, recherche, étudie, grandisse et se dé-

veloppe séparément de la psychiatrie et des autres branches scien-

tifiques, qui ne font que l'aider et la compléter.

Réciproquement la psychiatrie profite, elle aussi, des résultats de

ces recherches morphologiques, larges, étendues, profondes, faites

de propos délibéré par l'anthropologie criminelle. Mais cela ne

suffit pas. Il y a encore toute une symptomatologie spécifique hors

de la maison de santé et de l'hôpital commun (palimsesti, jargon,

moeurs et habitudes de eamorru, mafia, etc.), qu'il faut aller étudier

dans la prison, dans les mystérieuses retraites, dans les maisons de

prostitution et dans les plus abjects bas-fonds sociaux.

II y a ensuite l'étude faite avec la plus grande étendue de l'élio-

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 79

logie, et particulièrement des moments étiologiques sociaux, nom-

breux, graves complexes, non plus seulement comme base de dia-

gnose, de prognose et de traitement individuel ou de famille, mais

avant tout et surtout dans un but prophylatique social, afin de

mettre bien en évidence les causes et les procédés de la dégénéra-

tion criminelle, aviser aux moyens efficaces pour les prévenir et les

combattre et arriver aux plus prévoyantes et justes mesures édu-

catives, économiques, politiques, juridiques et pénitencières. De ce

côté l'anthropologie criminelle, plus que toute autre science bio-

logique, offre le lien le plus étroit avec les sciences juridiques-

sociales. C'est bien là l'autre champ spécifique et particulier d'une

très haute importance qui ne peut être l'objet particulier et prin-

cipal de la psychiatrie, ni d'aucune autre science, quelque affi-

nité qu'elle puisse avoir avec elle, et qui concourt à donner de son

côté une empreinte, un corps et une physionomie sui generis à

l'anthropologie criminelle. Pour toutes ces raisons donc l'anthropo-

logie criminelle ne peut pas être fondue ou confondue avec la psy-

chiatrie : encore moins elle ne peut faire partie de celle-ci. Et s'il

en est ainsi pour la substance, il doit en être de même didacti-

quement. -

De sorte que, pour conclure, il me semble qu'il découle bien clai-

rement de ce que je viens de dire :

1° Que l'anthropologie criminelle, tout en empruntant, dans le

champ des affinités et des engrenages réciproques qui lient aujour-

d'hui toutes les sciences entre elles, des méthodes et des données

à.différentes branches scientifiques, n'en fournit pas moins à son

tour à d'autres sciences formant une science en elle-même avec ses

principes, son champ de recherche, et son but tout particulier,

qui ne peuvent nullement la faire considérer comme partie d'aucune

autre science ; .

2° Que telle étant son entité scientifique, elle doit être telle aussi

dans l'enseignement, et par conséquent, elle doit faire l'objet d'une

chaire distincte des autres, idée en conformité aussi avec les voeux

exprimés par le congrès précédent;

3° Que, comme place, elle constitue le plus immédiat et large

engrenage entre la Biographie et la Sociologie.

V. UNE enquête SUR LE SUICIDE. UN genre de SUICIDE. LE SUCIIDE

sans motifs; par le Do' LnurTS.

Le laboratoire de médecine légale de l'Université de Lyon a

entrepris, depuis trois ans, sous la direction du professeur

Lacassagne, une série d'enquêtes psychologiques, l'une sur le

langage intérieur, la seconde sur l'inversion sexuelle, la troisième,

qui débute à peine, sur" le suicide.

L'idée directrice de cette dernière enquête, relativement au

80 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

suicide, est la suivante : « Un homme étant atteint du désir de se

suicider, comment, nous médecins, classerons-nous, dans un cas

donné et après examen, le mal dont souffre celui qui nous demande

conseil ? Quels scron t, à son suj et, notre diagnostic, notre pronostic,

notre traitement ? Le traitement du suicide existe-t-il ? Peut-on

faire, au sujet du suicide,-de la prophylaxie individuelle et sociale ?

Devons-nous laisser aux hommes cette idée qu'il est inutile de nous

consulter sur les phénomènes de leur vie mentale; devons-nous

continuer à ne point comprendre ce qu'ils nous disent lorsque, par

hasard, ils nous interrogent à ce sujet, à ne savoir point ce qu'il

faut leur faire craindre ou espérer, à persister à leur donner de

vagues paroles ou de banales consolations ? 11 faut que le médecin

perde la notion inexacte qu'il doit soigner les seules lésions officiel-

lement cataloguées ; qu'il cesse d'être seulement un guérisseur des

maladies de certains organes; qu'il soit, en plus du guérisseur, un

philosophe, un confesseur laïque, qu'il prenne la science du cer-

veau. » L'auteur, un des promoteurs de l'enquête, rapporte deux

observations de suicide sans motifs, ce qui ne veut pas dire sans

cause.

Il s'agit de deux sujets, tous deux bien portants, menant une vie

que l'on peut considérer comme agréable, et qui ont eu et ont

encore à certains moments le désir de la mort. Ce désir survient

par crises, le plus souvent sans motifs ou à l'occasion de contra-

riétés insignifiantes; et il est de ces crises qui ont été assez fortes

pour les conduire momentanément soit à un commencement

d'exécution chez l'un, soit à la ferme volonté d'exécuter chez

l'autre. La crise consiste en une sensation de désespoir infini,

d'abandon complet de toute énergie morale, survenant tout à coup

et les terrassant.

Chez les deux malades, absolument étrangers l'un à l'autre,

du reste, les crises surviennent généralement le soir, et le sommeil

les fait disparaître; elles paraissent s'être atténuées par le fonction-

nement normal de l'appareil génital.

Un point intéressant est que l'un des deux malades, depuis qu'il

s'est rendu compte qne les crises avaient une évolution régulière et

qu'elles se terminaient, en est arrivé, même au cours de la crise,

à se tranquilliser et à les considérer comme un état transitoire, à

réagir, par conséquent, dans une certaine mesure. (Annales médico

psychologiques, février 1897.) E. BLIN.

VI. Maladie E1' THÉOrsIES biologiques sur la genèse du délit ; par DEL

GnECO (Il Manicomio, anno XI, fasc. 2-3).

La théorie de la dégénérescence est une théorie biologique à

contours trop vagues et indéterminés. Celle de Lombroso, plus

approfondie, s'adapte mieux auxcas de délinquence simple, primitive

SOCIÉTÉS SAVANTES. 81

(homicide, vol, violences sexuelles). Celle de Ferri, qui tient

compte à la fois de l'élément morbide et d'autres encore d'ordre

biologique, résume mieux que toutes les autres les faits observés,

en les embrassant dans toute leur extension. J. S.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 25 octobre l 897. Présidence DE M. P. GARNIE) ! .

Délire chronique des persécutions à évolution exceptionnellement

longue chez un aliéné homicide sorti autrefois d'un asile en vertu d'un

jugement du tribunal.

M. LEGRAS. Il s'agit d'un perséculé, ayant été enfermé pen-

dant plusieurs années dans un asile d'aliénés d'où il avait fini par

sortir, grâce à la chambre du Conseil qui, le considérant comme

inoffensif, l'avait rendu à la liberté. Soupçonnant un jour que sa

logeuse s'entendait avec ses ennemis pour l'empoisonner, cet aliéné

se précipita dernièrement sur elle, pour la tuer à coups de mar-

teau et, la croyant morte, tenta ensuite de se suicider. L'auteur a

pu établir que le début des troubles intellectuels remontait à 1870,

c'est-à-dire à plus de vingt-cinq ans.

Séance du 29 novembre 1897. Présidence de M. P. Garnier.

Présentation d'instrument.

M. Febvré présente un appareil pour l'alimentation des malades.

Cet appareil, d'une contenance totale d'un litre, a la forme d'une

bombe renversée et peut être, pour faciliter l'écoulement des

liquides alimentaires, tenu dans une situation élevée ; il' est

pourvu sur ses parties latérales ou antérieures de trois appareils

secondaires.

Un tube gradué de 30 cent. cubes, commandé par un robinet

spécial, permet d'administrer un médicament avant ou en même

temps que l'alimentation.

Archives, 2° série, t. V. 6

82 sociétés savantes.

Un thermomètre centigrade dont la cuvette plonge dans le

liquide alimentaire, offre la faculté do se rendre compte exacte-

ment de la température du liquide à injecter.

Enfin un niveau permet de suivre facilement l'écoulement des

liquides. - -

Le tube, gradué pour la médication, remplit en outre une indi-

cation très précieuse : grâce à son indépendance, il est possible de

s'en servir comme appareil de sûreté.

En versant quelques gouttes d'eau stérilisée dans son intérieur,

on peut, avant de procéder à l'alimentation, s'assurer si la sonde

est ou non introduite dans l'oesophage; en cas de fausse route, les

accidents d'asphyxie ne sont plus à redouter.

Simulation préventive de la folie.

M. Vallon ht un rapport médico-légal concernant un individu

qui, arrêté pour des escroqueries des mieux caractérisées, chercha

à se faire passer pour fou et irresponsable de ses acles, en donnant

comme preuve de son état d'aliénation mentale une série d'actes

absurdes qu'il avait commis à la même époque que les escroqueries

qu'on lui reprochait.

Les escroqueries étaient les suivantes : X..., en prenant le nom et

la qualité de M. B..., chirurgien des hôpitaux, et en employant des

manoeuvres frauduleuses, s'était fait remettre pour trois mille cinq

cents francs de bijoux qu'il avait engagés au Mont-de-Piété; puis il

avait vendu les reconnaissances : cet argent lui avait servi à calmer

des créanciers impatients.

Ces actes allégués comme preuves de folie consistaient en ceci :

X..., sous des noms d'emprunt, surtout sous des noms de magis-

tats, achetait dans divers magasins des marchandises qu'il faisait

envoyer aux personnes dont il avait pris le nom, soit à leur véri-

table adresse, soit à une adresse quelconque.

M. Vallon, en l'absence de tout trouble intellectuel, de tout stig-

mate d'hystérie, conclut à la responsabilité pleineet entière de X...

11 a fait remarquer, qu'à voir le soin avec lequel X... cherchait à

tirer parti pour sa défense des actes en apparence absurbes qu'il

avait commis, il était bien permis de penser qu'il ne les avait per-

pétrés, concurremment avec les escroqueries, que dans le but de

pouvoir, en cas de besoin, les alléguer comme une preuve de déran-

gement cérébral et par suite se concilier tout au moins l'indul-

gence de la justice. Ce procédé ne lui réussit pas, car le tribunal

correctionnel l'a condamné à six mois de prison. -

MM. SÉGLAS et GARNIER déclarent avoir été témoins de faits ana-

logues.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 83

Paralysie générale juvénile hérédo-syphilitique.

M. Sollier communique l'observation d'une jeune fille de dix-

sept ans, ayant présenté successivement la plupart des signes de la

paralysie générale : hésitation de la parole, inégalité pupil-

laire, etc.

Après avoir été autrefois intelligente, Mlle X... a vu, depuis l'âge

de onze ans, ses facultés baisser peu à peu; elle eut même une hémi-

plégie passagère. Elle est actuellement strahique et en démence.

Envahie par l'embonpoint, elle mange avec voracité. M. Sollier

attribue la maladie à la syphilis avouée de son père et aussi à

l'hérédité cérébrale (le grand-père paternel est mort du ramollis-

sement et un oncle paternel était paralytique général).

M. Charpentier. Le strabisme pourrait expliquer l'inégalité

pupillaire qui alors perdrait toute valeur syndromique. L'observa-

tion ne parle ni de l'excitation ni de l'insomnie, si fréquentes dans

la paralysie générale. Les dents n'ont pas le caractère décrit par

Hutchison. Ne serait-ce pas tout simplement un cas de démence

précoce ?

M. ARNAUD regrette que l'autopsie ne vienne pas confirmer le

diagnostic. Il fait remarquer que la paralysie générale n'a pas le

même aspect dans l'enfance que chez les adultes.

M. Vallon a observé un jeune paralytique général de vingt ans

chez lequel la syphilis ne pouvait être incriminée, mais dont

l'hérédité vésanique était très chargée. La mère et la tante mater-

nelle étaient aliénées.

M. Christian ne croit pas à la paralysie générale dans l'enfance

pour lui la plupart des cas ne sont que des observations d'encépha-

lite ou d'idiotisme acquis. L'hémiplégie dont a été atteinte lajeune

fille de M. Sollier doit faire écarter le diagnostic de paralysie gêné

raie.

M. 1313RAND. On ne peut nier l'existence de la paralysie géné-

rale juvénile. Elle se préseute avec une allure qui lui est propre,

mais avec des signes suffisants pour qu'on ne doive la méconnaître.

Elle se distingue surtout par la prédominance des signes soma-

tiques et la rareté du délire.

M. Vallon. Quant à l'autopsie d'un jeune sujet, soupçonné

de paralysie générale, on trouve tous les signes macroscopiques de

paralysie générale, il est bien difficile de nier ce diagnostic.

M. ARNAUD. Il existe plusieurs cas non douteux suivis d'au-

topsie très complète.

M. Sollier ne croit pas que l'insomnie et l'excitation signalées

par M. Charpentier soient des signes caractéristiques.

84 SOCIÉTÉS savantes.

M : Voisin a aussi observé un cas de paralysie générale chez une

jeune fille. La syphilis du père n'était pas douteuse, mais elle ne se

traduisait par aucun signe chez la malade. Le traitement spécifique

est demeuré sans ellet. Marcel Briand.

Séance du 27 décembre. Présidence de M. Garnier.

Séance d'élections.

M. le D1' Sollier, l'un des secrétaires, lit le rapport sur le classe-

ment des candidats au titre de membres titulaires, et propose, au

nom de la commission : en première ligne, M. le Der Brunet; en

deuxième ligne, M. le Dr Deny; en troisième ligne, ex xquo,

MM. Boissier et Legras; en quatrième ligne. M. H. Meige ; en cin-

quième ligne, M. Lefiliâtre.

MM. les Drs DENY, Brunet et Boissier ont été élus.

Il est ensuite procédé au renouvellement du bureau pour 1898.

Sont nommés : président, M. 111EUI\IOT; vice-président, M. J. Voi-

sl : v; secl'étail'c général, M. RITTI ; secrétaires, MM. P. Sollier

etR. SEMEL.\IGNE; trésorier, M. Brunet.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du 7 mars 1897.

M. Loorrrz. Deux cas de cécité corticale et psychique (avec présen-

tation des préparations du premier cas ainsi que d'un malade).

Premier cas. M..., âgée de cinquante-cinq ans. Abus médiocre

des boissons alcooliques. Au mois de juillet, en 1895, elle fut atteinte

d'un vertige avec perte de connaissance de courte durée; à ces

phénomènes se joignirent une parésie des extrémités gauches et

une cécité. Puis il y eut une amélioration graduelle de tous ces

phénomènes morbides. Deux semaines avant l'entrée à l'hôpital,

nouvel accès apoplectique, après quoi la cécité devint plus mar-

quée et la démarche plus difficile. La malade a un air stupide :

ses yeux sont immobiles comme chez une aveugle ; ses pupilles ne

réagissent pas à la lumière, mais les mouvements des yeux sont

normaux ; le fond des yeux l'est aussi, à l'exception d'une légère

périarterite et d'une certaine tortuosité des veines. Parésie insi-

- SOCIETES SAVANTES. 85

gnifiante des branches inférieures du nerf facial gauche ; la

langue est un peu déviée à gauche ; pas de parésie des membres

gauches. La démarche est chancelante. Artériosclérose des vais-

seaux périphériques, affaiblissement très marqué de l'activité syp-

chique, de la mémoire et de la faculté combinative. La malade

ne peut pas bien s'orienter dans l'espace, pire même qu'un aveugle

ordinaire. Sa vue est si faible qu'elle est incapable de distinguer

les objets, ni de compter les doigts qu'on lui montre. Souvent

elle ne peut même pas définir les objets, et à l'aide d'autres

organes de sens. Le mieux conservé chez la malade est le goût

(elle peut différer le sucre du sel), moins l'ouïe et les sensations

tactiles; en palpant un crayon, elle dit que c'est le manche d'une

ombrelle; lorsqu'on lui donne à toucher une chaîne, elle prétend

que c'est une montre et l'applique à son oreille; elle ne reconnaît

pas la montre au palper, mais elle vient à le faire par l'ouïe. En

touchant une plume d'acier elle prétend que c'est un papillon : « il

pique^», dit-elle. Les piqûres elle les prend pour du feu. Dans le

cours plus avancé de la maladie, sa définition des objets par

l'ouïe et le toucher devenait de pire en pire.

A la fin du mois de février la malade devint apathique et som-

nolente ; le 1er mars, elle mourut avec des phénomènes d'oedème

cérébral.

A l'autopsie, outre un oedème de la pie-mère, l'hyperhémie des

veines corticales et une sclérose très accentuée des vaisseaux basi-

laires, on trouva encore un ramollissement jaune des deux tiers

du lobe occipital droit, qui s'étendait jusqu'au fond de la corne

occipitale du ventricule latéral et envahissait sa paroi interne. Un

foyer de moyenne grandeur de ramollissement jaune était aussi

observé au sommet du lobe occipital gauche. On constata, en

outre, du côté droit, des petits foyers de ramollissement' rouge

dans les noyaux lenticulaire et coudé du côté droit, et dans la

couche optique du même côté.

Deuxième cas. - Un homme, AL ? iî;é de trente-six ans, entra

à l'hôpital le 7 novembre 1896. Il y a vingt ans, il avait un lues et

il a subi un traitement mercuriel. Une semaine avant l'entrée il eut

des céphalalgies et des vertiges. Le 3 novembre, après une perte

de connaissance de courte durée, se développa une parésie des

extrémités droites, surtout des extrémités supérieures. Le malade

a un air éperdu, passe d'un endroit à l'autre, répète souvent la

phrase suivante : « Je ne sais ce que j'ai, je me sens mal ». A

l'examen on constata un affaiblissement de la mémoire, des maux

de tête dans les régions frontale, pariétale et occipitale ; la per-

cussion de la tête lui cause une douleur sur la limite des os occi-

pital et temporal du côté gauche. Parfois des vertiges. Un léger

effacement du pli naso-labial droit et une déviation de langue à

droite; le membre supérieur droit est plus faible que le membre

86 sociétés savantes.

supérieur gauche. Le sens musculaire est affaibli dans les extré-

mités droites; les réflexes tendineux du côté droit, surtout le réflexe

rotulien, sont exagérés.

Pendant cinq jours la vue du malade s'affaiblissait progressive-

ment, et bientôt apparut une cécité complète, de sorte qu'il ne pou-

vait même pas distinguer la clarté des ténèbres, et perdit en

même temps la possibilité de s'orienter dans l'espace.

Examen ophtalmologique (par M. le professeur Ewetsky) fut cons-

taté ce qui suit : la vue = 0, la réaction à la lumière conservée,

le fond des yeux et les mouvements sont normaux.

A la suite d'un traitement antisyphilitique, la vue commença à

se restituer ; au commencement du mois de février elle s'amé-

liora à 0,3 ; hémianopsie complète du côté gauche avec rétré-

cissement très marqué des moitiés droites. Le malade, quoique

avec peine, pouvait lire et écrire. Mais en ce temps commen-

cèrent à se manifester de plus en plus des phénomènes d'une cécité

psychique. Le malade pouvait distinger un objet de l'autre, mais il

ne pouvait le faire concernant les couleurs qu'il ne discernait pas

l'une de l'autre ; il pouvait dire seulement que l'une est plus

foncée, l'autre plus claire ; cependant il pouvait assortir les cou-

leurs identiques de la laine (excepté la couleur verte) et ne se

trompait pas même dans leurs nuances. Il distinguait très mal les

physionomies des personnes qui l'entouraient et assurait ne recon-

naître le médecin et les infirmières que par la voix.

Bien qu'il eût la vue comparativement passable et que son état

intellectuel était très bien développé, il ne pouvait expliquer le

plus simple sujet des tableaux et même ne discernait pas les

enfants des vieillards. Mais ce qui était le plus surprenant c'est son

amnésie concernant les représentations visuelles du temps passé

par exemple, il disait que l'herbe est d'une couleur bleu foncé et

les feuilles d'une couleur grise sale . Connaissant la ville de

Moscou en long et en large (car son occupation a été de transpor-

ter de la bière dans divers endroits), le malade ne pouvait se

représenter la disposition des rues, des places, et ne se rappelait

pas par où il faut aller pour passer d'une rue à l'autre. En même

temps la mémoire concernant d'autres représentations est conser-

vée et l'activité psychique du malade est tout à fait normale.

Dans ce cas, le tableau clinique de la cécité corticale s'explique

parfaitement par la lésion bilatérale des lobes occipitaux (le som-

met du coin et de l'ergot de Morand) trouvée à l'autopsie. Dans le

second cas, vu la conservation complète des facultés intellec-

tuelles et du bon sens du malade, et la restauration à un certain'

degré de sa vue physique, le tableau de cécité psychique ressort bien

plus nettement, surtout se remarque l'effacement des représenta-

tions visuelles d'autrefois, avec quoi s'expliquent son incapabilité de

s'orienter dans l'espace et sa perte complète de mémoire concer-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

nant les couleurs ; la capacité d'identifier les représentations nou-

velles avec les anciennes a moins souffert.

Sous ce rapport le cas de l'auteur présente une ressemblance

avec un cas de Charcot et avec le premier cas de MuDer, dans les-

quels a souffert aussi principalement la mémoire des représenta-

tions visuelles anciennes.

Des remarques ont été faites par MM. Mouratoff, Korniloff, M. le

professeur Kojewnikoff et 1\1. Tokarsky.

M. MAMOUROWSKY et M. 1\IALOLETKOFF. Contribution à l'étude des

anévrismes artériels ci la base du cerveau.

Les rapporteurs communiquèrent trois cas, dans lesquels à l'au-

topsie on trouva des anévrismes artériels dans la base cérébrale.

Premier cas. La malade, âgée de quarante-sept ans, entra à

l'hôpital avec des phénomènes d'une hémiplégie gauche ; dans une

semaine se développa une hémiparésie droite qui dans trois jours

passa en une hémiplégie avec une aphasie ; bientôt la malade

mourut dans un état comateux.

A l'autopsie on constata ce qui suit; une hémorragie médiocre

entre l'arachnoïde et la pie-mère dans la région de la scissure de

Sylvius et un ramollissement jaune dans l'écorce [du sommet du

lobe temporal, un anévrisme oblong de la grandeur d'un noyau

de citron dans la partie basilaire de l'artère de la fosse de Sylvius

droite. Sur la paroi antérieure de l'artère carotide interne gauche

s'apercevait encore un anévrisme en forme d'hémisphère de la

grandeur d'une cerise. Dans les sacs anévrismatiques, ainsi que

dans les artères, il y avait des thrombus rouge foncé.

Deuxième cas. Un homme de quarante ans fut placé à l'hôpi-

tal à cause d'une céphalalgie, vomissements et strabisme; le jour

même de son entrée il mourut subitement, ce qui empêcha de faire

un examen détaillé. A l'autopsie, on trouva sur la base cérébrale

une tumeur de la grandeur d'un oeuf de poule, qui occupait tout

le long de- l'artère basilaire. Dans la partie postérieure de la

tumeur entrent les deux artères vertébrales et de sa partie anté-

neutre sorte les artères cérébrales postérieures'. La tumeur a

l'aspect d'une châtaigne dont la base est tournée vers la moelle

allongée et son sommet vers le devant. La partie antérieure de la

moelle allongée, le pont de Varole et les pédoncules cérébraux

sont considérablement aplatis. Les nerfs oculo-moteurs, le pathé-

tique, le trijumeau, le facial, l'auditif et surtout le nerf adducteur,

sont atrophiés et compressés. Sur la coupe cette tumeur présente

un sac à grosses parois, rempli de caillots décolorés, par lesquels,

plus près de la paroi supérieure passe un canal d'un aspect irrégu-

lier, dans lequel se trouve un grumeau rouge.

Dans ces deux cas on a observé en outre une augmentation en

volume du ventricule gauche et une athéromatose de l'aorte.

88 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Troisième cas. Un malade, âgé de soixante-neuf ans, entra à

l'hôpital avec une hémiplégie gauche et mourut dans un mois

après un état comateux. A l'autopsie on trouva une tumeur qui

sortait de la paroi de l'artère carotide interne et occupait une

partie de la base du cerveau, toute la partie de la scissure syl-

vienne du côté droit et la moitié antérieure du lobe temporal, qui

présentait une lamelle très fine, recouvrant la tumeur comme

d'une écorce. La coupe de cette tumeur offrait un sac à parois

minces rempli de caillots de sang, dont les uns étaient tout à fait

décolorés et les autres d'un rouge foncé.

A l'examen microscopique on constata que la paroi ne consis-

tait qu'en un seul tissu conjonctif fibroïde ; dans le second cas la

paroi était composée de la membrane interne et de l'externe, tan-

dis que la membrane médiane était dépourvue d'éléments muscu-

laires.

La communication a été accompagnée d'une présentation des

préparations.

Après des remarques faites par MM. Orlowsky et Pribytl : ofï,

M. le professeur Kojewnikoff a relevé la signification de l'étude

clinique détaillée de pareils cas, dont le diagnostic est parfois

possible même pendant la vie des malades.

Séance du 23 mai 1897.

I. M. le professeur Ko.tewvhorr.. Paralysie bulbaire asthénique.

Présentation de la malade (Suite d'une observation déjà publiée).

Au printemps de l'année 1896 le rarporteur a présenté à la

Société une malade avec une combinaison particulière de phéno-

mènes, dont la plupart accusaient une névrose. Ou a pu noter une

extrême fatigue des appareils neuro-musculaires. Mais en même

temps il y avait certains phénomènes qui faisaient penser qu'il

existe ici des altérations plus profondes, peut-être, même des phé-

nomènes destructifs dans les centres nerveux. En faveur de cette

supposition plaide l'atrophie dégénérative de certains muscles avec

réaction de dégénérescence ou même avec abolition complète

d'excitabilité électrique, mais tout de même en prenant en consi-

dération les principaux symptômes de la maladie et son cours

avec oscillations continuelles; l'auteur rapporte son cas à la « para-

lysie asthénique bulbaire », en ajoutant que les altérations des élé-

ments nerveux, principalement des cellules nerveuses, y sont pro-

bablement plus profondes que dans les névroses ordinaires. Vu

l'intérêt particulier scientifique de ce cas, l'auteur juge utile d'in-

diquer la marche de la maladie.

Après avoir quitté laclinique enété 1896, la malade se sentit pire ;

tous ses mouvements devinrent encore plus faibles, la fatigue aug-

menta encore plus, et surtout s'empira son état général. L'activité

SOCIÉTÉS SAVANTES. 89

du coeur s'affaiblit, le pouls aussi devint faible (50 par minute);

apparut une oedème des membres et en partie de la face; commen-

cèrent àparaitre ies hémorragies spontanées sur certaines parties

du corps, qui avaient l'aspect de taches bleues. Le 12 sep-

tembre 1896, la malade entra de nouveau à la Clinique des mala-

dies nerveuses dans un état très pénible. L'appétit était très mau-

vais, la mastication et la déglutition très difficiles. En mettant un

petit morceau dans la bouche, la malade était toujours forcée de

soutenir de la main sa lèvre inférieure, afin de ne pas faire tomber

le morceau; et pour l'avaler elle devait faire trois à quatre mouve-

ments de déglutition; elle s'engouait souvent, même avec des ali-

ments liquides. Sa langue, au lieu d'aider, empêchait même la

mastication, et si le morceau entrait derrière la joue, la malade

devait l'en retirer à l'aide du doigt. Les mouvements de la langue

étaient très limités : la malade pouvait n'en tirer que le bout et on

remarquait alors une déviation de la langue à gauche; la surface

de cette dernière était recouverte de rides et de profonds sillons

surtout du côté gauche. ,

L'excitabilité électrique des muscles de la langue était très

abaissée et la réaction de dégénérescence était très marquée. Le

palais, mou, restait tout à fait immobile pendant les mouvements

volontaires ainsi qu'à l'excitabilité réflexe; son excitabilité élec-

trique était totalement abolie. Tendance à la constipation et réten-

tion médiocre de l'urine ; ensuite on remarqua une certaine fai-

blesse du sphincter de la vessie. La voix de la malade était très

faible ; le matin seulement, après son réveil, il lui était possible de

dire deux à trois mots, pas haut pourtant ; puis durant quelque

temps elle pouvait parler encore en chuchotant, mais bientôt elle

perdait complètement sa voix. La paupière gauche est un peu

abaissée; lorsque les paupières sont closes (même pendant le som-

meil), il reste une fente. Parésie de tous les deux abducteurs, et

conformément à cela une diplopie. La convergence des yeux n'est

pas assez suffisante, mais les mouvements des yeux en haut et en

bas sont normaux. L'épuisement de l'appareil visuel étant comme

auparavant à un très haut degré. Le muscle frontal agissait faible-

ment ; l'excitabilité électrique dans ce muscle, ainsi que dans le

muscle orbiculaire des paupières, était très diminuée. A la démons-

tration des gencives le coin gauche de la bouche se déviait de côté

et en bas. La force des membres supérieurs était très affaiblie ; à

la compression d'un dynamomètre, faite à plusieurs reprises, elle

diminuait très vite et bientôt elle atteignait jusqu'à 0. La malade

marchait avec difficulté, c'est à peine si elle pouvait déplacer ses

pieds à l'aide de quelqu'un. Le poids de son corps était un peu

plus de 35 kilos, la température 36°0, le pouls très faible (50 par

minute); oedème très accusé des membres inférieurs; elle n'avait

pas eu de règles pendant neuf mois.

90 SOCIÉTÉS SAVANTES.

1

Vers le commencement d'octobre son poids diminua encore

(33 kg. 600 gr.); mais bientôt survint une amélioration de l'état

de la malade. Avant tout l'appétit augmenta; à mesure que la

malade mangeait plus, ses forces commencèrent à augmenter; la

mastication et la déglutition devenaient plus faciles; vers la moitié

de l'hiver elle mangeait, beaucoup plus que quand même elle se

portait encore bien. L'amélioration allait régulièrement sans au-

cune oscillation; vers le printemps le poids de la malade était

déjà de 50 kg. 500 grammes, c'est-à-dire il augmente presque de

16 kilos; la température 'devint 37 à 37°,2; le pouls était assez

plein, environ 76. Au commencement et à la fin du mois d'avril

elle eut deux fois ses règles, qu'elle n'avait pas eues presque depuis

dix-huit mois. La malade pouvait marcher des heures entières,

non seulement dans la chambre, mais aussi au jardin, sans ressen-

tir de fatigue. Ses membres supérieurs devinrent plus forts, de

sorte qu'elle s'occupait très volontiers à des ouvrages de main. Sa

voix était devenue si forte qu'elle pouvait causer toute la journée

jusqu'au soir, beaucoup et à haute voix. Les mouvements des yeux

s'améliorèrent aussi. Mais ce qui est le plus grave et le plus inté-

ressant à noter, c'est que les mouvements de la langue devinrent

bien plus libres; les rides et les plis dont elle était recouverte

diminuèrent de beaucoup ; conformément à cela s'améliora aussi

l'excitabilité électrique delà langue. Dans le palais mou même on

parvint à l'aide du courant induit à faire paraître des contractions,

quoique faibles ; quant aux muscles frontal et orbiculaire des pau-

pières leur excitabilité électrique devint presque normale.

Cette observation indique que l'atrophie des muscles, qui dépend

des modifications dans les cellules nerveuses, comme centres tro-

phiques, peut diminuer et même disparaître totalement. Cette cir-

constance, en même temps, sert à confirmer l'opinion que les mo-

difications des cellules nerveuses dans l'affection en question, mal-

gré leur profondeur, sont capables de s'effacer et de disparaître.

Ce fait à son tour parle en faveur de ce que le cas donné, malgré

ses particularités, peut être rapporté justement à la paralysie bul-

baire asthénique. Pourtant beaucoup de phénomènes morbides

sont restés encore chez notre malade jusqu'à présent, quoique à

un degré bien moins grand et en diminuant graduellement; reste

aussi le principal symptôme de la maladie, à savoir : l'épuisement

excessif, qui surtout à des conditions peu favorables dans l'état de

la malade se fait sentir à un plus haut degré. C'est ainsi qu'une

diarrhée médiocre survenue accidentellement rendit la malade si

faible, que ce n'est que dans quelques jours qu'elle reprit son état

d'amélioration. Cette dernière dépendait principalement du réta-

blissement de son état général, ce qui s'ensuivit bientôt après

l'augmentation de l'appétit.

Concernant cette communication des remarques ont été faites

SOCIÉTÉS SAVANTES. 91

par MM. TORAIiSHY, hORNILOFF, Roin, POSTOWSRY et SOUKSANOFF.

Ce dernier indiqua que Marinesco, dans un cas, a trouvé des

modifications très marquées des cellules dans la région du tronc

cérébral, ce qui donne la possibilité ,de rapporter la paralysie

asthénique bulbaire à la catégorie des maladies à altérations ana-

tomiques perceptibles.

II. MM. Rossolimo et Mouravieff. De la structure de la fibre

nerveuse dans l'état normal et pathologique, Méthode de formol-

méthylène.

Les rapporteurs proposent une nouvelle méthode de traitement

du tissu nerveux. Des morceaux du système nerveux, pour leur dur-

cissement, doivent être mis pour cinq à sept jours d'abord dans une

solution de formaline à 2 p. 100 et puis dans une solutionà5 p.100,

ou bien dans une solution à 10 p. 100. Ensuite on les transporte

dans l'alcool à 95° pour deux jours, puis pour une journée on les

met dans l'alcool absolu, etc.; mais si l'on s'attend à avoir des mo-

difications très fines, il est mieux de ne pas placer les coupes dans

l'alcool absolu et dans la celloïdine; mais, après les avoir retirées

de l'alcool à 95°, il faut les coller à l'aide de la gomme d'Arabie sur

un bouchon. Les coupes doivent être bouillies dans une solution

aqueuse du bleu de méthylène à 0,5 p. 100, jusqn'à la première

apparition de petites bulles. Puis après les avoir refroidies on

les transporte pour une, trois à cinq secondes dans la solution

suivante :

92 SOCIETES SAVANTES.

de myéline s'observe aussi dans la ,moelle épinière, ce qui donne

aux coupes un aspect tout particulier. En même temps se colorent

aussi très bien les cellules nerveuses (comme par la méthode de

Nissl), les noyaux musculaires des vaisseaux, les cellules névro-

gliques, en un mot tous les éléments principaux de la substance

nerveuse. A l'examen du bout périphérique chez un lapin, cinq

jours après la section du nerf, on avait constaté que la myéline

consistait en de petites mottes rosées et oblongues, avec un petit

nombre de grains; à l'extrémité de ces mottes s'accumulenl des

grains bleus, tantôt isolés, tantôt en masse compacte. Dix jours

après la section les parcelles bleues augmentèrent en nombre et

en volume; quant aux masses roses elles .diminuèrent et leur gra-

nulation disparut tout à fait. Sur les coupes transversales, prises des

troncs nerveux et des racines, on remarque une formation des

masses granuleuses bleues dans la membrane de myéline, enve-

loppant le cylindraxe tantôt d'un côté, en forme d'une demi-

lune, tantôt de tous les côtés, comme d'un anneau, parfois rien que

dans la partie périphérique de la fibre, d'autres fois dans toute

l'épaisseur de la membrane de myéline. Ce phénomène s'observe

le plus souvent dans les racines et comme l'ont démontré les inves-

tigations pendant toute une série de procès morbides (typhus abdo-

minal, pneumonie fibrineuse et grippeuse, néoplasmes cancéreux,

artérioscléroses). ),

Dans quatre à cinq jours après la section de la moelle épinière

ou après l'extirpation des centres moteurs corticaux (chez des chiens

et des lapins) on peutnoterles modifications secondaires suivantes :

gonflement, teinte rosée tantôt des fibres isolées, tantôt de leur

groupe entier. Sur les coupes longitudinales on voit à différents

niveaux des formations gonflées, rosâtres, en forme de boudin.

Avec le temps la myéline sort de la fibre et s'accumule tantôt en

masses déliquescentes bleues, tantôt en gouttes rondes bleues, sur-

tout auprès des vaisseaux; souvent on observe aussi une formation

abondante de globules granuleux. Ces dernières modifications se

rencontrent souvent dans différentes maladies infectieuses (myélite

et encéphalite infectieuses aiguës, typhus abdominal, etc.). S'il y

a des modifications pathologiques dans les cellules, elles ressortent

très nettement dans les préparations traitées par le procédé pro-

posé.

Les rapporteurs indiquent sur deux avantages de ce nouveau

procédé : 1° la coloration de presque toutes les parties intégrantes

du système nerveux dans son état normal et pathologique; et

2° la manifestation des altérations de la myéline, qui pour la

plupart échappent même aux plus sensibles procédés connus de

notre temps, la granulation de la myéline, les demi-lunes et les

anneaux sus-décrits daus les racines et dans les nerfs périphériques

et en partie la destruction dans la moelle épinière ne peuvent se

BIBLIOGRAPHIE. 93

manifester qu'à l'aide du procédé de formol-méthylène. Cette

communication était accompagnée %d'une démonstration d'un

grand nombre de dessins et de préparations microscopiques.

A la discussion ont pris part M. le professeur Rots, MM. KouNt-

LOFF,lIIINOR, illoURATOFF et \i.le professeur KOJEWNIKOFF; ce dernier

souhaita aux rapporteurs de continuer l'exploitation si féconde de

leur procédé.

G. l3osso ? o, N. CIl\TALOFF, A. ÏOKAnSKY.

BIBLIOGRAPHIE.

1. Genèse et nature de l'hystérie; par le Dr P. SOLLICn.

M. Sollier a publié récemment sur la Genèse et la nature de l'hys-

térie deux volumes consacrés, le premier à l'exposé des faits cli-

niques et expérimentaux qui servent de base à une nouvelle con-

ception de l'hystérie; le second, aux observations des malades qui

lui ont servi de sujets d'expériences.

Le pomt de départ de la théorie imasinée par M. Sollier pour

expliquer le mécanisme des manifestations hystériques est un fait

d'observation vulgaire. On sait, que les hystériques - il ne s'agit ici,

bien entendu que des grandes hystériques àanesthésie plus ou moins

étendue ne dorment pas ou presque pas sans paraître en éprou-

ver aucune fatigue.

Bien que signalée déjà par différents auteurs, notamment par

AIJi. 13ourneville et Recnard, cette insommie n'avait guère reçu

d'explication ; M. Sollier a pensé que si les hystériques ne dor-

maient pas la nuit, c'est qu'elles étaient plongées pendant le jour

dans une sorte de sommeil pathologique qui rendait impossible le

sommeil naturel. Pour vérifier cette hypothèse, l'auteur a donné à

ses malades, mises préalablement en état d'hypnose, l'ordre de

se réveiller ; mais non pas de se réveiller, comme elles avaient

l'habitude de le faire à la suite de séances hypnotiques, mais

de se réveiller complètement, absolument, tout à fait. z la suite de

ces injonctions réitérées il a constaté une série de réactions rap-

pelant celles qui suivent le réveil naturel, réactions qui étaient

accompagnées d'une régression de la personnalité, les malades

ayant complètement oublié, comme au sortir d'une crise de som-

nambulisme, la période par laquelle elles venaient de passer et

se croyant ramenées à cinq, dix ou quinze ans en arrière. Il a

94 BIBLIOGRAPHIE.

remarqué, en outre, qu'à la suite de ce réveil, lorsqu'il était

complet, ces malades avaient complètement recouvré la sensibilité

et ne présentaient plus aucun stigmate d'hystérie. . .

De ces expériences, M. Sollier a conclu que les hystériques étaient

des somnambules, ou mieux, des vigilambules et qu'il suffisait de

- les réreiller pour les débarrasser de leurs accidents d'abord, de

leurs stigmates ensuite. Poursuivant ensuite ses investigations il

s'est aperçu que l'état de vigilambulisme pouvait être également

modifié, non plus par l'injonction de se réveiller, mais par celle de

sentir les parties anesthésiques du corps ; en d'autres termes, que

le réveil avec toutes ses conséquences, la disparition des accidents

et stigmates hystériques, pouvait être le fait de la simple restaura-

tion de la sensibilité, et, inversement, qu'il suffisait de supprimer

la sensibilité pour ramener en même temps tous les accidents, y

compris l'état de somnambulisme.

De cette nouvelle série d'expériences, corollaire de la première,

M. Sollier a cru pouvoir dégager une théorie pathogénique de

l'hystérie qui peut se formuler ainsi :

Les hystériques ne' sont que des somnambules plus ou moins

complètes. Toutes les manifestations de l'hystérie, quels que soient

leur nature ou leur siège, qu'elles soient d'ordre somatique ou

psychique, sont entièrement liées à des altérations ou à des varia-

tions brusques de la sensibilité. Ces modifications de la sensibilité

sont elles-mêmes sous la dépendance d'un état d'engourdissement

ou de sommeil des centres cérébraux. Suivant que ces centres sont

frappés isolément ou en masse, progressivement ou d'emblée, on se

trouve en présence de l'une ou de l'autre des modalités si variéee

de la névrose.

Quant à la nature de ce sommeil spécial des centres cérébraux,

elle reste entière à déterminer.

Telle estla conception de l'hystérie que l'on trouvera exposée avec

un très grand luxe d'arguments dans l'ouvrage de M. Sollier.

Dans quelle mesure cette théorie peut-elle être acceptée ? Bien

que M. Sollier se défende énergiquement d'avoir fait intervenir la

suggestion dans ses expériences, nous ne croyons pas qu'elle soit

restée étrangère à la production des phénomènes qu'il a observés.

Pour être en droit de le nier il aurait fallu que l'auteur, se pla-

çant dans des conditions expérimentales différentes, eût obtenu

les mêmes résultats en dehors de toute participation intellectuelle

de la part de ses sujets. Quoi qu'il en soit de cette divergence de

vues, l'ouvrage de M. Sollier n'en constitue pas moins un ingé-

nieux essai de physiologie pathologique de l'hystérie qui sera lu

avec intérêt par tous ceux qui s'intéressent aux questions de

neuropalhologie. G. DENY.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95

II. Dictionnaire des sourds-muets, publié d'après le manuscrit ori-

ginal de l'abbé de L'ErÉE, et précédé d'une préface, par le

Dr J.-A.-A. Rattel. Paris, 1896, J.-B. Baillière.

Ce petit volume est le neuvième de la Collection ancienne et

moderne d'otologie du Dr Rattel. Il s'agit de l'impression d'un

manuscrit inédit de l'abbé de l'Épée, qui, pendant sa vie, n'avait

pu, faute de ressources, publier son dictionnaire. Dans sa préface.

M. le Dr Rattel raconte qu'il recourut au gouvernement et adressa

une lettre à M. Necker * pour obtenir quelques ressources de la

part des Economats ». Le ministre renvoya l'abbé, avec recom-

mandation, à111. Feydeau, directeur général des Economats. Celui-

ci conseilla à l'abbé de s'adresser à l'archevêque pour avoir un

crédit sur les biens des Célestins. L'archevêque répondit qu'il lui

paraissait « peu possible de prendre, sur la caisse des Célestins,

de quoi faire imprimer le dictionnaire dont il s'agit ».

Cent ans ce sont écoulés, sans que le désir de l'abbé soit satis-

fait. C'est pour rendre un pieux hommage à la mémoire de l'abbé

de l'Epée que M. le Dr Rattel a fait imprimer, à ses frais, ce petit

Dictionnaire à l'usage des sourds-muets. Bien qu'il n'ait, aujourd'hui

qu'un intérêt secondaire, nous croyons qu'il a sa place marquée

dans la bibliothèque des établissements consacrés à cette catégorie

d'enfants anormaux. B.

III. Archives de médecine expérimentale et d'nncttomie pathologique,

fondées par J.-M. CHARCOT, publiées par \I11. GaaNCaen, JOFFROY,

LLeINE ; secrétaire de la rédaction : R. Vunxz. Paris, Masson et

C ? éditeurs.

Le tome IX (1897) renferme les articles suivants relatifs au

systèmes nerveux :

De la méningite séreuse due au pneumocoque ; par Cli. Lévy.

Mensuration de la toxicité vraie de l'alcool éthylique. Symptômes de

l'intoxication aiguë et de l'intoxication chronique par l'alcool étlcy-

lique ; par Joffroy et Serveaux. Recheréhes expérimentales sur

les propriétés antithermique, antitoxique et antiseptique de l'antipy-

Tine; par Deléarde. De l'influence de la toxine diphtérique sur le

système nerveux des cobayes; par i\1oUl'a vieff.. ,

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Abricossof (M"0 G.). L'hystérie aux AF7/' et XVIII° siècles (Étude

historique et bibliographique). Volume in-8° de 145 pages. Paris,

1897. - Librairie G. Steinheil.

96 ' · BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. '

Busciian (G.). - l31blioyapltischer Senxeslerber·iclzl cler rsclaeizrun-

gen auf clem Gebiete der Neurologie uncl Psychiatrie. Volume in-8° de

172 pages. Prix : 5 fur. 75. iena, 189ï ? Verlaô G. Fischer.

CLAPARlioE (Ed.). Du sens musculaire il. propos de quelques cas

d'hémiataxie poslhémiplégique. Volume iu-S° de Ils pages.

Genève, 1897. Ch. Eggimann et Cee.

CULI.ERnE. -De l'incontinence d'urine dans ses rapports avec l'hystérie

infantile. Brochure in-8° de 8 pages. -'fouleuse, 1897. Librairie

Edouard Privât.

DACODET. Système nerveux central; coupes histologiques. - Volume

in-8o cartonné de 3l pages, avec 12 planches hors texte. Prix :

3 fr. 50. Paris, 1897. - Librairie J.-B. Bailliere et (ils.

D01'iATIi (J.). Ueber Clzonea hyslerica. Brochure m-8° de 4 pages.

Budapest, 1897. Chez l'auteur.

Donatii (J.). Ein Fait Diplegia brachiales. Brochure in-8° de

3 pages. - Budapest, 1897. - t;liez l'auteur.

Donatii (J.). Ein Fait von Iraumalischer Hystérie. Brochure in-8°

de 3 pages. Budapest, 1897. Chez l'auteur.

Garnier (S.). Compte moral et administratif el rapport médical,

présentés pour l'année 1896. relatifs à l'asile 'départemental d'aliénés de

Saint-Ylie (Jura). Brochure nt-8° de 70 pages. Lons-le-Sauluier,

1897. Imprimerie L. Declume.

Garnier (S.). Rapport médical et compte moral el administratif, pré-

sentés pour l'année 1895, relatifs à l'asile départemental d'aliénés de

Saint-Ylie (Jura). Brochure in-8» de 78 pages. Lons-le-Saunier,

1896. Imprimerie L. Declume.

Gerest (J.-1L). - Les affections nerveuses systématiques el la théorie

des neurones. - Volume [il-81 de 355 pages, avec 13 ligures. Prix : 7 fr.

Huches (C.-H.). Suicide. Brochure in-8» de 8 pages. Saint-Louis,

1897. Chez l'auteur.

Manuel pratique de la garde-malade et de l'infirmière, publié par le

D' IJOUHEI'JI.LE avec la collaboration de MM. Ed. Brissaud, Budm, P. Cor-

net, Il. Muret, P. Keraval, G. Manoury, Jlonod, J. Noir, Poirier, Ch.-H.

Petit-Vendol, Pmon, P. Regnard, Sevestre, Sollier, Vu'on, P. Yvon,

III"" Pilliet-Edwards. La sixième édition de ce Manuel, revue et aug-

mentée, se compose de cinq volumes illustrés de nombreuses figures :

T. 1..Anatomie et physiologie : - T. IL Administration et comptabilité

hospitalières; - f. III. l'anyemenls; - 'I'. IV.' Soins adonner aux

femmes en couches. Soins à donner aux aliénés. Petite pharmacie. Petit

dictionnaire des termes médicaux. - 'l', V. Hygiène. Prix des cinq

\olnmes il- 1 8 : 7 fur. 50. Aux bureaux du Progrès médical, 14, me des

Carmes. Pour nos abonnés, 6 fr. (franco). : \I.\SS.\L01\'GO (R.). Dell' osteoarlropalia ipel'll'ofica lJ1lelllllica,

Brochure in-8o de 17 pages, avec 4 ligures. Home, 1897. Societa

éditrice Dante Alighieri.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

1·,vreua. Cli. Iléanssex, imp. - 19e :

Il-

Vol. V. Février 1898. i N° 36' z

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

ESSAI DE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

ENTRE LA SYPHILIS ARTÉRIELLE, LA SYPHILIS MÉNINGÉE

ET LA SYPHILIS GOMMEUSE DE L'ENCÉPHALE' ; -,

PAR LES DOCTEURS

J. TEISSIER,

PlOfcsscur à la Faculté de médecine

de LSon.

L T

' Jo.wsu ROUC,' ,'

E\-iiitenie des hôpitaux

de Lvon.

CHAPITRE II , , , ,

De la méningite syphilitique cérébrale.

La syphilis peut porter son action sur les méninges de plu-

sieurs façons différentes. Les lésions méningées peuvent être

secondaires, propagées soit de la boîte cranienne, soit de la

substance cérébrale : dans ce cas la méningite vient simple-

ment donner sa note symptomatique dans le syndrome pré-

existant. Les lésions primitives des méninges peuvent secon-

dairement envahir la substance cérébrale (le cas est fréquent

pour la gomme circonscrite) ou bien déterminer des lésions

secondaires par compression des vaisseaux (ischémie, ramol-

lissement).

Dans tous ces cas, aux combinaisons anatomiques répon-

dent des combinaisons symptomatiques très variables. Nous

les laisserons de côté pour n'envisager que les cas où les

1 Voir Archives de Neurologie, n° 25.

Archives, 2e série, t. V. 7

98 CLINIQUE NERVEUSE. -

lésions sont et restent purement méningées ; et encore laisse-

rons-nous de coté la pachyméningite hémorrhagique, dont la

cause peut être la syphilis, mais dont la symptomatologie,

assez tranchée, résulte beaucoup plus de l'hémorrhagie que

des phénomènes inflammatoires qui l'ont précédée.

" Après toutes ces éliminations il nous reste trois variétés de

lésions méningées susceptibles d'être réunies dans un tableau

symptomatique commun : l'infiltration gommeuse, les gommes

miliaires disséminées, enfin la méningite inflammatoire ou

scléreuse, sans autre caractère spécifique que son étiologie et

l'efficacité habituelle du traitement. Nous allons voir que ces

lésions présentent une symptomatologie un peu particulière,

permettant de les distinguer quelquefois des autres formes de

syphilis cérébrale.

§ 1. Caractères généraux DES symptômes DE la syphilis

méningée. Ici, c'est l'inverse de ce qui se passe dans la

syphilis artérielle : il y a nettement p·éclominazce cles phé-

nomènes irritatifs sur les phénomènes de déficit. Il est

d'autant plus facile de comprendre l'action irritative de la

méningite sur la corticalité, que la couche la plus superfi-

cielle de l'écorce, la couche des fibres tangentielles, celle qui

est immédiatement sous-jacente à la pie-mère, est de beau-

coup la plus importante dans le mécanisme des réflexes céré-

braux. C'est là, en effet, que se fait la transmisssion aux

panaches protoplasmiques des cellules pyramidales, de

l'influx nerveux apporté par les cylindraxes centripètes,

venus soit des centres inférieurs, soit d'une autre portion de

la corticalité. Aussi, quoique la circulation de l'écorcc soit

sous l'influence du réseau vasculaire pie-mérien, et puisse

être considérablement restreinte par un processus seléreux.

les phénomènes irritatifs produits par l'inflammation du

voisinage l'emportent presque jusqu'à la fin sur les phé-

nomènes ischémiques secondaires.

A. Troubles moteurs. L'attaque épileptiforme, qui

appartient à toutes les formes de syphilis cérébrale, est parti-

culièrement fréquente dans la forme méningée. Il s'agit le

plus souvent d'épilepsie partielle, quelquefois bien limitée.

On peut dire que la paralysie flasque n'appartient pas au

tableau de lasyphilis méningée. Les paralysies sont il peu près

toujours accompagnées, dès leur début, de phénomènes spas-

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 1

modiques : raideurs musculaires, contractures, exagération

des réflexes, souvent trépidation épileptoïde. Elles sont

habituellement moins localisées, se diffusent à un plus grand

nombre de muscles que dans la syphilis artérielle, mais aussi

elles sont moins complètes : il s'agit le plussouvent de parésie

avec raideur. Elles s'accompagnent souvent de secousses in-

volontaires se passant dans un seul muscle, souvent dans

quelques fibres seulement ; secousses musculaires traduisant

l'excitation de l'écorce et annonçant souvent l'ictus épilep-

tiforme. On trouvera tous ces caractères dans l'observation

que nous rapportons plus loin.

B. Troubles de la sensibilité. Ils sont beaucoup plus

fréquents que dans la syphilis artérielle.

La céphalalgie ne manque à peu près jamais. Ellepeut être

généralisée, sans localisation précise, extrêmement intense,

empêchant tout sommeil, conduisant quelquefois le malade

au délire, au suicide, à l'homicide, même. Elle est alors due

a la compression du cerveau, à la méningite épendymaire,

à la dilatation des ventricules. C'est un cas de ce genre qu'on

trouvera plus loin. D'autres fois, toujours très intense, elle

est plus localisée, soit à un côté delà tête, soit à un point précis.

Dans les deux cas elle s'accompagne le plus souvent

d'hyperesthésie superficielle; la pression du crâne la réveille

ou l'exaspère. La percussion l'augmente au même titre que

la pression, mais sans lui donner ce caractère de profondeur

que nous trouverons dans la gomme. Dans certains cas, sur-

tout dans la première variété, due surtout à un épanchement

ventriculaire, elle peut justifier la ponction de Quincke ou

la trépanation. Il y a souvent en même temps des douleurs

extrêmement vives, dans les membres, le tronc, au niveau

des viscères même. L'examen le plus minutieux ne révèle

alors aucune cause locale qui puisse les expliquer. Ce sont

des douleurs d'origine centrale, traduisant l'irritation de

l'écorce. ·

Objectivement, on trouve souvent des zones d'hyperesthésie

où la moindre pression détermine des douleurs ; ailleurs ce

sont des zones où il y a des troubles paresthésiques, rarement

de l'anesthésie complète.

Ce qui distingue surtout ces troubles, c'est leur pe2,)îia-

nence opposée à la fugacité des troubles analogues dus à

l'ischémie dans la syphilis artérielle.

100 CLINIQUE NERVEUSE.

Ces troubles de la sensibilité, par leur permanence et leur

intensité, sont souvent la source d'abord d'illusions, puis

d'hallucinations et de délire.

Les troubles sensoriels sont fréquents. La vue est souvent

atteinte : soit troubles moteurs par compression des nerfs

au niveau de la base ; soit hémianopsie homonyme ou bien

amaurose par compression d'une ou des deux bandelettes

optiques, avec abolition de la réaction pupillaire ; soit enfin,

et c'est le cas plus caractéristique, hémianopsie hétéronyme

le plus souvent bitemporale par compression du chiasma.

L'examen ophtalmoscopique nous révèle des signes impor-

tants. Le plus souvent on trouve de la névrite optique avec

phénomènes inflammatoires très accusés : la papille fait

une saillie faible, l'aspect rayonné est très accentué, les exsu-

dats sont très abondants le long des vaisseaux. Plus loin nous

opposerons cette neuro-rétinite de la syphilis méningée à la

stuungs-papille de la gomme intra-cérébrale, revenant ainsi

en partie à la doctrine de de Grsefe qui séparait nettement

la papille par stase de la névrite optique descendante.

D'autres fois, mais le fait est plus rare, on trouve de l'atro-

phie, avec papille en pain à cacheter, sans stade inflammatoire

prémonitoire. Cette atrophie doit être considérée aujourd'hui

comme une dégénérescence rétrograde des neurones visuels,

par compression du chiasma ou des bandelettes ; les cellules

d'origne de ces neurones étant dans la rétine. Il y a souvent

anosmie uni ou bilatérale; exceptionnellement, au contraire,

des troubles de l'ouïe. D'une façon générale toutes les paires

crâniennes peuvent être comprimées, et donner diverses com-

binaisons symptomatiques que nous retrouverons tout à

l'heure. 1

C. Troubles intellectuels. L'aphasie se retrouve ici,

mais sans caractères particuliers. Elle est habituellement

moins complète, mais plus permanente, que dans la syphilis

artérielle.

Le délire est fréquent, et il s'agit alors d'un délire actif.

L'agitation peut être extrême et donner le tableau de la

manie aiguë. Les hallucinations sont fréquentes, et deviennent

la source d'interprétations délirantes comme dans le cas que

nous rapportons plus loin, où la malade croyait avoir subi

une opération, puis avoir été décapitée, être morte, etc., etc.

Dans les intervalles de tranquillité on trouve que la mémoire

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. loi

est à peu près intacte, qu'il n'y a souvent pas d'affaiblisse-

ment intellectuel, que les processus d'idéation sont normaux.

Il peut y avoir quelquefois des idées de persécution, mais

elles sont passagères.

En résumé, délire actif avec idéation normale et quelque-

fois hyperidéation, à opposer à l'affaiblissement progressif

de toutes les facultés, conduisant à la démence de la syphilis

artérielle.

Ajoutons enfin que la méningite s'accompagne de troubles

nutritifs précoces, dus soit aux vomissements et à l'intolérance

gastrique, soit à la dénutrition excessive qui paraît sous la

dépendance des lésions de l'écorce et rappelle celle de cer-

tains cas de paralysie générale grave.

L'iclits apoplectique, moins grave immédiatement que

l'attaque foudroyante due à la thrombose ou à la rupture

d'une grosse artère, doit toujours faire penser à l'envahisse-

ment de l'écorce par l'encéphalite spécifique. Dans les cas

plus bénins où il paraît sous l'influence d'une simple poussée

congestive, il est rare qu'elle ne laisse pas un trouble persis-

tant, l'hémiplégie incomplète, par exemple, comme dans le

cas que nous rapportons plus loin.

Il est un dernier point sur lequel nous voulons insister,

parce qu'il nous semble ne pas avoir suffisamment attirer

l'attention des divers observateurs : c'est l'existence de la

fièvre dans la syphilis cérébrale. Depuis les travaux de Four-

nier on connaît bien la fièvre syphilitique secondaire. Nous

pouvons affirmer que dans la syphilis cérébrale on observe

assez souvent aussi des élévations de température parfois

considérables : elle peut atteindre et même dépasser 40°,

et cela pendant plusieurs jours de suite. Dans les formes où

la symptomatologie est encore peu accusée, où il n'y a que

des phénomènes irritatifs diffus ; de la céphalalgie, des

vomissements, de la stupeur, on comprend combien l'exis-

tence de cette fièvre peut être embarrassante pour le diag-

nostic. Tout récemment encore nous avons pu hésiter pendant

plusieurs jours entre le diagnostic de syphilis cérébrale et

celui de fièvre typhoïde : le séro-diagnostic était bien négatif,

mais cela pouvait tenir à la date récente du début des acci-

'dents.

Quelle est la pathogénie de cette fièvre ? Est-elle due au.

virus syphilitique lui-même, ou bien à une infection secon

't02 CLINIQUE NERVEUSE.

daire ou associée ? Il nous est impossible de le dire. Nous ne

savons pas davantage si elle a une valeur au point de vue du

diagnostic des différentes formes de syphilis cérébrale. Tout

ce que nous pouvons dire, c'est que le mouvement fébrile

parait relativement fréquent dans la syphilis méningée,

assez rare dans la syphilis artérielle, exceptionnel dans la

gomme.

§ II. Evolution ET groupements symptomatiques DE la h'U'U)-

LIS méningée. Habituellement lente, prolongée, ne condui-

saut à la terminaison fatale qu'après une assez longue

période, l'évolution peut aussi être rapide, aiguë; et il y a

lieu de décrire successivement deux formes, aiguë et chro-

nique. Chacune d'elles se subdivise en deux formes secon-

daires, suivant qu'elle atteint la base ou la convexité.

A. Méningite aiguë syphilitique. Céphalalgie extrême-

ment intense, vomissements répétés, température quelque-

fois élevée, tels sont les symptômes qui ouvrent habituelle-

ment la scène. Si le processus se localise ci la base, après

cette première période on note des vertiges, des troubles

psychiques, des symptômes de compression du côté des nerfs

de la base, de la polyurie, des phénomènes bulbaires; le

malade tombe dans une dépression profonde, puis dans le

coma terminal. C'est souvent au complet le tableau de la

méningite tuberculeuse.

Si la méningite atteint surtout la convexité, les phéno-

mènes d'excitation dominent : délire bruyant, convulsions

répétées, hallucinations. Le coma survient plus tardivement

et s'accompagne souvent d'hémiplégie ou de monoplégies.

Cette méningite aiguë est rarement primitive ; le plus souvent

elle survient au cours d'une cerébro-syphilose quelconque,

et il est bien permis de se demander si des infections secon.-

daires surajoutées n'entrent pas en jeu. Le traitement spéci-

fique est habituellement inefficace. La plupart des auteurs

admettent que cette méningite aiguë spécifique peut être

primitive. Le contrôle bactériologique démontrant l'absence

d'infections associées manque.

B. Méningite chronique. Cette forme est aussi 11'é-·

quente que la précédente est rare. On pourrait, comme dans

la syphilis artérielle, distinguer deux périodes dans son évo-

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 103

lution. Pendant la première les symptômes sont légers et

fugaces : c'est une convulsion épileptiforme isolée , sans

autres symptômes; une paralysie oculaire brusque, des phé-

nomènes aphasiques ébauchés, etc. La lésion est alors essen-

tiellement curable par le traitement spécifique. Lorsque

la céphalalgie existe d'une façon permanente, que l'ophtal-

moscope montre des lésions de névrite optique, que tous

les symptômes énumérés plus haut se sont installés défi-

nitivement, il est fréquent que l'échec thérapeutique soit

complet.

Méningite de la base. C'est de beaucoup la forme la

plus fréquente et la mieux connue. Oppenheim ' croit ses

symptômes si caractéristiques qu'ils permettent le diagnostic

de nature, même en l'absence de commémoratifs.

Les phénomènes les plus caractéristiques sont ceux qui

résultent de la compression des paires crâniennes, et qui en

s'associant à la compression des pédoncules ou des pyramides

donnent toutes les variétés d'hémiplégie alterne : hémianos-

mie et hémiplégie, hémianopsie homonyme et hémiplégie du

même côté, anesthésie d'une moitié de la face et hémiplégie

du côté opposé, syndrome de Weber , paralysie de la

sixième paire et hémiplégie du côté opposé-, syndrome de

Millard-Gubler, hémiparalysie de la langue avec hémi-

plégie alterne.

La polyurie et souvent la polydypsie sont fréquentes

même en l'absence de lésions du bulbe. Dès le début la

dépression domine la scène, le malade est en proie à une

somnolence invincible, dont on le tire difficilement. La ter-

minaison se fait dans le coma, le plus souvent avec des phé-

nomènes bulbaires.

Méningite de la convexité. C'est elle surtout que nous

avons eu en vue dans notre description générale, et nous en

rapportons plus loin un exemple. Ce qui domine c'est l'exci-

tation au point de vue moteur, sensitif, intellectuel. Les

ictus y sont fréquents, le coma très rare. La terminaison se

fait soit dans un ictus, soit par cachexie progressive et tuber-

culose pulmonaire comme dans le cas suivant.

' Oppenheim. Bei-liii Klin. Vocle., n° 98, p. 1033.

- Nous avons vu plus haut que ce syndrome nous avait été donné par

un anévrisme basal, associé à une thrombose de la sylvieuue opposée.

104 CLINIQUE NERVEUSE.

Observation II. Sommaire : Syphilis probable dans les antécédents.

Début par des ictus incomplets. Hémiplégie droite. Aphasie passa-

gère. Céphalalgie extrêmement vive et persistante. Troubles de la

vue par neurorétinile. Douleurs dans les membres d'origine cen-

trale. Agitation. Hallucinations de la vue et de la sensibilité

-générale. Délire violent. Cécité complète. Aucun trouble objectif de

la sensibilité. Crises convulsives. Cachexie progressive. Tuberculose

pulmonaire et pleurésie. Mort.

Autopsie. Aucune altération des os ni de la dure-mère. Aucune

altération des vaisseaux. Arachnilis et méningite pie-mérienne sclé-

reuse généralisée, prédominant au niveau des régions moyennes de

la convexité. Kystes superficiels (par dilatation des gaines lymplaa-

tiques ? ) Pas de gommes.

Mal... Marie-Rose, domestique, âgée de vingt-trois ans, entrée le

24 juillet 1894, au 3 femmes, service de M. le professeur Teissier.

Antécédents héréditaires. Son père et sa mère sont bien por-

tants. Six frères et soeurs en bonne santé. Une soeur morte de la

diphtérie. Il ne parait y avoir aucune tare nerveuse dans sa

famille.

Antécédents personnels. Aucune maladie sérieuse avant l'affec-

tion actuelle. Pas de nervosisme. Pas d'alcoolisme ni d'autre'

intoxication. Elle n'a jamais rien remarqué d'anormal du côté des

organes génitaux ; n'a pas observé d'éruptions cutanées, pas de

plaques dans la bouche. Ses ganglions sous-maxillaires se sont

un peu hypertrophiés et ses cheveux tombent.

Histoire de l'affection actuelle. Juillet 1893. Etourdissement,

brouillard devant les yeux, chute, mais sans perte de connaissance,

sans paralysie consécutive. Le tout ne dura que quelques

minutes.

Août 1893. La malade venait de se lever ; tout d'un coup elle

tomba, ne perdit pas connaissance, mais essaya vainement de se

relever. Le côté droit était complètement paralysé ; la parole était

très gênée. Elle resta dans cet état trois semaines, puis l'aphasie

disparut. L'hémipblégie ne disparut, et incomplètement, qu'en

décembre.

Février 1894. Elle se trouve assez bien pour se placer comme

domestique. Elle n'a pas suivi de traitement spécifique. -

Juin 1891. - Apparition de douleurs de tête très violentes, lanci-

nantes, occupant la nuque ou le front, s'exaspérant le soir pour

acquérir leur maximum d'intensité la nuit, puis diminuer le matin.

Insomnie tenace, vomissements fréquents, amaigrissement, lassitude

extrême.

Entrée à l'hôpital le 23 juillet 1894. Elle se plaint surtout des

douleurs de tête, d'un grand affaiblissement de quelques brouillards

devant les yeux. L'hémiplégie droite a laissé encore quelques traces.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 105

Pas d'aphasie. Rien d'anormal à l'examen des divers organes. Pas

d'albuminurie. Température normale. On institue le traitement

spécifique.

30 juillet 1894. La malade sort à peu près guérie.

Rentrée à l'hôpital le 8 novembre 1894. En sortant de l'hôpital

la malade est allée à la campagne. Elle a continué à prendre de

l'iodure pendant trois jours, puis a cessé tout traitement. Depuis

cette époque la céphalée n'a fait qu'augmenter ; elle est extrême-

ment vive, continue, généralisée; de temps en temps il y a des

exacerbations : les douleurs deviennent insupportables, s'accom-

pagnent d'irradiations orbitaires etcircumorbitaires, et d'hyperes-

thésie : des téguments. En même temps apparaissent des vomisse-

ments se répétant de demi-heure en demi-heure pendant toute une

journée ; les matières vomies sont amères et bilieuses. Puis la

céphalée diminue etles vomissementscessent. Pendant ces accès, il

y a de très vives douleurs dans les reins et les jambes ; aucun trouble

moteur, aucun trouble du tangage, mais augmentation des troubles

de la vision.

Ces troubles de la vision ont débuté peu après son dernier séjour.

Subjectivement ils se caractérisent par une diminution très grande

de l'acuité ; 1 malade a été obligée depuis longtemps de cesser

ses travaux de broderie ; elle voit tout en gris, ne distingue plus les

couleurs ; souvent des brouillards et des mouches volantes lui

passent devant les yeux. Il n'y a jamais eu de diplopie. Pendant

les exacerbations de la céphalée, il y a augmentation de ces trou-

bles et souvent de la photophobie.

Actuellement, la céphalée paraît extrême et se reflète sur la

physionomie par une expression de souffrance. Elle est exagérée

par ta pression ; il y a de l'hypéresthesie de tout le cuir chevelu ; pas

de points localisés où la céphalée et l'hyperesthésie soient plus

intenses. La percussion l'exagère au même titre que la pression,

sans modification des caractères de la souffrance. ' `

Il y a souvent des souffrances, quelquefois très vives dans les

membres, sans que la malade puisse leslocaliser exactement. Il n'y

a aucune altération macroscopique correspondante. Légère hypéres-

thésie généralisée des téguments, sans autres troubles objectifs de

la sensibilité générale. Les mouvements passifs, la pression sur les

os et les masses musculaires, ne provoquent pas de douleurs.

Examen des yeux. Aucun trouble du côté de .la musculature

externe ou interne. Rétrécissement concentrique considérable du

champ visuel qui ne comprend plus qu'un angle de 15-20°. Aclero-

rnatopsie complète ; la malade ne distingue plus aucune couleur.

Diminution considérable de l'acuité : la malade peut à peine lire

l'en-tête d'un journal.

Examen ophtalmoscopique. Les contours de la papille ont

complètement disparu ; celle-ci est remplacée par une large tache

106 CLINIQUE NERVEUSE.

blanchâtre, faisant légèrement saillie, d'aspect rayonné très net.

Eu dehors de la papille, les vaisseaux sont tortueux, diminués de

volume, accompagnés pour la plupart d'un exsudat blanchâtre.

Ces exsudats présentent en certains points un aspect nacré et parais-

sent en voie d'organisation. Les vaisseaux sont à peine visibles sur

,Ja papille; ils paraissent se~ perdre à quelque distance de son bord ;

pas de crochets bien nets. En quelques points, taches hémorra-

giques. Réactions normales des pupilles ; il ne parait pas y avoir

de troubles de l'accommodation.

Il reste encore quelques traces de l'hémiplégie qu'elle a eue il y

a quinze mois. La force est très diminuée au membre supérieur

droit; au dynamomètre = 18 ; du côté gauche = 2. Aux membres

inférieurs, la malade n'accuse aucune diminution de force, elle

résiste bien à tous les mouvements ; la marche n'est pas troublée,

mais il y a une exagération manifeste du réflexe rotulien a

droite.

Aucun trouble du langage. Aucun stigmate d'hystérie. Pas d'albu-

mine ni de sucre dans les urines. On institue le traitement spéci-

fique.

4 décembre 1894. Depuis son entrée la malade a eu 3 gram-

mes de Kl par jour et trois jours de suite, on lui a l'ait des frictions

mercurielles. Il n'y a eu aucune amélioration. On ajoute 3 gr.

de Kl en lavement et on reprend les frictions.

21. -11 n'y a toujours aucune amélioration ; céphalée aussi vive,

troubles de la vision aussi accentués, persistance d'un certain

degré d'hémiplégie droite.

On donne 6 grammes de Kl à l'intérieur et 3 grammes en lave-

ments.

13 jceivier 159. Il n'y a toujours aucun soulagement. On

donne 8 grammes de Ki en potion et 8 grammes eu lavement.

Frictions mercurielles.

20. Aucune amélioration. On ajoute au traitement 4 gr.

de Kbr.

28. Pendant quatre jours la malade s'est trouvée considéra-

blement soulagée par le Kbr; la céphalée avait diminué beaucoup

et lui a laissé un peu de sommeil. Depuis quatre jours elle est

revenue aussi violente, continue; elle présente comme autrefois des

exacerbations irrégulières; celles-ci ne s'accompagnent plus de

vomissements. Pendant ces crises douloureuses, elle prend des

espèces de vertiges, un brouillard lui passe devant les yeux, elle est

obligée de prendre un point d'appui pour ne pas tomber ; elle ne

voit pas les objets tourner autour d'elle. Souvent aussi elle entend

des bourdoimements et des sifflements ; depuis quelque temps l'ouïe

reste un peu affaiblie, elle n'entend la montre qu'à six centimètres.

-Pendant les crises douloureuses, quelquefois en dehors d'elles,

elle éprouve des douleurs très vives dans les bras et les jambes, les

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 107

reins, la nuque ; ces douleurs ne sont expliquées par aucune altéra-

tion locale, ne sont provoquées ni par la pression, ni par les mou-

vements actifs ou passifs. Il y a souvent aussi des douleurs vives dans

l'abdomen, sans qu'on puisse les rapporter à aucun organe. On

retrouve à l'examen les mêmes signes objectifs que plus haut.

Pendant les crises douloureuses, tantôt les pupilles, un peu

dilatées, complètement immobiles, ne réagissent ni à la lumière ni

à l'accommodation ; tantôt elles sont simplement paresseuses,

réagissent lentement, puis se dilatent de nouveau rapidement. Il

n'y a toujours aucun trouble de la musculature externe de l'oeil.

Depuis trois jours, sans élévation de température, la malade a

pris autour des lèvres de nombreuses vésicules d'herpès. Aucun

trouble objectif de la sensibilité. La malade mange peu, elle a

maigri beaucoup, son visage a pris une teinte terreuse.

5 févnie· 1895. - Depuis une huitaine de jours l'intensité des

douleurs s'est encore accrue; la malade n'a plus aucun repos, pas

un instant de sommeil ; elle pousse des cris continuels.

Jusqu'ici très docile, très reconnaissante des soins qu'on lui

donne, elle se plaint maintenant de tout et à propos de tout. Elle

croit qu'on lui en veut, que les soeurs en particulier font à dessein

de mal la soigner, de ne pas lui donner ses remèdes, ni à manger ;

ce qui, renseignements pris, est inexact.

Il y a de l'agitation, et ses cris continuels troublant ses voisines,

on l'a transportée dans une chambre d'isolement. Elle ne s'est pas

rendu un compte exact de l'endroit où on l'a transportée, croit

qu'on l'a changée deux fois de lit, demande à revenir dans la salle

commune. Elle a un peu perdu la mémoire, se sent toute changée,

et manifeste la crainte de devenir folle. Hier elle s'est montrée

tellement agitée, qu'on a été obligé de l'attacher.

10. L'agitation a encore augmenté, on a été obligé de lui

mettre la camisole de force. Elle reconnait encore la plupart des

personnes qui l'approchent. Elle présente des hallucinations de la

sensibilité générale, se plaint qu'on lui ait fait une opération, pré-

tend qu'un des élèves militaires lui a coupé la tête, elle croit

être morte. Elle a aussi des hallucinations de la vue : elle voit tout

rouge autour d'elle ; autant qu'on peut en juger, son achroma-

topsie est toujours complète.

Lorsqu'on la laisse seule, elle semble entretenir des conversations

avec des personnages imaginaires, ou bien émet des vociférations sans

suite. Délivrée de ses liens elle a essayé de se jeter par la fenêtre.

Elle demande avec insistance qu'on la laisse partir.

101' mars : A cause de son agitation et de ses cris, la malade

n'a pu être conservée dans le service ; on l'a envoyée dans les cham-

bres d'isolement de Saint-Martin. Pendant les premiers jours elle

a continué à être très agitée, à délirer et à crier. Depuis quelques

108 CLINIQUE NERVEUSE.

jours elle est plus calme et on a pu la faire revenir dans la salle

des femmes.

Les douleurs de tête se sont un peu calmées, quoique encore

très vives. Les douleurs dans les membres et le tronc ont complète-

ment disparu. Pendant son séjour à Saint-Martiu il y a eu quelques

vomissements. `

9. Depuis hier la céphalalgie a presque complètement disparu,

elle n'éprouve plus qu'une certaine lourdeur de tête. Il n'y a plus

de douleurs dans les membres. Elle se plaint surtout de sa vision.

L'oeil gauche est atteint d'amaurose complète ; la malade n'a même

plus la sensation lumineuse lorsqu'on projette sur sa rétine la

réflexion du miroir ophtalmoscopique. La pupille est moyenne-

ment dilatée et immobile.

L'oeil droit est un peu moins atteint : la malade distingue d'où

vient la lumière, elle voit très vaguement les objets et les personnes,

mais ne peut reconnaître celles-ci, ne peut distinguer combien on

lui présente de doigts, ni même si la main est ouverte ou fermée.

La pupille un peu dilatée réagit encore à la lumière placée dans

l'axe visuel ; elle ne réagit plus à une lumière placée latérale-

ment.

A l'examen ophtalmoscopique, on voit à la place de la papille

une large tache d'un blanc nacré, rayonné sur les bords, et se

confondant insensiblement avec la rétine. Sur cette tache les vais-

seaux sont filiformes et se perdent à quelque distance du centre.

L'hémiplégie persiste au même degré, avec exagération des

réflexes rotutiens. Il n'y a toujours aucun trouble de la sensibilité

objective. Il n'y a plus d'hallucinations ni de délire, mais une

grande dépression intellectuelle et un affaiblissement de la

mémoire. La malade ne se souvient plus de ce qui s'est passé

pendant son délire et il est impossible d'en faire une étude rétros-

pective.

26 mars. Depuis sa rentrée de Saint-Martin, la malade avait

été relativement tranquille ; ses souffrances avaient diminué, elle

ne vomissait plus, ne délirait plus. Depuis hier la céphalalgie est

revenue extrêmement violente, accompagnée de vomissements

répétés et d'incontinence d'urine.

9 jiiin. - L'état est resté stationnaire; ce matin on constate quel-

ques secousses musculaires involontaires dans les membres, plus

prononcées au bras gauche et à la jambe droite.

12. Ce matin on constate de la raideur des muscles de la

nuque. En même temps ralentissement des battements cardiaques

(52 à la minute) avec quelques irrégularités. Aucune sensation

subjective de ce côté. Pas de dyspnée. La sensibilité est un peu

moindre, et le réflexe cornéen diminué du côté droit de la face.

Exagération des réflexes et trépidation épileploide du côté droit.

Incontinence d'urine.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 109

G juillet. Les douleurs sont très intenses, on fait des injections

sous-cutanées d'antipyrine.

)'7. Mêmes symptômes et mêmes constatations à l'examen.

L'anesthésie dans le domaine du trijumeau droit n'existe plus. La

malade s'alimente très mal, elle se cacbectise rapidement.

31. Hier à deux heures, la malade a eu une crise couvulsive,

avec écume à la bouche et incontinence d'urine. Ces convulsions

ne prédominaient pas d'un côté. Céphalalgie très intense. Les

troubles bulbaires n'ont pas reparu.

10 août. -Nouvelle crise convulsive.

16 octobre. - Aucune amélioration. Cachexie progressive.

24. La malade a eu plusieurs frissons et en même temps un

violent point de côté et un peu de dyspnée. A l'auscultation,

signes d'épanchement pleural gauche, remontant jusqu'à 3 centi-

mètres au-dessous de l'épine de l'omoplate, au sommet vibrations

sonorité, respiration diminuées, retentissement de la voix et de la

toux. Un peu d'albumine dans les urines.

3 février 1896. Vomissements répétés, intolérance gastrique

presque absolue.

17. La cachexie à fait des progrès considérables. L'amaigris-

sement est excessif, la faiblesse extrême. Les saillies osseuses sont

le siège d'eschares. La céphalée est toujours très vive. L'intolérance

gastrique est presque absolue. La cécité est complète des deux côtés.

Pupilles égales, dilatées, immobiles. Pas de paralysie oculaire.

L'hémiplégie persiste avec les mêmes caractères ; exagération des

réflexes et trépidation épileptoïde à droite. Toujours aucun trou-

ble de la sensibilité objective.

Il n'y a pas d'hallucinations; la mémoire est un peu affaiblie,

mais pas d'une façon bien notable. Il y a un peu d'affaiblissement

intellectuel, mais aucune idée délirante. La malade semble rési-

gnée; malgré ses souffrances extrêmes, elle reste enfoncée dans ses

draps sans un cri. Elle souhaite la mort avec instance.

5 mars. Cachexie de plus en plus prononcée. Elle meurt sans

présenter d'autres symptômes.

Autopsie. CLE2l1' très petit sans aucune lésion orificielle. Reins

un peu augmentés de volume et congestionnés. Foie un peu aug-

menté de volume. Poumons : tuberculose ulcéreuse des deux som-

mets, prédominant à gauche. -

Système nerveux. Rien d'anormal à l'ouverture de la boite

crânienne, pas de lésion osseuse; la dure mère est un peu conges-

tionnée. Elle est sectionnée et rabattue, n'offre aucune lésion a sa

face interne. Il n'y a pas de symphyse méningée. Il s'écoule une

grande quantité de liquide céphalo-rachidien. L'encéphale est

extrait.

Les vaisseaux de la base ne présentent pas de lésions macrosco-

110 CLINIQUE NERVEUSE.

piques : leur calibre est normal et régulier, leur paroi est souple,

régulière, d'aspect sain. Sectionnés ils ne présentent nulle part,

ni thrombose, ni lésion de la paroi interne.

Au niveau du grand confluent de la base, l'arachnoïde ne peut

plus se séparer de la pie-mère. Celle-ci est blanche, épaissie, dure,

.scléreuse, adhérente à la substance cérébrale. Il n'y a ni gommes,

ni infiltrations gommeuses, seulement de la méningite scléreuse.

Sur la convexité, surtout à la partie moyenne, au niveau des-

circonvolutions rolandiques et pariétales : la pie-mère est blanche,

presque nacrée, résistante à la coupe, ne se laissant pas détacher

de la substance cérébrale à laquelle elle adhère fortement. La décor-

tication est impossible. En somme méningite scléreuse très accentuée.

Au niveau des lobes frontaux, occipitaux et temporaux les lésions

sont les mêmes, mais moins prononcées. Cette méningite est

aussi accentuée à droite qu'à gauche.

Sur la convexité on trouve encore dos kystes de chaque côté : les

plus petits ont la grosseur d'un pois ; le plus gros, de la grosseur

d'une noisette siège dans le sillon de Rolando, à la partie moyenne.

La paroi de ces kystes est très mince et transparente ; le contenu

absolument limpide présente quelques flocons blanchâtres. Exa-

miné au microscope, ce liquide n'a pas présenté de crochets, mais

seulement, des flocons fibrineux Ces kystes semblent s'insinuer

dans les sillons; en écartant les deux circonvolutions voisines avec

la pointe mousse d'une paire de ciseaux. on parvient facilement aies

séparer de la pie mère, à les énucléer. Ils apparaissent alors ratta-

chés à la convexité du cerveau par un pédicule très fin, qui appa-

raît nettement comme un vaisseau s'enfonçant dans la substance

cérébrale.

Les hémisphères sont séparés; les ventricules sont très dilatés,

la membrane épendy maire est épaissie et sclérosée. Les hémisphères

sont d'abord débitées en coupes horizontales, puis chacune des

tranches en coupes verticales. La substance centrale surtout au

niveau de la corticalité offre une consistance un peu plus grande

qu'à l'état normal. On ne trouve ni gomme, ni hémorragie, ni

ramollissements. Les méninges au niveau du cervelet et du méso-

céphale présentent les mêmes caractères que plus haut. Aucune

lésion macroscopique sur les'coupes. La moelle est macroscopi-

quement saine.

Dans cette observation la symptomatologie a été assez

tranchée pour que le diagnostic ne soit pas un instant dou-

teux : l'intensité et la persistance de la céphalalgie, l'exis-

tence dans les membres de douleurs d'origine centrale, l'in-

' Cet examen a été fait par M. Z la compétence est bien

connue.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. l'l'1 '1

[ensilé de laneuro-rétinite, l'agitation, les hallucinations, etc.,

ne pouvaient faire penser qu'à une localisation méningée.

L'absence de paralysie dans le domaine des nerfs crâniens,

l'absence de dépression, éliminaient la localisation basale.

Le peu d'importance des phénomènes de déficit, la conserva-

tion de la mémoire et de l'intelligence indiquaient l'intégrité

relative de la substance cérébrale

Nous donnons ici un tableau symptomatique de la syplti-

lis méningée, que l'on comparera utilement à celui de la

syphilis artérielle : .

'H 2 - CLINIQUE NERVEUSE.

Les gommes du cerveau, ainsi comprises, sont assez rares :

elles se présentent anatomiquement sous deux formes, soit

gomme circonscrite entourée d'une capsule fibreuse, quel-

quefois facilement énucléable, soit infiltration gommeuse

diffuse à limites indécises. Ces deux formes paraissent pou-

voir être réunies dans le même tableau symptomatique.

§ I. Caractères généraux DES symptômes de la syphilis Goum-

MEUSE. - Nous avons vu que la syphilis artérielle donnait

surtout des symptômes de déficit, qu'au contraire les phé-

nomènes irritatifs prédominaient dans la syphilis méningée

Dans la syphilis gommeuse ces deux ordres de symptômes

se trouvent réunis : .'

,1" Les symptômes de déficit, dépendant de la localisation

de la lésion, sont très variables suivant les cas. Produits

habituellement par la destruction de la substance cérébrale,

quelquefois par la compression simple, ils présentent ce carac-

tère d'être très stables une fois établis. C'est probablement

ce qui a fait dire à IIorsley qu'il n'avait jamais vu une gomme

guérir sans opération. Existe-il dans l'encéphale des zones

où une gomme puisse impunément se développer, détruire la

substance cérébrale, sans donner des phénomènes de, déficit ?

On l'a dit souvent, et on a désigné du nom de zones latentes

certaines portions qui répondent à peu près aux zones que

Flechsig', contrairement à Déjerine2, considère comme

dépourvues de fibres de projection, et qualifie de zones d'asso-

ciation.

Sans doute les zones de projection ont une symptomato-

logie plus grossière, plus évidente, puisque leurs lésions

empêchent l'influx nerveux d'arriver à l'écorce ou d'en

sortir. Les zones d'association, les sphères psychiques de

Flechsig, présidant aux opérations plus délicates de la

mémoire, de l'association des idées, du jugement, etc.,

donnent, quand elles sont lésées, des symptômes de déficit

beaucoup plus difficiles à dépister. Mais nous ne croyons pas

qu'il existe des zones véritablement latentes, les admettre

serait affirmer que certaines portions du système nerveux

ne servent à rien. On trouvera plus loin l'observation d'une

1 Flechsig. Anal, in Heu. neur. 1897, p. 292 et in 4 ? e<'p/c/i.,

1897, p. 315.

1 Déjerine. Société de Biologie, 1897.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 113 3

femme atteinte de gomme du lobe frontal gauche : à plusieurs

reprises elle présenta des rémissions pendant lesquelles elle

paraissait complètement guérie ; au moment où nous écri-

vons elle se dit également revenue à son état normal. Et

cependant son état mental n'est peut-être pas absolument

sain, comme on le verra par la lecture de l'observation. Seu-

lement, dans ces cas les troubles objectifs sont extrêmement

minimes, et les malades ne sont pas assez habitués à s'ana-

lyser eux-mêmes pour nous aider à dépister les phénomènes

pathologiques. Peut-être les méthodes précises, universel-

lement employées actuellement dans les laboratoires de psy-

chologie, nous apporteront-elles plus tard des éclaircissements

à ce sujet.

Nous n'avons pas à étudier ces phénomènes de déficit qui

dépendent exclusivement de la localisation des lésions.

2° Les phénomènes irritatifs sont extrêmement variés; ils

peuvent affecter la motilité, la sensibilité et l'intelligence

avec les modalités les plus diverses. Nous ne pouvons les

passer en revue ici, ce sont tous les symptômes des tumeurs

cérébrales.

Nous dirons seulement un mot de leur pathogénie. On

admet généralement qu'ils sont dus soit à l'extension progres-

sive des lésions, soit à des phénomènes congestifs de voisi-

nage, soit enfin à une action à distance que l'on n'explique

pas, soit enfin à la compression vasculaire, ou à l'excès de

tension intra-cranienne. L'extension des lésions n'explique

ni les aggravations ni les améliorations brusques, et ne peut

s'appliquer tous les symptômes. Les phénomènes congestifs

sont réels, mais réclament eux-mêmes une explication.

L'action à distance n'explique rien, c'est se payer de mots.

La compression vasculaire ou l'excès de tension sont réels,

mais ne s'appliquent qu'à quelque cas ; l'excès de tension

réclame d'ailleurs lui aussi une explication.

Nous avons déjà fait ressortir dans le tableau de la syphilis

artérielle l'importance des intoxications et auto-intoxications.

Nous croyons que dans la syphilis gommeuse c'est encore à

elles qu'il faut avoir recours pour l'explication des poussées

aiguës, des périodes d'exacerbations, dans lesquelles les phé-

nomènes irritatifs acquièrent leur maximum d'intensité.

Seules ces intoxications ne produiraient probablement aucun

symptôme cérébral ; portant leur action sur une substance

Archives, 2c série, t. V. 8

11 Il CLINIQUE NERVEUSE.

cérébrale mise en état de moindre résistance, elles peuvent

produire des symptômes bruyants. Ne suffisent-elles pas à

faire délirer un cerveau héréditairement prédisposé ? Dans le

cas qui nous occupe, la prédisposition est acquise au lieu

. d'être héréditaire, et de plus localisée en un point au lieu

d'être diffuse.

L'origine de l'intoxication peut être multiple : elle est quel-

quefois exogène, mais le plus souvent endogène ; de là la

nécessité d'examiner avec le plus grand soin le tube digestif,

le foie, les reins, etc. Dans l'observation qui suit, la malade a

pu être amélioré très notablement, voir rétrocéder complète-

ment tous les phénomènes irritatifs, simplement par les anti-

septiques intestinaux. Cette action toxique peut s'exercer

sans troubles circulatoires, mais il est probable qu'il faut lui

attribuer la congestion signalée autour des gommes et des

tumeurs cérébrales en général. Nous serions même disposé,

mais sans pouvoir apporter aucune preuve à l'appui, à attri-

buer aussi à une intoxication le ramollissement qui a été

observé autour des tumeurs cérébrales (Bouveret 1), que nous

avons retrouvé nous-même autour d'un abcès du cerveau 2@

et qui a été signalé aussi autour des gommes (Janson).

' Bouveret. Lyon 21éd., 1895, t. LXXX, p. 279, et 1896, p. 459.

' Cette observation est inédite : il s'agissait d'un malade opéré d'un

empyème dans le service de M. A. Pollosson suppléé par M. Tellier.

Tendant sa convalescence, alors qu'il était encore porteur d'une fistule

pleurale donnant beaucoup de pus, il fut pris soudainement d'un ictus

épileptiforme, qui le laissa hémiplégique droit et aphasique total. Plu-

sieurs ictus se succédèrent, puis il s'améliora rapidement. Lorsque nous

le vîmes, il allait beaucoup mieux; son hémiplégie était en voie de gué-

rison, son état général meilleur, la suppuration de sa plaie commençait à

se tarir. Mais il avait une hémianopsie latérale droite homonyme, de

l'aohasie sensorielle (cécité verbale complète, un certain degré de surdité

verbale), de l'agraphie, un peu de paraphasie. Le diagnostic s'imposait :

embolie partie du poumon ou de la plèvre, abcès du lobe occipital

gauche. En raison de l'absence actuelle de phénomènes irritatifs, nous

lûmes d'avis d'attendre la guérison de la plaie avant de tenter une opé-

ration, tout en le surveillant étroitement pour intervenir dt la moindre

menace.

Malheureusement il fut pris d'un ictus apoplectiforme foudroyant et

mourut en quelques heures.

A l'autopsie nous trouvâmes dans le lobe occipital gauche un gros

abcès du volume d'une orange. flottait en quelque sorte dans la pulpe

cérébrale ramollie tout autour, et formant une seconde cavité à paroi

anfract.ueuse et mal limitée. L'abcès put facilement être extrait en entier,

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. '1 I )

La cause de ces ramollissements est très obscure. Bouveret

les croit dus « soit à la compression qu'exerce le néoplasme

sur le tissu cérébral voisin, soit au rétrécissement et à l'obli-

tération des petits vaisseaux comprimés ou envahis par la

tumeur ». Mais plus loin il ajoute : a La lésion est parfois

tellement étendue que cette explication n'est peut-être pas

toujours entièrement satisfaisante. »

D'après l'explication que nous proposons, il y aurait toute

une gamme croissante allant depuis l'irritation la plus légère

se traduisant simplement par un peu de céphalalgie, quel-

ques vomissements, etc., jusqu'à l'ictus apoplectiforme ter-

miné par la mort, en passant par des phénomènes irritatifs

de moyenne intensité : attaques épileptiformes, hémiplé-

gie, etc. Tous ces phénomènes seraient sous la dépendance

d'une intoxication (peut-être quelquefos d'une infection) por-

tant son action autour d'une tumeur, d'un abcès ou d'une

gomme. Au point de vite anatomique il est probable qu'on

trouverait une gamme parallèle de lésions, allant de la con-

gestion la plus légère au ramollissement, en passant par de

la congestion intense ou de l'encéphalite.

La clinique nous autorise à faire cette hypothèse, et sans

être fréquent, nous rappellerons que l'ictus apoplectiforme

mortel, dernier terme de notre série, n'est pas exceptionnel

dans les tumeurs gommeuses du cerveau. Gamcl 1 en a rap-

porté plusieurs exemples.

A cette théorie de l'action des intoxications intercurrentes

nous apporterons un dernier argument clinique. On sait que

l'or=dème de la pupille (Slauungs-papille), quand il est pur,

quand il ne s'accompagne pas de phénomènes inflammatoires

du côté du nerf optique de la rétine, ne donne que très peu

de troubles fonctionnels : c'est un symptôme qu'il faut recher-

cher ; les malades n'accusent souvent aucun trouble fonc-

tionnel. Chez une malade dont nous rapportons plus loin

il ne présentait nulle trace de rupture; ses parois étaient fermes et assez

tendues; la coupe elles apparurent formées d'un tissu fibreux très

résistant, enkystant parfaitement le pus.

Nous ne pûmes pas avoir de renseignements précis sur son état immé-

diatement avant l'ictus ; mais nous ne voyons gucr'e qu'une intoxication

ou une infection intercurrente susceptible d'expliquer les phénomènes

et la lésion récente.

' Gamel (de Marseille). Thèse Montpellicr, 1871.

,1,1 (; CLINIQUE NERVEUSE.

l'observation, nous fûmes surpris de trouver des troubles

visuels très accusés, une diminution considérable de l'acuité,

avec une stauungs-papille typique mais assez peu accentuée.

Mais assez rapidement les troubles visuels s'améliorèrent, la

.^vision revint à peu près à la normale, et cependant l'examen

ophtalmoscopique montrait que les lésions restaient station-

naires. Cette amélioration coïncida avec l'usage des antisep-

tiques intestinaux.il est donc permis d'attribuer une certaine

influence à l'intoxication, aidée de l'oedème de la papille,

dans la pathogénie de ces troubles visuels.

3° L'examen ophtalmoscopique peut apporter des notions

importantes pour le diagnostic des tumeurs gommeuses du

cerveau. Nous avons vu que dans la syphilis artérielle, le

plus souvent la papille était saine ; que dans la syphilis

méningée on avait soit de l'atrophie simple, soit de la névrite

optique avec phénomènes inflammatoires très accusés, exsu-

dats, stries blanchâtres le long des vaisseaux, saillie modérée

de la papille, aspect rayonné très accusé.

Dans la gomme de l'encéphale, on trouve la papille étran-

glée, la stauungs-papille typique; la saillie est souvent con-

sidérable, 1 ou 2 millimètres, l'aspect est rosé, sans stries

rayonnées bien accusées, il y a peu ou point d'exsudats le

long des vaisseaux, assez souvent des hémorrhagies réti-

niennes.

On voit que nous adoptons la distinction que de Groefe avait

établie entre la névrite optique, qu'il regardait comme des-

cendante, et la stauungs-papille qu'il attribuait à la stase. Les

expériences de Deutschmann, en montrant que l'excès de

pression ne suffisait pas, qu'il fallait une action toxique pour

produire la stauungs-papille ; les constatations des cliniciens

qui montraient qu'on trouvait soit dans les affections céré-

brales, soit en dehors d'elles, tous les intermédiaires entre la

névrite optique et la stauungs-papille ; enfin les travaux des

anatomo-pathologistesqui affirmaient qu'il y avait toujours des

phénomènes inflammatoires dans la stauungs-papille, ébran-

lèrent la théorie de de Grxfe, et en même temps détruisirent

les indications diagnostiques qu'on pouvait en tirer. Mais

depuis quelques années on semble y revenir : Rochon-Duvi-

gnaud, BouvereL', admettent l'action tout au moins prétlomi-

' Bouveret. Lyon méd., )89C.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 117

nante de l'excès de tension intra-cranienne dans la patho-

génie de la papille étranglée. Devic et Courmont' ont rap-

porté un cas où la cessation de l'excès de tension (ablation

d'un gliome) fit disparaître l'aedèrne de la papille en vingt-

quatre heures.

Sans prendre parti dans ce débat pathogénétique, nous

croyons que l'oedème de la papille se rencontre surtout dans

le cas de tumeurs gommeuses, la névrite optique surtout

dans la syphilis méningée. Nous avouons cependant qu'il n'y

a là qu'un degré de fréquence, la syphilis méningée pouvant

parfaitement produire la stauungs-papille, etiasyphilisgom-

meuse, la névrite optique. Uthoff en a cité des cas.

§ 12. Evolution. Nous n'établirons pas de types cliniques :

ce serait faire l'histoire des tumeurs cérébrales, dont les

gommes peuvent reproduire tous les symptômes.

L'évolution est aussi celle des tumeurs cérébrales; sa carac-

téristique est de se faire par poussées successives, avec des

périodes de rémission souvent très longues. Suivant le siège

de la lésion ces rémissions peuvent être plus ou moins com-

plètes. Nous croyons qu'il y a toujours un fond permanent

de symptômes de déficit : ceux-ci sont plus ou moins accusés

suivant le siège de la lésion au niveau d'une zone de- pro-

jection ou d'une zone d'association. Nous nous sommes déjà

expliqués au sujet des zones dites latentes : cette latence

résulte seulement de l'insuffisance de nos méthodes d'inves-

tigation. Sur ce fond permanent de symptômes de déficit,

viennent de temps à autre brocher les phénomènes irritatifs ;

nous avons vu sous quelle influence, d'après nous.

Pendant ce temps la gomme peut subir une double évolu-

tion. Elle peut, et c'est le cas surtout pour l'infiltration dif-

fuse, s'accroître progressivement, déterminer des symptômes

de plus en plus graves et se terminer par la mort dans le

marasme ou dans un ictus. Elle peut, surtout la gomme cir-

conscrite, se limiter par une coque fibreuse, s'enkyster com-

plètement ; dans ce cas elle donne de moins [en moins prise

aux intoxications intercurrentes; les exacerbations et pous-

sées de phénomènes irritatifs deviennent de plus en plus

rares. Les symptômes de déficit eux-mêmes peuvent s'atté-

nuer, par suppléance des parties voisines, création de nou-

' Revue de médecine, 1897.

118 CLINIQUE NERVEUSE.

velles associations entre les neurones, ouverture de voies

collatérales pour le trajet des réflexes cérébraux un instant

supprimés; la guérison peut être complète.

En résumé, la symptomatologie des gommes du cerveau

est entièrement celle des tumeurs cérébrales.

Dans la syphilis artérielle et méningée on pose d'abord

le diagnostic de syphilis cérébrale; ce n'est qu'ensuite et

par une analyse minutieuse des symptômes qu'on arrive,

et encore pas toujours au diagnostic de la variété anato-

mique.

Dans la syphilis gommeuse, au contraire, on pose d'abord

le diagnostic de tumeur cérébrale; ce n'est que par la con-

naissance des antécédents, la recherche des stigmates anté-

rieurs et des symptômes concomitants, qu'on peut soupçon-

ner la nature syphilitique. Le traitement spécifique peut

apporter son secours habituel au diagnostic. Cependant il ne

faut pas s'y fier d'une façon absolue; les améliorations spon-

tanées sont fréquentes ; elles peuvent aussi se produire par

la cessation de l'intoxication intercurrente. Ce n'est que lors-

qu'il guérira les symptômes de déficit qu'on- pourra lui

accorder une valeur diagnostique absolue.

Pour confirmer ces diverses notions nous ne pouvons

mieux faire que donner l'observation suivante . Jusqu'à

l'intervention chirurgicale, le diagnostic restait simplement

tumeur cérébrale, sans que nous ayons pu en préciser la

nature. L'autorité bien connue de M. Jaboulay en cette

matière nous est un garant de l'exactitude du diagnostic de

gomme syphilitique posé pendant l'opération.

Observation ]Il. SOMMURE : Début par de la céphalalgie, desvomis-

seanezzls, des troubles de la vue, des vertiges. Démarche ébrieuse,

abolition des réflexes rùtttlicns, troubles visuels en disproportion

avec les résultats de l'examen ophtalmoscopique qui révèle simyle-

ment de l'oedème papillaire- Amélioration par le traitement spéci-

fique. Recrudescence des symptômes, apparition d'asthénie et de

fermentations stomacales, h ! lpochlohy(171e; amélioration par les

antiseptiques intestinaux : amélioration des troubles visuels, les

signes opletulmoscopigues reslunt les mêmes. Apparition de raideur

de la nuque, et de quelques phénomènes bulbaires : amélioration

spontanée. Recrudescence des symptômes, crises épilepli formes clébu-

tant par la main droite, apparition de douleurs localisées a la

région fronlo-pariétole gauche. Trépanation simple suivie d'amé-

. lioration passagère. Trépanation avec ouverture des méninges et

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 119

découverte d'une gomme. Etat mental particulier. Guérison en

apparence complète.

C. Marie-Louise, concierge, entrée le 6 janvier 1896, salle 3°

(femmes) dans le service de M. le professeur Teissier.

Antécédents héréditaires. Son père est mort à quarante-cinq

ans d'une pleurésie. Sa mère âgée de soixante-sept ans est bien

portante. Elle a deux frères et deux soeurs en bonne santé. Une de

ses soeurs est mariée et mère de 4 enfants bien portants. Il ne

parait avoir dans la famille ni tuberculose, ni maladie nerveuse.

Antécédents personnels. Scarlatine à l'âge de huit ans. Réglée

à onze ans, mariée à dix-huit ans. Elle fut anémique de dix-huit à

vingt-un ans; l'interrogatoire ne révèle aucun symptôme de syphi-

lis pour cette période. Elle a deux enfants bien portants, l'une qua-

tre ans, l'autre sept ans après Son mariage. Il n'y a pas eu de

fausses couches. Aucun signe pouvant faire songer à la syphilis si

ce n'est une chute des cheveux assez prononcée depuis un mois.

Elle ne tousse pas, n'a jamais présenté aucun signe de tubercu-

lose pulmonaire. Pas d'alcoolisme ni d'autre intoxication. Elle

faisait simplement son ménage, n'était pas surmenée, se nourrissait

assez bien. D'intelligence très modérée, elle n'a reçu aucuneinstruc-

tion, ne sait ni lire, ni écrire, n'a jamais appris aucun métier.

Histoire de l'affection actuelle. Elle aurait débuté il y a un mois

par de la céphalalgie, des vomissements, des troubles de la vue, des

vertiges et des troubles de la marche. La céphalalgie était intense,

bilatérale surtout frontale, a peu près continue. Elle est restée le

symptôme dominant jusqu'à présent.

Les vomissements se produisaient iL n'importe quel moment, sans

efforts ni nausées, soit à jeun et alors étaient aqueux, soit immédia-

tement après l'ingestion d'aliments.

Les troubles visuels consistent surtout en un affaiblisrement assez

notable de la vue, en brouillards. Elle a eu de la diplopie à plusieurs

reprises mais d'une façon passagère.

Les vertiges se présentent par accès : elle éprouve une sorte

d'étourdissement, voit tout tourner, est forcée de s'asseoir, sans

cela elle perdrait l'équilibre et tomberait. La malade accuse encore

une grande sensibilité au froid.et des hissons répétés. Il n'y a

jamais eu d'ictus. La menstruation, interrompue dix-huit mois par

la dernière grossesse et l'allaitement, s'est rétablie depuis peu.

Examen de la malade. La marche est encore possible, mais

nettement ébrieuse ; la malade ne peut conserver la ligne droite,

oscille à droite et à gauche. menace parfois de tomber. Cepen-

dant la station debout se fait sans difficulté les yeux ouverts ou

fermés. La coordination se fait bien pour les mouvements exé-

cutés au lit.

Il n'y a pas de paralysie musculaire,pas d'asthénie bien pronon-

120 CLINIQUE NERVEUSE.

cée; la malade résiste assez bien aux mouvements qu'on imprime

à ses membres. Pas de paralysie faciale. Abolition complète des

réflexes rotuliens.

Aucun trouble des divers modes de la sensibilité cutanée ou des

parties profondes. Il n'existe sur le crâne aucun point douloureux,

ni à la pression, ni à la percussion.

- - Rétrécissement assez prononcé du champ visuel; acuité très

réduite, pas d'achromatopsie; aucun trouble de la musculature

oculaire, réactions pupillaires normales.

Examen opthalmoscopique. La papille, rosée, d'aspect un peu

rayonnée. fait une saillie notable, affecte la forme d'un cône

pointu; les vaisseaux font un crochet notable à leur entrée sur la

papille, et paraissent se perdre un instant. Il n'y a pas d'exsudats

inflammatoires. Quelques taches blanchâtres au niveau de la macula.

La malade accuse quelques bourdonnements d'oreille, mais il

n'y a aucun trouble objectif; l'acuité auditive parait normale.

Aucun stigmate d'hystérie si ce n'est une diminution notable du

réflexe pharyngien et un clignottement marqué des paupières, les

yeux fermés.

La dentition est très mauvaise, les digestions sont paresseuses,

les vomissements persistent.

Rien à l'examen des divers organes, poumons et coeur sains.

Pouls = 64. Pas d'albumine. Aucune trace de syphilis ancienne ou

actuelle.

Traitement : 1° Bioxyde de manganèse, 40 centigrammes;

2° cachets de quinine-antipyrine; 3° lavement avec hromhydrate

d'Az H3; 4° amers.

3 Février. Amélioration tiès notable, il n'y a plus de vertiges.

La céphalalgie seule persiste, ainsi que les troubles de la vue. L'ex(t-

men ophtalmoscopique a été fait dans le service de M. Gayet. Voici

la note qu'on a bien voulu nous communiquer avec un beau dessin

signé Bourcier et représentant une stauungs papille typique.

L'oeil droit. La papille est augmentée de volume; elle présente

une couleur rose et un aspect légèrement strié suivant la direction

des fibres nerveuses. Ses bords paraissent flous et se délimitent

mal de la région péripapillaire dans le secteur temporal. La saillie

de la papille dans le corps vitré est considérable; mesuré par le

procédé de Donders, elle s'élèverait à 1 mm. 2.

Congestion très marquée des veines qui présentent un double

contour très net et sont très sinueuses. Anémie des artères qui

sont rectilignes, filiformes, et se perdent avant d'atteindre le bord

papillaire.

Dans la région maculaire dépôts punctiformes blanchâtres, à

reflets nacrés; ébauche imparfaite d'une étoile maculaire partielle,

reliquat probable d'anciennes hémorragies. Réfraction statique :

emmétropie. Vision à 5 mètres = 1/6.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 121

j'oe gauche. Stase papillaire comme dans l'oeit droit.

Saillie de la papille dans le corps vitré.

Congestion et tortuosilé des veines, anémie du système artériel.

Réfraction statique : emmétropie. Vision à o mètres = : 1/4.,

17 Février. La céphalalgie est moindre. Les troubles de la vue

s'accentuent : l'acuité est très réduite. Il y a un peu d'inégalité

papillaire. L'état général est moins bon, la malade a maigri. On

prescrit des frictions mercurielles.

26. La céphalée a presque disparu, ainsi que les vomisse-

ments et les troubles de la marche. Les troubles visuels sont bien

moins accentués, l'acuité a augmenté; les signes opbtalmosco-

piques sont les mêmes. On présent dans une potion 2 grammes de

K6î- et 2 grammes de ICI.

3 Mars. L'amélioration persiste et s'accentue. La malade a

repris un kilo.

5. - Un peu d'inégalité pupillaire.

9. Une crise douloureuse céphalique cette nuit. On ordonne

des frictions mercurielles.

1"' Avril. L'amélioration a continué. La malade se dit guérie.

Les troubles visuels ont presque entièrement disparu. Cependant

les signes ophtatmoscopiques restent les mêmes.

30. - La malade sort paraissant entièrement guérie. Les signes

oplitalmoscopiques restent les mêmes.

Rentrée le 26 mai 1896. -La malade était sortie paraissant à peu

près guérie. Au bout de huit jours la céphalée a réapparu : elle occupe

toute la tête, du front l'occiput, bilatérale, très intense, continue

mais avec des exacerbations passagères (5 minutes), mais très fré-

quentes et absolument intolérables.

Elle vomit tous les jours. Les troubles de la marche et les vertiges

n'ont pas reparu. L'acuité visuelle est restée bonne. La démarche

est normale, pas de troubles de l'équilibre.

La force musculaire parait bien conservée à l'examen; cepen-

dant elle est un peu moindre au bras droit qu'au bras gauche. Mais

surtout la malade accuse une asthénie très prononcée; le moindre

effort amène une fatigue rapide et l'épuisé. Réflexes rotuliens

abolis.

Aucun trouble de la sensibilité, aucun trouble du côté de la

musculature oculaire. Un peu d'inégalité pupillaire. Réactions nor-

males ; cependant quant on les expose à la lumière, les pupilles

se contractent d'abord énergiquement. puis se dilatent brusque-

ment et d'une façon considérable ( ? ) L'acuité est restée bonne.

29 cllni.-l3epa d'épreuves d Ewald. Extraction une heure après.

Aucune réaction au vert brillant. Réaction de Gunsburg négative.

Teinte jaune par le négatif d'Gtfelmanu.

1"' Juillet. La maiade n'a pris ni mercure ni iodure, elle a été

traitée uniquement par les antiseptiques intestinaux. Il s'est produit

122 CLINIQUE NERVEUSE.

une amélioration très rapide, disparition de la céphalée et des vomis-

sements. - -

15 Juillet. Ce matin on trouve un certain nombre de phéno-

mènes nouveaux. La tête est inclinée en avant et un peu à gauche;

le menton touche presque l'articulation sterno-claviculaire. Elle est

immobilsée dans cette position ; les mouvements actifs sont impos-

sibles, les mouvements passifs sont empêchés par la douleur. La

pression de la nuque est douloureuse, sans points nettement loca-

lisés. Le toucher buccal permet de sentir une saillie très dure,

osseuse, sur la face antérieure de la 4° ou 5° cervicale.

La malade parle difficilement et à voix basse; il n'y a ni lésions

laryngées, ni paralysie des cordes vocales. Dyspnée assez intense.

Un peu de tachycardie, pouls = 100. Pupilles dilatées.

On l'envoie dans un service de chirurgie, en émettant l'hypothèse

d'une lésion tuberculeuse de la colonne vertébrale, en même temps

qu'une localisation cérébrale pour l'explication des symptômes

antérieurs.

Retour dans le service le le, septembre 189C. Quelques jours après

son entrée dans une salle de chirurgie, la raideur de la nuque et

les symptômes concomitants disparurent spontanément et subite-

ment. Tous les mouvements de la tête et du cou redevinrent

faciles.

Par deux fois, mais seulement pendant dix à douze heures, elle

fut prise de symptômes semblables : raideur de la nuque, immobi-

lisutiolz de la tête, douleurs, dyspnée, tachycardie, apparaissant et

disparaissant subitement sans cause appréciable.

Le 18 août elle eut dans la soirée une sensation spéciale d'en-

gourdissement, « d'enflure » dans la joue droite et le bras droit. Le

19 août subitement elle eut d'abord un tremblement convulsif des

doigts de la main droite, puis l'immobilisation de cette main par

des contractions toniques, enfin les yeux et la face se convulsèrent;

elle perdit connaissance. Cette crise fut suivie d'un sommeil

profond.

Au réveil elle se retrouve dans son état habituel, ressentant seu-

lement un peu de faiblesse dans le membre supérieur droit. Depuis,

elle a eu deux crises semblables.

Examen du 3 septembre. Dans ses crises la malade n'a pas

d'aura. Les convulsions commencent par la main, la perte de

connaissance se produit quand la face est prise; les convulsions

sont restées localisées à la face et au bras droit. Il n'y a plus ni

vertiges, ni vomissements. La céphalalgie a beaucoup diminué.

Actuellement elle se plaint uniquement d'une grande faiblesse, le

moindre effort la fatigue.

A l'examen on trouve, en effet, une diminution générale de la force

musculaire, surtout aux membres inférieurs. Le bras droit est un

peu plus faible que le gauche. Il y a un très léger degré de parésie

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 123

faciale droite. La démarche est légèrement ébrieuse; les réflexes

rotuliens complètement abolis.

Aucun trouble oculaire, si ce n'est à l'examen ophtalmoscopique

qui fait voir toujours les mêmes lésions. En résumé, asthénie très

prononcée, parésie très légère du membre supérieur droit et de la

face à droite; abolition des rétlexes rotuliens, oedème dé la papille;

crises passagères de deux ordres : tantôt crises convulsives loca-

lisées à la face et au bras droit; tantôt contractures des muscles

du cou avec phénomènes bulbaires (dyspnée, tachycardie).

13 septembre. La malade a eu deux nouvelles crises convulsives :

elles ont débuté comme les précédentes par le bras droit, ont

gagné la face, et amené une perle de connaissance; mais de plus

elles se sont généralisées aux quatre membres.

l novembre. -Sans aucun traitement il s'est produit une amélio-

ration considérable. Il n'y a plus eu de crises convulsives. La

céphalalgie et les vomissements ont disparu; il n'y a plus de ver-

liges, et la démarche est normale. Les troubles visuels n'ont pas

reparu. La malade sort paraissant complètement guérie.

Rentrée dans le service le 6 janvier 1897. Quinze jours après sa

sortie les accidents ont fait une nouvelle apparition. La céphalalgie

est intense, continue, avec des exacerbations paroxystiques. Mais

cette fois elle est bien localisée, occupe la région fronto-pariétale

gauche, sur une étendue de 8-10 centimètres à partir de l'apo-

physe orbitaire externe et sur une hauteur de 4-5 centimètres. A

ce niveau la pression est très douloureuse, ainsi que la percussion.

La percussion dans un autre point du crâne produit des douleurs

dans la région précédente. Il n'y a eu aucune modification objec-

tive appréciable à l'examen ni sur les téguments, ni sur la paroi

osseuse.

Les vomissements sont fréquents, le plus souvent alimentaires,

sans nausées. 11 y a eu plusieurs accès épileptiformes. La malade les

sent venir : elle sent sa figure se contracter à droite, puis les

secousses gagner le bras droit. La perle de connaissance 'ne dure

que quelques minutes. Les secousses convulsives ne se seraient

pas généralisées.

Elle accuse des palpitations avec douleur au niveau du sein

gauche, survenant fréquemment depuis quinze jours; de la

dyspnée continuelle, même au 'repos. Il n'y a pas eu de nouveau des

contractures du côté de la nuque. Pas de troubles visuels, pas de

troubles auditifs, pas de troubles de la marche ci l'examen. Démar-

che normale, pas d'incoordination, pas de troubles de la station

debout les yeux ouverts ou fermés; plus de vertiges. Toujours

asthénie très prononcée. La parésie faciale droite et du bras droit

semble avoir disparu. Tremblements fibrillaires de la partie

droite de la lèvre inférieure.

Aucun trouble du côté des yeux, si ce n'est à l'examen ophtal-

J24 4 CLINIQUE NERVEUSE.

moscopique qui montre des lésions absolument stationnaires. Rien

du côté des muscles delà nuque. Le toucher buccal montre tou-

jours la même saillie osseuse, qui semble une exostose. Il y a un

peu de tachycardie.

Dyspnée assez prononcée : mouvements respiratoires rapides,

irréguliers, avec des périodes d'accélération, des pauses et même

de courtes périodes d'apnée, mais sans régularité. Rien d'anormal

à l'examen des poumons.

L'état mental parait assez particulier. La malade reste dans son

lit, sans' s'occuper à rien, immobile et apathique. Elle répond mal

aux questions qu'on lui pose, souvent par un monosyllabe, quelque-

fois en disant qu'elle ne se souvient pas. Elle dit cependant n'avoir

pas perdu la mémoire : l'interrogatoire ne révèle en effet aucune

lacune. Elle est indifférente à tout ce qui l'entoure, ne prête atten-

tion à rien.

28 jaMtM ? Amélioration notable : le pouls est normal. La respi-

ration est toujours irrégulière, mais sans dyspnée notable. Douleur

persistant au niveau de la région fronto-pariétale.

5 mars. Depuis deux ou trois jours les douleurs de la région

fronto-pariétale gauche auraient notablement augmenté. Hier soir

crise épileptiforme, sans aura; début des mouvements convulsifs

dans la main droite, opposition du pouce, puis généralisation au

côté droit, à la jambe gauche, enfin au bras gauche; comme aux

levers, pas d'émission d'urine. La perte de connaissance a duré

un quart d'heure.

22 mars. Crise semblable.

25. Analyse des phosphates urinaires

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA SYPHILIS. 125

qui ne présente aucune adhérence. On Sent alors une masse durs,

grisâtre, ne paraissant pas énucléable. M. Jaboulay fait le diagnos-

tic de gomme syphilitique diffuse, et referme la plaie sans tenter

l'extirpation.

3 juillet f 397.-La malade, qui n'avait pas été revue depuis sa sor-

tie du service, est examinée aujourd'hui. Très léger degré de para-

lysie faciale droite. Parésie plus accentuée du membre supérieur

droit qui reste habituellement inerte et pendant; cependant il

exécute tous les mouvements prescrits, mais sans forces. Il ne

semble pas y avoir de différence de force entre les deux membres

inférieurs ; la marche se fait bien, sans type particulier, n'est plus

du tout ébrieuse. La station debout est facile les yeux ouverts ou

fermés. Les réflexes rotuliens sont toujours abolis.

Asthénie assez prononcée, les mouvements s'exécutent sans force

et provoquent rapidement de la fatigue. Aucun trouble de la sensi-

bilité générale. L'acuité visuelle est restée bonne, il n'y a aucun

trouble dans la musculature oculaire ni dans les réactions pupil-

laires. Pas de tremblement de la langue.

Etat mental. La malade ne reconnaît aucune des personnes qui

viennent la voir; seul son mari a été reconnu, mais au bout d'un

instant elle l'a quitté sans rien lui dire, pour se promener dans la

salle.

Son activité volontaire est très réduite : elle reste toute la jour-

née assise ou couchée, indifférente à tout ce qui l'entoure; parfois

elle va et vient dans la salle, mais d'une façon machinale et sans

but. Elle ne manifeste aucun besoin, prend sa nourriture quand

on la lui donne; souvent on est obligé de la faire manger comme

une enfant. Elle ne sait ni demander le bassin, ni aller à la chaise;

elle fait tout dans son lit, s'en barbouille les mains et la figure, sans

paraître en souffrir.

Elle ne manifeste ni joie ni souffrances, sa figure exprime l'iu-

différence. Elle n'adresse jamais la parole spontanément ni à ses

voisines, nia ceux qui viennent la voir. A la plupart des questions

elle répond « oui » ou c non » immédiatement. Cette réponse par

monosyllabes se fait sans que la malade ait réfléchi si elle s'appli-

quait à ce qu'on lui demande. Aussi on lui dit : « Souffrez-vous n`'

elle répond : « Non. » Tout de suite après on iui demande : a Où

souffrez-vous n ? elle montre le côté ganche du crâne encore recou-

vert par un pansement. A la même question posée à différents

intervalles elle répond tantôt « oui », tantôt t non ».

Elle comprend cependant tout ce qu'on lui dit. Elle obéit immé-

diatement à tous les ordres qu'on lui donne : « Levez-vous »,

« marchez », « revenez », c joignez les talons », « fermez le»

yeux », « couchez-vous », « touchez avec votre doigt le bout du

nez », etc., etc. Tous ces ordres sont exécutés immédiatement et

fidèlement.

126 CLINIQUE NERVEUSE.

La malade n'a pas non plus d'aphasie motrice; elle dit son âge,

son nom, le lieu de sa naissance, le mois et l'année actuels... etc.

Tous ces courts membres de phrases, les seuls qu'on puisse obte-

nir, sont prononcés correctement. Il n'y a pas de paraphasie. Les

^réponses qu'on obtient, paraissent uniquement réflexes. Aussi est-

il très difficile de se rendre compte des lacunes de sa mémoire.

Il n'y a aucune idée délirante. La malade est tranquille, ne fait

pas de bruit, dort assez bien. Elle a maigri considérablement,

s'alimente mal, a pris un aspect cachectique. Sa plaie est en voie de

cicatrisation.

13 août 1897. La malade est revenue dans le service, sa plaie est

complètement cicatrisée. La brèche osseuse est un peu rétrécie par

des productions osseuses périphériques amenant un épaississement

de la paroi crânienne. Pas de battements au niveau de la brèche.

Elle se dit complètement guérie, accuse seulement un peu de fai-

blesse. Les forces ont augmenté, la marche est normale. Il y a

encore un très léger degré de paralysie faciale, et de parésie du

membre supérieur. Réflexes rotuliens abolis. Il n'y a plus de cépha-

lalgie ; la pression et la percussion ne sont douloureuses en aucun

point.

A l'examen ophtalmoscopique : ! 'oedème de lapupille a beaucoup

diminué; cependant elle fait' encore une certaine saillie, les vais-

seaux font encore un léger coude.

L'état mental est bien meilleur et paraît au premier abord

presque normal. Cependant on observe que la malade reste cons-

tamment au pied de son lit sans s'occuper à rien; qu'elle parait

indifférente à tout, parait vivre d'une vie exclusivement organique.

Elle a refusé de s'occuper à des travaux d'aiguille, ne cause pas à

ses voisines. On trouve actuellement un certaih degré d'aphasie

motrice qui auparavant était masquée par l'état mental. Dans une

phrase un peu longue elle est souvent arrêtée par un mot qu'elle

ne peut trouver, et bredouille, mais ces lacunes sont très peu

considérables

Nous n'avons pas à insister sur les symptômes qu'a pré-

sentés notre malade, ni sur leur évolution. Cette observation

justifie ce que nous avons dit plus haut. La gomme évolue

comme toute tumeur cérébrale.

Nous nous sommes efforcé dans cette étude de poser les

bases du diagnostic différentiel entre trois variétés anato-

miques de syphilis cérébrale. Nous n'apportons, il est vrai,

que trois observations comme pièces justificatives. On com-

prendra cette pénurie de documents, étant donné que nous

voulions apporter des types purs, sans mélange de lésions

diverses, et avec vérification indiscutable du diagnostic. Nous

LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 127 7

nous sommes d'ailleurs néanmoins inspiré et des travaux

de nos devanciers et de notre expérience clinique person-

nelle. On nous objectera sans doute que très rares sont les

types aussi nettement différenciés que ceux que nous pré-

sentons. Nous l'accordons volontiers, mais en faisant remar-

quer que leur détermination n'en est pas moins très utile, et

qu'elle doit nécessairement précéder celle des types plus

complexes résultant de l'association de lésions diverses.

CLINIQUE MENTALE.

LA PARALYSIE GENERALE';

Par le Dr Alexandrk PARIS,

\Iéseciu en clef ile l'asile de 9laréville-Nancv.

Sous cette dénomination ou plutôt sous celle de c para-

lysie générale progressive » on englobait jadis maints

groupes symptomatologiques que l'on a distingués peu à peu

sous l'étiquette « pseudo-paralysie générale ». C'est ainsi que

l'on est arrivé à différencier une pseudo-paralysie générale

alcoolique, une pseudo-paralysie générale saturnine, etc.,

etc., faisant du type classique, ou donné comme tel, la

soi-disant paralysie générale proprement dite, une affection

surtout d'origine spécifique, d'origine syphilitique.

Pourquoi ne pas en faire aussi une pseudo-paralysie géné-

rale ? Pourquoi est-ce celle-là qui doit servir de type plutôt

que la pseudo-paralysie générale alcoolique, par exemple ?

Choix du'hasard ou plutôt, comme nous le verrons dans un

instant, résultat d'une observation insuffisante.

Si l'on disserte depuis plus d'un demi siècle sur cette ques-

tion de la paralysie générale sans parvenir à l'élucider, sans

1 Communication au Congrès de médecine mentale et neurologie de

Bruxelles, 1897.

128 , CLINIQUE MENTALE.

pouvoir rattacher clairement à une cause principale tous les

symptômes et toutes les lésions que l'on voudrait comprendre

sous la dénomination « paralysie générale», c'est peut-être

parce que l'on a fait un faux départ, parce que l'on s'est

engagé dans une voie Sans issue. Plus je réfléchis à la ques-

tion et plus je crois que l'on a fait fausse route.

Les descriptions classiques du type « paralysie générale »

n'impliqueraient-clles pas déjà par elles-mêmes l'existence

de diverses variétés de paralysies générales ? Mon but est

surtout d'établir qu'aucune de ces variétés ne peut être con-

sidérée comme constituant une entité morbide.

On dit, par exemple, que la paralysie générale peut affec-

ter diverses formes, une forme exubérante, une forme

dépressive, une variété ascendante ou spinale (lésions s'éten-

dant de la moelle à l'encéphale) ou, inversement, une variété

descendante ou encéphalique, etc., etc., mais a-t-on jamais

cherché sérieusement la cause ou les causes de ces déviations

du type principal que l'on s'est tracé, les rapports des carac-

tères symptomatiques particuliers à telle forme et des lésions

ou des causes de cette forme ?

Les opinions émises relativement à l'existence ou à la non-

existence d'hallucinations dans la paralysie générale n'in-

diquent-elles pas par leur diversité des signes de diagnostic

différenciel, n'impliquent-elles pas qu'il peut y avoir halluci-

nations dans telle paralysie générale ou plutôt dans la

période paralytiforme de telle intoxication (saturnine, par

exemple), alors que les hallucinations feront complètement

défaut dans la phase paralytiforme de telle autre intoxica-

tion.

Tous les traités classiques donnent tout d'abord à la para-

lysie générale proprement dite une marche progressive,

mais ils arrivent peu à peu à indiquer aussi que cette soi-

disant affection progressive peut être interrompue dans sa

marche, que l'on observe souvent des rémissions, tantôt

courtes, tantôt longues, parfois de plusieurs années, que l'on

constate parfois une certaine rétrogradation. Quelle est l'étio-

logie spéciale, la pathogénie spéciale de la paralysie géné-

rale entrecoupée de rémissions courtes, quelle est l'étiologie,

la pathogénie de la paralysie générale entrecoupée de

remissions très longues et comment se fait-il qu'il y ait à

côté d'elles une paralysie générale à marche progressive et

LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 129

continue ? Evidemment ces évolutions différentes doivent

impliquer que les causes prédisposantes et déterminantes ne

sont pas les mêmes dans tous les cas.

On attribue généralement aussi à la paralysie générale

proprement dite une durée assez variable, tantôt de quelques

années, tantôt de huit à dix ans ; on constate même qu'elle

peut durer plus longtemps, mais on écrit tout cela sans se

soucier du rapport qu'il peut y avoir entre la durée et l'étio-

logie. N'est-ce pas à une différence d'étiologie que peut être

attribuée la différence de durée des paralysies générales chez

l'homme et chez la femme ?

Quant aux terminaisons, on les trouve aussi sensiblement

différentes : les hommes, par exemple, succombent plus fré-

quemment que les femmes par ictus congestif, par convul-

sions épileptiformes, etc., le sexe faible arrivant plus habi-

tuellement au dernier degré du marasme paralytique. On se

borne généralement à constater ces différences sans tenter

de les expliquer par une étiologie différente. On agit de

même en face de divers phénomènes donnés comme compli-

cations, convulsions épileptiformes , contractures muscu-

laires, etc.

Il n'est pas jusqu'à l'anatomie pathologique qui ne four-

nisse matière à interprétations diverses et dont on néglige

d'établir tous les rapports avec la symptomatologie et l'étio-

logie : pour les uns la paralysie générale est due à une alté-

ration inflammatoire du parenchyme encéphalique ; pour les

autres c'est une inflammation du tissu interstitiel, une sclé-

rose, qui doit être accusée; pour d'autres elle est le résultat

d'une altération du parenchyme par intoxication, par infec-

tion, d'une altération par troubles du grand sympathique,

etc., etc. Peut-être les uns et les autres sont-ils dans le vrai,

puisque l'on observe tant de variétés, tant de sujets de con-

troverse dans la symptomatologie, la marche et les termi-

naisons de cette soi-disant paralysie générale.

Il a fallu quelques cas de guérison, guérison relative tout

au moins, quelques cas de disparition des troubles soma-

tiques, pour que l'on songe à diminuer l'étendue du domaine

de la paralysie générale proprement dite; mais, comme dans

ces cas il y avait eu possibilité de rapprochement du type

que l'on s'était donné comme classique, on a tenu à rappeler

cette parenté dansladénomination à leur affecter ; c'est ainsi

Archives, 2e série, t. V. 9

130 CLINIQUE MENTALE.

que l'on a créé les pseudo-paralysies générales. On a fait, par

exemple, la pseudo-paralysie générale alcoolique, la pseudo-

paralysie générale saturnine.

Tous les individus qui font des excès alcooliques intenses

et continus ne finissent pas par la pseudo-paralysie générale;

tous les saturnins les plus intoxiqués ne succombent pas

pseudo-paralysés généraux, car il y a chez ces individus diffé-

rence de résistance des organes à tels ou tels poisons, pré-

disposition par constitution originelle ou acquise de tels où

tels organes plus spécialement, etc. ; mais les pseudo-para-

lysés généraux alcooliques ou saturnins ont. habituellement,

présenté tout d'abord des accidents psychiques qui les fai-

saient considérer comme atteints de folie alcoolique ou de folie

saturnine et les troubles somatiques qui leur ont peu a peu

valu l'étiquette de pseudo-paralysés généraux, n'ont éclaté que

plus tard, parfois longtemps après les premières manifesta-

tions d'une intoxication. De sorte qu'il m'est permis de. ne con-

sidérer, comme je l'ai établi ailleurs, notamment dans une

communication à l'Académie de médecine de Paris (1892) et

dans la Revue médicale de l'Est (1893) ', ces pseudo-para-

lysés généraux que comme des individus arrivés à une phase

paralytiforme ou paralytique de l'intoxication alcoolique ou

du saturnisme. Je me demande dès lors où est la nécessité

d'isoler cette phase d'intoxication pour en faire une entité

morbide.

Mais, me dira-t-on encore, la paralysie générale alcoo-

lique, la phase paralytiforme, selon vous, de l'alcoolisme,

par exemple, n'est pas nécessairement précédée de troubles

intellectuols'manifestes de folie alcoolique délirante et hallu-

cinatoire ? J'y souscris volontiers ; mais les troubles mentaux

ou de sensibilité sont-ils donc les mêmes chez tous les alcoo-

liques, toutes les aliénations mentales d'origine alcoolique

se ressemblent-elles donc et n'est-il pas plus naturel de pen-

ser que bien souvent c'est la tare héréditaire qui donne la

note, la forme de la folie alcoolique : exubérante chez cer-

tains cérébraux, l'aliénation mentale affectera la forme de

manie rémittente, par exemple, chez des alcooliques descen-

dants de vésaniques ou de nerveux ivrognes (n'y a-t-il pas

des individus qui ont toujours l'ivresse gaie, d'autres qui l'ont

z Phase paralytiforme de l'alcoolisme et du saturnisme.

LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 131

toujours triste ou qui passent par diverses phases) ; chez

d'autres sujets ayant une autre organisation nerveuse congé-

nitale, l'aliénation mentale ne se traduira que par de l'obnu-

bilation intellectuelle, de la confusion mentale, de sorte que

l'on pourra voir, selon la prédisposition individuelle, la phase

paralytiforme ou paralytique de l'alcoolisme précédée ou de

troubles bruyants ou de phénomènes psycho-sensoriels à

caractères de rémittence ou simplement de confusion men-

tale, d'obtusion intellectuelle.

La détermination de la forme peut être fixée à la fois pai-

la prédisposition nerveuse, héréditaire ou acquise, et par la

nature des spiritueux le plus habituellement consommés en

excès ; c'est ainsi que l'on peut assez facilement différen-

cier les folies alcooliques suivant qu'elles ont pour causes les

abus d'absinthe, de vermout, ou les excès d'alcool de poires,

de pommes, etc., ces derniers, notons-le incidemment, ne

conduisant qu'exceptionnellement à une période paraly-

tiforme ou paralytique, cela résulte de nos observations et de

celles de la plupart de nos collègues des asiles de l'Ouest.

C'est à la nature des spiritueux agents d'intoxication que

l'on pourrait très probablement rapporter bien souvent

diverses prétendues complications signalées dans le cours

des paralysies générales, convulsions épileptiformes, contrac-

tures, etc., troubles qui sont peut-être caractéristiques de

telles ou telles intoxications aboutissant à une période dite

de paralysie générale. C'est une probabilité à laquelle les

expériences de M. Laborde permettent au moins de faire

allusion.

Des réflexions analogues trouveraient naturellement place

à propos de chacune des intoxications ou auto-intoxications

comprenant dans leur évolution complète des périodes para-

lytiformes ou paralytiques dites pseudo-paralysies générales.

A mesure que l'on étudie mieux la soi-disant paralysie'géné-

rale et quant à son étiologie et quant à sa symptomatologie

complète, sans négliger les signes de second plan, et quant à

son évolution et à ses terminaisons, on est tenté d'augmen-

ter le nombre des pseudo-paralysies générales.

La paralysie générale conservée encore comme type et à

laquelle la plupart des maîtres de nos jours inclinent à attri-

buer comme cause générale la syphilis, déconcerte bien sou-

vent encore les cliniciens et par la diversité des rémissions, et

')32 CLINIQUE MENTALE.

par les variations symptomatiques, et par l'évolution, et par

les accidents dits intercurrents, et l'on est bien tenté quel-

quefois d'en distraire une pseudo-paralysie générale syphili-

tique et de laisser comme type classique une forme condui-

sant progressivement à la mort en deux ou trois ans, ou par

ictus congestif ou par marasme.

Dn reste, l'opinion qui veut que la paralysie générale pro-

prement dite soit toujours d'origine syphilitique ou hérédo-

syphilitique ne repose pas sur des bases bien solides, sur des

observations bien probantes, et à toutes les objections qui lui

ont été opposées déjà et que M. Christian, de Charenloll,

accentuait récemment encore dans les Annales 7 ? K*<'co-ps</-

claologiques, il s'en ajoutera chaque jour de nouvelles. En

voici, par exemple, quelques-unes encore :

l' Si l'hérédo-sypliilis peut être cause de paralysie géné-

rale, comme on l'en accuse, comment se fait-il que la para-

lysie générale soit beaucoup plus rare chez la femme que

chez l'homme alors que les syphilitiques ont autant, si ce

n'est plus , de descendants femelles que de descendants

mâles ? ·

2° Les cas d'hérédo-syphilis se rencontrent dans tous les

rangs de la société et cependant la paralysie générale est

extrêmement rare, je pourrais même dire exceptionnelle

chez la femme privilégiée par la fortune ; `

30 La syphilis est, d'une façon générale, plus grave chez

la femme que chez l'homme ; la femme est plus sujette aux

gommes, aux nécroses, nez en lorgnettes, perforations du

frontal, etc. ; je n'ai pas encore observé de paralysées géné-

rales porteuses de ces traces indélébiles si manifestes de

syphilis grave, et cependant j'ai vu déjà un assez graud nom-

bre de syphilitiques défigurées par des altérations profondes

(depuis vingt ans) ;

4° La syphilis étant habituellement plus grave chez la

femme que chez l'homme, il est assez singulier que la para-

lysie générale, si elle est réellement d'origine syphilitique,

ait une durée moindre chez l'homme que chez la femme ;

5° La plupart de nos collègues des asiles de Normandie ne

rencontrent qu'un nombre infime de paralysés généraux ;

y a-t-il cependant beaucoup moins de syphilis en Normandie

que dans les autres régions ? etc.

Ceci dit pour établir qu'il n'est pas très logique de prendre

LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 133

pour type des états paralytiformes indûment baptisés de la

dénomination « paralysie générale » un état pathologique

dont l'étiologie est encore aussi discutable et aussi obscure,

et pour montrer que ce soi-disant type de paralysie générale

pourrait aussi bien, sinon avec plus de raison, être fourni

par une autre pseudo-paralysie générale mieux connue et

moins discutée. Mais nous ne trouvons pas là, en somme,

cette paralysie générale classique, tronc en quelque sorte de

la vieille paralysie générale ébranchée ?

Je crois aussi qu'il peut y avoir, suivant les prédisposi-

tions spéciales, des syphilis qui aboutissent, comme l'alcoo-

lisme et le saturnisme, à une phase paralytiforme ou para-

lytique ; mais ce n'est là aussi qu'une phase de l'évolution

d'une intoxication, phase que l'on n'est nullement fondé à

distraire sous le nom de pseudo-paralysie générale.

Nous constatons, en résumé, que la création de toutes les

pseudo-paralysies générales a été justifiée par des caractères

différentiels et que la synthèse de tous les caractères de ces

pseudo-paralysies générales donne la soi-disant paralysie

générale proprement dite, décrite comme type. Et nous

sommes amené, par suite, à considérer ce type comme la

résultante d'une association d'intoxications; qu'y mu

d'extraordinaire et d'illogique, par exemple, à admettre

que la soi-disant paralysie générale typique est le résultat

d'intoxications du même individu par excès alcooliques,

tabac, syphilis, veilles prolongées, fatigues, etc., avec

possibilité de prédominance d'une intoxication, les autres

jouant à son égard le rôle de circonstances aggravantes.

N'est-ce pas parce qu'il y a plus souvent chez l'homme

association de circonstances, de causes aggravantes plus

nombreuses à une cause prédominante que la paralysie géné-

rale de l'homme est habituellement de plus courte durée que

celle de la femme. Les associations d'intoxications ou d'excès

ne sont-elles pas moins fréquentes et moins complexes chez la

femme, 'moins variées aussi les symptomatologies des états

paralytiformes chez la femme ? Enfin, je le répète, les des-

criptions classiques du type paralysie générale ne sont-elles

pas la synthèse de tous les symptômes, de tous les caractères

observés dans toutes les paralysies ou pseudo-paralysies

générales, synthèse établie sans préoccupation des rapports

étiologiques et symptomatiques ?

1 j4 - CLINIQUE MENTALE.

Il n'y a donc pas plus lieu, à mon sens, d'admettre une

paralysie générale entité morbide, qu'il ne serait logique de

faire une entité morbide de l'ascite ou de l'anasarque. La

paralysie générale se réduit en dernière analyse aune agglo-

mération de pseudo-paralysies générales qui elles-mêmes ne

sont, prises isolément, que phases daus l'évolution d'intoxi-

cations, et qui, par conséquent, ne peuvent pas logique-

ment être prises comme unités cliniques, ainsi que je le disais

déjà dans une communication au Congres de médecine men-

tale et neurologie de Nancy (août 1896).

On ne manquerait pas de m'objecter que je ne vois comme

causes de la paralysie générale que des intoxications banales,

alcoolisme, nicotinisme, syphilis, etc., mais que l'on peut

rencontrer des paralysés généraux qui n'ont pas été atteints

de syphilis, qui n'ont commis ni excès alcooliques, ni abus

de tabac, etc. ; cependant on trouvera toujours chez ces pré-

tendus paralysés généraux quelques causes d'intoxication

ou, si l'on préfère, d'auto-intoxication, ne serait-ce que le sur-

menage intellectuel, les veilles prolongées, la neurasthénie ,

par exemple, et un terrain préparé, un organe plus spéciale-

ment fragile par hérédité ou maladie foetale ou par conhtitu-

tion acquise défectueuse et cette soi-disant paralysie géné-

rale, en réalité cette phase ultime d'auto-intoxication, aura,

comme les phases correspondantes des autres intoxications,

des aoi-disant pseudo-paralysies générales, quelques symp-

tômes différentiels, et n'en aurait-elle pas qu'il ne serait pas

plus logique de la considérer comme une maladie qu'il ne

serait logique de considérer l'anasarque, phase ultime com-

mune à diverses affections organiques, comme une entité

morbide. A-t-on jamais songé sérieusement à voir dans l'en-

semble des symptômes de l'urémie la symptomatologie d'une

entité morbide ? `'

La dénomination c paralysie générale » ne rappelle pres-

que rien du passé, presque rien des phénomènes patholo-

giques antérieurs, presque rien de l'étiologie de la maladie

dont elle ne représente qu'une période, de même que le dia-

gnostic «ascite » tout court n'aurait qu'une signification très

incomplète puisque l'ascite peut être conséquence d'affections

cardiaques, de cancer du foie, etc.

Cette façon d'envisager les paralysies générales ne peut

être nettement établie que par des analyses de faits; j'en ai

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 1 35

déjà recueilli et publié un certain nombre, notamment dans

un travail soumis à l'Académie de médecine de Paris en 1892,

et publié dans la Bévue médicale de l'Est en 1893, où j'ai

établi que les pseudo-paralysies générales alcooliques et

saturnines devaient être restituées aux affections d'origine

toxique dont elles ne sont que phases. Beaucoup d'autres

cas assez variés, que je n'aurais pu exposer ici dans le peu de

temps affecté à chaque communication, seront analysés pro-

chainement dans une thèse inaugurale.

Mon but, aujourd'hui, est simplement de placer la question

de l'étude de la paralysie générale sur un terrain sensible-

ment différent de celui qui sert depuis si longtemps de champ

d'observation et d'indiquer la voie qui me semble devoir

être celle de la vérité.

Si ces vues sont exactes, comme je le crois, elles nous per-

mettront bientôt, en présence de cas rappelant nos anciennes

paralysies générales et les renseignements commémoratifs

aidant, de formuler plus facilement un pronostic et d'insti-

tuer un traitement d'autant plus rationnel que nous connaî-

trons mieux l'intoxication en présence de laquelle nous nous

trouverons.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

. Hermaphrodisme psychique. Notes SUR la PERVERSION SESUELLB,

AVEC DEUX CAS CLINIQUES D'INVERSION SEXUELLE ; par le Dr W. LEE

Howard.

Après quelques considérations générales et courantes sur l'inver-

sion et la perversion sexuelles, l'auteur rapporte deux cas intéres-

sants d'inversion Sexuelle. Le premier est une description faite par

le malade lui-même.

Il s'agit d'un homme de trente ans, vigoureux, bien constitué, qui

dès son enfance, eut toujours des goûts féminins : c Je ne puis mieux

définir mon état qu'en disant que je suis une femme dans un corps

d'homme. Aussi loin que je puisse me rappeler, je n'ai jamais eu de

désir plus violent que celui d'être une fille, et je souhaitais toujours

un miracle qui puisse me transformer ! » La vue d'un homme beau

136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

et fort le trouble, le transporte, mais, au contraire de ce qui se

rencontre ordinairement dans l'inversion sexuelle, il ne se mêle à

cet amour aucune idée de pédérastie, cette pratique lui inspirant

le plus grand dégoût. Caresser et embrasser l'objet de son amour

est tout le bonheur qu'il souhaite.

Dans le second cas, il s'agit d'un artiste de trente-huit ans chez

qui l'inversion sixuellese présente comme uhesortededédoublement

de la personnalité, survenant par crises toutes les quatre semaines.

En temps ordinaire, ce malade a toutes les habitudes et les instincts

d'un homme, avec un certain degré d'inappétence sexuelle, tant

pour l'un que pour l'autre sexe. Quelques jours avant sa crise, son

caractère devient irritable, il ne peut rester en place ou dormir, il

oublie en quelque sorte son autre personnalité pour n'avoir plus à

l'esprit que des idées d'amour pour son propre sexe, se considérant

comme changé de sexe. Cette crise cède à des pratiques de mastur-

1>ation,et le malade retrouve pour quelques semaines sa personnalité

masculine. (Thi, alienist and neurologist, avril 1897.) E. 13.

IL Intempérance, mariages consanguins et surmenage intellectuel

CONSIDÉRÉS COMME FACTEURS DANS LA PRODUCTION DES MALADIES

NERVEUSES ET LA DÉGÉNÉRESCENCE DE LA RACE; par le D1' L I'.

BATE61AN.

Si les auteurs ne sont pas tous d'accord sur le rôle de l'intempé-

rance dans la production de la folie, les uns trouvant l'alcoolisme

comme cause dans SOp. 100 des cas de folie, d'autres dans 40 p. 100

seulement ou moins encore, l'accord est beaucoup plus grand pour

constater que l'abus de l'alcool détermine une déchéance dans la

vitalité, une dégénération du tissu nerveux qui peut amener le

développement de l'idiotie dans les générations subséquentes.

De fait, une statistique du Dr Howe, dans le Massachusets,

montre que sur 359 idiots, un quart à peine étaient nés de parents

qu'on pouvait considérer comme tempérants, et les statistiques

abondent dans ce sens. Au sujet des mariages consanguins, l'auteur

estime qu'on a, jusqu'à présent, donné une trop grande impor-

tance à la consanguinité comme facteur dans la production de la

folie, et que, dans les cas considérés, d'autres facteurs importants

avaient concurremment contribué au développement de la défec-

tuosité mentale J.

Un important agent de production des maladies mentales et

nerveuses est le surmenage intellectuel, qui correspond à une

augmentation notable des cas de suicide chez les adolescents. Ce

C'est également la thèse que nous avons soutenue dans diverses pu-

blications soit dans les Archives de Neurologie, soit dans le Progrès

médical. (B.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137

surmenage se manifeste particulièrement chez la femme moderne,

pour qui la multiplication des champs d'énergie et des carrières qui

lui sont ouverts a donné autant de désavantages que de profits.

Tout en voyant avec plaisir le mouvement féministe actuel, tout

en approuvant l'émancipation progressive de la femme, l'auteur

estime qu'un certain frein serait utilement apporté au surmenage

intellectuel imposé à la jeune fille « fin de siècle *, et qu'une

femme mathématicienne par exemple sera peu apte aux devoirs et

aux responsabilités de la maternité, en même temps que les qualités

mentales de ses enfants auront bien des chances pour être

au-dessous de la moyenne. (The alienist and neurologist, avril 1897.)

E. 13LIN.

III. HÉRÉDITÉ DE LA FOLIE; FOLIE ET MARIAGES CONSANGUINS, ETC.;

par le D1' S1'E.1RNS.

Sur 870 malades entrés à l'asile d'IIartford, dans le Couneclicul,

l'auteur en a rencontré 193 qui présentaient des aliénés dans leur

hérédité directe ou indirecte. Si grande que soit cette proportion,

elle est de beaucoup inférieure à la réalité, car il est fort difficile

d'obtenir des familles des renseignements précisa ce sujet.

Après quelques considérations sur les conditions générales de

l'hérédité, l'auteur ayant examiné la question des mariages consan-

guins, conclut que les dangers de résultats défavorables consécutifs

aux matiages consanguins ne tiennent pas au fait lui-même de

rapports entre parents, mais aux probabilités d'aggravation des

caractères ou prédispositions à des formes spéciales de maladies

inhérentes aux deux parties. (The alienist and neurologist, jan-

vier 1897.) 13.

IV. DES idées DE richesses ET DE grandeur chez LES émigrés aliénés.

ETUDE DE pathogénie par statistique; par le Dr Paillas.

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : 1" Parmi les con-

ditions liées à la pathogénie des maladies mentales chez le= émi-

grés, il faut tenir compte d'une tendance préalable de l'esprit, ten-

dance non nécessairement pathologique a poursuivre au loin des

rêves d'ambition et de fortune, et susceptible de devenir, sous la

forme d'idées de richesse et de grandeur, ou l'élément domi-

nant de la folie, ou une souche importante de conceptions déli-

rantes ; 2° l'auteur a distingué avec soin ces idées de richesse et du

grandeur appartenant à la folie commune, de celles présentées au

cours de la paralysie générale, laquelle se montre relativement

fréquente chez l'émigré. (Aiiiiales médico -psychologiques, févr.1897.)

L. R.

138 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

V. UNE forme DE délire systématisé DES persécutés persécuteurs.

LE délire DE revendication ; par le 1)r Cullerre.

A côté des gens qui, obéissant à un trouble mental ayant pour

point de départ une déviation de l'instinct de propriété, refusent

de s'incliner devant les décisions de la justice et de sortir de biens

dont un jugement les a dépossédés, on peut en rencontrer qui,

véritables persécutés, se croient indûment frustrés de biens à la

possession desquels ils se prétendent des droits imaginaires, dont

ils s'emparent en vertu de ces prétendus droits et où ils se main-

tiennent par la force. Pour désigner d'une façon précise le genre

d'idées qui sert de pivot à leurs conceptions délirantes, l'auteur

donne le nom de délire de revendication au trouble mental de ces

malades.

Les deux observations rapportées se ressemblent par plus d'un

point et sont des cas mixtes, comme on en rencontre si fréquem-

ment en clinique : persécuteurs raisonnants au début, persécutés

hallucinés par la suite, ces malades paraissent hésiter au seuil de

la phase mégatomaniaque, sans oser le franchir tout à fait.

Le grief qui sert de point de départ à leurs revendications n'est

pas sensiblement plus déraisonnable que ceux que l'on voit invo-

quer couramment par des gens sains d'esprit, car, en matière d'in-

térêt, il est de pratique habituelle de manifester les prétentions les

plus extravagantes.

Les droits les plus contraires à la loi et au bon sens sont reven-

diqués journellement par des gens qui ne sont pas fous, qui ne

sont que passionnés. Mais ces revendications viennent expirer dans

l'enceinte uu tribunal; devant l'autorité de la chose jugée, la pas-

sion cède au bon sens qui reprend ses droits. 11 n'appartient

qu'au délire de ne céder devant aucune considération de raison

ou de force majeure. C'est ce qui s'est produit pour un de ces ma-

lades, qui, se prétendant lésé dans sa part d'héritage, a fait main

basse sur tout l'héritage des parents, en y comprenant même des

pièces de terre ayant appartenu aux grands-parents et vendues par

ses parents, et s'y est maintenu par la force, en dépit des récla-

mations des propriétaires, en dépit des tribunaux, jusqu'au jour

où les gendarmes ont été obligés d'intervenir et de s'emparer de

ce 'malade après une vive résistance. (Annales më ! co-ps;/c/t0/o-

giques, juin 1897.) E. BuN.

VI. Quelques cas de démence syphilitique; par le Dl Christian.

A côté des cas où la syphilis agit non comme agent spécifique

direct, niais simplement comme cause morale, pour déterminer des

troubles délirants chez un sujet fortement prédisposé, il se rencontre

des folies véritablement syphilitiques. La syphilis agit alors direc-

- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139

temeut sur le cerveau en y déterminant des altérations spéciales :

il se produit une lésion cérébrale (gomme, méningite, encéphalite)

qui entraîne à sa suite des troubles de l'intelligence.

L'auteur en cite plusieurs exemples recueillis dans son service,

observations dont le schéma peut se résumer en quelques mots :

syphilis du cerveau, ictus initial, lésions localisées (aphasie, hémi-

plégie, monoplégie, troubles oculaires, etc.), puis démence. La

lésion syphilitique guérit ; mais l'hémiplégie et la démence persis-

tent, ce qui tient sans doute à ce qu'il s'est produit dans le tissu

cérébral des destructions irréparables ; la syphilis, en tant que

syphilis, a guéri chaque fois et guéri définitivement ; l'infirmité

parasypuilitique est restée stationnaire. D'après la statistique de

l'auteur, les démences syphilitiques ou parasyphilitiques qui relèven t

de la syphilis tertiaire sont rares. En dix-huit ans, sur près de

2,000 aliénés, il n'en a relevé que 7 cas. Combien cette proportion

change, si l'on fait rentrer la paralysie générale dans la syphilis

cérébrale !

La théorie syphilitique de la paralysie générale a gagné du

terrain dans ces dernières années : elle ne parait cependant pas

démontrée à M. Christian. Les arguments directs de démonstration

des rapports entre la syphilis et la paralysie générale se résument en

un seul, la statistique et la statistique n'a qu'une valeur fort relative,

en l'espèce. Pourquoi ne pas dire : sur 100 paralytiques généi aux,

il y en a 90 qui ont eu la rougeole; donc cette maladie infectieuse

doit jouer un rôle dansl'étiotogie de la paralysie générale ' ? D'autre

part, il est démontré qu'il existe des pays où la syphilis est très

répandue, et où cependant la paralysie générale est inconnue ou

à peu près.

Ce qu'il faudrait démontrer, c'est que la paralysie générale

dérive de la syphilis, qu'il existe un enchaînement morbide évident,

comme dans les observations de démence syphilitique rapportées

au début de ce travail.

Tant que la démonstration ne sera pas faite que la syphilis est

l'antécédent nécessaire, obligé, de la paralysie générale, tant qu'on

en sera réduit à invoquer des pourcentages plus ou moins élevés,

le problème restera entier ; car ces mêmes pourcentages on les

trouvera pour une foule d'autres maladies, pour la rougeole, la

fièvre typhoide, la scarlatine, etc..., et la cause vraie, directe,

nous ne la connaîtrons pas plus que nous, ne la connaissons

aujourd'hui.

La meilleure solution du problème a été donnée par M. le

professeur Fournier, quand il a décrit, sous le nom de a pseudo-

paralysie générale syphilitique », une encéphalopathie due à la

syphilis et présentant à peu près l'ensemble symptomatique de la

paralysie générale. C'est là une affection dont la nature n'offre

aucun doute et dont on peut espérer la guérison, ce qui n'est

140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

pas le cas, malheureusement, pour la paralysie générale vraie.

(Annales med : co-ps ! /c/t0of/tqMes, août 1897.) E. B.

VU. La signification DE quelques rêves ; par le D'' Tii0àlYER.

Le sommeil et le rêve méritent plus d'attention que les médecins

ne leur en prêtent actuellement. Il est vrai que les observations

touchant le rêve sont difficiles areeueinir. Mais quelques rêves ont

cependant une signification ou plutôt une pathogénie.

L'auteur cite un cas dans lequel les rêves pénibles de la,nuit

(chutes dans l'eau, corps percé de coups, corps écrasé, coups de

fusil, etc.) revenaient à l'esprit du malade le lendemain, entre onze

heures et midi. Le malade voyait assez distinctement, mais comme

dans un crépuscule, les personnes ou les choses qui l'avaient

menacé. En même temps il se souvenait de tous les aliénés qu'il

connaissait et avait peur de devenir fou lui-même. Au réveil des

accès nocturnes, il tremblait de tout le corps, ses cheveux étaient

hérissés. Cet accès diurne avec vertige, trouble de la conscience,

tendance à la chute, et série d'hallucinations qui impressionnent

le malade au point de lui faire oublier les choses précédentes pour

l'occuper tout entier, peut être considéré comme un petit accès

épileptique avec trouble mental de peu de durée.

Le rêve nocture accablant était tout a fait identique à l'accès

épileptique diurne, avec plus d'effarement encore ; le malade

avait donc aussi des accès épileptiques la nuit. Il ne se souvenait

pas du vertige et le trouble post-épileptique prenait la forme d'un

rêve pénible.

Un second exemple de crises semblables, avec palpitations angois-

santes, mais seulement nocturnes, permet à l'auteur de conclure

qu'il y a des rêves qui doivent être considérés comme des accès

d'épilepsie. (Revue neurologique, février 1897.) E. 13LiN.

VIII. Analgésie du nerf cubital dans la folie;

par le D1' Arrigo GI woNE.

Depuis que Hiernacki a attiré l'attention sur la fréquence, dans

le tabès, de l'analgésie du nerf cubital à la pression au niveau du

canal huméro-cubital, de nombreuses recherches ont été faites qui

établissent l'intérêt de ce symptôme dans quelques formes do

maladies mentales.

Parmi ces dernières, c'est dans la paralysie générale que celle

analgésie se rencontre avec le plus de fréquence : la statistique de

l'auteur montre son existence dans 59 p. 100 des cas, et ce signe peut,

lorsqu'il est joint à quelques autres, prendre une réelle valeur dia-

gnostique. La fréquence de ce symptôme est à peu près la même

dans le tabes et dans la paralysie générale, ce qui pourrait être

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 141

interprété comme un nouvel argument en faveur de la nature

similaire des deux affections. (The alienist and î2ezii,ologist, jan-

vier 1897.) E. 13.

IX. Conceptions impératives ; par le Dr Hughes.

Auto-description faite par un malade qui, dans une lettre au

Dr Hughes, relate ses obsessions : « Je me mets a mon travail en

pleurant et en criant. Je me dis que j'ai juré de ne plus le faire, et

cinq minutes après, je le fais à nouveau. II me semble que j'ai

accompli des actes terribles ou que je suis possédé par des esprits

diaboliques dont je ne puis me défaire... »

Ces obsessions ont été suivies d'impulsions au suicide et de

dépression mélancolique. (Tlbe alienist and iieuiologist,,jativier 1897.)

E. B.

X. Psychoses de la vieillesse ; par le Dr Harriet Alexander.

La sénilité est, plus ou moins, un moule commun dans lequel on

place tous les désordres mentaux survenant chez les gens âgés :

elle exerce, en réalité, une influence modificatrice qui favorise la

confusion. Il est vrai que la démence sénile non compliquée cons-

titue une forme de la folie bien distincte, il n'est pas moins vrai

que dans la vieillesse se présentent d'autres types mentaux dignes

de considération tant au point de vue pathologique qu'au point de

vue symptomatologique.

L'atrophie cérébrale chronique est le type le plus important

à considérer : elle est le plus souvent classée comme démence

sénile et débute ordinairement vers cinquante ans. Les symptômes

sont ceux de la dépression avec tendances au suicide, périodes

d'excitation maniaque, arrêt de la compréhension, troubles para-

lytiques transitoires du langage, de la marche, vertiges etc. Le ver-

tige est un signe important et est probablement dû aux conditions

athéromateusesdes artères n'assurant plus que d'une façon irrégu-

lière l'apport de sang à la substance cérébrale. Furstner répartit

en trois groupes les désordres psychiques de la vieillesse : 1° simples

psychoses, dans lesquelles la folie n'est pas accompagnée d'airai-

blissement intellectuel; 2° les psychoses séniles avec démence

simple, dans lesquelles la folie est associée à des conditions d'affai-

blissement intellectuel sans lésions somatiques correspondantes;

3' les psychoses séniles avec démence cérébrale, dans lesquelles la

folie est associée non à un simple affaiblissement mental mais à

une lésion plus ou moins diffuse des centres nerveux.

A côté des autres psychoses de la vieillesse, les phénomènes de

la folie sénile proprement dite offrent un intérêt particulier pour

le médecin : en effet, les penchants à l'avarice des malades, leur

142 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

mobilité, leurs idées délirantes de suspicion, leur tendance morbide

à des mariages disproportionnés constituent un symptôme com-

plexe, au sujet duquel le médecin peut être appelé à formuler un

avis. La question de la sénilité est du reste très variable suivant les

individus ; elle commence en général quand se présente une perte

marquée de la mémoire des faits récents. Le caractère est irritable.

A un degré plus avancé, quand déjà le vieillard peut être considéré

comme aliéné, les facultés émotionnelles et motrices sont affectées,

les idées érotiques sont fréquentes et donnent lieu à des mariages

ridicules; les malades ont une disposition à errer de côtés et

d'autres, etc. De plus, on constate une perversité particulière, une

tendance -IL commettre des vexations, opposer des retards ou des

refus frivoles à tout ce qui est proposé par d'autres qu'eux, quelque

importante que soit la chose.

Les résultats de la folie sénile dans les familles n'ont pas échappé

à l'attention des écrivains et le « Roi Lear » nous donne une intéres-

sante description de la folie dans la période sénile, description dont

l'auteur fait ressortir les points principaux. (Tite alienist and neuro-

logist, avril 1897.) il ? B.

XI. Confession des aliénés, par le Dr Kierman.

Un vieux juriste a dit que la confession est parfois la voix de la

conscience. Le mot * parfois » indique une restriction sage, car

l'expérience enseigne combien il en est fréquemment autrement,

surtout en ce qui concerne les aliénés : l'auteur rapporle quelques

cas de prétendus aveux, n'étant en réalité que des fables. Sous

l'ombre d'une apparente tranquillité, veille parfois un tempéra-

ment mélancolique, un dégoût de la vie, un étrange désir de leur

propre destruction qui incite certaines gens, certains malades à

s'accuser faussement eux-mêmes de toutes sortes d'iniquités. (Tlzc

alienist and neurologist, octobre 1897.) E. BLIN.

XII. LES formes stupides ET LES formes CONFUSIONNELLES DE L'AMENDA ;

par Nicolo BUCCELLI. (Riv. di. pal. nerv. et ment., fasc. 7, 1896.)

L'auteur, tout en reconnaissant l'analogie des conditions de

développement et des traits généraux des formes, confusionnelles

et stupides, considère cependant qu'il y a intérêt à leur attribuer

une sorte d'individualité nosographique. Il propose en conséquence

de distinguer l'amenza stupide avec une forme simple ou torpeur

cérébrale simple et une forme grave ou stupeur primitive et l'a-

menza confusionnelle avec une forme simple ou confusion mentale

simple et une forme grave ou confusion mentale hallucinatoire. ,

J. SKGHS.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 143

XIII. Pouls lent chez UNE aliénée, comme phénomène DE nature

1,NIIIBITOIRF; par E. BELMONDO. (Rio. di. pat. neru. et ment., fasc. 9,

1896.)

XIV. EPHIDROSE unilatérale DE la face ; par Pellizzi. (Riv. Cti. pal.

nerv. et ment., fasc. 9, 1896.)

XV. Délireparanoiaquechezun FOU moral; par CAUGER et ÂNGIOLELLA.

(Il 31ti711conzio. Anno XI, fasc. 2-3.)

Une observation suivie de quelques conclusions : les fous moraux

sont, comme tous les dégénérés, prédisposés à des délires variés;

ils ont cependant plus spécialement une tendance aux idées de

persécutiun. Ces délires revêtent des caractères spéciaux, dépen-

dant du fond d'insuffisance morale qui transparait à travers la

forme psycliopatllique. Le principal de ces caractère est le mode de

réactions vis-à-vis des idées délirantes. Les actes délictueux com-

mis par les paranoiaques fous moraux trouvent leur explication

dans l'insuffisance des sentiments moraux plutôt que dans le

délire, dans le caractère impulsif et la prompte réaction motrice

an moindre stimulus : le délire paranoiaque n'est qu'une occasion

favorable à l'éclosion des tendances criminelles innées chez les

malades. J. Séglas.

XVI. Coupahlep^r délire paranoïaque, rapport IfÎ : DICO-LI3GAL; par le

Dr Codeluppi. (Il Olanicomio, Anno XL fasc. 2-3.)

XVII. Le 'MtSDEtSME' dans l'armée, LETTRE OUVERTE au P IORSELLI;

par le D1' Limoncelli. (Il Manicomio, Anno XI, fasc. 2-3.)

XVIII. Résultats secondaires DE la chirurgie gynécologique dans LE

traitement DE la folie; par James RUSSEL. (Rrit. aned. OUT7t.,

25 septembre 1897.)

L'auteur ne considère pas les affections pelviennes comme une

cause directe de la folie : elles font partie des conditions étiologi-

ques avec l'hérédité, l'âge, le climat, etc. Mais les chirurgiens spé-

cialistes ont vu des affections pelviennes chez presque foutes les

malades et encouragés par l'impunité que leur procure l'antisepsie

ils ont fait des opérations à tort et à raison. D'abord les statistiques

montrent que ces affections ne sont pas plus fréquentes chez les

aliénées que chez les femmes saines d'esprit; puis pourquoi les

organes génitaux de l'homme ne seraient-ils pas aussi accusés ?

C'est que par leur simplicité de structure ils ne tentent pas les

chirurgiens.

144 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Les observations de folies guéries par des opérations chirurgi-

cales sont publiées beaucoup trop tôt. Il faudrait attendre au moins

deux ans pour être certain du résultat acquis. L'auteur cite plu-

sieurs observations dans lesquelles l'ablation des ovaires n'a donné

aucun bon résultat, au contraire. Dans certains cas l'opération peut

agir sur l'état mental comme le ferait une fièvre intercurrente, un

érysipèle, etc. ; mais le plus souvent les améliorations constatées

sont uniquement dues aux soins plus empressés que reçoivent les

opérées, à l'hygiène meilleure dont elles jouissent dans les clini-

ques, etc. Bien souvent l'ablation des ovaires calme les symptômes

aigus de la maladie et provoque un état de stupeur tendant à la

démence. A. V.

XIX. Gynécologie et folie ; par ToBns. (B ? 't< med. journ.,

25 septembre 1897.)

Depuis deux ans et demi, l'auteur pratique l'examen eynécoio-

gique complet sous le chloroforme, des aliénées de l'asile de London

Ontario, et fait les opérations nécessaires. Sur 100 femmes '

93 avaient des affections pelviennes et 69 avaient besoin d'une

opération. Les résultats surpassèrent son attente, tant pour l'amé-

lioration physique que mentale. Il fit 14 curetages et obtint 14

améliorations des symptômes physiques et 8 améliorations de l'état

mental soit 57 p. 400. A l'amputation du col et curettage 11 mala-

des sur 27 soit 42 p. 100 en bénéficient au point de vue mental.

'1 1 avaient des déplacements de l'utérus avec ou sans complications

et subirent l'opération d'Alexander ou la ventrofixation. L'hysté-

rectomie était indiquée dans 12 cas (tumeurs fibreuses, chute de

l'utérus, carcinome) 7 furent faites par la voie vaginale et 5 par

l'abdomen dans deux cas soit 17 p. 100, l'état menlal fut amélioré

10 de laparotomie pour affections de l'ovaire ou des annexes don-

nèrent 6 guérisons de la folie soit 60 p. 100. La laparotomie, la

périnéorrhaphie, elc furent aussi pratiquées avec succès.

En résumé sur 80 opérations, 30 provoquèrent la guérison 18 l'a-

mélioration et 28 seulement ne donnèrent aucun résultat. Parmi

les 30 aliénées guéries il étaient internées depuis un an, 7 depuis

deux ans, 4 depuis trois ans, 4 de trois à quatre ans. e depuis qua-

tre ans et 3 depuis cinq ans. L'auteur conclut en disant que l'lleu-

reuse action de la chirurgie gynécologique n'est plus à l'étude et

qu'elle est passé l'état de fait acquis. , A. V.

XX. Relation étiologique des affections PI·.L\IIsNNIs3 des femmes

sur leur folie; par Georges-11. Roué, M. D. (Brit. mcd. jou ? ,11.,

25 septembre 1897.)

L'auteur établit d'abord le droit et le devoir du médecin d'asile

de pratiquer sur les aliénés inconscients toute opération clnrurgi-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 145

cale nécessaire soit pour leur santé physique, soit dans le but

d'améliorer leur état mental. Les aliénés à intervalles lucides peu-

vent donner eux-mêmes leur consentement à l'opération, de même

que ceux qui sans être complètement lucides peuvent comprendre

le but et les conséquences de cette opération.

Pour lui les maladies organiques ont une grande influence sur

l'état mental et surtout les désordres des organes pelviens. La

question de savoir si ces affections sont plus fréquentes chez les

aliénées que chez les femmes saines d'esprit ne peut être résolue

par la statistique, car dans la plupart des asiles tout examen gyné-

cologique est systématiquement écarté. D'après ses observations il

a trouvé que 60 p. 100 des aliénées présentaient des troubles des

organes pelviens. Il apporte 34 observations d'aliénées opérées,

d'endométrite, de kystes de l'ovaire, de tumeur interne, etc.

Sur ces 34 cas 11 malades recouvrirent à la fois la santé phy-

sique et intellectuelle, 9 furent améliorées, li ne furent pas modi-

fiées et 3 moururent des suites de l'opération. A. V.

L'analyse des trois, articles qui précèdent est très intéres-

sante à divers titres. Pour se rendre compte de l'abus ou non

des opérations gynécologiques chez les aliénées, il faudrait

que tous les médecins des asiles qui ont eu à intervenir ou

qui ont reçu des malades opérées avant leur admission fassent

connaître d'une manière complète le résultat de leurs obser-

vations.

Contrairement à l'opinion de bl. Robe, nous estimons que

si le médecin a le droit et le devoir d'examiner complètement

ses malades, il ne doit pas intervenir opératoirement sans

être couvert par l'autorisation formelle de la famille.

BOURNEVILLE.

XXI. LE LATUI, maladie mentale des Malais; par \V. Gilmork

1LLLIS. (Tlae Joumacal of Mental Science, janvier 1897.)

La maladie mentale, ou plus exactement nerveuse, que les Malais

désignent sous le nom de Latah, et qui parait leur être spéciale,

n'a été l'objet que d'un très petit nombre de descriptions. Elle est

constituée par divers état nerveux passagers qu'il est extrêmement

difficile de classer, car c'est a peine si l'on rencontre deux malades

présentant des symptômes vraiment identiques. Dans tous les cas,

la maladie débute brusquement sous l'influence de causes ordinai-

rement banales, telles qu'un bruit inattendu, un mouvement im-

prévu d'un assistant, un contact brusque, un mot prononcé (géné-

ralement en ce cas le nom d'un animal féroce, et surtout du tigre,

qui est très redouté). Dans la plupart des cas toutes ces causes

Archives, 2e série, t. V. 10

146 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

peuvent provoquer l'apparition du Latah, mais chez quelques ma-

lades il n'éclate que sous l'influence de sensations soit auditives,

soit visuelles ; l'auteur ne l'a jamais vu se manifester consécutive-

ment à des sensations du goût ou de l'odorat. La durée des phéno-

mènes varie de quelques instants à une demi-heure et même

davantage. Les malades se divisent en deux groupes : dans le pre-

mier on constate une imitation involontaire des actes exécutés

devant le malade, si bizarres qu'ils puissent être ; dans le second,

on voit apparaître une crise brusque et courte, principalement

caractérisée par de la coprolalie, et quelquefois de légers actes de

violence. L'auteur a quelque peine à croire que ces deux groupes

ne constituent qu'une seule et même maladie. Certains cas de la

forme imitative ressembleraient à l'hypnotisme, mais la conscience

est généralement conservée et l'imitation n'est exécutée qu'à contre-

coeur, bien qu'elle soit irrésistible. Cette maladie se rencontre prin-

cipalement mais non exclusivement chez les Malais; quelques Euro-

péens, quelques Indiens en souffrent, mais, à Singapore, où réside

l'auteur, on ne l'a jamais constatée chez les Chinois qui y résident

en grand nombre.

1 L'auteur rapporte avec détails plusieurs observations très cu-

rieuses et souvent très amusantes des deux formes de Latah.

Les cas d'imitation les plus intéressants sont ceux qui se rappro-

chent de l'hypnotisme, si toutefois ils ne se confondent pas avec

lui; il y a quelques malades qu'il faut mettre en train par un

contact ou par un cri ; mais la plupart d'entre eux obéissent d'em-

blée et intégralement à la suggestion qui leur est faite. Après l'acte

exécuté, le souvenir de ce qu'ils ont fait est vague, nul chez quelques-

uns.

Le Latah est presque invariablement héréditaire, et il atteint

ordinairement un grand nombre des membres d'une même famille.

L'activité cardiaque est accélérée pendant l'attaque. Les réflexes

restent normaux. Assez rare chez les jeunes femmes, la maladie

devient fréquente chez celles qui ont atteint l'âge moyen ou la

vieillesse, et elle est alors plus intense. Les femmes en souffrent

beaucoup plus souvent que les hommes. Lorsque le début est pré-

coce, on l'observe ordinairement vers l'âge de douze ans.

Les Malais ont maintes fois répété à l'auteur que le Latah tirait

son origine des rêves; mais comme ils croient aux songes, aux

revenants et à leur influence néfaste, il n'y a pas grand fonds à

faire sur cette assertion. Chez les jeunes femmes atteintes du

Latah, il n'est pas rare de rencontrer une complète absence de

réserve sexuelle (cette réserve, d'ailleurs, n'est pas la qualité domi-

nante des Malaises en général) ; mais ce qui est surprenant, comme

l'a remarqué un fonctionnaire civil qui a écrit sur ce sujet, c'est de ' ''

voir que chez des femmes d'un âge avancé la maladie se manifeste

dans un sens qui parait absolument en contradiction avec t'orga-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 147

nidation physique. Qu'un mot, un regard, un geste, dit,

puissent instantanément amener une femme de soixante-quinze

ans à se comporter comme une fille publique de vingt ans, c'est là

un phénomène tellement opposé aux lois naturelles qu'on essaie

en vain de lui découvrir une explication satisfaisante.

Des indigènes ont assuré à l'auteur que quelques malades par-

venaient dans une certaine mesure à maîtriser leur maladie; mais

il demeure assez sceptique à l'égard de cette assertion. Les Malais

sont mabométans depuis trois ou quatre cents ans, mais l'élément

religieux ne se mêle jamais en aucune façon au délire du Latah.

Il faut noter, en outre, que les malades qui sont atteints de cette

affection ne portent aucune trace appréciable de dégénérescence

physique ou mentale ; quelques-uns même sont, pour des Malais,

très intelligents. Les cas de Latah ne sont jamais envoyés à l'asile,

et les Malais eux-mêmes établissent d'ailleurs une ligne de démar-

cation très nette entre le Latah et la folie.

R. DE

XXII. Une maladie mentale (autre que la paralysie générale) associée £

au tares Dolt\Lls; par P.-W. MACDONALD et A. Davidson. (The

Journal of Mental Science, janvier 1897.)

On sait que l'affection mentale qui est presque exclusivement

annexée au tabes est la paralysie générale : le cas dont il s'agit est

une exception à la règle. Le malade était un homme de trente-

neuf ans chez lequel les symptômes et l'évolution du tabès n'ont

rien présenté de particulier. Bien que le certificat d'admission à

l'asile portât le diagnostic de paralysie générale, le médecin qui

l'avait signé ne relevait aucun des symptômes de cette maladie à

l'appui de son opinion : ce diagnostic d'ailleurs ne fut confirmé ni

par l'examen du malade à son entrée à l'asile, ni par l'étude ulté-

rieure des symptômes. Ce que l'on trouvait chez ce malade, c'était

un état bien caractérisé d'affaiblissement intellectuel avec perver-

sion mentale dépendant de la lésion médullaire et lui ayant été

consécutif. Il y avait de l'instabilité, de la dépression, des idées

vagues de persécution, et même des troubles de la sensibilité

allant jusqu'au délire; mais de paralysie générale, nul symptôme.

L'autopsie d'ailleurs révéla les symptômes classiques de l'ataxie.

sans aucune des lésions de la paralysie générale. Quant aux

attaques épileptiformes, il faut probablement les attribuer à

l'excès énorme du liquide céphalo-rachidien.

Il est évident que dans ce cas une progressive et lente dégéné-

rescence a évolué parallèlement dans la moelle et dans le cerveau,

donnant naissance dans le premier de ces organes à des signes

d'ataxie locomotrice progressive, et dans le second à un obscur-

cissement graduel des facultés mentales; mais contrairement à

148 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

l'opinion généralement adoptée, l'affection mentale n'a nullement

revêtu la forme de la paralysie générale.

R. DE Musgrave-Clay.

XXIII. L'hérédité dans les MALADIES MENTALES; par J.-F. BRiscoE.

(The Journal of Mental Science, octobre 1890.)

L'auteur a recherché les influences héréditaires qui modifient les

processus de reproduction, principalement au point de vue de la

syphilis et des tempéraments. Il étudie aussi l'hérédité de la débi-

lité mentale, et conclut que la folie est héréditaire chez 90 p. 100

des aliénés. R. M. C.

XXIV. L'augmentation DE la paralysie générale EN ANGLETERRE ET

DANS LE PAYS DE GALLES ; SES CAUSES ET SA SIGNIFICATION; par R.-S.

STEWART. (T/te Journal of Mental Science, octobre 1896.)

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : 1° II n'existe

aucune preuve que la race anglaise soit plus exposée à la folie

qu'elle ne l'était autrefois. 2° Il existe des preuves d'un accrois-

sement de la tendance à la paralysie générale. 3° Cette ten-

dance est surtout marquée chez les hommes où son accroissement

est dix-neuf fois plus considérable que chez les femmes.

4° Parmi les hommes, cet accroissement est deux fois plus fort

chez les malades aisés que chez les indigents : chez les premiers,

il est régulièrement progressif, tandis que chez les seconds il va

en diminuant. Chez les femmes indigentes, il est peu considérable;

chez les femmes aisées sa diminution est régulièrement progres-

sive. 5° C'est de trente-cinq à quarante-quatre ans que la para-

lvsie générale atteint son maximum d'accroissement : pour les

autres formes de folie, l'accroissement commence à partir de qua-

rante-cinq ans pour atteindre son maximum après cinquante-cinq

ans. 6° Cet accroissement atteint son maximum chez les

hommes mariés, où il est cinq fois plus fort que chez les céliba-

taires et soixante fois plus fort que chez les femmes mariées.

tû Le maximum d'accroissement se rencontre dans les grands

centres urbains, surtout dans les ports de mer, et particulièrement

dans les villes qui font l'exportation du charbon ; ensuite viennent

les districts miniers et les villes manufacturières; dans les pays où

domine l'agriculture, on note au contraire une décroissance. En

tenant compte de la répartition géographique on peut établir un

parallélisme étroit entre l'accroissement de la paralysie générale

et les habitudes d'ivrognerie. 8° Les facteurs étiologiques qui

jouent le rôle le plus important dans la genèse de la paralysie

générale sont l'alcoolisme, les excès vénériens et les maladies

vénériennes. Les causes qui se rattachent à la vie génitale de la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 149

femme diminuent d'importance en tant que facteurs effectifs de la

paralysie générale, qui parait tirer son origine des instincts

égoïstes bien plus que des instincts altruistes. 9° La prédomi-

nance croissante de la paralysie générale indique une modifica-

tion dans le type de l'aliénation mentale, un retour régressif à

des formes inférieures d'affections cérébrales, une déchéance

progressive morale et physique, un affaiblissement de la force de

résistance et une diminution du taux de la vitalité, une tendance

croissante à la dégénérescence rapide et prématurée de la race.

10° La maladie se terminant invariablement par la mort, et ses

causes étant de celles que l'on peut, dans une large mesure, res-

treindre ou éviter, la seule direction dans laquelle il soit logique

de s'engager pour remédier à cet état de choses, est la prophy-

laxie. R. DE àlU SGIt.4 VE- CLAY.

XXV. Remarques additionnelles au travail DE M. ALZHE131ER, INTI-

TULÉ : c DES hallucinations provoquées par la pression DU GLOBE

oculaire » ; par LIEP3tANN. (Centralbl. f. Nervenheilk., XIX, N. F.,

vu, 1896.)

L'auteur a tout récemment, chez une hystérique, immédiatement

après l'attaque, obtenu des hallucinations par ce procédé, mais

la malade ne croyait pas à la réalité de ce qu'elle voyait. C'est un

phénomène particulièrement net chez les alcooliques qui semblent

calmés de leur délire, qui ont oublié leurs hallucinations senso-

rielles ou chez qui les hallucinations ont diminué. Ce qu'il faudrait

établir, c'est sa fréquence dans les diverses psychopathies. P. K.

XXVI. Contribution A la casuistique DE la paralysie générale MIDI-

fiée; par J. Bielkowsky. (Centralbl. f. i)le ? ,veizheil4 ? XVII, iN. F.,

vi, 1895.)

Symptômes de début tabétique. sans être du tabes; les autres

symptômes appartiennent aussi bien à ['hystérie qu'à la paralysie

générale. Pour arriver à établir le diagnostic de la paralysie géné-

rale l'auteur se base : sur la précocité de l'affaiblissement dou-

loureux des membres, bien avant qu'on remarquât des troubles

pcychiques, douleurs d'oreilles ni lancinantes ni fulgurantes

sur la conservation de la sensibilité tactile et thermique sur la

démarche de l'individu ressemblant à celle des débauchés qui

coitent fréquemment debout ou des masturbateurs -sur l'atteinte

de l'intelligence suivant les considérations relatives à la symp-

tomatologie comparée de .la paralysie générale et de l'hystérie.

L'ensemble de ces symptômes (anesthésie, parésie ou paralysie des

pupilles, gâtisme, amnésie, oedème du pied et de la jambe), leur

coexistence et l'affaiblissement intellectuel sont caractéristiques de

130 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

la paralysie générale. Le malade meurt d'ailleurs dans le marasme

avec escarres, et l'on trouve des lésions paralytiques.

P. KERavaL.

XXVII. Récents travaux SUR l'hérédité; par H. IiURELL1. (Centralbl.

f. Newealveilk., XVIII. N. F. vi, 1895.)

Il s'agit de la critique des mémoires de L. Weissmann, qui con-

teste l'hérédité de facultés ou qualités acquises (de Darwin). Ce

dont hérite le descendant, dit Weissmann, n'avait pas été acquis

par l'ascendant ; celui-ci le possédait déjà comme qualité inhérente,

quoique latente, sous forme, si l'on veut, de prédisposition. C'est.

réplique M. Kurella, ignorer l'hérédité pathologique. Du reste, la

théorie inventée par M. Weissmann de la continuité du plasma

embryonnaire est bien curieuse. « Le protoplasma embryonnaire

contenu dans ces cellules sexuelles aurait son architecture cons-

tante inaltérable. Ce monument histologique se transmettrait ainsi

de générations en générations tout en se soumettant, pour se con-

server, aux mouvements nutritifs, sans que ceux-ci puissent néan-

moins le modifier, pas plus que le corps dont le protoplasma fait

cependant partie. Ce protoplasma est une substance immortelle

échappant à la finalité mortelle du corps, étrangère à tout ce

qu'acquiert le corps ; c'est pourquoi cette substance du germe qui

seule a qualité pour hériter et transmettre, ne peut emporter avec

elle aucune des qualités acquises. » Aux objections qu'on lui a

présentées, M. Weissmann a répondu par des amendements de

cette théorie (critiques de Rolide et Hertwig) qui n'amendent rien,

c'est incompréhensible. P. KERAVAL.

XXVIII. Hystérie ET folie IIYS1ÉRIQLE; par E. SOKOLOWSKI.

(Centralbl. f. Nervenheilk, XIX, N. F. vu, 1896.)

Il n'est pas possible de séparer logiquement l'hystérie des autres

névroses sans faire appel à la théorie de la dégénérescence. Pour

établir la dégénérescence, il ne faut pas s'en tenir aux signes

physiques, il faut chercher le début des altérations fonctionnelles.

Or, étant habitués et autorisés à chercher dans le cerveau humain

le plus haut degré du développement orgamque et à tenir les phé-

nomènes d'association intellectuels pour la plus haute perfection

de toute activité cérébrale, nous en induirons que l'affaiblissement

de ces phénomènes est le premier pas de la dégénérescence.

Quelles que soient les lois auxquelles obéissent ces phénomènes,

l'activité associative du cerveau malade repose au fond sur l'inter-

vention précise des images commémoratives auxquelles il doit

faire appel au moment où il est sollicité par une impression nou-

velle. Car ces images commémoratives sont le correctif qui assure

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 181

l'assimilation ou la neutralisation des nouvelles impressions.

Quand ces images font défaut, les impulsions prédominent; si

elles sont indistinctes, il y a désharmonie, déséquilibre entre la

volonté et l'action. Tels sont les hystériques. On constate chez eux

trois espèces de symptômes :

1° Des symptômes occasionnels. Ce sont des altérations orga-

niques (affections thoraciques, abdominales, neuro-somatiques)

ou des anomalies fonctionnelles, gastro-intestinales, cardiaques, etc.

L'individu s'en targue pour expliquer ses faiblesses psychiques;

2° Des symptômes produits par ['insuffisance des images commémo-

ratives, qui met le psûchê en état d'équilibre instable et rend

l'individu accessible à la suggession, à l'autosuggestion (actes

subconscients), d'où : cécité, surdité, aphonie, analgésie. Le malade

subit les phénomènes dont il est le jouet passif;

3° Des troubles bien connus du malade, et dans leur nature et

dans leur genèse, auxquels il prend une active part (actes hyper-

conscients) dus à des obsessions, à la stiréinotivité (non corrigée),

entraînant des actes volontaires imposés; tels : le mutacisme, la

convulsion hystérique, l'hypnose hystérique, la folie hystérique ;

4° Des symptômes inventés; le malade a des illusions, il a aussi

des maladies qu'il n'a pas ou du moins qui échappent à toute

constatation objective. Mensonges d'ailleurs impudents des hysté-

riques. C'est pourquoi l'hystérie est le champ le plus fertile des

consultants, des thérapeutes; le malade se plie pour ces motifs à

tous les exercices thérapeutiques dont l'hypnotisme est le plus

pernicieux.

De cette énumération il résulte que l'hystérique est un être sans

jugement, sans associations d'idées, par disparition des images

commémoratives. C'est d'ores et déjà un aliéné, un dévié. Aussi

trouva-t-on chez lui trois catégories de phénomènes psychopa-

thiques : 10 les hallucinations sensorielles; 2° les idées déli-

rantes ; 3° la confusion mentale (désorientation); tissant ces

mélancolies, suicides factices, ces mégalomanies fugitives, ces

dédoublements de la personnalité souvent simulés, polymorphes,

absurdes, théâtraux. Greffés sur le tout, les signes de dégénéres-

cence de tous ordres. Le traitement est l'isolement.

P. 6Erlav.L.

»IŸ. DÉBILITÉ MENTALE ET TREMBLEMENT-, par M. LIBBt;.

(Presse médicale, 24 avril 1897.)

Observation d'une jeune folle de vingt ans, d'une intelligence peu

développée, présentant plusieurs stigmates physiques de dégéné-

rescence, et atteinte, depuis son enfance, de crises épileptiformes,

de tremblement et d'athétose. Le tremblement a pour caractères

de cesser au repos ou pendant le sommeil, et de se produire dès

182 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '

qu'on examine la malade ou qu'on lui parle; il est limité au côté

et prédomine au membre supérieur; il augmente d'amplitude à

l'occasion des mouvements volontaires; son rythme est moyen . :

cinq ou six oscillations par seconde. Les mouvements athétosiques

sont aussi limitées au côté droit. La force musculaire est con-

servée. Les réflexes tendineux du membre inférieur droit sont

légèrement exagérés. Il n'existe pas de trouble de la sensibilité,

ni des organes des sens, de la mémoire, du langage.

Bien que les antécédents héréditaires de la malade lui soient

inconnus, l'auteur formule le diagnostic de tremblement hérédi-

taire, état morbide que M. M Achard et Raymond ont démontré

être identique au tremblement sénile et qu'ils ont désigné avec

ce dernier sous la dénomination commune de névrose Lrému-

lante. L'hérédité similaire ou transformée, la coexistence du trem-

blement et de stigmates physiques et psychiques de dégénérescence,

l'asfociation possible avec certaines maladies organiques du

système nerveux (sclérose en plaques, maladie de Basedow) sont

les principaux caractères de la névrose trémulante. Dans le cas

étudié par M. Labbé, la forme hémiplégique du tremblement et

de l'athétose, sa coexistence avec des crises épileptiformes, ou

l'exagération des réflexes tendineux du membre inférieur droit

semblent se rattacher à une sclérose cérébrale infantile.

A. FENAYROU.

XXX. UN cas DE PERVERSION du sens génital; par M. Rosenbach.

M. Rosenbach rapporte un cas assez complexe de perversion du

sens génital. Il s'agit d'un jeune homme de dix-neuf ans qui depuis

l'âge de dix ans éprouve un penchant génital pour ses camarades,

mais sans que les choses aillent jusqu'à la pédérastie. C'est l'urine,

son odeur, son goût, son contact qui exerce sur lui une action

excitante : volontiers il garde l'urine d'un garçon dans la bouche

ou bien plonge ses mains dans un vase rempli de ce liquide encore

tiède ou bien encore mouille avec elle ses organes génitaux et son

linge. L'urine qui a subi un commencement de putréfaction, sur-

tout si elle provient d'un garçon l'excite plus particulièrement : il

trempe dedans son mouchoir qu'il étale pour la nuit près de

son lit.

A côté de l'urine il existe encore un tout autie moyen qui lui

procure l'orgasme génital : c'est la vue d'un train qui déraille ou

l'idée seule d'un pareil événement. Il habitait à une certaine

époque près d'une usine à ciment. Des rails étaient posés pour

permettre l'apport des matériaux dans des wagons. Tous les jours

le malade venait à cet endroit pour déranger l'aiguillage ou pour

placer des cailloux sur les rails dans' l'espoir de provoquer un

déraillement et^de se procurer ainsi des jouissances génitales.

RIÏVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 183

L'idée de la femme lui est insupportable. Bien d'autres stigmates

psychiques s'ajoutent chez lui à la perversion du sens génital.

Débile dans toute l'acception du terme il n'offre cependant au

point de vue physique aucune anomalie digne d'être relevée. Issu

d'un mariage consanguin, il appartient à une famille où l'on

compte plusieurs cas d'idiotie. Le père, en outre, a été interné à

l'âge de seize ans pour un accès de mélancolie. Au contraire, la

mère est une personne très bien portante et parfaitement équili-

brée. (Revue de psychiatrie, de neurologie et d ! 6pA)/c/tO<o'e expéri-

mentale, 1897, n" 9.) ROUBINOVITCA.

XXXI. L\ confusion mentale primitive; par M. J. SEGLAS. (Presse

médicale, Il mars 1897.)

Laissant de côté les cas ou la confusion mentale n'est qu'un

symptôme ou un épisode de diverses maladies, l'auteur étudie la con-

fusion mentale primitive idiopathique, qu'il définit en ces termes :

L'expression c confusion mentale primitive idiopathique. désigne

une affection ordinairement aiguë, consécutive à l'action d'une

cause occasionnelle généralement appréciable, et se manifestant

en dehors, sinon indépendamment des états pathologiques classés

Elle est caractérisée par des phénomènes somatiques de dénutrition

et des phénomènes mentaux, résultat premier de l'état somatique

dont le fond essentiel est constitué par une forme d'affaiblissement

et de dissociation intellectuels, confusion mentale (primitive), qui

peut être accompagné ou non de délire, d'hallucination, d'agitation

ou au contraire d'inertie motrice, avec ou sans variations marquées

de l'état émotionnel n.

A propos de l'étiologie de cette affection, M. Séglas discute la

valeur de l'hypothèse d'après laquelle l'état de faiblesse irritable du

système nerveux central auquel est due la confusion mentale

serait le résultat d'une infection ou d'une intoxication par les

toxines microbiennes ou les poisons normaux de l'organisme non

transformés ou non éliminés. Il reconnaît que cette théorie

s'accorde bien avec les données étiologiques et cliniques; en effet

la confusion mentale apparaît très fréquemment dans la convales-

cence des maladies infectieuses, et son tableau clinique ressemble

assez exactement à celui des délires produits par un toxique exté-

rieur. Mais il estime que les données de l'expérimentation (toxicité

de l'urine, du sang) ne sont pas encore édifiantes et que de nouvelles

recherches sont nécessaires pour établir définitivement la valeur

de cette hypothèse. A. Fenayrou.

XXXII. ROUGEOLE, infection secondaire, confusion mentale PSEUDO-

méningitique; par M. SEGLAS. (Presse médicale, 101 mai 1897.)

Observation d'une malade, âgée de trente ans, qui, au début de

184 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - .

la convalescence d'une rougeole bénigne, est brusquement atteinte

de troubles psychiques caractérisés surtout par de la confusion

mentale. Sept jours après l'apparition de ces désordres mentaux

se manifestent des phénomènes méningitiques; en même temps se

déclare une fièvre intense. Les jours suivants, les symptômes

méningitiques s'accentuent; la température atteint jusqu'à 41

degrés. Enfin, au bout de cinq jours, la fièvre tombe; les autres

symptômes s'atténuent et disparaissent en une dizaine de jours,

sauf la confusion mentale qui persiste encore trois semaines

environ. '

Il s'est agi, dans ce cas, non de méningite, mais d'un syndrome

seudop-méningitique, de méningisme. L'origine infectieuse de ces

accidents ne semble pas douteuse; la maladie apparaît comme la

manifestation d'un processus infectieux secondaire à la rougeole,

et dont l'agent est resté indéterminé. La pathogénie est incertaine.

A l'autopsie, on ne trouve, en pareil cas, dans les centres nerveux

que de la congestion passive, de la stase sanguine avec oedème

cérébral. L'absence de microorganismes dans le liquide exsudé

ou dans le sang semble prouver qu'il ne s'agit pas d'une infection

directe, mais plutôt de l'action de toxiques en circulation dans le

sang, provoquant de la vaso-dilatation. Les accidents dus à ces

vaso-dilatations et aux oedèmes consécutifs peuvent disparaître

sans laisser de traces, ou amener la mort. Dans ces conditions, le

pronostic, très variable, doit être réservé. L'auteur termine son

travail par quelques indications thérapeutiques; antisepsie interne,

calme absolu, alimentation substantielle; bains froids contre

l'hyperthermie; médication sthénique et traitement moral pendant

la convalescence. A. Fenayrou.

XXXIII. Neurasthénie ET paralysie générale; par M. E. Régis.

(Presse médicale, 7 avril 1897.)

D'après l'auteur, dans le diagnostic de la neurasthénie et de la

paralysie générale au début, la première question à se poser est

celle de savoir si la neurasthénie est la neurasthénie constitution-

nelle, essentielle, ou une neurasthénie accidentelle récente. La

constatation de la neurasthénie constitutionnelle constitue une pré-

somption des plus sérieuses contre l'existence ou l'imminence de la

paralysie générale ; en effet, il est rare que cette dernière affection

se greffe sur des névroses essentielles. Il s'agit alors, presque tou-

jours, d'une simple phobie ayant pour objet la peur du ramollis-

sement cérébral. S'il s'agit d'états neurasthéniques accidentels, il

importe d'en rechercher la cause et de retenir, comme d'une dis-

tinction particulièrement délicate, ceux résultant d'une auto-intoxi-

cation ou d'une infection.

Le diagnostic peut se faire, dans les infections aiguës, par ce fait

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 188

que la neurasthénie paralytiforme commence par la fin et suit une

marche régressive, au lieu d'être progressive. Cependant, on voit

parfois la régression n'être pas complète, et le complexus paraly-

tiforme, après s'être un instant amendé, reprendre sa marche en

avant. Parmi les états neurasthéniques résultant d'une infection ou

auto-intoxication chronique, il faut surtout retenir ceux qui dépen-

dent de la syphilis ; quand la syphilis n'existe pas, la paralysie géné-

rale peut être à peu près sûrement écartée ; quand elle existe, le

diagnostic doit être basé sur le caractère, soit nerveux, soit céré-

bral, plus grave, de la neurasthénie. Les neurasthéniques nerveux,

chez qui la syphilis est venue renforcer la névropathie, n'ont que

l'image, l'apparence, mais surtout la peur de la paralysie générale.

Les cérébraux, descendants de congestifs ou d'apoplectiques, pré-

sentent à la suite de la syphilis une neurasthénie plus cérébrale

que nerveuse, s'accompagnant de symptômes nouveaux, troubles

oculo-pupillaires, troubles de la parole, troubles des réllexes, etc.

En somme, il faut bien le reconnaître, beaucoup de ces cérébras-

thénies infectieuses se rapprochent tellement de la paralysie géné-

rale, par leur origine, par leurs symptômes et souvent par leur ter-

minaison, qu'il n'y a pas lieu, semble-t-il, de les en distinguer

d'une façon essentielle, et qu'elles doivent être considérées comme

des formes aiguës, atténuées ou de début, de la méningo-encé-

phalite, à évolution variable, suivant l'intensité et la durée de l'in-

fection. Dans ces cas, la neurasthénie serait un véritable com-

mencement, susceptible d'arrêt, de paralysie générale.

A. L' ENATRUU.

XXXIV. Nouvelle addition au chapitre DE la FOLIE morale;

par P. Noecke. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)

Bleuler dans son travail : DereooreK6 Verbrecher (Munich, 1896),

dit que le criminel né n'est autre qu'un fou moral. Il prête à Lom-

broso une atténuation de ses opinions premières, ce qui n'em-

pêche que le type criminel de Lombroso ne soit la réunion d'attri-

buts anatomiques déterminés et non pas seulement le représentant

d'une multiplication centésimale de signes de dégénérescence par

rapport aux gens normaux. Mais le type criminel n'a été constaté

par beaucoup d'observateurs que chez' un nombre relativement

restreint de criminels d'habitude, quoique Lonibroso considèreceux-

ci comme en étant entachés et les identifie au 7-eo iiato et au fou

moral. Il a d'ailleurs continuellement soutenu également la

parenté du criminel avec l'épileptique ou avec les sauvages, avec

les petits enfants, avec les faux dégénérés. Ce en quoi Bleuler a

raison, c'est que le type criminel de Lombroso est, quant aux ano-

malies somatiques, aussi peu délimité du type normal que l'état de

maladie est séparé de l'état de santé. Il ajoute que parmi les classes de

1S6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

criminels, il existe un groupe psychologique défini, actuellement

délimitable, ayant pour caractéristique les lacunes du sens moral

que les psychiatres ont, depuis bien des lustres, désignés sous les

noms de fous moraux, débilité mentale; ce sont les rei nati de

Lombroso.

Or bien des auteurs nient l'existence de la dépravation morale

sans autre anomalie notable. Nous manquons de type intellec-

tuel et d'une méthode uniforme d'examen de l'intelligence. Qu'est-ce

que la faiblesse intellectuelle ? La quantité de l'intelligence ne

tient-elle pas aussi au mélange harmonique des facultés et à leur

énergie syndiquée ? Il faudrait au moins adopter une norme pour

prendre les observations et noter les actes à partir de la toute

première enfance, afin d'asseoir, de circonscrire la notion de la dégé-

nérescence morale. Nous n'avons guère que le cas de Marie Schnei-

der dans lequel il y ait eu folie morale avec intégrité presque com-

plète de l'intelligence. Les autres faits sont plutôt des exemples de

débilité ou d'imbécillité. Puis, folie morale pure n'implique pas for-

cément criminalité; celle-ci dépend d'impulsions, du milieu, des

occasions de nuire. Pensons encore aux dégénérés supérieurs il

syndromes vrais très voisins de la dégénérescence originelle

(Magnan, Flechsig). Peut-être, en suivant Flechsig, arrivera-t-on à

trouver le centre des impulsions passionnelles, le centre des appé-

tits, représentés par les nerfs seusitifs, devant être la région senri-

tive du corps située au milieu de l'écorce, et à y découvrir les lésions

palpables de la folie morale, de la criminalité ?

En attendant, comment instituer un traitement ? Il est peu admis

d'accoupler des aliénés et des criminels. Il n'est pas non plus ration-

nel d'installer des asiles spéciaux pour les criminels aliénés. Il

n'est pas encore démontré que le criminel par habitude, soit,

pas plus du reste que le criminel passionnel, un malade. En effet

tout homme possède en lui un élément endogène qui peut en

faire un criminel ou un fou; il faut donc établir à partir de quand

cet élément peut être tenu pour pathologique. Cela suppose une dis-

tinction certaine entre l'élément endogène et le facteur exogène,

ce qui ne peut se démontrer que rarement, car l'élément endogène

n'ayant guère qu'un potentiel moyen, le milieu ne peut, en tout

cas, produire qu'un criminel latent et non manifeste. Tant que ces

desiderata ne seront point remplis, l'hôpital pour criminel est un

non-sens. P. KERavaL.

XXXV. Les idées prépondérantes; par J.-L.-A. KOCH.

(Centralbl. f. Nervenheilk., XIX, N F., vu, 1896.)

A l'état normal, pense Wernicke, et c'est là le mérite de son

observation, l'activité de la pensée s'accompagne d'une certaine

impressionnabilité émotive. Le thème de la conception influence

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 187

l'affectivité; le groupe conceptuel, à raison de telles ou telles circons-

tances, produit soit un vif sentiment de plaisir, soit un vif senti-

ment de déplaisir. Il existe du reste des nuances dans le pouvoir

émotif des conceptions. Déjà, normalement, il y a des conceptions

exagérées qui se laissent difficilement corriger par des conceptions

contraires. Les idées prépondérantes exagérées sont généralement

le fait de souvenirs vivaces de quelque événement ou d'une série

d'événements ayant particulièrement impressionné l'individu. Il en

existe de physiologiques et de pathologiques. Les premières peuvent

cependant naître sur un terrain, soit physiologique soit patholo-

gique. -

Voici des exemples d'idées prépondérantes physiologiques tran-

sitoires ou persistantes nées sur un terrain sain. Telle l'idée d'un

original, d'un inventeur sain d'esprit qui, nuit et jour, occupé à un

problème, en oublie le boire et le manger, son agrément, sa famille,

ses amis. Telle encore celle d'un collectionneur qui court après un

un objet manquant à sa collection. L'idée passionnelle exerçant sur

la pensée une influence incongrue peut être le produit d'une col-

lectivité, d'une famille, d'une race, d'un peuple. Elle peut être le

mobile d'actes qui, quoique non pathologiques , peuvent paraître

punissables ou immoraux. Elle peut donner naissance à des actes

pathologiques ; en ce cas, il faut rechercher si l'individu qui les a

commis n'est pas entaché d'un amoindrissement psychique d'ori-

gine psychopathique. Ce n'est pas toujours facile à déterminer,

notamment lorsqu'il s'agit des manières de voir d'un époque, d'un

mouvement révolutionnaire, etc....

En tout cas; à notre avis, l'idée prédominante pathologique,

qu'elle ait eu pour genèse une conception entachée de dégénéres-

cence ou une conception fixe ordinaire psychotique, germe toujours

sur un terrain préalablement lésé. Wernicke distingue bien les

unes des autres les idées autochtones, les idées prépondérantes,

les obsessions, tout en admettant des transitions; mais, puiqu'il

s'agit d'idées prépondérantes pathologiques, les obsessions, aussi bien

que les conceptions délirantes peuvent devenir des idées prépon-

dérantes, des idées fixes. En revanche, nous ne saurions admettre

que celles-ci soient capables d'engendrer des constructions déli-

rantes complexes solidement assemblées.

La plupart des malades en question ont une tare congénitale

psychopathique, ou sont devenues des dégénérés, de par l'alcool

par exemple. Celui-ci vous raconte que sa femme est devenue infi-

dèle ; celui-là, qu'il a pour frère une personne qui, en réalité, lui

est étrangère . un troisième se figure avoir fait une poésie qui est

de Uhland; tel autre croit avoir pour fiancée une jeune fille qui le

connaît à peine et il accuse quelqu'un de vouloir la débaucher.

Jamais, malgré l'autophilie indéniable du délirant, malgré la

persistance du genre de ses idées morbides quelque peu variables,

188 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

elles ne se souderont eu un système coordonné. Idées prédomi-

nantes par déchéance d'originepsychopathique, ou idées fixes pré-

dominantes rappelant les psychoses circonscrites, purement psycho-

tiques, elles n'ont pas le caractère d'idées systématisées vraies.

Prenant pour exemple, comme l'a fait Wernicke, le délire des

persécutés persécuteurs processifs , M. Koch en admet trois

formes : lo celle des individus dont le psûchê est intact; 2° celle

des dégénérés ou individus ayant subi une déchéance psychopa-

thique. 3° celle des psychotiques, à délire circonscrit. Or ces

derniers méritent, dit-il, en effet une place à part, à côté des déli-

rants systématiques, mais ce ne sont pas des délirants systémati-

sants. Ils ont sans doute une auto-psychose circonscrite, mais ne

possèdent pas, comme le délirant systématiseur vrai, cette conti-

nuelle préoccupation'de tout ramener à leur personne qui sert de

base au délire systématisé. P. KERAVAL.

XXXVI. Deux exemples DE la forme affective DU délire généralisé ;

par le D1' X. FRANCOTTE. (Bull. de la Soc. de med. mentale de

Belgique, septembre 1897.)

L'affection que M. Francotte désigne sous le nom de délire géné-

ralisé (verwirrtheitf confusion mentale) est caractérisée essentielle-

ment par l'abolition ou l'obnubilation de la conscience qui en-

traîne la désorientation, c'est-à-dire la perte de notion du temps,

du lieu, des personnes, etc. Les formes du délire généralisé sont

très nombreuses; on pourra notamment distinguer le délire géné-

ralisé hallucinatoire et le délire généralisé affectif (mélancolique ou

maniaque).

A l'appui de ces considérations l'auteur reproduit, à titre de docu-

ments, deux exemples de la forme affective du délire généralisé :

le premier appartient à la variété expansive, le second à la variété

dépressive : tous deux s'accompagnaient d'hallucinations. H. Dense.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

VIII. Traitement chirurgical du goitre EROPHT11ALtIQUE par M. Jon-

NEsco (de Bucharest). (Presse médicale, 23 octobre 1897.)

De la comparaison des résultats des diverses méthodes de

traitement chirurgical du goitre exuphthalmique, l'auteur tire les

conclusions suivantes :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 159

« 1° Les opérations chirurgicales qui s'adressent au corps

thyroïde, bénignes dans les cas de goitre simple, deviennent très

graves dans le goitre exophtalmique, la mort subite étant très

fréquente. De plus, ces opérations ne donnent de bons résultats que

dans les goitres anciens basedowifiés (faux goitre exopthalmique),

tandis que leur action est nulle ou meurtrière dans les vraies

maladies de Basedow (Moebius).

« 2° Des opérations pratiquées sur le symphatique cervical, la

section simple est et doit être à jamais abandonnée comme irra-

tionnelle et impuissante ; les résections partielles peuvent donner,

à la condition qu'elles soient étendues aux deux premiers gan-

glions, des guérisons durables; la résection totale et bilatérale est

l'opération de choix.

« 3° La bénignité, la facilité et l'efficacité de la résection du

sympathique cervical, dans les cas les plus graves de goitre exoph-

thalmique vrai, comparées à la gravité et à l'efficacité des opérations

thyroïdiennes dans ces mêmes cas, font de la résection du sympa-

thique une opération de choix qu'on doit toujours tenter dans

n'importe quelle forme de goitre exophthalmique ; tandis que la

thyroïdectomie partielle reste une opération de nécessité à laquelle

on n'aura recours que lorsque des symptômes graves (goitre plon-

geant) commanderont une extirpation rapide de la tumeur. »

L'opération préconisée par M. Jonnesco agirait, selon lui, en

supprimant l'excitation permanente du sympathique cervical, cause

des principaux symptômes de la maladie ; la paralysie du muscle

lisse orbitaire interne ferait disparaître l'exophtlialmie ; la dispari-

tion de la tachycardie s'expliquerait aisément, le rôle du sympa-

thique comme nerf accélérateur cardiaque n'étant pas discuté ;

celle du goitre, plus diffeile à expliquer, pourrait être attribuée à la

suppression des nerfs excito-sécreteurs du corps thyroïde dont l'ex-

citation permanente aurait entraîné l'hypertrophie de l'organe et

l'hypersécrétion du suc thyroïdien. Les symptômes accessoires,

tremblement, sensation de chaleur, hyperexcitabilité nerveuse, etc.,

pourraient être sous la dépendance d'une anémie cérébrale perma-

nente, due à l'excitation des nerfs vaso-constricteurs de l'encéphale

contenus dans le sympathique cervical ; la section de ce nerf ferait

disparaître l'anémie cérébrale, et, avec elle, les troubles qui en

dépendent. A. FE-4AYROU.

IX. Un C%S 1)«IIYSTÉRO-LIPILEPSIE traité par l'électricité (guérison) ; par

M. le D Ferrand (Limousin médical, numéro d'avril 1897).

Observation d'un jeune malade atteint d'hystérie-épilepsie depuis

l'âge de treize ans. Après l'échec des diverses médications usitées

en pareil cas, M. Ferrand a eu recours à la suggestion et a soumis

son malade à trois séances d'hypnothérapie. Dès la première

160 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

séance les crises convulsives furent supprimées, mais elles reparu-

rentquelques jours après la cessation de ce traitement; la maladie

il est vrai, s'était sensiblement modifiée ; les crises étaient devenues

moins nombreuses et moins violentes ; un nouvel essai d'hynothé-

rapie ne put aboutir, par suite de l'impossibilité d'endormir le sujet.

Dans le but de faire disparaître l'anesthésie constatée chez son

malade, M. Ferrand a employé l'électricité à courants continus

sans intermittences. Il appliquait pendant un quart d'heure deux

plaques le long de la colonne vertébrale en intervertissant les

pôles toutes les cinq minutes ; puis il enlevait une des plaques, et

la plaçait sur le sternum au niveau du creux épigastrique, en le

faisant glisser insensiblement jusqu'aux clavicules; il administrait

ensuite au malade une douche électrique de dix minutes. Les

séances, d'abord renouvelées tous les deux jours, ont été progres-

sivement espacées; elles n'ont lieu actuellement qu'une fois par

mois. Dès le début de ce traitement, c'est-à-dire depuis près de

six mois, aucune crise ne s'est produite. A. F.

X. SUITE DE l'observation du premier cas DE myxoedème guéri par

l'extrait thyroïdien; par George R. lIIUaIta1' (de Durham).

(Brit. med. Journ., février 1896.)

L'auteur insiste d'abord sur ce fait, que le myxoedème est un

syndrome provenant de la perte de la fonction de la thyroïde qui

peut être provoquée par des causes diverses. Il cite deux cas de

myxoedème l'un dû à une lésion syphilitique de la glande qui guérit

sous l'influence de l'iodure de potassium, l'autre résultant d'actino-

mycose et guéri par l'intervention chirurgicale. '

Aujourd'hui il répond affirmativement à deux questions qui se

posaient en 4891, lorsqu'il institua pour la première fois le traite-

ment de myxoedème par l'extrait thyroïdien. Le myxoedème pent-il

guérir complètement ? Ne peut-il reparaître, même en continuant

le traitement ? 11 cite deux observations de guérisons maintenues

par l'usage constant d'extrait thyroïdien et l'une d'elles se rapporte

la première malade qu'il ait traitée en avi il 1891. Cette dame.

guérie d'abord, avait légèrement rechutée à deux reprise^ en

cessant pour un temps l'extrait thyroïdien, depuis, elle se main-

tient en bonne sauté en en prenant régulièrement. A. V.

XI. UN crétin traité par l'extrait thyroïde ; par le D'' RUSHTON

PAnTaEa.'(Bret. med. journ., février 1896.)

L'auteur, traita une petite fille de six ans qui se trouvait dans un

état avancé de crétinisme par les tablettes d'extrait thyroïde, dont

il augmenta progressivement la dose. Après douze mois de traite-

ment l'amélioration physique et mentale était manifeste. Deux

photographies accompagnent l'observation. A. V.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 161

XII. Cas DE crétinisme sporadique traités par la glande thyroïde;

par le Dr TELFORD SMITII (de Lancaster). (Brit. med. journ.,

juin 1896.)

L'auteur a traité un jeune crétin de six ans trois mois dont un

frère était aussi dans l'état de crétitisme du vraisemblablement à

l'hérédité maternelle, par la glande thyroïde donnée soit à l'état

frais soit en tablette.

En dix mois le succès a été complet tant au point de vue phy-

sique qu'intellectuel. Dans le même numéro du journal, leD''Rai))on

de Manchester, continue l'observation d'un crétin de quatorze ans

dont l'histoire avait déjà été rapportée dans le Buit. med. journ.,

en 1891. A. V.

XIII. Observation CLINIQUE D'UN cas DE psoriasis traité par l'extrait

thyroïdien ; par le D1' 13YRON BRAMWEL (d'Edimbourg). (Brit. me(l.

journ.. mars 1894.)

L'auteur relate une observation d'un cas de psoriasis diffus et

ancien, guéri par l'emploi de l'extrait thyroïdien. Des photogra-

phies montrant le malade avant et après le traitement confirment

cette guérison. Il fait suivre cette communication déconsidérations

intéressantes sur la'préférence qu'il accorde aux tablettes solides

sur les préparations liquides d'extrait thyroïdien, sur l'action de

cet extrait, sur l'épiderme et il insiste aussi sur un point que le

séjour au lit, dans un hôpital, favorise beaucoup l'action du trai-

tement en évitant aux malades les changements de température et

les écarts de régime. Le même médecin publie dans le Br'it. 7He ?

]ourn., avril 1894, des cas de lupus et d'ichtyosis traités et guéris

par l'extrait thyroïdien. Des photographies prises aux différentes

périodes de traitement accompagnent le texte. A. V.

XIV. DISCUSSION SUR LE traitement DES maladies NERVEUSES ET mes-

tales par les extraits organiques. (.8 ? ? med. journ., 26 sep-

tembre 1896.)

Le Dr Alexandre Robertson a expérimenté la cervelle fraîche de

mouton, la cérébrine, l'extrait thyroïde, liquide de Brown-Sequard

et thymus. Ses conclusions sont que la myéline et la cérébrine sont

des stimulants du système nerveux qui peuvent agir dans certains

états morbides. Son plus grand succès a été une amélioration d'un

cas de démence avec hésitation de la parole, tremblement des

mains et faiblesse des jambes. Dans les autres cas aucun change-

ment durable ne s'est manifesté. Les extraits de glande thyroïde

lui parait devoir être plus active bien que ses expériences aient été

limitées à trois chroniques qui n'ont pas été améliorés.

Archives, 20 série, t. V. ` 11

162 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Il n'a obtenu aucun succès avec l'extrait de testicule. Le D1' Far-

.0-Uliai-soii a expérimenté l'extrait thyroïdien sur 13 malades

(5 maniaques, 7 mélancoliques, 1 dément) pris dans les conditions

les plus favorables à la réussite du traitement. Ils prenaient

jusqu'à 3 gr. 25 d'extrait thyroïdien, ils étaient couchés pendant le

traitement, d'une durée moyenne de huit jours. On constata les

- changements physiques ; ascension de la température, rapidité et

faiblesse du pouls, nausées, moiteur de la peau et perte de poids.

Les changements de l'état mental furent manifestes : un déprimé

devint plus actif, d'autres plus émotionnables ou plus excités et vio-

lents ; quelques-uns enfin, ne furent pas modifiés, mais d'une

façon générale les modifications tant physiques que mentales ne

persistèrentpas trois mois après la cessation du traitement. Certains

états de stupeur et de dépression se trouvèrent au contraire aggra-

vés. En résumé ces expériences de traitement par glande thyroïde,

bien que faites dans les meilleures conditions, n'ont pas donné de

résultais satisfaisants. Le Dr Macphail n'a obtenu aucun résultat

sérieux de l'emploi de la cervelle et du thymus. Il n'en est pas de

même de la glande thyroïde dont il a expérimenté les tablettes sur

50 malades, et qu'il considère comme un médicament actif. A son

avis on ne doit pas ranger un malade parmi les chroniques avant

d'avoir essayé sur lui l'action du suc thyroïdien.

Le 0'' Bruce a expérimenté la cervelle qu'il considère comme

un aliment plutôt que comme un médicament ; il n'a vu aucune

amélioration d'un état mental produit par l'emploi de tablettes

d'ovaire, de testicule, de glandes surrénales. Toujours les examens

du sang et les tracés du pouls ont donné des résultats négatifs.

L'extrait thyroïde au contraire a une action indiscutable et si le

pourcentage des guérisons diminue, c'est que les cas susceptibles

d'être traités de cette façon l'ont déjà été. Il regarde la glande

thyroïde comme un médicament de grande valeur surtout dans les

cas de stupeur, de folie puerpérale et climatérique tendant à la

chronicité. On peut s'en servir pour distinguer la stupeur de la

démence et pronostiquer l'incurabilité.

Le Dr Clouston apporte une observation d'un cas de manie juvé-

nile traitée sans succès par les remèdes ordinaires et guérie radica-

lement par l'emploi de la glande thyroïde. Pour lui, négliger ce

remède dans certains cas de folie, c'est ne pas faire profiter son

malade de toutes les chances possibles de guérison. A. V.

XV. Discussion SUR L\ paralysie générale, les soins hygiéniques ET

ùLLDICUx A DONNER A CETTE MALADIE DANS LES ASILES. BT2E. med.

joui-n., 26 septembre 1896.)

La discussion a été limitée à ces différents points : quel traite-

ment doit subir le paralytique général pendant la période initiale

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 163

d'excitation de sa maladie, comment éviter les accidents et les

fractures ? 2° durant la période de calme, comment est-il main-

tenu propre ? 3° doit-il, à cette période, suivre un régime spécial

afin d'éviter un embonpoint excessif lorsqu'il devra s'aliter ?

4° quels sont les meilleurs sédatifs permettant de le diriger pen-

dant le cours de la maladie ? 5° doit-on se servir de l'isolement ?

6° comment éviter les eschares à la période ultime de l'alitement ? * ?

Le traitement le plus intéressant et qui prêta le plus à la discus-

sion fut celui, que le Dol Clouston déclare faire suivre à ses paraly-

tiques généraux à la première période. Il les isole et leur fait

prendre du sulfonal à hautes doses (1 à 2 grammes) dans du lait.

Après le premier jour le malade est comme ivre, le troisième jour

il est dans une sorte de coma léger et la dose est diminuée. Après

une dizaine de jours de ce traitement le malade passe directement

de la période d'excitation dans celle de calme. Le Dr Campbell

Clarke considère ce traitement comme présentant un certain dan-

ger et le Dr Jellowlus le désapprouve complètement. A. V.

XVI. UN CRÉTIN GOITREUX TRAITÉ PAR L'EXTRAIT THYROÏDIENS; par

W. Rurshton PARTHER (de Keudal). (Brit. ined. jourzz.,

juin 1896.)

L'auteur considère ce cas comme intéressant à cause de la rareté

des crétins goitreux dans le pays par rapport aux crétins non por-

teurs de goitre et à cause de la présence de pseudo-lipomes. Il

pense que la division des crétins en sporadiques et endémiques est

inutile, et il a constaté que les bénéfices du traitement sur ce cré-

tin de dix-huit ans ne sont pas comparables à ceux que l'on obtient

à un âge moins avancé. Trois photographies accompagnent l'ob-

servation détaillée.

XVII. QUELQUES remarques SUR LE rapport entre la syphilis ET LE

TABES ET SUR LE TRAITEMENT DE CETTE DHRNIÈHE AFFECTION; par

E.-A. liomEN. (Finiska Lakaresallikapets lanllingar, novem-

bre 1897.)

L'influence de la syphilis comme cause prédisposante au tabès

paraissant démontrée par les abondantes données statistiques

recueillies surtout pendant les dix dernières années, l'auteur pense

qu'il importe de rechercher dans quelle mesure la nature des

antécédents syphilitiques et les conditions du traitement de cette

affection jouent un rôle dans l'étiologie du tabès.

Dans les 47 cas de tabès que l'auteur a traités dans les neuf der-

nières années, il s'est enquis avec soin du traitement anlisyphi-

htique antérieurement subi par les malades. Il a constaté avec

certitude, dans 7 cas, un chancre mou; dans 32 cas, c'est-à-dire

164 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

68 p. 100, une syphilis généralement légère. Dans ces 32 cas, 'i

l'exception d'un seul, le traitement antisyphilitique avait été tout

à fait insuffisant et, dans quelques cas, très tardif. Ces chiffres con-

firment ainsi pour leur part l'opinion, exprimée entre autres par

Fournier, qu'un traitement insuffisant ou tardif de la syphilis pré-

~dispose, ainsi qu'aux affections syphilitiques directes du système

nerveux, aussi à des affections post ou parasyphilitiques comme

le tabes. Quant aux méthodes physiques de traitement du tabès,

l'expérience acquise par l'auteur le porterait à donner la préfé-

rence à la gymnastique passive combinée avec des exercices coor-

dinatoires.

XVIII. SUR un cas DE syphilis cérébrale énergiquement traité avec

LE MERCURE, suivi DE névrite mercurielle ET de GUÉRISON; par le

Dr W. Krauss.

Les cas de méningo-encéphalite spécifique sont, parmi les cas

de syphilis cérébrale, les plus susceptibles de guérison, à la condi-

tion que les antisyphilitiques soient donnés, s'il est nécessaire,

jusqu'à l'intoxication. L'observation rapportée en est un exemple.

Il s'agit d'une syphilitique de vingt-sept ans, atteinte de méningo-

encéphalite spécifique et dont l'état était considéré comme déses-

péré. Des injections hypodermiques furent faites chaque jour pen-

dant dix jours à la dose de Ogr. 07 de bichlorure en même temps

que des frictions avec de l'oxyde jaune aux plis du coude et du

genou. L'amélioration fut rapide, mais des symptômes de névrite

toxique apparurent aux coudes et extrémités de membres supé-

rieurs, précisément au siège des frictions mercurielles.

Ces névrites toxiques disparurent rapidement avec la cessation

du traitement mercuriel, et la malade put sortir guérie, tout au

moins de la manifestation syphilitique actuelle. (Tite alienist and

neurologist, janvier 1897.) E. B.

XIX. RÉSECTION bilatérale du sympathique cervical dans UN cas DE

GOITRE Ex01'HTHAL311QUE; par MM. Chauffard et Quénu. (Presse

médicale, 3 juillet 1897.)

Il s'agit d'un hystérique de vingt-quatre ans, atteint d'un goitre

exophthalmique typique, accompagné de tous les symptômes cli-

niques et sur qui M. Quénu a pratiqué la résection bilatérale du

ganglion cervical supérieur du grand sympathique et du tronçon

nerveux sur une longueur d'environ quatre centimètres. Aucun

trouble vaso-moteur ne s'est manifesté après l'opération, du côté

de l'oreille ou de la joue, mais il s'est produit un myosis qui a duré

deux jours.

Au point de vue thérapeutique les résultats obtenus n'ont pas

sociétés savantes. 163

été démonstratifs. Au moment même de l'opération et les jours

suivants, on a noté des troubles cardiaques, une aggravation de la

tachycardie et l'apparition d'arythmie. Au bout de quelques jours,

tout est renlré à peu près dans l'ordre ; le malade est revenu à ses

100 à 110 pulsations, mais avec des rechutes de tachycardie.

Le goitre a été bien peu modifié : la circonférence du cou, qui

était de 38 centimètres avant l'opération a varié ensuite entre 37

et 36,5. La diminution de l'exophthalmie a été minime, si même

elle s'est produite.

En somme, le bénéfice obtenu a été à peu près nul ; on peut

même se demander si le malade n'a pas plutôt souffert que profité

de l'opération puisque, après elle, son poids a baissé de trois kilo-

grammes dans l'espace de deux mois. Le décès du malade par suite

d'un empoisonnement accidentel par la digitaline, est venu inter-

rompre brusquement son observation. A. FENAYRou.

XX. La PONCTION lombaire dans L\ MÉNINGITE tuberculeuse;

par M. A.-B. MAAFAN. (Presse médicale, 8 septembre 1897.)

La valeur curative de cette opération dans la méningite tubercu-

leuse est nulle ; son action paliative est très médiocre et incons-

tante ; néanmoins, on pourra la pratiquer en raison de sa facilité

relative et de son innocuité presque complète. Elle est surtout

indiquée quand il existe des signes de compression cérébrale, c'est-

à-dire quand on trouve associés la tendance au coma, l'hypother-

mie, l'insensibilité, la résolution musculaire et la dilatalion des

pupilles. Rarement la ponction lombaire fournit des renseigne-

ments décisifs pour le diagnostic. A. FsNAYRou.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Dans la séance publique annuelle que la Société a tenue, le 22 oc-

tobre 1897, les discours suivants ont été prononcés par :

i" M. SC31ATALOFF. Le rôle de l'inconscient dans la vie humaine;

2° M. MOURAVIEFF. De l'origine de la parole ;

3° M. J. Rossolimo. La peur et l'éducation.

166 SOCIÉTÉS savantes.

Séance du 22 novembre 1897.

MM. PRIBYTKOFF et Werziloff présentent un malade atteint

d'héinalomyélie centrale.

Le malade, âgé de dix-huit ans, paysan, sans antécédents héré-

ditaires ni personnels, fut brusquement frappé, le S3 mai 1897, au

moment où il déployait un très grand effort musculaire pour

retenir son cheval emballé, d'une paralysie des deux membres

supérieurs. Quelques minutes plus tard, la paralysie gagna les

muscles du tronc et la jambe droite ; en même temps, parésie de

la jambe gauche, rétention complète d'urine qui dura deux à trois

jours, et constipation opiniâtre. Au bout de huit ou quinze jour-,

survint une amélioration lente et progressive, de sorte que, vers le

l01' juillet, le malade était déjà capable de bien marcher, de lever

les bras et de plier les coudes. Mais déjà à cette mène époque,

l'atrophie des petits muscles de la main était bien prononcée des

deux côtés. Cette atrophie ne fit que progresser dans la suite.

A l'examen actuel, on constate que les mouvements des doigts

et des poignets sont faibles et limités des deux côtés ; il existe une

atrophie dégénérative des petits muscles de la main, des exten-

seurs et en partie même des fléchisseurs des avant-bras. Pas d'atro-

phie ni de parésie dans les muscles du troue et des membres infé-

rieurs. En outre, ou trouve une analgésie et une thermoanesthésie

complète à la moitié gauche de la poitrine et du dos, dans l'espace

compris entre le bord inférieur de la cage, thoracique, en bas, et

la ligne qui passe parle mamelon et le'bord supérieur de l'omo-

plate, en haut. Dans toute la moitié gauche du corps, la sensibilité

douloureuse et thermique est du reste très abaissée, de même que

du côté droit du corps, à partir de la ligne mamellaire et plus bas

(y compris la jambe), bien que, dans un degré plus faible; une

certaine diminution de la sensibilité a été constatée pendant un

moment du côté cubital des deux mains, dans la région du nerf

cutané moyen. La pupille droite est plus large que la pupille

gauche ; la réaction pour la lumière est normale. Les' réflexes

patellaires sont très exagérés ; phénomène du pied à gauche.

1111. PmuYrbor.r Werziloff admettent dans ce cas une hémorrha-

gie dans la substance grise de la moelle, ayant intéressé les cornes

'antérieures et postérieures d'une façon inégale des deux côtés.

L'hématomyélie est localisée au niveau du 8 segment cervical et

du le, dorsal.

M. le professeur 110JEWN11101·1 attire l'attention sur la pureté du

cas de MM. P... et W... et croit à l'étendue considérable de l'hémor-

rhagie le long de la moelle.

M. S. OttLovsE). Sarcomatose de la moelle épinière et syringomye-

sociétés savantes. 167 Î

lie. Contribution à la pathologie de la formation des cavités dans la

moelle épinière.

Il s'agit d'une fillette de quatorze ans, dont l'affection débuta en

octobre 1895 par des douleurs légères dans le dos, suivies bientôt

d'une faiblesse progressive des jambes. Au mois de décembre, la

jambe droite était déjà complètement paralysée, tandis que la

jambe gauche n'était que fortement parésiée.

A l'examen du 18 janvier 1896, époque de la rentrée de la malade

à la clinique des maladies nerveuses, on a constaté : paraplégie

inférieure complète; atrophie des muscles correspondants avec

abolition de l'excitabilité électrique des muscles extenseurs et

adducteurs des cuisses; abolition des réflexes patellaires; exagéra-

tion du réflexe du tendon d'Achille (trépidation spinale du côté

gauche) ; anesthésie du tronc à partir de la ligne qui passe en

arrière, au niveau de la 9° vertèbre dorsale, en avant à 4 travers

de doigt au-dessus de l'ombilic ; celte anasthésie s'étend aux deux

jambes, à l'exclusion de la face postérieure des cuisses et de la face

externe des jambes (zone de distribution du plexus sacré) ; au-

dessus de la limite supérieure précitée de l'anesthésie se trouve une

bande étroite d'hypéresthésie ; rétention d'urine; constipation; la

moitié supérieure du corps est normale.

Evolution de la maladie. La maladie progresse lentement,

mais continuellement. L'anesthésie s'étend au domaine des nerfs

sacrés et aux régions plus élevées du tronc ; des décubitus se

déclarent en même temps qu'un tremblement des mains, rappe-

lant le tremblement c intentionnel », et le nystagmus. Au mois de

septembre, l'anesthésie gagne les membres supérieurs, en même

temps qu'on remarque une parésie des mains et des muscles du

tronc. An mois de novembre apparaissent,'des symptômes bulbaires

et des phénomènes de septicémie. La malade succombe le 18 dé-

cembre 1896.

A l'autopsie on trouve à l'intérieur de la colonne vertébrale une

tumeur sarcomateuse, ayant pour point de départ, selon toute vrai-

semblance, les méninges spinales (endothéliome). La tumeur a

détruit la partie inférieure de la moelle épinière, et, au niveau des

deux dernières vertèbres dorsales et de la première lombaire, elle

est sortie à la surface externe de la colonne vertébrale, après

avoir détruit la dure-mère et l'appareil ligamentaire. La tumeur

est très riche en vaisseaux, en partie oblitérés, en partie ayant

subi une dégénération hyaline et athéromateuse. Au niveau de la

9° racine dorsale la tumeur se dédouble et se dirige en haut dans

deux directions distinctes. La masse principale de la tumeur s'en

va dans l'espace subdurale, de façon à étrangler la moelle comme

dans une gaine qui s'enfonce par endroits dans l'intérieur même

de la substance médullaire, s'amincit à mesure qu'elle remonte,

s'épaissit de nouveau à la hauteur du renflement cervical, pour se

168 SOCIÉTÉS SAVANTES.

perdre définitivement au voisinage de la décussation des pyra-

mides. Une autre partie de la tumeur s'enfonce directement dans

la partie centrale de la moelle où elle forme une colonne nette-

ment délimitée, pourvue d'une cavité centrale, tapissée d'un tissu

connectif. Au niveau de la région dorsale supérieure, la tumeur

) centrale et la cavité se séparent l'une de l'autre : celle-là apparait

comme une tache bien distincte dans le cordon de Burdach du

côté droit; celle-ci (c'est-à-dire la cavité), entourée du tissu névro-

glique hyperplasié, se cantonne dans le cordon postérieur du côté

gauche. On découvre en outre une autre cavité, n'ayant aucun rapport

apparent avec la tumeur, localisée dans la partie centrale de la

région cervicale supérieure et développée également au milieu

d'une gliomatose (hyperplasie de la névroglie), laquelle s'étend

même plus bas sous forme de tache dans le cordon postérieur.

Les deux cavités n'ont pas de revêtement endothélial et ne parais-

sent pas être en rapport avec le canal central. Celui-ci, grâce à la

formation de diverticules, se divise souvent en deux et même plu-

sieurs cavités (ainsi au niveau du renflement cervical on compte

6 et même 7 cavités).

Dans le bulbe, on trouve un ramollissement très prononcé (jus-

qu'à la liquéfaction) ; dans la pie-mère du cerveau et du cervelet

de petites métastases de la tumeur sarcomateuse. Pas d'autres

métastases dans les autres organes internes.

En résumé, les particularités intéressantes du cas actuel sont :

1° l'altération extrêmement prononcée des vaisseaux (oblitération,

dégénération hyaline et athéromateuse) et 2° la façon dont la

tumeur se comporte vis-à-vis de la substance médullaire qu'elle a

détruite même dans les endroits où les méninges correspondantes

ne sont guère touchées. On peut supposer avec raison que la cavité

inférieure n'est pas due à la désagrégation de la tumeur, mais

qu'elle a existé avant l'irruption dans ses parois des éléments néo-

plasiques. Quant à la cavité supérieure, c'est de la syringomyélie,

consécutive à la gliomatose médullaire ; un rôle important a été

joué dans la formation de ses parois par les vaisseaux oblitérés,

transformés en bandes de tissu connectif.

Les deux processus pathologiques qu'on observe simultanément

dans ce cas, notamment la gliomatose avec syringomyélie, et la

sarcomatose, ne doivent pas être considérés comme une coïnci-

dence fortuite, d'autant plus que l'existence simultanée de tumeurs

et de cavités dans la moelle a été, à maintes reprises, notée dans la

littérature. La tumeur ayant évolué dans les méninges et dans la

substance médullaire même, a provoqué une hypérémie (stase

sanguine) considérable ; cette hypérémie a déterminé une hyper-

plasie de la névroglie, qui, à son tour, a donné naissance à la for-

mation des cavités.

Cette observation semble donc confirmer la théorie de Langhans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 169

et Kronthal sur l'origine hypérémique de la syringomyélie. Cette

théorie est juste pour une certaine catégorie de cas de syringo-

myélie, et notamment dans les cas où ii s'agit d'une compression

médullaire, occasionnée par des tumeurs ou par d'autres facteurs

agissant dans le même sens. Le mécanisme en vertu duquel l'hypé-

rémie (stase) mène à la syringomyélie n'est pas encore bien élu-

cidé ; en tous cas, l'intervention du canal central dans ce processus

n'est pas obligatoire, bien que Langhans, Kronthal et Schlesinger

affirment le contraire. La communication de M. Orlovski a été

accompagnée de démonstrations des préparations microscopiques

et de projections électriques.

Dans la discussion, M. Mouratow fait remarquer que la nature des

cellules, dont est constituée la paroi de la cavité localisée dans la

partie supérieure de la moelle, ne lui parait pas suffisamment

faire. D'après son avis, qu'il partage avec le Dr Korniloff, cette

observation ne confirme ni infirme la théorie de Langhans et de

Kronthal.

M. Mourawieff croit que la sarcomatose et la gliomatose dans

cette observation sont des processus d'origine congénitale et que le

cas de M. Orlovski peut être cité à l'appui de la théorie embryon-

naire de la syringomyélie (gliomatose),

MM. Weidenhamer, KOJENNIAOW etRossoLluO prennent également

part à la discussion.

M. P. STRIELTZOw. Contribution à la casuistique des corps étrangers

dans l'estomac des aliénés.

L'auteur relate le cas d'un mélancolique qui avala une pince

casse-noisette en fer, d'environ 150 grammes de poids, sans aucune

conséquence fâcheuse pour sa santé. Deux ans plus tard, une des

deux branches de la pince se fraya chemin à travers la paroi

gauche de la cage thoracique et fut extraite après incision des

téguments externes ; l'autre branche fut extraite de l'estomac à

travers la même fistule. Les deux branches furent trouvées^forte-

ment entamées et usées; la charnière n'existait pas et ne put être

trouvée. - MM. Rupm.N, JAKOWENKO, Korsakoff et Pribytkoff citent

des cas analogues.

Asiles d'aliénés. Marseille et Aix. Le concours pour quatre

places d'interne et deux places d'externe s'est terminé par les

nominations suivantes : Internes : MM. Plai ? nard, Flaissières,

Fornari, Colonihani et Jean ; ;Ea;te)'7 ! 6S : MM. Bensussan et Pauzier.

Saint-Y lie près Dôle (Jura). Demande d'interne : L4 inscriptions;

traitement 800 francs, logement, nourriture, chauffage, éclairage

et blanchissage. S'adresser à M. le Dr Sizeray, médecin-directeur

de l'asile.

170 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

Séance du 10 janvier 1898.

L'Académie a procédé à la distribution des prix dont elle dis-

pose et propose des sujets de prix à décerner. Nous ne relevons

que ceux qui ont trait à la Neurologie.

Prix L : r.Lo nru. La Commission partage le prix entre M. Henri

Meunier pour son étude surle Rôle du système nerveux dans l'infec-

lion de l'appareil pulmonaire, et M. Gustave Durante pour son étude

sur les Dégénérescences secondaires du système nerveux. Des men-

lions honorables sont accordées à M. Voisin pour son travail Sur

l'épilepsie; à MM. Onuf et Collins, pour leur ouvrage portant pour

épigraphe : Impai-iaiiio ancoi,(t,- à M. A. Mercier, auteur d'une bro-

chure Sur la diminution du poids du cerveau dans la paralysie géné-

rale, et d'un autre travail intitulé : Les coupes du système nerveux

central.

Programme des prix proposés pour les années 1898, 1899 et 1900.

Prix ALLEMAND. Ce prix annuel, d'une valeur de dix-huit cents

francs, est destiné à « récompenser ou encourager les travaux rela-

tifs au système nerveux, dans la plus large acception des mots ».

Les travaux destinés au concours devront être envoyés au Secréta-

riat de l'Institut avant le 1"' juin de chaque année.

Prix POURAT (question proposée pour l'année 1898). L'Aca-

démie rappelle qu'elle a mis au concours, pour l'aunée 1898, la

question suivante : Innervation motrice de l'estomac. Le prix est de

quatorze cents francs. Les mémoires seront reçus au Secrétariat de

l'Institut jusqu'au 1er juin 1898.

Paix Pourat (question proposée pour l'année 1899). La ques-

tion mise au concours pour le prix Pourat, en 1899, est la suivante :

Des caractères spécifiques de la contraction des différents muscles.

Voici le relevé des communications faites durant le premier

semestre à l'Académie des sciences, relatives au système nerveux :

Recherches sur l'histologie de la cellule nerveuse, avec quelques consi-

dët'< : t(MKSp/tt/MO<06f ! </uM, par G. Marinesco; Les nerfs du COEM)' cl

la glande thyroïde, par E. de Cyon; Sur quelques localisations de

la morphine dans l'organisme, par A. Antheaume et A. llonueyrat;

Les troubles physiologiques et trophiques dus aux rayons X, par

Destor ; -Influence des différents processus psychiques sur la pression

du sang chez l'homme, par Binet et Vaschide; -Période réfractaire

dans les centres nerveux, par A. Broca et Ch. Richet (trois commu-

BIBLIOGRAPHIE. 1-il

nications) ; -Démonstration de l'existence de nerfs vaso-sensitifs

régulateurs de la pression sanguine, par Delezenne; Action de la

bile et des sels biliaires sur le système nerveux, par Bickel ; Sur

l'application de la photographie ci l'enregistrement des effluves qui se

dégagent des êtres vivant à l'état normal et pathologique, par Charrin

et Nittis; De l'influence de la section de la moelle épinière, dans

sa région cervicale, sur la réplétion du coeur paralysé par l'électri-

sation, par Prévost et Radzikowski; Troubles trophiques consé-

cutifs à la section des racines postérieures médullaires, par J.-P.

Morat ; De l'influence du sommeil hypnotique sur les gastralgies

du tabes dorsal, par SpaUhowslcy; Expériences sur l'excitation

des nerfs par les rayons électriques, par Danilewsky.

BIBLIOGRAPHIE.

IV. Archives d'anthropologie criminelle et de psychologie normale et

pathologique ; D'6 Lacassagne et Tarde (année. 1897).

1. Les médecins experts et les erreurs judiciaires ; par A. Lacassagne.

Les préoccupations de l'opinion sont depuis plusieurs mois aux

erreurs judiciaires. Nos temps ne sont pas bien différents des autres,

et il y a toujours eu trop de ces erreurs, assurément. Mais si

nous pouvons douter, en face de certains entraînements, que le

besoin de justice soit plus vif qu'autrefois, nous savons du moins

que l'on supporte moins aisément les condamnations prononcées

sans preuves certaines. On s'irrite surtout et à bon droil, lorsque

des magistrats montrent de l'obstination à ne pas* reconnaître leurs

fautes, au lieu de s'empresser de les réparer. La seule excuse

possible à des actes qui outragent la conscience, c'est en effet

l'absolue bonne foi. L'infaillibilité, personne ne la possède. La

bonne foi indiscutée, voilà donc le premier fondement de l'autorité

morale des juges.

Combien donc M. Lacassagne a raison de raconter sans réticence

les nombreuses causes d'erreur à éviter dans les expertises médico-

légales, et les fautes que commettent des médecins mal préparés,

précipités dans leurs jugements ou qui laissent trop facilement

engager leur responsabilité dans des questions qui échappent à

leur compétence ! Voici, en exemples, des cas qu'il cite : un Italien

meurt dans un hôpital à la suite d'une rixe. L'expert, chargé de

l'autopsie, décrit une lésion de la fosse iliaque résultant- d'une

incision chirurgicate, comme cause de la mort. Or, la victime-avait

172 BIBLIOGRAPHIE.

été tuée d'un coup de couteau à la région lombaire. L'expert n'avait

pas retourné le cadavre. Une fille mère, étant allée chercher son

enfant en nourrice, le ramène mort. Le médecin appelé déclare

que cet enfant a succombé à une entérite et que son intestin est

plein de matières diarrhéiques. , Chargé d'une contre-expertise, le

D1' Coutagne reconnait tout d'abord que l'estomac et l'intestin n'ont

même pas été ouverts. Dans l'intestin se trouvaient des baies

toxiques du taminier que la mère avait données à son enfant le

long de la route. ,

Une jeune fille, suspectée d'être la mère d'un nouveau-né dont

on vient de trouver le cadavre, est confiée à l'examen d'un premier

médecin. Celui-ci déclare qu'elle vient d'accoucher. Elle proteste.

Un second médecin affirme qu'elle est vierge. Le juge commet un

troisième expert. Celui-ci la reconnaît enceinte de six mois. Quel-

ques jours après elle accouche en prison d'un enfant à terme.

Combien est épineux en particulier l'examen des petites filles se

disant victimes d'attentats à la pudeur ! Et que de gens injuste-

ment condamnés sur la dénonciation de gamines perverses ! Tous

les médecins susceptibles de remplir le rôle d'experts ne doivent

pas se départir de ces règles : 1° douter, douter même en dépit de

certaines évidences ; 2° ne pas se fier aux apparences, surtout

lorsqu'elles se montrent sous les dehors de la simplicité ; 3° regarder

longtemps, même après qu'on croit avoir bien vu ; 4° éviter les

théories et se méfier de l'imagination ; 5° avoir toujours présent à

l'esprit l'aphorisme ancien : tota medicina pruderztia est, etc.

M. Lacassagne pour conclure demande avec toute raison : 1° que

les experts soient des spécialistes, exercés uniquement eu vue des

expertises à faire, des professionnels en un mot, ayant chacun un

département judiciaire ; 2° que pour tous cas d'urgence les méde-

cins aient à remplir des feuilles médico-légales, qui leur seraient

distribuées et leur serviraient de guides ; 3° qu'enfin les rapports

d'experts soient soumis à un conseil médical institué près de chaque

Cour d'appel.

2. L'affaire de la rue Tavernier. Strangulation par les mains ou

suffocation; par A. Lacassagne.

Il s'agit de cet homme trouvé mort dans une malle appartenant

à sa maîtresse et dans la chambre même de celle-ci. M. Lacassagne

est parvenu à démontrer qu'il avait été fourré dans la malle avec

quelque violence et que même, étant déjà dans la malle, étalé sur

le dos, on l'avait fortement serré au cou. Son cadavre, en effet,

présentait des ecchymoses au cou, aux parties saillantes symétri-

ques et aux flancs, ainsi que les taches rougeâtres appelées lividités

cadavériques, dans toute la région du dos. La circulation arrêtée,

le sang s'agglomère dans les parties les plus basses et y forme ces

taches qui, après sept ou huit heures, ne se déplacent plus. Devant

VARIA. 173

ces constatations, la maîtresse incriminée a dû reconnaître au

moins que c'est elle-même qui avait fermé le couvercle de la malle

sur son amant, et qu'ayant ouvert celle -ci seulement le lendemain

elle avait retourné le cadavre dans la position accroupie dans

laquelle on l'avait trouvé, pour faire croire qu'il était de lui-même

entré dans la malle.

Les magistrats ont éprouvé bien des hésitations devant les

mobiles de sa conduite. Elle n'était pas maîtresse, chez elle, car

elle vivait avec un autre amant, et c'est l'arrivée de celui-ci qui

l'avait sans doute déterminée à se débarrasser coûte que coûte,

dans un mouvement affolé, de l'autre qui, lui-même menacé d'être

surpris, n'a pas opposé grande résistance. Toujours est-il qu'elle a

été condamnée seulement à un an de prison pour blessures ayant

involontairement occasionné la mort.

(A suivre.) IABORO\\'SIi1'.

VARIA.

Quartiers d'aliénés DE Bicétre et de la Salpêtrière.

Mise à la retraite de M. le D1' Falret. Concours pour une place de

iiédecinalidi21ste. Par un arrêté en date du 27 novembre 1897,

M. le Préfet de la Seine vient, sur la proposition du directeur de

l'Assistance publique et l'avis conforme du Conseil de surveillance de

celte administration, de décider que M. le D· Falret, médecin du ser-

vice des aliénés de l'hospice de la Salpêtrière, serait, pour raison

d'âge, relevé de ses fonctions à partir du 1 ? janvier 1898. Par suite

de cette retraite et des mouvements qui en ont été la conséquence

parmi le personnel des médecins aliénistes de Bicêtre et de la

Salpêtrière, l'administration de l'Assistance publique ouvrira le

5 mai un concours pour une place de médecin adjoint (ou mieux

suppléant), du service des aliénés à l'hospice de Bicêtre. M. le

Dr A. Voisin, à la suite d'une décision de la même administration,

se retirera dans deux ans. Le départ de M. Falret a eu pour con-

séquence le passage de M. le Dr Charpentier de Bicêtre à la Satpê-

trière, la nomination de M. le Dr J. Se-las, médecin suppléant de

la Salpêtrière comme médecin titulaire de Bicêtre et le passage de

M. le Dr Chaslin, médecin suppléant de Bicêtre, au même titre à

la Salpêtrière. La place mise au concours est donc celle de

médecin suppléant résidant à Bicêtre. Ce médecin est chargé de

parer aux accidents qui pourront survenir dans la maison, de soi-

gner le personnel et de remplacer, en cas d'absence, les médecins

de la division des aliénés.

174 varia.

REVISION DES articles 3 ET 5 DE l'arrêté du 3 JUILLET 1880, relatif

au CONCOURS pour LES places DE médecin adjoint DU SERVICE DES

aliénés dans LES quartiers d'hospice DE Bicêtre ET DE la SALPÈ-

trière.

Le Préfet de la Seine : Vu la loi du 30 juin 1838, article 7, et l'or-

donnance du 18 novembre 1889, article 11, § 3; ensemble les dé-

crets de décentralisation administrative du 25 mars 1852 et 9 jan-

vier 1861; vu la loi du 10 janvier 1849, articles 1 et 5, § 10; vu

l'arrêté préfectoral du 9 juillet 1880, portant organisation du

concours pour la nomination aux places de médecin adjoint du

service des aliénés dans les quartiers d'hospice de Bicêtre et de ia

Salpêtrière ; vu le rapport par lequel le Directeur de l'administra-

tion générale de l'Assistance publique propose de reviser :

10 L'article 3 du susdit arrêté relatif aux conditions exigées des

candidats pour pouvoir être inscrits à ce concours, de manière à

rendre ces conditions égales pour les candidats anciens internes des

asiles publics d'aliénés de la Seine;

2° L'article 5, qui détermine la composition et le mode de for-

mation du jury, de manière à limiter dans ce jury le nombre des

membres pris parmi les médecins des asiles publics d'aliénés de

la Se ? ne; - Vu les délibérations conformes du Conseil de sur-

veillance de l'Assistance publique en date du 28 octobre 1897 et

du 23 décembre 1897, le secrétaire général de la préfecture en-

tendu, arrête :

Article premier. Les articles 3 et 5 de l'arrêté préfectoral du

6 juillet 1890, portant organisation du concours pour la nomina-

tion aux places de médecin adjoint du service des aliénés dans les

quartiers d'hospice de Bicêtre et de la Salpêtrière, sont revisés ainsi

qu'il suit, savoir :

« ART. 3.-Seront admis à concourir les candidats préalablement

inscrits par l'administration qui réuniront les conditions suivantes :

1° la qualité de Français; 2" vingt-huit ans d'âge; 3° cinq années

de doctorat. Pour les candidats ayant été internes en médecine

dans les hôpitaux et hospices de Paris ou dans les asiles publics

d'aliénés de la Seine, les années d'internat seront comptées comme

années de doctorat.

4 ART. 5. Le jury du concours sera composé de sept membre*,

savoir : trois membres tirés au sort parmi les médecins aliénistes

chefs de service des hôpitaux et hospices, en exercice ou honoraires;

un membre tiré au sort parmi les médecins chefs de service des

asiles publics d'aliénés de la Seine, en exercice ou honoraires, et le

médecin du bureau d'admission de Sainte-Anne; trois membres

tirés au sort parmi les médecins chefs de service des hôpitaux en

exercice ou honoraires.

« Les médecins chefs de service des asiles publics d'aliénés de la

FAITS DIVERS. 175

Seine en exercice et le médecin du bureau d'admission de l'Asile

clinique de Sainte-Anne. ne pourront être portés sur la liste des

membres parmi lesquels devra être tiré le jury du concours

qu'après cinq années d'exercice.

« Le tirage au sort aura lieu dans la forme usitée pour les concours

des médecins des hôpitaux, en présence de deux membres du

Conseil de surveillance de l'administration de l'Assistance publique

et de deux membres de la Commission de surveillance des asiles

publics d'aliénés de la Seine. »

ART. 2. Le secrétaire général de la préfecture et le directeur

de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris sont

chargés, chacun en ce qui les concerne, de l'exécution du présent

arrêté. Fait à Paris, le 18 janvier 1898. Signé : J. de Selves.

FAITS DIVERS. .

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations .' M. le D1' Sizaret,

médecin adjoint de l'asile de la Roche-Gandon est nommé direc-

teur-médecin de l'asile de Saint-Ylie, en remplacement de M. le

Dr ROUSSET, maintenu sur sa demande médecin adjoint à l'asile de

Bron; - M. le Dr DERICQ, directeur-médecin de l'asile de Bonneval

est élevé à la 1° classe; M. le D1' Guyot, directeur-médecin de

l'asile de Châlons, est élevé à la classe exceptionnelle ; M. le

DI Toy est nommé médecin-adjoint à l'asile de la Roche-Gandon,

en remplacement de M. leDr Sizaret; M. le DIALLAMAN, médecin

adjoint à l'asile d'Auxerre est élevé àlalr0 classe; -11. leD'MoNrs-

TIER. médecin adjoint des asiles de Lafond, est élevé à la Ire classe ;

M. le Dr FENAYROU, médecin adjoint de l'asile de Blois, est

élevé à la 1 ? classe.

Distinctions honorifiques. M. le D1' Goujon, sénateur, médecin-

directeur de la Maison de santé de la rue Picpus, vient d'être

nommé commandeur de la Légion d'honneur; M. le D'' F. RAYMoND,

professeur de clinique nerveuse, médecin de la Salpêtrière, a été

nommé Officier; M1'0 Bottard, surveillante à la Salpêtrière,

56 ans de services, a été nommée chevalier de la Légion d'honneur.

Nous adressons nos plus vives félicitations à nos amis Goujon et

Raymond, ainsi qu'à11h1° Bottard.

Asiles d'aliénés DE la Seine. Commission d'études. Le

Conseil général de la Seine vient de nommer une commission

pour examiner les différentes questions intéressant l'hospitalisation

des aliénés au point de vue des voeux à émettre que des résolu-

tions à prendre. Elle est composée, hors les membres de droit, de

tous les médecins titulaires et adjoints des asiles de la Seine, du

professeur de clinique des maladies mentales et de MM. Terrier et

'1^G 6 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Picqué (pour la chirurgie), Nocard et Miquel (pour le projet d'un

laboratoire central des asiles) et Collin (pour les aliénés criminels).

La même assemblée a, par une délibération en date du 29 dé-

cembre 1897, invité l'administration à ouvrir des conférences avec

le directeur de l'Assistance publique et avec le doyen de la Faculté

de médecine de Paris pour étudier le transfert de la clinique de

Sainte-Anne à la Salpêtrière et pour organiser un stage obliga-

toire dans un service de médecine mentale que devrait faire tout

candidat au doctorat.

Le concours de l'Internat en médecine s'est terminé par la

nomination de MM. Castin, Farnarier, Conso, \Vahl, Carrier, Mar-

chand, Pasquet, Dide, Petit, internes titulaires. Ont été nommés

internes provisoires : Mi)l. Hyvert, Launay, Meurice.

Le concours de l'Internat en pharmacie vient de se terminer.

Internes titulaires : MM. Goret, Stenuit, Delange. Internes provi-

soires : MAI. Dupouy, Bardy, Ésnault. ? Académie DE médecine. Dans sa séance annuelle du 14 décembre,

l'Académie a décerné les prix suivants, concernant les maladies

nerveuses et mentales :

Prix Civrieux. 1.000 fr. Question : Valeur séméiologique des

délires systématisés. A M. Pécharman, Clermont (Oise). Mentions

très honorables à MM. Vigouroux, à Dun-sur-Auron (Cher), et

- M. Ducasse.

Prix Théodore Herpin (de Genève). 3.000 fr. Un prix de 2.000 fr.

à M. J. Voisin, de Paris. Mentions honorables avec une somme de

500 fr. à MM. Maurice Auvray, de Paris ; Chipault, de Paris. Men-

tions honorables à MM. Crozier, de Beauvais ; Ernest de Massary,

de Paris, et Charles ilfirallié, de Nantes.

Prix llard. 2 ? 00 fr. (Triennal). Un prix de 1.200 fr. à M. J.

Grasset, professeur à la Faculté de Montpellier, et M. G. Rauzier.

professeur agrégé à la même Faculté. Mention honorable avec

600 fr. à M. Gaston Lyon, de Paris, et à M. A.-B. Marfan, de Paris.

Nous indiquerons dans le prochain numéro les questions posées

pour les prix de 1898 et de 1899.

CULLERRE. De l'incontinence d'urine dans ses rapports avec l'hystérie

infantile. Brochure in-8l,de 8 pages. Toulouse, 1897. Librairie,

Edouard Privât.

Gnanme (S.). Compte moral et administratif et rapport médical.

présentés pour l'année 1896, relatifs à l'asile départemental d'aliénés de

Saint-Vue (Jura). Brochure in-8° de 70 pages. Lons-le-Saulnier,

1897. Imprimerie L. Declume.

GAKMER (S.). Rapport médical et compte moral et administratif, pré-

sentés pour l'année 1895, relatils à l'asile départemental d'aliénés de

Saint-Ylie (Jura). Brochure in-80 de 78 pages. Lons-le-Saunier,

1896. Imprimerie L. Declume.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Cli. Hébissey, imp. - 298.

Vol. V. Mars 1898. NG : 2.7

1 ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

LES TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉ\R : i ? i ? -1

(étude CLINIQUE ET statistique),

..

' ' ' Par P. C'OLOLAN, 1

Interne de l'Asile clinique (Sainte-Anne).

· (Suite e11 fin.) '

II. Troubles TROPuiQUES chroniques. A côté des troubles

trophiques aigus de la peau et des annexes dans la paralysie

générale, il existe d'autres troubles, à évolution lente, pro-

gressive et stable, des troubles chroniques, des trophoné-,

vroses (Lenoir) chroniques, tels que l'ichthyose, l'alopécie,

les troubles des ongles, toutes des affections consécutives à,

« une modification du système nerveux central, ganglion-

naire ou périphérique* ». '

Ichthyose. - * Il existe, dit Brocq3, chez certains indi-

vidus atteints de maladies du système nerveux central ou

périphérique, un état iehthyosique particulier de la peau, et

qui se caractérise par l'amincissement, la sécheresse et la,

desquamation de la peau. » ' . , z

C'est par la sécheresse du revêtement cutané que l'ichthyose

débute chez les paralytiques : la peau devient rugueuse, elle

1 Voir Archives de Neurologie, n° 25. ' ' ' ' ,

2 Lenoir. Journal.des maladies cutanées et syphilitiques, 1.1", n° 6.

1890, p. 321, article Dena<o ? teM ? 'osM.' ' f ' ' . ,,

3 Loc. cit., p. 821. , . , . au , . , ..

Archives, 2e série, t. V. 12

178 CLINIQUE mentale.

se parcheminé. Plus tard, elle se desquame en fines lamelles,

généralement blanchâtres, brillantes, argentées, etquelquefois

brunâtres. Ces lamelles adhèrent très superficiellement par

un de leurs bords ou par leur face. L'ichthyose, chez les

paralytiques généraux, ne s'étend pas à tout le corps. Elle se

localise surtout aux jambes, aux pieds, parfois aux mains. Les

régions ichthyosiques sont complètement dépourvues de poils.

Observation XVII. Ichthyose des jambes. Coloration des ongles.

OEdème des mains.

B... Humbert, fige de trente-sept ans, est entré à Villejuif,

le 18 août 1896.

M. le D'' Pacteta porté le diagnostic suivant : « Paralysie géné-

rale. Affaiblissement des facultés mentales. Embarras de la parole.

Légère inégalité pupillaire. » M. le Dr Vallon a également diagnos-

tiqué la paralysie générale avec * affaiblissement intellectuel et

physique très prononcé ».

B... Humbert est grand, gros, apathique. Il n'a nulle lueur de

conscience de sa situation. Les deux mains sont oedématiées, viola-

cées ; la peau est lisse, tendue. Les parties infiltrées ne sont pas

dépressibles : elles donnent au contraire une résistance élastique

au toucher et à la palpation. On n'y détermine pas de godet à la

pression. Les mains sont froides. La sensibilité cutanée y est com-

plètement abolie, tandis qu'elle est conservée sur les autres parties

du corps.

La peau des jambes est rude au toucher, sèche, légèrement par-

cheminée et couverte d'une mince couche de fines lamelles épider-

miques argentées. Les ongles des orteils sont bruns, plus minces

qu'à l'état normal.

Les dents sont usées, surtout les incisives de la mâchoire infé-

rieure (abrasion 4 ? degré).

Observation XVIII. Alopécie légère. Ichthyose des jambes.

G... Jean, cinquante et un ans, employé de chemin de fer, est

entré à Villejuif le 15 décembre 1896, avec le certificat suivant :

« Est atteint de paralysie générale avec idées de satisfaction : cons-

cience incomplète de sa situation. Hésitation de la parole. Inéga-

lité pupillaire. » (Magnan.) .

Syphilis ?

Marié; il n'a jamais eu d'enfant. Trois mois avant l'entrée à Vil-

lejuif, la famille s'aperçut que la mémoire du malade diminuait

beaucoup. Le délire commença les premiers jours de décembre.

G... Jean est grand, gros, bien musclé. Il est à la deuxième

période de la paralysie générale. La sensibilité cutanée est abolie

TROUBLES trophiques DE la paralysie générale. 179

sur tout le corps. Légère alopécie. Sur la peau des pieds, on trouve

une desquamation assez accentuée, ichthyosique, sous forme de

lamelles jaunâtres. La peau est sèche. Les dents sont usées.

Observation XIX. Ichthyose des jambes. Déformation des ongles.

J... Gabriel, trente-deux ans, cocher de place, est. entré à Ville-

juif le 5 juillet 1896.

M. le D'' Vallon signe le certificat suivant : c Est atteint de para-

lysie générale. Affaiblissement intellectuel. Confusion dans les

dées. Inconscience de sa situation. Embarras de la parole. Inéga-

lité pupillaire. »

Pas de renseignements sur ses antécédents héréditaires ou per-

sonnels. Nous savons seulement qu'un oncle paternel a été para-

lysé pendant douze ans; un oncle maternel a eu des enfants qui

sont morts tous d'accidents cérébraux. J... Gabriel est à la seconde

période de la paralysie générale. 11 est petit, gros, rouge. Souriant

et béat. Anesthésie cutanée.

La peau des jambes, jusqu'à la partie moyenne des cuisses, est

rugueuse, rude au toucher. Elle est atteinte d'ichthyose, caracté-

risée par une desquamation épidermique à lamelles blanches,

argentées. Par places, ces lamelles semblent épaisses; mais en

réalité ce n'est que la réunion de fines lamelles formant de petites

plaques. Ces régions ichthyosiques sont dépourvues de poils. Les

ongles des orteils sont bruns, présentant des sillons plus ou moins

profonds, transversaux et longitudinaux. Celui du pied droit est

particulièrement épaissi, brun-noir et cassant. Le malade n'a pas

eu de contusion.

Les dents sont usées, surtout les incisives inférieures.

Observation XX. Ichthyose légère. Alopécie.

J... Alphonse, trente-huit ans, comptable, est entré à Villejuif le

4 avril 1894, avec le certificat suivant de M. Magnan : c Est atteint

de paralysie générale avec idées incohérentes de satisfaction. Hési-

tation de la parole. Inégalité pupillaire. »

La maladie remonte à janvier 1894. On a remarqué dans l'en-

tourage du malade une certaine diminution delà mémoire et l'hé-

sitation de la parole. En février, un ictus congestif s'est déclaré et

consécutivement de l'aphasie et de l'hémiplégie droite qui ont dis-

paru au bout de plusieurs mois. Syphilis ?

J... Alphonse est grand, blond, d'un faciès indifférent et apa-

thique. Il a un affaiblissement prononcé des facultés psychiques.

Faiblesse musculaire du côté droit, pas de paralysie. Inégalilé

pupillaire. Anesthésie cutanée généralisée. 0

Alopécie en clairière sur les tempes. La peau des mains et des

180 clinique mentale.

doigts est lisse, brillante; les poils du dos des mains ont complète-

ment disparu. Les ongles des doigts ont une coloration rouge-

brun. Sur la peau des pieds et des jambes existe une ichthyose,

forme légère, à lamelles fines, brillantes.

TROUBLES trophiques DES ongles. Les troubles des ongles

dans la paralysie générale ont été signalés par M. E. Régis'.

Les ongles sont atteints très fréquemment dans la paralysie

générale. Nous avons observé 17 cas de troubles trophiques

des ongles sur nos 57 malades. Ces troubles peuvent aller de

la simple coloration brune ou jaune jusqu'à l'atrophie, la

dystrophie et la chute.

Dans la majorité des cas, l'ongle jaunit, brunit. Il présente

sur sa face supérieure des sillons transversaux ou longitudi-

naux ; il est plissé. En d'autres cas, il s'épaissit, prend l'aspect

écailleux, feuilleté d'une coquille d'huître, et se desquame.

Dans la forme la plus grave, après s'être déformé et déco-

loré, l'ongle se détache lentement, finit par ne plus adhérer

aux parties molles que .par sa racine, et tombe sous l'in-

fluence d'un traumatisme insignifiant. On trouve quelquefois

un peu de pus sous l'ongle. La chute de l'ongle n'est pas

douloureuse. A la place de l'ongle tombé, il en pousse un

autre mais avorté, en général, plus petit et plus mince que le

premier.

Nous rapportons ici dix observations de troubles des

ongles chez les paralytiques généraux. Les sept autres cas

sont signalés au cours des observations (obs. XI, XVII,

XIX, LX, LXV, LXVI, LXVII).

Observation XXI. Ongles déformés et colorés. Erythème et acné

sur la région fessière., Dents expulsées, abrasion des dents.

ill'n" B... Marie, âgée de trente-deux ans, journalière, « est

atteinte de paralysie générale avec apathie, indifférence ; cons-

cience très incomplète de sa situation. Hésitation de la parole,

inégalité pupillaire ». (Magnan.) Elle est entrée à Villejuif le

4 mai 1896. L'affaiblissement des facultés mentales est très pro-

noncé ; l'embarras de la parole accentué ; les pupilles paresseuses

et inégales. La malade gâte.

E. Régis. Un cas de dystrophie et de chute spontanée des ongles

dans la paralysie générale progressive (Gaz. médicale de Paris, 1884,

p. 124).

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 181

Sur tout le dos et la région fessière existe une rougeur érythé-

mateuse où se développent depuis trois mois des acnés composés

de papules et de papulo-pustules. Ils s'affaissent et disparaissent

après quelque temps, mais d'autres se développent sans cesse

malgré les soins hygiéniques et les lotions antiseptiques.

Les ongles des pieds sont déformés et présentent des sillons

transversaux et longitudinaux : ils sont feuilletés et de coloration

rouge-brun. Il ne lui reste plus que quelques dents sur les deux

mâchoires. Les autres sont expulsées depuis un an; il n'y a pas

eu de douleur. Celles qui restent sont atteintes d'abrasion très

prononcée.

Observation XXII. Ongles déformés et colorés. Abrasion des dents.

111m M... Alice, trente et un ans, fleuriste, est entrée à Villejuif

le 19 décembre 1896. Le certificat de M. Magnan est ainsi conçu :

« Est atteinte de paralysie générale avec apathie, indifférence;

conscience incomplète de sa situation; hésitation de la parole. »

C'est une femme de taille moyenne. Ses facultés intellectuelles

se sont affaiblies depuis le mois de juillet 1896. Sa mémoire avait

des lacunes ; elle ne faisait plus son travail aussi bien. A eu la

syphilis en 1890.

Actuellement, l'embarras de la parole est très net ; les pupilles

sont inégales. Mémoire nulle ; quelques idées de satisfaction : elle

est belle, a une voix superbe.

Les ongles des pieds sont colorés en jaune foncé ; ils sont

stratifiés. Le gros orteil droit adhère à peine et est prêt à se déta-

cher ; il n'y a pas de pus au-dessous. La malade n'a reçu aucun

traumatisme. Le gros orteil gauche est presque noir, d'aspect

écailleux. Abrasion des dents, deuxième degré.

Observation XXIII. Ongles déformés, colorés. Abrasion des dents.

B... Joseph, trente-huit ans, fabricant de robinets, entré à

Villejuif le 3 janvier 1895, avec ce certificat de M. Magnan : « Est

atteint de paralysie générale, avec idées ambitieuses. Propos inco-

hérents. Hésitation de la parole. Entorse du pied gauche. »

Le malade B... Joseph est en rémission; il n'a plus ni idées

ambitieuses, ni idées de richesse et paraît s'intéresser à sa situa-

tion. La mémoire est satisfaisante. L'hésitation de la parole existe

toujours et les pupilles sont inégales.

Les ongles des mains sont déformés, feuilletés et colorés en

brun avec dépressions longitudinales. Les dents sont usées, surtout

les incisives inférieures. Elles sont usées dans la hauteur, et l'on

voit la pulpe, jaune, entourée d'un tissu blanc grisâtre. , .

182 ' clinique mentale.

Observation XXIV. Déformation et coloration des ongles.

Abrasion des dents.

C... Jacques, quarante-deux ans, baleinier, est entré à Villejuif

le 21 octobre 1896, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est

atteint de paralysie générale avec accidents alcooliques. Excitation

passagère. Hallucinations multiples et pénibles. Hésitation de la

parole. Tremblement des mains. »

C'est un homme bien musclé, d'une physionomie apathique. La

parole est hésitante, la mémoire très affaiblie ainsi que toutes les

facultés intellectuelles. Les hallucinations signalées par M. magnan

n'ont pas persisté. Actuellement, le malade a quelques idées con-

tradictoires de satisfaction et de richesse. Les pupilles sont inégales.

Anesthésie cutanée généralisée. Les ongles des orteils sont déformés,

et ont une coloration brunâtre. Ils sont d'aspect écailleux, avec

dépressions transversales. Légère abrasion des dents.

Observation XXV. Ongles déformés et colorés. Dents usées

Th... Louis, trente-sept ans, employé, est entré à Villejuif

le 14 janvier 1897.

Certificat de M. Magnan : c Est atteint de paralysie générale

avec idées de satisfaction. Propos incohérents. Hésitation de la

parole. Inégalité pupillaire. »

Inconscient de son état, il sourit à l'idée de sa fortune imagi-

naire et de ses titres. La mémoire est nulle. Tout sentiment

affectif est complètement aboli. Anesthésie cutanée partielle, aux

épaules et aux avant-bras. Retard de la sensibilité à la piqûre sur

les autres parties du corps.

Les ongles des orteils présentent des dépressions et des renfle-

ments ; ils sont feuilletés, colorés en brun-rouge. Les dents sont

usées dans leur hauteur.

Observation XXVI. Ongles déformés, colorés. Alopécie.

Abrasion des dents.

H... Alexandre, vingt-neuf ans, employé, est entré à Villejuif le

23 décembre 1896 avec le certificat suivant de M. Magnan : Est

atteint de paralysie générale avec apathie. Indifférence. Conscience

très incomplète de sa situation. Hésitation de la parole. Inégalité

pupillaire. >

C'est un homme petit, satisfait, content de vivre, parlant de ses

millions d'une voix hésitante et embarrassée. Sa mémoire est très

pauvre. La pupille droite est plus large que la gauche. Alopécie

généralisée sur tout le cuir chevelu, qui se. trouve dénudé ; la peau

y est lisse, brillante. L'anesthésie cutanée est complète.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 183

Les ongles des orteils sont atrophiés, tout petits, très minces et

d'une couleur foncée; ils sont sillonnés de dépressions profondes,

transversales. Leur nutrition est fort ralentie depuis plusieurs

mois ; ils ne poussent plus depuis un mois. Abrasion des dents au

premier degré.

Observation XXVII. Déformation des ongles. Expulsion des dents

et abrasion.

F... Pierre, trente-sept ans, peintre, est entré à Villejuif le

6 novembre 1896, avec le certificat suivant : « Est atteint de para-

lysie générale, avec préoccupations hypocondriaques et quelques

idées de satisfaction. Hésitation de la parole. » (Magnan.) C'est un

ancien alcoolique. Il avait des cauchemars, des pituites et une

dyspepsie tenace. A eu la syphilis à vingt-cinq ans.

Les troubles trophiques qu'il présente sont insignifiants : colora-

tion rouge-brun des ongles des orteils et des doigts ; les ongles

sont altérés dansleur forme et présentent des sillonsplus ou moins

profonds, transversaux sur les uns, longitudinaux sur les autres.

Anesthésie généralisée.

Depuis deux ans, le malade perd ses dents sans souffrir ; celles

qui lui restent sont usées, la pulpe est à nu sur les incisives infé-

rieures.

Observation XXVIII. Atrophie et déformation des ongles. Alo-

pécie. OEdème des mains. Abrasion des dents.

F... Alexandre, cinquante ans, porteur aux Halles, est entré à

Villejuif le 2 octobre 189.

Certificat de M. Vallon : « Est atteint d'affaiblissement, des

facultés mentales. Idées de satisfaction. Inconscience'de sa situa-

tion. Lenteur et hésitation de la parole. Paralysie générale pro-

bable. »

Le diagnostic a été affirmé plus tard, et le malade présente

maintenant tous les signes psychiques et somatiques de la paralysie

générale : idées puériles de richesse et de satisfaction, affaiblisse-

ment des sentiments moraux et intellectuels, perte de la mémoire ;

inconscience de la situation. Embarras très caractéristique de la

parole; tremblement fibrillaire des lèvres et de la langue. Inégalité

et paresse des pupilles. Alopécie légère depuis le commencement

de 1896, disséminée sur tout le cuir chevelu, mais particulièrement

aux tempes. Anesthésie cutanée sur tout le corps, excepté à la

région fessière. OEdème des mains depuis plusieurs mois. Les

mains sont froides, cyanosées.

Les ongles des orteils sont petits, plus minces qu'à l'état normal.

Ils s'effritent en minces lamelles. Les ongles des orteils et celui du

184 CLINIQUE MENTALE.

deuxième doigt du pied droit ont complètement disparu. L'ongle

du troisième orteil droit est détaché du derme sous-unguéal.

Abrasion des dents assez accentuée, deuxième degré.

Observation XXIX. Atrophie et chiite des ongles. Alopécie.

Ichthyose.

V... Jean, quarante-neuf ans, cocher d'omnibus, est entré à

Villejuif le 14 octobre 1896.

Certificat immédiat : a Est atteint de paralysie générale. Affai-

blissement intellectuel et physique. Idées de satisfaction. Emoti-

vité. Hésitation delà parole. Pupilles très resserrées, la droite plus

que la gauche. » (Dr Ch. Vallon.)

V... Jean est grand, maigre, apathique et inconscient de sa

situation. 11 est content de vivre, et souriant, cause de ses châ-

teaux et de ses palais. La parole est hésitante et embarrassée.

Les lèvres tremblent quand il parle. Les pupilles sont inégales.

Notre malade a eu à l'âge de quatre ans une coxalgie gauche. 11

a depuis cette époque une atrophie de la jambe gauche et claudi-

cation. Anesthésie cutanée généralisée. Alopécie légère, disséminée,

en clairière sur les temps.

. Les ongles ont subi presque tous des altérations de forme, de

coloration et de texture. Ces troubles remontent aux premiers

jours de septembre (1896). Au mois d'octobre, l'ongle de l'index

gauche s'est spontanément détaché, sans traumatisme; depuis, un

ongle atrophié, plus petit et plus mince, d'un demi-centimètre a

repoussé. Les autres ongles de la main gauche ont des sillons

transversaux et une stratification comme une écaille d'huître.

A la main droite, l'ongle du pouce est en train de se détacher,

il n'adhère plus qu'à la racine ; sous l'ongle il y a un peu de

pus. Celui du petit doigt est déplacé d'un demi-centimètre, on

voit derrière lui un nouvel ongle qui repousse, atrophié, dé-

formé.

Les ongles des orteils ont également subi des déformations. Ils

ont l'aspect de petites coquilles d'huîtres, sont atrophiés et de colo-

ration brune. La peau des jambes est recouverte de fines lamelles

argentées; elle est sèche et rugueuse au-dessus des genoux.

(Ichthyose.)

Observation XXX. Déformation des ongles. OEdème des mains.

Alopécie légère.

M... Aristide, trente-huit ans, commis des postes et télégraphes,

est entré à Villejuif le 17 juillet 1896. 0

Certificat délivré par M. le Dr Ch. Vallon : « Est atteint de

dépression mélancolique avec idées confuses de persécution. Tur-

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 185

bulence nocturne. Pupille droite un peu plus large. Craintes de

paralysie générale. »

Ces craintes ont été confirmées plus tard < Le malade, M...

Aristide, est atteint de paralysie générale, dit M. Vallon dans son

certificat du 5 novembre 1896. 11 présente tous [les signes psychiques

et physiques de la paralysie générale, tels que affaiblissement con-

sidérable des facultés psychiques, morales; apathie, indifférence.

La mémoire est nulle, il y a de l'embarras de la parole et inéga-

lité pupillaire. Le malade conserve toujours quelque préoccupation

mélancolique avec idées de persécution. OEdème des deux mains,

qui sont violacées, froides. Pouls normal. Rien au coeur. Pas d'al-

bumine dans les urines. Hémiauesthésie cutanée droite. Retard

de la transmission sensitive du côté gauche.

Les ongles des orteils sont très altérés dans leur forme. Lesongles

du gros orteil, du 3° orteil et du petit orteil du pied droit, sont prés

de se détacher et n'adhèrent qu'à la racine. Nous avons fait sortir

un peu de pus en pressant sur ces ongles. Du côté gauche, les

ongles présentent une stratification pulvérulente. Les ongles des

doigts sont également déformés et colorés en jaune brun. Légère

alopécie disséminée.

L'ALOPÉCIE. L'alopécie est très fréquente dans la para-

lysie générale. Nous l'avons observée 26 fois sur 57 cas. Il

est difficile de préciser son début, ne pouvant obtenir aucun

renseignement à cet égard, ni des familles des malades, ni

des malades eux-mêmes. Il nous semble pourtant que l'alo-

pécie commence un peu avant les signes caractéristiques de

la paralysie générale.,

La paralysie déclarée, l'alopécie paraît marcher à grands

pas ; elle atteint l'apogée au commencement de la troisième

période, dans la période de démence paralytique, puis le

processus s'arrête.

Le caractère de l'alopécie dans la paralysie générale est

d'être disséminée sur tout le cuir chevelu ; parfois elle se

localise aux tempes et au sommet de la tête, mais dans la

majorité des cas elle est disséminée en clairière. Nous

n'avons pas trouvé de lésion cutanée prémonitoire appré-

ciable à l'oeil nu. Pas de séborrhée.

Les cheveux sont secs, ternes, quelquefois décolorés ; ils

passent du noir au jaune verdâtre. Nous avons observé tous

les degrés, depuis le simple éclaircissement des tempes

jusqu'à l'alopécie la plus accentuée. Le cuir chevelu devient

alors une peau brillante, unie, lisse (calvitie). Dans quelques

186 CLINIQUE MENTALE.

cas l'alopécie est symétrique, commence par les tempes,

surtout chez les femmes. Elle débute aussi par le vertex sous

forme de tonsure.

Observation XXXI. Alopécie et ichthyose.

111 ? D... Cécile, cinquante-six ans, blanchisseuse, est entrée à

Villejuif le 16 décembre 1892, avec le certificat suivant : Est

atteinte de paralysie générale avec idées mélancoliques, hésitation

de la parole. Inégalité pupillaire. Gâtisme par moments. »

(M. Briand.) Elle a eu très probablement la syphilis donnée par

son mari. Pas de fausse couche. Cinq mois avant son entrée

D... Cécile perdait la mémoire, et la parole devenait un peu hésitante.

La malade est petite, maigre, apathique et indifférente. Elle est

inconsciente de son état, et n'a que quelques idées vagues de satis-

faction et de richesse. La parole est embarrassée, la mémoire

nulle, les pupilles inégales et paresseuses.

Alopécie depuis le commencement de 1892, généralisée mais sur-

tout au sommet et à la région frontale. Les cheveux s'arrachent sans

aucune résistance; ils sont secs, leur bulbe est atrophié. Sur le

cuir chevelu dénudé, on trouve quelques pigmentations brunes. La

peau des jambes est rugueuse, parcheminée; elle se desquame en

fines lamelles blanchâtres (ichthyose).

Observation XXXII. Alopécie. Ichthyose.

111 ? Ch... Louise, trente-neuf ans, sans profession, est entrée à

Villejuif le 27 septembre 1893.

M. le Dr Daonet a signé le certificat suivant : Est atteinte de

paralysie générale. Affaiblissement des facultés, actes inconscients :

idées de persécution, propos sans suite, embarras de la parole. »

Petite, maigre, turbulente; elle demande sa sortie, étant assez

riche pour se faire soigner chez elle ; elle se dit millionnaire. L'em-

barras de la parole est caractéristique. Tremblement fibrillaire des

lèvres et de la langue. Mémoire très mauvaise. Les pupilles sont

inégales et n'agissent pas à la lumière.

L'alopécie est survenue en peu de temps (mai 1896). Elle est dis-

séminée, les cheveux sont secs, ternes. Légère desquamation en

lamelles épidermiques fines (ichthyose) sur les avant-bras et les

mains.

Observation XXXIII. Alopécie.

inimc 11L.. Lina, quarante-six ans, cuisinière, est entrée à Ville,juif

le 3juin 1896.

Certificat de M. Magnan : c Est atteinte d'alcoolisme chronique

avec hallucinations multiples; excitation ; insomnie. Pupilles res-

TROUBLES TROPHIQUES DE la paralysie générale. 187

serrées et inégales. Quelques accrocs de la parole. Tendance à la

paralysie générale ». Le certificat de quinzaine est plus concluant :

« Est atteinte de paralysie générale d'origine alcoolique avec idées

vagues de persécution. Agitation. Propos ambitieux et incohérents.

Hésitation de la parole. > Signé, M. Briand.

C'est une femme de taille moyenne, maigre, grisonnante, apa-

thique. Les pupilles sont inégales et paresseuses. La parole hési-

tante. La mémoire très mauvaise. La malade a quelques idées pué-

riles de richesse et d'ambition : elle est très riche, ne sait pas à

combien se monte sa fortune, elle est marquise. Alopécie légère

disséminée sur tout le cuir chevelu depuis l'été de 1896.

Observation XXXIV. Alopécie. : 11 ? B... Marie, trente-trois ans, journalière, est entrée à Ville-

juif le 28 juin 4 894, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est

atteinte de paralysie générale avec apathie, indifférence et cons-

cience très incomplète de sa situation. Hésitation de la parole.

Inégalité pupillaire. »

C'est une femme de moyenne taille, d'une physionomie souriante

et satisfaite : elle a une santé excellente, de belles robes, de beaux

yeux (strabisme gauche). L'hésitation de la parole est très nette.

Les pupilles sont inégales et n'agissent pas à la lumière. La mémoire

est mauvaise. Elle gâte par moments. ,

Alopécie généralisée, mais surtout accentuée aux tempes; cette

alopécie remonte au commencement de 1894. Anesthésie cutanée

complète.

Observation XXXV. Alopécie.

11m° R... Berthe, quarante-trois ans, couturière, est entrée à Vil-

lejuif le 13 juillet 1896 avec le certificat suivant : <t Est atteinte de

paralysie générale, affaiblissement des facultés; embarras de la

parole, idées de satisfaction. » (Dr Dagonet.)

C'est une femme petite, maigre, apathique et indifférente, qui

conserve quelques idées confuses de persécution : un homme, dont

elle a fait la connaissance, s'est introduit chez elle pour la voler ;

et aussi quelques idées de richesse sans cohérence. Hésitation de

la parole, inégalité pupillaire. La mémoire est mauvaise. L'aizes-

thésie cutanée est complète sur les deux bras, elle n'existe pas dans

la région dorsale.

L'alopécie qui a dû commencer en mai 1896, d'après nos rensei-

gnements, est très accentuée surtout aux tempes..

Observation XXXVI. -A 10péeie.

M ? R... Marie, trente et un ans, est entrée à Villejuif le 9 dé-

cembre 1896, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est atteinte

188 CLINIQUE MENTALE.

de paralysie générale avec idées de satisfaction; propos incohé-

rents. Hésitation de la parole ; inégalité pupillaire. »

C'est une femme petite, grosse, souriante et satisfaite ; elle est

riche, belle, a une voix superbe. La parole est hésitante ; la

mémoire mauvaise. Les pupilles sont inégales. Depuis plusieurs

mois les cheveux tombent; ils sont secs, ternes, s'arrachent dès

qu'on les touche ; leur bulbe est atrophié. L'alopécie est généra-

lisée, disséminée sur le cuir chevelu; elle est en pleine évolution,

Anesthésie cutanée généralisée.

Observation XXXVII. Alopécie.

11m° G... Émilie, cinquante ans, domestique, est entrée à Ville-

juif le 7 septembre 1896 avec le certificat suivant de M. Dagonet :

« Est atteinte de paralysie générale; affaiblissement des facultés;

actes inconscients ; myosis ; embarras de la parole; arrêtée pour

vol. »

C'est une femme grande et grosse, absolument inconsciente de

sa situation, avec diminution notable de la mémoire. Embarras

très prononcé de la parole. Les pupilles sont contractées et iné-

gales. Elle commence à gâter depuis le mois de décembre (1896).

Forte alopécie disséminée sur tout le cuir chevelu, mais princi-

palement sur le sommet de la tête. Le début de l'alopécie remonte

au mois d'août (1896).

Observation XXXVIII. Alopécie. Abrasion des dents.

R... François, quarante-cinq ans, voyageur de commerce, est

entré à Villejuif le 23 mai 1894.

Certificat immédiat : « Est atteint de paralysie générale, idées

mélancoliques. Préoccupations hypocondriaques. Inconscience de

sa situation. Hésitation de la parole. Très légère inégalité pupil-

laire. » (Dr Ch. Vallon.)

C'est un homme grand et maigre, apathique ; il n'a aucune

idée de richesse ou de satisfaction. L'embarras de la parole et

l'inégalité pupillaire sont accentués. La perte de la mémoire est

absolue. Le malade est couché depuis plusieurs mois, il n'a pas

d'escharres.

L'alopécie est vieille, elle parait antérieure à la paralysie géné-

rale. On s'est aperçu dans le service qu'il perdait ses cheveux, mais

la tête n'était pas encore aussi dénudée qu'actuellement. Abrasion

légère des dents.

Observation XXXIX. Alopécie. Abrasion des dents.

G... Antoine, quarante-cinq ans, garçon de bureau, est entré à

-Villejuif le 18 juin 1896.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 189

Certificat immédiat de M. Vallon : « Est atteint de paralysie

générale. Affaiblissement intellectuel et physique. Embarras de la

parole. » Le père s'est suicidé.

G... Antoine est petit, maigre. Il n'a pas conscience de sa situa-

tion. Les pupilles sont inégales. La mémoire nulle. L'embarras de

la parole est très caractérisé. Grand gâteux. Couché depuis un

mois, pas d'eschares. Anesthésie cutanée complète.

Alopécie disséminée sur tout le cuir chevelu, assez accentuée.

Pas de renseignements sur le début. Abrasion dentaire au premier

degré.

Observation XL. Alopécie. Durillon ? Déformation des ongles.

Abrasion dentaire.

A... Emile, quarante ans, garçon de café, est entré à Villejuif le

13 août 1896, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est atteint

de paralysie générale avec idées incohérentes de satisfaction. Hési-

tation de la parole. »

C'est un homme grand, blond, bien musclé. Les pupilles sont

inégales et n'agissent pas à la lumière. L'embarras de la parole

est assez net. Il a des idées de richesse : il est très riche, roi d'Es-

pagne et d'Italie, tout ceci dit sur un ton monotone, sans convic-

tion. La peau est complètement anesthésiée.

L'alopécie est accentuée, disséminée en clairière. Les cheveux

sont secs, ternes. Leur bulbe est atrophié.

Au niveau des articulations mélatarso-phalangiennes desdëux gros

orteils, sur la face plantaire, on observe deux durillons qui ne

causent aucune douleur et ne déterminent pas de gêne pour la

marche. Est-ce le début de maux perforants ? nous l'ignorons. Ils

existent depnis trois mois, parait-il. Les pieds sont oedématiés.

11 n'y a pas d'albumine ni de sucre dans les urines.

Les ongles des doigts sont bruns; ils présentent des sillons assez

profonds, longitudinaux. Les dents sont légèrement usées.

Observation XLI. Alopécie. Abrasion des dents.

B... Pierre, quarante-deux ans, cocher, est entré à Villejuif le

45 août 1896.

Le certificat de M. Magnan est ainsi conçu : « Est atteint de para-

lysie générale. Affaiblissement des facultés. Actes inconscients.

Embarras de la parole, habitudes alcooliques. » La mère est morte

après une paralysie de dix ans. Syphilis ?

Depuis très longtemps B... Pierre boit un ou deux verres d'ab-

sinthe, et un ou deux litres de vin par jour. Le début de la mala-

die actuelle remonte au mois de juillet 1896. C'est un homme

gros, congestionné, apathique et inconscient. Inégalité pupillaire.

190 CLINIQUE MENTALE.

Embarras de la parole très marqué. Idées de richesse. La sensi-

bilité cutanée est abolie.

L'alopécie est très accentuée ; elle existait depuis longtemps,

parait-il, mais à un degré moindre. Elle est à l'apogée depuis le

début de la paralysie générale. Presque tout le cuir chevelu est

dépourvu de cheveux, le sommet de la tête est dénudé, la peau en

est lisse et brillante. Les dents sont légèrement usées.

Observation XLII. Alopécie. Abrasion dentaire.

C... Eugène, quarante-huit ans, menuisier, est entré à Villejuif

le 12 janvier 1897.

Certificat de M. Magnan : « Est atteint de paralysie générale avec

idées de satisfaction. Hésitation de la parole. Inégalité pupillaire. »

C'est un homme de taille moyenne. Figure apathique et

indifférente. Pas de délire : quelques idées vagues et contradic-

toires de satisfaction. La sensibilité cutanée est abolie sur tout le

corps. Forte alopécie au sommet de la tête ; la peau y est devenue

lisse, brillante; aux tempes existe aussi une alopécie en clairière.

Les cheveux sont secs, ternes, grisonnants. L'abrasion des dents est

très prononcée; les incisives inférieures sont à moitié détruites. Au

milieu, comme en un tronc d'arbre coupé, on voit une couche

jaune, la pulpe, entourée d'un tissu blanc grisâtre. (Troisième degré

de l'abrasion dentaire.)

Observation XLIII. -Alopécie. Abrasion dentaire.

OE'CMC des mains. '

C... Ernest, trente-cinq ans, porteur de pain, est entré à Ville-

juif le 6 novembre 1896, avec ce certificat immédiat de M. Magnan :

« Est atteint de paralysie générale avec idées de satisfaction.

Hésitation de la parole. Inégalité pupillaire. »

C'est un homme grand et maigre. Il nous parle, le sourire aux

lèvres : il est riche, a des millions, va construire des maisons, etc.

L'embarras de la parole est des plus accusés. La mémoire est très

affaiblie.

II a une forte alopécie depuis le commencement de la paralysie

générale. Elle est disséminée sur tout le cuir chevelu. C'est une

alopécie en clairière. Les deux mains sont oedématiées, froides. La

peau en est anesthésiée. D'ailleurs l'anesthésie est complète sur le

corps. Les dents sont à moitié détruites, leur pulpe est à nu (troi-

sième degré de l'abrasion).

Observation XLIV. Alopécie. Abrasion des dents.

F... Henri, trente-six ans, chapelier, est entré à Villejuif le

31 décembre 1896, avec le certificat suivant de M. Magnan : « Est

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 191

atteint de paralysie générale avec idées de satisfaction. Hésitation

de la parole. Inégalité pupillaire. »

Il a eu la fièvre typhoïde à vingt ans

C'est un homme petit, maigre, apathique et indifférent. Il a

quelques idées vagues et enfantines de richesse et de satisfaction.

La mémoire est nulle.

Syphilis ? Etait sobre, buvait de l'eau rougie. Anesthésie cutanée

généralisée.

Alopécie légère en clairière limitée aux tempes. Légère usure des

dents.

Observation XLV. Alopécie. Déformation unguéale.

Abrasion dentaire.

B... Charles, trente-trois ans, est entré à Villejuif le le juin 1895.

Certificat immédiat de M. Magnan : « Est atteint de paralysie

générale avec idées incohérentes de satisfaction. Hésitation de la

parole. Inégalité pupillaire. Brûlure à la cuisse droite. »

C'est un homme de taille moyenne, d'un faciès apathique. Il est

riche, content de son sort, gai. La mémoire est très mauvaise.

Nous ne savons pas s'il a eu la syphilis. La peau n'est pas anes-

thésiée, mais il y a retard considérable dans la transmission des

sensations douloureuses cutanées.

Forte alopécie disséminée sur presque tout le cuir chevelu ; aucun

renseignement sur son début. Les ongles des doigts présentent une

stratification à couches friables, ils sont jaunes. Dents légèrement

usées.

OBSERVATION XLVI. -Alopécie. Défo ? ,2 ? zatio ? z des ongles.

Abrasion des dents.

B... Louis, cinquante ans, employé d'octroi, est entré à Villejuif

le 8 octobre 1895. M. Vallon rédige le rapport suivant : « Est

atteint de paralysie générale. Affaiblissement intellectuel et phy-

sique très prononcé. Est gâteux. t

C'est un homme de taille moyenne, gros, bien musclé. Sa figure

est injectée, rouge. Il est apathique et conserve quelques idées

vagues de satisfaction. L'embarras de la parole est caractéristique;

tremblement fibrillaire des lèvres et de la langue. Les pupilles

sont inégales. La mémoire est nulle. Les mains sont OE<mM<tëes,

rouges vineuses, froides. Les ongles sont feuilletés, épaissis, altérés

dans leur forme.

L'alopécie est accentuée, en clairière et disséminée sur tout le

cuir chevelu. Dents légèrement usées.

192 CLINIQUE MENTALE.

CHAPITRE IV

. Troubles trophiques du système locomoteur.

La peau et ses annexes ne présentent pas seules des

troubles trophiques au cours de la paralysie générale : le

système locomoteur est sujet aussi à des perturbations, les

os, les articulations, les muscles sont atteints, mais, disons-le

de suite, fort rarement.

Le tissu osseux. Y a-t-il une altération des os chez les

paralytiques généraux ? La question n'est pas résolue. Pour

Fovillel « le tissu osseux en général subit chez les paraly-

tiques une sorte d'altération qui le rend plus friable ; la

simple pression du doigt suffît souvent à briser les côtes sur

le cadavre ».

La paralysie générale, « dans la plupart des cas, produit

une raréfaction du tissu osseux, » dit M. Ch. Vallon2, dans

sa thèse inaugurale. C'est cette raréfaction qui doit prédis-

poser aux fractures signalées par quelques auteurs. Toute-

fois, l'existence des fractures spontanées dans la paralysie

générale n'est pas admise d'une façon absolue'par tous les

aliénistes.

Le premier mémoire sur la question est dû à M. Biaute3.

Il rapporte l'observation d'une fracture d'humérus chez

un paralytique ( ? ). L'autopsie fut faite : il y avait dénu-

dation du tissu osseux. Cependant l'autopsie fut incomplète :

ni le cerveau ni les méninges ne furent examinés. Un point

d'interrogation se pose donc sur le diagnostic.

La même année, 1876, Yerneuil'' communiquait à la Société

de chirurgie l'observation d'un paralytique général chez%

lequel une gibbosité s'était formée en l'espace de quinze

jours au niveau delà huitième vertèbre dorsale. Il ne s'agis-

sait pas d'un mal de Pott, le malade étant d'une constitution

vigoureuse; ce devait être probablement, concluait Verneuil,

' Foville. - dnnales méclico-ysclt., nov. 1880, p. 444.

- Vallon. Thèse de Paris, 1882, p. 101.

ëiaute. /i ? tn6 ! mëtHco-p)/c/t., nov. 1876.

* Verneuil. Soc. de chirurgie, séance du 11 oct. 1876 et Gaz.

hebdom., 1876.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 193

une sorte de fracture pathologique consécutive à la dénuda-

tion du tissu osseux. M. Régis', deux ans plus tard (1878),

revient sur la question dans un -travail présenté pour le

prix Esquirol, mais il n'insiste pas suffisamment. Dans sa

thèse d'agrégation, M. Arnozan2 parle des fractures qu'on

observe chez les aliénés, en particulier chez les paralytiques

généraux, qui « semblent sujets aux fractures en dehors de

toute cause capable de briser un os chez un individu. » Pour-

tant un aliéniste compétent, M. Christian3, après avoir passé

en revue et critiqué les cas publiés avant '188ë, ne croit pas à

« l'ostéite raréfiante, ni, par conséquent, à la tendance exa-

gérée aux fractures chez les paralytiques généraux ». Dans

une période de six ans et demi, sur 250 cas, il n'a pas observé

une seule fracture. M. Simon ne croit pas non plus aux frac-

tures spontanées des paralytiques généraux : « La plupart

des auteurs les mentionnent, mais sans apporter aucune

preuve à l'appui de leur dire... »

Une observation de M. Proelichb, que nous résumons ici,

conclut à l'existence des fractures chez les paralytiques géné-

raux. Il s'agit d'un homme de 43 ans, ancien alcoolique,

depuis six mois atteint de paralysie générale. Une première

fracture des deux os de l'avant-bras gauche se produit au

moment où il soulevait une pelletée de terre : la douleur

fut très légère. Cinq semaines plus tard, seconde fracture des

deux os de l'avant-bras droit, au tiers inférieur, également

sans douleur.

Tel est l'état de la question. Nous n'avons pas nous-

même d'observation à citer, et nous n'en avons jamais eu

de cas. D'ailleurs, des cliniciens distingués, qui ont vu

assez de paralytiques pour être juges compétents, avouent

n'avoir jamais observé de fractures chez les paralytiques,

sans traumatisme violent.

Les articulations sont également atteintes, mais les obser-

' Régis. De la dynamise ou exaltation fonctionnelle au début de la

parai, génér., 1878.

' Arnozan. Des lésions trophiques consécutives aux maladies du £

syst. 7 : eeM ? (Th. d'agrégation, 1888.)

Christian. Sur la prétendue fragilité des os chez les paralytiques

généraux. (Annales 71édico-psych., z, t. il, p. 412.)

' FroeHch. Fracture spontanée chez un paralytique général. (Rev,

deméd. de l'Est, 1890.)

Archives, 2e série, t. V. , 13

194 CLINIQUE MENTALE.

vations sont rares et les travaux peu nombreux. Shaw1 a

noté des arthropathies analogues à celles desitabétiques.

L'amyotrophie. L'attention des auteurs n'a été attirée

sur l'amyotrophie des paralytiques généraux qu'en 1872.

En France, MM. Voisin et IIanot 2 publièrent deux observa-

tions d'amyotrophie chez des paralytiques généraux.

A l'étranger, Jolly donna un mémoire sur la question.

En 1874, M. Liouville publiait un autre travail et rappor-

tait le résultat de l'autopsie de deux paralytiques généraux,

suivie d'examen microscopique. Il en conclut que les lésions

portent aussi bien sur la substance grise de la moelle épi-

nière que sur la blanche.

Nous trouvons dans la Revue des Sciences médicales, de

M. Ilayem, une analyse de M. Magnan" sur deux observa-

tions de Mac Dowald 6. L'éminent maître disait déjà à cette

époque : « En outre des foyers de myélite limitée à la subs-

tance grise, des lésions diffuses envahissent aussi les cordons

de la moelle et plus particulièrement les cordons antérieurs.

L'association de l'atrophie musculaire et de la paralysie

générale trouve son explication dans la nature même de ces

lésions. » L'existence de l'amyotrophie dans la paralysie

générale ne supportait plus de doute. Depuis, les travaux se

sont suivis : citons la thèse de Grellière 7 l'article de Bail ?

les travaux de Westphal, de Simon et de Claude.

Depuis 1892, on est revenu sur la question. M. le profes-

seur Joffroy9, entre autres, émet à plusieurs reprises l'opi-

nion de la paralysie générale débutant par « les cellules

motrices et sensitives de la moelle », aussi bien que par

celles du cerveau.

' Shaw. - Des arlhropallties dans la paralysie générale. (A,eh. ol

med. o f 11 ew-l-orl,·, 1883.)

Voisin et Hanot. Mémoire de la Société de biologie, 1872.

3 Jolly. OLer multiple Ilirns-sklcrose. (Arch. de psych. Berlin.

1872.)

1 Liouville. Progrès médical, n° 24, octobre '1874.

5 Magnan. Revue des sciences médicales, t. 111, 1875, p. 253.

° 'P.-W. Mac Dowald. Journal of mental science, octobre 1872.

' Grellière. Etude sur l'atrophie musculaire dans lapai al. gêner.

(Th. de Paris, 1876.)

" Bail. Paralysie générale lra ? imatiqzie. (Encéphale, 1888.)

0 Jolfroy. Contribution à l'aitalomie pathologique de la parai, gêner.

(congrès de Blois. 1892,et/l ? 'c/t. de nzéd. ea;péz·izn., 1892.)

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 195

Deux ans plus tard, M. Joffi-oyl, dans un article sur les

formes spinales de la paralysie générale, pense que les émi-

nences thénars sont envahies d'abord ; mais il a vu un cas où

l'affection a commencé par une atrophie considérable de la

cuisse.

Il importe de distinguer ces formes médullaires de l'amyo-

trophie d'avec les atrophies diffuses qui se montrent dans les

dernières périodes de la maladie et qui sont dues aux névrites

périphériques. Hoche= (de Hambourg) cite deux cas d'atro-

phie des muscles de la main avec inversion de la formule

électrique. L'examen microscopique de l'un de ces deux cas

montre une atrophie dégénérative des muscles, les cornes

antérieures et les racines des nerfs étant saines.

Herting mentionne trois cas de rupture non traumatique

de la vessie chez des paralytiques généraux ; l'examen histo-

logique a démontré une dégénérescence atrophique de la

tunique musculaire de la vessie, à laquelle l'auteur attribue

la rupture de l'organe.

M. Klippel 1, reprenant la question à propos des symptômes

spéciaux de la paralysie générale, conclut que l'amyotrophie

peut revêtir deux formes principales : la maladie d'Arau-

Duchenne (atrophie musculaire progressive) ou celle de

Charcot (sclérose latérale amyotrophique).

On constate dans la première forme l'amyotrophie des

éminences thénar, hypothénar et des interosseux, avec réac-

tion de dégénérescence : * mais elle n'est pas progressive et

peut notamment se limiter à un seul côté . C'est exacte-

ment le cas de la malade dont nous rapportons l'observation.

Dans l'autre forme, l'atrophie est générale. Les réflexes sont

exagérés, et les muscles atrophiés présentent de la rigidité.

Nous rapportons ici l'observation d'une paralytique géné-

rale chez laquelle se déclara d'abord une éruption de pem-

phigus, et plus tard l'atrophie des muscles de la main

gauche.

' Joflroy. Sur les formes spinales de la paralysie générale. (Journal

de méd. et de chir. pratiques, 1894, p. 280.)

' Hoche. De l'atrophie musculaire dans la paralysie générale.

(Be-liîi. Klii ? . iVoch, 3 septembre 1891.)

" Hertng. Arch. of Psychiatrie, XXVII, 2, p. 541.

` Klippel. Paralysie générale, lésions et symptômes spéciaux.

(Aclr. cle médecine expér·inrenlale,lS91.)

196 . CLINIQUE MENTALE.

Observation LXVII. Eruption de phlyctènes. Déformation,

atrophie et chute des ongles. Amyatrophie de la main gauche.

Mme C... Anne, âgée de trente-trois ans, ménagère, est entrée à

Villejuif le 4 mars 1895, avec le certificat suivant de Ai. Magnan :

« Est atteinte de paralysie générale avec idées de satisfaction. Cons-

cience très incomplète de ses actes. Hésitation de la parole. Inéga-

lité pupillaire. »

C'est une petite femme brune, sans antécédents syphilitiques ni

alcooliques. Au mois d'août dernier (1896), des plil3,ctènes appa-

raissaient sur les membres inférieurs, sans cause apparente. Ces

phlyctènes étaient disposées à peu près symétriquement sur les

deux jambes, en assez grand nombre, les unes grosses comme des

noisettes, les autres comme des pois. Les bulles étaient remplies

d'un liquide séreux; elles se sont affaissées en laissant des taches

pigmentaires qui n'ont pas disparu.

Deux semaines plus tard (septembre 1896), des bulles semblables

couvraient les mains, deux ou trois sur la face dorsale de la

main droite, dix sur la gauche, surtout autour des articulations.

Sur les doigts, elles étaient volumineuses et plus nombreuses. Ces

bulles étaient formées par le soulèvement circulaire de l'épiderme,

et remplies d'un liquide clair. Nous avons fait des pansements

secs. Ces bulles ont duré un mois. Au mois d'octobre, bulles et

vésicules avaient disparu.

Cette éruption ne fut accompagnée d'aucun phénomène doulou-

reux. A son déclin, les ongles du pouce et de l'index de la main

gauche se détachèrent et tombèrent dans l'espace de quelques

jours.

La malade était dans un état satisfaisant. Au mois de décembre,

soit cinq mois après le début du pemphigus, nous constations que

la main gauche s'atrophiait : les muscles de l'éminence thénar,

hypothénar et le muscle court abducteur du pouce l'étaient déjà.

Les métacarpiens paraissaient décharnés par suite de l'atrophie

des interosseux et des lombricaux. L'abduction et l'adduction des

doigts étaient impossibles, et la main gauche avait légèrement l'as-

pect de griffe. La peau de la main restait insensible à la piqûre ;

mais ce détail est sans importance, car le malade présentait une

anesthésie cutanée de tout le corps.

La peau de la main gauche était rose, lisse. Les ongles du pouce

et de l'index cessaient de pousser. Pas d'atrophie ni des muscles du

bras et de l'épaule gauche, ni de la main droite. L'alopécie, qui

existait depuis un an, s'est aggravée les six derniers mois.

Réflexion. Cette malade est intéressante à plusieurs

points de vue. L'éruption est absolument identique à celle

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GENERALE. '197

qu'observa M. Déjerine1 sur une : femme également paraly-

tique ; les bulles de pemphigus étaient assez volumineuses,

au nombre de dix environ ; elles étaient apparues sur les

avant-bras d'abord, puis sur les jambes. Le second point

important est l'amyotrophie, faisant suite à l'éruption du

pemphigus.

C'est bien là une double preuve de névrite périphérique, le

cas de cette paralytique chez qui la névrite se manifeste en

premier lieu par une éruption trophique, et cinq mois après,

par l'atrophie des petits muscles de la main, se localisant à

une main. Mais que l'amyotrophie soit consécutive à l'atro-

phie des cellules motrices et sensitives des cornes antérieures

de la moelle, ou bien à la névrite périphérique, elle n'en

existe pas moins cependant dans la paralysie générale, et

constitue un des principaux troubles trophiques de cette

affection.

CHAPITRE V

Les troubles trophiques généraux. Statistique.

1. -Outre les troubles trophiques locaux, on rencontre très

souvent chez les paralytiques généraux des troubles de toute

la nutrition, de tout l'organisme, une désassimilation pro-

gressive et souvent aiguë.

La sécrétion salivaire est parfois augmentée. Nous avons

vu un malade cracher toute la journée : « Ma bouche,

disait-il, est pleine de crachats, j'ai besoin de cracher. » II

n'était pas syphilitique, et il ne prenait aucun médicament.

« La sueur peut être sécrétée plus abondamment. (Magnan

et Sérieux.) On a noté, dans les urines, une augmentation

des phosphates et des sulfates, surtout dans la période

cachexique. On a également signalé la polyurie, la glycosu-

rie, l'albuminurie, la peptonurie. Mais ce sont principalement

les fonctions digestives qui ont attiré l'attention des clini-

ciens.

Pendant longtemps, l'alimentation peut rester régulière.

Quelquefois l'appétit est exagéré, le malade devient vorace,

ses digestions sont faciles, il engraisse, sa face se colore, il

' Déjerine. Archives de physiologie, 1876. ,

'198 CLINIQUE MENTALE.

devient obèse. Mais ce faux embonpoint ne dure pas, l'amai-

grissement est rapide sous l'influence des troubles trophiques

généraux ; c'est la fonte paralytique (Foville), coïncidant

avec une élimination exagérée des produits azotés par les

urines (Durante). Nous avons noté déjà deux cas d'amaigris-

sement rapide parmi nos malades (obs. IX et XV), et nous

rapportons ici un troisième cas.

Ocsenvwuov LXVIII. Amaigrissement considérable dans un mois.

M"10 M... Clara, cinquante-deux ans, journalière, est entrée a

Villejuif le 38 décembre 1806 avec ce certificat de M. Magnan :

« Est atteinte de paralysie générale avec apathie, indifférence :

conscience très incomplète de sa situation. Hésitation de la parole,

inégalité pupillaire. Habitudes alcooliques anciennes. »

Le début de la maladie remonte à la fin de 1895. A cette époque,

on a remarqué que 11-e M... Clara perdait la mémoire et parlait

de fortune imaginaire. Elle pesait 81 kilogrammes quelque temps

avant son entrée à Viitejuif. L'appétit était bon, pas de diarrhée.

En l'espace d'un mois, elle a maigri de 18 kilogrammes (au mois

de décembre elle pesait 63 kilogrammes). De jour en jour, son

poids diminue : le 14 janvier 1897, elle ne pèse plus que 60 kilo-

grammes.

La peau est anesthésiéo sur tout le corps. Les urines ne con-

tiennent ni albumine ni sucre ; nous n'avons pas recherché les

phosphates et l'acide urique. L'examen des autres organes a été

négatif, il n'y a pas de tuberculose et elle n'a pas de diarrhée.

I. La statistique. Donnons maintenant la parole aux

chiffres, ils sont plus probants que les dissertations. Répé-

tons toutefois que les troubles trophiques que nous avons

mentionnés ont été très soigneusement, très minutieusement

recherchés ; nous ne les avons notés qu'après plusieurs

examens.

Nos malades étaient au nombre de 87, dont 33 hommes et

24 femmes. Neuf d'entre eux n'ont présenté aucun trouble

trophique durant nos examens. En présenteront-ils plus tard.

au cours de leur affection ? peut-être. D'ailleurs nous les avons

étudiés seulement à un moment donné de leur paralysie

générale. Sans doute, pour donner la statistique des trou-

bles trophiques d'une maladie, il faut la prendre au début

et la suivre. Nous ne l'avons pu faire, mais il nous a paru

que les chiffres obtenus par l'observation de nos 57 malades

nous permettaient d'arriver à une conclusion.

TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. '199

Sur nos 57 paralytiques généraux, 48 ont présenté des

troubles trophiques. Dans la majorité des cas, ils ont eu

plusieurs troubles à la fois. Ainsi, simultanément le zona et

l'eschare (obs. VIII), l'ichthyose et la déformation unguéale

(obs. XIX), l'atrophie et déformation des ongles, l'alopécie,

l'oedème, l'abrasion dentaire (obs.YXVIII), etc..., ontété obser-

vés chez les mêmes malades. En les dénombrant, nous arri-

vons au chiffre de 102 troubles trophiques qui ont affecté ! r8 paralytiques généraux.

L'alopécie a été comptée 26 fois sur 57 cas, mais ce chiffre

nous paraît exagéré. Dans le nombre de nos malades, plu-

sieurs étaient atteints d'alopécie plusieurs mois avant la para-

lysie générale. Nous les avons notés pour rester fidèle à la

clinique.

En clinique, principalement en clinique de médecine men-

tale, les renseignements des malades et même des familles

sont suspects. La perte des cheveux surtout passe aisément

inaperçue. En écartant ces cas douteux, où l'alopécie semble

être bien antérieure à la paralysie générale, il nous reste

encore le chiffre respectable de 15 pour 57.

. Les altérations dentaires, destruction (abrasion) ou expul-

sion, viennent ensuite en ligne. Les mêmes considérations

nous obligent à en écarter les cas douteux.

Les altérations dentaires n'attirent pas plus l'attention des

familles que la chute des poils. Nous signalons 19 cas cons-

tatés.

Les troubles des ongles, au contraire, sont visibles; les

ongles changeant de couleur, de forme, s'atrophiant, tom-

bant, etc. Notre chiffre est donc sûr, et d'autant plus affir-

matif que nous avons suivi les transformations diverses avec

un soin minutieux.

Nous avons observé fidèlement la marche de l'inflamma-

tion, la chute des ongles, puis la naissance d'autres ongles

atrophiés. Nous avons eu 17 cas de troubles unguéaux.

L'ichthyose se passe de tout commentaire. Elle est, sans

doute, un des troubles trophiques de la paralysie générale.

Elle existe chez l'homme sain, il est vrai, mais d'origine

congénitale et constitue alors une entité morbide.

Nous signalons aussi les eschares, si fréquentes jadis. Les

soins antiseptiques et hygiéniques en ont diminué le nombre,

car, nous l'avons dit déjà, la moindre négligence est préjudi-

200 . CLINIQUE MENTALE.

ciable à l'épiderme si sensible du paralytique général. Il

suffit parfois d'un prétexte, un frottement ou quelques

jours de décubitus pour provoquer l'inflammation de la

peau et l'eschare, la nutrition des nerfs périphériques

étant entravée par les lésions centrales. Nous avons 8 obser-

vations d'eschares.

Résumons enfin notre statistique, en reportant les détails à

une table.

Nous avons trouvé 5 fois des éruptions bulleuses pemphi-

goïdes ou avec vésicules, qui ont laissé des taches pigmen-

taires après leur disparition.

4 fois l'oedème des mains ou des pieds.

3 fois le zona ; dans un cas, il a précédé la paralysie géné-

rale. Trois de nos malades ont subi un amaigrissement consi-

dérable en l'espace de peu de temps.

Nous avons observé 2 fois le purpura ; 1 fois l'atrophie

musculaire localisée à une main et précédée d'une éruption

de pemphigus ; 1 fois de l'érythème et enfin 1 fois le mal

perforant.

TABLE STATISTIQUE

DES TROUBLES TROPHIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE

RECUEIL DE FAITS.

NOTE SUR LE CAS TÉRATOLOGIQUE COMPLEXE

D'UN ALIÉNÉ

(gigantisme, féminisme, cryptorchidie) ;

PARLES DOCTEURS

Samuel GARNIER,

Médecin en chef.

ET T

SANTENOISE,

Médecin adjoint de l'asile de Saint- Ylic.

J..., âgé de cinquante-six ans, cultivateur, marié, né à Am...

(H...-5...) a été confié à nos soins en 1897.

Antécédents héréditaires. Père et mère ayant toujours été

bien portants, et morts entre cinquante et soixante ans. Ils ont

eu cinq enfants : 1° un fils aîné bien portant, père de cinq enfants

bien portants; 2° une fille bien portante ressemblant physiquement

à sa mère et à son frère, le malade dont il s'agit; elle a eu des

enfants bien portants, mais elle a une voix mâle ; 3° le malade lui-

même et son frère jumeau. On prétend dans le pays que ces deux

jumeaux auraient été le résultat d'une conception frauduleuse.

Quoi qu'il en soit, le frère jumeau de notre malade était bien

constitué : il a fait son service militaire et est mort quelque temps

après; quant au malade, il a été réformé, il ne ressemblait en

aucune façon à son frère jumeau, mais à sa mère et à sa soeur;

4° un dernier fils bien portant, ayant lui aussi un enfant bien

portant.

Antécédents personnels. Pas de maladie générale antérieure grave.

J... s'est marié après sa réforme. Au point de vue sexuel, il a tou-

jours été frigide et ne couchant plus avec sa femme un an après son

mariage. Celle-ci lui a cependant donné deux enfants : 1° une fille,

actuellement mariée et mère de famille; 2° un fils, mort quelques

jours après sa naissance. Hâtons-nous de dire que la paternité de

J... est purement légale en vertu de l'adage : Is pater est quem nup-

tix denzonstrant. Nous en avons pour preuve d'abord l'observation

directe, sa prétendue fille ne lui ressemblant nullement. Nous

avons obtenu, en outre des confidences qui nous ont appris que les

202 RECUEIL DE faits.

deux enfants de J... auraient pour père un étranger auprès duquel

sa femme cherchait des satisfactions que son mari ne pouvait lui

donner. Nous devons ajouter, à l'excuse de cette dernière, qu'elle

ignorait, avant le mariage, la constitution anatomique de celui

qu'elle épousait. J... a l'illusion de croire que sa fille est née de ses

oeuvres, mais il a toujours douté de la légitimité de son fils. Il eut

d'ailleurs connaissance plus Lard de l'infidélité de sa femme, mais

ne voulut pas demander la séparation de corps avec elle, afin de

jouir du bien de celle-ci; il administrait au surplus sa fortune

avec assez d'intelligence.

Outre ses malheurs conjugaux, notre malade eut aussi des pré-

occupations d'intérêt; de l'argent qu'il avait prêté ne lui fut pas

tendu. Enfin au mois de janvier 1896, il reçut un coup de corne de

boeuf à l'eeil gauche; la blessure mit très longtemps à guérir et

fut suivie d'une cataracte traumatique avec ptosis de la paupière

supérieure. Il fut très affecté de ce reliquat post-traumatique et

tourmenté par la crainte de perdre complètement la vue. Toutes

ces causes diverses réunies firent éclore la maladie mentale qui

nécessita son internement à l'asile le 9 juin 1897.

Etat actuel. Constitution primitivement bonne, le malade

présente encore beaucoup d'embonpoint. Il est d'une taille au-

dessus de la moyenne. Sa face, à développement exagéré, est entiè-

rement glabre, son teint est jaunâtre. Voici quelques mensurations

et constatations physiques sur cet individu :

CAS TÉRATOLOGIQUE COMPLEXE D'UN ALIÉNÉ. 203

Les bourses sont très réduites et ne contiennent pas trace de

testicules; on a beau enfoncer le doigt aussi avant que possible

dans le canal inguinal, déprimer la paroi abdominale à ce niveau,

on ne perçoit absolument rien qui puisse faire soupçonner la pré-

seuced'undeees organes. La verge est très petite,. longue, de

6 centimètres avec une circonférence à sa racine de 7 centimètres.

Le gland est presque complètement recouvert et le prépuce ne

peut être ramené en arrière (phimosis). L'orifice préputial mesure

au maximum d'extension 1 centimètre de diamètre. Nous n'avons

l'iy. 1.

204 ' RECUEIL DE FAITS.

pu savoir comment fonctionnent ces organnes génitaux, le malade

étant trop troublé pour pouvoir répondre à cet égard.

Nous avons dit que notre malade présentait un développement

exagéré de la face; elle est en outre asymétrique et les joues sont

pendantes. Le front est étroit, les cheveux sont bas implantés, bien

fournis, mais tout à fait blancs. Les dents mal implantées sont

cariées en grand nombre et noires. La voûte du palais est en ogive

peu accentuée. Le lobule de l'oreille est adhérent; l'oreille mesure

7 centimètres de hauteur et 3 cent. 75 de largeur maxima.

Firl. 2.

CAS TÉRATOLOGIQUE COMPLEXE D'UN ALIÉNÉ. 205

Ajoutons que notre sujet, malgré sa cryptorchidie, a la voix mâle,

même assez grave. Cependant il émet souvent des sons aigus, se

rapprochant de la voix féminine.

Etat mental. A l'entrée, ce malade présentait un état

maniaque subaigu sur lequel il est inutile de s'appesantir. Il se

plaignait de ce qu'on lui avait pris son coeur, d'être empoisonné et

s'excitait violemment, redoutant, déclarait-il, qu'on lui fasse du

mal. Il prenait alors un air menaçant, faisait mine de vouloir être

agressif et en disant a Je n'ai pas peut, s'avançait le poing levé;

1 Fig. 3.

306 RECUEIL DE FAITS.

mais dès qu'on allait à sa rencontre pour une prétendue riposte,

tout son courage consistait à reculer, en grommelant et en priant

qu'on le laissât tranquille. Somme toute, il n'était que fanfaron,

alors que sa .taille gigantesque semblait en imposer. Il paraissait

avoir des hallucinations visuelles non terrifiantes (visions d'oiseau

qui vole, etc.). Pendant deux mois, il refusa toute nourriture et fut

alimenté artificiellement, d'autre part, comme il était très mal-

propre et très désordonné, on l'isolait en cellule où il était vautré

presque tout le jour à plat ventre sur le parquet. Aujourd'hui, le

désordre des actes s'est notablement amendé; J... mange seul,

mais il reste toujours très tioublé, loquace, incohérent et vit dans

un monde absolument imaginaire, ne parlant jamais des siens.

Réflexions. Cette observation soulève bien des ques-

tions intéressantes. Tout d'abord on doit retenir l'état phy-

sique du malade chez lequel la cryptorchidie s'accompagne

de gynécomastie très accusée, ainsi qu'on peut s'en rendre-

compte sur les photographies. Notons qu'il est tout à fait

glabre, comme la plupart des cryptorchides, dont il se

sépare cependant par la voix qui est plutôt masculine. Son

bassin est élargi et se rapproche encore du type féminin, de

même que le diamètre bi-acromial n'est pas celui d'un

homme de sa taille. Les mains, d'autre part, sont énormes.

En résumé, cet individu présente manifestement un mélange

de féminisme et de gigantisme s'accompagnant de cryptor-

chidie.

Dans la série des caractères relevés, un caractère primor-

dial peut-il être mis en relief, sous la dépendance duquel les

autres viendraient se ranger ? Il nous semble difficile de

prendre position à cet égard, bien que Geoffroy Saint-Hilaire

ait déjà indiqué que l'accroissement exagéré de la taille

serait dû à ce que, chez les géants, l'appareil sexuel n'accom-

plit son évolution qu'avec une extrême lenteur et peut même

s'arrêter sans avoir acquis son état de perfection ; consé-

quence pour lui de la relation très intime qui existe entre

la puberté et l'accroissement, le sujet cessant de grandir

lorsque son appareil génital cesse d'évoluer. Si cette hypo-

thèse était vraie, le gigantisme de J... serait alors la résul-

tante de l'arrêt de développement de ses organes génitaux.

Un caractère qui paraîtrait plus corrélatif de l'atrophie de

son système génital, c'est l'absence de poils qui manquent

totalement à la face et simulent à peine un duvet au pénil.

En effet, chez les eunuques, leur castration empêche tout à

CAS TÉRATOLOGIQUE COMPLEXE D'UN ALIÉNÉ. 207

fait le développement de leur système pileux. Par opposi-

tion à celle des eunuques, la voix de J... est cependant restée

masculine ! ! !

Pour ce qui est des caractères du féminisme présentés par

notre malade, ne pourrait-on faire une hypothèse et sup-

poser qu'ils sont sous la dépendance directe d'un hermaphro-

disme latent ? J... a des rudiments d'organes génitaux

externes mâles, et comme on l'a constaté dans des cas simi-

laires (Marie-Madeleine Lefort), ne peut-on supposer que

les organes génitaux internes se rapprochent chez lui du

type féminin et qu'il possède des ovaires à la place des testi-

cules ? C'est ici le moment de se souvenir que la soeur aînée

du malade lui ressemble si bien, qu'au dire textuel d'un

membre de la famille, il, suffirait d'habiller J... en femme,

pour le confondre avec cette soeur.

Le problème tératogénique à résoudre au sujet de notre

cas n'est pas moins ardu. On n'a pas oublié que la naissance

de J... est elle-même le résultat d'une conception en dehors

de son père, mais que nous n'avons pu obtenir aucun rensei-

gnement sur ce géniteur étranger. Tout ce que nous savons,

c'est que la grossesse illicite de la mère de J... a été gémel-

laire et que le frère jumeau de celui-ci était bien conformé

et ne lui ressemblait à aucun point de vue. Comment alors

expliquer la diversité des deux produits contemporains ?

Y a-t-il eu superfétation ?

Dans l'intitulé de la présente note, nous avons déclaré J...

atteint de cryptorchidie; mais nous aurions pu tout aussi

bien le dire affecté d'anorchidie bilatérale, car il n'y a pas

de critérium de différenciation entre un cryptorchide et un

anorchide et, d'après Dechambre (art. Cryptorchidie), certains

cryptorchides ont pu se montrer tout aussi impuissants et

féminins d'aspect que les anorchides. En effet, J... est impuis-

sant et même infécond malgré sa double paternité légale.

ÂDDENDUM. Par un hasard pour ainsi dire extraordi-

naire, le malade de l'observation ci-dessus est mort le 18 oc-

tobre 1897, c'est-à-dire assez longtemps après la note qui le

vise et alors que l'un de nous avait quitté l'asile de Saint-Ylie

pour Dijon. En raison de l'intérêt qui devait s'attacher à son

autopsie, il avait été convenu que le Dr Santenoise, conti-

nuant à suivre le malade, ferait son possible, s'il venait à décé-

der, pour obtenir de la famille la permission de faire la

208 RECUEIL DE FAITS.

nécropsie. Cette facilité ayant été accordée, c'est d'après les

notes fournies par mon excellent collaborateur d'autrefois

que je puis heureusement compléter immédiatement la rela-

tion de ce cas intéressant, puisqu'elle n'a pu même trouver

place, dès son envoi, dans le numéro des Archives auquel elle

était destinée. L'hypothèse que nous avions émise au sujet de

J..., à savoir que, possédant des rudiments d'organes géni-

taux externes mâles, cet individu pouvait avoir des organes

génitaux internes se rapprochant du type féminin et posséder

même des ovaires en remplacement de testicules, s'est trou-

vée confirmée en partie. Ajoutons ici un détail ignoré de

nous et fourni ultérieurement par la famille, c'est que toutes

les fois que le malade urinait, il avait fini de suite, et que

de plus, lorsque son besoin de miction se faisait sentir, il

était, pour avoir le temps de sortir sans uriner, obligé de

serrer aussitôt l'extrémité de la verge, pour fermer l'orifice,

car le canal de l'urèthre était très court.

Voici maintenant les conditions dans lesquelles J... est

mort; c'était dans la matinée du 18; l'infirmier venait ;i

peine de le laver et de l'éponger debout, quand il s'est

affaissé tout d'un coup. La perte de connaissance fut immé-

diate, et cinq minutes après il rendait le dernier soupir.

Quant à l'autopsie, pour la faire complète, il eût fallu une

dissection dé plusieurs jours avec examen microscopique,

préparation de pièces, etc.; la famille devant emmener le

corps, on ne put se livrer qu'à un examen rapide qui permit

néanmoins de faire les constatations principales qui suivent.

Cerveau. Congestion intense avec épanchement de sérosité

sanguine dans les ventricules et les espaces méningés. Lesméninges

présentaient une opacité blanchâtre très nette, avec granulations,

principalement aux régions frontale et pariétale des deux côtés.

La pie-mère était adhérente en ces points et la décortication n'a

pu se faire sans enlever des parcelles importantes aux régions

indiquées. Le sinus frontal gauche était rempli d'un liquide col-

loïde), ainsi que les cellules ou vacuoles osseuses comprises au voi-

sinage de ce sinus, entre la table interne et externe du frontal.

Poumons.- Congestion hypostatique à la partie supérieure et aux

deux bases. Coeur. Surcharge graisseuse générale; cavités vides,

pas de lésions orificielles.

AMomeHefo)'sraHMSMt<at<a;. Pannicule graisseux abdominal

très considérable, d'une épaisseur de 4 à li centimètres. Dans les

bourses, absence de testicules qui sont remplacés par deux petites

CAS TÉRATOLOGIQUE COMPLEXE D'UN ALIÉNÉ. 209

masses d'apparence graisseuse. A la dissection, on rencontre dans

chacune d'elles une sorte de glande divisée en lobes très petits avec

quelques petits kystes remplis d'un liquide blanchâtre (ovaire ? ). A

côté de ces lobes, à la partie inférieure se rencontre une sorte d'in-

fundibulum rappelant assez bien la disposition d'une trompe, mais

se terminant en cul-de-sac. Enfin l'organe glandulaire est enve-

loppé d'une vaginale imparfaite. Les glandes dont nous venons de

parler se continuent par un cordon contenant des vaisseaux et un

cordon cylindrique rappelant le canal déférent. Ce cordon traverse

le canal inguinal et à l'orifice interne de celui-ci se bifurque en

deux portions.

(t). Une portion vasculaire continuant son trajet en haut et en

dedans pour aboutir aux gros vaisseaux centraux. (Ici un accident

n'a pas permis d'en préciser exactement l'embouchure.) - b). Une

portion contenant l'organe canaliculaire signalé plus haut, à direc-

tion horizontale et rejoignant sur la ligne médiane celui du côté

opposé. Cet organe canaliculaire, avant de rejoindre son congénère,

se résolvait en faisceaux de plus en plus petits qui se perdaient

Archives, 2' série, t. V. 14

F;. ? , 't. 1, Portion cylindrique; 2, Portion vasculaire; 3, Rec

tum; -4, Place de l'utérus absent remplacé par une membrane tendue

entre la vessie et le rectum; - 5, Vessie; - 6, Anneau inguinal

interne ; 7, Cordon comllet;-8,Anneau inguinal externe ; 9, Lobes

glandulaires et kystes; - 10, Pavillon de la trompe; - 11, Canal

inguinal; 12, Scrotum.

240 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

dans le tissu ambiant. Le tout se trouvait contenu dans un plan

charnu, composé exclusivement de tissu cellulaire, revêtu du péri-

toine sur ses faces antérieure et postérieure et sur son bord supé-

rieur libre. Cet organe occupait exactement la place de la matrice,

de sorte qu'en imaginant que l'enveloppe de l'utérus puisse exister

seule sans cavité utérine, on aura une idée assez exacte de cette

espèce de membrane qui, tendue verticalement entre la vessie et

le rectum, avec un véritable cul-de-sac de Douglas, se continuait à

droite et à gauche par l'organe cylindrique plus haut décrit, occu-

pant la situation du ligament large. Le schéma très sommaire ci-

dessus fixera dans l'esprit les rapports et la disposition anato-

miquedes différentes parties décrites. Il n'y avait en outre nivési-

cule séminale ni prostate.

D'après l'azttopsie, nous avons donc eu affaire à un faux

hermaphrodite, les vrais hermaphrodites portant des glandes

bisexuées (ovaires et testicules), et vraisemblablement à un

pseudo-hermaphrodite féminin. Quoi qu'il en soit, notre

individu était certainement tout au moins un anorchide

complet, ce qui est excessivement rare.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXXV. RÉFLEXIONS SUR LES LÉSIONS DE LA MOELLE DANS DEUX CAS

d'anémie pernicieuse; par Miche ! CLARKE. (Bret. med. J02lra.,

2 octobre 1897.)

Dans le premier cas, les lésions médullaires consistaient en une

dégénérescence complète des cordons postérieurs dans toute leur

longueur et au niveau de la région lombaire et dorsale en un

foyer de dégénérescence de la partie postérieure du cordon latéral

gauche.

Dans le second cas, la substance grise de la moelle présentait

des foyers hémorrhagiques de dimensions variables, mais toutes

microscopiques ; elles siégeaient dans la partie centrale de la

substance grise, en arrière des cornes antérieures au voisinage de

la commissure. Autour du foyer hémorrhagique se trouvaient des

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 411

zones où la substance grise était granuleuse en partie, désorganisée

et abaissée.

Ces deux cas forment un contraste frappant : l'un offrant une

lésion de la substance blanche avec dégénérescence chronique,

l'autre une lésion de la substance grise. Dans les deux cas les

cellules nerveuses traitées par l'acide chlorhydrique et le ferrocyanure

de potasse, montrent des granulations bleues. La durée de l'ané-

mie a joué un rôle dans la nature de la lésion, l'une datait de un

mois et l'autre de deux ans.

D'autres auteurs ont décrit diverses lésions de la moelle dans

l'anémie pernicieuse et la conclusion est que ces lésions sont de

ca ractère différent et que le plus souvent les symptômes cliniques

de ces lésions médullaires sont cachés par la gravité des symp-

tômes généraux. A. V.

XXXVI. SUR l'anatomie pathologique DES éléments nerveux dans

l'urémie aiguë expérimentale ; par ACQUISTO et PUSATERI. (Riv.

di. pftt.KCt't). et ment., fasc. 10, 1896.)

Les lésoins se rencontrent dans les éléments de l'écorce et de

la substance grise spéciale. Elles intéressent les prolongements

protoplasmiques, le citoplasme et le noyau des cellules nerveuses.

Elles représentent le substratum anatomo-pathologique des phéno-

mènes urémiques (symptômes paralytiques et convulsifs) qui, par

suite, sont d'origine cérébrale et spinale. J. S.

XXXVII. Recherches SUR la capacité PROLIPÉR.1TI\'E DE la CELLULE

nerveuse; par Giuseppe LEvi. (Biv. di. part. nerv. et ment.,

fasc. 10, 1896.) .

XXXVIII. Contribution A l'étude DES TROUBLES DE la sensibilité

hygrique chez LES aliénés; par UR13ANo et Christiani. (J<j)fttH : COm ! 0,

Anno XI, fasc. 2-3.)

Une observation relative à un persécuté systématique. Les

auteurs reconnaissent à ces phénomènes hallucinatoires une ori-

gine centrale et leur appliquent la théorie générale des hallucina-

tions formulée par Tamhuriui. J. S.

XXXIX. Sur LES altérations DES PETITS vaisseaux DE QUELQUES

ORGANES INTERNES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE; pal' ANGIOLELLA

(Il Manicomio, anno XI, fasc. 2-3.)

Dans douze cas examinés par l'auteur, il existait constamment

dans le foie et les reins une périartérite intéressant de préférence

les petites artères, semblable à celle qui se rencontre dans les diffé-

212 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rentes portions du système nerveux et parfois a été constatée aussi

dans les vasa vasorunl des parois aortiques. En même temps et

comme conséquence, il existe dans les reins une inflammation du

tissu conjonctif interstitiel avec processus régressifs dans les cel-

lules spécifiques : dans le foie on ne rencontre que les secondes et

par exception seulement la première. Cela confirme l'opinion que

la paralysie générale est essentiellement une maladie, très diffuse,

des petits vaisseaux et vient, par suite, à l'appui de l'hypothèse que

la cause première du processus morbide doit être quelque subs-

tance toxique existant dans le torrent circulatoire dont la nature

est probablement différente suivant les facteurs étiologiques qui ont

agi dans chaque cas particulier. A ce dernier point de vue, il est

important de noter que des lésions semblables des vaisseaux se

rencontrent aussi bien dans les cas où préexistait chez le sujet une

infection syphilitique, que dans ceux où elle n'avait pas été cons-

tatée. Cela confirme l'idée, jadis émise, de la difficulté de résoudre

la question étiologique de la paralysie générale par les données

anatomiques et c'est une nouvelle preuve à invoquer pour l'exis-

tence de facteurs multiples, agissant tous cependant par le même

procédé, l'intoxication. Cette intoxication serait la cause directe des

altérations vasculaires et occasionnerait ensuite les lésions des

tissus interstitiels et parenchymateux en partie directement, en

partie indirectement, c'est-à-dire par l'intermédiaire des pro-

cessus inflammatoire des parois des petits vaisseaux. Cette diffu-

sion du processus morbide à des organes aussi importants que le

rein et le foie, peut contribuer à expliquer la déchéance générale de

l'organisme dans cette affection. J. SÉGLAS.

XL. Un phénomène important observé CHEZ un PEINTRE gaucher ET

Léonard DE VINCI; par GRILIALDI. (Il Alnnicomio, Anno, XI, fasc. 2-3.)

Ce peintre qui pendant bien des années ne s'était servi que de la

main gauche, s'était tout d'un coup aperçu qu'il n'éprouvait

aucune difficulté à se servir de la main droite avec autant de sûreté,

sinon plus même, soit pour peindre, soit pour écrire. Avec la

main gauche, il pouvait également écrire en caractères renversés

et de droiteà gauche, sans le moindre effort. L'auteur examine les

documents recueillis à ce propos au point de vue physiologique et

entre autres points particulièrement intéressants met en relief la

collaboration à une même fonction des centres des deux hémis-

phères et la prédominence relative du centre gauche sur le droit

pour l'écriture, même chez les gauchers. J. S.

ULT. SUR LES altérations des cellules nerveuses par imitation

PARTIELLE DU PROLONGEMENT NERVEUX ; par E. LuGARO. (Riv. di pat.

nerv. e ment., vol. I, fase. 2, 1898.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 213

XLII. Étude CLINIQUE ET anatomique, relative A UN cas DE diplégie,

spasmodique congénitale (maladie de Liille) ; par GUISEPPE Maya

et GuisEPPE LEVI. (Liv. di pat. nerv. ement., vol. 1, fasc. II, 1896.)

XLIII. SUR QUELQUES phénomènes indicateurs DE la phagocytose

observés dans LES cerveaux des aliénés ; par John TunNER. (The

Journal of mental Science, janvier 1897.)

M. Bevau-Lewis attribue aux cellules de Deiters dans le cerveau

un rôle phagocytique : il les considère comme de véritables écu-

meurs du cerveau qui absorbent et enlèvent les matériaux de déchet;

il pense même qu'elles s'attachent aux cellules nerveuses dégénérées,

et que, par leur intermédiaire, ces cellules sont absorbées el élimi-

nées. Les faits observés par M. Turner semblent indiquer que

d'autres éléments que les cellules de Deiters peuvent jouer un rôle

analogue. Les phénomènes qu'il va décrire sont tellement évidents

et aussi tellement communs qu'il a été tout surpris de trouver la

littérature médicale muette, ou à peu de chose près, à leur égard :

ils se rencontrent dans plusieurs variétés de folie, et surtout dans

les cerveaux séniles. Les cas où l'auteur les a rencontrés le plus

souvent étaient des cas de paralysie générale, de folie alcoolique,

et diverses formes de mélancolie et de manie; il est probable que,

si on les cherche, on les trouvera dans d'autres affections mentales.

On rencontre à l'état de liberté dans les espaces péri-cellulaires

des cellules qui se colorent, ou plutôt dont les bords se colorent en

rouge par la solution acide de fuchsine, et qui contiennent des

granulations également colorées en rouge : elles sont rondes, ovales

ou un peu irrégulières et mesurent de 4 à 9 p.. Quelquefois, dans

un espace, on n'en rencontre qu'une tout comme on peut en trou-

ver trois ou quatre, et presque toujours le cytoplasme de la cellule

nerveuse la plus voisine de la cellule envahissante manque en par-

tie : il semble qu'on ait mordu la cellule nerveuse, et qu'elle soit

entamée; on peut observer tous les degrés de ce processus depuis

une très légère échancrure jusqu'à l'état où la cellule est réduite à

un noyau entouré d'un maigre reliquat de cytoplasme, sans aucun

prolongement. Même dans ces cas extrêmes, le pourtour du cyto-

plasme correspond par cesdenteluresàlaposition prise par la cellule

envahissante. Le noyau n'est jamais envahi, et alors même qu'il

survit presque seul à sa cellule, il demeure en apparence intact,

bien qu'il soit quelquefois contracté et sans nucléole visible.

Cet état pathologique a été observé par l'auteur dans des cas

dont l'àge variait de vingt-huit à quatre-vingts ans, et où l'appa-

rition des troubles mentaux était toute récente. Ici l'auteur rap-

porte quatre observations, et des planches éclaircissent ses explica-

tions.

214 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

M. Turner ne doute pas que ces cellules soient des leucocytes

errants, qui, on le sait, et Obersteiner l'a démontré, se rencontrent

fréquemment à l'état normal dans les espaces péri-cellulaires.

Le mode suivant lequel ces éléments assiégeants écornent la cel-

lule assiégée relève manifestement du phagocytisme.

Naturellement les altérations histologiques qui viennent d'être

indiquées ne peuvent s'observer que sur des coupes montées de

manière à laisser tous les éléments dans leurs rapports respectifs :

Aussi n'est-il pas inutile d'indiquer ici la méthode histologique

qu'emploie l'autour pour les rendre apparentes : Prendre des frag-

ments très minces du cerveau d'un sujet dont la mort ne remonte

pas à plus de dix heures : plonger dans la solution de Fol pendant

vingt-quatre heures à la température de 35 à 40° C. ou pendant

quarante-huit heures à la température ordinaire ; laver et plonger

dans l'alcool à 80°, puis finalement dans l'alcool absolu ; les y laisser

quatre ou cinq jours. Imbiber de chloroforme pendant six heures,

et plonger dans la paraffine au point de fusion (50° C.) ; les laisser

seize heures à cette température ; faire des coupes et les fixer par

attraction capillaire (méthode d'Altmann-Gaule). Pour colorer,

employer la solution concentrée de fuehsine acide, à laquelle on

ajoute un peu de bleu d'aniline. Après quelques minutes de séjour

dans la solution coloranle, rincer à l'eau et traiter par l'alcool alca-

linisé v 0,`35 p. 100 ; égoutter rapidement, plonger encore dans

l'eau, déshydrater avec l'alcool absolu, et éclaircir avec l'essence

de girofle ou le xylol. H. de Musgrave-Clay.

XLIV. ETUDE BIOLOGIQUE SUR la douleur ; par Ch. R1CUET. (Journal

de 2ze2c2'oloie et d'hypnologie, 1897, imb 20 et 21.)

L'auteur établit dans ce travail que la douleur physiologique e--t t

produite par des excitations fortes et que les excitations fortes

désorganisent les tissus et sont funestes à la vie des êtres et aux

fonctions des organes. Il montre ensuite que si une quantité

innombrable d'êtres organisés peuvent se défendre contre les

atteintes des excitants trop énergiques rien que par la mise en

activité d'actions réflexes appropriées sans qu'il y ait chez eux ni

conscience, ni douleur ; la douleur, qui est l'apanage des êtres

supérieurs, n'en a pas moins une utilité très grande parce que

grâce au souvenir très vivace qu'elle laisse dans la mémoire, elle

nous permet d'éviter les excitations pénibles que nous avons éprou-

vées une première fois. Il y a donc entre les êtres inférieurs et les

êtres supérieurs cette différence que les premiers ne connaissant

pas la douleur, réagissent seulement contre les traumatismes lors-

que ceux-ci les atteignent, tandis que les seconds, avertis par le

souvenir de la douleur, peuvent se mettre en garde contre eux. En

un mot chez les êtres inférieurs la défense est purement consécu-

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 2)S

tive, tandis que chez les êtres supérieurs elle est à la fois consécu-

tive et préventive. Les uns sont de purs automates, guidés seule-

ment par l'instinct, les autres des êtres intelligents capables d'im-

primer à leurs actes des modifications en rapport avec celles du

monde extérieur. G. D.

XLV. Contribution A l'étude DE la marche ET DE la dégénérescence

DES voies pyramidales chez DES cobayes; par le Dr Serge SOUBHA-

aorr. (Joum. de neurologie et d'/t/pHO/ogte, 1897, n° 18.)

L'auteur relate dans ce travail deux expériences qui lui ont per-

mis de constater qu'à la suite d'une lésion du pédoncule cérébral

on observait chez le cobaye une dégénérescence granuleuse des

voies pyramidales qui se continuait dans les cordons postérieurs

jusqu'au niveau de la région dorsale de la moelle. G. D.

XLVI. LE mécanisme DES mouvements réflexes; UN cas DE compression

DE la moelle dorsale avec abolition DES réflexes; par A. van

Gehuchten. (JOUril. de neurologie et d'hyptzologie, 1897, n< 1 ,

lo, 16 et 17.) -

Les conclusions qui se dégagent de ce travail basé sur un cas

de compression lente de la moelle dorsale sont les suivantes :

1° Au point de vue clinique, a) dans les cas de lésion transver-

sale complète de la moelle cervico-dorsale, il existe une abolition

constante des réilexes tendineux, viscéraux et cutanés, à l'excep-

tion du réflexe plantaire, qui peut persister, et du réflexe à la

douleur, qui persiste d'une façon constante; b) dans les cas de

compression de la moelle cervico-dorsale on peut observer les

mêmes symptômes.

3° Au point de vue physiologique les fibres motrices qui descen-

dent du cerveau, du cervelet, du mésencéphale et du rhombencé-

phale interviennent d'une façon incontestable dans le mécanisme

des mouvements réflexes. G. DERNY.

XLVII. SUR L'ENTRE-CROISEMENT INCOMPLET DES NE111,S optiques dans LE

chiasma DES mammifères supérieurs; par BECUTEREFF.(Rct) ! <e de psy-

cliologie de Neurologie et de psycologie expérimentale, 1897, n° 10,

p. 744-747).

Il est peu d'auteurs qui discuteraient actuellement l'existence de

rentre-croisement partiel du nerf optique dans le chiasma de

l'homme et des mamifères supérieurs. Les expériences multiples

faites par l'auteur sur des chiens, lui ont toujours montré que la

section d'un tractus optique provoque l'hémicécilé binoculaire avec

prédominance du côté opposé qu'on constate une légère mydriase.

La réaction hémiopique pupillaire serait trouvée par l'auteur

dans toutes ses expériences. E. Maugouliès.

216 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XLVHL Comment il faut ENTENDRE EN biologie la bisexualité soma-

TIQUE ET PSYCHIQUE; par H. Kurella. (Centralbl. f. iVezoei2heilk,

XIX, N. F. vu, 1896.)

La grande et importante question des différences sexuelles de-

vient intelligible par l'étude de la bisexualité qui nous apprend

comment le mâle et la femelle sont identiques, adéquats, à la

période de leur tout premiers rudiments, alors qu'ils ne sont point

encore distincts l'un de l'autre. Dès l'instant où apparaît cette

différenciation, où il est décidé que l'individu qui se forme aura

un ovaire ou un testicule, se crée une loi rigoureuse qui, en plu-

sieurs étapes, établit la progression continue de caractères distiuc-

tifs (Meige) jusqu'à ce que, finalement, la décadence de la vieil-

lesse, déformant le portrait de l'homme et de la femme, efface

les signes distinctifs du sexe que l'individu avait acquis. Parallèle-

ment les anomalies du développement sexuel nous montrent à

quel point les traits spécifiques du caractère sont dépendants de ce

développement. L'infantilisme témoigne d'une intelligence et de

sentiments puériles; l'efféminé a ceux de la femme; l'homme

homosexuel est bigot, vain, capricieux, théâtral, s'attife en secret

comme la femme, est passionné pour des ouvrages manuels fémi-

nins, s'intéresse à toutes les questions de la toilette féminine. L'hy-

bride à glandes germinatives masculines, mais à caractères secon-

daires ou tertiaires féminins, a des tendances et des manières fémi-

nines. bien qu'il ait été élevé comme un garçon ; l'inverse s'observe

pour l'hybride féminin. Les différences psychiques entre l'homme

et la femme dépendent donc des caractères sexuels.

1) n'est pas rare de se convaincre, en fréquentant des cheffesses

du mouvement d'émancipation des femmes, que la femme de cette

espèce n'a pas besoin de l'homme et qu'elle peut arriv er à s'acquit-

ter de toutes les missions civilisatrices sans l'aide de celui-ci ; en

même temps, assez souvent, elle est tout à fait détachée du sexe

masculin en général : cet éloignement parfois, tout naturellement,

aboutit à l'effort conscient de rechercher l'excitation et la satisfac-

tion érotiques auprès des femmes et non auprès des hommes. C'est

là un côté extrêmement dangereux de l'émancipation, car il peut

arriver que des jeunes filles, chez lesquelles tous les signes distinc-

tifs de leur sexe ne se sont pas encore développés, acquièrent, sous

de pareilles influences, l'habitude de perversions sexuelles incu-

rables. P. KERAVAL.

XLIX. Nouvelle méthode DE coloration DES prolongements PHOTO-

PLASMIQUES DES CELLULES DE J'IJRKFNJE ET DES CYLINDRAXES ; par

L. Roncoroni. (Ce)rlrvl6l. f. Ne'IVenlceilk., N. F. XIX, vin, 1896.)

Liquide de fixation : solution de chlorure de platine et de liquide

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 217

Muller. Inclusion dans la celloïdine. Coupes épaisses'de 5 à 8 milli-

mètres que l'on fait séjourner vingt-quatre heures dans une solution

d'hèmatoxylène fortement alunée. Lavage de vingt-quatre heures à

l'eau distillée. Différenciation d'après la méthode de Pal. Les cylin-

draxes sont, y compris les fibres amyéliniques, d'un bleu intense.

Les prolongements protoplasmiques, jusque dans leurs plus fines

ramifications, sont plutôt bruns.

On voit ainsi que les fines ramifications de prolongements proto-

plasmiques des cellules de Purkinje ont une structure granuleuse ;

les granulations y sont ordonnées en séries, celles d'un prolonge-

ment étant parallèles à celles du prolongement voisin. Des

oiseaux au chien, et du chien à l'homme, les ramifications en

question sont plus nombreuses, plus fines, plus rapprochées les

unes des autres. La plupart des cellules apparaissent colorées dans

leur totalité en noir. Il est probable que les prolongements en

épines de llamon y Cajal, Van Gehuchten, Itelziu;, qui siègent à

angles droits sans prolongements protoplasmiques ne sont que des

précipités formés de ces granulations.

Les cellules de l'écorce du cerveau ne se colorent généralement

pas dans leur totalité ; seul le noyau en est visible, entouré de gra-

nulations protoplasmiques nettement colorées; parfois cependant

une cellule se colore totalement comme celle de Parkinje. Dans ce

cas, ses prolongements protoplasmiques sont aussi colorés, ce qui

prouve que quelques cellules de l'ecorce ont la même réaction chi-

mique que la cellule de Purkinje. Le nombre des cellules corticales

colorables en totalité progresse des animaux inférieurs à l'homme.

La même méthode rend très distincts les noyaux de la névro-

glie. Les cylindraxes épais présentent, en quelques points de leur

trajet, de vraies spirales qui tournent autour d'eux. P. KERAVAL.

L. L.1 sensibilité chez la femme ; par S. Ottolenghi. (Centralbl. f.

il erve)Iccillc., XIX, \. F. vu, 1896.)

La sensibilité générale et la sensibilité à la douleur sont étudiées

à l'aide du faradomètre d'Edelmann comparativement chez

682 femmes et 400 hommes.

1. La sensibilité à la douleur existe au même degré que chez

l'homme, mais la femme présente une appréhension exagérée par

1 hyperexcitabilité, ou plutôt par l'hyperirrifabilité. Comme chez

l'homme cette sensibilité est soumise à bien des modifications

tenant à l'influence de l'âge, des conditions sociales, de la dégéné-

rescence. C'est a l'âge de vingt-quatre ans qu'elle atteint son

maximum de développement. Moins accusée chez les travailleuses

manuelles que chez les dames, et plus marquée chez les premières

que chez les paysannes, elle s'accompagne chez les premières d'une

plus vive hyperirritabilité que chez les dames et les paysannes. La

218 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

dégénérescence amoindrit la sensibilité à la douleur ; ce sont les

vieilles femmes de l'hospice qui présentant le maximum d'émous-

sement et d'hyperritabilité. Dans l'ensemble on trouve que la

femme sent moins la douleur que l'homme ; elle y résisiste très

souvent beaucoup plus que lui, mais cette résistance est plus incons-

tante. La suggestion jouant un grand rôle chez la femme peut

produire une hyperirritabilité, ou parfois, au contraire, une forte

résistance à la douleur, allant jusqu'à émousser presque complète-

ment ou complètement ce mode de la sensibilité. Rien de sem-

blable ne se voit chez l'homme normal.

IL La sensibilité générale subit aussi des variations d'après l'âge

et les professions, mais moins que la sensibilité à la douleur. Chez

les femmes aisées, dans le jeune âge, la sensibilité générale est

aussi délicate que dans l'âge mûr. Chez les ouvrières manuelles,

elle est très faible dans la jeunesse et croit jusqu'à dix-neuf et

même jusqu'à vingt quatre-ans ; elle décroît à un âge avancé. Eu

général, les ouvrières ont cette fonction plus émoussée que les

dames et plus fine que les paysannes. Elle se développe plus promp-

tement chez la femme aisée que chez l'homme; après dix-neuf ans,

elle est également développée dans les deux sexes ; dans les profes-

sions ouvrières, elle est toujours plus fine chez la femme.

111. Considéré dans les deux sexes, la sensibilité à la douleur

dépend surtout de l'appareil central de la sensibilité; elle est donc

dans le plus étroit rapport avec le psûchê. La sensibilité générale

dépend principalement de l'appareil psychiques, c'est-à-dire qu'elle

est éloignée du psûchê. P. KERAVAL.

LI. Observation DE paralysie générale secondaire (tabétique) avec

DÉGÉNÉRESCENCE ASCENDANTE DANS LE CORDON .4\Ti : ItOLTI`R : 1L (FAIS-

CEAU DE Gowrits) ; par W. LtNKE. (Centmclbl. f. Nervenheill ? XVIII,

N.'F. vi, 189ï.)

Il s'agit d'un homme de trente ans, se croyant persécuté par

les francs-maçons (hallucinations de l'ouie). Il tente de se tuer en

1885, est déclaré incurable en 1886 avec le diagnostic : délire chro-

nique de persécution, hallucination, au stade mégatomaniaque,

avec tendance à la démence. Confirmé en 1890.

Eu 1804 on constate chez lui des signes de paralysie bulbaire,

bientôt suivie d'ataxis locomutrice qui va eu s'accusant de plus en

plus. A la fin de 1894 il existe une paralysie générale au début,

Mort le 16 avril 189. On trouve à 1'(ititopsie l'inflammation chro-

nique atrophique du cerveau, avec dégénérescence des cordons

postérieurs, une altération du noyau de l'hypoglosse, l'altération

du faisceau de Couvas. L'auteur conclut à une psychose hérédi-

taire qui a été suivie de toutes les complications syphilitiques sus-

décrites. P. KERAVAL.

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 219

LU. Anomalies histologiques DU cerveau DES épileptiqucs ET DES

CRIMI'\'ELS-1 ? s , par L. Roncoroni. (Centralbl. f. Nervenheilk. ,

XVIII, N. F. vi, 1b9.)

Durcissement l'alcool; inclusion dans la paraffine.

220 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Chez les animaux (macaques, chiens, chats, lapins, cobayes,

boeufs, poules) la couche granuleuse superficielle fait souvent

défaut; la couche granuleuse profonde n'existe pas, sauf chez le

singe où elle est quelque peu évidente. P. KERAVAL.

LUI. Nouvelles recherches SUR la STRUCTURE FINE DE la CELLULE

NERVEUSE ET SUR LES LÉSIONS PRODUITES PAR CERTAINES INTOXICATIONS;

'par M. G. Marinesco. (Presse médicale, 16 juin 1897.)

Dans la première partie de ce travail, l'auteur expose les résul-

tats de ses nouvelles recherches sur les lésions primitives de la

cellule nerveuse produites par l'intoxication expérimentale par

l'injection d'alcool, d'arsenic et de virus rabique. Il résume ensuite

les opinions principales qui ont été émises sur la structure de la

substance achromatique de la cellule nerveuse. Cette substance

n'est pas amorphe, comme on le croyait naguère ; elle renferme

des fibrilles, des stries que la plupart des auteurs considèrent

comme ayant des relations de continuité avec les corpuscules

chromatiques.

M. Marinesco continue par une description de la cellule nerveuse

telle qu'elle résulte de ses recherches personnelles. Il distingue dans

cette cellule trois éléments essentiels : i° une substance chroma-

tique nommée élément chromalophile; 2° un élément achromatique

figuré; 3° un élément amorphe achromatique, la substance fonda-

mentale. La substance achromatique figurée est constituée par un

téseau qui donne au corps de la cellule l'apparence d'une masse

spongieuse le spongioplasma. Ce réseau est formé de mailles dont la

densité varie d'une cellule à l'autre. A l'intersection des travées se

trouvent d'ordinaire de petits renflements colorés (points nodaux).

Les éléments chromatophiles sont situés dans l'interstice de ces

travées ; la texture du spongioplasma détermine leur forme et leur

volume ; de leurs angles se détachent des trabécules très tenues

qui, d'après Ramon y Cajal, affectent des rapports avec les trabé-

cules du spongioplasma. D'après M. Marinesco, les fibrilles des

prolongements protoplasmiques des cellules et du cylindre-axe

sont en relation de continuité avec les travées du réseau cytoplas-

mique. Les connexions des éléments chromatophiles avec les

fibrilles du cytoplasma ne sont pas établies d'une façon certaine.

D'après l'étude de la texture intime de la substance achromatique

111, Marinesco croit pouvoir admettre au moins trois types de cel-

lules dans les ganglions spinaux :

Le premier type comprend surtout de grosses cellules ; la subs-

tance achromatique organisée forme un réseau à mailles assez

larges délimitées par des trabécules minces ou de calibre moyen

et englobant des corpuscules chromatiques polygonaux. Le

deuxième type est formé de petites cellules avec trabécules achro-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 221

matiques formant un réseau dense. Nombreux points nodaux ; la

cellule a un aspect foncé (chromophilie de Nissl). Eléments chro-

matophiles de petit volume. Dans le troisième type la substance

achromatique organisée se présente sous forme de fibrilles épaisses

qui constituent un véritable feutrage ou sont ondulées en forme de

tourbillons. Elémemts chromatophiles oblongs, ovoïdes ou fusi-

formes.

Du fait de la continuité anatomique des fibrilles des prolonge-

ments protoplasmiques et du cylindre-axe avec le spongioplasma,

découle cette conclusion que la substance achromatique organisée

sert à la conductibilité de l'influx nerveux.

Quant à la substance chromatique, certains auteurs (Lugero,Cajal,

van, Gehuchten, etc.) admettent qu'elle constitue une matière de

réserve alimentaire, une espèce de grenier de nutrition. D'autres,

au contraire, lui ont dénié cette fonction. Dans la dernière partie

de son travail, M. Marinesco s'efforce d'établir que les éléments

chromatophiles constituent une substance fonctionnelle jouissant

de propriétés chimiques considérables et donnant naissance, grâce

à leur usure, à une certaine quantité d'énergie mécanique (d'où le

nom de kynetoplasma qu'il leur a donné). Cela ne veut dire qu'ils

ne jouent pas un rôle important dans la nutrition delà cellule ; on

sait, en effet, que ces deux phénomènes, la fonction et la nutrition,

sont connexes.

La nature des phénomènes chimiques dont les éléments chroma-

tophiles sont le siège, ne peut guère être définie ; peut-être cepen-

dant, l'usure fonctionnelle ou la désintégration de ces éléments est

elle liée à des oxydations des granulations élémentaires qui les

composent. A. FENAYROU.

LIV. DE l'interdépendance FONCTIONNELLE DES CENTRES nerveux DU LAN-

gage ; par le D1' Fritz Sans. (Jo2tI·n. de neurologie et d'hypnologie,

1897, no, 12 et 13.)

Ce travail contient la relation d'un cas d'aphasie sensorielle

totale. Le malade présentait au début de la surdité et de la cécité

verbales et une agraphie absolue ; il était verbeux, bredouillait et

était atteint de jargonaphasie et de paraphasie. Dans la suite l'état

de ce malade s'améliora légèrement, l'usage de certaines phrases,

aboli tout d'abord, lui revint peu à peu, il finit par deviner, sinon

par comprendre les questions faciles, mais la lecture et l'écriture

restèrent toujours impossibles.

A l'autopsie on constata que le tiers postérieur de la temporale

supérieure était lésé et que la pariétale inférieure l'était en partie

seulement, le pli courbe ayant conservé une corticalité et des

systèmes d'association supérieurs, postérieurs et inférieurs nor-

maux.

222 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE^.

En présence de ces constatations on peut admettre que chez ce

malade le trouble de la parole résultait de l'absence du contrôle

des organes sensoriels. La surdité verbale devait correspondre à la

lésion de la temporale supérieure, l'alexie et l'agraphie à la des-

truction de la pariétale inférieure. -

Cette observation constitue donc une nouvelle preuve de la

dépendance fonctionnelle des différents centres du langage.

G. DERNY.

LV. DES CELLULES nerveuses DE chiens vaccinés contre la rage;

parB. NAGY. (Neurolog. Ceî2ti,albl., XV, 1896.)

Les cellules de la moelle et du bulbe de ces animaux sont com-

plètement intactes. Ce fait s'explique par l'introduction lente dans

l'économie, par degrés de ce neurotoxique; le système nerveux

s'accoutume au poison, de sorte que plus tard on peut soumettre

le chien à de grandes quantités du virus sans dommage. D'après

cela il est aisé de comprendre pourquoi il résiste aussi bien au

virus fixe qu'au virus des rues. La thérapeutique de l'immunisation

a donc un substratum anatomique. P. KERAVAL.

LVI. UN cas insolite DE lésion de la partie cervicale du grand

sympathique; par L. JACOBSON. (Neurolog. Cezztralbl., XV, 1896.)

Enfant de dix-huit mois ; à la suite de l'ouverture et de grattage

d'un abcès ganglionnaire dans le côté gauche du cou il se produit,

du même côté : 1° un rétrécissement pupillin ; 2° la diminution de

la fente palpébrale ; 3° de la pâleur avec refroidissement de la

demi-correspondante de la face; 4° anhydron du même côté;

5° emphthalmie; 6° affaissement des traits. Rien du côté du coeur.

La situation de la grosse cicatrice, rapprochée de ces symptômes,

indique qu'il y a eu, pendant l'opération, lésion du grand sympa-

thique et du ganglion cervical supérieur. Chose particulière, il n'y

pas, eu diminution de la sensibilité dans la moitié faciale gauche;

ce n'est donc point un symptôme direct produit par la lésion du

grand sympathique, c'est un symptôme indirect dû aux troubles

de circulation des vaisseaux du visage et du refroidissement de la

région. P. 11ERAVAL.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. L'amaurose hystérique unilatérale ; par M. GiLBERT Ballet

(Presse médicale, 18 novembre 1897.)

Les observations de deux malades atteints d'amaurose hystérique

unilatérale ont servi de base à cette leçon clinique. M. Ballet

mentionne les caractères qui permettent de distinguer cette variété

d'amaurose des'amauroses organiques : absence de gêne ou gêne

peu considérable pour les malades du fait de cette amaurose, qui

peut rester longtemps ignorée des sujets mêmes qui en sont atteints ;

conservation du réflexe à la lumière ; coexistence habituelle de

l'anesthésie de la rétine et de l'anesthésie des paupières, de la

conjonctive et de la cornée du même côté ; absence d'altérations

du fond de I'oeil. Il insiste tout particulièrement sur le signe diffé-

rentiel suivant : à savoir que, souvent, les malades amaurotiques

d'un oeil voient des deux yeux dans la vision binoculaire, et passe

en revue une série d'expériences qui mettent ce fait en lumière

(expériences du prisme, du stéréoscope, de la boîte de Fiées, de

l'écran de Snellen) ; il fait observer que les résultais de ces expé-

riences peuvent varier, mais qu'il suffit que l'une d'elles ait donné

des résultats positifs pour que l'on soit en droit de conclure à

l'hystérie.

11. Ballet admet que l'amaurose hystérique est une fausse amau-

ruse ; l'hystérique amaurotique, dit-il, n'a pas conscience qu'elle

voit ; mais en réalité, elle voit. Cet accident serait un phénomène de

déficit, analogue au rétrécissement du champ visuel ; il résulterait

directement de l'insuffisance de la perception personnelle liée elle-

même au rétrécissement du champ de la conscience. Dans certains

cas, cependant, l'amaurose hystérique unilatérale parait devoir

être rattachée au groupe des accidents mentaux par idée fixe.

A. FENAYROU.

II. Contribution A L'ÉTUDE DE l'hémiplégie infantile (variation de la

résistance électrique) ; par 1111. VIGOUROUx et MALLY. (Presse

médicale, 3 novembre 1897.)

Quelques auteurs ont signalé une diminution de l'excitabilité,

c'est-à-dire une altération quantitative des réactions électriques

des nerfs et des muscles du côté paralysé chez les hémiplégiques

224 liez REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'origine infantile. MM. Vigoureux et lllally s'appuient sur les cons-

tatations qu'ils ont faites sur neuf malades dont ils rapportent les

observations, pour établir qu'il n'y a aucune différence clinique-

ment appréciable entre le degré d'excitabilité des nerfs et des

muscles du côté sain et du côté malade, mais qu'il existe seulement

une augmentation très notable de la résistance électrique du côté

paralysé. Cette augmentation de la résistance électrique est un

symptôme du même ordre que l'abaissement de la température

locale et les troubles de nutrition (Vuillaumier, Rourneville, etc.) ;

il est à supposer que, comme ces troubles, elle résulte d'un ralen-

tissement de la circulation des liquides dans le membre para-

lysé. A. F.

III. Saturnisme professionnel DES ouvriers POUDREUILS employés dans

LES ateliers DE décors DE la porcelaine ; par M. le Dol' Thou-

venet. (Limousin médical, numéros de janvier, février et mars

1807.)

M. le Dr Thouvenet, chargé du cours de clinique médicale à

l'Ecole de médecine et de pharmacie de Limoges, a étudié, dans

le discours qu'il a prononcé à la séance de rentrée de l'Ecole, le

3 décembre 1897, le saturnisme professionnel des ouvriers pou-

dreurs employés dans les ateliers de décors de la porcelaine.

De la description qu'il fait de cette intoxication chronique par

les sels de plomb contenus dans les poudres dont se servent jour-

nellement ces ouvriers, nous retiendrons seulement cette particu-

larité que l'encéphalopathie saturnine, accident rare et générale-

ment tardif du saturnisme chronique, est apparue fréquemment

dans le milieu où il a observé.

Dans certains cas, les plus nombreux, d'encéphalopathie satur-

nine, observés par M. Thouvenet chez des ouvriers poudreurs, le

tableau clinique se rapprochait beaucoup de celui de la méningite

tuberculeuse; on constatait, effet, entre autres symptômes, de la

céphalalgie, des vomissements, de la constipation, de l'abat-

tement, du délire, des paralysies des nerfs crâniens, des attaques

épileptiformes, etc. Le diagnostic avec la méningite de la base

reposait principalement sur la connaissance de la profession des

malades et sur la constatation du liseré plombique. Cette forme

d'encéphalopathie saturnine, dénommée par l'auteur, forme ménin-

gitique est toujours grave ; dans un des cas cités par M. Thouvenet,

elle a entraîné la mort. Chez d'autres malades, l'intoxication a

engendré des troubles cérébraux simulant un délire vésanique

(forme délirante) ; une ouvrière a présenté pendant cinq jours un

délire professionnel tranquille avec hallucinations de la vue et de

l'ouïe. Dans d'autres cas (forme convulsive), la maladie s'est traduite

par des crises épileptiformes. L'auteur a observé aussi un malade

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 225.

qui a présenté de la paralysie des membres supérieurs, portant

sur les muscles extenseurs des doigts, de la main et du bras.

A. FENAYROU.

IV. Névroses consécutives aux CYCLONES ; par le Dr HUGHES.

Comme toutes les grandes calamités physiques, le cyclone qui ai

dévasté la ville de Saint-Louis a eu son cortège d'affections névro-

pathiques.

A côté de divers troubles mentaux, de diverses chorées ne pré-

sentant aucun signe qui puisse les différencier des troubles men-

taux ou des chorées présentant une étiologie différente, l'auteur a

observé plusieurs cas de tachycardie rythmique et arythmique.

Dans un des cas rapportés il sagissait d'une tachycardie rapide avec

insommie et anxiété constante. Les symptômes psychiques ont été

rapidement atténués, mais il est resté une tachycardie arythmique

rebelle a tout traitement.

Dans un autre cas, l'effet du cyclone fut une sorte de chorée

hystérique, avec insomnie, anorexie, spasme du diaphragme,,

expression d'anxiété et de frayeur.

La chorée, l'anorexie et l'insommie cédèrent au traitement, mais-

l'anxiété et les troubles du rythme respiratoire persistèrent.

D'abord analogue au type de Cheyne Stokes, le trouble du

rythme respiratoire se modifia pour être constitué par une série

d'inspirations régulières, peu profondes, saccadées, au nombre

de 12 à 14 par minutes, accompagnées de dyspnée. Peu à peu les

choses rentrèrent dans la normale. (The alienist and Neui-ologist,

janvier 1897.) E. B.

V. ACROMÉGALIE CHEZ UN NÈGRE AGE DE QUATORZE ANS; par M. J.-A

VALDÊs. (Presse médicale, 22 septembre 1897.)

A raison de la rareté de l'acromégalie chez les enfants, l'auteur

relate un cas de cette affection qu'il a observé chez un nègre âgé-

de quatorze ans. L'observation est accompagnée de photographies-

et des mesures anthropométriques du sujet. Le diagnostic a été

basé sur la constatation des symptômes suivants : hypertrophie des

mains et des pieds, augmentation de volume de la mâchoire infé-

rieure, cyphose cervico-dorsale, céphalalgie, asthénie musculaire etc.

A. FENAYNOU.

VI. MvxOEDÈME DE l'adulte; par M. Briquet. (Presse médicale,

9 octobre 1897.)

Ce travail est basé sur l'observation d'une malade âgée de qua-

rante-sept ans, atteinte de fmxoedème depuis dix à douze ans.

Cette affection semble avoir été provoquée par le surmenage (allai-

Archives, 2" série, t. V. 1S

226 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tement prolongé, veillées et fatigues après le travail de la journée)

et avoir coïncidé avec une suppression des règles. Il est à noter

que le premier symptôme observé a été une soif intense; ce symp-

tôme exceptionnel chez les myxoedémateux, a persisté très long-

temps, mais a cédé de suite au traitement thyroïdien. La malade a

présenté, à un moment donné, de véritables troubles mentaux

avec phobies de toute espèce.

Le traitement mis en oeuvre a consisté dans l'absorption de

diverses préparations de corps thyroïde de mouton (capsules de

corps thyroïde, thyroïdine, tabloïds anglaises). Sous son influence,

l'état de la malade s'est rapidement amélioré ; on a noté un amai-

grissement de huit livres en quatorze jours et de trente-cinq livres

en moins de trois mois, une augmentation sensible des forces. la

disparition à peu près complète de l'aspect ichthyosique de la

peau, etc. Divers accidents, énervement, vomissements, oppression,

douleurs très pénibles dans les membres, ont, à plusieurs reprises,

nécessité l'interruption du traitement. A. FENAYRou.

VII. DU DIAGNOSTIC DES AFFECTIONS ORGANIQUES OU FONCTIONNELLES DU

système nerveux; par Sudson Bure. (British. médical Journal,

25 juillet 9896.)

L'auteur montre tout ce qu'il y a d'artificiel dans la distinction

qui n'est que la traduction de l'état de nos connaissances et de nos

moyens d'investigation plus ou moins perfectionnés et plus ou moins

bien employés. Tout ce qu'on peut dire actuellement c'est qu'on

appelle fonctionnelles les lésions dont nous ne connaissons pas le

substratum anatomique. Le cadre de ces lésions est denc essen-

tiellement élastique et dépend de l'oeil ou si l'on veut du micros-

cope de l'observateur. Puis il y a les modifications bio-chimiques si

mal connues. A l'appui l'auteur cite des cas répondant clinique-

ment à des types des lésions fonctionnelles, hystérie entre autres,

qu'en réalité étaient la phase initiale d'affections organiques des

plus manifestes, puis après exemple d'une myélite aiguë avec mort

et nécropsie A. M.

VIII. Crétinisme acquis ou myxoedème juvénile; par William Rushton

PARTHER (de Kendal). (Brit. med. Journ., mai 1897.)

Le crétinisme est produit par la perte de la fonction thyroïdienne

dans la jeunesse ; trois variétés peuvent en être décrites : 1° le cré-

tinisme congénital correspondant à un défaut de développement de

la glande thyroïde chez le foetus ; 2° le crétinisme goitreux surve-

nant quand la glande thyroïde par suite de modification dans sa

structure, ne fonctionne plus; 3° le crétinisme non goitreux acquis

ou myxoedème juvénile qui est produit par une atrophie de la

REVUE 'DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 227 7

glande thyroïde qui pendant un certain temps a été saine. Des

observations résumées et plusieurs photographies accompagnent

cet exposé. A. V.

IX. Réflexions sur la maladie de Friedreich avec TROIS observa-

T10N3; par Herbert BRAMWEL'(Clielletiham). (Brit. med. Jour.,

2 octobre 1897.)

La conclusion importante de ces trois observations est que la

maladie de Friedreich est une entité clinique très distincte de

l'alaxie locomotrice, dé la sclérose cérébro-spinale et de l'ataxie

paralytique, c'est avec l'ataxie locomotrice qu'elle a le plus d'ana-

logie dans les deux maladies, en effet, les cordons, postérieurs de

la moelle sont sclérosés, dans les deux, la difficulté de marcher

convenablement est due à l'incoordination des mouvements et non

à la paralysie ; dans les deux, enfin, le réflexe patellaire est aboli.

Ces points de ressemblance indiquent une étroite parenté entre

ces deux affections, mais des caractères importants permettent de

les distinguer :

1, Les caractères généraux des symptômes et l'histoire de la

maladie sont différents.

2° L'anatomie pathologique montre cette distinction. En effet,

dans l'ataxie locomotrice la moelle est de volume normal et

la sclérose est limitée aux cordons postérieurs et aux racines pos-

térieures. Dans la maladie de Friedreich la moelle est invariable-

ment plus petite, et cette défectuosité congénitale s'étend aussi au

pont de Varole ; la sclérose est aussi plus étendue : elle atteint les

colonne de Goli et de Burdach la colonne vésiculaire de Clark, la

colonne cérébelleuse et les cordons pyramidaux croisés ; dans

quelques cas mêmes, les racines grises postérieures sont touchées.

La sclérose peut même s'étendre aux cordons de Gowers et Turck,

et un certain degré de méningomyéiite peut se produire surtout

dans la partie inférieure de la moelle.

La lésion primitive est cependant la sclérose des cordons posté-

rieurs et de la colonne vézielilaire de Ctark comme t'ont démon-

tré Déjerine et Letulle; et comme ces derniers l'ont aussi montré

la sclérose des cordons postérieurs est très différente de celle que

l'on trouve dans l'ataxie locomotrice et autres lésions scléreuse.5.

C'est une sclérose de la névroglie; et cette lésion remonte au pre-

mier développement de la moelle et ne s'est pas montrée sur une .

moelle complètement développée. Celle sclérose particulière ne

se reiiconlie que dans les cordons postérieurs. Oe ne sait pas encore

si les faisceaux pyramidaux croisés ne sont pas primitivement

affectés comme pourrait le faire croire l'apparition des premiers

symplômes de la maladie telle la déformation du pied qui est sous

la dépendance de ces faisceaux. ' A. V.

228 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

X. SUR un cas DE myélite SUBAIGUF DORSO-LOMBAIRE; par MM. Ch.

MONGOUR et Carrière. (Pres.;e médicale, 7 juillet 1897.)

Les auteurs rapportent l'observation clinique et les résultats de

l'autopsie d'une malade âgée de trente-et-un ans, chez qui se sont

développés, un mois environ après un eurettage utérin pour pertes

blanches abondantes, les symptômes d'une myélite subaiguë dorso-

lombaire.

Cliniquement, cette affection s'est écartée du type du genre

décrit par Raymond en 1875, par les points suivants : l'anesthésie

cutanée a coexisté jusqu'au dernier moment avec des douleurs

spontanées très violentes dans les membres inférieurs, alors qu'il

est de règle que les phénomènes douloureux disparaissent quand

l'anesthésie cutanée se montre ; les réflexes étaient totalement abo-

lis tandis que d'ordinaire ils sont exagérés.

Au point de vue anatomo-pathologique, il faut mentionner que

les auteurs ont trouvé dans certaines cellules nerveuses, surtout

dans la corne antérieure gauche de la moelle à la région lombaire,

des lésions identiques à celles signalées par M. Marinesco : tumé-

faction trouble, fusion des granulations chromatophiles, rupture

des prolongements protoplasmiques, etc.

La présence de diplocoques dont la nature exacte n'a pu être

déterminée, a démontré l'origine infectieuse de la maladie. On

peut supposer que le curettage utérin, qui a précédé d'un mois

l'éclosion de la maladie a créé une porte d'entrée au germe mor-

bide. A. FENAYROU.

XI. QU'EST-CE QUE la méningite ? par le D1' Christophkr.

Les théories généralement admises sur la méningite sont que

les symptômes constatés pendant la vie correspondent à des lésions

existant dans les méninges.

Or, aucune preuve positive ne peut être faite qu'un exsudat sur

les méninges puisse produire des symptômes du fait de sa locali-

sation. Ce fait a paru longtemps établi en raison de la coïnci-

dence fréquente des deux conditions, symptômes et lésions.

Mais des cas peuvent se produire où lésions et symptômes ne

coïncident plus et l'auteur en cite plusieurs exemples.

Dans un premier cas, un enfant présentait tous les signes cli-

'niques d'une méningite tuberculeuse de la base avec photophobie,

strabisme, pupilles irrégulières avec réflexes presque abolis, respi-

ration irrégulière, pouls irrégulier, cri liydrencéplialique, etc..., si

bien que le pionostic le plus grave fut posé, et cependant l'affec-

tion eut une terminaison favorable.

Dans un second cas, où l'enfant avait succombé avec des symp-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 229

tomes méningitiques, l'autopsie ne montra aucune lésion patholo-

gique appréciable des méninges et du cerveau.

Chez un autre malade mort de pneumonie sans avoir présenté

aucun symptôme méningitique, l'auteur trouva à l'autopsie, en

même temps que les lésions pulmonaires, une infiltration intense

des méninges, en particulier dans la région médullaire, et pour-

tant, malgré les lésions classiques de la soi-disant méningite, aucur

signe clinique n'avait permis de diagnostiquer ces lésions.

Si la méningite est une condition anatomique, nous devons

admettre qu'on ne peut la diagnostiquer durant la vie avec certi-

tude parce que les symptômes ne justifient pas les conditions ana-

tomiques existantes.

. Le terme de méningite sert pour couvrir un certain nombre de

cas cliniques à pronostic défavorable : il serait préférable de- relé-

guer ce terme pour désigner les conditions anatomiques et de don-

ner une autre appellation pour décrire les conditions cliniques.

(The alienist and Neurologist, avril 1897.) E. BLIN.

XII. ÉPILEPSIE CONSÉCUTIVE A L'ENCÉPHALITE ET ÉPILEPSIE TARDIVE ;

par le Dr 111EItNAN.

L'épilepsie qui survient après vingt-cinq ans et l'épilepsie due

aux formes variées d'encéphalite infantile présentent, de nombreux

points communs. Cette dernière, toutefois, est plus fréquemment

accompagnée de phénomènes trophiques des extrémités ; sous

l'influence des bromures, les troubles mentaux ont une tendance à

se substituer aux crises; de plus les éruptions bromurées appa-

raissent avec plus de fréquence ; enfin à la place des crises se pré-

sentent parfois des troubles mentaux nocturnes à forme de som-

nambulisme.

- Deux groupes de phénomènes caractérisent la physiologie patho-

logique de la crise épileptique : d'abord les conditions de

l'épileptique dans l'intervalle des attaques, puis l'attaque elle-

même. D'ordinaire, trop peu d'attention est apportée à la première

des conditions. L'épileptique constitutionnel est caractérisé par

une faiblesse générale du tonus, associée à une réaction, à une

irritabilité exagérées. L'rritabilité nerveuse de l'épileptique se

manifeste dans une direction spéciale.

Un important centre vaso-moteur des vaisseaux cérébraux existe

sous forme de couche diffuse placée entre le thalamus et la région

subthalamique en haut, et la décussation des pyramides en bas.

L'irritation de ce centre a comme résultat le spasme soudain

des branches de la carotide, d'où production de l'inconscience, et

perte du contrôle exercé par les centres supérieurs sur les réflexes

à la-façon d'un shock » affectant les centres nerveux. La contrac-

tion des muscles de la nuque crée d'autre part un obstacle au

230 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

retour du sang veineux et détermine l'accumulation de ce sang

veineux dans les capillaires du cerveau et de la moelle allongée.

L'opinion de Meynert que ce sang veineux agit alors comme

agent toxique et produit les symptômes notés dans la période

post-convulsive, a trouvé récemment sa confirmation par la décou-

verte faite par Féré de toxines dans l'urine convulsive.

Après l'âge de vingt-cinq ans, et' plus fréquemment entre trente-

cinq et quarante ans, peut survenir chez des individus indemnes

d'hérédité nerveuse, une épilepsie qui ressemble sous beaucoup de

points à l'épilepsie de l'encéphalite.

Ces cas présentent une première période d'épuisement nerveux

suivi par des états vertigineux accompagnés. souvent de troubles

sensoriels comparés par les malades au balancement des vagues.

Puis vient la perte plus ou moins complète de la connaissance

avec ou sans convulsions motrices. Ces phénomènes sont dus à

des toxines résultant de l'épuisement nerveux : leur apparition

commence lorsqu'une des voies d'élimination des toxines et pto-

manies produites à l'état normal dans l'organisme, se trouve sup-

primée.

Aussi faudra-t-il surveiller avec soin les fonctions du foie et le

régime prendra-t-il dans ces cas une grande importance thérapeu-

tique. (The Alienist and Neurologist, avril 1897.) E. B.

XIII. SUR LES méthodes d'investigation PSYCIIOPIIYSIQUE applicables

aux aliénés; par le D''SoMMER. (Bull. de la Soc. de.lléd. ment. de

Belgique, juin 1897.)

Pour fixer d'une façon durable la manière dont les processus

psychiques supérieurs s'effectuent chez les malades, M. Sommer a

composé différents schémas qui lui servent de réactifs psycho-

physiques. Celui qu'il présente dans ce travail est un schéma

arithmétique. Les difficultés que l'auteur a eu en vue de résoudre

au moyen de ce schéma sont les suivantes :

1° L'habileté avec laquelle l'individu examiné résout les quatre

- règles ;

2° Son habileté à résoudre des problèmes variés;

3° Le temps qu'il emploie à les résoudre, c'est-à-dire la durée

de la réaction psycho-physique ;

4° Noter les phénomènes concomitants qui nous permettent de

conclure à la modalité des processus psychiques chez cet individu.

M. Sommer a appliqué ce schéma à une série d'individus atteints

d'affections différentes (imbécillité, épilepsie, etc.) et a noté, en

comparant les résultats, quelques indications importantes pour

le diagnostic différentiel. G. DENY.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 231

XIV. Tétanos A frigore. GUÉRISON; par A. Rives.

(Siglo medico, mai 1897.) `

Homme, trente ans, pas d'antécédents à noter, après un rude

travail de nuit s'asseoit dehors sans ôter ses vêtements trempés. Le

lendemain, courbature, raideur douloureuse à la nuque et difficulté

pour ouvrir la bouche. Progression rapide des accidents ; le

deuxième jour, trismus complet et intervalles d'opistotonos doulou-

reux ; le troisième jour sueurs profuses, contracture des muscles

de la face, opistotonos permanent, membres inférieurs en exten-

sion forcée, supérieurs en flexion, céphalalgie, dyspnée, pouls 93,

t. 38°8 ; pas de miction depuis vingt-quatre heures, ventre tendu ; à

la moindre impression, secousses convulsives très douloureuses

exagérant les contractures pendant dix à douze minutes. -Pas

trace de la moindre plaie sur aucune région du corps, pas de trau-

matisme. Diagnostic rigoureux (ni rage, ni méningite, ni strych-

nisme) : tétanos. Traitement : chloral et bromure à haute dose,

faute d'antitoxine; aliments liquides. Diminution des paroxysmes

au huitième jour; éruption chloralique le dixième jour ; interrup-

tion et reprise nécessaire du traitement, amélioration progressive

du huitième au trentième jour, guérison confirmée le quarante-

deuuxième jour. L'auteur discute toutes les théories écologiques

connues ; il se range à celle de Verneuil et plus spécialement de

Colin, qui admet l'origine équine combinée à l'action du froid.

Le malade de Rives était en rapport avec des chevaux comme

laboureur, et avait pris froid ; la porte d'entrée du bacille n'a pas été

trouvée. F. BO15SILR.

XV. Névroses TUBERCULEUSES par Escuder. (Siglo medico,

juin 1897.)

L'auteur cherche à établir la relation étiologique qui existeparfois

entre l'hystérie et la tuberculose héréditairement ou directement.

En y regardant de près, on voit souvent qu'une névrose est symp-

tomaliquement dialliésique : scrofule, herpès, tuberculose, chorée

rhumatismale, angine de poitrine liée à la sclérose, etc.). Escuder

a observé souvent la tuberculose dans les antécédents hérédi-

taires des hystériques. D'un père phtisique naissent des enfants

dont les uns meurent en bas âge de méningite tuberculeuse, tan-

dis que d'autres ont simplement des convulsions et deviennent plus

tard (puberté) des névropathes, hypocondriaques, hystériques,

alcooliques ; d'autres enfin peuvent échapper à ces troubles

ou sur le tard deviennent eux mêmes phitsique3. Beaucoup

d'hystériques sont fils ou frères de tuberculeux. Fréquemment

on observe l'alternance de la phtisie et de l'hystérie dans une

même génération, ou l'alternance de poussées tuberculeuses et de

232 REVUE DE' PATHOLOGIE NERVEUSE.

bouffées délirantes vésaniques chez un même malade. L'embarras

est de savoir quelle est la pathogénie de ces rapports ; y a-t-il

un état spécial latent du bacille produisant dans l'économie une

altération organique correspondante, ou un état particulier des

phénomènes intimes de la nutrition ? Toujours est-il que névrose

et phtisie semblent dans ces cas deux processus émanant d'un

même substratum, deux fonctions d'un même facteur. D'ailleurs,

plus on va, plus se restreint le champ des névroses et psychoses

.essentielles et sans lésions; plus ce champ sera défriché et connu,

plus la thérapeutique gagnera en précision et en efficacité, sur-

tout quand en matière de psychoses on aura substitué un traite-

ment individuel rationnel aux routines des grands manicomes.

C'est là décidément le deleizda Carthago du très distingué M. Escu-

der. F. BOISSIER.

XVI. UN cas d'atrophie musculaire PROGRESSIVE d'origine trauma-

TIQUE PRISE pour UNE hématomyélie spontanée ; par le D1' de BOCK.

(Jour>a. de neurologie et d'hypnologie, 1897, no 11.)

Le malade qui fait l'objet de cette observation est un athéro-

masique qui fut pris brusquement, à la suite d'un effort, d'une

douleur localisée à la région lombaire gauche. Quelques semaines

après l'accident, des crampes douloureuses se déclarèrent dans le

membre inférieur correspondant. On constata en outre une aboli-

» .tion ou. une diminution des réflexes cutanés et tendineux des

.membres inférieurs, une diminution de la contractilité volontaire

et électrique des muscles de ces membres, de la trépidation spi-

anale, etc. Pas de troubles de la sensibilité. M. de Buck diagnos-

tiqua une hématomyélie spontanée des cornes antérieures de la

moelle lombo-sacrée, mais le malade étant mort quelque temps

.après, l'examen macroscopique de la moelle ne permit de cons-

tater aucune trace d'un exsudat sanguin intra-médullaire. On est

donc conduit à penser qu'il s'est agi dans ce cas d'une atrophie

.musculaire progressive plus ou moins aiguë consécutive à un trau-

matisme de la moelle. G. D.

XVII. Rapports DES névroses (hystérie, épilepsie, chorée) avec la

grossesse ET l'accouchement ; par M. le Prof. Tarnieh. (Presse médi-

cale, 10 avril 1897.)

L'hystérie n'est d'ordinaire en rien modifiée par la grossesse ;

rarement elle est atténuée ; quelquefois seulement elle est aggra-

vée. Le pronostic de l'hystérie pendant la grossesse est donc bénin.

'D'autre part, la grossesse suit son cours normal. Dans la moitié

des cas environ, la grossesse n'exerce aucune action sur l'épilepsie

ou l'aggrave ; dans l'autre moitié, elle l'influence favorablement.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 233

L'épilepsie est très rarement la cause de l'interruption de la gros-

sesse. La chorée gravidique est souvent la récidive d'une chorée

survenue dans l'enfance ; l'étiologie et la symptomatologie en sont

les mêmes que celles de la chorée ordinaire. Le pronostic en est

sérieux, puisqu'on note une mortalité maternelle de près de 30

p. 100 et que l'accouchement se fait avant terme dans 20 p. 100 des

cas. A. Fenayrou.

XVIII. SUR UN cas d'hémianopsie horizontale INFÉRIEURE D'ORIGINE

traumatique; par le prof. de LAPERSONNE et le Dr Grand (de

Lille). (Presse médicale, 10 avril 1897.)

Observation d'un malade qui, à la suite d'un violent trauma-

tisme crânien, a présenté une hémianopsie horizontale inférieure

symétrique. Ce symptôme persiste depuis dix-huit mois et paraît

devoir être définitif. Pas de lésions de la papille ni de la rétine.

Le malade n'est ni un hystérique ni un tabétique. L'hémianopsie

qu'il présente semble pouvoir être attribuée à un épanchement san-

guin sous-dure-mérien formant foyer non loin de la scissure per-

pendiculaire interne et détruisant l'écorce ducunéus.

Cette observation tend à établir l'existence réelle des hémianop-

sies horizontales, contrairement à l'opinion généralement admise,

d'après laquelle ces hémianopsies ne seraient que des rétrécisse-

ments plus ou moins symétriques des deux champs visuels, dépen-

dant des processus névritiques, et se transformant très vite en

amaurose complète. Des épanchements sanguins, des abcès du

cerveau, des tumeurs à localisation bien nette, peuvent entraîner

des lésions suffisamment symétriques pour produire cette hémi-

anopsie. A. FEYAYROU.

XIX. Paralysie BULLAIRE asthénique descendante avec autopsie (Syn-

drolae d'Er6); par MM. Widal et MARLNESCO. (Presse médicale,

14 avril 1897.)

On n'avait constaté jusqu'ici aucune lésion anatomique à l'au-

topsie de sujets atteints de paralysie bulbaire asthénique ou syn-

drome d'Erb.

MM. Widal et Marinesco, ayant observé un malade atteint de

paralysie bulbaire asthénique descendante, ont procédé après sa

mort a l'examen analomo-palholcgique des centres nerveux et des

nerfs, en utilisant les méthodes de coloration de Nissl, de Marchi

et de Pal, et ont ainsi relevé l'existence de lésions dans les noyaux

du moteur oculaire commun, du moteur oculaire externe, du

facial, de l'hypoglosse, du spinal, de la substance grise antérieure

cervicale, ainsi que dans les nerfs qui émanent de ces noyaux. Les

lésions des cellules des centres nerveux consistent essentiellement

234 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans la désintégration des éléments chromatophiles : on retrouvé

les trois espèces de chromalolyse décrites par M. Marinesco, chro-

matolyse périnucléaire, diffuse ou périphérique. La substance

achromatique présente dans certaines cellules un aspect translu-

cide et teinté légèrement en jaunâtre ; mais nulle part on ne voit

de désintégration de cette substance, ni de rupture des prolonge-

ments. Pas d'inflammation vasculaire ; les petites artérioles et les

capillaires sont dilatés et hyperémiés, mais il n'y a pas d'hémor-

ragies. Il existe des fibres dont la myéline est dégénérée, dans les

troncs du moteur oculaire commun, du facial et de l'hypoglosse.

Etant donné le type très variable des altérations des cellules des

noyaux protubérantiels, il s'agit sans doute d'une altération primi-

tive des centres nerveux ; il n'a pas été possible de savoir si les

altérations des nerfs sont primitives ou secondaires. Les lésions

constatées par les auteurs dans le cas qu'ils rapportent ont la

même localisation que celles de la polioencéphalomyélite, mais

leur nature et leur degré varient. On peut donc admettre que

paralysie bulbaire asthénique et polioencéphalomyélite sont deux

maladies différentes résultant de lésions distinctes des mêmes sys-

tèmes anatomiques. Du reste, l'on ne peut conclure définitivement

d'un seul fait. Le syndrome d'Erb relève peut être de lésions de

siège différent. A. Fenayrou.

XX. POLYURIE NERVEUSE ET POLYURIE HYSTÉRIQUE; par M. E. BRISSAUD.

(Presse médicale, 14 avril 1897.) '

La polyurie dite essentielle est presque toujours un symptôme de

l'hystérie. Le diagnostic de cette polyurie hystérique est faite

lorsqu'elle est associée à d'autres symptômes de la névrose, à

l'hémianesthésie sensilivo-sensorielle par exemple; mais lorsqu'on

est en présence d'un cas de polyurie monosymptomatique, comment

savoir qu'on a affaire à la polyurie hystérique, à la polyurie ner-

veuse des dégénérés, à la polyurie neurasthénique, etc. ?

D'après M. Babinski, toute polyurie monosymptomatique modi-

fiée par la suggestion hypnotique est de nature hystérique. Mais

ce moyen de diagnostic est souvent incertain ; la suggestion hypno-

tique est dans bien des cas impuissante et, de plus, elle a été

suivie d'effets utiles chez des dégénérés simples non hysthériques.

La distinction est donc dans certains cas impossible entre la

polyurie hystérique et la polyurie nerveuse des dégénérés, laquelle

n'est qu'un syndrome de dégénéretice analogue à ceux décrits par

Magnan, avec lesquels il peut coexister. Cette distinction, il est vrai

ne repose en réalité que sur une simple question de mots : cer-

tains soutiennent, en effet, que la condition sine qua non de la

suggestibilité est l'hystérie et par suite, d'après eux, tout dégénéré

influencé par la suggestion hypnotique est un hystérique ; de plus,

REVUF-DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 235

il est avéré que la plupart des hystériques sont des héréditaires

dégénérés et, en renversant la proposition, que beaucoup de dégé-

nérés ont l'hystérie en puissance. Parfois aussi le diagnostic de la

polyurie neurasthénique est à peu près impossible.

Dans d'autres cas, lorsque par exemple. une polyurie insipide

rebelle se déclare à la suite d'un traumatisme crânien, ou au cours

d'une affection cérébrale telle qu'une tumeur, le diagnostic peut

offrir les plus grandes difficultés. L'hystérie peut, en effet, être la

conséquence du traumatisme, mais le trouble sécrétoire peut

aussi être la conséquence d'un trouble cérébral. On sait que

l'hystérie se combine avec toutes les affections cérébrales, et plus

spécialement avec les affections cérébro-spinales. Du reste, conclut

l'auteur, puisqu'il n'y a pas une seule maladie qui, à un moment

donné, ne soit un appel à l'hystérie, pourquoi nier l'existence d'une

polyurie essentielle, maladie autonome aussi capable que tout autre

de faire naitre une hystérie d'occasion ? A. Fenayrou.

XXI. Un C\S DE MIGRAINE OPIIT.1L\(OL'LFGIno;i; par M. BOUCHAUD.

(Presse médicale, 28 avril 1897.)

L'auteur rapporte un cas de migraine ophtalmoplégique diffé-

rent de ceux qui ont été publiés précédemment par la date de son

apparition et par son évolution. La maladie s'est déclarée à un

âge avancé (soixante ans) et non dans l'enfance, comme c'estiarè4 ! 1e.

De plus, tandis que d'ordinaire, elle débute par une série d'accès

comprenant chacun une phase douloureuse et une phase para-

lytique et n'aboutit qu'au bout d'un certain temps à une paralysie

permanente, il n'y a eu dans le cas présent qu'un seul accès et la

paralysie, qui en a été la consénuence, a persisté. Ces deux par-

ticularités ne sauraient faire rejeter le diagnostic de migraine

oplitalmoplégique ; d'une part, si la maladie peut se développer

à trente ans (cas de Charcot), il n'y a pas de raison pour qu'elle ne

puisse pas apparaître plus tard; d'autre part, on conçoit très

bien que le processus morbide qui, d'ordinaire, amène à la longue

un état paralytique continu, ait pu se manifester avec assez d'in-

tensité pour produire le même résultat dès le premier accès. '

A. FENaYROU.

XXII. LES causes DES paralysies récurrentielles ; par M. M. LARMOYEZ.

(Presse médicale, S mai 1897.)

L'auteur étudie en détail la physiologie palhologique du nerf

récurrent et la pathogénie des paralysies récurrentielles, et for-

mule les conclusions suivantes relatives au pronostic de ces para-

lysies : L'opinion classique, d'après laquelle une paralysie du

récurrent est toujours incurable, demande à être revisée. A côté

236 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

des paralysies récurrentielles, toujours fonction de lésions mor-

telles, il en est un grand nombre qui ne comportent aucun pro-

nostic grave, soit qu'elles guérissent, soit qu'elles ne soient nul-

lement signe d'une affection mortelle.

On peut établir trois types principaux de paralysies récurren-

tielles : 1° La paralysie récurrenlielle grave, qui mène à la mort,

du fait des lésions qui l'ont déterminée; 2° la paralysie récurreu-

tielle incurable, bénigne, simple infirmité compatible avec une

survie indéfinie ; 30 la paralysie récurrentielle et bénigne qui

guérit sans laisser de trace de son passage, paraissant n'être que

le résultat d'une névrite primitive dont le refroidissement serait

un des facteurs. A. Fenayrou.

XXIII. L'insomnie par idée fixe subconsciente; par le Dr p. JANFT.

, (Presse médicale, 28 juillet 1897.)

Ce travail est basé sur l'observation d'une malade de trente-sept

ans, issue d'une mère hystérique, qui a perdu son enfant il y a trois

ans et qui a été atteinte, quatre mois après, d'une fièvre typhoïde.

Cette maladie a retenti sur son état mental et provoqué la trans-

formation du regret de son enfant, qui jusque-là était resté dans

des limites normales, en une véritable idée fixe s'accompagnant de

gémissements continuels et provoquant même de véritables hallu-

cinations visuelles. Mais au bout d'un mois ou deux, celte obsession

.a paru s'évanouir pour faire place à une autre préoccupation. La

malade se plaignait d'une insomnie persistante ; à son entrée

l'hôpital, elle prétendait n'avoir pas dormi depuis deux ans. Pen-

dant quatre mois, à la Salpêlrière, la surveillance la plus attentive

ne permet pas de la surprendre une seule fois endormie.

Elle présente des troubles de la sensibilité (anesthésie, diminu-

tion du goût, de l'odorat et de l'ouïe ; rétrécissement du champ

visuel), une tendance aux attitudes cataleptiques et un certain

.degré de contracture qui se développe dans les jambes à la suite

des attaques convulsives qui surviennent quelquefois.

.-On observe de l'amnésie continue. Conservation de la mémoire

des faits antérieurs à la maladie actuelle, perle presque totale du

souvenir des événements des deux dernières années. Disparition

presque complète de toute activité intellectuelle. Inertie contrastant

avec l'activité antérieure. Absence totale d'attention. De temps à

autre, quelques troubles vaso-moteurs. Perturbation des fonctions

digestives. Réduction notable des éléments constitutifs de l'urine.

A noter qu'avant le début de l'insomnie la malade n'avait présenté

.aucun symptôme d'hystérie.

Dans les conditions ordinaires, la malade ne pouvait expliquer

la cause de son insomnie ; ce n'est que grâce aux pratiques hypno-

tiques que M. Janet a pu élucider la pathogénie de ce symptôme.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 237

Cette cause n'était autre que l'idée fixe, plus ou moins modifiée,

de la mort. de son enfant ; cette idée, primitivement consciente,

avait semblé disparaître ; en réalité elle avait persisté, mais était

devenue subconsciente ; elle ne se développait plus complètement,

au début de la maladie, que pendant les instants de sommeil et'

amenait aussitôt le réveil accompagné d'un grand sentiment de,

terreur. La reproduction fréquente de ces réveils terrifiants avait

fini par amener la malade à ne plus même essayer de s'endormir.

En s'opposant, par la suggestion pendant le sommeil hypnotique,

à l'apparition de cette idée fixe, M. Janet est arrivé à faire dormir

sa malade pendant plusieurs heures. Mais, dès qu'il l'abandonnait

à elle-même le réveil survenait fatalement au bout de deux ou trois

minutes.

Les réflexions suggérées à l'auteur par cette observation, peuvent

se résumer ainsi : * 1° L'insomnie persistante peut être un phéno-

mène hystérique ; 2° elle détermine un affaiblissement énorme des

phénomènes de synthèse mentale qui se manifeste surtout sous

forme d'aboulie et d'amnésie continue ; 3° cette insomnie se

rattache dans certains cas à des phénomènes de somnambulisme

plus ou moins complet ; 4° elle peut dépendre, comme les som-

nambulismes eux-mêmes, de la persistance de certaines idées fixes

subconscientes plus ou moins méconnues ; 5° enfin, elle est guérie

facilement parle traitement des idées fixes elles-mêmes. »

- A. FENAYROU.

XXIV. Paralysie ascendante aiguë; par MM. Hirtz et LESNÉ.

(Presse médicale, 12 juin 1897.)

Après avoir relaté la variabilité de l'étiologie, de la symptomato-

logie, de l'évolution et de l'anatomie pathologique de la paralysie

ascendante aiguë, les auteurs rapportent un cas de cette affection

qu'ils ont observé.

Il s'agit d'une femme de vingt-deux ans, sans autres antécédents

que la rougeole et la coqueluche, chez qui s'est manifestée brus-

quement et sans cause connue au troisième mois d'une grossesse,

de la parésie, presque aussitôt transformée en paralysie, des

membres inférieurs, puis du membre supérieur droit. Le membre

supérieur gauche, envahi en dernier lieu, n'a été qu'incomplètement

paralysé. Aucun accident bulbaire ne s'est produit au cours de la

maladie. Mais des troubles trophiques n'ont pas tardé à apparaître.

L'état de la malade est resté à peu près stationnaire pendant deux

mois environ, jusqu'à sa mort survenue par suite d'une broncho-

pneumonie.

A l'autopsie, on n'a trouvé aucune lésion appréciable dans les

nerfs périphériques (médian, cubital, sciatique, etc.). Les méninges

rachidiennes étaient congestionnées. Il existait aussi de la congés-

238 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tion des vaisseaux de la substance blanche et de la substance grise

médullaire, surtout dans les cornes antérieures ; la gaine périvascu-

laire contenait des cellules rondes lymphatiques. Pas de dégénéres-

cence de la substance blanche, Cellules de la corne postérieure

intactes. Les cellules de la corne antérieure étaient altérées ; beau-

coup d'entre elles avaient disparu, d'autres étaient hypertrophiées,

d'autres atrophiées; le corps cellulaire avait une teinte uniforme

nébuleuse certains noyaux étaient tuméfiés, se colorant mal ou

pas du tout; il en était de même du nucléole. Par places, ces noyaux

au lieu d'être centraux, étaient refoulés à la périphérie de la cel-

lule. Ces lésions très prononcées à la région lombaire allaient en

s'atténuant de bas en haut ; au-dessus du renflement cervical, les

cellules ganglionnaires se présentaient avec leurs caractères nor-

maux ; mais les altérations vasculaires ne disparaissaient que dans

le hulbe. Les racines rachidiennes paraissaient intactes.

En somme, la maladie a présenté les particularités suivantes :

début brusque en état de santé parfaite; paralysie ascendante ne

gagnant pas le bulbe; altérations médullaires considérables sans

névrite périphérique appréciable. A. FENAYROU.

XXV. Maladie familiale A symptômes CÉRÉBRO-3fÉDULLAIRES; parPAULY

et Bonne. (Revue de médecine, mars 1897)

Maladie survenue chez trois frères à antécédents et hérédité

pathologique nuls. Les trois sujets ont actuellement vingt-six,

vingt-trois et huit ans. Les premiers troubles sont survenus à douze

et quatorze ans chez les deux aînés, à six ans chez le plus jeune ;

ils ont commencé par du nystagmus et des troubles légers de la

marche. Ils sont allés s'accentuant progressivement, et actuellement

les trois frères ont un aspect caractéristique : nystagmus, bradylalie,

tremblement intentionnel des membres, exagération des réflexes

Chez les trois il y a contraction, toutefois plus prononcée chez le

plus jeune, rappelant un peu une maladie de Littte. Chez les deux

autres, la démarche est plutôt titubante.

Ces cas correspondent assez bien au type de la maladie familiale :

similitude des symptômes chez plusieurs enfants d'une même géné-

ration, début à peu près au même âge, indépendance de toute

influence extérieure.

Sans vouloir préciser la place dans un cadre nosologique de

cette affection dont la vérification anatomique manque, les auteurs

inclinent à en faire une forme de transition entre l'béréduataxie

cérébelleuse et les affections décrites sous le nom de sclérose

en plaques ou diplégie spastique héréditaire ou familiale.

M. 11 Il [tL.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 239

XXVI. Contribution A l'étude DES lésions médullaires dans l'anémie

PERNICIEUSE protopathique ; par E. LENOBLR. (Revue de médecine,

juin 1897.)

Cas d'anémie pernicieuse primitive survenue chez un homme de

vingt-six ans jusqu'alors très bien portant et qui, à la suite d'un

traumatisme violent reçu dans le sein droit, commença à présen-

ter de l'amaigrissement, de l'anémie qui allèrent en s'accentuant

s'accompagnant de selles foncées, de toux sanguinolente, vertiges,

céphalée intense, hyperesthésie de la peau. Contraction fibrillaire

et fasciculaire des muscles au toucher ; exagération des réflexes,

trépidation épileptoïde du pied. Cet élat alla s'aggravant et le

malade mourut par cachexie au bout de cinq mois.

A l'autopsie, sur des coupes de la moelle à différentes hauteurs,

petits foyers hémorrhagiques allant de l'ectasie simple à i'liémor-

rhagie diffuse avec infiltration embryonnaire, prolifération de la

névroglie, disparition partielle de la myéline ; les cylindraxes ne

présentent pas d'altération, les cellules sont respectées, mais il y a

raréfaction de leur feutrage intermédiaire. En somme, lésions dif-

fuses et interstitielles, expliquant en partie les phénomènes d'irri-

tation constatés pendant la vie.

L'intérêt de ce cas consiste dans la rapidité de l'évolution de la

maladie et dans l'apparition tardive des lésions médullaires, qui ont

permis de surprendre dès leur début des lésions dont les autopsies

n'avaient jusqu'ici que signalé l'altération définitive. M. IL

XXVII. DE la psychose polynévritique ; par SOUHBANOFF. (Revue

de médecine, mai 1897.)

Après un court résumé historique des travaux faits sur cette

question (Korsakoff, Bobinski, Haury, Atwood, Rose, Frischer),

l'auteur apporte douze cas observés à la clinique psychiatrique de

Moscou. Il appelle surfont l'attention sur les amnésies spéciales qui

accompagnent cette affection et qui sont presque pathognomo-

niques. Ces troubles de la mémoire s'observent tantôt sous forme

d'oubli permanent (amnésie connue), tantôt sous forme d'amné-

sie rélrograde. A cdlé de cette forme d'oubli, qui est un symptôme

presque constant, la névrite multiple est souvent accompagnée de

pseudo-7-émiîiisceiices,- en même temps qu'ils oublient tout ce qui

se passe autour d'eux, les malades forgent par amnésie des his-

toires invraisemblables.

Tous ces troubles de la mémoire surviennent dès le début de la

maladie, et en général leur accentuation est un indice d'état géné-

ral et de pronostic plus graves.

D'après les observations de l'auteur, l'état psychique des malades

240 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'il a observés est celui d'une démence progressive : diminution

de l'affectivité ; lenteur de l'idéation,'état apathique.

. La psychose polynévritique forme-t-elle une entité morbide spé-

ciale ? ,

il arrive dans certains cas que les symptômes de névrite

sont à peine prononcés; ce sont les symptômes mentaux qui domi-

nent toute la scène ; la mémoire est affaiblie, il existe des pseudo-

réminiscences, tandis que l'affection des troncs périphériques ne se

traduit que par des douleurs insignifiantes des membres.

Certains auteurs (Babinski, Henry), s'appuyant sur quelques-uns

de ces cas, pensent qu'il n'y a pas lieu d'établir un lien organique

entre cette psychose, el la polynévrite. Ce n'est pas l'opinion de

M. SoukhanoS' : Que les troubles mentaux soient au premier ou au

second plan, le tableau de cette psychose est toujours très carac-

téristique ; d'ailleurs les symptômes de polynévrite sont toujours

contestables et les autopsies qui ont pu être faites ont toujours

révélé une lésion des nerfs périphériques et de la moelle.

La cause de la polynévrite semble se rattacher à une anto-

intoxication, mais la cause première semble être l'alcoolisme dans

la plupart des cas.

C'est surtout dans les cas d'origine nettement alcoolique qu'on

observe une prédominance des troubles psychiques. Ces cas sont

également ceux dont le pronostic semble le plus grave.

Cela pourrait s'expliquer par ce fait que chez les alcooliques

le cerveau, organe d'élection du poison, a été déjà touché, « de

sorte que l'auto-intoxication, lorsqu'elle survient, intéresse plus

facilement le cerveau que les nerfs périphériques ».

M. HAMEL.

XXVIII. UN cas DE gliome cérébral; par DEVIC et CODMONT.

(Revue de médecine, avril 1897.)

Gliome chez une femme de quarante-six ans, survenu sans cause

appréciable.

- Début par une céphalée intense; troubles mentaux consécutifs

caractérisés par des altérations de la mémoire, de l'apathie, des

idées de suicide, des attaques de sommeil et notamment des accès

d'automatisme ambulatoire qui duraient quelquefois. trois heures ;

finalement hémiplégie gauche presque totale.

Dix mois environ après les premiers accidents, on fit la trépa-

nation et l'ablation d'un gliome de la région frontale droite.

Il y eut, les jours qui suivirent, une notable amélioration des

troubles mentaux, disparition complète de la céphalée et diminu-

tion de la paralysie. Cette amélioration alla s'accentuant pendant

quatre mois, lorsque la malade fut enlevée par un érysipèle migra-

teur de la face.. - .

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 241

Ce cas montre que des troubles mentaux spéciaux, accès de som-

meil, automatisme ambulatoire peuvent accompagner une com-

pression de la région frontale, et il est en outre intéressant par

ses résultats post-opératoires.

XXIX. SUR UN cas particulier DE cécité psychique; par Lépine.

(Revue de médecine, juin 1897.)

On sait que la cécité psychique des mots est caractérisée par

l'impossibilité pour le malade de comprendre la signification des

mots qu'il lit. L'auteur rapporte ici le cas d'un paralytique général

qui au cours de sa maladie était atteint d'une cécité psychique

particulière s'adressant seulement aux objets : le malade sait bien

le nom des objets qu'on lui pose, mais il a absolument perdu la

notion de leur usage. Il n'y a ni aphasie ni agraphie.

Des cas analogues ont déjà été décrits par quelques auteurs,

entre autres par Kussmaul, qui lui avait donné le nom d'apraxie.

Cet état peut aussi être rapproché de « l'imperception » de Jack-

son et de l'asymbolisme de Wernicke. M. HAMEL.

HYGIÈNE SOCIALE.

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DL L;ltUILLLI : S;

Par JI, le Dr LEGRlIiN,

Médecin 'en chef à l'asile de Yillc-Ewaul . «.

La recherche des causes de l'alcoolisme. Si le vieil adage :

Sublald causa, tollitur effectus, est rigoureusement vrai, on com-

prend le zèle incessant des hommes de science et des sociologues

pour la recherche des causes de l'alcoolisme. Mais il faut bien dire

que cette recherche n'a produit encore aucun résultat pratique de

quelque valeur. L'alcoolisme n'est pas un effet simple, mais une

série d'effets aux multiples aspects. Les causes sont aussi nom-

breuses et aussi inextricables. Quand on parle des causes de l'alcoo-

lisme c'est bien d'un enchaînement de causes et d'effets à réper-

' Ces chapitres sont extraits du rapport présenté u M. ministre de fin-

térieur, par M. le D' Legrain, délégué officiel de la France au Congrès.

Archives, 2e série, t. V. 16

242 hygiène sociale.

cussion infinie qu'il faudrait parler, jusqu'au moment où l'on se

trouve face à face avec la cause vraie, l'unique cause. qui est

l'alcool lui-même, et où l'on se trouve acculé à cette nécessité

d'avouer que le vrai, le seul moyen de supprimer l'effet alcoolisme,

c'est de supprimer l'alcool. Dans sa grossière naïveté que La Palisse

signerait et qui ferait sourire, j'ai dit une vérité simple que la

sagesse humaine, quelle qu'en soit la forme, devrait bien recon-

naître pour résoudre d'un seul coup, par l'abstinence volontaire

du poison, l'obsédante question des causes de l'alcoolisme.

Mais puisque la raison et la logique ne sont pas toujours le propre

de l'homme enclin à toutes les faiblesses passionnelles, il faut bien

risquer, pour résoudre le problème, au moins sous quelques-unes

de ses faces, de partielles explications.

Sur le terrain étiologique les observateurs se rencontrent diffici-

lement : tout dépend, c'est fatal, de l'angle sous lequel on envisage

la question et des circonstances où l'on opère.

Une des thèses les plus intéressantes est, à coup sûr. celle qui

considère l'alcoolisme comme un phénomène de biologie sociale.

C'est placer la question sur un terrain très vaste, fécond en

aperçus, sinon en conclusions pratiques, et sur lequel nous avons

eu plaisir à suivre M. Van den Corput, sénateur belge.

Le fléau alcoolique serait le résultat d'un défaut d'équilibre

entre le coefficient de résistance de l'organisme humain et les con-

ditions nouvelles que nous ont créées les grandes découvertes

modernes. Ce serait une conséquence fatale, mais passagère, de la

lutte que l'homme se voit obligé de soutenir entre les exigences

intensives de la vie actuelle. L'organisme humain n'est plus en

rapport avec l'organisme économique. La vie torrentueuse que

nous menons nécessite un surcroit de dépense d'énergie à la pro-

duction de laquelle l'espèce n'a pas été progressivement adaptée.

D'où pour elle l'infériorité dans la lutte. En somme, l'alcoolisme

moderne, fléau généralisé, représente une nouvelle crise de l'his-

toire de l'humanité.

Le travailleur, surmené, cherche à soutenir son énergie par

l'excitation factice de l'alcool, tandis qu'il devrait, s'il était suffi-

samment éclairé, et sous peine de déchéance, renouveler le fonds

perdu des forces vives de l'organisme. C'est donc par un enchaî-

nement spécial, corrélatif et graduel, par l'usage d'une alimenta-

lion protéinique, phosphato-azotée qui se substituera peu à peu au

régime hydrocarboné de l'inébriation alcoolique, que l'on obtien-

dra la guérison de l'alcoolisme.

M. Van den Corput ne croit pas que l'alcoolisme soit une fonc-

tion de l'industrialisme du siècle. Il ne croit pas que le travail

intensif qui résulte des transformations industrielles nécessite

l'usage de l'alcool. Cette thèse consacrerait une erreur physiologique.

Si, en effet, l'alcool excite, il épuise. Il est faux qu'une stimulation

L'ALCOOLISME AU 'CONGRÈS DE BRUXELLES. 243

artificielle puisse être obtenue sans surcroît de dépense, ni usure.

La stimulation de l'alcool n'est que le premier degré de l'intoxica-

tion éthylique. Celui qui en use, s'use. L'individu alcoolisé doit

être classé parmi les individus incapables ou malfaisants.

Mais ici l'auteur, qui est théiste et cause-finalier, reprend espoir.

D'une part l'humanité déchoit, mais elle est aussi perfectible.

Amalgamant les lois darwiniennes de l'évolution avec la concep-

tion religieuse d'une harmonie fatidique de la création, il croit

que l'alcoolisme est, en quelque sorte, un mal nécessaire, parce

qu'il est l'agent de la sélection qui fait disparaître les inutiles.

Dans la lulle pour la vie, l'alcool est intervenu ; place aux forts

qui auront su s'en affranchir et résister à cette nouvelle épreuve

évolutive !

Il suit de tout cela que le correctif du vice alcoolique est tout

physiologique : c'est le relèvement des forces neuro-musculaires

par un entraînement éducatif et hygiénique convenable, mais

surtout par une alimentation appropriée.

Mais, hélas ! si n1. Van den Corput nous indique le remède, il ne

nous indique pas les moyens de l'appliquer. Nous le savons fort

bien depuis longtemps : tout homme qui boit de l'alcool, croyant

qu'il s'alimente, fait fausse route. Nous savons très bien que qui-

conque a la sagesse de remplacer un verre de vin par un morceau

de pain rentre bien dans les conditions hygiéniques indiquées par

la physiologie normale. Mais le moyen de convaincre le buveur

d'alcool ? L'alimentation phosphato-azotée est à la disposition de

tout homme qui peut dépenser deux sous pour un verre d'eau-de-

vie ! Pourquoi ne la prend-il pas ? Peut-être y aurait-il là une autre

cause que M. Van den Corput n'a pas bien aperçue. Et l'examen de

cette nouvelle cause nous conduirait à l'examen d'une troisième,

sans que jamais nous en apercevions la fin.

Asiles pour buveurs. La déchéance appliquée au buveur dan-

gereux, son exclusion du sein de la famille par le divorce, sou

interdiction légale le frappent peu à peu d'un ostracisme très légi-

time. Que va-t-il faire désormais isolé au sein de la société qui

s'en méfie et le stigmatise, cet être dégradé devenu passif autant

par son annihilation en tant qu'unité sociale, que par sa passion

pour l'alcool ? La prison lui ouvre souvent ses portes. D'autres ont

songé à lui tendre la main et à le relever.

Nous connaissons mal en France ces admirables sauveteurs qui

ont pris naissance en Suisse il y a tantôt quinze ans et qui, simples

infirmiers qu'ils se nomment, n'ont pas craint de descendre dans

le ruisseau, de tendre la perche à l'être repoussant qui s'y noie,

de le relever, de le guérir, souvent après des séries de rechutes et

de repêchages qui ne lassent jamais leur patience. J'ai le devoir,

244 HYGIÈNE SOCIALE.

vivant dans un contact incessant avec les victimes du mal et

sachant ce qu'il faudrait d'héroïsme pour vaincre les obstacles

d'une cure difficile, de rendre hommage à la Croix-Bleue, dans la

personne de son éminent président et fondateur : le pasteur

Rochat, de Genève.

L'idée de considérer le buveur comme un être en détresse

morale était sublime et devait conduire à l'idée, également mal

connue en France, de soigner le buveur comme uu malade. Malgré

les efforts d'ignorants ou partiaux détracteurs, il est du devoir de

ceux qui ont vu, d'affirmer bien haut que le buveur est dans un

grand nombre de cas un être curable et que la cure du buveur est

une des formes les plus intéressantes de l'assistance publique.

Je dirai même qu'elle est des plus urgentes. Hésitera-t-on pour le

morphinisé, pour l'éthérisé ? Et ne doit-on pas tenter pour l'alcoo-

lisé ce que l'on considère comme tout simple pour les autres vic-

times des poisons intellectuels que notre humanité décadente a

mis à la mode ?

Le Dr Forel, professeur à l'université de Zurich, psychiatre distin-

gué autant que philanthrope éclairé, fut un des premiers qui

réalisa, en Suisse, le système de la cure des buveurs par l'interne-

ment dans un asile. Les résultats obtenus n'ont pas beaucoup

surpris les congressistes, gens déjà convaincus; mais il est bon de

les faire connaître chez nous, aux esprits frondeurs, auxquels un

vernis clinquant tient lieu de science.

Sur 296 buveurs, traités de 1889 à 1895 inclus, sont restés après

ieur sortie :

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 24S

La Suisse, les États-Unis, la Tasmanie, le Nouveau-Brunswick,

la Nouvelle-Zélande, Victoria, le Canada ont des lois qui consacrent

le principe de l'internement d'office et s'en trouvent bien. D'autres

pays, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche, préparent des lois

semblables ou possèdent déjà des asiles de buveurs.

A quand le tour de la France ? Faut-il compter comme une ten-

tative sérieuse l'essai, plus apparent que reél, de sélection qu'on a

réalisé à Ville-Evrard, avec le concours du Dr de Montye) qui,

depuis, m'a transmis cette esquisse de service d'alcooliques ?

Cette tentative est la négation même des principes les plus élé-

mentaires qui doivent présider à l'organisation de la cure systé-

matique des buveurs, si l'on en croit les gens expérimentés. Il n'y

a que le bon public égaré par des journaux trop légèrement ren-

seignés, qui puisse croire encore à l'existence en France d'un asile

de buveurs. Il existe bien un lieu où s'entassent pêle-mêle des

êtres qui ont bu de l'alcool avec exagération. Il est bien réel qu'on

leur donne de l'eau à boire, comme on ferait à la salle de police.

Là s'arrête la cure.

Il y a bien des causes à ce malheur, causes qui ne sont pas-

imputables, je me hâte de le dire, à mon prédécesseur pas plus

qu'à moi-même ; ce n'est pas le lieu de les énumérer. Il en est une

pourtant que j'éprouverai du soulagement à souligner : l'asile de

Ville-Evrard possède une ceinture d'ignobies bouges rappelant ces

champignons vénéneux qui croissent comme autant de parasites,

au détriment de toutes les agglomérations, et qui déversent leur

poison jusque parmi les malades que l'asile devrait protéger. Quel

est l'homme énergique qui fera des décombres de ces bâtisses-

déshonorantes ?

Peut-on encore envisager comme un asile de buveurs cette

énorme caserne dénommée 5° asile, qui s'étale aujourd'hui dans le

domaine de Ville-Evrard, qui doit contenir 1.200 malades sans

compter le personnel et qui doit, paraît-il, abriter 500 alcooliques ! ! 1

Le conseil général de la Seine a commis là une bien grosse erreur.

Que n'a-t-on éclairé cette honorable assemblée toujours si prête à

sacrifier ses millions pour le bien public ! Et la commission chargée

de juger les plans des architectes a assumé une bien lourde respon-

sabilité vis-à-vis des gens de goût ou de science qui plus tard juge-

ront son oeuvre.

Je ne sais ce qu'il adviendra de ce monument après son para-

chèvement, mais il est grandement désirable tout au moins qu'on

ne parle plus d'y colloquer des buveurs.

C'est là qu'on en est chez nous quand partout le problème a

reçu ou est en voie de recevoir une solution conforme aux données

de la science et de l'expérience.

A Bruxelles, deux points ont particulièrement appelé la discus-

sion. L'un, d'eux, exposé par le D Forel, a trait aux meilleurs.

246 HYGIÈNE SOCIALE.

modes de traitement de l'alcoolisme chronique et de la dipso-

manie.

Il n'y en a qu'un, c'est évident : l'abstinence. Mais elle doit être

pratiquée selon certaines conditions qui sont d'abord : l'interne-

ment pendant six mois au moins, dans un asile de buveurs; puis

l'exemple du médecin de la famille ou d'un ami, la création d'un

milieu de sociabilité abstinente, la création de restaurants de tem-

pérance. A l'asile de buveurs, tout le monde doit être abstinent, y

compris le directeur et le médecin. Le travail doit être obligatoire

et la discipline sévère. Un lien doit être créé entre les buveurs

relevés et l'asile.

Le Congrès a porté ensuite la question sur le terrain juridique.

M. Thiry, prefesseur de droit criminel à Liège, a supérieurement

traité la question de droit et établi sans peine les prémisses de la

réforme comportant la' séquestration des alcoolisés, à savoir que

l'État a le droit d'attenter à la liberté d'un citoyen déclaré nui-

sible. C'est un droit de légitime défense, de légitime protection,

qu'il doit exercer contre les ivrognes d'habitude. Il a montré que

l'asile ne devait pas avoir un'caractère répressif. Magistrat tout à

fait dans le mouvement, il fait volontiers litière des vieilles doc-

trines pénales : pour lui, l'ivrogne est avant tout un malade. S'il

est nécessaire de le colloquer pour le rendre inoffensif, il n'est pas

moins urgent de le traiter.

J'ai eu la vive satisfaction de rencontrer dans la bouche d'un

juriste éminent les arguments que j'avais, il y a quelques années,

développés devant la Société internationale pour l'étude des'ques-

tions d'assistance publique, et où j'étais témérairement en contra-

diction avec l'honorable M. Muteau, ancien premier président à la

cour de cassation'. -

Questions de physiologie et de médecine. - L'étude de l'action

physiologique et pathologique des alcools est de celles qui ont le

moins chômé. Peu de physiologistes n'ont pas renouvelé cent fois

le massacre des lapins et des cobayes à coups d'injections d'eaux-de-

vie, de furfurol et d'absinthe. Peu de cliniciens ne se sont exclamés

sur les désastres qu'engendre l'usage abusif et même modéré des

spiritueux dans l'organisme humain. Si les économistes et les

hommes politiques avaient bravement emboîté le pas des hommes

de science, et instruit, au point de vue social, le procès de l'alcool,

comme le médecin l'a fait au point de vue individuel, il y a gros à

parier que je n'aurais pas besoin aujourd'hui d'écrire les présentes

lignes.

' D' Legrain. Du principe de la liberté individuelle dans ses rapports

avec la séquestration des buveurs d'habitude.Mémoire de 1894.

l'alcoolisme AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 247

Quoi qu'il en soit, et bien qu'il n'y ait plus, c'est probable, de

bien grosses découvertes à faire dans le domaine physiologique et

médical pour édifier les gens (la seule vue d'un ivrogne dans les

rues n'est-elle pas un enseignement éloquent, l'enseignement par

l'aspect ? ), les communications scientifiques ont toujours tant

d'attrait qu'on leur fait fête dans nos congrès. Et c'est bien juste.

Nos assemblées anti-alcooliques fourmillent de gens qui se sont

fait de l'activité un devoir ; ils n'aiment pas à piétiner sur place

comme tant de parleurs et d'écrivassiers qu'on pourrait citer ; lut-

teurs déterminés qu'ils sont, il leur faut des armes; nous seuls

pouvons les leur fournir.

La querelle entre modérés et abstinents, très chaude à Bâle,

avait perdu de son ardeur à Bruxelles. On sent très bien que la

cause de l'abstinence, celle de la logique par conséquent, fait

d'énormes progrès chez les antialcoolisles au sur et à mesure

qu'ils s'éclairent davantage. Çà et là seulement quelques attardés,

eux-mêmes buveurs d'alcool qu'ils aiment (modérément, il est

vrai ! ) dont il leur serait pénible de se priver, et qui néanmoins

veulent se donner des airs de matamore fulminant contre le mino-

taure moderne. Et c'est tout ! Le reste était convaincu, bien con-

vaincu. L'alcool est un poison : la physiologie, la médecine nous

le démontrent péremptoirement ; il suffit d'ouvrir les yeux pour

en être péniblement persuadé. Pourquoi donc ne pas le supprimer

d'emblée, radicalement, au lieu de chercher de sottes et de mau-

vaises raisons ? Il serait plus loyal d'avouer humblement que l'on a

un faible pour les produits chimiques !

L'honorable M. Lentz, directeur de l'asile de Tournai, a cru bon

de se faire le champion des modérés. C'était à coup sûr un coura-

genx, puisqu'il luttait contre cent. Il n'avait pas l'espérance de

vaincre d'ailleurs, pensant que la question de la modération et de

l'abstinence est moins une affaire de science que de dogme. Or,

dans les questions de sentiment, il est difficile de raisonner. A

quoi bon le faire alors, mon cher confrère, et dépenser en pure

perte autant de pages de votre beau style ? Mais tous les abstinents

ne sont pas des dogmatiques ni des sentimentaux ; j'en veux être

une preuve. Suivons donc votre raisonnement.

M. Lentz pense qu'avant de se demander si un principe est bon,

il convient souvent de connaître d'abord s'il est pratique. C'est, si

je ne me trompe, la formule même de la morale de l'intérêt. C'est

une morale comme une autre, très en honneur de nos jours ; j'ai

la naïveté de croire que ce n'est pas la bonne.

Théoriquement l'abstinence est-elle préférable ou non ? Pour

M. Lentz, cette question se pose pour toutes les jouissances

humaines, qui portent en elles-mêmes la cause de l'abus qu'on

en fait, avec ses conséquences nuisibles. Il n'y a pas de jouissance

ou de passion qui soit absolument inoffensive pas plus qu'il n'en

248 . HYGIÈNE SOCIALE.

est d'absolument nuisible, c'est une question de dose ou d'oppor.

tunité. Une distinction entre les jouissances nuisibles et les salu-

taires est artificielle.

D'ailleurs, une passion pousse l'autre. Si l'homme n'avait pas

l'alcool, qui dit qu'il ne chercherait pas autre chose ? Il est

donc difficile de dire à l'avance que telle ou telle jouissance soit

destinée à rester confinée dans le cercle d'un usage modéré, tandis

que telle autre s'étendra et amènera des conséquences funestes.

C'est une affaire de condition, de lieu, de circonstance. Il faut

être éclectique et ne jamais poser de principe absolu. Les absti-

nents par principe devraient étendre ce principe à toute espèce de

jouissance. Mais, le bien-être moral et matériel est un des buts de

l'existence ; il est basé sur les sentiments de satisfaction que pro-

curent à l'homme les moyens de jouissance que peut lui offrir la

nature. Cette satisfaction est un facteur nécessaire à la vie; on

n'en peut faire abstraction, d'où il suit que la modération doit

l'emporter sur l'abstinence.

En pratique, se demande alors M. Lentz, étant donnée la situation

sociale actuelle, y a-t-il plus d'utilité à prêcher l'abstinence ?

L'abstinent, dit-on, peut être aussi heureux, aussi bien portant

que le modéré. Pour le bonheur, c'est peul-être le fait de

quelques-uns, mais il ne faudrait pas généraliser. Pour la santé,

on peut admettre qu'on peut très bien vivre sans recourir aux

spiritueux. Mais combien y a-t-il de vieillards indemnes de mala-

dies ? Il est vrai qu'on peut alors considérer l'alcool comme un

médicament. C'est un expédient peu digne. Si le vieillard est en

bonne santé, pourquoi le priver d'un verre de vin qui est un plaisir

à cet âge où les plaisirs deviennent rares ? 2

Du vieillard si l'on passe au travailleur malheureux et surmené,

M. Lentz admet que l'usage modéré des boissons fermentées ne

peut être nuisible et peut même être utile. L'abstinence ne con-

vient qu'à ceux qui ont le nécessaire pour bien vivre : alimenta-

tion, logis, chauffage, etc. L'eau d'ailleurs n'est pas toujours

potable, c'est un véhicule de maladies. La science prémunit contre

les dangers de l'eau, et les abstinents voudraient en généraliser

l'usage exclusif !

Au point de vue de la propagande, les sociétés de tempérance

ne doivent-elles pas ,tout en prêchant ne fût-ce que la modération,

pratiquer l'abstinence à litre d'exemple ? Il est certain, dit

M. Lentz, que le buveur ne peut être relevé que par l'exemple de

l'abstinence totale. Mais quand il s'agit d'amélioration sociale, il

faut prendre les gens avec leurs défauts et leurs vices et marcher

avec la moyenue générale des hommes. Il ne faut pas oublier que

ceux-là seuls sont facilement sages qui n'ont pas de passion. Mais

combien les faibles ont besoin de lutter ! Demander l'abstinence

dans ce siècle de vin, c'est poursuivre une chimère.

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 249

D'ailleurs on a, pour M. Lentz, beaucoup exagéré l'influence des

sociétés d'abstinence. Elles pourraient bien ne renfermer que des

gens sobres par nature et par tempérament. Alors, à quoi

peuvent-elles servir ? Elles n'ont de valeur que par les conversions

et les cures qu'elles entraînent. Mais M. Lentz, qui sans doute ferme

les yeux pour les besoins de sa cause, n'est pas encore convaincu

que ces résultats existent. C'est parfois tout autant l'intérêt per-

sonnel que le désir de s'amender qui pousse les gens dans les

sociétés d'abstinence.

M. Lentz accorde toutefois qu'il est bon de prêcher d'exemple,

mais qu'il est faux de chercher d'imposer l'abstinence à tout le

monde. Si les sociétés de tempérance n'ont à leur actif que de

ramener quelques buveurs, elles manquent à leur but social.

Quant à la définition de la modération, qui seule doit être prê-

chée, c'est une affaire de sens pratique, très facile à résoudre,

parait-il. L'idéal de l'abstinence, qui doit être imposé à tout

membre de société de tempérance, est, pour Lentz, celle des

alcools et liqueurs distillées

Mais,savez-vous, monsieur Lentz. que vous capitulezjoliment avec

vos principes de tout à l'heure. Et quand nous arrivons aux conclu-

sions de votre rapport nous commençons à nous entendre'.

N'était-ce pas à prévoir, avec un homme de votre sens et de votre

valeur ? J'ai le regret que la place me manque pour répondre point

par point à l'argumentation de M. Lentz. J'aurais l'espoir d'émousser

fortement les pointes d'épicurisme, de scepticisme qu'on y ren-

contre. Je compléterais certains aperçus dont la partialité est trop

flagrante. Nombre de mes lecteurs auront répondu déjà. J'aurai

peut-être la joie ultérieurement de ferrailler avec mon honorable

confrère belge.

D'ailleurs, je trouve une réponse toute faite à opposer tout au

moins à l'un de ses arguments les plus faibles, argument

auquel je ferai surtout le reproche de reproduire un grossier pré-

jugé populaire que nous, médecins, nous avons plutôt le devoir

de détruire. Cette réponse, M. Désirée, professeur à l'universilé de

Bruxelles, me la fournit par son magnifique travail traitant de

]'Influence de l'alcool sur le travail corporel et le travail intellectuel.

Les anti-alcooliques d'avant-garde, ceux qui cherchent des argu-

ments, auront une vive reconnaissance à ce physiologiste aussi

distingué que consciencieux.

M. Lentz dit, comme le peuple, qu'au travailleur malheureux,

qui n'a pas une bonne alimentation, un bon logis, un bon vête-

' Les sociétés d'abstinence françaises, hormis la Croix-Bleue qui vise

spécialement au relèvement des buveurs, ne demandent à leurs membres

que l'abstinence des spiritueux, plus conforme à notre esprit et à nos

préjugés nationaux.

250 HYGIÈNE SOCIALE.

ment, il faut l'alcool. On pourrait déjà lui répondre que l'écono-

mie réalisée par le travailleur du fait des boissons alcooliques

suffirait amplement à lui fournir ce que M. Lentz demande avec

raison. Mais M. Destrée, armé de l'ergographe de Mosso, repro-

duisant pour le physique les mémorables expériences de Fùrer et

Smith pour l'intellectuel, répond que la plus petite dose d'alcool

est nuisible au développement de l'énergie.

Un physiologiste suisse, Frey, avait l'an dernier vivement con-

trarié nos doctrines anti-alcooliquesen démontrant que le coup de

fouet bien connu de l'alcool était réel et utile. On pressentait bien

l'erreur, mais la preuve manquait. M. Désirée l'a faite victorieu-

sement en donnant une nouvelle force noire thèse.

. Frey avait constaté que l'alcool semble agir de deux façons

différentes, suivant qu'il opère sur un sujet fatigué ou sur un

sujet reposé. Dans le premier cas, l'alcool donnait de l'énergie;

dans le dernier il en enlevait. M. Destrée démontre que l'action

favorable de l'alcool ne se produit que pendant quelques instants,

mais qu'elle cesse bien vite pour faire place à une action défavo-

rable. C'est pendant la première phase que Frey avait opéré. Si,

en effet, on renouvelle l'expérience une demi-heure après l'inges-

tion d'alcool, le résultai est complètement modifié, etle professeur

raconte avec humour comment un partisan de l'alcool, qui s'était

prêté à l'expérience, faisait des efforts désespérés pour soulever un

poids de 5 kilogrammes sans pouvoir l'amener au niveau qu'il

avait atteint une demi-heure avant, alors qu'il était à jeun.

Des expériences de M. Destrée il résulte exactement ceci : l'in-

gestion de l'alcool est suivie immédiatement, mais pour un temps

très court, de l'augmentation de l'énergie. Aussitôt après, l'énergie

diminue, descend beaucoup au-dessous de la normale et cela pour

un temps très long. Ces résultats vus sur des graphiques ont été

des plus frappants ! Bien plus, si un homme à jeun développe, par

exemple, dans une expérience de cinq minutes, 15 kilogram-

mètres, dont cinq pendant la première minute, puis de moins en

moins, au sur et à mesure que la fatigue survient, un homme

sous l'influence de l'alcool fournira 7 kilogrammètres dans la pre-

mière minute (période de surénergie) ; mais aussitôt il descendra si

rapidement qu'au bout des cinq minutes c'est tout au plus s'il

aura pu fournir 10 à 12 kilogrammètres' au total.

Chose intéressante, M. Destrée, renouvelant ses expériences avec

le thé et le café, a pu établir par la même méthode pratique que

la période de surénergie de l'influence alcoolique se reproduisait,

mais qu'elle était durable, ne s'éteignait que lentement, qu'elle

n'était pas suivie d'une phase dépressive et que finalement le

travail fourni était supérieur à la normale. (d suivre.)

ASILES D'ALIÉNÉS.

Commission DE surveillance DES asiles DE la SEINE : nécessité DE

médecins-adjoints. DOSSIER IVÉDICO-ADMINISTRATIF ET médico-

légal DES aliénés DITS criminels.

A l'occasion du procès-verbal de la séance du 9 juillet de

ladite Commission, nous avons appelé l'attention sur deux

questions qui nous paraissent d'une réelle importance pour

tous nos confrères. - .

M. le Dr Bourneville demande à présenter, à l'occasion du

procès-verbal, une double observation. Il s'agit de deux proposi-

tions insérées dans les Considérations générales ajoutées à ses rap-

ports sur les budgets de l'asile de Villejuif. N'ayant pu les soumettre

en leur temps et lieu, il désire les signaler aujourd'hui à la Com-

mission afin qu'elle donne son opinion.

La première proposition consiste dans la création, à l'asile de

Villejuif d'un poste de médecin-adjoint. Cet asile comporte une

population de 1.400 malades. Il estaujourd'hui pourvu de quatre mé-

decins chefs de service. On a remédié, en effet, par la création

de deux nouveaux médecins chefs de service, à une situation qui

était devenue tout à fait anormale ; mais en cas d'absence par

maladie ou par vacances d'un ou de plusieurs médecins, celte

même situation à laquelle ou a compris qu'il était nécessaire de

parer une fois pour toutes se reproduira forcément ; aussi la créa-

tion d'un poste de médecin-adjoint à Villejuif me parait-elle

nécessaire ; et je la considère comme le complémentindispensable

de la réforme qui a été récemment introduite.

M. LE Roux pense qu'il ne doit pas être impossible à qualre

médecins d'établir entre eux pendant les vacances un roulement

qui leur permettrait de se suppléer mutuellement. Il serait pru-

dent, en tout cas, de ne pas émettre un voeu avant de s'être assuré

des répercussions qu'une telle mesure aurait nécessairement dans

les autres asiles, car c'est d'une mesure de principe qu'il s'agit. ·

M. BOURNEVILLE. J'insiste dans l'intérêt même des malades.

Les vacances ne se prennent pas à toutes les époques de l'année ;

mais pour bien des raisons que chacun connaît et sur lesquelles je

n'ai pas besoin d'insister, telles que les vacances des enfants, etc.,

les congés sont demandés par tout le monde pour les mêmes mois

5 asiles d'aliénés.

de l'été. Eh bien, il n'est pas prudent de rétablir, ne fût-ce que

pour deux mois, l'ancien état de choses, dans lequel 700 malades,

et même plus, étaient laissés aux soins d'un seul médecin.

Le service médical avant le dédoublement était composé de

4 médecins, aujourd'hui il est composé également de 4 méde-

cins. En cas d'absence de l'un d'eux, un des trois autres médecins

sera chargé de son service et aura, par conséquent, 700 malades.

La situation reste donc aussi mauvaise.

Une situation semblable ne se retrouve dans aucun autre pays.

Pour ne prendre qu'un exemple, en Russie, près de Moscou, dans

un asile qui comporte une population de 400 malades, il y a

un médecin en chef, 4 médecins-adjoints et 3 externes. En signa-

lant la nécessité qu'il y a, selon moi, de pourvoir l'asile de Villejuif

d'un poste de médecin-adjoint, j'ai cru ne faire que mon devoir.

Enfin, l'argument tiré de la nécessité de pressentir la 3° com-

mission du Conseil général ne doit pas nous arrêter. Nous avons à

dire, en toute conscience et sans aucune préoccupation du dehors,

ce que nous croyons utile pour les malades, pour le bon fonction-

nement de nos asiles. -

M. BAtLLY rappelle qu'il ne suffit pas de créer des places, mais

qu'il faut aussi les rétribuer. D'autre part, l'organisation médicale

de l'asile de Villejuif vient d'être changée; il vaut peut-être mieux

attendre que l'on puisse juger les résultats obtenus avant de créer

un nouvel organe. Mais, d'autre part, la proposition de M. le

D Bourneville a droit, selon moi, à toute notre sollicitude. Aussi

demanderai-je à la Commission de l'inscrire à l'ordre du jour de sa

prochaine séance.

M. BnnmEa, président, appuie en ce sens.

La proposition de M. Bailly, mise aux voix, est adoptée.

Notre proposition étant devenue celle de M. Bailly, nous

serons maintenant deux pour soutenir la réforme que nous

avons réclamée. D'ailleurs, ainsi que nous l'avons déjà dit, ce

n'est pas seulement pour l'asile de Villejuif qu'il y a lieu de

demander la création de médecins-adjoints, mais aussi pour

les asiles de Vaucluse et de Ville-Evrard. Quant à l'asile

clinique, il a, lui, son médecin-adjoint, poste dont nous avons,

dans le temps, demandé et obtenu la création. Dans notre

pensée, les médecins-adjoints doivent être les auxiliaires

quotidiens des médecins, remplir auprès d'eux le rôle de

véritables chefs de clinique. Ceci dit, nous reproduisons

l'extrait du procès-verbal relatif au dossier administratif et

médico-légal des aliénes réputés criminels : .'

M. BOURNEVILLE. -Ma seconde proposition s'applique au cas où

ALIÉNÉS DITS CRIMINELS. 253

un malade, après avoir été, à la suite d'une infraction, enfermé

au dépôt de la Préfecture et ensuite à Mazas, bénéficie d'une

ordonnance de non-lieu et est remis par la justice entre les mains

de l'Administration qui le place dans un asile d'aliénés. En ce cas

je demande que le dossier administratif de ce malade et le rapport

médico-légal, dont il a été l'objet, soient transmis au médecin de

l'asile par la préfecture de police.

Le malade, en effet, avant d'obtenir cette ordonnance de non-

lieu, et pour l'obtenir, a passé entre les mains de plusieurs méde-

cins et son élat mental a fait l'objet d'une enquête des plus

sérieuses. Je prends l'exemple de cet adolescent qui a récemment

tué son père boulevard Saint-Michel. Il m'a été amené bien après

que son crime avait été commis. Comment était-il, au moment de

son attentat ; quelles sont les circonstances qui l'ont accompagné,

quelle a été sa condition depuis son arrestation jusqu'à son envoi

à l'asile ? Je n'en sais rien et cependant il est de toute évidence

que j'ai besoin d'avoir ces renseignements en vue du traitement

que je dois faire suivre à ce malade et surtout des précautions à

prendre; et les éléments me manquent pour faire oeuvre intéres-

sante et utile. Il va de soi qu'il en est de même pour tous les cas.

Je ne fais que renouveler ici une demande que j'avais faite autre-

fois au Conseil général, qui s'y était associé, sur la demande des

médecins des asiles, à une époque où je n'étais chargé d'aucun

service.

MM. BARBIER et Henry PitEaTAT rappellent qu'en matière de non-

lieu M. le Procureur général seul peut autoriser les parties intéres-

sées à prendre communication des pièces du dossier. C'est une

grosse question que celle qui est soulevée par leur collègue.

M. BOURNEVILLE. Je ne demande pas la communication inté-

grale du dossier aux médecins chefs de service. La partie relative

à l'instruction peut ne pas être communiquée. Ce qui intéresse les

médecins, ce qui leur est indispensable, c'est la partie administra-

tive ; ce sont les renseignements pris immédiatement, sur le fait,

au moment où le malade a été arrêté ; c'est le rapport médical,

dressé par le médecin de la Préfecture de police ; on ne peut pas

refuser ces renseignements aux médecins puisqu'ils ont pour objet

de les éclairer sur les malades, au point de vue médical.

Plusieurs de nos collègues y trouvent de graves inconvénients,

des dangers. Ils estiment que jamais le Garde des sceaux n'auto-

risera de telles communications. Or, Messieurs, ces renseignements

nous sont communiqués dans certaines circonstances. Lesquelles ?

Au moment où nous n'en avons plus besoin ; au moment où nous

demandons la sortie du malade interné dans nos asiles.

Je suppose, en effet, queje demande demain l'arrêté de sortie d'un

de ces malades. Ma demande va à la préfecture de police. Là on

254 asiles d'aliénés.

constate qu'il s'agit d'un malade dit criminel. On me renvoie alors

mon certificat de sortie avec le dossier administratif, lepropre dossier

dont je parle, en attirant mon attention sur le fait que le malade

a été précédemment l'objet d'une instruction criminelle et en me

demandant si je persiste, dans cette situation, à demander sa sortie.

Eh bien ! je demande simplement que ce même dossier de la

préfecture de police, qui est transmis au médecin au moment du

certificat de sortie, lui soit communiqué lors de l'internement.

Ce dossier ne contient pas, il est vrai, le rapport médico-légal qui,

lui, fait partie du dossier du parquet et qui, à ce qu'il paraît, doit

rester inconnu de tout le monde. Médicalement il a un très réel

intérêt. Vous pensez qu'il y a danger à le communiquer. Nous

n'en distinguons pas les raisons. Personnellement, j'aurai commu-

nicatiou à peu près toujours de ces rapports, mais je la demande

pour tous et sans démarches. On oublie d'ailleurs que, souvent,

ces rapports sont publiés ultérieurement dans les Recueils de

médecine.

M. Bailly ne pense pas que la situation créée aux médecins de

nos asiles par l'application du règlement actuellement suivi puisse

rester telle quelle et il demande à la Commission, conformément

à la proposition de M. Bourneville, d'adopter le voeu suivant :

« La Commission émet le voeu que l'administration de la préfec-

ture de police fasse connaître au médecin, au moment de l'inter-

nement des malades, le procès-verbal de séquestration dressé par

le commissaire de police. » Adopté.

A la séance du 9 novembre nous avons donné de nouveaux

arguments à l'appui de notre demande de communication

des dossiers des aliénés dits criminels. En voici l'exposé :

M. Bourneville. Comme suite à ce que j'ai dit à la dernière

séance de la Commission à l'appui de la demande de communi-

cation des dossiers des aliénés dits criminels aux médecins par

l'administration, je crois utile de vous communiquer quelques ren-

reignements.

Notre ami le Dr Villard, sénateur, maire de Guéret, et chargé

des enquêtes médico-légales, nous a déclaré que toujours il joignait

une copie de ses rapports au dossier des aliénés de la catégorie en

question, qui étaient placés par l'autorité à l'asile de Naugeat qui

reçoit les aliénés de la Creuse.

Les conséquences du refus de communication par la Préfecture

de police ou par les administrations préfectorales, des renseigne-

ments recueillis par la police et du rapport médico-légal, sont

quelquefois très graves. En voici la preuve :

Dans une entrevue d'un rédacteur du Progrès de la Côte-d'Or

avec le Dr Samuel Garnier au sujet de Vacher, le tueur de ber-

ALIÉNÉS DITS CRIMINELS. 255

gères, nous trouvons un argument en faveur de notre proposition.

Voici le passage qui nous intéresse :

a A partir du jour où le non-lieu fut rendu, Vacher ne fut plus

interné au compte de la justice, mais au compte de son départe-

ment, l'Isère. Et comme l'Isère renferme un asile, celui de Saint-

Robert, on dut le transporter à Saint-Robert, après un certain

temps de séjour à Dôle.

c A Saint-Robert, Vacher fut examiné par le Dr Dufour. Malheu-

reusement, dans le silence de la loi à cet égard, et d'après un

usage plutôt regrettable, les rapports des médecins aliénistes ne

suivent pas le malade en cas de transfert. Il y a là une lacune à

combler dans notre législation.

« C'est ainsi que M. le D'' Dufour n'ayantpas sousles yeux le rap-

port du De Guillemin, en voyant que Vacher se conduisait comme

tous les malades qu'on relâche sans danger, put remettre en

liberté le monstre qui occupe la région de ses forfaits. »

Aucun fait ne peut mieux justifier notre proposition. Malgré cela

nous en invoquerons un second.

Il s'agit d'un adolescent, Vig., entré dans mon service il y a

quelques semaines, après avoir fait plusieurs séjours à la Roquette

et à Mazas. Je n'ai eu, bien entendu, aucun renseignement sur les

faits qui ont motivé ses arrestations et ses condamnations.

Le malade avait sans doute été considéré jusqu'alors comme

sain, puisqu'on l'avait condamné. Pourquoi le regarde-t-on main-

tenant comme malade ? Quel changement a-t-on remarqué dans

son état ? Sur tous ces points, aucun renseignement de la préfec-

ture de police, qui m'a envoyé le malade. Or, une fois interné

dans mon service d'enfants, il s'est mis à faire à ses camarades un

cours de vol et d'assassinat : il leur enseignait par le menu les

moyens de voler et d'assassiner. Il est donc des plus regret-

tables que je n'aie pas eu son dossier au moment de l'inlernement,

car alors j'eusse demandé qu'en raison de son passé, de son déve-

loppement physique, de son âge, dix-huit ans moins deux mois, il

ne fût pas placé avec les enfants.

M. le D'' TiiunÉ. Vous n'avez que trop raison.

M. le D'' 130LI1NEYILLE. C'est l'importance de ces deux exemples,

qui n'échappera sans doute à personne, qui fait que j'insiste

encore aujourd'hui sur la proposition que j'ai faite à la dernière

séance.

M. le Président. La Commission a d'ailleurs émis un voeu en

ce sens.

M. Le Roux, directeur des affaires départementales, dit qu'en

exécution de ce voeu, émis par la Commission sur la proposition

de M. le De Bourneville, M. le préfet a écrit à son collègue le

préfet de police en lui demandant d'insister auprès du parquet

256 BIBLIOGRAPHIE.

pour qu'il soit donné communication des dossiers aux médecins

chefs de service lors de l'internement.

M. Bourneville. Je remercie M. le directeur de l'empresse-

ment qu'il a mis à essayer de faire réaliser le voeu de la Com-

mission.

Notre demande, nous le répétons, s'applique non seulement

aux enfants, mais aussi aux adultes aliénés dits criminels.

C'est pour tous les médecins des asiles et des quartiers d'hos-

pices de la Seine, que nous avons fait cette réclamation. La

Préfecture de police en tiendra-t-elle compte ? Nous l'espérons.

Dès maintenant, nous remercions M. Le Roux d'avoir transmis

notre proposition, devenue celle de la commission, à la Pré-

feeture de police. Nous profitons de cette occasion pour

émettre l'opinion qu'il conviendrait d'inscrire dans la loi sur

les aliénés l'obligation, de la part de l'administration, de

transmettre aux médecins tous les documents dont nous

venons de parler. B.

BIBLIOGRAPHIE.

IV. Arclaives d'anthropologie criminelle et de psychologie normale et

pathologique ; Dl', LACASSAGKE et Tarde (année 1897) (suite) '.

3. Existence du libre arbitre ; par le D'' PAILIIA-9, médecin légiste.

M. Pailhas c affirme que le libre arbitre existe ». Il ne se préoccupe

pas de le démontrer. Il envisage « le sentiment de la liberté morale

comme un attribut naturel de l'organisation de l'homme, suscep-

tible d'èlte développé par l'éducation D. Cette liberté est-elle toute-

fois réelle, s'exerce-t-elle du moins d'une façon permanente ?

Chacun peut se targuer d'avoir agi librement, dans l'intégrité et

l'éveil total de son activité psychique, et lorsqu'une réflexion

attentive le met en présence de ses actes. Voilà le seul fait essentiel,

car dans la pratique « au sein des conditions d'automatisme

contractées, il est malaisé d'apprécier le degré de liberté morale

dont sont empreints nos actes D. Mais alors troublés ainsi nous

'Voir Archive' : de Neurologie, 1,- 26, p. 171.

BIBLIOGRAPHIE 257

mêmes lorsqu'il s'agit du dosage de notre propre liberté, comment

pouvons-nous apprécier le degré de liberté dont jouissent les autres

et fixer la mesure de leur responsabilité ? « S'il doit être admis que

le principe du libre arbitre en l'homme est bien une réalité, il ne

saurait être que rarement l'objet d'une appréciation étrangère : la

responsabilité morale est trop impénétrable à l'expert, au juge, pour

servir de critérium suffisant à la criminalité. Il devient pour lui

nécessaire de faire appel aux critériums positifs de l'anthropologie

criminelle, telles qu'influences héréditaires, physiques, pathologi-

ques, etc. » Il y a une limite à garder toutefois. Tout en tenant peu

compte de la responsabilité morale au point de vue de la répression,

M. Pailhas estime inadmissible le déterminisme physio-psychique

beaucoup trop exclusif de l'école anthropologique italienne.

Si nous ne pouvons fonder nos appréciations sur une condition

dont la mesure échappe à nos certitudes, cette condition existe

néanmoins. « Et le juge devra toujours s'efforcer, tout en s'abste-

nant d'en faire son critérium suffisant, de ne point porter atteinte

en l'homme à ce sentiment de ses responsabilités d'où dérive toute

valeur morale et qui reste chez le délinquant l'unique source de

son relèvement. » Contrairement aux vues de M. Enrico Ferri, il

ne convient donc pas d'affaiblir l'aversion instinctive et salutaire

des peuples à l'égard du crime.

La protection de l'individu par lui-même ou par l'humanité

érigée en système de défense collective est la première (et suffi-

sante) condition de la peine répressive. L'amendement de l'indi-

vidu au nom de la charité humanitaire est la deuxième condition

de cette peine. Mais en ce qui concerne sa propre existence comme

mode d'organisation plus ou moins transitoire de l'humanité, la

société n'a plus ce droit de répression pénale que légitime seul le

droit inviolable et permanent de l'individu sur lui-même et sur ses

biens.

Pour le mode d'organisation de telle ou telle société, dans le

domaine politique, en un mot a le seul moyen légitime de défense

ne saurait plus être que la lutte pacifique des idées P.

4. Quelques considérations sur le congrès de Genève; par Z. KR EWZ f,

sénateur à Saint-Pétersbourg.

On sait que les réunions du congrès d'anthropologie criminelle

à Genève ont été plus qu'agitées, presque orageuses. L'école

italienne, ou plutôt lombi,osieii ? ze, qui au congrès de Bruxelles

en 1892, avait été l'objet d'attaques dont le résultat pouvait ressem-

bler à une exécution en règle, a tenté d'y reprendre le dessus,

après quelques changements de forme dans son langage et son

attitude. D'après les impressions d'assistants qui m'en ont entretenu,

elle n'aurait réussi que bien incomplètement. En tout cas, la note

Archives, 2e série, t. IV. 17

258 BIBLIOGRAPHIE

de M. Zakrewsky est un désaveu de ses théories, encore plus catégo-

rique que la note de M. Pailhas. M. Zakrewsky pense que « le plus

grand nombre des. théories émises sous la dénomination collective

d'anthropologie criminelle ont. sombre définitivement sous les coups

de la critique scientifique et du simple bon sens, et que l'idée de

confondre sous ce titre des disciplines spéciales et divorses (psycho-

pathologie, sociologie, droit pénal) ne peut contribuer ni à la facilité,

ni à la clarté des études ». Il proteste contre l'hypothèse de l'exis-

tence de « types criminels », d'hommes criminels se distinguant

tous physiquement des hommes normaux. Il proteste en consé-

quence aussi contre les prétentions de M. Ferri de remplacer le

jury, jugeant humainement des actes humains, par des Tribunaux

d'experts, spécialistes chargés de décider du sort des criminels

d'après des indices « socio-anthropologiques » et uniquement au

point de vue du danger que peut offrir pour la société leur libre

présence au milieu d'elle. Il s'exprime encore plus énergiquement

contre la définition du crime étendue à tout acte qualifié c anti-

social ». Ce n'est, dit-il, d'après mon idée, que dans une commu-

nauté de loups et non d'hommes civilisés que la pénalité peut être

basée uniquement sur la « défense sociale ». Et il cite les autodafés

de l'Inquisition, les massacres de 1793, les déportations adminis-

tratives en Russie, qui sont autant de mesures de défense sociale.

Fort bien.

Cependant l'introduction même de ce nom d'anthropologie

criminelle annonce quelque changement de point de vue dans les

études de la criminologie, changement qui s'est opéré réellement.

Je sais bien que les discussions placées sous son invocation n'ont

pas transformé les nécessités pratiques de l'administration de la

justice. Mais il en est de même des discussions d'un autre ordre,

plus anciennes et plus fréquentes, sur le libre arbitre. Les doctrines

religieuses l'ont nié, et presque toutes les doctrines philosophiques

le nient. Il n'en reste pas moins, en droit, comme un postulalum

jusqu'à présent indestructible. Seulement et en attendant la part

de la raison, du contingent, du relatif, grandit dans nos jugements.

Il est nécessaire que la répression pénale reste un moyen de

coercition et d'intimidation à l'adresse « de la communauté .en

général ». Il est bon aussi d'arrêler, si l'on peut, le crime en s'effor-

çant d'en démontrer l'inutilité, l'imbécillité. C'est pourquoi je n'ap-

prouve pas que M. Zakrewsky, dans son rapport au gouvernement

russe, ait engagé celui-ci à décliner dorénavant l'honneur d'en-

voyer des délégués aux congrès d'anthropologie criminelle.

' 8. Les faux témoignages d'une hystérique; par le Dr ROUBY.

. A propos du fameux procès Cauvin, A). Rouby cite le cas d'une

de ses malades, petite, chétive, qui dans un accès de folie hysté-

BIBLIOGRAPHIE 239 u

rique tordit un barreau de fer de son lit, chose dont fut incapable

un vigoureux gardien. Il raconte en outre plusieurs erreurs, disons

mieux, plusieurs crimes judiciaires, imputables à l'opinion plus

qu'aux magistrats, commis sur les dénonciations mensongères

d'une hystérique. Les témoignages des hystériques et des petites

filles perverses dpvraient-ils être admis en justice ? Les magistrats

ne sauraient trop se défier de leurs propres jugements en face de

pareils témoins. Sans être juristes, les médecins pourraient toujours,

les éclairer en des cas pareils ; et le rôle de Y anthropologie enmt-

iielle pourrait bien être justement de les engager à ne se jamais

prononcer sans le concours de ceux-ci.

6. La relégation. Résultats de la loi du 27 mai 1885 ; par A. Bérard

député de l'Ain.

Ceux qui se rappellent la campagne acharnée menée en faveur

de cette loi sur la relégation, auraient le droit aujourd'hui de se

montrer sévères à l'égard de ses auteurs. Car elle n'a rien donné

de ce qu'ils nous ont promis. Elle devait arrêter la récidive. Or,

d'après un rapport du garde des sceaux publié en 1895, la propor-

tion des condamnations multiples, de 9,8 p. 100 en 1880, s'est

élevée à Il p. 100 en 1892.

Et « notre crimiminalilé a pris un caractère professionnel de plus

en plus marqué. Elle devait réduire notre budget pénal. Or, les

hôtes de nos maisons centrales nous coûtent chacun environ 19 cen-

times par jour, tandis que la ration alimentaire des relégués

revient seule à 47 centimes, et que l'entretien de chacun d'eux

revient par an (pour 1890) à 1,036,19 à la Guyane, et à 859,33 à la

Nouvelle-Calédonie, chiffre supérieur à celui des rentes qui suffi-

sent à la plupart de nos retraités. Enfin elle devait nous aider à

mettre en valeur nos colonies, en dépit d'expériences antérieures

trop connues. Les résultats qu'elle a donnés dans ce sens doivent

être examinés tout particulièrement.

De 1886 à 1890, on a condamné à la relégation 7,436 individus,

dont 3,997 ont été transportés : 2,207 à la Guyane, et 1,790 à la

Nouvelle-Calédonie. Des transportés à la Guyane, un quart, absolu-

ment rebelle, est tenu enfermé et sans aucune occupation ; une

moitié a pu être employée à quelques travaux ne demandant ni

efforts, ni intelligence, sous une surveillance incessante et une

discipline rigoureuse ; le dernier quart seul se compose d'individus

capables d'exercer un métier ou de se soumettre volontairement un

travail régulier. Enfin le but de la loi n'a pu être atteint que pour 27

à qui a été accordée la permission de vivre à l'état de relégués

libres, mais qui ont dû se réfugier sur le Maroni, en présence des

craintes et des répulsions des colons. Encore le nombre de ces

rélégués varie-t-il beaucoup, car il faut souvent en réintégrer au

260 BIBLIOGRAPHIE.

pénitencier. Tout le travail effectué sous la surveillance adminis-

trative, au profit de la colonie, consistait jusqu'en 1890 en trois

kilomètres de route, en construction de caves pour l'hôpital et en

défrichement de 12 hectares de jardin, de 3 hectares de pépinières,

de 17 hectares de prairies et de 8 hectares pour constructions.

A la Nouvelle-Calédonie, la situation n'est pas si mauvaise. L'ad-

ministration éclairée par des expériences fâcheuses, n'a accordé la

liberté qu'aux relégués justifiant, après une épreuve plus ou moins

longue, de moyens d'existence par l'exercice d'une profession ou

un engagement de travail. Et, comme les moyens de s'employer

sont plus variés et plus nombreux, les relégués libres ont atteint le

chiffre de 90 en 1890.

Le travail pénitentiaire a été aussi plus important : 60 hectares

ont été défrichés et transformés en champs de café. 210 relégués

sont employés dans les services publics. De plus, les colons libres

en emploient à des prix assez élevés pour décharger le budget de

l'Etat d'une façon appréciable.

Ainsi depuis 1897, la Société des mines fait travailler de 200 à

400 relégués pour 1 fr. 83 par jour. Il est fort douteux que la coloni-

sation s'accommode de la multiplication de leur nombre.

L'administration reconnaît qu'il serait bon que les individus

condamnés à la relégation fussent soumis à un apprentissage

avant d'être embarqués, afin qu'en arrivant à la colonie, ils

soient en mesure d'exercer un métier ou de se rendre utiles, selon

le voeu de la loi. Elle-même avoue en somme, que celle-ci n'a pas

répondu jusqu'à présent aux espérances de ses auteurs ; elle n'y a

répondu sur aucun point. M. Bérard estime cependant qu'elle

n'aura pas été tout à fait stérile. Zahorowsky.

V. Thèses de Bordeaux (1896-1897). Analyses par les Dr" Régis et

V. ROBERT.

Depuis quelque temps, la Faculté de médecine de Bordeaux pro-

duit un nombre assez considérable de thèses de neurologie, de

médecine légale, de psychologie et de psychiatrie, et ce mouve-

ment local, qui semble aller s'accentuant, n'a pas été déjà sans être

remarqué. Quelques-uns de nos confrères, soit de France, soit de

l'étranger, nous ont même demandé où l'on pouvait se procurer

ces thèses, que l'on trouve difficilement, parait-il, à Paris. Ils peu-

vent s'adresser pour cela, soit à M. Ed. Féret, soit à M. Duthu,

libraires-éditeurs, Cours de l'Intendance, à Bordeaux. Au besoin

nous nous ferions nous-mêmes un plaisir, s'il nous était possible,

de leur donner satisfaction.

D'autre part, les thèses étant surtout des travaux d'actualité,

bons à consulter au moment de leur apparition, nous tâcherons

désormais de donner ici, au moins chaque semestre, une analyse

bibliographie. 261 L

de celles de l'Université de Bordeaux qui ressortissent à la neuro-

psychiatrie.

1. Odyssée d'un dégénéré anarchiste; par A. BÉzY.

Très intéressante histoire d'un jeune cambrioleur, féru d'anar-

chisme, et commettant, au nom de la cause sacrée dont il se ré-

clame, les actes les plus graves contre la société. Condamné

d'abord à la prison, puis interné dans divers établissements d'alié-

nés après maintes expertises médico-légales l'ayant toutes déclaré

irresponsable, il s'est chaque fois évadé, et tout récemment encore,

des asiles où on l'avait placé. Cet individu est un véritable danger

social et on ne tardera sans doute pas à entendre de nouveau

parler de lui. N'est-ce pas une nécessité pour lui et pour ceux de

son espèce, que l'asile-prison, d'où on ne sorte pas et d'où on ne

s'évade pas à volonté ? C'est ainsi que conclut l'auteur.

2. Du délire raisonnant de dépossession au point de vue clinique ' '

et médico-légal ; par Charles CncuoN.

Le délire de dépossession a sa source dans le sentiment naturel de

la propriété et il est représenté à l'état rudimentaire par l'exagé-

ration de ce sentiment chez le paysan. Le délire de dépossession est,

suivant la définition de M. Régis, a le délire des individus qui,

expropriés de leurs biens, refusent d'accepter la chose jugée, et, se

considérant comme injustement dépouillés et toujours légitimes

propriétaires, se livrent pour défendre leurs soi-disant droits, à des

revendications plus ou moins violentes m. Il se présente toujours avec

les mêmes caractères et ne diffère que par l'intelligence du

malade.

Le délire de dépossession est un délire de dégénérés à forme rai-

sonnante. Il constitue une variété de la « querulanten wahnsinn »

des Allemands, c'est-à-dire la manie des chicanes ou des procès.

Le « délire de revendication », dans lequel le sujet revendique

par les mêmes moyens un bien qui ne lui appartient pas, au lieu

de défendre un bien qui ne lui appartient plus, est tout à fait simi-

laire au délire de dépossession. Dans certains cas même la distinc-

tion n'est pas facile entre les deux.

Le délire de dépossession, intéressant au point de vue clinique,

est plus intéressant encore au point de vue médico-légal : d'abord

parce qu'il donnelieu constamment à des conteslalionsjudiciaires,

comme toutes les variétés du délire des chicanes ; ensuite, parce

qu'il est très souvent difficile à juger, au point de vue de la res-

ponsabilité. Aussi ne peut-on formuler de règle générale à cet

égard; tout dépend du cas et de l'espèce, et le principe de la res-

ponsabilité atténuée ou proportionnelle trouve ici sa place.

262 BIBLIOGRAPHIE.

3. De la gynécologie conservatrice dans les affections inflammatoires

pelviennes; par Georges DrzoN.

Thèse à consulter au point de vue de l'influence sur.les facultés

mentales de l'ablation des organes dans les affections pelviennes,

qui s'y trouve incidemment étudiée.

4. Séméiologie des hallucinations de la vue dans les psychoses ;

par J.-M. FÉRAY.

Dans les psychoses, les hallucinations de la vue affectent la

forme élémentaire, commune ou verbale. Elles sont le plus sou-

vent en rapport avec les conceptions délirantes des malades, c'est-

à-dire secondaires au délire ; elles peuvent aussi être primitives

et orienter le délire. Rares dans la mélancolie franche et le délire

systématisé progressif, on ne les rencontre jamais dans la manie.

Elles sont fréquentes dans le délire mystique et chez les dégénérés,

où elles peuvent être hypnagogiques, accompagner un syndrome

épisodique, l'obsession, être elles-mêmes un syndrome. L'auteur a

volontairement négligé l'étude des hallucinations dans les intoxi-

cations.

5. Responsabilité et justice militaire; par 1 ? .-L. FERRIS.

Un des élèves de Bordeaux, M. Lacausse, avait déjà, en 1889,

dans sa thèse sur les Dégénérés psychiques étudiés spécialement au

point de vue militaire, formulé les conclusions suivantes :

« Au point de vue du service militaire, les dégénérés psychiques

ont pour la plupart une manière d'être spéciale. Il est important

- de les étudier, d'approfondir leurs origines et leur histoire, et cela

dans l'intérêt même de l'armée. Cette manière d'être consiste

dans l'impossibilité où ils sont de faire des soldats même médio-

cres. Elle se traduit bien vite par une grande inaptitude à toute

instruction générale ou spéciale et par le mauvais exemple qu'ils

donnent en temps de paix; en campagne, ils constituent un dan-

ger. On doit éviterde les confondre avec les indisciplinés vulgaires,

les fous, les simulateurs.

«Il est d'un grand intérêt de préserver et de débarrasser l'armée

de cette catégorie d'individus-par un examen psychique et phy-

sique très attentif des conscrits à leur incorporation. L'apprécia-

tion médico-légale de leur responsabilité dans le cas de faute grave

contre la discipline s'impose, et cela surtout lorsqu'ils en arrivent

à être traduits devant les conseils de discipline et autres tribunaux

militaires. » , 1

M. Ferris adopte ces conclusions, mais il fait observer que dé-

barrasser l'armée de tous les dégénérés est d'une pratique bien

difficile; d'autant qu'ils sont légion. Aussi préconise-t-il de préfé-

BIBLIOGRAPHIE. 263

rence les solutions suivantes : « Tout militaire faisant un séjour à

l'hôpital ou à l'infirmerie doit être l'objet d'un examen complet,

de telle sorte que les tares soient bien établies.

c Tout militaire en prévention de conseil de discipline ou de

conseil de guerre, sera soumis à un examen mental absolument

obligatoire. Cette expertise sera confiée à un spécialiste militaire,

ou civil, si l'armée ne possède pas de spécialistes. Recommanda-

tion sera faite aux membres du conseil de guerre détenir compte

de la déposition du médecin qui, étant spécialiste, parle en toute

autorité. Enfin, pour les passionnels qui doivent faire d'excellents

serviteurs, le conseil de guerre, quand il en jugera digne l'accusé,

appliquera la loi Bérenger. » -

Cette question des aliénés, et en particulier des dégénérés dans

l'armée, successivement traitée dans leur thèse par MM Laeausse

et Ferris, est d'une importance considérable. Des irresponsables,

on le sait, sont assez souvent condamnés par les tribunaux ordi-

naires, malgré le fonctionnement aujourd'hui régulier des exper-

tises ; on s'imagine sans peine ce qui doit en être devant les tribu-

naux militaires, où l'expertise spéciale n'existe pas.

M. Régis a émis, au Congrès de Bordeaux de 1895, le voeu que

l'examen de l'état mental des inculpés soupçonnés d'aliénation soit

organisé dans l'armée comme il l'est dans la société civile, car,

militaire ou non, un malade est toujours un malade, que personne n'a

droit de punir. Il serait grand temps que celle réforme fut réalisée.

6. Troubles de l'état mental atax Antilles; par F.-J.-Ch.-E. GUILLIOD.

Trois races habitent les Antilles : blancs, nègres, indiens; il y a

en outre des métis. La race blanche, originaire des Antilles, four-

nit le contingent le plus fort d'aliénés; vient ensuite la race

indienne. Les accidents psychiques deviennent d'autant plus facile-

ment l'apanage des créoles qu'ils présentent à l'état normal des

tendances neuropathiques. L'alcoolisme et le climat sont les deux

grands facteurs d'aliénation mentale. La folie alcoolique, la manie

et la lypémanie sont, de tous les genres de psychopathie,ceux que

l'on observe le plus souvent. La mortalité est plus grande dans les

asiles des Antilles qu'en France. Les aliénés sont traités dans un

asile spécial, l'Asile Saint-Claude, que l'auteur décrit.

7. Essai sur les hypermnésies. Etude de psychologie morbide;

par A. Guillon. '

Très important et très sérieux travail de 260 pages, dans lequel

l'auteur traite, dans autant de chapitres distincts, les points sui-

vants de la question : 1° la mémoire, son fonctionnement à l'état

normal, ses troubles;-2°des hypertrophies générales et partielles

de la mémoire : -3' de l'hypermmsie physiologique et du » déjà

364 -il BIBLIOGRAPHIE.

vu»; de quelques variétés d'hypermnésies morbides; 4° des hy-

permnésies dans le sommeil et dans quelques autres « états

seconds » ; 8° des hypermnésies vésaniques et des hypermnésies

dans les étals symptomatiques d'aliénation mentale; 6° des hyper-

mnésies toxiques.

Il serait trop long de donner une analyse détaillée de tous les

faits contenus dans cette intéressante thèse, qui demande à être

lue. Nous nous bornerons à en citer les conclusions les plus géné-

rales, qui sont les suivantes : Jusqu'ici il avait été décrit, sous le

nom d'hypermnésies, trois ordres de phénomènes différents, que

nous avons cherché à mettre en lumière.

Les hypermnésies permanentes que nous avons appelées hyper-

trophies générales ou partielles de la mémoire sont des troubles

pathologiques consistant dans le développement anormal d'une

fonction.

Les gens doués de pareilles aptitudes sont des personnes qui

fixent et conservent un plus grand nombre d'images que le reste

des hommes. Ils évoquent également plus facilement et plus rapi-

dement leurs souvenirs, qu'ils reconnaissent et localisent avec une

merveilleuse précision. Puisque par un point ils ne sont pas sem-

blables aux individus,qui les entourent, par cela même ils sont,

sinon des malades, du moins des anormaux. Et plus l'hypertrophie

de leur mémoire sera partielle, plus ils seront anormaux, sembla-

bles à ces arbres de structure minuscule portant des fruits énormes.

Nous avons alors réservé le terme hypermnésie pour désigner

uniquement un trouble de l'évocation des images.

La mémoire agissant par pur automatisme, en l'absence de l'at-

tention et de la volonté, ramènera à la conscience des souvenirs

oubliés que nous avons consenti à appeler hypermnésies. Les hy-

permnésies, on le comprend, pourront se produire dans tout état

d'émotion intense qui a concentré l'émotion sur un seul point,

laissant au moi subconscient, c'est-à-dire à l'automatisme, le soin de

penser. C'est ce qui se produit dans l'hypnotisme et le spiritisme. z

Enfin, dans les états où l'attention est supprimée (sommeil natu-

rel), de pareils phénomènes sont possibles et même fréquents.

Mais nous avons surtout réservé le nom d'hypermnésie à l'accé-

léralion du troisième temps de la mémoire. Cette accélération fai-

sant penser dix, vingt fois plus vite, devra, pour que la continuité

cérébrale ne s'interrompe pas un instant, puiser dans la réserve

des souvenirs. Et, par un mécanisme semblable au précédent,

mais fonctionnant beaucoup plus vite, nous aurons obtenu le même

effet. L'hypermnésie n'est donc qu'un mode particulier de l'asso-

ciation des idées, avec ou sans rapidité de la pensée. Cette hyper-

mnésie est la caractéristique même de l'état maniaque, que celui-ci

soit du reste vésanique ou symptomatique d'une lésion organique

comme dans la période prodromique do la paralysie générale pro-

BIBLIOGRAPHIE. 265

"ressive. C'est aussi la caractéristique de l'état de la pensée dans

les intoxications par l'alcool, le chloroforme, le haschich, l'opium.

Quant à la cause de cette rapidité plus grande de la pensée, elle

n'est autre, naturellement, qu'une accélération du jeu des cellules

corticales. Mais quelle est, à son tour, la cause même de cette accé-

lération ? C'est quelquefois l'anémie, ou bien au contraire la con-

gestion cérébrale. C'est peut-être aussi la présence de toxines ou

de poisons dans le sang, lesquels poisons n'agissent sans doute

qu'en provoquant par voie réflexe cette congestion ou cette anémie

cérébrale. Questions complexes que seules des expériences précises

pourront peut-être élucider.

Mais comment s'expliquer, par exemple, cette hyperjnnésie si

connue des noyés, alors que l'amnésie est dérègle dans le suicide

par pendaison ? Dans les deux cas, pourtant, il y a asphyxie;

aussi croyons-nous qu'on peut d'avance éliminer toute hypothèse

d'action de la part des gaz de la respiration. Notre ami le docteur

Gauduchau, nous a proposé la théorie suivante qui est peut-être

vraie : dans la pendaison, il y a compression des carotides, et

par conséquent, anémie cérébrale. Au contraire, au début de l'as-

phyxie par immersion, il y a, et cela à cause des réflexes cutanés et

pulmonaires, rapidité plus grande du pouls, grâce àl'action du pneu-

mogastrique, c'est-à-dire qu'il se produit de plus grands échanges

nutritifs dans le cerveau, et par suite hyperactivité cérébrale..

Une hypermnésie qui est plus facile à expliquer est celle qui se

produit après un traumatisme. Nous avons dit qu'elle n'était qu'un

résultat de l'irritation cérébrale qui, limitée dans d'autres cas à

une zone motrice, produit l'épilepsie jacksonieune. Ici c'est une

cellule intellectuelle qui est irritée et qui produit de la pensée.

Du reste, nous n'insisterons pas sur ces questions d'étiologie qui

sont encore à l'étude. Nous avons bien rangé les hypermnésies

d'après leurs causes, voulant surtout les considérer comme symp-

tôme morbide, mais nous n'avons pas voulu approfondir ces causes.

8. Contribution ci Félude des borborygmes rythmés;

par L.-M.-J. GUILL001.

Les borborygmes ont pour siège l'estomac. Les conditions de

leur production paraissent être : la présence de gaz dégluti ou

provenant de fermentations, l'existence d'une coudure, la rétention

de liquides et surtout l'impulsion résultant d'une contraction spas-

modique du diaphragme, condition sine yttct non du bruit, ainsi

que l'a si bien mis en lumière le professeur Pilres. On les observe

surtout chez lesfemmes à respiration diaphragmatique, à abdomen

proéminent, de tempérament nerveux. Ils s'exagèrent sous l'in-

fluence d'une émotion morale. Ils disparaissent dans le décubitus

dorsal et sous l'influence d'une action mécanique. Le traitement

266 BIBLIOGRAPHIE.

rationnel est la suggestion ou le port de la ceinture Glénard, ainsi

que l'ont observé MM. Sabrazès et Lamacq.

9. Du tatouage. Le tatouage dans la marine; par O.-L.-A. GuioL.

10.Vtt ? 'M<Mt ! s de <'ë<HmcM<fe< ? 'espo ? tsa6 ! <t'M; par GuyoT,

Travail considérable et thèse hardie, ainsi qu'on en peut juger,

entre autres, par la conclusion suivante : « Le milieu social a, dans

tout crime, même commis par un normal ou supposé tel, sa part

de responsabilité. L'état social est en grande partie la cause de la

criminalité qui ressortit, d'autre part, d'influences extérieures et

de conditions intrinsèques auxquelles l'individu ne peut entière-

ment soustraire son impulsivité. Aussi doit-on supprimer la peine

de mort et la prison et les remplacer par des asiles, colonies agri-

coles et asiles proprement dits, suivant l'état de perfectibilité des

individus. »

, 11. Les persécutés mélancoliques; par G. LALANNE.

Importante thèse clinique, de plus de 200 pages, avec observa-

lions personnelles très détaillées, sur un des sujets d'actualité de

la psychiatrie : les persécutés auto-accusateurs ou persécutés mélan-

coliques. Après un historique de la question, l'auteur étudie suc-

cessivement, dans des chapitres distincts : 1° les délires de persé-

cution et de mélancolie se succédant mais ne se combinant pas ;

2°les états mixtes chez des malades d'abord persécutés et devenant

ultérieurement persécutés-mélancoliques; 3° les états mixtes chez

des malades d'abord mélancoliques et devenant ultérieurement

persécutés-mélancoliques ; 40 les délires mixtes d'emblée ; 5° les

délires mixtes avec prédominance d'idées hypocondriaques ; 6° les

délires mixtes chez les persécutés-persécuteurs.

- Les conclusions principales de ce travail sont les suivantes : Il

existe une catégorie de malades qui se rencontrent fréquemment,

présentant des délires associés ou combinés de persécution ou de

mélancolie et que par suite on peut désigner sous le nom de par-

sécutés-mélancoliques. Les persécutés mélancoliques forment un

groupe homogène dans lequel on peut distinguer un certain

nombre de variétés cliniques. Ils sont caractérisés dans leurs traits

généraux par des idées mélancoliques associées à des idées de

persécution et se montrent chez des héréditaires souvent dégéné-

rés. Ces malades manifestent un délire obsédant d'indignité, de

culpabilité, d'auto-accusalion, hypocondriaque; des hallucinations

visuelles, auditives, sensorielles et psycho-motrices ; le tout com-

biné à des idées de persécution systématisées, des idées de suicide

passant facilement aux actes. L'hérédité et la prédisposition neuro-

psychopatique jouent un grand rôle comme facteurs écologiques.

La guérison se produit souvent, mais parait dépendre de la nature

bibliographie. 267 Î

du délire prédominant. S'il y a prédominance du délire mélanco-

lique, la guérison est plus probable que si 'les idées de persécution

sont prépondérantes. Le pronostic sera également variable suivant

)'âge du sujet. Tandis que la guérison est fréquente avant qua-

rante ans, elle est exceptionnelle après quarante-cinq ans. Les

persécutés mélancoliques peuvent être placés parmi les prédispo-

sés dégénérés, et leur forme psycliopalique peut trouver sa situa-

tion exacte à côté des délires polymorphes des dégénérés et des

délires.à systématisation limitée.

12. Etude sur le tic convulsif simple (tic convulsif de Trousseau) ;

par Ed. Martaud.

Intéressante étude de la forme légère de la maladie des tics

convulsifs, dont elle se dislingue par l'absence de phénomènes

surajoutés (coprolalie, écholalie, échokiuésie, idée fixe). Le tic

simple survient le plus ordinairement chez un enfant prédisposé

par ses antécédents héréditaires, quelquefois à la faveur de l'imita-

tion, d'une émotion morale vive, d'une petite lésion passagère de

la peau ou des muqueuses, mais plus souvent sans cause apparente.

11 coïncide souvent avec des stigmates de dégénérescence et de

légers (roubles mentaux. C'est à la face et au cou qu'on le ren-

contre le plus fréquemment. Les mouvements sont soudains, brus-

ques, arythmiques, indolores et le plus ordinairement conscients.

L'émotion les exagère, le sommeil, l'attention, la volonté, les

maladies fébriles, les manoeuvres hypnotiques les diminuent ou

même les suppriment. Ils doivent être distingués des tremblements

qui coexistent avec eux de l'incoordination motrice du tabès, des

chorées, des tics réflexe, symptomatique, neurasthénique, hysté-

rique. On ne peut préciser le siège exact ni la nature du processus.

Le pronostic sérail, bénin, n'était la prédisposition des malades

aux maladies mentales ou nerveuses. Les traitements sont le plus

souvent impuissants. On peut espérer cependant quelques bons

résultats de l'emploi de la suggestion hypnotique, surtout quand

les malades présentent quelques stigmates hystériques.

13. La bicyclette considérée au point de vie hygiénique et moral;

' par G.-lL ? 11.nrm.

L'auteur consacre un chapitre aux bienfaits que l'on peut retirer

de 1'usaze de la bicyclette dans certaines affections du système ner-

veux. Mais si le cyclisme possède à son actif la guérison d'une

certaine catégorie de neurasthéniques, et l'amélioration d'un grand

nombre de paralysies et d'atrophies musculaires, il peut être

néfaste aux surmenés intellectuels, et il faudra toujours ordonner

avec prudence ce genre de sport chez un grand nombre de névro-

pathos. ' (A suivre.)

268 bibliographie.

VI. L'épilepsie; par J. Voisin. Paris, in-8, 1897. F. Alcan, éditeur.

Etude clinique parfaite, nourrie d'observations à méditer avec

soin, dans laquelle M. Voisin prodigue le talent qu'on lui connaît.

Que- d'enseignements magistraux sur la définition, les causes, la

symptomatologie, les formes, l'évolution, le diagnostic et le pro-

nostic de ce « syndrome, c'est-à-dire de cet ensemble de symp-

tômes que l'on trouve plus ou moins réunis chez un même indi-

vidu ». La pathogénie y est particulièrement intéressante. On ne

connaît pas de lésion pathognomonique de l'épilepsie. Mais cela ne

veut pas dire qu'il s'agisse d'une maladie sine materia. Les symp-

tômes de l'épilepsie présentent la plus grande analogie avec les

intoxications (Archives de Neurologie, nos98 à 102). La simultanéité

de symptômes tels que les troubles digestifs, les manifestations

épileptiques, et l'hypotoxicité de l'urine, rapprochée de la dispa-

rition de l'état gastrique et de l'apparition de l'hypertoxicité uri-

naire au moment où le malade revient à son état normal,

semblent des preuves incontestables de l'existence d'un poison

retenu ou fabriqué par l'organisme, qui déterminerait, chez un

sujet prédisposé héréditairement, les manifestations épileptiques.

La prédisposition est essentielle ;. c'est : l'état d'équilibre instable

de la cellule nerveuse. Le sang de ces malades, noir, poisseux, se

coagulant presque immédiatement à l'air, contient des staphylo-

coques, qui sécrètent des toxines dont l'accumulation exerce une

action couvulsivante. Elles irritent les centres vaso-moteurs soit en

paralysant les vaso-dilatateurs, soit en excitant les vaso-constric-

teurs, et modifient aussi directement le prôtoplasma des cellules

de l'encéphale; cette dernière hypothèse expliquerait les paralysies

(par inhibition) consécutives aux accès convulsifs. Mais il faut, au

préalable, un état particulier de la cellule nerveuse connu sous le

nom de prédisposition héréditaire. Cette prédisposition est mise

en évidence par différentes causes : intoxication alcoolique, trau-

matisme, cicatrice, lésion du cerveau, irritation des terminaisons

nerveuses, influence morale ou physique, etc. Quel que soit, au

reste, le point d'où part l'irritation, celle-ci aboutit toujours à la

cellule cérébrale. Seulement le syndrome épileptique évolue diflé-

remment suivant la cause; ainsi, dans l'épilepsie réflexe, l'intelli-

gence reste longtemps normale, tandis que dans l'épilepsie à état

gastrique (par intoxication), l'hébétude postparoxystique et la dé-

- inence consécutive (probablement par altération de la cellule) sont

la règle. M. Voisin analyse merveilleusement les questions physio-

logiques en rapport avec les régions de l'encéphale et les trois plans

'de neurones. Delà pathogénie ainsi conçue, il déduit la thérapeu-

tique judicieuse, rationnelle, applicable aux diverses espèces con-

sidérées. Il n'a garde d'oublier l'assistance des épileptiques

(ch. XI) et les adaptations médico-légales (ch. XII). lllqetr.Lt.

NÉCROLOGIE.

Le Dt MESNET, membre de l'Académie de médecine, médecin

honoraire des hôpitaux, etc., est mort le 13 janvier dernier. Il

était né à Saumur en 1825, Il fut successivement externe (1845),

interne (184-1), médecin des hôpitaux (1859). On lui doit entre autres

travaux : Paralysie hystérique (Thèse 4552);-rolie rhumatismale ;

Somnambulisme pathologique ; Somnambulisme provoqué et

fascination ; Hf;mo9o ! U)'Mpn ? ''M;ys : <e ; Délire aigu hydro-

p/t0& ! 'ç ! <e ; p/taste aucc A('/ ? t ! p/e6't'e gattc/te; amjage du Var;

Mémoire sur le choléra ri l'lcôpital Saint-Atztoine, etc. On trouvera

de plus amples détails sur la vie du Dr Mesnet dans la remarquable

notice publiée par M. A. Motet dans le n° 5 du Progrès médical, 1898.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Présidence de MM. Garnier ET MEURIOT.

Le Président annonce la mort de M. Mesnet et donne lecture

du discours qu'il a prononcé sur sa tombe au nom de la Société.

Installation du bureau. M. P. Garnier, avant de céder le fau-

teuil de la présidence à M. Meuriot, passe en revue les travaux de la

Société, au cours de l'année qui vient de s'écouler et souhaite la

bienvenue à son successeur en i'invitantà le remplacer.

M. Meuriot remercie la Société qui l'a désigné pour diriger ses

travaux et félicite M. Garnier sur la façon délicate dont il s'est

acquitté de ses fonctions de président.

Prix Aubanel. LE Secrétaire général annonce la réception

d'un mémoire envoyé par M. Régis pour le prix Aubanel. Ce

mémoire est remis à une commission composée de MM. Cliisliti,

Deny, Falret et Vallon.

Rapport de la Commission des Finances. M. Christian donne

lecture d'un rapport de la commission des finances approuvant la

gestion du trésorier.

Simulation préuertlive de la folie. M. Séglas. 11 s'agit d'un

individu M..., qui s'était rendu coupable d'une tentative d'escro-

querie en prenant le nom de L..., et la qualité d'inspecteur divi-

sionnaire de la sûreté. Pendant qu'il exécutait cette tentative avec

un véritable esprit de suite, un luxe de combinaisons qui ne pou-

vaient être le fait d'un aliéné, d'un autre côté vis-à-vis de sa mai-

tresse et de différentes personnes avec lesquelles il se trouvait en

rapport il commençait à tenir des propos absurdes de plus en plus

extravagants, manifestant d'abord l'espérance, puis la conviction

qu'il était inspecteur de la sûreté et destiné à une haute position.

Après son arrestation, il continua d'abord à simuler le délire des

grandeurs, avec des symptômes de confusion intellectuelle. Plus

tard il allégua une amnésie de tous ces accidents pseudo-délirants

et en même temps de tous les faits de l'escroquerie. M. Séglas

expose un certain nombre de raisons qui ont pu faire diagnostiquer

la simulation de ces phénomènes, et par. suite de ceux siinulps pré-

ventivement. L'individu finit par abandonner son système de défense

et fut condamné à huit ans de prison.

M. Garnier demande si, étant données les contradictions signalées

par M. Séglas dans la conduite du prévenu, il n'existait pas chez

lui une certaine débilité intellectuelle, comme cela arrive souvent

chez les simulateurs.

M. SGLAS n'a pu considérer M... comme un débile : il était très

VARIA. 271 1

roué, très maître de lui. Ses contradictions n'étaient plus vraisembla-

blement que les maladresses d'un simulateur pris à son propre

piège et qui essaye malgré tout de tirer tout le parti possible de son

système de défense.

M. Vallon voudrait savoir si l'inculpé invoquait sa prétendue

folie comme pouvant entraîner son irresponsabilité.

M. SGLAS. Non. Il restait logique avec lui-même en alléguant

simplement une perte de mémoire. Marcei BRIAND.

VARIA.

IX0 Congrès DES médecins aliénistes ET neurologistes.

Le 9e Congrès annuel des médecins aliénistes et neurologistes

français s'ouvrira v Angers, le lundi l ? aoi7t 189S, sous la prési-

dence de M. le Dr Motet, membre de l'Académie de médecine. Le

programme comprendra : 1° Questions mises à l'ordre du jour : z

Pathologie mentale. Les troubles psychiques post-opératoires. Rap-

porteur : M. le Dr Rayueau, médecin en chef de l'asile d'Orléans.

Pathologie nerveuse. Du rôle des artérites dans la pathologie du

système nerveux. Rapporteur : M. le Dr Sabrazès, professeur agrégé

de la faculté de médecine de Bordeaux. Médecine légale. Les

délires transitoires au point de vue médico-légal. Rapporteur : M. le ! )'' Vallon, médecin en chef de l'asile de Villejuif (Seine).

2° Lectures, présentations, travaux divers; 30 Visite de l'asile

d'aliénés de Maine-et-Loire ; 4° Assemblée générale de l'Union

des aliénistes français ; 5° Excursions ; 60 Impression et dis-

tribution des travaux du Congrès.

Prix de la cotisation : 20 francs. - Adresser, dès maintenant,

les adhésions, les cotisations et toutes communications au secré-

taire général du Congrès, M. le Dr Petrueci, directeur médecin en

chef de l'asile d'aliénés de Sainte-Gemmes-sur-Loire, près Angers

(Maine-et-Loire).

FAITS DIVERS.

Académie de médecine. Prix proposés pour 1898, 1899, 1900.

Règlement. Les concours des prix de l'Académie de médecine

sont clos, tous les ans, fin février. Les ouvrages adressés pour ces

272 faits DIVERS.

concours devront être écrits lisiblement, en français ou en latin, et

accompagnés d'un pli cacheté avec devise, indiquant les nom et

adresse des auteurs. Les ouvrages présentés par des étrangers sont

admis 'au concours, à l'exception des prix Buignet, Chevallier,

'Huguier et Roger. Tout concurrent qui se sera fait connaître direc-

tement ou indirectement sera, par ce seul fait, exclu du concours.

' Les concurrents aux prix Amussat, d'Areni-euil, Audiffred,

Baillarger, Barbier, Charles Boullard, Bourceret, Buignet, Buisson,

Cbevallier, Chevillon, Clarens, Desportes, Godard, Théodore

Herpin (de Genève), Hugo, Huguier, Itard, Laborie, baron Larrey,

Henri Lorquet, Meynot, Monbinne, Nalivelle, Nivet, Perron, lticord,

Roger, Saintour, Stanski, Tremblay et Vernois, pouvant adresser à

l'Académie des travaux, manuscrits ou imprimés, sont exceptés de

cette dernière disposition.

Les mémoires présentés au concours pour les services généraux

des Eaux minérales, des Epidémies, de l'Hygiène de l'Enfance et de

la Vaccine, travaux faits en dehors des questions posées pour les

prix, doivent être adressés à l'Académie, tous les ans, avant le

10, juillet. Les manuscrits, imprimés, instruments, etc., soumis à

l'examen de l'Académie, ne seront pas rendus aux auteurs.

Les prix seuls donnent droit au titre de lauréat de l'Académie

de médecine.

Année 1808. '- Prix de l'Académie. 1.000 francs. Question :

Des myélites infectieuses au point de vue clinique et expérimental.

Pria ? Alvccrezgc de Piauhy (Brésil). 800 francs. Ce prix sera

distribué à l'auteur du. meilleur mémoire ou oeuvre inédite, sur

n'importe quelle branche de la médecine.

Prix l3ailla·ger. 2.000 francs. Ce prix sera décerné à l'auteur

du meilleur travail sur la thérapeutique des maladies mentales et

sur l'organisation des asiles publics ou privés consacrés aux aliénés.

Les mémoires concurrents devront toujours être divisés en deux

parties. Dans la première, ils disposeront, avec observations cli-

niques à l'appui, les recherches qu'ils auront faites sur un ou plu-

sieurs points de' thérapeutique. Dans la seconde, ils étudieront

séparément -pour les- asiles publics et' pour les asiles privés,

par quels moyens et au besoin par quels changements dans l'orga-

nisation de ces asiles, on pourrait faire une part plus large au trai-

tement moral et individuel.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Ch. Héhissey, imp. - 398.

Vol. V. Avril 1898. ? 28

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA DESCENDANCE

DES INVERTIS; `

. Par Cet. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.

Les perversions sexuelles ont beaucoup préoccupé les mé-

decins et les moralistes dans ces dernières années. Si, comme

la plupart des névropathies et des psychopathies ', elles

paraissent plus fréquentes qu'autrefois, c'est peut-être parce

qu'on les a étudiées avec plus de soin. Leur multiplication

pourrait s'expliquer par la sympathie au moins relative avec

laquelle on les accueille. L'existence de l'inversion sexuelle

telle qu'on l'entend chez l'homme ne peut pas être prouvée

chez les animaux ; il n'est guère douteux que les conditions

différentes de la sélection chez l'homme et chez les animaux

soit capable d'expliquer cette différence, d'autant qu'en fait

des perversions sexuelles acquises les animaux se laissent

rarement dépasser par l'homme .

Le plus grand nombre des perversions sexuelles peuvent

se développer sous l'influence de l'éducation, de l'imitation,

de l'imagination, d'une irritation locale. Au premier abord

on peut penser que lorsque le mal est sous la dépendance

de causes dites psychiques, on peut intervenir utilement en

' Ch. Féré. Civilisation et néuropathie. (Revue philosophique, 1896,

t. XLI, p. 400.)

Ch. Féré. Les perversions sexuelles chez les animaux. (Revue phi-

osophique, 189î, t. XLIII, p. 494.)

AHCI11VC, 2e série, t. V. 18

274 CLINIQUE MENTALE.

agissant sur les conditions de milieu, sur l'imagination, sur

la volonté. Toutefois si on parcourt les ouvrages des auteurs

les plus autorisés qui ont usé de la suggestion, on peut con-

server des doutes sur la réalité de leurs succès. L'hypnose,

même « forcée », parait en général inefficace'. Ce n'est pas

toutefois qu'on puisse nier absolument la guérison des per-

versions acquises; mais celles qui guérissent se sont en

général développées en conséquence de conditions orga-

niques sur lesquelles on peut exercer une action, efficace, ou

bien elles suivent l'évolution favorable d'un état morbide 2.

La réalité de ces guérisons peut faire comprendre le méca-

nisme de la perversion et la possibilité de la guérison des

perversions acquises quelles qu'elles soient.

A côté des perversions acquises qui peuvent se développer

à tout âge, suivant les circonstances, il faut distinguer

d'autres perversions dont on retrouve les premières manifes-

tations à l'époque de l'éveil de la fonction génitale, et même

souvent avant; il s'agit de perversions dites congénitales.

C'est à un groupe de perversions congénitales qu'on réserve

particulièrement le nom d'inversion sexuelle. Cette anomalie

peut, tout comme le daltonisme, la nyctalopie, ou toute autre

anomalie fonctionnelle, tant qu'elle n'abolit pas la fonction

sexuelle, se transmettre héréditairement,'soit au même degré,

soit en s'aggravant; d'autres fois elle se manifeste chez plu-

sieurs individus d'une même génération sans qu'on puisse

remonter à un ascendant commun atteint à un degré atté-

nué. L'analogie de ces familles avec les familles tératologiques

est frappante.

C'est l'intérêt que présente le caractère héréditaire ou

familial de l'inversion sexuelle qui m'a engagé à reproduire

ici quelques réflexions que j'ai déjà exposées ailleurs en les

appuyant d'un fait nouveau.

' L. Schwartz. Contribution à l'élude de l'inversion sexuelle, thèse

Montpellier, 1896, p. 34.

* Ch. Féré. Accès périodiques de perversion instinctive chez un

goutteux. (La Flandre médicale, le' juillet 1891.) Une hyperesthésie

génitale en rapport avec la brièveté du frein de la verge. (Revue de

chirurgie, 1895, p. 333.) - Note sur une perversion sexuelle liée à l'ataxie

locomotrice. (La Belgique médicale, 1897, n" 2.)

' La descendance d'un inverti, contribution à l'hygiène de l'inversion

sexuelle. (Revue générale de clinique et de thérapeutique, journal des

praticiens, 1896, n° 36, p. 561.)

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 275

L'inversion sexuelle, l'attraction spontanée sensuelle, sen-

timentale ou intellectuelle pour un individu du même sexe

est considérée par la plupart des médecins comme un stig-

mate de dégénérescence. Kraflt-Ebing admet que cette ano-

malie instinctive est liée à l'évolution des organes génitaux,

qui sont en réalité bisexués jusqu'au troisième mois de la vie

intra-utérine. Cet auteur pense qu'au début de l'évolution

les centres cérébro-spinaux' doivent aussi être bisexués.

Quand la spécialisation génitale est déjà réalisée, la spécia- ,

lisation cérébrale est encore latente. On peut comprendre que

la spécialisation qui s'effectue le plus lentement ait plus de

chances d'être troublée et qu'il arrive que, malgré une spé-

cialisation génitale régulière, la spécialisation cérébrale soit

en défaut, pervertie ou invertie. Le fait est qu'on rencontre

un certain nombre d'individus atteints d'inversion instinctive

du sens génital et qui ne présentent aucune anomalie soma-

tique grossière et en particulier aucune malformation des

organes génitaux internes ou externes.

Plusieurs auteurs, et en particulier Max Dessoir, ont consi-

déré l'indécision sexuelle comme normale pendant les pre-

mières années de la puberté ; on peut déduire de cette cir-

constance que l'inversion est un arrêt de développement

(Ellis) favorisé par le milieu scolaire. Toutefois, il s'en faut

que l'anomalie coïncide constamment avec un retard d'évo-

lution ; souvent elle est en relation avec une précocité remar-

quable '.

Pour Ilavelock Ellis, l'inverti est caractérisé par une ano-

malie prédisposante congénitale ou un complexus de petites

anomalies qui lui rendent difficile ou impossible l'attraction

sexuelle vers l'autre sexe, facile au contraire l'attraction

pour son propre sexe. Cette anomalie peut apparaître spon-

tanément, ou être mise en activité par des circonstances

accidentelles 2. Cette conception ne diffère pas au fond de

celle de Krafft-Ebing et des auteurs qui admettent que l'in-

version est un caractère de dégénérescence. L'inversion

sexuelle est souvent liée, comme le reconnaît bien Ellis, à un

tempérammeni névropathique. Elle peut être liée d'ailleurs

à des anomalies des caractères sexuels.

1 N', Pélofi. De la précocité et des perversions des izzslizzcts sexuels

chez les enfants. (Thèse Bordeaux, 1897.)

2 Havelock Ellis. Sludies in the psychology of sex, 1897, 1.1, I, p. 140.

276 CLINIQUE MENTALE.

L'existence d'invertis, normaux au point de vue morpho-

logique, peut justifier à..première vue l'opinion des dissi-

dents qui admettent que les invertis peuvent n'être ni des

dégénérés, ni des criminels, ni des malades. Raffalovich',

qui défend l'intégrité intellectuelle et morale des invertis su-

périeurs, établit ajuste titre des distinctions parmi les inver-

tis ou uranistes. Il y a des chastes, des modérés, des sensuels et

des vicieux. Il y a parmi les uranistes virils des catégories,

les uns qui recherchent l'homme pour ses qualités viriles,

soit au point de vue psychique, soit au point de vue sensuel,

ou à la fois au point de vue psychique et au point de vue

sensuel ; d'autresqui recherchent dans un autre mâle une

sensibilité plus délicate que celle de l'homme oude la femme,

d'autres enfin qui aiment le mâle comme des individus nor-

maux aiment la femme. Ce ne sont guère ces sujets que les

médecins ont eu en vue dans leurs descriptions, ils se sont

surtout attachés aux invertis dont les amours sont des amours

de femme, qui miment la femme dans ses goûts, dans sa

tenue, aussi bien que dans son attitude dans l'acte sexuel

lorsqu'ils le recherchent. On pourrait établir les mêmes dis-

tinctions chez la femme, dont les inversions sexuelles sont

beaucoup moins connues.

Quelle que soit la forme de l'inversion sexuelle, si elle

est congénitale elle résiste à tous les traitements. Si, sous

l'influence de la suggestion ou d'un traitement tonique et

excitant, l'inverti peut arriver à vaincre sa répugnance pour

l'autre sexe. le résultat obtenu est bien plutôt la perversion

de l'inverti que la guérison de l'inversion. Il est donc permis

de mettre en doute l'utilité du traitement et même la légiti-

mité de la tentative.

L'inverti qui n'est pas l'esclave de son instinct sexuel,

celui qui est chaste, soit par tempérament, soit parce qu'il

est assez maître de lui pour ne pas se mettre en dehors d'une

loi qu'il reconnaît être celle de la nature, est inoffensif au

point de vue social. Celui qui est capable de faire dériver

dans un travail utile l'énergie d'une tendance qu'il reconnaît

comme morbide ou comme hors de la loi naturelle, peut être

un homme non seulement inoffensif, mais un homme utile.

' M. A. Raffalovich. Uranisme et unisexualité. Éludes sur les diffé-

rentes manifestations de l'instinct sexuel, 1896.

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 277

L'inverti qui obéit à ses impulsions devient au contraire

nécessairement un agent de corruption.

Il n'y a que la longue habitude qui soit capable de lutter

contre l'instinct. La résistance aux instincts sexuels con-

traires a d'autant plus de chances de pouvoir être développée

que les tentatives de dérivation sont faites à un âge plus

tendre. Ce n'est donc pas sans raison que Raffalovich appelle

l'attention sur l'utilité que peut avoir l'étude de l'instinct

sexuel chez les enfants.

L'entraînement des invertis à la chasteté est l'indication

fondamentale de leur éducation. Les tentatives de redresse-

ment de l'instinct sexuel ne peuvent aboutir qu'à faire de

l'inverti un débauché ou un mari malheureux, tandis que,

par la chasteté, il peut tendre aux buts les plus nobles. Il

doit apprendre qu'on ne sert pas seulement la société en lui

donnant des enfants : nombre d'hommes des plus utiles à

l'humanité ont vécu dans le célibat et dans la chasteté. '

Le génie est en général célibataire et souvent continent.

Mais ce genre d'éducation ne peut réussir que chez des

individus à tendances modérées ; chez les invertis à impul-

sions violentes, il manque à coup sûr son but, et les méde-

cins qui tendent à faire de l'inverti un coureur de filles qui

ne sont plus à corrompre et qui ne se reproduisent guère,

pour lui éviter de devenir un coureur de garçons honnêtes,

travaillent en somme pour le moins mal.

D'ailleurs, il ne faut pas croire que tous les invertis soient

résignés à leur sort. Ils montrent bien qu'ils sont incapables

d'éprouver des sensations et des sentiments normaux, mais

ils en souffrent. Ils souffrent d'être autrement que les autres,

ils souffrent de ne pouvoir tenir la même place dans la

société. Il y a souvent intérêt pour l'anormal et pour son en-

tourage à lui laisser une illusion, un espoir éloigné.

Mais si l'entraînement à la chasteté est souvent impossible,

si souvent on est réduit à recourir à une dérivation sexuelle,

faute de mieux, parce que le sujet n'est pas capable de pour-

suivre un but plus élevé, d'atteler sa charrue à une étoile;

il n'en est pas moins hors de doute que l'entraînement à la

chasteté doit rester l'idéal du médecin aussi bien que de

l'éducateur. Et la raison fondamentale en est que l'inverti, si

supérieur soit-il, est toujours un dégénéré. La perversion de

l'instinct sexuel est un caractère de dégénérescence au pre-

278 CLINIQUE MENTALE.

mier chef, puisqu'elle a pour suite nécessaire la dissolution

de l'hérédité. M. Raffalovich, qui admet l'inversion sans

dégénérescence, se sert d'un argument qui donne la mesure

de sa critique : e Mais l'unisexualité n'entrave pas la con-

servation de la race, puisqu'elle s'est trouvée dans tous les

temps, dans tous les pays du monde. Quoi qu'en puisse dire

cet auteur, il y a une distinction absolue entre l'homme

hétéro-sexuel et l'homme homo-sexuel, au moins au point de

vue des chances de reproduction ; si la race se perpétue, les

invertis n'y contribuent guère.

Si l'on pouvait établir par des faits que l'inverti supérieur

n'est pas un dégénéré et qu'il peut fournir une descendance

qui rentre dans la loi en bénéficiant de l'hérédité de ses qua-

lités, l'entraînement à la chasteté ferait fausse route. Mais ce

genre de preuves de l'absence de dégénérescence, M. Raffa-

lovich, économe d'ailleurs de documents originaux, ne nous

la donne pas.

L'absence de stigmates morphologiques n'exclut pas la

dégénérescence. Darwin a fait remarquer ajuste titre que

la fonction sexuelle est la plus délicate de toutes; il est per-

mis d'admettre qu'elle puisse être atteinte à l'exclusion des

autres, et que, surtout, elle puisse ne pas se trahir par des

malformations extérieures.

En admettant que l'inversion sexuelle soit aussi fréquente

chez les hommes remarquables qu'on veut bien le dire, on

ne peut pas en conclure que l'inversion est un phénomène

normal : il y a coïncidence de deux anomalies.

La fonction sexuelle comporte la mise en jeu de deux élé-

ments de sexe différent. Quant l'un des éléments fait défaut

à la conjonction, la fonction ne s'exerce pas, il y a abolition

bien plutôt qu'anomalie de la fonction. On donne impropre-

ment le nom de perversions sexuelles aux perversions de la

recherche du plaisir procuré par l'excitation des organes

génitaux liée à la fonction sexuelle, aux perversions de l'ap-

pétit vénérien. Quand les perversions de l'appétit vénérien

ne sont pas les signes extérieurs de là dissolution congénitale

de la sexualité, ils deviennent les agents d'une dissolution

acquise. La pédérastie n'estpasune fonction sexuelle pervertie,

ce n'est pas du tout une fonction sexuelle, c'est une perver-

sion de l'appétit vénérien. Ce qu'on appelle instinct sexuel

contraire est, en somme, la négation de l'instinct sexuel;

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 279

l'expression d'homosexualité qu'on lui applique quelquefois

est parfaitement appropriée à l'idée fausse qu'on se fait de

la chose, étant aussi illogique.

La dégénérescence de l'inverti capable de se reproduire

peut s'objectiver dans les défauts de la descendance.

Observation I. Je soigne depuis une dizaine d'années un jeune

épileptique qui a maintenant dix-huit ans et ne présente plus,

depuis quatre ans, aucune attaque convulsive; mais il est resté

sujet à des crises d'excitation violente de formes diverses. Il est

d'ailleurs à peu près imbécile (1896). z

Ce jeune homme est le fils aîné de la famille : deux frères de

deux et quatre ans moins âgés que lui sont tout à fait idiots; une

soeur, née deux ans plus tard, a succombé aux convulsions à t'àge

de six mois. La mère est morte d'accidents puerpéraux en accou-

chant de cette fille ; elle était vigoureuse et bien portante, n'avait

jamais éprouvé de troubles névropathiques; elle a deux soeurs qui

ont chacune des enfants normaux comme elles. Quant au père,

c'est un homme remarquable autant au point de vue inorpliolo-

gique qu'au point de vue fonctionnel ; c'est un homme d'une intel-

ligeuce supérieure. On ne connaît non plus aucune tare névropa-

thique dans sa famille; il n'a jamais eu qu'un frère d'un an plus

âgé, qui a aujourd'hui quarante-sept ans, et a fourni une carrière

brillante ; il est célibataire. Ce frère ne présente aucune tare phy-

sique, mais on a aucun renseignement sur ses fonctions génitales.

Pendant la période où ils ont eu leurs enfants, le père et la mère

n'ont eu aucune maladie infectieuse reconnue, ni aucune intoxica-

tion qui ait frappé l'attention, et ils n'ont été victimes d'aucun acci-

dent ; il n'ont pas eu à souffrir de tourments dignes d'être signalés

pour donner une explication de la dégénérescence delà génération

actuelle.

La pathogénie s'est éclaircie, il y a quelques mois. Notre jeune

impulsif était devenu depuis quelque temps singulièrement atten-

tionné pour son frère cadet; on l'avait surpris plusieurs fois se

livrant sur lui à des attouchements qui ne laissaient aucun doute

sur ses intentions; enfin, dans un accès d'excitation plus intense, il

fit une tentative de pédérastie. Ce garçon montre une antipathie

marquée pour les filles ; mais on n'a pu en tirer aucune confidence.

Le père fut très ému, et, en venant me demander conseil sur les

précautions à prendre, fut amené à me faire des confidences qui

n'avaient pas été motivées jusqu'alors.

Dès l'âge de six ans, il avait plaisir à voir les hommes, principa-

lement les hommes munis des caractères sexuels accessoires bien

marqués, barbus, à voix forle ; plus tard, il recherchait l'occasion

de voir des hommes nus, et ses premières excitations génitales se

280 CLINIQUE MENTALE.

manifestèrent à celte vue. Lorsque la pubeité vint, ses goûts s'ac-

centuèrent, il recherchait les camarades plus âgés que lui et parais-

sant les plus développés; dans ses rêves érotiques, c'étaient de ces

garçons qu'il s'agissait. D'ailleurs, depuis, pendant ses longues

périodes de continence, il n'a jamais eu de rêves lubriques où une

femme ait figuré à un titre quelconque. Dans ses rêves il s'agissait

de contacts, de baisers, mais jamais de rapports sexuels. Il s'est

livré à la masturbation, mais jamais en commun. Il se sentait

poussé à rechercher des contacts, mais une sorte de terreur invin-

cible le retenait. Ce n'est qu'à l'âge de seize ans qu'il comprit qu'il

différait de ses camarades. Il s'en ouvrit à son confesseur, qui le

rassura et l'encouragea à la chasteté. Livré à lui-même, il resta

assujetti aux mêmes penchants; la recherche des contacts le pré-

occupait moins qu'au collège, mais il éprouvait toujours les mêmes

sensations, aussi bien dans le rêve que dans la veille.

Il comprit, dans certaines lectures, qu'il s'agissait d'un état mor-

bide et que la médecine pourrait lui être de quelque secours. Mais

il lui répugnait de découvrir ce qu'il considérait lui-même comme

une tare. Il avait renoncé à la masturbation, il se sentait de force

à rester chaste, il avait besoin de travailler, il garda son secret. Sa

famille lui conseillait le mariage qui devait améliorer et assurer sa

situation. Il consulta un médecin qui lui conseilla de s'exercer au

coït, et lui affirmant que le goût lui en viendrait; on lui prescrivit

l'hydrothérapie et un régime excitant.

Ses idées religieuses se joignant à une répulsion instinctive, il fut

longtemps à se décider. Mais la honte de ne pas pouvoir être père

de famille, ni remplir ses devoirs sociaux, et peut-être aussi la

curiosité, finirent par l'emporter. Il fit plusieurs essais infructueux :

d'abord le dégoût l'empêcha de pousser la tentative jusqu'au bout;

puis, malgré sa bonne volonté, la défaillance se produisait au

moment d'arriver au but. Une répugnance invincible suspendait

ses essais. Il fut plus de six mois avant de réaliser un rapport com-

plet. Ceux qu'il eut plus tard constituaient pour lui une tâche péni-

ble. Il pensa que dans le mariage la plupart des raisons qu'il cher-

chait à se donner de ses répugnances n'existeraient plus, il se

maria. Mais sa femme est restée pour lui un objet de répulsion

qu'il ne peut dissimuler qu'au prix d'efforts dont il ne comprend

plus la possibilité; les caresses qu'il ne lui accordait que par devoir

lui coûtaient des dégoûts et des efforts inénarrables; les rapports

complets ont été très rares, guère plus nombreux qu'il n'en a fallu

pour obtenir les produits qu'il déplore. Ses penchants homosexuels

se sont manifestés dans plusieurs circonstances où il fut en relation

avec des hommes dont l'aspect correspondait à ses préférences;

mais jamais il ne s'est laissé aller à une démonstration quelconque.

Depuis qu'il est veuf, il a toujours résisté à ses désirs, et il ne doute

pas qu'il eût été capable de conserver le même empire sur lui-

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 281

même avant son mariage, si on ne l'avait pas encouragé à vaincre

son instinct.

Cet homme, qui a quarante-six ans, a tous les attributs de la vit i-

lité, il est vigoureux, barbu et n'a aucune anomalie appréciable de

l'intelligence ou du caractère.

L'opinion fausse que l'inversion sexuelle est une perversion

de l'imagination sans base organique et qu'il faut la vaincre

par la persuasion et par tous les moyens susceptibles de favo-

riser l'accomplissement de l'acte sexuel, a été pour cet homme

une cause de maux irréparables liés à l'infirmité de ses

enfants. Il dirige un établissement industriel considérable

où il a fait preuve d'une grande intelligence et d'une grande

puissance d'application. Il s'occupe activement de sociologie

appliquée et d'oeuvres de bienfaisance. Sa vie actuelle

montre bien qu'il pouvait facilement vivre dans la chasteté

et se contenter de satisfactions intellectuelles; et il faut

reconnaître que ce n'est pas sans raison qu'il accuse ses

conseillers.

L'observation suivante présente la plus grande analogie

avec la précédente; il s'agit d'une femme, circonstance qui

n'est pas sans intérêt, car l'inversion sexuelle chez la femme,

n'a fait l'objet que de peu nombreuses publications. Cepen-

dant Havelock Ellis a pu en réunir un certain nombre

d'exemples, et il est possible que la rareté qui paraît indiquée

par la pauvreté de la littérature médicale, soit plus apparente

que réelle. L'existence plus retirée de la femme se prèle

mieux à la dissimulation. L'association moins fréquente

chez elles de la perversion sexuelle avec la criminalité

commune se prête moins à la formation de groupes qui, par

la variété de leur délinquence, ont chez l'homme plus de

chances de frapper l'attention.

Observation II. J'ai été consulté au mois de juin 1897 pour

une jeune fille de vingt-quatre ans qui présente depuis l'époque de

l'apparition des règles, à treize ans, des absences très courtes se

répétant à des intervalles variables, tantôt plusieurs fois dans une

journée, tantôt seulement après une suspension de plusieurs mois,

et constituée par une pâleur subite avec fixité du regard, suspen-

sion de l'acte commencé, tiraillements dans la commissure labiale

gauche, avec perte de connaissance durant seulement quelques

secondes. Ces absences ne sont .suivies d'aucune obnubilation, d'au-

cune fatigue, et ne paraissent pas avoir affaibli l'intelligence. A ces

282 CLINIQUE MENTALE.

absences se sont ajoutés depuis le mois de décembre dernier des

accès mélancoliques précédés d'irritabilité pendant quelques

heures et à début subit. La malade se plaint de la tristesse de

la vie, de la prédominance des circonstances malheureuses,

de la malveillance dont elle est entourée : la mort est ce qui

peut arriver de mieux. Ces accès durent une heure ou deux, puis

disparaissent aussi subitement qu'ils étaient apparus. Sa mère est

d'autant plus inquiète de ces accès qu'une autre fille s'est suicidée.

En dehors de ces paroxysmes qui se sont reproduits 14 fois, de

décembre 1896 à juin 1897, et des absences, cette jeune fille jouit

d'une santé parfaite; elle est grande et bien constituée, plutôt jolie

et avec une expression sympathique. Jusqu'à la puberté, elle n'avait

présenté aucun accident nerveux et n'avait souffert d'ailleurs que

de quelques angines et de la rougeole à divans. Sa menstruation

est toujours régulière. Elle ne présente aucun trouble important

de la sensibilité ni de la motilité, son intelligence est normale; elle

paraît d'une grande indifférence sexuelle, mais ne manifeste pas

de répulsion anormale comme sa soeur. J'ai considéré les absences

et les accès mélancoliquescomme appartenant à la série épileptique

et leur éloignement sous l'influence du traitement parait donner

raison à ce diagnostic.

Cette jeune fille avait eu [deux soeurs ainées : la première avait

succombé aux convulsions au sixième mois; la seconde, qui s'est

suicidée en novembre 1895, avait eu aussi des convulsions dans

l'enfance à plusieurs reprises; elle avait marché tardivement, elle

n'avait pas parlé distinctement avant trois ans, et elle avait eu des

mictions nocturnes involontaires jusqu'à sept ans. A partir de cette

époque elle s'était bien développée; elle avait été réglée à douze ans

et demi sans aucun trouble et la menstruation avait toujours été

régulière et sans douleur. Elle était d'une intelligence moyenne,

affectueuse avec ses parents. Mais depuis rage de la puberté

on remarquait qu'elle manifestait un éloignement marqué pour

les hommes jeunes, tandis qu'avec les jeunes filles elle se montrait

communicative et tendre. Depuis l'âge de seize ans, elle s'était par-

ticulièrement liée avec une jeune fille de son âge avec laquelle elle

se rencontrait chaque jour plusieurs fois et à laquelle elle trouvait

toujours un prétexte pour écrire une lettre au moins chaque soir.

Son amie, qui paraissait lui rendre son affection, lui écrivait très

rarement, et dans quelques lettres qu'on a retrouvées plus tard

on n'a rien trouvé qui indiquât de sa part un sentiment anor-

mal. A vingt ans, cette jeune amie fut l'objet d'une demande en

mariage, qui fut d'ailleurs rejetée. L'idée d'une possibilité de

mariage de son amie détermina chez la soeur de notre malade une

émotion profonde suivie d'insomnie, et quatre jours après d'une

attaque de chorée généralisée, avec un état mélancolique bien mar-

qué qui dura cinq mois. La difficulté d'écrire n'avait pas arrêté la

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 283

correspondance qui était même devenue plus abondante. L'amie

avait été plusieurs fois recherchée depuis; mais elle avait dissimulé

avec soin. Cependant elle avait été elle-même plusieurs fois l'objet

de recherches qu'elle avait repoussées avec une sorte d'horreur, et

sa mère avait renoncé à lui communiquer celles qui se produisirent

plus tard. On verra que sa mère était bien disposée à ne pas con-

trarier ses sentiments. Au mois de novembre 1895, c'est-à-dire

quatre ans après l'éventualité qui avait provoqué l'attaque de cho-

rée, l'amie répondit par une acceptation à une offre accueillie par

sa famille, et la dissimulation ne fut pas longtemps possible. A une

crise de pleurs qui dura plusieurs heures, on vit succéder une atti-

tude de résignation qui parut de bon augure; la jeune fille déclara

que, puisque son amie se mariait, elle ne pouvait plus lui inspirer

que du dégoût, qu'elle ne la reverrait plus. La mère, qui surveillait

l'insomnie et l'absence d'alimeutation à peu près complète, n'était

pas sans inquiétude ; on épiait ses mouvements particulièrement la

nuit. Mais le troisième jour au matin, elle sortit avec une tranquil-

lité apparente pour une promenade qui n'inspira pas d'inquiétude.

Quelques heures plus, tard, on la retrouvait morte dans un puits

abandonné.

La mère ne connaissait à sa fille morte pas plus qu'à sa fille

vivante aucune anomalie somatique et en particulier aucune ano-

malie des organes génitaux ou des organes sexuels accessoires; les

hanches étaient bien développées, les seins plutôt volumineux.

Cependant elle ne doute pas qu'il ait existé chez celle qui s'est

suicidée, des anomalies des sentiments sexuels. Cette opinion s'ap-

puie sur certaines particularités qu'elle avait remarquées chez sa

fille et qu'elle avait éprouvées elle-même. ,

Elle a cinquante-trois ans. Elle appartient à une famille qui a

toujours vécu à la campagne et composée de gens qui paraissaient

sains au point de vue mental : son père est mort à cinquante-six ans

d'une fluxion de poitrine; un oncle paternel vit encore à soixante-

douze anset se porte bien, mais est affecté depuisau moins vingt ans

d'un tremblement des mains. Une tante paternelle, vivante aussi,

est atteinte de rhumatisme chronique depuis l'âge de quarante-

huit ans; la mère est morte d'un cancer utérin, à cinquante-cinq

ans; elle avait une soeur jumelle morte l'année suivante de la même

affection. Un oncle paternel est d'une santé parfaite à soixante-

deux ans. Parmi ses collatéraux, elle ne connaît pas d'aliénés, ni

de gens excentriques; mais dans la ligne maternelle il y a plusieurs

jumeaux. ,

Elle-même est jumelle, sa soeur est morte du croup à trois ans,

de même qu'un frère d'un an plusjeune. Elle était bien conformée

et s'est développée normalement; elle a eu des mictions nocturnes

jusqu'à huit ans, mais en dehors de ce trouble elle n'a souffert,

d'aucun accident nerveux jusqu'à la puberté qui s'est établie nor-

284 CLINIQUE MENTALE.

malement à onze ans et demi sans jamais avoir été troublée depuis

en dehors des grossesses. Dans son enfance elle n'avait présenté

aucune particularité qui pût être considérée comme un signe pré-

curseur d'anomalies sexuelles, elle jouait volontiers avec les petites

filles, se livrait à des ouvrages et des amusements de fille, n'éprou-

vait aucune gêne ni aucune répulsion vis-à-vis de ses cousins ni des

petits garçons au contact desquels elle pouvait se trouver. C'est

seulement quelques mois avant l'apparition des premières règles,

qu'elle a commencé à éprouver vis-à-vis des garçons ou des hommes

jeunes, une gêne pénible, puis une répulsion invincible qu'elle

ne sentait nullement en face d'hommes plus âgés et en particulier

en face d'hommes qui avaient atteint l'âge de son père. Vers la

même époque elle se trouvait entraînée à des caresses dont l'idée

ne lui était pas venue jusque-là envers plusieurs jeunes filles, et en

particulier envers une qui en peu de temps devinl l'objet exclusif

de sa tendresse. Elle travaillait pour elle, lui écrivait de longues

lettres à tout propos tâchant d'en obtenir à titre de souvenir les

objets les plus intimes, qu'elle conservait dans des sachets qu'elle

confectionnait à cette intention, lui prodiguait les baisers, mais

sans en venir jamais à des attouchements sexuels, de telle sorte

qu'elle reste convaincue que cette jeune fille n'a jamais su quelle "

était la véritable nature de ses sentiments. Elle-même ne les ignora

pas longtemps, car il lui arriva d'avoir des pollutions nocturnes à

propos de rêves où il se produisait des contacts, ou diurnes même

à propos du contact de certaines régions en particulier du cou et de

la nuque. Ces pollutions s'accompagnaient de sensations de plaisir

sexuel très vif, mais étaient immédiatement suivies d'un sentiment

pénible de honte vague, de sorte qu'elle les redoutait et qu'elles ne

se produisaient qu'en raison de contacts involontaires, pendant les

caresses auxquelles elle se laissait emporter. Elle avait seize ans, il

y avait plus de quatre ans que ces phénomènes se produisaient

sans qu'elle s'en inquiétât. Un jour qu'elle avait entendu une con-

versation de jeunes femmes qui lui avait ouvert l'attention, elle

s'adressa à son confesseur, qui était ami de la famille. Non seule-

ment il lui ordonna de cesser toute relation avec son amie, mais il

arrangea un éloignement forcé. Elle eut un grand chagrin à la fois

de la séparation et de la découverte de quelque chose qui la ren-

dait différente des autres. Son ancienne amie reparaissait de temps

en temps dans ses rêves ou dans ses rêveries, mais lorsqu'elle ren-

contrait une autre jeune fille qui l'attirait, elle luttait contre son

désir et évitait tout ce qui pouvait ressembler à une caresse ou à

une marque d'intimité. Cependant il lui arriva plusieurs fois, rien

qu'au contact de la main, d'éprouver brusquement une pollution

avec sensation très vive suivie d'un sentiment de honte qui lui

laissait au front une violente rougeur. Cette réaction s'est produite

au contact de 4 personnes différentes. Le contact des hommes lui

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 285

causait toujours une répulsion violente, et lorsqu'elle entendait

parler de l'éventualité du mariage elle éprouvait une agitation

pénible et restait plusieurs nuits sans dormir. Les conversations des

jeunes femmes ou des jeunes filles mieux renseignées qu'elle, la

mettaient dans un état d'agitation particulièremeut pénible. Elle

rejeta plusieurs demandes en mariage qui se présentaient dans les

conditions les plus favorables. Elle refusa d'abord systématique-

ment, disant qu'elle ne se marierait jamais; mais comme on sup-

portait fort mal cette décision, elle donna des prétextes plus ou

moins justifiés, basés sur des défauts individuels ou sur des condi-

tions accessoires plus ou moins futiles. Elle avait vingt-quatre ans,

quand elle fut l'objet d'une demande qui se présentait dans de telles

conditions de convenances que les parents insistèrent vivement.

Elle sentait bien qu'il faudrait un jour arriver à une solution ; et

elle-même d'ailleurs se sentait humiliée de ne pas se marier, de ne

pas devenir mère de famille, bien que la maternité lui inspirât une

répulsion au moins aussi grande que les actes sexuels préalables.

Elle consulta son confesseur qui lui conseilla le mariage qui d'après

lui devait faire cesser toutes ses mauvaises tendances ou au moins

lui rendrait plus facile la résistance aux tentations avec l'aide de

son mari auquel elle devait se soumettre sans restriction. Elle

consentit. Les fiançailles et leurs suites furent pour elle l'occasion

d'une série d'angoisses. La consommation du mariage lui inspirait

une véritable terreur; elle ne pouvait supporter qu'en s'armant de

tout son courage le contact de son fiancé. Mais la honte qui reve-

nait sans cesse de ne pas être comme les autres, l'excitait à se

laisser faire : c'est ce qui eut lieu. Les premiers rapprochements

sexuels n'avaient pu s'accomplir qu'après une crise d'angoisse qui

détermina une syncope. Mais la délicatesse de son mari pour lequel

à défaut d'amour elle avait de l'estime et de l'affection, finit par

triompher de ses répugnances physiques ; elle s'habitua à ses

caresses qu'elle toléra comme une nécessitée mais -qui n'ont jamais

provoqué chez elle autre chose qu'une sensation pénible qu'elle

ne supportait que par devoir. ·

Elle eut successivement trois grossesses qui se passèrent sans autre

accident que des vomissements d'ailleurs peu durables. Les accou-

chements se firent aussi normalement et n'eurent aucune suite

fâcheuse; mais dans aucun des trois cas il ne se produisit de sécré-

tion lactée, ni aucun gonflement des seins.

Les organes paraissaient assez volumineux, mais en réalité la

graisse remplissait la place des glandes, qui étaient peu déve-

loppées. Il n'est pas douteux qu'elle ait élevé ses enfants avec beau-

coup de soin et qu'elle les a toujonrs et en toutes circonstances

traités en bonne mère; mais eltj prétend qu'elle n'a jamais

éprouvé les joies delà maternité qu'elle a entendu exprimer autour

d'elle. Les grossesses et les accouchements n'ont amené aucun

286 . CLINIQUE MENTALE.

changement ni dans les sensations ni dans les sentiments sexuels.

Ses tendances homosexuelles se révélaient de temps en temps soit

dans les rêves soit dans la veille à propos de contacts et ils se tra-

duisaient par les mêmes phénomènes qu'autrefois. Elle prétend

que quand elle a perdu son enfant elle a été moins affectée

que par la mort de son père ou de sa mère; elle souffre autant de

n'être pas une mère comme les autres que de n'être pas une

femme comme les autres. Son mari est de douze ans plus âgé

qu'elle' ; les rapports sexuels se sont éloignés de bonne heure, sa

froideur aidant, et depuis l'âge de trente-huit ans elle n'en a plus

eu aucun; mais elle est encore sujette, bien que la menstruation

ait fait défaut depuis deux ans, à des pollutions nocturnes ou diurnes

dans les mêmes conditions qu'autrefois.

Elle voit dans le suicide d'une de ses filles la preuve de l'hérédité

directe de son anomalie sexuelle, et dans les accidents nerveux des

deux autres son inaptitude génératrice, elle s'accuse d'avoir, malgré

ses soins, mal répondu à l'affection de son mari et elle conclut qu'elle

aurait fait moins mal si elle ne s'était pas mariée. Elle affirme

qu'elle aurait pu continuer à résister aux actes qu'elle considère

comme coupables, puisqu'elle ne s'était jamais senti d'impulsions

de ce genre.

Comme chez l'homme de l'observation précédente, la

conscience d'une anomalie sexuelle est très évidente chez

cette mère ; elle souffre de n'ôtre pas comme les autres

femmes, tant au point de vue de l'appétit sexuel qu'au point

de vue de l'amour maternel.

M. Raffalovich a prétendu que c'était une grossière erreur

que croire que les invertis ont conscience de leur anomalie 2.

Cette croyance pourtant pouvait s'appuyer sur un bon

nombre de faits d'invertis qui sont allés consulter des mé-

decins. Il est vrai que M. Raffalovich, qui accueille volon-

tiers les faits divers des journaux, conteste la valeur des

observations médicales. Pourtant il me semble que la raison

concorde avec l'observation pour faire admettre qu'un bon

nombre d'invertis ont conscience qu'ils sont anormaux. Les

invertis peuvent penser qu'ils sont dans leur droit de sentir

comme ils sentent, ils peuvent même n'avoir aucune hésita-

tion à réclamer le droit de s'accoupler suivant leur instinct,

' C'est actuellement un homme de soixante-cinq ans, paraissant plus

jeune que son âge, sobre, n'ayant eu aucune maladie depuis son mariage.

' Annales de l'iiiiisexiialilé, 1897, p. 37.

' Ibid., p. 47 et suivantes.

ÉTUDE DE LA DESCENDANCE DES INVERTIS. 287 7

ils peuvent même se croire supérieurs à ceux qui sentent et

pensent autrement; mais quand ils voient faire ceux qui les

entourent ils ne peuvent pas croire qu'ils leur ressemblent,

qu'ils sont dans la règle, qu'ils sont normaux en un mot,

sans être en même temps des invertis et des fous. J'ai

observé un inverti qui était bien convaincu que sa manière

d'être était tout aussi normale que l'autre, mais ce n'était pas

sa seule manifestation de folie '.

Quant à l'hérédité de l'inversion sexuelle, elle n'est pas

suffisamment établie dans ces observations : l'inversion est

tout au plus vraisemblable chez la fille suicidée ; quant à

l'idiot il ne peut servir de preuve, car chez les idiots les per-

versions sexuelles sont fréquentes, en dehors de toute hérédité

similaire. Mais ce qui n'est pas douteux c'est que cette mère

invertie a donné naissance à une fille qui a succombé aux

convulsions, à une autre névropathe suicidée, et à une autre

qui présente au moins de grandes ressemblances avec une

épileptique. On peut être de son avis et admettre que la

reproduction n'était pas plus désirable pour elle que pour la

communauté. Son observation concorde tout à fait avec la

précédente, où on voit un inverti donner naissance à quatre

enfants défectueux.

Je me trouve donc autorisé à persévérer dans l'opinion que

j'ai déjà exprimée.

Si les perversions acquises sont susceptibles d'être effica-

cement traitées par des moyens qui s'adressent aux condi-

tions pathogènes, l'inversion congénitale est en dehors du

champ d'action de la médecine ; il n'est pas plus possible

de restaurer le sens sexuel chez un inverti congénital que

de restaurer la vision des couleurs chez un daltonien. Les

tentatives que l'on fait pour les faire rentrer dans la règle

n'aboutissent qu'à une perversion ; elles peuvent être excu-

sables lorsqu'il s'agit d'impulsifs qui ont chance de deve-

nir des objets de perversion si on les laisse suivre leur ins-

tinct. Quant à ceux qui sont susceptibles d'être maintenus

dans la continence, une initiation contre nature ne peut leur

être d'aucune utilité même momentanée. C'est justement

parce que les invertis sont des dégénérés et que, lorsqu'ils

' Ch. Féré. Note sur une amnésie consécutive (t des idées obsé-

dantes. (Revue neurologique, 1893, p. 6,ï3.) .

288 RECUEIL DE FAITS.

ont été entraînés ou plutôt invertis avec succès, ils peuvent

laisser une descendance pathologique, qu'il faut les laisser

vivre en dehors du mariage.

Il n'est pas douteux que les anomalies de la fonction

sexuelle peuvent être familiales et héréditaires, et quelque-

fois on peut saisir la progression de l'anomalie dans deux

générations successives. Il y a donc intérêt à éloigner du ma-

riage tous les individus qui présentent de ces anomalies à un

degré quelconque.

RECUEIL DE FAITS.

IDIOTIE HYDROCËPHALIQUE ACQUISE;

Par BOURNEVILLE et J. NOIR.

A maintes reprises nous avons publié, soit dans le Progrès

médical, soit dans les Comptesrendus annuels de notre service

de Bicêtre, des notes et des observations sur l'hydrocéphalie.

En 1893, au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes

de la Rochelle, nous avons communiqué une monographie

accompagnée de nombreuses planches et figures', en colla-

boration avec M. le Dr Julien Noir. Voici une nouvelle obser-

vation intéressante à plusieurs égards :

SoMMAtRE. Fere <u&e)'cuM.Ke< no'ueM.r. Grtd-po'e paternel gout-

teux. Grand'mère paternelle migraineuse et nerveuse. Grand-

père maternel mort tuberculeux. Grand'mère maternelle cardia-

que. Cousine naine et rachilique ( ? ). Scezc1· morte avec des

convulsions de l'enfance. Azetre oe«)', convulsions de l'enfance,

intelligente. Pas de consanguinité. Inégalité d'dge (6 mois).

Conception rien de particulier. Emotion violente au sixième

mois de la grossesse suivie de délire et de photophobie. -,Accou-

chement normal. Pas d'asphyxie à la naissance malgré trois

circulaires du cordon. -Alleeitement maternel. Première dent à

' Compte rendu de 1893, p. 171-372.

IDIOTIE HYDROCÙPIIILIQUE ACQUISE. 289

quatorze mois. Parole ci deux ans. Marche à dix mois.

Bronchite et convulsions t't dix mois. Glaucome probable et perle

de 1'oeil droit. Paralysie du côté droit. Augmentation de la

tête vers dix t ? tOts.E<[t< actuel. Aspect du crâne. Strabisme.

Puberté. Gâtisme. Tics. MSunfttOMS de la tête et des

membres. Traitement de l'hydrocéphalie. Amygdalite.

Diarrhée. Dyspnée. Mort.

Autopsie. Ci âne : persistance de la fontanelle antérieure.

Description du cerveau .- lésions des circorzuolutions; hydrocéphalie

ventriculaire très prononcée.

Gill... (Louise), née à Paris, le 3 décembre 1890, est entrée le

30 novembre 1893, dans notre service à Bicèlre, où elle est décédée

le 30 juin 189.

Antécédents (renseignements fournis par la mère de l'enfant, le

15 décembre 1893). Père, peintre en décors, est mort à trente-

deux ans depht31epu ! monaire. Très sobre et très rangé, il n'a a

jamais eu de dermatose, ni de syphilis. Toute son histoire patholo-

gique se borne à une bronchite à dix-sept ans, à une névralgie

faciale à vingt-sept ans et à sa maladieultime.Il fumait beaucoup.

Doux, travailleur, il était cependant « très nerveux » et se laissant

facilement abattre.

Famille du père. Père, soixante-trois ans, inspecteur des égouts,

c'est un travailleur sobre et paisible. De bonne santé habituelle,

il est cependant sujet à des accès de goutte ? Mère, cinquante-six

ans, jouit d'une bonne santé générale; elle est nerveuse, sans avoir

de crises cependant; les grandes émotions déterminent chez elle

des accès de suffocation, elle ne peut pleurer. Elle élait sujette à

de violentes migraines, devenues moins intenses depuis son retour

d'âge. -Le grand-père paternel serait mort à soixante-douze ans,

durant la guerre. Une grand'mère maternelle vit et est bien por-

tante à quatre-vingt-trois ans. Pas de enseignements sur les

autres grands-parents. Trois frères dont un mort en naissant.

Vaine des survivants a trente-deux ans, est ciseleur. Très intelli-

gent, il est actuellement faible et tousse. Il est sobre et travailleur,

mais « s'est amusé autrefois ». L'autre frère a vingt-et-un ans, est

sous-officier au génie à Versailles, il esl très intelligent mais sujet

aux bronchites. Ces deux frères sont célibataires. Une soeur, vingt-

neuf ans, se trouve mal facilement et est sujette aux migraines,

elle a une petite fille de dix-huit mois, très belle et bien portante,

qui marche et parle. - Rien à signaler dans le reste de la famille

du père. Les membres de cette famille ont plutôt en général la tète

petite. -

Mère, trente-deux ans couturière, est une femme brune au visage

coloré, assez sanguine, d'aspect intelligent. Sa tête est de dimen-

Archives, 2e série, t. V. 19

290 RECUEIL DE FAITS. -

sions moyennes. Sa santé aurait toujours été parfaite, elle n'est

pas nerveuse. Elle n'a jamais eu d'autre maladie qu'une légère

blépharite ciliaire dans son enfance.

Famille delamère. Père, mort à quarante-cinq ans de tuber-

culose pulmonaire. Cet homme, très forl, exeiçait la profession

de marchand de vins et aurait été, malgré cela, d'une grande

sobriété. Il n'a jamais eu d'autre maladie que'son affection ultime

qui a duré cinq mois. Il était sanguin, puissant, calme et nulle-

ment nerveux. Mère, morte à quarante-sept ans, probablement

d'une lésion organique du coeur. Elle étail plus âgée que son mari,

sujette aux douleurs rhumatismales, elle n'était pas nerveuse. Dans

sa jeunesse, très dévote, elle se destinait à entrer au couvent. Elle

revint sur cette résolution à cause d'une maladie d'yeux ( ? ).

Grand-père paternel, cultivateur, mort à soixante-et-un ans, très

travailleur, pas d'autres renseignements, Grand'mère maternelle

morte à quatre-vingts-huit ans, jusque-là bien portante. Grand-

père maternel mort subitement à quarante-deux ans; intendant à

la campagne, il élait fort et de bonne santé ordinaire. Grand'-

mère maternelle, morte à soixante-et onze ans, coléreuse, méchante

et emportée. Deux oiteles et deux tantes bien portants. Ni

frères ni soeurs. Cousine germaine, nouée, ne grandit pas, va à

Berck chaque année et reste, malgré tout, difforme; elle est néan-

moins très intelligente. Rien à signaler dans le reste de la

famille, dont les membres n'ont pas en général la tête grosse.

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de six mois.

Cinq enfants dont quatre vivants : l'aînée, neuf ans, a été sujette

aux convulsions dans son enfance : elle se porte bien, est gentille,

intelligente, n'a pas la tête grosse et tient beaucoup de son père.

La seconde est morte à deux mois du choléra infantile. Elle a

eu des convulsions au moment de la mort. Elle paraissait devoir

bien venir. La troisième, sept ans, est bien développée, intelli-

gente, en bonne santé, n'a pas eu de convulsions.-Le quatrième,

cinq ans, bien portant, normalement constitué, est intelligent. Le

médecin prétend qu'il est faible de poitrine. Il n'a pas eu de con-

vuisions. La cinquième, trois ans, est notre malade

Notre malade. Rien de particulier à la conception. Gros-

sesse acceptée sinon avec bonheur, du moins avec résignation. Au

sixième mois, émotion violente due à un empoisonnement par des

moules, dont son mari fut victime. Quant à la mère, elle perdit con-

naissance, le médecin parla de congestion cérébrale, lui fit prendre

des bains à la moutarde. Elle fut un mois malade avec des accès de

délire et une photophobie intense. Ni paralysies, ni contractures.

La fin de la grossesse ne fut compliquée que par quelques syncopes

très courtes.

Accouchement à terme, normal, sans chloroforme. Le travail

IDIOTIE HYDROCÉPHALIQUE ACQUISE. 291

dura dix heures environ. A la naissance l'enfant était bien por-

tante, non asphyxiée, malgré deux ou trois circulaires du cordon

autour du cou. Elle pesait onze livres, affirme-t-on. Allaitement

au sein; sevrée à vingt-deux mois. - Première dent à quatorze

mois; douze sont sorties à seize mois. Début de la parole à deux

ans, dit « papa, maman. » Début de la marche à dix mois. L'enfant

se porta fort bien et fut considérée comme très belle jusqu'à dix

mois. A cette époque, elle eut une bronchite compliquée de con-

vulsions. Durant ces convulsions, qni furent qualifiées d'internes,

elle ne remuait pas, mais le cou était roide, la langue restait con-

tractée an fond de la bouche, les yeux étaient animés de mouve-

ments, levisage était pâle. La crise durait ainsi deux heures environ

et était suivie d'un sommeil calme. Pendant près d'un an, ces convul-

sions se sont reproduites très fréquemment, parfois plusieurs fois

par jour. A quatorze mois, à la suite de crises répétées, elle resta

durant quatre jours sans pouvoir prendre spontanément sa nourri-

ture, on dut lui donner seulement un peu de lait à la cuillère.

Parfois, elle se plaignait et avait la fièvre. Elle avait maigri pro-

gressivement beaucoup. A la suite de la crise de quatre jours que

nous venons de signaler, l'oeil droit de la malade devint volumineux,

M. Galezowski lui donna ses soins : l'oeil diminua progressivement,

s'atrophia, la vue disparut. En même temps une paralysie presque

complète du côté droit se déclarait. M. Landolt, qui vit plus tard

l'enfant, aurait déclaré que la vue pouvait être récupérée, si la

tête de l'enfant diminuait et si son développement devenait nor-

mal.

A partir de l'époque de cette crise importante, la tête grossit

peu à peu. Des convulsions se reproduisirent avec les mêmes carac-

tères mais avec moins de violence. Elle venaient approximative-

ment deux à quatre fois par mois. Parfois des crises plus graves se

produisaient; on crut ainsi la perdre au quatorze juillet de l'an

dernier, elle resta en crise de cinq heures du matin à quatre heures

du soir. L'attaque avait débuté par un vomissement. Depuis l'on

n'en observa que trois ou quatre, mais la mère pense que beaucoup

passaient inaperçues, les mouvements étant fort limités et l'enfant

criant peu.

Schn... commença à être propre à deux ans. Son intelligence

faisait quelques progrès, grâce à l'éducation qu'essayait de lui

donner sa mère. La mort du père mit un terme aux soins mater-

nels et les progrès cessèrent. L'enfant est affectueuse pour sa mère

Elle mord et grince parfois des dents, mais est rarement en colère.

Jusqu'à t'âge de dix mois, nous répète-t-on, elle paraissait abso-

lument normale. Pas d'autres maladies, ni d'accidents cons-

tatés.

Etat actuel (décembre). Adipose prononcée. Visage coloré. Air

de bonne santé. Physionomie sans expression. Peau blanche,

292 RECUEIL DE FAITS.

assez fine. Cheveux châtains clairs, bien implantés, se résolvant en

duvet au niveau des tempes. Crâne très pla"iocépliale, la bosse

frontale gauche et pariétale droite sont notablement plus déve-

loppées. Le crâne est plus élevé à gauche qu'à droite. L'étroitesse

de front le rend trigonnal. Les sutures ne sont pas percep-

tibles, mais la fontanelle antérieure persiste. Elle a la forme d'un

triangle irrégulier, à base antérieure de six centimètres sur deux

centimètres de hauteur. On neperçoit pas la fontanelleposlérieure.

La bosse occipitale est développée et, au-dessus, existe une sorte de

méplat.

Visage ovale : prognathisme apparent, front élevé, bombée. 5).

Arcades sourcilières peu saillantes. Paupières normales. Orbi-

tes un peu excavés surtout à droite où l'oeil est très notablement

/·'i ? as. - Gill... d trois ans.

1DIOI'lE HYLROCEPHAL1UE ACQL1SE. 293

moins développé que le gauche, qui est d'aspect normal. Cet oeil

droit est gris et terne, sa pupille est contractée, il est le siège d'un

léger strabisme divergent. 1.'oeil gauche a l'iris gris foncé et

paraît sain. La lumière amène la téaction pupillaire. 11 ne semble

pas que l'enfant perçoive nettement les impressions lumineuses,

néanmoins la lumière vive excite chez elle une gaîlé-exubéranle.

Nez déprimé à la base, lobule épais; narines dilatées, regardant en

bas. Pas d'asymétrie faciale si ce n'est, poar les yeux. Joues plei-

nes, sillons labio-nasaux égaux. Lèvres normales. Bouche

moyenne. Dents blanches régulières, les supérieures chevau-

chent légèrement sur les inférieures. Itieii de particulier à la lan-

gue, au palais, au gosier. Pas de réitexe pharyngé. Le goût et

l'odorat paraissent nuls. Menton moyen et régulier. Oreilles

grandes, assez bien ourlées, à lobule charnu détaché. Conque peu

profonde. Ouïe normale des deux côtés.

Cou gras, pas de goitre. Thorax : rien de notable. Le coeur

et les poumons fonctionnent bien.- Abdomen : rien de parliculier.

Puberté. Duvet fin dans le dos et sur les fesses. Léger duvet sur

les grandes lèvres. Pénil gras : et `labre. Vestibule profond. Clitoris

petit avec capuchon peu développé. Hymen ovalaire. Anus normal.

Membres supérieurs bien développés, même très gras. Mains

bien faites, l'enfant se sert surtout de la gauche. Les extrémités

sont violacées et froides.

Membres inférieurs très gras, jambes flasques ; l'enfant ne peut

se tenir debout. Pieds yiolacés, en légère rotation interne. Les

réflexes rotuliens sont conservés.

L'enfant est complètement gâteuse. La sensibilité sur tout le

corps est assez obtuse mais est perçue à la piqûre et à la chaleur.

Ordinairement triste, l'enfanta des moments de gaité, reconnaitsa

mère etses soeurs, est caressaute. Tics : elle balance d'avant eu arrière

la tête et le tronc toute la journée ; se déchausse constamment.

Elle parle, mais ne prononce bien que les mots a maman » et

« ma fille ». Elle chantonne des airs vagues où l'on peut saisir des

traces de refrains populaires.

Mensurations de la télé.

294 RECUEIL DE FAITS.

IDIOTIE HYDROCÉPHALIQUE ACQUISE. 295

La surveillante prétend qu'elle reconnaît la voix de sa mère. Intel-

ligeuce, paroles nulles. Accès de suffocation se montrant prin-

cipalement la nuit suivis de refroidissement des extrémités; ils ne

durent que quelques minutes. Ces suffocations, après s'être

montrées pendant quelque temps, ne surviennent plus depuis trois

ou quatre jours. Malgré cela l'affaiblissement de Gill... est plus

considérable. Cet état est survenu à la suite d'une infection carac-

térisée successivement par de l'angine, de la diarrhée, de la

dyspnée et un peu de toux. Bien qu'il n'y ait pas de bruits anor-

maux à l'auscultation, la respiration est plus rude à droite.

12 juin. Perte de l'appétit. Mouvements fébriles assez fré-

quents.

12. T. R. 37°,4. Soir : 37°,5. 21. T. R. 37°,3.

Soir : 3 7°,7. 22. L'état s'aggrave. T. R. 38". Soir : 38°,3.

23. T. R. 38°,7. Soir : 39°. 21. T. R. 39°. Soir : 39,3.

25. T. R. 39°. Soir : 39°,2. 26. T. R. 39°. Soir :

39°,6. 27. T. R. 40°, 3. Soir : 40°,6. 28. T. R. 46°,6.

Soir : 40°,4.

29. T. R. 40°,4. Soir : 40°,9. Rien de perceptible à l'auscul-

tation. Affaiblissement progressif.

30. T. R. 41°,4. L'enfant meurt à 8 heures du matin.

Température après la mort.

296 RECUEIL DE FAITS.

miens, la gauche deux. La fontanelle antérieure persiste, elle

mesure transversalement 5 centimètres et demi et 15 millimètres

d'avant en arrière (fig 6). La fontanelle postérieure est fermée.

La suture interpariétale est moyennement sinueuse. Les

suturespariéto-occipales le sont davantage ; celle de droite offre

deux os wormiens. Base du crâne très asymétrique; les fosses

Fig. 6. Crâne de Gill... réduit d'un tiers (95mm transversalement

au lieu de 135ram).

IDIOTIE HYDROCÙPHALLQUF ACQUISE. 297

temporales et occipitales sont beaucoup plus développées à droite

qu'à gauche. La dure-mère est très adhérente.

Cerveau. Hémisphère gauche. La partie antérieure de la corne

frontale est fort altérée par l'arrachement de la substance grise

adhérente à la pie-mère. F' et FI sont particulièrement lésées,

surtout à leur pied, et avec -la partie voisine de FA forment un

centre de ramollissement. FI est presque indemne, surtout à sa

partie postérieure. La scissure de Sylvius bien accusée est

béante. L'insula est atrophié. Une bande atrophiée borde la scissure

large de 2 centimètres 5 à 2 centimètres, elle s'étend obliquement

du pied de PA à la partie antérieure du lobe occipal. Nombreuses

adhérences sur le lobe pariétal. La. lésion atrophique est surtout

intense au niveau du pli courbe. Le tiers postérieur du lobe

temporal et le tiers antérieur du lobe occipital sont atrophiés

(Pl. I).

La face interne est tout aussi lésée. F', le lobe paracentral, l'avant-

coin, le coin, la corne occipitale sont déprimés. La circonvolution

de l'hippocampe est réduite à une mince lame. Le corps cal-

leux à l'aspect d'une membrane d'un millimètre et demi d'épais-

seur (pl. Il).

La cavité ventriculaire est énorme, développée tant en avant

qu'en arrière aux dépens des trois cornes du ventricule. Un léger

relief indique le corps opto-strié fort aplati. Une membrane

épaisse, très vascularisée, tapisse la cavité. Le pédoncule cérébral

a l'aspect d'un pédicule recouvert de cette membrane et de vais-

seaux. Ce pédicule rayonne sur la paroi externe du ventricule

tant par l'épanouissement de ses vaisseaux que par l'apla-

tissement des masses qui sont le vestige des ganglions cen-

traux.

Hémisphère droit. La configuration de la face externe diffère

de celle de l'hémisphère gauche. Ici l'hydrocéphalie s'est dévelop-

pée surtout en avant aux dépens de la région frontale. La scissure

de Sylvius, béante, laisse l'msula faire saillie. Cette région ne

parait pas altérée. Les circonvolutions frontales et PA semblent

saines. Les scissures sont béantes. Le lobe pariétal supérieur est à

peu près normal ; mais le pli courbe et la région qui, horizonta-

lement, va du pli courbe à la corne occipitale offre une zone

atrophiée de 3 centimètres de largeur. T' est atrophiée sur ses

2/3 postérieurs. Le reste du lobe temporal n'est pas trop

altéré.

La face interne est aplatie, refoulée par l'hydrocéphalie et sa

configuration est à peu près détruite. Le ventricule latéral a l'as-

pect d'une simple poche. Les corps oplo-striés sont très dépri-

més et une membrane tapisse le ventricule comme à gauche, ayant

les mêmes caractères (pi. III).

Cervelet. - Riende particulier. Le quatrième ventricule, l'aque-

298 RECUEIL DE FAITS

duc de Sylvius sont notablement dilatés et la membrane qui les

recouvre est épaisse. Rien aux tubercules quadrijumeaux, au

bulbe, ni à la protubérance. -

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES 299

intercurrente qui semble la plus simple cause occasionnelle

de la mort. L'autopsie, du reste, ne révèle aux viscères (sauf

à l'encéphale) aucune lésion macroscopique.

V. Les lésions de l'hémisphère gauche, au niveau de la

zone motrice, de l'insula, de la région occipitale suffisent à

rendre compte de la paralysie gauche et des troubles de la

vue. L'hydrocéphale paraît, dans cette observation, être la

résultante de poussées méningitiques répétées, poussées dont

les crises convulsives ont été les symptômes les plus mani-

festes.

HYGIÈNE SOCIALE.

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES';

- I'ar \I. le Dr LEGRAIN,

Médecin en chef à l'asile de `-ille-Evrard 2.

Diverses formes de l'initiative. Le médecin. Abstraction faite de

l'Etat qui n'est jamais, surtout de nos jours, qu'une représentation,

qu'une résultante dont l'activité et la responsabilité sont circons-

crites, il faut bien admettre qu'il est dans un pays un certain

nombre d'intelligences sur lesquelles,- moralement tout au moins,

repose la confiance publique.

C'est de ces esprits, dits d'élite, que l'on attend en général, et

que l'obtient aussi, il est juste de le déclarer, les initiatives les

plus généreuses. C'est le cas quand il s'agit d'oeuvres colossales,

de montagnes à soulever comme l'organisation de la victoire

contre l'alcool. On sent très bien que la masse grouillante, indivi-

dualité protéiforme, être tout de sentiment et d'instinct, victime

inconsciente de-toutes les impulsions, suivant la girouette, est

aujourd'hui complètement désemparée. Tiraillée d'un côté par

l'industriel, intéressé à la cristallisation de l'homme simple et

confiant au sein d'une gangue d'erreurs, héritage d'un vieux

passé ; tiraillée d'autre part par les hommes éclairés pétris d'al-

1 Voir Archives de Neurologie, n° 25.

2 Ces chapitres sont extraits du rapport présenté à M. ministre de l'In-

térieur, par M. le D' Legrain, délégué officiel de la France au Congrès.

300 ' HYGIÈNE SOCIALE.

truisme, 'voguant très haut au-dessus des vils intérêts et qui ne

voudraient crier que la vérité, la masse implore anxieusement un

guide sûr. Et l'on se tourne naturellement vers quiconque, sans se

parer de la vaniteuse qualification de sauveteur, en a toutes les

apparences ou peut le'devenir.

C'est à bon droit que l'on s'étonne que le médecin ne soit pas

systématiquement un ennemi irréconciliable de l'alcool. C'est à

désespérer, en effet, des enseignements de l'expérience si l'homme

de l'art, qui passe sa vie au milieu des victimes du mal, s'affran-

chit de l'impérieux devoir social qui lui est dicté doublement et

par sa science, et par son rôle moral. Il est juste pourtant de

déclarer que dans toutes les sociétés de tempérance, même les

plus timides, les médecins se rencontrent en majorité ; que les

instigateurs des mesures d'hygiène, de prophylaxie et même de

répression contre l'alcoolisme sont Je plus souvent des médecins;

que le médecin est de tous les penseurs, celui qui a le plus con-

tribué à stigmatiser le vice alcoolique. Mais l'on pense, non sans

raison, qu'il ne fait pas assez, qu'il n'agit pas en proportion des

moyens dont il dispose.

Suivant le Dr Romiée, de Liège, le médecin est, de tous, le mieux

armé pour être le protagoniste dans la lutte. Il a d'abord le

devoir de fixer son attention sur le sujet, qu'il ne possédera bien

d'ailleurs que quand les gouvernements se préoccuperont de

l'étude scientifique de l'alcoolisme, en l'imposant dans les pro-

grammes universitaires. C'est à lui qu'il appartient de détruire les

préjugés qui régnent sur l'alcool.

Les médecins ne sont pas assez ouvertement hostiles à ce poison.

Cela tient à ce que beaucoup n'ont pas su se préparer contre cet

ennemi ni s'en défendre eux-mêmes. Cela tient aussi aux déplo-

rables habitudes de la vie d'étudiant. Le médecin qui s'alcoolise

est d'un pernicieux exemple, rééditant, pour s'excuser lui-même,

des théories surannées auxquelles les buveurs ne demandent qu'à

croire. De même que son autorité à bouleversé l'hygiène de la

première enfance, de même elle peut vaincre les héréditaires

erreurs qui s'attachent aux bienfaits de l'alcool.

Il doit sortir de l'ornière et renoncer dans ses prescriptions à un

produit qui, hormis quelques cas rares et peut-être douteux, n'est

jamais indiqué comme agent thérapeutique (l'alcool dans la

phtisie,l'alcool comme tonique pour les nourrices, etc.). La soi-

disant force puisée dans les bières ou vins médicamenteux n'existe

que dans l'esprit de ceux qui n'ont pas assez analysé leurs effets.

Le vin pur ne peut être considéré que comme une friandise; il

n'est jamais ni utile, ni nécessaire. Il n'agit que par son alcool qui

est nuisible et n'ajoute aucune qualité aux médicaments dont il est

le véhicule. Les préparations alcoolisées contribuent à développer

un mal terrible. Enfin, la suppression du vin dans les maladies et

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES 301

les convalescences réalise une énorme économie pour les malades.

Le corps médical doit faire comprendre aux gouvernements que

l'alcool est meurtrier, pour le pays qu'ils ne doivent pas être

guidés par cette considération que l'alcool est une source de profit

et que la prohibition est un but à atteindre le plus tôt possible.

J'ajouterai que dans beaucoup de pays, nombre de médecins

sont à la tête du mouvement abstinent. L'Angleterre, l'Allemapne

comptent des associations médicales de tempérance ayant l'absti-

nence pour base. Une association médicale internationale vient

même de se créer. Quelques médecins français s'y sont fait inscrire.

A. Londres et ailleurs existent des hôpitaux dits de tempérance où

les prescriptions à base d'alcool sont radicalement supprimées. J'ai

rappelé plus haut que les boissons alcooliques, même fermentées,

étaient proscrites de la plupart des asiles d'aliénés de l'Angleterre.

Enfin, je dirai à la gloire du corps médical français qu'une pro-

portion considérable de nos confrères sont actuellement membres

des sociétés de tempérance qui, depuis deux ans, se développent

d'une façon consolante dans notre pays.

Le clergé. Qui 'démêlera jamais les raisons qui font qu'en

France le clergé catholique s'abstient... non pas d'alcool, mais de

faire acte de présence dans la lutte contre l'alcoolisme ? Ne semble-

t-il pas aux âmes naïves qu'il soit tout désigné pour tout ce qui se

réclame d'une oeuvre morale où il importe de savoir faire le sacri-

fice de soi-même ? Ne pousse-t-il pas d'incessants cris de détresse

depuis que la loi sur l'enseignement obligatoire a, prétend-il, chassé

Dieu de l'école, comme si à la religion seule appartenait le mono-

pole exclusif de la morale ? Que n'est-il donc au premier rang dans

l'oeuvre patriotique de la tempérance ?

Un brave homme de prêtre belge, abstinent convaincu d'ailleurs,

à qui j'en causais au Congrès, m'expliquait simplement que des

deux grandes fonctions physiologiques, la nutrition et la repro-

duction, qui exigent chez l'homme une satisfaction complète et

dont l'accomplissement procure âne somme très légitime de

jouissance, l'une était complètement interdite au prêtre. Faut-il

lui faire un crime de se rejeter sur l'autre ? .

Je n'aurais pas eu le front de soutenir une thèse aussi irrévé-

rencieuse que je trouve d'ailleurs plausible, si je ne la tenais d'un

prêtre vertueux qui, lui, a poussé l'abnégation jusqu'à faire le

sacrifice de la seconde jouissance. '

Il y a cette raison et il y en a bien d'autres. Il n'y a guère

d'exemple que le clergé catholique ait joué un rôle militant dans

une cause où il n'avait pas l'espérance de dominer, de diriger au

nom de la religion. Le prêtre catholique est de tous celui qui sait

le moins dépouiller le professionnel quand il s'occupe d'une ques-

tion d'à côté. J'ai la souvenance d'une curieuse correspondance

4

302 HYGIÈNE SOCIALE.

que j'ai entretenue avec un digne prêtre de la province désireux

de collaborer à la lutte contre l'alcool. J'ai dû y mettre un frein

parce qu'elle devenait inquiétante pour ma liberté de conscience.

Le brave homme mettait pour condition sine qud non de son con-

cours ma conversion à ses idées. Cet homme incarnait l'esprit et

les tendances de tous ses collà,ues. L'alitialcoolisrne sera catholique

ou ne sera pas.

N'a-t-on pas remarqué encore que de tous les prêtres, le pasteur

protestant est le seul qui ait prêté un appui sérieux, je dirai

même décisif à la cause sans en avoir fait une affaire confession-

nelle ? Pourquoi ? Parce que le pasteur protestant est une indi-

vidualité, c'est un homme à qui sa confession a permis de rester

libre et de conserver son initiative.

S'étonnera-t-on maintenant du triomphe de la cause tempé-

rante dans les pays anglo-saxons, terres promises du protestan-

tisme ? Le prêtre, enrégimenté, gêné dans ses expansions, ne

pourra jamais donner toute sa mesure.

L'influence des milieux n'est pas sans se faire sentir dans la cir-

constance. Dans les pays de protestantisme, le prêtre catholique

est plus émancipé, plus libéral (est-ce delà contagion ? ) ; aussi le

voit-on sans hésitation militer pour notre cause. En Amérique,

l'ordre des Bons-Templiers compte des prêtres catholiques qui ne

se signent pas quand ils coudoient dans les loges les pasteurs pro-

testants. L'Angleterre a ses ligues catholiques d'abstinence. En

Suisse, le clergé catholique, Msr Eggerentête, prêche la croisade

antialcoolique. Mais ici il fait bande à part. Peu importe d'ail-

leurs pourvu qu'il combatte. Il avait envoyé à Bruxelles Msr Savoy,

dont le travail fortement charpenté sur la lutte antialcoolique au

Canada a montré l'érudition spéciale.

En Belgique, le clergé commence à jouer un rôle important.

Cela s'explique; les calholiques militants y sont au pouvoir. Leurs

tendances dirigeantes ne sont aucunement gênées par conséquent.

Je veux saluer au passage la sympathique figure de l'abbé Vaslet,

pour qui la guerre à l'alcool est un autre sacerdoce et qui rédige

vaillamment en français et en : flamand un excellent journal : le

Bien social.

Beaucoup de prêtres au Congrès ; des pasteurs protestants sur-

tout ; pas de Français.

Chez nous, le clergé peut donner un vigoureux coup d'épaule à

notre oeuvre, s'il veut d'abord s'en occuper, et s'il veut ensuite

s'abstraire de toute idée confessionnelle.

Il aurait là une excellente occasion de justifier son crédit en

accomplissant une oeuvre d'une utilité directement tangible dont

peut-être on lui saurait gré. L'alcoolisme n'a nipatrie ni religion;

tout homme de coeur doit s'imposer de contribuer à son extermi-

nation.

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 303

Des tentatives jusqu'd présent presque infructueuses ontété faites

en vue d'enrôler le clergé français dans la lutte. On se heurte tou-

jours à un obstacle foncier : toute oeuvre antialcoolique est, à ce

qu'il paraît, entachée du vice protestant, sans doute parce qu'elle

a pris naissance dans les pays du Nord, pays protestants. Périsse le

pays plutôt qu'un commerce quelconque avec les hérétiques. Cette

féroce intransigeance a fait beaucoup de mal, elle en fera encore.

Pourtant une lueur d'espoir est apparue : quelques honorables

évoques : )Igr de Rouen, Mer de Saint-Brieuc, \I6 de Coutances,

ont lancé des mandements dans lesquels un énergique appel est

adressé au clergé subalterne. Or, ces messieurs paraissent jusqu'a-

lors avoir perdu leur temps.

La presse. C'est surtout à propos Je l'alcoolisme qu'il pourrait

être donné d'examiner comparativement les bienfaits et les mé-

faits de la presse. Je ne sais trop de quel côté pencherait la balance,

mais j'ai bien peur que ce ne soit du côté du mal.

« La presse, disait lumineusement le D1' Belval au Congrès de

Bruxelles, la presse qui parle si hautement de son sacerdoce; qui

revendique la place dequatrième pouvoir dans l'Etat, ne s'engage-

t-elle point, par cette revendication même, à agir pour le bien et

non pour le mal ? C'est vers le progrès social et non vers la dégé-

nérescence de la nation que tous ses efforts doivent tendre, et c'est

dans ce sens que le corps social a le droit de lui demander de mar-

cher, puisqu'il lui donne sa confiance et cherche en elle la lumière.

« Affirmer l'action puissante de la presse, surtout de la presse

quotidienne, c'est conséquemment lui montrer le rôle actif qu'elle

peut jouer dans la lutte qui nous réunit ici. Qu'elle se pénètre

bien de cette conviction qu'elle peut, par une propagande active

pour tout ce qui est favorable à notre oeuvre, faire pénétrer dans

le corps social une appréciation exacte de nos efforts, et l'inté-

resser au but que nous poursuivons pour empêcher les désastres

qui le menacent.

« Elle ne devrait jamais perdre de vue surtout que battre en

brèche, comme elle le fait trop souvent, sous une avalanche de

plaisanteries faciles, nos tentatives, nos efforts, utopies aujour-

d'hui, vérités demain, c'est jouer le jeu des adversaires intéressés

de notre oeuvre humanitaire; c'est leur fournir les moyens de

multiplier les obstacles. »

On voit que notre honorable confrère a, comme tant d'autres,

longuement médité sur les moeurs vénales de la presse, qui ne

craint pas, pour alimenter sa caisse, d'ouvrir ses colonnes aux pro-

duits les plus monstrueux de l'industrialisme moderne. Tant que

la presse ne fera pas résolument oeuvre morale eu balayant de ses

écrits tout ce qui la déshonore, elle sera plus pernicieuse qu'utile;

sa liberté dont elle se prévaut lantne sera qu'une licence. Elle n'a

304 HYGIÈNE SOCIALE.

pas toujours le scrupule de dire la vérité et rien que la vérité. La

superficialité de ses informations, l'outrecuidance de ses écrivains

qui, parce qu'ils tiennent quotidiennement une plume, se croient

passés maîtres, et se trouvent aptes à disserter sur toutes choses,

cela et bien d'autres motifs ont rendu notre tâche ardue. Il nous

faut chaque jour, avant de semer la bonne graine, passer un temps

précieux à extraire de notre champ de culture les mauvaises herbes

que la presse légère y a répandues. Et Dieu sait si, grâce à la cré-.

dulilé des gens incultes qui croient « parce que c'est écrit », la mau-

vaise herbe se multiplie et prospère au détriment du sol qui la reçoit.

La presse peut et doit être pour nous une arme à laquelle rien ne

résiste. Mais comme il nous la faut pour cela plus consciencieuse

et plus scrupuleuse, « qu'elle veille donc à ne point égarer l'opinion

et qu'elle-même ne se laisse pas égarer, soit par ses préférences

personnelles, soit par l'esprit de parti politique. » (D'' Van COILLIE.)

Le Dr Van Coillie, de Bruxelles, exprime encore une idée origi-

nale à laquelle je n'ai qu'à souscrire pour terminer : « Pour aider

la presse à remplir son devoir, ne devrions-nous pas avoir, au sein

de nos plus importantes sociétés, un comité de la presse qui véri-

fierait les articles des feuilles quotidiennes se rapportant à l'alcoo-

lisme ; qui les compléterait, les réfutant au besoin, et exposerait en

langage populaire, la doctrine vraiment scientifique ; j'en suis per-

suadé, nos journaux accepteraient avec empressement la collabo-

ration de ce bureau qui n'aurait pas d'autre but que d'éclairer la

masse de nos concitoyens. D

Si je partage l'idée de l'auteur, je ne partage pas, hélas, ses

espérances de réalisation.

Conclusions. Deux faits capitaux me paraissent devoir résumer

l'impression des congressistes. Ils résultent de la longue expérience

des pays étrangers en matière d'antialcoolisme.

Le premier, c'est la progression incessante et rapide de l'idée

d'abstinence qui apparaît comme le remède souverain.

Le second, c'est la supériorité de l'initiative privée sur l'initiative

de l'Etat.

Deux mots sur chacun de ces deux points :

L'alcoolisme est un mal profond qui résiste à toutes les atta-

ques jusqu'au jour où, la conscience publique s'émouvant en pré-

sence des horreurs qu'il inspire, il cesse d'être quelque chose

d'assez vague dont on confie le soin à qui veut bien s'en charger.

Comme au jour des grandes calamités, il fait naître l'idée de

devoir, de sacrifice, il engage la responsabilité de tous les citoyens.

C'est ainsi qu'à la modération, simple frein qui n'offre aucune

sécurité, se substitue le remède radical, l'abstinence. On acquiert

l'expérience que le buveur ne peut être tiré du ruisseau que par le

renoncement définitif au poison. Les devoirs de solidarité suscitent

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 305

chez les dévoués le désir de donner l'exemple. Ce n'est pas tout.

Et si l'on a acquis la conviction, partagée d'ailleurs par tout le

monde, que le buveur n'est relevé que par l'abstinence totale, il

devient logique de traiter la collectivité atteinte du même mal par

le même procédé. Ainsi s'explique la tendance des abstinents à

généraliser leur doctrine, doctrine qui peut paraître exagérée et

même absurde à quiconque ne connaît pas la question, mais qui

entraîne l'approbation de quiconque sait qu'aux grands maux s'op-

posent les grands remèdes.

L'abstinence appliquée à la collectivité, c'est la prohibition totale

contenue explicitement ou en germe dans le programme de toutes

les sociétés de tempérance.

Rien de surprenante) ! conséquence que l'idée d'abstinence fasse

de rapides progrès puisque d'une part elle a fait ses preuves chez

les nations en voie de guérison et que, d'autre part, chez les

autres, l'alcoolisme a réellement pris l'aspect d'une calamité pu-

blique, d'un péril menaçant.

Le second point que j'ai à envisager, c'est la part qui doit reve-

nir à l'initiative d'Etat et à l'initiative privée dans la lutte contre

l'alcoolisme. J'ai dit'qu'il ressortait des débats du Congrès cette

opinion générale, que c'est de l'initiative des particultersqu'il con-

vient d'attendre les véritables efforts sérieux et efficaces. C'est

encore une acquisition de l'expérience.

Assurément, comme l'a exprimé le D'' Mahain, de Liège, l'inter-

vention du législateur est justifiée surabondamment par l'impor-

tance des intérêts sociaux en cause. Il ne s'agit rien moins que de

la conservation de la race, de la préservation de ses qualités mo-

rales et de sa puissance de production, les biens suprêmes d'une

nation. Mais il n'y a pas de mesure de l'autorité qui puisse être

efficace, si elle n'est voulue fortement par l'opinion publique, ou

plus exactement par une fraction redoutable du corps électoral.

La lutte contre l'alcool comporte à sa base une somme de de-

vouement, que l'Etat, individualité privée de nerfs sensibles, est

incapable de fournir.

Il me serait facile de fournir de nombreux exemples de l'impuis-

sance de l'Etat en face de l'alcoolisme. Sans aller les chercher à

l'étranger où ils abondent, il suffit de voir ce qui se passe en

France. La loi sur l'ivresse publique jaunit, inappliquée, sur les

murs des tavernes; le fameux régime des boissons dont quelques-

uns attendent beaucoup pour faire pièce au fléau, aborde cent fois

la tribune depuis cinquante ans, et ne trouve, pour le discuter

impartialement, qu'une collection d'hommes à la merci d'électeurs

intéressés à l'insuccès de la réforme. Les bouilleurs de cru conti-

nuent à nous empoisonner parce qu'ils ont encore des défenseurs

au parlement; qui oserait porter le feu dans la plaie, sachant qu'il

va se heurter et choir devant la puissance du jour : le cabaret ?

Archives, 2e série, t. V. 20

306 HYGIÈNE SOCIALE.

C'est donc une vérité que personne ne saurait plus contester :

l'o-uvre antialcoolique appartient, avant tout, à l'initiative privée

et aux associations qui en dérivent. Elle appartient secondaire-

ment à l'initiative des gouvernements qui n'interviennent avec

une efficacité réelle qu'en aidant et en complétant l'action de ces

sociétés. Cette affirmation n'a pas pour effet, bien entendu,

d'amoindrir la responsabilité ni d'excuser l'indifférence ou l'inertie

des gouvernements en matière d'alcoolisme. Car si toute action

préalable de l'Etat, ayant pour effet de se heurter à des habitudes

invétérées ou à des intérêts puissamment coalisés, court le risque

d'être stérile, l'Etat a le devoir de seconder et de provoquer même

les efforts individuels.

L'intervention de l'Étal, pour être utile, suppose une orientation

préalable qu'il emprunte à l'agitation populaire créée par les

sociétés de tempérance. En revanche, l'Etat mis en branle par une

poussée de l'opinion publique, ou opérant dans des milieux prépa-

rés, vient couronner efficacement l'oeuvre antialcoolique en rédui-

sant, par la force légale, les oppositions que la force de l'exemple

ou de la persuasion a laissées irréductibles.

La multiplication des sociétés de tempérance, le développement

et l'encouragement de celles qui existent déjà, l'enrôlement de

tout ce qui, ddiis le pays, a encore une conscience et dispose d'une

part d'autorité morale : telle est en somme la formule vraiment

pratique de la lutte contre l'alcool.

Mais comment ces sociétés de tempérance devront-elles opérer ?

La propagande par l'écrit et la parole, c'est parfait : mais c'est

notoirement insuffisant. Partout on trouve, pour peu qu'on cherche,

des gens convaincus et même des gens sans conviction, disposés à

tonitruer contre l'alcool. 11 suffit de mettre à la mode la question

de l'alcoolisme pour voir immédiatement surgir une légion

d'hommes en mal d'écrire ou des amateurs de réclame qui noir-

cissent des pages et font frémir leurs comtemporains devant leur

sinistre portrait. Temps perdu que tout cela ! Partout on en a fait

l'expérience, et nous l'avons faite à notre tour. Il est temps d'écrire

en grosses lettres sous le titre des sociétés de tempérance : ici l'on

parle mais on agit.

Agir ? Mais comment ? Ici encore, l'expérience a parlé. Rien ne

vaut, rien ne remplace même la propagande individuelle par le

fait, c'est-à-dire l'exemple. C'est une grande révolution à accom-

plir, celle qui doit amener les hommes à parler pour dire quelque

chose, à conformer leurs actes à leurs paroles, et à porter leurs

convictions courageusement écrites sur leur front. Cette transfor-

mation nécessite le concours des gens les plus considérables ; elle

s'opère en général difficilement mais elle s'opère, quand la désa-

grégation morale des milieux sociaux n'est pas descendue au-des-

sous d'une certaine limite.

L'ALCOOLISME AU CONGRÈS DE BRUXELLES. 307

Les sociétés de tempérance seront donc des sociétés d'action,

ayant en exergue le sacrifice de soi-même par l'exemple de l'abs-

tention ? Je ne veux pas revenir sur ce que j'ai dit plus haut des

débats entre modérés et abstinents. Je veux dire seulement ce que

nous pratiquons chez nous depuis deux ans, ce que nous considé-

rons comme une formule heureuse de l'activité que nous réclamons

des sociétés de tempérance.

En 1895, s'est fondée à Paris une ligue ayant pour but l'absten-

tion limitée aux boissons distillées. Elle a déclaré une guerre

acharnée à l'alcool proprement dit et aux liqueurs, mais a laissé

ses membres libres de consommer, dans une sage mesure, des

boissons fermentées.

11 est inutile de dire les raisons qui ne nous ont pas fait adopter

l'abstinence partielle. Mesure politique pour ne pas effaroucher les

producteurs du vin, considéré comme une richesse française ? Con-

viction incomplète de certains membres qui pensent que la boisson

fermentée est peu redoutable ? Nécessité d'acclimater l'idée d'absti-

nence en notre pays frondeur ? Peu importent les motifs ; le fait

réalisait un véritable effort, un progrès sur le passé et inaugurait

une ère nouvelle. C'est la première fois, qu'en dehors de la Croix-

Bleue, société d'abstinence totale dont le but est tout spécial (relè-

vement du buveur) on parlait au pays d'un sacrifice individuel à

faire sur le terrain de la lutte contre l'alcool.

La ligue en question arrivait à point pour donner une orienta-

tion bien déterminée à tous les hommes de bien qui depuis quelques

années, émus des progrès du mal, cherchaient fébrilement quelque

chose à faire. Son organisation autour d'un principe qui n'est plus

une abstraction comme la simple tempérance, explique son succès.

Elle est divisée en sections autonomes, libres de leurs moyens d'ac-

tion et de leur organisation intérieure, et dont le nombre atteint

135, avec un total de 7.000 membres environ '. De jour en jour,

de nouveaux groupes se fondent et se rattachent au point central.

Une armée est en train de se réunir, sachant à quelle conquête

elle marche, avec un drapeau dont les couleurs sont nettes.

Cette ligue qui est un agrégat de sociétés au principe commun

a pour avantage encore de réaliser un groupement en vue d'une

action commune éventuelle. D'une part elle rayonne vers l'individu

qu'elle conquiert par l'exemple ; d'autre part elle espère, forte de

son nombre, rayonner vers les pouvoirs publics et leur procurer

finalement ce précieux point d'appui de l'opinion qui leur manque

pour frapper le grand coup.

' 1 l'Ueure actuelle, les sociétés fédérées atteignent le chiffre de 22o

avec )2 000 methbres. Siège de la Fédération : b, rue de Pontoise, Paris.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXX. DE L'IMPORTANCE DE LA DÉGÉNÉRESCENCE POUR LA pratique générale

DE la médecine ; par le D'' HALDOR SNÉVË.

Ce sont surtout les caractères anthropologiques de la dégénéres-

cence que l'auteur se propose d'examiner et par dégénérescence il

entend la décadence des qualités mentales et morales d'un indi-

vidu, associée fréquemment à des défectuosités physiques.

L'étude des principes fondamentaux de la dégénérescence, de

ses manifestations et de son traitement, intéresse le médecin et

comme citoyen etcomme médecin et à ce dernier titre l'action du

médecin peut-être des plus actives dans la voie de la prophylaxie

du crime.

Scientifiquement, on doit considérer l'esprit uniquement comme

la résultante de l'activité des cellules nerveuses, comme une sorte

de sécrétion du cerveau. L'action du cerveau dépend de sa struc-

ture modifiée par l'hérédité, de son développement et de son entou-

rage.

Si l'on examine l'homme vivant dans les états variés de la

société, on voit qu'il y a un certain nombre de rapports normaux

entre lui et le monde extérieur ; il vit conformément aux lois et

aux coutumes faites par la société pour sa protection et son plaisir

et conformément aux loisque la nature, dans son évolution, afaites

pour lui et qu'il observe suivant la façon dont il peut les com-

prendre.

S'il cesse d'avoir des relations convenables, avec ce qui l'entoure,

il commet un crime ; le crime est donc une conception tout à fait

relative varie seulement en degré, depuis le vol. d'une épingle jus-

qu'au meurtre d'une famille.

L'individu qu'on appelle normal est celui qui, ayant une héré-

dité convenable, a une forme et une structure cérébrales requises

et se trouve dans un entourage convenable qui détermine l'édu-

cation.

Entre cet individu normal et l'idiot, on rencontre tous les inter-

médiaires ; le criminel né de Lombroso sur lequel l'éducation ne

peut rien ; le criminel par mauvais exemple, susceptible d'amélio-

ration ; le criminel aliéné, la plus dangereuse de toutes les formes;

l'épileptique, le fou, l'imbécile. '

L'importance est grande pour le praticien de connaître tous les

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309

sligmates physiques et psychiques de la dégénérescence afin de

s'opposer aux causes qui peuvent favoriser la dégénérescence de la

race afin d'instituer un traitement aussitôt que possible, d'indiquer

le rôle prépondérant de l'éducation; le médecin devra aussi s'op-

poser aux mariages d'épileptiques, d'aliénés, de dipsomanes. Son

rôle ne se bornera pas là ; il devra agir sans trêve jusqu'à ce que

des hôpitaux aient été bâtis pour la détention continue des crimi-

nels aliénés; il devra s'efforcer de faire mettre à la tête des mai-

sons de répression des criminologistes instruits qui cessent de faire

des prisons des écoles du crime.

La meilleure sauvegarde du crime est la bonne éducation.

En terminant, l'auteur s'élève contre les détails minutieux rap-

portés par les journaux au sujet de tous les crimes et délits; il

existe là, pour les sujets prédisposés, une source d'imitation, une

sorte de suggestion. (The alienist and neurologist, oct. 97.)

E.BuN.

XXXI. Action du système nerveux SUR LES processus NUTRITIFS, A

l'état DE santé ET DE maladie ; par le Dr BEVERLEY, 0. ICI\-

NEAR.

Considérations générales sur la physiologie du système nerveux,

sur les rapports du système nerveux avec les vaisseaux : de l'équi-

libre de la circulation sanguine à travers le corps résulte la santé

et la maladie survient quand l'équilibre soit local, soit général, est

détruit. Aussi toutes les formes de la maladie se caractérisent à

leur début par un excès ou une diminution de la quantité de sang

qui circule dans les centres nerveux.

Delà l'importance que pourra présenter l'application du chaud

ou du froid sur la colonne vertébrale, autrement dit sur les centres

nerveux spinaux.

C'est ainsi que le froid sur la colonne vertébrale sera indiqué

dans toutes les formes spasmodiqhes en chassant l'excès de sang

des cellules nerveuses motrices et, en déterminant, par son action

sur le sympathique, une dilatation générale des vaisseaux sanguins,

c'est-à-dire une meilleure nutrition de tous les organes, de tous les

tissus. (The alienist and neurologist, oct. 97.) E. B.

XXXII. Syphilis DU système nerveux central ;

par le 1)' SYDNEY Hun.

Dans un long et intéressant mémoire l'auteur résume l'état actuel

de nos connaissances sur les différentes formes que revêt la syphilis

du système nerveux central. D'.une façon générale, les accidents se

rencontrent plus fréquemment dans les cas où les accidents secon-

daires ont été les plus légers ; de même ils seraient plus fréquents

310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

avec les chancres extragénitaux. Les accidents surviennent d'une

façon assez variable par rapport à l'époque de l'infection : d'après

une statistique de Naunyti, 80 p. 100 des cas se présentent dans les

dix premières années qui suivent l'infection.

La majorité des cas se présentent entre vingt-cinq et quarante

ans et l'affection est huit fois plus fréquente chez l'homme que chez

la femme. Les causes ordinaires d'affaiblissement du système ner-

veux jouent le rôle de causes prédisposantes ; sur 100 cas de

syphilis cérébrale, Carnowsky a trouvé l'alcoolisme dans 43 cas, la

neurasthénie dans 29, et des traumatismes crâniens dans 5 ; 23 cas

seulement étaient indemnes de prédispositions.

Parmi les formes les plus fréquentes de syphilis spinale, l'auteur

résume la méningite syphilitique spinale, la paralysie spinale

syphilitique, la myélite transverse syphilitique et la myélite aigus

syphilitique, avec une observation.

Dans tous les cas, en général, on rencontre une première période

avec des signes de méningite ; des symptômes cérébraux transi-

toires tels que céphalées nocturnes, paralysies des muscles de l'eeil ;

une grande variation dans l'intensité des symptômes avec exacer-

bations nocturnes ; l'absence de fièvre, à moins de complications

telles qu'escarres au sacrum, cystite; enfin l'effet du traitement. Le

taux des guérisons vraies de 15 à 35 p. 100.

Dans la plupart des formes de la syphilis cérébrale, les symp-

tômes les plus graves sont précédés par un signe prodromique des

plus importants au point de vue de l'avertissement qu'il donne pour

un traitement actif, c'est la céphalée syphilitique avec ses exacer-

bations vespérales et nocturnes, l'insomnie, sa persistance , tant

que le traitement spécial n'est pas employé. 1

En même temps que la céphalée, d'autres symptômes se rencon-

trent fréquemment, tels que douleurs ou engourdissements des

extrémités, troubles temporaires du langage, modifications de l'iu

l'intelligence et du caractère.

Cet symptômes deviennent de plus en plus fréquents et intenses.

en même temps que se joignent à eux les nouveaux symptômes

caractéfistiquesdes diverses formes de syphilis cérébrale dont l'au-

teur décrit les trois types suivants : la méningite syphilitique de

la convexité, l'artérite syphilitique et les gommes.

Sur une statistique de 90 cas de syphilis cérébrale publiée par

Fournier, il y eut 14 morts, 33 cas d'amélioration avec infirmités

graves, 14 cas d'amélioration avec infirmités légèies, et 30 guérisons.

D'une façon générale le pronostic varie avec la nature de la

lésion et sa localisation ; il s'assombrit d'autant plus que le malade

est plus âgé et qu'il s'est écoulé plus de temps entre l'infection et

l'apparition de la maladie cérébrale.

C'est le traitement mixte qu'il faudra instituer, le mercure étant

le meilleur remède de cette forme de syphilis.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ' 311

Alors que les iodures seront donnés par la voie buccale, il sera

préférable de donner le mercure en frictions ou en injections intra-

musculaires. (The alienist and ne2c·ologist, oct. 97.) E. B.

XXXIII. Aspects cliniques DE l'auto-intoxication ; par le û1' HcRD.

L'auteur étudie l'auto-intoxication intestinale et les moyens de la

combattre. Tout d'abord ce n'est pas chez les malades chroniques

qu'il faudra la rechercher surtout, mais bien plutôt dans les cas

aigus qui présentent des idées délirantes non systématisées, de

l'incohérence, de l'agitation, de la constipation, de l'élévation de

la température, de la fétidité de l'haleine, la peau sèche et chaude.

La tyrosine produite pendant le processus de la putréfaction des

matières albuminoïdes présente comme dérivés le phénol, le cré-

sol, l'indol et le scatol ; comme elle est vite décomposée, on ne la

trouve pas d'ordinaire dans les fèces, mais seulement ses produits

de décomposition, le phénol, le crésol, l'indol et le scatol. Trouvés

purs dans les fèces, ces corps se retrouvent dans l'urine sous forme

de sulfates.

L'examen des matières fécales se fera suivant le procédé de

Simon, que décrit l'auteur. Des observations de Simon il résulte

qu'à une diminution dans la sécrétion de l'acide chlorhydrique

de l'estomac, correspond une augmentation de la putréfaction

intestinale, et que le degré de cette putréfaction intestinale est en

rapport direct avec l'élimination des sulfates.

Le traitement consistera d'abord dans l'administration d'acide

chlorhydrique, puis on fera des lavages intestinaux, on donnera

des purgatifs et de grands lavements salés; le tube digestif sera

ensuite anliseptisé par les divers antiseptiques intestinaux qu'on

variera suivant la région de l'intestin qu'il faudra antiseptiser,

les plus solubles agissant dans la première partie de l'intestin et

les moins solubles dans la seconde.

L'ingestion d'une grande quantité d'eau, soit pure, soit médica-

menteuse, constituera un excellent mode d'élimination, non seu-

lement pour l'intestin, mais aussi pour les reins et la peau. La

diaphorèse sera stimulée par des bains chauds et du massage.

Ce mode de traitement sera applicable à un grand nombre d'af-

fections mentales aiguës. (American Journal of insataily, juil-

let 1897.) E. I;LIN.

XXXIV. Questions générales d'auto-infection; par le Dr CL.nKG.

La base auto-toxique des maladies nerveuses est de toute évi-

dence en mainte circonstance, l'auto-infection est, pour le moiti,,

un important facteur dans plusieurs formes de la folie, et, sans

qu'on puisse affirmer positivement la part qu'elle joue, elle jette

31 '2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

un jour nouveau sur la compréhension de certaines formes men-

tales difficiles à interpréter autrefois; les psychoses intermittentes

offrent à cet égard un vaste champ de recherches.

La chimie biologique et la pathologie doivent se prêter un mu-

tuel appui pour l'étude de la toxicité du sang et des excréta chez

les aliénés. Il est nécessaire, avant tout, d'étudier la question à

son point de vue le plus large; jusqu'à présent, les théoriciens ont

eu le champ libre; aux cliniciens maintenant confirmer les idées

mises en avant, à en démontrer la justesse. (Amificun Journal or

iîzsa7zity, juillet 1897.) 1 : . 13.

XXXV. Tremblement dans la chorée; par le Dr Wallace 13HEIN.

On est habitué à regarder les mouvements de la chorée comme

maladroits, incoordonnés et irréguliers. L'irrégularité des mou-

vements a toujours été considérée comme caractéristique de la

maladie, si bien qu'on a attribué à ces mouvements le qualificatif

de folie des muscles. Cinq cas cliniques, avec tracés, cités par l'au-

teur lui servent à démontrer que dans certains cas, il existe, asso-

ciés à ces mouvements ordinaires de la chorée, ou même pouvant

les remplacer, des mouvements rythmiques vibratoires ayant tous

les signes d'un tremblement bien caractérisé. (The alienist and neu-

rologist, octobre 1897.)

XXXVI. Neurasthénie; par le D1' Hersman.

La neurasthénie n'est pas une maladie, mais une condition : elle

n'est pas localisée à une partie quelconque du système nerveux,

mais extrêmement généralisée.

Il est plus rare de la voir exister seule que de la trouver associée

à d'autres maladies fonctionnelles. Toutefois, tant au point de vue

symptomatoiogique qu'au point de vue pathologique, elle présente

un tableau clinique des mieux marqués dont l'auteur donne le

résumé classique.

Quant aux conditions pathologiques de la neurasthénie, les théo-

ries les plus plausibles considèrent cette affection comme la résul-

tante d'une condition toxique des liquides de l'économie.

Le diagnostic de la neurasthénie simple est facile ; mais le tableau

clinique se trouve singulièrement compliqué quand la neurasthénie

est accompagnée d'une autre affection, organique ou fonctionnelle.

Le traitement consistera dans le séjour prolongé au lit, de douze

à seize heures par jour; massages, allusions tièdes au lit, deux ou

trois fois par semaine une faradisation légère remplacera avan-

tageusement l'exercice. Le traitement se fera de préférence dans

dans un hôpital ou une maison de santé privée. Comme régime,

insister sur le lait et les oeufs. Le traitement moral sera d'une

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313

grande importance, et pour l'entreprendre, le médecin devraeagner

d'abord la confiance absolue du malade. Contre les céphalées, les

douleurs ostéocopes, les douleurs articulaires, l'anlipyrine, soit

seule, soit combinée au citrate de caféine ou au salicylate de

soude, donnent de bons résultats. (The alienist and neurologist,

octobre 1897.) E. B.

XXXVII. Neurasthénie essentielle ET neurasthénie symptomatique ;

par le D1' DcRCUM.

Trop souvent la neurasthénie est considérée comme une affection

vague, composée de facteurs pathologiques variés n'ayant que peu

ou pas de rapports entre eux. Les raisons de cette mauvaise interpré-

tation tiennent d'abord à ce fait queues symptômes de la neurasthénie

sont pour la plupart subjectifs et que d'autre part, on a souvent

décrit sous le nom de neurasthénie des symptômes nerveux associés

à l'anémie, à la chlorose, à certaines affections des organes pel-

viens ou de l'estomac : ces symptômes, pour neurasthéniques qu'ils

puissent être, sont chose entièrement distincte de la neurasthénie

vraie, essentielle. La neurasthénie n'est pas une affection vague et

mal définie, comme tendrait à le faire croire la description récente

de Binswanger : son expression clinique est une fatigue nerveuse

dont les symptômes, suivant l'organe considéré, se groupent et

s'unissent entre eux pour former une entité bien déterminée.

Les divers symptômes primaires de la maladie seront tous, quelle

que soit la fonction considérée, caractérisés par la fatigue, à laquelle

se joindront dans certains cas des hyperesthésies ou des troubles

de la sensibilité générale qui constitueront les symptômes secon-

daires. Dans certains cas, les symptômes secondaires pourront

paraître prédominants au premier abord, mais un examen atten-

tif permettra teujours de retrouver des symptômes primaires fon-

damentaux. (The alienist and neurologist. E. B.

XXXVIII. LE problème psycho-moteur ; parle D1' H. Nichols.

Etudiant les relations du processus mental avec l'activité muscu-

laire, l'auteur arrive aux conclusions suivantes : f<). Toutes les

sensations et les étals mentaux sont moteurs. b). L'organisme

neuro-musculaire entier agit primitivement comme un tout.

c). Les lois d'association sont universelles pour tout l'organisme

nerveux, moteur aussi bien que mental. d). Nos capacités ins-

tinctives, multipliées et compliquées dans leur développement en

accord avec ces lois de l'association expliquent l'augmentation des

habitudes psycho-motrices et la variété des réactions qui constitue

les phénomènes psycho-moteurs. e). L'hérédité, l'éducation, l'op-

portunité, l'entourage individuel et social sont les mots d'ordre de

l'avenir. (American Journal of insanity, juillet 1897.) E. B.

3t4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXIX. A propos D'UN cas très intéressant DE maladie D'.\DDISON.

Cancer associé A la TUBERCULOSE DES capsules surrénales, intégrité

DU sympathique ET LÉ : ! ONS spinales PSEUDO-SYS1'Éf9TI5liES; par le

Dr BONARDI.

Cliniquement le malade présentait des signes de maladie d'Addi-

sou, associés à quelques symptômes tabétiques. A l'autopsie, on

trouve un cancer du corps du pancréas; quelques ganglions mésen-

tériques et rétro-péritonéaux augmentés de volume. De ces gan-

glions, les uns ont à la section un aspect néoplasique; d'autres,

au contraire, paraissent contenir une substance caséeuse. Les

ganglions péribronchiques sont aussi augmentés de volume; quel-

ques-uns sont en voie de dégénérescence caséeuse. Les glandes

surrénales sont bosselées, de consistance ligneuse en certains points

et très molles, au contraire, dans d'autres.

A la section on voit que le tissu normal de la glande est détruit

et remplacé par des noyaux de nouvelle formation et par des

masses caséeuses. L'analyse bactériologique et l'expéiimentalion

démontrent la nature tuberculeuse de la substance caséeuse des

ganglions et des capsules surrénales.

Les recherches histologiques montrent la nature cancéreuse du

néoplasme du pancréas ainsi que des nodules des ganglions du

mésentère, des ganglions rétro-péritonéaux et de ceux des capsules

surrénales. Le sympathique n'offre guère de lésions appréciables.

11 y a, au contraire, une altération' de la moelle dans toute sa

hauteur : dans la région lombaire et dorsale le cordon de Goll est

presque complètement détruit; le cordon de Burdach est aussi

envahi, ainsi que la zone de Lissauer et la corne postérieure. A la

région cervicale, le processus destructif se restreint à un segment

du faisceau de Goll.

En somme, il est exceptionnel de voir le cancer associé à la

tuberculose des capsules surrénales. Mais l'importance du cas réside

dans les lésions spinales indépendantes de lésions antérieures ou

concomitantes du sympathique et du système nerveux périphérique.

Cette observation vient s'ajouter aux autres faits démontrant l'exis-

tence de myélites disséminées systématiques et pseudo-systéma-

tiques d'origine toxique, sans relation probable avec des processus

ascendants venant du sympathique ou des nerfs périphériques.

(Revue neurologique, août 1897.) E. BLIN.

XL. DES mouvements involontaires spontanés CHEZ LES tabétiques;

par le D1' Hirschberg. (Revue neurologique, décembre 189î.)

Depuis deux ans, l'auteur étudie les mouvements involontaires

chez les tabétiques, dans le riche service du professeur Raymond.

Les conclusions de son travail sont les suivantes :

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 315

1° Les mouvements involontaires qu'on rencontre dans le cours

du tabes dorsalis à la période ataxique ne forment pas une com-

plication de cette maladie. Ils ne sont qu'une manifestation parti-

culière de l'incoordination motrice. Ils méritent donc dans la

symptomatologie du tabes une place à part et ne doivent pas être

confondus avec les mouvements passifs, ni avec les secousses, ni

avec les mouvements associés, dont la relation avec l'incoordina-

tion motrice est moins intime; 2° Comme l'incoordination motrice

tabétique en général, les mouvements involontaires ne se rencon-

trent jamais sans troubles plus ou moins profonds de la sensibilité

niusetilo-artielil aire des organes atteints de ces mouvements ;

3° Comme le signe de Romberg dans les cas peu avancés d'ataxie,

les mouvements involontaires ne se montrent que quand le malade

a les yeux fermés. Dans l'alaxie avancée, le contrôle de la vue ne

suffit plus pour arrêter les mouvements involontaires ; 4° Les mou-

vements involontaires dans le cours du tabès dorsalis sont beaucoup

plus fréquents qu'on ne le croyait jusqu'à préseut. E. B.

XLI. Fibrome sous-cutané douloureux ; par les D`5 SADRAZÈS

et CABAN.\ES. (Revue izeti2-ologiqzie, novembre 1897.)

Une jeune malade, atteinte d'un nodule sous-cutané de lajambe

voit se développer tout autour une zone où les douleurs sont telle-

ment aiguës qu'une intervention chirurgicale est rendue néces-

saire. L'examen histologique de la petite tumeur montre que c'est

un fibrome pur n'englobant pas dans son intérieur d'éléments

nerveux et n'en comprimant pas dans son voisinage ; du reste le

troubles de la sensibilité n'affectent nullement la zone de distribu-

tion de l'un des filets nerveux de cette région.

La malade, très émotive, est atteinte d'un léger rétrécissement

du champ visuel, d'une pollakiurie diurne avec urines normales, et

est très préoccupée par son nodule sous-cutané. Les accès doulou-

reux spontanés ou provoqués qu'elle éprouve disparaissent après

l'opération, mais il persiste des modifications de la sensibilité

objective : cette anesthésie, traitée par les agents esthésiogènes, dis-

parait complètement; l'expérience du transfert est positive. Ces

troubles de sensibilité doivent donc être confondus avec les anes-

thésies mobiles symptomatiques de l'hystérie. Au fibrome se sura-

joute, dans ce cas, une topoalgie névropathique. E. B.

XLII. Quatre cas d'affection cérébelleuse A rapprocher DE l'ataxie

cérébelleuse héréditaire (UNE autopsie); par G. Spiller. (Brailz,

part. LXXVI, 1896.)

Ces quatre cas proviennent de l'école des Enfants arriérés de

Pensylvanie.

316 RE\UE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Jeu ne hommevingt-troisans, imbécillité, microcéphatie, parents

sains ( ? ), convulsions épileptiformes à trois ans ; premiers signes

de la maladie actuelle remarqués à seize ans. Marche toujours

à quatre pattes, étant fort et agile dans cette posture, au lieu

que debout il redoute beaucoup la marche. Dans celte dernière

attitude, parésie des membres inférieurs, inclinaison du tronc en

arrière et chute dans ce sens, recherche d'un appui pour la main

avant de lisquer un pas, jambe ? écartées, genoux légèrement flé-

chis, démarche pelvienne. Pas de signe de Romherg, incoordina-

tion moins accentuée aux membres supérieurs. Tremblement léger

au repos continuant sans exagération pendant les mouvements

intentionnels. Pas d'atrophie. Réflexe patellaire exagéré, clonus

des deux pieds, vision défectueuse. Pas d'Arryll Robertson, pseudo-

nystagmus de lilippel et Durante (saccadé non arythmique). Parole

mal articulée presque incompréhensible. Aucun trouble de la sen-

sibilité.

II. Garçon de treize ans, débilité mentale, trois pneumonies

antérieures au début de l'affection. Névrite optique. Elocution

scandée, explosive ; réflexes symétriquement exagérés. Incoordi-

nation, démarche cérébelleuse caractéristique (ébrieuse) ; tremble-

ment pendant les mouvements. Pas de signe de Romberg ; force

musculaire intacte, gâtisme par intervalles; penche en arrière ou

en avant et à gauche, tombe souvent, toujours à gauche.

III. Fille de sept ans, idiote, microcéphalie, dystocie de la mère,

une attaque convulsive à quatre ans. Pas de signe d'Ar-yll

Robertson, vision bonne; station debout difficile, genoux légère-

ment fléchis, jambes écartées, tendance à tomber, chute en avant ;

démarche chancelante très difficile ; agilité quand la malade est

assise à terre. Incoordination très prononcée, pseudo-nystagmus,

réflexes exagérés.

IV. Garçon, dix-neuf ans, arriéré; diphtérie et scarlatine à cinq

ans ayant marqué le début de l'affection. Démarche titubante,

vertiges, steppa2e ; vision faible, tronc légèrement penché en

avant, tête un peu tournée à gauche ; réflexes augmentés ; mort de

tuberculose.

Autopsie : cavité cérébelleuse étroite, hémisphère cérébral gauche

atrophié, cervelet symétriquement diminué de volume, réduit en

masse.

Pont de Varole très mince, lobes cérébelleux très petits et égaux ;

aspect scléreux. Tubercule quadrijumeau postérieur gauche réduit de

volume. Cellules bien conformées mais raréfiées. Sclérose nette à

la région postérieure des deux lobes. Noyau rouge droit légèrement

plus petit que le gauche. Couche optique gauche beaucoup plus

petite que la droite. Atrophie scléreuse des deux noyaux dentelés

à la partie postéreure seulement. Moelle intacte ainsi que le bulbe

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 317

sauf quelques dilatations vasculaires. Dans l'hérédo-ataxie cérébel-

leuse de Marie la lésion importante est l'atrophie du cervelet avec

simple diminution de volume de la moelle. Fraser et Norme con-

sidèrent leurs cas comme des arrêts de développement. La maladie

de Friedreich et l'ataxie cérébelleuse peuvent être des formes dif-

férentes de la même maladie; il y a des cas où les deux syndromes

sont simultanés et où le cervelet et la moelle sont également atteints

(Aienzel). F. Baissier.

XLIII. Troubles DE la sensibilité au point DE vue spécial DE la

douleur dans. les affections viscérales; par Il. IIEAD. (B7·(1L72,

part. LXXIV, 1896.)

Ayant dans un précédent travail étudié la localisation simple-

ment topographique des douleurs et hyperesthésies superficielles

éloignées quiaccompagnentles maladies viscérales, l'auteurcherche

à déterminer ici les rapports constants entre- ces localisations et

les organes dont la lésion a produit ces douleurs. Cette longue en-

quête est donc surtout'pbysiologique, les cas cliniques qui la com-

posent équivalent à autant d'expériences de laboratoire. Les termes

vagues « de névralgies intercostales, douleurs rhumatismales, mi-

graines cardiaques », etc. représentent le plus souvent des phé-

nomènes qui étudiés de près se défalquent en douleurs ou hyper-

esthésies dont la localisation déterminée et constante correspond

à la lésion de tel viscère ou portion de viscère plus ou moins éloi-

gné de l'aire douloureuse. Il faut d'abord différencier ces douleurs

à distance des douleurs locales profondes au voisinage même de

l'organe atteint, ce qui n'est pas toujours facile, une aire doulou-

reuse ainsi reliée de loin à un viscère peuvent être assez voisine de

lui (coeur, douleur précordiale). Cela fait, M. Ilead cherche avec

quelles conjonctions de signes physiques se rencontrent l'absence

et la présence de ces douleurs et hyperesthésies à distance; ce qui

l'amène à constater pour le coeur que : 1° ces phénomènes sont

réalisés surtout lorsqu'il y a un état de tension exagérée intracar-

diaque avec intervalles paroxystiques (insuffisances avec reflux et

rétrécissements des orifices) ; 2" que ces douleur ? d'origine ventri-

culaire occupent précisément sur la peau l'aire innervée par les

5°, 6°, 7°, 8° et 9° segments médullaires dorsaux pour les lésions

mitrales, et les 2°, 3°, 4° et 50 segments cervicaux, ou bien du

4° cervical au 6° dorsal pour les lésions aortiques. Pour l'aorte

transverse l'aire douloureuse est celle du laryngé inférieur; pour

l'aorte ascendante celle des 3° et 4° segments cervicaux et des 1°r,

2°, 3° et 4° dorsaux; pour le ventricule gauche l'aire du 2° au

5° segments dorsaux; pour l'oreillette gauche celle des 5°, 6°, 7°

et 8° dorsaux. Ces segments correspondent précisément à l'inner-

vation des aires cutanées douloureuses et à celle des points viscé-

318 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

raux lésés, origines des douleurs en question. Les aires et les seg-

ments en rapport avec l'aorte et le coeur gauche présentent une

difficulté spéciale à étudier et une apparente confusion qui cesse

en remontant à l'embryologie jusqu'à l'époque du coeur rectiligne

(avant la flexion). Ces phénomènes douloureux peuvent donner au

clinicien des renseignements précieux, car ils ne se produisent plus

à une période avancée de la maladie et ne se manifestent qu'en

présence d'un coeur encore en état de servir ; jouant ainsi le rôle

d'avertisseur ils imposent le repos de l'organe.

M. Head étudie avec la même méthode scrupuleuse les douleurs

et hyperesthésies à distance accompagnant les maladies de la

plèvre et du poumon. Ici encore elles sont systématiquement loca-

lisées sur les aires en connexion avec les segments d'innervation

viscérale correspondante ; elles sont surtout marquées du côté de

la lésion, quand elles apparaissent du côté opposé, ce n'est que

secondairement, plus tard et pour disparaître plus tôt. Pour le

poumon les aires intéressées sont celles des 3° et4°segments cervi-

caux et des segments dorsaux du 3° au 9°. Le lobe inférieur du

poumon est plus spécialement en connexion avec les aires cutanées

des 56, 6°, 7°, 8° et 9e segments dorsaux. Un dernier chapitre est

consacré aux gastralgies à distance causées par une lésion pulmo-

naire, différenciées bien entendu, des douleurs gastriques de voisi-

nage (lésions de la base) et des dyspepsies indépendantes sura-

joutées. Ce mémoire est composé de 71 observations rigoureusement

relevées et contrôlées chacune par des spécialistes en cardio et

pneumopathoiogie. F. Boissieb.

XL1V. UN cas dont l'autopsie démontre la guérison D'UNE première

attaque DE MÉNINGITE ;par H. White. (Brain, part. LXXVI, 189fui.)

Enfant de treize mois, mort après six jours de méningite tuber-

culeuse classique. A l'autopsie, en sus des lésions de la méningite

mortelle, on trouve dans chaque scissure de Sylvius deux nodules

anciens caséifiés remontant à plus d'un muis, indiquant la trace

d'une première atteinte qui avait guéri. F. B.

XLV. Paralysie brachiale DU TYPE D'ERB, chez un enfant DE SEPT ANS.

(A case of ErL's I)g2-alysies. Upper. AI·m type. In a chilti of seveia

years) ; par Wharton SINKLER. (Médecine, Détroit août, 1897.)

Dans cette observation, intéressante à cause de la rareté de cette

affection dans l'enfance et surtout à cause de l'existence d'un trau-

matisme qui rendait très difficile le diagnostic entre une paralysie

brachiale radiculaire et une forme d'atrophie musculaire du type

juvénile d'Erb, il s'agit d'un enfant de sept ans, sans aucune tare

nerveuse, qui, étant resté suspendu par les bras à un trapèze pen-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 319

dant un temps immodéré, présenta au bout de quelque temps des

troubles de paralysie brachiale. Il ne présenta aucun accident

immédiat. Ce n'est qu'au bout de deux mois qu'on s'aperçut qu'il

se servait avec peine de son bras droit.

A l'examen de l'enfant, qui est bien portant et vigoureux, on

constate une atrophie très marquée des muscles de l'épaule et du

thorax du côté droit.

Le grand pectoral est très atrophié, surtout dans sa portion

inférieure qui a presque totalement disparu. Les muscles sus et

sous-épineux sont atrophiés ; le deltoïde l'est moins. On n'observe

pas de troubles de delà sensibilité. D'ailleurs, le malade n'a jamais

accusé de douleurs. On ne constate pas de lésions vertébrales. Les

autres segments du membre supérieur présentent leurs mouve-

ments normaux. Il n'y a d'ailleurs pas paralysie absolue dans les

muscles atteints, mais un fort degré de parésie qui rend les mouve-

ments pénibles.

L'auteur pense que dans ce cas il s'est produit une lésion des

racines rachidiennes cervicales au cours de l'exercice forcé, déter-

miné par le trapèze; mais ce qu'il y a de remarquable dans ce cas,

c'est que l'enfant n'a accusé aucune douleur lors de l'accident et

que l'atrophie n'a été constatée que deux à trois mois après.

P. RELLAY.

XLVI. SUR un cas d'acromégalie ; par ROXBURGII et COLLLS. (British

médical Journal, 11 juillet 90.)

La malade, âgée de trente-cinq ans, mourut après huit ans de

maladie avec pieds, mains et tête déformés de façon caractéristique

par épaississement du squelette et de la peau, hypothermie, trou-

bles circulatoires, trophiques et sécrétoires. Gâtisme comaetmort.

A l'autopsie ramollissement de la pituitaire tuméfiée. Au micros-

cope apparences de sarcome gliomateux. A. Marie.

XLV11. Affection DU système NERVEUX DE l'enfant EN rapport avec

l'accouchement difficile ou prématuré; par NEWMARK (Occidental

médical Times, août 96).

L'auteur fait une rapide revue d'ensemble de la question. Il rap-

pelle que dans la littérature anglaise de Shakespeare on trouve

trace de cette influence reconnue de l'accouchement laborieux sur

la'mentalité de l'enfant. Il rappelle les travaux de Kundrat et

H. Spencer sur les hémorragies méningées des morts-nés. Spencer

sur 130 autopsies, note que les hémorragies de ce genre résultent de

dystocies ayant provoqué la lenteur du travail ou les interventions

obstétricales, telles que version, forceps. etc. ; particulièrement les

présentations du siège paraissent amener les hémorragies ménin-

3^0 0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

gées et les premiers-nés sont, dans les présentations quelconques,

plus fréquemment atteints ; dans la moelle, les lésions hémorra-

giques rappellent celles de la syringomyélie (Scfultze). Les accou-

chements difficiles et prolongés produiraient surtout desdiptégies,

l'accouchement prématuré des paraplégies (Gowers et IlupprechL).

L'auteur cite 20 cas personnels se décomposant comme suit :

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 321

L. Tic CONVULSIF SUBSTITUÉ A UNE NÉVRALGIE SUS-ORBITAIRE;

par le D1' Harold Moyer.

Le malade dont l'observation est relatée, souffrit dès 1887 de

névralgies sus-orbitaires. Les crises de douleurs duraient de une à

quatre semaines et étaient provoquées par le froid. Ces douleurs

disparurent au bout de cinq ans en même temps qu'apparurent des

spasmes d'abord dans la paupière gauche, puis peu à peu dans

tous les muscles de la face. Au moment où le spasme va commen-

cer, le malade a une sensation de coton dans l'oreille gauche;

dans l'intervalle des crises, il n'y a aucune modification de l'aspect

de la face. La fréquence des spasmes varie d'une semaine à

l'autre.

Une particularité intéressante de l'observation consiste dans ce

fait que la mère du malade fut elle aussi atteinte de spasmes du

côté gauche de la face et que ces spasmes cessèrent tout à coup

pour donner place à une névralgie faciale du côté gauche. (The

alienist and neurologist, juillet 1897). E. BLIN.

Ll. Progrès DE la neurologie EN Amérique; par le D1' HUGHES.

Après avoir constaté combien les travaux américains ont fait

progresser la neurologie et la psychiatrie dans le monde entier,

après avoir montré que les Américains se sont fait dans ces sciences

une place au moins égale à celle des neurologistes d'Europe, l'au-

teur donne une longue bibliographie, répartie par noms d'auteurs,

des principaux travaux relatifs à la neurologie et à la psychiatrie,

parus en Amérique au cours de ces trente dernières années. (The

alienist and neurologist, juillet 1897.) E . B.

LU. LÉSIONS PRODUITES EXPÉRIMENTALEMENT PAR L'ALCOOL ÉTHYLIQUE

SUR la CELLULE NERVEUSE corticale ; par Henry BERKLEY (de Balti-

more). (Americun Journal of Insanity, juillet 95.)

L'expérience fut faite sur des lapins soumis à l'alimentation avec

alcool dilué pendant six mois à raison de 6 à 8 centimètres cubes

par jour. Les recherches histologiques, faites selon les méthodes

de Nissl et Muller, montrèrent une altération parenchymateuse

atteignant particulièrement les grosses cellules pyramidales de la

deuxième et troisième couche.

Un neurone sur 5 environ était flétri avec amincissement du ses

prolongements protoplasmiques dont le chevelu était plus grêle ou

présentait des dégénérescences moiiiiifortiies; altération analogue

des cellules de Purkinje, intégrité apparente de la névroglie. Les

alcools même les moins réputés délétères produisent des altérations

histologiques identiques. A. Marie.

Archives, 2e série, t. Y. - 21

322 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LUI. Myasthénie BULB.\IRE PSEUDOP.1R : 1LYTIQUE; par le prof. A. Ko-

.11.W,NIKOFF. (La Revue médicale russe, 1897, année XXIV, octobre,

p. 491-499.)

L'auteur complète l'observation qu'il a publiée un an avant et

qui présente un très grand intérêtclinique parlaprésence des signes s

inaccoutumés dans un cas de paralysie bulbaire incontestable. La

maladie a débuté à l'âge de treize ans par l'affaiblissement de la

voix suivi de paralysie du voile du palais; ensuite sont venus : la

difficulté de la déglutition, le ptosis gauche, l'atrophie tle là langue,

la parésie des muscles masticateurs et de ceux de la partie infé-

rieure de la face, enfin la paralysie des deux droits externes. Tous

ces phénomènes présentaient des variations considérables. L'as-

thénie était grande, surtout prononcée dans les muscles buccaux et

pharyngiens. Les côtés intéressants et originaux de l'observation

peuvent être ainsi résumés : .

1° L'asthénie ne s'est pas limitée au système musculaire, elle

était également très prononcée dans les appareils sensoriels ; la

fatigue provoquait un rétrécissement du champ visuel de plus en

plus grand, le goût s'en ressentait de la même façon ;

2° Une atrophie très nette avec signe de dégénérescence peut

être observée dans les muscles atteints d'asthénie ; avec ceci de

particulier qu'elle peut diminuer et même disparaître sous l'in-

Iluence d'un traitement énergique; '

3° Ce dernier consiste surtout en alimentation surabondante du

malade : il faut éloigner de ce dernier toute cause d'émotion ; lui

défendre les mouvements brusques et prolongés, etc. L'auteur a

obtenu des résultats très satisfaisants avec ce traitement (entre

autres une diminution très considérable de l'atrophie).

E. i\L1RGOUL1ES.

LIV. DES symptômes précoces ET PEU connus du tabès; par le pro-

fesseur BECHTEREFF. (La Revue de psychiatrie de neurologie et de

psychologie expérimentale, 1897, n° 9, septembre, p. 650-652.)

Il est important et souvent très difficile de dépister l'ataxie loco-

motrice à son début lorsque les gros signes classiques font défaut; 1

dans ces cas, ce; tains symptômes de moindre importance peuvent

rendre de réels services. Parmi ces derniers, M. Bechtereff insiste

surtout sur l'état des réflexes cutanés (abdominaux tout particu-

lièrement) qui peuvent être exagérés contrairement aux réflexes

tendineux; sur la percussion indolore du nerf cubital au coude, du

péronier, du saphène poplité interne au creux poplité (ce dernier

est plus fréquemment et plus précocement indolore que le cubital) ;

enfin, sur l'absence de douleur lorsqu'on pince les différentes masses

musculaires du corps, surtout celle du mollet. E. Margouliès.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 323

LV. Paralysie hystérique du grand dentelé gauche; par M. BU-

NEN.10U. (Revue de psychiatrie, de neurologie et de psychologie

expérimentale, 1897, septembre, 110 9, p. 656-658).

Les paralysies des muscles isolés sont extrêmement rares dans

l'hystérie. Dans un des cas de ce genre (celui de Verhoogen, voir

Gilles de la Tourette, Traité de l'hystérie, t. II, p. 56), il s'agissait

aussi de la paralysie isolée du grand dentelé gauche. Le malade

de M. Blumenaou est un soldat de vingt-deux ans, qui faisant un

jour la gymnastique a ressenti subitement une forte douleur dans

l'épaule gauche; depuis ce moment l'omoplate gauche a commencé

à faire une forte saillie, son angle inférieur est soulevé et rappro-

ché de la ligne médiane; lors de l'élévation du bras, l'omoplate

s'éloigne davantage du corps. Les mouvements sont très limités

dans ce membre, surtout le mouvement d'élévation.

Le malade est porteur de stigmates incontestables de l'hystérie :

rétrécissement concentrique du champ visuel avec dyschromatopsie

et micropsie gauche, réflexe pharygien diminué, anesthésies par-

tielles (surtout prononcée au niveau de l'omoplate atteinte et de

l'épaule gauche).

La nature hystérique de la paralysie (malgré la préseuce de l'ac-

cident traumatique) est fondée par l'auteur : 1° sur la prédomi-

nance du côté de la paralysie d'autres accidents hystériques (sensi-

tivo-sensoriels) ; 2° sur les variations spontanées en plus ou en

moins qu'on observait fréquemment dans le muscle paralysé; 3° sur

l'absence d'atrophie après deux mois de paralysie persistante.

E. MARGOULIÈS.

LVI. Trismus hystérique; par les DrS l31OLOT et X. Francotte. (Jour,

de Neurologie et d'llypizologie, 1897, n° 22.)

Observation d'une religieuse, hystérique, qui, entre autres acci-

dents, fut atteinte à la suite d'une colère d'un trismus qui dura

d'une façon permanente pendant neuf mois et guérit spontané-

ment. G. D.

LVII. Des relations entre les psychoses, la dégénérescence mental*

ET la neurasthénie ; par M. le D1' LENTZ. (Journal de Neurologie et

d'llypnologie, 1897, n° 217.)

On sait que l'accord est loin d'être fait sur l'acception et la signi-

fication qu'il convient de donner au mot de dégénérescence. M. Leniz

propose, dans ce travail, de ne l'appliquer désormais qu'aux sujets

qui présentent une infériorité intellectuelle et morale, avec ou sans

perversion des instincts, c'est aux débiles, aux imbéciles et aux

idiots. La constituée par un ensemble de iiiailli-

324 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

festations ayant une évolution progressive et se caractérisant par

une série de symptômes qui depuisla simple amyesthénie et asthé-

nie cérébrales peuvent progresser jusqu'aux phobies et obsessions

les plus accentuées et aux troubles intellectuels les mieux caracté-

risés, mais ayant toujours des modalités spéciales.

Quant aux psychoses, elles ne seraient le plus souvent que le

dernier terme de l'évolution des névroses. En d'autres termes il

n'y aurait pas de névroses pures; il n'y aurait que des névro-

psychoses; les névroses qui restent indemnes de manifesta ! ion

psychosique devant être considérées comme n'ayant pas atteint

leur complet développement. G. D.

LVIII. Hérédité ET névrose; par G.-H. 5.11'doe.

(l3rain, part. L\1VII, 1897.)

L'évolution darwinienne admise en principe avec les données de

Weissmann sur le plasma germinatif, M. Savage appuie sa théorie

sur le fait que les caractères spécifiques de l'être se transmettent

directement, non sans un certain pouvoir de variation légère, et

que les homologies' fonctionnelles des organes transmis réapparais-

sent dans les générations successives. Mais si les organes et fonc-

tions les plus simples (réflexes) se transmettent directement et sans

l'intervention d'autres influences, il n'en est pas de même des

fonctions complexes d'ordre supérieur. Pour celles-ci les tissus et

organes se transmettent directement, mais avec la faculté, virtuelle

seulement, de la fonction, et celle-ci ne peut être provoquée et

développée que par les influences du milieu ambiant (langage,

travail manuel adapté). Une prédisposition est une qualité trans-

mise mais non développée, qui peut rester longtemps potentielle

jusqu'à ce qu'un stimulus approprié vienne l'évoquer et la rendre

actuelle. On n'hérite donc pas d'une fonction, mais d'une aptitude

à réagir d'une façon déterminée à des stigmates à des stimulations

déterminées ; le milieu peut donc faire varier la qualité de ces réac-

tions sans modifier l'essence cararactérislique de l'être. Patliolol;i-

quement les conditions ambiantes font varier seulement la forme

des névroses, leurs différences ne sont pas spécifiques, elles défi-

nissent des variétés et non des espèces. Si à la complication pro-

gressive de la vie correspond un développement proportionnel de

complexité des relations accompagné d'un risque égal d'aberration;

la transmissibilité de ce pouvoir plus complexe d'adaptation indivi-

duelle entraîne avec elle la transmission possible des défauts de ce

pouvoir. Or raffinement exagéré imposé au système nerveux par

ces conditions extérieures exige de sa part une instabilité d'équi-

libre parfois trop délicate exposée à des désordres en apport non

plus avec un manque d'organisation, mais avec un excès de force

- de la part de l'excitation externe. C'est cette tendance même à l'ins-

REVUE'DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 325

labilité relative que l'auteur appelle « névrose », et non une maladie

déterminée; c'est elle qui est le résultat naturel d'un mode d'exis-

tence trop hautement différencié. Il distingue deux groupes parmi

les instables, ceux à réactions rapides et délicatement adaptées

(géniaux) et ceux à instabilité aveugle ou à réactions destructives.

Des personnes semblables réagissent diversement à des stimulations

identiques, une même personne répond aussi diversement aux

mêmes stimulations à des époques différentes, elle pourra ainsi à

divers moments présenter des formes diverses de névrose. Cette

instabilité indifférente a nécessairement un substratnm physique

dont les causes variées elles-mêmes doivent être cherchées dans les

conditions vitales des ascendants (climat, milieu, alimentation,

faiblesse, déchéance, épuisement organique, etc.); elle se traduira

sur la progéniture d'une même souche comme un enchaînement

dont les anneaux pourront être disparates : insuffisance cérébrale

massive (idiotie), ou partielle (déséquilibration), défaut de contrôle

simple ou avec décharges irrégulières de force nerveuse (impulsi-

vité, chorée, épilepsie, folie intermittente, etc.), variétés observa-

bles dans une famille et aussi chez une même personne. Ce défaut

de pouvoir de contrôle se traduit encore par une constante agita-

tion ne permettant aucune épargne d'énergie nerveuse et entrai-

nant des réactions indues aux excitations extérieures ou internes

(terreurs nocturnes, somnambulisme, propension à délirer pour la

moindre pyrexie, régulation désordonnée de la température), cau-

sant une difficulté particulière d'adaptation au monde extérieur,

certains troubles de la mémoire avec incapacité pour comparer les

expériences antérieures aux impressions présentes, manque de

jugement, folie morale, perversion des instincts. Il y a donc trans-

mission d'une tendance qui évolue dans divers sens selon les con-

ditions ambiantes où ville sujet.

Il faut généraliser davantage, l'instabilité transmise est plus glo-

balement physique que spécialement nerveuse, mais à la longue, de

génération en génération, le déséquilibre se localise sur l'appareil

nerveux plus élevé et plus délicat. Il y à d'ailleurs une relation

manifeste entre les affections somatiques et la névrose. Il y a l'hé-

rédité d'une plus grande réceptivité pour certaines maladies conta-

gieuses ; propension de tous les membres d'une famille à prendre

et à avoir plusieurs fois de suite une même pyrexie ; transmission

du terrain favorable à la tuberculose, etc., autant d'arguments en

faveur d'une prédisposition à une vitalité instable. Celle-ci découle

d'une condition inférieure permanente ou passagère des ascen-

dants ayant entraîné une altération correspondante dans la vigueur

initiale du plasma germinatif (vieillesse, convalescence et causes

déjà mentionnées). - 1

Mais malgré la généralité vitale de cette prédisposition, elle

peut parfois s'attacher à un système spécial .à travers plusieurs

326 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

générations ; de même que dans certaines lignées elle ouvre la

porte de préférence à des maladies physiques déterminées (cancer,

tuberculose, goutte), de même elle l'ouvre à l'hérédité nerveuse et

dans celle-ci à des affections encore spécialisées. C'est amsi que cer-

taines psychoses ont plus que d'autres une tendance à se trans-

mettre avec leur même forme, et surtout celles telles que la

mélancolie qui s'accompagnent d'altérations somatiques. Ce fait

et celui de l'alternance d'une génération à l'autre, d'une névrose

et d'une affection diathésique montrent encore l'indissoluble soli-

darité de la névrose avec l'état somatique devant l'hérédité comme

chez l'individu. L'auteur recherche en terminant la fréquence rela-

tive de l'hérédité similaire dans les principales psychoses, et celle

de la transmission de certains caractères corporels sans valeur dans

certaines familles, comme la forme du nez, des doigts, etc., qu'il

rapproche de l'hérédité de certaines dispositions organiques plus

obscures mais ayant des expressions particulières comme les tics

physiques ou mentaux et comme les aptitudes spéciales (musique,

dessin).

Il faut donc, en matière d'instabilité nerveuse, compter avec la

force de l'hérédité, mais aussi avec l'influence du milieu qui peut

modifier la forme de la prédisposition transmise. On n'a donc pas

affaire à une irrévocable fatalité, mais à une puissance capable

plus ou moins de fléchir, ce qui doit justifier et encourager nos

efforts de traitement. F. BoissirR.

MX. Evolution delà théorie hypnotique; par.L-1111LNE BRAMWELL.

(Brain, part. LXXVI, 1896).

Max Dessoir, en 1888, a relevé sur l'hypnotisme 800 ouvrages

principaux faits par plus de 500 auteurs différents, parmi lesquels

on en trouverait difficilement deux s'accordant plus ou moins

complètement; aussi la revue d'un pareil sujet n'est-elle pas facile.

On peut cependant avancer, en possédant bien l'oeuvre générale-

ment mal connue de Braid, que depuis ses derniers travaux peu

de choses vraiment importantes ont été découvertes qui puissent

les compléter. D'autre part la réfutation des données de l'école de

Charcot par celle de Nancy reproduit assez bien la controverse de

Braid contre les mesméristes. L'auteur reprend alors un par un les

arguments de la Salpêtrière pour les discuter par les siens propres

et par ceux de Braid, plutôt que par ceux de Bernheim et de Nancy.

contre lesquels il aura à intervenir aussi plus loin. L'hypnotisme

pour Charcot est un phénomène de condition morbide qui ne peut

se produire que chez des hystériques; ce principe est contredit

par Moll, Bernheim, Wetterstrand, Liebault, Van Eden, Van Ren-

terghem, Wingfield, Forel, Grossmann, Esdaile, Braid, etc, que

sur 100 individus quelconques en ont trouvé 90 bypnotisables et

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 327

qui affirment que les névropathes sont les plus réfractaires, et que

parmi les individus absolument sains 98 p. 100 sont hypnotisables.

La plus grande susceptibilité des femmes; la résistance spé-

ciale des enfants et des vieillards; la production possible de l'hyp-

nose par les seuls moyens mécaniques sans influence mentale ;

la division des phénomènes hypnotiques eu trois degrés; leur non-

valeur thérapeutique; leur danger; tout cela est combattu par

des chiffres et par des documents rationnels tirés des mêmes au-

Leurs et d'autres encore (Kraffl-Ebing, Bénédict, Bergman, Dumont-

paillier. etc.). Quant à l'excitation des phénomènes physiques et

mentaux par l'influence de métaux, d'aimants ou d'autres objets

inanimés, la discussion entre la Salpétrière et Nancy rappelle plus'

encore celle de Braid contre les mesméristes, mais l'auteur n'ad-

met en rien ces influences, les effets produits étant d'origine pure-

ment suggestive, les objets en question n'ayant pas plus d'action

intrinsèque que s'ils étaient en bois. M. Bramwell se rapproche

seulement de Charcot contre Nancy pour nier les résultats effectifs

des suggestions criminelles; il critique ensuite la théorie d'Hei-

denhain, d'après laquelle, par suite de l'arrêt de l'activité des cel-

lules corticales par -la stimulation monotone d'autres appareils

nerveux, les impressions passent directement aux centres moteurs

sans aller aux centres supérieurs; « il y a production d'un court

circuit dans le courant nerveux ». La doctrine de Hart présente ce

même point faible de l' c inhibition inhibée d'Heidenhain, et aussi

un des points faibles de celle de Charcot : la production exclusive

de l'hypnose chez les hystériques; elle suit encore les errements

de Nancy quant aux suggestions criminelles; elle y ajoute celui de

l'hypnose des animaux (écrevisse, alligator, cobaye) qui n'est qu'une

simulation consciente et voulue de la mort, et celui de l'anémie

des centres infirmé par l'expérience, tombant ainsi dans l'erreur

si répandue qui consiste à prendre l'accompagnement physiolo-

gique d'un phénomène psychique pour ce phénomène lui-même.

Molt, Meynert, Hack Tuke, Semai, Mendel, Ziemsen se mettent en

contradiction les uns avec les autres, admettent les uns une acti-

vité psychique exagérée, les autres une activité réduite ; les uns une

manie, les autres une imbécillité artificielles. Cette confusion donne

plus d'éclat à la concentration mentale, monoïdéisme de Braid,

ou concentration de l'attention sur une seule fonction, mise. eu

jeu tandis que toutes les autres deviennent torpides; le réveil

d'une de ce'les-ci équivaudrait à la suppression totale de celle-là.

Mais la théorie de Braid évolua aussi, attachant primitivement

plus d'importance aux modifications physiologiques pour s'attacher

davantage aux psychologiques sans jamais cependant séparer tout

à fait ces deux ordres de faits. Bonnet et plus tard Gurney adoptent

des explications analogues : tout point de conscience active est

entouré d'un essaim d'images ou idées subordonnées le contrôlant

3'2 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.'

instinctivement ou subconsciemmentetdontil se trouve privé pen-

dant l'hypnose. Bernheim enfin admet aussi laconcentration sur un ici

foyer unique qui peut se déplacer sans que cette concentration

se dissolve; il y a à l'élat normal une tendance à accepter les

suggestions après examen seulement, tandis que dans l'hypnose

il y a une aptitude spéciale à la transformation immédiate de

de l'idée en acte, sans laisser à l'inhibition le temps d'interve-

nir. Tout le monde est suggestibie, même à l'état normal; mais

celui-ci ne diffère que par le degré de suggestibilité de l'hypno-

tisme qui n'est que le résultat de la suggestion d'une suggestibilité

plus grande.

Similitude du sommeil normal et du sommeil hypnotique, ana-

logie des phénomènes hypnotiques avec les actes automatiques

involontaires et inconscients de la vie normale, tendance de l'idée

à devenir actuelle, accroissement de la suggestibilité par la sugges-

tion, analogie des résultats de la suggestion hypnotique et de la

suggestion à l'état normal ; voilà les cinq propositions que M. Bram-

well combat de lui-même ou avec l'appui de Aloll, Hirsh, Spitta,

Lehmann, Sully, etc. Il différencie non seulement les deux genres

de sommeil, mais même les faits de somnambulisme naturel des

actes accomplis dans l'hypnose ; ceux-ci sont non seulemenl'diffé-

rents des actions automatiques naturelles, mais même tout à fait

opposés et exigent une répétition plus fréquente encore pour

prendre un caractère automatique. L'auteur nie la possibilité de

suggestions criminelles sur des sujets moraux, il n'admet pas l'im-

portance prépondérante et la puissance absolue de l'opérateur, le

sujet conserve un certain pouvoir personnel, ce qu'il démontre par

des observations frappantes et par des faits ou opinions de Beaunis,

Crocq, Richer, Brouardel, Gilles, Pitres, Charpignon, de Jong.

D'après Delbeuf, une suggestion qui serait refusée normalement

n'est pas acceptée dans l'hypnose; ce refus est aussi facile-dans

l'état léthargique profond que dans la somnolence légère; l'inté-

grité mentale et même raffinement du discernement sonttelsqu'une

suggestion qui aurait été admise dans la veille peut-être repoussée

dans l'hypnose pour une nuance tout à fait délicate. M.Bramwellne

s'accorde avecM. Bernheim que sur ce point : que la suggestion joue

un grand rôle pour provoquer les phénomènes hypnotiques. Quant

aux phénomènes de « rapport D, M. Bernheim en fait la seule diffé-

rence entre le sommeil normal elle sommeil hypnotique. Liébault, au

contraire y voit un point d'analogie. Mesmer ne connaissait pas le

rapport, M. Bramwel avec Braid et Moll n'admet le rapport que

comme fait suggéré. L'opérateur n'est qu'un mécanicien dirigeant

. les forces du sujet, forces qu'il ne crée ni ne met en jeu (Braid);

plusieurs sujets de l'auteur s'hypnotisent eux-mêmes.

Bernheim s'accorde seulement avec Braid sur le point capital du

monoïdéisme ou concentration exclusive de l'attention sur un point

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329 9

avec imitation de sa quantité. Beaunis et Gurney rejettent cette

théorie au moins pour les effets retardés de la suggestion, et avec

eux l'auteur montre que de nombreux phénomènes hypnotiques

peuvent être provoqués comme l'ont remarqué eux-mêmes les

monoïdéïsles. L hypnotisme serait au contraire poly-idéiste et

l'état normal monoïdéiste. La théorie de Myers, analogue aux doc-

trines de James, cherche à expliquer l'hypnotisme par la pluralité

des consciences. La conscience supraliminale, celle des faits cons-

cients psychiques volontaires, très limitée, supérieure s'est élevée

par l'évolution, laissant tomber au dessous d'elle le pouvoir de diri-

ger et contrôler les faits organiques (circulatoires, vasomoteurs, etc.)

confiés à la conscience subliminale, celle des faits subconscients

végétatifs, non contrôlables volontairement; faits sur lesquels la

volition peut reprendre son influence dans l'hypnose. La conscience

'subliminale est celle de l'hypnotisme. Elle est dissociative par son

pouvoir de séparer, d'isoler une forme de sensibilité (douleur), par

exemple, pour la suspendre. Elle est associative ou synthétique par

son pouvoir de grouper pour les suspendre en bloc des sensations

diverses et nombreuses n'ayant en réalité aucun autre bien que

celui d'être par exemple désagréables. La volition non anéantie n'a

que changé de forme, l'état moral persiste et arrête les suggestions

contraires au caractère de la personne soit par simple.refus, soit

en provoquant une crise, soit en rendant plus profond le degré de

léthargie. Myers ne craint pas de remonter jusqu'aux origines

ancestrales les plus reculées (ver, crustacé), pour expliquer des

phénomènes de conscience régressive et à un atavisme plus ou

moins proche pour les faits de double conscience. L'hypnotisme

enfin n'est pas un symptôme de l'hystérie, mais celle-ci est une

maladie du moi subliminal, un désordre du substratum hypnotique.

Braid, prévoyant l'explication des manifestations hypnotiques par

la dérivation de ces pouvoirs de quelque type inférieur l'avait com-

battue par les lois mêmes de l'évolution. La valeur suggestive de la

médecine générale exagérée par quelques auteurs (Witks, Andrew,

Hack Tuke), doit être ramenée à ses justes limites et n'être pas

confondue avec l'influence purement suggestive de l'homoeopathie

ou des pèlerinages (Lourdes, etc.). Est-il besoin de relever les cri-

tiques mal fondées de Bénédict, qui après avoir discute des expé-

riences qu'il n'a pas contrôlées, a refusé aux hommes de science

l'aptitude pour les investigations hypnotiques, et qui a prétendu

que tous les sujets sont des imposteurs ? Braid et Forel se sont fait

hypnotiser eux-mêmes; Braid, Wingfield, Bramwell, Heidenhain

ont endormi leurs amis, des médecins, des savants, leurs élèves,

leurs frères. Si la pratique de l'hypnotisme n'est pas inutile,

apportant souvent au moins le soulagement, elle n'est pas dan-

gereuse, elle l'est moins en tout cas que les narcotiques et anesthé-

siques. Il est regrettable que les procédés fallacieux de Mesmer, que

330 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

plus tard les présomptions un peu déconcertantes de Luys et sur-

tout que les représentations hypnotiques des théâtres et concerts

aient jeté une certaine défaveur sur ces- phénomènes. Hart a eu le

tort d'associer l'hypnotisme au spiritisme, à l'occultisme, aux

mahatmas, etc., et de l'exposer ainsi au discrédit que l'on fait trop

facilement tomber sur des savants qui s'appliquent à l'investiga-

tion scientifique de faits qui peuvent même leur paraître des impos-

tures qu'ils veulent dévoiler. N'est-ce pas l'investigation de Braid

dans le mesmerisme, qu'il regardait comme une fourberie, qui l'a

conduit à la découverte de l'origine subjective des phénomènes

hypnotiques ?

De ce volumineux mémoire il ressort que Braid et Myers ont

beaucoup contribué à donner une idée claire de l'état hypnotique,

tout en ajoutant aux difficultés de l'expliquer. La théorie de la cons-

cience subliminale donne au moins une conception nette de l'en-

semble du phénomène et de beaucoup de ses parties composantes.

. F. BOISSIER.

LX. L'analgésie du nerf cubital chez LES aliénés ; par Arvigo

GIANNONE. (Riv. di. pat. Hen'. et ment., fasc. 7. 1896.)

L'analgésie du nerf cubital ne peut être exclue du diagnostic entre

la démence paralytique et les autres psychopathies. Considérée en

elle-même, elle ne peut ni dans le tabes, ni dans la paralysie

générale, avoir une valeur pathognomonique ; toutefois elle peut

constituer-un signe d'une certaine valeur, lorsqu'il existe en même

temps quelqu'un des autres symptômes plus importants de ces

affections. La fréquence à peu près la même dans le tabès et la

paralysie générale est un nouvel argument en faveur de l'unité de

nature de ces deux formes morbides. J. Séglas.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXX. Alcoolisme aigu chez un enfant; par l'aI'IiES VEBEn. (Edim-

bourg médical Journal, juin 1897.)

. Ce cas, très intéressant en raison des accidents mortels qu'il a

présentés, mérite d'être rapporté, car il est rare d'observer chez

l'enfant des phénomènes d'alcoolisme aigu aussi intenses et aussi

nets.

Il s'agit d'une petite fille de cinq ans, bien portante, n'ayant

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 331

jamais eu de convulsions ni d'accidents nerveux, n'ayant pas l'ha-

bitude de boire de l'alcool, qui, un matin, à jeun, absorbe une

minime quantité de whisky. L'analyse a reconnu que la liqueur

n'était pas altérée. L'enfant présente bientôt un état de dépres-

sion nerveuse très marqué, avec tendance au coma et anesthésie.

On doit recourir par moments à la respiration artificielle pour la

ranimer. Au bout de neuf heures environ, la scène change, et l'en-

fant présente alors de violentes convulsions tétaniques. Bientôt les

convulsions cessent, et on observe alors des troubles circulatoires

avec dyspnée, cyanose et élévation de la température. L'enfant

meurt dans des conditions analogues aux cas d'état de mal épilep-

tique, trente-six heures après l'absosption du whisky, sans avoir

jamais repris connaissance.

L'auteur fait suivre ce cas de quelques considérations intéres-

santes et cherche à expliquer la pathogénie de ces graves accidents.

On sait que l'absinthe, prise à forte dose, produit parfois chez

l'homme des convulsions épilepliformes et, injectée aux animaux,

leur donne aussi des convulsions. Mais on n'a pas signalé les pro-

priétés convulsivantes du whisky.

Il est.vrai que les' enfants sont sujets, beaucoup plus que les

adultes, à présenter des convulsions à la moindre cause, et il peut

se faire que le whisky absorbé par cette enfant, l'estomac étant à

jeun, ait excité la substance grise corticale au point de produire cet

état convulsif, qui a amené la mort. Il n'y a donc pas de doute que

ces accidents, observés dans des conditions aussi nettes, ne relè-

vent de l'alcoolisme aigu. Ces accidents rappellent-ceux de l'état

de mal épileptique. P. RELLAY.

Nos lecteurs trouveront de nombreux renseignements sur

l'alcoolisme de l'enfance dans nos Comptes rendus annuels

de Bicètre de 1880 à 1896, et plus particulièrement dans

celui de 1896 où se trouve une statistique relative à l'in-

fluence étiologique de l'alcoolisme sur l'idiotie et plusieurs

observations sur l'alcoolisme infantile et la dipsomanie

de l'adolescence. L'eau-de-vie et le vin blanc produisent,

chez les enfants, les mêmes accidents que le whisky. 13.

XXXI. Obsession ET IMPULSION pyromaniaques chez une dégénérée

hystérique; par le D'' A. VIGOUROUX.

Bel exemple d'impulsion nettement dégénérative chez une

malade hystérique; depms deux ans l'idée obsédante de mettre le

feu surgissait dans l'esprit de la malade, dans des conditions déter-

minées, lorsqu'elle était seule.

Celle obsessiunétaitaccompagnée des phénomènes concomitants

332 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

classiques. Pour combattre l'obsession, elle recherchait la compa-

gnie. Mais, trois jours de suite, se trouvant dans les mêmes condi-

tions de solitude, elle obéit à l'impulsion et mit le feu à des bâti-

ments. On peut, jusqu'à un certain point, reconnaître ce qui appar-

tient à la dégénérescence mentale et ce que peut revendiquer

l'hystérie. -

En dehors même de l'obsession, qui est manifestement dégéné-

rative, des bizarreries de caractère, une coquetterie excessive, une

tendance irrésistible aux mensonges se sont manifestées dès le

premier âge, alors que l'hystérie ne paraissait pas devoir être

mise en cause, et doivent être rattachées à la dégénérescence héré-

ditaire.

Sur ce terrain est née l'hystérie, caractérisée par ses stigmates

classiques et par des crises d'étouffement; cette dernière, par le

rétrécissement du champ de la conscience, a provoqué une

amnésie qui explique en partie des contradictions multiples de la

malade dans ses ditlérents systèmes de défense, puis un amoindris-

sement de la volonté, une suggestibilité plus grande qui a peut-être

permis à l'idée obsédante de se. transformer en acte criminel.

(Annales médico-psychologiques, oct. 9-j.) E. B.

XXXII. DES variétés CLINIQUES du délire de persécution ;

parles D's TATY et Toy.

D'un long et intéressant mémoire s'appuyant sur près de deux

'cents observations, les auteurs tirent les conclusions suivantes :

Le délire des persécutions se présente en clinique avec une évo-

lution presque toujours régulière ; dans quelques cas rares, il ne se

montre qu'avec un caractère épisodique et, dans des cas plus rares

encore, certaines de ses phases sont inverties.

Les modes d'évolution régulière sont au nombre de quatre :

10 Dans 45 p. 100 des cas, le délire comprend une phase de per-

sécution, suivie d'une phase de mégalomanie et se termine par la

démence ; -,

2° Dans 23 p. 100 des cas, la démence y fait défaut, mais cette

forme n'est le plus souvent autre chose qu'un arrêt de développe-

ment de la première ; 1

3° Enfin, dans 32 p. 100 des cas, la phase mégalomaniaque

manque et le délire est susceptible de se terminer, et se termine en

fait assez souvent, par la démence.

Dans beaucoup de cas on retrouve, jusqu'à la fin, des idées de

persécution très nettes, mélangées aux idées mégalomaniaques

lorsque celles-ci se sont montrées. Du reste, le délire mégaloma-

niaque ne parait pas être de l'essence même du délire de persécu-

tion à évolution systématique progressive et n'en constitue pas, en

tout cas, une phase obligée. Il n'est que l'indice d'une faiblesse

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 333

intellectuelle consécutive, et plus souvent primitive du sujet chez

lequel s'est développé un délire de persécution.

4° Le délire de persécution semble parfois borner son évolution à

la période d'état, sans présenter ni phase mégalomaniaque ni

démence.

A côté des variétés évolutives régulières, on rencontre des

formes transitoires ou inverties. Tout d'abord celles qui concernent

le délire de persécution des héréditaires; elles éclosent souvent

brusquement chez ces malades, comme le font du reste chez eux

presque toutes les manifestations vésaniques ; elles n'y ont qu'une

valeur épisodique et disparaissent parfois comme ells sont venues.

Ces caractères n'ont rien d'absolu, et il ne faudrait pas croire que

ces formes soient seules symptomatiques de l'aliénation héréditaire

on observe, en effet, parmi les aliénés à antécédents héréditaires

avérés, toutes les formes évolutives possibles.

Quant aux formes inverties, dans lesquelles le délire de persécu-

tion est consécutif à un délire mégalomaniaque, elles sont rares et

ne s'observent guère que chez des faibles d'esprit, mais leur exis-

tence paraît hors de doute.

En dehors de ces différences d'évolution, il n'y en a pas d'autres

essentielles. Toutes les fois qu'il y a délire de persécution, le

tableau clinique reste sensiblement le même et les grands traits

caractéristiques et essentiels de la maladie, déterminés par Lassè,,ne

se retrouvent dans tous les cas. S'ils manquent, c'est qu'on n'a pas

affaire à des délires de persécution, mais bien à ces formes retirées

du groupe primitif par M. Falret (persécutés persécuteurs) ou par

MM. Ballet et Séglas (persécutés auto-accusateurs), dont les pre-

mières doivent être rattachées aux psychoses par malformations

cérébrales, et les secondes aux états mélancoliques qu'elles relient

par toute une série de degrés au délire de persécution-type.

(Annales médico-psychologiques, déc. 97.) E. B.

XXXHL Considérations 31ÉDICO-LI.G : 1LES sur LES folies éroto-choréi-

QUES; par le Dr HERSMAN.

Une enfant de treize ans, à l'imagination exaltée, choréique,

masturbatrice, accuse l'instituteur de son école de l'avoir violée.

Elle raconte à quelques-unes de ses amies qu'elle peut bien avoir

rêvé tout ce qu'elle dit. De plus, à l'audience, tout en maintenant

son accusation, elle dit qu'elle a aussi vu en rêve sa mère avoir des

rapports avec ce même instituteur. Malgré les réponses claires et

précises de l'instituteur paraissant établir son innocence, le jury

rendit un verdict de culpabilité.

Sur-le-champ, l'auteur envoya à de nombreux aliénistes et neu-

rologistes, les questions suivantes : 1° Connaissez-vous des cas de

folie choréique ayant donné lieu à des accusations de viol ? 2° Avez-

334 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

vous connu des filles atteintes de folie choréique et en même temps

masturbatrices et nymphomanes ? 3° Une telle malade peut-elle

avoir été si frappée par un rêve voluptueux qu'elle puisse venir en

affirmer sous serment la réalité ? 4° Un homme peut-il courir des

risques d'être accusé d'actions criminelles lorsqu'il vit dans la

société de pareilles enfants ?

La plupart des réponses furent négatives sur la première ques-

tion. Quelques exemples de masturbation et de nymphomanie

furent cités, au sujet de la seconde question ; toutes les réponses

aux troisième et quatrième questions furent affirmatives. (The alie-

nist and neurologist, juillet 189-j.) E. B.

XXXIV. PROGRÈS réalisés en neurologie ET LEUR relation avec la

' psychiatrie ; par le Dr SACIiS.

Dans une intéressante allocution prononcée devant l'Association

znédico75elLOl0yiC12le américaine, à Baltimore, l'auteur montre

d'abord l'union intime existant entre la neurologie et la psychia-

trie, union telle que l'étude de la psychiatrie est nécessaire à qui

veut approfondir celle de la neurologie. Il passe ensuite en revue

les progrès marqués réalisés au cours de ces dernières années dans

la connaissance de l'anatomie et de la physiologie du système ner-

veux.

La psychiatrie, en dehors de notions plus précises sur les hallu-

cinations et les interprétations délirantes, n'a encore recueilli que

peu de fruits de ces découvertes, mais l'avenir est plein d'espé-

rance. Sans méconnaître l'aide qui peut venir pour l'étude de la

psychiatrie des laboratoires d'anatomie, de physiologie el de psy-

chologie, il ne faut pas oublier les résultats importants que donne

l'observation technique.

Ce qui doit attirer tout particulièrement l'attention de ceux qui

s'occupent des maladies mentales, ce sont les relations de la folie

avec l'organisme entier, avec les autres maladies du système ner-

veux aiguës et chroniques, et par-dessus tout l'influence des poisons

variés, organiques et inorganiques, sur la structure cérébrale. (Alile-

rican Journal of inscclzity, juillet 1897.) E. B.

XXXV. NOTES sur l'aura épileptique avec relation DE QUELQUES

formes rares; par le Dr Pierce Clark.

L'étude de l'aura épileptique présente de nombreuses difficultés

car les phénomènes étant purement subjectifs, le récit du malade

doit être examiné attentivement, les divers récits doivent se corres-

pondre exactement, avant d'être considérés comme une significa-

tion neurologique.

Après quelques considérations générales sur l'aura épileptique,

REVUE DE pathologie mentale. 335

l'auteur rapporte-douze cas de formes rares. Cas 1 : avant sa

crise, le malade prononce à plusieurs reprises la phrase « nicht

wiedersehen, » dont il ne connait pas la .signification, et chaque

fois qu'il la prononce de nouveau, le ton devient plus élevé.

Cas 2 : la scène commence par un sentiment indéfinissable de peur,

puis le malade tombe dans l'abattement et fond en larmes en pous-

sant parfois de 'grands cris. Cas 3 : douleur dans l'hypochondre

gauche localisée dans les muscles. Cas 4 et 5 : une demi-heure

avant chaque attaque, le malade tombe dans un état de rêve qui le

rend incapable d'accomplir l'acte le plus simple. Cas 6 : dix à

douze heures avant la crise, migraine violente localisée à la tempe

gauche. Cas 7 : spasme clonique des masseters. Cas 8 : dans la moi-

tié des cas, la crise est précédée par une sensation d'odeur de

fumée de bois. Cas 9 : dix ou douze heures avant l'attaque, le ma-

lade perd toute sensibilité de la moitié antérieure de la langue.

Cas 10 : douleurs lancinantes à la partie moyenne de la cuisse

gauche. Cas 11 : sensation d'engourdissement sur toute la périphé-

rie. Cas 12 : sensation de froid sur la région lombaire. (Americcala

Journal of insanily, octobre 189î.) E. C.

XXXVI. JAMES Braid chirurgien ET iiypnologistk ; par 1`I1L\G '

Bauv-ELL. part. L1XI11, 1806.)

L'auteur, qui depuis longtemps s'est attaché à faire connaître

toute l'oeuvre de Braid, qu'il possède à fond, nous montre celui-ci

en 1811 assistant pour la première fois chez Lafontaine à une

séance mesmérique, à une époque où cet ordre de phénomènes

était regardé par les uns comme dû à l'influence d'un fluide mys-

térieux, et par d'autres comme l'effet d'une habile supercherie.

Braid partageait cette dernière opinion. Mais ayant été frappé de

quelques détails, il voulut les reproduire, y réussit, chercha une

explication scientifique et prouva la nature subjective de l'hypno-

tisme auquel il donna ce nom. Mais il fallut un labeur progressif,

une évolution assez longue pour permettre à Braid de dégager

complètement ses théories de quelques causes d'erreur. Accordant

d'abord au côté physique des phénomènes une grande part, il en

arriva peu à peu à la prépondérance des influences psychiques,

renonça définitivement en 1844 aux erreurs de laphrénologie, créa

le mot et la doctrine de la q double conscience »; expliqua la

prétendue action des passes, aimants, drogues, etc., par la seule

suggestion, par des démonstrations rationnellement et rigoureuse-

ment scientifiques. On connaît fort mal l'oeuvre de Braid et seule-

ment par ses premiers ouvrages encore imparfaits notamment par

saNeurhypnologie; c'est par les derniers qu'il faudrait le juger et

par ceux qui sont restés peu répandus. M. Bramwell a retrouvé plus

de 40 mémoires différents de Braid dont la plupart rarissimes et

336 REVUE DE pathologie mentale.

dont plusieurs n'existent plus qu'au 13ritisli Muséum. Une notion

meilleure des travaux de ce grand homme eût évité, selon l'auteur,

bien des erreurs à l'école de la Salpêtrière et à celle de Nancy.

F. BOISSIER.

.XXXVII. Délire grave; par le D'' Rowley.

Le terme ancien de phrénilis, ceux plus modernes de délire

aigu, de manie grave, de typhomanie, de maladie de Bell, de

manie délirante aigué, et de délire grave sont employés pour dési-

gner, d'une façon générale, un même groupe de symptômes. Ce

n'est que récemment que l'on a accordé au délire grave une place

définie comme entité clinique, dans la classification des maladies

mentales.

L'auteur cite une liste de 15 cas de délire grave traités au cours

des onze dernières années à l'asile de Michigan et rapporte quel-

ques-unes des observations les plus intéressantes. Dans tous les cas

la symptomatologie a été celle de l'excitation.

Au moment du début, aucun des malades n'était dans de

bonnes conditions, tant mentales que physiques. Le début, dans

tous les cas, a été soudain, avec grande élévation de la tempé-

rature. Dans plusieurs cas, l'examen des urines a montré de l'albu-

mine et un excès de phosphates. Gâtisme dans la majorité des

cas. Sur quinze cas il y a eu douze morts, deux guérisons, et un

cas terminé par la démence. (American journal of insnnity, avril

1897). E. B.

XXXVIII. CINQ cas d'hystérectomie dans la folie; par le D' Aven-

port. (American journal of insanity, avril 1897.)

Si quelques praticiens exagèrent l'importance des désordres

pelviens comme facteurs de la folie et fondent des espérances trop

grandes sur le traitement de ces désordres, il n'en est pas moins

vrai que l'attention de l'aliéniste doit se porter sur ce côté étiolo-

gique. Sur 387 femmes examinéesà cet égard à l'asile de l'Illinois,

26 seulement étaient tout à fait indemnes du côté des organes pel-

viens. Au cours de ces deux dernières années, cinq cas d'ablation de

l'utérus et de ses annexes ont été pratiqués dans cet asile : il y eut

un cas suivi de mort, un cas suivi de guérison du désordre mental

et sur les trois autres malades, l'une, une épileptique, fut un peu

améliorée et les deux dernières, améliorées physiquement, restè-

rent aliénées.

L'auteur estime que les conditions pathologiques des organes

pelviens peuvent aggraver la folie, servir de causes occasionnelles,

mais ne peuvent la déterminer par elles-mêmes, à moins de pré-

dispositions spéciales. g, I;.

REVUE DÉ PATHOLOGIE MENTALE. 337

XXXIX. Carcinome DU PYLORE avec mélancolie ET délire HYPOCHON-

DRIAQUE; par le Dr ŸALHER.

Contribution à l'étude des rapports de l'aliénation mentale avec

les maladies viscérales.

Il s'agit d'un malade admis à l'asile en juin 1890, pour délire

mélancolique avec idées hypochondriaques, vomissements, dys-

pepsie, refus de nourriture.

En présence de la fréquence de ces symptômes dans l'hypo-

cbondrie ordinaire, l'existence d'un carcinome du pylore ne put

être diagnostiquée que peu de temps avant la mort.

L'existence du carcinome remontant au moins à un an et celle

de la mélancolie ne datant que de six mois, il est permis de voir

entre les deux affections des rapports de cause à effet. (American

iournal of izzsanity, avril 4897.) E. B.

XL. Hématome DOUBLE DE l'oreille; par le Dr Carter.

Les hématomes de l'oreille deviennent de moins en moins fré-

quents à mesure que se généralisent les méthodes plus douces de

traitement des aliénés et que les aliénés sont mieux surveillés.

Le traumatisme peut, en effet, être considéré comme un des fac-

teurs principaux, bien qu'il ne soit pas toujours prouvé : la dégé-

nérescence des branches delà carotide peut aussi intervenir comme

cause prédisposante.

L'auteur rapporte le cas d'un malade atteint de manie chronique

et qui entra à l'asile avec un hématome double et volumineux de

l'oreille. Les deux tumeurs furent incisées, vidées et l'on fitdes irri-

gations des cavités avec une solution boriquée en même temps

qu'une injection avec une émulsion d'airol.

En raison de l'excitation du malade qui arrachait tous ses panse-

ments, on dut lui fabriquer une sorte de casque doublé de coton

et étroitement appliqué pour maintenir le pansement. (American

journal of insanity, avril 1897.) . E. B.

LXI. Manie errante (dédoublement de la conscience d'origine alcoo-

l ligue) ; par le D1' BERKLEY.

Les conditions mentales connues sous le nom de dédoublement

'de la conscience sont assez rares et se rencontrent, par ordre de

fréquence, dans l'épilepsie, le somnambulisme, les traumatismes

céphaliques et les excès alcooliques. La littérature médicale est peu

riche en faits se rapportant à ce dernier facteur, puisque l'auteur

n'a pu en trouver un seul cas authentique. L'observation présente,

des plus complètes autant qu'intéressante, a trait à un homme

de vingt-cinq ans qui, jusqu'à l'exposition de Chicago, n'avaitjamais

Archives, 2e série, t. V. 22

338 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

usé de stimulants alcooliques. Là il se livra pendant plusieurs se-

maines à de nombreux excès alcooliques à la suite desquels son entou-

rage s'aperçutdu bouleversement de ses qualités de jugement et de

raisonnement en même temps que de la disparition de sa mémoire,

mais le malade continua néanmoins la gestion de ses affaires.

Sous l'influence d'idées délirantes de persécutions, avec hallu-

cinations, il commença dès lors une série de pérégrinations, tout

en s'occupant toujours de ses affaires. Il continue de plus d'écrire

régulièrement à sa mère des lettres dans lesquelles il fait part de

son désir de se cacher de créanciers imaginaires : ces lettres, sauf

celles qui ont précédé immédiatement l'internement, sont souvent

fantaisistes, sans être jamais incohérentes; l'écriture en est gros-

sière, l'orthographe incorrecte et le style général modifié.

Au moment de son internement en octobre 1894, ce malade

était atteint de manie aiguë alcoolique. Lorsque les symptômes

aigus furent atténués on s'aperçut que depuis le mois de juillet 1894,

époque où il avait commencé ces excès alcooliques, le malade ne

se rappelait de rien, ni de ce qu'il avait fait, ni des endroits qu'il

avait visités, ni des lettres écrites et lorsqu'on mit sous ses yeux les

lettres écrites à sa mère, il en critiqua de suite les fautes d'ortho-

graphe et de style en s'étonnant d'avoir pu écrire de telles lettres.

Et pendant ces quatre mois, ce malade avait erré à travers l'Amé-

rique du Nord, porteur de sommes importantes, ayant écrit des

lettres d'affaires, de famille, sans qu'aucune trace en soit restée dans

son esprit. Les idées de persécutions avec hallucinations persistè-

rent jusqu'en janvier 1895, époque où le malade put retourner

guéri dans sa famille : le souvenir des quatre mois passés en

pérégrinations était toujours nul.

A beaucoup d'égards, ce cas ressemble au somnambulisme ambu-

latoire. Comment pareille inhibition de la mémoire peut-elle être

expliquée ? peut-être pourrait-on émettre l'hypothèse que les exci-

tants périphériques ne pénètrent pas à travers les voies ordinaires

jusqu'aux centres accoutumés, les voies de transmission de la sen-

sibilité des appareils périphériques aux terminaisons nerveuses

rétiniennes et auditives étant affaiblies, émoussées par les toxines

contenues dans le sang. (American journal of insq ? zity, avril 1897.)

E. Blin.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. L'assistance ET LE classement DES aliénés EN BELGIQUF,; par le

1)' PEETERS. (Bull. de la Soc. de médecine mentale de Belgique, 1897,

n', 86.)

Le Dr Peeters se plaint, dans ce travail, qu'on envoie à la colonie

de Gheel, dont il est le médecin-directeur, des malades auxquels

ce mode d'assistance ne convient pas. Pour remédier à cet incon-

vénient il propose d'appeler l'attention des autorités sur la néces-

sité d'un classement méthodique des malades ; de leur faire con-

naître brièvement les caractères qui distinguent le patronage

familial du régime des asiles fermés et d'indiquer à grands traits

quelles sont les catégories de malades qui doivent jouir de préfé-

rence de tel ou tel mode d'assistance.

Au le' janvier 1897 la population de la colonie de Glieel com-

prenait 1983 malades ; sur ce nombre on comptait 716 idiots ou

imbéciles, et 373 aliénés atteints de folie systématisée progressive.

Viennent ensuite, par ordre décroissant, des déments, des mélan-

coliques, des maniaques, des paralytiques généraux, etc. On

trouvera en outre, dans ce travail, quelques renseignements intéres-

sants sur les conditions dans lesquelles s'exerce le patronage fami-

lial en Prusse et en Ecosse. G. D.

II. A PROPOS DE LA REVISION DE Li CLASSIFICATION OFFICIELLE DES

MAUDIES mentales ; par le Dr X. FRANCOTTE. (Bull. de la Soc. de

médecine mentale de Belgique, septembre 1897.)

En qualité de professeur de clinique psychiatrique, M. Francotte

propose de grouper les maladies mentales dans l'ordre suivant :

1° les psychoses affectives (manie et mélancolie) ; 2° la folie pério-

dique; 3° le délire généralisé, affection qui correspond jusqu'à un

certain point à la confusion mentale des Français, à la verwirtlaeil

des Allemands, à l'amerzfia de Meynert ; 4° la paranoïa; 5° les

démences ; 6° la paralysie générale ; 7° les folies névrosiques (folie

neurasthénique, hystérique, épileptique, etc.), 8° les folies toxiques;

9° la folie morale; 10° les parapsyclzies ou folies dégénératives (insta-

bilité mentale, phobies, obsessions, etc.); 11° les arrêts de dévelop-

pement (crétinisme, idiotie, imbécillité, etc.). G. DENY. ,

30 asiles d'aliénés.

III. LES DEVOIRS civiques ET les responsabilités DES médecins

ENVERS l'état; par le D1' John PUNTON.

Si les sciences médicales ont pris un développement intense au

cours de ces dernières années ; en revanche, jamais la profession

médicale n'a été aussi enviée, aussi jalousée, ne s'est trouvée dans

une situation aussi instable. Autrefois respectée, jouissant d'une

influence universelle, la profession médicale n'est plus maintenant

considérée que comme un commerce, un trafic.

Les temps ne sont plus où le docteur n'était pas reniement le

médecin, mais encore un conseiller autorisé et écoulé dans les

diverses affaires de l'Etat. A l'heure actuelle, les médecins parais-

sent se désintéresser des affaires publiques. Aussi M. Cleveland,

dans un récent discours, regrette-t-ii cet état de choses et pense-

t-il que les grandes découvertes de la médecine moderne seront

'chèrement payées, si les médecins, absorbés par les préoccupations

scientifiques, se désintéressent de la prospérité publique. Tout

citoyen, en général, doit porter intérêt aux affaires de son pays ; -e

les médecins ne forment pas exception à cette règle, et cela d'au-

tant mieux que, dans l'administration générale des affaires pu-

bliques, l'expérience du médecin devient nécessaire pour la solution

de nombreux problèmes sociologiques, par exemple les questions

relatives à la folie, à l'éducation des enfants, aux besoins des

classes pauvres, aux faibles d'esprit, etc. Aussi les médecins doi-

vent-ils cesser d'ignorer que les affaires de tous sont en même

temps leurs affaires propres et doivent les intéresser au même titre

que leurs devoirs professionnels. (Tite alienist and neurologist,

juillet 1897.) E. BLIN.

IV. DE l'utilité DES NOTES mensuelles ; par le Dr HOSPITAL.

L'article 12 de la loi du 30 juin 1838 dit que « ... le médecin

sera tenu de consigner eur ce registre, au moins tous les mois, les

changements survenus dans l'état mental de chaque malade... »

L'auteur, dans un article rempli de détails intéressants sur le

fonctionnement des asiles et les occupations multiples du médecin-

directeur. montre, avec exemples à l'appui, de quelle importance

est la tenue régulière de ces notes mensuelles, non seulement en

ce qui concerne la connaissance des malades, mais encore au point

de vue criminel, au point de vue administratif et au point de vue

du Code civil. (Annales m<Mtco-p/c/t<06 ? <M, déc. 97.) E. B. ? Ecoles professionnelles d'infirmiers dans LES hôpitaux

d'aliénés ; par le D1' WISE.

J Jisqu'à l'époque actuelle, il n'a pas été offert; au personnel

asiles d'aliénés. 3 'ri

chargé de la surveillance et des soins à donner aux aliénés d'en-

courageinents suffisants pour engager à ces fonctions des personnes

susceptibles d'acquérir l'instruction professionnelle nécessaire pour

les hôpitaux modernes d'aliénés. Pour engager et retenir les can-

didats désirables pour ces écoles professionnelles, il est nécessaire

de faire une classe à part des élèves de ces écoles professionnelles;

sans cette distinction des infirmiers d'avec les autres serviteurs de

l'hôpital, les modifications que l'on pourra apporter n'auront qu'un

caractère illusoire.

Une des principales causes d'ennui, d'après l'enquête de l'auteur,

chez le plus grand nombre d'infirmiers de premier ordre ayant

quitté les asiles, consistait dans la vie commune avec des infirmiers

ignorants et grossiers : une différence de titre seule exercera une

distinction, une séparation suffisante entre les différentes classes de

gardiens. C'est ce qui a déjà été expérimenté avec les meilleurs

résultats dans l'état de New-York où les directeurs, de concert avec

la commission des asiles, ont divisé les gardiens en différentes

classes, distinguant des serviteurs ordinaires les élèves des écoles

professionnelles : lorsque ces derniers ont obtenu le diplôme, ils

sont titularisés infirmiers proprement dits et reçoivent une paye

plus élevée. Le résultat de cette distinction a été d'encourager des

personnes d'un niveau intellectuel et moral supérieur à entrer dans

la carrière.

Chaque fois que cela serait praticable, il serait désirable aussi

d'établir une distinction dans les conditions d'existence : les infir-

miers devraient avoir un mess à part; les fonctions sociales seraient

possibles seulement aux infirmiers proprement dits et aux can-

didats. IL y aurait, delà sorte, une émulation constante, une mar-

che vers un ordre de choses plus élevé, des plus profitables a la

valeur et au travail. Dans les promotions, les infirmiers titulaires

et les candidats avancés auraient la priorité, même si la nomina-

tion d'un serviteur ordinaire paraissait préférable à un titre quel-

conque : ce devrait être une règle absolue. Les élèves de l'école pro-

fessionnelle ne pourraient être susceptibles d'être mis sur une liste

de promotion que lorsqu'ils seraient dans la division supérieure

de l'école ; ils ne pourraient passer de la première division dans la

division supérieure qu'après que leur capacité intellectuelle, phy-

sique et morale aurait été mise à l'épreuve. L'incompétence sur

l'un de ces points serait un obstacle absolu à l'avancement et ce

dernier s'il était accordé, serait ainsi par lui-même une preuve

d'aptitude.

Dans beaucoup d'écoles professionnelles, la base de l'enseigne-

ment a consisté jusqu'à présent dans des lectures; c'est une erreur.

et la lecture ne devrait être qu'un supplément de la classe et de

l'instruction clinique. Une innovation heureuse introduite dans

certains asiles a été de faire aux simples serviteurs des lectures sur

342 asiles d'aliénés.

l'organisation générale de l'asile et les soins à donner aux ma-

lades ; mais ces lectures ne constituaient en rien une école profes-

sionnelle.

Dansles grands hôpitaux publics pour les aliénés, il existe un assez

grand nombre de maladies générales pour en former un service

spécial dans lequel tous les élèves de l'école passeraient trois mois,

afin d'apprendre aussi bien les soins à donner au corps que ceux

à donneraux maladies du cerveau. Le nombre des gardiens devrait

être tel que l'on puisse fournir des infirmiers diplômés au dehors,

ce qui ne manquerait pas de répandre dans le public l'idée des

bienfaits l'hôpital, et établirait la renommée de l'école profession-

nelle.

Lorsqu'un candidat se présente pour entrer à l'école, il est utile

de lui exposer en détail la distinction existant entre un hôpital gé-

néral et l'hôpital spécial d'aliénés, afin d'éviter toute désillusion.

Il faut remarquer que les infirmiers, réellement dévoués à leur

service, instruits dans les hôpitaux d'aliénés sont préférables aux

infirmiers instruits dans les hôpitaux généraux, même encequicou-

cerne les soins à donner au corps, car l'éducation dans les hôpi-

taux d'aliénés donne des qualités de patience, de tact et d'obser-

vation des moindres symptômes nerveux qu'on ne rencontre pas

aussi développés dans les services ordinaires.

Dans les efforts enthousiastes d'un début, un défaut peut se pré-

senter, celui de compliquer les études de détails théoriques inu-

tiles ; toute tentative ayant pour but de faire des psychologues en

deux ans aurait des résultats déplorables; il faudra de même éta-

blir une ligne bien tranchée entre les soins à donner aux malades

et la médecine proprement dite.

Pour réunir les meilleures chances de succès, une école profes-

sionnelle devra posséder un programme bien mûri, aux délimita-

tions précises, et préparé à l'avance pour l'ensemble du cours et

pour chaque jour en particulier ; le programme devra être le

même pour toutes les écoles.

Depuis deux ans les écoles d'infirmiers ont fonctionné dans l'étal

de New-York, et, après deux années de cours, les candidats qui ont

satisfait à l'examen ont reçu, en même temps qu'une paye supplé-

mentaire, le litre d'infirmier, les différenciant des serviteurs ordi-

naires. (American Journal of insanity, oct. 189 ï.) ' E. B.

BIBLIOGRAPHIE.

VII. REVUE DES thèses DE Bordeaux (suite)1. , , .

14. Essai critique sur le réflexe cutané abdominal (réflexe de Rose-

bach) ; par M. E.-P.-X. MAYER.

Le réflexe abdominal existe à peu près constamment chez

l'homme sain.

Dans les maladies autres que celles du système nerveux, il n'a pas

une bien grande valeur comme symptôme. Dans les hémiplégies

organiques, il manque souvent, mais non d'une façon certaine, du

côté hémiplégie. Dans la sclérose en plaques, il est ordinairement

aboli. Dans les myélites, il a une grande importance pour aider à

déterminer le siège et l'étendue de la lésioii. Daiisle tabès, l'hystérie,

sans avoir la valeur que lui accorde Rosenbacb, a cependant une

certaine importance au point de vue diagnostique. Dans les autres

maladies du système nerveux, paralysie générale, paralysie agi-

tante, etc., les éléments manquent pour motiver un jugement.

15. Les Idées de Descartes sur la physiologie du système nerveux;

par P.-L. MUL.

16. Contribution et l'étude des délires oniriques ou de rêve. Délires

infectieux et toxiques; par A.-G. PICIION.

Intéressant travail consacré au développement de l'opinion sou-

tenue dans ces dernières années par M. Régis, que le délire auto-

loxique et infectieux, différent des délires vésaniques, appartient à

la catégorie des délires oniriques ou de rêve et que le délire oni-

rique ou de rêve est, d'une façon générale, caractéristique des étals

d'intoxication, quels qu'ils soient. Les conclusions de l'auteur sont

les suivantes :

Les symptômes psychiques des délires infectieux et des délires

toxiques sont identiques : ils présentent les caractères de l'étal de

rêve.

Le délire est d'abord et surtout nocturne ; il se manifeste prin-

cipalement dans les périodes hypnagogiques et se prolonge dans

1 Voir Archives de Neurologie, n" 27, p. 260.

344 BIBLIOGRAPHIE.

le sommeil ou après le réveil. Il est formé par rappel d'images ou

de souvenirs antérieurs. Il y a intervention de la réalité ambiante

dans le délire. Il présente des hallucinations surtoutvisuelles : elles

sont généralement terrifiantes ou professionnelles. Il se compose

de scènes de rêve, mobiles, variées, mais suivies. Le malade est

acteur, il est comme dans un rêve somnambulique. Le délire peut

être suspendu par une intervention extérieure. Le malade perd

la notion de temps. La guérison est fréquemment suivie d'amné-

sie, portant. sur la totalité ou une partie du délire. Ces délires

sont donc des délires oniriques ou délires de rêve.

L'identitédes délires infectieux etdes délires toxiques est un argu-

ment déplus et un argument puissant en faveur de l'origine toxique

du délire infectieux. Il est donc permis de supposer que tous les

délires oniriques sont dus à une intoxication.

17. Le délire prophétique. Elude historique et clinique;

par M. paouvosr.

Le délire prophétique, tel que l'auteur l'a envisagé, est un état de

délire hallucinatoire caractérisé par la croyance à une communi-

cation avec un être surnaturel et se traduisant plus spécialement

par l'annonce d'événements futurs. Le délire prophétique a existé

de tout temps; il existe encore et existera selon toute apparence

toujours, autant du moins que durera l'esprit de crédulité, de

superstition et de recherche de l'avenir.

A toutes les époques, le délire prophétique a été considéré par

la grande masse des peuples comme un phénomène réel d'inspi-

ration surnaturelle. Toutes les religions en ont distingué deux

espèces : l'une divine, l'autre démoniaque.

Envisagé à la lueur de nos connaissances scientifiques actuelles,

le délire prophétique nous apparaît non comme une entité morbide,

mais comme un syndrome délirant, comprenant deux types

distincts : 1° le délire prophétique vésanique ou des aliénés, suscep-

tible de se présenter dans la plupart des formes de folie, particuliè-

rement dans la dégénérescence mentale où il revêt les caractères

habituels des délires mystiques, avec hallucinations oniriques spé-

ciales ; 2° le délire prophétique hystérique ou des névropathes, le

plus fréquent comme aussi le plus typique. Ce dernier type de

délire peut se manifester soit épicléntiquernertl par des caractères

parfois aigus, soit isolément sous une forme plus ou moine atténuée.

Il faut distinguer les cas où le délire s'accompagne de phéno-

mènes convulsifs et où il représente la phase délirante d'une atta-

que hystérique, et ceux où il se montre seul, en dehors de tout

phénomène de ce genre. Il constitue alors soit une attaque hysté-

rique réduite à sa dernière période, soit, ce qui en est l'équiva-

lent, une attaque de somnambulisme spontané ou provoqué.

BIBLIOGRAPHIE. 345

Cliniquement, la communication du prophète et de l'être surna-

turel s'accomplit sous deux états psychopalhologiques différents.

Dans l'un, le sujet reste distant de son inspirateur. 11 le voit devant

lui (hallucination visuelle contemplative) ; en tout cas, il l'entend

sous forme de voix auditive (hallucination psycho-sensorielle) et

transmet ensuite ses paroles à la façon d'un interprète. Il n'est alors

qu'un agent de transmission entre le consultant et l'oracle, entre

l'interrogeant et l'interrogé. Dans l'autre état, le sujet s'incorpore

à son inspirateur. Il y a prise de possession, incarnation du pro-

phète par l'être surnaturel, qui le pénètre. Ici, le malade ne voit

pas son Dieu ou son démon, il ne l'entend pas non plus, puisqu'il

est en lui. Mais il le sent parler par sa bouche (hallucination ver-

bale psycho-motrice) et se substituer à lui. Son moi peut alors se

dédoubler entièrement et sa personnalité seconde ou délirante

prononcer des paroles, sans que sa personnalité propre en ait

conscience.

Le délire prophétique s'aggrave surtout par l'attention dont il

est l'objet et le bruit fait autour de lui, en même temps que, de

son côté, il agit par contagion sur le public. La première indica-

tion thérapeutique, en dehors du traitement habituel des états de

ce genre, consiste donc à faire le calme et le silence autour du

prophète, de façon à empêcher l'action réciproque du milieu

ambiant sur le malade et du malade sur le milieu ambiant.

Et dans le cas où le mal est fait, où l'épidémie est déjà déclarée,

il importe d'intervenir au plus tôt, en séparant les uns des autres

les co-délirants par des mesures appropriées. Le foyer s'éteint ainsi

plus ou moins promptement.

18. Contribution ci l'étude de la paralysie générale aiguë; -

par E.-F. Richault.

Ce travail contient simplement quelques observations de para-

lysie générale à marche rapide. Il ne s'occupe pas de la paralysie

générale des maladies aiguës.

19. Contribution à l'étude des rapports de l'hystérie et de la paralysie

générale; par J.-V. ROBErjT..

La question des rapports de l'hystérie et de la paralysie générale

comprend deux termes : 1° l'association hystéro-paralytique

2" le diagnostic différentiel de la névrose et de la maladie orga-

nique.

Dans l'association hystéro-paraly tique, l'hystérie peut être préexis-

tante ou consécutive à la méningo-encéphatite. Les cas du premier

genre sont très rares. Il est peu fréquent d'observer des antécé-

dents névropathiques très caractérisés chez les paralytiques gêné-

346 BIBLIOGRAPHIE.^

raux et lorsque le fait existe, la maladie organique, comme l'avait

signalé M. Régis en 1882, a une marche, une durée et des allures

particulières, marche rémittente, durée plus longue, délire hysté-

rique venant par bouffées se montrer sur le fond démentiel de la

paralysie générale. Par contre, les accidents hystériques sont fré-

quents, bien qu'il n'en soit guère fait mention dans le 'cours de la

méningo-encéphafite. Se trouve-t-on dans ces cas en présence

d'hystérie essentielle ? Non. Il n'y a là que des phénomènes hysté-

riformes qui sont à l'hystérie vraie ce que les attaques épilepti-

formes sont à l'épilepsie. Enfin, l'hystérie peut emprunter le masque

de la paralysie générale, et la démasquer est chose parfois difficile.

Les symptômes moteurs peuvent être identiques. C'est surtout

d'après les caractères des troubles intellectuels et la marche de la

maladie que l'on pourra établir le diagnostic.

20. De l'Ereuthophobie ou Obsession de la rougeur émotive; par

RÉGNIER.

Ce travail, consacré à l'étude de la très curieuse obsession décrite

par MM. Pitres et Régis au congrès de Nancy, développe les idées

de ces auteurs et contient un certain nombre d'observations, signa-

lées seulement dans leur mémoire paru dans les Archives de Neuro-

logie.

21. La Sorcellerie (ses rapports avec les sciences biologiques) ;

par J.-E.-J REGNADLT.

Ceci n'est plus une simple thèse. C'est un volume de 352 pages,

très remarquable et des plus documentés, sur la sorcellerie, par un

jeune travailleur, adonné depuis plusieurs années à l'étude et à

l'observation de l'occultisme et de ses pratiques. Nous nous bornons,

pour donner une idée de son importance et de son intérêt, à indi-

quer la matière de ses principaux chapitres.

Chapitre 1 ? - La sorcellerie dans les différentes races humaines.

(Les amulettes chez l'homme fossile. La sorcellerie dans la race

noire. La sorcellerie dans la race brune. La sorcellerie dans la race

rouge. La sorcellerie dans la race jaune. La sorcellerie dans la race

blanche.)

Chapitre IL-Rapports de la sorcellerie avec les principales reli-

gions : (1° avec le brahmanisme ; 2° avec le boudhisme; 3° avec

l'islamisme; 4° avec le christianisme.)

Chapitre ni. Conséquences de la croyance aux sortilèges. (Chez

les peuples sauvages : guerres, sacrificeshumains. Chez les peuples

dits civilisés : autrefois, procès iniques, tortures; aujourd'hui, folies,

haines, crimes. Affaire du Moulin-Grand. Affaire Jean Fort.)

BIBLIOGRAPHIE. 347

Chapitre iv. Pratiques des sorciers. (1° Comment on devient

sorcier : hérédité, initiation, épreuves, étude des grimoires; le

pacte ; développement du prestige du sorcier, succès thérapeutiques ;

2o la fascination ; 3° les ligatures : chevillement, embarrure, ligature

de l'aiguillette ; pratiques usitées pour combattre ces maléfices ;

4° incubât et succubat : généralités; possession involontaire; pos-

session des sorciers ou coït avec Satan ; possession des spirites ou

coit avec un esprit matérialisé ; possession des magiciens ou « coït

astral 50 lycanthropie et autres métamorphoses : loups garous;

métamorphose active ; métamorphose passive ; 6° envoûtement :

.1. Envoûtements d'amour : secrets de se faire aimer, recettes

diverses, philtres. B. Envoûtements de haine : a) par la figurine

de cire; b) par la photographie ; c) par le crapaud ; d) par le coeur

percé ; e) par le mauvais oeil ; f) à l'esprit volant; g) par la messe;

h) par le cierge bénit. Cartel d'envoûtement; contre-envoûtements,

désenvoûtements : substitution, procédé du choc en retour, zoothé-

rapie ; envoûtement triangulaire ; 7° sortilèges divers.)

Chapitré v. Les sorciers (1° vrais sorciers; 2° pseudo-sorciers :

A. Malades atteints d'aliénation mentale. B. Charlatans et escrocs :

a) dans les villages; b) dans les grandes bourgades ; c) dans les villes.)

Chapitre vi. Les Maléficiés. (Des maléficiés en général. Le

maléficié est-il possédé par un être surnaturel ? A) Maléficiés n'ayant

subi l'action d'aucun sorcier : 1° malades dont la nature des

lésions a été méconnue; 2° aliénés ; 3° auto-suggestionnés..8) Ma-

lades ayant subi une certaine influence de la part d'un sorcier par :

1° intoxication; 2° suggestion à l'état de veille; 3° suggestion hyp-

notique ; 4° action à distance : ci) action des médicaments à dis-

tance ; b) suggestion mentale à distance ; c) force neurique rayon-

nante (champ magnétique humain; extériorisation de la sensibilité ;

extériorisation de la motricité). C. Responsabilité des maléficiés.)

Chapitre vu. Comment combattre la sorcellerie ? (Résultats

défectueux des poursuites directes exercées contre les sorciers par

les représentants des principaux cultes et par les autorités civiles.

Nécessité de poursuivre les sorciers non pas en tant que sorciers,

mais pour escroquerie (Art. 405, C. P.) ; pour exercice illégal de

la médecine (Loi de 1892) ; pour pratiques de divination (Art. 479-

480). Modifications à apporter à la loi de 1892. Projet de loi contre

l'abus de l'hypnotisme et de la suggestion. Etudier les faits dou-

teux sur lesquels repose la croyance au merveilleux.)

Chapitre viii. Thérapeutique des naalé ficiés : 1° chez les sorciers;

2° chez les prêtres : rituel de l'exorcisme ; prêtres occultistes ;

3° chez les spirites : traitement des possédés et des obsédés ; 4° chez

les mages : aperçu des théories occultes; consultation d'un mage ;

pointes, correspondances astrales, rôle du sang dans les cérémonies

magiques; rituel de Ch'. Barlet pour le traitement des obsédés;

348 8 bibliographie.

5° chez les médecins : traitement méthodique du malade ; impor-

tance d'un traitement moral, psychique, approprié à chaque cas

emploi de la suggestion sous toutes ses formes.

22. Des anesthésies coiiséctitioes aux lésions de la zone motrice

corticale ; par Henri Verger

L'auteur commence par définir le terme « sensibilité D et montre

que sous ce mot, à signification très large, se cachent des éléments

divers : sensations simples, telles la sensation tactile, la sensation

thermique, la sensation douloureuse ; notions plus complexes, telles

la sensation du toucher actif, les sensations kinesthésiques, se

dédoublant à leur tour en d'autres notions. C'est de chacune de

ces sensations particulières qu'englobe le nom vague de sensibilité,

que l'auteur va chercher les modifications dans les lésions de la zone

corticale motrice. De ses expériences, faites sur des chiens, il

résulte que dans tous les cas il a constaté, dans les membres du

côté opposé à la lésion corticale, lésion portant sur la région

motrice, un défaut d'incitation motrice volontaire et des symptô-

mes concomitants d'anesthésie ou mieux d'hypoesthésie portant

sur les sensations tactiles proprement dites et sur l'ensemble des

sensations kinesthésiques. Les recherches cliniques, portant sur

des lésions chirurgicales faites pour la cure de l'épilepsie jackson-

nienne, en tout comparables aux lésions expérimentales et passées

au crible de la méthode anatomo-dinique, viennent corroborer ces

résultats. Chez l'homme, comme chez le chien, dans les lésions de

la zone dite motrice du cerveau, la sensibilité tactile et la sensibi-

lité kinesthésique sont altérées d'une façon constante dans les

membres du côté opposé à la lésion ; la sensibilité douloureuse, au

contraire, reste intacte dans la plupart des cas. De tous ces faits,

il résulte que la perception de la sensation brute, au lieu d'être

une, se fait en plusieurs temps, puisque certains éléments peuvent

être abolis, les autres restant intacts; qu'il y a plusieurs centres de

perception des sensations et qu'on ne peut placer dans la zone

rolandique que les seuls centres d'association et peut-être de

mémoire musculo-tactile. Et encore l'auteur s'abstient-il de discu-

ter la question de savoir si les troubles sensitifs sont un effet direct

de la lésion elle-même ou d'une répercussion lointaine du trauma-

tisme sur des centres situés autre part, par voie inhibitrice ou par

l'intermédiaire de troubles circulatoires. Régis et V. lioBERr.

VIII. Essais de neurologie clinique; neurasthénie de Beard et étals

nezcrnsthéniformes; par le Dr F. LLVILL,IN. In-8°, Paris, 1896,

A. Maloiiie, éditeur.

Sous ce titre, l'auteur a réuni un ensemble de documents intéres-

sant le traitement des maladies nerveuses et en particulier la plu-

bibliographie. 349

part des observations qu'il a recueillies à Niée, durant ces deux

premières années d'exercice de l'établissement qu'il dirige dans

cette ville.

L'ouvrage est divisé en deux parties. La première est consacrée

aux deux grands groupes de la neuropathologie : les névroses et les

maladies organiques. Dans les quatre premiers chapitres sont

étudiés, avec les différentes formes, que revêtent lenrs manifes-

tations symptomatiques : 1° la neurasthésie vraie, simple ou

essentielle; 2° la neurasthénie de prédominance psychopathique ;

3° la pseudo-neurasthénie ou états neurasthéniques secondaires ;

4° enfin, les troubles psychopattiques divers, classés à tort dans

la neurasthénie. Deux autres chapitres terminent cette première par-

tie. Dans l'un se trouvent réunies un certain nombre d'observations

d'hystérie, de formes et de degrés variables, depuis la petite hysté-

rie, connue autrefois sous le nom de spasmes, vapeurs, pâmoi-

sons, etc., jusqu'à la grande attaque classique, avec arc de cercle,

hallucinations. Dans le dernier, l'auteur relate différents cas de

névroses ou de maladies organiques diverses, qu'il lui a été

donné d'observer et pour la plupart de traiter. Ces cas pour les

névroses se rapportent à l'épilepsie, la morphinomanie, la migraine,

la crampe des écrivains et, pour les maladies organiques, à la

sclérose en plaque, au tabès, à diverses formes de paraplégie,

d'hémiplégie et de myopathie. Basée sur l'analyse minutieuse

d'un très grand nombre de faits, consciencieusement observés et

relatés avec tous les détails qu'ils comportent, la première partie

de ce travail constitue une élude clinique sérieuse, qui ne peut être

consultée qu'avec fruit.

La seconde partie du livre n'est pas moins intéressante : elle est

relative à l'organisation et au fonctionnement des établissements

hydrothérapiques existant en France et à l'étranger, et aux procé-

dés neurothérapiques utilisés dans ces établissements. Après avoir

indiqué rapidement les règles qui doivent diriger l'installation des

établissements de celle nature, l'auteur fait voyager le lecteur

successivement en Autriche, en Allemagne, en Suisse, en France,

et lui fait visiter avec lui ceux de ces établissements, qui sont

consacrés dans ces différents pays aux cures hydrothérapiques. Un

chapitre curieux à lire est celui où est relatée l'histoire de la

méthode du fameux curé Kneipp, le Priessnitz des temps

modernes », comme on l'a appelé, méthode qui repose sur un prin-

cipe ainsi formulé : « La maladie est la saleté du corps et l'eau est

ce qui nettoie le mieux. » Cet aphorisme semble résumer toute la

science médicale et hydrothérapique du patriarche de Woenshofen,

dont la réputation n'est dépassée que par la naïve crédulité de ses

clients.

L'ouvrage se termine par un exposé clair et méthodique des

principales indications des divers procédés hydrothérapiques dans

3SO bibliographie.

le traitement des maladies nerveuses et des moyens qui en sont

les auxiliaires. Parmi ces moyens, outre l'électrothérapie et le

massage, figurent la kinésithérapie, ou gymnastique thérapeutique

et la psychothérapie, que l'auteur considère comme le substratum

thérapique de la neurothérapie. Dr F. ViLLARB.

Il. Les tumeurs cérébrales ; par le Dr Maurice AuvRAY. In-8°.

Paris, 1896, J.-B. Baillière et fils, éditeurs.

Le traitement des tumeurs cérébrales qui, avant ces dix der-

nières années, avait presque exclusivement relevé de la médecine,

est depuis cette époque en voie de se transformer et de passer

dans le domaine de la chirurgie. C'est la démonstration de cette

assertion qui se dégage de l'intéressant ouvrage du D''Auvray.

Cette transformation est due à deux facteurs principaux, d'une

part à la précision chaque jour plus grande apportée par les études

physiologiques à la connaissance des localisations cérébrales

et, d'autre part, aux procédés antiseptiques utilisés au point de

vue opératoire. Ce sont ces deux facteurs réunis qui ont fait entrer

le traitement de ces tumeurs dans une voie nouvelle, appelée à

devenir de plus en plus féconde en résultats pratiques, à mesure

que le diagnostic se précisera davantage et que les opérations seront

de mieux en mieux réglées. Il suffit de reproduire les conclusions de

l'auteur pour indiquer, mieux que ne pourrait le faire une telle

analyse, le but et la portée de son livre :

1° Le diagnostic de localisation joue un rôle capital dans la

chirurgie des tumeurs cérébrales. Il y a dans cette voie de nom-

breux progrès à accomplir ; 2° le chirurgien a non seulement

le droit, mais le devoir d'intervenir; 3° il peut intervenir pallia-

tivement et remédier dans certains cas d'une façon remarquable

aux symptômes généraux de compression si redoutables pour les

malades ;- 4° il peut intervenir d'une façon curative; et les statis-

tiques prouvent qu'il peut obtenir de très beaux résultats ;

5° dans tous les cas, il interviendra le plus tôt possible et suivra

la méthode des opérations en deux temps.

Ces conclusions sont appuyées sur un très grand nombre d'obser-

vations, et de nombreuses planches intercalées dans le texte en

facilitent l'intelligence. Dr F. VILLARD.

X. Dyspepsies nerveuses et neurasthénie ; par PAUL GLATZ. Genève

et Lyon, Georg et Co, 1 vol. in-12.

Analyse clinique extrêmement fine et précise, établissant rigou-

reusement le diagnostic entre l'atonie simple et la dilatation, l'atonie

et la névrose, et fixant enfin la diagnose de la dyspepsie nerveuse

et neurasthénique. Sur cette base l'auteur, après une discussion

FAITS DIVERS. 3gt 1

richement documentée, établit le traitement rationnel de ces affec-

tions. Son travail est un livre d'expérience émanant d'une connais-

sance profonde des névropathes; il sera d'une utilité incontestable

aux médecins qui y trouveront une foule de détails pratiques ori-

ginaux sur l'emploi judicieux des moyens physiques et de la psycho-

thérapie. Enfin les quelques aperçus de saine philosophie auxquels

M. Glatz se laisse quelquefois aller ajoutent encore un attrait tout

spécial à son ouvrage. F. B.

FAITS DIVERS.

. Asiles d'aliénés. Promotions et nominations : M. le D1' L.\-

lanne est nommé médecin adjoint à l'asile de ilfaréville; M. le

Dr DESWARTE est nommé médecin adjoint à l'asile de Bassens

(24 février).

Asile public d'aliénés de Saint-Robert (Isère). Une place

d'interne est vacante dans cet asile. Les conditions sont les sui-

vantes : 1° justifier de l'emploi de son temps depuis la première

inscription; en posséder 12; 2° être âgé de moins de trente ans;

3° justifier de l'accomplissement de ses obligations militaires;

4° casier judiciaire négatif. Le traitement, au début, est de 700 fr.,

il est porté ensuite à 800. En plus, les avantages habituels en

nature.

Épilepsie ET mariage. La Chambre du Connecticut a voté une

loi prohibant le mariage des épileptiques quand la femme a moins

de quarante-cinq ans. La pénalité est au minimum de trois ans

de prison. Les personnes qui auront facilité des unions de ce genre

seront passibles d'une amende de 1.000 dollars ou d'un an de

prison. (3larseille médical, 15 février 1898.)

Distinctions honorifiques. Sont nommés officiers d'aca-

démie, MM. les D's Antheaume et Dagonet.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Brunet (L.). On Cyclone neuroses and psychoses. Brochure in-8°

de 14 pages. - Saint-Louis (Mo.), 1897. - Chez l'auteur.

DELIfA5 (P.). Aérothérapie et Rains d'air comprimé. - Brochure

in-8° de 21 pages. Paris, 1897. Librairie 0. Doin.

Les procès célèbres. Revue mensuelle illustrée des procès célèbres

de l'année, avec les plaidoiries in-extenso. Rédacteur en chef : Me B.

Monteux. Cette revue paraît du 15 au 20 de chaque mois ; chaque

livraison contient 48 pages de texte. Prix do l'abonnement :

France, 15 fr.; Etranger, 20 fr. Paris, Librairie Pedone, 13, rue

Soumet.

Manuel pratique de la garde-malade et de l'infirmière, publié par le

D1' BOURNEVILLE avec la collaboration de MM. Ed. Biissaud, Budin.

P. Cornet, H. Duret, P. Keraval, G. Maunoury, Monod, J. Noir, Poirier,

Ch.-H. Petit-Vendol, Pinon, P. Regnard, Sevestre, Sollier, Viron, P. Yvon,

11m° Pilliet-Edwards. La sixième édition de ce Manuel, revue et aug-

mentée, se compose de cinq volumes illustrés de nombreuses figures :

T. I. Anatomie et physiologie ; T. II. Administration et comptabilité

lzospitalières · -1'. III. Pansemenfs (En outre des chapitres du tome IV

consacrés spécialement aux soins à donner aux aliénés, le tome III ren-

ferme des articles également utiles aux infirmiers des asiles : Eschai-es,

accès convulsifs, alimentation artificielle, etc., etc.); T. IV. Soins à

donner aux femmes en couches. Soins à donner aux aliénés. Petite phar-

macie. Petit dictionnaire des termes médicaux; T. V. Hygiène.

Prix des cinq volumes in-18 : 7 fr. 50. Aux bureaux du Progrès mé-

dical, 14, rue des Carmes. Pour nos abonnés : 6 francs (franco).

PEIXOTO (A.). Epilepsia e Crime. - Volume in-8° de 198 pages.

Balia, 1897. - Chez l'auteur. - .

SANO (G.). Les localisations des fonctions motrices de la moelle

épinière. Volume in-8- de 40 pages, avec' figures. Bruxelles, 1898.

- Librairie Lamertin. 0

STEDMAN (H.-R.). The Prognosis and Duration of Attacks of 3le71-

tal Disease. Brochure in-8° de 12 pages. Boston, 1897 ? Damrell

and Upham. , m

STIAT1'I (C.). Un caso di follia précoce (Nota clinica). Brochure

in-40 de 10 pages. Siena, 1897. Tipografia Nava all' Insegna

dell' Ancora. ,

Transactions of Ilie oplillialnzological Society of tlze United liingclom.

Vol. XVII, session 1896-1897, with list of officers, members. etc.

Volume in-8° cartonné de xlvii-349 pages. London, 1897. J. et

A. Churchill. -

WITESCIINER (A). 31elliodologiseize Bietrsege XM psyclzoplnysisclzen 3les-

sungen (Azif eet-t ? ? te ? : <e«e ! 'G ? 'M ? tde). Volume ion-8" de vi-238 pages,

avec nombreux tableaux et tracés. Leipzig, 1898. Verlag von J.-A.

Barth. 0 0

Le rédacteur -gérant : BOURNEVILLE.

Evreux, Ch. Hébissby, imp. - 498.

Vol. V. ' Mai 1898. ? 29

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE;

PAR si

CH. VALLON,

Médecin en chef à l'Asile de Villejuif.

ET T

A. MARIE,

Médecin en chef a la Colonie de Dun.

Dans les formes de mélancolie simples, curables, qu'on

pourrait appeler aiguës par opposition aux formes chroniques

et plus ou moins systématisées, on peut distinguer différents

degrés constituant autant de variétés cliniques, mais pouvant

aussi se montrer successivement chez le même sujet. On peut

considérer comme le plus simple de ces états mélancoliques

celui où il y a persistance de la conscience à un degré plus

ou moins prononcé.

M. J. Falret a souvent insisté sur ce fait, à savoir que dans

la période mélancolique initiale un assez grand nombre de

malades ont conscience de l'invasion du trouble mental.

c On peut admettre comme règle générale, dit aussi Costard ',

que la conscience du caractère maladif du'trouble mental

appartient surtout aux aliénés atteints de mélancolie, chez

lesquels la maladie se manifeste par des sensations incommo-

de-, pénibles ou douloureuses. Ce sont eux qui, ayant cons-

cience de leur état, se plaignent que leur sensibilité est

émoussée, déclarent que leurs divers sens ne perçoivent plus

le monde extérieur que comme à travers un voile... quelques-

uns même se plaignent de ne plus souffrir ? »

' Cotard. OEuvres complètes, p. SOS.

' lbid., p. 26. .

Archives, 2e série, t. V. 23

354 pathologie mentale.

Si on analyse le mécanisme de ces conceptions morbides,

simples perversions du sensorium sans délire caractérisé, on

voit qu'elles peuvent se ramener à une perturbation du fond

émotionnel et à une modification profonde de la sphère affec-

tive. La constitution de la personnalité n'est qu'un composé

d'éléments divers dont la base fondamentale est une base

organique, le sens du corps. Toutes les sensations répondant

à un organe (respiration du sens musculaire, etc.) forment

cette base organique fondamentale.

De cette base dépendent les conditions affectives de notre

personnalité ; tous nos sentiments reposent sur cette consti-

tution organique. Cet état affectif et émotionnel détermine

chez nous des réactions spéciales en rapport avec le côté

moteur, des réactions d'ordre psychomoteur qui, à leur tour,

réagissent sur les phénomènes affectifs. De l'enchaînement de

ces trois facteurs résulte l'idée de la personnalité. Dans la

mélancolie, on peut suivre ainsi la manière dont elle se dis-

socie.

Le mélancolique, au début, voit s'altérer sa constitution

physique ; il est soumis à des causes déprimantes de toute

espèce, il ressent des phénomènes pénibles dans tout son

individu ; il éprouve des troubles du sens musculaire, des

spasmes viscéraux, etc. C'est là une première atteinte à sa

personnalité. Les troubles émotionnels très intenses qui en

résultent constituent une deuxième atteinte.

Par le côté affectif et émotionnel, les objets extérieurs ne

paraissent plus les mêmes qu'autrefois, les impressions sont

changées quant à la réaction provoquée. « Elles se sont

faites contraires, » comme le disent certains malades. Un

sujet gai éveille un sentiment pénible ; de là des modifications

dans la manière de réagir de l'individu qui devient inerte,

cesse d'être attiré par ce qui l'intéressait auparavant le plus,

ou au contraire se trouve poussé à des actes violents intem-

pestifs.

Au début, le malade a conscience de cet état, il ne se

sent plus le même qu'autrefois, il a en lui comme un esprit

de contradiction ; à côté du moi ancien se forme un moi

nouveau. Plus tard, le malade est dominé par cette person-

nalité nouvelle, il ne peut plus réagir, il est possédé, il

est sous la domination d'une puissance supérieure qui opprime

ce qui reste de sa personnalité primitive, il ne peut plus pen-

LE DÉLIRE mélancolique. 355

ser ou agir comme il le voudrait. Mais il y a lieu de reprendre

une à une chacune de ces diverses perturbations initiales

pour les analyser.

La psychologie physiologique montre que le sentiment de

la personnalité repose sur une base organique, qui est la

cenesthèse ou conscience organique de l'ensemble de tous

nos mouvements vitaux. Notre individualité n'est, en effet,

qu'un complexus dont les éléments premiers doivent être

cherchés dans les phénomènes les plus élémentaires de la

vie.

Si les sens externes sont l'origine de la connaissance, c'est

le sens organique du corps, quelque vague qu'il soit d'ordi-

naire, qui est la base de l'individualité psychique. Sensations

organiques liées à la respiration, à la circulation générale ou

locale, ou venant du canal alimentaire, de l'appareil génital,

de l'état des muscles, sensibilité musculaire, sensation

générale de nutrition, etc., telles sont les conditions physi-

ques de la personnalité. C'est ainsi que l'on a pu dire que

les éléments essentiels de la personnalité étaient la passion

et la volition. Ecoutons sur ce point M. Janet' :

« L'état vital de l'organisme s'exprime dans la conscience

par une sensation, ou plutôt par une affection permanente

vaguement localisée dans tous les points à la fois de la masse

vivante et animée. C'est ce retentissement, ce murmure per-

pétuel du travail vital universel qui, arrivant de tous les

points du réseau nerveux à leur centre anatomique et, par

celui-ci, au seul centre véritable, le centre psychique, le moi,

apparaît à ce moi comme mode fondamental de son exis-

tence. C'est ce sentiment qui nous avertit, sans discontinuité

ni rémission, de l'existence et la présence actuelle de notre

corps ; c'est par lui que le corps apparaît sans cesse au moi

commme sien, et que le sujet spirituel se sent et s'aperçoit

exister en quelque sorte localement dans l'étendue limitée de

l'organisme. Moniteur perpétuel et indéfectible, il rend l'état

du corps incessamment présent à la conscience et manifeste

ainsi de la manière la plus intense l'indissoluble lien de la vie

psychique et de la vie physiologique. »

« Chaque organe intérieur, dit aussi Maudsley2, a une

' Janet. Annales médico-psychologiques, 50 série, t. XX, septem-

bre 1878.

' Pathologie de l'esprit. Traduction Doumic, 1883.

356 pathologie mentale.

action spécifique sur le cerveau, action dont le résultat cons-

cient est une certaine modification du mode ou du ton de

l'esprit. Nous ne sommes point directement conscients de

cette action physiologique en tant que sensation définie, mais

ses effets n'en sont pas moins attestés par certains états dont

nous pouvons nous rendre aisément compte.

« En réalité, ces effets organiques du consensus physiolo-

gique des organes déterminent notre nature affective ; elle

est le produit harmonique ou discordant de leurs rapports

complexes, et la quantité de force que nous développons, de

même que les couleurs sous lesquelles nous voyons la vie,

ont en eux leur fondement... » -

Déjà lienle 1 définissait la personnalité : le tonus de notre

système nerveux et la perception par l'organisme de sa pro-

pre activité, en dehors de toute expression extérieure. Pour

Cabanis *, ce n'est qu'une résultante in confuso des impres-

sions produites sur tous les points vivants par le mouvement

incessant des fonctions, apportée au cerveau par les nerfs

cérébro-spinaux et du système ganglionnaire.

Parmi les preuves à l'appui de cette manière de voir, nous

rappelons celle que Cabanis tire de la comparaison du senti-

ment général de notre individualité avec la perception des

bruits continus et monotones. Ces derniers peuvent arriver à

n'être pas perçus consciemment, quoique certainement enten-

dus. La preuve en est que, lorsqu'ils cessent de se produire,

cette cessation est à l'instant remarquée.

Pour reprendre cette idée, on peut comparer l'organisme

à un atelier bruyant, mais aux bruits duquel nous sommes

accoutumés ; aussi n'y faisons-nous jamais tant attention que

lorsqu'ils cessent, ce qui est le cas dans les affections menta-

les qui nous occupent. La communication y semble interrom-

pue ou pervertie entre le cerveau et le reste de l'organisme ;

aussi ce dernier parait-il changé ou absent et tout ou en

partie. L'altération de la personnalité, ses dissociations ou sa

négation doivent fatalement en résulter. C'est, en effet, ce

qu'on observe lorsque la persistance de ces troubles primitifs

conduit les malades à la chronicité.

La psychologie morbide, qui nous montre en dernière ana-

1 Allgem. anal., p. 714 et 738, 1841.

" Rapports, du physique el du moral, p. 108.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 3S7 I

lyse des altérations si nettes de la personnalité chez nos

mélancoliques, se ramène donc ici à l'étude des perversions

du sens intime, de ce toucher intérieur qui rend compte au

sensorium de l'état mécanique des organes (viscères, muqueu-

ses, articulations, muscles, etc., E. Weber).

Objectivement, les troubles somatiques réels sont cons-

tants ; il n'est certainemdnt pas de vésanie où les signes

physiques soient aussi accentués que dans la mélancolie aiguë

au début. La respiration est généralement diminuée de fré-

quence en même temps que d'intensité, On a graphiquement

montré que ces malades n'ont que la respiration costale supé-

rieure Ce symptôme, avec la dénutrition générale, constitue

même ce qu'on a pu appeler la fausse tuberculose des mélan-

coliques.

La température se trouve par suite abaissée d'autant plus

que la circulation est en même temps ralentie ; le pouls

diminue de force et de fréquence, et ne concorde plus avec

les mouvements respiratoires (Marcé). Sans insister sur les

troubles vaso-moteurs (augmentation de la résistance élec-

trique), les cyanoses, la main mélancolique (Bail), nous

rappellerons la possibilité de troubles trophiques graves. On

a décrit, en effet, des gangrènes, des éruptions, du pemphi-

gus, etc... Du côté des fonctions digestives, nous rappellerons

aussi les troubles profonds qui se traduisent par la répulsion

pour toute alimentation, les flux intestinaux, la diarrhée

rebelle ou, au contraire, les constipations opiniâtres. Tous

les auteurs insistent sur les troubles sécrétoires non moins

caractéristiques.

Les spasmes des muscles viscéraux s'accompagnent de trou-

bles analogues du côté des muscles de la vie de relations,

depuis les contractures cataleptoïdes de la stupeur catatoni-

que jusqu'au tremblement ordinaire des anxieux.

Ces troubles organiques multiples se traduisent par des

troubles subjectifs douloureux, sensations pénibles de four-

millements, de picotements, de courbatures, lassitude géné-

rale ; les membres semblent engourdis et endoloris; les vis-

cères paraissent plus pesants ou, au contraire, rétractés et

diminués, comme contracturés eux aussi.

1 Toulouse et Itoubinovitch. De la mélancolie, mémoire à l'Acadé-

mie, 189G.

358 PATHOLOGIE MENTALE.

C'est là l'origine de mainte préoccupation hypocondriaque :

mais que l'on ne s'y trompe pas : derrière cette hyperes-

thésie apparente il y a déjà en réalité atténuation des divers

ordres~~de sensibilité ; le mélancolique est déjà un faible

excitable... D'ailleurs, viscérale et tégumentaire, l'anesthésie

va se dessiner, et dès le début on peut observer l'analgésie

cutanée complète. '

c Les idées hypocondriaques semblent n'être qu'une inter-

prétation délirante des sensations maladives qu'éprouvent les

malades atteints de mélancolie anxieuse commune'. » Comme

dit H. Schule, « la sensibilité générale est le résultat de la

solidarité d'action des nerfs sensibles et, par suite, chaque

nerf peut être considéré comme possédant une certaine fonc-

tion psychique. Le malade interprète d'une manière délirante

des sensations anormales qu'il ressent, et ce sont ici les sen-

sations qui le renseignaient sur la forme de son corps qui

sont modiliées ou qui ont disparu. S'il se plaint de ne plus

avoir de cerveau, de coeur, c'est que les sensations internes

correspondant à ces viscères sont supprimées 2. » '

Dans la mélancolie, les perceptions cénesthétiqués sont

donc essentiellement et primitivement perverties ou abolies;

dans ce dernier cas, les innombrables perceptions organiques

inconscientes n'arrivent plus ou arrivent mal au sensorium,

la synthèse mentale habituelle est détruite ; il en résulte une

impuissance de penser et de vouloir, une angoisse inexpri-

mable que les malades traduisent par des plaintes signifi-

catives (ils sont damnés, ils ne peuvent plus vivre, on leur a

pris leur cerveau, ils n'ont plus de corps) ; il semblerait que,

devenus réfractaires aux excitations sensorielles, ils ne puis-

sent les transformer en actes de volitions 1.

« Ces malades, dit M. J. Falret, présentant le fond commun

de la mélancolie, ont une anxiété vague et indéterminée, une

grande prostration des forces physiques et intellectuelles. Ils

sentent que tout estchangéen eux etau dehors etse désolent

de ne plus apercevoir les choses à travers le même prisme

qu'autrefois.

« Ils ont honte, ou même horreur, de leur propre per-

' ScUule. Traduction Dagonet et Duhamel.

' Couard, p. 31-2.

-Biiiet et Fe. Sensation el mouvement, ch. \v. ' '

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 359

sonne et se désespèrent en songeant qu'ils ne pourront jamais

retrouver leurs facultés perdues. Se croyant atteints d'une

maladie incurable, contre laquelle on ne peut rien, ils regret-

tent leur intelligence évanouie, leurs sentiments éteints, leur

énergie disparue... ; ils ont peur de devenir complètement

aliénés et de tomber dans la démence et l'idiotisme. Devenus

insensibles et indifférents à tout, ils prétendent qu'ils n'ont

plus de coeur, plus d'affection pour leurs parents et amis, ni

même pour leurs enfants'. »

Dépossédés de leur organisme par la maladie, ils ne peu-

vent plus percevoir comme avant ; les impressions qu'appor-

tent les sens ne parviennent pas à éveiller des réactions mo-

trices conscientes. C'est qu'une étroite relation existe entre

l'inhibition motrice et l'obnubilation sensorielle; tout obsta-

cle au fonctionnement de l'une de ces sphères retentit propor-

tionnellement et fatalement sur l'autre. Aussi, ces malades,

privés de leur sensibibilité viscérale et musculaire, se disent-

ils en même temps entourés d'un voile, d'un nuage, qui les

retranche du monde extérieur et les rend insensibles.

« Je souffre constamment, mon existence est incomplète,

dit une malade d'Equirol3; je n'ai aucune sensation humaine...,

il me manque la faculté de jouir des choses et de les ressen-

tir... ; quelque chose d'affreux est certainement entre moi et

les jouissances de la vie... ; chacun de mes sens, chaque par-

tie de moi-même est pour ainsi dire séparée de moi et ne peut

plus me procurer aucune sensation ; il me semble que je n'ar-

rive jamais jusqu'aux objets que je touche. D «J'entends,

je vois, dit une autre, je touche, mais je ne suis pas comme

autrefois ; les objets ne viennent pas à moi, ils ne s'identifient

pas avec mon être ; un nuage épais, un voile change la teinte

et l'aspect des corps..., les corps les mieux polis me parais-

sent hérissés d'aspérités. »

c Ces malades, ajoute Esquirol, perçoivent malles impres-

sions ; un abîme les sépare, pour ainsi dire, du monde exté-

rieur. m

« On m'a pris mon intelligence et ma sensibilité, dit encore

une malade de Louyer-Villermay'. Je ne' sens rien, ne vois

1 Communication à la Société médico-psychologique, 1866.

- Esquirol, OEuvres complètes, p. 414.

3 Traité des maladies nerveuses, Paris, f 81G.

360 PATHOLOGIE MENTALE.

rien, n'entends rien ; toute action, toute sensation m'est

étrangère..., je suis une machine, un automate incapable de

souvenir, de sentiment, de volonté et de mouvement par

moi-même '. »

Il se fait comme une atmosphère obscure autour de l'indi-

vidu. « Le mot obscur ne rend pas exactement ma pensée,

écrit un malade de Krishaber 2 ; il faudrait dire d2ozpf en

allemand, qui signifie aussi bien lourd, épais, terne, éteint. D

Cette sensation est non seulement visuelle, mais cutanée.

c L'atmosphère dumpf m'enveloppait, je la voyais, je la sen-

tais ; c'était comme une couche de quelque chose de mauvais*

conducteur qui m'isolait du monde extérieur... Je ne saurais

dire combien cette sensation était profonde ; il me semblait

être transporté extrêmement loin de ce monde, et machina-

lement, je prononçai à haute voix ces paroles : « Je suis bien

« loin, bien loin. » Je savais très bien cependant que je n'étais

pas éloigné... »

Un malade cité par Iibot3, et qui se croit mort depuis

deux ans, s'exprime ainsi : c J'existe, mais en dehors de la

vie réelle, matérielle, et malgré moi ; rien ne m'ayant

donné la mort, tout est mécanique chez moi et se fait incons-

ciemment. »

c Tout ce qui m'entoure, dit un autre malade, est en-

core comme jadis ; cependant, il doit s'être fait quelque

changement... Les choses ont encore leurs anciennes for-

mes, je le vois bien, et pourtant elles ont aussi beaucoup

changé... »

Une malade (Obs. n° XI) atteinte de mélancolie avec idées

de négation souffrait depuis trois ans de troubles divers des

fonctions organiques (anémie, palpitations, perte de l'appé-

tit, phénomènes nerveux, leucorrhée). Puis est survenu un

état de malaise vague, d'ennui, d'abattement, de tristesse,

de crainte, marquant l'apparition des troubles psychiques.

Voici d'ailleurs comment la malade s'exprimait elle-même au

sujet de ces derniers : '

« Autant j'étais gaie autrefois, autant je suis triste

aujourd'hui; autant j'avais d'énergie, autant je n'en ai plus ;

' Cité par Cotard. De l'hypochondrie. ! Névrose cérébro-carcliaque, p. 75.

' Ribot. Maladies de la personnalité, p. 63.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 361

toutes mes impressions se sont faites contraires. Pourquoi,

si ce n'était pas comme je vous le dis, ne ressentirais-je ni le

goût, ni le désir de retourner chez moi ? Pourquoi, lorsque tout

le monde est complaisant et gentil pour moi, éprouver tou-

jours un sentiment de honte, de gêne et de souffrance qui,

je le sens maintenant, durera toujours. Autrefois, quand

j'entendais une cloche sonner l'Angelits par exemple, cela

me faisait plaisir ; aujourd'hui cela me fait une impression

désagréable ; je vois, je souffrirais de ne pas voir, et ce

que je vois ne me fait pas plaisir. >

On ne pourrait caractériser plus nettement les désordres

initiaux sur lesquels se greffe l'altération de la personna-

lité.

Une autre malade (Obs. n° XV) dit de même : « Je ne suis

plus comme tout le monde, je sens bien que tout mon corps

est changé... ; j'allonge ; je me suis sentie grandir en une

seule fois de quinze centimètres, et cependant ma taille est la

même et ma robe va toujours ; il est vrai que certaines parties

de mon corps se sont rapetissées , mon corps ne me fait plus

la même impression... ; j'ai senti ma tête changer dix fois de

forme, je n'ai plus de cervelle ; il me semble que ma tête

et mes os sont en bois, je ne les sens pas comme avant ; je

n'ai plus d'estomac, je n'ai jamais la sensation d'avoir faim.

Quand je mange, je sens bien le goût des aliments, mais quand

ils sont dans le gosier je ne sens plus rien, il me semble qu'ils

tombent dans un trou ; autrefois je sentais, lorsqu'ils descen-

daient dans l'estomac, s'ils étaient chauds ou froids..., etc.

Je ne sens plus mes yeux remuer, et pour les tourner il faut

que je tourne la tête. Autrefois, quand je pleurais, je sen-

tais mon coeur bondir, et cela me dégonflait ; aujourd'hui,

je pleure sans rien ressentir ; je ne sais pas d'où cela vient ! 1

Il me semble que je suis morte... ; il est vrai que je parle,

que je marche, que je travaille, mais c'est comme une auto-

mate. »

c On ne peut mieux comparer, dit Taine, l'état du patient

qu'à celui d'une chenille qui, gardant toutes ses idées et tous

ses souvenirs de chenille, deviendrait tout d'un coup papil-

lon, avec les sens et les sensations d'un papillon, Entre l'état

ancien et l'état nouveau, entre le premier moi, celui de la

chenille, et le second moi, celui du papillon, il y a

scission profonde, rupture complète. Les sensations nouvelles

362 PATHOLOGIE MENTALE.

ne trouvent plus de séries antérieures où elles puissent s'em-

boîter ; le malade ne peut plus les interpréter, s'en servir ; il

ne les reconnaît plus, elles sont pour lui des inconnues. De

là, deux conclusions étranges : la première, qui consiste à

dire : « Je ne suis pas » ; la seconde, un peu ultérieure, qui

consiste à dire : « Je suis un autre '. »

On peut dire que les perversions sensorielles elles-mêmes

sont secondaires chez ces mélancoliques.

« L'état hallucinatoire des mélancoliques anxieux, stupides

ou agités, est profondément distinct, à ce point de vue, de

celui des persécutés... Les hallucinations sont simplement con-

firmatives des idées délirantes et ne présentent pas cette

indépendance qui donne, chez les persécutés, une si grande

netteté, en même temps qu'une évolution spéciale 2. » « Ce

sont, comme dit Baillarger, des hallucinations qui reprodui-

sent les préocupations actuelles des malades. »

« Il est à remarquer, dit encore Séglas 3, que les halluci-

nations des sens spéciaux ne sont pas un symptôme constant

ni essentiel chez ces mélancoliques... Beaucoup n'en ont

jamais ; d'autres en ont, mais d'une façon transitoire ou sous

une forme élémentaire. Enfin, il est indispensable de consi-

dérer l'époque à laquelle elles apparaissent ; on ne les

trouve jamais au début, elles ne se montrent qu'au bout

d'un certain temps, quand la personnalité attaquée est en

voie de transformation... Alors elles ne sont guère que la

manifestation extérieure, la traduction d'un désordre plus

profond. D

Trop souvent, on note comme hallucinations sensorielles

des phénomènes qui sont, en réalité, des illusions ou des

troubles psycho-moteurs, ce que Baillarger appelait des

hallucinations psychiques, qui eux, au contraire, paraissent

de règle chez les malades qui nous occupent.

Ces mélancoliques assistent au courant des excitations sen-

sorielles comme aux mouvements automatiques réflexes qui

en sont les résultats, mais ils ne se reconnaissent pas auteurs

de ces phénomènes qui se passent en quelque sorte en dehors

' Revue philosophique, t. 1, p. 289. L'Intelligence, 4' éd., t. Il,

App. ; Ribot. Des maladies de la personnalité, p. 105. '

2 Cotarr], p. 325.

3 Délire des négations, p. 17.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 363

d'eux et de leur participation volontaire. Ces opérations leur

paraissent d'autant plus étrangères qu'ils sentent que la direc-

tion leur en échappe, et lorsqu'ils veulent encore agir par

eux-mêmes, ils se heurtent à l'inhibition même qui les réduit

à l'automatisme.

Enfin, comme l'a dit Costard « De même que dans l'ordre

des mouvements apparents il y a des paralysies, des convul-

sions, des contractures, etc., de même il peut se produire des

troubles analogues dans les mouvements de ces membres

intérieurs par lesquels nous remuons les matériaux de nos

pensées et qui sont véritablement les organes de l'intelli-

gence. »

C'est que des « réactions psychomotrices sont liées indisso-

lublement aux images perçues » par une sorte d'imitation

réflexe.

« Ces réactions motrices, faiblement adhérentes au moi,

en raison de leur caractère automatique, quelquefois même

inconscientes 2, » peuvent s'en détacher tout à fait. Chez les

mélancoliques religieux cette dissociation est particulièrement

marquée. « Au début, le malade peut avoir conscience de son

état ; mais il ne tarde pas à perdre la notion du caractère

subjectif des troubles qu'il ressent, il se sent tout autre que

par le passé, il trouve alors les choses extérieures également

autres qu'elles ne sont 3. » De là deux synthèses mentales

contradictoires, l'une correspondant aux anciennes acquisi-

tions, l'autre à la série des nouvelles perceptions anormales

et des impulsions insolites subies en même temps.

Maine de Biran a démontré la part de l'effort volitionnel

dans la constitution du moi. La même disposition cérébrale

qui nous fait attribuer une origine externe au mouvement

centripète des sensations devait nous faire attribuerune origine

interne au mouvement centrifuge des volitions. Cette

origine interne, le moi, se modifie et s'altère par les lésions

psychomotrices, comme le milieu extérieur paraît se modi-

fier et s'altérer sous l'influence des lésions sensorielles.

Une diminution d'énergie affectant essentiellement la réac-

' Cotard, p. 420.

= Cotard. De l'origine psycho-mol rice du délire, p. 422.

3 Séglas. Les idées de négation (Annales médico-psychologiques,

juillet 1889, p. 9.)

364 PATHOLOGIE MENTALE.

tion du moi sur le monde extérieur, et secondairement l'in-

fluence du monde extérieur sur le moi, voilà ce qui constitue

la mélancolie dépressive dans sa forme la plus simple '.

Ettmuler, cité par Esquirol 2, distingue déjà les manifes-

tations délirantes de l'affection mélancolique proprement

dite, le délire et les impulsions étant, selon lui, secondaires

à l'affection mélancolique. Leuret 3 regarde la perturba-

tion de la sensibilité, des sentiments affectifs, etc., chez les

damnés, comme essentielles et précédant la croyance à la

damnation.

Parlant des causes morales de la folie, M. Luys écrit les

lignes suivantes, qui s'appliquent encore mieux à la mélan-

colie qu'à toute autre maladie mentale : « C'est presque cons-

tamment par une émotion prolongée, un chagrin, une décep-

tion, une commotion morale quelconque que l'on voit les

désordres apparaître. L'émotion pathologique se développe

suivant les mêmes procédés que l'émotion morale. L'individu

frappé sent d'abord le choc extérieur, il réagit ou s'affaisse,

et alors c'est la dépression qui se dessine tout d'abord, et

les troubles de l'esprit ne font que suivre et s'adapter, comme

des actions réflexes automatiques, aux troubles émotifs pri-

mitifs *.

Le trouble primordial étant un changement dans le carac-

tère de l'individu, n'est donc que la traduction d'une modifi-

tion plus intime survenue dans l'être psychique, dans le ton

des sentiments et de l'énergie volitionnelle. Au début, le

malade a conscience de cet état, il se sent autre que par le

passé ; mais il ne tarde pas à perdre la notion du caractère

subjectif des troubles qu'il ressent : c'est alors qu'il trouve

également les choses extérieures autres qu'elles ne sont 1.

De là, deux synthèses mentales contradictoires : l'une corres-

pondant aux anciennes acquisitions, l'autre à la série des

nouvelles perceptions anormales et des impulsions insolites

subies en même temps. Dès le principe, la mélancolie n'est

donc que scission, dissociation de la personnalité.

' Cotard, lu. 420. ' ! Tome 1, p. 405.

3 Fragm. psych., 183, p. 433.

* Luys. Traité clinique et pratique des maladies mentales, 1881,

p. 239.

' Séglas. Loc. cit.

- LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 365

L'homme, comme dit Leuret, y perd son unité ; il connaît

encore, mais en lui-même; quelque chose différent de son

moi connaît aussi, il veut encore ; mais le quelque chose qui

est en lui a aussi sa volonté; il est dominé, il est esclave,

son corps est une machine obéissant à une volonté qui n'est

pas la sienne '. La scission peut atteindre plus ou moins

profondément les différents éléments de la mentalité. De là,

toute une série d'intermédiaires entre les formes aiguës

simples et les cas chroniques complets dont le délire systé-

matisé secondaire de possession paraît le type.

Aux formes frustes et à l'état faible correspondent les

malades hantés par des animaux : même dans ces cas on peut

découvrir des troubles psychomoteurs atténués.

L'évolution ultérieure peut aboutir à la lycanthropie pro-

prement dite, ou bien se transformer en possession vraie.

Le malade découvre un jour que le serpent, par exemple,

qu'il sentait dans son corps n'est qu'une forme prise par

l'esprit malin pour pénétrer en lui . Les lycanthropes eux-

mêmes, d'ailleurs, attribuaient généralement leurs métamor-

phoses imaginaires à un sortilège diabolique.

Ce sonl les malades d'un niveau mental inférieur qui en

restent à cette conception délirante; l'extinction progressive

de la personnalité les conduit seulement de l'idée d'animaux,

contenus dans leurs viscères à la zoanthropie. Ils finissent

par personnifier l'animal qu'ils sentaient antérieurement

coexister dans leur intérieur, ils conforment plus ou moins

bien leur attitude et leurs moeurs à cette idée. Tous les

auteurs anciens ou modernes ont rangé les zoanthropes à

côté des démonomanes, avec lesquels ils offrent, on le voit,

une analogie frappante.

Les phénomènes psychomoteurs s'observent, avons-nous

dit, dans ces cas bien qu'ils soient plus difficiles à mettre en

lumière. A un premier degré, la synthèse mentale étant sim-

plement affaiblie et les perceptions cynesthésiques perver-

ties, non abolies, il en résulte une sorte de faiblesse irritable

d'hyperesthésie morbide. Le malade a des réactions émotion-

nelles exagérées et des inquiétudes relatives à ses principales

sphères fonctionnelles. C'est alors l'hypochondrie, la noso-

' Leuret. Fragments psychologiques sur la folie.

. ' Dagonet. Observations, p. 238. (Traité des maladies menta-

les, 1876.) ,

366 PATHOLOGIE MENTALE.

manie, et ce n'est pas sans raison que Fodéré considérait la

syphilomanie comme en étroite connexion avec la damno-

manie.

A un degré plus avancé, le malade perçoit avec terreur les

mouvements de ses propres viscères ; mais, ne les percevant

plus comme avant et ne les reconnaissant plus siens, il leur

attribue une existence propre ; c'est alors qu'il se plaint de

sentir des diables, par exemple, dans son corps ou simple-

ment des animaux, comme les malades de Calmeil (l'un

entendait chanter un coq dans ses entrailles, tandis que

l'autre croyait que la chienne du curé de Saint-Germain avait

mis bas dans ses intestins et sentait la meute aboyer).

Un de nos malades, après une période de dépression mé-

lancolique avec préoccupations hypochondriaques vives, a

définitivement arrêté ses conceptions délirantes à l'idée que

l'intérieur de son corps est rempli d'eau et de poissons; les

gargouillements de son estomac et les mouvements de ses

viscères le confirment dans cette idée. C'est d'ailleurs un

individu d'un niveau intellectuel peu élevé ; son idée déli-

rante persiste telle depuis plusieurs années, il y a ajouté la

croyance qu'il a la tête et le cerveau peuplés d'oiseaux qui

s'envolent de temps en temps.

Moreau (de Tours) rappelle l'aberration analogue dont fut

atteint Harrington au déclin de sa vie. Il s'imaginait que ses

idées prenaient naissance dans son cerveau sous forme d'oi-

seaux ou d'abeilles qui s'envolaient ensuite au loin. Les ma-

lades de ce genre en arrivent, en effet, à attribuer à leur

propre pensée la même objectivation qu'aux autres phéno-

mènes automoteurs. Abdiquant dès lors toute personnalité,

ils rapportent leurs idées à une mentalité étrangère.

Le malade que nous venons de citer est assez typique à

ce point de vue, car il sent parler ses poissons. Il n'entend

rien dans les oreilles, mais peut, après s'être recueilli, la tête

penchée, nous transmettre ce qu'ils pensent. Or, ces poissons

ont un délire mélancolique des plus caractérisés : ils pleurent,

ils sont malheureux, malades, mourants, etc. Il est permis

de penser que nous avons affaire, dans ce cas, à des phéno-

mènes psycho-moteurs atténués, et que le malade comprend

ses poissons par le moyen des voies épigastriques,de Baillar-

ger, sur lesquelles nous reviendrons d'ailleurs plus loin, à

propos des cas où elles sont de règle (possession).

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 367

« L'excitation 1 motrice qui se manifeste visiblement dans

l'habitude extérieure des anxieux agités se traduit souvent

dans leur conscience par le sentiment d'une force irrésistible

qui pousse ou qui arrête, d'un spasme douloureux qui para-

lyse comme le font les contractures et les crampes muscu-

laires, ou encore par le sentiment d'un mouvement convulsif

qu'ils ne peuvent dominer. C'est alors que se développent

les idées de puissance infernale, de possession, de damna-

tion... »

On doit à M. le D'' Séglas d'avoir démontré l'influence des

impulsions verbales, dites hallucinations psychiques, sur

cette forme de délire. Les autres phénomènes impulsifs se com-

portent de même. « Des malades à impulsions violentes se

croient criminels, possédés, damnés ou changés en diables ;

d'autres, poussés à hurler et à mordre, se croient métamor-

phosés en loups.

* Les réactions inhibitoires qu'exercent les impulsions

maladives sur les différentes régions de la série psychique se

traduisent par l'idée d'une influence destructive surles objets

extérieurs, sur l'univers entier... Les états de dépression

motrice simple avaient conduit le malade au doute et aux

négations philosophiques et religieuses ; les états d'exalta-

tion inconsciente suggèrent la croyance aux êtres surnatu-

rels. »

Un malade, dit Griesinger 2, se sent en proie à une tris-

tesse profonde. Or, il est habitué à n'être triste que sous

l'influence de causes fâcheuses ; de plus, la loi de causalité

exige que cette tristesse ait un motif, une cause, et avant

qu'il s'interroge à ce sujet, la réponse lui arrive déjà : ce sont

toutes sortes de pensées lugubres, de sombres pressentiments

des appréhensions qu'il couve et qu'il creuse jusqu'à ce que

quelques-unes de ces idées soient devenues plus fortes et

assez persistantes pour se fixer au moins pendant quelque

temps.

Aussi le délire a-t-il le caractère des tentatives que fait le

malade pour s'expliquer son état ; il est secondaire ; mais

cette explication, le malade la tire fatalement des notions

antérieurement acquises et du sens dans lequel son éduca-

' Cotard. Eludes sur les maladies mentales, p. 426.

Griesinger. Traité des maladies mentales, trait. Doumic, 1865.

368 PATHOLOGIE MENTALE.

tion a été arrêtée; delà l'intervention possible de préoccu-

pations et de scrupules d'ordre religieux dans la recherche

du pourquoi.

Bien que cliniquement secondaires, ces éléments du délire

ont leur origine dans le développement même de l'intelli-

gence du malade ; aussi croyons-nous qu'ils ne constituent

pas un élément indifférent et négligeable, d'autant moins

qu'ils peuvent à leur tour réagir sur les désordres primitifs

psychomoteurs en les accentuant. Ceux-ci en arrivent peu à

peu à envahir la scène clinique au point de lui donner un

cachet particulier que nous allons nous attacher à mettre en

lumière. '

Sous l'influence de l'éducation religieuse, le malade se

livre à des examens de conscience minutieux, repassant dans

sa mémoire ses moindres actes, en particulier ceux qui tou-

chent à ses devoirs de pitié. Cette tension de l'imagination

dans un perpétuel M : eM c2tlpâ aboutit rapidement à la décou-

verte de fautes plus ou moins puériles contre la morale reli-

gieuse. C'est alors que le malade s'accuse par exemple

d'avoir mal fait sa première communion.

La moindre entorse aux rites les plus accessoires des ma-

nifestations extérieures de la religion suffit à alimenter son

délire, et en arrive à découvrir ainsi dans son passé le

plus lointain des motifs à la colère divine. Dès lors il ne

lui reste que l'expiation par la prière et les macérations,

si même il en est temps encore ! Mais voilà bien un autre

motif d'angoisse : la prière lui est devenue impossible ;

l'inhibition, sur laquelle nous avons insisté précédemment,

anéantit ses réactions volontaires et le condamne à l'impé-

nitence.

L'aboulie et la résistance passive auxquelles il se heurte

sont extériorisées et attribuées à l'action répulsive des sacre-

ments dont il essaie en vain de s'approcher. Le doute ne lui

est plus permis, il est en état de péché mortel, il est maudit,

il est damné.

La conscience du changement produit dans l'individualité

amène au début des efforts de réaction, des états anxieux ;

mais dès que les malades s'aperçoivent qu'ils ne peuvent

sentir, penser, agir autrement qu'ils font, que la lutte leur

est impossible, cet asservissement de la volonté, cet assujet-

tissement du moi entraîne des idées de domination par une

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 369

puissance supérieure, des idées de possession presque de

règle chez les aliénés négateurs 1.

La dissociation ou la transformation de la personnalité

sont alors très évidentes, et les malades les traduisent souvent

eux-mêmes en disant qu'ils se croient doubles ou bien qu'ils

sont changés en un être malfaisant, diable ou démon. Mais

si l'on remarque, comme dit justement 111. Ribot=, que la

transformation absolue de la personnalité, c'est-à-dire la subs-

titution d'une personnalité à une autre, complète, sans

réserve, sans aucun lien avec le passé, suppose une transfor-

mation de fond en comble dans l'organisme, on ne s'éton-

nera pas de la rencontrerplus rarement et plus tardivement.

L'état de conscience actuel en évoque généralement un

semblable, mais qui a un autre accompagnement : les deux

peuvent paraître miens quoique se contredisant ; selon que la

scission est plus ou moins complète, tantôt le malade s'attribue

la responsabilité de ses maléfices; tantôt, refusant de s'assi-

miler les impulsions horribles qu'il sent naître en lui et dont

il a conscience, il les explique par la théorie de la possession.

Comme le dit M. Cotard 3, « il n'y a qu'une nuance entre

les délires de culpabilité et de possession ; dans la confusion

mentale qu'amène l'agitation anxieuse, les malades passent

souvent de l'un à l'autre et se considèrent tantôt comme cri-

minels, tantôt comme damnés et tantôt comme possédés.

« Lorsque ce sentiment de puissance intérieure acquiert

une intensité suffisante, il donne une sorte de grandeur aux

conceptions morbides.

« Le malade croit qu'il est la cause de tout le mal qui

existe dans le monde; il est Satan, il est l'Antéchrist. Quel-

ques-uns s'imaginent que leur moindres actes ont des effets

incommensurables; s'ils mangent, le monde entier est perdu;

s'ils urinent, la terre va être noyée par un nouveau déluge.» p

Mais le plus ordinairement on peut observer le passage de

l'un à l'autre de ces états; la scission, tout d'abord incom-

plète, s'achève avec le temps, et le malade primitivement

possédé finit par ne plus faire qu'un avec le diable.

Gt,iesitiger. - Loc. cil, 1). 55. ! Ribot. Maladies de la personnalité.

costard. Le délire d'énormilé, S. M. P., z6 mars 1880, et Olruvres

complèles, p. 375.

Archives, 2e série, t. V. 24

370 PATHOLOGIE MENTALE.

« Il faut signaler. disait déjà Esquirol ', comme une variété

de démonomanie l'état dans lequel certains aliénés, frappés

des terreurs de l'enfer, croient être damnés. »

Ils ne sont pas, comme les démoniaques, actuellement au

pouvoir du diable; ils ne voient pas, ne sentent pas des

flammes, du soufre qui les dévorent, mais ils redoutent la

damnation, ils sont convaincus qu'ils iront en enfer. Ils s'im-

posent des mortifications plus ou moins outrées, plus ou

moins bizarres pour prévenir leur destinée. C'est la damno-

manie de Fodéré 2, la démonophobie de Guislain 1, par oppo-

sition à la démonomanie proprement dite.

Ces malades luttent encore, ils ne sont pas résignés et con-

vaincus de la fatalité de leur sort ; ce ne sont le plus souvent

d'ailleurs que des mélancoliques religieux parvenus à une

phase moins avancée d'une même évolution chronique. Avant

de se croire possédés, ils passent par une période de déses-

pérance et d'inhibition où ils se croient abandonnés de Dieu

et damnés.

Dès cette époque ils se livrent à un délire palaingnostic

qui atteint bientôtjusqu'à la notion première de leur origine.

Après s'être demandé si la damnation qu'ils sentent peser

sur eux ne daterait pas d'avant leur première communion par

exemple, ils peuvent en arriver à craindre, comme une de

nos malades, d'avoir été omis dans la grande rédemption du

péché originel; la question ainsi posée, est résolue d'avance

contre le malade.

D'autre part, recherchant avec persistance tous les griefs

dont ils auraient pu se rendre coupables, ils passent mentale-

ment en revue tous les les méfaits que la religion poursuit

de son anathème. Mais l'intensité même des représentations

mentales d'une chose redoutée fait qu'on en arrive à croire

l'avoir faite, ou même qu'on passe à l'exécution de l'acte.

On a dit de l'état normal que penser c'était se retenir d'agir.

Pour Setchenoff, c'est un réflexe réduit à ses deux premiers

tiers. Se figurer un fait, c'est se le représenter mentalement,

en quelque sorte se le mimer intérieurement, s'en esquisser à

soi-même les mouvements *.

' Esquirol. Traité des maladies mentales, Paris, 1838, t. I, p. 517.

* Fodére. Traité des maladies mentales, Paris.

' Guislain. Traité sur l'aliénation, Amsterdam, 18` ? G.

' Voir Binet et Féré. Sensation el mouvement.

THÉORIE DES NEURONES 371

Par suite de. la perversion du sens interne et de la motilité,

les résidus de ces pseudo-mouvements qu'on appelle idées

sont méconnus dans la conscience malade, qui les prend

pour faits accomplis, ou même y trouve une source d'impul-

sions involontaires d'où naissent des mouvements automa-

tiques ; de la des raptus qui se produisent alors que le malade

est au plus profond de l'inhibition et de lastupeurangoissée.

Jusqu'ici, l'automatisme peut donc se réduire aux impul-

sions élémentaires (mutilations, suicides, etc.), l'obnubilation

peut même prédominer encore, et les impulsions demeurer

latentes ou à l'état naissaut; le malade s'attribue seulement

des méfaits imaginaires et se croit la cause de phénomènes

réels accidentels. Une mélancolique religieuse qu'on

retrouvera plus loin croit qu'elle est cause de la folie de

toutes ses compagnes d'asile. Une démonopathe immor-

telle de Cotard ' s'imagine que sa tête a pris des proportions

tellement monstrueuses qu'elle franchit les murs de la maison

de santé et va jusque dans le village démolir comme un

bélier les murs de l'église. (A suivre.)

REVUE CRITIQUE.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES

DE L'HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL.

THÉORIE DES NEURONES;

Par JULES SOURY,

Directeur-adjoint à l'école pratique des Hautes Études.

III. MlCHAEL VON LENHOSSÈK.

Micha.e)v.Len)iosséks'esLdéetaréàsot) tour, comme llamoii

y Cajal, contre la théorie erronée d'un réseau nerveux diffus

des centres nerveux : ce réseau n'est en réalité qu'un simple

1 CotarJ. - De l'hypocoiidi-ie, loc. cil., p. 105.

3*Tf REVUE CRITIQUE.

feuirït'ge (neuropilema de. His), sorte de « forêt vierge dont

lesfourrés impraticables sont formés de branches et de ra-

pqqy,x qui, quoique étroitement entrelacés, n'en sont pas moins

distincts ». L'éminent disciple de KoHiker a insisté sur la théorie

du contact, de Ramon y Cajal, qui « apporta la lumière, la vie et

le mouvement » dans les schémas de Golgi. « On ne saurait pré-

senter, dit-il, comme un postulat physiologique, la continuité des

éléments nerveux entre eux; au contraire. 1 » A l'hypothèse de la

continuité de substance des réseaux protoplasmique ou cylin-

d/axile, l'anatomie a substitué le fait d'observation du contact des

prolongements de la cellule nerveuse pour l'explication physiolo-

gique des courants nerveux. L'onde nerveuse ne se propage plus

parjiine voie unique; elle prend fin déjà, dans sa forme initiale, à

l'arborisation terminale du premier neurone, et provoque, dans le

second, par une sorte d'induction, la manifestation d'états d'exci-

tation spéciale, qui peuvent n'être pas de nature identique à celle

1 urone antérieur. Le courant nerveux peut varier ainsi de

foffiié spécifique en traversant la chaîne des neurones; la propa-

g-at7l&-n du courant rappelle les phénomènes d'induction, et cela

glateorde mieux avec la complexité des processus nerveux que

l'hypothèse d'une voie directe, conduisant l'excitation nerveuse,

de son point de départ à son point d'arrivée, sans modification ni

changement.

Le système nerveux central des invertébrés est construit sur le

même plan. Grâce aux travaux de Retzius, de Biedermann, de

Burger et surtout de Lenhossék lui-même, sur des crustacés, des

vers et des mollusques, exécutés avec la méthode d'Ehrlich au bleu

de méthylène ou avec le procédé de Golgi, on sait que les cellules

nerveuses de la chaîne ventrale et des ganglions de ces êtres

vivants, quoiqu'appartenant surtout au type unipolaire, ne laissent

pas de présenter des cellules bipolaires et multipolaires (crustacés

et vers). A s'en tenir àla forme unipolaire, on voit que le corps cel-

lulaire, d'aspect piriforme,émet un fort prolongementqui se divise

quelquefois en forme de T, d'une façon analogue à ce qu'a vu

Cajal chez les vertébrés; mais presque toujours ce prolongement

s'infléchit indivis dans une racine nerveuse et quitte la moelle : ces

fibres sortent donc bien directement des cellules nerveuses du cor-

don ventral pour se rendre aux muscles. Mais, de sa cellule d'ori-

gine jusqu'à sa sortie du ganglion abdominal, ce prolongement

(Staminfoî,satz) 6111et des ramifications collatérales (iVebenfortscïle),

Lr4rlx : v. Lenhossék. - Uer feinere Bau des Nervensystems Un Liclele-

nhazlsfer Forsclznzzecz. Licze allqeineitie. l3elraclalme de)- Slrulcluyrica-

iréiz·cles Neroensslems, Me6s< einer Darslellvecag des feiraererz 13ciiies

des Rùckenmarhes. 2", goenzl. umgearb. Au ! ], mit 6 Taf. und 60 Fig. im

Text. Berlin, Kernfeld, 1895, vn-409, in-8°.

THÉORIE DES NEURONES 373

courtes ou longues, qui se terminent par de libres arborisations ?

constituant encore, non un « réseau nerveux central », mais fixa

feutrage. « La connexion physiologique des différents éléments"

nerveux a donc lieu aussi chez les vers par contact, non par conte.

nuité ou réunion directe des prolongements » (Retzius). 3n esb

Lorsque l'on compare les cellules ganglionnaires des invertébrés

avec les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinièreldes

vertébrés supérieurs, une question difficile se présente, celle de lama ?

ture des collatérales : 1° On peut considérer les branches latérales du

prolongement nerveux des cellules motrices de la chaîne ventrale des

invertébrés comme des analogues des dendrites sortant ici,' non',

comme chez les vertébrés, du corps cellulaire, mais du tronc du

prolongement nerveux (Retzius et Cajal); 2° on peut aussi suppo-

ser que ces branches ramifiées ne correspondent pas aux dendrites;

mais aux collatérales qui, chez les vertébrés, partent du proroger

ment nerveux ou cylindraxile, parce que, chez les invertébrés

n'y aurait pas de dendrites : c'est l'opinion de Waldeyer. Ajàson

tour v. Lenhossék estime qu'il ne convient pas d'affirmer erieq

d'absolu touchant les cellules des ganglions abdominaux ebque

chaque cas doit être examiné à part; il incline toutefois opûuc

la première des deux manières de voir, celle de Retzius etide

Cajal. Ces collatérales seraient donc des manières de dendj'itesû

Ajoutez que, chez les vertébrés, les dendrites et les « fibrilles

latérales », c'est-à-dire les fibrilles qu'émet à son origine lel<pu'px

longement nerveux et sur lesquelles nous reviendrons, sont des

organes de réception des excitations, le cylindraxe et ses.c)011ja"

térales proprement dites des organes d'émission de l'eyi;t3a

tion cellulaire. La direction du courant nerveux, ceilulipète.i4ans

les dendrites, est cellulifuge dans le cylindraxe et dans ses bila-

térales (axone et pn·axones). Or, si nous considérons commejr9.

trices, pour la plupart, les cellules unipolaires des gangiiona : c%n-

traux des invertébrés, supposition qui s'appuie sur le fait àgiila.

localisation dans la peau d'une partie considérable des cellules de

sensibilité, force est d'admetlre que l'excitation qui dètenoiitie

d'une manière réflexe l'activité de la cellule piriforme et la ro;

duction consécutive du mouvement musculaire, arrive à cetteteet-

lule par les collatérales de son prolongement nerveux; celles-eh

par le tronc de ce prolongement, conduisent à la cellule J'extita-

tion apportée par les libres terminaisons des nerfs sensitifs dgub e

ganglion, et la transformation de la sensation en impuisiommoj

trice a lieu dans le corps protoplasmique des cellules unipolaire

d'où partent les courants qu'apportent aux muscles les prolonge-

ments cylindraxiles de ces cellules ganglionnaires. La directipluadu

courant nerveux des collatérales de ces cellules est donc csjjuji-

pète ; ce sont des organes de réception des stimuli partis

périphérie et, au point de vue de la physiologie du moineau ?

3T4 REVUE CRITIQUE.

rapprochement est permis entre ces collatérales et les dendrites

des vertébrés. Cette conception ne vaut d'ailleurs, suivant v. Len-

hossék, que pour les cellules motrices de la chaîne ganglionnaire.

S'il existe aussi, dans le système nerveux central des invertébrés,

des cellules de sensibilité, et il doit en exister, on le verra bientôt,

ainsi que des cellules d'association (Se/tOeHe; ! ), et si ces éléments

sont construits d'après le type régulier, les collatérales de leur pro-

longement nerveux devront avoir une fonction différente de celle

de ces axodentrites des cellules motrices des invertébrés, c'est-à-

dire qu'elles devront ressembler aux collatérales des vertébrés,

dont le courant nerveux est cellulifuge.

I. Histologie du neurone. Le système nerveux apparaît à

v. Lenkossék comme constitué par la somme d'un grand nombre

d'unités ou individus (Edinger) qui, dès leur apparition, à l'état

de neuroblastes encore dépourvus de prolongements, se montrent

indépendants, isolés et demeurent toujours tels, en dépit des rap-

ports de contiguïté ou de proximité qu'ils contracteront plus tard,

au moyen de leurs prolongements, avec les autres neurones. Le

iïeurone (Waldeyer) ou le neurodendrone (K&lliher), c'est la cellule

nerveuse avec ses prolongements protoplasmiques et cylindraxiles,

d'une étendue et d'une surface souvent énormes. Le mot de cel-

lule nerveuse doit être réservé au corps protoplasmique nucléé. *

Tous les neuroblastes sont des cellules nerveuses jusqu'au moment,

très rapproché de leur naissance, où ils émettent un prolonge-

ment. Mais d'autres cellules, même après leur développement défi-

nitif, doivent encore être appelées de ce nom : ce ne sont point

les cellules des ganglions spinaux, qu'on a appelées apolaires, car

il n'existe pas de cellules apolaires, mais les cellules épithéliales

des sens ou neuroépitbéliales, situées à la périphérie du corps, dans

les organes de l'ouie, du goût, etc. Tous ces élémenls sans pro-

longement n'ont avec les fibres nerveuses aucun rapport direct :

ce sont bien des cellules nerveuses, des « éléments qui déjà, par la

nature propre et spéciale de leur protoplasma, possèdent la fa-

culté d'être mis dans un état d'excitation déterminé par certains

stimuli externes D. Il n'y a pourtant ni cylindraxes ni dendrites.

Ce sont les ramifications cylindraxiles des cellules nerveuses, mises

en rapport avec ces éléments, qui conduisent aux centres l'excita-

tion accumulée dans la cellule neuroépithéliale. Peut-être devrait-

on ranger parmi elles certains éléments de la rétine, ceux des

cônes et des bâtonnets en particulier.

Dans toutes les autres unités nerveuses, on distingue deux par-

ties principales : la cellule nerveuse proprement dite (nezzrocyte)

et son prolongement nerveux (neurnxone ou axone (KÜlliher), long

(inaxone) ou court (den(li-axone). Le prolongement nerveux peut

être multiple et se diviser soit à proximité de la cellule (diaxones et

THÉORIE DES NEURONES 375

polyaxozes), soitsur son trajet,en deux ou pl usieursfibres (sclciuxones)

possédant le même caractère histologique de prolongement ner-

veux, avec arborisations terminales propres. Les cellules des gan-

glions spinaux dans les poissons sont des diaxones. On rencontre

des polyaxones dans les ganglions viscéraux du sympathique, la

couche moléculaire du cerveau (cellules de Cajal). Mais le type

propre de l'unité nerveuse , c'est le prolongement nerveux

unique ou monaxone; ce prolongement se termine toujours libre-

ment, soit sans se bifurquer (corpuscules de Vater, fibres paral-

lèles de la couche moléculaire du cervelet, etc.), soit en se rami-

fiant en une arborisation (télotieiittî,oite), troisième élément de

l'unité nerveuse. L'exemple le plus simple d'un prolongement ner-

veux nous est offert parla cellule périphérique des nerfs des sens,

par celle de la muqueuse olfactive des vertébrés : elle se distingue

de la cellule neuroépitheliale par la possession d'un prolongement

qui s'arborise dans les glomérules du lobe olfactif; on a ici les

trois segments du neurone : cellule, fibre et arborisation. Mais

dans la plupart des cellules, dans toutes les cellules centrales, ce

type simple se complique : la cellule nerveuse pousse ses den-

drites, le prolongement nerveux ses branches collatérales ou

paraxones.Ces annexes, qui s'étendent souvent si loin dans le sys-

tème nerveux, ne sont pourtant pas des attributs indispensables de

l'unité nerveuse, puisqu'il existe non seulement des cellules ner-

veuses adendriliques (cellules des ganglions spinaux, etc.), mais

aussi des prolongements nerveux dépourvus de collatérales, tels

qne ceux des cellules d'origine des racines antérieures, des fibres

optiques, des fibres olfactives. Chez les invertébrés, les cellules

nerveuses typiques sont adendritiques; mais les collatérales des

prolongements nerveux jouent un grand rôle.

D Des trois parties constituant le neurone, la cellule nerveuse,

avec ses dendrites, nous apparait sûrement comme l'élément perce-

vant et impulsif D, écrit v. Lenhossék. La fibre nerveuse, ses colla-

térales et son arborisation terminale, représentent les moyens de

conduction et d'émission, véritables excroissances du corps cel-

lulaire, grâce auxquelles le neurone peut entrer en rapport avec

les autres neurones, soit a proximité, soit éloignés, entourer d'au-

tres cellules nerveuses de ses ramifications, s'élever dans les terri-

toires de l'écorce, où se terminent les fibres de la sensibilité, ou se

distribuer aux éléments contractiles, toujours par des contacts

simples. Il en est partout ainsi, chez les vertébrés comme chez les

.invertébrés, depuis l'apparition de la première cellule nerveuse

avec son prolongement nerveux, jusqu'aux mammifères. Le prolon-

gement nerveux est en réalité quelque chose de différent des den-

drites ; il en diffère et par son mode de développement et par sa

structure histologique. Les dendrites forment proprement un tout

avec le corps cellulaire : ils font partie du corps de la cellule; le

376 REVUE CRITIQUE.

prolongement axile, ou axone, est un produit de la cellule; en ce

sens il possède une plus grande indépendance.

Au sortir de la pliaze de croissance que traverse la cellule ner-

veuse comme neuroblaste, la première fonction qu'elle déploie,

c'est celle de sa conservation : elle absorbe et assimile des matières

nutritives, c'est-à-dire .la lymphe, qui la baigne de toutes parts

avec ses prolongements, ainsi que les autrescellules de l'organisme;

elle assimile donc cette nourriture liquide et en rejette les déchets.

Ces échanges ont lieu par la surface du corps cellulaire ; ils sont

particulièrement favorisés par l'énorme extension de cette surface

due aux ramifications des dendrites (Scliiefierdeclcer). A cet égard,

et en calculant que les dendrites des cellules nerveuses des cornes

antérieures ou de celles de Purkinje centuplent au moins l'étendue de

ces organismes, on peut dire en un certain sens que ces prolonge-

ments protoplasmiques sont bien des organes de nutrition de la

cellule nerveuse. Non qu'il faille confiner leur rôle à cette fonc-

tion de la nutrition, comme l'a fait Golgi. Le célèbre histologiste

de Pavie admet, on le sait, que, par leurs extrémités, les dendrites

se fixent comme des racines sur les vaisseaux sanguins et attirent

par le canal de ces extrémités, le plasma nutritif dans le corps cel-

]tilaii-e. V. Leiiliossél. ne peut croire que, aujourd'hui encore,

Golgi persiste dans cette hypothèse. Il n'a, quant à lui, aperçu

nulle part ces rapports des dendrites avec les vaisseaux; il a même

vu ces ramifications apparaître à une période où il n'existait pas

de vaisseaux dans la substance nerveuse, et, après l'apparition de

ceux-ci, il n'a pu constater que la direction des prolongements

protoplasmiques en frît en rien modifiée. Les dendrites absorbent

par tous les points de leur étendue, à leur base comme à leurs

sommets, les matières nutritives dont le courant progresse, il est

vrai, dans la direction du corps cellulaire, où il se mêle au plasma

de la cellule. Ces matières ne sont pas non plus directement tirées

dusang, comme l'implique l'hypothèse de Golgi, mais de la lymphe

qui, des capillaires sanguins, vient baigner les organes centraux

et remplit toutes les lacunes que laissent entre elles lesdélicatesra-

mifications des éléments nerveux. Sans doute ce liquide n'est point

partout également réparti dans le cerveau et la moelle épinière,

et sa circulation est à la fois plus abondante et plus active là où se

trouvent de grands amas de cellules nerveuses, dans la substance

grise de l'écorce, que parcourt un si riche réseau de vaisseaux

sanguins, en rapport avec l'intensité des échanges de ces cellules.

Quant au mode de nutrition de la fibre nerveuse, et en particu-

lier des nerfs périphériques, v. Lenhossék considère comme invrai-

semblable que ces cylindraxes tirent leur matériel de nutrition de

leurs cellules d'origine, non seulement cause de l'énorme distance

qui les sépare de leur centre histogénique, mais parce que le cou-

rant de la nutrition va, dans les cellules nerveuses, de la surface

THÉORIE DES NEURONES 377

périphérique du corps cellulaire au centre, dans une direction

cellulipète. Les vaisseaux propres des faisceaux nerveux plaident

déjà pour une nutrition autonome des fibres de ces faisceaux; en

clinique, l'anesthésie et la paralysie résultent quelquefois d'embolie

et de thrombose périphérique; enfin, dans les fibres myéliniques,

les étranglements de Ranvier sont le point où les sucs nutritifs

peuvent arriver aux cylindraxes enfermés dans les segments in-

terannulaires par la gaine imperméable de myéline. Mais, de ce

que les nerfs périphériques tirent leur nourriture des milieux qu'ils

traversent, cela n'exclut point toute influence trophique de la cel-

lule nerveuse sur son prolongement axile. Le bout périphérique

d'un nerf séparé de son centre dégénère depuis l'extrémité sec-

tionnée jusqu'à son lélodeudron; le bout central demeure d'abord

intact. Que le nerf soit moteur ou sensitif, il n'importe, selon

Waller. On peut croire, en effet, que le prolongement nerveux

d'une cellule, quelque éloigné qu'il soit de sa cellule d'origine, en

fait toujours partie et en dépend, comme les pseudopodes d'une

amibe du corps du protozoaire. La solidarité des parties et du tout

est sans doute une condition d'existence pour l'élément nerveux,

considéré comme un petit organisme. Scloifer, Strümpell, voient

dans le noyau cellulaire le facteur trophique de la cellule, puisque,

chez uneamibe sectionnée en deux ou plusieurs parties, les portions

nucléées continuent seules a vivre, les parties anucléées meurent

bientôt, sans doute par suite d'une nutrition défectueuse (expériences

de mérotomie de Nussbaum, de Graber, de Balbiani, Hofer, etc.).

Ces faits rendent plausible l'existence de fonctions trophiques dans

la cellule; ils n'éclairent pas le mécanisme de cette influence trophique

du corps cellulaire sur ses prolongements. Le seul essai de valeur

qui ait été tenté pour résoudre ce problème est dû, v. Lenhossék

le reconnaît, à G. Marinesco, et repose sur les altérations des nerfs

et de la moelle épinière qui suivent les amputations. D'après la loi

de Waller, le segment périphérique d'une fibre nerveuse devrait

bien dégénérer, non la cellule nerveuse et le bout central du nerf.

Marinesco soutient que l'activité trophique de la cellule nerveuse

n'est point une activité purement automatique, qu'elle résulte de

la continuité des excitations fonctionnelles du neurone. Mais si

cette explication convient au cas spécial des amputations, elle

serait insuffisante, selon v. Lenhossék, pour rendre 'compte d'un

certain nombre d'autres phénomènes, tels que les faits de c dé-

générescence ascendante » des nerfs moteurs, etc. Nissl a démontté 6

de la façon la plus exacte que, quelques jours déjà après la section

du nerf facial, ses cellules d'origine dans la moelle allongée su-

bissent des altérations dégénératives. La destruction ultérieure de

la cellule motrice dépend de la possibilité ou de l'impossibilité de

la restitution du nerf au point de vue fonctionnel et anatomique.

Dans le cas de rétablissement du courant nerveux, les cellules

3-8 REVUE CRITIQUE.

centrales se régénèrent. V. Lenhossék conclut donc que, « pour

chaque cellule nerveuse, la connexion (Vea61ndung) normale avec

l'organe terminal par l'intermédiaire du prolongement nerveux-

que cet organe terminal soit un muscle, un territoire cutané ou

muqueux, ou une autre cellule-- est une condition d'existence »

(p. 122). Dès que la cellule nerveuse, par suite de la séparation de

l'organe terminal, n'est plus capable de déployer sa fonction ner-

veuse, il se passe en elle certaines altérations histologiques, peut-

être chimiques, résultantdu faitque les processus nerveux normaux

étant empêchés, l'absorption et l'assimilation des matières nutri-

tives par cet organisme souffrent gravement. Ce seraient donc des

troubles de nutrition qui détermineraient directement la mort des

cellules nerveuses séparées de leur prolongement nerveux. Par le

fait de cette désorganisation progressive, l'influence trophique de

la cellule sur les autres neurones associés diminuerait naturelle-

ment aussi. Ainsi la fonction trophique parait bien enchaînée à la

persistance normale des processus nerveux. Ce ne seraient toute-

fois que les troubles dus à une interruption totale de la continuité

du prolongement nerveux qui détermineraient ces graves lésions

de la cellule nerveuse. Quant au fait de l'abolition de la fonction

nerveuse, il ne les expliquerait pas par lui-même.

. Dans les paralysies causées par des lésions du cerveau, on voit sou-

vent les cellules des cornes antérieures persister longtemps en bon

état. Dans les paralysies relevant d'une dégénération du faisceau py-

ramidal, l'état fonctionnel du neurone moteur direct, c'est-à-dire de

la cellule motrice de la corne antérieure et de son prolongement ner-

veux, se manifeste encore par les contractures qui existent souvent,

par l'exagération des réflexes, par la réaction électrique normale.

Les paralysies hystériques peuvent guérir après plusieurs années,

ce qui est inconciliable avec l'hypothèse d'une dégénération de la

cellule nerveuse suivant, avec une nécessité absolue, l'abolition de la

fonction nerveuse de cet organisme. V. Lenhossék déclare donc

ici s'écarter en principe de l'hypothèse de Marinesco et de Golds-

cheider. Toutefois l'accord subsiste quant aux cellules des ganglions

spinaux, l'hypothèse des excitations périphériques considérées

comme nécessaires aux fonctions normales de la cellule étant en

harmonie avec les fonctions propres de ces cellules. Quant aux

cellules motrices, la cause ne doit être cherchée ni dans l'action

réflexe des excitations périphériques (Marinesco), ni dans les exci-

tations venues de l'écorce (Goldscheider). V. Lenhossék croit au

contraire que, dans la section périphérique d'un nerf moteur, ce

qui accélère la destruction de la cellule d'origine du nerf, c'est

que les collatérales réflexes, les fibres des pyramides, et d'autres

fibrilles continuent, après comme avant, d'assaillir de leurs excita-

tions cette cellule, alors qu'elle n'est plus capable de se décharger

de ces excitations.

THÉORIE DES NEURONES 379

- Le professeur von Lenhossék a donné récemment une descrip-

tion de la structure des cellules des ganglions spinaux, provenant de

la moelle épinière d'un supplicié 1 sain et jeune. Il distingue dans

ces cellules dont il énumère plusieurs types, deux éléments : la

substance fondamentale, faiblement colorable, et, dans celle-ci, des

corpuscules, d'ordinaire très denses, qui se colorent facilement

et donnent au corps cellulaire un aspect granuleux. Lenhos-

sék voudrait qu'on donnât à ces granules chromophiles de Nissl,

constitués de fines granulations, te nom de tigroïdes (de ^typosiosç,

tigré). Près de la périphérie de la cellule, apparaît une « couronne

de granules marginaux » relativement gros, non disposés concen-

triquement, plus denses à l'intérieur, plus espacés à l'extérieur, et

présentant un aspect réticulé. Dans les grosses cellules, le noyau

est presque toujours environné d'un espace clair complètement dé-

pourvu de blocs tigroides, ce qui représente une différenciation du

protoplasma cellulaire. Il existe également, d'une manière cons-

tante, à la périphérie des cellules moyennes et grosses, une zone

marginale, d'environ 10 de largeur, très développée chez

l'homme, claire, dépourvue de blocs tigroïdes. De même encore au

cône d'origine du prolongement nerveux. Autour du noyau,

enfin, existe une petite zone homogène, claire et dépourvue de

granules. Quant au rôle et à la signification des blocs tigroïdes.

Lenhossék se rattache à l'opinion des auteurs qui ne croient pas

que ces substances participent aux fonctions proprement ner-

veuses des neurones, mais voient en elles des amas de matière

nutritive accumulés, emmagasinés dans la cellule (ces blocs dimi-

nuent et disparaissent dans les fièvres par exemple). Les granula-

tions tigroïdes existent déjà chez les embryons.

Relativement à la structure de la substance fondamentale des cel-

lules des ganglions spinaux, chez l'homme et chez d'autres mam-

mifères, Lenhossék, aujourd'hui encore, ne peut se convaincre de

l'existence des fibrilles que Flemming y a décrites. La substance

fondamentale aurait une structure alvéolaire. En particulier dans

la couche marginale, libre de granules, de fines granulations achro-

matiques, très denses, se grouperaient en un réseau à mailles très

étroites. Le prolongement nerveux sort, nous le répétons, d'un cône

dépourvu de granules; en s'éloignant du plasma cellulaire, il

présente une st2,iatioz fibrillaire des plus fines. Chez l'homme, von

Lenhossék n'a pu réussir à poursuivre cette striation jusqu'au cône

d'origine.

Le noyau se distingue, avant tout, par la grosseur considérable

de son nucléole, toujours unique chez l'homme. Le noyau a, en

moyenne de 16 à 20 p.; le diamètre du nucléole atteint d'ordinaire

1 Ueber clecz Bau der Spinalganglienzellen desyllenschen, von prof.-doc-

M. v. Lenhossék iii Tubingen. Arcli. f. Psych. und Neivenkr., XXIX, 345.

380 REVUE CRITIQUE.

un tiers de celui du noyau : il possède le plus souvent 6 ta. Com-

parés aux autpes noyaux, ceux des cellules des ganglions spinaux

sont d'une structure plus développée. La membrane nucléaire est

très nette. La grosseur de ces cellules, dont le diamètre varie de

25 à 120 g en longueur, est en rapport avec l'importance fonction-

zzelle-des parties du corps auxquelles appartiennent les nerfs périphé-

riques de sensibilité correspondants. Elles n'ont point de membrane

spéciale. Chaque cellule possède une capsule de tissu connectif à

l'intérieur de laquelle existe un épithélium ; la capsule se continue

dans la gaine de Henle du prolongement. Les cellules des gan-

glions spinaux sont, chez l'homme, en majorité unipolaires ; leur

prolongement à structure fibrillaire se divise en une branche

périphérique et en une branche centrale. Les cellules des ganglions

spinaux de l'homme sont fortement pigmentés. Ces accumulations

de pigment dont les granulations sont rondes ou allongées,

Lenhossék les signale particulièrement a proximité du cône d'ori-

gine du prolongement nerveux. Le pigment ferait défaut dans

toutes les petites cellules.

Il. Physiologie du neurone. Il est certain qu'aucune cellule

nerveuse ne manifeste spontanément son activité, c'est-à-dire

sans excitations externes. Les fonctions de l'élément nerveux

doivent toujours être considérées comme de simples réactions à des

actions extérieures. Et par l'extérieur (das Aussen), il faut entendre,

pour le neurone, tout ce qui est en dehors de son protoplasma et

de ses prolongements, son entourage immédiat, les cellules voi-

sines, le plasma qui le baigne : voilà pour le neurone le monde

extérieur. Toute cellule nerveuse qui ne possède qu'un prolonge-

ment nerveux (iiioncixone) propage toujours l'excitation dans le

sens cellulifuge. Dans le nerf moteur périphérique issu du système

nerveux central, le courant d'excitation va du protoplasma de la

cellule nerveuse des cornes antérieures au protoplasma de la cel-

lule musculaire; ]*axone est bien ici un organe de transmission

comme son arborisation terminale est un organe d'émission, pré-

sentant un cas très net de la loi de la multiplication des effets, car

l'expansion des fibrilles nues sur le muscle augmente les points

de contact des fibrilles du nerf moteur avec les fibres musculaires.

De même dans la transmission du courant nerveux du nerf optique,

par exemple : l'excitation d'une seule cellule ganglionnaire de

la rétine retentit sur plusieurs cellules centrales des tubercules

quadrijumeaux antérieurs ou du lobe optique. Relativement à la

cellulPolfuctive, von Lenhossék insiste sur cefait, dolltl'Ot'ganlsatloll

des vertèbres n'offre, dit-il, pas d'autre exemple, que des excita-

tions externes agissent ici directement sur le protoplasma d'une

vraie cellule nerveuse, pourvue d'un prolongement nerveux fort

long, qu'elle envoie dans le bulbe olfactif : il s'arborise dans les

THÉORIE DES NEURONES 381

glomeruli olfactorii. Mais, au lieu d'influencer plusieurs cellules à la

fois comme le font les fibres optiques, il s'entrelace simplement

avec les dendrites descendants d'une seule cellule mitrale; souvent

même plusieurs fibres olfactives ne sont en rapport qu'avec une

seule cellule mitrale. Quoi qu'il en soit, l'onde nerveuse, apportée

par l'arborisation terminale de la fibre olfactive, se transmet aux

dentrites des cellules mitrales, et, par l'intermédiaire du corps

cellulaire et des prolongements nerveux de ces magnifiques neu-

roues, elle est finalement projetée sur différents territoires de

l'écorce cérébrale, tels que le lobe frontal, toujours dans une di-

rection cellulifuge.

Les exceptions apparentes confirment la règle, au moins chez les

vertébrés. Ainsi dans la rétine des oiseaux et des mammifères,

Cajal a démontré l'existence de libres arborisations terminales

provenant de fibres nerveuses venues à la rétine par le canal des

nerfs optiques, donc, dans une direction opposée à celle des fibres

de ce faisceau. Avant Cajal, von Monakow avait déjà pu conclure

de ses recherches de pathologie expérimentale à l'existence de ces

fibres, dont les cellules d'origine ne pouvaient être que dans les

tubercules quadrijumeaux. Cajal et van Gehuchten ont en effet

trouvé ces éléments : ils occupent la couche moyenne de ces

ganglions; ce sont de petites cellules fusiformes d'où sortent de

longs dendrites, et dont proviennent, souvent à une distance consi-

dérable de la cellule, les prolongements nerveux qui passent dans

le faisceau des fibres optiques, suivant une direction opposée à

celle de ces fibres ; les arborisations terminales observées par

Cajal sont bien celles de ces prolongements des cellules des tuber-

cules quadrijumeaux; ces fibres doivent apporter des courants

centrifuges à la rétine. Quant à la nature de ces courants, ou à la

nature des fonctions de ces cellules, selon van Gehuchten, elles

transmettraient à la rétine des manières de signaux touchant le

caractère et l'intensité des excitations arrivées au cerveau par le

nerf optique. Ranioil y Cajal conjecture que ces fibres agissent

sur les cellules de la couche ganglionnaire de la rétine, non pas

directement, mais par l'intermédiaire des prolongements proto-

plasmiques des spongioblastes, si abondants dans la couche molé-

culaire interne de la rétine : « On peut conjecturer, dit Itanioii y

Cajal, les spongioblastes étant les seuls éléments de la rétine qui

reçoivent les arborisations terminales des fibres centrifuges, qu'ils

servent à transporter aux cellules ganglionnaires quelque excita-

tion émanée des centres, impulsion qui serait peut-être nécessaire

pour le jeu fonctionnel de la connexion des cellules bipolaires. »

Kahmmacber, se référant à d'anciennes expériences d'Engelmann,

a établi expérimentalement que dans le nerf optique passent des

fibres dont l'excitation détermine la contraction des cônes corres-

pondants de la rétine. Enfin, on pourrait aussi songer, ajoute von

.*}82 REVUE CRITIQUE.

Lenhossék, pour l'interprétation des fonctions de ces fibres centri-

fuges, à quelque influence sur la couche du pigment ou sur la nu-

trition de la rétine. On ignore évidemment les fonctions de ces

neurones; mais la direction du courant nerveux de ces prolonge-

ments axiles, quoique en sens contraire de celle des fibres optiques,

n'en est pas moins également cellulifuge, toujours par rapport aux

cellules d'origine. Il en est partout ainsi pour les monaxones. En

est-il de même ponr les diaxones ?

Dans les cellules des ganzlions spinaux, les deux prolongements

ont absolument le même caractère de prolongement nerveux, de

cylindraxes vrais ; ils sont entourés de myéline et s'arborisent éga-

lement à leur extrémité. Pourtant le prolongement central conduit

seul le courant nerveux dans le sens cellulifuge, de la cellule du

ganglion dans la moelle épinière; le prolongement périphérique

conduit dans la direction cellulipète l'onde nerveuse au ganglion,

c'est-à-dire les impressions tactiles, thermiques, etc., des surfaces

cutanées et muqueuses du corps, des parenchymes des organes,

des muscles, des articulations, etc. Ce prolongement périphérique

nerveux ne résulte-t-il pas de la transformation d'un prolonge-

ment protoplasmique ? La comparaison de ce qui existe chez les

invertébrés et chez les vertébrés, smon l'unto'énie, permet d'incliner

dans ce sens. Les nerfs sensitifs auraient été à l'origine de longs

processus protoplasmiques, allant de la périphérie à leur cellule

nerveuse d'origine ; peu à peu ils se seraient transformés en fibres

nerveuses, tandis que le prolongement central aurait toujours été

un axone. Aussi le principe de la conduction nerveuse cellulifuge

serait encore vrai, même chez les rtiaxones apparents.

Cependant, valable pour les vertébrés, il ne le serait pas pour

les invertébrés. Si l'hypothèse s'était vérifiée que, chez les inverté-

brés, tous les nerfs sensibles sont formés par les prolongements

des cellules des sens (Sinneszellen), situées dans le revêtement

extérieur du corps, on aurait été autori-é à admettre que toutes les

cellules centrales de ces animaux étaient de nature motrice. On

aurait ainsi pu soutenir que les prolongements des cellules cen-

trales (Stammfortsàize), correspondant aux prolongements ner-

veux, conduisaient l'excitation dans le sens cellulifuge. Mais on a

découvert de libres arborisations terminales de nerf de sensibi-

lité dans l'épithélium externe non seulement chez les crustacés

(Retzius), mais chez les vers (Smirnow), à côté des cellules sensi-

bles de l'épiderme ; il a donc été nécessaire d'admettre, dans les

organes du système nerveux central des invertébrés, des cellules

de sensibilité, cellules d'origine des fibres qui se ramifient dans la

peau. Il en est ainsi chez l'amphioxus (Retzius). Les ganglions spi-

naux font défaut; les cellules sensitives siègent toutes dans la

moelle. Il n'y aurait aucun doute ici : le prolongement nerveux re-

çoit l'onde d'excitation par ses atborisations et le transmet à la

THÉORIE DES NEURONES. 383

cellule dans la direction cellulipèle. Retzius vient de confirmer la

découverte de Smirnow : à côté des cellules d'origine, qui envoient

vers les ganglions centraux leur long prolongement cylindraxile,

il existe bien, dans la cuticule des vers. de libres terminaisons ner-

veuses dont les cellules d'origine n'ont pas encore été trouvées. A

la place d'une seule-catégorie d'élémenfs nerveux (cellules de

Lenhossék), il en existe donc deux dans l'épithélium de ces

invertébrés. Retzius incline à admettre, par analogie avec ce

qu'on observe, chez les animaux supérieurs, que les libres teimi-

naisons nerveuses de Smirnow sont de nature sensitive Les cellules

de Lenhossék pourraient appartenir à des organes des sens spé-

ciaux, et seraient sensorielles, quoi qu'on tes trou\e disséminées

partout dans la cuticule externe '.

Il nous faut dire quelques mots a propos du rôle fonctionnel des col-

latérales, d'une hypothèse de von Lenhossék touchant les fonctions

des fibrilles latérales des prolongements nerveux ou cylindraxiles.

La fibre sensitive qui, d'une cellule d'un ganglion spmal pénètre dans

la moelle épinière, y émet, outre des fibres à direction ascendante

et descendante qui passent dans les cordons postérieurs, un grand

nombre de fins ramuscules ou branches collatérales de même

nature que le tronc dont elles sortent et qui se terminent par de

libres arborisations dans la substance grise. Ce sont des appareils

d'émission des stimuli sensitifs de la périphérie aux éléments

nerveux de la moelle épinière. Grâce à ces collatérales, chaque

cellule d'un ganglion spinal peut déployer son activité sur un do-

maine vraiment immense, car son prolongement axile n'agit pas

seulement par sa terminaison; il n'influence pas seulement les cel-

lules avec lesquelles il sera en contact par son arborisation ultime :

il agit encore sur toutes les provinces de la substance grise mé-

dullaire devant lesquelles il passe, durant son long pat cours des

racines postérieures aux noyaux des cordons postérieurs. Le pro-

longement nerveux des cellules mitrales présente des dispositions

aiialo-ues. Caleja, qui est parvenu àsuivrece prolongement en tant

qu'il prend part à la formation de la racine externe du nerf olfac-

tif, a montré que les fibres de ce nerf se terminent, au moins en

grande partie, dans la couche moléculaire ou superficielle de

l'écorce. Or, pendant leur trajet, ces fibres émettent nombre de

collatérales qui pénètrent dans la couche moléculaire et qui s'y

arborisent tout à fait de la même manière que leurs nerfs d'ori-

gine ; il est donc de toute évidence que ces ramu-cuies ont la

même fonction que la tige dont ils proviennent. De même que les

prolongements nerveux des cellules mitrales, les fibres sensitives

distribuent leurs stimuli aux cellules pyramidales dont les dendrites

' G. Retzins. Die snirnow'sclcen freien Nervenendigungen ;HtEt7Ae

des Regenwurms. Anat. Anzetger, X, t89j, 1). t)7.

384 REVUE CRITIQUE.

s'étendent dans les régions supérieures de l'écorce, elles entrent en

contact avec ces ramures par les arborisations terminales de leur

tige axile, et transmettent ainsi leurs courants nerveux celluli-

fuges.

Quant aux fibrilles latérales du prolongement nerveux, c'est-à-

dire des ramuscules qu'émet ce prolongement au sortir de la cel-

lule d'origine, avant qu'il .se soit encore entouré de myéline,

vonLenhossék estime que, quoique cesfibrilles latéralessoientmor-

phologiquement analogues aux collatérales, elles doivent posséder

d'autres fonctions, en beaucoup de cas au moins (p. 151) : ce se-

raient, non des appareils d'émission, comme les collatérales, mais

des appareils de réception des stimuli ylufaaltmcapparate voit

Reize), et qui, principalement dans les phénomènes réflexes, joue-

1 aient un rôle important. Les fibrilles latérales des fibres motrices

seraient donc de nature réceptrice (cellules de Purkinje, cellules

pyramidales de l'écorce cérébrale). Elles appartiendraient, avec

les dentrites, à une même catégorie de prolongements à conduc-

tion cellulipète. Tel serait leur rôle physiologique. Ces axodendrites

se pourraient comparer aux collatérales des cellules motrices uni-

polaires des invertébrés, lesquelles sont de vrais paraxones.

Mais, en dehors de ces fibrilles latérales des prolongements ner-

veux axiles, les principaux organes de réception des excitations

nerveuses apportées dans les centres sont les surfaces des corps

cellulaires et de leurs dendrites. Dans l'hypothèse de Golgi, qui

expliquait les rapports physiologiques des fibres de sensibilité et

de mouvement par les anastomoses reliant, dans son réseau

nerveux diffus de l'écorce, les fibrilles émanées des prolongements

nerveux moteurs avec celles des prolongements nerveux sensitifs

ou sensoriels, les dendrites n'intervenaient pas comme éléments

de l'arc réflexe : l'éminent histologiste leur refusait donc toute

participation aux processus de conduction nerveuse, et il fut suivi

par lllartiuotti , Sala et un grand nombre de disciples. Cajal,

van Gehuchten, Retzius, von Lenhossék, et tant d'autres encore,

s'élevèrent avec force contre cette doctrine. Kuiiiker lui-même a

décidément admis, dans la dernière édition desoii Traité, que les

dendrites font partie des organes à fonction nerveuse. V. Lenhossék

écrit : Si les dendrites sont constitués par la même substance

que le corps cellulaire de la cellule noveuse, il n'y a pas de raison

pour lui attribuer, au point de vue physiologique, d'autres pro-

priétés que celles du protoplasma cellulaire (p. 136). » Comme

celui-ci, les dendrites doivent pouvoir recevoir les effets et subir

l'action des stimuli nerveux, et, comme cette action s'exerce à la

surface de la cellule et de ses prolongements protoplasmiques.

force est d'attribuer aux dendrites, en raison de l'énorme extension

en surface de leurs ramifications, une importance très élevée dans

« la réceptivité des excitations nerveuses ».

THÉORIE DES NEURONES. 385

Les couches superficielles de l'écorce du cerveau et du cervelet,

loin d'être, comme le pensait Golgi, privées complètement d'élé-

ments nerveux, sont au contraire le siège d'amas considérables de

cellules nerveuses et d'arborisations terminales de fibres nerveuses.

Elles contiennent non seulement les dernières ramifications cyliu-

draxiles des axones ascendants, celles les cellules de Martinotti

(1890). celles qui proviennent d'autres territoires de l'écorce, les

bouquets terminaux des cellules pyramidales, les cellules ner-

veuses de Cajal avec leurs arborisations et leurs prolongements

nerveux souvent multiples, qui appartiennent à cette couche, etc.

De même, dans l'écorce du cervelet, la couche moléculaire est

jusqu'à sa surface traversée par des fibres parallèles découvertes

par Cajal, c'est-à-dire par les prolongements nerveux les grains, où

montent les ramures protoplasmiques des cellules de Purkinje,

dont les dendrites sont en contact avec les prolongements nerveux

d'autres éléments du cervelet. C'est pourtant dans ces régions de

l'écorce où, suivant Golgi, se trouvaient surtout des vaisseaux san-

guins et des éléments de la névroglie, mais pas d'éléments ner-

veux, que s'élevaient les ramifications protoplasmiques des cellules

nerveuses pour y quêter les matériaux de la nutrition de leur corps

cellulaire.

Dans un article sur l'origine du quatrième nerf cérébral et sur

un point d'histophysiologie générale qui se rattache à cette ques-

tion (Arch. ital.de biol., XIX, 1893, p. 453 sq.; Cf. Lug,,tro,, Siti, les

cellules d'origine de la racine descendante du trijumeau. Ibid., XXIII,

1895, 78), à propos d'une espèce de cellules nerveuses centrales,

globuleuses, à contours nets, de 60 à 80 p., différant com-

plètement du type général des cellules nerveuses centrales,

puisque les prolongements dendritiques auraient fait complètement

défaut, Golgi demandait ironiquement comment ces éléments,

sans organes de réception des stimuli, pouvaient exercer leurs

fonctions nerveuses. On aurait pu, avec Lenhossék, lui poser une

question au moins aussi indiscrète : comment, avec le manque

d'organes de nutrition, ces cellules adendritiques peuvent-elles se

nourrir ? Après Deiters, Golgi rapprochait naturellement ces

eehules d'origine du nerf pathétique, unipolaires, des cellules

des ganglions cérébro-spinaux en général (ganglions interver-

tébraux, ganglions de Gasser, etc.). Quant à la question de

sovoir si l'unique prolongement de ces cellules, prolongement ner-

veux à revêtement myélinique, se comportait d'une manière z

identique à celui des cellules de ces ganglions, s'il présentait

la division en deux rameaux à direction opposée, Golgi ne pou-

vait encore se prononcer à ce sujet. Pour K51liker, au contraire,

ces cellules globuleuses étaient de véritables cellules multipolaires;

elles représentaient pour lui les cellules d'origine des fibres de la

racine supérieure du trijumeau, racine motrice, comme en témoi-

ARCHIVES, 2e série, t. V. 25

386 REVUE CRITIQUE.

gnent, dit-il, l'épaisseur des fibres et la grosseur des cellules

(HtH ! t<6. der Gewebelehre des Menschen, 1893). On conçoit quelle

importance Golgi attachait à sa découverte. Les critiques fort vives

qu'il dirigea, cette fois encore, contre la théorie de Ramon y Cajal

et de vau Gehuchten touchant-la valeur fonctionnelle des prolon-

gements protoplasmiques, édifient pleinement à cet égard. Il

croyait avoir enfin trouvé, dans l'existence de ces cellules dénuées,

suivant lui, de dendrites, un fait capable de ruiner la doctrine de

la conductibilité nerveuse cellulipète des prolongements proloplas-

miques, appareils de réception des courants nerveux dans la nou-

velle école, alors qu'il continuait à considérer les dendrites comme

des organes trophiques de la cellule nerveuse. En effet, si confor-

mément au principe de la polarisation dynamique des éléments

nerveux, la direction du courant, pour toutes les catégories de cel-

lules nerveuses, ne va plus du prolongement cylindraxile à la

cellule, mais du prolongement protoplasmique à la cellule,

ce n'est rien de moins qu'une « révolution », disait expressé-

ment Golgi, dans la manière de considérer la signification des

différentes parties du neurone. Or, si les appareils de réceptions,

indispensables pour la théorie, font défaut ici, puisque voici des

cellules centrales sans prolongements protoplasmiques, comment

s'accomplira, à travers les neurones, le cycle des courants ner-

veux cellulipètes et cellulifuges ? « Je ne peux me dispenser de faire

observer, écrivait Golgi, que les cellules nerveuses spéciales dont

j'ai reproduit plus haut une figure, et dont la principale caracté-

ristique consiste dans l'absence de prolongements protoplas-

miques, représentent, par rapport à la théorie de la polarisation

dynamique, un véritable point d'interrogation. »

Le grand nom de Camillo Golgi imposait aux histologistes dissi-

dents un examen approfondi du fait auquel le savant Italien atta-

chait une si haute importance. Van Gehuchten, poursuivant ses

recherches sur l'organisation interne du système nerveux de

la truite, au moyen de la méthode de Golgi, a obtenu, impré-

gnées par le sel d'argent, dans un certain nombre de prépara-

tions, des cellules d'origine et des fibres radiculaires du nerf

pathétique, ainsi que les éléments constitutifs de la racine supé-

rieure et de la racine inférieure du trijumeau. Les cellules ner-

veuses du noyau d'origne du nerf pathétique sont bien des cellules

unipolaires à prolongement nerveux unique. Quant aux cellules

globuleuses voisines de la racine supérieure du trijumeau, racine

motrice (IC&Ililer), elles sont unipolaires ou bipolaires. Des deux

'cellules de cette espèce, représentées dans des figures de van

Gehuchten, l'une, unipolaire, est pourvue d'un prolongement

unique très épais, d'où sortent, à une petite distance du corps cel-

lulaire, quelques courts prolongements protoplasmiques ascendants;

- l'autre, bipolaire, outre son prolongement axile descendant, pos-

THÉORIE DES NEURONES. 387

sède un prolongement ascendant de nature protoplasmique. Après

avoir émis un certain nombre de collatérales, les prolongements

cylindraxiles de ces deux cellules nerveuses pénètrent dans la

racine périphérique du nerf de la cinquième paire. « Ces cellules,

conclut van Gehuchten, sont donc pourvues de prolongements pro-

toplasmiques et d'un prolongement cylindraxile. L'existence de

prolongements protoplasmiques à ces cellules mérite d'être relevée

d'une façon spéciale. Elle enlève toute valeur à l'objection formu-

lée par Golgi contre la théorie de la polarisation dynamique des

éléments nerveux. D'ailleurs l'existence, dans le système nerveux

central, de cellules uniquement pourvues d'un prolongement cylin-

draxile, ne diminuerait en rien la valeur de la doctrine que nous

avons émise avec Ramon y Cajal, vu que l'appareil de réception

d'un élément nerveux est constitué à la fois par le corps cellulaire

et par les prolongements protoplasmiques. D (Van Gehuchten. De

l'ori/gine du pathétique et de la racine supérieure du trijumeau, 1895.)

Les dendrites participent donc bien à la transmission des pro-

cessus nerveux. Dans le bulbe olfactif, les arborisations des fibres

olfactives n'entrent jamais en contact avec le corps cellulaire des

cellules mitrales : elles s'arborisent dans les glomérules, au milieu

des ramifications des dendrites descendant des cellules mitrales :

ces dendrites reçoivent donc bien directement l'onde nerveuse

apportée par les fibrilles olfactives (Cajal). Nous savons que les

mêmes rapports existent entre les arborisations centrales des fibres

optiques et les ramifications protoplasmiques des cellules du lobe

optique des oiseaux qui emportent vers l'écorce les excitations

lumineuses (Van Gehuchten). Enfin, nous avons vu que les prolon-

gements axiles des cellules mitrales du lobe olfactif, au moins

ceux de la racine olfactive externe, s'arborisent dans les couches

superficielles des territoires corticaux, là où montent précisément

les faîtes des bouquets dendritiques des cellules pyramidales, de

manière que ces prolongements protoplasmiques peuvent seuls

recueillir les stimuli olfactifs (Calleja). Ajoutons, avec von Lenhos- .

sék, qui attache avec raison à ce fait une importance décisive, que

dans beaucoup de cellules nerveuses le prolongement nerveux

axile ne sort pas directement du corps de la cellule, mais d'un des

rameaux de ses dendrites souvent fort éloignés, observation qui

n'avait pas échappé à Deiters, et qu'ont bien étudiée Kolliker,

Cajal et van Gehuchten ; elle implique qu'entre le corps cellulaire

et ses dendrites il n'existe point de différence quant à la nalure

anatomique et fonctionnelle du protoplasma. *

Des mouvements moléculaires inconnus, des transformations

chimiques, s'accomplissant dans les parties élémentaires de ce

protoplasma, représentent sans doute les processus matériels qui,

suivant von Lenhossék, auraient lieuparallèlement à «l'événement

psychique P, et cela sous la forme d'un « mouvement se propa-

388 REVUE CRITIQUE.

géant sous la forme d'onde (p. 140). Dans le protoplasma de la

cellule nerveuse coexistent à la fois les conditions de la conduction

nerveuse et de l'activité automatique ou de la fonction nerveuse;

la substance du prolongement nerveux axile n'est qu'un organe de

transmission.

Von Lenhossék se range donc du côté de Ramon y Cajal, de

Kolhker, de van Gehuchten, de Retzius, etc., de tous ceux qui

croient les dendrites impliqués dans l'exercice des fonctions ner-

veuses du neurone. Il admet également la doctrine de la polarité

dynamique des cellutes nerveuses, principe établi d'abord par

van Gehuchten (1891), puis par Cajal (1891) et adopté par Retzius

(1893). Mais il ne croit pas que la direction du courant nerveux

soit cellulipète dans tous les dendrites, sans exception, même chez

ceux qui appartiennent à des cellules d'une autre catégorie que

celle des moHaa;OH6S. Dans les cellules multipolaires et sans pro-

longement nerveux apparent, telles que les grains du lobe olfactif,

les amacriifes de la rétine, les prolongements dendritiformes ne

doivent pas être considérés comme des prolongements protoplas-

miques typiques, mais comme des formations neuraxiques modi-

fiées. Peut-être l'étude de ces prolongements, par d'autres mé-

thodes de coloration, par celle de Nissl, permettra-t-elle de les

rattacher au type structural des prolongements nerveux.

Sur un autre point encore von Lenhossék s'écarte de Ramon y

Cajal et de van Gehuchten. La pensée de ces savants, relativement

aux dendrites, est évidemment que l'ordre et la disposition de ces

'ramifications sont en rapport avec les associations fonctionnelles

des cellules nerveuses auxquelles elles sont indispensables pour le

mécanisme des processus nerveux, et que ce mécanisme est préci-

sément adapté à cetle fin. Von Lenhossék estime, au contraire,

que la cause déterminante du nombre et de la forme des den-

drites n'est pas toute dans les rapports d'association fonctionnelle

des neurones entre eux. Certes, beaucoup de dendrites servent de

voies de conduction aux ondes nerveuses et dans la direction indi-

quée : c'est un fait qui ne souffre aucun doute. Mais les dendrites

doivent servir encore à autre chose.

Von Lenhossék expose son idée à se sujet dans son Hypothèse des

rapports fonctionnels des cellitles nerveuses entre elles (p. 142-3). Et

d'abord, si les dendrites n'avaient d'autre fonction que celle d'asso-

cier les neurones, les contacts nécessaires entre les éléments nerveux

auraient pu avoir lieu sans un tel luxe de ramifications, qui paraît à

l'auteur vraiment excessif dans certaines régions du névraxe, dans

celles où l'on trouve les cellules dePurkinje et les cellules mitrales

en particulier. « A quoi servent, écrit von Lenhossék, les dendrites

si énormément nombreux des cellules de la moelle épinière, alors

que les fibrilles latérales du prolongement nerveux, ainsi que nons

croyons l'avoir démontré, suffisent déjà en partie pour la récep-

THÉORIE DES NEURONES. 389

tion de l'excitation ; un nombre moindre de dendrites n'aurait-il

pas été suffisant ? C'est déjà une réflexion qu'a faite Kotliker

(Geivebelehre, 6° édit., Il. 127). » Von Lenhossék suppose donc que

la cause véritable, déterminante, du type des dendrites serait

celle-ci. Du fait de l'exubérance des ramifications de la plupart des

cellules nerveuses, chaque cellule peut entrer en contact avec un

nombre considérable de fibrilles nerveuses de provenance et de

genre différents ; comment, avec descontacts aussi multipliés, des

conductions isolées qui ne doivent résulter que de certains con-

tacts déterminés, sont-elles possibles ? C'est ce qu'il est difficile de

dire. On est ainsi amené à penser que la substance du protoplasma

cellulaire, y compris celle des dendrites, n'est pas d'une manière

générale également excitable par toute excitation, mais que ses

qualités propres de réaction sensible sont réglées de telle manière

qu'elles ne répondent qu'à certaines formes déterminées d'excita-

tioii. La cellule est pour ainsi dire accordée pour des excitants

déterminés » ; des nombreux contacts auxquels sa surface est expo-

sée, quelques-uns seulement seraient fonctionnellement efficaces ;

ses molécules ne pourraient être mises en vibration, à la manière

d'un résonateur, que par les états d'innervation de quelques-unes

des nombreuses espèces de fibres qui entrent en contact avec elle.

Cette a correspondance fonctionnelle » aurait sa raison d'être

dans certaines propriétés de structure interne; dans certains rap-

ports d'équilibre et d'arrangement moléculaires. Quoi qu'il en

soit, cette hypothèse s'accorderait au mieux, suivantvon Lenhossék,

avec les phénomènes du développement psychique, de la vie psy-

chique elle-même (Seelenleben) : dans le passé, on pourrait ad-

mettre pour les a connexions fonctionnelles » un développement

progressif; plus tard, elles fourniraient un substratum pour la

liaison de nouvelles associations résultant des contacts fonction-

nels demeurés jusque-là inactifs. Il serait ainsi inutile de supposer

que la pioduction de nouvelles associations dans les sphères psy-

chiques provoque, comme processus matériel parallèle, la formation

de nouvelles ramifications dendritiques, condition anatomique de

nouveaux points de contact.

DISTINCTIONS honorifiques. Sont nommés officiers d'acadé-

mie, MM. les Drs Antheaume et Dagont.

RECUEIL DE FAITS.

PERTE INTERMITTENTE DE LA VISION BILATÉRALE

CHEZ UNE HYSTÉRO-ÉP1LEPTIQUE ;

Par le D' H. MABILLE,

Directeur-médecin de l'asile de Lafond (Charente-Inférieure).

Une demoiselle A..., âgée actuellement de quarante-deux ans,

est entrée à diverses reprises à l'asile de Lafond, pour troubles

mentaux consécutifs à des crises nerveuses. J'ai pu, de cette façon,

l'observer pendant plus de dix ans.

Sa première admission date de l'année 1886, mais son affection

remonte à l'année 1882. C'est à partir de cette époque qu'elle a été

atteinte de crises'à forme hystéro-épiteptique. Sa mère a été alié-

née ; c'est le seul renseignement précis qu'il m'a été possible de me

procurer concernant ses antécédents héréditaires.

En mars 1886, la malade accuse des troubles consistant en suffo-

cations, douleurs de tête avec clou, sensation de boule, pylorisme

et cesophagisme. Elle présente' de l'hémianesthésie droite avec

hyperesthésie gauche, et, dès les premiers jours de son admission,

elle est atteinte d'une série de crises nerveuses que la compression

de l'ovaire réussit à arrêter pour quelques instants.

A la suite de ces crises, la malade a le caractère difficile ; elle se

lamente, a des accès de larmes suivis d'accès de rire incoercible.

Les crises deviennent de plus en plus fréquentes et des vomisse-

ments répétés surviennent. Tout traitement venant à échouer, un

matin la malade fut avertie que son état nécessitera son place-

ment dans le pavillon des malades excitées.

A partir de cette époque, les crises nerveuses disparaissent, les

vomissements s'arrêtent et, en octobre 1886, la sortie peut être

tentée. Mais, après quelques mois de calme dans la famille, les

crises reparaissent, et depuis cette époque, bien que plusieurs sor-

ties aient été essayées, tous les procédés de traitement ont com-

plètement échoué contre l'affection.

Il n'y a pas lieu de s'attarder à décrire les légères anomalies de

conformation crânienne de la malade et ou peut résumer son his-

toire pendant les premières années en disant qu'elle a présenté des

crises revenant par intervalles irréguliers, principalement au mo-

PERTE DE LA VISION BILATÉRALE. 391

ment des époques, et des périodes d'excitation cérébrale suivies de

dépression avec tendances au suicide. Mais il faut néanmoins

insister sur ce fait que les crises de la malade sont de deux sortes : -,

les crises épileptiques proprement dites et les crises hystéro-

épileptiques, avec le cortège habituel des manifestations de l'hys-

téro-épilepsie.

Ainsi elle tombe en poussant un grand cri, et l'accès épileptique

se déroule ; le réveil se produit au bout de quelques minutes.

L'amnésie est absolue. Ces crises surviennent plusieurs fois par

jour, principalement au moment des époques, et ne sont pas arrê-

tées par la compression ovarienne. Tantôt, au contraire, elle est

prise de suffocations avec boule; puis le grand accès d'hystérie ma-

jeure se produit avec toutes les phases ordinaires, telles qu'arc de

cercle et accidents hallucinatoires, zoopsie, visions de fleurs, etc.

Ces grandes crises, que la compression ovarienne suspend parfois

pour un instant, durent souvent plusieurs jours. Souvent aussi elles

sont précédées ou suivies d'amnésie, d'ischurie.

A la suite de ces crises, la malade est souvent atteinte d'aphasie

qui persiste des semaines entières. Cette aphasie et parfois aussi

la paraplégie, qui succèdent aux crises, disparaissent brusque-

ment.

L'état d'anorexie avec vomissements répétés se prolonge aussi

parfois des mois entiers, et rien n'a paru plus surprenant que de

voir une fois de plus la résistance de certaines hystériques au

défaut presque absolu d'alimentation. Mais tous ces accidents sont

toujours survenus à la suite d'une sorte d'état de mal hystéro-

épileptique, sans aucune manifestation fébrile, et il est devenu

bien souvent impossible de faire la part des accidents imputables à

l'hystérie ou à l'hystéro-épilepsie.

Les troubles de la sensibilité ont néanmoins subi quelques modi-

fications.

Ainsi, en mai 1896, l'hémianesthésie siège à gauche, tandis

qu'autrefois elle siégeait à droite; elle est complète à la piqûre,

au froid et à la chaleur. A cette même époque, on note une zone

d'hyperesthésie sus-mammaire et ovarienne gauche, et une zone

douloureuse à l'angle inférieur de l'omoplate gauche. A cette

même date, le goût et l'odorat sont un peu diminués, mais l'acuité

visuelle et auditive est normale. De même pour les réflexes, la force

musculaire est cependant sensiblement diminuée à droite. Toutefois

le champ visuel présente un rétrécissement très net pour le blanc

ainsi que pour le rouge et le vert.

L'analyse des urines dénote un défaut d'élimination, sans inver-

sion de la formule des phosphates (examen fait après les crises

épileptiques.)

Cet ensemble de symptômes permet d'affirmer que la malade est

atteinte d'hystéro-épilepsie avec manifestations isolées d'accidents

392 RECUEIL DE FAITS.

épileptiques et d'accidents liystéro-épileptiques, comme cela se

produit d'ailleurs assez fréquemment chez les malades de cette

catégorie.

Si j'ai tenu à insister sur les signes cliniques de la maladie,

c'est que le diagnostic lui-même permet de rapporter à l'hys-

térie majeure les troubles de la vision qui constituent le

point particulier de l'observation que j'ai l'honneur de pré-

senter. En effet, la malade, à quatre reprises différentes,

dans un espace de cinq années, à la suite de périodes con-

vulsives, est restée pendant une douzaine de jours consécu-

tifs privée de l'usage de la vue. Les paupières supérieures

étaient tombantes, les pupilles dilatées et sans réaction à la

lumière, l'axe des yeux était dévié en dedans.

L'amaurose était double, absolue, et se manifestait ordi-

nairement en même temps que les troubles aphasiques dont

j'ai parlé plus haut, en même temps aussi que l'anesthésie

totale, d'une façon brusque.

Notre honoré collègue de la Société de médecine de la

Rochelle, le docteur Prioux, visitant unjour mon service, a pu

observer la malade pendant une de ces attaques d' amaurose .

Il a pu, de plus, avec sa compétence toute spéciale, examiner

le fond de l'oeil de la malade et n'a constaté aucune lésion

sensible à l'ophtalmoscope.

Il s'agit donc, dans le cas étudié, d'une perte bilatérale

intermittente de la vision survenant à la suite de crises hys-

téro-épileptiques et disparaissant assez brusquement après

une durée indéterminée. Je crois aussi pouvoir relier cette

amaurose à la même cause que les accidents décrits au début

de cette observation, à la même cause que les paralysies

passagères, l'ischurie, l'anurie, l'aphasie, les hémianesthésies

ouïes anesthésies variables, c'est-à-dire à l'hystérie majeure.

Et si j'ai cru devoir relater brièvement ce cas de perte

intermittente de la vision bilatérale chez une hystérique,

c'est qu'il me semble constituer presque une rareté clinique.

« La dyschromatopsie de telle ou telle manière fera place

chez celle-ci tout à coup à l'achromatopsie complète, dans le

temps où, placée sous le coup de l'accès prémonitoire, elle

est menacée d'une attaque convulsive, et disparaîtra après

l'attaque aussi vite qu'elle s'est produite.

« Une amaurose absolue, portant sur les deux yeux, pourra

aussi s'établir momentanément à la suite de l'attaque (obs.

PERTE DE LA VISION BILATÉRALE. 393

de Lé...) en même temps que l'anesthésie, dépassant ses

limites habituelles, aura envahi toute l'étendue du corps. Il

peut également arriver que l'amaurose monoculaire ou la

cécité complète se développera spontanément, brusquement

ou progressivement, sans avoir été précédée par l'orage con-

vulsif (obs. de Mai'.) 2. En somme, l'amaurose complète por-

tant sur les deux yeux est dans l'hystérie un fait relativement

rare. Briquet ne l'avait rencontrée que trois fois\ Il cite

comme des faits exceptionnels les cas relatés par Pomme,

Allègre , Landouzy. Au contraire, la dyschromatopsie ,

l'achromatopsie et même l'amaurose complète d'un oeil,

celui qui correspond au côté où siège l'hémianesthésie, sont

des phénomènes presque vulgaires. »

Ainsi s'exprime Charcot qui ne l'a guère observée plus sou-

vent que Briquet (voir Leçons cliniques sur les troubles de la

vision chez les hystériques), et comme le dit encore ce maître

éminent, ces troubles de la vision, sans lésion appréciable du

fond de l'oeil, relèvent de troubles dynamiques, du carre-

four sensitif, soit de troubles dynamiques affectant les fibres

qui traversent ce carrefour, soit, comme je suis porté à le

croire, sur leur prolongement à la surface du cerveau. »

Quoi qu'il en soit de cette explication rendue bien plausible

par l'étude des troubles similaires observés chez les per-

sonnes atteintes de lésions en foyer, il ne paraît pas inutile

de rappeler, en terminant, que l'amaurose bilatérale est tou-

jours survenue chez cette malade, en même temps que l'anes-

thésie généralisée, à la suite de cette sorte « d'état de mal

hystéro-épileptique » dont j'ai parlé plus haut, et qu'elle a

disparu brusquement au même titre que les paralysies

diverses et les troubles aphasiques dont elle a été fréquem-

ment atteinte 1.

1 BourneviUe. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie

et l'hyslérie, p. 13î, 1 et Ifi5.

z Voir l'observation complète dans Bourneville et Regnard. Icono-

rlraplcie de la Salpëlrière, t. I, p. 19, 11.

3 Briquet. Traité de l'hystérie, p. 293.

* Voir aussi le mémoire de 1)'Olier,intitulé : De la coexistence de l'hys-

térie et de l'épilepsie avec manifestations distinctes'des deux névroses,

hystéro-épilepsie à crises distinctes, considérées dans les deux sexes et

en particulier chez l'homme, mémoire qui renferme plusieurs observa-

tions que nous lui avons communiquées. B.

394 RECUEIL DE FAITS.

TRAITEMENT PREVENTIF ET CURATIF DES ESCIIARES

DES ALIÉNÉS ;

Par le D'ALEXANDRE PARIS,

Médecin enchefdel'stledeMar6tHc-Nahcy.

Voici un accident dont la pathogénie de prime abord assez

simple n'est cependant pas encore complètement élucidée.

Résultat de troubles trophiques pour les uns, de compres-

sion pour d'autres, etc., etc., l'eschare des régions fessières,

sacrée ou trochantériennes, me semble due, le plus souvent,

à deux causes principales assez nettement'mises en relief par

le succès du traitement préventif et curatif que cette note a

surtout pour objet de signaler.

Mebasant sur ce que l'aspect des parties molles menacées de

devenir le siège d'une eschare est parfois d'abord assez ana-

logue à celui de la surface d'une brûlure au premier degré,

sur les particularités offertes à un examen attentif par le

pourtour d'une eschare, je me suis dit qu'un pansement au

liniment oléo-calcaire accélérerait très probablement la cica-

trisation des vastes et profondes eschares du sacrum : 1° en

empêchant, mieux que les autres pansements, les liquides

stercoraux et urinaire d'arriver en contact avec la plaie ou

la peau avoisinante, 2° en supprimant d'une façon complète

l'arrivée de l'air sur la plaie ou sur les bords, 3° par neutra-

lisation des liquides acides qui pourraient compromettre la

cicatrisation, 4° par suppression de tout phénomène doulou-

reux, démangeaison, etc.

Par l'application sur la plaie et sur la peau environnante,

dans une assez grande étendue, d'une épaisse couche de

coton bien arrosée de liniment oléo-calcaire, j'ai obtenu, en

effet, la cicatrisation rapide de larges eschares que les autres

modes-de traitement habituellement usités ne modifiaient

que fort lentement. Je suis arrivé bientôt à prescrire l'appli-

cation de ce pansement, après soins locaux de propreté bien

entendu, sur toute rougeur de la peau constituantune menace

d'eschare, chez les paralytiques, les gâteuses débiles, etc., et,

depuis plusieurs années, ce genre de plaie a presque totale-

ment disparu de mon service.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 395

Il va sans dire que le succès est d'autant plus certain que

la stagnation des liquides stercoraux et urinaire est mieux

évitée ; aussi est-il bon de donner aux malades menacés un

matelas percé permettant de placer une petite paillasse

directement sous le siège du pansement; la paillasse assure

mieux l'écoulement des liquides que le matelas ou le coussin

à eau.

Je crois, en face des résultats que m'a donnés ce panse-

ment, que les liquides stercoraux et urinaire exercent, dans

beaucoup de cas, sur la peau ou sur les eschares de nos

paralytiques ou de nos malades atteintes de misère physio-

logique une action irritante, corrosive en quelque sorte,

analogue à celle de la clématite sur la jambe du vagabond

qui exploite l'ulcère variqueux. Les phénomènes de com-

pression n'auraient bien souvent qu'un rôle tout à fait acces-

soire dans la pathogénie de l'eschare, qui serait presque

toujours le résultat de l'action de liquides irritants sur une

surface molle préparée par quelque trouble trophique ou

rendue particulièrement fragile par la misère physiologique.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

LVII. Recherches expérimentales SUR LES ALTÉRATIONS artificielles

ET CADAVÉRIQUES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL ET PÉRIPHÉRIQUE; par

le Dr P. S FA MEN (Lo Sperimenlaleet Arehiv. di biologia, f. 1, 1897.)

Les travaux publiés sur ce sujet par Schulz, Charcot, Leyden

étaient insuffisants ou entachés d'erreurs, parce que leurs auteurs

n'avaient examiné qu'une partie du système nerveux et chez des

sujets humains morts d'affections aiguës ou infectieuses, et qu'ils

n'avaient tenu compte, dans leurs résultats, ni des différences de

température, ni des différences de durcissement des coupes. Sfameni

décrit minutieusement la méthode et les procédés qu'il a suivis

pour éviter les incertitudes de ses devanciers. Il a opéré sur des

lapins sacrifiés en bonne santé. Aussitôt après la mort, les ani-

maux étaient placés dans une étuve à 22°, d'où ils étaient retirés,

396 revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

les uns après quatre, huit, douze... heures jusqu'à cinquante-six

heures, d'autres après un séjour de huit, seize, vingt-quatre heures.

Aussitôt retirés de l'étuve, les pièces du système nerveux, isolées,

étaient plongées dans le liquide durcissant, tantôt le liquide de

Miiller, tantôt l'alcool absolu. Chez quelques sujets, le système

nerveux a été isolé et plongé dans le liquide durcissant aussitôt

après la mort. L'auteur a ensuite effectué plusieurs milliers de

coupes (exactement 6.555 préparations), en séries de 20 à 100, sur

les différentes parties du système nerveux (cerveau, cervelet, bulbe,

moelle épinière, nerfs périphériques, terminaisons nerveuses).

Après avoir décrit toutes ses expériences et classé leurs résultats

pour chaque organe examiné, il développe les conclusions sui-

vantes :

a)..4M)'ff(«MM artificielles. Dans le cerveau et le cervelet, il

se produit des vacuoles dans le protoplasma des cellules, de la

tuméfaction hyaline du protoplasma et quelquefois la destruction

du noyau. Le même phénomène se manifeste dans les cellules des

ganglions intervertébraux. Dans le bulbe et la moelle épinière, il

existe un état vacuolaire à la périphérie des cellules. Dans tous les

organes nerveux on observe la présence de corpuscules amylacés.

Dans les nerfs périphériques, la myéline se présente sous la forme

de granulations disposées autour du cylindraxe.

b). Altérations cadavériques. Désagrégation granuleuse et

raréfaction graduelle du protoplasma et du noyau dans toutes les

cellules nerveuses et névrogliques. Les fibres nerveuses, d'abord

dans la moelle épinière et le bulbe, plus tard dans le cerveau et le

cervelet, augmentent de volume par gonflement de la myéline; le

cylindraxe se fragmente et tombe ensuite en dégénérescence gra-

nuleuse. Dans les nerfs périphériques, on voit l'état vacuolaire, une

légère tuméfaction des fibres par gonflement de la myéline et

dégénérescence granuleuse des cylindraxes. Dans la moelle épi-

nière on rencontre en outre une chute partielle ou totale de l'épi-

thélium de revêtement du canal central; les cellules épithéliales,

noyau et protoplasma, se colorent mal. Dans les terminaisons ner-

veuses, on observe la fragmentation des cylindraxes dont les

extrémités se trouvent remplacées par des amas de grosses et

petites granulations.

c). Altérations artificielles et cadavériques concomitantes.

Formation de l'état criblé dans les substances nerveuses du cer-

veau, du cervelet et du bulbe. Tuméfaction hyaline des cellules

nerveuses de la moelle épinière.

Cette étude consciencieuse, accompagnée de dessins à la

chambre claire, justement honorée d'un prix de l'Académie de

Bologne, est du plus haut intérêt; mais avant d'affirmer qu'elle

comble les lacunes et redresse les erreurs des Schulz, des Charcot,

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 397

des Leyden, qui ont expérimenté sur les tissus nerveux de l'hontnae,

peut-être serait-il bon de se souveuir qu'elle porte uniquement

sur les tissus nerveux du lapin. R. Charon.

LVIII. Atrophie unilatérale DU CERVELET ET SYMPATHICOTOMIE pour

épilepsie; par le Dr Lannois. (Soc. des Se. méd. de Lyon,

mars 1898.)

Un épileptique à crises fréquentes fut opéré par M. Jaboulay,

qui fit l'extirpation des deux ganglions sympathiques supérieurs.

Après l'opération, les crises furent aussi fréquentes, et le malade

succomba quatre jours après en état de mal.

Autopsie. Congestion des méninges. Atrophie du lobe

gauche du ce ? -velet, réduit au volume d'un oeuf de pigeon, de

consistance très dure, avec épaississement des méninges. La

substance grise est complètement atrophiée, la substance blanche

est mieux conservée. Cette atrophie ne s'est caractérisée par aucune

lésion permettant de songer à une lésion du cervelet. Dr DEVAY.

LIX. UN cas d'ostéite déformante DE PAGE. Interprétation DES

lésions DE la MOELLE épinière; par Léopold L1 : VI. (IV021'U. ICOit0y9'.

de la Salpêtrière, n° 2, 1897.)

Observation clinique suivie d'autopsie et d'examen histologique

de la plupart des organes, en particulier de la moelle épinière et

des os. Il s'agit d'une femme de soixante-deux ans, sans hérédité,

chez qui s'est développée progressivement une ostéite déformante

de Paget à évolution lente et qui succomba à une cardiopathie

compliquée de tuberculose pulmonaire et péritonéale. Comme

particularités de ce cas, l'auteur signale : la symétrie croisée des

lésions osseuses (humérus gauche, radius droit, fémur droit,

péroné gauche); l'intégrité des tibias et des clavicules qui sont

généralement atteints; la participation des altérations aux épi-

physes ; l'absence de symptômes cliniques d'ordre nerveux (hormis

la douleur localisée au niveau des os atteints, l'affaiblissement

intellectuel, la perte des urines et des matières et le nystagmus

binoculaire); les lésions médullaires qui peuvent se résumer ainsi :

sclérose pseudo-systématique d'origine vasculaire à prédominance

sur les faisceaux de Goll et les faisceaux pyramidaux. La discus-

sion du cas et sa comparaison avec ceux de Gilles de la Tourelle et

Marinesco conduisent l'auteur à admettre qu'il n'y a pas lieu d'éta-'

blir de relation entre les lésions de la moelle épinière et l'ostéite

déformante de Paget. Il ne s'agirait dans l'espèce que d'une coïn-

cidence, et l'on pourrait seulement se demander si les lésions vas-

culaires et osseuses ne sont pas sous la dépendance du même

trouble dystrophique d'origine inconnue. R. C.

398 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

LX. SUR un cas d'hémisection traumatique DE la MOELLE (Syndrome

de l3rowlz-,Seqzcard) ; par F. Raymond. (Nouv. Iconogr. de la Sal-

pétrière, 189î, nuS 1, 3 et 5.)

Leçon magistrale qui embrasse non seulement l'analyse critique

d'un cas très intéressant d'hémisection traumatique de la moelle,

mais encore l'histoire clinique complète de cette lésion peu fré-

quente et les enseignements qui s'en dégagent au triple point de

vue de la physiologie, de la médecine légale et de la clinique pure.

Observation. Jeune homme de vingt-huit ans. Reçoit deux

coups de couteau dans la région dorsale. Les deux blessures siègent

immédiatement à gauche de la ligne dursale, Tune au niveau

de la septième vertèbre cervicale, l'autre au niveau de la première

dorsale. Il s'ensuit un ensemble de troubles dont l'évolution a

été suivie pendant près d'une année et dans lesquels on trouve,

avec toute la netteté d'une expérience de laboratoire, tous les élé-

ments primordiaux et secondaires du syndrome de Bi,oiv2-Sequai'd :

A. Du côté de la lésion, à gauche : Hémiplégie motrice, hyperesthésie

cutanée, anesthésie profonde, paralysie vaso-motrice, exagération des

réflexes tendineux. R. Du côté opposé, à droite : Anesthésie

superficielle complète, conservation de la sensibilité profonde.

C. Paralysie de la vessie et du rectum.

Lemaitre passe en revue un certain nombre d'exemples d'hémi-

section traumatique delà moelle et les groupe en différentes caté-

gories selon le siège de l'hémisection et les troubles sensitivo-

moteurs consécutifs. Il en déduit quatre types. Premier type : .'

Paralysie motrice limitée au membre inférieur; troubles sensitifs

ne remontant pas jusqu'à la racine des membres inférieurs. Siège

de la lésion : au dessous de la neuvième vertèbre dorsale. Second

type : Paralysie motrice et troubles sensitifs remontant au-dessus

de la racine des membres inférieurs et empiétant plus ou moins

sur le tronc. L'hémisection intéresse la moelle à un niveau qui

correspond aux vertèbres moyennes et supérieures. -Troisième

type : Les membres supérieurs et le thorax participent aux troubles

sensitivo-moteurs qui se compliquent fréquemment de manifesta-

tions en rapport avec une paralysie du grand sympathique cervi-

cal et du nerf phrénique. La lésion médullaire siège au dessus de

la sixième vertèbre cervicale. Quatrième type : Les troubles sen-

sitivo-moteurs envahissent toute une moitié du corps, nuque et

cou compris jusqu'à la face. La lésion intéresse la moelle dans sa

partie supérieure, immédiatement au-dessous de la protubérance

occipitale. ,

De cette revue critique découlent quelques déductions pratiques

importantes : A. au point de vue clinique et pour se guider dans

le diagnostic, le pronostic et le traitement, on doit retenir :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. ? 99

1° Qu'au début, dans les premières heures qui suivent le trauma-

tisme, les phénomènes de compression peuvent prédominer sur les

symptômes de l'hémisection (paralysie motrice bilatérale), par

suite de la formation d'épanchement sanguin dans le canal rachi-

dien, et qu'en présence d'une blessure pénétrante siégeant le long

du rachis, il ne faut point se hâter de nier l'hémisection de la

moelle, quels que soient les symptômes cliniques observés ; 2° qu'en

général toute intervention chirurgicale, [hémostase, suture, est

contre-indiquée ; 3° que si le praticien doit être très réservé au

point de vue du pronostic de l'hémisection de la moelle, il ne doit

point déclarer son malade voué à une mort certaine. Si la lésion

intéresse la partie supérieure du rachis, une issue fatale est vrai-

semblable, mais non certaine. Si la lésion siège au-dessous de la

cinquième vertèbre cervicale, le blessé a les meilleures chances de

s'en tirer, « à condition qu'il ne tombe pas entre les mains d'un

opérateur empressé de faire de la chirurgie médullaire quand

même ». Au point de vue de la médecine légale, il faut se sou-

venir qu'on se trouve non seulement en présence d'une victime,

mais aussi d'un coupable', dont le châtiment pourra être fixé par

l'enquête médicale. On ne saurait donc trop se méfier d'apprécia-

tions pronostiques trop sévères. Il ne faut point dire : e Un homme

qui a la moitié de la moelle sectionnée est un homme paralysé

pour le restant de ses jours, mais bien : « Dans la très grande

majorité des cas. une amélioration progressive, plus ou moins

rapide, se produit dans les troubles sensitivo-moteurs consécutifs

di une hémisection traumatique de la moelle ; cette amélioration

peut aller jusqu'à la guérison définitive. » - C. Considérations ana-

tomo-physiologiques, appuyées de figures schématiques, sur le

mécanisme des principaux éléments du syndrome de Brown-

Sequard, dont les plus intéressantes se rapportent à l'hémianesthé-

sie croisée. Dans l'état actuel des connaissances histophysiolo-

giques, ce symptôme ne saurait s'expliquer que par l'une ou l'autre

des deux hypothèses suivantes : ou bien les collatérales sensitives

qui subissent la décussation dans la commissure postérieure, non

seulement suffisent à assurer la transmission des impressions sen-

sitives à travers la moelle, mais seules elles sont chargées de cette

transmission, ou bien cette héinianesthésie croisée, au lieu d'être la

conséquence directe de l'interruption des conducteurs sensitifs, ne

serait que l'effet d'actions à distance, dynamogéniques, comme par

exemple une action d'inhibition s'exerçant sur les centres de la

perception. ' R. CaARON.

LXI. DES rapports DE la station hanchée avec la SCOLIOSE dorsale

- primitive DES adolescents; par Paul RICHER. (Nouv. lconogr. de la

So/pn'e, n° 1, 1897.)

Contribution à l'étude des attitudes en tant que causes de défor-

400 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

mations, et moyens curatifs de déformations. L'auteur résume

l'exposé du mécanisme et de la morphologie de la station hanchée,

et il démontre, avec photographies à l'appui, qu'il se produit dans

cette station une véritable scoliose physiologique, que, chez les

scoliotiques, la déformation pathologique est exagérée lorsque le

malade hanche du' côté de la déformation, et corrigée lorsque le

malade hanche du côté opposé à la déformation De cette observa-

tion il est permis de conclure que : 1° la station hanchée trop

souvent répétée du même côté peut être chez les enfants une cause

de déformation scoliotique ; 2° que l'attitude hanchée du côté

opposé à la déformation prolongée et répétée peut être un moyen

de traitement efficace dans les scolioses. R. C.

LXII. Ramollissement DU noyau lenticulaire ET DE la capsule

interne ; Anosmie du coté opposé ; par M. PEIIU, interne des

hôpitaux de Lyon. (Société des sciences méd. de Lyon.)

Une malade avait présenté une hémiplégie gauche, une hémi-

anesthésie complète du même côté, une hémianopsie latérale

gauche, et une abolition de l'ouïe du même côté. Par contre l'odo-

rat était plus affaibli du côté opposé à l'hémianesthésie. A l'autop-

sie, en outre des lésions de la néphrite chronique pour laquelle la

malade était entrée à l'hôpital, on a trouvé un ramollissement céré-

bral intéressant le noyau lenticulaire et la capsule interne ; l'écorce

était, par contre, respectée. Il semble ainsi démontré qu'une lé-

sion capsulaire peut produire l'hémianopsie au même titre qu'une

lésion des radiations optiques ou du lobe occipital du même côté.

Dr F. DEVAY.

LXIII. LÉSIONS DE la moelle épinière dans UN cas DE diabète sucré;

par les Drus Souques et Makinesco.

Des coupes minces de la moelle d'une femme diabétique, morte

dans le marasme, ont montré après coloration par la méthode de

Wei,ert-Pal, dans les deux cordons postérieurs, une zone pâle à

forme triangulaire dont la base est dirigée vers la périphérie et le

sommet vers la commissure postérieure.

La pâleur de cette zone relève d'une part de la finesse des fibres

nerveuses à ce niveau et, d'autre part, de la disparition de quelques-

unes d'entre elles, cette zone se montre aux régions lombaire et

dorsale avec la même forme : dans la région cervicale, elle parait

double dans chaque cordon postérieur.

Cette dégénérescence des cordons postérieurs rappelle, dans son

aspect général, la dégénération ascendante consécutive à la sec-

tion des racines postérieures, envisagée au-dessus de la racine

sectionnée.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 401

A aucun niveau il n'y avait de lésion certaine des racines posté-

rieures : un peu d'atrophie des cellules de la corne antérieure.

C'est vraisemblablement dans une intoxication d'ordre glycosu-

rique qu'il faut rechercher l'origine de ces lésions 'dans certains

cas de diabète sucré.

En somme, la moelle peut être altérée dans certains cas de

diabète sucré, soit isolément, soit en même temps que le système

nerveux périphérique. Les lésions médullaires portent isolément

ou simultanément sur les cordons blancs, particulièrement sur les

cordons postérieurs, et sur la substance grise, spécialement sur

les cellules des cornes antérieures. Ces lésions paraissent détermi-

nées par les substances toxiques qui circulent dans le sang de

certains diabétiques. Elles constituent, sans doute, dans plusieurs

cas le substratum anatomique du signe de Westphal. (Revue neu-

rologiçzle, mai 1897.) E. B.

LXIV. DE la substitution musculaire : par le professeur THOMAYER.

Les deux observations rapportées par l'auteur montrent que

dans quelques cas de paralysie de certains muscles le sujet arrive

à substituer au muscle paralysé l'action de muscles sains.

Dans le premier cas il y avait paralysie complète du muscle del-

toïde des deux côtés, muscle dont la fonction est d'élever les bras,

de les porter en avant et en arrière. Ces mouvements étaient

cependant possibles, d'une manière très restreinte, il est vrai,

parce que d'autres muscles, qui ont leur insertion à l'omoplate,

se substituaient par leur action au deltoïde paralysé.

Dans le second cas, il s'agissait d'une névrite traumatique du

plexus brachial suivie de l'atrophie de quelques muscles. Le

deltoïde surtout était pris. Le malade ne pouvait exécuter tous

les mouvements dépendants de ce muscle ; il mettait seulement les

bras en avant, ce qu'il exécutait au moyen du grand dentelé et du

trapèze, comme le premier malade. Il semble que le hasard

se soit chargé d'apprendre aux malades à substituer à leurs mus-

cles paralysés l'action d'autres muscles. (Revue neurologique,

mars 1897.) . E. Blin.

LXV. ETUDE SUR LE trajet DES fibres exogènes DE la moelle

épinière ; par le professeur Donetti.

Les opinions sont très diverses à propos du trajet dans la moelle

des fibres des racines postérieures, et les expériences faites dans

ce sens par les différents observateurs se contredisent et donnent

lieu à des interprétations très différentes.

Des expériences de l'auteur, dans lesquelles il s'est efforcé d'écar-

ter toute cause d'erreur, on peut tirer les conclusions suivantes :

Archives, 2e série, t. V. 26

402 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

1° Par la section des racines postérieures on obtient une dégéné-

rescence ascendante et descendante; 2° le faisceau ascendant

dégénéré constitue un faisceau plus volumineux qui occupe la

zone de Lissauer et la zone radiculaire postéro-interne : dans cette

dernière la dégénérescence diminue à mesure que l'on monte;

3° Il n'y a de déérescetice ni dans la zone radiculaire antérieure

du cordon postérieur, ni du côté opposé, ni en d'autres points de

la moelle ; - 4° le faisceau descendant constitue un faisceau plus

grêle, plus mince, situé en grande partie dans la zone de Lissauer

et empiétant un peu sur la zone radiculaire postéro-interne ;

5° pour le faisceau descendant, on n'a pas non plus de dégénéres-

cence du côté opposé, ni en d'autres points de la moelle ;

6° les autres lésions tiennent à peu près sûrement à des trauma-

tismes opératoires. (Revue neurologique, avril 1897.) E. B.

LXVI. Contribution A L'ÉTUDE des dégénérescences secondaires

dans la MOELLE t.PINIÊRE; par le Dr Serge SoumiANOFF. (Journal

de Neurologie et d'Hypnologie, 1898, n° 1.)

L'auteur a constaté qu'après une section de la moelle épinière,

les fibres qui dégénèrent affectent une distribution différente au-

dessus et au-dessous de la lésion. Au-dessus, elles se rencontrent

surtout dans les cordons postérieurs et dans la partie des cordons

antéro-latéraux qui sont dégénérés en direction ascendante. Au-

dessous de la lésion, la dégénérescence prédomine dans les cordons

antéro-latéraux. L'existence d'une quantité plus considérable de

fibres dégénérées au voisinage de la section qu'à une certaine

distance prouve que beaucoup d'entre elles appartiennent aux voies

courtes de la moelle épinière.

La disposition des diverses fibres dégénérées aussi bien dans les

cordons postérieurs que dans les cordons antéro-latéraux, semble

indiquer que les fibres courtes siègent surtout près de la substance

grise et les fibres longues à la périphérie de ces cordons. G. DENY.

LXVII. QUELQUES remarques sur l'anthropométrie; par le

Dr HRDLICA.1.

Il est inutile de beaucoup s'étendre sur les services que peut

rendre Pauthropométrie ; mais au moment où cette science se déve-

loppe de tous côtés, et en raison de la délicatesse des mesures à

prendre, il est à craindre que des résultats hâtifs mal interpértés

ne jettent quelque confusion ; aussi l'auteur fait-il les recomman-

dations suivantes :

1° D'étudier sérieusement la technique avant de se mettre : \

mesurer ; 2° de se servir d'instruments à la fois simples et dignes

de foi ; 3° de suivre les méthodes de mensuration les plus générales

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 403

et les plus connues ; 4°de ne pas prendre.trop de mesures; 50 dene

pas suivre le système de Bertlllon qui ne peut servir que pour

l'identification; 6° de ne pas se fier sur les mensurations prises sur

une photographie; 7° de toujours compléter le ? mesures par une

bonne inspection. (Ame,ican journal of MS(HK<</, avril 1897).

E. B.

LXV111. D'UN faisceau spécial de la zone latérale DE la moelle

épinière; par le D1' Alexandre BRUCE.

Les cordons latéraux de la moelle se divisent en faisceau fonda-

mental du cordon latéral, faisceau de Gowers, faisceau pyramidal

croisé, faisceau cérébelleux direct, zone externe de Lissauer et

zone limitante latérale, aussi appelée zone marginale ou faisceau

profond du cordon latéral.

Dans un cas de sclérose latérale amyotrophique, l'auteur a pu

constater que ce ne sont pas seulement les faisceaux pyramidaux,

les cellules des nerfs moteurs de la corne antérieure, les racines

antérieures la plus grande. partie des cordons latéraux, à l'excep-

tion des faisceaux ascendants, notamment le faisceau cérébelleux

direct et le faisceau atitéro-latéral ascendant de Gowers, qui sont

en dégénérescence mais que cette dernière affecte aussi en partie

la zone limitante latérale, dont la partie antérieure montre une

dégénérescence aussi avancée que celle des faisceaux fondamentaux

antérieurs et latéraux, tandis que la partie postérieure de la zone

forme contraste avec la partie antérieure en demeurant profondé-

ment teintée.

Le foyer non dégénéré se trouve immédiatement à la partie

externe de la corue postérieure et s'étend de sa base presque

jusqu'à l'extrémité de la corne. La forme eL celle d'une poire dont

la tête repose antérieurement dans l'angle qui sépare la corne

antérieure de la corne postérieure.

Il parait donc que la zone limitante latérale doit être dès lors

considérée comme se composant de deux symptômes presque com-

plètement indépendants et qui n'ont que ceci de commun, que

les fibres qui les composent proviennent de cellules de la substance

grise et sont des fibres d'un court trajet. (Revue neurologique, dé-

cembre 1896.) E. B.

LXVIX. Contribution A L'ÉTUDE DES changements DE forme DU POULS

artériel ET DU POULS capillaire aux différentes heures DE la

journée; par BIIET et COURTIER.

Dans une communication récente à l'Académie des sciences, les

auteurs ont résumé les expériences faites par eux sur la forme du

pouls capillaire et artériel aux différentes heures de la journée et

de la nuit.

404 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Dans le présent. travaililsajoutentqueiquespièces justificatives et

publient vingt-huit graphiques. Les résultats de ce travail sont les

suivants : sous l'influence de la digestion, le pouls augmente d'am-

plitude ; la ligne d'ascension et la ligne dedescente deviennentplus

rapides; le sommet de la pulsation devient plus aigu; le dicrotisme

est placé plus bas sur la ligne de descente; il est plus accentué.

Les tracés artériels et capillaires pris à la même heure ont été

placés sur la même ligne horizontale.

En les étudiant on voit que : 1° il y a un changement graduel

dans la forme de la pulsation d'heure en heure ; ce changement est

de même sens pour le pouls capillaire et pour le pouls radial ;

les deux tracés quoique pris avec des appareils différents, concor-

dent d'une manière absolue, ce qui élimine les erreurs d'appli-

cation. (Revue neurologique, décembre 1896.) E. B.

LXX. L'automatisme considéré comme une DES MA111PEST.aLIOYS DE la

syphilis cérébrale; par le professeur BECHTEREW.

Jusqu'à présent, les états d'obnubilation de la conscience dési-

gnés par le terme d'automatisme, ont été notés surtout dans l'épi-

lepsie et l'alcoolisme chronique. Cet automatisme observé dans

l'alcoolisme chronique est considéré par plusieurs auteurs comme

une manifestation de la névrose épileptique, acquise sous l'in-

fluence de l'alcool; pour d'autres, cet automatisme pourrait dans

certains cas se développer dans le cours de l'alcoolisme chronique,

indépendamment et doute influence de la névrose épileptique.

L'observation citée par l'auteur établit que l'aulomatisme pré-

sentant le même caractère que celui observé dans l'épilepsie et

l'alcoolisme chronique, peut se manifester à titre de phénomène

parfaitement indépendant aussi daus la syphilis cérébrale.

Il s'agit d'un homme de trente-sept ans, sans prédisposition psy-

chique et névropathique héréditaire, qui, envoyé à la banque pour

escompter une lettre de change, revient à son bureau l'opération

faite et commence à mettre en morceaux l'argent en papier reçu,

ce qui attire l'attention de ses collègues. On lui enlève son argent,

on le place sur une chaise et quelque temps après il a repris

connaissance sans se rappeler qu'il avait été envoyé à la banque

et y avait reçu de l'argent et même sans se souvenir de ce qui lui

arriva lors de son retour au magasin.

Deux attaques similaires se produisirent peu de temps après.

Après examen, l'auteur émit la conclusion que l'état du malade

était sous la dépendance de la syphilis cérébrale. En faveur de

cette supposition parle non seulement l'absence d'autres éléments

étiologiques quelconques expliquant dans ce cas l'état morbide;

mais avant tout l'anamnèse et la présence de signes objectifs de la

syphilis sous forme de céphalalgies caractéristiques, etd'unetumeur

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 405

osseuse du pied ainsi que de tuméfactions du frontal doulouieuses

à la pression.

La question peut alors se poser ainsi : Doit-on ramener tous les

cas d'automatisme syphilitique à la catégorie de l'automatisme

épileptique déterminé par la syphilis, ou faut-il considérer ces cas

comme un état morbide développé indépendamment sur le terrain

de la syphilis cérébrale ? M. Bechterew considère cette dernière

manière de voir comme plus justifiée. (Revue neurologique, janvier

1897.) E. B.

LXXI. LE chiasma OCULO-MOTEUR (sezni-décussatiozz de l'oculo-moteur

commun); par le professeur Grasset.

A l'aide d'une série d'arguments physiologiques, cliniques et ana-

tomiques, M. Grasset indique synthétiquement delà façon suivante

l'ensemble du parcours de l'écorce au muscle oculaire, d'une

part de l'oculo-moteur commun, d'autre part de l'oculo-moteur

externe :

L'oculo-moteurcommuu paraît venir du lobe pariétal (pli courbe);

de là les fibres vont aux noyaux qui constituent l'ancienne origine

réelle du nerf. Ces noyaux, peut-être aussi nombreux que les nerfs

terminaux de la troisième paire, sont situés dans l'étage supérieur

du pédoncule cérébral, au-dessous des tubercules quadrijumeaux.

C'est là que siège le chiasma de l'oculo-moteur commun; de cer-

tains noyaux, notamment de celui de l'élévateur de la paupière

supérieure, partent des filets radiculaires qui s'entre-croisent; et

d'autres noyaux, notamment de celui du droit interne, parlent

des filets radiculaires qui ne s'entre-croisent pas et restent directs.

L'oculo-moteur externe parait, lui aussi, partir de l'étage infé-

rieur du lobe pariétal : de là les fibres vont au pédoncule comme

les fibres de l'oculo-moteur commun, le dépassent, traversent la

protubérance dans le faisceau géniculé, s'entrecroisent là sur la

ligne médiane et abordent le noyau d'origine situésousle plancher

du quatrième ventricule. De ce noyau partent les fibres radiculaires

qui vont tout simplement former le tronc de l'oculo-moteur externe

correspondant.

Un schéma résume la description.

On voit, d'après cela, que loe; ! moteur, comme l'oeil sensoriel,

se divise en deux moitiés : la moitié droite bilatérale et la moitié

gauche bilatérale.

Phys,ologiquement et cliniquement, au lieu de distinguer l'oeil

droit et l'oeil gauche, ils vont mieux distinguer la moitié droite

des deux yeux et la moitié gauche des deux yeux.

Au lieu de diviser les oculo-moteurs en oculo-moteur commun

et oculo-moteur externe, il faut concevoir (pour les mouvements

latéraux) deux nerfs hémioculo-moteurs : l'hémi-oculo- moteur

406 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

droit ou nerf destrogyre qui vient de l'hémisphère gauche, va au

droit interne gauche et au droit externe droit et fait tourner les

deux yeux à droite; et i'hémioculo-moteur gauche ou nerf lèvogyre

qui vient de l'hémisphère droit, va au droit interne droit et au droit

externe gauche et fait tourner les yeux à gauche. (Revue neurolo-

gique, juin 189' ? .) E. R.

LXXII. LES neurones, L'HYPNOSE ET l'inhibition ; par le professeur

Bombarda.

La vie psychique entière rencontre dans l'idée des neurones et

de leur mobilité l'interprétation la plus complète.

C'est ainsi que la situation spéciale où peuvent se rencontrer les

neurones rend compte de cette situation non moins spéciale du

cerveau qui constitue l'hypnose.

Il est d'abord à remarquer que l'immobilisation d'un membre

peut être obtenue dans des conditions tout à fait opposées, d'abord

par la paralysie de ses muscles, ensuite par leur contracture.

Or l'inhibition ne paraît être qu'un effet de contracture, et

partant d'immobilisation de nerfs moteurs ordinaires dont l'excita-

1>ilité est très grande, autrement dit d'immobilisation des prolon-

gements neuroniques.

En dernier ressort, l'hypnose est un phénomène d'inhibition,

c'est-à-dire de contracture de ces prolongements eux-mêmes qui,

mis dans un état de paralysie, produisent le sommeil physiolo-

pique.

L'auteur se propose de revenir sur cette théorie dans un travail

plus complet. (Revue neurologique, juin 1897.) E. B.

LXXIIL Quelques remarques SUR l'usage DES appareis orthopédiques

dans LE traitement du tabès; par le Dr GREBENER.

Parmi les moyens nombreux recommandés pour le traitement

symptomatique du tabes, la place réservée aux appareils orthopé-

diques est très restreinte; les classiques n'en font pas même mention

et Grasset, dans son rapport sur le traitement du labes (1897), ne

parle qu'en quelques mots de l'appareil de Hessing, comme d'une

modification de la suspension.

En Allemagne et en Angleterre, cet appareil jouit d'une certaine

réputation, qu'il ne mérite pas, car il condamne le torse du malade

à un repos presque absolu, d'où ataxie plus prononcée, et d'autre

partit détermine dans la marche une hyperextension des articula-

tions des genoux, d'où résulte bientôt la perte plus ou moins com-

plète de l'élasticité des ligaments intra et péri-articulaires et une

démarche très pénible et mal assurée. Si le corset devrait être rayé

de la liste des moyens palliatifs du traitement du tabès, il ne mari-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 407

que pas de cas dans lesquels l'application d'autres appareils ortho-

pédiques est bien indiquée. C'est d'abord le pied bot tabétique dû

à une atrophie des muscles de la jambe et aux troubles trophiques

des ligaments articulaires ; ce sont aussi certaines arthropathies

tabétiques des membres inférieurs. Les appareils orthopédiques

protègent les articulations contre les traumatismes, les chutes

réitérées, l'incohérence des mouvements qui expose ces articulations

à des tiraillements, et n'empêchent en rien les fonctions normales

des muscles : aussi donnent-ils des résultats satisfai-ants eldevraient-

ils être appliqués plus souvent qu'on ne le fait.

L'auteur rapporte deux cas favorables d'application des appareils

orthopédiques articulaires. (Revue neurologique, octobre 1897.)

E. Blin.

LXXIV. QUELQUES considérations SUR LE traitement DU tabès

DonsaLis; par le Dr RAiCIIL1,NE.

L'auteur, dans ce travail, expose quelques faits et déductions

thérapeutiques qui ressortent de son expérience personnelle. Les

rapports intimes qui existent entre le tabès et la syphilis semblent

justifier a priori, l'application au tabès de tous les moyens que nous

possédons contre la syphilis elle-même. Laissant de côté les essais,

encore trop peu concluants, de sérothérapie aiiti-3-pbiliLique, le

traitement antisyphilitique, sous formes de frictions, a sa raison

d'être dans les premiers stades du tabès, quand l'état général n'a

pas encore subi d'atteinte grave et que le tableau clinique n'est pas

encore au summum de son évolution : le but sera d'atténuer, du

moins d'une façon indirecte et à la longue, la virulence des toxines

spéciales élaborées dans l'organisme infecté préalablement par la

syphilis, et qui sont la cause immédiate présumée de la dégénéra-

tion tabétique du système nerveux. Il est bien entendu que le

traitement mercuriel est formellement contre-indiqué dans les

périodes plus avancées du tabès, lorsque les malades sont déjà

arrivés à un degré plus ou moins prononcé de cachexie. Quant

au traitement ioduré, son emploi prolongé n'est pas rationnel car,

d'une part, la valeur antisyphilitique de l'iodure est inférieure à

celle du mercure, et, d'autre part, le processus tabétique n'est pas

une sclérose vasculaire, mais un processus dégénératif parenchy-

mateux primitif.

En l'absence de moyens curatifs directs, la principale indication

dans le tabès doit être celle qui vise l'état général du malade et qui

a pour but de relever par un ensemble de mesures diétético-

hygiéniques les forces physiques et morales de l'organisme et de

compenser de cette façon les effets de la maladie. Il est plus que

probable que si tous les syphilitiques pouvaient, dès le début de

leur infection, s'astreindre à une vie tranquille et régulière,

408 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

exempte d'excès et de surmenage, le nombre des ataxiques serait

considérablement diminué.

Il est non moins certain que la vie des grandes villes modernes est

très défavorable aux personnes devenues ataxiques. Il faut conseiller

aux tabétiques d'habiter à la campagne, en plein ,air : vivant au

dehors, faisant des promenades, les malades sont à même de s'en-

traîner, de lutter efficacement avec les troubles de la sensibilité

qui sont la source de leur ataxie et de ralentir la marche de leur

incoordination motrice.

L'indication devient plus pressante encore dans la période alaxi-

que de la maladie et il s'y ajoute deux autres indications bien

précises qui visent, l'une, les troubles de la nutrition générale,

l'autre, les troubles de la motilité. L'expérience a démontré qu'il faut

assimiler tous les ataxiques présentant des troubles de la nutrition

aux tuberculeux et les soumettre comme ces derniers, à une alimen-

tation substantielle combinée à la cure d'air et de repos. Contre

les troubles de la motilité, le médecin a maintenant dans les

mains une méthode puissante, celle de la rééducation méthodique

des mouvements.

Le traitement se fait d'une façon plus rapide et plus efficace lors-

que le malade se trouve sous la surveillance constante du médecin

expérimenté ; aussi est-il à supposer que, dans l'avenir, le traite-

ment de l'ataxie se fera dans des établissements spéciaux, munis

de salle de gymnastique et des aménagements particuliers en plein

air et situés dans des stations climatériques capables de réaliser en

même temps la cure d'air et de repos. (Revue neurologique, sep-

tembre 189î.) E. B.

LXXV. Méthode DE fixation permettant aussi bien la coloration

DE LA CELLULE PAR LE PROCÉDÉ DE 111SSL QUE CELLE DU MANCHON DE

myéline par LE procède DE VEIGERT; par A. MARISSA. (IYell-010g.

Centralbl., XVI, 1897.)

Prenez par exemple le tronc du cerveau et mettez-le dans un

liquide composé de :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 409

liège et les placez avec prudence dans l'alcool à 96°; au bout de

deux heures, le syndetikon est solide et les plus minces coupes peu-

vent réussir. De petits morceaux tels que la protubérance du

lapin seront complètement durcis en vingt-quatre heures.

Alors, si l'on veut colorer par la méthode de Nissl, on plonge les

coupes pendant vingt-quatre heures dans une solution froide de

bleu de méthylène de Nissl, puis on continue la série des opéra-

tions comme d'ordinaire. La coloration à la thionine réussit aussi

d'après les derniers procédés de Held; solutions froides et séjour

des coupes pendant quelques heures jusqu'à vingt-quatre heures.

Pour la solution d'érythrosine, un séjour de une à deux heures

suffit. La méthode de Weigert se fait ainsi. On prend les coupes

dans l'alcool à 96°; on les met dans la laque cuivrique de Vassale

composée de :

410 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

L.1'VII. DE la racine spinale du trijumeau; par le Dr Serge

SOUKU ? .NOFF.

L'auteur a obtenu chez deux cobayes la dégénérescence isolée

de la racine inférieure ou bulbo-spinale du trijumeau. Ses expé-

riences lui permettent de poser les conclusions suivantes : 1° la

racine spinale dégénère en direction descendante; la dégénéres-

cence devient assez visible cinq jours et demi après la lésion; 2° le

sixième jour, on peut constater une dégénérescence assez visible

du pédoncule cérébelleux supérieur, et évidemment certaines

fibres du pédoncule cérébelleux supérieur ne se terminent pas

dans le noyau rouge, mais le traversent seulement.

En résumé, la racine spinale du trijumeau étant une voie sen-

sitive, dégénère principalement en direction caudale. Les cellules

nerveuses de la substance grise qui avoisinent le bord interne de

cette racine entrent en contact avec les ramifications terminales

cylindraxiles : il est très probable que les fibres nerveuses de ces

cellules passent au côté opposé et se dirigent vers les régions plus

élevées du système nerveux central. Par conséquent, si l'on se

représente toute la voie de la racine sensitive du trijumeau, ou voit

qu'à la suite d'une courbure en direction caudale de la partie cen-

trale du premier neurone de cette chaîne, se forme une voie arci-

forme composée de certaines fibres de la racine spinale. (Revue

neurologique, août 1897.) E. B.

LXXYI11. De l'emploi des méthodes DE colorations électives SUR LE

système nerveux central durci AUI'ORMOL; par H. Gudukn. (Pieurolr

Cenlralbl , XVI, 1897 ? Id. ; par J. DE Scarpatetti. (Ibid.)

Les coupes de n'importe quelle épaisseur, durcies successivement

dans une solution de formol à b ou 10 p. 100, et dans l'alcool

à 96°, incluses ensuite dans la celloïdine, donnent des résultats

remarquables par la coloration au bleu de méthylène de Nissl et à

la thionine de Lenhossék.

Elles sont très accessibles à la méthode de Weigert et Pal, si l'on

a pris auparavant le soin de placer les coupes dans une solution

d'acide chromique à 0,5li p. 100 pendant 10 heures, à la tempé-

rature de la chambre. On les rince à l'eau, on les fait baigner peu

de temps dans l'alcool à 80° ; elles se comportent alors comme si

elles avaient été durcies, à la liqueur de Nuller; la coloration est

encore meilleure si à l'hématoxyline de Weigert on ajoute quel-

ques gouttes d'acide nitrique dilué (Minnich).

La méthode de Weigert et Vassale réussit particulièrement aux

coupes qui proviennent de préparations placées dans le formol,

sans avoir été cependant traitées par la liqueur de Aluiler ou

l'acide chromique. Par exemple, la moelle et le cerveau ont été

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4111

pendant trois jours ou plusieurs mois placés dans une solution de

formol à 5 ou 10p. 100, puis redurcis dans l'alcool à 93 ; ou pratique

des coupes, on inclut dans la celloidine, on fait des coupes fines que

l'on place dans l'alcool, puis dans une solution d'hématoxyline

à 1 p. 100 (Mark), au bout de cinq minutes on les met dans une

solution neutre concentrée d'acétate de cuivre pendant cinq mi-

nutes, on lave rapidement à l'eau, on différencie à l'aide d'un mé-

lange de

412 SOCIÉTÉS savantes.

hésitations de certains aliénistes à admettre l'existence de la para-

lysie générale juvénile. Pour M. Régis, le doute n'est plus permis;

70 observations avérées ont pu,être recueillies. Elle se présente avec

une allure tellement identique à celle de la paralysie générale de

l'adulte, qu'il semble que les observations publiées aient été rédi-

gées de toute pièce pour les besoins de la cause qu'elles défendent.

Cette affection, qui est beaucoup moins rare qu'on ne le croyait

autrefois, a été souvent confondue avec l'idiotie. La plupart des

auteurs l'attribuent à la syphilis héréditaire. M. Régis partage cette

opinion.

M. CHRISTIAV. La première observation de paralysie générale

juvénile est plus ancienne que ne le pense M. Régis. Elle remonte

à 1847 et est due à un professeur agrégé de Montpellier qui en a

observé quelques cas.

On peut interpréter de plusieurs façons les faits publiés. Pour

ma part, je crois que ce que l'on prend pour des lésions de pa-

ralysie générale, ne sont que des lésions d'encéphalite simple. Il

n'y a pas de maladie chronique du cerveau qui n'ait pu, à un mo-

ment, simuler cliniquement la paralysie générale . La méningite

chronique elle-même, qu'on ^invoque comme lésion caractéris-

tique de la paralysie générale, se rencontre dans d'autres formes

mentales. Je ne demande d'ailleurs qu'à être convaincu de l'exis-

tence de la paralysie générale juvénile, mais j'estime que cette

démonstration n'est pas encore faite.

M. A. Voisin. Il y a quarante ans qu'une thèse sur la paralysie

générale juvénile a été publiée. On n'invoquait pas alors l'étiologie

syphilitique.'Je ne comprends pas l'insistance de certains auteurs

à vouloir admettre cette pathogénie, car la paralysie générale est

inconnue dans les pays musulmans où la syphilis est au contraire

très répandue.

M. BRIA-4D. La rareté de la paralysie générale chez les Arabes

peut s'expliquer, sans faire de cette rareté un argument contre

l'origine syphilitique de la maladie. On pourrait répondre que si

personne ne prend soin du paralytique général au début de son

mal, il est voué, par son inconscience et son incurie, à une mort

prochaine. C'est une raison pour qu'on ne rencontre de paraly-

tiques généraux que chez les peuples civilisés où l'entourage et, à

son [défaut la société, prennent des mesures pour assurer leur

existence quand commence l'affaissement intellectuel, et les l'em-

pêcher de la compromettre par des excès, dans la période d'exci-

tation.

M. Charpentier. Si la paralysie générale était d'origine syphi-

litique, les eschares des paralytiques généraux auraient le carac-

tère spécifique des lésions syphilitiques.

sociétés savantes. 413

Les lésions cérébrales de la paralysie générale étudiées par

la méthode de Nissl.

M. G. Ballet fait passer sous les yeux de ses collègues une série

de dessins reproduisant fidèlement les lésions de la paralysie gé-

nérale préparées par la méthode de Nissl. Cette méthode a sur les

autres l'avantage de teinter seulement les cellules et leurs noyaux,

indépendamment du fond de la préparation qui reste incolore et

de distinguer nettement les deux éléments conslitutifs du cyto-

plasma (le spongioplasma et les granulations chromatophyles). Ap-

pliquée à l'étude des tissus nerveux malades, elle rend manifestes

certaines altérations du protoplasma cellulaire que décèlent mal

les autres procédés. Cette méthode permet ainsi de résoudre cer-

tains problèmes relatifs à la succession des lésions, dans le cours

de la paralysie générale. S'agit-il tout d'abord d'une encéphalite

interstitielle comme le veulent 11111. Magnan, Mierzijewski et Men-

del ? ou bien est-ce dans la cellule que s'installe primitivement la

lésion, comme le pensent MM. Ziegler, Binswanger, Joffroy et

Pierret ? Les colorations de Nissl montrent que c'est la gangue

interstitielle qui est toujours la première atteinte. La lésion pri-

mordiale consiste en une prolifération nucléaire autour des artères.

Les cellules ne s'altèrent que postérieurement.

M. Ballet, revenant sur ce qu'il pensait autrefois sur l'étiologie

syphilitique de la paralysie générale, admet maintenant cette étio-

logie comme il l'admet pour le tabès. Il est arrivé à cette con-

viction parce que tout concorde à prouver l'origine syphilitique :

1° Les statistiques, quand elles sont bien faites; 2° l'étude étiolo-

gique des cas de paralysie féminine ; 3° celle de la paralysie géné-

rale juvénile; 4° les expériences d'inoculation communiquées au

Congrès de Moscou par Xi@afft-EI)in; 5° l'anatomie pathologique,

dans laquelle on avait voulu trouver à tort un argument contre la

spécificité et qui plaide au contraire en sa faveur. M. B.

Séance du 28 mars 1898.- Présidence DE M. Mueriot.

Syphilis el paralysie générale.

M. Brunet, répondant à la communication de M. G. Ballet,

expose qu'il ne croit pas à l'étiologie syphilitique de la paralysie

générale. Sa conviction repose sur cette opinion que la paralysie

générale est inconnue chez les Arabes qui seraient presque tous

syphilitiques.

M. CHMSTtAN reproche à M. Ballet d'avoir changé d'avis de-

puis 1889, époque à laquelle il ne croyait pas à une relation entre

la syphilis et la paralysie générale. Il craint qu'en plaçant la dis-

4'14 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cussion sur le terrain anatomo-pathologique ce ne soit un sûr

moyen de la voir s'éterniser sans profit. La statistique seule peut

éclaircir le débat. 1f. Cliristian croit que, puisqu'il y a identité de`

lésions entre les deux affections, le traitement spécifique devrait

être efficace dans les deux cas. Il ne s'explique pas pourquoi les

lésions de la paralysie générale resteraient cantonnées dans le

centre nerveux, alors qu'elles gagnent les méninges chez les syphi-

litiques. En Abyssinie, suivant M. Christian, 80 p. 100 des habitants

seraient syphilitiques, et cependant la paralysie générale y serait

inconnue.

L'objection tirée de l'état rudimentaire de la civilisation des ha-

bitants qui ne prendraient pas soin des paralytiques généraux à

leur début, prouve qu'il faut autre chose que la syphilis pour faire

un paralytique général.

Muller de Munich n'a retrouvé la syphilis que 23 fois (17 hommes

et 6 femmes) chez 142 paralytiques généraux (77 hommes et

65 femmes). Que les paralytiques généraux soient syphilitiques,

conclut M. Christian, c'est possible, mais il n'a pas encore été

prouvé qu'il y ait entre les deux états une relation de cause à

effet. L.

M. Sollier a toujours retrouvé la syphilis chez les paralytiques

femmes qu'il a eu à observer.

M. A. Voisin expose qu'il a déjà décrit, il y a environ vingt-cinq

ans, les lésions dont M. Ballet a parlé dans la dernière séance; elles

ne sont donc pas nouvelles. La prolifération nucléaire est la lésion

caractéristique du début de la paralysie générale. Il n'employait

que l'hématoxyline comme colorant. La syphilis ne doit pas, selon

lui, être invoquée comme cause de la paralysie générale. S'il n'y

avait là qu'une seule et même maladie on ne verrait pas guérir

par le traitement spécifique les lésions syphilitiques cutanées chez

les paralytiques généraux sans que l'état démentiel s'améliore.

M. G. Ballet. Je me suis sans doute mal exprimé si M. Voisin

ne m'a pas compris, quand il m'attribue la prétention d'avoir dé-

crit le premier les lésions de la paralysie générale. Elles ont été

découvertes par M.Magnan,qui en parle dans sa thèse, et plus tard

admirablement étudiées en 1874 par M. Mierzejewski. J'ai voulu

simplement montrer que par la méthode de Nissl on distingue

mieux les lésions que par tout autre procédé. Cette méthode per-

met en outre de distinguer une série de transformations par

lesquelles passent les cellules, modifications, qui demeurent inaper-

çues dans les préparations au picro-carmin ou à l'hématoxyline,

jusqu'à la période d'état.

Pour ce qui est de l'objection soulevée par M. Brunet, sans lui

demander sur quels documents il s'appuie pour dire que la syphilis

est fréquente chez les musulmans alors que la paralysie générale y

SOCIÉTÉS SAVANTES. 415 j

est inconnue, j'admets le fait comme démontré, et pourtant je

crois l'argument sans valeur. Il ne suffit pas, en effet, de dire que

la paralysie générale est rare dans les pays à syphilis; il faudrait

démontrer que la paralysie générale existe dans une région où la

syphilis est inconnue. Je ne sais pas si la syphilis est suffisante

pour faire un paralytique général. Peut-être faut-il autre chose

pour que l'agent virulent produise certaines lésions ?

La syphilis ne conduit pas fatalement à la paralysie générale.

Une longue ascendance de cerveaux surmenés est probablement

nécessaire pour que l'évolution se produise; mais je ne crois pas

que l'hérédité mentale joue dans cette évolution un rôle aussi im-

portant que dans la production d'une vésanie.

Il n'y a pas de contradiction entre ce que je disais en 1889 et ce

que je pense aujourd'hui. Je reprochais à M. Mabilte de faire une

pétition de principe quand il nous parlait de lésions diffuses de

syphilis, et je lui demandais de faire une démonstration qui aujour-

d'hui est faite notamment dans un mémoire de M. Gilbert sur la

myélite diffuse syphilitique.

Je reconnais que le traitement spécifique est inefficace dans

la paralysie générale; mais cet argument suffit-il pour éliminer

l'origine spécifique ? Est-ce qu'on doute aujourd'hui de l'origine

syphilitique du tabès de Erb (paralysie spasmodique) Et cepen-

dant le mercure et l'iodure sont sans influence sur la marche de

la maladie.

M. A. Voisin répond qu'il a voulu surtout confirmer que leslésious

qui figurent sur les planches de M. Ballet sont comparables à celles

qu'il avait décrites, en employant uniquement l'hématoxyline

comme procédé de coloration.

M. IIAI'1 ? EGE ? U est partisan de l'étiologie syphilitique, mais il

croit que l'hérédité vésanique joue aussi un rôle très important.

M. Charpentier. M. Ballet nous demande de lui prouver que

la paralysie générale existe dans un pays où la syphilis serait

inconnue, mais il oublie de nous dire où se trouve ce pays enchan-

teur ! ! !

M. ARNAUD. Un médecin avait annoncé que la paralysie géné-

rale ne tarderait pas à apparaître pour la première fois dans une

ile du Pacifique où elle n'avait jamais été observée. La syphilis

venait d'y être importée. Quinze ans après on signalait le premier

cas de paralysie générale.

MM. Ritti et Toulouse constatent qu'à l'asile de Lhommelet il

n'y a pas de paralytiques généraux parmi les nombreux prêtres

qui y sont reçus. Marcel BRIAND.

416 sociétés savantes.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 19 décembre 1897.

Dr W. SEUIDALOW et Dr W. \VEIOE ! <HAMEB.Con< ? 't6tt<tO)t à l'élude

du délire aigu.

Après un aperçu général des récents travaux concernant la

question du délire aigu, les auteurs communiquent leurs deux ob-

servations personnelles dont voici le résumé :

Observation L-Femme âgée de trente-quatre ans. Pas de syphi-

lis ni d'alcoolisme. A partir du mois d'octobre 1896, elle entre dans

un état de grande excitation motrice, avec obnubilation de la

conscience et hallucinations. En novembre (même année), les

mêmes phénomènes s'accentuent d'une façon notable; on note

de l'inégalité des pupilles, la disparition des réflexes rotuliens,

des grimaces en excès, des contractions isolées dans divers muscles

du corps, une dénutrition très notable. A partir du mois de dé-

cembre la température du corps monte jusqu'à 380,6, grimaces

demi-conscientes, refus d'aliments; vers la moitié du mois de dé-

cembre la maladie entre dans sa phase adynamique avec troubles

trophiques très accentués. Mort le 31 décembre.

Observation II. Femme âgée de trente et un ans. Hérédité

psychopathique.

Les dernières couches eurent lieu le 25 mars 1896 ; la ma-

lade allaita son enfant. Presque tous les ans, érysipèle de la face

sans élévation de la température; la dernière fois l'érysipèle laissa

après sa disparition, au mois de juin, un trouble vague, du bien

être. Le 3 juillet la température monte à 38,5 ; à partir du 6 juillet

obnubilation de la conscience, hallucinations et excitation motrice

très grande. On note des altérations dans les pupilles et une dimi-

nution des réflexes patellaires; ensuite dénutrition rapide, refus

d'aliments, grimaces multiples demi-conscientes; fièvre irrégu-

lière ; mort le 11.

Après avoir analysé et discuté le côté clinique de ces observa-

tions, les auteurs s'efforcent de mettre en relief la combinaison

des symptômes physiques et psychiques qui caractérise le délire

aigu et font la délimitation de cette forme nosologique d'avec les

formes graves de l'amnésie. Pour bien différencier le délire aigu de

la forme galopante de la démence progressive, S. et W. invoquent

un cas de paralysie générale à forme galopante, qu'ils ont eu l'oc-

casion d'examiner minutieusement, et où, à côté du symptôme

SOCIÉTÉS SAVANTES. 417

complexe du délire aigu, on pouvait nettement distinguer les

symptômes caractéristiques de la paralysie générale. Passant à

l'évolution de la maladie, les auteurs admettent des cas de délire

aigu à évolution plus longue, chronique, comme le prouve l'obser-

vation I.

L'autopsie delà première malade a montré ceci : la dure-mère est

normale ; la pie-mère cérébrale est très congestionnée, quelque

peu oedémateuse, avec petites hémorrhagies disséminées. Hypéré-

mie intense de l'écorce cérébrale, qui se détache facilement de la

substance blanche sous-jacente, avec hémorragies ponctiformes

disséminées. Dans l'écorce des circonvolutions frontales (surtout de

la troisième), de l'insulade Reil, de la première temporale et des

circonvolutions centrales on trouve des petits îlots disséminés

d'encéphalite qui s'étend légèrement à la substance blanche sous-

jacente. L'examen microscopique montre qu'il s'agit d'une encé-

phalite hémorrhagiquesubaiguéde l'écorce, laquelle est très accen-

tuée dans les petits îlots macroscopiques, ci-dessus désignés.

Dans le deuxième cas l'examen microscopique n'a pas été prati-

qué. A l'autopsie on a constaté : hypéremie intense de la pie-mère

et de l'écorce ; hémorrhagies ponctiformes dans la substance cen-

trale du quatrième ventricule.

Les auteurs admettent que dans cette observation il s'agit éga-

lement d'une encéphalite hémorrhagique aiguë, qui n'a pas eu le

temps de s'affirmer par des signes anatomiques bien manifestes, par

suite de l'évolution trop rapide de la maladie.

En comparant les résultats de leurs recherches avec les données

des travaux plus anciens, les auteurs constatent que, grâce aux

examens plus approfondis et plus substantiels des auteurs mo-

dernes, on trouve dans la plupart des cas une encéphalite (ou mé-

ningo-encéphalite) aiguë hémorrhagique comme substratum ana-

tomique du délire aigu. Il est donc très probable que l'encéphalite

aigu hémorrhagique répond toujours à cette forme clinique qu'on

peut considérer comme bien définie et bien autonome, et qui s'ap-

pelle le délire aigu. Le délire aigu serait de cette façon, d'après les

auteurs, une variété d'encéphalite aiguë hémorrhagique, tout à

fait analogue à la forme de poliencéphalite inférieure de Strumpell

et Wernicke, et notamment une variété d'encéphalite, localisée

principalement dans la substance de l'écorce cérébrale. Il est tou-

tefois impossible d'admettre des localisations exclusives dans telle

ou telle autre partie de l'encéphale, et il y a lieu de reconnaitre

plutôt des combinaisons et des passages aux formes de Strumpell,

Wernicke, etc., et vice versa.

L'évolution du délire aigu peut être aiguë ou subaiguë ; sous ce

rapport également il existe une parfaite analogie avec l'évolution

des autres formes d'encéphalite hémorrhagique aiguë.

L'étiologie du délire aigu est peut-être variable ; mais il s'agit

Archives, 2e série, t. V. 27

418 SOCIÉTÉS SAVANTES.

toujours, comme dans les autres formes d'encéphalites aiguës, d'in-

fections et d'intoxications (dans le sens large du mot.)

Discussion. Dr W. MouRATow. Les altérations anatomiques

constatées par les auteurs sont si peu caractéristiques qu'il semble

trop prématuré et peu fondé de les différencier en un groupe par-

ticulier d'encéphalites.

G. Rossolimo se range au contraire à l'avis de Semidalow et

Weidenhamer. 11 rappelle un cas personnel de délire aigu, où

l'autopsie a révélé l'existence d'un foyer d'encéphalite hémorrha-

gique aiguë dans une des circonvolutions centrales. - Les dimen-

sions du foyer et l'étendue des hémorrhagies doivent varier selon

les particularités du territoire vascuiaire lésé.

W. SERBSKY ne croit pas possible de différencier d'une façon

absolue le délire aigu de 1'ttineiiiitt.

Dr N. Solovtzow. Les difformités tératologiques du cerveau en

rapport avec les altérations médullaires. -

.Solovtzow a eu l'occasion de pratiquer (à l'amphithéâtre des En-

fants assistés delfoscou}l'autopsie de trois enfants avec arrêt de dé-

veloppement de l'encéphale. De ces trois enfants l'un a vécu cin-

quante jours, les deux autres, six jours seulement. Dans tous ces

' trois cas la cavité crânienne ne contenait que le cervelet et la tige

cérébrale, avec corps quadrijumeaux et couches optiques difformes

et couverts de méninges; quant aux hémisphères cérébraux, elles

faisaient entièrement défaut : à leur place on ne trouvait rien

qu'un petit tronçon insignifiant et difforme. L'examen micros-

copique a démontré l'absence complète des voies pyramidales

sur toute leur étendue. L'examen des cellules de la moelle, d'après

la méthode de Nissl (avec durcissement préalable dans la forma-

line) a donné des résultats très intéressants. En effet, tandis que

les cellules des cordons postérieurs et des ganglions interverté-

braux ne présentaient pas d'anomalies apparentes, celles des

cornes antérieures étaient formées principalement d'un grand

noyau, entouré d'un réseau achromatique tantôt étroit, tantôt

plus large, dont les mailles contenaient souvent des vacuoles. Les

granulations chromatophiles faisaient entièrement défaut, bien

que la substance chromatophile se trouvât tout de même dans

les cellules dans un état de solution. Dans les cellules, traitées par

la méthode de Golgi, on voit des vacuoles apparaître dans leurs

corps. Les recherches parallèles, faites sur des enfants nés avant

le terme, démontrent l'analogie parfaite qui existe dans la struc-

ture des cellules des cornes antérieures dans les deux cas : les

granulations chromatophiles apparaissent seulement dans le

septième mois de la vie intra-utérine. On peut donc en conclure

que les cellules des cornes antérieures, dans tous les trois cas pré-

cités, ont dû subir un arrêt de développement, arrêt dont la cause

SOCIÉTÉS SAVANTES. 419

serait imputable à l'absence des voies pyramidales, lesquelles

exercent sur ces cellules une influence tonifiante. Chez les em-

bryons à développement normal les fibres des cellules pyrami-

dales de l'écorce atteignent les cellules motrices des cornes anté-

rieures de la moelle vers le septième mois, et de cette époque date

la formation' définitive de ces cellules.

La communication de M. Solovtzow était accompagnée de dé-

monstrations de préparations macro et microscopiques.

Dans la discussion, que cette communication intéressante a sou-

levée, ont pris part MM. KORNILOW, Mouratow, KojEWNmow et

PRI13YTKOFF.

N. M. Wersiloff : Myélite centrale aiguë ascendante (avec dé-

monstration de préparations).

Une femme, âgée de vingt-neuf ans, fut admise dans la clinique

des maladies nerveuses, le 24 novembre 1895, avec des phénomènes

de paralysie complète du bras gauche, de parésie du bras droit,

faiblesse des muscles du cou, troubles légers de la phonation et de

la déglutition, atrophie dégénérative des muscles paralysés et

anesthésie (thermique et douloureuse) dissociée du bras gauche et

du côté gauche du tronc. Tous ces phénomènes s'étaient déve-

loppés d'une façon suraiguë (dans l'espace de quelques heures)

sans fièvre, en juillet 1895. 1

Une amélioration fut notée dans le premier temps du séjour de

la malade dans la clinique; mais à la fin du mois de janvier 1896

survint une faiblesse générale, puis une parésie de la jambe

gauche, suivie bientôt après d'une difficulté marquée de la respi-

ration et de la déglutition. Au mois de mars survint une paralysie

complète des muscles des globes oculaires. Mort le 14 mars 1896.

La température du corps resta toujours normale.

L'examen anatomique a démontré l'existence d'un processus

inflammatoire dans la région supérieure de la moelle épinière

s'étendant en bas jusqu'au troisième segment dorsal. Les lésions

prédominent dans la moitié antérieure de la moelle, c'est-à-dire

dans les cornes antérieures et latérales et les faisceaux fondamen-

taux des cordons antérieurs et latéraux; les lésions diminuent vers

la périphérie. Les cellules des cornes antérieures et latérales

montrent une dégénération intense; les vaisseaux de la substance

grise sont hypérémiés et infiltrés. Dans la région de la tige céré-

brale le processus pathologique est localisé autour des ventricules

et intéresse les noyaux des nerfs crâniens (Il[, IV, VI, X, etc.). Sur

des préparations traitées d'après Marchi on trouve dégénérés : les

corps restiformes jusqu'au vermis, les prolongements des faisceaux

fondamentaux des cordons antérieurs et latéraux jusqu'aux

couches optiques, les faisceaux de Gowers jusqu'à la protubérance.

Il s'agit évidemment d'une myélite à évolution ascendante et qui

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

s'est terminée en encéphalite. Les altérations plus anciennes de la

moelle ont provoqué des lésions dégénératives dans la région de la

tige cérébrale. Si l'on compare le tableau clinique au tableau ana-

tomique, on peut admettre qu'il s'agit dans ce cas d'un processus

analogue à celui de poliencéphalite, présentant également une

certaine systématisation et régularité, mais avec localisation

quelque peu différente des foyers inflammatoires.

Dans la discussion, le professeur RoTH fait remarquer que la dé-

signation du processus comme aigu ne lui parait pas bien juste; il

s'agit plutôt d'un processus subaigu. Quant à l'anesthésie elle peut

bien être d'origine hystérique.

MM. RossOLImo et ORLOVSKY pensent que la localisation des lésions,

dans le cas de M. Wersiloff, tient probablement à l'extension du

processus dans le territoire de certains systèmes artériels bien dé-

finis.

MM. KOJEWNIKOW, MOURAWIEFF,pRIBYT60FP et MOUft9roW prennent

également part à la discussion.

Séance du 22 janvier 1898.

W. MouRATOv. Contributionà l'étude des mouvements impulsifs

(Zwangsbewegungen).

M. Mouratow présente un malade, âgé de cinquante-sept ans.

En 1888, attaque d'apoplexie avechémiplégie droite consécutive. Un

mois après, le côté hémiplégique est devenu le siège de mouve-

ments hémichoréiques qui, graduellement, augmentaient d'inten-

sité.

A l'heure actuelle on trouve : hémiplégie droite, dysarthrie(sans

aphasie), parésie du nerf facial droit, anesthésie du trijumeau du

même côté, paralysie des membres du côté droit avec atrophie

musculaire. A l'état de repos la main et la plante du côté droit,

sont agitées de momements athétosiques qui augmentent facile-

ment d'étendue avec les mouvements volontaires de façon à rap-

peler l'hémichorée. Le diagnostic anatomique suppose uue lésion

du pédoncule cérébral gauche avec participation probable du noyau

rouge.

L'auteur a eu l'occasion d'observer un cas analogue en 1891 et

d'en faire l'autopsie. Il s'agissait alors d'un malade qui, dans l'es-

pace de deux ans, a eu deux attaques apoplectiques, suivies la

première d'une hémiplégie gauche, la deuxième de trouble de

l'équilibre du corps et de mouvements hémichoréiques du côté pa-

ralysé, principalement dans la main, mais seulement aux mou-

vements volontaires. Le malade est mort de dysenterie, et l'au-

topsie a permis de constater un foyer ancien dans la capsule

interne du côté droit et une hémorragie récente dans l'hémisphère

SOCIÉTÉS SAVANTES. 421 1

gauche du cervelet avec dégénération du noyau rouge droit, du

corps restiforme gauche, de la pyramide droite et de l'olive du

même côté.

Comme le système des pédoncules cérébelleux supérieurs sert

de connexion entre le cervelet et les noyaux de la tige cérébrale

(couche optique et noyau lenticulaire), l'auteur considère les mou-

vements forcés qui apparaissent à la suite des apoplexies, comme

un trouble d'équilibre dans les fonctions établies entre les couches

optiques et le cervelet. La soustraction du système du noyau rouge

dans le cas de Bonhoëffer a également donné lieu à l'hémichorée.

Voici quelle est la classification que l'auteur assigne aux mouve-

ments anormaux des hémiplégiques d'après leur pathogénie :

1° tremblement aux mouvements volontaires et spasmes,dégéné-

ration et irritation du faisceau pyramidal (Kahler-Pick); 2°mouve-

ments forcés compliqués : hémichorée, athétose; -destruction du

système des noyaux rouges qui relient les noyaux de la base avec

le cervelet (Bonhoëffer, l'auteur) ; 30 convulsions corticales de

caractère clonique, résultant de la dégénération des fibres arci-

formes de la sphère motrice.

Discussion. Le professeur KojEwmxow et le Dr Minor s'oppo-

sent à la désignation des mouvements convulsifs du malade comme

mouvements choréiques.

M. MOURAWIEFF ne croit pas que la localisation présumée de la

lésion dans le cas présenté parM. Mouratow, soit bien fondée. Quant

à l'autre observation de M. MOUBAVIEFF, la cause des mouvements

convulsifs n'est pas suffisamment élucidée. M. SEMSEY trouve que

le terme de mouvements impulsifs (Zwangsbewegungen) est dé-

placé et inexact. -1f. RossoLmo croit que l'examen delà fine struc-

ture des cellules du système des fibres cérébelleuses pourrait pro-

jeter quelque clarté sur la genèse des convulsions posthémiplé-

giques. Une observation est faite par M. Kornilow.

Séance du 30 janvier 1898.

Dr G. PA1HYT&oEF. -Sur un cas de tumeur siégeant à la limite de

la partie cervicale et de la dorsale de la moelle épinière, avec phdizo-

mènes pupillaires.

La malade, âgée de quarante-un ans, présentait tous les phéno-

mènes de la paralysie de M ? Klumpke, lesquels s'étaient dévelop-

pés dans l'espace de dix-huit mois, à savoir : anesthésie de la

région supérieure du thorax et de la face cubitale des deux mem-

bres supérieurs en même temps que symptômes oeulo-pupillaires

du côté gauche ; quelques jours avant la mort, survint d'une façon

brusque, une paraplégie inférieure avec abolition des réflexes pa-

tellaires.

422 sociétés savantes.

A l'autopsie on trouve un sarcome de volume d'une orange,

ayant détruit les têtes des deux premières côtes et les corps des

premières vertèbres dorsales. Myélite par compression avec dégé-

nérations secondaires habituelles (l'examen n'a pas été fait au-delà

du bulbe). -

Discussion : M. Weidenhamer regrette que l'examen incomplet

laisse sans explication entre autres le fait de l'absence des réflexes

rotuliens (la moelle n'a pas été examinée par la méthode de

Nissl). M. le professeur KojEWNmow prend aussi part a la dis-

cussion. ·

D' 1 ? lI. VEfiZILOrr. Deux cas de compression de la moelle épi-

nière.

Observation I. La maladie a duré deux mois et demi et s'est

terminée par une paraplégie inférieure. A l'autopsie, on trouve

une infiltration sarcomateuse des' corps de la septième vertèbre

cervicale et de la première dorsale. A l'examen microscopique,

on constate des dégénérations secondaires habituelles de la moelle,

entre autres une dégénération descendante dans les cordons supé-

rieurs sur une étendue de un demi -centimètre (virgule de

Schultze).

OBSERVATION Il.- La maladie a duré trois ans et demi, ayant débuté

apparemment d'une façon brusque par une paralysie spasmodique

des membres du côté gauche avec diminution de la sensibilité du

côté droit du tronc et de la jambe droite. Quelques mois plus tard

vint s'ajouter une paralysie motrice des membres du côté droit

avec diminution du sens musculaire. Vers la fin de l'observation,

la paraplégie inférieure augmenta graduellement d'intensité.

Jamais on n'observa de phénomènes de compression des racines

postérieures.

Autopsie : Angio-sarcome psammateux de la dure-mère, ayant

pris naissance au niveau de la deuxième racine cervicale et très

fortement comprimé tout le côté gauche de la moelle. A l'examen

microscopique, entre autres dégénérations secondaires descen-

dantes, on en constate une dans la région de la virgule de Schultze

sur une étendue de deux segments. Dans la direction ascendante.

en dehors des faisceaux habituels, on trouve dégénérés les fais-

ceaux fondamentaux des cordons antérieurs et latéraux, les fibres

situées entre les olives et les pyramides du bulbe, dans les parties

latérales du ruban interne (médiate Schleife) de la protubérance

et des pédoncules cérébraux; on peut suivre de la dégénération de

ces faisceaux jusqu'aux couches optiques.

De ces observations, l'auteur tire les conclusions suivantes :

10 les symptômes radiculaires font souvent défaut dans les cas de

tumeurs médullaires, ce qui rend le diagnostic plus difficile ;

BIBLIOGRAPHIE. 423

2° les symptômes moteurs du côté de la moelle ont une valeur

diagnostique aussi importante que les symptômes sensitifs ;

3° la virgule de Schultze est probablement composée des branches

descendantes des racines postérieures ; 4° la prolongation des

faisceaux fondamentaux des cordons antérieurs et latéraux passe

dans le bulbe entre les olives et la pyramide, dans les parties laté-

rales du ruban interne, dans la protubérance et dans les pédon-

cules cérébraux.

Discussion. M. Weidenhamer fait remarquer que la dégénération

ascendante des faisceaux fondamentaux des cordons antérieurs et

latéraux, décrite par M. Werziloff dans son cas, s'observe égale-

'ment expérimentalement chez les animaux. -

11111. 110BHILOFF, Orlowski, Mouratow et KojEWNtKow échangent

des opinions en ce qui concerne l'état des réflexes dans lacompres-

sion de la moelle. En outre, ont pris part à la discussion :

MM. Roth, Berxstefn et PRI13YTKOrF.

Secrétaires des séances : G. Rossolimo, A. Bernstein, S. Orlowski,

et W. MOURAWIEFF.

BIBLIOGRAPHIE.

XI. Contribution ci l'étude pathogénique du goitre exophtalmique

(application au traitement) ; par le D L. Dupuy. Th. de Lyon,

décembre 1897. î.

Sous le titre de goitre exophtalmique, on a rangé des affections

d'origine diverse ; mais quelle que soit la cause, le sympathique

est l'intermédiaire nécessaire entre cette cause et les principaux

organes troublés; il y a toujours excitation de certains filets sym-

pathiques (cardiaques, oculaires, thyroïdiens).

Cette excitation peut être secondaire et placée sous la dépen-

dance :

10 D'une lésion organique primitive située dans la protubérance,

le bulbe, la partie supérieure de la moelle, les ganglions sympa-

tliiqties. Foi,i ? ie ai2atoiniqiie;

2° D'un réflexe parti d'extrémités nerveuses comprimées,

tiraillées, irritées d'une façon quelconque, dans le tissu interstitiel

d'un goitre scléreux, au niveau d'un rein flottant, d'un ovaire

kystique, d'un fibrome utérin, d'un polype ou d'une hypertrophie

de la muqueuse nasale, etc. Forme réflexe;

424 BIBLIOGRAPHIE.

3° D'une intoxication thyroïdienne primitive, modifiant fonction-

nellement les centres sympathiques. Forme toxique.

Cette excitation peut aussi être primitive, caractérisant la forme

essentielle, idiopathique de l'affection. Dans la majorité des cas on

peut admettre, en effet, que le syndrome de Basedow est la mani-

festation clinique d'un trouble nerveux fonctionnel primitif, d'une

névrose. Cette névrose se traduit par des phénomènes d'excitation

pouvant porter sur les divers centres sympathiques. On explique

ainsi facilement tous les symptômes; c'est cette hypothèse simple

qui répond le mieux au tableau objectif de la maladie.

L'excitation centrale du sympathique présente cette particula-

rité que ses effets physiologiques (hypersécrétion thyroïdienne,

tachycardie, diverses dilatations vasculaires) peuvent en partie la

régénérer, constituant uu circuit morbide, le cercle basedowien.

Cette idée, conclusion des principales théories du goitre exophtal-

mique, permet d'en mieux comprendre les caractères évolutifs,

certains symptômes et certaines particularités du traitement. De

plus, cette excitation centrale produit des lésions anatomiques

capables de rendre l'irritation sympathique permanente et ses

symptômes définitifs.

Le traitement consiste à interrompre le circuit morbide :

1° En supprimant l'excitation centrale par les calmants et les

toniques généraux du système nerveux (hydro et électrothérapie).

Il y aurait lieu de chercher.une substance paralysant spécialement

le sympathique; 2° en supprimant un symptôme (goitre,

tachycardie, dilatations vasculaires), trouble spécial auquel on

attribue, pour le cas traité, un rôle prépondérant dans la forma-

lion du cercle; méthode incertaine; 3° en sectionnant, par l'opé-

ration de Jaboulay, le cordon cervical où passent les plus nom-

breuses fibres nécessaires au circuit; opération inoffensive;

méthode de choix dans les cas graves, curative dans tous les cas

où la guérison est possible, mais ne mettant pas à l'abri de toute

récidive. Le meilleur procédé est la section ou la résection par-

tielle. Les résections étendues, inutiles, ont des inconvénients.

Dr F. DEVAY.

NÉCROLOGIE.

Edouard-Constant SÉGUIN.

Nous avons le profond regret d'annoncer la mort de notre ami

le Dr E.-C. Séguin (de New-York), survenue le 19 février dernier, à

la suite d'une douloureuse affection chronique du foie, dont il sui-

vait la marche, qu'il savait fatale, avec un sang-froid et un courage

qui ne se sont pas démentis jusqu'à la fin.

Séguin est né à Pais, il y a cinquante-cinq ans. Il fut amené aux

Etats-Unis par son père le Dr E.-O. Séguin1, alors qu'il n'avait

encore que sept ans. Il fut, dit The Médical Record, un brillant élève

et fut diplômé par le Collège des médecins et chirurgiens de New-

York, à l'âge précoce de vingt et un ans, après avoir servi pen-

dant deux ans comme médecin auxiliaire dans l'armée régulière.

Après la guerre il fut placé comme chirurgien dans différents

forts du Nouveau-Mexique, où il fut envoyé sur sa demande dans

l'espoir d'améliorer sa santé, troublée par des accidents pulmo-

naires. Il en revint au bout de quelques années, avec une santé

parfaite. Il se rendit ensuite à Paris. Là il fréquenta assidûment

les différentes cliniques et en particulier les cours de Brown-

Séquard et ceux de M. Charcot à la Salpêtrière. Il fit un second

séjour en France (18704871 j et lorsque, à son retour, il commença

à pratiquer la médecine à New-York, sa grande habileté et ses

connaissances étendues lui attirèrent immédiatement une véri-

table renommée et une position des plus enviables.

Pendant près d'une quinzaine d'années, E.-C. Séguin a été pro-

fesseur de clinique nerveuse à la Faculté du Collège des médecins

et chirurgiens. Durant le même temps, il s'adonna activement à la

pratique des maladies nerveuses, fut nommé membre de plusieurs

Sociétés de neurologie en Europe, publia de nombreux mémoires,

des leçons, des observations relatives à la Médecine générale, à la

Neurologie et à la Psychiatrie. Depuis plusieurs années, sa maladie

l'avait éloigné de l'enseignement, de la clientèle et du journalisme.

C. Séguin fonda, en 1873, avec Brown-Séquard, les Archives of

Scientifec and Practical Mediciiie, qui n'eut qu'une durée éphémère.

Puis il créa, seul, les « Archives of Medicine qui ont paru de 1859

' Voir la notice sur E. Séguin, le grand éducateur et le promoteur de

l'éducation des enfants idiots dans : Archives de Neurologie, t. 1, p. 637,

1880.

426 6 VARIA.

à la fin de 1884 (en tout 12 volumes), dans lesquelles il a publié

35 notes ou mémoires relatifs surtout au système nerveux et aux

réformes concernant l'enseignement des hôpitaux et la législation

des aliénés.

Il a publié avant et depuis ce journal, une série d'autres mémoires

parmi lesquels nous citerons les suivants : A séries ofAi ? 2eîie(iii Cli-

nical Lectures; The Diagnoses of progressive loconzotor ataxie ; -

Lectures of the localisation of spinal and cérébral diseases; - A co7z-

tribution to the médicinal treatment of chronic trigeminal neuralgia;

The localisation of discases izz the spinal cord; - Tite cultivation

of specialition in niediciite ; On the Coïncidence of optic newitis

and subacute transverse Alyelitis; On the early diagnostic of some

organic diseuses of the nervous System; A second contribution to

the study of localized cérébral lésions ; -Imporlance of the enrly reco-

gnition of epilepsy; - Tlte efficient dosage of certain remédies zisetl

in the treatment of nervous diseases; The z of specialities

in Z A contribution to the palhology ofhemianopsia of cen-

tral origizz (Cortex hemianopsia) ; A second clinical study of Aemt-

anopsia; Démonstration of hemiopic pupillary inaction; - A con-

tribution to the Pathology of the Ce ! 'e6''« : <t ? t; A z contribution

to the study of localized cérébral lésions ; Contribution to the diagno-

sis and Surgical Trentmezat of Tumors of the cei-eb ? ,zi ? 7z; EaW ! /

diagnosis of some serions diseases of lhe nervous system ; its Impor-

tance and Tealbility. C. Seguin a publié en outre dans les

Archives de neurologie un très intéressant mémoire intitulé hontni-

bution à l'étude de fhénzinnopsie d'origine centrale (t. li, 4886,

p. 176) et, en 1893, des Leçons sur le traitement des névroses, pré-

cédées d'un avant-propos de M. le professeur Charcot. 11 a, l'un

des premiers, vulgarisé l'emploi de la thermométrie aux Etats-

Unis et inséré, en 1866, un travail important dans Chicago Médical

Journal, sous ce titre : The Use of the The2-moii2elci, in Clinicalllledi-

cnie. Enfin, il avait été l'un des fondateurs et l'un des présidents

de la Neto-l'o ? h neurologicul Society. B.

VARIA.

LES PEINTRES DE la médecine. LES pédicures au XVIIC siècle. L\

lèpre dans L'AM; par Henry 1lIEICE. (Nouv. Iconogr. de la Salpe-

triène, n°S f, 2 et 6, 4891.) .)

L'auteur nous promène dans les principales galeries de l'Europe

VARIA. 427 î

et nous montre les oeuvres magistrales qui reconstituent l'histoire

fidèle de l'art du Pédicure, duJia)'6 : 'e)'<Mce ! «',del'/) ! C ! 'se : ft';

l'histoire de cette terrible maladie qui va peut-être devenir une

rareté, mais qui, pendant de longs siècles, a terrorisé l'humanité.

Cette revue, surtout pour ceux qui ne peuvent... voyager, est un

régal de l'esprit par les critiques délicates et les observations

humoristiques qui émaillent la description des oeuvres des anciens

maîtres de la peinture, un régal des yeux par les excellentes pho-

togravures dont elle est accompagnée. Avec les Terne ? ? les

Bnou2uer, les Va; ! Ostade, M. Meige nous fait revivre ces vieilles

corporations trop dédaignées, trop oubliées, auxquelles nous

devons des maîtres comme Ambroise Paré, et qui ont surtout ins-

piré l'Ecole flamande du xviie siècle. Avec les peintres florentins et

toscans des xive etxvc siècles, avec ceux des vieilles écoles d'Alsace

et de Cotogne(x[V siècle), plus tard avec les Hotbein, Conrad

Fritz, Hans Burgkmaïer (x\° et xvi siècles), avec aussi les maitres

flamands des xv° et vu" siècles (Van Orley, Rubens, Jean Hoog-

saat), dont les principales oeuvres nous sont représentées par des

gravures fidèles et soignées, M. Henri Meige nous refait la synthèse'

historique de la lèpre à travers le monde et des manifestations

pathologiques et sociales auxquelles elle a donné naissance.

R. Cxeaow.

Castration DES ÉPILEPTIQUES, DES idiots ET DES criminels.

L'Echo de Paris du 3 mars 1898 publie l'information suivante

sous ce titre : « Contre la reproduction... des criminels. » - « Le

LUI suivant va être présenté aux Chambres de l'Etat de Michigan :

Tous les malades qui se trouvent actuellement ou qui entreront

à l'avenir dans les hôpitaux comme épileptiques ou faibles d'esprit

devront être soumis, avant leur sortie, à la castration, afin qu'ils

ne puissent avoir d'enfants. La même opération sera imposée aux

criminels condamnés au moins trois fois pour délits graves. Les

personnes condamnées pour viol seront également soumises à la

castration. L'opération sera exécutée par le médecin de la prison

ou de l'hôpital, sans rémunération spéciale ( ! ). -Ou ne pèche pas

par excès de sensibilité au Michigan ! »

Nous' avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre opinion

sur cette question dans le dernier n°de 1897 des Archives de

Neurologie (p. 545). Une idée semblable a été émise il y a

une trentaine d'années par le D'' Caffe, à propos des crétins

et des crétines; il proposait de châtrer les premiers et de

boucler les secondes. Dans cette voie barbare, où nous

sommes étonné de rencontrer des médecins, où s'arrêterait-

on ? ' B.

428 VARIA.

Drame dans un ÉVÈCHÉ.

« Un sieur Puy, propriétaire à Baixas, se présentait hier à

l'évêché de Perpignan, demandant à parler à l'évêque pour se

plaindre de prétendues injustices. Le concierge Vergés, âgé de

soixante-quatre ans, ayant voulu lui intercepter le passage, il le

repoussa et commença à gravir l'escalier, et comme Vergés

faisait une nouvelle tentative de résistance, il sortit un revolver et

lui envoya deux balles dans la tête.

« Le secrétaire de l'évêché, l'abbé Rabaud, apparut tout à coup,

attiré par les détonations, et fut également blessé de deux balles à

la main et à l'épaule. Après quoi le meurtrier prit la fuite. Le

bruit d'une averse avait empêché les habitants de l'évêché d'en-

tendre les détonations.

« L'état du concierge est désespéré. Les blessures du chanoine

sont légères. Le meurtrier, cerné pendant la nuit dans son

domicile, a pu s'enfuir par les toits et n'a pas encore été retrouvé.

Puy voulait se plaindre à l'évêque d'un prêtre qui, après lui avoir

fait épouser une jeune fille qui se destinait à se faire religieuse,

s'opposerait à la solution d'une instance en divorce introduite

depuis deux ans. (Le Temps, numéro du dimanche 16 janvier 1898.)

Le meurtrier a été arrêté le lendemain. Puy est un homme de

trente-cinq ans environ, de fortune aisée, d'un mysticisme outré,

dont la raison, déjà fort chancelante, a été vivement ébranlée à

la suite d'une instance en divorce intentée par sa femme. Il croit

entendre des voix, attribue à un ecclésiastique ses malheurs et ses

persécutions. De là, sa visite malencontreuse à l'évêché.

Sous ce titre : A propos du crime de l'évêché, le Petit Temps

publiait quelques jours après les renseignements suivants envoyés

par son correspondant de Perpignan et qui méritent à tous égards

d'être reproduits : « Un fait inouï se rattachant au double crime

commis récemment à l'évêché se passe à Baixas, gros bourg des

environs de Perpignan; c'est à Baixas qu'habitait Charles Puy, le

furieux qui tua à coups de revolver le concierge de l'évêché et

blessa grièvement le chanoine Rabaud. Un brave ouvrier, maré-

chal-ferrant, originaire des Landes, nommé Laurent Bazeilles,

apercevant Puy qui sortait de chez lui armé d'un revolver chargé

et voyant que, parmi les trois cents curieux massés devant son

domicile, personne ne se détachait pour l'arrêter, suivit le meur-

trier et, à la sortie du village, bondit sur lui, le terrassa, le

le désarma et le remit aux gendarmes.

« Au lieu de féliciter Bazeilles d'avoir arrêté ce fou dangereux,

cette bête furieuse, qui pouvait encore tuer d'autres personnes, la

VARIA. 429

population de Baixas est exaspérée contre Bazeilles, estimant qu'il

fallait laisser celui-ci se venger des injustices dont il prétendait

être victime et tuer tous ses prétendus persécuteurs.

« Bazeilles est, à tout instant, injurié, on lui refuse partout du

travail, à tel point que ce brave ouvrier écrit aux journaux qu'il se

voit obligé de quitter Baixas pour ne pas mourir de faim. »

Ajoutons que le meurtrier Puy a été déclaré par les médecins

légistes un fou inconscient et des plus dangereux, et qu'on va

l'interner dans l'asile d'aliénés de Limoux. >

Sous ne titre : Un fou évadé, le Petit Parisien du 5 avril insère

une dépêche de Perpignan, en date du 4 du même mois, ainsi

conçue :

c On se rappelle qu'il y a quelque 'temps le nommé Charles Puy,

âgé de trente-quatre ans, qui est atteint d'aliénation mentale,

s'étant présenté à l'évêché de Perpignan avec l'intention d'assas-

siner l'évêque, dont il prétendait avoir à se plaindre, avait tué à

coups de revolver le concierge qui voulait l'empêcher de passer, et

blessé grièvement avec la même arme le chanoine Rabaut, secré-

taire de l'évêque. accouru au bruit. Après son meurtre, Puy avait

été interné à l'asile d'aliénés de Limoux. Or, on vient d'apprendre

que, trompant la surveillance de ses gardiens, il s'est évadé ; aus-

sitôt la nouvelle connue, des mesures ont été prises pour préserver

l'évêque de Perpignan et le curé de Baixas, que le fou menaçait

constamment de tuer. Puy est activement recherché par les bri-

gades de gendarmerie de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. »

LES aliénés EN liberté.

Sous ce titre : Un fou dans un wagon, le Petit Parisien du

28 mars rapporte le fait suivant :

« Quelques personnes avaient pris place hier matin, à la gare

du Nord, dans un compartiment de 21 classe d'un train se diri-

geant sur Creil. Soudain, un des voyageurs qui le premier était

monté dans le wagon, se montra impatient de voir le train tarder

à se mettre en marche.

c Bientôt sa fébrilité lit place à une fureur extraordinaire, et

après avoir insulté toutes les personnes qui se trouvaient là,

l'intrus se mit à briser les glaces du compartiment tout eu tenant

des propos incohérents.

q Des employés de la voie, appelés parles témoins de cette scène,

eurent toutes les peines du monde à maîtriser le forcené, qu'on

emporta au commissariat spécial de police. C'était un fou du

nom de Julien Hautruy, âgé de trente-six ans et habitant l'isle-

Adam. Le malheureux s'était grièvement coupé aux bras et aux

mains, et l'on dut lui prodiguer des soins avant de l'envoyer à

l'infirmerie spéciale du Dépôt. »

430 VARIA.

Un fou, pris de fureur, s'est mis à tout casser dans son

appartement, rue de Chàteaudun, et à jeter par la fenêtre sa vais-

selle et son mobilier. Il avait fait dans un coin de l'appartement

une sorte de bûcher, et allait y mettre le feu, quand les gardiens

de la paix sont intervenus. Ils ont failli être blessés par le fou qui

s'était emparé d'une hache et voulait les frapper avec cette arme

terrible. '

Ce malheureux s'était évadé, il y a quelque temps, de la maison

de santé de Villejuif où il était interné. 11 était venu s'installer

parmi ses parents et leur avait raconté que, guéri, il avait été

rendu à la liberté. Il a été envoyé à l'infirmerie du Dépôt. (XIXe

Siècle, 23 mars.)

Ce cas montre combien il serait nécessaire de faire surveiller

attentivement les aliénés qui s'évadent et que en raison des polé-

miques de presse, la Préfecture de police hésite à réintégrer après

évasion.

LES Drames DE l'alcoolisme.

Etranglée par son mari, tel est le titre sous lequel le Petit Pari-

sien du avril publie une dépêche de Quimper en date du

le, avril :

« Un drame de famille, causé par l'alcoolisme, vient de mettre

en émoi la ville deqtiinipei-lé. Un journalier âgé de quarante-deux

ans, nommé Maurice Gourlay, demeurant au lieu dit a Croas Cus »,

surla route de )Ioélan, étranglé sa femme dans les circonstances

suivantes : la malheureuse avait l'habitude de boire ; Gourtay,

qui était lui-même légèrement ivre, s'est jeté sur elle, en reve-

nant vers dix heures du soir de la foire de Quimperlé. Il l'a battue,

puis lui a frappé la tête contre la cheminée et aimi par lui serrer

la gorge jusqu'à ce qu'elle fût morte. Cette horrible scène s'est

passée devant les cinq enfants du meurtrier qui ont dénoncé leur

père au commissaire de police de Quimperlé, chargé de constater

le décès. L'aine des enfants a déclaré au commissaire que pour

défendre sa mère il avait jeté son sabot à la tète de son père qui

avait un moment abandonné sa victime, mais qui l'a achevée

néanmoins.

« L'autopsie faite par M. le De Le Stunf a confirmé les dires des

enfants de Gourtay. Ce dernier a été écroué à la prison de Quim-

perlé. L'infortunée victime a été enterrée ce matin ; elle n'avait

que vingt-six ans. »

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : M. le D'' ALLE-

MAN, médecin adjoint à l'asile d'Auxerre, est nommé médecin ad-

joint à l'asile de Blois (19 mars); M. le Dr Fenayrou, médecin

adjoint à l'asile de Blois, est nommé médecin adjoint à l'asile de

Naugeat (19 mars); M. le Dr Pain, médecin adjoint à l'asile de

Naugeat, est nommé médecin adjoint à l'asile de la Roche-Gandon

(19 mars); M. le Dr Toy, médecin adjoint à l'asile de la Roche-

Gandon, est nommé médecin adjoint à l'asile d'Auxerre (19 mars);

- 11. le Dl DAGONNET, médecin adjoint, est nommé sur place méde-

cin en chef de l'asile clinique (Sainte-Anne) (24 mars ;) M. le

Dr Sérieux, médecin-adjoint, est nommé sur place médecin en chef

à l'asile de Ville-Evrard (24 mars) ; M. le Dr PACTET, médecin ad-

joint, est nommé sur place médecin en chef de l'asile de Villejuif

(22 mars); M. le D1' TOULOUSE, médecin adjoint, est nommé sur

place médecin en chef de l'asile de Villejuif (24 mars).

Concours pour une PLaCE DE médecin aliéniste des hôpitaux.

Ce concours doit s'ouvrir le 5 mai prochain. Le jury se compose

de MM. A. Voisin, Sellas, Charpentier, médecins aliénistes des

hôpitaux, Siredey, Widai et Queyrat, médecins des hôpitaux, et

Marandon de Monthyei, médecin des asiles de la Seine. Les can-

didats qui se sont fait inscrire sont M31. Boissier, Nageotte, Noir

et Rouhinowitch.

Suicide d'enfant. Le jeune Anlaud Maurice, âgé. de quatorze

ans, demeurant chez ses parents à Montmorency, a été trouvé

pendu à un arbre dans le bois de Piscop, territoire de Saint-

Brice. Il avait disparu après des reproches de son père sur son tra-

vail.(Petit Parisien, 10 avril 1898). '

Enseignement des maladies MENTaLES.- M. le D1' Chénieux, direc-

teur de l'Ecole de médecine de Limoges, dans son discours de

rentrée à ladite école, dit que « les conférences annoncées sur

l'aliénation mentale ont eu lieu dans le semestre d'été, et que M. le

`D'' DOURSOIT a pu se convaincre, par l'assiduité de son auditoire, de

l'intérêt qu'il a su éveiller et entretenir ».

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

)nKMatt'eMMu.eM ! t))ë)-< ? <a<tO ! McHma<uese<M) : a<0)'ta6

France et de l'étranger, suivi d'une nomenclature des établissements

hydrothérapiques, publié par la Gazette des eaux. Volume in-18 de

270 pages. Prix : 1 fr. 50. Paris, 1898. Librairie Maloine.

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- Paris, 1898. - Librairie G. Steiiiheit.

Bérillon (E.) ? L'Ilypnotisine et l'Orthopédie mentale. Brochure

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les savants et les écrivains. - Volume in-8- de 125 pages. Prix : 3 fr. 50.

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par V. Parant secrétaire général. Paris, 1898. Librairie G. Masson.

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folie en commun). - Brochure in-8" de 19 pages. Leipzig, 1897.

Librairie F. Deuticke.

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Volume in-18 de 243 pages. Siena, 1898. Tip. Mana ail' Insegna

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Volume in-18, de 248 pages. Prix : 3 francs. Paris, 1898.

Librairie Rueff et C".

Mariani (C.-E). Di un caso di graforrea inlercorrenle. - Brochure

in-8° de 4 pages. Torino, 1898. Bolleltino del Policlinico Générale

Selvaiico-Estense (G.). La cura dell' epilessia in Inghilteroa e iii

America. Brochure in-8° de 23 pages. Reggio-Emilia, 1898. Tipo-

grafia Calderini e Figlio.

TONOLI (G.I. Contribulo cliuico sui rapporli fra pai-aiioia acula ed

ossessione. Brochure in-8o de 31 pages. - Nocera Inferiore, 1898.

Tipograûa del llanicomio. -

Ziehen (Th.). Leilfadezz der Physiolo'gisclieit Psychologie in 15 l'or-

lesungen. Volume in-8° de 263 pages, avec 23 figures. l'rix : 7 fr. 50.

léna, 1898. Verlag von G. Fischer.

Le rédacteur-gérant : BOUREVILL6.

Evroux, Ch. Hésnssar, mp. - 598

Vol. V. Juin 1898. ? 30

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. DIAGNOSTIC DU SIÈGE

PAR LES LOCALISATIONS RADICULAIRES ;

Par MM. ROUX et PAVIOT (de Lyon).

Les cas complètement observés de tumeur de la moelle ne

sont pas si fréquents qu'il n'y ait pas d'intérêt à publier le

suivant, que nous avons étudié d'une façon complète depuis

la clinique jusqu'à l'examen histologique. Mais le fait que

l'on va lire offre un intérêt à d'autres points de vue : clini-

quement nous avons pu, à l'aide des localisations radicu-

laires, à l'heure actuelle assez bien connues, faire le diagnostic

exact du siège de la lésion ; la superposition des symptômes

aux lésions nous a permis en outre de tirer quelques conclu-

sions au point de vue du trajet des voies sensitives intramé-

dullaires et de décrire une forme particulière de dissociation

de la sensibilité ; enfin au point de vue histologique, cette

tumeur nous a paru intéressante par sa structure assez parti-

culière et parle grand nombre et la disposition de ses métas-

tases sur les racines rachidiennes et les nerfs de la queue de

cheval.

Observation. Résumé. - Début par des troubles subjectifs de la

sensibilité au bras gauche et aux deux membres inférieurs.

Diminution de force, parésie, enfin paraplégie spasmodique des

deux membres inférieurs, égale des deux côtés ; douleurs aiguës

non localisées; pas de troubles objectifs de la sensibilité; pas de

troubles des sphincters.

Paraplégie devient complète; apparition de l'oedème des membres

Archives, 21 série, t. V. 28

434 ANAT0M1E PATHOLOGIQUE.

inférieurs ; troubles objectifs de toutes les sensibilités cutanées ;

conservation des sensibilités profondes et des sensibilités icflexes;

contractions réflexes très douloureuses des muscles des membres

inférieurs survenant sous l'influence de la illoii2cli'e excitation.

Apparition des troubles des sphincters.

Phénomènes de compression radiculaire; au point de vue moteur,

dans le domaine des septième et huitième cervicales et première dor-

sale de chaque coté, un peu plus prononcés ti gauche; au point de

vue sensitif, d'abord dans le domaine de la deuxième dorsale, puis

de la huitième cervicale, des première et deuxième dorsales @i

gauche; de la première dorsale seulement a droitc. Absence de phé-

azomènes pupillaires. Mort de pneumonie.

Autopsie. Macroscopiquemenl. Tumeur s' étendant sur la

partie latérale gauche de la moelle; en hauteur, depuis .la sixième

cervicale jusqu'au-dessous de la deuxième dorsale ; dans le sens

transversal, depuis le sillon collatéral postérieur gauche jusqu'au

sillon collatéral antérieur droit (dans sa plus grande largeur),

en contournant la face lulérale gauche et la face antérieure de la

moelle. Déviation et compression modérée des cinquième et sixième

cervicales antérieures gauches. Déviation et compression considérable

des septième et huitième cervicales antérieures gauches. La première

z émerge du sein même de la tumeur; deuxième dor-

sale légèrement atteinte. Les racines postérieures gauches correspon-

tlantes sont légèrement soulevées sans être déviées notablement. Les

racines antérieures ou postérieures du coté droit ne sontpas atteintes

par la tumeur.

Microscopiquement. Neuro-gliome né dans la moitié gauche

de l'axe gris, au niveau des sixième, septième et huitième cervicales,

étendu au centre de la moelle de la sixième cervicale ci la première

dorsale, puis sorti de la moelle. Généralisations : sous forme d'infil-

li-ation diffuse et légère de toute la pie-mère médullaire ; sous

forme de semis polypeux sessiles ou pédicules sur diverses racines

et sur la queue de cheval. Pas de processus cavilaire dans la

tumeur.

Ii. E..., cordonnier, âgé de quarante-cinq ans, entré le

20 mai 189C, salle Sainte-Jeanne, dans le service de M. le profes-

seur Teissier.

Les renseignements qu'il donne sur ses antécédents héréditaires

sont très incomplets et n'offrent rien de particulier. Lui-même a

toujours joui d'une assez bonne santé; cependant, à l'âge de vingt

ans; il eut une bronchite qui dura deux mois et demi et fut accom-

pagnée de quelques hémoptysies légères. Depuis, il n'a jamais

toussé. Il n'a eu aucune autre maladie infectieuse. Il me éner-

giquement la syphilis, n'a présenté aucun accident vénérren,

aucune manifestation cutanée ou muqueuse; sa femme n'a jamais

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 435

eu de fausse couche. Il n'est pas rhumatisant, n'a jamais eu de

fièvres intermittentes. Il est un peu suspect d'alcoolisme (vin,

absinthe).

Affection actuelle. Les premiers symptômes se sont montrés

il y a trois mois et demi, et ont consisté en quelques douleurs du

bras gauche, que le malade attribuait à l'action d'un courant d'air

auquel il était exposé en travaillant. Ces douleurs gagnèrent

bientôt la région dorso-lomhaire, et il y a trois semaines se sont

montrées aux membres inférieurs. En même temps se produisait

de l'anesthésie de la plante du pied : le malade ne sentait pas le

plancher en marchant; ses pieds s'engourdissaient dans son lit et

il ne les sentait plus. Depuis quinze jours ont débuté les troubles

moteurs : d'abord simple diminution de force, puis parésie pro-

gressive.

Actuellement. La marche est difficile, d'aspect spasmodique,

mais en même temps le malade lance un peu le pied en avant

et talonne. Pas de trouble de la station debout, pas de signe de

Romberg.

Le= réflexes rotuliens sont exagérés, il y a de la trépidation épi-

leptoide du pied et de la rotule. Le malade résiste bien à tous

les mouvements qu'on essaye d'imprimer aux membres inférieurs,

la force ne semble pas diminuée. Il exécute bien tous les mouve-

ments commandés : pas d'incoordination motrice.

Pas de troubles de la sensibilité objective. Pas de troubles tro-

phiques, ni d'atrophie musculaire.

Aux membres supérieurs, il paraît y avoir une diminution de

force notable du côté gauche : le malade serre beaucoup moins

fort que de la droite. Pas de troubles de la sensibilité objective,

mais il y a toujours des douleurs vagues sans localisation précise.

Pas d'incoordination, ni de tremblement. Pas de troubles tro-

phiques, ni d'atrophie musculaire.

Les sphincters ont fonctionné normalement jusqu'à présent;

cependant, depuis quelques jours, le malade s'aperçoit qu'il a un

peu de peine à uriner, il est obligé de pousser, la miction se fait

attendre.

L'examen de la colonne vertébrale ne révèle rien d'anormal : pas

de déformations, ni de saillies; pas de points douloureux, nulle

part d'abcès par congestion.

Du côté de la face aucun symptôme, si ce n'est un tic facial, très

léger, et dont le malade ne s'était jamais aperçu; aucun trouble

du côté de la musculature de la face et des yeux; aucun trouble de

la sensibilité générale, ni des sensibilités spéciales.

Aucun trouble encéphalique.

Le diagnostic porté à ce moment par M. le professeur Teissier

fut : Paraplégie spasmodique. Pas de troubles de la sensibilité. Pas

de pliénomènes vésico-rectaux. Diminution de la force musculaire de

436 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

la main gauche. Ëtiotogie probable : exposition au froid humide.

Mécanisme : méningite spinale avec excitation deswdons latéraux.

8 août. La paraplégie est devenue complète et conserve ses

caractères spasmodiques. Il y a un peu d'oedème des membres

inférieurs. La sensibilité czttanée-(daus ses trois modes) est très

diminuée aux deux membres inférieurs, presque abolie dans cer-

taines zones sans disposition régulière, ne répondant ni à des

territoires nerveux, ni à des territoires radiculaires. Pas de

dissociation syringomyélique.

Les sensibilités profondes sont conservées, le malade a parfaite-

ment la notion de la position imprimée à ses membres.

24 août. Membres inférieurs. Motilité volontaire totalement

abolie : le malade ne peut exécuter le plus léger mouvement des

orteils. Réflexes rotuliens très exagérés; trépidation épileptoïde

réflexe plantaire conservé, mais faible; réflexe crémastérien faible;

réflexe bulbo-caverneux bien conservé.

La sensibilité consciente cutanée est absolument abolie dans tous

ses modes : tact, douleur, température. Les mouvements iinpii- i-

més passifs provoquent dans tout le membre de vives douleurs, 1

mais sans localisation précise. Une pression un peu forte en un

point quelconque des membres inférieurs provoque également de

vives douleurs : il semble donc que les sensibilités profondes

(périostiques, tendineuses, articulaires...) soient non seulement

conservées, mais exaltées. De plus, toutes ces explorations précé-

dentes déterminent, non seulement dans le membre examiné,

mais aussi dans l'autre, des contractions musculaires qui fléchissent

légèrement les divers segments du membre les uns sur les autres,

et sont extrêmement douloureuses : il semble qu'il y ait hyperesthésie

de la sensibilité musculaire. La moindre cause suffit quelquefois pour

déterminer ces contractions douloureuses; par exemple : un contact

cutané (qui pourtant n'est pas perçu), léger, mais répété; par

exemple aussi une secousse imprimée au lit du malade; elles

semblent quelquefois survenir spontanément, surtout la nuit, et

troublent le sommeil. 11 ne semble pas y avoir d'autres troubles

subjectifs delà sensibilité en dehors de ces contractions douloureuses.

Tronc. - Les troubles de la sensibilité objective s'étendent sur

le tronc, jusqu'au niveau d'une ligne horizontale passant un peu

au-dessus des mamelons, vers l'extrémité sternale de la cinquième

côte. Ces troubles s'atténuent de bas en haut : au niveau de l'ab-

domen, les sensations fortes sont légèrement perçues, mais toujours

mal localisées et avec un retard assez considérable. Au niveau de

la limite supérieure, il ne s'agit plus que d'hypoesthésie : il n'y a

pas de transition brusque, pas de zone d'hyperesthésie. Il semble

. qu'il y ait un certain degré de conservation de la sensibilité autour

de l'anus : les contacts même légers sont parfois perçus; sur le

scrotum, les piqûres sont seules parfois senties.

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 437

Le malade est incapable de se soulever ou de se tourner : les

muscles du tronc semblent complètement paralyses. Il n'y a pas de

paralysie du diaphragme. Il y a de l'incontinence de l'urine seule-

ment la nuit : le besoin d'urmer n'est plus perçu.

Membres supérieurs. 1° 21 gauche, n) Motilité. Pas de déforma-

tion de la main, ni de griffes des doigts : main en position nor-

male ; phalanges en demi-flexion sur la main et les unes sur les

autres. Immobilité à peu près complète des doigts : les fléchisseurs

et les extenseurs sont à peu près totalement paralysés. Les mouve-

ments d'extension de la main se font encore avec assez de force ;

la flexion est totalement impossible : si l'on place l'avant-bras en

supination et la main renversée en extension, le malade est inca-

pable de ! a relever.

La pronation et la supination sont encore possibles : la première

se fait sans force; la seconde avec une vigueur presque normale ;

le long supinaleur se durcit et forme une corde sous la peau.

La flexion de l'avant-bras se fait avec force et l'on sent et voit se

durcir le biceps d'une façon normale.

Paralysie complète du triceps brachial. L'adduction et l'abduction

du bras se font avec force, et on sent se durcir le deltoïde et le

grand pectoral. Les mouvements de projection en avant et en

arrière se font facilement, le premier avec plus de force que le

second. L'omoplate est appliqué contre le tronc et en position

normale : il bascule normalement dans les mouvements d'élévation

du bras. Les épaules se soulèvent aveu force, et le trapèze se con-

tracte bien dans ses diverses portions.

En résumé. Paralysie : interosseux et lombricaux, fléchisseurs

superliciel et profond, petit et grand palmaire, cubital antérieur,

extenseurs communs et propres des doigts; triceps brachial.

Parésie : rond pronateur, carré pronateur ( ? ), radiaux, cubital

postérieur. 1

Intégrité : long supinateur, biceps, brachial antérieur, coraco-

brachial, grand pectoral deltoïde, grand dentelé et muscles de la

ceinture scapulaire.

Réflexes : tendineux ne peuvent être provoqués. Pas de contrac-

tures douloureuses comme dans les membres inférieurs.

b) Sensibilité est intacte dans ses trois modes (pour la tempéra-

ture, elle n'a été recherchée que d'une façon assez grossière, avec

le crachoir métallique pour la sensation de froid, avec un bol

contenant de la soupe pour la sensation de chaud), sauf dans une

zone étroite allongée à la face interne du bras, où les sensations

tactiles sont moins bien perçues. Mais même dans cette région,

un contact un peu fort est toujours perçu, mais avec moins d'inten-

sité que dans le reste du bras ; un effleurement très léger n'est pas

perçu alors qu'il l'est dans le reste du bras.

400 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Toophicité. Pas d'atrophies musculaires; pas d'oedème, pas de

troubles trophiques.

2° A droite : les troubles de la motilité présentent exactement

les mêmes localisations, avec les différences d'intensité suivantes :

les fléchisseurs de la main et des doigts peuvent encore ébaucher

quelques mouvements. Les extenseurs des doigts sont aussi para-

lysés que du côté gauche, mais les extenseurs de la main sont

mieux conseivés encore que du côté gauche. Pas de différences

pour les autres muscles. Les troubles de la sensibilité sont iden-

tiques : même zone d'hypoeslhésie à la face interne du bras.

yd<fetco : t.Intégrité absolue des muscles innervés par le

bulbe : mouvements de la mimique, de la mastication, de la dégtu-

tition... de la parole, se font d'une façon absolument normale

La respiration et la circulation se font d'une façon normale ; pas

de glycosurie, ni d'albuminurie. Ni vertiges, ni céphalée, ni délire.

L'insomnie est due aux phénomènes douloureux. Aucun phéno-

mène du côté des yeux, aucun trouble de la musculature externe.

Pas de nystagmus. Aucun trouble pupillaire : pupilles égales iéa-

gissant bien à la lumière et à l'accommodation. Aucun trouble

du côté des autres organes des sens. Pas de troubles vaso-moteurs

à la face.

26 août. Mêmes phénomènes. Si on pince un pli cutané, le

malade n'accuse aucune sensation. Si on pince une masse muscu-

laire, il sent quelque chose, mais ne peut préciser. Il a conscience

des mouvements passifs imprimés à ses membres. Il conserve tou-

jours les mêmes contractions réflexes douloureuses. Il lui semble

parfois sentir ses membres inférieurs se mouvoir, et cependant s'il

les regarde à ce moment il les voit immobiles (hallucinations des

sensibilités profondes et musculaires ?

4 septembre. Mêmes phénomènes, et de plus : à gauche, hypo-

estitésie du petit doigt et du bord interne de la main. Le grand pec-

toral des deux côtés se contracte moins bien dans sa portion ster-

nale.

7 septembre. A gauche, l'hypoesthésie au contact s'étend à une

zone plus large : face interne du bras, de l'avant-bras, bord interne

de la main et petit doigt. A droite, elle reste localisée à la face

interne du bras. Il ne s'agit toujours que d'une hypoesthésie légère,

ne pouvant être décelée que par un examen minutieux. Apparition

d'une double eschare fessière.

10 septembre. Mêmes phénomènes. La localisation radiculaire

très nette des troubles de la motilité et de la sensibilité permet de

fixer les limites supérieures de la lésion spinale. On reporte cette

limite sur un schéma; on la fait passer en avant horizontalement

entre les sixième et septième racines motrices cervicales ; en

arrière, elle s'élève moins haut, passe entre les première et

deuxième dorsales à droite, entre les septième et huitième cervi-

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 439

cales à gauche. Il est vrai que les douleurs assez vives qui existent

toujours, sans localisations précises dans toute l'étendue des deux

membres supérieurs, permet de supposer que les racines de tout le

plexus cervical sont plus ou moins irritées, soit dans leur trajet

extramédullaire, soit dans leur trajet intramédulluire.

La limite inférieure est beaucoup plus difficile à établir; il est

certain que la lésion n'atteint pas toute la hauteur de la moelle ;

les contractions réflexes douloureuses qui se produisent quelque-

fois par un simple contact prouvent l'intégrité de l'arc réflexe.

Cet arc réflexe est intact au moins jusqu'à la limite intérieure de

la moelle dorsale, car une excitation cutanée ou profonde de la

racine de la cuisse provoque encore des contractions réflexes. Il est

impossible de pousser plus avant les localisations. Les réactions

électriques n'ont pu être recherchées.

16 septembre. Des deux côtés, les troubles de la sensibilité

s'étendent : le pouce seul conserve une sensibilité à peu près nor-

male. Les eschares se sont creusée', le malade a de la fièvre,

est prostré, l'auscultation fait entendre un souffle tubaiie à la base

droite. -' Mort le 18 septembre.

Autopsie le 19 septembre. On trouve une pneumonie de la base

droite, une congestion considérable de la base gauche ; quelques

tubercules crétacés aux deux sommets. Rien de particulier à

signaler dans les divers organes, qui macroscopiquement sont

sains. Nulle part on ne trouve de néoplasmes.

Système nerveux. Le canal racliidien est ouvert de l'occipital

à la deuxième sacrée. La moelle paraît déjà augmentée de

volume au niveau de la région cervicale inférieure et dorsale

supérieure. La surface externe de la dure-mère rachidienne pré-

sente un aspect normal : aucune trace d'inflammation, pas de

congestion. On ne voit aucune lésion du canal vertébral. La

moelle est retirée avec soin, après avoir placé un fil sur la cin-

quième lombaire et la première cervicale. -

On examine de nouveau le canal vertébral et on vérifie l'absence

de toute lésion. Les racines sont numérotées par des fils placés

sur les quatrième et huitième cervicales; quatrième, huitième et

douzième dorsales. La dure-mère est sectionnée le long de sa face

postérieure sur la ligne médiane.

Jusqu'à la quatrième cervicale, la moelle présente un aspect

normal. Au-dessous de la quatrième racine cervicale postérieure

gauche commence à apparaître une masse néoplasique présen-

tant les caractères suivants :

En hauteur, elle s'étend de l'espace compris entre les quatrième

et cinquième cervicales à celui compris entre les première et

deuxième dorsales.

Vue par la face postérieure de la moelle, elle est tout entière

située sur la face latérale gauche, soulève bien les racines posté-

440 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

,rieures correspondantes, mais sans les dévier notablement. La

tumeur ne dépasse pas latéralement le sillon collatéral postérieur.

Entre les deux sillons collatéraux postérieurs, sur une étendue de

quatre à cinq centimètres, au niveau de la tumeur, existent des

adhérences assez solides entre la dure-mère et la pie-mère. Si

l'on retourne la moelle et que l'on sectionne la dure-mère sur sa

face antérieure, la tumeur occupe une étendue verticale plus

urande et se développe aussi davantage dans le sens transversal.

Les cinquième et sixième cervicales antétieures gauches sont très

déviées, décrivant un arc de cercle pour contourner la tumeur;

celle-ci, à ce niveau, dépasse à peine le sillon collatéral antérieur.

Les septième et huitième cervicales antérieures gauches sont

beaucoup plus déviées et paraissent sortir du sillon médian anté-

rieur ; elles sont minces et paraissent atrophiées. La première dor-

sale antérieure gauche émerge du sein de la tumeur elle-même; à

ce niveau, celle-ci s'étend jusqu'au sillon collatéral antérieur droit

et touche les racines antérieures droites à leur émergence. La

deuxième dorsale est encore un peu englobée dans la tumeur.

Cette masse, d'aspect néoplasique, est rosée, de consistance

assez ferme, sans aucune adhérence à la dure-mère; ses bords

paraissent soulevés, décollés, non adhérents à la moelle, comme

si la tumeur était pédiculée.

Au-dessous de cette tumeur, la moelle parait saine ; il n'y a plus

d'adhérence à la dure-mère. Au niveau des neuvième et huitième

racines dorsales, sur le côté gauche, on trouve une petite masse

insérée par un mince pédicule sur la face latérale de la moelle, et

présentant un aspect polypeux.

Au milieu des nerfs de la queue de cheval, on trouve plusieurs

petites masses de la grosseur d'un pois à celle d'un grain de chè-

nevis, et dont l'aspect, la coloration rappellent la tumeur ptinci-

pale.

En résumé, on a l'impression d'une tumeur dont le point de

départ a été la région cervico-dorsale; c'est là nettement son

maximum d'épaisseur; c'est de là qu'elle s'étend en haut et en bas

en s'amincissant progressivement; sa forme générale est celle d'un

fuseau; macroscopiquement, on distingue mal ce qui reste de la

moelle au point maximum d'épaisseur de la tumeur; mais le tronc

médullaire parait complètement englobé tant par la tumeur que

par la pie-mère cancéreuse, il garde cependant une certaine rigi-

dité et ne doit pas, [pour cette raison, avoir été complètement

détruit par la néoplasie mollasse que l'on voit prédominer nette-

ment comme saillie du côté gauche de la moelle. Sur les coupes

rares que l'on pratique immédiatement, il n'est pas non plus pos-

sible de se rendre un compte exact des rapports de la moelle et de

la néoplasie.

L'impression à l'autopsie fut donc que l'on avait affaire à un

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 441

gliome de la moelle, asez malin pour donner ces généralisations

petites mais multiples à la pie-mère dans presque toute sa hau-

teur.

Examen histologique. La moelle fut recueillie de la façon sui-

vante, classique d'ailleurs, pour faire une élude parallèle des dégé-

nérescences et des altérations cellulaires : de l'émergence de la

cinquième racine cervicale jusqu'à la première dorsale, elle fut

fixée par les alcools successifs et débitée en six fragments numé-

rolés delà a VI, de haut en bas.

Furent aussi passés dans les alcools successifs deux fragments

prélevés au niveau des onzième et douzième dorsales, parce qu'en

ce point la pie-mère paraissait à nouveau envahie. Enfin, de la

même façon fut traitée par les alcools la moelle cervicale de

l'émergence de la quatrième cervicale jusqu'à celle de la deuxième

cervicale, en fragments numérotés de I à IV de haut en bas. Fut

aussi placée dans l'alcool une petite tumeur du volume d'un pois,

appendue à la pie-mère entre l'émergence de la huitième et la

neuvième dorsales. Tout, le reste de la moelle fut placé dans le

liquide de Muller.

Les symptômes observés du vivant du malade et les localisations

radiculaires connues actuellement n'indiquaient pas de chercher la

localisation de la lésion au-dessous de la deuxième dorsale; aussi,

au-dessous de celle racine, toute la moelle fut mise dans le Millier,

sauf les deux fragments prélevés au niveau des onzième et

douzième dorsales; mais extérieurement la tumeur continue à

déformer la moelle jusqu'à un niveau compris entre l'émergence

des troisième et quatrième dorsales; dès la deuxième dorsale, elle

n'est plus visible macroscopiquement au centre de- la moelle; et au

niveau de la quatrième, elle infiltre et épaissit encore un peu plus

la pie-mère, mais ne déforme plus la moelle.

Après trois semaines de séjour dans le Millier, il fut prélevé

deux tranches minces de moelle au niveau de la deuxième racine

cervicale; deux tranches semblables au niveau de la quatrième

racine dorsale ; ces fragments furent imprégnés pendant douze

jours par le liquide de Marchi.

Il serait superflu et très long de prendre une à une les coupes

histologiques pratiquées aux diverses hauleurs dans la tumeur;

cela nous exposeiait de plus à des redites inutiles; nous allons

donc simplement topographier la tumeur, tant dans la moelle que

hors de la moelle, en synthétisant les résultats que nous ont donnés

nos coupes. En effet , la tumeur a une portion intramédullaire de

hauteur minime relativement à une portion extramédullaire qui,

elle, s'étend beaucoup plus.

Sur les coupes pratiquées à toutes les hauteurs de la cinquième

cervicale à la première dorsale, la tumeur offre une portion intra-

médullaire et une portion extramédullaire; ce n'est qu'au niveau

4 42 - ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

de la septième racine cervicale qu'un pont large et'épais d'ailleurs

fait communiquer les deux portions intra et extramédufiaires. Ce

pont n'existe qu'au niveau de la septième cervicale et un peu au-

dessus ; mais dès la sixième cervicale et même un peu au-dessous,

comme immédiatement au-dessus de la septième cervicale, il y a

toujours une portion de la tumeur médullaire séparée par une

bande subsistante de moelle de la portion extramédullaire. Sur les

coupes histologiques (faites comparativement au Nissl, au carmin,

à l'éosine hémaloxylique), il est de la dernière facilité de recon-

naître ce qui appartient à la tumeur et ce qui subsiste de la

moelle.

On peut très vraisemblablement considérer que la néoplasie est

née de la moitié gauche de la substance grise au niveau de la

septième racine cervicale; de là, elle a filé en haut et en bas au

centre de la moelle; en haut, elle ne dépasse pas sensiblement

l'émergence de la sixième cervicale; en bas, sa limite à l'mil nu,

toujours au centre de la moelle, ne dépasse pas la deuxième dor-

sale sûrement; mais, au niveau de la septième cervicale, la tumeur

a rapidement gagné la périphérie de la moelle, elle en est sortie

et de là s'est étendue, en haut, jusqu'au voisinage de la quatrième

cervicale, et en bas de la deuxième dorsale; et, de plus, a semé à

distance les petits nodules isolés, secondaires, que nous avons ren-

contrés dans toute la pie-mère des régions dorso-lomhaireset delà

queue de cheval. C'est à penser que la pesanteur a bien pu inter-

venir pour faire que l'extension pie-mérienne de la tumeur soit

plus accentuée en bas qu'en haut et que les semis néoplasiques

pie-mériens lointains prédominent aussi vers la queue de cheval,

tandis qu'il manque à peu près totalement dans la région cervi-

cale supérieure de sa moelle.

Jusqu'au niveau de la deuxième dorsale, la tumeur déforme la

moelle, y creusant une forte dépression ; dans toute la hauteur de

la tumeur, le fuseau constitué par celle-ci et la moelle s'est moulé

sur le canal rachidien, la moelle ayant subi une légère torsion qui

a porté sa moitié droite un peu à droite et en avant.

A certains niveaux, la tumeur a bourgeonné dans les gaines pie-

mériennes des nerfs, ceux-ci étant complètement englobés, mais

des interstices celluleux les séparant encore; ailleurs, c'est uni-

quement la pie-mère qui parait a\oir été son tissu d'extension.

Au point de vue de la nature histologique vraie du néoplasme,

nous avouerons immédiatement notre embanas. Nous nous

sommes trouvé en présence d'une tumeur qu'il est évidemment

très rarement donné d'observer, et, par suite, nous n'avons eu

aucun point de comparaison. Voici ce que nous avons vu.

Quand on observe la néoplasie au niveau de son point de

départ, c'est-à-dire sur ces coupes où elle apparaît comme un

champignon dont le pied plonge jusqu'au centre de la moelle et

Firj. 7.

Moelle (le la quatrième racine cervicale it la deuxième racine dorsale-

(Les traits qui relient à la moelle les cinq coupes dessinées à droite aboutissent au

niveau auquel clln s ont poilé). - p, i, portion cWra-médull,;ire de la tumeur, -p, e.

portion cvra-médullairc ; 1. i, ligne en Nue en perslectne, représentant les

limites de la tumeur sur la face antérieure de la moelle ; - 2, `3, ligue en -1- +

(représentant les limites de la tumeur sur la face postérieure.

444 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

le chapeau recouvre la moitié de.la moelle, et quand on l'observe

par comparaison sur un de ces grains de généralisation, les résul-

tats sont très sensiblement différents.

Dans la tumeur principale et dans ses généralisations à la pie-

mère (au niveau de la douzième dorsale, par exemple), on trouve

une nappe de noyaux, très inégaux, assez vigoureusement teintés

par les colorants; ces noyaux fcnt partie de cellules dont le proto-

plasma doit être très fragile et peu abondant, car il est impossible

d'isoler autour du noyau un contour cellulaire précis, et, de plus,

ces noyaux sont très abondants et très pressés; ils plongent dans

une substance granuleuse, dans laquelle, après les manipulations

ordinaires, il est impossible de distinguer ce qui appartient à

chaque cellule. Par points, il semble qu'on pourrait penser que

plusieurs noyaux appartiennent à la même cellule, parce qu'ils se

groupent ou s'alignent; mais en léalité le contour cellulaire reste

toujours indécis et plus que douteux.

Quand nous analysons une des coupes de la moelle qui ont porté

dans des points où la néoplasie n'existe plus au centre (cin-

quième cervicale et au-dessus et douzième dorsale, par exemple),

on constate que le canal épendymaire n'est nulle part normal; à

sa place est une nappe de cellules à noyau vigoureusement coloré;

cette nappe devient moins compacte à sa périphérie et assez loin

autour d'elle on voit encore, semées de distance en distance, des

lignes concentriques de cellules semblab'es; dans l'intervalle de

ces lignes est un tissu granuleux; nulle part nous n'avons vu de

cavité. Mais ce qui frappe, c'est que, entre ces cellules épend\-

maires en surproduction, les cellules néoplasiques du centre de la

moelle, au niveau de la tumeur, et celles de la portion bourgeon-

nante hors de la moelle, il n'y a pas de différence morphologique,

les caractères des noyaux sont identiques, leur léaction aux colo-

rants semblable, la substance granuleuse dans laquelle ils sont

plongés ne dillère pas non plus sensiblement. 1.

Mais, quand on observe un des grains néoplasiques appendus à

la queue de cheval ou cette petite tumeur végétante sur la pic-

mère, entre la huitième et la neuvième dorsale, on est forcé de

reconnaître là des caractères spéciaux à la tumeur. En premier

lieu, elle se lobule finement; chaque lobule est rond ou bien poiv-

gonal par compression, un léger feutrage connectif le sépare du

voisin. Dans l'intérieur du lobule sont les cellules néoplasiques,

mais alors orientées et de deux façons, vivant le lobule que l'on

observe : ou bien il s'agit d'une orientation rayonnée, ou bien

d'une orientation à tourbillon. Les cellules n'ont pas modifié les

caractères de leur noyau ni ceux de leur protoplasma fragile,

grêle, peine différencié, mais elles se sont orientées suivant de

très fines trabécules, qui ont un aspect granuleux, manquant de

contour. A la périphérie des lobules les cellules et leurs noyaux

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 44S

surtout sont encore visibles, mais vers le centre il semble qu'il n'y

a plus que ces fibrilles granuleuses, dont la nature nous échappe.

Que ces fibrilles décrivent un tourbillon ou affectent une disposi-

tion radiée, le centre du lobule est toujours marqué par une tache

rose de tissu conjonctif embryonnaire qui supporte un vaisseau

et dans laquelle sont de nombreux grains de pigment ocre. Cer-

tains lobules, les plus étendus en général, paraissent dépourvus de

noyaux et de cellules et ne plus être constitués que par un feu-

trage orienté dans un sens ou dans l'autre de ces fibrilles granu-

leuses et grêles ; ces fibrilles, nous le répétons, n'ont pas aux colo-

rants les réactions du tissu conjonctif, mais bien celles de la

substance granuleuse dans laquelle partout ailleurs sont plongés

les noyaux. Nous n'avons pas retrouvé cet aspect du néoplasme

même dans la portion où la tumeur a acquis le plus de volume.

Nwro-liozne, dirions-nous, comme nature histologique.

Quand ou observe une racine envahie par la néoformation, on

voit les cellules s'infiltrer de préférence dans le périnèvrr, le dis-

socier en lamelles et entourer la racine tout entière avant de péné-

trer à son intérieur; cependant, bon nombre des racines que nous

avons rencontrées sont en grande partie envahies et les lunes ner-

veux n'y sont plus reconnaissables.

Dans les points très éloignés de la tumeur elle-même, au niveau

de la troisième cervicale, par exemple, nous avons constaté à la

méthode de Nissl, mais aussi visibles à tous les autres colorants, des

altérations cellulaires de la corne antérieure qui consistent en la

transformation des grandes cellules pyramidales en bloc granu-

leux, sombres, piriformes, en fuseaux ou en raquettes, n'occupant

plus que le tiers ou la moitié de leur loge. Mais nous devons dire

qu'à aucune hauteur on ne trouve la pie-mère intégralement res-

pectée par les cellules néoplasiques, qui y font toujours des traînées

plus oumoins épaisses àtous les niveaux, aussi nous avons observé

cette réaction du côté des cellules épendymaires sur laquelle nous

avons insisté tout à l'heure.

Les coupes où la tumeur a une portion centrale, c'est la place de

la corne gauche qui est occupée par le néoplasme, la petite masse

cellulaire de l'épendyme et la corne droite sont déformées toujours

bien visibles et bien séparées, les cornes antérieure et postérieure

de droite s'enroulant, sous forme de grosse virgule bien allongée

autour de la masse centrale qui occupe la moitié gauche de la

moelle.

Nous ajouterons pour terminer que l'étude des dégénérescences

au-dessus de la tumeur (au niveau de la deuxième cervicale) par la

méthode de Marchi, nous a montré des fibres dégénérées dans tout

Le territoire des cordons postérieurs et assez uniformément, sans

prédominance marquée pour le faisceau de Goll ou celui de Burdach.

l'explication de ce fait nous semble résider dans l'atteinte par la

446 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

néoplasie de la pie-mère et de presque toutes les racines et à toutes

les hauteurs. Dans les cordons antéro-latéraux, le cérébelleux

direct et le faisceau de Gowers, seuls offrent des fibres dégénérées.

Au-dessous de la tumeur (au niveau de la quatrième racine

dorsale) sauf une prédominance marquée dans le faisceau pyra-

midal croisé, les fibres dégénérées sont à peu près uniformément

réparties dans tous les autres faisceaux.

Cette observation nous paraît intéressante au triple point

de vue du diagnostic, delà physiologie pathologique, de l'ana-

tomie pathologique.

Le diagnostic n'était pas sans difficultés. L'existence aux

membres inférieurs d'une paraplégie spasmodique avec trou-

bles de la sensibilité éveillait immédiatement l'idée, soit

d'une lésion transverse de la moelle, soit d'une lésion diffuse

d'une méningo-myélite, dont le type est la méningo-myélite

syphilitique. Nous éliminâmes ce dernier diagnostic pour les

raisons suivantes :

a). Non seulement il y avait exagération des réflexes tendi-

neux, ce qui se voit aussi dans la méningo-myélite, et peut

manquer dans les lésions médullaires transverses; mais tous

les réflexes cutanées étaient exagérés, un contact qui n'était

pas perçu par le malade provoquait cependant des contrac-

tions musculaires réflexes. Cela nous indiquait que l'arc

réflexe sensitivo-moteur était intact dans toute la pojrtion

inférieure de la moelle, que par conséquent ni les racines

antérieures, ni les postérieures n'étaient sérieusement atteintes

dans leur trajet extra ou intra-médullaire. La lésion devait

donc être recherchée plus haut, sur le faisceau pyramidal

pour les troubles moteurs, sur les voies sensitives intra-

médullaires pour les troubles de la sensibilité.

b). Dans la méningo-myélite les cordons postérieurs sont

atteints d'une façon précoce, il y a quelquefois de l'incoordi-

nation motrice au début, souvent des troubles de la sensibi-

lité réflexe; plus tard, les troubles delà sensibilité consciente

sont au contraire peu accusés. Dans notre cas, il n'y eut à

aucun moment de l'incoordination, les sensibilités réflexes

étaient exagérées, les sensibilités conscientes étaient au con-

traire très atteintes. Mais nous reviendrons plus loin sur la

physiologie pathologique de ces troubles de la sensibilité.

c). En remontant, dans les membres supérieurs nous trou-

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 447 1

vions des signes très nets de lésion extra-médullaire, de cont-

pression radiculaire. Plus haut, il n'y avait absolument rien,

intégrité complète de l'extrémité céphalique.

En résumé, pour les membres inférieurs, signes de lésion

transverse de la moelle ; pour les membres supérieurs, signes

de compressions radiculaires; au-dessus, intégrité complète.

Le diagnostic s'imposait donc ; cause pathologique agissant

sur un point limité de l'axe médullaire. Il s'agissait d'en pré-

ciser le siège et la nature.

Nous pouvions fixer le siège d'une façon assez précise en

nous basant sur les localisations radiculaires bien connues

depuis les travaux de Feré, rerrier et Yeo, Forgues, Sher-

rington, Thornburn, Starr, Raymond, Ballet, Abbe, Bennett,

Cbipault, etc., etc. Au point de vue moteur la paralysie se

localisait exactement des deux côtés dans le domaine des

septième, huitième cervicales et première dorsale. Quelques

muscles innervés par .ces racines, surtout à droite parais-

saient incomplètement paralysées, mais nous pouvions

admettre soit une paralysie incomplète de ces racines, soit,

ce que l'on admet généralement, l'innervation complémen-

taire par quelques fibres venues des racines situées plus

haut. Le territoire moteur des cinquième et sixième cervi-

cales étaient intacts des deux côtés.

Au point de vue sensitif, les troubles étaient moins pro-

noncés, nous ne trouvions des troubles objectifs que dans le

domaine de la deuxième dorsale, d'abord,- puis plus tard, à

gauche dans le domaine de la première dorsale et huitième

cervicale; et encore ne s'agissait-il que d'hypoesthésie appré-

ciable seulement à un examen minutieux.

La limite supérieure de la lésion était donc cliniquement

la suivante : en avant, ligne horizontale passant entre la

sixième et la septième cervicale en arrière, ligne oblique

passant à gauche entre la septième et huitième cervicale à

droite entre la première et deuxième dorsale.

Quant à la limite inférieure il nous fut impossible de la

préciser. Nous pouvions cependant affirmer qu'il n'y avait

pas de lésion notable delà portion lombaire, car en pinçant la

peau de la racine du membre on provoquait encore des con-

tractions réflexes, preuve de l'intégrité de l'arc sensitivo-

moteur. 1

L'autopsie nous montra que leslésions remontaient un peu

448 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

plus haut que ne permettaient de le prévoir les localisations

radiculaires : les cinquième et sixième cervicales étaient

atteintes par la tumeur. Cela n'infirme nullement pour cela les

connaissances antérieurement acquises sur ces localisations

radiculaires. En effet, les -cinquième et sixième cervicales

étaient beaucoup moins comprimées que les suivantes, on

pouvait parfaitement admettre leur intégrité fonctionnelle;

et il y a un enseignement àen tirer, c'estque lesracines résis-

tent assez bien à la compression.

Ce qui est plus difficile à comprendre c'est la bilatéralité

des symptômes soit médullaires, soit radiculaires. A l'inspec-

tion de nos préparations ou des figures ci-jointes un obser-

vateur non prévenu penserait certainement que notre malade

avait dû présenter de son vivant le syndrome de Brown-Se-

quard. A aucun moment cependant la paralysie ou les trou-

bles de la sensibilité du côté opposé n'ont été unilatéraux. L'ex-

plication doit, croyons-nous, être recherchée dans l'intensité

delà compression, résultant du développement très rapide de

la tumeur.

Le diagnostic de nature de la lésion pouvait-il être fait ?

Après avoir assisté impuissant à l'inefficacité absolue du trai-

tement spécifique, nous sommes restés dans le doute à ce

sujet. La rapidité d'évolution des symptômes, surtout en l'ab-

sence de toute cause d'inflammation locale, aurait peut-être

pu nous faire songer à un néoplasme et nous aurait peut-être

conduit à une intervention chirurgicale, comme dans le cas

très analogue de Raymond '. La localisation initiale au sein

de la moelle de la tumeur nous enlève tout regret à ce sujet.

Notre observation soulève plusieurs questions intéressantes

de physiologie pathologique; nous insisterons sur deux

points : les troubles de la sensibilité, les localisations dans

l'axe gris médullaire.

Les troubles de la sensibilité offraient une forme assez

particulière caractérisée parla dissociation entre les seaasibi-

lités cutanées et les sensibilités profondes. Les premières

étaient complètement abolies, les secondes paraissaient au

contraire exaltées. Les contacts et les piqûres cutanées, les

' Raymond. Contribution u l'élude des tumeurs névrooliques de ta

moelle. (Arch. Neur., 1893, t. XXVII, p. 97.)

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 4 lt9

sensations thermiques n'étaient pas perçues ; au contraire la

pression profonde sur les muscles, les os, était sentie et

même douloureuse; la notion de position était parfaite-

ment conservée ; les mouvements passifs imprimés aux mem-

bres étaient douloureux ; les contractions réflexes se produi-

sant sous l'influence des moindres excitations étaient très

douloureuses. En résumé nousavions nettement del'aizesthésie

complète des sensibilités cutanées avec au contraire de l'Ity-

peresthésie des sensibilités profondes (tendineuses, articu-

laires, osseuses, musculaires). On pourrait peut-être même

admettre comme nous l'avons fait dans l'observation, de véri-

tables hallucinations du sens musculaire; le malade croyant

parfois sentir remuer ses jambes alors que celles-ci restaient

parfaitement immobiles.

Quelle est la raison de cette dissociation, quelle significa-

tion peut-on lui attribuer c'est là un point sur lequel nous

voulons insister. Mais il nous faut auparavant entrer dans

quelques développement au sujet des voies sensitives intra-

médullaires.

Toutes les sensations sont apportées à la moelle par les

racines postérieures. On peut les diviser en deux groupes :

1° sensations cutanées : a) tactiles ; b) douloureuses ; c) ther-

miques, etc. 2° sensations profondes : a) sens musculaire,.

b) tendons, ligaments, aponévroses, articulations, etc.

Dès leur entrée dans la moelle les sensations cutanées se

séparent des sensations profondes : les sensations cutanées

passent de l'autre côté, comme le prouve l'hémianesthésie

croisée de l'hémisection de la moelle et du syndrome de Brown-

Séquard. C'est là un fait qui'a été constaté un grand nombre

de fois, et cependant ce n'est pas un dogme indiscutable.

Contrairement à Brown-Séquard, llott a vu l'hémisection

s'accompagnet d'une diminution bilatérale des sensations

douloureuses, puis, dans la suite, l'anesthésie se cantonner

du côté de l'Ilérnisectioii Brown-Séquard, lui-même, a eu sa

conviction ébranlée par ces expériences contradictoires, et

s'est demandé, dans la suite, si dans les cas qu'il avait observés

il ne s'agissait pas de phénomènes de dynamogénie, d'inhibi-

tion et non, comme il l'avait cru d'abord, de suppression

d'action, de phénomènes de déficit'.

1 Brown-Séquard. ilrclc.l'Jcys., 1891, p. 195.

Au point de vue clinique, le syndrome de Brown-Séquard conserve

ARCIIIVES, 2' série, t. Y. 29

450 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Les sensations profondes au contraire paraissent rester du

même côté : dans le syndrome de Brown-Séquard tous les

observateurs ont noté que le sens musculaire était conservé

du côté hémianesthésié. Il est vrai que toutes ses observa-

tions sont loin d'avoir une égale valeur : en les lisant on

s'aperçoit que le plus souvent ce sont les sensibilités pro-

fondes en général, que les observateurs se sont contentés de

rechercher (notion de position, reproduction d'une attitude,

etc..) et non le sens musculaire dont la recherche est beau-

coup plus difficile. Du côté paralysé beaucoup d'observateurs

signalent la conservation des sensibilités profondes et du sens

musculaire, ce qui nous paraît impossible à rechercher. La

recherche des sensibilités articulaires, tendineuses, etc., est

presque impossible à rechercher méthodiquement lorsque la

sensibilité cutanée est conservée, car elle supplée les sensibi-

lités profondes. Le sens musculaire ne peut évidemment pas

être recherché sur un membre dont les muscles ne se contrac-

tent pas. Dans le syndrome de Brown-Séquard on ne peut donc

affirmer que les sensibilités profondes sont abolies du côté

de la lésion, car on est gêné par la persistance de la sensibi-

lité cutanée ; on ne peut pas davantage affirmer l'altération

du sens muscnlaire, puisque les muscles ne se contractent

pas. Pour notre compte, nous avons plusieurs fois essayé de

tourner la difficulté en anesthésiant la peau à l'aide de la

réfrigération, et en faisant contracter les muscles à l'aide de

l'électricité. Nous avouons n'être arrivé à aucun résultat

précis. Au point de vue qui nous occupe, le syndrome de

Brown-Séquard n'a donc pas toute la précision qu'on lui

a attribuée. Il permet d'affirmer une seule chose, la conser-

vation de la sensibilité profonde avec anesthésie cutanée du

toute sa valeur. Mais, l'expérimentation donne les résultats les plus

contradictoires : -

a). On fait une première section cervicale et on obtient le syndrome

complet. Fait-on une deuxième section dorsale, l'anesthésie est remplacée

par de l'hyperesthésie ; la zone de l'hyperesthésie par de l'anesthésie.

b). La simple piqûre d'un cordon postérieur peut produire le syndrome

de Brown-Séquard. - c). La section des racines postérieures arrivant à

la partie supérieure de la moelle dorsale produit de l'hyperesthésie du

membre inférieur du même côté de l'anesthésie du côté opposé.

(1). Après l'hémisection, l'hémnnesthésie peut disparaître par élongation

du sciatique du côté anesthésié. Tous ces effets ne peuvent guère en

effet, s'expliquer que par une action dynamogénique.

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 451

côté opposé à la section, c'est-à-dire la dissociation qui nous

occupe 1.

Non seulement les sensations profondes restent du même

côté de la moelle, mais elles suivent les fibres radiculaires

moyennes et longues des cordons postérieurs : la section de

ceux-ci amène entre autres symptômes l'anesthésie des

tissus profonds (Schiff).

En résumé l'étude du syndrome de Brown-Séquard permet

d'affirmer que les sensibilités cutanées se séparent des sensi-

bilités profondes dans la moelle. La section des cordons pos-

térieurs nous montre que ces dernières suivent ces cordons

postérieurs=. Notre observation vient pleinement confirmer

ces deux données, en nous montrant la dissociation de ces

deux espèces de sensation, et la conservation, l'exaltation

même des sensibilités profondes avec l'intégrité relative,

V excitation probablement même des cordons postérieurs.

Dans notre observation ceux-ci paraissaient en effet les moins

altérés des faisceaux blancs.

La dissociation des sensibilités cutanées et profondes a très

peu attiré l'attention jusqu'ici; voici pourquoi. L'élude en est

très facile lorsqu'on a comme dans notre cas, comme dans le

syndrome de Brown-Séquard, de l'anesthésie cutanée avec

conservation des sensibilités profondes : il est très facile de

voir que si la peau ne sent rien, les tissus profonds sentent

très bien ; nous n'avons pas besoin d'indiquer les recher-

ches à faire pour cela.

Lorsque au contraire il y a disparition des sensibilités pro-

fondes avec conservation des sensibilités cutanées, le phéno-

mène passe presque forcément inaperçu, car dans presque

tous les examens qu'on fait subir (pression, notion de posi-

tion, etc.) la sensibilité cutanée intervient pour suppléer les

1 Cette dissociation'a été observée en particulier et d'une façon très

nette dans un cas de Raymond (hémisection de la moelle par un coup

de couteau). (Nouvelle Iconographie de la Salhélrière, Il. 1.)

= Quant aux sensibilités cutanées, leur trajet ultérieur est encore fort

mal connu. Après avoir franchi la ligne médiane (comme le montre le

syndrome de elles se dissocient encore : les sensations

douloureuses et thermiques restant dans l'axe gris ou son voisinage dans

le cordon antéro-latéial (syringomyéhe, liématoinyélie, myélite cen-

trale, etc..) ; les sensations tactiles vont au cordon postérieur (sections

de ceux-ci (Sciiiir) tout en restant au voisinage de l'axe gris (syingo-

myetio sans dissociation).

452 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

sensibilités profondes disparues. Pour les sensibilités articu-

laires, tendineuses, etc., la meilleure épreuve consiste croyons-

nous, à placer nos membres dans une attitude donnée et à

la faire reproduire par l'autre membre, tout cela bien entendu

en fermant les yeux du malade. Quant au sens musculaire, les

divers moyens qu'on a recommandés (cette même reproduction

d'une attitude donnée - l'impossibilité de se tenir debout les

genoux à demi fléchis l'élévation du talon à une hauteur

donnée, etc.) sont tous passibles du même reproche en ce

qu'ils mettent en jeu les autres sensibilités tendineuses, arti-

culaires, etc. Le meilleur critérium de la disparition du sens

musculaire est encore, quoi qu'on en ait dit, l'existence de

l'incoordination motrice (en dehors des cas où celle-ci est

sous la dépendance de lésions centrales), ou bien pour les

membres supérieurs des erreurs notables dans l'appréciation

de différents poids (et encore dans ce cas les autres sensibilités

interviennent).

En résumé facile à découvrir lorsqu'elle a lieu dans un

sens (anesthésie cutanée avec conservation des sensibilités

profondes) la dissociation que nous indiquons est très difficile

à dépister lorsqu'elle a lieu dans le sens opposé (anesthésie

profonde avec conservation des sensibilités cutanées).

Quelle est la signification diagnostique de ces deux syn-

dromes. Nous croyons pouvoir la résumer de la façon suivante :

la première forme, anesthésie cutanée avec conservation des

sensibilités profondes, nous semble indiquer une lésion agis-

sant d'avant en arrière, respectant plus ou moins les cordons

postérieurs, dans notre cas par exemple. La seconde indique

au contraire une lésion prédominante sur les cordons posté-

rieurs (le tabès par exemple).

Notre observation apporte un élément à la solution d'une

autre question encore très discutée, celle de l'origine des

fibres dilatatrices de la pupille. On sait que ces fibres sortent

de la moelle par les dernières cervicales et la première dor-

sale chez l'animal, par la première dorsale chez l'homme

(11 ? Déjerine-Ilumpke).lVlais on discute encore sur leur ori-

gine intra-médulaire. Budge et Watlerles premiers localisè-

rent le centre dilatateur des pupilles au niveau delà partie

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 458

inférieure de la moelle cervicale ; mais cette opinion trouva

bientôt de nombreux contradicteurs; on prétendit que ces

fibres venaient du bulbe. Les deux opinions trouvent encore

des partisans.

1° En faveur de l'origine bulbaire on peut invoquer les

arguments suivants :

a). Si on détruit une moitié du bulbe, la pupille se rétrécit.

Le rétrécissement n'augmente pas si ensuite on détruit la

moelle cervicale (Scliiff) '.

b). Une hémisection de la moelle au-dessous du bulbe pro-

duit les mêmes effets sur la pupille que la section du sympa-

thique cervical. Si on sectionne ensuite le sympathique, la

dilatation pupillaire n'augmente pas (Schi(i) ?

c). Après la section delà moelle au-dessous de l'atlas, l'exci-

tation des nerfs sensibles du tronc n'agit plus sur la pupille

(Sallçovslçy

Remarque. - L'excitation des nerfs crâniens produit encore

dans ce cas de la dilatation de la pupille, mais c'est par l'in-

termédiaire des fibres dilatatrices qui passent par le triju-

meau (Vu)pian et F. Frank), peut être même par la sixième

paire (Bessaw').

En résumé, d'après ces différents auteurs, il n'y aurait pas

de centre médullaire de la pupille ; les fibres dilatatrices qui

sortent par la première dorsale viendraient de plus haut, du

bulbe pour la plupart, d'un noyau voisin du noyau constric-

teur, près de l'aqueduc de Sylvius pourHensen et Voelkers °.

2° En regard de ces opinions il faut mettre celle des auteurs

qui admettent le centre médullaire :

a). Chez le chat et la chèvre, après section de la moelle

entre l'atlas et l'axis : 1° la section du sympathique d'un seul

côté, détermine une inégalité pupillaire ; 2 ? l'excitation du

nerf médian produit encore de la dilatation pupillaire du

côté où le sympathique a été respecté (Luchsinger et Gillo-

beau).

' Schiff. l'lys. des \'erreussl., 18à8, p. 199.

Scliiii. - Le : . di. lisiol. sprim., 1873, 196.

5 Salkowsky : Zeit. r. nol. Mal., XXIX, 18C, 7.

* Pour les discussions relatives à ces fibres dilatatrices, V. Wertei-

nier, Diel. de l'hys., art. Bulbe.

1 .9t'clt. f. opltl., 1878, XXIV.

454 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

b). Chaùveau ' 1 isolant la région cilio-spinale par deux sec-

tions transversales, et excitant une racine postérieure a vu la

pupille se dilater.

Tels sont les principaux arguments invoqués de part et

d'autre ; on en trouvera la discussion plus complète soit dans

l'article de F. 1'raulc'- soit dans celui de ? erteimer 3.

Notre cas apporte à la discussion un élément qui a l'avan-

tage de provenir de l'homme. Si l'on jette un coup d'oeil sur

la figure ci-jointe, on voit que l'axe gris était complètement

détruit à gauche, depuis la sixième cervicale jusqu'au-dessous

de la première dorsale, c'est-à-dire exactement dans larégion

assignée au centre dilatateur de la pupille parles partisans de

l'origine médullaire. Ace niveau les cellules nerveuses étaient

sûrement complètement annihilées, et cependant il n'y avait

pas de troubles pupillaires. Etant donné que nous observions

des phénomènes de compression du côté de la première dor-

sale, nous avons examiné très fréquemment les pupilles,

jamais nous n'avons observé aucun phénomène pathologique

de ce côté. Il est donc difficile d'admettre un centre pupillaire

à ce niveau ; il est plus facile de comprendre que des fibres

venant de plus haut aient pu franchir cette région en échap-

pant jusqu'à un certain point à la compression.

Enfin il est un dernier point sur lequel nous voulons attirer

l'attention ; c'est la question des localisations médullaires sen-

sitives. La lésion de l'axe gris (syringomyélie, hématomyélite

etc.) provoque des troubles de la sensibilité à localisation spé-

ciale..., segmentaires, en gont, en manchettes, limitée par des

plans perpendiculaires à l'axe du membre. Brissaud a donné

de cette disposition une raison ingénieuse, basée sur la 9)iéta-

mérie originelle (des ancêtres de l'homme dans l'ordre phylo-

génique, de l'embryon dans l'ordre ontogénique). Nous

renvoyons au travail de Brissaud2 pour cette question.

Nous voulons simplement signaler ce fait sans commen-

taires : dans notre observation, malgré une destruction de

l'axe gris sur une grande étendue, il n'y avait pas de

troubles de la sensibilité affectant la disposition signalée

plus haut.

' Chauveau. Journ. de la l'Ics., IV, 370, 1861.

' Art. Sympathique (Dict. Uechaoabre.)

Loc. cil.

1 liribsnud. Presse médicale, 1896, p. 17.

UN CAS DE TUMEUR DE LA MOELLE. 455

Les troubles de la sensibilité aux membres supérieurs

d'ailleurs très légers, affectaient nettement la disposition radi-

culaire, et s'expliquaient bien d'ailleurs par la compres-

sion des racines postérieures, constatée à l'autopsie.

- Au point de vue anatomo-pathologiqup, nous ferons remar-

quer que nous n'avons observé, en aucun point de la tumeur,

quelle que soit la hauteur à laquelle nos coupes aient porté,

d'excavations, ni même de zones où la tumeur parût dégé-

nérer ou se ramollir ; elle est partout d'une structure absolu-

ment uniforme. Dans d'autres cas (de Raymond', de Moeller3) )

il y avait au contraire soit des portions cavitaires, soit des

parties centrales nécrosées.

On a vu que nous avons décrit macroscopiquement et his-

tologiquement ces petits grains appendus à plusieurs racines

et notamment aux nerfs de la queue de cheval ; nous avons

insisté sur ce fait capital que si certains de ces grains offraient

une structure tout fait semblable à celle de la tumeur, il y

en avait d'autres prenant, partiellement ou en totalité, une

texture fibrillaire; dans ces derniers les cellules diminuant de

nombre et finissant même par disparaître au sur et à mesure

que les fibrilles devenaient plus abondantes. Mais dans ces

lobules fibrilles, il ne nous a pas été possible d'y reconnaître

des formations nerveuses ; nous voulons dire qu'il n'était pas

possible de reconnaître ni cylindre-axe, ni myéline; plusieurs

cependant forment bien des tourbillons. En résumé, nous

n'avons rien vu là qui puisse permettre, comme dans le cas

de M. le professeur Raymond, de considérer que nous avions

affaire à des névromés de régénération, qui, dans l'esprit de

cet auteur marqueraient une tendance au rétablissement des

fonctions perdues par des tubes nerveux régénérés.

Il nous semble, pour notre cas du moins, que nous ne pou-

vons interpréter ces grains semés sur les racines, autrement

que comme des noyaux métastaliques répandus à diverses

hauteurs dans le canal médullaire; si les voies lymphatiques

ont été suivies par ces métastases de la tumeur, du moins la

pesanteur semble avoir influence à leur confluence plus

grande au niveau de la queue de cheval. D'ailleurs, nous le

' Raymond. Loc. cil.

* -Moeller. Gliosarcome de la moelle avec métastases du poumon, de

l'intestin et de la capsule surrénale (Detitsch. médic. woclcenscl ?

13 niai 1897.

456 PATHOLOGIE MENTALE.

répétons, on trouve toutes les transitions sur des noyaux

différents et même sur un seul noyau; on voit des lobules

partie cellulaires et tout à fait semblable histologiquement à

la tumeur primitive, partie fibrillaires ; de même dans un seul

noyau tel lobule est exclusivement fibrillaire, tel autre cel-

lulaire. Nous n'avons manifestement là qu'une généralisation

de la tumeur, sur les racines, avec cette prédilection qu'ont-

les tumeurs nerveuses dans leurs métastases de rechercher le

tissu nerveux.

Comment interpréter cette fibrillation qui apparaît dans

certains noyaux métastaliques de la tumeur ? Quelle peut être

la signification de cette transformation du néoplasme ? De ce

mode évolutif nous ne voudrions tirer aucune conclusion

pour affirmer rien sur son histogenèse primitive ; qui sait

même si nous n'avons pas là un artifice de préparation, si la

chute des cellules dans ces zones que nous regardons comme

fibrillées, n'a pas simplement mis en vue la charpente de la

tumeur qui ailleurs ne nous apparaît pas à cause de l'abon-

dance des. cellules.

Les manipulations multiples qui rendent encore nécessaires

les techniques actuelles du système nerveux doivent certai-

nement retenir souvent l'observateur dans les interprétations

des coupes. Nous resterons sur cette sage réserve.

PATHOLOGIE MENTALE.

LE DELIRE MELANCOLIQUE';

11.4 l

Z

Médecin en chef à l'Asile de Villejuif.

ET T

A.MAHtE,

Médecin en eef à la Colonie de Dtiti.

Les phénomènes impulsifs, en germes dans les formes com-

munes de mélancolie, engendrent à l'état faible les idées de

' Voir Archives de Neurologie, n° °9.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 457 I

culpabilité et de damnation; ils s'accentuent à mesure que

le moi déprimé, réduit ou annihilé, ne peut plus ni s'assi-

miler ni inhiber les excitations motrices qui viennent à se

produire. De là, les idées de possession diabolique.

Et de fait les malades, après avoir perdu leur personnalité

première,en arrivent logiquement à croire qu'ils personnifient

le malin esprit, le diable, si les troubles psychomoteurs se

caractérisent et prennent suffisamment corps pour provoquer

des associations dynamiques coordonnées dans le sens de cette

obsession terrifiante. Il n'y a plus alors seulement extinction

et négation de la personnalité primitive, mais substitution

d'une personnalité nouvelle tendant à effacer toutes traces

de la précédente. C'est qu'en effet il n'y a aucun point com-

mun entre elles, mais au contraire opposition absolue et

contradiction flagrante '.

C'est même la condition essentielle de genèse pour ce qu'on

pourrait appeler les réactions paradoxales. Plus le malade

était religieux, observateur du culte et d'un caractère timide,

plus le dynamisme inconscient né de ses scrupules et de son

horreur du mal contrastera en réalisant les maléfices les plus

redoutés.

Outre l'automatisme élémentaire que nous avons enregistré

plus haut, on observera alors des réactions vraies, de vérita-

bles volitions par lesquelles les malades conforment leur

attitude à la personnalité nouvelle née du délire et à la puis-

sance malfaisante qui s'impose.

c Les anxieux à idée de damnation, dit Cotard -2, sont les

malades les plus disposés au suicide. Alors même qu'ils se

croient morts, ou dans l'impossibilité de 'jamais mourir, ils

n'en cherchent pas moins à se détruire ; les uns veulent se

brûler, le feu étant la seule solution ; les autres veulent être

coupés par morceaux et cherchent par tous les moyens possi-

bles à satisfaire ce besoin maladif de mutilations, de destruc-

tion et d'anéantissement total. Quelques-uns se montrent

violents envers les personnes qui les entourent; il semble

' Dans les délires religieux à systématisation primitive le dédouble-

ment n'entame en rien la personnalité primitive, la personnalité sura-

joutée vient au contraire au secours de la personnalité première.

Exemples : tliéomanea. (Voir Séglas, .lunules médico-psychologiques,

janvier et juillet 1889, loc. cil.)

= Cotard. Délire de négation, p. 326. (Archives de neurologie, t88'2.

il et 12.)

458 . PATHOLOGIE MENTALE.

qu'ils veuillent démontrer qu'ils sont bien réellement les êtres

les plus dépourvus de sentiments moraux; souvent ils inju-

rient, blasphèment ; des damnés et des diables ne peuvent

faire autrement. » .

Mais, nous le répétons, l'extinction totale est rare, et le

plus souvent de la personnalité initiale survivent des éléments

qui entrent en lutle pendant un temps plus ou moins long,

pouvant même retarder indéfiniment la substitution totale et

le triomphe complet de la personnalité nouvelle.

Le délire de négation confirmé a donc son origine soit dans

la mélancolie avec stupeur, soit dans la mélancolie anxieuse.

Ces deux états, malgré la différence de leurs manifestations

extérieures, sont analogues au fond : c'est l'anxiété qui les

caractérise.

Quand la négation est constituée, elle porte soit seulement

sur la personne du malade, soit en outre sur le monde exté-

rieur. Les sujets manifestent des idées de destruction ou

d'absence d'organes, puis ils disent qu'ils n'ont pas de parents,

qu'il n'y a plus d'hommes', etc..

« Ce délire hypochondriaque, dit Cotard (p. 322), surtout

moral au début, devient, à une période plus avancée, et sur-

tout quand la maladie passe à l'état chronique, à la fois moral

et physique. Des malades qui commencent par n'avoir ni coeur

ni intelligence finissent par n'avoir plus de corps. Quelques-

uns comme le malade de Lcuret, ne parlent d'eux-mêmes

qu'à la troisième personne. ».

La constitution du moi étant aussi profondément altérée,

la faculté de sentir s'en trouve atteinte par contre-coup : « ce

sont alors les personnes qui l'entourent ou les choses du

monde extérieur qui sont l'objet des négations du malade ; il

n'a plus de famille, ses amis ne sont plus ses amis, il nie la

nature ou l'existence des choses qui l'environnent... Enfin,

ces négations n'intéressent plus seulement les objets ou les

êtres, mais s'étendent même, aux abstractions 2. »

Au début, le malade commence à douter de sa propreper-

sonnalité, puis il la nie ; avant d'être anéantie totalement,

l'individualité est atteinte dans son intégrité, les négations

partielles précèdent la négation complète.

' Camuset. - Ou délire des négations, p. 17. Congrès de Blois.

Séglas. Des négations, p. 2.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 459e

Une fois celle-ci réalisée, du moins pour ce qui touche

l'existence actuelle du malade, peuvent persister les ancien-

nes acquisitions, c'est-à-dire les éléments de la personnalité

perdue, mais ayant encore son existence localisée dans le

passé ; son tour, cette personnalité primitive peut être rétros-

pectivement niée ; non seulement le malade n'est plus, mais

il n'a jamais été.

La même évolution s'observe en ce qui concerne les per-

sonnalités étrangères ; les gens qu'on lui montre ont bien

quelque chose qui lui rappelle ceux qu'il a connus, mais ce

ne sont plus intégralement les mêmes, jusqu'à ce qu'il en

vienne à affirmer leur non-existence.

Tout lui semble alors un vrai mirage, une apparence sans

corps; il ne peut tout d'abord nier les phénomènes tels que

la vue de la personne, le son de sa voix, le contact de ses

mains, etc., et cependant il y manque ce je ne sais quoi d'es-

sentiel distinguant l'apparence de la réalité. Néanmoins il

sait encore reconnaître, puisque la présentation d'un objet

provoque de sa part telle négation particulière... Lui pré-

sente-t-on, par exemple, une rose sans mot dire, il s'écrie :

« Ce n'est pas une rose ! » L'idée et le mot lui restent, mais

lui paraissent, en quelque sorte, vides de leur contenu, selon

l'expression de Cotard. -

« Il semble que l'aberration des perceptions actuelles ne

s'étende pas toujours en même temps aux perceptions ancien-

nes ; le malade doute seulement des gens dont on leur parle

sans les leur montrer, alors qu'ils nient formellement ceux

qu'on leur présente '.

Alors que les perceptions actuelles sont méconnues et niées

dans leur objet, les images enregistrées à une époque où la

mentalité n'était pas entamée sont encore reconnues nor-

males, jusqu'à ce que, à leur tour, elles s'allèrent, comme

celles correspondant aux acquisitions ultérieures. Cette disso-

ciation progressive de la synthèse mentale implique donc

un processus rétrograde, un délire rétrospectif spécial. A

mesure que les phénomènes se dessinent, d'ailleurs, les ten-

dances négatrices s'accusent ; le malade en arrive à nier,

non plus l'objet perçu, mais aussi les perceptions mêmes de

la vue, de l'ouïe, du tact, etc. Comment pourrait-il voir, sen-

1 Dl Vallon. Communication au Congés de Blois, 1892.

460 PATHOLOGIE MENTALE.

tir, toucher, puisqu'il n'a ni yeux, ni oreilles, ni mains...,

plus rien. '

A ce propos, il n'est pas sans intérêt de noter l'ordre dans

lequel s'altèrent les différents éléments constituant l'ensemble

de nos perceptions psycho-sensorielles. Les données relatives

au sens interne et aux perceptions organiques cénesthéti-

qu6s semblent constamment méconnues les premières. Les

malades se plaignent souvent d'altérations viscérales : on

leur a changé leur cerveau ; ils n'ont plus de coeur, de pou-

mons, de foie, etc.

Le sens musculaire s'altère ensuite. Le négateur mécon-

naît ses propres mouvements, les attribuant à d'autres ou à

un mécanisme inerte. Finalement, il les nie. En dernier lieu,

la sensibilité tégumentaire (sens externe du tact et sens

spéciaux) est, à son tour, l'objet de la même aberration ; le

monde extérieur disparaît également, dans le présent d'abord,

puis même dans le passé.

Comme on l'a dit, les sens externes circonscrivent la per-

sonnalité, mais ne la constituent pas ; aussi comprend-on

que tous les phénomènes morbides puissent ici être rapportés

à la perte initiale du sentiment de l'individualité propre,

conséquence fatale d'une altération cénesthétidue primi-

tive.

C'est parla perception obscure inconsciente, mais continue,

que nous nous sentons exister. De cette notion, nous tirons

celle d'autres existences analogues, causes, comme elle, des

phénomènes perçus. Le substratum essentiel de ces notions

premières manquant, le lien qui unit les phénomènes à la

notion de réalité affirmable est rompu ; rien n'est plus.

« Chez les persécutés hypochondriaques, dit Cotard, la

marche est inverse. L'hypochondrie du début est surtout

physique ; ce n'est qu'à une période avancée que les malades

se préoccupent de leurs facultés intellectuelles : on les abêtit,

on les empêche de penser, on leur dit des bêtises, on leur

soutire leur intelligence. L'hypochondrie des anxieux porte

le cachet de l'humilité : ils sont répugnants, ignobles, pour-

ris, damnés. Les persécutés, au contraire, ont fort bonne

opinion d'eux-mêmes et s'en prennent aux influences exté-

rieures des souffrances qu'ils éprouvent et des maladies dont

ils sont atteints. L'anxieux, lui, trouve en lui-même la cause

de toutes ces influences nuisibles ; lorsque, plus tard, il

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 4CI

devient immortel, c'est loin d'être là une idéemégalomaniaque

vraie ; le malade gémit sur cette immortalité, qui n'est qu'une

douleur de plus ajoutée à tant d'autres ; il ne doit pas mou-

rir, mais souffrira pendant l'éternité. Cette idée d'immortalité

se rencontre surtout dans les cas où l'agitation anxieuse

prédomine. Dans la stupeur, les malades s'imaginent plutôt

qu'ils sont morts ; on en voit même qui présentent alternati-

vement l'idée d'être morts ou l'idée de ne pouvoir mourir,

suivant leurs états alternatifs d'agitation anxieuse ou de

dépression stupidc. »

A un degré plus avant s'observe la dissociation de la per-

sonnalité, son dédoublement. Le démonophobe s'est finale-

ment transformé d'une façon insensible, mais le plus souvent

définitive, en démonomane. L'ancien damné est maintenant

possédé jusqu'à ce que les séries d'impulsions réitérées et

multipliées submergent tout vestige de l'ancienne personna-

lité et triomphent de ses'dernières résistances.

L'automatisme s'élève alors graduellement aux mouve-

ments les plus complexes, et en particulier à ceux de l'ex-

pression par la parole, la voix du démon finissant par se

faire entendre seule pour blasphémer victorieusement.

Aussi est-ce à la recherche de ces impulsions verbales et de

ce langage automatique que se ramène la suite de notre

étude.

« Lorsqu'un homme, dit Albert Maury, est poursuivi par

la crainte d'être damné, cette idée le préoccupe, c'est-à-dire

qu'elle vient d'elle-même à la traverse de ses occupations

intellectuelles. Le retour fréquent de cette crainte, qui prend

sa source dans un sentiment développé naturellement par

l'éducation, réagit constamment sur l'esprit et par contre-

coup sur les nerfs sensitifs ; notre homme craint de voir,

d'entendre, de sentir le diable. Ses appréhensions agissent

à son insu sur la partie encéphalique des nerfs sensitifs, et

tout à coup, un beau jour, notre homme voit le diable en

personne et entend son ricanement. Il ne méditait pourtant

pas sur le diable, bien au contraire ; celte idée lui faisait

peur, il la mais il n'en était pas moins sous l'empire

de sa préoccupation qui s'attachait à cette idée '. »

Ce raisonnement s'applique d'une façon absolument iden-

' Albert llanry. Le Sommeil et les Rêves, p. 170, et Annales méclico-

psychologiques, t. V, 1815 et 1833.

4G2 PATHOLOGIE MENTALE.

tique aux réactions motrices qui font articuler automatique-

ment des blasphèmes par exemple, aux mélancoliques à

idées de damnation. Ces phénomènes d'articulation mentale

paraissent même le substratum essentiel des délires de

possession ; nous verrons, dans les faits, qu'ils précèdent

souvent les troubles sensoriels, non constants d'ailleurs. C'est

que la tendance de l'idée à devenir réalité est une source

d'impulsions actives dans l'esprit, et que lorsqu'un objet

cause de la frayeur, l'idée s'en imprime avec une intensité

correspondant au degré de frayeur Il s'ensuit que les

actions des malades se conforment à cette idée et non à leurs

propres volitions. Voilà pourquoi, quand ils veulent prier

et appeler Dieu à leur secours, les malades, loin de le pou-

voir faire, prononcent des mots qui achèvent de les épou-

vanter.

Nous rappelons maintenant l'opinion des principaux au-

teurs contemporains sur le sujet; nous emprunterons ensuite

quelques citations confirmatives aux anciens démonographes

et nous terminerons par une série de faits cliniques.

« Il n'est pas rare, dit Griesinger, d'observer chez les

malades atteints de démono-mélancolie des convulsions des

muscles soumis à la volonté, des contractions du larynx qui

altèrent la voix d'une façon surprenante L'explication la

plus facile de ce phénomène psychologique se trouve dans

les cas, qui ne sont pas rares, où les séries d'idées, à mesure

qu'elles arrivent, s'accompagnent d'une contradiction inté-

rieure qui s'attache involontairement à elles et qui a déjà

pour résultat d'amener une division, une séparation fatale

de la personnalité. Dans les cas très développés où ce cercle

d'idées, qui accompagnent constamment la pensée actuelle en

lui faisant opposition, arrive à avoir une existence tout à

fait indépendante, il met en mouvement de lui-même le

mécanisme de la parole, il prend un corps et se traduit par

des discours qui n'appartiennent pas au moi (ordinaire) de

l'individu. Ce cercle d'idées qui agit librement sur les organes

de la parole, l'individu lui-même n'en a pas conscience avant

de l'exprimer, le moi ne le perçoit pas ; ces idées viennent

d'une région de l'âme qui reste dans l'obscurité pour le moi ;

' Alosso. La Peur.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 463

elles sont étrangères à l'individu, c'est un intrus qui exerce

une contrainte sur la pensée.

« Les gens sans éducation voient dans ce cercle d'idées un

être étranger. Dans quelques cas, on trouve dans ces dis-

cours insensés... une ironie qui se dirige contre les idées

qu'antérieurement ces individus respectaient le plus ; mais

d'ordinaire le démon n'est qu'un pauvre sire, bien lourd et

bien trivial 1. »

« Incapables de diriger leurs idées, dit Baillarger 2, ils sont

obligés de les subir. Entraînés à chaque instant par ces idées

spontanées et involontaires, ils cessent de pouvoir fixer leur

attention, et après avoir vainement lutté contre la puissance

qui les domine ils sont conduits le plus souvent à des explica-

tions erronées; ils attribuent les idées qui les obsèdent à un

être étranger. Ce qui aide à cette explication, c'est la nature

même de ces idées qu'ils n'ont jamais eues dans leur état

normal, ou même qui sont complètement opposées à leurs

idées habituelles ; enfin, l'erreur devient plus complète par

suite de la forme que revêt bientôt la pensée lorsque cet état

se prolonge... et que l'exercice des facultés est devenu invo-

lontaire ; la pensée ne se reproduit plus alors sans être arti-

culée intérieurement. De là celte singulière illusion d'une

voix qui a son siège dans la région de l'estomac. C'est alors

que la dualité devient plus tranchée, c'est alors aussi qu'il y

a bien véritablement comme une double pensée et comme

deux êtres distincts...

« En effet, les aliénés méconnaissent leur propre voix

comme on la méconnaît dans les rêves ; mais il ne saurait

dans ces cas y avoir de doutes... L'hallucination consiste

évidemment à entendre des paroles que les malades pronon-

cent bas, à leur insu et la bouche fermée, et qui semblent

sortir de la poitrine. Aussi disent-ils qu'ils sentent le démon

dans leur corps et désignent constamment l'épigastre.

« Dans les cas de ce genre, l'homme perd la conscience de

son unité intellectuelle ; il continue à considérer comme lui

appartenant une partie des idées qui surgissent dans son

esprit, mais il y en a une autre partie qu'il attribue à une

personne étrangère.

' Griesiner. Maladies mentales, traduction Doumie, p. 285.

a Théorie de l'automatisme.

46 i' PATHOLOGIE MENTALE.

« La pensée, abandonnée à elle-même comme dans le rêve,

se produit spontanément ; elle se forme en paroles... Il

s'établit alors une sorte de lutte entre la volonté qui tend

à reprendre la direction des idées, et la mémoire et l'imagi-

' nation qui continuent à agir d'une façon automatique.

« Pendant le sommeil, le rêveur prononce souvent les

paroles qui expriment les idées de son rêve, tantôt il se

borne à les murmurer, tantôt il rêve tout haut; il en est

de même de cet halluciné. On le voit, pendant la durée de

l'hallucination, remuer les lèvres comme les personnes

qu'on rencontre parlant seules, dans la rue, sans en avoir

conscience. »

« Le malade, dit Janet ', constate que ses muscles font, à

son insu et malgré lui, des actes compliqués ; il entend sa

propre bouche lui commander ou le railler ; il résiste, il dis-

cute, il combat contre un individu qui s'est formé en lui-

même. Comment peut-il interpréter son état, que doit-il pen-

ser de lui-même ? N'est-il pas raisonnable quand il se dit

possédé par un esprit, persécuté par un démon qui habite au

dedans de lui-même ?

- Comment douterait-il quand cette seconde personnalité,

empruntant son nom aux superstitions dominantes, se déclare

elle-même Astharoth, Leviathan ou Belzébuth ? La croyance

à la possesion n'est que la traduction d'une vérité psycholo-

gique. »

Cherchant à déterminer les caractères cliniques de la

démonopathie, Calmeil dit qu'après être devenus d'abord

incapables de prier, les malades éprouvent des impulsions

irrésistibles à jurer, à proférer des paroles blasphématoires

et des malédictions. « A leurs perturbations viscérales,

attribuées à la présence de démons dans les entrailles,

s'ajoutent des hallucinations vocales réitérées qui font croire

aux malades que les esprits impurs parlent par la bouche,

et que ce sont eux qui vomissent par torrents les blasphè-

mes qu'ils sont forcés de proférer... en les empêchant

d'approcher des sacrements et d'accomplir leurs devoirs

religieux..., d'où la conviction que le diable peut manoeuvrer

à son gré les différentes pièces de leurs corps 2. »

' P. Janet. Automatisme psychologique, p. ii0.

- Calmeil. Loc. cil., t. I, p. 85.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 465

« Comme tous les lyhémaniatlues, dit Esquirol, les démono-

maniaques ont des hallucinations et des illusions de sens ;

les uns croient être le diable, les autres se persuadent qu'ils

ont le diable dans le corps, qui les pince, qui les mord, les

déchire, les brûle ; quelques-uns enfin l'entendent parler, sa

voix part du ventre, de l'estomac, de l'utérus ; ils conversent

avec lui : le diable leur conseille des crimes, des meurtres,

des incendies, le suicide ; il les provoque aux obscénités

les plus ordurières, aux blasphèmes les plus impies; il

les menace, les frappe s'ils n'obéissent à ses ordres...

« Le marmottement continuel de certains possédés faisait

croire que ces malheureux s'entretenaient avec le diable de

manière à ne point être entendus. On trouve ce symptôme

chez beaucoup de mélancoliques, surtout chez ceux qui sont

tombés dans la chronicité et la démence, qui balbutient, à

voix très basse, des mots sans suite '. »

Marcé dit de même :

« Pour les possédés, le démon, qui s'était introduit par les

orifices naturels, mettait en jeu la langue, le pharynx, les

poumons et tout l'appareil vocal, pour produire les sons et

les mouvements les plus étrange S 2. »

Nous n'en finirions pas de rapporter tous les passages où les

auteurs reviennent sur ce point, à peu près dans les mêmes

termes ; les anciens traités de démonologie ne sont pas moins

instructifs à ce sujet.

I'ernel 3, parlant de l'intervention des esprits et de la pos-

session par eux, dit qu'ils ont coutume de s'introduire dans

le corps des gens et de parler par leur bouche... Il en cite

des exemples où le diable s'était introduit par les pieds jus-

qu'au cerveau, « d'où il discourait de toutes sortes de choses,

selon la coutume des démonacles ».

Il y a présomplion de sorcellerie, dit Boguet quand l'in-

dividu est fils de sorcier, quand il porte sur la peau des signes

faits par le diable, quand il parle tout seul, qu'il se dit

damné, qu'il demande à être rebaptisé, et marmotte cons-

' Esqtjirol. Maladies mentales : De la démonomanie, t. I,

p. 509-511. 1.

Marcé. Traité des maladies mentales, p. 12.

Fei,telii, Opéra. Gêneuse, 1. II, ch. xvf.

Il. Bognet. Discours des sorciers. Lyou, 1G03.

Archives, 21 série, t. V. 30

466 PATHOLOGIE MENTALE.

tamment entre ses dents, les yeux fixés contre terre, des

paroles inintelligibles. -

Le diable, d'après Villis', peut parler par la bouche des

énergumènes, « en s'insinuant dans les couloirs du système

nerveux » ; il se sert souvent ainsi d'idiomes que les démo-

niaques ne comprennent pas ; il récite des choses que ceux-ci

ignorent. Les organes des possédés sont mis en jeu par le

démon comme des instruments qu'ils manoeuvent avec habi-

leté 7.

F. Plater pense que les esprits déchus ont encore, dans

quelques circonstances, le pouvoir d'intervenir pour porter

le désordre dans l'organisme humain. Il est persuadé, d'après

ce qu'il a lui-même observé, que la folie démoniaque, tout

en présentant à peu près les mêmes symptômes que la manie

ou la mélancolie ordinaires, peut cependant en être distin-

guée par des signes à peu près certains. -

Au dire de Plater, on reconnaît qu'un aliéné est affecté

de ce genre d'affection lorsqu'il reste pendant des intervalles

plus ou moins longs sans parler, sans prendre de nourriture,

et qu'il entend parler le démon par sa bouche; qu'il jouit de

la faculté de prévenir l'avenir, de prévoir ce qui doit arriver,

de deviner la présence de choses cachées, de parler des lan-

gues qu'il n'a pas apprises et qu'il ne comprenait pas avant

l'invasion de sa maladie, etc.

Si maintenant nous passons aux faits cliniques, nous en

trouvons qui répondent aux différentes phases de l'évolution

que nous avons indiquée, et d'autres, plus avancés, où le lan-

gage automatique est tout à fait caractérisé.

Une de nos malades, appartenant au premier groupe, est

aliénée, depuis près de trois ans. C'est un esprit faible à idées

religieuses exagérées : ... Elle est en proie à des hallucina-

tions de tous les sens et à des troubles de la sensibilité géné-

rale qui lui font croire qu'elle est possédée par le démon. Elle

s'était soumise aux pratiques absurdes d'un sorcier.de vil-

lage pour se guérir d'un eczéma, et depuis elle est devenue

« comme une personne qui tourne à l'imbécillité, voulant

faire une chose et s'en retenant tout à la fois ».

' Th. Willis. Opéra, in-4-, IG81.

J. Yweri. Opéra, et J. l3oclin. Dêmonomanie : des sorciers , in-4°,

Paris, 1582.

' Plaleri l'loaxeos médias, t. I, in-1», Basilie, 1736.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 467

Dans cet état, elle priait, faisait dire des messes, suivait

des pèlerinages, etc., le tout sans succès. Pendant un carême,

elle voulut aller à un chemin de croix, mais fut dans l'impos-

sibilité de s'y rendre ainsi que de communier; depuis, lors-

qu'elle veut prononcer une prière, elle ne le peut pas ; une

voix intérieure lui souffle que c'est impossible, ou bien elle

n'arrive qu'à prononcer des blasphèmes.

Elle sent sa langue attirée en dedans, comme si elle allait

rentrer dans le corps ; elle éprouve des frémissements dans

tous ses muscles, qui sont comme mus par des fils de fer...

Quand elle frappe sur son bras, elle trouve que cela donne

le même son que si on frappait sur un tuyau de fer creux ;

elle sent tous les coups, mais il lui semble que c'est à une

autre qu'on les donne : a Il y. des moments, dit-elle, où je

ne peux faire valoir ma volonté, je ne puis agir de moi-même ;

mes impressions ne sont plus les mêmes, c'est comme si ce

n'était plus moi qui vive et qui sente. C'est cette force qui

me possède, je n'ai même plus la sensation des larmes. » Elle

sent des bêtes qui la travaillent ; une nuit elle a cru saisir

une araignée à travers la peau de son bras. Elle comprend,

dit-elle, ces animaux et l'être surnaturel qui la travaille dans

la tête de la même façon que nous comprenons ce que vont

faire une mouche ou une fonrmi que nous aurions sous les

yeux (par de paroles articulées à l'oreille). On lui a extrait

les intestins ; elle a aussi dans les parties génitales des sen-

sations douloureuses (barre de fei froide) en môme temps

qu'un poids énorme sur la poitrine. Tout son corps peu à

peu s'est changé, sa peau est comme celle d'un sours (sorcier) ;

elle comprend maintenant qu'elle ne puisse plus suivre la

messe étant damnée : « C'est une autre vie dans ma vie,

je souffre dans tous les sens, dans ma pensée et dans mon

corps. »

Une autre de nos malades, placée il y a plus de dix ans,

était au début c bobinée par la ficelle des diables D, c'est-à-

dire que ces derniers se livraient sur son corps à toutes sortes

d'expériences de magie et de sorcellerie ; ils l'ont ainsi tuée

plus de vingt-cinq fois. Le lendemain ils remettaient en action

son cadavre et la ressuscitaient par la physique magique et

la médecine noire. C'est surtout le soir qu'on la fait mourir

après qu'elle est couchée. Elle continue ainsi de vivre, bien

que morle, car elle n'est plus que le zéro des zéros. Tout ce

468 PATHOLOGIE MENTALE.

qui arrive n'est que des expériences diaboliques, elle n'y est

pour rien ; elle a bien cinquante trois ans, mais elle est morte

depuis dix ans. Chaque matin elle apprend à marcher « comme

l'enfant qui vient de naître » : elle se livre journellement à

un' curieux travail, consistant à relire un dictionnaire qu'elle

couvre de notes de peur d'oublier ses mots. Ces notes ne sont

d'ailleurs que des suites d'expressions assonantes variées et

incohérentes.

Son intestin est putréfié, on l'a vidée : elle sent par instants

s'introduire dans son intérieur les tètes, les mains des diables

qui la font agir à la façon des marionnettes creuses. Elle

prétend ne plus manger et ne plus aller à la selle, son coeur

est comme un charbon près de s'éteindre, etc. A l'époque de

l'entrée, on lui faisait voir des fantômes et des visions infer-

nales ; elle a même vu les douze apôtres, aussi avait-elle

été prise d'abord pour une persécutée mystique; maintenant

elle s'achemine vers la démence.

La malade G. J..., femme P..., internée depuis six ans,

croit être le diable incarné. C'est une mélancolique typique,

constamment à l'écart, humblement accroupie ; elle passe

son temps à monologuer son délire ; elle a par intervalles des

accès d'agitation anxieuse., demandant à être torturée,

brûlée, etc. Elle s'est cru longtemps damnée, s'accusant

d'avoirmal fait sa première communion, d'avoir volé, etc. ;

elle a cherché à s'empoisonner avec de la noix vomique, puis

a découvert rétrospectivement que dès sa naissance elle était

vouée au mal, elle a compris qu'elle avait dû être oubliée

dans la grande rédemption du péché originel, maintenant

elle sent bien qu'elle ne fait plus qu'un avec le diable. Actuel-

lement, cette idée est confirmée par toutes sortes d'interpré-

tations délirantes ; c'est ainsi qu'elle voit dans les dessins

formés par les boiseries du plancher les figures grimaçantes

de ceux qu'elle a fait damner et des diables.

Nous l'avons dit, les hallucinations vraies ne sont point

constantes ni essentielles chez ces malades; lorsqu'on les

observe, elles sont le plus souvent transitoires, élémentaires

et secondaires. Il semble que ces phénomènes se ressentent

de la perturbation céneslliésique primitive. De même que

ces malades perçoivent mal les impressions ordinaires, de

même leurs hallucinations visuelles, par exemple, se pro-

duisent commc à travers les voiles du rêve.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 469

Une démoniaque, voulant faire comprendre le caractère

du phénomène qu'elle éprouvait, disait que le diable lui

apparaissait comme transparent et qu'il semblait qu'il n'y

avait rien à toucher'.

Une malade à délire de négation et de possession que nous

avons observée, a bien entendu par l'oreille une voix lui

disant : c Tu es maudite », et elle a vu ces mots écrits sur

le mur. Mais à cette époque il y avait déjà trois mois qu'elle

était malade, et que pour expliquer le changement survenu

en elle, elle se disait à elle-même : c Mais tu es maudite ! »

Depuis, aussi, elle a eu des hallucinations visuelles en rap-

port avec ces mêmes idées ; elle a vu le diable, l'enfer, mais

ces hallucinations ne se présentent que la nuit, Les personnes

sont indistinctes, ce sont plutôt des ombres qu'elle voit sur

le mur. De même, pour l'ouïe, elle n'entend que des bruits 2.

Des hallucinations aussi élémentaires ne sont évidemment

pour rien dans les désordres de la personnalité qu'on remar-

que ici. En revanche, les troubles psychomoteurs semblent

avoir une influence capitale ; les observations qui suivent

nous paraissent le démontrer.

Une de nos malades, en proie à un délire anxieux datant

de plusieurs mois, se croit damnée et poursuivie par les

diables; elle est particulièrement obsédée par nne voix inté-,

rieure qui lui dit de se jeter à l'eau. Bien que cette voix soit

contredite par une autre, elle s'est jetée à plusieurs reprises

dans un bassin pour se noyer; ces voix ne lui viennent pas

dans l'oreille, mais partent de l'estomac. Elle ne peut d'ail-

leurs plus prier Dieu, il lui monte des blasphèmes que sa

bouche prononce sans qu'elle le veuille, Elle a vainement

essayé de lutter, en s'efforçant d'empêcher ces mouvements

involontaires sans y réussir : elle sent qu'elle ne s'appartient

plus, qu'on agit pour elle et par elle.

Elle se croit la cause de toutes les maladies qu'elle voit

autour d'elle. La certitude où elle est que tous ces phéno-

mènes sont dus non pas à elle mais au diable, l'a poussée

à demander l'exorcisme à un prêtre, qui le lui a refusé et

s'est moqué d'elle : depuis, elle s'est confirmée dans l'idée

qu'elle est abandonnée deDieu et de ses ministres, et vouée

' Baillarger, p. 317-323.

- Séméiologie et pcithogéiie des idées de négation, Séglas, loc. cil.,

p. 17.

470 PATHOLOGIE MENTALE.

à la damnation et aux flammes de l'enfer. Cela ne l'empêche

pasdedésirer la mort par le suicide qu'on lui ordonne, bien

qu'ensuite elle doive souffrir plus encore de la damnation;

cette dernière, en effet, est encore préférable à tout ce qu'elle

endure dans cette vie.

« Deux pensées, dont l'une représente le bien et l'autre

le mal, sont en lutte continuelle dans son imagination. La

pensée du mal l'emporte toujours. » La soeur de la malade

est morte à l'asile après plusieurs années d'un délire absolu-

ment semblable, disent les certificats qui la concernent.

Une malade de M. Séglas, à côté d'hallucinations auditives

ordinaires, entend des voix intérieures lui parler : « Ce sont

des mouvements qui se font en moi qui me disent tout cela. »

On la voit remuer les lèvres et prononcer des mots indis-

tincts qu'elle répète ensuite tout haut; une autre âme est

entrée dans la sienne, elle est obligée de parler sa pensée

et cause seule tout le temps '. Il y a toujours en elle deux

idées qui se contredisent 2.

Une malade de M. Iluet entend une voix épigastrique :

« C'est comme si c'était moi qui parle ; j'ai des mouvements

dans les lèvres, comme un lapin qui broute, et je sens ma

langue remuer toute seule. » Elle a d'abord été dans l'impos-

sibité de parler au confessionnal, puis elle a dit des gros mots

en communiant; l'esprit qui la possède lui ravage maintenant

l'omoplate et le poumon gauche, etc. Quand elle écrit, il lui

lance dans la main un fluide froid qui change son écriture.

(Troubles psychomoteurs graphiques.)

Si maintenant nons nous reportons au chapitre de la démo-

nomanie d'Esquirol, nous y trouvons une série d'observations

remarquables par leur analogie entre elles, et par l'existence

manifeste et constante d'idées de négation et de damnation

caractéristique de la mélancolie chronique religieuse .1.

Le première de ces démonomanes a déjà eu deux accès de

lypémanie. Le démon est dans son corps qui la torture de

mille manières; elle ne mourra jamais. La deuxième n'a

' Séglas. L'hallucination dans ses rapports avec la fonction du

langage ; hallucinations psychomotrices. (Progrès médical, 1888, n0' 33

et 34).

" Séglas et Besançon. De l'antagonisme des idées délirantes, loc.

cit. (Annales médico-psychologiques, janvier 1889, p. 24.)

' Esctuirol. Uémoao»7anie, ch. ix, t. I, loc. cil.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 471

plus de corps, le diable l'a emporté : elle est une vision ; elle

vivra des milliers d'années ; elle a le malin esprit dans l'uté-

rus sous la forme d'un serpent, quoiqu'elle n'ait pas les organes

de la génération faits comme les femmes. - La troisième

n'a pas non plus de corps, le malin esprit n'en a laissé que

le simulacre qui restera éternellement sur la terre. Elle n'a

plus de sang, elle est insensible (analgésie). La quatrième

n'est pas allée à la selle depuis vingt ans ; son corps est un

sac fait de la peau du diable, plein de crapauds, de serpents.

Elle ne croit plus en Dieu; il y a un million d'années qu'elle

est la femme du grand diable. (C'est une sorte d'immortalité

rétrospective.) La cinquième a le coeur déplacé, elle ne

mourra jamais ; cependant, en même temps, elle sentie diable

qui lui dit d'aller se noyer.

Leuret ' rapporte des cas analogues.

Cotard 2, qui rappelle d'ailleurs les observations précé-

dentes dans son délire des négations, insiste inversement sur

ce fait que tous les malades chez lesquels il a trouvé men-

tionné le délire hypocondriaque avec idée d'immortalité

étaient dominés par des idées de damnation, de possession

diabolique, en un mot présentaient les caractères delà démo-

nomanie, de la folie religieuse.

M. Il. Dagonet 1, après avoir établi l'existence de deux

sortes de démonomanes (démonomanie interne et externe),

les uns aboutissant à la possession définitive, les autres finis-

sant par l'emporter sur le démon, cite comme exemple de

démonomanie interne (possession vraie) un malade qui croit

que le démon a pris domicile dans son ventre sous forme

d'un gros serpent.

a Cet homme pousse de temps en temps des cris bizarres,

il s'exprime parfois dans un langage incompréhansible. C'est

alors, dit-il, le diable qui parle par sa bouche, il s'établit

entre le démon et lui de véritables dialogues où il reproche

à son esprit de lui susciter de mauvaises pensées. Il a cher-

ché en vain à se faire exorciser. Ses sensations sont changées,

la lumière du jour lui paraît terne, verte ou brune. Il n'y a

plus de Dieu, lui dit le diable ; il appelle à grands cris le bour-

' Fragments psychologiques, loc. cit.

' Cotard. Une forme grave de mélancolie anxieuse. (Annales médico-

psychologiques, septembre 1880, t. IV.)

1 Il. Ddgonet. Loc cil., p. 238, Lypémanic religieuse.

472 PATHOLOGIE MENTALE.

reau. Tentatives réitérées de suicide, mort des suites d'une

plaie abdominale qu'il s'est faite volontairement. »

a Satan est en moi, dit une autre malade, je n'appartiens

plus au genre humain dont il ne me reste que la forme;

depuis que Dieu s'est retiré de moi, j'appartiens à l'enfer, ma

conscience le dit. J'ai commis des crimes abominables, j'ai

renié ma religion, je n'ai pas prié comme j'aurais dû, j'ai

communié étant indigne. »

Ces accusations, ajoute l'auteur, contrastent formellement

avec le caractère réel de la malade, qui est d'une bonté angé-

lique.

11. lllagnan, dans une observation communiquée à M. le

D'' Dupain ', rapporte un fait à peu près semblable au précé-

dent. C'est une femme à antécédents héréditaires multiples

ayant fait des tentatives de suicide réitérées, qui se croit dam-

née. Elle s'imagine que toute sa famille est vouée aux enfers

à cause d'elle, que des sorciers l'ont ensorcelée au moyen

d'un talisman; elle sent la voix des esprits qui l'appelle; elle

prononce constamment des phrases entrecoupées à voix basse.

c Je suis damnée, perdue; je suis tourmentée, j'ai volé ! Je

ne mourrai jamais. Je suis morte; je ne suis plus comme les

autres, je ne puis plus travailler. »

Dans la thèse de M. Legrain 2, nous relevons également

l'observation d'une femme qui se croit possédée par l'esprit

malin. Ses membres sont agités de mouvements bizarres rap-

pelant les contorsions des convulsionnaires; ses mouvements

sont purement automatiques, et la malade n'y peut rien.

D'autres fois, le visage est grimaçant; d'autres fois encore,

les mouvements sont accompagnés de sons laryngés sans

aucune signification. La malade interprète ses mouvements

irrésistibles en disant que c'est l'esprit malin qui la pousse à

agir ainsi. La double personnalité est évidente. « C'est l'esprit

qui me tord, dit-elle, je ne puis l'empêcher. » Elle accom-

pagne sa mimique de l'émission de certains mots, toujours les

mêmes : a Je vous hais, je hais Dieu, je vous hais tous. »

Puis elle ajoute : « Ce n'est pas moi qui vous dis cela, c'est

l'esprit qui parle : vous comprenez bien que je ne suis pas

capable de dire ces choses-là; moi, je vous aime. » Et d'au-

' Dupain.ThÈse Paris, p. 188. Observation LXXXVI11.

8 D' Legrain. Thèse, Paris, 1886, p. 1b, Observation LXXVIII.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 473 as

très fois : « Vous avez beau faire, vous ne m'empêcherez pas

de la posséder. » (Contagion de la possession diabolique de

la mère au fils.)

Chez une malade de Griesinger ' se forme une contradic-

tion intérieure entre ses proprespensées et ses déterminations,

une opposition immédiate, constante, contre tout ce qu'elle

vient de penser ou de faire. Une voix intérieure, mais qu'elle

n'entend pas dans son oreille, se révolte contre toutce qu'elle

veut; par exemple, contre le séjour au lit auquel son état la

condamne , en particulier contre toute élévation de senti-

ments, la prière ; la voix veut toujours le mal quand la

malade veut le bien.

La malade, qui est une femme raisonnable, dit qu'elle a

de la peine à croire que ce soit un être étranger, un démon

qui soit dans son corps, bien qu'elle ait la certitude que ce

n'est pas elle-même qui fasse tout cela. Il y a treize ans

environ, cette malade commença à entendre parler en elle.

A dater de ce moment il lui vint des pensées et elle dit

des mots qu'elle n'avait pas l'intention de dire et qu'elle

exprima avec une voix qui différait de sa voix ordinaire. Le

ton de cette voix, quand l'esprit parle, diffère toujours un

peu et quelquefois même totalement de a voix ordinaire de

la malade; et ce qui fait surtout que la malade croit à la

réalite de cet esprit, c'est qu'il a une autre voix qu'elle.

Arguments historiques. - Presque tous les sujets qui déli-

raient sur les sujets relatifs à la démonomanie s'accordent

à dire que les premières apparitions diaboliques, ou que

les premières hallucinations ont eu lieu après de longues

souffrances morales ou physiques, ou bien lorsqu'ils étaient L

encore en proie à la plus poignante affection 2.

Au xv° siècle, les grandes épidémies de lycanthropie

anthropophagique correspondirent à de grandes famines

dans la haute Allemagne, la Suisse et dans le nord de la

France (Artois). (Exécutions en masse par le feu dans ces

régions'.) A cette période la démonopathie affecte une forme

1 tiriesinger. Maladies mentales, p. 2SG-`357.

2 Jlichehs. l'aeunzalololie ou discours sur Ieg esprits, 15S7. Cité

par Calmeil. De la folie, p. 293. 1. III, ch, w, à propos des Déutonolâtres

d'Avignon, 1582.

' Syranner et Ilenricus. lii illcilleo maleficorum. Nidev I(l. Ed.

Lyon, 1604.

474 PATHOLOGIE MENTALE.

zoanthropique, comme chez les religieuses de Cambrai, qui

forment la transition avec les démonolâtresdu siècle suivant.

Ces religieuses délirèrent à la suite des jeûnes exagérés du

carême.

- - Les démonopathes ne sont pas encore de vraies possédées;

cesontsurtoutdes ensorcelées. Mais l'évolution de la psychose

est identique.

Après s'être crues sous le coup d'un sortilège, pour expli-

quer leur malaise mental elles découvrent peu à peu qu'elles

sont filles de sorciers, sorcières elles-mêmes (délire rétrograde).

Elles se reconnaissent dès lors les auteurs de mille forfaits et

dignes des pires tortures. Aussi se dénoncent-elles elles-mêmes

et vont-elles au bûcher brûler le diable qui est dans leur

corps ; ces autodafés affectent parfois la forme de véritables

suicides en masse.

« Il ne faut pas confondre, dit Richet, la sorcière et la pos-

sédée. La sorcière a fait un pacte avec le démon; elle a un

pouvoir surnaturel qu'il lui a commis; elle est coupable et il

faut qu'elle soit brûlée...

« Au contraire, le possédé est innocent. Un diable, un

démon ou plusieurs démons ont eu la désobligeante fantaisie

d'entrer dans son corps et de faire de lui le théâtre de leurs

exploits... Aussi les possédés ne sont-ils pas à punir, mais à

guérir. Mais cette guérison se fait par les prières et les

exorcismes'. »

Le lien qui unit la sorcellerie à la possession, c'est que le

sorcier ou la sorcière peuvent évoquer les démons et les faire

entrer dans le corps de tel ou tel malheureux. Aussi les

épidémies de démonomanie succèdent-elles aux précé-

dentes.

Au xvi° siècle, la zoanthropie diminue, on chasse encore

les loups-garous en Anjou, mais on commence à ne plus

les condamner, on les enferme. En revanche, la démo-

nolâtrie s'accentue; elle règne en Allemagne, en Flandre,

en Lorraine, dans le Jura et dans le Midi (Languedoc et

Limousin). Nicole Aubry, de Vervins, est hantée par un

spectre ; l'ombre lui parlait intérieurement et exigeait impé-

rieusement que l'on fit des aumônes et des pèlerinages. La

voix parle dans la poitrine, lui indique quelquefois d'avance.

Richet. - L'homme et l'intelligence, p. 5a0.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. 475

l'heure où surviendront de nouveaux accès d'exaltation, et

les paroxysmes ' indiqués par la voix éclatent à l'heure indi-

quée. Dans l'épidémie de Lorraine (1595), les malades

sentent en elles la voix du démon qui les pousse au suicide.

Il ordonne à Jeanne de Baune et à Jeanne Drigée de se

pendre2. Dans le Jura (1598), Antide Colas est sollicitée

à faire de même. Un combat se livre en elle, une autre voix

intérieure lui conseillant le contraire ; le diable la harcèle

surtout du côté droit'. (Cette malade offre avec deux des

nôtres, la plus frappante analogie.)

Anne Langon qui avait été atteinte une des premières, se

mettait parfois à parler tout haut ; elle n'ignorait pas alors

qu'elle articulait des sons, mais il lui semblait qu'un autre

être parlait dans son intérieur. Cette religieuse se sentait

dans l'impossibilité de prier, de concentrer son attention sur

les choses qui se rapportent à la dévotion ; il lui semblait

qu'elle était hébétée, privée de ses facultés intellectuelles et

morales, incapable de prendre une détermination Elle ne

dit pas textuellement que le diable se servait de sa langue

pour parler, mais il lui semblait que les muscles de sa poi-

trine fussent mis en jeu par une puissance étrangère. Elle

entendait parler, cela semblait se faire par le moyen de

quelqu'autre qui tirait et repoussait son vent... Parfois, au

contraire, si elle se mettait en oraison, l'esprit malin la trou-

blait, elle ne pouvait poursuivre ni mouvoir sa langue 1.

Aupetit croyait qu'il avait un démon sous ses ordres. Il

l'apercevait dans les nuages ; il le voyait sous la forme d'un

bélier, d'un chat, d'une grosse mouche, d'un papillon ; il

s'imaginait fréquenter le sabbat ; son intelligence était telle-

ment renversée dans certains moments qu'il lui devenait

impossible de prier ; il se croyait obligé en célébrant la

messe de mettre le nom du diable à la place de celui de Dieu.

La pensée et l'image du démon le suivaient partout.

' Jehan Boulcese, in-t". Paris, 1478. Cité par Calmeil. De la folie,

p. 264-265, 1. III, ch. ii.

= 111UYCVI. Remigius. 7,i<)) ? f/fH : ono<)'ia*.

1 Henry Boguet, 1603. Discours sur les sorciers, Lyon,

Déi2zoioi)alhie « Finloy, 1552.

" \Vieri. Opéra omnia ; in-t-, p. 301. Codin. Démonomanie des sor-

ciers ; ni-4», p. 161. Calmeil. De la folie, hv. lit, ch. ir, p. 257.

" S. Goulard. Histoires admirables, p. 46 à 60, t. I, Paris, 1660.

, . PATHOLOGIE MENTALE.

« Le diable m'avait appris au sabbat à dire la messe en sa

faveur. Il m'avait ordonné de dire mes prières au nom du

diable et non pas du Père ; je ne pouvais plus dire : Ceci est

mon corps... ceci est mon sang... je prononçais Belzébuth...

-Lorsque je faisais des efforts pour me recueillir pour offi-

cier dignement, le diable se mettait à voltiger sous mes yeux :

prenant la forme d'un papillon, il me brouillait l'entende-

ment et je me sentais contraint de prier à la manière du

diable '. » (D'après de Lancre.)

Au dix-septième siècle, on observe encore la démonopa-

thie endémique dans le nord de l'Europe, en Suède, à la

Haye, etc. ; puis dans le Midi, en Espagne, dans le Baslan et

le Lal)ourd.

(Lille 1613). « Une religieuse de Sainte-Brigitte sentait en

elle deux âmes, ou, comme elle le disait elle-même, deux

parties adverses, dont l'une n'avait d'inclinaison que poul-

le bien, tandis que l'autre, qu'elle croyait influencée par le

diable, s'évertuait par instants à co2îl,ottvei, les plus exécra-

bles mensonges .

« Ainsi s'expliquent, dit Carmeil, qui rapporte ce fait, ces

oscillations continuelles de la volonté chez les démoniaques,

ces luttes douloureuses, où le naturel, perverti par une

maladie méconnue, l'emportait souvent sur le naturel hon-

nête et heureux d'autrefois 3. »

En France (1632-1639) la démonopalhie de Loudun fut

d'une intensité particulière ; elle gagna Cbinon, Louviers,

Nîmes, etc., et même les terres papales d'Avignon. La supé-

rieure, lI"" de Belciel, tout en répondant aux questions des

exorcistes, entend parler un être vivant dans son propre

corps, se figurant qu'une voix étrangère émane de son

pharynx. Soeur Agnès dit au duc d'Orléans qu'elle voit les

réponses sortir de sa bouche comme si une autre les avait

proférées 1.

1 Aupetit, curé dans le Limousin, fut brûlé vif (Calmeil, 1. III, ch. u,

p. 317-348).

2 Lenormand. .Ë.coi'eMMM des possédées de Flandre. Paris, 1623.

Deux volumes iu-8.

' Calmeil. - De lct folie, l. IV., ch. u, p. u3É.

4 La Démonomanie de Loi<(/« ? in-12 ; La Flèche, 1634. Cruels

effets de la vengeance du cardinal de Richelieu ou histoire des Diables,

l71(i ; Calmeil, t. 11, p. 2(i et suiv.

LE DÉLIRE MÉLANCOLIQUE. li -17

« On m'a ôté la mémoire et jusqu'à la liberté de me jeter

dans les bras de Dieu et de pratiquer un acte de dévotion.

« Béhémolh commmença à me représenter toute ma vie

depuis l'âge de six ans, et me remit dans 1-esprit, par une

locution dans ma tête, jusqu'aux moindres actions déréglées

auxquelles je m'étais laissée aller'. » (Délire palaingnostic

mélancolique.) Les diverses épidémies de possession de Lou-

dun, de Saint-Médard, de Morzine, de Versegum, de Plé-

dran, etc., etc., sont bien connues ; elles nous montrent tous

les. exemples possibles des diverses destructions du composé

mental 2 *

Le Père Surin, si longtemps mêlé à la célèbre affaire des

religieuses de Loudun, se sentait deux âmes et même trois,

parfois, à ce qu'il lui semble. On sait qu'il demeura malade

jusqu'à un âge avancé et fit plusieurs tentatives de suicide.

11 nous a laissé une relation détaillée de son état mental.

« Je ne saurais vous exprimer ce qui se passe en moi

durant ce temps (quand le démon passe du corps de la pos-

sédée dans le sien), et comme cet esprit s'unit avec le mien,

sans m'ôter ni la connaissance ni la liberté de mon âme, en

se faisant comme un autre moi-même, et comme si j'avais

deux âmes, dont l'une est dépossédée de son corps, de l'usage

de ses facultés et de ses organes, et se tient à quartier en

voyant faire celle qui y est introduite. Les deux esprits se

combattent dans un même champ qui est le corps, et l'âme

est comme partagée : selon une partie de soi, elle est le sujet

des impressions diaboliques, et, selon l'autre, des mouve-

ments que Dieu lui donne, ou qui lui sont propres 3.

a Je suis entré en combat avec quatre démons des plus

puissants et des plus malicieux de l'enfer moi, dont vous

connaissez les infirmités... Depuis trois mois et demi, je ne

suis jamais sans avoir un diable près de moi,, en exercice.

Les choses en sont venues si avant, que Dieu a permis, je

pense, pour mes péchés, ce qu'on n'a peut-être jamais vu en

1 Lettre de la supérieure des Ursulines au Père Surin.

2 Pierre Janet.jM<oH ! f</MH ! ep/e/t0o'y : Me, p. Hi-442.

3 Histoire des Diables de Loudun. Amsterdam, 1710.

Il II y a alors plus qu'un dédoublement, mais dissociation multiple de

la personnalité. Les exorcistes reconnaissaient des possessions par un ou

plusieurs démons ; dans le deuxième cas, le nombre en pouvait atteindre,

suivant eux, celui d'une légion de diables, soit 6.666 !

478 g PATHOLOGIE MENTALE.

l'Eglise, que dans mon ministère le diable passe du corps de

la personne possédée dans le mien ; alors il m'assaut, me

renverse, m'agite et me traverse visiblement, en me possé-

dant plusieurs heures, comme un énergumène.

- « Dans le même temps, je sens une grande paix, sous le

bon plaisir de Dieu, et, sans connaître comment me vient une

rage et aversion de celui qui produit comme des -impé-

tuosités pour m'en séparer, qui étonnent ceux qui le voient ;

en même temps, une grande douceur qui se produit par des

cris et des lamentations, semblables à ceux des démons. Je

sens l'état de damnation et l'appréhende, et me sens comme

percé des pointes du désespoir, en cette âme étrangère qui

me semble mienne, et l'autre âme qui se trouve en pleine

confiance, se moque de tels sentiments et maudit en toute

liberté celui qui les cause...

« Voire, je sens que les mêmes cris qui sortent de ma bou-

che viennent également de deux âmes. Les tremblements

extrêmes qui me saisissent quand le saint-sacrement m'est

appliqué, viennent également, ce me semble, de l'horreur de

sa présence qui m'est insupportable et d'une révérence cor-

diale et douce, sans pouvoir les appliquer à l'une plutôt qu'à

l'autre et sans qu'il soit en ma puissance de les retenir. Quand

je veux, par le mouvement de l'une de ces deux âmes,

faire le signe de croix sur ma bouche, l'autre me détourne

la main en grande vitesse et me saisit le doigt pour le mordre

de rage.

« L'extrémité où je suis est telle que j'ai peu d'opérations

libres. Quand je veux parler on m'arrête la parole ; à la messe

je suis arrêté court ; à table, je ne puis porter le morceau à

ma bouche ; à la confession, j'oublie tout-à-coup mes péchés

et je sens le diable aller et venir en moi, comme en sa

maison - Dès que je me réveille, il est là; à l'oraison,

il m'ôte la pensée quand il lui plaît ; quand le coeur est

prêt à se dilater en Dieu, il le remplit de vague ; il

m'endort quand je veux veiller et publiquement se vante

qu'il est mon maître '. M '

C'est littéralement la paraphase délirante de ce que nous

avons dit au début de cette étude.

Conclusions. On le voit, dans le groupe des mélancolies

' Lettre au père Attichi, 3 mai 1635.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 479

on peut distinguer des types de mélancolie vraie, essentielle,

ayant des caractères particuliers, une évolution spéciale, et

a côté de simples idées mélancoliques, occupant dans l'en-

semble symptomatique une place accessoire. Quand le délire

mélancolique vrai passe à l'état chronique il se systématise,

se cristallise, si l'on peut parler ainsi, comme le délire des

persécutions.

Nous attribuons précisément à ces deux mots (délire, par

opposition à idées) le même sens qu'on attribue aux mêmes

expressions en ce qui concerne les persécutés. De même

qu'il y a des malades à idées de persécution symptomatique

et des malades à délire de persécution idiopathique, de

même il y a des malades à idées mélancoliques et d'autres

à délire mélancolique systématisé. C'est ce dernier que cette

étude a pour but d'isoler en une entité clinique comparable

à la maladie de Lasègue, ainsi qu'avait commencé à le faire

Cotard dans son délire chronique des négations.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

LXXIX. Les noyaux des neufs moteurs de L'OEIL (moteur commun,

moteur externe et pathétique) cr leurs connexions; par BECUTenEN.

(Ai,eltiv fii- (71at. 2c. plzsiol., 1897, p. 307.)

Après avoir fait de nombreuses coupes sériées de cerveaux de

foetus et de nouveau-nés, l'auteur admet que le moteur commun

possède quatre noyaux, deux principaux, un pair, l'autre impair,

et deux noyaux pairs accessoires. Le plus gros est situé au-dessous

des tubercules quadrijumeaux antérieurs, de chaque côté de la ligne

médiane, et renferme des cellules moyennes multipolaires. A ce

noyau viennent s'appliquer directement les fibres de la bande-

lette longitudinale postérieure, de telle sorte que la handeiette

longitudinale postérieure parait traverser la partie externe du

noyau. En même temps, les deux noyaux se touchent et se pénè-

480 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tient plus ou moins par leur bord interne. Au niveau du liers anté-

rieur de ce noyau, on aperçoit un noyau médian à grosses cellules;

- sa partie externe et supérieure, on trouve un amas cellulaire,

pair et symétrique, et un autre à sa partie antérieure. La plus

grande parties des fibres qui partent de ces noyaux se dirigent en

avant et en dehors. Un petit nombre, provenant de la partie pos-

térieure du noyau principal, s'entrecroisent et constituent les fibres

postérieures du moteur commun. Il est hors de conteste qu'une

partie de la bandelette longitudinale postérieure se perd dans le

noyau du moteur commun. Le reste, à partir du segment antérieur

du noyau principal, s'éloigne peu à peu de la substance grise centrale

et pénètre dans un noyau qui appartient à la commissure poslé-

térieure et que Daikscliewitscli considérait comme le noyau supé-

rieur du moteur commun. Le noyau du moteur commun reçoit, en

outre, les fibres profondes du tub. quadrijumeau antérieur. Quant

au pathétique, bien des opinions ont été émises à son sujet. L'em-

bryologie permet de placer son origine dans un noyau situé dans

la bandelette longitudinale postérieure, que certain. ! auteurs rat-

tachent au moteur commun ; mais on peut suivre sur le cerveau

du foetus les racines du pathétique jusqu'à ce noyau. Le dévelop-

pement montre égalemeul l'entrecroisement total du pathétique.

Pour ce qui est du noyau du moteur externe, l'embryologie permet

d'affirmer qu'il n'envoie des fibres que dans la racine correspon-

dante; l'entrecroisement partiel n'existe pas. Bien des obscurités

subsistent sur les connexions des noyaux des moteurs externe et

commun. Duval et Laborde ont attiré l'attention sur l'existence

des fibres qui se dirigent, du noyau du moteur externe, sous le

plancher du quatrième ventricule vers le noyau du moteur com-

mun opposé. Mais ces recherches n'ont pas eu de confirmation.

En raison de l'entrecroisement partiel non douteux des racines du

moteur commun, certains auteurs ont pensé que ces deux noyaux

étaient directement reliés par des fibres qui traversaient la bande-

lette longitudinale postérieure. En tout cas, du noyau du moteur

externe parlent un assez grand nombre de libres qui traversent la

bandelette longitudinale postérieure, s'entrecroisent et atteignent

la bandelette du côté opposé. Sans doute, ces fibres relient les

noyaux du moteur externe et du moteur commun du côté opposé.

Du noyau du pathétique se détachent des fibres qui vont dans la

bandelette du même côté. Comme les faisceaux précédents, ils

président aux mouvements associés des pupilles. Enfin, entre les

noyaux du moteur commun, on trouve un système défibres d'asso-

ciation, qui ont certainement une action sur les mouvements

synergiques des pupilles.

DRDEL.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 481

LXXX. LE grand sympathique ET LE corps thyroïde ; par le professeur

J.-P. Morat (de Lyon). (Presse médicale, 22 décembre 1897.)

L'excitation expérimentale du grand sympathique se traduit sur

la glande thyroïde par une contraction des vaisseaux thyroïdien ?

lorsque l'excitation est faite sur le cordon cervical; elle détermine

au contraire une dilatation vasculaire lorsqu'elle porte sur la chaîne

thoracique dans sa partie supérieure.Il faut admettre, en principe,

bien que ce fait ne soit pasencore absolument établi, que, comme

celui des autres glandes, le parenchyme thyroïdien reçoit des nerfs

qui lui sont propres et qui agissentsur ses éléments sécréteurs d'une

façon indépendante de ceux qui gouvernent les vais^eaux. Si on

ajoute ces faits nouveaux acquis sur l'action vaso-motrice du sym-

pathique à l'égard de la thyroïde aux faits antérieurs déjà connus

concernant l'action de ce nerf dans le champ de sa distribution à

la tête et au thorax, ou voit qu'une excitation artificielle portée sur

la chaîne thoracique, fait accélérer le coeur, saillir le globe ocu-

laire en même temps qu'elle fait rougir la face et congestionner le

corps thyroïde, c'est-à-dire, réalise les symptômes apparents du

goitre exophtalmique. Si cette excitation s'étendait à une région

un peu plus basse de la chaîne thoracique, elle produirait de la

glycosurie et d'autres effets moins habituels de la maladie de

Basedow. ' '

On peut donc concevoir le goitre exophtalmique comme le pro-

duit d'une excitation de la partie thoracique de la chaîne sympa-

thique par une cause naturellement inconnue. Cette cause agirait

simultanément et parallèlement sur des nerfs commandant à des

fonctions d'importance inégale et dont la surexcitation peut avoir

comme conséquence directe ou éloignée, une simple difformité comme

l'exophtalmie, ou des troubles circulatoires déjà sérieux comme la

palpitation cardiaque ou un retentissement beaucoup plus profond

sur la nutrition et l'état psychique de l'individu, comme il arrive

du fait de I hyperfonction du corps thyroïde. Cette théorie est celle

à laquelle se range M. Abadie dans un article publié dans la Presse

médicale, avec cette différence cependant que cet auteur subor-

donne l'action propre de la glande à celle de ses vaisseaux, suivant

les idées qu'on se faisait autrefois de la sécrétion.

A. Fenayrou.

LXXX1. L1 TIIÎ : OaIE des réflexes; par M. DEMASSARY.

(Presse médicale, 5 février 1898.)

Après avoir étudié les voies conductrices de l'influx nerveux et

distingué l'arc médullaire, substratum anatomique de l'acte réflexe

simple, inconscient, el l'arc cérébral, représentant la voie suivie par

l'acle volontaire mis en jeu par une excitation perçue, l'auteur

Archives, 2e série, t. V. ' 31

482 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

passe en revue les diverses causes susceptibles de produire soit la

diminution ou la suppression des réflexes, soit leur exagération.

D'une façon générale, la diminution ou la disparition des réflexes

provient d'une lésion de l'arc médullaire périphérique (lésions du

protoneurone centripète dans le tabes; du neurone centrifuge dans

les polyomyélites antérieures aiguës, subaiguës ou chroniques de

l'enfant ou de l'adulte et dans les polynévrites motrices; des

plaques motrices terminales dans certaines auto-intoxications dans

la maladie bronzée d'Addison ou dans le diabète, par exemple).

Leur exagération relève parfois d'une irritabilité excessive des

neurones de l'arc médullaire; il en est ainsi dans certaines intoxi-

calions, telle que l'intoxication par la strychnine ou la toxine téta-

nique. Mais, le plus souvent, elle provient d'unelésion de l'arc céré-

bral central ; elle est alors la conséquence de la suppression de la

fonction modératrice exercée par l'arc cérébral sur l'arcmédullaire.

Seules, les lésions- du neurone moteur de cet arc sont conuues :

lésions soit primitives de la paraplégie spasmodique familiale et de

la sclérose latérale amyotrophique, soit secondaires à des causes

cérébrales (hémorrhagies, ramollissements), ou médullaires (sclé-

rose en plaques, myélites transverses, compression de la moelle) ;

parfois mais rarement, l'exagération des réflexes est due à un

retard dans le développement du faisceau pyramidal, trouble

évolutif caractéristique de la maladie de Little. A. FENAYROU.

LXXXII. La non-équivalence PES deux hémisphères cérébraux ; par

M. M. Klippel. (Presse médicale, 29 janvier 1898.)

Maintes* particularités anatomiques, physiologiques et patholo-

giques séparent le cerveau droit du cerveau gauche. Et d'abord,

ils diffèrent par leur réaction pathologique sur la moelle ; le plus

souvent, les lésions de l'hémisphère gauche retentissent davantage

sur l'axe spinal que celle de l'hémisphère droit, ce qui tient, au

moins en partie, à la plus ample distribution, à la moelle, des

fibres corticales émanées de l'hémisphère gauche. Les deux hémis-

phères ne sont le plus souvent égaux, ni en poids ni en volume

chez les individus sains d'esprit comme chez les aliénés. La mor-

phologie de l'écorce présente des différences de détail d'un côté à

l'autre. D'après certains auteurs le développement du cerveau

gauche serait plus rapide ; les actes les plus intellectuels, en parti-

culier le langage, sont sous sa dépendance propre. Les lésions loca-

lisées de l'aphasie attestent encore la non-équivalence des deux

hémisphères. D'autres faits pathologiques mentionnés par l'auteur

plaident dans le même sens : modification du caractère et émoti-

vité chez des malades atteints de lésions de l'hémisphère droit

opposées aux troubles du langage et à l'affaiblissement intellectuel

qui trahissent les lésions de l'hémisphère gauche ; abolition du

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 483

réflexe pharyngé plus fréquente chez les hémiplégiques gauches;

dysarlltrie plus fréquente dans les lésions de l'hémisphère droit.

Fréquence plus grande des paralysies fonctionnelles par perturba-

tions dynamiques relevant de l'hémisphère droit. Hémianesthésie

dépendant plus souvent de troubles dynamiques du cerveau

droit. Il semble que l'hémisphère droit soit plus sujet aux troubles

dynamiques tandis que le cerveau gauche est plus prédisposé aux

lésions organiques et profondes. Les termes d'hémisphère mâle et

d'hémisphère féminin rendraient assez bien les différences de na-

ture des deux cerveaux, dont l'un, plus intellectuel, est plus stable,

et dont l'autre, plus excitable, est aussi d'un épuisement plus ra-

pide. La non équivalence des hémisphères comporterait encore le

dédoublement de la pensée; mais cette théorie est loin d'être

établie. Le dualisme pathologique des opérations les plus élevées

de l'esprit n'est point encore prouvé scientifiquement. En termi-

nant, l'auteur observe que la non-équivalence des hémisphères cé-

rébraux distingue l'homme de tous les autres animaux.

A. FENAYROU.

LXXXIII. DES LÉSIONS histologiques FINES DE la CELLULE nerveuse

DANS LEURS RAPPORTS AVEC LE DÉVELOPPEMENT DU TÉTANOS ET L'LMMU-

NITÉ antitétanique; par MM. les professeurs GIL1NTElIGSSE et Mari-

NESCO. (Presse médicale, 29 janvier 1898.)

Dans ce travail, les auteurs exposent les constatations anatomo-

pathologiques qu'ils ont faites sur des moelles de cobayes qui

a\aient été soumis à l'inoculation de toxine tétanique seule, ou

d'un mélange de toxine et d'antitoxine ou qui avaient subi une

inoculation de toxine suivie, vingt-quatre heures après d'une ino-

culation d'antitoxine. Les lésions histologiques constatées par eux

dans les grandes cellules des cornes antérieures de la moelle à la

suite de l'inoculation de toxine tétanique (tuméfaction de la cel-

lule ; coloration diffuse de la substance achromatique; raréfaction

et modifications morphologiques des éléments cbromatopbiles;

noyau et nucléole petits; aspect ovalaire du noyau; prolongements

protoplasmiques plus visibles qu'à l'état normal, etc.), sont à peu

près les mêmes que celles qui ont été observées par d'autres au-

teurs ; ces lésions ne sont pas toujours identiques ; elles peuvent

varier avec les conditions d'expérimentation. Tous les auteurs sont

d'accord pour admettre que, tant que les contractures persistent,

des altérations des cellules sont appréciables, et qu'il n'y a pas de

tétanos sans lésions médullaires. Tout récemment, un auteur

anglais, Hunter, a confirmé chez l'homme la présence de ces lé-

sions cellulaires. Chez les animaux qui ont reçu simultanément de

la toxine et de l'antitoxine, on n'observe pas de symptômes appré-

ciableseton ne constate, à l'autopsie, qu'une légère ampliation du

484 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

corps cellulaire, du noyau et du nucléole, mais pas de véritables

lésions. Enfin, après une inoculation de toxine suivie vingt-quatre

heures plus tard d'une dose de sérum antitétanique curative, les

auteurs ont observé : 1° chez un cobaye sacrifié au bout de cinq

jours, de la chromatolyse, un'état foncé de la substance achroma-

tique, un noyau à contour vague et d'un volume réduit; un nu-

cléole plus volumineux que celui des animaux qui, ayant vécu la

même durée, n'ont pas reçu d'antitoxine; 2° chez un cobaye

sacrifié au bout de quarante-cinq jours, alors que la contracture

avait disparu, une absence totale de lésions médullaires.

Ces constatations viennent a l'appui de l'idée d'après laquelle le

tétanos est dû à une combinaison du poison tétanique avec la cel-

lule nerveuse, par suite de l'affinité de la toxine télanique pour le

neurone moteur. La symptomatologie du tétanos est en rapport

intime avec la production des lésious qui exaltent l'excitabilité de

la substance nerveuse. La phase silencieuse de l'intoxication téta-

nique correspond à la période pendant laquelle s'effectue la com-

louaison de la toxine et des éléments de la cellule nerveuse.

Lorsque cette combinaison est faite, l'antitoxine ne peut l'empê-

cher d'exister; elle peut, tout au plus, empêcher la formation de

nouvelles combinaisons dans le cas où le foyer producteur de

toxine serait encore en activité; c'est ce qui explique le peu d'effi-

cacité de l'antitoxine lorsque les phénomènes de contracture ont

apparu. La nature intime de la réaction cellulaire qui se produit

à la suite de l'inoculation simultanée de toxine et d'antitoxine, est

difficile à préciser. Mais il reste des constatations faites par les

auteurs, que l'immunité contre le poison tétanique se traduit ana-

tomiquement par des modifications cellulaires nerveuses appré-

ciables. A. FENAYROU.

LXXXIV. L'évolution DU langage CONS11)'[iÉ'r au point de vue DI :

l'aphasie; par M. P. Marie, médecin de l'hospice de Bicetre.

(Presse médicale, 29 décembre 1891.)

Dans cette leçon, M. P. Marie a eu pour but de montrer « qu'il

était illogique d'admettre pour chaque modalité du langage des

centres spéciaux. Il croit qu'il faut réagir contre la débauche de

localisations à laquelle on s'est livré dans cette question de l'apha-

sie ; car la plupart de ces prétendues localisations sont unique-

ment basées sur le pur schéma ou sur des données anatomo-patho-

logiques dont l'interprétation a été défectueuse. « Selon lui, il est

possible que le langage parlé, tout en étant un acte conventionnel

acquis, procède de centres préformés ; ce fait s'expliquerait en ad.

mettant la formation progressive de ce centre dans la longue suc-

cession d'ancêtres qui, depuis des milliers d'années, ont employé le

langage parlé. Pour le langage écrit, bien plus conventionnel que

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 485

le langage parlé et dont l'usage, pour chaque individu pris isolé-

ment est tout à fait récent, il ne saurait y avoir que des centres

adaptés ; certains centres communs présidant déjà à d'autres actes

du fonctionnement cérébral naturel et spontané (vision, mouve-

ments des membres, etc.), sont, par suite de l'éducation, dressés à

s'acquitter par surcroît de tout ce qui concerne leurs fonctions dans

la série des opérations du langage écrit. Les actes par lesquels doit

passer un individu qui écrit, sont les suivants : 10 évocation des

sons qui forment les noms indiquant la pensée et transformation

de ces sons en signes graphiques; 2° inscription de ces signes gra-

phiques. Le premier de ces actes est sous la dépendance évidente

du centre du langage parlé; quant au second, il s'opère par l'inter-

médiaire des centres psycho-moteurs. Dans notre écriture actuelle,

l'acte moteur est sous la dépendance directe du langage oral inté-

rieur. L'explication des faits d'agraphie n'oblige nullement à ad-

mettre l'existence de centres spéciaux pour le langage écrit. Eu

effet, l'agraphie accompagnant l'aphasie motrice est due aux trou-

bles de l'élément phonétique intérieur. L'agraphie concomitante de

l'aphasie sensorielle reconnaît pour cause la perte des représenta-

tions visuelles des caractères qui doivent traduire graphiquement

les sons fournis par le langage intérieur ; l'existence d'aphasiques

sensoriels sans agraphie ne prouve nullement l'inexactitude de

cette hypothèse ; la production de la cécité verbale pure (Déjerine)

ou alexie sous-corticale peut, eu effet, s'expliquer de la façon sui-

vante : chez un individu instruit, l'habitude d'écrire devient telle

qu'il n'a plus besoin d'employer les images visuelles graphiques;

les souvenirs moteurs suffisent à diriger sa main; il a pu perdre

sa mémoire visuelle, sans pour cela se trouver privé de la faculté

d'écrire; un individu peu instruit, au contraire, ne pouvant écrire

sans faire exclusivement usage de ses images visuelles, sera atteint

en même temps de cécité verbale et d'agraphie lorsque ces images

auront disparu. A. Fenayrou.

V. Le centre de l'agraphie ET L% SURDI-11UT1T; paL' L 11R13SdUD.

(Pressé médicale, la janvier 1898.)

Dans ce travail, M. Brissaud s'attache à réfuter les idées soute-

nues par M. P. Marie dans un article sur l'évolution du langage

considérée au point de vue de l'aphasie », paru dans le numéro du

29 décembre 1897 de la Presse médicale. S'appuyant sur des argu-

ments tirés de l'interprétation des phénomènes observés chez les

sourds-muets, relativement à la fonction du langage, il se refuse à

admettre que le langage parlé procède de centres préformés, tan-

dis que le langage écrit relève de centres adaptés. Selon lui, la fa-

culté d'apprendre à parler et la faculté d'apprendre à écrire sont

dans des territoires différents de l'écorce, soumises l'une et

486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

l'autre à la même loi d'adaptation fonctionnelle. Chez le sourd-

muet, le langage digital, lequel n'est en réalité qu'une écri-

ture dans l'espace, est identique par nature au langage écrit et

indépendant du langage parlé. Sa localisation cérébrale n'est pas

la même que celle du langage phonétique articulé ; le centre de la

fonction, qui doit le plus directement concourir à la dactylologie,

n'est autre que celui des mouvements de la main et des doigts :

« C'est, selon moi, écrit M. Brissaud, jusqu'à preuve du contraire,

le centre du langage écrit, celui de la deuxième frontale. »

A. FENAYROU.

LXXXVI. LES cellules DES olives inférieures : par 0. KHXKE.

(Neui,olog. Ce ? tti-alb. XVI. 1897.)

La méthode de Nissl montre bien qn'il y a entre ces cellules

une légère différence quant à leur volume et à leur forme, les unes

étant plutôt arrondies et en oignons, les autres piriformes et fusi-

formes, d'aucunes polygonales. Maisla fine structure du corps delà

cellule est la même dansles cellules de l'olive et de l'olive accessoire

de l'homme, et celles de l'olive inférieure du chat. Parfois telle cel-

lule parait pyhnomorplie ; telle autre est pâle, surtout à la paroi

externe de la couche olivaire; dans certains cas le cylindraxe est

difficile à reconnaître, mais netteté du corps, du noyau, du nu-

cléole, du pigment. Dans le corps de la cellule on voit des fils

bleus qui semblent continuer ceux qui, des prolongements cellu-

laires, rayonnent dans le protoplasma central. Tous ces fils s'en-

trecroisent en formant un réseau à mailles dont le treillis est plus

dense autour du noyau ; d'aucuns ont même l'air de traverser com- z

plètement le noyau tandis que quelques-uns ne franchissent pas le

voisinage du nucléole. Le pigment parait occuper les mailles du

réseau ou plutôt de la charpente qui rappelle les rayons du miel

et de l'éponge. La périphérie du pigment opposée au noyau

semble recouverte d'une espèce de calotte d'un bleu intense; de

même, tout près du noyau, autre calotte foncée. Le noyau, bleu

pâle, avec ses nucléoles, bleu foncé, où l'on distingue quelques

petits endroits clairs, tranche toujours sur le reste de la cellule.

Dans quelques cellules, le noyau est franchement séparé du corps

de la cellule par un encadrement bleu foncé net. P. 11ERAVAL.

LXXXVH. Observation DE mouvements associés TYPIQUES DE l'extré-

mité supérieure droite dans l'aphasie; par E. Remarié. (LvC2l1'OIOfJ.

Centralbl XVI. 1897.)

Chez l'adulte paralysé, très fréquemment, on observe des mouve-

ments associés symétriques et identiques dans l'extrémité saine,

quand on essaie de faire mouvoir le membre paralysé; de plus,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 487

dans les cas de parésies de la jambe, les mêmes mouvements se

peuvent produire dans le membre supérieur, du même côté que

celui de la jambe (origine périphérique.)

Voici une dame de soixante-huit ans, atteinte d'aphasie par-

tielle accompagnée, au besoin, de paraphasie. Elle comprend bien

ce qu'on lui dit, exécute correctement les ordres qu'on lui donne,

ne nomme qu'en partie les objets qu'on lui montre, mais les choi-

sit bien, ainsi que les lettres qu'on lui propose de trouver; elle ne

peut lire, ni énoncer des nombres de plus d'un chiffre. Pour

parler spontanément ou pour répondre aux questions qu'on lui .

pose. les mots lui manquent souvent, notamment les substantifs :

quand il s'agit de mots parisyllabiques, assez souvent elle est

atteinte de paraphasie syllabique et confond les syllabes. Point

de troubles paralytiques de la parole ; elle répète généralement

avec exactitude les mots courts. Quant aux mots polysyllabiques

qui lui sont moins familliers, elle ne peut davantage les répéter;

elle dit elle-même qu'elle les a déjà réoubliés. Elle ne peut plus

écrire. Il existe donc un trouble de conductibilité dans le domaine

du centre moteur de la parole. Pas d'hémianopsie; pas de pertur-

bation dans le facial. Quelque lenteur dans les mouvements du

bras droit; rieu du côté des phénomènes tendineux à droite ni à

gauche

Le bras droit présente quelque incoordination : la malade ne

peut se vêtir ou se déshabiller seule, boutonner ses vêtements, ou-

vrir un couteau de poche. Les yeux étant fermés, il existe de

l'ataxie lorsque la main droite s'efforce d'aller toucher le nez on

l'oreille. Cette hémiataxie est surtout en rapport avec un trouble

du sens de la localisation des doigts et de la faculté d'apprécier les

reliefs, de reconnaître au toucher même de gros objets. En outre,

au moment où la malade parle, le bras droit, fléchi et un peu

étendu, est le siège de mouvements d'ouverture et de fermeture

alternatifs de la main qui commencent par le pouce et l'indicateur,

et aboutissent à une exagération de la flexion du coude avec

graduelle élévation du membre en avant, de sorte que la main se

porte à la bouche (automatisme); puis, on constate des rotations

choréïformes de l'épaule. Si l'on fait parler longtemps-la patiente,

et surtout si on lui procure une émotion pénible, sous l'influence

de ses efforts impuissants de parler, l'autre bras lui-même parti-

cipe aux mêmes troubles de la locomotion. Les mouvements vo-

lontaires commandés de la main gauche provoquent des mouve-

ments associés identiques de la main droite. Quand on fait tirer la

langue, opération qui s'exécute promptement et sans déviation,

voilà simultanément le pouce et l'indicateur de la main droite

étendus et écartés; faites rentrer la langue, ces doigts se re-

ferment. Même constatation lorsqu'on fait ouvrir et' fermer la

bouche.

488 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Comme il n'ya pas eu d'ictus, ni de douleurs de tête, ni sensibi-

lité à la percussion du crâne, ni névrite optique, on a affaire à un

foyer de ramollissement de la troisième frontale gauche. Les

troubles de la sensibilité et de la coordination du membre supé-

rieur droit peuvent tenir à un foyer cortical, ou plus profond, du

cerveau; s'il est cortical, il y a coparticipation soit de la région

motrice du bras, soit de la région pariétale. L'atteinte fonc-

tionnelle des fibres d'association explique les mouvements associés

sus-décrits. P . K 1,. It.\ V.% L.

LXXXVIII. Appareil d'induction réglable par l'électrode; par

A. SOENGER. (\'alrolory. Centt·ulbl., XVI, 1897.)

Quand on fait de l'électrodiagnostic, il faut aller à la table où

est l'appareil pour modifier l'intensité du courant, soit en dépla-

çant la bobine secondaire de l'appareil d'induction, soit en faisant

tourner une manivelle. Voici un système nouveau : on règle le

courant en pressant simplement un des deux boutons qui se

trouvent sur la poignée de l'électrode, on fait ainsi mouvoir, en

avant ou en arrière, ad libition, la bobine secondaire ; en d'autres

termes, on renforce ou on affaiblit le courant (voir le dessin pour

comprendre le mécanisme, dans le mémoire). P. Keraval.

LXXXIX. Observation DE paralysie du tact ; par DUMERS.

' (z\Tettrolord. Centrulbl., XVI, 1897.)

Homme de cinquante-un ans, ayant reçu, en 1870-71, à la ba-

taille de Woerth, une balle dans la tête ; elle aurait pénétré dans

le crâne, et n'aurait pas été retrouvée; esquilles, hémiplégie

gauche. Guérison en juin 18-il. Mais attaques convutsivos de la

moitié gauche du corps avec perte de connaissance. En 1890, agi-

tation, violences, hallucinations de la vue, migrations, affaiblisse-

ment de la mémoire, confusion dans les idées, obtusiou. Même

état en 1892 avec nombreuses attaques. Séquestré le 30 janvier

1894; guérison le 21k mars 1806, par K. Br. La moitié gauclie du

corps est le siège d'une diminution de la sensibilité au contact,

tandis qu'il existe de l'hyperesthésie à la piqûre. Partout, néan-

moins, le malade sent nettement les agents thermiques, la dou-

leur, l'électricité et conserve la notion de position. Si l'on place

des objetsdansla main gauche du maladedont on a préalablement

fermé les yeux, il en reconnaît les propriétés générales sans en

déterminer la nature ; pour qu'il arrive à les désigner, il faut

qu'il les louche de la main droite. Il reconnaîtra une brosse au

bruit que font les soies de celle-ci, le savon à son odeur, ce qui

indique- bien que la sensibilité tactile est seule atteinte. Puisqu'il

perçoit les qualités analytiques des corps, il y a réellement déficit

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 489

exclusif de la perception au toucher. Conclusion. Il existe une lé-

sion de l'hémisphère droit, entre le tiers moyen et le tiers inférieur

de la pariétale ascendante, qui, 'peut-être, intéresse aussi la partie

postérieure contigué du lobe pariétal, notamment du lobule pa-

riétal inférieur (supramarginal) ; ce qui tendrait à le prouver,

c'est la guérison des troubles de la motilité et de la sensibilité com-

mune, tandis que la paralysie purement tactile a persisté.

- %. P. Kebaval.

XC. LE centre COMPULSIF ET LE centre DE la locomotion au niveau

DE la protubérance; par W. DE BECHTEREW. ( ? leti2olog. CG)2L1'CILZ)L.,

XVI, 1897.)

Expériences de Souschtschinsky, Wyronbow, Todorski, Borisch-

polshy, dleyer. Il est vrai qu'une piqûre d'épingle dans la région

protubéranlielle du lapin détermine une attaque d'épilepsie com-

plète classique ; mais, chez le chien, pour arriver au même résul-

tat, il faut mettre l'aiguille en communication avec l'appareil de

du Bois-Reymond. Cela a lieu en réalité par la transmission de

l'excitation aux hémisphères cérébraux, et en particulier à l'écorce

de la région motrice, comme pour les attaques convulsives toxhé-

miques. Pour qu'il y ait convulsions cloniques, il faut agir sur

l'écorce. Les attaques d'épilepsie, quelle qu'en soit l'origine (ab-

sinthe, électrisation de l'écorce), procèdent toujours d'un afflux

sanguin au cerveau, constrastant avec une diminution de l'action

des vaisseaux sanguins du corps. Quand on pique le pont de

Varole du lapin, il se produit une congestion cérébrale tempo-

raire par diminution de l'action des artères des autres parties du

corps; de là l'attaque d'épilepsie. La simple piqûre du même

organe chez le chien ne produit pas le même résultat parce que

chez les animaux supérieurs, le cerveau ayant un gros volume, la

piqûre n'excite point les centres vaso-moteurs, il faut qu'une lésion

plus étendue agisse sur les conducteurs-moteurs. Il n'y a donc pas

de centre convulsif dans la protubérance, il y a des éléments mo-

teurs. Le centre moteur qui existe au niveau de la partie supé-

rieure du bulbe et de la protubérance est un centre locomoteur, un

centre spécial, apparié, destiné à la locomotion, qui commande à

l'activité associée des quatre extrémités de l'animal, qu'il s'agisse

d'une grenouille ou d'un animal supérieur. L'excitation indépen-

dante de ce centre engendrera des mouvements convulsifs comme

ceux qui surviennent à la suite des hémorrhagies violentes, ou quand

on a lié, soit les quatre artères cérébrales, soit les veines encépha-

liques, même chez les animaux auxquels préalablement on a

enlevé toutes les régions de l'encéphale situées en avant de la

protubérance. Mais l'excitation de ce centre provoquera des con-

vulsions toniques, et non pas une association régulière de convul-

490 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

sions toniques et cloniques comme celle qui résulte de l'excitation

des zones corticales motrices.

Cela ne veut pas dire que les convulsions cloniques soient exclu-

sivement et toujours dues à l'excitation de l'écorce. On les constate

notamment dans la commotion cérébrale, même chez les animaux

privés de leurs zones corticales motrices ; on les observe encore

quand on excite des territoires extracortrcaux, en particulier chez

les chiens choréiques qui n'ont pas succombé à la section trans-

vase des segments supérieurs de la moelle.

Cela veut dire que les convulsions cloniques à succession ra-

pide, caractéristiques de l'irritation des zones corticales motrices,

ne peuvent être engendrées ni par l'excitation de la protubérance,

ni parcelle d'autres territoires sous-corticaux. P. KERAVAL.

XCI. Remarques sur LES illusions microscopiques DUES A UN écrase-

MENT POSTMORTEM DE la moelle ET sur la formation DU névrome

dans cet organe; par H. SCHLMINGER. (z1'ezerolog. Ceutralbl.,

XVI, 1897.)

En procédant maladroitement à l'enlèvement de la moelle sur

le cadavre, on la contrit facilement et l'on constate ensuite, sous

le microscope, des aspects spéciaux qui en imposent pour des mal-

formations, des hétérotopies, des tumeurs. Ces produits artificiels

sont très connus dans les grands laboratoires. Aussi peut-on affir-

mer que les névromes de la moelle décrits par Raymond (Archives

de Neurologie, XXVI) et par Schlesinger (Arbeit. ans dem Laborato-

rium des prof. Obersteizzer, cah. 3, 189, Vienne), sont de vrais

névromes. P. KERAVAL.

XCII. Recherches expérimentales sur l'origine du trijumeau; par

G. 11LIATSCH61N. (Neiii-olog. Centi,albl., XVI, 1897.)

Préparations du trijumeau du chat parla méthode de Marchi et

AIâeC1 :

1° Quand on a lésé le tronc du trijumeau à la hase, à l'endroit

où le nerf vient d'entrer dans la substance cérébrale, on constate :

a) La dégénérescence des fibres des racines motrices et sensitives

jusqu'aux noyaux correspondants; b) La dégénérescence descen-

dante des racines spinales (Obersteiner), dont le noyau originel

forme la substance gélatineuse de Rolando; les fibres dégénérées

de ces racines entrent dans la substance gélatineuse, la suivent en

plein jusqu'à la hauteur de la deuxième paire cervicale; c) La

dégénérescence des fibres qui du trijumeau vont au cervelet ou à

la substance ferrugineuse de l'un ou l'autre côté. 2° La lésion

de la racine spinale à la hauteur des olives entraîne : a) Au-des-

sous de l'endroit lésé, la dégénérescence de toute la partie infé-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 491

rieure de cette racine jusqu'à la deuxième paire cervieale, les

fibres dégénérés pénètrent successivement dans la substance géla-

tineuse comme lorsqu'on a lésé le tronc du trijumeau; b) Au-

dessus de l'endroit lésé, il n'y a pas de dégénérescence, à part

quelques fibres qui, disséminées plutôt que groupées dans la partie

antérieure de la racine spinale, ne montent pas au delà de l'ori-

sine apparente de l'oculomoteur externe; à ce niveau ces fibres

semblent entrer dans la masse comme du corps restiforme.

3° La lésion du tronc des hémisphères dans la région du tubercule

quadrijumeau supérieur, à l'endroit où ce dernier possède des

cellules vésiculiformes qui donnent naissance à la racine cérébrale

de la cinquième paire (Obersteiner), entraîne une dégénérescence

descendante de ces fibres radiculaires; la plupart d'entre elles

gagnent en bas les fibres des racines motrices avec lesquelles elles

quittent le cerveau; quelques-unes entrent dans le noyau moteur

et se distribuent aux cellules de ce dernier. 4° La lésion du cer-

velet tout près des noyaux du trijumeau ne permet pas de suivre

le trajet des fibres de la racine sensorielle directe des auteurs ; on

ne peut percevoir de connexions du cervelet avec le trijumeau.

5° Les lésions de la substance cérébrale dans la région de la

substance ferrugineuse ne révèle pas les fibres qui, d'après les

auteurs, vont de cet endroit au trijumeau. - 6° A la suite d'une

lésion à la hauteur, des racines de la cinquième paire, du faisceau

longitudinal postérieur, on observe nettement comment les fibres

dégénérées, après entrecroisement sur la ligne médiane du côté

opposé, vont des deux côtés du raphé au noyau moteur. Ce sont

peut-être les fibres des pédoncules cérébraux décrites par Meynert

qui relient le noyau du trijumeau à l'écorce (voie centrale).

P. 111RAVdL.

XC111. CONTBIBUTION A LA CONNAISSANCE DU TROUBLE DE LA SENSIBILITÉ

DE BKRNHABDT A la cuisse ; par G. 11U : 3TEH. (LV8219'OIOIf. CC'1211'CIII.,

XVI, 1897.)

Le sujet de cette observation est un médecin. C'est un homme

de soixante-quatre ans, qui, sel la suite d'une longue piomenade

dans les musées de Berlin, éprouve il la face externe et antérieure

de la cuisse droite une brusque sensation de tension, d'engour-

dissement qu'il compare à une brûlure. Après des alternatives

variées, le phénomène disparait en quelques jours. Huit ans plus

tard, il reparaît en visitant les musées d'Italie; en outre, une

tension douloureuse, qui se transforme parfois en une vive

^piqûre, part du bassin et envahit la face antérieure et latérale de

la même cuisse jusqu'au genou, pour se continuer par un senti-

ment de contention marqué. La jambe gauche est, à son tour,

atteinte, quoique à un moindre degré. La pression de la peau

492 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

est douloureuse; celle des gros troncs nerveux ne l'est pas.

Mêmes oscillations qu'il y a huit ans, et tout disparaît. L'an der-

nier, à l'occasion de l'exposition de lierlin, sensibilité douloureuse

extrême et sensation de piqûre sur toute la face antérieure et

^latérale de la cuisse droite; depuis le bassin jusqu'au bord externe

de la rotule, réapparition de la tension, avec point particulière-

ment sensible à dix centimètres au-dessus de la rotule et à sept

centimètres de la ligne médiane, qu'exaspère d'abord la pression,

bientôt modératrice à son tour. Les mêmes accidents s'observent à

la cuisse gauche, mais disparaissent spontanément. Il fallut un

massage de plusieurs semaines, deux fois par jour, pour obtenir

de l'amélioration. L'examen de la sensibilité des nerfs fémoro-

cutanés des deux jambes ne fournit pas grand'chose; à droite,

sur une étendue de trente-deux centimètres de long et treize centi-

mètres de large, du grand truchanter au bord externe de la

rotule on constate une diminution de la sensibilité dans tous ses

modes, sauf en ce qui concerne la faradisation; une zone identique

existe à gauche, mais elle ne dépasse pas la largeur de la paume

de la main à douze centimètres du bord externe de la rotule et

au-dessus d'elle. P. KERAVAL.

XC1V. RR\fARQL'ES relatives au durcissement dans LE liquide DE

MULLER au formol (mélange DE ORT11); par 0. JUL11;SI3UIIGEti. (ue2(-

rolog. Ceitt-alb ? XVI, 1897.)

Dans ce liquide (voy. iV6zi7olog. CerztrcclGl., 1896 '), on laisse

séjourner deux à quatte jours de tout petits morceaux; on lave

ensuite à l'eau courante pendant vingt-quatre heures, puis on

place un jour dans l'alcool à rJ5°, un autre jour dans l'alcool

absolu. un troisième jour dans l'alcool éthéré, enfin on inclut dans

la celloidine. Ceci fait, par le traitement à la solution de bleu de

méthylène de Vissl ou développera les granulations des cellules

et l'on pourra combiner le traitement à l'éosine qui colore les

hémalies. Malheureusement, toutes les préparations ne conser-

vent pas le même temps leur coloration.

De belles et fidèles préparations sont obtenues en employant la

solution aqueuse à 1 p. 100 de rouge neutre à chaud pendant une

demi-minute ou trois quarts de minute; on décolore dans l'alcool

à 9a° ou absolu, puis on éclaircit à l'huile de bergamotte et on

inclut dans le baume de Canada. On peut encore employer une

solution aqueuse de thionine à 1 p. 100.

Les coupes colorées au bleu de méthylène à chaud seront succes-

sivement placées dans l'alcool absolu; un mélange d'essence de

térébenthine rectifiée, 5 p., et d'alcool absolu, 100 p.; l'alcool

' Voy..lrchives cle \'eurolorie.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 493

absolu. L'alun liématox3-lique colore irréprochablement les noyaux.

La coloration des cylindraxes peut se faire dans la fuchsine

acide. On place successivement les coupes dans la solution aqueuse

à 2 p. 100 pendant une minute, dans l'alcool à 80°, dans l'alcool à

95°, ou bien on emploie la méthode de Gieson.

Coloration au carmin et à la nigrosine, ou à la méthode de

1),il - on placera d'abord des coupes pendant vingt-quatre heures

dans un mélange de :

494 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

pôle de la première frontale, détruira des fibres, non de l'écorce

de ce pôle, mais de la partie moyenne de la circonvolution du corps

calleux. Un foyer occupant l'écorce du bord postérieur de la pre-

mière frontale, s'il empiète seulement de 2 millimètres sur la subs-

tance blanche, interrompra des fibres qui vont de la région frontale

supérieure ou moyenne à la couche optique. Donc, toute dégéné-

rescence secondaire, consécutive à des lésions frontales, dans la

racine antérieure delà couche optique, indique que la région pré-

fontale est en rapport avec la couche optique, aec plzc>w; il n'y a

que des lésions strictement circonscrites à l'écorce qui puissen

permettre des conclusions certaines et précises. Déjà nous avons

démontré que la sphère tactile du corps va jusqu'au tiers moyen du

lobe frontal ou du moins jusqu'au territoire de la première fron-

tale ; la limite antérieure de cette sphère est difficile à établir, car

le volume du lobe frontal varie suivant les individus (Archives de

Neurologie, t. I et III, 3" série, p. 37b et 131.)

De Monakow avait déjà signalé que le pôle frontal contient peu

de fibres du système de projection. 11 en est de même pour tous

les centres d'association. Mais il y a une remarquable différence

entreles divers centres sensoriels. Sans douteil est loisible d'admettre

que les centres d'association dans toute leur étendue s'unissent

avec le noyau médian de la couche optique, par quelques fibres de

projection isolées; mais il est difficile de préciser davantage les

délimitations des sphères seusorio-corticales, tant que le rapport

du noyau médian de la couche optique avec les conducteurs senso-

riels ne sera pas fixé par le développement ultérieur phylogénique

et ontogénique.

Voici quelques détails précis relatifs au faisceau acoustique ou

cochléaire chez un enfant né à sept mois, et qui a vécu quarante-

huit jours. Les trousseaux de la couronne rayonnante provenant

du corps genouillé interne sortent, pour la plupart, à la face supé-

rieure de cette masse grise, montent en haut et en arrière dans la

couche optique, passent par la capsule interne, et le segment le

plus reculé du putamen, et vont à la circonvolution transverse

antérieure du lobe temporal, dans laquelle on reconnaît des fibres

de la couronne rayonnante presque universellement pourvues de

myéline, tandis que les autres circonvolutions temporales (en

dehors de celle de l'hippocampe) manquent absolument de fibres

myéliniques. Donc, la circonvolution transverse antérieure du lobe

temporal contient les stations terminales des fibres conductrices

cochléaires; le faisceau cortical acoustique direct de Held fusionne

avec la couronne rayonnante du corps genouillé interne. Chez le

même enfant, la pariétale ascendante contient beaucoup plus de

trousseaux de projection myélinique que la frontale ascendante,

ce qui prouve que la pariétale ascendante se pourvoit de myéline

plus tôt que la frontale ascendante.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 495

Sur deux foetus de huit mois et de huit mois et demi, les fibres

de la couronne rayonnante du corps genouillé interne sont déjà,

à leur origine, pourvues de myéline, tandis que le bras postérieur

des tubercules quadrijumeaux ne contient que très peu de myéline;

donc le neurone supérieur des fibres auditives est pourvu de myé-

line avant que le neurone immédiatement inférieur ait terminé

cette phase de développement. P. KERAvaL.

XCVI. CONTRIBUTION A l'étude DE l'atrophie UNIL1TLR.1LE isolée (CON-

génitale ? ) DES muscles DE la face ; par M. BERNH.vRDT. (1'eu·olog.

Centralbl. XVI, 189-1.)

Il n'est pas démontré qu'il existe une paralysie faciale unilaté-

rale isolée congénitale (atrophie faciale infantile). Voici une obser-

vation dans laquelle la paralysie faciale unilatérale datait des pre-

miers jours de la vie : l'orbiculaire des paupières, du côté atteint,

était indemne; l'orbiculaire des lèvres et le dépresseur de l'angle

de la bouche réagissent un peu ; l'excitation du tronc du facial

ne fait contracter aucun des muscles tout à fait ou partiellement

conservés ; nulle anomalie des muscles intrinsèques ou extrinsèques

de i'oei) ; pas de nystagmus . Comparant cette observation aux

autres cas semblables, l'auteur reste dans le doute puisqu'il n'y a

pas d'autopsie. Il faudrait constaterl'atrophie congénitale du noyau

du facial, ou la lésion primitive des muscles, chez un individu ainsi

affecté, dans les premiers jours ou dans les premières semaines de

la vie, pour établir le foyer primitif, cela serait indispensable. Au

point de vue clinique, les paralysies faciales unilatérales qui, datant

de la première enfance, sont indubitablement périphériques peu-

vent, à tous égards, présenter le même complexus symptomatique

que les paralysies congénitales; on n'a certes pas encore constaté

d'arrêts de développement unilatéraux isolés, exclusifs au terri-

toire du facial. < P. KERAVAL.

XCVII. Tractus dégénérés dans LE TRONC DU cerveau par lésion DE la

MOELLE cervicale inférieure ; par F. DE SOELDER. (A'e : 0'0<0g'. Cen-

Fillette de treize ans, atteinte de fièvre avec symptômes spinaux

et névritiques persistant jusqu'à la mort survenue au bout de six

semaines. Foyer de ramollissement occupant l'espace compris

entre la partie la plus inférieure du quatrième segment Cervical

et le milieu du deuxième segment dorsal ; l'aire transversale de

cette altération varie à diverses hauteurs; mais il n'y a que les

portions marginales de la moitié dorsale de la moelle qui soient

tout à fait épargnées.

Dans la partie intermédiaire à la moelle et au bulbe, les cordons

49C REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

de Goll sont dégénérés dans toute leur étendue ; on constate dans

les cordons de Burdacb, des deux côtés, une large raie contigue au

cordon de Goll, qui, à la périphérie postérieure, s'infléchit en

dehors et occupe le bord. Mais, à droite, une zone indemne, étroite,

occupe la limite intermédiaire au cordon de Goll et au' cordon de

I)tirdacli et forme la lisière dorsale la plus externe du cordon de

13urdacli; au niveau du quart antérieur des cordons postérieurs,

cette zone disparaît. Le faisceau du cordon latéro-cérébelleux est

fortement dégénéré, si ce n'est un court segment de celui-ci con-

tigu à la zone marginale de Lissauer. Dégénérescence assez mar-

quée du faisceau de Gowers. Faisceau radiculaire des cordons

antéro-latéraux faiblement dégénéré.

En montant vers le cerveau, on constate que les faisceaux de

Goll s'irradient directement dans le cervelet (Hoche); qu'il existe un

faisceau du cordon postérieurcérébelleux direct qui tient ses fibres

et des cordons de Burdacli et des cordons de Goll ; mais ces deux

derniers ne fusionnent pas au-dessus du quatrième segment cer-

vical. -

Les cordons latéraux donnent naissance à quatre longs trous-

seaux délimitables ; deux coïncident avec les tractus cérébelleux

spinaux ascendants;deux trousseaux, pauvres en fibres, passent par

le tronc du cerveau entier, et peuvent être suivis jusqu'à la couche

optique.

Le trajet du faisceau de Gowers est, d'après les fibres dégénérées

qui lui appartiennent, bien celui que lui a finalement assigné

Hoche. A la hauteur des olives accessoires dorsales (postérieures),

dans la partie qui correspond à leur segment éloigné, les fibres

dégénérées du cordon latéral, triangulaire, sur une coupe trans-

verse, se décomposent en deux groupes : celui des fibres posté-

rieures ou dorsales, formant les derniers trousseaux en masse qui

aillent au tractus cérébrospinal dorsal ; celui des fibres antérieures

ou ventrales, se rassemblant en un trousseau assez compact, cylin-

drique, qui, n'étant séparé de la surface que par une lisière de

fibres arciformes externes, se dirige dans la profondeur du sillon

latéral antérieur. Ce dernier trousseau, à la hauteur de l'entrée

de l'acoustique, occupe la surface, mais est disséminé sur une aire

large. En entrant dans la protubérance, le faisceau longitudinal,

qui contient des fibres dégénérées, éclate parmi les trousseaux de

fibres trapézoïdes, à l'intérieur même de cette aire, limitée, sur une

coupe transverse par l'olive supérieure, le noyau du facial, les

racines émergentes du facial et la formation protubérantielle. Cou-

servant cette orientation latérale par rapport à l'olive supérieure,

les fibres dégénérées montent vers le cerveau dans la même situa-

tion vis-à-vis du noyau latéral du ruban de Iteil.

Le ruban de ltell latéral, dès qu'il es ! formé, se place en

dedans du faisceau de Gowers, dont il ne sera plus nettement

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE' PATHOLOGIQUES. 497

séparé : quelques fibres dégénérées pénètrent parmi les fibres

saines du ruban de Reil latéral et y demeurent.

Au moment où les pédoncules cérébelleux supérieurs arrivent

dans la calotte, les fibres dégénérées s'écartent latéralement d'eux

sur le bord externe et occupent, pour la plupart, le segment le plus

postérieur du ruban de Reil latéral des auteurs ; cet appoint, mé-

langé de quelques trousseaux indemnes, se rend à la valvule de

Vieussens. Une petite partie des fibres dégénérées demeurent

disséminées dans le ruban de Reil latéral et se placent en avant de

la partie la plus éloignée (à ce niveau) du tubercule quadrijumeau,

à peu près à l'endroit où le ruban de Reil latéral se divise en deux

trousseaux qui embrassent le noyau du tubercule quadrijumeau.

Nous renvoyons pour les autres détails au mémoire lui-même.

L'auteur croit qu'une partie du ruban do Reil latéral sert de voie

de communication directe entre les parties marginales du cordon

latéral de la moelle cervicale et probablement la couche optique.

Un autre trousseau tbalamospinal partirait, près du bord externe

des cornes antérieures, du faisceau radiculaire des cordons laté-

raux, gagnerait la substance réticulaire et, côtoyant le noyau des

pyramides, l'olive accessoire, les olives supérieures, la région du

tubercule quadrijumeau, arriverait à l'étage supérieur des pédon-

cules cérébraux où, situé en dedans du ruban de Reil principal, il

se souderait plus loin, après s'être détaché en dehors, aux fibres

précédemment décrites qui viennent du ruban de Reil latéral.

P. Keraval.

XCVHL UN cas POUR SER\ IR A l'étude DU MÉNINGIS.)IE; par CII. YERSIN.

(/ ? eu. inéd. de la Suisse romande, 1896, n° 2.)

XC1X. La fatigue intellectuelle ET son influence SUR la sensibilité

cu'rINLE; par T11.-Vannod. (Reu. mécl. de LeaSuisse romande, 1897,

n° 1.)

11 résulte de ce travail que, comme Griessbach l'avait déjà

démontré, la fatigue intellectuelle occasionne un affaiblissement

des perceptions des sensations tactiles. Parmi les branches de

l'enseignement qui épuisent particulièrement les élèves, il faut

citer les mathématiques et les langues anciennes. Les heures de

leçons données l'après-midi fatiguent beaucoup plus que celles

données le matin. Les après-midi de liberté produisent en général

un retour à la normale des perceptions des sensations tactiles.

Les travaux écrits servant d'examens partiels provoquent une

fatigue intellectuelle intense; celle-ci à son tour détermine une

hyperesthésie de la sensibilité à la douleur.

En résumé, la conséquence de la fatigue cérébrale est l'/tt/pet'es-

thésie accompagnée (I'hype ? ,algésie. G. DENY.

Archives, 2e série, t. V. 32

498 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

C. DES NOEVI dans LEURS rapports avec LES territoires NERVEUX.

essai DE patiiogénie ET u'étiologie; par G. ETIENNE (IYOIIV. iC0720g7'.

de la Salpêlrière, 110 4, 89T.)

Depuis que l'attention a été attirée vers la distribution de cer-

" tains noevi suivant les'territoires de branches nerveuses, l'auteur

a eu l'occasion d'observer toute une série de cas, à systématisa-

tion plus ou moins évidente, mais toujours réductible à une topo-

graphie régulière. Il nous en donne les observations détaillées,

accompagnées de photographies. Tous ces cas (noevi pigmen-

taires simples, verruqueux et pileux, vasculaires veineux) peuvent

se diviser en trois groupes, au point de vue de leur topographie

générale : I. Plexus cervical superficiel. - II. Trijumeau.111. In-

tercostaux. En comparant ces cas personnels avec ceux qui ont

été publiés antérieurement et chez lesquels la distribution des noevi

s'étendait entre les territoires nerveux suivant les lignes de Voigt,

on doit reconnaître deux groupes de faits : 1° ceux dans lesquels

le naevus occupe le territoire d'un nerf ou son trajet; 2° ceux dans

lesquels le ncevus occupe la zone intermédiaire entre deux terri-

toires nerveux voisins. Dans l'un comme dans l'autre cas l'ano-

malie congénitale doit être attribuée à un trouble dans le dévelop-

pement embryologique de la peau. Quelle est la cause de ce

trouble ? Névrite intra-utérine par intoxication ou infection ? Mais

cette lésion ne saurait expliquer tous les cas, particulièrement

les noevi successifs ou symétriques, qui au contraire s'expli-

queraient par l'hypothèse d'une myélite intra-utérine.

Les noevi, reconnaissant pour origine une lésion nerveuse intra-

utérine, peuvent donc être attiibués à une lésion du neurone sen-

sitif direct par altération, soit d'un ganglion rachidien ou prolon-

gement périphérique d'où uaevi développés sur le territoire d'un

nerf anatomiquement précisé, soit d'un prolongement central ou

radiculaire postérieur, myélite expliquant les noevi sériés, symé-

triques et obliques. Il. Citaaov.

CI. Contribution : 1 l'analyse critique DES convulsions qui succèdent

au rappel A la vite des pendus; par XOMPE. 1VCLLTOfOLJ. Centrafbf.,

XVI. 1897.)

La statistique démontre qu'en Allemagne, entre tous les modes

de suicide, c'est la pendaison qui est le plus fréquent, et que le

rappel à lavie y est relativement bien plus rare que dans les autres

modes de suicide. En voici une observation. Or, tous les cas publiés'

frappent par l'apparition de convulsions, avant que ces ressuscités

aient repris connaissance, mais après que la respiration a été réta-

blie ; ces convulsions, épileptoïdes, hystéroïdes, tétanoïdes et clo-

niques, durent, suivant les cas, une heure à douze heures.

BIBLIOGRAPHIE. .499

Dans tous ces cas, il s'est produit plus ou moins, de l'asphyxie,

une obturation des carotides, une constriction du pneumogas-

trique. - .

L'asphyxie du pendu a lieu par défaut d'oxygène dû à l'entrave

qu'apporte la corde à l'écoulement du sang veineux, à son retour

du crâne ; il en résulte la perte de connaissance qui survit à la res-

piration et à la reprise de l'activité cardiaque. Or,. l'asphyxie par

stase veineuse entraîne des convulsions par excitation du bulbe

parce que les troubles de nutrition du cerveau produits par l'as-

phyxie ne sont point compensés aussitôt après le rappel à la vie.

L''obsGructiozz des carotides , dans le cas où la suspension n'a été

que temporaire, se traduit par de l'hyperémie cérébrale qui suc-

cède à l'anémie, dès que le pouls et la circulation ont été rétablis.

Cette hyperémie entraîne des convulsions.

La compression du pneumogastrique enserré dans la même gaine

que la carotide et la jugulaire interne, attestée alors par le ralen-

tissement du coeur, a le même effet physiologique que la ligature

des carotides. (Tamassia) ,

On voit qu'il n'est pas nécessaire de faire intervenir un autre

facteur mental ou hystéro-traumatique.

Dans l'observation présente, c'est la fermeture des carotides qu'il

faut incriminer, car on constate l'existence du phénomène de

Chevnes-Stokes. P. Kehaval.

BIBLIOGRAPHIE.

XIt..E< : t</6 sur la lucidité et la démence ; par le D J. Dusiaz, direc-

teur médecin eu chef de l'asile public d'aliénés de Bassens (Sa-

voie). Imprimerie nouvelle de Chambéry, 16o pages.

Cette monographie importante, écrite avec beaucoup de clarté

et de précision, pourra être consultée avec fruit non seulement

par les aliénistes, mais par tous les médecins et par les magis-

trats.

Dans la première partie, M. Dumaz étudie la lucidité d'esprit

dans l'aliénation mentale au point de vue medico- iégal et dans la

seconde la responsabilité pénale.

La lucidité qui permet de faire des actes civils valables et la res-

ponsabilité pénale ne sont pas toujours deux faits connexes,

peuvent être indépendants l'un de l'autre. Etre lucide, c'est savoir

500 BIBLIOGRAPHIE.

ce qu'on fait, savoir pourquoi on le fait. Les monomanes entraînés

par des impulsions irrésistibles ne sont pas responsables de leurs

délits, tandis qu'ils sont capables de disposer légalement de leur

bien. La responsabilité pénale d'un acte entraîne généralement la

^lucidité d'esprit, mais cela n'a pas toujours lieu, elle peut coïncider

avec la perte de la raison comme dans l'ivresse qui n'est pas une

excuse légale.

La lucidité peut être nulle, partielle ou complète. Elle est nulle

dans la démence, l'idiotie, l'imbécillité et le crétinisme. Elle est

partielle ou relative dans la mélancolie avec conscience, l'hypo-

chondrie, le délire des persécutions, l'érolomanie,le mysticisme, la

folie du doute, l'autoculpabilité, la mégalomanie, la perversion de

-l'instinct sexuel.

Elle est complète dans les hallucinations sans délire, et les im-

pulsions irrésistibles. Elle peut l'être également dans l'intervalle

des accès de l'excitation maniaque, de la manie incohérente, de la

lypémanie, de la folie circulaire, puerpérale, alcoolique, épilep-

tique, hystérique, névrophatique, choréique, pendant les rémis-

sions de la première période de la paralysie générale.

Pour guider les médecins étrangers à l'étude de l'aliénation

mentale dans leurs rapports médico-légaux, M. Dumaz donne une

description succinte des formes que celle-ci présente.

Lorsque la lucidité n'est que partielle, la validité des actes peut

cependant être admise conformément à l'article 504 du Code civil,

quand ces actes sont raisonnables, ne sont pas inspirés par des

idées délirantes.

Le médecin expert, appelé à se prononcer sur ces actes, doit

s'entourer de tous les renseignements possibles et ne pas

craindre de faire connaître exactement son opinion, quelle qu'elle

soit.

Les médecins des asiles d'aliénés sont souvent consultés sur la

lucidité de leurs malades. Les notaires leur demandent, par

exemple, s'ils sont capables de signer une procuration pour la ges-

tion de leurs biens. Comme cette procuration est moins onéreuse,

porte moins de préjudice aux intérêts des aliénés qu'une interdic-

tion, j'avais toujours l'habitude dans les cas de lucidité partielle

d'émettre verbalement un avis favorable. Les notaires se conten-

taient de ce simple avis et agissaient sous leur propre rerponsa-

bilité après un examen sommaire des malades.

Les familles abusent souvent de l'interdiction, réduisent le plus

possible les dépenses de-leurs parents interdits, ne pensent qu'à bé-

néficier de leurs revenus.

Tous les projets concernant la réforme de la législation des alié-

nés ont songé à prévenir ces abus, mais cette réforme verra-t-elle

jamais le jour ?

M. Dumaz étudie avec beaucoup de détails l'irresponsabilité pé-

BIBLIOGRAPHIE. ë0t*

nale, rapporte un certain nombre de rapports médicaux dont il a

été chargé par le tribunal de Chambéry et publie une observation

très longue et très intéressante de deux jeunes filles atteintes de la

folie des persécutions à deux. Elles présentaient toutes les deux

absolument les mêmes conditions délirantes. Elles avaient perdu

leur fortune et accusaient le notaire qui avait été chargé de leurs-

affaires d'en avoir volé une partie. Elles prétendaient que le prési-

dent dutribunal qui avait rejeté l'accusation qu'elles avaient dirigée

contre le notaire, avait commis une grande injustice à leur égard;

elles adressèrent ensuite le même reproche au procureur général,

au ministère de la justice, qui ne les avaient pas soutenues contre

le président du tribunal. Elles ne cessaient de poursuivre de leurs

diffamations injurieuses, de leurs menaces les personnes qu'elles

considéraient comme leurs persécuteurs. Elles étaient très intelli-

gentes, soutenaient avec beaucoup de vigueur, avec une logique très

serrée leurs accusations.

M. Boudric, alors directeur médecin de l'asile de Bassens où

elles avaient été placées en observation les déclara atteintes de la

folie de persécution à deux; mais son opinion fut combattue par

deux autres médecins qui déclarèrent qu'elles ne présentaient

qu'une simple exaltation personnelle non suffisante pour faire dis-

paraître la responsabilité de leurs actes. Elles furent mises en

liberté. 1

A la suite de nouveaux rapports de MM. Lacassagorde, Dufour,

Dumaz qui donnaient raison à M. Boudric, elles furent replacées

de nouveau et maintenues à l'asile de Bassens.

M. Dumaz n'admet pas la responsabilité partielle des aliénés,

parce qu'il est -impossible de graduer cette responsabilité et que,

lors même que le délire n'est pas général, la volonté reste impuis-

sante pour empêcher la perpétration d'actes coupables. Un autre

argument qu'on pouvait invoquer en faveur de son opinion est que

la déclaration de responsabilité partielle de la part des médecins

experts entraîne presque toujours l'acquittement complet des in-

culpés qui sont mis immédiatement en liberté tandis qu'ils de-

vraient être placés dans une asile d'aliénés comme étant souvent

plus dangereux que les individus ayant perdu complètement la

possession de leur libre arbitre.

M. Dumaz demande, pour éviter les condamnations sifréquentes

des aliénés criminels dont les troubles psychiques passent inaper-

çus, que chaque inculpé ait sa fiche mentale de même qu'il a sa

fiche anthropométrique. Cette fiche serait établie par le médecin

de la prison d'une manière très succincte aussitôt après l'entrée

de l'inculpé à la maison d'arrêt et quand elle porterait des

présomptions en faveur de l'aliénation mentale, le juge d'ins-

truction devrait charger un médecin aliéniste de faire un rapport

sur lui.

§02' BIBLIOGRAPHIE.

Cette fiche mentale, à laquelle nous avions pensé nous-même au-

trefois, serait une très heureuse innovation qui ne grèverait pas

beaucoup le budget du ministère de l'intérieur. Il se plaint de la

sortie prématurée des asiles qui est ordonnée parfois par le tribu-

nal pour certains aliénés criminels contrairement à l'avis des alié-

nistes sur des rapports de médecins ordinaires, incompétents en

aliénation mentale, sortie qui peut constituer un grave danger

pour la sécurité publique. Il ne m'est pas arrivé de voir accorder

dans les asiles que j'ai dirigés de sorties semblables ; mais les pro-

cureurs de la République, sans aller jusqu'à les réclamer auprès des

tribunaux, ont fait plusieurs fois auprès de moi des instances pour

que je les accorde. Le seul moyen de les empêcher consisterait à

construire pour les aliénés criminels des asiles spéciaux,'dont ils ne

sortiraient qu'après la constatation de leur guérison par une com-

mission composée de magistrats et de médecins aliénistes.

La construction de ces asiles, que j'ai réclamée depuis longtemps

avec d'autres médecins, aurait en outre pour avantage de débar-

rasser de ces aliénés les établissements où on les place actuelle-

ment, pour lesquels ils sont une cause permanente de désordres

sous tous les rapports et d'améliorer leur position. Le ministre de

l'intérieur nous recommandait, à l'asile d'Evretix qui reçoit ceux de

Gaillon ayant fini leur peine et dont le domicile de secours n'est

pas encore reconnu, d'exercer à leur égard les mesures les plus

rigoureuses de surveillance pour empêcher leur évasion et si, par

hasard, il s'en produisait une parce que nous nous étions un peu

relâché de ces mesures, nous recevions un blâme sévère.

. Il en résultait que nous étions forcés de les tenir toujours ren-

fermés dans les divisions des agités et de la surveillance continue.

de les priver de travail et de toute liberté, ce qui aggravait leur

état mental. Dans des asiles spécialement organisés pour eux on

pourrait prendre les mesures nécessaires pour empêcher leur

évasion tout en les occuptant dans les ateliers, et en leur accor-

dant une certaine liberté, ce qui n'est pas possible dans les asiles

qui, comme celui d'Evreux, n'ont pas de mur de clôture.

D1' Daniel Brunet.

XIII. L'intervention chirurgicale dans les épilepsies; par C. Winkles

(Ier congrès international de psychiatrie et de neurologie,

Bruxelles, septembre 1897). n

Malgré les nombreuses déceptions auxquelles les interventions

opératoires dans les affections cérébrales, et notamment dans l'épi-

lepsie, ont donné lieu, la chirurgie cérébrale est restée à l'ordre du

jour.. Le champ est trop vaste et trop beau pour que l'espoir

d'une médication directe sur un organe, tel que le cerveau, dont le

fonctionnement merveilleux a si vivement attiré les recherches

BIBLIOGRAPHIE. 503

des médecins et des physiologistes qnisont arrivés à en différencier

les fonctions délicates, à dissocier et à localiser l'assemblage des

centres multiples qui le composent, n'ait tenté les chirurgiens. Si

les résultats de l'ouverture du crâne des épileptiques ont été sou-

vent peu encourageants, cela tient peut-être à ce que l'on s'est

pressé dans cette nouvelle voie ouverte par la connaissance des

localisations cérébrales, et que les progrès de l'antisepsie proté-

geaient, avant de poser des bases alors rigoureusement exactes, les

indications opératoires, et que l'on a opéré à tort et à travers des

épileptiques nullement justiciables de l'opération, qui reste, dans

certains cas bien définis, légitime et nécessaire. Et les auteurs

semblent revenir à une plus juste appréciation des choses en ce

qui concerne la chirurgie cérébrale, qui, comme le Dr Winider,

cherchent avant tout à préciser l'indication des interventions dans

l'épilepsie, et se font une opinion plus sévèrement exacte quant à

la possibilité d'une amélioration par les procédés opératoires.

Pour cet auteur, toute épilepsie est symptomatique. Aucun neu-

rologiste n'aurait le courage de tracer la ligne de démarcation

entre l'épilepsie partielle et l'épilepsie essentielle. Dans certains

cas l'épilepsie généralisée peut très bien se prêter à une interven-

tion chirurgicale, tandis qu'une épilepsie partielle ne s'y prête

absolument pas. La distinction en épilepsie dite idiopathique et

épilepsie partielle paraissait créée tout exprès pour les chirurgiens

et semblait, étant donné qu'on tend de plus à ne considérer l'épi-

lepsie que comme un syndrome, dont les conditions anatomiques

bien souvent nous échappent, ne devoir être conservée que par

eux. M. Winkler la repousse, précisément au point de vue des

interventions chirurgicales, et cette conception de l'épilepsie élar-

git singulièrement le champ de ses investigations. Il s'agit des

« épilepsies », dont l'origine est si diverse. V. Feré. Les Epilepsies

et les Epileptiques. Paris 1890.

Nous verrons que les convulsions partielles indiquent seulement

que l'écorce motrice se décharge, mais rien de plus. Le fait cepen-

dant de l'existence d'un point de départ bien circonscrit, souvent

cortical, des convulsions a une signification thérapeutique consi-

dérable, depuis les connaissances actuelles sur les localisations et

sur la topographie cérébrale. L'idée de la décharge paroxystique

est applicable aux fonctions sensibles et sensorielles, aussi bien

qu'aux fonctions motrices. Hughlings-Jackson. Lectures on thedia- ? <M : s of Epilepsy (Branaed. Jouin. 18-19). L'aura épileptique le

démontre bien. Une odeur horrible, c'est-à-dire une odeur olfactive,

précédait l'accès convulsif; on trouva une tumeur du lobe temporo-

sphénoïdal. Hughlings-Jackson and Beevor. (Bmcüzall). James-An-

derson.OnsensorBpilepsy.(Ewaizz1886).Unelumièrevive, décharge

visuelle, précédait l'accès épileptique : on trouva une lésion du pli

courbe. Hughes Bennett and Peace Gould. Brit. nzed. Journ. Jan.

504 BIBLIOGRAPHIE.

1. 1887. vol. 1. 'aii Eidl, 1807.) Une aura intellectuelle, vive rémi-

niscence d'un état mental passé, la décharge des souvenirs, si l'on

veut, fut causée par une lésion des lobes frontaux. Hughfings-

Jackson. Intellectual Aura. (Brain XI. 1889, p. 185). L'étude clinique

de l'épilepsie, ou mieux, desépilepsies, fut reprise alors d'une toute

autre manière qu'auparavant. Tandis que depuis des siècles on

cherchait à analyser l'accès proprement dit, complet, on comprit

l'importance de cette aura, attaque légère, décharge faible, trop

faible pour voiler ou abolir la conscience, insignifiante pour le

malade, et qui devint un point de repère, qui acquit bientôt une

valeur diagnostique beaucoup plus grande que l'accès lui-même, et

dirigea les études du médecin, car l'accumulation des décharges

multiples, avec états secondaires et perte de conscience, restera

peut-être toujours inaccessible à nos efforts analytiques. L'accès

est pour ainsi dire l'acmé, que les décharges légères tendent à

atteindre. Cette attaque faible eût été de plus haute valeur théra-

peutique, puisqu'elle pouvait indiquer, dans certains cas, le point

de départ de la décharge paroxystique.

Mais la question n'est pas toute entière au point de vue théra-

peutique comme, du reste, au point de vue de la pathogénie, dans

la détermination du point de départ des décharges existantes, et

c'est là une partie difficile et importante de la tâche du clinicien.

En face de l'hypothèse des décharges différentes et multiples, la

thérapeutique allait avoir une lâche bien plus difficile à remplir

qu'autrefois. Elle devait tenir compte : d'abord de la constitution

du système nerveux, assez infirme pour permettre une décharge

quelconque; en second lieu, du stimulant provocateur de la dé-

charge, qui peut être agent toxique, mécanique, ou autre; en troi-

sième lieu seulement, du point de départ réel des décharges. Ce

serait une faute grave en effet que d'identifier dans tous les cas

le centre qui se décharge avec le foyer épileptog8ue (lésion déchar-

geante) qui cause la décharge. On a attribué une valeur diagnos-

tique trop grande aux convulsions partielles, qui indiqueraient,

outre la décharge des centres irrités, la maladie de ces centres.

C'est ainsi qu'il existe des épilepsies partielles, quoique toxiques,

et cependant on ne songera jamais à la trépanation dans l'épilep-

sie partielle urémique, diabétique, saturnine, alcoolique. V. Chan-

temesse et Tenesson. Hémiplégie et Epilepsie partielle urémique.

(Rev. de Dled.1885). On objectera peut-être que l'hémiplégie dans

ces cas, l'épilepsie est due à l'oedème partiel, ou à des lésions cir-

conscrites, nées de l'intoxication, et non à l'intoxication elle-

même. Ceci ne prouve pas moins l'inopérabilité de ces cas.

Tout un autre groupe d'épilepsies partielles prouve encore que

la décharge d'un centre ne comporte pas nécessairement la lésion

de celui-ci. Ce sont les épilepsies réflexes, preuves évidentes que la

zone épileptoèiie peut être trouvée presque partout sur le corps,

BIBLIOGRAPHIE. 505

même lorsque les décharges partielles se rapprochent de très près

des convulsions corticales. On connaît des épilepsies réflexes par-

tielles, à type brachial, d'origine oculaire, auriculaire. Boucheron.

Epilepsie d'origine auriculaire. (Ac. des sciences. Juillet 1885 et

nov. 1887). Monfflier. Union med. du ou tenant à des

lésions des cavités uasales.Iijelinan. Brrl. llin 117ocheizschiift, 1894,

p. 316. Marchai Hall (Tlte Lancet, 1849, vol. I, n° 3, and n° 11).

Elles siègent surtout dans le domaine du trijumeau. D'autres

relèvent d'un traumatisme des extrémités et guérissent après exci-

sion d'un neurone ou d'une cicatrice du membre blessé. Ces épi-

lepsies sont rares. La statistique militaire allemande donne le

chiffre de 0.076 p. 100 pour l'ensemble des plaies suivies d'épilep-

sie. La monoplégie ou l'hémiplégie peuvent même accompagner

ces accès d'épilepsie réflexes et il peut être difficile de dire si l'épi-

lepsie est d'origine réflexe ou corticale, d'autant plus que le trau-

matisme périphérique peut être seulement la cause déterminante

par laquelle une lésion préexistante du cerveau devient une lésion

déchargeante. Ce qui peut caractériser l'épilepsie réflexe, c'est

l'existence de spasmes unilatéraux du même côté que le trauma-

tisme. ' '

Peut-être le caractère tonique des convulsions prédominant dans s

les spasmes, peut-il aussi caractériser l'épilepsie réflexe, et rendre

suspecte l'origine exclusivement corticale de l'accès. Cette prépon-

dérance des spasmes toniques s'expliquerait par la participation

des centres sous-corticaux, qui se déchargeraient à côté des centres

corticaux.

Les centres sous-corticaux peuvent également déterminer des

spasmes unilatéraux et partiels.

En définitive, nous arrivons à conclure que ces spasmes partiels

ont une valeur à peu près nulle quant la détermination du siège

de la lésion déchargeante, du foyer épilep,o-ène. Toute lésion du

cerveau, dans n'importe quelle partie, peut provoquer un accès

épileptique, avec convulsions localisées pourvu que la prédisposition

épileptique existe. L'indication d'une intervention chirurgicale ne

sera donc jamais fournie par l'existence d'une épilepsie dite jalçsoii-

nienne ou idiopathique ! 11 faut chercher la lésion qui produit les

décharges ! Il n'y a pas de chirurgie des épilepsies. Mais il y a celle

du cerveau et du crâne.

La prétention de celte chirurgie cérébrale est de pouvoir recon-

naître quelques épilepsies justiciables de l'intervention. Elle admet

qu'uneépifepsie peut être symptomatique d'une lésion quelconque

du cerveau, tandis que, la prédisposition épileptogène faisant

défaut, la même lésion ne fournit pas ce symptôme. Elle admet en

outre qu'une lésion unilatérale quelconque peut provoquer des

spasmes unilatéraux, et qu'il est cependant possible de déterminer,

parmi le grand mélange des spasmes toniques et cloniques, ceux

506 BIBLIOGRAPHIE.

qui partent de la zone motrice ou des parties avoisinantes, et

doivent servir de point de repère. Elle doit alors reconnaître si la

lésion est assez superficielle, accessible, circonscrite, et de nature

à permettre l'ablation.

C'est ainsi que l'intervention est toujours indiquée dans les cas

de spasmes subintrants partant toujours du même groupe muscu-

laire, avec une phase tonique de courte durée, s'étendant aux

autres groupes dans l'ordre que la position des centres moteurs de

l'écorce leur. indique, sans une faute dans I*ot-dre de leur siieces-

sion. Cet « état de mal unilatéral » ne se produit que sous l'in-

fluence d'une lésion siégeant directement sur la zone motrice. D'où

l'indication absolue de l'intervention.

L'intervention est indiquée dans les cas d'hémorrhagie subdu-

rale traumatique. et réussit à peu près toujours. Mais s'il s'agit de

pachyméningite hémorrhagique au cours delà paralysie générale,

de l'alcoolisme, ou de la syphilis, le résultat est moins satisfaisant;

et M. Winider cite quatre paralytiques généraux chez lesquels on

pratiqua l'ouverture du crâne dans ces conditions, et qui succom-

bèrent peu après. c La différence existant entre les hémorrbagies

subdurafes traumatiques et celles relevant d'une autre cause,

saute aux yeux ». Viennent ensuite toutes les tumeurs corticales

situées dans la zone motrice, les cicatrices fendant l'écorce mo-

trice. Là encore, on constate une grande différence suivant que

la lésion relève d'un traumatisme ou d'une autre cause. Les cas

d'épilepsie à antécédents traumatiques fournissent les plus beaux

résultats. L'épilepsie survient un temps variable après le trauma-

tisme, quelques semaines ou des années après; il éclate à l'occasion

d'un accident quelconque, d'une émotion, par exemple. Il faut

bien admettre qu'il s'est créé une certaine prédisposition épilepto-

gène, ou, s'il elle existait, qu'elle a augmenté pendant ce temps.

Mais l'existence d'une cicatrice extérieure, bien qu'elle ait une

valeur diagnostique extrême, quant à la nature de l'épilepsie,

n'indique nullement le siège de la lésion et la concordance topo-

graphique absolue de la cicatrice avec la lésion cérébrale est un

cas rare. Nombreux sont les cas où, après incision de la dure-

mère au niveau de la cicatrice superficielle, on ne trouva pas de

lésion, ce qui arrive lorsque les convulsions partielles seules

guident le chirurgien. Seuls les symptômes initiaux de l'accès, non

pas seulement la première convulsion, mais toute sensation précé-

dant le spasme, l'aura elle-même, dépendent uniquement de la

lésion cérébrale.

. Il s'agit donc de déterminer exactement le siège de la lésion

interne, car le succès dépend de la possibilité d'éliminer cette

lésion, et la guérison exige l'ablation totale de la lésion déchar-

geante. Nous savons que l'idée de la décharge est applicable aux

fonctions sensibles et sensorielles.

BIBLIOGRAPHIE. 507

L'aura sensorielle ou sensitive doit être recherchée exactement,

et, lorsqu'elle existe, attirer seule l'attention. La première secousse

musculaire n'indiquerait nullement le siège de la lésion. Lorsque

la lésion est située à la partie postérieure de la zone motrice,

l'aura sensitive précède les convulsions unilatérales et partielles.

Lorsqu'une aura intellectuelle précède les spasmes unilatéraux,

c'est dans le lobe frontal qu'on doit chercher la lésion déchar-

geante ; l'aura visuelle, avec ou sans hémianopsie incomplète,

indique une lésion du pli courbe. L'aura olfactive indique une-

lésion du lobe temporo-sphénoïdal.

Si donc l'aura, qui précède les convulsions, peut et doit servir

de point de repère, elle prend une importance considérable pour

les opérateurs. Dans les épilepsies sans antécédents traumatiques

et sans cicatrice visible, l'accès constitue le seul indice de localisa-

tion.

- On a essayé d'exciser la lésion déchargeante diagnostiquée par

l'existence de symptômes initiaux précis, sans que l'écorce paraisse

altérée à l'eeil nu. Ces opérations n'ont pas eu le succès auquel on

aurait pu s'attendre, bien que l'excitation faradique ait démontré

qu'onse trouvait bien en présence du centre cherché. Mais le centre

excisé était-il vraiment le foyer épileptogène ? Pour en être sûr, il

aurait fallu reproduire, avec le courant faradique, l'attaque con-

vulsive toute entière, avec l'aura paroxystique. Chez un épileptique

âgé de vingt ans, ayant des accès depuis trois ans, l'accès débutait

par une aura sensitive partant des doigts de la main gauche. On pra-

tiqua à deux reprises différentes l'extirpation dn centre des mouve-

mentsdelamain gauche, après vérification du centre par l'excitation

faradique. Le résultat était peu satisfaisaient. Une troisième inter-

vention est décidée et, en explorant la zone motrice, M. Winkier

trouve au niveau du lobule pariétal inférieur un point où le cocu-

rant le plus faible fait naître une attaque convulsive unilatérale

gauche, partant du petit doigt, identique aux convulsions sponta-

nées. Ce point de l'écorce cérébrale est excisé au thermocautère.

Le résultat fut très satisfaisant. '

Si donc l'inlervention chirurgicale dans certains cas bien définis

d'épilepsie partielle à localisation corticale n'a pas donné les résul-

tats qu'on était en droit d'en altendre, cela tient probablement à

ce que, bien qu'on ait enlevé le centre des mouvements initiaux de

l'accès, le centre excisé n'était pas le véritable point de départ de

la décharge. C'est de la détermination de ce premier foyer, qui

peut être situé en dehors de la zone motrice, que dépend le résul-

tat de l'opération.

Ainsi comprise, la chirurgie cérébrale, liée intimement à la

physiologie du cerveau, jouera un rôle très grand dans l'avenir,

lorsque la physiologie de l'écorce cérébrale sera plus connue. : DARDEZ.

508 BIBLIOGRAPHIE.

XIV. Contribution à l'étude clinique de la méningite spinale syphili-

tique; par le Dr C. Pelletier. (Thèse de .Lyon, 1897.)

Il existe une méningite spinale syphilitique, évoluant isolément

en dehors de toute affection médullaire. Beaucoup d'auteurs affir-

ment même que toute syphilis médullaire débute par une ménin-

gite spinale, la méningo-myélite de Lamy n'étaient que la seconde

phase du processus.

Dans certains cas, la méningite spinale syphilitique peut rentrer

dans la catégorie des accidents dits précoces. Eu effet, elle peut

quelquefois faire sa première apparition dans la première année,

dans les premiers mois mêmes qui suivent l'ulcère infectant. D'ail-

leurs, alors même qu'elle est tardive, elle n'en ouvre pas moins la

scène des accidents médullaires.

Cliniquement, c'est une affection apyrélique qui présente une

évolution spéciale. La propagation se fait suivant la gaine ménin-

gée des nerfs rachidiens et suivant le squelette conjonctif d'origine

pie-mérienne qui pénètre dans les sillons médians antérieur et pos-

rieur de la moelle.

D'un diagnostic difficile, quoique le plus souvent pénible, ayant

son siège d'élection dans la région cervicale, elle se rapproche

beaucoup de la pachyméningite cervicale bypertropique de Char-

cot et Joffroy. Elle est souvent confondue avec les affections rhu-

matismales ou simule une névrose : d'où le nombre assez restreint

d'observations qu'on a donné jusqu'à ce jour.

Si l'intervention est rapide et énergique, la guérison peut sur-

venir : mais si la méningite spinale est méconnue, elle devient une

myélite banale, contre laquelle les traitements divers échouent,

puisque dans Jes myélites précoces, les plus curables, la sta-

tistique de Gilbert et Lion donne encore [un tiers de cas rapide-

ment mortels.

Le^traitement sera instinctif et mixte. On administrera l'iodureda

potassium, et des frictions mercuriellesseront pratiquées indépen-

damment des révulsifs locaux, pointes de feu, emplâtre de Vigo, qui

ne doivent pas être négligés. D'' F. DEVAY.

XV. Considérations critiques sur l'étioloflie de la paralysie générale

et de la syphilis comme facteur essentiel; par le DrJ. CLERC, élève

de l'école du service de santé militaire. Lyon, décembre.

Ce travail se termine par des conclusions suivantes : l'étiologie

d'une maladie doit expliquer toutes les formes de cette affection :

l'hérédité pure, le surmenage, l'alcoolisme pur, les tendances con-

gestives peuvent rendre compte de faits particuliers, ainsi que cer-

taines attelions, comme le saturnisme et la fièvre typhoïde, dans

l'étude de la paralysie générale ; mais ils ne peuvent expliquer

BIBLIOGRAPHIE. 509

les paralysies générales juvéniles, les paralysies générales conju-

gales ni les paralysies générales produites par un véritable con-

tage. La syphilis à elle seule, héréditaire ou acquise, peut être la

cause de toutes les modalités de la paralysie générale ; elle peut

parfaitement produire les lésions de la paralysie générale qui, sou-

vent, peut être appelée syphilis cérébrale diffuse. n

La thérapeutique iodurée et mercurielle est puissante dans la

paralysie générale au début, et confirme encore l'étiologie syphili-

tique de cette affection. Dr F. DLIVAY.

XVJ. Thèses de la Faculté de médecine de Paris, relatives aux maladies

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XV11. Nouvelle étude des accidents pseudo-méningitiques de nature

hystérique; par le Du' M. Craponne, ancien externe des hôpitaux

de Lyon. (Thèse de Lyon, janvier 1898.)

L'auteur a réuni les observations les plus nettes de pseudo-mé-

ningite de nature hystérique parues jusqu'à ce jour, et en a ajouté

quatre inédites. De cette étude il résulte que l'on peut conférer à

cette affection une certaine individualité clinique. La symptomato-

logie est peu variée. On constate les principaux signes de vraie

méningite ; seuls manquent ceux qui sont dus à une lésion limitée

(troubles du pouls, de la respiration, paralysies oculaires).

Le diagnostic, incertain au début, se fera surtout par l'évolution

des accidents; on tiendra compte de l'apyrexie, puis de la présence

de stigmates hystériques et en particulier de zones hyperestésiques

du cuir chevelu. La pseudo-méningite, dont la guérison est la

règle, doit être rangée parmi les états de mal ou paroxysmes hys-

tériques. Comme traitement, la suggestion est indiquée, surtout

dans les cas où l'inteiiigence du malade est assez bien conservée.

Le traitement symptomatique n'est pas toujours couronné de suc-

cès. Dans ces cas, les accidents ont cédé à l'administration du

pyramidon. Dr F. DEVAY.

ASILES D'ALIENES.

VI. DE l'emploi DE la mousse pour LES lits DES aliénés.

Tous ceux qui ont eu à soigner des aliénés-épuisés et gâteux

savent quelles difficultés parfois insurmontables on éprouve à tenir

les malades proprement et à éviter ainsi la formation d'escharres

qui, le plus souvent, aggravent considérablementl'état des malades.

On avait donc, de tous côtés, cherché un moyen préservateur, et on

eut l'idée de recourir à l'ouate végétale. Cependant elle présente

deux inconvénients assez sérieux ; elle donne beaucoup de pous-

sière, son prix est très élevé; mais ce qui est plus grave, c'est qu'elle

forme bientôt des amas qui exercent une pression sur ta peau des

malades.

11 y a une dizaine d'années Hertz, de Bonn, proposa de coucher

les malades sur delà mousse. Le conseil de Hertz fut suivi à l'asile

d'aliénés de Francfort-sur-Mein et Sander communique maintenant

dans le Zeitschrifl f. Krankenpflege les résultats obtenus dans cet

hospice pour une période de sept ans. C'est à ce travail fort inté-

ressant que nous puisons les détails qui vont suivre.

Pour que la mousse satisfasse à tous les desiderata, elle doit être

composée de fibres très longues et ne contenir aucune matière

étrangère. Il faut exclure absolument la mousse à fibres courte*

car elle donne beaucoup de poussière.

La mousse, une fois desséchée et libérée des herbes étrangères

qu'elle peut contenir, est mise dans des sacs qu'il faut conserver

dans un lieu frais mais point humide. Si la mousse se dessèche

trop, commo cela peut arriver dans la saison chaude, on fera bien

de l'humecter quelque peu.

Le fond du lit sur lequel sera placé le malade doit être formé de

planches étroitement appliquées les unes contre les antres. On

recouvre les planches d'une alèze en caoutchouc sur laquelle on

met la mousse. Cette alèze est absolument, nécessaire car, au cas

.contraire, lorsque la mousse aura absorbé une grande quantité

d'urine, celle-ci, sous la pression du corps, finira par passer à

travers les jointures du fond du lit Pour remplir un lit, la moitié

d'un sac de 50 livres suffit. On peut même, à la rigueur, dimi-

nuer cette quantité en plaçant aux pieds et à la tête des coussins

remplis de paille et en les recouvrant d'uneléère couche demousse.

Toutefois, on fera bien d'économiser le moins possible, car les

Archives, 2e série, t. V. 33

514 asiles d'aliénés.

coussins de paille sont souvent souillés de matières fécales et

d'urine, ce qui, en fin de compte, ne laisse pas d'être fort désa-

créabie à cause de l'odeur fétide qu'ils dégagent; or, cette fétidité

n'existe pas lorsque le lit est rempli uniquement de mousse.

Le lit préparé, on couche le malade en plaçant la tête sur un

oreiller ordinaire; le choix de couverture n'a pas d'importance.

Quant à la chemise, elle sera aussi courte que possible ; en trans-

portant le malade, on prendra la précaution de retrousser le bord

inférieur de la chemise en le couchant. Il vaudra encore mieux

remplacer la chemise par une courte veste se nouant sur le dos, de

telle sorte que les fesses se trouvent placées immédiatement sur la

mousse.

Trois fois par jour, en enlève les couches salies de mousse et on

les remplace par des couches propres. Pendant ce temps on met

le malade sur un bassin, et s'il laisse échapper des excréments, on

lui fait un lavage génital. Ce qu'il faut surtout faire remarquer,

c'est que pendant toutes les manipulations nécessaires pour enlever

les couches salies de mousse, aucune mauvaise odeur ne se répand.

La quantité de mousse nécessaire pour l'usage quotidien ne

passe pas 2 livres 1/4 de sorte que l'on a besoin par an pour

chaque malade de 18 sacs de 50 livres, et comme chaque sac coûte

en moyenne 25 francs, la dépense annuelle pour chaque lit est

d'environ 450 francs. Mais on peut encore réduire cette dépense

de 3/5 : il suffit pour cela de conserver la mousse mouillée par

l'urine à l'air libre et ne détruire que celle qui a été souillée par

les matières fécales. Lorsqu'on ramasse une quantité suffisante de

mousse simplement mouillée par l'urine, on la lave dans des

paniers d'osier ordinaires avec de grandes quantités d'eau froide

ou encore mieux d'eau tiède, dont la température ne doit pas

dépasser 40 degrés ; le lavage est prolongé jusqu'à ce que l'eau

qui s'écoule en sorte tout à fait limpide et sans odeur. On n'a

ensuite qu'à la sécher pour pouvoir s'en servir de nouveau :

il faut ordinairement pour bien sécher la mousse lavée, quelques

semaines. Toutefois, bien que cette mousse lavée garde presque

toutes ses propriétés absorbantes, elle n'estplus aussi tendre que la

mousse fraîche. En tout cas, elle ne peut pas servir indéfiniment,

et au bout de 2 à 3 lavages elle ne peut plus être employée. Ajou-

tons encore que la mousse lavée ne devra être employée, précisé-

ment parce qu'elle est moins douce, que pour des malades qui sont

moins prédisposés à la formation d'escharres ou bien pour ceux

qu'on ne place sur les lits de mousse que pendant la nuit. 1

Les malades semblent se trouver très bien sur leurlit de mousse.

Cependant cela ne va pas toujours sans quelques inconvénients

plus ou moins sérieux. Ainsi on observe parfois la conjonctivite ;

mais il s'agit de savoir si cettte conjonctivite ne résulte pas de ce

fait que le malade s'était frotté les yeux avec des mains sales.

asiles d'aliénés. 515

Quoi qu'il en soit, il faut bien insister sur ce fait, qu'avec des pré-

cautions rigoureusement prises ces accidents peuvent être presque

évités.

Autre inconvénient, possible du moins : il peut se faire que le

malade avale de la mousse et étouffe. Mais il est évident qu'une

surveillance sérieuse suffira pour éviter un pareil accident; et si

même il arrivait que le malade mangeât une certaine quantité de

mousse, il n'en pourrait résulter aucun accident grave.

On peut encore faire une autre objection à l'emploide la mousse;

on peut dire, en effet, que celle sur laquelle étaient placés des

tuberculeux, par exemple, pourrait transmettre la maladie. Cette

objection est plutôt théorique ; toutefois pour se mettre à l'abri de

tout danger, même imaginaire, on fera bien de détruire la mousse

suspecte. La cherté de la mousse n'est en somme qu'apparente;

il suffit en effet de songer à ce que de pareils malades doivent

coûter de blanchissage. (La Médecine moderne, 19 février.)

VII. Du RÔLE DU médecin dans LES hôpitaux d'aliénés; par Wise

D'ODENSBURG. (.me ? Ca; ! t./OU)'HC[0/' Insanily, juillet 95.)

L'auteur relève d'abord l'insuffisance actuelle du nombre des

médecins d'asile qui ne devraient pas avoir plus de 100 malades

chacun voiremême 50 lorsque ce ne sont que des aiguës. Des sténo-

graphes doivent être adjoints au médecin qui ne saurait perdreson

temps aux écritures. M. Wise s'oppose à l'adjonction de patholo-

gistes de laboratoire indépendant, les médecins cliniciens voulant

que le médecin traitant fasse lui-même les études nécroscopiques

et les recherches de laboratoire complémentaires au courant

desquelles il doit se tenir, s'il n'est plus débordé par son service

réduit à 50 ou 100 lits.

Il montre ensuite l'importance d'un bon recrutement des auxi-

liaires sur lesquels doit s'appuyer le médecin, assistants, internes,

infirmiers et infirmières ; il fait ressortir à ce propos la nécessité

d'écoles pratiques d'infirmiers bien organisées, et non purement

théoriques. Pour lui les aménagements architecturaux sont primés

par le bon recrutement du personnel médical et subalterne.

Il recommande l'aménagement* d'une section d'admission et

d'observation où le nombre des médecins soit plus grand et où il

soit procédé à un examen physique et mental complet (analyses

chimiques, examen du sang, etc., renseignements du médecin de

la famille, etc.). Tous ces examens seront ensuite continués et

pointés sous formes de diagrammes graphiques parallèles, l'obser-

vation devant être aussi laconique que possible, tout en étantcom-

plète. 11 termine en recommandant le traitement moral rendu

possible par la réduction du nombre des malades par médecin,

telle qu'il la préconise. A. Marie.

516 " asiles d'aliénés.

VIII. Discussion SUR LES formalités préalables A la déclaration

d'aliénation mentale dans SES rapports AVEC L% PROFESSION mégi-

cale. (British médical Journal, 26 septembre 1896.)

Après avoir étudié les différents modes de placements prescrits

par les lois anglaise et écossaise, certificats médicaux simples ou

doubles, intervention judiciaire, etc., la Société se rallie à un voeu

du Dr Rayne concernant les placements volontaires précoces et la

mise en observation médicale transitoire des cas de folie douteux

avant la déclaration définitive de folie et d'internement. A. M.

IX. A propos de l'organisation médicale DES asiles d'aliénés ;

par le Dr Cu.RoN.

Dans l'intérêt des aliénés, de la société, de la science et du corps

médical des asiles d'aliénés il serait désirable que l'organisation

actuelle soit modifiée dans le sens des propositions suivantes :

10 Que la réunion des fonctions administratives et médicales soit

effectuée dans tous les établissements publics;

2° Que les asiles nouveaux soient établis pour 500 à 600 malades

au plus, et soient divisés en deux parties absolument distinctes :

l'hôpital pour tous les malades justiciables du traitement indivi-

duel, la colonie pour les déments congénitaux et acquis ;

3° Que dans lus asiles actuels il soit créé une colonie dans tous

les cas où elle n'existe pas et que les services médicaux soient

divisés de telle corle que chaque médecin en chef ne soit pas chargé

de plus de 500 à 600 malades; les fonctions de directeur étant

confiées, dans tous les cas, au médectn en chef de grade le plus

ancien ;

4° Que les médecins adjoints soient ramenés à l'état de stagiaires,

mis à la disposition des médecins en chef-directeurs des grands

asiles seulement, pour les seconder dans leurs fonctions médicales

et administratives;

5° Que les secrétaires de direction soient élevés à la dignité de

fonctionnaires responsables de toutes les parties secondaires du

service administratif;

6° Qu'il soit institué un corps de médecins-assistants recrutés

parmi les internes reçus docteurs, participant aux charges et béné-

fices des caisses de i etraite, distribués dans les asiles à raison de un

médecin assistant pour chaque service médical et admis seuls à

prendre part au concours de l'adjuvat :

7° Que dans les grands asiles il soit institué .des conférences et

cours pratiques avec sanctions et diplômes, pour assurer l'éduca-

tion professionnelle des infirmiers et infirmières et pourvoir au

recrutement du corps secondaire dans tous les établissements

d'aliénés. (Annales médico-psychologiques, dée. 97).

asiles d'aliénés. 817

X. Assistance DES aliénés. Colonisation familiale DES CHRONI-

QuEs ; par M. A. ViGouRoux, médecin à la Colonie familiale de

Dun-sLir-Auroti. (Pi,ess ? inédicale, 1.*ijan,ier 1898.)

Après un historique sommaire de l'assistance familiale des alié-

nés, l'auteur expose le fonctionnement de la colonie créée par le

département de la Seine à Dun-sur-Auron (Cher), et organisée par

M. le Dr Marie, en décembre 1892. Il fait ressortir les -avantages

pécuniaires de ce mode d'assistance, et insiste sur l'heureuse

influence qu'il exerce d'ordinaire sur l'état mental des aliénés

chroniques, seule catégorie de malades qui, jusqu'ici, ait été ap-

pelée à en bénéficier ; il constate que l'entière réussite de l'essai

tenté à Dun-sur-Auron, a eu pour conséquence l'extension de ce

système en France et à l'étranger. Suivant lui, les aliénés chroni-

ques ne sont pas les seuls susceptibles de bénéficier de la colonisa-

tion familiale ; celle-ci pourrait sans doute être appliquée avec

avantage aux cas d'aliénation mentale où le changement de milieu

est salutaire et l'isolement funeste ; elle pourrait aussi être très

utile à certains aliénés indigents, convalescents de leur affection

psychique, pour qui le retour hâtif dans la famille, où les atten-

dent les difficultés de l'existence augmentées par la gêne qu'a

produite leur absence, est une cause de rechute ; il constituerait

pour ces malades une transition heureuse entre l'internement dans

l'asile fermé et la sortie. A. Fenayrou.

XI. L'assistance ET LE classement DES aliénés dans d'autres pays ;

par le Dr PEETEps. (Bitll. de la Soc. de inéd. ment, de Belgique,

décembre 1897.) .

Ce travail contient un certain nombre de renseignements sur le

traitement familial des aliénés dans divers pays, notamment en

Allemagne, en France, en Russie et en Amérique. L'auteur signale

les mauvais résultats de ce traitement appliqué en Allemagne aux

alcooliques; ceux-ci ont méconnu l'autorité du médecin et des

nourriciers; ils ont eu des démêlés avec la police et avec les pou-

voirs publics, ont causé du scandale, etc. Un grand nombre d'entre

eux ont dû être réinternés à l'établissement de Herzberge, près de

Berlin, où ils étaient primitivement soignés. Au même établisse-

ment le patronage familial a paru moins convenir aux imbéciles

qu'aux idiots. Les premiers ont manifesté une instabilité de carac-

tère, un penchant aux actes délictueux, au vagabondage qui ont

souvent rendu nécessaire la réintégration à l'asile.

En Amérique, dans l'état de Massachusetz, on s'est également

trompé sur le choix des malades à confier aux nourriciers. On a cru

que le traitement familial convenait surtout aux aliénés en voie de

guérison ; on a ainsi méconnu le véritable but du système, celui-ci

518 varia. ,

convenant surtout aux nombreux aliénés incurables, inoffensif ? qui

ne réclament pas les soinsjque l'on ne trouve que dans les établis-

sements spéciaux.

L'administration des établissements de bienfaisance et des asiles

d'aliénés (Board of charily and Lunacy) s'est également trompée

dans le choix des familles auxquelles les aliénés doivent être

confiés ; elle donne [la préférence aux ménages où il n'y a pas de

petits enfants. En Belgique et en Ecosse, la présence des enfants

dans la maison du [nourricier n'a jamais été regardée comme un

inconvénient ; au contraire. Malgré ces défectuosités on ne saurait

nier que le patronage familial a pris une assez grande extension

dans ces dix dernières années et que les différents essais qui ont

été faits ontjélé assez satisfaisants pour qu'on puisse espérer le

voir bientôt-se généraliser. G. D.

VARIA.

LES aliénés EN L113ERTLI.

Un drame terrible, dit le Petit Parisien du 15 avril, s'est déroulé

hier soir dans le quartier des Batignolles. Dans un accès de folie

une cuisinière nommée Radegonde Perdriau, née Stevenet, âgée

de vingt-cinq ans, s'est asphyxiée avec ses deux enfants. Cette

malheureuse donnait depuis quelque temps des signes évidents de

dérangement d'esprit ; elle était atteinte du délire de la persécu-

tion ; elle se figurait que toutes les personnes de son entourage

cherchaient à lui nuire et en voulaient aussi bien à son existence

personnelle qu'à celle de ses enfants. Il va une quinzaine de jours,

son état s'était aggravé et des démarches qui devaient aboutir très

prochainement avaient été faites pour obtenir son admission dans

une maison de santé. La cuisinière adorait ses enfants (trois ans et

six mois). En rentrant de son travail, M. Perdriau, fut surpris de

trouver la porte fermée. Inquiet, il s'enquit auprès des voisins et,

pressentant un malheur, il alla chercher un serrurier. Lorsque la

porte fut ouverte, les personnes présentes entrèrent dans la

chambre à coucher de la cuisinière et elles poussèrent aussitôt un

cri de frayeur en apercevant, étendus sur le lit, les corps inertes

de M"10 Radegonde Perdriau et de ses enfants. Au milieu de la

pièce se trouvait un réchaud ayant contenu du charbon de bois.

Nul soin ne put ranimer la mère et les enfants.

VARIA. SI9

Ce fait démontre une fois de plus la nécessité de l'interne-

ment aussitôt que la folie est bien constatée. Quelle était la

nature des démarches faites dans ce but ? Le journal ne le

dit pas. Mais souvent les commissaires de police font des

difficultés, tant qu'il n'y a pas eu scandale, plaintes des

voisins, délit ou crime. En pareil cas, on ne saurait trop se

hâter et bien se rendre compte qu'il s'agit d'un placement

dans un hôpital et non d'un emprisonnement.

- Le crime d'un fou.- Une tentative d'assassinat a été commise

dans l'arrondissement de Tonnerre, à Sennevoy-le-Bas. Vers six

heures du soir, un propriétaire de cette localité, M. Bourgoin-

Hérard, rentrait chez lui quand, au beau milieu de la rue, il fut

assailli par un autre propriétaire, nommé Arsène Thierry, qui

presque à bout portant lui tira cinq coups de revolver.

Un seul des projectiles atteignit M. Bourgoin-Hérard ; mais, fort

heureusement, il ne lui fit, dans le dos, qu'une contusion n'offrant

aucun caractère de gravité. On suppose généralement que Thi... a

agi dans un accès de folie, car depuis quelque temps il donnait des

signes de dérangement cérébral. (Le Républicain Orléanais, 15 avril.)

A Tourbe-Petit, village près de Pézénas, une dame Madeleine

Coudai avait déjeuné tranquillement avec son mari et sa petite fille

âgée de trois ans. Quand son mari fut parti pour les champs, la mère

saisi un Lefaucheux, le chargea de deux cartouches et tira à bout

portant sur sa fille, qui tomba la tête fracassée. Elle essaya ensuite

de se tuer, mais la balle lui effleura seulement l'épaule, en brûlant

ses vêtements. Au bruit des détonations, les voisins accoururent.

Madeleine Goudal leur dit qu'elle avait voulu éviter à son enfantles

misères de la vie. Son mari a dit qu'elle avait la monomanie du

suicide et avait été déjà enfermée dans un asile. (Journaux poli-

tiques d'avril.) -.

M. Boutineau, commissaire de police de Levallois-Perret, a fait

diriger hier, sur l'infirmerie spéciale du Dépôt, un industriel,

M. Pierre France, âgé de quarante-sept ans qui, à diverses reprises

avait tenté de tuer sa femme etson enfant. Ses menaces se faisant de

plus en plus fréquentes, il devenait un véritable danger pour tous

ceux qui l'entouraient (avril).

Sous ce titre, Un fou a lagarede Lyon, le Radical du 28 avril 1898,

publie le fait suivant :

«Hier matin, les employés de la gare de Lyon signalaient, à l'ar-

rivée du train de neuf heures, à M. Mathis, commissaire adjoint, un

voyageur qui n'avait pas de billet. M. llfathis l'interrogea. Le voya-

520 VARIA.

.geur lui répondit qu'il était appelé à la préfecture de la Seine. Le

commissaire lui demanda à voir son ordre d'appel. Tout à coup

cet homme se jeta sur lui, le renversa et lui appliquant un genou

sur la poitrine, lui saisit la gorge cherchant à l'étrangler. Aussitôt

les employés se précipitèrent sur le forcené et eurent toutes les

peines du monde à lui faire lâcher prise et à s'en rendre maitres.

« C'est un nommé Désiré Grelot, âgé de quarante ans, demeurant

à Melun, sorti la veille de l'asile d'aliénés de cette ville et qui, après

avoir erré toute. l'après-midi et la nuit dans les rues, avait pris le

train pour Paris. Il a été dirigé sur l'infirmerie spéciale du dépôt.

Dans notre numéro précédent, dit l'Indépendant de la banlieue

du 3 mai, nous avons relaté la disparition du sieur Derminot,

atteint depuis quelque temps de troubles cérébraux. - Or, samedi

30 avril le cadavre du malheureux a été trouvé dans la Bièvre, près

du moulin de l'Hay. Tout porte à croire que le pauvre aliéné a

mis fin à sesjours par le suicide.

L'Aurore du 6 mai publie le fait suivant sous ce titre : Tué à

coups de canif, Béthume, 5 mai. Ce soir, à Drouvin, une femme

qui avait déjà été internée pendant deux ans dans un asile d'aliénés

et qui était prise depuis plusieurs jours d'un nouvel accès, a tué

son mari à coups de canif.

On annonce la mort, à Bergerac, d'un officier d'état-major

distingué, le lieutenant-colonel Lancelin. Comme commandant de

place, le lieutenant-colonel du 108° visitait tous les jours l'hôpital

militaire. Le 5 novembre 1896, cet officier reçut à bout portant

trois coups de revolver tirés par un fou qui avait pu dissimuler

cette arme pendant plus d'un mois. Le fou se fit du reste sauter

la cervelle après avoir atteint le commandant de place. Le lieute-

nant-colonel Lancelin ne s'était jamais rétabli de ses blessures.

(Le Radical, 12 mai 1898).

Pourquoi ce fait était-il à l'hôpital, et non à l'asile ?

NÉCESSITÉ DE L'ASSISTANCE DES IDIOTS.

Un idiot, nommé Dieulot, âgé de vingt-sept ans, au cours d'une

discussion avec son père, à Sauchy-Gauchy (Pas-de-Calais), frappa

ce dernier de six coups de couteau. Dieulot père est mort peu

après. Ce fait rapporté par le Journal du 3 mai, montre une fois de

plus les dangers de la liberté sans le contrôle de l'asile pour

les idiots et la nécessité de leur hospitalisation.

Une jeune ouvrière, nommée Blanche lt..., âgée de quinze ans,

cartotinière, demeurant chez ses parents, impasse du Progrès, était

depuis longtemps en butte aux plaisanteries de ses camarades

VARIA. 521 1

d'atelier." On abusait de sa naïveté pour la charger de certaines

commissions inutiles et l'on se moquait d'elle à son retour. Humiliée

par les railleries dont elle était l'objet, la jeune fille résolut d'en

finir avec la vie. Hier soir, à 9 h. 1/2, elle quitta ses parents, sous

le prétexte de faire une course urgente pour sa patronne. Arrivée

sur le pont du faubourg du Temple, elle emjamba le parapet et

se jeta dans le canal Saint-Martin.

« Elle allait disparaître, lorsque deux mariniers, MM. Merlin et

Feisthame, l'aperçurent et parvinrent à la retirer. Après avoir reçu

des soins au poste de secours,1111 Blanche Il... a été, sur l'ordre de

M. Daltroff, commissaire de police, reconduite au domicile de ses

parents. » (Le Petit Parisien du 3 mai.) D'où la nécessité d'établis-

sements spéciaux pour ces malheureux, asiles-écoles, travail ma-

nuel, demi-liberté, surveillance et patronage.

LES SUPERSTITIONS D1N8'CARN-ET-GARONNI :

Dans la première partie de son travail, le chanoine Henry Cal-

hiat, de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, raconte les

prouesses d'un rusé compère de son pays qui avec un talent mer-

veilleux fit fortune grâce à la sorcellerie.

Dans la seconde, l'auteur fait connaître le rôle bien connu des

nécromanciens que joue encore le « coeur de boeuf dardé de

pointes et cuit à sec dans une marmite ». Quand le coeur éclatait,

on était guéri ou sauvé.

Dans la troisième partie, M. Calhiat esquisse la physionomie de

plusieurs sorcières qui passaient pour avoir des remèdes contre les

maladies, les sortilèges et les maléfices. Consultées parles paysans,

elles ordonnaient tour à tour à leurs clients des pains bénits, des

messes et même des communions. Quelques-unes n'exigeaient rien

pour leurs honoraires, mais, comme toujours et partout, recevaient

volontiers des cadeaux; d'autres avaient leur tarif qu'il fallait res-

pecter scrupuleusement.

Enfin, dans la quatrième partie, l'auteur, à propos d'apparitions

macabres, de maisons hantées et de chambres infestées, raconte

un fait qui montre une fois de plus que les esprits lutins qui pre-

naient plaisiro dans les manoirs d'autrefois, à tourmenter le som-

meil des habitants ou des visiteurs, ou à effrayer le voisinage,

n'étaient le plus souvent que des chats ou des rats, des singes ou

des chiens parfaitement innocents, ou bien encore simplement

des farceurs. (Le Temps, du 17 avril).

La Sorcellerie au 0 siècle.

Sous ce titre : Une maison hantée, l'Indicateur de Cognac du

31 mars raconte les faits suivants :

«Des scènes étranges, incroyables, relevant de la sorcellerie et de

522 VARIA.

la magie, dit l'Indépendant de l'Auxois, se passent à Laroche, dans

la maison habitée par un sieur Garrié. Dimanche soir, première

manifestation des « esprits frappeurs». La lampe s'éteint, l'horloge

s'arrête et tombe à terre. Garrié rallume la lampe, ramasse l'hor-

loge et la pose sur la table; mais celle-ci retombe d'elle-même.

Effrayé, notre homme appelle les voisins à son secours. Ceux-ci

constatent que les tables, les chaises et les meubles oscillent; un

tableau représentant saint Joseph se décroche et atteint Garrié au

visage; la vaisselle se brise; un marteau placé dans un tiroir est

précipité dans la rue en cassant un carreau.

s Ces phénomènes, qui ne durèrent pas moins de trois heures,

reprirent le lendemain avec une nouvelle intensité et en présence

d'un grand nombre de témoins dont la bonne foi ne peut être

suspectée. Au moment du repas, les plats et assiettes furent jetés

à terre; un bol contenant des cornichons se retourna. Garrié, vou-

lant prendre un litre d'eau-de-vie placé sur la cheminée, monta

sur un escabeau en laissant ses sabots sur le sol; au moment où il

allait prendre le litre, un des sabots vint se placer sur la chemi-

née. Le desservant de la commune, quelque peu incrédule, vint

rendre visite à Garrié. A un moment donné, une grande table se

retourna d'elle-même en sa présence.

«Lundi, au moment du déjeuner, tout le couvert a été jeté à

terre. Mardi, un buffet, après avoir dansé un moment, est tombé.

La grande table, qui avait culbuté, s'est tout à coup dressée debout

et elle est retombée sur le poêle qui a été brisé. A chaque instant,

les chaises sont culbutées. Pour en finir, on a été obligé de passer

tout le mobilier dehors, excepté une armoire privilégiée, qui n'a

pas encore été atteinte. Tels sont les faits extraordinaires qui

défrayent actuellement les conversations des habitants de Laroche

et des communes voisines. » ! ? ?

Histoires D'IVROGNES.

Il serait temps que la Société protectrice des animaux s'entendit

avec la Ligue antialcoolique pour aviser aux moyens de « proté-

"ger » les animaux contre eux-mêmes et d'enrayer en eux un pen-

chant à l'ivrognerie qui, si l'on n'y mettait ordre, finirait par leur

jouer les plus vilains tours. Car non seulement ce penchant leur

est naturel, maisle contact des hommes et la civilisation le dévelop-

pent à un degré sans cesse plus haut, et l'on peutprévoir le moment

où, depuis le poisson jusqu'au singe, toutes les espèces animales se

trouveront amenées à l'état de dégénérescence dont seule l'espèce

humaine nous offre, jusqu'à présent, le spectacle. Telle est du

moins la conclusion qui ressort d'une très intéressante étude de

M. Walsh, publiée dans la dernière livraison du Lippincotl's Maga-

zine. Jamais encore, je crois, les progrès de l'ivrognerie chez les

VARIA. 62

animaux n'ont été plus clairement ni plus vigoureusement indi-

qués.

« La plupart des animaux supérieurs, nous dit 11. Walsh, singes,

éléphants, ours, chevaux, chiens, ont une passion instinctive pour

les liqueurs fermentées et souffrent, tout comme nous, de l'abus

de ces liqueurs. Déjà le Livre des Macchabées nous apprend que,

dans l'antiquité, on enivrait devin nouveau les éléphants de guerre;

et c'est un usage qui s'est toujours conservé depuis lors, à cela

près que le rhum a remplacé le vin. Tous les directeurs de ména-

geries et gardiens de jardins zoologiques savent, d'ailleurs que, les

éléphanls confiés à leurs soins guettent toujours les occasions de

se griser; il y en a qui feignent d'être malades pour obtenir une

ration de whisky. Les ours et les singes absorbent de la bière

comme des étudiants allemands et sont prêts atout faire pour avoir

de l'eau-de-vie. C'est ce que savent certaines peuplades de l'Afrique ;

et c'est de quoi elles profitent pour capturer ces malheureuses

bêtes. Elles placent, par exemple, à l'entrée d'un bois, un tonne-

let de bière : les singes accourent, boivent, s'enivrent et tombent

dans un état d'égarement où ils deviennent incapables de distin-

guer un nègre d'un singe. Quand un nègre prend la main de l'un

d'entre eux pour le conduire au village, un second singe prend la

main du premier, un troisième la main du second, et ainsi de

suite ; souvent un seul nègre parvient à capturer de cette façon

toute une troupe de singes en goguette. Et nous devons ajouter

que ces bons nègres ne manquent jamais d'administrer à leurs

prisonniers de nouvelles rations de bière, en quantité toujours

décroissante, de façon à leur rendre à peu près insensible le pas-

sage de l'état libre à l'état de captivité. »

Mais la partie la plus curieuse de l'étude de M. Walsh est celle où

il nous décrit les progrès les plus récents de l'alcoolisme chez les

animaux. Il nous apprend, par exemple, qu'un grand nombre de

chevaux, à New-York, s'adonnent à l'ivrognerie. Les chevaux des

brasseurs, en particulier, sont presque tous de véritables alcoo-

liques. Nourris de malt, ils se passionnent pour la bière, forcent

leurs maîtres à leur en donner, engraissent d'un embonpoint ma-

ladif, et finissent par succomber à des accès de delirium tremens.

M. Walsh cite le cas d'un de ces chevaux qui ne manque jamais de

passer devant un cabaret sans s'y artêter, de gré ou de force.

D'autres ont l'ivresse si comique, qu'ils sont devenus pour les

badauds une source de récréation, et qu'on se cotise; dans les

cabarets, pour leur offrir la goutte et les mettre en ribote.

Les perroquets sont également en train de dégénérer, sous l'in-

fluence de l'alcoolisme. Ceux-là ont, parait-il, le vin extrêmement

spirituel et jovial, de sorte qu'on prend de plus en plus l'habitude

de les enivrer. Les domestiques, d'ailleurs se chargent de ce soin,

à défaut des maîtres. Et l'on s'amuse ensuite des inventions de ces

524 FAITS DIVERS.

pauvres bêtes, dont quelques-unes, en effet, sont des plus amusantes.

C'est ainsi qu'un perroquet de Vorfollc, en Virginie, s'étant grisé

de champagne, s'était un jour livré à mille inconvenances dans le

salon de la dame à qui il appartient, a Monsieur, lui dit enfin cette

dame,^vous êtes ivre ; vous feriez mieux d'aller vous coucher 1 »

Après quoi elle le fit porter dans un coin du salon, où il ne tarda

pas à s'endormir. Mais voici que, un peu plus tard, un vieil ami de

la dame vint lui faire visite. La dame étant sortie, on le fit entrer

dans le salon, en le priant d'attendre. Et voici qu'une voix, sortant

il ne savait d'où, lui dit avec un accent marqué de sévérité : « Mon-

sieur, vous êtes ivre, vous feriez mieux d'aller vous coucher ! » D

Interdit, le visiteur se leva, empoigna son chapeau et s'enfuit du

salon. Et c'est le lendemain matin seulement que la dame reçut

une lettre de lui, où il avouait qu'en effet il avait bu, à son dîner,

un coup de trop, et s'excusait d'avoir fait sa visite en un tel état,

dont il avait espéré, disait-il, qu'on ne s'apercevrait pas aussi faci-

lement.

Des traits d'ivrognerie chez les corbeaux, les hiboux et, comme

on pense, les chiens et les chats : tout cela se trouve scrupuleuse-

ment rapporté dans l'étude de M. Walsh. Mais qu'il nous suffise de

signaler, aujourd'hui, la conclusion de cette étude, et d'appeler

sur le progrès de l'alcoolisme chez les animaux l'attention des

moralistes, hygiénistes et autres sociologues. Il y a là nn symp-

tôme grave, et d'autant plus intéressant que le mal qu'il dénote

pourrait peut-être encore être entravé dans sa marche. Mais il est

en marche, cela est hors de doute. L'alcoolisme est en train de

s'étendre à la nature enlière. Et M. Walsh nous raconte même

l'histoire d'un poisson nommé Old Tom, qui, dans une petite ville

de Pensylvanie, s'est tué spontanément l'année dernière, en se

jetant contre une pierre, durant une crise de delirium tremens. Un

poisson ivrogne 1 Voilà bien l'un des fruits les plus étonnants de la

civilisation ! (Le Temps, juin.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. GnU111Ea, ré-

dacteur au ministère de l'intérieur, est nommé directeur de l'asile

de Mont-de-Vergnes (25 mars) ; M. JALABEM, directeur de l'asile

- de Clermont (Oise), est mis en disponibilité (31 mars);-11. RAOUL,

inspecteur des enfants assistés de la Seine, est nommé directeur

FAITS DIVERS. 525

de l'asile de Mont-de-Vergnes, en permutation avec M. Grutier

nommé directeur de l'asile de Clermont (4 mai) ; M. le Dr VER-

NET, médecin en chef de l'asile de ilaréville,est élevé à la 2e classe

(5 mai). Ce n'est pas en nommant directeur des personnes, qui

peuvent être d'ailleurs très méritantes; mais qui n'ont aucune pra-

tique des asiles et des aliénés que l'on assurera le recrutement des

médecins des asiles et la bonne rép utation des asiles. Ce sont ta

des habitudes un peu trop impériales.

Concours DES médecins aliénistes DES hôpitaux. L'épreuve

écrite a eu lieu le 5 mai. Les candidats ont eu à traiter la question

suivante : Cellules nerveuses de l'écorce cérébrale, anatomie et phy-

siologie. Les questions restées dans l'urne étaient : 10 Faisceau

pyramidal, anatomie et physiologie; 2° Pie-mère cérébrale, anato-

mie et physiologie.

Les candidats étaient au nombre de quatre : MM. Boissier,

Nageotte, Noir et Roubinowitch. Le concours s'est terminé le 7 juin

par la nomination de M. le D1' Nageotte.

Concours POUR l'Internat DE la AJ11SON Nationale DE CHAHENTON.

Le 22 mars, la jury, composé de MM. les Drb Drouineau, prési-

dent, Christian, Ritti, Damalix et Piquet, a procédé à l'ouverture

des épreuves de ce concours. Neuf candidats étaient inscrits, six

se sont présentés pour subir les épreuves. Les questions qui se

trouvaient dans l'urne, pour l'oral, étaient au nombre de trois :

1° Nerfs phréaétiques; 2° Cordon postérieur de la moelle; 3° Rétine

(anatomie et physiologie). C'est la dernière question qui a été

tirée. - Pour l'écrit, les questions étaient : 11 dit foie,

symptômes et diagnostic; fracture du péroné; 2° Diphtérie, diagnos-

tic et traitement; luxation de l'épaule; 3° Goitre exophtalmique;

hémorroïdes. C'est la deuxième question qui est sortie de l'urne.

Le concours vient de se terminer. MM. Monod, POULET, Page et

BUISSsItD, ont été déclarés admissibles.

La FOLIE d'un enfant. Un garçonnet d'une dizaine d'années,

Benjamin Doret, demeurant chez ses parents, rue Nationale, tom-

bait, il y a quelque temps, du deuxième étage et se fracturait le

crâne sur le pavé. Grâce aux soins qui lui furent prodigués, le

pauvre petit ne mourut pas, mais demeura à demi fou, car une

dépression du cerveau s'était produite. Or, avant-hier, la folie

douce du petit malheureux se changea soudain en folie furieuse.

Armé d'une paire de ciseaux de tapissier à lames très longues et

très aiguës, il se jeta sur son fière aine, âgé de treize ans, et

tenta de lui ciever les yeux.

Aux cris du pauvre enfant, les parents accoururent, et, après

avoir dégagé leur fils aîné des étreintes du petit aliéné, enfermé-

526 6 FAITS DIVERS.

rent ce dernier dans une pièce voisine et conduisirent le blessé

chez un pharmacien qui lui fit un premier pansement. Les bles-

sures reçues n'étaient fort heureusement pas graves, mais quelle

ne fut pas la surprise des époux Doret, lorsqu'en rentrant chez eux

ils trouvèrent leur mobilier en flammes ! Pendant leur absence, le

petit Benjamin avait mis le feu, à l'aide d'une chandelle, aux

rideaux de son lit. Le commencement d'incendie fut promptement

éteint. Les dégâts causés sont sans importance. L'incendiaire

inconscient, conduit au commissariat du quartier de la Gare, a été

envoyé, après une tentative d'interrogatoire, à l'infirmerie spé-

ciale du Dépôt par les soins de M. Rocher, commissaire de police.

(Le Petit Parisien, 19 mai 1898.)

UN AssAssiN DE seize ANS. Une bonne femme, épicière au Hoc-

quet, canton de Rozoy (Aisne), Alnie veuve Leturque, âgée de cin-

quante-huit ans. était seule dans sa boutique, hier, lorsqu'un

ouvrier briquetier, Camille lllary. âge de seize ans, se précipita sur

elle et la frappa à coups de couteau à la tête ; Mme Leturque,

grièvement blessée, tomba sans connaissance. Le jeune bandit fit

main basse sur l'argent contenu dans le tiroir-caisse et prit la fuite

.1-o veuve Leturque est morte dans la soirée des suites de ses bles-

sures. Son meurtrier a été arrêté par la gendarmerie de Mont-

cornet, à 10 kilomètres de l'endroit où il avait commis son attentat.

Il a fait des aveux complets. (Le Temps du le'' mai.)

Suicide d'un enfant. la suite de reproches que lui adressait sa

mère, le jeune Eugène Pierre, âgé de onze ans, demeurant à Saint-

Gatien, s'est pendu à l'aide de guides qu'il avait passées à la poutre

d'un hangar. Il n'y avait que quelques minutes que 111u Pierre

avait admonesté le petit Eugène, lorsque son autre enfant vint la

prévenir qu'il avait découvert le cadavre de son frère. Malgré tous

les soins, le jeune désespéré n'a pu être rappelé à la vie. (Républi-

caiii Orléanais, 3 mai.)

SUICIDE D'UN enfant DE neuf ANS. Le jeune Pemel, âgé de

neuf ans, dont les parents demeurent rue Maitre-AII)ert, était l'ob-

jet d'une réprimande sévère de la part de sa mère. Aussitôt le

galopin se rendit au quai Montebetto et se jeta do l'eau. Par bon-

heur, des mariniers avaient assisté au suicide du garnement, qu'ils

réussirent à secourir à temps. (Soleil, du 10 juin.)

La stigmatisée D'INZINZ.1C. Sous ce titre le Petit Journal du

28 mai publie la dépêche suivante, provenant de Lorient :

«Hier ont eu lieu.au cimetière d'Inzinzac, les obsèques d'une

jeune paysanne de vingt-deux ans, Marie Hellegouacb, célèbre

dans la région par les stigmates de la Passion qu'elle portait aux

BULLETIN bibliographique. S'2'7

mains, aux pieds et au côté. Elle était connue sous le nom de la

stigmatisée d'Inzinzac. De nombreuses sommités médicales de

Paris, Bordeaux et autres villes ont été appelées à constater ce

phénomène extraordinaire sans qu'aucune explication scientifique

suffisante ait été fournie. »

Nous serions très heureux si quelqu'un de nos lecteurs pouvait

nous renseigner sur ce cas, qui nous parait intéressant.

Monument DUCHENNE (de Boulogne). Nous rappelons que les

cotisations pour l'oeuvre du monument Duchenne, à élever à Bou-

logne, doivent être adressées ou à M. le Dr Guerlain fils, trésorier

du Comité, rue Nationale, à Boulogne-sur-Mer, ou à M. le D'Aigre,

maire de Boulogne-sur-Mer.

Evasion D'UN aliéné. D'après le Soleil du 11 juin, un pension-

naire en traitement a l'asile de Ville-Evrard, M. François Lemeu-

nier, s'étant évadé, un gardien se mit à sa poursuite. Pour échap-

per aux recherches, le pauvre fou se mit à courir à travers champs,

puis, se voyant sur le point d'être atteint, se précipita dans le

canal de Vaires où il se noya.

Erratum. Dans le mémoire de MM. Vallon et Marie, la note 4

de la page 370, doit être modifiée ainsi : Féré (Ch.), Sensations et

Mouvements (au lieu de Binet et Féré).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

DALLE111GE. Pliysiolof/ie de la volonté. Volume in-18 de 202 pages.

Prix, broché : 2 lu. 50 ; cartonné : 3 francs. Paris, 1898. Librairie

llasson et CI'.

Donath (.1.1. Der 1T'erlle der Résection des Ualssympalhicus bei

genuircer Épilepsie, neGsl einigen Beobaclilunqen uncl pliysioloqischeil

Vensucheza icber mpa</i;'eiM<a'h)) ! KH ? Brochure in-8° de 12 pages.

Budapest, 1898. Chez l'auteur.

DUBUISSOS. Notice sur l'asile de Braquecille (Toulouse). Bro-

chure in-4° de z pages, avec 2 plans hors texte. Toulouse, 1897.

Imprimerie tiaille.

Gaitel (F.). UeGer (lié sexuelleza Crsachen cler Xeurasllienie ziîitl

J)4/neu)'fMe. Brochure in-4» de 68 pages. Bcrlm, 1898. Verlag

A. itirschwaid.

Gilles de la Tourettl. Les étais neurasthéniques. Volume in-16

carré, cai tonné, de 92 pages. Prix : 1 fr. 00. Pans, J.-B. Baillnere.

528 avis a nos abonnés

Goldscheider (A.). - Die l3etlirzlunc7 der reice Pathologie und

Thérapie inz Giclrle der Keuronlchre. - Brochure 111-8- de 88 pages. -

Prix : 3 francs. - Leipzig, 1895. - Yerlag voii J.-A. Barth.

HIIISCIILER et Bssacurrt. -Vos docteurs (Répertoire Photo-Biographique

du Corps médical), 3° année. - Volume in-16 carré de 200 pages; avec

200 portraits. Prix : 3 francs. Paris, 1898, chez Risacher, 161, rue

Montmartre.

SAJOLS. annal and Analylical Ci/clopoec/ia of Ili,(tclicctl 31ediciie.

T. I : Abdominal injuries lo 13rirIlrt's Disease. - Volume in-i', relié, de

x-601 pages, avec nombreuses figures et planches hors texte. New-

York, 1898. Davis Cy pubhshers.

Soui ! Y(J.). Diogène (1*21PI)Oloilie. Brochure iii-80 de 30 pages.

Paris, 4898. - Reuue scientift jue.

Sullivan (\V.-C.). Alcoolism and suicidai impulses. Brochure

in-8° de 13 pages. London, 1898. Printed by Adlard and Son.

Timor r (1 ? S). A Study of the Stigmala of Degeneracy jHt07 ? the

American Cnminal 1-oullr.- Brochure in-18 de 16 paes.- Cisicaâo,1898.

American Médical Association Press.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 101 JUILLET.

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

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quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de'o ! Hd7'e à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit M 30 francs pour la France et- l'Étranger.

.. Le rédacleur-géranl : BOURNEVILLE.

EXPLICATION DES PLANCHES.

A nom es, 2e série, t. V. 3 'k

PLANCHE 1 .

Hydrocéphalie.

Face externe de l'hémisphère gauche.

(Voir page 288.)

PLANCHE II.

Hydrocéphalie.

Face interne de l'hémisphère gauche.

PLANCHE I I.

Hydrocéphalie.

Face interne de l'hémisphère droit.

TABLE DES MATIÈRES

Académie des sciences, 170.

Accouchement. Rapport des névroses

avec la grossesse et l' -, par

Tarnier, 232. Maladies nerveuses

de l'enfant et - difficile et pré-

maturé, par Newmarck, 319.

ACROMËCAHE chez un nègre de qua-

torze ans, par Valdès, 215. - par

Roxburgh et Collis, 319.

ADDISON. Cas très intéressant de

malade d' -, par Bonardi, 315.

Maladie d'-etcapsules surrénales,

par Auld, 320.

Agraphie. Centre de l' - et de la

surdi-mutité, par Brissaud, 485.

Alcool. Lésions produites par l' -

éthylique sur les cellules ner-

veuses, par Berkley, 321.

Alcoolique. Altérations des cellules

nerveuses dans l'intoxication -

aigue, par Dehio, 56.

Alcoolisme au Congrès de Bruxelles,

par Legrain, 2ft, 996, - aigu

chez un enfant, par Weber, 330.

Aliénés. Traitement des -, par Es-

cuder, 70. Séjour au lit daus le

traitement des , par Bernstein,

70. Corps étrangers dans l'esto-

mac chez les -, par Strielzow,

169. Traitement des escarres des

- , par A. Paris, 394. Troubles de

la sensibilité hygrique chez les ,

par Urbano et Chnstiani, 211. -

dits criminels, par Bourneville,

251.

Altérations artificielles et cadavé-

riques du système nerveux, par

Sfamenè, 395.

Amaurose hvstérique unilatérale, par

Gilbert Ballet, 223.

Amenza. Formes de l' , par Buc-

celli, 142.

Amputés. Sensations illusoit es des

- par Pitres, 57.

Anémie pernicieuse. Lésions de la

moelle dans 1' , par Clatke, 210;

par Lenoble, 239.

Archives, 2e série, t. V.

Anesthésies consécutives aux lésions

de la zone motrice corticale, par

Verger, 348.

Anévrysme de la base du cerveau,

par Mamourowsky et Mololetkoff,

87.

Anthropologie criminelle, médecine

légale et psychiatrie, par Zucca-

relli, 77. Archives d' -, par Lacas-

sagne et 'l'arde, 171.

Anthropométrie. Remarques sur l ?

tirdllcka, 402.

Aphasie. Mouvements associés de

l'extrémité supérieure droite dans

l ? par Remak, 486.

Aphasique. Mouvements du membre

inférieur droit associés à la parole

chez un , par Sainton, 58.

Arrêt DE développement du membre

supérieur consécutif à un trauma-

tisme de l'enfance, par Klippel,

61.

Artériosclérose. Etat des capillaires

de l'écorce cérébrale dans l' - des

gros vaisseaux, par Lapinski, 09.

Assistance des aliénés en Belgique,

par Peeters, 339.

Atrophie musculaire progressive d'o-

rigine traumatique, par Buck, 232.

unilatérale isolée des muscles

de la face par Rernliardt, 495.

Aura. Note sur l'- épileptique, par

CI-trk, 334.

Auto-infection. Questions générales

par Clarke, 311. I.

Autointoxication. Aspects cliniques

de 1' , par Hurd, 311.

Automatisme dans la syphilis céré-

brale, par de Bechterew, 404.

Bibliographie, 93, 171, 2o6, 313,

499.

BICYCLETTE. La au point de vue

hygiénique et moral, par Martin,

267.

Bisexualité somatique et psychique,

par Kurella, 216.

35

534 table des matières.

Borborygmes rythmés, par Guilloux,

265.

l3nsmL, chirurgien et hypnologiste,

par 11111ne Bramwell, 335.

Capsule interne. Ramollissement du

novau lenticulaire et de la -.par

Pehu,4UO.

Carcinome du pylore avec mélanco-

lie et délire hypochoudri`ttlue; par

Walker, 337.

Cécité corticale et psychique, par

Lountz, 8f. - psychique, par Lé-

pine, 21.

Cellules nerveuses. Méthode pour

faire pataitreles-granuteusesdans

les préparations à la formaliue, par

Busch, 4ti. Pathologie générale

des -, par Marinesco, 59. Anato-

mie et pathologie des - par

Nissl, 64. Structure fine des -,

par .Marinesco, 220. - ries chiens

vaccinés contre la i@ago, 1)ti-Na,y,

222. Lésions fixes dès - dans le

tétanos, par Cliantemesse et Mari-

nesco, 483. Affection - à rappro-

cher de t'ataxie, par Spiller, 315.

Cerveau. Centre des muscles du

tronc dans la région sensitive de

l'écorce du -, par Ilothmano, 55.

(les épileptiques et des cinni-

uels-nés, par Koncoroni, 219. '1`é-

ratologie du -, par Solovtzow,

4t8.Tractus dégénères dupar

lésion de la moelle cervicale in-

férteure, par de Sofider, 495.

Cervelet. Abcès du - par Rist,

67. Atrophie unilatérale du, par

Lauuois, 397.

occulo-moleur, par Grasset,

405.

Chirurgie gynécologique dans le

traitement de la folie, par liussel,

143, par Tobbs, 1 li.

CuoRKE. Tremblement dans la -,

par llUem, 312.

Classification des maladies men-

tales, par Francotte, 339.

Colorai ion. Méthode de - ries pro-

longements protoplasmiques des

cellules de Purhtuje, par Uonco-

roni, 216. Méthode de - élective,

par Gudtleu et Scapaletti, 10.

Concepiions impératives, par llu-

ghes, 1 il.

Confession ries aliénés, par Kier-

nan, 152.

Confusion mentale primitive, par

ijëglas, 153. Rougeole, infection

secondaire,- psetido-inéiiiiigite.

parSegtas,lo3.

Congrès. Quelques considérations

sur le - (le Genève, par Zarew-

ski, 257.

Convulsions qui succèdent au rap-

pel de la vie chez les pendus, par

Kompe, 498.

Couche optique. Anatomie de la

racine antérieure (le la -, par

Flechsig, 493.

Crétin traité par l'extrait thyroïdien,

par Partlier, 160 ; par Smitii, 161.

Cnermsue acquis ou myoedème ju-

vénile, par Parther, 226.

Crime. Hypnotisme et -, par Bell,

76.

Cubital. Analgésie du nerf - dans

la folie, par Gionnone, liO, 330.

Débilité mentale et tremblement,

par Labbé, 151.

Dégénéré. Odvssée d'un anar-

chisle, par Bezy, 261.

Dégénérescence de la race, par Baie-

man, 136. Importance de la -

dans la pratique générale de la

médecine, par Suévé, 308.

D1.I.IRC chronique des persécutions,

par Legrts, 81. - de revendica-

tions, par Ctillerre , 138. Forme

affective du - général, par Fran-

cotte, 158. raisonnant de dépos-

session, par Chinton, 261. Varié-

tés du - de persécution, par

Taty et ï'oy, 332. -. grave, par

Itowlev, 336. onirique, par

Ilielioti, 343. - pi-opliétlqtie, par

l'rouvot, 3F. - aiu, par Seuil-

dalow et \'eideiiliaille ? 416.

Genèse du - par Greco, 80.

Démence syphilitique, par Christian,

138. Etude sur la lucidité et la -

par J. Dumaz, 499.

Diagnostic des affections du sys-

tème nerveux, par Bury, 266.

Douleur. Etude biologique sur la-,

par Cli. llichet, 214.

Durcissement dans le liquide de

Muller au formol (Méthode de

OrtU), pat Jul« tsberger, 492.

Dynamisme psychique, par Aimé, 61.

1)vsuenstns nerveuses et neurastté-

me, par Glatz, 350.

Emigrés. Idées de richesses et de

grandeurs chez les aliénés,

par l'ailhas, 137.

)'.t'tL.Et's)E.')'raiteu)ent()et'd'après

TABLE DES MATIÈRES. 535

les méthodes modernes, par Sud-

duth, 72. - consécutive à l'eiicé-

phalite, par Kiernan, 229. L' -,

par J. Voisin, 26S. - Interven-

tion chirurgicale dans les -, par

Winkles, 502.

Ereutophobie, par Régnier, 346.

Extrvits organiques dans le traite-

ment des maladies nemeuses, par

Itobortson, 161 .

Facial Allures électriques du nerf

dans la paralysie par compression,

par Loewentlial, 51.

Fatigue intellectuelle et son in-

fluence sur la sensibilité cutanée,

par Vannori, 497.

Fibre nerveuse. Structure de la -,

par liossolimo et 111ourvmetF, 91.

Fibrome sous-cutané douloureux,

par Sabrazès et Cabannes, 315.

Méthode de - des cel-

lules nerveuses, par Harissa, 408.

Folie. Etat (lui ciiculus nutritif dans

la - circulaire, par Schaefer, 5'r.

Hérédité (le la-, par Stearns, 137.

- morale, par \cecl : e, 155. -

Croto-chorénlue, par llet,stiiail,

333. -

Fou. Délire paranoïaque chez un -

moral , par Causer et Angtolella,

143. *

l'iliEDREICli. Maladie de -, par

. il. L3ramwell, 227.

Gaucher. Phénomène obseivé chez

un peintre -, par Gnmalrli, 212.

Génital. Perversion du sens , par

Itosenn.tcu, 15 ? -

Gt,tone cérébral, par Devic et Cour-

mont, 240.

Goitre faophtalmiqle. Pathogénie

et traitement du - par Abariie,

73. Résection ries deux sympa-

thiques cervicaux dans le -, par

Gerard-Marchant et Abariie, iS.

Traitement chirurgical tiii -, par

Jonnesco, 158. Résection bilatérale

du grand sympathique dans le-

par Chauffard et Quéuu, 161.

Etude patltogénltlue du -, liai

Dupny, 123.

Goût. Trajet ries fibies tlu ? par

Di\on,02.

Gynécologie conservatrice, par De-

zon, 262.

Il,ilLUCIN.%110,\S 1)10\0(]UéebI)at' la

pression du globe

Liepmann, 149. - (le la vue, se-

méiologie, par 1 eray, 262.

Hr.wTOnc double de l'oreille, par

Chuter, 337.

Ilcv >TOnvr : LtE, par Pribs koli et Wer-

ziloff, 166.

Hémianopsie horizontale inférieure,

par (le Lapersonne et Grand, 233.

Hémiplégie infantile, par Vigouroux

et Mally, 223.

Hémisphère. Non-éqnivalence ries

- cérébraux, par lilippel, 482. ! ! EKi'.DnË dans les maladies men-

tales, par Briscoe, 1 18. Récents

travaux sur l ? par ltii-ella, 150.

- et névroses, par Sa\'age, 324.

Hermaphrodisme psychique, par

Z

H1'DROULI'111LIQUE. Idiotie - acquise

par l3ournevUle et J. Noir, 288.

Hypermnésies. Essai sur les -, par

Gulllon, G3.

Hypnotisme el Crime, par Bell, 76.

Hypnotique. Evolution de la théorie

- , par M. Brarowell. 326. -

IhSTLKEciOMiE dans la folie, par

Davenport, 336.

Hystérie. Genèse et nature de l'-

par Sullier, 93. - ot folie liysté-

mque, par Sokolowshi, 150.

Hystérique. Faux témoignages d'une

- , par Ilotiby, 258.

II1STÉIto-I : PILEP11QUE. Vision bitaté-

1 ale chez une -, par Mabdle, 390.

Idées prépondérantes par Kocii, 156.

Illusions microscopiques dues à un

écrasement post-morteln (le la

moelle, par Schleslnner, iOO.

Impulsifs. Mouvements -, par

llollratow, 40.

Induction. Appareil d'- réglable

- par ;'électro(le, par Soenger, î88.

Iarntwcles. Lcoled ? parlVlse,310.

Insomnie par idée lixesubconsclelllc,

par Jaunt, 236.

I.\VLli,rls. Descendance des -, par

CII. Féré, 273.

Investigation psychophysique chez

les aliénés, par Sommer, 230.

Interdépenriance ries cen-

tres uervew du -,

221. Evolution riu , par Il.

Marie, 184.

Latui. Maladie mentale des Malais,

145.

Luire aiuhiue. Existence du , par.

- Paihtas,2H. - ,

536 TABLE DES MATIÈRES.

Maladie familiale à symptômes

cérébraux bulbaires, par Pauly et

Bonne, 238.

Manie errante, par Berkley, 337.

Médecins. Devoirs civiques des ,

par Punton, 340.

Mélancolique. Sur le délire -, par

Vallon et A. Marie, 353.

Méningite. Ponction lombaire dans

la - tuberculeuse, par inlarfan,

165. Qu'est-ce que ld. ? par

CUrstopher, ? 28. Autopsie démon-

trant la guérison d'unetubpr-

culeuse, har Vithe, 318. - spi-

nale syphilitique, par Pelletier,

508. '

Mental. Troubles de l'état - aux

Antilles, par Guilloil, 263.

MESNET. Nécrologie, 268.

Migraine ophtalmopligique , par

Bouchaud,235.

Moelle. Hétérotopie de la -

, parNagy, 56. Longs tractus sensi-

tifs de la substance grise de la

- , par Ciaglinski, 66. Lésions

de la - dans un cas d'amputa-

tion congénitale des doigts, par

Souques et Marinesco, 86. Sarco-

. matose de la et syrginomyélie,

par Orlowski, 166. Hémisection

traumatique de la- par F. Ray-

mond, 398. Lésions de la - (]ans

le diabète, par Souques et Mari-

nesco, 400. Trajet des fibres

exogènes de la -, par Donetti,

401. Dégénérescence secondaire

de la -. par Soukhanofï, 402.

Faisceau spécial de la zone laté-

rale de la -, par BrLice, 403.

Tumeur de la -, par Pribytkofi,

421. Compression de la -, par

WerzilofI, 422.

Musculaires. Lacunes congéni-

tales, par Kalischer, 65. De la

substitution -, par Thomayer,

401.

Myasthénie bulbaire pseudopara-

lytique par Kojewmkoff, 322.

Myélite subaigué dorso-lombaire,

par Mongour et Carrière, 228.

aiguë ascendante, par Werziloff,

119.

Myxoedèmede l'adulte, par Briquet.

225.

Nécrologie. Mesnet, 269. Ed.

Seguin, 424.

Neurasthénie et paralysie générale,

par Régis, 154. , 'par Her-

.man, 312. - essentielle et -

symptomatique, par Dercum, 313.

- de Bçartl, pai- Levillaiii, 318.

Neurologie. Progrès de la - en

Amérique, par Huches, 321. Pro-

'grésréaiisésen,parSachs,

334.

Neurones. Théorie des -, par

J. Soiii,y, 371. - liyl)iiose et inhi-

bition, par Bombarda, 406.

Névralgie. Traitement chirurgical

rie la faciale, par Mauclaire,

74.

Névroses consécutives aux cyclones,

par Hughes, 225.

Noevi dans leurs rapports avec les

territoires nerveux, par Etienne,

.f9s.

Notes. Utilité des - mensuelles,

par Hospital, 340.

Noyau lenticulaire. Ramollisse-

ment du - et de la capsule

interne, par Pehu, 400.

Obsessions pyromaniaques chez une

dégénérée hystérique, par A.

Vigoureux,331.

OCULOMOTEUn. Noyau de l'- com-

mun, par Schwabe, 48. Noyaux

des nerfs, par de Bechterew, 479.

Olives inférieures. Cellules des ,

par Klinke, 486.

Optique. Entrecroisement du nerf

- , par Jacobsohn, 67. Entrecroise-

ment incomplet des nerfs - dans

le chiasma chez les mammifères,

par de Becltterew, 215.

OSTÉITE déformante de Paget, par

L. Lévi, 397.

Paralysie bulbaire asthénique, par

Kojewnilcoff, 88 ; par Widal et

Marinesco, 233. - récurrentielles,

par Lermoyez, 235. ascendante

aiguë par Ilirtz et Lesné, 237.

brachiale du type Erb, par Sin-

kler, 318. - lystérique du giand

dentelé, pr.Bluineilaou, 323.

Paralysie générale. Troubles tro-

hiques dans la -, par Cololian,

21, 177. - juvénile riérédo-syphi-

lViqne, par Sollier, 83. De la -,

par A. Paris, 127. Augmentation

de la en Angleterre, par Se-

wart, 148. - modifiée par Biel-

kowski, 119. Soins hygiéniques

et médicaux dans la - 162.

Altérations des petits vaisseaux

dans la , par Angiolella, 211.

table DES matières. 537 (

- secondaire avec dégénérescence

ascendante dans le cordon antéro-

latéral, par Lnlce, 218. - aiaue

par Richault, 345. Rapports rie la

- et de l'hystérie, par Robert,

345. - juvéiiiie, par Régis, Chris-

tian, A. Voisin, Brigand et Char-

pentier,.lti, 412. Lésions de la -

par G. Ballet, 413. - et svphilis,

par Brunet, Christian, 413; par

Solfier, A. Voisin, G. Ballet, 414;

par IaaTegeau, Charpentier, Ritti,

Toulouse, 415. Ëtio)ogede)a

et de la syphilis comme facteur

essentiel, par Clerc, 508.

Peintres de la médecine, parMeige,

426.

Pelviennes. Relations étiologiques

des affections chez les femmes

sur leur folie, par Robe, 144.

Persécutés mélancoliques , par

Lalanne, 266.

Phagocytose dans les cerveaux d'a-

liénés, par '113. -

PITUIT.11RE. Surfonction rle la âlande

- , par Massatongo, 65.

Polyurie nerveuse, par l3risu 1,

234.

POULS. Changements du - (]ans la

journée, par Binet et Courtier, 40 ?

Protubérance. Centre convulsif et

centre de locomotion au niveau

de la -, par de Sechterew, 489.

Psoriasis traité par l'extrait thy-

roïdien, par Bramwel, 161.

Psychomoteur, Le problème -, par

Nichots, 313.

Psychose polynévritiquc, par Sou-

khanoff, 239. Relation entre les

, la dégénérescence et la neu-

rasthénie, par Lcnlz, 323.

Pyramidales. Dégénérescence des

voies chez les cobaves, par

Souklianoff, 215.

RÉFLEXES. Mécanisme des , par

van Gehucliten, 215. - cutané

abdominal, par. Mayer, 343. Théo-

ne des , par de Massary, 481.

Relégation. Résultats de la loi du

1)7 mai- 1885, par liérard 259.

Responsabilité et folie, par Patter-

son, 76. - des unbéciles et ds

faibles d'esprit, par Beach, 77.

et justice militaire, par Ferria,

262. Variations de l'état montai

et de la , par Guyot, 266.

Rêves. Signification de quelques ,

par Thomaier, 140.

Rotulien. Du phénomène -, par

de Ilecht(,rew, 49.

RtjmxDEREH,,parF ! echsg,<6.

Saturnisme des ouvriers poudreurs

en porcelaine, pai- 1'liotivetict,

224. 1.

Scoliose. Rapports de la station

hanchée avec la - dorsale pri-

mitive, par P. Richer, 399.

Sensations pathologiques simples

ou associées chez les aliénés, par

(le Becliterew, 52.

Sensibilité. Troubles de la de

Bernhardt à la cuisse, par Luzen-

berger, 52; par Kcester, .191.'l'rou-

bles de la - cutanée, par Loe-

wenfeld, 6t. chez la femme.

par Ottolenghi, 21î. Troub ! es de

la - dai)3 Ips affeclioiis viscé-

rales, par Heall, 311

Simulation préventive de la folie,

par Vallon, 82 ; par Séglas, 270.

Société médico-psychologique, par

Brianll, gl, 2îU, fll. - Ile neulo-

pathologie et de psychiatrie de

.)Ioscou, par Rossolimo, Cliatal(ill

et Toharsl : i, 81, 165, 116.

Sorcellerie, par Regnault, 346.

Sourds-muets. Dictionnaire des ,

par Rattel, 95.

Strangulation et suffocation, par

Lacassagne, 172.

Suicide. Enquête sur le , par

Laupts, 79.

Sympathique. Lésions de la partie

cervicatedu,parJacobso)in.

222. - et corps thyroïde, par

Moral, 481.

Syphilis de l'encéphale : Diagnostic

dtfftienHei.par J. Teissieret

J. Row, 1, 91. - cérébrale, par

Kraus,)64.du système ner-

veux central, par Sydney Kuli. 309.

S1STÎ : 11E Rn1'I;LC. tlCtlOl1 (lü - Sllt'

les processus nutritifs, par Bever-

ley, 309. Altérations du - après

ablation des capsules surrénales,

par Douetti, 409.

Tabès. Maladie mentale associée au

autre que la paralysie géné-

rale, par Macdonald et D,,tvidson,

147. Rapports entre la syphilis et

le-, par Homen, 163. Symptômes

précoces du -, par de l3ecblerew,

522. Appareils orthopédiques dans

le -, par Grcbener, 406. Traite-

ment du -, pdr Haïchime, 407

838 TABLE DES AUTEURS ET. DES COLLABORATEURS.

'l'.11;ÉTIfIUCS. Mouvements invoton-

taires spontanés chez les -, par

Ilirschbern, 315.

Tac'r. l'aralyste du-pal Dubbers, ! rS8.

Tératologiqce. Cas complexe chez

un aliéné, par S. Gainier et San-

z

Tétanos a frigore, par Rives, 231.

Thèses de Bordeaux analysées par

Régis et liobert, 260. -de l'ai is,

relatives aux maladies nerveuses

et mentales en 1896 et 1897, 509.

Tic comulsif simple, par iMartaud,

267. - substitue à une névralgie,

par Mojer, 321.

Toxiciié musculaire, par Jendras-

sik, 47.

ToiiiicoLib .mental. Traitement (;Iii-

eurgical du -, par Itrmsaml, 71. I.

Trijumeau. Racine spinale du ,

par \Vallejibei ? 50; par Soukla-

nofl, 410. Recherches sur l'origine

du -, par Khatsclikin, 't90.

Trismus hystérique, par Biolot et

Fraiicotte, 323.

Tuberculeuses. Névroses. -, par

Escti(lei,, 231.

Tumeurs cérébrales et épilepsie

lachsonienne, par Abrams et Du-

cllev Tait, 320. -, par Auvray,

3a0'.

Urémie. Les éléments nerveux dans

l' -, par Acquisto et Pusateri,

211.

Vieillesse. Psychoses de la ? par

Alexamler, 1 11.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abadie, 73, 74.

Abrams, 320.

Acquisto, 211.

Aimé, 61.

Alexanrier, 141.

Angiolella, 143, 211. I.

Arnaud, 83.

Auld, 320.

Auvray, 350.

Ballet (Gilbeil), 223, il3.

Batman, 130.

lieach, 77.

Ilechteiew (ie), ÉJ. b2,

215, 322, 101, 'r19,

489.

Bell, 76.

liera rd, 359.

tierkiey, 321,337.

Bernhardt, 495.

Bernstem, 70.

Beverlev, 309.

Bézy, 26" I.

l31elkowski, 1 19.

liinet, 403.

lüolot, 323.

Illumenaou, 323.

Bombarda, 406.

t3onatdi, 311.

Bonne, 238.

13ouchaud, 235.

l3ourneville, 21, 258.

Uramwell (B.), 161.

Bramwell (IL), 227.

l3ramwell (.M.), 326, 33à.

f3naud, 81, 83, 412.

Briquet, 225.

Briscol, 148.

l3rissaud, 71, 234, 85.

Bruce, 403.

llriinet, 413.

Iluccelli, 142.

bock, 232.

Bury, 220.

Bmc)),4(}.

Cabannes, 315.

Carrièie, 228.

Carter, 337.

Cauber, 153.

Chantemesse, 483.

Charpentier, 83, 412.

Chataloli, 84.

Chauffard, 104.

Christian, 83, 135, 412.

Clirist iaiii, 211. 1. '

Christopher, 228.

Chaton, 261.

Ciaglinski, 66.

C)a ! k,33t.

Ci.illip, 210, 311.

Clerc, 508.

Cullm, 319.

21, 177, î,

Courront, 240.

Courtier, 403.

Cullerre, 138.

Davenport, 336.

Uacidson, 157.

D.'lno, 56.

Dorcum, 313.

Devic, 210.

Dezon, 262. -

Dixon, 62.

Donelti, 501, 109.

Dubbers, 488.

Duriley Tait, 320.

Dumaz, 499.

Uupuy, 423,

Ellis, 155.

Escurier, 70, 231.

Etienne, 198.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 539

Febvré, 81.

Feray, 202.

Féré, 273.

Ferranri, 159.

Ferres, 262.

Flechsig, 40, 493.

Francotte,158,323,339.

Carnier (P.), 82.

Garnier (S.), 201.

Gérard Marchant, 74.

Gehuchleu (van), 215.

Glati, 350.

Grand, 233.

Grasset, 405.

Grebeuer, 406

Greco, 80.

Gi iiiialdi, 212.

Gudden, 410.

Guillod, 263.

Guillon, 263.

Z

Giiiiiiioiie, 140, 330.

Guyot, 266.

Ilead, 317.

Hersman, 312, 333.

llmscltberâ, 31.

llu tz, 237.

Homes, 163.

Hospifal, 340. I

Howard, 135.

llrilheka, 402.

Huches. lil, 321.

llurd, 311.

Jacobsolm, 67, 22 ? .

Janet, 230.

Jendrassik, 47.

Jonnesco, 158.

Juliusberger, 192.

Kahscher, 65.

Kirrnan, 142, 229.

Kliatschkin, 490.

lilinlce, 486.

Klippel, 61, 182.

Koch, 156.

Koester 19l.

Kojewnihoff, 88. 322.

Konipe, 498.

Krauss, 164.

ltit,ella, 154, 216.

Labbé, 151.

Lacassagne, lit, 172.

Lalanue, 266.

Lannois, 397.

Lapersoime (de), 233.

Z

Laupts, 79.

Legrain, 2'il, 296.

Le.lo ? 81.

Ieuoble, 239..

I.entz, 323.

1. épi ne, 241,

Leimoxez, 235.

Lesné,"237.

Lévy (L.), 397.

Lewllain, 3f8.

Liepmann, 149.

Liiil,e, 218.

Loewenfelri, 64

Loinitz, 84.

Loewetha), 51.

Lulzenbei ger (de), à2.

Mabille, 390.

3lacdonald, 147.

Mally, 223.

Jlamourowaky, 84.

Marfan. 165.

Marie (.1 ), 353.

\larie (l'.), .18f.

l,-ii,iiiesco, 59, gus, 220,

233, 400, 483.

Marissa, 408.

\laitaud, 267.

Martin (.), 267.

Massalongo, 65.

)fasary (de), 481.

Mauclaire, 74.

Maver, 343.

.lei,7e, 426.

3lololetcliow, Si.

Mongour, 228.

Morat, 481.

Mouratolî, 420.

Mouravielï, 91.

Moyer, 321.

mus, 343.

Murray, 160.

Vagy, 5G, 222.

Newmaik, 319.

W cltols, 313.

Nissl, 04.

Xoecke, 155.

Noir, 288.

Orlowski, 166.

Ottolenghi, 217.

137, 256.

Pans (A.), 127, 391.

Pitl-tliei-, 160, 226.

t ? nerson, 7G.

l'auly, 238.

Z ·

Pehu,400.

Pelletier, 508.

Ptclto , 343.

Pitres, 57.

L`rtbytl : off, 166, 421.

Prouvost, 344.

Puuton, 340.

Piisaten, 211.

Quénu, 164.

Italcliliiie, 407.

Ltatiel, 95.

Itaymon<L (F.), 398.

liegis, 154, 260.

liegnault, 346.

Régnier, 346.

lleinitli, 486.

Rhein, 312.

ltichault, 345.

Richer (P.), 399.

llicliet (Ch.), 214.

Riss, 67.

Rues, 231.

liobert, 260, 345.

liobertson, 101.

Itohé, 114.

Itoncoroui, 216, 219.

liosenbach, 152.

liossolmto, 8f, 91.

Ilotiiiiialiti, 55.

Rouby, 258.

Roux ).), 1, 97.

Rowley, 336.

Ltoaburgh, 319.

Russel, 143.

Sabrazès, 315.

Sachs, 334.

Samton, 58.

Sano, 221.

Santeuoise, 201.

Savage, 324.

Scarpaletti, 410,

Schlesinger, 390.

Sclrnfer, 54.

Seliwabe, 48.

Ségl,ts, 82, 158, 270.

Senmdalow, 4 ! 6.

Sfameni, 395.

Sinkler, 318.

Smith, 161.

Suévé; 308.

Soelder (de), 49.

Smnger, 488.

Sokolowski, 150.

Solfier, 83, 93.

Sommer, 230.

540 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Soukhanot3', 21h, 39,

402, 410.

Souques. 68, 400.

Soury, 371.

Spiller, 315.

Stearns, 137.

Stewart, 148.

Streltzow, 169.

Sudduth, 72.

Sydney Kuh, 309.

Tarde, 171.

Tarnier, 232.

,il 1, Y, 325.

'l'essier (J.), I, 91.

Thomayer, 140, 401.

Thouvenet, 224.

Toubs, 144.

Tokarski, 84.

'l'oy, 332.

Turuer, 213.

Urbano, 211.

Valdès, 225.

Vallon, 82, 83, 353.

Vannod, 497.

Verger, 348.

'igouroux, 223, 331.

visn a , sl~, Ft2.

Voisin (J.), 268.

\Vall : er, 337.

Wallenberg, 50.

Weber, 330.

Weidenhamer, 416.

\'erzilu(F, 166, 419, 423.

Widal, 233.

Winkles, 502.

\Vise, 3-10.

Withe, 318.

Yersin, 497.

Znkrewski, 257.

Zuccarelli, 77.

Ev rew, Cli Ilteissev, imp. - 698.