ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NEUVËUSES ET MENTALES
Fondez par J.-M. Cil ARGOT
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M.I.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
à la Faculté de médecine
de Paris.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Sle-Anne).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des mendies
du système nerveux
à à la Faculté de médecine
de P.iris.
COLLABOITATRUIIS PRINCIPIUX
\1H. ATHANASSIO, BABINSKI, BALLET, BLANCHARD (11.), BLIN,
F. BOISSIElt, 131tlANU (S1.). BRICHE, l31tISSAlIU (E.), 13110t1A13UEL (l'.),
CATSAIIAS, CHAIIBEI1T, CHIIRO : '\. CHRISTIAN, CULLEIlItE,
DEBOVE (1VL). UENY, DEVAY, UUCAHP, IIUVAL (lmll.\8), FEN\YlIOU, FKIIIIIER,
FRANCOTTE, GILLES DE LA TOUHKTTK. GARNIEU (S.), G0111tAULT, GRASSET,
ICI : IttYAL(P.1, ICLII'PBL, LA\U)IiZY, LWOPF,
MAIUNDON DE MONTYEL, A. Naltllr, HIEI3ZEJEWSICY, 11USGIIAVE-f,LAI, NOIR,
PARIS, PIERRE PITItES, RÉGIS, IIEGNAH,) .(1'.), RIWNIEII (P.), IIIGItEIt (P.),
P. . III : LL4Y, ROUI11NOVITCH, It0'fH (W.) SEGLAS. SEGUIN (1-l.-(;.), SÉRIEUX,
SOLLIElt, souques, SOIIIIY (J.j, TA GUET, fI : IN'fllfilElt (E.), terrien, TLIULIÉ (H.),
TOULOUSE (E.), VILLA13D, VOISIN (J.), Y VOS (P.).
Rédacteur en chef : BOUITNL ? VILI.E
Secrétaire de la rédaction : J.-B. CIIAIlCOT
Dessinateur : LEUBA
Deuxième série, tome IV. 1897.
Avec 27 figures dans le texte.
* PARIS
BUUEAUX DU 'PItOGIiÈS MÉDICAL
il,, rue des Carmes.
1897
Vol. IV. Juillet 1897. N° 19.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE.
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. \ ?
(Symptômes de compression et phénomènes hallucinatoires.)
PAR
M. TRMNEL, et T A. ANTHEAUME,
Médecin-adjoint de l'Asile Interne des Asiles de la Seine.
Saint-Yon. -
. L'observation suivante a été recueillie à l'asile de Villejuif
dans le service de notre maître M. BRIGAND. Les faits de ce genre
ne sont pas exceptionnels, mais celui-ci en particulier doit son
intérêt à la présence de phénomènes hallucinatoires d'un carac-
tère spécial et à un complexus symptomatique assez rare,
qui permit d'établir, durant la vie, la localisation probable.
>
Sommaire. Femme de soixante-quatre ans. Début il y a six ans par
de la céphalée, des vertiges avec parésie et vaso-constriction du côté
gauche de la face, chute rare, et seulement depuis deux ans perte de
connaissance. Vomissements. Troubles mal définis de la marche depuis
deux ans. Amaurose progressive, hallucinations visuelles. Surdité
progressive, complète ci gauche, avec quelques hallucinations audi-
tives vagues. Dépression et délire mélancolique, tentative de suicide.
Etat actuel. Marche parétique, puis dérobement des jambes,
parésie des muscles anté1'o-exte1'1les de la jambe droite, finalement
contracture en flexion des membres inférieurs. Réflexes tendineux
forts. Rien aux membres supérieurs. Amaurose avec hallucinations
de la vue, mobiles de gauche à droite et multiples. De plus Izullzcci-
nation visuelle, lumineuse, unique et permanente dans la fixation
Archives, 2e série, t. IV. 1
2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
du regard ci gauche et en haut. Névrite optique. Surdité complète ci
gauche, très marquée à droite. Mort dans le marasme.
Autopsie. Gliome du bord antérieur gauche du cervelet com-
primant les régions voisines du cerveau, du cervelet et de la p1'Ulzc-
bérance, et intéressant les nerfs trijumeau, facial et acoustique
gauches.
Marie B., femme K..., soixante-quatre ans, entrée le 6 décembre
1893 à l'Asile de Villejuif, service de M. Briand.
Antécédents héréditaires. Inconnus.
Antécédents personnels. Pas d'alcoolisme. Une fausse couche;
à plusieurs reprises poussées d'eczéma ( ? ) du cuir chevelu. Une fille
morte d'une affection stomacale.
L'affection actuelle a débuté il y a environ six ans ; à celte époque,
la malade était sujette à de fréquents étourdissements sans perte
de connaissance, ni chute consécutive. L'état vertigineux durait
quelques minutes environ ; en même temps le côté gauche de la face
était légèrement parésié d'une façon tout à fait transitoire. Cette
hémiparésie s'accompagnait de fourmillements limités aux mem-
bres du même côté; elle ne s'est pas reproduite, lors des accès les
plus récents qui ont précédé l'entrée de la malade à l'Asile. Pen-
dant ces accès, le côté gauche de la face était pâle, la respiration
profonde et très ralentie.
Au début, la malade n'aurait pas perdu connaissance, ainsi que
nous venons de le faire remarquer ; mais depuis deux ans, il y aurait
eu de véritables ictus d'une durée d'un quart d'heure, environ,
sans aucun accident consécutif particulier.
L'un des premiers symptômes a été une céphalalgie tenace, très
intense et atrocement douloureuse, non localisée, qui a disparu
depuis quelques mois. Il en est de même des vomissements bilieux
et des nausées, qui autrefois survenaient au lever et dans le courant t
de la journée. L'intelligence devînt moins active; la malade pou-
vait alleret venir, mais restait incapable d'aucun travail, ce n'est
que depuis deux ans, que la marche est devenue difficile, confinant
la malade à la chambre.
Mais antérieurement étaient survenus des troubles oculaires; la
vue s'affaiblit peu à peu; enfin apparaissaient des hallucinations
visuelles s'accompagnant d'agitation nocturne et de trouble du
sommeil. En juillet 1892, la malade alla consulter le Dr Meyer,
à l'obligeance duquel nous devons l'examen ophtalmologique
suivant faità cette époque : L'examen desfonctions visuellesdonne,
après correction de la réfraction (-f- 2,50), pour l'oeil gauche 2/3,
pour le droit 1/8 de l'acuité normale. A l'examen ophtalmoscopique,
on constate une névrite optique des deux yeux et en outre à droite,
des traces d'hémorragies anciennes ainsi que d'hémorragies
récentes. » '
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 3
Le diagnostic de tumeur cérébrale probable fut alors posé.
A l'heure actuelle, l'amaurose est complète. Depuis longtemps
déjà, la malade avait de vagues hallucinations de la vue : elle voyait
« des choses » autour d'elle; il y a quatre mois les hallucinations
deviennent très intenses et s'accompagnent de très vives sensations
lumineuses. Marie B..., voit « des étoiles, des salons capitonnés, des
choses magnifiques, de longues files de personnages défilant un à
un; elle prétendait voir constamment une paysanne assise à table
à côté d'elle, vêtue du costume breton ». Elle a présenté également
de la zoopsie très nette (troupes de chats). Depuis six ans (pas de
renseignements antérieurs à cette date sur ce point), il existe une
surdité complète de l'oreille gauche, et la malade, notons-le, parait
avoir eu quelques hallucinations de l'ouïe, communes et élémen-
taires (mais non verbales), souvent elle se levait de son lit croyant
qu'on frappait à la porte. Nous n'avons pu savoir si les hallucina-
tions auditives étaient unilatérales.
A la suite de la mort de sa fille survenue en 1886, Marie B. était
devenue très triste; dès le début des accidents oculaires, elle tomba
dans une dépression profonde avec vaguei idées de persécution,
mais surtout idées délirantes mélancoliques très prédominantes et
assez actives : elle se reprochait « d'être un fardeau pour ses amis,
elle craignait devoir ceux-ci se fatiguer de la nourrir par charité,
elle ne voulait plus rester à charge à sa propriétaire, etc. «.Enfin elle
fit une tentative de suicide, dont elle porte les traces, à son entrée
à l'Asile (coups de rasoir, dans la région sus-hyoïdienne).
État actuel. Marie B... se tient difficilement debout, et vacille
fortement quand on lui enlève son point d'appui, elle peut faire
-quelques pas en poussant une chaise devant elle, mais progresse
sans détacher les pieds du sol et est rapidement obligée de s'asseoir.
Il a été impossible de faire un examen complet des troubles de la
marche, tant à cause de l'affaiblissement intellectuel de la malade
que de son anxiété qui s'accroît pendant l'examen. Les réflexes
rotuliens sont forts, les réflexes plantaires exagérés, la sensibilité
est intacte dans tous ses modes, il n'existe aucune espèce d'incoor-
dination tant aux membres inférieurs, qu'aux membres supérieurs;
le sens musculaire, autant qu'il est possible d'en juger, semble intact.
Il existe un léger strabisme interne de l'oeil droit, les pupilles
sont largement dilatées et immobiles; l'examen ophtalmologique
fait par notre ami M. Daguillon, a donné les résultats suivants :
O.-D. Cornée normale. Pupille très large, immobile. a) Image
directe : petits corps flottants très ténus, se déplaçant dans les
mouvements de l'ceil. b) Image renversée : Névrite optique. Papille
volumineuse, blanche, à contours très vagues, affectant la forme en
éclatement. Nombreux foyers hémorragiques autour de la papille,
disposés en couronnes, interruptions apparentes des vaisseaux, qui
sont tortueux, très turgescents, d'apparence variqueuse.
4 PATHOLOGIE NERVEUSE.
0. G. Cornée, normale. Pupille très large, immobile. a) Image
directe : corps flottants moins nombreux, mais plus volumineux.
6)Image renversée, papille volumineuse, blanchâtre, atrophiée sur
son côté interne dont lebord est très bien délimité. Dans cette partie,
la papille ne présente- que peu de vaisseaux. Du côté externe, la
papille a des rebords très flou. Elle est nettement le siège d'une
névrite optique caractérisée par le même aspect ophtalmoscopique
que de l'autre côté, mais on remarque en plus que la branche
supérieure de l'artère centrale de la rétine présente un volume
anormal, une dilatation fusiforme. De la branche inférieure se
détache un petit vaisseau très mince et très ramifié qui va irriguer
la partie atrophiée de la papille. A la partie externe de la rétine,
plusieurs hémorragies comme à droite, mais plus étendues.
L'image droite vérifie ces résultats des deux côtés. Le corps vitré
apparaît des deux côtés comme pulvérulent, voilant la papille.
A un nouvel examen le 1er février 1894, on trouva le même
aspect du fond de l'oeil, à droite et à gauche, il existe de nombreux
petits corps flottants globuleux.
Il y a surdité absolue de l'oreille gauche; à droite affaiblissement
de l'ouïe considérable; la montre n'est entendue qu'à quelques centi-
mètres de distance.
La malade a des hallucinations de la vue extrêmement vives :
elle voit des armées défiler devant elle, des files de personnages ;
de plus, elle a une hallucination unilatérale que nous avons cons-
tatée à maintes reprises, et qui a persisté jusqu'au dernier jour :
quand elle portait son regard à gauche et en haut, elle voyait
immédiatement une lampe allumée qu'elle désignait du doigt
et qu'elle décrivait, comme étant une « lampe à pétrole ». Cette
hallucination disparaissait dès que la malade détournait le regard.
Marie B... est très déprimée, anxieuse et délirante. « Vous avez
l'air, disait-elle, de vous intéresser à moi et vous voulez me tuer. »
Elle disait aussi qu'on voulait l'empoisonner.
Quelque temps après son entrée, Marie B... est atteinte d'une
pneumonie gauche avec herpès labial, pendant laquelle la tempé-
rature atteint 39,8. Guérie de sa pneumonie, elle devint graba-
taire, incapable de se tenir sur les jambes; elle s'effondrait aussi-
tôt qu'on la mettait debout. On constata alors une légère parésie
des muscles antéro-externes de la jambe droite accompagnée
d'un certain degré de raideur des antagonistes. Cinq jours après
la guérison de la pneumonie, durant une journée entière, on
remarqua que le côté droit de la face était rouge et congestionné
comparativement au côté gauche. Peu à peu les membres infé-
rieurs se contracturèrent en flexion, l'extension complète devenant
impossible sans douleur. Rien d'analogue ne fut noté aux membres
supérieurs; les mêmes hallucinations persistèrent avec leur caractère
et spécialement l'hallucination unilatérale de la vue. Pendant tout
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. à
le séjour à l'asile, on n'eut jamais l'occasion de constater d'ictus.
Au mois de mai, la malade s'alimente mal, s'affaiblit progres-
sivement, une escarre fessière apparaît; la mort survient le
3 juin 1894.
Autopsie. L'autopsie, pratiquée le 5 juin, a démontré l'exis-
tence de la tumeur cérébelleuse diagnostiquée.
Etude du néoplasme. La tumeur non adhérente à la dure-mère
et facile à énucléer a la forme d'un ovoïde à grosse extrémité
antérieure. Sa surface est légèrement mamelonnée, sa consis-
tance est ferme et la coupe (à l'état frais) se montre régulière et
semée de nombreuses petites taches rougeâtres ayant l'apparence
d'hémorragies punctiformes ou miliaires sur un fond gris rosé qui
est la teinte générale.
Les rapports anatomiques de la tumeur, ainsi qu'on peut le voir
sur ce dessin que nous devons à l'obligeance de notre ami
M. Gruzelle, rendent compte des symptômes observés durant la vie.
La tumeur est située entre le côté gauche de la protubérance,
Fig. 1. T, tumeur du lobule du pneumogastrique. L, P, lobules
du pneumogastrique. Le lobule gauche est des deux tiers moins
volumineux que le droit. A, Amygdales.
6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
le bord interne du lobe temporo-sphénoïdal qu'elle repousse légè-
rement par l'intermédiaire de la tente du cervelet et le bord anté-
rieur du cervelet dont elle émane. Elle creuse ainsi une profonde
dépression sur. la face gauche de la protubérance, et elle a fait
disparaître presque entièrement le lobule du pneumogastrique
aux dépens duquel elle semble s'être développée et dont il ne
reste plus qu'un tronçon minime à sa partie externe.
Les nerfs voisins sont accolés à la tumeur : le trijumeau
gauche est le plus directement intéressé; peu après son origine
il se disperse à la surface du néoplasme sous forme d'un faisceau
étalé de fibrilles grêles. Le facial et l'acoustique gauches sont
également accolés à la tumeur, mais leur tronc parait de volume
et d'aspect normal et n'est pas dissocié. '
Notons ici que l'oreille gauche (côté de la tumeur) est le siège
d'une otite moyenne ancienne.
Examen histologique du néoplasme (après durcissement dans la
liqueur de Millier).
A un faible grossissement, après coloration au picro-carmin et à
l'hématoxyline-éosine, on constate les deux caractères suivants :
1° La tumeur est essentiellement constituée par des cellules dont
les noyaux bien visibles sont arrondis ; ces cellules sont séparées
par du tissu nerveux ;
2° On constate des vaisseaux sous forme de.lacs sanguins, vais-
seaux ayant parfois une paroi très mince et d'autres fois appa-
raissant comme des lacs sanguins sans autre délimitation que le
tissu même de la tumeur. Il s'agit là de vaisseaux capillaires véri-
tablement énormes, qui autorisent la dénomination de téiangicc-
tasiques. Parfois ces vaisseaux au nombre de quatre ou cinq forment
un îlot dans la préparation; d'autres fois, ils y sont disséminés.
A un fort grossissement nous allons étudier ces deux éléments,
vaisseaux et tumeur.
1° Du côté des vaisseaux, nous trouvons une paroi très mince,
fibrillaire ; le sang présente d'assez nombreux globules blancs qui
sont colorés par la méthode de Pall. Sur les coupes longitudinales
de quelques vaisseaux on peut constater dans leur gaine la pré-
sence de blocs ocreux disséminés et de quelques amas cellulaires,
en voie de dégénérescence. Enfin, il existe des artérioles présen-
tant les caractères de l'artérite chronique avec épaississement
énorme de la tunique externe.
2° Les cellules se présentent avec un protoplasma plus ou moins
régulièrement arrondi. Ce protoplasma est clair, non granuleux et
présente à son centre un gros noyau fortement coloré par l'héma-
toxyline.
' Nous remercions ici M. Flippe ! , médecin des hôpitaux, qui nous a
guidé dans cet examen.
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 7
Quelques-unes de ces cellules offrent un vestige de prolongement
protoplasmique qu'on ne peut pas suivre bien loin et qui parait
artificiellement brisé. Quelques cellules encore à protoplasma plus
étendu et de forme irrégulière, présentent des amas de granula-
tions ocreuses (cellules nerveuses dégénérées) ?
En résumé, d'après les caractères précédents, on peut conclure
qu'il s'agit ici d'une tumeur gliomateuse à cellules irrégulièrement
arrondies avec protoplasma dont les prolongements sont absents
ou brisés, l'un des caractères essentiels du néoplasme étant la
télangiectasie.
Examen des nerfs crâniens. L'examen histologique a porté
sur tous les nerfs intéressés directement ou indirectement par le
néoplasme, les coupes étant traitées par le procédé de Weigert-Pall,
la méthode de Rosin, par la nigrosine et le picro-carmiri, après
durcissement dans la liqueur de Millier. Voici les résultats obtenus :
Nerfs optiques. A l'oeil nu, aspect grêle ; histologiquement
ésion très accusée, consistant en une sclérose dissociante et atro-
phique.
Nerf trijumeau gauche. A l'oeil nu le tronc du trijumeau est
étalé en fascicules grêles à la surface de la tumeur.
Sur une coupe faite à ce niveau (et intéressant néoplasme et
fihres dissociées), nous notons de légères altérations : fibres grêles
et variqueuses, mais sans dégénérescence plus avancée. Au même
niveau, vaisseaux du nerf congestionnés et remplis de globules.
A l'abord du ganglion de Gasser, le tronc du trijumeau gauche
ne présente pas histologiquement de lésions remarquables ; il en
est de même pour les branches terminales.
Les cellules du ganglion de Gasser ont conservé leur forme
régulière, elles ne sont pas atrophiées, mais offrent un certain
degré de pigmentation.
Nerf facial gauche. - L'examen a porté sur différentes portions
du nerf, au niveau de la tumeur et dans l'aqueduc de Fallope (en
raison de l'otite moyenne). A l'examen histologique, il existe en
ces divers points une sclérose légère, avec raréfaction des fibres
nerveuses facilement appréciable.
Nerfs acoustiques. - Pour l'acoustique gauche, on constate his-
tologiquement une diminution notable des fibres myéliniques et
des cylindres-axes, l'acoustique droit parait de structure normale
(l'examen a porté sur ce dernier nerf à l'entrée dans le conduit
auditif interne). @
Les autres nerfs crâniens ne nous ont présenté aucune altéra-
tion, -
Cerveau et moelle. Au point de vue macroscopique, sauf un
léger degré d'oedème cérébral,^ les hémisphères cérébraux et la
moelle, n'offrent aucune particularité. A l'examen histologique
des coupes de l'écorce frontale gauche, traitées par les procédés
8 PATHOLOGIE NERVEUSE.
de technique habituels, ne présentent pas de détails importants
à signaler et paraissent de structure normale.
L'examen microscopique de la moelle n'a pu être pratiqué
jusqu'ici que sur la région cervicale supérieure, et dans ce point
nous avons constaté les faits suivants qui sont du reste très inté-
ressants : intégrité des cordons latéraux et antérieurs, lésion des
cordons postérieurs exclusivement au niveau des faisceaux de
Goll avec prédominance très nette de dégénérescence d'un côté.
(Nous reviendrons sur ce point et sur l'examen des autres seg-
ments médullaires dans une étude ultérieure.)
Voici les autres détails de l'autopsie :
Du côté des organes on note : coeur mou, pâle, adipeux, sans
lésion d'orifice, de dimensions normales. Broncho-pneumonie à
foyers disséminés du sommet du poumon et du lobe moyen à
droite; à gauche, congestion de la base. Adhérences pleurales
anciennes et néo-membranes récentes à droite. Les ganglions
bronchiques sont volumineux et indurés.
Foie gras. Rate congestionnée. Les reins sont un peu conges-
tionnés. Les organes digestifs sont sains. Utérus et annexes
normaux.
I. - Le diagnostic de tumeur cérébelleuse fut posé en pré-
sence de la nature des ictus foudroyants et passagers à la
façon des ictus cérébelleux, de la céphalalgie précoce et intense,
de l'amaurose assez précoce aussi, et de la démarche vacil-
lante. L'existence de la surdité pouvait être une première
indication pour un diagnostic de localisation plus précise ;
mais l'otite moyenne ancienne et le fait que la surdité existait
avant le début des accidents rendaient ce symptôme inutili-
sable. Il n'en était pas de même de la parésie faciale passa-
gère, qui paraît d'ailleurs n'avoir consisté qu'en un léger abais-
sement des traits du côté gauche. Mais le symptôme impor-
tant est la remarquable anémie unilatérale gauche de la face ;
ainsi qu'on le verra dans un instant, elle ne peut guère être attri-
buée qu'à une action de la tumeur sur le trijumeau.
Ces différents signes indiquaient une tumeur située dans la
région du facial et du trijumeau. Les troubles subjectifs de la
sensibilité et la parésie généralisée (accompagnée plus tard de
paralysie localisée du membre inférieur du côté opposé au
siège probable de la tumeur) étaient la preuve d'une compres-
sion progressive de la protubérance. Le diagnostic de la loca-
lisation pouvait donc être posé d'une façon assez rigoureuse.
A ce point de vue, ce cas rappelait celui qui a été décrit par
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 9
M. Brissaud' dans une de ses leçons de la Salpêtrière et dont
voici le résumé : Surdité progressive et complète de l'oreille
gauche, crises d'hypersécrétion salivaire à droite, céphalée pa-
roxystique explosive, ictus cérébelleux, sensation d'incer-
titude, marche titubante, raide, avec attitudes forcées, amblyo-
pie par névrite optique double. M. Brissaud .diagnostiqua une
tumeur « dans la région du corps restiforme gauche et plus
exactement en un point où la racine externe de l'acoustique
branche cochléaire, auditive, peut être gravement altérée ou
détruite, tandis que la racine interne (branche vestibulaire),
serait probablement respectée ». Il ajoute qu'en effet la
branche externe est la plus voisine du facial (intéressé par la
lésion, d'où le spasme facial et l'hypercrinie paroxystique), et
que les symptômes moteurs observés faisaient supposer une
lésion moins profonde de la branche interne en raison de leur
intensité relativement faible. Il fait remarquer en outre l'in-
tégrité de la 5° paire.
Dans notre cas, le diagnostic de tumeur cérébelleuse une fois
posé, chose facile, l'attention fut attirée par un renseignement
qui nous fut donné de la façon la plus catégorique : dans ses
ictus, la malade présentait cette pâleur extrême unilatérale de
la face dont il a été question plus haut. L'intensité en était si
marquée qu'elle avait vivement frappé les personnes de l'en-
tourage de la malade. Ce symptôme est absolument excep-
tionnel dans les cas de tumeur du cervelet et de la protubé-
rance ; nous'n'avons rencontré dans nos lectures que six faits
qui puissent en être rapprochés plus ou moins. Luys cite un cas
de Blin 2 où l'on trouva à l'autopsie un kyste de la surface du
lobe cérébelleux gauche ; on avait observé durant la vie de la
pâleur de la face et une contracture des extrémités. Nothnagel8
enregistre une observation d'Oliver qui, dans un cas de gliome
du lobe moyen, nota des changements de coloration très ra-
pides du visage ; il existait de la cécité avec simple pâleur de
' M. Brissaud. Syndrome cérébelleux. (Progrès médical, 20 janvier
189r, et Leçons sur les maladies nerveuses.)
2 Blin. Bulletins de la Société analomique, 1851, p. 158. Luys..1r-
chives générales de médecine, 1861. L
3 Oliver. Soles on Ihree cases of' cerebellar diseuse. (Journal or
anal. and, l'hys., juillet 1883.) - Cité in Nothnagel. Traité des maladies
de l'ettcéphale. Trad. Keraval.
10 PATHOLOGIE NERVEUSE.
lapapille. Bourneville et Isch-Wall' notent dans leur observa-
tion (tubercule ayant envahi toute la protubérance) de la
congestion passagère de la face, dans les derniers jours de
la vie, des troubles vaso-moteurs particuliers, sous forme de
plaques rouges de la face. Ils font remarquer la rareté des
troubles vaso-moteurs dans les lésions de la protubérance et
citent à ce propos un cas de Rendu (Elévation de la tempéra-
ture au bras du côté répondant à la lésion). Jacobsohn et Ja-
mane dans un travail tout récent 3, donnent, entre autres,
une observation (obs. 8) où la tumeur est identique de siège
à celle qui est figurée ici ; ils constatèrent à un moment
donné des alternatives de pâleur et de rougeur du visage. Cette
observation, notons-le en passant, est une preuve de la diffi-
culté du diagnostic des tumeurs du cervelet : au début, le
diagnostic d'hystérie fut un instant posé. Les troubles men-
taux consistaient en une démence progressive.
Il n'est guère possible, dans notre cas, d'expliquer l'anémie
unilatérale autrement que parune irritation du trijumeau, qui,
suivant l'opinion généralement admise, contient des fibres
vaso-constrictives. Les expériences sont cependant un peu con-
tradictoires sur ce point. Nous rappellerons que M. Laborde
a obtenu expérimentalement par la piqûre superficielle du tri-
jumeau à son origine des phénomènes de vaso-contriction.
C'est là d'ailleurs un phénomène commun aux irritations su-
perficielles des nerfs sensitifs en général, ainsi que le faisait
remarquer à cette occasion M. Jolvet. (Société de biologie,
'18 î9.)
Le symptôme peut d'ailleurs être attribué soit à l'action
directe de la tumeur sur le nerf, soit à la compression de la
protubérance au niveau de la racine ascendante du trijumeau
et du faisceau intermédio-latéral, si l'on admet que ce faisceau
fasse partie du système sympathique médullaire. Le ralentisse-
ment de la respiration dans les ictus pourrait être rapporté
aussi à une action réflexe du trijumeau; ce phénomène a été
en effet constaté expérimentalement, mais il n'y avait peut-
1 Bourneville et Jsch-Wall. Progrès médical, 1887, n°' 33, 34, et
Compte rendu de Bicélre, pour 1888.
. Nothnagel cite un cas analogue de Lépine.
3 Jacobsohn et Jamane. Sur la pathologie des tumeurs de la fosse
cérébrale inférieure. (Arch. f. Psychiatrie, 29, 1, 1896.)
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 11
être là aussi chez notre malade qu'un symptôme banal qu'on
observe dans d'autres circonstances. La céphalalgie paroxys-
tique ne peut être non plus rapportée à l'irritation du triju-
meau, elle n'a pas paru avoir été unilatérale; elle présentait
bien le caractère de douleur atroce qu'on observe dans les
tumeurs du cervelet quel que soit leur siège.
Enfin, comme dernier caractère négatif, qui pouvait faire
hésiter sur l'extension possible de la lésion vers le trijumeau,
nous avons noté l'absence de trouble de la sensibilité ; du
moins on ne put jamais constater de différence nette dans la
sensibilité des deux côtés de la face. L'attention de la malade
envahie par les hallucinations de la vue était d'ailleurs diffi-
cile à fixer.
Cependant, malgré l'absence à l'époque où la malade fut
observée, de symptômes de lésion du trijumeau, l'existence
antérieure de cette anémie unilatérale permettait d'affirmer
presque à coup sûr que la tumeur devait atteindre cette région
de la protubérance, ce que l'autopsie a confirmé. Il n'y avait
guère de raison d'attribuer l'anémie unilatérale à l'action du
nerf facial qui fournirait des fibres vaso-constrictives à la joue,
car ces fibres d'emprunt proviennent des anastomoses de ce
nerf avec le sympathique, au delà du point où la tumeur pouvait t
l'intéresser. D'ailleurs, l'autopsie prouva qu'il était bien moins
intimement en rapport avec le néoplasme que le trijumeau
absolument dissocié. La lésion partielle du facial assez mar-
quée permet, par contre, d'expliquer la parésie qui aurait
existé au début.
Pour conclure, notre cas nous paraît jusqu'à un certain point
remplir le desideratum exprimé par Nothnagel : « On devrait
en vérité s'attendre à rencontrer bien souvent l'atteinte des
tractus vaso-moteurs (dans les lésions protubérantielles en gé-
néral), quand on compare la fréquence des perturbations de
ce genre dans les foyers cérébraux à localisation déterminée,
et quand on considère que dans l'état actuel de la science les
faisceaux vaso-moteurs qui se rendent au cerveau sont préci-
sément obligés de traverser la protubérance. » Il ajoutait' qu'on
n'avait pas encore décrit les troubles vaso-moteurs de la face
dans les cas de ce genre, sauf l'inflammation vaso-paralytique
de l'oeil qui « n'appartient sûrement pas aux symptômes rele-
' Notlinagel. p. 1 48.
12 PATHOLOGIE NERVEUSE.
vant de la protubérance » ; mais l'absence de données à ce
sujet lui parait dû surtout à un défaut d'observation.
II. Il y a lieu d'insister sur les troubles psychiques et
hallucinatoires présentés par la malade :
A. Les accidents mentaux ont précédé les hallucinations
et se sont installés postérieurement à l'apparition du syndrome
cérébelleux. Ils ont consisté en une poussée brusque de dé-
lire mélancolique avec tentative de suicide impulsive motivant
l'internement, eten un état de torpeur cérébrale s'accentuant de
plus en plus. On a noté dans le même temps des hallucinations
auditives et visuelles sur lesquelles nous insisterons plus
loin. Mais ces phénomènes ne paraissent avoir joué vis-à-vis du
délire qu'un rôle effacé et n'en avoir été ni la cause ni la con-
séquence.
A quoi faut-il rattacher les troubles mentaux observés, ou,
en d'autres termes quel rôle a joué la production néoplasique
vis-à-vis de ces accidents ?
Il semble, qu'à ce point de vue, il soit bon de discerner deux
catégories de faits : d'une part (comme toujours en pareil cas),
on peut attribuer l'inertie intellectuelle et la dépression, à
l'entrave apportée par la tumeur cérébelleuse à la circulation
encéphalique et au fonctionnement cérébral, et d'un autre côté
par leur nature même, par leur mode d'apparition et d'évolu-
tion les accidents délirants semblent ressortir d'une prédispo-
sition vésanique latente chez cette femme, prédisposition occa-
sionnellement éveillée par le néoplasme.
Cette dernière opinion, émise par M. le professeur Joffroy à
propos de faits analogues, est la plus rationnelle et nous
croyons devoir nous y rattacher en ce qui concerne non seu-
lement la genèse de ce délire mélancolique, mais encore celle
des phénomènes hallucinatoires présentés par la malade.
B. - Les hallucinations observées ont été auditives mais
surtout visuelles. Les hallucinations auditives se sont montrées
d'une manière précoce et transitoire ; elles ont coïncidé avec
une diminution de l'ouïe prédominante à gauche par suite
d'une otite moyenne de ce côté. Il s'agissait d'hallucinations
communes et élémentaires, mais non verbales, ayant servi de
base à quelques rares interprétations délirantes.
Beaucoup plus complexes ont été les hallucinations visuelles
survenant en dehors de toute intoxication alcoolique ; d'une
UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 1 ri
part la malade a présenté des hallucinations multiples(zoopsie,
défilé d'objets agréables, lumineux, mobiles mais d'un mouve-
ment uniforme et se faisant toujours dans le même sens (de
gauche à droite), et d'autre part une hallucination très curieuse
par sa précision (vue d'une lampe allumée), hallucination
unique, immobile, permanente, apparaissant seulement quand
le regard était dirigé à gauche et en haut. L'existence de ces
hallucinations visuelles de deux espèces forme l'un des côtés
intéressants de cette observation. Les hallucinations de la vue
sont, croyons-nous, assez rares dans les conditions où nous
avons eu l'occasion de les observer. Rappelons qu'antérieure-
ment à l'entrée à l'Asile il avait existé une autre hallucination
persistante pendant plusieurs semaines et située du même côté :
la vue d'une paysanne. Il est intéressant de placer en regard
de ces faits ceux qu'a étudiés M. Lamy', hallucinations dans
la partie abolie du champ visuel chez des hémianopsiques : ces
hallucinations sont tantôt mouvantes tantôt immobiles, tou-
jours identiques ou très uniformes et toujours « aussi précises
et aussi singulières » que dans notre observation; dans un cas
il y avait coexistence d'hallucinations mobiles et immobiles,
d'ailleurs invariables d'aspect.
Ferberg2 sur 38 cas qu'il a recueillis dans la littérature, note,
sans donner d'autre détails, trois cas d'hallucinations de la
vue. D'autre part Macabiau3 3 sur 60 observations n'a noté de
délire que trois fois. Nothnagel ne cite guère que les halluci-
nations de l'ouïe.
L'un de nous a observé une malade chez laquelle avaient
existé des hallucinations de la vue analogues à celles pré-
sentées par Marie B... (hallucinations multiples, défilés de
personnages). Cette malade présentait une amaurose complète
et avait des attaques épileptiformes. On trouva une volumi-
neuse tumeur presque identique à celle dont nous rapportons
ici l'histoire.
Signalons, en passant, l'apparence un peu particulière que
' Lamy. Congrès des aliénistes et neurologistes, 1891 (Clermont).
Hémianopsie avec hallucinations dans la partie abolie du champ de la
vision.
" Ferberg. .snzplonzalolo71e des tumeurs du cervelet. Thèse de
Marbourg.
3 Macabiau, thèse de Paris, 1869. Lelarge, thèse de Paris, 1885.
14 PATHOLOGIE NERVEUSE.
la papille de l'oeil gauche présentait à l'examen ophtalmosco-
pique par rapport à l'oeil droit, mais ce n'est là qu'un simple
rapprochement.
On remarquera encore que les hallucinations en général
paraissent rares (du moins elles n'ont guère été enregistrées),
dans les cas de lésions du cervelet. Nous noterons le cas curieux
mais complexe de Laborde cité par Leven et Ollivier'. Le
malade prétendait chaque jour être tombé de son lit, et s'être
fait des plaies multiples. Il présentait de l'amaurose et était
agité de mouvements qui le forcaient de se cramponner à son
lit. A l'autopsie on trouva dans l'un des lobes du cervelet un
foyer gros comme une noisette, mais de plus des ramollisse-
ments multiples de la convexité du cerveau.
Cette rareté des hallucinations au cours des affections encé-
phaliques est un fait très remarquable, mais quand elles
existent elles peuvent survenir dans les affections les plus di-
verses. Il est à supposer qu'elles ne se produisent que chez
des individus prédisposés, ainsi que l'indiquaitM. le professeur
Joffroy à propos des hallucinations unilatérales de l'ouïe. « Il
ne suffit pas pour produire une hallucination d'activer un
centre sensoriel par une lésion irritative, quelque chose de
plus est nécessaire; il faut que ce centre soit modifié, il faut
qu'il soit préparé d'une manière originelle ou acquise, il doit
avoir cette disposition anormale qui le rend hallucinogène et
c'est pour cela qu'il n'y a pas de lésion produisant d'emblée
des hallucinations comme on pourrait parfois être tenté de le
croire. La lésion donne seulement naissance à des sensations
morbides (fourmillements, sensations auditives, lumineuses,
etc.), qui sont transformées en hallucinations ? «Notre malade
paraît rentrer dans la catégorie de ces prédisposés et ses hallu-
cinations tant visuelles qu'auditives, reconnaissent une genèse
analogue à celle indiquée par M. Joffroy, les hallucinations au-
ditives étant l'interprétation des bruits morbides auriculaires
et les hallucinations visuelles l'interprétation des sensations
morbides lumineuses produites par la lésion.
Chez notre malade, l'aptitude délirante et le t pouvoir hallu-
cinogène » ont été mis en éveil et par l'irritation périphérique
' Leven et Ollivier. Archives générales de médecine, 1862-63, p. 709.
2 ,JofII'OY. Archives de Neurologie, 1896, n° 2. Leçon sur les hallu-
cinations unilatérales.
LA THÉORIE DES NEURONES. 15
de l'acoustique (otite moyenne et compression de l'acous-
tique par la tumeur) se traduisant par des hallucinations de
l'ouïe, et par l'irritation des voies optiques, point de départ des
sensasions lumineuses, se traduisant par des hallucinations de
la vue.
Notre observation ressemble beaucoup à celle de M. Bris-
saud, mais, dans ce dernier cas, il est à noter que malgré la
similitude de la localisation et des symptômes, nul trouble
mental n'est survenu en l'absence de la dégénérescence
mentale '.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
LA THÉORIE DES NEURONES EN RAPPORT
AVEC L'EXPLICATION DE QUELQUES ÉTATS PSYCHIQUES
NORMAUX ET PATHOLOGIQUES 3 ;
Par le D" SERGE SOUKIIANOFF,
, Médecin de la clinique psychiatrique de Moscou.
II
La vie psychique, ses expressions suprêmes, du moins, est
en rapport intime avec l'écorce cérébrale. Ici siègent les neu-
rones pyramidaux, nommés cellules psychiques. Ce n'est pas
en vain que ces dernières portent cette dénomination. L'écorce
cérébrale de tous les vertébrés inférieurs est pourvue de ces
éléments nerveux. L'observation nous indique qu'au sur et à
mesure que nous descendons l'échelle zoologique, les cellules
psychiques deviennent plus pauvres en prolongements. Les
1 Voir aussi : Bourneville et Morax, Idiotie sympt. d'une tumeur céré-
belleuse compliquée d'hydrocéphalie. (Compte rendu du service des
enfants de l31cèll'e, pour 1890, p. il.) - Bourneville et Ferrier. Idiotie
sympt. des Tumeurs du cervelet, compliquées d'hydrocéphalie. (Ibid.,
pour 1892, p. 233.)
2 Voir Archives de Neurologie, n° 17.
16 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
cellules les plus perfectionnées et munies du plus grand
nombre de dendrites se trouvent dans l'écorce cérébrale de
l'homme. On ne peut pas dire qu'une vie psychique supé-
rieure exige un plus grand volume des cellules pyramidales.
Chez les vertébrés inférieurs les cellules pyramidales for-
ment un réseau plus dense et serré ; leurs corps cellulaires
s'attouchent presque ; tandis que dans l'écorce cérébrale de
l'homme les éléments psychiques sont pour ainsi dire clair-
semés et leur contact s'effectue à l'aide des prolongements.
Nous ne pouvons aucunement attester que la richesse de la
vie mentale chez des individus humains à part dépende de la
quantité des neurones pyramidaux ; ce n'est pas le nombre
qui joue ici le rôle principal, mais le degré de perfection et
de développement des dendrites et des collatérales. Ceci
explique le fait, que le poids du cerveau des individus, riche-
ment doués de talent et même de génie, est quelquefois au-
dessous de la norme. La capacité de perfectionnement psy-
chique dépend de la propriété des dendrites de produire de
nouvelles ramifications et de nouveaux bourgeons, mais leur
croissance est limitée. Ceci est amené, d'un côté, par la pro-
priété innée des éléments psychiques, d'un autre côté par des
circonstances extérieures. L'importance de ces dernières ne
doit pas être oubliée non plus, puisque, dans des conditions
défavorables, la force potentielle des neurones pyramidaux
peut tarir rapidement et le développement ultérieur peut s'ar-
rêter, et l'individu perd en même temps la faculté de conti-
nuer son perfectionnement psychique. Le nombre des neurones
pyramidaux chez l'adulte ne s'augmente pas, et le développe-
ment psychique s'effectue par l'apparition de nouvelles den-
drites très fines. De quelle manière cela se fait-il ? D'où vient
la nouvelle substance ? Nous pouvons supposer que les prolon-
gements protoplasmiques croissent tandis que le corps cellu-
laire diminue graduellement dans son volume. Il est plus
probable, que la substance nerveuse a la faculté de produire
de nouvelles excroissances en déplaçant le tissu indifférent et
soutenant.
Les éléments pyramidaux de l'écorce cérébrale sont nommés
cellules psychiques, uniquement parce qu'elles apparaissent
comme substratum de la vie psychique. Ni leur forme exté-
rieure, ni leur richesse en prolongements ne peuvent nous
expliquer, pourquoi leur action amène des actes psychiques.
LA THÉORIE DES NEURONES. 17
La cellule psychique est organisée de la même façon que tous
les neurones; elle est munie, de même que les autres neurones,
de prolongements protoplasmiques, et d'une fibre cylindraxile
avec ses collatérales. Certains neurones, par exemple ceux de
l'écorce cérébelleuse, présentent une architecture plus com-
plexe et plus fantasque, bien que leurs fonctions ne peuvent
pas être comparées avec l'activité suprême et énigmatique qui
est en lien étroit avec les cellules pyramidales ou psychiques.
Nous devons supposer que la différence entre l'activité des
neurones psychiques et les fonctions des autres cellules ner-
veuses ne consiste point dans la forme extérieure, mais dans
les particularités de la fine structure et des procès chimiques.
Chacun des actes psychiques, à quelque catégorie qu'il appar-
tienne, dépend toujours du contact des dendrites fines avec les
cylindraxiles. Les nouvelles idées et les nouvelles combinai-
sons entre elles exigent indispensablement pour leur réalisa-
tion de nouvelles voies : ceci s'effectue par la formation et par
l'excroissance des dendrites et par l'augmentation des contacts
entre différents neurones. Le nombre infini de liens qui
existent entre les neurones séparés nous explique jusqu'à un
certain point la richesse de notre vie psychique en procès
d'association. Puisque la quantité d'unités nerveuses reste la
même chez l'adulte, et puisqu'il suffit de l'apparition de nou-
velles dendrites et de nouvelles collatérales pour le progrès de la
vie mentale, nous pouvons admettre que les prolongements des
neurones sont d'une grande importance au fonctionnement
régulier du mécanisme psychique.
La substance protoplasmique des neurones est dans un état
de vibration continuelle, qui est tantôt plus faible, et. tantôt
plus forte suivant l'intensité de l'activité fonctionnelle. Plus la
vibration moléculaire des neurones psychiques est forte, plus
leur action est intensive, plus grand est l'afflux de la matière
nutritive, qui leur parvient. Le prolongement protoplasmique
joue un rôle important comme organe de nutrition et d'ab-
sorption. Il n'est guère indispensable que la matière nutritive
afflue énergiquement au neurone entier; il est nécessaire,
qu'elle soit près des dendrites, où la vibration moléculaire est
à sa plus grande intensité. De cette manière l'hyperhémie
renforcée passe d'une dendrite à une autre. Ce que nous venons
dire peut se rapporter en entier aux neurones psychiques,
situés dans l'écorce cérébrale, et aussi aux procès psychiques
Archives, 2° série, t. IV. 2
18 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
conscients. Afin qu'une idée apparaisse dans le champ de
notre conscience, une hyperhémie fonctionnelle est indispen-
sable, dans la région des dendrites et des fibres cylindraxiles, qui
servent de substratum histologique pour ce procès psychique.
L'hyperhémie fonctionnelle et la renforcement de la vibration
moléculaire, se transfèrent avec une extrême vitesse de cer-
taines dendrites aux autres, c'est-à-dire, d'une région de l'écorce
cérébrale à une autre.
L'observation simple nous convainc de la variété et de la
multitude des images, des idées et de représentations qui
peuvent passer dans notre conscience dans très peu de temps,
et à ce rapide changement d'objets, que nous observons au
champ de notre conscience, correspond le déplacement de
l'hyperhémie fonctionnelle ; cette dernière oscille conti-
nuellement, apparaissant à différents endroits ; le renforce-
ment de la vibration moléculaire peut s'effectuer avec une
extrême rapidité.
L'exagération de l'onde moléculaire dans la substance pro-
toplasmique est accompagnée d'une modification de la forme
des dendrites fines, et dans certains cas d'un développement
de ramilles nouvelles.
L'apparition de nouveaux prolongements protoplasmiques
doit correspondre à la formation de fibres cylindraxiles colla-
térales. Mais de quelle manière s'effectue l'organisation de
nouveaux contacts ? Les dendrites, sont-elles seules à croître
et à se diriger vers les ramifications cylindraxiles, avec les-
quelles elles sont destinées à s'unir ?
Ou bien se passe-t-il ici un tout autre procès ? ' Appliquons-
nous à résoudre cette question, en tant que la théorie contem-
poraine des neurones nous le promet. A cet effet, arrêtons
notre attention sur la direction que suivent les courants ner-
veux dans les dendrites et dans les fibres cylindraxiles. L'onde
moléculaire se dirige dans les premières de la terminaison du
prolongement au corps de la cellule, en affectant, par consé-
quent, la direction centripète par rapport à cette dernière ;
quant aux fibres cy. indraxiles la vibration y part du corps cel-
lulaire, nous pouvons donc l'appeler centrifuge. Les excita-
tions extérieures, qui atteignent les arborisations terminales
des fibres cylindraxiles se transmettent aux dendrites. L'acti-
vité indépendante de ces dernières se borne à la modification
du caractère des incitations, reçues conformément avec leur
LA THÉORIE DES NEURONES. 19
individualité ; mais si elles se trouvent privées d'impulsions
venant du dehors, elles seront par cela même condamnées
à rester dans un état de repos relatif, et dans ces condi-
tions tout le développement et le perfectionnement de den-
drites fines est complètement hors de question. Ce n'est qu'à
force d'être incitée par des impulsions extérieures, que la
substance protoplasmique devient un mécanisme, capable de
produire de nouveaux prolongements; quant aux collatérales
cylindraxiles, elles se propagent sous l'influence des excita-
tions, qui leur parviennent. Il est très probable, que le
développement des fibres nerveuses devance quelque peu la
formation de nouveaux bourgeons et de nouveaux ramus-
cules.
Si l'attouchement de deux prolongements hétérogènes, et
appartenant indispensablement à différents neurones s'est
une fois effectué, le contact reste continuel. Si nous admet-
tions qu'en état du repos et d'inaction, il pût se faire dans
un endroit quelconque de l'écorce cérébrale une interruption
de la transmission du courant nerveux, amenée, par exemple,
par la diminution et la contraction du volume d'une dendrite
protoplasmique, il nous serait difficile de comprendre, de
quelle manière la vibration moléculaire, parvenue à l'endroit
de l'interruption pourrait influer sur la dendrite voisine d'un
autre neurone.
Nous savons déjà, que la substance protoplasmique demeure
tranquille, en tant qu'elle n'est pas incitée par des impulsions
extérieures et est capable de modifier sa forme de son propre
accord. Cette remarque ne s'applique pas seulement aux neu-
rones de l'écorce cérébrale; mais peut se rapporter aussi à toutes
les régions du système nerveux périphérique et central. Nous ne
pouvons donc pas admettre que, par exemple, l'apparition d'une
image ou d'une idée dans notre conscience doive amener, pour
ainsi dire, la fermeture de la chaîne interrompue,qui transmet le
courant nerveux, et la disparition des idées causer l'ouverture
de cette même chaîne. Cette dernière reste toujours ininter-
rompue et les procès conscients qui s'opèrent dans l'écorce
cérébrale exigent une plus forte vibration de la substance ner-
veuse, que les procès inconscients.
Il est possible, que les terminaisons des prolongements
protoplasmiques changent de formes, mais pas de manière à
se désunir de la fibre cylindraxile ; nous pouvons même sup-
20 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
poser qu'il s'opère ici une diminution des surfaces, qui parti-
cipent aux contacts. Dans le mécanisme psychique à fonction-
nement régulier il ne doit nulle part se produire de disjonction
entre les dendrites et les fibres cylindraxiles ; au contraire,
beaucoup de phénomènes du domaine de la psychopathologie
s'expliquent aisément, comme nous le verrons plus loin, par
l'infraction des liens entre différents neurones. Même pendant
le sommeil, alors que l'écorce cérébrale entière est plongée
dans un état de repos relatif, il ne s'opère pas d'interruption
sus-mentionnée entre les prolongements des cellules nerveuses.
Le sommeil amène un relâchement général de la vibration
moléculaire dans les éléments pyramidaux, qui devient par-
tout plus faible qu'en état de veille ; et bien qu'il ne se pro-
duise pas durant le sommeil de disjonction de la chaîne
nerveuse, il est probable que le mode de connexion des den-
drites avec les fibres cylindraxiles prend alors un caractère
quelque peu différent; les dendrites cessent de travailler avec
la même intensité qu'à l'époque de l'activité de l'écorce céré-
brale, se contractent et modifient à un certain point leur
forme, de sorte que le nombre des points d'attouchement
devient moindre pour chaque fibre correspondante; il aug-
mente, au contraire, à l'époque d'une plus grande activité ;
l'arborisation protoplasmique terminale se tend alors, s'al-
longe et augmente par cela la surface, qui entre en contact
avec le cylindraxe. Une voie conductrice plus large et plus
libre est nécessaire à une vibration cérébrale renforcée, c'est-
à-dire, à un courant nerveux plus tendu, qu'aux impulsions
faibles et moins tendues. Nous avons donc à l'endroit, où le
prolongement protoplasmique entre en contact avec le cylin-
draxe, un appareil régulateur, qui se modifie selon la néces-
sité. La fonction régulière de ce mécanisme a une grande
importance pour le cours régulier des procès d'association,
avec lesquels les phénomènes de la vie psychique consciente
sont en rapport intime.
Le ramuscule terminal du prolongement protoplasmique
reste toujours sous l'influence stimulante des impulsions de la
fibre nerveuse, avec laquelle elle entre en contact. Cette in-
fluence ne cesse que lorsqu'il s'opère une interruption du con-
tact, ce qui n'a lieu que dans les états morbides, et ne se
produit guère dans un état normal.
Le degré de l'influence tonique du prolongement cylin-
LA THÉORIE DES NEURONES. 21
draxile sur la dendrite ne reste pas toujours le même ; il se
modifie selon la force de la vibration moléculaire. Si le cou-
rant nerveux est fort et si la dendrite est stimulée davantage,
la forme du prolongement protoplasmique subit de plus grands
changements, et le nombre de points d'attouchement qui par-
ticipent à la formation du contact devient plus considérable.
Si le ramuscule protoplasmique ne réussit pas à s'adapter à la
force de l'onde nerveuse il peut arriver, que la tension du
courant nerveux sera grande, et la voie conductrice trop
petite ; dans ces conditions, l'onde vibratoire doit prendre une
autre direction, ce qui empêche le cours régulier du procès
d'association ; nous parlerons de cela plus loin, en appli-
quant la théorie des neurones à l'explicatin de l'état patho-
logique connu sous le nom de confusion de la conscience.
A la base de toutes les particularités psychiques, qui font la
distinction entre les individus humains, outre les diverses
facultés des neurones cérébraux de produire de nouveaux con-
tacts, se trouve le mode dont ils réagissent aux incitations
extérieures. Certains individus sont doués de ramuscules pro-
toplasmiques qui peuvent se tendre et se propager avec une
extrême rapidité ; tandis que chez d'autres individus les den-
drites entrent dans un état actif très lentement et possèdent
une certaine raideur de mobilité.
Il est très probable qu'il existe un lien intime entre tel ou
tel degré de mobilité des dendrites terminales des neurones
pyramidaux et les diversités de tempéraments. Les deux éche-
lons extrêmes, notamment de facilité et de raideur de la mobi-
lité de la substance protoplasmique, correspondent aux deux
tempéraments opposés, à savoir, au tempérament cholérique
et au tempérament phlegmatique. Les dendrites terminales
vibrent chez le cholérique rapidement et facilement; chez le
phlegmatique, au contraire, leur vibration s'opère avec une
lenteur relative. Ajoutons encore, que la faculté de mobilité
des dendrites ne reste jamais immuable chez le même indi-
vidu ; elle varie sous l'influence de la fatigue, de narcotiques,
de stimulants, etc.
Passons maintenant à l'étude des neurones par rapport à
l'explication de quelques faits du domaine psycho-pathologique.
Le nombre de données pathologohistologiques et anato-
miques relativement à une grande quantité de maladies
mentales est extrêmement restreint et les faits que nous
")G> 9
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
possédons à ce sujet sont très contradictoires. Nous connais-
sons mieux les altérations du système nerveux central, que
nous observons dans les affections organiques du cerveau, où
nous pouvons à l'oeil nu ou à l'aide du microscope constater
tels ou tels changements dans le cerveau. Outre les chan-
gements grossiers propres aux lésions organiques du cerveau,
la théorie des neurones nous fournit la possibilité de pénétrer
plus profondément dans la sphère d'anomalies de la structure,
invisibles, mais probables.
Pour plus de précision prenons quelques exemples concer-
nant des lésions organiques de cerveau qui sont accompagnées
de démence.
La présence dans cette région d'une tumeur qui grossit gra-
duellement et augmente par cela la pression intra-cranienne
amène souvent outre des symptômes physiques grossiers un
affaiblissement général des facultés mentales. M. Raymond,
tout récemment a constaté, dans un cas de tumeur du cerveau
un anéantissement des fibres tangentielles dans l'écorce céré-
brale, principalement dans sa couche exterme. C'est à ce fait,
qu'il rattache la démence. La théorie des neurones nous force
à modifier l'opinion de M. Raymond, ou plutôt à la compléter.
Nous savons que dans la couche moléculaire supérieure de
l'écorce cérébrale existeun réseauépais, formé par les panaches
protoplasmiques des cellules pyramidales et psychiques. Une
plus forte pression intra-cranienne exerce, selon toute proba-
bilité, son influence nuisible tout d'abord sur cette région de
l'écorce cérébrale, laquelle, d'après notre avis, est en rapport
intime avec les actes psychiques supérieurs, et dont la lésion
amène tout d'abord une démence générale et un appauvrisse-
ment de la vie psychique.
Dans le panache protoplasmique de même que dans les
autres prolongements protoplasmiques et cylindraxiles pé-
rissent tout d'abord les ramuscules terminales des dendrites
et des fibres nerveuses de développement postérieur, comme
formations moins stables et moins durables. Il en résulte qu'un
grand nombre de contacts entre les dendrites et les collaté-
rales disparaissent complètement; chacune des cellules psy-
chiques devient moins riche en contacts avec d'autres neu-
rones, qu'elle ne l'est à l'état normal et devient en outre,
moinsimpressionnable. L'anéantissement du plus grand nombre
des contacts entre les cellules psychiques de même qu'une
LA THÉORIE DES NEURONES. 23
plus grande quantité d'éléments affectés amène un affaiblisse-
ment plus marqué de la vie psychique.
Toute forme de démence, à quelque catégorie qu'elle appar-
tienne, dépend de la destruction des liens entre les dendrites
et les fibres cylindraxiles; dans tous les cas de démence, fût-
elle amenée par une lésion organique de l'écorce cérébrale, ou
par une psychose quelconque, qui n'y occasionne aucune
altération, ou fût-elle causée par l'intoxication chronique par
un poison quelconque, nous devons toujours supposer une
destruction des contacts déjà formés et l'incapacité de pro-
duire de nouveaux liens; seulement dans les lésions organiques
les changements sont plus grossiers et peuvent être constatés
à l'aide des procédés contemporains des investigations micros-
copiques.
Dans quelques formes de maladies mentales, particulière-
ment dans les maladies organiques, où nous pouvons constater
des altérations visibles et indiscutables du système nerveux,
nous pouvons bien souvent observer, outre l'affaiblissement
des facultés psychiques, un trouble de la mémoire, en forme
d'amnésie et de réminiscences fausses. Dans des cas de para-
lysie générale et de démence sénile, d'artério-sclérose et de
tumeur du cerveau, nous observons parfois, que les malades
s'embrouillent dans les événements actuels, et oublient ce qui
vient d'avoir eu lieu.
Dans la psychose polynévritique, ce symptôme, c'est-à-
dire, l'incapacité de se souvenir des faits présents ressort au
premier rang. De quelle manière pouvons-nous expliquer ce
phénomène à l'aide de la théorie des neurones ? Les impres-
sions que reçoit le malade parviennent jusqu'à ses centres
perceptifs conscients. La substance protoplasmique correspon-
dante garde une certaine trace, qui apparaît à cause du
renforcement de la vibration moléculaire. Une nouvelle
image s'associe aux représentations anciennes ; mais ces
liens et ces connexions seront temporels et extrêmement ins-
tables ; leur existence dure tant que continuent les impres-
sions extérieures. Dès que ces dernières disparaissent, les
liens entre l'image nouvelle et les représentations anciennes
périssent aussi. Les contacts formés entre les ramuscules
protoplasmiques terminaux et les fibres cylindraxiles, se
détruisent rapidement. Par conséquent, la substance nerveuse
de l'individu donné se montra incapable de produire de nou-
24 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
velles voies durables, pour les nouveaux courants nerveux.
Bien que les nouvelles images et les nouvelles représentations
provoquent un renforcement de la vibration moléculaire des
éléments nerveux et bien que leurs traces se conservent dans
l'écorce cérébrale, elles se présentent comme un matériel mort,
qu'on ne peut pas utiliser, vu la destruction rapide de nou-
veaux contacts entre les prolongements hétérogènes de diffé-
rents neurones. Par quoi ce phénomène est-il amené ? Nous
pouvons supposer que dans l'écorce cérébrale sont atteintes
tout d'abord les arborisations terminales du cylindraxe. A
cause de cela leur influence stimulante sur la substance proto-
plasmique des dendrites devient plus faible et ne suffit
pas pour soutenir les dendrites terminales dans un état de
certaine tension et de certain tonus. La fonction insuffisante
des fibres nerveuses entraine la destruction continuelle de
nouveaux contacts. Pourtant nous ne pouvons point sup-
poser que les liens nouveaux entre les dendrites et les colla-
térales fines cessent de se former uniquement à cause de la
faiblesse des fibres nerveuses terminales. Il existe en outre,
du moins dans certains cas une altération de la structure de
la substance protoplasmique.
Il se peut, que les dendrites des neurones donnent de nou-
veaux ramuscules instables, qui sont incapables de rester dans
un état de tension, qui est nécessaire pour que le contact
puisse exister. Ce ne sont pas seulement les contacts tout nou-
vellement formés qui disparaissent, mais les connexions
récentes subissent aussi le même sort, et plus la lésion est
profonde, plus grand est le nombre des contacts condamnés
à périr ; les anciens liens entre les dendrites-et les fibres cylin-
draxiles sont les seuls à survivre. Du côté psychique cela s'ex-
prime par l'oubli du malade non seulement des événements
actuels, mais des faits, qui ont précédé le développement de sa
maladie. Nous avons dit plus haut, que les nouvelles images,
en apparaissant temporairement au champ de la conscience,
y laissent une trace continuelle, à cause de la vibration molécu-
laire renforcée; ceci explique ce phénomène que le malade,
tout en oubliant ce qui se passe à ses yeux, se rappellera beau-
coup de faits de l'époque de sa maladie, ce que nous obser-
vons dans les cas de psychose polynévritique qui finit par une
guérison. La destruction rapide des nouveaux contacts instables
entre les dendrites et les collatérales produit chez le malade
LA THÉORIE DES NEURONES. 25 5
l'effet d'une sensation nouvelle, malgré la répétition et l'iden-
tité des impressions reçues.
Efforçons-nous d'appliquer la théorie des neurones à l'ex-
plication du trouble de l'association des idées sous l'influence
de l'intoxication et de l'auto-intoxication, la connexion régu-
lière entre -les dendrites et les fibres cylindraxiles des neu-
rones pyramidaux peut se déranger. Nous pouvons nous
représenter ceci de la manière suivante : 1° la substance pro-
toplasmique perd jusqu'à un certain degré la capacité de pro-
duire de nouveaux liens ; 2° la substance protoplasmique en
général, et celle des dendrites en particulier, devient incapable
de s'adapter régulièrement aux courants nerveux que lui trans-
mettent les fibres cylindraxiles. Si l'intensité de la vibration
moléculaire ne correspond pas à la faculté conductrice d'un
contact donné, l'onde vibratoire, en y rencontrant un obs-
tacle, doit s'élancer par une autre voie, ce qui produit un
trouble très marqué dans le cours des associations des idées ;
3° la confusion de la conscience est accompagnée de la
destruction d'un grand nombre de contacts anciens et nou-
veaux. Si nous prenons en considération toutes ces conditions
normales, nous pouvons jusqu'à un certain point, nous expli-
quer pourquoi les courants nerveux ne suivent pas leur marche
régulière. Un plus grand nombre de contacts détruits amène
un plus profond trouble de la conscience.
La théorie des neurones nous fournit de nouveaux faits dont
nous pouvons nous servir pour expliquer certains phénomènes
hallucinatoires. Nous savons que nos organes sensoriels sont
sujets à trois espèces de troubles, notamment : illusions, hal-
lucinations et pseudo-hallucinations. Nous donnons le nom
d'illusion à une sensation fausse, qui s'unit à une image ou a
une représentation quelconque et qui se base sur une véritable
irritation de l'appareil périphérique perceptif. Ainsi, s'il arrive
à un alcoolique qui regarde une bouche de chaleur ouverte,
d'y voir distinctement la face d'un « Ethiopien », nous avons
affaire à une illusion visuelle.
L'apparition d'une hallucination fait supposer une absence
d'irritation sensorielle. Il est naturellement difficile d'admettre
que cette absence puisse être complète, parce qu'on trouve
toujours dans l'appareil périphérique des irritations, quoique
très faibles, par exemple, les corpuscules étrangers qui se
trouvent dans différents milieux de l'oeil, telle ou telle irrita-
26 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
tion cutanée, etc. Les illusions et les hallucinations sont tou-
jours reçues par les malades comme venant du dehors. Les
malades qui ont des pseudo-hallucinations éprouvent des sen-
sations fausses et les localisent dans l'intérieur de leur tète ;
ils voient, d'après.leur propre expression, par « l'oeil intellec-
tuel » et entendent par a l'oreille interieure ».
Nous avons dit plus haut, qu'il existe dans les nerfs sensi-
tifs, qui vont des organes de sensation au cerveau, parmi des
fibres centripètes des fibres centrifuges. Quand une irritation
morbide, née au centre cérébral, parvient par ces dernières,
la sensation fausse est acceptée par le malade comme venant
du dehors. Les pseudo-hallucinations font supposer un autre
mécanisme. Leur apparition fait supposer, que l'accumulation
morbide d'énergie dans un centre sensoriel, se décharge par la
moitié motrice de l'arc réflexe, sans le concours des fibres, qui
se rapportent à la faculté de projeter nos sensations et nos
représentations au dehors. La grande différence, qui existe
entre les hallucinations et les pseudo-hallucinations, nous
force d'admettre que chacun des centres sensoriels du cerveau
se décompose du moins en deux sections douées chacune
d'une certaine indépendance ; l'une de ces régions est en rap-
port plus intime avec la première moitié de notre arc réflexe
« double » et l'autre avec sa portion motrice, à laquelle
s'adaptent les fibres centripètes des sensations d'innervation.
Si nous appliquons la théorie des neurones à l'explication
des états maniaques et mélancoliques nous devons supposer
que dans toutes les formes agitées la mobilité des ramuscules
protoplasmiques terminaux s'accroît, et ils acquièrent la fa-
culté de passer d'un état à un autre avec une rapidité telle-
ment exagérée et morbide, que cela amène des connexions
superficielles et instables et produit la diminution de la pro-
fondeur de l'idéation. Dans les mélancolies, accompagnées
d'un retard des procès psychiques, la substance protoplas-
mique en général et celle des dendrites en particulier, perd sa
capacité normale de former de nouveaux contacts librement et
sans difficultés, ainsi que d'effectuer des mouvements ami-
boïdes avec la même faculté qu'auparavant. Les ramuscules
terminaux des dendrites de ces malades sont comme engour-
dis et se détendent et s'accroissent de nouveau avec peine.
Nous ne pouvons, comme de raison, expliquer l'état d'an-
goisse uniquement par cette rapidité des ramuscules proto-
LA THÉORIE DES NEURONES. 7 7
plasmiques terminaux. Cet état est, d'après l'opinion de
Meynert, en rapport avec le manque d'oxygène aux cellules
du cerveau. Sans entrer dans d'autres détails sur l'explication
des phénomènes psycho-pathologiques par la théorie des neu-
rones, nous terminerons ici nos suppositions théoriques et nous
passerons à l'examen des faits, qui serviront à compléter et à
élucider ce que nous avons exposé dans la première moitié de
notre mémoire.
Pour éviter des malentendus et aussi pour plus de clarté,
nous avons jusqu'ici omis de dire que la théorie des neurones
doit tenir compte de certains faits qui sont comme en contra-
diction avec les règles fondamentales. Nous savons par
exemple, que la connexion des neurones entre eux se produit
à l'aide d'un simple attouchement des prolongements cylin-
draxile d'un neurone avec les dendrites protoplamiques ou le
corps d'un autre. Bien que ce mode de connexion entre les
unités nerveuses soit un phénomène habituel et très répandu,
il se trouve, qu'il existe des neurones qui sont dépourvus de
fibres nerveuses et qui ne possèdent que des prolongements
protoplasmiques à l'aide desquels ils forment des connexions-
avec d'autres neurones, en produisant des contacts protoplas-
miques. D'après l'opinion de M. le professeur Bechtereff, ces
derniers seraient plus nombreux que le supposent les autres
investigateurs. Ce même savant croit que nous pouvons quel-
quefois observer des connexious à l'aide des dendrites seules
entre des éléments nerveux, auxquels le prolongement pro-
toplasmiquene manque point. Nous ne pouvons non plus nier,
que des liens entre des neurones à l'aide des fibres nerveuses
terminales sont aussi possibles. Somme toute, nous pouvons
établir, comme règle générale, que les neurones isolés entrent
en connexions réciproques dans la majorité des cas à l'aide de
contacts des dendrites et des fibres cylindraxiles :
Un savant français, M. le professeur Renaut, dans un ouvrage
récent où il traite la texture et l'articulation des neurones,
indique que certains neurones sont liés entre eux en paires et
de deux manières :
1° Deux cellules qui émettent une grande quantité de den-
drites s'unissent à l'aide d'un prolongement membraniforme.
Une seule de ces cellules est munie de la fibre cylindraxile. Ce
seront, d'après l'avis de M. Renaut, neurones jumeaux.
2° Deux cellules voisines se joignent à l'aide d'un prolonge-
28 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
ment protoplasmique commun , tandis que la fibre nerveuse
part d'une des deux cellules. Ce seront des neurones couplés
de M. Renaut.
Les liens de cette espèce entre les éléments nerveux con-
duisent M. Renaut à modifier la doctrine des unités nerveuses
isolées auxquelles il applique le terme d'idionett2,oîzes. Il admet
l'existence des gamonecirones. Ce savant suppose que cette
dernière circonstance explique davantage les phénomènes de
l'accumulation et décharge de l'énergie nerveuse. L'opinion
de M. Renaut demande à être confirmée; nous l'avons men-
tionnée à cause de sa nouveauté et de son originalité. La théorie
des neurones reste jusqu'à présent inébranlable. Nous igno-
rons la direction que suivra le développement ultérieur de nos
connaissances de la texture fine du système nerveux ; mais
dans tous les cas la théorie que nous venons d'exposer jette
une lumière toute nouvelle et originale sur les faits qui se rap-
portent au mécanisme des éléments nerveux.
Dans la seconde moitié de notre mémoire, nous avons essayé
d'appliquer l'étude des neurones à l'explication des phéno-
mènes de la région de la vie psychique normale et de la
sphère psycho-pathologique, nous ayant posé comme but de
compléter le manque de conceptions théoriques dans ce
domaine scientifique.
THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND.
(UN cas DE GUÉRISON.)
Par Auguste BOYER,
Professeur agrégé à l'Institution nationale des sourds-muets de Pane.
AVANT-PROPOS. - Le jeune enfant, tout en étant norma-
lement doué sous le rapport de l'ouïe, peut être retardé dans le
développement du langage articulé ou pis encore privé totale-
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 29
ment de la parole, autrement dit, l'enfant peut, quoique enten-
dant, être atteint de mutisme temporaire ou de mutisme
persistant'. Cette infirmité de l'enfance n'a intéressé jusqu'ici
qu'un nombre restreint d'auteurs et encore la plupart se
sont-ils bornés à la signaler sans entrer dans plus de détails
sur les causes qui peuvent la produire ni sur les moyens d'y
remédier. M. leD'' Ladreit de Lacharrière est le premier qui
ait vraiment traité cette question dans une étude 2 où il
démontré que le développement du langage articulé peut
être retardé chez l'erzfarzl qui entend : 1° par la faiblesse de
sa constitution physique; 2° par la faiblesse de l'intelligence ;
3° par des troubles nerveux passagers ou durables; 4° par
une tradition héréditaire; 5° par des déformations locales ou
des maladies des organes de la parole.
Dans son étude, M. Ladreit de Lacharrière cite un certain
nombre d'observations à l'appui de ses affirmations. Les neuf
premières qu'il rapporte sont relatives au mutisme temporaire,
la parole s'étant développée par la suite chez les enfants obser-
vés par l'effet d'une médication réparatrice chez les uns, d'une
médication sédative chez d'autres et après une opération chi-
rurgicale 'dans les cas de vices de conformation des organes
vocaux. Mais les dernières observations de M. Ladreit de
Lacharrière concernent 2 cas de mutisme persistant dans les-
quels la parole ne s'est point développée, bien que les enfants
qui étaient affligés de ce mutisme aient été placés dans un
établissement d'éducation, à l'Institution nationale des sourds-
1 Ce mutisme de naissance ne nous semble pas constituer à propre-
ment parler un cas d'aphémie, d'aphasie motrice. L'aphémie est en effet
la perle des images motrices d'articulation (Bouillaud-Broca), autrement
dit, c'est l'oubli des mouvements volontaires appris par imitation et
qu'il faut exécuter pour exprimer sa pensée par la combinaison pho-
nétique des contractions des muscles du larynx, de la langue, du palais,
des lèvres (Charcot-Bouchard). Or dans le cas de mutisme de nais-
sance il n'y a ni perte des images motrices, ni oubli des mouvements
mais, bien plutôt absence des images motrices et ignorance des mou-
vements puisque l'enfant n'a jamais su parler.
2 Ladreit de Lacharrière, in Annales des maladies de l'oreille et du
larynx, 1876. Dans un récent et important ouvrage sur l'aphasie,
Désiré Bernard se borne à rapporter brièvement, d'après différents
auteurs, des exemples d'enfants muets, entendant et comprenant la
parole. Désiré Bernard ne mentionne aucun essai de traitement de ce
mutisme congénital.
30 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
muets de Paris'. Or, un cas de ce genre vient précisément de
se présenter de nouveau à l'Institution nationale des sourds-
muets dans la personne d'un jeune garçon, d'intelligence très
faible comme les deux enfants cités par M. Ladreit de Lachar-
rière, resté muet .jusqu'à l'Age de dix ans, quoique enten-
dant, et cette fois, on a pu apprendre au sujet en question à
parler d'une manière des plus satisfaisantes On trouvera
dans la relation qui va suivre tous les détails désirables sur le
cas dont il s'agit. Puisse cet exemple permettre de rassurer les
parents qui, en voyant leur enfant grandir sans parvenir à
parler, sont épouvantés à la pensée qu'il pourrait rester
muet3 ! 1
I. D'un jeune entendant, muet par semi-icliolie, donné comme sourd-
muet.
En janvier 1894, entrait dans notre classe le jeune D..., alors
âgé de dix ans, enfant dont l'extérieur dénotait immédiatement ce
que l'on nomme couramment aujourd'hui un arriéré. D'après les
renseignements fournis par les parents, le jeune D... était sourd-
muet et avait acquis cette infirmité à l'âge de deux ans, à la suite
de convulsions; toujours suivant ses parents, il n'avait même pas
fait usage de la parole avant cette maladie, et on pouvait le consi-
dérer comme n'ayant pour ainsi dire jamais parlé.
Or, dès les premiers instants de la présence de cet élève dans
notre classe, nous pûmes nous convaincre que s'il ne parlait pas,
en revanche, il était doué d'un degré d'ouïe tout à fait voisin de
l'ouïe normale. En effet, soumis à quelques expériences, cet enfant
nous montra bientôt qu'il était capable de percevoir des bruits
assez faibles; bien mieux, il entendait et paraissait comprendre un
certain nombre de paroles simples. Toutefois, il ne donnait de
marques plus ou moins certaines d'audition et surtout de compare-
. On enseignait pourtant dès cette époque à parler aux muets par
surdité. Il est étonnant que l'on n'ait pas tenté d'apprendre également à
parler aux deux jeunes muets dont il est ici question. Nous devons dire,
il est vrai, que l'enseignement de la parole articulée ne jouissait pas
encore à ce moment d'une bien grande faveur à l'Institution nationale
des sourds-muets de Paris.
" Présenté en avril dernier au cours professé par M. le Dr J. Grancher
à la Faculté de Médecine de Paris, le sujet en question intéressa d'une
manière particulière le savant praticien ainsi que ses élèves.
3 Le cas de mutisme chez l'enfant qui entend semble être plus fréquent
qu'on ne le suppose si l'on s'en rapporte à cette expression du Dr La-
vrand : « Nousavons constaté un grand nombre de cas de mutité chez des
enfants entendants. » (Mémoires de la Société française d'otologie, 1895>
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 31
ltetzstotz que par des réponses formulées à l'aide de gestes ou de
sons le plus souvent inintelligibles.
D... était donc bien muet, mais il n'était pas sourd. De quelle
cause provenait alors le mutisme, puisque ce n'était pas de la pri-
vation de l'ouïe ?
II. Examen de l'état physique et intellectuel du jeune D...
Il nous fut bientôt facile de répondre à cette question. L'examen
de l'état physique et intellectuel de cet enfant nous eut bientôt ren-
seigné à ce sujet. D... d'une 'intelligence très faible, était un semi-
idiot. D..., était également défectueux au double point de vue
physique et intellectuel.
L'état physique présentait de nombreuses anomalies : la tête
plutôt grosse, les lèvres épaisses, la bouche béante laissant écouler
la salive, la dentition des plus vilaines. Sous le rapport de la vue
D... louchait et était, affligé de plus d'une myopie assez pro-
noncée. Sa physionomie n'exprimant pour ainsi dire aucun senti-
ment, son air hébété ainsi que son mutisme faisaient penser à ce
vieux proverbe : C'est pour manger, pas pour patler, que Dieu a
donné une bouche aux bêtes. »
D'une démarche peu assurée, rendue plus hésitante encore par
sa myopie, craintif à l'excès et se refusant à exécuter toute action
exigeant la moindre virilité, cet enfant avait encore toutes les
négligences des idiots, ne se mouchant que lorsqu'on l'y invitait,
laissant échapper en classe à dix ans et quelquefois dehors
au cours des promenades scolaires, ce que Molière appelle « le
superflu de la boisson » et pis encore !
Chez D.... les opérations de l'intelligence se trouvaient concen-
trées, limitées dans le cercle des besoins physiques et des amuse-
ments de l'enfance. Il ne comprenait guère que les paroles qu'on
lui adressait pour le gronder, le flatter, l'encourager ou lui ordonner
quelque action bien simple.
Bien que jouissant d'une ouïe ordinaire, D... ne semblait pas
entendre les paroles échangées autour de lui et qui ne s'adressaient
pas à lui directement, il ne jouissait pas de ce que l'on appelle l'au-
dition indirecte '. et ceci par la raison de l'espèce de léthargie dans
laquelle étaient plongés à la fois son cerveau et sa faculté audi-
tive. Comme nous l'avons dit, D... ne s'exprimait que par des
sons inintelligibles et employait un langage d'action composé de
gestes naturels.
Il est à noter qu'avant son entrée à l'Institution nationale des
sourds-muets de Paris, cet enfant avait fréquenté une école ordi-
1 L'audition indirecte nous permet de saisir distinctement non seule-
ment ce que nous dit à nous-même, mais encore ce que se disent entre
elles les personnes qui sont près de nous.
32 THÉRAPEUTIQUE MEDICO-PEDAGOGIQUE.
naire, dans sa ville natale, sans avoir pu même apprendre à tracer
les caractères alphabétiques ni à copier les dessins les plus élé-
mentaires.
La cause initiale du mutisme et du retard de l'intelligence
de D... était certainement une lésion cérébrale. L'esprit de ce
sujet avait dû être lésé dès l'enfance dans quelques-unes de
ses fonctions telles que Y attention et la mémoire, ce qui avait
eu sans doute pour conséquence de mettre obstacle au déve-
loppement de la faculté d'imitation.
Or, comme l'a écrit un éminent physiologiste ', la parole
n'étant qu'un art d'imitation et sa production exigeant un
acte intellectuel qui par l'habitude finit par s'accomplir
inconsciemment, - il était tout naturel que privé, du moins
en grande partie, de la faculté imitative, D... se trouvât dans
l'incapacité d'acquérir l'usage du langage articulé, quoique
doué d'un organe de l'ouïe normal.
Dès la prime enfance, la mémoire devait être inhabile chez
D... à recevoir et à conserver un genre d'impressions aussi
délicates que les impressions acoustiques produites par la pa-
role, et par suite la faculté d'imitation, peu ou point dévelop-
pée, devait fatalement être impuissante à provoquer chez les
organes vocaux la répétition des mouvements si délicats, si
subtils qui, en modifiant le tuyau vocal, transforment la voix
en paroles. A cela il convient d'ajouter le manque de flexibi-
lité des organes, conséquence de l'état de dégénérescence dont
était également affligé D... au point de vue physique. D... fut
' Béclard, Physiologie, Paris, 1871 : « La parole est la voix articulée
La voix est formée dans le larynx par les cordes vocales, aussi bien. chez
les mammifères que chez l'homme, mais elle n'est articulée que chez
lui. Les organes de l'articulation, situés le long du tuyau vocal, c'est-à-
dire le pharynx, les fosses nasales, le voile du palais, la langue, les
joues, les dents et les lèvres, existent pourtant chez les mammifères
aussi bien que chez l'homme. Ici intervient donc chez ce dernier un
acte intellectuel. Les idiots et les crétins ne poussent souvent que des
cris inarticulés, quoique le son produit dans le larynx traverse aussi le
tuyau vocal. Les sourds-muets ont aussi un larynx et un tuyau vocal
régulièrement conformés, et pourtant (à moins d'une éducation spéciale)
ils ne produisent que des sons ou des cris. Les modifications que
l'homme doit imprimer au tuyau vocal pour transformer la voix ou le
- son en paroles sont donc des mouvements volontaires, que l'imitation,
.secondée par le sens de l'ouïe et par l'intelligence lui apprend it
reproduire. "
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 33
ainsi privé de la parole, du puissant moyen de développement
mental que constitue l'exercice de cette fonction, ce qui ne put
qn'aggraver le retard de son esprit si manifeste à son entrée à
l'Institution nationale de Paris.
III. Méthode d'éducation suivie avec le jeune D... pour lui apprendre
ci parler et pour provoquer autant que possible le développement de
son intelligence.
Le jeune D... n'était cependant pas un idiot complet, il donnait
des marques, quoique faibles, de compréhension des choses et des
faits les plus simples. Bien que muet, il n'était donc pas de ces
idiots qui ne parlent pas parce que, n'ayant aucune idée, ils n'ont
rien il exprimer. Son mutisme provenait plutôt de ce que son
insuffisance cérébrale ne lui avait pas permis d'apprendre à parler
tout seul. Avait-il néanmoins assez d'intelligence pour que, aidé
d'un instituteur spécial et d'une méthode didactique, il apprît à se
servir de l'ouïe qu'il possédait, à articuler, et qu'il comprit, retint
et employât les mots du langage courant ? Tel est le problème que
l'on se posa et dont on décida de tenter la solution en conservant
cet enfant à l'Institution nationale des sourds-muets de Paris.
L'expérience nous permet de répondre aujourd'hui d'une manière
affirmative à cette question. Mais avant d'indiquer les résultats
obtenus au point de vue de la fonction verbale et du développe-
ment intellectuel, nous allons d'abord esquisser la méthode que nous
avons suivie dans la démutisation et dans l'instruction de cet enfant.
L'éducation à donner à D... devait nécessairement être appro-
priée aux conditions particulières dans lesquelles il se trouvait
placé par son mutisme tout autant que par la lésion intellectuelle
qui produisait et entretenait cette infirmité. Nous avons entrepris
simultanément le traitement pédagogique du mutisme et de ce que
nous appellerons le retard intellectuel.
D... a été soumis, comme les jeunes sourds-muets de la classe
dans laquelle il a été versé, aux exercices préparatoires ' qui ont,
' La série de ces exercices préparatoires consiste en une imitation des
mouvements du corps, des différentes attitudes et des divers jeux de la
physionomie et en une imitation des mouvements etdes positions desorga-
nes vocaux. Exécutés par le professeur et reproduits presque simultané-
ment par l'enfant, ces mouvements, après avoir mis en action presque toutes
les parties du corps, finissent par se localiser dans les organes de la voix
Les procédés employés dans le Cours préparatoire de l'instruction des
sourds-muets, ainsi que dans l'enseignement de la parole articulée, sont
professés à l'Institution nationale de Paris, dans des Cours normaux
dont le titulaire est M. A. Dubranle, Censeur des études. Les procédés en
question sont également décrits dans un intéressant ouvrage publié
en 1890 par M. le professeur Goguillot : Comment on fait parler les
sourds-muels.
Archives, 2e série, t. IV. 3
34 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
entre autres buts, celui de discipliner J'attention visuelle et celui
d'exercer les facultés d'observation et d'imitation.
Les essais auxquels nous eûmes recours pour juger de l'aptitude
du jeune D... à saisir et à imiter des actions très simples furent
assez encourageants. Ils nous assurèrent que cet enfant, quoique
bien arrièré, ne-manquait cependant pas d'une intelligence quelque
peu étendue et flexible. Après quelques soins particuliers destinés
à rendre le sens du toucher plus subtil, nous eûmes également
recours à certains exercices préparatoires destinés à faire entrer en
fonction l'organe de l'ouïe, à développer l'attention auditive.
Pour apprendre à parler, il faut savoir écouter. Comme on le sait,
l'action des sens est pour ainsi dire nulle, dans la plupart des cas,
sans le concours de l'attention. C'est ainsi qu'ayant l'esprit préoc-
cupé, il nous arrive de passer devant un objet sans le voir, de rester
insensible aux appels d'une personne voisine de nous. Eh bien ! 1
c'était surtout cette attention auditive qui faisait défaut en grande
partie chez notre jeune D... Son ouïe, quoique normale, plongée
dans une sorte de torpeur et privée du concours de l'intellect, ne
fonctionnait que dans une faible mesure.
Nous nous efforçâmes donc d'exercer la sensibilité auditive par
l'action de corps sonores et de la voix en variant la distance, la
direction et l'intensité des sons. Un sifflet; une sonnette, un dia-
pason... servirent d'abord à nos exercices; puis la voix entra en
jeu : voix plus où moins forte, élevée, voix chuchotée.
Après avoir obtenu d'assez bons résultats au point de vue de
l'exercice de l'attention visuelle et de la faculté imitative, ainsi que
l'attention auditive, le mutisme persistant, nous ne pouvions plus
en accuser l'attention, la mémoire, ni la compréhension; il fallut
en chercher la cause dans l'absence d'éducation des organes qui
concourent à la production de la parole, éducation qui se fait d'une
manière naturelle et progressive chez le tout jeune enfant norma-
lement doué et qui avait précisément fait défaut chez notre jeune
D..., par suite de son insuffisance cérébrale. Nous dûmes lui ensei-
gner la prononciation comme un art d'imitation, absolument comme
on le pratique avec les jeunes sourds-muets.
Comptant sur le précieux concours de l'oreille, nous espérâmes
d'abord arriver à un résultat facile et prompt, mais nous fûmes
arrêté dès le début par un obstacle imprévu, c'est-à-dire par une
excessive faiblesse musculaire des organes de l'articulation (langue,
lèvres...) '. Avec cet enfant, la préparation des organes de la
parole fut encore d'une plus grande nécessité qu'avec maint de nos
élèves sourds-muets, et nous dûmes insister davantage sur les exer-
1 Nous avons déjà dit que D... était également défectueux au double
point de vue intellectuel et physique.
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 35
cices de la gymnastique labiale et linguale *, ainsi que sur l'éduca-
tion de la respiration. Enfin, nous pûmes aborder l'enseignement
de l'articulation.
Par suite du peu de développement de l'instinct de l'imitation, de
la faiblesse musculaire et de l'inhabileté des organes vocaux et
aussi du peu de finesse de l'ouïe mal exercée jusque-là, nous dûmes
avoir recours à des répétitions vocales réitérées des sons à imiter.
Nous fûmes même dans l'obligation d'utiliser le secours du sens de
la vue 2. '
En même temps qu'il percevait par l'ouïe le son à imiter, D...,
en effet, examinait sur notre bouche la position que prenaient les
lèvres et la langue, ainsi que les mouvements qu'exécutaient ces
organes pour la prononciation de ce son. Pour donner une idée du
peu d'habileté et de la faiblesse des organes du jeune D..., nous
dirons que, pour l'émission de la voyelle ou, cet enfant dut au dé-
but s'aider de ses doigts pour faire prendre à ses lèvres la forme
arrondie qui caractérise cette voyelle. Pour la plupart des sons-
consonnes, il fallutleplacer devant un miroir pour qu'il exerçât sa
langue et ses lèvres à la reproduction des mouvements qu'exi-
geaient ces articulations.
L'articulation gnlui coûta particulièrement de la peine; durant
une quinzaine de jours, il dut maintenir avec un doigt sa langue
dans la position requise pour ce son; dès qu'il retirait le doigt, la
langue quittait la position voulue et D... ne savait plus articuler le
gn. Enfin, grâce à de nombreuses répétitions, à de multiples exer-
cices de syllabation et aussi à l'usage fréquent de la parole auquel
le disposait son ouïe, D... parvint à acquérir une articulation cor-
recte.
Nous indiquerons maintenant d'une façon sommaire la marche
suivie dans l"insl1'1lCtion du jeune D..., c'est-à-dire dans l'ensei-,
gnement du langage, ainsi que dans l'acquisition des connaissances
élémentaires telles que la lecture, l'écriture, le calcul, etc.
En ce qui concerne le langage, il ne s'agissait pas de la gram-
maire, c'est-à-dire des règles qui en régissent l'usage, maisbien de
l'acquisilion même des mots, des formules, des phrases que nous
employons pour exprimer nos besoins et nos sentiments. Notre
jeune D..., de même que les jeunes sourds-muets qui nous arrivent
annuellement, u'avait pour ainsi dire aucun langage, ne possédait
aucun moyen pour communiquer avec la société, pas plus par les
signes (hors quelques gestes des plus naturels), que par l'écriture
1 Voir à ce sujet A. Boyer : De la préparation des organes de la parole
chez le jeune sourd-muel, IS9r, librairie G. Carré. Paris.
1 On sait que c'est par la vue et le loucher que les sourds-muets sup-
pléent à l'absence de l'ouïe pour apprendre à parler. ,
36 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
ou par la parole. Il ignorait le nom des choses les plus usuelles et
ne connaissait aucune des expressions, des petites phrases qu'em-
ploient à chaque instant les tout jeunes enfants pour énoncer leurs
besoins et leurs sensations. En un mot, D... n'avait aucun voca-
bulaire à sa disposition.
C'était donc le vocabulaire, le langage courant, usuel, qu'il
s'agissait avant tout d'enseigner, à notre jeune élève, de même qu'en
ce qui concerne les jeunes sourds-muets à leur entrée à l'école. Ici
encore, D... a participé d'une manière exclusive à l'enseignement
donné aux jeunes sourds-muets de sa classe. L'instruction des
sourds-muets se faisant à l'Institution nationale de Paris au
moyen de la méthode orale, D... n'avait donc pas à souffrir de se
trouver assimilé à des enfants privés de l'ouïe.
Le système d'enseignement du langage employé avec les sourds-
muets, intuitif au premier chef, est absolument conforme à la mé-
thode pratique, expérimentale, maternelle. Cet enseignement pro-
cède exclusivement de l'intuition des faits, de l'usage et de l'ana-
logie. On y associe directement, d'une manière constante, la
parole ou l'écriture aux faits produits sous les yeux des élèves, soit
àl'école, soit hors de l'école : faits présents que l'élève voit s'exécuter,
faits passés dont il a un souvenir bien exact, ou faits futurs dont
il a bien la notion.
« Au lieu de faire de la théorie et d'expliquer les mots par d'au-
tres mots, on fait habituellement de la pratique, on explique les
mots par les idées qu'on a soin de faire éclore ou de réveiller à
J'aide de faits convenablement mis en scène. « Au lieu d'analyser
les mots au point de vue grammatical, travail entièrement stérile,
on analyse les faits par les mots et la valeur des propositions et des
phrases par des questions multipliées portant d'abord sur les idées
formellement exprimées, puis sur les idées qui sont sous-entendues,
enfin sur celles qui découlent nécessairement des faits énoncés.
« De ces exercices naissent la narration écrite et parlée, ainsi que
la connaissance pratique des lois de la grammaire et de l'ortho-
graphe. » (J.-J. Valade-Gabel.)
Comme on peut en juger, un pareil enseignement était
bien celui qui était le plus susceptible de mettre en activité
les facultés obtuses de l'esprit du jeune D... Déjà, au cours de la
démutisation, dès la période préparatoire dont nous avons parlé,
l'oeil de cet enfant avait été exercé à se fixer, son esprit à obser-
ver, à s'appliquer à reproduire, à comparer et à se rappeler les
positions et les mouvements des organes de la parole. Les facultés
de l'attention, de l'observation et de l'imitation avaient été ainsi
exercées, et l'on pouvait espérer que la faculté de la réflexion
pourrait entrer en jeu à son tour avec l'acquisition du langage.
Le premier enseignement du langage, oral et écrit, est pratiqué
dans nos classes de sourds-muets en suivant la progression sui-
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 37
vante : 1° enseignement de substantifs correspondant à des per-
sonnes, à des animaux, à des objets connus de l'enfant. C'est ainsi
que l'élève apprend son nom, celui de son maître et de ses cama-
rades, les noms des parties de son corps, de ses vêtements, des ins-
truments qui tombent ordinairement sous les sens et dont il
fait dans la vie un usage journalier, des aliments et des boissons.
Viennent ensuite les choses qui, hors de l'école, lui sont le plus
familières et le plus sensibles, et dont on fait passer sous ses yeux,
soit la réalité, soit la reproduction.
2° Au cours de l'enseignement de ces substantifs, on fait con-
naître à l'élève les formules les plus usitées pour exprimer les
besoins journaliers et les sensations les plus vives, de petites for-
mules de politesse :
Bonjour, monsieur. Je n'ai pas de cravate, donnez-
Bonjour, madame. moi une cravate, s'il vous plaît.
J'ai faim. Je vous remercie.
.1'nisoif. J'ai froid.
Permettez-nzoi de sortir, s'il J'ai mal la télé,
vous plaît.
Ces petites propositions enseignées à l'enfant en présence du fait,
de l'action, au moment où l'enfant éprouve un besoin ou une sen-
sation quelconques ',sont aisément comprises et assez vite retenues
par lui
3° Des adjectifs de couleurs, de formes, de dimensions, de qua-
lités physiques et morales, lui sont enseignés au moyen d'objets
présentant les qualités exprimées par ces adjectifs.
4° Les verbes, en premier lieu ceux qui marquent l'action, le
mouvement (marcher, sauter, courir), présentés au moment du fait,
sont également saisis avec facilité. Il n'est pas question, bien en-
tendu, dans ce premier enseignement tout intituitif, de conjugai-
sons pas plus que de règles et d'exceptions.
Un fait se produisant sous les yeux de l'enfant ou étant rappelé '
par quelque circonstance, le maître énonce la phrase : Louis
saute. Jean a fermé la porte. Jeudi X... a trouvé une balle, et
l'élève répète. Repris dans des occasions analogues, ces mômes
mots sont retenus par l'élève.
1 Le maitie, a dit un éducateur éminent, doit seul tenir lieu au sourd-
muet (de même qu'à l'enfant semi-idiot privé de la parole et du langage) de
la société tout entière qui se charge de donner aux tout jeunes entendants
le premier vocabulaire, élément de toute science ; l'école doit suppléer
ici au champ vaste et varié des choses et des faits dans lequel nous avons
apprisce langage, et les heures de l'éducation doivent remplacer cet in-
cessant et multiple exercice qui nous en rend l'acquisition si facile et
l'usage si familier. Abbé Tarra, Cenni slonici.
38 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
- Les verbes peuvent donner lieu il une série d'exercices variés :
ordres donnés par le maître à l'enfant : Marche ! Assieds-toi !
Donne-moi la règle ; dialogues entre le maître et l'élève : As-tu des-
siné ce matin ? As-tu essuyé la table ? Iras-tu te promener demain ? ' !
Comptes rendus d'actions faits par l'enfant : J'ai écrit au tableau.
J'ai caressé le chien. Paul a poussé Louis. Demain je dessinerai. En
ce moment j'apprends une leçon '.
5° Puis, quand l'enseignement du langage quitte le champ de
la perception pour aborder le monde invisible, c'est-à-dire les
choses absentes, les actions morales et abstraites qu'on ne saurait
représenter, alors on explique les choses et les mots inconnus au
moyen des choses et des mots connus.
Telle est sommairement la marche suivie. dans la première
période de l'enseignement logique du langage aux jeunes sourds-
muets et dont notre jeune D.t. a retiré le plus grand profit 2.
1 Nous devons noter que notre jeune semi-idiot commit, au début, des
inversions de langage du genre de celles qui sont particulières aux sourds-
muets ; par exemple : viendra, papa, dimanche ? pour : papa viendra-
l-il dimanche ? Aller « Meaux, moi, à Pâques ? pour : est-ce que
j'irai à Meaux Ù Pâques ? ... Ces inversions furent assez vite corrigées
d'abord par suite de la nature même de notre enseignement qui, se
rapprochant de l'enseignement maternel, donne immédiatement à l'en-
fant qui a un sentiment à exprimer la forme syntaxique qui convient, et
ensuite par l'aide que reçut notre jeune D... le jour où, commençant il
jouir de l'audition indirecte, il lui fut donné non seulement de recevoir la
parole du maître, mais encore d'entendre celle de ses camarades de classe
Ce fut cet incessant et multiple exercice qui a contribué il lui rendre
assez faciles l'acquisition et l'usage du langage.
2 En ce qui concerne la théorie et la pratique de cet enseignement,
nous renverrons le lecteur aux ouvrages de J.-J. Valade-Gabel : Méthode
a la portée des instituteurs primaires pour enseigner aux sourds-
muets la langue française sans l'intermédiaire des signes; de l'abbé
Tarra : Esquisse historique et court exposé de la méthode suivie pour
'l'instruction des souuls-muels (traduit en français par MM. Dubranle et
Dupont) ; de M. l'autre : Observations sur l'application de la méthode
intuitive orale pure, ainsi qu'au Cours de langue française à l'usage des
écoles de sourds-muets de MM. André et Raymond, actuellement en cours
de publication.
Nous croyons cependant intéressant de reproduire ici la façon saisis-
sante avec laquelle les principes de cet enseignement ont été énoncés par
l'abbé Tarra. « L'enseignement logique du langage, dit le célèbre insti-
tuteur italien, échappe aux subdivisions crées par les grammairiens, qui,
faisant autant de parties du discours qu'il y a d'éléments ou de rap-
ports, ont donné une importance égale aux choses principales et aux
choses secondaires. Cet enseignement se simplifie et devient excessive-
ment clair si on le divise conformément aux éléments substantiels dont
se compose l'idée et qui sont :
« 1° Le nom, avec ses accidents qui le complètent (articles ou détermina-
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 39
IV. Résultats obtenus. Après deux années d'éducation
les résultats obtenus avec le jeune D... sont les suivants :
1° L'éducation a exercé un premier et heureux effet sur
l'extérieur du jeune D... Cet enfant a pris des habitudes de
propreté, son maintien s'est redressé. Les leçons spéciales de
gymnastique auxquelles il a participé ont enlevé à cet enfant
la crainte excessive qu'il avait pour tout exercice corporel, il a
acquis une certaine sûreté et quelque souplesse dans les mou-
vements.
2° Au point de vue de la parole, l'articulation est nette, cor-
recte ; la prononciation, quoiqu'un peu lente, est aisée à com-
prendre et même agréable à entendre. "
- 3° L'intelligence a pris un certain essor, notamment en ce
qui concerne les facultés d'observation; et de mémoire. La
réflexion s'est également exercée dans une certaine mesure, et
sans concevoir de trop grandes espérances, on ne saurait néan-
moins dire jusqu'à quelles limites l'esprit du jeune D...
pourra être développé.. 1. ,
4° En ce qui concerne l'instruction, D... s'exprime aujour-
d'hui sur ses sentiments, ses besoins et les faits de la vie cou-
rante, oralement ou par écrit, en un langage assez correct; il
tifs, adjectifs ou qualificatifs, genre, nombre, etc.) et avec ceux qui le
représentent {pronoms) ; 2° le verbe, avec ses modifications (tepips',
personnes, modes, adverbes, etc.) et avec ses rapports (prépositions) ;
3° Les particules conjonctives, qui ont mission d'exprimer les rapports
rationnels entre les idées ; 4° les diverses constructions synthétiques
qui correspondent au mode de concevoir les idées complexes et qui
forment la langue. »
Ces diverses parties du langage veulent être étudiées chacune dans
l'ordre des faits qui s'y rapportent et qui en donnent à l'élève la notion
exacte; la pratique lui en apprend chaque jour l'usage ; plus tard, quand
on jugera le moment venu, on l'aidera à déduire de cet usage les règles
mêmes qui le négissent, et qu'on appelle règles de grammaire. Ainsi
simplifié, le cours de langue, si ardu et si complexe, devient accessible
aux intelligences même les plus faibles, et'son application devient
moins difficile. Dans nos écoles de^sourds-muets, on divise donc l'ensei-
gnement de la langue en quatre parties :
« 1° Enseignement de la nomenclature et des exercices pratiques qui
s'y rattachent au moyen de jugements gradués sur les choses et leurs
qualités et sur des actions qu'elles permettent d'exécuter ; 2° du verbe
et de ses modifications servant à exprimer des jugements simples, com-
plexes et composés; 3° des conjonctions ou particules rationnelles dési-
gnant les rapports intimes entre les idées et les faits; 3° des diverses
constructions synthétiques de la phrase et du rôle de la période dans
le discours. »
40 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
a appris avec beaucoup de temps et de peine à calligra-
phier passablement. Il commence à lire dans les livres élé-
mentaires. Il possède maintenant les premières notions de
calcul. En revanche, il n'a encore fait que des progrès insi-
gnifiants dans le dessin.
50 A noter encore qu'au début l'ouïe, mal exercée et mal
servie par l'intelligence, se bornait à enregistrer surtout les
paroles simples adressées directement. L'audition indirecte
n'existait pas pour ainsi dire.
A présent D... entend et comprend quand on lui parle direc-
tement à une assez grande distance; il commence à entendre
et à comprendre de même les paroles échangées par des per-
sonnes placées près de lui.
Conclusions. I. Malgré les progrès accomplis par D..., cet
enfant doit, à notre avis, continuer à èlre soumis à une mé-
thode d'enseignement particulière et à recevoir les soins d'un
éducateur spécial : 1° parce que sa faculté auditive, d'une édu-
cation trop récente, ne s'exerce pas encore d'une manière
réellement normale; 2° parce qu'il ne possède encore qu'une
instruction insuffisante et qui ne pourra être complétée que par
les procédés en usage dans l'éducation des enfants anormaux.
II. Le rétablissement de la parole et l'amélioration intellec-
tuelle obtenus chez D... démontrent d'une façon évidente
l'efficacité, dans l'éducation des semz=idiols, des procédés de
démutisation et de la méthode d'instruction essentiellement intui-
tive employés à l'Institution nationale des sourds-muets de Paris.
III. L'exemple du jeune D... nous paraît justifier, dans cer-
tains cas, l'admission d'enfants semi-idiots ou arriérés privés
de la parole dans les institutions de sourds-muets où la mé-
thode orale est en vigueur.
IV. Cet exemple montre surtout l'opportunité de la mesure
prise depuis neuf ans par M. Bourneville, relativement à l'assis-
tance aux Cours normaux, ainsi qu'aux classes pratiques de l'Ins-
titution nationale des sourds-muets de Paris, des instituteurs,
des institutrices et des sous-employées et infirmières des asiles-
écoles d'idiots et d'arriérés de Bicêtre et de la Fondation Vallée ' .
' On pourra remarquer que nous n'avons fait nulle mention dans la
présente étude d'ouvrages consacrés spécialement aux enfants idiots ou
DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 41
Nous avons reproduit l'intéressant article de M. Aug. Boyer,
pour bien montrer que rien de ce qui touche à l'éducation
des enfants anormaux ne nous laisse indifférent et que nous
sommes disposé à faire connaître tous les essais tentés, d'où
qu'ils viennent, pour arriver à des résultats de plus en plus
démonstratifs.
La méthode suivie et exposée par lui est celle que, depuis
dix-huit ans, nous utilisons tous les jours à Bicêtre, à la fon-
dation Vallée et à l'Institut médico-pédagogique (Vitry), pour
l'éducation de la parole chez les enfants arriérés, méthode
déjà mise en pratique avant nous par Itard et Séguin, et à
laquelle nous avons fait les changements inspirés par notre
pratique journalière et celle de nos collaborateurs. Nous rap-
pellerons aussi que nous l'avons déjà décrite nous-même dans
les Archives de Neurologie (t. XXX, z1895, p. 108 sq.), de
même que nous avons dressé un syllabaire particulier basé
sur la difficulté d'imitation et d'articulation. Nous répétons
ici ce que nous avons dit souvent ailleurs, que l'ordre suivi
est (loin d'être absolu, et qu'il est à modifier selon les cas.
C'est cette méthode qui nous a réussi, entre autres chez Perr...,
Charp..., Henri M...., Marius D...., Pierre L..., les frères
Tab... et tant d'autres idiots qui ne possédaient que quelques
sons inarticulés et sont arrivés à parler parfaitement au bout
de quelques années de traitement.
Dans les Comptes rendus que nous faisons tous les ans sur
notre service de Bicêtre nous publions des observations
sur les cas intéressants, en même temps que nous exposons
les changements et les améliorations que l'expérience fait
subir à notre méthode'. BOURNEVILLE.
arriérés. C'est que notre but a été surtout de rechercher les résultats que
pourraient donner, avec un jeune semi-idiot privé de la parole, les
méthodes de démutisation et d'enseignement du langage employées dans
-l'instruction orale des sourds-muets. Nous n'ignorions cependant pas
l'existence des écrits dus à Itard, à Séguin et plus récemment à M. le
D' Bourneville, qui se consacre avec tant de zèle aux questions d'assis-
tance et d'éducation relatives aux enfants idiots ou arriérés. (A. 13.)
' Voyez le Compte rendu de 1895, p. v, et uetui de 1896, p. \i. 1.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. Traitement thyroïdien DU goitre, DU MYXOEDÈME ET DU CRÉTI-
NIS31E ; par Warren-Little. (North-Lancet, décembre 1896.)
L'auteur rappelle les nombreux travaux qui ont éclairé la physio-
logie du corps thyroïde.
11 n'y a aucune différence entre les accidents du myxoedème opé-
ratoire décrits par Kocher et ceux du myxoedème idiopathique,
ainsi appelé par Ord. Ici la glande est détruite spontanément, là
elle a été enlevée; les effets sont .les mêmes.
Les cas de crétinisme endémique se rapprochent beaucoup du
myxoedème. On a trop négligé l'examen du corps thyroïde chez les
crétins; on a bien signalé l'absence ou l'existence de goitre durant
la vie, mais 'ce qui importe c'est l'état de la glande, la tumeur
goitreuse pouvant ne plus contenir de glande saine.
S'il est vrai que le corps thyroïde agit en détruisant certains poi-
sons du sang ou bien en produisant une sécrétion interne néces-
saire à la nutrition générale, son emploi s'impose pour suppléer la
glande absente ou détruite. D'ailleurs le traitement thyroïdien
repose sur des expériences assez concluantes (Schiff, Horsley) ; en
greffant un fragment de corps thyroïde on met l'animal à l'abri
du myxoedème. La glande thyroïde desséchée agit mieux que
les extraits fluides. Fletcher Ingals déclare que sur 100 goitres, on
en voit 70 s'améliorer ainsi. Elle reste sans action dans les goitres'
cystiques. On doit l'employer avec une grande prudence dans la
goitre' exophtalmique,- dans la crainte d'augmenler les accidents
cardiaques. L'auteur espère que le traitement chirurgical du
goitre dévia céder le pas à son traitement médical par l'ingestion
thyroïdienne. P. RELLAY.
II. LAMNECTOMIE POUR tumeur DU canal R.CIIIDIE,4; MORT par ménin-
GITE au 16e jour; par Emory LANPHEAR. (Médecine, Détroit',
jânv. 1896.)
Il s'agit d'une femme de quarante-deux ans, présentant une
paraplégie douloureuse avec contractures.
L'affection a débuté il y a deux ans par des sensations de cons-
lricfion autour des jambes survenant après la marche. Puis sont
survenus des spasmes nocturnes, se reproduisant très fréquemm-
ent, et s'accompagnant de douleurs internes. Une nuit, elle est
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 43
réveillée par de violentes douleurs à la région épigastrique. Elle
veut se lever, mais sa jambe est paralysée et reste insensible, puis
elle devient le siège de spasmes violents. Trois heures après, la
jambe droite se prend et la paraplégie est complète.
La paralysie du rectum et de la vessie s'y ajoute.
L'atrophie musculaire est peu marquée; les réflexes rotuliens
sont exagérés. Analgésie.
Etat général excellent. Pas de syphilis. -Rien au coeur, rien
dans le bassin. Pas d'hystérie. Le diagnostic était difficile et ne
pouvait se faire que par exclusion. Etant donnés tous ces signes
de compression de la moelle, l'opération était indiquée. On trouva
une tumeur, née du périoste des deux premières vertèbres lom-
baires, comprimant la fece pestérieure de la moelle et l'origine de
la queue de cheval.
Les suites fureut bonnes; huit jours après, le contracture avait
disparu, la vessie n'était pius paralysée, la malade commençait à
remuer les jambes et éprouvait un grand bien-être.
Mais au seizième jour, en faisant le pansement, on se servit
d'une forte solution de sublimé (que l'infirmière avait apportée
par mégarde); une partie du liquide pénétra dans le canal rachi-
dien. La malade accusa de vives douleurs, et présenta de graves
accidents de méningite qu s'étendireet bientôt aux méninges crâ-
niennes ; la mort survint en quatre jours.
Qu'aurait été le résultat sans cet accident ? La grande améliora-
tiou qui s'était produite si rapidement pouvait faire espérer une
guérison complète. Les cylindraxes des nerfs, comprimés n'étaient
pas entièrement détruits et une régénération complèle aurait pu
survenir. La tumeur était de nature tuberculeuse.
III. Nature ET traitement du shock CHIRURGICAL; par William-E.
Ground (N0l'GItIU8Ste1'rt Lancet, january 1896.).
L'anesthésie et l'antisepsie ont amené les progrès de la chirurgie,
mais le shock chirurgical constitue toujours une grande cause
d'insuccès.
L'influence du système nerveux sur le résultat d'une opération
n'est pas moindre que celle de l'infection. Ou a peine à s'expli-
quer comment un malade pouvait survivre à une grande opération
avant l'ère de l'anesthésie.
L'auteur résume les accidents du shock : pâleur des téguments,
contraction des traits, asthénie profonde, respiration courte,
ohnibulation des idées, faiblesse du pouls, sécrétion d'une sueur
froide. L'état du pouls et de la température indique le degré de
gravité du shock. La température peut s'abaisser de plusieurs de-
grés. Dans les formes graves le pouls devient imperceptible. La
force du pouls annonce la réaction. Certaines conditions prédispo-
4 Il. REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
sent au choc. L'abondance de l'hémorrhagie et la longue durée de
l'anesthésie favorisent sa production.
Le choc est très marqué dans les grandes brûlures. Les trauma-
tismes du testicule sont souvent suivis de choc; il en serait de
même pour l'ovaire, aussi doit-on éviter de le pincer quand on
procède à son ablation. Considéré dans sa nature, le choc traduit
une dépression de l'activité vitale, causée par un état d'épuisement
des centres nerveux et surtout du grand sympathique qui gouverne
les fonctions de la vie végétative.
Le traitement du choc doit être préventif et curatif.
Quand le temps le permet, le malade doit être préparé à l'opé-
ration. L'état moral a une grande importance. L'anesthésie doit
être pratiquée avec mesure. Beaucoup d'accidents attribués au
choc sont dus à l'intoxicatior par l'anesthésique. Dans les cas où le
malade vient de subir un grand traumatisme et se présente déjà
en état de choc, il faut prendre soin de ne pas aggraver cet état.
Arrêter les hémorrhagies et désinfecter la plaie. Il ne faut pas
opérer avant que l'état de choc ne soit diminué. Il est bon d'ad-
ministrer un peu de codéine avant l'anesthésie. P. Rellay.
IV. Contribution A l'emploi du TLtlO ? 1L ; par le D1' VILLERS. (Biill.
de la soc. de méd. ment, de Belgique, septembre 1896.)
Dans 10 cas de démence sénile avec insomnie, le trional, admi-
nistré le soir dans du lait chaud à la dose de 50 centigrammes,
parfois de 1 gramme, amène, au bout d'un temps variant d'une
demi-heure à quatre heures, un sommeil calme, d'une durée de
six à neuf heures.
Ce médicament constituerait donc, d'après l'auteur, l'hypnotique
de choix dans la démence sénile' avec agitation et insomnie.
V. Traitement de l'épilepsie (The tratement of the MtOpt/HC
Epilepsy ); par A. W. Dunning. (No·tla-IV. Lancet, janvier 1897.)
L'auteur insiste sur la nécessité d'un traitement précoce, car,
d'après GoweiS, une première attaque serait la cause de nombreux
cas d'épilepsie. Il importe surtout de savoir dépister la nature des
accidents du petit mal.
En face de tous les nombreux remèdes préconisés récemment,
le bromure conserve sa suprématie. Il doit être d'une pureté abso-
lue. Le bromure de strontium est celui qui a le plus d'action, puis
vient le bromure de sodium; le bromure de potassium n'occupe
que le troisième rang; le bromure d'ammonium est le moins
actif.
Le bromure exerce une influence inhibitrice sur les cellules ner-
veuses ; il faut donc le donner par doses fractionnées pour favo-
REVUE DE THERAPEUTIQUE. 4o
riser ce mode d'action. On le donnera sous forme d'élixir ou avec
du vin léger. Il faut veiller au fonctionnement des émoncloires
afin de prévenir l'acné. Le traitement doit être continué longtemps,
deux ou trois ans après la dernière attaque.
Pour faire justice de l'opinion qui met en doute l'action du bro-
mure dans l'épilepsie, Dunning rapporte quelques observations cli-
niques qui ont la valeur d'une expérience. Chez G épileptiques,
atteints à des degrés variés et soumis à un même traitement, il a
suspendu le bromure en même temps. Une autre potion de goût
semblable leur était donnée pour éviter toute part de suggestion.
En l'espace de dix jours, chez 4 d'entre eux, les accès augmentèrent
dans une proportion de 50 p. 100. Chez les 2 autres, qui n'avaien
que de rares accès, il fut difficile d'apprécier en un si court délai
les effets de la suspension du bromure. L'épreuve était tellement
éclatante que l'auteur tint à ne pas la prolonger.
Dans le traitement de l'épilepsie, il faut surveiller toutes les
fonctions de l'individu, son régime, ses digestions, ses occupations,
lui recommander le calme, de façon à éviter toutes causes d'exci-
tation réflexe. Rechercher certaines conditions suffisantes pour
déchaîner l'épilepsie, telles que adhérences du prépuce, affections
de l'ovaire. Enfin l'auteur préconise le système d'hospitalisation
des épileptiques, tel qu'il est pratiqué dans la colonie de Bielefeld
(Westphalie). Il. RELLAY.
VI. L'électricité COMME moyen de diagnostic ET DE traitement
(Elect1'o-diagnosis and electro-therapeutics simplified), par Hugh
PaTnICr.. (Médecine, Détroit, novembre 1896.)
L'électro-diagnostic dans les maladies nerveuses permet de dire
si la lésion intéresse ou non le neurone inférieur, qui comprend
les cellules des cornes antérieures de la moelle et les nerfs périphé-
riques, qui en sont le prolongement. Une lésion de ce neurone a
pour effet la dégénérescence des fibres nerveuses et des muscles,
en détruisant leurs centres trophiques.
C'est cette dégénérescence que permet de découvrir l'électricité.
Le lésion d'un neurone plus élevé ne change rien à l'état des
nerfs, et des muscles, et par conséquent les réactions électriques
restent normales. Aussi étant donnée uue paralysie (hémiplégie,
paraplégie, monoplégie), si on observe la réaction de la dégéné-
rescence, on peut dire que la lésion siège en un point du trajet du
neurone inférieur (cornes antérieures ou nerfs périphériques).
Après avoir signalé les caractères de la réaction de dégénéres-
cence, l'auteur envisage la valeur de l'électricité dans le traitement
des diverses maladies du système nerveux, tant organiques que
dynamiques.
Dans aucune maladie organique du cerveau, l'application de
UG 6 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
l'électricité sur la tête ne donnera de résultats. Dans la paralysie
qui succède à l'hémorragie cérébrale, l'électricité peut produire
une amélioration passagère.
La paralysie glosso-labio laryngée peut être améliorée; il faut
appliquer l'électrode le long du sterno-mastoïdien. L'électricité
n'a jamais guéri une maladie de la moelle. Elle n'est indiquée dans
aucune affection aiguë de la moelle; mais il n'en est pas de même
en ce qui concerne les reliquats de l'affection aiguë. C'est ainsi
que dans la poliomyélite antérieure (paralysie infantile), l'électri-
cité employée, après la phase aiguë, mais d'une façon assez pré-
coce, fortifie les muscles capables de se contracter. Il faut savoir
que certains muscles parésiés répondent mieux à l'incitation volon-
taire qu'à l'excitation électrique ; il convient alors d'associer
-l'exercice volontaire au traitement électrique.
Dans l'atrophie musculaire progressive, la syringomyélie, la
sclérose latérale, il y a peu de chose à attendre de l'électricité. Le
tabes peut parfois en bénéficier. Dans les névrites périphériques
(paralysie faciale y comprise), on prétend que l'électrothérapie
hâte beaucoup la guérison. Rien ne prouve que l'électricité puisse
hâter la régénération des fibres nerveuses.
L'électrothérapie joue un grand rôle dans le traitement des
maladies dynamiques, mais il est difficile de faire la part de la
suggestion. Dans la névralgie du trijumeau, un faible courant sou-
lage parfois la douleur. -
Dans la névralgie intercostale, il faut employer de forts courants.
Dans la sciatique-névralgie, l'électricité reste le meilleur mode
de traitement (courant galvanique de 100 ampères). Les céphalées
des neurasthéniques et des sujets nerveux sont souvent très amé-
liorées par un faible courant galvanique appliqué sur la tête.
Dans l'hystérie, l'action de l'électricité est nil pe}' se. Elle n'en
reste pas moins un puissant agent sur la grande névrose.
Le goitre exophtalmique bénéficie aussi de l'électricité : est-ce
par action sur le corps thyroïde lui-même, sur le sympathique
cervical, sur le pneumogastrique, ou sur un autre élément inconnu ?
C'est ce qu'on ne peut savoir encore. L'électricité reste sans action,
sauf par le moral, dans la paralysie agitante, les différents spasmes
et tics. On a prétendu que l'électrisation le long du rachis amé-
liorait la chorée; mais on peut en douter. L'électricité contribue
beaucoup à relever les sujets affaiblis par une longue maladie.
P. II ELL.11.
VU. Un cas DE mélancolie avec lipome; démence apparente ; opéra-
TION ; guérison; par Frédéric-P. IIE.RDER. (The Journal of Mental
Science, janvier 1897.)
Cette observation est curieuse à plusieurs titres ; d'abord parce
que la tumeur semble avoir été la cause déterminante de la folie,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47
ensuite parce que l'ablation de la tumeur a été suivie de la double
guérison physique et mentale chez un homme ayant déjà atteint
un certain âge (cinquante ans) ; enfin, et surtout, parce que la
maladie mentale dont il s'agit présentait tous les caractères de la
démence progressive. R. DE IUSGRAYE-CLAY.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I. Sur un cas DE maladie DE LITTLE; par M. leprofesseur f. Raymond.
(Semaine médicale, 1897, n° 1.)
II. SUR deux cas DE sclérose latérale amyotrophique A début
bulbaire; par M. le professeur F. RAYMOND. (Presse médicale,
19 et 20 mai 1897.)
La pathogénie de la rigidité spasmodique des muscles dans cer-
taines affections des centres nerveux est un sujet sur lequel M. le
professeur F. Raymond aime à revenir. Dans les leçons que nous
allons résumer la question est abordée par des voies bien différentes
puisqu'il s'agit de la sclérose latérale amyotrophique d'une part et
de la maladie de Little d'autre part.
L'étude de cette dernière est tirée de l'observation d'une jeune
fille de dix-neuf ans, fleuriste, née avant terme, au huitième mois,
et venue au monde en état d'asphyxie. Dès l'âge de deux mois se
montrent des convulsions et plus tard des crises épileptiques avec
miction involontaire. C'est à onze mois qu'essayant de la faire
marcher on s'aperçoit que ses jambes sont raides et incapables de
la soutenir. Au dire des parents la peau des membres inférieurs
était à cette époque complètement insensible et cette insensibilité
aurait été constatée encore à l'âge de sept ans par les médecins de
l'Enfant-Jésus, où entrée pour la difficulté qu'elle avait à marcher
la fillette contracta la rougeole, la scarlatine et la diphtérie.
Son intelligence se développe normalement; l'enfant, se servant
de béquilles, peut fréquenter l'école, être mise en apprentissage et
devenir une bonne ouvrière fleuriste.
Actuellement la santé générale est parfaite; intelligente,d'esprit
vif et de caractère excellent, la malade ne présente absolument rien
à relever du côté de la face, du tronc et des membres supérieurs.
Par contre les membres inférieurs aux muscles durs, dessinés en
saillies vigoureuses sous la peau, sont immobilisés en contracture :
au repos légère flexion des cuisses sur le bassin et des jambes sur
les cuisses, les genoux au contact, les molléoles internes sont écartées
de quatre travers de doigt, les pieds renversés en dedans de surte
que les gros orteils se touchent. Il est impossible d'écarter les
48 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
cuisses, les mouvements de la jambe sur la cuisse persistent dans
une faible mesure, ceux du cou-de-pied sont totalement abolis et
Fig. I.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49
la résistance qu'oppose l'état spasmodique varie dans des limites
assez étendues d'un moment à l'autre.
Archives, 2e série, t. IV.
- l'i ? 2.
ù REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
P1-1. 3.
La malade peut
marcher en se ser-
vant de ses béquilles
elle peut se tenir
debout, les pieds
reposent alors sur
la pointe en exten-
siou ,forcée ; les ge-
noux et les hanches
mi-fléchies ; pour
avancer les genoux
restent en contact,
les jambes décrivent
à chaque pas un
mouvement de cir-
cumduction qui rend
la marche très pé-
nible à raison du
mouvement inverse
et contraire que le
tronc est obligé d'exé-
cuter sur le bassin.
L'examen des ré-
flexes tendineux est
empêché par la ten-
sion des muscles,
mais la malade dit
qu'elle a souvent de
la trépidation invo-
lontaire quand son
pied butte contre le
sol. De plus, ce qui
est important ici, la
sensibilité est at-
teinte, on constate
des troubles accen-
tués sur les membres
inférieurs et l'abdo-
men jusque sous
l'ombilic : absence
ou retard de percep-
tion, erreur de loca-
lisation, erreur de
sensation. Et l'on re-
trouve des troubles
analogues au bord
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 51
interne du bras gau-
che et au niveau de
l'épaule du même
côté.
Les sphincters non
plus ne sont pas épar-
gnés et l'observation
note de la faiblesse
du sphincter anal
coïncidant avec une
constipation opiniâ-
tre et de l'inconti-
nence des urines.
La rigidité spas-
modique, la nais-
sance avant terme,
l'état d'asphyxie ap-
parente comme con-
tre-coup d'un accou-
chement laborieux,
c'en est assez si nous
nous rappelons le
mémoire même de
Little pour justifier
le nom de maladie
de Little appliqué à
ce cas; mais ce n'est
là que le diagnostic
clinique, quel est le
diagnostic anatomi-
que, de quelles lé-
sions dépendent ces
troubles ?
M. le professeur
F. Raymond rappelle
d'abord que certains
sympt8meslaissés au
deuxième plan par
Little, l'état paréti-
que des membres
supérieurs, les trou-
bles du langage, de
la déglutition, de l'in-
telligence à cause do
leur grande varia-
bilité et de leur ah-
l'ig. 4.
32 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sence possible, furent au contraire placés au premier plan par
Heine dont la thèse était d'opposer la paralysie infantile vulgaire,
fiasque avec atrophie musculaire à ces formes spasmodiques; la
première devait être d'origine spinale, les autres et c'est là qu'in-
tervenaient ces troubles plus rares, d'origine cérébrale. Ces vues
prirent encore une valeur plus grande quand Turck, Charcot,
Bouchard eurent mis la contracture secondaire des hémiplégiques
sous la dépendance de la sclérose des cordons latéraux, sclérose
deutéropathique consécutive à une lésion cérébrale dont la locali-
sation était parfaitement définie. Mais bientôt un nouveau revire-
ment se lit; on en vint à parler de dégénérescence protopathique
primilive du faisceau pyramidal croisé, invoquée d'abord par Charcot
pour la sclérose latérale amyotrophique, puis pour le tabes spas-
modique, espèce morbide éphémère dans laquelle on engloba la
maladie de Little.
M. le professeur Raymond rappelle avec quelle prudence Charcot
admettait la possibilité de la sclérose primitive et symétrique des
faisceaux latéraux de la moelle épinière et demandait le contrôle
d'observations nouvelles, et comment lui-même dès 1885 et depuis
à plusieurs reprises a démontré qu'il n'existait aucun rapport fixe
entre le syndrome connu sous les noms de tabès spasmodique, de
paralysie spinale spastique et la sclérose des cordons latéraux,
puisqu'on peut le rencontrer indépendamment de toute altération
de ces cordons et que d'autre part lorsqu'on la constate elle est
toujours secondaire, deutéropathique ou bien associée à des altéra-
tions d'autres faisceaux de la moelle.
Le tabes spasmodique étant rayé du cadre des affections de
l'adulte quelques auteurs lui assignent un dernier refuge dans la
pathologie infantile, la maladie de Little serait le dernier vestige
de cette espèce aujourd'hui disparue, telle est l'opinion de M.Marie
qui lui assigne comme lésion l'absence de développement du
faisceau pyramidal et comme étiologie la naissance avant terme.
Or M. le professeur Raymond, reprenant les observations de
Raillon, d'Otto, de Déjerine, montre que l'arrêt de développement
des faisceaux pyramidaux est toujours sous la dépendance d'une
lésion cérébrale, que la rigidité spasmodique peut exister indépen-
damment de l'arrêt de développement et n'en est par conséquent
nullement la conséquence. Le fait d'être né avant terme n'est pour
rien dans la maladie de Little, la production d'une lésion céré-
brale antérieurement à la naissance ou au moment d'une nais-
sance laborieuse est tout. Aux arguments d'ordre anatomique
présentés par M. Van Gehuchten qui a constaté l'absence complète
de fibres pyramidales, cylindraxes compris, dans la moelle d'un
foetus de sept mois et fait de cette insuffisance de développement la
cause de la rigidité spasmodique, il est facile de répondre d'abord
que tous les enfants nés avant terme, c'est-à-dire avant que soit
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. Où
achevé le développement des faisceaux pyramidaux ne présentent
pas de rigidité spasmodique, que celle-ci se montre souvent une
année seulement et même davantage après la naissance, que des
autopsies enfin ont montré le parfait développement du faisceau
pyramidal chez des enfants atteints de maladie de Little.
De sorte que pas plus chez l'enfant que chez l'adulte il n'existe
une espèce morbide, tabes spasmodique ou maladie de Little, en
rapport constant avec une dégénération primitive ou un arrêt de
développement du faisceau pyramidal. Ce qu'on a décrit sous les
noms de maladie de Little, de paraplégie spasmodique infantile,
d'hémiplégie spasmodique infantile ne sont que des types clini-
ques qui réalisent d'une certaine façon l'association de quelques
symptômes parmi lesquels dominent la contracture et la paralysie
motrice. Les faits démontrent qu'à l'heure actuelle il nous est
impossible d'établir un rapport fixe entre le mode de groupement et
de localisation des symptômes et les lésions constatées à l'au-
topsie. Revenant alors au cas qu'il présente, M. Raymond montre
l'extrême difficulté du diagnostic anatomique. Eliminant la sclé-
rose en plaques qui se serait décélée depuis si longtemps par
quelque symptôme céphalique et n'a jamais du reste été signalée
congénitaiement, il pense que les troubles de la sensibilité, que les
troubles des sphincters doivent être mis sur le compte d'un foyer
d'hématomyélie, tel que ceux démontrés par Schullze de Gouu
dans les accouchements laborieux. Mais pour la rigidité musculaire
il se refuse à voir dans la sclérose isolée du faisceau pyramidal
son explication suffisante et rappelant les accidents épileptiques
présentés par la malade admet l'existence de lésions cérébrales
aujourd'hui éteintes mais dont le cerveau porte les vestiges proha-
hlement sous forme de sclérose névrotique.
II. C'est à cette même conclusion de lésions encéphaliques néces-
saires pour expliquer les manifestations spasmodiques que sera
amené M. le professeur Raymond par la discussion du problème
compliqué de la sclérose latérale amyotrophique que soulèvent
les deux cas suivants :
Dans le premier la maladie est déjà parvenue à une période
avancée; il s'agitd'une femme de cinquante-cinq ans dont lavies'est
écoulée sans antécédents pathologiques d'aucune sorte. II y a trois
ans elle a subi un choc moral qui parait avoir joué un rôle décisif
dans l'éclosion de sa maladie actuelle, mais ce n'est qu'en sep-
tembre 189o que se montrent les premiers troubles, embarras de
la parole d'abord puis gêne de la mastication et de la déglutition.
Neuf mois après le bras droit est envahi par une sorte de lourdeur
avec gêne des mouvements et bientôt le bras gauche se prend de
même façon, 'fous ces troubles sont brusquement augmentés par
l'éclosion d'une rougeole en juillet dernier.
S4 1. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
A ce moment la partie inférieure du visage avait l'expression d'un
masque; au repos la bouche entr'ouverte laissait s'écouler la salive,
et il était impossible à cette femme de fermer ou d'ouvrir davan-
tage les lèvres, de siffler, de souffler, de tirer la langue atrophiée.
La mastication, la déglutition étaient des plus pénibles, la parole
incompréhensible. La sensibilité d'ailleurs était intacte, mais le
réflexe massétérin très exagéré provoquait une sorte de trépida-
tion très singulière de la mâchoire, comparable à la trépidation
spinale (fig. 5, 6 et 7).
Fi.']. 5.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ss
Aux membres supérieurs parésie, contracture et atrophie mus-
culaire sensible malgré l'adiposité; le deltoïde, le triceps, l'exten-
seur et le fléchisseur commun des doigts ainsi que les petits mus-
cles de la main avaient leur excitabilité' électrique très diminuée
avec traces de R. D. Les réflexes du coude et du poignet étaient
manifestement exagérés, et la contracture, s'accusait par la lenteur
et la difficulté des mouvements, par l'immobilisation des membres
supérieurs appliqués contre le tronc, les mains en pronation forcée.
Il faut ajouter que les mouvements étaient douloureux et que
Fifl. 6.
56
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
même au repos la malade ressentait de vives douleurs dans les
articulations des épaules ainsi que des élancements et une sorte
d'engourdissement dans toute l'étendue des membres supérieurs.
De même le cou rigide ne se mobilisait qu'au prix de- vives souf-
frances. 1
La marche encore possible était pénible avec chutes fréquentes,
les muscles rigides semblaient avoir peu perdu de leur force,
n'étaient pas atrophiés et ne présentaient pas des troubles élec-
triques, mais les réflexes roluliens étaient très forts et il y avait de la
trépidation spinale. Pas de trouble des sphincters. Depuis la maladie
fait des progrès lents mais continus, les fonctions des membres sont
plus troublées, l'amyotrophie plus accusée, la réaction de dégéné-
rescence s'est accentuée dans les muscles des membres supérieurs;
ceux-ci présentent l'aspect connu sous le nom de main de singe.
Nous sommes donc en présence d'une paralysie labio.losso-
laryngée et d'une atrophie musculaire du type Aran-Duchenne asso-
ciées à un élémentspasmodique; le diagnostic elliiiiquq, n,fi : saurait
Fif ! . 7, 1
ItE1'UE DE PATHOLOGIE NERVEUSE,
à ï
faire de doute, il s'agit de la maladie de Charcot, de la sclérose
latérale amyotrophique.
Le second malade est un homme de cinquante-cinq ans, qui
s'est aperçu pour la première fois en avril dernier d'une certaine
gène de la parole, bientôt les troubles de la déglutition le portent
à consulter un laryngologiste qui se borne il prescrire un traite-
Fig. 8.
58 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ment local, les mouvements des lèvres, de la langue deviennent de
plus en plus difficiles, et l'on constate à la Salpêtrière d'abord le
contraste frappant de l'immobilité de la moitié inférieure du visage
avec les variétés d'expression des yeux, des paupières, du front,
l'impossibilité de siffler, de mouvoir latéralement la langue visible-
ment atrophiée et agitée de secousses fibrillaires, les troubles de
la parole nasonnée et embarrassée, la difficulté de la déglutition
qui nécessite le concours des doigts, etc. Le réilexe massétérin est
très exagéré (fig. 8).
L'examen électrique fait constater une légère diminution de
l'excitabilité dans les muscles de la langue et des membres supé-
rieurs avec la R. D. commençante. Du reste la main droite est
déjà moins forte que la gauche, les réflexes sont très exagérés et
il y a des tremblements fibrillaires. Le pouls bat 168 à la minute.
Partout la sensibilité est normale.
Cet homme est atteint lui aussi d'une sclérose latérale amyo-
trophique, à début bulbaire. Mais ce n'est là qu'un diagnostic
clinique les relations qui existent entre la paralysie labio-glosso-
laryngée, l'atrophie musculaire progressive spinale du type Aran-
Duchenne et la sclérose latérale amyotrophique soulèvent un des
problèmes les plus intéressants de nosologie.
Au type Aran-Duchenne représentée par l'atrophie flasque,
Charcot ajouta bientôt la sclérose latérale amyotrophique avec
l'élément spasmodique d'importance capitale et l'élément dou-
leur d'importance secondaire et il fut admis que l'une et l'autre de
ces affections s'associent à la paralysie labio-glosso-laryngée soit
que les manifestations bulbaires ouvrent la marche, soit qu'elles se
montrent en seconde ligne; seulement cette association habituelle
obligatoire dans les cas de sclérose latérale amyotrophique peut
faire défaut dans les cas d'atrophie musculaire progressive.
Toutefois, l'existence même des affections qui nous occupent fut
contestée. Aux auteurs qni devant le démembrement successif de
l'atrophie musculaire type Aran-Duchenne au profit de la sclérose
latérale d'abord, puis de la pachyméningite cervicale, des formes
familiales d'atrophie musculaire myopathique, de la syringomyélie
et même des polynévrites ont nié qu'il existât une atrophie mus-
culaire progressive reconnaissant pour substratum exclusif une alté-
ration des cellules ganglionnaires des cornes antérieures de la
moelle sans participation des faisceaux blancs latéraux ou des fais-
ceaux pyramidaux, M. le professeur Raymond répond nettement
par l'affirmation de l'existence de ce type démontrée indubitable-
ment et par M. Jean Charcot et par lui-même.
Il est tout aussi net dans l'affirmation d'une paralysie labio-
glosso-laryngée avec lésions strictement limitées à la substance
grise d'un certain nombre de noyaux bulbaires sans la moindre
trace de sclérose des faisceaux blancs. Les négations de Vulpian,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. raz
de M. Déjerine ne sauraient aller contre l'évidence des faits.
Mais l'existence de la sclérose latérale amyotrophique n'a pas
moins été discutée. Leyden ne voulait pas la reconnaître comme
distincte de l'atrophie type Aran-Duchenne. En effet pour Charcot
la lésion de la substance grise des cornes antérieures rendant
compte de l'atrophie musculaire était commune aux deux affec-
tions mais les manifestations d'ordre spasmodique propres à la
sclérose latérale étaient imputables justement à la sclérose des
cordons latéraux qui donnait son nom à la maladie ; or Leyden a
constaté cette sclérose chez des sujets qui de leur vivant n'avaient
pas présenté de symptômes spasmodiques. Cela pouvait l'auto-
riser à dire que les manifestations spasmodiques ne sont pas sous
la dépendance de la sclérose des faisceaux pyramidaux, cela ne
devait pas lui permettre de nier l'existence de la maladie de Charcot.
M. Raymond n'a pas de peine à montrer d'abord ce qu'a d'illo-
gique le raisonnement par lequel on est amené à expliquer les
manifestations spasmodiques dans la sclérose latérale, et qui
consiste à dire : dans les cas de contracture posthémiplégique le
faisceau latéral du côté contracturé est en état de dégénération,
donc la contracture est une conséquence de cette dégénération, et
si elle l'est ici elle le sera également ailleurs. Ailleurs c'était le
tabès spasmodique, nous avons déjà dit que ses symptômes les
plus spasmodiques peuvent exister sans trace d'altération des fais-
ceaux latéraux, et réciproquement que la dégénération de ces fais-
ceaux a été rencontrée à l'autopsie de sujets qui n'avaient pas
présenté de manifestations spasmodiques. C'était aussi la sclérose
latérale amyotrophique et il en est de même, le cas de Leyden nous
montre la lésion sans le symptôme, un cas de Senator résumé ici
nous montre le symptôme sans la lésion. Le malade avait tous les
signes spasmodiques de la maladie de Charcot; il n'y avait pas la
moindre trace de sclérose de ses cordons latéraux. Nous savons du
reste que normalement cette sclérose est remarquable par sa
diminution d'intensité de bas en haut, la dégénération réalise au
point de vue de son intensité décroissante le type inverse de ce
qu'on observe dans les cas de lésions en foyer de la zone psycho-
motrice de l'écorce ou de la substance blanche sous-jacente; c'est
une dégénérescence ascendante.
La réponse à la première question est donc facile; la lésion
des faisceaux pyramidaux n'est pas responsable des manifestations
spasmodiques de la sclérose latérale amyotrophique. Mais la sclé-
rose latérale amyotrophique n'en doit pas moins être séparée de
l'atrophie musculaire progressive; elle doit l'être d'abord par l'ana-
tomie pathologique, car le cas de Senator n'est qu'une exception et
à la dégénérescence du neurone moteur inférieur, du neurone spino-
musculaire seul touché et presque exclusivement dans son corps
cellulaire dans le type Aran-Duchenne, la maladie de Charcot
60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ajoute d'abord la dégénération du neurone supérieur corlico-spinal
atteint surtout dans son extrémité terminale avec propagation de
la lésion dans le sens centripète et peut-être aussi ailleurs, car si
ni la dégénération des cellules de la corne antérieure, ni la sclé-
rose latérale n'expliquent les phénomènes spasmodiques, ceux-ci
ne sont pas contestables. Où chercher la lésion susceptible de nous
en rendre compte, évidemment vers l'encéphale, et c'est pourquoi
il y a une lacune immense dans l'observation de Senator où
l'examen du cerveau n'a pas pu être fait. Mais la séparation de
la sclérose latérale et de l'atrophie musculaire doit être faite sur-
tout par le point de vue clinique, les symptômes sont autres,
autres surtout le mode d'évolution et le pronostic. Le maladie de
Charcot par l'envahissement du bulbe inévitable, obligatoire,
aboutit à la mort dans un délai relativement court et la théra-
peutique nous laisse absolument impuissants et c'est pourquoi il
n'était pas indifférent chez les deux malades présentés au début de
cette leçon d'affirmer le diagnostic de sclérose latérale amyotro-
phique, diagnostic clinique n'impliquant pas anatomiquement,
malgré leur état spasmodique, l'existence d'une dégénération de
leurs faisceaux pyramidaux. Dl' G. Gsvr.
III. Synergies fonciionnelles; par Halipré. (Normandie médicale,
n° 15. 189G.)
IV. Contribution A l'étude des synergies fonctionnelles ; par
1\ ICOLLE et Halu'rc. (ibis" na 19, 1SOG.)
1° A l'état normal, l'une des pupilles étant seule exposée à des
variations d'éclairage, l'agrandissement et le rétrécissement de
l'orifice papillaiie s'accompagnent de modifications parallèles de
l'autre pupille sans qu'on fasse varier l'éclairage de cette dernière.
Ce phénomène est dû à l'existence soit de fihres allant directement
du noyau de la 3° paire à l'oeil du côté opposé, soit de fibres
d'association entre les noyaux des deux nerfs moteurs oculaires
communs.
Un exemple de synergie fonctionnelle analogue s'est rencontré
chez un strabique. L'oeil droit, sain, étant fermé on fait suivre par
l'oeil gauche un objet qu'on déplace vers la droite jusqu'à une
certaine limite infranchissable ; si l'on ouvre à ce moment l'oeil
sain on voit l'oeil strabique se déplacer légèrement au delà de la
limite en question et faire un écart en adduction. Un autre exemple
de synergies fonctionnelles se rencontre dans les paralysies
pseudo-bulbaires où certaines paralysies peuvent s'améliorer grâce
à la suppléance des fibres détruites par les fibres provenant du
côté opposé.
2° Chez un brightique atteint d'amaurose de l'oeil droit, cet oeil
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. Cl
restant ouvert, si l'on en supprime et rétablit alternativement
l'éclairage, la pupille gauche reste immobile. Si au contraire on
produit ces alternatives par ouverture et fermeture successives de
la paupière, la pupille gauche réagit synergiquement. Cette der-
nière expérience réussit que l'on maintienne l'oeil droit à la lu-
mière ou à l'obscurité. Ce sont donc seulement les mouvements
de la paupière qui déterminent ces mouvements synergiques de la
pupille. Ceux-ci représentent chez le malade l'association nor-
male de l'occlusion palpébrale et de la contraction pupillaire.
V. Claudication INTERMITTENTE chez UN homme hystérique atteint
de pouls LENT permanent; par Olivier et H.1LIPR1 : . (Normandie
médicale, n° 2. 1896.)
Crises typiques au point de vue clinique survenant chez un
homme de quarante-cinq ans : douleur subite violente empê-
chant la marche, engourdissement et sensation de froid dans la
jambe. La crise dure quelques minutes, les symptômes, disparus
par le repos, reprennent après quelques minutes de marche.
Quelques semaines après, le malade a un étourdissement avec
hémiparésie gauche. A son entrée à l'hôpital on constate unique-
ment les signes suivants : hémianesthésie gauche, rétrécissement
du champ visuel, douleur pseudo-ovaralgique, légère parésie à
gauche. Le pouls est à 40°. Les jours suivants apparaît une polyu-
rie abondante, en même temps que tous les signes disparaissent
sauf le pouls lent et le rétrécissement du champ visuel.
A une seconde entrée du malade on constate une différence
notable dans les pulsations des pédieuses avec hypothermie du
pied et de la j ambe gauche. Les auteurs éliminant les différentes
étiologies pensent qu'il s'agit ici d'un rétrécissement spasmodique
d'origine hystérique.
VI. Dyspepsie NfiR\'0-AtOTRICE; par MALIPRÉ. (Nonnandic médicale,
n° 13, 1896.)
Un homme de trente-sept ans présente des crises d'éructations
précédées de météorisme et survenant peu après les repas. Elles
durent plusieurs heures et s'accompagnent parfois d'un léger état
syncopal. L'apparition et la disparition brusque, sans cause précise,
des accidents, la conservation d'un pouvoir digestif très suffisant
même au moment des crises, l'absence de dilatation, de splanch-
noptose, de douleurs véritables, font penser à une dyspepsie nervo-
motrice simple à comparer aux palpitations cardiaques neuropa-
thiques.
62 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
VU. Assistance DES aliénés par l'état, dans l'état DE NE ? YoR6;
par le docteur MACDONALD.
L'assistance des aliénés par l'Etat, et l'assistance par les Comtés,
sont les deux systèmes d'assistance en usage aux Etat-Unis. Le
dernier système tend, du reste, à disparaître, car il faut reconnaître
que s'ils sont beaucoup moins coûteux, les asiles de Comtés n'ont
guère, jusqu'à présent, des asiles que le nom et sont bien plutôt
des dépots de mendicité où le soin des aliénés est souvent chose
inconnue : les asiles de Comtés à peu près recommandables sont
si rares qu'ils ne constituent que des exceptions confirmant la
règle qui condamne ce système.
Il existe à l'heure actuelle dans l'État de New-York onze hôpi-
taux d'Etat pour les aliénés, plus un hôpital pour les aliénés cri-
minels : ces asiles ont une population qui varie entre 500 et
2 500 malades et sont régis par les nouvelles lois relatives au trai-
tement des aliénés. La loi de mai 1896 est le résumé de toutes les
lois antérieures sur les aliénés. Elle précise les droits et devoirs de
la Commission des aliénés, des superintendants, et des divers
employés des asiles. Il est à noter que le superintendant, c'est-à-
dire le chef médical de chaque asile, a tous pouvoirs pour nom-
mer ou révoquer les employés placés sous ses ordres.
La caractéristique des nouvelles lois relatives aux aliénés con-
siste dans le mode de placement des malades. Personne ne peut
être placé dans un établissement pour les aliénés sans un ordre
d'un juge d'une « cour de record ·, ordre établi d'après la demande
sur laquelle sont consignés les actes du malade, et d'après un cer-
tificat signé par deux médecins spécialistes en aliénation mentale.
Notification de l'ordre d'internement doit être faite à la personne
supposée aliénée au moins un jour avant l'internement : le juge,
toutefois, peut faire cette notification à une autre personne dési-
gnée par lui. Le juge peut encore requérir d'autres preuves, en plus
de la demande et du certificat médical ou donner une nouvelle
audience sur la demande d'un parent d'aliéné.
De plus, si la personne supposée aliénée, ou un parent, ou quelque
ami, est mécontent de l'ordre d'internement, il peut, dans les dix
jours, faire appel devant la Cour suprême qui convoquera un jury
à l'effet de juger la question de folie. Cette possibilité d'appel n'est
pas sans présenter certains inconvénients : d'abord elle donne à
l'affaire une publicité qui pourra singulièrement déplaire à la
famille de l'aliéné; elle fait perdre, en outre, pour ce dernier le
bénéfice d'un traitement hâtif à l'hôpital ; enfin, pour les cas obs-
, curs et difficiles, elle subordonne l'examen fait par des médecins
compétents à un jury composé de personnes étrangères à la méde-
cine. Pour restreindre un peu le nombre de demandes d'appel, il a
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 63 i),
été décidé qu'avant que pareil appel puisse être entendu la per-
sonne qui le fait, doit déposer caution ou s'engager à solder tous
les frais de cet appel.
D'autre part il a été établi que si la personne prétendue aliénée
était reconnue saine d'esprit, le tribunal pourrait faire payer les
frais de procédure aux parents ou amis qui ont fait la demande
d'internement. (The alienisl and nezcrologist, juillet 1896.)
E. B.
VIII. LE PREMIER MANICOME DU MONDE; par J.-M. ESCUDER.
(Siglo Mezzo, novembre et décembre 1896.)
L'Espagne s'est de bonne heure occupée du régime des fous.
Cervantes, Avellaneda, Lope de Voga et d'autres littérateurs s'y
sont vivement intéressés à la folie et au sort lamentable des aliénés
de leur temps. Or, la ville de Valence, il y a près de cinq siècles,
eut la gloire de posséder la première un véritable manicome, où
ces malades étaient admirablement traités 1. En 1409, Jofré
Gilabert, moine charitable et savant, plus tard professeur à Sala-
manque, vivait à Valence et s'apitoyait sur le malheur des
insensés. Ceux-ci erratient librement dans les rues grotesques ou
tragiques, les uns faisant rire, les autres répendant la terreur.
La plupart, comme possédés, étaient l'anima vilis des exorcistes,
et ceux qui échappaient au bûcher restaient les victimes des injures
et des plus atroces tracasseries des populations ignorantes. Jofré,
en allant prêcher à la cathédrale, rencontra un jour un de ces
malheureux tordu de convulsions, et qu'une foule cruelle prenait
grand plaisir à lapider et à couvrir de'boue. Le moine, comme
d'habitude, intervint, dispersa les tourmenteurs, releva et emmena
le malade. Sous le coup de son émotion, il raconta en chaire ce
qu'il venait de voir, fit un vibrant plaidoyer en faveur des « fous et
des innocents », affirma qu'ils n'étaient que des malades, et
demanda pour eux la construction d'un hôpital, fait d'un courage
inouï à une époque où les médecins eux-mêmes, qui traitèrent
plus tard les pensionnaires de Jofré, étaient convaincus que la
folie était oeuvre du diable. Il fut si tenace qu'il eut gain de cause;
il fit désigner douze riches marchands pour fournir les fonds, il
obtint de Martin le Vieux, roi d'Aragon, l'autorisation d'entre-
prendre la construction et en confia la direction à dix marchands
de bonne volonté. Il spécifia que son hôpital devait rester un bien
collectif, la propriété des malades eux-mêmes; aussi exclut-il for-
mellement de la commission dirigeante les ecclésiastiques, les
nobles et les magistrats. Enfin, le 1er juin 1410, il ouvrit son asile
1 A la page 238 de son Traité de la folie, Pinel fait aussi un grand
éloge de l'asile de Saragosse, où avant ses propres réformes, les aliénés
vivaient libres et entourés de soins bienveillants.
64 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sous le nom d'Hôpital des Innocents. Tout alla bien au début et
l'établissement fut exactement ce qu'avait souhaité son fondateur :
« un hôpital fameux, dit Lope de Véga, où .les frénétiques sont
soignés avec la plus grande propreté et le zèle le plus dévoué».
Mais après Jofré, au cours des siècles, il dévia de cette première
impulsion, à la liberté, à la douceur, aux soins intelligents succé-
dèrent les mesures de rigueur et les étroits cachots ; les malades
devinrent les plus misérables des prisonniers. Ainsi déchut l'oeuvre
si belle du frère Jofré, bienfaisante tant qu'elle resta une propriété
éminemment collective et indépendanté, mais qui perdit toutes
ses qualités, quand un Etat cupide s'en empara au mépris du droit,
pour la vendre à une administration spéciale sous le nom de Mani-
come de Jésus. L'auteur visita pour la première fois en 1885 cet
asile dont la tenue était lamentable. Des malades demi-nus étaient
emprisonnés dans de vraies loges de bêtes fauves, trop petites pour
permettre aucun mouvement et fermées par de lourdes grilles,
jamais ouvertes et par-dessous lesquelles on changeait trop rare-
ment d'ailleurs, la paille souillée de déjections qui seule meublait
ces cages. D'autres aliénés grouillaient entassés dans des salles
basses, obscures, confinées, humides, puantes, où ils avaient pour
tout vêtement un maillot bleu, laissant les jambes et les pieds nus.
Sordides, hirsutes, mal nourris, ils se bousculaient le jour, et la
nuit ils s'amoncelaient sur la paille pour dormir les uns sur les
autres. Le personnel était plus que rare ; quant au médecin, le
Dr Ortiz, toute autorité, tout contrôle lui était refusé, on ne lui
laissait d'autre attribution que la constatation des décès. En 1891,
l'auteur revint au Manicome de Jésus et ne trouva encore que des
améliorations insignifiantes : douze frères en tout pour soigner
567 malades, un système rudimentaire d'hydrothérapie, toujours
les mêmes moyens de contention ; les douze serviteurs appliquaient
à volonté la camisole de force et même une ceinture de fer à
laquelle étaient fixées des menottes. Les médecins, toujours impuis-
sants et tenus à l'écart, malgré leur bonne volonté, n'avaient
aucune influence ; et d'ailleurs, que pouvaient faire deux médecins
pour 567 malades, même dans de meilleures conditions ? Pas un tra-
vail scientifique n'a pu être fait depuis plus de quatre cents ans dans
cetasile.Il y aurait donc énormément à faire pour relever,selon les
voeux de son fondateur, l'asile vieux de cinq siècles mais encore
incréé, de Jésus. Mais il n'est pas facile de stimuler une adminis-
tration inerte et surtout trop économe. La première chose à faire
serait de donner plein pouvoir aux médecins et d'augmenter leur
nombre, de prendre 50 infirmiers et 30 infirmières, enfin de modi-
fier les constructions. Et ceci ne serait qu'un faible commen-
cement.
M. Escuder fait à cette occasion le procès du traitement actuel
des aliénés et du régime des asiles même les mieux aménagés de
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65
la plupart des pays d'Europe. Aux yeux des pouvoirs publics l'assis-
tance d'un fou n'est au fond qu'un problème économique. L'aliéné
n'est en somme qu'un individu gênant, incurable, et dont il faut
se débarrasser, et l'asile est un lieu de protection pour la société
sensée beaucoup plus qu'un lieu de traitement pour des malades.
Les médecins eux-mêmes favorisent trop cette façon d'agir en ne
protestant pas, quand on leur impose des services où ils sont un
seul pour 300 et même 500 malades, sinon plus, qu'ils ne peuvent
non seulement pas traiter, mais même à peine connaître, alors
que l'influence morale personnelle assidue a tant d'importance
pour l'amélioration de ces malheureux. On saitpourtant combien,
en individualisant le traitement le plus possible, on augmente le
pourcentage et la rapidité des guérisons. On n'en continue pas
moins les errements surannés qui sont fort en retard sur l'état
relativement avancé de la science. M. Ëscuder se range à l'avis de
ceux qui ont expérimenté les immenses avantages des colonies peu
nombreuses. Pour lui, chaque colonie devrait avoir à sa tête un
médecin qui en habiterait le centre, elle ne comprendrait que
40 malades, serait située en pleine campagne, autant que possible
isolée de la ville par une chaîne de montagnes, et pas trop loin de
la mer, dans un pays riant; les malades y seraient occupés dans
un état de liberté aussi complète que leur état pourrait le per-
mettre, ils subiraient le plus possible le contact du médecin et y
trouveraient une existence aussi familiale que possible. L'auteur
ne se fait pas d'illusion sur les difficultés pratiques, il faut de-
mander le plus pour avoir le moins, une réforme ne peut d'ail-
leurs se faire d'un coup. Mais il voudrait voir au moins une tendance
vers les améliorations rationnelles et scientifiques, et il regrette de
trouver l'opinion ignorante et indifférente. L'histoire des aliénés
devrait déjà comprendre trois périodes : 1° celle des temps
anciens, où ils étaient abandonnés à eux-mêmes ou brûlés, et plus
tard enchaînés dans les prisons ; 2° celle de Pinel où ils était
considérés comme malades mais simplement rassemblés dans
des asiles spéciaux pour y être soignés ; et enfin, 3° la période
actuelle de traitement réellement scientifique. Malheureusement
il ne peut y voir que deux périodes, la première barbare, la
seconde actuelle d'internement pur et simple. F. BOISSIER.
Archives, 2e série, t. IV. 5
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 25 janvier 1897. Présidence de MM. Charpentier
et P. GARNIER.
M. Charpentier, avant de quitter le fauteuil de la présidence,
passe en revue les différents travaux de la société dans le cours de
l'année 1896 et renouvelle ses félicitations à son successeur.
M. GARNIER remercie M. Charpentier et rend hommage à son
esprit d'indépendance. Il constate que les tendances actuelles de la
société la dirigent vers l'étude de l'évolution des différentes formes
mentales. Il exprime enfin le souhait que la société fasse entendre
sa voix dans le procès actuellement pendant entre la société mo-
derne et l'alcoolisme.
COMMISSION DES PRIX.
Prix Aubanel. Aucun mémoire n'ayant été déposé, le prix Aubanel
est reporté à l'année prochaine. La question à traiter reste la même :
Rapport des auto-intoxications avec le délire. -prix Fsquirol, Deux
mémoires ont été reçus. Commission : MM. Bouchereau, Falret,
Ritti, Mitivié et Séglas. Prix Belkommc. Deux concurrents se sont
présentés. Commission : MM. Blin, Joffroy, Klippel, Vallon et J. Voisin.
Prix Moreau (de Tours). Huit candidats ont remis des travaux.
Commission : MM. Febvré, P. Garnier, Moreau, Pactet et Séme-
laigne. Rapport de la Commission des Finances. M. CHRISTIAN
félicite le trésorier de la bonne gestion des fonds de la société.
Enquête médico-psychologique sur les rapports de la supériorité intel-
lectuelle avec la névropathie. M. ToULOUSE donne quelques rensei-
gnements sur l'enquête médico-psychologique qu'il a entreprise
sur les rapports de la supériorité intellectuelle et la dégénérescence
névropathique. Il reproche à ses contradicteurs d'avoir condamné
son étude sur Zola sans la lire. Jusqu'à ce jour, semblable enquête
n'avait été faite que post mortem, ce qui lui enlevait toute valeur
scientifique en raison de l'impossibilité de contrôler ensuite les faits
avancés. En ce qui concerne la discrétion professionnelle à laquelle
on lui reproche de s'être soustrait, il ne croit pas y être tenu, car
c'est comme publiciste et non comme médecin qu'il a fait son
SOCIÉTÉS savantes. 67
enquête sur M. Zola. Pour ce qui est de l'hérédité collatérale qui
n'appartient pas au sujet seul, et que celui-ci ne peut autoriser à
publier, il s'est abstenu d'en parler, parce que, malgré tout, il ne
peut oublier qu'il est médecin. S'il n'a pas attendu la mort de
M. Zola pour publier son observation, c'est dans la crainte que les
héritiers n'autorisent pas cette publication. M. B.
Séance du 22 février 1897. PRÉSIDENCE DE M. P. GARNIER.
Le Président annonce la mort de M. Charles Loiseau, ancien
président de la société.
Le Secrétaire général donne lecture du discours qu'il a prononcé,
au nom de ses collègues, sur la tombe de M. Loiseau.
La séance est ensuite levée en signe de deuil.
Séance du 22 février 1897. PRÉSIDENCE DE M. P. GARNIER.
Le PRÉSIDENT annonce à la société que M. Charpentier a été victime
d'une tentative d'assassinat de la part d'un ancien aliéné de son ser-
vice, et le félicite d'avoir échappé au danger.
M. Charpentier remercie ses collègues de l'affectueux intérêt qu'ils
lui ont manifesté.
M. A. Voisin. La morale à tirer de cet accident est qu'il ne
faut pas proposer trop facilement la sortie des aliénés dangereux,
en cédant aux intimidations de certains membres des corps élus,
qui insistent volontiers auprès des médecins pour obtenir la sortie
d'individus dont ils ne sont pas aptes à juger l'état mental.
M. Charpentier regrette aussi qu'il se présente parfois des cir-
constances où le médecin, ayant la main forcée, finit, de guerre
lasse, par se laisser fléchir et rend à la liberté des aliénés mieux à
leur place dans les asiles.
Enquête médico-psychologique sur les rapports de la supériorité
intellectuelle avec la névropathie. M. TOULOUSE continue l'exposé
de son livre sur Zola :
Les conditions de la supériorité.intellectuelle, dit-il, peuvent être
divisées en causes anatomiques et en causes physiologiques. Existe-
t-il un rapport entre le développement de l'encéphale et l'intelli-
gence, les fonctions sensorielles et les facultés artistiques ? La
question n'est pas résolue ; mais on ne doit rien négliger daus les
enquêtes faites à cet égard parce qu'on ne sait pas quelle sera,
plus tard, la valeur de faits en apparence futiles. Il revendique
pour le psychologue seul le droit de critiquer les oeuvres littéraires
ou artistiques pourvu qu'il étudie la littérature et l'art, car lui
seul peut avoir sous les yeux et l'ouvrier et son oeuvre. Toute autre
68 SOCIÉTÉS SAVANTES.
critique ne reposant pas sur ces deux éléments est forcément
incomplète. La critique peut, elle-même, constituer une oeuvre
d'art.
Responsabilité pénale des médecins dans la répartition des aliénés
travailleurs. LE Président demande à M. Toulouse de remettre
à une autre séance le reste de sa communication, parce que la
société est saisie d'une affaire extrêmement urgente ; voici ce dont
il s'agit. Le D1' Samuel Garnier a été chargé d'examiner l'état
mental d'un individu qui avait commis un meurtre et de déclarer
s'il était responsable de ce crime.
Après un examen de deux mois, M. S. Garnier conclut à l'irres-
ponsabilité, basée sur un délire de persécution caractérisé lui-
même par des hallucinations de l'ouïe et des interprétations déli-
rantes. Une ordonnance de non-lieu fut rendue et X... fut placé
dans le service de M. S. Garnier.
Peu après la presse discuta le rapport médico-légal qui avait
été rédigé et qualifia d'ignorance médicale le diagnostic de folie
qui avait été formulé. Un peu plus tard, le malade s'améliora et il
put être joint à une équipe de travailleurs agricoles occupés dans
les champs sous la conduite d'un surveillant. Les journaux virent
dans ce fait une nouvelle preuve de l'intégrité de l'intelligence de
l'aliéné. C'est dans ces conditions que tout à coup celui-ci se livra
à une agression sur un prêtre, inconnu de lui, qu'il rencontra sur
une route qu'il traversait pour se rendre au travail avec d'autres
aliénés et un gardien.
Une action fut intentée à M. S. Garnier comme civilement res-
ponsable de l'acte commis par X... M. S. Garnier demanda à la
société s'il a commis une faute en envoyant cet aliéné au travail.
Le tribunal l'a condamné à 100 francs d'amende.
La société se constitue en conseil secret pour examiner les
pièces du procès et décider de la réponse à formuler.
Séance du 29 mars 1897. Présidence de \I. P. Garnier
Enquête médieo-psychologique sur les rapports de la supériorité
intellectuelle avec la névropathie. (fin). - 1\[, TOULOUSE termine
l'exposé de son enquête en concluant que M. Zola doit être consi-
déré comme un névropathe. Il réfute l'opinion de Lombroso qui le
soupçonne d'avoir eu dans l'enfance une polyencéphalite, d'être
hémi-anesthésique et enfin atteint d'épilepsie larvée.
M. Marandon de Montyel. La méthode d'investigation inaugurée
par le Dr Toulouse pour établir la parenté du génie et de la
névropathie est bonne et est appelée à rendre de grands services
à la double condition cependant que beaucoup de grands hommes
veuillent bien suivre l'exemple de Zola; mais il fort à craindre que
SOCIÉTÉS SAVANTES. 69
les enquêtes ne soient forcément incomplètes et cela pour deux
raisons : tout d'abord il est des choses importantes, ignorées du
sujet et de la famille que le médecin découvrira et qu'il ne pourra
divulguer parce qu'elles sont de nature à troubler ou - à nuire.
Ensuite il est des choses que les sujets même les plus complaisants
n'accepteront jamais de raconter et sur lesquelles l'observateur
n'osera même pas les interroger.
La dégénérescence, en déséquilibrant le cerveau. exalte certaines
facultés en même temps qu'elle amoindrit ou perturbe les autres.
L'état normal est l'état de tout le monde, ou état moyen, ce n'est
que par cette déséquilibration dégénérative qu'on peut sortir en
plus ou en moins de cette moyenne. En fait, il est certain que le
cerveau de l'homme de génie ne peut pas être constitué comme
celui de tout le monde.
D'un autre côté, les recherches de Moreau (de Tours), de Lelut,
de Lombroso et celles même de M. Toulouse sur Zola ont établi
que tous les grands hommes, sur lesquels on a pu avoir des ren-
seignements précis, étaient des névropathes, provenaient de névro-
pathes ou avaient engendré des névropathes. La conclusion dès
lors s'impose à tout esprit de bonne foi.
Sans doute cette parenté du génie et de la dégénérescence
étonne et offusque. Mais un fait s'impose qu'il soit explicable,
ou inexplicable, consolant ou désespérant. D'ailleurs si cela est bien
établi, il pourrait en sortir un grand bien, car on pourrait recher-
cher quelles sont les conditions qui créent la dégénérescence
géniale et la dégénérescence en moins.
Cependant, malgré les travaux si probants de Moreau (de Tours),
de Lelut de Lombroso, nombreux sont ceux qui nient cette parenté
en tant que fait car ils en sont indignés et il faudra pour les com-
battre entasser des montagnes de faits. Voilà pourquoi la méthode
d'investigations réalise un grand progrès. Le malheur est que pour
deux raisons données plus haut, la seconde surtout, les enquêtes,
seront forcément incomplètes.
Ainsi dans le livre, du Dr Toulouse, il n'est pas dit un mot des
organes génitaux et de leur fonctionnement à l'âge d'homme, non
par oubli ou par négligence mais, par une retenue et une délica-
tesse qui s'imposent.
Il en sera forcément ainsi toujours. Or, c'est surtout par les
organes génitaux et leur fonctionnement que se caractérise la
dégénérescence. Des recherches sur 800 dégénérés m'ont démon-
tré qu'on trouvait là très probablement le rapport, jusqu'ici vaine-
ment cherché ailleurs, des stigmates physiques et des stigmates
psychiques. En dehors même des organes génitaux et de leur fonc-
tionnement anormal, il est encore de nombreuses autres infirmités
de l'esprit et du corps que les célébrités ne voudront pas livrer à
la publicité.
70 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. A. Voisin reproche à M. Toulouse d'avoir incriminé la mé-
thode d'investigation de Moreau (de Tours). Il regrette aussi que
l'auteur ait parlé des collatéraux dont les descendants pourraient
ne pas être flattés. Il croit enfin que M. Zola n'est pas l'homme
qu'aurait dû choisir M. Toulouse, car si M. Zola est un merveilleux
descripteur, ce n'est pas un homme de génie.
M. CHRISTIAN. M. Marandon attache une grande importance
aux anomalies génitales ; je voudrais connaître comment M. Maran-
don comprend l'organe génital normal.
M. Marandon DE Montyel. Je considère qu'il y a anomalie,
quand il existe une disproportion entre les différentes parties de
l'organe, ou que la verge est en crosse et enfin dans l'épispadias
ou l'hypospadias.
M. CHRISTIAN croit qu'il n'y a anomalie que dans le cas où l'or-
gane ne peut fonctionner normalement.
M. Toulouse reconnaît que l'on ne peut publier certaines confi-
dences. Il faut alors agir comme si le renseignement manquait. Il
ne se bornera pas à rechercher les rapports de la névropathie et
de la supériorité intellectuelle. Il espère faire entrer l'esthétique
dans le domaine de la physiologie et déclare accepter la doctrine
de Moreau (de Tours).
Le système dit de l' « open door » dans les asiles de la Seine.
M. Febvré. M. Marandon de Montyel, dans ces temps derniers, a
essayé d'appliquer le système de l'open door dans la Seine. Je ne
crois pas qu'il soit désirable de voir se généraliser cette méthode
nouvelle avec toutes ses conséquences; cet essai est possible à
l'étranger et dans les colonies, où, à côté de l'asile fermé, se
trouvent des cottages isolés aux portes et aux fenêtres ouvertes ;
son application dans les asiles de la Seine, qui sont, avant tout,
des asiles de traitement, n'est pas praticable. Comment, aussi,
concilier cette liberté excessive des aliénés dans un asile consacre
au traitement de l'aliénation mentale chez les deux sexes, avec la
discipline nécessaire au bon ordre de l'établissement ?
J'ai encore le souvenir très précis d'un nommé L..., hystérique
peut-être, mais surtout escroc de haute volée qui pendant de
longs mois a régné en maître sur un établissement. Grâce à ses
relations avec une bande de malfaiteurs qui rayonnaient non seu-
lement en France mais à l'étranger, il avait, à l'aide de lettres.
de dépêches, de visites provoquées, fait croire qu'il était issu d'une
illustre famille, qu'il allait entrer en possession d'une immense for-
tune. Aux uns il promettait les places les plus lucratives, aux
autres des sommes considérables et tous le considéraient comme
une victime, se prêtaient à ses moindres désirs; certains employés
étaient sur le point de donner leur démission pour entrer plus vite
SOCIÉTÉS SAVANTES. 71
en possession d'une place rêvée depuis longtemps. Quand il nous
arrivait d'élever une plainte au sujet des allures par trop cavalières
de ce prétendu seigneur, immédiatement des récriminations géné-
rales s'élevaient, des menaces se faisaient entendre. Bientôt la lutte
étant devenue inégale, nous avons été forcés de nous incliner
devant ce pouvoir d'un nouveau genre.
Mais laissant de côté ce cas particulier, nous plaçant à un point
de vue plus élevé et n'envisageant que le côté humanitaire de la
question, nous pouvons affirmer hautement que notre expérience
poursuivie par notre confrère est loin d'avoir la portée qu'il lui
assigne; M. le D'' Marandon de Montyel est, à juste titre, l'en-
nemi acharné de ce qu'il appelle le bouclage des aliénés; il est
convaincu que certains moyens de contrainte, eten cela il a absolu-
ment raison, ne sont qu'une cause d'irritabilité et d'excitation pour
les malades, et il veut dès lors redonner à ses malades l'illusion
de la liberté et de la vie de famille ; mais il ne songe pas, qu'à
côté de son service d'hommes, se trouve un service de femmes que
la liberté qu'il accorde dans l'asile à ses malades, il l'enlève aux
malheureuses aliénées et qu'il provoque amsi sans le vouloir le
bouclage de jour en jour plus complet des femmes aliénées.
Il a d'ailleurs reconnu cette conséquence très fâcheuse puisque
dans son rapport annuel (1895) à M. le Préfet de la Seine nous
trouvons la phrase suivante : « Dans un asile mixte, comme à Ville-
Evrard, la liberté accordée à une catégorie condamne l'autre à la
réclusion pour éviter tous les dangers résultant du contact de
l'homme et de la femme. » Il ne nous reste plus qu'à nous expli-
quer sur les mots « fabrique d'incurables » qui devraient, selon
M. Marandon de Montyel, être inscrits au frontispice des asiles d'alié-
nés de France. Depuis plusieurs années et notamment depuis que la
résolution de construire un cinquième asile a été prise par le Con-
seil général de la Seine, les critiques des asiles de la Seine, qui
sont cependant des établissements de premier ordre et qui peuvent
parfaitement, ainsi que l'a formellement déclaré M. le Dr Chris-
tian, soutenir la comparaison avec les asiles de l'étranger, ne se
comptent plus. L'open door, méthode venue de l'étranger et qu'on a
voulu faire adopter chez nous sans vouloir comprendre, ainsi qu'il
l'a très bien démontré dans un autre ordre d'idées, que ce qui peut
se faire-dans une nation peut très bien être impraticable chez le
voisin, ne pouvait que donner une recrudescence à cette tendance
fâéheuse, qui semble s'implanter chez nous et qui consiste à don-
ner le monopole de l'esprit d'initiative~et de progrès à l'étranger.
Certes nous sommes loin de dédaigner les leçons que nous pou-
vons puiser chez nos voisins d'Outre-Rhin, nous sommes les pre-
miers à reconnaître qu'ils pratiquent mieux que nous certains
côtés de l'assistance des aliénés, mais nous voyons avec peine la
campagne entreprise contre nos asiles qualifiés d'asiles casernes
72 SOCIÉTÉS SAVANTES.
qu'il faut balayer, contre les architectes français qu'on déclare
atteints de micronéisme, sinon d'incapacité, contre les médecins
réfractaires à certaines idées et classés, avec une désinvolture sans
pareille, parmi les imbéciles, les envieux et les méchants.
M. TAQUET reproche à M. Febvré d'avoir dit que M. Marandon de
Montyel préconisait une méthode nouvelle, alors qu'il n'a fait que
suivre des errements très usités en province et dans d'autres ser-
vices des asiles de la Seine.
M. ARNAUD demande s'il existe réellement, ainsi qu'on voudrait
le laisser croire, des asiles sans serrures, ni portes, ni murs.
M. Sérieux. Ce système fonctionne réellement en Ecosse,
mais il faut ajouter qu'il, ne s'applique qu'à une catégorie déter-
minée de malades. '
M. AsaAOU. - Alors ce n'est plus une innovation, car les choses
se passent ainsi dans les établissements désignés, par M. Maran-
don, sous,le nom d'asiles casernes, où certains aliénés jouissent de
la plus grande liberté.
M. Pactet a visité en Danemark un asile sans concierge.
. Séance du 3 mui 1897. Présidence de M. GARNIER,
Prix Esquirol. Le prix Esquirol, d'après les conclusions de
M. SÉGLAS, rapporteur de la Commission, est décerné à MM. Battier
et Lelong. Une mention honorable est accordée à MM. Cololian et
Manheimer.
Prix Moreau (de Tours). - Conformément aux conclusions durap-
porteur M. PacTET, le prix est accordé à E. Rieder. Une première
mention honorable est décernée à M. Massary et une seconde
mention à MM. Coulomb et Lemesle.
Prix Belhomme. Le prix Belhomme est partagé de la manière
suivante : 400 francs sont remis à M. Bonnet et 200 à M. Maupaté
(1L' Br.rrr, rapporteur).
Eloge de Calmît. M. le Secrétaire général emploie le reste de
la séance en faisant revivre pendant quelques instants la grande
figure de Calmeil, dont il prononce un magnifique éloge.
' MARCEL IRL4nT.
SOCIETES SAVANTES. 1a J
SOCIÉTÉ DE \HURO1'ATIIOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 12 avril 1896.
M. le professeur KOJEVNIKOFF. De la paralysie asthénique bulbaire
(avec démonstration d'une malade).
Observation 1. Un distillateur (d'eau-de-vie), agé de cinquante
sept ans, se portant jusque là très bien, après un refroidissement
le 12 avril de l'année 1893, remarqua le jour même l'affaiblisse-
ment du mouvement des lèvres (il pouvait à peine souffler une
bougie), après quoi se développa progressivement un sentiment de
contraction des muscles de la face, une faiblesse de paupières,
lorsqu'il fermait les yeux, une voix nasillarde, une difficulté de la
mastication et plus tard une difficulté de déglutition ; le 28 juillet
de l'année 1893, à l'entré du malade à la clinique des maladies
nerveuses, on constata : un abaissement de la paupière supérieure
gauche, un affaiblissement de tous les rameaux, surtout des
rameaux inférieurs, du nerf facial ; de temps en temps le malade
se plaignait d'une diplopie, d'une fatigue des muscles masticateurs
de la langue et du palais mou, d'une difficulté de déglutitiou,
d'expectoration et de respiration ; la voix du malade était très
faible, la parole privée de son indistincte ; on remarquait aussi un
amaigrissement des muscles de la face, mais sans changement
d'électro-sensibilité et un léger affaiblissement des muscles posté-
rieurs du cou ; mais pas d'affaiblissement dans les membres. Dans
une semaine, la santé du malade s'améliora graduellement. Le
28 septembre le malade quitta la clinique et revint à ses occu-
pations habituelles; mais le 27 janvier de l'année 1894 il entra de
nouveau à la même clinique dans un état encore plus grave et
pour cette fois tous les phénomènes morbides s'étaient développés
de nouveau dans le même ordre. L'examen donna les faits suivants
une impossibilité de déglutition, une voix tout à fait privée de son,
un abaissement des paupières, un rétrécissement des pupilles (la
pupille droite plus large), un affaiblissement de la mimique de la
face, une faiblesse du muscle droit interne, la mâchoire inférieure
pendante, une impossibilité de mastication; après qu'on avait
nourri le malade avec une sonde, une amélioration de tous les
phénomènes s'était manifestée, mais cette amélioration survint
beaucoup plus lentement que la première fois ; ds sorte que ce ne
74 SOCIÉTÉS SAVANTES.
fut que le 4 octobre 1894, que le malade quitta la clinique.
pour reprendre ses occupations. Au mois d'octobre de 1895 le
malade mourut subitement d'une pneumonie d'origine grippale
(paralysie de respiration ? ).
La nutrition avec une sonde demande beaucoup de précautions
remarqua l'auteur, car il y avait un cas, chez le professeur Op-
penheim, où un malade mourut subitement d'asphyxie pendant la
séance de nutrition artificielle.
Observation. II. La malade est une demoiselle de dix-sept
ans, fille d'un marchand (le frère souffre d'asthme). Les règles
parurent à douze ans ; jusqu'à onze ans elle jouissait d'une bonne
santé. Au printerups de l'année 1889 elle ressentit une faiblesse
générale et une somnolence, mais tout cela disparut en été ; au
mois de septembre les mêmes symptômes se renouvelèrent et plus
tard il s'ajouta une certaine fatigue ; pendant la conversation, sa
voix s'affaiblissait et devenait nasillarde. Au mois de février parut
une faiblesse des lèvres et tout ces symptômes se prolongèrent
pendant plusieurs années avec certaines oscillations, mais du mois
d'avril de l'année 1894 sa parole devint encore plus embarrassée,
la mimique de la face s'affaiblit d'avantage et elle ressentit une
difficulté de déglutition ; en été la malade se portait mieux ; mais
du mois de septembre la maladie empira de nouveau ; on remar-
qua un abaissement de la paupière gauche, une atrophie symé-
trique légère de la langue, une immobilité du palais mou, une
faiblesse des muscles de l'épaule et du bassin ; en suite en été de
l'année 1895 on observa une perte du goût, parfois une diplopie ;
au mois de septembre sa parole devint encore plus embarrassée et
la faiblesse des membres augmenta ; le strabisme interne parut,
la malade ne pouvait pas tenir sa tête droite et l'abaissait en avant
Après que la malade a eu une infection grippale (en octobre), on
remarqua une impossibilité de déglutition, un abaissement de la
lèvre inférieure et une perte complète de la voix. Le 4 octobre de
l'année 1894, lorsque la malade fut placée à la clinique des mala-
dies nerveuses, outre les phénomènes déjà décrits, on constata les
faits suivants : l'oeil gauche est dévié en dedans et ne peut se
mouvoir en dehors ; la pupille droite est plus large que la gauche ;
les paupières ne se ferment pas complètement ; la mastication se
fait avec difficulté. Une assez grande atrophie de la langue, plus
marquée du côté droit ; le réflexe pharyngien existe ; les muscles
postérieurs du cou sont affaiblis; on constate dans les muscles de
la face un abaissement quantitatif de la sensibilité électrique; le
rétlexe du palais mou manque; la langue présente une réaction
partielle de dégénérescence ; la quantité d'urine atteint 300
à 400 centimètres cubes par vingt-quatre heures, elle contient
presque 2 p. 100 de sucre. Uu côté des yeux (l'examen a eu lieu à
SOCIÉTÉS SAVANTES. 75
la clinique des maladies des yeux), on constate une faiblesse et un
épuisement très prompt du muscle orbiculaire de l'élévateur et des
droits externes, ainsi qu'un affaiblissement passager du constric-
teur de la pupille et du muscle ciliaire, plus loin (ce qui surtout
est marqué par l'auteur comme un phénomène non décrit encore),
outre une certaine faiblesse continuelle, un épuisement passager
et de peu de durée du nerf optique, cet épuisement s'exprime dans
une modification de l'acuité de lavue et encore dans un rétrécisse-
ment très prononcé du champ visuel.
Le goût est affaibli ; la malade ne peut distinguer que le goût
salé. Pendant le séjour de la malade à la clinique, il y avait une
oscillation continuelle de tous les symptômes susnommés; il est à
noter encore, que tous ces phénomènes étaient moins accentués le
matin après le repos, mais toute fatigue quoique légère les
augmentaient.
M. le professeur RoTH ayant examiné le système musculaire de
la malade, constata, à l'aide des courbes, une lassitude très prompte
des muscles tétanisés par le courant faradique. La nuit du vingt-
six octobre la malade eut pendant le sommeil un accès très fort
d'asthme et resta pendant trois heures sans connaissance. Le
même phénomène, se répéta encore cinq fois, mais à un degré
moins fort. Ce qui concerne les oscillations des phénomènes mor-
bides du côté de la mastication, de la déglutition et du côté des
membres on put observer que ces phénomènes étaient devenus
moins graves et avaient une inclination a s'améliorer. Le sucre
disparut totalement de l'urine après un mois.
Le cas donné, d'après l'auteur, présente un tableau clinique
très compliqué et de certaines particularités, qui le distinguent des
cas de paralysies asthéniques, décrites déjà auparavant. 1° on y
trouve des changements assez marqués de la sensibilité, à savoir :
du goût et de la vue. Ces changements, sont exprimés parle même
épuisement de la force nerveuse ; cet épuisement est un symptôme
le plus caractéristique de la paralysie bulbaire asthénique en géné-
ral ; les changements des muscles internes des yeux, qui n'ont pas
encore été jusqu'à présent constatés, présentent eux aussi une
manifestation de la fatigue musculaire générale; 2° l'atrophie
dégénérative des muscles de la langue et du palais mou est une
seconde particularité du cas décrit. Cette atrophie qui restait sta-
tionnaire pendant le séjour de la malade à la clinique, les jours
derniers commença à diminuer et au lieu du côté droit devient
plus prononcée du côté gauche; conformément à cela la langue
se dévia du même côté, tout le reste des symptômes et le cours de
la maladie apparaissent dans le cas cité, d'après l'auteur, très
caractéristiques pour la paralysie bulbaire asthénique, ce qui
donne à l'auteur le droit de les unir aux cas peu nombreux de
cette maladie, qui ont été décrits jusqu'à ce temps.
76 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. H.osOLIMO suppose, que l'emploi de certains moyens pharma-
cologiques aurait pu, peut-être contribuer à l'éclaircissement de
l'endroit et du caractère des changements morbides dans le cas en
question.
M. KORNILOFF hésite à rapporter totalement ce cas à la catégorie
de la paralysie asthénique, vu qu'il existe ici une réaction de dégé-
nérescence des muscles de la langue.
M. JAKovENKO trouve qu'il serait plus juste de donner dans ce
cas à la maladie en question, le nom de paralysie asthénique
générale et non bulbaire, vu la variété et l'étendue des symptômes
morbides.
M. le professeur RoTH partage l'avis du rapporteur et pense que
l'atrophie désignée plus haut, fait ce cas très précieux ; il admet
que dans certains cas de paralysie asthénique des degrés différents
de lésion des centres nerveux sont possibles et que l'atrophie peut
se manifester même, par les signes de dégénérescence.
M. le professeur RoTH. - Un cas très rare de développement d'iinner-
vation musculaire volontaire (avec démonstration). Le rappor-
teur présente à la société un certain M. Eguier, français de qua-
rante ans, qui s'est montré dans plusieurs villes sous le nom ne
* squelette vivant ». Cet individu tantôt en contractant certains
muscles, tantôt en les affaiblissant au maximum, tantôt en em-
ployant l'un et l'autre procédé en même temps dans différents
muscles et même dans ceux qui ordinairement ne se laissent pas con-
tracter isolément peut faire apparaitre les phénomènes suivants :
1° il peut à son gré provoquer une catalepsie de la partie inférieure
du corps ; pendant cette manipulation on remarque, que la con-
traction volontaire des muscles passe bientôt en convulsions
involontaires de ces mêmes muscles ; 2° les omoplates alaires
semblables à ce qu'on observe pendant l'atrophie musculaire
ou pendant la paralysie du grand dentelé antérieur (tension de
tous les muscles de l'épaule et l'omoplate et même des rhom-
boïdes et l'affaiblissement du trapèze et du grand dentelé anté-
rieur) ; 3° la' contraction unilatérale et bilatérale du peaucier du
cou est très développée; 4° « l'homme squelette, » ce phénomène
s'exprime par cela, que M. Eguier, en se courbant préalablement
fait paraître, une contraction des muscles abdominaux et repousse
son intestin en haut; puis, en se redressant, il fait un mouvement
respiratoire très fort, ayant la fente laryngienne fermée et le
diaphragme dans un état d'affaiblissement; alors les entrailles
paraissent aspirées dans la cavité thoracique et le mur abdominal
se trouve comme serré par la pression de l'air contre la colonne
vertébrale ; 5° « le cadavre » (l'homme mort) présente une telle
attitude, lorsque les parties latérales du mur abdominal antérieur
SOCIÉTÉS SAVANTES. 77 \
sont enfoncées jusqu'à l'atouchement du mur abdominal posté-
rieur ; alors les muscles abdominaux droits sont tendus au plus
haut degré; M. Eguier peut faire aussi une contraction partielle
de ces muscles; tantôt de leur portion supérieure, tantôt de leur
portion inférieure, et replacer ses entrailles conformément à cela
de manière, que cela paraît qu'un grand globe se roule du haut
en bas sous le mur abdominal.
M. EGUIER montre encore l'arrêt du coeur et du pouls, pour
faire cela, il tend tous les muscles de son corps arrête la respiration
pour quinze à vingt secondes; le pouls en ce temps semble dispa-
raître, grâce à la tension très forte des muscles, qui empêche de
palper l'artère. L'examen sphygmographique est aussi impossible;
les tons du coeur sont absorbés par les bruits musculaires et on ne
les entend même pas dans la région du sternum; le plétysmo-
graphe ne démontre pas les ondes ni du pouls, ni de la respira-
tion, qui sont remplacées par des mouvements oscillatoires très
faibles de trois à six par seconde; on observe la même chose à
l'examen du grand abdominal droit et à la tension isolée d'un des
membres supérieurs. Le myographe démontre aussi un tremble-
ment à la contraction volontaire du biceps. Lorsque l'expérience
est achevée les contractions cardiaques deviennent très accé -
lérées.
La capacité extraordinaire de la contraction volontaire des
muscles isolés (du fléchisseur commun des doigts et du peaucier
du cou, qni d'ordinaire ne peuvent se contracter qu'ensemble
avec les autres, se rencontre assez souvent; l'impulsion volontaire
paraît se diriger de l'écorce cérébrale tout droit vers le muscle
donné indépendamment de la représentation du mouvement cor-
respondant, qu'il éveille; le rapporteur doute que cette capacité
dépende de l'atavisme, ou d'une anomalie de la structure anato-
mique ; d'après son avis il y a dans le cerveau des voies qui unis-
sent l'écorce cérébrale avec des muscles isolés; mais ces voies ne
sont pas encore bien tendues, et ce n'est qu'à certaines conditions,
que les impulsions volontaires peuvent parvenir jusqu'à eux, et
alors l'exercice contribue encore à les faire plus praticables. En
admettant cette explication nous pouvons comprendre, selon l'au-
teur, la possibilité de l'apparition des paralysies hystériques et des
contractures dans de tels muscles dont la lésion n'a pas encore été
décrite.
Ont pris part aux discussions : MM. Fokarsky, Korniloll', Mou-
ratuff, Schataloff, et le professeur Kojevnikoff.
Séance du 10 mai 1896.
I. M. Mouratoff. Paralysie cérébrale bilatérale congénitale, comme
entité clinique. Le rapporteur a observé douze cas de maladie
78 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de Little, dont deux finirent par la mort. L'autopsie démontra des
traces d'hémorrhagies sous-méningiennes. Aux symptômes prin-
cipaux de cette affection l'auteur rapporte : 1° la paralysie spasmo-
dique des membres inférieurs présentant tous les degrés de la
transformation en paraplégie complète; 2° le début congénital de
la maladie ; 3° l'affaiblissement des symptômes morbides dans le
cours de l'affection.
Aux symptômes accessoires se rapportent : 1) les troubles psychi-
ques ; 2) les mouvements impulsifs; 3) l'atrophie musculaire, et 4)
le nystagmus. Le traitement est pareil à celui qu'on pratique dans
toutes les inflammations chroniques du cerveau. Remarques de
M. le professeur Kojewnikoff.
II. M. ORLOVSKY. Un cas de gomme syphilitique de la moelle épi-
nière. Le malade, âgé de quarante-neuf ans, contracta la spyhilis
en 1887 et subit un traitement très énergique. En 1892, il eut une
gomme à la langue. En octobre de l'année 1894 parut une névralgie
intercostale du coté droit; la même chose se répéta au mois de
février de l'année 1895, mais avec parésie des membres inférieurs,
anesthésie des plantes et impotence.
Depuis le 17 septembre de l'année 1895 on observa un aggrave-
ment très marqué des phénomènes de parésie.
État actuel au 21 septembre de l'année 489 ? OEdème des mem-
bres inférieurs, paraplégie inférieure spasmodique; spasme des
muscles abdominaux obliques, atrophie partielle des membres
inférieurs avec diminution de l'excitabilité électrique, exagération
des réflexes, diminution de la sensibilité dans les memhres infé-
rieurs, surtout du côté gauche, une ceinture d'hyperesthésie au
niveau de la moité inférieure du thorax, incontinence de l'urine et
des masses fécales, impotence complète. Le malade mourut subi-
tement.
Autopsie. A la hauteur des cinquième et huitième vertèbres
dorsales on trouva deux gommes : la première, dans la dure-mère
et la seconde enfoncée dans la substance de la moelle épinière, qui
était fortement comprimée, et déformée; la structure histologique
des tumeurs est typique quant aux méninges et aux vaisseaux des
régions voisines de la moelle épinière, ils présentent aussi des alté-
rations spécifiques. La dégénérescence descendante et ascendante
est peu marquée. Discussion par MM. Minor et Mouratoff.
Séance du 20 septembre 1896.
I. Mouravieff. Un cas d'encéphalite hémorragique Aiguë. Il
s'agit d'une femme comparativement bien portante, âgée de qua-
rante-six ans; pas de phtisie ni d'alcoolisme dans son anamnèse ;
quinze jours après une infection de nature grippale se développa
SOCIÉTÉS SAVANTES. 79
brusquement un accès épileptiforme, qui débuta par des tiraille-
ments et des maux au membre supérieur gauche. L'accès se répéta
encore une fois, mais à un degré moins fort. Comme suite de ces
accès la malade eut une liémiparésie gauche, surtout du membre
supérieur. Six semaines après le premier accès, elle fut placée à la
clinique de M. le privat-docent, G. Rossolimo et le jour même de
son entrée il se déclara une dischromatopsie et un affaiblissement
de la vue
Le dixième jour la santé de la malade empira subitement;
l'accès épileptiforme survint de nouveau. Le lendemain matin, on
nota une dépression de conscience considérable, une ptose mé-
diocre du côté droit et une certaine déviation de l'oeil droit en
dehors. Dans quelques jours on constata une amaurose bilatérale
et une immobilité presque complète de l'oeil droit ; concernant
l'oeil gauche on observe un élargissement de la pupille et un affai-
blissement de la réaction à la lumière. Durant toute la maladie la
température resta normale. Dans deux semaines la malade mou-
rut.
Autopsie : Il tumeur cérébrale sarcomateuse dans le milieu
des circonvolutions centrales du côté droit; 2° une dégénérescence
considérable des racines postérieures dans la moelle épinière, plus
marquée surtout dans les régions dorsales et cervicales ; une alté-
ration dans les parties internes des faisceaux de Goll et dans la
zone radiculaire des colonnes postérieures ; 3° un procès inflam-
matoire aigu à caractère hémorragique dans la région de la protu-
bérance et des pédoncules cérébraux, qui se localisait principale-
ment, mais non exclusivement, dans la substance grise, qui entoure
la cavité centrale. Outre cela de petites hémorragies dans la
couche optique elle corps géniculé interne.
D'après l'avis du rapporteur, il s'agit d'un cas de poliencépha-
lite hémorragique aiguë supérieure de Wernicke, quoiqu'on y
peut encore noter des traits, qui le rapprochent, sous certains rap-
ports, d'une forme d'encéphalite hémorragique aiguë, décrite par
Strumpell.
D'ici surgit la question, a-t-on le droit de séparer l'une de l'autre
ces formes morbides ; il se peut que la poliencéphalite supérieure
de Wernicke ne soit qu'une forme, décrite par St1'umpell, mais se
modifiant dans les pédoncules cérébraux et dans le pont de Varole,
à cause des particularités locales, du mécanisme anatomique vas-
culaire dans ces régions. En outre ce cas confirme l'opinion que le
même cas peut provoquer des procès morbides en même temps
dans différentes régions du système nerveux, et prouvent la possi-
bilité de coexistence des phénomènes inflammatoires et dégéné-
ratifs.
Le second cas, pris de la clientèle privée de M. Rossolimo, concerne
80 SOCIÉTÉS SAVANTES
un employé âgé de quarante-six ans. L'anamnèse démontre l'héré-
dité neuropathique, la syphilis et l'alcoolisme. Chez ce malade se
développèrent très rapidement des troubles moteurs du côté des
yeux : un ptosis médiocre bilatérale, certaine différence des pupilles
et principalement un dérangement des mouvements associés des
yeux de tous les deux côtés, mais [sans paralysie des muscles isolés
de l'appareil ocu ! o-moleur. A tout cela s'ajoutèrent encore les
symptômes suivants : un trouble mental manifesté par une forme
d'amnésie très marquée, une paramnésie et une polynévrite aiguë
dans les membres et dans le corps, avec phénomènes paraly-
tiques. Les troubles oculo-moteurs disparurent assez vite, de sorte
que dans un mois il ne resta qu'une différence des pupilles. Quant
à l'amnésie et aux paralysies, ces phénomènes disparaissaient bien
plus lentement. Plus tard, rétablissement des mouvements et amé-
lioration des facultés psychiques.
Les phénomènes oculo-moteurs dans ce cas sont sans doute d'une
origine centrale ; il est vraisemblable, que nous avons eu ici affaire
à une poli-encéphalite aiguë hémorragique supérieure de Wer-
nicke, compliquée par une polynévrite et par une psychose polyné-
vritique (de M. Korsakoff).
Discussioa.-11. Rossolimo indique que d'après ses observations
dans les cas d'encéphalite hémorragique aiguë circonscrite, on
peut trouver des globules granuleux non seulement auprès du foyer
morbide, mais encore dans différentes autres régions du système
nerveux central.
M. `ŸEIDENH11)1GR trouve possible, que la dégénérescence des
racines dépende de la présence d'une tumeur dans le cerveau, à
quoi M. Mouravieff répond qu'il n'existe en faveur de cette opi-
nion ni preuves théoriques, ni faits.
M. Mooratoff trouve possible d'admettre dans le premier cas,
l'existence des hémorragies, comme suite de l'accès épileptique.
M. Mouravieff et M. le professeur RoTH ne pouvaient accepter
cette opinion : 1° à cause du développement non momentané de la
maladie; 2" à cause de la localisation symétrique et élective du
procès morbide (presque exclusivement dans la substance grise), et
3° à cause du tableau histologique. Aux débats prirent part encore
M. MINOR, M. PosrowsgY et M. le professeur 110JE\'NIHOFF.
II. M. Mouratoff. Des accès convulsifs corticaux de longue durée
dans laparalysie générale. L'auteur décrit deux cas. de convul-
sions cloniques continuelles d'un côté pendant les intervalles entre
les accès épileptiformes chez des paralytiques. Premier cas, hémi-
plégie et aphasie, accès épileptiformes à type cortical : convul-
sions cloniques incessantes dans la moitié droite du corps. Sensi-
bilité normale. Démence.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 81
Autopsie. Périencéphalite diffuse chronique, surtout dans l'hémis-
phère gauche ; lésions très profondes inflammatoires et dégénéra-
tives dans les circonvolutions centrales; lésion des fibres arciformes,
de fibres de projection ainsi que des fibres tangentielles superfi-
cielles.
Deuxième malade. Accès épileptoïdes, accès apoplectiformes avec
hémiplégie gauche, affaiblissement de sensibilité générale, sur-
tout de la sensibilité musculaire. Démence avec délire de gran-
deur. Convulsions cloniques continuelles dans tous les muscles du
côté droit.
L'autopsie donna les mêmes résultats que dans le premier cas :
en outre des dégénérescences descendantes secondaires, dans la
moelle épinière et une névrite parenchymateuse des nerfs médian
et cubital. L'auteur rapporte les hyperkinésies classiques de ces
deux cas au groupe des mouvements choréïformes, et athétoïdes,
qui ont été décrits par d'autres auteurs chez les paralytiques, mais
ces convulsions sont rythmiques; et cette dernière particularité,
tout aussi bien que la possibilité de leur origine corticale, les
rapprochent des cas d'épilepsie partielle continue décrite par l'
M. le professeur Kojewnikoff. L'auteur signale les convulsions
cloniques incessantes chez les paralytiques aux symptômes très
graves.
Discussions. M. le professeur KOJEWNIKOFF remarque que la
principale particularité de la forme nosologique, décrite par lui,
consiste en une connexion intime des convulsions continuelles avec
les accès épileptiques, ce qui n'existe dans le syndrome qui vient
d'être décrit.
M. KORNILOFP exprime un doute concernant les résultats de l'exa-
men de la sensibilité générale, surtout de la sensibilité musculaire
chez des paralytiques avec démence profonde. '
M. le professeur KOVALEVSKY (de Varsovie) mentionne plu-
sieurs cas semblables de sa pratique, mais qui ne donnent pas le
droit pourtant de considérer les phénomènes, décrits par l'auteur,
comme des symptômes peu favorables au sujet du pronostic. A la
discussion a pris part M. Rossolimo.
G. RossoLmo, N. SCIIATALOFF, A. FOKARSKY.
Archives, 2e série, t. IV. 6
BIBLIOGRAPHIE.
I. Clinique des maladies du système nerveux (2° série); par le
professeur RAYMOND (1897. 0. Doirr, éditeur).
Fidèle à la tâche utile qu'il s'est imposée, le professeur Raymond
livre au public médical les leçons si remarquables qu'il a faites pen-
dant l'année scolaire 1895-1896. Suivant la méthode si fructueuse
de son maître Charcot, M. Raymond part de cas cliniques, rappro-
chés et discutés, pour établir l'état actuel de diverses questions de
la'neuropathologie et donner son avis personnel sur ces questions.
L'ouvrage débute par une étude très remarquable des polyné-
vrites. Chacun sait l'histoire de cette affection, niée par les uns, et
vaillamment soutenue par d'autres auteurs. L'étude de l'histologie
fine de la cellule nerveuse, les recherches expérimentales mon-
trant que la lésion d'un nerf retentit sur la cellule nerveuse d'ori-
gine, ont changé singulièrement la face de cette question. A propos
d'un fait clinique des plus intéressants (pendant une première
période le malade semble atteint d'une paralysie ascendante aiguë
de Landry, tandis que la seconde prit l'aspect de la polynévrite à
forme de poliomyélite antérieure), M. le professeur Raymond éta-
blit qu'au point de vue anatomo-pathologique dans la « paralysie
ascendante aiguë de Landry, dans la poliomyélite antérieure aiguë
et dans la polynévrite motrice, c'est toujours le même organe qui
est touché; toutes trois sont des affections du neurone moteur péri-
phérique. Si sur le terrain clinique il y a intérêt pratique à distin-
guer ces maladies l'une de l'autre, si le diagnostic différentiel est
faisable dans bien des cas, sur le terrain de l'anatomie patholo-
gique, il est irrationnel d'opposer la polynévrite motrice à la
poliomyélite antérieure ».
L'importance des polynévrites se fait de jour en jour plus grande
et le rôle que jouent dans leur développement les intoxications et
les infections est considérable. Le professeur Raymond étudie
d'abord un cas clinique de polynévrite sulfocarbonée, les para-
lysies diphtériques, des observations de polynévrite paludéennes,
de polynévrite tuberculeuse, de polynévrite alcoolique (celle-ci
s'accompagnant très souvent de troubles de l'intelligence et revê-
tant les formes cliniques variés de poliomyélite antérieure, de
pseudo-tabes, de prédominance des troubles sensitifs, de paralysie
générale), de paralysies arsénicales, de paralysies et névrites typhi-
ques (celles-ci sont essentiellement douloureuses).
BIBLIOGRAPHIE su
Quelle que soit la variété de polynévrite en face de laquelle on
se trouve, la lésion sera toujours la même; altération du neurone
moteur périphérique. Suivant l'intensité d'action de la cause
morbide, suivant la durée de son action, le prolongement cylindre-
axile seul, le corps cellulaire seul, ou tout le neurone seront tou-
chés. Au point de vue histologique, la poliomyélite antérieure se
trouve donc très rapprochée de la polynévrite; cependant pour le
clinicien il importe de savoir différencier nettement l'une de
l'autre, car avec le diagnostic varie le pronostic. Toutes ces
polynévrites se rapprochent encore l'une de l'autre par leur étio-
logie. Toutes relèvent de l'intoxication, qu'il s'agisse d'une intoxi-
cation exogène ou d'une auto-intoxication, ou d'une infection.
Mais c'est la prédisposition nerveuse qui entraîne la localisation de
l'agent toxique sur le système nerveux. De cette étiologie découle
le traitement. La prophylaxie joue le rôle principal. En face de
la maladie déclarée, il faut enlever les douleurs, lutter contre l'in-
somnie et surveiller les troubles ano-rectaux; on activera la nutri-
tion des nerfs et des muscles, et on ne négligera pas d'agir sur le
malade par un véritable traitement psychique. Cette analyse
montre l'importance de cette étude d'ensemble et la valeur consi-
derable des renseignements qu'elle contient.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à l'analyse de faits
cliniques isolés. La XIX" leçon est consacrée à une paralysie radi-
culaire motrice du plexus brachial droit, et qui réalise l'association
d'une paralysie radiculaire complète du type Erb, et d'une para-
lysie radiculaire inférieure incomplète, avec paralysie associée du
sous-épineux et du grand dentelé. La lésion intéresse donc toutes
les racines du plexus : les deux premières, cinquième et sixième
cervicales, dans une mesure prépondérante, d'une façon complète,
les trois dernières, septième et huitième cervicales, et première
dorsale dans une moindre mesure, d'une façon incomplète. En
outre les racines sont intéressées tout près de leur émergence, car
il existe du myosis et les troubles sensitifs manquent.
Dans la leçon suivante, le professeur Raymond revient en détail
sur le diagnostic différentiel de la poliomyélite antérieure aiguë
de l'adulte et de la polynévrite systématisée motrice. Cliniquement
le diagnostic est possible, et il est très important à établir puisqu'il
règle le pronostic.
La XXI0 leçon apporte une nouvelle observation de polyomyélite
antérieure chronique. D'accord avec Strumpell, Oppenheim,
Dejerine, Darchkewitch et J. Charcot, le professeur Raymond sou-
tient l'existence et l'autonomie de cette affection dont il présente
une autopsie confirmative.
Un enfant, venu au munde en état d'asphyxie apparente, a pré-
senté d'abord de la paralysie flasque du membre supérieur droit
avec arrêt de développement du membre, atrophie musculaire,
84 BIBLIOGRAPHIE
troubles vaso-moteurs, mais sans troubles de la sensibilité. Les
membres inférieurs présentent des manifestations spasmodiques.
11 n'existe pas de trace de troubles cérébraux. Le professeur admet
avec réserve l'existence d'une hématomyélie du renflement cer-
vical.
La syphilis héréditaire peut frapper la moelle. Un enfant, dont
le père et la mère sont atteints de syphilis cérébrale, présente une
monoplégie brachiale avec atrophie, ayant débuté brusquement
vers l'âge de huit ans. Il s'agit ici d'une manifestation tardive de
l'hérédo-syphilis et d'une manifestation spinale.
La syringomyélie à forme anormale n'est pas rare, et son impor-
tance est capitale à bien connaître. Le professeur Raymond expose
d'abord l'histoire d'une malade atteinte d'anesthésie totale, que
l'anamnèse permet de rattacher à une syringomyélie; puis deux
leçons sont consacrées à la discussion d'une malade dont l'affec-
tion peut relever d'une syringomyélie atypique à prédominance
bulbaire, ou d'une sclérose en plaques. '
L'évolution générale du tabes fait le sujet de la 1XVI1° leçon.
Faisant oeuvre de clinicien, le professeur Raymond insiste sur les
grandes lignes de l'affection, les signes cardinaux qui ne man-
quent pour ainsi dire jamais et imposent le diagnostic. Au pronostic
fatal de la maladie, le traitement symptomatique de Froeiilzel est
venu apporter une atténuation. Cette méthode de rééducation des
mouvements a donné à son auteur des résultats très satisfaisants.
A la clinique de la Salpêtrière ce traitement a été systématique-
ment institué. Dans un cas le traitement a été suivi de la dispari-
tion presque complète des troubles du mouvement et de la sta-
tique ; les troubles de la sensibilité articulaire et de la sensibilité
musculaire ont diminué proportionnellement. Dans un second cas,
l'amélioration a porté sur les mêmes symptômes, mais elle a été
moins franche; aussi dans un troisième; dans un quatrième les
troubles moteurs seuls ont été atténués. La méthode n'influence
donc surtout que l'incoordination motrice ; malheureusement elle
présente des contre-indications (tabes aigu, fracture, arthropa-
thie, etc.). Cette méthode montre que la théorie qui fait dépendre
l'ataxie tabétique des troubles de la sensibilité superficielle et pro-
fonde n'est plus soutenable. La coordination est une fonction
encéphalique; et l'élément psychique joue un grand rôle dans la
symptomatologie de l'ataxie.
La production d'une paralysie alterne d'origine embolique est
fort rare. Le professeur Raymond en publie une observation
très intéressante. Cette observation est en outre remarquable par
la présence d'une hémianesthésie croisée. L'histoire de la paralysie
alterne est complétée par l'étude d'un cas remarquable d'hémi-
plégie alterne sensitive due à une tumeur cérébrale dont les
exemples sont extrêmement rares. Les lésions hulho - p rotubéran-
BIBLIOGRAPHIE 85
tielles peuvent donner naissance à des formes extraordinaires,
mais qu'explique l'anatomie topographique de la région. C'est
ainsi que le professeur Raymond a pu montrer à ses élèves, une
paralysie alterne limitée à la face. A droite il existe une paralysie
de la troisième paire avec parésie de la sixième paire; à gauche
une parésie faciale limitée au facial inférieur. Dans toutes ces
variétés de paralysie alterne on peut localiser rigoureusement les
lésions.
Dans les tumeurs cérébrales, une grande partie de la symptoma-
tologie relève des phénomènes de compression. De là l'idée d'éli-
miner cet élément pathopénique par la ponction lombaire ou la
ponction des ventricules. Mais jusqu'à présent ces tentatives opéra-
toires ne semblent avoir donné que des résultats passagers et très
minimes.
Les deux dernières leçons sont consacrées à l'étude de troubles
psychiques. Une extatique est atteinte de contracture systématique
en rapport avec l'idée de crucifixion. Les troubles psychopa-
thiques de la miction sont plus fréquents qu'il ne semblerait au
premier abord. Dans le cas actuel, il s'agit d'une forme rare, une
aboulie systématisée de la miction, une timidité urinaire, si bien
que le malade ne peut plus uriner qu'avec l'aide de la sonde.
Tous ces phénomènes s'expliquent facilement avec nos concep-
tions actuelles de la psychopathologie.
Cette analyse ne donne qu'une idée très imparfaite de cette
oeuvre remarquable, qui ne peut que perdre dans un résumé quelque
consciencieux qu'il soit. Complétant l'oeuvre de l'année précédente
qu'elle continue, elle est digne du maître qui l'a produite et fait le
plus grand honneur à la neuropathologie française.
Ch. Muullié.
II. Main succulente et atrophie musculaire ; par G. AInawESCO. Thèse
de Paris, 1897.
Ce travail se compose de deux parties : dans la première l'au-
teur se propose de montrer qu'il existe dans la syringomyélie des
troubles trophiques, vaso-moteurs et cutanés à caractères particu-
liers ; dans la deuxième l'auteur étudie la topographie de l'atrophie
musculaire de la syringomyélie.
Le plus intéressant des troubles trophiques est celui de la main
à laquelle l'auteur donne le nom de la « main succulente». La
main succulente doit être classée dans le groupe Duchenne ; c'est
une main tuméfiée, sans qu'il s'agisse pourtant d'un véritable
oedème, car la pression digitale ne laisse pas de godets, celte
tuméfaction est tantôt généralisée sur toute la face dorsale de la
main, tantôt n'occupe que sa partie inférieure ; de même le degré
86 BIBLIOGRAPHIE.
de la tuméfaction est très variable en passant par tous les inter-
médiaires entre une vrai tuméfaction et un faible empâtement,
donnant à la main l'aspect lourd. Tous les accidents de la face
dorsale disparaissent sous cet empâtement uniforme : plus de
cordes tendineuses, plus de saillies ni d'enfoncements ; les veines
elles-mêmes paraissent comme voilées ; l'impression que produit
cette main empâtée, potelée, est celle d'une main sans force, sans
énergie.
La couleur de la peau varie avec la température du milieu
ambiant; pendant l'hiver elle donne à la main l'aspect d'une main
gelée. Chez une de ses malades l'auteur a vu se produire de véri-
tables crises de cyanose. Les doigts de la main succulente sont
fusiformes, la peau qui les recouvre est lisse et luisante; il n'y apas
de lésion osseuse, mais chez trois de ses malades M. Marinesco a
vu un relâchement des ligaments, ce qui suffit pour expliquer la
déformation des doigts chez ces malades
Dans la première observation ayant trait à un malade célèbre
vu par Ricord, Lisfranc, Duchenne et Aran, l'auteur a pu déceler,
à l'aide des rayons Rontgen une fracture spontanée du cubitus
droit au niveau de son tiers supérieur; cette fracture a été prise
antérieurement pour une hyperosto<e.
L'atrophie musculaire de la syringomyélie revêt trois types :
1° type Aran-Duchenne, type ascendant; 2° type scapulo-hnméral
ou descendant; 3° type diffus.
Le premier est le plus fréquent ; généralement les extenseurs
des doigts, du poignet, de l'avant-bras, et même du bras sont
épargnés par l'atrophie. Cette topographie de l'atrophie musculaire
permet à l'auteur de résoudre certains problèmes de la localisa-
tion dans la moelle épinière; ainsi l'auteur conclut de ses recherches
que les muscles fléchisseurs d'un segment donné des membres
supérieurs siègent plus bas que les muscles extenseurs pour le
même segment. La gliose dans sa marche ascendante atteint en
premier lieu les fléchisseurs, et c'est grâce à l'immunité relative
des extenseurs qu'on peut s'expliquer pourquoi dans la syringo-
myélie la « main de prédicateur » est assez fréquente. Quanta la
localisation plus exacte des centres médullaires des muscles exten-
seurs, ces centres se trouveraient dans la région cervicale de la
moelle.
Ce travail, comme tous les travaux antérieurs du même auteur,
est frappé au coin de la bonne observation clinique ; les recherchet
dirigées avec l'habileté, la patience et le savoir universellemens
reconnus àM. Marinesco font de cette thèse une contribution pré-
cieuse à l'étude de la syringomyélie et des atrophies musculaires
en général. J. Charcot.
BIBLIOGRAPHIE 87
III. Etude sur l'aise21cis ? ne; par le Dr Georges BROUARDEL,
Préparateur à la Faculté, Steinheil, 1897.
Beau livre et beau travail sur l'arsenicisme chez l'homme
(l ? partie) et chez les animaux (2° partie). Le principe nuisible
est l'acide arsénieux et ses composés, dont la toxicité varie sui-
vant le mode de pénétration, la dose, l'espèce, l'âge, la perméabi-
lité des émonctoires, le coefficient individuel de toxicité et l'héré-
dité organique. L'étiologie générale de l'empoisonnement permet
de considérer l'intoxication criminelle, par suicide, ou acciden-
telle (par erreur, intoxications professionnelles, empoisonnement
thérapeutique). Quant au mode de pénétration, suivant lequel
varient les effets toxiques, il est double : gastrique le plus souvent
et quelquefois sous-cutané.
Le chapitre II (p. 56) comprend la symptomatologie de l'arseni-
cisme chez l'homme, soit : les troubles de l'appareil digestif (con-
sécutifs à l'absorption d'une seule dose par la voie gastrique, ou de
doses répétées, par tous les modes de pénétration), de l'appareil
cutané (contact direct ou élimination), des muqueuses (oculaire,
.nasale, buccale), des organes des sens (vue, goût, odorat, ouïe), de
la température et de la circulation (fièvre, pouls), des organes
génitaux (anaphrodisie, menstruation), de la respiration, de la
sécrétion urinaire, du foie, du système nerveux.
Le chapitre IV (Anatomie pathologique et localisations) rappelle
la conservation des cadavres et les lésions des organes (tube diges-
tif, foie, rate, poumons, peau, reins, coeur et circulation), ainsi
que l'opinion de quelques rares auteurs sur les lésions matérielles
dans les paralysies arsénicales. Suivent quelques considérations sur
la diffusion de l'arsenic dans l'organisme suivantles modes d'intoxi-
cation (empoisonnement aigu par dose massive, ou lent par petites
doses longtemps prolongées). Quant à la durée d'élimination, elle
varie suivant la dose et l'individu : 2, 3, 15, 30, 35, 40 jours, sui-
vant les auteurs.
La deuxième et dernière partie de l'ouvrage est entièrement
consacrée aux expériences de laboratoire sur l'arsenicisme expé-
rimental. Les animaux d'épreuve sont les cobayes et les lapins. La
méthode d'expérimentation est la suivante : 1° empoisonnements
aigus par absorption d'une dose unique; 2° intoxications chroniques
par doses répétées. 109 cobayes et 42 lapins ont servi aux expé-
riences.
Il s'agit en somme d'un travail substantiel, de longue haleine,
qui a dû exiger du temps et de la patience. La médecine légale
s'est enrichie, par l'étude de M. Georges Brouardel, de nouveaux
et précieux documents. Paul Cornet.
VARIA.
VIII0 Congrès DES médecins aliénistes ET NEUROLOGISTES.
Nous rappelons à nos lecteurs que ce Congrès s'ouvrira à Tou-
louse, le lundi 2 août 1897, sous la présidence de M. le Dl' Ritti,
médecin de la Maison nationale de Charenton. Adresser, dès main-
tenant, les adhésions, les cotisations et toutes communications au
Secrétaire général du Congrès, M. le Dr Victor Parant, Allées de
Garonne, 17, Toulouse. (Voir le n° d'avril, p. 234.)
Avis importants. I. Nous prions ceux de nos confrères qui ne
nous ont pas encore envoyé leur adhésion, de le faire sans retard.
S'ils s'inscrivaient après Je j 01' juillet ils ne pourraient, ni profiter
des réductions de demi-place accordées par les Compagnies de
chemins de fer pour se rendre à Toulouse, ni participer à tous les
avantages de l'excursion finale qui doit se faire à Bagnères-de-
Luchon.
IL Les Compagnies de chemins de fer, sauf l'Ouest et le Midi,
ont accordé la réduction de demi-place qui leur a été demandée
par M. le Dr Ritti, président du Congrès. L'Ouest est incertain; le
Midi accordera très probablement. L'Etat a spécifié, en ce qui le
concerne, que « la réduction ne pourra être accordée qu'autant
que la distance la plus courte entre le point de départ et le point
de destination s'obtiendra par les voies du réseau de l'Etat ». Les
billets de demi-place seront valables du 27 ou du 28 juillet jusqu'au
14 août. C'est la plus longue validité qui nous ait été accordée
jusqu'ici. Pour bénéficier de ces billets chaque adhérent devra,
avant le lC1' juillet, strictement, faire parvenir à 11. le Dr Victor
Parant, secrétaire général, Allées de Garonne, 17, à Toulouse, une
note indiquant exactement ses nom, prénoms et adresse, son point
de départ et son point d'arrivée sur chacun des réseaux qu'il aura
à prendre; ainsi, par exemple : de Dôle à Cette (P.-L.-AL) et de
Cette à Toulouse (Midi) ; ou de Quimper à Nantes (Orléans), de
Nantes à Bordeaux (Etat) et de Bordeaux à Toulouse (Midi). M. le
Secrétaire général coordonnera ces indications et les transmettra
à M. le Dr RITTI, qui les adressera aux Compagnies et fera ensuite
distribuer en temps utile, aux intéressés leurs divers bons indivi-
duels.
III. Conformément aux usages des précédents Congrès, Messieurs
les congressistes jouiront de la faveur de bons de demi-place pour
VARIA. 89
les personnes (femmes ou fils étudiants) qui les accompagneront.
Us devront, en même temps que les indications spécifiées ci-des-
sus qui les concernent, donner celles qui sont relatives à ces per-
sonnes. Celles-ci sont également admises à prendre part aux excur-
sions et fêtes du Congrès, mais en y payant toutefois les cotisations
individuelles.
IV. La ville de Bagnères-de-Luchon, qui est un des séjours les
plus enchanteurs des Pyrénées, a décidé de faire aux congressistes
un accueil empressé pour leur excursion finale, elle organisera
des fêtes en leur'honneur et leur offrira un banquet. Mais elle
demande instamment à être fixée au commencement de juillet sur
le nombre des participants, afin de pouvoir en temps utile prendre
les dispositions que nécessite l'affluence généralement trèsgrande,
à cette époque de l'année, des baigneurs et des touristes. Le prix
de l'excursion sera ultérieurement fixé.
V. Les adhérents qui se proposent de faire des communications
au Congrès sont priés d'en envoyer sans retard les titres, afin que
les ordres du jour puissent être préparés. La lecture de ces com-
munications sera faite au Congrès dans l'ordre d'inscription.
Toute communication dont le titre aurait été envoyé à M. le Secré-
taire après le 15 juillet serait exclue de l'ordre du jour et consi-
dérée comme non avenue.
VI. La plupart des asiles ont coutume d'acheter, pour leurs biblio-
thèques, les Rapports et Comptes Rendus des Congrès. Jusqu'ici ils
se les sont procurés chez le libraire dépositaire. Nous signalons à
MM. les Directeurs l'initiative prise cette année par quelques-uns ;
elle présente pour les Congrès des avantages moraux et matériels;
elle consiste à inscrire les asiles comme adhérents du Congrès,
leur donnant ainsi droit, sur versement de la cotisation, de recevoir
toutes nos publications.
VII. Ceux des adhérents qui n'ont pas encore versé leur cotisa-
tion sont priés d'en envoyer dès maintenant le montant, 20 francs,
en un bon ou un mandat-poste adressé à M. le Socréiaire général.
Programme du Congrès.
Lundis août. Malin : Séance d'ouverture. -- Constitution du
bureau. Soir : Discussion de la première question : diagnostic
de la paralysie générale. Rapporteur : M. Arnaud.
Mardi 3 août. Matin : Discussion de la deuxième question :
hystérie infantine. Rapporteur : M. Bézy. Soir : Discussion de la
troisième question ; organisation médicale des asiles d'aliénés.
Rapporteur : M. Doutrebente..
90 VARIA -
Banquet du Congrès.
Mercredi 4 août. Matin : Visite et réception à l'asile public
d'aliénés de la Haute-Garonne. Soir : Visite des principaux mo-
numents de Toulouse.
Jeudis. Matin : Communications diverses. Choix du siège du
Congrès pour 1898. Election du président et du secrétaire
général pour le Congres de 1898. Choix des questions à mettre
à l'ordre du jour. Nomination des rapporteurs. Soir : Excur-
sion à la ville et à la vieille cité de Carcassonne.
Vendredi 6. Matin : Communications particulières. Soir :
Communications particulières. -
Samedi 7. Matin : Communications particulières. Soir :
Départ pour Bagnères-de-Luchon.
Dimanche 8. Réception par la ville de Bagnères-de-Luchon.
Visite des Thermes. Promenade à la Vallée du Lys. Banquet
offert par la municipalité. Clôture du Congrès.
Lundi 9 août. Pour les congressites amateurs, une excursion
pourrait être organisé à l'un des sommets les plus faciles et ayant
le plus beau panorama de la région.
Nota. - La visite des monuments de Toulouse et l'excursion de
la cité de Carcassonne seront faites sous la direction d'un archéo-
logue des plus distingués, M. Cartailhac, qui s'est mis à la disposi-
tipn du Congrès. - Le programme ci-dessus n'est point encore
définitivement arrêté; mais on peut espérer qu'il se réalisera.
X1P Congrès international DE médecine.
Moscou, 7-14 (19-26) août 1897.
Section des maladies nerveuses mentales.
Comité d'organisation. Les gérants : Pi" A Kojevnikoff, S. Kor-
sakoff, W. Roth (Moscou) Membres : Prs J. Anfimow (Karkow),
W. Bechterew (Saiiit-PéLersl,our,,), L. Darkschewitch (Kazan), P.
Kowalewski (Varsovie), Académicien J. Mierzeiewski (Saint-Péters-
bourg), Motschutkowski (Saint-Pétersbourg), J. Orchanski (Kar-
kow), N. Popow (Kazan), M. Popow (Tomsk), Runeberg (Helsing-
fors), Sélan (llelsingfors), I. Sikorski (Kiew), V. Tschirch (Juriew),
Stcherback (Varsovie). Secrétaires : Privat-docent L. Minor
(Moscou), Privat-docent W. Serbski (Moscou).
VARIA. 91
Programme préliminaire.
A. Maladies nerveuses. Thèmes de programme : 1. Pathologie
de la cellule nerveuse (Anatomie fine et lésions pathologiques). Rapport
prévu : V. Gehuchten (de Louvain) : « L'anatomie fine de la
cellule nerveuse. »
Communications annoncées : Pr Ch. Dana (de New-York) :
« The Pathology of acute Alcoolism and alcoohc Oedem of the
Brain with special Référence lo Changes in the Nerve Cells. » Pr Ira
va. Gieson (de New-York) : « Normal and palhological Cy lology
of the Ganglion Cells. »
2. Pathogénie et anatomie pathologique de la syringomyélie.
Rapports prévus : P'' Fr. Schurtze (de Boon) : « Pathogenese der
Syringomyélie. » Priv. docentDr. H Schlesinger (de Vien) : « Ueber
einige Iiapitel aus der Pathogenese und der pathologischen. Aria-
tomie der Syringomye. » Communications annoncées : Priv.docent
L. Minor (de Moskou) : « Klinische und anatomische Beobachtun-
gen ûber traumatische Affectionen des Buckenmarkcs, centrale
Haemotomyelie und centrale HÕhlenhiJdung. »
3. Pathogénie et 'traitement du tabes dorsalis. Rapports prévus :
Pr II Obersteiner (de Vien) : « Die Pathogenese und das Wesen
der'I'abes.b l'r Pierret, de (Lyon) : La pathogénie du labes en y
comprenant ses locolisations cérébrales. » Pr W. Erb (de Ileidel-
berg) : « Ueber die Thérapie der Tabes. » 1"' J. Grasset de (Mont-
pellier) : « Le traitement du Tabès. »
Communications annoncés : Dl' Althaus (de London) : « Patho-
genesis and Treatment of Tabes. » Pr. M. Benedikt (de Wien) :
« Die Theorie derTabes dorsualis. »1'1' L. Darhschewitsch (deKasan) :
« Ueber die Natur der Rnckpnmarksveranderung bei Tabes D p''
Borgherini (de Padoue) : « Quelques observations sur l'étiologie
et la pathogénie du tabes. » Pr Eulenburg (de Berlin) : « Ueber
die Behandlung der Tabès. » P' Benedikt (de Wien) : « Blutige
Nerwendeihnungbei Tabès. » Dr Frenkel (de Heiden) : a Beliandluna
der tabischen Ataxic. » D1' A. Raichline de (Paris) : a Quelques con-
sidérations sur le traitement du tabes dorsalis. Indications et
contre-indications. » D'' R. Hirschberg (de Paris) : 1. « Surle tabes
dorsal juvénile. » 2. Sur une forme réputée rare du tabes dor-
sal. » Outre les trois thèmes de programme énumérés ci-dessus,
la question suivante, qui en fait également partie, sera discutée
dans une séance, que tiendront en commun les sections des
maladies nerveuses et de chirurgie.
Traitement opératoire des maladies du cerveau. Nous indiquons
ci-dessous les travaux qui seront présentés par les adhérents de
notre section. Rapport prévu : pl' II. QQpenheim (de Berlin) :
92 . VARIA.
« Ueber die durch Feldiagnosen bedingten Misserfolge der Hirnchi-
rurgie »
Communications annoncées : Pr B. Sachs (de New-York) :
« Surgical Treatment of Epilepsy. )) D'' A. Voisin (de Paris) :
« Un cas d'épilepsie jacksonienne traité avec succès par la cra-
niectomic. >
Communications annoncées sur d'autres thèmes : professeur
Cesare Lombroso (de Turin) : « Les nouvelles formes des épilep-
sies. » Professeur B. Sachs (de New-York) : z Hereditary spinal
Affections. » I)r A. Raichline (de Paris) : « Communication sur un
sujet de neuropathologie clinique. » Professeur J. Crocq (de
Bruxelles) : « Un nouveau symptôme des maladies du cerveau. »
Priv.-Docent A. Korniloff (de Moskau) : a Thema vorbehalten. »
Dr Polst (de Ri,2a) : « Ueber die Anstaltsbehandlung der Neuro-
sen. » D' Alex. Robertson (de Glasgow) : a Some newer Methods of
Treatment in Diseas of the Central Nervous Systèm. »
B. Maladies mentales. Thèmes de programme. 1. Obsessions et
idées fixes. Rapports prévus : professeur Pitres (de Bordeaux) et
Dl' Régis (de Bordeaux) : « La séméiologie des obsessions et des
idées fixes. »
Communications annoncées : James Shaw, 1\I.-D. : (de Liverpool) :
« The Pathogenesis and différenciation of Verbal Obsessions and
Pseudohallucinations. »
2. Pathogénie de la paralysie générale des aliénés; délimitation de
cette maladie des formes morbides voisines. Rapports prévus : pro-
fesseur Otto Binswanger (de Jena) : a Die Pathogenese und Abgren-
zung der progressiven Paralyse der Irren von verwandten Formen
psychischer Erkrankungen. »
Communications annoncées : Dl' J. Althaus (deLondon) : a Déli-
mitation ofgeueral Paralysis. » Professeur Homén (de Helsin-fors)*
« Nouvelles contributions sur une singulière maladie de famille
sous forme de démence progressive. b Priv.-Docent W. Muratuw
(de Moskau) : Zur Pathogenese der Herderscheinungen bei der
allgemeinen Paralyse der Irren. »
3. L'hypnotisme et la suggestion dans leurs rapports avec les mala-
dies mentales et la médecine légale. Rapports prévus : professeur
Bernheim (de Nancy) : « L'hypnotisme et la suggestion dans leurs
rapports avec la médecine légale et les maladies mentales.
Communications annoncées : Priv.-Docent A. Tokarski (de Mos-
cou) : « De l'application de l'hypnotisme et de la suggestion au
traitement des maladies mentales. » Dr Alex. Robertson (de Glas-
gow) : 0 : Hypnotism and Suggestion in their Référence to mental
Diseases. » Dr Gorodichze (de Paris) : « La psychothérapie dans les
différentes variétés du délire émotif. »
VARIA. oc
Communications annoncées sur d'autres thèmes : professeur Jolly
(de Berlin) : Thema Vorbehalten. Professeur Cesare Lombroso (de
Turin) : « Chaque dégénération a-t-elle un type ? D Dr Morel (de
Gand) : Thème réservé. Professeur Fuerstner (de Strassburg) :
Thema vorbehalten. Professeur Xavier Francotte (de Liège) : « Le
délire généralisé. Confusion mentale, Verwintheit), » dry. E. Shut-
tleworth (de Richmond, England) : « Hereditary neuroses in Chil-
dren. » Er F. Christian (de Saint-Maurice, Seine) : a Sur hébé-
phrénie. » Professeur Meschede (de Koenigsberg in Pr.) : < Ueber
Geistesstôrung bei Lepra. »
Eu outre, nous ont annoncé leur participation aux discussions sur
différents thèmes du programme, MM. les professeurs E.-V. Ley-
nen (de Berlin), S. Henschen (de Upsala), G. Ballet (de Paris),
A. Voisin (de Paris).
UN cas d'instabilité mentale avec perversion DES INSTINCTS.
Sous ce titre : Démission d'un père, M. Alexandre Hepp relate le
fait suivant dans le Journal du 16 janvier : On a coffré, hier, un
gamin qui, dès l'âge de quatre ans, volait; à six, il trafiquait déjà
de ses larcins; il s'est enfui cinq fois de la maison paternelle; il
s'est fait renvoyer des six écoles où on l'avait placé ; chasser d'un
bureau pour paresse, dépravation, détournement; puis, enfin, par
le capitaine, d'un steamer où il était mousse. Et, aujourd'hui, il a
quinze ans.
C'est son père lui-même qui, dans une lettre au juge d'instruc-
tion, dresse ces états de service, et je ne sais rien de plus tragique
que le cas d'un père qui, après avoir essayé tout, trop certain
que son enfant est irrévocablement perdu, se voit dans la nécessité
de l'abandonner à son abject destin et de demander qu'il soit mis
hors d'état de nuire. C'est la faillite, devant une force inconnue,
du sang, de l'autorité paternelle, de l'éducation. L'impuissance de
ce brave homme qui a produit une bête féroce, ah ! l'horrible aveu !
de quelle ironie ce malheur pèse sur nos théories et nos orgueils,
et quelle ouverture sur le gouffre de nos irresponsabilités 1
Pour toute espérance, la société offre la maison de correction.
Mais comme le père lui-même l'annonce, cet « être anormal » qui
est son enfant n'arrêtera pas là ses exploits, on entendra encore
parler de lui. Et plus tard, sans doute, insoucieuse des indications
d'un tel passé, très magnifique en son droit de punir, la société
condamnera cet être aux travaux forcés... Hélas ! dès maintenant,
c'est plutôt l'hôpital forcé qu'il mérite.
Il s'agit là encore de faits qui sont très communs. On ignore
danslepuhlic et beaucoup de médecins partagent cette ignorance qu'il
est possible d'améliorer et même de guérir des malades de ce
genre, car ce sont incontestablement des malades. A Bicêtre, à la
94 FAITS DIVERS
Salpêtrière, à la colonie de Vaucluse on en trouve un certain
nombre. Ce n'est pas la maison de correction, trop souvent l'anti-
chambre de la prison, qui leur convient, c'est l'hôpital forcé,
comme dit M. Alexandre Hepp. B.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : M. le Du' CR,)US-
TEL, médecin-adjoint de l'asile public de Saint-Meens est élevé à la
11, classe ; M. le D'' Dubuisson (Maxime), directeur-médecin de
l'asile de Braqueville est élevé à la 1 ? classe.
Nominations. Officier de l'instruction publique : M. Mabille
(Henry), directeur à l'asile d'aliénés de Lafont, à la Rochelle.
Un assassin de douze ANS. Un enfant de douze ans, Giovanni
Priori, vient de commettre un double assassinat à Toggia, petite
ville de Ligurie, voisine de San-Remo. Priori s'aperçut que deux
enfants de cinq et sept ans, les frères Conio, avaient quelques sous
dans leurs poches 03 centimes en tout.
Il résolut de s'en emparer et attira les deux enfants dans la cam-
pagne. Le plus petit ayant fait mine de résister (ce qui résulte de
la première enquête), Priori lui fracassa la tête à coup de pierre et
jeta ensuite son cadavre dans un puits. L'aîné, épouvanté, s'était
enfui vers la ville; Priori le rattrapa. et engagea une lutte avec
lui, ce qu'indiquent des traces de sang marquant sur plusieurs points
la route ; il l'acheva encore en le frappant avec une pierre. Après
s'être emparé des G5 centimes, il rentra tranquillement au village
de Toggia.
La découverte des cadavres amena son arrestation ; mais il com-
mença par nier avec une habileté surprenante, et il a fallu toute
l'adresse du préteur, M. Piccardi, pour lui arracher enfin des
aveux.
Le trop jeune assassin a été écroué à la prison de San-Remo (là
même où fut. enfermé le capitaine Romani), et la police a eu fort
à faire pour le garantir de la foule qui voulait l'écharper. Le tri -
bunal de San-Remo avait récemment acquitté Priori, l'assassin,
accusé de vol. (Le Temps, 14 février 180' ? .) Nous avons déjà
rapporté un certain nombre de cas analogues, qui, groupés, pour-
raient servir de base à une nouvelle monographie sur la question.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Aimi : (IL). Élude clinique du dynamisme psychique. - In-8° de
258 pages. Prix : 4 francs. Paris, 1897. Librairie 0. Doin.
BOUIiNGVILLC. Teclzerclres cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du service des enfants idiots, épilep-
tiques et arriérés de Bic(,Iî,e, pour l'année 1896. Avec la collaboration
de MAI. Mettetal, ,T.1\oir, Hegnault, licllay, Vaquez et Boyer, Tome 1VII
de la collection, 1 fort volume de c-25t pages, avec 41 figures dans le
texte et 9 planches. Prix : 6 francs. Pour nos abonnés, 4 francs.
Coi.ucci (C.). Contribuzione alla isloloclia palologica della cellule
nervosa in alcune malallic mentali. Volume in-8' de 74 pages, avec
15 ligures. Napoli, 1897. Stal. Tip. Cav. A. Tocco.
Coacuoa (A.). Typhlite et appendicite (leur traitement par les eaux
de Châtel-Guyon). Brochure ]n-8" de 15 pages. Paris, 1896. Li-
brairie Masson et C'e.
EGGFR (F.). - l3elra ! / lI1' Lehre l'on der progresiven neurcclen dlus.
kelahotrophie. Brochurevin-8° de 21 pages. - Berlin, 1897. - Archiv.
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GLnvrewv (L.). Chirurgie des centres nerveux. - 111-81 (le 300 pages,
avec 2j, figures. Paris, 1897. Lzbrairie J.-li. Baillière.
Guesde de (D.). Cachexie pallogroide. -Brochure in-S° de pages.
Pointe-il-Pitre, 1S9G. Chez l'auteur.
GuiLLON (A.). Des maladies de la ntëmo'e.Essai sur les hypermné-
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Librairie J.-B. liaillière et fils.
Knaueii (0.). Uber puerpérale Psycliosen. In-8° de 54 pages.
Merlin, 1897. Verlag von S. Karger.
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Bordeaux, 1897. Imprimerie J. Durand.
lllnazoccur (S.) e ANTOIi]111 (G.). - Sopra un caso di acro megalia
parziale. Brochure in-S° de 15 pages, avec une planche hors texte.
Napoli, 1897. Rifornza medica.
MASSY (A.l. Formulaire clinique d'électrothérapie spéciale appli-
quée. Volume in-16 de 174 pages. Paris, 1897. Société d'éditions
scientifiques.
l'ATAUT (V.). Congrès des médecins aliénisles et neurologistes de
France. Huitième session tenue à Toulouse du 2 au 8 août 1897.
l'aris, 1897. Librairie G. 1asson,
Pollack (B.). Die FflI'betechnik des Nervensyslems. Volume in-8°
relié de 130 pages. Berlin, 1897. Verlag von S. Karger.
96 AVIS A NOS abonnés.
RAYMOND. Clinique des maladies du système nerveux (hospice de la
Salpêtrière, 1895-1896; 21 série). Recueillies et publiées par le D' E.
Ricklin. In-8° de vuz-î7G pages, avec 111 figures et 3 planches hors
texte. Prix : 18 francs. Paris, 1897. 0. Dom.
S013LIER (P.). Genèse et nature de l'hystérie. 2 volumes grand
in-8- formant ensemble 866 pages, avec figures. Prix : 20 francs.
Paris, 1897. Librairie F. Alcan.
Vaa EYK (IL-IL). l'arlicele epilepsie en hare Ileclkllndige Bilsan-
dling. Volume in-S° de 130 pages, avec 18 tableaux et une planche hors
texte. Amsterdam, 1897. Librairie Van lleteren.
VICENTE OTS y ESQUERDO. - Narrosis y degeneraciou. Brochure
in-8° de 16 pages. Madrid, 1897. Rivista de medicina y cirurgia
7J/'aticas.
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est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
l ? vrew, Cli. Iléwsce, imp. - 791.
Vol. IV. Août 1897. N° 20.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
CLINIQUE médicale DE l'hôpital SAINT-ELOI DE MONTPELLIER.
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX ET SCLÉROSE
MULTIPLE DISSÉMINÉE ;
Par le professeur GRASSET.
LEÇONS cliniques' recueillies ET publiées
Par le Dr VEnEL, chef de clinique.
.
Messieurs,
A propos de plusieurs malades qui ont été récemment ou
sont encore dans nos salles, je voudrais vous parler des rap-
ports qui existent entre certains cas de maladies du système
nerveux et la maladie que nous avons étudiée ensemble il y a
quelque temps°- sous le nom de sclérose multiple disséminée.
Cette donnée éclaire un peu le chapitre qui est resté le plus
obscur et le moins en progrès dans la neuropathologie con-
temporaine, le chapitre de l'étiologie et de la nosologie. La
marche des idées à ce point de vue a été rationnelle mais
curieuse 3. La première phase de cette grande époque de réno-
' Faites du 7 au 24 mai 1897.
- Leçons de clin, nécl., 3e série, p. 247, 1897.
3 On trouvera un bel exposé de l'histoire de la neuropathologie con-
temporaine dans les leçons que Raymond a consacrées à l'oeuvre d'un
homme et à l'oeuvre d'une époque, in Clin, des @lit sysl. ne ? ?
189G, 1" série, p. 28 à 187.
Archives, 2''surie, t. IV. 7
98 CLINIQUE NERVEUSE.
vation, presque de création, est caractérisée par l'analyse
symptomatique, personnifiée par Duchenne.
Avant cela, la grosse anatomie et la physiologie normale
du système nerveux s'étaient établies, surtout depuis Ch. Bell
et sa découverte (1811) des fonctions différentes des racines
antérieures et postérieures; mais la neuropathologie clinique
était bien embryonnaire : vous en jugerez par les ouvrages
de l'époque : Ollivier d'Angers pour la moelle; notre Lalle-
mand et Rostan pour le cerveau.
Duchenne pousse l'analyse symptomatique au plus haut
point et crée l'ataxie locomotrice progressive, l'atrophie
musculaire progressive, la paralysie atrophiquc de l'enfance
et son analogue chez l'adulte, la paralysie labio-glosso-
laryngée, la paralysie pseudohypertrophique... Comme ces
types sont restés vrais ! Et ils ne sont tous alors que carac-
térisés symptomatiquement. A cette phase en succèdent deux
autres qui se tiennent et s'imbriquent : une phase anato-
mique et une phase physiologique; étant donnés les symp-
tômes, on étudie le siège et la nature des lésions qui leur
correspondent. '
Je n'hésite pas à symboliser clans votre esprit cette
période par le nom de Charcot, parce que son nom est insé-
parable de celui de méthode analomo-cliniduc, c'est-à-dire de
cette méthode qui met en rapport le symptôme et sa lésion,
et en déduit tout ce que vous savez pour la géographie du
système nerveux. Cette méthode a été si puissamment féconde
que, sur bien des points, c'est la clinique qui a ouvert la voie
de la physiologie elle-même et lui a imposé ses découvertes.
C'est la période où s'établit cet immense chapitre des loca-
lisations cérébrales et spinales qui, complétant le chapitre
antérieur des symptômes, constitue à peu près toute la neu-
ropathologie contemporaine.
Combinez ces trois aspects de la question : symptomato-
logie, physiologie et anatomie, et vous engloberez à peu près
tous les progrès accomplis par la neuropathologie dans ces
cinquante dernières années, et cela depuis les analyses'psy-
chologiques les plus fines de l'hystérie et de l'hypnotisme,
jusqu'aux dernières découvertes de l'histologie la plus délicate
sur la structure du système nerveux.
Cependant le côté éliologique et nosologique reste très en
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 9 lui
retard et, chose remarquable, à une époque où, pour les
autres branches de la science médicale, c'est dans le domaine
étiologique et nosologique que les plus merveilleuses et les
plus fécondes découvertes ont été faites.
Qu'a-t-on fait pour l'étude étiologique et nosologique des
maladies du système nerveux ? D'abord on a adopté la vieille
et juste idée de l'hérédité. Puissante dans toutes les parties
de la médecine, l'hérédité est encore plus puissante en neu-
ropathologie. Mais il s'agit d'hérédité d'organe et non d'héré-
dité de maladie, ce qui est différent : l'idée de l'hérédité
éclaire Pédologie mais nullement la nosologie; elle explique
seulement la forme et la localisation de la maladie.
Puis on a'étudié la syphilis et son influence sur le déve-
loppement des maladies du système nerveux. C'est là une
grosse question très fouillée et bien faile. Mais le chapitre
des localisations syphilitiques vraies, directes et complètes,
sur le système nerveux, comme le chapitre des localisations
tuberculeuses sur le même appareil, est distinct et séparé du
bloc des maladies du système nerveux. Quand la syphilis
envahit la neuropathologie ordinaire, c'est sous une forme
particulière et partielle qui a obligé Fournier à inventer la
parasyphilis. C'est là une idée ingénieuse que nous retrou-
verons et discuterons, mais qui met un peu les maladies vul-
gaires du système nerveux hors du domaine de la syphilis
ordinaire. Puis on a étudié le rôle des intoxications et des
infections dans la production des maladies du système ner-
veux.
Evidemment, un certain nombre de ces maladies sont sous
la dépendance directe des infections ou des intoxications.
Nous avons essayé, après bien d'autres, de le montrer pour la
moelle ' et les névroses-; Raymond a récemment étudié ce
même rôle dans la production des polynévrites.
Mais à côté de ces cas directement et entièrement impu-
1 Les myélites infectieuses. Rapp. au Congrès de Bordeaux, 1805.
- Deux cas {l'hystérie provoquée par une maladie aiguë (fièvre typhoïde
et grippe), in Leç. de clin, méd., il, série, p. 414. Etiologie infectieuse
de l'hystérie, in Leç. de clin, méd., 2. série, '1806, p. 557.
3 Raymond. Etiologie générale des polynévrites : râle des intoxications
(p. 304), des auto-intoxications et. des infections (p. 301) dans le déve-
loppement des névrites périphériques, in Clin, (les du syst. nerf.,
9c série, lss7. ,
iuo CLINIQUE NERVEUSE.
tables à une intoxication ou à une infection unique, bien
définie, il y en a une série d'autres dans lesquels ce même
genre de causes ne joue qu'un rôle accessoire, partiel, ou
même impossible établir. - Et alors pour tous ces cas
grande est' l'obscurité de leur étiologie et par suite de leur
classement nosologique.
Cette proposition est facile à démontrer en parcourant
quelques traites classiques. Ainsi vous lisez dans le Traité
de médecine, t. VI, article Encévhalopalhie infantile, p. 201 :
l'étiologie « ne présente rien de spécial, si l'on peut ainsi
dire, que la multiplicité des causes ». Paralysie labio-
glosso-larngée, p. 297 : « Nos connaissances sont peu pré-
cisesencequiconcerne lescausesdelaparalysiebulbaire. » -
Sclérose latérale amyot1'ophique, p. 350 : « Il est assez diffi-
cile de se faire une opinion sur la nature de la sclérose laté-
rale amyotrophique. Sous quelle influence survient ce pro-
cessus morbide ? On l'ignore entièrement, les renseignements
sur les causes de la sclérose latérale amyotrophique font
absolument défaut. D - Syringomyélie, p. 48G : « Cette
partie (l'étiologie) de l'histoire naturelle de la syringomyélie
reste encore presque complètement obscure. » - Myopathie
primitive progressive, p. U39 : « Les conditions étiologiques
de la myopathie primitive progressive sont très mal connues
encore aujourd'hui. »
Dans le Manuel de médecine, t. III, vous trouvez, article
Paralysie labio-glossolaryngée, p. 3U4 : « On ne sait rien de
certain concernant l'étiologie de cette affection. »- Myélites
chroniques, p. 0 : « Dans des observations relativement
nombreuses, il a été impossible d'assigner à la myélite chro-
nique une cause suffisamment précise. » - Tabès dorsal
spasmodique, p. 548 : « Les causes du tabès dorsal spasmo-
diquesontdes plus obscures. » - Sclérose en plaques, p. (j20 :
« Les causes sont obscures et encore fort discutées. » -
Syringomyélie, p. G3G : « La cause même de la syringomyélie
est encore inconnue. » Sclérose latérale amyotrophique,
p. 647 : « Les causes sont des plus obscures. » - Atrophie
musculaire progressive spinale, p. 683 : « Son étiologie est
encore fort mal connue. »
Dans le livre de Dieulafoy, t. II, vous voyez encore :
artic[0yt/)'o ? e musculaire progressive, p.31 I « « L'étiologie
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 101
est fort obscure. Sclérose latérale amyotrophique
p. z0 : « On ne sait rien sur les causes de cette maladie. »
- Sclérose en plaques, p. 327 : « L'étiologie est fort obs-
cure. » Paralysie aGrophique de l'enfance, p. 337 :
« L'étiologie est des plus obscures. » Il y a ensuite une série
de chapitres qui ne contiennent même pas de paragraphe :
Etiologie.
Inutile de multiplier les citations; il est démontré que
l'étiologie est un chapitre encore très obscur de la neuropa-
thologie.
Donc, il peut être intéressant d'étudier les rapports de ces
maladies du système nerveux avec une autre maladie plus
générale : la sclérose mulliple disséminée. Si nous montrons
que ces rapports existent, cela ne supprimera certes pas
toutes les obscurités, bien loin de là ; mais cela en diminuera
le nombre.
La sclérose multiple disséminée est une maladie dans
l'étiologie et l'essence de laquelle il y a encore des obscu-
rités. Mais le fait de rapprocher deux groupes, en pathologie,
est encore un progrès quand la chose est vraie, parce que,jc
le répète, on diminue par là le nombre de points encore
obscurs.
Il y a donc quelque intérêt à savoir si réellement, comme
je le crois, il y a dans beaucoup de cas un rapport entre la
sclérose multiple disséminée et les maladies du système
nerveux.
Voici d'abord un fait que vous avez observé au n° 4 de la
salle Fouquet et qui peut servir de point de départ à notre
exposé et à notre discussion.
C'est un homme de quarante-six an«, entré le 19 février 1897,
dont un de nos externes M. Orssaud a pris l'observation avec
beaucoup de soin. Il a tout d'abord une atrophie de la main
droite. Il y a cinq ans il s'aperçoit un jour que sa main
droite devient faible et maigrit; les outils lourds sont lâchés
parfois (c'était un tonnelier). Ces symptômes s'aggravent t
progressivement et insidieusement. TI n'existe aucun trouble
de la sensibilité, ni anesthésie, ni douleurs, ni fourmille-
ments. D'autre part on ne releva ni contracture, ni raideur,
ni tremblements. Mais la faiblesse et l'amaigrissement
augmentent, gagnent l'avant-bras, le bras. Le tonnelier est
'1 O CLINIQUE 'NERVEUSE.
obligé d'abandonner sa profession et s'installe comme patron
à la tête d'une boulangerie.
L'état continue à s'aggraver : l'amaigrissement général va
en augmentant, du moins dans la partie supérieure du
corps. Et la situation se complique graduellement d'autres
symptômes sur lesquels nous reviendrons.
Vous avez examiné ce- membre supérieur droit : la main
est sans graisse et sans muscles, son squelette est revêtu
d'une peau ridée, flasque et pâle, soulevée par quelques
cordons tendineux. A la face palmaire, l'éminence thénar est
remplacée par un méplat mollasse, l'éminence hypothénar a
presque entièrement disparu. A la face dorsale, existe un
creux profond formé par la disparition des inlerosseux et des
lombricaux. Les doigts sont extrêmement effilés.
Au poignet, vous voyez la saillie extrême de l'extrémité
inférieure des os. La maigreur remonte à l'avant-bras,
surtout sur le bord externe : les radiaux sont fortement atro-
phiés. Au bras, la circonférence est de 22 centimètres au lieu
de 27 à 30. Le biceps dans ses plus grands efforts de contrac-
tion forme une boule comme un petit oeuf de poule qui n'est
en rapport ni avec l'âge ni avec la profession manuelle du
sujet. Le deltoïde a participé au processus atrophique, ainsi
que les pectoraux devenus de simples voiles musculaires
appliqués contre les barreaux de la cage thoracique dont ils
reproduisent les saillies. La même amyotrophie se retrouve
à gauche, mais moins intense; là aussi le maximum est à
l'extrémité du membre, et la décroissance se fait de l'extré-
mité à la racine.
Dans tous ces mêmes domaines il existe à des degrés varia-
bles une impotence fonctionnelle correspondante. Il n'y a
pas de contractions fibrillaires. Mais le pouce s'oppose diffi-
cilement et sa pulpe ne peut s'appliquer avec force contre
celle des autres doigts. D'autre part le malade ne peut pas
écarter et rapprocher ses doigts.
En même temps les réflexes tendineux sont exagérés aux
membres supérieurs, exagération pour le biceps, les fléchis-
seurs et les extenseurs de la main, même le grand pectoral;
aux membres inférieurs, exagération des réflexes rotuliens
sans trépidation épileptoïde. L'excitabilité faradique des
muscles atrophiés n'a pas disparu; elle est plus grande à
droite qu'à gauche pour le biceps. Il n'y a pas de réaction de
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 103
dégénérescence. Cette association de l'amyotrophie et de
l'exagération des réflexes tendineux nous fait porter le
diagnostic de sclérose latérale amyotrophique.
Voilà une maladie du système nerveux bien caractérisée.
Si maintenant nous poursuivons l'analyse du cas, nous ver-
rons que notre malade a autre chose : il a d'autres maladies
si vous voulez; j'aime mieux dire : il a d'autres syndromes.
Du côté du coeur, vous voyez que la pointe est abaissée, à
la partie inférieure du sixième espace intercostal ; vous
entendez un souffle diastolique très marqué, de nature orga-
nique, à maximum pas tant au foyer aortique que derrière le
sternum, ce qui est assez fréquent dans l'insuffisance aor-
tique qui se traduit encore ici par le pouls élevé avec crochet
caractéristique sur le tracé sphygmographique. La cardio-
pathie aortique est bien nette.
Les vaisseaux sont également intéressés : les temporales
sont saillantes et sinueuses; l'oedème se montre fréquemment
aux chevilles, aux jambes, aux cuisses, à certaines périodes
même il atteint le scrotum et les lombes. Il existe-encore des
vertiges (nous avons décrit autrefois le vertige des artério-
scléreux 1) : ce sont ici des crises intenses sans chute ni perte
de connaissance, suivies de lassitude, faiblesse des jambes,
palpitations, sueurs profuses, somnolence, presque de lipo-
thymie. Notre malade a la face pâle, les oreilles froides et
cyanosées ; il a l'aspect d'un vieillard : d'un vieillard par ses
artères. Les radiales sont dures et flexueuses ; le tracé pré-
sente un crochet élevé, pointu du côté droit, mais légère-
ment coupé à gauche par un petit plateau qui indique l'athé-
rome. Donc, artériosclérose.
Le rein n'est pas intact : il y a de la pollakiurie, surtout
nocturne, non douloureuse. Les urines ne renferment pas
d'albumine mais elles sont pauvres en urée : 10 à 12 grammes
en vingt-quatre heures. Ainsi : sclérose rénale.
Le foie est un peu atrophié : il est plutôt légèrement
selé2,c%tC. Du côté thoracique nous relevons des bronchites
subaiguës répétées. Il existe de la voussure, la sonorité est
exagérée; l'inspiration diminue, l'expiration prolongée avec
1 Le vertige cardio-vasculaire ou des arlério-scléreux, in Lef. (le clin,
méd., 1" sétic, 1891, p. 522.
104 CLINIQUE NERVEUSE.
râles ronflants et sibilants disséminés. Les crachats sont
abondants, épais, verdâtres; une dyspnée légère est habi-
tuelle. C'est de la bronchite chronique avec emphysème.
Enfin, notre malade présente encore des déformations
périarticulaires et de la déviation en hallux des extrémités.
Prenez tout ce tableau symptomatique, en laissant pour le
moment de côté la sclérose latérale amyotrophique, et vous
avez le tableau symptomatique de la sclérose multiple dissé-
minée.
Je n'ai pas à revenir sur la description de cette maladie
qui a été faite dans le trimestre dernier, mais je vous rap-
pelle ses deux grands caractères : multiplicité et discon-
tinuité des foyers de sclérose, multiplicité des causes.
L'observation même de notre malade suffit à établir la
multiplicité des foyers de sclérose. Il est facile d'établir
maintenant la multiplicité des causes.
Dernier venu de douze enfants, né de parents déjà âgés, il
présente un tempérament arthritique : et se voit refusé
en 1870 comme faible de constitution. A vingt-quatre ans se
montre une première atteinte de rhumatisme articulaire
aigu : gonflement polyarticulaire, mobile et douloureux ;
quatre ans après, deuxième atteinte qui dure six mois :
forme chronique qui attaque les petites articulations, sans
provoquer de fièvre et ne s'accompagne guère de douleur
que dans les mouvements.
Marié, il a huit enfants, en perd sept : éprouve de gros
soucis moraux. Tonnelier, il s'impose des fatigues profes-
sionnelles et s'alcoolise avec du vin et surtout de l'absinthe.
Depuis l'âge de douze ans, il fume tous les jours réguliè-
rement un paquet de tabac de 0 fr. 50. Enfin il a eu la blen-
norrhagie mais pas de syphilis. Voilà bien l'étiologie com-
plexe et l'étiologie de la sclérose multiple disséminée :
arthritisme, rhumatisme articulaire, surmenage physique,
alcool, tabac. Donc c'est le tableau complet, la caractéris-
tique vraie de la sclérose multiple disséminée.
Reste maintenant la sclérose latérale amyotrophique.
Qu'est-ce ? Son siège est dans les cellules des cornes anté-
rieures et dans les faisceaux pyramidaux. Sa lésion anato-
mique est une sclérose encore. Sans doute c'est une maladie
systématisée, c'est-à-dire que le tissu névroglique ne parait
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 105
s'allumer que de seconde main pour remplir les vides de
l'atrophie parenchymateuse ; mais enfin ce n'en est pas
moins de la sclérose au même titre que toutes les autres.
Pourquoi en faire une maladie à part, distincte des autres ? 1
Pourquoi dire : sclérose latérale amyotrophique et sclérose
multiple disséminée coincidant chez le même malade ? Pour-
quoi ne pas dire : sclérose multiple disséminée ci foyers
multiples dont un médullaire est la lésion de la sclérose
latérale amyotrophique.
A côté de cette théorie de la coïncidence et de la superpo-
sition des lésions, que j'élimine, une autre voudrait mettre
tous les foyers et le foyer médullaire notamment, sous la
dépendance d'un seul des autres foyers : l'artério-sclérose.
Défendue par nous dans le temps, nous avons donné les
arguments pour l'abandonner dans sa trop grande généralité.
En réalité, l'artério-sclérose est une des localisations de cette
sclérose multiple disséminée. Elle n'est pas l'intermédiaire
obligé entre les causes morbigènes et la sclérose latérale
amyotrophique. -
Nous reviendrons sur tout cela plus tard quand nous
reprendrons l'histoire générale des rapports de la sclérose
multiple disséminée avec l'ensemble des maladies du système
nerveux.
Pour le moment, enregistrons des matériaux documen-
taires. Nous venons d'en étudier un bien important, puis-
qu'il tend à faire rentrer dans la sclérose multiple disséminée
un des syndromes nerveux anatomo-cliniques les plus obs-
curs au point de vue étiologique et nosologique : la sclérose
latérale amyotrophique.
. Voici maintenant un deuxième cas bien comparable d'atro-
phie musculaire encore, mais plus pure, type Aran-Duchenne,
non liée aux faisceaux pyramidaux, donc sans exagération
des réflexes tendineux.
Vous aurez d'avance une idée de ce cas en parcourant
quelques-uns des diagnostics inscrits sur les billets de ce
malade à sa sortie des hôpitaux de Paris, ceux du moins
qu'on ne lui a pas volés : '1887, Fournier : hémiplégie gauche
et syphilis cérébrale. Oreillons. - Décembre 1893, Raymond
(Lariboisière) : atrophie musculaire. Avril 1894, Lance-
reaux (Hôtel-Dieu) : arthritisme. -Avril 1895, Cornil (Hôtel-
106 ' CLINIQUE NERVEUSE.
Dieu) : encéphalomyélite. - Juillet 1S95, Babinski (Pitié) :
hystérie. -Juillet 1896, Potain (Charité) : rhumatisme. -
Novembre 1896, Merklen (Laennec) : néphrite. - Décembre
1896, Merklen (Laennec) : eczéma...
Hippocrate dit oui et Galien dit non. En réalité, vous allez
voir que tout cela n'est pas contradictoire. Chacun de ces
diagnostics reflète successivement soit le détail du musée
pathologique qui était le plus saillant à ce moment, soit
celui qui a le plus intéressé l'observateur. Lancereaux dia-
gnostique l'arthritisme.et Fournier la syphilis, comme Ray-
mond voit l'atrophie musculaire et Cornil la lésion d'encé-
phalomyélite... Cette collection si variée de maladies ne se
comprend dans son unité souveraine, que si toutes ces mala-
dies sont considérées comme des syndromes reliés entre eux
par une maladie commune : la sclérose multiple dissé-
minée.
Voici, d'après l'observation prise par M. Orssaud, l'his-
toire résumée de ce malade. Il s'agit d'un ancien cuisinier de
paquebot, âgé de cinquante-un ans, entré au n° 21 de la salle
Fouquet, le 18 avril dernier.
Son père est mort jeune, sa mère migraineuse est morte
également ; un frère très bien portant, une soeur est atteinte
d'un fibrome utérin. Lui-même dès l'âge de six mois pré-
sente un eczéma chronique de la face qui réapparaît depuis
de loin en loin. Il est ensuite atteint de rougeole et de coque-
luche. A vingt ans (1866), il contracta la syphilis ; il est soi-
gné par Le Fort à l'hôpital du Midi pour une fistule ulcérée à
l'anus, avec plaque chancreuse sur la bourse gauche. A
vingt-quatre ans (·1570), pendant la guerre, étant à la fron-
tière, il essuie une attaque de rhumatisme articulaire aigu.
Après la guerre, il devient cuisinier de paquebot et commet
de nombreux excès alcooliques.
Voilà bien la multiplicité des causes sclérogènes, premier
caractère de la maladie, caractère qui empêche de classer les
accidents qu'il présente exclusivement dans aucune des mala-
dies qu'il a eues; notamment la syphilis, l'alcoolisme, le
rhumatisme ont tous une part étiologique, mais une part
restreinte. Tous ces facteurs ont collaboré pour produire la
résultante pathologique dont nous allons analyser mainte-
nant les divers termes anatomo-cliniques.
'la Du côté du tube digestif nous trouvons une gastrite
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. toi
chronique avec dilatation de l'estomac : digestions lentes,
pénibles, avec éructations, ballonnement du ventre, consti-
pation... par moments, crampes et tiraillements d'estomac,
suivis et jugés par l'expulsion (régurgitation) d'un demi-
verre de liquide clair comme de l'eau de roche et un peu
filant. Cette gastrorrhée est plus fréquente à certains mo-
ments qu'à d'autres. D'autre part, douleur à la pression du
creux épigastrique, bruit de clapotage stomacal provoqué,
son tympanique étendu ; l'estomac distendu par le mélange
d'acide citrique et de bicarbonate de soude descend jusqu'à
l'ombilic, c'est-à-dire que la dilatation est moyenne ;
2° Du côté de Y appareil respiratoire, nous relevons une
légère dyspnée habituelle avec toux le matin et expectoration
de quelques crachats nacrés gris perle. D'autre part, dispari-
tion des creux sous-claviculaires, sonorité exagérée à ce
niveau, avec expiration prolongée et quelques râles bron-
chiques secs. Donc il existe de la bronchite chronique et de
l'emphysème pulmonaire ;
3° Pour l'appareil circulatoire nous constatons que le
coeur est légèrement abaissé, un léger éclat diastolique aor-
tique, parfois un dédoublement du premier bruit, qui rap-
pelle d'une façon fort intéressante le bruit de galop constaté
autrefois par Potain chez ce malade. Les radiales sont dures,
les temporales sinueuses indurées, les veines saillantes. Il
existe des varices nombreuses et turgescentes aux membres
inférieurs et des hémorroïdes. Donc nous avons de l'angio et
de la cardio-sclérose ;
4° Le rein est atteint de néphrite scléreuse : polla-
kiurie nocturne, polyuric de 3 à 4 litres par vingt-quatre
heures. Le matin, on note souvent de l'oedème de la face et des
paupières. Les urines renferment des traces d'albumine
(elles en ont renfermé antérieurement jusqu'à 2 grammes),
leur densité n'est que de 1010 et leur teneur en azote très
faible ;
5° L'examen du système nerveux nous montre des troubles
multiples.
La mémoire est un peu diminuée par les événements
récents; notre malade a eu une hémiplégie gauche traitée
par Fournier en US887. De la grande hystérie diagnostiquée
par Babinski en 1893, il ne reste aujourd'hui qu'un peu
d'hypesthésie de la cornée. A la face dorsale du deuxième
108 CLINIQUE NERVEUSE.
orteil gauche existe une ulcération assez profonde (trouble
trophique).
Aux membres supérieurs et inférieurs, surtout du côté
gauche, les nerfs sont atrophiés; le deltoïde est réduit à un
simple voile musculaire ; on ne sent plus la boule bicipitalc
dans la contraction de l'avant-bras sur le bras; les muscles
de l'avant-bras sont très réduits; les éminences thénar et
hypothénar ont disparu; les interosseux sont très affaiblis;
6° Enfin en ce qui concerne le tissu fibreux et les articu-
lations, nous trouvons des articulations déformées par le
rhumatisme chronique, de l'hallux valgus, de nombreuses
rétractions tendineuses notamment à la face palmaire des
mains et au niveau des grandes articulations de l'arthrite
sèche avec craquements...
Ce cas est bien analogue au précédent, seulement ici l'atro-
phie musculaire n'est pas accompagnée d'exagération des
réflexes tendineux; c'est la poliomyélite chronique seule
sans sclérose des faisceaux pyramidaux; c'est une autre
espèce d'atrophie musculaire progressive. Au lieu de la sclé-
rose latérale amyotrophique, c'est la forme Aran-Duchenne
de l'atrophie musculaire progressive.
Le tableau de la sclérose multiple disséminée est peut-être
plus complet encore que chez notre premier malade; en de-
hors de la moelle vous avez cinq autres groupes de foyers
scléreux : tube digestif, appareil respiratoire, appareil circu-
latoire, rein, articulations et tissu fibreux. Donc pas d'hésita-
tion pour le diagnostic de sclérose mulliple disséminée; nous
en avons les deux grands caractères : 1° multiplicité dcs
causes superposées; 2° multiplicité et discontinuité des foyers
s.cléreux.
Il n'y a aucune raison pour faire de la sclérose médullaire
une exception et une maladie à part au milieu des autres. Il
est bien plus rationnel de la considérer au même titre que
la sclérose rénale ou la sclérose bronchopulmonaire, comme
une manifestation de la sclérose multiple disséminée.
Dès lors, l'atrophie musculaire progressive 11 ran-Du-
chenue peut, comme la sclérose latérale amyotrophique, être
considérée comme une localisation de la maladie, sclérose
multiple disséminée, sur les cornes antérieures de la subs-
tance grise.
DU SYSTÈME NERVEUX. 109
On peut rapprocher de notre cas le suivant qui est dû à
Nonne ' et qui, étant suivi d'autopsie, complète utilement la
démonstration.
C'est une femme de soixante-quatre ans, qui depuis quel-
ques années présenté quelques vagues troubles nerveux et
depuis quatre ans un diabète d'intensité moyenne. Puis, en
dix-huit mois se développe une parésie avec atrophie des
muscles débutant par les membres supérieurs envahissant
ensuite les inférieurs, suivant une marche lentement progres-
sive et s'accompagnant de réaction de dégénérescence. Elle
meurt de bronchopneumonie aiguë.
A l'autopsie : artériosclérose aortique, manifeste surtout
au niveau du trépied de Ilaller, sur les artères splénique et
pancréatique ; cirrhose du pancréas; dégénérescence atro-
phique chronique des cellules et des fibres des cornes anté-
rieures grises de la moelle dans toute sa hauteur, allant en
s'amoindrissant de haut en bas; aucune altération notable
des vaisseaux médullaires; atrophie partielle des fibres des
nerfs périphériques; atrophie avancée des fibres musculaires
avec multiplication des noyaux et prolifération du tissu con-
jonclif intcrîihrillaire.
Ce cas fort intéressant achève notre démonstration. J'in-
siste en même temps sur deux particularités : 1° le diabète
par cirrhose pancréatique confirme les considérations par
lesquelles nous avons placé le diabète dans les manifesta-
tions possibles de la sclérose multiple disséminée ; 2° l'ab-
sence notée d'altération des vaisseaux médullaires montre que
ces cas ne sont pas des artérioscléroses, mais que Ja sclérose
artérielle est simplement un des syndromes de la sclérose
multiple disséminée comme la sclérose médullaire elle-même.
Voilà les faits qui me paraissent établir nettement qu'au
moins, dans certains cas, l'atrophie musculaire progressive
peut être associée à d'autres scléroses et par conséquent un
des syndromes, une des manifestations de la sclérose multiple
disséminée.
Je vais poursuivre la démonstration par l'élude d'un syn-
drome bien net et bien défini aussi, le tabès dorsal. Je ne
partirai pas ici d'un fait actuel du service. Vous avez bien au
1 Nonne. - Poliomyélite antérieure clnonique chez une diabétique :
pancréas cirrhose, (le-1. 7t ? i Wocli, 1896, p. ` ? oui,)
Il (1 CLINIQUE NERVEUSE.
n° 33 de la salle Fouquet un tabétique très curieux dont
nous pourrons reparler; il a bien de l'artério-sclérose et de
l'athérome aortique, mais comme il est en même temps
tuberculeux, la question est complexe et la démonstration ne
serait pas péremptoire. J'aime mieux prendre deux faits
avec autopsie (par conséquent sans discussion possible),
et empruntés à un observateur indiscuté : Vulpian 1.
Observation II (p. 399). - Il s'agit d'une femme ataxique
dont l'autopsie nous intéresse seule; elle nous montre : 1° la
sclérose des faisceaux postérieurs de la moelle; 2° des
plaques fibreuses d'arachnitis spinale ; 3° des racines posté-
rieures grisâtres; 4° une névrite optique atrophique bilaté-
rale ; 5° les nerfs oculomoteurs commun et externe « pas
aussi blancs qu'à l'état normal » ; G° des anévrismes miliaires
sur les vaisseaux de la pie-mère; 7° un petit foyer de ramol-
lissement dans le noyau caudé ; 8° unepachyméningite céré-
brale chronique : « à la surface de la dure-mère, dans presque
toute l'étendue, et des deux côtés, on trouve une néo-
membrane vascularisée très mince et peu injectée »; 9° des
plaques de sclérose rares sur les artères cérébrales de la
base ; 10° du côté des poumons : « un peu d'emphysème vési-
culaire en avant et aux deux sommets » ; 11° « une adhérence
totale des deux feuillets péricardiques » - 1 ? « quelques
plaques scléroathéromateuses dans l'aorte thoracique et
abdominale s.
Vous voyez combien l'altération est complexe : la sclérose
porte sur la moelle, les nerfs, les méninges, les vaisseaux, le
péricarde, le poumon. Examinée sans parti pris cette autop-
sie permet de conclure à la sclérose multiple disséminée. En
fait c'est une autopsie de tabétique. Pourquoi soustraire à la
sclérose multiple disséminée la sclérose des faisceaux médul-
laires postérieurs alors qu'on lui attribue sans difficulté la
sclérose des autres organes.
Voici un autre cas analogue : il s'agit encore d'une femme
ataxique dontnous résumons exclusivement l'autopsie (obser-
vation III, p. 408) : 1° sclérose des cordons postérieurs;
2° atrophie du nerf optique gauche; 3° vaisseaux de la base
du cerveau atbéromateux ; 4° teinte rouille assez marquée
avec un faible degré d'induration à la partie tout à fait anté-
1 Vulpian. ? f«7. du sy ? ncit'. : malud. de la moelle, 181 ! ).
' MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 1 I 1
rieure et médiane des circonvolutions de la face orbitaire
du cerveau; 5° emphysème pulmonaire assez prononcé des
deux côtés, surtout des bords antérieurs; adhérences peu
étendues du sommet gauche; foyer de pneumonie chronique
des deux côtés ; 6° bronchite chronique ; 7° athérome des
valvules sigmoïdes et de l'aorte avec dilatation; 8° près de
l'utérus brides d'ancienne péritonite et kyste de l'ovaire. Le
compte rendu de cette autopsie comporte les mêmes remar-
ques que pour l'observation précédente.
Ces deux faits dont on pourrait rapprocher bien d'autres
peuvent me servir de point de départ pour établir cette nou-
velle thèse : le tabe.s est un syndrome aaalomo-clinique qui
doit, le plus souvent, être rattaché aune maladie plus géné-
1'ale que l'on peut appeler la sclérose multiple disséminée 1.
Je n'ai pas à rappeler la caractéristique symptomatique et
anatomique de ce syndrome-tabes.
La démonstration poursuivie comporte d'abord trois pro-
positions : '1° dans le tabès isolé, il y a souvent des lésions
scléreuses éparses, discontinues, disséminées ; 2° avec le
tabes coexistent souvent chez le même sujet d'autres syn-
dromes anatomo-cliniques nerveux qui correspondent à
d'autres foyers disséminés de sclérose du système nerveux ;
3° au tabès on trouve également associées chez le même
sujet diverses scléroses d'organes autres que le système ner-
veux.
1. Dans le tabes pris en lui-même il y a souvent des
lésions scléreuses éparses, discontinues, disséminées. La
lésion la plus importante du tabes est dans le protoneurone
sensitif ou centripète de la moelle (cordons postérieurs,
racines postérieures, ganglions spinaux). Cette première
lésion même la plus étroitement locale est le plus souvent
éparse. Elle peut atteindre en effet les protoneurones senso-
riels comme les protoneurones radiculaires spinaux. Et il n'y
a aucune continuité nécessaire, ni même habituelle entre les
diverses lésions. On sait depuis longtemps que la lésion du
nerf optique peut se trouver chez [un tabétique dorso-lom-
baire ; il n'y a là ni contiguïté, ni continuité entre les
lésions.
1 Voir mon Rapport sur le traitement du tabes au Congrès de Moscou
(1897).
11 : 2 CLINIQUE NERVEUSE.
De plus, si l'on peut placer dans ce protoneurone centripète
la lésion principale, systématisée du tabes, il y a cependant
des lésions ailleurs, dans d'autres régions : ainsi, la ménin-
gite spinale chronique, tellement fréquente et importante,
que certains auteurs lui ont attribué le rôle primordial dans
la pathogénie du tabes ; ainsi les lésions des nerfs périphé-
riques, lésions bien étudiées par Déjerine, Pitres et Vail-
lard, qui débutent souvent par la périphérie et constituent
bien ainsi des foyers distincts de la lésion médullaire.
Donc, dans le tabès non compliqué, il y a déjà une série
de lésions éparses, discontinues, disséminées. C'est ce qui a
fait dire à P. Marie que c'est uniquement pour obéir aux
« traditions ayant cours en nosographie à l'heure actuelle »,
qu'il décrit le tabes « parmi les maladies de la moelle et
comme une maladie de la moelle ».
2. Avec le tabes coexistent souvent chez le même sujet
d'autres syndromes anatomo-cliniques nerveux qui corres-
pondent à d'autres foyers disséminés de sclérose du système
nerveux.
Ce sont d'abord les polynévrites dont nous venons de parler.
C'est ensuite la paralysie générale; on discute beaucoup
ses rapports avec le tabes et l'accord semble difficile entre
unicistes et dualistes. Quand on voit survenir des troubles
psychiques chez un tabétique ou des symptômes de tabes
chez un paralytique général, on parle de complication, d'ex-
tension, ou bien on change son diagnostic.
La vraie interprétation de ces faits me paraît être d'ad-
mettre dans le tabes et la paralysie générale, deux groupes
de lésions bien distinctes, unies seulement par les mêmes
causes, par la même maladie générale chez le même sujet.
Ce sont là des foyers disséminés de sclérose, car la sclérose
joue un réel et grand rôle dans la paralysie générale.
Vous avez encore l'association du tabes avec la sclérose
latérale ; le tabes combiné je l'ai étudié en 1886 et en ai fait
une myélite systématisée postérieure diffuse antérieure, un
exemple d'associations scléreuses. Vous avez enfin l'associa-
tion du tabes avec la maladie de Basedow, qui s'accompagne
souvent de sclérose thyroïdienne.
1 Du tabès combiné (ataxozpasmod.) ou sclel'-f1ostel'olatel' de ta moelle.
(.11,ch. de Xeurol., 1887, XI, 15G et 380; XII. 27.)
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 113
3. Au tabes on trouve également fréquemment associées
chez le même sujet diverses scléroses d'organes autres que le
système nerveux.
Nous trouvons d'abord le coeur des tabétiques. J'ai signalé
après Berger et Rosenbach en J 880 la fréquence de la coexistence
du tabes et des cardiopathies chroniques, surtout aortiques' ;
le fait est aujourd'hui confirmé et acquis. J'avais proposé une
théorie qui faisait du coeur du tabétique un coeur de doulou-
reux ; je l'abandonne aujourd'hui pour y voir un exemple de
coexistence de la sclérose tabétique avec un autre foyer de
sclérose localisé sur le coeur.
Il,en est de même pour l'artério-sclérose, celle-ci ne peut
pas être l'origine de la sclérose systématisée du tabès ; elle
se rencontre cependant souvent, ce sont des manifestations
diverses de la sclérose multiple disséminée.
On peut en dire autant de l'association tabès et diabète.
Nous avons montré comment le diabète se rattache à la sclé-
rose multiple disséminée par la sclérose du foie, surtout celle
du pancréas, par ses relations avec l'arthrilisme. Avec le
diabète, non seulement on rencontre l'abolition des réflexes
rotuliens, non seulement le pseudo-tabes qui tient à la poly-
névrite, mais encore le tabès vrai comme en témoigne le
mémoire de Guinon et Souques.
Le corollaire de cette démonstration qui en sera ainsi une
nouvelle preuve est la notion de la complexité étiologique
pour le tabes, comme pour la sclérose multiple disséminée ;
vous savez, en effet, que cette multiplicité étiologique est une
caractéristique de la sclérose disséminée, au même titre que
la présence de foyers scléreux multiples disséminés.
En tête des causes du tabes est certainement la syphilis.
C'est l'élément étiologique le plus fréquent, tellement fré-
quent que je vous ai dit souvent qu'à un tabétique quel-
conque, dès votre diagnostic posé, vous pouvez hardiment
poser la question : à quel âge avez-vous eu la vérole ? Les
idées de Fournier, développées par Erb, sont tout à fait con-
firmées. Mais faut-il dire avec Marie que le tabes est toujours
d'origine syphilitique, que le poison syphilitique est la cause
unique et directe de tout le tabes ? Je ne le crois pas.
1 Al. locom. et lés. caml. Contrib. « l'élude du. 1'etentiss. des mal. dou-
lour. sur le coet'. (monts. méd., 1880, XLIV, 483).
Aucuives, 2e série, t. IV. 8
114 CLINIQUE NERVEUSE.
D'autres causes collaborent souvent avec la syphilis. C'est
d'abord l'arthritisme. Hosenthal a indiqué l'action du refroi-
dissement et du rhumatisme dans l'étiologie du tabes. Char-
cot a montré la coincidence du rhumatisme chronique et
du tabès. Belugou, bien placé à La Matou pour faire une
enquête a relevé sur 32 tabétiques : rhumatisme, IS; herpé-
tisme, 1 ; eczéma chronique, 1 ; syphilis, 1 J ; hérédité névro-
pathique, 13; abus fonctionnels, 31.
Fischer et surtout Souques et Guinon ont montré par de
nombreuses observations l'alternance familiale ou l'associa-
tion individuelle du tabès et du diabète et je vous citerai
comme exemple cette famille israélite où le père étant
ataxique non syphilitique, des deux fils l'un se suicide,
l'autre devient obèse et diabétique. Il existe encore d'autres
causes : le saturnisme et le paludisme (Minor), l'alcool, le
tabac, l'arsenic. les intoxications.
Il y a enfin deux gros éléments étiologiques pour le tabès :
le surmenage (général et local, fatigue médullaire par excès
vénériens, onanisme, coïts anormaux, par trépidation chez
les mécaniciens, les ambulants), et l'hérédité, hérédité névro-
pathique générale, sur laquelle l'école de la Salpêtrière a
tant et légitimement insisté.
Donc le tabès est justiciable de causes multiples, et ces
causes multiples, ordinairement superposées chez le même
sujet sont précisément les causes ordinaires de la sclérose
multiple disséminée. C'est de cette façon que vous com-
prendrez la parasyphilis de Fournier. Après avoir constaté
comme beaucoup d'autres, la banqueroute fréquente du
traitement spécifique contre le tabes, Fournier a dit : c'est
d'origine syphilitique et pas de nature syphilitique.
Cette notion est très juste et très ingénieuse, mais elle ne
peut guère se comprendre que par la notion de la com-
plexité étiologique. Dans les cas dits parasyphilitiques, le
labes par exemple, la syphilis intervient bien comme cause
très fréquente sinon constante, mais elle n'intervient pas seule.
La syphilis a des collaborateurs, d'autres causes coagissent
avec elle. Dès lors l'origine du tabès n'est pas exclusivement
syphilitique et l'on comprend dans une certaine limite que le
traitement spécifique n'ait pas la même efficacité que dans les
manifestations reconnaissant la syphilis pour seule cause.
Voilà- donc, après les atrophies musculaires, un deuxième
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. '1 1 5
grand exemple de syndrome anatomo-clinique que l'on peut
rattacher à la sclérose multiple disséminée, le tabes. Je ne
veux pas passer en revue toute la neuropathologie, nous
tomberions dans des redites et je n'ai pas de documents cli-
niques actuels pour tous les chapitres. Mais je veux encore
citer un autre exemple dont vous avez un cas dans le service,
les polynévrites. ,
11 s'agit du n° 13 de la salle Fouquet : homme de cin-
quante-deux ans entré au service le 9 mars 1897. Son père
était un rhumatisant ; sa mère une névropathe mentale :
double hérédité classique, d'un côté de la maladie sclérose
multiple disséminée, de l'autre de la localisation de cette
maladie sur le système nerveux.
Personnellement : cet homme à l'âge de vingt et un ans est
atteint d'un rhumatisme subaigu qui nécessite deux mois de
lit et six mois de convalescence et à vingt-trois ans d'une
iritis non syphilitique. C'est de plus un alcoolique avéré qui
s'enivre au moins deux fois par mois depuis trente ans. Voilà
l'étiologie complète ! Ce n'est ni un rhumatisant ni un alcoo-
lique exclusif; il réunit ces deux conditions sclérogènes.
Il y a six mois, survient une douleur dans l'épaule droite
qui s'étend ensuite aux extrémités supérieures et s'accom-
pagne de gonflement léger au niveau des doigts et des poi-
gnets. Puis, l'enflure disparait, mais la douleur suit une
marche progressive.
Actuellement, la douleur se montre à la pression, à l'épaule
droite, au coude droit, dans la continuité des avant-bras et
des doigts, surtout du médius et de l'annulaire droits. Il n'y
a pas de réflexes tendineux. La sensibilité au tact et à la tem-
pérature est normale mais elle est altérée profondément pour
la douleur. Il existe de l'analgésie aux doigts des deux côtés
et des bandes diverses d'analgésie surtout à droite au niveau
des avant-bras et des bras. - Les mains sont froides et l'on
note de l'engourdissement facile, surtout à droite.
Aux membres inférieurs il existe de la douleur à la pres-
sion sur les divers segments surtout à droite, un peu plus
marquée au niveau des extrémités. - Il n'y a pas d'exagé-
ration des réflexes rotuliens. La sensibilité à la douleur est
assez obtuse et l'on relève des zones d'analgésie multiples du
côté de l'extension et symétriques. - Les pieds sont froids,
s'engourdissent facilement ; et les crampes sont fréquentes
Ho CLINIQUE NERVEUSE.
dans les mollets. Il n'y a ni paralysie motrice, ni amyotro-
phie ; mais seulement un peu de raideur dans les mouve-
ments des extrémités et une diminution marquée des forces :
le dynamomètre indique 9 à droite, 23 à gauche.
Le diagnostic de polynévrite est facile : il ne s'agit pas d'un
rhumatisme vulgaire, il ne s'agit pas d'une myélopathie ; il y
a de la douleur à la pression des troncs nerveux, etc. Mais à
côté de cela, notre homme se lève trois ou quatre fois la nuit
depuis fort longtemps pour uriner; il a des vertiges fré-
quents ; présente un peu de claquement diastolique ; son
pouls est petit, résistant avec une tension de '19 ; le foie est
diminué de volume et il existe un léger emphysème pulmo-
naire. Ainsi vous avez là de la sclérose des vaisseaux, peut-
être du rein, de la sclérose du foie, du poumon...
Donc en somme il s'agit de la sclérose multiple disséminée,
avec polynévrite. Les mêmes causes héréditaires et per-
sonnelles ont évidemment produit la polynévrite et la sclé-
rose multiple. Il est impossible de séparer les deux choses.
La polynévrite est une localisation, une manifestation de la
sclérose multiple disséminée de ce malade, au même titre
que son artério-sclérose, sa cirrhose hépatique ou s'On
emphysème pulmonaire.
C'est le cas de dire un mot du rôle, des infections et des
intoxications dans l'étiologie de ces états. Vous savez qu'il
est classique de dire que les grands éléments étiologiques des
polynévrites sont les infections et les intoxications. Le fait
est très vrai et l'alcool, le plomb, la diphtérie... en sont des
exemples. Mais notre théorie actuelle ne contredit pas à cette
donnée classique, au contraire. Les infections et les intoxi-
cations jouent en effet un rôle considérable dans l'étiologie
de la sclérose multiple disséminée.
Quand j'ai étudié avec vous *, l'étiologie de la sclérose
multiple disséminée, je vous ai dit que deux grands principes
la dominaient : la notion de la complexité étiologique et la
notion du rôle considérable des infections et des intoxica-
tions.
Les infections et les intoxications font les poussées succes-
sives que l'on observe dans la sclérose multiple disséminée.
Ainsi chez un arthritique, un alcoolique ou un paludéen,
Leçons de clin, méd., 3° série, 1897, p. 301.
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 117
une infection pneumococcique aiguë pourra faire de la sclé-
rose pulmonaire à la suite d'une pneumonie aiguë, chez le
même individu, une infection quelconque fera de la sclérose
rénale ou de la sclérose médullaire. Les infections endogènes
feront de la même manière le foie des dyspeptiques, étudié
par Bois. - De même, le tabac, l'alcool ou le plomb, à dose
inoffensive ou insuffisante pour d'autres, feront de la sclérose
chez un arthritique ou un héréditaire.
Donc, les infections et les poisons sont les grandes causes
des poussées aiguës dans la sclérose multiple disséminée.
Mais il faut en même temps, pour la production de la
maladie, la collaboration d'autres éléments étiologiques, à
action lente et durable, tels : l'arthritisme héréditaire ou
acquis (rhumatisme, goutte, maladie bradytrophiques) dont
nous avons étudié déjà la caractéristique clinique l'al-
coolisme chronique, le saturnisme, le tabagisme, le palu-
disme, la syphilis, la sénilité.
Voilà l'ensemble des causes de la sclérose multiple dissé-
minée. Ces causes deviennent ainsi celles des maladies du
système nerveux que nous rattachons à la sclérose multiple
disséminée. Seulement dans ces cas, il se surajoute d'autres
éléments étiologiques encore, qui déterminent non plus la
formation générale et disséminée de la sclérose, mais la
localisation particulière de cette sclérose sur le système ner-
veux. Ces causes se résument dans la disposition névropa-
thique personnelle ou héréditaire, qui a elle-même ses élé-
ments pathogéniques ordinaires sur lesquels je ne puis
insister.
Ainsi notre dernier malade présente nettement cette étio-
logie : l'hérédité arthritique, le rhumatisme et l'alcoolisme
personnels sont chez lui les causes de la sclérose multiple
disséminée ; l'hérédité névropathique et l'alcoolisme per-
sonnel sont les causes de la localisation de cette sclérose
multiple sur ses nerfs.
De même, un homme à hérédité névropathique et ayant
affaibli sa moelle par des excès fait de la sclérose multiple
disséminée sous l'influence de la syphilis ou de l'arthritisme :
la sclérose se localise sur la moelle dont la résistance est
diminuée et il fera du tabes ou telle autre sclérose médullaire.
1 Leçons de clin, méd., 2c série, 1890. p. 671.
118 8 CLINIQUE NERVEUSE.
Tout ce que nous venons de dire de la moelle ou des nerfs
pourrait bien dans une certaine mesure se dire aussi de l'en-
céphale. Seulement dans l'encéphale c'est le plus souvent par
l'intermédiaire des vaisseaux que la sclérose multiple dissé-
minée se manifeste (hémorragie, ramollissement). La sclé-
rose y est relativement rare et d'une étiologie habituellement
obscure.
Cependant on trouve notamment dans le travail de Leudet
sur la méningite chronique et son influence sur la produc-
tion de la polyurie, quelques observations bien curieuses au
point de vue qui nous occupe. Ce sont des faits comme
celui-ci : observation IX, à l'autopsie : méningite plastique,
hypertrophie partielle de la muqueuse stomacale, néphrite
chronique. Leudet étudie ce cas comme méningite chronique
et donne lalésion gastrique et la néphrite comme complica-
tions. Un autre aurait pu, tout aussi justement, étiqueter le
même fait néphrite chronique ou gastrite chronique avec
complication méningée. Au fond il s'agissait d'un alcoolique
atteint de sclérose multiple disséminée, localisée à la fois sur
le rein, l'estomac et les méninges.
11 me semble que j'ai suffisamment étayé ma thèse : dans
beaucoup de cas de maladies du système nerveux il y a en
même temps de la sclérose multiple disséminée, et on est
alors autorisé à dire que les deux groupes morbides ne font
qu'une maladie : la slcérose multiple disséminée.
Les diverses maladies du système nerveux sont donc de
plus en plus, suivant une idée que je défends et répète
depuis 18ï71, uniquement des syndromes anatomo-cliniques
et non des maladies vraies, des espèces nosologiques.
Le tabes, l'atrophie musculaire progressive, la sclérose
latérale, amyotrophique, les polynévrites... sont des syn-
dromes anatomo-cliniques dont il faut faire d'autre part
l'histoire nosologique. C'est un chapitre de cette histoire noso-
logique, encore embryonnaire, que nous venons de faire ou
d'essayer, en rattachant un grand nombre de ces syndromes
anatomo-cliniques à la sclérose multiple disséminée, qui,
elle, est une maladie, - j'espère vous l'avoir démontré
ailleurs.
' Voir la Ire édition de mes Leçons sur les maladies du système raer-
veux. ,
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 119 D
Il va sans dire que tout ceci ne s'applique qu'aux syn-
dromes nerveux dont la lésion est une sclérose. Ils sont
légion. Mais cela peut-il s'appliquer à toutes les scléroses du
système nerveux ? Ici nous trouvons une difficulté et unc
objection que nous ne devons pas fuir : elles découlent de la
distinction ancienne et ressuscitée des myélites systématisées
et des myélites diffuses, et en général du rôle de la sclérose
dans les lésions d'origine parenchymateuse.
A propos du n° 33 de la salle Fouquet je vous exposerai
bientôt l'état actuel des connaissances sur les lésions du tabcs
en m'aidant notamment de la thèse de Philippe. Vous verrez
que l'on continue à admettre les lésions parenchymateuses,
la distinction entre les myélites systématisées ou parenchy-
mateuses et les myélites diffuses. Peut-on admettre la sclé-
rose dans les maladies à processus parenchymateux pri-
mitif ? ' «
Certains auteurs disent non, notamment Brault1. Brault
refuse le nom de sclérose aux épanouissements de tissu con-
jonctif ne correspondant pas à un processus inflammatoire et
succédant soit aux dégénérations secondaires (faisceaux
pyramidaux) soit aux lésions primitives du parenchyme
(tabès). Il n'admet donc pas des scléroses systématisées ; ce
n'est qu'une simple hyperproduction vicariante de tissu con-
jonctif. Il trouve doublement inexact le mot de sclérose des
cordons postérieurs pour le tabes, car, dit-il, « il est certain
que le développement de la névroglie n'est que la consé-
quence lointaine de la désorganisation lente des cordons
postérieurs, et, d'autre part, que le tissu néoformé n'a aucun
des caractères assignés dans les lignes qui précèdent aux
tissus de sclérose ».
Je crois qu'il y a de l'exagération dans cette manière de
voir. Je ne prétends pas que tous les cas de sclérose aient la
même pathogénie, le même processus de formation, - on
peut donc reconnaître des variétés parmi les scléroses ? .;
mais cela n'empêche pas que tout cela appartient aux sclé-
roses. Qui dit sclérose, dit traditionnellement hypcrplasie ou
hyperproduction de tissu conjonctif; l'effet caractéristique
de la sclérose est toujours le même, c'est la substitution du
1 Brault. - Les artériles et les scléroses. (Encyclop. scieulif. des Aides
mém.). 1897, p. 95.
120 CLINIQUE NERVEUSE.
tissu interstitiel hypertrophié au tissu actif atrophié. Dans
cet effet double également caractéristique, atrophie du tissu
actif et hypertrophie du tissu inerte, l'un ou l'autre des- élé-
ments constitutifs peut être primitif. Si l'hypertrophie con-
jonctive est primitive et étouffe le tissu parenchymateux :
c'est une variété de sclérose. Si l'atrophie parenchymateuse
est primitive et provoque l'hypertrophie de remplissage du
tissu de soutenement : c'est une autre variété. Mais dans les
deux cas le résultat final est le même : c'est la sclérose. La
chose est généralement admise pour les organes autres que
le système nerveux. Pour le rein, que le point de départ soit
parenchymateux ou interstitiel, si la sclérose se développe,
c'est toujours de la sclérose. Il en est de même pour le foie...
Dans le système nerveux lui-même, ce qui prouve qu'il n'y
a pas opposition de nature entre la sclérose primitive et la
sclérose secondaire c'est que les deux peuvent se mêler,
s'associer chez le même sujet.
Ainsi la paraplégie tardive des hémiplégiques cérébraux,
étudiée par Pitres, est due à une sclérose diffuse secon-
daire consécutive à une sclérose systématisée ; dans le tabes
combiné, il y a souvent myélite diffuse et myélite systé-
matisée, ce qui me l'a fait appeler une myélite mixte ; dans
le tabès ordinaire même, certaines lésions comme celles des
méninges ne sont pas étroitement systématisées.
Donc, je maintiens au mot sclérose son sens général d'hy-
perplasie conjonctive. Seulement il y a des variétés : notam-
ment la sclérose primitive et la sclérose secondaire à une
lésion parenchymateuse primitive ; comme il y a une variété
consécutive à l'artério-sclérose et une variété non consécutive
à l'artério-sclérose.
La transition est toute naturelle pour passer à une autre
objection que Huchard vient de formuler en rendant compte
de nos Leçons du trimestre dernier.
« Sous ce nom nouveau (sclérose multiple disséminée)
M. Grasset décrit des choses absolument distinctes : la diathèse
fibreuse de Debove, les inflammations interstitielles polyvis-
cérales de Bard, les scléroses dystrophiques de H. Martin, les
scléroses d'origine artérielle de Lancereaux, Gull et Sutton,
Huchard et Weber... Il nous semble que pour l'éclaircisse-
1 Journal des Praticiens, 1897, p. 303.
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 121
ment de cette question M.Grasset aurait dû étudier dans
autant de chapitres séparés la « sclérose multiple dissé-
minée » suivant qu'elle provient : 1° de l'inflammation inters-
titielle primitive des organes comme Bard l'enseigne ; 2° de
la a diatbèse fibreuse », comme l'ont indiqué Debove et
Letulle ; 3° de la sclérose artérielle, comme l'ont démontré
quelques auteurs. Cette dernière n'est pas de nature inflam-
matoire, elle est un trouble de nutrition, tandis que les sclé-
roses étudiées par Bard, par exemple, sont franchement et
directement inflammatoires. Donc, il s'agit de deux états
morbides absolument différents, et il n'y a pas là de question
plus ou moins doctrinale à soutenir ou à défendre. Les deux
états morbides doivent être séparés, sans aucun doute ; mais
c'est une erreur de diviser les auteurs en deux camps opposés.
Les scléroses non inflammatoires d'origine artérielle exis-
tent, ce qui est d'entière évidence ; les scléroses interstitielles
d'origine inflammatoire doivent également exister, puis-
qu'elles ont été vues et contrôlées par des hommes de grande
valeur. La discorde scientifique n'est donc qu'apparente. »
J'enregistre d'abord avec plaisir que la discorde scienti-
fique n'est qu'apparente. J'avoue que je la croyais plus
profonde, et entre médecins d'autorité clinique telle, que
cela me peinait de ne pas être de l'avis de tous. Je me félicite
donc de l'entente. Cependant il n'est pas inutile de bien pré-
ciser le débat.
Tous les auteurs que j'ai cités dans mes leçons sur la sclé-
rose multiple disséminée connaissent bien cette maladie
cliniquement, la décrivent très bien symptomatiquement :
l'accord est complet sur le point de vue clinique. Mais il existe
un désaccord, au moins apparent, au point de vue anatomo-
pathologique, et comme c'est une maladie surtout caracté-
risée par sa lésion, le désaccord me paraissait avoir un cer-
tain retentissement doctrinal sur sa nature nosologique.
A quoi tendent en effet les très beaux travaux de Huchard ?
D'abord à décrire la sclérose multiple disséminée, ensuite à
établir que tous foyers de sclérose proviennent de l'arté-
riosclérose, que l'artériosclérose fait l'unité de cette maladie,
étant derrière et à l'origine de ces divers foyers épars.
Aussi, après lui et d'après lui, disions-nous' que l'artérios-
1 Leçons de clin, Ire série, p. 522 et 535.
122 CLINIQUE NERVEUSE.
clérose forme « le lien initial commun de bien des maladies
à apparence terminale distincte. » Et on développait l'idée
de l'artériosclérose faisant d'abord des troubles circulatoires
dans l'organe, déterminant la claudication intermittente de
l'organe, puis étant le point de départ soit de la sclérose dys-
trophique d'Ifippolyte Martin, soit de la sclérose par voisi-
nage de Huchard, soit enfin les scléroses mixtes par asso-
ciation de ces deux processus.
En face de ces idées, se sont élevées, au point de vue ana-
tomopathologique celles (que nous croyions nettement con-
tradictoires à certains points de vue) de Letulle, Brault et Bard.
Letulle combat carrément la notion de la sclérose dystro-
phique, ne comprend pas l'ischémie d'un organe qui entraîne
l'hypertrophie des éléments connectifs de cet organe, soutient
avec Brault que « la coïncidence plus ou moins commune de
la sclérose d'un viscère avec des lésions inflammatoires de
ses vaisseaux nourriciers ne comporte pas une corrélation de
causalité nécessaire », admet plutôt la simultanéité des
processus phlogogènes fibroïdes frappant les parois vascu-
laires en même temps que la gangue interstitielle des or-
ganes » et trouve que la théorie de l'artériosclérose « ne parait
pas reposer sur des bases suffisamment solides ». Ne vous
semble-t-il pas, comme à moi, qu'au point de vue anatomo-
pathologique la discorde scientifique pouvait sembler plus
qu'apparente.
De même, Bard étudie les polyscléroses viscérales d'em-
blée, sans lésion initiale et causale des artères, n'admet pas
que « des lésions artérielles soient à l'origine de toutes les
scléroses insiste sur ce fait que les lésions conjonctives les
moins suspectes d'origine dystrophique comme les furoncles
et les tubercules, s'accompagnent d'endartérile des vaisseaux
compris dans la lésion et conclut que « la conception actuelle
de l'artériosclérose est beaucoup trop compréhensive» qu'elle
« doit reculer de tout le domaine qu'elle a usurpé sur ces
inflammations interstitielles primitives ».
Je vous ai développé tout cela, le trimestre dernier, et n'y
reviendrais pas sans la critique de Huchard, qui m'a paru
mériter une réponse. Je vous ai montré pour divers organes,
rein, foie, moelle..., la discussion entre les deux écoles sur le
rôle pathogène des vaisseaux dans la production des scléroses
observées.
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 123
Tout récemment encore, dans un livre que nous avons
déjà cité, paru depuis ces leçons, Brault étudie, dans une
série de chapitres, la question de savoirs'il existe une relation
entre les artères et les inflammations aiguës, puis entre les
artères et les inflammations nodulaires, puis entre les lésions
des artères et les inflammations chroniques (sclérose). Et il
conclut par la phrase suivante qui commence les chapitres
consacrés à la pathogénie des scléroses : « L'idée générale
qui se dégage des faits précédents est que, dans aucun or-
gane, le développement du tissu conjonctif n'est commandé
par les lésions des vaisseaux, puisque les lésions vasculaires
existent sans sclérose, et que, d'autre part, bien plus souvent
encore, les indurations chroniques évoluent sans la partici-
pation des vaisseaux nourriciers. »
Après de pareilles déclarations de principes (à mon sens
du reste trop absolus) ne sommes-nous pas excusables d'avoir
pensé que la discorde scientifique était non seulement appa-
rente, mais réelle.
Huchard nous cause le plaisir de nous dire qu'au fond il
est d'accord avec Letulle, Bard et Brault; qu'au fond, ils ont
simplement envisagé des cas différents; que tout le monde a
raison, chacun pour le chapitre qu'il a étudié; que ces faits,
en apparence contradictoires, visent uniquement des variétés
différentes. Soit, je ne demande pas mieux; et au fond,
c'est ma manière de voir, puisque j'ai combattu les exagé-
rations opposées des deux écoles. Je ne chicanerai pas
Huchard sur la proportion relative des cas que chacun admet
de son espèce : la part laissée par Huchard aux scléroses non
artérielles et la part laissée par Brault aux scléroses arté-
rielles serait peut-être un peu réduite et minuscule. Mais ce
serait de la chicane.
J'aime mieux admettre et vous enseigner nettement avec
la conviction nouvelle (et agréable) que je reste d'accord avec
Huchard : que dans la sclérose multiple disséminée il y a
souvent de l'artériosclérose; que cette artériosclérose est,
dans un certain nombre de cas, l'origine de quelques autres
scléroses, mais que souvent aussi cette artériosclérose, ou
n'existe pas, ou n'est pas le point de départ nécessaire des
autres foyers de sclérose.
Donc, comme toute maladie fréquente, vaste et compré-
hensive, la sclérose multiple disséminée, tout en gardant sa
'124 CLINIQUE NERVEUSE.
grande unité clinique et nosologique, a des variétés. Nous en
soulignons aujourd'hui deux espèces : variétés anatomo-
pathologiques, suivant que les artères jouent ou non un rôle;
variétés pathogéniques, suivant que l'altération est primitive
parenchymateuse ou directement interstitielle. Voilà les deux
points que je n'avais pas développés dans mes leçons du
trimestre dernier, qui justifient celles-ci en complétant les
premières.
Il ne me reste qu'un mot à ajouter pour montrer l'utilité
que cette notion de la sclérose multiple disséminée peut
avoir pour la thérapeutique et spécialement pour la théra-
peutique des maladies du système nerveux, puisque c'est
plus spécialement de ce chapitre que nous nous occupons.
Un exemple suffira à vous montrer tout de suite cette utilité
et ses limites : la question du traitement du tabès.
C'est là une grosse question que je viens d'étudier de près
pour le congrès de Moscou. Une enquête auprès de 80 mé-
decins français m'a fourni de grosses divergences : certains
ne voient guère que le traitement antisyphilitique; d'autres,
constatant l'insuccès trop fréquent de ce traitement, tombent
dans un scepticisme outré.
La notion de la sclérose multiple disséminée ne crée mal-
heureusement pas une thérapeutique nouvelle du tabès, mais
elle permet de mettre les choses au point : l'idée directrice
est l'idée de la multiplicité étiologique que nous substituons
à l'idée de parasyphilis. -
La syphilis joue un rôle étiologique ; mais ce rôle est
limité : elle n'est pas seule. Vous voyez donc le rôle du trai-
tement antisyphilitique : il luttera contre les progrès de la
maladie, contre certains éléments... Mais le traitement anti-
syphilitique n'agira pas comme pour une gomme ; il y a ici
d'autres éléments étiologiques. En l'absence de traitement
spécifique nous ne sommes cependant pas désarmés. Il y a le
traitement de l'arthritisme; eaux minérales; iodure.... Puis,
comme dans tous les cas où il n'y a pas de traitement spé-
cifique triomphant, il faut recourir au traitement de la lésion
et au traitement des symptômes et là se dégagent des indi-
cations puissantes : révulsion, suspension, Frenkel...
Voilà l'idée qui peut éclairer non seulement le tabès, mais
toute la neuropathologie.
Sans doute, cette notion de la sclérose multiple disséminée
OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE. 125
n'est pas une révolution en neuropathologie ; mais elle est
un utile complément de nos connaissances étiologiques et de
l'ensemble de nos connaissances cliniques sur les maladies
du système nerveux.
RECUEIL DE FAITS.
OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE
PENDANT TRENTE-HUIT ANS;
Par le D' D. BRUNET,
Directeur-médecin honoraire de l'Asile d'Evreux.
Sommaire. - Aphasie survenue chez un jeune homme de vingt-un
ans. - Description des symptômes par Trousseau (2° volume de la
Clinique médicale, 7e édition, p. 689). - Mort de pneumonie ci
cinquante-neuf ans. Foyer ancien de l'hémisphère cérébral
gauche. - Aucune modification symptomatique pendant la longue
durée de l'aphasie.
Le nommé Guénier (Henri-François), né à Parcé (Sarthe), le
2 avril 1837, célibataire, plaqueur, est entré à l'asile de Ville-
Evrard le 4G février 1874, et a été transféré à celui d'Evreux le
24 juillet 1875. Son observation est rapportée de la manière sui-
vante par Trousseau :
« Dans le courant du mois d'août 1863, une dame de province
amenait dans mon cabinet son fils, âgé de vingt-cinq ans. Quatre
ans auparavant, ce jeune homme avait été pris de mal de tête et
la céphalalgie avait duré plusieurs jours, quand tout à coup, un
matin, il dit à sa mère : Ah ! je me sens quelque chose d'extraor-
dinaire. Ce furent ses dernières paroles; le bras et la jambe du
côté droit s'engourdirent, et après quelques heures l'hémiplégie
fut complète. Au bout de quelque temps les mouvements commen-
cèrent à se rétablir dans la jambe, puis dans le bras, et lorsqu'il
vint chez moi, ce jeune homme marchait encore avec difficulté et
ne pouvait se servir de sa main que pour des usages extrêmement
grossiers. Mais l'aphasie, qui avait été complète dès le premier
jour, ne s'était jamais modifiée. Il n'avait au service de son intelli-
120 RECUEIL DE FAITS.
gence que deux mots : Non, maman. « Comment vous appelez-
vous ? Maman. »
« Quel âge avez-vous ? - Maman, non. »
Et toujours ainsi. Il comprenait pourtant qu'il ne répondait pas
comme il l'aurait dû faire. Il s'était appris à écrire de la main
gauche, mais il n'avait jamais pu que signer son nom : Guénier
(Henri).
Il l'écrivit très lisiblement sur une feuille de papier que je lui
présentai. « Puisque vous écrivez votre nom, lui dis-je, prononcez
" Guénier ». Il fit quelques efforts et dit « Maman ». - Dites
«Henri ». Il reprit « non, maman ».-Eh bien ! écrivez « maman».
Il écrivit « Guénier». Ecrivez «non ». Il écrivit encore « Guénier ».
Quelque instance que j'y misse, je ne pus obtenir rien de plus.
La mère me raconta qu'il jouait assez bien aux dames et aux
cartes. Il était naguère grand amateur de lecture et souvent il
prenait des livres qu'il paraissait lire aveè intelligence; mais sa
mère avait remarqué qu'après quelques minutes, il laissait le livre
comme s'il n'y trouvait aucun intérêt, pourtant on avait soin de
ne mettre entre ses mains que des écrits faciles à comprendre et
en même temps amusants. Je dois dire que sa figure exprimait
l'intelligence, comme celle de la plupart des aphasiques; mais
comme sa santé était parfaite, qu'il n'avait pas de maux de tête et
que sa vue était excellente, il fallait bien qu'il y eût quelque
trouble dans son intelligence, pour qu'il ne trouvât pas de
charme à une lecture qui, autrefois, l'eût beaucoup intéressé. »
Le 5 décembre 1896, le nommé Guénier est pris de pleuropneu-
monie à laquelle il succombe au bout de six jours.
L'aphasie dont il était atteint et qui a été si bien décrite par
Trousseau n'a subi aucune modification pendant trente-quatre ans,
du moment où elle a été décrite par ce professeur jusqu'à celui de
sa mort, et elle paraît également être restée stationnaire les
quatre premières années.
Pendant seize ans nous l'avons examiné sous ce rapport avec
beaucoup de soin. Il ne pouvait prononcer d'une manière dis-
tincte que les deux mots : « Non, maman », ni écrire que son
nom : « Henri Guénier». Quand on lui demandait d'écrire oui,
papa, soupe, ou autres mots très simples, il assemblait des lettres
qui n'avaient aucun sens, le plus souvent « mes, ma». Les deux seuls
mots, oulre son nom, qu'il parvenait presque à écrire étaient ceux
de « François » et de « Brouette ». Pour François il écrivait
« Fraien, Francis », pour brouette « broutive ».
Il était incapable de copier autre chose que son nom, ne lisait
aucun livre, aucun journal. Il jouait quelquefois aux dames ou
aux dominos avec des malades de sa division, mais jouait très mal.
L'intelligence était affaiblie, il avait des idées enfantines, riait
souvent d'un air niais quand on l'interrogeait, mais elle ne l'était
OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE. 127
pas beaucoup. Il comprenait bien tout ce qu'on lui demandait,
faisait immédiatement tout ce qu'on lui commandait. Comme il ne
pouvait prononcer le mot oui, il répondait affirmativement par un
signe de tête.
Le membre supérieur et le membre inférieur droits étaient para-
lysés ; il ne pouvait presque pas se servir de sa main droite qui
pendait le long de son corps quand elle n'était pas soutenue par
l'autre main; elle était rouge, un peu tuméfiée parce que le sang
circulait mal. Il boitait assez fortement de la jambe, marchait en
fauchant. Les membres paralysés étaient raides, légèrement con-
tracturés, leurs réflexes étaient exagérés. On constatait une légère
flexion de l'avant-bras sur le bras, des doigts dans la paume de la
main, surtout du petit doigt de l'annulaire et du médius.
Il n'y avait pas de paralysie de la face ni de la langue. La sensi-
bilité était normale et il n'y avait pas de troubles des organes
sensoriels.
Il s'habillait, mangeait, écrivait de sa main gauche. Il était
propre dans sa tenue, travaillait au jardin, à la basse-cour. Il ne
perdait pas un moment. Il nettoyait les allées, ramasssait les
branches d'arbres qu'on avait taillés pour les porter dans un
endroit qu'on lui avait désigné, coupait de l'herbe pour les lapins,
des choux pour les porcs et se livrait à divers autres petits tra-
vaux. Il était très calme mais un peu irritable, se mettait facilement
en colère. Il changeait difficilement ses habitudos et s'emportait
quand on le contrariait. Sa taille très élevée avait 1 in, 72. Les fonc-
tions nutritives s'accomplissaient très bien; il n'était jamais malade.
En résumé le nommé Guénier était atteint d'hémiplégie droite
avec léger affaiblissement de l'intelligence, aphasie motrice,
agraphie et cécité verbale.
Autopsie, trente heures après la mort.
128 RECUEIL DE FAITS.
citrin. La partie postérieure de la plèvre viscérale droite est recou-
verte à sa partie moyenne de fausses membranes blanchâtres fibri-
neuses. Le poumon droit est hépatisé dans ses deux tiers infé-
rieurs. La face interne de la base de l'aorte est légèrement
athéromateuse. Dégénérescence athéromateuse des artères de
l'encéphale.
Hémisphère cérébral gauche. - Toutes les circonvolutions de cet
hémisphère sont atrophiées, diminuées de volume. Sa longueur prise
à sa face externe est de 0ra,18 tandis que celle du droit est de On,,20.
On constate sur cet hémisphère un ancien foyer qui est très
vaste, s'étendant en longueur de la troisième occipitale à la troi-
sième frontale, en largeur de la troisième temporale aux circon-
volutions ascendantes et à la parietale inférieure. Au niveau de ce
foyer, l'arachnoïde cérébrale et la pie-mère sont épaissies, opales-
centes, déprimées, adhérentes au moyen de tractus d'aspect
gélatino-fibreux à de la substance blanche. La première et la
deuxième temporale, le pli courbe, les circonvolutions du lobule
de l'insula ont été complètement détruites.
Quand les membranes viscérales du cerveau ont été enlevées au
niveau de ce foyer on voit que celui-ci est beaucoup plus étendu
qu'il ne paraissait l'être avant cet enlèvement. Il s'enfonce en effet
profondément dans la substance blanche sous la troisième et a
deuxième frontale et les circonvolutions ascendantes.
L'avant-mur, la capsule externe, la capsule interne sont détruits
et il ne reste plus qu'une lamelle très mince du noyau intra-ventri-
culaire du corps strié. Cette lamelle est blanchâtre à sa partie
moyenne, demi-transparente et contient à ses deux extrémités
seulement une couche très mince de substance grise.
La troisième temporale est légèrement ramollie ainsi que
l'extrémité antérieure de l'hippocampe.
L'extrémité antérieure de la troisième frontale est très atrophiée,
a moitié moins d'épaisseur que celle de l'hémisphère cérébral
droit, est augmentée de consistance. La partie inférieure des cir-
convolutions ascendantes, la pariétale inférieure sont aussi très
atrophiées mais un peu moins que la troisième frontale. Le foyer
aune longueur de 11 centimètres et une largeur maximum de 6
qui se trouve à l'origine de la scissure de Sylvius. Il va en se rétré-
cissant plus en avant qu'en arrière où il a encore Om,04. La subs-
tance blanche du cerveau qui limite ce foyer est légèrement indu-
rée. L'hémisphère cérébral droit, le cervelet, la protubérance, le
bulbe ne présentent pas de lésions macroscopiques.
Ce qui me paraît intéressant dans cette observation, c'est
le début de l'aphasie à vingt-un ans par un vaste foyer de
l'hémisphère cérébral gauche, sa longue durée, trente-huit
OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE. 129
ans, l'absence d'aucune modification symptomatique depuis
l'âge de vingt-cinq ans, auquel elle a été si bien décrite par
Trousseau jusqu'au moment de sa mort survenue àcinquanle-
huit ans, et probablement aussi depuis .son début à vingt-un
ans.
Quelques auteurs- admettent avec Broca que lorsque les
parties- des circonvolutions cérébrales gauches qui président
à la faculté du langage ont été détruites par un foyer de
ramollissement ou d'hémorragie , les parties correspon-
dantes de l'hémisphère droit peuvent suppléer à la perte de
substance de l'hémisphère gauche, surtout si cette suppléance
est aidée par une éducation nouvelle. Cette suppléance pour-
rait produire sinon une guérison complète, au moins une
très grande amélioration.
L'observation de Guenier que nous venons de rapporter est
peu favorable à la suppléance de l'hémisphère gauche par
l'hémisphère droit. Le jeune âge, vingt-un ans, auquel a
débuté l'aphasie, la longue durée de la maladie paraissaient
deux conditions très favorables pour déterminer cette sur-'
pléance qui cependant a été complètement nulle.
L'aphasie de cet individu n'a subi aucune modification,
aucune amélioration malgré sa longue durée et le jeune âge
du début de la maladie.
Nous croyons qu'il est plus rationnel d'admettre que
l'amélioration de l'aphasie produite par un foyer est due il
la cicatrisation plus ou moins complète de ce foyer, à la
disparition des troubles ischémiques ou hypérémiques qui
ont été la cause productive de ce loyer. Quant à la guérison
complète elle ne peut exister que lorsqu'elle est due unique-
ment à de simples troubles circulatoires.
Dans celle observation il ne paraissait pas y avoir de
surdité verbale, bien que la première et la deuxième tempo-
rales où on localise habituellement les images auditives
fussent complètement détruites.
Archives, 2e série, t. IV. 9
130 RECUEIL DE FAITS.
VOMISSEMENTS INCOERCIBLES DE LA GROSSESSE.
TENTATIVES INFRUCTUEUSES D'AVORTEMENT.
GUÉRISON PAR SUGGESTION DES VOMISSEMENTS
ET TERMINAISON DE LA GROSSESSE;
Par le Dr F. TERRIEN,
' Ancien interne des Asiles de la Seine.
Contre les vomissements incoercibles de la grossesse, la
thérapeutique est le plus souvent impuissante. Toutes les pré-
parations antiémétiques, les cautérisations du col, les dilata-
tions du col restent sans effet. Il faut alors songer, et cela plus
tôt que plus tard, ainsi qu'en concluait dans une récente dis-
cussion à l'Académie de médecine, à pratiquer l'avortement.
Auparavant il est cependant utile d'employer la suggestion,
cette médication psychique qu'on oublie trop souvent dans la
pratique journalière et qui pourtant donne de si merveilleux
résultats. L'observation qui va suivre nous en fournira un bel
exemple. On y verra une jeune femme enceinte de deux mois.
arrivée à la période de cachexie par suite d'un défaut complet
d'alimentation chez laquelle on essaiera de pratiquer l'avorte-
ment ; l'avortement tardant à se produire, on fera croire à la
malade qu'elle est débarrassée de son germe, et aussitôt elle
cessera de vomir, recouvrira ses forces, et accouchera au bout
de neuf mois d'un bel enfant bien constitué.
lI ? X... vingt-six ans, d'un tempérament nerveux, sans stig-
mates cependant d'hystérie. Hérédité névropathiquelchargée, tant
du côté paternel que maternel. Ses antécédents personnels sont à
peu près nuls. Santé jusque-là très florissante. On nous raconte
cependant qu'à l'âge de treize ans la malade a présenté de l'anes-
thésie de la moitié du corps. Après six semaines de grossesse,
Mme X... fut prise de vomissements qui rapidement prennent un
caractère de gravité exceptionnelle; la malade ne peut absolument
rien supporter, l'estomac rejette aussitôt le liquide, à peine est-il
absorbé. Aussi la faiblesse est-elle grande. Bientôt lllme X... ne peut
plus quitter le lit. L'amaigrissementapparait, la figure est émaciée,
les membres sont flasques, le poulsestpetit, presque filiforme, d'une
fréquence extrême 130 à 140 à la minute. Insommie complète.
Evanouissements fréquents quand on essaie de relever la malade
VOMISSEMENTS INCOERCIBLES DE LA GROSSESSE. '131
dans son lit ou de la changer de position. Malgré les lavements
nutritifs que l'on donne et qui semblent pourtant assez bien con-
servés, la faiblesse augmente et la malade arrive à la période de
cachexie, sans albumine cependant et sans température qui oscille
entre 36 et 37, le plus souvent 36°, par conséquent atteint à peine
la normale. En présence d'une situation aussi grave et qui, en rai-
son de la marche rapide des accidents, menaçait la vie du sujet à
bref délai, nous décidons l'avortement, avec deux de nos confrères
de la Roche-sur-Yon, les Drs Blé et Genbert. '
Avec toutes les précautions antiseptiques commandées dans la
circonstance, nous introduisons une sonde à demeure dans la
matrice ! Nous choisissons une sonde d'un petit calibre, l'ouverture
du col étant très petite (la malade est une primipare). Le lende-
main aucune contraction, aucune douleur. Le deuxième jour, le
troisième, pas de changements. Le quatrième jour devant cette
inertie complète de l'utérus, et craignant qu'un séjour trop pro-
longé de la sonde ne déterminât des accidents, nous jugeons pru-
dent de la retirer, pour employer un autre procédé plus efficace et
surtout plus rapide, car il fallait se hâter, c'était presque un cadavre
que nous avions devant nous; pâleur extrême, maigreur extrême,
une respiration excessivement rapide et le pouls atteignant 140
à 145.
En retirant la sonde, nous songeons à utiliser la suggestion,
sans espérer, il faut bien l'avouer, grand résultat, ne croyant pas
qu'un accident purement nerveux, purement hystérique, puisse en
si peu de temps débiliter à ce point un malade.
Nous faisons croire à Mme X... que le germe suivait la sonde;
quelques mucosités épaisses que nous arrachons avec des pinces du
fond du vagin et que nous lui montrons n'étaient que des débris de
ce germe et que maintenant ses vomissements allaient aussitôt
cesser, la grossesse n'existant plus. La suggestion était facile à
faire dans la circonstance. Lime X... se rendant parfaitement
compte (et c'est pour cela qu'elle avait accepté si aisément les
manoeuvres abortives) que la grossesse était la seule cause de ses
vomissements, et qu'ils devraient cesser avec elle.
Aussi la physionomie de la malade change-t-elle aussitôt, la
joie anime cette figure tout à l'heure inerte et sans expression.
Nous lui faisons prendre un bouillon léger, et nous quittons un
instant Lime X... en l'assurant à nouveau de la guérison. Une heure
après nous retrouvons 11111° X... qui était heureuse d'avoir con-
servé son potage et qui nous exprimait sa satisfaction d'être déli-
vrée et guérie.
La nuit fut assez bonne. Pas de vomissements et un peu de som-
meil. Le lendemain la malade a de l'appétit et peut prendre 1 litre
de bouillon. Elle demandait du porc que nous croyons prudent de
lui refuser. Tous les jours la situation allait en s'améliorant et
132 RECUEIL DE FAITS.
dix jours après, la malade se levait et faisait quelques pas dans sa
chambre. Puis la grossesse continua son cours. Il n'y eut pas un
seul vomissement depuis le moment où fut employée la sugges-
tion. Un mois et demi après, on commençait à percevoir les bruits,
foetaux et l\1me X... accouchait il y a trois jours d'un enfant bien
constitué.
Cette observation offre des particularités intéressantes.
C'est d'abord la facilité avec laquelle un utérus accepte pendant
plus de trois jours une sonde, sans que le contact de ce corps
étranger produise la plus légère contraction, la plus légère
douleur, aussi avons-nous été obligés de renoncer à ce procédé
d'avortement. Mais le fait les plus remarquable, c'est le rôle
si efficace, si immédiat qu'a joué la suggestion car il est im-
possible d'attribuer à une autre cause la suppression des vomis-
sements, et la guérison de la malade. - On ne peut faire
intervenir ici la dilatation du col, la sonde étant d'un très petit
calibre, je l'ai dit plus haut. C'est donc bien la suggestion, la
suggestion seule, qui a opéré cette transformation qui s'est
manifestée aussitôt que notre malade a eu l'assurance qu'on
avait supprimé par l'avortement la cause de ses vomissements.
Je ne voudrais pas conclure certes de ce cas que les vomisse-
ments incoercibles de la grossesse sont toujours de nature
hystérique et que la suggestion doit toujours les faire cesser,
mais j'ai voulu montrer par cet exemple que cette médication
psychique doit toujours être essayée avant de procédera l'avor-
tement, quand bien même, comme c'était le cas chez notre
malade, on ne constaterait aucun stigmate d'hystérie.
Et si chez Mme X... nous avions réussi dans notre première
manoeuvre abortive, nous n'aurions pas eu le plaisir de pré-
senter aujourd'hui à cette jeune mère un bel enfant qui fait
sa joie.
Je puis ajouter pourtant que nous n'avons songé employer
la suggestion que faute de mieux, uniquement parce que nous
n'avions pas sous la main d'instruments pour amener rapide-
ment l'avortement et que du reste nous trouvions la malade
tellement épuisée, que nous redoutions une issue fatale, au
cours d'une intervention chirurgicale. Il est certain, et nous
étions mes deux confrères et moi du même avis, que M ? X...
sans une intervention rapide mourrait d'accidents qui cependant
n'étaient pas de nature hystérique. Elle ne présentait pas, je
l'ai dit, de température ni d'albumine, mais un mois aupara-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 133
vant je perdais une femme de vomissements incoercibles de
la grossesse, qui le matin seulement du jour où elle mourait vit
ses urines devenir albumineuses et la fièvre s'élever de 37 à41,
l'ascension de la température s'était faite dans les vingt-
quatre heures antrainant avec elle le délire, le coma, puis la
mort. Qui sait si en utilisant la suggestion chez cette femme
qui s'est refusée jusqu'au dernier jour à l'avortement, on
n'aurait pas pu la sauver ? Et je me demande, si, chez A4 ? X...
qui fait le sujet de cette observation, les choses ne se seraient
pas passées d'une façon identique. Tout me porte à le croire,
car la- maladie des deux femmes revêtait une forme absolu-
ment semblable.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
1. Sur L\ folie POST-OPLR.\TOWE; par J. Christian Simpson (The
Journal of Mental Science. Janvier l8rJi.)
M. Simpson rapporte d'abord l'observation d'une femme elle
laquelle on a vu apparaître la folie trois semaines après une
laparotomie; à l'occasion de ce fait, il a rassemblé et étudié ses
observations. Sur vingt-six causes de folie post-opératoire, après
avoir exclu les cas d'opérations portant sur le crâne ainsi que ceux
dans lesquels on pouvait invoquer d'autres cas de folie que l'opéra-
tion elle-même, et il donne dans le présent travail le résultat de
cette étude ainsi limitée.
Sur ces vingt-six cas, dix-sept ont été des cas de manie, dont
deux seulement se sont développés après ,1 deuxième semaine :
l'âte moyen des malades était de quarante-sept ans : il y avait
neuf femmes et huit hommes. Une des femmes est morte.
Sur les neuf autres cas, il y en avait quatre de mélancolie, un de
paralysie générale à forme dépressive, et quatre de démence :
l'auteur en fait deux groupes, l'un composé des cas de mélancolie
et du cas de paralysie générale, l'autre formé par les cas de démence
Dans le premier groupe les symptômes mentaux ont fait leur
apparition plus de quinze jours après l'opération; l'âge moyen
était de quaraute et un ans : il y avait trois hommes et deux
femmes : un homme et une femme sont morts. Le groupe des
déments comprenait quatre hommes et quatre femmes'avec une
134 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
moyenne d'âge de soixante-sept ans : un des hommes est mort.
Cette moyenne d'âge supérieure parait suffisante pour différencier
l'état, plus commun, de dépression de l'état de démence; car
tandis que, dans le premier de ces états, la dissolution mentale, à
la fois plus lente dans son développement et moins grave, est
apparue à un âge inférieur à celui de la dissolution plus rapide
et plus complète de la manie, dans la démence au contraire, qui
comporte le maximum de dissolution mentale, les malades étaient
vingt ans plus âgés que les maniaques, ils étaient probablement
en état plus avancé de dégénérescence, et par conséquent plus
accessibles aux influences physiques ou nerveuses auxquelles ils se
sont trouvés soumis. H. de Musgrave CLAY.
II. Sur l'auto-infection mentale; par Il. KORNFELD. (The Journal
of Mental Science. Janvier 1897.)
Si l'on admet que toule modification psychique éveille ou
implique un état corporel particulier, il en découle naturellement
que, à toute anomalie psychique correspond une anomalie soma-
lique. Il est surabondamment démontré qu'une violente colère
peut déterminer un trouble hépatique ou cardiaque. Aussi l'auteur
attache-t-il une grande importance au degré, à la durée, et aux
intervalles des troubles mentaux. Le monologue d'Hamlet met en
relief les causes variables qui peuvent conduire un homme à la
perte de sa raison. On peut imaginer un cas où la colère serait
remplacée par une maladie physique, ou bien on peut considérer
les effets de l'alcool agissant en tant que poison. L'ictère peut être
causé par une alimentation nuisible ou par la colère, et l'une ou
l'autre de ces deux causes agira à la manière d'un toxique. Il est
certain qu'un homme pout être enivré par l'orgueil tout comme il
peut devenir fou à force de méditer sur des injustices réelles ou
imaginaires. Les effets du poison dépendent des trois conditions
qui ont été indiquées plus haut.
Les conséquences les plus remarquables de ce que l'auteur
appelle l'auto-intoxication mentale se rencontrent chez les persé-
cutés. Lorsque la conviction d'une injustice subie est fixée dans
l'esprit, il n'est pas un malheur, pas un mince ennui qui ne soit
rapporté à cette injustice, et, d'une façon plus nette encore, à
l'auteur de cette injustice. Dès qu'un lien a été créé entre une
affection somatique et une anomalie mentale, les lois de l'associa-
tion entrent en jeu, et de nouvelles connexions, de nouveaux
rapports s'établissent, toujours dans le même sens. Les circons-
tances défavorables entraînant la dureté de la lutte pour la vie,
les déceptions sans motif apparent, une certaine tendance à la
sentimentalité, un peu d'étroitesse d'esprit se réunissent pour
empêcher la juste appréciation des injustices subies et des rapports
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 135
exacts de malheurs indubitables. L'action de ces facteurs est singu-
lièrement favorisée lorsque sous l'influence du désordre mental, il
vient à surgir quelque maladie somatique, lorsque par exemple la
colère e déterminé des désordres intestinaux aggravés par d'autres
causes, inconnues du malade. Il y a plus : si le trouble somatique
vient à prendre une allure périodique, le faux raisonnement qui
vient d'être décrit, en est notablement aggravé, et il s'établit un
véritable cercle vicieux : si enfin cette fâcheuse combinaison phy-
sique et mentale persiste, il en résulte un affaiblissement général
des facultés intellectuelles, si bien que le malade finit par devenir
radicalement incapable de rectifier la fausseté de ses jugements.
R. DE Musghave-Clay.
III. SUR l'accroissement DE la folie ET LE système DES PENSION-
NAIRES extérieurs; par J. BRESTER. (The Journal of Mental Science,
Avril 1896.)
On se préoccupe beaucoup en ce moment de l'accroissement de
la folie; l'auteur incline à penser que cet accroissement est pure-
ment fictif. On interne aujourd'hui beaucoup plus d'aliénés et
d'idiots qu'on en internait autrefois ; on en enferme beaucoup
plus dans certains pays que dans certains autres; ainsi en Angleterre,
la proportion des aliénés et idiots soignés dans les asiles est de
90 p. 100 tandis qu'elle n'est que de 30 p. 100 dans l'Allemagne
orientale : or les chiffres fournis par les asiles sont les seuls sur
lesquels la statistique puisse opérer, et d'après ce qui vient d'être
dit, il est clair que le relèvement de ces chiffres ne correspond pas
nécessairement à un relèvement parallèle du nombre des cas de
folie, et ce qui confirme encore cette manière de voir, c'est que
depuis quelques années, le chiffre maximum des internements étant
à peu près atteint, on ne constate plus dans le nombre des admis-
tions l'augmentation qui se produirait inévitablement si réellement
la folie augmentait de fréquence. L'auteur conclut que l'expérience
nous enseigne qu'il n'y a ni augmentation de la diffusion des
maladies mentales, ni accroissement de la tendance à la folie, ni
commencement de dégénérescence des races civilisées : on trouve-
rait plutôt dans cet accroissement seulement apparent un sens plus
juste de la vérité scientifique en ce qui touche les troubles psy-
chiques, et un progrès dans le traitement plus humain de l'huma-
nité souffrante, par conséquent un pas en avant dans la marche de
la civilisation.
L'auteur termine par quelques considérations sur le système des
pensionnaires extérieurs, ouplacement des aliénés dans les familles,
à l'instant de ce qui se passe à la colonie de Gheel : il insiste sur
les avantages de cette méthodes, tout en reconnaissant que les
malades qui peuvent être utilement soumis à ce traitement sont
136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
relativement peu nombreux, et en rappelant que ce système ne
doit jamais être employé dans un but d'économie, mais exclusive-
ment en vue de l'intérêt des malades. R. de Musgraves-clay.
IV. La signification DE la DOCTRINE DE Weismann EN M 1TILItE DE folie ;
par Georges R. WILSON. (The Journal of Mental Scienco. Octobre
1896. -
Dans la première partie de ce travail, M. Wilson expose des con-
sidérations de physiologie générale sur la doctrine de l'hérédité
telle que l'a conçue Weismann ; nous ne nous y arrêtons pas, l'hy-
pothèse de Weismann et les objections dont elle est passible étant
connues et nous examinerons ici la deuxième partie du mémoire,
qui est consacrée à des considérations de physiologie spéciale rela-
tives au développement de la folie. En laissant de côté le facteur
représenté par l'ambiance, on peut, au point de vue biologique,
diviser les facteurs organiques de la folie en trois classes : 1° arrêt
de développement ; 2° variation individuelle exagérée ; 3° régéné-
ration insuffisante.
1° Arrêt du développement cortical. Si l'on considère le développe-
ment des différents tissus, on voit que les organes embryonnaires
se forment par la superposition couche par couche de cellules en
voie de prolifération, et l'on peut concevoir une force initiale ou
un agent initial qui préside au développement de ces remarquables
activités cellulaires. Peu importe le nom que l'on donne à cette
forces il faut pour le développer avec une rapidité si bien ordonnée
qne le germe-plasme possède une activité moléculaire unique et
caractéristique. Weismann reconnaît que cette activité réside dans
les cellules elles-mêmes. Cette force de développement qui déter-
mine le mode et l'activité de la multiplication cellulaire varie sui-
vant les espèces, suivant les individus, suivant les tissus. L'arrêt
survenu dans un organe atteste une insuffisance dans l'activité ini-
tiale de l'oeuf. D'autre part l'arrêt de développement d'un organe
implique une insuffisance numérique des éléments cellulaires, par
défaut de prolifération. Mais l'arrêt de développement que nous
savons être l'un des facteurs de la folie n'est pas, en ce qui touche
les cellules, d'ordre qualificatif. Le développement cortical, et par
suite son arrêt, sont de nature spéciale : vers la quatrième semaine
de la vie intra-utérine les éléments cellulaires sont numériquement
au complet, et désormais ils ne s'accroîtront plus que par augmen-
tation de volume. Donc le développement cortical s'opère dans des
conditions différentes de celles qui régissent les autres tissus, et le
dédoublement cellulaire n'y peut représenter, comme dans les
autres tissus, le maximum de l'activité cellulaire, puisqu'il n'y
existe plus, ni normalement ni anormalement, dans la vie extra-
utérine. Naturellement l'arrêt du développement cortical est de
ItEVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137
nature unique spéciale, comme le développement lui-même : il
n'est pas dû à une diminution du nombre des éléments corticaux,
mais bien, comme Bevan Lewis l'a montré pour l'idiotie épilep-
lique, et comme il est légitime de l'induire pour diverses autres
formes de folie, à une insuffisance des connexions cellulaires et des
processus de relation des cellules entre elles.
2° Variation exagérée. - L'auteur emploie ce mot pour ramener
le sujet au point de vue biologique. Cette variation exagérée se
traduit par la prédominance, par l'hypertrophie d'une fonction ou
d'une faculté, allant jusqu'à empiéter sur les autres fonctions et les
usurper. Le mécanisme physiologique et pathologique, en ce cas,
découle du mécanisme décrit pour l'arrêt. La base de cette hyper-
trophie d'un organe mental doit être cherchée dans une spéciali-
sation différentielle des cellules individuelles : ici encore l'excès de
développement ne compte aucune prolifération cellulaire.
3° Régéné¡'ation insuffisante. - Répétons une fois de plus que les
conditions de la régénération corticale ne sont pas les mêmes que
celles des autres tissus. Dans les zones corticales l'influence tro-
phique des impulsions nerveuses devient suprême. Et si l'on objecte
qu'il n'y a là qu'une différence de degré, l'auteur répond qu'elle est
assez grande pour équivaloir à une différence de nature. Dans les
tissus organiques autres que le tissu nerveux, la régénération des
cellules épuisées, ou mieux dégénérées, s'accomplit par multiplica-
tion cellulaire, et à cet égard, la régénération de fonction se
rapproche sensiblement de la régénération des parties détruites.
Mais sauf dans des conditions tout à fait extraordinaires (observation
de Voit, dans Landois et Stirling) la régénération ne se produit
pas dans l'écorce cérébrale détruite. La récupération de fonction,
après un épuisement peu grave, se fait par un métabolisme anabo-
lique graduel dans les conditions ordinaires de nutrition. Mais
Foster fait remarquer que les impulsions nerveuses qui portent sur
les cellules constituent l'agent principal qui déterminent ce méta-
bolisme. La première condition de l'activité d'une cellule corticale
c'est la réception par cette cellule d'une succession constante de
stimulations modérées venant des cellules voisines. Si abondam-
ment qu'un centre puisse être être baigné par un sang pur, la con-
dition premitère de son métabolisme, soit anabolique, soit katabo-
lique, réside dans ses relations avec d'autres centres. Et, suivant
l'auteur, les connexions trophiques des centres supérieurs ne suivent
pas un plan aussi simple que dans les, niveaux inférieurs du sys-
tème nerveux : il est probable que, dans une certaine mesure,
chaque centre cortical est trophique pour tous les autres centres.
La récupération de la fonction corticale consécutive il une dégéné-
rescence permanente ne se réalise pas, comme dans les autres
tissus, par prolifération cellulaire, mais par l'établissement de con-
nexions corticales nouvelles. Pour atteindre ce résultat, la plasti-
138 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
cité des cellules est de première importance, ou, en d'autres
termes, leur accessibilité aux stimulations. Et quand la régénéra-
tion est imparfaite, c'est que les cellules sont devenues incapables
ou de recevoir la stimulation trophique ou de contracter de nou-
velles relations fonctionnelles.
L'auteur conclut en disant que leproblème qu'il s'est efforcé d'ex-
poser en termes physiologiques est évidemment fort obscur, et
n'est susceptible d'aucune démonstration physique : on ne peut
guère espérer non plus le résoudre par l'expérimentation, et le
raisonnement logique est la seule voie par laquelle on puisse
actuellement l'aborder. Il a essayé de donner les raisons qui per-
mettent de penser que les relations qui existent entre l'écorce céré-
brale et le germe, si elles existent, sont différentes de celles qui
existent entre le germe et les autres lissus du corps. De la compa-
raison des conditions physiologiques résulte l'idée toute naturelle
(et tout ce qui parait naturel n'est pas nécessairement inexact) que
s'il est possible que les autres tissus du corps fournissent au
germe une part contributive spécifique, celle que fournit l'écorce
est probablement de nature purement dynamique à moins qu'elle
ne soit nulle. Enfin M. Wilson insiste sur l'importance, dans l'évo-
lution de l'individu, d'un facteur que Darwin, Spencer et Weismann
ont mentionné, sans s'y arrêter suffisamment, et que beaucoup
d'autres auteurs passent entièrement sous silence, c'est l'évolution
du milieu ambiant. R. DE MusGRAYE-CLAY.
V. UN cas DE stupeur mentale prolongée terminé par guérison; par
A. E. PATTERSON. (The Journal of mental Science, janvier 1897.)
Il a à noter dans cette observation intéressante plusieurs points
remarquables : d'abord de très fréquentes rechutes à début brusque
alors que la maladie paraissait évoluer favorablement; une rigi-
dité musculaire très marquée des membres et du corps en général ;
la netteté singulière de la mémoire, pendant la convalescence, à
l'égard des événements qui sont survenus au moment où la stu-
peur paraissait absolument complète, et même des faits anté-
rieurs à l'entrée à l'asile; enfin la guérison finale complète après
trois ans et demi de maladie. R. DE11USGRAVE-CLAY.
VI. UN cas DE stupeur mentale : guérison après une durée de
six ANS; par n. D. 110TBHIiIS. (The Journal of mental Science, juillet
- 1896.)
Au point de vue du diagnostic, l'auteur établit qu'il s'agit là
d'un cas de stupeur mélancolique : tous les faits observés le
démontrent, sauf deux pourtant, la conservation du sommeil et
l'âge, plus. avancé que celui où l'on observe d'ordinaire cette
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139
forme mentale. La guérison fut obtenue au bout de six ans. Ce
fait est en opposition avec la théorie du Dr Wiglesworth qui fait
de la mélancolie avec stupeur une lésion primitivement inflamma-
toire des cellules nerveuses. R. DE MUSGRAVE CLAY.
VII. UN cas DE FOLIE diabétique; GUÉRISON immédiate DÈS la DISPA-
RITION du sucre; par IEITH CAMPBELL. (The Journal of Mental
Science, juillet 1896.)
Chez la malade dont il s'agit le diabète était probablement
d'origine hépatique ; l'aspect delà malade, les signes d'arthritisme
les troubles biliaires, l'impuissance du régime viennent à l'appui
de cette origine. Ce qui caractérisait surtout les symptômes men-
taux, c'était leur caractère mélancolique accentué, la fixité et
l'extraordinaire puissance des illusions qui se rattachaient sur-
tout à la forme hypocondriaque : il y avait en même temps une
obstination profonde et sournoise, et un refus absolu de s'alimenter.
Le point le plus remarquable de l'observation c'est l'exacte
simultanéité de la disparition du sucre et de la guérison des
troubles mentaux. Cette dernière a été si brusque et si complète
qu'il est impossible de voir là une simple coincidence, d'autant
plus que le sucre ayant un instant reparu dans les urines
quelque temps après, cette réapparition fut elle-même précédée
d'un léger retour offensif des perturbations mentales. Ce fait vient
confirmer la probabilité de l'existence d'une folie diabétique à
type distinct, caractérisée' par de la mélancolie ovec délire hypo-
condriaque et idées de soupçon et de persécution.
R. DE MUSGRAVE CLAY.
VIII. La FOLIE dans LES PRISONS locales D'ANGLETERRE (1894-1895);
par John BAKER. (The Journal of Mental Science, avril 1896.)
On a dans ces derniers temps accusé l'emprisonnement de favoriser
le développement de la folie, et l'on a fourni des chiffres qui seraient
en effet fort inquiétants s'ils étaient exacts. L'auteur, qui est méde-
cin d'une prison, conteste d'abord la première assertion, puis il
rectifie les chiffres : il indique, et les preuves qu'il donne sont, il
faut le reconnaître, indiscutables, l'erreur de statistique par
laquelle on est arrivé à trouver une proportion de 273 cas d'alié-
nation mentale pour 10 000 prisonniers, alors que la proportion
réelle est de 38, 9 p. 10 000. R. M.-C.
IX. Sur la fatigue mentale ET sa réparation; par W.-H.-R. RIVERS.
(The Journal of Mental Science, juillet 1896.)
11. Rivers poursuit dans ce travail l'étude et la propagation des
méthodes ingénieuses de psycho-physiologie employées par le
'140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
professeur Kræpelin dans son laboratoire de Heidelberg. On ne
peut décrire ici en détail les procédés forcément minutieux aux-
quels le professeur a recours pour mesurer la fatigue, en se met-
tant à l'abri de toutes les causes d'erreur physiques ou mentales :
il faudrait surtout reproduire les graphiques psycho-physiologiques.
La conclusion la plus importante qui se dégage de cette très inté-
ressante étude c'est qu'un repos complet d'une demi-heure est
absolument insuffisant pour neutraliser la fatigue provoquée par
un travail mental de la même durée ; et que, même après un repos
d'une heure, les effets de la fatigue ne sont pas complètement éli-
minés.. R. de i\IUSGlt.IVE-CL9Y.
X. Un cas DE FOLIE DEUx; par..... (Occidental Médical Time,
, novembre 189b.)
Cas d'un homme de soixante ans entré à l'asile en même temps
que sa femme. Ils présentaient des idées délirantes identiques, la
femme surtout était anxieuse, très hallucinée parlait de criminels
qui avaient tué ses enfants, crevé les yeux de son mari.
Des renseignements pris on sut que l'homme avait été quelque
temps auparavant attaqué par des malfaiteurs et grièvement blessé
à l'oeil gauche. Il fut conduit à l'hôpital et n'en sortit guéri qu'au
bout de trois mois. Quand il rentra chez lui, sa femme qui avait
été très impressionnée de l'accident présentait un état mélancolique
avec idées de persécution, hallucination, frayeurs nocturnes. Le
mari qui depuis sa chute présentait une forte névralgie oculaire
ne put reprendre son travail, il resta chez lui et au bout d'un mois
présentait les mêmes idées délirantes que sa femme-
Au point de vue hérédité et antécédents personnels, rien de par-
ticulier à noter chez l'homme. La femme au contraire est une pré-
disposée, on l'a toujours connue très nerveuse, viulente, facilement
irritable.
Ce cas de folie à deux rentre, dit l'auteur, dans la forme appelée
par les auteurs français, « folie communiquée ».
Ici c'est l'élément le moins résistant qui joue le rôle actif et
communique son délire à l'élément plus résistant après une cer-
taine lutte de ce dernier. Le délire de la femme peut s'expliquer
ici par la prédisposition plus grande, chez l'homme par l'état d'af-
faiblissement dans lequel l'avait plongé son accident et la névralgie
persistante dont il souffrait. M. 1l.\ ! EL.
XL L'ÉPILEPTIQUE DANS -SES RAPPORTS AVEC LA SOCILTÉ. (1'/W relation
of the stute to the cpileptic) j par HUNT. (rVortlc-1V. Lancet, le,* jan-
vier 1897.)
L'auteur réclame que l'état prenne les épilepfiques sous sa tutelle
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 141
C'est à la fois une mesure de charité et de protection sociale, car
on diminuerait ainsi la classe des criminels. - -
On compte en moyenne deux épileptiques sur 1000 individus.
L'épilepsie est préparée par des causes héréditaires et mise en
jeu par des causes occasionnelles variées (maladies du cerveau,
traumatismes crâniens, intoxications). Quant à sa nature, elle
reste inconnue.
On admet que, loin de traduire une suractivité d'énergie ner-
veuse, elle résulterait d'une insuffisance du pouvoir d'inhibition.'
Aussi son traitement doit-il viser à diminuer les causes d'excitation
réflexe (diète, occupations, médicaments). Le petit mal est rebelle
au traitement et exige une surveillance continuelle. Le traitement
est d'autant moins efficace que l'épilepsie débute de meilleure
heure.
L'auteur fait voir ensuite les effets de l'épilepsie sur l'intelligence
et le moral des sujets. Chez l'épileptique toutes les facultés tendent
à une déchéance progressive. Il est rare de voir des enfants épi-
leptiques développer une intelligence normale. Il est vrai que
l'épilepsie peut coexister avec le génie (César, Napoléon, Molière,
Hrendel). L'épilepsie est une grande cause d'idiotie et de faiblesse
intellectuelle. L'épilepsie fournit de nombreux criminels. Quant au
traitement il est décourageant, surtout en ce qui concerne le petit
mal. C'est à peine si on obtient 5 p. 100 de guérisons.
L'auteur montre ensuite dans quelles conditions d'infériorité
l'épileptique se trouve placé vis-à-vis de sa famille et de la société :
partout rebuté, il se décourage et devient plus dangereux.
Les mariages d'épileptiques ont des conséquences funestes;
leurs descendants présentent de l'idiotie ou de la folie plus souvent
que de l'épilepsie.
Puis l'auteur en arrive aux mesures à prendre vis-à-vis des épi-
leptiques. Il importe que le public soit instruit de la nature du
mal, de la rareté de sa guérison, de sa tendance destructive, de ses
relations avec la folie et l'idiotie, afin de comprendre que la pro-
tection des épileptiques par l'état est une mesure économique
autant qu'humanitaire.
Plusieurs établissements existent déjà, organisés d'après les
plans de la colonie de Bielefedl (Westphalie). Cette colonie peut'
recevoir 1200 épileptiques, que l'on occupe à des travaux variés. Il
importe de créer des asiles spéciaux pour épileptiques. Le mélange
des épileptiques avec des arriérés ou des fous est funeste pour tous.'
Que l'Etat donne asile aux épileptiques dès leur enfance; cette
mesure aura pour effet d'éliminer de la société un élément de,
démoralisation, d'éviter une progéniture dangereuse et permettra
de les améliorer. Quelque coûteux que puisse être l'entretien de ces
sujets, l'Etat gagnera plus à s'en occuper qu'à les abandonner.
Il. BELTAY.
il ? ) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XII. UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE, FORME HYPOCONDRIAQUE, AVEC
symptômes tabétiques; par Henri MARCUS.
Le capitaine C.-R. L..., âgée de cinquante-quatre ans, souffrant
d'affection mentale depuis septembre 1895, mourut en février 1897
d'une attaque épileptiforme.
'M. L... contracta, il'y a quinze ans, un chancre qui fut considéré
comme n'étant pas syphilitique. Il n'offrit jamais de symptômes secon-
daires et aucun traitement ne fût suivi. Dix ans plus tard, M. L...
devint sourd, et depuis lors son humeur se trouve quelque peu dépri-
mée. L'affection mentale commença par une grande dépression
morale avec l'idée d'avoir commis du mal et des délires homicides
et suicides. Ces symptômes ayant persisté pendant une année envi-
ron sans symptômes organiques, la maladie fut longtemps envisagée
comme une mélancolie.
L'été de 1896, cependant, l'image de la maladie changea essen-
tiellement. Alors apparurent des idées hypocondriaques et néga-
tives absurdes. Il refusait de manger, alléguant que ses intestins
contenaient suffisamment de nourriture pour 1,400 hommes, et
qu'ils seraient par conséquent à jamais obstrués. A cette même
époque se présentèrent des symptômes organiques tels que l'ab-
sence des réflexes pupillaires et patellaires, l'ataxie, etc. Il fut alors
évident que l'affection mentale était un cas bien caractérisé du
type nommé par les auteurs forme hypocondriaque de la paralysie
générale. Aucune faiblesse de la mémoire, ni autre confusion de
l'intelligence, que les idées hypocondriaques absurdes et ambi-
tieuses, ne se présenté pendant le progrès de la maladie.
A l'autopsie, on constata une méningo-encéplialite et une ménin-
go-myélite avec des altérations endartériques considérées ordinai-
rementcomme syphilitiques. A l'examen pathologique macro et mi-
croscopique qui fut entrepris spécialement dans le but de déterminer
les altérations de la substance grise de l'encéphale par rapport aux
centres différents décrits par Flechsig dans son ouvrage Gehirn und
Seele, on trouve la localisation suivante du processus.
Dans le grand centre d'association frontal la destruction est
très marquée dans les circonvolutions frontales 1 et II des parties
antérieures de chaque hémisphère. La membrane est agglutinée à
la surface, la circonvolution est très rétrécie, la substance grise
est diminuée et irrégulière, un peu décolorée et gélatineuse. La
destruction des éléments nerveux est excessive, spécialement dans
la moitié extérieure. Les vaisseaux sont fortement agrandis, avec
parois très épaisses et d'un aspect hyalin. Un grand nombre de
cellules lymphoïdes se voient surtout autour des vaisseaux. Les
convolulions III ne sont que légèrement affectées.
Le centre d'association insulaire est fortement détruit à un degré
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 143
à peu près égal dans chaque hémisphère. On y trouve de petites
hémorragies.
Dans le grand centre d'association pariéto-occipito-temporal, on
constate des destructions graves dans sa convolution occipitale II
tant à droite qu'à gauche et dans la convolution pariétale infé-
rieure de gauche. Dans la sphère de la sensation somatique (Koper-
fülspllare) on ne rencontre que de petites destructions dans les
convolutions centrales. Altérations également peu considérables
dans les centres sensoriaux » (Sinnen-centra.)
Il est évident que l'étendue du processus accuse une grande
symétrie dans les deux hémisphères.
Dans la moelle épinière se voit une zone d'égale largeur au voi-
sinage immédiat de la membrane, où les éléments nerveux sont
détruits. Aucun neurone n'est spécialement affecté.
La localisation des altérations graves dans la substance corticale du
grand centre d'association frontal, etdes altérations minimales dans
le grand centre paricto-occipito-temporal, est en correspondance,
selon les explorations de Flechsig, avec les symptômes négatifs,
ambitieux, et l'absence de l'état de confusion. Ce cas, d'un autre
côté, ne correspond pas à la manière de voir de Flechsig, que l'état
hypocondriaque dépendrait spécialement des altérations dans la
région des sensations corporelles (Iürperfülilspliare), et que le
centre insulaire serait d'une grande importance pour la parole. Il
est toutefois naturellement impossible de tirer une conclusion d'un
seul cas. (Nordiskt J11edicins1ct A2,liis, 1897, Bd. VIII.)
XIII. La découverte DE l'aliénation mentale dans les prisons; par
J.-J. P1TC : 11RN. (The Journal of Mental- Science, janvier 1897.)
L'auteur, médecin de la prison de Ilolloway, qui correspond à
peu près à Londres à ce qu'est le Dépôt à Paris, explique le méca-
nisme administratif grâce auquel il est relativement facile diagnos-
tiquer l'aliénation mentale chez les individus incarcérés dans cette
prison. R. M. C.
XIV. LE déliré processif au POINT DE VUE NOSOLOGIQUE ET MÉDICO-
légal; par KoEPPEN. (Arclaiv. (¡il' Psychiatrie, t. XXVIII, liv. I, 1896.)
Conclusions : c'est à tort qu'on reproche aux médecins de con-
sidérer les processifs comme des aliénés, uniquement à cause de
la chicane; dans toutes les affaites connues, les experts ont tou-
jours basé leurs conclusions sur une série d'autres symptômes con-
comitants. Il faut éviter de se servir dans les expertises du mot
délire processif (querulantenwahnsinn) qui ne s'applique pas à
une entité clinique bien définie. Le délire processif se rencontre
le plus souvent dans la paranoïa chronique, il serait plus rare
dans la folie dégénérative, la démence sénile, la folie alcoolique.
144 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
La genèse des idées délirantes est celle qu'on rencontre surtout t
dans la folie raisonnante. Il faut s'attacher à montrer au tribunal
que les déductions des malades ont un faux point de départ et que
les erreurs incorrigibles sont devenues idées délirantes.
La tendance processive est un symptôme psychopathique qui
dans certaines circonstances peut devenir caractéristique d'une
époque et dominer chez un groupe d'individus. Le délire processif
peut présenter des rémissions et devenir dans certains cas curables.
LWOFF.
XIV. Cas montrant l'importance D'UN diagnostic précis dans LES
maladies mentales; par M. Daniel-H. ARTHUR. (Medico-legal
journal, mars 1895.)
Il s'agit d'un paralytique général mort'à l'asile et qui était entré
avec un certificat portant alcoolisme chronique.
Le malade appartenait à une société mutuelle de tempérance
qui devait verser 2000 dollars à la veuve, mais à condition que
l'homme aurait rempli ses engagements et n'aurait fait aucun
abus d'alcool. Un procès eut lieu ; mais l'expertise ayant démontré
que les prétendus symptômes étaient tous' imputables à la para-
lysie générale dont le malade était atteint depuis plusieurs mois
avant son entrée, l'argent fut versé à la veuve.
L'auteur termine par un aperçu sur la spméiologie de l'alcoo-
lisme chronique et de la paralysie générale. A. Marie.
XV. INVERSION sexuelle; par ELUS. (Medico-legal journal,
décembre 1896 1.)
. L'auteur a eu l'occasion d'étudier 33 cas d'invertis sexuels en
dehors de sa pratique médicale et des recensements officiels de
folie et ainsi à l'abri de tout soupçon de partialité. Il a pu noter
avec soin l'hérédité, l'état physique du sujet, le mode de dévelop-
pement du syndrome, les causes occasionnelles, la conduite morale
de l'inverti.
Au point de vue héréditaire, on a observé chez 10 d'entre eux des
cas d'inversion chez les ascendants. Un petit nombre avait une
hérédité assez chargée, telle qu'alcoolisme, neurasthénie, troubles
mentaux chez les ascendants direct ou collatéraux.
Dans la plupart des cas, il y avait prédisposition dès le jeune
âge. A. noter principalement la précocité sexuelle de ces invertis, à
l'âge où normalement les sexes ne sont pas complètement diffé-
renciés. Quant au mode de relations sexuelles, 3 retenus par des
considérations d'ordre moral n'ont jamais eu la moindre relation;
chez 7, les rapports vont rarement jusqu'au contact ; dans 2 ou
1 Voir dans le t. XIII, p. 255 du même journal, l'ass. de 32 cas.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 145
3 cas «fillatio » est le mode préféré ; chez les autres, plus de la moitié,
la péderastie active ou passive a été pratiquée. Six trouvaient une
satisfaction égale dans leurs rapports avec les deux sexes. Un petit
nombre de sujets seulement présentaient des marques notables de
féminisme et un faible développement des organes génitaux.
La plupart avaient des aptitudes artistiques développées.
Quant à la conduite morale des invertis, quelques-uns ont
essayé de lutter contre leur penchant qu'ils considéraient comme
morbide, mais la majorité était emphatique dans ses assertions,
considérait son penchant comme normal ; deux même regardaient
leur amour comme plus noble que l'amour ordinaire.
Que doit-on penser de l'inversion sexuelle ; l'auteur se range à
l'opinion de Moll et Krafft Ebing qui la considèrent comme une
anomalie congénitale et se sépare de Binet et Schrenk-Notzing
qui insistent sur l'élément acquis. On pourrait expliquer l'inver-
sion, dit-il, en se portant au mode de développement des sexes; les
sexes ne se différencient nettement qu'à la puberté etaprèscet âge
il reste encore des rudiments de l'autre sexe (exemple : mamelles
chez l'homme, etc.) ; chez les invertis cette ditférenciation serait
moins complète que chez les normaux. Il y a d'ailleurs tous les
degrés dans l'inversion et il faudrait se débarrasser de cette idée
préconçue, que l'inversion est un tempérament de femme dans un
corps d'homme, ou réciproquement); ce qui n'a pas plusdesens que
si on parlait d'une lumière verte vue à travers un verre rouge. Si
l'auteur considère l'inversion comme une anomalie congénitale, il
ne croit pas qu'il faille aller jusqu'à la faire rentrer dans le cadre
des états dégénératifs et la considérer comme le fait Magnan,
comme un syndrome épisodique.
Beaucoup d'invertis sont des gens absolument normaux qui
d'ailleurs n'ont jamais présenté aucun signe de dégénérescence.
Enfin si quelques-uns ont des tares héréditaires, chez beaucoup
d'autres invertis un signe de dégénérescence ne suffit pas pour
qu'on y voie un rapport avec leur anomalie sexuelle. Il faut égale-
ment considérer que chez un certain nombre l'éducation et les
circonstances jouent un rôle. Il y a un grand nombre d'individus
chez qui l'inversion existe probablement à l'état latent et ne s'est
pas développée parce que les circonstances ne s'y sont pas prêtées.
A. Marie.
Archives, 2e série, t. IV. 10
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
I. Sur les anomalies des circonvolutions cérébrales ; par S. Mickle.
(B1'ilish Médical Journal, 28 sept. 1896.)
La note, lue par l'auteur à la section de psychologie de la
soixante-troisième réunion annuelle de la Brilish association,
étudie les anomalies des replis et scissures corticales au point de
vue de leurs rapports avec l'état de dégénérescence héréditaire.
Pour établir netlement leur valeur en tant que stigmates phy-
siques et substractions des stigmates psychiques, il importerait
tout d'abord de rectifier la description du cerveau dit normal et
d'établir le type schématique des circonvolutions et scissures de la
substance corticale en dehors de l'état pathologique. L'auteur dé-
nonce d'ailleurs la description actuelle du cerveau normal comme
défectueuse à ce point de vue. A. M.
II. SY31TOU1TOLOG1E des lésions (tumeurs ET abcès) intéressant la
RÉGION préfrontale du cerveau; par WILLIASON. (111'ain, été et
automne 1896.)
Cette symptomatologie moins bien définie que celle des lésions
des autres régions cérébrales donnerait d'après Bianchi les conclu-
sions suivantes : 1° Le lobe préfrontal contient les centres moteurs
des yeux et de la tête du côté opposé et celui de l'attention. 2° Il
est le centre des fonctions psychiques supérieures, sa destruction
entraînant la perte de l'activité psychique. 3° Il serait le centre
moteur des muscles du dos et son haut développement est en
relation beaucoup plus avec la station debout et celni de la mus-
culature dorsale qu'avec l'intellect. Bianchi critique lui-même ces
dernières propositions, pour lui ce lobe serait le siège de la coordi-
nation des produits reçus ou fournis par les diverses zones sensitivo-
motrices du cortex, et opère la synthèse de ce qu'on appelle le
tonus psychique individuel. L'auteur décrit 4 cas de lésions de ce
lobe.
1° Femme, vingt-trois ans. Après un mois de céphalag-ie frontale,
perte de connaissance de nature syncopale, suivie de parésie
droite qui s'amende rapidement. Sensibilité intacte, réflexes nor-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '147
maux à l'exception de réflexe patellaire qui manque absolument
jusqu'à la fin. Torpeur intellectuelle et somnolence persistante, pas
de réponse aux questions, mais parfois réponses spontanées. Après
deux mois coma et mort. A l'autopsie : à gauche dans le lobe
préfrontal, sarcome ovoïde de 2 pouces sur 1 1/4 parallèle à la F2
et inclus dans la substance blanche ; à droite, môme région, deux
petits sarcomes sous la F' et F2 et deux autres plus petits sous la F2.
Intégrité absolue de toutes les autres régions.
2° Homme, dix-neuf ans, après une influenza mal de tête occipito-
frontal persistant intense. Hébétude et somnolence progressives.
Successivement, incapacité de travail et rélégation au lit. Aspect
stupide, yeux et bouche entr'ouverts, inertie, connaissane conservée
réponses exactes aux questions posées. Pas d'autre paralysie
qu'une impossibilité transitoire de tourner les yeux à gauche. Mort
dans le coma au bout de deux mois. Autopsie : abcès dans la subs-
tance blanche du lobe préfrontal n'atteignant ni l'écorce ni les
noyaux gris.
3° Homme trente-six ans, constipation, torpeur et oblusion
intellectuelle, plus tard manie transitoire, enfin douleur de
tête atroces, gémissements et cris insolites, attaques épilepti-
formes fréquentes suivies de coma, jamais de paralysie, marasme
progressif; carphologie, coma et mort au bout d'un mois. Autopsie :
tumeur de la dure-mère comprimant la pointe du lobe frontal
droit sans destruction des tissus, odème très étendu autour du
point déprimé. Le reste du cerveau sain.
4° Jeune homme. Quelques attaques convulsives puis crises de
sommeil profond et durant trois jours de suite. Ensuite successive-
ment, bégaiement, lapsus, paraphasie, impossibilité de se tenir
sur ses jambes, torpeur intellectuelle, douleurs dans le cou ; dévia-
tion de la tête et des yeux à gauche avec contracture; réflexes
patellaire augmentés. Pas de paralysie. Autopsie : invasion de tout
le lobe frontal gauche par une tumeur qui comprime la face in-
terne du même lobe du côté opposé, mais n'atteint pas la région
des noyaux, tout le reste de l'encéphale indemne.
5° Homme, dix-sept ans, attaques épileptiformes depuis cinq ans
avec aura du bras gauche. Ensuite successivement : douleurs occi-
pito-frontales, état vertigineux, photophobie, somnolence, intelli-
gence conservée mais lente, parole traînante. La vue d'un objet
blanc ou très éclairé provoque de vives douleurs frontales, l'arésie
faciale gauche et affaiblissement des membres du même côté,
langue non déviée ; réflexe patellaire nul ; démarche chancelante.
Névrite optique double. Autopsie : tumeur sphéroïde de pouces 1 /2
dans le lobe frontal droit afleurant aux F' et F, facile a enucléer.
Le reste du cerveau sain.
L'analyse détaillée de 50 cas analogues, dont4 abcès et46 tumeurs
de diverses natures (22 à gauche, 17 à droite, 11 des deux côtés),
148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
donne comme symptômes : 1° mal à la tête le plus souvent fron-
tal et fréquemment occipiLQ-frontal, avec ou sans hyperalgésie il
la percussion frontale ou de toute la tête ; 2° névrite optique
simple ou double et presque toujours inégalement développée;
3° anosmie seulement quand le nerf olfactif est intéressé par la
lésion ; 4° parésie ou paralysie (face, bras, jambe) presque toujours
légères et tardives dues à l'extension de la tumeur ou de son in-
fluence atrophique à la zone motrice ; 5° convulsions fréquentes
mais de natures et d'intensité variables ; G° réflexe patellaire tan-
tôt accru, tantôt normal, souvent absent; 7° incoordination rela-
tivement rare ; 8° exophtalmie rare ; 9° anesthésie absolument
nulle; 10° enfin mentalité : habituellement torpeur intellectuelle,
déchéance mentale, perte de l'attention de la mémoire et de toute
initiative, somnolence, état semi-comateux (64 p. 100); quelque-
fois satisfaction (12 p. 100) plus rarement violence (10 p. 100). Les
attaques de coma surtout à la fin sont la règle.
Si le diagnostic des tumeurs et lésions massives du lobe préfrontal
est difficile parmi les tumeurs cérébrales en général, il l'est
surtout d'avec les tumeurs du cervelet, les symptômes communs
entre ces deux ordres de lésions sont nombreux ce qui s'explique
aisément parles connexions spéciales et importantes qui relient ces
deux régions en apparence éloignées. Cependant les phénomènes
moteurs sont également plus accusés et les phénomènes mentaux
moins profonds dans les tumeurs cérébelleuses. Quelques signes
secondaires tels que hyperalgésie frontale, tuméfaction frontale,
exophtalmie quoique rares décideront s'ils apparaissent de la
lésion préfrontale. Enfin l'opportunité opératoire est difficile à
déterminer, elle est pourtant quelquefois réelle. Sur ces 50 cas, 11 i
opérations dont 4 abcès et 7 tumeurs ont donné 2 succès.
F. BOISSIER.
III. Trois cas DE NÏ30PLASIES avec formation DE cavités dans la
moelle ; par W. TOURNER. (Drain, parts LXXIV et LXXV.)
1. - Homme 18 ans, pas d'antécédents pathologiques, affaiblis-
sement progressif jusqu'à paralysie complète avec atrophie des
épaules et des bras. Sueurs profuses, membres postérieurs atteints
ultérieurement, mais sans atrophie ; réactions électriques conservées.
Difficulté dans la miction et la déglutition ; fourmillements et dou-
leurs dans les membres. Dissociation des sensibilités à la tempé-
rature, au tact et à la douleur sur le thorax et les membres supé-
rieurs seulement. Simple hyperesthésie aux membres inférieurs.
Sens musculaire conservé. Proéminence des dernières épines cer-
vicales et des premières dorsales. Décès après deux ans de maladie,
à l'autopsie : tumeurs gliomateuses symétriques des deux côtés
intéressant les cornes et les colonnes postérieures avec cavités au
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149
centre de chaque tumeur sans communication avec le canal cen-
tral, cavités dues vraisemblablement à des hémorrhagies sur cer-
tains points et sur d'autres à la dégénérescence myxomateuse.
II. Homme 23 ans, pas d'antécédents, paralysie presque com-
plète avec atrophie des bras; parésie et rigidité desjambes. Sueurs
profuses de la face et des bras. Douleurs vives et hyperalgésie dans
la région supérieure du rachis, perte graduelle de la sensibilité
autour du thorax : d'abord, thermo-anesthésie, ensuite analgésie,
enfin, anesthésie totale. Mort après un an de maladie, à l'autopsie :
neuroâlyome ganglionnaire intéressant les colonnes et les cornes
postérieures des deux côtés dans la partie supérieure de la moelle
étendu de la deuxième paire cervicale à la première dorsale. For-
mation de cavités au centre de la tumeur', sans épithélium et sans
communication avec l'épendyme, et dues à des foyers de ramollis-
sement résorbés.
III. - Homme, 25 ans. Traumatisme ancien. Hémiparésie
droite, sans alrophie, analgésie et thermo-anesthésie du nez
et des oreilles. Perte de toutes les sensibilités du côté droit sauf à
la face. Sueurs profuses du côté droit. Dissociation en plaques de
la sensibilité à la température et au contact à gauche. Rachis cer-
vical convexe àdroite. Mort après quatre ans de maladie à l'autopsie :
tumeurs avec formation de cavités sans épithélium ni communi-
cation épendymaire dans la moelle intéressant les deux colonnes
postérieures et la corne postérieure gauche. Dégénérescence mar-
quée du faisceau pyramidal croisé et du faisceau antérolatéral des-
cendant gauches. Ces cas montrent que les altérations de la syrin-
gomyélie peuvent produire des désordres de la sensibilité selon
deux modes : 1° en entravant la pénétration des sensations par une
ou plusieurs racines postérieures (troubles segmentaires); 2° en
rompant la continuité des trajets conducteurs médullaires, ce qui
abolit aussi la sensibilité au-dessous de la lésion. Ils montrent encore
que les points d'élection de ces tumeurs cavitaires sont les zones
radiculaires postérieures et les parties adjacentes des colonnes
postéro-médianes et aussi la substance gélatineuse de Rolando avec
les parties voisines de la corne postérieure. (Voir les expériences sur
le tubercule de Rolando et les faits cliniques qui ont montré d'une
part la dissociation des sensibilités, et d'autre part la lésion des
racines postérieures seules coïncidant avec des altérations de la
sensibilité thermique seule; in Etain parts LXX et LXXI.) Mais de
tous ces faits il ressort qu'il est aussi difficile de déterminer l'exis-
tence de fibres périphériques et d'organes terminaux dstincts pour
chaque forme de la sensibilité cutanée, que de déterminer pour
chacune de ces formes des trajets médullaires et des centres corti-
caux distincts. - F. Boissier.
150 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
IV. Contribution A la pathologie DE l'épilepsie. Deux cas avec EX-
CISION ET examen d'une portion de L'ÉCORCE; par COLLINS. (Bl'ain,
été et automne 1896.)
Les mots * coopération pour l'épilepsie » ne signifient rien en
raison de l'extrême variété des interventions chirurgicales tentées
contre cette affection depuis la trépanation pure et simple jusqu'à
l'ablation de la dure-mère ou d'une portion de substance cérébrale,
ou jusqu'aux interventions portant sur des régions périphériques
éloignées, sources réflexes des attaques. Le discrédit actuel de ce dé-
partement de la chirurgie tient à l'abus que l'on a fait au début
d'opérations intempestives, insuffisantes ou sans indications for-
melles et aux déboires ultérieurs amenés par des résultats heureux
illusoires prématurément enregistrés. Pour l'auteur il y aurait
mieux à espérer si on n'opérait que sur indications précises et
complètes et en agissant totalement, c'est-à-dire en enlevant la
dure-mère et l'écorce après avoir taillé un vaste lambeau osseux.
Ces indications sont à vrai dire peu fréquentes mais elles se ren-
contrent aussi bien dans l'épilepsie idiopathique que dans l'épi-
lepsie jacksonnienne. Dans celle-ci elles sont déterminées par la
certitude de l'irritation d'un point toujours le même de la zone
motrice, l'opération doit alors enlever non seulement l'aire sus-
pecte, mais encore une assez large surface autour d'elle. Bile
devra être faite le plus tôt possible après la première attaque de
spasme localisé. Pour l'épilepsie idiopathique, l'indication est pré-
cise si au début de la maladie un spasme localisé constituait à lui
seul toute l'attaque et si dans la suite la crise a toujours com-
mencé par ce môme spasme.
Observation 1.- Homme, vingt ans. Traumatisme à la tête dans
l'enfance, bonne santé habituelle jusqu'à dix-neuf ans. A ce moment
première crise, sensation de secousse électrique dans l'index et le
pouce droit, puis contractions de la main suivies de perte de con-
naissance et morsure de la langue. Répétition fréquente de ces
mêmes attaques dans la suite, toujours suivies de somnolence et
d'abattement. Opération deux mois après la première crise : en
deux temps : 1° section du lambeau osseux et détermination des
centres du pouce et de l'index; 2° huit jours après excision des
méninges et de 4 centimètres sur 1 centimètre et demi d'écorce.
Deux mois après, apparition d'une attaque de petit mal non
suivie d'autres crises. Quatorze mois après l'opération et un an
après cette dernière attaque état très satisfaisant et pas d'autres
troubles post-opératoires que faiblesse relative du bras droit,
légère ataxie de la main et diminution du sens musculaire dans
ce bras; le travail a été repris, le malade écrit de la main gauche.
Le bromure utile pour achever de réduire au calme les cellules
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 151
voisines du foyer a été prescrit à doses moyennes pendant la con-
valescence. Examen de la pièce : foyer de méningo-encéphalite
chronique probablement dû au traumatisme ancien. Epaississe-
ment oblitérant des vaisseaux capillaires de nouvelle formation
à dégénérescence hyaline, dégénération lente des cellules gan-
glionnaires, hyperplasie névroglique, petits espaces ramollis
entre les deux substances.
Observation II. - Femme trente ans, épilepsie idiopathique;
depuis six ans crampes dans la jambe gauche plus tard accompa-
gnées de perte de connaissance, morsure de la langue et écume à
la bouche. Détermination du centre de la jambe. excision d'un
morceau de cerveau de 4 centimètres sur 2. Suites opératoires
habituelles, pas d'attaques depuis plusieurs mois sans que le temps
écoulé permette encore d'affirmer définitivement le succès.
Examen de la pièce : raréfaction des grandes cellules pyrami-
dales, atrophie des cellules restantes, hémorragies punctiformes.
Conclusions : il y a des altérations dans lastructure des portions exci-
sées dans ces cas d'épilepsie. Pourquoi donc se refuserait-on à
enlever ces tissus quand on les diagnostique altérés. Le champ des
opérations dans l'épilepsie doit donc être rétréci mais non pas
abandonné. ' F. LtoISSIEft.
V. Effets DE la DÉGÉNÉRESCENCE ascendante sur LES nerfs MIXTES,
SUR LES CELLULES NERVEUSES DES GANGLIONS, SUR LES RACINES POS-
TÉRIEURES ET SUR LA CORNE ANTÉRIEURE DE LA MOELLE. (The effect of
ascending degeneratio7z on the mixed neuves, on the nerve cells of
the ganglia, on the posterior nerue roots, and the anterior cornue of
the cord); par Robert Fleming. (Edinblargh médical journal, jan-
vier, février, mars 1897.)
Fleming consacre une importante étude critique et expérimen-
tale à cette question d'histologie du système nerveux, qui suscite
actuellement tant de travaux et de recherches.
Dans la première partie de son travail, l'auteur étudie les effets
produits par la dégénérescence ascendante sur les nerfs eux-
mêmes, il donne d'abord un historique détaillé des travaux con-
sacrés à l'étude de la dégénérescence ascendante, recherches de
Déjerine et Mayor (1873), de Hayem et Gilbert (1884) sur les nerfs
et la moelle des amputés, travaux de Vanlair (1891), Krause (1886),
Marie (1892), Marinesco (1892). Ce dernier observe qu'après une
amputation, les fibres nerveuses sont plus nombreuses. Les résul-
tats des différents auteurs sont loin de concorder. Un fait bien '
établi, c'est que la dégénérescence ainsi produite est bien diffé-
rente de la dégénérescence wallérienne. Mais les lésions produites
et décrites par les expérimentateurs résultent souvent d'un pro-
152 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
cessus inflammatoire et non dégénératif. L'inflammation amène
une dégénération avec exsudation de leucocytes en plus. La
moindre infection peut produire une névrite traumatique, qui va
donner lieu à une dégénération ascendante, pouvant atteindre les
ganglions et même la moelle. Aussi pour se mettre à l'abri de
l'inflammation, doit-on recourir à une antisepsie minutieuse. Dans
ses expériences l'auteur s'est servi d'eau bouillie.
L'examen des nerfs lui a donné les résultats suivants : les nerfs
contiennent des fibres fines et des fibres grosses ; les premières
sont les plus altérées. Les fibres fines sont remplacées par du tissu
conjonctif; mais la dégénérescence ne les atteint pas dans toute
leur longueur. Les libres plus grosses ne subissent qu'une simple
atrophie. La myéline est plus altérée que les cylindraxes.
Dans la seconde partie de son travail, Fleming étudie les effets
de la dégénérescence ascendante sur les cellules ganglionnaires,
les racines postérieures et la corne antérieure. C'est aux altérations
des ganglions postérieurs qu'il consacre le plus d'intérêt. Il décrit
d'abord les caractères de la cellule ganglionnaire normale, tels
qu'ils sont connus par les travaux les plus récents (Nisst). Cette cel-
lule, chez les vertébrés supérieurs, est unipolaire. Son prolonge-
ment cylindraxile se divise en deux fibres, l'une qui descend dans
le nerf, l'autre qui va à la moelle. Son noyau est formé d'un
réseau de chromatine et renfermé dans une capsule propre. Son
protoplasma est formé de deux substances, l'une chromatique,
l'autre achromatique, de réactions différentes. Les alcalis dissol-
vent la première tandis que la pepsine additionnée de HCI dissout la
seconde et laisse intacte la première.
Dans ses expériences l'auteur a eu recours à la section du nerf
sciatique ou à sa ligature. Ses examens ont porté sur les racines et
les ganglions de la région lombaire, ainsi que sur les portions de
la moelle correspondante. Fleming décrit ses résultats avec détails
et les résume dans ces conclusions :
Les altérations des cellules ganglionnaires (ganglions des racines
postérieures), consécutives à une section nerveuse, surviennent du
quatrième au septième jour, bien avant que les cellules multipo-
laires de la moelle ne soient altérées. L'un des premierschangements
observés est une diminution du noyau ; parfois les nucléoles dimi-
nuent etdavienuentexcentriques. Les éléments chromatiques de ces
cellules subissent des changements dans leurs dimensions et leur
position. Leurs granulations se groupent autour du noyau et s'ag-
glomèrent parfois en masses. Les espaces lymphatiques péri-cellu-
laires s'élargissent. Fleming admet une grande différence entre les
cellules ganglionnaires et les cellules multipolaires de la moelle.
P. RELLAY.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 153
VI. Une HETÉROTOPIE DE la moelle artificielle; par J. COLINS
(Neuralog. Central. Ch. XIV, 1895).
Il s'agit d'une moelle empruntée à un malade atteint de sclèro'e
latérale amyotrophique typique, préparée avec les soins habituels,
notamment par suspension dans la liqueur de Millier. On constate
des modifications artificielles en question limitées au 8e segment
dorsal ; elles sont imputables, d'après l'auteur, à une contusion de
la moelle post mortem. P. K.
VII. Note SUR la THÉORIE DE Weigert relativement A la STRUCTURE
delà névroglie; par W. FORD HOBERTSON. (The Journal of Mental
Science. Janvier 1897.)
On sait que Weigert, à l'aide de méthodes de coloration nou-
velles, a récemment proposé une théorie nouvelle de la structure
intime de la névroglie. M. Robertson combat l'opinion de Weigert
en se basant sur les travaux de Bevan Lewis et de Golgi, et il
résume, en terminant, les objections à la théorie de Weigert que
M. Pellizzi a tout récemment formulée en Italie dans un travail
sur la structure de granulation de l'épendyme. L'auteur italien
a constaté que dans les préparations de granulations de l'épen-
dyme colorées par la méthode de Weigert, le protoplosma des
cellules hypertrophiées de la névroglie est teinté en jaune et par
conséquent facile à distinguer. Les fibres sont très épaissies, sur-
tout à l'une de leurs extrémités qui peut ou se bifurquer, ou
former une expansion membraneuse qui prend une coloration
un peu moins intense que celle de la fibre. Les extrémités remar-
quablement épaissies des fibres paraissent être souvent placées
contre une cellule de la névroglie. Il soutient que ce n'est pas une
raison parce qu'avec cette méthode on ne peut pas reconnaître de
connexions directes entre les fibres et la cellule, pour que cette
connexion n'existe pas. Il serait tout juste aussi rationnel de nier
l'existence du protoplasma de'la cellule de névroglie en donnant
pour raison qu'on ne le voit pas. M. Pellizzi souhaiterait qu'on, ne
tirât pas de conclusions semblables des apparences obtenues à l'aide
d'une seule méthode ; il ajoute que lorsqu'on emploie plusieurs
méthodes différentes, il devient parfaitement évident que la struc-
ture vraie de la névroglie est telle que Golgi l'a décrite.
R. DE Musgrave CLAY.
VIII. UN cas DE tumeur du cerveau; par Ii'L8TCI ! 1\ B8.\CU. (The Jour-
nal of Mental Science. Juillet 1896.)
Garçon de six ans, né à terme, mais au forceps, présentant un
mois après la naissance sur la tête une grosseur du volume d'une
z
154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
noix qui fut ponctionnée deux fois et donna issue à un peu de
liquide. A deux ans une voiture passe sur lui; la grosseur aug-
mente de volume ; ponctionnée de nouveau elle donne encore un
liquide clair. Après l'accident, il reste six heures =ans connaissance
et revient à lui avec une paralysie du bras droit qui est devenue
définitive, ensuite il a eu des attaques, et son caractère s'est modifié
(alternatives bruyantes et moro,es). Père mort phtisique, para-
lysie dans la famille : trois enfants morts jeunes de bronchite; des
deux autres qui vivent encore, l'un a une affection de la moelle
l'autre est bien portant. La tumeur du crâne est bilobée volumi-
neui-e, lisse et globuleuse ; elle donne au toucher une résistance
élastique et parait contenir du liquide : elle est recouverte par les
cheveux. Par sa base, elle fait corps avec le crâne, sauf en .un
point correspondant au bord de l'os frontal, à gauche, où il existe
une dépression molle. Démarche gauche et faible, roideur de la
jambe droite et pied bot. Parésie du bras droit, chute du poignet
doigts fléchis pouce replié. Parole lente, mais normale ; cependant
il oublie parfois ce qu'il allait dire. Pouls normal. Capacité men-
tale très faible. Crises épileptiques fréquentes .- Mémoire insuf-
fisante. La répétition des crises épileptiques amena le marasme et
la mort. A l'autopsie, la tumeur avait cessé d'être bilobée et ne
formait plus qu'une masse unique : elle était adhérente au cuir che-
velu et contenait une matière d'un rouge brun et de consistance
caséeuse. Elle adhérait aussi au crâne, par une suhstance blan-
châtre d'une dureté presque cartilagineuse et communiquait en
avant avec le cerveau parmi orifice de la table osseuse de la gran-
deur d'une pièce de deux francs, mais de forme ovale. La surface
convexe du crâne portait des dépressions correspondant à la
forme de la tumeur. Le cerveau n'a malheureusement pas été
examiné. R. DE MUsGRAVE CLAY.
IX. Sur L\ pathologie DE la lactescence, DE l'épaississement ET DE
l'opacité de la pie-mère ET de l'arachnoïde chez les aliénés, par
W.-F. Robertson. (The Journal of Mental Science, octobre 1895.)
L'auteur se propose de passer sous silence les altérations macros-
copiques de la pie-mère et de l'arachnoïde, qui sont suffisamment
connues et de restreindre son étude aux lésions microscopiques ;
puis il passe en revue les diverses opinions émises au sujet de la
lactescence et de l'épaississement de ces membranes, dont il résume
la description anatomique : il constate que. leur histologie a été
étudiée presque exclusivement à l'aide de coupes transversales, qui
ne démontrent que peu ou mal la disposition des espaces lympha-
.tiques : il considère comme indispensables les coupes horizontales
ou obliques, et sur tout les coupes horizontales superficielles au de sur-
face. indique d'abord les dispositions anatomiques que révèlentees
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155
coupes à l'état normal, puis celles que l'on rencontre dans l'état
de lactescence et d'opacité des membranes : les altérations anato-
miques, dans ces cas, sont caractérisées par des phénomènes de
prolifération dans le tissu connectif et les éléments endothéliaux,
et aussi, ce qui est plus caractéristique encore, par des lésions de
dégénérescence portant surtout sur les cellules endothéliales. -
L'infiltration des petites cellules arrondies fait presque toujours
entièrement défaut, même dans les cas avancés. - La plupart des
altérations observées dans le= enveloppes du cerveau chez les alié-
nés paraissent devoir être attribuées en grande partie à des ano-
malies de nutrition : elles diffèrent sensiblement de celles qui
caractérisent l'inflammation à laquelle elles ne semblent pas pou-
voir être attribuées. R. de AIUSGRAVE CUY.
X. D'un système de fibres intermédiaires, occupant le' cordon la-
TÉRAL DANS LES PYRAMIDES; par W. DE BECFITEREN. (AMt'00.
Centralbl., XIV, 1895.)
L'auteur rappelle son travail antérieur (voy. Archives de Neuro-
logie, ch. XXIII. p, 397.) confirmé, dit-il, par Biedl, d'après lequel
le faisceau pyramidal des cordons latéraux n'appartient pas exclu-
sivement au grand trajet musculo-motuur entrecroisé. Ce faisceau
latéro-pyramfdal contient aussi des fibres non entrecroisées, centri-
fuges également, qui descender non du ceiveau, mais du cervelet,
par le pédoncule cérébelleux inférieur. En d'autres termes le fais-
ceau de Bield serait le sien. ' P. K.
XI. UN cas DE paralysie DU nerf récurrent gauche DUE A UN ANÉ-
vrisme de l'aorte. (Occidental Médical Times, janvier 1897.)
Cas d'un anévrisme de la crosse chez un homme de quarante
ans. Pas d'antécédents personnels. Il présentait comme symptôme
principal une aphonie complète, avec douleur persistante au côté
droit. Le traitemeut ioduré calma les douleurs mais l'aphonie a
persisté. M. Havel.
XII. UN C1S DE carie cervicale, intéressant LE bord gauche DU TROU
occipital ET DU CONDYLE occipital, la surface articulaire SUP13-
RIEURE gauche DE l'atlas ET l'apophyse odontoïde de l'axis ; par
C. Hetheiungton. (The Journal of Mental Science. Janvier 1897.)
Homme de trente-trois ans, en état de démence : bonne santé
générale sauf des troubles gastriques : jusqu'à huit jours avant la
mort on avait constaté chez ce malade qu'une rigidité des muscles
trapèzes : son état mental ne lui permettait de donner aucun ren-
156 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
seignement. - Le 2 août, douleur vive à la partie postérieure du
cou. Le 1CI septembre : aggravation de cette douleur; déglutition
des liquides très difficile : fièvre, inflammation et gonflement de
la partie postérieure du cou : perte des fonctions de la jambe et du
bras gauches. Le 2 septembre : marasme ; mort. Le litre même de
l'observation résume les résultats de l'autopsie.
- R. DE SIUSGRAVE CLAY.
XIII. SUR la signification DES déformation palatines chez LES
idiots; par`Valter Cl ! AN : \I"G. (The Journal of Mental Science. Jan-
vier 1897.)
Les conclusions de ce mémoire sont les suivantes : 1° Dans les
deux cinquièmes des cas les idiots ont un palais suffisamment bien
conformé. 2° Il peut y avoir des déformations palatines chez les
sujets normaux. 3° Chez les idiots, la différence est une question
de degré et non de nature. 4° Dans un cas comme dans l'autre, il
s'agit d'un développement anatomique irrégulier. 5° Le palais des
idiots et celui de la moyenne des enfants normaux, ne parais-
sent pas différer sensiblement, au-dessous de huit ans, au moins
dans la majorité des cas. 6° Il n'existe aucune conformation spé-
ciale du palais qui soit propre à l'idiotie. 7° L'assertion suivant
laquelle le palais en V ou toute autre forme particulière de palais
constituraient un a stigmate de dégénérescence » reste tout entière
à prouver R. de MUSGRAVE CLAY.
1V.);SSAIS d'excitation électrique des régions du cerveau, président
aux mouvements du tronc ET DE la nuque chez le chien; par
Werker. (Allg. Zeitzcher. f. psychiatrie, t. LII, f. 1er, p. 134-166,
avec 4 figures.)
Depuis les travaux de Hitzig et de Fritsch, la plupart des centres
moteurs ont été topographiquement délimités sur l'écorce céré-
brale. Les centres des muscles du tronc et de la nuque n'ont pas
encore été localisés d'une façon précise ; on les a cherchés aussi
bien dans le lobe frontal que dans le lobe pariétal. Certains expé-
rimentateurs ont dénié au lobe frontal toute excitabilité électrique.
Ferrier cependant y a placé les centres en question ainsi que le
centre des mouvements des yeux, tous les autres centres restant
bien en arrière dos précédents. Les expériences d'extirpation et
d'excitation par l'électricité de ces régions ont donné des résultats
incertains et contradictoires. L'auteur a fait des expériences dans
le but d'élucider cette question ; il a cherché où étaient situés les
centres des muscles du tronc et de la nuque chez le chien, et s'il
existait dans le lobe frontal un centre spécial pour les mouvements
des yeux.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 157
Pour IIitzig le lobe frontal est complètement inexcitable; pour
Ferrier, au contraire, il n'est pas de point de l'écorce qui ne soit
le siège d'un centre. Mais les recherches de Ferrier ne peuvent
entraîner la conviction au point de vue de l'excitabilité du lobe
frontal et au point de vue du siège des centres du tronc et de la
nuque. Il n'y a à retenir que son affirmation de l'existence d'un
centre des muscles des yeux dans le lobe frontal. Contre les idées
émises par Hitzig et Il. de Boyer, s'éleva Munk. Ce physiologiste
place le centre du tronc chez le chien, dans le lobe frontal ; le
centre de la nuque en est voisin. Munk se base sur des expériences
d'extirpation et d'excitation électrique. Beevor et Horsley, dans
leurs recherches sur le cerveau de singes, sont arrivés à des con-
clusions identiques à celles de Ferrier. Il faut citer encore les
travaux d'Unverricht, de ICuicl : . Ce dernier place , comme
Unverricht, le centre de la musculature du tronc sur le gyrus
sigmoïde postérieur enlre les centres des extrémités; il confirme
également le fait signalé par Unverricht, de l'absence pour ce
centre d'action croisée (action dérecte sur les muscles du même
côté). Les expériences de Kurick, faites dans le but de contrôler
celles de Munk (extirpation et excitation des régions corticales) ne
lui ont pas fait constater que les circonvolutions frontales prési-
dassent aux mouvements du tronc et de la nuque.
L'auteur a fait des expériences sur dix chiens âgés de six mois à
un an. Il s'est servi de l'appareil à chariot de Dubois-Reymond,
l'écorce cérébrale recouverte de la pie-mère a été excitée par des
courants induits. De ces recherches il tire les conclusions suivantes :
1° le chien possède deux centres pour les muscles de la nuque :
a) l'un dans le lobe frontal en avant de fissure présylvienne (centre
frontal de la nuque).
b) L'autre dans le lobe pariétal, sur l'extrémité du gyrus syg-
moïde postérieur, au-dessous du centre du membre antérieur
(centre pariétal de la nuque). L'excitation de ces deux centres
détermine un mouvement du museau qui est dirigé du côté du
centre excité ; 2° le centre de la musculature du tronc est situé sur
le girus sygmoïde postérieur entre les centres des extrémités, il
préside aux mouvements des muscles du même côté ; 3° il n'y a
pas de centre moteur des yeux dans le lobe frontal du chien;
4° la situation des centres en général varie suivant les individus
dans des limites restreintes. P. S.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
VIII. DE l'éducation motrice graduelle (Méthode de Fi-enhel) ET DE la
RÉVULSION GALVANIQUE DU RACHIS DANS LE TRAITEMENT DU TABES; par
le D'' Targowla.
La méthode de Frenkel qui consiste à réapprendre aux ataxiques
à faire les mouvements qu'ils ne peuvent ou ne savent plus exécu-
ter, a été appliquée par l'auteur dans 6 cas, dont il donne l'ob-
servation : dans tous les cas les symptômes ataxiques ont disparu
graduellement. M. Targowla insiste avec raison sur la nécessité de
tenir l'attention du malade en éveil pour surveiller les mouvements
non seulement pendant les séances, mais aussi dans l'intervalle des
séances.
En somme, dans les cas de tabes avec ataxie, le traitement par
l'éducation motrice est indiqué : on obtient toujours une amélio-
ration de la locomotion. Cette dernière, à son tour, peut, comme
le montrent les observations citées, modifier favorablement l'état
général, et c'est ainsi peut-être que peut s'expllquer l'amendement
parfois observé dans les douleurs fulgurantes.
La brosse galvauique a été recommandée par M. Witrowski con-
tre les troubles génilo-urimtires ; en effet, dans 3 des cas cités, une
amélioration durable de la miction a été obtenue, et dans un cas
le coit est redevenu possible, après une suppression de la fonction
pendant un an. (Revue neurologique, mai 1896.) E. B.
IX. Note sur LE traitement DE l'inversion sexuelle ; par le
Dr HAVELOCK ELLIS.
En Angleterre l'Ecole est un grand centre de développement de
l'inversion sexuelle et toute réforme préventive sera difficile tant
que les médecins ne seront que des instruments dans les mains de
corporations et d'individus qui sont décidés à tout sacrifier à ce
qui s'appelle l' « école » ou « la prospérité de l'école * mais qui
n'ont aucun souci de l'éducation et du bien-être de l'écolier. Quant
au traitement médical de l'inversion sexuelle, une fois qu'elle est
constituée, l'auteur cite tout d'abord le traitement institué par le
Dr von Schrenk-Notying. Ce dernier, en même temps qu'il soumet
ses malades à l'influence hypnotique, les envoie aussi très fréquem-
ment, et après d'abondantes libations d'alcool dans des maisons
publiques où d'habiles praticiennes s'exercent à ramener l'érection.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 159
Sans s'arrêter à la facile critique de ce mode de traitement peu
apte à relever dans l'esprit des invertis l'amour et le culte de la
femme, M. Ellis estime que chez tout inverti sexuel existe un état
neurasthénique qu'il faut d'abord traiter et guérir par une médi-
cation appropriée.
Lorsque l'état neurasthénique est amélioré ou a disparu, com-
mence le traitement de l'inversion sexuelle : c'est un traitement
bien difficile à effectuer, et dont les modes doivent varier avec
chaque cas en particulier.
Pour ramener l'excitation sexuelle dans sa voie normale, le con-
cours d'une femme honnête sera de beaucoup préférable à celui
d'une prostituée de bas étage qui ne pourra inspirer au malade déjà
bien mal disposé, que dégoût et répulsion. Mais là se rencontre un
échec : il faut se garder de croire trop vite à une guérison hâtive,
et de donner trop vite suite à des idées de mariage émises par le
malade : ce dernier, quelque guéri qu'il paraisse, rete sujet à des
rechutes qui, au lieu de faire un malheureux pourraient, en cas de
mariage, en faire deux et plus même, s'il y a des enfants à qui
pourrait être transmise la tare morale du père. La guérison de
l'inversion sexuelle reste une chose difficile à obtenir et à mainte-
nir ; aussi le meilleur résultat qu'il soit encore préférable de cher-
cher, d'après M. Ellis, c'est tout d'abord de réduire, par des
méthodes directes ou indirectes, l'hyperesthésie sexuelle, puis, par
les méthodes psychiques, d'épurer, de spiritualiser l'impulsion
vicieuse, si bien que la perversion naturelle de l'inverti ne puisse,
plus devenir une cause de perversité acquise pour d'autres. (The
alienist and neul'ologist, juillet 1896.) E. B.
X. Médication thyroïdienne dans la catalepsie; par le D G. RoGERS.
L'auteur a eu l'occasion d'observer deux cas intéressants, d'une
part par la longue durée des conditions cataleptiques, d'autre part
et surtout par les effets rapidement favorables de la médication
thyroïdienne, après échec complet des autres méthodes de traite-
ment. De l'étude de ces deux cas il tire les conclusions suivantes :
1° Les états caractérisés par l'inhibition de l'activité sensitive,
motrice et mentale, sans lésion organique importante, comme on
l'observe dans la catatonie, et dans certains types de folie et de
mélancolie avec stupeur, peuvent tirer un grand bénéfice de l'em-
ploi judicieux de la médicamentation thyroïdienne.
2° Les effets de la médication thyroïdienne à forte dose, ressem-
blent aux symptômes de la maladie de Graves : éruptions cuta-
nées, sueurs profuses fétides, sensation de chaleur et de soif, tachy-
cardie, absence de relations entre le nombre des pulsations, la
respiration et la température, etc.
160 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
3° Les résultats de la médication thyroïdienne confirment la
théorie de Mobius, d'après laquelle la maladie de Graves est due à
une hyperactivité rie la glande thyroïde (American Journal of
insanity, juillet 1896). E. B.
XI. LE TRIONAL est-il UN IIYPNOTIQUE recommandable ; MÉRtTE-T-IL
d'être préféré au SULION.1L par vo : \ ;,\1EP.ING. (.j02()'7z. de Neurologie
et d'hypnologie, 1896, n°24.)
De ses recherches personnelles et de celles d'un certain nombre
d'autres observateurs l'auteur de ce travail conclut qu'actuellement
aucun hypnotique n'est préférable au trional et qu'il mérite d'être
placé beaucoup au-dessus du sulfonal.
Le trional agit vivement et promptement dans l'agrypine simple,
dansl'insomnie qui accompagne les diverses formes de neurasthénie
et même dans l'insomnie des psychopathes agités et aliénés.
Dans l'insomnie dépendant de douleurs physiques le trional peut
encore rendre des services en lui ajoutant une petite quantité de
morphine.
Lorsqu'il faut produire une action calmante prolongée l'emploi du
trional doit alterner avec celui d'autres hypnotiques, tels que l'hy-
drate d'amylène, l'hydrate de chloral et le chloralamide. Dans la
majorité des cas le trional doit être prescrit à la dose de 1 gramme.
Enfin ce médicament ne paraît avoir aucun effet secondaire
fâcheux : si l'hélllatoporphyrinurie été constatée dans quelques cas
après son administration, elle est cependant beaucoup plus rare
qu'après l'emploi du sulfonal et l'on ne saurait affirmer qu'elle est
réellement due à l'action du médicament. G. D.
XII. Onctions DE saindoux dans l'émaciation ; par le Dr BOODY.
Il est cliniquement démoutré que les téguments jouent un rôle
important comme un organe au travers duquel de la nourriture
peut être donnée, introduite dans la circulation, assimilée, en
sorte que la nutrition générale soit relevée.
Il faut songer à ces propriétés de la peau dans le cas d'émacia-
tion extrême avec mauvaise nutrition, quand le traitement tonique
associé au massage n'a pas donné de résultats.
L'auteur pense que, dans ces conditions si aucune nourriture ne
peut être prise par l'estomac, la nutrition pourrait être relevée et
le patient augmenter de poids sous l'influence d'onctions de sain-
doux, d'huile d'olive ou d'un autre corps gras, onctions répétées
deux'ou trois fois par jour : les quelques observations rapportées
dans ce travail viennent confirmer son opinion. (Amel'iean Journal
of insanity, juillet 1896.) E. B.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 161
XIII. L'abus des bromures; par le Dr MARRIET Alexander.
. Il est de notion courante que l'emploi prolongé du bromure
donne fréquemment lieu à certaines dermatoses, surtout à de
l'acné; mais là ne se bornent pas, dans beaucoup de cas, les incon-
vénients des bromures et l'on peut voir se développer les troubles
suivants : arrière-goût amer ou salé, hypersécrétion de la salive
avec irritation de la muqueuse buccale; sensation de brûlure dans
la gorge, diminution de la sensibilité et de l'action réflexe du
voile du palais ; crises de gastralgie et vomissements; diminution
de la muqueuse respiratoire avec catarrhe bronchique; les mu-
queuses oculaire, intestinale etvésicale peuvent aussi être atteintes.
L'ensemble de ces symptômes constitue une intoxication spé-
ciale, le bromisme, dont les manifestations peuvent atteindre le
système nerveux sous forme d'idées délirantes, de tendances au
suicide, de pertes de la mémoire, de parésies, d'affaiblissement
intellectuel.
Une des conséquences les plus fréquentes de l'emploi des bro-
mures consiste dans une modification du caractère, qui devient irri-
table : les malades deviennent alors emportés, violents, sujets à des
périodes d'excitation accompagnée d'hallucinations.
C'est bien le brome qui parait être l'agent de ces troubles, car l'ac-
tion des bromures de sodium, de potassium et d'ammonium est
presque la même.
Un traitement mixte, associant les bromures au connium, à l'ar-
senic et à l'ergot, n'aurait pas ces inconvénients. (The alienist and
neul'ologist; juillet 1896.) x E. H.
XIV. LE traitement hospitalier DES aliénés dans LES asiles ;
par J. MACPHERSON. (The journal of Mental Science, octobre 1896.)
L'auteur relate l'évolution, en Ecosse, des idées de progrès qui
ont abouti soit à la création d'hôpitaux spéciaux pour les aliénés
malades, soit à l'affectation de bâtiments spéciaux dans les asiles
destinés au même usage, et il s'est attaché à faire ressortir les
avantages multiples de ce système d'hospitalisation. R. 1L-C.
XV. UN cas de morphinomanie guéri par la codéine; par.......
(Occidental Médical Time, septembre 1895.)
Cas de guérison d'un morphinomane de vingt-huit ans qui à la
suite d'une diarrhée rebelle en était arrivé à prendre jusqu'à qua-
Tante grains de morphine par jour.
Il suivait ce régime depuis près de sept ans et en était arrivé à
un état de cachexie complète.
Ayant enfin consenti à suivre un traitement intégral, on lui fit
Archives, 2C série, t. IV. Il t
162 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
prendre le premier jour cinq grains de morphine en iujections
hypodermiques; les jours suivants réduction progressive de la
morphine à laquelle fut substituée à l'insu du malade une certaine
quantité de codéine.
Cet essai dura plusieurs semaines le malade s'en trouvant bien,
le médecin crut pouvoir remplacer complètement la morphine par
la codéine tout en. injectant une quantité égale de liquide. Il pro-
longea ce traitement quelques semaines jusqu'à réduction de la
dose de codéine à un demi-grain par jour, c'est-à-dire à une quantité
inoffensive. Une semaine plus tard suppression complète de la
codéine sans que le malade sefûtaperçu delà substitution; la gué-
rison fut radicale; le malade ne prit plus jamais de morphine et
se porte bien actuellement. M. H.wIr.L.
XVI. Extrait thyroïdien dans le goitre avec crétinisme; par W.
R. P.vR6Ea, de Kandal. (British médical journal, 27 juin 1896.)
L'intérêt de ce cas consiste en ce que c'est un crétinisme avec
goitre alors que dans la région le crétinisme s'observe générale-
ment sans goitre. Contrairement à la règle signalée par Bourne-
ville, l'enfant présentait un pseudo-lipome du thyroïde. Ce cas est
difficile à classer si l'on admet la division en crétins sporadiques et
endémiques. Il paraît s'être fort bien trouvé du traitement thy-
roïdien (trois photographies) bien qu'il ait été commencé lard
(dix-neuf ans). A.Marie.
XVII. Contribution A l'étude des soins a donner aux aliénés; par
T. Bogdan. (Cenlmúl, f. l1'c·ve71SILecLIi, XIX, N. F., vu, 1896.)
M. Bogdan ne pratique plus la réclusion en cellules, car c'est,
parait-il, un moyen d'agiter les malades et de les rendre furieux.
Les cellules ont été transformées en chambres munies de leurs
lits; on en laisse la porte ouverte. Les agités sont immédiatement
alités; quand ils ne veulent pas demeurer au lit, vite un grand
bain de deux à trois heures qui est maintenu à 35° grâce à l'af-
fluence continue d'eau chaude ( ? ). Après le bain un sommeil bien-
faisant calme l'agitation. Se réveillent-ils agités, nouveau bain. Et
tout va bien; les bains successifs relèvent la nutrition, les malades
augmentent de poids. Mais si l'agité est à ce point violent, déchaîné,
qu'on ne puisse le conduire aux bains, il faut lui mettre la cami-
sole, mais presque toujours ( ? ) on peut la lui enlever dans l'eau;
l'emploi n'en est que passager : cette découverte remplace avanta-
geusement la claustration cellulaire indéfinie (2) et les narcotiques
ou l'enveloppement dans un drap humide qui sont des poisons et des
tortures ( ? ). M. Bogdan a cependant un spécifique dans l'épilepsie
et contre l'agitation des aliénés en général. C'est le médicament
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 163
de Bachterew (voy. Archives de Neurologie). - Adonis vernalis, 2 à
3,75; véhicule 180; K. Br. 7,50 à 11 ? - Chaque jour 4 à 8 cuil-
lerées à soupe. Il y ajoute l'emploi du lit à grilles.
Enfin il n'y aura plus désormais de gâteux, de malades souillés
de leurs matières, de ces diarrhées dysentériformes qui tiennent
uniquement à la coprostase ( ? ); il n'y aura plus de ces eschares
larges et profondes qui proviennent de ce que les malades sont
mal tenus ( ? ). Il suffit de donner des lavements chaque jour à des
heures déterminées, de conduire régulièrement, à heures fixes ceux
qui urinent au lit, jour et nuit bien entendu; avec un peu de
calomel au besoin, on vient à bout de tous ces accidents. On arri-
vera même à pouvoir donner à tous des matelas en employant
néanmoins des substances imperméables et l'on n'aura plus à se
préoccuper du garnissage du plancher et des parois des cellules.
J'oubliais : M. Bogdan a aussi inventé les sorties de malades par
petits groupes. P. KERAYAL.
XVIII. Contribution au chapitre du travail manuel; par A. FOREL.
(Centralbl. f. Nervenheilk, XIX, N. F., vu, 1896.)
M. Grohntann a installé un établissement du genre de ceux que
demandait 111. Moebius dans son mémoire (Die Behandlung and
Ne1'Venk1'Ll11ken und die Errichlung von Nervenheilsletten) . (Anal. dans
le Progrès médical.)
1° Le travail qui convient aux aliénés est celui qui fait agir les
muscles sans les fatiguer, mais leur offre un but intéressant, reste
simple, présente de la variété : agriculture, horticulture, menui-
serie. Il dérive les activités morbides du cerveau. En revanche les
études mathématiques et philosophiques sont nuisibles; les mouve-
ments automatiques stupides n'ont pas d'utilité. 2° Dans les ma-
ladies nerveuses qui, généralement, ne sont que des troubles fonc-
tionnels du cerveau et qui ni'ntéressent que secondairement les
centres réflexes subordonnés, les muscles, la peau, les os, les,indi-
cations que nous venons de formuler sont encore plus de mise car,
ici, la guérison peut être obtenue, notamment dans la neuras-
thénie (encéphalasthénie).
La direction du travail de Grohmann, sa méthode, sa disci-
pline, sa division en travaux d'hiver et travaux d'été, sont particu-
lièrement recommandables. P. Keraval.
REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION
I. La LOI ANGLAISE DANS LES RAPPORTS AVEC LES ALIÉNÉS ISOLÉS-,
par A. WE.1TIIERLY. (The Journal of Mental Science, janvier 1896.)
La loi anglaise sur les aliénés interdit aux particuliers et aux
institutions quelconques de recevoir et de soigner des aliénés, sans
que ceux-ci aient été certifiés tels ; l'auteur se plaint que cette loi
soit à chaque instant violée, et cela avec une sorte de complicité
au moins tacite des magistrats. Trop souvent on voit des familles,
désireuses d'éviter le discrédit d'un placement dans un asile, mettre
un de leurs membres « en pension » dans une famille salariée
pour le recevoir ; et cela au double détriment des malades, qui
sont soignés par des personnes incompétentes, et de la liberté indi-
viduelle, qui court d'étranges risques en pareille aventure. - L'au-
teur demande le rappel au respect de la loi, qui est une lui de
protection. R. M'. C.
]1. Les pensionnaires volontaires dans LES asiles anglais ; par
R. PERCY SuITII. (The Journal of Mental Science, janvier 1896.)
Etude sur les conditions de légalité dans lesquelles on peut ad-
mettre dans les asiles d'Angleterre les malades qui viennent eux-
mêmes, sans certificat, demander leur internement, et sur les
formes d'aliénation mentale qui poussent le plus ordinairement
ceux qui en sont atteints à formuler ces demandes. R. M. C.
III. Sur LES aliénés dangereux accusés DC crimes ; par John
CARSWELL. (The Journal of Mental Science, juillet 1896.)
Nous ne faisons qu'indiquer ce travail qui vise quelques points
spéciaux de la législation écossaise sur les aliénés dangereux et
criminels. R. M. C.
IV. Sur LES mesures d'assistance A l'égard des IDIOTS ET des Imbue-
CILES indigents EN ANGLETERRE ET dans LE pays de Galles ; par
G.-E. SUUTTLEWORTH. (The Journal of Mental Science, octobre 1895.)
Nous redirons ici que les différences profondes qui existent entre
les procédés administratifs de l'Angleterre et ceux de la France
ne permettent pas de rendre compte de travaux du genre de celui-
REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION. 165
ci ; car ils demanderaient une explication plutôt qu'une analyse;
nous nous bornons à les signaler pour en faire connaître l'exis-
tence à ceux de nos lecteurs qu'intéressent spécialement les ques-
tions comparées d'assistance et de législation. R. M. C.
V. Rapports ET certificats spéciaux exigés par la section 38 de Li
LOI sur les aliénés DE 1890 ET la section 7 DE la LOI DE 1891 ; par
E.-S. S'rEwAIIT. (The Journal of Mental Science, juillet 1890.)
Nous indiquons simplement ce travail, dont la portée est tout
administrative. R. M. C.
VI. L'asile DU « LONDON COUN1'Y COUNCIL » A CLAYBURY, avec un
coup D'4;IL sur la PREMIÈRE année DE fonctionnement ; par Robert
JoNas. (The Journal of Mental Science, janvier 1897.)
Description intéressante, accompagnée d'une vue et d'un plan, de
ce vaste et magnifique asile, où l'on paraît avoir réalisé tous les
progrès récents et rempli toutes les indications que comporte ce
genre d'établissement. R. M. C.
VII. Les lois sur l'aliénation mentale au COLORADO; par E. HOBLIOU9E.
(The Journal of Mental Science, avril 1896.)
Aux États-Unis chaque État, on le sait, a ses lois particulières;
dans le Colorado, la procédure qui aboutit à l'iuteruement d'un
aliéné, consiste en une sentence prononcée par un jury devant un
magistrat, c'est-à-dire qu'elle ressemble en tous points à un procès
criminel. Appelé par un confrère à examiner avec lui un malade
manifestement aliéné, l'auteur a pu assister à un de ces jugements.
Les choses vont vite au Colorado, et comme le juge devait com-
mencer le lendemain une tournée politique, notre confrère, une
heure après l'examen, était cité à comparaître comme témoin
devant le tribunal. Il s'y rendit, vit désigner deux avoués (qui sont
avocats au Colorado), l'un comme avocat de l'État, l'autre comme
défenseur. Au préalable, le juge avait fait prêter le serment de
jurés à sept braves gens qu'on avait été chercher dans la rue et
dans les « bars » du voisinage. Puis il demanda au malade s'il
savait pourquoi on l'avait amené là, et, sur sa réponse affirmative,
le ministère public et la défense firent subir à la femme de l'aliéné
et aux deux médecins un interrogatoire et un contre-interrogatoire.
Ensuite le chef du jury et un ou deux jurés posèrent au malade
quelques questions, et s'étant ainsi assurés qu'il consentait à être
interné, ils rendirent la sentence qui le déclarait aliéné et entraî-
nait son internement. Comme il était indigent et faisait des dettes
par toute la ville, M. Hobhouse n'est pas éloigné de penser que le
166 REVUE d'assistance ET DE législation.
jury ne demandait pas mieux que de le faire entretenir aux frais de
l'État; mais il se demande quel aurait été le verdict si le malade
s'était opposé à l'internement au lieu de l'accepter. En tout cas, c'est
une regrettable procédure que celle qui assimile ainsi un malade à
un criminel, et ses inconvénients sont nombreux et suffisamment
manifestes pour qu'on n'ait-nul besoin d'y insister.
- R. DE -'1 USGRA VE-CL.\ Y.
VIII. L'asile DU CAIRE : LES observations DU Dr WARNOCII SUR la folie
du nAscfuscH/par T.-S. CLOUSTON. (The Journal of Mental Science,
octobre 1896.)
Lorsque, en 1879, MM. Urquhart et W.-S. Tuke visitèrent l'asile
du Caire, ils emportèrent de cette visite la plus fâcheuse impres-
sion : le bon ordre et l'hygiène y étaient également négligés.
M. Clouston qui, à son tour, l'a récemment visité constate avec
satisfaction que, sous l'heureuse influence et l'active impulsion du
Dr Warnoch, qui le dirige actuellement, l'aspect de cet asile a
complètement changé, et qu'il a subi des transformations impor-
tantes, qui assurément ne lui permettent pas de rivaliser avec les
asiles d'Angleterre, mais constituent néanmoins un progrès de pre-
mier ordre.
L'auteur a recueilli de la bouche du Dr Warnock, au cours de
cette visite, quelques renseignements intéressants sur la folie du
haschisch. Il semble, d'après ces données, que l'on ait singulière-
ment exagéré l'influence du chanvre indien dans la pathologie de
l'aliénation mentale. M. Warnock admet bien que l'usage du has-
chisch est dans un grand nombre de cas la cause principale (il est
souvent associé à l'usage de l'alcool), sinon unique, de la folie; mais
il doute fort que l'on puisse actuellement établir l'existence d'une
forme particulière de folie due au chanvre indien, et pouvant sur
ses seuls symptômes lui être attribué : le plus souvent d'ailleurs les
malades guérissent presque immédiatement après leur admission,
la privation du poison habituel suffisant pour amener la cessation
des troubles mentaux avec une rapidité qui est, à elle seule, patho-
gnomonique. Ces troubles se caractérisent souvent par des illusions
ou des hallucinations de la vue qui font croire au malade qu'il est
possédé par des diables : d'autres fois, il y a un délire plus calme,
moins agressif que celui que cause l'alcool et ne s'accompagnant
pas, comme ce dernier, de symptômes ataxiques. Quelquefois le
chanvre indien détermine de la manie aiguë : ces cas sont les
plus graves : ils durent quelquefois plusieurs mois et ne guérissent
pas toujours. Enfin la forme la plus commune, chez les fidèles du
haschisch, c'est un affaiblissement mental, entremêlé, après chaque
nouvel excès de poison, de poussées aiguës qui se rapprochent par
leur forme d'une manie aiguë, mais très atténuée. D'après des
REVUE d'assistance ET DE législation. 167
documents recueillis sur ce point par une commission spéciale, et
que le Dr Warnock ne conteste pas, il semblerait que l'usage
modéré du chanvre indien ne détermine absolument aucun état
fâcheux, physique, intellectuel ou moral. L'abus de ce poison, dit
la commission, altère l'organisme et provoque la dysenterie et la
bronchite, en même temps qu'il affaiblit l'intelligence, et peut
quelquefois causer la folie; il pervertit l'esprit, est une cause de
pauvreté ; mais ne pousse pas au crime. - Au point de vue de la
folie, la commission pense encore que les cas où le haschisch peut
être invoqué comme l'une des causes de l'aliénation mentale ne
dépassent pas la proportion de 7, 3 p. 100, chiffre qu'il faut encore
abaisser à 4, 5 p. 100, si l'on ne retient que les cas où le chanvre
indien peut seul être incriminé. R. DE fUSGnavE-CL.1Y.
IX. L'instruction professionnelle DU personnel DES infirmiers du
service d'aliénés; par A. MERCKLIN. (Ccnt1'albl. f. Ne¡'venheill ?
XIX, iNF., vu, 181JG,)
Les confrères allemands qui ne sont plus ont déjà, dans cette
question vitale, réclamé ce que nous exigeons de nouveau énergi-
quement comme étant la pierre angulaire de la réorganisation de
l'assistance des aliénés en Allemagne. C'est à nous de pratiquer
ée que la théorie a mis en lumière. Le mieux est de faire donner
cet enseignement par chaque établissement. Seulement il faut que
cela se fasse partout suivant une méthode ,et des règles uniformes
afin qu'il n'y ait plus qu'à améliorer. Cet enseignement systéma-
tique des soins que réclament les malades et les aliénés, sera
donné, à des heures déterminées, parles médecins les plus anciens
et les plus expérimentés de l'établissement, et à leur tête par le
directeur-médecin.
plan, marche ET matière DE L'ENSEIGNEMENT.
I. Enseignement de l'assistance hospitalière générale de l'infirmier :
1° Introduction générale sur le développement des hôpitaux et
des asiles d'aliénés; devoirs de l'infirmier ; nécessité de la pro-
preté, de l'ordre, de la tenue (bienséance). Indications précises
sur les divisions architecturales et techniques des établissements,
et leurs rôles. Notions d'hygiène générale : éclairage, aération,
chauffage, assainissement. - 2° Aperçus sur la construction et les
fonctions du corps humain; démonstration, sur le squelette, des
planches, des préparations; dessins topographiques. Ceci afin de
prouver la nécessité de soins minutieux et d'enseigner la précision.
Compléments physiologiques. - 3° Assistance générale des ma-
lades. Thermométrie, bains, soins contre les accidents gangreneux.
soins aseptiques ; maladies infectieuses, secours en cas d'acci-
168 REVUE d'assistance ET DE législation.
dents, etc. ; - 4° Soins spéciaux que réclament les aliénés. Des-
cription des services spécialement adaptés aux soins des aliénés.
Entrée du malade à l'asile (formalités d'admission ; comment on
procède à l'admission; première observation du malade). Procédés
à l'internement; quelles difficultés présente la première arrivée.
Principaux symptômes morbides et principaux types de maladies ;
mesures à prendre. Exemples concrets et description des événe-
ments concrets d'un asile. - 5° Exercices pratiques. Prendre une
température; savoir lever et porter les faibles; enlever les vête-
ments et mettre au lit; appliquer les appareils les plus simples.
Devoirs professionnels. Fautes, erreurs, négligences dans les exer-
cices. - 6° Quand il se passe à l'asile un événement spécial, le
faire servir pour le cours suivant de démonstration et d'exemple.
- je Insister sur les leçons de choses. Répéter les leçons précé-
dentes en commençant la leçon sous forme d'interrogation.
8° A la fin du cours, prendre séparément de petits groupes de
trois à quatre auditeurs et faire de la répétition par questions et
réponses.
II. Faut-il mettre un manuel entre les mains de l'infirmier ?
C'est inutile avec cet enseignement pratique; la plupart des
manuels existants sont trop touffus.
III. Il ne faut pas faire de cours aux infirmiers et infirmières,
simultanément. Il n'en faut pas admettre plus de 10 à 15 ensemble.
IV. Les cours répétés sont une bonne chose parce qu'ils donnent
aux infirmiers nouveaux qui toujours doivent commencer par le
service de la surveillance continue et de garde, l'occasion de s'ins-
truire et permettent de répéter aux illettrés les matières du cours.
V. Une heure par semaine est suffisante; le cours sera de six mois.
Peut-être ne serait-il pas mauvais qu'une commission officielle
nommée par la Société des aliénistes allemands fit officiellement
passer des examens, à des époques fixes, et délivrât des diplômes ;
cette pratique exalterait le zèle des professeurs et des élèves. Une
école centrale d'infir'miers serait cependant désavantageuse, parce
qu'elle forcerait les asiles il multiplier le nombre des infirmiers.
Sans doute, un progrès a déjà été réalisé en ce sens, puisque
au lieu de la proportion 1 pour 10 recommandée par Esquirol on
en est'généralement arrivé à 1 gardien pour 8 et même pour 7 ma-
lades. Avec l'école centrale, les directeurs-médecins devraient en
avoir en excès, puisqu'il y aurait un certain nombre d'entre eux
qui devraient, préalablement à tout service actif, subir l'enseigne-
ment professionnel. C'est une grosse affaire qui certainement est
la conséquence immédiate d'une sérieuse mise en oeuvre de cet
enseignement. En même temps, il faudra songer à relever le niveau
intellectuel du personnel et à améliorer les qualités morales, par un
enseignement primaire convenable. P. Keraval.
VARIA.
Société CONTRE l'usage DES boissons spiritueuses.
A la fin de mai la Société contre l'usage des boissons spiritueuses
a tenu à l'hôtel des Sociétés savantes son assemblée générale an-
nuelle. Devant une salle comble, notre excellent mailre M. J.-V. La-
borde, président d'honneur de la ligue, a prononcé une chaleureuse
allocution pour définir et préciser le rôle et le but de la Société à
laquelle il a consacré une si grande part de son activité et de sa
science; montrant avec netteté les caractères du mal et les diffi-
cultés à vaincre il a déterminé, d'après les résultats déjà obtenus
par l'oeuvre après deux ans de lutte, les points à étudier et les
voies à suivre pour l'avenir. Le Dr Legrain, président de la Société,
après un hommage rendu à toutes les associations anti-alcooliques
françaises a désigné le rôle et marqué la place spéciale de la
Société parmi ces oeuvres diverses. Les unes cherchent surtout le
relèvement du buveur, les autres par une influence sur les pouvoirs
publics cherchent à provoquer l'intervention de ceux-ci contre la
marche du fléau. La Société contrel'usage desboissousspiritueuses
s'attache avant tout à la prophylaxie du mal, par l'action et l'exemple
individuels, par la vulgarisation de la connaissance du mal dans
l'école et les milieux populaires. « Laissant à nos aînés plus experts
le soin de supporter le fardeau d'une lutte plus difficile dans les
régions parlementaires et gouvernementales, nous avons fait oeuvre
de missionnaires, nous adressant à l'individu, à sa conscience, à sa
moralité, essayant de le détourner du mal par un effort volontaire.
C'est eu quoi nous avons secondé nos devanciers, coopérant à leur
oeuvre sans prétendre rivaliser avec eux, ni mieux faire. Nous avons
pensé que les mesures législatives de répression ne vaudraient que
par le terrain où elles seraient appelées à fructifier. Elles vien-
draient par surcroit quand nous aurions bien préparé ce terrain. >
La ligue cherche avant tout à empêcher ceux qui ne boivent pas
encore ou boivent peu de devenir des buveurs. Elle veut créer,
éclairer et développer l'opinion, répandre partout la conviction du
danger; M. Legrain retrace rapidement les faits qui démontrent
l'imminence de celui-ci, avec la richesse et l'exactitude de docu-
mentation que des années de recherches et d'observation spéciales
lui ont permis d'acquérir; il remercie le ministre de l'Instruction
publique et les représentants supérieurs de l'enseignement de leur
généreux appui, et fait enfin le tableau des travaux et des résul-
tats obtenus pendant le dernier exercice. La Société est essentiel-
lement une fédération, les nombreux groupes ou sections qui la
170 VARIA.
constituent vivent et se dirigent individuellement en pleine initia-
tive ; le comité central d'origine leur sert seulement de lien,
d'appui au besoin, et de source de cohésion et de renseignements ;
l'union morale consiste dans la lutte elle-même contre l'alcoolisme
par tous les moyens légaux et surtout par l'exemple et le principe
de l'abstinence partielle. Plus de 82 sections en activité et d'autres
en formation, plus de 5 000 membres composent la ligue qui s'ac-
croit tous les jours. Le journal mensuel l'Alcool pour les adultes et
J'Etoile libre pour les enfants sont ses' deux organes déjà très
répandus. Plusieurs centaines de conférences ont été faites dans
tous les milieux, écoles, usines, réunions privées, sociétés de toutes
sortes, par des membres du comité et d'autres zélés collaborateurs.
Des centaines de brochures diverses ont été distribuées. Le mouve-
ment qui s'accentue tous les jours dans l'enseignement primaire,
les sections cadettes et scolaires sont la meilleure garantie de
succès et le plus réel espoir de réalisation de notre rêve : « le relè-
vement de notre pays que l'alcool menace d'une catastrophe ». En
remerciant tous les collaborateurs de l'oeuvre M. Legrain exprime
aussi la reconnaissance de tous envers M. Laborde pour l'infati-
gable dévouement avec lequel il a tant contribué à sa prospérité.
Mme Hudry-Ménos, dans une causerie intitulée : « Ce que peut la
femme contre l'alcoolisme », fait un tableau rapide de ce qu'était
jadis la situation de la femme dans la société, de ce qu'elle est
aujourd'hui, du rôle bienfaisant qu'elle doit jouer. Elle montre ce
que sont à l'étranger les oeuvres de la femme contre l'alcoolisme
par l'action familiale et sociale ; elle énumère les résultats encou-
rageants obtenus par les femmes en Amérique, en Angleterre, en
Norvège, etc., les moyens employés par elles, les progrès qui leur
sont dus ; elle invite les Françaises à déployer dans le même sens
leur influence et à profiter du moyen d'action puissant que leur
offre la Société contre l'usage des boissons spiritueuses. L'assemblée
passe après un brillant concert à l'élection des nouveaux membres
de son comité d'honneur ; à celle des 42 membres de son nouveau
comité et à celle des membres du bureau ainsi composé : Dr La-
borde, président d'honneur; Dr Legrain, président; MM. Maillet
et L. Marinier, vice-présidents; Dr F. Boissier, secrétaire général ;
M. Serrie ! ·, trésorier ; Mme Legrain, secrétaire des séances.
On sait que la mission de cette ligue est exactement de propager
l'enseignement antialcoolique, d'avertir ceux qui se croyant
modérés parce qu'ils ne s'enivrent pas s'intoxiquent sans le savoir.
Elle comprend des membres bienfaiteurs et adhérents qui ne s'en-
gagent à rien qu'à donner l'exemple de la modération et à favo-
riser les moyens de propagande de l'oeuvre, et des membres actifs
qui en outre de leur propagande s'engagent annuellement à ne faire
aucun usage de liqueurs distillées et à user modérément seulement
des boissons fermentées (vin, cidre, bière). Ses moyens d'action,
VARIA. 171 >
sections scolaires, conférences, brochures, ses organes l'Alcool et
l'Etoile bleue rendent nécessaires l'appui de toutes les bonnes
volontés, en particulier celles des médecins et notamment desalié-
nistes auxquels elle fait surtout appel et qui mieux que per-
sonne peuvent juger des ravages et du péril toujours croissant de
l'alcoolisme. F. Baissier.
Circulaire DU ministre DE l'instruction publique relative A l'en-
slignement ANTl-.\LCOOLIQUE.
Le ministre de l'instruction publique vient d'adresser aux rec-
teurs une circulaire relative à l'enseignement anti-alcoolique dans
les établissements d'enseignement public. Avec celte circulaire, le
ministre transmet aux recteurs le texte des arrêtés par lesquels,
après avis du conseil supérieur del'instruction publique, il a décidé
d'introduire dans les programmes d'enseignement secondaire et
d'enseignement primaire des notions précises sur les dangers de
l'alcoolisme au point de vue de l'hygiène, de la morale, de l'éco-
nomie sociale et politique. Il leur transmet également le rapport
présenté au nom de la commission constituée en 1895, en vue de
rechercher les moyens de combattre l'alcoolisme dans les établis-
sements publics d'enseignement. Le ministre rappelle les graves
'dangers que l'alcoolisme fait courir à la santé publique :
« Les ravages de l'alcoolisme sont en proportion avec les progrès
de la consommation : pour ne citer qu'un exemple, le nombre des
aliénés dont la maladie est due directement à cette cause, était
en moyenne de 713 par année, dans la période de 1866 à po ; il
a été, en 1893, de 3 386.
Il ne s'agit donc point ici d'un danger passager, mais d'un
fléau qui prend un caractère permanent, dontles effets s'aggravent
d'année en année et qui, par sa continuité et ses progrès, est plus
redoutable que les guerres ou les épidémies les plus meurtrières.
L'alcoolisme ne borne point ses ravages à la génération présente,
il menace de vicier dans son germe la génération de demain. Les
enfants d'alcooliques, victimes des excès des parents, portent tous
dans leur sein un poison dont le médecin est impuissant à arrêter
les effets; c'est parmi eux que se recrute pour la plus grande par-
Lie cette foule toujours croissante des enfants rachitiques, dégé-
nérés, des gâteux, des hystériques, des épileptiques, qui envahit nos
hôpitaux, nos maisons de santé.
« Les avertissements n'ont point manqué au pays, mais ils n'ont
pas été écoutés. L'expérience des peuples voisins prouve cependant
qu'on peut lutter avec succès. J'ai pensé qu'il appartenait à l'Uni-
versité de donner l'exemple. Elle y est d'autant plus intéressée que
son oeuvre serait stérile si, après tant de généreux efforts pour
former les intelligences et les âmes des enfants, l'alcoolisme pou-
vait compromettre chez eux, avec la vie physique, la vie intellec-
1 li 1- VARIA.
tuelle et morale. Il importe de leur signaler de bonne heure le
danger, de leur inspirer la crainte et le dégoût de l'alcoolisme, de
leur en faire comprendre toutes les conséquences. Les professeurs
et les instituteurs s'acquitteront de ce rôle avec la conscience de
faire oeuvre de bien public. Je leur recommande de donner ces
notions sous la forme la plus simple, la plus familière, et, par suite,
la plus pénétrante; de faire appel à la réflexion des enfants; en un
mot, de convaincre encore plus que d'enseigner. En dehors du
programme, en dehors des heures de classe, je leur serai recon-
naissant de tout ce qu'ils pourront faire pour que leurs leçons
et leurs conseils soient suivis de résultats : conférences aux adultes,
sociétés de tempérance, etc.
a Il est à désirer que les professeurs des universités s'intéressent
également à cette oeuvre. Us rendraient assurément un grand
service si, en quelques conférences, ils donnaient à nos institu-
teurs les notions d'hygiène, d'économie politique que ceux-ci
seraient parfois embarrassés de réunir et de contrôler. Ils pour-
raient attirer sur ce point l'attention des étudiants, les associer à
leur action, leur faire comprendre les services que plus tard, dans
les situations diverses qu'ils occuperont, ils rendront en réagissant
autour d'eux contre l'alcoolisme. Pour lutter contre un si grave
danger, l'union de toutes les bonnes volontés s'impose ».
Répression DE l'alcoolisme.
Une pétition originale à la Chambre des Communes.
Aux termes d'une pétition couverte de plusieurs milliers de
signatures, et à laquelle ont adhéré déjà les membres de la
Chambre des Communes et de la Chambre des Lords, lisons-nous
dans le Petit Temps du 19 janvier dernier, le Parlement sera dès
sa rentrée invité à voter une loi stipulant à la charge des cabare-
tiers une obligation essentiellement originale.
Il arrive souvent, quotidiennement, que des ivrognes sortent
d'un public-house dans un état qui rend indispensable l'interven-
tion de la police. Les agents s'emparent du pochard, le conduisent
au poste de police, dressent procès-verbal et conservent le délin-
quant toute une nuit sur un lit de camp. En de certains samedis
soir, les postes sont encombrés d'ivrognes qu'on ne sait où cou-
cher. Les pétitionnaires demandent que tout ivrogne remontré à
l'intérieur ou à la porte d'un public-house soit reconduit à son
domicile en voiture aux frais du cabaretier qui lui aura servi son
dernier verre de bière ou d'alcool. A. la bonne heure ! Voilà une
idée neuve, juste et pratique ! son application ne pourrait avoir
que de bons résultats. Le cabaretier y regardera à deux fois avant
de servir un homme en état d'ivresse, s'il sait que son bénéfice de
quelques centimes sur un verre de bière peut être compensé par
VARIA. 173
une dépense de 2 ou 3 francs de fiacre. En outre, les postes de
police ne seront plus encombrés de lamentables pochards et pour-
ront donner asile aux pick-pockets pour lesquels ils ont été cons-
truits. Il n'y a pas à craindre que de malicieux alcooliques abusent
de cette nouvelle loi pour rentrer chez eux en voiture sans bourse
délier. L'obligation imposée aux cabaretiers ne supprimerait nulle
mentleprocès-verhal des agents à la charge de l'ivrogne et la
comparution de ce dernier devant un magistrat de police.
Nécessité DE l'assistance DES idiots.
Sous ce titre : Séquestration d'un imbécile dans sa famille.
Acquittement, le Soleil du 11 février 1897 raconte-le fait suivant :
« La veuve Aubry, âgée de trente-sept ans, et le sieur Ary, âgé de
trente-neuf ans, cultivateurs à Manonviller, ont comparu devant
les assises sous l'inculpation de séquestration arbitraire. Les deux
accusés avaient tenue enfermée dans un réduit obscur et humide la
jeune Joséphine Aubry, depuis la mort de son père.
« Joséphine fut découverte au mois de mai dernier : elle était
vêtue uniquement d'une vieille chemise, elle avait une rétraction
des muscles et une ankylose des articulations, et était complète-
ment idiote. La malheureuse victime, âgée de dix-neuf ans, était
presque privée de nourriture.
« Les accusés nient la séquestration ; ils prétendent l'avoir simple-
ment empêchée de sortir à cause de sa simplicité d'esprit. De nom-
breux témoins, notamment trois autres enfants de la veuve Aubry,
déclarent que leur soeur était privée de nourriture et maltraitée.
Les défenseurs prétendent qu'il n'existe aucune preuve formelle
de séquestration. Le jury a rendu un verdict d'acquittement. »
- Sous le titre : Séquestration d'un idiot dans sa famille, le Temps
du 6 février 1897 relate le fait suivant :
« Une très grave affaire de séquestration vient d'être découverte
au hameau de Massoult (Côte-d'Or). Un fermier, nommé X..., tenait
séquestré un de ses enfants, âgé de quinze ans et un peu idiot. Le
pauvre garçon était dans un état lamentable lorsque, au cours des
perquisitions, il fut découvert par les gendarmes. D'après les dis-
positions cet enfant était plus maltraité que les chiens [de la
ferme; on ne disait rien, parce que X... est craint dans le pays. 11
a été arrêté et emmené à la prison de Châtillon. L'enquête est con-
tinuée sur place par le procureur de la République, assisté du juge
d'instruction et d'un médecin. »
Ces deux faits démontrent une fois de plus la nécessité de
créer dans tous les départements des établissements spéciaux
pour le traitement médico-pédagogique de l'idiotie ; les séques-
174 VARIA.
trations de ce genre sont malheureusement très fréquentes et
la responsabilité en incombe non seulement aux familles, mais
aux municipalités et aux administrations départementales qui
refusent de payer les frais d'entretien de ces déshérités qui,
dans la grande majorité des cas, sont susceptibles d'être amé-
liorés ou même guéris. '
Idiots ET alcooliques : descendance.
Dans un article très intéressant de notre ami, le professeur
N. Charles, sur l'influence de l'iodure de potassium sur la sécré-
tion lactée, influence qu'il conteste, disons-le en passant, nous
avons trouvé un fait très curieux, concernant l'hérédité. Le voici :
X..., vingt-sept ans, petite, rachitique, avec bassin de 6 1/4 centi-
mètres au maximum, est née d'une mère cancéreuse et à moitié
idiote et d'un père alcoolique (ce joli couple a produit 8 enfants,
dont 6 morts entre un et deux ans, une fille bien portante et le
sujet de cette observation). y
X... a eu un premier enfant extrait par la céphalotripsie ; un
deuxième à six mois et demi avec bec-de-lièvre ; à la troisième
grossesse, elle contracte un chancre syphilitique et met au monde
un enfant de six mois et demi, atteint d'anarsaque, qui a respiré
peu d'instants; le quatrième enfant, venu à huit mois, est mort au
bout de six semaines.
Devenue enceinte pour la cinquième fois, elle prend régulièrement
de l'iodure de potassium, 1 gramme par jour à partir du troi-
sième mois de la grossesse ; elle accouche le 22 avril dernier
(accouchement provoqué à huit mois et demi et symphyséotomie) ;
l'enfant pèse 2,800 grammes et ne présente aucune anomalie.
(Journal d'accouchements 23 mai 1897.)
Ce fait s'ajoute à tant d'autres pour justifier l'assistance
des enfants arriérés. Si on avait hospitalisé et traité cette
malade, on n'aurait eu que les frais d'entretien d'une per-
sonne, en la supposant non susceptible d'amélioration et on
aurait évité tous les accidents énumérés par M. Charles. B.
La FOLIE D'UNE évangéliste.
Le Petit Parisien raconte un cas singulier de folie mystique qui
s'est produit jeudi au quartier de la Solbonne. La victime est une
agrégée ès lettres, Mlle Amélie M..., âgée de trente-quatre ans, pro-
fesseur à la faculté de Poitiers. 11111° M..., désireuse de pousser ses
études beaucoup plus loin encore, avait demandé, il y a quelques
mois, samise en disponibilité pour préparer son doctorat, ce qu'elle
obtint sans difficulté.
varia. 175
Elle vint habiter, à son arrivée dans la capitale, dans un hôtel
meublé, 18, rue de la Sorbonne. et depuis elle se mit à suivre assi-
dûment divers cours, entre autres ceux de philosophie et de théo-
logie protestante. Cette dernière étude, pour laquelle l'agrégée se
passionna beaucoup, bien qu'elle appartînt au culte catholique,
produisit sur son cerveau une si forte influence que sa raison ne
tarda pas à s'en ressentir.
Ses professeurs, qui s'en aperçurent, lui en firent l'observation,
D'autres personnes érudites de son entourage lui conseillèrent
d'abandonner momentanément l'étude de la théologie, qui décidé-
ment influait d'une façon néfaste sur son état cérébral. Mais
\III° M... ne tint aucun compte de ses sages avis, et petit à petit
elle se laissa aller à un mysticisme outré.
Jeudi elle était rentrée dans son appartement, situé au premier
étage, vers huit heures, lorsque à deux heures et demie du matin des
gardiens de la paix de service dans la rue aperçurent des flammè-
ches et une épaisse fumée qui s'échappaient de la fenêtre de la
chambre de Mlle M... Presque au même instant celle-ci apparaissait
vêtue de blanc, les cheveux épars, puis lançait sur le pavé divers
objets du mobilier. Elle entonna ensuite d'une voix retentissante
un psaume de l'Eglise réformée.
Les agents s'élancèrent dans la maison, tandis qu'un de leurs
collègues courait prévenir M. Berthelot, commissaire de police du
quartier. Quand le magistrat arriva, les gardiens de la paix, aidés
de l'hôtelier, venaient d'enfoncer la porte du logement de l'aliénée.
Celle-ci avait construit au milieu de la chambre à coucher un bûcher
composé de tous les livres, cahiers et papiers qu'elle possédait, ainsi
que de plusieurs paires de rideaux et de divers vêtements, puis elle
y avait mis le feu.
Quand les agents entrèrent, la malheureuse venait de s'asseoir
au milieu des flammes en chantant toujours son cantique. Tandis
qu'on s'empressait auprès de la folle pour lui prodiguer des soins,
elle repoussa soudain ceux qui l'entouraient; puis prenant sur la
cheminée un verre rempli d'eau elle le tendit avec un geste empha-
tique au commissaire et aux agents, en s'écriant : « Buvez ! c'est la
source de vie, et vous verrez la lumière éternelle ! » Enfin, après
avoir fait panser par un médecin- les brûlures qu'elle s'était faites,
M. Bertbelot a pu faire conduire la pauvre folle à l'infirmerie spé-
ciale du Dépôt. (L'Indicateur de Cognac, 4 juillet 1897.)
CONGRÈS international DE NEUROLOGIE, DE psychiatrie, d'électricité
médicale ET D'HIPNOLOGIE.
Indépendamment des questions mises à l'ordre du jour, les
membres adhérents pourront exposer des communications person-
nelles se rapportant à la neurologie, à la psychiatrie, à l'électricité
'1'ill faits DIVERS.
médicale et à l'hypnologie. Mentionnons dès à présent les titres
suivants : Dr A. W. Rentorghem (d'Amsterdam), un cas de ¡Tic rota-
toire (spasmes cloniques, diopathiques des muscles cervicaux) rebelle
il toutes les médications instituées, y compris le traitement chirur-
gical, guéri par la psychothérapie. - Dr DURAND (de Gros) : Psycho-
logie et morale de la subconscience. Dr Vraarco (de Paris) :
Influence de l'accouchement sur les maladies nerveuses et mentales.
D1' FOYEAU de COURIfELLES (de Paris) : 1° L'obésité et les courants
de haute fréquence. 2° La neurasthénie; formes diverses; gué-
]isonou amélioration par les courants électro-statiques. - 3° Sim-
plification dans l'outillage d'électro-thérapie. - 4° Les rayons X et la
nutrition des tissus. D'' Auguste DE SUZE1OEii : RGER (de laples) :
Contribution à l'anatomie pathologique du traumatisme nerveux.
Réceptions et excursions : réception et raout à l'Hôtel de Ville
de Bruxelles. - Excursion à Spa. Réception fait par l'adminis-
tration communale. Banquet offert par la ville de Spa. - Excursions
à la colonie d'aliénés de Chie ! . - Excursion sur le littoral. - Pro-
menade en mer. -Réception faite par les administrations commu-
nales d'Ostende et de Plankenherghe (Journal de Neurologie, juillet).
FAITS DIVERS.
Distinctions honorifiques. - M. Le Roux, directeur des affaires
départementales de la préfecture de la Seine, vient d'ètre nommé
officier de la Légion d'honneur. Nous sommes heureux de lui
adresser nos plus vives félicitations.
Asile DE VILLE.JUIF. A la suite d'un rapport de M. Bourneville,
présenté à la Commission de surveillance des .asiles de la Seine,
les deux services de l'asile de Villejuif ont été dédoublés. Deux
des services restent confiés à MM. les Drs Briand et Vallon et les
deux nouveaux services ont été confiés à MM. Pactet et Toulouse,
médecins-adjoints de l'asile, faisant fonctions de médecins en
chef.
Thomas (A.). Le Cervelet. Étude anatomique, clinique, physiologique,
vol. in-8° de x-356 pages, avec 107 figures. Paris, 1897, librairie
G. Steinheil.
L\reu\, Cli. HfciusbE'i, imp. S97.
Vol. IV.. Septembre 1897. N° 21 :
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE nerveuses
1 ?
CONTRIBUTION A L'ETUDE AN1TO110-CLINÎQ ? ut- 7/ / E'
. ? fitl .
DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES 1)ORSLTS; ·-^
Par CL. PIIILIPPE,
Chef des travaux anatomo-pathologiques la Clinique de la Salpètrière.
Ce travail se propose d'exposer les résultats de quelques
recherches poursuivies sur les localisations : médullaires
du labes dorsalis l'ataxie locomotrice progressive de Du-
chenne. Ces recherches ont un double hut, anatomique et
clinique : elles s'occupent d'abord de la formule histolo-
'gique générale des lésions médullaires tabétiques ; elles
étudient ensuite la relation entre ces lésions et les' symp- -
tômes observés au lit du malade.
Avant d'entrer dans le détail des résultats, nous croyons
utile de dire brièvement, de quelle façon nous avons compris
l'examen de ce double problème. t
Rechercher la formule anatomo - pathologique du. tabes
au niveau de la moelle, c'est étudier successivement sa topo-
graphie et ses caractères histologiques; ces deux questions
se posent chaque fois qu'on veut aborder l'étude anato-
mique d'une affection cérébro-spinale. Les dénominations
(topographie et caractères histologique§) se définissent
d'elles-mêmes; toutefois, il est bon d'en préciser le sens et la
portée, quand elles s'appliquent à l'ataxie locomotrice, dans
ses localisations médullaires. ' " ' '
Le tabès médullaire parait être, avant tout, une maladie
Archives, 2e série, t. IV. 12
178 pathologie NERVEUSE. ·
de la région 'sensitive de la moelle, comprenant les cordons
postérieurs, les cornes grises adjacentes, et les ganglions
rachidiens. L'étude topographique des lésions médullaires
du tabes doit établir sur quels systèmes de fibres ou de cel-
lules nerveuses évoluent ces lésions, au niveau des cordons
postérieurs, des cornes grises adjacentes ou des ganglions
rachidiens. Or, ces systèmes de fibres ou de cellules ner-
veuses sont nombreux : nous devons donc les énumérer
brièvement, pour donner les termes généraux du problème
à résoudre.- . .
Les cordons postérieurs de la moelle apparaissent, d'après
les derniers travaux, comme formés par deux grands sys-
tèmes de fibres nerveuses; et chacun de ces systèmes com-
prend des fibres qui n'ont ni le même trajet anatomique,
ni la même fonction.
Le premier système comprend toutes les fibres qui, parties
des cellules des ganglions rachidiens, abordent le cordon
postérieur au niveau du sillon collatéral ; elles ont reçu
diverses appellations : fibres radiculaires postérieures, fibres
extrinsèques, fibres exogènes (Pierre-Marie). Malgré leur
dénomination commune, ces fibres n'ont pas la même valeur
anatomique : les unes (libres courtes) se terminent, dès leur
entrée dans la moelle, autour des cellules de la corne posté-
rieure ; les autres (fibres moyennes) suivent un trajet plus
long et aboutissent aux cellules de la colonne de Clarke ou
à celles de la base de la corne antérieure; enfin, un dernier
groupe (fibres longues) va jusqu'aux noyaux sensitifs ou
postérieurs du bulbe (noyau grêle, noyau cunéiforme). De
plus, puisque ces fibres radiculaires (courtes, moyennes et
longues) ont un trajet et des connexions cellulaires diffé-
rentes, leur rôle physiologique doit aussi, ne pas être iden-
tique.
Les mêmes considérations s'appliquent à l'autre sys-
tème de fibres nerveuses qui constitue, avec le précédent,
1 Nous n'ignorons pas le rôle important que jouent, dans la sympto-
matologie générale de l'ataxie locomotrice progressive, les lésions des
nerfs périphériques et de l'écorce cérébrale, comme le démontrent des
travaux récents. Nous ferons simplement observer que nous avons uni-
quement en vue, dans ce mémoire, les localisations médullaires de la
maladie; à ce titre, le tabès reste une affection de la région sensitive
de la moelle.
DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 179
le cordon postérieur. Ce second système (de découverte
plus récente) a été moins . complètement étudié; il com-
prend toutes les fibres qui, parties des cellules de la subs-
tance grise médullaire, accomplissent un trajet plus ou
moins long dans la masse blanche du cordon postérieur. Ces
fibres s'appellent : fibres intrinsèques, fibres endogènes,
fibres commissurales courtes. Comme le précédent, ce sys-
tème est composé de fibres distinctes, les unes ascendantes,
les autres descendantes; de plus, ces fibres occupent, suivant
les étages de la moelle, des régions diverses. Tout cela doit
forcément entraîner un fonctionnement variable..
Les cellules nerveuses qui se rencontrent dans la portion
sensitive de la moelle, ne présentent pas moins de variétés.
Nous avons le groupe des cellules du ganglion vertébral -
celui des colonnes de Clarke - celui des cellules qui se ren-
contrent nombreuses dans la corne postérieure et à la base-
de la corne antérieure. Ces cellules forment autant de sys-'
tèmes dont la topographie, les connexions et (partant les
fonctions) varient suivant des lois, dont quelques-unes sont
connues, et d'autres restent encore à déterminer.
Cet aperçu anatomique montre la complexité des systèmes
de fibres et de cellules nerveuses qui constituent la portion
sensitive de la moelle épinière.
Malgré cette complexité, l'étude topographique des lésions
médullaires du tabès ne doit avoir qu'un seul but : dégager
les lois qui président à l'envahissement de ces systèmes par
la maladie. Ainsi : où débute le tabes ? - Les fibres radicu-
laires sont-elles prises toutes en même temps, qu'elles soient
courtes, moyennes ou longues ? A quelle période se
prennent les fibres endogènes ? Les cellules (ganglion
rachidien, colonnes de Clarke, corne postérieure), participent-
elles à la lésion, et dans quelle mesure ? Autant de ques-
tions que doit résoudre l'étude topographique complète des
lésions médullaires du tabes. En somme, le programme est
le même que pour une cirrhose du foie, par exemple : il
ne saurait suffire d'énoncer que cette cirrhose est une sclé-
rose de l'organe; il faut rechercher la topographie des
tractus fibreux, leur systématisation péri-portale, péri-sus-
hépatique, ou intertrabéculaire, etc., etc. L'étude topogra-
phique du tabès suit le même plan. ,
Mais, nous l'avons dit plus haut, cette formule topogra-
'180 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
phique ne répond qu'à la. première partie du problème ana-
tomo-pathologique. Ce problème comprend une deuxième
- partie qui sera la recherche des caractères h1stologiques du
processus tabétique. En effet, il ne suffit pas de savoir sur
quels systèmes de libres ou de cellules nerveuses évolue le
tabes médullaire, depuis son début jusqu'à sa fin, à n'im-
porte quel étage de la moelle; l'anatomo-pathologisle et, le
clinicien ont intérêt à connaître les caractères de ce proces-
sus. Est-il primitivement parenchymateux, frappant l'élé-
ment nerveux lui-même (fibre ou cellule) ? Est-il, au contraire,
interstitiel*, d'essence conjonctivo-vasculaire ? Ne subit-il pas,
suivant lé système atteint, des modifications plus ou moins
profondes : parenchymateux à certains niveaux, intersti-
tiel à d'autres ? Dans quelle mesure le processus primitif
(parenchymateux ou interstitiel) s'associe-t-il aux dégénéra-
tions secondaires, auxquelles on doit toujours songer, quand
'on fait l'étude anatomo-pathologique d'une affection ner-
veuse quelconque ? Ce sont les questions posées par la
deuxième partie de notre problème anatomique.
Point n'est besoin de consacrer de longs développements à
la justification de ces recherches, quoique de prime abord,
elles puissent paraître minutieuses et d'ordre bien technique.
Nous ferons simplement observer qu'à l'heure actuelle on
ne peut plus se contenter de la définition anatomique, com-
mode, mais insuffisante, qui déclare : que le Tabès est la
sclérose des cordons et des racines postérieurs. Un grand
nombre de maladies (affections médullaires proprement
dites, intoxications diverses, névrites périphériques, atro-
phies musculaires), retentissent sur le cordon postérieur et y
déterminent une sclérose qui peut simuler la sclérose tabé-
tique. La lecture attentive de quelques observations déjà
anciennes, nous a donné la conviction qu'on a mis sur le
compte de la sclérose tabétique, certaines lésions des cordons
postérieurs qui doivent en être soigneusement distraites. Il
n'est donc pas inutile de rechercher jusqu'en ses plus petits
détails, à l'aide des nouvelles techniques histologiques, la
formule anatomique du tabès médullaire; c'est elle seule
qui, bien précisée, permettra de distinguer la sclérose tabé-
tique des autres scléroses des cordons postérieurs, dont les
travaux récents nous démontrent la fréquence.
- En apportant notre contribution à ce gros problème déjà
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 181
abordé par tant d'observateurs, nous devons déclarer, que le
tabes représente, pour nous, une affection vraiment spéci-
fique dans sa symptomatologie, et même dans son étiologie ;
il se caractérise par des lésions franchement autonomes
dans leur topographie, dans leur évolution, dans leurs carac-
tères histologistes. C'est à la lumière de cette notion fonda-
mentale, « spécifité du tabès » que nous avons fait l'examen
en coupes sériées de 10 moelles tabétiques; cet examen nous
a permis de reprendre le problème anatomo-pathologique
des localisations médullaires du tabès; et nous avons cher-
ché à résoudre. et leur topographie et leurs caractères histo-
logiques'. , '
Mais, en système nerveux surtout, la clinique doit trou-
ver son compte dans tout travail anatomo-pathologique,
qu'elle dirige et contrôle à chaque instant. Nous n'aurons
garde d'oublier cette règle capitale et nous montrerons jus-
qu'à quel point nos résultats anatomiques s'accordent avec
la symptomatologie du tabès médullaire.
Ainsi entendu, notre travail comprend de deux parties :
dans la première, nous exposerons la topographie des lésions
médullaires tabétiques par rapport aux faisceaux de fibres
nerveuses des cordons postérieurs et aux cellules de la portion
sensitive de la moelle. Dans la seconde, nous donnerons les
caractères histologiques de ces lésions. Un parallèle ana-
tomo-clinique nous permettra de voir comment l'évolution
symptomatique du tabes s'accorde avec notre formule ana-
tomique générale.
Première partie. - Topographie DES LÉSIONS médullaires du
TA13ES D'APRÈS NOUVELLE AHCUITËCTUHE DES CORDONS POSTÉ-
RIEURS.
L'étude topographique des lésions médullaires du tabès
doit s'appuyer évidemment sur l'anatomie normale des cor-
dons postérieurs et des zones adjacentes. Nos connaissances
à ce sujet se sont considérablement augmentées à la suite de
plusieurs travaux tout récents ; ces travaux ont montré que
les cordons postérieurs se composent de faisceaux distincts et
isolés, dont l'autonomie égale celle du faisceau pyramidal
' Cl. Philippe. Contribution il l'élude anatomique et clinique du
labes dorsalis. (Th. iuaug. Paris, 1897.)
)8 : 2 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
croisé, ou du faisceau cérébelleux direct par exemple. Ces
faisceaux étant bien connus, il suffit de repérer sur chacun
d'eux, les taches scléreuses de la maladie tabétique.
Mais les notions nouvelles sur la fasciculation des cordons
-postérieurs ont insuffisamment pénétré dans les livres clas-
siques d'anatomie. Comme leur connaissance est absolument
nécessaire pour suivre notre description et comprendre nos
résultats, nous ferons précéder l'étude topographique des
lésions médullaires du tabes d'un exposé de la nouvelle fas-
ciculation des cordons postérieurs.
A. FASCICULATION des cordons postérieurs. Cette fascicu-
lation des cordons postérieurs a été étudiée par plusieurs
méthodes dont les procédés et les résultats sont exposés dans
notre travail inaugural : méthodes expérimentale, histblo-
gique, embryogénique ; méthode des dégénérations secon-
daires de la moelle humaine.
A notre avis, la méthode des dégénérations secondaires de
la moelle humaine est seule capable de fournir des documents
indiscutables pour ce problème de la fasciculation des cor-
dons postérieurs. Expliquons brièvement ses procédés, pour
justifier notre choix et faire comprendre pourquoi, dans
l'étude anatomique, nous laissons de côté les résultats fournis
par les autres méthodes.
Cette méthode est basée sur la loi de Waller (Académie
des sciences, 1852). * Après section d'un tube nerveux, le
bout périphérique, séparé de son centre trophique, dégé-
nère. » Supposons donc un faisceau de fibres nerveuses com-
plètement séparé de sa colonne cellulaire originelle ; ce fais-
ceau dégénérera tout entier, dans ses fibres périphériques,
c'est-à-dire suivant le sens même de son trajet ; il sera
remplacé par du tissu conjonctive-névroglique, qui appa-
raîtra, sur les coupes microscopiques convenablement colo-
rées, sous forme d'une tache dite scléreuse, facile à distin-
guer des autres faisceaux restés sains. La méthode des dégé-
nérations secondaires constitue donc un véritable procédé de
dissection, qui permet de suivre la topographie, le trajet, les
connexions d'un faisceau nerveux ; elle est précieuse surtout
avec la technique hisloloigque actuelle qui décèle le plus
petit fascicule dégénéré,' même à ses débuts (procédé de
Weigert-Pal ; procédé de Marchi).
Appliquons ces notions générales à la recherche des fais
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 183
ceaux constitutifs des cordons postérieurs : supposons une
lésion destructive au niveau des racines postérieures de la
queue de cheval, racines lombo-sacrées ; examinons en
coupes sériées transversales la moelle, depuis le cône termi-
nal jusqu'au bulbe, et nous verrons le trajet de ces racines,
à tous les étages; comme si, ayant dans la main chaque fas-
cicule radiculaire, nous le suivions, dans son long trajet
ascendant, à travers les cordons postérieurs et les zones adja-
centes.
De même, supposons un foyer de myélite transverse : cer-
tains faisceaux des cordons postérieurs vont être remplacés
par des taches scléreuses, au-de-sus ou au-dessous de la
lésion ; ces faisceaux seront situés en dehors des champs dits
radiculaires (fibres des racines postérieures); ce seront des
faisceaux endogènes, ascendants ou descendants, suivant la
situation même de leur tache scléreuse.
Il nous paraît inutile d'entrer dans de plus longs détails
pour faire comprendre l'excellence de la méthode des dégéné-
rations secondaires de la moelle humaine, quand on veut
étudier l'architecture ou la fasciculation des cordons posté-
rieurs. - Voyons les résultats qu'elle a donnés pour le pro-
blème d'anatomie normale qui nous occupe. Il nous faut
examiner successivement : les faisceaux exogènes (fibres
radiculaires postérieures, fibres centripètes du protoneurone
sensitif), les faisceaux endogènes (libres intrinsèques, fibres
de cordons).
1° Faisceaux exogènes des cordons postérieurs de la
moelle humaine. - Ces faisceaux constituent les champs
dits radiculaires. Pour bien faire comprendre leur mode de
formation, il nous paraît utile d'étudier d'abord le trajet
d'une racine postérieure quelconque; puis, nous ferons la
synthèse de ces trajets. Nous aurons ainsi les faisceaux exo-
gènes ou les champs radiculaires des cordons postérieurs.
Comme il sera facile de s'en rendre compte par l'étude des
trois figures ci-jointes, toute racine postérieure passe, par
plusieurs étapes successivement ascendantes, au sur et à me-
sure qu'elle suit le cordon postérieur. Au niveau du sillon
collatéral, son faisceau à fibres grêles occupe la zone dite de
Lissauer, tandis que son faisceau à grosses fibres se place
tout contre le bord interne de la corne postérieure : c'est là
une première étape, peu importante, qu'il nous suffira de
184 PATHOLOGIE NERVEUSE.
mentionner. Un- peu plus haut, les grosses fibres occupent la
zone dite cornu-radiculaire ; cette zone a la forme d'un crois-
sant (fig. 1). Sa pointe postérieure touche la partie interne
de la zone de Lissauer, sa pointe antérieure arrive au bord
correspondant de la corne, à peu près au niveau du réseau
plexiforme de la substance grise, le corps même du croissant
constitue une portion renllée qui avance plus ou moins loin
dans l'intérieur du cordon. Plus haut, les mêmes grosses
fibres, quoique diminuées de n'ombre, occupent la zone dite
de la bandelette externe ; le croissant précédent est devenu
une bandelette à cause des pressions subies au contact des
faisceaux voisins ; cette bandelette, comme le disait déjà
1%i ? 1.
Fig, 2.
Fi g. 3.
Fig. 1, 2,3. Ces figures représentent le trajet intra-médullaire ascen-
dant d'une racine cervicale atteinte de dégénérât ion secondaire. Ce
trajet est facilement reconnaissable; il se détache en blanc sur les
autres régions noires, qui sont saines (procédé de Wuigert-Pal).
7 ? 1. La racine postérieure occupe la zone cornu-radiculaire, disposée sous fotme
d'un croissant.
Fit, 2. - La racine constitue la bandelette externe.
Fit. 3. - La bandelette externe est rejetéc tout près du cordon de Goll.
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 185
Pierret, forme un ruban étroit, situé parallèlement au bord
interne de la corne postérieure qu'il côtoie, mais à une cer-
taine distance (/y. 2). Plus haut encore, cette bandelette
externe se portera de plus en plus en dedans et en arrière
(g. 3) à cause de l'arrivée d'autres fascicules radiculaires ;
finalement, à une hauteur variable pour chaque racine, elle
deviendra un petit triangle à base postérieure, à sommet
antérieur, situé d'autant plus près du sillon médian qu'il
appartient à une racine dont le ganglion est placé plus bas
(loi de Kahler).
Ainsi est constitué le trajet de toute racine postérieure : il
nous reste à dire quelle espèce de fibres on rencontre plus
spécialement à chaque étape. On sait, en effet, que, depuis
la classification de Singer et Munzer, on distingue, dans toute
racine postérieure, les fibres courtes, moyennes et longues
suivant l'étendue de leur trajet. Comme le montrent encore
les dégénérations secondaires, les fibres courtes ne dépassent
pas la zone de Lissauer et la zone cornu-radiculaire ; elles
s'épuisent autour des cellules de la corne postérieure adja-
cente. Les fibres moyennes partent de la bandelette externe,
et plus spécialement des deux tiers antérieurs de celte ban-
delette ; elles naissent souvent sur une bailleur de plusieurs
centimètres, pour se rendre aux cellules des colonnes de
Clarke et à celles de la base de la corne antérieure. Quant
aux fibres longues, elles occupent le tiers postérieur de la
bandelette externe pour se cantonner finalement dans le
petit triangle situé au voisinage du sillon médian; donc, à
partir d'un certain niveau, ce triangle ne contient plus que
les libres radiculaires longues.
Dans l'étude du trajet de la racine postérieure, nous
n'avons fait mention que des filets ascendants. Nous n'igno-
rons pas que certaines recherches, embryogéniques et expéri-
mentales, ont démontré l'existence de filets radiculaires
descendants ; mais, dans la moelle humaine, la méthode des
dégénérations secondaires permet de conclure que les filets
radiculaires descendants ne forment pas des fascicules indi-
vidualisés et compacts ; leur importance nous paraît donc
secondaire.
Ainsi toute racine postérieure, abordant la moelle, suit un
trajet ascendant bien délimité (zone cornu-radiculaire, zone
de la bandelette externe, zone du triangle postérieur). Mais,
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 187 I
chaque fascicule se juxtaposant à son voisin, il en résulte un
ensemble que l'on peut appeler le c champ radiculaire » du
cordon postérieur. La topographie et les limites de ce champ
radiculaire se déduisent de notre description précédente sur
le trajet de chaque racine; nous l'avons, d'ailleurs, schéma-
tisé sur les figures ci-jointes, pour bien montrer son étendue,
à chaque étage de lamoelle. Nous nous contenterons de résu-
mer toutes ces notions topographiques en quelques lignes.
- Au niveau de la moelle sacrée, lombaire et dorsale infé-
rieure, le champ dit radiculaire occupe la plus grande éten-
due des cordons postérieurs (zones pointillées). Toutefois, il
n'atteint pas en avant la région cornu-commissurale (b'), et
il finit en dedans, à une certaine distance du sillon médian
postérieur dont il reste séparé par un faisceau spécial, endo-
gène (b). Ce vaste espace est occupé tout entier par les fibres
radiculaires et leurs collatérales. '
Mais il nous faut savoir où se trouvent plus spécialement,
dans ce champ radiculaire, les fibres courtes, moyennes ou
longues. Rappelons-nous le trajet d'une racine isolée, et nous
comprendrons aisément les conclusions suivantes : en B
(zone d'entrée ou de Lissauer) sont situées les fibres fines de
la racine postérieure qui pénètre à ce niveau ; en a (zone
cornu-radiculaire) le faisceau à grosses, fibres, de la même
racine, se dispose contre le bord interne de la corne posté-
rieure, suivant le dispositif signalé plus haut : or, c'est en
B et en a que se trouvent tuutes les fibres courtes, d'ailleurs
Fig. 4, 5, 0, 7, 8. - Ces figures demi-schématiques représentent les
champs radiculaires (régions pointillées) et les champs endogènes
(régions quadrillées) aux principaux étages de la moelle. '
Les champs radiculaires ou exogènes occupent : la zone cornu-radicu-
laire (a); les bandelettes externes (a', a") ; les triangles postérieurs (a'").
B, zone de Lissauer ; D, cordons latéraux ; E, région périépen-
dymaire.
Les champs endogènes sont : les descendants (b), variables à chaque
région, sacrée, lombaire, dorsale, etc. Les ascendants (b') surtout déve-
loppés au niveau des renflements, lombaire ou cervical.
Fit, 4 - Au niveau de la pénétration de la quatrième racine postérieure sacrée.
Flip. 5. - Au ni\eau de la cinquième racine lombaire.
Fig. 6. Au niveau de la douzième racine dorsale.
fit, 7. Entre la huitième racine dorsale et la neuvième.
Fig. S. Au niveau de la deuxième racine cervicale (G', fibres longues lombo-sacrées
et dorsales inférieures. G" fibres longues dorsales supérieures).
188 PATHOLOGIE NERVEUSE.
mélangées aux autres fibres, moyennes et longues. En-a'et
en- a" nous avons l'ensemble des bandelettes externes qui
appartiennent aux racines dont le point d'entrée est située
plus bas; la bandelette la plus interne est celle de la sixième
- racine sacrée, la bandelette la plus externe est celle de la
racine qui a pénétré dans la zone cornu-radiculaire immédia-
- tement sous-jacente : or, les deux tiers antérieurs de ces
bandelettes renferment plus spécialement les fibres radicu-
laires moyennes. Enfin, en d" nous rencontrons le tiers posté-
rieur des bandelettes, région importante à signaler, puis-
qu'elle renferme toutes les fibres longues, celles qui consti-
tueront les triangles du cordon de Goll.
Dans la moelle dorsale et cervicale, le champ radiculaire
-obéit aux mêmes lois d'agencement général ,que celui des
régions sacrée et lombaire; mais il faut noter l'interposition
d'un faisceau spécial, dit virgule de Schulre, que nous aurons
à étudier plus loin.
Nous terminerons cette topographie des champs radicu-
laires du cordon postérieur par l'exposé de la nouvelle con-
ception du cordon de Goll de la moelle cervicale. Les anciens
auteurs désignaient sous ce nom un faisceau de substance
blanche, individualisé à partir de la huitième racine cervi-
cale jusqu'au bulbe; limité en dedans par le septum médian,
il atteint en dehors le septum intermedium ; il se présente
sous forme d'un triangle à base postérieure large, à sommet
antérieur effilé et terminé derrière la commissure grise. Les
travaux récents, faits avec la méthode des dégénérations
secondaires, ont montré la constitution exacte du cordon
de Goll cervical : les triangles postérieurs à fibres longues
des racines lombo-sacrées en occupent la plus grande
partie (fig. 8, G') ; en s'emboîtant les uns dans les autres
(loi de Kahler), ils remplissent en longueur le tiers posté-
rieur du cordon de Goll, sans atteindre en largeur le septum
intermedium; le restant du cordon, de forme irrégulière
(Tg. 8, G") est occupé par les triangles à fibres longues des
sept dernières racines dorsales qui s'étagent successivement,
de dehors en dedans, pour remplir l'espace laissé libre par
les triangles lombo-sacrés.
2° Faisceaux endogènes des cordons postérieurs de la
moelle humaine. - Les champs radiculaires forment la plus
grosse portion du cordon postérieur, mais ne le constituent
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 189
pas en entier ; ils respectent' certaines zones remplies par les
faisceaux endogènes.
Dans cette étude des faisceaux endogènes des cordons
postérieurs de la moelle humaine, nous utiliserons les seuls
documents fournis par la méthode des dégénérations secon-
daires ; elle a été employée, dans quelques travaux récents
dont notre mémoire inaugural a donné l'exposé détaillé.
Nous croyons qu'il est permis de distinguer dans le cordon
postérieur, deux faisceaux endogènes : l'un descendant, le
plus important, l'autre ascendant.
Le faisceau endogène descendant du cordon postérieur
existe dans toute la hauteur de la moelle, depuis le bulbe
jusqu'au cône terminal; mais il occupe une région différente,
suivant l'étage considéré ; en d'autres termes, suivant qu'il
s'agit de la moelle cervicale, dorsale, lombaire ou sacrée.
Nous l'examinerons toujours, comme pour les trajets radicu-
laires, sur une coupe transversale de la moelle.
Dans la région cervicale et dorsale, il s'appelle plus spécia-
lement « virgule de Schultze . Cette virgule, de forme assez
irrégulière, a l'aspect d'une bandelette antéro-postérieure
allant de la commissure grise jusqu'à la périphérie de la
moelle, parallèlement au bord interne de la corne, dont elle
est séparée par d'autres fibres ; son extrémité postérieure est
souvent renflée (fig. 9).
Dans la région lombaire, le faisceau endogène descendant
se place de chaque côté du sillon médian postérieur. 11 occupe
une zone irrégulièrement ovalaire, un peu effilée à ses deux
Fig. 9 destinée à montrer la topographie du faisceau endogène descen-
dant dit « virgule de Schulze ». Ce faisceau apparaît, dans chaque
moitié du cordon postérieur, sous forme d'une bande décolorée au
milieu des régions saines qui sont noires (procédé de lVeigert-Pal).
La coupe horizontale a été faite au-dessous d'un foyer de myélite trans-
vei'se totale.
1 .
190 PATHOLOGIE NERVEUSE.
extrémités en forme de fuseau : c'est le « centre ovale » de
Flechsig. Cet auteur l'a bien signalé, en 1876, dans son tra-
vaiisur les .voies conductrices du cerveau et de la moelle
épinière, mais sans lui donner sa vraie signification (l'tg. 5, 6).
Dans la région sacrée, le faisceau descendant reste situé
tout contre le sillon médian; mais il se présente sous forme de
triangle; sa base atteint la surface de la moelle ; sa pointe
touche la commissure postérieure.
L'on doit se demander comment s'établit la continuité entre
la virgule de Schultze (portion cervico-dorsale du faisceau
endogène descendant), et le centre ovale de Flechsig (por-
tion lombaire). Les derniers travaux faits avec la méthode des
dégénérations secondaires nous paraissent démontrer que
cette continuité est assurée par une bandelette périphérique
spéciale (fig. 6, 7) située à la région dorsale inférieure. Cette
bandelette borde la périphérie même de la moelle et atteint
en dedans le sillon médian ; elle apparaît quand cesse la vir-
gule de Schulze et avant que ne commence le centre ovale.
Le faisceau endogène descendant du cordon postérieur
existe donc dans toute la hauteur de la moelle. Comme tout
faisceau commissural, il reçoit et perd des fascicules à chaque
étage de la moelle. Chaque fascicule nouveau paraît prendre
naissance, au moins pour les régions cervicale et dorsale,
dans les cellules de cordons situées à la base de la corne
1%u. 10 (cône terminal). - Cette figure est destinée à montrer la forme et
les dimensions du faisceau endogène descendant, dit « faisceau triangu-
laire médian » de la "ég-ion sacrée inférieure et du cône terminal. Il est
représenté par une zone décolorée, de chaque côté du sillon médian
postérieur (procédé de Weigert-Pal). Cette coupe, horizontale comme
les précédentes, a été faite.au-dessous d'un foyer de myélite transverse
totale.
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 191 J
postérieure. Ce faisceau endogène descendant contient donc,
à tous les étages, des fibres courtes, des fibres moyennes et
des fibres longues qui paraissent intimement mélangées les
unes aux autres, quel que soit le niveau considéré.
On nous permettra d'insister sur l'importance que présente,
pour le fonctionnement de la moelle, cette longue voie com-
missurale descendante qui unit non seulement un étage mé-
dullaire à l'étage supérieur, mais encore chacun d'eux aux
points extrêmes du renflement lombaire ou de la moelle
sacrée ; elle doit jouer un grand rôle dans la diffusion rapide
des réflexes dont le point de départ, l'impression périphé-
rique, est ainsi projeté à tous les étages de la moelle.
Le faisceau endogène ascendant des cordons postérieurs
paraît moins nettement topographié que le précédent. Ses
dégénérations ont été peu étudiées ; elles sont difficiles à
mettre en évidence; elles ne sont pas compactes, et il per-
siste toujours des fibres saines, en nombre plus ou moins
considérable. qui gênent l'interprétation.
Toutefois, il est permis de penser que des fascicules endo-
gènes ascendants forment la plus grosse partie de la zone
cornu-commissurale, surtout développée au niveau des ren-
flements, lombaire ou cervical. On sait que la zone, dite
cornu-commissurale, occupe l'angle formé par la réunion du
bord interne de la corne et de la partie adjacente de la com-
missure grise.
B. Topographie DES lésions médullaires tabétiques. -
L'étude anatomique de la fasciculation, exogène et endo-
gène, des cordons postérieurs nous a paru nécessaire pour
appuyer notre topographie des lésions médullaires tabé-
tiques. Sans entrer dans de longs détails, nous pouvons
maintenant exposer nos conclusions faciles à saisir, nous
l'espérons, après les développements anatomiques.
Nous avons cherché la solutiondu problème topographique
dans l'examen en coupes sériées de moelles tabétiques à
diverses périodes de leur évolution; en d'autres termes,
nous avons étudié des cas de tabes initial et des cas de tabes
avancé. Les uns devaient, évidemment montrer quels sys-
tèmes de fibres se prennent dès la première atteinte du mal;
et les autres, jusqu'où peut aller l'affection dans l'envahisse-
ment successif des cordons postérieurs.
Comme technique, nous avons surtout employé le procédé
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. '193
7''<'y. 11, 12, 13. Ces figures sont destinées à montrer la topographie des
lésions dans le tabès initial (première étape anatomique de la mala-
die).
Coupes transversales de la moelle, sacrée et lombaire. La moitié postérieure est seule
représentée. Les régions noires (cordons latéraux) sont saines ; les- régions décolorées
sont malades au prorata de leur décoloration (procédé de Weigert-Pal). Il faut remarquer,
toutefois, 'que les cordons latéraux, dessines eu masse, apparaissent plus noirs que les
parties saines des cordons postérieurs, représentées en pointillé distinct.
Les régions des cordons et des. cornes postérieures ont été soigneusement repérées sur
ces figures et les suivantes ; chacune d'elles a été indiquée par une lettre :
A, racines postérieures adjacentes, sur le point de pénétrer dans ia moelle ; B, zone de
Lissauer (faisceau grêle) ; C, corne postérieure et son réseau plexiforme ; D, cordons
latéraux : E, commissure grise ; F, colonnes de Claire.
Zones radiculaires (faisceau à grosses fibre*). - En a, zone cornu-radiculaire ; en a',
a", zone des bandelettes externes ; en a ? zone des libres longues (champs postérieurs).
Zones endogènes. - En b, zones endogènes descendantes (faisceau triangulaire mé-
dian, centre ovale, bandelette périphérique, virgule de Sclmlsr, suivant la région ; en 4',
zones endogènes ascendantes (région coriia-coiiiiiiissurale).
Fit. 11. Au niveau de la troisième racine sacrée. Le quadrilatère tabétique prédo-
mine au niveau des bandelettes externes (deux tiers antérieurs). La zone cornu-radicu-
laire (a) attenant au boi d interne de la corne ; les champs postérieurs (a"') sont moins
décolores. Les racines postérieures adjjcentes'(A) sont malades (fibres fines, fibres déco-
lorées).
Frg. 12, 13 (première racine sacrée, première racine lombaire). Le quadrilatère
tabétique gagne du côté de la ligue médiane. - Il faut remarquer la disproportion qui
existe, à tous les niveaux, entre la décoloration des zones d'entrée et des champs poste-
rieurs, et celle des zones de trajet (bandelettes externes et leurs deu\ tiers antérieurs). On
notera également la conservation relative des champs endogènes, descendant ou ascen-
dant.
Archives, 2e série, t. IV. 13
de coloration dit de Weigert-Pal. 11 a le gros avantage d être
électif pour les gaines de myéline des tubes nerveux, qu'il
colore seules à l'exclusion de tout autre tissu; en consé-
quence, par les cordons postérieurs, les régions saines appa-
raissent noires sur les coupes transversales. Les régions
malades, au contraire, sont plus ou moins décolorées, au
prorata même de leurs altérations. Ce procédé nous a donc
paru le procédé de choix, pour notre étude topographique.
Il est bien évident, d'ailleurs, que certaines règles, d'ordre
technique, doivent être rigoureusement observées dans son
emploi; à cette condition expresse, l'liistologiste est sur de
voir la lésion tout entière, et la lésion seule.
Arrivons aux résultats. Nos cas de tabès initial montrent
d'abord que le mal débute au niveau du système radiculaire,
à la fois dans les racines et dans les cordons postérieurs;
mais celte constatation, qui n'est pas nouvelle, ne saurait
suffire en l'espèce : aussi notre but a-t-il été surtout de voir
quelles fibres se prenaient spécialement, dans ce système
DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 195
l'i ? 1 e, 1, lG, 1 i. Ces figures sont destinées a montrer la prise des
faisceaux endogènes, descendants ou ascendants, au cours d'un tabès
avancé (deuxième étape anatomique de la maladie). Les lettres ont la
même signification que dans les figures précédentes.
Fig. 14 (point d'cntrée (le I.l cinquip.me ¡'.lClne flcl'éc). - Le faisceau triangulaire
médiau (b) est décoloré, presque aussi complètement que les champs radiculaires
(a, a', a", a"').
l'ig. 13 (cinquième racine lombaire). - Décoloration il peu près totale du centre
ovale (6).
Flg, 16 (douzième racine dorsale). La bandelette périphérique dorso-lombaire
(6) n'existe plus.
1% : g. 1 (sixième racine cervicale). La virgule de Schulze (6) n'existe plus à l'état de
faisceau compact.
radiculaire. Au niveau des racines, il nous a paru impossible
de systématiser la lésion : les fibres étant intimement mélan-
gées les unes aux autres, on ne peut saisir la moindre trace de
groupement et nous avons dû abandonner le problème de ce
côté. Par contre, dans les cordons postérieurs, la localisation
initiale est bien tranchée : elle a lieu au niveau des bande-
lettes externes, plus spécialement dans leurs deux tiers anté-
rieurs. D'après l'étude anatomique qui précède les fibres
radiculaires, situées à ce niveau, appartiennent aux fibres
dites moyennes. Il nous paraît donc logique de conclure que
les fibres radiculaires moyennes sont prises dès le début du
tabès, dans les cordons postérieurs. Mais si ces fibres se
détruisent dans la moelle, très vraisemblablement elles se
détruisent aussi au niveau des racines postérieures. En effet,
toutes les fibres radiculaires sont continues, depuis la cellule
ganglionnaire jusqu'à leurs terminaisons dans la moelle ou
le bulbe : leurs réactions pathologiques sont donc les mêmes
au niveau des racines et au niveau des cordons.
Nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer que
cette localisation initiale sur les fibres radiculaires moyennes
explique bien la disparition de certains réflexes dès le début
du tabès (réflexes tendineux, rotulien, etc.) : on sait, en
effet, qu'un grand nombre deces fibres radiculaires moyennes
forme le groupe des fibres dites sensitivo-réflexes (Koelliker).
Ce groupe est spécialement chargé du premier temps de tout
acte réflexe, c'est-à-dire de l'apport de l'impression périphé-
rique aux cellules motrices.
Si le tabes initial renseigne sur la première localisation
(fibres radiculaires moyennes), le tabès avancé montre les
196 PATHOLOGIE NERVEUSE.
autres localisations de la maladie qui a suivi ses principales
phases. Si l'on veut bien consulter lesdessins ci-joints ((lg. '14
à '17), la réponse sera aisée.
Le tabes, dans sa dernière étape, détruit les autres systèmes
radiculaires (fibres courtes, fibres longues); il atteint égale-
ment les fibres endogènes. Ainsi, sur une moelle de tabes
avancé, le faisceau endogène descendant est pris dans toute
la hauteur de la moelle (faisceau triangulaire médian, centre
ovale, bandelette périphérique dorso-lombaire, virgule de
Sclmltze). Les fibres endogènes ascendantes (zone cornu-com-
missurale) sont également prises, mais à un degré moindre
et plus tardivement. Cet envahissement des faisceaux endo-
gènes, à une période plus ou moins avancée de la maladie,
démontre que le tabes n'évolue pas uniquement sur le sys-
tème radiculaire postérieur, comme le répètent quelques
travaux récents. Sans doute, les cas que nous avons pu exa-
miner étaient trop avancés pour nous permettre de recher-
cher l'époque précise à laquelle le mal détruit et les autres
fibres radiculaires et les fibres endogènes. Nous pouvons
cependant conclure que cet envahissement des faisceaux
endogènes est assez constant, assez généralisé pour caracté-
riser le tabes avancé; en d'autres termes, c'est, à notre avis,
la lésion de la deuxième étape anatomique de la maladie.
Une dernière question reste à résoudre : Comment se
prend le cordon de Goll dans le tabes ? Son étude à part
est suffisamment justifiée par l'importance anatomo-physio-
logique de ce grand faisceau des fibres radiculaires longues
(lombo-sacrées et dorsales inférieures). De plus, la solu-
tion du problème sera utile et à la topographie des lésions
médullaires tabétiques et à leur formule histologique gé-
nérale.
Le plus souvent, le cordon de Goll (moelle cervicale) se
prend suivant un mécanisme bien établi par Pierret dans
son travail- fondamental. A la région lombaire, ses fibres
constitutives sont détruites primitivement au niveau des ban-
delettes externes, lorsque le processus gagne leur tiers
postérieur. Détruites, ces fibres subissent, dans leur bout
périphérique, la dégénération secondaire. Finalement, elles
se sclérosent sur les coupes colorées par le procédé de
Weigert-Pal, le cordon de Goll cervical est alors représenté
par une tache blanche, dans toute l'étendue de la moelle
DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 197
cervicale. De par ce mécanisme, le cordon de Goll tabétique
est le fait d'une dégénération secondaire ascendante.
Mais ce mécanisme n'est pas le seul. En nous appuyant sur
trois observations de tabes cervico-dorsal (Eichhorst, Mar-
tius) nous pensons que le cordon de Goll peut être détruit par
un processus primitif, au cours du tabès médullaire. Dans
ces trois cas, la lésion, uniquement cervico-dorsale, respectait
la moelle lombaire, par conséquent les fibres longues du
cordon de Goll au niveau de leur point de pénétration, et,
cependant, ce cordon était sclérosé dans la région cervicale.
La seule conclusion à tirer de ces cas, conformément aux lois
de l'histologie pathologique actuelle, est que le tabes peut
détruire primitivement le cordon de Goll. Il nous sera per-
mis de souligner, dès maintenant, l'intérêt de cette conclu-
sion qui s'ajoute à d'autres faits pour démontrer que le tabes
frappe primitivement les cordons postérieurs.
Deuxième partie. - Caractères IIISTOLOGiQUES du processus
TABÉTIQUE. - FORMULE ANATOMIQUE GÉNÉRALE. - DÉDUC-
TIONS CLINIQUES.
Étudier les caractères histologiques du processus tabétique,
c'est déterminer la part des lésions parenchymateuses inters-
titielles et dégénératives, au cours de ce processus, aux divers
étages de la moelle.
Notre technique a été spéciale pour chaque ordre de
lésions. Ainsi, les réactifs nucléaires par excellence (héma-
toxyline alunée, hématéine) nous ont permis d'étudier la pro-
lifération des cellules interstitielles; en associant à ces colo-
rants nucléaires le picro-carmin ammoniacal de Ranvier ou
l'éosine, nous avons pu apprécier la sclérose névroglique,
l'état des vaisseaux, etc.
L'étude des lésions parenchymateuses a été faite sur les
racines postérieures, sur les cordons de la moelle, enfin sur
les ganglions rachidiens. Pour les racines, nous avons pra-
tiqué surtout des dissociations, après imprégration des divers
segments radiculaires par l'acide osmique (solution aqueuse
au centième). Les cordons postérieurs ont été examinés après
coloration par le liquide osmio-chromique de Marchi ; ce
liquide a le privilège de montrer aisément les corps granu-
leux qui accompagnent toujours une dégénération secon-
198 PATHOLOGIE NERVEUSE.
daire. Enfin, des coupes sériées, pratiquées sur les ganglions
rachidiens choisis à différents niveaux, nous ont donné
l'état des cellules d'origine des racines postérieures.
Les lésions interstitielles nous paraissent avoir une im-
portance secondaire ait cours du processus tabétique : cette
conclusion de notre travail inaugural est justifiée par les
faits suivants.
Au niveau des cordons postérieurs, nous avons bien ren-
contré une légère leucocytose périvasculaire ; mais elle nous
paraît suffisamment expliquée par la phase agonique ou par
les infections secondaires, si fréquentes chez les tabétiques
(pneumonie, pyélo-néphrites, escarres). Dans les espaces,
interstitiels ou péritubulaires, les cellules (embryonnaires ou
conjonctives) ne nous ont jamais paru en nombre suffisam-
ment considérable pour pouvoir prétendre à un rôle quel-
conque dans l'histogenèse du processus tabétique ; même au
cours de nos recherches sur les altérations interstitielles des
moelles tabétiques, nous avons été frappé par le peu de déve-
'loppement de la névroglie ou du tissu conjonctif péritubu-
laire ; aussi ne sommes-nous pas certain qu'il y ait vraiment
prolifération névroglique; car on se trouve en présence d'un
tissu affaissé, sans consistance, dont les mailles sont nom-
breuses et larges. On peut se demander si la persistance du
seul tissu de soutènement normal n'est pas capable d'expli-
quer l'aspect pseudo-scléreux d'un cordon postérieur tabé-
tique ; en ce cas il n'y aurait pas à faire intervenir une pro-
lifération névroglique quelconque.
11 faut aussi parler de la méningite postérieure. Elle eut ses
partisans déclarés. Mais actuellement les auteurs paraissent
être d'accord pour lui refuser toute action directrice sur
l'évolution du processus tabétique. Elle est trop inconstante
et souvent hors de proportion avec l'intensité de la lésion des
cordons sensitifs. D'ailleurs, il ne suffit pas de constater, au
cours d'un tabes, l'existence d'une méningite postérieure
pour lui attribuer un rôle prépondérant dans l'évolution du
processus tabétique. - Les anciens partisans des lésions
méningées auraient bien dû expliquer par quel mécanisme
elles déterminent l'atrophie des tubes nerveux. A ce propos,
nous rappellerons qu'un examen histologique nous a montré
un foyer de méningite très intense, sans aucune lésion au
niveau des filets radiculaires enserrés par lui. « Dans un cas
DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 199
de syringomyélie, les racines postérieures étaient empri-
sonnées, sur une certaine étendue de la moelle, au sein de
lamelles conjonctives développées aux dépens des méninges
et de la dure-mère. Or, ces racines présentaient des tubes
noirs en assez grande quantité, pour être considérées comme
saines '. »
Les lésions parenchymateuses existent, dès le début du
tabès, au niveau du tube nerveux ; la cellule du ganglion
vertébral reste intacte; ces lésions parenchymateuses sont
surtout primitives. - Voyons les faits qui nous paraissent
entraîner cette conclusion.
Nos recherches ont été ici pratiquées sur des cas de tabes
peu avancés dans leur évolution. Ce choix était nécessaire :
dans un tabes très ancien, l'examen histologique porte
sur un tissu cicatriciel, dans lequel on rencontre seulement
des fibrilles névrogliques ou des îlots conjonctivo-vascu-
laires ; dès lors, il est impossible de tirer la moindre con-
clusion de l'étude de cette cicatrice tabétique.
Nous avons examiné les racines postérieures, les cordons
correspondants et les cellules des ganglions rachidiens.
La dissociation des racines postérieures (après imprégna-
tion osmiée) nous a donné les résultats suivants. Examinée
en bloc, la racine est diminuée de volume dans tous ses seg-
ments ; cette réduction de volume résulte de l'atrophie
considérable du tube nerveux. Le processus atrophique nous
a paru passer par plusieurs phases. Au début, la myéline
présente un état granuleux spécial ; elle est poussiéreuse et
se colore mal, en brun terne ; nous avons rencontré très
souvent cette coloration sur les gaines myéliniques tabéliques
en voie d'atrophie. Elle ne tient pas à une imprégnation
insuffisante par l'acide osmique, comme il arrive parfois
pour les parties centrales de certains nerfs volumineux ;
nous croyons plutôt à un état moléculaire spécial de la myé-
line malade. Puis, sous l'influence de cette désintégration
granuleuse, la gaine devient de plus en plus étroite; elle
présente au maximum la disposition variqueuse que Ranvier
a signalée ça et là, sur les tubes sains ; cette exagération
d'une disposition normale tient sans doute à la fragilité
extrême de la gaine. Par contre, les noyaux interannulaires
' Arche. de médecine expérimentale, juillet 1801.
200 PATHOLOGIE NERVEUSE.
n'augmentent pas de nombre; le protoplasma n'est guère
plus abondant qu'à l'état normal ; on trouve souvent, dans
son épaisseur, des granulations graisseuses qui doivent pro-
venir de la fonte moléculaire de la myéline voisine. - Le
tissu interstitiel nous a paru sain ; il n'y a pas de sclérose
vraiment importante à noter - Le processus atrophique
continuant, la gaine myélinique disparaît complètement;
elle est remplacée par une sorte de filament que le picro-
carmin colore en rouge foncé.
Dans cette étude du processus atrophique, nous n'avons
parlé que de la gaine de myéline. Nous ne pouvons donner
aucun renseignement positif sur l'état du cylindre-axe au
cours du processus tabétique. Malgré un séjour prolongé
dans le picro-carmin vieux, après dissociation grossière pour
faciliter la pénétration, nous n'avons pu colorer le cylindre-
axe, même au niveau des points où la méyline était fragmen-
tée. Tant que le colorant électif du cylindre-axe restera
inconnu, on ne pourra, croyons-nous, être renseigné *sur
son état dans le tabes médullaire. Cependant, quelques pro-
babilités nous paraissent en faveur de la longue persis-
tance du cylindre-axe, au moins tant que la gaine de myéline
existe : en effet, cette gaine, quoique très étroite, reste conti-
nue, compacte, à plein calibre : toutes choses difficiles à
comprendre, si l'on suppose la disparition de son contenu, le
cylindre-axe. Dans le même ordre d'idées, si la gaine myéli-
nique était vidée, ses parois arriveraient au contact sous la
pression de tous les tissus environnants, au lieu d'apparaître
béante, avec un double cercle parfaitement net, sur une coupe
transversale.
Au niveau des cordons postérieurs, le procédé de Marchi
nous a permis de constater un processus sensiblement ana-
logue, quelles que soient les régions examinées (zones exo-
gènes ou endogènes). Là aussi, le processus tabétique évolue
par atrophie simple : on assiste à un amincissement graduel
de la gaine myélinique qui finit par disparaître, sans corps
granuleux abondants ; on trouve çà et là, dans le tissu inters-
titiel et les parois des vaisseaux, des granulations graisseuses,
en fine poussière, plus facilement que dans les racines posté-
rieures, sans doute àcausede l'absericede lagaine de Schwann.
Ce processus se fait à froid, avec une extrême lenteur, abso-
lument comme au niveau des racines. Sans doute, nous avons
DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 201
rencontré souvent des corps granuleux, soit en plein cordon
de Burdach, soit au niveau du faisceau de Goll, et ces corps
granuleux occupaient les espaces intertubulaires ou la gaine
des vaisseaux ; mais c'est là un processus secondaire, car il
succède au processus primitif arrivé à une certaine période de
son évolution (période de la disparition totale du tube nerveux).
Les cellules des ganglions vertébraux nous ont paru remar-
quablement intactes, même dans les cas de tabès avancé, si
l'on met de côté l'hyperpigmentation qui se rencontre, à
partir d'un certain âge, chez tous les sujets. Faut-il expliquer
ces résultats par l'insuffisance de la technique ? Nous ne le
croyons pas. Sans doute, une technique très délicate est
nécessaire pour déceler toute altération cellulaire aiguë et
superficielle au point de ne pas déterminer la moindre dégé-
nération secondaire des cylindres-axes. - Mais, toutes les fois
qu'une altération cellulaire a le temps de provoquer des lésions
dégénératives considérables au niveau des tubes nerveux, la
technique la décèle aisément; en d'autres termes, on peut dire
que, dans les lésions chroniques du système nerveux, il existe
une certaine proportionnalité entre les altérations cellulaires
et les processus dégénératifs secondaires des tubes nerveux.
Or, dans le tabes, la destruction des tubes nerveux est très
intense; l'altération de la cellule originelle, si elle existe,
devrait être énorme, et c'est trop douter des techniques de
la neuro-histologie actuelle que de supposer qu'une altéra-
tion cellulaire, cause d'une dégénération névritique aussi
prononcée, puisse leur échapper. Toutes ces raisons nous
empêchent de croire à une lésion importante des cellules du
ganglion rachidien, au cours du processus tabétique.
De même, les autres systèmes cellulaires (corne postérieure,
colonnes de Clarke) nous ont paru intacts ; dans toutes ces
zones, nous n'avons constaté que la diminution plus ou moins
marquée du réticulum myélinique.
Nous avons dit plus haut que les lésions parenchymateuses
du tabes médullaire étaient surtout primitives. Nous ne vou-
lons pas reprendre tous les détails donnés dans notre tra-
vail inaugural sur les caractères histologiques des processus
parenchymateux secondaires, ou « dégénérations » ; nous
nous contenterons de répéter notre conclusion : le processus
tabétique ne rappelle ni la dégénération wallérienne, ni la
dégénération rétrograde.
20 : 2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Sur le terrain clinique, le gros problème à résoudre est
celui de la superposition de chaque symptôme fondamental à sa
lésion spécifique. Il nous sera permis de donner ici le résumé
de quelques recherches personnelles, quoique leurs résultats
soient encore incomplets. Ces recherches se proposaient
d'examiner quelle symptomatologie différente suit la prise
des fibres endogènes et celle des fibres exogènes; de plus, à
propos de ces dernières, il s'agissait de voir si la symp-
tomatologie varie, suivant que les fibres sont atteintes en
- dehors de la moelle (racines postérieures) ou au niveau de
leur trajet intra-médullaire (cordons blancs).
Ce problème avait déjà été abordé par Pierret, lorsqu'il
disait en 1871, à propos de la superposition (à peine ébau-
chée) des symptômes tabétiques aux lésions : « Il nous
semble possible d'aller plus loin et de rechercher, par
eee : n p le, si le développement graduel de la sclérose des cor-
dons postérieurs n'est pas absolument lié à l'apparition gra-
duelle et successive des symptômes. »
Mais, pour la solution complète de ce problème, un peu
abandonné depuis les recherches de Pierret, peut-être à cause
de sa complexité, il faudrait une cinquantaine d'observations,
dans lesquelles les diverses phases de la maladie auraient été
soigneusement relevées mois par mois : toutes observations
suivies d'examens microscopiques minutieux, pour super-
poser le syndrome à la lésion, suivant la loi établie par
Charcot en neuropathologie. Ainsi comprise, notre étude est
loin d'être achevée : on nous permettra cependant d'exposer
ici quelques faits qui nous ont paru ressortir de ces recher-
ches cliniques.
Dans la symptomatologie du tabes, on peut distinguer
trois éléments : les syndromes tabétiques (sensitifs, moteurs,
trophiques, etc.), - l'ordre d'apparition de ces syndromes,
- enfin leur succession.
Les syndromes tabétiques, considérés en eux-mêmes, pos-
sèdent une fixité remarquable : dans la très grande majorité
des cas, ils débutent, évoluent et s'achèvent, chacun suivant
certaines lois que les recherches de cliniciens tels que
Duchenne, Charcot, Erb, Westphal, etc., ont su rigoureuse-
ment établir. Ces syndromes constituent donc la partie fixe
de la symptomatologie du tabes.
Mais un tabès se constitue en passant presque nécessaire-
DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. Oe'1
ment par chacun de ces syndromes, au moins quand il subit
son évolution complète; nous mettons évidemment à part
les tabes qui s'arrêtent, ceux à longue rémission et enfin ceux
dont une maladie intercurrente arrête le développement.
Or, et c'est la partie variable de la symptomatologie tabé-
tique, l'ordre de succession de ces syndromes, leur rapidité
d'évolution sont essentiellement mobiles et différents, sui-
vant chaque malade. Par suite de ces deux derniers carac-
tères, le tabès, considéré en bloc et non dans chacun de ses
syndromes constitutifs, cesse d'être une maladie cyclique.
Dans notre travail inaugural, nous avons réuni quelques
exemples tirés de nos observations. Nous voulons simple-
ment en donner ici la conclusion générale : le tabes médul-
laire reste une affection très variée dans ses localisations
anatomiques, comme dans son expression clinique, malgré
que certaines lois président et à ses lésions et à sa sympto-
matologie. - Est-il possible, maintenant, d'aller plus loin
dans ce parallèle entre les lésions et la maladie que nous
venons de résumer en disant : localisations anatomiques,
multiples et variées ; expressions cliniques, multiples et
variées ? Est-il possible de fournir une formule histologique
de chaque syndrome tabétique ? C'est seulement quand celte
solution aura été donnée tout entière qu'on aura vraiment
achevé l'histoire du tabes. Actuellement, le problème est
posé, c'est tout. Dans une aussi grosse question, il faut
beaucoup d'observations, patiemment et minutieusement
prises, du commencement à la fin, avec un examen histolo-
gique complet. Nos cas personnels sont trop peu nombreux,
pour nous permettre d'apporter, dans ce problème si intéres-
sant, une seule conclusion ferme. Aussi les faits suivants,
que nous allons simplement énumérer, ne sont-ils donnés
qu'à titre provisoire.
L'évolution du tabes se fait suivant deux types : tabes
bénin, tabes grave. Nous serions portés à penser que le tabès
grave reconnaît une lésion surtout médullaire à extension
rapide; cette lésion entraîne très vite la destruction des zones
endogènes des cordons postérieurs, ascendantes ou descen-
dantes. Le tabes bénin serait, au contraire, un tabes surtout
radiculaire; qu'il prenne naissance sur les racines en dehors
de la moelle ou au niveau de leur trajet intra-médullaire, ce
tabès aurait peu de tendance à s'étendre; les cas que nous
112011. PATHOLOGIE NERVEUSE.
avons pu observer, parmi les tabes arrêtés dans leur évolu-
tion ou limités à une symptomatologie peu bruyante, com-
portaient tous des lésions presque uniquement radiculaires.
Dans un autre ordre d'idées, nos cas nous ont aussi montré
que les douleurs étaient surtout le fait des lésions des racines
postérieures; cela concorde bien avec la symptomatologie
qu'on reconnaît à la lésion de ces racines, lorsqu'elles sont
comprimées par une tumeur ou un foyer de méningite posté-
rieure. Au contraire, les engourdissements, les paresthésies
généralisées, se rencontrent principalement dans les tabes
malins, à envahissement rapide; et, à ce titre, cette deuxième
modalité du syndrome sensitif tabétique reconnaîtrait une
lésion médullaire proprement dite. Enfin nous pouvons dire
que l'incoordination motrice ne suit pas nécessairement la
lésion des bandelettes externes : dans notre observation II,
les bandelettes externes étaient considérablement raréfiées
dans toute la hauteur de la moelle lombo-sacrée, et cepen-
dant la malade, suivie pendant plusieurs années par notre
maître, M. Merklen, ne présenta jamais la moindre ébauche
d'incoordination motrice.
Nous arrêterons là l'exposé de nos recherches sur quelques
points de l'histoire anatomique et clinique, de la maladie
de Duchenne; et nous conservons l'espoir de reprendre,
dans un prochain travail, l'étude de certaines parties du
problème que posait déjà Pierret en z1871, sans le résoudre
complètement, savoir : la superposition de chaque syndrome
tabètique à sa lésion originelle.
ASILES D'ALIhNIS.
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D ? LIIvI.S
ET LE RAPPORT DU D'' DUBIEF A LA CHAMBRE;
. Par le D' 11AISAVDON DE MONTYEL,
Médecin en chef de Yille-Elrard.
Il y a d'excellentes choses dans le rapport de mon savant
ami, le Dt Dubief, député de Saône-et-Loire, rapport distribué
à la Chambre dans la séance du 27 novembre z1896, des modi-
fications heureuses sur plusieurs points du texte voté par le
Sénat, toutes choses que je me propose de signaler et de dis-
cuter dans un autre travail '. Ce mémoire est, en effet, exclusi-
vement consacré aux deux articles S et 6 du projet de loi qui
vise l'organisation du personnel des asiles publics d'aliénés,
question d'une importance capitale et qui mérite d'être exa-
minée à part et en détails, puisque d'elle dépend tout le trai-
tement des malades. Or, j'ai le regret sur ce sujet d'être en
presque complet désaccord avec l'éminent rapporteur dont les
propositions formulées au nom de la Commission de la
Chambre, si elles avaient force de loi, loin d'améliorer la
situation actuelle, comme il l'espère, l'aggraveraient de beau-
coup. Au nom même de la bonne et solide amitié qui nous
unit, je lui dois de dire en toute franchise mon opinion.
I. Dans le projet de loi présenté par le Dr Dubief au nom de
la Commission de la Chambre, l'organisation du personnel
supérieur, médical et administratif et du personnel secondaire,
est modifiée profondément. Ce projet supprime, en effet, et les
directeurs purement administratifs, non pourvus d'un diplôme
de docteur en médecine et les médecins adjoints. Depuis des
années je clame que l'adjuvat, tel qu'il fonctionne dans les
asiles français, n'est pas seulement inutile mais encore dan-
' Voir Gazelle des hôpitaux, n°" du 16 et 23 février 1897.
06 asiles d'aliénés.
gereux. L'adjoint ne rend d'autre service que celui de rem-
placer son chef quand il est absent ou malade, le reste du
temps il l'emploie à créer des conflits. Mais j'ai trop écrit déjà
sur ce sujet pour y revenir. Le médecin adjoint qui, dans l'état
actuel, dit le Dr Dubief, est pour la plupart des cas réduit au
rôle de chef interne, adversaire né du médecin en chef, recruté
dans des concours où ce qui manque le plus ce sont les candi-
dats, à raison de l'infériorité de la situation qu'on lui offre,
condamné à tenir rang entre l'économe et le receveur, serait
remplacé par le médecin traitant qui aurait, de par le concours,
le droit à un service sous sa responsabilité. Et le distingué
rapporteur continue en ces termes : « Est-ce qu'on ne donne
pas aux médecins des hôpitaux le droit, dès le lendemain de
leur nomination, de faire les plus grandes opérations chirur-
gicales et de soigner les cas de médecine les plus compliqués ?
Pourquoi le jeune aliéniste, ancien interne des asiles, nommé
au concours, n'aurait-il pas le droit de soigner des aliénés et
de signer des certificats ? » Sur ce point je suis absolument
d'accord avec le D`' Dubief; c'est la thèse que j'ai soutenue
en 189 dans ce journal avec mon mémoire sur la Réorgani-
sation du personnel médical des asiles'. Mais comment dès lors
fonctionnera le service ? Je laisse la parole au rapporteur' :
« La loi en multipliant les organes d'inspection et de surveil-
lance crée les meilleures et les plus efficaces garanties, mais la prin-
cipale doit venir de l'asile, de l'Administration elle-même. A cetetfet
l'autorité, dans tout établissement chargé de soigner et de garderdes
aliénés, doit être tout entière entre les mains d'un directeur qui ne
peut être qu'un docteur en médecine, c'est-à-dire un administrateur
préparé par ses études à l'examen et à la discussion des questions
médicales, non pas pour intervenir dans le service des médecins
traitants qui doivent rester, sous leur responsabilité propre, les
maîtres dans leur domaine médical, mais pour être un agent
d'initiative et d'action intelligente dans la direction générale
de l'établissement. Le régime de la dualité des pouvoirs qui met
face à face le directeur et le médecin en chef est détestable; c'est
la cause constante des plus graves désordres, et c'est à peu près
toujours sur le dos des malheureux malades qu'on se bat. Chaque
asile doit donc avoir pour directeur un médecin. Chaque division
médicale doit avoir pour chef un médecin traitant, »
1 Voir dans la Tribune médicale de mai mon récent mémoire sur la
héonjanisalioii de 1 ? Itljiival.
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 207
A lire ce passage la réorganisation du service médical dans
les asiles serait complète. Il n'y aurait plus ni réunion des
services administratifs et médicaux, ni dualité des fonctions; il
n'y aurait plus, en effet, ni directeur-médecin en chef, ni direc-
teur administratif avec des médecins en chef ses égaux, mais
un médecin-directeur entre les mains duquel serait l'autorité
tout entière et, par conséquent, au-dessous de lui, des méde-
cins traitants chargés seulement de soigner les malades. Or,
ces dispositions qui constitueraient toute une révolution ne
sont pas du tout reproduites dans les articles du projet de loi.
Si on compare, en effet, le texte présenté par le D'' Dubief avec
celui voté par le Sénat, on constate qu'ils ne diffèrent qu'en
trois points : nécessité de la demande du Conseil général pour
la division des services; obligation pour le directeur adminis-
tratif d'être muni d'un diplôme de docteur en médecine; sup-
pression des médecins adjoints; tout le reste est identique. Il
en résulte qu'après comme avant persisteront et la réunion des
services et la dualité ; après comme avant il y aura des direc-
teurs médecins en chef mais sans adjoints et des directeurs
administratifs avec des médecins en chef, mais ces directeurs
administratifs seront des docteurs en médecine entre les mains
desquels sera centralisée toute l'autorité et les médecins en
chef ne seront plus que des subordonnés, de simples médecins
traitants, libres sans doute de saigner, purger et lavementer à
leur guise, mais sans action et nullement maîtres dans leur
service. C'est ce qui ressort clairement et du texte proposé et
des explications de l'exposé de motifs ; nous verrons plus loin
l'interprétation du Dr Dubief.
Eh bien ! une telle organisation du service médico-adminis-
tratif, qui serait obligatoire si le nouveau projet était voté tel
qu'il est présenté, est à tous égards inadmissible. Tout d'abord
l'expérience a démontré que, si avec un directeur administratif
laïque, comme nous l'appelons, les conflits sont très fréquents
avec un directeur administratif qui est médecin ils sont cer-
tains et à brève échéance. Le Dl' Dubief me répondra sans doute
que son médecin-directeur ayant dans ses mains toute l'auto-
rité, il n'y aura pas de heurt, puisque le médecn traitant,
simple subordonné, sera forcé de s'incliner. A mon tour, je lui
observerai deux choses : la première et la plus importante, que
le traitement moral de l'aliéné, si capital en l'espèce, sera
impossible; un médecin dans ces conditions d'infériorité sera
208 ASILES d'aliénés.
complètement paralysé; il restera sans action sur les malades
comme il est sans action sur le personnel; il n'aura pas la
liberté d'imprimer à son service la direction qu'il jugera la
meilleure, et comme en somme c'est lui qui sera le médecin,
qui seul traitera les aliénés, ceux-ci ne seront pas soignés
comme il faudrait qu'ils le soient.
En second lieu je serais curieux de savoir quels sont les
aliénistes qui accepteront de rester toute leur vie dans ces
conditions humiliantes de subordination. Mais tous demande-
ront à passer le plus tôt possible directeurs médecins en chef,
puisque la réunion des services se trouvera conservée, pour se
soustraire à cet état d'infériorité et être à même d'appliquer
leurs idées. Pour ma part, je sais bien que je me refuserai à
une telle situation et quelque horreur que m'inspire l'adminis-
tration, je m'empresserai d'endosser de nouveau le fardeau
administratif. Qu'on en soit certain, les médecins traitants du
D'' Tubief ne seront jamais que des débutants et des oiseaux
de passage et les aliénés, au grand préjudice de leur guérison,
ne seront pas traités six mois de suite par le même praticien.
La réunion des services, quels que soient à mes yeux ses
inconvénients, « vaut mille fois mieux qu'un tel système ».
Car, je le répète, il n'y aura plus comme médecins traitants
que des débutants et tous les aliénistes de quelque valeur
aimeront mieux encore être directeurs-médecins en chef que
de rester les subordonnés du médecin-directeur, et la science
psychiatrique petit à petit qui a brillé chez nous d'un si vif
éclat s'éteindra. En effet, ici encore, l'expérience est con-
cluante : ,sans conteste le directeur tue le médecin. Je n'en
connais que deux exceptions : Parchappe et Lunnier; Ach.
Foville qu'on a mis aussi en avant n'a fait de la direction que
peu de temps et vers la fin de sa carrière '. A part les deux que
j'ai cites, tous nos grands aliénistes ont été des médecins en
chef depuis Pinel et Esquirol, jusqu'à nos jours ; médecins en
chef étaient Georget, Foville père, Leuret et Falret; méde-
cins en chef, Baillarger, Moreau (de Tours) et Delasiauve et
vingt autres encore qu'on pourrait citer.
Mais dans le projet de loi présenté par le Dl' Dubief au nom
de la Commission de la Chambre, il y a une lacune encore
1 Et, croyons-nous, Itenaudin, Auzony, Bartome, Follet, llorel, etc., pour
ne parler que des morts. M. Marandon de Montyel oublie qu'à l'étranger
la grande majorité des asiles sont dirigés par des médecins. (B.)
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 209
plus grave. D'où viendra ce médecin-directeur aux mains
duquel il met toute l'autorité, et qui sera le chef des médecins
traitants ? Son recrutement n'est pas prévu, donc on sera libre
de nommer à ce poste qui on voudra comme on est libre
aujourd'hui de nommer au poste de directeur administratif;
la seule limitation imposée au choix sera le diplôme de docteur
en médecine. Ainsi le projet de loi prévoit pour le médecin
traitant, qu'il place en sous-ordre, deux concours et un stage
d'internat et, quand celui-ci aura passé par ces épreuves lon-
gues, compliquées et difficiles, il se trouvera peut-être le
subordonné du premier médicastre venu, fruit sec de la clien-
tèle, qui se sera réfugié dans les asiles, parce qu'il était inca-
pable d'avoir des clients, mais non pas des protecteurs sérieux
et de les utiliser et qui sait, d'un confrère pris précisément
parmi les refusés du concours des asiles ! Que le D'' Dubief ne
vienne pas nous assurer que le ministre aura soin de ne choisir
que des hommes supérieurs, il sait aussi bien que moi que
pour ces places données à la faveur les ministres sont loin
d'être toujours libres et que malheureusement ceux qui leur
sont le plus puissamment recommandés ne sont pas toujours
des sujets d'élite. Quoi qu'il en soit, il n'est pas admissible
qu'on oblige un médecin à passer par deux concours pour
faire de lui le subordonné d'un autre médecin n'ayant peut-être
jamais mis les pieds dans un asile et à qui on ne demande pas
autre chose que d'avoir des protecteurs influents. Donnant
toute l'autorité à leur médecin-directeur le D'' Dubief et la
Commission de la Chambre auraient dû entourer sa nomination
de plus de garanties encore que celle de leur médecin traitant.
Si le système proposé par le Dl' Dubief était adopté, si dans
les cas de division des services la Chambre décidait que les
fonctions de directeur administratif seraient remplies par
un médecin aux mains duquel serait toute l'autorité, il serait
de toute nécessité de spécifier que ce médecin-directeur omni-
potent serait toujours pris parmi les docteurs en médecine
ayant subi avec succès les deux concours d'interne et de
médecin en chef. De cette façon sa nomination serait régulière
et il serait plus facile pour le médecin traitant d'être son
subordonné et encore, ce qui est plus important, toute l'auto-
rité se trouverait au moins entre les mains d'un homme ayant
l'expérience des asiles. Mais même dans ces conditions tous
les inconvénients signalés plus haut persistent. Le système
Archives, 2° série, t. IV. 14 -
210. ASILES D'ALIÉNÉS. '
du "Dl' Dubief met l'aliéniste dans l'obligation de renoncer à
brève échéance à la science pure pour s'adonner à l'adminis-
tration et devenir directeur-médecin en chef, afin de n'être
plus en sous-ordre. Aujourd'hui il est permis de rester toute
sa vie médecin en chef occupé exclusivement de recherches
scientifiques et de soins à donner aux aliénés, parce que, quel
que soit le directeur, on est du moins son égal et maître absolu
dans son service. Il n'en serait plus ainsi avec le projet de loi.
La Chambre se rendant compte du désaccord existant entre
l'exposé des motifs et les articles de la loi qui lui est proposée
et désireuse d'adopter le système admis par sa Commission
décidera peut-être que désormais, par toute la France, chaque
asile aura pour directeur un médecin à qui sera confiée toute
l'autorité et chaque division pour chef un médecin traitant,
les uns et les autres recrutés toutefois dans les mêmes condi-
tions. Elle sera ainsi logique. Il y aurait de cette façon chez
nous deux corps d'aliénistes, les uns administratifs et qui
auraient la haute main, les autres qui, subordonnés à ceux-ci,
soigneraient les malades et s'occuperaient de science. Certai-
nement avec une telle organisation quiconque désirerait pour-
suivre des travaux scientifiques serait contraint de rester
médecin traitant et en sous-ordre ; aussi ces deux corps d'alié-
nistes s'entre-dévoreraient, comme s'entre-dévoreront d'ailleurs
le médecin-directeur et le médecin traitant du D'' Dubief, que
mon savant ami en soit convaincu,1 malgré sa précaution de
remettre au premier toute l'autorité; et ce seront les malheu-
reux aliénés qui en souffriront, car dans de telles conditions
de subordination, de révolte et de lutte, une thérapeutique
utile sera irréalisable.
Et pourtant le D'' Dubief est bien dans le vrai quand il avance
que, dans un asile d'aliénés, c'est entre des mains médicales
qu'il convient de placer toute l'autorité. Esprit droit et obser-
vateur, il s'est vite rendu compte, durant sa direction à Mar-
seille et à Lyon, de toute la justesse de cette parole d'un
grand aliéniste : dans un asile je cherche partout la place du
directeur et je rie trouve que celle du médecin ; seulement le
remède qu'il propose n'est pas le bon, il est même, j'ai essayé
de l'établir plus haut, de beaucoup inférieur à la réunion des
services et si la Chambre, plus logique dans son vote, l'appli-
quait par toute la France au lieu de le limiter à quelques
asiles sur la demande des Conseils généraux, elle rendrait un
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 211
bien mauvais service aux aliénés dont elle entraverait grande-
ment le traitement. Il est inutile de longtemps chercher, car il
n'y a que deux solutions au problème : ou la réunion des ser-
vices administratifs et médicaux dans les mêmes mains ou la
suppression du directeur et son remplacement par un simple
préposé responsable subordonné au service médical, comme
cela se pratique avec avantage dans les hôpitaux militaires
depuis la réforme. Si on ne veut pas de la réunion des services
dont je suis pour ma part un adversaire déclaré et qui d'ail-
leurs est irréalisable dans les grands asiles, sans nuire au trai-
tement des aliénés, réunion des services qui tue le médecin
pour ne laisser subsister que le directeur, qui par les ennuis
administratifs paralyse l'esprit scientifique, et qui par le
temps gaspillé à assurer les intérêts matériels de la maison ne
laisse pas le loisir de mener à bien les travaux scientiliques,
si on n'en veut pas, dis-je, il n'y a que la division avec subor-
dination de l'élément administratif à l'élément médical.
La Commission de la Chambre supprime le médecin en chef
qu'elle transforme 'en médecin traitant placé sous la coupe du
directeur. Mais c'est la formule inverse au contraire qui est la
vraie : c'est le directeur qui est à supprimer et à remplacer
par un préposé responsable placé sous la coupe du médecin en
chef, solution qui d'ailleurs n'est pas mienne et que M. Bour-
neville a indiquée depuis longtemps déjà. Pourquoi ? Parce que
de l'avis de M. Dubief lui-même, l'impulsion dans un asile doit
être médicale, or, je le lui demande, n'est-ce pas le médecin
traitant qui est le plus à même, de l'imprimer. lui qui, soignant
les malades de la maison et vivant en contact intime avec eux,
connaîtra tous leurs besoins et la direction à donner à leur
traitement. Ne sera-t-il pas plus apte à cette besogne que- le
directeur qui, quoique médecin, sera avant tout un adminis-
trateur et même ignorera peut-être les choses les plus élémen-
taires de la folie, puisque son recrutement n'étant pas réglé
par la loi, un simple diplôme de docteur suffira pour justifier -
sa nomination.
L'agent administratif tel que nous le comprenons ne serait
chargé que des intérêts matériels de l'établissement ; il serait
le maître des services généraux qu'il dirigerait à son idée
comme les médecins seraient les maîtres des quartiers qu'éga-
lement ils dirigeraient à leur gré; ce qui occasionne les froisse-
ments et les conflits, c'est l'immixtion du directeur dans 'les
212 ASILES d'aliénés.
services médicaux : un médecin veut renvoyer un gardien que
le directeur tient à conserver parce qu'il lui est recommandé
par un ami puissant ; l'un est un libéral qui veut ouvrir
grandes les portes de son service aux visites des familles, aux
villégiatures et aux sorties provisoires, l'autre est un autori-
taire qui exige l'observation stricte du règlement ; celui-ci croit
nécessaire telle réforme~ou telle acquisition dont celui-là con-
teste l'utilité et ainsi de suite. Par contre dans les services
généraux, il n'y a jamais de tiraillement et cela précisément
parce que le directeur y est seul chef, parce que, s'il a le droit
de s'immiscer dans les quartiers, le médecin n'a pas le droit,
lui, de s'immiscer dans ces services-là. Que le médecin soit,
de son côté, seul maître chez lui, qu'il ait un budget médical
dont il disposera sous sa responsabilité comme déjà il dispose,
par exemple, du crédit de la pharmacie sans que la direction
puisse contrôler ses prescriptions, qu'il ait le libre choix de ses
gardiens comme celui-ci i'a de ses préposés et les services mar-
cheront parallèlement sans le moindre froissement. Il serait t
très facile d'établir un règlement réglant les attributions des
deux et qui, comme cela se pratique déjà dans les hôpitaux
militaires, tout en laissant au service médical la haute direc-
tion morale à imprimer au traitement et à la maison conser-
verait au préposé responsable toute sa liberté d'action pour
assurer les intérêts matériels de l'établissement.
Si on ne veut pas essayer de ce système qui fonctionne à
l'étranger avec avantage, il n'y a plus que la réunion de tous
les services médicaux et administratifs dans les mêmes mains.
Dans tous les cas mieux vaut mille fois conserver l'état de
choses existant qui permet au moins de se consacrer exclusi-
vement au traitement des aliénés et aux travaux scientifiques,
qui laisse au médecin en chef la latitude d'être quelqu'un et
d'imprimer à son service médical la direction qu'il croit la
bonne que d'adopter des dispositions qui, lui enlevant toute
initiative et toute autorité, faisant de lui un subordonné et, le
réduisant au simple rôle de donneur de potions et de purges,
l'obligeront à n'accepter cette situation que comme un pis-aller
momentané et à demander tout de suite, au grand détriment
de la thérapeutique des aliénés, de la science et de l'avenir de
la psychiatrie dans notre pays, un asile où il sera à la fois le
directeur et le médecin.
J'ajouterai cependant que je n'ai point caché à mon savant
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 13
ami tous ces graves inconvénients du système adopté par la
Commission de la Chambre et qu'il a paru surpris de l'inter-
prétation que je donnais et à ses considérations et au texte du
nouveau projet. Dans son esprit et dans l'esprit de la Commis-
sion m'a-t-il dit, le médecin en chef ne serait pas le subordonné
du médecin-directeur; en cas de désaccord entre eux sur une
mesure à prendre ou une amélioration à introduire, c'est la
Commission de surveillance qui serait appelée à trancher le
différend. Nulle part, ni dans le rapport, ni dans aucun article
de la loi, cette procédure n'est spécifiée; il est, au contraire,
nettement établi dans l'exposé de motifs, que c'est entre les
mains du médecin-directeur que sera toute l'autorité. Il serait
donc indispensable de l'inscrire dans la loi, mais elle créera le
conflit à l'état permanent et confiera à la Commission de sur-
veillance un rôle qui n'est pas du tout dans ses attributions.
Le D1' Dubief m'a cité l'exemple des hôpitaux de Lyon où il a
été interne et où les choses se passent ainsi, mais qu'il n'oublie
pas que la Commission des hôpitaux de Lyon est une Commis-
sion administrative et qu'il n'y a pas là de directeur, ce qui
change de tout au tout la situation. Dans tous les cas, je le
répète, rien de cela n'est dans la loi, et comme nous n'avons
pas le secret de sonder les cceurs et les esprits, force est de
nous en rapporter au texte ; or ce texte, s'il était voté tel qu'il
est présenté par la Commission de la Chambre et fortifié des
commentaires de son éminent rapporteur, aurait toutes les
conséquences désastreuses que nous nous sommes efforcé de
mettre en relief.
Pour justifier la suppression du directeur que nous appelons
laïque, le D'' Dubief m'a déclaré qu'il a semblé à la Commission
de la Chambre comme à lui que c'était le meilleur moyen d'as-
surer l'exécution rapide des vues des médecins traitants, un
docteur en médecine, même choisi en dehors de la spécialité,
étant beaucoup plus apte à comprendre l'importance et la
valeur des réclamations médicales. Quelle erreur ! Mais le
danger vient précisément de la compétence qu'auront ces méde-
cins-directeurs qui voudront non pas accepter les idées des
médecins traitants mais imposer les leurs. Et puis sans vouloir
médire de mes confrères, je rappellerai le vieil adage latin :
invidia clericorum mala, sed medicorccnz pessz*21za. Si la Cham-
bre adoptait un tel système et chargeait les Commissions de
surveillance de régler les différends entre médecins-directeurs
2)4 4 asiles d'aliénés.
et- médecins en chef, on ne trouverait bientôt plus personne
pour les constituer, car chaque séance serait un pugilat. Donc
après comme avant les explications du D'' Dubief toutes les cri-
tiques que j'ai formulées conservent leur valeur, car cette in-
tervention de la Commission de surveillance qui n'est d'ailleurs
pas dans la loi et dont il m'a parlé est une impossibilité; ces
commissions n'étant pas administratives.
II. Dans cette question de l'organisation du personnel
médico-administratif des asiles, il est encore trois points sur
lesquels je ne suis pas absolument d'accord avec le D1' Dubief.
Le Sénat avait donné le droit au ministre sur l'avis du Conseil
supérieur d'ordonner la disjonction des fonctions de médecin
en chef et de directeur, le nouveau projet de loi exige la
demande du Conseil général. D'une manière générale, j'avouerai
en toute franchise que je n'ai pas grande confiance dans les
Conseils généraux de la province en matière d'assistance de la
folie. Plus ou moins ils regrettent presque tous l'argent employé
à secourir cette infortune. Ils demanderont, je crois, plus sou-
vent la réunion que la disjonction. Je trouve que la nouvelle
loi laisse une trop grande latitude aux assemblées départemen-
tales et j'ai peur que les aliénés n'en pâtissent. Il y a à cet
égard une grande différence entre la Seine et les autres dépar-
tements ; on est là, d'ordinaire sur ce chapitre, aussi serré
qu'ici on est large. J'ai été attaché aux asiles de deux dépar-
tements où le prix de journée était de '18 sous, et comme dans
l'un il y avait un pensionnat un peu prospère, le Conseil
général avait jugé bon de prendre ses économies pour cons-
truire des chemins vicinaux ! Encore une fois, je ne suis pas
rassuré et je crains que la question d'économie ne prime tout.
Que fera-t ni alors dans les grands asiles de douze et quinze
cents lits si les Conseils généraux ne demandent pas la divi-
sion et ce sera certainement le cas dans le Nord, dans la Seine-
Inférieure et dans la Haute-Garonne. De toute évidence dans
ces vastes établissements il est matériellement impossible à un
seul homme de traiter ses malades et d'assurer la direction.
N'eût-il que le souci de soigner les aliénés qu'il n'y suffirait pas,
car un service médical, pour que la thérapeutique y soit efficace,
ne doit guère excéder trois cents places. Les aliénés continue-
ront, répondra-t-on, comme ils le sont aujourd'hui, à être bien
logés, bien couchés, bien nourris et menés avec égards, puisque
les adjoints qu'on nomme, sous prétexte d'aider au traitement,
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 1215
en réalité n'aident en rien. Mais si on revise la loi, je suppose
que c'est dans- le but d'améliorer le sort des malades et de
faciliter leur guérison. Et puis, l'adjoint, si en réalité il est
inutile, en apparence il est quelque chose; quand sa présence
n'aurait pour résultat que de donner le change au public et de
rassurer les familles, c'est peu, mais c'est encore mieux que
rien. Qu'on le supprime, soit, mais qu'on le remplace par
quelqu'un plus efficace ; le supprimer pour ne pas le remplacer
du tout n'est point admissible. Or, avec le système préconisé
par le Dl* Dubief, dans les départements où les Conseils géné-
raux ne voudront pas de la division, l'adjoint sera supprimé
et ne sera pas 'remplacé.
Quand j'ai proposé la suppression de l'adjuvat, j'ai proposé
en même temps la division obligatoire des services dans tous
les grands asiles de France, et la création d'autant de postes
de médecins en chef qu'il y aurait de 300 à 400 aliénés à trai-
ter. Les deux choses sont, en effet, intimement unis, il n'est
pas possible de supprimer les adjoints sans diviser les grands
services, à moins de poser en principe que les aliénés seront
recueillis et hospitalisés dans ces vastes établissements. mais
qu'ils ne seront pas soignés. Sans doute ce ne serait que la
continuation de ce qui en réalité existe actuellement, mais
encore une fois ce n'est pas la peine de reviser la législation
s'il n'en sort aucune amélioration. Car, qu'on ne s'illusionne
pas, cette question de l'organisation médicale est chose capi-
tale dans une loi sur les aliénés, d'elle dépend en très grande
partie la guérison ou l'incurabilité de ceux-ci, on ne saurait
donc y regarder de trop près. La raison est le bien le plus
précieux au monde, plus précieux même que la vie, mieux
vaut encore la mort que la folie incurable. Or, sans conteste,
l'organisation médicale actuelle est défectueuse et nuisible à
l'aliéné : c'est lui, l'infortuné, qui supporte les conséquences,
et des luttes entre directeurs et médecins quand les services
sont divisés, et de l'absorption du médecin par le directeur
quand les services sont réunis, et de l'impossibilité où se trouve
l'aliéniste d'arriver même à connaître ses malades quand
on.lui en impose de douze cents à quinze cents à traiter dans
une année avec une population de six à huit cents présents.
Donc revisons cette organisation médicale défectueuse- et
nuisible, mais revisons pour améliorer et non pour rester dans
le statu quo. Si la Chambre adopte les articles qui lui. sont t
216 asiles d'aliénés.
proposés et vote ainsi le maintien de la réunion des services
là où les conseils généraux l'exigeront, il est de toute nécessité
qu'elle laisse au ministre la latitude, sans consulter ceux-ci,
de distraire une partie tout au moins du service médical pour
la confier à un jeune médecin qu'on appellera médecin trai-
tant ou médecin adjoint faisant fonction de médecin en chef,
le nom importe peu. On voit à quelles difficultés on se heurte
et à quelles complications on aboutit dès qu'on s'écarte des
deux seules solutions rationnelles du problème : la réunion des
services par raison d'économie dans les petits asiles de moins
de 500 malades et la division dans les grands asiles avec subor-
dination de l'élément administratif à l'élément médical, comme
aujourd'hui dans les hôpitaux militaires, et un médecin en chef
maître absolu dans son service et de son budget médical pour
300 aliénés, ou ce qui serait mieux encore, il mon avis, n'était
la question d'argent, cette division aussi entendue appliquée
à tous les asiles pour toute la France.
Sur un autre point encore le texte accepté par la commis-
sion de la Chambre modifie, à mon avis, d'une façon fâcheuse,
le texte sénatorial. Le Sénat, avec raison, confiait exclusive-
ment au directeur et au médecin en chef la nomination des
préposés-gardiens et des servants ; pour les secrétaires en chef,
les économes, les receveurs, les pharmaciens, les employés
de bureau, les surveillants en chef, ils étaient nommés par le
Préfet, mais sur une liste de présentation dressée par le direc-
teur responsable et par la commission de surveillance. C'était
bien. La plaie des asiles est, en effet, l'ingérence dans nos
maisons des influences locales que les Préfets, en province,
sont obligés de subir, contraints qu'ils sont de nommer les
protégés des gros bonnets de l'endroit. Or, ces individus, fiers
de leurs protecteurs sur lesquels ils croient pouvoir compter,
sont presque toujours d'une arrogance et d'un sans-gêne sans
pareils. Ils prétendent traiter d'égal à égal avec le directeur; ils
entrent dans la peau des gens influents à qui ils doivent leur
nomination et croient qu'étant leur créature ils ont droit aux
mêmes égards que ceux-ci. Le plus fâcheux encore, c'est qne
les personnages sur la recommandation desquels ont eu lieu
ces choix malheureux, se fâchent souvent d'êtres accusés
d'avoir appuyé des sujets qui n'ont pas toutes les qualités; ils
les soutiennent parfois contre les directeurs qui se trouvent
par là dans la plus fâcheuse posture, forcés ou de supporter
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 217 ï
les impertinences et les fautes de subordonnés incapables et
rebelles ou de se créer des ennemis redoutables. En confiant
la nomination des fonctionnaires et employés, non plus exclu-
sivement au Préfet, mais à la commission de surveillance agis-
sant de concert avec le directeur responsable, si le Sénat
n'avait pas coupé le mal dans sa racine, du moins il avait
apporté un correctif sérieux.
Dans le texte proposé par la commission de la Chambre, il
est dit que ces nominations seront effectuées par le Préfet
dans les conditions fixées par les règlements d'administration
publique. C'est le maintien de l'état de choses actuel. De
même le directeur et le médecin en chef ne seront plus les
maîtres absolus de leur personnel secondaire, comme l'avait voté
le Sénat, leurs choix devant être approuvés par le Préfet. L'ex-
périence m'a démontré que l'intervention de l'administration
préfectorale pour les nominations et les révocations de ce
personnel a pour effet d'entraver le service, de favoriser l'in-
discipline et l'insubordination. En principe j'ai été longtemps
partisan de la nomination par le Préfet, sinon de tout le per-
sonnel secondaire, du moins des chefs de quartier ; j'espérais
par là deux choses : donner à ceux-ci une plus grande autorité
sur les agents placés sous leurs ordres, les simples gardiens,
qui eux n'avaient pas reçu l'investiture préfectorale ; puis, sur-
tout assurer un meilleur recrutement en rendant la situation
plus stable, la révocation de ces chefs de quartier dépendant
désormais, non plus des chefs de l'établissement, mais de
l'administration ; or, malheureusement, les faits n'ont pas du
tout répondu à mon attente et m'obligent à brûler à mon
grand regret ce que j'ai adoré. Il y avait à la médaille un revers
auquel nous n'avions pas songé. Nommés et révocables par le
Préfet, les chefs de quartier et les chefs d'atelier en général
s'émancipent peu à peu, et de plus en plus ils se montrent
récalcitrants, les chefs d'atelier plus encore que ceux-là vis-à-
vis du médecin et du directeur dont ils n'ont plus à redouter
les foudres. Ils ont la prétention de former un Etat dans l'Etat.
La conséquence est un relâchement général dans le service.
Avec ce système les gardiens le plus souvent aspirent à devenir
chefs de quartier, non pour se dévouer davantage à leurs
devoirs et bien mériter de leurs supérieurs, mais dans le but
surtout de se soustraire à l'autorité directe des fonctionnaires
de l'asile et prendre du bon temps. Rares sont ceux qui,
°I8 8 . ASILES d'aliénés. -
promus, conservent leurs bonnes qualités. Les meilleurs les
perdent souvent avec le temps, contagionnés par le mauvais
exemple des autres. Déjà ils commencent à s'émanciper au
seul envoi des propositions à la préfecture et, à l'affût des
nouvelles, ils s'accordent un degré d'indépendance propor-
tionné aux phases par lesquelles celles-ci passent. Il suffit de
les voir à l'oeuvre pour savoir si leur affaire a été examinée
par le service des asiles, si l'avis a été favorable, si le dossier
est à la signature du Préfet et enfin si cette signature a été
donnée. Nous en appelons d'ailleurs à tous nos collègues et
s'il en est un seul qui ne soit pas de notre avis, nous confir-
mons notre erreur.
Il importe donc de reprendre le texte du Sénat qui laisse au
directeur et au médecin en chef le libre choix de leur person-
nel. On leur impose avec raison une très lourde responsabilité,
qu'ils soient au moins libres d'employer les gens en qui ils
ont confiance et de renvoyer ceux en qui ils n'en ont plus.
Il serait souverainement injuste de leur demander compte
d'actes commis par des serviteurs dont ils ne seraient pas les
maîtres absolus. Quant aux surveillants en chef il n'y a pas
d'inconvénients à ce qu'ils soient nommés par le préfet, mais
à la condition que ce soit, comme dans la loi sénatoriale, sur
la présentation du directeur et de la commission de surveillance
auxquels il conviendrait d'ajouter le médecin puisque c'est
surtout sous ses ordres qu'est placé cet employé.
Restent les pharmaciens, les économes, les receveurs et les
secrétaires. A cause des graves inconvénients signalés plus
haut, ceux des influences locales si pernicieuses, je suis abso-
lument opposé à leur nomination par le Préfet. Pourquoi
n'aurait-on pas un corps de pharmaciens, d'économes et de
secrétaires relevant du ministre de l'Intérieur comme on a un
corps de directeurs et de médecins ? Avec la nomination par
le Préfet le fonctionnaire est rivé indéfiniment à l'asile, il n'y
a pas pour lui de mutation possible; or la mutation est souvent
une ressource précieuse ; tel qui a des difficultés et rend de
mauvais services dans un endroit, devient un excellent fonc-
tionnaire dans une autre localité. Aujourd'hui quand un direc-
teur, pour une cause ou une autre, ne s'entend pas avec son
économe, son receveur ou son secrétaire, il est obligé ou de le
subir ou de demander sa révocation ou de s'en aller lui-même.
C'est très regrettable. - '
LE PERSONNEL' DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 219 foi
Je demanderai donc que pharmaciens, économes, receveurs
et secrétaires soient, eux aussi, nommés par le ministre qui
les déplacera selon les besoins du service comme il déplace
les directeurs et les médecins. Il v aurait en outre des avan-
tages à recruter les pharmaciens par voie de concours public.
Le service pharmaceutique est parfaitement organisé dans la
Seine où le recrutement des internes en pharmacie et des
pharmaciens en chef a lieu de cette façon et où, à tous égards.
ils sont assimilés aux internes en médecine et aux médecins.
Je trouve cela très juste. A mon avis les économes et les rece-
veurs devraient être toujours choisis, eux, parmi les secrétaires
et ceux-ci recrutés aussi par voie de concours, tout au moins
de concours sur titres, ainsi qu'on pourrait procéder également
pour leur passage dans l'économat ou la recette. Avec l'organi-
sation actuelle il n'y a aucun avancement ni aucune hiérarchie
ascendante dans l'administration des asiles; on arrive d'emblée
directeur, économe, receveur ou secrétaire, et c'est pour toutela
vie; comment espérer dans ces conditions avoir surtout des
secrétaires de quelquevaleur, quisoientautrechosequ'unporte-
plume, des employés capables d'aider sérieusement le direc-
teur et de le soulager d'une partie de sa paperasserie. J'irai
même plus loin, je dirai que dans mon idée si les économes et
les receveurs devraient être toujours choisis parmi les secré-
taires, c'est parmi les économes et les receveurs qu'on devrait
toujours choisir, dans les cas de division du service, l'admi-
nistrateur, celui qui est actuellement le directeur et qui serait,
comme je l'ai expliqué plus haut, le préposé responsable. Ainsi
que cela se pratique d'ailleurs à l'Assistance publique de Paris.
On aurait ainsi un corps organisé et hiérarchisé à trois degrés
et recruté par concours sur titres : les secrétaires ; les économes
et les receveurs choisis parmi les secrétaires, et les préposés
responsables ou administrateurs choisis parmi les économes et
les receveurs, tous nommés par le ministre, et les asiles
seraient autrement bien administrés qu'aujourd'hui. On aurait
désormais des hommes compétents et rompus au métier, mais
il est certain que le favoritisme perdrait beaucoup de ses droits
et c'est-pour cela qu'il est bien naïf de notre part de proposer
une telle organisation.
Un dernier point à traiter avant de clore ce, mémoire dont
l'importance extrême du sujet justifiera, je l'espère, les déve-
loppements. Dans son rapport le Dl' Dubief demande que.le
220 ASILES d'aliénés.
médecin traitant soit assimilé absolument aux médecins des
hôpitaux dans les centres d'enseignement et dans les établis-
sements situés au milieu ou à proximité des localités impor-
tantes, c'est-à-dire dans plus des deux tiers de nos asiles, plus
directement et plus complètement attachés à l'établissement
dans les asiles isolés en pleine campagne où le médecin n'a
d'autres ressources que sa fonction. Ce système a pour le
D'' Dubief des avantages certains. Il permettrait d'abord, sans
grever le budget des départements au delà de la mesure tolé-
rable d'avoir le nombre suffisant de médecins pour ne voir
plus aux mains d'un seul médecin 800 et 900 malades qui ne
peuvent être, à ce compte, ni soignés ni observés. Ensuite, dit
le distingué rapporteur, qui ne sait d'autre part que pour être
un bon aliéniste il faut être d'abord un bon médecin; non
seulement parce qu'il est incontestable que nombre d'affec-
tions mentales sont sous la dépendance directe de certains
états maladifs physiques qu'il faut savoir discerner, mais
parce que les aliénés sont sujets à toutes les maladies, inter-
currentes.
Nulle part dans le texte de loi ce système n'est formulé en
article, et c'est fort heureux ; car adopté, il serait économique
sans doute, mais funeste et à la science et, ce qui est plus
grave, aux malades. Le Dur Dubief se trompe s'il espère mieux
par là assurer le traitement des aliénés et les progrès de la
psychiatrie. Le praticien adonné à la clientèle pour gagner sa
vie, tout à la fois médecin, chirurgien, gynécologiste, accou-
cheur, que sais-je, sera peut-être tout cela à la fois, mais ce
que j'affirme c'est qu'il ne sera jamais un aliéniste. Aujour-
d'hui les diverses branches de la médecine ont pris un déve-
loppement tel que pour acquérir une valeur quelconque, il est
absolument indispensable de se spécialiser. Voilà pourquoi, à
Paris, les médecins des hôpitaux refusent systématiquement
les consultations de chirurgie et les chirurgiens les consulta-
tions de médecine; chacun reste dans sa sphère. Cette division
du travail scientifique est devenue de nos jours la condition
indispensable du savoir et du progrès.
Certes le Dl' Dubief a raison quand il dit qu'il faut à l'alié-
niste de solides connaissances en médecine générale, mais ces
connaissances sont tout aussi indispensables en chirurgie.
L'erreur de mon savant ami est de croire que pour les acquérir
il faille courir la clientèle; de même que le chirurgien arrive à
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 221 1
les posséder en ne s'occupant jamais de médecine, de même le
médecin d'aliénés les aura en se consacrant exclusivement à la
pratique des maladies du système nerveux. D'ailleurs, même
en consacrant six à huit heures par jour, en dehors du temps
dû aux malades confiés à ses soins, oui, je dis six à huit heures,
c'est à peine s'il arrivera, et encore à la condition de lire cou-
ramment l'allemand, l'anglais et l'italien, à s'assimiler tout ce
qui se publie dans cette branche des sciences médicales, d'au-
tant plus touffue qu'on n'est un bon aliéniste qu'à la condition
d'être un bon neurologiste, et à rédiger ses constatations per-
sonnelles ainsi que les idées qu'elles lui suggèrent. Comment
le D'' Dubief veut-il qu'il trouve le temps de courir la ville et de
monter les étages afin de voir le nombre considérable de
clients qu'il est nécessaire, en province, de visiter pour gagner
sa vie, clients étrangers à sa spécialité et, par conséquent, sans
profit pour lui, car, sauf à Paris, je doute qu'une clientèle
exclusive du système nerveux suffise, même dans les très
grandes villes, à faire vivre son homme. Du moins la pratique
du médecin et du chirurgien profite à sa science, tandis que la
clientèle ordinaire absorberait l'aliéniste sans aucun profit
pour son art.
Si le système préconisé par le no Dubief était adopté, il n'au-
rait donc pas seulement le tort de créer dans le même service
deux catégories de fonctionnaires, ce qui est toujours regret-
table, il obligerait tous les aliénistes de quelque valeur, dési-
reux de se consacrer entièrement à l'étude des maladies men-
tales, à rester toute leur vie dans les petits centres afin d'avoir
le loisir de travailler et de n'être point obligés de courir le
client pour vivre. Il n'y aurait pas en province, dans les grandes
villes et les milieux d'enseignement un seul aliéniste de
quelque valeur.
Mais il y a plus, il y a qu'une telle organisation met l'alié-
niste dans l'impossibilité matérielle de soigner convenable-
ment les aliénés. Tout d'abord il y a des chances pour que le
service de l'asile soit chose secondaire aux yeux de ce médecin
à la tête d'une belle clientèle et qu'il se borne à y faire le
plus souvent le matin une visite dite à la vapeur. Mais fùt-il le
fonctionnaire le plus consciencieux, qu'obligé de consacrer son
temps à ses clients de la ville il n'aurait pas celui de con-
naitre ni d'étudier à fond ses aliénés. C'est que l'observation et
le traitement de ces malades n'ont rien de commun avec
222 ri asiles d'aliénés.
l'examen et la thérapeutique des malades ordinaires. Arriver
à établir un diagnostic sûr en aliénation mentale, connaître
à fond son sujet et trouver les moyens appropriés à son cas,
demandent non pas seulement des heures, mais des jours et
parfois des semaines. Cela est si vrai qu'on, ne parvient à bien
connaitre et à bien soigner les aliénés qu'à la condition de
vivre avec eux. Le médecin a vite fini de diagnostiquer le mal
de son malade et de lui indiquer le remède qui le guérira; il
verra des douzaines de clients avant que l'aliéniste, lui, soit
arrivé à entrevoir la vérité sur un seul cas, car il approfondit
non pas seulement le présent, mais encore le passé depuis la
naissance et se renseigne non pas seulement sur le malade mais
encore sur toute sa famille. Le Dr Dubief parait avoir oublié
ces choses essentielles qui sont pour nous des lieux communs,
mais qu'il importe de rappeler et de rappeler en insistant afin
de les apprendre aux législateurs chargés de voter la loi.
A mon avis il est si essentiel que l'aliéniste consacre tout
son temps aux aliénés confiés à ses soins que, à l'inverse du
Dr Dubief, je demande que la clientèle, en dehors des cas de
sa spécialité, lui soit formellement interdite et qu'il soit tenu
à la résidence diurne, afin de vivre avec ses malades, et de les
revoir l'après-midi encore plus complètement qu'il ne les a
vus le matin. Je crois à la nécessité non seulement d'une
longue visite matinale effectuée à heure fixe afin de donner
l'exemple de l'exactitude et d'assurer régulièrement le service
de la pharmacie et de la cuisine, mais encore d'une contre-
visite effectuée, celle-là, à l'improviste et en débutant tantôt
par une section et tantôt par une autre. Aussi autant je trouve
inutile la résidence la nuit, autant je la juge indispensable
le jour. On voit combien je diffère d'opinion à cet égard avec
le Dr Dubief. Toutefois ici encore je dois dire que des explica-
tions que m'a fournies mon savant ami l'assimilation ne s'éten-
drait pas au traitement, elle ne porterait que sur le logement
et les avantages en nature. Dans les grands centres les alié-
nistes seraient payés sur le même pied que les autres, seule-
ment ils ne seraient pas tenus à la résidence et seraient privés
des avantages qui y sont attachés. Mais encore une fois non
seulement cela n'est pas spécifié, mais il est parlé au contraire
dans l'exposé de motifs d'une assimilation complète .avec les
médecins des hôpitaux; nous sommes donc fondés, par mesure
de précaution, à formuler toutes les critiques qui précèdent.
LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 223 3
Telles sont sur l'organisation du personnel des services
publics d'aliénés, personnel supérieur et personnel secondaire,
personnel médical et personnel administratif, les idées que
me suggèrent une expérience longue déjà hélas ! de plus de
vingt-trois ans, et la pratique de neuf établissements tant en
province qu'à Paris. Qu'on réunisse les services dans les petits
asiles puisqu'il y a là une grosse économie qui n'est pas négli-
geable et qu'assez nombreux sont les aliénistes que fascine le
panache directorial, mais que la division soit de droit dans les
grands asiles avec un médecin en chef secondé par deux
internes pour 300 aliénés et la subordination du service admi-
nistratif au service médical, comme cela se pratique aujour-
d'hui dans les hôpitaux militaires depuis la bienfaisante
réforme qui a remis l'intendance à sa place; qu'on ne laisse
pas exclusivement aux préfets dont les choix sont d'ordinaire
détestables, dictés qu'ils sont par les seules influences locales,
les nominations des pharmaciens, des économes, des rece-
veurs, des secrétaires et des surveillants en chef; enfin que le
directeur et les médecins soient les maîtres absolus de leur
personnel secondaire, et on aura réalisé d'utiles réformes.
Aussi ai-je le regret bien vif de n'être pas à la Chambre le
collègue de mon savant ami pour défendre, plus efficacement
que dans un journal scientifique, quelque grande que soit sa
notoriété, ce qui seul, à mon avis, assurera le traitement des
aliénés.
Xote de la rédaction. - Tous nos collaborateurs ont la faculté
d'exposer librement leurs opinions. Sur un grand nombre de points
nous sommes d'accord avec M. \tarandon deMonfhyel; sur d'autres
nous faisons des réserves.
D'une façon générale, nous estimons que l'organisation de nos
établissements hospitaliers est fout à fait défectueuse. Le rôle du
médecin y est secondaire alors qu'il devrait être prédominant. Les
directeurs-administrateurs n'ont aucune connaissance de l'hygiène
d'où l'état déplorable des hôpitaux au point de vue de l'hygiène :
mélange des fiévreux et des blessés, des contagieux et des non
contagieux, cabinets d'aisances infects, absence de lavabos et de
tous les appareils qui servent aux soins spéciaux; bains et douches
nuls ou installés dans des conditions absurdes; services mortuaires
insuffisants, honteux ; services des vénériens et des vénériennes
anti-humains, etc., etc. Pour remédier à un semblable état de
choses, indigne d'un gouvernement républicain démocratique, il
faut des hommes compétents, connaissant à fond l'hygiène et au
224 asiles d'aliénés.
courant de tout ce qui se fait partout au point de vue de l'assis-
tance.
Ce que nous disons des hôpitaux s'applique à plus forte raison
aux asiles d'aliénés où tout doit aboutir encore davantage aux
malades, y compris le travail. Nous persistons dans l'opinion que
nous avons si souvent exprimée : asiles de 500 malades, mixtes,
dirigés par un médecin-directeur, assisté d'un médecin-adjoint-
véritable auxiliaire - et de deux internes.
Quant aux grands asiles, asiles pathologiques, ils sont destinés,
nous le craignons, à toujours mal fonctionner. Tant que nous l'avons
pu. nous avons essayé de maintenir les asiles de la Seine, très bons
à l'origine, gâtés depuis par des adjonctions successives, entre les
mains des médecins. Nous n'avons pas été suffisamment soutenus
dans cette campagne. Peut-être conviendrait-il d'appliquer l'idée
que nous avions fait prévaloir avec Herold, à la commission admi-
nistrative qui avait été chargée de l'étude des améliorations il
introduire dans la loi du 30 juin 1838 : le directeur remplacé par
un préposé ou un administrateur dans les grands asiles et ces
grands asiles administrés par une commission composée des
médecins, du pharmacien, de l'administrateur et de l'économe.
M. Marandon de Monthyel fait une allusion ironique au concours
de l'adjuvat qui manque de candidats. Les faits ne justifient pas
sa remarque. Le nombre des candidats serait en effet plus consi-
dérable s'il n'y avait pas de concours : quantité de médecins n'hési-
teraient pas à se présenter. Le concours a pour premier résultat
d'éliminer les candidats qui ne sont pas prêts à faire preuve publi-
quement de leurs connaissances.
Si le nombre des concurrents n'est pas plus grand, la faute
en est au Ministère de l'Intérieur dont les bureaux n'ont accepté
qu'à regret l'institution du concours; aux ministres qui se sont
succédé et qui, en nommant des directeurs qui n'avaient jamais
subi aucun concours, qui n'avaient aucune expérience des asiles et
des aliénés, ont causé préjudice aux médecins nommés à la suite
de plusieurs concours, et ont découragé beaucoup d'anciens
internes qui, voyant que le concours ne leur assurait aucune
sécurité pour leur avenir, se détournent des concours. En agissant
comme ils l'ont fait, les ministres de l'intérieur, auteurs de ces
nominations, se sont montré sin jus les etontca usé un réel préjudice
aux malades et à la science mentale. B.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
IX. Accidents nerveux causés par l'intoxication goutteuse (acide
urique). (On the HO'uoMS a(feetions caused by the poison of
gout) ; par David INGLIs. (Médecine Détroit, février 1896.)
Les nombreux poisons, toxines, alcaloïdes, résultant de la diges-
tion constituent pour l'organisme une menace d'intoxication
constante et Darwin, frappé de ce fait, disait : a C'est un miracle
que nous puissions vivre. » Le mieux connu de ces poisons est
l'acide urique. On a cru longtemps qu'il résultait du travail muscu-
laire ; mais il résulte surtout de l'alimentation carnée.
Son dosage dans l'urine n'indique que la quantité qui en est
excrétée ; or, les effets toxiques de l'acide urique, comme de tout
poison, dépendent de la quantité qui en est retenue, et non de
celle qui est excrétée.'
L'acide .urique se dissout dans le sang alcalin et s'élimine par
les reins. Mais qu'il vienne à s'accumuler et à imprégner les tissus
c'est alors qu'on observe ses effets toxiques. Les effets du poison se
traduisent beaucoup plus souvent par des accidents portant sur le
système nerveux que par l'attaque de goutte. Ces accidents sont
très variés, étant donné que le poison imprègne le système nerveux
en entier. Les palpitations que l'on observe chez des sujets vigou-
reux n'ont souvent pas d'autre cause.
Ces palpitations, au lieu d'augmenter par l'effort comme celles
qui se montrent sur un coeur affaibli, ont pour caractère d'être
continuelles ou de se montrer sans cause, quand il s'agit d'un coeur
vigoureux. Il suffit souvent de modifier le régime de ces individus
pour faire disparaître ces palpitations, alors que la digitale ne pro-
cure aucun résultat.
Ou peut voir éclater des accidents d'angine de poitrine, sous l'in-
fluence de l'intoxication urique. L'acide urique dissous dans le sang
a pour effetde provoquer la contraction desarlérioles; il en résulte
une hypertension artérielle et une hypertrophie cardiaque, par
suite des efforts imposés au myocarde.
Certaines céphalagies et migraines relèvent de la même cause.
L'action de l'acide urique sur le cerveau peut produire certaines
formes de dépression mentale (hypocondrie, mélancolie). Il arrive
souvent que le malade placé dans un asile s'améliore, grâce au
changement de régime, ou la viande est réduite. Il n'est pas jus-
Archives, 3' série, t. IV. 15
226 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
qu'à l'épilepsie que l'acide urique ne puisse produire; et quand
l'épilepsie se montre après trente ans, il faut songer à cette
intoxication.
L'auteur admet enfin que certains cas d'apoplexie où l'autopsie
ne révèle aucune lésion, seraient dus à une intoxication urique
suraiguë, le sang devenu soudain plus alcalin dissoudrait une
grande quantité d'acide urique. On peut grouper dans le même
ordre de faits certains cas de paralysies transitoires.
La connaissance de ces faits a une grande importance pratique.
En effet, si l'on reconnaît la nature trop souvent méconnue de ces
accidents, il devient facile de les combattre. Il suffit souvent de
modifier le régime du malade. Et, à ce propos, l'auteur fait la
critique de l'alimentation carnée, dont l'abus fait de nombreuses
victimes. L'adulte qui a acquis sa croissance a besoin de peu de
viande. L'abus de la viande impose un surcroît de travail au foie
et aux reins, en même temps que l'accumulation d'acide urique
provoque des accidents. L'ouvrier enrichi tend à subir l'intoxica-
tion goutteuse pour une double raison : d'abord parce que le
repos ne lui permet pas d'éliminer ses principes toxiques comme
le fait le travail, ensuite parce que le bien-être le porte à la bonne
chère. P. RELLEY.
X. Contracture HYSTÉRIQUE CHEZ une FILLETTE DE ONZE ANS. INTÉRÊT
du diagnostic ; par Byron BRAINLL. (EdinbÓU1'gh Med. Journal,
février 189 i.)
Ce cas fournit à l'auteur l'objet d'une leçon clinique où abon-
dent d'intéressants points de pratique. L'enfant est amenée par ses
parents à l'hôpital, parce que depuis deux ans elle ne peut mar-
cher et se plaint en outre de douleurs dans le dos. La première
idée qui vient à l'esprit est celle d'une compression de la moelle
par mal de Pott probablement. Mais l'enfant mise debout présente
une attitude assez spéciale. Elle se tient bien sur la jambe droite
mais à gauche la cuisse est fléchie sur le bassin, le pied est retourné
en varus. 11 y a dans tout ce membre une contracture énergique.
La hanche est inlacte. Il ne s'agit pas là de paralysie. D'ailleurs
l'examen du rachis reste négatif. L'examen de sensibilité révèle
une anesthésie complète dans ce membre ; l'enfant ressent au
niveau du dos les sensations provoquées au niveau du membre.
Partout ailleurs, la sensibilité est normale. Ainsi, cette enfant pré-
sente une perte du mouvement et de la sensibilité dans le membre
inférieur gauche.
L'auteur discute avec détails le diagnostic de l'affection. Une
lésion de la moelle peut-elle produire ce syndrome ? Non.
Une lésion unilatérale de la moelle produirait la paralysie du
même côté- et l'anesthésie du côté opposé. Il faut remonter au
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 227
cerveau pour voir une lésion de la partie postérieure de la capsule
interne atteindre les fibres motrices et sensitives du côté opposé.
Encore pareille lésion ne produirait-elle pas de contracture et pas
d'aneslhésie si limitée. On peut donc exclure toute lésion nerveuse
organique. Il s'agit de contracture hystérique.
A ce propos, l'auteur fait observer combien il faut être réservé
quand on porte le diagnostic : hystérie, et éviter de croire et de
laisser croire que l'hystérie est seule en jeu. Souvent en effet,
l'hystérie masque une lésion organique à laquelle elle est associée.
Après avoir reconnu l'hystérie, un examen de tous les organes
s'impose pour s'assurer s'il n'y a pas autre chose; le pronostic en
dépend. Dans le cas particulier même, il ne faut pas se hâter de
conclure, car un mal de Pott pourrait réellement exister concur-
remment à l'hystérie. Les accidents hystériques disparaissent brus-
quement. Ils cèdent plus facilement chez les jeunes sujets, car on
s'empare facilement de leur volonté. Le but du traitement est en
effet d'agir sur le moral du sujet.
Weir Milchell, pour traiter l'hystérie, a recours à quatre élé-
ments : isolement, suralimentation, massage, électrisation. Les
courants faradiques agissent plus efficacement. L'enfant fut sou-
mise à ce traitement : en trois ou quatre jours, elle marchait très
bien, ce qui confirmait absolument le diagnostic. P. RELL1Y.
XI. Un C\S DE paralysie du trijumeau ; par W.-R. GOwrRS.
(Edillbourgh Médical Journal, janvier 1897.)
L'auteur rapporte l'observation détaillée d'une femme de qua-
rante-cinq ans qui présente une paralysie complète et isolée du
trijumeau, sans autres accidents. C'est là un fait sinon unique, au
moins très rarement observé.
La malade n'offrait rien de particulier dans ses antécédents.
L'affection a débuté brusquement à l'âge de trente-trois ans. La
malade se réveille une nuit en proie à une sensation de brûlure
dans le côté droit de la face, et s'aperçut en même temps que
cette région restait insensible.
Gowers, qui vit la malade dès le début, constata en effet une
anesthésie absolue sur tout le territoire du trijumeau à droite,
tant sur la peau que sur les muqueuses (conjonctive, muqueuse
buccale et nasale)..
En outre, le goût était aboli sur la moilié droite de la langue.
Les muscles masticateurs de ce côté étaient paralysés. Les mouve-
ments' de la langue et du voile conservés; pas de paralysie des
muscles de la face ni de l'oeil. Tout se bornait donc à une paralysie
sensitive et motrice du trijumeau droit.
Les troubles du goût observés portent l'auteur à admettre que
les sensations gustatives gagnent le cerveau par la cinquième
228 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
paire ; la corde du tympan rejoindrait le trijumeau par le ganglion
sphéno-palatin. Quelque temps après, Ja sixième paire fut
atteinte et il survint une paralysie du muscle droit externe. Le
diagnostic de la lésion causale est difficile.
Elle doit intéresser le trijumeau à sa racine, car on n'observe
pas de troubles oculaires trophiques comme dans les lésions du
ganglion de Gasser. La sixième paire passe près de l'origine de la
cinquième paire ; rien d'étonnant qu'elle soit intéressé par le
même processus. En raison de la rapidité d'apparition de la para-
lysie il y a lieu de croire qu'il s'agit d'un processus aigu, tel
qu'une inflammation locale. Mais sa nature reste obscure. Le
malade n'a pas eu la syphilis.
L'auteur analyse ensuite quelques symptômes accessoires obser-
vés chez sa malade. L'odorat était aboli à droite. Cette perte de
l'odorat tient aux altérations de la muqueuse nasale, causées par
la paralysie du trijumeau. L'ouïe était aussi un peu diminuée, ce
qui tient à des altérations analogues dans l'oreille moyenne. Les
muscles de la face étaient parésiés : ils ont besoin en effet de l'ac-
tion trophique du trijumeau.
Aujourd'hui, seize ans après le début des accidents, l'état de la
malade est le même : elle conserve une paralysie totale et isolée
du trijumeau. On note cependant que les troubles gustatifs sont
moins prononcés qu'au début. Il est peu probable que les fibres
détruites aient retrouvé leur fonction. 11 est plus probable qu'elles
ont été remplacées par quelques filets du glossa-pliaryngien. Il y
aurait là une analogie avec les phénomènes bien connus de sensibi-
lité récurrente. P. RELLAY.
XII. SUR LE zona, A PROPOS D'UN cas avec éruption généralisée;
par Alex. HASLUND.
L'auteur a observé, dans son service d'hôpital, un cas de zona
dorso-abdominal chez une femme, âgée de cinquante-neuf ans. -
On trouva simultanément sur toutes les régions de la peau, une
grande quantité de vésicules d'herpès isolées, de date un peu plus
fraîche que les vésicules du zona. Il fut également constaté la pré-
sence de vésicules sur les muqueuses du palais et de la langue.
On pouvait parler à juste titre d'une efflorescence universelle,
comme dans les deux uniques cas de la même espèce que l'auteur
a trouvés dans la littérature, communiqués par Lipp etWasielewski.
M. Haslund estime que ces cas, de même que a les vésicules aber-
rantes » (Tenneson), ne peuvent pas s'expliquer à l'aide de l'hypo-
thèse de la pathologie du zona émise par V. Barensprung, et il
pense qu'ils militent en faveur de la conception du zona comme
maladie infectieuse aiguë, quand on les rapproche des autres points
d'assimilation que la maladie possède avec les fièvres exanthéma-
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 229
tiques, savoir la marche de toute la maladie, l'immunité acquise,
l'apparition épidémique, etc. (Nordiskt 1r[edicinskt Arkiv, 1897,
Bd. VU.)
XIII. ACROMÉGALIE AVEC GOITRE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE ;
par Georges MURRAY. (Edinbo1tl'gh 11/ed. Journal, février 1897.)
Dans l'un des cas, il s'agit d'une femme de soixante-trois ans,
atteinte d'un goitre kystique simple, qui a débuté à l'âge de treize
ans. Elle présente en outre des signes d'acromégalie, qui ont évolué
lentement : le nez, la lèvre inférieure, la langue, les mains ont un
volume considérable.
L'autre cas concerne une femme de trente-sept ans. Le goitre
s'est montré chez elle à l'âge de douze ans, il a diminué de volume
par la suite. Depuis cinq ans, elle éprouve des maux de tête et
accuse une asthénie profonde. Elle est très amaigrie ; son acromé-
galie n'en est que plus frappante. Le nez, les lèvres sont épaissis.
Les mains sont énormes. Les signes de la maladie de Basedow
(goitre, exophlalmie, tachycardie (130), sueurs, tremblement) sont
au complet. Le diagramme des mains obtenu par les rayons
Roentgen fait voir que les phalanges sont épaissies, mais que les
métacarpiens n'ont pas leurs épiphyses soudées. Il est difficile de
s'expliquer cette absence de soudure dans une affection où la for-
mation du tissu osseux est exagérée. On peut penser qu'une autre
cause que l'acromégalie est intervenue vers l'âge de vingt ans, âge
où la soudure s'opère.
L'auteur rappelle que Lancereaux a rapporté trois cas d'acromé-
galie avec maladie de Basedow. Dans deux de ces cas, la glande
pituitaire était hypertrophiée. Ne peut-on pas rattacher l'acromé-
galie à une sécrétion exagérée ou viciée de la glande pituitaire,
comme on rattache le goitre exophtalmique à une altération de
sécrétion thyroïdienne ? A ce point de vue, la coexistence des deux
affections offre un grand iutérêl, car elle fait soupçonner qu'une
cause commune agit sur les deux glandes à la fois (corps thyroïde
et glande pituitaire) et fait que chacune manifeste ses altérations
par des symptômes propres. , P. RELLAY.
XIV. L'automatisme alcoolique; par le or LENTZ. (JoulnzaldeNe2lTO^
logie et d'Hypnologie, n° 3, 1897.)
A côté des automaslismes épileptique, hystérique, neurasthé-
nique etc., M. Lentz démontre dans ce travail qu'il y a lieu de faire
une place à part pour l'automatisme alcoolique. Comme ses con-
génères, cet automatisme débute brusquement et se termine par un.
état de sommeil et d'épuisement plus ou moins profond toujours
suivi d'une amnésie absolue ou tout au moins très accentuée.
230
REVUE DE pathologie NERVEUSE.
XV. Troubles amnésiques DE l'écriture ; par F. MAACK.
(Cenlralbl. f. Nervenheilk., XIX, KF. vu, 1896.)
Il n'y a de troubles amnésiques de l'écriture que quand, le méca-
nisme de la parole et de l'écriture étant intégralement intact, il
existe un affaiblissement de la mémoire ayant altéré le fonction-
nement du mécanisme graphique.
En dehors de cetteagraphie amnésique, toutes les autres formes de
l'agraphie, irréductibles, méritent les noms de : motrice ou sen-
sorielle (optique ou acoustique) et peuvent être désignées par les
adjectifs : corticale, sous-corticale, trans-corticale, de conductibilité
(Wernicke). Ainsi il y a agraphie corticale sensorielle lorsque, dans
le lobe occipital, il y a destruction des images commémoratives des
signes visuels de l'écriture; c'est en ce cas qu'il y a perte de la
faculté de copier, tandis que le malade peut encore écrire sous la
dictée, le dépôt des images phonétiques étant demeuré intact dans
le lobe temporal; il peut, par suite, encore écrire, même spontané-
ment ; le centre moteur de l'écriture n'est pas lésé.
Voici un nouveau plan du mécanisme de la parole et de l'écri-
ture :
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 231
geichgùltig au lieu de gleichgûltig ; il omet des lettres ou des frag-
ments de lettres et de syllabes, des signes diacritiques, comprend
très bien ce qu'on lui dicte et ce qu'il écrit, a conscience qu'il
écrit vicieusement et peut corriger.
2° Peut-il écrire ce qu'il voit, notamment les lettres ? peut-il copier ? Y
Il fait aussi des omissions, mais copie mieux, qu'en écrivant sous
la dictée, quoique aussi très lentement. Il faisait par exemple
18 p. 100 d'erreurs tout à l'heure; en copiant, il n'en fait que
10 p. 100. Notons qu'il épelle toujours en écrivant comme en lisant.
S'il copie relativement bien, cela tient au' modèle qui lui sert de
repère et qu'il examine par tous les points en faisant aller la tête
çà et là; il s'applique avec le plus grand soin.
- 3° Peut-il écrire spontanément ? On constate des omissions iden-
tiques, bien qu'il comprenne ce qu'il a écrit. De l'alphabet il écrira
correctement les 5 premières lettres et mal les suivantes, mettra
7 minutes an lieu de 7 secondes à écrire 16 lettres qu'il énoncera
assez bien. Ecrira bien les nombres en série et aussi sous la dictée,
quant aux unités et aux dizaines; sinon, dictez-lui mille huit cent
quatre-vingt-quinze, il alignera 1000 800 95; dictez dix-huit cent
quatre-vingt-quinze, il consignera 1800 95. Additionset soustractions
écrites et orales des petits nombres correctes.
La constatation du dysgrammatisme, avec tremblement méca-
nique, l'omission, principalement dans l'écriture sous la dictée, de
lettres qui ne sont pas toujours les mêmes, avec pleine conscience
de cet état par le patient et parfaite intelligence des lettres omises,
parfaite compréhension du mot écrit et de l'objet qu'il désigne,
impliquent le diagnostic d'agrnphie amnésique partielle. Il n'existe
aucun trouble de la parole, mais l'oubli des événements récents et
des phases de son travail, chez un homme de soixante-dix-huit
ans atteint de tremblement, sans ataxie, complète la nature du
trouble, c'est une amnésie sénile.
Si l'on voulait, termine l'auteur, compléter l'analyse de la patho-
graphokinésie, il faudrait rechercher des quatre éléments psycholo-
giques du mécanisme (corticomoteur) de l'écriture par l'examen
de : 1° la direction du mouvement de la pointe de la plume (atti-
tude, orientation de l'écriture); - 2° la longueur du trait de la
plume (durée de la direction); - 3° largeur du trait de la plume
(pleins, déliés); - 4° l'interruption du mouvement de la plume
(pauses); mais en tenant compte des moyennes mesures propres à
la majorité des individus normaux. P. IFeavnL.
XVI. DE L'HÉMIANOPSIE ET DE L'OPHTtIAmOPLÉGIE unilatérale d'origine
vasculaire; par G. ROSSOLIrO. (Neurolog. Ce71tralbl., XV, 1896.)
Les branches terminales de l'artère basilaire servent à alimenter -
les appareils optiques de l'encéphale et, en particulier, la pointe
232 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
du lobe occipital, le coin, la circonvolution linguale, le pulvinar,
les tubercules quadrijumeaux supérieurs par l'artère profonde du
cerveau, l'artère optique interne postérieure, l'artère pédiculo-
géminée); -puis, les noyaux et racines de l'oculomoteur commun
(artère du noyau de l'oculomoteur, artère pédonculaire interne).
(Alezius etd'Astros 1894; Shimamura 1894.)
A l'aide d'une observation complexe et parfaitement étudiée,
appuyée par l'autopsie et l'examen microscopique, et rapprochée
d'un cas plus simple, M. Rossolimo conclut ainsi :
la L'artère cérébrale postérieure alimente l'appareil central optique et
oculomoteur du même côté; ses terminaisons principales fournissent à
l'écorce et à la substance blanche du lobe occipital, de la pointe de celui-
ci, du coin, de la circonvolution linguale. Les quatre brandies qui se
détachent tout près du point de la division de l'artère basilaire alimen-
tent le centre optique du pulvinar et les noyaux, ainsi que les racines,
de l'oculomoteur commun dans l'étage inférieur du pédoncule cérébral.
- 2o Les conditions de nutrition sont les mêmes pour les' segments
externes du noyau de l'oculomoteur commun et les trousseaux radiculaires
latéraux : dans les mêmes conditions se trouve la nutrition des segments
internes et médians du noyau et des libres radiculaires. - 3° Les
artères : pédonculaire interne ; du noyau de l'oculomoteur commun ;
optique interne postérieure sont des artères terminales. L'artère pédon-
culogéminée s'anastomose avec d'autres systèmes. - 4° L'altère pédon-
culaire interne accompagne de ses ramifications les trousseaux radicu-
laires - b' La distribution de chacun des noyaux de la troisième paire
concorde presque tout à fait avec le schéma de Saluer et Pics ; la seule
différence est. que le noyau qui commande à l'élévateur de la paupière
doit être un peu en dedans du noyau du droit supérieur,' quoique immé-
diatement à côté de lui. - 6° Il en est de même pour les fibres radicu-
laires ; les faisceaux latéraux sont destinés au droit supérieur et à
l'oblique inférieur ; 'les faisceaux médians, au droit interne, au droit
inférieur, à l'élévateur de la paupière. - 7° Les fibres qui unissent le
droit interne d'un côté avec le noyau du droit externe de l'autre côté,
paraissent occuper les parties latéro-antérieures du faisceau longitudinal
postérieur, sur le côté du noyau de l'oculomoteur commun ; elles ne
passent de l'autre côté qu'au niveau du noyau de l'oculomoteur externe.
P. KERAVAL.
XVII. Contribution LA pathologie DES paralysies DU plexus brachial;
par P. Sciiuster. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)
Observation caractérisée par l'existence d'une paralysie complète
de tous les muscles du bras et de presque tous les muscles de
l'avant-bras. Les muscles complètement paralysés correspondent
aux nerfs : sus-scapulaire, sous-scapulaire, du grand dentelé, des
deux pectoraux, axillaire, musculo-cutané, radial, médian, cubital ;
il existe des troubles correspondants de la sensibilité. Les six pre-
mières branches sont atteintes dans leur totalité ; le radial est affecté
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 233
dans sa plus grande partie ; le médian et le cubital ne le sont que
partiellement. La comparaison des troubles de la sensibilité et de
la motilité permettent d'éliminer une affection spinale; mais les
accidents portent en eux le caractère dégénératif. C'est évidemment
le plexus brachial qui est pris; il est pris par un foyer qui englobe
tous ces nerfs, en en respectant certaines zones et cela, dès le début
de la maladie. Il y a là une sorte de mélange du type Erb avec
celui de Klumpke. Après une étude minutieuse des racines et fibres
d'après le tableau de Féré, M. Schuster croit à la destruction des
o<= et 6° racines cervicales et à la co-parlicipation assez notable de
la 7° racine cervicale.
Il tend également à penser que 1° les fibres sensitives du médian
destinées à la face palmaire du pouce sont à l'origine séparées de
celles du même nerf destinées aux autres droits. Celles destinées
au pouce et à l'index viendraient, comme le veut Hoedemaker des
Se et 6e racines cervicales; 2° le court extenseur du pouce tire ses
fibres de racines plus profondes que de la 7e cervicale : 3° les bran-
ches cutanées destinées à la face dorsale des deux dernières pha-
langes des doigts paraissent courir simultanément n'importe où
dans les racines. P. 11ER1V1L.
XVIII. Contribution A la connaissance des névroses EMETIQUES RÉ-
FLEXES (n¿m'oses du pneumogastrique) ; par GnOEui'NER. (1\'curoloy.
Centralbl., XV, 1896.)
Le vomissement réflexe provient d'excitations périphériques
allant frapper certains centres réflexes bulbaires. Ces derniers
peuvent être directement actionnés par des agents nocifs; ainsi,
dans les affections cérébro-spinales, dans 1'liv-térie, la neuras-
thénie,le goitre exophthalmique. Le vomissement réflexe d'origine
périphérique a pour agents excitateurs, le tube intestinal, les
organes abdominaux, les organes sexuels de la femme ; plus rare-
ment les affections respiratoires. Voici un cas dans lequel l'excita-
tion est partie des organes des sens, la vomiturilion ayant été
précédée d'ailleurs des besoins d'uriner et de déféquer.
Il s'agit d'un homme de trente-quatre ans, de famille nerveuse
qui, à la suite d'excès de tabac, se sentait des envies de vomir pour
les motifs des plus différents : un enchinrènement, des faux-cols
gênants, l'action du soleil, une chambre chaude. Une envie
d'uriner modérée, un besoin d'aller à la selle, des gouttes de pluie
ou quelque saleté tachant ses lunettes concaves, rendent la vomi-
iurilion particulièrement pénible. Parfois l'envie de vomir le prend
avant qu'il ait le temps de se rendre compte quelle en e-lla cause ;
il essuie ses lunettes, se rend à la garde-robe et la vomiturition
disparait. Cette infirmité n'existe pas quand il a solidement vécu,
sans cependant qu'il fasse d'excès. L'exagération de l'activité car-
234 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
diaque et l'augmentation de la pression du sang et des mouvements
respiratoires complètent le diagnostic. Le vomissement réflexe a
disparu sous l'influence d'une cure à Nauheim. P. 1lER.wAL.
XIX. DE la parésie PSEUDOSPASMODIQUE d'origine TRAUM\TIQUE avec
tremblements ; par FUERSTNEft. - Id.; par Nonne. (NPtl9'OlOI ? Cen-
trait., XV, 1896.)
Il s'agit d'accidents permettant d'abord de redouter une affec-
tion organique, mais en réalité purement fonctionnels. Ce sont
surtout des spasmes et tremblements musculaires avec paralysies.
Les phénomènes paralytiques souvent généralisés se localisent
bientôt et s'atténuent; le tonus exagéré et permanent des muscles
qui croît spontanément et pendant les essais de mouvement actifs
et passifs des sujets, peut cependant être neutralisé ou augmenté sous
une influence psychique. Les secousses du tremblement, excessives
à l'occasion des mouvements volontaires, sont aussi très mobiles.
Il en est de même du clonus à la flexion dorsale qui varie d'un
moment à l'autre, est alternativement rythmé *ou irrégulier, et
n'aboutit point à la contraction paradoxale. Les douleurs mobiles
dans le dos, avec intégrité de la sensibilité; la conservation de la
vessie et du rectum ; l'installation brusque et la soudaine dispari-
tion des symptômes modifiés, comme on l'a déjà dit par l'action
psychique ; enfin la démarche qui n'est celle d'aucune des affec-
tions organiques cérébro-spinales, confirment le caractère purement
fonctionnel de ce complexus morbide en apparence si grave.
M. Fuerstner en donne deux observations caractéristiques. M. Nonne
en fournit sept. Il en tenté la nosographie.
- Généralement la blessure intéresse le tronc, surtout le dos seul
ou concurremment avec d'autres parties du corps, ce qui explique
les douleurs sacrées ou thoraciques. Il s'agit d'individus du sexe
masculin dans la force de l'âge, sans lares, jusque-là bien portants.
C'est quelques jours ou quelques mois après l'accident que se pro-
duit le complexus symptomatique moteur (affaiblissement des
membres inférieurs - tremblement progressif surtout intentionnel
- secousses à des degrés variables - tendance à la contracture -
diminution de la force musculaire sans atrophie - démarche aty-
pique). Les troubles sensitifs, ou, bien sont nuls, ou bien sont ceux,
soit de l'irritation spinale, soit des grandes névroses. Comme dans
ces dernières, polyurie et tachycardie. Réflexes tendineux et
cutanés, vifs mais normaux. Bien aux sphincters. Sens génital
diminué mais non disparu. Clonus à la flexion dorsale du pied
ainsi qu'il a été dit plus haut. L'affection, pour être fonctionnelle,
n'en est pas moins chronique et généralement incurable : un seul
cas de guérison au bout de deux ans.'Le plus habituellement il
persiste de l'hypertonie musculaire. P. KERAVAL.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
DE LANGUE FRANÇAISE
(TOULOUSE, 1897.)
Le lundi 2 août a été ouvert à Toulouse, le Congrès des médecins
aliénistes et neurologistes des pays de langue française, dans la
salle des illustres du Capitole. On devait inaugurer les bustes de
Pinel et d'Esquirol, bustes absents d'ailleurs. Sur une estrade,
installée au-dessous du plafond peint par Henri Martin, avaient
pris place MM. Serres, Rilti, président du huitième Congrès des
aliénistes et neurologistes français; Landard, préfet de la Haute-
Garonne ; Labéda, doyen de la Faculté de médecine; Marty, secré-
taire général de la préfecture; Drouineau, inspecteur principal de
l'Assistance publique, délégué par le Ministre de l'Intérieur, et
Marveaux, médecin principal.
M. le D'' Ritti a pris le premier la parole et a retracé, en termes
éloquents, le rôle joué en médecine mentale par les deux aliénistes
célèbres, Pinel et Esquirol. Nous regrettons que les limites de ce
compte rendu ne nous permettent pas de. reproduire en entier le
discours du savant médecin de Charenton. En voici le résumé :
« Mesdames, Messieurs,
« La loi religieuse de l'Islam impose à tous ses fidèles la stricte
obligation de faire une fois au moins dans leur existence le pèle-
rinage de la Mecque, berceau de la religion, patrie du prophète.
S'inspirant de cette pratique pieuse, le Congrès annuel des méde-
cins aliénistes et neurologistes a voulu commencer son deuxième
septenaire en venant siéger au centre de ce Languedoc, un des
plus exquis joyaux de notre belle France, qui compte parmi ses
illustrations les deux fondateurs de la médecine mentale de notre.
siècle.
« Nous sommes ici dans la patrie de Pinel et d'Esquirol, et c'est
pour moi la satisfaction la plus douce, ce sera l'honneur le. plus
236 SOCIÉTÉS SAVANTES.
grand de ma vie d'avoir été choisi par mes pairs pour présider
cette huitième session dans cette ville de Toulouse, qui a vu naître
mon illustre prédécesseur à la maison de Charenton.
« Ce choix, dicté par un sentiment de délicate attention, dont
je suis profondément touché et reconnaissant, m'impose une obli-
gation à laquelle je me soumets avec d'autant plus de bonne
grâce qu'elle répond à un véritable besoin de ma nature, celui
de rendre justice aux grands esprits, nos maîtres et nos guides
dans la recherche de la vérilé. Non pas que je veuille prononcer
un panégyrique en règle de Pinel et d'Esquirol; mais il me semblé
que placer nos travaux sous les auspices de ces noms qui dominent
de si haut l'histoire de notre spécialité, ce serait pour eux une
garantie de succès. Et, de plus, n'est-ce pas le moyen le meilleur,
le plus digne, de reconnaître l'hospitalité si brillante de la grande
cité languedocienne, que de lui offrir notre tribut d'admiration,
de respect, pour leurs éminents compatriotes, initiateurs tous
deux dans le domaine du savoir comme dans celui de la bienfai-
sance ?
« Qu'il se signale dans la pensée ou dans l'action, « un grand
« homme est, selon la belle formule de l'éminent philosophe,
« M. Pierre Laffilte, celui qui résout pour les successeurs un pro-
« blème difficile, préparé par les prédécesseurs ». Telle est bien la
tâche que Pinel et Esquirol ont accomplie en médecine mentale.
« S'ils n'ont pas résolu définitivement le problème, à la fois si
redoutable et si complexe, de la folie - et le résoudra-t-on jamais ?
- ils édifièrent du moins, à l'aide des documents légués par la
tradition et de ceux puisés dans leur expérience personnelle, une
admirable synthèse provisoire, qui a servi de guide à plusieurs
générations d'aliénistes, dont nous sommes bien encore un peu
les tributaires.
« Observateurs d'une rare pénétration, le premier avec des
tendances philosophiques, le second plus clinicien, ils ont enrichi
la science d'acquisitions nombreuses et capitales, qu'ils portèrent
du premier coup à un rare degré de perfection.
« Est-il nécessaire de rappeler le remarquable mémoire de Pinel
sur la manie périodique ou intermittente, qu'il considérait déjà
comme une des aliénations les plus héréditaires ? N'est-ce pas lui,
aussi, qui, le premier, fit de la'craniométrie chez les aliénés ? En
étudiant les diverses' dimensions de leur crâne, en établissant la
fréquence des « défauts de symétrie », des « vices de conforma-
« tion de cette enveloppe osseuse dans l' « idiotisme originaire »,
il se trouve être le précurseur dans ces recherches sur les stig-
mates physiques de la dégénérescence qui ont illustré Morel et ses
élèves.
« Quant à Esquirol, qui n'admire l'incontestable originalité de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237
ses travaux sur les hallucinations et les illusions, la merveilleuse
sagacité clinique dont il fait preuve dans son mémoire sur l'alié-
nation mentale des nouvelles accouchées et des nourrices ? Je
n'oublie pas cette étude sur l'isolement des aliénés, d'une analyse
si pénétrante, d'une logique très serrée, où la question est traitée
d'une façon si magistrale, si complète, qu'on n'y a presque rien
ajouté depuis l'année 1832, où elle a été communiquée à l'Institut.
« Mais avec cette puissance créatrice qui se manifestait en des
sujets si divers, avec cette acuité d'observation qui leur permettait
de fouiller les faits jusque dans leurs moindres détails, ces deux
grands esprits possédaient le talent rare de reproduire exactement
et fidèlement tout ce qu'ils avaient vu. Il y avait en eux de l'artiste,
du peintre : leurs descriptions de maladies mentales ressemblent à
ces grandes compositions où tout est sacrifié à l'ensemble; leurs
observations de malades sont, toutes, des tableaux de genre d'un
scrupuleux réalisme.
« Aussi la majorité des faits, dont leurs écrits sont parsemés,
ont-ils encore de l'actualité; vus il y a plus de soixante ans, ils
sont pour ainsi dire d'aujourd'hui et ne dépareraient certes pas le
plus moderne des traités de médecine mentale.
« Qu'on relise, pour s'en convaincre, ces observations si com-
plètes, si suggestives, de folie à double forme, de délire de persé-
cution avec idées de grandeur, de folie du doute avec délire du
toucher, même d'inversion sexuelle, dont Pinel et Esquirol ont
illustré leurs livres et qui en constituent la partie la plus vivante,
la plus durable.
« S'ils n'ont pas su les interpréter comme nous, s'ils n'en ont
pas tiré les conséquences que nous en tirons, c'est qu'il manquait
à la chaîne qui unit leurs théories aux nôtres toute une série d'an-
neaux intermédiaires que le temps et l'expérience ont seuls pu
forger. Tant il est vrai que le progrès de la science n'est pas le fait
d'une génération spontanée, mais d'une lente évolution.
« Ce qui n'empêche que ces grands esprits nous ont laissé nombre
de vues géniales, véritables éclairs projetés sur l'avenir, qui, sous
la forme aphoristique où elles sont exprimées, pourraient servir
d'épigraphes à bien des travaux récents.
« Tous ces germes d'idées, ainsi jetés à pleines mains dans les
écrits et dans l'enseignement des deux illustres penseurs, furent
recueillis avec soin, fécondés et développés par leurs élèves. En-
thousiastes du bien comme du vrai. Pinel et Esquirol surent com-
muniquer leur enthousiasme; ils firent école, et l'on vit se grouper
autour d'eux toute une phalange de disciples qui devaient porter
très loin et très haut les idées et la méthode qui leur étaient en-
seignées. -
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
t C'est le traitement vaguement présenté, mais à peine indiqué
par leurs prédécesseurs, qui constitue le plus grand titre de gloire
de Pinel et d'Esquirol. Avant eux l'aliéné était considéré comme
une sorte d'être intermédiaire entre le criminel et la bête fauve; ils
eurent l'honneur de l'élever à la dignité de malade.
« Sur les instances de Cabanis, avec lequel il s'était lié d'une
étroite amitié, Pinel accepta d'être nommé médecin de l'hospice
de Bicêtre; il entra en fonctions le 11 septembre 1793. Date mé-
morable, non pas seulement de l'histoire de l'Assistance publique,
mais aussi de l'histoire de l'humanité !
« Aidé du surveillant Passin, son intelligent et dévoué acolyte,
il fit tomber les. chaines des aliénés; puis, les arrachant des
réduits infects où ils croupissaient, il les rendit à l'air et à la
lumière dont ils étaient depuis si longtemps privés. A la bar-
barie et à la brutalité, il fit succéder la douceur et la bienveil-
lance. »
M. Ritti rappelle ensuite à quel traitement barbare étaient sou-
mis les malades avant leur entrée dans les asiles d'aliénés. C'est
Pinel qui réclama et obtint non sans peine, la suppression de ce
traitement préalable.
« Ce traitement moral de la folie, dont il fut l'initiateur, l'apôtre
convaincu et écouté, poursuit M. Ritti, Pinel en traça les règles
précises dans son célèbre Traité médico-philosophique de l'aliénation
mentale. On ne relit pas sans une poignante émotion ces chapitres
où il indique les préceptes à suivre et les écueils à éviter, ceux
surtout où, après avoir raconté avec une éloquente simplicité les
réformes qui lui sont dues, il nous fait entrevoir celles qu'il espère
du temps et du progrès des connaissances. Sur ces pages admi-
rables, tout empreintes du sentiment humanitaire de la philo-
sophie du grand xvm siècle, sont vraiment inscrits les droits de
l'aliéné à la sympathie universelle et, aussi, les devoirs du médecin
envers ce malheureux blessé de l'intelligence.
« Si Pinel, dans son immortel ouvrage, a le premier révélé les
« traitements barbares que subissaient les aliénés dans les hospices
« de la capitale, s'il a brisé les fers qui torturaient leurs membres,
« Esquirol a la gloire d'avoir fécondé l'oeuvre du génie et de la
« bienfaisance. » Ces paroles de Falret père, écrites il y a plus
d'un demi-siècle, ont été ratifiées par la postérité, ce « juge sans
« reproche ». Celte heureuse continuité dans une grande oeuvre
philanthropique unit inlimement et à jamais dans la mémoire des
hommes le maître et le disciple, à tel point que le nom de l'un
évoque aussitôt dans notre esprit le nom de l'autre.
« Le fils du capitoul de Toulouse, de l'officier municipal qui,
dans les heures douloureuses de la Révolution, préserva ses conci-
toyens des horreurs de la famine, - Esquirol, hérite de son père
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
cette ardeur pour le bien, cet amour des malheureux qui fut la
plus grande passion de sa vie.
« 11 trouva sa vraie vocation le jour où, jeune encore, il fut
attiré par le besoin de.s'instruire, dans le service de Pinel, à la
Salpêtrière. Dès qu'il fut entré dans l'intimité du maître, son coeur
battit à l'unisson du sien et il résolut de dévouer comme lui son
existence à la réforme du traitement et de l'assistance des aliénés.
c Pendant quarante ans on le vit n'épargner ni ses efforts, ni
sa peine, mettre au service de la plus noble des causes son dévoue-
ment enthousiaste, cette chaleur communicative dont il avait le
secret.
« Inspecteur sans litre, sans mission officielle, il parcourut
toute la France, allant de ville en ville visiter les établissements
qui recevaient les insensés. Son coeur sensible saigna douloureuse-
ment au spectacle des faits lamentables qu'il eut à constater, qu'il
résuma ensuite en ces quelques lignes d'une si navrante élo-
quence : .
c Ces infortunés qui éprouvent la plus redoutable des misères
« humaines, je les ai vus, s'écrie-t-il, nus, couverts de haillons,
« n'ayant que la paille pour se garantir de la froide humidité du
« pavé sur lequel ils sont étendus. Je les ai vus grossièrement
« nourris, privés d'air pour respirer. d'eau pour étancher.leur soif,
cet des choses les plus nécessaires à la vie. Je les ai vus livrés à
« des véritables geôliers, abandonnés à leur brutale surveillance.
a Je les ai vus dans des réduits étroits, sales, infects, sans air,
« sans lumière, enchaînés dans des antres où l'on craindrait de
« renfermer des bêtes féroces que le luxe des gouvernements
« entretient à grands frais dans les capitales. »
« Voilà ce qu'on voyait presque partout en France et à l'étran-
ger, en 181 i, vingt ans après la grande réforme introduite par
Pinel à Bicêtre et à la Salpêtrière; tels sont les maux que dépeint
Esquirol avec une sobriété émouvante et une éloquente simplicité,
dont il indique les remèdes avec une admirable précision, dans le
célèbre mémoire qu'il présenta au ministre de l'intérieur, en sep-
tembre 1818.
« Ces pages courageuses, où éclate à chaque ligne d'indignation
de l'homme de bien, furent comme un cri d'alarme. Il fut entendu.
A la voix du grand aliéniste, l'inhumaine routine fut mise en
complète déroute; les administrations publiques et les corps élus,
pris d'une noble émulation, rivalisèrent de zèle pour soulager la
plus lamentable des infortunes et lui offrir des asiles. En moins
d'un demi-siècle la transformation était complète.. , ,
......................
c Cet admirable mouvement philanthropique dont il fut promo-
teur. Esquirol en resta toute sa vie l'âme directrice. Aussi, peu
d'années avant sa mort, jetant un regard en arrière, il pouvait
240 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dire avec raison : « J'ai assisté aux améliorations apportées an
« régime et au traitement des aliénés; j'ai suivi depuis quarante
a ans les progrès de ces améliorations auxquelles je n'ai point été
« tout à fait étranger. Je les ai secondées de tous mes efforts par
« mes publications, par mon enseignement et par mes voyages.
« Consulté par le gouvernement, les préfets, les administrations
« locales, les architectes, je me suis empressé de livrer les résul-
« tats de mes observations, de mes essais et de ma longue pra-
« tique; j'ai vu mes principes et mes conseils accueillis et appli-
« qués dans plusieurs établissements consacrés aux aliénés. »
a Et cette haute autorité spirituelle qu'il s'était acquise par son
caractère et ses talents dont il faisait un si noble usage, Esquirol
s'attachait à la perpétuer après lui, en s'entourant de nombreux
disciples qu'il pénétrait de ses idées etanimait de son ardeur pour
le bien. Il avait souci de la continuité de son oeuvre et chargeait
volontiers sa vie, selon le mot du fabuliste, des soins d'un avenir
qui n'était pas fait pour lui. Et si, comme nous n'en doutons pas,
il entrevoyait toutes les conséquences sociales et morales de son
labeur, il pouvait avec une légitime fierté et à plus juste titre que
le vieillard de Lafontaine, se répéter :
« Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui.
, « L'année 1838 réservait à l'illustre maître une de ses dernières
de ses plus grandes joies : la loi sur les aliénés qu'il appelait de
tous ses voeux, à laquelle il avait activement collaboré, ainsi que
deux de ses élèves les plus distingués, Ferrus et Falret, fut votée
définitivement et promulguée. Tout ce qui avait été fait jusque-la
sous son influence, obtenait ainsi une sanction légale. »
Rappelant ensuite les réformes accomplies depuis près de cent
ans, grâce à Pinel et Esquirol, M. Ritti ajoute :
« Il faul aimer les aliénés pour être digne et capable de les
« servir. » Cette belle maxime d'Esquirol est aussi la nôtre. Mais
cet amour ne doit pas être comme l'autre, - celui qui porte un
bandeau sur les yeux; - il doit être très clairvoyant, sans cesse
éclairé par le flambeau de la clinique. Notre bienveillance à
l'égard des infortunés confiés à notre sollicitude doit être inces-
sante et inaltérable; que de fois cependant un médecin aliéniste
est obligé de s'armer de sa bonté, contre sa bonté même, selon
le mot du grand Turgot à Louis XVI !
...........
« La postérité pour laquelle ils ont tant travaillé, n'a pas. oublié
les deux grands réformateurs. Les noms de Pinel et d'Esquirol
restent profondément gravés dans la mémoire des hommes; leurs
oeuvres sont inscrites dans l'histoire de la science et aussi dans les
.SOCIÉTÉS SAVANTES. , ,-il 1
annales de l'Assistance publique. Là patrie reconnaissante leur a
consacré des monuments commémoratifs, à Paris, dans ces hos-
pices mêmes où ils conçurent leurs remarquables travaux, au
milieu des malades qu'ils ont tant aimés, dont l'amélioration a été
l'objet-de leurs constants efforts : la statue de Pinel s'élève sur la
place de la Salpêtrière, celle d'Esquirol dans la cour d'honneur de
la Maison nationale de Charenton. » .
.........................
Après avoir adressé des remerciements à tous ceux qui ont prêté
au Congrès un appui moral ou matériel, le distingué médecin
de l'Asile de Charenton, termine par cette éloquente péroraison :
« Le public qui suit avec tant d'intérêt les discussions sur l'hygiène
générale, ne peut manquer de se préoccuper aussi de problèmes
tels que l'alcoolisme, le goitre et le crétinisme, l'hérédité et la
prophylaxie des maladies mentales et nerveuses..Ne sont-ce pas là,
en effet, des questions sociales pressantes qui s'imposent à la sol-
licitude de tous, de la solution desquelles dépend l'avenir de la
patrie, celui même de notre race ? En les creusant de plus en plus
avec toute la précision scientifique dont nous sommes capables,
en nous appliquant à discerner dans ces maux dont souffre notre
société, ce qu'il y a de fatal et ce qu'il y a de guérissable; en nous
efforçant de trouver les remèdes à leur appliquer, nous nous mon-
trerons vraiment dignes des sympathies qui nous entourent, nous
ferons oeuvre utile et demeurerons fidèles à la grande et noble
devise de la civilisation moderne : Progrès par la science, pour
l'Humanité. »
D'unanimes applaudissements ont applaudi les dernières paroles
de M. Ritti, auquel M. Labéda, doyen de la Faculté de médecine, a
succédé, en prononçant le discours suivant :
c Mesdames, Messieurs,
« J'étais loin de m'attendre à l'honneur de prendre la parole
dans celle cérémonie, qui honore à la fois Toulouse et le Congrès
par la glorification d'Esquirol, Toulousain, qui le premier, donna
des lois à l'étude méthodique de l'aliénation, et de Pinel, né à
Saint-Paul, près La, aur, à dix lieues d'ici, de Pinel qui ouvrit les
cabanons et conquit pour les pauvres fous le droit à la dignité
de malades.
« Mais Pinel fut un nosographe éminent, et il a rendu, en son
temps, à la pathologie générale des services qui ne doivent pas
être oubliés ici. Tel a été du moins, le sentiment de plusieurs
membres, les plus autorisés du Congrès, et j'en ai reçu à la der-
nière heure l'invitation d'associer la Faculté de médecine de Tou-
louse aux hommages adressés à Pinel.
a Plein de déférence pour le désir du plus éminent de nos hôtes
Archives, 2° série, t. IV. 16
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mais fort mal préparé professionnellement, et pressé par le temps,
je vous apporte ici une esquisse à peine équilibrée du haut et vaste
sujet qui m'a été proposé si fortuitement. Puisse ma bonne
volonté au service de ma cité natale et du Congrès vous donner
messieurs, l'indulgence nécessaire pour en écouter la sommaire
développement.
« Le 27 octobre 1826, la Faculté de médecine de Paris allait
res.ter. muette devant la tombe de Pinel, un de ses plus glorieux
professeurs, il est vrai, récemment frappé de disgrâce, lorsque
Cruveilhier, élève et ami de l'illusti défunt, et déjà illustre lui-
même, vint, fendant la foule, célébrer son ancien maitre, et rap-
peler quels titres le rattachaient à la savante Compagnie, quels
titres le recommandaient aux hommages reconnaissants de la
postérité. Echo, après trois quarts de siècle, de cette voix du bon
et savant Cruveilhier, la Faculté de médecine de Toulouse récem-
ment restaurée, désire, elle aussi, apporter son tribut d'éloge et
d'admiration à la mémoire de Pinel, d'autant que ce grand
maître avait commencé par s'asseoir sur les bancs de l'ancienne
Faculté, dont nous nous honorons d'être les continuateurs. »
Entrant dans son sujet, M. le doyen montre ce qu'il faut
entendre par classification des maladies, expose à cet égard la
conception de Pinel, et le caractère artificiel de sa classification,
qui constituait cependant un progrès considérable sur les essais de
groupement tentés par Sauvage.
Il entre dans quelques détails sur la rivalité de deux écoles
parisiennes de l'époque : école de la Salpêtrière (Pinel), école de
la Charité (Corvisart), et la ruine commune de ces deux écoles
devant l'organicisme de Broussais et les progrès de l'analomie
pathologique.
Enfin, après avoir esquissé la fin de la vie de Pinel qui ne fut
pas exempte de déboires supportés avec dignité, M. Labéda cons-
tate en ces termes que le côté philanthropique de l'oeuvre de Pinel
est le fondement assuré de la gloire persistante de ce médecin
illustre :
« Pourtant, il faut bien le dire, le savant, le médecin, n'attei-
gnirent pas chez Pinel à la célébrité du philanthrope. Mais ce côté
si intéressant et si important de la figure de notre compatriote
vient d'être mis en lumière avec bonheur par le savant président
de ce huitième Congrès, et je ne saurais rien ajouter aux paroles
de l'honorable M. Ritti.
a Je me bornerai à une dernière réflexion : C'est avec raison
que la philanthropie de Pinel a le plus contribué, aux yeux des
foules, à sa gloire et à sa renommée, car les hommes passent,
la science marche d'une poussée formidable, plongeant dans
l'oubli les efforts du passé; mais leur bonté, la miséricorde, la
pitié aux malheureux, noble et touchante parure de l'austère
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243 i
vérité, méritent de subsister et, en effet, subsistent éternelle-
ment. »
Ce nouvel et éloquent hommage, rendu à la mémoire de Pinel
et d'Esquirol, a terminé la séance du matin, qui a été levée à
,11 heures par M. Ritti.
Séance du 2 août (soir). Présidence DE M. Pitres.
A 2 heures, à la Faculté de médecine, dans le grand amphi-
théâtre, la seconde séance a été ouverte par M. Pitres, doyen de la
Faculté de médecine de Bordeaux et président du congrès de
Nancy en 1896. Le bureau du huitième Congrès a été ainsi consti-
tué : président, M..Ritti; vice-précident, M. Dubuisson, directeur
de l'asile départemental de la Haute-Garonne; secrétaire général,
M. Parant, direc ! eur de la maison de santé de Toulouse; secré,
taires des séances, MM. Noguès, Anglade et Parant fils.
Puis a eu lieu la nomination des présidents d'honneur : le
ministre de l'intérieur; Monod, directeur de l'Hygiène et de l'As-
sistance publiques; Landard, préfet de la Haute-Garonne; Droui-
neau, inspecteur général de l'Assistance publique; Labéda, doyen
de la Faculté de médecine de Toulouse; Faire[, médecin de la
Salpêtrière.
Première QUESTION : - Paralysie générale.
Après la lecture par M. Ritti, de deux lettres d'excuses d'adhé-
rents qui n'ont pu se rendre au Congrès, et d'une lettre de M. Mo-
nod, annonçant que M. le Ministre l'Intérieur délègue au Congrès
,NI. Drouineau, la parole est donnée à M. ARNAUD, médecin-directeur
adjoint de la maison de santé de Vanves (Seine), sur la première
question du Congrès : Diagnostic de la paralysie générale.
Les points essentiels de cette étude sur le diagnostic de la mala-
die ont été résumés par l'auteur en quelques propositions sur les-
quelles la discussion pouvait être engagée. La paralysie générale,
maladie intermédiaire aux psychoses et aux affections organiques
du cerveau, est caractérisée par une double série de symptômes
psychiques et physiques en rapport avec des lésions particulières
(meningo-encéphalile chronique diffuse). Ceci élimine la préten-
due paralysie générale sans aliénation et les états psychopathiques
sans substratum anatomique appréciable ou dépendant de lésion
en foyer, d'altérations athéromateuses, etc. -
Bien qu'ayant des caractères distincts, aucun des symptômes de
la paralysie générale n'est pathognomonique. On n'est pas autorisé
à poser le diagnostic uniquement d'après les signes physiques ou
d'après les symptômes psychiques ; il est nécessaire que les deux
ordres de symptômes soient représentés dans le tableau clinique,
au moins par les plus essentiels d'entre eux. Ce sont, dans l'ordre
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mental, la démence généralisée et progressive à laquelle les délires
empruntent leur physionomie spéciale ; dans l'ordre physique,
l'embarras de la parole, les troubles oculopupillaÍ1'es (ophtalmoplé-
gie interne, graduelle et progressive), l'ataxie ptsyclao-motrice et les
accidents cérébraux. La démence généralisée et progressive, avec
les caractères particuliers que j'ai essayé de décrire, est le symptôme
cardinal de la paralysie générale ; elle constitue un véritable stig-
mate paralytique.
Dès le début de la maladie, l'état démentiel commençant se
trahit par l'impuissance mentale, par l'absurdité des opérations
intellectuelles (association des idées, raisonnement, jugement),
plus encore que par l'absurdité des idées; - par les lacunes de la
mémoire, par les altérations du sens moral, de la conduite et des
actes, etc. Survenant chez un adulte, l'époque où l'énergie de l'es-
prit est au maximum, ces différents symptômes ont vraiment une
signification particulière. Malheureusement, la constatation n'en
est pas toujours possible par l'examen direct du malade, la con-
naissance des antécédents, toujours très utile, peut devenir indis-
pensable. Dans certains cas même, ni les renseignements sur le
début de la maladie, ni l'examen direct du malade ne suffisent à
établir un diagnostic légitime (certaines folies congestives et pseudo-
paralysies); il faut alors se résigner à attendre que l'évolution des
symptômes vienne faire la lumière. - A la période prodromique, la
paralysie générale peut être soupçonnée, mais il n'existe pas de
signes' permettant de l'affirmer.
En dehors de ces considérations générales, je crois que de
l'étude des faits l'on peut déduire quelques règles pratiques pour le
diagnostic.
A partir de cinquante-cinq ans, la paralysie générale devient
vraiment- rare. En présence d'un sujet de cet âge et à bien plus
forte raison après soixante ans, il convient de redoubler d'atten-
tion et de n'admettre le diagnostic de paralysie générale que sous
le bénéfice d'un inventaire rigoureux et plusieurs fois répété.
Devant un malade ayant dépassé cinquante ans et présentant
des signes d'artério-sclérose, il faut se souvenir que l'athérome
cérébral généralisé peut simuler cliniquement la paralysie générale
et que, d'autre part, il peut lui être associé et en modifier la phy-
sionomie. De là l'obligation d'une critique des symptômes, délicate
et approfondie, et la nécessité de sérieuses réserves.
De même, la constatation d'une hémiplégie vraie, si elle n'est
pas de nature à faire éliminer d'emblée la paralysie générale, doit
imposer un doute persistant; les probabilités de paralysie générale
sont, dans ces cas, très faibles, et, tout au moins, il y a certitude
d'une association avec un autre état pathologique.
M. Régis (de Bordeaux). - Je n'insisterai que sur un point du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 245
rapport de M. Arnaud, sur les relations de la paralysie générale
avec les maladies infectieuses. Je suis. convaincu de l'importance de
l'infection dans la pathogénie de la paralysie générale. J'ai montré
antérieurement combien était grande la fréquence de la syphilis
dans les antécédents des paralytiques généraux (80 à 90 °/0) ; les
cas relativement nombreux de paralysie générale juvénile consti-
tuent un nouvel argument en faveur de la théorie pathogénique
que je soutiens : il a été prouvé, en effet, qu'à cette période de la
vie le surmenage n'existait pas. Il en est de même des cas, plus
rares il est vrai, de paralysie générale conjugale, lesquels ne peu-
vent guère s'expliquer que par contamination du mari à la femme
ou inversement.
A la vérité, l'anatomie pathologique n'a pas encore démontré là
nature syphilitique des lésions de la paralysie générale ; je con-
nais cependant un certain nombre de faits dans lesquels la moelle
était le siège de lésions identiques à celles que détermine la syphilis.'
Le rôle que jouent les maladies infectieuses aiguës dans la palho=
génie de la paralysie générale est moins bien établi que celui de la
syphilis; cependant, on a déjà rapporté plusieurs cas de paralysie
générale développés consécutivement à la grippe, à la fièvre
typhoïde, etc.
En résumé, bien qu'il me soit impossible de fournir aujourd'hui
de nouvelles preuves à l'appui de cette théorie, je crois que la para-'
lysie générale est une maladie post-infectieuse, consécutive presque
toujours à la syphilis et plus rarement à des maladies aiguës.
Cette théorie infectieuse de la paralysie générale est-elle incom- :
patible avec celle des pseudo-paralysies générales ? Je ne le pense,
pas. De ce que la syphilis, en effet, est susceptible de provoquer'
l'apparition des lésions encéphaliques propres à la paralysie gêné--
rale, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse pas déterminer d'autres
lésions des centres nerveux : ces lésions de syphilis cérébrale don-
nent souvent lieu à un complexus symptomatique presque iden-
tique à celui de la paralysie générale; de là le nom de pseudo-.
paralysie générale syphilitique sous lequel on a pris l'habitude de le
désigner. ,
De même, à côté des alcooliques chroniques qui deviennent de
vrais paralytiques généraux et qui meurent, il y en a d'autres qui,;
après avoir présenté pendant un certain temps tous les signes de
la méningo-encéphalite chronique diffuse, guérissent à la suite de-,
l'élimination du poison, : ce sont des pse2tdo-paalytiqates généraux
alcooliques.
M. P. GARNtER (de Paris). - Comme M. Arnaud, j'estime que ! a'
démence constitue un véritable stigmate paralytique, mais à la
condition que cette démence suit totale, globale. Si le malade aw
conservé soit un peu d'attention, soit un peu de mémoire, soit la;
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
faculté d'associer quelques idées, on peut affirmer qu'il ne s'agit
pas d'un paralytique général. Quant aux conceptions délirantes,'
elles n'ont également de valeur pour le diagnostic que si elles revê-
tent le cachet démentiel propre à la paralysie générale.
Je' me sépare de M. Régis relativement au rôle de la syphilis
dans l'étiologie de la paralysie générale. La syphilis ne fait, selon
moi, que préparer le terrain à la périencéphalite chronique diffuse ;
il en est de même de l'alcoolisme ; mais, pour que la maladie
éclate, il faut qu'une autre cause. intervienne : surmenage, excès
vénériens, etc.
A l'appui de la théorie syphilitique de la paralysie générale,
M. Régis a invoqué les cas où cette maladie se développe dans
l'adolescence. Ces faits, selon moi, ne doivent être admis qu'avec
beaucoup de réserve. Je connais un enfant de quatorze ans qui
présente réunis d'une façon incontestable tous les signes physiques
et psychiques de la paralysie générale, et cependant ni M. Magnan
- qui a également examiné ce malade- ni moi n'avons osé porter
le diagnoslic de paralysie générale. Pourquoi ? parce que la para-
lysie générale est essentiellement une maladie de l'adulte qui exige
pour se manifester le complet développement des éléments ner-
veux ; lorsque ces éléments commencent à dégénérer ou lorsqu'ils
n'ont pas terminé leur évolution, ils paraissent être à l'abri de la
périencéphalite chronique diffuse.
M. de PERRY (de Bordeaux) communique, au nom de M. Régis et
au sien, les observations d'un certain nombre de paralytiques géné-
raux qui à aucun moment de leur affection n'ont présenté de concep-
tions délirantes. Sur 32 malades atteints de paralysie générale
confirmée observés en ville, il y en a 20 qui n'ont jamais été
atteints de troubles délirants. C'est surtout chez les femmes et les
jeunes gens que celte absence d'idées délirantes a été constatée.
M. BRIAND (de Villejuif). - Le « signe du cubital, » qui a été
considéré pendant quelque temps comme presque patlronomo-
nique de la paralysie générale, n'a, en réalité, aucune valeur
diagnostique, et cela pour deux raisons : la première, c'est qu'il
n'apparaît qu'à une période beaucoup trop avancée de la maladie;
la seconde, c'est qu'il est beaucoup trop variable et trop inconstant.
L'état démentiel des paralytiques généraux ne leur permet pas, en
effet, le plus souvent de traduire ce qu'ils éprouvent quand on leur
comprime le nerf cubital. '
A l'appui de la théorie syphilitique de M. Régis, j'invoquerai la
plus grande fréquence de la paralysie générale chez l'homme que
chez la femme.
M. Charpentier (Paris) s'élève contre la tendance des cliniciens
qui considèrent trop souvent comme d'origine syphilitique les
paralysies générales survenant chez un individu entaché de syphilis.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 Î
Il admet, par contre, nettement la paralysie générale alcoolique
qui survient chez des individus indemnes de tous accidents nerveux
antérieurs.
M. GIII.IUD (de Saint-Yon). - Il y a deux signes de la paralysie
générale qui, de très fréquents qu'ils étaient autrefois, sont deve-
nus très rares, je,veux.parler du « grincement des dents » et de la
« coutracture des sterno-mastoïdiens ». Je ne saurais dire à quelle
cause il faut rapporter cette diminution de fréquence.
M. DouTREBGNTE (de Blois). - D'après M. Garnier, on pourrait
croire que la démence est un signe de début de la paralysie géné-
rale ; or, il est loin d'eu être toujours ainsi. On observe à la
période prodromique de la paralysie générale une surexcitation de
toutes les facultés ; loin d'être affaiblie, l'intelligence de ces patients
est alors exaltée souvent dans tous ses modes, comme chez les
excilés maniaques. L'analogie entre ces deux espèces de malades
est dans ce cas tellement grande que le diagnostic différentie immé-
diat est très fréquemment impossible et qu'il faut attendre l'évo-
lution de l'affection pour se prononcer.
M. GIRAUD. - Ce n'est pas seulement avec l'excitation maniaque
que la paralysie générale peut être confondue au début; il n'est
personne de nous qui ne se rappelle avoir vu des sujets considérés
au début de leur maladie comme atteints d'un accès de délire mé-
lancolique ou hypocondriaque, et qui ont versé ensuite dans la
paralysie générale après une période déiirante plus ou moins
longue, quelquefois même après une ou plusieurs rémissions ayant
pu faire croire à une guérison complète.
M. PETRUCCI (d'Angers). - Du rapport de M. Arnaud, qui est un
exposé très complet de la question du diagnostic de la paralysie
générale, il résulte qu'aucun signe vraiment pathognomonique n'est
encore venu élucider cette étude si complexe. La maladie se traduit
surtout par un cortège de symptômes dont les principaux sont la
déchéance intellectuelle, l'embarras de la parole et l'ophtalmo-
plégie. Rien d'étonnant à cela, puisque le terme de paralysie géné-
rale ne satisfait personne et correspond par sa signification même
à un état clinique complexe lié à des lésions nécropsiques très
différentes. La création néologique des pseudo-paralysies générales
n'a pas éclairé davantage la question; elle n'a fait qu'accentuer
avec plus de vigueur l'insuffisance de cette nomenclature vicieuse
tombée aujourd'hui en désuétude et qui dès l'origine n'a pas été
acceptée par tous les pathologistes malgré l'autorité scientifique de
ses parrains.
Il convient avant tout de mettre un peu de clarté dans la valeur
des lésions anatomiques de la maladie, comme cela a été fait pour
les affections de la moelle aujourd'hui mieux connues. Après tout,
le cerveau n'est-il pas un simple renflement de la moelle, composé
248. SOCIÉTÉS 'SAVANTES..
des mêmes éléments histologiquçs : substance blanche, substance
grise, tubes nerveux, cellules nerveuses, enveloppes séreuses, etc. ?
A côté des myélites généralisées nous avons des myélites systéma-
tisées, c'est-àdire propres à un ordre déterminé de substance ner-
veuse blanche ou grise (sclérose amyotropbiqne ou des cordons
latéraux, tabès ou sclérose des cordons postérieurs, etc.). La maladie
commençant par un syslème quelconque peut passer à l'autre et
se généraliser.
Pourquoi n'en serait-il pas de même des péricérébrites ? Les
faits cliniques et les autopsies semblent justifier cette manière de
voir. On ne saurait nier aujourd'hui la transformation du tabès
ascendant en paralysie générale, et inversement de la paralysie
générale en tabès descendant. Les quelques pathologistes irréduc-
tibles qui persistent à voir en ces états deux maladies distinctes
sont obliges de reconnaître l'existence de faits matériels qu'ils ne
s'expliquent pas.
L'artériosclérose cérébrale peut débuter comme celle de la
moelle par des éléments nerveux différents; de là des variétés cli-
niques avec des signes initiaux également différents pouvant se
généraliser ensuite et revêtir le masque de la méningoencéphalite
diffuse générale. Dans la maladie classique de Bayle où le cachet
démentiel ouvre la scène, les cellules cérébrales et les tubes ner-
veux sont les premiers frappés ; la maladie se propage en second
lieu aux méninges : d'où les accidents convulsifs et moteurs, accès
épileptiformes et paralytiques, dont le summum s'observe à la
troisièmepériode delà maladie. Les adhérences cérébrales se font de
l'encéphale aux méninges, c'est-à-dire de dedans en dehors;
l'inverse se produit dans les autres formes, la syphilis par exemple,
dont chacun connaît la prédilection pour les séreuses. Les pous-
sées congestives initiales se traduisent par des convulsions épilepti-
formes, des paralysies à la première période; la décadence intel-
lectuelle initiale est moins prononcée que dans le cas précédent.
- Je ne puis examiner ici chaque variété en particulier, mais il me
semble possible de reconnaître dès aujourd'hui diverses variétés
de péricérébrites, comme de myélites, de bronchites, de pneumo-
nies, de fièvres typhoïdes, etc.
La forme la plus grave, généralement incurable et avec rémis-
sions rares, est celle dont le processus morbide commence par la
cellule nerveuse. Les autres sont sujettes à des rémissions plus ou
moins complètes et durables parce que la cellule nerveuse est la
dernière atteinte, et leur pronostic est beaucoup moins sombre.
Pour ma part, je n'hésite pas à reconnaître : 1° des péricéré-
brites d'origine toxique (alcoolisme, syphilis, saturnisme, états
infectieux à lésions plus ou moins graves ou étendues, depuis la
simple congestion jusqu'à la sclérose complète); 2° des péricéré-
brites débutant par l'altération de la substance blanche ou des
SOCIÉTÉS SAVANTES. ! 249
tubes nerveux avec phénomènes d'ophtalmoplégie initiaux et pré-
dominants ; 3° des péricérébrites cellulaires, c'est-à-dire avec alté-
ration initiale de la substance grise, reconnaissables au cachet
démentiel de la maladie et à l'absence de conceptions délirantes;
4° enfin des péricérébrites méningiliques commençant pur l'altéra-
tion des enveloppes avec productions pathologiques correspon-
danles : épaississements, suffisions sanguines et lactescentes, néo-
mernbraues. ll appartient aux études nosologiques et à la clinique
d'étendre et de mieux préciser ces variétés dans l'avenir.
M. Arnaud. - Les faits cliniques ne plaident pas en faveur de la
théorie de M. Petrucci. L'alhérome artériel généralisé ne déter-
mine pas des symptômes identiques à ceux de la périencéphalite
chronique diffuse, comme je l'ai indiqué dans mon rapport. Ainsi
que Iilippel l'a démontré de son côté, on peut toujours distinguer
les manifestations de l'artériosclérose généralisée d'avec celles de
la paralysie générale : On ne peut donc pas admettre, selon moi,
l'existence d'une variété de paralysie générale d'origine athéroma-
teuse. En revanche, je suis tout à fait d'accord avec M. Petrucci
sur la nécessité de demander à l'anatomie pathologique l'explication
des faits cliniques qui à l'heure actuelle sont susceptibles d'in-
terprétations diverses.
M. CULEllllE (de la Roche-sur-Yon). - 11 est certain que la para-
lysie générale augmente de fréquence dans les campagnes; cette
augmentation ne paraît pas être le fait du développement de
l'alcoolisme, mais semble plutôt liée à l'extension plus grande de
la syphilis. Je dois ajouter du reste, que la paralysie générale d'ori-
gine syphilitique diffère par certains caractères cliniques de la para-
lysie générale classique. ,
Neu1'o-fib1'oIJwtose centrale du cervelet et de la base de l'encéphale. : 11\i.llosL, professeur à la Faculté de médecine de Toulouse, et
Cavalié, prosecteur à la Faculté, ont fait une communication sur
un cas de neuro-fibromatose centrale du cervelet et de la base de l'en-
céphale. C'est là une maladie intéressante, à formeinconnue et qui
n'a pas eucore été décrite. Cette longue mais fort intéressante
séance a été levée à 6 heures et demie. Séance mardi, à 8 heure»
du matin.
Séance du 3 août (matin).
Deuxième question. - Sur l'hystérie infantile sa iicitui e et ses causes.
Rapport de M. le Dr P. DEZY.
M. Burzy. - L'histoire de l'hystérie infantile a commencé le jour
où a été détruite la théorie qui plaçait dans l'utérus le siège de la.
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cause première de la névrose. Les travaux les plus importants sur
ce sujet ont été écrit, en France sous l'influence de l'école de la
Salpêtrière, influence qui s'est étendue aussi à bon nombre de tra-
vaux étrangers. ,
Ce serait une tâche difficile et d'une utilité contestable de rap-
porter ici ne fût-ce qu'une citation de chacun des travaux écrits sur
ce sujet; aussi avons-nous pensé qu'il valait mieux se borner à
un simple exposé montrant les grandes lignes de la question. Tous
les auteurs que nous allons citer donnent eux-mêmes dans leurs
travaux une bibliographie abondante ; il sera donc plus' simple de
se reporter à eux pour les recherches bibliographiques. Avec la
lecture de ces auteurs et les indications que nous aurons soin
d'ajouter, on aura, nous l'espérons du moins, une bibliographie,
sinon complète, du moins très suffisante. L'histoire de l'hystérie
infantile peut être divisée en trois périodes.
Dans la première, les anciens reconnaissent que l'hystérie con-
vulsive existe, non pas seulement chez la femme, mais chez la
petite fille, chez l'homme et chez le petit garçon. Ils en parlent,
mais sans la décrire.
La seconde période est remplie par les travaux de la Salpêtrière,
qui établissent bien nettement les limites de l'hystérie, ses formes,
son traitement. Naturellement l'hystérie infantile profite de ces
éclaircissements. Non seulement elle est reconnue, mais elle est
décrite ; non seulement elle est reconnues dans ses formes convul-
sives, mais elle est dépistée sous ses formes non convulsives, et
même larvées.
La troisième période, qui chevauche un peu sur la précédente et
arrive jusqu'à nos jours, comprend les travaux des médecins
d'enfants.
Nous n'insisterons pas sur les erreurs qui règnentjusqu'àl'appa-
rition de l'important travail de Briquet en 1859 : Traité de l'hysté-
rie. On trouvera, du reste, dans les travaux indiqués, tous les
renseignements à ce sujet. Nous ne pourrions que les recopier
ici. Mais nous devons une mention spéciale à l'importante mono-
graphie de Clopatt. On trouve tous les détails qui intéressent par-
ticulièrement l'hystérie infantile, soit dans l'historique placé au
commencement, soit surtout dans l'appendice placé à la fin, qui
rapporte comme première observation en date celle d'une fille de
douze ans, citée par Willis; puis viennent celles d'Hoffmann;
enfin, les autres, au nombre de deux cent soixante-douze, y sont
résumées et placées dans leur ordre chronologique jusqu'à l'année
1888, époque de l'apparition de ce très important travail.
Pour la période qui nous occupe en ce moment, Clopatt cite, à
côté de Briquet, le noms de Dubois (d'Amiens), de Brachet, de
Willis, de Sydenham, d'Hoffmann, de Georget, de Landouzy et
enfin de Bouchut qui, en 1877, combat les idées de Briquet, et
SOCIÉTÉS SAVANTES. 251
attribue ses observations d'hystérile infantile à des erreurs de
diagnostics, ces cas devant être classés dans l'épilepsie, la chorée,
le nervosisme.
Deuxième période. - Elle est tout entière résumée dans le nom
de Charcot. Dans ses leçons cliniques de la Salpêtrière il en est une,
celle du mardi 21 février 1888, où il est dit : « On commence sans
doute à parler de l'hystérie chez les jeunes garçons, et le niveau
de nos connaissances sur la pathologie infantile commence à s'éle-
ver, grâce à nos jeunes collègues. » C'est là, enfin, que sont posées
ces deux principes capitaux, que les troubles psychiques persistants
ne sont qu'un prolongement de la phase des hallucinations, et
qu'il faut prendre cette affection pour ce qu'elle est, c'est-à-dire
pour une maladie psychique par excellence.
Aux travaux de Charcot et de ses élèves, qui traitent de l'hystérie
en général, Bernutz, Grasset, Pitres, Blocq, Gilles de la Tourelle,
etc., il convient aussi de rattacher plusieurs monographies dignes
d'attention : tout d'abord, il faut citer les importants travaux de
Bourneville et de ses élèves, dont nous donnerons la nomencla-
ture au chapitre de la forme convulsive, et que l'on trouve en par-
tie dans l'Iconographie de la Salpêtrière de Bourneville et Regnard.
La thèse de Peugniez (Paris, juillet 1885) est inspirée par Char-
cot. Elle a pour titre : De l'hystérie chez l'enfant. On y trouve la
description des diverses formes de l'hystérie à cet âge, notamment
le début par les troubles des facultés affectives. L'auteur insiste sur
la bénignité du pronostic, lorsque le diagnostic et le traitement
sont établis de bonne heure, et signale la forme épidémique. Peu
après paraît la thèse de 111 ? Hélène Goldspiegel, Contribution à
l'étude de l'hystérie chez les enfants. Paris, octobre 1888. Enfin
parait, en 1888, l'importante monographie d'Arthur Clopatt, datée
d'Helsingfors (J.-J. Franck et fils), mais sortie de la Salpêtrière et
de Bicêtre, où elle fut préparée en 1887. En comptant seize obser-
vations personnelles sur lesquelles nous reviendrons plus loin,
l'auteur rapporte deux cent soixante-douze cas plus ou moins
résumés. Ces deux cent soixante-douze cas, classés par ordre chro-
nologique et par pays d'origine, montrent bien les phases de la
question et le point où elle était au moment où parut cet impor-
tant travail.
Troisième période. - En mars 1880 parut la thèse de Paris, ins-
pirée par J. Simon « sur l'hystérie infantile considérée dans ses
sources, ses caractères, son traitement. » L'auteur- dit que l'hystérie
des fillettes est redoutable par sa durée ; il insiste sur ce point
intéressant qu'elle peut être méconnue parce qu'elle se réduit sou-
vent à des troubles psychiques et digestifs.
En avril 1880 paraît la thèse de Giraud, inspirée par J. Simon.
Elle a pour titre : Essai sur l'hystérie précoce se développant, chez
2B2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les petites filles avant la puberté. L'auleur insiste sur les troubles
psychiques et préconise le bromure et l'hydrothérapie. Ces deux
thèses parlent surtout de l'hystérie chez les petites filles ; en dé-
cembre 1884, la question fait un pas avec la thèse de Casaubont, t,
intitulée : L'hystérie chez les jeunes garçons. L'auteur prend pour
point de départ une observation personnelle et s'inspire des travaux
de Bourneville. Il insiste sur la bénignité du pronostic ; mais l'in-
térêt capital de cette thèse se résume dans cette conclusion : la
grande hystérie ou hyatéro-épilepsie existe chez les garçons; elle
est fréquente à treize, quatorze, dix-sept et dix-neuf ans. En 1889
paraissent les cliniques d'Ollivier, qui mettent en vue l'urticaire et
l'hémoptysie hystériques chez l'enfant, et touchent dans plusieurs
leçons à l'hystérie infantile.
C'est sous l'inspiration de ce regretté clinicien que parait,
en février 1891, la thèse de Burnet qui souleva une grosse ques-
tion, non complètement jugée encore. Elle traite, en effet, de
l'hystérie infantile et de sa fréquence au-dessous de l'âge de cinq
ans. Cette même question est soulevée la même année devant l'Aca-
démie par Chaumier (de Tours), qui l'avait déjà traitée au Con-
grès de Grenoble en 1885. Ce travail fut l'objet d'un rapport
d'Ollivier à l'Académie en 1892. Nous reviendrons sur ces travaux
en discutant la question de l'âge du début de l'hystérie infantile.
En janvier 1803 parait la thèse de Bardol. Dans ce travail encore
c'est un point de vue spéciale qui va être étudié; il s'agit, en
en'et, de l'hystérie simulatrice des maladies de l'encéphale chez
l'enfant. A Nancy parut en février 1894 la thèse de Fischer « sur
l'hystérie infantile, observée à la clinique des enfants de la Faculté
de Médecine de Nancy pendant l'année scolaire 1892-93 ». Celte thèse
rapporte trois cas d'hystérie infantile, pris dans le service de
P. Simon.
En février 1896 parait, à lllontpellier, la thèse d'Isnard sur les
manifestations de l'hystérie dans l'enfance. Cette thèse, inspirée
par Bosc, renferme plusieurs observations intéressantes, défend la
cause de l'hystérie des très jeunes enfants, mais en prolestant
contre une trop grande généralisation, et donne plusieurs obser-
vations fort intéressantes.
En décembre 1896 est soutenue, à Paris, par J. Couturies une
thèse sur l'hystérie chez les jeunes enfants qui relate des observa-
lions de Chaumier, l'observation personnelle d'un garçon de trois
ans présentant des attaques convulsives et une monoplégie très
rapidement guérie. L'auteur parle de cas nombreux d'hystérie
infantile qu'il a vus dans le service de J. Simon. Enfin, nous
signalons pour mémoire une courte communication que nous
fîmes à la Sociélé de Médecine de Toulouse, en février 1896, dans .
laquelle nous rapportions quatre observations personnelles d'hys-
térie infantile se répartissant ainsi : garçon, douze ans, hystérie
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253 3
convulsive avec arc de cercle; garçon, sept ans, boule; fille, cinq
ans et demi, clou hystérique; garçon, onze ans, contracture; gar-
çon, onze ans, attaques épileptoïdes cessant brusquement par
compression du point iliaque (cette dernière observation fut rele-
vée par notre interne, M. Bize, sous la direction de M. le profes-
seur agrégé Rispal, qui était alors notre chef de clinique et qui
voulait bien nous remplacer à ce moment).
Etiologie. - Nous nous bornerons à quelques considérations sur
ce qui touche particulièrement l'enfance.
En première ligne, il faut inscrire la tare héréditaire. L'hérédité
peut être directe ou indirecte. Charcot et Peugniez ont insisté sur
l'influence de l'hérédité sur l'enfance, qui se trouve plus rappro-
chée des ascendants que l'âge adulte; d'où la fréquence de l'hysté-
rie similaire chez l'enfant et ce principe que plus l'hystérie débute
de bonne heure plus elle est similaire. A côté de l'hérédité simi-
laire il faut placer l'hérédité de toute la famille névropathique,
épilepsie, migraine, excitabilité nerveuse, etc. Certaines diathèses
peuvent aussi se transformer. C'est ainsi que Mossé a depuis long-
temps appelé l'attention sur l'influence de la goutte. Il rapporte
notamment l'histoire d'un garçon de dix ans ayant des attaques
hystériformes et une hérédité goutteuse très chargée. Dans le
même travail, l'auteur se demande si les hémoptysies hystériques
ne reconnaîtraient pas pour cause l'hérédité tuberculeuse qui
donnerait ainsi au poumon, loclts minoris 1 esistenUæ par le fait
de cette hérédité, la propriété de fixer la névrose. Nous signalons
en passant ce fait sur lequel nous aurons à revenir, en rappelant,
au chapitre des formes cliniques, les cas de ce genre, cités par
Ollivier, si important à diagnostiquer chez l'enfant.
C'est dans le même ordre d'idées que Grasset a étudié les rap-
ports de l'hystérie avec la scrofule et la tuberculose. Cette héré-
dité se manifeste aussi bien à la campagne qu'à la ville, à l'hôpital
que dans les classes aisées. Si Baginski dit qu'on la rencontre
d'une façon effrayante dans la classe aisée, Charcot insiste sur
l'influence de la misère, et Grancher montre combien les enfants
sont gâtés et névrosés dans certains ménages d'ouvriers.
Tout héréditaire de ce genre porte donc en naissant sa tache
originelle et les manifestations se produiront plus ou moins tard,
selon l'occasion. On naît hystérique, dit Pitres, on ne le devient
pas. Une fois l'hérédité constituée, trois causes principales chez
l'enfant peuvent faire éclaler les accidents : l'éducation, les émo-
tions,,la contagion.
L'éducation a une influence primordiale. Que de fois on voit
l'hystérie s'installer chez l'enfant en vertu de ce facteurl Au lieu
.d'envoyer les fillettes nerveuses se coucher de bonne heure après
une journée tranquille, certains parents exigeront de celte enfant
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
trop de travail ou trop d'excitation (visites où l'on s'occupe trop
des enfants, jeux trop agités, etc.), et le soir les mèneront au
théâtre. Que dire de ceux qui, au lieu d'y mener leurs enfants en
spectateurs, leur font confier ce qu'on appelle « un petit rôle », ce
que l'on voit fréquemment dans les ménages d'artistes ?
L'abus des histoires effrayantes ou des pratiques superstitieuses
constitue encore un de .ces vices de- l'éducation qui font apparaître
souvent l'hystérie chez l'enfant. M. Baratoux, cité par Gilles de la
Tourette, a donné la relation d'une épidémie d'hystérie qui sévit
sur six enfants de la même famille bretonne qu'on avait bourrés à
satiété de contes fantastiques dans lesquels les sorciers et les
revenants jouaient les principaux rôles. - Des faits identiques
ont été mis récemment en lumière par le Dr M. Terrien dans une
thèse soutenue devant la Faculté de Toulouse. L'auteur, qui a
exercé en Vendée, y a fréquemment rencontré l'hystérie infantile
qu'il attribue, en partie, à des mariages consanguins entre nerveux
et alcooliques, en partie aux histoires fantastiques racontées aux
veillées devant les enfants'. - Le surmenage scolaire est très con-
testé par Guinon.
On connaît assez l'influence de l'émotion sur le développement
de l'hystérie. Nous n'y insisterons pas, nous contentant de signa-
ler combien sont dangereuses les frayeurs provoquées chez les
enfants. La crainte des examens est un facteur qu'il ne faut pas
négliger chez l'écolier. Vient ensuite l'imitation.
On trouve dans la thèse d'Aemmer la relation d'une épidémie
qui atteignit, dans une école de Bâle, soixante-six fillettes. Dans
la classe dont faisait partie la première malade atteinte, et qui
comptait quarante-quatre élèves, plus de la moitié fut atteinte.
Palmer rapporte aussi une épidémie de ce genre dans une école et
dans la classe des petites filles. La fréquence de cette cause est une
des raisons qui expliquent pourquoi l'on voit l'hystérie infantile se
manifester chez plusieurs enfants d'une même famille. Comme on
le voit, les cas de contagion nerveuse sont loin d'être rares dans
l'hystérie infantile, et les épidémies d'écoles semblent remplacer
de nos jours les épidémies du moyen âge3.
Le traumatisme a aussi une influence comme chez l'adulte.
Giuseppe Villani a relaté le cas d'un garçon de quinze ans qui eut
de l'hystérie manifeste à la suite d'un traumatisme. Bosc rapporte z
1 Nous publierons prochainement un nouveau travail clinique de
M. Terrou sur le même sujet. La Revue de pathologie nerveuse de ce
numéro renferme l'analyse d'une observation d'hystérie infantile.
2 On trouvera' dans Jean Wier (Bibliothèque diabolique) de très belles
relations d'ppidémie' d'hystéro-démonopalhie. Cet ouvrage devrait être
dans la bibliothèque de tous les aliénistes et de tous les neurologistes.
Ils ne perdront pas leur temps à sa lecture. 1
.SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
une observation personnelle chez un enfant de dix-huit mois, qui,
présentant très nettement de l'astasie-abasie, portait un prépuce
très long. Dénucé a rapporté des cas analogues, insistant sur l'état
nerveux causé par l'état préputial, et qui disparaissent quand le
chirurgien est intervenu.
Les maladies infectieuses peuvent, comme chez l'adulte, être des
agents provocateurs de l'hystérie. Isnard rapporte, dans sa thèse
citée (p. 141, un cas, d'après Railton, d'un enfant de six ans ayant
eu de l'hystérie à la suite de l'influenza. La névrose fut de courte
durée et se montra pendant la convalescence. L'enfant n'avait pas
d'antécédents héréditaires de nervosisme. Nous avons relaté un
cas de délire consécutif à une fièvre typhoïde qui, d'après Comby,
devait être rattaché aux prodromes de l'hystérie. Nous ne reve-
nons pas ici sur la tuberculose, dont on peut placer l'histoire à
côté de celles d'autres causes héréditaires.
M. Pitres. - Il y a deux points sur lesquels je désire appeler
l'attention à propos du rapport de M. Bézy : l'un vise la nosologie,
l'autre a un intérêt pratique.
Je suis loin de vouloir nier la fréquence de l'hystérie chez l'en-
fanl ; cependant je crois qu'il serait dangereux, actuellement, de
vouloir en élargir trop le cadre. Nous devons à la vérité de recon-
naître qu'en présence d'accidents nerveux chez les enfants les
médecins manquent le plus souvent de données suffisantes pour
décider s'il s'agit de l'épilepsie ou de l'hystérie : l'embarras est
d'autant plus grand que, comme l'a fait remarquer le rapporteur,
la recherche des stigmates est entourée chez l'enfant de difficultés
beaucoup plus grandes que chez l'adulte. Par conséquent, en pré-
sence d'un enfant qui a des frayeurs nocturnes, de l'incontinence
d'urine, ou tout autre phénomène épisodique de même genre,
existant à l'état isolé et se manifestant pour la première fois, il
faudra le plus souvent user de beaucoup de circonspection et
attendre l'évolution de ces accidents avant de leur appliquer une
étiquette nosologique que l'avenir pourra démentir. Mais à côté de
ces syndromes névropathiques d'origine douteuse il en existe
d'autres que nous avons d'ores et déjà des raisons suffisantes de
rattacher à l'hystérie, et c'est là le point de pratique sur lequel il
convient je crois d'appeler l'attention des médecins, parce que
lorsque ces accidents sont traités peu de temps après leur appari-
tion, ils disparaissent très facilement, tandis qu'abandonnés il
eux-mêmes ils deviennent absolument incurables. Parmi les acci-
dents curables au début, lorsqu'ils sont franchement hystériques,
je signalerai le bégayement et la maladie des tics.
Sur ving-trois enfants bègues qu'il m'a été donné d'observer,
j'en ai trouvé sept qui avaient été atteints de leur infirmité brus-
quement à la suite d'une émotion morale violente, le plus souvent
: 56 SOCIÉTÉS SAVANTES.
.une peur, vers l'âge' de sept à huit ans. Nul doute que dans ces
cas il s'agissait d'un bégayement hystérique dont la suggestion et
quelques moyens adjuvants appropriés auraient eu facilement
raison, si la véritable nature du mal avait été reconnue.
Les mêmes considérations s'appliquent.à la maladie des tics ; je
ne parle pas ici des grands tics convulsifs avec écholalie, coprolalie,
etc., mais des petits tics consistant en secousses cloniques plus ou
moins fréquentes d'un ou plusieurs muscles de la face ou des
extrémités. Le plus souvent ces tics sont associés à des stigmates
hystériques qui permettent de les rattacher il leur véritable cause
et par suite de leur opposer en temps voulu un traitement appro-
prié presque toujours couronné de succès.
M. Cullerre : - Les observations que vient de présenter
M. Pitres et auxquelles je m'associe entièrement m'engagent à
vous dire quelques mots des rapports de l'incontinence d'urine
infantile avec l'hystérie. J'ai déjà insisté ailleurs sur les analogies
que présente l'état mental, des enfants atteints d'incontinence
d'urine avec celui des hystériques. Aujourd'hui je vais plus loin et
je crois que l'incontinence d'urine est une manifestation apparte-
nant en propre à l'hystérie ou constitue du moins une prédisposi-
tion formelle à cette maladie. C'est ce que je vais essayer de
démontrer.
L'étiologie de l'incontinence d'urine ne diffère pas de celle de
l'hystérie. Elle se développe toujours sur un terrain préparé par
l'hérédité. Comme pour l'hystérie, les causes occasionnelles ne
jouent, visà-vis de l'incontinence, que le rôle d'agents provoca-
teurs. Parmi ces causes j'ai relevé les émotions vives, les trauma-
tismes et surtout les maladies infectieuses au nombre desquelles
domine la rougeole.
D'après mes recherches relatives à l'époque du début de l'hysté-
rie infantile, celle-ci présente deux maxima de fréquence :
1° avant trois ans; 2° de sept à treize ans. L'incontinence se con-
forme strictement à celte règle : sur les trente-six cas que j'ai
observés, dix-huit fois l'affection existait dès le. bas âge, dix-huit
fois elle s'était manifestée entre sept et quatorze ans avec un
maximum de fréquence vers dix ans.
Même parallélisme en ce qui concerne la pathogénie. Toutefois,
le mécanisme des accidents hystériques n'est pas unique; dans cer-
tains cas, les petits malades, profonds dormeurs, ne s'assimilent
pas les avertissements venus de la vessie et chez eux tout se passe
comme si le centre cérébral de la miction n'existait pas, ou plutôt
était paralysé. 11 s'agit bien, en effet, d'une véritable paralysie
psychique, comparable aux paralysies hystériques ordinaires. Chez
.d'autres petits malades, grands rêveurs, la sensation de besoin ne
stimule qu'insuffisamment ce centre, pas assez pour déterminer le
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 257 Î
plein effet de son action d'arrêt sur la moelle, assez cependant t
pour éveiller des idées subconscientes relatives à la fonction uri-
naire, des rêves directement mictionnels ou des cauchemars agi-
lés, ayant pour conséquence indirecte une émission d'urine. Ce
dernier mécanisme est très net chez nombre de malades qui, à
peine endormis, tombent dans une agitation oniriqne terminée
par une miction, ébauchant en quelque sorte une véritable crise
hystérique en miniature.
Le diagnostic de l'hystérie chez les incontinents est justifié, dans
beaucoup de cas, par l'existence antérieure ou simultanée d'autres
manifestations de cette névrose. Chez la moitié de mes malades,
j'ai retrouvé, soit au moment de l'examen, soit dans leurs antécé-
dents pathologiques, d'autres symptômes d'hystérie.
Le pronostic de l'incontinence se confond avec celui de l'hystérie
infantile : abandonnée à elle-même, elle guérit dans la majorité
des cas au moment de la puberté, mais avant de disparaître elle
est sujette à des périodes tantôt de rémission, tantôt d'exacerba-
tion. Elle disparaît même pariois tout à fait chez certains sujets, à
l'instar des autres manifestations hystériques, pour reparaître en-
suite sous l'influence d'une cause occasionnelle, telle qu'un choc
moral ou une maladie infectieuse.
Enfin une dernière preuve de l'affinité qui existe entre l'inconti-
nence urinaire et l'hystérie est fournie par l'action qu'exerce sur
elle la suggestion hypnotique. La suggestion supprime, en effet,
l'incontinence dans les trois quarts des cas et même là où elle
échoue, son action se fait sentir d'une façon indubitable. Je crois
donc être en droit d'affirmer que l'incontinence d'urine n'est,
dans un très grand nombre de cas, qu'une manifestation de l'hys-
térie.
M. RENAULT (d'Orléans) relate l'observation d'une petite fille, ma-
nifestement hystérique, qui était atteinte d'incontinence nocturne
d'urine et chez laquelle cet accident a complètement disparu par la
suggestion à l'état de veille.
M. Régis pense, comme M. Pitres, que ce serait mal servir la
cause de l'hystérie infantile que de vouloir en étendre trop les
limites. Mieux vaut de temps à autre avouer notre ignorance que
de mettre sur le compte de l'hystérie un accident dont la véritable
natuie nous échappe. Je ferai même. à ce propos, il M. Bézy, une
remarque qui n'est pas une simple querelle de mots. Le rappor-
teur fait rentrer dans le cadre de l'hystérie infantile les accidents
hystériques qui se développent chez des enfants âgés de treize,
quatorze, quinze, seize ans : il me semble que la dénomination
d'hystérie infantile ne doit s'appliquer qu'aux accidents de la pre-
mière et de la seconde enfance. Aller au delà c'est confondre
l'hystérie de l'enfance avec celle de l'adolescence ou de la puberté
Archives, 2e série, t. IV. 17 -1
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
et, de même que les psychoses qui apparaissent au moment de
l'adolescence ou de la puberté, les névroses qui se développent à
cette période de la vie doivent être distinguées de celles de l'en-
fance ou de l'âge adulte. O
M. BRIAND. - De même que MM. Pitres et Régis, j'estime que
l'on est un peu trop enclin aujourd'hui à rattacher à l'hystérie
toutes les manifestations névropathiques que l'on observe chez les
enfants. On oublie qu'à côté de l'hystérie, quelquefois même
coexistant avec elle, il existe un état de dégénérescence mentale
très favorable à l'éclosion, dès les premières années de la vie, de
troubles nerveux très variés (perversions instinctives, accès de
colère, frayeurs nocturnes, etc., etc.). Or, cet état de dégénéres-
cence se reconnaît à un certain nombre de stigmates physiques
trop connus pour que j'aie besoin de les rappeler ici, mais sur la
recherche desquels il me parait utile d'appeler l'attention des mé-
decins, parce que leur constatation permet de reconnaître la véri-
table origine d'accidents qu'on pourrait être tenté sans cela de
rattacher à l'hystérie.
Au cours de la discussion provoquée par le rapport de M. Bezy
sur l'hystérie infantile, M. Bérillon a présenté une étude détaillée
de la thérapeutique suggestive de cette affection. - M. Doutrehente,
s'appuyant sur son expérience personnelle et rappelant sur ce
point les vues exprimées récemment par M. le professeur Joffroy
sur la question, a combattu les conclusions qui suivent, tendant à
l'application pratique de la suggestion hypnotique dans ces cas.
Nous citerons le résumé ci-après de la note lue par M. le Dr Béril-
lon.
M. Bérillon (de Paris). - Après de nombreuses discussions,
inspirées surtout par des appréciations théoriques, la valeur de la
suggestion hypnotique a été acceptée sans conteste dans le traite-
ment de toutes les formes de l'hystérie chez l'adulte. Par contre,
l'emploi de ce procédé dans le traitement de l'hystérie infantile
soulève encore des objections d'ordres divers. Cela tient à ce que
les auteurs s'inspirent encore des théories que l'Ecole de la Salpê-
trière avait émises sur la production et sur la nature de l'hypno-
tisme. Or, depuis les recherches de Charcot, les idées ont évolué et
l'hypnotisme, tel que l'envisagent aujourd'hui les médecins qui
s'adonnent à la pratique de la psychothérapie, n'a rien de com-
mun avec l'hypnotisme tel qu'on le connaissait à la Salpêtrière.
Actuellement les psychothérapeutes n'ont plus recours, pour arri-
ver à la production de l'hypnotisme, qu'à un procédé absolument
inoffensif qui est d'ordre persuasif. Ils se bornent à suggérer au
malade de s'abandonner au sommeille plus simplement du monde.
Ils l'invitent à s'endormir d'un sommeil analogue à celui de la
nuit. Ils lui vantent les avantages de cet état de repos, de passivité.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
Lorsqu'ils jugent que le sujet est arrivé à un état de somnolence
appréciable, ils s'appliquent par des suggestions appropriées à mo-
difier les habitudes automatiques, à provoquer le réveil de l'énergie
volontaire, à la créer lorsqu'elle fait défaut. Ils tiennent au sujet
plongé dans le sommeil provoqué le même langage que d'autres
lui adresseraient à l'état de veille. La suggestion faite, ils ne négli-
gent jamais de procéder avec le plus grand soin au réveil complet
du sujet. Bien plus, les médecins adonnés à la pratique de la psy-
chothérapie savent qu'il convient de réveiller le malade sur des
idées agréables. La mise en oeuvre de la psychothérapie, en appa-
rence assez simple, nécessite cependant de la part de celui qui
l'applique, une certaine compétence et l'exercice de certaines
aptitudes. C'est ce qui peut laisser supposer que ceux qui s'attardent
encore à discuter la valeur thérapeutique de la suggestion hypno-
tique sont peut-être inspirés par leur défaut d'expérience person-
nelle sur la question. N'est-il pas essentiellement humain de
dédaigner les arts, dans lesquels on n'excelle point ? Les objections
que l'on a soulevées contre l'emploi de la suggestion dans le traite-
ment de l'hystérie infantile sont les suivantes : « Vous allez créer
chez les sujets une aptitude spéciale à être hypnotisés par le pre-
mier venu. » C'est exactement le contraire qui est l'expression de
la vérité. Tout psychothérapeute vraiment digne de ce nom ne
manque jamais délimiter les inconvénients que peut présenter pour
un sujet une suggestibilité naturelle excessive, en lui suggérant
d'être désormais à l'abri de toute autre influence suggestive que
de celle du médecin, agissant dans un but purement thérapeutique.
D'ailleurs, il faut le déclarer hautement, il n'y a pas d'hypnoma-
nie, comme il y a une morphinomanie, une chloralomanie, etc.
C'est à peine si deux ou trois faits ont été publiés, et encore un
médecin compétent aurait su guérir le sujet en une seule séance
d'hypnotisation. Ce qui est plus exact, c'est qu'il y a chez un cer-
tain nombre de médecins une véritable hypnophobie. Il est juste de
reconnaître qu'elle ne sévit que chez ceux qui ne se sont jamais
occupés spécialement d'hypnotisme et qui ne se rendent aucun
compte exact de la psychothérapie, telle qu'elle est pratiquée par
un grand nombre de médecins en France et à l'étranger.
Une autre objection est la crainte souvent exprimée que ce trai-
tement hypnotique n'ait pour effet de réveiller l'hystérie en puis-
sance et de provoquer l'éclosion de nouveaux symptômes. Celte
supposition serait légitime, s'ils ajoutaient que ces accidents
seront imputables aux médecins, qui auront appliqué l'hypnolisme
sans avoir la compétence voulue ou à ceux qui, dans un but de
curiosité, provoquent chez leurs sujets des expériences de disso-
ciation mentale, qui leur font réaliser des hallucinations. Entre les
mains des médecins, qui appliquent la suggestion hypnotique en
se conformant rigoureusement aux enseignements de l'Ecole de
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Nancy, on n'a jamais vu survenir il la suile de leur traitement le
moindre symptôme d'hystérie. Cela est tellement vrai qu'à Nancy,
où les malades ont été hypnotisés par milliers, la grande attaque
d'hystérie n'existe pas. Les neurologistes les plus éminents qui
s'adonnent d'une façon courante à la pratique de l'hypnotisme en
arrivent à nier l'existence des stigmates de l'hystérie tels que les a
. décrits l'École de laSalpêtrière, parce que, malgréleurs recherches,
- ils ne les observent jamais. Partout où l'on s'occupe couramment
d'hypnotisme, la grande hystérie, autrefois si commune, disparaît
et les malades de cette catégorie deviennent une véritable rareté.
Et encore, lorsqu'on rencontre une malade chez laquelle surviennent t
des crises complètes d'hystérie, avec l'arc de cercle et les convul-
sions toniques et cloniques, on n'est jamais surpris d'apprendre
que cette malade a fait autrefois un séjour plus ou moins prolongé
à la Salpêtrière. Ce qui surprend le plus en cette circonstance,
c'est de constater que l'objection qui consiste à accuser l'hypnotisme
d'être un agent provocateur de l'hystérie, émane ordinairement t
d'un représentant de l'École qui a provoqué pendant longtemps
chez les grands hystériques les expériences les plus capables de
déséquilibrer l'état mental. Ceux qui soulèvent également cette
objection sont ceux qui administrent toujours sans hésiter, de la
façon la plus libérale, les doses massives de bromures associés et
d'autres médicaments qui composent ce que les anciens thérapeutes
désignaient sous le nom de médication altérante de la cellule
organique. Nous ne craignons pas d'affirmer que quelques gram-
.mes de bromure, de chloral, de morphine ou d'autres stupéfianls
ont sur la cellule nerveuse une action beaucoup plus délétère que
.le procédé thérapeutique qui repose uniquement sur la persuasion
employée pour créer des états de conscience conformes au besoin
manifeste du malade.
Lorsque l'on envisage la suggestion hypnotique comme la con-
çoit l'École de Nancy, l'indication de ce traitement est encore plus
formelle lorsqu'il s'agit de la névrose hystérique chez l'enfant que
lorsqu'on est en présence de la névrose de l'adulte. Pourquoi ce
qui peut être utile au second deviendrait-il dangereux pour le
premier. Ne s'agit-il pas là, comme pour toutes les médications,
d'une question de posologie ? 11 appartient au psychothérapeute de
- doser la durée du sommeil provoqué, l'intensité de la suggestion,
d'en varier les formules selon les aptitudes, l'âge, le degré d'intel-
ligence, les réactions individuelles, de même qu'il appartient au
chirniâlre de déterminer les doses des médicaments en s'inspirant
des conditions dans lesquelles se trouve le malade. Malgré toutes
les considérations théoriques, la comparaison entre les résultats
de la méthode psychothérapique et ceux de la méthode pharmaco-
logique donnera le succès à la première. L'hypnotisme étendu à
ses applications expérimentales les plus extrêmes n'a jamais pro-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261
voqué le moindre accident mortel. Les accidents les plus graves
auxquels son emploi a donné lieu n'ont jamais dépassé les limites
d'un simple mal de tête ou d'une somnolence passagère, suscep-
tibles de disparaître sous l'influence d'une nouvelle suggestion. On
nous parle de sujets que l'expérimentateur n'aurait pu réveiller.
Pour notre part, dans le cours de milliers d'expériences, nous
n'avons jamais constaté rien de semhlahle. Toujours le sujet se
réveille .sous la simple action des mots consacrés : « Éveillez-
vous ! » Aucun élève de l'École de Nancy ne s'est heurté à une
difficulté de cet ordre. Si l'hypnotisme de la Salpêtrière comporte
quelques dangers, comme l'affirmait récemment M. le professeur
Joffroy dans une de ses leçons cliniques il Sainte-Anne, nous affir-
mons par contre que l'hypnotisme de l'Ecole de Nancy n'en com-
porte aucun, d'aucune sorte. 11 nous semble qu'il est souveraine-
ment injuste de faire retomber sur le second les méfaits imputables
au premier. Une objection tirée de ce fait qu'un certain nombre
d'adultes ne sont pas hypnotisables n'a plus de valeur lorsqu'il
s'agit de la suggestion hypnotique au traitement des maladies infan-
tiles. La suggestibilité des enfants est telle que, sur dix enfants de
six à quinze ans, pris dans toutes les classes de la société, huit sont
susceptibles d'être plongés dans le sommeil provoqué dès la pre-
mière ou la seconde séance. Contrairement à l'opinion courante,
les difficultés pour provoquer chez l'enfant un sommeil réel sont
d'autant plus grandes que l'enfant présente des tares héréditaires
plus accentuées. Les idiots sont absolument réfractaires à toute
tentation d'hypnotisation et les imbéciles ne réalisent pas les sug-
gestions qui leur sont faites.
Par contre les enfants hystériques se montrent très hypnotisa-
bles : ce qui n'a rien de surprenant, car ils sont généralement doués
d'une intelligence assez vive. La suggestibilité de l'enfant, faculté
normale, est en rapport direct avec le développement intellectuel
du sujet. Suggestibilité est, en fait, synonyme d'éducabilité.
Toutes les formes de l'hystérie peuvent se rencontrer chez l'en-
fant, mais il est exceptionnel de constater l'existence de stigmates
classiques de l'hystérie. L'hystérie convulsive chez l'enfant est aussi
très rare et quand nous l'avons observée, uous avons pu nous
assurer qu'elle était le résultat d'une contagion nerveuse, l'enfant
ayant assisté à des crises d'hystérie. Par contre l'hystérie se révèle
fréquemment par l'apparition de troubles psychiques qui sont par
ordre de fréquence le défaut d'attention, la mobilité des idées,
l'esprit de contradiction, une émotivité exagérée, le mensonge, la
simulation, la perversion des sentiments; chez les petites filles,
une coquetterie excessive est également une des manifestations de
l'hystérie précoce. En un mot l'instabilité mentale des enfants
hystériques semble calquée sur celle que présentent les adultes
atteints d'hystérie vulgaire.
6) SOCIÉTÉS SAVANTES.
L'éducation défectueuse joue dans l'étiologie infantile un rôle
beaucoup plus important que l'hérédité des caractères acquis.
L'action préventive et curative du traitement psychothérapique en
fournit la démonstration la plus frappante. Il appartiendra au
médecin de montrer qu'il n'est pas étranger aux enseignements de
la psychologie moderne et de procéder à une véritable rééducation
mentale de l'enfant. Il ne dérogera pas en prouvant qu'il est
capable de jouer le rôle d'éducateur. L'enfant hystérique, livré à
lui-même, abandonné au désordre de son imagination, se désé-
quilibrera de plus en plus. Chez certains d'entre eux, le défaut de
résistance aux impulsions instinctives est poussé si loin, qu'il est
possible de les considérer comme des malades dignes d'être ran-
gés dans la catégorie des dégénérés héréditaires. Mais si l'enfant
hystérique est dirigé avec autorité, s'il est habitué à opposer une
résistance effective aux impulsions instinctives, dont le dévelop-
pement est favorisé par la faiblesse et la complaisance du milieu,
non seulement l'état mental se modifie, mais les troubles spasmo-
diques et les perturbations fonctionnelles disparaissent. L'éduca-
tion de la volonté, l'utilisation de cette faculté suffit pour réaliser
ces heureux effets. Mais il faut reconnaître que l'emploi que la
suggestion hypnotique permettra seule de créer des centres d'arrêt
psychiques destinés à fournir au malade un point d'appui suffisant
pour l'application de sa volonté. L'action de la suggestion peut
évidemment être renforcée par l'emploi des moyens d'ordre
psycho-mécanique, par des artifices dont la technique est familière
à tous ceux qui appliquent la psychothérapie. En résumé, l'emploi
de la suggestion est nettement indiqué dans le traitement de
l'hystérie infantile. Les cas dans lesquels l'indication a été éta-
blie par des faits nombreux, rigoureusement contrôlés, sont les
suivants : 1° les troubles symptomatiques de l'hystérie, associés ou
isolés, tels que les tics, la chorée hystérique, le tremblement, les
contractures, les anesthésies, les parésies, le hoquet, l'aphonie, le
mutisme et la toux hystériques, le blépharospasme, le strabisme
hystérique, l'incontinence nocturne d'urine; 2° les habitudes auto-
matiques, l'onanisme irrésistible, l'habitude de se ronger les
ongles (onychophagie), la kleptomanie, etc. ; 3 ? les troubles psy-
chiques relevant de l'émotivité exagérée, pusillanimité, mensonge,
terreurs nocturnes, somniloquie, etc. ; 4° les troubles psychiques
survenant dans le cours des maladies aiguës, en particulier l'in-
sornmie, l'agilation et le délire nocturnes, l'incontinence d'urine et
de matières fécale=.
Dans tous les cas, lorsque la suggestion sera appliquée ration-
nellement, avec patience et douceur; quand on évite de faire des
suggestions expérimentales pour se limiter aux suggestions nette-
ment indiquées par l'état du malade, surtout lorsqu'on ne néglige
pas de procéder avec soin au réveil du sujet, nous affirmons l'inno-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
cuité complète de ce procédé thérapeutique. De plus, l'emploi de
la suggestion hypnotique éclairera souvent le diagnostic et le pro-
nostic en permettant de différencier les troubles fonctionnels qui
dépendent de l'hystérie infantile de ceux qui relèvent de la dégé-
nérescence héréditaire.
M. P. Garnier ne partage pas l'optimisme de M. Bérillon au sujet
de l'innocuité de la suggestion pratiquée en état d'hypnose. Je
connais plusieurs enfants atteints de légers troubles psychiques,
qui, après une ou deux séances d'hypnotisation, ont présenté un
désordre beaucoup plus grand des facultés, dans certains cas même
un véritable délire.
M. LAMARQ(de Bordeaux) communique au nom de M. Sabrazès et
au sien, les observations de trois enfants atteints d'hystérie, qui
méritent d'être réunies parce qu'elles offrent une grande ressem-
blance dans le mode de début et dans la marche des accidents. Il
s'agit dans les trois cas de choc moral ou physique (explosion de
gaz, chute dans un escalier, frayeur d'un enfant ayant le cou serré
par un homme). A la suite de ces émotions, ces trois enfants devin-
rent triste ? , pâles et subirent un amaigrissement notable. L'un
avait des syncopes tous les jours, à l'heure même de l'explosion ;
le second éprouvait des crises de sanglots ou de colère sans raison ;
chez le 'dernier, dont le cou avait été serré par un mauvais plai-
sant, il existait une contracture très marquée du trapèze. L'orateur
attire spécialement l'attention sur les troubles nutritifs qui ont été
la conséquence de ces émotions brusques chez des sujets apparte-
nant à la seconde enfance (de dix à quatorze ans). Le mode d'ap-
parition de ]*hystérie a été ici le même que chez les adultes. La
suggestion pratiquée à l'état de veille a amené une guérison très
rapide dans les trois cas.
M. Pailhas (d'Albi). - A côté des hémorrhagies et des troubles
trophiques que M. Bézy a rattachés à l'hystérie infanlile, il
convient, je crois, de grouper certains troubles circulatoires et
sécrétoires de la peau. Chez deux fillettes j'ai observé sans cause
appréciable, sans traumatisme, des ecchymoses situées au niveau
des bras et affectant la forme de raies disposées parallèlement
le long des membres. Chez deux autres enfants, également du
sexe féminin, j'ai assisté pour ainsi dire à l'éclosion de deux
placards de chromidrose, de coloration jaune ocre, disposés à
la façon de bracelets autour des poignets. En m'appuyant d'une
part sur le sexe de ces enfants, d'autre part sur l'existence de
quelques antécédents névropathiques et surtout sur la physio-
nomie et la morphologie si spéciale de ces accidents survenus
spontanément, je crois être autorisé à les rattacher à la diathèse
hystérique.
61, SOCIÉTÉS SAVANTES.
Trois cas d'hystérie infantile.
MM. S.BRASLS et LAUas rapporlent trois observations d'hystérie
nfantile qui méritent d'être réunies à cause de l'identité de la
cause occasionnelle. Dans les trois cas on observe au début un
choc moral ou physique. Chaque enfant présente des accidents
propres : l'un a des crises-syncopales, un autre une belle contrac-
- lure du trapèze droit, le troisième s'endort tous les soirs à la
même heure, rit et pleure sans le moindre motif. Les présentateurs
ont été frappés par les faits suivants : -.
1° Le choc moral pur ou associé à un traumatisme peut provo-
quer chez l'enfant, tout comme chez l'adulte, l'apparition de l'hys-
térie ; 2° elle s'accompagne de remarquables troubles de la nutri-
tion générale (amaigrissement, pâleur, anémie) précisés par
l'examen du sang et des urines ; 3° dans ces trois cas la suggestion
à l'état de veille a réussi d'une façon parfaite à produire une gué-
rison très rapide de tous les -symptômes. Celle suggestion parait
dans la seconde enfance réussir plus facilement que chez l'adulte.
Un cas d'hystérie infantile.
M. BÉzy rapporte un cas d'hystérie infantile. Une fillette de
quatre ans et demi est prise, en avril dernier, de crampes dans les
jambes. Le 22 elle ne peut plus marcher, mais à ce moment elle
fait une rougeole, on ne peut donc l'examiner que le 6 mai.
C'est une enfant intelligente, maigre, ne présentant à noter qu'un
souffle extra-cardiaque.. Elle ne peut marcher ni se tenir debout.
Si on la fait coucher ou asseoir, on voit que tous les mouvements
spontanés sont faciles, on constate des plaques d'anesthésie dans
les membres inférieurs et supérieurs. On promet à l'enfant sa gué-
rison à jour fixe. Cette tentative ayant échoué, on la renouvelle et
le 15 mai la guérison est obtenue, après un oedème fugace des
pieds. Le traitement par la valériane et l'hydrothérapie ' avait été
aussi institué.
Un cas de tremblement hystérique chez une fillette de onze ans.
- M. BÉzy cite un cas de tremblement hystérique chez une petite
fille de onze ans et demi. Après avoir rappelé un cas analogue de
Pierret, de Lyon, et un de Baumel, de Montpellier, l'auteur insiste
, L'hydrothérapie appliquée méthodiquement, jointe il la gymnas-
tique, aux occupations intellectuelles et manuelles, nous a réussi dans
la très grande majorité des cas, sans récidive, ainsi que les renseigne-
ments ultérieurs nous l'ont fait constater. Notre expérience remonte à
plus de vingt-cinq ans. ' (B.)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 265
sur la rareté des maladies à tremblements dans l'enfance, tandis
que l'hystérie est fréquente à cet âge. Le diagnostic se fait en =énÉ-
ral par la brusquerie du début et la recherche des stigmates, le
tremblement hystérique n'ayant aucun caractère spécial. L'enfant
qui est présenté au Congrès a été prise de son tremblement à la
suite d'une frayeur ayant occasionné une perte de connaissance.
Elle a des zones d'anesthésie sur les quatre membres. Le tremble-
ment qui était d'abord intense est aujourd'hui lent et limité aux
membres supérieurs. L'hydrothérapie' employée régulièrement
depuis quelque temps a produit une légère amélioration.
Trois cas de paralysie hystérique chez l'enfant. Valeur thérapeutique
.et diagnostique de l'électricité.
M. Destarac montre que la paralysie hystérique chez l'enfant a
été méconnue et est encore difficile à déceler, malgré les travaux
de Charcot et la découverte des stigmates si utiles au diagnostic,
parce que ces stigmates manquent le plus souvent chez l'enfant et
d'autant plus souvent qu'il est plus jeune. Il donne, trois observa-
tions : une astasie-abasie, une paraplégie et une mimoplégie sans
stigmates dont le diagnostic a été singulièrement facilité par l'ex-
ploration électrique et qui ont guéri en une seule séance de fara-
disation. Ce qui prouve une fois de plus que chez l'enfant l'hystérie
ne tient pas.
Il insiste sur la valeur thérapeutique de l'électricité qui a une
action réelle en dehors de la suggestion. L'électricité est encore
très utile au diagnostic; ses observations le prouvent. L'existence
de la réaction de dégénérescence permet d'éloigner l'idée d'hystérie.
Il réfute le cas de Gilles de la Tourette et Dutil et les affirmations
de Souques, qui tendraient à prouver que la réaction de dégéné-
rescence est un signe sans valeur puisqu'on le rencontre dans
l'atrophie musculaire purement hystérique.
Séance du soir. - Présidence DE M. Ritti.
Troisième question. - Organisation et administration des asiles.
Rapporteur : M. DOUTftEDEI\TE.
M. Doutredente, directeur-médecin de l'asile de Blois, a fait un
rapport très documenté, et exposé avec beaucoup de talent, sur
l'Organisation médicale des asiles d'aliénés. Le rapporteur a eu
quelques contradicteurs sur des questions secondaires; mais,
contre la division des fonctions de médecin-chef et de directeur,
' Voir la note de la page précédente.
266 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les congressistes ont été à peu près unanimement d'accord. M. Dou-
trebente a, sur cette question, exposé les inconvénients graves qui
résultaient de la division des fonctions, inconvénients dont les
malades étaient les premiers à souffrir. Voici d'ailleurs ses con-
clusions :
Les asiles publics d'aliénés sont en nombre insuffisant; il yen
aura toujours au moins un par département ayant moins de
500000 habitants. Les asiles devront être construits et aménagés
avec six quartiers de classement pour cinq cents malades des deux
sexes (chiffre maximum). Ils contiendront un quartier d'observa-
tion ou de traitement dit de surveillance continue, et, comme
annexe, une colonie agricole à la périphérie, en contact avec l'a-
sile proprement dit. Le département de la Seine, pour ne pas
contribuer à augmenter l'encombrement dans les asiles de la pro-
vince, doit rapidement construire une série d'asiles bisexués de
cinq cents malades dans un rayon de quinze à vingt kilomètres de
Paris. L'encombrement progressif des asiles d'aliénés pourra, en
outre, être combattu avantageusement par des mesures tendant à
faciliter l'internement précoce des aliénés et l'assistance familiale
directe avec secours en argent. Le service médical et administratif
doit être confié, dans chaque asile public d'aliénés, à un directeur-
médecin, assisté d'un ou plusieurs médecins adjoints, d'un ou plu-
sieurs internes et d'un secrétaire, chef de bureau de la direction,
ayant dans l'asile, à égalité, la situation hiérarchique et les appoin-
tements du receveur et de l'économe '. 1.
Dans les asiles de cliniques, situés dans les villes où il existe
une Faculté de médecine, le professeur de clinique deviendrait
directeur-médecin, ayant à sa disposition deux médecins adjoints,
dont l'un, le chef de clinique, serait chargé spécialement des
besoins de l'enseignement, et l'autre des obligations légales du
service médical. En cas de besoin, le nombre des médecins adjoints
pourrait être doublé par des assistants choisis par le profeseur de
clinique, parmi les docteurs en médecine ayant été internes dans
les asiles publics d'aliénés. Les médecins adjoints, nommés par un
concours unique pour toute la France, seront, dans chaque asile,
placés par le ministre de l'Intérieur à la disposition du directeur-
médecin (Constans). C'est parmi les médecins adjoints que seraient
pris, par ordre de mérite et de classement, les directeurs-médecins,
sans qu'aucune exception ou dérogation à ce principe puisse être
fait à propos de la création d'un nouvel asile, ou d'une première
nomination, ou pour des services autres que ceux dévolus aux
seuls médecins adjoints. Les internes seront nommés, par suite de
concours régionaux, entre les docteurs en médecine âgés moins
1 Nos lecteurs savent que ce sont là des idées que les Archives de
Neurologie et le Progrès médical ont toujours soutenues.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 267
de trente ans et les étudiants français ayant terminé leurs études
de médecine générale. Après un stage minimum de un an dans un
asile d'aliénés ils auraient le privilège exclusif de pouvoir concou-
rir pour obtenir le titre de médecin adjoint. Dans les asiles trop
éloignés du siège d'une Faculté de médecine, l'interne pourrait
être remplacé par un deuxième médecin adjoint. Dans le plus bref
délai, et en attendant la construction de nouveaux asiles dépar-
tementaux, le service médical dans les quartiers d'hospice et les
asiles privés faisant fonction d'asiles publics sera assuré par le
ministre de l'Intérieur, comme pour les asiles départementaux,
par des médecins nommés par lui et ayant la même origine, le
même classement et la même situation hiérarchique. Les certificats
de vingt-quatre heures et de quinzaine faits par le médecin de
l'établissement pourraient être faits par un médecin de l'établisse-
ment. Le règlement du service intérieur, modifiable par le minis-
tre de l'Intérieur, serait mis à jour et adapté aux propositions
ci-dessus énoncées, sans oublier de placer au premier rang le ser-
vice médical relégué actuellement à l'article 52, § VIII. Dans cha-
que asile d'aliénés il sera aménagé une bibliothèque médicale, un
laboratoire et une salle d'autopsie permettant aux médecins et aux
internes de se livrer à des recherches scientifiques et à l'étude de
l'anatomie normale et pathologique des centres nerveux. Le ser-
vice des retraites des directeurs-médecins sera fait, à l'avenir, par
l'Etat. Les internes étant admis à participer subiront les retenues
réglementaires à partir du jour de leur entrée en fonction. Les
surveillants en chef et gardiens participeront aux charges et aux
avantages de la caisse départementale des retraites. '
M. Charpentier (de Bicêtre) déclare qu'il est partisan du main-
lien du statu quo. Si quelques médecins, a-t-il dit, peuvent être en
même temps de bons administrateurs, d'autres n'ont pas .cette
aptitude spéciale et on ne peut leur imposer des fonctions admi-
nistratives ; il est donc juste d'avoir deux catégories d'emploi,
médecin directeur d'une part', médecin en chef de l'autre, répon-
dant à cette diversité d'aptitude du personnel médical.
Tous les orateurs, sans exception, ont réclamé la direction pour
le médecin, et le désaccord n'a eu lieu que sur quelques points de
détails.
M. Brunet (d'Evreux), partisan de la réforme, croit qu'elle ne
devrait pas être appliquée, du moins au début, aux trop grands
établissements.
M. REY (d'Aix) estime que les professeurs pourront difficilement
être en même temps directeurs. Si cependant la chose avait lieu,
il conviendrait de donner aux professeurs un médecin adjoint
spécialement chargé de les seconder dans la partie administrative.
Il se déclare partisan de la réunion des fonctions.
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Giraud rappelle que dans la Seine-Inférieure les médecins
adjoints assistent aux commissions de surveillance et désirerait
que ce fût là une mesure généralisée. C'est ainsi que, sous la
direction de Foville, il a acquis son expérience de l'administration
des asiles, et il est permis de penser que c'est en participant à
quelque degré à l'étude de toutes les questions vitales qui se
tranchent dans les commissions que les médecins adjoints peuvent
le plus facilement acquérir les connaissances et l'expérience admi-
nistratives nécessaires.
M. le Dr REBaTEL, qui est conseiller général depuis de longues
années, est venu présenter, en faveur de la direction médicale,
une argumentation nouvelle. Membre de la Commission adminis-
trative de surveillance des asiles départementaux, et se plaçant
uniquement sur ce terrain, il a constaté que la séparation de l'au-
torité entre le médecin et un fonctionnaire entraînait la division de
la responsabilité, ce qui est désastreux pour l'exécution du service.
Les regrettables incidents qui ont eu lieu à l'asile de Bron ne se
seraient certainement pas produits, a-t-il dit. si à la tête de cet
établissement avait été placé un médecin-directeur.
M. le D1' Drouineau, inspecteur général des asiles et délégué du
ministre, n'a pas hésité à dire que le personnel de l'Inspectorat
était tout à fait d'avis de confier la direction des asiles aux méde-
cins. Toutefois il ne croit pas que la mesure soil réalisable dans
les grands établissements dotés de plusieurs services médicaux,
par suite de la difficulté de hiérarchiser entre eux les médecins
traitants. En outre, il estime que les professeurs ne pourront
cumuler avec la charge de l'enseignement la responsabilité admi-
nistrative qui incombe à un directeur.
Le mode d'avancement des médecins adjoints a été mis en jeu
par M. Brunet qui a demandé que les places de médecin directeur
ne soient attribuées qu'à la suite d'un concours. La même opinion
a été soutenue par un médecin adjoint, M. ANGLADE (Toulouse).
Ces propositions équivalent, en somme, à l'abandon de l'ancien-
neté et à l'avancement exclusif au choix. C'est là une mesure qui
demande à être mûrement étudiée, et c'est, sans doute, par un
sentiment de réserve qu'aucun orateur n'est venu combattre ou
défendre cette thèse. '
M. LE Filliatre a lu un travail intitulé : Nécessité d'une nouvelle
organisation du se ? -vice médical dans les asiles d'aliénés; son insuffi-
sance. En voici les conclusions :
Nécessité d'éviter l'encombrement actuel des asiles, encombre-
ment si fâcheux pour la bonne exécution du service, en augmen-
tant le nombre des médecins qui devrait être calculé à raison de
1 pour 100 malades.
Suppression des médecins adjoints, et création de « médecins
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269 *
1
d'asiles » analogues aux Il médecins des hôpitaux ». Adjonction à
chaque médecin d'asiles d'un assistant, « médecin interne », pris s
au choix parmi les internes docteurs ayant au moins deux ans de
service dans' les asiles. Nomination à l'emploi de « médecin
d'asiles » par un concours réservé aux « médecins internes ».
Concours annuel d'internat auquel ne pourraient prendre part
que des étudiants n'ayant plus que leur thèse à passer ou des doc-
leurs en médecine. La durée de l'internat serait de deux années.
Augmentation progressive du traitement des « médecins internes ».
Les médecins d'asiles formeraient deux corps, l'un affecté au
département de la Seine, l'autre ressortissant au reste de la
France. Le personnel jouirait des bénéfices de la retraite propor-
tionnelle. Toutes ces mesures seraient applicables aux asiles-
couvents.
M. UUUTREBENTE prenant à partie M. Marandon DE Montyel sur
la question de l'open door, reproduit les arguments déjà dévelop-
pés par M. Christian dans la discussion à la Société médico-psyclaolo-
gigue 1. Suivant lui, les portes ouvertes le seraient très suffisam-
ment dans nos asiles actuels. Les asiles de province et Charenton'
seraient des modèles d'établissement avec le summum de liberté
pour les malades. Dans la Seine il en est autrement, il en con-
vient ; et cela tient à ce que la population des aliénés y est toute
différente de ce qu'elle est en province, Paris envoyant une partie
de ses malades,. difficiles à maintenir, dans les asiles de province.
Il propose à ses collègues des asiles départementaux de refuser
désormais les malades de la Seine à un prix de journée inférieure
à celui qu'on paye à Paris. Confondant l'open-door-système avec
celui de Gheel, il stigmatise humoristiquement les tendances de
M. Marandon de Rloutyel, parce qu'il a vu, en Belgique des malades
traités en liberté s'être mis en état d'ivresse pendant une ker-
messe.
M. LE FILLIATRE répond qu'il ne représente nullement M. le Dr
Marandon et que l'open-cloor n'a rien à voir avec la question du
nombre des médecins traitants.
M. le Dr Dubois, président du Conseil général de la Seine, a
communiqué un travail tiré de son Rapport général sur le service
des aliénés de la Seine. Il a parlé de stastistiques étrangères rela-
tives à la proportion des médecins d'asiles par malades aliénés.
Ces arguments, il les a développés en faveur de la scission des
grands services de Villejuif et de Ville-Evrard à Paris, où les
médecins adjoints ont été érigés en médecins traitants pour le
plus grand bénéfice des malades à traiter.
Voir plus loin la Société medico-psychologique (p. 272).
270 O SOCIÉTÉS SAVANTES.
Enfin, M. DOUTREBENTE a clos la discussion par quelques mots en
réponse aux diverses observations présentées. Cette séance s'est
terminée par la communication d'un travail de M. le professeur
n1 : 11RET, de la Faculté de médecine de Montpellier, qui a parlé de
l'étiologie de la paralysie générale, qu'il a étudiée dans plus de mille
cas.
Le Congrès a décidé que la session de 1898 aurait lieu à Angers,
et celle de 1899 à Marseille.
M. le D*'MoTET a été acclamé président du Congrès de 1899;
c'est là un témoignage éclatant de la grande estime en laquelle
le tiennent ses confrères, et nous l'enregistrons avec grand plaisir.
Le secrétaire général est M. le Dr PETRUCCI, directeur de l'asile
d'Angers, dont l'affabilité est un sûr garant de l'accueil réservé à
chacun. Avec un bureau aussi sympathique, le Congrès de 1898
est sûr d'un grand succès, d'autant que le choix des questions
mises à l'étude et des rapporteurs ne laissent rien à désirer.
En voici l'énumération : Des troubles psychiques post-opéra-
toires : rapporteur, M. HENAULT, d'Orléans. Du rôle des artérites
dans la pathologie du système nerveux : rapporteur, M. SABRAzÈs,
de Bordeaux. Des délires transitoires au point de vue médico-
légal : rapporteur, M. Vallon, de Paris.
Avant de se séparer, les Congressistes réunis à Toulouse sont
allés, sur la proposition de M. le Dr Briand, porter une couronne
sur la tombe d'une victime du devoir professionnel, le Dr Gérard-
Marchant père, mortellement frappé, il y a une vingtaine d'années,
par un malade aliéné.
(A suivre.)
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 28 juin 1897. - Présidence DE M. P. GARNIER.
Condamnation et mort d'un dégénéré impulsif.
M. GUIBERT donne lecture d'un rapport médico-légal, rédigé par
lui, à la requête de la défense du nommé X..., accusé d'assassinat.
X... est le fils d'un alcoolique qui s'est suicidé. Il s'est lui-même
dès l'enfance toujours montré violent, impulsif et, sous de futiles
prétextes, menaçait déjà de tuer ses camarades. A l'âge de seize ans,
dans un accès d'ivresse, il frappait son oncle de plusieurs coups
de couteau, sans conserver aucun souvenir de cet acte criminel.
Placé plus tard dans une colonie pénitentiaire, il s'y conduisit à
SOCIÉTÉS SAVANTES. 271
peu près bien, tout en conservant toujours un caractère emporté.
Il fut enfin appelé il faire son service militaire dans la flotte, où
pendant les premières années il ne fit aucun excès de boissons. A
la suite d'une visite dans sa famille, uù on lui reprochait la tenta-
tive d'assassinat commise sur son oncle, il se remit àboire etmon-
tra une plus grande instabilité mentale. Un peu après, il cherchait
à se suicider. C'est vers cette même époque qu'il commit une
seconde tentative de meurtre et deux meurtres absurdes, sur des
enfants, afin dissimuler un vol de quelques sous.
M. Guibert ne put faire admettre l'irresponsabilité de cet indi-
vidu qui fut condamné à mort. Il avait alors toute sa lucidité qui
a dû en imposer aux autres experts.
M. MAGNAN. - Il découle de cette communication que, dans
une expertise médico-légale, il faut reprendre la vie tout entière
des accusés. Sans cette précaution on n'est pas armé pour un
examen approfondi. Fils d'alcoolique suicidé, X..., à la suite d'ex-
cès de boissons, au lieu d'avoir un simple excès d'ivresse est pris
d'un véritable accès de folie. Il devient impulsif. Plus tard sobre,
il se comporte à peu près normalement; mais ensuite il reboit et
retombe aussitôt dans une vie irrégulière, tente de se suicider,
devient meurtrier comme précédemment. Emprisonné, il est for-
cément sobre et se remontre le simple débile qui a pu tromper les
experts. Un retour en arrière dans sa vie passée l'a montré tel
qu'il devait être au moment du meurtre.
M. Vallon croit aussi qu'il faut non seulement remonter dans les
antécédents d'un accusé, mais encore rechercher l'état mental des
ascendants. Quant à apprécier le fait particulier de M. Guibert, il
s'y refuse parce qu'il lui manque les rapports des autres experts.
Avant de conclure à la responsabilité, ils ont dû donner des rai-
sons qui ne figurent pas dans les données fournies ici lesquelles lui
semblent insuffisantes.
M. GUIBERT. - M. Magnan a vu leurs rapports,
M. Magnan. - C'est vrai; mais je ne puis en parler, parce que
nos confrères ne sont pas ici pour défendre leurs conclusions.
M. CHARPENTIER. Le père s'est suicidé sous l'influence de
l'alcool, dit-on; il est peut-être mort d'un autre accident. D'autre
part, le suicide d'un parent ne constitue pas la dégénérescence.
X... boit à seize ans et commet une première tentative de meurtre.
Tout autre qu'un dégénéré eût pu en faire autant. Au régiment, il
se conduit bien, c'est donc qu'il n'est pas déséquilibré. Sa tentative
de suicide n'est pas expliquée dans le rapport, je ne l'expliquerai
pas davantage. L'insignifiance du vol prouve surtout qu'il n'a pas
trouvé autre chose. C'est un vicieux à supprimer de la société.
M. Magnan. - L'insubordination jusqu'à seize ans est une
preuve de déchéance. Mais l'accès de fureur, à la suite d'un excès
'21 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de boissons, prouve la dégénérescence. L'individu bien pondéré
qui boit, éprouve un simple accès d'ivresse. Il faut un terrain pré-
paré pour tomber dans la fureur alcoolique ou bien une boisson
spéciale. En m'en tenant au dire de M. Guibert, si je ne constate
pas l'impulsion irréfléchie, je vois cependant les caractères du
meurtre pathologique. '
M. ARNAUD. - L'ivresse avec fureur est caractéristique de la
dégénérescence mentale ou consécutive à l'ingestion de boissons
particulièrement toxiques, nous dit M. Magnan. Je le crois aussi ;
mais le rapport de M. Guilbert ne nous éclaire en rien sur la
nature de la boisson ingérée.
M. GUIBERT. - X... a bu du cidre et de l'eau-de-vie.
M. VALLON. - Il ne s'agit pas ici d'une simple observation, c'est
un rapport médico-légal;' nous ne pouvons pas nous élever contre
l'opinion des autres experts, dont nous n'avons pas la moindre
connaissance. M. Guibert a déjà voulu lire ce même rapport à la
Société de médecine légale qui ne l'y a pas autorisé parce qu'elle
n'avait pas la contre-partie. Je demande donc la publication des
autres rapports avant de discuter ceiui-ci.
M. MAGNAN. - On ne peut évidemment imprimer ces rapports
sans l'assentiment de leurs auteurs. Nous ne devons considérer la
communication de -'1. Guibert que comme une simple observation
et moi-même je ne la discute qu'au point de vue purement scien-
tifique. M. Charpentier comprend bien que X... ait été condamné
à mort. 1\I. A. Voisin. - Sur la photographie qui nous est pré-
sentée je constate l'occlusion palpébrable droite. Peut-être est-elle
en rapport avec une lésion cérébrale ? '
L'Open-door.
M. CHRISTIAN. - M. Marandon tient à son village, dont sans
doute il ne verra pas la réalisation. Qu'il me permette de lui faire
un peu d'histoire : il y a encore dans notre Société quelques
membres qui ont vécu les faits que je vais lui rappeler.
Il y a quelque trente ou quarante ans florissait le baron Mundy,
médecin philanthrope, riche seigneur en Moravie et grand redres-
seur d'abus '. Possédant une fortune considérable, parlant sept
langues, il s'était donné la tâche de réformer nos asiles, qui déjà
alors,' ne donnaient, suivant lui, que de déplorables résultats.
Avec la ferveur d'un apôtre, il allait de pays en pays signalant le
mal, luttant, comme il le disait a contre la puissance de la rou-
tine, l'indolence, l'insouciance, l'ignorance et le mauvais vouloir ».
Telles étaient les aménités que cet excellent homme prodiguait à
' Voir les Annales ) ? ? co-;Mye/;o ? le Journal de médecine mentale,
la Revue de lleérapeul. 77éclico-chii-iiifliccile, etc.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 273
nos prédécesseurs, dont il restait d'ailleurs le meilleur ami. Il ne
s'arrêtait à aucune objection. Que peut la contradiction inspirée
par la routine, ou, comme on dit maintenant, par le misonéisme,
contre celui qui tient la vérité, et qui ne demande qu'à la répandre
dans le moude ?
La vérité pour le baron Mundy, c'était Gheel, c'est-à-dire le
village. Au lieu d'enfermer quelques centaines d'aliénés dans un
asile construit à grands frais, disséminez-les, par groupes de quatre
à six, dans de petits cottages champêtres, où ils seront confiés à
des familles vertueuses, cela va s'en dire et désintéressées, qui les
combleront de soins, tout en leur laissant la plus grande liberté.
Réunissez un certain nombre de ces cottages, vous aurez le vil-
lage, le village idéal, moins complet cependant et moins perfec-
tionné que celui que rêve M. Marandon.
Le baron Mundy a lutté quinze ans pour faire triompher ses
vues, déployant une activité prodigieuse. Il n'est arrivé à rien et
découragé il a cessé de s'occuper des aliénés, pour consacrer ses
soins et sa fortune aux blessés de nos grandes guerres.
Où le baron Mundy a échoué, M. Marandon réussira-t-il ?
Si j'ai cru devoir rappeler à notre excellent collègue qu'il a eu
un précurseur, ce n'est pas pour diminuer le mérite de ses efforts ;
c'est uniquement pour montrer que dans la campagne de l'Open-
door, il n'y a de nouveau que le nom.
M. Marandon m'a couvert de roses, dont il m'a fait galamment
sentir les épines; mais que m'a-t-il répondu ?
Il m'avait paru exorbitant qu'un collègue, occupant une situa-
tion officielle, rompu depuis de longues années à tous les détails
d'administration d'un asile d'aliénés, pût dire que « nos asiles
sont des fabriques d'incurables » ; que les médecins ne sont que
des « fabricants de chroniques ». C'est là une assertion tellement
extraordinaire que j'avais demandé qu'elle fùt justifiée. Car de
deux choses l'une : ou cela ne veut rien dire, ou cela signifie que
les aliénés qu'on nous amène arrivent dans un état qui permet-
trait de les guérir; que s'ils ne guérissent pas, la faute en est à
l'apathie ou à l'ignorance des médecins encroûtés dans leurs pré-
jugés, ou encore à la mauvaise installation de nos asiles.
J'ai objecté que les neuf dixièmes au moins des aliénés sont
arrivés à l'incurabilité quand nous les reçevons; que par consé-
quent nous ne pouvons rien pour eux que de les faire vivre. Nous
ne saurions être responsables d'une situation que nous subissons.
Existerait-il par hasard un moyen de guérir, ne fût-ce qu'une
minime fraction, de ces incurables ? Si oui, qu'on nous l'indique;
cela vaudra mieux que de nous poursuivre d'objurgations
indignées.
De cette situation, qui est plus forte que tous les raisonnements,
découle comme autre conséquence que nos asiles grands ou petits,
Archives, 2° série, t. IV. 18
274 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ne peuvent être et ne seront jamais que des garderies ou des l'en-
fe1'mel'ies, si vous ne voulez plus tout simplement du mot asile.
Leur population ne se composera jamais, pour l'immense majo-
rité, que d'infirmes, d'incurables; ceux que nous pourrons guérir
ne seront qu'une infime minorité. Ce sont là des faits sur lesquels
on peut gémir, mais auxquels je vous défie de rien changer.
Je faisais à M. Marandon une autre objection : je lui disais que
les seuls aliénés que l'on mène dans nos asiles sont ceux que leurs
familles ne peuvent plus garder avec elles, parce qu'ils sont deve-
nus dangereux pour leur entourage ou pour l'ordre public. J'ai
toujours entendu les médecins déplorer cet état de choses, disant
qu'en tardant trop longtemps à soumettre ces malades à un
régime convenable on leur faisait perdre toute chance de guérison.
Voilà donc des individus qui sont un péril ou une source de
troubles incessants dans leur milieu, et il n'y a rien de plus pressé
que de leur ouvrir toutes grandes les portes de l'asile, afin qu'ils
puissent vagabonder à leur aise dans les rues du village ! Que dis-
je ? non seulement la porte doit rester ouverte, on admire même
qu'il n'y ait pas de portier !
J'ai cru jusqu'à ce jour et je crois encore qu'une maison sans
portier est une maison mal tenue, à plus forte raison un établisse-
ment public.
On nous parle des aliénés comme on en parle dans les romans;
on leur prête des sentiments, des idées, des aspirations, que, pour
ma part, je n'ai jamais trouvés chez eux. Ce sont des inconscients
qu'il faut surveiller.
Les réformateurs laissent assez volontiers de côté la question
d'argent. Elle a cependant son importance. J'ai demandé à M. Ma-
randon de nous faire le devis de son village; I. Colin nous en a
cilé un créé sur ce type en Amérique, mais il ne nous a pas dit quel
capital y était engagé. Je ne pense pas qu'il nous donne comme
modèle cet asile d'Ecosse dont j'ai parlé moi-même à la Société, il
y a déjà douze ans, et où les pensionnaires vont chasser la grive ;
je n'ai pas encore rencontré un seul aliéné à qui j'eusse osé confier
un fusil ; on ne peut raisonnablement pas demander à nus asiles
d'avoir des territoires de chasse ou dépêche.
M. Paclet, nous parlant des asiles de 900 malades, nous a fort
bien démontré que, si le médecin veut donner seulement deux
minutes par semaine à chaque aliéné, cela lui fera une visite de
cinq heures par jour.
Le calcul est parfaitement exact. Mais sur ces 900 aliénés com-
bien y en a-t-il qui aient besoin d'être suivis ou observés réguliè-
rement. Il n'y en a certainement pas 50. Tout le reste, les 850
autres, sont des incurables qui végètent paisiblement, et quand
on nous apprend qu'ils ont mangé et dormi, que leur conduite.
a été convenable, que faut-il de plus ? Est-il vraiment nécessaire
SOCIÉTÉS SAVANTES. 273
de s'arrêLer chaque jour devant chacune de ces épaves et de s'as-
treindre à la besogne fastidieuse et inutile de se répéter ? Exigeriez-
vous du médecin d'un bureau de bienfaisance d'aller visiter chaque
matin tous les indigents de sa circonscription ?
Je ne trouve donc pas que le directeur qui disait pouvoir suffire
à un service de 900 pensionnaires aidé par un médecin adjoint et
des internes, mérite les sarcasmes de M. Paclet. A tout prendre,
un coionel peut connaître son régiment, sans faire l'examen quoti-
dien de 2000 ou 3 000 soldats qu'il a sous ses ordres.
On a proposé comme remède de scinder les services. Le soin de
1000 aliénés étant une tâche trop lourde pour un seul médecin, il
n'y aurait qu'à faire deux services de 500 chacun et de nommer
deux médecins. M. Marandon, qui a tous les héroïsmes, a prêché
l'exemple. Il a demandé lui-même l'amputation de son service et
l'a obtenu. Il n'est malheureusement pas à craindre que cet
exemple puisse être imité. A Ville-Evrard, il existe des conditions'
spéciales qui ont permis cette division. Mais, en général, dans
l'immense majorité des cas, cela ne sera pas si aisé. Dans un ser-
vice de médecine ou de chirurgie, on peut dire : a j'ai trop de
100 lits, qu'on en donne 50 à un collègue », rien de plus facile. Mais
dans un service d'aliénés ? M. Marandon a-t-il donc oublié que c'est
lui-même, dans un de ses nombreux écrits, qui a énuméré les
organes indispensables à tout service d'aliénés ? Or, pour donner à
chaque médecin ces organes indispensables, il ne peut être question
d'une simple division; il n'y aurait qu'une chose à faire, créer un
nouvel asile à côlé de l'ancien. Perise-t-il, et aucun de nous peut-il
penser que ce soit là chose réalisable ?
Ceux qui critiquent l'organisation de nos asiles, ne manquent pas
de comparer ce qui se fait chez nous avec ce qui se fait à l'étran-
ger, et comme il faut s'y attendre le résultat de cette comparaison
nous est absolument défavorable. On vous a dit ici même que si,
jadis, les aliénistes du dehors pouvaient apprendre quelque chose
chez nous, les choses avaient bien changé. Je sais combien il con-
vient d'être modeste, combien il faut se garder de tout chauvi-
msme. Mais de bonne foi on nous rabaisse aussi et si l'on exalte les
étrangers, il faut nous dire en quoi ils nous sont supérieurs. Où
sont les découvertes merveilleuses qu'ils ont faites pendant que
nous languissions dans les événements du passé ? Ont-ils trouvé des
méthodes nouvelles de traitement ? Guérissent-ils des aliénés qui
chez nous deviennent incurables ? Nous ont-ils dépassés, dans
l'anatliomie pathologique ? Tant qu'on ne nous aura pas fourni des
preuves palpables de leur supériorité, je reconnaîtrai, si vous voulez,
qu'ils n'ont à rien apprendre chez nous ; mais avouez que nous
ne leur sommes pas inférieurs.
Sur un point peut-être nous pourrions nous inspirer de leur
exemple. Eux aussi ont de grands asiles, de grandes renfermeries ;
276 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mais là où nous nous contentons d'un médecin directeur, d'un
adjoint et d'un ou deux internes, ils ont un personnel plus nom-
breux. A côté du directeur médecin en chef, ils ont deux, trois,
quatre médecins, chargés chacun d'une partie déterminée du ser-
vice médical. Dans cette organisation la hiérarchie est scrupuleu-
sement conservée, le médecin en chef directeur est seule respon-
sable ; tout se fait sous son contrôle. Chaque matin après la visite,
-chacun des autres médecins vient lui rendre compte de ce qu'il a
fait, lui demande et reçoit ses conseils. Pensez-vous que ce système
ait quelque chance de s'implanter en France ?
M. TOULOUSE. - J'ignorais, il y a quelques instants, l'existence du
baron Mundy qui me parait lui-même aliéné et je l'abandonne '.
Maisje ne vois pas trop pourquoi nos asiles resteraient toujours des
garderies. M. Christian dit qu'il n'y a pas eu d'expériences
sérieuses, de faites et cependant il nous parlé de Gheel.
Pour ce qui est de la dépense, cela ne nous regarde pas. Il nous
est égal que les aliénés coûtent cher; ce que nous voulons, c'est
qu'ils soient bien soignés. Pour ce qui est de la possibilité de la
grossesse, c'est un accident qui pèse d'un petit poids dans la
balance. M. Christian dit que les chroniques seuls travaillent : à la
Clinique, ce sont les aigus et aussi les alcooliques qui fournissent le
plus de travailleurs.
Le traitement de la médecine mentale est à l'état embryonnaire.
Nous ne savons pas ce que ça donnera à l'essai. Esquirol ne vou-
drait dans chaque service que 250 malades. Pour ce qui est du
dédoublement des services, je crois que c'est possible, bien qu'il soit
préférable d'avoir à sa disposition plus de quartiers que n'en don-
nerait le dédoublement; il n'y en aura jamais assez. Entre deux
maux il faut choisir le moindre. Le médecin d'un grand service ne
peut pas connaître tous ses malades. Les surveillants sont obligés
de prendre une autorité qu'ils ne doivent pas avoir ; c'est à eux que
le médecin se voit dans la nécessité de s'adresser pour avoir des
renseignements. Pour faire de I*Ope ? z-dooi, il faut réformer les asiles,
les dédoubler et les redédoubler. C'est très facile à faire. On com-
mencera par les services de province où les services d'hommes et
de femmes sont confiés au même médecin. M. B.
Séance du 26 juillet 1897. - Présidence de M. P. GARNIER.
M. A. Voisin se montre étonné de la façon dont M. Toulouse
parle des médecins aliénistes. I ! a assisté aux visites des Moreau
(de Tours), des Falret père, des F. Voisin, des Delasiauve, des Bail-
larger, pour ne parler que des morts et a pu constater qu'ils con-
1 M. Toulouse est un peu dur pour un homme dont il ignore les tra-
vaux, les intentions généreuses et qui, en somme, s'est intéressé aux
malheureux.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 277
naissaient tous les malades de leur service, sans cependant les
interroger individuellement chaquejour : « Je puis, ajoutez. Voisin,
fournir tous les renseignements désirables sur chacune de mes ma-
lades et je trouve que c'est vouloir jeter le discrédit sur les méde-
cins de France que de parler d'eux comme l'a fait notre confrère. »
M. TOULOUSE se défend d'avoir jamais voulu faire aucune per-
sonnalité et de n'avoir fait aucune allusion à M. Voisin qui n'a
qu'un petit service. Il a voulu seulement dire que le médecin le
mieux intentionné ne peut connaître huit cents malades. C'est une
lâche au-dessus des intelligences les mieux douées. Dans les
grands services, on est obligé de se fier aux renseignements des
surveillants ou surveillantes. Loin de vouloir jeter la déconsidéra-
tion sur le corps des aliénistes français, M. Toulouse rend hom-
mage à leurs qualités, car ils remplissent leurs fonctions aussi bien
qu'il est humainement possible de le faire.
M. Charpentier. - Il y a une différence entre le dire actuel de
M. Toulouse et la rédaction de sa communication que nous avo.ns
tous entendue. Mieux aurait valu que M. Toulouse eût fait des per-
sonnalités, car alors il n'eût pas jeté de discrédit sur tous nos col-
lègues des asiles français. - M. TOULOUSE. - Je maintiens qu'on ne
peut pas connaître plus de cinq cents malades. - M. Charpentier.
- C'est une simple assertion qu'il faudrait nous prouver par des faits.
L'Open-door. (Suite de la discussion.)
M. COLLIN. - Nous n'avons pas la prétention de vouloir appli-
quer le système de l'Open-door à toutes les formes de la folie. Cer-
tains malades peuvent seuls en bénéficier. M. Christian prétend
qu'une maison sans portier est une maison mal tenue. A ce
compte, beaucoup de maisons sont mal tenues, car les portiers sont
relativement rares. Je lui répondrai qu'en France nous traitons
tous les aliénés de la même façon. Je lui citerai l'opinion d'un
médecin en chef de Broadmoor qui prétend n'avoir donné ses
soins qu'aux aliénés qui le harcèlent chaque matin. Ce sont tou-
jours les mêmes qui en bénéficient 1.
M. CLOUSTON (d'Edimbourg) reconnaît qu'on ne peut pas traiter
efficacement plus de trois cents malades et qu'en adoptant une
thérapeutique plus efficace, on pourrait réaliser une économie
de 10 p. 100. Il faut donc réagir contre l'encombrement des ser-
vices dont la cause doit toujours être attribuée à l'incompétence
des administrations et non à la volonté des médecins.
1 Un malade atteint d'une pneumonie a besoin d'être vu tous les jours,
même deux fois par jour pendant la période aiguë ; mais un épileptique
dont le traitement est institué d'une façon méthodique, n'a besoin d'être
vu que tous les mois ou tous les deux mois, sauf accident. Et il en est
de même pour d'autres formes des maladies mentales. (B.) -)
218 SOCIÉTÉS SAVANTES.
En Écosse, non seulement les sexes sont mélangés, mais encore
on accorde la liberté sur parole. L'asile de Toledo, aux Etats-Unis
d'Amérique, est bâti sur le système des cottages avec vérandas,
tennis, crockets, etc. Le lit ne revient pas à plus de 1.500 francs.
M. CHRISTIN. - Nous pourrions discuter indéfiniment sans nous
entendre, car nous partons de deux points différents. M. Colin
- semble croire que tous les aliénés sont curables. Je crois au con-
traire que la grande majorité est incurable dès l'entrée à l'asile.
Pensez-vous sérieusement qu'un paralytique général, un dément,
un idiot, un crétin ou un vieux persécuté guériront parce que
tous les matins vous les interrogerez pendant un quart d'heure ? Le
moins que vous fassiez sera de les ennuyer et souvent de les agiter
inutilement. Ce n'est pas davantage la multiplicité des médecins-
adjoints qui les guérira. D'ailleurs pourquoi les médecins-adjoints
ne s'appliquent-ils pas à essayer la thérapeuthique du raisonne-
ment chez ces malades au cours de la contre-visite à laquelle ils
sont tenus d'après le règlement actuellement en vigueur ? Ce sont
eux qui d'après le même règlement doivent prendre les observa-
tions et faciliter ainsi la connaissance des malades aux médecins
en chef. S'ils ne font pas leur service, ce sont eux qui sont dans
leur tort. En ce qui concerne leur autonomie, laquelle serait
empruntée à l'étranger, je dois vous dire qu'elle n'existe encore
nulle part. Us sont partout sous la dépendance absolue d'un chef.
J'ajouterai à propos de rOpen-llo01' que les médecins anglais
n'ont jamais voulu l'appliquer. Ils considèrent ajuste titre que rien
n'est désagréable comme de se sentir quelqu'un à ses trousses.
C'est ce qu'avaient compris les Mormons; quand il venait un
étranger dans leur ville, ils ne le chassaient pas, ils se contentaient
de le faire surveiller par deux suiveurs qui ne le quittaient pas de
l'oeil. Après vingt-quatre heures, l'étranger ne demandait qu'à
filer. Al. Toulouse voulait qu'on ne se mariât qu'après enquête sur
les antécédents névropathiques. Aujourd'hui, il nous répond :
peu importe qu'une grossesse intervienne par ci par là . Il n'est
donc pas conséquent avec lui-même. Personne n'ignore d'ailleurs
que les accidents ne sont pas rares en Ecosse.
M. Colin. - Le système de l'Open-door n'est évidemment
pas applicable à tous les aliénés. L'accord est unanime sur ce
point. Nos adversaires appliquent notre système sans s'en douter,
quand ils envoient travailler leurs malades au dehors. Dans les
asiles écossais, il y a une sorte d'hôpital par où passent tous les
entrants. Les curables y sont conservés en traitement. Les incu-
rables seuls sont envoyés comme travailleurs, au dehors où leur
sont offertes de nombreuses distractions et où ils jouissent d'une
1 Ce serait une nouvelle catégorie de malheureux à secourir, de nou-
velles charges pour la Société.
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 279
très grande liberté. Je regrette, pour ma part, que les médecins
ordinaires ne connaissent pas mieux l'aliénation, car ils pourraient
traiter il domicile beaucoup d'aliénés, qu'un séquestre inutile nuit.
Si l'isolement est bon dans certains cas, il est nuisible dans d'autres.
Enfin si notre système désorganise les asiles on pourra sans regret
et sans y rien changer en faire des collèges ou des casernes. -
M. Taguet. Dans tous les asiles où je me suis trouvé, soit en
qualité d'adjoint, soit de médecin en chef, j'ai toujours constaté
que les médecins-adjoints y faisaient la contre-visite et pouvaient
rendre de grands services il leurs chef dont ils étaient les plus
utiles collaborateurs. Pour pratiquer l'Open-door il faudrait modi-
fier la loi. Le préfet de police ne reconnaît pas les sorties provi-
soires que les médecins autorisent sur leur entière responsabilité.
M. FALRET. - Le Conseil général de la Seine a obtenu, sur l'in-
sistance de notre collègue M. Bourneville, que le préfet de police
fermât les yeux sur ces sorties; mais il est évident que la loi
de 1838 est muette à leur égard 1.
M. TouLOusE. - Les mouvements d'entrée et de sortie d'un ser-
vice de huit cents malades nécessitent l'examen approfondi d'au
moins trois aliénés par jour. En consacrant une demi heure à
chacun des. trois, voyez ce qui restera de temps pour tous les autres.
LE Président rappelle que la question il l'ordre du jour étant
celle de' l'Oprn-door il se voit dans la nécessité d'interrompre
M. Toulouse pour donner la parole à M. Sollier.
L'Open-door. (Suite de la discussion.)
I. Sollieu. - Le débat qui vient de s'ouvrir au sein de notre
Société à propos de l'Open-door, bien que réédité d'autrefois,
comme le remarquait justement M. Christian, indique une évolu-
tion dans les esprits qui mérite, je crois, d'être notée. On n'a pas
entendu sans quelque étonnement des aliénistes formuler contre
leurs confrères des accusations qu'on est habitué il rencontrer sous
une forme bien peu différente dans certains journaux qui n'ont
rien de scientifique. Peu s'en est fallu que nous n'ayons entendu
traiter nos asiles de bastilles modernes ; du moins ont-ils élé con-
sidérés comme des fabriques de chroniques. On sent immédiate-
ment qu'un vent de réforme a soufflé, réforme qui se traduit
d'abord dans les procédés de la polémique.
' Nous remercions .\I. J. Falret d'avoir rappelé notre initiative. Elle ne
s'est pas bornée là. La création ou l'extension des bibliothèques pour les
malades, l'ornementation des salles communes, l'extension du travail
même au dehors, même chez des étrangers, la multiplicité des distrac-
tions, la participation aux concours de gymnastique ou de musique, nous
sont aussi dus pour une bonne part. (I.)
80 SOCIÉTÉS SAVANTES.
A entendre les partisans de l'Open-cloor, j'ai été épouvanté de
l'aveuglement dans lequel j'avais jusqu'ici vécu, en assez bonne
compagnie d'ailleurs, au sujet des mesures à prendre vis-à-vis des
aliénés. En réfléchissant sur la situation si noire qu'on nous avait
présentée, en examinant la panacée nouvelle qu'on nous offrait,
je me suis cependant assez vite rassuré.
Car sous prétexte d'Open-door, on nous a parlé de beaucoup-de
choses qui n'ont rien à y voir, mais on a oublié de nous dire d'une
façon bien précise ce qu'il fallait entendre par ce système. Est-ce
le traitement familial dans les colonies agricoles ? Il n'est appli-
cable qu'à des chroniques, et dans ce cas l'Open-door ne se dis-
tingue guère de nos asiles fabriques de chroniques, sinon que dans
les établissements du nouveau système les malades sont tous et
d'emblée des chroniques, tandis que dans nos asiles nous avons
encore, on me l'accordera, des malades aigus, qui sortent guéris.
Sont-ce des asiles où les aliénés auront plus de liberté que chez
eux, où la vue d'un mur, d'une fenêtre ou d'une porte fermées leur
sera évitée, où ils seront les maîtres et les surveillants et leurs
domestiques chargés de leur tenir la porte ouverte à eux et à leurs
familles ? Les gens normaux e : bien équilibrés, ayant l'habitude de
se clore dans leur propriétés, de ne recevoir des visiteurs qu'à cer-
taines heures, il est évident, en bonne logique, que des aliénés,
êtres anormaux et déséquilibrés, doivent être traités d'une façon
absolument opposée. Et vraiment l'on s'étonne qu'on n'ait pas
songé plus tôt à quelque chose d'aussi simple quoique paradoxal
au premier abord. Mais alorsje me demande ce que viennent faire
dans des asiles ces aliénés nouveau modèle, et ces mélancoliques à
idées de suicide qu'on laissera à proximité d'une pièce d'eau, dont
les fenêtres pourront s'ouvrir facilement pour qu'ils puissent s'as-
surer, en passant au travers, d'un second étage, qu'ils ne subissent
aucune atteinte à leur liberté individuelle, et ces paralytiques
généraux qu'on enferme parce qu'ils font des fugues, et les persé-
cutés qui se croient lésés dans leurs droits et qu'on empêchait de
sortir jusqu'ici pour éviter à leurs persécuteurs imaginaires d'être
leurs victimes ? S'ils sont capables de travailler, de sortir seuls sans
danger pour eux-mêmes ni pour les autres; s'ils peuvent aller voir
ou recevoir leur famille quand bon leur semble, sans inconvénient
pour leur santé morale, pourquoi les placer dans des asiles ? Ils se-
raient mieux chez eux, et ce serait plus économique pour la société.
Il me semble que les promoteurs de l'idée de l'Open-door vont
absolument à rencontre de leurs intentions et se privent du plus
puissant et presque du seul moyen efficace qu'ils aient à leur dis-
position pour amener la guérison des cas curables, à savoir l'isole-
ment. N'est-ce pas bien souvent pour être isolés trop tardivement,
conservés trop longtemps dans leurs familles, que tant d'aliénés de-
viennent incurables ? N'est-ce pas parce que l'isolement n'est pas
SOCIÉTÉS SAVANTES. 281
appliqué assez rigoureusement dans les asiles, que tant de malades
parfaitement curables deviennent des chroniques ? Qui de nous,
pour ne citer qu'un exemple, n'a pas vu de rechutes se produire
chez des mélancoliques à la suite de visites de leur famille, et mar-
cher de nouveau vers la convalescence et la guérison dès qu'on les
remettait à l'isolement ?
Les partisans de l'Open-door, défenseurs attitrés des aliénés oppri-
més et méconnus dans leurs aspirations, ont-ils quelque procédé
thérapeutique nouveau à nous proposer ? 2
Avant d'accuser les autres de ne pas faire ce qu'il faut pour trai-
ter convenablement les malades, il faudrait tout au moins leur
indiquer une méthode nouvelle.
Les partisans de l'Open-door, avides de se dévouer aux malades,
et de les traiter en vue de les guérir, trouveront amplement de
quoi satisfaire leurs légitimes aspirations dans cette dernière caté-
gorie de malades, qui est d'ailleurs la moins nombreuse dans leurs
services. Qu'ils laissent à leurs médecins-adjoints, relégués généra-
lement dans une situation assez ambiguë et n'ayant aucun rôle bien
défini, le soin de s'occuper de tous les chroniques, de tous les incu-
rables, et qu'ils s'attachent, s'ils le veulent, aux seuls malades
curables; qu'ils cherchent de nouvelles méthodes de traitement, et
je suis convaincu qu'ils rendront plus de services aux aliénés qu'en
bouleversant tous les services et en désorganisant les asiles.
M. Toulouse faisait aux aliénistes le reproche extraordinaire
d'être obligé de prendre des renseignements sur leurs malades
auprès des surveillants. Cette critique fait sourire.
A moins que le médecin ne soit lui-même surveillant, reste toute
la journée dans son service, et n'ait qu'un nombre de malades
assez restreint pour les avoir toujours autour de lui, je ne vois pas
trop comment il ferait pour se renseigner sur leurs faits et gestes
quand il n'est plus là, s'il ne s'adressait aux surveillants, à moins
qu'il n'ait le don d'ubiquité. Et ce qui est plus singulier, c'est d'en-
tendre ce reproche venir d'un partisan d'asiles à portes ouvertes,
à pavillons séparés. Il est évident cependant qu'en effet ou n'aura
plus rien à demander aux surveillants, car leur rôle sera singuliè-
rement diminué, et les renseignements qu'ils pourraient donner se
borneraient à indiquer l'heure de sortie et de rentrée des malades.
M. TOULOUSE. - Je partage l'avis de M. Sollier, quand il trouve
qu'on isole trop tardivement les aliénés ; mais ce qui est au-si nui-
sible aux malades, c'est de prolonger inutilement leur isolement.
Nous demandons qu'on essaye le système écossais avec libéralisme.
Pour ce qui est de la contre-visite imposée aux médecins-adjoints,
je lui répondrai que n'ayant aucune responsabilité dans l'asile,
ceux-ci se désintéressent de leur service et en arrivent fatalement
à négliger leurs malades. - M. Charpentier n'accorde jamais de
il) 8 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.
sorties de plus de quinze jours.- M. A. Voisin ne laisse pas sortir
ses malades sans un répondant. Il a renoncé à accorder des per-
missions aux alcooliques qui en profitent pour s'enivrer.
MARCEL Briand.
SOCIÉTÉ DE NEUR0PATI10L0G1E ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 22 novembre 1896.
M. MINOT. - De l'affection multiple des nerfs crâniens (combinée
avec une hémiatrophie de la langue). Présentation des malades.
L'auteur a observé ces dernières années les trois cas suivants :
Premier cas. - Chez un garçon de dix-huit ans se manifesta, le
lendemain d'une frayeur et d'un refroidissement, une déviation de
la langue vers le côté droit avec développement rapide d'une
hémiatrophie de sa moitié droite. En même temps ou bientôt après
fut notée une paralysie du nerf moteur oculaire externe du même
côté. A l'examen, qui a eu lieu quelques mois après le début de la
maladie, on constata une absence de symptômes généraux céré-
braux et les phénomènes locaux suivants : hémiatrophie de la
moitié droite de la langue, paralysie du palais, de la corde vocale
et du nerf abducteur du même côté.
Deuxième cas. - Homme de quarante six-ans, commis ; syphilis
quelques années aupalavanl. Alcoolisme. Jusqu'au mois de sep-
tembre de l'année 1895, le malade se portait bien, mais ce ruois il
eut un accès d'épilepsie. Au mois de mars de 1896, second accès
avec céphalagie, vertige et paralysie de l'abducteur de l'oeil gauche à
développement lent, avec amaurose. En mai 1896, nouvel accès,
accompagné de troubles de la parole.
.Etat présent à la fin du mois d'octobre de 1896. - La conscience est
nette. Peu de symptômes cérébraux généraux subjectifs. OEdème
de la papille avec transformation en atrophie des deux côtés.
Hémiatropsie bitemporale. Paralysie de l'abducteur de l'oeil
gauche. Paralysie des deux muscles de la fente vocale, qui sont
innervés par le nerf laryngien supérieur (muscles crico-aryténoï-
diens postérieurs). Hémiatrophie gauche de la langue avec tiraille-
ment fibrillaire. Paralysie du palais mou du côté gauche.
Troisième cas. - Femme de quarante-huit ans, toujours bien
portante. Pas de syphilis ni d'alcoolisme. La maladie débuta par de
fortes céphalalgies. Vers la fin de la troisième semaine, pendant
SOCIÉTÉS SAVANTES. 283 3
une nuit, survinrent une déviation des yeux en dedans et de la
langue adroite.
Elle a été placée dans un hôpital et subit un traitement mercu-
riel sans résultats. A la moitié d'octobre de J 896, elle entra dans un
autre hôpital, c'est' lit que le rapporteur l'observa et constata ce
qui suit : une conscience intacte ; peu de phénomènes cérébraux
généraux ; hémiatrophie de la langue du côté droit avec tiraille-
ments fibrillaires ; paralysie du palais mou du même côté ; paraly-
sie de la corde vocale droite; anesthésie de tout le palais mou et
du pharynx ; paralysie complète de l'abducteur de l'oeil gauche et
parésie de celui du côté droit. Papillite bilatérale avec commence- z
ment d'une atrophie à la suite d'oedème, rétrécissement du champ
visuel des deux yeux, surtout dans sa région supérieureetinférieure.
L'auteur insiste principalement sur la coïncidence des symptômes
principaux dans ses trois cas et, s'arrête encore sur certaines ques-
tions analomo-physiologiques, concernant surtout l'innervation du
palais mou et du pharynx. - Pour expliquer l'anesthésie du pha-
rynx dans son cas, le rapporteur est porté à admettre une lésion
des nerfs vague et accessoire de Willis, et non du trijumeau ou du
nerf glosso-pharyngien. Tout aussi bien il indique l'innervation
complète du palais mou par le nerf facial, ce qui est pourtant-
discuté par certains auleurs; il ne voit pas d'obstacles pour l'expli-
cation de la paralysie du palais mou dans les trois cas par une
lésion de la branche de la portion motrice du trijumeau.
Discussion. - M. NATANSON cite deux cas, observés par lui : dans
le premier il y avait une tumeur; dans le second la syphilis avec
des symptômes d'une lésion multiple des nerfs crâniens. Il fit
attention à la difficulté du diagnostic différentiel dans certains cas,
entre une affection intra-cérébrale ou basale ; en faveur de cette'
dernière peut témoigner la présence d'une hémianopsie temporale,
ainsi que des lésions trophiques de la cornée.
M. le professeur Iionrwmrorr fait remarquer que l'ophtalmie
névro-paralylique ne peut absolument parler en faveur de l'atfec-
tion extra-cérébrale banale, car on observe des cas de lésion de
la protubérance, avec phénomènes trophiques à la suite de lésion
de la portion radiculaire intra-cérébrale du trijumeau.
M. le professeur KojEWKOEOFF indique encore que les troubles de
la déglutition dans divers cas peuvent être de différente origine
sans que l'liémiatropllie de la langue ne soit pas d'une importance
quelconque. Quelques remarques ont été faites encore par M. Ade-
IIIeim,
(A suivre.) G. Rossolimo, N. SCH.\TALOFF, A. Tokarsey.
BIBLIOGRAPHIE.
IV. Dégénérescence mentale et neurasthénie; par le Dl' A. Vcac.
Lyon, 1897.
L'auteur, dans une revue critique de 3 pages, cherche à étendre
le champ de la dégénérescence, dont le domaine, depuis les tra-
vaux de M. Magnan et de son école, est déjà si vaste qu'on ne sait
plus où il commence, ni où il finit. L'homme de talent, l'homme
de génie, celui qui n'a pas une intelligence moyenne, l'idiot, le cré-
tin, etc., sont des dégénérés, d'un type différent il est vrai, mais ce
sont des dégénérés; et c'est là leur point de ressemblance.
Dans ce travail privé de base clinique, M. le D'' Vial demande à
ce qu'on fasse rentrer dans le groupe des dégénérés l'aliéné héré-
ditaire et le névrosé. Il essaie de montrer que la neurasthénie est
la souche de tous les états dégénératifs. La conviction ne ressort
pas de cette démonstration, dont voici les principales conclusions.
La dégénérescence présente un triple critérium : prédisposition,
involution et déchéance finale.
La fonction mentale n'est pas la seule il obéir, dans des condi-
tions données, il la dégénérescence. La régression mentale n'est
qu'un mode de la régression biologique. Dans ces conditions, les
aliénés héréditaires simples et les névrosés entrent dans le groupe
des dégénérés.
La neurasthénie n'est qu'un symptôme. Elle peut être acquise ou
héréditaire. Par l'acquis, elle se rattache à la vie physiologique nor-
male. Par l'hérédité, elle devient la source de toutes les névropa-
thies. La prédisposition, involution et la déchéance finale justi-
fient l'entrée du neurasthénique daiiS le groupe des dégénérés.
F. D.
V. Essai sur les mimiques voulues ; par le Dr G. Dupuis. Lyon, 1897.
Ce travail est l'étude des troubles que l'action de la volonté peut
amener dans le jeu de la mimique normale ; celle-ci s'exerce auto-
matiquement en dehors de la volonté.
Les troubles de la mimique sont dus, soit à des causes patholo-
giques, soit à l'action de la volonté. L'auteur laisse décote les falsi-
fications mimiqnes du premier ordre. Lorsque la volonté intervient
pour modifier la physionomie et lui faire prendre une allure diffé-
bibliographie. 285
rente de celle que comporte l'état psychique, elle ne réussit qu'à la
fausser, à la dissocier. Même chez les acteurs expérimentés, les
sujets maîtres d'eux-mêmes, la mimique vraie reparait toujours
sous la fausse par quelques détails, au grand détriment de l'har-
monie de la physionomie. La mimique des yeux est fort peu
influencée par la volonté. Les falsifications mimiques devront être
recherchées avec soin chez ceux que l'on soupçonne de simuler la
folie, et aussi chez tous les simulateurs ou coupables qui cherchent
à nier. M. le professéur Pierret a donné un pei.it tableau résumant
ce que doit être l'expression des états psychiques chez l'homme sain
et chez l'aliéné. Cette expression doit être :
28G VARIA.
Ces dissociations mimiques dues à la volonté ont pour caractère
essentiel d'être fugitives et mobiles comme les causes qui les
créent et ne sauraient être confondues avec celles plus fixes, durables
et périodiques qui sont dues à des lésions nerveuses.
Dr F. DC1' : 1Y.
VARIA.
LES aliénés EN liberté.
Sous ce litre : Un /'ou décapité par un train, la Justice du 4 mai
rapporte le fait suivant :
Arras 2 ! liai. Le mécanicien du train, qui passait à Airon-
Notre-Dame, aperçut, sur la voie ferrée, le corps d'un homme dont
la tête était séparée du tronc. Aidé du garde-barrière, il ramassa le
cadavre, dont l'identité fut vite établie : c'était un sieur Florent
Lépine, quarante-cinq ans, cultivateur à Airon, né a Saint-Aubin,
près Arras. Cet homme donnait depuis quelque temps des signes
non équivoques d'aliénation mentale.
Tout récemment, le 23, vendredi dernier, il avait brisé tout son
mobilier et le pauvre fou aura sans doute été surpris par un train
et décapité, à moins qu'il ne se soit jeté sous les roues de la loco-
motive. Personne n'ayant été témoin de la scène, on peut admettre
l'une ou l'autre de ces deux versions. - Voilà un fait en faveur de
l'Open-door.
UN curieux cas DE léthargie.
La Justice du 14 ma; raconte le fait suivant : « Un cas assez
extraordinaire de léthargie vient de se manifester dans notre ville,
dans les circonstances suivantes :
Il M. Prompt, capilaine au 19e d'artillerie, avait à son service,
depuis une huitaine de jours, une domestique du nom de Thérèse,
Ducoulet, âgée de trente-six ans, originaire des Hautes-Pyrénées,
lorsque le mardi 29 avril dernier cette fille disparut subitement.
Comme elle paraissait s'ennuyer à Nimes., M. Prompt supposa
qu'elle s'était rendue dans son pays natal et ne s'occupa pas davan-
tage de celte disparition. Hier matin, l'ordonnance du capitaine
Prompt, étant descendu dans la cave pour y chercher du vin,
trouva Thérèse Ducoulet, enveloppée dans une couverture et allon-
gée par terre derrière un tas de fagots. A la grande stupéfaction
de l'officier et de son ordonnance, cette dernière leur expliqua,
d'une voix faible mais très intelligible, qu'à la suite d'un malaise
VARIA. 287 i
faisant pressentir une crise nerveuse dont elle avait une autre fois
déjà éprouvé les symptômes et sentant le sommeil venir elle s'était
réfugiée dans la cave le 20 avril vers quatre heures du matin, pour
y laisser passer cette crise et laisser en même temps ignorer à ses
maîtres son état maladif. Au moment où l'ordonnance est descendu
dans la cave, c'est-à-dire vers neuf heures du matin, Thérèse
Dugoulet s'était réveillée depuis trois ou quatre heures, mais
n'avait pas eu la force de se lever ou d'appeler à son aide.
« M. le Dl' Giral a examiné la dormeuse et a rédigé un bulletin
constatant que les jours de cette fille n'étaient pas en danger,
mais qu'il y avait lieu de la faire transporter immédiatement à
l'hôpital. Thérèse Ducoulet a confirmé à M. le commissaire, ainsi
qu'a M. le D'' Giral, le récit qu'elle avait fait à son maître, et a pu
malgré son long jeûne gagner à pied le fiacre qui l'a conduite à
l'Hôtet-Dieu. Ce matin, l'état de cette fille s'est amélioré, et elle a
même pu prendre du café et plusieurs tasses de bouillon. » - z
Quelques mois d'hydrothérapie guériraient très probablement
cette hystérique. ' '
Discours présidentiel prononcé A la cinquante-cinquième réunion
annuelle DE l'Association MÉDICO-PSTCIIOLOGIQUE, tenue a Londres,
les 23 et 24 juillet 1896; par W.-Julius lllcICLE. (The Journal of
Mental Science, octobre 1896.) ,
Dans ce très long discours, qui a presque l'allure d'une mono-
graphie, l'orateur s'est proposé d'étudier les obsessions mentales
sous leurs divers aspects; il trace d'abord une esquisse de l'obses-
sion mentale, puis il en précise la situation psychologique et cli-
nique, il en étudie les caractères généraux, et il insiste sur la néces-
sité de les séparer, par voie de diagnostic différentiel, des divers
états mentaux avec lesquels on les a confondus. Il examine
ensuite la façon dont elles aboutissent progressivement dans cer-
tains cas à des troubles mentaux de nature spéciale, quelquefois
même à la folie confirmée; ainsi que le caractère sensiblement
nuisible et dangereux qu'elles peuvent revêtir, eu passant par tous
les degrés qui séparent ces deux états extrêmes. Il recherche leurs
rapports avec les phénomènes qui s'observent chez l'homme primitif
et chez le sauvage, et avec les conditions qui se rencontrent dans
les formes communes de a paranoïa »; il indique leur place noso-
logique, leurs alliances, leurs connexions les plus étroites, et il
appuie ses assertions sur des observations démonstratives. Enfin il
décrit les divers degrés de l'obsession, et au lieu d'en indiquer
longuement les formes cliniques il reproduit le récit d'un obsédé,
qui est l'une des premières et des meilleures descriptions qui exis-
tent de certaines formes d'obsession. R. DE 1\lUSGR,\VE-CLH.
FAITS DIVERS
Epilepsie : Chute mortelle. - Ce matin, vers sept heures, dit la
Justice du 13 août, un nommé Joseph Ducinelier, pris subitement
d'une attaque d'épilepsie, en face le numéro 15 du faubourg Pois-
sonnière est tombé sur une baraque de marchand de journaux et
dans sa chute s'est fracturé le crâne. Le malheureux, relevé par des
passants, a élé transporté à l'hôpital Lariboisière' dans. un état
désespéré.
D'où la nécessité d'hospitaliser les épileptiques, dans leur intérêt
d'abord, puis dans l'intérêt de tous, car la vue d'un épileptique
en accès offre souvent pour les femmes et les enfants qui en sont
témoins de réels inconvénients. Voilà encore une des branches de
l'assistance publique qui laisse énormément à désirer dans notre
pays et voudrait une réforme sérieuse.
Asile d'aliénés DE S.11NT-ROBGRT. - Tentative d'assassinat par un
aliéné sur une religieuse. - Un drame a eu lieu à l'asile des aliénés
de Saint-Robert, près de Grenoble, lisons-nous dans le Petit Pari-
sien du 23 août. Une religieuse a été frappée de plusieurs coups
de couteau dans la poitrine par un fou. Son état est grave. Le
parquet est sur les lieux.
Ce fait montre combien sont sages les prescriptions du règle-
ment des asiles qui recommandent de ne jamais laisser d'objets
dangereux entre les mains des aliénés. D'où l'utilité de recom-
mandations incessantes aux familles qui viennent voir leurs
parents malades, d'une surveillance et d'une inspection constantes ;
d'où la vérification minutieuse des instruments de travail dans les
ateliers, à la sortie des aliénés travailleurs. Les mesures indispen-
sables qui doivent être prises pour la sécurité des malades, pour
la sécurité de ceux qui les soignent, médecins ou infirmiers, reli-
gieuses ou infirmières, qui, pour nous, ne sont pas des quantités
négligeables, seront à peu près tout à fait impossible avec l'Open-
Le rédacteur-gérant,' 130URNEVILLE.
livreuz, Ci). llimse, imp. -'J91.
Vol. IV. - Octobre 1897. N° 22.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ASILES D'ALIÉNÉS.
i
LE RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857 ET L'ORGANISATION
MEDICO-ADMINISTRATIVE ;
Par le D' TAGUET,
Médecin en chef de l'asile de \'aucluse.
Dans un précédent article, nous avons reconnu que le
règlement du 20 mars 1857 était, comme tous les règlements,
susceptible de modifications et de réformes, sans qu'il fût
besoin, pour cela, d'en faire table rase, pour se jeter dans je
ne sais quel inconnu qui ne vaudra probablement pas ce que
nous avons. Et voilà que tout à coup la question de la réor-
ganisation médicale et administrative des asiles d'aliénés se
trouve engagée, à la fois, devant le conseil général de la
Seine, la Société médico-psychologique et le Congrès des
médecins aliénistes. Il nous a paru que dans une discussion
de cette nature, qui touche à des intérêts si divers, chacun
devait apporter sa pierre au nouvel édifice, pour qu'en pas-
sant par de savantes mains, elle se fonde en une oeuvre
durable et utile. Voyons, dans ses grandes lignes, les réformes
que comporte le règlement du 20 mars 1857, pour répondre
à ce but.
Commençons par le directeur, ou, pour parler plus juste-
ment par la direction. Comme je ne puis assez exprimer tout
le mal que j'en pense, je laisserai la parole à mon vénéré
maître, le Dr Dagonet. Voici ce qu'il écrit à l'occasion d'une
enquête qui est restée légendaire : « Un directeur se trouve
Archives, 2e série, t. IV. 19 9
290 asiles d'aliénés. '
placé à la tête d'un établissement, non parce qu'il a un
mérite particulier, une connaissance approfondie des ques-
tions se rapportant aux asiles d'aliénés; loin de là, c'est une
place avantageuse obtenue à la faveur de recommandations
puissàntes. Le médecin, lui, ne peut être chargé d'un service
médical qu'à la condition d'avoir donné de nombreuses
preuves de mérite et d'avoir gravi un à un les échelons de
la hiérarchie. Pour un directeur rien de semblable. On ne
lui demande ni diplôme de bachelier, ni certificat d'études.
Il peut avoir passé une grande partie de son existence dans
nne administration toute différente, sortir de n'importe quel
bureau, avoir occupé n'importe quelles fonctions. On ne lui
demande ni qui il est, ni d'où il vient. Une fois nommé, il
s'imagine aussitôt avoir toute l'expérience nécessaire et pro-
pose toutes sortes de réformes.
« En y regardant de près, on peut se demander si l'utilité
du directeur n'est pas chose fort contestable, et si cette dési-
gnation de directeur n'a pas l'inconvénient d'éveiller je ne
sais quelle tendance ambitieuse. Elle les porte sans cesse à
viser un but : celui de chercher à diminuer, à restreindre
autant que possible l'autorité médicale, à pénétrer dans un
service qui ne leur appartient pas, pour lequel ils n'ont
aucune compétence, dans l'idée d'affaiblir l'autorité du mé-
decin et d'y substituer la leur. De là une source de difficultés
et les attaques contre lesquels les médecins sont souvent
obligés de lutter.
. « Les directeurs, n'ont pas la responsabilité que l'on croit
généralement; ils ne peuvent être, en effet, responsables de
mesures prescrites par le médecin chef de service.
« A quels titres veulent-ils alors intervenir; est-ce pour
faire acte d'autorité ?
a Un directeur, sans doute, est un délégué, un représentant
de l'administration; c'est là sa principale mission et son
devoir est d'être l'intermédiaire convenable entre l'adminis-
tration et les divers services médicaux.
« Le personnel attaché à ces derniers services est sous la
dépendance absolue du médecin en chef seul responsable
puisque c'est lui qui ordonne. Les directeurs n'ont qu'un
désir, celui de susciter des conflits et de prouver un antago-
nisme qui, sans eux, n'existerait pas. Leurs prétentions sont
d'autant plus encouragées que seuls ils correspondent avec
RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857. 291 J
l'administration qui souvent ne prend conseil que d'eux
seuls. Ils ne font alors aux médecins de communications
qu'autant qu'ils y sont obligés par l'administration elle-
même. On voit d'ici le danger d'une semblable situation; il
y a là un vice d'organisation et l'on comprend les attaques
que les uns sont disposés à porter contre les autres.
« Quels sont, en définitive, les hommes qui ont imprimé les
progrès considérables réalisés depuis quelques années du
côté de la science des maladies mentales et amélioré le trai-
tement des aliénés ? Ce n'est pas assurément les directeurs
d'asiles, c'est une phalange de médecins distingués qui s'ap-
pellent : Pinel, Esquirol, Falret, Foville, Parchappe, Calmeil,
Leuret, Ferrus, Trélat, Brière de Boismont, Baillarger, Dela-
siauve, Morel, Renaudin, etc... Le médecin a en effet
son rôle bien marqué dans l'asile ou dans le service médical
qu'il dirige; il connaît ses malades, il sait quels sont leurs
besoins, il est l'âme de son service et l'initiateur de toutes
les mesures qui doivent en assurer la prospérité et adoucir la
situation des infortunés dont le sort lui a été confié. Le rôle
d'un directeur se conçoit difficilement; chacun en effet est
responsable de son service, le receveur économe de ses écri-
tures et de ses opérations de comptabilité matière; de ce côté
sans doute un contrôle exact doit être assuré. Est-il besoin
pour cela d'une création de directeur et s'imagine-t-on que
le receveur économe en sera mieux contrôlé ? La préparation
du budget de l'établissement rend-elle cette fonction indis-
pensable ? »
Sans doute tous les directeurs ne sont pas taillés sur le
modèle de celui qui a fourni à M. le D'' Dagonet l'occasion
de faire, en termes aussi justes que mesurés, l'éloge funèbre
de la direction administrative. Il en est, et je me plais à le
reconnaître, qui par leur éducation, leur passé, leur intelli-
gence sont à la hauteur de leurs fonctions et ce n'est pas
leur faute s'ils sont fatalement condamnés à tourner dans un
cercle avec un seul objectif à atteindre : le médecin. En ce
qui me concerne, j'ai eu l'honneur et peut-être l'unique
fortune - ce qui me constitue des droits indiscutables au
prix Montyon - de vivre en bonne intelligence avec cinq
directeurs sur six; et, si j'ai eu quelques démêlés avec ce
dernier c'est pour n'avoir pas compris que les quelques cases
cérébrales qui lui restaient encore de libres, en raison de son
292 asiles d'aliénés.
grand âge, venaient d'être prises brusquement par les arai-
gnées disponibles de mon service qui, en moins de deux ans,
le conduisirent à une révocation.
Toute fonction a ses partisans et ses adversaires, mais
telle est l'inanité de celle qui nous occupe, qu'elle n'a trouvé,
jusqu'à ce jour, aucun défenseur, ni au Sénat, ni dans les
commissions de la Chambre, ni au conseil supérieur de
l'Assistance publique; et si, dans la revision de la loi sur les
aliénés, elle a été maintenue, c'est à titre exceptionnel et
dans des conditions déterminées et encore a-t-il été entendu
qu'elle serait rendue possible par un règlement intérieur à
intervenir. Telle est encore la force des choses qu'elle se
trouve condamnée par les directeurs eux-mêmes. Écoutez
cet aveu de M. Guignard, le grand tombeur de médecins, au
lendemain de sa mise à la retraite : « La direction a été le
mensonge de ma vie. »
Tout le monde est unanime à reconnaître que la direction
ne répond à aucun besoin; qu'elle est la source de conflits
impossibles à éviter, aussi nuisibles au bien du service qu'aux
intérêts des malades et, cependant, elle reste debout, un peu
décapitée dans la Seine, par l'ingérence de l'administration
préfectorale, mais toujours aussi despotique en province
dans les quelques asiles où elle existe encore, malgré l'avis
des conseils généraux. En se reportant aux délibérations
de 1879 et 1880, on avait pu espérer un moment que le
conseil général de la Seine, sur les rapports de M. le D'' Bour-
neville, dont le nom est intimement lié à tout progrès en fait
d'assistance, allait, enfin, étudier une réforme d'où découle,
en grande partie, toute l'organisation intérieure des asiles.
La commission d'assistance du conseil général demandait,
on se le rappelle, le remplacement du titre de directeur par
celui CI d'agent comptable », chargé de toute la besogne
administrative. Toute la réforme est, en effet, dans le mot;
les autres améliorations viendront d'elles-mêmes, au grand
avantage des aliénés et du personnel, du jour où le direc-
teur ne pourra plus dire : C'est moi qui suis Guillot, le berger
de ce troupeau, mes médecins, mes gardiens, mon cocher
particulier, mon cheval, ma voiture; du jour, en un mot, où
hommes et choses échapperont, dans une mesure équitable,
à un contrôle despotique qui, dans beaucoup de cas, est un
barbarisme. Sur ces entrefaites survint, malheureusement,
RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857. 393
la revision de la loi du 30 juin 1838 qui a tout compromis;
et pour avoir voulu un règlement s'appliquant aussi bien aux
asiles de la Seine qu'aux asiles de province on n'a rien fait,
on a tout attendu du temps, des pouvoirs publics, jusqu'au
jour tout récent, où sous la poussée de médecins jeunes et
ardents le règlement du 20 mars 1857 est menacé d'être
emporté en entier. Est-ce à dire qu'on soit resté inactif et
que la roue de la fortune ait cessé de tourner pour les
aliénés ? Non. En effet, de l'accord si précieux de l'adminis-
tration préfectorale, de la commission de surveillance et du
conseil général de la Seine sont sorties une foule de réformes
aussi généreuses que fécondes, pour ne citer que celle du
personnel secondaire dont on ne dira jamais assez de bien et
qui a réellement élevé les aliénés à la dignité de malades.
En attendant la réforme radicale qu'on nous promet,
voyons ce qu'il serait possible de faire, avec le règlement du
20 mars 1857, pour donner au directeur et au médecin la
part de responsabilité et d'attributions qui devrait légitime-
ment leur revenir dans des questions qui demandent leur
concours réciproque.
L'article 56 du règlement d'il que les préposés et gens de
service sont nommés par le directeur, sur l'avis conforme du
médecin en chef. - Voyons comment se passent les choses,
le plus souvent, dans la pratique. Un matin, à la visite, le
surveillant en chef présente le nouveau venu ; le médecin
constate qu'il n'est ni manchot, ni boiteux, qu'il n'a aucune
infirmité apparente ou cachée, et le voilà admis. Quel est-il ?
d'où vient-il ? a-t-il des aptitudes spéciales ? Quels sont ses
antécédents ? Autant de questions que le médecin peut se
poser, mais qu'il ne peut résoudre, le dossier ne lui étant pas
communiqué. On ne lui demande qu'une investiture physique,
c'est déjà quelque chose; mais on s'en passe lorsqu'il s'agit
de préposés pour la ferme ou les services généraux.
L'article 188 veut que le directeur ne puisse prononcer des
peines disciplinaires contre les gardiens attachés au service
médical « pour faits relatifs à ce service que sur la demande
ou l'avis préalable du médecin en chef». Mieux que tout
autre, en effet, le médecin est placé pour apprécier, juger,
raisonner le degré de culpabilité d'un agent placé sous ses
ordres; et, cependant, il n'en reste pas moins, le plus souvent,
à la remorque du directeur qui commence par frapper, en
294 asiles d'aliénés.
vertu de son autorité supérieure, Ego SU1n leo, et écoute
ensuite, si le coeur lui en dit. De là la source de conflits, de
froissements qui se changeront en lutte ouverte, du jour où
le dissentiment sera porté devant le préfet; à moins que le
médecin n'arrive à se désintéresser de tout; à tout prendre,
c'est peut-être le moyen le plus sûr, mais, dans tous les cas,
le plus agréable, pour arriver, sans encombre, à la retraite
et peut-être à la croix.
Au directeur appartient exclusivement la discipline exté-
rieure, c'est là un droit que personne ne peut lui contester.
Mais pourquoi la discipline des quartiers n'appartient-elle pas
tout entière au médecin et quel besoin d'avoir le concours de
directeur pour faits d'ordre purement médical ?
En résumé, les articles 56 et 188 du règlement nous paraî-
traient devoir être ainsi modifiés.
Article 56. - Tous les préposés et gens de service attachés
au service médical sont nommés par le directeur sur l'avis et
la présentation du médecin en chef.
Article 1sus. - Les peines disciplinaires contre les employés
attachés au service médical pour faits relatifs à ces services
sont prononcés par le médecin en chef, le directeur veille à
leur exécution.
Dans une critique du règlement du 20 mars 1857,
M. Marandon de Montyel plaisante très agréablement cette
puérilité qui consiste à soumettre au visa du directeur les
permis de visite et de sortie des aliénés. « De deux choses
l'une, dit-il, ou ce visa est une simple formalité et alors le
directeur joue dans ce cas un rôle ridicule, ou il explique le
droit de refus et alors il se trouve que le service administratif
dont le devoir est d'ignorer les aliénés en tant que malades
et qui en réalité ne les connaît pas du tout, statue sur leur
sort..... En somme l'autorisation de visiter est une chose
exclusivement médicale, le médecin seul connaissant ses
malades, le plus sage serait de lui en laisser l'entière respon-
sabilité. p C'est parler d'or, mais notre confrère peut être
assuré que rien ne sera changé, tant que le règlement ne le
sera pas lui-même. Beaucoup de directeurs, j'en suis per-
suadé, considèrent ce visa qui, cependant, ne rime à rien,
comme la quintescence de leurs prérogatives : c'est la caution,
l'endossement d'un billet qui, sans lui, n'aurait aucune valeur.
Ils lui ajoutent une telle importance, que lorsqu'ils ne peu-
RÈGLEMENT DU ' 20 MARS 1837. 295
vent le donner, ils font apposer le cachet de la direction, sur
le permis, par le garçon de bureau. Où en serions-nous,
grands dieux ! si nous perdions cette tutelle, si les familles
allaient croire que l'idée de malade évoque tout naturelle-
ment celle de médecin ayant exclusivement la responsabilité
des visites et des sorties. Qu'il survienne, au dehors, quelque
' événement fâcheux, le directeur ne manquera pas de s'abriter
derrière le médecin et il aura, cette fois raison; ce qui prouve
que sa responsabilité est plus apparente que réelle, qu'elle
n'existe en fait-que sur le papier. Mais laissons cette question
de visite et de sortie pour en arriver à un visa plus sérieux,
je veux parler des bulletins médicaux.
Les bulletins médicaux sont de deux sortes : ils répondent
à une demande de renseignements, ou bien ils les provo-
quent. Dans l'un et l'autre cas, le visa du directeur constitue
une violation flagrante du secret médical avec toutes ses
conséquences. S'il est, en effet, des bulletins médicaux qui ne
renferment que des banalités qui n'engagent personne, il en
est d'autres, au contraire, dont la divulgation peut avoir les
conséquences les plus graves pour les malades et les familles.
L'article 111 du règlement dit que le directeur transmet, aux
familles qui les demandent, des bulletins rédigés par le
médecin en chef, constatant l'état physique et moral des
malades. Mais transmettre n'est pas viser et les directeurs qui
se refusent à enregistrer et à affranchir des bulletins médi-
caux, sous le prétexte qu'ils leur sont remis sous enveloppe
close, commettent un abus de pouvoir.
Il en est qui ne se contentent pas d'un visa; ils complètent,' '
commentent le bulletin sous la signature du médecin. Mais
cela, monsieur le directeur, s'appelle, je crois, un faux en
écriture. ' -
Le secret des lettres des familles aux malades n'est pas mieux
observé. Sous le prétexte qu'elles peuvent renfermer quelque
valeur, elles sont décachetées par le directeur, et remises
ouvertes au médecin qui est chargé de les faire parvenir aux
intéressés et qui endosse, ainsi, tout ce que cette mesure a
de pénible, d'indélicat. Toute lettre ouverte est une lettre'
déflorée et je m'explique très bien que certains malades les
refusent et que certaines familles hésitent à épancher leur
âme dans une lettre rendue publique avant d'arriver à son
adresse. Je reconnais, cependant, qu'il est certaines lettres
296 asiles d'aliénés.
qui ne peuvent être remises sans de graves inconvénients,
dont le médecin doit rester seul juge; mais je reconnais aussi,
qu'avec un peu de tact et d'habitude, on peut arriver à
remettre cachetées neuf lettres sur dix. Il sera toujours facile
de s'assurer qu'elles ne renferment ni timbres, ni mandat si
l'on prend soin de les faire ouvrir devant soi.
Le règlement qui a tout prévu, même le minimum de bains
généraux et de bains de pieds qui devront être donnés
annuellement aux aliénés, article 147, « de concert avec le
directeur », n'a pas prévu, cependant, le mode de corres-
pondance; les directeurs, on le voit, y ont suppléé en appli-
quant ce grand principe : ce qui n'est pas prévu est à
nous.
Les conflits entre directeurs et médecins, dont quelques-
uns feraient la fortune d'un vaudevilliste et qui prêteraient
à rire, s'ils ne se produisaient, en somme, sur le dos des
malades et du personnel secondaire, viennent, on le voit,
moins des directeurs avec qui on pourrait toujours s'entendre
(bien qu'ils subissent presque tous je ne sais quel entraîne-
ment qui les pousse à voir, dans chaque médecin, un ennemi),
que du règlement qui suscite des situations fausses, dange-
reuses. Et, comme dans une chanson connue, il en sera tou-
jours ainsi tant que durera un règlement qui semble fait
pour des médecins directeurs. A force de vouloir créer un
concert avec deux autorités plus ou moins parallèles, on a
créé la cacophonie la plus étrange qu'on puisse imaginer.
« J'ai beau chercher le directeur, disait Falret, je ne
' trouve. que le médecin. » C'est là la formule qui devra ins-
pirer les pouvoirs publics dans le difficile problème de l'orga-
nisation médico-administrative des asiles de la Seine, du
moment où la réunion de fonctions est reconnue impossible,
en raison de la pluralité des services, et encore est-ce discu-
table. Le département de la Seine, avec son énorme popu-
lation, n'a qu'un préfet : en marche-t-il plus mal pour cela ? z
On nous parle à chaque instant de ce qui se passe dans les
asiles étrangers, trop peut-être, que ne copie-t-on alors leur
organisation médico-administrative ? Une commission est en
route pour cette étude, attendons.
(A suivre.)
CLINIQUE MENTALE.
PÉRIODES TERMINALES ET MORT DANS LES SOI-DISANT
PARALYSIES GÉNÉRALES PROGRESSIVES ;
Par le D''ALEX vxuRE PARIS,
Médecin en chef de l'asile de 3laréville-Nancv.
Dans sa dernière note sur la fin des paralysés généraux l,
M. Arnaud donne, comme plus habituelle, la mort par ictus
apoplectique, par accidents .congestifs, convulsions épilepti-
formes, etc., et il s'étonne que l'on ait pu croire si longtemps
que les paralysés généraux succombaient en majorité par
marasme. Je m'étonne à mon tour que M. Arnaud puisse se
croire fondé à contredire une opinion, qu'il déclare générale
et ancienne, en se basant tout simplement sur une trentaine
de cas recueillis(33)dans des conditions absolument spéciales,
trop spéciales, à mon avis, pour aboutir à une règle géné-
rale. En effet, les cas de M. Arnaud n'ont trait qu'à des
hommes, et ses malades ne se recrutent que dans la partie
aisée, fortunée de la société, tandis que l'opinion générale
qu'il critique est basée à la fois sur l'observation de cas
appartenant et au sexe fort et au sexe faible, et à toutes les
conditions au point de vue de la fortune, des habitudes pro-
fessionnelles, ou autres.
Les deux opinions, opinion générale et avis de M. Arnaud,
me semblent passibles de critiques. On englobe, en effet, sous
la dénomination « paralysie générale », des affections ou des
intoxications qui n'ont de commun, et approximativement
même, qu'une phase paralytiforme et qui se différencient
finalement par leurs terminaisons, comme elles se distin-
guaient avant la période paralytiforme par leur symptoma-
tologie première, par leur évolution symptomatique. Il me
' Archives de Neurologie, numéro de juin 1897.
298 CLINIQUE mentale.
semble qu'il serait utile, indispensable, de chercher les causes
et l'évolution première des affections dites paralysies géné-
rales, et de les opposer aux terminaisons; on verrait proba-
blement ainsi pourquoi telles soi-disant paralysies générales
finissent de telle façon, pourquoi telles autres conduisent à
tels accidents différents, etc., et l'on ne tarderait pas à cons-
tater, cumme je l'ai dit ailleurs, que l'on ne connaît pas les
affections ou les intoxications auxquelles appartient le groupe
symptomatologique que nous sommes habitués à isoler
comme entité morbide, sous la dénomination « paralysie
générale », alors qu'il n'est que phase d'une maladie ou d'une
intoxication.
La syphilis, l'alcoolisme, le saturnisme, l'oxyde de car-
bone, les excès associés (alcoolisme, nicotisme et veilles pro-
longées), etc., conduisent à des maladies souvent englobées
sous l'étiquette « paralysie générale », bion qu'elles n'aient
pas eu même symptomatologie de début, même évolution,
bien que la période paralytique ou paralytiforme affecte
encore quelques caractères spéciaux, suivant les causes, bien
que la terminaison habituelle diffère souvent de l'une à
l'autre, etc.
M. Arnaud n'indique-t-il pas aussi cette différenciation
qui impose une nouvelle étude de la soi-disant paralysie
générale, lorsqu'il dit (loc. cil., p. 444), parlant des paraly-
sés généraux qui finissent par marasme ou par ictus : « Ces
deux catégories de malades se distinguent principalement par
la précoce apparition chez les premiers (les impotents) de
raideurs musculaires, de spasmes très accentués, de contrac
tures plus ou moins durables, lundis que, chez les seconds,
ces symptômes manquent ou n'existent qu'à un très faible
degré. »
Mais, en m'en tenant simplement à la façon actuellement
commune d'envisager la paralysie générale, je trouve que
l'opinion de notre éminent confrère ne peut pas être considé-
rée comme donnant une idée exacte relativement aux termi-
naisons de ladite paralysie générale. En effet, pour qui a
depuis quelque temps un service mixte d'aliénés, c'est-à-dire
comprenant les deux sexes, avec pensionnaires et indigents,
il est évident que : 1° le paralytique mâle succombe plus
habituellement à un ictus congestif ou apoplectique que la
femme; 2° la paralysée générale arrive le plus souvent au
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 99U
marasme et à la fin de cette période; 3° les paralysés généraux
appartenant à la partie sociale fortunée sont plus communé-
ment victimes de troubles congestifs que les paralytiques
anciens manoeuvres, indigents, ayant relativement beaucoup
peiné. La fin du paralysé général qui a vécu dans la misère,
n'est pas absolument la même que celle du paralysé général
qui a passé la plus grande partie de son existence à faire la
noce. Je le répète : pour comparer les fins, il faut comparer
les causes déterminantes et les causes aggravanteùe tous les
cas.
Il n'y a rien d'étonnant à ce que M. Arnaud, qui exerce
dans un milieu relativement privilégié de la fortune, observe
plus de paralysés généraux finissant par processus congestifs;
les morts subites ou par ictus ne sont-elles pas, du reste,
plus fréquentes chez les non aliénés oisifs, intellectuels,
sédentaires, que chez les ouvriers non sédentaires, les indivi-
dus qui se livrent à un travail manuel, qui peinent pour
vivre ?
Par cette note, j'ai voulu montrer tout simplement que
nous sommes loin d'avoir clairement fixé la question des
rapports des causes et de la symptomatologie ou des termi-
naisons de la soi-disant paralysie générale, parce que nous
ne tenons pas suffisamment compte de facteurs considérés
jusqu'à présent comme secondaires, ou passant inaperçus.
CLINIQUE NERVEUSE.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE;
Par le Dr F. TERRIEN,
Ancien interne des asiles de la Seine.
Dans le numéro de décembre 1893 des Archives de Neu1'o-
logie, je publiais une étude sur Y Hystérie en Vendée, où j'éla-
blissais la fréquence de cette névrose dans cette partie du
300 CLINIQUE NERVEUSE.
Bocage, les formes multiples sous lesquelles elle se présen-
tait et le rôle si efficace de la suggestion dans le traitement
des accidents hystériques chez le paysan vendéen. Je revien-
drai aujourd'hui sur ce sujet en limitant, cette fois, mon
étude à l'hystérie de l'enfance que j'avais, à dessein, laissée
de côté lors de ma première publication, m'étant réservé
d'en faire l'objet d'une communication spéciale.
On le sait maintenant, l'hystérie ne connaît pas d'âge, de
même qu'elle ne connaît pas de sexe; elle est aussi fréquente
dans le sexe viril que dans le sexe féminin, et elle frappe aussi
bien l'enfant au berceau que l'homme adulte, et que le vieil-
lard déjà penché sur la tombe. On voit, par là, combien le
cercle de l'hystérie s'est élargi depuis celte époque encore
peu éloignée où l'on faisait de cette névrose l'apanage exclusif
de la femme, de la femme qui a franchi l'âge de la puberté
et qui n'a pas encore atteint la vieillesse qui est, en un mot,
en pleine période d'activité sexuelle.
L'histoire de l'hystérie infantile est donc de date récente,
elle ne remonte guère qu'à quinze ou vingt ans; et bien que
depuis cette époque de nombreuses publications soient venues
jeter un peu de lumière sur ce sujet de pathologie nerveuse,
malgré des observations intéressantes parues dans des revues
périodiques 1, malgré l'apparition de plusieurs thèses dont
quelques-unes très remarquées2, malgré les belles leçons de
Jules Simon, Charcot et les travaux de Bourneville 3, il reste
' Besy..Hyë'e <H/aM/<7e, Grancher. 7/e ? e c/;e : .s ? e«KM
1 Besy. Hystérie infantile, 1896. - Grancher. Hystérie chez les jeunes
enfants. (Journal de médecine et de chirurgie pratique, février 1888.
(Bulletin médical, 30 juillet 1890.) - Chaumier (de Tours). Hystérie chez
les jeunes enfants. (Bulletin de l'Académie de médecine, 1°' décembre 1891.) .)
Ollivier. Cours cliniques sur les maladies des enfants, 1889; 17, 18,
19, 20, 21, 23 leçons. Greffier. De l'hystérie précoce. (Archives géné-
rales de médecine, octobre 1882.)
2 Thèses : Paris et Guiraud. Thèse Paris, 1880. Souques. Thèse
Paris, 1891. Bardol. Thèse Paris, 1893. l3urnet. Thèse Paris, 1891.
Pueuniez. Thèse Paris, 1885. Clopatt. Thèse Helsingfors, 1888.
Coutdrie. Thèse Paris, 1896.
3 Charcot. Leçons cliniques sur les maladies du système nerveux, t. I,
II, III. Leçons du mardi, 1887-1888 et 1888-1889. Cliniques des maladies
du système nerveux, leçons publiées par Guinon, t. I, 1892. Boume-
ville. Observations d'hyslérie-épilepsie chez les jeunes garçons, (l'rogrès
médical.) lieclcerclres cliniques sur l'hystérie et épilepsie, 1880-1881. (Ar-
chives de Neurologie, 1883-1889.) - Jules Simon. Conférences thérapeu-
tiques et cliniques sur les maladies des enfants (2e édition, 1887). -Gilles
de la Tourette. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, 1891.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 301
encore bien des points obscurs et on peut dire avec Pitres que
le chapitre de l'hystérie infantile est encore à faire. Cette
lacune, je n'entreprendrai point de la combler, je n'ai, du
reste, pas l'autorité pour cela, mon ambition est plus modeste ;
mon but est simplement d'apporter mon contingent de faits,
ma part de documents recueillis dans ma clientèle, dans un
pays précisément très riche en affections nerveuses, en fai-
sant suivre ces faits de quelques réflexions que m'aura suggé-
rées leur étude clinique. J'aurais pu classer mes observations
d'après l'âge des enfants et établir, par exemple, trois caté-
gories de malades, mais cette classification aurait l'incon-
vénient de jeter un peu de confusion en mêlant les accidents-
trop dissemblables, quant à leur forme du moins.
J'ai songé alors à les grouper d'après le genre des manifes-
tations : I. Manifestations hystériques simulant les affections
médullaires. II. Manifestations hystériques simulant les
affections cérébrales. 111. Manifestations hystériques simu-
lant les maladies des autres organes. IV. Manifestations
hystériques qui ne sont la copie d'aucune des affections signa-
lées plus haut et qui ne se retrouvent que dans la névrose
hystérique. V. Manifestations hystériques associées à d'au-
tres maladies.
Cette classification, certes, n'est pas parfaite, le même
malade pouvant appartenir à des catégories différentes, en
raison des formes multiples sous lesquelles son hystérie nous
apparaît à des époques diverses. Cependant pour mettre un
peu d'ordre dans le groupement de mes observations, je
m'attacherai à suivre, autant que possible, cette dernière
classification.
Observation I. Contracture hystérique chez un enfant de vingt-
six mois. Guérison au bout de cinq jours. Aphonie un an api-ès.
Guérison au bout de trois jours.
B... vingt-six mois, enfant mâle bien constitué, ne présentant
aucun signe physique de dégénérescence et paraissant avoir, pour
son âge, une intelligence suffisamment développée.
Antécédents héréditaires. Son hérédité névropathique est très
chargée; père alcoolique avec des stigmates très nets d'hystérie et
signes non moins nets de dégénérescence mentale. Mère très irri-
table et très impressionnable. Toute la famille est entachée de
nervosisme.
Antécédents personnels. On n'a rien de particulier à noter.
302 ' CLINIQUE NERVEUSE.
Pas de maladies depuis la naissance. L'enfant a été nourri au
sein; la dentition s'est effectuée sans trop de fatigue, jamais de
convulsions, de diarrhée et de constipation. La mère dit que le
caractère du bébé est difficile; ses colères sont violentes quand
on lui refuse ce qu'il demande. Cris fréquents, sommeil agité.
Le début de l'affection qu'il présente actuellement et pour
laquelle on est venu me consulter fut subit. L'enfant bien portant
s'amuse à la maison, lorsque tout d'un coup, la mère s'aperçoit
que la tête du bébé est projetée en arrière. : le cou est raide, l'en-
fant s'avance difficilement et tout d'une pièce en opisthotonos.
Effrayée, la mère essaie de ramener en avant la tête de son petit ;
impossible. Cris de l'enfant. A part cette déformation, il semble
se bien porter et voudrait, sans doute, continuer à s'amuser si on
ne lui enlevait pas ses jouets. On le conduit sur-le-champ à mon
cabinet, car on craint une méningite.
Examen direct. 16 juin 1894. J'ai devant moi un enfant
qui, à part l'attitude singulière que je viens de décrire, ne semble
nullement affligé; il a encore à la main un gros morceau de pain
qu'il croque à belles dents, bien qu'il doive être gêné dans la déglu-
tition par la position de la tête, la face regardant le ciel et l'occi-
put touchant presque le dos. J'avoue que je demeurai surpris, un
peu embarrassé en face de cet enfant de ving-six mois qui avait
toutes les apparences d'une santé florissante et qui présentait une
telle déformation survenue aussi subitement. J'essaie de faire
jouer la tête, aucun mouvement en avant ni de côté n'est possible.
L'enfant, du reste, se met à crier quand je tente toutes ces
manoeuvres. Pas de contractures dans les membres, pas de fai-
blesse musculaire. Les réflexes du genou et du pied sont normaux,
le réflexe pharyngien semble conservé, de même le réflexe oculo-
palpébral. Pas de strabisme, la sensibilité générale est intacte. Il
ne m'est pas possible de constater ni aucune zone d'anesthésie, ni
aucune plaque d'hypéresthésie.
L'examen de la sensibilité spéciale est négatif. Impossible, vu
l'âge, de songer à étudier le degré d'acuité auditive ni le degré
d'acuité visuelle, ni de mesurer le champ visuel. En résumé, je me
trouvais en face d'une contracture survenue subitement, sans con-
vulsions, chez un enfant qui jouissait d'une excellente santé, et
qui continuait à se Lien porter. Pas de fièvre, pouls cependant un
peu agité quoique la température fut normale; tube digestif en
bon état, langue rosée, selles régulières, appétit excellent.
En présence de cette situation, quel diagnostic pouvais-je poser ?
Etait-ce de la méningite ? Non, le début fut trop subit et la santé
générale était trop satisfaisante. Du reste, pas d'hérédité tubercu-
leuse. Fallait-il penser à une excitation médullaire par mal. de
Pott ? La colonne vertébrale est droite sans saillie anormale, sans
douleurs à la pression. 0
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 303
A des accidents tétaniques ? Mais il n'y pas de trismus, la con-
tracture chez notre enfant ne survient pas par accès, elle est per-
manente; de plus, il n'y a pas de modifications dans l'état général
du petit sujet; la déglutition se fait bien et pas de fièvre.
A une lésion organique des centres cérébraux spinaux ? Le
mode de début, l'intégrité des membres, l'absence d'exaltation
des réllexes éloignaient ce diagnostic.
Devait-on penser à un accident occasionné par les vers intesti-
naux' ? Nous n'avons eu ici ni perte de connaissance ni convulsions
cloniques, mais une contracture permanente s'installant d'emblée.
Par exclusion, on était donc forcé de se rattacher, et cela mal-
gré l'absence de stigmates, au seul diagnostic d'hystérie. C'était
une contracture hystérique; les événements, d'ailleurs, m'ont
donné raison. Le lendemain, 17 juin 1894, j'allais voir chez lui le
petit malade : l'état était le même, l'enfant s'amusait dans sa
chambre et mangeait toujours d'un bon appétit. Le troisième jour,
la contracture semblait avoir diminué, sa tête était moins inclinée
en arrière; le cinquième jour (21 juin) tout avait disparu. Comme
médication, quelques bains, et à l'intérieur un peu de valérianate
et de bromure.
Comment s'était produite cette contracture hystérique ? Ya-t-il eu
traumalisme ? Chute sur 'la tête, chute immédiate ou datant de
quelques jours ? Les renseignements sont négatifs à ce sujet, on ne
s'est aperçu de rien. Ceci, du reste, n'a qu'une importance rela-
tive. On constate une contracture, dont le véritable facteur étiolo-
gique est évidemment l'hérédité; quant à la cause occasionnelle
qui n'est pas nécessaire pour l'éclosion du mal, elle nous échappe.
Si ces doutes avaient pu persister dans notre esprit sur la nature
de l'accident, ils auraient été assurément dissipés par les manifes-
tations que l'enfant a présentées dans la suite, et c'est un des
avantages que présente l'exercice de la médecine à la campagne
(je parle ici de la Vendée où le paysan reste attaché au sol qui l'a
vu naître). On peut y suivre longtemps ses malades; on ne les perd
pas de vue.
Six mois après (décembre de la même année) je suis rappelé en
toute hâte près de ce même enfant. Cette fois la mère ne craignait
pas la méningite; mais elle redoutait le croup, car une petite épi-
démie sévissait dans la région. L'enfant perdait la voix subitement,
il ne pouvait plus parler, il ne se faisait plus entendre, il se faisait
seulement comprendre par gestes et par la mimique de la face.
Cet. accident était survenu après une crise de colère, l'enfant
avait voulu suivre son père aux champs, et on lui avait fermé la
porte pour l'en empêcher. Là, il n'y avait pas d'hésitation, ce
n'était certes pas le croup, comme le croyait la mère pas de
fièvre, pas d'angine, pas de dyspnée ni le faux croup aucune
gêne respiratoire, aucune crise de suffocation : c'était de l'aphonie
304 CLINIQUE NERVEUSE.
hystérique. Cet accident dura trois jours, puis la voix est revenue
d'abord voilée, puis très nette sans bégaiement. Depuis cette
époque, l'enfant n'a rien présenté qui mérite d'être signalé.
Observation II. Paraplégie hystérique chez un enfant de six ans,
produite par l'autosuggestion. L'enfant copiant une parésie diph-
néritique que venait de faire son frère. Guérison en trois jours.
H... six ans. Hérédité nerveuse, mère neurasthénique; tante
hystérique avec crises; père alcoolique.
Comme antécédents personnels, rien de particulier à noter. Pas
de maladies antérieures que la coqueluche à trois ans.
En janvier 1896, son frère aîné est atteint d'une angine diphté-
ritique grave; il guérit de son angine; mais huit jours après sur-
vient la paralysie du voile du palais, avec le nasonnement carac-
téristique, puis bientôt de la faiblesse dans les jambes, faiblesse
qui va en s'accentuant et rend enfin la marche impossible. Tous
les jours j'allais voir le malade et j'examinais en même temps la
gorge et le pouls des trois autres enfants de la maison. A une de
mes visites, le 8 février, au lieu d'un malade à électriser on m'en
présente deux, le plus jeune, âgé de cinq ans, qui ne peut plus
marcher à son tour, et de plus on ne peut lui toucher les jambes
sans le faire crier. L'examen de la gorge ne m'indique rien, la
voix est nette et non nasillarde ; le pouls, la température, tout
est normal; les réflexes sont conservés. Etait-ce là aussi une para-
lysie diphtérique et sans manifestations préalables à la gorge ? Je
ne devais guère y penser, chaque matin l'examen de cet enfant ne
m'avait rien révélé qui pût indiquer qu'il fût contaminé. Jamais
de fièvre et toujours excellent appétit. De plus, cette paraplégie
n'avait pas été' précédée de la paralysie du voile du palais, puis
cette paraplégie était douloureuse, et la paraplégie diphléritique ne
l'est pas; il n'y a pas comme ici d'hypéresthésie cutanée. Enfin la
guérison presque immédiate acheva de fixer le diagnostic d'hysté-
rie que je posais dès le début.
Je dis à l'enfant que demain j'allais revenir, je l'électriserais
comme son frère et je le persuade qu'élant plus jeune il marche-
rait immédiatement. Je le fais isoler aussitôt de son aîné et le
lendemain je viens l'électriser. Après une courte séance, je lui
ordonne de marcher; il titube d'abord mais en l'aidant un peu il
fait quelques pas. Après la seconde séance il courait dans la
chambre; il était guéri. L'étiologie de cet accident est donc assez
remarquable. L'enfant s'était fait lui-même sa paralysie en regar-
dant son frère paralysé.
Observation III. - Paraplégie hySlél'o-tl'aumatique avec hypél'esthésie
chez un enfant de huit ans. Guérison au bout d'un mois. Un an
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 305
après parésie par suggestion des parents sur l'enfant. CI : La lune de
l'année, devant pour la mère, produire les mêmes effets que la lune
correspondante de l'année précédente. » Guérison au bout de dix
jours.
Herb..., huit ans. Cet enfant, jetait un jour, en revenant de
l'école, des pierres à un cantonnier. Colère du cantonnier qui,
aussitôt court après le bambin; celui-ci, dans sa fuite, tombe à
terre mais ne se fait aucun mal, Deux jours après, il éprouve une
grande faiblesse dans les jambes, il titube en marchant, puis bien-
tôt il ressent une douleur très vive dans les membres inférieurs,
surtout au niveau des genoux; on ne peut imprimer aucun mouve-
ment aux jambes sans arracher à l'enfant des cris perçants. L'ex-
tension est surtout très pénible. C'est à ce moment qu'on se décide
à me faire appeler (25 août 1893), je trouve l'enfant au lit les
membres inférieurs en demi-flexion; - pas de gonflement aux
articulations, pas de fièvre; -mais une hypéresthésie très accentuée
de toute la jambe, le simple frôlement de la main, même le con-
tact des draps détermine une violente douleur. Je note un peu
d'exagération du réflexe rotulien.
Les renseignements donnés par la famille sur la chute et sur le
début de l'affection me font penser à l'hystérie. Je recherche s'il
n'existe pas quelques stigmates, mais, je le répète encore, cette
recherche est le plus souvent infructueuse chez l'enfant. Je n'en
trouve pas, sauf peut-être, un peu d'anesthésie du pharynx. Malgré
l'absence des stigmates, en raison de l'hérédité névropathique
accumulée que je note en passant, surtout du côté paternel (grand-
mère paternelle, oncle paternel excessivement nerveux) je pose le
diagnostic : paraplégie et hypéresthésie hystéro-traumalique.
J'essaie, mais en vain, de plonger l'enfant dans le sommeil hyp-
notique. A ma seconde visite, je lui fais passer dans les jambes
quelques courants électriques en lui assurant qu'il serait vite guéri.
Pourquoi ai-je employé l'électricité ? Uniquement, je l'avoue, parce
» que ce traitement frappe l'imagination du paysan vendéen, et
qu'il attribue une grande vertu à tout ce qui lui semble extraordi-
naire. C'est un moyen de faire de la suggestion avec quelques
chances de succès.
La guérison fut pourtant assez lente à se produire. A chaque
séance, cependant, je constate une légère amélioration. D'abord,
quand on essayait de le faire marcher, il fallait le soutenir,
presque le porter; les jambes restaient à demi-fléchies, puis au
bout de quelques minutes, il s'affaissait complètement en jetant
des cris de douleur. Bientôt il put faire quelques pas, mais toujours
le corps penché en avant et les jambes légèrement pliées. Enfin
au bout d'un mois les douleurs avaient complètement disparu et
la marche était normale. Je n'entendais plus parler de cet enfant,
Archives, 2e série, t. IV. 20
306 CLINIQUE NERVEUSE
lorsque, un an après, on le ramène dans mon cabinet. « Nous vous
présentons votre malade de l'année dernière, disent les parents,
c'est dans ce même mois qu'il a été frappé de paralysie et à la
même lune. Nous remarquons déjà, qu'il marche difficilement et
qu'il éprouve des douleurs. La maladie de l'an passé va reparaître. »
En effet, je constate que l'enfant a de la peine à se mouvoir.
« Mais vous lui faites vous-mêmes sa paralysie, m'écriai-je indi-
gné, vous lui répétez sans cesse qu'il ne pourra bientôt plus mar-
cher. Je vous défends désormais de lui en parler. » Mais le mal
était fait, la suggestion avait accompli son oeuvre. Guérison au
bout de quinze jours.
Dans cette observation on ne peut soulever aucun doute sur la
nature de l'accident : le mode de début, le traumatisme qui est il.
la tête de la paralysie, l'évolution de la maladie, sa disparition
totale; puis la reprise de l'accident sous l'influence de la sugges-
tion faite par les parents. Tout cela n'appartient qu'à l'hystérie, et
ne peut se rencontrer dans aucune autre affection, et ici il est
intéressant de constater quel rôle néfaste jouent parfois les parents
dans l'éclosion des phénomènes hystériques. On peut comprendre
dès lors toute l'importance que l'on doit attacher à l'isolement
quand cet isolement est possible.
Observation IV. Aphonie et amnésie survenues à la suite d'un
chute sur le genou chez un garçon de onze ans. Guérison par
suggestion.
X..., onze ans. Mère nerveuse, père congestif, n'avait jamais
rien présenté d'anormal ; son caractère était doux, patient. La
santé physique est excellente. Son père meurt subitement, frappé
d'apoplexie en descendant du train. Le caractère de l'enfant change
aussitôt, il est devenu triste, pleure à chaque instant et sans motif.
Quelques jours plus tard il fait une chute sur le genou, la chute
n'était pas grave, une simple ecchymose; ce fut suffisant pour ame-
ner les premières manifestations d'un mal qui aurait pu éclater
plus tard ou peut-être jamais. Les émotions causées par la mort du
père avaient préparé l'hystérie, la chute la fit apparaître. ,
Le soir de la chute, il perdit la voix complètement, sans perdre
connaissance, sans éprouver rien d'anormal en dehors de cette
aphonie ; on remarqua toutefois un certain degré d'amnésie. Quand
on le conduisit dans mon cabinet l'aphonie avait disparu, il ne res-
tait plus qu'une sorte de bégaiement, ce bégaiement qui termine
souvent ce phénomène nerveux. Outre ce bégaiement je constatais
que la mémoire était encore bien diminuée et une sorte d'hébétude
se peignait sur son visage.
Cette simple chute sur le genou avait donc eu de très singulières
conséquences, puisqu'elle rendait d'un seul coup l'enfant amné-
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 301
sique et qu'il perdait la mémoire des mouvements coordonnés des
lèvres et de la langue (il est aphone). Cette amnésie s'étendait
également sur presque toutes ses connaissances acquises : il a perdu
le souvenir. Sa mère n'a pas su me dire s'il aurait pu écrire, cal-
culer ; elle ne le croit pas, car son intelligence s'étaitsubitement obs-
curcie. Quel traitement a-t-on faitsuivre à ce malade ? On lui avait
appliqué, nous dit la mère, quelques sangsues. Pourquoi ? On avait,
sans doute, cru à une lésion organique,, et c'était de l'hystérie qui
était en jeu, car outre cette aphonie qui n'existe ainsi marquée que
dans l'hystérie, aphonie survenant sans perte de connaissance,
après un choc léger, je constatais un rétrécissement concentrique
notable du champ visuel, une diminution de la sensibilité du côté
gauche et un peu d'anesthésie pharyngienne. Quelle conduite
devais-je tenir dans la circonstance ? Il était probable que tout
allait rentrer dans l'ordre ; cependant je voulais voir si l'hypno-
tisme pouvait faire cesser immédiatement ce bégaiement et ce qu'il
pouvait faire également sur l'amnésie. Le résultat fut très heureux,
car quelques jours après on m'apprenait que l'enfant était com-
plètement guéri de son bégaiement et que la mémoire lui était
revenue.
Cette observation offre un certain intérêt, car ces cas d'amnésie
hystéro-traumatique doivent être rares.
Observation V. Enfant de trois ans. Contracture des muscles de
la nuque. Tête rejetée en arrière et comme enfoncée dans les
épaules. Disparition au bout de trois jours. - Six jours après
paralysie complète et flasque du bras gauche, suivie au bout de deux
tours d'une parésie des deux jambes. Guérison rapide de la
parésie (3 jours). Guérison de la paralysie brachiale (22 jours).
Enfant chétif ayant présenté à l'âge de huit mois une entérite
aiguë qui mit ses jours en danger. A deux ans, bronchite. Hérédité
névropathique et tuberculeuse. Oncle maternel phtisique, un frère
mort d'une méningite. Mère hystérique. Père entaché de nervo-
sisme.
Le 25 avril 1897, l'enfant est pris de fièvre et de diarrhée, j'y
vois un embarras gastrique, je donne un léger purgatif et un peu
de sulfate de quinine. Le 29 avril la fièvre disparait, l'enfant a
retrouvé son appétit, il commence à s'amuser avec ses petits cama-
rades de la ferme. On le conduit cependant à mon cabinet parce
que sa tête ne peut pas se mouvoir. Je constate, en effet, une con-
tracture très prononcée des muscles du cou ; l'enfant se tourne
tout d'une pièce quand il veut regarder de côté. Pas de douleur (1
la pression au niveau delà nuque, le bébé crie seulement quand on
essaie de vaincre la résistance des muscles contractures. Le 2 mai,
la contracture a cessé. Elle a donc duré trois jours.
308 CLINIQUE NERVEUSE
Le 8 mai, on me rappelle près de l'enfant, le bras gauche étaitpa-
ralysé. Déjà, la veille, on avaitremarqué que la main laissait échap-
perles objets qu'elle avait saisis, puis la faiblesse musculaire s'était
accentuée et au moment où je l'examinais le bras était pendant le
long du corps, les doigls étaient allongés et inerte ? . C'était une
paralysie flasque, les réflexes étaient conservés, la sensibilité était
diminuée à l'avant-bras,-normale au bras et à l'épaule. Je consta-
tais, le lendemain, que la réaction faradique n'avait pas disparu,
les sphincters n'étaient pas atteints. Mais la paralysie ne devait
pas s'arrêter là, deux jours après (10 mai), c'était le tour des deux
jambes. Cette fois, la paralysie n'était pas complète, c'était une
très grande faiblesse musculaire, l'enfant se tenait debout mais
difficilement, et si on lui commandait de marcher il criait, crai-
gnant de tomber. Il fallait donc le soutenir dans sa marche, les
pieds alors traînaient sur le sol, se heurtaient l'un dans l'autre, le
corps progressait en se balançant. Cette parésie s'effaçait au bout
de trois jours, mais la paralysie brachiale persistait toujours. Enfin,
le 20 mai, c'est-à-dire après une durée de douze jours, l'enfant
commençait à soulever son bras; l'avant-bras et le bras n'avaient
pas encore retrouvé le mouvement.
Le 22, la sensibilité était absolument normale et les doigts pou-
vaient se Le 25, l'enfant pouvait saisir son pain et le porter
à sa bouche. Pas d'atrophie du membre et pas de déformation.
Le 30, la guérison était complète.
Le diagnostic au début de la paralysie devait'se faire avec la
paralysie infantile ; mais dans la polyomyélile antérieure il n'y a
pas de troubles de la sensibilité, la réaction est nulle sous les
courants faradiques; les réflexes sont ordinairement abolis, ou
tout au moins diminués, puis la paralysie frappe d'emblée le petit
malade; dans une seule nuit elle est devenue complète : elle
n'atteint pas, un jour le bras, puis quelques jours après les autres
membres. Enfin la guérison qui est survenue au bout de vingt-
deux jours sans laisser de trace, sans marque d'atrophie ni de
déformation, achève de fixer le diagnostic de contracture et de
paralysie hystérique.
013SFRVATIO.iVl.-Pseudo-n2éiziîzgile/tystéi-iqzie(etifaiit de deuxans).
Aphonie consécutive ayant persisté six semaines. Coxalgie hasté-
Tique à cinq ans.
J..., petite fille de deux ans, ayant toujours eu une santé excel-
lente, n'a jamais présenté de convulsions. A l'époque de la denti-
tion a eu pendant quelques jours la diarrhée verte. A marché à
treize mois et a parlé à douze mois.
1894. 18 août. L'affection pour laquelle je suis appelé, débute
subitement ; la veille, la fillette s'était amusée comme de coutume,
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDEE. 309
ces selles étaient régulières, le soir elle dînait cependant moins
bien et avait eu quelques vomissements : <. Je veux me coucher, »
dit-elle. Ce qui n'était pourtant point son habitude... On la couche.
La nuit se passa sans incident, ou plutôt on ne remarqua rien,
l'enfant semblait dormir d'un sommeil profond et calme. A-t-elle
eu des convulsions ? On ne peut le savoir. Le matin, au réveil, on
va au lit de la pouponne, elle dort toujours, on essaie de la réveil-
ler, efforts inutiles ! Elle ne fait aucun mouvement, elle ouvre les
veux par instants ; mais elle semble ne pas voir. Elle ne parle pas,
alors on m'appelle en toute hâte, je trouve l'enfant dans le coma,
elle est insensible à la piqûre, ses bras soulevés retombent inertes.
Est-ce du coma apoplectique ? Est-ce une méningite ? Est-ce, en
raison de l'hérédité nerveuse dont je savais la famille entachée,
une pseudo-méningite ? Je ne peux, à cette heure, émettre une opi-
nion bien précise. Cependant je me souviens avoir consolé les
parents dès le début, en leur faisant espérer que c'était peut-être
un drame hystérique qui se déroulait devant nos yeux. La respira-
lion n'était point stertoreuse ; de plus, elle était régulière, les
pupilles étaient très dilatées mais égales ; le ventre toutefois était
un peu rétracté et la raie méningitique était assez nette. Pouls
agité, température 37°,5.
Dans l'incertitude du diagnostic je fais apposer sur la tête : de
la glace, des sangsues aux apophyses, etc., et ordonne un lave-
ment purgatif. Le lendemain matin, même état, la constipation
assez tenace cède après un second lavement qui amène une selle
abondante, urines en quantité assez notable puisqu'elles ont impré-
gné tout le linge du berceau.
L'insensibilité est toujours complète, pas de convulsions, toujours
le même coma, le même masque immobile de la face, et les
membres toujours inertes. Il est difficile de lui faire absorber du
lait. Pas de vomissements dans la journée. Cinq jours après
(24 août), l'enfant commence à être sensible aux piqûres, elle com-
mence à remuer les bras et les jambes, mais elle est toujours indif-
férente et ne parle pas.
3 septembre. C'est-à-dire quinze jours après le début de l'ac-
cident, la fillette reprend connaissance, elle entend quand on lui
parle et paraît comprendre ce qu'on lui dit, mais l'aphonie per-
siste complète.
18 septembre. - L'enfant marche, s'amuse, l'aplionie persiste.
26 septembre. La parole est revenue sans beaucoup de tâton-
nement, toutefois les premiers mots prononcés elle ne peut les
achever : « pap... pour papa, mam... pour maman ».
Puis tout est revenu dans l'ordre, c'est aujourd'hui une belle
enfant de cinq ans qui depuis cette crise s'est bien portée jusqu'au
mois de janvier de cette année où elle a présenté un peu de clau-
dication et de la douleur dans les hanches. Claudication qui s'est
3110 () CLINIQUE NERVEUSE
effacée, paraît-il, au bout de deux mois environ. Je dis : paraît-il,
car on avait cessé de m'appeler malgré les remerciements dont on
m'avait accablé lorsque la première affection s'était produite. Je
ne peux donc pas donner de renseignements complets sur cette
dernière maladie, mais nous verrons plus loin que j'avais soigné
un frère de la petite malade pour une pseudo-coxalgie hystérique
Ce dernier accident de l'enfant semble bien être de même nature-
Observation VII. Pseudo-méningite à répétition chez une petite
pille, il huit ans, dix ans et quatorze amas.
- Hérédité nerveuse. Mère ayant eu des crises de nerfs dans sa
jeunesse. Soeur ayant présenté une contracture hystérique du bras
et du cou. Ses frères sont nerveux, impressionnables.
Comme antécédents personnels, la petite M... aurait présenté,
à l'âge de deux ans et à cinq ans, des «crises de vers», dit sa mère.
A l'âge de huit ans elle est prise un jour de vomissements; on
croît d'abord à une indigestion, pourtant elle n'avait presque pas
absorbé de nourriture, depuis deux ou trois jours elle n'avait pas
d'appétit. Ces vomissements se répètent pendant vingt-quatre
heures sans interruption; un peu de lait est aussitôt rejeté. Puis
au bout de vingt-quatre heures les vomissements cessent pour
faire place à un état plus alarmant : la perte de connaissance est
complète, on la pique, elle reste insensible. Elle n'entend, ni ne
voit. Le médecin qui soigne l'enfant porte le diagnostic ménin-
gite ». On lui applique de la glace sur la tête, des sangsues aux
oreilles et un vésicatoire à la nuque. On porte un pronostic fatal
qui ne se réalise pas. L'enfant guérit au bout de trois jours. A dix
ans le même accident se produit avec le même cortège de symp-
tômes, mais atténués cependant. Guérison au bout de deux jours.
Il y a quatre mois (fin février), la malade a maintenant quatorze
ans, je suis appelé à lui donner mes soins pour une anémie très
accuentuée; la fillette n'a jamais eu ses règles, elle est excessive-
ment pâle et présente le souffle carotidien. Pas d'albumine dans
les urines. Quelques jours après, le 6 mars, on me fait entrer voir
la malade. Toujours même faiblesse, l'enfant n'a plus la force de
marcher, elle est au lit; depuis le matin elle vomissait sans cesse.
La nuit on me rappelle en toute hâte, la malade étant sans con-
naissance, les yeux hagards, la face d'une pâleur extrême, le pouls
très petit et très agité 150 à 160 à la minute : la température en
désaccord avec le pouls 36 1/2; sueurs froides, abondantes sur le
visage; le ventre n'est pas rétracté, mais la tache cérébrale existe
avec une grande netteté. La constipation est opiniâtre, car j'avais
ordonné, la veille, un lavement purgatif assez énergique qui n'a-
vait rien produit. Pas d'urine depuis quinze heures. L'insensibilité
est absolue, la perte de connaissance complète. Coma.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 311
Celait la nuit; le lendemain matin, au coma succède une période
d'agitation extrême, il faut l'aide de plusieurs personnes pour pou-
voir maintenir la malade dans son lit : contractures passagères des
mains, contracture dorsale, figure grimaçante, écume à la bouche.
Jamais d'urine et de vomissements depuis la perte de la connais-
sance. Je prescris un lavement au chloral et un bain. Les parents
me supplient d'appliquer des sangsues aux oreilles. « Çà l'avait
guérie de sa première et de sa seconde méningite, » disent-ils. Je
déclare que je ne crois pas, pour le moment, à de la méningite,
que ces méningites d'autrefois, du reste, n'étaient pas de vraies
méningites parce qu'elles avaient trop bien guéri. Cependant je
dois avouer que j'attendais avec anxiété le dénouement de cette
crise. En raison de la petitesse de ce pouls vraiment filiforme, de
cette pâleur effrayante, de cette anémie, je lui fais une injec-
tion de sérum artificiel. Evidemment je ne veux pas mettre sur le
compte de cette injection la cessation des phénomènes, mais j'avais
à peine quitté la maison qu'on me rappelle aussitôt, la malade
venait de reprendre connaissance. Elle se met à uriner, une urine
claire, limpide assez abondante, urine nerveuse. Ceci m'étonne
un peu, car une demi-heure auparavant j'avais percuté la vessie,
sondé la malade et n'avais retiré que quelques gouttes d'urine.
Je revois la malade le soir, elle est bien, son pouls est bon et moins
fréquent; elle ne se rappelle pas ce qui s'est passé depuis deux
jours, elle ne se souvient pas de m'avoir vu la veille alors qu'elle
me parlait bien et semblait avoir pleine connaissance.
Bien peu de choses manquent au tableau de la méningite : nous
avons des vomissements, de la constipation, perte de connaissance,
de la céphalée, des contractures, de l'anesthésie, du coma, puis de
l'agitation, du délire, fièvre dissociée, raie méningitique. Pourquoi
n'ai-je pas cru, tout d'abord, à la'ivraie méningite ? La soudaineté
du début et l'histoire de cette malade qui avait traversé des états
analogues et qui avait guéri. La respiration de Cheyne-Stock
faisait défaut et dans tous les cas de pseudo-méningites que j'ai ren-
contrés, je l'ai vue manquer. J'ai noté également le désaccord entre
le pouls et la température : tandis que dans la vraie méningite
c'est le pouls qui est lent et la température élevée, ici c'est le con-
traire. Enfin la terminaison heureuse et rapide venait lever toute-
incertitude.
Observation VIII. Pseudo-méningite hysté1'o-t1'aumatique, chez une
fillette, à un an et demi et à trois ans.
G..... Le petit bébé, à un an et demi, fait une chute sur la
tête (janvier 1895). Une légère ecchymose au front marque d'abord
seul l'accident. Le lendemain l'enfant est prise d'une fièvre violente
avec agitation, cris, véritables cris hydrencéplialiques, constipa-
312 CLINIQUE NERVEUSE
tion, ventre rétracté; mais pas de vomissements, pas de perte de
connaissance. Enfin l'agitation cesse, l'enfant dort continuelle-
ment, sa respiration est assez régulière, pupilles dilatées et égales.
Cet état dura huit jours, puis la guérison survint.
En mars 1897 nouvelle chute sur la tête, nouvelle crise de fausse
méningite; vomissements, fièvre, agitation, se plaint de la tête.
Par instants, la fillette veut s'arracher les cheveux, on est obligé
d'être constamment auprès de son lit pour éviter qu'elle se fasse
mal. Cris aigus, qu'on peut entendre au loin venant entre-coupcr
un sommeil agité : respiration régulière, pupilles égales; la raie
méningitique du ventre est très nette, mais cette raie n'existe pas
seulement au ventre, partout où l'on exerce une pression, même la
légère, on détermine de la rougeur avec surélévation des tégu-
ments dans la partie touchée véritable dermographisme hysté-
rique puis une toux sèche, quinteuse, s'installe. Au bout de dix
jours tous ces symptômes avaient disparu. Comme héridité père
et mère alcooliques, mère nerveuse.
Observation YS.. Pseudo-méningite chez un petit garçon de trois ans;
à six ans hémiplégie guérissant au bout de trois semaines sans
laisser de traces.
Hérédité très chargée : père, mère, tante, oncles tant du côté
paternel et maternel, tous nerveux. Antécédents personnels
nuls, mais caractère très difficile : colères fréquentes, se roule à
terre, elc.
En janvier 1894 il est pris d'une fièvre intense, crie sa tête : « Oh !
ma tête ! » se cache la face dans les oreillers, quelques secousses
convulsives dans les membres, grimaces de la face, agitation :
il essaie de déchirer les linges qui le recouvrent; vomissements,
constipations, pupilles égales et réagissant bien à la lumière. Pas
de perte de connaissance; pouls, à 140; température 39.
Quatre jours après, je revois le malade, il était guéri.
Ces phénomènes avaient duré trois jours.
C'était évidemment du méningisme hystérique, car voilà les ren-
seignements que j'ai recueillis tout dernièrement sur cet enfant
que je n'avais pas revu depuis longtemps. (Il habite loin des
Essarts.) Il aurait eu, m'écrivent les parents, une maladie de
la moelle épinière ? ? ... Il a eu un côté paralysé pendant trois
on quatre semaines. Mais il est très bien guéri, il jouit actuelle-
ment d'une parfaite santé.
Cette maladie de la moelle, pour moi qui ai connu l'enfant, a
bien l'air de ressembler à de l'hémiplégie hystérique, la paralysie
ayant duré trois semaines sans laisser de traces chez un petit
malade excessivement nerveux qui a fait déjà du méningisme hys-
térique.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 313
Observation X. Pseudo-méningite chez une fillette de sept ans.
Guérison au bout de dix jours.
Marie G... appartient à une famille d'hystériques. Son père a eu
de la parésie hystérique avec hypéresthésie; son frère a eu de la
paraplégie hystérique et un an après une monoplégie brachiale,
suite d'une chute sur le bras (Obs. 2 et 3 de l'Hystérie en Vendée,
n° de décembre 1893 des Archives de Neurologie. Obs. repro-
duites dans la thèse de mon frère. Thèse de Toulouse, 1896). Sa'
mère a eu de l'anesthésie hystéro-traumatique, sans paralysie
(Obs. IV de la thèse ci-dessus).
Comme antécédents personnels il n'y a presque rien. D'un carac-
tère vif, riant aussi vite qu'elle pleure. Bonne santé habituelle.
En août 1893, elle est prise d'une violente céphalalgie; ce sont
des cris aigus, qui font peur, dit la mère. Elle ne peut plus voir le
jour, ses yeux sont presque toujours clos, elle se cache la figure
dans ses draps. Ces crises se répètent tous les quarts d'heure. La
respiration présente, quelquefois, des arrêts, mais ces arrêts n'ont
pas la régularité que présente la vraie méningite : pupilles égales,
constipation, vomissements très abondants et incoercibles. Malgré
toutes les préparations antiémétiques ordonnées, le vomissement
continue; mais l'enfant ne vomit pas les aliments ingérés, son
estomac, faisant comme une sorte de sélection, rejette simplement
une matière glaireuse, extrêmement abondante et cela aussitôt
après l'absorption de la nourriture.
Tous les traitements institués sont sans résultat; aucune amélio-
ration ne se fait sentir. La suggestion pendant le sommeil hypno-
tique ayant si bien réussi chez tous les membres de la famille,
j'essaie l'hypnose sur l'enfant : impossibilité absolue malgré des
tentatives répétées. Je lui fais - sans sommeil de la suggestion
avec un médicament quelconque que j'ordonne. La guérison est
immédiate, les vomissements cessent aussitôt, la douleur de tête
s'efface, la fillette reprend sa vie habituelle.
Avec l'enfant de l'OBSERV.ITIO.1 II, c'est le seul cas d'hystérie
infantile où j'ai réussi par suggestion à l'état de veille à supprimer
les accidents. Il n'en est pas ainsi chez mes vieux hystériques ven-
déens, de même que je le constatais dans l'article Hystérie en Vendée.
Chez eux la suggestion même à l'état de veille est très efficace.
Observation Il Diabète insipide hydrurique chez un petit
garçon de deux ans et demi. 10 à 12 litres par jour de boisson.
8 à 10 litres d'urine. Aucune trace de sucre. Parésie hys-
térique à cinq ans. Rougeole à six ans avec cessation de la po-
lyurie et de la polydipsie pendant rougeole. Reprise du diabète.
Hérédité névropathique très chargée.
Enfant naturel ; grand'mère maternelle, cinquante-cinq ans, que
3 1 Ik CLINIQUE NERVEUSE
je soigne actuellement d'un oedème Hystérique avec crises d'angine
de poitrine hystérique. - nlère hystérique. Le père, d'après les
renseignements, serait également très nerveux. Le grand'père
l'est également. Les tantes, les oncles maternels sont tous
marqués de nervosisme.
Jusqu'à l'âge de deux ans et demi, l'enfant n'a fait qu'une bron-
chite légère, mais son caractère a toujours été, dès le berceau,
extrêmement difficile. Il poussait des cris de colère, il pleurait lors-
qu'on lui refusait ce qu'il demandait. Jamais de convulsions, santé
excellente. Quant on le conduisit pour la première fois dans mon
cabinet (janvier 1893), la grand'mère me déclara que l'enfant ne
leur semblait pas malade, aussi avait-elle hésité à me l'amener, il
avait bon appétit et s'amusait comme d'habitude. Ce qui inquiétait
les parents, c'était cette soif ardente survenue subitement (il y a
huit jours environ), que rien ne pouvait étancher, et ces mictions
d'urine si fréquentes. J'ai pensé aussitôt au diabète, mais l'analyse
de l'urine faite, séance tenante, à la liqueur de Fehling ne révèle
pas la moindre trace de sucre; c'était donc du diabète insipide;
mais quelle variété de diabète insipide ? Etait-ce du diabète azotu-
rique, ou du diabète insipide hypoazoturique ou hydrurique ?
L'analyse complète nous l'indiquera tout à l'heure. Pour l'instant,
quelle était la quantité de liquide absorbé ? 10 à 12 litres, dit la
mère : 6 à 8 litres le jour et 4 litres la nuit. Afin de ne pas être
sans cesse obligé de se lever la nuit pour lui donner à boire, on
avait soin de déposer dans le lit de l'enfant 4 litres d'eau. Avant
le lever du jour lout était absorbé, il vidait presque toujours son
litre d'une seule fois. Du reste, j'ai pu voir par moi-même jusqu'à
quel point était poussée cette soif ardente et contrôler l'exactitude
des renseignements qui me paraissaient tout d'abord taxés d'exa-
gération, tant le chiffre des urines et du liquide absorbé était
hors de proportion, même en cas de diabète, avec l'âge de l'enfant.
Un jour que je visitais le petit malade (décembre 1893), je priais
les parents de le laisser agir à sa guise et de ne pas le déranger de
ses occupations; ses occupations ne variaient guère, boire sans
cesse et toujours, c'était une obsession. Eh bien ! Dans une demi-
heure passée à la maison, je constatais que l'enfant avait pu
prendre 2 litres d'eau. Quand le seau où il puisait fut vide, je le vis
se diriger vers un bassin où l'on déposait les eaux grasses pour
alimenter les porcs, et, si, on ne s'était pas précipité vers l'enfant,
cette eau sale, huileuse était absorbée. Ce n'était pas la première
fois, me disait la mère. qu'on le surprenait ainsi. Il n'avait qu'une
idée fixe, boire et chercher partout du liquide quel qu'il soit. On le
surpritun jour dans un champ, où il s'étai t l'en d pour accompagner
ses parents occupés à travailler, on le surprit, dis-je, urinant dans
son verre pour boire son urine. C'était du liquide, cela lui suffisait
tant le besoin de boire était impérieux.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 315
Quelle était la quantité d'urine rendue par jour ? Il est difficile
de le savoir d'une façon exacte, les parents l'évaluent à 8 ou f0
litres, en se basant sur ce qu'il urine la nuit. C'est un robinet
continuel, disent-ils; en effet, à une de mes visites, je demande de
l'urine dans le but de la faire analyser, « Il vient d'uriner, » me dit
la mère. Je manifeste mon ennui. Oh ! que cela ne vous contrarie
pas, nous allons lui donner à boire et il urinera aussitôt. C'était la
vérité, car je puis recueillir sur-le-champ 400 grammes d'urine.
Donc polyurie et polydipsie très prononcées chez cet enfant de
deux ans et demi. Mais quelle sorte de polyurie ? L'examen des
urines fait par Bertault, chef du laboratoire agricole départe-
mental, nous le fait connaître. Cette première analyse pourtant
est assez incomplète.
6 décembre 1893. Enfant de trois ans. Urine d'nne limpi-
dité parfaite, sans dépôt, presque pas plus colorée que l'eau.
Densité 9=,OU`3
Réaction très faiblement acide.
Urée 1 ,28 par litre.
... 10 à 12 yraumms en wiigi-qualre heures.
Acide nuque. Néant.
Pas d'éléments anormaux (sucre, bile, albumine).
Examen microscopique. Rien.
Résumé : Urine sans éléments anormaux, mais avec un excès
d'eau exagéré.
La polyurie (diabète insipide) est nettement caraclérisée dans
son intensité. Cette analyse, de plus, nous indique une diminution
de moitié du chiffre normal de l'urée, 1 ? ? S par litre; 10 à 20
grammes en vingt-quatre heures; il y a donc de l'hypoazoturie.
Ainsi nous nous trouvons en face d'un diabète insipide hypoazotu-
rique, le diabète hydrurique. Une seconde analyse que nous trou-
verons plus loin nous fournira des données plus complètes sur les
autres éléments de l'urine : chlorures, phosphates, etc.
Outre ces symptômes fondamentaux : soif insatiable, urine abon-
dante sans sucre, et sans augmentation de l'urée, qui nous suffi-
sent dès maintenant pour classer le genre d'affection et en faire
du diabète insipide hydrurique.
Quels sont les autres symptômes présentés par l'enfant ? Il n'y a
pas de polyphagie, le bébé songe plutôt à boire qu'à manger ;
cependant il prend une nourriture suffisante, son appétit est ordi-
naire. La langue n'est pas sèche, mais un peu blanche ; l'estomac
est dilaté, le ventre est bidonné, coliques fréquentes, constipation.
On constate dans la première année de sa maladie un peu d'amai-
grissement, un peu de faiblesse musculaire : la face est pâle, le
pouls est petit et en plus agité, la température n'est pas
abaissée. c
316 CLINIQUE NERVEUSE
Quelle était la nature de ce diabète insipide hydrurique ? Etait-ce
un diabète de nature hystérique ? La tare héréditaire dont cet
enfant était frappé pouvait m'y faire penser; cependant les don-
nées étaient insuffisantes (car pas de stigmates hystériques) pour
porter un diagnostic précis. Quelques acctdents survenus plus tard
nous apporteront, de nouveaux éléments de discussion. Essayer
de faire de la suggestion à cet âge, je n'y devais pas songer. Ne
pouvant en faire sur l'enfant, j'en fais une bien mauvaise, je
l'avoue, sur les parents; je leur commande d'exercer une surveil-
lance active sur l'enfant, de ne pas le laisser boire quand il le leur
demanderait. Le résultat fut le suivant : l'amaigrissement s'ac-
centue aussitôt, le caractère de l'enfant s'assombrit, puis ce sont
des pleurs continuels et les douleurs de ventre ne font que s'ac-
croître. Je m'empresse de réparer ma faute, je lève la punition, la
gaieté revient et l'enfant reprend sa physionomie habituelle.
En juin 1894 l'enfant est pris subitement d'une fièvre violente,
pouls 180, température 41°; malgré le sulfate de quinine la fièvre
persiste pendant dix jours. Faciès non typhique, pas de gargouille-
ment, pas de diarrhée, rien à la poitrine. L'enfant boit moins pen-
dant sa fièvre, urine moins abondante. Je n'ai pas fait faire l'ana-
lyse de l'urine à ce moment; mais elle était, comme toujours, très
limpide, d'une coloration un peu plus foncée cependant; la dimi-
nution de la polyurie et de la polydipsie était loin d'être aussi
marquée que celle que nous constaterons, tout à l'heure, pendant
la rougeole.
La fièvre tombe en deux jours, il n'y a pas, à proprement parler,
de convalescence, l'enfant reprend vite sa vie ordinaire et avec ses
mêmes habitudes. Quelle était la nature de cette fièvre ? Il faut
convenir que son début, sa marche, sa terminaison brusque, n'of-
frent guère le tableau ordinaire de la fièvre typhoïde; elle n'était
pas intermittente non plus. Etait-ce une fièvre grippale ? Etait-ce
une fièvre hystérique ? La question me semble assez difficile à
résoudre. Combien de fois, chez les hystériques, se trouve-t-on aux
prises avec les mêmes difficultés. Ce sont, à coup sûr, les malades
qui exigeut du médecin l'observation la plus attentive, la plus
minutieuse, et qui, malgré cette attention, entraîneront, le plus
aisément, des erreurs de diagnostic.
Nous nous trouvons, six mois après (février 1895), en face d'un
accident qui lui, du moins, ne laissera aucun doute, ne permettra
aucune hésitation sur sa véritable nature. L'enfant tombe à terre
paralysé de la jambe droite; cette paralysie survient en deuxjours
sans que l'état général de l'enfant paraisse s'aggraver, il marche
en traînant la jambe. Anesthésie de la plante du pied qui est insen-
sible aux piqûres ; hypéresthésie à la partie supérieure de la cuisse
à la hanche. Cette fois nous nous trouvons nettement en face d'une
paralysie hystérique; les réflexes sont conservés. Au bout de cinq
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 31 ï
jours tout avait disparu. Nous savons donc maintenant que notre
diabétique hydrurique est un hystérique. A ce moment on me
signale que l'enfant avait absorbé d'un seul Irait 1 litre de vin sans
paraître incommodé, sans donner aucun signe d'ivresse.
Je n'entendais plus parler de notre petit malade lorsque le
18 mai de cette année, j'écris aux parents de me l'amener, j'étais
curieux de savoir ce qu'il devenait. Je vois un enfant qui n'avait
plus l'aspect chétif qu'il présentait dans les deux premières années
de son affection, il était très bien développé pour son âge, faciès
coloré indiquant nullement la souffrance. Il va à l'école de son
village, il apprend bien. Mais ce sont toujours les mêmes misères,
la soif est aussi ardente qu'autrefois; personne n'est plus étonné de
voir entrer l'enfant dans les maisons qui avoisinent l'école (il habite
assez loin de l'école), on sait d'avance ce qu'il vient chercher,
on lui présente de l'eau, son instituteur le laisse boire à dis-
crétion.
Je fais faire par M. Berthault une seconde analyse dont voici le
résultat (cette analyse est plus détaillée que la première).
1897. 23 mai. Enfant de six ans et demi. 10 à 12 litres en
vingt-quatre heures.
Urine absolument sans couleur, limpide, sans dépôt.
Densité il + 15° = -) ? 002
Réaction très faiblement acide.
318 CLINIQUE NERVEUSE
cependant que ne l'est la soif, il urine un peu plus qu'il ne boit.
« Je n'ai plus soif, » me dit-il. J'en profite pour faire de la sugges-
tion. 0 : Ta rougeole va te guérir de ton ancienne maladie, lui
dis-je, tu n'auras plus envie de boire. » Le résultat ne fut pas très
heureux, à peine sa rougeole, sa fièvre disparues, il recommence
(23 juin) à Loire comme par le passé. Cependant, depuis un an, la
maladie ne semble pas être en progrès, car les parents estiment
que la quantité de liquide absorbée aujourd'hui (à six ans et demi)
n'est pas supérieure à celle que l'enfant absorbait par jour, à
trois ans.
Pour résumer : enfant portant une tare héréditaire très pro-
fonde présentant à quatre ans une paralysie hystérique très
nette, six mois avant une fièvre typhoïde, fièvre peut-être hysté-
rique. C'est donc bien un hystérique que nous avons devant nous,
ainsi que l'indique la paralysie, sans parler de. cette fièvre sur la
nature de laquelle je ne peux me prononcer.
Nous avons ici de l'hystérie, c'est un point acquis. Cejeune
hystérique est atteint de plus d'un diabète insipide hydrurique
tel, qu'il est rare d'en voir à cet âge d'aussi accentué. D'après
mes recherches, je ne trouve pas un cas analogue qui soit
signalé dans la science.
Ce diabète, sans parler pour l'instant de sa nature, hysté-
rique ou non, présente certaines particularités intéressantes.
Voilà quatre ans qu'il existe sans interruption, sauf au
moment de la rougeole et notre petit malade ne s'en porte
pas plus mal; il grandit et, à part quelques accidents signa-
lés, accidents qui n'impliquent en rien une débilité de
l'organisme, il jouit d'une excellente santé. Au début de
son affection on pouvait craindre une issue fatale et prochaine,
car l'enfant était devenu maigre et indiquait un peu de fai-
blesse musculaire; puis la santé de l'enfant s'était vite amé-
liorée, il semble s'être habitué, pour ainsi dire, à sa maladie.
Aujourd'hui c'est un petit garçon de six ans-et demi, fort,
bien constitué, et également bien développé au point de vue
intellectuel.
Trousseau et Roger considéraient le diabète insipide hydru-
rique comme très grave chez l'enfant et causant fatalement la
mort après un délai variable qui ne dépassait pas trois ou
quatre ans. Notre petit diabétique fait mentir cette assertion,
puisqu'il est atteint depuis quatre ans de son affection, et
il se porte beaucoup mieux que dans la première période de
sa maladie. 1. -
.HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 319
D'après Erhardt, qui a réuni dans un travail (thèse 96) un
certain nombre de cas, la soif chez l'hydrurique serait moins
ardente; l'urée serait rendue dans la journée en quantité
normale, il y aurait alors augmentation de chlorure, ce serait
une chlol'u1'ie,
Les deux analyses faites par M. Berthault semblent donner
des résultats absolument contraires chez notre petit malade.
La soif est poussée à un tel degré qu'il boira des eaux
grasses, de l'urine même, s'il ne peut autrement satisfaire sa
soif. L'urée est diminuée de moitié ainsi que les chlorures,
nous ne pouvons donc pas appeler ce diabète, un diabète
hydrurique chlorurique, ainsi que le voulait Erhardt, mais
bien plutôt un diabète hydrurique hypoazoturique,hypochlo-
rurique. Peut-être faut-il voir, dans cette diminution du résidu
solide, 22 à 25 grammes au lieu de 60 à 6D, chiffre normal en
vingt-quatre heures, l'explication d'une santé maintenue
excellente, malgré une affection considérée comme grave, le
plus souvent mortelle.
Il reste un dernier point à examiner; ce diabète hydru-
rique, chez notre enfant est-il de nature hystérique ou est-ce
un diabète hydrurique chez un hystérique, une association de
deux maladies distinctes ?
Un cas, à peu près analogue, rapporté par Grand à la
Société de médecine, a fait l'objet d'une discussion. Pour
Grand, son petit malade de neuf ans qui présentait une
polyurie assez abondante (6 à 8 litres par jour), et qui a été
guéri après une courte séance d'électricité, était bien un
hystérique; mais la polyurie. à son point de vue, ne devait
pas être rattachée à la névrose. Pour Apostoli, c'était bien
un diabète hydrurique hystérique, en raison de cette guérison
vraiment trop rapide due évidemment à la suggestion. Pour
moi, dans le cas de Grand, la nature hystérique de l'affection
ne semble pas faire de doute.
Pierre Erhardt (thèse 1896) conclut que la polyurie hysté-
rique peut exister en dehors de tout autre stigmate consti-
tuant ainsi une hystérie monosymptomatique.
La polyurie chez notre petit hystérique est-elle de nature
hystérique. ? Une suggestion sans hypnose, suggestion par
conséquent imparfaite, a été essayée. Cette suggestion n'a
pas eu de résultat, mais j'estime que la suggestion chez les
hystériques en bas âge, même faite pendant le sommeil hyp-
320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
notique, donne des résultats souvent négatifs; aussi malgré
cet insuccès du traitement psychique, j'incline à penser que
c'est un diabète hydrurique hystérique, je m'appuie pour cela
sur la tare héréditaire, sur la paralysie nettement hystérique
présentée dans le cours de l'affection diabétique, sur les
caractères de cette hydrurie, enfin sur l'état général du petit
sujet qui se maintient excellent, nous l'avons vu, malgré une
hydrurie si abondante et de date déjà si ancienne.
(A suivre.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
IX. Contribution A l'étude DE la 16RALGIL paresthésique ; par
KNAUER (Ce21ti'albl. f. Nervenheilk, XIX, N. F. vu, 1896.)
Douleurs, sentiment de fatigue, sensations paresthésiques occu-
pant un territoire limité d'une des cuisses. 4 observations. Guéri-
son par les douches, les frictions froides, le massage. Causes :
fatigues; consommation régulière de l'alcool chez des individus
exerçant une profession sédentaire; névrite consécutive à la fièvre
typhoïde pendant les suites de couches. En effet, grande ressem-
blance avec la névrite alcoolique. 0 P. K.
X. Contribution a la pathologie DES NERFS DE la peau; par K. Gum-
PERTZ. (Neurolog. Cenh·al6l. , XV, 1896.)
Suivre les fibres nerveuses dans la peau pour bien en déterminer
le nombre et la disposition, afin de préciser s'il y a des altérations
des derniers rameaux sensitifs soit dans les affections cutanées, soit
dans le tabès et notamment dans le tabes au début, tel est le
problème : A) des expériences de sections du sciatique chez le lapin
sacrifié de six à huit mois après l'opération semblent démontrer
qu'il existe dans les ramifications cutanées une dégénérescence accu-
sée (désagrégation de la substance blanche complètement disparue
en certains points); B) voici jusqu'à présent les premiers résul-
tats de la même méthode d'examen chez six malades : 1° dans un
cas de névrite du cubital, on ne rencontre aucun élément nerveux de
la peau nulle part; 2° dans un cas d'herpès zoster avec névralgie
intercostale, il semble y avoir désintégration granuleuse; 3° chez
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 321
un malade atteint de tabes avec hypoalgésie généralisée, il existe
une évidente dégénérescence des éléments nerveux cutanés. Mais
dans l'anesthésie hystérique, dans l'anesthésie traumatique, dans
la paralysie saturnine (3 observations en tout), aucune altération.
P. KERAVAL,
XI. UN CAS DE TREMBLEMENT CONGÉNITAL; par Augustus Usiner.
(Edimbourg médical Journal, mai 1897.)
On observe parfois des sujets atteints d'un tremblement persis-
tant, qu'il est impossible de rattacher à une affection déterminée.
Un tel tremblement peut atteindre plusieurs membres d'une même
famille. Il peut apparaître de bonne heure ou assez tard. Plus le
tremblement se montre à un moment précoce, plus on est en droit
dépenser à une cause organique.
Le cas suivant que rapporte Eshner, en raison de son apparition
précoce et en l'absence d'autres signes indiquant une affection
organique, constitue bien un cas de tremblement congénital. Il
s'agit d'un homme de trente-six ans, atteint d'un tremblement,
qu'il présente depuis l'enfance. Il se souvient qu'à l'école sa main
droite tremblait en écrivant. Depuis ce temps, les accidents ont
progressé. Le tremblement n'existe pas au repos, mais se montre à
l'occasion des mouvements : c'est donc essentiellement un tremble-
ment intentionnel. Il augmente après les efforts. -Cet homme ne
présente d'ailleurs pas d'autres accidents nerveux, ni troubles
réflexes, ni troubles de la parole.
L'absence des phénomènes spasmodiques, ainsi que le début pré-
coce et la marche lente des accidents, doivent faire écarter l'idée
d'une sclérose des cordons latéraux et permettent de considérer ce
malade comme atteint d'un tremblement congénital essentiel.
P. RELLAY.
XII. UN cas DE poliomyélite aiguë chez un médecin ; par le D1' GLO-
, RIEUX. (Journal de Neul'oloie et d'IIypnologie, 1897, n° 10.)
Le sujet de cette observation est un jeune médecin, âgé de vingt-
six ans, qui, à la suite de grandes fatigues corporelles, fut pris de
courbature, de fièvre, d'agitation, puis de douleurs dans le dos et
dans la nuque et, enfin, de paralysie du membre inférieur gauche
et du membre supérieur droit. Cette parahsie ne tarda pas à s'ac-
compagner d'atrophie musculaire, mais la sensibilité resta toujours
intacte; il en fut de même des sphincters, par contre les réflexes
rotuliens furent abolis dès le commencement de la maladie. Après
une période stationnaire qui dura environ six semaines, les mou-
vements de la jambe, puis du bras paralysé commencèrent à se
rétablir, mais l'atrophie persista plus longtemps surtout au niveau
Archives, 2e série, t. IV. 21
322 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
des muscles de l'omoplate et de l'épaule, et elle n'est pas encore
complètement disparue aujourd'hui.
Se fondant sur le mode de début de cette affection, sur la marche
et la localisation des accidents paralytiques et atrophiques, l'auteur
pense qu'il s'est agi dans ce cas d'une poliomyélite aiguë.
XIII. INFLUENCE du tabac -sur LES maladies du système nerveux; par
Niccolo 13UCCELLI. (Riv. di. pat. nerv. et ment., fasc. 10, 1996.)
Le tabac est un toxique, qui, plus encore peut-être que les autres
poisons du système nerveux, a peu d'action lorsqu'il est naturel :
il en a au contraire une très grande, sitôt qu'il commence à être
falsifié. Son action s'adresse surtout aux régions sous-cervicales et
bulbaires. Il est capable de provoquer des effets désastreux chez
des individus déjà en voie de guérison, faisant antérieurement
usage du tabac sans en avoir ressenti d'inconvénients ; par suite,
on doit être très strict pour en autoriser l'usage en pareil cas,
surtout dans les asiles. J. Ségalas.
XIV. Sur la myoclonie; par E. Lugaro. (Riv. di. pat. nerv. et ment.,
fasc. 10, 1896.)
Observation suivie de quelques réflexions aboutissant à cette
conclusion que la myoclonie doit être considérée comme l'expres-
sion extérieure d'un état neuroclonique des nerfs moteurs. Elle ne
doit pas être regardée comme constituant essentiellement un cadre
morbide spécial, mais comme un symptôme élémentaire, dont
l'origine centrale est délimitée localement dans chaque cas, ainsi
par exemple que dans les paralysies. J. SÉGL.\S.
XV. Contribution A l'étude DE la paralysie BULBAIRE unilatérale ;
par'Gaetano GEROUZI. (Riv. di. pat. neuv. et ment., fasc. 6, 1896.)
XVI. MÉNINGO-ENCËPHALITES INFECTIEUSES ET TOXIQUES APRÈS L SECTION
du sympathique cervical; par Andréa CRISTIANI. (Riv. (lui. pat,
ne1 ? et ment., fasc. 6, 1896.)
XVII. Asystolie POST-li1'ILEI''rrQUE; par le D'' Féré.
La coïncidence de maladies du coeur avec l'epilepsie est assez
fréquente pour qu'on ait souvent attribué les troubles nerveux aux
troubles de la circulation.
Mais l'epilepsie peut aussi provoquer des troubles cardiaques : on
peut regarder comme prouvé que l'attaque épileptique provoquée
par l'irritation de l'écorce, est accompagnée d'une augmentation
considérable de la pression artérielle, même pendant la période de
ralentissement du coeur.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 323
La part que prend le coeur dans l'attaque d'épilepsie est capable
de rendre compte des cas de mort consécutifs à un seul accès con-
vulsif, soit dans une syncope par arrêt du coeur, soit par la rup-
ture du coeur qui se produirait, surtout pendant la période toxique.
En général, la rupture du coeur, comme la rupture des autres
muscles, est favorisée par un état morbide antérieur. Cette dernière
condition peut aussi favoriser l'asystolie aiguë dont l'auteur publie
un bel exemple.
Le mécanisme du coeur forcé dans ces circonstances n'est guère
différent de celui qu'on observe à la suite d'un surmenage physique
ou d'une émotion intense ou prolongée où les troubles peuvent
aussi se manifester chez des individus sains.
La possibilité de l'asystolie consécutive aux accès d'épilepsie cons-
titue une indication de plus de la discipline. thérapeutique chez les
épileptiques atteints d'affections du coeur, ou arrivés à un âge où le
coeur s'affaiblit. On a dit que le bromure peut produire à lui seul
des accidents cardiaques. L'auteur d'en a jamais observé chez des
individus à coeur sain et, jusqu'à preuve du contraire, il reste con-
vaincu qu'un cardiaque a plus à redouter d'une attaque d'épilep-
sie que du médicament qui court le plus de chances de la lui évi-
ter. (Revue neurologique,' mars 1897.) E. B.
XVIII. Contribution A l'étude CLINIQUE DE la migraine
OPIITALMOPLÉGIQUE; par le De J.-B. Charcot.
L'intéressante observation relatée par l'auteur a trait à une
femme relativement bien portante, chez qui survint, à l'àge de
trente-huit ans, une hémicranie gauche qui s'accompagna, au
bout de huit jours, de paralysie du moteur oculaire commun et du
moteur oculaire externe du côté gauche; guérison au bout de
quinze jours de la paralysie du moteur oculaire commun, persis-
tance pendant huit mois de la paralysie du moteur oculaire externe ;
pendant cette période, atténuation de l'hémicranie,
Deux ans après, hémicranie droite et, consécutivement, paraly-
sie partielle du moteur oculaire commun droit, puis, dix mois après,
paralysie de la sixième paire gauche. Au bout d'un mois de traite-
ment polybromuré, disparition de l'ophtalmoplégie, sauf en ce qui
concerne la paralysie du droit supérieur et du réflexe lumineux du
côté droit. Le diagnostic de migraine ophtalmoplégique s'impose.
L'étude comparative de cette observation avec celles, peu nom-
breuses, publiées jusqu'à présent, amène les remarques sui-
vantes :
1° L'hérédité neuro-arthritique dans la migraine ophtalmoplé-
gique joue un rôle plus important quecelui qui lui est généralement
attribué ;
2° L'ophtalmoplégie peut faire son apparition à tout âge ; les
324 liez REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
accès de migraine qui la précèdent datent au contraire presque
toujours de l'enfance ;
3° L'ophtalmoplégie n'est pas toujours unilatérale ; on ne peut
même plus dire qu'elle est exceptionnellement bilatérale. Lors-
qu'elle est bilatérale, elle ne l'est généralement pas d'emblée,
chaque paralysie étant, dans la plupart des cas, précédée d'une
hémicranie correspondante ;
4° La paralysie peut frapper le nerf moteur oculaire externe
tout comme le nerf moteur oculaire commun, mais il n'a pas
encore été observé de migraine ophtalmoplégique avec paralysie
isolée du moteur oculaire externe. La paralysie du moteur oculaire
commun n'est pas invariablement totale ;
5° Ses rapports avec la migraine vulgaire semblent incontes-
tables. (Revue neurologique , avril 1897.) E. B.
XIX. Maladie DE LI1'TLE ET rigidité spasmodique spinale DES enfants
NLS avant terme ; par le Dur Van GEUUCUTEN. '
Un grand nombre d'affections nerveuses de l'enfance sont accom-
pagnées de rigidité musculaire plus ou moins généralisée d'exagé-
ration considérable des réflexes et d'affaiblissement de l'influence
de la volonté sur les membres contractures, autrement dit de la
triade symptomatique qu'on pourrait appeler le syndrome spas-
modique..Tous ces états pathologiques ont été réunis par Freud
dans un même groupe nosogl'aphique : les diplégies cérébrales
infantiles, sans que cet auteur ait cru devoir tenir compte ni des
causes éliologiques variables d'un cas à l'autre, ni de l'âge de l'en-
fant au début de l'affection, ni des symptômes multiples et graves
qui peuvent accompagner les symptômes précités, comme des
troubles de l'intelligence, du langage, etc.
L'auteur adopte l'idée de séparer des affections spasmo-paraly-
tiques infantiles un groupe spécial comprenant les affections spas-
modiques survenant chez des enfants nés avant terme, avec
absence de symptômes manifestes de lésion corticale et avec une
tendance à la guérison, séparation faite par MM. Marie (tabes dor-
sal spasmodique vrai) et Brissaud (maladie de Little).
Mais au lieu d'attribuer à ces dernières affections une origine
cérébrale comme le font Marie et Brissaud, M. Van Gehuchten croit
devoir leur reconnaître une origine spinale : ces ajlections sont
dues exclusivement et uniquement à un arrêt ou à un retard dans
la croissance des fibres pyramidales.
Ce développement peut se faire encore dans la suite, aussi y a-
t-il tendance à la guérison.
C'est pour bien marquer l'origine spinale de ces états spasmo-
diques ainsi que les conditions étiologiques spéciales dans les-
quelles ils se produisent que l'auteur a proposé de les désigner
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 325
sous le nom de rigidité spasmodique spinale des enfants nés avant
terme.
Un second groupe d'affections spasmodiques pourrait comprendre
les états spasmodiques survenant chez les enfants pendant les pre-
mières années de la vie et présentant le même tableau clinique
que la rigidité spasmodique spinale des enfants nés avant terme,
c'est-à-dire la triade symptomatique du syndrome spasmodique,
avec absence complète de symptômes d'origine cérébrale. Ce sont
ces affections spasmodiques que Erb a décrites sous le nom de
paralysie spinale spastique. Il s'agit là de lésions intéressant les
faisceaux pyramidaux qui ont existé avec leur développement nor-
mal ; aussi cette affection ne montre-t-elle aucune tendance vers la
guérison.
A côté de ces deux groupes d'affections spasmodiques dont la
cause anatomique se trouve exclusivement dans les éléments cons-
tituants de la voie motrice corlieo-médullaire, on observe encore
un grand nombre d'affections nerveuses dans lesquelles la triade
symptomatique du syndrome spasmodique se trouve accompagnée
d'autres symptômes qui montrent que la lésion ne s'est pas exclu-
sivement localisée aux faisceaux pyramidaux ; on pourrait les réu-
nir provisoirement sous le nom d'états spasmodiques infantiles
d'origine cérébrale. (Revue neurologique, février 1897.) E. B.
XX. DYSI'RAGIE CIsRIslift0-SPIVLE ET ICIITYOSE; par L. LÉ ?
Sous le nom de meiopragie, M. le professeur Potain désigne la
réduction de l'aptitude fonctionnelle d'un organe quelconque.
De la méiopragie on peut rapprocher les vices de fonctionnement,,
auxquels l'auteur propose d'appliquer le terme plus général de
dyspragie et donne l'observation d'un fait de cet ordre dans le
domaine cérébro-spinal.
Il s'agit d'une jeune fille de vingt-un ans, arriérée, sans stigmates
hystériques, qui présentait une raideur des membres supérieurs et
inférieurs, une démarche à apparence spasmodique, et une exa-
gération manifeste des réflexes patellaires mais sans trépidation
épileptoïde.
Le diagnostic avait pu se poser avec une maladie de Little. En
même temps la malade présentait une dyspragie cutanée : elle
était porteuse d'ichtyose.
La malade ayant succombé à une fièvre typhoïde, l'autopsie,
puis l'examen histologique démontrèrent qu'il n'y avait aucune
lésion du cerveau ni de la moelle, en particulier des faisceaux
pyramidaux.
Après avoir éliminé l'hypothèse de paraplégie spasmodique et
d'hyslérie, l'auteur, en présence de la dyspragie cérébrale, se
demande si la moelle ne peut pas être elle aussi, en état de mau-
326 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
vais fonctionnement, il y aurait donc une dyspragie cérébro-
spinale.
Ce qui donne un appui à cette manière de voir, c'est qu'il exis-
tait chez la malade un autre trouble de fonctionnement, une autre
dyspragie, celle-ci d'ordre cutané : la peau était le siège de ce
trouble congénital de la kératinisation qui se traduit sous forme
d'ichtyose. A ce propos, il est intéressant de rappeler que la peau
et le système nerveux dérivent embryologiquement d'un même
feuillet, l'ectoderme.
On est donc amené à penser que la dyspragie médullaire exis-
tait, comme l'ichtyose, depuis la naissance : elle ne s'est extériorée
qu'assez tard, au point de vue clinique, sous une influence indéter-
minée. (Revue neurologique, décembre 1896.) E. l3Llrr.
XXI. L'ORIGINE auto -toxique DE l'épilepsie; par le Dr Nelson Teeter.
L'auteur a repris l'étude de l'auto-intoxication dans l'épilepsie
en recherchant l'urée non dans l'urine et les matières fécales,
comme la plupart des auteurs l'ont fait jusqu'à présent, mais dans
le sérum sanguin lui-même.
Les résultats obtenus paraissent diminuer l'importance des pro-
duits excrétoires comme cause de la convulsion épileptique. Sans
les éliminer entièrement de la liste des causes toxiques, il est pro-
bable que l'auto-intoxication n'est pas due à une seule cause
toxique principale mais à l'action combinée de tous les poisons.
Les conclusions de ce travail sont d'abord qu'il y a une augmen-
tation moyenne du taux de l'urée trouvée dans le sérum sanguin
d'épileptiques idiopathiques, comparée à l'état normal.
Secondement, il ne parait y avoir que peu de relations entre la
quantité d'urée trouvée et le paroxysme épileptique, car, dans cer-
tains cas, il y avait augmentation, et, dans d'autres, diminution
après la crise.
L'augmentation de l'urée trouvée dans l'urine après une crise
peut être mise sur le compte d'autres causes que la crise, soit le
grand travail musculaire effectué pendant la crise, soit l'action
diurétique de l'urée elle-même quand elle s'accumule dans le sang.
Cette hypothèse trouve une confirmation dans l'examen du sang,
car le taux de l'urée trouvée diminue graduellement pour quelque
temps après le paroxysme épileptique. (The alienist and neuro-
logist, avril 1897.) E. B.
XXII. Convulsions épileptiformes réflexes d'origine PRÉPUTI : 1LE
par le Dr HODGDON.
La muqueuse du gland étant une des plus riches en terminai-
sons nerveuses, il peut arriver que des convulsions épileptiformes
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3 : 27 7
réflexes se produisent consécutivement à l'irritation de ces termi-
naisons nerveuses par le smegma accumulé entre le gland et le
prépuce, en cas de phimosis.
L'auteur rapporte l'observation d'un enfant de quatre mois qui
lui fut présenté, atteint de crises d'épilepsie depuis l'âge d'un mois.
La veille du jour de l'examen, l'enfant avait encore eu trois crises.
Trouvant à l'examen de cet enfant un phimosis avec orifice
préputial très étroit, l'auteur pensa que ces crises pouvaient être
d'origine réflexe et pratiqua sur-le-champ la circoncision. L'enfant
eut encore une crise deux jours après l'opération, mais, depuis
lors, ces crises ont totalement disparu. (The alienist ancl neuro-
logist, avril 1897.) E. B.
XXIII. CONTRIRUTION A LA QUESTION DE L'HYSTERIE CHEZ LES SOLDATS J
par W, GRCIDENBERG. (Centralbl. f. Nervenheilk., XVIII, N. F., vi,
1895.)
Jeune homme de vingt et un ans, fantassin. Il présente : 1° des
troubles de la sensibilité à localisation spécifique ; 2° des tremble-
ments et secousses, à proprement parler paraplégiques ; 3° un
rétrécissement concentrique du champ visuel ; une diminution de
l'acuité auditive, du goût ; absence presque complète de l'odorat;
4° des convulsions généralisées avec perte incomplète de connais-
sance. Libération. P. K.
XXIV. Contracture réflexe respiratoire; par M. EDEL. (Cent1'albl. f.
Nervenheilk., XVIII, N. F., vi, 1895.)
Convulsions généralisées rappelant l'hystérie, à la suite de l'inci-
sion d'un furoncle dans le conduit auditif externe. Dyspnée à240 à la
minute, avec 108 pulsations et trouble de la connaissance. Respiration
très superficielle parfois interrompue par un bruyant mouvement
de la déglutition. Inspiration extrême. On électrise la phrénique au
moyen d'un faible courant faradique, mais la respiration cesse tout
à fait pendant des pauses de une demie à une minute et demie :
cyanose faciale et bruit convulsif hoqueté. Tension excessive des
muscles respiratoires; puis rigidité du système musculaire entier;
le corps forme un arc de cercle, avec saillie de l'abdomen dur
comme du bois, flexions convulsives des bras et des poings, pro-
fonde dépression de la ligne diaphragmatique. Au bout de trois à
vingt secondes, profonde inspiration ; la tension et la cyanose
cessent.
A ce momentconvulsions cloniques, grands mouvements, attitudes
passionnelles. Cela dure encore une demi heure. Puis tout rentre*
dans l'ordre. Trois minutes plus tard, le paroxysme revient, mais
moindre, et finalement profond sommeil calme. Durée totale
328 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
deux heures et demie. Le jour suivant le malade, amnésique, est
brisé de fatigue. Aucun stigmate personnel, pas de commémoratif
héréditaire névropathique et hystéropathique, Réflexes normaux.
P. Keraval.
XXV. D'une forme peu connue DE névralgie professionnelle;
par M. BERNHARDT (IVCZI ? '010g. Centralbl., xv, 1890.)
Douleur au niveau de l'épicondyle et de la tête du radius, sur-
tout du côté droit; c'est surtout une douleur provoquée (par les
pressions) qui s'étend le long de l'avant-bras jusque dans les doigts
de la main, principalement quand on meut ceux-ci et qu'on ferme
le poing, ou qu'on saisit quelque chose. Rien ou presque rien au
repos. Aucun signe de paralysie musculaire, pas d'altération élec-
trique, pas de troubles sensitifs, pas de troubles trophiques. Cet
état porte surtout sur les homnes (2T sur 30 cas) de plus
de trenle ans.' Il est consécutif au surmenage de certains
muscles (extenseurs), dure quelques semaines et cède au repos,
aux compresses hydropathiques, à la teinture d'iode, à l'applica-
tion de l'anode d'un courant électrique et au pinceau fariadique.
P. KERAVAL.
XXVI. DE la léthargie hystérique; par L. T.03NC1rf;LD. (Centralbl.
f. Newenheilli" XVIII, N. F., vi, 1895.)
L'auteur étudie comparativement la léthargie nerveuse des neu-
rasthéniques, de certains aliénés, des lésions organiques du cer-
veau, et la léthargie hystérique. Il établit que la léthargie hysté-
rique n'est pas seulement caractérisée par une tendance à des
attaques de sommeil hystérique, qu'elle est bien plutôt l'expression
d'une tendance au dédoublement de la conscience à la suppression
du Moi normal (ICI' état) et à son remplacement par un Moi patho-
logique qui vit en plusieurs tableaux ou accès épisodiques ; cette
modification psychique se produit sous l'influence d'un état parti-
culier d'épuisement cérébral engendré par la constitution hyslé-
rique du système nerveux, probablement- par auto-intoxication.
On en trouve de semblables exemples dans le diabète et l'anémie.
Le traitement consiste, en dehors de la suggestion, en l'adminis-
tration de spermine de Poehl par voie gastrique et par injections
sous-cutanées. La léthargie de la c¡]1'ébmsthén'ie, de j'hysté7'oneums-
thénie n'a pas l'intensité de la léthargie hystérique ; elle n'aboutit
pas au dédoublement de la personnalité, parce que, pour qu'il y
ait dédoublement du Moi, il faut que, préalablement, les éléments
du second Moi se soient formés dans le psuclié, en tant que pro-
duits conceptuels; or, ils ne s'y forment que pendant l'épuisement
cérébral et l'insomnie des hystériques. P. IEaA ? 1L.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329
XXVII. Troubles DE l'écriture occasionnés par UNE alexie centrale
isolée; par F. MaACK. (Centralbl. f. 1\enuenleeillc., XIX, N. F., vu,
1896.)
Le malade soutient parfaitement une conversation; il écrit bien
sous la dictée et spontanément, ainsi que les noms des objets qui
lui sont présentés; il dessine toutes les figures possibles, mais il
est incapable d'écrire d'après un modèle; il copie faux, parce qu'il
ne peut lire ou qu'il lit mal les lettres, notamment celles qui sont
associées en mots, les syllabes et les mots, quoique les organes de
la vue (vision directe) soient intacts. C'est de la cécité verbale.
L'écriture est tremblée, ataxique ; le malade affectionne les lettres
longues il branches descendantes; il est paragraphique avec dys-
grammatismes de même ordre, mais par alexie : quand il lit bien,
il écrit bien, il écrit exactement ce qu'il lit mal, c'est-à-dire mal
ce qu'il lit mal, mais exactement comme il lit.
Cet état s'est manifesté il la suite d'une attaque apoplectiforme
par syphilis artérielle du cerveau ; au début, il y a eu un gros foyer
agissant sur les centres moteurs et sensoriels, ainsi que sur
leurs voies d'association dès la 3° frontale (centre moteur de la
parole), la temporale supérieure (centre sensoriel de la parole), les
deux ascendantes (centre du bras et de la jambe), le lobe occi-
pital (centre visuel), puis la localisation s'est limitée aux voies
d'associalion entre le centre sensoriel des images graphiques pro-
duites par les impressions visuelles (centre optique) et le centre
>ensoriel et moteur de la parole et le centre motear cyaphique.
En un mot le pli courbe gauche est demeuré lésé. C'est l'endroit
où passent les fibres d'association qui relient le centre visuel occi-
pilal au centre de la parole et au reste du cerveau frontal (il y a
agraphie optique par alexie optique). Comme le patient ne peut
mécaniquement lire avec exactitude (conformément au modèle
qu'on lui donne à copier) la lésion doit s'étendre aux fibres d'asso-
ciation entre le centre visuel et le centre auditif. Comme il écrit
et dessine mécaniquement, il y a intégrité de voies d'unions
directes entre le centre optique et le centre graphique. S'il y a eu
héniieurie puis lacryma droite (corticale), le malade a conservé
une très grande cécité de la vue, ce qui prouve que la région du
cerveau qui correspond à la macula (coin, l10 occipitale) n'est pas
lésée. La lésion siège, en un mot, plus en avant, c'est-à-dire sur le
pli courbe. P. Keraval.
XXVIII. Syphilide DE la paupière supérieure guérie par LE traitement
10DURÉ ET SUIVIE D'ACCIDENTS CÉRÉBRAUX TRAITÉS SANS SUCCÈS PAR
L'IODURE ET LES FRICTIONS MERCURIELLES ET GUÉRIS PAR LES INJEC-
TIONS HYPODERMIQUES DE CYANURE DE MERCURE; pal' BE1\NA1\DHEIG et
DUIIARBY. (LYo1'llwndie médicale, 6. 4ScJG.)
330 SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXIX. Convulsions partielles ET aphasies; par DESIL1YES.
(No1'llwndie médicale, 9, 1896.) , -
XXX. Les paralysies DE l'enfant, par HLIPR. (Normandie
médicale, il, 1806.)
SOCIETES SAVANTES.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
DE LANGUE FRANÇAISE1 1
(TOULOUSE, 1897.)
Séance du vendredi G août.
Après avoir procédé à la désignation du siège du prochain
congrès (Angers 1898), et désigné M. Motet comme président et
M. PETRUCCI, médecin-directeur de l'asile d'Angers, secrétaire géné-
ral, choisi les questions générales suivantes et les rapporteurs :
1° Trou6les psychiques post-opératoires : rapporteur, M. Reynaud
(d'Orléans) ;
2° Rôle des artériles dans la palhogénie du système nerveux : rap-
porteur, M. Sabrazès (de Bordeaux) ;
3° Des délires transitoires au point de vue médico-légal : rappor-
teur, M. Vallon (de Paris),
Le congrès procède alors à l'audition des :
, Communications diverses.
M. Marie (de Dun), dépose une note sur la Colonie de Dun-sur-
A1l1'on. Actuellement la colonie compte 300 malades et on pourrait
encore disposer immédiatement de places suffisantes pour élever
au double le nombre des placements. Sur 504 entrées en cinq ans,
la colonie n'a eu que 89 décès, 5 réintégrations et 7 sorties défi-
nitives avec liberté. Le développement rapide de la colonie qui ne
comptait que 100 malades la première année est certes un encou-
ragement à favoriser cette tentative. Quant à l'action curative du
régime familial, elle se restreint forcément à l'amélioration des
1 Voir Archives de Neurologie, n° 21.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 331
chroniques ainsi placés. M. Marie rappelle en outre à propos des
colonies familiales qu'on ne doit pas confondre le système d'assis-
tance dans les colonies avec l'asile aux portes ouvertes : Sheel, par
exemple, n'a rien à faire avec l'open door qui est une institution
écossaisse. M. Doutrebente qui basait hier ses objections à l'upen
door sur sa visite à la colonie de Sheel n'est plus le système qui a
cours en Écosse, où l'assistance est basée sur une sélection rigou-
reuse des malades après un examen méthodique et leur élimina.'
tion pour maintenir à l'asile fermé son but curatif. C'est toute-
fois un système différent de celui préconisé par M. Marandou de
Montyel, qui ne voudrait pas, dans son application de l'open door
de distinction préalable des aigus et des chroniques.
M. AnGL : IDE lit un rapport sur l'examen histologique de la moelle
de 40 aliénés pris dans son service. 14 étaient des paralytiques,
12 déments apoplectiques; les autres, des aliénes chroniques qui
n'avaient jamais présenté de symptômes médullaires. Il a trou\(' ! :
principalement chez ces derniers une dégénération de la substance
blanche (faisceau de Burdach) avec raréfaction de la myéline. A
la méthode de Nissl, les cellules radiculaires antérieures et celles
de la colonne de Clarke présentaient une diminution de la substance
chromatophyle devenue homogène et fortement colorée. 11 con-
viendrait de rechercher chez les aliénés les troubles qui pourraient
correspondre à ces lésions qui paraissent assez fréquentes.
M. Sabrazès pense qu'il faut se mettre un peu en garde contre
ces sortes de lésions qu'il a trouvées souvent chez des sujets âgés
normaux. Il conviendrait comme contrôle de faire également des
études histologiques de la moelle chez ces sujets normaux.
La rééducation suggestive de la volonté. -
MM. P. VALENTIN et P. Hartenberg (de Paris). Parmi les nom-
breuses formes d'aboulies que nous avons étudiées et interprétées
conformément aux théories histologiques et physiologiques les plus
récentes (Pitres, Grassel, Flechsig, etc.), nous ne voulons considé-
rer dans ce travail que deux groupes bien différents. A. Les
- aboulies occasionnelles, qui surviennent accidentellement, sont
curables et doivent être attribuées à un trouble passager du dyna-
nisme 'psychique. Trois variétés : 1° celles qui sont consécutives
aux maladies graves; 2° celles qui sont dues à une diminution de
conductibilité desvoies motrices del'arc réflexe psychique ; 3° celles
qu'entretient une peur auto-suggérée de la douleur. B. Les
aboulies constitutionnelles, qui sont intimement liées au caractère
des malades. Trois variétés : 1° par apathie; 2° par irrésolution ;
3° par émotivité. Ces trois variétés peuvent se combiner chez le
même sujet. De plus elles se montrent à des degrés très variables;
et à leur degré le plus grave elles se confondent avec les psychoses :
332 sociétés savantes.
mélancolie, folie du doute, phobies. Traitement. La suggestion
opposée aux troubles d'une fonction essentiellement active, telle
que la volonté, doit être avant tout active. On emploiera la dyna-
mogénie-suggestive, complélée au besoin par le sommeil provoqué.
Pour les malades du groupe A, la méthode consistera il les faire
lever, marcher, se mouvoir. Cette gymnastique à deux consé-
quences favorables : ' d'abord, elle stimule le cerveau et rétablit
l'habitude du mouvement, ensuite elle rassure l'émotivité des ma-
lades, en leur montrant, par exemple, que leurs craintes sont
vaines. La guérison est habituelle. Pour les malades du groupe B,
il faut moins un traitement momentané et curatif qu'une direc-
tion morale continue. Si on le peut, on prendra les sujets dès l'en-
fance, on leur imposera une éducation conforme à leur caractère,
on les guidera dans le choix d'une carrière, on cherchera même,
dans le mariage, à unir des époux dont les tendances respectives à
l'action puissent se compléter heureusement. D'autre part, au cours
de certaines crises paroxystiques d'aboulie, survenant chez les ma-
lades sous des influences physiques ou morales, on aura recours à
la suggestion adaptée aux circonstances et à la personnalité du
sujet. Il est impossible de donner ici cette méthode en détail. Nous
le ferons dans un travail ultérieur, plus complet, consacré à la
même question.
M. Carrier 1rt un rapport sur la paralysie générale juvénile chez
les hêrédo-syphilitiques et présente quelques observations, une entre
autres particulièrement intéressante chez une jeune fille dont le
traitement spécifique produisit une rémission très nette.
M. Doutrebente s'appuie sur ce rapport pour préconiser le traite-
ment spécifique dans la paralysie générale d'origine nettement
syphilitique.
M. Régis croit qu'il faut toujours attribuer à une cause hérédo
syphilitique la paralysie générale juvénile. Les cas sont plus fré-
quents qu'on ne le croit jusqu'ici ; il en a été observé 22 en France
et de nombreux autres cas ont été observés à l'étranger. On ne
saurait trop conseiller à tous les médecins d'examiner soigneuse-
ment tous les' jeunes déments précoces. Un cas de ce genre qui
avait été très discuté, fut autopsié par M. Sabrazès et présentait
toutes les lésions de paralysie générale.
M. BEZY fait remarquer que dans nombre de cas d'hydrocéphalie
spécifique, le traitement antisyphilitique est toujours resté impuis-
sant ; il fait un rapprochement entre ces lésions des centres ner-
veux et celles des paralytiques sur lesquels on n'a pu obtenir aucun
résultat par ce traitement.
VALLON et Marie communiquent une Note sur l'étude de
quelques obsessions. Il y aurait lieu de distinguer des obsessions se
rattachant : 1° à la sphère cénesthétique (obsessions émotion-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 333
nelles) ; 2° à la sphère sensitivo-sensorielle (obsessions hallucina-
toires) ; 3° à la sphère motrice (obsessions impulsives) ; 4° à la
sphère psychique (obsessions intellectuelles), auxquelles il faudrait
ajouter les combinaisons de ces variétés entre elles. La combinaison
la plus constante est celle qui comprend un certain degré de parti-
cipation de la zone antérieure psychique sous forme de phénomènes
de conscience plus ou moins complets avec intervention plus ou
moins effective des centres phrénateurs.
Autre note de MM. Vallon et Marie sur le délire mélancolique.
C'est contiibution à l'étude des délires mélancoliques systématisés
à évolution progressive (type Letard), en un mot un chapitre à
ajouter à l'étude du délire des négations.
M. HAMKL lit en son nom et au nom de 11. Marie une note sur les
aliénés vagabonds et l'utilité qu'il y aurait à procéder à un examen
médical qui permettrait de reconnaître souvent les aliénés migra-
teurs méconnus dont il rapporte un certain nombre d'observations.
C'est une question qui se rattache à celle des aliénés méconnus et
condamnés par les tribunaux.
M. Drouineau aurait désirer voir établir dans cette question une
statistique des vagabonds aliénés traités à la colonie de Dun. Les
chômages et les conditions sociales tendent de nos jours à augmen-
ter le nombre des vagabonds; des travaux de statistique seraient t
intéressants pour établir une délimitation entre les vagabonds
aliénés et ceux qui le deviennent par des causes extrinsèques.
M. GiRuD appelle l'attention sur les nombreux persécutés et
hallucinés chroniques qui deviennent vagabonds sous l'influence
de leurs hallucinations.
M. Sabrazès rapporte le cas d'une jeune fille ayant présenté des
borborygmes rythmés. Cet état d'origine gastrique était favorisé par
l'état névropathique du sujet. Guérison au moyen de la compres-
sion par la sangle dePlénard.
MM. Dubuisson et Anglade rapportent un cas d'épilepsie trauma-
lique suivi d'autopsie. Le malade avait eu des accidents épilep-
tiques consécutifs à un coup de pied de cheval reçu sur la partie
antérieure de la région frontale. Troubles mentaux consécutifs,
état maniaque, mort en état de mal épileplique. A l'autopsie
adhérence du cuir chevelu et des méninges, esquille comprimant
la première frontale. Ce cas démontre qu'un sujet peut vivre avec
perte de substance et qu'il n'est pas besoin que la force motrice
soit intéressée pour produire des accidents épileptiques.
Deux cas de chorée héréditaire avec aittopsie.
L.4,NNois et Paviot (de Lyon) ont pu faire l'examen histo-
logique de deux cas de chorée héréditaire, datant l'un de vingt ans,
334 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'autre de cinq ans et demi. Au point de vue macroscopique, en
dehors de lésions banales d'épanchement dans les méninges, de
pachyméningite et d'hématomes récents, les auteurs appellent
surtout l'attention sur l'atrophie cérébrale, qui est des plus accu-
sée ; l'encéphale entier pesait chez la première malade 950 grammes
et chez la seconde 980 grammes.
Au point de vue microscopique, la lésion très évidente, consiste
essentiellement en une infiltration de petites cellules rondes,
presque uniquement constituées par un noyau volumineux que
l'on voit déjà dans la zone des cellules polygonales, qui augmente
dans la zone des petites cellules et atteint tout son développement
dans la zone des grandes cellules pyramidales. Ces cellules se ren-
contrent également dans la substance blanche sous-jacente. Elles
sont pour la plupart disposées, au nombre de trois à six, autour de
la cellule pyramidale dont elles ont envahi la gaine lymphatique,
ou autour des vaisseaux, soit dans, soit autour de la gaine péri-
vasculaire.
La moelle paraît légèrement atteinte dans les faisceaux descen-
dants, la région antéro-latérale et le cérébelleux direct. La lésion
dans ces deux cas est donc très analogue à celle qui a été décrite par
Greppin. Les auteurs lui attribuent une grande importance, car les
trouhlls moteurs et mentaux s'expliquent bien par l'irritation des
neurones, par les noyaux ayant rempli les espaces péri-cellulaires.
Sans se prononcer catégoriquement sur l'origine de ces noyaux,
les auteurs ont de la tendance à les considérer moins comme le
résultat d'une encéphalite que comme une prolifération des cel-
lules fixes de la névroglie, évoluant lentement et ne donnant de
symptômes qu'à un degré avancé. Ils ne croient pas qu'on puisse
englober dans une même description tous les cas de chorée chro-
nique dont les unes ont de grosses lésions macroscopiques et les
autresde fines lésions histologiques très différentes de nature.
Du nycthémère appliqué à l'étude des maladies nerveuses et mentales.
M. PAILHAS (Albi). S'appuyant sur l'évolution des différentes
phases du nycthémère et leur influence sur les fonctions de l'or-
ganisme humain et ses résistances vitales, M. Pailhas tente un
rapprochement entre l'enfance et l'hystérie d'une part, et d'autre
part entre la vieillesse et la neurasthénie. Sur le nycthémère, et par-
ticulièrement sur l'influence vespérale, il fonde un élément de dif-
férenciation des états hypersthéniques et hyposthéniques dans les
affections nerveuses, mentales et autres. Finalement il arrive à ces
conclusions :
1° La matinée entraîne un abaissement de la vitalité propre à
décéler les états hyposthéniques : tels par exemple, la neurasthé-
nie et les troubles qui sont sous sa dépendance.
` SOCIÉTÉS SAVANTES. 335
2° La soirée (entre 3 et 6 heures) accuse un surcroît de cette
vitalité de nature à accentuer les états hypcrsthéniques, aux-
quels paraît se rattacher essentiellement l'hystérie, et à amender,
au contraire, les troubles matinaux de la neurasthénie ou de
l'hyposthénie sénile.
3° Considérés dès lors au critérium de leurs réactions respec-
tives vis-à-vis du nycthémère, il semble que les états nerveux,
vésaniques ou autres, puissent se différencier dans leur nature
hyperstbénique, hyposthénique et même congestive selon que les
accidents surviennent de préférence ou se montrent plus accusés,
le soir entre 3 et 6 heures, le matin entre 6 et 10 heures ou aux
heures matinales de la nuit si propices aux crises tluxionnaires.
4° Ainsi appliquée à l'observation des maladies mentales, l'in-
tervention nycthémérale permet de constater l'extrême prédomi-
nance des psychosthénies.
5° Les données précédentes se montrent absolument opposées à
la théorie physiologique de l'hystérie fournie par M. Féré en 1890
et de laquelle il découlerait que cette névrose, loin d'être un état
hypersthénique, serait l'expression d'un affaissement des phéno-
mènes vitaux.
Spasme expiratoire laryngé paroxystique.
MM. NoGuÉs et SAIR : 1L. Il s'agit d'un gendarme retraité un peu
nerveux, mais sans antécédents personnels ou héréditaires. A la
suite d'une émotion il est, en 1885, brusquement pris d'étouffe-
ments. Cette première crise qui l'effraya, dura vingt secondes envi.
ron. Depuis il a de douze à dix-huit crises par jour et quatre ou
cinq par nuit.
Avant la crise il y a de l'angoisse, puis sensation de boule. La
crise est constituée par une expiration prolongée précédée soit d'un
gémissement rauque, soit d'un sifflement. La cage thoracique est
immobilisée par une sorte de tétanisation des muscles expirateurs;
les paupières sont mi-closes, les yeux ne sont pas convulsés ; la
face est congestionnée, violacée : la bouche est ouverte. Au bout de
quinze à vingt secondes, il se produit une forte inspiration, la face
se décongestionne, la bouche se ferme puis la yeux s'ouvrent. Pas
de perte de connaissance, ni de sensation vertigineuse. Pas d'émis-
sion involontaire d'urine ou de matières fécales. État général bon.
L'examen laryngoscopique a montré qu'il n'y avait pas de lésion
du larynx. L'ictus laryngé a été écarté en raison de l'absence
d'aura, de perte de connaissance et de chutes. Il n'y a aucun signe
de tabes. L'épilepsie à aura laryngée ne peut être incriminée. Il
n'y a donc qu'à l'hystérie mono-symptomatique ou au phréno-
âlottisme de l'adulte affections qui se ressemblent tant - qu'on
puisse rattacher cette singulière affection.
33G SOCIÉTÉS SAVANTES.
Etiologie et pathogénie de la paralysie générale.
MM. Mairet et Vires (de Montpellier). Nous nous sommes
demandé si derrière l'unité symptomatique et anatomique de la
paralysie générale ne se cache pas une diversité de nature. Pour
élucider cette question, nous avons réuni toutes nos observations
de paralysie générale ; après avoir éliminé celles où les ren-
seignements relatifs aux causes font défaut ou sont incomplets,
il nous en est resté 174 dont l'étude nous permet les conclusions
suivantes :
i° Dans tous ces cas, sauf un, on rencontre des facteurs suscep-
tibles d'être regardés comme causes. Il se divisent en héréditaires
et en acquis. Les premiers sont constitués par diverses mala-
dies chroniques des ascendants, arthritisme. alcoolisme, tubercu-
lose, cérébralité, maladies mentales et nerveuses. Le second groupe
comprend : a) les intoxications, spécialement l'alcoolisme, le taba-
gisme, l'oxyde de carbone; b) les infections : aiguës, fièvre typhoïde,
influenza, paludisme; chroniques, tuberculose, syphilis; c, les excès
divers : excès génésiques, surmenage intellectuel; d) les trauma-
tisnaes; e) les causes morales.
2° Plusieurs de ces facteurs se trouvent réunis chez le même
individu; beaucoup plus rarement certains d'entre eux peuvent
exister seuls. Les facteurs qui peuvent reslerseuls sont : les héré-
dités cérébrale, arthritique, alcoolique ; l'alcoolisme personnel, la
syphilis, l'oxyde de carbone. N'existent jamais seuls : les hérédités
tuberculeuse, mentale et nerveuse; les infections aiguës, la tuber-
culose, le tabagisme, les excès, les traumalismes, le surmenage et
les causes morales. Ces divers facteurs peuvent-ils être cause de
paralysie générale ? Nos recherches nous ont amené aux conclusions
suivantes :
1° L'hérédité mentale et nerveuse n'a aucune influence. La pré-
disposition née de cette hérédité ne fait que fournir des éléments
au délire, ou associer il la démence paralytique une folie-névrose; ?
2° Les causes du deuxième groupe précédemment constitué,
celles qui ne sont jamais seules, ont une influence parfois puis-
sante, d'autres fois beaucoup moins marquée; causes déterminantes
là, causés occasionnelles ici ;
3° Les facteurs du premier groupe, ceux qu'on retrouve seuls
dans l'étiologie, ont une action pathogène.
En particulier, la syphilis ne produit pas la paralysie générale
vraie ; elle donne naissance, du côté du cerveau, à des lésions spé-
cifiques qui peuvent s'exprimer symptomatiquement sous les allures
de la paralysie générale, elle donne naissance à une syphilis céré-
brale à forme de paralysie générale.
En résumé, les causes pathogènes de la paralysie générale sont :
les hérédités arthritique alcoolique, cérébrale, et l'alcoolisme per-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 337 I
sonnel. Ces causes donnent naissance à une prédisposition qui peut
aboutir par elle-même à la paralysie générale, ou bien fournissent
un terrain favorable à l'application des causes constituant notre
second groupe, qui passent alors au premier plan. C'est en produi-
sant une sénilité anticipée, c'est-à-dire la dégénération et l'inflam-
mation des tissus, que l'a1'lhl itisme produit la paralysie générale, et
dans ces cas l'affection prend, en général. tous les caractères de la
paralysie générale sénile. A l'autopsie de ces diathéiques, alors
même qu'ils n'auraient pas présenté, au début de la paralysie géné-
rale, la forme sénile, on trouve au coeur, au foie, aux reins, les
lésions dégénératives du début de la sénilité, dégénérescence grais-
seuse ou scléro-graisseuse.
L'hérédité cérébrale produit du côté du système nerveux central,
d'une part, une tendance à l'inflammation diffuse du système vas-
culaire et, d'autre part, une moindre résistance organique de la
cellule nerveuse. Cette moindre résistance s'affirme par une fatigue
intellectuelle facile et une sensibilité extrême à l'égard de certains
agents et particulièrement de l'alcool. Aussi voit-on, sous l'influence
d'une cause légère, la cellule nerveuse chuter. Or, cette moindre
résistance organique ne peut s'expliquer que par une dégénéra-
lion de la cellule. C'est donc la dégénération, l'inflammation qui
font, dans ce cas, éclore la paralysie générale.
L'hérédité alcoolique peut produire soit la sénilité anticipée,
comme l'hérédité arthritique, soit une moindre résistance orga-
nique du système nerveux cenlral, comme l'hérédité cérébrale.
L'alcoolisme personnel mine le cerveau, atteignant la cellule sous
forme de délire, de démence, et les vaisseaux sous forme d'attaques
et de congestions liées naturellement à une inflammation dégéné-
rative vasculaire. De sorte que dégénéralion et inflammation sont
les deux modes suivant lesquels l'alcoolisme aboutit à la paralysie
générale. . -
Ce que nous venons de dire de l'alcool peut s'appliquer aux
excès, au surmenage, à {'infection, etc., qui usent la cellule et con-
gestionnent le système nerveux. Seulement ces dernières causes
trouvent un terrain tout préparé à leur action par les causes que
nous avons indiquées précédemment : Quelle que soit la cause pre-
mière, partout nous retrouvons la dégénération et l'inflammation.
Par suite, rien d'étonnant que le travail anatomique soit morpho-
logiquement le même dans tous les cas. Mais cette lésion anato-
mique peut être due à une maladie locale (hérédité cérébrale)
ou une maladie générale (arthritisme, alcoolisme). 11 existe donc
deux grands groupes de paralysie générale, l'un maladie locale
du système nerveux, l'autre symptomatique d'une maladie géné-
rale. Les nécropsies démontrent que cette division n'est pas théo-
rique.
Archives, 2e série, t. IV. 22
338 SOCIÉTÉS SAVANTES.
De la folie paludique.
lli\I. REV (d'Aix) et BOTNET (de Marseille). Cette communica-
tion repose sur des faits nombreux observés au Tonkin, à Mada-
gascar, au Brésil, et recueillie, de 1882 à 1896, à l'asile de liarseille;
ils démontrent qu'il existe une vésanie déterminé parle paludisme.
Nos malades sont des -militaires, appartenant principalement aux
régiments étrangers, aux compagnies de discipline, aux bataillons
d'Afrique, et ayant servi dans des colonies différentes, mais à foyers
paludiques graves.
La première partie de ces observations a été établie par des
médecins de la marine, des colonies ou de l'armée de terre; mais
ces nombreux médecins ont vu la même chose, de telle sorte que
toutes ces observations, malgré leur diversité d'origine, ont des
caractères communs. Tous ces malades, à l'occasion d'une intoxi-
cation paludique aiguë, ont été pris d'un état mélancolique avec
stupeur : quelquefois il y a des fugues inconscientes; d'autres
fois des frayeurs avec hallucination, etc. En somme, il résulte des
rapports de nos confrères militaires ou marins que l'intoxication
paludique aiguë peut déterminer une vésanie, qui se présente tou-
jours comme un délire mélancolique simple.
Des hommes ainsi frappés, un certain nombre peut se remettre
rapidement; mais chez d'autres les troubles de l'état mental per-
sistent et nécessitent leur envoi dans un asile où on observe encore
des guérisons fréquentes. Cependant, chez quelques-uns, les trou-
bles passent à l'état chronique, ce sont alors des prédisposés; le
délire change d'aspect. On observe des particularités remarquables
chez les dégénérés qui, après avoir présenté le délire mélancolique
paludéen, font parfois consécutivement du délire spécial à cette
catégorie de malades..
On peut s'expliquer ainsi cette scène pathologique : le premier
tableau est dû à l'infection paludique; chez les sujets non prédis-
posés les choses en restent là; mais lorsque l'alcoolisme, la syphi-
lis, l'hérédité ont préparé le terrain, chez les prédisposés en un
mot et il n'est pas téméraire de ranger dans cette catégorie les
déséquilibrés si nombreux à la légion et dans les corps d'épreuve
le drame continue et le sujet lui imprime son cachet personnel.
Il semble que l'attaque de paludisme doive être particulièrement
grave pour produire ces désordres, car, dans la Camargue, où la
fièvre intermittente est commune et dans certains cantons de la
Corse, nous ne voyons pas donner naissance à de la vésanie.
Nous n'avons pas non plus constaté, dans la folie paludique,
que le retour des accès de fièvre amène une aggravation dans leur
état mental où même une récidive. Nous devons également signa-
ler que les paludiques peuvent présenter des états analogues à la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 339
paralysie générale, comme nous l'avons observé au Brésil et à
l'asile de Marseille.
Ces données'nous ont semblé intéressantes au point de vue des
obligations qu'elles créent il l'Etat vis-à-vis de cette catégorie des
malades. Jusqu'à présent, il n'a pas été admis que le paludisme
pouvait occasionner la folie et l'on ne considérait pas les vésa-
nies qui se produisaient dans ces conditions comme causées par le
service et ouvrant des droits à la retraite. C'est une erreur à recti-
fier, une injustice à réparer.
M. Régis. -J'ai observé chez des soldats d'infanterie de marine
des faits analogues à ceux que vient de signaler M. Rey. La symp-
tomatotogie est celle de toutes les folies infectieuses, à tel point
qu'on croirait d'abord qu'il s'agit d'alcoolisme. J'ai observé souvent
le retour des accès de délire coïncidant avec les accès de fièvre
intermittente.
M. Doutrebente demande à M. Rey, s'il a noté le pays d'origine
de ses malades.
M. Rey Les malades venaient de tous les pays, et il a l'obser-
vation d'un malade, soldat au 4° régiment d'infanterie de marine,
qui était né dans les Basses-Alpes où on n'a jamais signalé de cas
de paludisme.
M. Aug. Vosix. M. Rey a-t-il fait l'examen du sang ? Quel était
l'état de la rate ?
M. REY. L'examen du sang a permis quelquefois, mais pas
toujours, de retrouver l'hématozoaire de Laveran. La rate était
toujours grosse.
M. CULIèRE habite une région marécageuse (Charente), il voit
beaucoup de paludiques, et jamais il n'a observé un cas de folie
primitive, reconnaissant nettement pour cause le paludisme.
M. E. Maurel. Malgré une longue pratique du paludisme,
notamment à la Guyane où le paludisme peut épuiser son action
sur le personnel de la transportation, dont une partie meurt de
cachexie paludéenne, je ne me souviens pas d'avoir observé des
troubles cérébraux persistants. Sans nier l'existence de ces trouble ?
je pense donc qu'ils doivent être assez rares.
Je pense aussi que, relativement à ces troubles, il faut faire deux
groupes de manifestations paludéennes : les accès pernicieux et les
formes simples qui cependant peuvent conduire à la cachexie. Or,
si les accès pernicieux, surtout les cérébraux qui, ainsi que le
prouvent les autopsies, sont souvent accompagnés de lésions de la
méningite, peuvent être suivis de troubles psychiques, il parait
difficile d'admettre que le. paludisme simple puisse conduire aux
mêmes résultats. Je suis donc porté à croire que dans les cas obser-
vés par M. Rey, il faut faire intervenir, et avec un rôle des plus
340 SOCIÉTÉS SAVANTES.
importants, ainsi du reste que M. Rey l'admet lui-même, les dégé-
nérescences prédisposantes, l'alcoolisme et les insolations. Le palu-
disme n'arriverait ainsi que comme cause adjuvante, occasion-
nelle, de même que certaines autres infections.
En terminant, je ferai remarquer qu'il y aurait quelque inconvé-
nient à exagérer l'influence du paludisme dans l'étiologie de ces
troubles psychiques, au point de vue de la pension de réforme,
point sur lequel M. Rey a insisté. Il serait à craindre, en effet,
que ces pensions ne fussent accordées à un personnel qui est loin
de les mériter .
Note sur la toxicité urinaire dans la chorée chronique héréditaire.
MM. RISPIL et Baylac communique une observation de chorée
chronique héréditaire où les urines se sont montrées hypotoxiques
dans toutes les expériences faites sur les animaux de laboratoire.
Un cas d'acromégalie traitée par la médication thyroïdienne.
MM. BAYLAC et G. Fabbe. Dans un cas d'acromégalie à évolu-
tion lente, sans retentissement sur l'état général et n'ayant amené
aucun trouble encéphalique, les auteurs ont employé la médica-
tion thyroïdienne, le corps thyroïde était administré en nature, à
l'état frais, à la dose de 4 grammes pendant deux mois et de
2 grammes pendant un mois.
Sous l'influence de ce traitement, le malade a présenté un
amaigrissement progressif (8 kilogrammes) qui a enlevé aux mains
leur aspect de battoirs et diminué l'hypertrophie des pieds. En
revanche le prognathisme et la cyphose ont paru amoindris.
Du côté des urines, les auteurs ont constaté une augmentation
croissante de l'urée excrétée.
M. Pierre Parigot (Nancy). Les hallucinations de l'ouïe sont
fréquentes dans la démence sénile délirante; elles accompagnent
plus spécialement le délire avec les idées de persécution.
Elémentaires, communes, auditives-verbales, elles sont quelque-
fois combinées, auditives-verbales et motrices.
Elles concernent des faits anciens ou des personnes connues
depuis longtemps, affectent souvent le caractère triste ou injurieux
et leur reproduction monotone témoigne du défaut de mémoire et
d'imagination du dément sénile.
Au début des troubles délirants, elles se manifestent de préfé-
rence la nuit et, quand la démence a fait des progrès, c'est encore
la nuit qu'on les retrouve plus nombreuses; l'hypnose naturelle
rend manifestes des phénomènes psycho-sensoriels qui resteraient
latents à l'état de veille.
Les hallucinations auditives ont besoin parfois pour éclore d'une
SOCIÉTÉS SAVANTES. 34'
impulsion; il suffit d'un mot ou d'un nom bien connu prononcé
devant un dément délirant ou bien d'un sifflement ou de quelques
bourdonnements produits par une lésion de l'oreille si commune
à l'âge avancé.
La suggestion à l'état de veille permet souvent de faire renaître
ou d'arrêter, au gré de l'observateur, des hallucinations auditives
mais elle ne peut en créer de nouvelles; ces hallucinations provo-
quées se manifestent avec plus ou moins de netteté suivant le
degré de suggestibilité ou de démence des sujets.
Céphalée persistante. Idées et tentatives de suicide. Deux craniecto-
mies. Lésions méningées. Guérison.
MM. Voisin et LOEVE, Il s'agit d'un malade de vingt-deux ans,
se plaignant d'une céphalée atroce dans le côté gauche de la tête
depuis trois ans ; attaques convulsives avec chute à terre, déviation
de la langue à gauche, hémiparésie droite, idées de suicide. Un an
après, en janvier 189G, survint une phase aiguë avec température
élevée, céphalée intolérable, puis prostration. Cette période aiguë
fut de courte durée ; mais les vomissements, la céphalée persis-
taient, l'inanition menaçait la vie du sujet.
Le 19 mars 1896, M. Péan fit une craniectomie à la région tem-
poro-pariétale gauche ; 10 centimètres de tissu osseux dans le sens
antéro-postérieur et 7 centimètres dans le sens vertical furent
enlevés.
La dure-mère bombait : une ponction fit jaillir un jet de liquide
de 22 à 25 centimètres de haut. La dure-mère incisée, un lac séreux
fut trouvé, occupant une loge de 4 centimètres cubes de diamètre
dans les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, loge
bordée par des fausses membranes. La dure-mère était doublée à
sa face interne d'une couenne grisâtre. La pie-mère était opaline.
L'amélioration fut immédiate : céphalée gauche, hémiparésie et
vomissements cessèrent; les idées de suicide disparurent, et le
15 juillet 1896, on pouvait considérer la malade comme complète-
ment guérie.
Vers la fin de septembre elle commençait à éprouver des tiraille-
ments douloureux dans le côté droit de la tête, jusque-là indemne.
La douleur ne fit qu'augmenter et, à la fin de mars 1897, la malade
souffrit jour et nuit. Le maximum d'intensité siégeait à 5 centi-
mètres au-dessus du pavillon de l'oreille. Tentative de suicide.
Une nouvelle intervention fut pratiquée du côté droit par
M. Péan. Large incision curviligne à concavité dirigée vers l'oreille
coupant perpendiculairement dans son tiers extérieur la suture
fronto-pariétale. On trouve de l'ostéite condensante et une conges-
tion aiguë considérable de la pie-mère, véritable apoplexie ; elle
siège au milieu de la région temporale, en avant elle avance sur
342 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les première et deuxième frontales; suites simples. La malade, à
l'heure actuelle, est guérie et a engraissé. Il est à remarquer que
cette malade, avant chaque opération, présentait de la rétention
d'urine, qui disparut après chaque intervention.
Sur la réapparition des phénomènes psychiques dans la guérison du
- coma éclamptique.
M. Lafforgue, médecin militaire. De l'analyse de deux faits
de ce genre, nous avons retenu les phénomènes suivants. La sensi-
bilité viscérale a persisté dans un cas, et a été la première à repa-
raître dans le deuxième, sans que l'on ait constaté une manifesta-
tion de la sensibilité sensorielle proprement dite. Les manifesta-
tions de cette sensibilité ont affecté même l'aspect de réactions
complexes, déterminant des actes très compliqués. Ces faits corro-
borent l'opinion qui établit l'indépendance entre le moi splanch-
nique et le moi viscéral puisqu'ils peuvent se manifester l'un sans
l'autre; ils semblent démontrer que les centres cérébraux du moi
splanchnique offrent une plus grande résistance aux influences de
l'intoxication.
Les phénomènes cérébraux ont réapparu à peu près dans l'ordre
dans lequel ils semblent prendre naissance au début de la vie :
sensations viscérales, sensibilité gustative et olfactive, et enfin sen-
sibilité tactile et visuelle. La mémoire n'a apparu que longtemps
après. Les souvenirs les premiers apparus sont ceux qui intéres-
saient la personnalité même des malades, conscience du moi, et
ensuite les faits relatifs à la famille. D'une façon générale, les plus
éloignés ont les premiers été rappelés, les plus rapprochés de la
maladie ont apparu en dernier lieu. Ce qui semble prouver que
les cellules cérébrales qui sont le substratum des souvenirs ont
résisté d'autant plus à l'influence morbide que leur fonctionne-
ment avait été plus durable, et, par suite, que leur organisation
était plus développée. Le fait suivant, relevé dans un de ces cas,
vient à l'appui de cette opinion. Le rappel des images visuelles a
été plus difficile que celui des images auditives ou motrices, et
dans les essais faits pour provoquer le retour de la mémoire, le
souvenir était plus aisément évoqué par des moyens se rapportant
aux deux dernières catégories d'images que par des phénomènes
d'ordre visuel. Or, la malade qui a donné lieu à ces remarques
avait eu des troubles visuels très accentués d'origine cérébrale-
immédiatement avant les accès éclamptiques et à titre de phéno-
mène prémonitoire. Enfin, l'attention volontaire était due à l'in-
tensité de la mémoire, il la richesse des souvenirs. Une mobilité
d'esprit extrême était notée au début ; nulle tant que la conscience
de la personnalité n'a pas été complète, l'attention s'est ensuite
progressivement établie.
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 343
L'association des faits de conscience s'est également manifestée
dès la première manifestation des diverses sensibilités; l'associa-
tion et la coordination appliquées d'abord à des phénomènes
d'ordre sensitivo-moteur ont toujours ensuite coïncidé avec les
phénomènes d'ordre plus élevé auxquels elles s'appliquèrent. Elles
se sont donc montrées comme une conséquence logique de ces
phénomènes sensitifs ou intellectuels, plutôt qu'à la façon d'un
phénomène particulier et indépendant.
M. l3fizr lit une note sur l'hémiplégie chez l'enfant.
A propos d'une tumeur du crâne opérée chez une fillette de un jour
et demi.
MM. Secheyron et Maurel présentent une fillette âgée de quelques
jours seulement, née à terme dans un accouchement normal, par la
tête, et qui présentait une tumeur à la partie supérieure du crâne,
au niveau de la région inlerpariétale, en avant de la pointe de l'oc-
ciput. Cette tumeur molle, comme spongieuse, recouverte comme
d'un voile, est légèrement aplatie et offre à sa base une ligne de sé-
paration circulaire bien nette entre la peau crânienne et l'enveloppe.
Cette tumeur est reliée par un large pédicule qui paraît s'enfon-
cer dans l'encéphale. Privée de tout mouvement d'expansion, la
tumeur est douloureuse, surtout eu arrière et à gauche, la pression
de cette zone déterminant des mouvements réflexes, des contrac-
tures brusques des quatre membres, ou bien une sorte de bâille-
ment, de respiration profonde, parfois des contractures de la face,
exprimant la douleur. Notons également les mouvements de rai-
deur tétanique, qui s'emparent de la nuque, de la colonne verté-
brale, et soulèvent légèrement l'enfant. La tête a une forme spé-
ciale aplatie, il semble qu'un coup violent ait effondré les os de la
voûte crânienne. Le front est renversé en arrière, au niveau de sa
base et fait défaut. Les frontaux, pariétaux, sont réduits d'étendue,
les sutures sont larges ; les fontanelles antérieures et postérieures
paraissent faire défaut ou sont remplacées par l'hiatus d'où sort
la tumeur. Les globes oculaires sont en exophtalmie ; l'oeil gauche
est tourné en dehors et en haut. L'oeil droit regarde en bas et en
dehors. Quelques contractions fibrillaires passent parfois sur les
muscles de la face.
L'enfant n'offre pas d'autres malformations apparentes. La cir-
culation est normale (un peu violacée le premier jour). Les fonc-
tions digestives paraissent normales, l'enfant telle avec avidité.
Les réflexes tendineux sont exaltés. L'enfant est toujours assoupie.
Il ne pousse pas de cris. M. Secheyron fit l'opération au bout de
vingt-quatre heures. Les suites en furent simples et bonnes. La
tumeur examinée par M. Daunic, chef du laboratoire d'anatomie
pathologique, était simplement un angiome. (A ? «,.» \
344 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 20 décembre 1896.
M. Weidenhammer. Contribution l'élude des dégénérescences secon-
daires dans les lésions circonscrites de la protubérance. Le rap-
porteur examine (principalement par la mélhode de Marchi) des
dégénérescences ascendantes et descendantes dans un cas de
tnmeur (tubercule du pont de Varole) qui a détruit la partie gauche
de la piotubérance et produit une interruption de tous les systèmes
de ses libres de ce côté. La dégénérescence du faisceau longitudi-
nal postérieur ne va pas loin; ce système consiste dans sa masse
principale de fibres connectives courtes. La plupart des fibres de
la substance réticulaire grise ne contient non plus des voies
longues, les dégénérescences de ce système cessent rapidement en
haut et en bas de la tumeur, mais dans les parties extérieures
(latérales) de la substance réticulaire grise se trouvent des fibres
longues, qui sont dégénérées en direction descendante; c'est jus-
tement le système de fibres fines, situées en dedans de la substance
gélatineuse de la racine bulbaire (inférieure) du trijumeau. La dé-
génération de ce système des fibres, qui traversent tout le long du
bulbe et s'épuisent graduellemenl vers le niveau de l'entrecroise-
ment supérieur, n'est décrite par personne encore. En direction
descendante se dégénère aussi une petite quantité de fibres,
situées dans les régions extérieures de la substance réticulaire
grise. Ces fibres, d'une dimension assez grosse, se trouvent entre la
racine bulbaire du lrijumeaa et l'olive inférieure et semblent tour-
née vers le processus réticulaire au niveau de l'origine de la décus-
sation des pyramides ; il est très possible qu'elles appartiennent
au faisceau dit déclinant t (M onako tU) ,
La voie centrale de la calotte et la racine bulbaire du trijumeau
se dégénèrent en direction descendante ; la première s'épuise au
niveau des régions inférieures du bulbe, au sur et à mesure de la
disparition de l'olive inférieure, et la seconde vers le niveau de la
sortie des racines du deuxième nerf cervical.
Le ruban de Reil médian se dégénère en entier en direction
ascendante ; dans la couche interolivaire se trouvent aussi des
faisceaux isolés, dégénérés dans la direction descendante; mais
ces faisceaux, d'après l'avis du rapporteur, appartiennent au sys-
tème des faisceaux pyramidaux. En direction descendante se dégé-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 345
nèrent le faisceau médian supplémentaire du ruban de Reil et la
partie principale de ces faisceaux, que l'on nomme disséminés. Ces
faisceaux disséminés contiennent des fibres ascendantes de même
que des fibres descendantes. Les unes et les autres s'achèvent dans
l'écorce cérébrale. Les fibres descendantes des faisceaux disséminés
s'épuisent vers le niveau des régions inférieures du pont de Varole.
Les fibres ascendantes présentent, peut-être, une voie centrale pour
les fibres du trijumeau, qui conduisent les sensations liées avec la
mimique volontaire et avec la parole (les mouvements de la langue).
En suivant la direction des fibres dégénérées du ruban de Reil
médian (principalement), le rapporteur put s'assurer qu'ils s'achè-
vent de trois sortes :
1° La partie principales des fihres se disperse dans la région du
noyau central de la couche optique; 2° une petite quantité de
fibres se dirige vers la zona incerta, en se finissant, comme il le
parait, dans les cellules de la partie la plus interne ; 3° la troi-
sième partie des fibres, en passant par le centre médian, s'achève
dans les cellules situées de son côté potéro-médian concernant
le petit faisceau des fibres, qui se trouve en dedans du « dorsale
Abtheilung (de liôsel) du ruban de Reil médian du pédoncule céré-
bral et qui est dégénéré en direction ascendante, sa disposition et
sa terminaison suivent totalement la direction principale du ruban
de Reil. Ce faisceau n'a pas de dénomination spéciale ; il est pos-
sible qu'il présente la continuation du système des fibres, décrit
par M. Ilüsel, et sert de voie centrale du noyau sensitif du triju-
meau. ·
En outre, on a trouvé des lésions de la moelle épinière, princi-
palement dans les cordons dorsaux et dans les fibres radiculaires.
De pareilles altérations sont constatées encore, par la méthode de
Marchi, dans six cas de tumeurs cérébrales. Dans tous ces cas on a
pu voir la dégénérescence plus ou moins marquée dans les cor-
dons postérieurs de la moelle épinière. La dégénérescence la plus
sensible est observée surtout dans la région radirulaire des fais-
ceaux de Burdach de la partie cervicale ; dans les faisceaux de
Goll elle est plus faible.
En s'abaissant, la dégénérescence diminue graduellement, et
s'affaiblit le plus dans la partie lombaire de la moelle épinière.
Les racines postérieures sont aussi altérées, mais leurs changements
sont disséminés et disposés très inégalement et il faut remarquer
que dans leur partie extra-médullaire prédominent des phéno-
mènes d'une névrite parenchymateuse et dans leur partie intra-
médullaire des phénomènes d'une dégénérescence secondaire.
Dans des cas, où la lésion est plus forte, dans les faisceaux posté-
rieurs on peut voir aussi une dégénérescence disséminée dans les
cordons autéro-latéraux, exprimée de même principalement dans
la région cervicale de la moelle épinière. Il faut chercher la cause
346 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de ces altérations dans l'auto-intoxication du sang, comme suite
d'un dérangement de la nutrition sous l'influence de la tumeur et
dans les tumeurs malignes, peut être à cause d'une influence
toxique du néoplasme lui-même.
Des remarques ont été faites par M. Mouratoff et M. Mouravieff.
Ce dernier est d'avis que les névrites radiculaires peuvent être
observées dans les conditions les plus variées et il est porté à expli-
quer leur origine par l'épuisement.
M. MounATOFF. Contribution à l'étude de la pathologie générale
des destructions cérébrales précoces par rapport à l'épilepsie.
Observation I. - Une jeune fille de dix-sept ans eut une mala-
die aiguë du ccrveau lorsqu'elle n'avait que dix mois. Hémiplégie i
latérale gauche avec atrophie musculaire et avec développement
incomplet du squelette. Accès d'épilepsie jacksonienne, débutant
au bras. Démence. Parfois excitation très forte presque sans mo-
tifs, s'exprimant en accès de fureur.
Observation IL Un homme de vingt-trois ans, devint malade
lorsqu'il n'avait que six mois. Hémiplégie gauche avec atrophies
habituelles. Accès épileptiques très fréquents avec perte de cons-
cience. Les convulsions débutent du côté gauche et passent facile-
ment du côté droit. Phénomènes post-épileptiques d'assez longue
durée en forme de convulsions cloniques bilatérales. Idiotisme. La
sphère psychique de ces deux malades présente beaucoup d'ana-
logie : compréhension incomplète de l'entourage, faible critique et
mémoire, manque d'intelligence et très grande faiblesse de com-
binaisons.
L'auteur est porté à expliquer la lésion cérébrale si précoce par
un ramollissement cérébral, développé sur un terrain d'altération
innée de vaisseaux.
Les apoplexies infantiles diffèrent des lésions cérébrales des
adultes par l'étendue plus vaste des dégénérescences consécutives ce
qui mène par l'atrophie et la diminution des lobes centraux en-
tiers et par la sclérose lobulaire, observée par Cotard, ainsi que par
des destructions plus vastes - au ramollissement cérébral infun-
dibuliforme (porencéphalie).
Le rapporteur soutient l'avis de Sachs et de Féré, que l'épilepsie
spontanée et la paralysie infantile sont deux maladies conformes
et de la même espèce ; seulement, dans la première on trouve des
dégénérescences plus fines, qui s'expriment cliniquement par un
développement asymétrique du crâne, par une innervation iné-
gale de la face, affaiblissement de la force musculaire et raccour-
cissement cubital des doigts.
Pour confirmer la ressemblance clinique de l'entité morbide,
décrite par Sachs et Féré, le rapporteur présente encore une
preuve anatomique : .
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 347
Observation III. Epilepsie psychique dès l'âge de treize ans;
impulsion maladive pour les boissons alcooliques; accès de fureur
épileptique; parfois des convulsions en forme d'épilepsie générale.
Mort après l'âge de trente ans, à la suite d'un accès épileptique.
L'autopsie démontra une hémorrhagie tout à fait fraîche dans
la dure-mère, qui a eu lieu pendant l'agonie; une inflammation
répandue de l'arachnoïde, une inflammation circonscrite dans le
tiers médian des circonvolutions centrales droites, qui a provoqué
leur atrophie. La circonvolution centrale antérieure, ainsi que la
postérieure, sont deux fois plus fines que dans l'état normal ; une
arachnite locale très prononcée. Sur les coupes on remarque un
amincissement local très marqué de l'écorce cérébrale.
Ce cas peut être regardé comme une forme intermédiaire entre
la paralysie infantile et l'épilepsie spontanée. On y constate des
altérations trop faibles pour faire apparaître une hémiplégie et
des accès corticaux, mais qui, joints à une arachnite répandue,
sont suffisants pour être cause des accès épileptiques généraux.
La démence y est d'une origine épileptique. °
En défendant son opinion, le rapporteur ne nie pas pourtant la
possibilité des cas d'épilepsie générale d'origine réflexe ou d'ori-
gine toxique. -
M. \1'cmFr;Ir.»IFR cita un cas où les circonvolutions étaient atta-
quées, mais pas détruites totalement et tout de même il n'y avait
pas d'accès épileptiformes.
M. le professeur Roru ne trouve pas possible d'attribuer aux
changements dégénératifs le rôle principal ; les hémiplégies infan-
tiles peuvent s'accompagner de paralysies, d'idiotie et d'épilepsie
en différents degrés dans des cas de la même lésion et dans le
même endroit ; il existe encore un certain élément supplémentaire,
qui influe sur la répétition fréquente des accès. En observant le
cours de pareils cas, on rencontre de telles transformations de la
maladie, qui nous obligent à chercher une nouvelle explication
des accès; la même irritation locale, qui agissait d'abord, conti-
nue d'agir jusqu'à la fin de la maladie.
M. le professeur KOJEVNIKOFF fait attention à ce que la cause
dominante de ce que les lésions cérébrales circonscrites chez les
enfants provoquent chez eux des altérations plus fortes et plus
compliquées que chez les adultes, consiste en ce que le système
nerveux des enfants se trouve encore dans un état d'évolution.
M. le professeur 1\0RSAKOFF. De l'Association des aliénistes et
neurologistes russes.
Le succès du premier congrès des aliénistes russes, qui a eu lieu
à Moscou en 1887, donna l'espoir que dans peu de temps aurait lieu
un second pareil congrès. Cependant cet espoir ne s'est point réa-
lisé jusqu'à présent. Dans la presse russe médicale générale, il a
348 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
été énoncé que ces congrès spéciaux ne sont point à désirer, puis-
qu'ils peuvent nuire au développement des congrès généraux
(comme celui de la Société des médecins russes, fondée en mé-
moire du Dr Pirogof).
Le rapporteur trouve que ces considérations ne sont pas justes et
pense que la fondation des congrès spéciaux sera d'une grande
utilité pour l'évolution des spécialités isolées tout aussi bien que
pour le progrès social. Il est assuré que les congrès spéciaux, non
seulement ne diminueront pas, mais tout au contraire augmente-
ront la quantité et la qualité des travaux dans les congrès généraux.
L'auteur suppose que la voie la plus conforme pour l'établissement
des congrès spéciaux des aliénistes consiste dans la fondation d'une
société spéciale, qui organisera les congrès spéciaux des aliénistes
russes. Pendant le sixième congrès des médecins russes à Kiew
(en 1896), les membres de la section des maladies nerveuses et
mentales onléluunecommission de cinq personnes pour l'élabora-
tion d'un projet d'une association générale des aliénistes et neuro-
logistes russes ayant pour but l'organisation des congrès spéciaux
périodiques.
Séance du 24 janvier 1897.
M. Korniloff présente un malade avec lésion du plexus brachial.
Le malade, âgé de vingt-un ans, cause d'une douleur et d'une
faiblesse croissante du membre supérieur droit, a été obligé d'en-
trer dans un hôpital. Depuis six mois déjà, le malade remarqua
qu'il avait deux tumeurs, l'une à la cuisse et la seconde à la partie
postérieure du membre supérieur gauche sur l'os brachial.
A son entrée à l'hôpital, outre ces deux tumeurs (de 10-12 centi-
mètres en diamètre) assez dures, on en constata encore une au côté
droit du cou. Ces enllures, que l'on croyait d'abord n'être que des
lipomes, furent bientôt reconnues pour des abcès froids à la suite
d'une lésion tuberculeuse des os.
L'examen minutieux du membre supérieur droit démontra que
les muscles brachiaux (biceps, brachial antérieur et postérieur), le
deltoïde et le long supinateur sont non seulement paralysés, mais
encore atrophiés avec réaction de dégénérescence. Quant aux autres
muscles, ceux de l'avant-bras et de la main sont restés intacts.
Nous avons donc affaire ici à une lésion assez rare du plexus
brachial, type Ducheune-Erb ; dans ce cas la lésion devait être
occasionnée par une tumeur dans la fosse sus-claviculaire. Comme
distinction, pourtant, de ce cas des cas typiques provenant d'une
lésion de la cinquième et sixième racines cervicales, le malade en
question a encore une atrophie du muscle triceps. Ce muscle est
innervé par le nerf radial , qui prend son origine, d'après certains
auteurs, des cinquième, sixième et septième racines et d'après
d'autres, de la sixième et septième racines ; de sorte que dans
SOCIÉTÉS SAVANTES. 349
notre cas il faut admettre non seulement la lésion de la cinquième
et de la sixième racines cervicales, mais encore de la septième.
M. VERzILOFF. Un cas de maladie de Thomsen (avec présentation
d'un malade). Le rapporteur décrit un cas typique de maladie
de Thomsen chez un soldat de vingt-trois ans. La maladie se déve-
loppant progressivement dès l'âge de dix à onze ans, envahit non
seulement les muscles des extrémités, du corps et du cou, mais
encore les muscles de la face, principalement les masticateurs. A
l'entrée du malade à la clinique du professeur Kojewnikolf tous ces
phénomènes étaient très marqués surtout à la face et aux membres
inférieurs ; dans les extrémités les fléchisseurs étaient attaqués le
plus. Sur les courbes myographiques obtenues pendant les mouve-
ments volontaires et après des excitations électriques et mécaniques,
on voit nettement que la particularité principale de la maladie en
question consiste en un relâchement lent, provoqué par le spasme
myofonique; aux conditions favorablesà l'apparitiondece spasme se
rapportent le repos, le froid des courants électriques de force moyenne
et de peu de durée, avec interruptions fréquentes. Ce spasme,'que
l'on distingue facilement du tétanos physiologique, consiste en ce
que le muscle ne répond pas durant une irritation plus ou moins
prolongée à chaque excitation à part, mais semble s'accumuler ;
la courbe myotonique reste plus basse que celle du tétanos physio-
logique et rappelle celle du muscle fatigué.
Sur les coupes microscopiques du morceau pris du muscle gas-
trocnémien, on trouva une augmentation très prononcée du
volume des fibres musculaires jusqu'à 1G0-170 p.), une prolifération
des noyaux (jusqu'à six dans chaque fibre), une déformation des
contours des fibres (en forme des zigzags) et une apparition des
vacuoles (seulement sur les préparations au liquide de Millier).
L'analyse de l'urine démontra une augmentation de créatinine et
de sarcine.
Pendant le séjour du malade à la clinique, les mouvements des
extrémités devinrent plus libres. Le rapporteur cite encore un cas
de myotonie, observé dans l'ambulatoire de cette même clinique
avec tous les symptômes caractéristiques de la maladie en question,
mais, comme dans le premier cas, sans tare héréditaire et sans
caractère familial. '
A la discussion ont pris part MM. ROSSOLDIO, AIOLTCIIANOrI·,
Korniloff et MM. les professeurs KojEWNiMFF et Rora.
M. Oar.ovsxr. Syphilis et sclérose disséminée des centres nerveux.
- La. combinaison d'une sclérose disséminée avec des altérations
syphilitiques est possible. Il n'existe dans la littérature qu'une seule
observation semblable (de Grec1 ! '), mais qui n'est pas aussi de trop
grande valeur. Le cas du rapporteur présente une combinaison
des deux maladies en question.
350 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Chez une femme de vingt-quatre ans, trois ans après une conta-
gion de syphilis, apparurent de légers troubles des organes pel-
viens ; dans la durée d'une année se développa une parésie spas-
modique très marquée des membres inférieurs avec anesthésie
et paralysie presque complète des sphincters. Pour quelque
temps il y eut une amélioration, mais bientôt tous les phénomènes
delà paralysie spasmodique s'aggravèrent visiblement et il apparut
en outre une paralysie des muscles oculaires avec nystagmus, un
tremblement pendant les mouvements volontaires. Grâce au trai-
tement mercuriel, il y eut une amélioration, qui dura pendant
huit mois, mais à cette amélioration succéda bientôt une aggrava-
tion aiguë, survinrent de très graves troubles bulbaires, mais qui,
grâce au traitement mercuriel, disparurent assez vite, tandis que
les symptômes médullaires augmentèrent jusqu'à une paraplégie
complète avec anesthésie et paralysie des sphincters. Quatre ans
après le début de la maladie elle mourut il cause de phénomènes
bulbaires très aigus.
Dans la substance blanche de l'hémisphère droit on constata
un long îlot scléreux, ayant l'aspect d'un cordon. On trouva des
plaques disséminées de sclérose dans les pédoncules, la protubé-
rance, la moelle allongée et sur toute l'étendue de la moelle épi-
nière ; la moitié droite de la moelle épinière, principalement les
cordons latéraux en étaient surtout atteints.
Les plaques sont très nombreuses et dans certains endroits sont
disposées symétriquement; on y constata une prolifération et
un épaisissement des fibres de la névroglie, ainsi qu'une hyper-
plaxie très marquée de ses cellules (surtout dans la substance grise
altérée) ; beaucoup de fibres nerveuses ont péri, mais dans certains
endroits sont restés des cylindraxes. Les cellules nerveuses sont
presque intactes. Dans la partie dorsale inférieure fut notée une
méningite très marquée en même temps qu'une myélite annulaire
insignifiante. On ne trouvera nulle part de dégénérescences secon-
daires. Un épaisissement très visible et un oedème des parois de
toutes les veines médullaires; les artères ne sont presque pas du
tout atteintes.
Le diagnostic différentiel de la sclérose syphilitique disséminée
et de la sclérose simple présente beaucoup de difficulté ; souvent la
ressemblance est telle, que le diagnostic clinique est même impos-
sible (Cassier). Dans ce cas l'infection syphilitique a mis un cachet
très marqué sur tout le tableau de la maladie et donna tous les
symptômes positifs, qui peuvent servir, d'après la plupart des au-
teurs, au diagnostic différentiel. Voici ces symptômes : 1° l'appari-
tion très précoce des dérangements graves, indiquant une lésion
stable de la moelle épinière ; 2° des oscillations très marquées dans
le cours de la maladie ; 3° le tableau général de la maladie très
grave d'un cours rapide; 4° une amélioration très visible après un
SOCIÉTÉS SAVANTES. 351
traitement antisyphilitique. Pourtant l'ol>servation donnée, pré-
sentant une combinaison de deux processus morbides, ne peut
servir de base au diagnostic entre la sclérose disséminée simple et
syphilitique.
A la discussion ont pris part : MM. Rossow1l0, Minor, Mouratoff,
Postowsky et M. le professeur KOJEW.NIKOFF.
Séance du 14 février 1897.
1). M. n10L1·CriAnOFF ? Affection des vaisseaux (des veines) pro-
venant d'une lésion des nerfs périphériques (présentation du malade).
Un poêlier, âgé de cinquante-six ans, ressentit après un refroi-
dissement du membre supérieur droit (près du 15 août en 189G)
une vive douleur, qui débuta le long du nerf cubital droit et plus
tard envahit tout le membre ainsi que l'omoplate; en même temps
le malade ressentit un engourdissement dans le petit doigt et dans
la région de l'hypothénar. En quelques jours apparut une dila-
tation des veines dans le domaine de l'articulation de la main,
dans le système de la veine basilique droite et dans la région du
cinquième métacarpien (sans oedème, ni lividité); trois semaines
plus tard apparurent des varices au côté cubital de l'avant-bra;
les veines étaient sensibles à la pression (mais pas de symptômes
de périphlébite) ; leur propagation au début était strictement limi-
tée dans la région d'anesthésie (nerf cubital, nerfs cutané médian
et interne), en même temps survint une atropine des muscles
interosseux trois-quatrièmes et plus lard encore une thrombose
des veines. La force musculaire de la main droite est affaiblie.
A l'examen du malade, lorsqu'il se trouvait à la clinique de
M. Rossolimo, on put constater un développement progressif de la
névrite; une douleur à la pression du nerf médian et en partie du
nerf cubital, ainsi qu'une atrophie de la main et des hémorrha-
gies à l'avant-bras; les phlébeclasics envahirent des régions plus
vastes. Thrombose et calculs disséminés dans les veines. La courbe
sphymographique de l'artère radiale était située plus. haut du côté
droit que du côté gauche. Depuis le mois de février 1897 la névrite
et la phlébectasie devinrent moins marqués.
L'auteur note le manque de données concernant cette question
(un cas décrit par Potain et deux autres par Lapinsky). Léwacliolf,
Fraenkel et l3ahius ! : y, d'après l'auteur, trouvent que certaines
altérations des vaisseaux dépendent des lésions des nerfs périphé-
riques (Fraenkel l'a prouvé expérimentalement).
Conclusions. Les névrites, surtout quand elles sont aiguës,
peuvent provoquer des altérations secondaires dans les veines
(élargissement, thrombose et sclérose); cette influence est immé-
diale, vu le développement rapide de la sclérose ; il est possible de
supposer que les nerfs périphériques peuvent influer immédiate-
352 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ment (par les nerfs trophiques ou vasomoteurs) sur la nutrition de
l'endothélium des parois des vaisseaux, mais en prenant en consi-
dération la douleur à la pression des veines altérées il faut
admettre avec Nothnagel l'existence des nerfs sensitifs dans leurs
parois : on peut présumer que les vasomoteurs des veines cutanées
sont situés dans le tronc nerveux général, très près des nerfs de
la sensibilité cutanée, et probablement ils sont séparés des vaso-
moteurs des artères.-
Dans la discussion M. MooRaTOFF et M. le professeur KojEwnrorOFF
admettent que dans de pareils cas il existe dans les veines elles-
mêmes un terrain favorable pour des modifications de ce genre.
.2). M. HOSSOLDIO. Contribution à la palhogénir. de la sclérose en
plaques en rapport avec la question des différentes lésions de luzzévro-
glie. Le rôle du système vasculaire.
L'intérêt contemporain de l'étude de la sclérose disséminée con-
cerne deux points : l°la signification des vaisseaux et 2° le rapport
du processus en question à la glio-e et au gliome. Le cas suivant
a servi à l'auteur pour l'étude présente.
Un malade de seize ans, observé dans la clinique du rapporteur,
a présenté les symptômes suivants : hémiplégie droite, légère
aphasie, parésie des nerfs moteurs artériels et de l'hypoglosse
droit, aneslhésie du tronc (plus bas que la clavicule) et des mem-
bres du côté droit, troubles de sensibilité musculaire du membre
supérieur droit, qui en outre était encore en état de contracture;
ces phénomènes se développèrent penduat les derniers neuf mois.
Dans l'anamnèse du malade on peut noter qu'il a reçu à l'âge
de trois ans un coup à la tête avec enfoncement de l'os occipital
avec cicatrice osseuse consécutive. Un an avant le début de cette
affection le malade tomba sur un verre et eut une blessure il la peau
du front, et trois mois avant la maladie il a eu une forte frayeur.
Outre les symptômes mentionnés déjà, on peut noter à la cli-
nique : parfois de légers mouvements involontaires dans les extré-
mités droites; les papilles optiques un peu pâles; démence, rire et
pleurs involontaires. A la fin du séjour du malade à la clinique il
se déclara subitement une paralysie complète du membre supé-
rieur gauche et le lendemain une paralysie du membre inférieur
gauche, aphonie, dysarthrie presque complète et dérangement de
la déglutition. Le jour suivant le malade mourut.
Autopsie. Les parties centrales de la substance blanche, le
corps calleux et la partie médiane de la région centrale de l'hé-
misphère droit présentent un vaste foyer d'altération, à limites
très marquées; ce foyer donne des branches qui se dirigent vers
la partie postérieure de la capsule interne et vers la capsule
externe gauche; la partie médiane du noyau caudé et le noyau
lenticulaire ne sont que légèrement attaqués. Ce foyer consiste en
SOCIÉTÉS SAVANTES. 353
une masse de grosses cellules névrogliques (avec un réseau de libres
de névroglie compacte) et de neuroblastes (de Raymond) d'une
dimension moins grande; à certains endroits se trouvent des
accumulations de leucocytes. Les faisceaux de filaments névrogli-
ques sont fades et présentent des phénomènes de dégénérescence,
plusieurs fibres nerveuses ont perdu leur myéline; d'autres n'en
ont conservé qu'une gaine plus ou moins mince; on observe. des
cylindraxes gonflés, traversant les cavités dans le tissu ramolli.
Les vaisseaux sont hyperplasiés, remplis de sang; les espaces
périvasculaires sont remplis de leucocytes et de corps granuleux. Il
n'y a point de dégénérescences secondaires. Le second foyer de
sclérose en forme de lame triangulaire est situé dans la région
ventrale de la moelle allongée et du quart postérieur de la protu-
bérance ; en touchant la-substance grise centrale de la région pos-
térieure du bulbe il s'en éloigne de plus en plus pour.se limiter à
la partie antérieure du bulbe, des pyramides et du ruban de Reil,
et dans la partie postérieure du pont de Varole et des pyramides.
En outre, la lésion envahit le domaine du noyau de l'hypoglosse et
de ses racines, les parties internes des olives et en partie les fibres
arciformes internes et externes. La lésion est symétrique, avec des
limites très accentuées et par le tableau microscopique elle est
caractéristique pour la sclérose disséminée. Le foyer décrit du
cerveau est considéré par l'auteur comme une forme intermé-
diaire, à laquelle il propose de donner le nom de scléro-gliose.
L'auteur finit son travail en notant la coïncidence de la région de
la plaque de la moelle allongée avec le bassin de certains vais-
seaux définis, qui ont été étudiés par lui à l'aide des injections. La
moitié caudale de la moelle allongée reçoit son sang par des
artères spino-bulbaires, tandis que la région ventrale de la moitié
antérieure est vascularisée par des artères tertéb1'o-bulbai1'es ; le
domaine de l'entrecroisement des pyramides et du ruban de Reil et
aussi la moitié postérieure des pyramides du pont de Varole sont
fournis par deux à quatre ramuscules qui partent du lieu de la
réunion des artères vertébrales (arteria foraminis coeci).
Dans la moelle épinière on a trouvé une dégénérescence secon-
daire des cordons pyramidaux latéraux et de ceux de Furk.
Ayant cité, en abrégé, encore deux cas de sa clinique, ayant
rapport la question, l'auteur formula les conclusions suivantes :
la sclérose disséminée peut quelquefois s'éloigner du type commun
en dépendance de la localisation; elle présente beaucoup d'ana-
logie avec la gliosc et le gliome. La névroglie, pendant sa prolifé-
ration, préfère des endroits qui sont situés auprès des ventricules
et des vaisseaux. Les plaques peuvent occuper une région vascu-
laire.définie. La prolifération de la névroglie peut être occasionnée
par un traumatisme, une infection et une intoxication d'origine
interne et externe.
Archives, 2e série, t. III. 3
354 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Les dégénérescences secondaires peuvent se développer sans la
destruction des cylindraxes quand la même fibre est soumise à
l'influence accumulée des causes multiples, quoique faibles.
A la discussion M. ! \IOURATOFF a été porté à envisager les altéra-
tions indiquées de la moelle épinière, comme des plaques scléro-
tiques.
M. Weidenhammer confirme la possibilité des dégénérescences
secondaires dans le cas du rapporteur.
M. le professeur Roth différencie le cas donné des cas typiques
de sclérose en plaques où il faut admettre l'existence d'un agent
spécifique (d'origine infectieuse ? ) pour lequel la myéline sert de
milieu nutritif. M. le professeur KojEWNiKOFF note l'intérêt que
présentent les recherches de l'auteur sur la vascularisation de la
partie ventrale du bulbe.
Séance du 25 avril 1897.
M. Minor présente le cerveau, la base du crâne et la langue
d'une malade avec lésions multiples des nerfs crâniens. On constate
sur le clivus Blumenbachi, plus du côté droit, sous la dure-mère, un
endolhéliome de la grosseur d'une prune; cette tumeur pénétrait
aussi, en partie, dans le trou occipital. Le pont de Varole et la
moelle allongée du côté droit sont comprimés par la tumeur et
aplatis; l'abducteur, l'hypoglosse, le vague et l'accessoire du même
côté ont l'aspect de lamelles grises, très fines et plates. Puis
M. Minor montre des radiogrammes des doigts hippocratiques
d'un malade, présenté déjà par lui en 1892. Sur ces photographies
on voit que les os ne présentent aucune altération.
M. Minor. De la paralysie faciale partielle d'origine congénitale.
- Ayant cité préalablement les ouvrages de Môbius, qui institua le
terme Infantile ! ' ](emschwund et les observations de Schultze, de
Bernhart (1894-1897) et de Remak, qui ont décrit la paralysie
congénitale unilatérale, envahissant seulement le nerf facial, et
ayant comparé ces cas avec les observations de Mann, de Kortum
et de Cohn (de la clinique de Mendel) le rapporteur communique
en détail un cas, observé par lui-même :
Le malade S..., âgé de vingt-six ans, célibataire; sa mère était
alcoolique. Il vint au monde sans intervention chirurgicale, mais
dans un état d'asphyxie pénible. Bientôt après sa naissance fut
remarquée une déviation très prononcée de la moitié gauche de la
face. Cette déviation, quoique à un degré bien plus faible, resta
jusqu'à présent. Au commencement de la vie, le développement
intellectuel et psychique du malade était normal; mais à seize ans,
le malade commença à abuser des boissons alcooliques. A dix-huit
ans se développa une épilepsie très grave avec des accès passagers
SOCIÉTÉS SAVANTES. 358
d'un dérangement psychique. Depuis lors il ne peut plus s'occuper
de rien. Le premier examen détaillé du malade fut fait par le 'rap-
porteur, en janvier 1895, et alors on constata les phénomènes
suivants : paralysie du nerf facial droit; lagophthalmie médiocre,
atrophie très marquée dans la région de la fosse canine sous l'arc
zygomatique et dans la région du muscle huccinateur, paralysie
complète du côté droit du muscle frontal, du sourcilier, de l'orbicu
laire des paupières (outre une petite partie dans le quart infério-
externe), du releveur de l'aile du nez et de la lèvre supérieure, du
releveur de lèvre supérieure propre, du petit zygomatique, du
transverse du nez et enfin de l'orbiculaire de la bouche (dans sa
moitié supérieure droite). Le mouvement du grand zygomatique est
très bien conservé. Lorsque le malade montre ses gencives, sa
bouche se dévie fortement à droite. Pas de contractions, mais
pendant les mouvements volontaires l'action du grand zygoma-
tique augmente; tous les mouvements des muscles mentonniers se
font bien. L'atrophie du peaucier est très marquée et on n'y voit
que la contraction du faisceau médian. Le changement des con-
tractions électriques correspond à la distribution des paralysies ;
dans tous les muscles paralysés et atrophiés, la contraction à deux
courants (comme du muscle ainsi que du tronc nerveux) = 0 ;
dans les muscles qui ont conservé leurs mouvements, tous les deux
courants électriques donnent une bonne contraction. Au moyen de
courants très forts on peut encore recevoir tout à fait symétrique-
ment des contractions du quart inféro-externe du muscle orbicu-
laire des paupières et de la moitié inférieure du muscle orbicu-
laire de la bouche du côté droit. A l'électrisation du tronc commun
du nerf facial auprès du trou stylo-mastoïdien les muscles ne réa-
gissent pas localement au courant, et ne donnent pas non plus
aucune contraction, tandis que les autres se contractent bien.
Le rapporteur est porté à voir dans son cas une altération du
pont de Varole, et vu la pénible asphyxie, qui a eu lieu à la nais-
sance du malade, il est prêt à admettre comme cause une hémor-
ragie dans la région du noyau du nerf facial et de la région
voisine.
D'après l'avis de M. 110R1\ILOFI·, le diagnostic du cas rapporté
ne peut être posé qu'avec un certain degré de probabilité ; on ren-
contre très souvent une semblable distribution des lésions dans les
paralysies périphériques invétérées du nerf facial, et pour cette
raison on peut considérer comme prouvé qu'on a affaire ici à
une paralysie d'origine centrale et non périphérique.
M. le professeur KOjEWNIKOFF fait remarquer, que si même on
peut admettre ici l'existence d'une paralysie périphérique, la distri-
bution des paralysies et des atrophies présente tout de même
beaucoup d'intéressant et de particulier.
356 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. MOURAVIEFF. De l'influence du poison diphtérique sur le
système nerveux.
Les expériences concernant l'influence du poison diphtérique
sur le système nerveux ont donné jusqu'à présent des résultats
contradictoires. Certains auteurs ont trouvé, comme suite du poi-
son diphtérique, des modifications seulement dans les nerfs péri-
phériques, tandis que. d'autres envisagent ces névrites comme
secondaires et trouvent que les modifications primitives n'ont lieu
que dans les cellules des cornes antérieures de la moelle épinière
(Crocq fils, Pernice et Scaliosi). Le rapporteur a pratiqué des
injections du toxine diphtérique à des cobayes. Pour la coloration
des cellules de la moelle épinière il se servait principalement de la
méthode de Nissl, en la modifiant un peu de la manière sui-
vante : le traitement préliminaire des préparations; l'auteur le fai-
sait à l'aide du formaline, d'où il transportait les pièces dans
l'alcool et montait les préparations dans le baume de Canada.
Toutes ses conclusions, l'auteur les tirait en se basant sur la com-
paraison de ses préparations avec des préparations identiques,
reçues de deux cobayes normaux tués par le chloroforme.
Les expériences concernaient les intoxications diphtériques
aiguës et subaiguës, et aussi les intoxications chroniques. Les ani-
maux de la première catégorie vivaient de trois à vingt-deux
jours et mouraient eux-mêmes ou étaient tués par le chloroforme.
La particularité à noter chez tous ces animaux consistait dans
l'absence des phénomènes paralytiques définis. A l'autopsie, les
résultats étaient toujours les mêmes; manque d'altération sur les
nerfs périphériques (à l'exception d'un gonflement de certains
cylindraxes) et des altérations particulières dans les cellules de
la moelle épinière, principalement dans les cornes antérieures, à
savoir : gonflement, contours peu clairs, disparition des granules,
transformation de la substance chromatique en une masse presque
homogène, sa disparition complète sur la périphérie des cellules
(la chromatolyse périphérique de Marinesco) et enfin la formation
au milieu du protoplasme des vacuoles, tantôt petites et nom-
breuses, tantôt très grosses, occupant quelquefois la plus grande
partie de la cellule, et alors le noyau est repoussé vers la périphé-
rie ; les prolongements s'ouvrent, se colorent mal parfois et la
cellule de même. Les phénomènes, qui ont été observés pendant
la vie et après la mort des animaux à la suite de l'intoxication
chronique, sont tout à fait différents; dans quatre ou dix semaines
après l'injection (qui a été faite une ou plusieurs fois) commen-
çaient à se développer chez l'animal des parésies, plus accusées
dans les extrémités postérieures. L'analyse microscopique démon-
tra l'existence des névrites très marquées; dans les cellules de la
moelle épinière, les modifications étaient déjà effacées passable-
ment. De sorte qu'à l'intoxication des cobayes par le poison diph-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 357
térique avant tout apparaissait une altération des cellules médul-
laires, mais en ce temps on ne remarque pas encore des paraly-
sies nettes; les névrites qui sont cause des paralysies se développent
plus tard.
Le rapporteur suppose qu'il y a une relation entre les névrites
et les modifications des cellules, à savoir : le poison diphtérique
pour la plupart n'est pas assez fort pour tuer la cellule; pourtant
il peut y provoquer de grossiers dérangements nutritifs, assez
prologés, qui ne restent pas sans suite pour son prolongement
cylindr-axile, c'est-à-dire pour la fibre nerveuse; cette dernière
s'altère à son tour, peut-être même à cause d'autres conditions
accessoires; les altérations de l'encéphale de la moelle allongée,
de la substance blanche de la moelle épinière et des ganglions
intervétébraux sont comparativement insignifiants.
M. ROSSOLIMO suppose que la lésion particulière des cornes anté-
rieures de la moelle épinière est en liaison avec les modifications
dans la région des artères spinales antérieures.
M. ORLOWSKY remarqua que les modifications analogues dans les
cellules des cornes antérieures de la moelle épinière ont été
observées aussi après les injections du poison de la rage.
M. Minor a fait attention aux expériences récentes de Golds-
cheider et Flatau, qui pratiquant chez les animaux des injections
de malonnitril et provoquant une élévation artificielle de la tem-
pérature constatèrent que la régénération des cellules survient
dans soixante-et-onze heures environ.
M. le professeur KOJEWNIKOFF ne trouve pas possible de convenir
avec l'explication du rapporteur, que la lésion des cellules des
cornes antérieures doit être regardée comme un phénomène pri-
mitif et la lésion des nerfs périphériques, comme phénomène
secondaire ou consécutif. Il est bien plus vraisemblable que toutes
ces modifications se développent indépendamment sous l'influence
de la même cause. Des remarques ont été faites encore par
M. SCH : 1TALOFF et M. le professeur KORSAKOFF,
M. Mouratoff. De certaines particularités cliniques, dans la
lésion cérébrale circonscrite d'origine traumatique ou à la suite du
ramollissement. Le rapporteur cite deux cas d'épilepsie corticale
observés par lui dans ces derniers temps.
Premier cas. Il s'agit d'une jeune fille de vingt-trois ans. A
l'âge d'un an, elle eut une chute d'un poêle, ce qui causa une
fracture de l'os occipital gauche et une hémiparésie droite. Sont
activité psychique est normale. Les accès d'épilepsie corticale débu-
tent du nerf facial droit et du membre supérieur du même côté et
s'accompagnent d'une perte de conscience de courte durée. On
observe des convulsions cloniques continuelles dans la branche
inférieure du perf facial droit et des troubles de la sensibilité mus-
358 SOCIÉTÉS SAVANTES.
culaire et tactile; les muscles des extrémités droites sont atro-
phiés, mais sans abaissement d'excitabilité. Il y a encore un rac-
courcissement cubital des doigts (Féré). L'examen du crâne, fait par
M. le professeur Zeruofl' à l'aide de son encéphalomètrc, démontra,
que le manque de l'os correspond à l'extrémité inférieure des cir-
convolutions centrales et à la circonvolution angulaire.
Deuxième cas. Homme de trente-deux ans. A dix-sept ans
se développèrent subitement des accès épileptiques qui depuis lors
commencèrent à se répéter de plus en plus souvent. Dans les der-
nières cinq années s'observait parfois l'état épileptique. Avec l'ap-
parition de ces accès se développait une démence progressive. La
dernière année survinrent une paralysiede toutes les extrémités, des
contractures à la région des articulations du genou et un idiotisme
complet. Les convulsions débutaient ordinairement du côté droit.
Les réflexes sont exagérés. La sensibilité est conservée. Hémianop-
sic, parfois cécité psychique complète. Le discours se borne par
quelques paroles habituelles; le malade a aussi conservé quelques
gestes habituels. A l'autopsie (en février 1897) on constata un
kyste causé par le ramollissement, sur la surface interne de l'hémis-
phère gauche ; l'avant-coin, en partie le coin et le corps calleux
(dans son tiers postérieur) sont détruits, le lobule paracentral l'est
aussi. Les circonvolutions de la surface convexe sont effacées, l'hé-
misphère est élargi. En comparant ces deux cas, le rapporteur nota
que la paralysie cérébrale infantile d'origine traumatique possède
les mêmes symptômes organiques qu'on observe chez les adultes
dans l'épilepsie traumatique. Le premier cas confirme l'ancien
avis du rapporteur concernant la dépendance du trouble du sens
musculaire de la destruction des fibres arciformes. Dans le second
cas, la lésion primitive en forme de foyer causé par la dégéné-
rescence de la substance cérébrale donna un tableau d'idiotisme
paralytique. Les accès locaux, pourtant, n'étaient pas tout à fait l
perdus dans le tableau compliqué de la maladie et laissaient la pos-
sibilité de diagnostiquer une altération circonscrite (début unilaté-
ral des accès et hémianopsie). Il faut encore faire. attention à cela,
que, malgré une destruction considérable du cerveau et la fai-
blesse psychique, la sensibilité restait normale.
M. RossoLmo trouve irrégulier d'expliquer le raccourcissement t
cubital des doigts par l'influence du manque des fonctions céré-
brales définies puisque d'autres symptômes anatomiques, qui ont
été observés chez des épileptiques, ne peuvent être expliqués de
cette façon.
D'après l'opinion de M. le professeur KOJEWNIK01,,r, d'accord avec
celle de l'auteur, les conclusions définitives ne pourraient être
faites que quand l'examen microscopique sera achevé.
G. ROSSOLItO, N. SCHATALOFF, A. TOKARSKY.
BIBLIOGRAPHIE.
IV. De la toxicité des alcools et prophylaxie de l'alcoolisme;
par le Dl' ANTHEA UME. (Thèse de Paris, 1897.)
Dans cette thèse dont nous allons donner un résumé concis, l'au-
teur discute avec une remarquable logique la question actuellement
si controversée de l'alcoolisme, montrant, d'une part, les résultats
des connaissances expérimentales actuellement acquises sur ce
point, et donnant d'autre part, le véritable remède contre l'intoxi-
cation par l'alcool.
Dans une première partie, l'auteur nous fait, assister, avec nom-
breuses expériences de M. Joffroy à l'intoxication aiguë et chro-
nique de l'alcool. Duns l'état actuel de nos connaissances, l'expéri-
mentation sur les animaux permet : 1° de mesurer dans l'intoxica-
tion aiguë l'équivalent toxique des alcools et de leurs impuretés,
équivalent qui peut être défini : la quantité miiiima de matière
toxique qui, contenue entièrement à un moment donné dans le
sang d'un animal, tuera fatalement 1 kilogramme de matière
vivante; 2° d'évaluer d'une manière approximative la puissance
toxique de ces mêmes substances dans l'intoxication chronique.
Pour obtenir des résultats précis, il faut : 1° introduire le liquide
en expérience par la voie intra-veineuse, pour les mensurations
dans l'intoxication aiguë; ce procédé serait plus exact que les injec-
tions intra-musculaires ou intra-péritonéales ; 2° éviter les coagu-
lations sanguines qui pourraient se produire après la mort de
l'amimal, en additionnant au liquide alcoolique employé un exci-
pient anticoagulant et non toxique, tel que la macération dé têtes
de sangsues (Joffroy et Serveaux). L'appareil le mieux approprié
sera le vase de marotte; on choisira comme animal réactif un
chien, un lapin ou un cobaye ; 3° dans l'intoxication chronique on
aura recours à l'ingestion stomacale et parfois aux injections sous
cutanées et intra-musculaires. Par ces mensurations, M. Joffroy est
arrivé à une conséquence de la plus haute importance, à savoir que :
« dans les boissons alcooliques fortes le taux de l'alcool est si con-
sidérable par rapport au taux minime des impuretés, que l'alcool
même le plus pur et le moins toxique doit être surtout incriminé
dans le developpement de l'alcoolisme ».
De ces résultats précis découle sout naturellement l'indication du
remède, que l'auteur de la thèse étudie dans la deuxième partie de
360 BIBLIOGRAPHIE. '
son travail. Le monopole de la rectification de l'alcool est inutile
puisque l'amélioration de la qualité du toxique, l'élimination des
impuretés, est une question secondaire ; il est dangereux parce
qu'il tendrait à confirmer l'idée, malheureusement trop répandue,
que l'alcool, par lui-même, n'est pas un poison. Ce qu'il faut, c'est
le dégrèvement des boissons aromatiques et les boissons d'un faible
degré alcoolique, c'est surtout l'augmentation de l'impôt d'autant
plus élevé que l'alcool est plus concentré, c'est la suppression des
bouilleurs de cru, la réglementation des débits de boissons enfin
la propagande privée anti-alcoolique. Anselme Schwartz.
V. Etude clinique du dynamisme psychique; par le Dr Henri Aimé
(Thèse de Nancy). Paris, 0. Doin, éditeur (in-8° de 256 p.),
1897.
Ce travail est avant tout clinique, comme M. Aimé a soin de le
faire remarquer dans sa préface. L'auteur a étudié le rôle de l'élé-
ment nerveux dynamique psychique dans diverses affections ner-
veuses. C'est la vieille question, toujours d'actualité, des rapports
du moral et du physique, reprise et rendue susceptible de recevoir
une solution nouvelle par l'introduction de la notion du dyna-
misme. Le dynamisme est « une modalité fonctionnelle », et, an
cas particulier, une modalité de la fonction nerveuse, une variation
des pouvoirs de dynamogénie et d'inhibition dévolus aux neurones
et cellules.
M. Aimé définit ensuite l'élément psychique morbide « toute
action nerveuse anormale qui, ne correspondant à aucune altéra-
tion organique, apparente, connue et durable, se compose d'idée,
d'émotion et dépend de l'individualité psychique. Elle est suscep-
tible d'être effacée par une autre action dynamogénique thérapeu-
tique, telle que la suggestion ».
Le cerveau est un lieu de passage où les sensations analysées
deviennent émotions, idées, volitions. L'idée, l'émotion sont des
phénomènes psycho-dynamiques; la première engendre la seconde,
le plus souvent. Telle est, très résumée, la théorie qui forme la
première partie. Elle est d'une psychologie très contenue, un peu
spéciale, exposée en un style sobre, de signification un peu
ardue.
L'action pathogénique des idées, voilà ce qu'a cherché l'anteur
dans les nombreuses observations qui' composent la partie clinique,
très intéressante et variée. L'élément dynamique psychique cons-
titue seul la maladie, ou bien il dénature l'affection organique à
laquelle il est surajouté, ou bien il précède cette, affection et lui
prépare accès. '
Les crises convulsives hystériques, certaines névropathies locales,
certains tics et paramyoclonus (dont il est rapporté un- cas très
'. , .1 .
BIBLIOGRAPHIE. 361
curieux), les paralysies psychiques, etc., etc., sont des accidents
psycho-dynamiques.
L'auto-suggestion également intervient dans les phénomènes
hallucinatoires au début. Le dynamisme psychique défigure cer-
tains troubles organiques, fait hésiter le diagnostic dans quelques
dyspepsies, l'angine de poitrine, l'épilepsie, etc.
M. Aimé nous donne ensuite trois exemples de polynévrites dans
l'étiologie desquelles se trouve l'émotion morale qui circonscrit un
champ dynamique où l'élément infectieux peut agir, favorisé par
la diathèse, l'individualité. Il n'accorde à l'émotion morale, élé-
ment dynamique, qu'un rôle occasionnel et ne se dissimule pas la
nécessité de l'intervention microbienne.
M. Aimé a résolument pris parti pour les doctrines de l'Ecole de
Nancy. Le chapitre consacré au traitement est un manuel de
suggestion et de psychothérapie, bref et précis. Il peut se résumer
à ceci : guérir l'idée par l'idée judicieusement employée. Les guéri-
sons rapportées sont en faveur de la méthode mise en honneur
surtout par M. le professeur Bernheim.
Nous exprimerons toutefois le regret que l'auteur ne se soit pas
occupé des cas où l'application de cette méthode peut devenir
dangereuse. Il est malheureusement certain aujourd'hui, pour
beaucoup de nos confrères et pour nous-même, que cette méthode
n'est pas toujours sans danger. On voit, en effet, des névroses et
divers troubles mentaux s'aggraver sous l'influence de l'hypnotisme,
de la suggestion, notamment chez des sujets affectés d'une lourde
lare héréditaire. Nous ne trouvons pas dans le travail de M. Aimé
la fixation des contre-indications de la méthode de traitement de
M. le professeur Bernheim, contre-indications qui, à notre avis,
doivent découler notamment d'une différenciation plus complète
qu'elle ne l'est actuellement de l'hystérie et de la dégénérescence
intellectuelle proprement dite.
C'est une lacune regrettable, mais que l'auteur saura bientôt
combler, nous n'en doutons pas; le grand nombre de documents
qu'il apporte à l'appui de ses vues et la discussion judicieuse et
claire qui suit chaque exposé de faits montrent, en effet, la volonté
'de M. Aimé d'apporter toutes les ressources d'un jugement droit
et de fortes études à la mise au point d'une méthode thérapeutique
précieuse en faveur de laquelle il nous donne, en somme, un
excellent et très encourageant p'aidoyer. Dr A. Paris.
NÉCROLOGIE,
Le D' L. CAMUSET
M. le Dr L. CAMUSET, médecin-directeur de l'asile d'aliénés de
Bonneval, est décédé le 11 septembre à la suite d'une longue et dou-
loureuse maladie qui depuis plusieurs mois l'avait arraché à son
labeur et obligé de solliciter prématurément sa mise à la retraite.
Né à Lyon le 8 décembre 1841, Louis CAMUSET fit de brillantes
études au lycée Bonaparte ; il s'incrivit la Faculté de médecine de
Paris et devint peu après externe des hôpitaux. D'une imagination
ardente, d'un esprit vif et curieux, il se sentit bientôt attiré par le
NÉCROLOGIE. 363 3
charme de l'inconnu lointain et s'engagea dans la médecine navale
à laquelle il fut attaché de 1862 à 1867 : quatre longues années pen-
dant lesquelles il resta courageusement sur la brèche au milieu des
marécages mortels de la Guyane. Il en revint épuisé par la terrible
anémie tropicale qui devait faire le sujet d'une excellente thèse inau-
gurale, et après avoir terminé ses études médicales il se mit brave-
ment à affronter dans le département d'Eure-et-Loir les déboires, et
les fatigues d'une pratique des plus pénibles, qu'il exerça pendant
treize ans, sans trêve ni repos, successivement à Arron et à Bonneval.
Les exigences de la clientèle n'avaient pu cependant éteindre son
ardent besoin de connaître, et c'est pendant ces dures années de
pratique médicale qu'il trouva le temps de compléter des études
de psychologie et d'anthropologie commencées déjà sous le ciel de
plomb des îles du Salut, au milieu des déchets sociaux auxquels il
donnait ses soins.
Quand, vaincu par une tâche trop lourde, CAMUSES se décida à
se consacrer exclusivement à la médecine mentale, il possédait les
connaissances les plus étendues dans la physiologie et l'anatomie du
système nerveux, la psychologie normale et l'anthropologie, et il ne
lui manquait que des malades pour devenir le clinicien sagace qu'il
fut bientôt. En entrant dans l'administration en 1881, CAMUSET était
déjà un maître. . ·
Successivement attaché comme médecin adjoint et médecin en
chef aux asiles de Vaucluse, Saint-Alban, Cadillac, Clermont, il
était en 1888 nommé médecin-directeur de l'asile de Bonneval,
dans lequel il vient de s'éteindre à son poste de combat, à peine
âgé de cinquante-six ans.
Malgré les terribles atteintes qu'avait subies sa santé depuis long-
temps, CAMUSE ! ' a conservé, pour ainsi dire jusqu'au dernier jour,
toutes les qualités de cet esprit alerte, 'sagace dans l'observation,
sûr dans la déduction, original dans l'exposition et d'une énergie,
d'une activité peu communes, que beaucoup de nous ont eu l'occa-
sion d'apprécier de près et qui s'est manifesté dans un ensemble de
travaux justement appréciés.
Au cours de dix-sept années qu'il a vécues au milieu d'aliénés, il
a publié un nombre considérable d'observations et de recherches
en clinique mentale, en médecine légale, en anthropologie. La
plupart ont paru dans les Annales médico-psychologiques et les
Archives de Neurologie, dont il a éte l'un des collaborateurs les plus
actifs et les plus estimés. Critique judicieux et toujours bienveillant,
c'est dans ces mêmes Revues qu'il présentait au public médical,
l'analyse substantielle des travaux de neurologie et de psychiatrie
parus en France et à l'étranger.
Membre de la Société médico-psychologique, rapporteur d'une
des questions mises à l'ordre du jour du Congrès des médecins alié-
nistes de 1892 sur le délire de négation, vice-président du Congrès
364 NÉCROLOGIE.
de 1891, lauréat de l'Académie de médecine en 1891 (prix Civrieux)
pour un travail sur la Paralysie générale, CAMUSET avait été fait
chevalier de la Légion d'honneur à la suite d'une épidémie cholé-
rique grave qui avait décimé l'asile de Bonneval en 1893 et pen-
dant laquelle sa modestie n'avait pu l'empêcher de montrer toute
l'étendue de son dévouement professionnel de ses connaissances
d'hygiéniste et d'administrateur.
Plus qu'un clinicien éclairé et un savant infatigable, CAMusET
avait toutes les qualités du maître et si sa voix ne s'est point fait
entendre hors des limites des établissements dans lesquels il a passé
il en faut accuser seulement son horreur excessive du bruit et de
l'apparat qui l'a toujours tenu éloigné des centres intellectuels où
s'agitent le monde et la science. Mais ceux de ses élèves devenus
comme nous ses amis affectionnés, qui, se destinant à la carrière
des asiles, ont eu la bonne fortune d'être ses internes, n'oublieront
point le maître affectueux, serviable et bon, et conserveront tou-
jours l'empreinte de cet enseignement pratique, si clair, si simple,
recueilli chaque jour au chevet des aliénés.
Penseur et observateur profond, d'un éclectisme délicat, d'un
altruisme élevé, CAMUSET a été partout où il a passé l'honneur de
la profession médicale, l'honneur de la science mentale et de la
solidarité humaine. Sa mort prématurée laisse dans la plus
profonde douleur, une femme admirable qui a été fidèle compagne
de sa vie ; elle est une perte irréparable pour ses élèves, ses amis,
la psychiâtrie et le corps des médecins aliénistes.
Les obsèques du regretté D1' CAMUSE ? ont eu lieu à Bonneval
(Eure-et-Loir) le 14 septembre au milieu d'une assistance considé-
rable dans laquelle on remarquait toutes les notabilités électives,
administratives et médicales de la région. Le deuil était conduit par
MM. Jean Camuset et Foret, frère et parent du défunt. Le cercueil
disparaissait sous de magnifiques couronnes de fleurs naturelles.
Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Isambert, député,
vice-président delà Chambre, Jouanneau, conseiller général d'Eure-
et-Loir, président de la commission de surveillance de l'asile de
Bonneval, maire de Bonneval, le Dr Larrieu, ancien maire de Bon-
neval, représentant l'Association des médecins d'Eure-et-Loir, le
Dl' Hiblot, ami du défunt.
Au cimetière, cinq discours ont été prononcés : par M. Amelat,
sous-préfet de Châteaudun, délégué par le préfet, au nom de l'ad-
ministration supérieure; par M. Isambert, député, au nom des
populations de la région ; par M. Jouanneau, au nom de la ville de
Bonneval et de l'administration de l'asile ; par M. le D1' Larrieu, au
nom de l'Association des médecins d'Eure-et-Loir; par M. le
D1' R. Charon, médecin adjoint des asiles publics d'aliénés, au nom
des amis et des anciens élèves du Dr Camuset.
B. CHARON.
VARIA.
L'OPEN-DOOR ou LES aliénés EN LIBERTÉ.
Sous ce titre La Folie, le Petit Parisien du 5 septembre relate
les faits suivants :
Trois aliénés, demeurant dans le quartier Sainte-Avoie, où leur
présence était une cause d'inquiétude ou de scandale pour les voi-
sins, ont été envoyés hier au Dépôt.
Le premier, Henri D..., âgé de quarante ans, domicilié rue de
Montmorency, déclarait qu'il voulait tuer sa femme, ses deux
enfants et son concierge. Il s'était barricadé chez lui, et l'on a eu
toutes les peines du monde à le mettre en voiture pour le conduire
à l'infirmerie spéciale.
Rue Beaubourg, : ylm Gomard, âgée de trente-cinq ans, passait
ses journées à faire chauffer de l'eau, attendant qu'elle fût bouil-
lante pour la jeter sur ses voisins et sur les passants.
Enfin, rue llfichel-le-Comte, M ? Houdin, âgée de cinquante ans,
qui se montrait d'une lucidité parfaite sur tout ce qui concernait
son ménage, divaguait aussitôt qu'elle se trouvait dans la rue.
Elle regardait le ciel, montrait aux passants des étoiles invisibles
et leur faisait un cours incohérent d'astronomie qui avait le don
de provoquer' de nombreux rassemblements et d'interrompre la
circulation dans les rues étroites des quartiers du centre. En raison
des accidents qui auraient pu se produire/M. Carpin, commissaire
de police, a dû envoyer également Mme Houdin à l'infirmerie spé-
ciale du Dépôt.
Deux gardiens de la paix de service rue de la Coutellerie, ren-
contraient, hier matin, un monsieur fort bien mis qui leur deman-
dait où se trouvait la rue du Faubourg-Baniez. Ne connaissant ni
l'un ni l'autre cette rue, les gardiens la cherchèrent dans leur
guide sans, d'ailleurs, pouvoir la trouver. Mais leur interlocuteur
insista et les somma d'avoir à l'y conduire, car c'était là, disait-il,
qu'il occupait une grande maison au numéro 220. Une discussion
s'ensuivit au cours de laquelle le singulier passant tomba à bras
raccourcis sur les agents. Ceux-ci le conduisirent au commissariat
de M. Lawail, où tout s'expliqua.
On se trouvait en présence d'un aliéné, un commerçant demeu-
rant à Orléans, M. Alfred Larousse, âgé de cinquante-deux ans,
366 faits DIVERS. ·
qui se croyait être dans sa ville natale, où il a habite véritable-
ment le faubourg Baniez. On se demande comment le malheureux
fou a pu venir jusqu'à Paris. Il a été dirigé sur l'infirmerie spéciale.
Séquestrations illégales dans LES hôpitaux... EN 1741.
Dans les annexes du livre d'Eugène Pelletan, intitulé : Jarozcsseau,
le pasteur du Désert, nous trouvons l'extrait suivant d'une lettre de
M. deMaurepas, en date du 13 novembre 1741 :
« L'évêque de Saintes marque que les femmes qui ont paru,
il y a quelque temps, dans les assemblées religionnaires dans les
environs de Royan et qui faisaient les fonctions de ministres et de
prédicantes, continuent toujours à y paraître et y font la même
impression. On ne crut pas devoir alors traiter fort sérieuse-
ment ce nouveau spectacle. Cependant, il convient que vous vous
fassiez informer si ces assemblées continuent et si ces mêmes
femmes qui y faisaient personnages continuent toujours d'y paraître
de la même manière. En ce cas vous pourriez m'envoyer les noms de
quelques-unes qu'on ferait ENFERMER comme insensées à l'hôpital de
la Rochelle. »
FAITS DIVERS.
ASILE(D'ALIÉNÉS, Nominations et promotions : lf, le D1' LorF,
médecin-adjoint à l'asile de Prémontré, est promu à la classe excep-
tionnelle (ler juillet); AI. DUBUISION, médecin en chef à l'asile cli-
nique, estnomméàla classe exceptionnelle (2 juillet); \I. le D1' ALAM-
BERT-GOGET, médecin-adjoint à Bassen, est promu à la Ira classe
(28 juillet); M. le Dr BOISSIÈRE, médecin-directeur de l'asile de Saint-
Alban, est promu à la po classe (28 juillet); M. le Dr ViGOUROux,
médecin-adjoint à l'asile d'Évreux, est nommé au même grade à la
colonie de Dun-sur-Auron (21 juillet); M. le D1' Cosr,E est nommé
médecin-adjoint à l'asile de Mareville (2 août).
Suicides d'enfants. Le jeune Louis Boucher, âgé de quinze
ans, demeurant chez ses parents, à Adamville près Rambouillet, a
été trouvé pendu hier matin à un arbre dans la forêt de Chamoise.
On ignore la cause de- sa fatale détermination. (Le Petit Parisien
du 6 sept.)
Les miracles de Lourdes. On écrit de Nancy : Un forgeron de
Dieulouard, M. Pierre Frédéric, âgé de quarante-cinq ans, qui
.BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 367
faisait partie d'un pèlerinage revenant de Lourdes, s'est trouvé
mal en gare de Nancy. On lui apporta une tasse de bouillon dont
il absorba à peine quelques gouttes; il s'affaissa et mourut soudai-
nement. Son cadavre a été transporté à l'Institut anatomique aux
fins d'autopsie. (Le Petit Parisien du 12 sept.)
Combustion rapide d'un alcoolique. Le nommé François
Hinault, âgé de cinquante-quatre ans, maître couvreur à Saint-
Brieuc, rentrait ivre à son domicile. Il alluma une bougie et, celle-ci
à la main, il voulut aller dans une autre chambre. Il tomba. Le
feu prit à ses vêtements et bientôt, au dire des personnes accourues
en entendant ses gémissements, « il flamba comme un bol de
punch ». On le transporta à l'hôpital, où il est mort hier des suites
de ses brûlures. (Le Petit Parisien du 12 sept.)
INCENDIE A l'asile d'aliénés DE PAU. Un incendie s'est déclaré,
hier au soir, dans l'asile d'aliénés de Saint-Luc, près de Pau. Le feu
a pris dans un couloir du rez-de-chaussée. Grâce à la promptitude
des secours, il a pu être éteint sans qu'on ait eu de graves acci-
dents de personne à déplorer. Les aliénés que l'on avait conduits
dans d'autres bâtiments ont pu, ce matin, rentrer dans leurs dor-
toirs habituels. (Le Temps, numéro du samedi 31 juillet 1897.)
Une mission pour l'étude DE l'alcoolisme. M. Lewy d'Abar-
trague, ingénieur civil, publiciste, est chargé, disent les Annales
médico-psychologiques, par le ministre de l'intérieur d'une mission
en Allemagne, en Russie et en Suède, ayant pour objet l'étude des
moyens employés pour combattre l'alcoolisme dans ces différents
pays et des résultats obtenus. Nous verrons bientôt, sans doute,
des médecins envoyés en mission pour étudier à l'étranger la cons-
truction des chemins de fer.
Colonisation DES déments séniles. Le conseil général de la
Seine a, dans sa séance du 8 juillet 1897, voté une somme de
47 000 fr. pour la création, à Levet (Cher), d'une annexe de la
colonie familiale de Dun-sur-Auron. '
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
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Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Lvrew, Cli. IIÉ111sSE\, ¡mp. - 1007.
Vol. IV. Novembre 1897. N° 23.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDGE1;
Par le D'' F. TERRIEN,
Ancien interne des asiles de la Seine.
Observation XII. - Diabète insipide hydrurique chez un enfant de
vingt-deux mois. Durée cinq mois. Sueurs abondantes succédant à
celte hydrurie. Tare nerveuse, tempérament nerveux.
C'est également un enfant naturel comme le diabétique précé-
dent. Son père est inconnu. Sa mère est très nerveuse. La grand'-
mère l'est encore davantage. Les tantes et les oncles ont tous un
caractère bizarre marqué quelque peu de dégénérescence.
1893. Septembre, - Depuis quinze jours, la mère remarque que
l'enfant boit beaucoup et urine beaucoup ; ce n'était pas certes une
soif aussi violente que celle notée dans obser ? lion précédente; cepen-
dant, le bébé buvait litres environ. Pour l'urine, la mère ne peut
donner même un chiffre approximatif; est-ce titres ou 5 litres, elle
ne le sait; mais à chaque instant le bébé urinait, c'est tout le ren-
seignement que je pus obtenir. On comprend, du reste, aisément
l'impossibilité qu'il y a à recueillir toute l'urine de la journée chez
un enfant de cet âge, d'autant plus qu'il paraissait avoir une
intelligence trop obtuse pour qu'on pût songer à lui faire com-
prendre qu'il fallait uriner da ? un vase, mais il urinait presque
autant qu'il buvait, voilà un , il*t certain. Son urine est claire, lim-
pide, ne donne pas d'odeur .mmoniacale et pas de dépôt, même
après un séjour de plus d',lrl mois dans un récipient ouvert. On
dirait absolument de l'eau de source. Pas la plus légère trace de
sucre. C'est donc encore un cas de diabète insipide.
1 Voir Archives de Neurologie, no 22.
. Archives, 2e série, t. l1'. 21 r
370 CLINIQUE NERVEUSE.
Malheureusement, je n'ai pas l'analyse complète de l'urine (c'est
pour cela que mon observation sera brève). Je remettais toujours
au lendemain cette analyse, et il est arrivé que, l'enfant, m'ayant
surpris par une guérison subite, à laquelle je ne m'attendais guère,
je n'ai pu avoir l'analyse.
Pendant ce diabète, l'appétit de l'enfant était normal, le facies
était un peu pâle mais non amaigri, ventre ballonné. Cetétat a duré
cinq mois, puis tout d'un coup la soif a disparu et la polyurie et la
polydipsie ont baissé aussitôt.
Je n'ai plus revu l'enfant. Il y a deux mois, appelé dans le village
habité par le bébé, je trouve la grand'mère qui me parle de mon
ancien malade. « Son affection ne s'est pas reproduite, mais je
crois bien que son urine s'est changée en sueurs, car nous sommes
obligés de changer son linge quatre ou cinq fois par jour. Hiver
comme été, ses habits sont trempés comme si on les plongeait dans
l'eau, mais il ne boit pas comme autrefois, un peu plus que les
autres enfants cependant. A part cette petite infirmité, il se porte
très bien. »
Ce cas ressemble assez à celui d'un homme de cinquante
ans à qui j'ai donné mes soins, qui a présenté un diabète
insipide hydrurique hystéro-traumatique, le diabète surve-
nant subitement après une chute à terre (il avait été terrassé
par un boeuf), manifestation évidemment hystérique. Dans le
cours du diabète il survenait des crises de sueurs vraiment
extraordinaires, pendant lesquelles l'urine diminuait d'une
façon notable.
Pour en revenir à notre petit malade, j'en fais un diabé-
tique hystérique, ces sueurs peuvent bien être de nature
hystérique.
Observation XIII. . Coxalgie hystérique chez un jeune garçon de sept
ans. Guérison au bout d'un mois et demi.-
Jan..., sept ans. C'est le frère de la petite J... de l'Observa-
tion VI. On s'aperçoit un jour qu'il boite en marchant; la cause de
cette claudication semble, pour les parents, résider dans la hanche
droite; on le conduit dans mon cabinet, et voici les constatations
qu'il m'est donné de faire :
1891. Janvier. Douleurs vives à la pression, au grand tro-
chanter, au sacrum et à l'aine. Cette douleur s'irradie le long de
la cuisse à la face antérieure.
Le pli fessier n'est pas au même niveau que le pli fessier opposé;
une légère ensellure lombaire existe; quand je veux faire mouvoir
la cuisse, l'enfant crie que je lui fais mal. Jé n'entends pas de cra-
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 371 1
quements, l'article est donc libre. Claudication très accentuée. C'est
donc bien, à part l'absence du craquement, le tableau de la coxal-
gie organique. Et pourtant l'évolution de la maladie, sa terminaison
heureuse au bout de deux mois, indiquent nettement, malgré l'ab-
sence de stigmates, que nous nous trouvons en face d'un phéno-
mène hystérique. Du reste, l'hérédité est là : hérédité névropathique
et non tuberculeuse, la soeur ayant présenté de la pseudo-ménin-
gite (Observation VI) et de la pseudo-coxal"ie
Et puis, un an avant cet accident de pseudo-coxalgie, cet enfant.
aurait eu de l'oedème de la jambe avec douleur vive le long du tibia;
j'avais cru à de l'ostéite lorsque, à mon grand étonnement, oedème
et douleur avaient disparu. C'était forcément une manifestation de'
la névrose hystérique.
Depuis cette époque, l'enfant s'est bien porté; il a maintenant
douze ans; il est fort et vigoureux, et il commence à aider ses
parents aux travaux de labour.
Observation XIV. Fillette de sept ans. Etouffements nerveux, eii ? ,ozie-
ment nerveux. A quatorze ans, après une tentative de viol, crises
de sommeil, aboiement nerveux, accès convulsif.
Poir..., sept ans. Plusieurs fois on m'avait conduit cette jeune
fille; un jour c'était pour des étouffements nerveux qui inquiétaient
les parents, étouffements survenant par accès dont la durée variait
de huit à quinze jours2. D'autres fois c'était pour un enrouement
très prononcé qui faisait craindre le croup à la famille. En raison
de l'hérédité nerveuse de l'enfant- grand'mère maternelle hysté-
rique avec crises mère et tantes maternelles très impression-
nables, névropathes ; j'avais porté le diagnostic : étouffement, enroue-
ment hystérique. Diminution de la sensibilité du pharynx.
Il y a huit mois (septembre 1896), un fournisseur vient dans la.
maison où elle servait de petite bonne d'enfant, et essaie, en l'ab-
sence des maîtres, de la violer. Aux cris de la petite fille on accourt,.
et le viol n'est pas consommé, mais deux heures après on trouve-
l'enfant couchée et profondément endormie, sa maîtresse a beau-
coup de peine à la faire sortir de ce sommeil. Les étouffements.
qu'elle a présentés à sept ans, se reproduisent, mais avec une plus
1 Ces pseudo-coxalgies sont assez fréquentes en Vendée. J'ai noté dans s
les Archives de Neurologie une petite épidémie de coxalgie à laquelle
j'ai assisté. Jules Simon, Société des hôpitaux, 189G, signale un joli
cas de coxalgie chez un petit malade de douze ans qui avait fait sa
pseudo-coxalgie en regardant ses petits camarades de Berck, atteints de
coxalgie véritable.
2 Ces crises d'étouu'ement,.de laryngisme sont très fréquentes chez les
enfants hystériques. Bien des fois j'ai été appelé à les constater dans ma
clientèle.
372 CLINIQUE NERVEUSE.
grande intensité; l'enfant, le visage anxieux, la bouche ouverte, le
corps plié en deux, les mains crispées s'accrochant aux meubles,
essaie, en se débattant, d'avoir une large respiration qui ne vient
pas.
A cette période de crises, caractérisées par des étouffements,
période qui dure un mois, en succède une autre marquée par des
phénomènes plus bruyants : toutes les heures environ, elle se met
à pousser des cris aigus, tellement aigus qu'ils s'entendent de loin.
Quand l'enfant sent venir sa crise, elle se jette à terre, et là, la
bouche largement ouverte, elle laisse échapper de véritables aboie-
ments qui, la nuit, réveillent les gens du quartier. Par la compres-
sion des ovaires, j'arrive à arrêter la crise; par la suggestion, je
l'ai supprimée totalement.
Cette fillette a, parait-il, en ce moment, de grandes crises avec
chute à terre, perte de connaissance, mouvements convulsifs. On
n'a pas voulu me faire appeler parce que les parents s'imaginent
qu'elle tombe d'un « haut mal », et qu'elle n'a pas besoin du secours
inutile de son médecin. J'avais constaté un retrécissement con-
centrique très marqué du champ visuel, lors du dernier examen.
Évidemment ces dernières crises sont des crises d'hystérie.
Observation XV. Enfant d'un an. Crises d'hystérie. Convulsions
toniques, cloniques sans aura, sans sommeil consécutif.
Hérédité maternelle et paternelle. Père alcoolique. Mère ner-
veuse. Tante maternelle hystérique. .
L'enfant jusqu'à un an n'a rien présenté de particulier, la den-
tition s'est bien effectuée, santé générale excellente. Pas de cons-
tipation, pas de diarrhée ; l'enfant est nourri aux seins. A l'âge
d'un an il a sa première crise : les membres se raidissent, les yeux
sont convulsés en haut, la face est violacée. Puis les convulsions
cloniques apparaissent, au bout de deux minutes la crise cesse et
l'enfant se met tantôt à rire, tantôt à crier. Pas de coma succédant
à l'agitation. Lorsque j'arrive la première fois pour voir l'enfant,
la seconde crise venait de se terminer, et je trouve un beau bébé
qui, certes, paraissait nullement souffrir, il s'amusait. Je réserve
mon diagnostic : était-ce une crise réservée à la dentition ? Était-ce
une crise due à quelques lombrics ? Etait-ce une crise d'hystérie ou
d'épilepsie ? Le réveil, à coup sûr, n'était pas celui de l'épilepsie.
Le lendemain on me rappelle, une nouvelle crise s'était pro-
duite, pendant ma consultation, nouvel accès en tout semblable à
celui que j'ai décrit plus haut. Puis tous les mois environ, et cela
pendant plus d'un an ces mêmes crises se répètent. Depuis trois
ans les accès n'ont pas reparu. L'enfant très intelligent a un carac-
tère irritable, sensible, pleurant [pour de futiles motifs. Il a des
terreurs nocturnes, se jette subitement hors de son lit croyant voir
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 373
des bêles qui viennent le dévorer, etc., incontinence nocturne
d'urine'. La recherche des stigmates hystériques ne donne pas
de résultats ; les crises se répétant tous les mois, pendant un an et
demi, dans la forme que j'ai décrite plus haut, leur disparition
depuis trois ans, le caractère de l'enfant, la tare héréditaire, tout
plaide en faveur de la névrose.
Observation XVI. Somnambulisme hystérique. Vision à distance.
Enfant de treize ans.
C'est avec une certaine timidité que je trace l'histoire de cette
malade; mais le clinicien qui a observé doit dire tout ce qu'il a vu,
si extraordinaires, si invraisemblables que puissent paraître les
phénomènes offerts à son observation, surtout s'il les a étudiés
scrupuleusement avec l'exactitude scientifique la plus rigoureuse.
On doit, du reste, se souvenir que le vrai n'est pas toujours vraisem-
blable. Dans mon travail sur l'llystérie en Vendée (numéro de
décembre 1893 des Archives de Neurologie) j'avais à propos d'une
grande hystérique ayant présenté successivement contractures,
cécité hystérique, surdité hystérique, raconté le fait suivant. Je cite
textuellement :
« Un jour que la jeune fille était étendue, malade, dans son lit,
elle aurait raconté dans tous ses détails, à sa soeur, le voyage que
faisait en même temps sa mère, lui disant l'argent qu'elle avait
emporté, les personnes qu'elle avait rencontrées dans le cours de ce
voyage, le cadeau qui lui était fait (deux rosiers ayant chacun une-
rose épanouie). Quand la mère rentra, la soeur ne put s'empêcher
de rire, en voyant à la gare d'arrivée sa mère portant les deux
rosiers à la main et en lui entendant raconter toutes les péripéties
d'un voyage qu'elle connaissait déjà. Il m'est, il est vrai, ajoutais-
je, impossible de garantir l'exactitude de ce fait que je mentionne
sous toutes réserves. »
Voilà ce que j'écrivais en 1893. Étais-je convaincu ? Non. Les
réserves de la fin l'indiquent. Cependant je n'avais pas cru devoir
omettre dans la description de la vie pathologique de ma malade
ce fait étrange, d'autant qu'il m'était rapporté par la soeur témoin,
femme intelligente à l'esprit cullivé, et dont la bonne foi ne
devait guère être suspectée.
Dans l'observation qui va suivre, on va trouver la confirmation de
ce fait, et le cas, nous le verrons, semblerait probant, et de profond
sceptique que j'étais, je vais être obligé aujourd'hui de me con-
* Cette incontinence nocturne d'urine est un accident fréquent chez les
enfants hystériques. Culerre, médecin en chef de l'asile de la Boche-
sur-Yon, en a signalé de nombreux cas dans les Archives de Neurologie.
Plus heureux que moi il en a guéri heaucoup par la suggestion hypno-
tique.
374 CLINIQUE NERVEUSE.
vaincre, bien qu'il m'en coûte encore; je vais être obligé de croire
que les phénomènes de vision à distance existent réellement ; sans
- cela je ne vois comment on pourrait explique ! ' les faits dont j'ai été
le témoin, où toute supercherie, nous le verrons, doit être écartée.
Estelle S..., treize ans, a une mère nerveuse, un père intelligent,
mais ayant présenté à l'âge de trente ans de la mélancolie,1 avec
idées de persécution, puis de persécuté il était devenu persécuteur
et avait menacé de tuer son maître.
Antécédents pel'SOl1l1els. - Rien à noter dans sa première enfance.
A dix ans elle est atteinte de diphtérie grave. Elle est intelligente,
a acquis une assez bonne instruction primaire. A treize ans elle
entre en apprentissage comme tailleuse et c'est grâce à cette cir-
constance qu'il m'a été permis d'examiner la fillette. Il est d'usage
à la campagne que les ouvrières travaillent chez les particuliers.
Ainsi, elle n'était pas venue chez moi connue malade, elle était
pour travailler à la couture. Sa maîtresse, après le déjeuner, déclare
qu'elle a sommeil : « J'ai également sommeil, » dit la fillette. A
peine a-t-elle prononcé ces mots qu'elle s'endort. Lorsque sa mai-
tresse se réveille après quelques instants, elle secoue la jeune
Estelle pour la remettre au travail, impossible de la tirer de son
sommeil ; c'est à ce moment qu'on m'appelle dans la chambre de
travail. Je trouve la petite dormant profondément, elle est insen-
sible aux piqûres, les membres soulevés retombent inertes, ils sont
en résolution complète. Je lui parle à l'oreille, elle ne répond pas.
C'était du sommeil hystérique. Après une heure d'un calme com-
plet, la malade toujours couchée commence à se plaindre, elle
pleure, elle a peur; elle a, sans doute, des hallucinations terri-
fiantes ; puis elle se lève brusquement de son siège, se met à chan-
ter, à danser, quelquefois les yeux ouverts. Elle parle avec une
volubilité extraordinaire. On l'interroge, elle semble ne pas
entendre, ou, du moins, elle continue son thème commencé sans
se préoccuper de la question posée, à moins que cette question
.présente quelques rapports avec le sujet qui la préoccupe. Mais voici
où son histoire commence à être intéressante. J'avais depuis plu-
sieurs jours égaré des clefs qui m'étaient indispensables; alors
voici ce que la fillette raconte dans son sommeil : « Tu as perdu la
clef de ta caisse (quand elle dort, elle tutoie tout le monde et
appelle chacun par son prénom), tu en as eu besoin pour payer
une traite et il t'a fallu aller chercher le serrurier, etc... Je
la vois cette clef, elle tient à un anneau, c'est la plus grande du
trousseau qui en contient trois, les deux autres sont plus petites,
j'en.vois une qui paraît mieux que la grande. » Elle donna ensuite
.d'autres détails qu'il serait trop long d'énumérer, et qui étaient
-absolument exacts. En effet, je me souvenais que j'avais eu l'idée
'de mettre mes clefs dans un lieu sûr pour les soustraire aux regards
d'une jeune bonne Estelle me rappela ce fait et au moment
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDUE. 375 5
où l'on m'apportait la traite je ne pus me souvenir dans quel
endroit j'avais caché mes clefs.
J'étais absolumentstupéfait, d'autant que c'était la première fois
que la fillette venait chez moi et que je n'avais pu confier à qui que
ce soit les renseignements précis qu'elle venait de si bien exposer.
Autre détail. Elle continue : « Tu arrives de Chauché voir des
malades, tu en as vu quatre au lieu d'un qui t'avait appelé. » C'était
encore exact.
En face de ces révélations je devais, évidemment, chercher à
poursuivre l'expérience. Je prends discrètement son mouchoir et
vais pour le cacher d'abord dans la salle à manger, ensuite dans
le berceau de mon enfant ; 'ne trouvant pas le lieu assez sûr, je
l'enfouis sous des papiers au fond d'une caisse, et je reviens près
de ma petite hystérique. Au bout de quelques minutes elle trouve
l'absence de son mouchoir, elle sort alors précipitamment, tra-
verse les yeux fermés un long couloir, pénètre brusquement
dans la salle à manger, va au berceau, puis s'éloigne pour se diri-
ger vers la cuisine auprès de la caisse, soulève un amas de papier
et de chiffons, retire son mouchoir et retourne à sa place dans la
chambre de travail. -
Elle avait suivi exactement le trajet que j'avais parcouru, sui-
vant pour ainsi dire ma pensée qui m'avait porté d'abord à cacher
l'objet dans un endroit, puis dans un autre de préférence.
Je lui prends alors sa broche fixée à son corsage, et vais la poser
dans le salon derrière la pendule (les persiennes étaient fermées,
il y faisait noir); quelques minutes après elle s'aperçoit de la dis-
parition de sa broche, elle s'empresse de se diriger vers le salon et
malgré l'obscurité qui régnait dans la pièce, elle relire, sans rien
casser, la broche que j'avais cachée. Et c'était la première fois qu'elle
venait chez moi, elle ne connaissait pas l'appartement,j'étais donc
étonné de la voir se diriger vers la pendule avec une aussi grande
sûreté 1. Ce qu'elle m'avait raconté tout à l'heure m'avait, je l'ai
dit, stupéfait; ce qu'elle venait de faire ne m'étonnait pas moins.
Il est inutile de citer d'autres expériences qui, toutes, semblent
indiquer, chez notre jeune hystérique, une vision à distance très
nette dont il m'est difficile de nier l'existence. Car ici, je le répète,
pas de supercherie possible : il n'y avait que deux acteurs dans ces
diverses scènes, elle et moi, la malade et le médecin et un médecin
très sceptique sur cette matière, qui ne voudrait pas croire ce qu'il
ne comprend pas. C'est dire le soin, l'attention que j'apportais
dans mes expériences.
J'ai assisté cette malade durant cinq ou six crises de ce sommeil
' Les paupières ne formaient nullement écran devant ses yeux, car elle
se promenait dans ces longs couloirs et dans ces chambres avec autant
d'aisance les yeux fermés que les yeux ouverts.
376 CLINIQUE NERVEUSE.
hystérique dont la durée variait de quatre à six heures, c'est tou-
jours le même tableau : premièrephase,sommeilcalmesans paroles,
membres en résolution, anesthésie .complète ; deuxième phase, la
malade au bout de trois quarts d'heure à une heure commence il
s'agiter, elle est sous le coup d'hallucinations, elle pleure, elle rit,
elle parle avec une plus grande facilité d'élocution qu'à l'état nor-
mal1. Si un sujet la préoccupe à l'état de veille, c'estce sujet qu'elle
abordera tout d'abord; elle ne répond pas aux questions posées;
troisième phase, ce sont alors de grands mouvements, elle danse,
elle saute, elle court d'une chambre dans l'autre, tantôt les yeux
ouverts, tantôt les yeux fermés. Elle se conduit partout avec aisance
sans se heurter aux obstacles. Elle cite des faits dont elle n'a nulle
souvenance après le sommeil, telle l'histoire de la clef que j'ai
rapportée plus haut; elle ne sait pas ce que je veux lui dire quand
je lui parle de ces clefs dont elle donnait si bien, tout à l'heure, la
description ! 1 .
Que conclure ? Il m'est impossible, après cette constatation,
de nier que la vision à distance existe. Ces deux exemples le
prouvent, celui que j'ai rapporté dans les Archives de J\Teu1'O-
logie et que mon frère a rappelé dans sa thèse « Hystérie en
Vendée » et ce dernier cas plus probant.
Essaierai-je de l'expliquer ? Ne le comprenant pas, je ne
peux donner une solution. Du reste, en face de phénomènes
présentés par l'hystérique, on se trouve le plus souvent en
face des mêmes difficultés.
Comprend-on aisément comment, en frappant sur l'épaule
d'un hystérique, qui est à l'état de veille, et en lui déclarant
qu'il ne peut plus remuer le bras, on puisse entraîner de
suite la paralysie, paralysie que l'on fera disparaître aussi
aisément qu'on l'a fait naître ? Et cet aveugle hystérique à
qui l'on donnera, par le simple commandement, la vision ?
On constate les faits, mais pour les expliquer on ne peut
recourir qu'aux hypothèses el, seraient-elles vraisemblables,
elles ne sont toujours que des hypothèses.
Tout est donc étrange, presque mystère dans l'hystérie;
cette dernière observation en est une preuve nouvelle.
Observation XVII. Enfant de sept ans. Hystérie et dégénérescence
mentale. Vomissements hystériques incoercibles. Peur du tambour
et du violon. Guérison par suggestion. Persistance des autres
manifestations.
C..., âgée de sept ans, est amenée dans mon cabinet, elle n'a
1 Elle est ordurière dans ses expressions (coprolalie).
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 377 l
point une physionomie intelligente : front fuyant, crâne asymé-
trique ; elle présente les signes physiques de dégénérescence. Sa
mère qui me donne les renseignements, semble avoir un niveau
intellectuel peu élevé.
Cette petite fille, âgée de sept ans, vomit depuis un mois ; à
peine ingère-t-elle un aliment que son estomac le rejèle aussitôt ;
l'appétit pourtant est excellent, la langue n'est pas très chargée,
les selles sont régulières. Comme stigmates d'hystérie (car je pense
a des vomissements hystériques) je ne trouve rien. Cependant les
vomissements sont hystériques car je plonge l'enfant dans le som-
meil hypnotique, je lui défends de vomir et elle m'a obéi, les
vomissements ont disparu.
J'essaie également de supprimer les craintes qu'elle avait du
tambour et du violon, sur ce point je n'ai pu réussir. Sa mère me
racontait qu'elle ne pouvait supporter le bruit de ces instruments,
elle jetait des cris et se renfermait dans une chambre. Ce résultat
confirme bien ce que j'avançais dans une précédente étude sur
l'hystérie en Vendée. La suggestion, dans l'hystérie, est le traite-
ment par excellence ; mais dans les autres affections nerveuses,
neurasthénie, dégénérescence mentale, etc., elle est presque tou-
jours sans effet.
Les vomissements chez cette enfant ont reparu deux ans après,
le même traitement employé a été suivi des mêmes résultats.
Observation XVIII. Chorée rythmique chez un enfant de huit ans.
Paralysie spinale ((trophique,
Chorée rythmique (danse de Saint-Guy) chez un enfant de huit
ans qui avait été frappé d'une paralysie spinale atrophique à deux
ans et demi et qui présente actuellement une atrophie considérable
de la jambe droite avec pied bot. Varus équin.
Je ne pourrais dire que quelques mots sur ce cas pourtant inté-
ressant, je ne retrouve que des notes incomplètes sur ce malade.
Si j'en fais mention ici, c'est parce que cet enfant présente un bel
exemple d'hystérie associée à une affection organique.
Voici les quelques notes recueillies sur ce petit garçon amené de
loin et rencontré qu'une seule fois dans mon cabinet :
1896. Août. Garçon de huit ans. Paralysie à deux ans et demi,
atrophie consécutive de la jambe droite, déformation du pied
(pied bot, varus équin). A huit ans, il présente de la chorée
rythmique, mouvements saltatoires ; il danse sur place pendant
des heures entières sans qu'il soit possible de l'arrêter.
Quand il commence sa danse, c'est un balancement régulier de
tout le corps. Pas de réflexes pharyngiens, il a eu fréquemment des
crises de dyspnée avec toux croupale.
378 CLINIQUE NERVEUSE.
Nous trouvons donc ici association d'une chorée hysté-
rique avec une affection médullaire. J'aurais pu ajouter
bien d'autres observations, mais je devais me limiter. Je
tenais à signaler les cas les plus intéressants parmi ceux qu'il
m'a été donné d'étudier pendant cette période de huit années,
passée en Vendée, et avant tout je ne voulais présenter que
des malades dont l'hystérie ne pouvait être mise en doute.
Car en raison de la difficulté très grande, de l'impossibilité
souvent qu'on a de démasquer les stigmates de la névrose
chez l'enfant, l'incertitude du diagnostic est plus fréquente
ici que partout ailleurs, et si cette insuffisance des stigmates
révélateurs éclate à chaque pas dans le cours de ce travail,
en tête de mes observations, j'ai su du moins relever une
série de faits se succédant chez le même enfant à plusieurs
années de distance, devant entraîner la certitude du dia-
gnostic là où le premier accident pris isolément pouvait le
rendre fort discutable ou tout au moins appelait quelques
réserves.
Ainsi l'exercice de la médecine à la campagne, au milieu
des inconvénients sans nombre qu'il présente, offre cet avan-
tage, qui, dans la pathologie nerveuse, est particulièrement
appréciable : on peut suivre longtemps son jeune malade, on
le voit naître, grandir, on ne le perd pas de vue, surtout
dans ce coin de la Vendée où presque chaque habitant a sa
maison à lui, son coin de terre qu'il cultive; à ce sol qui l'a
vu naître, il reste profondément attaché, si un instant il s'en
- éloigne, c'est pour y revenir à la première occasion. Aujour-
d'hui vous le voyez dans tel petit village, dans quelques
.années vous le retrouverez sous le même toit ou sous un toit
très voisin. C'est dans le tempérament vendéen.
Je me hâte de conclure, et mes conclusions, je dois le dire
dès maintenant, seront en partie conformes à celles qui sont
généralement acceptées aujourd'hui :
1° L'hystérie existe chez les enfants et tous les âges, aussi
bien chez le nouveau-né et à la première enfance, qu'à la
seconde forme et dans l'âge qui précède la puberté. Ce point
n'est point discutable, aussi je n'insiste pas. Du reste, sur
J 8 cas d'hystérie, relatés ici, nous en trouvons 8 au-dessous
de quatre ans et autant de petits garçons que de fillettes;
2° Elle est aussi fréquente que chez les adultes. L'est-elle
davantage ? Je ne saurais le dire.
HYSTÉRIE INFANTILE EN YE ? \DÉE. 379
L'impressionnabilité plus grande dans un cerveau encore
rudimentaire, que la raison ne dirige pas, où presque tout
est soumis à l'instinct, plaiderait, il me semble, assez dans
ce sens. Et cependant, il faut l'avouer, l'occasion nous est
moins souvent offerte de la constater. A vrai dire, si l'on
devait considérer comme manifestation hystérique tous les
accidents convulsifs pour lesquels on est appelé près des
enfants ; si l'on devait rayer, par exemple, l'éclampsie infan-
tile comme entité morbide et en faire un syndrome hysté-
rique comme le voulaient Chaumier, Ollivier, Magitot (Aca-
démie de médecine, séance du 28 juin 1892); si l'on devait
considérer comme hystériques tous les enfants à caractère
difficile, emporté, violent, aux pleurs et rires faciles, comme
semble le comprendre Burnet en sa thèse inspirée par Ollivier
(Th. Paris, 1891), les enfants hystériques seraient légion, on
en verrait vraiment trop; il ne faut pas tomber dans l'excès
et voir des hystériques partout. L'éclampsie infantile, à mon
avis (c'était, du reste, l'opinion émise par Peter, Roy de
Méricourt, etc., en cette séance du 28 juin 1892, en réponse
aux assertions d'Ollivier et de Magitot), ne doit pas être
rayée comme entité morbide; les convulsions dues à la den-
tition, aux vers intestinaux sont des convulsions dues à une
action rellexe, convulsions qui ne relèvent en rien de la
névrose ; tout ce que l'on peut concéder, c'est qu'elles doi-
vent naître plus aisément dans un terrain préparé, c'est-à-
dire dans un terrain névropathique.
Combien d'enfants ai-je rencontrés, présentant vers un an
des crises éclamptiques qui, depuis, n'ont jamais indiqué le
moindre. syndrome hystérique. On comprendra difficilement
qu'un enfant, ayant eu un accès convulsif dans sa première
enfance (si cet accès était de nature hystérique), puisse tra-
verser la seconde et la troisième enfance sans donner plus
jamais de signes évidents d'hystérie. Ce n'est pas ainsi que
se comporte ordinairement cette névrose avec crises convul-
sives, mode d'accidents qui révèle une hystérie bien accen-
tuée. Pour résumer ma pensée je dirai donc que, si l'hystérie
de l'enfance n'est point rare (les nombreux cas publiés l'indi-
quent), elle n'a certainement pas la fréquence par trop
grande que veulent bien lui accorder certains auteurs qui
appliquent trop aisément l'étiquette d'hystérie à des mani-
festations qui ne relèvent en rien de la névrose. Si l'impres-
380 CLINIQUE NERVEUSE.
sionnabilité, toute spéciale d'un jeune cerveau à peine formé
le prédispose aux accidents hystériques, pour peu qu'il y ait
de l'hérédité; d'un autre côté l'enfant, en raison précisément
de son âge et de son intelligence rudimentaire est soustrait à
bien des causes qui, dans l'âge viril, peuvent faire éclater
l'hystérie. Ce qu'il gagne d'un côté, il le perd donc de l'autre;
aussi cette conclusion semblerait-elle assez justifiée, l'hys-
térie, chez l'enfant, n'est ni plus fréquente ni moins fréquente
qu'à tout autre âge de la vie.
3° L'hystérie des enfants est la même que l'hystérie des
adultes. - On peut observer chez les enfants toutes les mani-
festations psychiques et somatiques de la névrose,, telles
qu'on les rencontre à un autre âge : si les stigmates ne nous
apparaissent pas, chez eux, aussi nettement, aussi fréquem-
ment que chez l'adulte, c'est que la recherche de certains
stigmates est difficile, la recherche de plusieurs impossible.
Il ne faudrait donc pas conclure à leur non-existence de ce
que l'on n'arrive pas à les démasquer. L'hystérie est une ; de
même qu'il n'y a pas, à proprement parler, d'hystérie mas-
culine, féminine, il n'y a pas davantage d'hystérie infan-
tile, juvéline et sénile. La névrose, chez l'enfant, n'est pas
simplement psychique comme semblait le vouloir l'école
allemande (mémoire de Duvernay, de Bâle) et comme ten-
.daient à le penser Legrand du Saule et Ollivier dont on
retrouve dans leurs écrits comme un écho des doctrines alle-
mandes, elle peut revêtir toutes les formes, je dirai même
que la forme somatique de l'affection est la plus fréquem-
ment notée. On le comprend quand on songe combien sont
difficiles à apprécier les troubles psychiques chez les.enfants
dont l'intelligence n'est pas encore développée et combien il
est malaisé d'établir un diagnostic sur ces simples données,
vivacité, colère, pleurs, rires exagérés, idées extravagantes,
gestes désordonnés, etc. -
En réalité, l'hystérie de l'enfance est bien identique à
l'hystérie virile et les divisions fondées sur l'âge n'ont donc
pas leur raison d'être, car elles n'auraient pas plus d'im-
portance, comme le dit Pitres, que les divisions fondées sur
la marche de la maladie, sur la localisation ou la nature des
symptômes.
4° Comme l'hystérie de l'âge viril, elle peut simuler chez
l'enfant, presque toutes les maladies du système nerveux
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 381
médullaire (thèse Souques 1891) ', elle peut également simu- a u aj
1er les affections des autres organes. Dans les observations
relatées plus haut, on l'a vue simuler (et avec quelle préci-
sion) la méningite (observations G, 7, 8, 9, '10) ; les paralysies
et contractures organiques (observations 1, 3,4, 5), lespara-
lysies dues aux intoxications (observation 2; elle donne la
polyurie, la polydipsie du vrai diabétique diabète hydru-
rique (observations 1'I, 12) ; elle simule la coxalgie (obser-
vation 13) à tel point que le neuropathologiste le mieux
exercé peut s'y tromper. J'ai relaté dans les Archives de
Neurologie 1893, page 470, cette petite épidémie de coxal-
gie survenue dans un village. Croyant avoir devant moi une
arthrite tuberculeuse de la hanche, j'avais mis une jeune
fille dans une gouttière ; quatre de ses camarades, dans les
mois qui suivirent, présentèrent la même claudication, la
même douleur à l'articulation et un peu de déformation de
la hanche. La peur du mal avait créé, chez elles, le mal, et
ce mal, créé par la peur, n'était évidemment qu'un accident
hystérique. Pris d'un doute sérieux au sujet de la nature de
la coxalgie de ma première malade, je l'examine alors plus
attentivement. j'avais fait une erreur de diagnostic, je la sors
de son appareil et lui fais comprendre que ce séjour de
quelques mois suffisait pour sa guérison. J'ai revu cette
jeune fille, il y a quelques jours, avec son frère qui venait
me consulter pour de l'oedème hystérique à la partie supé-
rieure du sternum; cette jeune fille s'est toujours bien portée,
elle n'a jamais présenté depuis de douleurs à la hanche et
sa marche est normale.
Et la méningite ? Comme l'hystérie sait bien la copier ;
aussi l'erreur est-elle facile. On a vu (observation 7) que le
premier accès de méningisme avait été pris par le médecin
pour une méningite tuberculeuse, et que ce médecin avait
compté, à son actif, une guérison (résultat qui aurait pour-
tant dû lui faire douter de son diagnostic). Il y a cependant
un symptôme que je n'ai, pas rencontré dans les cas de
pseudo-méningites que j'ai observés, c'est la respiration de
Cheyne-Stokes, presque constante dans la vraie méningite ;
cette respiration irrégulière a pourtant été notée par Gran-
cher dans un cas de pseudo-méningite hystérique (observa-
1 Toutes les maladies du système nerveux cérébral. (Thèse Barde), 189,3,
et Fabvre, 1883, Marseille médical.)
382 CLINIQUE NERVEUSE.
lion 23, thèse Burdol) ; mais, pourmon compte, je ne l'ai pas
encore rencontrée.
Une remarque s'impose quand on parcourt les observa-
tions publiées sur l'hystérie de l'enfance, elle ne copie abso-
lument que les maladies susceptibles de frapper l'homme' à
cette période organique de la vie, la méningite est fréquente
à cet âge, elle copie la méningite, elle copiera l'hémiplégie
spasmodique infantile, l'hémiplégie spinale athrophique,
elle copiera la coxalgie, elle n'a pas donné, que je sache,
l'image de la sclérose .en plaques, sclérose latérale amyotro-
phique qui frappe à l'âge viril, de la paralysie agitante, etc.
Sa Ainsi que l'hystérie virile, elle peut s'associer chez l'en-
fant à d'autres névroses et aux maladies organiques, et cette
association est bien faite pour égarer souvent le clinicien.
Cette coexistence avec les maladies organiques, si bien mise
en relief par Charcot et ses élèves, et surtout par la remar-
quable communication de Babinski à la Société médicale des
hôpitaux, Il novembre 1892, sera évidemment moins fré-
quente chez l'enfant que chez l'adulte, que chez l'homme
arrivé à l'âge mûr et à la vieillesse. Cela s'explique aisément,
vu l'absence dans le bas àge de la plupart des lésions orga-
niques qui peuvent nous frapper à une époque plus avancée
de la vie. Renard et Swolfs ont cité un cas d'hystérie chez
une jeune fille de quatorze ans avec crises convulsives, para-
lysie, mutisme, ovaralgie, accidents hystériques associés à
une méningite tuberculeuse. Dans l'observation XVII de ce
travail on voit l'hystérie et la dégénérescence mentale coexis-
ter, le syndrome hystérique s'effacer par la suggestion, et
les phénomènes dus à la dégénérescence mentale persister.
Dans l'observation XVIII c'est de la chorée rythmique qui
accompagne une hémiplégie atrophique de l'enfance. Je
pourrais rappeler encore ici ce cas de myopathie primitive
(type Erb) chez une jeune hystérique, relaté dans l'llsGé7·ie
en Vendée ', et ce mal de Pott chez une hystérique, avec
hoquet permanent et douleur hystérique de la hanche décrit
dans le même mémoire.
C'est surtout dans ces cas d'association intime qu'il est
indispensable de recourir à un examen sévère et approfondi
pour dissocier ce complexus morbide et donner à chacun des
' Hystérie en Vendée, p. 469, Archives de Neurologie.
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 383
éléments qui le constituent la part qui lui est propre. C'est
pour ne pas avoir démêlé cette union intime de la névrose
avec d'autres affections organiques que l'on est souvent
entraîné à des erreurs de diagnostic, que l'on peut s'imaginer
parfois se trouver en face d'espèce hybride non encore étu-
diée ou que l'on estime avoir amélioré une maladie grave
jusque-là rebelle à tout traitement, quand on fait disparaître
simplement les manifestations dues à là névrose sans avoir
touché à l'affection qui lui est associée 1.
6° Le diagnostic de l'hystérie, chez l'enfant, est de beau-
coup plus difficile qu'à tout autre âge, à établir d'une façon
certaine ; il y a pour cela plusieurs raisons. D'abord l'interro-
gatoire du petit malade est toujours incomplet, les questions
posées ne sont pas comprises; les réponses sont, le plus sou-
vent, sans valeur. L'enfant dit « oui » ou « non suivant
l'inspiration du moment et non suivant les symptômes réels
qu'il éprouve et ne peut définir. J'ai trouvé des enfants qui
disaient toujours « oui t, d'autres toujours « non». Il est
donc impossible de démêler la vérité dans un interrogatoire
aussi confus, aussi contradictoire.
Il y a également la recherche des stigmates si difficile chez
l'enfant. Le bébé peut avoir des troubles de la sensibilité
générale et spéciale sans qu'il nous soit possible, le plus
souvent, de les apprécier. L'anesthésie pharyngée existe-
t-elle, que l'enfant par peur (on sait combien il redoute l'exa-
men de la gorge) sera secoué, comme si la région huccale et
pharyngée était excessivement sensible. Pour les zones hys-
térogènes, pensera-t-on qu'il existe un point douloureux sur
telle partie du corps parce que l'enfant aura crié au moment
où on l'aura touché ? Mais il suffit souvent qu'il voit le méde-
cin faire ees recherches pour qu'il pousse des cris au moindre
contact quand bien même le point touché n'est nullement
douloureux.
Pour constater les troubles visuels achromatopsie, dyschro-
matopsie, rétrécissement du champ visuel, il n'y faut pas
songer chez l'enfant en bas âge. Et pourtant tous ces signes
ont une valeur séméiologique considérable, le rétrécisse-
ment du champ visuel surtout qui a une signification carac-
téristique.
' Hystérie en Vendée, p. 471, ibid. ,
384 - CLINIQUE NERVEUSE.
On n'a donc, le plus souvent, devant soi qu'un seul syn-
drome, et c'est sur ce syndrome qu'il faut tabler pour fixer
son diagnostic. Je sais bien qu'on aura, pour s'aider, les
antécédents héréditaires qui manquent très rarement dans
l'hystérie, les antécédents personnels révélant, dans son
passé, quelques manifestations franchement hystériques ;
malgré cela. comme le doute s'impose en bien des circons-
tances et que de réserves on est obligé de faire ! L'avenir
vient seul fréquemment éclairer le diagnostic et vous per-
mettre de poser, sur tel accident présenté antérieurement
par le jeune malade, sa véritable étiquette qu'il aurait été
primitivement audacieux et téméraire d'appliquer. On a pu
voir, en effet, en parcourant quelques-unes de mes observa-
tions que c'est le mode d'évolution, que ce sont parfois des
accidents ultérieurs qui ont pu me fixer d'une façon certaine
sur la nature des phénomènes primitifs. Tout d'abord, je
pouvais penser à l'hystérie, prononcer le nom, mais je sen-
tais mon diagnostic fort discutable. Sydenham a bien dit :
« Lorsque j'ai examiné une malade, et que je ne trouve rien
en elle qui se rapporte aux maladies connues, je regarde
l'affection dont elle est atteinte comme une hystérie. » Je
pense néanmoins que l'hystérie monosymptomatique ne
peut, ne doit être portée qu'à bon escient. Donc, pour toutes
les raisons que je viens d'énumérer, l'hystérie de l'enfance
plus encore que l'hystérie de l'âge viril exige une observation
très attentive du médecin, car elle peut, s'il n'y prend garde,
le dérouter, le tromper, eût-il le flair le mieux exercé, le
plus fin ! Il faut ainsi, là plus que partout ailleurs, suivre de
très près son petit malade, l'examiner scrupuleusement,
interroger avec soin son entourage sur les antécédents héré-
ditaires et personnels du jeune sujet, étudier le mode de
début des phénomènes présentés et les circonstances dans
lesquelles ils sont survenus, et si, malgré cette étude attentive,
le diagnostic ne semble pas d'une certitude absolue, la pru-
dence commande au médecin de faire les plus grandes
réserves, sans cela on s'exposerait à de graves mécomptes;
on pourrait annoncer une affection très sérieuse, très inquié-
tante quand ce n'est qu'un symptôme névropathique, une
manifestation nerveuse plus ou moins gênante, plus ou moins
fugace et vice-versa.
7° Pronostic. « L'hystérie, dit Ollivier, reconnue dans
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE.. 385
les premières années, est plus facile à combattre qu'à un
autre âge, parce qu'on est nécessairement rapproché du
début; lorsqu'on voit les premiers accidents, qu'on ne s'en
préoccupe pas, qu'on les laisse marcher, elle deviendra
extrêmement rebelle et prendra les caractères d'une véritable
névrose constitutionnelle, » La conclusion est qu'elle serait
moins grave que chez l'adulte, puisqu'elle doit plus aisément
disparaître.
A mon sens, cette bénignité dans le pronostic est fort con-
testable. Peut-être celle appréciation résulterait-elle de ce
que l'on a rangé parfois dans l'hystérie certaines manifesta-
tions qui pouvaient avoir simplement quelques analogies
avec elle, l'éclampsie infantile par exemple. Ces manifesta-
tions disparaissant pour toujours, on est porté alors à croire
que l'hystérie infantile est beaucoup plus aisément curable.
Si je dois m'appuyer sur ma pratique personnelle, j'admet-
trai évidemment que les accidents hystériques de l'enfance
sont, en général, moins tenaces que chez l'adulte ; mais je
serai également obligé d'accepter qu'ils se reproduisent avec
une telle facilité, soit sous une forme, soit sous un aspect de
nature différente que je devrai considérer comme assez
sombre l'avenir d'un jeune enfant à l'hystérie nettement
accentuée. Il est vrai que le traitement du jeune hystérique
à la campagne est très défectueux et que je suis, je dois
l'avouer, peut-être assez mal placé pour établir une juste
appréciation d'après les résultats obtenus.
Etiologie. Je ne passerai pas en revue toutes les causes
pouvant produire l'hystérie chez les enfants, puisqu'elles
sont évidemment les mêmes que celles qui sont signalées
dans tous les traités classiques au chapitre Etiologie de l'hys-
térie en général, car l'hystérie, nous le savons, est une dans
son étiologie comme dans son essence. Cependant, je ne puis
m'empêcher d'insister sur le rôle vraiment prépondérant que
joue l'hérédité soit similaire, soit dissemblable. A la tête de
toutes mes observations de la névrose infantile on la retrouve.
C'est là incontestablement le facteur principal qui distance
de très loin tous les autres facteurs.
Après l'hérédité nerveuse, on trouve l'hérédité alcoolique.
En Vendée, l'on boit beaucoup, je l'ai dit ailleurs; le Ven-
déen a cette réputation et elle est méritée : six à huit litres
de vin par jour paraît une dose très raisonnable au paysan
Archives, 2e série, t. IV. 25
386 CLINIQUE NERVEUSE.
du Bocage. Or, il est fréquent de constater l'hystérie chez ces
fils de buveurs. Toutefois, il est assez difficile d'indiquer la
part qui revient ici à l'alcoolisme, la plupart de mes alcooli-
ques portant déjà avec eux, la tare nerveuse héréditaire. On
ne doit pas contester cependant que l'alcoolisme des parents
joue un rôle assez important dans l'étiologie de la névrose.
Comme cause provocatrice chez les sujets prédisposés on
cite les traumatismes, cause si fréquente d'accidents hystéri-
ques. On cite les émotions morales vives etc., etc. Pour la
Vendée, je mettrai en avant l'éducation dans un milieu supers-
titieux. Un pays neuf, primitif, ai-je dit dans une précédente
étude; un pays où les idées superstitieuses dirigent tant de
cerveaux, où règne le fanatisme religieux, où la croyance à
tout ce qui est surnaturel est si profondément enracinée, un
tel pays doit voir se développer plus aisément les névropa-
thies. L'enfant, au coin du feu, dans les longues veillées
d'hiver, entend raconter les histoires les plus fantasques de
revenants, de sorciers; sa jeune imagination est frappée par
ces récits grotesques, son jeune cerveau travaille sur ces
idées bizarres que l'on y sème; le jour il y pense, la nuit il y
rêve; toutes ces images, toutes ces représentations terrifiantes
ne sont-elles pas propres à ébranler le système nerveux, à le
surexciter au point de produire bientôt un état patholo-
gique qui sera l'hystérie ou la neurasthénie. Ce serait,
pour moi, une des raisons qui, avec l'hérédité, expliquerait
le développement vraiment exagéré, vraiment anormal des
névroses dans ce pays.
9° Traitement. Dans mon premier travail sur l'hystérie
en Vendée,je disais : «L'hypnotismeestuneexcellentemélhode
de traitement des accidents hystériques, paralysies, contrac-
tures etc., chez les sujets hypnotisables; chez les sujets non
hypnotisables, la suggestion à l'état de veille doit être uti-
lisée, car elle donne d'excellents résultats en attachant aux
divers traitements employés une vertu, une efficacité qu'ils
n'auraient pas sans elle. Chez l'hystérique vendéen, mais
chez l'hystérique seulement, car ailleurs il n'est d'aucun
secours, le traitement psychique est pour moi le traitement
de choix, en raison de l'impressionnabilité toute spéciale du
paysan du Bocage qui le fait obéir d'une façon vraiment éton-
nante à la suggestion, surtout à la suggestion faite pendant
l'hypnose. Voilà le langage que je tenais en 1893, et aujour-
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 387 Î
d'hui, s'il m'était permis d'être plus affirmatif encore, je le
serais, car depuis deux ans environ j'ai pu faire une sorte de
contre-épreuve, ayant dû, pour des raisons de clientèle,
m'abstenir d'hypnotisme chez l'hystérique. N'avait-on pas
fait circuler ce bruit (et je laisse à penser avec quelle facilité,
dans un pays aussi superstitieux que celui-là, où la croyance
à la sorcellerie est si profondément enracinée, ce bruit s'est
accrédité), n'avait-on pas dit que tous ces paralytiques qui
subitement quittaient leurs béquilles, que ces aveugles qui
retrouvaient la vision, ces muets hystériques qui se mettaient
tout d'un coup à parler, que tous ces malades, tous ces
infirmes ne devaient la guérison aussi rapide de leurs infir-
mités qu'à l'intervention du diable, la suggestion hypnotique
étant un procédé inventé par l'enfer; pour peu, j'allais
devenir aux yeux du paysan fanatique un suppôt de Satan,
opérant en son nom et profitant des lumières du « mauvais
génie » , pour lutter de puissance avec a le bon génie »
(sic).
Eh bien, depuis cette abstention nécessaire, voulue, de
l'hypnotisme mes résultats dans le traitement des accidents
hystériques sont loin d'être aussi brillants que ceux obtenus
primitivement. Je parle ici de l'hystérie virile.
Si j'ai une telle foi dans l'efficacité du traitement des mani-
festations hystériques par l'hypnose, et si je préconise avec
tant de conviction cette méthode, en raison des résultats
acquis, je serai beaucoup moins affirmatif en ce qui con-
cerne l'hystérie infantile. Doit-on l'utiliser cependant ? Et si
on l'utilise, quelle est son efficacité. Pour le premier point,
doit-on l'utiliser ? On le peut, on le doit même quand les
accidents de la névrose ont l'air de s'éterniser et de résister
trop longtemps à toute autre médication; mais dans ce cas
on doit le faire avec une extrême réserve, car on est suscep-
tible de développer chez le petit enfant, d'accroître encore
son impressionnabilité déjà si grande à cet âge. J'ai toujours
présente à l'esprit cette belle crise d'hystérie que je déter-
minai en essayant un jour d'endormir un enfant qui jusque-
là n'avait jamais présenté d'accidents convulsifs semblables.
Indécis sur la véritable nature de son affection, était-ce une
arthrite organique du genou ou une pseudo-arthrite hysté-
rique, j'avais voulu me servir de l'hypnotisme comme d'un
élément de diagnostic. Je viens de dire le résultat.
388 ' CLINIQUE NERVEUSE.
Donc de la prudence dans l'emploi de l'hypnotisme comme
traitement des manifestations hystériques du jeune âge.
Et ceci encore ne s'adresse qu'à la seconde enfance, car
dans la première enfance le sommeil hypnotique ne me
semble guère facile à obtenir; serait-il possible, que je ne le
conseillerais pas à cette première période de la vie. Pour mon
compte, je ne l'ai pas essayé. Mais ce que l'on doit toujours
utiliser chez les enfants, chez ceux évidemment dont l'intel-
ligence est assez développée pour comprendre la valeur d'un
ordre, d'un commandement, c'est la suggestion à l'état de
veille; il faut convaincre son petit malade de la bénignité de
son affection, de sa guérison certaine. Si l'on devait se
borner simplement à lui faire entrevoir la possibilité d'une
amélioration comme la prudence semblerait le commander,
on n'aurait avec lui aucun succès, car il a, plus que qui que
ce soit besoin d'une foi complète dans sa guérison.
Et, dès lors, qu'importe les médicaments employés, puis-
qu'ils sont tous bons ou tous mauvais suivant la valeur que
l'hystérique y attache. Il vaudrait certes beaucoup mieux
donner un simple verre d'eau colorée, en affirmant à l'enfant
que ce médicament le guérira que d'employer telle prépara-
tion du Codex la plus savante qui n'impressionnera pas (et
cela parce que l'on aura négligé de le faire) l'imagination du
petit sujet. Donc, de l'arsenal pharmaceutique je ne veux
rien retenir, parce qu'il n'y a rien à retenir selon moi.
Un peu de fer, quelques toniques pourront toutefois être
donnés quand l'anémie accompagnera la névrose puisqu'il
est admis que la débilité de l'organisme favorise le dévelop-
pement des névropathies ; on attaquerait ainsi une des causes
provocatrices.
Charcot a insisté à chaque instant dans ses remarquables
leçons sur l'importance de l'isolement dans le traitement de
l'hystérie. Il est certain, en effet, qu'ainsi isolé, mais isolé
dans un hôpital ou une maison de santé, le jeune hystérique
se trouverait dans les conditions les plus favorables pour
voir s'effacer vite les accidents de sa névrose. Combien de
manifestations sont dues à la mauvaise direction imprimée
par la famille à l'éducation et à l'instruction de leur enfant;
elle se charge souvent, cette famille, d'entretenir le mal quand
elle n'arrive pas à le créer de toute pièce. Ceci est surtout
vrai pour la Vendée que j'habite : ce que j'ai dit au chapitre
HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 389
« Etiologie » l'indique, et les observations II et V de ce
mémoire le démontre de la façon la plus claire, la plus
péremptoire. Malheureusement cet isolement tant vanté, si
justement préconisé n'est guère un traitement pratique; je
dirai même qu'à la campagne il est impossible,- il n'y faut
pas songer, on se heurterait devant la résistance énergique
des parents.
10 Comme prophylaxie chez les petits enfants, surtout
chez ceux qui sont des candidats à la névrose, de par leur
tare héréditaire, il est utile de recommander aux parents
d'éviter, pour eux, toute émotion morale vive, de ne pas
s'amuser à frapper leur imagination par des histoires de
sorcellerie, de revenants, de contes de fées comme ils se com-
plaisent trop souvent à le faire, choisissant encore de préfé-
rence dans tous ces récits ceux qui présentent les images,
les tableaux les plus terrifiants parce que ce sont ceux qui
précisément captivent le plus l'attention de l'enfant et lui
donnent cette tranquillité, ce repos passager que la mère
recherche ; mais si le corps est tranquille pendant ces narra-
tions, le cerveau, lui, s'agite, il ne chôme pas, il travaille, et
ce travail cérébral, souvent répété, peut entraîner par la suite
les plus déplorables effets. Ainsi du repos moral et pas de
surmenage intellectuel chez les prédisposés'.
1 Dans notre service de llicêtre, à l'Institut médico-pédagogique, dans
notre clientèle, nous avons tonjours eu recours à la gymnastique, à
l'hydrothérapie, aux travaux manuels et intellectuels, cherchant à occu-
per le malade du matin au soir, enfin, au traitement moral et à une
surveillance rigoureuse pour combattre ou éviter l'onanisme. On trou-
vera un certain nombre de nos observations dans le mémoire de Clopatt
et dans nos Comptes rendus de Bicêtre de 1880 à ce jour. 13.
CLINIQUE MENTALE.
LES TROUBLES TIIOPIIIQUES DANS LA PARALYSIE
GÉNÉRALE ;
Par le D' Alex. A1'IIAnASSIO,
Médecin adjoint à l'asile d'aliénés de Marcoutza (Bucarest),
Chef de clinique mentale ù la Faculté.
Les troubles trophiques sont fréquents dans la paralysie
générale. Cela se comprend facilement étant donné le carac-
tère vaso-paralytique, congestif, le mauvais état dans lequel
se trouve la nutrition générale des tissus dans cette maladie.
Les effets morbides peuvent se montrer superficiellement du
côté de la peau ou plus profondément.
Du côté de la. peau nous observons des éruptions diverses;
le zona, l'herpès zoster, des excoriations, des ecchymoses, de
l'érythème et surtout une desquamation facile de la couche
épidermique sous l'influence des moindres rayons solaires,
causant une espèce d'érythème qui peut simuler la pellagre
(pseudo-pellagre due à la faible résistance de la peau aux effets
congestifs des rayons solaires, qui se termine par une desqua-
mation ichtyosique superficielle de la couche épidermique).
La peau des paralytiques généraux est fréquemment onc-
tueuse, gluante, glissante, état dû à une abondante sécrétion
de sébum, qu'on pourrait expliquer par une vaso-paralysie
des vaisseaux capillaires des glandes et un trouble d'inner-
vation.
Les démangeaisons de la peau se produisent aussi fréquem-
ment, si on en juge d'après la tendance qu'ont certains para-
lytiques à se gratter continuellement, à s'excorier jusqu'à la
production d'ulcérations saignantes, à entretenir les anciennes
excoriations en grattant, rompant et déchirant les croûtes et
les cicatrices. Ces démangeaisons et tendances auto-destruc-
tives vont quelquefois plus loin, ainsi certains paralytiques
TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 391
généraux s'arrachent des parties du cartilage de l'oreille, de
la cloison du nez, etc. ; d'autres se préoccupent de leurs dents
et vont jusqu'à les arracher, ce qui constitue alors le syn-
drome connu sous le nom d'obsession dentaire.
Plus profondément on observe des modifications patholo-
giques plus fréquentes du côté du tissu cellulaire sous-cutané ;
plus rarement du côté des muscles, des tendons, os, périoste,
cartilage et périchondre. Ici nous assistons à la production
d'oedèmes, d'abcès, de collections purulentes, gangrènes,
eschares, sphacèles, etc.
Les oedèmes s'observent fréquemment, leur résorption est
difficile, lente à se produire, elle ne cède pas aux résolutifs
habituels, aux diurétiques ou toniques cardiaques, qui restent
souvent sans effet. On ne constate pas toujours l'albumine
dans l'urine.
Les abcès et collections purulentes méritent une mention
à part, se produisant fréquemment, parfois multiples et dis-
séminés, parfois des. grandes collections se forment. Elles
siègent plus fréquemment à la moitié inférieure du corps;
elles ont comme caractère remarquable que leur apparition
est presque constamment suivie d'une amélioration notable
de l'état psychique antérieur du malade ainsi que des autres
symptômes paralytiques. L'évacuation des collections puru-
lentes ne donne pas toujours de bons effets.
Souvent sous l'apparence de l'oedème ou d'une collection
purulente se cache un processus morbide d'une nature spé-
ciale, la section ou plutôt l'incision des tissus nous montre
une gangrène gélatineuse, gazeuse, elle ne laisse parfois
s'écouler aucun liquide purulent, séreux ou d'autre nature,
un peu de suc sanguinolent noirâtre, ichoreux, peu abondant
s'écoule des tissus mortifiés, atones, anfractueux, détruits.
Les fractures se produisent parfois très facilement, aux
moindres contusions et, chose notable, leur consolidation
est rapide et solide, malgré l'état cachectique avancé du
malade.
Signalons encore comme trouble trophique du périchondre
et du cartilage, l'o<Aë) ? M<ome de l'oreille qui est dû à une
hypersécrétion cartilagineuse du périchondre de la conque
de l'oreille détachée de son cartilage.
Une déformation caractéristique de l'oreille est la suite de
ces othématomes qui reconnaissent comme pathogénie ou
392 CLINIQUE MENTALE.
une lésion nerveuse (racines nerveuses, moelle, cerveau en
avant des tubercules quadrijumeaux) (Brown-Sequard) ou
une simple hypérémie. passive de l'oreille par congestion de
l'encéphale et vaso-paralysie des vaisseaux capillaires de
l'oreille. L'othématome se produit dans la majorité des cas
d'une façon spontanée, sans coups, blessures ou contusions
de l'oreille. -
Observation (résumé). Antécédents héréditaires inconnus mais
suspects. Antécédents personnels. Syphilis et alcoolisme. Etat
physique. Quelques stigmates de dégénérescence, traces de coups et
blessures, ecchymoses. Symptômes caractéristiques. Tremblements
fibrillaires des lèvres, de la langue, des extrémités. Pupilles égales
mais ne réagissant pas à la lumière et à l' accommodation . Signe de
Bombera. Signe de Biemacki (analgésie du nerf cubital des deux
côtés). Troubles de la sensibilité générale. Etat psychique. Affai-
blissement de la mémoire surtout pour les faits récents. Hyperaffec-
tivité. Délire des grandeurs et de satisfaction, etc. Evolution de la
maladie,- Mars 1 897. Excitabilité et irritabilité extrême. Impulsions.
Actes de violences, obsession dentaire. - Mai 1897. Apparition de
contusions, des troubles trophiques bigarres, leur étendue. Termi-
naison fatale.
Le nommé b1 ax.Veâ...,tren le-lmi ails, israélite, commerçant, entre
à l'hospice llarcoulra le 11 mars 1897, avec des symptômes bien
nets de paralysie générale ; en cherchant les antécédents hérédi-
taures du malade, ses parents et connaissances nous ont nié l'exis-
tence de tout autre cas d'aliénation mentale ou maladie nerveuse
dans la' famille. Cette négation ne nous a pas paru sincère, elle
est suspecte. D'un autre côté, considérant que le malade est de con-
fession judaïque et comme nous connaissons aujourd'hui la fré-
quence des maladies nerveuses et mentales chez les individus de
cette race ; fait mis magistralement en lumière par le professeur
Charcot qui insistait à maintes reprises sur cette fréquence neuro-
pathologique héréditaire chez les Juifs, très intelligents et bien
doués du reste. .
Antécédents personnels. Ici nous trouvons des données plus
certaines et précises. Le malade a eu la syphilis et présente
actuellement sur le prépuce une cicatrice pigmentée et indurée.
Pleiade ganglionnaire bilatérale. Exostose caractéristique sur la
crête de l'os cubital. Le malade a, en outre, des antécédents alcoo-
liques, libations et excès de boissons fréquents.
Comme stigmates physiques le maiade offre une asymétrie
faciale, le côté gauche est moins développé, le front est petit, les
oreilles bien dégagées, normales, les lobules grands, mous, non
TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 393 '
adhérents. Les dents sont mal implantées, barrée^, les inférieures
sont usées. '
Le malade est de taille moyenne. Le système osseux et muscu-
laire bien développé. Il présente sur le corps quelques excoria-
tions et ecchymoses, surtout prononcées et nombreuses au dos et
aux cuisses. Des traces de coups et blessures que le malade parait
avoir recu récemment. Au côté droit du cou dans la direction des
vaisseaux et sur leur trajet on observe une tumeur longue de
7 centimètres, large de 4 centimètres, dure à la pression ; on ne
sent pas de pulsations ; la couleur de la peau est normale. Les
pupilles sont égales, mais ne réagissent pas à la lumière ni direc-
tement ni par association. Le malade a des tremblements fibril-
laires aux lèvres et à la langue. Aux membres supérieurs et '
même aux membres inférieurs on observe un peu de tremble-
ment.
Analgésie des nerfs cubitaux à la pression dans la gouttière
olécranienne, les deux derniers doigts innervés par ces nerfs ne
se contractent pas à la pression (signe de 131ernachi). Le réflexe
pharyngien diminué. Le réflexe des fléchisseurs et extenseurs exa-
géré. Le réflexe rotulien très exagéré. Le plantaire diminué. La
sensibilité générale très retardée, le sens de localisation altéré.
L'esthésiométrie donne 12 centimètres pour les membres inférieurs,
8 centimètres pour les membres supérieurs. Les sens spéciaux sont
en bon état. La perception des couleurs, du goût, odorat, etc.,
conservée.
Etat psychique. Le malade se présente dans une attitude conve-
nable et se soumet facilement à l'examen. La mémoire est atfai-
blie, elle parait parfois conservée pour certains faits récents, il
confond les noms de ses enfants. L'idéalion et le raisonnement
assez bien conservés. L'affectivité est exagérée. Il y a un délire des ,
grandeurs et de satisfaction : le malade a hérité des millions de souk
père et des milliards de son frère qui était lord en Angleterre,
avec cet argent il a l'intention de faire le plus grand commerce
du monde, commerce d'habits et de meubles. Dans une seule
année il a gagné 2 millions en vendant de la laine de chameau. Il
nous promet à tous des coslumes et des habits comme il n'a pas
encore existé. Il aidera toutes les familles pauvres, etc. Le malade
dort passablement. Il est propre quant à ses besoins de miction et
défécation, etc.
1897. Mai : s. Le malade se trouve dans un état d'excitation et
d'irritabilité extrême, il parle, profère des vociférations et demande ,
continuellement ses habits pour partir, il devient agressif et dan-
gereux pour les autres malades, il commet des actes de violence
contre un autre malade, un coreligionnaire, en lui faisant une
énorme plaie à la tête, et disant qu'il doit être tué, ainsi que ,
beaucoup d'autres malades et le personnel médical. Le malade est
394 CLINIQUE MENTALE.
renfermé seul dans une chambre où il continue à être agité, se
déshabille et détruit ses effets, il se fait plusieurs excoriations
dans différentes régions du corps, les anciennes cicatrices sont
continuellement égratignées et ulcérées de nouveau.
Le malade souffre en outre d'une obsession dentaire intense, il lui
semble que les dents le gênent dans la bouche comme des corps
étrangers, il les arrachent, et toutes les dents finissent par être
avulsées, il prétend les remplacer par d'autres en or, les parties
antérieures des arcades dentaires supérieures et inférieures sont
dénuées de dents. A leur place les gencives et les os maxillaires
se présentent livides. nécrosés, gangreneux, exhalant une odeur
félide, infecte, etc.
Mai. - A la suite d'une légère contusion le malade présenta
une tuméfaction de la cuisse droite qui alla toujours en s'aggravant
et offrit les caractères d'un oedème, plus tard survient une indura-
tion de toute la masse musculaire, masse consistante à la pression,
n'étant pas fluctuante, et ne présentant pas le caractère inflamma-
toire d'un abcès ou d'une collection purulente, le. malade a pour-
tant un peu d'élévation de température (38°5). Cette tuméfaction
résiste à tous les traitements résolutifs et compressifs, aux anti-
septiques.
Une incision faite pour se rendre compte de la nature de cette
tuméfaction, et pour laisser un écoulement au pus qu'on pouvait
encore soupçonner à la rigueur, ne donna issue à aucun liquide
purulent, les masses musculaires présentaient une consistance géla-
tineuse, elles étaient gangreneuses, relativement peu fétides, il y
avait dans la profondeur des tissus des anfractuosltés, des cryptes
entre les muscles et dans leur masse; de nulle part ne surgissait
de liquide purulent. Le malade succomba le 27 mai 1897.
Autopsie. (Rédigée par M. le professeur OnItEGr : 1). Le cadavre
moyennement développé, un peu émacié, présente des taches
livides cadavériques très étendues à la cuisse droite. Tout le
membre inférieur droit présente une notable tuméfaction qui
intéresse toute la cuisse et une bonne partie de la jambe, un
oedème circonscrit s'étend à la partie qui correspond au bassin et
aux organes génitaux. A la partie moyenne de la face externe de
la cuisse une plaie gangreneuse d'une étendue de 15 centi-
mètres sur 10 centimètres. Les arcades dentaires se , présentent
dépourvues de dents dans presque toute l'étendue des mâchoires.
Toutes les dents du maxillaire supérieur sont absentes et cinq au
maxillaire inférieur.
Le cuir chevelu est normal, la boîte crânienne est un peu asymé-
trique, la bosse frontale gauche étant un peu déprimée. Le dia-
mètre antéro-poslérieur mesure 17 centimètres 9 millimètres. Le
transverse lo centimètres. Les parois osseuses sont minces, les
TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 390.
sutures complètement ossifiées, le diploé et la lame vitrée très
congestionnés. La dure-mère est très peu épaissie mais fortement
congestionnée, un peu adhérente à la calotte osseuse. Le sinus
longitudinal supérieur est libre de caillots.
La base du crâne présente quelques modifications anatomiques :
l'apophyse clinoïde postérieure droite est très aplatie. La loge
sphénoïdale droite est recouverte d'une hémorrhagie en lame fine,
coagulée, légèrement adhérente à la dure-mère. Le liquide
céphalo-rachidien est abondant et rougeâtre.
39G CLINIQUE MENTALE.
congestionnés. Le corps pituitaire petit, congestionné, son segment
supérieur réduit.
La glande thyroïde très congestionnée à la surface, le lobe
gauche atrophié, le parenchyme glandulaire très congestionné
aussi, présente des suffusions bémorrhagiques interstitielles, des
dégénérescences kyrtiques et surtout la fonte de la substance col-
loïde interne. Le coeur est libre dans la cavité péricardique, volu-
mineux surtout en ce qui concerne la cavité gauche. Le myocarde
très rouge; hypertrophie du ventricule gauche. Les valvules
mitrales normales, l'aorte pourvue de nombreuses plaques alhéro-
mateuses avancées. Les poumons sans adhérences pleurales, mais
les'plèvres très congestionnées et oedémateuses.
Le foie congestionné avec un commencement d'induration du
parenchyme hépatique. La rate légèrement augmentée de volume,
commence à avoir des adhérences capsulaires avec les organes
voisins, la pulpe splénique est un peu ramolie. Les reins sont
très volumineux, les capsules rénales se détachent bien et facile-
ment sans perte de substance corticale du rein. Une section faite
nous montre tous les caractères d'une néphrite parenchymateuse.
L'estomac contient une petite quantité de liquide verdâtre, la
muqueuse est congestionnée; les intestins gonflés, pleins de gaz. z.
La muqueuse rectale sans ulcérations, un peu congestionnée. La
vessie contient un peu d'urine, la muqueuse non ulcérée est aussi
congestionnée.
Le diagnostic anatomo - pathologique peut se résumer
ainsi : adhérences des méninges aux os du crâne; hémor-
rhagie en nappe de la dure-mère à la base du crâne;
méningo-encéphalite avec granulations de l'épendyme,
adhérences de la couche corticale et ulcérations consécutives;
congestions viscérales multiples (plèvres, foie, reins, intes-
tins, rectum, vessie).
NOT.I. Ce travail a été fait sous l'inspiration de notre éminent maître,
M. le professeur Obregia, médecin en chef et directeur de l'hospice 6lar-
coutza. Notre maître, ayant fait enlever la moelle ephnere ainsi que les
nerfs périphériques (cubitaux, sciatiques, trijumeaux), se réserve le droit
d'nne étude d'histologie pathologique, pour juger dans ce cas du rôle des
névrites périphériques comme cause, origine et pathogénie des troubles
trophiques survenus chez notre malade. Nous n'avons voulu considérei
dans le présent travail que lu côté clinique de la question, nous serons
heureux pourtant d'entretenir nos lecteurs de ces recherches histologiques
intéressantes dans un prochain article.
REVUE CRITIQUE.
GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU
ET DU CERVELET
D'âpres E. Laawo.
Par Jules SOURY,
Uitccteur-adjoint à l'École pratique des Hautes-ÉLudes,
Les différentes catégories d'éléments nerveux constituant
les deux écorces du cerveau et du cervelet soutiennent entre
eux des rapports de connexion et des rapports fonctionnels.
Les éléments hétérogènes apparaissent, sur une coupe verti-
cale de l'écorce, disposés par couches plus ou moins nette-
ment séparées, et c'est aussi dans l'épaisseur de l'écorce
qu'ont lieu les rapports variés existant entre ces éléments de
catégories différentes. Dans le sens horizontal, au contraire,
et d'une manière générale, chaque élément se trouve placé
près d'éléments pour la plus grande partie semblables à lui-
même, appartenant à la même espèce de neurones. Lugaro
résume ces particularités de structure en disant que l'écorce
cérébrale est un organe composé d'éléments dissemblables
dans le sens de la profondeur, semblables dans le sens paral-
lèle à la surface, entre lesquels existent des rapports hétéro-
gènes dans le premier sens, homogènes dans le second '.
Dans le cervelet, où les divers types d'éléments nerveux
offrent la plus grande diversité, la disposition est analogue;
mais nulle part l'ordonnance régulière de ces éléments par
strates dans l'épaisseur de l'écorce n'est plus constante et,
pour ainsi dire, aussi géométrique. On connaît le parallé-
lisme parfait qu'affectent les divisions en T des cylindraxes
des grains dans la couche moléculaire du cervelet. Outre les
écorces cérébrale et cérébelleuse, il existe d'autres lames
1 E. Lujaro.- Sulla genesi délie circonvoluzioni cerebrali e cerebellari
(Riv. di patologia nerv. e ment., Il, 1897).
398 REVUE CRITIQUE.
grises dans l'intérieur de l'organisme : telles sont les olives
bulbaires, protubérantielles, cérébelleuses. Dans les olives, la
disposition lamellaire est déterminée par les rapports régu-
liers de superposition et de contiguïté des différentes voies
nerveuses afférentes : l'épaisseur de l'organe dépend du
nombre des faisceaux ascendants et descendants dont les
directions opposées se croisent. Les écorces grises du cerveau
antérieur ou pallium et du^cervelet ne sont, elles aussi,, que
deux ganglions nerveux situés chacun au sommet d'un arc
diastaltique complexe où, dans la profondeur de l'organe, se
mêlent les voies nerveuses centripètes et centrifuges.
Le nombre et la variété des types cellulaires, la grandeur
des éléments nerveux, ainsi que leur situation,'sont l'expres-
sion anatomique des fonctions manifestées par ces neurones.
Ces facteurs déterminent, pour chaque organe, dans chaque
espèce et chaque individu, l'épaisseur de l'écorce. La raison
d'être de telle ou telle structure macroscopique de l'écorce
réside ainsi dans le mode'd'activité des différentes variétés de
neurones. Les rapports anatomiques des éléments nerveux
de l'écorce dépendent donc, en dernière analyse, de leurs
rapports fonctionnels,
L'extension en surface de la substance grise corticale
dépend également en premier lieu de la disposition anato-
mique des éléments nerveux déterminée par les fonctions
de l'écorce, centre le plus élevé de terminaison et d'origine
des faisceaux de projection afférents et efférents. Les gan-
glions inférieurs sont, comme l'écorce, des centres de coor-
dination sensitivo-motrice, dont les arcs réflexes, plus ou
moins compliqués, sont destinés à l'exécution d'actes relati-
vement simples et dont le mécanisme possède une grande uni-
formité relative. L'écorce cérébrale est au contraire un grand
centre de coordination sensitivo-motrice systématique des
plus complexes, où affluent par des voies différentes toutes
les impressions sensitives et sensorielles des milieux interne
et externe, et d'où partent d'innombrables incitations trans-
mises à des groupes de neurones moteurs inférieurs, exécu-
teurs aveugles des actes et des actions volontaires.
Il est vrai qu'à côté des centres de projection il existe, dans
l'écorce, des centres d'association sans couronne rayonnante
(Flechsig). Mais, entre les voies d'association et les voies de
projection, il n'y a point de différence relativement au mode
GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 399
de terminaison ou d'origine de ces faisceaux dans l'écorce :
leur rôle physiologique divers dépend uniquemenl de la
nature des centres nerveux corticaux d'où partent (sphères
sensorielles) et où s'arborisent (centres d'association) les fibres
de ces faisceaux. Pour le mécanisme de coordination dont la
complexité détermine une extension en surface correspon-
dante de l'écorce, il n'importe en rien, remarque Lugaro, que
les fibres afférentes s'élèvent directement des centres sous-
corticaux ou proviennent d'autres points de l'écorce, ni que
les fibres efférentes se terminent dans des centres inférieurs
ou dans des centres plus ou moins distants appartenant à
l'écorce.
Ce qui vient d'être dit pour le cerveau convient aussi pour
le cervelet. L'écorce cérébelleuse reçoit des fibres afférentes
de deux- sortes : ·1° les fibres moussues, provenant proba-
blement des cellules des colonnes de Clarke et des noyaux
bulbaires homologues, qui se ramifient dans la couche des
grains; 2° les fibres grimpantes, dont les cylindraxes s'ar-
borisent en plexus grimpants, provenant des cellules des
noyaux du pont de Yarole, qui, une fois arrivées à la
zone moléculaire, s'appliquent contre la tige ascendante
des cellules de Purkinje, Il s'élévant par son intermédiaire
comme des lianes le long des branches d'un arbre des
tropiques » (Ramon y Cajal). Les cylindraxes descendants
de l'écorce du cervelet dérivent exclusivement des cellules
de Purkinje. Chaque portion du corps et des ramifications
de ces neurones est, on le sait, enveloppée par une espèce
distincte d'arborisations nerveuses terminales. Les cylin-
draxes des grains ou fibriles parallèles entrent en con-
tact avec les ramuscules protoplasmiques des dendrites. Les
corbeilles terminales des petites cellules étoilées de la
couche moléculaire, cellules d'association', entourent le
' C'est à propos de ces cellules étoilées, dont Golgi avait reconnu la
nature nerveuse, mais sans pouvoir mettre en évidence leur terminaison,
et cela à cause de l'hypothèse du réseau nerveux interstitiel destiné à
expliquer les communications intercellulaires, que Ramon y Cajal a
écrit les lignes suivantes, dont l'intérêt historique est considérable :
« Nos recherches réitérées, d'abord dans le cervelet des oiseaux (1888),
puis dans celui des mammifères, nous procurèrent la joie de résoudre ce
point dont l'importance éclatera aux yeux, si l'on considère qu'il s'agit
du premier fait bien établi "(1' line terminaison des cylindraxes dans les
centres nerveux. Jusqu'alors on avait suivi les fibres nerveuses delasubs-
400 REVUE CRITIQUE.
corps de la cellule. Enfin, les arborisations grimpantes sont
successivement en connexion avec le corps, le tronc et les
branches protoplasmiques de ces neurones. Le développe-
ment des arborisations grimpantes est un exemple remar-
quable, en même temps que du fait de la polarité des pro-
longements protoplasmiques et cylindraxiles, du mode géné-
ral d'action par influence ou par contact qu'exercent les
arborisations cylindraxiles des neurones sur le corps cellu-
laire et les expansions dendritiques d'autres neurones. Atuias,
dans ses Recherches sur Vhyslogenèse de l'écorce du cerve-
let (1897), a vu qu'à un stade embryonnaire où la cellule de
Purkinje ne possède pas de panache, la fibre grimpante vient
se mettre en rapport avec son corps, et qu'à mesure que le
panache se développe, l'arborisation quitte peu à peu le
corps cellulaire pour envelopper le tronc protoplasmique
d'abord, puis chacune de ses branches. Quand la cellule de
Purkinje est devenue adulte, les mailles du plexus grimpant
entrent en contact avec les épines des dendrites. a Le fait
qu'une fibre entoure le corps d'une cellule tant que celle-ci
ne possède pas de prolongements protoplasmiques, et
qu'elle le quitte plus tard pour se mettre en rapport avec ses
expansions dendritiques, tend à prouver que les prolonge-
ments protoplasmiques sont les organes récepteurs par
tance grise sur une distance plus ou moins grande de leur trajet, mais
personne n'avait été témoin de leur mode de terminaison. Aussi, devi-
nant que nous étions en présence, non d'un fait isolé de connexion
nerveuse, mais de la loi qui commande les rapports de tous les corpus-
cules nerveux, on comprendra facilement la satisfaction et l'émotion que
nous avons éprouvées à publier notre découverte. Notre conviction
d'avoir trouvé la clef des rapports nerveux centraux n'était pas une
illusion, presque toutes nos recherches ultérieures nous en persuadent;
car ces recherches ne représentent rien d'autre que la confirmation ou
l'extension à diverses parties du système nerveux du fait fondamental...
Le fait le plus important consiste en ce que tous les ramuscules colla-
téraux descendants, aussi bien que l'arborisation terminale de cette
fibre nerveuse, cylindraxile, des cellules étoilées, constituent, en se
ramifiant autour du corps des cellules de Purkinje, un plexus très
épais, intimement superposé au protoplasma cellulaire. De la sorte chaque
corps cellulaire de Purkinje est, pour ainsi dire, doublé d'une corbeille
formée par des ramifications nerveuses terminales, excessivement
épaisses et variqueuses... On comprend aisément que la fin d'une
telle disposition ne peut être que d'établir une relation dynamique, une
véritable communication de courant entre les cellules étoilées et les
cellules de Purkinje. » 1
GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 401
excellence des excitations nerveuses. En même temps le
corps cellulaire devient libre pour recevoir des excitations
secondaires de cellules d'association (corbeilles terminales des
cellules étoilées). »
Il résulte de ces dispositions anatomiques qu'une coordi-
nation des voies afférentes et efférentes aussi régulière, aussi
capable de distribuer l'influx nerveux symétriquement aux
deux moitiés du corps et se référant aussi nettement aux
deux dimensions verticale et 'horizontale, ne saurait mieux
s'effectuer que dans un organe étendu en surface tel que
l'écorce du cervelet. C'est là, dit LUGARO, un fort indice de
probabilité « en faveur de l'hypothèse, d'après laquelle cet
organe prendrait une part très importante à la fonction de
l'équilibre». La conservation de l'équilibre serait ainsi un
effet de la « biditimensionalité de l'ordre des connexions ana-
tomiques de l'écorce du cervelet ». Le cylindraxe, très long,
des cellules étoilées, a un trajet non seulement parallèle à la
surface du cervelet, mais rigoureusement transversal, c'est-à-
dire parallèle au plan des arborisations des cellules de Pur-
kinje, ainsi que les fins prolongements cylindraxiles des
grains, parallèles à la direction de la lamelle cérébelleuse.
L'équilibre serait maintenu par voie réflexe au moyen d'exci-
tations musculaires continues et bilatérales. Quand l'équi-
libre est compromis, pour une cause quelconque, l'inner-
vation musculaire augmenterait dans un sens ou dans l'autre
pour la rétablir. Les voies des pyramides, en traversant le
pont de Varole, émettent, on le sait, des collatérales qui
s'arborisent entre les cellules des noyaux protubérantiels :
les prolongements nerveux de ces cellules se terminent par
les arborisations grimpantes qui entourent la tige ascen-
dante et les branches maîtresses des dendrites des cellules
de Purkinje. Tout mouvement volontaire, parti des zones
rolandiques de l'écorce cérébrale, doit donc agir, dans une
certaine mesure, sur l'écorce cérébelleuse ; cette action doit
être destinée à compenser le désordre d'équilibre du corps
que tout mouvement, volontaire ou non, tend à produire en
déplaçant le centre de gravité du corps.
L'écorce cérébrale de chaque espèce possède, à titre de
caractère spécifique, une forme définie et constante. Le
nombre et la profondeur des sillons ne sont pas moins cons-
tants et définis. Quelles sont les. causes et de la forme et de
Archives, 2" série, t. IV. 26
402 REVUE CRITIQUE.
l'étendue de l'écorce dans chaque espèce ? Lugaro invoque
cette loi biologique : la forme et la dimension de chaque
organe est en rapport avec les besoins physiologiques de
l'organisme, ainsi qu'avec la forme et les dimensions des
autres organes. On peut déjà en déduire qu'un rapport doit
exister entre le développement morphologique et l'étendue
de la surface de l'écorce et ceux du reste des organes. Car
si l'écorce est, en partie du moins, un « organe de projec-
tion » où sont représentées les surfaces sensibles, internes
et externes, de l'organisme, il est naturel que l'étendue de
ces surfaces, variable avec l'importance relative des différents
sens, influe sur l'étendue des aires corticales correspondantes.
11 faut en dire autant des organes de motilité, dont les
dimensions et la puissance sont en raison de l'étendue et de
la complexité morphologique des territoires corticaux d'ori-
gine des faisceaux centrifuges de projection.
Outre les surfaces sensibles internes et externes du corps
et la puissance ou le degré de différenciation fonctionnelle
des appareils moteurs, la masse de l'animal est un autre
facteur important de l'étendue de l'écorce. Cet élément per-
turbateur reparaît toutes les fois qu'on cherche à déduire le
degré de supériorité psychique de la quantité de matière
grise de l'écorce. A égalité d'intelligence, la masse plus con-
sidérable du corps dans une espèce que dans l'autre entraîne
une augmentation en surface et en poids de l'écorce.
Mais l'écorce cérébrale n'est pas seulement un organe de
projection ; c'est encore et surtout, chez l'homme et les
anthropoïdes, un centre d'association, le nombre et la
richesse des voies d'association croissant en proportion directe
du degré d'élévation psychique de l'espèce. Ces voies d'asso-
ciation ne se comportent pas autrement que les voies de
projection quant à .l'extension en surface de l'écorce ; elles
agissent dans le même sens, qu'il s'agisse des voies longues
on courtes d'association, intra ou intercorticales. L'anato-
mie comparée des neurones montre comment, des simples
tigelles sans ramification des prolongements protoplas-
miques des cellules de l'écorce cérébrale des amphibiens, on
s'élève graduellement aux ramures et aux ramescences luxu-
riantes des dendrites des cellules pyramidales de l'homme.
Or, Ramon y Cajal l'enseigne, c'est à la richesse de ces con-
nexions qu'on mesure le degré de puissance et de complexité
GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 403
mentales. L'abondance et les dimensions des organes de con-
nexion dans l'écorce des mammifères les plus élevés font
que les corps des neurones sont séparés par une plus grande
distance, remplie de l'épais feutrage des dendrites, des arbo-
risations terminales et des collatérales des cylindraxes. Voilà
donc encore une cause d'augmentation de l'écorce grise qui,
croissant en tout sens, s'étend surtout en superficie. Sauf
pour ce qui a trait aux longues voies d'association, qui man-
quent dans le cervelet, il en est encore ici pour l'écorce de
cet organe comme pour celle du cerveau.
Il reste à déterminer à quelle nécessité d'adaptation cor-
respond la forme circonvolutionnée de l'écorce. 11 existe à ce
sujet plusieurs théries ; en voici deux : 1° le plissement de
l'écorce résulte de la résistance opposée par la paroi osseuse
du crâne au développement encéphalique (Ilenle, Bischoff,
Hyrtl). Lugaro rejette cette hypothèse, si contraire à toute
finalité biologique. La paroi cranienne est une adaptation
protectrice acquise pour la défense de l'encéphale ; elle n'a
pu devenir un obstacle capable d'arrêter le développement
du cerveau. Quand les sutures se soudent, c'est que « la poten-
tialité d'accroissement de l'encéphale est déjà épuisée ». Le
volume du crâne est en raison des exigences du développe-
ment encéphalique ; il suit celui-ci durant toute l'évolution
phylogénique ; 2° le plissement de l'écorce résulte des rap-
ports existant entre celle-ci et la masse de substance blanche
sous-jacente (Jelgersma). Or la quantité de. substance
blanche est déterminée par le nombre, l'épaisseur et la lon-
gueur des fibres nerveuses. Le nombre de ces fibres dépend
directement de la structure et des fonctions de l'écorce ; les
faisceaux de projection ascendants et descendants sont en
rapport avec la masse du corps, avec l'étendue des surfaces
sensibles internes et externes, avec la puissance et la diffé-
renciation des appareils moteurs ; les faisceaux d'association
sont l'expression anatomique de la supériorité et de la com-
plexité des -fonctions de l'intelligence. Ces deux ordres de
faits, anatomiques et physiologiques, influent nécessaire-
ment sur la quantité de la substance blanche et, partant, sur
le nombre des fibres nerveuses de cette substance. Le volume
ou calibre de ces fibres dépend de leur rôle fonctionnel et
réalise les conditions les plus favorables d'isolement du
cylindraxe, de nutrition, de conductibilité. De même pour
404 .. - REVUE REVUE CRITIQUE.
la longueur des fibres : l'onde nerveuse tend à se propager
par le plus court chemin, car plus l'étendue des fibres reliant
les organes est brève, plus la transmission du courant est
rapide, et ces adaptations fonctionnelles doivent encore influer
sur la forme du cerveau.
, Si, au cours de l'évolution phylogénique, la surface corti-
cale, dont on vient d'indiquer quelques-unes des conditions
d'extension en surface, ne s'était pas plissée, et si le crâne
avait dû la suivre dans cette expansion, deux graves incon-
vénients, entre autres, seraient résultés de l'énorme augmen-'
talion de la substance blanche : il() l'extension de la cavité
ventriculaire, . entraînant l'augmentation de poids de l'or-
gane ; ? ° l'allongement de toutes les voies nerveuses, soit de
projection, soit d'association, amenant de grands retards de
transmission. Aussi Lugaro rappelle-t-il que la capacité ven-
triculaire est en raison inverse du développement des orga-
nismes et que, grâce au plissement de l'écorce, l'extension
de la substance grise a tendu toujours davantage à s'adapter
à celle de la substance blanche. La croissance du crâne a
suivi secondairement l'établissement de ces adaptations. Cela
apparaît avec le plus d'évidence sur le cervelet, organe plus
circonvolutionné que le cerveau. L'indigence relative de la
substance blanche du cervelet est due, nous l'avons dit, à
l'absence de voies longues d'association.
Les anciennes idées sur les fibres arci forntes d'association
du fond des sillons corticaux, celles sur les commissures du
cerveau et du cervelet, ont subi, du fait des nouvelles mé-
thodes d'imprégnation et de coloration du système nerveux,
une atteinte assez grave. Dans aucune des nombreuses recher-
ches instituées avec la méthode au chromate d'argent, on ne
fait mention de fibres où l'on puisse reconnaître celles qu'a
décrites Meynert. « Les fibres que j'ai pu observer au fond
des sillons des circonvolutions, écrit Lugaro, et qui affectent
la disposition en arc, appartenaient aux systèmes communs
de projection de l'écorce. » Avec les méthodes colorant la
gaine de myéline, l'observation de tractus isolés de pareilles
fibres peut faire illusion sur leur provenance réelle et sur
leur rôle physiologique. Les commissures ne servent pas non
plus, on le sait, à relier des parties symétriques ou homo-
logues d'un même organe : ce ne sont que des points d'entre-
croisement de fibres qui établissent des connexions, mais de
GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 405
nature à assurer l'unité fonctionnelle du cerveau, entré les
parties les plus diverses du même organe, voire avec d'autres
centres nerveux. La démonstration a été faite en particulier
pour les pédoncules cérébelleux moyens (Ramon y Cajal,
Pusateri). Les méthodes nouvelles ont au contraire confirmé
les recherches de Conti (1884), reprises par Chiarugi, qui ont
demontré que la plus grande épaisseur de la substance grise
est au sommet des plis de l'écorce circonvolutionnée, la
moindre au fond des sillons'. Ramon y Cajal a vu (1 890) que,
dans le développement du cervelet, les cellules de Purkinje
les plus rapprochées de la surface libre sont à un stade plus
avancé que celles qui occupent le fond des sillons. Lugaro a
observé la constance de ces faits, non seulement pour les
cellules de Purkinje, mais pour tous les neurones de l'écorce
du cervelet. La migration des grains du cervelet, si bien étu-
diée par Ramon y Cajal et par Lugaro (1894), depuis la
couche la plus superficielle de cet organe jusqu'à la couche 'e
profonde où ils s'arrêtent, migration qui continue encore
dans les premiers temps de la vie extra-utérine, cesse plus tôt
au sommet des lamelles qu'au fond des sillons. Cette migra-
tion des grains ne s'accomplit point pour tous simultanément;
elle a lieu successivement, durant une longue période. De
ces neurones, les uns sont déjà arrivés à leur place définitive
que d'autres sont encore en train de descendre ; les uns sont
entrés dans la phase bipolaire tandis que les autres pré-
sentent encore, dans la couche épithélioïde, des processus très
actifs de karyokinèse. Bref, selon Lugaro, le grain ne descend
à travers la couche moléculaire et ne va occuper son poste
définitif que lorsque son activité proliférante est épuisée.
Quelles causes déterminent la direction dessillons et celles
des circonvolutions ? Les hypothèses de Reichert et de Seitz,
d'après lesquelles cette directiou est rapportée à celle des
artères, en' désaccord avec beaucoup de faits, sont surtout
inapplicables au cervelet, où souvent existe « une disposition
tout à fait opposée ». Si le développement du crâne suit celui
1
1 Cf. pour l'étude de l'épaisseur de l'écorce du cerveau humain/à l'état
normal et pathologique, par Conti et par Cionini, les Fonctions du
cerveau, par Jules Soury, 2° édit., 1892, p. 333-340. Chiarugi. La forma
del cevello amano e le variaziôni corrélative del cranio e delta super-
ficie cérébrale, e studio crilico sulla gerzesi délie circonvoluzioni cere-
brali. Siena, 4886... 1% \
406 REVUE CRITIQUE. 1
de l'encéphale durant tout le développement phylogénique,
la forme de la calotte crânienne pourrait, à litre de facteur
d'importance secondaire, concourir à déterminer la direction
des sillons. Outre l'action du cerveau, la forme du crâne
subit en effet d'autres influences modificatrices, capables de
retentir à leur tour sur la morphologie de l'organe nerveux.
Ces influences modificatrices de la forme du crâne, Lugaro
les énumère ainsi : le rapport entre l'axe du corps et la ver-
ticale, l'attitude du corps, la situation et la grandeur des
appareils et organes crâniens des sens, les rapports entre les
os de la face, les inserlions craniennes des muscles et sur-
tout de ceux de l'appareil masticateur. Le rapport signalé
par Meyer, Meynert et Rùdinger entre la dolichocéphalie et
la brachycéphalie d'une part, et la direction des sillons
d'aulre part, paraît également fondé à Lugaro ; mais, comme
la raison génétique de ces formes du crâne nous échappe,
on peut se demander si elles ne sont pas plutôt des effets que
des causes, effets de causes inconnues, ayant déterminé
ces formes céphaliques, expressions probables de caractères
ethniques. L'étude de toutes ces influences sur la forme et la
division des sillons corticaux est encore fort peu avancée.
Mais, même en les admettant, Lugaro demeure fort éloigné
de leur accorder une action prépondérante sur la forme du
crâne. Cette action, il la voit toujours dans la morphologie
du cerveau. C'est dans le nombre et la variété des connexions
des voies de projection et d'association des diverses régions
de l'écorce qu'il faut toujours chercher la raison explicative
de l'extension différente de ces territoires nerveux dans telle
ou telle direction. Déjà en se fondant sur cet ordre de consi-
dérations Schnopfhagen et Flesch ont esquissé à grands
traits une explication de l'origine et de la nature des plis et
des sillons de l'écorce cérébrale 1.
Dans le développement lent et continu de la phylogéniede
la forme du cerveau, si l'on ne saurait exclure l'influence
des variations individuelles utiles, résultat de toute adapta-
' F. Schnopfhaen. Die Fallung der Grosshirnrinde. Tagebl. der 61
Vers. deutsch. Naturf. u. Aerzt. zu Kôln, 1888; Die EntstelwlIfj der
Windungen des ';l'osshil'l1s..Jahl'b. f.Psvelh., IY,'1890. Flysch. Ue6er die
Ursache (le), Ilirnwindungen. Correspond, f. schweiz. Aerzte, 1888 ; Die
Bedeulung der seciiîztlâ,eit 1%arclzerz sur die Erkennlniss der Ursachen
der Ilirzzfurchung. Anat. Anzeig., 1890.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 407
tien'fonctionnelle, c'est surtout dans les effets de l'activité
prolongée des éléments nerveux de cette province du névraxe,
dans les excitations physiologiques provoquées par les
besoins toujours nouveaux auxquels se sont trouvées aux
prises les différentes familles de vertébrés au cours des luttes
séculaires pour l'existence, qu'il convient de chercher la
cause principale des progrès de la forme organique du cer-
veau. Cette forme, avec tous ses mécanismes, tels qu'ils se
montrent dans l'embryon, le foetus et le nouveau-né, est
sortie de formes très simples, très rudimentaires, héritées des
plus lointains ancêtres : elle résulte surtout de la fixation par.
l'hérédité de modifications adaptatives presque insensibles,
mais progressives, d'un petit nombre de centres corticaux
élémentaires et surtout des connexions de ces centres ner-
veux.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
XIX. Empoisonnement chronique par LE SULFONAL (hémcctoporphyri-
nurie) terminé par la mort; par R. SCHULZ. (Neul'olo{]. Centl'albl.,
XV, 1896.) ,
L'hématoporphyrinurie est due à des hémorrhagies stomacales
et intestinales; le sang doit alors séjourner assez longtemps dans
le tube digestif pour être transformé en hématoporphyrine qui est
résorbée et excrétée par l'urine. Il faut donc qu'il y ait intoxica-
tion chronique et constipation. Aussi la rencontre-t-on surtout
dans des cas mortels. C'est ce qui a eu lieu chez une hystérique de
cinquante-neuf ans qui, ne pouvant dormir, n'absorbe d'abord en
trois mois que trois fois la dose habituelle desulfonal. Néanmoins dès
ce moment apparaît l'hématoporphyrinurie. Elle prend ensuite en
un mois 16 grammes du médicament. Tranchées, renvois bruyants,
vomissements; soif vive, agitation. Anesthésie abdominale, anes-
thésie en manchettes au niveau des articulations podaliql1es ; légers
troubles de la motilité. L'appétit revient cependant, la malade
semble plus calme, mais brusquement elle s'affaisse et meurt. L'au-
topsie n'a pu être pratiquée. P. KERAVAL.
408 REVUE DE thérapeutique. -
XX. Note sur l'emploi DE la PARALDÉHYDE; par P. Daman. (Bull. de
la Soc. de Dléd. ment, de Belgique, juin 1896.)
Administré à des paralytiques généraux, des paranoïques, des
mélancoliques, des sujets atteints de délire généralisé, etc., la paral-
déhyde a toujours procuré un sommeil absolument calme. Son
emploi peut être continué longtemps sans inconvénients et sans
qu'il se produise d'accoutumance. On prescrit le médicament à la
dose de 4 grammes à prendre en une fois le soir en se couchant.
G. D.
XXI. Effets comparés DE l'antipyrine ET DES TOXINES SUR LES éléments
nerveux ; par le Dr Debray. (Journal de Neurologie et d'Hypnologie,
1897, N° 3.) .
- Bien que l'antipyrine soit susceptible d'après quelques auteurs de
déterminer dans les éléments nerveux des altérations comparables
à celles de certaines toxines, le Dr Debray, s'appuyant sur les résul-
tats de sa pratique, soutient que le meilleur moyen de conjurer
les accidents nerveux qui compliquent si souvent la grippe est de
donner au début de la maladie de 2 à 5 grammes d'autipyrine par
jour.
XXII. Contribution A la casuistique DE l'intoxication CHRONIQUE par
LE trional ; par N. GIERLICIi. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)
Observation montrant que le trional peut produire un complexus
symptomatique semblable à celui de la paralysie générale, mais avec
conservation très nette.de la conscience de l'état morbide par le
sujet; plus les troubles symptomatiques indiquent une paralysie
générale avancée, plus le malheureux a conscience de la gravité de
son état, ce qui est l'inverse dans la paralysie générale vraie. Évi-
demment le trional exerçait surtout ici une action dénotritive
plutôt que toxique sur les cellules corticales (hyperoxydalion,
légère coagulation du protoplasimi, Mosso, Binz). Dans les cas où
le trional agit directement comme toxique on trouve de l'hémato-
porpliyrine dans l'urine et des troubles gastro-intestinaux. L'obser-
vation présente est en outre intéressante en ce que 4g,50 du médi-
cament fut continué pendant des semaines pour lutter contre le
morphinisme d'ailleurs parallèlement continué. P. KFRAVAL.
YXIlLTRAITE51ENTCFiIRURGICAL DE l'épilepsie ; par Giirw. (Médecine
Détroit, juin 189ï.)
L'auteur laisse de côté l'épilepsie essentielle idiopathique, et son
étude ne vise que l'épilepsie d'origine traumatique ou, réflexe, la
REVUE DE thérapeutique. 409
seule sur laquelle. la chirurgie puisse. agir. La connaissance des
localisations cérébrales a fait faire un grand pas au traitement
chirurgical de cette affection.
Le cas suivant est fort intéressant, en raison des heureux résul-
tats qui ont suivi l'intervention chirurgicale.
Il s'agit d'un homme âgé de trente-cinq ans, cuisinier, qui,
s'étant jeté par une fenêtre dans un incendie, se blessa au bras et
à la tête. Cet accident remonte à quinze ans. Le malade ne peut
dire s'il y eut fracture du crâne. Toujours est-il qu'on n'intervint
pas. Une demi-heure après cette chute, il a présenté sa première
crise de convulsions. Les crises convulsives se sont répétées depuis
durant'treize années. Pendant ce laps de temps, il n'est jamais
resté vingt-quatre heures sans présenter de crises. Ces attaques
violentes, journalières, duraient environ une demiheure. L'atlaque
était précédée de douleurs de tête avec sensation de brûlure.
Eu mars 1895, à la suite d'une crise plus violente que de cou-
tume, il resta sans pouvoir parler ni comprendre ce qu'on lui
disait. Cet état d'aphasie motrice et de surdité verbale persista et
devint permanent. Il ne pouvait s'exprimer que par écrit et par
gestes. Il conservait d'ailleurs toute sa lucidité d'esprit et faisait
savoir qu'à la suite d'une attaque antérieure, il était resté trois
mois sans pouvoir parler. Il était difficile de rattacher des acci-
dents aphasiques si complexes à une lésion corticale en foyer. On
se rattacha à l'idée d'une aphasie purement fonctionnelle. Gowers
admet, en effet, que l'excitation de certain point du cerveau peut
entrainer une aphasie fonctionnelle.
Sur les instances du malade, on l'opéra en décembre 1895. 11
avait déjà subi, un an auparavant, une opération incomplète, qui
n'avait eu d'autre résultat que d'amener une rémission passagère
des crises.
La cicatrice résultant de l'accident se trouve aux confins des
régions pariétale et occipitale à 2 centimètres de la ligne mé-
diane du côté gauche. La pression y est douloureuse, mais ne
détermine pas de convulsions.
On opéra en ce point ; après excision de la cicatrice, on enleva
une rondelle osseuse, qui fut remplacée par une plaque d'argent.
Après l'opération, le malade parlait et comprenait ce qu'on disait.
11 sortait bientôt, complètement guéri de son aphasie et de ses
convulsions. Depuis quinze mois que l'intervention a eu lieu, les
convulsions n'ont pas reparu. P. RELLAY.
XXIV. LE TRIONAL dans le ? maladies mentales; par AGOSTINI. (ll blani-
comio. Anno XI, fasc. 2-3.)
Le trional est un hypnotique utile et actif chez les aliénés, ayant
dans la plupart des cas, une action égale à celle du chloral, supé-
410 revue DE thérapeutique.
rieure à celle du sulfonal, de la paraldabyde, de l'uréthane. Il
réussit surtout dans les formes d'excitation plutôt que dans celles
de dépression. Dans certains cas il entraîne une diminution ou
même une suspension temporaire des accès épileptiques nocturnes.
, J. SÉGLAS.
XXV. DE l'influence PSYCHIQUE DE la NUIT; par le Dr RICHARDSON.
L'alternance du jour et de la nuit n'est pas sans intérêt par
l'influence psychologique qu'elle exerce sur la race humaine. Si le
jour est la période de l'activité énergique, la nuit est celle du
repos et de la récupération. Au jour, correspond un état d'éléva-
tion, de confiance naturelle et de bonne volonté à entreprendre
ce que l'esprit indique; mais à la nuit correspond d'autre part une
dépression naturelle, une timidité, une poltronnerie à surmonter
les obstacles qui se dressent sur notre route. Ne voit-on pas les
médecins supporter chaque nuit les conséquences de cette influence
psychique, appelés par des malades qu'alarment, sous l'influence
de la nuit, le moindre symptôme, une indisposition que, pendant
le jour, ils auraient jugée légère ? Sur le terrain pathologique,
chez les mélancoliques, les heures les plus dangereuses sont les
heures nocturnes : la dépression est plus grande, les obstacles
paraissent plus insurmontables et le pouvoir de résistance aux
idées de suicide est moins effectif; les gardiens de ces malades
devraient recevoir des instructions spéciales à cet égard. (Ameri-
can Journal of insanity, octobre 1896.) E. B.
XXVI. LES lavements d'eau chaude dans LES états d'agitation CHEZ LES
aliénés; par R. Fronda. (Il 31(inicornio, Anno XI, fasc. 2-3.)
Résultais favorabies des lavements à 10° dans les phases d'agita-
tion (épileptique ou hallucinatoire avec ou sans délire), alors qu'il
est nécessaire et qu'on se propose d'empêcher indirectement ou de
traiter un état d'hyperhéruie cérébrale, active ou passive. J. S.
XXVII. LE surmenage oculaire CONSIDÉRÉ comme cause d'épilepsie ET LES
résultats DU traitement ophtalmologique; Réponse au D rREDE-
RICK PETERSON; par AMBROSE L. Ranney. (The New-York Médical
Journal, 26 décembre 1896, 2 et 9 janvier 1897.)
Nous avons rendu compte à cette place du travail du D1' Ranney
et du mémoire du Dr Peterson : nous ne pouvons suivre l'auteur
dans sa polémique contre le.Dr Peterson, et nous devons nous
contenter de reproduire ici, en les abrégeant quelquefois, ses con-
clusions qui, naturellement visent surtout les points sur lesquels
il est en désaccord avec son contradicteur, mais forment par cela
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 411
même le complément des travaux que nous avons précédemment
analysés. Voici le résumé général de l'opinion de M. Ranney :
1° Il a limité la discussion aux points sur lesquels il est en con-
tradiction avec le Dr Peterson; 2° il pense avoir démontré que
l'épilepsie réflexe se rencontre dans un bien plus grand nombre de
cas que ne le pense le Dr Peterson lorsqu'il écrit que ce nombre
ne dépasse certainement pas la proportion de un ou deux sur
mille; 3° il pense avoir démontré que le Dr Peterson est dans
l'erreur lorsqu'il dit que les cas de ce genre, bien authentiques et
dignes de créance, se compteraient aisément sur les doigt*; 4° il
pense avoir démontré que le Dr Peterson est dans l'erreur lors-
qu'il dit que la suppression de l'irritation réflexe ne modifie que
rarement la marche de la maladie. Dans 87 p. 100 des cas réunis
par l'auteur, le soulagement apporté à la fatigue oculaire a com-
plètement guéri ou notablement amélioré l'épilepsie réflexe ;
d'autres observateurs ont constaté des résultats analogues; 5° il a
rapporté des témoignages écrits, émanant soit de médecins con-
nus, soit des malades eux-mêmes, prouvant qu'il s'agissait bien
d'épilepsie vraie, que les résultats publiés par lui sont exacts, et
qu'ils ont été obtenus grâce au soulagement de la fatigue oculaire,
alors que les traitements ou les régimes ordinaires n'avaient pas
réussi à modérer les attaques; 6° il pense avoir démontré qu'il ne
craint pas de fournir, à l'appui de son opinion, des faits cliniques,
rapportés sans aucune omission; 7° il croit avoir montré que les
avantages retirés par les malades de ce mode de traitement ne
sont dus ni à la suspension de la médication bromurée ni à une
contre-irritation, comme l'a avancé le Dr Peterson, sans quoi lui-
même aurait pu les obtenir par les mêmes moyens; 8° il conteste,
comme absurde et insoutenable, la curieuse assertion du Dr Peter-
son, suivant laquelle il y aurait un effet mental produit sur le
malade parla ténotomie; 9° il conteste l'assertiou du Dr Peterson
suivant laquelle une sorte d'hypnotisme mental permanent serait
un facteur possible des résultais obtenus; 10° il croit, après les
arguments qu'il a apportés, pouvoir repousser le reproche de
«cécité mentale » que lui adresse le Dr Peterson; 11° il se croit
en mesure de prouver par les faits rapportés que le D1' Peterson
se trompe en assurant qu'il.ne pourra pas étayer ses conclusions
par des faits; 12° il estime que la proportion des épileptiques, chez
lesquels la fatigue oculaire joue un rôle important (déduction
faite des cas relativement peu nombreux où les crises d'épilepsie
sont directement sous l'influence d'une lésion organique du cer-
veau ou d'une dépression des os du crâne) est très considérable ;
13° la proportion énorme des guérisons complètes et pratiques,
dans la série rapportée par l'auteur de vingt-deux cas traités par
la méthode ophtalmologique, est, à son avis, supérieure à ce que
l'on peut espérer obtenir dans un nombre plus considérable de
412 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
cas alors même que l'oculiste est particulièrement habile à résoudre
le problème oculaire compliqué de l'épilepsie et qu'il possède une
grande habitude de ce traitement. La proportion obtenue est de
beaucoup plus considérable que l'auteur ne l'avait annoncé, ou
même espéré pour les épileptiques ; 14° il croit avoir démontré
que la fatigue oculaire peut exister sans aucun symptôme oculaire,
et que la douleur de l'occiput et de la nuque, bien que réellement
fréquente, n'existe pas nécessairement; 15° il pense avoir expliqué
d'une manière satisfaisante pourquoi les épileptiques peuvent
avoir : des rechutes temporaires après les résultats avantageui
d'un traitement oculaire, sans que cela justifie en aucune manière
les critiques injustes dirigées contre 'ce traitement et ses résultats
permanents, résùltats qui auraient pu être maintenus tels, si le
malade' avait pris soin d'éviter de nouvelles sources d'irritation
réflexe; 16° il voudrait que le lecteur fût bien pénétré de cette
vérité que toute amélioration marquée des crises épileptiques,
qu'elle porte sur leur fréquence ou sur leur violence, si elle est
obtenue en dehors de toute intervention pharmaceutique, constitue
un progrès marqué sur les méthodes antérieures de traitement,
alors même que la guérison ne serait pas complète; 17° il désire
aussi persuader ses confrères de l'extrême difficulté du traitement
oculaire chez les épileptiques chroniques, et de la nécessité où
l'on est de surveiller longtemps et patiemment les anomalies
c latentes » de l'accommodation, avant de penser une intervention
opératoire ou de l'entreprendre. Il faut en outre que l'oculiste
soit bien familiarisé avec les méthodes nouvelles, et que, de son
côté, le malade soit suffisamment intelligent pour se rendre
compte de l'importance des détails et pour persévérer dans le
traitement jusqu'à ce qu'une accommodation parfaite ait été obte-
nue ; 48° il estime qu'il est facile de démontrer que beaucoup de
médecins éminents qui étaient autrefois opposés à la manière de
voir que défend l'auteur ont été forcés d'admettre, dans une
mesure plus ou moins large, le traitement oculaire des maladies
nerveuses : s'ils ne sont pas devenus enthousiastes de la méthode
nouvelle, ni peut-être tous très habiles à l'employer, du moins ne
repoussent-ils plus les preuves cliniques placées sous leurs yeux :
la lecture des livres classiques actuels, et surtout leur comparaison
avec les livres classiques d'il y a quelques années le démontrent
manifestement; 19° enfin il insiste une fois de plus sur la néces-
sité, lorsqu'on se trouve en présence d'une maladie nerveuse (et
particulièrement de celles de ces maladies qui sont les moins
accessibles au traitement, comme l'épilepsie, la folie, la chorée,
les névralgies) de n'avoir recours à la médication pharmaceutiqus
que lorsqu'on a soigneusement, intelligemment et vainement
cherché toutes les causes réflexes possibles.
H. DE 1\IUSGItAVE-CLAY.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. .1, l3
XXVIII. CONTRIBUTION A L'ÉTIOLOGIE ET A LA thérapeutique DE la para-
LYSIE progressive des aliénés; par. W.-A. Tschisch. (Cenlralbl. l.
Newenheilk., XVIII, N. F., IV, 1895.)
N'utilisant que les cas appuyés par des commémoratifs bien
exacts, et procédant sur des faits nettement observés, l'auteur a
recueilli 130 observations : 96 de ces paralytiques généraux avaient
en souvent la syphilis. Ces 996 syphilitiques .paralytiques étaient
surtout (56) des individus de trente à quarante ans. Ils avaient
généralement eu la syphilis (36), cinq à dix ans avant la paralysie
générale. Voici des autres causes de paralysie générale que l'on
pouvait noter chez eux :
414 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XXIX. DE l'hydrargyroiodate D'HGUILE ; par Kobert. (Centralbl, f.
Newenheilk., XIX, NF, 1896.) ,
Préparations contenant 13 p. 100 de mercure et 28 p. 100 d'iode,
associés à l'hémoglobine. Ou la donne en pilules dans la syphilis
avancée, d'après la formule : ,
sociétés savantes...415
Dresde, Leipzig, Troudjeine, Christiania, Copenhague, Londres,
Bruxelles et aussi en Amérique', soit sous forme d'établissements
privés, soit sous forme d'instituts annexés aux écoles primaires. Si
un traitement spécial n'est pas appliqué à ces enfants, la plupart
resteront pour, toujours dans leur ignorance actuelle et conserve-
ront les défauts moraux qui les rendent si désagréables.
Si des soins spéciaux leur sont donnés, beaucoup pourront
s'instruire ou se corriger et échapper ainsi à la prison ou à la mai-
son de correction qui les guette. C'est aux médecins qu'il appar-
tient de renseigner les parents et les autorités sur ce qu'ils peuvent
faire pour obvier dans une large mesure aux troubles intellectuels
et moraux de l'enfance, et pour empêcher que beaucoup d'arriérés
restent définitivement des déclassés.
XXXI. SUR LES EFFETS de l'extirpation DES glandes parathyroïdiennes;
par G. Vassale et F. Generali. (Iliv. di. pat. rzerw. et ment.,
fasc. 7, 1896.)
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Mon cher Rédacteur en chef, .
Le Congrès de Moscou est clos et on peut aujourd'hui jeter un
coup d'oeil d'ensemble sur l'oeuvre qui s'y est accomplie, au moins
en ce qui concerne les branches spéciales qui intéressent les
lecteurs des Archives de Neurologie.
Toutefois, même à ce point de vue, il est difficile de rendre
compte, même d'une façon succincte, de l'étendue et de la multi-
plicité des questions abordées. Les questions à l'ordre du jour ont
fait l'objet de rapports variés en langues diverses, ce qui n'était
pas une des moindres causes des ditficultés auxquelles se sont
' La création d'écoles semblables en France a été à diverses reprises
réclamée par M. Bourneville.
416 SOCIÉTÉS savantes.
heurtés les correspondants de journaux ainsi que ceux qui comp-
taient prendre part aux discussions contradictoires.
En fait, chaque section a constitué une série de congrès natio-
naux successifs, et le plus souvent, chacun s'est attaché, naturel-
lement, à lire son travail le jour où étaient inscrits des com-
patriotes susceptibles de l'écouter et de le comprendre.
Le nombre très grand des médecins allemands, dont quelques
congressistes français se sont montrés chagrinés, a fait que le
nombre des notes présentées dans leur langue a été considérable
et qu'elles ont été lues généralement en présence d'amis venus en
bande pour faire un succès à leur compatriote, ce que les Français
auraient pu tout aussi bien faire, s'ils avaient été en nombre et
plus unis. ,
Des journaux politiques en ont tiré la conclusion que nous avions
été froidement reçus et que les ovations des Russes avaient été aux
Allemands, alors que ce sont les Allemands eux-mêmes qui se
sont faits leurs propres et légitimes ovateurs. ,
Les Français étaient trop peu nombreux et on était étonné de
l'abstention de certains chefs de file autour desquels on eût été
heureux de se grouper pour souligner la valeur de notre vitalité
scientifique nationale.
Il est nécessaire de dire ces choses, pour protester contre cer-
taines insinuations d'un chauvinisme - morose qui pourraient
attrister nos confrères russes, lesquels ont tout fait pour nous être
agréables et nous recevoir d'une façon qu'il sera difficile de sur-
passer en 1900 à Paris.
Les médecins allemands étaient groupés et marchaient en batail-
lons disciplinés; ils avaient d'ailleurs eux-mêmes fait l'offre gra-
cieuse de recevoir les Français au passage et de leur faire les
honneurs de Berlin et Hambourg.
Mais c'était de leur part se faire une idée bien fausse du carac-
tere indépendant des confrères français, qui sont à peu près tous
partis isolément, sans entente préalable commune et à des dates
diverses ; il était, dans ces conditions, impossible de répondre à
l'invitation allemande^ et il est fâcheux que cette abstention non
voulue ait été prise pour une impolitesse intentionnelle.
Cependant, la preuve que les savants russes étaient au fond
pleins de sympathie pour la France, c'est qu'ils ont réussi à faire
désigner Paris comme siège prochain du Congrès suivant, malgré
le petit nombre des Français et l'opposition de Madrid, déjà pro-
posée à Rome en 1893.
Quoi qu'il en soit, les principales questions au programme pour
la section de Neurologie et Psychiatrie étaient celles relatives à
l'étude des obsessions, l'étiologie et la nature de la paralysie
générale et du tabès et enfin la récente découverte d'histologie
normale ou pathologique concernant le système nerveux périphé-
sociétés savantes. 417
rique et central. Je me suis borné à présenter ici un résumé des
principales communications en langue française sur ces ques-
tions générales et aussi sur quelques points en dehors du pro-
gramme, dans l'ordre où elles ont été présentées au Congrès.
A. Marie.
SECTION DES maladies NERVEUSES ET mentales
' Séméiologie des obsessions et idées fixes.
MM. Pitres et Régis (de Bordeaux). Conception psycho-pathologique
de l'obsession. L'obsession est un état morbide à base émotive.-Sans
entrer dans de longues considérations générales pour faire une
démonstration qui ressortira suffisamment, nous l'espérons, de
l'ensemble de cette étude, nous rappellerons que la psychologie
contemporaine a montré que la vie affective est la première en
date,- avant la vie intellectuelle, et que, dans les processus de la
conscience, l'émotion est antérieure à la connaissance.
« Comparer, dit Ribot, comme l'ont fait certains auteurs, la
« sensibilité » et l' « intelligence » pour rechercher si l'une de ces
deux « facultés » est supérieure à l'autre, est une question factice,
déraisonnable, puisqu'il n'y a pas de commune mesure entre les
deux, et elle ne comporte aucune solution, sinon arbitraire. Mais
on peut procéder objectivement et se demander si l'une est pri-
maire et l'autre secondaire, si l'une vient se greffer sur l'autre, et,
dans ce cas, laquelle est le tronc et laquelle est la greffe. Si la vie
affective apparaît la -première, il est clair qu'elle ne peut, être
dérivée, qu'elle n'est pas un mode, .une fonction de la connais-
sance, qu'elle existe par elle-même et est irréductible. » Et Ribote
résume en faveur de la priorité de la vie affective les principales
preuves physiologiques, ainsi que les preuves psychologiques,
admirablement indiquées déjà par Schopenhauer.
a L'émotion, le sentiment, soutient aussi Dallemagne, sont à la
base de l'idée comme les centres nerveux inférieurs constituent les
agents secondaires de l'activité des centres supérieurs. L'appa-
rent effacement des émotions et du sentiment dans la genèse de
l'idée n'implique donc que l'infériorité de leur degré de cons-
cience. Celte infériorité, jointe à la difficulté de leur rappel mné-
monique, est encore un des indices de leur ancienneté évolutive. Ils
servent comme de transition entre les fonctions médullaires auto-
maliques et inconscientes et les fonctions corticales conscientes et
d'apparence spontanée. Toutefois, ces distinctions sont pour ainsi
dire inexistantes dans le temps ; l'idée et l'émotion, séparées par
tant de caractères, s'engendrent en réalité d'une manière instan-
tanée. Leur coexistence, leur pénétration anéantit tout ce que
leurs différences de localisation, d'ancienneté, de conscience et
d'intensité, enseignent et démontrent. » .
Archives, 2e série, t. IV. 27
418 sociétés savantes.
S'il en est ainsi à l'état physiologique, il ne peut en être autre
ment à l'état pathologique. Considérons par exemple l'impulsion.
» A la base de toute activité physique, déclare Féré, il y a un état
émotionnel en rapport avec une excitation locale ou générale,
qu'elle soit perçue ou non. Les impulsions dites irrésistibles, que
l'on qualifie aussi quelquefois à tort d'automatiques, sont toujours
en rapport avec une émotivité morbide, en conséquence de laquelle
une irritation, perçue ou non, détermine une décharge, qui,
suivant qu'elle est plus ou moins rapide, est inconsciente ou cons-
ciente. »
L'impulsion est aussi, pour Krafft-Ebing, « voisine des actes
émotifs, mais elle en diffère essentiellement en ce qu'elle ne
coïncide pas, par rapport au temps, avec une émotion, bien qu'elle
ait souvent une base émotive ».
Quant à l'obsession, il en est de même, et plus encore. La meil-
leure preuve que l'on puisse donner de la priorité et de la pré-
pondérance de l'émotion dans l'obsession, c'est qu'elle en est
l'élément constant et indispensable. Prenez une obsession quelle
qu'elle soit, impulsive ou idéative, l'obsession-doute ou l'obsession-
homicide par exemple. Supprimez par la pensée l'angoisse,
l'anxiété qui s'y trouvent, et vous n'avez plus d'obsession. Par
contre, prenez une obsession quelconque et enlevez-en l'idée fixe
ou la tendance impulsive, ne laissant que l'anxiété, l'angoisse, et
vous avez encore l'obsession dans son fondement, dans son
essence. Tels sont ces états d'anxiété diffuse qui ne se précisent
que d'une façon momentanée et, comme dit Ribot, au hasard des
circonstances. Il peut donc y avoir obsession, entendue au sens
large du mot, sans idée fixe et sans impulsion ; il n'y en a pas sans
émotion, et, dans tout état obsédant, on retrouve, plus ou moins
marqués, les phénomènes constitutifs de l'émotivité pathologique,
en particulier les. phénomènes vaso-moteurs.
Autre preuve encore. Il est des obsédés, et ils sont nombreux,
chez lesquels l'objet de l'obsession est multiple ou se modifie, s'il
est unique. Les uns, par exemple, ont commencé par la phobie de
la rage; plus tard, ils ont la phobie de la malpropreté, puis celle
des pièces de monnaie, etc., etc. D'autres ont, à la -fois, en même
temps, plusieurs obsessions. Or, ce qui varie chez eux, soit succes-
sivement, soit simultanément, c'est le phénomène intellectuel,
sentiment ou idée. Ce qui ne varie pas, ce qui reste immuable et
constant, c'est le phénomène émotif, c'est l'anxiété.
Il convient de faire remarquer aussi, avec M. Séglas, que, dans
nombre de cas, les obsessions débutent par une phase d'angoisse
pure et, avec Dallemagne, qu'elles finissent souvent de même par
une phase d'angoisse analogue, après la disparition de l'idée fixe.
- Notons enfin que, si l'émotion. n'était qu'une réaction de l'idée
fixe, son intensité devrait nécessairement être en raison directe de
SOCIÉTÉS savantes. 419 9
l'intensité de cette dernière. Or, c'est le contraire qui est plutôt
vrai, car on peut dire, en thèse générale, que les symptômes émo-
tionnels s'atténuent dans l'obsession, au sur et à mesure qu'elle
tend à s'intellectualiser.
L'obsession est donc, comme l'avait vu Morel, un état morbide
foncièrement émotif.
Classement nosologique des états d'obsession. Cette conclusion
n'est pas seulement importante théoriquement, au point de vue de
la conception psycho-pathologique du syndrome. Elle domine
pour nous l'étude entière de l'obsession et nous fournit à son sujet
les éléments d'une divisiou clinique rationnelle. Si l'émotion est,
en effet, l'élément fondamental des états d'obsession, c'est évidem-
ment elle qui doit servir de base à leur classement.
Dans une première catégorie de cas, tout se réduit aux phéno-
mènes de l'émotivité pathologique, de l'ansoisse. Ce sont les né-
vroses anxieuses pures ou phobies, divisées en diffuses et systéma-
tisées, suivant que l'anxiété leste imprécise ou s'objective sur un
sujet déterminé. Dans une seconde catégorie de cas, aux phéno-
mènes de l'émotivité pathologique s'ajoute une idée fixe ou domi-
nante. Ce sont les obsessions proprement dites.
On a donc ainsi une série d'états obsédants, qui, partis de la
forme la plus élémentaire, l'anxiété vague ou diffuse, sorte
d'ébauche indistincte, aboutissent à la forme achevée ou complète,
l'obsession idéative, en passant par l'anxiété systématisée, qui
constitue entre les deux comme une sorte d'intermédiaire ou
de transition.
Nous étudierons successivement : i° L'état obsédaut à anxiété
diffuse ou panophobique ; 2° L'état obsédant à anxiété systéma-
tisée ou monophobique ; 3° L'état obsédant à idée anxieuse ou
monoïdéique. '
C'est là, sur une base autre et dans un ordre progressif plus
complet, au point de vue clinique, la division des états obsédants
en phobies et obsessions vraies, adoptée par certains auteurs
et notamment par Freud.
1° Etat obsédant ci anxiété diffuse ott panophobique. Dans
le premier cas, celui que nous avons en vue ici, les sujets sont
dans un état permanent de tension émotive, qui éclate brusque-
ment par paroxysmes, à propos de tout et de rien, comme
une décharge de fluide émotionnel, accumulé en excès dans l'or-
ganisme. Une idée, une émotion, une sensation quelconques, suf-
fisent, le moment venu, pour provoquer la décharge, qui peut
même se produire dans le summeil sous la forme de chocs anxieux
(ernotional discharpes, de Weir Alitchell), de réveils brusques,
avec angoisse respiratoire (réveils angoissants, de Mac Farlane).
Attente anxieuse. Le symptôme prédominant de cet état pano-
phobique est ce que Freud appelle très justement « l'attente
420 SOCIÉTÉS SAVANTES.
anxieuse ». « Je ne puis mieux définir, dit-il, ce que je décris sous
le nom de « névrose d'angoisse », que par ce mot et par l'exemple
que j'ajoute. Une dame qui souffrait de cette « attente anxieuse »
s'imaginait, à chaque accès de toux de son mari, qu'il avait une
pneumonie influenzique et voyait son spectre marcher en tête
de son propre convoi funèbre. Si, rentrant-chez elle, elle voyait
deux personnes devant sa porte, elle ne pouvait se sortir de
l'idée que l'un de ses enfants s'était précipité par la fenêtre;
si elle entendait sonner les cloches, elle croyait qu'on allait
lui annoncer un deuil. Et cependant, dans tous ces cas, il n'existait
aucune raison plausible à cette appréhension.
Attaque anxieuse. Quelle que soit la circonstance provocatrice
de la décharge émotive, celle-ci éclate à la façon d'une véritable
attaquo, soudaine le plus souvent, mais précédée parfois d'une
« aura, partant du centre épigastrique, de la profondeur des
entrailles, et s'irradiant dans tout le système cérébro-spinal ».
(Morel.) Quant à l'attaque en elle-même, elle est essentiellement t
constituée par un état d'angoisse, soit simple, soit associé à une
sensation phobique quelconque (sensation d'abolition de la vie,
d'évanouissement, de folie imminente, d'accident inévitable, etc.),
et accompagné des symptômes physiques habituels de l'émotivité
morbide, particulièrement du côté de la respiration, de la circula-
tion, de l'innervation vaso-motrice de l'activité glandulaire.
Cas d'anxiété diffuse ou panophobique. Les exemples de l'état
anxieux panophobique ne sont. pas rares. On en trouve un dans le
mémoire si remarquable de Morel. Il s'agit de ce banquier qui ne
pouvait assister à une représentatio des Italiens sans être pris, à
l'audition de certains motifs, de troubles émotionnels qui se tra-
duisaient par des pleurs, des sanglots, et l'obligeaient à quitter la
salle. Dans sa collection de tableaux, il en était dont il ne pouvait
faire ressortir les beautés aux amateurs sans se livrer à des mani-
festations qui se terminaient pareillement par des crises de larmes.
A la moindre indisposition de son neveu, ce malade se roulait de
désespoirsuruncanapé, prenait les mains de son médecin'et le sup-
pliait de sauver des jours qui n'étaient nullement en danger. Dans
la mare d'Auteuil, au Bois de Boulogne, qu'il avait louée, il élevait
des grenouilles et payait un garde pour veiller à la sûreté de ces
batraciens... Un jour, il aperçoit un de ces animaux étendu sans
mouvement ; l'émotion qu'il en ressentit détermina une crise de
larmes, des sanglots, un véritable accès de désespoir. Il dut se cou-
cher en arrivant et envoya quérir son médecin.
2° Etat obsédnnt avec anxiété systématisée, ou monophobique (phobie
proprement dite). Comme les antres états obsédants, mais d'une
façon plus nette encore, les phobies systématisées peuvent être
.consLitutioiiuelle5 ou accidentelles.
Constitutionnelles, elles se présentent sous forme de répulsions
SOCIÉTÉS SAVANTES. * 421
.ou de peurs anxieuses originelles, chroniques,' portant spécia-
lement sur un objet déterminé' (phobie du velours et des fruits,
du sang, des armes tranchantes, du feu, de l'eau, des hauteurs, de
l'orage, d'un animal, etc.). Ces phobies systématisées ont été signa-
lées, notamment par More), Féré, Gélineau, chez un certain nom-
bre de personnages célèbres. -
Les caractères principaux de la phobie systématisée constitution-
nelle sont les suivants : 1° Elle s'allie à une hérédité chargée, sou-
vent similaire, à un tempérament névropathique, hystérique ou
hystéro-neurasthénique, et peut, dans le milieu delà famille ou de
l'intimité, se présenter sous forme de phobie à deux; 2° son début,
très précoce, a lieu dans l'enfance où à la puberté; 3° elle peut,
mais cela n'a guère lieu que lorsqu'elle constitue un stigmate indé-
lébile de déséquilibralion émotive, demeurer unique et persister
indéfiniment sous la même forme avec des alternatives de pa-
roxysme et d'accalmie ; 4° le plus souvent plusieurs phobies systé-
matisées se succèdent dans la vie du sujet,'au hasard d'événements
même sans importance, ou bien il existe une phobie primitive et
permanente, prédominant au milieu d'un certain nombre d'autres
phobies accessoires. La variété accidentelle de phobie systématisée
à des caractères cliniques différents.
Tout d'abord, elle survient chez des sujets à prédisposition héré-
ditaire beaucoup moindre, en tout cas non dégénérative. Dépourvus
d'une tare forte les exposant, comme les précédents, à succomber
dès le premier choc, ces sujets traversent la puberté, le mariage et
les épreuves ordinaires de la vie sans accident. Mais à un moment
donné, entre trente et cinquante ans surtout, comme l'avait
déjà remarqué Morel, mis en état d'opportunité morbide par des
fatigues, du surmenage, une maladie, qui ont créé ou accentué
chez eux un état névropatique, hystérique ou hystéro-neurasthé-
nique, ilssubissenlun choc moral violent : c'est, très souvent, la
mort d'un parent ou d'un ami ; un accident grave, tel que chute
de voiture, de chemin de fer, etc. Ce genre de phobies mérite bien,
comme on le voit, le nom de phobies traumatiquesque Freud pro-
pose de lui attribuer.
3° Etat obsédant avec anxiété intellectuelle Oll monoidéique. (Obses-
sion proprement dite). - La première question qui se pose ici est
celle de savoir si l'obsession est souvent, comme nous le pensons,
une forme aggravée ou, pour mieux dire, intellectualisée de la
phobie.
Or l'obsession n'est plus souvent qu'une forme aggravée ou pour
mieux dire intellectualisée de la phobie. Entre la phobie systéma-
tisée et l'obsession, il n'y a pa, à notre avis, si loin qu'on le croit
généralement. 11 y asi peu loin qu'en consultant l'ensemble de nos
observations, nous nous sommes trouvés souvent embarrassés pour l'
distinguer s'il s'agissait de phobies ou d'obsessions. Que faut-il, en
422 SOCIÉTÉS SAVANTES.
effet, pour que la phobie systématisée tourne à l'obsession ? Il faut
simplementque celte phobie, au lieu de se manifester par descrises
d'angoisse intermittentes, avec calme complet dans l'intervalle,
préoccupe plus ou moins, dans l'inter-paroxysme, l'esprit du sujet,
ce qui arrive dans la majorité des cas. Et c'est ainsi que, par une
pente toute naturelle, la monophobie tend peu à peu vers le monoï-
disme, et qu'on a si souvent affaire, dans la pratique, non à des
phobies systématisées pures, mais à des cas intermédiaires ou de
transition entre la phobie et l'obsession.
L'obsession n'est donc souvent qu'une phobie ayant perdu son
caractère de simple trouble émotif pour prendre, par le fait
même de son évolution, celui de trouble à la fois émotif et intel-
lectuel.
Au reste, dans les cas mêmes où l'obsession survient d'emblée.
sans avoir passé au préalable par une phase exclusivement phobique
les symptômes caractéristiques de l'angoisse se retrouvent toujours,
à un degré quelconque. Ce qu'on peut dire, au moins en thèse
générale, c'est que plus l'obsession tend à s'intellectualiser, plus
son substratum émotif s'atténue.
Il est d'usage de séparer, dans l'obsession, l'idée fixe simple et
l'idée impulsive. Bien qu'au fond de toute idée il y ait un élement
moteur, et que les idées obsédantes soient de véritables « impul-
sions intellectuelles » (Bail), nous envisagerons séparément les
obsessions idéatives et les obsessions impulsives. Nous dirons aussi
quelques mots à part des hallucinations dans les obsessions. Le
substratum émotionnel de l'obsession nous étant connu, puisqu'il
est le même, à l'intensité près, que celui de la phobie, nous n'a-
vons à nous occuper ici que de l'élément intellectuel, de l'idée
fixe.
Obsessions idéatives. - Le caractère principal de l'idée fixe patho-
logique - nous parlons de l'idée fixe jugée telle, car l'idée fixe
méconnue est une idée délirante dont nous n'avons pas à nous
occuper ici - est d'être involontaire et en désaccord avec le cours
régulier des pensées.
L'individu que poursuit un nom, un mot, un refrain, présente à
ce point de vue un rudiment d'obsession, parce que le souvenir qui
s'impose à lui est involontaire, automatique, et tend à dissocierson
activité psychique normale en se substituant à elle. Mais ce n'est
qu'un rudiment d'obsession parce qu'il lui suffit d'un effort
de volonté plus ou moins intense pour chasser cet hôte importun.
C'est une idée parasite, automatique, discordante, irrésistible. La
plupart des auteurs ont insisté sur ce caractère essentiel de l'idée
fixe d'obsession. Kipper la considère comme paraissant née hors
de notre cerveau. Séglas dit : « L'obsession n'est, en résumé, qu'un
état particulier de la désagrégation psychologique, une sorte de
dédoublement de conscience. »
SOCIÉTÉS SAVANTES. zizi
z Mais cela n'empêche pas la lutte, au contraire. Car, qui dit
obsession, dit lutte. Ce qui différencie essentiellement, en effet, au
point de vue de l'idée, l'obsession du délire, c'est que, dans lèpre-,
mier état, la conscience se révolte contre l'invasion de la puissance
étrangère qui tend à l'envahir et fait appel à la volonté pour la
refouler, tandis que, dans le second, l'idée délirante peut être
pénible, suivant sa teneur ; mais elle n'est pas un élément hétéro-
gène, elle s'identifie à l'esprit par qui elle est acceptée, dès lors avec
toutes ses déductions.
Un des caractères le plus anciennement et le plus généralement
attribués à l'obsession, c'est d'être consciente, et c'est pour ce motif
qu'elle a été tout d'abord rangée et décrite dans les folies dites
avec conscience.
Les idées qui constituent l'élément intellectuel de l'obsession
sont éminemment variables. Nous avons relevé dans nos 0 obser-
vations toutes celles qui existaient dune façon nette, et nous avons
trouvé, parmi les principales, l'obsession de la folie, de la gale,
de la syphilis, du cancer, de l'attaque d'apoplexie, de la mort
subite, etc.
D'une façon générale, les obsédés sont pris le matin, dès leur
réveil, et ce passage de la vie onirique, accompagné le plus souvent
de l'oubli momentané de leur torture morale, à la vie réelle quila
fait réapparaître instantanément, est chez beaucoup, comme chez
nombre de neurasthéniques, le plus mauvais moment de lajournée.
D'autres, au contraire, dans un état supportable durant le jour,
sont pris tous les soirs, à la tombée de la nuit, de paroxysmes
angoissants. '
Le sommeil est plus ou moins bon.Tantôtl'obsession n'a aucune
répercussion sur lui; d'autres fois elle a également lieu dans le
rêve, soit qu'elle en tire son origine, soit qu'elle s'alimente et se
renforce simplement en lui. Cette action du rêve sur l'obsession et
l'idée fixe s'exerce surtout chez les hystériques, sans qu'ils en aient
souvent conscience à l'état de veille. L'obsessionse manifeste habi-
tuellement sous forme paroxystique et il est rare qu'elle soit tout à
fait continue. En tout cas, dans l'intervalle des crises et même
durant les crises, lorsqu'elles ne sont pas trop intenses, les
sujets peuvent continuer de se livrer aux travaux de leur profes-
sion. D'habitude ils cachent leur étal d'âme et se renferment en
eux-mêmes, évitant d'en parler jusqu'à leurs plus proches. Ce n'est
que lorsqu'ils sont à bout de forces ou trop tourmentés qu'ils vont
s'ouvrir au médecin, puisant dans cette confession, comme les neu-
rasthéniques, un soulagement momentané.
Obsessions impulsives. - Au point de vue psychologique, l'exis-
tence d'une forme d'obsession particulière, caractérisée par des .
impulsions, ne saurait être admise, toute idée, nous l'avons vu,
étant un mouvement en germe et toute obsession idéative étant
424 SOCIÉTÉS SAVANTES.'
elle-même, en somme, une impulsion intellectuelle.- Au point de
vue nosologique, l'obsession impulsive n'existe pas non plus en tant
que variété à part, car ses symptômes ne sont pas essentiellement
différents de ceux que nous venons d'examiner.
Un second point, qui touche de près au précédent, est celui de
savoir si les obsédéscèdent, et s'ils cèdent souvent à leurs impul-
sions. 1
Nous ne croyons pas; pour notre part, que, d'une façon générale,
l'obsession aboutisse très fréquemment à l'exécution d'un délit ou
d'un crime. Tout en admettant que le sujet puisse, après avoir
épuisé dans une longue lutte toutes les résistances de sa volonté. se
laisser finalement entraîner, nous croyons que d'habitude il n'en
est pas aiusi, et que, soit spontanément, soit grâce à l'appoint d'un
soutien moral, de bonnes paroles d'encouragement, ou de tout
autre moyen de protection, l'impulsion reste heureusement chez lui
à l'état statique. 1
Si l'obsession impulsive aboutit parfois au délit ou au crime, ce
qu'il est. impossible de nier, c'est seulement dans des cas déter-
minés, en particulier dans les cas où l'obsession n'est pas pure et
où il s'y joint un autre facteur, tel que : dégénérescence marquée ?
affaiblissement intellectuel, intoxication alcoolique, morphiniqueou
autre, idée délirante, contagion par l'exemple ou les journaux,
attraction trop forte et enivrement de l'étalage, etc. C'est faute
d'avoir tenu compte de ce facteur, de' cet élément surajouté, qu'on
a pu considérer les délits et les crimes par obsession comme des
plus fréquents. En réalité, pour faire passer l'obsédé de l'idée ou de
la peur à l'acte. il faut le plus souvent quelque chose de plus que
l'obsession. Il en est ainsi, par exemple, chez heaucoup de régi-
cides. Ravaillac, pour ne citer que celui-là, était hanté par l'idée
de tuer le roi, et trois fois il quitta Paris pour ne pas céder à la
tentation, allant même jusqu'à briser, dans ce but, la pointe de son
couteau. Il succomba enfin, parce qu'il était convaincu qu'Henri IV
voulait faire la guerre au pape et détruire l'Eglise catholique. Ce
n'était pas, chez lui une obsession simple, mais une obsession liée
à une idée erronée, sinon délirante.
En est-il de même pour le suicide que pour les autres impulsions ?
En d'autres termes, les obsédés se suicident-ils ou non ? Eh bien sur
l'ensemble de nos observations, nous avons trois cas de suicide et
plusieurs tentatives. L'obsédé peut donc se suicider.
Les obsédés, particulièrement les obsédés impulsifs, sont-ils res-
ponsables de leurs actes ? C'est là une question des plus délicates à
résoudre.
Lorsqu'il s'agit, en effet, d'une folie confirmée, l'hésitation n'est
pas permise, parce que la folie est incompatible avec la libre déter-
mination. Mais lorsqu'il s'agit d'états comme l'obsession, dans
lesquels les facultés intellectuelles et morales sont touchées sans
SOCIÉTÉS SAVANTES. 425 5
qu'il y ait aliénation à proprement parler, on comprend que l'ap-
préciation de la responsabilité soit très difficile.
C'est sur ces données qu'il convient de se décider et de conclure
chez l'obsédé à un degré de responsabilité qui peut varier, suivant
les cas, depuis la responsabilité à peu près entière jusqu'à l'irres-
ponsabilité absolue, lorsque véritablement « il a été contraint par
une force à laquelle il n'a pu résister ». (Code pénal,' art. 64.)
Oboessions hallucinatoires. Un des caractères le plus généra-
lement reconnus aux obsessions jusqu'à ces derniers temps, c'est
de ne s'accompagner jamais d'hallucinations. Morel l'avait déjà
noté, et M. J. Falret a insisté sur ce point dans son rapport au Con-
grès inteanational de 1889. '
Divers cas d'obsessions aux hallucinations ont été publiés, entre
autres ceux de Stefani, de Séglas, de Catsaras. M. Séglas surtout
s'est occupé de la question, et, dans plusieurs travaux, a démontré
que l'hallucination ne doit pas être exclue du cadre des obsessions.
Il admet deux sortes decas : ceux où l'idée obsédante s'accompagne
d'hallucination qu'elle provoque (obsession hallucinatoire), et ceux
où une hallucination revêt le caractère obsédant (hallucination
obsédante). Dans les deux cas, l'hallucination peut affecter une
forme quelconque, être verbale ou commune, sensorielle ou motrice,
atteindre aussi la sensibilité générale.' .'
Marche. Durée. Pronostic. Terminaison. Forme aiguë. La
marche des obsessions est aiguë ou chronique. Daus les cas aigus,
l'accès survient brusquement à la suite d'un choc moral violent ou
d'une poussée infectieuse, presque toujours alors sous forme de
phobie diffuse ou systématisée, avec un état anxieux permanent et
très intense. Elle dure un laps de temps variable, de quelques
semaines à quelques mois; puis elle s'atténue et disparaît. Quand
la guérison est complète, le malade parle sans émotion actuelle des
angoisses qu'il a éprouvées pendant qu'il était dans la période
d'accès ; il se souvient parfaitement de l'état d'anxiété dans lequel
il se trouvait ; il en décrit volontiers les symptômes ; il se rit de ses
craintes passées et avoue qu'elles étaient absolument injustifiées.
Forme chronique. La forme chronique est intermittente,
rémittente ou continue. La variété intermittente est pour ainsi
dire spéciale à certaines phobies systématisées, aux constitution-
nelles notamment, dans lesquelles la crise n'a lieu qu'avec le retour
de la cause provocatrice ; par exemple : à la vue de l'animal redouté
au bruit de l'orage, en face d'allumettes, d'un couteau, etc. Dans
l'intervalle, l'esprit est entièrement en repos. Dans la variété rémit-
tente, considérée par tous les auteurs comme la plus fréquente, la
maladie se traduit par des paroxysmes plus ou moins rapprochés,
entre lesquels il reste des symptômes encore très sensibles d'émoti-
vité obsédante. C'est le cas de beaucoup de phobies syttématisées,
de celles surtout qui sont à la fois des phobies et des obsessions.'
42G 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Telle, par exemple, l'érythrophobie, caractérisée par des ictus de
rougeur angoissante avec idée obsédante pins faible, dans l'inter-
valle. Quant à la variété continue, elle est plus rare, mais elle existe.
On la rencontre en particulier dans les formes intellectualisées de
l'obsession, comme celle du doute. Les, malades n'ont plus alors
aucun repos. Constamment ils ont l'esprit torturé par lenr pensée
morbide et se posent indéfiniment les mêmes questions. Mais,
même dans ces cas, les paroxysmes ne font pas défaut. La durée de
la forme chronique, toujours longue, est de plusieurs mois ou de
plusieurs années.
Pronostic. Terminaison. La terminaison des obsessions est
variable. Elles peuvent guérir, elles peuvent persister indéfiniment.
Les conditions qui commandent la terminaison, et, par suite, le
pronostic, se tirent à la fois du terrain et des caractères de l'ob-
session. D'une façon générale, les obsessions sont d'autant plus
graves qu'elles se présentent sur un terrain plus dégénéré; d'autant
moins graves que la dégénérescence et l'hérédité sont moins accu-
sées. D'une façon genérale aussi, plus la cause occasionnelle a de
l'importance par rapport à la prédisposition, et plus l'obsession a
des chances de guérison. Il en est de même pour le début brusque
moins sérieux que le début lent et insidieux.
Les états obsédants sont, en principe, d'autant moins graves
qu'ils sont plus entièrement réduits à l'élément émotionnel ; d'au-
tant plus graves, au contraire, que l'élément intellectuel tend à pré-
dominer.
Les obsessions vraies, avec idées fixes et impulsions marquées,
sont donc plus graves que les phobies avec angoisse dominante
accompagnée ou non d'hallucinations représentatives, qui sont ici
de véritables hallucinations du sentiment.
Et, parmi les états purement émotionnels, les phobies diffuses
sont plus bénignes que les phobies systématisées. Il est rare, on
peut le dire, qu'elles ne guérissent pas.
Il suit de là que l'échelle croissante que nous avons établie dans
la maladie au point de vue de la symptomatologie clinique : 1° état
obsédant panophobique ou phobie diffuse; 2° état obsédant mono-
phobique ou phobie systématisée; 3° état obsédant monoïdéique
ou obsession, se trouve complètement justifiée au point de vue du
pronostic, qui s'aggrave progressivement avec chacune de cesformes.
Guérison. Récidives. -Lorsque l'accès guérit, tout peut en rester
là. Mais il peut arriver qu'un ou plusieurs accès se manifestent
ultérieurement; en un mot, qu'il y ait des récidives de la maladie.
Il est des cas où un accès d'obsession ne guérit que pour faire
place à un autre. Le plus souvent, il s'écoule un laps de temps assez
long, parfois plusieurs années, entre chaque accès.
Les divers accès peuvent se reproduire avec des caractères
toujours identiques chez les mêmes sujets, chacun d'eux étant la
SOCIETES SAVANTES.
421
répétition fidèle des précédents. Tel est le cas d'une de nos mala-
des, aujourd'hui âgée de quarante-sept ans, qui été en proie cinq
fois, depuis l'âge de vingt-six ans, à la crainte obsédante de ne plus
aimer son fils comme une mère doit aimer son enfant, et n'a jamais
eu d'autre obsession.
L'impulsivité morbide; par le Dr D. Marri y JULIA (Barcelone).
Conclusions : I. L'impulsivité vraie, est celle qu'on appelle impul-
sivité morbide; l'impulsivité physiologique, elle n'existe pas.
II. Celle qu'on appelle impulsivité physiologique, n'est que la com-
plète évolution des arcs fonctionnels psycho-moteurs réflexes,
arrêtés dans leur route physiologique à l'individu même ou dans ses
ancêtres. III. Par la dénomination d'impulses morbides on
qualifie des phénomènes aussi différents que le réflexisme psychique,
le réflexisme psycho-moteur, lesphylies et les impulses morbides.
IV. L'impulse morbide est un trouble pathologique des dégé-
nérés, non pas un stigme. V. Les caractères de l'impulsivité
morbide -sont : a) Apparition d'emblée; b) défaut d'étiologie psy-
chologique ; c) inconnexion avec la personnalité; d) résistance de
l'individu à réaliser l'impulse; e) tandis que l'impulse ne se réalise
pas, il y a de l'angoisse progressive; Câpres la réalisation de l'im-
pulse il y a-du bien-être physique et du grand regret par les résul-
tats de l'impulsion; g) l'impulsivité morbide est paroxystique.
Conclusions.
Obsessions.
I. L'obsession est une néofor-
mation psychique occasionnée
par l'émotivité morbide.
IL La forme psychique de
l'obsession est un concept con-
nexe à l'état psycho-moral de
la personnalité.
III. L'obsession, effet de l'émo-
tivité morbide, exagère, par
l'autonotion de sa qualité, l'état
émotif jusqu'à l'angoisse.
Idées fixes.
I. L'idée fixe est l'activité, par
impulse pliysiologique, d'un ré-
sidu psychique, d'emblée en
fonction par déséquilibre fonc-
tionnel du cerveau.
II. La forme psychique de
l'idée fixe est l'idée simple, ou
une représentation psychique
élémentaire, n'ayant pas de re-
lation avec l'état psycho-moral
de la personnalité.
III. L'idée fixe ne produit pas,
par elle-même, de l'émotivité;
ses effets affectifs sont de. l'en-
nui et de la fatigue, et, par
autovolition, dont son but est la
disparition du trouble, une très
légère émotivité.
428
SOCIETES SAVANTES. '
Obsessions.
- in. L'obsession est persistante
à intensilé variable, depuis son
initiation jusqu'à sa disparition.
V. L'obsession a tendance à
subsister.
VI. L'obsession est un concept
délirant émotif qui par l'asso-
ciation, non pas toujours par-
faite, produit du délire à exten-
sion variable, et plus ou moins
raisonné et systématisé.
VII. L'obsession altère la per-
sonnalité.
VIII. L'obsession est un trou-
ble pathologique des dégénérés.
. Idées fixes.
IV. L'idée fixe n'est en action
que pendant les états aprosexi-
ques ; lorsque la personnalité est
en fonction à but inconnexe
avec l'idée fixe, il y a arrêt du
trouble.
V. L'idée fixe est une activité
qui, par elle-même, va à l'épui-
sement. ,
VI. L'idée fixe n'est pas un
concept délirant; elle n'est plus
qu'une persistante perception
mécanique. L'idée fixe est sans
action sur les fonctions associa-
tives.
- VII. L'idée fixe n'a pas d'ac-
tion sur la personnalité. '
VIII. L'idée fixe est, un trou-
ble fonctionnel observable à
l'état physiologique aussi bien
qu'à l'état pathologique, des
individus dégénérés ou non dé-
générés.
Phénomènes psychiques avec le caractère tl'ii-2-ésistibilité (Obsessions,
Zwawjsvorstellungen) ; par le Dl' J. 110VST : 1NTI\OVSA1 (Moscou).
Thèses. 1. On peut reconnaître les obsessions dans le sens de
Westphal. 2. Tous les actes psychiques peuvent se revêtir d'un
caractère d'irrésistibilité. 3. Un seul caractère d'irrésislihilité ne
donne pas le droit d'englober tous ces phénomènes dans le vaste
cadre des obsessions. 4. Plusieurs symptômes ayant un caractère
d'irrésistibilité après leur étude clinique doivent être rangés dans
les divers cadres des troubles intellectuels. 5. La présence d'hal-
lucinations tant communes que verbales motrices ne constitue pas
un fait caractéristique pour les obsessions avec conscience, car elles
se rencontrent dans la démence déjà avancée.= 6. Pour la classi-
fication des phénomènes psychiques d'un caractère irrésistible
(obsédantes) leur appréciation au point de vue clinique est néces-
saire.
. Sur les obsessions; par le De Arie DE Jovc (Haye).
Résumé. - Les obsessions étant généralement des stigmates
psychiques de dégénérescence sont observées quelquefois chez des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 429
personnes non dégénérées. Il n'est pas vraisemblable que les
causes des obsessions soient des changements anatomiques patho-
logiques du cerveau, mais il est plus probable qu'elles sont d'une
nalure suggestive; que les obsessions sont des auto-suggestions.
Il va sans dire qu'il faut toujours une cause psychique ou une
cause de nature somatique par laquelle l'auto-suggestion est pro-
voquée. Il importe de tâcher de découvrir ces causes, surtout pour
le traitement.
Contribution à l'étude de quelques obsessions; par MM. VALLON et
Marie, médecins des Asiles de la Seine.
D'une façon générale les obsessions peuvent être considérées
comme des excitations non diffusées à l'ensemble des centres ner-
veux mais irradiées partiellement en un sens particulier. Les phé-
nomènes secondaires ainsi éveillés sont d'autant plus intenses que
l'irradiation est plus limitée à telle sphère déterminée l'intensité
et la limitation du phénomène réalisent un traumatisme plus ou
moins impérieux en même temps que plus ou moins conscient. Il
est d'autant moins conscient qu'il est plus impérieux à son summum.
C'est alors comme une personnalité nouvelle qui prend naissance
au sein de l'ancienne qui assiste impuissante à sa genèse. On peut
à côté, distinguer ces irradiations de l'éréthisme obsessionnel, quel
qu'il soit,
43,0 SOCIÉTÉS SAVANTES. z
Sur quelques lésions expérimentales de la cellule nerveuse.
MM. Gilbert Ballet et A. DUTIL (de Paris). Nous avons déjà, l'an
passé, communiqué. au Congrès de neurologie de Nancy, les résul-
tats d'expériences faites sur le cobaye dans le but d'étudier les
lésions légères des cellules nerveuses de la moelle provoquées par
l'anémie temporaire de cet organe. Depuis notre premier travail,
nous avons reproduit sur un plus grand nombre d'animaux nos
expériences premières; nous avons cherché à déterminer non seu-
lement les caractères, mais aussi la durée approximative des
lésions provoquées. La présente communication résume les faits
que nous avons observés.
Notre intention a été de rechercher les différences ou les analo-
gies que peuvent présenter les altérations primitives de la cellule
nerveuse ainsi produites, avec celles qui apparaissent consécutive-
ment aux sections des troncs nerveux, telles qu'elles ont été cons-
tatées par différents auteurs et par nous-mêmes.
Le procédé expérimenta] que nous avons employé est le suivant :
on comprime, avec les deux pouces, contre la colonne vertébrale
l'aorte abdominale d'un cobaye pendant environ cinq minutes; on
cesse la compression et l'on constate que l'animal présente une
paraplégie complète des pattes postérieures. Cette paraplégie se
dissipe au bout de quelques minutes (de quatre à six minutes en
moyenne). Après un court intervalle, seconde compression de six
à sept minutes de durée; la paraplégie qui succède à ce second
temps d'anémie disparaît après huit à dix minutes. Nouveau
temps de repos, troisième compression de cinq à six minutes de
durée. Cette fois, en général, la paralysie est plus durable. Elle ne
s'efface complètement qu'au bout d'une demi-heure, une heure et
quelquefois plus. Alors l'animal a, comme précédemment, recouvré
l'entière liberté de ses mouvements : tout au moins, il est impos-
sible, lorsqu'il est placé au milieu d'autres cobayes, de le distin-
guer de ses voisins par quelque caractère anormal de la station ou
de la marche. On sacrifie alors le cobaye; on place sa moelle pen-
dant vingt-qaatre heures dans l'alcool à 95°, et on colore les
coupes par la méthode de Nissl.
En variant la durée et le nombre des temps d'anémie, mais sans
aller jusqu'à déterminer une paraplégie définitive, nous avons pu
observer la série des altérations légères que ces anémies transi-
toires produisent dans la structure des cellules ganglionnaires
spinales. Nous avons ainsi noté des faits qui nous paraissent
intéressants au point de vue de la pathologie générale de la cellule
nerveuse.
La première lésion apparente, c'est la dissolution partielle des
granulations chromatophiles. Cette altération, ainsi que l'ont cons-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 431
taté, dans des conditions analogues, divers expérimentateurs,
précède incontestablement toute la série des modifications bien
connues que subit la cellule lorsque J'anémie de la moelle a été long-
temps prolongée, c'est-à-dire la rupture des prolongements, lesforma-
tions vacuolaires, la fragmentation du corps cellulaire, la dispari-
tion du noyau. Cette chromatolyse partielle initiale ne nous a pas
paru avoir une répartition topographique régulière et toujours la
même. Nous l'avons vue se localiser dans les points les plus divers
de la cellule. Nous n'avons pas constaté qu'elle se cantonal plus
particulièrement au pourtour du corps cellulaire, mais plus géné-
ralement, soit au pourtour du noyau, soit à l'un des pôles de la
cellule, à la base d'un prolongement protoplasmique. La plupart
des cellules ainsi lésées ont subi un certain degré de tuméfaction ;
leurs noyaux paraissent intacts et gardent, en général, leur posi-
tion centrale.
Les altérations que nous venons de décrire sont les plus légères;
mais nous avons pu provoquer des lésions de chromatolyse plus
générales et plus diffuses en recourant, par tâtonnements, à des
compressions plus prolongées ou plus fréquemment réitérées.
Dans 3 cas, notamment, nous avons noté une dissolution presque
complète des granulations chromatophiles dans la presque lotalité
des cellules ganglionnaires des cornes antérieures du renflement
lomhaire. Ces cellules, dont les granulations avaient disparu,
offraient une coloration diffuse'; beaucoup d'entre elles étaient
notablement tuméfiées et tendaient, tout en ayant conservé leurs
prolongements, vers la forme globuleuse. Dans quelques-uns, le
noyau non altéré avait subi un déplacement notable ou se trouvait
nettement rejeté à la périphérie du corps cellulaire, ce qui permet
de penser que le réseau achromatique avait subi, lui aussi, un
certain degré de désintégration.
Fait important à noter, les animaux dont les cellules spinales
étaient ainsi altérées jouissaient pourtant, au moment où ils ont
été sacrifiés, comme ceux chez lesquels les lésions constatées
étaient moins accusées, de l'intégrité des mouvements. Ce qui
nous conduit à penser que la granulation chromatophile (kineto-
plasma de Marinesco) ne constitue pas, comme on avait été logi-
quement amené à le supposer; l'agent nécessaire de la fonction
excito-mot.rice.
D'autre part, et c'est là une particularité que nous tenons à
mettre en reiief, nous avons été frappés par ce fait, que les modi-
fications de structure, subies par un grand nombre de cellules
ainsi lésées par anémie transitoire du centre spinal, présentaient
d'étroites analogies avec les altérations bien connues que déter-
mine, dans ces mêmes éléments, la section des nerfs périphéri-
ques, c'est-à-dire la tuméfaction de la cellule, qui tend à prendre
la forme globuleuse, la dissolution des granulations chromatophiles
432 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de Nissl, l'ectopie plus ou moins avancée du noyau pour un certain
nombre de cellules.
Tels sont les traits de ressemblance que l'on peut relever dans
les préparations que nous avons obtenues. Dans ces derniers temps,
quelques auteurs, MM. Marinesco, Lugaro notamment, se sont
appliqués à marquer les différences très nettes qui existent entre
les lésions secondaires de la cellule nerveuse, c'est-à-dire consécu-
tives aux sections des nerfs périphériques, et les lésions primitives
produites par une injure diiecte faite à ces mêmes cellules gan-
glionnaires (anémie expérimentale, etc.). En rapprochant très judi-
cieusement la lésion secondaire expérimentale des altérations
cellulaires observées dans un certain nombre de cas de polyné-
vrite, M. Marinesco a encore contribué à individualiser, en lui
donnant la valeur d'un type de dégénération, l'altération secon-
daire de la cellule nerveuse et à l'opposer eu même temps aux
modes de dégénération,, d'ailleurs très variés, que l'on peut ren-
contrer dans le groupe des lésions primitives produites par l'anémie
prolongée, les intoxications, les infections, etc.
Cette distinction est parfaitement légitime si l'on met en pré-
sence les unes des autres, d'une part les altérations que déter-
mine, dans les cellules ganglionnaires spinales, la section des nerfs
correspondants, et, d'autre part, les désintégrations aiguës et bru-
tales des cellules spinales qu'entraînent la ligature définitive ou
longtemps prolongée de l'aorte abdominale, les embolies expéri-
mentales de la moelle épinière, les infections intenses, les intoxi-
cations massives.
Il est incontestable, en effet, que les lésions cellulaires, réalisées
dans ces deux ordres de cas, sont fort dissemblables. Cependant,
nous venons de voir qu'une injure directe, mais légère et graduel-
lement effectuée, produite comme celle que nous avons réalisée
dans nos expériences, peut déterminer des lésions cellulaires très
analogues aux altérations dégénératives secondaires à la section des
nerfs. Sans doute, l'évolution n'est pas la même dans les deux
ordres de faits, les lésions primitives s'effectuent et se réparent
beaucoup plus vite que les lésions secondaires. Nous avons cons-
taté, en effet, dans le cours de nos recherches, que, dès le cinquième
ou le sixième jour, elles s'étaient presque entièrement effacées.
Mais il n'en est pas moins vrai qu'une atteinte directe portée à la
cellule nerveuse, lorsqu'elle est suffisamment atténuée, peut pro-
voquer une altération dégénérative de cet élément, à peu près sem-
blable aux altérations secondaires. Les dissemblances habituelle-
ment observées entre ces deux ordres de lésions sont peut-être le
fait d'une différence dans l'intensité plutôt que dans la qualité
de l'injure produite. Nous croyons donc que la séparation des
lésions dégénératives de la cellule nerveuse en deux types, le
secondaire et le primitif, est, d'une manière générale, parfaitement
SOCIÉTÉS SAVANTES. 433
fondée, mais qu'il ne faudrait' pas la formuler en termes trop
rigoureux absolus. Puisqu'une lésion primitive est capable, dans
certaines conditions, de se montrer semblable à la lésion secon-
daire, on conçoit qu'il puisse se présenter, en'anatomie patholo-
gique, tel ou tel cas dans lequel l'aspect des cellules altérées ne
permette pas d'affirmer ou d'infirmer catégoriquement le caractère
primitif ou secondaire de l'altération constatée.
Une autre conséquence se dégage de nos expériences; la chro-
mastologie est la première lésion appréciable par laquelle la cellule
nerveuse révèle sa souffrance; mais elle n'implique pas une altéra-
tion profonde de l'élément anatomique. Elle est facilement et rapi-
dement réparable quand cessent les conditions qui l'ont déter-
minée, si le spongioplasma n'a pas été lui-même gravement
atteint et si les connexions physiologiques de la cellule nerveuse
avec les cellules voisines sont conservées.
i >
L'histopathologie de la cellule nerveuse.
- M. Marinesco. Quand on se rapporte à la structure de la cellule
nerveuse, telle qu'elle élait admise il y a quinze ans, et qu'on la
compare à celle qui résulte des recherches les plus récentes, on
s'aperçoit aisément des grands progrès accomplis dans cet inter-
valle. A quoi doit-on attribuer cette véritable révolution sur la
notion de la texture intime de l'élément fondamental du système
nerveux ? C'est, comme dans toute autre branche de la science, à
la création de nouvelles méthodes. La méthode de Golgi permet
d'étudier la configuration externe des éléments nerveux, le trajet
des fibres nerveuses.
Ce qui a frappé les premiers observateurs, Flemming, Nissl,
Benda, etc., dans la structure de la cellule nerveuse, c'est la décou-
verte d'un nouvel élément jusqu'alors méconnu dans le proto-
plasma de la cellule- : l'élément chromatophiles, ainsi nomméjiarce
qu'il se colore fortement par les couleurs basiques d'aniline. Ces
éléments sont disposés concentriquement autour du noyau et
affectent la forme polygonale. A mesure qu'on s'éloigne du centre,
ils deviennent plus allongés, et dans les prolongements protoplas-
matiques ils prennent un aspect fusiforme, leur grand axe étant
parallèle à celui de ces prolongements. Le cylindraxe n'en pos-
sède pas. ,
Dans une première phase de recherches sur .cette structure
. interne (Nissl, Lenhossek, Marinesco, etc.), la substance fonda-
mentale ou achromatique de la cellule fut considérée comme une
substance amorphe. A cette époque, on s'occupa surtout de la
morphologie des éléments chromatophiles et de ces altérations
dans les divers états pathologiques. La grande -découverte qui a
été faite dans cette première période est due à Nissl, qui a montré
Archives, 2e série, t. IV. 28
434 SOCIÉTÉS SAVANTES.
que la section d'un nerf moteur ou sensitif amène une désinté-
gration des éléments chromatophiles, processus que j'ai désigné
sous le nom de chromatolyse. Mes recherches personnelles, celles
de Flatau, Ballet et Dutil, de Lugaro, de van Gehuchten, etc., ont
confirmé cette donnée fondamentale de la pathologie nerveuse :
je dis fondamentale parce qu'on avait admis depuis Waller que le
bout central d'un nerf sectionné et son centre d'origine restent
intacts. Or, la méthode de Nissl a montré d'une manière certaine
que celte proposition est inexacte.
Les lésions qui déterminent la section d'un nerf sensitif ou
moteur sont très faciles à constater. Il suffit de couper le nerf
hypoglosse, chez Je chien par exemple, et altendre dix à quinze
jours, sacrifier ensuite l'animal, fixer son bulbe dans l'alcool, le
formol, le sublimé, et traiter par la méthode de Nissl. Sans entrer
dans la description détaillée de ces lésions, nous ferons remarquer
que la première altération observée, après la section d'un nerf,
est la désintégration ou, comme je l'ai appelée, la chromatolyse
des corpuscules chromatiques.
Cette lésion commence tout près du cylindraxe. La chroma-
tolyse peut gagner tout le corps de la cellule nerveuse, mais, une
chose essentielle à noter, c'est, que le noyau qui, à l'état normal,
occupe le centre de la cellule, émigré à ce moment vers la péri-
phérie. Cette émigration du noyau est-elle un phénomène actif
ou s'agit-il d'un déplacement passif ? Il est difficile de trancher
cette question. Quand la plus grande partie de la substance chro-
matique est ainsi désintégrée, le centre de la cellule présente un
fond plus ou moins uniforme dans lequel sont disséminées de
fines granulations.
Cette désintégration de la substance chromatique permet quel-
quefois d'entrevoir dans le cytoplasma un réseau trabéculaire, qui
n'est autre chose que la substance achromatique organisée, c'est-
à-dire celle qui se continue directement avec les fibrilles du
cylindraxe.
J'ai soutenu, et, depuis, plusieurs auteurs ont confirmé cette
opinion, que la désintégration des éléments chromatophiles ne
retentit pas sur la structure du cylindraxe et des nerfs périphé-
riques. Pour que celui-ci soit atteint, il faut une altération de la
substance achromatique, éventualité qui présente dans les cas de
lésions primitives de la cellule nerveuse, lésions que nous étudie-
rons plus loin.
Cette constatation anatomique a eu une autre conséquence :
celle de prouver que la cellule nerveuse constitue une unité, un
neurone dont l'intégrité dépend de l'intégrité de toutes ses parties
constituantes : corps cellulaire, cylindraxe, prolongements pro-
toplasmatiques. J'ai montré l'application importante qu'on pouvait
faire à la pathologie nerveuse de cette donnée expérimentale. En
SOCIÉTÉS SAVANTES. 435
effet, les névrites qui déterminent la destruction du nerf réalisent
en somme une section nerveuse. Par conséquent, il n'existe pas de
névrites sans réaction des cellules des nerfs atteints. J'ai montré
aussi l'exclusivisme de ceux qui ont voulu faire des névrites une
lésion purement périphérique. Mais ces lésions centrales sont con-
sécutives à la dégénérescence des nerfs.
Les modifications de réaction à distance que je viens de décrire
peuvent, dans une deuxième phase, rétrocéder,. et la cellule
récupère un aspect normal; cette deuxième phase est la phase de
réparation. Pour connaître exactement ce qui se passe dans la
cellule nerveuse pendant la phase de réparation, il faut laisser les
animaux vivre pendant un, deux, trois ou quatre mois. On voit
bien alors que la cellule, avant de revenir à son aspect normal,
présente une hypertrophie considérable, qui s'accroit jusqu'à
quatre-vingt-dix jours après la section, et qui intéresse à la fois le
volume général de la cellule et celui des éléments chromatophiles.
Ceux-ci acquièrent de grandes dimensions, se colorent d'une
manière plus foncée; ainsi la cellule présente, d'une part, une
coloration plus intense.
Nous avons envisagé jusqu'ici la substance achromatique comme
étant constituée par une matière amorphe ; mais les recherches
toutes récentes de Flemming, Becker, Lévi, Lugaro et les miennes
ont montré que cette substance est composée d'une partie orga-
nisée, dont nous allons éludier la texture, et d'autre part d'une
substance fondamentale.
La substance achromatique, dont la véritable nature a donné
lieu dans, ces derniers temps à de nombreuses discussions, affecte
une disposition variable dans les prolongements et le corps de la
cellule. Même dans les pièces traitées par la méthode de Nissl, on
peut voir une vague striation, qui est assez évidente dans les
grandes cellules de la substance réticulée du bulbe; mais, pour
voir d'une façon indubitable que celte striation dépend en réalité
de l'existence de vraies fibrilles dans ses prolongements, il faut
faire usage de l'hématoxyline. diluée.
Sur la figure cet aspect est des plus nets : les fibrilles du prolon-
gement nerveux, en traversant le collet de la cellule, se présentent
sous l'aspect de faisceaux rayonnants, et leurs fibrilles se dirigent
en partie vers la périphérie et se perdent dans le réseau du pro-
toplasma cellulaire, à la formation duquel ses fibrilles prennent
part par les ramifications collatérales qu'elles donnent. Les travées
du réseau achromatique s'insèrent d'une part au centre sur la
paroi du noyau.
Aux points d'intersection des travées du réseau il existe des
renflements chromatiques minuscules qui, sur les coupes obliques
de la cellule, font partie' intégrante des filaments achromatiques.
11 résulte de cette courte description que- dans les. mailles du
,436 SOCIÉTÉS SAVANTES.
.réseau viennent se mouler les éléments chromatophiles, et que
c'est de la texture du réseau que dépend la forme de ces éléments.
Quel est le rapport des fibrilles du cylindraxe et des prolon-
gements protoplasmatiques avec le réseau achromatique ? L'élude
-attentive d'un grand nombre de coupes montre jusqu'à l'évidence
qu'on doit admettre une continuité anatomique entre les fibrilles
de ces prolongements et les travées du réseau de la cellule.
Cette continuité a une grande importance au point de vue des
rapports qui existent entre les lésions des prolongement et ceux
de la cellule, ce qui confirme l'opinion que j'ai émise le premier,
à savoir que les lésions de la substance achromatique entraînent la
dégénérescence des prolongements périphériques parce que les
fibrilles de ceux-ci ne sont autre chose que la continuation du
réticulum intra-cellulaire.
, Sur la pathologie des cellules neiveuscs.
MM. les Drs A. Golscheider et E. PLATEAU (de Berlin). Les
auteurs emploient la méthode de Nissl pour observer les cellules,
- et l'injection de nitrile malonique (CN-CH2CN), qui produit des
phénomènes d'intoxication conduisant à la mort les petits lapins
soumis à l'expérience. Les corpuscules de Nissl sont déformés,
rapetissés, épars. Si l'on élève à 43° ou 44° centigrades la tempé-
rature des lapins, le volume des cellules nerveuses est agrandi et
les corpuscules de Nissl sont détruits. Les toxines du tétanos déter-
, minent d'abord le grossissement des nucléoles et des corpuscules
de Nissl, puis leur morcellement en petites granulations, et cela
d'autant plus rapidement qu'elles sont en plus grande quantité et
plus concentrées. L'injection d'antitoxine retarde ce processus de
désorganisation et permet à la cellule de revenir plus rapidement
à sa forme, normale. Le injections de strychnine produisent des
.désordres semblables à ceux qui résultent de l'absorption des
toxines du tétanos.
M. SA3RAZES (Bordeaux). - Il' semble que l'élude du proloplasma
-des cellules nerveuses ait absorbé toute l'attention des observateurs
' qui ont.pris part à cette discussion. Cela tient vraisemblablement à
. ce que le noyau de ces éléments est considéré comme n'ayant plus
- les qualités d'un organe reproducteur et préside simplement à la
. nutrition de la cellule. Mais à chaque altération protoplasmique
-correspond néanmoins une modification du noyau qu'il importe
d'étudier. Or, cette étude du noyau des cellules nerveuses, à l'état
normal comme à l'état pathologique, est généralement laissée au
second plan. " ' ..
Nous avons, dans un travail publié avec M. Cabannes dans la
.Nouvelle Iconographie de la Salpétrière (1897), étudié l'état des
,cellules nerveuses médullaires dans la rage humaine. A coté des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 437'
lésions de chromatolyse que nous avons figurées existent des modi-
fications intéressantes du noyau : il est souvent projeté à la péri-
phérie, turgescent; le nucléole est fragmenté; la membrane
nucléaire et le réseau de linine s'effacent; il n'est pas rare de voir
des bâtonnets de chromatine et même un véritable peloton chro-
matique dans le corps nucléaire. Il y a là, dans les éléments ner-
veux des cornes antérieure et postérieure dont la confusion n'est
pas possible avec les cellules endothéliales, les leucocytes, les cel-
lules névrogliques, une ébauche de karyokinèse qui avorte. La-
cellule nerveuse réagit, vis-à-vis de l'irritant pathologique (virus
rabique), en consommant d'abord les matériaux chromatiques
accumulés dans les mailles du spongioplasma ; ce stade correspond
à la période des spasmes rabiques ; mais la cellule ne peut suffire
à réparer ses pertes et à lutter contre le virus : alors survient le
stade paralytique de la rage et cela bien que la cellule ait fait
effort auparavant, par l'intermédiaire du noyau (qui tend sans
y aboutir à la karyokinèse), pour persister et pour se reproduire.
Il n'est donc pas indifférent d'étudier le noyau cellulaire qui
commande la nutrition normale et pathologique du protoplasma.
Au point de vue technique, la thionine à saturation dans l'eau me
parait être le réaclif de choix des granulations cliromophiles.
Polynévrite arsenicale.
l\nl. BmeLI et VARNAL1, deBucarest. Sultane Arsenesco, paysanne,,
âgée de vingt-huit ans, journalière de son étal, souffrait depuis
bientôt huit ans d'une leucorrhée très tenace et qui se compliquait
de temps en temps de métrorragies. Lasse de supporter les ennuis
de cette infirmité, elle a eu recours, il y a eu un an (1896) au mois
d'août, aux soins empiriques d'une vieille femme. Le traitement
était extrêmement héroïque, car la potion se composait d'une
solution alcolisée d'arséniate de sodium et de mercure à l'état
métallique. Dès la première dose, notre malade éprouva de vio-
lentes douleurs d'estomac, des vomissements et une diarrhée colli-
quative. Le lendemain, reprise du traitement : la malade prend,
une autre dose suivie des mêmes accidents et, bien qu'elle se trou-
vât très affaiblie, elle continua quand même à prendre sa drogue,
mais pas impunément, car le troisième jour elle fut atteinte d'une
stomatite fort intense. Les ganglions cervicaux étaient engorgés;
les conjonctives congestionnées et pas de troubles du côté des
voies aériennes.
- Le quatrième jour les selles deviennent sanguinolentes, l'appétit,
est nul et les accidents gastro-intestinaux se répètent. Ajoutons que-
la malade commence à avoir une sensation de chaleur sur tout le
corps. Elle affirme avoir eu de temps en temps de l'épistaxis, mais-
438 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pas d'ictère ni de manifestations du côté de la peau. Elle a pour-
tant perdu une grosse partie de sa chevelure.
Quant aux phénomènes nerveux, nous apprenons qu'elle a eu,
dès les premiers jours de son traitement, des vertiges, des douleurs
sur tout le corps et une terrible insomnie qui lui rendait l'exis-
tence malheureuse. Elle a eu un accès de convulsions, unique dans
toute sa maladie.
- Jusqu'ici nous n'avons à enregistrer que des phénomènes anor-
maux sensitifs la plupart du temps, mais, vers la troisième semaine
apparaissent les signes avant-coureurs de la paralysie; c'est dire
que la malade avait commencé à sentir des fourmillements dans
les membres et un engourdissement qui fut remplacé la cinquième
semaine par une paralysie et une anesthésie des mains et des pieds.
Voici d'ailleurs l'état de notre malade le 7 avril 1897, jour de
notre premier examen. Amaigrie par une continuelle déplétion,
elle est pâle ayant le système musculaire osseux peu développé.
Présente deux petites cicatrices sur la face. Poumons, foie, rate.
reins normaux. Le coeur aussi ne présente d'anormal que le choc,
qui est presque imperceptible au toucher. La région épigastrique,
ainsi que le reste du ventre, est indolore. La pression même
n'éveille pas de douleurs. La luette un peu déviée à gauche.
Il ne reste plus de la stomatite, dont parle notre patiente,
qu'une légère gingivite localisée à la mâchoire inférieure. On y
voit suinter'une goutte de sang ainsi que du pus.
La sensibilité au toucher ainsi qu'à la douleur est exagérée,
mais rien qu'aux jambes jusqu'aux genoux et aux mains jusqu'à
l'articulation radiocarpienne. Sur tout le reste de la peau les sen-
sibilités sont normales. Ce qui plus est on trouve, sur la face
anléro-interne de la jambe et du pied droit, le phénomène de
l'hyperesthésie relative. Une légère piqûre passe inaperçue, tandis
que si on presse un peu plus fort on provoque des cris de douleur.
Ajoutons que la sensibilité au froid était extrêmement exagérée.
Elle avait renoncé à l'eau froide, et c'est toujours avec l'eau chaude
qu'elle se lavait. Et, bien qu'il lit assez chaud dans nos salles, elle
restait tout le temps emmitouflée dans sa couverture et la tête
couverte d'un fichu de laine. C'est pourquoi nous n'avons pu la
photographier toute nue.
A la suite de la paralysie des fléchisseurs des pieds (extenseurs
des doigts), les pieds sont tombants, ballants en adduction et
légère rotation en dedans. Les bouts des pieds se rapprochent de
telle façon qu'ils ont l'air de vouloir se toucher. Les orteils sont
tous demi-lléchis, le premier orteil en complète flexion. La plante
anormalement voûtée tourne vers la ligne médiane. Par consé-
quent le bord interne est un peu plus relevé que l'externe. La
flexion des pieds est nulle. Les muscles extenseurs des pieds sont
normaux.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 439
On constate un steppape très caractéristique. Le réflexe de
Westphal disparu, les réflexes cutané plantaire et abdominal sont
conservés. Pas d'atrophie marquée du côté des pieds, alors qu'on
trouve une amyotrophie prononcée aux mains. Ainsi les thénars,
hypothénars et les muscles inlerosseux sont visiblement atrophiés.
C'est pourquoi la diduction des doigts est difficile. Pourtant la
flexion et l'extension, les mouvements de latéralité des mains, sont
normaux. L'attitude de la main est simienne. L'épreuve du dyna-
momètre donne 5 à droite et si à gauche.
Grâce à l'inégale atrophie des muscles interosseux, les doigts
ont une altitude plus ou moins étendue, plus ou moins rapprochée.
Ainsi le petit doigt gauche ne parvient pas à atteindre une com-
plète extension. L'annulaire et le médian droits sont toujours
accolés. .
Un fait bien curieux et qui est digne de toute notre attention,
c'est la présence de mouvements chgréiformes qui agitent le pouce,
l'annulaire et le petit doigt gauches. Les contractions idiomuscu-
laires (avant-bras, bras) sont exagérées. Le goût, la vue, l'odorat,
sont conservés. L'intelligence intacte.
La sensibilité électrique normale; les fléchisseurs du pied ne se
contractent pas aux courants interrompus.
Le 21 avril, à la suite de quelques séances de courants fara-
diques, elle recouvre en partie les mouvements physiologiques et
était en voie de guérison quand, tout d'un coup, prise d'un irré-
sistible mal du pays, elle quitta l'hôpital.
En résumé, nous voyons que des deux substances toxiques, le
mercure et l'arsenic, la première ne donne qu'une stomatite, la
seconde reproduit l'ensemble symptomatique si bien décrit dans
les leçons cliniques de M. Raymond.
Ce qu'il y a de nouveau dans cette observation c'est la présence
du phénomène de l'hyperesthésie relative et des mouvements choréi-
formes localisés au pouce, à l'annulaire et au petit doigt gauches.
Maintenant était-ce une névrite, une myélite, ou les deux à la
fois ? Nous croyons, et la marche de la maladie nous y autorise,
que chez notre malade les neurones moteurs périphériques
étaient atteints rien qu'en leurs prolongements qui constituent les
nerfs.
. C'est dire que nous nous sommes arrêtés au diagnostic de
névrite plutôt qu'à celui de myélite arsenicale, car les névrites gué-
rissent tandis que les myélites sont incurables, et, nous le répé-
tons, notre malade est sortie en complète voie de guérison.
Encore quelques séances d'électrolhérapie et elle eût complète-
ment recouvré les mouvements physiologiques.
M. L. miner, de Moscou. Dans les cas graves, suivis d'autopsie,
d'affections traumatiques de la moelle (par suite de fracture, luxa-
440 SOCIÉTÉS SAVANTES ?
tion, déplacement, etc, des vertèbres), on peut généralement cons-
tater l'existence de deux sortes de foyers, dont les uns pourraient
être appelés foyers locaux, les autres foyers localisés.
Le foyer local se trouve directement sous l'endroit de la lésion
osseuse et consiste dans une simple destruction mécanique et désor-
donnée (contusion, écrasement) de la substance médullaire. Dans
quelques cas rares (suivis d'autopsie) de compression moins grave,
on peut trouver une myélite par compression.
Au-dessus et au-dessous du foyer local uni ou bilatéralement on
peut constater dans la majorité des cas l'existence de lésions net-
tement localisées. Cette localisation est toujours la même ; le plus
souvent elle occupe la substance grise centrale de la corne anté-
rieure et postérieure; plus rarement elle occupe un. territoire bien
défini de la corne postérieure, notamment l'angle formé par la
commissure postérieure et la limite interne de la colonne de Clarke.
L'irruption du sang dans les cordons latéraux doit être considérée
comme un phénomène exceptionnel et dans ce cas l'hémorragie se
cantonne le plus souvent dans la région du processus réticulaire
de la corne antérieure. En tout cas, l'auteur n'a jamais vu l'exten-
sion de l'hématomyélie dans les cordons pyramidaux.
Le tableau histologique de ces foyers localisés consiste avant
tout et le plus souvent en une accumulation de sang pur sous forme
d'hématomyélie centrale ; ensuite on peut constater l'hémato-
myélie macroscopiquement et trouver à l'examen microscopique
la formation de fissures et de cavités.
On peut également trouver une simple a désintégration cen-
trale », avec ou sans mélange de sang.
Enfin dans quelques cas l'hématomyélie préexistente avec destruc-
tion de parties centrales peut être le point de départ de formation
de grandes cavités. Dans des cas plus anciens ces cavités peuvent
s'entourer d'un anneau de tissu névroglique hyperplasié.
VI. Dans ces cas le canal central se montre généralement non pas
oblitéré, mais ouvert; sa lumière est souvent beaucoup plus grande
qu'à l'état normal (tendance à l'hydromyélie); sa configuration est
très variable ; l'épithélium qui tapisse le canal et les cellules péri-
épendymaires ont une grande tendance à la prolifération (gliose
débutante). Par endroits on voit la lumière du canal se diviser en
deux on trois parties. ?
VII. Quant aux phénomènes cliniques, en dehors de la perte du
réflexe rotulien, déjà connue dans les localisations les plus diverses
du traumatisme de la moelle épinière, il faut accorder une atten-
tion spéciale à l'existence d'une zone, parfois considérable, de
dissociation syringomyélique de la sensibilité, trouvée souvent par
l'auteur dans les segments situés immédiatement au-dessus de la
région complètement anesthésiée. Cette zone d'analgésie et. de
thermoanesthésie peut être expliquée par l'existence d'un foyer.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 441
central ascendant (le plus souvent hématomyélie centrale), ou,
autrement, elle en fait présumer l'existence. Si cette constatation
se trouve vérifiée dans d'autres observations d'affections trauma-
tiques de la moelle, à l'exclusion des cas de myélite transverse, ce
phénomène peut acquérir une grande valeur au point de vue mé-
dico-légal, comme signe différentiel.
VIII. 11 y a lieu d'admettre que dans les cas de dissociation syrin-
gomyélique exclusive il n'existe qu'une seule lésion centrale loca-
lisée. Ces cas arrivent rarement à l'autopsie, car, à l'instar de la
poliomyélite aiguë, ils ne sont pas absolument^ mortels.
J'ai injecté à un chien pesant 7 kil. 1/2 une quantité totale de
160 grammes d'alcool en douze jours, la dose quotidienne variant
entre 15 et 26 grammes.
Après chaque injection, l'animal tombait dans un état de sono-
lence, et, au réveil, présentait les phénomènes de l'ivresse, parmi
lesquels la démarche dite titubante tenait la première place. Dans
le système nerveux central, la corne antérieure de la moelle et le
cervelet, j'ai trouvé des lésions très nettes, consistant dans la désin-
tégration périphérique des éléments chromatophiles et dans leur
diminution de volume; quelquefois j'ai vu ces corpuscules perdre
leur faculté de coloration.
Dans le cervelet les lésions étaient beaucoup plus intenses, et
l'on voit de suite l'intérêt pratique de cette constatation : elle dé-
montre que l'alcool, à un degré faible de concentration, détermine
dans le système nerveux central des lésions extrêmement nettes
qu'on peut reconnaître au microscope. .
Parmi les intoxications qui atteignent le système nerveux cen-
tral, il en existe une que nous devons mentionner : c'est celle que
produit le botulisme. On entend par ce mot l'ensemble des acci-
dents morbides observés à la suite de l'ingestion de jambon, sau-
cisses ou de viandes avariés; des cas ont été observés l'année dernière
en Belgique où M. van Ermengem a eu l'occasion d'étudier une
épidémie de ce genre. 11 a trouvé la cause de ces accidents graves
suivis même de mort rapide dans la présence d'un microbe anaé-
robie dans le jambon consommé par les sujets malades, microbe
qu'il a désigné sous le nom de bacilllls botulizus. L'injection de ce
microbe ou de ses toxines détermine chez les animaux les mêmes'
accidents nerveux graves que chez l'homme. L'examen du système
nerveux central des animaux qui ont succombé à la suite de l'ino-
culation de ce microbe m'a montré des lésions nerveuses centrales
caractéristiques. '
/
Gangrène des extrémités par atrésie et par oblitération artérielle
incomplète dans le cancer de l'estomac. ·
MM. SABRAZÈS etCABANNEs, de Bordeaux. La gangrène par artérite
442 SOCIÉTÉS SAVANTES.
chronique n'exige pas fatalement, à rencontre de l'opinion clas-
sique formulée par Cruveilhier, une oblitération totale des troncs
artériels du membre intéressé et de leurs collatérales. Une oblité-
ration partielle, voire même une simple artrésie, peuvent la provo-
quer, ainsi que le démontrent nos deux observations dans lesquelles
il ne s'est agi ni de gangrène par névrites périphériques, ni de
gangrène septique..Il faut pour cela qu'interviennent des causes
de dénutrition multiples et associées, cancer de l'estomac, anémie
grave, hyposystolie, thrombose veineuse, hémiplégie, sénilité, etc.
Sur un nouveau traitement curatif des névralgies périphériques.
M. C. Ballabené, de Rome, se propose de démontrer que la dou-
leur physique, même unique symptôme, doit être prise en consi-
dération sérieuse et motiver un traitement curatif, parce qu'en
quelques cas une névralgie seule peut tuer le malade. Il cite la
sciatique, le lumbago, la névralgie, le plexus brachial. Il passe en
revue beaucoup de remèdes jadis employés pour ces maladies, et
beaucoup d'autres, qu'on emploie aujourd'hui pour calmer la dou-
leur et fait remarquer les qualités thérapeutiques de chacun d'eux.
Il traite enfin d'une nouvelle préparation, le valérianate de méthyl,
qu'il a nommée alonicon, terme grec ancien, qu'on traduit
« vainqueur de la douleur » et qui est en solution dans l'eau,
composée par M, Joseph Pifferi, de Rome. Il explique les motifs qui
l'amenèrent à essayer cette préparation, remarque les effets qui
résultent de son application hypodermique profonde, cite quelques
cas de guérison et enfin le propose comme le remède le plus effi-
cace et le plus innocent pour la cure des névralgies périphériques.
Etude clinique et anatomo-pathologique d'un cas d'hématomyélie
centrale.
MM Pitre et SABRAZÈs,de Bordeaux. Il s'agit d'un cas d'hémato-
myélie centrale de la partie effilée du renflement lombaire consé-
cutif à un traumatisme de la colonne vertébrale remontant à plus
de deux ans. Le foyer de sang épanché en pleine substance grise,
dans la moitié droite de la moelle qui n'était pas rompue, en dehors
du canal épendymaire, a été le point de départ d'une cavité volu-
mineuse sur les parois de laquelle se sont déposés des amas d'hé-
matoïdine amorphe et cristallisée. La névroglie ambiante a pro-
gressivement formé une capsule qui, de proche en proche, a
successivement empiété sur la substance grise et sur les divers
cordons. Autour de ce kyste d'origine hématiquo évoluait sourde-
ment un processus progressif de gliose tendant à gagner excentri-
quement la périphérie de la moelle.
Nous. tenons surtout à faire ressortir l'extension prise par ces
SOCIÉTÉS SAVANTES. , 443
phénomènes de gliose autour d'une hématomyélie tubaire qui a
joué pendant plus de deux ans le rôle d'épine irritative vis-à-vis de
la névroglie.
Cliniquement, les symptômes observés jusqu'à la mort apparte-
naient à la série syringomyélique; l'atrophie musculaire, extrê-
mement marquée, marchait sensiblement de pair et respectivement
sur chaque membre inférieur avec la dissociation sensitive. Anato-
miquement ce fait tire son intérêt de la survie du malade, pendant
plus de deux ans, et des données de l'autopsie.
En somme, il découle de ce cas que l'hématomyélie centrale
peut simuler, au point de vue clinique et anatomo-patholoique,
certaines formes de syringomyélie à évolution lente ou à symp-
tômes stationnaires.
Contribution et l'étude de la pathogénie de la maladie deBasedotu.
1\1, H,\SKOVEC, de Prague. On connaitbien l'insuffisance des diverses
théories en ce qui concerne la pathogénie de la maladie de Basedow,
qui ont été émises jusqu'à présent. C'est la théorie de l'intoxica-
tion, soutenue par la plus grande partie d'auteurs de tous les pays,
qui semble prédominer à présent. Mais on est loin encore d'avoir
élucidé le mode de cette intoxication. On parle de l'altération de
la nutrition générale à cause de la glande thyroïde altérée ou de
l'hyperthyroïdation qui peut être primaire ou secondaire et
dépendre elle-même d'un trouble du système nerveux. Quoi qu'il en
soit, les expériences que j'ai faites dans l'institut de M. Spina, à Pra-
gue, et qui concernent l'action du liquide thyroïdien surle système
nerveux central, sont assez intéressantes et importantes pour
qu'elles nous puissent intéresser à ce point de vue. Elles nous mon-
trent en même temps l'importance des travaux expérimentaux et
biochimiques, même dans la neurologie.
Voici le résultat de mes recherches. Le liquide thyroïdien pro-
duit, après l'injection intra-veineuse, une diminution delà pression
sanguine intra-artérielle et l'accélération du pouls, tel le symp-
tôme cardinal de la maladie de Basedow. Quelle est la cause de
celte accélération ? Elle peut paraître ou bien après la paralysie
du centre ou de l'appareil périphérique du nerf vague, ou bien
elle est l'effet d'une excitation des centres intra-cardiaques et du
muscle du coeur même, et enfin elle peut être causée par l'excita-
tion des nerfs accélérateurs.
Mais l'on observe l'accélération du pouls même quand on a
coupé les nerfs vagues ou quand on a paralysé leur appareil
périphérique au moyen de l'atropine. Or, ce n'est pas la paralysie
du nerf vague qui entraîne l'accélération du pouls dont il est ques-
tion. Si nous tranchons le bulbe, on n'observe aucune accélération
du pouls après l'injection thyroïdienne. Cela prouve que ce n'est
444 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pas aussi l'excitation directe du coeur qui cause son accélération,
et on est conduit à croire que c'est le centre des nerfs accélérateurs
dans le bulbe qui est inlluencé par le liquide thyroïdien. -
Pour en donner une preuve directe, j'ai excisé les premiers gan-
glions dorsaux (ganglia stellata) dans lesquels se trouve le plus
grand nombre de fibres accélératrices; dans une autre série d'expé-
riences j'ai coupé la moelle au-dessus de la première vertèbre dor-
sale qui, d'après Stricker et Wagner, renferme aussi les nerfs
accélérateurs. Je n'ai observé dans ces cas, après l'injection thyroï-
dienne, aucune accélération du pouls, ou bien celle-ci était presque
insignifiante et elle n'est jamais montée à celle que l'on a rencontrée
avant l'excision des ganglions stellaires. On observe, au contraire,
quelquefois un léger retard du pouls. Le nerf vague (Schiff el
Moleschott) et le nerf sympathique cervical (Bezold) renferment
aussi de leur côté quelques fibres accélératrices; ainsi, si nous
coupons en même temps les ganglions stellaires et le vago-sympa-
thique, on n'obtient jamais, après l'injection thyroïdienne, une
accélération du pouls.
On peut observer l'accélération du pouls, après l'injection thy-
roïdienne, même dans le cas où le pouls, par suite d'un tonus
exagéré du nerf vague, est ralenti. Dans le cas où l'on irrite, par
exemple, le centre du nerf vague par l'absence de l'oxygène, par
la cessation de la respiration artificielle, on obtient le même effet.
L'accélération peut monter jusqu'à 166 p. 100. J'ai injecté régu-
lièrement 1 ou 2 centimètres cubes de liquide que l'on obtient par
la macération aqueuse de 4 glandes thyroïdes de chiens ou de
celles de moutons (15-20 grammes thyroïdini siccati Merck,
100 grammes d'eau distillée).
' Nous avons jeté par ces faits une nouvelle lumière sur le rapport
existant entre le nerf vague et le nerf accélérateur, et nous avons
mis en lumière pour la première fois la possibilité de l'excitation
toxique du centre des nerfs accélérateurs.
En ce qui concerne la diminution de la pression sanguine intra-
artérielle, elle ne dépend pas de l'accélération constatée, elle n'est
pas exclusivement d'origine bulbaire et elle peut dépendre au=si ou
bien des centres spinaux ou bien de la périphérie même. La réso-
lution de ce problème ainsi que l'étude histologique spéciale con-
cernant les bulbes dans les cas d'hyperthyroïdation font l'objet
d'autres études.
Valeur· thérapique du courant galvanique dans le goitre exophtalmique.
M. En. BERTRAN, de Barcelone. Le courant galvanique continu,
en application bulbo-thyroïdienne, est utile, même considéré
comme traitement empirique. ·
Les principaux avantages obtenus par ce procédé électrothéra-
I
SOCIÉTÉS SAVANTES. 445
pique sont : a) Diminution ou disparition de l'exophtalmie ;
z) Amélioration graduelle, assez rapide, des troubles de l'innerva-
tion cardiaque, jusqu'à la réintégration complète dans l'état nor-
mal ; c) Soulagement corrélatif des altérations du fonctionnement
général de l'individu, jusqu'au rétablissement total; d) Diminution
(presque jamais résolution complète) de l'hypertrophie du corps
thyroïde. ,
Emploi des machines électro- statiques pour la radioscopie.
M. S. LEDUC, de Nantes. En employant des bouteilles de Leyde
convenablement disposées, il est possible d'utiliser les machines
électro-statiques pour toutes les applications delà radiographie et
de la radioscopie.
M. j\IAIXNEIt, de Prague. Le caractère familial de la paralysie
musculaire hypertrophique est démontré de nouveau par l'obser-
vation clinique de trois soeurs, qui descendent d'une famille neuro-
palhique. Les premiers symptômes apparurent chez toutes les trois
soeurs à t'age de dix ans. L'aînée mourut des conséquences de cette
maladie à l'âge de dix ans ; la seconde soeur présente à ce moment
un accroissement remarquable des muscles du mollet, des muscles
extenseurs quadrijumeaux, glutéens, et des muscles extenseurs de
la colonne vertébrale ; elle-même est forcée de garder le" lit. à
cause d'une contraction permanente des muscles du mollet. Chez
la cadette, âgée de onze ans, commence à se développer à ce temps
un agrandissement du mollet, une marche balançante, une impuis-
sance et maladresse quand elle exécute des mouvements exi-
geant un peu plus d'attention. L'évolution classique des manifes-
tations exclut tout doute sur la nature de la maladie. -
La question, s'il y a dans la paralysie musculaire hypertrophique
des lésions anatomiques de la moelle épinière, n'étant pas encore
jusqu'ici définitivement décidée, il était nécessaire de les sou-
mettre à des recherches anatomiques minutieuses. Des altérations
importantes ont été trouvées dans la moelle épinière et dans les
troncs nerveux. Dans la moelle, ces lésions s'observent dans les
cellules ganglionnaires antérieures, dans la névroglie des cornes
antérieures et dans le système vasculaire; mais aussi dans la subs-
tance blanche de la moelle, des troubles dégénératifs se sont éta-
blis d'une manière plus spéciale dans la région lombaire et cervi-
cale que dans la région dorsale de la moelle. Dans le nerf crural
et nerf ischiatique et dans les troncs du plexus brachial, il existe
uue prolifération insolite du tissu conjonctif entre les faisceaux et
les fibres de nerfs ; les fibres nerveuses sont soumises aux altéra-
tions dégénératives qui, passant par des stades divers, finissent
par la destruction des fibres nerveuses. Des morceaux de muscles
. pris du muscle gastro-cnémien, des muscles quadrijumeaux et du
446 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
muscle deltoïde présentent les altérations connues. Pour con-
trôler ces observations et y établir un parallèle, on fit des recher-
ches comparatives sur une moelle saine et sur des troncs ner-
veux sains d'une personne du même âge; les préparations en
furent colorées selon les mêmes méthodes de coloration.
Considérations sur lu paralysie générale.
1\1. CH, Vallon (de Paris). Suivant l'auteur, l'hérédité, la syphilis
et l'alcool constituent une sorte de trépied qui est la base étio-
logique de la paralysie générale. Quelquefois, en l'absence
d'antécédents héréditaires, la syphilis peut, seule causer la para-
lysie générale ; il en est de même de l'alcoolisme ; mais celui-là
remplit les meilleures conditions pour devenir paralytique géné-
ral qui, héréditairement prédisposé aux maladies cérébrales, con-
tracte la syphilis et, de plus, se livre à des excès alcooliques. La
paralysie générale est intimement liée aux autres allections céré-
brales et mentales. Les paralylytiques généraux procréent souvent
des enfants idiots. épi ! eptiques`eu vésaniques.
On a prétendu que la syphilis et l'alcool ne produisaient pas la
paralysie générale vraie, mais seulement des pseudo-paralysie,
générales. L'auteur montre la fausseté de celle proposition, en
s'appuyant sur les recherches histologiques de M. Biswinger.
De la paralysie progressive chez la femme.
M. B. GREIDENBERG (de Simphéropol). - Les cas de paralysie gêné
raie chez la femme sont devenus ces derniers temps beaucoup plus
nombreux et leur nombre progresse relativement plus vite que chez
les hommes. D'après nos données de ces dernières douze années,
pour le gouvernement de la Tauride, le rapport est de 2 à 1.
Les rapports de cette. maladie, chez les hommes et chez les
femmes, se trouvent soumis à toute une série de conditions géné-
rales et individuelles et ne peuvent donc tout naturellement par
être partout les mêmes.
La propagation de la paralysie progressive dans les différentes
classes de la société parmi les femmes et les hommes est tout à
fait opposée; chez les hommes, elle a commencé par les classes éle-
vées et n'est descendue que graduellement dans les classes
moyennes et les basses classes; chez les femmes, au contraire, c'est
une maladie qui, jusqu'à présent, n'a exclusivement existé que
dans les basses classes et ne pénètre que depuis peu dans les classes
moyennes et les classes élevées; chez les hommes, la paralysie pro-
gressive, d'aristocratique qu'elle était, devient de plus en plus
démocratique; chez les femmes, c'est le contraire.
Les causes sont les mêmes chez les hommes que chez les femmes,
sociétés savantes. 447 ï
mais leurs combinaisons diffèrent pour les deux sexes. Le tableau
clinique chez les femmes offre certaines singularités qui lui donnent
un cachet particulier. Le cours de la paralysie progressive est plus
lent chez les femmes que chez les hommes, par conséquent la durée
de la maladie pour elles est, en moyenne, un peu plus longue que
chez ces derniers.
Quelques observations sur la symptomatologie de la syringomyélie. 1
M. Maixner (de Prague). Dans une série de cas où la syringo-
myélie se présenta sous le type élevé par Kahler, Schultze et Schle-
singer, quelques observations cliniques sont notées, qui méritent
de l'intérêt à cause de leur caractère. Il s'agit de deux cas de chei-
romégalie unilatérale, d'un cas qui se présente sous l'aspect de la
maladie de Raynaud, d'un cas compliqué de tahes et enfin d'une
observation concernant la syringomyélie à type Morvan.
Contribution ci l'étude des dégénérescences propagées. Altération des
cordons postérieurs secondaire ci une lésion cérébrale en foyer; par le
D'' G. DURANTE (Paris).
Nouvelle observation d'altération des cordons postérieurs con-
sécutive à une altération en foyer de l'écorce cérébrale. Cette obser-
vation vient appuyer celles que nous avons déjà publiées anté-
rieurement en 1894 et 1895, où Jes mêmes altérations des cordons
postérieurs se retrouvaient à la suite de foyers de ramollissement
intéressant le centre optique dans le premier cas et l'écorce céré-
brale dans le second cas.
La dégénérescence rétrograde qui, à la suite de l'interruption
d'un tronc nerveux, remonte dans le bout central vers le centre
trophique, mise en lumière par V. Gudden, est très connue aujour-
d'hui et a été retrouvée aussi bien dans les centres (dégénérescences
ascendantes du faisceau pyramidal, certains faits de sclérose com-
binée) que dans les nerfs périphériques. Ce que l'on admet moins
généralement, c'est que, de la même façon que la dégénérescence
wallérienne, cette dégénérescence rétrograde puisse se propager
d'un neurone au neurone suivant.
Nous croyons cependant que, comme celles que nous avons
publiées antérieurement, l'observation que nons apportons est un
nouveau fait d'altération des cordons postérieurs secondaire à une
lésion cérébrale, par dégénérescence rétrograde propagée à tra-
vers les relais bulbaires.
Quelques considérations sur le traitement du labes dorsalis; par le
D1' RÛCIILli'OE (Paris).
I. Les rapports intimes qui existent entre le tabes et la syphilis
448 SOCIÉTÉS savantes.
et qui nous font considérer le tabès comme une affection métasy-
philitique (dans le sens de \foehius), justifient à priori l'application
dans le tabes des moyens spécifiques (antisyphilitiques).
En réalité cependant, le traitement classique, mercuriel ou iodo-
mercuriel, est d'une efficacité très relative et même contestable
dans le tabes. Néanmoins, il reste indiqué dans la première
période de la maladie encore en pleine voie d'évolution, où il peut
influencer, au moins d'une façon indirecte et dans une certaine
mesure, les toxines spéciales qui sont la cause présumée de régé-
nération tabétique du système nerveux. L'usage des iodures à hautes
doses, surtout dans les stades avancés du tabes, nous parait irra-
tionnel. Quant à la sérothérapie antisyphilitique, les essais que nous
avons faits avec le sérum de'Richet-Héricourt lui sont défavorables.
II. L'organothérapie nous parait privée de toute espèce d'impor-
tance au point devue du traitement radical du tabes. Tout au plus
peut-on lui accorder une influence tonique générale, et encore très
contestable.
III. Les médications physiques, notamment la balnéothérapie et
l'hydrothérapie, l'étectrothérapie, le massage et la gymnastique',
sont, au contraire, d'une très grande utilité et doivent être mises
au premier plan dans le traitement du tabes. La principale indi-
cation dans le tabes doit viser l'état général du malade et tâcher
de relever 'par un ensemble de mesures diétético-hygiéniques les
forces physiques et morales de l'organisme, et de compenser les
effets de la maladie.
Contribution sur la pathologie et sur l'anatomie pathologique du
tabès clorsalis; par le Dr R. COLELU (Messine).
Me guidant sur les recherches que je viens d'exposer, je propo-
serai les conclusion ? suivantes principales : 1. Dans le tabes dor-
salis on peut observer des paralysies amyotrophiques très graves
et répandues, même lorsque la substance grise antérieure de la
moelle épinière présente seulement des modifications histologiques
à peine appréciables et très circonscrites. 2. Ces paralysies
amyotrophiques sont en dépendance, la plupart, d'une altération
primitive, généralisée et profonde des racines antérieures de la
moelle épinière. 3. Ces altérations sont constituées par des
névrites radiculaires parenchymateuses, et par des foyers nécro-
tiques répandus dans les racines médullaires.
Dr JACOB (Berlin). - .1. Il a été impossible jusqu'à présent d'obte-
nir une guérison ou une amélioration notables dans le tubes dorsal
au moyen du traitement spécifique. 2. Le traitement mécanique
1 Personnellement c'est L la. balnéothérapie, à l'hydrothérapie, au
massage, à la gymnastique, joints aux médicaments répondant à des
indications spéciales que nous avons recours. (B.) -)
S.OCIÉTÉS SAVANTES. 449'
(compensatoire) nous promet, au contraire, des résultats qu'aucun'
autre système de traitement n'a encore donnés. Cette méthode n'a
pas pour but la guérison de la maladie elle-même, mais elle tend',
à soulager ou à mettre finaux troubles de coordination au moyen
d'exercices méthodiques. Le malade doit apprendre à se rendre'
maître de ses mouvements, malgré l'affaiblissement de la sensibi-
lité (sens musculaires). 3 Ces exercices ne peuvent pas avoir
d'heureux résultats si on se borne à de simples indications; des')
appareils organisés spécialement dans ce but sont nécessaires, et
une direction méthodique de plusieurs semaines au moins estindis-i
pensable. ,
Moyens thérapeutiques qui s'adressent aux causes du tabès '(syphilis,
arthritisme, surmenage, etc.) ; par M. Grasset, de Montpellier,
rapporteur. i
11, En tête, nous trouvons la syphilis et la grave question du trai-'
tendent spécifique dans le tabes. On instituera le traitement spéci-
fique dans le tabes toutes les fois que la syphilis sera certaine dans
les antécédents du sujet. Quand les traitements spécifiques anté-
rieurs ont été insuffisants, l'obligation de traiter est plus stricte !
Mais cette obligation ne disparaît pas, quoique alors moins étroite,
quand les traitements spécifiques antérieurs paraissent avoir été-
suffisants, parce qu'on n'est jamais sûr de la chose qui est toujours
fort ancienne.
Je crois même qu'on fera bien d'instituer le traitement, toutes
les fois que la syphilis antérieure sera probable, ou même seule-
ment possible. On ne s'abstiendra donc de tout essai thérapeutique
dans ce sens que si on est absolument certain de l'absence de toute
syphilis antérieure. Or, il me paraît absolument difficile d'avoir
une certitude de ce genre. D'où la règle pratique que j'enseigne en
fait (avec quelques rares exceptions) qu'on doit toujours instituer
le traitement spécifique chez un tabétique que l'on voit pour la
première fois ou plutôt dont on est le premier médecin.
Le traitement institué dans ce cas sera toujours le traitement
mixte, et, sauf intolérance constatée et persistante, il devra durer
trois mois.
Le mercure sera donné par la bouche : 5 à 10 centigrammes de
proloiodure ou de gallate de mercure, 5 à 10 milligrammes de
sublimé. Il vaut mieux, en général, les frictions napolitaines
avec massage sous les aisselles et les jarrets ou le long de la
colonne. C'est ce que j'emploie le plus habituellement. On peut
aussi faire des injections. Spillmann fait des injections intra-mus-
culaires de thymolacétate ou de cyanure ; j'emploie habituellement
l'huile grise suivant la formule de Gay que j'ai donnée ailleurs. ,
Si on fait les frictions, qui sont le procédé de choix, sur les trois,
Archives, 2e série, t. IV. 29
450 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mois de traitement, on les fait à 5 reprises pendant dix jours,
suivis de dix jours de repos. Pendant les mêmes trois mois, on
donnera l'iodure de potassium à la dose quotidienne croissante de
1 à 6 grammes ou même 8 grammes par la bouche ou en lave-
ment.
- Après ce premier traitement, la conduite variera suivant les
effets obtenus. S'il n'y a aucune espèce d'effet, ni amélioration
(même légère), ni temps d'arrêt sur aucun point, il me parait
inutile de continuer le traitement spécifique ou de recommencer
plus tard sous une forme quelconque. Si au contraire il y a un
effet quelconque, qui puisse faire soupçonner une action heureuse
de la médication, il faut la continuer ou la reprendre plus tard.
Si l'effet a été très marqué et par suite est très encourageant, ou
si, l'effet étant médiocre, les traitements antisyphilitiques anté-
rieurs ont été nettement insuffisants, on continuera.sans désem-
parer, mais en employant la méthode des indications alternantes,
successivement et alternativement par le mercure et l'iodure de
potassium. Si, au contraire, les effets sont médiocres et si les trai-
tements spécifiques antérieurs sont suffisants, on suspendra le
traitement spécifique, pour le reprendre trois mois après.
Dans la formule générale du traitement du tabes on fait alors
figurer la médication spécifique deux fois par an, au printemps et
à l'automne, trois mois chaque fois.
A ce traitement antisyphilitique se rattache la prescription de
certaines eaux minérales qui peuvent agir par elles-mêmes ou
bien facilitent l'emploi et augmentent l'action de la thérapeutique
médicamenteuse. Ce sont les eaux éliminatrices (surtout chloru-
rées) comme Aulus, Balaruc, Brides, Carlsbad, Badenbaden, Wies-
baden; ou les eaux sulfureuses comme Luchon, Baden bei Wien,
Aix-en-Savoie ; ou les eaux chlorurées et sulfureuses comme
Uriage, Aix-la-Chapelle, Baden en Argovie...
Toujours dans le même ordre d'idées, si l'iodure n'était absolu-
ment pas toléré, on pourrait donner les sels d'or, notamment le
chlorure d'or et de sodium, à la dose quotidienne de 5 à 10 milli-
grammes en solution. Galezowski fait à la région temporale des
injections hypodermiques de 5 à 15 milligrammes de cyanure d'or
et de potassium ;
2° A côté de la syphilis et après elle, il faut placer l'arthritisme
comme élément étiologique faisant, dans certains cas de tabes,
indication thérapeutique. Si l'arthritisme n'apas, comme la syphi-
lis, un traitement' spécifique, il y a du moins des moyens de le
modifier thérapeutiquement. Tels sont : les alcalins et les iodures
à dose faibles longtemps continués dans l'arthritisme en général,
les salicylates quand les origines sont rhumatismales, la lithine
quand elles sont goutteuses, l'arsenic ou le soufre si les manifesta-
tions sont plutôt herpétiques.. -
SOCIÉTÉS SAVANTES. 451
On peut, par exemple, combiner un traitement de la manière
suivante : les dix premiers jours de chaque mois, 50 centigrammes
d'iodure alcalin (en solution) et un cachet de 50 centigrammes de
salol et 50 centigrammes.de bicarbonate de soude à chaque repas
principal (deuxfoisparjour). Les dix ourssuivan ts, 50 centigrammes
de salicylate de lithine (en solution) à chaque repas dans un verre
à bordeaux d'eau de Vichy (Hauterive ou Saint-Yorre) ou de Vals
(Vivaraise n° 5).
Il ne faut donc pas immobiliser le tabélique comme certains
neurasthéniques. Il faut le faire marcher, mais sans excès, c'est-à-
dire que le tabétique ne doit pas se forcer; il ne doit faire que ce
qu'il peut sans fatigue, il doit rester en deçà de la lassitude, sauf
à renouveler les séances. En d'autres termes, il faut permettre et
conseiller l'usage et l'exercice des mouvements encore possibles,
mais ne jamais tolérer l'abus, le surmenage. C'est ce qu'exprime
Erb quand il dit aux tabétiques : Vivez comme des vieux.
Dans ce paragraphe rentre aussi la question du régime des tabé-
tiques ; j'entends les tabétiques en général, abstraction faite des
règles alimentaires plus spéciaux qu'impose à certains leur nature
arthritique.
Dans quelques cas; dit Bouchard, où les névrites primaires du
tabes « m'avaient paru être toxiques et relevaient' d'une auto-
intoxication gastro-intestinale, j'ai vu des douleurs qui, dans deux
cas, allaient jusqu'à produire une certaine impotence et qui, dans
un cas, se compliquaient d'accidents cérébraux, céder très rapide-
ment à l'antisepsie du tube digestif il.
Le régime et l'antisepsie gastro-intestinale remplissent, dans ces
cas, une véritable indication causale. Nous y reviendrons à propos
des indications tirées de la lésion anatomique. En somme, les mé-
dications causales du tabes se résument dans ces trois principales :
la médication antisyphilitique, la médication antiathritique et
l'hygiène.
Des moyens thérapeutiques qui s'adressent aux lésions du tabes.
La lésion principale du tabes étant une sclérose médullaire, cette
lésion fera indication thérapeutique, soit à titre de lésion scléreuse,
soit à titre de lésion médullaire; c'est-à-dire qu'il y a des moyens
s'adressant à la sclérose et des moyens s'adressant à la moelle.
1° Moyens s'adressant à la sclérose. - Le traitement de la sclérose
est toujours le même, au moins dans ses lignes principales, quel
que soit le siège de la maladie. La localisation médullaire ne fait
pas exception et ne modifie pas ce principe. Le vrai médicament
de la sclérose, médullaire ou autre, reste l'iode sous ses différentes
formes.
On peut employer les iodures alcalins (potassium ou sodium),
non à dose antisyphilitique, mais àdoseanti-arthritique : 1 gramme
par jour, dissous dans 30 cent. cubes d'eau, pris en deux fois au repas,
452 'l) SOCIÉTÉS SAVANTES.
dans de l'eau vineuse, du lait ou de la bière. Si l'iodure était mal
toléré (hypercrinies des muqueuses oculaire et nasale et surtout
troubles gastriques), on le remplacerait par la teinture d'iode :
5 à 6 gouttes deux fois par jour, dans du lait.
Du reste, pour faciliter la tolérance des préparations iodées, on
associera quelques cachets de salol et de benzonaphtol, ou de salol
et de bicarbonate de soude (50 centigrammes de chaque à tous les
repas). Si la teinture d'iode donnait des douleurs d'estomac, on
l'associerait, à parties égales, avec le chloroforme. Ce traitement
peut en général être conlinué pendant de longs mois, avec un
repos de dix jours (pour vingt jours de traitement) tous les mois.
Beaucoup d'auteurs emploient ainsi l'iodure dans un but autre
que la lutte contre la syphilis. Je citerai Lancereaux, Magnan,
Teissier. « Je ne l'emploie (l'iodure), dit ce dernier, qu'à titre de
résolutif général et comme l'altérant de choix, destiné à enrayer
la production de la sclérose, qu'elle soit syphilitique, arthritique,
saturnine, mercurielle, ou alcoolique. » Il donne, en lavement,
un gramme parjour, dans une infusion de valériane.
Il me paraît, comme à Rauzier, légitime de placer le nitrate
d'argent ici, à côté de l'iode, parmi les altérants qui ont la préten-
tion de combattre l'élément sclérose. C'est le mémoire de Charcot
et Vulpian, fait d'après les travaux de Wunderlich, qui a lancé ce
médicament dans la thérapeutique du tabès. On emploie surtoutle
nitrate d'argent cristallisé en pilules de 1 centigramme, en pre-
nant pour excipient la mie de pain, qui réduit une portion du
sel à l'état métallique ; une autre portion est transformée en chlo-
rure d'argent. Bokai enrobe les pilules dans de l'argile blanche et
fait ingurgiter immédiatement après un peu de lait.
On peut aussi donner directement du chlorure d'argent, en
associant dans la même pilule (comme l'a fait Mialhe), 1 centi-
gramme de nilrate d'argent et 4 centigrammes de chlorure de
sodium. Au début, on donnait parjour 2 à 5 de ces pilules conte-
nant 1 centigramme de sel d'argent. Aujourd'hui beaucoup
d'auteurs ont plutôt de la tendance à diminuer ces doses, afin
d'éviter l'argyrie, et on prescrit alors le nitrate d'argent par milli-
gramme, au lieu de le prescrire par centigramme. En tout cas, il
faut interrompre de temps en temps le traitement : dix jours par
mois par exemple.
Rosenbaum a fait des injections hypodermiques de chlorure
d'argent (2 milligr. 1/2 et plus tard, milligrammes deux ou trois
fois par semaine) ; plus tard, il a injecté de l'argentamine (<lahy-
lendiamin silberphosphat).
Dans notre enquête, Lépine emploie le nitrate d'argent et déclare
c possible que ce médicament ne soit pas à rejeter » ; Berbez le
donne aussi, 1 à 3 centigrammes par vingt-quatre heures, par
cures de dix jours, dans la période d'augment de la maladie ;
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4S3
Mayet trouve qu' « on a trop délaissé le nitrate d'argent, qui peut
agir très utilement dans quelques cas sur les douleurs fulgurantes,
mais a peu d'action sur les troubles de la marche ».
J'ai personnellement l'habitude de donner le nitrate d'argent
quand il y a une intolérance absolue de l'iode sous toutes les
formes, ou bien j'alterne les sels d'argent avec les préparations
iodées quand la tolérance pour ce dernier médicament est limitée
et courte. Le nitrate d'argent serait donc un succédané de l'iode à
dose antiarlhrilique, comme nous avons vu que le chlorure d'or
serait le succédané de l'iode à dose antisyphilique. On connaît
l'action vaso-constrictive de l'ergot de seigle, et depuis les travaux
de Tuczek, confirmés expérimentalement par Grunfeld, Kokotin,
etc., on connaît aussi l'action spéciale de cet agent sur les cordons
postérieurs de la moelle. On comprend dès lors qu'on ait
employé ce médicament dans le traitement du tabes.
Brown-Sequard l'administrait dans les congestions de la moelle
et les myélites. Dans le tabes, Charcot l'employait volontiers et
donnait, par exemple, matin et soir, 25 centigrammes d'ergot
récemment pulvérisé.
Si ce médicament n'a « jamais donné de résultat marqué » à
André, Lépine a cru au contraire en « obtenir parfois quelques ré-
sultats », et Bidon emploie d'une manière presque constante l'ergo-
tine (une semaine par mois), alternée avec l'iodure (trois semaines
par mois). Magnan donne l'ergot trois jours par semaine et la
phénacétine les quatre autres jours : chez trois tabétiques, il a vu des
douleurs en ceinture, des constrictions pénibles de la base du
thorax et des troubles urinaires amendés par ce traitement au bout
de six semaines à deux mois.
Ce médicament n'est pas sans inconvénients possibles. J'ai publié
un fait démonstratif à ce point de vue : parti de 0 gr. 25 par jour,
le malade était arrivé à prendre 1 gramme par jour et en éprouva
les plus fâcheux effets, qui disparurent en grande partie après la
suppression du médicament. Le seigle ergoté peut nuire aux tabé-
tiques soit en exerçant sur la moelle une action trop énergique et
déprimante, soit en facilitant le développement des gangrènes. Il
faut donc se garder des doses trop élevées et surtout trop longtemps
continuées sans interruption. Si on alterne avec l'iodure, on peut
adopter pour le seigle ergoté le rythme, soit de trois jours par
semaine, soit de cinq jours tous les quinze jours, et alors donner
seulement, 5 centigrammes matin et soir le premier jour, en aug-
mentant tous les jours de 5 centigrammes jusqu'à'15 ou 25 centi-
grammes, pro die.
L'élément indicateur de cet agent, dans la sclérose tabétique,
réside surtout dans la flexion médullaire, que l'ergot combattra
- quand elle est active et que l'ensemble du système vasculaire n'est
pas trop profondément altéré. Par conséquent, le seigle ergoté
454 SOCIÉTÉS SAVANTES.
serait plutôt le médicament de poussées, aiguës ou subaiguës, dans
le tabes ; beaucoup moins utile dans les périodes franchement
chroniques et plutôt nuisible dans les rémissions.
Dans le traitement général des scléroses, le régime joue un
rôle absolument de premier ordre. C'est également vrai pour les
cas où la sclérose est localisée sur ie protoneurone centripète.
Nous avons vu que Bouchard avait constaté la mauvaise
intluence que les poisons alimentaires peuvent exercer sur les tabé-
tiques et les heureux effets des antiseptiques du tube digestif. La
chose est absolument vraie et plus classique pour les scléreux en
général. L'alimentation doit fournir aux scléreux le moins de poi-
sons possible : 1° parce que ces poisons sont souvent la cause et le
point de départ de nouvelles poussées sléreuses ; 2° parce que la
sclérose envahit souvent les organes éliminateurs ou destructeurs
comme le rein ou le foie, ce qui accroît notablement la nocivité
des produits toxiques développés dans le lube digestif.
D'après ces considérations, ou voit qu'il y a un régime des tabé-
tiques, comme nous avons vu plus haut qu'il y a une hygiène des
tabétiques. Seulement ce régime sera plus ou moins sévère et par
suite différent suivant l'intensité ou plutôt suivant l'étendue de la
sclérose, dans chaque cas particulier. On peut schématiquement
admettre trois degrés, qui serviront de cadre aux divers faits indi-
viduels.
a) Si la sclérose est limitée à la moelle, le régime sera surveillé,
mais sans règle très étroite. On évitera l'encombrement intestinal
et les fermentations vicieuses : une purgation de temps en temps
fera du bien ; on ne permettra ni gibier ni viandes faisandées ;
on pourra joindre des antiseptiques (naphtol et salol : 50 centi-
grammes de chaque au repas), médicaments qui sont du reste
l'adjuvant utile de la plupart des traitements choniques prolongés.
b) Si la sclérose a envahi simultanément d'autres organes que la
moelle (artères, veines, coeur...), le régime sera plus sévère et de
lait devra commencer à occuper une large place dans l'alimenta-
tion ; les viandes seront bien cuites et très divisées. On pourra
même en arriver à conseiller le lait comme boisson exclusive aux
repas.
c) Enfin, si la sclérose a envahi, en même temps que la moelle,
des organes de première importance pour la destruction ou l'éli-
mination des poisons, comme le foie et le rein, le régime, devenu
très étroit, sera par exemple le suivant : le matin, à 8 heures, un
bol de lait, à midi déjeuner ordinaire (comme b) et eau vineuse,
à 4 heures soir un bol de lait, à 7 heures soupe au lait, légumes
au lait et bol de lait, à 10 heures bol de lait (ainsi que dans la nuit
s'il y a un réveil spontané ou deux).
Si la même sclérose rénale était portée à un haut degré, il fau-
drait imposer le régime maigre ou le régime lacté. absolu et exclu-
.SOCIÉTÉS SAVANTES. 455
sif, au moins pour un temps. Ceci rentre dans le traitement des
scléroses autres que la sclérose médullaire, scléroses autres qui
peuvent coexister parfois avec le tabès. -- ,
2° Moyens 's'adressant à la moelle. Les agents thérapeutiques
de ce groupe s'adressent, comme les précédents, à la sclérose.
Seulement ils sont commandés ou modifiés par ce fait particulier
que la sclérose est, chez nos malades, localisée sur la moelle : ils
cherchent à modifier spécialement la moelle. Pas n'est besoin
d'insister sur la révulsion locale, le long de la colonne vertébrale :
c'est un procédé classique, rationnel du reste, mais pour lequel
l'enthousiasme des médecins a plutôt besoin d'être refréné qu'ex-
cité. -
D'une manière générale, ce moyen thérapeutique s'adresse sur-
tout, 'comme le seigle ergoté, aux phases congestives qui précèdent
et préparent les poussées scléreuses. Ces périodes sont surtout
marquées, en clinique, par une recrudescence de crises doulou-
reuses, des troubles des sphincters, des aggravations motrices, etc.
A ces phases, cliniquement bien définies, s'adresseront les pointes
de feu ou les vésicatoires, le long du rachis. Le vésicatoire cantha-
ridien ne sera appliqué qu'avec les précautions d'usage et s'il n'y a
aucuu signe de sclérose rénale ; dans le cas contraire, on emploiera
le vésicatoire à l'ammoniaque ou au chloral. Les badigeonnages
de teinture d'iode ont un effet beauconp plus atténué et doivent
être répétés souvent et largement pour n'avoir pas un effet nul.
Certains auteurs, comme Magnan et Teissier, préfèrent ce
dernier moyen aux pointes de feu. Berbez fait cette révulsion avec
les ventouses scarifiées et les pointes de feu.
S'appuyant sur les expériences de Rung, qui établissent l'action
exercée sur les vaisseaux de la moelle par les bains froids limités
aux extrémités inférieures, Hoenelin réchauffe les membres infé-
rieurs du tabétique dans une couverture ou un bain de vapeur ;
puis, immédiatement après, il fait une affusion froide à 20° ou une
application de linges imbibés d'eau à la même température, ou
une immersion dans un bain de pieds froid (10 à 20°), pendant
quinze à soixante secondes. 1
En dehors de ces poussées nettement définies, le tabes, même
chronique, tant qu'il est progressif, a des poussées latentes clini-
quement : de là l'usage rationnel des pointes de feu le long 'du
rachis, tous les'huit ou dix jours, même dans les formes chro-
niques. J'estime que les indications de la révulsion locale dispa-
raissent dans les rémissions du tabes. '
Dès 1887, Brown-Sequard avait montré les bons effets, dans le
tabes, des pointes de feu appliquées, non plus le long du rachis,
mais le long , des membres inférieurs. Cette action est facile à
admettre et à expliquer soit par une action inhibitrice à distance,
soit par une .action sur .les, névrites, que.'nous avons vues être
ŸJG SOCIÉTÉS SAVANTES.
/
l'élément anatomique le plus curable du tabes. Ainsi, A. Robin les
applique très superficielles, le long des nerfs périphériques, en
commençant par les pieds et en remontant graduellement le long
des membres inférieurs, et leur demande une action inhibitrice
sur la moelle.
Le plus souvent,, on préfère appliquer les pointes de feu au
niveau des lésions présumées. Il y a alors des éléments cliniques
précis dans chaque cas particulier, pour décider l'opportunité et le : lieu d'application des pointes de feu : quand l'analyse clinique révé-
lera l'existence d'une poussée névritique, on appliquera des
-pointes de feu à la périphérie, le long de ces nerfs; quand on aura
lieu de supposer une poussée myélitique, on appliquera ces mêmes
- pointes de feu le long de la colonne vertébrale. Si on est autorisé
à supposer qu'il n'y a aucune poussée, ni au centre ni à la périphé-
rie, on s'abstiendra de toute révulsion locale. L'électrothérapie
n'est pas un agent thérapeutique univoque dans ses applications au
traitement du tabes.
Le traitement symptomatique peut se grouper sous cinq chefs
principaux : 1° Les douleurs fulgurantes et les crises viscéralgiques
sont justiciables de tous les sédatifs : opium (éviter le plus pos-
sible les injections de morphine), antipyrine, etc. Contre les crises
d'estomac, on a employé l'oxalate de cerium. L'étude du chimisme
stomacal dans chaque cas fournira des indications complémentaires
utiles. Au même groupe appartient une série de moyens externes :
révulsifs, chloroforme, eau chaude, électricité, eaux minérales
sédatives ;'
2° A l'amyosthénie et à l'asthénie on a opposé la médication
séquardienne et la transfusion nerveuse, qui peuvent être rempla-
cées aujourd'hui par les injections de sérum artificiel et de glycé-
rophosphates. Au même groupe appartiennent les toniques
internes (généraux et spéciaux) et aussi le massage et l'hydrothé-
rapie, l'électricité et certaines eaux minérales;
3° Contre l'ataxie, la rééducation des muscles suivant la méthode
- de Frenkel est un récent et utile moyen : c'est la,rééducation de
la moelle par le cerveau ou le développement, par faction céré-
brale, d'une compensation médullaire, compatible avec la persis-
tance da la lésion (comme dans le cas de Schultze). Ce moyen doit
être employé en dehors des poussées aiguës ou subaiguës, quand
la vue, les fonctions intellectuelles et la force musculaire sont
suffisamment conservées ;
4° Sans parler de l'hystérie simulant le tabes et de l'association
hystéro-tabétique, on peut dire que les phénomènes névrosiques
'occupent dans la symptomatologie du tabes une place beaucoup
plus importante qu'on ne le croit et qu'on ne le dit généralement.
.Le premier et le principal moyen pour combattre ces symptômes
,est la suggestion. Au même groupe appartiennent certaines
SOCIÉTÉS SAVANTES. 457 Î
applications électriques, l'hydrothérapie et certaines eaux minérales.
5° Enfin les troubles vésico-rectaux, les troubles oculaires, les
troubles trophiques, les troubles circulatoires, les crises bulbaires
sont le point de départ d'indications spéciales dans certains cas.
Atrophies musculaires.
M. FRIEDEL PICK (de Prague). Dans différents cas il est impos-
sible d'établir, suivant le tableau clinique de l'atrophie, une sépa-
ration nette entre les formes spinales et myopathiques des atro-
phies musculaires.
A une période plus avancée d'atrophie myopathique primaire,
on rencontre des dégénérescences des uerfs périphériques, qu'on
doit regarder et considérer comme étant secondaires.
Sur la nature des modifications de la moelle épinière dans le tabès.
M. L. DARKSCIIEWITSCU (de Kasan). La modification des cor-
dons postérieurs de la moelle dans le tabès dorsalis n'est pas une
affection primaire, mais un phénomène secondaire.
Deux processus morbides surtout paraissent être la cause de
cette modification secondaire :
a) Des modifications inflammatoires du système nerveux péri-
phérique ;
6) Une inflammation chronique et progressive des enveloppes
molles de la moelle.
Ces deux causes initiales peuvent être combinées avec prépon-
dérance de l'une ou de l'autre.
L'inflammation du système nerveux périphérique peut provo-
quer une dégénérescence rétrograde, qui s'étend aux faisceaux
des racines postérieures. '
Dans la moelle, ces modifications se localisent dans la zone
d'expansion des faisceaux des racines postérieures.
Les modifications des cellules des ganglions inter-vertébraux,
dans cette dégénérescence ascendante des faisceaux sensitifs,
paraissent être de l'atrophie simple et correspondent aux modifi-
cations des cellules des cornes antérieures, qu'on rencontre dans
la dégénérescence rétrograde des faisceaux moteurs.
L'atropie des cellules des cornes antérieures résulte de la mor-
bidité des faisceaux moteurs périphériques.
La leptoméningite, qui provoque des modifications tabétiques
dans la moelle, se localise presque exclusivement dans la zone
d'expansion de l'articulation spinalis postérieure.
Ces modifications ne se rencontrent que suivant l'étendue du
processus morbide dans les racines postérieures.
(A suivi'e.)
ASILES D'ALIÉNÉS.
Notice sur l'Asile DE DURY (Somme).
L'asile public d'aliénés du département de la Somme est situé
sur le territoire de la commune de Dury, à 3 kilomètres environ
au sud d'Amiens, en bordure de la route nationale de Paris àDun-
kerque. Il cumprend, enfermés dans une même enceinte, quoiqu
complètement séparés et distincts, un asile d'indigents et un pen-
sionnat, dont les prix varient de 1800 francs à 4000 francs.
Pour ménager la susceptibilité des familles qui placent leurs ma-
lades au pensionnat, rien à l'extérieur, pour le voyageur qui passe
sur la grande route, n'accuse la destination de l'édifice; on a placé
sur le frontispice qui couronne la grande porte d'entrée ces seuls
mots : Établissement départemental.
L'asile de Dury est de construction toute récente. Commencée en
1886, elle a duré quatre ans; l'établissement a été ouvert en 1891.
On a choisi l'emplacement en dehors du territoire de la ville
d'Amiens, afin de pouvoir acquérir à bon compte, comme terrain
de culture, une surface assez vaste, et d'éviter le paiement des droits
d'octroi, tant sur les matériaux de construction que sur les denrées
et matières de toute nature nécessaires à l'alimentation et au fonc-
tionnement de l'établissement. Cependant, si, pour les raisons éco-
nomiques qui viennent d'être indiquées, l'asile a été construit en
dehors du territoire d'Amiens, il n'est pas éloignéde la limite même
de ce territoire que bordent sur une face les murs de clôture de
l'établissement.
Pour franchir les 3 kilomètres qui séparent l'asile de la place
Gambetta, prise comme centre de la ville, il n'existe aucun moyen
de transport par services publics, ni omnibus ni tramway; il faut
aller à pied ou avoir recours aux voilures particulières, dont le
tarif, en dehors de la ville, est coté 2 francs l'heure.
Il n'existe, dans le voisinage immédiat de l'asile, aucune autre
construction. Les habitations les plus proches, qui sont celles du fau-
bourg Saint-Denis, en sont distantes d'environ 1 kilomètre. Le vil-
lage de Dury, sur la commune duquel est bâti l'asile, et qui est
d'ailleurs fort peu important (il ne comprend que 669 habitants),
en est éloigné de 3 kilomètres.
L'asile est établi sur un plateau assez élevé, à 30 mètres environ
au-dessus de la ville d'Amiens et à 90 mètres environ au-dessus du
.asiles d'aliénés. 459
niveau de la mer. Le terrain s'élève, à partir de la route de Paris,
suivant une pente assez sensible, 0m,03o par mètre. Il affecte, pris
dans son ensemble et en laissant de côté les lignes brisées de son
périmètre, la forme rectangulaire. Il mesure une surface de 35 hec-
tares environ entièrement clos de murs. Ces murs, qui ont 3 mètres
de hauteur, sont construits en briques et présentent un développe-
ment de 3 800 mètres environ. 'Ils suivent toutes les sinuosités du
terrain.
Les bâtiments de l'asile proprement dit et de ses dépendances
occupent une surface de 11 hectares environ. Le pensionnat, enclos
par un mur élevé de 3111.50, couvre une superficie de 1 hectare
68 ares. Le surplus du lerrain qui entoure l'établissement et qui
est compris dans le périmètre des murs d'enceinte, soit environ
22 hectares, est consacré pour la plus petite partie à la culture
maraîchère et pour le surplus à la grande culture. Le sol est prin-
cipalement formé de marne blanche légèrement caillouteuse et
recouverte d'une couche fort peu épaisse de terre végétale.
Les constructions de l'asile de Dury sont, comme la plupart des
bâtiments de la région, composées de maçonnerie de hriques et de
charpentes en fer. On y a employé fort peu de pierre. On ne voit
guère de pierre de taille'qu'à la chapelle et au pensionnat. La cons-
truction en briques est d'ailleurs la plus économique pour le pays.
Elle a été payée, pour l'asile de Dury, 20 francs le mètre cube. Les
piliers qui supportent la toiture des galeries sont en briques et ont
coûté deux tiers de moins que si on avait employé la fonte. Les
galeries sont dallées en ciment, mais ce ciment a peu résisté; les
bâtiments sont couverts en. tuiles rouges.
L'asile est alimenté en eau potable par un puits profond de
80 mètres qui fournit une eau légèrement séléniteuse. Une pompe,
actionnée par une machine à vapeur, élève l'eau dans un réservoir
placé au-dessus du bâtiment de la buanderie au point culminant,
de l'asile, d'où elle se distribue dans tous les services. L'eau em-
ployée aux usages alimentaires est préalablement filtrée au moyen
de batteries de bougies Chamberland.
L'asile comprend une buanderie, une boulangerie, des ateliers,
une petite ferme avec écurie, étable et porcherie. L'écurie et
l'étable, adossées l'une contre l'autre, ont leurs ouvertures, la pre-
mière du côté du quartier des hommes, la seconde sur le quartier
des femmes.
L'établissement est pourvu d'un cimetière spécial compris dans
l'enceinte des murs et dissimulé dans un redan du terrain à l'ex-
trémité sud-ouest. L'amphithéâtre et la salle des morts sont à côté
du cimetière, hors de la vue des quartiers.
La plus grande simplicité a été apportée aussi bien dans le choix
des matériaux employés que dans leur mise en oeuvre; on s'est atta-
ché par-dessus tout à réduire les dépenses au strict minimum,
460 asiles d'aliénés.
pour rester dans le programme imposé par le Conseil général. C'est
ainsi que les briques, même à l'intérieur, sont restées apparentes,
sans crépis ni enduits. Elles sont recouvertes d'une -peinture à
l'huile, rouge foncé pour les soubassements, jusqu'à hauteur
d'homme, et pour le surplus en ton blanc teinté. Les menuiseries,
en sapin pour la plupart, sont traitées aussi simplement que pos-
sible ; on en a écarté tout ce qui, comme appareil et comme orne-
ment, pouvait être une cause de plus-value. On a pensé avec rai-
son qu'il s'agissait, du moins en ce qui concerne l'asile, d'hospita- z
liser des indigents, et qu'il fallait rigoureusement écarter de la
construction tout ce qui pouvait paraître superflu.
Il n'est pas inutile de noter en passant que ces menuiseries si
simples ont été faites par une maison de Paris, dont la spécialité
est l'ameublement de luxe, la maison Krieger; quant aux meubles
de tout genre, y compris les tables de marbre des réfectoires, la
literie, le linge, etc., le tout a été fourni, après concurrence établie
entre divers fournisseurs, parles magasins du Bon Marché.
Après avoir fait l'éloge des constructions, au point de vue de
l'économie apportée dans leur édification, il convient, pour être
complet, de noter quelques critiques : l'installation des lavabos
et des cabinets d'aisances laisse beaucoup à désirer; les préaux,
dépourvus de toute verdure et de plantations, sont tristes; enfin, les
dallages en ciment des galeries sont en partie ruinés.
BIBLIOGRAPHIE.
VI. Contribution à l'étude de l'encéphalite aiguë primitive à forme
hémorragique; par le D1' L. Murât. Lyon, 1897.
L'encéphalite hémorragique doit être considérée comme la forme
typique des encéphalites primitives aiguës non suppurées. Autour
d'elles gravitent, simples variétés, l'encéphalite hyperplastique de
Hayem et la poli encéphalite de Vernicke. D'origine inconnue dans
la plupart des cas, son facteur étiologique, le plus constant dans
les autres, a paru être la grippe. Au reste, la pathogénie de cette
affection, sans doute de nature infectieuse, reste encore à élucider.
La symptomatologie est plus nette. On peut dresser schématique-
ment le tableau suivant : une première phase de prodomes carac-
térisée par le syndrome habituel d'invasion des maladies infec-
tieuses et fébriles (frisson, fièvre, céphalalgie, vomissements). Une
deuxième phase d'excitation : dédire, contractures et crises jack-
sonniennes. Enfin, une période terminale de coma et de paralysie.
Souvent une ou deux périodes manquent, ou les symptômes, d'une
marche capricieuse, engendrent les formes les plus disparates. La
maladie, d'une durée moyenne de quinze jours, quoique très grave,
est loin d'avoir constamment une évolution fatale. Par une lente
convalescence, le malade peut recouvrer dans un tiers des cas la
plénitude de la santé.
Rare, parce qu'elle est ignorée, cette affection peut devenir plus
fréquente, quand on saura distraire du domaine des encéphalo-
pathies infectieuses et de la méningite des formes souvent curables
qui ne sont que des encéphalites méconnues. Plusieurs cliniciens
ont déjà fait ces diagnostics délicats, et les observations, dont les
premières remontent à quelques années à peine, se multiplient
rapidement.- Aussi, dans cette première monographie de l'encé-
phalite hémorragique, on trouvera déjà réunis cinquante-neuf cas.
L'encéphalite hémorragique mérite donc de prendre définitivement
place dans la nosologie. Dr F. Dkvay.
VU..Arches de physiologie, publiées par MM. Bouchard, Ciiauveau,
MAREY et GLEY, 5° série, t. IX, Masson, éditeur.
Voici les titres des travaux relatifs au système nerveux parus
dans cet important recueil durant l'année 1897 : La néoformation
des cellules nerveuses dans le cerveau du singe, consécutive à
462 BIBLIOGRAPHIE.
l'ablation complète des lobes occipitaux ; par M. Alex. N. Vitzou ;
Recherches expérimentales sur la création de l'élasticité et l'éner-
qui lui a donné naissance dans les muscles en contraction
volontaire.; par' M. J. Tissot; Relation de cent trois opérations
de thyroïdectomie chez le fapin;. par M. Alfred Rouxeau ; - Sur
les mouvements des membres produits par L'excitation de l'hémis-
phère cérébral du côté correspondant; par MM. E. Wertheimer et
L. Lepare; - Lésions médullaires expérimentales produites par
les embolies aseptiques; par M. Henri Lamy; - Critique des
expériences de Hirn sur la thermodynamique et le travail chez les
êtres vivants. Comment elles auraientdû être instituées pour aboutir
à des conclusions exactes sur la valeur de l'énergie que le -travail
mécanique « prend » ou « donne » aux muscles, suivant qu'il est
positif ou négatif; par M. A. Chauveau ; - Structure intime des
libres terminales des nerfs moteurs des muscles striés des Am-
phibiens ; par M. Charles Rouget ? Recherches sur l'innervation
motrice et inhibitrice des muscles du poumon; par M. M. Doyon;
Influence motrice du grand sympathique sur l'intestin grêle
par MM. D. Courtade et J.-F. Guyon; - Recherches expérimen-
tales sur l'innervation vaso-motrice du foie (3e et 4e mémoires :
Réflexes vaso-constricteurs) ; par MM. Ch.-A. François-Franck et
L. Hallion ; Structure intime des plaques terminales des nerfs
moteurs chez les vertébrés supérieurs; par M. Charles Rouget-
Recherches sur l'excitation des nerfs par les rayons électriques
(1er mémoire) ; par M. B. Danilew,sky; Recherches sur l'éxci-
tation des nerfs par les rayons électriques (2° mémoire) ; par
M. B. Danilewshy ; Action des états variables du courant
galvanique sur les nerfs sensitifs ; Recherches expérimentales
sur les lois des secousses sensitives chez l'homme ; par M. Il. Bor-
dier ; Note sur les procédés de recherche des plaques terminales
motrices; par M. Charles Rouget; Sur un nouveau procédé de
section intra-cranienne du facial chez le chien; par M. Laffay;
Myélite expérimentale subaiguë par intoxication tétanique ; par
M. H. Claude; Période réfractaire dans les centres nerveux; par
MM. André Broca et Charles Richet; Influence motrice du grand
sympathique et du nerf érecteur sacré sur le gros intestin ; par
MM. D. Courtade et J.-F. Guyon; Contribution à l'étude des
paralysies du trijumeau chez l'homme ; par MM. E. Long et Max.
Egger; Contribution à l'étude du réflexe pharyngien étudié sur
les mêmes malades aux trois périodes de la paralysie générale;
par le Dr E. Marandon de Montyel.
NÉCROLOGIE.
Nous avons le regret d'apprendre la mort de M. Paul C.r,uQauu,
interne en médecine à l'asile de Villejuif, décédé le 17 septembre.
Les obsèques ont été célébrées au temple protestant de la rue Saint-
Honoré ; l'inhumation a eu lieu au cimetière de Bagneux dans un
caveau provisoire. Voici le discours prononcé au cimetière par
M. le Dr Vallon,' son chef de service : ,
- < Mesdames, Messieurs,
« Il y a quelques mois à peine, au dernier concours de l'internat
des asiles d'aliénés de la Seine, CALLDAUD, après de bonnes
épreuves, était nommé le troisième de la promotion, et bientôt il
choisissait une place dans mon service à l'asile de Villejuif; je fus
heureux d'accueillir mon jeune compatriote, qui arrivait d'ailleurs
précédé d'une excellente réputation ; je savais qu'à l'Ecole prépara-
toire de médecine de Limoges où, comme moi, il avait fait ses pre-
mières études, il s'était concilié l'estime de ses maîtres, l'amitié de
ses camarades.
« Il valait encore mieux qu'on' ne me l'avait dit : je ne tardai
pas à m'en convaincre. Très exact dans le service, toujours attentif
aux moindres observations qu'on pouvait lui faire, il s'acquittait
scrupuleusement de ses fonctions ; studieux, avide de s'instruire, il
observait avec curiosité les faits cliniques qui se déroulaient jour-
nellement sous ses yeux, recueillant déjà des matériaux que plus
tard il aurait pu mettre en oeuvre ; avec cela, affable et modeste, il
était en un mot un interne modèle. Sans nul doute, à la fin de
son internat, le concours pour les places de médecin adjoint l'eût
trouvé prêt à affronter la lutte et à triompher. Hélas ! de cette
carrière de médecin aliéniste qu'il voulait parcourir, il n'a pu
franchir que la première étape : la mort implacable est' venue le
frapper avant même qu'il ait achevé sa vingt-troisième année.
« Sa perte est vivement ressentie à l'asile de Villejuif, par moi
d'abord, qui suis privé d'un collaborateur dévoué ; par les malades
qui savaient apprécier la douceur et l'aménité de son caractère,
par ses subordonnés qui l'aimaient pour sa bienveillance, par tous
enfin, fonctionnaires du service administratif comme du service
médical. Quant à ses collègues d'internat, à ses amis, ils lui étaient
tous très attachés; ils l'ont bien fait voir au dévouement infatigable
avec lequel jusqu'à la dernière minute ils l'ont disputé à la mort.
464 faits DIVERS.
« L'administration préfectorale a tenu à se faire représenter aux
funérailles et à s'associer à notre deuil. Puissent ces regrets una-
nimes apporter quelque consolation à cette mère et à ce père si
cruellement éprouvés par la perte d'un fils unique qui était leur
joie, leur orgueil, et dont ils étaient tendrement aimés. Et mainte-
nant, mon cher Calluaud, au nom de l'asile de Villejuif, en mon
nom personnel, je vous adresse un cordial adieu ; tous, nous gar-
dons votre souvenir. »
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. le Dr Cossa, est
nommé médecin-adjoint à l'asile de Marseille, en remplacement
de M. Cavalié, non-acceptant (23 août) ; M. le D'' 13ALLETARD,
directeur-médecin de l'asile de Pierrefeu, et M. le Dr LaLLEIfANT,
directeur-médecin de l'asile de Dijon, sont élevés à la 2° classe du
cadre (19 août); M. le Dur LALLEM.%NT, médecin-directeur de l'asile
de Dijon, est nommé directeur-médecin de l'asile de Quatre-
Mares, en remplacement de M. le D'' DEL,\.poRTE, admis sur sa
demande à faire valoir ses droits à la retraite (30 août); M. le
Dr GARNIER, directeur-médecin de l'asile de Saint-Ylie (Jura), est
nommé directeur-médecin de l'asile de Dijon (1er septembre);
M..le Dr ROUSSE]', médecin-adjoint à l'asile de Bron, est nommé
médecin-directeur de l'asile de Saint-Ylie (2'septembre); - M. le
Dr Toy, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Bron (9 septembre) ;
M. le Dr Leuoy, médecin-adjoint à l'asile de Quimper, est nommé
médecin-adjoint à l'asile d'Evreux (9 septembre) ; M. le Dr DE-
ric, directeur-médecin de l'asile d'Alençon, est nommé directeur-
médecin de l'asile de Bonneval, en remplacement de M. CAMusET,
décédé (20 septembre); M. le D'' GILBERT-PETIT, médecin-adjoint
à l'asile Sainte-Gemmes, est nommé directeur-médecin de l'asile
d'Alençon (24 septembre); -1\1. le D1' COULON, est nommé médecin-
adjoint à l'asile Sainte-Gemmes (24 septembre); M. le Dr Thi-
baud, interne de Charenton, est nommé médecin-adjoint à l'asile
de Quimper (2 octobre); M. le D'' DELAPORTE, directeur-médecin
de l'asile de Quatre-Mares, est nommé directeur-médecin honoraire
de cet établissement (0 octobre) ; M. le Dr DERico, direcleur-
médecin de l'asile de Bonneval, est élevé à la 2e classe (11 octobre).
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLIL.
ÉNreUX, Cri. Ilémsser, imp. - 1191.
Vol. IV. Décembre 1897. N° 24
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
RECHERCHES CLINIQUES SUR L'ALCALESCENCE DU SANG
ET LES INJECTIONS DE SOLUTIONS ALCALINES
CHEZ LES ÉPILEPTIQUES ;
t'AHt ? S DOCTEURS .
R. CIIARON, ET E. «RICHE,
Médecin-adjoint des Asiles publics d'aliénés. Interne à l'Asile des ithenes de liailleul.
I. D'après les nombreuses recherches des physiologistes
sur la réaction duliquidesanguin, l'alcalinité du sangestdue
au phosphate bibasique de soude (mal), elle est plus élevée
après la digestion qu'à jeun (Peiper), elle est augmentée par
l'ingestion continue de soude (Duhelir), elle atteint un degré
moins élevé chez la femme et l'enfant que chez l'homme
(Jacob). Dans le domaine clinique, des observateurs ont éta-
bli que l'alcalinité du sang diminue dans les états diathé-
siques (diabète, rhumatisme, cachexie, anémie) (Peiper,
Lépine), dans les hétéro et auto -intoxications (Coûtant,
Krauss).
A un point de vue plus restreint et dans un autre ordre
d'idées, des cliniciens éminents, appuyés sur des faits nom-
breux, ont constaté que, chez les épileptiques, le sang pré-
sente une diminution de l'activité de réduction avec diminu-
tion de l'oxyhémoglobine, comme dans les états d'épuise-
ment consécutifs aux traumatismes, aux hémorrhagies, aux
anémies (Ilénocque, Féré), et que les attaques épileptiques
sont plus fréquentes chez la femme et l'enfant que chez
Archives, 2e série, t. 1 V, 30
466 CLINIQUE NERVEUSE.
l'homme (Beau, Delasianve, Statistiques de Bicêlre et de la
Salpêtrière). Au pointde vue pathogénique, des observations
très intéressantes tendent à établir que l'attaque épileptique
est due à une auto-intoxication (Greffelhs, Mairet) ou à l'ac-
cumulation dans le sang de carbamide acide d'ammoniaque
qui devrait, à l'état normal, se transformer en acide urique
(Krauski). De notre côté, il nous a été donné de remarquer
dans différents services d'épileptiques que, d'une façon gé-
nérale, le nombre des accès allait en progressant à mesure
que s'éloignait l'heure des repas.
En comparant entre elles ces différentes observations cli-
niques et physiologiques nous avons été amenés à nous
demander si, chez les épilepliques, il n'y aurait pas parallé-
lisme entre les manifestations convulsives et les variations
du degré de l'alcalescence du sang. Pour nous éclairer sur
cette question nous avons établi, aux différentes saisons, des
statistiques décadaires indiquant le nombre des attaques,
heure par heure, dans le service des épileptiques de l'asile
Bailleul. '
Feré, d'après des recherches analogues, avait déjà noté
que les accès sont plus nombreux la nuit que le jour et que
les maxima de fréquence se rencontrent vers neuf heures du
soir et quatre heures du matin, c'est-à-dire aux heures qui
suivent le coucher et précèdent le lever. La moyenne des
résultats que nous avons obtenus est indiquée dans le tableau
suivant :
Les chiffres précédents confirment les résultats de Feré au
point de vue de la prédominance du nombre des attaques
nocturnes sur les attaques diurnes; mais ils indiquent surtout
que, en laissant à part la période de sommeil de minuit à
six heures du matin, qui correspond à un qtat physiologique
tout spécial, le nombre des attaques augmente progressive-
ment d'un repas à l'autre, de sorte qu'on peut, pour chaque
révolution quotidienne, établir très nettement, d'une part,
trois périodes minima de trois heures chacune, suivant immé-
diatement les repas et pendant lesquelles le nombre des
attaques n'atteint que 5,6 p. 100, 4,2 p. 100, 9,4 p. 100, soit
ensemble, pour une durée de neuf heures, 1,9.2 p. 100 du
nombre total des attaques quotidiennes; d'autre part, trois
périodes maxima de trois heures chacune, pendant lesquelles
le nombre des attaques atteint successivement 18 p. 100,
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Tableau I. - Statistique décadaire des accès épileptiques heure par heure pour 130 malades.
468 CLINIQUE NERVEUSE.
U3.G p. 100, 21,3 p. 100, soit ensemble, pour une période de
neuf heures, 52.9 p. 100 du nombre total des attaques.
La plupart des épileptiques qui tombent pendant les pre-
mières heures après les repas, sont des malades en cours de
séries et dont les séries le plus souvent on\.-débuté pendant
les périodes maxima. Aussi pouvons-nous dire, d'après ce
que nous avons observé, que, pendant les heures qui sui-
vent immédiatement les repas, les attaques convulsives sont t
relativement très rares.
Existe-t-il chez les épileptiques, du côté de l'alcalinité san-
guine, des variations quotidiennes constantes, en rapport
avec les variations constatées dans les manifestations convul-
sives ? C'est ce que nous avons cherché il savoir au moyen
d'expériences faites à diverses époques et dont les résultats
ont été rassemblés dans le tableau suivant.
Pour nos examens, nous avons appliqué le procédé cli-
nique imaginé par Landois et qui consiste à mélanger succes-
sivement une goutte du sang à examiner avec des solutions
acides titrées et graduées de I àX. On se sert d'un tube capil-
laire jaugeur gradué et on essaie le sang obtenu à l'aide
d'une simple piqûre, successivement avec les solutions [I,
II, III, IV, etc., jusqu'à ce que le mélange colore en teinte
sureau le papier bleu de tournesol. Le numéro de la pre-
mière solution qui n'est plus neutralisée par.le sang, repré-
sente son degré d'alcalescence. L'éminent professeur de
l'Université de Greisswald et les expériences de Peiper éta-
blissent que le degré moyen de l'alcalescence du sang = V
ou VI chez l'adulte, IV chez l'enfant.
Pour les examens pendant la nuit, nous nous sommes
heurtés à des difficultés qui nous ont empêchés de les faire
aussi nombreux qu'il eut été désirable. Cependant les quel-
ques expériences faites pendant la nuit indiquent que le
degré de l'alcalinité sanguine atteint son minimum de
neuf heures à minuit et qu'il reste stationnai1'e de minuit à
six heures du matin. Nous avions d'autre part constaté
(v. tabl. I) que le nombre des attaques atteint son maximum
de neuf heures à minuit et que de minuit à six heures du
matin le mouvement des attaques, heure par heure, reste à
peu près uniforme. Pour le reste du temps, le mouvement
quotidien des variations de l'alcalescence du sang et le
mouvement des variations numériques des attaques sont
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Tableau Il. - Variations quotidiennes du taux de l'alcalescence du sang.
(Examens répétés à différentes heures sur 21> épileptiques.)
470 CLINIQUE NERVEUSE.
régulièrement isochrones et inversement proportionnels.
L'examen de la réaction urinaire, pratiqué concurremment
* aux examens de sang, a permis de constater de très grandes
différences individuelles. A côté d'une série d'épileptiques
donnant : aie. du sang.= VI et acid. urinaire = 1,75, 7,5,
4,5, etc., on trouve d'autres malades dont l'aie, sanguine
= III et l'acidité urinaire = ·18, 12,5, 4,7, etc. Mais, pour
chaque épileptique examinée, les variations de l'alcalinité
sanguine et de l'acidité urinaire suivent une marche paral-
lèle. Les urines examinées à la fin des périodes maxima de
l'alcalescence sanguine, c'est-à-dire aux périodes maxima des
attaques, ont presque constamment donné un degré d'aci-
dité élevé; le fait a déjà été constaté par les cliniciens pour
les urines post-paroxyslidues.
En présence des résultats qui précèdent, nous nous som-
mes demandé si cet isochronisme constant entre les varia-
tions du taux de l'alcalescence sanguine et les variations nu-
mériques des attaques n'était pas l'indice d'une relation de
cause à effet entre l'état de l'alcalinité du sang et le phéno-
mène convulsif. Et nous nous sommes crus autorisés à tenter
de modifier cet état par une intervention thérapeutique.
Tandis que certains physiologistes (Dtibelir) déclarent que
le degré de l'alcalescence sanguine est relevé par l'ingestion
continue de soude, d'autres (Strauss) affirment qu'il est, pour
chaque individu, un phénomène constant comme la tempé-
rature et qu'il n'est en rien modifié par l'administration des
alcalins.
Sans préjuger entre ces affirmations contradictoires, nous
avons tenté de relever le degré moyeu de l'alcalinité san-
guine par le moyen d'injections de solutions alcalines prati-
quées quotidiennement et pendant assez longtemps sur une
série de huit épileptiques, soumises de la façon la plus nette
aux doubles varialions quotidiennes examinées plus haut, et
dont les observations suivent :
II. Les solutions employées ont été successivement les
suivantes :
1° Solution à 1/40 :
L'ALCALESCENCE DU SANG CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 471
2° Solution à '1 /'1 :
472 CLINIQUE NERVEUSE.
Le 13, injection de 30 cent. cubes. L'excitation a disparu.T.37,4.'
Les 14, 15, 16, 17, pas d'injections. La température est retombée
à son chiffre habituel, 36,5. Fonctions régulières. Pas d'attaques
depuis le commencement des expériences.
Le 18, le 21, le 22, le 24, le 27 juillet; injections de 20 cent. cubes,
30 cent. cubes et 10 cent. cubes de solution à 1/10. Etat général
satisfaisant. T. 37° à 37,5. Pas de modification de l'état mental.
Les attaques reparaissent isolées.
Le 30, injection de 30 cent. cubes. Degré maximum de l'alcales-
cence du sang constaté 30 minules après l'injection = VI. Degré
minimum entre deux attaques à 11 heures de matin = IV. Les
urines restent abondantes et très faiblement acides.
Les injections à 30 cent. cubes sont continuées les 1,3, 5, 7, 11,
15, 17, 18, 19, 22, 26, 27, 28 et 29 août. Rien de particulier à
signaler, sinon un amaigrissement progressif. Le sommeil et l'ap-
pétit sont réguliers. Pas de modification de l'état mental. Les
attaques ont repris leur fréquence habituelle. Degré maximum de
l'alcalescence du sang, après les injections = VI. Les attaques se
produisent généralement aux heures des minima, surtout de
10 heures à midi. Ale = IV.
Injections de 30 cent. cubes les 1, 2, 5, 8, 9,;i l, 12 septembre; les
attaques reparaissent en séries très nombreuses (voir tableau plus
loin). Pas de modification de l'état mental.
Poids de la malade avant les injections ; 51 kilogrammes.
après les injections : 49
En-résumé, dans l'espace de neuf semaines, il a été intro-
duit dans le tissu sous-cutané de D..., au moyen de 38 injec-
tions, 1,420 centimètres cubes de solution, comprenant
124 grammes de sels alcalins. Les modifications produites
dans l'état physique ont été une élévation peu considérable
de la température, avec amaigrissement progressif, sans
troubles fonctionnels.
Du côté mental, un accès passager d'excitation maniaque. ,
Une augmentation du nombre des attaques (série très nom-
breuse à la fin dès expériences). Elévation transitoire du
degré de l'alcalescence du sang à la suite des injections.
A partir du jour de la cessation des injections, cette malade
a continué à s'émacier, son alimentation est devenue insuffi-
sante et son état très inquiétant. Au bout de deux mois elle a
été atteinte d'un accès d'agitation très violente, avec série
d'attaques très nombreuses, troubles sensoriels, hallucina-
tions terrifiantes. Son poids est tombé à 4G kilogrammes. Un
L'ALCALESCENCE DU SANG CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 473
jour, au plus fort de son agitation, elle s'est échappée des
mains des infirmières et a traversé le dortoir en courant.
Elle était paraplégique depuis plus de sept ans. L'excila-
tion est tombée subitement. L'état physique s'est restauré.
L'état mental est satisfaisant. Les attaques sont devenues
très rares. Six mois après la cessation des expériences, D...
se maintient dans un état satisfaisant. Elle continue à mar-
cher. Les attaques restent isolées et peu fréquentes.
474 CLINIQUE NERVEUSE.
Le 2 juillet, injection de 20 cent. cubes desolution alcaline il 1/25,
suivie d'une déviation de la température de 1°. Pas d'autres trou-
ble notable.
Le 3, injection de 30 cent. cubes suivie d'hyperthermie relative,
37,8. Pas de troubles fonctionnels. Diminution de l'excitation
habituelle. '
Le 4, injection de 40 cent. cubes. T. 37,8. Rien de particulier.
Les 5, 6, 7. 8, injections de 40 cent, cubes. Sans modifications
de l'état général. ·
Le 10, injection de 40 cent. cubes suivie de réaction violente :
frissons, sueurs, anurie. T. 38°. Au bout de quelques heures retour
il l'état habituel. ' '
Le 11, injection de 30 cent. cubes. T. 38,4. Excitation. L'alca-
lescence du sang mesurée il 5 heures du soir (heure du mini-
mum) = V. Urines acides et abondantes.
Les 12, 13, 16, 17, injections de 30 cent.' cubes. Rien à signaler.
Le 18, injection de 20 cent. cubes de solution à 1/10. Pas de
réaction.
Les 21, 22, 4; 27, 30, injections de 40 cent. cuhes. Alcalescence
du san; mesurée trente minutes après l'injeetion = VII ; deux heures
après l'injection = V. La malade n'a pas été réglée et n'a pas eu
d'attaques depuis le début des injections.
Les 1er, 3, ti, 7, 8, 11 août, injections de 30 cent. cubes. Pas de
réactions. Etat de subexcilation persistant. Pas d'attaques.
Le 14, série de sept attaques violentes (de 10 heures à midi). Cha-
cune d'elles présente ce caractère nouveau d'être précédée de plu-
. sieurs auras, « comme si l'attaque ne pouvait pas sortir ». Parésie
transitoire du pied droit.
Les 15, 4 i, 18, 19, injections de30 cent. cubes.* Dépression. Fonc-
tions normales.
Le 20, une attaque isolée.
Les injections sont continuées jusqu'au 12 septembre. Menstrua-
tion suivie d'excitation plus violente. Pas d'attaques. Fonctions
régulières.
l'alcalescence DU sang CHEZ LES épileptiques. 475
nombreuses que pendant les périodes antérieures. Elévation
transitoire du degré de l'alcalescence du sang la suite des
injections.
Après la cessation des injections, B... est resiée, au point de
vue physique et mental, ce qu'elle était auparavant. Les
attaques n'ont reparu que pendant la première quinzaine
d'octobre, en séries nombreuses. Au commencement de
novembre, à la suite d'une série très nombreuse, B... est
tombée en état de mal et est morte dans le coma.
OnSFRYATJO : 'I III. Leur... C., vingt-huit ans (llystéro-épilep-
sie). Antécédents héréditaires, alcooliques et tuberculeux. Fièvre
typhoïde à quinze ans. Début des convulsions à quatorze ans, à la
suite d'une frayeur (attaques hystériques probables). Menstruation
à dix-sept ans, sans modification des symptômes convulsifs qui se
manifestent quotidiennement. Traitée successivement à la Pitié, à
Tenon, à la Salpêtrière, sans aucun résultai (hydrothérapie, sug-
gestion). Entrée à l'asile de Bailleul au mois d'août 1893. On cons-
tate : signes de dégénérescence physique, stigmates hystériques,
attaques hystériques en séries de 25 à 80 par vingt-quatre heures.
Caractère irritable, sournois, trodinll1 vitoe. En 1894, les séries
d'attaques augmentent progressivement, alternativement hysté-
riques et épileptiques. <111'aiLlissernetit physique progressif. A partir
de 1895, les attaques du type hystérique ont complètement disparu.
Les séries épileptiques sont de plus en plus nombreuses. L'état
physique est restauré. L'état mental est amélioré. Il se produit en
moyenne deux séries par mois, variant de 100 à 200 attaques.
Chaque série débute le plus souvent de 10 heures èt midi ou de
4 à 5 heures ; elle est annoncée par des coliques et suivie d'un état
de dépression mélancolique.
Du 1er au 7 juillet 1890, l'examen du sang et des urines donne
les résultats suivants :
170 C.WC,UL nr.ltv GUS.
Le 18, injection de 20 cent. cubes. Solution à 1/10. Air. = IV.
Six heures après l'injection (10 b. s.), seiie de 9 attaques.
Ale.= 111. Urines et sueurs abondantes.
Les 21, 22, injections de 30 cent. cubes. Mêmes symptômes con-
sécutifs. Appétit et sommeil réguliers.
Le 27, injection de 40 cent, cubes (5 h. s.), immédiatement suivie
d'une série brusque de 7 attaques sans aura. Aie. = 111 pendant
les attaques. -
Les 30 juillet, 1, 3, 5, 7 aoùl, injections de 30 cent. cube-. Pas
d'accidents consécutifs. L'énergie physique et psychique se relève.
Menstruation le 9, sans modifications autres.
Le 11, injection de 30 cent, cubes, sans troubles consécutifs.
Série de 41 attaques, de 10 heures il midi. Au moment de l'injec-
tion (4 h. s.) aie. = lit. Quarante-cinq minutes après l'injection,
aie. = IV.
Les 15, 17, 18, 19, 22, injections de 30 cent. cubes. Pas de
troubles consécutifs.
Le 23, sans prodromes, série de 261. attaques débutant à 5 Il. m.
Une deuxième série de 105 attaques commence à Il. s. Ale. = IV.
Les jours suivants, les séries d'attaques continuent. Aie. = II1,
immédiatement avant une série.
Les 26, 27, 29, injections de 30 cent. cubes. Série de 177 attaques
le 28.
, Le 30, 6 attaques.
Les 2, 5, 8, 9, 11, 12 septembre, injections de 30 cent. cubes.
Rien à signaler. Pas d'attaques.
L'ALCALKSCHXCH du sang chez les épileptiques. 477 1
attaque vers l'âge de dix ans. Attaques d'abord très espacées. Aup-
' mentation progressive jusqu'à 5 il 10 par mois. toujours nocturnes,
très violente^, suivies d'état impulsif. Affaiblissement intellectuel,
irritabilité. Menstruation régulière. Etat général bon.
L'examen du sang et des urines, pratiqué du 1 ? au 7 juillet,
donne les résultats suivants :
478 CLINIQUE NERVEUSE.
des attaques. Élévation transitoire du taux de l'alcales-
cence du sang après les injections. Trois mois après, la
malade a repris son embonpoint. Son état physique et mental
est tel qu'il a été résumé plus haut.
Observation V. - Mich... M..., vingt-sept ans, (épilepsie). Pas
d'antécédents héréditaires. Fièvre cérébrale ( ? ) iL douze ans. Pre-
mière attaque à seize ans à l'occasion des premières règles. Signes
physiques de dégénérescence. Obnubitation intellectuelle post-
paroxytique. Caractère difficile. S'occupe. État physique bon. Les
attaques sont complètes, toujours précédées d'aura (crampe d'esto-
mac), elles se produisent isolées à raison de 4 à 6 par mois.
Examen du sang et des urines du ,1 cr au 7 juillet : -.
l'alcalescence DU sang CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 479
En résumé, 33 injections,' 1.000 centimètres cubes de so-
lution, 90 grammes de sels. Réaction fébrile à la suite des
premières injections seulement. Un peu d'amaigrissement.
Aucune modification notable dans l'état physique et men-
tal. Augmentation du nombre des attaques. Elévation ,
transitoire. du taux de l'alcalescence du sang après les injec-
tions.
Observation VI. Dela... A., seize ans (épilepsie). Pas d'anté-
cédents héréditaires. Convulsions dès les premiers jours de la vie.
Les attaques nettement caractérisées v partir de de trois ans
ont augmenté progressivement de fréquence jusqu'à 13 à 20 par
mois. Depuis l'époque de la puberté (quatorze ans), les attaques
sont plus violentes. Signes de dégénérescence. Débilité mentale
avec fond mélancolique. Les attaques sont précédées d'une courte
période de subexcitation et suivies d'une aggravation de l'état mé-
lancolique avec idées de suicide. S'occupe régulièrement. Facile à
diriger. Etat physique bon.
Examen du sang et des urines du 1 ? au 7 juillet :
480 CLINIQUE NERVEUSE.
En résumé, 32 injections comptant 1,020 cent. cubes de
solution et 92 grammes de sels. Réaction fébrile à la suite
des premières injections. Aucune modification dans l'état
physique. Très légère augmentation du nombre des attaques.
Augmentation fugace du taux de l'alcalescence sanguine à
la suite des injections. Aggravation de l'état dépressif post-
paroxystique.
Observation VIL- Nott... vingt-six ans (épilepsie). Débilité
mentale dans les antécédents héréditaires, antécédents personnels
obscurs. Attaques épileptiques remontant à la première enfance.
Menstruation régulière. État physique bon. Débilité mentale na-
tive. Les attaques se produisent en séries peu nombreuses, tous les
quinze jours environ.Elles sont précédées et suivies d'une période
d'excitation violente. Dans les intervalles la malade est facile à diri-
ger et s'occupe.
Examen du sang et des urines d1l1e.' au 7 juillet :
l'alcalescence DU sang CHEZ LES épileptiques. 481
Les 2, 5, 8, 9, 11, 1 septembre, injections de 30 cent. cubes. Etat
physique et mental satisfaisant. Un peu d'amaigrissement.
Poids de la malade avant les injections : 56 kilogrammes.
après les injections : 5t -
En résumé, 24 injections comportant 740 cent. cubes de
solution et 64 grammes de sels. Réactions fébriles à la suite
des premières injections. Pas de modification de l'état phy-
sique. Augmentation du nombre total des attaques. Pendant
la dernière quinzaine, pas d'altaques. Période d'excitation
suivie de dépression. Augmentation transitoire de l'alcales-
cence du sang à la suite des injections.
Observation VIII Ba... R..., vingt ans (épilepsie). Enfant natu-
relle. Mère alcoolique. Première attaque à l'âge de douze ans.
Attaques quotidiennes depuis plusieurs années. Imbécillité. Perver-
sion des instincts. Fréquentes périodes d'agitation. Impulsions vio-
lentes. État physique assez bon. Fonctions régulières, Examen du
sang et des urines du 1 ? au 7 juillet :
TABLEAU III ( 1.
lll2qrres ennureluues de* malade* dont les observa/tons précèdent
o
1
n
5
1
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r
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1
1
S
C
00
484 CLINIQUE NERVEUSE.
immédiatement après une attaque =111. Après l'injection, à 5 h. s.
= V.
Les 1, 2, 5, 8, 9, 11, 12 septembre, injections de 30 cent. cubes.
Rien de particulier à signaler.
Poids de la malade avant les injections : 16 k. 5.
- après les injections : 45 k. 5.
En résumé, 33 injections comportant 1,020 cent. cubes
de solution alcaline et 92 grammes de sels. Réactions fébriles
à la suite des premières injections seulement. Aucune modi-
fication importante de l'état physique et mental. Diminution
du nombre des attaques qui se montrent plus violentes. Elé-
vation fugace du taux de l'alcalescence du sang à la suite des
injections.
Les modifications constatées chez nos épileptiques, du fait
des injections, peuvent se résumer ainsi :
Dans tous les cas : réaction fébrile fugace apparaissant
moins d'une heure après l'injection avec tendances lipothy-
miques ; les symptômes, dont la gravité décroissait progressi-
vement, avaient complètement disparu après les 10 premières
injections. Dans tous les cas : amaigrissement progressif plus
ou moins considérable, sans aucun trouble fonctionnels
Au point de vue mental : apparition d'un violent accès
d'agitation avec hallucinations terrifiantes chez une malade
qui n'avait jamais présenté ce symptôme (obs. I). Dans un
autre cas (obs. VII), aggravation des tendances maniaques.
Pour la plupart des cas : accentuation des troubles psy-
chiques post-paroxystiques.
D'une façon générale : diminution des attaques isolées,
aggravation des séries. Augmentation du nombre total des
attaques dans tous les cas, sauf deux (obs. II et VIII).
Toutes les fois que les injections ont été pratiquées entre
deux examens du sang, il a été noté après l'injection une élé-
vation du degré de l'alcalescence sanguine. Mais cette éléva-
tion s'est toujours montrée fugace ; une heure après l'injec-
tion, elle avait disparu. Le degré de l'alcalescence du sang
n'a pas autrement été modifié, ni pendant les injections, ni
après.
Les injections ont toutes été pratiquées au cours de périodes
maxima des attaques, et cependant, dans aucun cas, il n'a
été constaté d'attaques pendant la première heure qui a suivi
l'alcalescence du sang CHEZ les épileptiques. 48b "a
ces injections. Les résultats précédents sont intéressants à
rapprocher des recherches de M aire et Bosc sur les effets de
la glande pituitaire administrée aux épileptiques. Les obser-
vations publiées de part et d'autre présentent une frappante
analogie.
III. Conclusions. 1° Chez les épileptiques dans le
cours de chaque révolution quotidienne le degré de l'alca-
lescence du sang subit des variations constantes avec minima
"et maxima en rapport avec les conditions du travail digestif.
2° Les attaques convulsives présentent des variations nu-
mériques également constantes, isochrones et en rapport
inverse avec les variations de l'alcalescence du sang.
3° Les injections répétées de solutions alcalines ne modi-
fient pas d'une façon permanente le degré de l'alcalescence
du sang. Elles produisent seulement une élévation très fugace
de ce degré d'alcalescence, élévation qui a déjà disparu une
heure après l'injection et pendant laquelle il ne se produit
pas d'attaques. - ,
,4° Les injections ont pour résultat de diminuer le nombre
des attaques isolèes et de provoquer leur rassemblement en
séries. Elles ne diminuent pas le nombre total des attaques,
et si elles ont une action sur les manifestations convulsives,
c'est plutôt pour les augmenter.
5° Elles aggravent généralement les troubles psychiques
post-paroxystiques et provoquent dans certains cas des accès
délirants à forme maniaque.
RECUEIL DE FAITS.
UNE OBSERVATION DEMANDE AIGUË
CHEZ UNE ACROMÉGALIQUE;
PAR LES DOCTEURS
SAVOEL GARNIER, ET SANTENOISE,
Médecin en chef. Médecin adjoint de l'asile de Saint-Ylie.
M... C..., femme B..., ménagère, âgée de quarante et un an*,
née à P... (Jura) est entrée à l'asile le 22 mai 1897 et sortie le
22 juillet suivant, par suite de guérison.
Antécédents héréditaires. Pas de renseignements précis sur le
père et la mère. Une tante paternelle aurait été berloque (sic). Un
frère est mort à vingt et un ans de fluxion de poitrine;, il était
porteur d'un goitre léger (cette affection est d'ailleurs presque
endémique dans la localité). Une soeur est décédée à trente-huit ans
par suite de tuberculose pulmonaire.
Antécédents personnels. Pas de maladie grave antérieure.
Notre malade aurait toujours eu, du plus loin qu'elle se rappelle,
ainsi que le mari, les extrémités grosses; son goitre remonte aussi
à l'enfance. De son mariage sont nés cinq enfants dont trois sont
encore vivants et bien portants, savoir : un garçon de quatorze ans,
une fille de huit ans et une de quatre ans. Les deux autres enfants
sont morts, l'un à la naissance, l'autre à trois mois. Notre malade
a toujours été réglée régulièrement, mais depuis quelque temps,
les époques ont lieu toutes les trois semaines. C'est douze jours
environ avant son entrée à l'asile qu'elle a été brusquement prise,
sans cause appréciable, d'un accès de folie aiguë. Son mari peint
la brusquerie de l'invasion de la maladie, en nous disant : « Ça l'a
prise comme un coup de fusil » et ses époques avaient cessé depuis
huit jours.
État physique actuel. Cette femme est bien constituée, mais ce
qui frappe chez elle de suite, c'est le développement exagéré de la
face et des extrémités (mains et pieds). Voyons en détail chacune
de ces particularités, la femme étant déshabillée comme la présen-
tent les deux photographies ci-après :
MANIE AIGUË CHEZ UNE ACRO¡ÉG'-\'I.lQI)R, 487
Fit. 26.
488 ' recueil DE FAITS.
. Hypertrophie des mains. Leur développement excessif con-
traste avec l'aspect et le volume normal des autres segments du
membre supérieur. Elles sont épaisses, larges, sans être déformées
ni notablement augmentées de longueur. Cette hypertrophie porte
sur tous les plans des tissus de la main; os, muscles, tissu cellulo-
adipeux et peau. Cette dernière est résistante, ferme, sans oedème,
de coloration peu foncée. La circonférence dé la main est de
vingt-cinq centimètres. Les doigts ont de fortes dimensions, aussi
gros à leur pointe qu'à leur racine, sans aucune déformation arli-
culaire, de direction et de longueur normales. Par comparaison,
les ongles paraissent petits; ils sont aplatis, élargis, striés dans le
sens longitudinal. Cette hypertrophie sans déformation des doigts,
du carpe et du métacarpe s'atténue au niveau du poignet. Les
avant-bras, les bras, tout en étant plus gros qu'à l'état normal sont
cependant loin d'être aussi hypertrophiés que les mains. Malgré
cette augmentation de volume, les fonctions de la main s'exercent
avec intégrité et sans douleur.
Hypertrophie des pieds. Comme les mains, les pieds sont
élargis et épaissis, sans augmentation notable de longueur. Cette
hypertrophie cesse au niveau du cou-de-pied; les jambes et les
cuisses restent indemnes. Toujours comme à la main, tous les
tissus constitutifs : os, muscles, etc., participent, à l'hypertrophie;
l'aspect de la peau est identique. Les orteils ont gardé leur foi me
et leur direction habituelles; ils sont simplement épais et larges,.
très volumineux. Les ongles sont courts, aplatis, élargis, striés
aussi longitudinalement. ,
Hypertrophie de la tête. Les altérations du crâne sont peu
accentuées, c'est avant tout la face qui est le siège d'une hyper-
trophie ; elle est allongée, ovalaire : le front est toutefois assez
découvert; les rebords et apophyses orbitaires extrêmement sail-
lants, les paupières un peu épaissies. Le nez est accru dans tous
ses diamètres; il forme une saillie assez forte. Les pommettes sont
très proéminentes; les lèvres très épaisses; le menton large et peu
saillant. Les oreilles sont augmentées de volume. La langue est
plus volumineuse qu'à l'état normal.
Thorax. Notre malade présente aussi une cyphose cervico-
dorsale, avec lordose lombaire et projection de l'abdomen en
avant. Dans son ensemble, le thorax est aplati latéralement. Indé-
pendamment de ces symptômes pour ainsi dire primordiaux,
nous avons encore à citer quelques symptômes secondaires con-
tingents. Ainsi le corps thyroïde est hypertrophié ; les seins sont
atrophiés et flasques; par contre, les systèmes musculaire et arti-
culaire- sont normaux, ainsi que les réflexes rotuliens. Du côté du
système circulatoire, nous notons des palpitations, un peu d'hyper-
trophie du coeur avec al'tél'io-scléI'05e; quelques varices existent-
MANIE AIGUË CHEZ UNE ACIIONILG ? 1.1(ULz. 4bU
Fifl. 27.
490 RECUEIL DE FAITS.
aux jambes. Notre malade est sujette à des transpirations abon-
dantes, quelquefois profuses. La sensibilité générale et spéciale est
intacte; la peau dans son ensemble a une teinte jaune brun.
Etat mental. - M... C..., qui, de l'hôpital de L... où elle a séjourné
quarante-huit heures, arrive signalée comme présentant un état
maniaque aigu, n'offre à l'entrée qu'un état de confusion mentale
probablement consécutif. Elle a encore de nombreuses illusions
sensorielles, prend le directeur .pour le médecin de son pays et
croit reconnaître des personnes de son entourage parmi les
malades du quartier. Elle ne peut d'ailleurs donner de renseigne-
ments bien précis sur sa maladie et prétend que si elle a refusé de
manger à l'hôpital, c'est qu'on voulait l'empoisonner. On remarque
aussi chez elle de l'asymétrie faciale (le côté gauche est plus déve-
loppé que le droit) et la voûte palatine ogivale. Pendant la hui-
taine qui a suivi son admission, les symptômes délirants ont été en
s'atténuant progressivement, et au bout de la quinzaine cette
femme sort de son état d'apathie et demande à s'occuper. Sans
avoir beaucoup d'initiative,- elle finit par travailler régulièrement
à la couture; toutefois la mémoire est toujours peu précise en ce
qui concerne les faits qui ont motivé la séquestration d'office; la
malade croit avoir vécu comme dans un rêve. Rappelons qu'une
de ses tantes a été aliénée. Au bout d'un mois de calme absolu,
eile est visitée parle mari^qui trouve son état très satisfaisant et
déclare que sa femme est revenue à l'état normal. Sa sortie lui est
alors accordée et elle réintègre le domicile conjugal où elle a
repris ses occupations habituelles.- La guérison ne s'est pas dé-
mentie.
Réflexions. Si l'on veut bien maintenant se rappeler la
description de l'état physique du sujet de notre observation,
on sera frappé des nombreux caractères' sur lesquels l'ailen-
tion se concentre et qui font immédiatement penser à l'acro-
mégalie. Et en effet, de quelle autre maladie pourrait-il s'agir
ici, en présence de cette hypertrophie des mains, des pieds,
de la face, de la cyphose cervico-dorsale, de l'atrophie et de
la flaccidité des seins, etc., etc. ? La seule différence qui sépare
M... C... d'une acromégalique complète serait la menstruation
conservée et par conséquent la fécondité. Notre malade n'a
pas non plus été sujette aux maux de tête symptomatiques
de l'acromégalie; mais, en ce qui concerne l'absence des deux
symptômes précédents, on ne doit pas oublier que les cas
types réunissant tous les symptômes d'une maladie, sans
exception, sont fort rares.
Contrairement encore à ce qu'on observe chez les acromé-
MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 491
galiques, dont l'intelligence garde son intégrité à toutes les
périodes, notre malade a été prise, il est vrai, d'un accès
subit de folie; mais il ne s'agit là vraisemblablement que d'un
simple épisode délirant dû à la dégénérescence héréditaire,
et par conséquent d'un accident tout à fait indépendant de
l'acromégalie que notre observation surtout a pour but de
mettre en relief. Les enfants de cette femme, pas plus d'ail-
leurs que ses frères, soeurs et parents n'ont présenté de
signes d'acromégalie ; cette maladie chez elle est donc ac-
quise. ,
Nous ne voulons pas nous attarder à faire ici un diagnostic
différentiel de la maladie avec d'autres affections qu'on pour-
rait confondre avec elle, savoir le myxoedème, la maladie
osseuse de Paget, l'éléphantiasis, etc., la simple constatation
de l'hypertrophie des extrémités permettant de faire le dia-
gnostic à distance (Souques in Charcot). Si nous avons pensé
à recueillir cette observation, c'est que les cas d'acromégalie
sont encore très limités puisqu'une centaine seulement ont
été signalés dans le-Traité de médecine de Charcot de 1894.
Enfin l'apparition d'un accès de manie aiguë à évolution
rapide chez une femme acromégalique est par elle-même
un fait digne d'être noté et, croyons-nous, sans précédent.
MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE;
Par le D' F. DEVAY,
Ancien chef de clinique des maladies mentales, médecin à ILl m.lison de santé
de Saint-Jean-de-Dieu (de Lyon).
Les observations de psychoses survenant dans le cours d'une
maladie de Basedow sont encore peu nombreuses. llirschl,
élève du professeur Kraft-Ebing, a donné un résumé des
43 principaux cas qu'il a recueillis dans la littérature médi-
cale '. Dans ces 43 cas, toutes les formes de folie, manie,
mélancolie, paranoia, folie du doute, paralysie générale, sont
représentées. Cepeudant, l'auteur admet que la maladie de
1 )al ! 1'bÜcltel' sur l'scltyatl'ie, 1893.
492 RECUEIL DE FAITS.
Basedow se complique rarement de psychose ; que si cette
complication survient, c'est avec la forme maniaque, et que
les autres psychoses, qui peuvent la compliquer, sont la con-
séquence de l'hystérie, de la neurasthénie ou de l'alcoolisme
qui compliquent le goitre exophtalmique. Cette opinion, con-
firmative de celle formulée par M. Ballet à la Société médi-
cale des hôpitaux, en 1890, paraît par trop exclusive. M. Jof-
froy, à la Société médico-psychologique, mars 1S90, pense
que la mélancolie ou la manie peuvent marquer le début
de la maladie de Basedow; que celle-ci peut se compliquer
de troubles vésaniques qui empruntent leur forme et leur ori-
gine à la maladie première. D'autres auteurs nient au con-
. traire tout rapport entre les deux affections.
Logiquement, il semblerait que la forme d'aliénation men-
tale qui découle de la maladie de Basedow, névrose de l'an-
goisse par excellence, soit la lypémanie anxieuse. Cette psy-
chose serait naturellement produite par les palpitations
angoissantes, par l'insomnie, par la sensation obsédante
d'étouffement, de mort imminente, etc. C'est l'opinion que
nous avons l'intention de défendre. Voici d'abord l'observa-
tion du malade qui nous a suggéré ce travail :
SoMM.\iRE. tUë/(U : co'eaH<eM6'<'. Troubles anciens de l'estomac.
Goitre. Tremblement. Palpitations. Accès de goitre
exophtalmique pendant le cours de la mélancolie. Guérison.
A..., quarante-cinq ans, prêtre, ne présente aucun antécédent
héréditaire; sa mère a eu 12 enfants, 7 sont vivants, 5 sont morts
eu bas âge de maladie indéterminée. Le malade a eu, à quatorze
ans, une fièvre typhoïde qui a duré deux mois et demi et a été
accompagnée de délire. A vingt-cinq ans, on note une névralgie
intercostale, accompagnée ou suivie (le malade ne peut preciser)
de troubles de la digestion, qui était lente et pénible. Le traitement
prescrit par un médecin a consisté dans une saison à Brides (Savoie).
Notre malade en revint très amélioré.- L'année suivante, un retour
des malaises s'améliora de la même façon. A cette époque, A...
avait déjà un tremblement nerveux. De vingt-huit à quarante ans,
la santé a été relativement bonne, sauf quelques troubles de la
digestion, mais à de rares intervalles.
Depuis cinq ans, les malaises de l'estomac, quoique moindres,
ont reparu sous une autre forme; le malade ne peut rester à jeun
sans éprouver une tendance syncopale et une sensation d'angoisse
fort pénible. Le malade, très intelligent, prédicateur de valeur,
travailleur acharné, venait d'être nommé curé d'une paroisse où
MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 493
dès le début il a été en proie à de nombreuses difficultés. Les
comptes de la fabrique étaient très embrouillés; la commune, dont
une partie est française, l'autre suisse, s'était emparée, depuis de
nombreuses années, des revenus de la paroisse. Notre malade a été
obligé de faire des recherches dans de vieux dossiers, de plai-
der, etc. Les soucis, le surmenage occasionnés par ces embarras
ont élé excessifs. Après le gain du procès, il y a trois ans, les
troubles de la digestion ont reparu, cette fois très accentués. Ils
consistaient en dégoût de la nourriture, douleurs au creux de
l'estomac et digestions fort laborieuses; ils étaient accompagnés
d'un tremblement très accentué de tout le corps, plus marqué
cependant aux membres supérieurs; l'écriture était très altérée.
L'amaigrissement avait été rapide, 20 kilos en trois mois. Le
malade consulte alors un médecin de Genève qui lui prescrit des
antiseptiques intestinaux, de la noix vomique et de la pepsine. Ce
médecin remarque la tuméfaction du corps thyroïde, à laquelle le
malade n'avait apporté aucune attention, et ordonne pour ce
goilre une pommade iodo-iodurée qui ne fut pas employée.
Après le traitement de l'estomac, le cou avait diminué et le
tremblement presque disparu; la digestion était devenue assez
facile, l'état de vacuité de l'estomac ne déterminait plus de sensa-
tion angoissante ou syncopale.
Cet état persista un an et demi. »
Au mois d'août 1890, le malade éprouve de nouveau des maux
d'estomac, un tremblement de' tout le corps, et en plus des palpi-
tations angoissantes, à accès paroxystiques, et de l'insomnie. Un
séjour à la montagne produisit une amélioration notable de tous
ces symptômes; cependant le malade n'avait plus la même faci-
lité de travail; il avait des dégoûts et déjà quelques préoccupations
hypochondriaques.
En octobre, il est atteint de mélancolie simple, qui ne l'empêche
pas d'exercer son ministère; les travaux qu'il affectionnait ne sont
plus pour lui qu'une cause d'ennui et quelque peu d'angoisse. La
mémoire est moins fidèle.
En décembre, les troubles mélancoliques s'accentuent; le tra-
vail devient impossible; le malade prend alors un congé, qu'il
va passer dans sa famille. Il est anxieux et a des idées de suicide
auxquelles il peut encore résister. Il est soigné par un médecin
dans sa famille, pendant deux mois, sans résultat. Il est alors
conduit à la maison de santé de Saint-Jean-de-Dieu, à Lyon. Le
certificat du docteur qui l'a traité est ainsi conçu : est atteint de
délire de la persécution avec hallucinations de la sensibilité'
générale.
L'altitude et la physionomie du malade, à ce moment, expriment
l'angoisse et l'instabilité; il ne peut rester en place, gémit; l'atten-
tion est diminuée, les idées mélancoliques sont obsédantes : aussi
494 RECUEIL DE FAITS.
répond-il fort mal aux questions qu'on lui pose. Une de ses préoc-
cupations est l'impossibilité de la guérison, il y revient à chaque
instant. Cependant, à la suite de pressantes interrogations, il
raconte qu'il a eu de nombreux ennuis, que tout le monde le
regardait passer; que des gens qu'il n'avait jamais vus lui disaient
dans l'oreille des reproches sur sa conduite, sur la façon avec
laquelle il avait conduit son procès, etc. Ces reproches continuaient
la nuit. Sous l'influence de ces hallucinations et de l'insomnie, il
e=t tombé dans un état de tristesse excessive qui lui fait désirer la
mort. Les idées de persécution n'existent à peu près pas, et ce qui
domine c'est la lypémanie.
. Examen physique. Le lobe gauche du corps thyroïde est très
augmenté de,voluitie - il forme une masse du volume d'une grosse
mandarine. Il n'y a pas d'exophtalmie; par contre, on note un
tremblement qui présente les caractères suivants : tout le corps est
animé d'un léger mouvement à oscillations verticales rapides, les
mains tremblent aussi et ce tremblement se fait sentir dans l'écri-
ture. Le pouls est rapide, 120 à 130 par minute; pas de palpitations.
Les urines, claires et limpides, abondantes (2 litres et demi), ne
contiennent ni sucre ni albumine.
Le malade se plaint de gastralgie, l'estomac est un peu dilaté;
on perçoit un clapotement qui ne dépasse pas d'un travers de
doigt la ligne ombilico-costale. La constipation est habituelle et
l'amaigrissement très marqué.
Le traitement prescrit est la teinture thébaïque à dose progres-
sive, depuis le 10 mars jusqu'au 10 mai, en augmentant d'un quart
de centigramme par jour.
10 mai. Le malade prend 20 centig. d'extrait thébaïque; à la
visite du matin, 'il nous dit qu'il va beaucoup mieux, que son
anxiété a disparu, alors que la veille il était aussi atteint que le
jour de son entrée. Il nous avoue à ce moment ses idées de suicide,
raconte son délire, ses illusions et ses hallucinations qui n'existent
plus. La teinture thébaïque est continuée, mais à dose décroissante.
18. L'état mental persiste bon. Suppression de l'opium. Le
goitre a le même volume; le pouls est moins rapide (80). L'insom-
nie ainsi que la polyurie ont disparu.
20. Le malade a été pris dans la nuit de palpitations violentes
avec sensation d'étouffement ayant nécessité le décubitus assis. La
respiration est rapide, le corps est agité par un tremblement
accentué à oscillations dans le sens de l'axe du corps; on peut les
noter même sans mettre la main sur la tête du sujet; les mains
tremblent aussi, le malade a de la peine à porter un verre il sa
bouche. Le pouls est très rapide (130). 1
Les battements du coeur sont énergiques et irréguliers, les vais-
seaux du cou son ! tendus; le goitre a augmenté de volume, dans
de notables proportions, il est pulsatile. OEdème aux membres infé-
MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 495
rieurs. Pas d'exopthalmie. Urines : ni sucre ni albumine. Traite-
ment bromure.
25. L'état mental est bon. Persistance des accès de suffocation.
Insomnie très tenace. Même état du corps thyroïde.
1er juin. Traitement thyroïdien, c'est-à-dire le malade absorbe
en nature le corps thyroïde de mouton; la dose est croissante,
d'abord un lobe, puis deux, et ainsi de suite jusqu'à deux glandes
par jour, en augmentant d'un lobe tous les deux jours.
25. Le tremblement s'atténue. Les palpitations ont disparu en
même temps que le sommeil est revenu; le corps thyroïde a repris
son volume antérieur.
L'étal mental reste satisfaisant.
10 juillet. Le malade sort guéri de sa psychose et de son syn-
drome maladie de Basedow, conservant cependant son goitre qui
ne le gêne en rien.
Quel enseignement peut-on tirer de cette observation ? Le
goitre exophtalmique, au point de vue de l'évolution, est
assurément antérieur à l'éclosion de la lypémanie, quoiqu'à
l'époque de l'admission les symptômes en aient été très
peu marqués. Au point de vue de l'époque de son apparition,
il est fort difficile d'être fixé; le goitre, ignoré du malade, a élé
constaté par un médecin, il y a trois ans, mais'il devait exis-
ter depuis de longues années; les troubles de l'estomac, qui
ont apparu à l'âge de vingt-cinq ans, doivent être mis sous la
dépendance de cette névrose, d'autant plus qu'ils étaient
accompagnés de tremblement et de tendance syncopale. Pen-
dant ce long intervalle, de vingt-cinq à quarante-trois ans,
l'état mental du malade actuel n'est point celui des' base-
dowiens. Nous ne trouvons pas l'instabilité, soit dans les
idées, soit dans le travail; cet homme a été calme, pondéré,
travailleur non par excès, mais régulier. Il l'a montré quand
il a poursuivi son procès avec grand tact, sans impatience
ni irritabilité.
Le caractère était plutôt porté à la tristesse qu'à la gaîté,
sans qu'on puisse le considérer comme maladif. Cet état psy-
chique était plus accentué pendant les périodes de digestion
pénible. On sait l'influence de l'estomac sur le caractère ';
nous avons démontré que déjà la dilatation de l'estomac peut
créer un délire à forme hypochondriaque par un mécanisme
' D'Devay. Contribution il l'étude de la dilatation de l'estomac et
des troubles psychiques qu'elle provoque. Lyon, 1892.
496 RECUEIL DE FAITS.
analogue à celui qui peut déterminer le goitre exophtal-
mique, c'est-à-dire par la formation, dans l'organisme, de
poisons du système nerveux. \
Malgré l'exislence, chez notre malade, de troubles gas-
triques, nous avons peu de tendance à les considérer comme
pathogéniques, quoique la première crise vraie de maladie
de Graves n'ait apparu qu'au moment de la guérison des
troubles mentaux. Voici les raisons qui nous guident : le
tremblement avait les mêmes caractères que celui que nous
constatons (le malade nous l'affirme); l'augmentation de
volume de la glande thyroïdienne, dont le malade n'a eu
connaissance qu'il y a trois ans, devait exister, puisqu'il n'a
remarqué aucun changement dans le volume de son cou ; les
palpitations l'ont fait souffrir depuis longtemps, mais d'une
façon intermittente; le traitement qui amendait tous les
symptômes était le séjour au grand air, à la campagne ou à
la montagne, et à l'abri de tout souci. Un fait à remarquer,
noté déjà dans le cas de Paul', c'est l'éclosion d'une crise
aiguë de goitre exophtalmique après la guérison, ou, plus
exactement dans notre cas, pendant .la période d'améliora-
tion de la psychose.
Avons-nous le droit de considérer cette succession de phé-
nomènes : accès de mélancolie, maladie de Basedow, comme
une association morbide temporaire, ou plutôt comme une
forme spéciale d'un état mental propre au goitre exophtal-
mique ? C'est à cette dernière opinion que nous nous arrê-
tons ; nous disons : la maladie de Basedow détermine dans
quelque cas, par le fait de poisons du système nerveux, soit
incomplètement détruits par la glande thyroïdienne, soit
créés par nne hypersécrétion thyroïdienne, un état psy-
chique caractérisé et par les symptômes de cette maladie
et par de la mélancolie anxieuse. Nous sommes, il est
vrai, en contradiction avec l'opinion formulée par Ballet
et llirschl, qui n'admettent pas la mélancolie symptoma-
tique de, la maladie de BaSedow. Les raisons qu'ils en
donnent sont insuffisantes; ils veulent qu'un basedowien,
frappé de mélancolie ou d'une psychose autre que la manie,
soit un neurasthénique, un hystérique ou un alcoolique.
Nous ne saisissons pas le lien qui unit au basedowisme la
' Dicl. ciieyclop. des se. méd., art. (loili-e exophtalmique.
MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 497
manie, à l'encontre des psychoses à forme dépressive, alors
que logiquement l'état cérébral de cette affection semble
conduire naturellement à la lypémanie. Du reste, noire ma-
lade, qui, pendant sa convalescence, nous a racunté sa façon
de vivre, n'est pas un alcoolique ; il ne présente non plus pas
de stigmates ni de l'hystérie, ni de la neurasthénie.
Une considération importante doit être tirée du traite-
ment. A l'entrée, le symptôme qui dominait la scène était la
mélancolie anxieuse; les autres phénomènes : goitre, tachy-
cardie, tremblement, ont été mal interprétés au premier
abord et nous avons appliqué le traitement de la mélancolie
anxieuse, c'est-à-dire la teinture thébaïque à dose progres-
sive et les bains tièdes de une heure par jour. Notre erreur
d'interprétation rapidement reconnue, nous avons continué
systématiquement le traitement, sous l'influence duquel nous
avons vu disparaître l'accès de lypémanie.
Quelques jours après cette amélioration, nous avons assisté
à l'éclosion brusque d'un accès à forme paroxystique de ma-
ladie de Basedow, qui dura plusieurs semaines. Le bromure et
les douches froides n'eurent aucune influence sur les palpi-
tations angoissantes. ni sur l'insomnie; il en a été de même
de toute la série des hypnotiques. Nous avons alors pensé à
la médication thyroïdienne ; le corps thyroïde a été absorbé
en nature. Au bout de huit jours de ce traitement quelque
peu paradoxal, le syndrome goitre exophtalmique a dimi-
nué jusqu'à disparaître complètement, sans que l'état mental
en subisse un amoindrissement. Le malade est parti guéri,
soit au point de vue physique, soit au point de vue psy-
chique.
En somme, nous nous croyons en droit de dire :
3° Le syndrome maladie de Basedow est capable de créer
un état psychique spécial qui peut se transformer en folie,
se présentant sous la forme de mélancolie. Celle-ci doit être
considérée comme un symptôme épisodique, aussi fréquent
que la manie, de la maladie de Basedow;
2° Le traitement de ce symptôme ne diffère pas de-celui de
la mélancolie observée chez les dégénérés ou les héréditaires.
Il doit être, complété par un traitement causal, chirurgical
.ou médical, du syndrome basedowien.
Archives, 2e série, t. IV. 32
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXXI. Courte communication SUR UN cas DE dystropuie musculaire
PROGRESSIVE, NOTABLEMENT AMÉLIORÉE PAR L'EMPLOI DE LA GYMNAS-
TIQUE méthodique; par A. \VIEnEn. (v1'etcrolog. Centralbl., XV, 1896
Il s'agissait du type facio-scapulo-lmméral, ayant débuté brusque-
ment, sans cause, à l'âge de dix-neuf ans (photographie*). Atrophie
progressive pendant plusieurs années de différents muscles et sur
tout de ceux des épaules, de la face, du dos, des jambes; pas de
convulsions fibriltaires ; pas de grandes modifications de l'excitabi-
lité électrique; pas de troubles de la sensibiité Diaan, : myopathie
progressive primitive du type Landouzy et Dejerine. Pas de névrite
antécédente. , ' P. K lm ,1 VAL.
XXXII. Nouvelles remarques SUR LES \EURO-P51'CHOSES DE défense;
par S. FREUD. (Neurolog. Cent1'illbl., XV, 1896.)
Mémoire finement détaillé, divisé en trois parties :
1° Etiologie spécifique de l'hystérie. Consisterait en des trauma-
tismes psychiques, c'est-à-dire en des événements agissant sur la
psuchêcomme des traumatisâtes; le souvenird'incidents déjà sexuels
antérieurs à la puberté éveille, en se représentant à l'esprit de
l'individu formé, une impression obsédante désagréable contre
laquelle lutte celui-ci ; cette lutte, cet effort de chasser de telles
impressions constitue le fond de la névrose de défense, de rejet,
qui s'appelle l'hystérie. Mais le déplacement du souvenir d'un évé-
nement sexuel pénible, pendant l'âge mûr, ne se produit que chez
des personnes qui sont accessibles à l'action de cet événement;
il faut que, en vertu d'une organisation particulière, l'événement
en question fasse revivre la silhouette commémoralive du trauma-
tisme sexuel de l'enfant.
Voyons des exemples de cette action posthume d'un trauma-
tisme sexuel de l'enfance. Il s'agit d'enfants de deux à huit ans
ayant été l'objet de véritables attentats génitaux, voire d'actes
abominables de la part de leurs bonnes, gouvernantes, serviteurs et
servantes, professeurs. Le plus généralement (13 observations) une
personne du sexe féminin abuse d'un petit garçon; cet abus éveille
prématurément en lui le désir, si bien que, quelques années plus
lard, il répète l'acte avec sa soeur. Ce sont ces souvenirs qui, ulté-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 499
rieurement, provoquent l'hystérie par le mécanisme sus-indiqué.
2° Nature et mécanisme de la névrose obsédante. Mêmes causes
que précédemment, avec cette différence qu'au lieu d'avoir subi
sans plaisir des actes sexuels, l'individu a participé activement à
l'orgasme pendant l'agression. Les obsessions sont toujours des
pensées de blâme métaI'l1lOpbosées, 'provenant de l'action psy-
chique, de la lutte de l'esprit qui essaie de chasser le souvenir
d'actes sexuels pratiqués pendant l'enfance avec plaisir. On distin-
guerait quatre périodes. Une période, dite d'immoralité enfantine,
relative aux dépravations et à l'agression contre une personne
d'un autre sexe, qui, plus tard, apparaîtront coin me actes blâmables;
une période de maturité sexuelle, souvent prématurée ; au souve-
nir de ces actes .s'allie le sentiment de reproche en vertu duquel
l'esprit tente de chasser le tableau commémoratif deces hontes : tel
est le premier effort conscient, le symptôme de défense primitif ; -la
troisième période est celle des scrupules, ce la houle, de la défiance
en soi; la défense morbide est constituée. Enfin c'est en vain que
ces souvenirs sont rejetés; ils reviennent plus obsédants que
jamais (quatrième période). Il en existe deux formes, suivant que
l'obsession ne laisse pas au malade une sensation trop désagréable,
trop déprimante, ou -au contraire entraîne une émotion morale
pénible aboutissant à l'angoisse avec interprétations délirantes
sociales ou religieuses. L'auteur passe en revue toutes les moda-
lités, toutes les associations d'idées, toutes les pratiques impul-
sives (fétichistes) des obsédés, leurs minutieuses précautions qui
se rattachent à ce mécanisme psychique et ont pour but de les
défendre contre l'obsession, ou l'impression de l'obsession. Pen-
sées dérivatives, raisonnements pressés, moyens préservatifs (pho-
bies et les habitudes qu'elles-enlrainenl).
3° Analyse d'un cas de folie systématisée chronique., - Il s'agit
d'une persécutée fort hallucinée. « On observe ses pensées, on
sait ce quelle fait, on la regarde se déshabiller le soir. Elle sent
dans le pénil un je ne sais quoi qui lui indique que sa femme de
chambre a une pensée inconvenante sur elle ; une grosse main
furète dans ses parties génitales. Elle voit des images de femmes
nues, un mont de venus. Ces hallucinations sont surtout pénibles
lorqu'elle converse avec une femme ; celle-ci lui apparait nue,
inconvenante, et elle se croit au même moment vue dans le même
état par sa vis-à-vis, etc. M. Freud apprend en outre que la
malade a donné rendez-vous à son frère, qui vit près de là, qu'elle
avait quelque chose à lui communiquer, mais qu'elle ne lui a
rien dit du tout. Il cherche donc les éléments psychiques sem-
blables à ceux de l'hystérie, et, évoquant des souvenirs dans
lesquels se reflètent des nudités avec sentiment de pudeur, il finit
par lui faire raconter une scène pendant laquelle elle se serait
dévêtue devant son frère. Cette scène a précisément trait à un
500 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
souvenir d'enfance; c'était, parait-il, une habitude aux frères et
soeurs de se montrer nus les uns aux autres avant de s'endormir.
'Peu à peu il se découvre qu'elle a eu à l'âge de six à dix ans des
relations sexuelles avec son frère. Tandis qu'elle se rappelle ces
pratiques, arrivent les hallucinations visuelles et tactiles en ques-
tion. Donc, conclut l'auteur, les hallucinations sont des fragments
de souvenirs d'enfance chassés, mais récidivants. La folie systéma-
tisée est, par conséquent, aussi une psychose de défense; elle procède
des efforts faits pour chasser des souvenirs pénibles, et les symp-
tômes en sont alors moulés sur le sujet même de ceque l'indi-
vidu a à rejeter. II. Keraval. '
XXXIII. Contribution A l'étude delà I'oItENCLPIL1LIE; par E. 13EYER.
(AMt'o. Cezztralbl., XV, 1896.)
Revue critique, de laquelle il résulte les faits suivants : Il n'y a
pas de différence entre la porencéphalie congénitale et la porencé-
phalie acquise. Déjà Kahlden a fait justice du signe de Kundrat
relatif au rayonnement des circonvolutions autour du trou. L'exi"-
tence ou l'absence de résidus inflammatoires dépend uniquement
du temps pendant lequel l'individu a survécu à sa maladie et de
l'activité circulatoire du sujet; les lacunes auront donc forcément à
un moment donné le même aspect, qu'elles datent de la vie foetale,
de la prime jeunesse, ou de la période de maturité, même chez les
gens âgés, pourvu que la mort ait lieu longtemps après. Mais il est
évident que pendant la vie foetale les produits de destruction seront
bien plus rapidement et bien plus complètement résorbés; de même
la compensation locale s'y fait bien plus large et fructueuse, et le
remplissage par du tissu cicatriciel s'effectue en bien plus faible
masse que chez l'adulte. Donc la porencéphalie sans traces inflam-
matoires se rencontre tout aussi bien quand elle est acquise, de
même que l'on rencontre des résidus inflammatoires dans la poren-
céphalie congénitale. Il est donc impossible de décider si la poren-
céphalie s'est produite avant la naissance (Schultze).
De plus la porencéphalie, le trou porencéphalique, peut siéger en
n'importe quel endroit du cerveau, ce qui détruit l'élément sur
lequel Kahlden fonde sa théorie de l'arrêt de dévoloppement pur,
théorie qui n'expliquerait, au reste, point la prétendue locali-
sation constante et typique du trou. Sans doute, dans les cas les
plus nombreux il occupe le territoire de la sylvienne et présente
exactement les limites du foyer de ramollissement par embolie, ce
qui est précisément en faveur de la théorie vasculaire. M. Deyes
passe en revue les espèces de Gowers, Heubner, Kreuser, et conclut
à la pathogénie également polymorphe, soit de la porencéphalie
congénitale (hémorragies méningées, embolies môme symétriques),
soit de la porencéphalie tardive (même genèse). Dans ces deux cas,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 501
l'embolie (Kundrat, Kreuser, Heubner), la tuberculose buccale syphi-
litique ou marcestique (Gowers) ; le traumatisme occasionnant
des embolies, des thromboses, des hémorragies, de l'encéphalite
(Koeppen, Gowers et Mac Nutt, Friedmann) peuvent provoquer le
même genre de lacunes encéphaliques. P. KERAVAL.
XXXIV. CONTRIBUTION A LA CASUISTIQUE ET A LA SYMPTOMATOLOGIE DR LA
PARALYSIEASTUÉNIQDE (paralysie bulbaire sans lésions anatomiques),.
par J. r ? rEnszr.a. (Neurolng. Centnrlbl, XV, lS9fi.)
OBSERVATION. - Chez un jeune homme de vingt-trois ans, il se
produit : de la blépharoptose ; un affaiblissement de la branche
motrice de la cinquième paire; de la dysphagie ; un trouble carac-
téristique de la parole; une parésie des muscles de la nuque du
facial supérieur (faible occlusion de la paupière) et du facial
moven. Intégrité de l'excitabilité électrique des muscles et des
nerfs du thorax et des extrémités avec conservation de la nutrition
musculaire; sensibilité absolument normale; rien au sensorium.
Les phénomènes paralytiques progressent surtout quand le malade
travaille. La marche est donc aiguë sans causes appréciables, mais
il y a aussi une grande tendance à l'amélioration et des oscillations
brusques. Cette observation est comparable il celle de Kaliscller
(Deulsche Zeitschr f. Nervenheilk. VI); on trouve, dans ce cas, à.
l'autopsie lès lésions de la paralysie subaiguë. P. KERA VAL.
XXXV. Deux cas DE paraplégie après l'accouchement; par LEESON.
(The Edinburgh médical Journal, p. 411, 1897.)
Ces deux cas méritent, d'attirer l'attention, en raison de la rareté
d'un pareil accident.
Le premier concerne une multipare de vingt-quatre ans; on dut
recourir à la délivrance artificielle à cause d'adhérences placen-
taires. Tout se passa normalement, il n'y eut pas trace d'infection.
Mais trente-six-heures après l'accouchement, on constate que les
deux jambes sont contracturées en extension et que tout mouve-
ment est impossible. La sensibilité est normale. La malade se
plaint seulement de lourdeur dans les cuisses et les jambes. Pas de
troubles vésicaux ni rectaux. Toute idée de myélite fut écartée. La
contracture indiquait une paraplégie hystérique purement fonc-
tionnelle, et le pronostic était favorable. En effet, au bout de
huit jours, les mouvements reparaissent peu à peu, et bientôt la
malade est tout à fait guérie.
Dans le second cas, il s'agit d'une primipare de vingt-six ans,
qui présente aussi des adhérences placentaires. Aussitôt l'accou-
chement terminé, elle se trouva paralysée des membres inférieurs
et du tronc, de sorte qu'elle ne pouvait se tourner dans son lit. Les
S02 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
bras seuls pouvaient se mouvoir. Il n'y avait pas de contracture.
Pas de troubles vésicaux. Dès le troisième jour, la malade constate
qu'elle peut remuer les pieds et les jambes; la force musculaire
revient peu à peu, mais la marche n'est possible qu'au bout de
trois semaines.
Ces deux cas ont plus d'un point de rapprochement. Ces deux
femmes étaient des névropathes avérées; chez toutes deux on dut
intervenir pour extraire le placenta adhérent. Chez toutes deux,
la marche des accidents fut la même et la guérison progressive.
Ces faits de paraplégie semblent se rattacher à un choc nerveux
subi par la moelle et résultant de l'excitation exagérée et passa--
gère que cause un travail laborieux. L'expérience journalière nous
montre des phénomènes analogues, où un épuisement nerveux
passager succède à une excitation trop forte. L'auteur termine en
citant les paroles de Charpentier (Traité des accouchements) qui
confirme cette manière de 'soir. P. RELLAY.
XXXVI. Paralysie DU MOTEUR oculaire commun par névrite hémor-
RIJAGIQUE ; coexistence d'un épanchement sanguin au niveau du
lobe frontal du côté opposé ; par G.-A. Gf13S0Y et Aldren Tur-
NER. (The Edinburgh médical Journal, mai 1897.)
. Les muscles de l'oeil, de même que ceux du larynx, ne peuvent
être paralysés par suite d'une lésion corticale unilatérale; l'exis-
tence d'une paralysie d'origine corticale est rendue impossible par
ce fait que chaque hémisphère exerce une action bilatérale sur les
mouvements de ces muscles.
L'expérience a montré qu'une excitation du centre laryngé
produit des mouvements d'adduction dans les deux cordes vocales;
mais d'autre part il n'y aurait pas un seul cas authentique de para-
lysie d'une corde vocale par lésion corticale unilatérale.
Il en serait de même pour ce qui concerne les yeux. On sait depuis
longtemps qu'une [excitation au niveau du pied des deuxième et
troisième froutales donne lieu au mouvement conjugué des deux
yeux qui se dirigent vers le côté opposé. Si l'on vient même à sup-
primer l'action des muscles droits externes et internes par la sec-
tion de leurs nerfs respectifs, l'excitation au même point du cer-
veau produit encore des mouvements dans les yeux, d'une façon
plus faible et différente; on voit alors les yeux s'élever et s'abaisser.
D'autre part, l'ablation des deux lobes frontaux qui contiennent
ces centres n'entraîne qu'une suppression passagère des mouve-
ments conjugués. Il s'ensuit donc que l'ophtalmoplégie corticale
après lésion bilatérale des lobes frontaux n'a pu être obtenue
expérimentalement.
Cette conclusion résulte d'expériences entreprises par Ferrier et
Aldren Turner.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. Oc3
Les faits cliniques ne sont pas plus probants.
Il n'est pas rapporté un seul cas où la lésion d'un lobe frontal
ait entraîné une paralysie des muscles de l'oeil du côté opposé,
autre qu'une abolition des mouvements conjugués de cet oeil avec
l'autre. Ces considérations se trouvent confirmées par le cas sui-
vant, dont l'étude anatomo-clinique offre le plus grand intérêt.
11 s'agit d'une enfant de onze mois, admise à l'hôpital pour acci-
dents de gastro-entérite. Un ptosis complet de l'oeil droit attire
l'attention ; la mère apprend que l'oeil était encore ouvert il y a
quelques jours, et que depuis il est resté fermé. En soulevant la
paupière, on voit la pupille très dilatée, insensible à la lumière.
L'oeil reste immobile, regardant un peu en dehors. A gauche, rien
de semblable : l'oeil suit les objets, la pupille réagit parfaitement.
D'ailleurs, on ne trouve pas d'autres accidents nerveux. Tout se
borne donc à une paralysie complète de la troisième paire droite.
Le diagnostic de la lésion causale était difficile; on s'arrêta à
l'idée d'un tubercule intéressant la troisième paire.
L'enfant mourut -cinq jours après son entrée. A l'autopsie, un
examen du nerf en question ne révèle rien de particulier, mais au
niveau de la scissure de Sylvius du côté opposé existe un large
épanchement sanguin qui s'étend sur le lobe frontal et le com-
prime.
Il était logique dès lors de conclure à une ophtalmoplégie uni-
latérale, causée par lésion du lobe frontal opposé. Encore fallait-
il, pour rendre cette conclusion certaine, pousser plus loin l'ana-
lyse, et démontrer encore plusieurs points : absence de toute autre
lésion corticale, intégrité des fibres corlico-pédonculaires, intégrité
des noyaux de ,1'oculo-moteur, intégrité du nerf lui-même. Or
l'examen microscopique du moteur oculaire commun de l'oeil para-
lysé montra des lésions manifestés de névrite hémorrhagique, avec
dilatation et thrombose des capillaires.
Cet examen permet doue de rattacher la parqlysie à une lésion
directe du nerf et fait écarter toute idée d'ophtalmoplégie corti-
cale, qui avait été suggérée à première vue. P. l3GLt.11'.
\\1VII. U,r cas d'amnésie; par le D'·' Bisiiop.
Il s'agit d'un homme qui marchant, sur la grand'route, voit une
ville devant lui, y entre sans savoir le nom de cette ville, et s'y
promène par les rues jusqu'au moment où, abordé par un police-
man, il se trouve dans l'impossibilité de dire quoi que ce soit sur
lui-même, et de donner même son nom.
Au bout d'un certain temps et avec bien de la peine son iden-
tité est reconstituée et l'on reconnaît avoir affaire à un mécanicien
qui, à la suite d'une commotion cérébrale due à une chute sur la
tête, changea de caractère, prit des habitudes nomades, eut des
504 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
crises d'intempérance, chaque crise étant accompagnée de douleurs
localisées, d'excitation maniaque ,et de troubles de la mémoire
caractérisés par une amnésie de la commotion, amnésie s'élendant
aux faits antérieurs à l'accident et qui finalement devint totale.
Quand le malade fut arrêté il errait depuis deux semaines sans
qu'on puisse savoir ce qu'il a pu faire pendant ce temps. (American
Journal of insanily, avtit 1897.) E. l3Lm.
XXXVIII. Contribution A la pathologie DE la sclérose EN plaques;
par A. Srnihll'ELL, (Ne2crolog. Cent2oclbl., XV, 1896.)
En imputer la cause à une infection aiguë (théorie de Marie) n'est
pas exact; celle-ci serait exceptionnelle dans les 30 à 40 observa-
tions de l'auteur, et tout a fait absente dans les 24 derniers faits où
il a noté avec soin les commémoratif". Une intoxication ne peut
davantage être alléguée. Le système vasculaire n'en saurait être non
plus rendu responsable : pourquoi effet une affection vasculaire,
et laquelle, surviendrait-elle d'emblée sur les plus fins vaisseaux
du système nerveux central, à l'exclusion d'altérations du même
genre en d'autres organes ? On n'osait poiut songer d'ailleurs
à l'artério sclérose, ni à la syphilis, dont on connaît les rava-
ges et leurs modalités dans le système nerveux ; le calibre de la
lumière des vaisseaux n'est point diminué dans les scléroses en
plaques. L'ischémie n'a que faire ici. -
,Ne serait-ce donc pas une maladie endogène due à des conditions
anormales congénitales, vagues sans doute jusqu'à nouvel ordre' ?
L'auteur a déjà recueilli deux observations dans lesquelles on
constatait en même temps : de l'hydromyélie, de la gliose centrale,
de la sclérose en plaques vraie, et un fait d'hydromyélie avec foyers
scléreux. Il y a là, dit-il une indication. C'est en réalité une mala-
die du jeune âge, dont on peut faire remonter les débuts à l'enfance,
qui épargne pendant longtemps les organes conducteurs de subs-
tance nerveuse, les cylindraxes, à l'iuverse des maladiesexogènes
celles-ci, de bonne heure, lèsent les cellules ou cylindraxes. Elle
frappe à tort et à travers et intéresse n'importe quelle courte éten-
due de chaque neurone ; elle a donc pour origine la névroglie et
se traduit par une prolifération multiloculaire primitive de cette
dernière. C'est une gliose mulLiloculaire ayant des origines congé-
nitales, exactement comme les névromes, fibromes et lipomes
multiples. Ainsi s'explique que, le neurone n'étant pas primitive-
ment atteint, ce soient d'abord les - manchons de myéline qui
souffrent exclusivement et que les cylindraxes demeurent longtemps
épargnés. Ceci n'élimine point les influences nocives exogènes,
indubitables en certains cas; elles sont alors des causes occasion-
nelles qui donnent le coup de fouet, aiusi qu'il arrive dans l'ataxie
héréditaire et piobablement ausssi dans la gliose centrale.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 505
M. Strumpell annonce que s'il y a des cas de sclérose en plaques
où l'on constate du tremblement intentionnel (Charcot), il y a un
nombre énorme d'observations dans lesquelles les troubles moteurs
des extrémités supérieures et inférieures sont de l'ataxie véritable,
comme dans le tabes, la maladie de Friedreich, la polynévrite
ataxique. Mais, tandis qu'il est rare de constater chez le tabétique
une ataxie prononcée sans aucun trouble simultané de la sensibi-
lité, dans la sclérose en plaques on rencontre la plus vive ataxi-
sans trouble de la sensibilité, ce qui prouve que ce dernier sympe
tome n'est pas une condition sine qua non de l'alaxie. A côté de
cela, dans la sclérose en plaques les réflexes des téguments cuta-
nées manquent souvent. Sur 24 malades, 67 p. 100 n'en présentaient
plus, tandis que sur 185 personnes saines, ces réflexes ne manquaient
que chez 25, soit 13,5 p. 100. P. KERAVAL.
XXXIX. Contribution A l'étude DE la maladie DES TICS convulsifs
(névrose convulsivc mimétique) ; par lli\ESLER. (Neurolog. Cenlralbl.,
XV, 18 ! )11.)
Longue observation d'un jeune homme de vingt-quatre ans. Il
présente des tics convulsifs de la face et des épaules exagérés par
l'émotion, avec addition de cris qui rappellent l'oie. Un état psy-
chique préside à ces convulsions faciales dont la cause a d'ailleurs
été une secousse morale ; les autres mouvements systématisés sont
le cortège du jeu de la physionomie, à l'instar des gestes normaux.
Ces mouvements ont le caractère précis des mouvements de
défense : c'est une névrose de défense. Le premier mouvement s'est
produit sous l'influence d'une émotion, par exemple de la terreur;
celle-ci a engendré un geste de défense contre la cause terrifiante.
Le sentiment en question a tellement exagéré l'innervation des
centres moteurs que l'énergie nerveuse en excès a continué, plus
tard, à faire appel aux mêmes mouvements, sous des influences
psychiques bien moindres, par suite de l'état de tension où se
trouvent les centres. La volonté n'agit donc plus, n'est plus con-
sultée ; ainsi s'est établi un automatisme indépendant. Le cri de
l'oie est la caricature d'une interjection phonétique, comme les
convulsions sont la caricature des jeux de physionomie. La copro-
lalie doit être tenue pour l'exagération de ces tics vocaux, les
jurons obscènes sont une forme des manifestations défensives; les
anamnestiques révèlent en outre que la mère du malade était
régalée d'injures. L'écholalie échappe à notre genre d'interpréta-
tion ; elle survient d'ailleurs plus rare dans la maladie des tics.
Les actes impulsifs sont ici représentés par des besoins irrésis-
tibles de casser des vitres, sous forme d'attaques stéréotypées, ou,
quand l'occasion manque d'y procéder, le patient déchire ses vête-
ments. On sait que d'ordinaire ils se bornent à des impulsions
50G REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
inoffensives. Ici ils subsistent continuellement; c'est une force qui
se déchaîne dès qu'elle ne rencontre plus d'obstacles. Un jour,
l'infirmier attaché au malade dut prêter main-forte à M. 13resler;
à peine a-t-il tourné le dos que le jeune homme, saisissant une
chaise, brise méthodiquement quatre carreaux avec les quatre
pieds de la chaise, d'un seul coup. Peut-être ne faut-il voir là qu'un
acte de vengeance contre de mauvais traitements antérieurs; peut-
être n'est-il la conséquence que des habitudes de compter les
fenêtres et leurs carreaux. Certaines assertions du patient semblent
indiquer aussi des idées délirantes : il dit que les religieuses pro-
voquent contre lui des excès des autres malades, qu'il se joue beau-
coup de comédies dans l'établissement. Qu'il s'agisse de concep-
tions ou de jugements bêtes comme il en apparait chez des
émotifs de cette espèce, ils témoignent de l'action exercée par la
névrose sur le psûchê. Oppenheim croit, dans l'espèce, à l'intensité
intellectuelle, mais il convient que la maladie développe, chez ces
individus, de la mauvaise humeur, de la misanthropie, de la
défiance. En notre cas, les actes impulsifs sont dangereux, par
suite et de la mauvaise éducation du malheureux et du traitement
au rebours qu'il a subi. P. KERAVAL.
XL. Contribution A la symptomatologie de la paralysie faciale;
par T. Cobn. (l'eu7·olo. CeK<)'«<6 ? XV, 1890.)
Fillette de dix-neuf ans présentant les signes d'une lésion de la
base du côté gauche (hématome probable, Maginsky). Paralysie
faciale complète, totale, en apparence, et cependant tous les mou-
vements ne sont pas troublés à un degré égal. Tandis qu'elle ne
peut pas du tout plisser le front, lever la lèvre supérieure, rire,
elle peut encore un peu faire la bouche en coeur, fermer, quoique
très incomplètement, l'oeil; elle réussit à froncer le sourcil, dépri-
mer et tordre la lèvre inférieure, élever la houppe du menton,
rider le nez. Mouvements du voile du palais et de la langue nor-
maux ; conservation du goût, de la sensibilité. Pas de contractures
pas de convulsions fibrillaires; pas de mouvements associés ; faible
amaigrissement de la moitié gauche du visage.
La complète déchirure de certains muscles et l'état électrique de
ceux qui sont respectés indiquent que le centre du facial n'est pas
atteint ; la conservation du goût signifie que la lésion porte sur le
bout central du ganglion géniculé ; par conséquent, l'altération
occupe la partie du facial située entre' ce ganglion et le noyau du
facial.
Mais l'ouïe est troublée, ce trouble n'a pas précédé la paralysie
faciale, car, autrement, il eùt été remarqué; il ne constitue donc
pas une maladie indépendante. Il n'y a pas de destructions
osseuses très étendues, auxquelles contredit en effet l'état de
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 507
l'oreille. Il faut, conséquemment, croire à une lésion du labyrinthe
ou de la base du crâne dans le voisinage du trou auditif interne.
Peut-être n'y a-t-il rien dans le labyrinthe, puisqu'on n'y constate
ni troubles subjectifs ni troubles objectifs de l'équilibre. Sans
doute il n'y a pas de parésie du voile du palais, mais cela s'est
déjà vu bien souvent dans les paralysies faciales périphériques à
siège élevé. Les commémoratifs laissent supposer des convulsions
qui indiqueraient qu'il y a eu hémorrhagie de l'artère auditive
interne, peut-être une méningite.
Quoi qu'il en soit, l'intérêt du cas gît dans l'apparition brusque
et simultanée de l'hémiplégie faciale et de la 'surdité nerveuse;
puis, dans l'intégrité complète de certains muscles de la face,
malgré la lésion de la base, notamment dans la conservation de
muscles dont les fibres viennent, à n'en pas douter, du noyau du
facial exclusivement : tels ceux du menton, le peaucier, le sour-
cilier. P. KERAVAL.
XLI. DE l'épilepsie spinale; par BMSLEH. (Ne2c·olog. Cenlrulbl.,
XV, 1896.)
Il existe une forme de l'épilepsie qui débute par des déchar-
ses myocloniques à peine perceptibles d'abord, échappant à la
conscience et à la volonté du sujet, et survenant souvent la nuit.
Ces contractions myocloniques passent comme des éclairs, sont
irrégulières, dépourvues de rythme, non synergiques, au point
qu'elles se bornent il quelques muscles ou simplement à quelques
faisceaux musculaires. Excepté les muscles de l'oeil, tous les mus-
cles volontaires sont pris ainsi que le diaphragme. Puis apparaît
l'épilepsie avec ses attaques caractéristiques, sans que la myoclo-
nie cesse; celle-ci continue dans l'intervalle des attaques. L'auteur
en donne une observation qu'il rapproche de celles de Russel Rey-
nold et d'Unveruicht. Il montre que c'est une affection familiale,
comparable il ce qui se passe à la suite des lésions expérimentales
de la moelle entre la huitième dorsale et la deuxième lombaire; au
bout de quelque temps on constate de l'hyperexcilabililé, voire des
convulsions spasmodiques de certains groupes musculaires, et bien-
tôt des attaques complètes d'épilepsie (Brown-Sequard, Schiff,
NoLliiiagel). Il propose d'appeler cette forme morbide myoclonie
épileptique ou épilepsie spinale. Il fait remarquer que l'épileptique
ordinaire, qui succombe à l'epilepsie même, est généralement tué
par un état de mal dans lequel on distingue un stade convulsif et
un stade comateux, tandis que dans l'épilepsie spinale c'est un coma
mortel sans accès proprement dit préalable, qui intervient. Il
appuie cette remarque d'un autre exemple (coma mortel survenant
alors que les accès d'épilepsie étaient suspendus depuis des mois).
Seppilli a, lui aussi, publié trois observations de irnoclome fami-
508 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
liale avec épilepsie (Rivista spel'imentale di freniatria, XXI); seule-
ment il l'impute à l'écorce du cerveau. P. KERAVAL.
XLII. OBSERVATION DE maladie DE hlOIIV : 11 ; par M. Bielsciiowsky.
(iYetM'0. CezlralLl., XV, 18cJ6.)
Trois séries de symptômes :
1° Troubles moteurs ; atrophie et parésie des muscles de la cein-
ture scapulaire ; 2° Troubles de la sensibilité; paralysie partielle
de la sensibilité à la douleur et à la température dans la partie
supérieure du tronc et dans les membres supérieurs; 3° troubles
trophiques ; modification de la consistance de la peau des mains;
graves mutilations des doigts de la main gauche ; arthropathies
semblable» aux arthropathies des tabétiques, des trois phalanges
digitales. Diagnostic ' syringomyélie de la moelle cervicale et dor-
sale supérieure.
L'auteur ajoute que les arthropathies sont singulièrement rares
chez une femme qui, de par sa profession, n'a jamais été particu-
lièrement exposée à des influences traumatiques. Rare aussi cette
adhérence de la peau du bras droit avec l'aponévrose et les expan-
sions fibreuses du tendon du biceps, adhérence toute spontanée,
n'ayant été précédée ni d'inflammation cutanée, ni d'inllamma-
tion du tissu cellulaire sous-cutané, dont l'aspect rappelle la
rétraction de l'aponévrose palmaire de Dupuytren. Il n'y a pas
lèpre, car on ne trouve aucun commémoratif de ce genre; le sang
et le sérum des endroits excoriés ne renferment point de bacilles de
la lèpre; les troncs des nerfs sont indemnes; la peau ne présente
pas d'anomalies pigmentaires ; il y a dissociation marquée des
fonctions de la sensibilité ; enfin les membres supérieurs sont exclu-
sivement atteints. P. Keraval.
SOCIETES SAVANTES.
CONGRÈS INTERNATIONAL DE MEDECINE
DE MOSCOUI.
Section DES maladies mentales et nerveuses (Suite).
Pathogénie el anatomie pathologique de la syringomyélie.
M. H. SCIILESINGER (de Vienne). Il n'est pas prouvé par l'ana-
tomie que la lèpre joue un rôle dans l'étiologie de la syringo-
mvélie.
La grande ressemblance du tableau clinique des deux affections
n'autorise nullement l'admission du même processus anatomique ;
encore n'est-il pas probable que la lèpre puisse produire des exca-
vations dans la moelle.
Le terme de « maladie de Morvan est à remplacer par celui de
« complexe symptomatique de Morvan », qu'on peut rencontrer
dans des affections centrales (syringomyélie) et dans des affections
du système nerveux périphérique (de nature lépreuse).
La vie dans des contrées exemptes de lèpre et le défaut du bacille
spécifique ne sont pas une raison suffisante pour exclure la maladie.
Les symptômes qu'on ne rencontre que dans chaque maladie à
l'exclusion des autres, ont une importance clinique très grande.
La syringomyélie parait admissible quand on se trouve en face de
phénomènes bulbaires unilatéraux, de parésie spasmodique des
extrémités inférieures, de rigidités et de crampes de ces extrémi-
tés, d'augmentation du réflexe patellaiie, de nystagmus, de ver-
tiges violents, de troubles sensitifs et moteurs disposés en seg-
ments ; on doit admettre par contre une affection lépreuse en face
d'une paralysie faciale périphérique de nerfs sensibles à la pres-
sion des troubles oculaires et laryngés typiques, d'éruptions pig-
mentaires et bulleuses réparties sur tout le corps.
' C'est par erreur que dans le dernier numéro on a mis sous la Ru-
brique Société de neuropathologie et de Psychiatrie de Moscou, la pre-
mière partie du Congrès international de médecine de Moscou.
510 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La lésion anatomique bulbaire de la syringomyélie ne se ren-
contre, même sur des coupes transversales typiques, que jusqu'à
l'extrémité de la protubérance.
L'étiologie de la syringomyélie bulbaire n'est pas unique : Des
modifications vasculaires, qui se développent quelquefois dans la
première jeunesse, semblent jouer un rôle important.
On doit considérer comme moteurs étiologiques très importants
l'ischémie progressive produite par des lésions artérielles, ainsi que
la distraction du tissu par des hémorragies.
Les cavités situées latéralement, au contraire des cavités
médianes de la moelle, manquent toujours d'un revêtement épen-
dymaire, qu'on rencontre toujours, du moins sur un certain par-
cours, dans les cavités médianes.
La formation cavitaire ne s'étend pas sur les noyaux, ni sur les
tractus intrabulbaires des quatre premières paires nerveuses céré-
brales et de la petite portion du trijumeau.
Dans la pachyméningite de la moelle, on rencontre une forma-
tion cavitaire qui, selon toute apparence, tire son origine d'une
modification vasculaire.
M. OBERSTEINER, de Vienne. Le tabes est l'oeuvre d'intoxica-
tions probablement multiples et agissant sur différents points du
système nerveux. L'étude des lésions qu'elles y provoquent conduit
à cette conclusion qu'elles affectionnent particulièrement les
racines postérieures de la moelle et que c'est sur le point où ces
racines offrent le minimum de résistance que ces lésions débutent.
Mais nous ne connaissons point quelles sont ces toxines, causes du
tabes; nous ne savons pas davantage quel est le mécanisme de
leur action et pourquoi cette action se traduit par une. telle lésion.
11 semble cependant que la toxine syphilitique y joue un rôle fré-
quent et que le processus scléreux chemine le long des voies cen-
tripètes. C'est là tout ce que nous pouvons dire.
M. R.11CHLINE (de Paria) pense que l'hygiène et la diététique sont
les principales indications à remplir.
M. FRÆNKEL (de Heiden, Suisse) expose sa méthode de rééduca-
tion etlllontre les apparellsqui lui serveutàréapprendre à l'ataxique
à marcher, à écrire, à se tenir debout, à se lever, s'asseoir,.
etc. Ces appareils sont fort simples et il est facile à tous les méde-
cins d'en imaginer de semblables. Avec de la patience on réussira
dans la grande majorité des cas à trantformer un impotent, un
infirme, en un homme valide et capable de gagner sa vie.
M. EULGBUIiG, de Berlin, accepte les conclusions de Frsenkel et
préfère employer les moyens de ce genre que la médication anti-
syphilitique, qui est basée sur une théorie qui ne lui paraît pas
absolument certaine.
SOCIÉTÉS SAVANTES.. 511
M. le D'' IJROWER (Daniel) (de Chicago). La première chose à
considérer pour le tabes dorsal est le climat. L'auteur recom-
mande surtout à ses malades de passer deux ou trois mois, au
priutemps, dans les montagnes du Missouri, dans celles de la
Caroline du Nord, dans la Géorgie ou la Californie. Il recom-
mande ensuite le repos au lit, avec massage journalier et traite-
ment par les courants faradiques pendant six à huit semaines. Tout
travail d'esprit et de fatigue physique doit être évité. La nour-
riture doit être facilement digérée et toute constipation également
évitée. Il ne faut user des alcools et du tabac que très modéré-
ment. Les bains froids ou tièdes, ne dépassant pas 18° F., sont
bons mais, d'après l'auteur, le baiu chaud porte préjudice au
malade.
M. le l' ERB (W.) (d'Heidelberg). Après avoir passé en revue
la thérapeutique du labes dans les cinquante dernières années,
il examine les moyens à employer eu égard aux causes de cette
affection. Dans les cas de tabes précédés de syphilis, le traitement
spécifique est indiqué ; dans ceux notamment où le tabes en est à
son début et existe, en même temps que d'autres manifestations
syphilitiques (peau, os, muqueuses, etc.), enfin dans les cas où le
traitement spécifique antérieur a été insuffisant. Ce qui fait que
cette thérapeutique échoue, c'est l'état général insuffisant du
malade, les lésions trop avancées, et enfin l'influence d'autres
causes (alcool, nicotine, etc.). Mais ce n'est là que le traitement
causal, et on ne peut en attendre des résultats rapides. Il faut lui
adjoindre un traitement symptomatique, qui consiste à calmer les
douleurs fulgurantes (antipyrine, antiféhriue, phénacétine, etc.)
les crises douloureuses diverses (gastriques, ano-vésicales, laryn-
gées, etc.), l'ataxie elle-même; à ce dernier point de vue la méthode
de Fraenkel marque un réel progrès.
M. A. EULEIOEURG (de Berlin) eslime que jusqu'à présent on n'est
pas autorisé à regarder la syphilis comme la cause essentielle ou
exclusive du tabes. Par conséquent, le traitement spécifique, en
tant qu'il est dirigé contre l'affection tabélique elle-même, en
l'absence d'autres indications formelles, ne lui parait nullement
fondé. Quant à la méthode de rraenhel, il la considère comme un
moyen précieux contre l'ataxie tabétique.
Action analgésique et sédative de la main appliquée en position hétéro-
nome, principalement dans les algies des sujets hystériques et
néur·as(éctiqttes; par le De Ed. 13sr : Tn.r; (Barcelone).
Conclusions : 1. L'application hétéronome de la main de l'opéra-
teur exerce une action calmante décidée, évidente et prompte sur
les manifestations algiques (névralgies, myalgies, viscéralgies) de
512 1) SOCIÉTÉS SAVANTES. ,
la plupart des malades névropathes, surtout des hystériques et
névrasthéniques. 2. L'effet est toujours immédiat et en maint
cas définitif. 3. La promptitude et efficacité de cet effet est en
raison directe de ce qu'on pourrait appeler aptitude physico-biolo-
gique de l'opérateur. 4. Il est vraisemblable que ladite action
analgésique est due à ce qu'on étudie modernement sous le nom
d'od; et par conséquent, il n'est pas aventureux de supposer
que l'efficacité du procédé reste proportionnelle à la quantité et iL
l'énergie des effluves odigues de l'opérateur.
Du traitement d'états d'angoisse et de contrainte.
M. OTTO DORNBLUTH. Le traitement'Systématique par l'opium
et la codéine donne les meilleurs résultats quand on a affaire à des
états graves et invétérés d'angoisse et de contrainte; le repos au
lit, l'hydrothérapie, la diète et le traitement psychique doivent aider
les médicaments et corroborer les résultats obtenus par eux. Même
sur des cas de moindre gravité, on doit avoir recours aux médica-
ments sus-nommés.
Valeur thérapique dzccourant galvanique dans le goitre exophtalmique ;
par le D'' Ed. 13ERTllAN (Barcelone). 1
Conclusions : 1. Le courant galvanique continu, en application
bulbo-thyroïdienne, est utile, même considéré comme traitement
empirique. 2. Les principaux avantages obtenus par ce procédé
électrolhérapique sont : a) diminution ou disparition de l'exoph-
talmie ; b) amélioration graduelle, assez rapide, des troubles de
l'innervation cardiaque, jusqu'à la réintégration complète dans
l'état normal; c) soulagement corrélatif des altérations du fonc-
tionnement général de l'individu, jusqu'au rétablissement total;
d) diminution (presque jamais résolution complète) de j'hypertro-
phie du corps thyroïde.
Sur un nouveau traitement curatif des névralgies périphériques ;
par le Dl' C. BALLABENE (Home).
1. L'auteur se propose- de démontrer que la douleur physique,
autant comme symptôme qui procède de maladies d'autres tissus
de l'organisme animal, que comme affection de la branche même
nerveuse, doit être prise en considération sérieuse dans le traite-
ment curatif, parce qu'en quelque cas la névralgie seulement peut
tuerie malade. - 2. L'auteur parle ensuite de lï £ chialgie (com-
munément sciatique), du lumbago ou courbature et de la névral-
gie du plexus brachial autant en regard de leurs causes quede leurs
formes cliniques. - 3. L'auteur passe en revue beaucoup de
remèdes jadis employés pour ces maladies et beaucoup d'autres
SOCIÉTÉS SAVANTES. su3 3
qu'on emploie aujourd'hui dans le but de calmer ladouleuretilfail
remarquer les qualités thérapeutiques de chacun d'eux. 4. Il
trai'e enfin d'un nouveau préparat, savoir du Valériuiante de,11éthyl,
qu'il a nommé Algonicon (parole grecque ancienne, qu'on traduit :
vainqueur de la douleur) et qui est en solution dans l'eau, composé
par le D''chimiste Joseph Pilferi, de Rome. - 5. L'auteur parle
sur les motifs qui l'induisirent à essayer cette préparation,
remarque les effets qui résultent de son application ipodermique
profonde, conte quelques cas d'importance de guérison et enfin le
propose comme le remède le plus efficace et le plus innocent de
tous les autres jusqu'à présent employés dans la cure des névral-
gies périphériques.
Note sur le délire mélancolique ; par les D's Ch. Vallon et A. Marie.
Dans cette étude les auteurs-se sont particulièrement attachés
aux formes typiques de la mélancolie, aux cas pouvant aboutir à
une évolution en quelque sorte progressive, au délire mélancolique
chronique systématisé. En le faisant ils ont cherché à isoler dans
le syndrome clinique de la mélancolie ce qui lui appartient en
propre de ce qui peut n'être que symptôme accessoire et
variable.
Dans le groupe des mélancolies, on peut, comme Lasègue l'a fait
pour les persécutés, distinguer des cas, offrant avec ces derniers
d'ailleurs certaines analogies, mais pouvant leur être opposés
comme types de mélancolie vraie, essentielle, avec des caractères
fondamentaux dont les formes chroniques systématisées ne sont
que l'accentuation progressive, la cristallisation si l'on peut dire
ainsi, la forme stéréotypée en un mot (délire chronique des néga-
tions de Cotard).
Cette élude a pour but de dégager d'abord du complexus symp-
tomatique ce qui est délire mélancolique vrai, de ce qui n'est
qu'idées mélancoliques. Les auteurs attribuent à ces deux mots
(délire par opposition à idées simples) le même sens qu'on attribue
aux mêmes expressions en ce qui concerne les persécutés. De
même qu'il y a des malades quelconques à idées de persécution
idiopathique, de même il y aurait des malades à idées mélancoli-
ques et d'autres à délire mélancolique. C'est ce dernier que cette'
étude a pour but d'isoler en une entité clinique comparable à la
maladie de Lasègue.
De la suggestion ; par le professeur 13ERIIEIM.,
La suggestibilité est une propriété physiologique du cerveau
humain : c'est la tendancedu cerveau à réaliser toute idée acceptée
par lui. Toute idée acceptée est une suggestion. L'hypnotisme n'est
Archives, 2e série, t. IV. 33
rus14 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pas un étal particulier, c'est la mise en activité de la suggestibilité
avec ou sans sommeil.
La suggestion peut faire réaliser à quelques personnes des actes
criminels, soit par impulsion instinctive, soit par hallucination,
soit par perversion du sens moral. Elle ne peut détruire un sens
moral robuste, ni le ciéer quand il est absent ; mais elle peut déve-
lopper les germes bons ou mauvais existants.
Un viol peut être commis par suggestion sur une femme, soit
dans le sommeil hystérique consécutif aux manoeuvres hypnotiques,
soit par perversion instinctive et excitation sensible en condition
seconde, soit par insensibilité psychique suggérée au sujet. La sug-
gestion, c'est-à-dire l'idée, d'où qu'elle vienne, s'imposant au cer-
veau, joue un rôle dans presque tous les crimes.
La faiblesse congénitale du sens moral et une grande suggestibi-
lité facilitent les suggestions criminelles. Un acte délictueux ou
criminel peut être commis dans un état de condition seconde ou
vie somnambulique, d'origine hétéro ou auto- suggestion. Un faux
témoignage peut être fait de bonne foi par auto-suggestion don-
nant lieu à des souvenirs fictifs. Le libre arbitre absolu n'existe
pas. La responsabilité morale est le plus souvent impossible à appré-
cier. La société n'a qu'un droit de défense et de prophylaxie sociales.
L'éducation doit intervenir pour neutraliser les germes vicieux et
opposer aux impulsions natives un contrepoids de suggestions coer-
citives.
De l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies mentales;
par A.-A. TOKARSKY (Moscou).
Le sommeil hypnotique est un état physiologique spécial, qui se
caractérise par l'abolition presque complète de l'activité psychique.
Dans beaucoup de cas cet état est accompagné de la plus grande
suggestibilité. Mais l'état hypnotique et la suggestibilité ne dépen-
dent pas l'un de l'autre immédiatement et on peut rencontrer des
cas où la grande suggestibilité se manifeste malgré l'absence du
sommeil hypnotique et vice versa. Au point de vue thérapeutique
l'état hypnotique a autant de valeur que la suggestion. Il ne peut
produire que l'abaissement de la fonction du système nerveux, et
par conséquent il agit comme un sédatif.
La suggestion peut produire l'abaissement ainsi que l'exagération
de la fonction dans une direction déterminée. Cette excitation du
système nerveux par la suggestion ne peut être que de courte durée.
Par conséquent au point de vue thérapeutique l'état hypnotique
et les suggestions négatives, ayant un caractère de défense, ont la
plus grande importance. Il ne faut pas oublier que l'excitation
apparente de la fonction faisant disparaître les paralysies hystéri-
ques n'est en effet que l'abolition des impulsions morbides qui
SOCIÉTÉS SAVANTES. 515
arrêtaient la fonction. Ainsi l'application de l'hypnotisme à la thé-
rapeutique donne les meilleurs résultats dans le traitement des états
d'excitation générale du système nerveux, quelle que soit la cause
de cette excitation. Mais ce sont là des résultats passagers. On ne
peut faire disparaître les symptômes isolés par lesquels une maladie
mentale se manifeste que sous la condition de l'amélioration de
l'état général du système nerveux. Par exemple, la disparition des
idées impulsives est toujours accompagnée par la disparition de
l'excitation générale, de l'insomnie, de l'état affectif, inappé-
tence, etc.
Dans l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies
mentales il ne faut pas perdre de vue qu'au début des maladies
mentales aiguës la susceptibilité » l'hypnotisation et la suggestibi-
lité diminuent, et même des personnes qui étaient très susceptibles
avant leur maladie deviennent complètement réfractaires. La sus-
ceptibilité revient de nouveau dans la période de convalescence. Ce
fait explique pourquoi on obtient de meilleurs résultats par l'appli-
cation de l'hypnotisme dans les périodes où la maladie commence à
devenir stationnaire.
En ce qui concerne les formes des maladies mentales, l'hypno-
tisme peut donner des résultats favorables, avec les restrictions
mentionnées, dnns la neurasthénie, les obsessions, la mélancolie,
manie légère, abus d'alcool, morphinisme et d'autres impulsions
morbides, ainsi que dans la perversion sexuelle. Dans toutes ces
formes, l'influence favorable de l'hypnotisme se manifeste dès le
commencement du traitement, ne fût-ce qu'à degré très faible. On
peut dire que l'application de l'hypnotisme n'est pas indiquée, si
après quelques séances on n'obtient aucune amélioration notable.
L'application du chloroforme pour faciliter l'hypnotisation ne peut
être pratiquée qu'il titre d'essai.
L'effet nuisible de l'bypuotisaliou dans la plupart des cas est
produit par l'inexpérience de l'hypnotiseur et on ne peut observer
que rarement des cas où l'hypnotisation provoque une espèce d'ex-
citation générale du système nerveux, qui est toujours passagère,
mais qui peut quelquefois empêcher l'application thérapeutique de
l'hypnotisme.
Au point de vue médico-légal, on ne peut pas nier la possibilité
des crimes sous l'influence des suggestions hypnotiques, mais en
même temps il faut exiger des experts d'indiquer catégoriquement
s'il y a hypnotisation avec suggestions déterminées ou non, et s'abs-
tenir de suppositions vagues sur des suggestions probables, parce
que la plupart des suggestions indirectes ou à l'état de veille ren-
trent dans le domaine de l'influence morale d'un individu sur
l'autre et n'ont rien de commun avec des suggestions hypnotiques
proprement dites.
Eu somme, dans le traitement des maladies mentales, on ne
51 G SOCIÉTÉS SAVANTES.
peut pas mettre l'hypnotisme au dernier plan, malgré son appli-
cation assez restreinte, parce que tous les autres moyens théra-
peutiques, même les plus efficaces, restent très souvent sans aucune
influence sur les maladies, et il y a beaucoup de malades qui ne
peuvent être guéris que par l'hypnotisme. Quant au traitement des
maladies nerveuses, l'hypnotisme et la suggestion doivent être
regardés comme un moyen thérapeutique puissant qui a d'autant
plus de valeur qu'il agit quelquefois dans des cas où tous les autres
remèdes sont restés sans aucun résultat.
L'aliénation mentale momentanée dans l'intoxication alcoolique. Dis-
position illogique de la loi civile (incapacité) et criminelle (respon-
ScLbiltté); par M. J.-F. SUTHERLAND.
La question que l'auteur a l'honneur de soumettre à l'apprécia-
tion des aliénistes et juristes de tous les pays de l'Ancien et du
Nouveau Monde est d'une profonde et urgente importance inter-
nationale au poiut de vue psychologique, médico-légal, social et
moral.
Jamais on n'a plus fait dans le cours des siècles pour combattre
et diminuer les conséquences néfastes et incontestablement pro-
gressives de l'alcoolisme que ne font aujourd'hui les parlements et
les conseils municipaux, encouragés et aidés par les juriscon-
sultes et les médecins, parles sociologistes et les moralistes. Les
moyens qu'ils emploient sont :
1° Création de lois protégeant la personne, la famille et les biens
de l'alcoolique. En ce moment la Grande-Bretagne seule fait peut-
être exception, mais on croit que son isolement du concert euro-
péen des nations civilisées n'est qu'une question de très peu de
temps; 2° restrictions apportées à la vente des boissons toxiques;
3° insistance à obtenir une plus grande pureté dans la fabrication,
et par conséquent élimination des adultérations fort toxiques du
commerce (essences, bouquets artificiels, furfurol, aldéhyde sali-
cilique, etc.); 4° soins médicaux appropriés à l'ivresse accidentelle
et à l'alcoolisme invétéré. -
On doit accepter le fait que la consommation des boissons eni-
vrantes (whisky, eau-de-vie, absinthe, wodka, etc.) et par consé-
quent l'alcoolisme augmente. La consommation varie beaucoup
suivant les conditions morales et géographiques (c'esl-à-dire eh-
matériques) et suivant la nature de la boisson nationale. C'est
ainsi que l'on constate que, quoique l'alcoolisme soit universel, il
est plus développé parmi les races teutoniques que parmi les races
latines, et plus fréquent chez les races latines que chez les slaves.
Mais les preuves d'un accroissement général arrivent de Ions côtés.
Pendant les dix-sept dernières années, l'auteur a fait, à divers
titres officiels, desrecherches sur toutes les phases du problème de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 517
l'alcoolisme, plus parmi les nations de langue anglo-saxonne que
parmi les nations continentales afin d'étudier les effets produits sur
l'individu, la famille, la société, ses relations, et les dispositions de
la loi civile et criminelle à cet égard. La conclusion, qui repose sur
des bases suffisantes et ne court guère le risque d'être infirmée, est
que l'alcoolisme, sous une forme ou une autre, est non seulement
la cause principale de désordre social mais qu'on y trouve le facteur
principal et, selon plusieurs auteurs un facteur de l'aliénation men-
tale, du crime et de la misère.
M. P. VicTOnorr, de Moscou. Au point de vue bio-chimique la
pathogenèse des maladies nerveuses à substratum anatomique
peut être réduite à une modification pathologique de la nutri-
tion moléculaire tant générale que spéciale du système nerveux.
En principe, l'organothérapie doit être applicable au traitement
des maladies nerveuses, puisqu'il s'agit de l'introduction dans l'or-
ganisme de substances physiologiques ayant d'indubitables rap-
ports avec la nutrition moléculaire. Cette thèse est juste surtout
quand il s'agit des affections du système nerveux sur un terrain
syphilitique, podagrique, diabétique, alcoolique, etc. dans lesquelles
une modification pathologique de la nutrition est évidente.
Les injections sous-cutanées de l'extrait orchidique (injections de
Brown-Sequard) sont d'une utilité indiscutable dans le traitement
du tabes, des paralysies alcooliques (paraplegia alcoolica) et de cer-
tains cas de l'épilepsie jacksonienne.
Les injections de Brown-Sequard rendent de grands services sur-
tout dans les cas du tabès où en raison d'antécédents syphilitiques
un traitement spécifique mercunel avait été suivi d'un abaissement
de la nutrition générale du malade.
Bro'n-Scquard n'est pas seulement un des maîtres de la physio-
logie du système nerveux et un des fondateurs de la pathologie
expérimentale du système nerveux, mais c'est à lui encore qu'ap-
partient de toute justice le titre de fondateur de l'organothérapie
qui est en train deconquérir ses droits de citoyen dausle traitement t
des maladies nerveuses. L'application de la méthode de Brown-
Sequard au traitement des maladies nerveuses pourrait bien jeter
une nouvelle lumière sur la pathogenèse de ces maladies.
M. LUCAS-CIL1\IPIOVnII' : nE, de Paris. Je ne pense pas que l'on
puisse avancer des faits d'une précision absolue concernant les ren-
seignements que l'on peut tirer de l'observation de l'épilepsie jack-
sonienne. Je suis venu à cette conclusion par l'observation d'un
très grand nombre de cas dans lesquels, pour des causes diverses,
j'ai dû faire la trépanation crânienne.
Je compte actuellement 60 opérations de trépan faites pour des,
lésions cérébrales sans origine traumatique ou se rapportant à des
traumatismes de l'encéphale déjà anciens et 20 cas de trépanation
suivant une fracture plus ou moins ancienne.
Si 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Certains chirurgiens ont été assez heureux pour rencontrer des
cas d'accidents cérébraux caractérisés par de l'épilepsie jackso-
nienne dans lesquels la lésion cérébrale était bien limitée à un
peint de la région des centres moteurs dans l'écorce cérébrale. Ces
cas simples sont relativement peu communs : dans les grandes
séries de trépanation, on doit compter des cas très nombreux dans
lesquels l'épilepsie jacksonienne accompagnait des lésions éloignées
des centres moteurs ou de grosses lésions ne touchant que fort peu
ces centres moteurs. Parmi les cas qui peuvent entraîner la con-
viction, je puis citer trois observations de tumeur : l'une du lobe
frontal, l'autre du lobe droit du cervelet, et la troisième de la base
du crâne sans lésion du parenchyme cérébral.
Dans ces cas il y eut des attaques d'épilepsie jacksonienne. Dans
deux de ces cas les attaques sont restées limitées aux membres supé-
rieurs ; dans le dernier elles.se généralisaient ensuite.
Sans perdre de vue la facilité de diffusion des lésions de l'encé-
phale, même inflammatoires, et en tenant compte que seulement
les lésions superficielles sont accessibles, il convient d'élargir l'in-
tervention de l'un à l'autre des hémisphères cérébraux avec la seule
restriction de respecter les grands sinus veineux. Seulement ainsi
s'obtient la décompression facile, complète, la désingurgitation
du parenchyme cérébral, et s'évitent les lésions régressives.
Le but de ce travail ne nous permet pas d'entrer dans plus de
détails qui justifiraient nos opinions ; mais si, d'une part, on con-
sulte les statistiques des grands praticiens qui s'occupent spéciale-
lement de ce sujet, et si on- les compare avec la nôtre, nous les
trouvons désastreuses quant au résultat ; si les insuccès s'expliquent
par les désordres anatomo-pathologiques qui les motivent, et si,
en dernier cas, les rares succès enregistrés par des personnalités
sont comme von Berghmann, Laplace, Horsley et quelques autres,
ajoutés aux nôtres, nous verrons que l'intervention immédiate est
celle qui procure le plus de ces succès, et, en conséquence, il est
facile de justifier pourquoi nous préférons l'emploi de ce moyen,
de même que, quelquefois, il peut être nécessaire de l'associer au
traitement médical alors que celui-ci est nettement indiqué.
Pour réaliser cette idée, nous conseillons de pratiquer la cra-
niectomie dans la zone rolandique, en levant une portion du crâne
partant d'un centimètre en dehors de la suture sagittale et s'éten-
dant au-dessous et en avant jusqu'aux limites de la fosse temporale,
et lorsque cela est nécessaire, en l'étendant jusqu'à la fosse même'
en faisant la canaisation consécutive la plus parfaite, afin d'évi-
ter les infiltrations dans la région lemporozygomatiquc.
Comme le reste de notre technique opératoire ne diffère pas de
celle universellement acceptée de tous les praticiens, nous croyons
utile d'entrer plus loin dans ce détail. Chacun des multiples cas
que nous aurons à traiter exigera peut-être quelques modifications
SOCIÉTÉS SAVANTES. 519 \)
spéciales, mais d'une manière générale, c'est à cette règle que
nous devons nous arrêter.
Pour conclure, la chirurgie cranio-cérébrale, par rapport à l'épi-
lepsie jacksonienne ou autre processus de l'encéphale, doit être
rapide et opportune si on veut obtenir de bons résultats ; les insuc-
cès que nous avons sont dus à l'opportunité des interventions.
M. Doyen, de Reims. L'abord de la cavité crânienne doit être
très large. La résection temporaire des os du crâne est la méthode
de choix. M. Doyen propose, avec de nombreuses opérations à
l'appui, une instrumentation nouvelle pour pratiquer en très peu
de temps, 5 à 10 minutes, l'isolement de larges volets osseux. Pré-
sentation des instruments.
Nécessité et urgence de l'intervention opératoire dans les cas de lésions
cérébrales; par le Dr LAVIST.1 (de Mexico).
Les efforts que la chirurgie a constamment faits pour modifier
les multiples lésions occasionnées par les désordres cérébraux,
aussi bien d'ordre psychologique que d'ordre sensitivo-moteur,
n'ont pas encore répondu aux désirs des spécialistes, tant au point
de vue chirurgical qn'à celui des études neurologiques. Multiples
sont les causes qui concourent à ces effets : les uns, d'ordre ana-
tomo-pbysiotopique, les autres, aussi importants que les premiers,
d'ordre purement pathologique.
Les variations qui proviennent fréquemment des circonvolutions
et la difficulté de la localisation qui correspond à chacune d'elles
sont sans doute un écueil qui difficilement pourra être vaincu
par la réalisation de l'idée que nous poursuivons.
Croire que les centres ou territoires de l'écorce cérébrale sont
définitivement limités, c'est une véritable illusion, parce qu'ils ne
représentent que des régions où s'accentue le maximum de la
fonction d'où ils s'irradient à une grande partie de la surface
du cerveau, et que c'est ainsi qu'il arrive que les centres se réunis-
sent plus ou moins complètement, conservant toujours leur parfait
contact.
Encore ignorons-nous le rôle précis que jouent les circonvolu-
tions frontales supérieures et moyennes. On'suppose qu'elles doi-
vent avoir des fonctions délicates, telles que l'intelligence et la
mémoire; mais la démonstration de ces faits n'en a pas encore été
faite suffisamment.
Quelques-uns des faits cliniques que nous avons rencontrés dans
notre pratique paraissaient approuver cette manière de voir, mais
un seul de ces faits n'est pas assez éloquent pour affirmer cette sup-
position. Nous allons donc essayer, en nous réduisant, d'expliquer
un de ces faits.
A la suite d'une blessure occasionnée par une arme à feu dans
520 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la région lemporale droite et dont le projectile élait sorti à 1 cen-
timètre en dehors du sinus longitudinal supérieur, traversant le
lobule dans sa partie antérieure, le sujet a perdu complètement la
mémoire et presque totalement l'intelligence. Six années après est
survenue l'épilepsie jacksonienne la plus grave que nous ayons
jamais vue. La durée des crises, que nous n'avons pu déterminer
facilement, par suite de leur peu d'interruption, était souvent
de vingt-quatre jusqu'à quarante-huit heures, et le malade tom-
bait dans un état de mal épileptique chaque fois qu'elles arrivaient
à ce degré.
Opéré, en soulevant les ostéophytes qui, en s'introduisant dans
la substance cérébrale, maintenaient l'horrible situation indiquée
ci-dessus, nous avons pu démontrer la disparition complète des
circonvolutions frontales supérieures et moyennes, et avec elles, la
mémoire et l'intelligence.
Ce cas est intéressant, parce qu'il contribue à donner plus de
poids à la doctrine qui paraît s'affermir, dans la science, sur le
rôle accordé à cette circonvolution. Mieux connu, sans doute, est
le territoire moteur toujours en relation avec le système muscu-
laire du côté opposé, et même, à certains degrés, avec le même
côté correspondant toutefois aux centres de la figure et des
membres ; encore ne sommes-nous pas tous d'accord sur le centre
qui correspond aux muscles du tronc. La loi acceptée sans discus-
sion, enseigne que les muscles dépendant de la volonté sont subor-
donnés au cerveau, tandis que ceux qui en sont indépendants cor-
respondent à la moelle.
Nous n'avons pas encore dit le dernier mot sur la section du
lobule pariétal comme sur celle de l'occipital. Nous savons que le
girus angulaire paraît intervenir dans la fonction du sens de
la vision. Très probablement on rencontre dans ce lobule la
partie qui correspond à la moitié temporale de la rétine du même
côté et à la moitié nasale du côté opposé, mais le centre, qui est
chargé des fonctions extrinsèques des muscles de l'oeil, n'est pas
encore connu. Egalement, pour le sens de l'audition, on prétend
que la circonvolution supérieure est peut-être la portion antérieure
de la moyenne du lobule temporal qui est le siège du centre cor-
respondant ; comme 'aussi on assure que, dans la partie antérieure
de ce même lobule, dans la région du crochet, on rencontre le
centre de l'appareil olfactif : le reste de cet important territoire est
èncore physiologiquement en étude.
M. A. Voisin a observé un cas d'épilepsie jacksonienne chez un
jeune garçon de dix-sept ans. Il est atteint depuis l'âge de quatre
ans d'attaques convulsives du côté gauche qui débutent par une
aura douloureuse du membre supérieur gauche. Tous les traite-
tements pharmaceutiques avaient échoué et le jeune homme était
arrivé à ne plus pouvoir quitter son lit, tellement le nombre des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 521
attaques était grand; il était, de plus, tombé dans un état voisin
de l'idiotisme. Aussi M. Voisin pensa qu'une opération chirurgi-
cale pouvait seule olfcir quelques chances de succès, et il pria
M. Péan de faire une large craniectomie au côté droit de la tête
(région temporo-pariétale).
Une partie d'os, longue de 001, Ii;) et large de Om,05 fut enlevée
au niveau des circonvolutions fronto-pariétales ascendantes. La
dure-mère présenta une voussure très marquée ; la pie-mère appa-
rut très vascularisée; la substance célébrais fut trouvée notable-
ment dure, comme sclérosée.
Les suites de l'opération furent simples. Depuis, la douleur du
membre supérieur gauche a totalement cessé, le jeune homme n'a
eu que 3 attaques; il n'a conservé que quelques tressaillements,
quelques légères secousses; il a repris peu à peu toute son intelli-
gence et aujourd'hui il s'est remis au travail. Il y a deux ans et
demi que l'opération a été pratiquée et tout fait penser que la gué-
rison se maintiendra. '
Résultats de l'intervention c ! zil'llI'(Jicale pour la cure de l'épilepsie
jacksonienne; par M. R. Lavista (de Mexico).
L'épilepsie jacksonienne est molivée par des lésions de la zone
psychomotrice de l'encéphale. Elle offre des formes multiples rare-
ment circonscrites, avec des manifestations localisées à un seul
membre ou segment de ce membre, mais elle se généralise com-
munément en conservant son type primordial.'
On l'observe plus fréquemment dans le premier cas. Quand elle
se généralise, elle a ordinairement son point de départ sur les
muscles de la moitié de la face, principalement sur la moitié droite
parce que plus communément la lésion existe sur le lobe cérébral
gauche.
Beaucoup de causes peuvent produire des lésions anatomiques
dans le sillon de Rolando, mais les plus communes à Mexico sont
traumatiques d'abord, syphilitiques immédiatement après, ou
pachyméningées. La pachyméningite s'observe fréquemment à la
suite du traumatisme, elle est rarement tuberculeuse à Mexico. On
a coutume de trouver des lésions dégénératives avec le caractère
gliomateux comme causes de l'épilepsie jacksonienne.
Dans notre pratique, nous avons eu l'occasion de rencontrer
plusieurs faits bien prouvés, offrant comme particularité leur loca-
lisation plus précise.
L'évolution de ces diverses lésions est excessivement lente et ses
manifestations presque toujours tardives; comme conséquence
naturelle, le procès pathologique devient diffus et naturellement
difficile à modifier avec les ressources chirurgicales.
J'ai rarement eu l'occasion de le trouver parfaitement limité ;
522 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dans un cas pareil la souffrance n'était pas dyscrasique, il s'agis-
sait d'un kyste hémorragique consécutif au traumatisme. Il con-
vient de signaler cette circonstance par la bénignité delà lésion et
le résultat vraiment satisfaisant obtenu par l'intervention. On
déduit naturellement de cela que l'opération, la craniotomie seule,
est justement indiquée comme ressource curative radicale, en
pareil cas.
Vingt-cinq interventions pratiquées dans des cas multiples d'épi-
lepsie jacksonienne d'ordre pathologique ne m'ont donné que des
résultats incomplets. Le seul cas de cure radicale a été d'origine
traumatique et serapporte à celui du kyste cérébral déjà mentionné.
Le mieux passager dans les cas de syphilis cérébrale (syphilome
méningé) n'a donné que le bienfait que produit la décompression,
qui permet la conservation et la prolongation de la vie pour un
temps plus ou moins long. Il détermine d'ordinaire des lésions
régressives descendantes, qui envahissent les pyramides et attei-
gnent tôt ou tard le bulbe.
Mes malades ont perdu successivement leurs facultés sensorielles
sensitives et motrices en produisant fréquemment la paralysie,
spastique quelquefois. Les accidents d'ordre psychique n'ont pas
été dominants. J'ai observé quelquefois la forme mégaloma-
niaque, rarement la forme de manie aiguë; après l'intervention,
la guérison du délire a été obtenue temporairement. Tôt ou tard,
celui-ci reparaît, les accident se généralisent et occasionnent la
mort. Les désordres psychiques donnent une gravité spéciale à
l'épilepsie jacksonienne et contre-indiquent l'opération.
L'intervention opératoire en elle-même a toujours été innocente,
tant qu'elle a été pratiquée sur la voûte crânienne; quand il est
nécessaire de l'étendre à la fosse temporale, elle se complique faci-
lement d'accidents hémorragiques ou infectieux. Les grandes exci-
sions crâniennes permettent seules l'exploration de la partie pos-
téro-supérieure du sillon de Rolando.
Réfection totale et bilatérale du sympathique cervical dans le traite-
ment du goitre exophtalmique et de l'épilepsie; par M. Jonnesco (de
Bucharest).
Les suites opératoires sont des plus simples; la réunion par pre-
mière intention je l'ai toujours obtenue, et le pansement, enlevé le
huitième jour, a laissé voir une cicatrice linéaire imperceptible.
Après la résection du nerf d'un côté, j'ai toujours vu le rétrécisse-
ment immédiat de la pupille de ce côté. A près l'opération il se pro-
duit immédiatement une congestion passagère du visage, un peu de
larmoiement et une abondante sécrétion nasale. Tous ces phéno-
mènes, sauf le rétrécissement pupillaire, disparaissent dans la suite.
Dans le cas de résection partielle, il s'est produit chez les épilepti-
SOCIÉTÉS SAVANTES. â°l3 3
ques mêmes, une accélération du pouls qui durait plus ou moins
longtemps. Après la résection totale, le pouls au contraire se ralentit,
tombe au-dessous de la normale. Ce ralentissement est de courte
durée, il dure quelques jours elle pouls revient à son taux normal
quelquefois pourtant il persiste assez longtemps au-dessous de la
normale.
Quant aux troubles trophiques tardifs, je n'en ai jamais ren-
contré, ni du côté du globe oculaire ni ailleurs. Il en est de même
de l'état général des opéréss qui reste parfait et même s'améliore
dans certains cas. Ainsi tombent, chez l'homme du moins, les
données physiologiques bien connues sur le rôle du sympathique
cervical dans la nutrition du globe oculaire.
Indications. Elles sont au nombre de deux : la maladie de
Basedow et l'épilepsie essentielle.
a). Le goitre exophtalmique est incontestablement modifié et
même guéri par la résection du sympathique cervical. Des trois
principaux symptômes, deux reconnaissent incontestablement pour
cause l'excitation permanente du sympathique cervical. L'exopthal
mie peut être produite par l'excitation expérimentale du nerf, les
expériences de Cl. Bernard l'ont prouvé; le retrait du globe
oculaire, la diminution de la fente palpébrale, la chute de la
paupière supérieure s'observent après la résection du sympa-
thique ; on peut se rendre compte du phénomène en comparant
les yeux d'un épileptique ayant subi la résection unilatérale de
la chaîne sympathique cervicale. C'est ainsi que s'explique la
disparition de l'exorbilisme après la résection du sympathique
cervical chez les basedowiens, ce qui tient à un phénomène
musculaire, à la paralysie du muscle orbitaire interne, et non au
resserrement des vaisseaux rétro-bulbaires par section des nerfs
vaso-dilatateurs contenus dans le sympathique (Abadie). Avec
l'exorbitisme disparaît la dilatation pupillaire pour faire face au
rétrécissement permanent, comme je l'ai vu dans un de mes cas où
la dilatation, pupillaire pré-opératoire était indiscutable. Les autres
troubles oculaires, signe de Graefe, signe de Stellwag, signe de
Moebius, signe de Ballet, quand ils existent, comme dans mon troi-
sième cas, disparaissent aussi après l'opération. Ceci s'explique, car
tous ces signes sont d'une façon directe ou indirecte dus à l'excita-
tion permanente du sympathique cervical. La tachycardie diminue
et disparaît même après la résection.
En somme, la résection du sympathique cervical, en réglant la
circulation encéphalique troublée, fait disparaître les troubles ner-
veux si caractéristiques des basedowiens.
L'influence du sympathique cervical sur les manifestations delà
maladie de Basedow est indéniable; mais il ne faut pas pour cela
faire du sympathique même le p ? ,iinuni movens de l'affection. Celle-
524 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ci peut se présenter sous deux formes : goitreux devenus basedo-
wiens et basedowiens devenus goitreux.
Dans les deux ca, le sympathique sert de trait d'union, de voie
de transmission entre le ¡J1'imum movcns variable, goitre ou affec-
tion encéphalique, et les divers organes qui sont altérés secondaire-
ment dans leur fonctionnement : yeux, coeur, voire même corps
thyroïde chez les basedowiens devenant goitreux. Donc le sympa-
thique peut être excité à la périphérie, excitation mécanique ou
chimique, par le goitre ou par la sécrétion thyroïdienne, ou
subir une excitation centrale primitive, chez les basedowiens sans
goitre.
Aussi, quelque soit le mécanisme de l'excitation, celle-ci existe;
et, enlever le sympathique cervical, c'est faire cesser les manifesta-
tions diverses de la malade de Basedow.
Les excellents résultats que j'ai ohtenus sur mes trois opérées,
dont deux datent déjà d'un an et sont actuellement parfaitement
guéries, et la troisième, récente qui a vu disparaître la plupart des
troubles oculaires et diminuer les autres (goitre, pouls, état ner-
veux, etc.), prouvent que le traitement de choix du goitre exoph-
talmique, affection si tenace en général, doit être la tésection du
sympathique, opération efficace, bénigne et relativement facile.
Mais à quelle intervention doit-on s'arrêter ? La section simple du
cordon (opération de Jaboulay) est inutile, car le nerf peut se régé-
nérer et la récidive se montrer. La résection partielle étendue aux
deux ganglions et au cordon intermédiaire, allant jusqu'au-dessous
du plexus thyroïdien inférieur, telle que je l'ai proposée et exécutée
le premier, peut donner d'excellents et durables résultats thérapeu-
tiques, car mes deux malades ainsi opérées sont actuellement gué-
ries, sauf une très légère tachycardie. La résection partielle et
limitée au ganglion supérieur et à une petite partie du cordon qui
lui fait suite ne peut donner de résultats définitifs durables, ce qui i
explique les récidives observées (Chauffard et Quénu, Gérard Mar-
chant et Abadie, etc.).
La résection totale et bilatérale comprenant les trois ganglions
et leur cordon intermédiaire est l'intervention de choix, et voici
pourquoi : le ralentissement des battements cardiaques et la dimi-
nution de la force de la systole cardirque ne peuvent être réelle-
ment obtenus que par l'enlèvement du ganglion cervical inférieur
d'où partent d'importants et nombreux filets accélérateurs cardia-
ques d'origine sympathique; de plus, pour, modifier d'une façon
aussi complète que possible la circulation encéphalique, il faut
s'adresser non seulement au sympathique prévertébral d'où partent
les filets vaso-constricteurs du territoire carotidien des artères encé-
phaliques, mais aussi lâcher d'enlever le sympathique intra-verté-
bral qui enlace l'artère vertébrale et va avec elle innerver le terri-
toire postérieur ou vertébral des artères encéphaliques. C'est
SOCIÉTÉS SAVANTES. 525
pourquoi l'opération idéale doit être celle qui détruit le ganglion
cervical inférieur et le nerf vertébral qui en part.
Du reste, Jaboulay, à propos de sa première intervention par la
simple section du sympathique, exprimait le désir de voir aller plus
loin et détruire les filets efférenls cardiaques du ganglion cervical
inférieur, pour voir cesser la tachycardie. Pourquoi ultérieure-
ment a-t-il abandonné cette manière de voir, conforme à la phy-
siologie et à l'anatomie même (Fr. Franck), je ne le sais, ou, pour
mieux dire, c'est probablement la peur de toucher à ce ganglion
cervical inférieur difficile à extraire, le noli me ta7lgere des chirur-
giens, quoique je l'aie enlevé déjà près de 50 fois sans aucun danger.
En résumé, le traitement de choix du goitre exophtalmique est la
résection totale et bilatérale du sympathique cervical, comprenant
les trois ganglions et leur cordon intermédiaire. L'excellent résultat
que j'ai obtenu dans l'unique cas que j'ai opéré ainsi, cas où tous
les symptômes étaient des plus accentués et où tous ont disparu, si
.ce n'est le goitre qui diminue mais n'a pas encore disparu, et cela
en deux jours, prouve que la résection totalc et bilatérale seule doit
être pratiquée dans l'avenir.
b). L'épilepsie. - La théorie de l'anémie cérébrale comme cause
déterminante de l'attaque épileptique, perte de connaissance et
convulsions, est encore soutenue par un grand nombre de neuropa-
thologistes et par des physiologistes de valeur.
Conclusions. La résection totale et bilatérale du sympa-
thique cervical est une opération possible; ses conséquences ulté-
rieures sont nulles.
Théorie de l'hérédité.
MM. les D''s Hillemand et PETRUCCI (de Paris). Les auteurscom-
mencent par rappeler que Magendie, Cl. Bernard, Vulpian ont
démontré la prépondérance du système nerveux dans les domaines
physiologique et pathologique. Dans la théorie des auteurs, le sys-
tème nerveux devient l'agent principal de l'action de chaque indi-
vidu sur l'espèce; l'hérédité des caractères acquis se réduit pour lui
à une action réflexe spéciale du système nerveux sur les cellules
germinatives. La pathologie et surtout les résultats de la patho-
logie expérimentale viennent à l'appui de celte manière de voir.
Les auteurs citent des faits de transmission héréditaire de l'épilepsie
expérimentalement provoquée chez des cobayes par l'hémisection
de la moelle. Enfin la castration montre l'intime liaison qui existe
entre l'épithélium germinatif et le reste de l'économie; pour expli-
quer que l'ablation des cellules germinatives puisse arrêter le déve-
loppement du larynx, des poils, il faut faire intervenir un trouble
local du système nerveux se généralisant et se répercutant sur l'en-
semble du corps.
526 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Genèse psychopalhiyue.
M. Louis Dolsa (de Barcelone) conclut ainsi : Les psychopathies
essentielles (vésanies) n'ont pas d'autre étiologie que l'hérédité.
Elles sont donc des manifestations nosologiques d'une génération
troublée ou pathologique (déterminante d'une entité fixe qui s'ap-
pelle dégénéré), évolutionné par le milieu. Le milieu, cause déter-
minante de ces états de caducité en évolution. est un élément bio-
logique dont l'activité révèle le dégénéré accomplissant la loi de
sélection. Le milieu pathologique est un élément de dégénération ;
il ne peut produire que des délires symptomatiques, mais pas de
vésanies. La psychiatrie doit se borner à un rôle préventif, favori-
sant les régénérations, et ne doit pas tendre à guérir des états
pathologiques qui sont toujours la manifestation d'un défaut
d'origine.
Sur l'existence de mouvements cloniques au cours de la
syringomyélie.
M. Marinesco. - J'ai eu l'occasion de constater chez un certain
nombre de malades atteints de syringomyélie des troubles des
mouvements volontaires, qui présentent un certain intérêt au point
de vue de la clinique et de la physiologie pathologique. Il s'agit,
dans ce cas, de mouvements involontaires localisés aux extrémités
des membres supérieurs et portant sur les doigts et particulièrement
sur le pouce. Ce sont des secousses rapides, quelquefois même vibra-
toires, se présentant d'ordinaire sous forme d'accès et apparaissant
ou disparaissant sans cause apparente.
Sur la dyspepsie nerveuse et son rapport avec les névroses
en général.
M. le professeur l3osisNIICm (de Berlin). - L'auteur considère la
dyspepsie nerveuse comme une entité morbide; comme Leube, il
la définit : Névrose de la sensibilité tactile de l'estomac. La fonction
motrice et sécrétoire de l'estomac peut y être altérée (anacidité,
liyperacidilé, atonie, etc.); si cette altération est considérable et
durable, il y a lieu généralement de penser qu'il ne s'agit pas de
dyspepsie nerveuse, mais d'une autre affection gastrique (gastrite,
dilatation) qui a pu d'ailleurs se développer aux dépens d'une dys-
pepsie nerveuse. Cette dernière est relativement rare, même chez
les individus nerveux ; l'auteur cite 50 cas de neurasthénie dont
27 ne se rapportaient pas à la dyspepsie nerveuse, mais à d'autres
affections stomacales et dans 11 seulement se rencontraient les
symptômes de la dyspepsie nerveuse. On ne peut donc admettre que
celle-ci soit une manifestation de la neurasthénie; souvent même
SOCIÉTÉS SAVANTES. 527
les névroses en général dépendent de la névrose de l'estomac et dis-
paraissent avec elle
Cas de maladies cérébrales dans lesquelles les fonctions respiratoires
cessent entièrement quelques heures avant celles de la circulation du
sang.
M. le D1' UYCC Drrcr(\vol1.TH (de Londres). Je donnerai sommaire-'
ment les détails de 4 cas : 3 d'abcès cérébraux ou cérébelleux pro-
duits par des otites moyenne ssuppuratives, et un cas d'hémorragie
cérébrale par suite de traumatisme, dans lesquels le malade cessait
absolument de respirer de trois à cinq heures avant que la fonction
du coeur se fût arrêtée. La respiration artificielle ne put aucune-
ment rétablir ces fonctions, et des injections hypodermiques de
strychnine et d'éther furent également impuissantes. L'auteur rap-
porte des observations qui démontrent que ce phénomène a été
observé dans des cas de lésions du cerveau, comme suite de bles-
sures par armes à feu; il discute les explications possibles.
L'exploitation d'une maladie imaginaire au profit de la
- thérapeutique.
M. le D1' GALE (G.) (de Binasio). - Une malade atteinte d'hys-
térie croyait que sa mutité intermittente était le résultat de la pré-
sence d'un serpent à l'intérieur de son corps. Le médecin entra
dans ses vues; il la plongea dans le sommeil hypnotique et lui dit
ensuite que le serpent était retiré. Pour convaincre la malade de
l'exactitude de ce fait, on lui mit dans la main un tube de caout-
chouc. Elle guérit; mais quelques jours après elle revint en disant t
qu'on avait oublié de retirer la femelle du serpent. Cette dernière
fut également retirée pendant le sommeil hypnotique delafemme
et elle fut complètemelltguérie.
Note sur l'évolution et la pathogénie du délire de persécution ;
par Tory et 1 ? TV (de Lyon).
Résumé. Le délire chonique est une rareté clinique, en ce sens que
les diverses phases de cette maladie ne s'excluent pas l'une l'autre,
et ne se suivent pas dans un ordre invariable. La mégalomanie n'est
pas une phase obligée du délire de persécution ; d'après nos obser-
vations elle manque dans un tiers des cas. Certains délires de per-
sécution paraissent s'arrêter, s'améliorer et même guérir. La
maladie se manifeste de préférence à l'âge adulte de trente-cinq à
quarante-cinq ans.
L'hérédité psychopathique domine en haut la pathogénie du
délire de persécution ; nous la relevons dans plus d'un quart des
cas, toujours très lourde. L'alcoolisme est également fréquent chez
528 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les ascendants. L'étude du délire des persécutions chez les vieillards
permet d'éclairer de quelques lueurs la genèse de ce délire. Enfin
quelques observations, rares il est vrai, montrent manifestement
l'action déterminante de certaines maladies (tuberculose, cardiopa-
thies, myélopathies, etc.), dans lesquelles le délire de persécution
revêt l'allure d'un symqtôme cérébral.
Râle du spasme et de la contracture dans les affections des organes
digestifs. Description, diagnostic, traitement.
M. Jules Geoffroy (de Paris). - Dans les travaux, d'ailleurs très
remarquables, qui ont été publiés au cours de ces dernières années,
on a absolument laissé de côté l'étude du rôle que joue le tissu
musculaire dans les états physiologiques et pathologiques de l'appa-
reil digestif; ou, du moins, on ne s'en est occupé que pour réduire
sa pathologie à l'atonie. Il faut cependant réfléchir que, quand un
muscle est frappé d'atonie, c'est, ou bien que le système nerveux
qui l'anime est lui-même atteint, ou que le muscle a été soumis à
un travail excessif ou trop prolongé : l'atonie est une conséquence
dont il n'est pas oiseux de rechercher la cause.
Si les fonctions physiologiques dévolues à l'estomac et à l'intestin
ne peuvent aucunement s'accomplir sans l'intervention directe et
constante de leur tunique musculeuse, par contre il faut bien recon-
naître que toutes les affections de ces organes retentissent sur elle
par la voie du système nerveux, en produisant d'abord le spasme
et la contracture, plus tard, mais plus tard seulement, l'atonie et
la dégénérescence. Spasme et contracture ne sont que la réaction
des fibres musculaires lisses de l'appareil digestif en présence de
l'état pathologique de la muqueuse et de ses sécrétions, ou des
tiraillements que l'organe peut subir dans ses déplacements (ptoses).
Je vais plus loin ; considérant la richesse nerveuse du tube digestif
avec son double plexus, je pense que, sous la seule influence du
système nerveux, il peut se produire une susceptibilité, une irrita-
bilité de la fibre musculaire lisse (états moraux, fatigues, surine e
nage, névropathie, hystérie) capable d'engendrer à elle seule le
spasme et la contracture et les phénomènes pathologiques qui en
sont la conséquence.
Quand le tube digestif est affecté de spasme et de contracture,
que l'affection soit primitive ou secondaire, la circulation intérieure
et l'élaboration des matériaux de la digestion se trouvent arrêtées,
de même que leur absorption et l'élimination de leurs résidus ; la
circulation sanguine rencontre elle-même des difficultés qui, ajou-
tées à l'irritation des plexus nerveux gastro-intestinaux, exercent
une influence fâcheuse sur l'état général de la constitution. Il se
crée ainsi des états morbides qui varient suivant la localisation des
phénomènes de spasme et de contracture.
ASILES D'ALIÉNÉS.
Nouvelle réglementation DE la CLINIQUE DES maladies mentales
A l'Asile CLINIQUE : situation DU chef DE CLINIQUE
A la séance du '1 CI' juin de la Commission de surveillance
des asiles de la Seine, M. le directeur des affaires départe-
mentales a donné lecture de l'arrêté ministériel ci-après, en
date du 13 avril dernier :
Le Ministre de l'Intérieur, sur la proposition du conseiller
d'Etat, directeur de l'Assistance et de l'hygiène publiques; vu la
loi du 30 juin 1838 sur les aliénés et l'ordonnance du 18 décem-
bre 1839 qui règle le mode d'administration des asiles publics et
privés consacrés aux aliénés ; vu le décret du 4 février 1875 relatif
au cadre des directeurs et des médecins des asiles publics; vu
l'arrêté du 8 octobre 1879 établissant à l'asile Sainte-Anne la cli-
nique des maladies mentales ; Arrête : .
Article premier. Le professeur titulaire de la chaire de la
clinique des maladies mentales à l'Asile clinique (Sainte-Anne)
remplira les fonctions médicales et administratives de médecin en
chef. z
ART. 2. - Il sera tenu à l'accomplissement des obligations
imposées par les articles 8, 11, 12, 14, 18, 20 et 41 de la loi de
1838 et par les articles 5, 8 et 9 de l'ordonnance du 18 décem-
bre 1839.
ART. 3. - Une indemnité égale à celle allouée au médecin du
quartier des aliénés de la Salpêtrière sera accordée au professeur
de la clinique comme médecin en chef d'un service public
d'aliénés. '
ART. 4. - En cas d'absence ou d'empêchement du professeur,
le chef de clinique remplira les obligations imposées au médecin
en chef du service ;il recevra une indemnité annuelle de mille deux
cents francs (1.200 francs). Dans le cas d'absence simultanée du
professeur et du chef de clinique, le chef de clinique adjomt rem-
plira par intérim les fondions dévolues au médecin en chef.
ART. 5. - Le .conseiller d'Etat, directeur de l'Assistance et de
l'hygiène publiques et le préfet de la Seine sont chargés, chacun
en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté qui abroge
l'arrêté ministériel du 8 octobre 1879.
Archives, 2e série, t. IV. 34
530 asiles d'aliénés.
A l'occasion de la lecture du procès-verbal de la séance du
'ler juin, faite le 11 juin, nous avons fait les remarques sui-
vantes :
' M. le Dr Bourneville. - Au procès-verbal de la dernière
séance figure la communication, par l'Administration, à la Commis-
sion d'un arrêté de M. le Ministre de l'Intérieur, en date du
13 avril 1897, réglementant à nouveau le service de la clinique des
maladies mentales à l'Asile clinique. Vous vous rappelez qu'aux
termes de l'arrêté du 8 octobre 1879, qui réglait antérieurement
la question, M. le professeur Bail, titulaire de la chaire des mala-
dies mentales, remplissait nominalement les fonctions dé médecin
en chef du service de la clinique. Mais il était, au point de vue
administratif, assisté d'un médecin adjoint responsable; et, ce qui
à notre avis n'aurait pas dû être toléré, ces fonctions de médecin-
adjoint faisant fonction de médecin en chef, étaient dévolues au
chef de clinique, qui se trouvait par là bénéficier de la situation
et des avantages de médecin adjoint sans avoir eu à subir les
épreuves du concours de l'adjuvat.
Or, les personnes attachées à la profession n'ignorent pas que si
le concours pour l'adjuvat est liés sérieux, il n'en est pas de même
du concours du clinicat,pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'expo-
ser ici. Aujourd'hui, aux fermes du nouvel arrêté pris par M. le
Ministre de l'Intérieur, le professeur titulaire de la clinique des
maladies mentales à l'Agile clinique remplira les fonctions médi-
cales et administratives de médecin en chef; et ce n'est qu'en cas
d'absence ou d'empêchement du professeur que le chef de clinique
satisfera aux obligations imposées au médecin-chef de service.
11 semble résulter de cette nouvelle situation que le chef de cli-
nique n'étant plus considéré comme remplissant les fonctions de
médecin adjoint et encore moins de médecin en chef, devra, à
l'avenir, s'il veut suivre la carrière des asiles, prendre part au
concours de l'adjuvat des asiles. Cette conséquence est-elle bien
exacte ?
M. LE Roux répond affirmativement. En ce qui le concerne, il
s'est demandé si la suppléance du médecin en chef qui incombe
au chef de clinique aux fermées du récent arrêté n'était pas de
nature à lui constituer des droits spéciaux; mais si l'opinion ferme
de la Commission était d'obliger à l'avenir le chef de clinique qui
voudrait faire sa carrière dans nos asiles à passer le concours de
l'adjuvat, je lui proposerais de vouloir bien émettre en ce sens un
avis qui serait transmis à M. le Ministre de l'Intérieur.
M. ASTIER se range à cette proposition et tient à ce que ce point,
qui n'est pas spécialement visé par le nouvel arrêté, &oit bien
clairement établi.
La Commission adopte la proposition de Ai., Bourneville.
asiles d'aliénés. 531
RÔLE DU médecin adjoint dans LES ASILES.
La situation des médecins adjoints dans les asiles a été,
dans ces derniers temps, l'objet de vives critiques : des mé-
decins en chef se plaignent de ne pas obtenir assez de leurs
médecins-adjoints; des médecins-adjoints se plaignent de ne
pas être suffisamment utilisés par leurs médecins en chef.
Suivant nous, les médecins adjoints devraient être des auxi-
liaires actifs des chefs de service, de véritables collaborateurs
des chefs de clinique. Les fonctions que le règlement de 1814
attribuait à l'inspecteur du service de santé à Charenton
devraient être les leurs. Voici en quoi elles consistaient :
« L'inspecteur du service de santé, qui est sous l'autorité immé-
diate du médecin en chef, reçoit ses instructions, lui rend compte
jour par jour de ce qu'il observe, l'informe de tout ce qui est rela-
tif au service médical ; il l'aide dans ses recherches, observe les
changements qui ont lieu dans la marche du délire de chaque
aliéné, tient note des maladies accidentelles qui se manifestent et
viennent compliquer les affections cérébrales, afin d'en informer le
médecin lors de sa visite. Il s'assure de l'exacte administration des
médicaments et des autres prescriptions; il accompagne les méde-
cins dans leurs visites; il est présent toutes les fois que la douche
est administrée ou que des moyens de répression sont mis en usage;
il ordonne, dans l'intervalle d'une visite à l'autre, lorsque cela est
nécessaire, mais il doit en rendre compte à la visite du lendemain.
Il fait pendant la journée plusieurs visites dans les différents quar-
tiers, particulièrement auprès des aliénés qui sont actuellement en
traitement. t.
« L'inspecteur du service de santé a la surveillance directe des
élèves ; il les dirige dans leurs fonctions, dans la rédaction des
observations dont ils sont chargés, dans celle des ouvertures des
cadavres qu'il fait ou fait faire en sa présence lorsque le médecin
est absent ; il inspecte la tenue des cahiers de visite, du registre
médical et des feuilles de régime. »
Ce sont, d'après M. le Dl' Ritti, dans son très bel Eloge de
CaK7,Ies fonctions qu'a remplies l'illustre médecin de Cha-
renton, depuis le 16 juin '1827 jusqu'au 27 mars 1841. Il nous
semble qu'en donnant une tâche analogue aux médecins
adjoints ils auraient un champ suffisamment vaste pour
produire d'excellents travaux. Leur jeunesse, leur bonne
532 asiles d'aliénés.
volonté, leur intelligence seraient utilisées au bénéfice des
malades, des ehefs de service, des asiles et à leur propre
avantage'. BOURNEVILLE.
Contribution A la question DES gardiens; par H, HOUPPE. (Cel1tl'albl.
1 ' f. Ne1'venheik, XVIII, N. F., vi, 1895.)
Longue et très intéressante étude, nourrie d'arguments, de
laquelle il découle que, pour améliorer le personnel infirmier, et
relever la profession, il faut : 1° augmenter les appointements
(amélioration de la situation matérielle et sociale); 2° organi-
ser des écoles d'infirmiers (absolument indispensables); 3° sur-
veiller minutieusement le personnel des infirmiers. Cette surveil-
lance doit moins s'effectuer par les médecins que par les
surveillants en chef ou plutôt par un agent intermédiaire à qui i
incombera cette mission. P. KERAVAL.
NOTE SUR LE rôle DES femmes comme infirmières dans LES salles
d'hommes des infirmeries d'asile, par A.-R. TUR-,BULL. (The Jour-
nal of Mental Science, octobre 1896.)
Les points sur lesquels l'auteur tient à insister sont les suivants :
1° l'avantage que l'on trouve à disposer la salle d'hommes de l'in-
firmerie de telle manière qu'elle puisse être commodément et
utilement desservie par le personnel féminin; 2° la démonstra-
tion de la possibilité de diriger avec succès la salle des hommes
dans l'infirmerie d'un asile sans autre assistance que celle du per-
sonnel féminin, ainsi que cela se passe d'ailleurs dans les salles
d'hommes des hôpitaux civils ordinaires; - 3° enfin les avantages
réels qui résultent, aussi bien pour les malades que pour le per-
sonnel lui-même, de l'utilisation aussi large que possible des soins
féminins dans le traitement de nos aliénés malades du sexe
masculin. Il. DE jIUSGRA'E-CL.1Y.
Remarques sur LE personnel d'infirmiers des asiles, par P.-W. MAC
DONALD. (The Journal of lIlental Science, juillet 1896.)
L'auteur s'est attaché dans cette étude à préciser quelques-unes
des améliorations dont on pourrait faire bénéficier le personnel
des asiles, et à rechercher quelques-unes des mesures à l'aide
desquelles on pourrait essayer de prolonger les services et le séjour
ordinairement trop court, des infirmiers et des infirmières.
R. M. C.
' Calmeil fut nommé médecin en chef à cinquante ans, et depuis
longtemps ses titres scientifiques étaient nombreux et de qualité !
asiles d'aliénés. jazz
L'assistance des aliénés EN PRUSSE, A la lumière DU procès IELL1GE
par H. IURELL : 1. (Centralbl. f. Nervenheilh., XVIII, N. F., vi, 1895.)
Toutes les commissions, toutes les mesures de surveillance pro-
mises par le Ministre pour assurer l'inspection des établissements
laissés à la direction des religieux (llariaberr) ne signifient rien.
Ce qu'il faudrait, c'est organiser l'assistance des aliénés avec la
collaboration des spécialistes, des aliénistes seuls compétents. Il
faut aussi préparer, former des infirmiers et organiser leurs ser-
vices dans des conditions pécuniaires sortables, sans les surmener.
P. K.
PROPORTION des médecins ET DU PERSONNEL secondaire par rapport
au NO1ll11E DES malades dans l'asile d'aliénés DE Préobragenskoie,
près Moscou.
D'une relation faite à cet asile, lors du dernier Congrès inter-
national de médecine, par le Dr E. Shuttleworth, et publiée dans
The Aeylum News du 15 septembre, nous tirons les renseignements
suivants : .
L'asile doit contenir 400 malades; il y en a actuellement 360.
Le corps médical se compose d'un médecin en chef, de quatre
assistants résidents, de quatre assistants externes et d'un patholo-
giste. Les surveillants et infirmiers sont au nombre de 100 (62
hommes et 38 femmes).
A propos de L'Open door; par le Dr CHRISTIAN.
Réponse à un article de M. Marandon de Montyel paru dans les
Annales médico-psychologiques (l'Open door et le Congrès de Nancy,
décembre 1896). M. Christian ne partage, à propos de l'Open door,
ni les craintes ni l'enthousiasme de M. Marandon de Montyel.
Dans l'Open door, il voit si peu de choses nouvelles que ce n'est pas
la peine de s'y arrêter; ce qui s'y trouve de bon est vieux et connu;
ce qui s'y trouve de nouveau et d'inédit est fort contestable, sinon
même impraticable.
L'auteur réfute l'assertion faite par M. Marandon que « nos
asiles sont des fabriques d'incurables ». Pour soutenir cette thèse, il
faudrait considérer comme démontré : 1° qu'en arrivant dans nos
asiles, les aliénés sont curables; îl° que s'ils ne guérissent pas,
c'est d'abord la faute de l'asile, mal construit et mal agencé, et
ensuite celle des médecins négligents ou ignorants. La première de
ces propositions serait assez difficile à établir en présence de ce
fait indéniable que, sur 100 aliénés qui entrent à l'asile, 80 au
moins sont déjà tombés dans un état de complète incurabilité. Ce
n'est pas à dire que tout soit pour le mieux dans le meilleur des
534' asiles d'aliénés.
mondes; nos asiles ne sont pas parfaits, mais ils ne méritent pas
l'anathème que leur jette M. Marandon et supportent la comparai-
son avec ceux de l'étranger. (Annales médico-psychologiques, février
1897.) E. 13LIN.
CONTRIBUTION A l'article 8 DE la LOI DU 30 JUIN 1838 ;
par le D1' II. Bonnet.
Malgré les meilleures intentions et la plus scrupuleuse sagesse
- apportée dans le travail de la loi, on doit fatalement compter sur
des imprévus que l'expérience seule fait découvrir. C'est ce qui est
arrivé pour le cas rapporté par l'auteur et sur lequel on ne saurait
trop appeler l'attention des nouveaux législateurs.
Un sieur X..., atteint de manie chronique, est placé par sa
femme à l'établissement d'aliénés de Châlons-sur-Marne; toutes les
pièces exigées par la loi sont fournies et le placement a lieu à la
3e classe de pension, le malade ayant une certaine fortune. Au bout
d'un certain temps, la femme refusa de payer et l'administration
de l'enregistrement fut obligée de poursuivre. Mais la femme du
malade constitua avoué et donna citation à l'asile devant le tribunal
de ire instance de Châlons-sur-Marne, à cette fin de cesser les
poursuites, et les conclusions de l'avoué étaient que la femme,
étant sous puissance de mari, n'avait pas eu et n'avait pas, d'après
le Code civil, le droit d'agir par elle-même ; donc, elle ne devait pas
placer son mari et, en tout cas, disposer de fonds auxquels elle
n'avait pas le droit de toucher.
Or, le tribunal de Châlons-sur-Marne rendit un jugementau profit
de la partie adverse et donna tort à l'asile. Si la jurisprudence du
tribunal de Chàlons-sur-Marne passait malheureusement en cou-
tume, on peut penser à quels embarras continuels on aurait affaire.
(Annales médico-psychologiques, avril 1897.) E. B.
Du Patronage familial DES aliénés A Lierneux en 1897 ; par le
DDEPERON. - (Bull, delcSoc. de naél. ment. deBelgique, juin 189 î .).
Fondée en 1884, la colonie de Lierneux compte actuellement, dit
le De Deperon, 419 aliénés. La commune de Lierneux est située
au sud de la province de Liège ; elle comprend un territoire de
6,325 hectares occupés par une population d'environ2,S00 habitants.
Cette vaste superficie, l'absence de cours d'eau navigable, l'éloigne-
ment des grands centres établissent la possibilité de recevoir actuel-
lement plus de 1,000 aliénés, tout en leur procurant les conditions
satisfaisantes d'isolement et de tranquillité ; ce chiffre pourra s'éle-
ver à 2,000, à mesure que des constructions nouvelles viendront
augmenter les ressources du pays.
A leur arrivée à Lierneux, ils sont reçus à l'infirmerie de la colo-
nie, ils y sont soumis pendant cinq jours, ou plus au besoin, aux
asiles d'aliénés. 53S
observations des médecins; ceux qui, déjà confiés aux soins du
nourricier, exigent un traitement spécial ou une surveillance
momentanée plus sévère, y sont ramenés. ,
Les malades, après la période d'observation, sont placés dans les
familles; ils en partagent la vie, les plaisirs et les travaux. Au
point de vue de la surveillance, le territoire de la commune est
divisé en quatre sections de plusieurs hameaux chacune.
A la tête de chaque section se trouve un infirmier-garde qui s'en
va de maison en maison, partout ou il y a des aliénés, à l'effet de
s'assurer que les engagements du nourricier envers le pension-
naire sont bien remplis. Un chef-garde contrôle le service des
gardes et est à son tour contrôlé par le directeur et les médecins
de la colonie. , '
Le médecin-directeur ou un adjoint visite, au moins une fois par
semaine, et plus souvent si l'état de l'aliéné l'exige, les curables,
et une fois par mois les incurables. Indépendamment de ce con-
trôle et de l'action médicale, il ex;ste une surveillance exercée
mensuellement par deux délégués d'un comité permanent. L'orga-
nisation de la colonie de Lierneux est identique à celle plus ancienne
de Ghul, sauf en ce qui concerne les dispositions suivantes :
Le comité de placement des malades de Lierneux est composé
exclusivement des médecins de la colonie ; ceux-ci ne peuvent
naturellement solliciter aucune fonction élective ni 'se livrer à la
pratique médicale privée. Le secrétaire de ladite colonie, qui
primitivement veillait particulièrement à la bonne tenue du loge-
ment chez les nourriciers, et actuellement chargé de s'occuper
uniquement des écritures administratives'.
Le personnel de surveillance qui, dans les premières années du
fonctionnement de l'institution, avait, en vue de donner l'exemple,
la garde de un ou de deux pensionnaires, ne peut plus, par suite
d'une décision récente, remplir les fonctions de nourricier.
Les formes morbides que l'on rencontre le plus fréquemment à
Lierneux sont, par ordre de décroissance : l'idiotie et l'imbécillité,
la manie, l'alcoolisme, la mélancolie et la folie systématisée, la
paralysie générale et la démence.
Les sorties par guérison se chiffrent de 1886 au 1er janvier 1897
à 113, soit à peu près 10 p. 100. Le chiffre des décès subit d'année
en'année une décroissance constante; il a été de 28, soit environ
6 p. 100 en 1896. Le nombre des évasions non suivies de reprise
immédiate a été de 8.
La plupart des malades sont occupés soit aux travaux agri-
coles (98), soit aux soins du ménage et à la garde d'enfants (102) ;
un certain nombre se livrent à des travaux de couture, decordon-
' Et cela avec juste raison : les malades et tout ce qui les concerne
aux médecins. . (B.) -)
536 bibliographie. ·
nerie, de menuiserie, etc. Le nombre des nourriciers inscrits à ce
jour est de 390 ; celui des chambres affectées aux logements des
aliénés de 530. G. DENr.
L'asile PROJETÉ pour LE district fédéral DE Mexico. (Rapport de
la commission spéciale, sous la présidence du Dr V. Morales,
Mexico, 1896.)
- Ce rapport accompagné de plans prévoit un total de 632 malades
(hommes et femmes). Pensionnats pour 152 pensionnaires de deux
classes (24 de première et 128 de seconde), répartis en 6 pavillons
avec chambres séparées.
Les 480 malades de la dernière classe sont répartis en 14 quartiers,
dont 2 de cellules (hommes et femmes) ce qui fait des sections de
35 malades au maximum. Reste à savoir comment ces services
seront répartis au point de vue médical et entre combien de méde-
cins. Des bibliothèques, ateliers, laboratoires, services photogra-
phiques, électriques, etc., sont largement prévus.
A. Marie.
BIBLIOGRAPHIE.
VIII. Examen oculaire et visuel de trois cent soixante-deux jeunes
détenus de la colonie pénitentiaire d'Aniane (oeil criminel); par le
Dr GIUDIBEIIT. (Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 1.)
Ces recherches établissent que l'organe de la vision des jeunes
criminels ne présente ni des anomalies, ni des tares plus considé-
rables ou plus fréquentes que chez les sujets ordinaires et que les
troubles observés sont insuffisamment caractéristiques pour consti-
tuer de nouveaux stigmates de la criminalité. Ducamp.
IX. Etude des rapports' de la myopathie primitive progressive avec la
dégénérescence ; par le D1' Joseph Fabue. (Thèse de Montpellier,
1896-1897, n° 5.) ,
Avec Eb, Lépine, Brissand, etc., l'auteur pense que les alté-
rations musculaires des myopathies dites primitives sont sous la
dépendance d'une lésion des centres nerveux, et, ayant observé un
certain nombre de myopalhiques possédant des stigmates psychiques
ou physiques de dégénérescence, il établit qu'un grand nombre de
myopalhiques appartiennent au groupe des dégénérés. D.
bibliographie. 537
X. Etude sur les hallucinations dans' la paralysie générale progressive ;
par le Dr P>;Yn>;. (Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 6.)
Presque tous les paralytiques généraux qui ont des idées déli-
rantes ont en même temps des hallucinations. Ces hallucinations
sont quolquefois élémentaires; il ne s'en produit parfois qu'une
seule dans le cours d'un épisode délirant, et à cause de l'état
mental parliculier du malade, en raison aussi des difficultés de
l'observation, elles passent facilement inaperçues.
Les troubles de perception de la paralysie générale ont les carac-
tères du délire dans cette même affection; ils sont multiples,
mobiles, absurdes, contradictoires; les paralytiques généraux ont
des hallucinations, mais ne sont pas des'hallucinés. Les deux pre-
mières périodes de la paralysie générale et les formes mélancoliques
sont les plus riches en hallucinations. Les troubles sensoriels forment
la base des idées délirantes des paralytiques généraux et reten-
tissent aussi, mais plus faiblement, sur les actes des malades.
DUCAMP.
XI. Du traitement de la névralgie sciatique par les applications d'acide
chlorhydrique ; par le Dr GENN.1TAS. (Thèse de Montpellier, 1896-
1897, n° 17.) -
La guérison est le plus souvent obtenue après trois ou quatre
applications de trois à quatre couches d'acide chlorhydrique pur
appliqué eu badigeonnage sur la peau suivant le trajet du grand
nerf sciatique. Un intervalle de un à deux jours doit, dans tous les
cas, séparer deux applications. La guérison est durable. D.
XII. Hystérie izztra-ilzfectieuse; par le Dr MocQuoT. (Thèse de Mont-
pellier, 1896-1897, n° 39.)
Comme résumé de son travail, l'auteur formule les conclusions
suivantes : 0 : 1° L'hystérie, quand elle apparaît en pleine période
aiguë des infections, reconnaît ces dernières comme causes déter-
minantes. Il suffit que le sujet y soit prédisposé par une tare héré-
ditaire ; 2° l'hystérie ainsi développée affecte plus spécialement la
forme convulsive; les manifestations parétiques étant plus souvent
observées dans les névroses post-infectieuses; 3° hystérie et infection
marchent de pair, peuvent s'influencer l'une, l'autre, au point que
le diagnostic présente parfois des difficultés presque insolubles;
4° le traitement qui combat l'infection, atténue et modère les
manifestations hystériques. » DurAMP.
' X111. Contribution ci l'élude de la paralysie générale alcoolique; par le
De Iilnorr. (Thèse de \Iontpellier, 1896-1897, if"' 40.)
L'alcool peut produire à lui seul la méningo-encéphalite diffuse
538 , bibliographie.
qui se présente alors avec un tableau clinique spécial. Le nombre
des cas de paralysie générale a subi dans ces trente dernières
années une augmentation parallèle au nombre de cas d'alcoolisme;
les hommes sont les plus frappés, mais dans la classe ouvrière les
femmes sont cependant atteinles dans une assez forte proportion.
Ducamp.
XIV. De la question de l'étiologie du crime et de la dégénérescence,
- précédée d'un aperçu sur les principales théories de la criminalité;
par le Dr Rakowsky. (Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 75.)
De son étude, M. Rakowsky tire les conclusions générales sui-
vantes : « 1° Nous considérons que le crime est un rapport social,
d'une nature particulière, consistant dans le fait qu'il est dirigé
contre les lois et les règles établies; 2° nous rejetons complètement
la genèse anatomique et biologique du crime; 3° nous pensons,
avec- tous les auteurs modernes, que la dégénérescence est une
maladie spécifique ayant, entre autres caractères, celui d'équilibre
instable, et n'est pas une dégénération sélective, comme certains
la considèrent; 4° nous considérons que les mêmes causes qui
créent la dégénération peuvent créer aussi la dégénérescence; 5°
nous attribuons une importance considérable au facteur écono- '
mique, qui, agissant sur l'individu physique, créé les maladies, sur
l'individu moral; le crime, agissant sur les deux, crée la dégéné-
rescence. » D.
XV. Chorée et infection (essai de pathogénie) ; par le Dr ESSAYAN.
(Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 30.)
L'auteur pense que la chorée est un syndrome clinique qui
reconnaît pour origine une maladie infectieuse quelconque, et que
la localisation sur le système nerveux de ces agents infectieux
divers ou de leurs toxines est favorisée par la prédisposition ner-
veuse héréditaire ou personnelle, par l'anémie, le mauvais état
général, par l'âge, le sexe et par toutes les causes qui mettent le
système nerveux en état de moindre résistance. DUCAUP.
VARIA.
Traitement MÉDICO-PÉD.1GOGIQUE DES enfants arriérés dans DES
classes spéciales annexées aux ÉCOLES primaires.
Analysant le dix-septième Compte rendu de notre service de
Bicêtre, l'un des neurologistes les plus distingués de la Suisse, le
Dr P. Ladame, dit : « A la suite de ce compte rendu, M. Bourne-
ville a eu l'heureuse idée de publier divers documents (lettre au
Conseil général, rapport il la Commission de surveillance, lettre à
M. Carriot, etc.) relatifs à la création de classes spéciales annexées
aux écoles primaires pour les enfants arriérés. On sait que cette
question est actuellement à l'ordre du jour un peu partout, et
spécialement qu'elle est à l'étude chez nous, à Genève et dans plu-
sieurs cantons suisses. Les renseignements fournis par les publica-
tions du Dr Bourneville arrivent ainsi au moment opportun » »
Notre pays aurait pu être, sinon le premier, au moins l'un des
premiers à accomplir cette réforme d'assistance et d'éducation.
Malgré nos efforts pour en faire ressortir les mnltiples avantages,
rien n'a encore été tenté. En indiquant ce qui se fait à l'étranger,
chaque fois que l'occasion s'en présente, peut-être arriverons-nous
à fixer l'attention de ceux qui sont en position de passer de la
théorie à la pratique. B.
LES aliénés EN LIBERTÉ.
Sous ce titre Un fou, la Justice du 13 octobre 1897, raconte le
fait suivant :
« Un crime commis rue de l'Hôtel-de-Ville, 26, a mis en émoi les
habitants du quartier. M. Duchesne, âgé de quarante-deux ans,
sommelier, après une longue discussion avec sa femme, aurait
précipité celle-ci par la fenêtre du troisième étage. La malbeu-
reuse, enceinte de trois mois, a été relevée et transportée d'abord
dans une pharmacie de la rue du Pont Louis-Philippe, où les pre-
miers soins lui furent données, et de là, à l'Hôtel-Dieu. Son état
est désespéré.
« Duchesne a été arrêté. Il prétend que sa femme s'est jetée par la
fenêtre de son propre mouvement. Deux fois déjà, il a été interné
' Revue méd. de la Suisse romande, n° 9, p. 620.
540 / varia.
à l'Asile clinique (Sainle-Anne)-pour accès de folie. Les époux
Duchesne avaient un garçon âgé de sept ans, qui a été amené avec
son père au commissariat. Les mesures nécessaires ont été prises
à l'égard de ce malheureux enfant. » '
Ce fait montre combien est difficile le rôle des médecins des
asiles et explique pourquoi, en maintes circonstances, ils hésitent
à signer la sortie des malades. La liberté du malade a coûté ou va
couler probablement la vie de deux êtres humains.
GUÉRISON d'un TIC par UN traitement physique ET l'émotion qui s'en
suivit.
Le fait dont il s'agit est raconté par Bonaventure des Périers
sous ce titre : Du gentilhomme qui criailla nuit après des oiseaux et
du chartier qui fouettait ses chevaux.
« Il y a une manière de gens qui ont des humeurs colériques ou
mélancoliques, ou flegmatiques. Il faut bien que ce soit l'une de ces
trois, car l'humeur sanguine est toujours bonne, ce dit-on, dont
la fumée monte au cerveau, qui les rend fantastiques, lunatiques,
erradiques, fanatiques, schismatiques, et toutes les attaques qu'on
saurait dire, auxquelles on ne trouve remède, pour purgation qu'on
leur puisse donner. 0
" Pource ayant désir de secourir ces pauvres gens et de faire plai-
sir à leurs femmes, parents, amis, bienfaiteurs et tous ceux et
celles qu'il appartient, j'enseignerai ici, par un bref exemple ad-
venu, comme ils feront quand ils auront quelqu'un aussi mal traité,
principalement de rêveries nocturnes, car c'est un grand inconvé-
nient de ne reposer ni jour ni nuit. 11 y avait un gentilhomme au
pays de Provence, homme de'bon âge, et assez riche, et de récréa-
tion. Entre autres, il aimait fort la chasse et y prenait si grand
plaisir le jour, que la nuit il se levait en dormant : il se prenait à
crier ni plus ni moins que le jour, dont il était fort déplaisant et
ses amis aussi, car il ne laissait reposer personne qui fût en la mai-
son où il couchait et réveillait souvent ses voisins, tant il criait
haut et longtemps après ses oiseaux.
z Autrement, il était de bonne sorte et élait fort connu, tant à
cause de sa gentillesse que pour cette imperfection fâcheuse, pour
laquelle an l'appelait l'Oiseleur. Un jour, en suivant ses oiseaux, il
se trouva en un lieu écarté, où la nuit le surprit, qu'il ne savait
où se retirer, fors qu'il tourna et vira lant par les bois et montagnes,
qu'il vint arriver tout tard en une maison étant sur le grand che-
min toute seule, là où l'hôte logeait quelquefois les gens de pied
qui étaient en la nuit, pource qu'il n'y avait point d'autre logis qui
fût près. Et quand il arriva, l'hôte était couché, lequel il fit lever,
le priant de lui donner le couvert pour cette nuit, pource qu'il fai-
varia. 541
sait froid et mauvais temps. L'hôte le laisse entrer et met son
cheval à l'étable des vaches, en lui montrant un lit au sol, car il
n'y avait point de chambre haute. Or, il y avait là dedans un char-
retier voiturier qui venait de la foire de Pézénas, lequel était cou-
ché en un lit tout auprès; lequel s'éveilla à la venue du gentil-
homme dont il lui fâcha fort,' car il était las et n'y avait guère
qu'il commençait à dormir. Et puis, telles gens de leur nature ne
sont gracieux que bien à point. Au réveil ainsi soudain, il dit à ce
gentilhomme : « Qui diable vous amène si tard ? » Ce gentilhomme,
étant seul et en un lieu inconnu, parlait le plus doucement qu'il
pouvait :
« Mon ami, dit-il, je me suis ici traîné en suivant un de mes
oiseaux; endurez que je demeure ici à couvert, attendant qu'il
soit jour. » Ce charretier s'éveilla un peu mieux, et regardant ce
gentilhomme vint à le reconnaître; car il l'avait assez vu de fois à
Aix en Provence et avait assez souvent ouï dire quel coucheur c'était.
Le gentilhomme ne le connaissait point; mais en se déshabillant,
lui dit : « Mon ami, je vous prie, ne vous fâchez point de moi pour
une nuit; j'ai une coutume de crier la nuit après mes oiseaux ; car
j'aime la chasse, et m'est avis toute la nuit que je suis après. -
Ilo, ho ! dit le charretier en jurant. Par le corps bleu 1 il m'en
prend ainsi comme à vous, car toute la nuit il me semble que je
suis à toucher mes chevaux et ne m'en puis garder. - Bien, dit le
gentilhomme; une nuit est bien vite passée; nous nous supporterons
l'un l'autre. » Il se couche; mais il ne fut guère avant en son
premier somme, qu'il ne se levât de plein saut et commença à
crier par la place : Volà, volà, volà. Et à ce cri, mon charretier
s'éveille, qui vous prend son fouet, qu'il avait auprès de lui, et le
vous mène à tort et à travers, à l'endroit où il sentait mon gentil-
homme, en disant : a Dia, dia, houois, hau, dia. » Il vous sangle
le pauvre gentilhomme. Il ne faut pas demander comment; lequel
se réveilla de belle heure aux coups de fouet et changea bien de
langage ; car au lieu de crier : volà, il commença à crier à l'aide et
au meurtre; mais le charretier fouettait toujours, jusqu'à tant que
le pauvre gentilhomme fût contraint se jeter sous la table sans plus
dire mot, en attendant que le charretier eût passé sa fureur :
lequel, quand il vit que le gentilhomme s'était sauvé, se remit au
lit, et lit semblant de ronfler. L'hôte se lève, qui allume du feu et
trouve ce gentilhomme musse sous le banc, et était si petit, qu'on
l'eût bien mis dans une bourse d'un double, et avait les jambes
toutes frangées et toute sa personne blessée de coups de fouet,
lesquels certainement firent grand miracle ; car oncques puis ne lui
advint de crier en dormant, dont s'ébahirent depuis ceux qui le
connaissaient, mais il leur conta ce qu'il lui était advenu. Jamais
homme ne fut plus tenu à un autre, que le gentilhomme au char-
retier, de l'avoir ainsi guéri d'un tel mal comme celui-là... »
542 ' varia. -
Nous croyons pouvoir rapprocher de ce cas, celui d'un de
nos malades, Villac..., dont l'un de nos élèves, M. Julien
Noir, a publié l'observation, que nous lui avons communiquée,
dans sa thèse 1 : rictus spasmodique constant à treize mois,
strabisme de l'oeil gauche à troisans, contorsions de la face. La
manie de gifler remonte à l'âge de neuf ans. A cette époque,
il brisait tout chez lui : assiettes, vitres, etc. On le corrigeait
en le souffletant. Il pleurait, demandait pardon... et recom-
mençait. Un jour, il souffleta son père, sa mère, ses frères.
Et, depuis, il ne cessa de souffleter tous ceux qui l'appro-
chaient. Placé à onze ans à la colonie de l'asile de Vaucluse,
il gifla tout le personnel. On s'en débarrassa en l'envoyant
à Bicêtre (dix-sept ans et neuf mois). Dès le premier jour, il
souffleta les deux surveillantes de service, un de ses cama-
rades, l'infirmier qui surveillait sa classe, le maître menui-
sier, l'infirmier des bains, etc. Durant son séjour dans le ser-
vice (avril 1886-22 juin 1891), sous l'influence de la gymnas-
tique et de l'hydrothérapie, la manie de gifler diminua, ne
fut plus constante, se présenta par périodes. Le 22 juin 1892,
Villac... passa dans l'une des sections d'adultes. Pendant le
premier mois, il continua à donner des gifles. Un jour, un
malade de sa section, qu'il avait giflé, lui administra une
correction telle qu'il fut six mois sans gifler personne. La
guérison n'était pas complète. Il recommença, mais momen-
tanément, car une nouvelle correction fit disparaître com-
plètement, paraît-il, sa manie de gifler. Bourneville.
Comité DE DÉFENSE DES enfants traduits EN JUSTICE DE MARSEILLE.
Samedi 6 mars, à 9 heures et demie, a eu lieu, au palais de jus-
tice, dans la grande chambre du Conseil, la réunion du Comité de
défense des enfants traduits en justice, sous la présidence de
M. Henri Joly, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Dijon.
M. le président de Rossi souhaite la bienvenue à M. Joly. Il fait
l'éloge du philosophe distingué qui a consacré les loisirs de sa
retraite à l'étude des questions pénitentiaires et de l'enfance cri-
minelle, en visitant les établissements d'éducation correctionnelle
de l'Europe.
Après lui, M. Wulfran Jauffret, secrétaire général, a rendu
compte des travaux de l'année 1896. Le Comité a eu à s'occuper
' Noir (J.). - Elude sur les tics chez les dégénérés, les imbéciles et
les idiots, 1893. -Librairie du Progrès médical, p. 144-155. et
/M ! 0, J893. Librairie du 7'o'M Me : c<, p. t44-i55.
varia; 543
de 183 mineurs de seize ans, sur lesquels 45 n'ont été l'objet d'au-
cune poursuite judiciaire et ont été rendus, soit à leurs famiiles,
soit au Comité de patronage, soit confiés à l'Assistance publique.
Sur les 138 qui ont comparu devant le tribunal, on compte
14 acquittés, 49 rendus aux parents à l'audience, 3 confiés au
patronage, 3 condamnés à une amende, 8 à la prison avec bénéfice
de la loi Bérenger, 10 à la prison sans la loi du sursis, 50 envoyés
en maisons de correction et 1 traduit devant la cour d'assises.
Le Comité s'est occupé en outre de 80 mineurs de seize à dix-huit
ans, signalés comme plus particulièrement dignes d'intérêt. Sur ce
nombre, 20 ont été recueillis-par le patronage, 27 engagés volon-
taires,12 rendus à leur famille, 10 acquittés par le tribunal, 7 con-
damnés avec application de la loi Bérenger et 7 condamnés à des
peines légères d'emprisonnement.
Le rapporteur rend compte de l'organisation de l'école et du
travail dans la prison Chave. Il présente le compte financier de la
Société, remercie le conseil général et le conseil municipal de leurs
généreuses subventions et tire enfin des conclusions extrêmement
intéressantes des divers éléments que la statistique lui fournit. Il
termine en déplorant l'accroissement de la criminalité enfantine
et adresse un appel pressant aux pouvoirs publics en faveur du
relèvement de la jeunesse par l'éducation morale.
M. Vidal-Naquet, président du Conseil, prend alors la parole et
résume les observations présentées par le secrétaire général. Il
signale tout d'abord le degré de perversité des enfants traduits en
jnstice pendant l'année 1896, et il demande aux tribunaux de se
montrer de plus en plus sévères pour la remise des enfants aux
parents, lorsque ceux-ci ne présentent aucune garantie pour assurer
le relèvement moral de leurs enfants. Il s'élève contre l'abus des
peines d'emprisonnement prononcées contre les mineurs. Il en
démontre tout le danger et toute l'inutilité. Et, en effet, les enfants
condamnés à la prison subissent leurs peines dans les maisons de
correction, au milieu des enfants non déclarés responsables, avec
cette seule différence que les condamnés à la prison sont souillés
et flétris par le casier judiciaire, alors que les autres sont simple-
ment soumis à l'éducation correctionnelle.
M. Vidal-Naquet rend compte des notes obtenues parles petits
Marseillais envoyés en maison de correction, dans les colonies
d'Aniane et du Luc. Presque toutes sont bonnes, et, pendant l'an-
née 1896, le Comité a réclamé la liberté provisoire de neuf enfants
qui, par leur conduite, ont mérité cette faveur. M. Vidal-Naquet
adresse ses remerciements à tous ceux qui ont collaboré à l'oeuvre
du Comité, à M.Vincent, sous-directeur honoraire au ministère de
l'intérieur; à M. Joly et à tous les collaborateurs dans cette oeuvre
de réforme et de préservation sociale.
AI. Joly prend alors la parole. Après avoir félicité le Comité de
544 ' varia.
défense de Marseille de tous les progrès qu'il a su réaliser et des
réformes qu'il a su apporter en faveur de l'enfance coupable et
malheureuse, il aborde la question si délicate du discernement.
Après avoir démontré que les magistrats ont le devoir, en dehors
de l'examen de l'état intellectuel de l'enfant, de s'assurer de son
degré de volonté, il adjure les magistrats de renoncer aux condam-
nations aux courtes peines, pour s'en tenir au bénéfice de l'éduca-
tion dans les maisons de réforme.
M. Joly signale alors tous les avantages qui résultent des envuis
prolongés dans les maisons de correction, où les enfants, soumis
pendant longtemps à une éducation sévère, perdent leurs mau-
vaises habitudes et deviennent de bons et honnêtes ouvriers. Il
indique cependant qu'il y a une amélioration à apporter dans le
régime de nos maisons de correction, et, d'après lui, c'est contre
l'agglomération qu'il faut surtout lutter. Il signale les maisons de
correction de la Suisse qui, ne comprenant pas plus de 70 enfants,
en sont arrivées à réduire le nombre des enfants récidivistes à 2
p. 100, alors qu'en France il est encore de 50 p. 100. @
M. Joly invite le Comité de défense à solliciter de l'État la créa-
tion de colonies plus nombreuses, à effectif plus réduit, et au
maintien et au développement des colonies privées par une subven-
tion plus large. En terminant, M. Jolly conseille la création, à Mar-
seille, d'une école de réforme, placée sous la direction du Comité
de défense, école qui pourrait arriver à la colonisation dans des
fermes d'Algérie ou de Tunisie. M. Joly, s'adressant aux hommes
de coeur qui composent le Comité de défense, les invite à s'unir
dans la lutte contre le crime pour contre-balancer les efforts que
les criminels ne cessent d'accumuler contre la société moderne.
Contre la ligue du crime, il faut opposer la ligue des gens de bien.
Après ce discours fréquemment interrompu par les applaudisse-
ments de l'auditoire, la séance est levée à midi.
La majorité des enfants dont il est question devraient être
examinés d'une façon complète. Si l'on scrutait leurs anté-
cédents héréditaires et personnels, si l'on se rendait compte
du milieu dans lequel ils ont vécu, on constaterait que bien
souvent ce ne sont pas des coupables (des enfants coupables ! )
mais de malheureuses victimes, anormales au point de vue
physique et psychique, dignes de pitié et susceptibles d'être
relevées non par la correction, mais par l'éducation. B.
Court aperçu DES problèmes DE la PSYCHIATRIE, par le Dr MEYER.
D'une étude générale sur les progrès et.les conditions de la psy-
chiatrie moderne, l'auteur tire les conclusions suivantes : il) La
varia. 545
1
conception biologique de l'homme apporte à la médecine, et en
parliculier à la psychiatrie une riche moisson d'hypothèses fécondes ;
2° Une maladie mentale est un désordre de l'être suivant les lois
de la pathologie générale, comme toute autre maladie; 3° Les s
symptômes mentaux ne constituent pas exclusivement la maladie
et ne sont de sûrs guides pour le diagnostic qu'à la condition d'être
accompagnés des vues de la pathologie générale prenant en consi-
dération tous les aspects d'un homme ; 4° L'étude clinique de la psy-
chiatrie est la base naturelle de l'étude de la pathologie mentale.
(American Joumal of ! Mf;<M ! < ? avril 1897.) 1 : . 13LIV.
Assistance DES épileptiques.
On écrit de Sainte-Marguerite-de-l'Autel au Rappel de
l'Eure du 20 octobre :
Une malheureuse jeune fille de vingt-trois ,ans, IIIlc Franclet;
sujette à des crises, de nerfs est tombée la semaine dernière dans
sa cheminée au moment où elle venait d'allumer son foyer. Elle
poussa des cris qui furent heureusement entendus des voisins.
Mais les brûlures qu'elle a au côté gauche ne laissent pas que de
metlrc sa vie en danger. ,
De tels accidents n'arriveraient pas si le Conseil général et
le Préfet de l'Eure facilitaient l'admission de ces malheureux >
à l'asile de Navarre, au lieu d'y admettre en grand nombre.
pour en tirer bénéfice, les aliénés du département de la
Seine. Avant de recevoir dans leur établissement départe-
mental les aliénés de la Seine, ils devraient tout au moins
assister les malades de l'Eure, qui devraient être soignés, au
lieu d'en faire des incurables.
DE la procréation CHEZ LES IDIOTS.
Le Dr de Forest Willard (de Philadelphie) nous demande;
dans une lettre circulaire, notre opinion sur les points sui-
vants :
1° Dans quelle proportion considérez-vous la procréation conve-
n ble chez les habitants de votre institution (Asile-Ecole de Bicêtre) ?
2 Dans quelle proportion considérez-vous la procréation possible
c ,ez eux ? 3° Quel serait l'effet probable des rapports sexuels au
point de vue de leurs conditions mentales et morales ? 4° Quel en
serait l'effet au point de vue de leurs conditions physiques' ? 5° Quelle
serait, d'après vous, l'opération la plus convenable à faire sur le
mâle; enlèvement des testicules, ligature du cordon ou ligature du-
Archives, 2e série, t. IV. 35
546 varia.
canal déférent ? 6° Quelle opération, jugez-vous la plus convenable
à faire sur les filles ? 7° A quel âge l'opération serait-elle la plus
effective ? 8" Avez-vous eu des expériences pratiques et cliniques
dans cette matière ? 9° Pourrait-on décréter une loi d'Etat pour
légaliser l'opération ? En ce cas quelles seraient vos idées sur une
loi de ce genre ? 'f
- 1° et 2° Les malades améliorés ou guéris, dont nous
signons le certificat de sortie, deviennent absolument libres
et jouissent de tous leurs droits naturels, civils et poli-
tiques. A défaut de Société de patronage qui pourrait
les conseiller, les surveiller, les suivre, voir ce qu'ils devien-
nent, s'ils ont ou non des enfants, sains ou malades, nous
ne pouvons donner une réponse scientifique aux deux
questions.
3° et 4° Si les rapports sexuels sont physiologiques et
modérés, nous ne voyons pas en quoi ils offriraient des
inconvénients. Ils remplaceraient avantageusement l'ona-
nisme, si commun parmi les enfants nerveux et arriérés,
mal surveillés. ? 6°, 7°, 8° et 9°. Nous considérons comme inhumaine et
barbare toute mutilation, toute opération pratiquée sans
but d'utilité directe pour les malades. Sous le nom d'idiots,
on, compred des enfants atteints à des degrés divers dans
leurs facultés intellectuelles, depuis l'idiot végétatif, inca-
pable de tout mouvement, impuissant à s'aider en quoi que
ce soit, ne parlant pas, gâteux, jusqu'au simple arriéré qui
confine aux enfants réputés normaux. A quel degré vous
arrêterez-vous dans vos mutilations ?
Les utilitaires devraient être plus catégoriques et deman-
der la suppression légale des idiots, des infirmes, etc., en
un mot, de tous les individus qui constituent une charge
pour une société égoïste et retournant à l'état sauvage.
Pour nous, nous pensons que le devoir d'une société
civilisée, surtout d'une société républicaine, qui, plus que
toute autre encore, doit être humaine, est de venir en aide
généreusement à tous les infirmes du corps et de l'esprit,
à tous les anormaux, aux malades de toutes catégories, aux-
vieillards, à tous ces coûteux dont certains voudraient se
débarrasser - qui, en définitive, appartiennent à l'huma-
nité. Par respect pour nous-mêmes, qui nous disons nor-
maux, nous devons secourir les vieux, soigner les malades,
faits DIVERS. 547
relever dans la mesure du possible, rapprocher de la nor-
male, les anormaux. Et c'est là du bon, du vrai socialisme,
de la fraternité. Bourneville.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions : I. le Dr SIZARET,
médecin-adjoint de l'asile de la Roche-Gandon, est nommé direc-
teur médecin de l'asile de Saint-Ylie en remplacement de M. le
Dr Rousse, maintenu sur sa demande médecin adjoint à l'asile de
Bron; M. le Dr DEaICe, directeur-médecin de l'asile de Bonneval,
est élevé à la 2e classe; - M. le Dr Guyot, directeur-médecin de
l'asile de Châlons-sul ? l\Iarne, est élevé à la classe exceptionnelle
(25 octobre); M. le Dr Toy, précédemment nommé médecin
adjoint à l'asile de Bron, est nommé médecin adjoint à l'asile
de la Roche-Gandon en remplacement de M. Sizaret; M. le
Dr ALLEllAN, médecin adjoint à l'asile d'Auxerre, est élevé à la
ire classe (4 novembre); - M. le Dr Monestier, médecin adjoint de
l'asile de Lafond, est élevé à la 4e classe (10 novembre).
Asiles des aliénés de la Seine. Concours pour la nomination
aux places d'interne titulaire en pharmacie vacantes au 1'1' jan-
vier 1898, dans les asiles publics d'aliénés du département de la
Seine. Asile clinique, asiles de Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif.
Le lundi 8 novembre 1897, à une heure précise, il a été ouvert
à l'Asile clinique, rue Cabanis, n° 1, à Paris, un concours pour la
nomination aux places d'interne titulaire en pharmacie vacantes
au 1er janvier 1898 dans lesdits établissements. Ce concours vient
de se terminer par la nomination de 11\I. Goret, SrENART, DE-
lange, internes titulaires ; Dupouy, BA ROTY, ESNAULT, internes pro-
visoires.
Nouveau journal. Nous signalons l'apparition du Journal de*
maladies nerveuses, paraissant tous les mois, sous la direction du
Dr E. Verrier. Nous souhaitons bonne chance à notre nouveau
confrère.
AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du le, JANVIER
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à
5 -If 8 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant
de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à noire charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien el payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que. à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, el partir du
15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE
SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés dejoi21di-e à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la bande de leur journal.
Nous rappelons el nos lecteurs que l'abonnement collectif
des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit el 30 francs pour la France et l'Étranger.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Asile public d'aliénés DE Saint-Robert. Compte rendu de statis-
tique médicale. Compte moral el administrait f pour l'année /896, par
le Dr Duroun, médecin-directeur. Brochure )n-8'' de 17 pages. -Gre-
noble, 1897. Imprimerie Allier père et fils.
.Illi del IX Conrlresso délia Societa frenalria llaliana tenuto in
l'ineme dut 5 al 9 oltoúl'e /896. - Volume in-8° de 233 pajes.- Reggio-
EmUia, 1897. Tipografia di S. Calderini e Figlio.
Bermieim. L'Hypnotisme el la suggestion dans leurs rapports avec
la médecine légale. Brochure in-8° de 103 pages. Paris, 1897.
Librairie 0. Dom.
Carsnoa de la Carrière et Montât (L.). L'urine normale de l'enfant. t,
Brochure in-8° de 16 pages. Pans. 1897. Imprimerie Lafosse.
Demi Francesco. fiesoconto clinico del compaiio ollalmici ncll'
ospedale marmiol'c di llilano bienno /893-1894. L'acromegalia nei sulli
l'appol'li coll organo visivo. Nota suit' ollalmill nzigrctloria o simpatica
(Studio spzerin7enlalel. Volume in-8° de 318 pages. blilano, 1897.
Tipografia del Hiformalorio Patronato.
Finzi (J.). Alcuni casi d'imúccillita studio clinico e psicologico.
Volume in-8° de 112 pages. Ferrera, 1897. Manicormo Provinciale.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 549
Gil 11,ABDUCCI (F.).- Cenno clinico sui mulati osseraali all' ambulalorio
zzei mesi di l1WI ? O, aprile, muggio 1897. Volume in-4° de 117 pages.
ltnma, 1897. Societa éditrice Dante Alighieri.
GLATZ (P.). Dyspepsies nerveuses el neurasthénie. - Volume in-12
de 348 pages. Prix : 1 Irancs. Paris, 1897. Librairie F. Alcan.
HOWELL T. PERSIIH\G, '- .1uditol'y (iphisia. -Bi-ocliiii-P tn S° de 15 pages.
Denver, 1897 The Journal of nervous and Mental diseuses.
LESVÉ. Petit manuel du relieur à l'usage des sottrcls-nzuets, publié
d'après le manuscrit original, par le D' .1.-A.-A. Halte ! . Volume in-12
de m-9'r pages. Prix : 3 Il'. 50. Librairie J.-B. Baillière.
I)IA,NIIEI.)IER (M.). Le gâtisme au cours des étals psclopalhictues.
Volume tn-8° de 171 pages. Pans, 1897. Librairie F. Alcan.
Paris (A.). L'aliénation mentale, ses causes, ses dangers, ses trai-
tements (améliorations il apporter à l'organisation des asiles).
Volume iri-81 de 110 pages. Nancy, 1897. Imprimerie Berger Le-
vrault et Cle.
Itrrrt (A.). Éloge de G.-l'. Calnxeil lit it la séance publique annuelle
de la Société du 3 mai 1897. Brochure in-8° de
60 pages. - Paris, 1897. Librairie G. Masson.
Boubinovitcii (J.) et TOULOUSE (Ed.). La mélancolie. Volume
in-l8 de viii-124 pages, avec figures et tracés dans le texte. - Prix : 4 francs.
Winkler (C ? L'Intervention chirurgicale dans les épilepsies.
Brochure m-8' de 83 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1897. Librai-
rie 0. Doin.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
TABLE DES MATIÈRES
Acromégalie avec goitre et goître
exophtalmique, par Murray, 229.
- traitée par la médication thy-
roïdienne, par Bavlac et Fabre,
340. par Yarisot, 310.
Agitation. Les lavements d'eau
chaude contie l' des aliénés,
par Fronda, 410.
Alcool. Toxicité des -, par An-
theaume, 359. -
ALCOOLIQUE. Aliénation mentale mo-
mentanée dans l'intoxication -,
par Sutherland, 516,
Alcoolisme. Répression de l' -, 172.
Alexie. Troubles de l'écriture cau-
sés par une centrale isolée par
Maack, 329.
Algies. Traitement des -hystérique
et neurasthénique, par Bertran,
511.
Aliénation. Découverte de l'
mentale dans les prisons, par
Pitcairn, 143.
Aliénés. Assistance des - dans
l'Etat de 1ew-lorlc, par Macdo-
nald, 62. Lactescence et opa-
cité de la pie-mète et de l'arach-
noïde chez les -, par Robertson,
154. Traitement hospitalier des
dans les asiles, par 3)acpher-
son, 161. Soins à donner aux
- , par Bogdan, 162. Loi anglaise
dans ses rapports avec les - iso-
lés, par AVeatherly, 164. - dan-
gereux accusés de crimes, par
Carswell, 16r. - en liberté, 286.
Amnésie. Ln cas d' -, par Bishop,
503.
Amnésiques. Troubles de l'écri-
ture, par Maack, 230.
Angoisse. Traitements des états d'
- , par Dorubluth, 512.
ANTI-ALCOOLIQUE. Circulaire du mi-
nistre relative à l'enseignement
- "I. ,
Amipyrine. Etude comparative sur I
l'action de Il et des toxines sur
les éléments nerveux, par Debray,
408.
Aphasie stationnaire pendant trente-
huit ans, par Brunet, 125. Con-
vulsions partielles et-, par Des-
hayes, 330.
Archives de physiologie, 461.
ARSE11CIJ\IE. Etude sur l' -, par
G. Brouardel, 87.
asiles. Pensionnaires volontaires
dans les anglais, par Smith,
164. du London County Coun-
cil, par Johns, 165. Le personnel
des et le rapport du Dr Dubief
à la Chambre, par Maraudon de
Montyel, 204. Organisation admi-
nistrative des au Congrès de
Toulouse, par Doutrebente, 265;
Charpentier, 287; Brunet, 267,
Rey, 267; Giraud, 268; Rebatel,
268, Drouineau, 268; Le Filliâtre,
268; Doutrebente, 269; Dubois,
269; de Uury (Somme), par
Louvard, 459; - d'aliénés, 546.
Assassin de douze ans, 94.
Assassinat. Tentative d' par un
aliéné, 288.
Assistance des idiots en Angleterre,
par Shuttleworth, 164.
Association". Discours à Il - médi-
co-psychologique de Londres,
par 111ck1e, 287. - des aliénistes
et des neurologistes russes, par
Korsalioff, 347.
Asystolie postépileptique, par Féré,
322.
Atrophie . Main succulente et -
musculaire, par larinesco, 85.-
musculaires, par Pick, 457.
AUTO-UiFEC11ON mentale, par Korn
feld, 134.
Bibliographie, 461.
1300HORYGJIES rythmes, par Sabra-
zès, 333.
TABLE DES MATIERES.
551
Brachial. Paralysies du plexus
par Schuster, '232. Lésions du
plexus -, par Korniloff, 348 :
Bromures. Abus des -, par Alexan-
der, 161.
C : 1MUSET. Nécrologie, par Charon,
362.
CRtE cervicale, par Hetherington,
155.
Cellule nerveuse. Sur quelques lé-
sions expérimentales de la-, par
Ballet et Uutil, 430. Histopatholo-
gie de la-, par itlarinesco,'f33.-
Sur la pathologie des -, par
Goldscheider et Flateau, 436.
ChpnvLALGiE persistante avec idées
de suicide, par Voisin et Lasve,
341.
Cérébrale. Lésion - circonscrite,
parllouratoff, 357. Nécessité d'une
intervention opératoire dans les lé-
sions -, par Lavesta, 519. Mala-
dies où les fonctions respira-
toires cessent avant la circulation
du sang, par Duckworth, 527.
Cerveau. Symptomatologie des lé-
sions intéressant la région pré-
fronlaledu -, par \-illiason, 146.
Un cas de tumeur du -, par
Flechter Beach, 153.
CERVELET. Un cas de gliome volu-
mineux du -, par Trénel et
Antheaume, 1. Neurofibromatose
centrale du - et de la base de
l'encéphale, par Mossé et Cava-
lié, 249.
CnoRLE héréditaire avec autopsie,
par Lannois et Pariot, 333. Toxi-
cité urinaire dans la - chro-
nique, par Rispal et Baylac, 310.
Circonvolutions. Anomalies des -
cérébrales, par Mickle, 146. Ge-
nèse des du cerveau et du
cervelet, d'après Lugaro, par
Soury, 397.
Claudication intermittente chez un
hystérique atteint de pouls lent
permanent, par Olivier et Hali-
pré, 61.
Colonie de Dun-sur-Auron, par A.
Marre, 330.
Coma éclamptique, par Laffargue,
342.
Congrès. VIII' des aliénistes et
neurologistes, 88, 235, 330. -
international de Moscou, 90, 175,
415, 509.
Contracture hystérique chez une
fillette, par Bramwel, 226. - ré-
llexe respiratoire, par Edel, 327.
Convulsifs. Accès - corticaux de
la langue dans la paralysie géné-
rale, par Mouratoff, 80.
Cordon latéral. Fibres intermé-
diaires du dans les pyramides,
par de Bechterew, 155.
Crâniens. Affections multiples des
nerfs , par Minor, 282.
Déformations palatines chez les
idiots, par Chanmng, 156.
Dégénéré. Condamnation à mort
d'un impulsif, par Guibert,270.
Dégénérescence. Effets de la - as-
cendante sur les nerfs mixtes, sur
les cellules nerveuses des gan-
glions, sur les racines posté-
rieures et sur les cornes anté-
rieures de la moelle, par Flaming,
151. Etude des propagées, par
Durante, 447.
Dégénérescence mentale et Neuras-
thénie, par Vial, 284.
Délire. Le - processif, pal' Koep-
pen, I.f3. Evolution et pathogénie
du de la persécution, par Toy
et'l'aty, 527.
Diagnostic précis dans les maladies
mentales, par Arthu : , 144.
Digestifs. Rôle du spasme et de la
contracture dans les affections des
organes -, pai@Geofli-oy, 528.
Diphtérique. Influence du poison
, sur le système nerveux, par
Mouravieff, 356.
DYnAusw : psychique, par Aimé, 360.
Dyspepsie nervornotrice, par llali-
pré, 61.
Dyspepsie nerveuse ou dans les
névroses en général, par ltosen-
heim, 526.
DYSPRAGIE cérébro-spinale et ich-
tytose, par Lévi, 325. '
Dystrophie musculaire progressive,
par Wiener, 498.
Education des enfants anormaux,
par Demoor, 414.
ÉLECTRICITÉ comme moyen de dia-
gnostic et de traitement, par Pa-
trick, 45.
ELECTRIQUE. Excitation - des ré-
gions du cerveau chez le chien,
par Werloer, 156.
Emaciation. Onctions de saindoux
dans l' -, par Boody, 160.
552
TABLE DES MATIERES.
Emétique. Névroses - réflexes, par
Grueuper, 233.
Encéphalite hémorragique aiguë,
par Mouravief, 78; par Murât, 460.
Enfants anormaux. Education des
- , par llemoor, 114.
EprLEI"IIFOR : IIF., Convulsions d'ori-
gine préputiale, pai llodgdon,326.
EI'ILI : 1"rIIIIJE. L'- dans ses rapports
avec la société, par Ilunt, 140.
Assistance des -, 515.
Epilepsie. Traitement de l' -, par
Unnninn, 44. Pathologie de l' -,
par Collois, 158. Chute mortelle,
288. Origine auto-toxique de l'
- , par 'l'eeter, 32G. trauma-
tique, par Dllhuisson et Anglade,
333. Destructions cérébrales pré-
coces par rapport il l' -, par
. \louratoll, 3t6.'l'rattementchirur-
gical de l' , par Mac Grew, 408.
Le surmenage oculaire considéré
comme cause de l' -, pur lau-
nay, 410. spinale, par liresler,
507. Intervention opératoire
pour la cure de l' jacksonienne
par Lavista, 521. Résection du
sympathique cervical dans le
goitre exophtalmique et l' -, par
Jonnesco, 522.
. Fatigue. Sur la - mentale et sa
réparation, par Rivers, 139.
- FOLIE post-opératoire, par Simpson,
133. Accroissement de la et
système des pensionnaires exté-
rieurs, par Brester, 135. Doctrine
de Weissmann en matière de -,
par Wilson, 136. - diabétique,
par Campbell, 139. - dans les
prisons locales d'Anteterre-par
Baker, 139. - à deux, 140. -
d'une évangéliste, 174. palu-
dique, par liev et Boinet, 338. -
par lIUrel, 339.
Gangrène des extrémités par atrésie
. et oblitération artérielle dans un
cancer de l'estomac, par Sabrazès
et Cabannes, 444.
Goître exophtalmique. Courants gal-
vaniques dans le , par Bertran.
444,512. Résection totale et bilaté-
rale du grand sympathique dans le
- et l'épilepsie, par Jonnesco,522.
Gomme syphilitique de la moelle,
par Orlowsky, 78.
Goutteuse. Accidents nerveux pro-
duits par l'intoxication- , par
Inglis, 225.
Haschisch. Folie du -, par Clous-
ton, 166.
Hémianopsie. De l' et de l'ophtal-
muplégie unilatérale d'origine
vasculaire, par liossoliino, 231.
11É11A1'01(Yl.LIC centrale, par Pilres
et Sabrazès, 412.
IIÉll-,E. llydrargyriodate d' -, par
Kobert, 414.
Hémiplégie chez l'enfant, par Bézy,
343.
Hérédité. Théorie de l' -, par Hil-
lemanrl et Petrucci, a2.
Hypnotisme dans le traitement des
maladies mentales, par Tokarskv,
51 i. "
Hystérie infantile au Congrès de
Toulouse, par Bézy, 249, Pitres,
255, Cullerre, 256, Renault, 257,
Briand, 258, Bérillon, 2vas, l'. Gar-
nier, 263, Lamarq, 263, Paillas,
263, Sabrazes et Lamarq, 264,
Bézy, 2Gf, Destarac, 265. - infan-
tile en Vendée, par Terrien, 298,
369. - chez les soldats, par Grei-
denberg, 327.
Idiots. Nécessité de l'assistance des
- 173.-etalcoolidues, 171. Pro-
création chez les , par Willard,
55.
Imaginaire. Exploitation d'une ma-
ladie -, par Gali, 527.
Impulsivité morbide, par Marti y
Julia, 427.
Infirmiers. Instruction profession-
nelle des - par Mercklin, 167.
Innervation. Développement de l'-
musculaire volontaire, par Roth,
76, par Egllier, 77.
Instabilité mentale avec perversion
des instincts, 93.
Inversion sexuelle, par Ellis, 141.
Traitement de l' , par Eleis, 158.
IRItÉSIST1131LITÉ'. Phénomènes psy-
chiques avec le caractère d' ,
par Konstantinowsky, 428.
1,.i.INEC'fO.)IIE pour une tumeur du
canal rachidien.par Lanphéar,42.
Léthargie. Un curieux cas de -,
286. - hystérique, par Loeven-
feld, 328.
Loi anglaise sur les aliénés de 1890,
par Stewarth, 165. sur l'alié-
nation au Colorado, par llob-
house, 165.
Main succulente et atrophie mus-
culaire, par Marinesco, 85.
TABLE DES MATIERES.
Maladie DE Basedow. Pathologie de
la-, par ilaskovec, 443.
Maladie DE Liitle, par Raymond,
47, par van Gehuchten, 324.
.Maladie de Morvan. Observation de
- , par Biel.cltowsly, 508.
Maladie DE 'l'novsEV, par VeriloOE',
349.
Manicome. Le premier du monde,
par Escurler, 63.
Manie algue chez une acromégali-
que, par S. damier et Sante-
nous(', 486.
Mélancolie a\cc lipome, par Ht'ar-
der, 16. - et guiire exophtal-
mique, par Devay, 491.
Mélancolique. Note sur le 1
par Vallon et A. Marie, 333.
\ft : nmco-wcet·u.trrr infectieuse et
toxique après la section du sym-
pathique cervical, par Cristtaui,
322.
Meralgie parest[iésictue,parIW auer,
320.
.Migraine ophtalmoplégique, par
J.-B. Charcot, 323.
Mimiques. Essai sur las - voulues
par Dupuis. 28L
Moelle. Néoplasies de la -, par
Tllrner, 14S. Hétérotopie artifi-
cielle de la -, par Collm, Ib3.
[OHI'Il ! "O\l.\¡¡1E guérie par la co-
déine, 161.
Mutisme. Du - chez l'enfant qui
entend, par A. Boyer, 28.
Nécrologie. Camuset, par Charon,
362. Calluaud, par Vallon, 463.
Nerfs. Pathologie des-de la peau
par tlumpertz, 320.
Neurasthénie. Dégénérescence men-
tale et -, par Vial, 284.
Neurones. Théorie des - eu rap-
port avec l'explication de quel-
ques états psychiques, par Sou-
manoir, 15.
NE 0 lOl YCI] OSES de défense, par
Freud, 498.
Névralgie professionnelle, par Bern-
hardi, 328. Nouveau traitement
des - péllphériques, par Balla-
bene, 442, 512.
Névrite péhiphéhique. Affection des
vaisseaux provenant d'une -, par
Moltchanoff, 351.
Névroglie. Sur la théorie de Wei-
gert relative à la structure de la
- , par Robertson, 153.
Nuit,. Influence psychique de la -,
par Richardson, f10.
.NYCTIIÉ3lÈnE dans les maladies ner-
veuses et mentales, par l'ailhas,
33t.
Obsession . Notes sur l'étude de
quelques -, par Vallon et Marie,
332. Conception psyehopalholo-
nique de l' , par Pitres et Régis,
417. par Arte de Jon. 420.
par Vallon et A. Marre, 429.
Open-Door dans les asiles de la
Seine, par Febvré, 70, 363. - pal'
Christian, 272; Collins, 277; Sol-
fier, 279.
Orurll.l0l'LI.GIC . De l'hémanopsie
et de l' - unilatérales d'origine
vasculaire, par HOSS011lllO, 231.
P «aldéhydes. Note sur l'emploi de
la -, par Daman, 'i08.
Paralysie asthénique hulhaire, par
lioevnil : off, 73. - cérébrale bila-
térale congénitale, par Mouralow,
77. bulbaires unilatérales, par
Gerouzi, 322. - de l'eufaut, par
Hait pré, 330. - fu;iale partielle
congénitale, par Vllnor, 3àî. Con-
tribution à l'élude de la - asthé-
nique, par Fa.Jerstzajn, ,ï01. - dit
moteur oculaire commun, par
Gibson et Turner, 502. - faciale,
. par Colin, 506.
Paralysie générale. Accès convul.
sifs dans la -, par Mouratoff, 80.
- forme hypoclioudriaque avec
symptômes tabétiques, par Mar-
cus, 142. au Conglès de Tou-
louse, par Arnaud, 213, Régis, ? +1, P. GaJ'l1ler; 2\ : ), de Perry,
2t6. Briand ; 216, Charpentier,
246; Giraud, 247; Domrebente,
247 ; Pelrucci, 247; Cullel'le, 219.
Périodes terminales et mort dans
les soi-disant -, par A. Paris,
296. De la - juvénile chez les
hérédo-syphilitiques par Carrier,
332. Eiiologie de la -, par
Mairet- et Vires, 336. Troubles
trophiques dans la -, par Atha-
nassio, 390. Etude et thérapeu-
tique de la - des aliénés, par
Tschisch, 413. Considérations sur
la ? par Vallon, 446. - chez la
femme, par Greidenberg, 446.
Paraplégie après un accouchement,
par Leeson, 501.
554
TABLE DES MATIERES.
Parathyroïdiennes. Extirpation des
glandes -. par Vassale et Gene-
rali ; 415.
PARÉSIE pseudospasmodique d'ori-
gine traumatique avec tremble-
ment, par Fuerstner et par Nonne,
234.
PINEL. Eloge de -, par Ritti. 235.
Poliomyélite aiguë chez un méde-
cin, par Glorieux, 321. -
Polynévrite arsenicale, par Buicli
et Varnali, 437.
PoaECÉI'IIAt.113. Contribution à l'é-
tude de la -, par Beyer, 500.
Protubérance. Dégénérescences se-
conclaires dans les lésions circons-
crites de la -, par Weideuham-
mer, 314. 1
Psychopaihiques. Genèses -, par
Dolsa, 326.
Radioscopie. Machines électrosta-
tiques dans la -, par Leduc et
Maixner, 445.
Récurrent. Paralysie du - due à
un anévrysme de l'aorte, 155.
Règlement du 20 mars' 1897, par
Taquet, 289.
RESPOXSAMtDTÉ pénale des médecins
dans la répartition des aliénés,
par P. Garnier, 68.
Sang. Alcalescence du chez les
épileptiques, par Charon et Rri-
che. 465.
Sclérose latérale amyotrophique il
'début bulbaire, par Raymond, 47.
Maladies du système nerveux et
- multiple disséminée, par Gras-
set et Vedel, 97. Syphilis et - en
plaques, par Orlovhs, 349. Pa-
thogéllie de la en plaques, par
Rossolimo, 352, en plaques,
par Strumpell, 504.
Séquestration illégale en 17f1,3G6.
Saoco. Nature et traitement du
chirurgical, par Ground, 43.
Société médico psychologique, par
Briant, 66, 270. de neuropa-
thologiè et de psychiatrie de Mos-
cou, par Rossolimo, Schataloff et
Fokarski, 73, 282, 344, 415.
contre l'usage des boissons spiri-
tueuses, par Boissier, 168.
Spasme expiratoire laryngé paroxys-
tique, par* Noguès et Sairal, 335.
Stupeur mentale prolongée, guéri-
son, par Patterson, 138, par
Ilotbekis, 138.
SULFONAL. Empoisonnement chro-
nique par le -, par Schulz, 407.
Supériorité intellectuelle et névro-
pathie, par Toulouse, 67, 68; par
Marandon de Montyel, 68.
Synergies fonctionnelles, par Ni-
colle et Ilalipré, 60.
SYPIIILIDE de la paupière avec trou-
bles cérébraux, par liernardbei'
et Duharry, 339. `
Syphilis et sclérose disséminée, par
Orlovsky, 349.
Syringomyélie. Symptomatologie de
la-, par 11laixner, 447. l'atho-
génie et anatumie pathologique de
la -, par Schlesinger, 509. Mou-
vements cloniques dans la , par
Uarinesco, 526. '
Système nerveux. Cliniques des ma-
ladies du -, par Raymond, 82.
Tabac Influence du - dans les
maladies du système nerveux, par
l3uccelli, 322.
Tabès. De 1 éducation motrice et de
'la révulsion galvanique dans le-
par 'l'argowla, 158. Etude anato-
mo-clinulue des localisations mé-
dullaires du -, par Philippe, 177.
Traitement du -, par Raïchline,
il7. Contribution sur la patholo-
gie et l'anatomie pathologique du
- , par Colella, 448. Moyens thé-
rapeutiques s'adressantaux causes
du -, par Grasset, 449. 111o(hfica-
tions dp la moelle dans le -,par
barkscliewitscli, 457.
Thyroïdien. Traitement du -, du
myxoedème etc.,parvVaren Little,
12. Médication dans la cata-
lepsie, par I\ogers, 159. Extrait-
dans le goitre avec crétinisme, par
Parker, 162.
Tics convulsifs. Maladie des -, par
13resler, 505.
Toxines. Etude comparée de l'anti-
pyrine et des sur les éléments
nerveux, par Debray, 408.
Travail manuel, par Fore ! , 163.
Tremblement congénital, par Eshner,
321.
Trijumeau. Paralysie du -, par
Gowers, 227.
TNIONAL. Emploi du -, par Villers.
44, Le - est-il un hypnotique
recommandable ? par von Mering.
100. Intoxication chronique par
le , par Guerlich, 408. dans
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
555
les maladies mentales, par Agos-
tini, 409.
Tumeur du crâne opérée chez un
nouveau-né, par Secheyron et
Maure), 343.
Vagabonds. Aliénés -, par Ilamel
et Marte, 333.
Volonté. Rééducation suggestive
de la -, par Valentin et Harten-
berg, 331.
Vomissements incoercibles de la
grossesse, par Terrien, 130.
Zona. Sur le , par Haslund, 228.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Anostini, 409.
Aimé, 360.
Alexander. 161.
An'lude, 331,333.
Antheaume, 1, 359.
Arnaud, 2t3.
Arthur, 141.
Attauassio, 390.
Ballabene, 442.
Ballet, 430.
Baylac, 340.
13echterew (de), 155.
Berillon, 258.
Bernarbeig, 329.
Bel'l1hurdt, 328.
Bertran, 4S i, 511.
Beyer, 500.
Bézy, 219, 264, 343.
I;ie1seliomsl,v, 508.
Bishop, 503.
Bogdan, 162.
BOIssiel', 168.
Boody, 160.
Bouchard, 4G0.
Bourneville, 41, 94, 174,
224,389,530,532,542,
544, 516.
Boyer (A.), 28.
Bramwel, 226.
Bresler, 505, 507.
Brester, 135.
Briand, 66, 216, 258.
Bricbe, 465
Brouardel (G.), 81.
Brunet, 125, 207.
Bucceli, 322.
Buicli, 437.
Cabannes, 241.
Campbell, 139.
Caiswell, 164.
Cavalié, 249.
Channing, 156.
Charcot (J.-B.), 323.
Charon, 362, 465.
Charpentier, 246, 267.
Chauveau, 460.
Clouston, 166.
Colella, 448.
Cohu, 106.
Collins, 150, 153.
Crisliani, 322.
Cullerre, 249, 256.
Daman, 408.
Dathschewitsclt, 457.
Debray, 408.
Demoor, 41 Í.
Deshayes, 330.
Destarac, 265.
Devay, 491.
Dolsa. 526.
Doutt-ebente, 2Í7, 265,
269.
Drouineau. 268.
Dubois, 269.
Dubuisson, 333.
Ducl : morth, 527.
Duharry, 329.
Dunning, 4L
Dupuis, 284.
Durante, 447.
Dutil, 430.
Edel, 327.
Eguier, 77.
Ellis, 144, 158.
Escuder, 63.
Eshner, 321.
Fabr'è, 340.
Fajerstzajn, 501.
Febvré, 70.
Féré, 322.
Flateau, 436.
Flechter Beach, 153.
Flemming, 151.
Foliarski, 73, 282.
Forel, 163.
Freux, 498.
Fronda, 410.
Fuerstner, 234.
Gals, 527.
Ganîier(P-),68,245,263.
Garnier (S.), 486.
Gehuchten (van), 324.
Generali, 415.
Geoffroy, a28.
Gerouzi, 322.
Gibson,500.
Gierhch, 408.
Giraud, 217, 268.
Gley, 460.
Glorieux, 321.
Goldscheider, 436.
Gowers, 227.
Grasset, 97, 449.
Greidenberg, 327, 446.
Groeupner, 233.
Ground,43.
Guibert, 270.
Gumpertz, 320.
Halipré, 60, 61, 330.
Jt30 Li TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Dame ! , 333.
Ilarteriberg, 331.
lIasll1nd, 228.
llaskovec, 443.
liarder, 46.
tietherinaton, 155.
llillemand, 325.
Hobhouse, 165.
Hodgdon, 326.
Hotbelcis, 138.
Hunt, 110.
Inglis, 225. '
Joins, 165.
.long (de), 428.
Jonnesco, 522.
Keraval (l'.), passim.
Knauer, 320.
Kobert, llf.
Koeppen, 113.
hojernil : ofT. 73.
Konstant 1110wskv, 428.
Kornfeld, 134.
Kornilolï, 348. '
liorsahoff, 347.
Lafforgue, 342.
Lamarq, 263, 64.
Lannois, 333.
Laulthear. 42.
Lavista, 519, 521.
Leduc, 445.
Leesson, 501.
Lefilliàtre, 268.
Lentz, 229.
Levi, 325.
Lève, 311. 1.
Loewenfeld, 328.
Louvard,359.
Lugaro, 322.
)Jaack, 230, 329.
Macdonald, 62.
Mac Grew, 408.
Macpherson, 161,
Mairet, 336.
)lainner, 41t, r, 447.
Marandon de lllontyel,
68, 204.
)lai-cus, 112.
}[al'ey, \60.
Marie (\.), 330, 332,
429.
Marinesco, 85, 133, 520.
Marti y Julia, 12 î
Maure], 339, 313.
Mering (von), 160.
\Iercl.liu, 167.
}J Iclde, 116,286.
Iinor, 282, 354.
Moinet, 338.
lloltl;lanolF. 33[,
Mossé, 219.
)lourato\\" 77, 80, 346.
357.
llouracieff, Í8, 336. I
Mural, 400. ·
Murray, 229.
\icolle, G0.
Noguès, 335.
Nonne, 234.
Olivier,-61. I.
Orlovsky, Í8, 3,t9.
Pailhas, 263,33t.
Paris, 296.
Parisot, 310.
Parker, 162.
Patrick, 45.
Patterson, 135.
Paiiot, 333.
Perry (de), 21G.
l'etlllcci, 217, 525.
Philippe, 177.
Pick, 457.
Pilcairn, 143.
Pitres, 255, H7,t42.
Raichline, 447.
Ramey, 410.
Raymond, 17, 82.
Hebatel, 68.
Régis, 244, 417.
Itenault, 257.
Rey, 267.
liicllardson, 410.
Rispal, 340.
Ritti, 235.
Hivers, 139.
Robertson, 153, 154.
Rogers, 159.
ltosenlieim, 52G.
Rossolimo, 73, 231,282,
3j2
Roth, 76.
Sabrazès, 262, 333, 411,
443.
Sail'al, 33 ?
Santenoise, 487.
SchatalolT, ï3, `3S ?
Schlesinger, 509.
Schult, 407.
Sehuster. 232.
Secheyron, 343.
Shu tleworth. J(j 1.
Simpson.H3.
Smith, 164.
Souklianofl, 15.
Soury, 397.
Stewart, 105.
Slrumpell, 504.
Su th erland, [¡1(j.
Taguet, 289.
Targowla, 158.
'l'aty, 5`37.
Teeter, 326.
Terrien, 130, 298, 369.
To[< : at'hky,5t4.
Toulouse, 6ï, GS.
Toy, 527.
Trénel, 1.
'fumer, 148, 502.
Tsisch, 413.
Valentin, 331.
Vallon, 332, 333, 129.
- 'tiG, 563.
Varnah, 437.
Vassale, 415.
Vedel, 97.
Verzilolt', 319.
Vrai, 284.
Villers, 44.
Vires, 336.
Voisin, 341.
Waren Little, 42.
Weatherly, 164.
\1'nidenhammer, 31.
Werker, 156.
Wipner, 498.
Willard, 5\.5,
Williarnson, 146.
\\'ilson, 13G.
Évrcu, Cli. liémssao, imp. - : ? 07.