(1897) Archives de neurologie [2ème série, tome 04, n° 19-24] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1897) Archives de neurologie [2ème série, tome 04, n° 19-24] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NEUVËUSES ET MENTALES

Fondez par J.-M. Cil ARGOT

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M.I.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sle-Anne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des mendies

du système nerveux

à à la Faculté de médecine

de P.iris.

COLLABOITATRUIIS PRINCIPIUX

\1H. ATHANASSIO, BABINSKI, BALLET, BLANCHARD (11.), BLIN,

F. BOISSIElt, 131tlANU (S1.). BRICHE, l31tISSAlIU (E.), 13110t1A13UEL (l'.),

CATSAIIAS, CHAIIBEI1T, CHIIRO : '\. CHRISTIAN, CULLEIlItE,

DEBOVE (1VL). UENY, DEVAY, UUCAHP, IIUVAL (lmll.\8), FEN\YlIOU, FKIIIIIER,

FRANCOTTE, GILLES DE LA TOUHKTTK. GARNIEU (S.), G0111tAULT, GRASSET,

ICI : IttYAL(P.1, ICLII'PBL, LA\U)IiZY, LWOPF,

MAIUNDON DE MONTYEL, A. Naltllr, HIEI3ZEJEWSICY, 11USGIIAVE-f,LAI, NOIR,

PARIS, PIERRE PITItES, RÉGIS, IIEGNAH,) .(1'.), RIWNIEII (P.), IIIGItEIt (P.),

P. . III : LL4Y, ROUI11NOVITCH, It0'fH (W.) SEGLAS. SEGUIN (1-l.-(;.), SÉRIEUX,

SOLLIElt, souques, SOIIIIY (J.j, TA GUET, fI : IN'fllfilElt (E.), terrien, TLIULIÉ (H.),

TOULOUSE (E.), VILLA13D, VOISIN (J.), Y VOS (P.).

Rédacteur en chef : BOUITNL ? VILI.E

Secrétaire de la rédaction : J.-B. CIIAIlCOT

Dessinateur : LEUBA

Deuxième série, tome IV. 1897.

Avec 27 figures dans le texte.

* PARIS

BUUEAUX DU 'PItOGIiÈS MÉDICAL

il,, rue des Carmes.

1897

Vol. IV. Juillet 1897. N° 19.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE.

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. \ ?

(Symptômes de compression et phénomènes hallucinatoires.)

PAR

M. TRMNEL, et T A. ANTHEAUME,

Médecin-adjoint de l'Asile Interne des Asiles de la Seine.

Saint-Yon. -

. L'observation suivante a été recueillie à l'asile de Villejuif

dans le service de notre maître M. BRIGAND. Les faits de ce genre

ne sont pas exceptionnels, mais celui-ci en particulier doit son

intérêt à la présence de phénomènes hallucinatoires d'un carac-

tère spécial et à un complexus symptomatique assez rare,

qui permit d'établir, durant la vie, la localisation probable.

>

Sommaire. Femme de soixante-quatre ans. Début il y a six ans par

de la céphalée, des vertiges avec parésie et vaso-constriction du côté

gauche de la face, chute rare, et seulement depuis deux ans perte de

connaissance. Vomissements. Troubles mal définis de la marche depuis

deux ans. Amaurose progressive, hallucinations visuelles. Surdité

progressive, complète ci gauche, avec quelques hallucinations audi-

tives vagues. Dépression et délire mélancolique, tentative de suicide.

Etat actuel. Marche parétique, puis dérobement des jambes,

parésie des muscles anté1'o-exte1'1les de la jambe droite, finalement

contracture en flexion des membres inférieurs. Réflexes tendineux

forts. Rien aux membres supérieurs. Amaurose avec hallucinations

de la vue, mobiles de gauche à droite et multiples. De plus Izullzcci-

nation visuelle, lumineuse, unique et permanente dans la fixation

Archives, 2e série, t. IV. 1

2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

du regard ci gauche et en haut. Névrite optique. Surdité complète ci

gauche, très marquée à droite. Mort dans le marasme.

Autopsie. Gliome du bord antérieur gauche du cervelet com-

primant les régions voisines du cerveau, du cervelet et de la p1'Ulzc-

bérance, et intéressant les nerfs trijumeau, facial et acoustique

gauches.

Marie B., femme K..., soixante-quatre ans, entrée le 6 décembre

1893 à l'Asile de Villejuif, service de M. Briand.

Antécédents héréditaires. Inconnus.

Antécédents personnels. Pas d'alcoolisme. Une fausse couche;

à plusieurs reprises poussées d'eczéma ( ? ) du cuir chevelu. Une fille

morte d'une affection stomacale.

L'affection actuelle a débuté il y a environ six ans ; à celte époque,

la malade était sujette à de fréquents étourdissements sans perte

de connaissance, ni chute consécutive. L'état vertigineux durait

quelques minutes environ ; en même temps le côté gauche de la face

était légèrement parésié d'une façon tout à fait transitoire. Cette

hémiparésie s'accompagnait de fourmillements limités aux mem-

bres du même côté; elle ne s'est pas reproduite, lors des accès les

plus récents qui ont précédé l'entrée de la malade à l'Asile. Pen-

dant ces accès, le côté gauche de la face était pâle, la respiration

profonde et très ralentie.

Au début, la malade n'aurait pas perdu connaissance, ainsi que

nous venons de le faire remarquer ; mais depuis deux ans, il y aurait

eu de véritables ictus d'une durée d'un quart d'heure, environ,

sans aucun accident consécutif particulier.

L'un des premiers symptômes a été une céphalalgie tenace, très

intense et atrocement douloureuse, non localisée, qui a disparu

depuis quelques mois. Il en est de même des vomissements bilieux

et des nausées, qui autrefois survenaient au lever et dans le courant t

de la journée. L'intelligence devînt moins active; la malade pou-

vait alleret venir, mais restait incapable d'aucun travail, ce n'est

que depuis deux ans, que la marche est devenue difficile, confinant

la malade à la chambre.

Mais antérieurement étaient survenus des troubles oculaires; la

vue s'affaiblit peu à peu; enfin apparaissaient des hallucinations

visuelles s'accompagnant d'agitation nocturne et de trouble du

sommeil. En juillet 1892, la malade alla consulter le Dr Meyer,

à l'obligeance duquel nous devons l'examen ophtalmologique

suivant faità cette époque : L'examen desfonctions visuellesdonne,

après correction de la réfraction (-f- 2,50), pour l'oeil gauche 2/3,

pour le droit 1/8 de l'acuité normale. A l'examen ophtalmoscopique,

on constate une névrite optique des deux yeux et en outre à droite,

des traces d'hémorragies anciennes ainsi que d'hémorragies

récentes. » '

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 3

Le diagnostic de tumeur cérébrale probable fut alors posé.

A l'heure actuelle, l'amaurose est complète. Depuis longtemps

déjà, la malade avait de vagues hallucinations de la vue : elle voyait

« des choses » autour d'elle; il y a quatre mois les hallucinations

deviennent très intenses et s'accompagnent de très vives sensations

lumineuses. Marie B..., voit « des étoiles, des salons capitonnés, des

choses magnifiques, de longues files de personnages défilant un à

un; elle prétendait voir constamment une paysanne assise à table

à côté d'elle, vêtue du costume breton ». Elle a présenté également

de la zoopsie très nette (troupes de chats). Depuis six ans (pas de

renseignements antérieurs à cette date sur ce point), il existe une

surdité complète de l'oreille gauche, et la malade, notons-le, parait

avoir eu quelques hallucinations de l'ouïe, communes et élémen-

taires (mais non verbales), souvent elle se levait de son lit croyant

qu'on frappait à la porte. Nous n'avons pu savoir si les hallucina-

tions auditives étaient unilatérales.

A la suite de la mort de sa fille survenue en 1886, Marie B. était

devenue très triste; dès le début des accidents oculaires, elle tomba

dans une dépression profonde avec vaguei idées de persécution,

mais surtout idées délirantes mélancoliques très prédominantes et

assez actives : elle se reprochait « d'être un fardeau pour ses amis,

elle craignait devoir ceux-ci se fatiguer de la nourrir par charité,

elle ne voulait plus rester à charge à sa propriétaire, etc. «.Enfin elle

fit une tentative de suicide, dont elle porte les traces, à son entrée

à l'Asile (coups de rasoir, dans la région sus-hyoïdienne).

État actuel. Marie B... se tient difficilement debout, et vacille

fortement quand on lui enlève son point d'appui, elle peut faire

-quelques pas en poussant une chaise devant elle, mais progresse

sans détacher les pieds du sol et est rapidement obligée de s'asseoir.

Il a été impossible de faire un examen complet des troubles de la

marche, tant à cause de l'affaiblissement intellectuel de la malade

que de son anxiété qui s'accroît pendant l'examen. Les réflexes

rotuliens sont forts, les réflexes plantaires exagérés, la sensibilité

est intacte dans tous ses modes, il n'existe aucune espèce d'incoor-

dination tant aux membres inférieurs, qu'aux membres supérieurs;

le sens musculaire, autant qu'il est possible d'en juger, semble intact.

Il existe un léger strabisme interne de l'oeil droit, les pupilles

sont largement dilatées et immobiles; l'examen ophtalmologique

fait par notre ami M. Daguillon, a donné les résultats suivants :

O.-D. Cornée normale. Pupille très large, immobile. a) Image

directe : petits corps flottants très ténus, se déplaçant dans les

mouvements de l'ceil. b) Image renversée : Névrite optique. Papille

volumineuse, blanche, à contours très vagues, affectant la forme en

éclatement. Nombreux foyers hémorragiques autour de la papille,

disposés en couronnes, interruptions apparentes des vaisseaux, qui

sont tortueux, très turgescents, d'apparence variqueuse.

4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

0. G. Cornée, normale. Pupille très large, immobile. a) Image

directe : corps flottants moins nombreux, mais plus volumineux.

6)Image renversée, papille volumineuse, blanchâtre, atrophiée sur

son côté interne dont lebord est très bien délimité. Dans cette partie,

la papille ne présente- que peu de vaisseaux. Du côté externe, la

papille a des rebords très flou. Elle est nettement le siège d'une

névrite optique caractérisée par le même aspect ophtalmoscopique

que de l'autre côté, mais on remarque en plus que la branche

supérieure de l'artère centrale de la rétine présente un volume

anormal, une dilatation fusiforme. De la branche inférieure se

détache un petit vaisseau très mince et très ramifié qui va irriguer

la partie atrophiée de la papille. A la partie externe de la rétine,

plusieurs hémorragies comme à droite, mais plus étendues.

L'image droite vérifie ces résultats des deux côtés. Le corps vitré

apparaît des deux côtés comme pulvérulent, voilant la papille.

A un nouvel examen le 1er février 1894, on trouva le même

aspect du fond de l'oeil, à droite et à gauche, il existe de nombreux

petits corps flottants globuleux.

Il y a surdité absolue de l'oreille gauche; à droite affaiblissement

de l'ouïe considérable; la montre n'est entendue qu'à quelques centi-

mètres de distance.

La malade a des hallucinations de la vue extrêmement vives :

elle voit des armées défiler devant elle, des files de personnages ;

de plus, elle a une hallucination unilatérale que nous avons cons-

tatée à maintes reprises, et qui a persisté jusqu'au dernier jour :

quand elle portait son regard à gauche et en haut, elle voyait

immédiatement une lampe allumée qu'elle désignait du doigt

et qu'elle décrivait, comme étant une « lampe à pétrole ». Cette

hallucination disparaissait dès que la malade détournait le regard.

Marie B... est très déprimée, anxieuse et délirante. « Vous avez

l'air, disait-elle, de vous intéresser à moi et vous voulez me tuer. »

Elle disait aussi qu'on voulait l'empoisonner.

Quelque temps après son entrée, Marie B... est atteinte d'une

pneumonie gauche avec herpès labial, pendant laquelle la tempé-

rature atteint 39,8. Guérie de sa pneumonie, elle devint graba-

taire, incapable de se tenir sur les jambes; elle s'effondrait aussi-

tôt qu'on la mettait debout. On constata alors une légère parésie

des muscles antéro-externes de la jambe droite accompagnée

d'un certain degré de raideur des antagonistes. Cinq jours après

la guérison de la pneumonie, durant une journée entière, on

remarqua que le côté droit de la face était rouge et congestionné

comparativement au côté gauche. Peu à peu les membres infé-

rieurs se contracturèrent en flexion, l'extension complète devenant

impossible sans douleur. Rien d'analogue ne fut noté aux membres

supérieurs; les mêmes hallucinations persistèrent avec leur caractère

et spécialement l'hallucination unilatérale de la vue. Pendant tout

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. à

le séjour à l'asile, on n'eut jamais l'occasion de constater d'ictus.

Au mois de mai, la malade s'alimente mal, s'affaiblit progres-

sivement, une escarre fessière apparaît; la mort survient le

3 juin 1894.

Autopsie. L'autopsie, pratiquée le 5 juin, a démontré l'exis-

tence de la tumeur cérébelleuse diagnostiquée.

Etude du néoplasme. La tumeur non adhérente à la dure-mère

et facile à énucléer a la forme d'un ovoïde à grosse extrémité

antérieure. Sa surface est légèrement mamelonnée, sa consis-

tance est ferme et la coupe (à l'état frais) se montre régulière et

semée de nombreuses petites taches rougeâtres ayant l'apparence

d'hémorragies punctiformes ou miliaires sur un fond gris rosé qui

est la teinte générale.

Les rapports anatomiques de la tumeur, ainsi qu'on peut le voir

sur ce dessin que nous devons à l'obligeance de notre ami

M. Gruzelle, rendent compte des symptômes observés durant la vie.

La tumeur est située entre le côté gauche de la protubérance,

Fig. 1. T, tumeur du lobule du pneumogastrique. L, P, lobules

du pneumogastrique. Le lobule gauche est des deux tiers moins

volumineux que le droit. A, Amygdales.

6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

le bord interne du lobe temporo-sphénoïdal qu'elle repousse légè-

rement par l'intermédiaire de la tente du cervelet et le bord anté-

rieur du cervelet dont elle émane. Elle creuse ainsi une profonde

dépression sur. la face gauche de la protubérance, et elle a fait

disparaître presque entièrement le lobule du pneumogastrique

aux dépens duquel elle semble s'être développée et dont il ne

reste plus qu'un tronçon minime à sa partie externe.

Les nerfs voisins sont accolés à la tumeur : le trijumeau

gauche est le plus directement intéressé; peu après son origine

il se disperse à la surface du néoplasme sous forme d'un faisceau

étalé de fibrilles grêles. Le facial et l'acoustique gauches sont

également accolés à la tumeur, mais leur tronc parait de volume

et d'aspect normal et n'est pas dissocié. '

Notons ici que l'oreille gauche (côté de la tumeur) est le siège

d'une otite moyenne ancienne.

Examen histologique du néoplasme (après durcissement dans la

liqueur de Millier).

A un faible grossissement, après coloration au picro-carmin et à

l'hématoxyline-éosine, on constate les deux caractères suivants :

1° La tumeur est essentiellement constituée par des cellules dont

les noyaux bien visibles sont arrondis ; ces cellules sont séparées

par du tissu nerveux ;

2° On constate des vaisseaux sous forme de.lacs sanguins, vais-

seaux ayant parfois une paroi très mince et d'autres fois appa-

raissant comme des lacs sanguins sans autre délimitation que le

tissu même de la tumeur. Il s'agit là de vaisseaux capillaires véri-

tablement énormes, qui autorisent la dénomination de téiangicc-

tasiques. Parfois ces vaisseaux au nombre de quatre ou cinq forment

un îlot dans la préparation; d'autres fois, ils y sont disséminés.

A un fort grossissement nous allons étudier ces deux éléments,

vaisseaux et tumeur.

1° Du côté des vaisseaux, nous trouvons une paroi très mince,

fibrillaire ; le sang présente d'assez nombreux globules blancs qui

sont colorés par la méthode de Pall. Sur les coupes longitudinales

de quelques vaisseaux on peut constater dans leur gaine la pré-

sence de blocs ocreux disséminés et de quelques amas cellulaires,

en voie de dégénérescence. Enfin, il existe des artérioles présen-

tant les caractères de l'artérite chronique avec épaississement

énorme de la tunique externe.

2° Les cellules se présentent avec un protoplasma plus ou moins

régulièrement arrondi. Ce protoplasma est clair, non granuleux et

présente à son centre un gros noyau fortement coloré par l'héma-

toxyline.

' Nous remercions ici M. Flippe ! , médecin des hôpitaux, qui nous a

guidé dans cet examen.

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 7

Quelques-unes de ces cellules offrent un vestige de prolongement

protoplasmique qu'on ne peut pas suivre bien loin et qui parait

artificiellement brisé. Quelques cellules encore à protoplasma plus

étendu et de forme irrégulière, présentent des amas de granula-

tions ocreuses (cellules nerveuses dégénérées) ?

En résumé, d'après les caractères précédents, on peut conclure

qu'il s'agit ici d'une tumeur gliomateuse à cellules irrégulièrement

arrondies avec protoplasma dont les prolongements sont absents

ou brisés, l'un des caractères essentiels du néoplasme étant la

télangiectasie.

Examen des nerfs crâniens. L'examen histologique a porté

sur tous les nerfs intéressés directement ou indirectement par le

néoplasme, les coupes étant traitées par le procédé de Weigert-Pall,

la méthode de Rosin, par la nigrosine et le picro-carmiri, après

durcissement dans la liqueur de Millier. Voici les résultats obtenus :

Nerfs optiques. A l'oeil nu, aspect grêle ; histologiquement

ésion très accusée, consistant en une sclérose dissociante et atro-

phique.

Nerf trijumeau gauche. A l'oeil nu le tronc du trijumeau est

étalé en fascicules grêles à la surface de la tumeur.

Sur une coupe faite à ce niveau (et intéressant néoplasme et

fihres dissociées), nous notons de légères altérations : fibres grêles

et variqueuses, mais sans dégénérescence plus avancée. Au même

niveau, vaisseaux du nerf congestionnés et remplis de globules.

A l'abord du ganglion de Gasser, le tronc du trijumeau gauche

ne présente pas histologiquement de lésions remarquables ; il en

est de même pour les branches terminales.

Les cellules du ganglion de Gasser ont conservé leur forme

régulière, elles ne sont pas atrophiées, mais offrent un certain

degré de pigmentation.

Nerf facial gauche. - L'examen a porté sur différentes portions

du nerf, au niveau de la tumeur et dans l'aqueduc de Fallope (en

raison de l'otite moyenne). A l'examen histologique, il existe en

ces divers points une sclérose légère, avec raréfaction des fibres

nerveuses facilement appréciable.

Nerfs acoustiques. - Pour l'acoustique gauche, on constate his-

tologiquement une diminution notable des fibres myéliniques et

des cylindres-axes, l'acoustique droit parait de structure normale

(l'examen a porté sur ce dernier nerf à l'entrée dans le conduit

auditif interne). @

Les autres nerfs crâniens ne nous ont présenté aucune altéra-

tion, -

Cerveau et moelle. Au point de vue macroscopique, sauf un

léger degré d'oedème cérébral,^ les hémisphères cérébraux et la

moelle, n'offrent aucune particularité. A l'examen histologique

des coupes de l'écorce frontale gauche, traitées par les procédés

8 PATHOLOGIE NERVEUSE.

de technique habituels, ne présentent pas de détails importants

à signaler et paraissent de structure normale.

L'examen microscopique de la moelle n'a pu être pratiqué

jusqu'ici que sur la région cervicale supérieure, et dans ce point

nous avons constaté les faits suivants qui sont du reste très inté-

ressants : intégrité des cordons latéraux et antérieurs, lésion des

cordons postérieurs exclusivement au niveau des faisceaux de

Goll avec prédominance très nette de dégénérescence d'un côté.

(Nous reviendrons sur ce point et sur l'examen des autres seg-

ments médullaires dans une étude ultérieure.)

Voici les autres détails de l'autopsie :

Du côté des organes on note : coeur mou, pâle, adipeux, sans

lésion d'orifice, de dimensions normales. Broncho-pneumonie à

foyers disséminés du sommet du poumon et du lobe moyen à

droite; à gauche, congestion de la base. Adhérences pleurales

anciennes et néo-membranes récentes à droite. Les ganglions

bronchiques sont volumineux et indurés.

Foie gras. Rate congestionnée. Les reins sont un peu conges-

tionnés. Les organes digestifs sont sains. Utérus et annexes

normaux.

I. - Le diagnostic de tumeur cérébelleuse fut posé en pré-

sence de la nature des ictus foudroyants et passagers à la

façon des ictus cérébelleux, de la céphalalgie précoce et intense,

de l'amaurose assez précoce aussi, et de la démarche vacil-

lante. L'existence de la surdité pouvait être une première

indication pour un diagnostic de localisation plus précise ;

mais l'otite moyenne ancienne et le fait que la surdité existait

avant le début des accidents rendaient ce symptôme inutili-

sable. Il n'en était pas de même de la parésie faciale passa-

gère, qui paraît d'ailleurs n'avoir consisté qu'en un léger abais-

sement des traits du côté gauche. Mais le symptôme impor-

tant est la remarquable anémie unilatérale gauche de la face ;

ainsi qu'on le verra dans un instant, elle ne peut guère être attri-

buée qu'à une action de la tumeur sur le trijumeau.

Ces différents signes indiquaient une tumeur située dans la

région du facial et du trijumeau. Les troubles subjectifs de la

sensibilité et la parésie généralisée (accompagnée plus tard de

paralysie localisée du membre inférieur du côté opposé au

siège probable de la tumeur) étaient la preuve d'une compres-

sion progressive de la protubérance. Le diagnostic de la loca-

lisation pouvait donc être posé d'une façon assez rigoureuse.

A ce point de vue, ce cas rappelait celui qui a été décrit par

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 9

M. Brissaud' dans une de ses leçons de la Salpêtrière et dont

voici le résumé : Surdité progressive et complète de l'oreille

gauche, crises d'hypersécrétion salivaire à droite, céphalée pa-

roxystique explosive, ictus cérébelleux, sensation d'incer-

titude, marche titubante, raide, avec attitudes forcées, amblyo-

pie par névrite optique double. M. Brissaud .diagnostiqua une

tumeur « dans la région du corps restiforme gauche et plus

exactement en un point où la racine externe de l'acoustique

branche cochléaire, auditive, peut être gravement altérée ou

détruite, tandis que la racine interne (branche vestibulaire),

serait probablement respectée ». Il ajoute qu'en effet la

branche externe est la plus voisine du facial (intéressé par la

lésion, d'où le spasme facial et l'hypercrinie paroxystique), et

que les symptômes moteurs observés faisaient supposer une

lésion moins profonde de la branche interne en raison de leur

intensité relativement faible. Il fait remarquer en outre l'in-

tégrité de la 5° paire.

Dans notre cas, le diagnostic de tumeur cérébelleuse une fois

posé, chose facile, l'attention fut attirée par un renseignement

qui nous fut donné de la façon la plus catégorique : dans ses

ictus, la malade présentait cette pâleur extrême unilatérale de

la face dont il a été question plus haut. L'intensité en était si

marquée qu'elle avait vivement frappé les personnes de l'en-

tourage de la malade. Ce symptôme est absolument excep-

tionnel dans les cas de tumeur du cervelet et de la protubé-

rance ; nous'n'avons rencontré dans nos lectures que six faits

qui puissent en être rapprochés plus ou moins. Luys cite un cas

de Blin 2 où l'on trouva à l'autopsie un kyste de la surface du

lobe cérébelleux gauche ; on avait observé durant la vie de la

pâleur de la face et une contracture des extrémités. Nothnagel8

enregistre une observation d'Oliver qui, dans un cas de gliome

du lobe moyen, nota des changements de coloration très ra-

pides du visage ; il existait de la cécité avec simple pâleur de

' M. Brissaud. Syndrome cérébelleux. (Progrès médical, 20 janvier

189r, et Leçons sur les maladies nerveuses.)

2 Blin. Bulletins de la Société analomique, 1851, p. 158. Luys..1r-

chives générales de médecine, 1861. L

3 Oliver. Soles on Ihree cases of' cerebellar diseuse. (Journal or

anal. and, l'hys., juillet 1883.) - Cité in Nothnagel. Traité des maladies

de l'ettcéphale. Trad. Keraval.

10 PATHOLOGIE NERVEUSE.

lapapille. Bourneville et Isch-Wall' notent dans leur observa-

tion (tubercule ayant envahi toute la protubérance) de la

congestion passagère de la face, dans les derniers jours de

la vie, des troubles vaso-moteurs particuliers, sous forme de

plaques rouges de la face. Ils font remarquer la rareté des

troubles vaso-moteurs dans les lésions de la protubérance et

citent à ce propos un cas de Rendu (Elévation de la tempéra-

ture au bras du côté répondant à la lésion). Jacobsohn et Ja-

mane dans un travail tout récent 3, donnent, entre autres,

une observation (obs. 8) où la tumeur est identique de siège

à celle qui est figurée ici ; ils constatèrent à un moment

donné des alternatives de pâleur et de rougeur du visage. Cette

observation, notons-le en passant, est une preuve de la diffi-

culté du diagnostic des tumeurs du cervelet : au début, le

diagnostic d'hystérie fut un instant posé. Les troubles men-

taux consistaient en une démence progressive.

Il n'est guère possible, dans notre cas, d'expliquer l'anémie

unilatérale autrement que parune irritation du trijumeau, qui,

suivant l'opinion généralement admise, contient des fibres

vaso-constrictives. Les expériences sont cependant un peu con-

tradictoires sur ce point. Nous rappellerons que M. Laborde

a obtenu expérimentalement par la piqûre superficielle du tri-

jumeau à son origine des phénomènes de vaso-contriction.

C'est là d'ailleurs un phénomène commun aux irritations su-

perficielles des nerfs sensitifs en général, ainsi que le faisait

remarquer à cette occasion M. Jolvet. (Société de biologie,

'18 î9.)

Le symptôme peut d'ailleurs être attribué soit à l'action

directe de la tumeur sur le nerf, soit à la compression de la

protubérance au niveau de la racine ascendante du trijumeau

et du faisceau intermédio-latéral, si l'on admet que ce faisceau

fasse partie du système sympathique médullaire. Le ralentisse-

ment de la respiration dans les ictus pourrait être rapporté

aussi à une action réflexe du trijumeau; ce phénomène a été

en effet constaté expérimentalement, mais il n'y avait peut-

1 Bourneville et Jsch-Wall. Progrès médical, 1887, n°' 33, 34, et

Compte rendu de Bicélre, pour 1888.

. Nothnagel cite un cas analogue de Lépine.

3 Jacobsohn et Jamane. Sur la pathologie des tumeurs de la fosse

cérébrale inférieure. (Arch. f. Psychiatrie, 29, 1, 1896.)

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 11

être là aussi chez notre malade qu'un symptôme banal qu'on

observe dans d'autres circonstances. La céphalalgie paroxys-

tique ne peut être non plus rapportée à l'irritation du triju-

meau, elle n'a pas paru avoir été unilatérale; elle présentait

bien le caractère de douleur atroce qu'on observe dans les

tumeurs du cervelet quel que soit leur siège.

Enfin, comme dernier caractère négatif, qui pouvait faire

hésiter sur l'extension possible de la lésion vers le trijumeau,

nous avons noté l'absence de trouble de la sensibilité ; du

moins on ne put jamais constater de différence nette dans la

sensibilité des deux côtés de la face. L'attention de la malade

envahie par les hallucinations de la vue était d'ailleurs diffi-

cile à fixer.

Cependant, malgré l'absence à l'époque où la malade fut

observée, de symptômes de lésion du trijumeau, l'existence

antérieure de cette anémie unilatérale permettait d'affirmer

presque à coup sûr que la tumeur devait atteindre cette région

de la protubérance, ce que l'autopsie a confirmé. Il n'y avait

guère de raison d'attribuer l'anémie unilatérale à l'action du

nerf facial qui fournirait des fibres vaso-constrictives à la joue,

car ces fibres d'emprunt proviennent des anastomoses de ce

nerf avec le sympathique, au delà du point où la tumeur pouvait t

l'intéresser. D'ailleurs, l'autopsie prouva qu'il était bien moins

intimement en rapport avec le néoplasme que le trijumeau

absolument dissocié. La lésion partielle du facial assez mar-

quée permet, par contre, d'expliquer la parésie qui aurait

existé au début.

Pour conclure, notre cas nous paraît jusqu'à un certain point

remplir le desideratum exprimé par Nothnagel : « On devrait

en vérité s'attendre à rencontrer bien souvent l'atteinte des

tractus vaso-moteurs (dans les lésions protubérantielles en gé-

néral), quand on compare la fréquence des perturbations de

ce genre dans les foyers cérébraux à localisation déterminée,

et quand on considère que dans l'état actuel de la science les

faisceaux vaso-moteurs qui se rendent au cerveau sont préci-

sément obligés de traverser la protubérance. » Il ajoutait' qu'on

n'avait pas encore décrit les troubles vaso-moteurs de la face

dans les cas de ce genre, sauf l'inflammation vaso-paralytique

de l'oeil qui « n'appartient sûrement pas aux symptômes rele-

' Notlinagel. p. 1 48.

12 PATHOLOGIE NERVEUSE.

vant de la protubérance » ; mais l'absence de données à ce

sujet lui parait dû surtout à un défaut d'observation.

II. Il y a lieu d'insister sur les troubles psychiques et

hallucinatoires présentés par la malade :

A. Les accidents mentaux ont précédé les hallucinations

et se sont installés postérieurement à l'apparition du syndrome

cérébelleux. Ils ont consisté en une poussée brusque de dé-

lire mélancolique avec tentative de suicide impulsive motivant

l'internement, eten un état de torpeur cérébrale s'accentuant de

plus en plus. On a noté dans le même temps des hallucinations

auditives et visuelles sur lesquelles nous insisterons plus

loin. Mais ces phénomènes ne paraissent avoir joué vis-à-vis du

délire qu'un rôle effacé et n'en avoir été ni la cause ni la con-

séquence.

A quoi faut-il rattacher les troubles mentaux observés, ou,

en d'autres termes quel rôle a joué la production néoplasique

vis-à-vis de ces accidents ?

Il semble, qu'à ce point de vue, il soit bon de discerner deux

catégories de faits : d'une part (comme toujours en pareil cas),

on peut attribuer l'inertie intellectuelle et la dépression, à

l'entrave apportée par la tumeur cérébelleuse à la circulation

encéphalique et au fonctionnement cérébral, et d'un autre côté

par leur nature même, par leur mode d'apparition et d'évolu-

tion les accidents délirants semblent ressortir d'une prédispo-

sition vésanique latente chez cette femme, prédisposition occa-

sionnellement éveillée par le néoplasme.

Cette dernière opinion, émise par M. le professeur Joffroy à

propos de faits analogues, est la plus rationnelle et nous

croyons devoir nous y rattacher en ce qui concerne non seu-

lement la genèse de ce délire mélancolique, mais encore celle

des phénomènes hallucinatoires présentés par la malade.

B. - Les hallucinations observées ont été auditives mais

surtout visuelles. Les hallucinations auditives se sont montrées

d'une manière précoce et transitoire ; elles ont coïncidé avec

une diminution de l'ouïe prédominante à gauche par suite

d'une otite moyenne de ce côté. Il s'agissait d'hallucinations

communes et élémentaires, mais non verbales, ayant servi de

base à quelques rares interprétations délirantes.

Beaucoup plus complexes ont été les hallucinations visuelles

survenant en dehors de toute intoxication alcoolique ; d'une

UN CAS DE GLIOME VOLUMINEUX DU CERVELET. 1 ri

part la malade a présenté des hallucinations multiples(zoopsie,

défilé d'objets agréables, lumineux, mobiles mais d'un mouve-

ment uniforme et se faisant toujours dans le même sens (de

gauche à droite), et d'autre part une hallucination très curieuse

par sa précision (vue d'une lampe allumée), hallucination

unique, immobile, permanente, apparaissant seulement quand

le regard était dirigé à gauche et en haut. L'existence de ces

hallucinations visuelles de deux espèces forme l'un des côtés

intéressants de cette observation. Les hallucinations de la vue

sont, croyons-nous, assez rares dans les conditions où nous

avons eu l'occasion de les observer. Rappelons qu'antérieure-

ment à l'entrée à l'Asile il avait existé une autre hallucination

persistante pendant plusieurs semaines et située du même côté :

la vue d'une paysanne. Il est intéressant de placer en regard

de ces faits ceux qu'a étudiés M. Lamy', hallucinations dans

la partie abolie du champ visuel chez des hémianopsiques : ces

hallucinations sont tantôt mouvantes tantôt immobiles, tou-

jours identiques ou très uniformes et toujours « aussi précises

et aussi singulières » que dans notre observation; dans un cas

il y avait coexistence d'hallucinations mobiles et immobiles,

d'ailleurs invariables d'aspect.

Ferberg2 sur 38 cas qu'il a recueillis dans la littérature, note,

sans donner d'autre détails, trois cas d'hallucinations de la

vue. D'autre part Macabiau3 3 sur 60 observations n'a noté de

délire que trois fois. Nothnagel ne cite guère que les halluci-

nations de l'ouïe.

L'un de nous a observé une malade chez laquelle avaient

existé des hallucinations de la vue analogues à celles pré-

sentées par Marie B... (hallucinations multiples, défilés de

personnages). Cette malade présentait une amaurose complète

et avait des attaques épileptiformes. On trouva une volumi-

neuse tumeur presque identique à celle dont nous rapportons

ici l'histoire.

Signalons, en passant, l'apparence un peu particulière que

' Lamy. Congrès des aliénistes et neurologistes, 1891 (Clermont).

Hémianopsie avec hallucinations dans la partie abolie du champ de la

vision.

" Ferberg. .snzplonzalolo71e des tumeurs du cervelet. Thèse de

Marbourg.

3 Macabiau, thèse de Paris, 1869. Lelarge, thèse de Paris, 1885.

14 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la papille de l'oeil gauche présentait à l'examen ophtalmosco-

pique par rapport à l'oeil droit, mais ce n'est là qu'un simple

rapprochement.

On remarquera encore que les hallucinations en général

paraissent rares (du moins elles n'ont guère été enregistrées),

dans les cas de lésions du cervelet. Nous noterons le cas curieux

mais complexe de Laborde cité par Leven et Ollivier'. Le

malade prétendait chaque jour être tombé de son lit, et s'être

fait des plaies multiples. Il présentait de l'amaurose et était

agité de mouvements qui le forcaient de se cramponner à son

lit. A l'autopsie on trouva dans l'un des lobes du cervelet un

foyer gros comme une noisette, mais de plus des ramollisse-

ments multiples de la convexité du cerveau.

Cette rareté des hallucinations au cours des affections encé-

phaliques est un fait très remarquable, mais quand elles

existent elles peuvent survenir dans les affections les plus di-

verses. Il est à supposer qu'elles ne se produisent que chez

des individus prédisposés, ainsi que l'indiquaitM. le professeur

Joffroy à propos des hallucinations unilatérales de l'ouïe. « Il

ne suffit pas pour produire une hallucination d'activer un

centre sensoriel par une lésion irritative, quelque chose de

plus est nécessaire; il faut que ce centre soit modifié, il faut

qu'il soit préparé d'une manière originelle ou acquise, il doit

avoir cette disposition anormale qui le rend hallucinogène et

c'est pour cela qu'il n'y a pas de lésion produisant d'emblée

des hallucinations comme on pourrait parfois être tenté de le

croire. La lésion donne seulement naissance à des sensations

morbides (fourmillements, sensations auditives, lumineuses,

etc.), qui sont transformées en hallucinations ? «Notre malade

paraît rentrer dans la catégorie de ces prédisposés et ses hallu-

cinations tant visuelles qu'auditives, reconnaissent une genèse

analogue à celle indiquée par M. Joffroy, les hallucinations au-

ditives étant l'interprétation des bruits morbides auriculaires

et les hallucinations visuelles l'interprétation des sensations

morbides lumineuses produites par la lésion.

Chez notre malade, l'aptitude délirante et le t pouvoir hallu-

cinogène » ont été mis en éveil et par l'irritation périphérique

' Leven et Ollivier. Archives générales de médecine, 1862-63, p. 709.

2 ,JofII'OY. Archives de Neurologie, 1896, n° 2. Leçon sur les hallu-

cinations unilatérales.

LA THÉORIE DES NEURONES. 15

de l'acoustique (otite moyenne et compression de l'acous-

tique par la tumeur) se traduisant par des hallucinations de

l'ouïe, et par l'irritation des voies optiques, point de départ des

sensasions lumineuses, se traduisant par des hallucinations de

la vue.

Notre observation ressemble beaucoup à celle de M. Bris-

saud, mais, dans ce dernier cas, il est à noter que malgré la

similitude de la localisation et des symptômes, nul trouble

mental n'est survenu en l'absence de la dégénérescence

mentale '.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

LA THÉORIE DES NEURONES EN RAPPORT

AVEC L'EXPLICATION DE QUELQUES ÉTATS PSYCHIQUES

NORMAUX ET PATHOLOGIQUES 3 ;

Par le D" SERGE SOUKIIANOFF,

, Médecin de la clinique psychiatrique de Moscou.

II

La vie psychique, ses expressions suprêmes, du moins, est

en rapport intime avec l'écorce cérébrale. Ici siègent les neu-

rones pyramidaux, nommés cellules psychiques. Ce n'est pas

en vain que ces dernières portent cette dénomination. L'écorce

cérébrale de tous les vertébrés inférieurs est pourvue de ces

éléments nerveux. L'observation nous indique qu'au sur et à

mesure que nous descendons l'échelle zoologique, les cellules

psychiques deviennent plus pauvres en prolongements. Les

1 Voir aussi : Bourneville et Morax, Idiotie sympt. d'une tumeur céré-

belleuse compliquée d'hydrocéphalie. (Compte rendu du service des

enfants de l31cèll'e, pour 1890, p. il.) - Bourneville et Ferrier. Idiotie

sympt. des Tumeurs du cervelet, compliquées d'hydrocéphalie. (Ibid.,

pour 1892, p. 233.)

2 Voir Archives de Neurologie, n° 17.

16 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

cellules les plus perfectionnées et munies du plus grand

nombre de dendrites se trouvent dans l'écorce cérébrale de

l'homme. On ne peut pas dire qu'une vie psychique supé-

rieure exige un plus grand volume des cellules pyramidales.

Chez les vertébrés inférieurs les cellules pyramidales for-

ment un réseau plus dense et serré ; leurs corps cellulaires

s'attouchent presque ; tandis que dans l'écorce cérébrale de

l'homme les éléments psychiques sont pour ainsi dire clair-

semés et leur contact s'effectue à l'aide des prolongements.

Nous ne pouvons aucunement attester que la richesse de la

vie mentale chez des individus humains à part dépende de la

quantité des neurones pyramidaux ; ce n'est pas le nombre

qui joue ici le rôle principal, mais le degré de perfection et

de développement des dendrites et des collatérales. Ceci

explique le fait, que le poids du cerveau des individus, riche-

ment doués de talent et même de génie, est quelquefois au-

dessous de la norme. La capacité de perfectionnement psy-

chique dépend de la propriété des dendrites de produire de

nouvelles ramifications et de nouveaux bourgeons, mais leur

croissance est limitée. Ceci est amené, d'un côté, par la pro-

priété innée des éléments psychiques, d'un autre côté par des

circonstances extérieures. L'importance de ces dernières ne

doit pas être oubliée non plus, puisque, dans des conditions

défavorables, la force potentielle des neurones pyramidaux

peut tarir rapidement et le développement ultérieur peut s'ar-

rêter, et l'individu perd en même temps la faculté de conti-

nuer son perfectionnement psychique. Le nombre des neurones

pyramidaux chez l'adulte ne s'augmente pas, et le développe-

ment psychique s'effectue par l'apparition de nouvelles den-

drites très fines. De quelle manière cela se fait-il ? D'où vient

la nouvelle substance ? Nous pouvons supposer que les prolon-

gements protoplasmiques croissent tandis que le corps cellu-

laire diminue graduellement dans son volume. Il est plus

probable, que la substance nerveuse a la faculté de produire

de nouvelles excroissances en déplaçant le tissu indifférent et

soutenant.

Les éléments pyramidaux de l'écorce cérébrale sont nommés

cellules psychiques, uniquement parce qu'elles apparaissent

comme substratum de la vie psychique. Ni leur forme exté-

rieure, ni leur richesse en prolongements ne peuvent nous

expliquer, pourquoi leur action amène des actes psychiques.

LA THÉORIE DES NEURONES. 17

La cellule psychique est organisée de la même façon que tous

les neurones; elle est munie, de même que les autres neurones,

de prolongements protoplasmiques, et d'une fibre cylindraxile

avec ses collatérales. Certains neurones, par exemple ceux de

l'écorce cérébelleuse, présentent une architecture plus com-

plexe et plus fantasque, bien que leurs fonctions ne peuvent

pas être comparées avec l'activité suprême et énigmatique qui

est en lien étroit avec les cellules pyramidales ou psychiques.

Nous devons supposer que la différence entre l'activité des

neurones psychiques et les fonctions des autres cellules ner-

veuses ne consiste point dans la forme extérieure, mais dans

les particularités de la fine structure et des procès chimiques.

Chacun des actes psychiques, à quelque catégorie qu'il appar-

tienne, dépend toujours du contact des dendrites fines avec les

cylindraxiles. Les nouvelles idées et les nouvelles combinai-

sons entre elles exigent indispensablement pour leur réalisa-

tion de nouvelles voies : ceci s'effectue par la formation et par

l'excroissance des dendrites et par l'augmentation des contacts

entre différents neurones. Le nombre infini de liens qui

existent entre les neurones séparés nous explique jusqu'à un

certain point la richesse de notre vie psychique en procès

d'association. Puisque la quantité d'unités nerveuses reste la

même chez l'adulte, et puisqu'il suffit de l'apparition de nou-

velles dendrites et de nouvelles collatérales pour le progrès de la

vie mentale, nous pouvons admettre que les prolongements des

neurones sont d'une grande importance au fonctionnement

régulier du mécanisme psychique.

La substance protoplasmique des neurones est dans un état

de vibration continuelle, qui est tantôt plus faible, et. tantôt

plus forte suivant l'intensité de l'activité fonctionnelle. Plus la

vibration moléculaire des neurones psychiques est forte, plus

leur action est intensive, plus grand est l'afflux de la matière

nutritive, qui leur parvient. Le prolongement protoplasmique

joue un rôle important comme organe de nutrition et d'ab-

sorption. Il n'est guère indispensable que la matière nutritive

afflue énergiquement au neurone entier; il est nécessaire,

qu'elle soit près des dendrites, où la vibration moléculaire est

à sa plus grande intensité. De cette manière l'hyperhémie

renforcée passe d'une dendrite à une autre. Ce que nous venons

dire peut se rapporter en entier aux neurones psychiques,

situés dans l'écorce cérébrale, et aussi aux procès psychiques

Archives, 2° série, t. IV. 2

18 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

conscients. Afin qu'une idée apparaisse dans le champ de

notre conscience, une hyperhémie fonctionnelle est indispen-

sable, dans la région des dendrites et des fibres cylindraxiles, qui

servent de substratum histologique pour ce procès psychique.

L'hyperhémie fonctionnelle et la renforcement de la vibration

moléculaire, se transfèrent avec une extrême vitesse de cer-

taines dendrites aux autres, c'est-à-dire, d'une région de l'écorce

cérébrale à une autre.

L'observation simple nous convainc de la variété et de la

multitude des images, des idées et de représentations qui

peuvent passer dans notre conscience dans très peu de temps,

et à ce rapide changement d'objets, que nous observons au

champ de notre conscience, correspond le déplacement de

l'hyperhémie fonctionnelle ; cette dernière oscille conti-

nuellement, apparaissant à différents endroits ; le renforce-

ment de la vibration moléculaire peut s'effectuer avec une

extrême rapidité.

L'exagération de l'onde moléculaire dans la substance pro-

toplasmique est accompagnée d'une modification de la forme

des dendrites fines, et dans certains cas d'un développement

de ramilles nouvelles.

L'apparition de nouveaux prolongements protoplasmiques

doit correspondre à la formation de fibres cylindraxiles colla-

térales. Mais de quelle manière s'effectue l'organisation de

nouveaux contacts ? Les dendrites, sont-elles seules à croître

et à se diriger vers les ramifications cylindraxiles, avec les-

quelles elles sont destinées à s'unir ?

Ou bien se passe-t-il ici un tout autre procès ? ' Appliquons-

nous à résoudre cette question, en tant que la théorie contem-

poraine des neurones nous le promet. A cet effet, arrêtons

notre attention sur la direction que suivent les courants ner-

veux dans les dendrites et dans les fibres cylindraxiles. L'onde

moléculaire se dirige dans les premières de la terminaison du

prolongement au corps de la cellule, en affectant, par consé-

quent, la direction centripète par rapport à cette dernière ;

quant aux fibres cy. indraxiles la vibration y part du corps cel-

lulaire, nous pouvons donc l'appeler centrifuge. Les excita-

tions extérieures, qui atteignent les arborisations terminales

des fibres cylindraxiles se transmettent aux dendrites. L'acti-

vité indépendante de ces dernières se borne à la modification

du caractère des incitations, reçues conformément avec leur

LA THÉORIE DES NEURONES. 19

individualité ; mais si elles se trouvent privées d'impulsions

venant du dehors, elles seront par cela même condamnées

à rester dans un état de repos relatif, et dans ces condi-

tions tout le développement et le perfectionnement de den-

drites fines est complètement hors de question. Ce n'est qu'à

force d'être incitée par des impulsions extérieures, que la

substance protoplasmique devient un mécanisme, capable de

produire de nouveaux prolongements; quant aux collatérales

cylindraxiles, elles se propagent sous l'influence des excita-

tions, qui leur parviennent. Il est très probable, que le

développement des fibres nerveuses devance quelque peu la

formation de nouveaux bourgeons et de nouveaux ramus-

cules.

Si l'attouchement de deux prolongements hétérogènes, et

appartenant indispensablement à différents neurones s'est

une fois effectué, le contact reste continuel. Si nous admet-

tions qu'en état du repos et d'inaction, il pût se faire dans

un endroit quelconque de l'écorce cérébrale une interruption

de la transmission du courant nerveux, amenée, par exemple,

par la diminution et la contraction du volume d'une dendrite

protoplasmique, il nous serait difficile de comprendre, de

quelle manière la vibration moléculaire, parvenue à l'endroit

de l'interruption pourrait influer sur la dendrite voisine d'un

autre neurone.

Nous savons déjà, que la substance protoplasmique demeure

tranquille, en tant qu'elle n'est pas incitée par des impulsions

extérieures et est capable de modifier sa forme de son propre

accord. Cette remarque ne s'applique pas seulement aux neu-

rones de l'écorce cérébrale; mais peut se rapporter aussi à toutes

les régions du système nerveux périphérique et central. Nous ne

pouvons donc pas admettre que, par exemple, l'apparition d'une

image ou d'une idée dans notre conscience doive amener, pour

ainsi dire, la fermeture de la chaîne interrompue,qui transmet le

courant nerveux, et la disparition des idées causer l'ouverture

de cette même chaîne. Cette dernière reste toujours ininter-

rompue et les procès conscients qui s'opèrent dans l'écorce

cérébrale exigent une plus forte vibration de la substance ner-

veuse, que les procès inconscients.

Il est possible, que les terminaisons des prolongements

protoplasmiques changent de formes, mais pas de manière à

se désunir de la fibre cylindraxile ; nous pouvons même sup-

20 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

poser qu'il s'opère ici une diminution des surfaces, qui parti-

cipent aux contacts. Dans le mécanisme psychique à fonction-

nement régulier il ne doit nulle part se produire de disjonction

entre les dendrites et les fibres cylindraxiles ; au contraire,

beaucoup de phénomènes du domaine de la psychopathologie

s'expliquent aisément, comme nous le verrons plus loin, par

l'infraction des liens entre différents neurones. Même pendant

le sommeil, alors que l'écorce cérébrale entière est plongée

dans un état de repos relatif, il ne s'opère pas d'interruption

sus-mentionnée entre les prolongements des cellules nerveuses.

Le sommeil amène un relâchement général de la vibration

moléculaire dans les éléments pyramidaux, qui devient par-

tout plus faible qu'en état de veille ; et bien qu'il ne se pro-

duise pas durant le sommeil de disjonction de la chaîne

nerveuse, il est probable que le mode de connexion des den-

drites avec les fibres cylindraxiles prend alors un caractère

quelque peu différent; les dendrites cessent de travailler avec

la même intensité qu'à l'époque de l'activité de l'écorce céré-

brale, se contractent et modifient à un certain point leur

forme, de sorte que le nombre des points d'attouchement

devient moindre pour chaque fibre correspondante; il aug-

mente, au contraire, à l'époque d'une plus grande activité ;

l'arborisation protoplasmique terminale se tend alors, s'al-

longe et augmente par cela la surface, qui entre en contact

avec le cylindraxe. Une voie conductrice plus large et plus

libre est nécessaire à une vibration cérébrale renforcée, c'est-

à-dire, à un courant nerveux plus tendu, qu'aux impulsions

faibles et moins tendues. Nous avons donc à l'endroit, où le

prolongement protoplasmique entre en contact avec le cylin-

draxe, un appareil régulateur, qui se modifie selon la néces-

sité. La fonction régulière de ce mécanisme a une grande

importance pour le cours régulier des procès d'association,

avec lesquels les phénomènes de la vie psychique consciente

sont en rapport intime.

Le ramuscule terminal du prolongement protoplasmique

reste toujours sous l'influence stimulante des impulsions de la

fibre nerveuse, avec laquelle elle entre en contact. Cette in-

fluence ne cesse que lorsqu'il s'opère une interruption du con-

tact, ce qui n'a lieu que dans les états morbides, et ne se

produit guère dans un état normal.

Le degré de l'influence tonique du prolongement cylin-

LA THÉORIE DES NEURONES. 21

draxile sur la dendrite ne reste pas toujours le même ; il se

modifie selon la force de la vibration moléculaire. Si le cou-

rant nerveux est fort et si la dendrite est stimulée davantage,

la forme du prolongement protoplasmique subit de plus grands

changements, et le nombre de points d'attouchement qui par-

ticipent à la formation du contact devient plus considérable.

Si le ramuscule protoplasmique ne réussit pas à s'adapter à la

force de l'onde nerveuse il peut arriver, que la tension du

courant nerveux sera grande, et la voie conductrice trop

petite ; dans ces conditions, l'onde vibratoire doit prendre une

autre direction, ce qui empêche le cours régulier du procès

d'association ; nous parlerons de cela plus loin, en appli-

quant la théorie des neurones à l'explicatin de l'état patho-

logique connu sous le nom de confusion de la conscience.

A la base de toutes les particularités psychiques, qui font la

distinction entre les individus humains, outre les diverses

facultés des neurones cérébraux de produire de nouveaux con-

tacts, se trouve le mode dont ils réagissent aux incitations

extérieures. Certains individus sont doués de ramuscules pro-

toplasmiques qui peuvent se tendre et se propager avec une

extrême rapidité ; tandis que chez d'autres individus les den-

drites entrent dans un état actif très lentement et possèdent

une certaine raideur de mobilité.

Il est très probable qu'il existe un lien intime entre tel ou

tel degré de mobilité des dendrites terminales des neurones

pyramidaux et les diversités de tempéraments. Les deux éche-

lons extrêmes, notamment de facilité et de raideur de la mobi-

lité de la substance protoplasmique, correspondent aux deux

tempéraments opposés, à savoir, au tempérament cholérique

et au tempérament phlegmatique. Les dendrites terminales

vibrent chez le cholérique rapidement et facilement; chez le

phlegmatique, au contraire, leur vibration s'opère avec une

lenteur relative. Ajoutons encore, que la faculté de mobilité

des dendrites ne reste jamais immuable chez le même indi-

vidu ; elle varie sous l'influence de la fatigue, de narcotiques,

de stimulants, etc.

Passons maintenant à l'étude des neurones par rapport à

l'explication de quelques faits du domaine psycho-pathologique.

Le nombre de données pathologohistologiques et anato-

miques relativement à une grande quantité de maladies

mentales est extrêmement restreint et les faits que nous

")G> 9

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

possédons à ce sujet sont très contradictoires. Nous connais-

sons mieux les altérations du système nerveux central, que

nous observons dans les affections organiques du cerveau, où

nous pouvons à l'oeil nu ou à l'aide du microscope constater

tels ou tels changements dans le cerveau. Outre les chan-

gements grossiers propres aux lésions organiques du cerveau,

la théorie des neurones nous fournit la possibilité de pénétrer

plus profondément dans la sphère d'anomalies de la structure,

invisibles, mais probables.

Pour plus de précision prenons quelques exemples concer-

nant des lésions organiques de cerveau qui sont accompagnées

de démence.

La présence dans cette région d'une tumeur qui grossit gra-

duellement et augmente par cela la pression intra-cranienne

amène souvent outre des symptômes physiques grossiers un

affaiblissement général des facultés mentales. M. Raymond,

tout récemment a constaté, dans un cas de tumeur du cerveau

un anéantissement des fibres tangentielles dans l'écorce céré-

brale, principalement dans sa couche exterme. C'est à ce fait,

qu'il rattache la démence. La théorie des neurones nous force

à modifier l'opinion de M. Raymond, ou plutôt à la compléter.

Nous savons que dans la couche moléculaire supérieure de

l'écorce cérébrale existeun réseauépais, formé par les panaches

protoplasmiques des cellules pyramidales et psychiques. Une

plus forte pression intra-cranienne exerce, selon toute proba-

bilité, son influence nuisible tout d'abord sur cette région de

l'écorce cérébrale, laquelle, d'après notre avis, est en rapport

intime avec les actes psychiques supérieurs, et dont la lésion

amène tout d'abord une démence générale et un appauvrisse-

ment de la vie psychique.

Dans le panache protoplasmique de même que dans les

autres prolongements protoplasmiques et cylindraxiles pé-

rissent tout d'abord les ramuscules terminales des dendrites

et des fibres nerveuses de développement postérieur, comme

formations moins stables et moins durables. Il en résulte qu'un

grand nombre de contacts entre les dendrites et les collaté-

rales disparaissent complètement; chacune des cellules psy-

chiques devient moins riche en contacts avec d'autres neu-

rones, qu'elle ne l'est à l'état normal et devient en outre,

moinsimpressionnable. L'anéantissement du plus grand nombre

des contacts entre les cellules psychiques de même qu'une

LA THÉORIE DES NEURONES. 23

plus grande quantité d'éléments affectés amène un affaiblisse-

ment plus marqué de la vie psychique.

Toute forme de démence, à quelque catégorie qu'elle appar-

tienne, dépend de la destruction des liens entre les dendrites

et les fibres cylindraxiles; dans tous les cas de démence, fût-

elle amenée par une lésion organique de l'écorce cérébrale, ou

par une psychose quelconque, qui n'y occasionne aucune

altération, ou fût-elle causée par l'intoxication chronique par

un poison quelconque, nous devons toujours supposer une

destruction des contacts déjà formés et l'incapacité de pro-

duire de nouveaux liens; seulement dans les lésions organiques

les changements sont plus grossiers et peuvent être constatés

à l'aide des procédés contemporains des investigations micros-

copiques.

Dans quelques formes de maladies mentales, particulière-

ment dans les maladies organiques, où nous pouvons constater

des altérations visibles et indiscutables du système nerveux,

nous pouvons bien souvent observer, outre l'affaiblissement

des facultés psychiques, un trouble de la mémoire, en forme

d'amnésie et de réminiscences fausses. Dans des cas de para-

lysie générale et de démence sénile, d'artério-sclérose et de

tumeur du cerveau, nous observons parfois, que les malades

s'embrouillent dans les événements actuels, et oublient ce qui

vient d'avoir eu lieu.

Dans la psychose polynévritique, ce symptôme, c'est-à-

dire, l'incapacité de se souvenir des faits présents ressort au

premier rang. De quelle manière pouvons-nous expliquer ce

phénomène à l'aide de la théorie des neurones ? Les impres-

sions que reçoit le malade parviennent jusqu'à ses centres

perceptifs conscients. La substance protoplasmique correspon-

dante garde une certaine trace, qui apparaît à cause du

renforcement de la vibration moléculaire. Une nouvelle

image s'associe aux représentations anciennes ; mais ces

liens et ces connexions seront temporels et extrêmement ins-

tables ; leur existence dure tant que continuent les impres-

sions extérieures. Dès que ces dernières disparaissent, les

liens entre l'image nouvelle et les représentations anciennes

périssent aussi. Les contacts formés entre les ramuscules

protoplasmiques terminaux et les fibres cylindraxiles, se

détruisent rapidement. Par conséquent, la substance nerveuse

de l'individu donné se montra incapable de produire de nou-

24 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

velles voies durables, pour les nouveaux courants nerveux.

Bien que les nouvelles images et les nouvelles représentations

provoquent un renforcement de la vibration moléculaire des

éléments nerveux et bien que leurs traces se conservent dans

l'écorce cérébrale, elles se présentent comme un matériel mort,

qu'on ne peut pas utiliser, vu la destruction rapide de nou-

veaux contacts entre les prolongements hétérogènes de diffé-

rents neurones. Par quoi ce phénomène est-il amené ? Nous

pouvons supposer que dans l'écorce cérébrale sont atteintes

tout d'abord les arborisations terminales du cylindraxe. A

cause de cela leur influence stimulante sur la substance proto-

plasmique des dendrites devient plus faible et ne suffit

pas pour soutenir les dendrites terminales dans un état de

certaine tension et de certain tonus. La fonction insuffisante

des fibres nerveuses entraine la destruction continuelle de

nouveaux contacts. Pourtant nous ne pouvons point sup-

poser que les liens nouveaux entre les dendrites et les colla-

térales fines cessent de se former uniquement à cause de la

faiblesse des fibres nerveuses terminales. Il existe en outre,

du moins dans certains cas une altération de la structure de

la substance protoplasmique.

Il se peut, que les dendrites des neurones donnent de nou-

veaux ramuscules instables, qui sont incapables de rester dans

un état de tension, qui est nécessaire pour que le contact

puisse exister. Ce ne sont pas seulement les contacts tout nou-

vellement formés qui disparaissent, mais les connexions

récentes subissent aussi le même sort, et plus la lésion est

profonde, plus grand est le nombre des contacts condamnés

à périr ; les anciens liens entre les dendrites-et les fibres cylin-

draxiles sont les seuls à survivre. Du côté psychique cela s'ex-

prime par l'oubli du malade non seulement des événements

actuels, mais des faits, qui ont précédé le développement de sa

maladie. Nous avons dit plus haut, que les nouvelles images,

en apparaissant temporairement au champ de la conscience,

y laissent une trace continuelle, à cause de la vibration molécu-

laire renforcée; ceci explique ce phénomène que le malade,

tout en oubliant ce qui se passe à ses yeux, se rappellera beau-

coup de faits de l'époque de sa maladie, ce que nous obser-

vons dans les cas de psychose polynévritique qui finit par une

guérison. La destruction rapide des nouveaux contacts instables

entre les dendrites et les collatérales produit chez le malade

LA THÉORIE DES NEURONES. 25 5

l'effet d'une sensation nouvelle, malgré la répétition et l'iden-

tité des impressions reçues.

Efforçons-nous d'appliquer la théorie des neurones à l'ex-

plication du trouble de l'association des idées sous l'influence

de l'intoxication et de l'auto-intoxication, la connexion régu-

lière entre -les dendrites et les fibres cylindraxiles des neu-

rones pyramidaux peut se déranger. Nous pouvons nous

représenter ceci de la manière suivante : 1° la substance pro-

toplasmique perd jusqu'à un certain degré la capacité de pro-

duire de nouveaux liens ; 2° la substance protoplasmique en

général, et celle des dendrites en particulier, devient incapable

de s'adapter régulièrement aux courants nerveux que lui trans-

mettent les fibres cylindraxiles. Si l'intensité de la vibration

moléculaire ne correspond pas à la faculté conductrice d'un

contact donné, l'onde vibratoire, en y rencontrant un obs-

tacle, doit s'élancer par une autre voie, ce qui produit un

trouble très marqué dans le cours des associations des idées ;

3° la confusion de la conscience est accompagnée de la

destruction d'un grand nombre de contacts anciens et nou-

veaux. Si nous prenons en considération toutes ces conditions

normales, nous pouvons jusqu'à un certain point, nous expli-

quer pourquoi les courants nerveux ne suivent pas leur marche

régulière. Un plus grand nombre de contacts détruits amène

un plus profond trouble de la conscience.

La théorie des neurones nous fournit de nouveaux faits dont

nous pouvons nous servir pour expliquer certains phénomènes

hallucinatoires. Nous savons que nos organes sensoriels sont

sujets à trois espèces de troubles, notamment : illusions, hal-

lucinations et pseudo-hallucinations. Nous donnons le nom

d'illusion à une sensation fausse, qui s'unit à une image ou a

une représentation quelconque et qui se base sur une véritable

irritation de l'appareil périphérique perceptif. Ainsi, s'il arrive

à un alcoolique qui regarde une bouche de chaleur ouverte,

d'y voir distinctement la face d'un « Ethiopien », nous avons

affaire à une illusion visuelle.

L'apparition d'une hallucination fait supposer une absence

d'irritation sensorielle. Il est naturellement difficile d'admettre

que cette absence puisse être complète, parce qu'on trouve

toujours dans l'appareil périphérique des irritations, quoique

très faibles, par exemple, les corpuscules étrangers qui se

trouvent dans différents milieux de l'oeil, telle ou telle irrita-

26 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

tion cutanée, etc. Les illusions et les hallucinations sont tou-

jours reçues par les malades comme venant du dehors. Les

malades qui ont des pseudo-hallucinations éprouvent des sen-

sations fausses et les localisent dans l'intérieur de leur tète ;

ils voient, d'après.leur propre expression, par « l'oeil intellec-

tuel » et entendent par a l'oreille interieure ».

Nous avons dit plus haut, qu'il existe dans les nerfs sensi-

tifs, qui vont des organes de sensation au cerveau, parmi des

fibres centripètes des fibres centrifuges. Quand une irritation

morbide, née au centre cérébral, parvient par ces dernières,

la sensation fausse est acceptée par le malade comme venant

du dehors. Les pseudo-hallucinations font supposer un autre

mécanisme. Leur apparition fait supposer, que l'accumulation

morbide d'énergie dans un centre sensoriel, se décharge par la

moitié motrice de l'arc réflexe, sans le concours des fibres, qui

se rapportent à la faculté de projeter nos sensations et nos

représentations au dehors. La grande différence, qui existe

entre les hallucinations et les pseudo-hallucinations, nous

force d'admettre que chacun des centres sensoriels du cerveau

se décompose du moins en deux sections douées chacune

d'une certaine indépendance ; l'une de ces régions est en rap-

port plus intime avec la première moitié de notre arc réflexe

« double » et l'autre avec sa portion motrice, à laquelle

s'adaptent les fibres centripètes des sensations d'innervation.

Si nous appliquons la théorie des neurones à l'explication

des états maniaques et mélancoliques nous devons supposer

que dans toutes les formes agitées la mobilité des ramuscules

protoplasmiques terminaux s'accroît, et ils acquièrent la fa-

culté de passer d'un état à un autre avec une rapidité telle-

ment exagérée et morbide, que cela amène des connexions

superficielles et instables et produit la diminution de la pro-

fondeur de l'idéation. Dans les mélancolies, accompagnées

d'un retard des procès psychiques, la substance protoplas-

mique en général et celle des dendrites en particulier, perd sa

capacité normale de former de nouveaux contacts librement et

sans difficultés, ainsi que d'effectuer des mouvements ami-

boïdes avec la même faculté qu'auparavant. Les ramuscules

terminaux des dendrites de ces malades sont comme engour-

dis et se détendent et s'accroissent de nouveau avec peine.

Nous ne pouvons, comme de raison, expliquer l'état d'an-

goisse uniquement par cette rapidité des ramuscules proto-

LA THÉORIE DES NEURONES. 7 7

plasmiques terminaux. Cet état est, d'après l'opinion de

Meynert, en rapport avec le manque d'oxygène aux cellules

du cerveau. Sans entrer dans d'autres détails sur l'explication

des phénomènes psycho-pathologiques par la théorie des neu-

rones, nous terminerons ici nos suppositions théoriques et nous

passerons à l'examen des faits, qui serviront à compléter et à

élucider ce que nous avons exposé dans la première moitié de

notre mémoire.

Pour éviter des malentendus et aussi pour plus de clarté,

nous avons jusqu'ici omis de dire que la théorie des neurones

doit tenir compte de certains faits qui sont comme en contra-

diction avec les règles fondamentales. Nous savons par

exemple, que la connexion des neurones entre eux se produit

à l'aide d'un simple attouchement des prolongements cylin-

draxile d'un neurone avec les dendrites protoplamiques ou le

corps d'un autre. Bien que ce mode de connexion entre les

unités nerveuses soit un phénomène habituel et très répandu,

il se trouve, qu'il existe des neurones qui sont dépourvus de

fibres nerveuses et qui ne possèdent que des prolongements

protoplasmiques à l'aide desquels ils forment des connexions-

avec d'autres neurones, en produisant des contacts protoplas-

miques. D'après l'opinion de M. le professeur Bechtereff, ces

derniers seraient plus nombreux que le supposent les autres

investigateurs. Ce même savant croit que nous pouvons quel-

quefois observer des connexious à l'aide des dendrites seules

entre des éléments nerveux, auxquels le prolongement pro-

toplasmiquene manque point. Nous ne pouvons non plus nier,

que des liens entre des neurones à l'aide des fibres nerveuses

terminales sont aussi possibles. Somme toute, nous pouvons

établir, comme règle générale, que les neurones isolés entrent

en connexions réciproques dans la majorité des cas à l'aide de

contacts des dendrites et des fibres cylindraxiles :

Un savant français, M. le professeur Renaut, dans un ouvrage

récent où il traite la texture et l'articulation des neurones,

indique que certains neurones sont liés entre eux en paires et

de deux manières :

1° Deux cellules qui émettent une grande quantité de den-

drites s'unissent à l'aide d'un prolongement membraniforme.

Une seule de ces cellules est munie de la fibre cylindraxile. Ce

seront, d'après l'avis de M. Renaut, neurones jumeaux.

2° Deux cellules voisines se joignent à l'aide d'un prolonge-

28 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

ment protoplasmique commun , tandis que la fibre nerveuse

part d'une des deux cellules. Ce seront des neurones couplés

de M. Renaut.

Les liens de cette espèce entre les éléments nerveux con-

duisent M. Renaut à modifier la doctrine des unités nerveuses

isolées auxquelles il applique le terme d'idionett2,oîzes. Il admet

l'existence des gamonecirones. Ce savant suppose que cette

dernière circonstance explique davantage les phénomènes de

l'accumulation et décharge de l'énergie nerveuse. L'opinion

de M. Renaut demande à être confirmée; nous l'avons men-

tionnée à cause de sa nouveauté et de son originalité. La théorie

des neurones reste jusqu'à présent inébranlable. Nous igno-

rons la direction que suivra le développement ultérieur de nos

connaissances de la texture fine du système nerveux ; mais

dans tous les cas la théorie que nous venons d'exposer jette

une lumière toute nouvelle et originale sur les faits qui se rap-

portent au mécanisme des éléments nerveux.

Dans la seconde moitié de notre mémoire, nous avons essayé

d'appliquer l'étude des neurones à l'explication des phéno-

mènes de la région de la vie psychique normale et de la

sphère psycho-pathologique, nous ayant posé comme but de

compléter le manque de conceptions théoriques dans ce

domaine scientifique.

THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND.

(UN cas DE GUÉRISON.)

Par Auguste BOYER,

Professeur agrégé à l'Institution nationale des sourds-muets de Pane.

AVANT-PROPOS. - Le jeune enfant, tout en étant norma-

lement doué sous le rapport de l'ouïe, peut être retardé dans le

développement du langage articulé ou pis encore privé totale-

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 29

ment de la parole, autrement dit, l'enfant peut, quoique enten-

dant, être atteint de mutisme temporaire ou de mutisme

persistant'. Cette infirmité de l'enfance n'a intéressé jusqu'ici

qu'un nombre restreint d'auteurs et encore la plupart se

sont-ils bornés à la signaler sans entrer dans plus de détails

sur les causes qui peuvent la produire ni sur les moyens d'y

remédier. M. leD'' Ladreit de Lacharrière est le premier qui

ait vraiment traité cette question dans une étude 2 où il

démontré que le développement du langage articulé peut

être retardé chez l'erzfarzl qui entend : 1° par la faiblesse de

sa constitution physique; 2° par la faiblesse de l'intelligence ;

3° par des troubles nerveux passagers ou durables; 4° par

une tradition héréditaire; 5° par des déformations locales ou

des maladies des organes de la parole.

Dans son étude, M. Ladreit de Lacharrière cite un certain

nombre d'observations à l'appui de ses affirmations. Les neuf

premières qu'il rapporte sont relatives au mutisme temporaire,

la parole s'étant développée par la suite chez les enfants obser-

vés par l'effet d'une médication réparatrice chez les uns, d'une

médication sédative chez d'autres et après une opération chi-

rurgicale 'dans les cas de vices de conformation des organes

vocaux. Mais les dernières observations de M. Ladreit de

Lacharrière concernent 2 cas de mutisme persistant dans les-

quels la parole ne s'est point développée, bien que les enfants

qui étaient affligés de ce mutisme aient été placés dans un

établissement d'éducation, à l'Institution nationale des sourds-

1 Ce mutisme de naissance ne nous semble pas constituer à propre-

ment parler un cas d'aphémie, d'aphasie motrice. L'aphémie est en effet

la perle des images motrices d'articulation (Bouillaud-Broca), autrement

dit, c'est l'oubli des mouvements volontaires appris par imitation et

qu'il faut exécuter pour exprimer sa pensée par la combinaison pho-

nétique des contractions des muscles du larynx, de la langue, du palais,

des lèvres (Charcot-Bouchard). Or dans le cas de mutisme de nais-

sance il n'y a ni perte des images motrices, ni oubli des mouvements

mais, bien plutôt absence des images motrices et ignorance des mou-

vements puisque l'enfant n'a jamais su parler.

2 Ladreit de Lacharrière, in Annales des maladies de l'oreille et du

larynx, 1876. Dans un récent et important ouvrage sur l'aphasie,

Désiré Bernard se borne à rapporter brièvement, d'après différents

auteurs, des exemples d'enfants muets, entendant et comprenant la

parole. Désiré Bernard ne mentionne aucun essai de traitement de ce

mutisme congénital.

30 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

muets de Paris'. Or, un cas de ce genre vient précisément de

se présenter de nouveau à l'Institution nationale des sourds-

muets dans la personne d'un jeune garçon, d'intelligence très

faible comme les deux enfants cités par M. Ladreit de Lachar-

rière, resté muet .jusqu'à l'Age de dix ans, quoique enten-

dant, et cette fois, on a pu apprendre au sujet en question à

parler d'une manière des plus satisfaisantes On trouvera

dans la relation qui va suivre tous les détails désirables sur le

cas dont il s'agit. Puisse cet exemple permettre de rassurer les

parents qui, en voyant leur enfant grandir sans parvenir à

parler, sont épouvantés à la pensée qu'il pourrait rester

muet3 ! 1

I. D'un jeune entendant, muet par semi-icliolie, donné comme sourd-

muet.

En janvier 1894, entrait dans notre classe le jeune D..., alors

âgé de dix ans, enfant dont l'extérieur dénotait immédiatement ce

que l'on nomme couramment aujourd'hui un arriéré. D'après les

renseignements fournis par les parents, le jeune D... était sourd-

muet et avait acquis cette infirmité à l'âge de deux ans, à la suite

de convulsions; toujours suivant ses parents, il n'avait même pas

fait usage de la parole avant cette maladie, et on pouvait le consi-

dérer comme n'ayant pour ainsi dire jamais parlé.

Or, dès les premiers instants de la présence de cet élève dans

notre classe, nous pûmes nous convaincre que s'il ne parlait pas,

en revanche, il était doué d'un degré d'ouïe tout à fait voisin de

l'ouïe normale. En effet, soumis à quelques expériences, cet enfant

nous montra bientôt qu'il était capable de percevoir des bruits

assez faibles; bien mieux, il entendait et paraissait comprendre un

certain nombre de paroles simples. Toutefois, il ne donnait de

marques plus ou moins certaines d'audition et surtout de compare-

. On enseignait pourtant dès cette époque à parler aux muets par

surdité. Il est étonnant que l'on n'ait pas tenté d'apprendre également à

parler aux deux jeunes muets dont il est ici question. Nous devons dire,

il est vrai, que l'enseignement de la parole articulée ne jouissait pas

encore à ce moment d'une bien grande faveur à l'Institution nationale

des sourds-muets de Paris.

" Présenté en avril dernier au cours professé par M. le Dr J. Grancher

à la Faculté de Médecine de Paris, le sujet en question intéressa d'une

manière particulière le savant praticien ainsi que ses élèves.

3 Le cas de mutisme chez l'enfant qui entend semble être plus fréquent

qu'on ne le suppose si l'on s'en rapporte à cette expression du Dr La-

vrand : « Nousavons constaté un grand nombre de cas de mutité chez des

enfants entendants. » (Mémoires de la Société française d'otologie, 1895>

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 31

ltetzstotz que par des réponses formulées à l'aide de gestes ou de

sons le plus souvent inintelligibles.

D... était donc bien muet, mais il n'était pas sourd. De quelle

cause provenait alors le mutisme, puisque ce n'était pas de la pri-

vation de l'ouïe ?

II. Examen de l'état physique et intellectuel du jeune D...

Il nous fut bientôt facile de répondre à cette question. L'examen

de l'état physique et intellectuel de cet enfant nous eut bientôt ren-

seigné à ce sujet. D... d'une 'intelligence très faible, était un semi-

idiot. D..., était également défectueux au double point de vue

physique et intellectuel.

L'état physique présentait de nombreuses anomalies : la tête

plutôt grosse, les lèvres épaisses, la bouche béante laissant écouler

la salive, la dentition des plus vilaines. Sous le rapport de la vue

D... louchait et était, affligé de plus d'une myopie assez pro-

noncée. Sa physionomie n'exprimant pour ainsi dire aucun senti-

ment, son air hébété ainsi que son mutisme faisaient penser à ce

vieux proverbe : C'est pour manger, pas pour patler, que Dieu a

donné une bouche aux bêtes. »

D'une démarche peu assurée, rendue plus hésitante encore par

sa myopie, craintif à l'excès et se refusant à exécuter toute action

exigeant la moindre virilité, cet enfant avait encore toutes les

négligences des idiots, ne se mouchant que lorsqu'on l'y invitait,

laissant échapper en classe à dix ans et quelquefois dehors

au cours des promenades scolaires, ce que Molière appelle « le

superflu de la boisson » et pis encore !

Chez D.... les opérations de l'intelligence se trouvaient concen-

trées, limitées dans le cercle des besoins physiques et des amuse-

ments de l'enfance. Il ne comprenait guère que les paroles qu'on

lui adressait pour le gronder, le flatter, l'encourager ou lui ordonner

quelque action bien simple.

Bien que jouissant d'une ouïe ordinaire, D... ne semblait pas

entendre les paroles échangées autour de lui et qui ne s'adressaient

pas à lui directement, il ne jouissait pas de ce que l'on appelle l'au-

dition indirecte '. et ceci par la raison de l'espèce de léthargie dans

laquelle étaient plongés à la fois son cerveau et sa faculté audi-

tive. Comme nous l'avons dit, D... ne s'exprimait que par des

sons inintelligibles et employait un langage d'action composé de

gestes naturels.

Il est à noter qu'avant son entrée à l'Institution nationale des

sourds-muets de Paris, cet enfant avait fréquenté une école ordi-

1 L'audition indirecte nous permet de saisir distinctement non seule-

ment ce que nous dit à nous-même, mais encore ce que se disent entre

elles les personnes qui sont près de nous.

32 THÉRAPEUTIQUE MEDICO-PEDAGOGIQUE.

naire, dans sa ville natale, sans avoir pu même apprendre à tracer

les caractères alphabétiques ni à copier les dessins les plus élé-

mentaires.

La cause initiale du mutisme et du retard de l'intelligence

de D... était certainement une lésion cérébrale. L'esprit de ce

sujet avait dû être lésé dès l'enfance dans quelques-unes de

ses fonctions telles que Y attention et la mémoire, ce qui avait

eu sans doute pour conséquence de mettre obstacle au déve-

loppement de la faculté d'imitation.

Or, comme l'a écrit un éminent physiologiste ', la parole

n'étant qu'un art d'imitation et sa production exigeant un

acte intellectuel qui par l'habitude finit par s'accomplir

inconsciemment, - il était tout naturel que privé, du moins

en grande partie, de la faculté imitative, D... se trouvât dans

l'incapacité d'acquérir l'usage du langage articulé, quoique

doué d'un organe de l'ouïe normal.

Dès la prime enfance, la mémoire devait être inhabile chez

D... à recevoir et à conserver un genre d'impressions aussi

délicates que les impressions acoustiques produites par la pa-

role, et par suite la faculté d'imitation, peu ou point dévelop-

pée, devait fatalement être impuissante à provoquer chez les

organes vocaux la répétition des mouvements si délicats, si

subtils qui, en modifiant le tuyau vocal, transforment la voix

en paroles. A cela il convient d'ajouter le manque de flexibi-

lité des organes, conséquence de l'état de dégénérescence dont

était également affligé D... au point de vue physique. D... fut

' Béclard, Physiologie, Paris, 1871 : « La parole est la voix articulée

La voix est formée dans le larynx par les cordes vocales, aussi bien. chez

les mammifères que chez l'homme, mais elle n'est articulée que chez

lui. Les organes de l'articulation, situés le long du tuyau vocal, c'est-à-

dire le pharynx, les fosses nasales, le voile du palais, la langue, les

joues, les dents et les lèvres, existent pourtant chez les mammifères

aussi bien que chez l'homme. Ici intervient donc chez ce dernier un

acte intellectuel. Les idiots et les crétins ne poussent souvent que des

cris inarticulés, quoique le son produit dans le larynx traverse aussi le

tuyau vocal. Les sourds-muets ont aussi un larynx et un tuyau vocal

régulièrement conformés, et pourtant (à moins d'une éducation spéciale)

ils ne produisent que des sons ou des cris. Les modifications que

l'homme doit imprimer au tuyau vocal pour transformer la voix ou le

- son en paroles sont donc des mouvements volontaires, que l'imitation,

.secondée par le sens de l'ouïe et par l'intelligence lui apprend it

reproduire. "

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 33

ainsi privé de la parole, du puissant moyen de développement

mental que constitue l'exercice de cette fonction, ce qui ne put

qn'aggraver le retard de son esprit si manifeste à son entrée à

l'Institution nationale de Paris.

III. Méthode d'éducation suivie avec le jeune D... pour lui apprendre

ci parler et pour provoquer autant que possible le développement de

son intelligence.

Le jeune D... n'était cependant pas un idiot complet, il donnait

des marques, quoique faibles, de compréhension des choses et des

faits les plus simples. Bien que muet, il n'était donc pas de ces

idiots qui ne parlent pas parce que, n'ayant aucune idée, ils n'ont

rien il exprimer. Son mutisme provenait plutôt de ce que son

insuffisance cérébrale ne lui avait pas permis d'apprendre à parler

tout seul. Avait-il néanmoins assez d'intelligence pour que, aidé

d'un instituteur spécial et d'une méthode didactique, il apprît à se

servir de l'ouïe qu'il possédait, à articuler, et qu'il comprit, retint

et employât les mots du langage courant ? Tel est le problème que

l'on se posa et dont on décida de tenter la solution en conservant

cet enfant à l'Institution nationale des sourds-muets de Paris.

L'expérience nous permet de répondre aujourd'hui d'une manière

affirmative à cette question. Mais avant d'indiquer les résultats

obtenus au point de vue de la fonction verbale et du développe-

ment intellectuel, nous allons d'abord esquisser la méthode que nous

avons suivie dans la démutisation et dans l'instruction de cet enfant.

L'éducation à donner à D... devait nécessairement être appro-

priée aux conditions particulières dans lesquelles il se trouvait

placé par son mutisme tout autant que par la lésion intellectuelle

qui produisait et entretenait cette infirmité. Nous avons entrepris

simultanément le traitement pédagogique du mutisme et de ce que

nous appellerons le retard intellectuel.

D... a été soumis, comme les jeunes sourds-muets de la classe

dans laquelle il a été versé, aux exercices préparatoires ' qui ont,

' La série de ces exercices préparatoires consiste en une imitation des

mouvements du corps, des différentes attitudes et des divers jeux de la

physionomie et en une imitation des mouvements etdes positions desorga-

nes vocaux. Exécutés par le professeur et reproduits presque simultané-

ment par l'enfant, ces mouvements, après avoir mis en action presque toutes

les parties du corps, finissent par se localiser dans les organes de la voix

Les procédés employés dans le Cours préparatoire de l'instruction des

sourds-muets, ainsi que dans l'enseignement de la parole articulée, sont

professés à l'Institution nationale de Paris, dans des Cours normaux

dont le titulaire est M. A. Dubranle, Censeur des études. Les procédés en

question sont également décrits dans un intéressant ouvrage publié

en 1890 par M. le professeur Goguillot : Comment on fait parler les

sourds-muels.

Archives, 2e série, t. IV. 3

34 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

entre autres buts, celui de discipliner J'attention visuelle et celui

d'exercer les facultés d'observation et d'imitation.

Les essais auxquels nous eûmes recours pour juger de l'aptitude

du jeune D... à saisir et à imiter des actions très simples furent

assez encourageants. Ils nous assurèrent que cet enfant, quoique

bien arrièré, ne-manquait cependant pas d'une intelligence quelque

peu étendue et flexible. Après quelques soins particuliers destinés

à rendre le sens du toucher plus subtil, nous eûmes également

recours à certains exercices préparatoires destinés à faire entrer en

fonction l'organe de l'ouïe, à développer l'attention auditive.

Pour apprendre à parler, il faut savoir écouter. Comme on le sait,

l'action des sens est pour ainsi dire nulle, dans la plupart des cas,

sans le concours de l'attention. C'est ainsi qu'ayant l'esprit préoc-

cupé, il nous arrive de passer devant un objet sans le voir, de rester

insensible aux appels d'une personne voisine de nous. Eh bien ! 1

c'était surtout cette attention auditive qui faisait défaut en grande

partie chez notre jeune D... Son ouïe, quoique normale, plongée

dans une sorte de torpeur et privée du concours de l'intellect, ne

fonctionnait que dans une faible mesure.

Nous nous efforçâmes donc d'exercer la sensibilité auditive par

l'action de corps sonores et de la voix en variant la distance, la

direction et l'intensité des sons. Un sifflet; une sonnette, un dia-

pason... servirent d'abord à nos exercices; puis la voix entra en

jeu : voix plus où moins forte, élevée, voix chuchotée.

Après avoir obtenu d'assez bons résultats au point de vue de

l'exercice de l'attention visuelle et de la faculté imitative, ainsi que

l'attention auditive, le mutisme persistant, nous ne pouvions plus

en accuser l'attention, la mémoire, ni la compréhension; il fallut

en chercher la cause dans l'absence d'éducation des organes qui

concourent à la production de la parole, éducation qui se fait d'une

manière naturelle et progressive chez le tout jeune enfant norma-

lement doué et qui avait précisément fait défaut chez notre jeune

D..., par suite de son insuffisance cérébrale. Nous dûmes lui ensei-

gner la prononciation comme un art d'imitation, absolument comme

on le pratique avec les jeunes sourds-muets.

Comptant sur le précieux concours de l'oreille, nous espérâmes

d'abord arriver à un résultat facile et prompt, mais nous fûmes

arrêté dès le début par un obstacle imprévu, c'est-à-dire par une

excessive faiblesse musculaire des organes de l'articulation (langue,

lèvres...) '. Avec cet enfant, la préparation des organes de la

parole fut encore d'une plus grande nécessité qu'avec maint de nos

élèves sourds-muets, et nous dûmes insister davantage sur les exer-

1 Nous avons déjà dit que D... était également défectueux au double

point de vue intellectuel et physique.

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 35

cices de la gymnastique labiale et linguale *, ainsi que sur l'éduca-

tion de la respiration. Enfin, nous pûmes aborder l'enseignement

de l'articulation.

Par suite du peu de développement de l'instinct de l'imitation, de

la faiblesse musculaire et de l'inhabileté des organes vocaux et

aussi du peu de finesse de l'ouïe mal exercée jusque-là, nous dûmes

avoir recours à des répétitions vocales réitérées des sons à imiter.

Nous fûmes même dans l'obligation d'utiliser le secours du sens de

la vue 2. '

En même temps qu'il percevait par l'ouïe le son à imiter, D...,

en effet, examinait sur notre bouche la position que prenaient les

lèvres et la langue, ainsi que les mouvements qu'exécutaient ces

organes pour la prononciation de ce son. Pour donner une idée du

peu d'habileté et de la faiblesse des organes du jeune D..., nous

dirons que, pour l'émission de la voyelle ou, cet enfant dut au dé-

but s'aider de ses doigts pour faire prendre à ses lèvres la forme

arrondie qui caractérise cette voyelle. Pour la plupart des sons-

consonnes, il fallutleplacer devant un miroir pour qu'il exerçât sa

langue et ses lèvres à la reproduction des mouvements qu'exi-

geaient ces articulations.

L'articulation gnlui coûta particulièrement de la peine; durant

une quinzaine de jours, il dut maintenir avec un doigt sa langue

dans la position requise pour ce son; dès qu'il retirait le doigt, la

langue quittait la position voulue et D... ne savait plus articuler le

gn. Enfin, grâce à de nombreuses répétitions, à de multiples exer-

cices de syllabation et aussi à l'usage fréquent de la parole auquel

le disposait son ouïe, D... parvint à acquérir une articulation cor-

recte.

Nous indiquerons maintenant d'une façon sommaire la marche

suivie dans l"insl1'1lCtion du jeune D..., c'est-à-dire dans l'ensei-,

gnement du langage, ainsi que dans l'acquisition des connaissances

élémentaires telles que la lecture, l'écriture, le calcul, etc.

En ce qui concerne le langage, il ne s'agissait pas de la gram-

maire, c'est-à-dire des règles qui en régissent l'usage, maisbien de

l'acquisilion même des mots, des formules, des phrases que nous

employons pour exprimer nos besoins et nos sentiments. Notre

jeune D..., de même que les jeunes sourds-muets qui nous arrivent

annuellement, u'avait pour ainsi dire aucun langage, ne possédait

aucun moyen pour communiquer avec la société, pas plus par les

signes (hors quelques gestes des plus naturels), que par l'écriture

1 Voir à ce sujet A. Boyer : De la préparation des organes de la parole

chez le jeune sourd-muel, IS9r, librairie G. Carré. Paris.

1 On sait que c'est par la vue et le loucher que les sourds-muets sup-

pléent à l'absence de l'ouïe pour apprendre à parler. ,

36 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

ou par la parole. Il ignorait le nom des choses les plus usuelles et

ne connaissait aucune des expressions, des petites phrases qu'em-

ploient à chaque instant les tout jeunes enfants pour énoncer leurs

besoins et leurs sensations. En un mot, D... n'avait aucun voca-

bulaire à sa disposition.

C'était donc le vocabulaire, le langage courant, usuel, qu'il

s'agissait avant tout d'enseigner, à notre jeune élève, de même qu'en

ce qui concerne les jeunes sourds-muets à leur entrée à l'école. Ici

encore, D... a participé d'une manière exclusive à l'enseignement

donné aux jeunes sourds-muets de sa classe. L'instruction des

sourds-muets se faisant à l'Institution nationale de Paris au

moyen de la méthode orale, D... n'avait donc pas à souffrir de se

trouver assimilé à des enfants privés de l'ouïe.

Le système d'enseignement du langage employé avec les sourds-

muets, intuitif au premier chef, est absolument conforme à la mé-

thode pratique, expérimentale, maternelle. Cet enseignement pro-

cède exclusivement de l'intuition des faits, de l'usage et de l'ana-

logie. On y associe directement, d'une manière constante, la

parole ou l'écriture aux faits produits sous les yeux des élèves, soit

àl'école, soit hors de l'école : faits présents que l'élève voit s'exécuter,

faits passés dont il a un souvenir bien exact, ou faits futurs dont

il a bien la notion.

« Au lieu de faire de la théorie et d'expliquer les mots par d'au-

tres mots, on fait habituellement de la pratique, on explique les

mots par les idées qu'on a soin de faire éclore ou de réveiller à

J'aide de faits convenablement mis en scène. « Au lieu d'analyser

les mots au point de vue grammatical, travail entièrement stérile,

on analyse les faits par les mots et la valeur des propositions et des

phrases par des questions multipliées portant d'abord sur les idées

formellement exprimées, puis sur les idées qui sont sous-entendues,

enfin sur celles qui découlent nécessairement des faits énoncés.

« De ces exercices naissent la narration écrite et parlée, ainsi que

la connaissance pratique des lois de la grammaire et de l'ortho-

graphe. » (J.-J. Valade-Gabel.)

Comme on peut en juger, un pareil enseignement était

bien celui qui était le plus susceptible de mettre en activité

les facultés obtuses de l'esprit du jeune D... Déjà, au cours de la

démutisation, dès la période préparatoire dont nous avons parlé,

l'oeil de cet enfant avait été exercé à se fixer, son esprit à obser-

ver, à s'appliquer à reproduire, à comparer et à se rappeler les

positions et les mouvements des organes de la parole. Les facultés

de l'attention, de l'observation et de l'imitation avaient été ainsi

exercées, et l'on pouvait espérer que la faculté de la réflexion

pourrait entrer en jeu à son tour avec l'acquisition du langage.

Le premier enseignement du langage, oral et écrit, est pratiqué

dans nos classes de sourds-muets en suivant la progression sui-

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 37

vante : 1° enseignement de substantifs correspondant à des per-

sonnes, à des animaux, à des objets connus de l'enfant. C'est ainsi

que l'élève apprend son nom, celui de son maître et de ses cama-

rades, les noms des parties de son corps, de ses vêtements, des ins-

truments qui tombent ordinairement sous les sens et dont il

fait dans la vie un usage journalier, des aliments et des boissons.

Viennent ensuite les choses qui, hors de l'école, lui sont le plus

familières et le plus sensibles, et dont on fait passer sous ses yeux,

soit la réalité, soit la reproduction.

2° Au cours de l'enseignement de ces substantifs, on fait con-

naître à l'élève les formules les plus usitées pour exprimer les

besoins journaliers et les sensations les plus vives, de petites for-

mules de politesse :

Bonjour, monsieur. Je n'ai pas de cravate, donnez-

Bonjour, madame. moi une cravate, s'il vous plaît.

J'ai faim. Je vous remercie.

.1'nisoif. J'ai froid.

Permettez-nzoi de sortir, s'il J'ai mal la télé,

vous plaît.

Ces petites propositions enseignées à l'enfant en présence du fait,

de l'action, au moment où l'enfant éprouve un besoin ou une sen-

sation quelconques ',sont aisément comprises et assez vite retenues

par lui

3° Des adjectifs de couleurs, de formes, de dimensions, de qua-

lités physiques et morales, lui sont enseignés au moyen d'objets

présentant les qualités exprimées par ces adjectifs.

4° Les verbes, en premier lieu ceux qui marquent l'action, le

mouvement (marcher, sauter, courir), présentés au moment du fait,

sont également saisis avec facilité. Il n'est pas question, bien en-

tendu, dans ce premier enseignement tout intituitif, de conjugai-

sons pas plus que de règles et d'exceptions.

Un fait se produisant sous les yeux de l'enfant ou étant rappelé '

par quelque circonstance, le maître énonce la phrase : Louis

saute. Jean a fermé la porte. Jeudi X... a trouvé une balle, et

l'élève répète. Repris dans des occasions analogues, ces mômes

mots sont retenus par l'élève.

1 Le maitie, a dit un éducateur éminent, doit seul tenir lieu au sourd-

muet (de même qu'à l'enfant semi-idiot privé de la parole et du langage) de

la société tout entière qui se charge de donner aux tout jeunes entendants

le premier vocabulaire, élément de toute science ; l'école doit suppléer

ici au champ vaste et varié des choses et des faits dans lequel nous avons

apprisce langage, et les heures de l'éducation doivent remplacer cet in-

cessant et multiple exercice qui nous en rend l'acquisition si facile et

l'usage si familier. Abbé Tarra, Cenni slonici.

38 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

- Les verbes peuvent donner lieu il une série d'exercices variés :

ordres donnés par le maître à l'enfant : Marche ! Assieds-toi !

Donne-moi la règle ; dialogues entre le maître et l'élève : As-tu des-

siné ce matin ? As-tu essuyé la table ? Iras-tu te promener demain ? ' !

Comptes rendus d'actions faits par l'enfant : J'ai écrit au tableau.

J'ai caressé le chien. Paul a poussé Louis. Demain je dessinerai. En

ce moment j'apprends une leçon '.

5° Puis, quand l'enseignement du langage quitte le champ de

la perception pour aborder le monde invisible, c'est-à-dire les

choses absentes, les actions morales et abstraites qu'on ne saurait

représenter, alors on explique les choses et les mots inconnus au

moyen des choses et des mots connus.

Telle est sommairement la marche suivie. dans la première

période de l'enseignement logique du langage aux jeunes sourds-

muets et dont notre jeune D.t. a retiré le plus grand profit 2.

1 Nous devons noter que notre jeune semi-idiot commit, au début, des

inversions de langage du genre de celles qui sont particulières aux sourds-

muets ; par exemple : viendra, papa, dimanche ? pour : papa viendra-

l-il dimanche ? Aller « Meaux, moi, à Pâques ? pour : est-ce que

j'irai à Meaux Ù Pâques ? ... Ces inversions furent assez vite corrigées

d'abord par suite de la nature même de notre enseignement qui, se

rapprochant de l'enseignement maternel, donne immédiatement à l'en-

fant qui a un sentiment à exprimer la forme syntaxique qui convient, et

ensuite par l'aide que reçut notre jeune D... le jour où, commençant il

jouir de l'audition indirecte, il lui fut donné non seulement de recevoir la

parole du maître, mais encore d'entendre celle de ses camarades de classe

Ce fut cet incessant et multiple exercice qui a contribué il lui rendre

assez faciles l'acquisition et l'usage du langage.

2 En ce qui concerne la théorie et la pratique de cet enseignement,

nous renverrons le lecteur aux ouvrages de J.-J. Valade-Gabel : Méthode

a la portée des instituteurs primaires pour enseigner aux sourds-

muets la langue française sans l'intermédiaire des signes; de l'abbé

Tarra : Esquisse historique et court exposé de la méthode suivie pour

'l'instruction des souuls-muels (traduit en français par MM. Dubranle et

Dupont) ; de M. l'autre : Observations sur l'application de la méthode

intuitive orale pure, ainsi qu'au Cours de langue française à l'usage des

écoles de sourds-muets de MM. André et Raymond, actuellement en cours

de publication.

Nous croyons cependant intéressant de reproduire ici la façon saisis-

sante avec laquelle les principes de cet enseignement ont été énoncés par

l'abbé Tarra. « L'enseignement logique du langage, dit le célèbre insti-

tuteur italien, échappe aux subdivisions crées par les grammairiens, qui,

faisant autant de parties du discours qu'il y a d'éléments ou de rap-

ports, ont donné une importance égale aux choses principales et aux

choses secondaires. Cet enseignement se simplifie et devient excessive-

ment clair si on le divise conformément aux éléments substantiels dont

se compose l'idée et qui sont :

« 1° Le nom, avec ses accidents qui le complètent (articles ou détermina-

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 39

IV. Résultats obtenus. Après deux années d'éducation

les résultats obtenus avec le jeune D... sont les suivants :

1° L'éducation a exercé un premier et heureux effet sur

l'extérieur du jeune D... Cet enfant a pris des habitudes de

propreté, son maintien s'est redressé. Les leçons spéciales de

gymnastique auxquelles il a participé ont enlevé à cet enfant

la crainte excessive qu'il avait pour tout exercice corporel, il a

acquis une certaine sûreté et quelque souplesse dans les mou-

vements.

2° Au point de vue de la parole, l'articulation est nette, cor-

recte ; la prononciation, quoiqu'un peu lente, est aisée à com-

prendre et même agréable à entendre. "

- 3° L'intelligence a pris un certain essor, notamment en ce

qui concerne les facultés d'observation; et de mémoire. La

réflexion s'est également exercée dans une certaine mesure, et

sans concevoir de trop grandes espérances, on ne saurait néan-

moins dire jusqu'à quelles limites l'esprit du jeune D...

pourra être développé.. 1. ,

4° En ce qui concerne l'instruction, D... s'exprime aujour-

d'hui sur ses sentiments, ses besoins et les faits de la vie cou-

rante, oralement ou par écrit, en un langage assez correct; il

tifs, adjectifs ou qualificatifs, genre, nombre, etc.) et avec ceux qui le

représentent {pronoms) ; 2° le verbe, avec ses modifications (tepips',

personnes, modes, adverbes, etc.) et avec ses rapports (prépositions) ;

3° Les particules conjonctives, qui ont mission d'exprimer les rapports

rationnels entre les idées ; 4° les diverses constructions synthétiques

qui correspondent au mode de concevoir les idées complexes et qui

forment la langue. »

Ces diverses parties du langage veulent être étudiées chacune dans

l'ordre des faits qui s'y rapportent et qui en donnent à l'élève la notion

exacte; la pratique lui en apprend chaque jour l'usage ; plus tard, quand

on jugera le moment venu, on l'aidera à déduire de cet usage les règles

mêmes qui le négissent, et qu'on appelle règles de grammaire. Ainsi

simplifié, le cours de langue, si ardu et si complexe, devient accessible

aux intelligences même les plus faibles, et'son application devient

moins difficile. Dans nos écoles de^sourds-muets, on divise donc l'ensei-

gnement de la langue en quatre parties :

« 1° Enseignement de la nomenclature et des exercices pratiques qui

s'y rattachent au moyen de jugements gradués sur les choses et leurs

qualités et sur des actions qu'elles permettent d'exécuter ; 2° du verbe

et de ses modifications servant à exprimer des jugements simples, com-

plexes et composés; 3° des conjonctions ou particules rationnelles dési-

gnant les rapports intimes entre les idées et les faits; 3° des diverses

constructions synthétiques de la phrase et du rôle de la période dans

le discours. »

40 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

a appris avec beaucoup de temps et de peine à calligra-

phier passablement. Il commence à lire dans les livres élé-

mentaires. Il possède maintenant les premières notions de

calcul. En revanche, il n'a encore fait que des progrès insi-

gnifiants dans le dessin.

50 A noter encore qu'au début l'ouïe, mal exercée et mal

servie par l'intelligence, se bornait à enregistrer surtout les

paroles simples adressées directement. L'audition indirecte

n'existait pas pour ainsi dire.

A présent D... entend et comprend quand on lui parle direc-

tement à une assez grande distance; il commence à entendre

et à comprendre de même les paroles échangées par des per-

sonnes placées près de lui.

Conclusions. I. Malgré les progrès accomplis par D..., cet

enfant doit, à notre avis, continuer à èlre soumis à une mé-

thode d'enseignement particulière et à recevoir les soins d'un

éducateur spécial : 1° parce que sa faculté auditive, d'une édu-

cation trop récente, ne s'exerce pas encore d'une manière

réellement normale; 2° parce qu'il ne possède encore qu'une

instruction insuffisante et qui ne pourra être complétée que par

les procédés en usage dans l'éducation des enfants anormaux.

II. Le rétablissement de la parole et l'amélioration intellec-

tuelle obtenus chez D... démontrent d'une façon évidente

l'efficacité, dans l'éducation des semz=idiols, des procédés de

démutisation et de la méthode d'instruction essentiellement intui-

tive employés à l'Institution nationale des sourds-muets de Paris.

III. L'exemple du jeune D... nous paraît justifier, dans cer-

tains cas, l'admission d'enfants semi-idiots ou arriérés privés

de la parole dans les institutions de sourds-muets où la mé-

thode orale est en vigueur.

IV. Cet exemple montre surtout l'opportunité de la mesure

prise depuis neuf ans par M. Bourneville, relativement à l'assis-

tance aux Cours normaux, ainsi qu'aux classes pratiques de l'Ins-

titution nationale des sourds-muets de Paris, des instituteurs,

des institutrices et des sous-employées et infirmières des asiles-

écoles d'idiots et d'arriérés de Bicêtre et de la Fondation Vallée ' .

' On pourra remarquer que nous n'avons fait nulle mention dans la

présente étude d'ouvrages consacrés spécialement aux enfants idiots ou

DU MUTISME CHEZ L'ENFANT QUI ENTEND. 41

Nous avons reproduit l'intéressant article de M. Aug. Boyer,

pour bien montrer que rien de ce qui touche à l'éducation

des enfants anormaux ne nous laisse indifférent et que nous

sommes disposé à faire connaître tous les essais tentés, d'où

qu'ils viennent, pour arriver à des résultats de plus en plus

démonstratifs.

La méthode suivie et exposée par lui est celle que, depuis

dix-huit ans, nous utilisons tous les jours à Bicêtre, à la fon-

dation Vallée et à l'Institut médico-pédagogique (Vitry), pour

l'éducation de la parole chez les enfants arriérés, méthode

déjà mise en pratique avant nous par Itard et Séguin, et à

laquelle nous avons fait les changements inspirés par notre

pratique journalière et celle de nos collaborateurs. Nous rap-

pellerons aussi que nous l'avons déjà décrite nous-même dans

les Archives de Neurologie (t. XXX, z1895, p. 108 sq.), de

même que nous avons dressé un syllabaire particulier basé

sur la difficulté d'imitation et d'articulation. Nous répétons

ici ce que nous avons dit souvent ailleurs, que l'ordre suivi

est (loin d'être absolu, et qu'il est à modifier selon les cas.

C'est cette méthode qui nous a réussi, entre autres chez Perr...,

Charp..., Henri M...., Marius D...., Pierre L..., les frères

Tab... et tant d'autres idiots qui ne possédaient que quelques

sons inarticulés et sont arrivés à parler parfaitement au bout

de quelques années de traitement.

Dans les Comptes rendus que nous faisons tous les ans sur

notre service de Bicêtre nous publions des observations

sur les cas intéressants, en même temps que nous exposons

les changements et les améliorations que l'expérience fait

subir à notre méthode'. BOURNEVILLE.

arriérés. C'est que notre but a été surtout de rechercher les résultats que

pourraient donner, avec un jeune semi-idiot privé de la parole, les

méthodes de démutisation et d'enseignement du langage employées dans

-l'instruction orale des sourds-muets. Nous n'ignorions cependant pas

l'existence des écrits dus à Itard, à Séguin et plus récemment à M. le

D' Bourneville, qui se consacre avec tant de zèle aux questions d'assis-

tance et d'éducation relatives aux enfants idiots ou arriérés. (A. 13.)

' Voyez le Compte rendu de 1895, p. v, et uetui de 1896, p. \i. 1.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. Traitement thyroïdien DU goitre, DU MYXOEDÈME ET DU CRÉTI-

NIS31E ; par Warren-Little. (North-Lancet, décembre 1896.)

L'auteur rappelle les nombreux travaux qui ont éclairé la physio-

logie du corps thyroïde.

11 n'y a aucune différence entre les accidents du myxoedème opé-

ratoire décrits par Kocher et ceux du myxoedème idiopathique,

ainsi appelé par Ord. Ici la glande est détruite spontanément, là

elle a été enlevée; les effets sont .les mêmes.

Les cas de crétinisme endémique se rapprochent beaucoup du

myxoedème. On a trop négligé l'examen du corps thyroïde chez les

crétins; on a bien signalé l'absence ou l'existence de goitre durant

la vie, mais 'ce qui importe c'est l'état de la glande, la tumeur

goitreuse pouvant ne plus contenir de glande saine.

S'il est vrai que le corps thyroïde agit en détruisant certains poi-

sons du sang ou bien en produisant une sécrétion interne néces-

saire à la nutrition générale, son emploi s'impose pour suppléer la

glande absente ou détruite. D'ailleurs le traitement thyroïdien

repose sur des expériences assez concluantes (Schiff, Horsley) ; en

greffant un fragment de corps thyroïde on met l'animal à l'abri

du myxoedème. La glande thyroïde desséchée agit mieux que

les extraits fluides. Fletcher Ingals déclare que sur 100 goitres, on

en voit 70 s'améliorer ainsi. Elle reste sans action dans les goitres'

cystiques. On doit l'employer avec une grande prudence dans la

goitre' exophtalmique,- dans la crainte d'augmenler les accidents

cardiaques. L'auteur espère que le traitement chirurgical du

goitre dévia céder le pas à son traitement médical par l'ingestion

thyroïdienne. P. RELLAY.

II. LAMNECTOMIE POUR tumeur DU canal R.CIIIDIE,4; MORT par ménin-

GITE au 16e jour; par Emory LANPHEAR. (Médecine, Détroit',

jânv. 1896.)

Il s'agit d'une femme de quarante-deux ans, présentant une

paraplégie douloureuse avec contractures.

L'affection a débuté il y a deux ans par des sensations de cons-

lricfion autour des jambes survenant après la marche. Puis sont

survenus des spasmes nocturnes, se reproduisant très fréquemm-

ent, et s'accompagnant de douleurs internes. Une nuit, elle est

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 43

réveillée par de violentes douleurs à la région épigastrique. Elle

veut se lever, mais sa jambe est paralysée et reste insensible, puis

elle devient le siège de spasmes violents. Trois heures après, la

jambe droite se prend et la paraplégie est complète.

La paralysie du rectum et de la vessie s'y ajoute.

L'atrophie musculaire est peu marquée; les réflexes rotuliens

sont exagérés. Analgésie.

Etat général excellent. Pas de syphilis. -Rien au coeur, rien

dans le bassin. Pas d'hystérie. Le diagnostic était difficile et ne

pouvait se faire que par exclusion. Etant donnés tous ces signes

de compression de la moelle, l'opération était indiquée. On trouva

une tumeur, née du périoste des deux premières vertèbres lom-

baires, comprimant la fece pestérieure de la moelle et l'origine de

la queue de cheval.

Les suites fureut bonnes; huit jours après, le contracture avait

disparu, la vessie n'était pius paralysée, la malade commençait à

remuer les jambes et éprouvait un grand bien-être.

Mais au seizième jour, en faisant le pansement, on se servit

d'une forte solution de sublimé (que l'infirmière avait apportée

par mégarde); une partie du liquide pénétra dans le canal rachi-

dien. La malade accusa de vives douleurs, et présenta de graves

accidents de méningite qu s'étendireet bientôt aux méninges crâ-

niennes ; la mort survint en quatre jours.

Qu'aurait été le résultat sans cet accident ? La grande améliora-

tiou qui s'était produite si rapidement pouvait faire espérer une

guérison complète. Les cylindraxes des nerfs, comprimés n'étaient

pas entièrement détruits et une régénération complèle aurait pu

survenir. La tumeur était de nature tuberculeuse.

III. Nature ET traitement du shock CHIRURGICAL; par William-E.

Ground (N0l'GItIU8Ste1'rt Lancet, january 1896.).

L'anesthésie et l'antisepsie ont amené les progrès de la chirurgie,

mais le shock chirurgical constitue toujours une grande cause

d'insuccès.

L'influence du système nerveux sur le résultat d'une opération

n'est pas moindre que celle de l'infection. Ou a peine à s'expli-

quer comment un malade pouvait survivre à une grande opération

avant l'ère de l'anesthésie.

L'auteur résume les accidents du shock : pâleur des téguments,

contraction des traits, asthénie profonde, respiration courte,

ohnibulation des idées, faiblesse du pouls, sécrétion d'une sueur

froide. L'état du pouls et de la température indique le degré de

gravité du shock. La température peut s'abaisser de plusieurs de-

grés. Dans les formes graves le pouls devient imperceptible. La

force du pouls annonce la réaction. Certaines conditions prédispo-

4 Il. REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

sent au choc. L'abondance de l'hémorrhagie et la longue durée de

l'anesthésie favorisent sa production.

Le choc est très marqué dans les grandes brûlures. Les trauma-

tismes du testicule sont souvent suivis de choc; il en serait de

même pour l'ovaire, aussi doit-on éviter de le pincer quand on

procède à son ablation. Considéré dans sa nature, le choc traduit

une dépression de l'activité vitale, causée par un état d'épuisement

des centres nerveux et surtout du grand sympathique qui gouverne

les fonctions de la vie végétative.

Le traitement du choc doit être préventif et curatif.

Quand le temps le permet, le malade doit être préparé à l'opé-

ration. L'état moral a une grande importance. L'anesthésie doit

être pratiquée avec mesure. Beaucoup d'accidents attribués au

choc sont dus à l'intoxicatior par l'anesthésique. Dans les cas où le

malade vient de subir un grand traumatisme et se présente déjà

en état de choc, il faut prendre soin de ne pas aggraver cet état.

Arrêter les hémorrhagies et désinfecter la plaie. Il ne faut pas

opérer avant que l'état de choc ne soit diminué. Il est bon d'ad-

ministrer un peu de codéine avant l'anesthésie. P. Rellay.

IV. Contribution A l'emploi du TLtlO ? 1L ; par le D1' VILLERS. (Biill.

de la soc. de méd. ment, de Belgique, septembre 1896.)

Dans 10 cas de démence sénile avec insomnie, le trional, admi-

nistré le soir dans du lait chaud à la dose de 50 centigrammes,

parfois de 1 gramme, amène, au bout d'un temps variant d'une

demi-heure à quatre heures, un sommeil calme, d'une durée de

six à neuf heures.

Ce médicament constituerait donc, d'après l'auteur, l'hypnotique

de choix dans la démence sénile' avec agitation et insomnie.

V. Traitement de l'épilepsie (The tratement of the MtOpt/HC

Epilepsy ); par A. W. Dunning. (No·tla-IV. Lancet, janvier 1897.)

L'auteur insiste sur la nécessité d'un traitement précoce, car,

d'après GoweiS, une première attaque serait la cause de nombreux

cas d'épilepsie. Il importe surtout de savoir dépister la nature des

accidents du petit mal.

En face de tous les nombreux remèdes préconisés récemment,

le bromure conserve sa suprématie. Il doit être d'une pureté abso-

lue. Le bromure de strontium est celui qui a le plus d'action, puis

vient le bromure de sodium; le bromure de potassium n'occupe

que le troisième rang; le bromure d'ammonium est le moins

actif.

Le bromure exerce une influence inhibitrice sur les cellules ner-

veuses ; il faut donc le donner par doses fractionnées pour favo-

REVUE DE THERAPEUTIQUE. 4o

riser ce mode d'action. On le donnera sous forme d'élixir ou avec

du vin léger. Il faut veiller au fonctionnement des émoncloires

afin de prévenir l'acné. Le traitement doit être continué longtemps,

deux ou trois ans après la dernière attaque.

Pour faire justice de l'opinion qui met en doute l'action du bro-

mure dans l'épilepsie, Dunning rapporte quelques observations cli-

niques qui ont la valeur d'une expérience. Chez G épileptiques,

atteints à des degrés variés et soumis à un même traitement, il a

suspendu le bromure en même temps. Une autre potion de goût

semblable leur était donnée pour éviter toute part de suggestion.

En l'espace de dix jours, chez 4 d'entre eux, les accès augmentèrent

dans une proportion de 50 p. 100. Chez les 2 autres, qui n'avaien

que de rares accès, il fut difficile d'apprécier en un si court délai

les effets de la suspension du bromure. L'épreuve était tellement

éclatante que l'auteur tint à ne pas la prolonger.

Dans le traitement de l'épilepsie, il faut surveiller toutes les

fonctions de l'individu, son régime, ses digestions, ses occupations,

lui recommander le calme, de façon à éviter toutes causes d'exci-

tation réflexe. Rechercher certaines conditions suffisantes pour

déchaîner l'épilepsie, telles que adhérences du prépuce, affections

de l'ovaire. Enfin l'auteur préconise le système d'hospitalisation

des épileptiques, tel qu'il est pratiqué dans la colonie de Bielefeld

(Westphalie). Il. RELLAY.

VI. L'électricité COMME moyen de diagnostic ET DE traitement

(Elect1'o-diagnosis and electro-therapeutics simplified), par Hugh

PaTnICr.. (Médecine, Détroit, novembre 1896.)

L'électro-diagnostic dans les maladies nerveuses permet de dire

si la lésion intéresse ou non le neurone inférieur, qui comprend

les cellules des cornes antérieures de la moelle et les nerfs périphé-

riques, qui en sont le prolongement. Une lésion de ce neurone a

pour effet la dégénérescence des fibres nerveuses et des muscles,

en détruisant leurs centres trophiques.

C'est cette dégénérescence que permet de découvrir l'électricité.

Le lésion d'un neurone plus élevé ne change rien à l'état des

nerfs, et des muscles, et par conséquent les réactions électriques

restent normales. Aussi étant donnée uue paralysie (hémiplégie,

paraplégie, monoplégie), si on observe la réaction de la dégéné-

rescence, on peut dire que la lésion siège en un point du trajet du

neurone inférieur (cornes antérieures ou nerfs périphériques).

Après avoir signalé les caractères de la réaction de dégénéres-

cence, l'auteur envisage la valeur de l'électricité dans le traitement

des diverses maladies du système nerveux, tant organiques que

dynamiques.

Dans aucune maladie organique du cerveau, l'application de

UG 6 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

l'électricité sur la tête ne donnera de résultats. Dans la paralysie

qui succède à l'hémorragie cérébrale, l'électricité peut produire

une amélioration passagère.

La paralysie glosso-labio laryngée peut être améliorée; il faut

appliquer l'électrode le long du sterno-mastoïdien. L'électricité

n'a jamais guéri une maladie de la moelle. Elle n'est indiquée dans

aucune affection aiguë de la moelle; mais il n'en est pas de même

en ce qui concerne les reliquats de l'affection aiguë. C'est ainsi

que dans la poliomyélite antérieure (paralysie infantile), l'électri-

cité employée, après la phase aiguë, mais d'une façon assez pré-

coce, fortifie les muscles capables de se contracter. Il faut savoir

que certains muscles parésiés répondent mieux à l'incitation volon-

taire qu'à l'excitation électrique ; il convient alors d'associer

-l'exercice volontaire au traitement électrique.

Dans l'atrophie musculaire progressive, la syringomyélie, la

sclérose latérale, il y a peu de chose à attendre de l'électricité. Le

tabes peut parfois en bénéficier. Dans les névrites périphériques

(paralysie faciale y comprise), on prétend que l'électrothérapie

hâte beaucoup la guérison. Rien ne prouve que l'électricité puisse

hâter la régénération des fibres nerveuses.

L'électrothérapie joue un grand rôle dans le traitement des

maladies dynamiques, mais il est difficile de faire la part de la

suggestion. Dans la névralgie du trijumeau, un faible courant sou-

lage parfois la douleur. -

Dans la névralgie intercostale, il faut employer de forts courants.

Dans la sciatique-névralgie, l'électricité reste le meilleur mode

de traitement (courant galvanique de 100 ampères). Les céphalées

des neurasthéniques et des sujets nerveux sont souvent très amé-

liorées par un faible courant galvanique appliqué sur la tête.

Dans l'hystérie, l'action de l'électricité est nil pe}' se. Elle n'en

reste pas moins un puissant agent sur la grande névrose.

Le goitre exophtalmique bénéficie aussi de l'électricité : est-ce

par action sur le corps thyroïde lui-même, sur le sympathique

cervical, sur le pneumogastrique, ou sur un autre élément inconnu ?

C'est ce qu'on ne peut savoir encore. L'électricité reste sans action,

sauf par le moral, dans la paralysie agitante, les différents spasmes

et tics. On a prétendu que l'électrisation le long du rachis amé-

liorait la chorée; mais on peut en douter. L'électricité contribue

beaucoup à relever les sujets affaiblis par une longue maladie.

P. II ELL.11.

VU. Un cas DE mélancolie avec lipome; démence apparente ; opéra-

TION ; guérison; par Frédéric-P. IIE.RDER. (The Journal of Mental

Science, janvier 1897.)

Cette observation est curieuse à plusieurs titres ; d'abord parce

que la tumeur semble avoir été la cause déterminante de la folie,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47

ensuite parce que l'ablation de la tumeur a été suivie de la double

guérison physique et mentale chez un homme ayant déjà atteint

un certain âge (cinquante ans) ; enfin, et surtout, parce que la

maladie mentale dont il s'agit présentait tous les caractères de la

démence progressive. R. DE IUSGRAYE-CLAY.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Sur un cas DE maladie DE LITTLE; par M. leprofesseur f. Raymond.

(Semaine médicale, 1897, n° 1.)

II. SUR deux cas DE sclérose latérale amyotrophique A début

bulbaire; par M. le professeur F. RAYMOND. (Presse médicale,

19 et 20 mai 1897.)

La pathogénie de la rigidité spasmodique des muscles dans cer-

taines affections des centres nerveux est un sujet sur lequel M. le

professeur F. Raymond aime à revenir. Dans les leçons que nous

allons résumer la question est abordée par des voies bien différentes

puisqu'il s'agit de la sclérose latérale amyotrophique d'une part et

de la maladie de Little d'autre part.

L'étude de cette dernière est tirée de l'observation d'une jeune

fille de dix-neuf ans, fleuriste, née avant terme, au huitième mois,

et venue au monde en état d'asphyxie. Dès l'âge de deux mois se

montrent des convulsions et plus tard des crises épileptiques avec

miction involontaire. C'est à onze mois qu'essayant de la faire

marcher on s'aperçoit que ses jambes sont raides et incapables de

la soutenir. Au dire des parents la peau des membres inférieurs

était à cette époque complètement insensible et cette insensibilité

aurait été constatée encore à l'âge de sept ans par les médecins de

l'Enfant-Jésus, où entrée pour la difficulté qu'elle avait à marcher

la fillette contracta la rougeole, la scarlatine et la diphtérie.

Son intelligence se développe normalement; l'enfant, se servant

de béquilles, peut fréquenter l'école, être mise en apprentissage et

devenir une bonne ouvrière fleuriste.

Actuellement la santé générale est parfaite; intelligente,d'esprit

vif et de caractère excellent, la malade ne présente absolument rien

à relever du côté de la face, du tronc et des membres supérieurs.

Par contre les membres inférieurs aux muscles durs, dessinés en

saillies vigoureuses sous la peau, sont immobilisés en contracture :

au repos légère flexion des cuisses sur le bassin et des jambes sur

les cuisses, les genoux au contact, les molléoles internes sont écartées

de quatre travers de doigt, les pieds renversés en dedans de surte

que les gros orteils se touchent. Il est impossible d'écarter les

48 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

cuisses, les mouvements de la jambe sur la cuisse persistent dans

une faible mesure, ceux du cou-de-pied sont totalement abolis et

Fig. I.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49

la résistance qu'oppose l'état spasmodique varie dans des limites

assez étendues d'un moment à l'autre.

Archives, 2e série, t. IV.

- l'i ? 2.

ù REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

P1-1. 3.

La malade peut

marcher en se ser-

vant de ses béquilles

elle peut se tenir

debout, les pieds

reposent alors sur

la pointe en exten-

siou ,forcée ; les ge-

noux et les hanches

mi-fléchies ; pour

avancer les genoux

restent en contact,

les jambes décrivent

à chaque pas un

mouvement de cir-

cumduction qui rend

la marche très pé-

nible à raison du

mouvement inverse

et contraire que le

tronc est obligé d'exé-

cuter sur le bassin.

L'examen des ré-

flexes tendineux est

empêché par la ten-

sion des muscles,

mais la malade dit

qu'elle a souvent de

la trépidation invo-

lontaire quand son

pied butte contre le

sol. De plus, ce qui

est important ici, la

sensibilité est at-

teinte, on constate

des troubles accen-

tués sur les membres

inférieurs et l'abdo-

men jusque sous

l'ombilic : absence

ou retard de percep-

tion, erreur de loca-

lisation, erreur de

sensation. Et l'on re-

trouve des troubles

analogues au bord

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 51

interne du bras gau-

che et au niveau de

l'épaule du même

côté.

Les sphincters non

plus ne sont pas épar-

gnés et l'observation

note de la faiblesse

du sphincter anal

coïncidant avec une

constipation opiniâ-

tre et de l'inconti-

nence des urines.

La rigidité spas-

modique, la nais-

sance avant terme,

l'état d'asphyxie ap-

parente comme con-

tre-coup d'un accou-

chement laborieux,

c'en est assez si nous

nous rappelons le

mémoire même de

Little pour justifier

le nom de maladie

de Little appliqué à

ce cas; mais ce n'est

là que le diagnostic

clinique, quel est le

diagnostic anatomi-

que, de quelles lé-

sions dépendent ces

troubles ?

M. le professeur

F. Raymond rappelle

d'abord que certains

sympt8meslaissés au

deuxième plan par

Little, l'état paréti-

que des membres

supérieurs, les trou-

bles du langage, de

la déglutition, de l'in-

telligence à cause do

leur grande varia-

bilité et de leur ah-

l'ig. 4.

32 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sence possible, furent au contraire placés au premier plan par

Heine dont la thèse était d'opposer la paralysie infantile vulgaire,

fiasque avec atrophie musculaire à ces formes spasmodiques; la

première devait être d'origine spinale, les autres et c'est là qu'in-

tervenaient ces troubles plus rares, d'origine cérébrale. Ces vues

prirent encore une valeur plus grande quand Turck, Charcot,

Bouchard eurent mis la contracture secondaire des hémiplégiques

sous la dépendance de la sclérose des cordons latéraux, sclérose

deutéropathique consécutive à une lésion cérébrale dont la locali-

sation était parfaitement définie. Mais bientôt un nouveau revire-

ment se lit; on en vint à parler de dégénérescence protopathique

primilive du faisceau pyramidal croisé, invoquée d'abord par Charcot

pour la sclérose latérale amyotrophique, puis pour le tabes spas-

modique, espèce morbide éphémère dans laquelle on engloba la

maladie de Little.

M. le professeur Raymond rappelle avec quelle prudence Charcot

admettait la possibilité de la sclérose primitive et symétrique des

faisceaux latéraux de la moelle épinière et demandait le contrôle

d'observations nouvelles, et comment lui-même dès 1885 et depuis

à plusieurs reprises a démontré qu'il n'existait aucun rapport fixe

entre le syndrome connu sous les noms de tabès spasmodique, de

paralysie spinale spastique et la sclérose des cordons latéraux,

puisqu'on peut le rencontrer indépendamment de toute altération

de ces cordons et que d'autre part lorsqu'on la constate elle est

toujours secondaire, deutéropathique ou bien associée à des altéra-

tions d'autres faisceaux de la moelle.

Le tabes spasmodique étant rayé du cadre des affections de

l'adulte quelques auteurs lui assignent un dernier refuge dans la

pathologie infantile, la maladie de Little serait le dernier vestige

de cette espèce aujourd'hui disparue, telle est l'opinion de M.Marie

qui lui assigne comme lésion l'absence de développement du

faisceau pyramidal et comme étiologie la naissance avant terme.

Or M. le professeur Raymond, reprenant les observations de

Raillon, d'Otto, de Déjerine, montre que l'arrêt de développement

des faisceaux pyramidaux est toujours sous la dépendance d'une

lésion cérébrale, que la rigidité spasmodique peut exister indépen-

damment de l'arrêt de développement et n'en est par conséquent

nullement la conséquence. Le fait d'être né avant terme n'est pour

rien dans la maladie de Little, la production d'une lésion céré-

brale antérieurement à la naissance ou au moment d'une nais-

sance laborieuse est tout. Aux arguments d'ordre anatomique

présentés par M. Van Gehuchten qui a constaté l'absence complète

de fibres pyramidales, cylindraxes compris, dans la moelle d'un

foetus de sept mois et fait de cette insuffisance de développement la

cause de la rigidité spasmodique, il est facile de répondre d'abord

que tous les enfants nés avant terme, c'est-à-dire avant que soit

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. Où

achevé le développement des faisceaux pyramidaux ne présentent

pas de rigidité spasmodique, que celle-ci se montre souvent une

année seulement et même davantage après la naissance, que des

autopsies enfin ont montré le parfait développement du faisceau

pyramidal chez des enfants atteints de maladie de Little.

De sorte que pas plus chez l'enfant que chez l'adulte il n'existe

une espèce morbide, tabes spasmodique ou maladie de Little, en

rapport constant avec une dégénération primitive ou un arrêt de

développement du faisceau pyramidal. Ce qu'on a décrit sous les

noms de maladie de Little, de paraplégie spasmodique infantile,

d'hémiplégie spasmodique infantile ne sont que des types clini-

ques qui réalisent d'une certaine façon l'association de quelques

symptômes parmi lesquels dominent la contracture et la paralysie

motrice. Les faits démontrent qu'à l'heure actuelle il nous est

impossible d'établir un rapport fixe entre le mode de groupement et

de localisation des symptômes et les lésions constatées à l'au-

topsie. Revenant alors au cas qu'il présente, M. Raymond montre

l'extrême difficulté du diagnostic anatomique. Eliminant la sclé-

rose en plaques qui se serait décélée depuis si longtemps par

quelque symptôme céphalique et n'a jamais du reste été signalée

congénitaiement, il pense que les troubles de la sensibilité, que les

troubles des sphincters doivent être mis sur le compte d'un foyer

d'hématomyélie, tel que ceux démontrés par Schullze de Gouu

dans les accouchements laborieux. Mais pour la rigidité musculaire

il se refuse à voir dans la sclérose isolée du faisceau pyramidal

son explication suffisante et rappelant les accidents épileptiques

présentés par la malade admet l'existence de lésions cérébrales

aujourd'hui éteintes mais dont le cerveau porte les vestiges proha-

hlement sous forme de sclérose névrotique.

II. C'est à cette même conclusion de lésions encéphaliques néces-

saires pour expliquer les manifestations spasmodiques que sera

amené M. le professeur Raymond par la discussion du problème

compliqué de la sclérose latérale amyotrophique que soulèvent

les deux cas suivants :

Dans le premier la maladie est déjà parvenue à une période

avancée; il s'agitd'une femme de cinquante-cinq ans dont lavies'est

écoulée sans antécédents pathologiques d'aucune sorte. II y a trois

ans elle a subi un choc moral qui parait avoir joué un rôle décisif

dans l'éclosion de sa maladie actuelle, mais ce n'est qu'en sep-

tembre 189o que se montrent les premiers troubles, embarras de

la parole d'abord puis gêne de la mastication et de la déglutition.

Neuf mois après le bras droit est envahi par une sorte de lourdeur

avec gêne des mouvements et bientôt le bras gauche se prend de

même façon, 'fous ces troubles sont brusquement augmentés par

l'éclosion d'une rougeole en juillet dernier.

S4 1. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

A ce moment la partie inférieure du visage avait l'expression d'un

masque; au repos la bouche entr'ouverte laissait s'écouler la salive,

et il était impossible à cette femme de fermer ou d'ouvrir davan-

tage les lèvres, de siffler, de souffler, de tirer la langue atrophiée.

La mastication, la déglutition étaient des plus pénibles, la parole

incompréhensible. La sensibilité d'ailleurs était intacte, mais le

réflexe massétérin très exagéré provoquait une sorte de trépida-

tion très singulière de la mâchoire, comparable à la trépidation

spinale (fig. 5, 6 et 7).

Fi.']. 5.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ss

Aux membres supérieurs parésie, contracture et atrophie mus-

culaire sensible malgré l'adiposité; le deltoïde, le triceps, l'exten-

seur et le fléchisseur commun des doigts ainsi que les petits mus-

cles de la main avaient leur excitabilité' électrique très diminuée

avec traces de R. D. Les réflexes du coude et du poignet étaient

manifestement exagérés, et la contracture, s'accusait par la lenteur

et la difficulté des mouvements, par l'immobilisation des membres

supérieurs appliqués contre le tronc, les mains en pronation forcée.

Il faut ajouter que les mouvements étaient douloureux et que

Fifl. 6.

56

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

même au repos la malade ressentait de vives douleurs dans les

articulations des épaules ainsi que des élancements et une sorte

d'engourdissement dans toute l'étendue des membres supérieurs.

De même le cou rigide ne se mobilisait qu'au prix de- vives souf-

frances. 1

La marche encore possible était pénible avec chutes fréquentes,

les muscles rigides semblaient avoir peu perdu de leur force,

n'étaient pas atrophiés et ne présentaient pas des troubles élec-

triques, mais les réflexes roluliens étaient très forts et il y avait de la

trépidation spinale. Pas de trouble des sphincters. Depuis la maladie

fait des progrès lents mais continus, les fonctions des membres sont

plus troublées, l'amyotrophie plus accusée, la réaction de dégéné-

rescence s'est accentuée dans les muscles des membres supérieurs;

ceux-ci présentent l'aspect connu sous le nom de main de singe.

Nous sommes donc en présence d'une paralysie labio.losso-

laryngée et d'une atrophie musculaire du type Aran-Duchenne asso-

ciées à un élémentspasmodique; le diagnostic elliiiiquq, n,fi : saurait

Fif ! . 7, 1

ItE1'UE DE PATHOLOGIE NERVEUSE,

à ï

faire de doute, il s'agit de la maladie de Charcot, de la sclérose

latérale amyotrophique.

Le second malade est un homme de cinquante-cinq ans, qui

s'est aperçu pour la première fois en avril dernier d'une certaine

gène de la parole, bientôt les troubles de la déglutition le portent

à consulter un laryngologiste qui se borne il prescrire un traite-

Fig. 8.

58 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment local, les mouvements des lèvres, de la langue deviennent de

plus en plus difficiles, et l'on constate à la Salpêtrière d'abord le

contraste frappant de l'immobilité de la moitié inférieure du visage

avec les variétés d'expression des yeux, des paupières, du front,

l'impossibilité de siffler, de mouvoir latéralement la langue visible-

ment atrophiée et agitée de secousses fibrillaires, les troubles de

la parole nasonnée et embarrassée, la difficulté de la déglutition

qui nécessite le concours des doigts, etc. Le réilexe massétérin est

très exagéré (fig. 8).

L'examen électrique fait constater une légère diminution de

l'excitabilité dans les muscles de la langue et des membres supé-

rieurs avec la R. D. commençante. Du reste la main droite est

déjà moins forte que la gauche, les réflexes sont très exagérés et

il y a des tremblements fibrillaires. Le pouls bat 168 à la minute.

Partout la sensibilité est normale.

Cet homme est atteint lui aussi d'une sclérose latérale amyo-

trophique, à début bulbaire. Mais ce n'est là qu'un diagnostic

clinique les relations qui existent entre la paralysie labio-glosso-

laryngée, l'atrophie musculaire progressive spinale du type Aran-

Duchenne et la sclérose latérale amyotrophique soulèvent un des

problèmes les plus intéressants de nosologie.

Au type Aran-Duchenne représentée par l'atrophie flasque,

Charcot ajouta bientôt la sclérose latérale amyotrophique avec

l'élément spasmodique d'importance capitale et l'élément dou-

leur d'importance secondaire et il fut admis que l'une et l'autre de

ces affections s'associent à la paralysie labio-glosso-laryngée soit

que les manifestations bulbaires ouvrent la marche, soit qu'elles se

montrent en seconde ligne; seulement cette association habituelle

obligatoire dans les cas de sclérose latérale amyotrophique peut

faire défaut dans les cas d'atrophie musculaire progressive.

Toutefois, l'existence même des affections qui nous occupent fut

contestée. Aux auteurs qni devant le démembrement successif de

l'atrophie musculaire type Aran-Duchenne au profit de la sclérose

latérale d'abord, puis de la pachyméningite cervicale, des formes

familiales d'atrophie musculaire myopathique, de la syringomyélie

et même des polynévrites ont nié qu'il existât une atrophie mus-

culaire progressive reconnaissant pour substratum exclusif une alté-

ration des cellules ganglionnaires des cornes antérieures de la

moelle sans participation des faisceaux blancs latéraux ou des fais-

ceaux pyramidaux, M. le professeur Raymond répond nettement

par l'affirmation de l'existence de ce type démontrée indubitable-

ment et par M. Jean Charcot et par lui-même.

Il est tout aussi net dans l'affirmation d'une paralysie labio-

glosso-laryngée avec lésions strictement limitées à la substance

grise d'un certain nombre de noyaux bulbaires sans la moindre

trace de sclérose des faisceaux blancs. Les négations de Vulpian,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. raz

de M. Déjerine ne sauraient aller contre l'évidence des faits.

Mais l'existence de la sclérose latérale amyotrophique n'a pas

moins été discutée. Leyden ne voulait pas la reconnaître comme

distincte de l'atrophie type Aran-Duchenne. En effet pour Charcot

la lésion de la substance grise des cornes antérieures rendant

compte de l'atrophie musculaire était commune aux deux affec-

tions mais les manifestations d'ordre spasmodique propres à la

sclérose latérale étaient imputables justement à la sclérose des

cordons latéraux qui donnait son nom à la maladie ; or Leyden a

constaté cette sclérose chez des sujets qui de leur vivant n'avaient

pas présenté de symptômes spasmodiques. Cela pouvait l'auto-

riser à dire que les manifestations spasmodiques ne sont pas sous

la dépendance de la sclérose des faisceaux pyramidaux, cela ne

devait pas lui permettre de nier l'existence de la maladie de Charcot.

M. Raymond n'a pas de peine à montrer d'abord ce qu'a d'illo-

gique le raisonnement par lequel on est amené à expliquer les

manifestations spasmodiques dans la sclérose latérale, et qui

consiste à dire : dans les cas de contracture posthémiplégique le

faisceau latéral du côté contracturé est en état de dégénération,

donc la contracture est une conséquence de cette dégénération, et

si elle l'est ici elle le sera également ailleurs. Ailleurs c'était le

tabès spasmodique, nous avons déjà dit que ses symptômes les

plus spasmodiques peuvent exister sans trace d'altération des fais-

ceaux latéraux, et réciproquement que la dégénération de ces fais-

ceaux a été rencontrée à l'autopsie de sujets qui n'avaient pas

présenté de manifestations spasmodiques. C'était aussi la sclérose

latérale amyotrophique et il en est de même, le cas de Leyden nous

montre la lésion sans le symptôme, un cas de Senator résumé ici

nous montre le symptôme sans la lésion. Le malade avait tous les

signes spasmodiques de la maladie de Charcot; il n'y avait pas la

moindre trace de sclérose de ses cordons latéraux. Nous savons du

reste que normalement cette sclérose est remarquable par sa

diminution d'intensité de bas en haut, la dégénération réalise au

point de vue de son intensité décroissante le type inverse de ce

qu'on observe dans les cas de lésions en foyer de la zone psycho-

motrice de l'écorce ou de la substance blanche sous-jacente; c'est

une dégénérescence ascendante.

La réponse à la première question est donc facile; la lésion

des faisceaux pyramidaux n'est pas responsable des manifestations

spasmodiques de la sclérose latérale amyotrophique. Mais la sclé-

rose latérale amyotrophique n'en doit pas moins être séparée de

l'atrophie musculaire progressive; elle doit l'être d'abord par l'ana-

tomie pathologique, car le cas de Senator n'est qu'une exception et

à la dégénérescence du neurone moteur inférieur, du neurone spino-

musculaire seul touché et presque exclusivement dans son corps

cellulaire dans le type Aran-Duchenne, la maladie de Charcot

60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ajoute d'abord la dégénération du neurone supérieur corlico-spinal

atteint surtout dans son extrémité terminale avec propagation de

la lésion dans le sens centripète et peut-être aussi ailleurs, car si

ni la dégénération des cellules de la corne antérieure, ni la sclé-

rose latérale n'expliquent les phénomènes spasmodiques, ceux-ci

ne sont pas contestables. Où chercher la lésion susceptible de nous

en rendre compte, évidemment vers l'encéphale, et c'est pourquoi

il y a une lacune immense dans l'observation de Senator où

l'examen du cerveau n'a pas pu être fait. Mais la séparation de

la sclérose latérale et de l'atrophie musculaire doit être faite sur-

tout par le point de vue clinique, les symptômes sont autres,

autres surtout le mode d'évolution et le pronostic. Le maladie de

Charcot par l'envahissement du bulbe inévitable, obligatoire,

aboutit à la mort dans un délai relativement court et la théra-

peutique nous laisse absolument impuissants et c'est pourquoi il

n'était pas indifférent chez les deux malades présentés au début de

cette leçon d'affirmer le diagnostic de sclérose latérale amyotro-

phique, diagnostic clinique n'impliquant pas anatomiquement,

malgré leur état spasmodique, l'existence d'une dégénération de

leurs faisceaux pyramidaux. Dl' G. Gsvr.

III. Synergies fonciionnelles; par Halipré. (Normandie médicale,

n° 15. 189G.)

IV. Contribution A l'étude des synergies fonctionnelles ; par

1\ ICOLLE et Halu'rc. (ibis" na 19, 1SOG.)

1° A l'état normal, l'une des pupilles étant seule exposée à des

variations d'éclairage, l'agrandissement et le rétrécissement de

l'orifice papillaiie s'accompagnent de modifications parallèles de

l'autre pupille sans qu'on fasse varier l'éclairage de cette dernière.

Ce phénomène est dû à l'existence soit de fihres allant directement

du noyau de la 3° paire à l'oeil du côté opposé, soit de fibres

d'association entre les noyaux des deux nerfs moteurs oculaires

communs.

Un exemple de synergie fonctionnelle analogue s'est rencontré

chez un strabique. L'oeil droit, sain, étant fermé on fait suivre par

l'oeil gauche un objet qu'on déplace vers la droite jusqu'à une

certaine limite infranchissable ; si l'on ouvre à ce moment l'oeil

sain on voit l'oeil strabique se déplacer légèrement au delà de la

limite en question et faire un écart en adduction. Un autre exemple

de synergies fonctionnelles se rencontre dans les paralysies

pseudo-bulbaires où certaines paralysies peuvent s'améliorer grâce

à la suppléance des fibres détruites par les fibres provenant du

côté opposé.

2° Chez un brightique atteint d'amaurose de l'oeil droit, cet oeil

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. Cl

restant ouvert, si l'on en supprime et rétablit alternativement

l'éclairage, la pupille gauche reste immobile. Si au contraire on

produit ces alternatives par ouverture et fermeture successives de

la paupière, la pupille gauche réagit synergiquement. Cette der-

nière expérience réussit que l'on maintienne l'oeil droit à la lu-

mière ou à l'obscurité. Ce sont donc seulement les mouvements

de la paupière qui déterminent ces mouvements synergiques de la

pupille. Ceux-ci représentent chez le malade l'association nor-

male de l'occlusion palpébrale et de la contraction pupillaire.

V. Claudication INTERMITTENTE chez UN homme hystérique atteint

de pouls LENT permanent; par Olivier et H.1LIPR1 : . (Normandie

médicale, n° 2. 1896.)

Crises typiques au point de vue clinique survenant chez un

homme de quarante-cinq ans : douleur subite violente empê-

chant la marche, engourdissement et sensation de froid dans la

jambe. La crise dure quelques minutes, les symptômes, disparus

par le repos, reprennent après quelques minutes de marche.

Quelques semaines après, le malade a un étourdissement avec

hémiparésie gauche. A son entrée à l'hôpital on constate unique-

ment les signes suivants : hémianesthésie gauche, rétrécissement

du champ visuel, douleur pseudo-ovaralgique, légère parésie à

gauche. Le pouls est à 40°. Les jours suivants apparaît une polyu-

rie abondante, en même temps que tous les signes disparaissent

sauf le pouls lent et le rétrécissement du champ visuel.

A une seconde entrée du malade on constate une différence

notable dans les pulsations des pédieuses avec hypothermie du

pied et de la j ambe gauche. Les auteurs éliminant les différentes

étiologies pensent qu'il s'agit ici d'un rétrécissement spasmodique

d'origine hystérique.

VI. Dyspepsie NfiR\'0-AtOTRICE; par MALIPRÉ. (Nonnandic médicale,

n° 13, 1896.)

Un homme de trente-sept ans présente des crises d'éructations

précédées de météorisme et survenant peu après les repas. Elles

durent plusieurs heures et s'accompagnent parfois d'un léger état

syncopal. L'apparition et la disparition brusque, sans cause précise,

des accidents, la conservation d'un pouvoir digestif très suffisant

même au moment des crises, l'absence de dilatation, de splanch-

noptose, de douleurs véritables, font penser à une dyspepsie nervo-

motrice simple à comparer aux palpitations cardiaques neuropa-

thiques.

62 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

VU. Assistance DES aliénés par l'état, dans l'état DE NE ? YoR6;

par le docteur MACDONALD.

L'assistance des aliénés par l'Etat, et l'assistance par les Comtés,

sont les deux systèmes d'assistance en usage aux Etat-Unis. Le

dernier système tend, du reste, à disparaître, car il faut reconnaître

que s'ils sont beaucoup moins coûteux, les asiles de Comtés n'ont

guère, jusqu'à présent, des asiles que le nom et sont bien plutôt

des dépots de mendicité où le soin des aliénés est souvent chose

inconnue : les asiles de Comtés à peu près recommandables sont

si rares qu'ils ne constituent que des exceptions confirmant la

règle qui condamne ce système.

Il existe à l'heure actuelle dans l'État de New-York onze hôpi-

taux d'Etat pour les aliénés, plus un hôpital pour les aliénés cri-

minels : ces asiles ont une population qui varie entre 500 et

2 500 malades et sont régis par les nouvelles lois relatives au trai-

tement des aliénés. La loi de mai 1896 est le résumé de toutes les

lois antérieures sur les aliénés. Elle précise les droits et devoirs de

la Commission des aliénés, des superintendants, et des divers

employés des asiles. Il est à noter que le superintendant, c'est-à-

dire le chef médical de chaque asile, a tous pouvoirs pour nom-

mer ou révoquer les employés placés sous ses ordres.

La caractéristique des nouvelles lois relatives aux aliénés con-

siste dans le mode de placement des malades. Personne ne peut

être placé dans un établissement pour les aliénés sans un ordre

d'un juge d'une « cour de record ·, ordre établi d'après la demande

sur laquelle sont consignés les actes du malade, et d'après un cer-

tificat signé par deux médecins spécialistes en aliénation mentale.

Notification de l'ordre d'internement doit être faite à la personne

supposée aliénée au moins un jour avant l'internement : le juge,

toutefois, peut faire cette notification à une autre personne dési-

gnée par lui. Le juge peut encore requérir d'autres preuves, en plus

de la demande et du certificat médical ou donner une nouvelle

audience sur la demande d'un parent d'aliéné.

De plus, si la personne supposée aliénée, ou un parent, ou quelque

ami, est mécontent de l'ordre d'internement, il peut, dans les dix

jours, faire appel devant la Cour suprême qui convoquera un jury

à l'effet de juger la question de folie. Cette possibilité d'appel n'est

pas sans présenter certains inconvénients : d'abord elle donne à

l'affaire une publicité qui pourra singulièrement déplaire à la

famille de l'aliéné; elle fait perdre, en outre, pour ce dernier le

bénéfice d'un traitement hâtif à l'hôpital ; enfin, pour les cas obs-

, curs et difficiles, elle subordonne l'examen fait par des médecins

compétents à un jury composé de personnes étrangères à la méde-

cine. Pour restreindre un peu le nombre de demandes d'appel, il a

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 63 i),

été décidé qu'avant que pareil appel puisse être entendu la per-

sonne qui le fait, doit déposer caution ou s'engager à solder tous

les frais de cet appel.

D'autre part il a été établi que si la personne prétendue aliénée

était reconnue saine d'esprit, le tribunal pourrait faire payer les

frais de procédure aux parents ou amis qui ont fait la demande

d'internement. (The alienisl and nezcrologist, juillet 1896.)

E. B.

VIII. LE PREMIER MANICOME DU MONDE; par J.-M. ESCUDER.

(Siglo Mezzo, novembre et décembre 1896.)

L'Espagne s'est de bonne heure occupée du régime des fous.

Cervantes, Avellaneda, Lope de Voga et d'autres littérateurs s'y

sont vivement intéressés à la folie et au sort lamentable des aliénés

de leur temps. Or, la ville de Valence, il y a près de cinq siècles,

eut la gloire de posséder la première un véritable manicome, où

ces malades étaient admirablement traités 1. En 1409, Jofré

Gilabert, moine charitable et savant, plus tard professeur à Sala-

manque, vivait à Valence et s'apitoyait sur le malheur des

insensés. Ceux-ci erratient librement dans les rues grotesques ou

tragiques, les uns faisant rire, les autres répendant la terreur.

La plupart, comme possédés, étaient l'anima vilis des exorcistes,

et ceux qui échappaient au bûcher restaient les victimes des injures

et des plus atroces tracasseries des populations ignorantes. Jofré,

en allant prêcher à la cathédrale, rencontra un jour un de ces

malheureux tordu de convulsions, et qu'une foule cruelle prenait

grand plaisir à lapider et à couvrir de'boue. Le moine, comme

d'habitude, intervint, dispersa les tourmenteurs, releva et emmena

le malade. Sous le coup de son émotion, il raconta en chaire ce

qu'il venait de voir, fit un vibrant plaidoyer en faveur des « fous et

des innocents », affirma qu'ils n'étaient que des malades, et

demanda pour eux la construction d'un hôpital, fait d'un courage

inouï à une époque où les médecins eux-mêmes, qui traitèrent

plus tard les pensionnaires de Jofré, étaient convaincus que la

folie était oeuvre du diable. Il fut si tenace qu'il eut gain de cause;

il fit désigner douze riches marchands pour fournir les fonds, il

obtint de Martin le Vieux, roi d'Aragon, l'autorisation d'entre-

prendre la construction et en confia la direction à dix marchands

de bonne volonté. Il spécifia que son hôpital devait rester un bien

collectif, la propriété des malades eux-mêmes; aussi exclut-il for-

mellement de la commission dirigeante les ecclésiastiques, les

nobles et les magistrats. Enfin, le 1er juin 1410, il ouvrit son asile

1 A la page 238 de son Traité de la folie, Pinel fait aussi un grand

éloge de l'asile de Saragosse, où avant ses propres réformes, les aliénés

vivaient libres et entourés de soins bienveillants.

64 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sous le nom d'Hôpital des Innocents. Tout alla bien au début et

l'établissement fut exactement ce qu'avait souhaité son fondateur :

« un hôpital fameux, dit Lope de Véga, où .les frénétiques sont

soignés avec la plus grande propreté et le zèle le plus dévoué».

Mais après Jofré, au cours des siècles, il dévia de cette première

impulsion, à la liberté, à la douceur, aux soins intelligents succé-

dèrent les mesures de rigueur et les étroits cachots ; les malades

devinrent les plus misérables des prisonniers. Ainsi déchut l'oeuvre

si belle du frère Jofré, bienfaisante tant qu'elle resta une propriété

éminemment collective et indépendanté, mais qui perdit toutes

ses qualités, quand un Etat cupide s'en empara au mépris du droit,

pour la vendre à une administration spéciale sous le nom de Mani-

come de Jésus. L'auteur visita pour la première fois en 1885 cet

asile dont la tenue était lamentable. Des malades demi-nus étaient

emprisonnés dans de vraies loges de bêtes fauves, trop petites pour

permettre aucun mouvement et fermées par de lourdes grilles,

jamais ouvertes et par-dessous lesquelles on changeait trop rare-

ment d'ailleurs, la paille souillée de déjections qui seule meublait

ces cages. D'autres aliénés grouillaient entassés dans des salles

basses, obscures, confinées, humides, puantes, où ils avaient pour

tout vêtement un maillot bleu, laissant les jambes et les pieds nus.

Sordides, hirsutes, mal nourris, ils se bousculaient le jour, et la

nuit ils s'amoncelaient sur la paille pour dormir les uns sur les

autres. Le personnel était plus que rare ; quant au médecin, le

Dr Ortiz, toute autorité, tout contrôle lui était refusé, on ne lui

laissait d'autre attribution que la constatation des décès. En 1891,

l'auteur revint au Manicome de Jésus et ne trouva encore que des

améliorations insignifiantes : douze frères en tout pour soigner

567 malades, un système rudimentaire d'hydrothérapie, toujours

les mêmes moyens de contention ; les douze serviteurs appliquaient

à volonté la camisole de force et même une ceinture de fer à

laquelle étaient fixées des menottes. Les médecins, toujours impuis-

sants et tenus à l'écart, malgré leur bonne volonté, n'avaient

aucune influence ; et d'ailleurs, que pouvaient faire deux médecins

pour 567 malades, même dans de meilleures conditions ? Pas un tra-

vail scientifique n'a pu être fait depuis plus de quatre cents ans dans

cetasile.Il y aurait donc énormément à faire pour relever,selon les

voeux de son fondateur, l'asile vieux de cinq siècles mais encore

incréé, de Jésus. Mais il n'est pas facile de stimuler une adminis-

tration inerte et surtout trop économe. La première chose à faire

serait de donner plein pouvoir aux médecins et d'augmenter leur

nombre, de prendre 50 infirmiers et 30 infirmières, enfin de modi-

fier les constructions. Et ceci ne serait qu'un faible commen-

cement.

M. Escuder fait à cette occasion le procès du traitement actuel

des aliénés et du régime des asiles même les mieux aménagés de

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65

la plupart des pays d'Europe. Aux yeux des pouvoirs publics l'assis-

tance d'un fou n'est au fond qu'un problème économique. L'aliéné

n'est en somme qu'un individu gênant, incurable, et dont il faut

se débarrasser, et l'asile est un lieu de protection pour la société

sensée beaucoup plus qu'un lieu de traitement pour des malades.

Les médecins eux-mêmes favorisent trop cette façon d'agir en ne

protestant pas, quand on leur impose des services où ils sont un

seul pour 300 et même 500 malades, sinon plus, qu'ils ne peuvent

non seulement pas traiter, mais même à peine connaître, alors

que l'influence morale personnelle assidue a tant d'importance

pour l'amélioration de ces malheureux. On saitpourtant combien,

en individualisant le traitement le plus possible, on augmente le

pourcentage et la rapidité des guérisons. On n'en continue pas

moins les errements surannés qui sont fort en retard sur l'état

relativement avancé de la science. M. Ëscuder se range à l'avis de

ceux qui ont expérimenté les immenses avantages des colonies peu

nombreuses. Pour lui, chaque colonie devrait avoir à sa tête un

médecin qui en habiterait le centre, elle ne comprendrait que

40 malades, serait située en pleine campagne, autant que possible

isolée de la ville par une chaîne de montagnes, et pas trop loin de

la mer, dans un pays riant; les malades y seraient occupés dans

un état de liberté aussi complète que leur état pourrait le per-

mettre, ils subiraient le plus possible le contact du médecin et y

trouveraient une existence aussi familiale que possible. L'auteur

ne se fait pas d'illusion sur les difficultés pratiques, il faut de-

mander le plus pour avoir le moins, une réforme ne peut d'ail-

leurs se faire d'un coup. Mais il voudrait voir au moins une tendance

vers les améliorations rationnelles et scientifiques, et il regrette de

trouver l'opinion ignorante et indifférente. L'histoire des aliénés

devrait déjà comprendre trois périodes : 1° celle des temps

anciens, où ils étaient abandonnés à eux-mêmes ou brûlés, et plus

tard enchaînés dans les prisons ; 2° celle de Pinel où ils était

considérés comme malades mais simplement rassemblés dans

des asiles spéciaux pour y être soignés ; et enfin, 3° la période

actuelle de traitement réellement scientifique. Malheureusement

il ne peut y voir que deux périodes, la première barbare, la

seconde actuelle d'internement pur et simple. F. BOISSIER.

Archives, 2e série, t. IV. 5

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 25 janvier 1897. Présidence de MM. Charpentier

et P. GARNIER.

M. Charpentier, avant de quitter le fauteuil de la présidence,

passe en revue les différents travaux de la société dans le cours de

l'année 1896 et renouvelle ses félicitations à son successeur.

M. GARNIER remercie M. Charpentier et rend hommage à son

esprit d'indépendance. Il constate que les tendances actuelles de la

société la dirigent vers l'étude de l'évolution des différentes formes

mentales. Il exprime enfin le souhait que la société fasse entendre

sa voix dans le procès actuellement pendant entre la société mo-

derne et l'alcoolisme.

COMMISSION DES PRIX.

Prix Aubanel. Aucun mémoire n'ayant été déposé, le prix Aubanel

est reporté à l'année prochaine. La question à traiter reste la même :

Rapport des auto-intoxications avec le délire. -prix Fsquirol, Deux

mémoires ont été reçus. Commission : MM. Bouchereau, Falret,

Ritti, Mitivié et Séglas. Prix Belkommc. Deux concurrents se sont

présentés. Commission : MM. Blin, Joffroy, Klippel, Vallon et J. Voisin.

Prix Moreau (de Tours). Huit candidats ont remis des travaux.

Commission : MM. Febvré, P. Garnier, Moreau, Pactet et Séme-

laigne. Rapport de la Commission des Finances. M. CHRISTIAN

félicite le trésorier de la bonne gestion des fonds de la société.

Enquête médico-psychologique sur les rapports de la supériorité intel-

lectuelle avec la névropathie. M. ToULOUSE donne quelques rensei-

gnements sur l'enquête médico-psychologique qu'il a entreprise

sur les rapports de la supériorité intellectuelle et la dégénérescence

névropathique. Il reproche à ses contradicteurs d'avoir condamné

son étude sur Zola sans la lire. Jusqu'à ce jour, semblable enquête

n'avait été faite que post mortem, ce qui lui enlevait toute valeur

scientifique en raison de l'impossibilité de contrôler ensuite les faits

avancés. En ce qui concerne la discrétion professionnelle à laquelle

on lui reproche de s'être soustrait, il ne croit pas y être tenu, car

c'est comme publiciste et non comme médecin qu'il a fait son

SOCIÉTÉS savantes. 67

enquête sur M. Zola. Pour ce qui est de l'hérédité collatérale qui

n'appartient pas au sujet seul, et que celui-ci ne peut autoriser à

publier, il s'est abstenu d'en parler, parce que, malgré tout, il ne

peut oublier qu'il est médecin. S'il n'a pas attendu la mort de

M. Zola pour publier son observation, c'est dans la crainte que les

héritiers n'autorisent pas cette publication. M. B.

Séance du 22 février 1897. PRÉSIDENCE DE M. P. GARNIER.

Le Président annonce la mort de M. Charles Loiseau, ancien

président de la société.

Le Secrétaire général donne lecture du discours qu'il a prononcé,

au nom de ses collègues, sur la tombe de M. Loiseau.

La séance est ensuite levée en signe de deuil.

Séance du 22 février 1897. PRÉSIDENCE DE M. P. GARNIER.

Le PRÉSIDENT annonce à la société que M. Charpentier a été victime

d'une tentative d'assassinat de la part d'un ancien aliéné de son ser-

vice, et le félicite d'avoir échappé au danger.

M. Charpentier remercie ses collègues de l'affectueux intérêt qu'ils

lui ont manifesté.

M. A. Voisin. La morale à tirer de cet accident est qu'il ne

faut pas proposer trop facilement la sortie des aliénés dangereux,

en cédant aux intimidations de certains membres des corps élus,

qui insistent volontiers auprès des médecins pour obtenir la sortie

d'individus dont ils ne sont pas aptes à juger l'état mental.

M. Charpentier regrette aussi qu'il se présente parfois des cir-

constances où le médecin, ayant la main forcée, finit, de guerre

lasse, par se laisser fléchir et rend à la liberté des aliénés mieux à

leur place dans les asiles.

Enquête médico-psychologique sur les rapports de la supériorité

intellectuelle avec la névropathie. M. TOULOUSE continue l'exposé

de son livre sur Zola :

Les conditions de la supériorité.intellectuelle, dit-il, peuvent être

divisées en causes anatomiques et en causes physiologiques. Existe-

t-il un rapport entre le développement de l'encéphale et l'intelli-

gence, les fonctions sensorielles et les facultés artistiques ? La

question n'est pas résolue ; mais on ne doit rien négliger daus les

enquêtes faites à cet égard parce qu'on ne sait pas quelle sera,

plus tard, la valeur de faits en apparence futiles. Il revendique

pour le psychologue seul le droit de critiquer les oeuvres littéraires

ou artistiques pourvu qu'il étudie la littérature et l'art, car lui

seul peut avoir sous les yeux et l'ouvrier et son oeuvre. Toute autre

68 SOCIÉTÉS SAVANTES.

critique ne reposant pas sur ces deux éléments est forcément

incomplète. La critique peut, elle-même, constituer une oeuvre

d'art.

Responsabilité pénale des médecins dans la répartition des aliénés

travailleurs. LE Président demande à M. Toulouse de remettre

à une autre séance le reste de sa communication, parce que la

société est saisie d'une affaire extrêmement urgente ; voici ce dont

il s'agit. Le D1' Samuel Garnier a été chargé d'examiner l'état

mental d'un individu qui avait commis un meurtre et de déclarer

s'il était responsable de ce crime.

Après un examen de deux mois, M. S. Garnier conclut à l'irres-

ponsabilité, basée sur un délire de persécution caractérisé lui-

même par des hallucinations de l'ouïe et des interprétations déli-

rantes. Une ordonnance de non-lieu fut rendue et X... fut placé

dans le service de M. S. Garnier.

Peu après la presse discuta le rapport médico-légal qui avait

été rédigé et qualifia d'ignorance médicale le diagnostic de folie

qui avait été formulé. Un peu plus tard, le malade s'améliora et il

put être joint à une équipe de travailleurs agricoles occupés dans

les champs sous la conduite d'un surveillant. Les journaux virent

dans ce fait une nouvelle preuve de l'intégrité de l'intelligence de

l'aliéné. C'est dans ces conditions que tout à coup celui-ci se livra

à une agression sur un prêtre, inconnu de lui, qu'il rencontra sur

une route qu'il traversait pour se rendre au travail avec d'autres

aliénés et un gardien.

Une action fut intentée à M. S. Garnier comme civilement res-

ponsable de l'acte commis par X... M. S. Garnier demanda à la

société s'il a commis une faute en envoyant cet aliéné au travail.

Le tribunal l'a condamné à 100 francs d'amende.

La société se constitue en conseil secret pour examiner les

pièces du procès et décider de la réponse à formuler.

Séance du 29 mars 1897. Présidence de \I. P. Garnier

Enquête médieo-psychologique sur les rapports de la supériorité

intellectuelle avec la névropathie. (fin). - 1\[, TOULOUSE termine

l'exposé de son enquête en concluant que M. Zola doit être consi-

déré comme un névropathe. Il réfute l'opinion de Lombroso qui le

soupçonne d'avoir eu dans l'enfance une polyencéphalite, d'être

hémi-anesthésique et enfin atteint d'épilepsie larvée.

M. Marandon de Montyel. La méthode d'investigation inaugurée

par le Dr Toulouse pour établir la parenté du génie et de la

névropathie est bonne et est appelée à rendre de grands services

à la double condition cependant que beaucoup de grands hommes

veuillent bien suivre l'exemple de Zola; mais il fort à craindre que

SOCIÉTÉS SAVANTES. 69

les enquêtes ne soient forcément incomplètes et cela pour deux

raisons : tout d'abord il est des choses importantes, ignorées du

sujet et de la famille que le médecin découvrira et qu'il ne pourra

divulguer parce qu'elles sont de nature à troubler ou - à nuire.

Ensuite il est des choses que les sujets même les plus complaisants

n'accepteront jamais de raconter et sur lesquelles l'observateur

n'osera même pas les interroger.

La dégénérescence, en déséquilibrant le cerveau. exalte certaines

facultés en même temps qu'elle amoindrit ou perturbe les autres.

L'état normal est l'état de tout le monde, ou état moyen, ce n'est

que par cette déséquilibration dégénérative qu'on peut sortir en

plus ou en moins de cette moyenne. En fait, il est certain que le

cerveau de l'homme de génie ne peut pas être constitué comme

celui de tout le monde.

D'un autre côté, les recherches de Moreau (de Tours), de Lelut,

de Lombroso et celles même de M. Toulouse sur Zola ont établi

que tous les grands hommes, sur lesquels on a pu avoir des ren-

seignements précis, étaient des névropathes, provenaient de névro-

pathes ou avaient engendré des névropathes. La conclusion dès

lors s'impose à tout esprit de bonne foi.

Sans doute cette parenté du génie et de la dégénérescence

étonne et offusque. Mais un fait s'impose qu'il soit explicable,

ou inexplicable, consolant ou désespérant. D'ailleurs si cela est bien

établi, il pourrait en sortir un grand bien, car on pourrait recher-

cher quelles sont les conditions qui créent la dégénérescence

géniale et la dégénérescence en moins.

Cependant, malgré les travaux si probants de Moreau (de Tours),

de Lelut de Lombroso, nombreux sont ceux qui nient cette parenté

en tant que fait car ils en sont indignés et il faudra pour les com-

battre entasser des montagnes de faits. Voilà pourquoi la méthode

d'investigations réalise un grand progrès. Le malheur est que pour

deux raisons données plus haut, la seconde surtout, les enquêtes,

seront forcément incomplètes.

Ainsi dans le livre, du Dr Toulouse, il n'est pas dit un mot des

organes génitaux et de leur fonctionnement à l'âge d'homme, non

par oubli ou par négligence mais, par une retenue et une délica-

tesse qui s'imposent.

Il en sera forcément ainsi toujours. Or, c'est surtout par les

organes génitaux et leur fonctionnement que se caractérise la

dégénérescence. Des recherches sur 800 dégénérés m'ont démon-

tré qu'on trouvait là très probablement le rapport, jusqu'ici vaine-

ment cherché ailleurs, des stigmates physiques et des stigmates

psychiques. En dehors même des organes génitaux et de leur fonc-

tionnement anormal, il est encore de nombreuses autres infirmités

de l'esprit et du corps que les célébrités ne voudront pas livrer à

la publicité.

70 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. A. Voisin reproche à M. Toulouse d'avoir incriminé la mé-

thode d'investigation de Moreau (de Tours). Il regrette aussi que

l'auteur ait parlé des collatéraux dont les descendants pourraient

ne pas être flattés. Il croit enfin que M. Zola n'est pas l'homme

qu'aurait dû choisir M. Toulouse, car si M. Zola est un merveilleux

descripteur, ce n'est pas un homme de génie.

M. CHRISTIAN. M. Marandon attache une grande importance

aux anomalies génitales ; je voudrais connaître comment M. Maran-

don comprend l'organe génital normal.

M. Marandon DE Montyel. Je considère qu'il y a anomalie,

quand il existe une disproportion entre les différentes parties de

l'organe, ou que la verge est en crosse et enfin dans l'épispadias

ou l'hypospadias.

M. CHRISTIAN croit qu'il n'y a anomalie que dans le cas où l'or-

gane ne peut fonctionner normalement.

M. Toulouse reconnaît que l'on ne peut publier certaines confi-

dences. Il faut alors agir comme si le renseignement manquait. Il

ne se bornera pas à rechercher les rapports de la névropathie et

de la supériorité intellectuelle. Il espère faire entrer l'esthétique

dans le domaine de la physiologie et déclare accepter la doctrine

de Moreau (de Tours).

Le système dit de l' « open door » dans les asiles de la Seine.

M. Febvré. M. Marandon de Montyel, dans ces temps derniers, a

essayé d'appliquer le système de l'open door dans la Seine. Je ne

crois pas qu'il soit désirable de voir se généraliser cette méthode

nouvelle avec toutes ses conséquences; cet essai est possible à

l'étranger et dans les colonies, où, à côté de l'asile fermé, se

trouvent des cottages isolés aux portes et aux fenêtres ouvertes ;

son application dans les asiles de la Seine, qui sont, avant tout,

des asiles de traitement, n'est pas praticable. Comment, aussi,

concilier cette liberté excessive des aliénés dans un asile consacre

au traitement de l'aliénation mentale chez les deux sexes, avec la

discipline nécessaire au bon ordre de l'établissement ?

J'ai encore le souvenir très précis d'un nommé L..., hystérique

peut-être, mais surtout escroc de haute volée qui pendant de

longs mois a régné en maître sur un établissement. Grâce à ses

relations avec une bande de malfaiteurs qui rayonnaient non seu-

lement en France mais à l'étranger, il avait, à l'aide de lettres.

de dépêches, de visites provoquées, fait croire qu'il était issu d'une

illustre famille, qu'il allait entrer en possession d'une immense for-

tune. Aux uns il promettait les places les plus lucratives, aux

autres des sommes considérables et tous le considéraient comme

une victime, se prêtaient à ses moindres désirs; certains employés

étaient sur le point de donner leur démission pour entrer plus vite

SOCIÉTÉS SAVANTES. 71

en possession d'une place rêvée depuis longtemps. Quand il nous

arrivait d'élever une plainte au sujet des allures par trop cavalières

de ce prétendu seigneur, immédiatement des récriminations géné-

rales s'élevaient, des menaces se faisaient entendre. Bientôt la lutte

étant devenue inégale, nous avons été forcés de nous incliner

devant ce pouvoir d'un nouveau genre.

Mais laissant de côté ce cas particulier, nous plaçant à un point

de vue plus élevé et n'envisageant que le côté humanitaire de la

question, nous pouvons affirmer hautement que notre expérience

poursuivie par notre confrère est loin d'avoir la portée qu'il lui

assigne; M. le D'' Marandon de Montyel est, à juste titre, l'en-

nemi acharné de ce qu'il appelle le bouclage des aliénés; il est

convaincu que certains moyens de contrainte, eten cela il a absolu-

ment raison, ne sont qu'une cause d'irritabilité et d'excitation pour

les malades, et il veut dès lors redonner à ses malades l'illusion

de la liberté et de la vie de famille ; mais il ne songe pas, qu'à

côté de son service d'hommes, se trouve un service de femmes que

la liberté qu'il accorde dans l'asile à ses malades, il l'enlève aux

malheureuses aliénées et qu'il provoque amsi sans le vouloir le

bouclage de jour en jour plus complet des femmes aliénées.

Il a d'ailleurs reconnu cette conséquence très fâcheuse puisque

dans son rapport annuel (1895) à M. le Préfet de la Seine nous

trouvons la phrase suivante : « Dans un asile mixte, comme à Ville-

Evrard, la liberté accordée à une catégorie condamne l'autre à la

réclusion pour éviter tous les dangers résultant du contact de

l'homme et de la femme. » Il ne nous reste plus qu'à nous expli-

quer sur les mots « fabrique d'incurables » qui devraient, selon

M. Marandon de Montyel, être inscrits au frontispice des asiles d'alié-

nés de France. Depuis plusieurs années et notamment depuis que la

résolution de construire un cinquième asile a été prise par le Con-

seil général de la Seine, les critiques des asiles de la Seine, qui

sont cependant des établissements de premier ordre et qui peuvent

parfaitement, ainsi que l'a formellement déclaré M. le Dr Chris-

tian, soutenir la comparaison avec les asiles de l'étranger, ne se

comptent plus. L'open door, méthode venue de l'étranger et qu'on a

voulu faire adopter chez nous sans vouloir comprendre, ainsi qu'il

l'a très bien démontré dans un autre ordre d'idées, que ce qui peut

se faire-dans une nation peut très bien être impraticable chez le

voisin, ne pouvait que donner une recrudescence à cette tendance

fâéheuse, qui semble s'implanter chez nous et qui consiste à don-

ner le monopole de l'esprit d'initiative~et de progrès à l'étranger.

Certes nous sommes loin de dédaigner les leçons que nous pou-

vons puiser chez nos voisins d'Outre-Rhin, nous sommes les pre-

miers à reconnaître qu'ils pratiquent mieux que nous certains

côtés de l'assistance des aliénés, mais nous voyons avec peine la

campagne entreprise contre nos asiles qualifiés d'asiles casernes

72 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qu'il faut balayer, contre les architectes français qu'on déclare

atteints de micronéisme, sinon d'incapacité, contre les médecins

réfractaires à certaines idées et classés, avec une désinvolture sans

pareille, parmi les imbéciles, les envieux et les méchants.

M. TAQUET reproche à M. Febvré d'avoir dit que M. Marandon de

Montyel préconisait une méthode nouvelle, alors qu'il n'a fait que

suivre des errements très usités en province et dans d'autres ser-

vices des asiles de la Seine.

M. ARNAUD demande s'il existe réellement, ainsi qu'on voudrait

le laisser croire, des asiles sans serrures, ni portes, ni murs.

M. Sérieux. Ce système fonctionne réellement en Ecosse,

mais il faut ajouter qu'il, ne s'applique qu'à une catégorie déter-

minée de malades. '

M. AsaAOU. - Alors ce n'est plus une innovation, car les choses

se passent ainsi dans les établissements désignés, par M. Maran-

don, sous,le nom d'asiles casernes, où certains aliénés jouissent de

la plus grande liberté.

M. Pactet a visité en Danemark un asile sans concierge.

. Séance du 3 mui 1897. Présidence de M. GARNIER,

Prix Esquirol. Le prix Esquirol, d'après les conclusions de

M. SÉGLAS, rapporteur de la Commission, est décerné à MM. Battier

et Lelong. Une mention honorable est accordée à MM. Cololian et

Manheimer.

Prix Moreau (de Tours). - Conformément aux conclusions durap-

porteur M. PacTET, le prix est accordé à E. Rieder. Une première

mention honorable est décernée à M. Massary et une seconde

mention à MM. Coulomb et Lemesle.

Prix Belhomme. Le prix Belhomme est partagé de la manière

suivante : 400 francs sont remis à M. Bonnet et 200 à M. Maupaté

(1L' Br.rrr, rapporteur).

Eloge de Calmît. M. le Secrétaire général emploie le reste de

la séance en faisant revivre pendant quelques instants la grande

figure de Calmeil, dont il prononce un magnifique éloge.

' MARCEL IRL4nT.

SOCIETES SAVANTES. 1a J

SOCIÉTÉ DE \HURO1'ATIIOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 12 avril 1896.

M. le professeur KOJEVNIKOFF. De la paralysie asthénique bulbaire

(avec démonstration d'une malade).

Observation 1. Un distillateur (d'eau-de-vie), agé de cinquante

sept ans, se portant jusque là très bien, après un refroidissement

le 12 avril de l'année 1893, remarqua le jour même l'affaiblisse-

ment du mouvement des lèvres (il pouvait à peine souffler une

bougie), après quoi se développa progressivement un sentiment de

contraction des muscles de la face, une faiblesse de paupières,

lorsqu'il fermait les yeux, une voix nasillarde, une difficulté de la

mastication et plus tard une difficulté de déglutition ; le 28 juillet

de l'année 1893, à l'entré du malade à la clinique des maladies

nerveuses, on constata : un abaissement de la paupière supérieure

gauche, un affaiblissement de tous les rameaux, surtout des

rameaux inférieurs, du nerf facial ; de temps en temps le malade

se plaignait d'une diplopie, d'une fatigue des muscles masticateurs

de la langue et du palais mou, d'une difficulté de déglutitiou,

d'expectoration et de respiration ; la voix du malade était très

faible, la parole privée de son indistincte ; on remarquait aussi un

amaigrissement des muscles de la face, mais sans changement

d'électro-sensibilité et un léger affaiblissement des muscles posté-

rieurs du cou ; mais pas d'affaiblissement dans les membres. Dans

une semaine, la santé du malade s'améliora graduellement. Le

28 septembre le malade quitta la clinique et revint à ses occu-

pations habituelles; mais le 27 janvier de l'année 1894 il entra de

nouveau à la même clinique dans un état encore plus grave et

pour cette fois tous les phénomènes morbides s'étaient développés

de nouveau dans le même ordre. L'examen donna les faits suivants

une impossibilité de déglutition, une voix tout à fait privée de son,

un abaissement des paupières, un rétrécissement des pupilles (la

pupille droite plus large), un affaiblissement de la mimique de la

face, une faiblesse du muscle droit interne, la mâchoire inférieure

pendante, une impossibilité de mastication; après qu'on avait

nourri le malade avec une sonde, une amélioration de tous les

phénomènes s'était manifestée, mais cette amélioration survint

beaucoup plus lentement que la première fois ; ds sorte que ce ne

74 SOCIÉTÉS SAVANTES.

fut que le 4 octobre 1894, que le malade quitta la clinique.

pour reprendre ses occupations. Au mois d'octobre de 1895 le

malade mourut subitement d'une pneumonie d'origine grippale

(paralysie de respiration ? ).

La nutrition avec une sonde demande beaucoup de précautions

remarqua l'auteur, car il y avait un cas, chez le professeur Op-

penheim, où un malade mourut subitement d'asphyxie pendant la

séance de nutrition artificielle.

Observation. II. La malade est une demoiselle de dix-sept

ans, fille d'un marchand (le frère souffre d'asthme). Les règles

parurent à douze ans ; jusqu'à onze ans elle jouissait d'une bonne

santé. Au printerups de l'année 1889 elle ressentit une faiblesse

générale et une somnolence, mais tout cela disparut en été ; au

mois de septembre les mêmes symptômes se renouvelèrent et plus

tard il s'ajouta une certaine fatigue ; pendant la conversation, sa

voix s'affaiblissait et devenait nasillarde. Au mois de février parut

une faiblesse des lèvres et tout ces symptômes se prolongèrent

pendant plusieurs années avec certaines oscillations, mais du mois

d'avril de l'année 1894 sa parole devint encore plus embarrassée,

la mimique de la face s'affaiblit d'avantage et elle ressentit une

difficulté de déglutition ; en été la malade se portait mieux ; mais

du mois de septembre la maladie empira de nouveau ; on remar-

qua un abaissement de la paupière gauche, une atrophie symé-

trique légère de la langue, une immobilité du palais mou, une

faiblesse des muscles de l'épaule et du bassin ; en suite en été de

l'année 1895 on observa une perte du goût, parfois une diplopie ;

au mois de septembre sa parole devint encore plus embarrassée et

la faiblesse des membres augmenta ; le strabisme interne parut,

la malade ne pouvait pas tenir sa tête droite et l'abaissait en avant

Après que la malade a eu une infection grippale (en octobre), on

remarqua une impossibilité de déglutition, un abaissement de la

lèvre inférieure et une perte complète de la voix. Le 4 octobre de

l'année 1894, lorsque la malade fut placée à la clinique des mala-

dies nerveuses, outre les phénomènes déjà décrits, on constata les

faits suivants : l'oeil gauche est dévié en dedans et ne peut se

mouvoir en dehors ; la pupille droite est plus large que la gauche ;

les paupières ne se ferment pas complètement ; la mastication se

fait avec difficulté. Une assez grande atrophie de la langue, plus

marquée du côté droit ; le réflexe pharyngien existe ; les muscles

postérieurs du cou sont affaiblis; on constate dans les muscles de

la face un abaissement quantitatif de la sensibilité électrique; le

rétlexe du palais mou manque; la langue présente une réaction

partielle de dégénérescence ; la quantité d'urine atteint 300

à 400 centimètres cubes par vingt-quatre heures, elle contient

presque 2 p. 100 de sucre. Uu côté des yeux (l'examen a eu lieu à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 75

la clinique des maladies des yeux), on constate une faiblesse et un

épuisement très prompt du muscle orbiculaire de l'élévateur et des

droits externes, ainsi qu'un affaiblissement passager du constric-

teur de la pupille et du muscle ciliaire, plus loin (ce qui surtout

est marqué par l'auteur comme un phénomène non décrit encore),

outre une certaine faiblesse continuelle, un épuisement passager

et de peu de durée du nerf optique, cet épuisement s'exprime dans

une modification de l'acuité de lavue et encore dans un rétrécisse-

ment très prononcé du champ visuel.

Le goût est affaibli ; la malade ne peut distinguer que le goût

salé. Pendant le séjour de la malade à la clinique, il y avait une

oscillation continuelle de tous les symptômes susnommés; il est à

noter encore, que tous ces phénomènes étaient moins accentués le

matin après le repos, mais toute fatigue quoique légère les

augmentaient.

M. le professeur RoTH ayant examiné le système musculaire de

la malade, constata, à l'aide des courbes, une lassitude très prompte

des muscles tétanisés par le courant faradique. La nuit du vingt-

six octobre la malade eut pendant le sommeil un accès très fort

d'asthme et resta pendant trois heures sans connaissance. Le

même phénomène, se répéta encore cinq fois, mais à un degré

moins fort. Ce qui concerne les oscillations des phénomènes mor-

bides du côté de la mastication, de la déglutition et du côté des

membres on put observer que ces phénomènes étaient devenus

moins graves et avaient une inclination a s'améliorer. Le sucre

disparut totalement de l'urine après un mois.

Le cas donné, d'après l'auteur, présente un tableau clinique

très compliqué et de certaines particularités, qui le distinguent des

cas de paralysies asthéniques, décrites déjà auparavant. 1° on y

trouve des changements assez marqués de la sensibilité, à savoir :

du goût et de la vue. Ces changements, sont exprimés parle même

épuisement de la force nerveuse ; cet épuisement est un symptôme

le plus caractéristique de la paralysie bulbaire asthénique en géné-

ral ; les changements des muscles internes des yeux, qui n'ont pas

encore été jusqu'à présent constatés, présentent eux aussi une

manifestation de la fatigue musculaire générale; 2° l'atrophie

dégénérative des muscles de la langue et du palais mou est une

seconde particularité du cas décrit. Cette atrophie qui restait sta-

tionnaire pendant le séjour de la malade à la clinique, les jours

derniers commença à diminuer et au lieu du côté droit devient

plus prononcée du côté gauche; conformément à cela la langue

se dévia du même côté, tout le reste des symptômes et le cours de

la maladie apparaissent dans le cas cité, d'après l'auteur, très

caractéristiques pour la paralysie bulbaire asthénique, ce qui

donne à l'auteur le droit de les unir aux cas peu nombreux de

cette maladie, qui ont été décrits jusqu'à ce temps.

76 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. H.osOLIMO suppose, que l'emploi de certains moyens pharma-

cologiques aurait pu, peut-être contribuer à l'éclaircissement de

l'endroit et du caractère des changements morbides dans le cas en

question.

M. KORNILOFF hésite à rapporter totalement ce cas à la catégorie

de la paralysie asthénique, vu qu'il existe ici une réaction de dégé-

nérescence des muscles de la langue.

M. JAKovENKO trouve qu'il serait plus juste de donner dans ce

cas à la maladie en question, le nom de paralysie asthénique

générale et non bulbaire, vu la variété et l'étendue des symptômes

morbides.

M. le professeur RoTH partage l'avis du rapporteur et pense que

l'atrophie désignée plus haut, fait ce cas très précieux ; il admet

que dans certains cas de paralysie asthénique des degrés différents

de lésion des centres nerveux sont possibles et que l'atrophie peut

se manifester même, par les signes de dégénérescence.

M. le professeur RoTH. - Un cas très rare de développement d'iinner-

vation musculaire volontaire (avec démonstration). Le rappor-

teur présente à la société un certain M. Eguier, français de qua-

rante ans, qui s'est montré dans plusieurs villes sous le nom ne

* squelette vivant ». Cet individu tantôt en contractant certains

muscles, tantôt en les affaiblissant au maximum, tantôt en em-

ployant l'un et l'autre procédé en même temps dans différents

muscles et même dans ceux qui ordinairement ne se laissent pas con-

tracter isolément peut faire apparaitre les phénomènes suivants :

1° il peut à son gré provoquer une catalepsie de la partie inférieure

du corps ; pendant cette manipulation on remarque, que la con-

traction volontaire des muscles passe bientôt en convulsions

involontaires de ces mêmes muscles ; 2° les omoplates alaires

semblables à ce qu'on observe pendant l'atrophie musculaire

ou pendant la paralysie du grand dentelé antérieur (tension de

tous les muscles de l'épaule et l'omoplate et même des rhom-

boïdes et l'affaiblissement du trapèze et du grand dentelé anté-

rieur) ; 3° la' contraction unilatérale et bilatérale du peaucier du

cou est très développée; 4° « l'homme squelette, » ce phénomène

s'exprime par cela, que M. Eguier, en se courbant préalablement

fait paraître, une contraction des muscles abdominaux et repousse

son intestin en haut; puis, en se redressant, il fait un mouvement

respiratoire très fort, ayant la fente laryngienne fermée et le

diaphragme dans un état d'affaiblissement; alors les entrailles

paraissent aspirées dans la cavité thoracique et le mur abdominal

se trouve comme serré par la pression de l'air contre la colonne

vertébrale ; 5° « le cadavre » (l'homme mort) présente une telle

attitude, lorsque les parties latérales du mur abdominal antérieur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 77 \

sont enfoncées jusqu'à l'atouchement du mur abdominal posté-

rieur ; alors les muscles abdominaux droits sont tendus au plus

haut degré; M. Eguier peut faire aussi une contraction partielle

de ces muscles; tantôt de leur portion supérieure, tantôt de leur

portion inférieure, et replacer ses entrailles conformément à cela

de manière, que cela paraît qu'un grand globe se roule du haut

en bas sous le mur abdominal.

M. EGUIER montre encore l'arrêt du coeur et du pouls, pour

faire cela, il tend tous les muscles de son corps arrête la respiration

pour quinze à vingt secondes; le pouls en ce temps semble dispa-

raître, grâce à la tension très forte des muscles, qui empêche de

palper l'artère. L'examen sphygmographique est aussi impossible;

les tons du coeur sont absorbés par les bruits musculaires et on ne

les entend même pas dans la région du sternum; le plétysmo-

graphe ne démontre pas les ondes ni du pouls, ni de la respira-

tion, qui sont remplacées par des mouvements oscillatoires très

faibles de trois à six par seconde; on observe la même chose à

l'examen du grand abdominal droit et à la tension isolée d'un des

membres supérieurs. Le myographe démontre aussi un tremble-

ment à la contraction volontaire du biceps. Lorsque l'expérience

est achevée les contractions cardiaques deviennent très accé -

lérées.

La capacité extraordinaire de la contraction volontaire des

muscles isolés (du fléchisseur commun des doigts et du peaucier

du cou, qni d'ordinaire ne peuvent se contracter qu'ensemble

avec les autres, se rencontre assez souvent; l'impulsion volontaire

paraît se diriger de l'écorce cérébrale tout droit vers le muscle

donné indépendamment de la représentation du mouvement cor-

respondant, qu'il éveille; le rapporteur doute que cette capacité

dépende de l'atavisme, ou d'une anomalie de la structure anato-

mique ; d'après son avis il y a dans le cerveau des voies qui unis-

sent l'écorce cérébrale avec des muscles isolés; mais ces voies ne

sont pas encore bien tendues, et ce n'est qu'à certaines conditions,

que les impulsions volontaires peuvent parvenir jusqu'à eux, et

alors l'exercice contribue encore à les faire plus praticables. En

admettant cette explication nous pouvons comprendre, selon l'au-

teur, la possibilité de l'apparition des paralysies hystériques et des

contractures dans de tels muscles dont la lésion n'a pas encore été

décrite.

Ont pris part aux discussions : MM. Fokarsky, Korniloll', Mou-

ratuff, Schataloff, et le professeur Kojevnikoff.

Séance du 10 mai 1896.

I. M. Mouratoff. Paralysie cérébrale bilatérale congénitale, comme

entité clinique. Le rapporteur a observé douze cas de maladie

78 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de Little, dont deux finirent par la mort. L'autopsie démontra des

traces d'hémorrhagies sous-méningiennes. Aux symptômes prin-

cipaux de cette affection l'auteur rapporte : 1° la paralysie spasmo-

dique des membres inférieurs présentant tous les degrés de la

transformation en paraplégie complète; 2° le début congénital de

la maladie ; 3° l'affaiblissement des symptômes morbides dans le

cours de l'affection.

Aux symptômes accessoires se rapportent : 1) les troubles psychi-

ques ; 2) les mouvements impulsifs; 3) l'atrophie musculaire, et 4)

le nystagmus. Le traitement est pareil à celui qu'on pratique dans

toutes les inflammations chroniques du cerveau. Remarques de

M. le professeur Kojewnikoff.

II. M. ORLOVSKY. Un cas de gomme syphilitique de la moelle épi-

nière. Le malade, âgé de quarante-neuf ans, contracta la spyhilis

en 1887 et subit un traitement très énergique. En 1892, il eut une

gomme à la langue. En octobre de l'année 1894 parut une névralgie

intercostale du coté droit; la même chose se répéta au mois de

février de l'année 1895, mais avec parésie des membres inférieurs,

anesthésie des plantes et impotence.

Depuis le 17 septembre de l'année 1895 on observa un aggrave-

ment très marqué des phénomènes de parésie.

État actuel au 21 septembre de l'année 489 ? OEdème des mem-

bres inférieurs, paraplégie inférieure spasmodique; spasme des

muscles abdominaux obliques, atrophie partielle des membres

inférieurs avec diminution de l'excitabilité électrique, exagération

des réflexes, diminution de la sensibilité dans les memhres infé-

rieurs, surtout du côté gauche, une ceinture d'hyperesthésie au

niveau de la moité inférieure du thorax, incontinence de l'urine et

des masses fécales, impotence complète. Le malade mourut subi-

tement.

Autopsie. A la hauteur des cinquième et huitième vertèbres

dorsales on trouva deux gommes : la première, dans la dure-mère

et la seconde enfoncée dans la substance de la moelle épinière, qui

était fortement comprimée, et déformée; la structure histologique

des tumeurs est typique quant aux méninges et aux vaisseaux des

régions voisines de la moelle épinière, ils présentent aussi des alté-

rations spécifiques. La dégénérescence descendante et ascendante

est peu marquée. Discussion par MM. Minor et Mouratoff.

Séance du 20 septembre 1896.

I. Mouravieff. Un cas d'encéphalite hémorragique Aiguë. Il

s'agit d'une femme comparativement bien portante, âgée de qua-

rante-six ans; pas de phtisie ni d'alcoolisme dans son anamnèse ;

quinze jours après une infection de nature grippale se développa

SOCIÉTÉS SAVANTES. 79

brusquement un accès épileptiforme, qui débuta par des tiraille-

ments et des maux au membre supérieur gauche. L'accès se répéta

encore une fois, mais à un degré moins fort. Comme suite de ces

accès la malade eut une liémiparésie gauche, surtout du membre

supérieur. Six semaines après le premier accès, elle fut placée à la

clinique de M. le privat-docent, G. Rossolimo et le jour même de

son entrée il se déclara une dischromatopsie et un affaiblissement

de la vue

Le dixième jour la santé de la malade empira subitement;

l'accès épileptiforme survint de nouveau. Le lendemain matin, on

nota une dépression de conscience considérable, une ptose mé-

diocre du côté droit et une certaine déviation de l'oeil droit en

dehors. Dans quelques jours on constata une amaurose bilatérale

et une immobilité presque complète de l'oeil droit ; concernant

l'oeil gauche on observe un élargissement de la pupille et un affai-

blissement de la réaction à la lumière. Durant toute la maladie la

température resta normale. Dans deux semaines la malade mou-

rut.

Autopsie : Il tumeur cérébrale sarcomateuse dans le milieu

des circonvolutions centrales du côté droit; 2° une dégénérescence

considérable des racines postérieures dans la moelle épinière, plus

marquée surtout dans les régions dorsales et cervicales ; une alté-

ration dans les parties internes des faisceaux de Goll et dans la

zone radiculaire des colonnes postérieures ; 3° un procès inflam-

matoire aigu à caractère hémorragique dans la région de la protu-

bérance et des pédoncules cérébraux, qui se localisait principale-

ment, mais non exclusivement, dans la substance grise, qui entoure

la cavité centrale. Outre cela de petites hémorragies dans la

couche optique elle corps géniculé interne.

D'après l'avis du rapporteur, il s'agit d'un cas de poliencépha-

lite hémorragique aiguë supérieure de Wernicke, quoiqu'on y

peut encore noter des traits, qui le rapprochent, sous certains rap-

ports, d'une forme d'encéphalite hémorragique aiguë, décrite par

Strumpell.

D'ici surgit la question, a-t-on le droit de séparer l'une de l'autre

ces formes morbides ; il se peut que la poliencéphalite supérieure

de Wernicke ne soit qu'une forme, décrite par St1'umpell, mais se

modifiant dans les pédoncules cérébraux et dans le pont de Varole,

à cause des particularités locales, du mécanisme anatomique vas-

culaire dans ces régions. En outre ce cas confirme l'opinion que le

même cas peut provoquer des procès morbides en même temps

dans différentes régions du système nerveux, et prouvent la possi-

bilité de coexistence des phénomènes inflammatoires et dégéné-

ratifs.

Le second cas, pris de la clientèle privée de M. Rossolimo, concerne

80 SOCIÉTÉS SAVANTES

un employé âgé de quarante-six ans. L'anamnèse démontre l'héré-

dité neuropathique, la syphilis et l'alcoolisme. Chez ce malade se

développèrent très rapidement des troubles moteurs du côté des

yeux : un ptosis médiocre bilatérale, certaine différence des pupilles

et principalement un dérangement des mouvements associés des

yeux de tous les deux côtés, mais [sans paralysie des muscles isolés

de l'appareil ocu ! o-moleur. A tout cela s'ajoutèrent encore les

symptômes suivants : un trouble mental manifesté par une forme

d'amnésie très marquée, une paramnésie et une polynévrite aiguë

dans les membres et dans le corps, avec phénomènes paraly-

tiques. Les troubles oculo-moteurs disparurent assez vite, de sorte

que dans un mois il ne resta qu'une différence des pupilles. Quant

à l'amnésie et aux paralysies, ces phénomènes disparaissaient bien

plus lentement. Plus tard, rétablissement des mouvements et amé-

lioration des facultés psychiques.

Les phénomènes oculo-moteurs dans ce cas sont sans doute d'une

origine centrale ; il est vraisemblable, que nous avons eu ici affaire

à une poli-encéphalite aiguë hémorragique supérieure de Wer-

nicke, compliquée par une polynévrite et par une psychose polyné-

vritique (de M. Korsakoff).

Discussioa.-11. Rossolimo indique que d'après ses observations

dans les cas d'encéphalite hémorragique aiguë circonscrite, on

peut trouver des globules granuleux non seulement auprès du foyer

morbide, mais encore dans différentes autres régions du système

nerveux central.

M. `ŸEIDENH11)1GR trouve possible, que la dégénérescence des

racines dépende de la présence d'une tumeur dans le cerveau, à

quoi M. Mouravieff répond qu'il n'existe en faveur de cette opi-

nion ni preuves théoriques, ni faits.

M. Mooratoff trouve possible d'admettre dans le premier cas,

l'existence des hémorragies, comme suite de l'accès épileptique.

M. Mouravieff et M. le professeur RoTH ne pouvaient accepter

cette opinion : 1° à cause du développement non momentané de la

maladie; 2" à cause de la localisation symétrique et élective du

procès morbide (presque exclusivement dans la substance grise), et

3° à cause du tableau histologique. Aux débats prirent part encore

M. MINOR, M. PosrowsgY et M. le professeur 110JE\'NIHOFF.

II. M. Mouratoff. Des accès convulsifs corticaux de longue durée

dans laparalysie générale. L'auteur décrit deux cas. de convul-

sions cloniques continuelles d'un côté pendant les intervalles entre

les accès épileptiformes chez des paralytiques. Premier cas, hémi-

plégie et aphasie, accès épileptiformes à type cortical : convul-

sions cloniques incessantes dans la moitié droite du corps. Sensi-

bilité normale. Démence.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 81

Autopsie. Périencéphalite diffuse chronique, surtout dans l'hémis-

phère gauche ; lésions très profondes inflammatoires et dégénéra-

tives dans les circonvolutions centrales; lésion des fibres arciformes,

de fibres de projection ainsi que des fibres tangentielles superfi-

cielles.

Deuxième malade. Accès épileptoïdes, accès apoplectiformes avec

hémiplégie gauche, affaiblissement de sensibilité générale, sur-

tout de la sensibilité musculaire. Démence avec délire de gran-

deur. Convulsions cloniques continuelles dans tous les muscles du

côté droit.

L'autopsie donna les mêmes résultats que dans le premier cas :

en outre des dégénérescences descendantes secondaires, dans la

moelle épinière et une névrite parenchymateuse des nerfs médian

et cubital. L'auteur rapporte les hyperkinésies classiques de ces

deux cas au groupe des mouvements choréïformes, et athétoïdes,

qui ont été décrits par d'autres auteurs chez les paralytiques, mais

ces convulsions sont rythmiques; et cette dernière particularité,

tout aussi bien que la possibilité de leur origine corticale, les

rapprochent des cas d'épilepsie partielle continue décrite par l'

M. le professeur Kojewnikoff. L'auteur signale les convulsions

cloniques incessantes chez les paralytiques aux symptômes très

graves.

Discussions. M. le professeur KOJEWNIKOFF remarque que la

principale particularité de la forme nosologique, décrite par lui,

consiste en une connexion intime des convulsions continuelles avec

les accès épileptiques, ce qui n'existe dans le syndrome qui vient

d'être décrit.

M. KORNILOFP exprime un doute concernant les résultats de l'exa-

men de la sensibilité générale, surtout de la sensibilité musculaire

chez des paralytiques avec démence profonde. '

M. le professeur KOVALEVSKY (de Varsovie) mentionne plu-

sieurs cas semblables de sa pratique, mais qui ne donnent pas le

droit pourtant de considérer les phénomènes, décrits par l'auteur,

comme des symptômes peu favorables au sujet du pronostic. A la

discussion a pris part M. Rossolimo.

G. RossoLmo, N. SCIIATALOFF, A. FOKARSKY.

Archives, 2e série, t. IV. 6

BIBLIOGRAPHIE.

I. Clinique des maladies du système nerveux (2° série); par le

professeur RAYMOND (1897. 0. Doirr, éditeur).

Fidèle à la tâche utile qu'il s'est imposée, le professeur Raymond

livre au public médical les leçons si remarquables qu'il a faites pen-

dant l'année scolaire 1895-1896. Suivant la méthode si fructueuse

de son maître Charcot, M. Raymond part de cas cliniques, rappro-

chés et discutés, pour établir l'état actuel de diverses questions de

la'neuropathologie et donner son avis personnel sur ces questions.

L'ouvrage débute par une étude très remarquable des polyné-

vrites. Chacun sait l'histoire de cette affection, niée par les uns, et

vaillamment soutenue par d'autres auteurs. L'étude de l'histologie

fine de la cellule nerveuse, les recherches expérimentales mon-

trant que la lésion d'un nerf retentit sur la cellule nerveuse d'ori-

gine, ont changé singulièrement la face de cette question. A propos

d'un fait clinique des plus intéressants (pendant une première

période le malade semble atteint d'une paralysie ascendante aiguë

de Landry, tandis que la seconde prit l'aspect de la polynévrite à

forme de poliomyélite antérieure), M. le professeur Raymond éta-

blit qu'au point de vue anatomo-pathologique dans la « paralysie

ascendante aiguë de Landry, dans la poliomyélite antérieure aiguë

et dans la polynévrite motrice, c'est toujours le même organe qui

est touché; toutes trois sont des affections du neurone moteur péri-

phérique. Si sur le terrain clinique il y a intérêt pratique à distin-

guer ces maladies l'une de l'autre, si le diagnostic différentiel est

faisable dans bien des cas, sur le terrain de l'anatomie patholo-

gique, il est irrationnel d'opposer la polynévrite motrice à la

poliomyélite antérieure ».

L'importance des polynévrites se fait de jour en jour plus grande

et le rôle que jouent dans leur développement les intoxications et

les infections est considérable. Le professeur Raymond étudie

d'abord un cas clinique de polynévrite sulfocarbonée, les para-

lysies diphtériques, des observations de polynévrite paludéennes,

de polynévrite tuberculeuse, de polynévrite alcoolique (celle-ci

s'accompagnant très souvent de troubles de l'intelligence et revê-

tant les formes cliniques variés de poliomyélite antérieure, de

pseudo-tabes, de prédominance des troubles sensitifs, de paralysie

générale), de paralysies arsénicales, de paralysies et névrites typhi-

ques (celles-ci sont essentiellement douloureuses).

BIBLIOGRAPHIE su

Quelle que soit la variété de polynévrite en face de laquelle on

se trouve, la lésion sera toujours la même; altération du neurone

moteur périphérique. Suivant l'intensité d'action de la cause

morbide, suivant la durée de son action, le prolongement cylindre-

axile seul, le corps cellulaire seul, ou tout le neurone seront tou-

chés. Au point de vue histologique, la poliomyélite antérieure se

trouve donc très rapprochée de la polynévrite; cependant pour le

clinicien il importe de savoir différencier nettement l'une de

l'autre, car avec le diagnostic varie le pronostic. Toutes ces

polynévrites se rapprochent encore l'une de l'autre par leur étio-

logie. Toutes relèvent de l'intoxication, qu'il s'agisse d'une intoxi-

cation exogène ou d'une auto-intoxication, ou d'une infection.

Mais c'est la prédisposition nerveuse qui entraîne la localisation de

l'agent toxique sur le système nerveux. De cette étiologie découle

le traitement. La prophylaxie joue le rôle principal. En face de

la maladie déclarée, il faut enlever les douleurs, lutter contre l'in-

somnie et surveiller les troubles ano-rectaux; on activera la nutri-

tion des nerfs et des muscles, et on ne négligera pas d'agir sur le

malade par un véritable traitement psychique. Cette analyse

montre l'importance de cette étude d'ensemble et la valeur consi-

derable des renseignements qu'elle contient.

La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à l'analyse de faits

cliniques isolés. La XIX" leçon est consacrée à une paralysie radi-

culaire motrice du plexus brachial droit, et qui réalise l'association

d'une paralysie radiculaire complète du type Erb, et d'une para-

lysie radiculaire inférieure incomplète, avec paralysie associée du

sous-épineux et du grand dentelé. La lésion intéresse donc toutes

les racines du plexus : les deux premières, cinquième et sixième

cervicales, dans une mesure prépondérante, d'une façon complète,

les trois dernières, septième et huitième cervicales, et première

dorsale dans une moindre mesure, d'une façon incomplète. En

outre les racines sont intéressées tout près de leur émergence, car

il existe du myosis et les troubles sensitifs manquent.

Dans la leçon suivante, le professeur Raymond revient en détail

sur le diagnostic différentiel de la poliomyélite antérieure aiguë

de l'adulte et de la polynévrite systématisée motrice. Cliniquement

le diagnostic est possible, et il est très important à établir puisqu'il

règle le pronostic.

La XXI0 leçon apporte une nouvelle observation de polyomyélite

antérieure chronique. D'accord avec Strumpell, Oppenheim,

Dejerine, Darchkewitch et J. Charcot, le professeur Raymond sou-

tient l'existence et l'autonomie de cette affection dont il présente

une autopsie confirmative.

Un enfant, venu au munde en état d'asphyxie apparente, a pré-

senté d'abord de la paralysie flasque du membre supérieur droit

avec arrêt de développement du membre, atrophie musculaire,

84 BIBLIOGRAPHIE

troubles vaso-moteurs, mais sans troubles de la sensibilité. Les

membres inférieurs présentent des manifestations spasmodiques.

11 n'existe pas de trace de troubles cérébraux. Le professeur admet

avec réserve l'existence d'une hématomyélie du renflement cer-

vical.

La syphilis héréditaire peut frapper la moelle. Un enfant, dont

le père et la mère sont atteints de syphilis cérébrale, présente une

monoplégie brachiale avec atrophie, ayant débuté brusquement

vers l'âge de huit ans. Il s'agit ici d'une manifestation tardive de

l'hérédo-syphilis et d'une manifestation spinale.

La syringomyélie à forme anormale n'est pas rare, et son impor-

tance est capitale à bien connaître. Le professeur Raymond expose

d'abord l'histoire d'une malade atteinte d'anesthésie totale, que

l'anamnèse permet de rattacher à une syringomyélie; puis deux

leçons sont consacrées à la discussion d'une malade dont l'affec-

tion peut relever d'une syringomyélie atypique à prédominance

bulbaire, ou d'une sclérose en plaques. '

L'évolution générale du tabes fait le sujet de la 1XVI1° leçon.

Faisant oeuvre de clinicien, le professeur Raymond insiste sur les

grandes lignes de l'affection, les signes cardinaux qui ne man-

quent pour ainsi dire jamais et imposent le diagnostic. Au pronostic

fatal de la maladie, le traitement symptomatique de Froeiilzel est

venu apporter une atténuation. Cette méthode de rééducation des

mouvements a donné à son auteur des résultats très satisfaisants.

A la clinique de la Salpêtrière ce traitement a été systématique-

ment institué. Dans un cas le traitement a été suivi de la dispari-

tion presque complète des troubles du mouvement et de la sta-

tique ; les troubles de la sensibilité articulaire et de la sensibilité

musculaire ont diminué proportionnellement. Dans un second cas,

l'amélioration a porté sur les mêmes symptômes, mais elle a été

moins franche; aussi dans un troisième; dans un quatrième les

troubles moteurs seuls ont été atténués. La méthode n'influence

donc surtout que l'incoordination motrice ; malheureusement elle

présente des contre-indications (tabes aigu, fracture, arthropa-

thie, etc.). Cette méthode montre que la théorie qui fait dépendre

l'ataxie tabétique des troubles de la sensibilité superficielle et pro-

fonde n'est plus soutenable. La coordination est une fonction

encéphalique; et l'élément psychique joue un grand rôle dans la

symptomatologie de l'ataxie.

La production d'une paralysie alterne d'origine embolique est

fort rare. Le professeur Raymond en publie une observation

très intéressante. Cette observation est en outre remarquable par

la présence d'une hémianesthésie croisée. L'histoire de la paralysie

alterne est complétée par l'étude d'un cas remarquable d'hémi-

plégie alterne sensitive due à une tumeur cérébrale dont les

exemples sont extrêmement rares. Les lésions hulho - p rotubéran-

BIBLIOGRAPHIE 85

tielles peuvent donner naissance à des formes extraordinaires,

mais qu'explique l'anatomie topographique de la région. C'est

ainsi que le professeur Raymond a pu montrer à ses élèves, une

paralysie alterne limitée à la face. A droite il existe une paralysie

de la troisième paire avec parésie de la sixième paire; à gauche

une parésie faciale limitée au facial inférieur. Dans toutes ces

variétés de paralysie alterne on peut localiser rigoureusement les

lésions.

Dans les tumeurs cérébrales, une grande partie de la symptoma-

tologie relève des phénomènes de compression. De là l'idée d'éli-

miner cet élément pathopénique par la ponction lombaire ou la

ponction des ventricules. Mais jusqu'à présent ces tentatives opéra-

toires ne semblent avoir donné que des résultats passagers et très

minimes.

Les deux dernières leçons sont consacrées à l'étude de troubles

psychiques. Une extatique est atteinte de contracture systématique

en rapport avec l'idée de crucifixion. Les troubles psychopa-

thiques de la miction sont plus fréquents qu'il ne semblerait au

premier abord. Dans le cas actuel, il s'agit d'une forme rare, une

aboulie systématisée de la miction, une timidité urinaire, si bien

que le malade ne peut plus uriner qu'avec l'aide de la sonde.

Tous ces phénomènes s'expliquent facilement avec nos concep-

tions actuelles de la psychopathologie.

Cette analyse ne donne qu'une idée très imparfaite de cette

oeuvre remarquable, qui ne peut que perdre dans un résumé quelque

consciencieux qu'il soit. Complétant l'oeuvre de l'année précédente

qu'elle continue, elle est digne du maître qui l'a produite et fait le

plus grand honneur à la neuropathologie française.

Ch. Muullié.

II. Main succulente et atrophie musculaire ; par G. AInawESCO. Thèse

de Paris, 1897.

Ce travail se compose de deux parties : dans la première l'au-

teur se propose de montrer qu'il existe dans la syringomyélie des

troubles trophiques, vaso-moteurs et cutanés à caractères particu-

liers ; dans la deuxième l'auteur étudie la topographie de l'atrophie

musculaire de la syringomyélie.

Le plus intéressant des troubles trophiques est celui de la main

à laquelle l'auteur donne le nom de la « main succulente». La

main succulente doit être classée dans le groupe Duchenne ; c'est

une main tuméfiée, sans qu'il s'agisse pourtant d'un véritable

oedème, car la pression digitale ne laisse pas de godets, celte

tuméfaction est tantôt généralisée sur toute la face dorsale de la

main, tantôt n'occupe que sa partie inférieure ; de même le degré

86 BIBLIOGRAPHIE.

de la tuméfaction est très variable en passant par tous les inter-

médiaires entre une vrai tuméfaction et un faible empâtement,

donnant à la main l'aspect lourd. Tous les accidents de la face

dorsale disparaissent sous cet empâtement uniforme : plus de

cordes tendineuses, plus de saillies ni d'enfoncements ; les veines

elles-mêmes paraissent comme voilées ; l'impression que produit

cette main empâtée, potelée, est celle d'une main sans force, sans

énergie.

La couleur de la peau varie avec la température du milieu

ambiant; pendant l'hiver elle donne à la main l'aspect d'une main

gelée. Chez une de ses malades l'auteur a vu se produire de véri-

tables crises de cyanose. Les doigts de la main succulente sont

fusiformes, la peau qui les recouvre est lisse et luisante; il n'y apas

de lésion osseuse, mais chez trois de ses malades M. Marinesco a

vu un relâchement des ligaments, ce qui suffit pour expliquer la

déformation des doigts chez ces malades

Dans la première observation ayant trait à un malade célèbre

vu par Ricord, Lisfranc, Duchenne et Aran, l'auteur a pu déceler,

à l'aide des rayons Rontgen une fracture spontanée du cubitus

droit au niveau de son tiers supérieur; cette fracture a été prise

antérieurement pour une hyperosto<e.

L'atrophie musculaire de la syringomyélie revêt trois types :

1° type Aran-Duchenne, type ascendant; 2° type scapulo-hnméral

ou descendant; 3° type diffus.

Le premier est le plus fréquent ; généralement les extenseurs

des doigts, du poignet, de l'avant-bras, et même du bras sont

épargnés par l'atrophie. Cette topographie de l'atrophie musculaire

permet à l'auteur de résoudre certains problèmes de la localisa-

tion dans la moelle épinière; ainsi l'auteur conclut de ses recherches

que les muscles fléchisseurs d'un segment donné des membres

supérieurs siègent plus bas que les muscles extenseurs pour le

même segment. La gliose dans sa marche ascendante atteint en

premier lieu les fléchisseurs, et c'est grâce à l'immunité relative

des extenseurs qu'on peut s'expliquer pourquoi dans la syringo-

myélie la « main de prédicateur » est assez fréquente. Quanta la

localisation plus exacte des centres médullaires des muscles exten-

seurs, ces centres se trouveraient dans la région cervicale de la

moelle.

Ce travail, comme tous les travaux antérieurs du même auteur,

est frappé au coin de la bonne observation clinique ; les recherchet

dirigées avec l'habileté, la patience et le savoir universellemens

reconnus àM. Marinesco font de cette thèse une contribution pré-

cieuse à l'étude de la syringomyélie et des atrophies musculaires

en général. J. Charcot.

BIBLIOGRAPHIE 87

III. Etude sur l'aise21cis ? ne; par le Dr Georges BROUARDEL,

Préparateur à la Faculté, Steinheil, 1897.

Beau livre et beau travail sur l'arsenicisme chez l'homme

(l ? partie) et chez les animaux (2° partie). Le principe nuisible

est l'acide arsénieux et ses composés, dont la toxicité varie sui-

vant le mode de pénétration, la dose, l'espèce, l'âge, la perméabi-

lité des émonctoires, le coefficient individuel de toxicité et l'héré-

dité organique. L'étiologie générale de l'empoisonnement permet

de considérer l'intoxication criminelle, par suicide, ou acciden-

telle (par erreur, intoxications professionnelles, empoisonnement

thérapeutique). Quant au mode de pénétration, suivant lequel

varient les effets toxiques, il est double : gastrique le plus souvent

et quelquefois sous-cutané.

Le chapitre II (p. 56) comprend la symptomatologie de l'arseni-

cisme chez l'homme, soit : les troubles de l'appareil digestif (con-

sécutifs à l'absorption d'une seule dose par la voie gastrique, ou de

doses répétées, par tous les modes de pénétration), de l'appareil

cutané (contact direct ou élimination), des muqueuses (oculaire,

.nasale, buccale), des organes des sens (vue, goût, odorat, ouïe), de

la température et de la circulation (fièvre, pouls), des organes

génitaux (anaphrodisie, menstruation), de la respiration, de la

sécrétion urinaire, du foie, du système nerveux.

Le chapitre IV (Anatomie pathologique et localisations) rappelle

la conservation des cadavres et les lésions des organes (tube diges-

tif, foie, rate, poumons, peau, reins, coeur et circulation), ainsi

que l'opinion de quelques rares auteurs sur les lésions matérielles

dans les paralysies arsénicales. Suivent quelques considérations sur

la diffusion de l'arsenic dans l'organisme suivantles modes d'intoxi-

cation (empoisonnement aigu par dose massive, ou lent par petites

doses longtemps prolongées). Quant à la durée d'élimination, elle

varie suivant la dose et l'individu : 2, 3, 15, 30, 35, 40 jours, sui-

vant les auteurs.

La deuxième et dernière partie de l'ouvrage est entièrement

consacrée aux expériences de laboratoire sur l'arsenicisme expé-

rimental. Les animaux d'épreuve sont les cobayes et les lapins. La

méthode d'expérimentation est la suivante : 1° empoisonnements

aigus par absorption d'une dose unique; 2° intoxications chroniques

par doses répétées. 109 cobayes et 42 lapins ont servi aux expé-

riences.

Il s'agit en somme d'un travail substantiel, de longue haleine,

qui a dû exiger du temps et de la patience. La médecine légale

s'est enrichie, par l'étude de M. Georges Brouardel, de nouveaux

et précieux documents. Paul Cornet.

VARIA.

VIII0 Congrès DES médecins aliénistes ET NEUROLOGISTES.

Nous rappelons à nos lecteurs que ce Congrès s'ouvrira à Tou-

louse, le lundi 2 août 1897, sous la présidence de M. le Dl' Ritti,

médecin de la Maison nationale de Charenton. Adresser, dès main-

tenant, les adhésions, les cotisations et toutes communications au

Secrétaire général du Congrès, M. le Dr Victor Parant, Allées de

Garonne, 17, Toulouse. (Voir le n° d'avril, p. 234.)

Avis importants. I. Nous prions ceux de nos confrères qui ne

nous ont pas encore envoyé leur adhésion, de le faire sans retard.

S'ils s'inscrivaient après Je j 01' juillet ils ne pourraient, ni profiter

des réductions de demi-place accordées par les Compagnies de

chemins de fer pour se rendre à Toulouse, ni participer à tous les

avantages de l'excursion finale qui doit se faire à Bagnères-de-

Luchon.

IL Les Compagnies de chemins de fer, sauf l'Ouest et le Midi,

ont accordé la réduction de demi-place qui leur a été demandée

par M. le Dr Ritti, président du Congrès. L'Ouest est incertain; le

Midi accordera très probablement. L'Etat a spécifié, en ce qui le

concerne, que « la réduction ne pourra être accordée qu'autant

que la distance la plus courte entre le point de départ et le point

de destination s'obtiendra par les voies du réseau de l'Etat ». Les

billets de demi-place seront valables du 27 ou du 28 juillet jusqu'au

14 août. C'est la plus longue validité qui nous ait été accordée

jusqu'ici. Pour bénéficier de ces billets chaque adhérent devra,

avant le lC1' juillet, strictement, faire parvenir à 11. le Dr Victor

Parant, secrétaire général, Allées de Garonne, 17, à Toulouse, une

note indiquant exactement ses nom, prénoms et adresse, son point

de départ et son point d'arrivée sur chacun des réseaux qu'il aura

à prendre; ainsi, par exemple : de Dôle à Cette (P.-L.-AL) et de

Cette à Toulouse (Midi) ; ou de Quimper à Nantes (Orléans), de

Nantes à Bordeaux (Etat) et de Bordeaux à Toulouse (Midi). M. le

Secrétaire général coordonnera ces indications et les transmettra

à M. le Dr RITTI, qui les adressera aux Compagnies et fera ensuite

distribuer en temps utile, aux intéressés leurs divers bons indivi-

duels.

III. Conformément aux usages des précédents Congrès, Messieurs

les congressistes jouiront de la faveur de bons de demi-place pour

VARIA. 89

les personnes (femmes ou fils étudiants) qui les accompagneront.

Us devront, en même temps que les indications spécifiées ci-des-

sus qui les concernent, donner celles qui sont relatives à ces per-

sonnes. Celles-ci sont également admises à prendre part aux excur-

sions et fêtes du Congrès, mais en y payant toutefois les cotisations

individuelles.

IV. La ville de Bagnères-de-Luchon, qui est un des séjours les

plus enchanteurs des Pyrénées, a décidé de faire aux congressistes

un accueil empressé pour leur excursion finale, elle organisera

des fêtes en leur'honneur et leur offrira un banquet. Mais elle

demande instamment à être fixée au commencement de juillet sur

le nombre des participants, afin de pouvoir en temps utile prendre

les dispositions que nécessite l'affluence généralement trèsgrande,

à cette époque de l'année, des baigneurs et des touristes. Le prix

de l'excursion sera ultérieurement fixé.

V. Les adhérents qui se proposent de faire des communications

au Congrès sont priés d'en envoyer sans retard les titres, afin que

les ordres du jour puissent être préparés. La lecture de ces com-

munications sera faite au Congrès dans l'ordre d'inscription.

Toute communication dont le titre aurait été envoyé à M. le Secré-

taire après le 15 juillet serait exclue de l'ordre du jour et consi-

dérée comme non avenue.

VI. La plupart des asiles ont coutume d'acheter, pour leurs biblio-

thèques, les Rapports et Comptes Rendus des Congrès. Jusqu'ici ils

se les sont procurés chez le libraire dépositaire. Nous signalons à

MM. les Directeurs l'initiative prise cette année par quelques-uns ;

elle présente pour les Congrès des avantages moraux et matériels;

elle consiste à inscrire les asiles comme adhérents du Congrès,

leur donnant ainsi droit, sur versement de la cotisation, de recevoir

toutes nos publications.

VII. Ceux des adhérents qui n'ont pas encore versé leur cotisa-

tion sont priés d'en envoyer dès maintenant le montant, 20 francs,

en un bon ou un mandat-poste adressé à M. le Socréiaire général.

Programme du Congrès.

Lundis août. Malin : Séance d'ouverture. -- Constitution du

bureau. Soir : Discussion de la première question : diagnostic

de la paralysie générale. Rapporteur : M. Arnaud.

Mardi 3 août. Matin : Discussion de la deuxième question :

hystérie infantine. Rapporteur : M. Bézy. Soir : Discussion de la

troisième question ; organisation médicale des asiles d'aliénés.

Rapporteur : M. Doutrebente..

90 VARIA -

Banquet du Congrès.

Mercredi 4 août. Matin : Visite et réception à l'asile public

d'aliénés de la Haute-Garonne. Soir : Visite des principaux mo-

numents de Toulouse.

Jeudis. Matin : Communications diverses. Choix du siège du

Congrès pour 1898. Election du président et du secrétaire

général pour le Congres de 1898. Choix des questions à mettre

à l'ordre du jour. Nomination des rapporteurs. Soir : Excur-

sion à la ville et à la vieille cité de Carcassonne.

Vendredi 6. Matin : Communications particulières. Soir :

Communications particulières. -

Samedi 7. Matin : Communications particulières. Soir :

Départ pour Bagnères-de-Luchon.

Dimanche 8. Réception par la ville de Bagnères-de-Luchon.

Visite des Thermes. Promenade à la Vallée du Lys. Banquet

offert par la municipalité. Clôture du Congrès.

Lundi 9 août. Pour les congressites amateurs, une excursion

pourrait être organisé à l'un des sommets les plus faciles et ayant

le plus beau panorama de la région.

Nota. - La visite des monuments de Toulouse et l'excursion de

la cité de Carcassonne seront faites sous la direction d'un archéo-

logue des plus distingués, M. Cartailhac, qui s'est mis à la disposi-

tipn du Congrès. - Le programme ci-dessus n'est point encore

définitivement arrêté; mais on peut espérer qu'il se réalisera.

X1P Congrès international DE médecine.

Moscou, 7-14 (19-26) août 1897.

Section des maladies nerveuses mentales.

Comité d'organisation. Les gérants : Pi" A Kojevnikoff, S. Kor-

sakoff, W. Roth (Moscou) Membres : Prs J. Anfimow (Karkow),

W. Bechterew (Saiiit-PéLersl,our,,), L. Darkschewitch (Kazan), P.

Kowalewski (Varsovie), Académicien J. Mierzeiewski (Saint-Péters-

bourg), Motschutkowski (Saint-Pétersbourg), J. Orchanski (Kar-

kow), N. Popow (Kazan), M. Popow (Tomsk), Runeberg (Helsing-

fors), Sélan (llelsingfors), I. Sikorski (Kiew), V. Tschirch (Juriew),

Stcherback (Varsovie). Secrétaires : Privat-docent L. Minor

(Moscou), Privat-docent W. Serbski (Moscou).

VARIA. 91

Programme préliminaire.

A. Maladies nerveuses. Thèmes de programme : 1. Pathologie

de la cellule nerveuse (Anatomie fine et lésions pathologiques). Rapport

prévu : V. Gehuchten (de Louvain) : « L'anatomie fine de la

cellule nerveuse. »

Communications annoncées : Pr Ch. Dana (de New-York) :

« The Pathology of acute Alcoolism and alcoohc Oedem of the

Brain with special Référence lo Changes in the Nerve Cells. » Pr Ira

va. Gieson (de New-York) : « Normal and palhological Cy lology

of the Ganglion Cells. »

2. Pathogénie et anatomie pathologique de la syringomyélie.

Rapports prévus : P'' Fr. Schurtze (de Boon) : « Pathogenese der

Syringomyélie. » Priv. docentDr. H Schlesinger (de Vien) : « Ueber

einige Iiapitel aus der Pathogenese und der pathologischen. Aria-

tomie der Syringomye. » Communications annoncées : Priv.docent

L. Minor (de Moskou) : « Klinische und anatomische Beobachtun-

gen ûber traumatische Affectionen des Buckenmarkcs, centrale

Haemotomyelie und centrale HÕhlenhiJdung. »

3. Pathogénie et 'traitement du tabes dorsalis. Rapports prévus :

Pr II Obersteiner (de Vien) : « Die Pathogenese und das Wesen

der'I'abes.b l'r Pierret, de (Lyon) : La pathogénie du labes en y

comprenant ses locolisations cérébrales. » Pr W. Erb (de Ileidel-

berg) : « Ueber die Thérapie der Tabes. » 1"' J. Grasset de (Mont-

pellier) : « Le traitement du Tabès. »

Communications annoncés : Dl' Althaus (de London) : « Patho-

genesis and Treatment of Tabes. » Pr. M. Benedikt (de Wien) :

« Die Theorie derTabes dorsualis. »1'1' L. Darhschewitsch (deKasan) :

« Ueber die Natur der Rnckpnmarksveranderung bei Tabes D p''

Borgherini (de Padoue) : « Quelques observations sur l'étiologie

et la pathogénie du tabes. » Pr Eulenburg (de Berlin) : « Ueber

die Behandlung der Tabès. » P' Benedikt (de Wien) : « Blutige

Nerwendeihnungbei Tabès. » Dr Frenkel (de Heiden) : a Beliandluna

der tabischen Ataxic. » D1' A. Raichline de (Paris) : a Quelques con-

sidérations sur le traitement du tabes dorsalis. Indications et

contre-indications. » D'' R. Hirschberg (de Paris) : 1. « Surle tabes

dorsal juvénile. » 2. Sur une forme réputée rare du tabes dor-

sal. » Outre les trois thèmes de programme énumérés ci-dessus,

la question suivante, qui en fait également partie, sera discutée

dans une séance, que tiendront en commun les sections des

maladies nerveuses et de chirurgie.

Traitement opératoire des maladies du cerveau. Nous indiquons

ci-dessous les travaux qui seront présentés par les adhérents de

notre section. Rapport prévu : pl' II. QQpenheim (de Berlin) :

92 . VARIA.

« Ueber die durch Feldiagnosen bedingten Misserfolge der Hirnchi-

rurgie »

Communications annoncées : Pr B. Sachs (de New-York) :

« Surgical Treatment of Epilepsy. )) D'' A. Voisin (de Paris) :

« Un cas d'épilepsie jacksonienne traité avec succès par la cra-

niectomic. >

Communications annoncées sur d'autres thèmes : professeur

Cesare Lombroso (de Turin) : « Les nouvelles formes des épilep-

sies. » Professeur B. Sachs (de New-York) : z Hereditary spinal

Affections. » I)r A. Raichline (de Paris) : « Communication sur un

sujet de neuropathologie clinique. » Professeur J. Crocq (de

Bruxelles) : « Un nouveau symptôme des maladies du cerveau. »

Priv.-Docent A. Korniloff (de Moskau) : a Thema vorbehalten. »

Dr Polst (de Ri,2a) : « Ueber die Anstaltsbehandlung der Neuro-

sen. » D' Alex. Robertson (de Glasgow) : a Some newer Methods of

Treatment in Diseas of the Central Nervous Systèm. »

B. Maladies mentales. Thèmes de programme. 1. Obsessions et

idées fixes. Rapports prévus : professeur Pitres (de Bordeaux) et

Dl' Régis (de Bordeaux) : « La séméiologie des obsessions et des

idées fixes. »

Communications annoncées : James Shaw, 1\I.-D. : (de Liverpool) :

« The Pathogenesis and différenciation of Verbal Obsessions and

Pseudohallucinations. »

2. Pathogénie de la paralysie générale des aliénés; délimitation de

cette maladie des formes morbides voisines. Rapports prévus : pro-

fesseur Otto Binswanger (de Jena) : a Die Pathogenese und Abgren-

zung der progressiven Paralyse der Irren von verwandten Formen

psychischer Erkrankungen. »

Communications annoncées : Dl' J. Althaus (deLondon) : a Déli-

mitation ofgeueral Paralysis. » Professeur Homén (de Helsin-fors)*

« Nouvelles contributions sur une singulière maladie de famille

sous forme de démence progressive. b Priv.-Docent W. Muratuw

(de Moskau) : Zur Pathogenese der Herderscheinungen bei der

allgemeinen Paralyse der Irren. »

3. L'hypnotisme et la suggestion dans leurs rapports avec les mala-

dies mentales et la médecine légale. Rapports prévus : professeur

Bernheim (de Nancy) : « L'hypnotisme et la suggestion dans leurs

rapports avec la médecine légale et les maladies mentales.

Communications annoncées : Priv.-Docent A. Tokarski (de Mos-

cou) : « De l'application de l'hypnotisme et de la suggestion au

traitement des maladies mentales. » Dr Alex. Robertson (de Glas-

gow) : 0 : Hypnotism and Suggestion in their Référence to mental

Diseases. » Dr Gorodichze (de Paris) : « La psychothérapie dans les

différentes variétés du délire émotif. »

VARIA. oc

Communications annoncées sur d'autres thèmes : professeur Jolly

(de Berlin) : Thema Vorbehalten. Professeur Cesare Lombroso (de

Turin) : « Chaque dégénération a-t-elle un type ? D Dr Morel (de

Gand) : Thème réservé. Professeur Fuerstner (de Strassburg) :

Thema vorbehalten. Professeur Xavier Francotte (de Liège) : « Le

délire généralisé. Confusion mentale, Verwintheit), » dry. E. Shut-

tleworth (de Richmond, England) : « Hereditary neuroses in Chil-

dren. » Er F. Christian (de Saint-Maurice, Seine) : a Sur hébé-

phrénie. » Professeur Meschede (de Koenigsberg in Pr.) : < Ueber

Geistesstôrung bei Lepra. »

Eu outre, nous ont annoncé leur participation aux discussions sur

différents thèmes du programme, MM. les professeurs E.-V. Ley-

nen (de Berlin), S. Henschen (de Upsala), G. Ballet (de Paris),

A. Voisin (de Paris).

UN cas d'instabilité mentale avec perversion DES INSTINCTS.

Sous ce titre : Démission d'un père, M. Alexandre Hepp relate le

fait suivant dans le Journal du 16 janvier : On a coffré, hier, un

gamin qui, dès l'âge de quatre ans, volait; à six, il trafiquait déjà

de ses larcins; il s'est enfui cinq fois de la maison paternelle; il

s'est fait renvoyer des six écoles où on l'avait placé ; chasser d'un

bureau pour paresse, dépravation, détournement; puis, enfin, par

le capitaine, d'un steamer où il était mousse. Et, aujourd'hui, il a

quinze ans.

C'est son père lui-même qui, dans une lettre au juge d'instruc-

tion, dresse ces états de service, et je ne sais rien de plus tragique

que le cas d'un père qui, après avoir essayé tout, trop certain

que son enfant est irrévocablement perdu, se voit dans la nécessité

de l'abandonner à son abject destin et de demander qu'il soit mis

hors d'état de nuire. C'est la faillite, devant une force inconnue,

du sang, de l'autorité paternelle, de l'éducation. L'impuissance de

ce brave homme qui a produit une bête féroce, ah ! l'horrible aveu !

de quelle ironie ce malheur pèse sur nos théories et nos orgueils,

et quelle ouverture sur le gouffre de nos irresponsabilités 1

Pour toute espérance, la société offre la maison de correction.

Mais comme le père lui-même l'annonce, cet « être anormal » qui

est son enfant n'arrêtera pas là ses exploits, on entendra encore

parler de lui. Et plus tard, sans doute, insoucieuse des indications

d'un tel passé, très magnifique en son droit de punir, la société

condamnera cet être aux travaux forcés... Hélas ! dès maintenant,

c'est plutôt l'hôpital forcé qu'il mérite.

Il s'agit là encore de faits qui sont très communs. On ignore

danslepuhlic et beaucoup de médecins partagent cette ignorance qu'il

est possible d'améliorer et même de guérir des malades de ce

genre, car ce sont incontestablement des malades. A Bicêtre, à la

94 FAITS DIVERS

Salpêtrière, à la colonie de Vaucluse on en trouve un certain

nombre. Ce n'est pas la maison de correction, trop souvent l'anti-

chambre de la prison, qui leur convient, c'est l'hôpital forcé,

comme dit M. Alexandre Hepp. B.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : M. le Du' CR,)US-

TEL, médecin-adjoint de l'asile public de Saint-Meens est élevé à la

11, classe ; M. le D'' Dubuisson (Maxime), directeur-médecin de

l'asile de Braqueville est élevé à la 1 ? classe.

Nominations. Officier de l'instruction publique : M. Mabille

(Henry), directeur à l'asile d'aliénés de Lafont, à la Rochelle.

Un assassin de douze ANS. Un enfant de douze ans, Giovanni

Priori, vient de commettre un double assassinat à Toggia, petite

ville de Ligurie, voisine de San-Remo. Priori s'aperçut que deux

enfants de cinq et sept ans, les frères Conio, avaient quelques sous

dans leurs poches 03 centimes en tout.

Il résolut de s'en emparer et attira les deux enfants dans la cam-

pagne. Le plus petit ayant fait mine de résister (ce qui résulte de

la première enquête), Priori lui fracassa la tête à coup de pierre et

jeta ensuite son cadavre dans un puits. L'aîné, épouvanté, s'était

enfui vers la ville; Priori le rattrapa. et engagea une lutte avec

lui, ce qu'indiquent des traces de sang marquant sur plusieurs points

la route ; il l'acheva encore en le frappant avec une pierre. Après

s'être emparé des G5 centimes, il rentra tranquillement au village

de Toggia.

La découverte des cadavres amena son arrestation ; mais il com-

mença par nier avec une habileté surprenante, et il a fallu toute

l'adresse du préteur, M. Piccardi, pour lui arracher enfin des

aveux.

Le trop jeune assassin a été écroué à la prison de San-Remo (là

même où fut. enfermé le capitaine Romani), et la police a eu fort

à faire pour le garantir de la foule qui voulait l'écharper. Le tri -

bunal de San-Remo avait récemment acquitté Priori, l'assassin,

accusé de vol. (Le Temps, 14 février 180' ? .) Nous avons déjà

rapporté un certain nombre de cas analogues, qui, groupés, pour-

raient servir de base à une nouvelle monographie sur la question.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Aimi : (IL). Élude clinique du dynamisme psychique. - In-8° de

258 pages. Prix : 4 francs. Paris, 1897. Librairie 0. Doin.

BOUIiNGVILLC. Teclzerclres cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du service des enfants idiots, épilep-

tiques et arriérés de Bic(,Iî,e, pour l'année 1896. Avec la collaboration

de MAI. Mettetal, ,T.1\oir, Hegnault, licllay, Vaquez et Boyer, Tome 1VII

de la collection, 1 fort volume de c-25t pages, avec 41 figures dans le

texte et 9 planches. Prix : 6 francs. Pour nos abonnés, 4 francs.

Coi.ucci (C.). Contribuzione alla isloloclia palologica della cellule

nervosa in alcune malallic mentali. Volume in-8' de 74 pages, avec

15 ligures. Napoli, 1897. Stal. Tip. Cav. A. Tocco.

Coacuoa (A.). Typhlite et appendicite (leur traitement par les eaux

de Châtel-Guyon). Brochure ]n-8" de 15 pages. Paris, 1896. Li-

brairie Masson et C'e.

EGGFR (F.). - l3elra ! / lI1' Lehre l'on der progresiven neurcclen dlus.

kelahotrophie. Brochurevin-8° de 21 pages. - Berlin, 1897. - Archiv.

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avec 2j, figures. Paris, 1897. Lzbrairie J.-li. Baillière.

Guesde de (D.). Cachexie pallogroide. -Brochure in-S° de pages.

Pointe-il-Pitre, 1S9G. Chez l'auteur.

GuiLLON (A.). Des maladies de la ntëmo'e.Essai sur les hypermné-

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Knaueii (0.). Uber puerpérale Psycliosen. In-8° de 54 pages.

Merlin, 1897. Verlag von S. Karger.

T,ac.wse (G.). Les persécutés mélancoliques. In-8° de 219 pages.

Bordeaux, 1897. Imprimerie J. Durand.

lllnazoccur (S.) e ANTOIi]111 (G.). - Sopra un caso di acro megalia

parziale. Brochure in-S° de 15 pages, avec une planche hors texte.

Napoli, 1897. Rifornza medica.

MASSY (A.l. Formulaire clinique d'électrothérapie spéciale appli-

quée. Volume in-16 de 174 pages. Paris, 1897. Société d'éditions

scientifiques.

l'ATAUT (V.). Congrès des médecins aliénisles et neurologistes de

France. Huitième session tenue à Toulouse du 2 au 8 août 1897.

l'aris, 1897. Librairie G. 1asson,

Pollack (B.). Die FflI'betechnik des Nervensyslems. Volume in-8°

relié de 130 pages. Berlin, 1897. Verlag von S. Karger.

96 AVIS A NOS abonnés.

RAYMOND. Clinique des maladies du système nerveux (hospice de la

Salpêtrière, 1895-1896; 21 série). Recueillies et publiées par le D' E.

Ricklin. In-8° de vuz-î7G pages, avec 111 figures et 3 planches hors

texte. Prix : 18 francs. Paris, 1897. 0. Dom.

S013LIER (P.). Genèse et nature de l'hystérie. 2 volumes grand

in-8- formant ensemble 866 pages, avec figures. Prix : 20 francs.

Paris, 1897. Librairie F. Alcan.

Vaa EYK (IL-IL). l'arlicele epilepsie en hare Ileclkllndige Bilsan-

dling. Volume in-S° de 130 pages, avec 18 tableaux et une planche hors

texte. Amsterdam, 1897. Librairie Van lleteren.

VICENTE OTS y ESQUERDO. - Narrosis y degeneraciou. Brochure

in-8° de 16 pages. Madrid, 1897. Rivista de medicina y cirurgia

7J/'aticas.

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étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

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est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

l ? vrew, Cli. Iléwsce, imp. - 791.

Vol. IV. Août 1897. N° 20.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

CLINIQUE médicale DE l'hôpital SAINT-ELOI DE MONTPELLIER.

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX ET SCLÉROSE

MULTIPLE DISSÉMINÉE ;

Par le professeur GRASSET.

LEÇONS cliniques' recueillies ET publiées

Par le Dr VEnEL, chef de clinique.

.

Messieurs,

A propos de plusieurs malades qui ont été récemment ou

sont encore dans nos salles, je voudrais vous parler des rap-

ports qui existent entre certains cas de maladies du système

nerveux et la maladie que nous avons étudiée ensemble il y a

quelque temps°- sous le nom de sclérose multiple disséminée.

Cette donnée éclaire un peu le chapitre qui est resté le plus

obscur et le moins en progrès dans la neuropathologie con-

temporaine, le chapitre de l'étiologie et de la nosologie. La

marche des idées à ce point de vue a été rationnelle mais

curieuse 3. La première phase de cette grande époque de réno-

' Faites du 7 au 24 mai 1897.

- Leçons de clin, nécl., 3e série, p. 247, 1897.

3 On trouvera un bel exposé de l'histoire de la neuropathologie con-

temporaine dans les leçons que Raymond a consacrées à l'oeuvre d'un

homme et à l'oeuvre d'une époque, in Clin, des @lit sysl. ne ? ?

189G, 1" série, p. 28 à 187.

Archives, 2''surie, t. IV. 7

98 CLINIQUE NERVEUSE.

vation, presque de création, est caractérisée par l'analyse

symptomatique, personnifiée par Duchenne.

Avant cela, la grosse anatomie et la physiologie normale

du système nerveux s'étaient établies, surtout depuis Ch. Bell

et sa découverte (1811) des fonctions différentes des racines

antérieures et postérieures; mais la neuropathologie clinique

était bien embryonnaire : vous en jugerez par les ouvrages

de l'époque : Ollivier d'Angers pour la moelle; notre Lalle-

mand et Rostan pour le cerveau.

Duchenne pousse l'analyse symptomatique au plus haut

point et crée l'ataxie locomotrice progressive, l'atrophie

musculaire progressive, la paralysie atrophiquc de l'enfance

et son analogue chez l'adulte, la paralysie labio-glosso-

laryngée, la paralysie pseudohypertrophique... Comme ces

types sont restés vrais ! Et ils ne sont tous alors que carac-

térisés symptomatiquement. A cette phase en succèdent deux

autres qui se tiennent et s'imbriquent : une phase anato-

mique et une phase physiologique; étant donnés les symp-

tômes, on étudie le siège et la nature des lésions qui leur

correspondent. '

Je n'hésite pas à symboliser clans votre esprit cette

période par le nom de Charcot, parce que son nom est insé-

parable de celui de méthode analomo-cliniduc, c'est-à-dire de

cette méthode qui met en rapport le symptôme et sa lésion,

et en déduit tout ce que vous savez pour la géographie du

système nerveux. Cette méthode a été si puissamment féconde

que, sur bien des points, c'est la clinique qui a ouvert la voie

de la physiologie elle-même et lui a imposé ses découvertes.

C'est la période où s'établit cet immense chapitre des loca-

lisations cérébrales et spinales qui, complétant le chapitre

antérieur des symptômes, constitue à peu près toute la neu-

ropathologie contemporaine.

Combinez ces trois aspects de la question : symptomato-

logie, physiologie et anatomie, et vous engloberez à peu près

tous les progrès accomplis par la neuropathologie dans ces

cinquante dernières années, et cela depuis les analyses'psy-

chologiques les plus fines de l'hystérie et de l'hypnotisme,

jusqu'aux dernières découvertes de l'histologie la plus délicate

sur la structure du système nerveux.

Cependant le côté éliologique et nosologique reste très en

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 9 lui

retard et, chose remarquable, à une époque où, pour les

autres branches de la science médicale, c'est dans le domaine

étiologique et nosologique que les plus merveilleuses et les

plus fécondes découvertes ont été faites.

Qu'a-t-on fait pour l'étude étiologique et nosologique des

maladies du système nerveux ? D'abord on a adopté la vieille

et juste idée de l'hérédité. Puissante dans toutes les parties

de la médecine, l'hérédité est encore plus puissante en neu-

ropathologie. Mais il s'agit d'hérédité d'organe et non d'héré-

dité de maladie, ce qui est différent : l'idée de l'hérédité

éclaire Pédologie mais nullement la nosologie; elle explique

seulement la forme et la localisation de la maladie.

Puis on a'étudié la syphilis et son influence sur le déve-

loppement des maladies du système nerveux. C'est là une

grosse question très fouillée et bien faile. Mais le chapitre

des localisations syphilitiques vraies, directes et complètes,

sur le système nerveux, comme le chapitre des localisations

tuberculeuses sur le même appareil, est distinct et séparé du

bloc des maladies du système nerveux. Quand la syphilis

envahit la neuropathologie ordinaire, c'est sous une forme

particulière et partielle qui a obligé Fournier à inventer la

parasyphilis. C'est là une idée ingénieuse que nous retrou-

verons et discuterons, mais qui met un peu les maladies vul-

gaires du système nerveux hors du domaine de la syphilis

ordinaire. Puis on a étudié le rôle des intoxications et des

infections dans la production des maladies du système ner-

veux.

Evidemment, un certain nombre de ces maladies sont sous

la dépendance directe des infections ou des intoxications.

Nous avons essayé, après bien d'autres, de le montrer pour la

moelle ' et les névroses-; Raymond a récemment étudié ce

même rôle dans la production des polynévrites.

Mais à côté de ces cas directement et entièrement impu-

1 Les myélites infectieuses. Rapp. au Congrès de Bordeaux, 1805.

- Deux cas {l'hystérie provoquée par une maladie aiguë (fièvre typhoïde

et grippe), in Leç. de clin, méd., il, série, p. 414. Etiologie infectieuse

de l'hystérie, in Leç. de clin, méd., 2. série, '1806, p. 557.

3 Raymond. Etiologie générale des polynévrites : râle des intoxications

(p. 304), des auto-intoxications et. des infections (p. 301) dans le déve-

loppement des névrites périphériques, in Clin, (les du syst. nerf.,

9c série, lss7. ,

iuo CLINIQUE NERVEUSE.

tables à une intoxication ou à une infection unique, bien

définie, il y en a une série d'autres dans lesquels ce même

genre de causes ne joue qu'un rôle accessoire, partiel, ou

même impossible établir. - Et alors pour tous ces cas

grande est' l'obscurité de leur étiologie et par suite de leur

classement nosologique.

Cette proposition est facile à démontrer en parcourant

quelques traites classiques. Ainsi vous lisez dans le Traité

de médecine, t. VI, article Encévhalopalhie infantile, p. 201 :

l'étiologie « ne présente rien de spécial, si l'on peut ainsi

dire, que la multiplicité des causes ». Paralysie labio-

glosso-larngée, p. 297 : « Nos connaissances sont peu pré-

cisesencequiconcerne lescausesdelaparalysiebulbaire. » -

Sclérose latérale amyot1'ophique, p. 350 : « Il est assez diffi-

cile de se faire une opinion sur la nature de la sclérose laté-

rale amyotrophique. Sous quelle influence survient ce pro-

cessus morbide ? On l'ignore entièrement, les renseignements

sur les causes de la sclérose latérale amyotrophique font

absolument défaut. D - Syringomyélie, p. 48G : « Cette

partie (l'étiologie) de l'histoire naturelle de la syringomyélie

reste encore presque complètement obscure. » - Myopathie

primitive progressive, p. U39 : « Les conditions étiologiques

de la myopathie primitive progressive sont très mal connues

encore aujourd'hui. »

Dans le Manuel de médecine, t. III, vous trouvez, article

Paralysie labio-glossolaryngée, p. 3U4 : « On ne sait rien de

certain concernant l'étiologie de cette affection. »- Myélites

chroniques, p. 0 : « Dans des observations relativement

nombreuses, il a été impossible d'assigner à la myélite chro-

nique une cause suffisamment précise. » - Tabès dorsal

spasmodique, p. 548 : « Les causes du tabès dorsal spasmo-

diquesontdes plus obscures. » - Sclérose en plaques, p. (j20 :

« Les causes sont obscures et encore fort discutées. » -

Syringomyélie, p. G3G : « La cause même de la syringomyélie

est encore inconnue. » Sclérose latérale amyotrophique,

p. 647 : « Les causes sont des plus obscures. » - Atrophie

musculaire progressive spinale, p. 683 : « Son étiologie est

encore fort mal connue. »

Dans le livre de Dieulafoy, t. II, vous voyez encore :

artic[0yt/)'o ? e musculaire progressive, p.31 I « « L'étiologie

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 101

est fort obscure. Sclérose latérale amyotrophique

p. z0 : « On ne sait rien sur les causes de cette maladie. »

- Sclérose en plaques, p. 327 : « L'étiologie est fort obs-

cure. » Paralysie aGrophique de l'enfance, p. 337 :

« L'étiologie est des plus obscures. » Il y a ensuite une série

de chapitres qui ne contiennent même pas de paragraphe :

Etiologie.

Inutile de multiplier les citations; il est démontré que

l'étiologie est un chapitre encore très obscur de la neuropa-

thologie.

Donc, il peut être intéressant d'étudier les rapports de ces

maladies du système nerveux avec une autre maladie plus

générale : la sclérose mulliple disséminée. Si nous montrons

que ces rapports existent, cela ne supprimera certes pas

toutes les obscurités, bien loin de là ; mais cela en diminuera

le nombre.

La sclérose multiple disséminée est une maladie dans

l'étiologie et l'essence de laquelle il y a encore des obscu-

rités. Mais le fait de rapprocher deux groupes, en pathologie,

est encore un progrès quand la chose est vraie, parce que,jc

le répète, on diminue par là le nombre de points encore

obscurs.

Il y a donc quelque intérêt à savoir si réellement, comme

je le crois, il y a dans beaucoup de cas un rapport entre la

sclérose multiple disséminée et les maladies du système

nerveux.

Voici d'abord un fait que vous avez observé au n° 4 de la

salle Fouquet et qui peut servir de point de départ à notre

exposé et à notre discussion.

C'est un homme de quarante-six an«, entré le 19 février 1897,

dont un de nos externes M. Orssaud a pris l'observation avec

beaucoup de soin. Il a tout d'abord une atrophie de la main

droite. Il y a cinq ans il s'aperçoit un jour que sa main

droite devient faible et maigrit; les outils lourds sont lâchés

parfois (c'était un tonnelier). Ces symptômes s'aggravent t

progressivement et insidieusement. TI n'existe aucun trouble

de la sensibilité, ni anesthésie, ni douleurs, ni fourmille-

ments. D'autre part on ne releva ni contracture, ni raideur,

ni tremblements. Mais la faiblesse et l'amaigrissement

augmentent, gagnent l'avant-bras, le bras. Le tonnelier est

'1 O CLINIQUE 'NERVEUSE.

obligé d'abandonner sa profession et s'installe comme patron

à la tête d'une boulangerie.

L'état continue à s'aggraver : l'amaigrissement général va

en augmentant, du moins dans la partie supérieure du

corps. Et la situation se complique graduellement d'autres

symptômes sur lesquels nous reviendrons.

Vous avez examiné ce- membre supérieur droit : la main

est sans graisse et sans muscles, son squelette est revêtu

d'une peau ridée, flasque et pâle, soulevée par quelques

cordons tendineux. A la face palmaire, l'éminence thénar est

remplacée par un méplat mollasse, l'éminence hypothénar a

presque entièrement disparu. A la face dorsale, existe un

creux profond formé par la disparition des inlerosseux et des

lombricaux. Les doigts sont extrêmement effilés.

Au poignet, vous voyez la saillie extrême de l'extrémité

inférieure des os. La maigreur remonte à l'avant-bras,

surtout sur le bord externe : les radiaux sont fortement atro-

phiés. Au bras, la circonférence est de 22 centimètres au lieu

de 27 à 30. Le biceps dans ses plus grands efforts de contrac-

tion forme une boule comme un petit oeuf de poule qui n'est

en rapport ni avec l'âge ni avec la profession manuelle du

sujet. Le deltoïde a participé au processus atrophique, ainsi

que les pectoraux devenus de simples voiles musculaires

appliqués contre les barreaux de la cage thoracique dont ils

reproduisent les saillies. La même amyotrophie se retrouve

à gauche, mais moins intense; là aussi le maximum est à

l'extrémité du membre, et la décroissance se fait de l'extré-

mité à la racine.

Dans tous ces mêmes domaines il existe à des degrés varia-

bles une impotence fonctionnelle correspondante. Il n'y a

pas de contractions fibrillaires. Mais le pouce s'oppose diffi-

cilement et sa pulpe ne peut s'appliquer avec force contre

celle des autres doigts. D'autre part le malade ne peut pas

écarter et rapprocher ses doigts.

En même temps les réflexes tendineux sont exagérés aux

membres supérieurs, exagération pour le biceps, les fléchis-

seurs et les extenseurs de la main, même le grand pectoral;

aux membres inférieurs, exagération des réflexes rotuliens

sans trépidation épileptoïde. L'excitabilité faradique des

muscles atrophiés n'a pas disparu; elle est plus grande à

droite qu'à gauche pour le biceps. Il n'y a pas de réaction de

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 103

dégénérescence. Cette association de l'amyotrophie et de

l'exagération des réflexes tendineux nous fait porter le

diagnostic de sclérose latérale amyotrophique.

Voilà une maladie du système nerveux bien caractérisée.

Si maintenant nous poursuivons l'analyse du cas, nous ver-

rons que notre malade a autre chose : il a d'autres maladies

si vous voulez; j'aime mieux dire : il a d'autres syndromes.

Du côté du coeur, vous voyez que la pointe est abaissée, à

la partie inférieure du sixième espace intercostal ; vous

entendez un souffle diastolique très marqué, de nature orga-

nique, à maximum pas tant au foyer aortique que derrière le

sternum, ce qui est assez fréquent dans l'insuffisance aor-

tique qui se traduit encore ici par le pouls élevé avec crochet

caractéristique sur le tracé sphygmographique. La cardio-

pathie aortique est bien nette.

Les vaisseaux sont également intéressés : les temporales

sont saillantes et sinueuses; l'oedème se montre fréquemment

aux chevilles, aux jambes, aux cuisses, à certaines périodes

même il atteint le scrotum et les lombes. Il existe-encore des

vertiges (nous avons décrit autrefois le vertige des artério-

scléreux 1) : ce sont ici des crises intenses sans chute ni perte

de connaissance, suivies de lassitude, faiblesse des jambes,

palpitations, sueurs profuses, somnolence, presque de lipo-

thymie. Notre malade a la face pâle, les oreilles froides et

cyanosées ; il a l'aspect d'un vieillard : d'un vieillard par ses

artères. Les radiales sont dures et flexueuses ; le tracé pré-

sente un crochet élevé, pointu du côté droit, mais légère-

ment coupé à gauche par un petit plateau qui indique l'athé-

rome. Donc, artériosclérose.

Le rein n'est pas intact : il y a de la pollakiurie, surtout

nocturne, non douloureuse. Les urines ne renferment pas

d'albumine mais elles sont pauvres en urée : 10 à 12 grammes

en vingt-quatre heures. Ainsi : sclérose rénale.

Le foie est un peu atrophié : il est plutôt légèrement

selé2,c%tC. Du côté thoracique nous relevons des bronchites

subaiguës répétées. Il existe de la voussure, la sonorité est

exagérée; l'inspiration diminue, l'expiration prolongée avec

1 Le vertige cardio-vasculaire ou des arlério-scléreux, in Lef. (le clin,

méd., 1" sétic, 1891, p. 522.

104 CLINIQUE NERVEUSE.

râles ronflants et sibilants disséminés. Les crachats sont

abondants, épais, verdâtres; une dyspnée légère est habi-

tuelle. C'est de la bronchite chronique avec emphysème.

Enfin, notre malade présente encore des déformations

périarticulaires et de la déviation en hallux des extrémités.

Prenez tout ce tableau symptomatique, en laissant pour le

moment de côté la sclérose latérale amyotrophique, et vous

avez le tableau symptomatique de la sclérose multiple dissé-

minée.

Je n'ai pas à revenir sur la description de cette maladie

qui a été faite dans le trimestre dernier, mais je vous rap-

pelle ses deux grands caractères : multiplicité et discon-

tinuité des foyers de sclérose, multiplicité des causes.

L'observation même de notre malade suffit à établir la

multiplicité des foyers de sclérose. Il est facile d'établir

maintenant la multiplicité des causes.

Dernier venu de douze enfants, né de parents déjà âgés, il

présente un tempérament arthritique : et se voit refusé

en 1870 comme faible de constitution. A vingt-quatre ans se

montre une première atteinte de rhumatisme articulaire

aigu : gonflement polyarticulaire, mobile et douloureux ;

quatre ans après, deuxième atteinte qui dure six mois :

forme chronique qui attaque les petites articulations, sans

provoquer de fièvre et ne s'accompagne guère de douleur

que dans les mouvements.

Marié, il a huit enfants, en perd sept : éprouve de gros

soucis moraux. Tonnelier, il s'impose des fatigues profes-

sionnelles et s'alcoolise avec du vin et surtout de l'absinthe.

Depuis l'âge de douze ans, il fume tous les jours réguliè-

rement un paquet de tabac de 0 fr. 50. Enfin il a eu la blen-

norrhagie mais pas de syphilis. Voilà bien l'étiologie com-

plexe et l'étiologie de la sclérose multiple disséminée :

arthritisme, rhumatisme articulaire, surmenage physique,

alcool, tabac. Donc c'est le tableau complet, la caractéris-

tique vraie de la sclérose multiple disséminée.

Reste maintenant la sclérose latérale amyotrophique.

Qu'est-ce ? Son siège est dans les cellules des cornes anté-

rieures et dans les faisceaux pyramidaux. Sa lésion anato-

mique est une sclérose encore. Sans doute c'est une maladie

systématisée, c'est-à-dire que le tissu névroglique ne parait

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 105

s'allumer que de seconde main pour remplir les vides de

l'atrophie parenchymateuse ; mais enfin ce n'en est pas

moins de la sclérose au même titre que toutes les autres.

Pourquoi en faire une maladie à part, distincte des autres ? 1

Pourquoi dire : sclérose latérale amyotrophique et sclérose

multiple disséminée coincidant chez le même malade ? Pour-

quoi ne pas dire : sclérose multiple disséminée ci foyers

multiples dont un médullaire est la lésion de la sclérose

latérale amyotrophique.

A côté de cette théorie de la coïncidence et de la superpo-

sition des lésions, que j'élimine, une autre voudrait mettre

tous les foyers et le foyer médullaire notamment, sous la

dépendance d'un seul des autres foyers : l'artério-sclérose.

Défendue par nous dans le temps, nous avons donné les

arguments pour l'abandonner dans sa trop grande généralité.

En réalité, l'artério-sclérose est une des localisations de cette

sclérose multiple disséminée. Elle n'est pas l'intermédiaire

obligé entre les causes morbigènes et la sclérose latérale

amyotrophique. -

Nous reviendrons sur tout cela plus tard quand nous

reprendrons l'histoire générale des rapports de la sclérose

multiple disséminée avec l'ensemble des maladies du système

nerveux.

Pour le moment, enregistrons des matériaux documen-

taires. Nous venons d'en étudier un bien important, puis-

qu'il tend à faire rentrer dans la sclérose multiple disséminée

un des syndromes nerveux anatomo-cliniques les plus obs-

curs au point de vue étiologique et nosologique : la sclérose

latérale amyotrophique.

. Voici maintenant un deuxième cas bien comparable d'atro-

phie musculaire encore, mais plus pure, type Aran-Duchenne,

non liée aux faisceaux pyramidaux, donc sans exagération

des réflexes tendineux.

Vous aurez d'avance une idée de ce cas en parcourant

quelques-uns des diagnostics inscrits sur les billets de ce

malade à sa sortie des hôpitaux de Paris, ceux du moins

qu'on ne lui a pas volés : '1887, Fournier : hémiplégie gauche

et syphilis cérébrale. Oreillons. - Décembre 1893, Raymond

(Lariboisière) : atrophie musculaire. Avril 1894, Lance-

reaux (Hôtel-Dieu) : arthritisme. -Avril 1895, Cornil (Hôtel-

106 ' CLINIQUE NERVEUSE.

Dieu) : encéphalomyélite. - Juillet 1S95, Babinski (Pitié) :

hystérie. -Juillet 1896, Potain (Charité) : rhumatisme. -

Novembre 1896, Merklen (Laennec) : néphrite. - Décembre

1896, Merklen (Laennec) : eczéma...

Hippocrate dit oui et Galien dit non. En réalité, vous allez

voir que tout cela n'est pas contradictoire. Chacun de ces

diagnostics reflète successivement soit le détail du musée

pathologique qui était le plus saillant à ce moment, soit

celui qui a le plus intéressé l'observateur. Lancereaux dia-

gnostique l'arthritisme.et Fournier la syphilis, comme Ray-

mond voit l'atrophie musculaire et Cornil la lésion d'encé-

phalomyélite... Cette collection si variée de maladies ne se

comprend dans son unité souveraine, que si toutes ces mala-

dies sont considérées comme des syndromes reliés entre eux

par une maladie commune : la sclérose multiple dissé-

minée.

Voici, d'après l'observation prise par M. Orssaud, l'his-

toire résumée de ce malade. Il s'agit d'un ancien cuisinier de

paquebot, âgé de cinquante-un ans, entré au n° 21 de la salle

Fouquet, le 18 avril dernier.

Son père est mort jeune, sa mère migraineuse est morte

également ; un frère très bien portant, une soeur est atteinte

d'un fibrome utérin. Lui-même dès l'âge de six mois pré-

sente un eczéma chronique de la face qui réapparaît depuis

de loin en loin. Il est ensuite atteint de rougeole et de coque-

luche. A vingt ans (1866), il contracta la syphilis ; il est soi-

gné par Le Fort à l'hôpital du Midi pour une fistule ulcérée à

l'anus, avec plaque chancreuse sur la bourse gauche. A

vingt-quatre ans (·1570), pendant la guerre, étant à la fron-

tière, il essuie une attaque de rhumatisme articulaire aigu.

Après la guerre, il devient cuisinier de paquebot et commet

de nombreux excès alcooliques.

Voilà bien la multiplicité des causes sclérogènes, premier

caractère de la maladie, caractère qui empêche de classer les

accidents qu'il présente exclusivement dans aucune des mala-

dies qu'il a eues; notamment la syphilis, l'alcoolisme, le

rhumatisme ont tous une part étiologique, mais une part

restreinte. Tous ces facteurs ont collaboré pour produire la

résultante pathologique dont nous allons analyser mainte-

nant les divers termes anatomo-cliniques.

'la Du côté du tube digestif nous trouvons une gastrite

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. toi

chronique avec dilatation de l'estomac : digestions lentes,

pénibles, avec éructations, ballonnement du ventre, consti-

pation... par moments, crampes et tiraillements d'estomac,

suivis et jugés par l'expulsion (régurgitation) d'un demi-

verre de liquide clair comme de l'eau de roche et un peu

filant. Cette gastrorrhée est plus fréquente à certains mo-

ments qu'à d'autres. D'autre part, douleur à la pression du

creux épigastrique, bruit de clapotage stomacal provoqué,

son tympanique étendu ; l'estomac distendu par le mélange

d'acide citrique et de bicarbonate de soude descend jusqu'à

l'ombilic, c'est-à-dire que la dilatation est moyenne ;

2° Du côté de Y appareil respiratoire, nous relevons une

légère dyspnée habituelle avec toux le matin et expectoration

de quelques crachats nacrés gris perle. D'autre part, dispari-

tion des creux sous-claviculaires, sonorité exagérée à ce

niveau, avec expiration prolongée et quelques râles bron-

chiques secs. Donc il existe de la bronchite chronique et de

l'emphysème pulmonaire ;

3° Pour l'appareil circulatoire nous constatons que le

coeur est légèrement abaissé, un léger éclat diastolique aor-

tique, parfois un dédoublement du premier bruit, qui rap-

pelle d'une façon fort intéressante le bruit de galop constaté

autrefois par Potain chez ce malade. Les radiales sont dures,

les temporales sinueuses indurées, les veines saillantes. Il

existe des varices nombreuses et turgescentes aux membres

inférieurs et des hémorroïdes. Donc nous avons de l'angio et

de la cardio-sclérose ;

4° Le rein est atteint de néphrite scléreuse : polla-

kiurie nocturne, polyuric de 3 à 4 litres par vingt-quatre

heures. Le matin, on note souvent de l'oedème de la face et des

paupières. Les urines renferment des traces d'albumine

(elles en ont renfermé antérieurement jusqu'à 2 grammes),

leur densité n'est que de 1010 et leur teneur en azote très

faible ;

5° L'examen du système nerveux nous montre des troubles

multiples.

La mémoire est un peu diminuée par les événements

récents; notre malade a eu une hémiplégie gauche traitée

par Fournier en US887. De la grande hystérie diagnostiquée

par Babinski en 1893, il ne reste aujourd'hui qu'un peu

d'hypesthésie de la cornée. A la face dorsale du deuxième

108 CLINIQUE NERVEUSE.

orteil gauche existe une ulcération assez profonde (trouble

trophique).

Aux membres supérieurs et inférieurs, surtout du côté

gauche, les nerfs sont atrophiés; le deltoïde est réduit à un

simple voile musculaire ; on ne sent plus la boule bicipitalc

dans la contraction de l'avant-bras sur le bras; les muscles

de l'avant-bras sont très réduits; les éminences thénar et

hypothénar ont disparu; les interosseux sont très affaiblis;

6° Enfin en ce qui concerne le tissu fibreux et les articu-

lations, nous trouvons des articulations déformées par le

rhumatisme chronique, de l'hallux valgus, de nombreuses

rétractions tendineuses notamment à la face palmaire des

mains et au niveau des grandes articulations de l'arthrite

sèche avec craquements...

Ce cas est bien analogue au précédent, seulement ici l'atro-

phie musculaire n'est pas accompagnée d'exagération des

réflexes tendineux; c'est la poliomyélite chronique seule

sans sclérose des faisceaux pyramidaux; c'est une autre

espèce d'atrophie musculaire progressive. Au lieu de la sclé-

rose latérale amyotrophique, c'est la forme Aran-Duchenne

de l'atrophie musculaire progressive.

Le tableau de la sclérose multiple disséminée est peut-être

plus complet encore que chez notre premier malade; en de-

hors de la moelle vous avez cinq autres groupes de foyers

scléreux : tube digestif, appareil respiratoire, appareil circu-

latoire, rein, articulations et tissu fibreux. Donc pas d'hésita-

tion pour le diagnostic de sclérose mulliple disséminée; nous

en avons les deux grands caractères : 1° multiplicité dcs

causes superposées; 2° multiplicité et discontinuité des foyers

s.cléreux.

Il n'y a aucune raison pour faire de la sclérose médullaire

une exception et une maladie à part au milieu des autres. Il

est bien plus rationnel de la considérer au même titre que

la sclérose rénale ou la sclérose bronchopulmonaire, comme

une manifestation de la sclérose multiple disséminée.

Dès lors, l'atrophie musculaire progressive 11 ran-Du-

chenue peut, comme la sclérose latérale amyotrophique, être

considérée comme une localisation de la maladie, sclérose

multiple disséminée, sur les cornes antérieures de la subs-

tance grise.

DU SYSTÈME NERVEUX. 109

On peut rapprocher de notre cas le suivant qui est dû à

Nonne ' et qui, étant suivi d'autopsie, complète utilement la

démonstration.

C'est une femme de soixante-quatre ans, qui depuis quel-

ques années présenté quelques vagues troubles nerveux et

depuis quatre ans un diabète d'intensité moyenne. Puis, en

dix-huit mois se développe une parésie avec atrophie des

muscles débutant par les membres supérieurs envahissant

ensuite les inférieurs, suivant une marche lentement progres-

sive et s'accompagnant de réaction de dégénérescence. Elle

meurt de bronchopneumonie aiguë.

A l'autopsie : artériosclérose aortique, manifeste surtout

au niveau du trépied de Ilaller, sur les artères splénique et

pancréatique ; cirrhose du pancréas; dégénérescence atro-

phique chronique des cellules et des fibres des cornes anté-

rieures grises de la moelle dans toute sa hauteur, allant en

s'amoindrissant de haut en bas; aucune altération notable

des vaisseaux médullaires; atrophie partielle des fibres des

nerfs périphériques; atrophie avancée des fibres musculaires

avec multiplication des noyaux et prolifération du tissu con-

jonclif intcrîihrillaire.

Ce cas fort intéressant achève notre démonstration. J'in-

siste en même temps sur deux particularités : 1° le diabète

par cirrhose pancréatique confirme les considérations par

lesquelles nous avons placé le diabète dans les manifesta-

tions possibles de la sclérose multiple disséminée ; 2° l'ab-

sence notée d'altération des vaisseaux médullaires montre que

ces cas ne sont pas des artérioscléroses, mais que Ja sclérose

artérielle est simplement un des syndromes de la sclérose

multiple disséminée comme la sclérose médullaire elle-même.

Voilà les faits qui me paraissent établir nettement qu'au

moins, dans certains cas, l'atrophie musculaire progressive

peut être associée à d'autres scléroses et par conséquent un

des syndromes, une des manifestations de la sclérose multiple

disséminée.

Je vais poursuivre la démonstration par l'élude d'un syn-

drome bien net et bien défini aussi, le tabès dorsal. Je ne

partirai pas ici d'un fait actuel du service. Vous avez bien au

1 Nonne. - Poliomyélite antérieure clnonique chez une diabétique :

pancréas cirrhose, (le-1. 7t ? i Wocli, 1896, p. ` ? oui,)

Il (1 CLINIQUE NERVEUSE.

n° 33 de la salle Fouquet un tabétique très curieux dont

nous pourrons reparler; il a bien de l'artério-sclérose et de

l'athérome aortique, mais comme il est en même temps

tuberculeux, la question est complexe et la démonstration ne

serait pas péremptoire. J'aime mieux prendre deux faits

avec autopsie (par conséquent sans discussion possible),

et empruntés à un observateur indiscuté : Vulpian 1.

Observation II (p. 399). - Il s'agit d'une femme ataxique

dont l'autopsie nous intéresse seule; elle nous montre : 1° la

sclérose des faisceaux postérieurs de la moelle; 2° des

plaques fibreuses d'arachnitis spinale ; 3° des racines posté-

rieures grisâtres; 4° une névrite optique atrophique bilaté-

rale ; 5° les nerfs oculomoteurs commun et externe « pas

aussi blancs qu'à l'état normal » ; G° des anévrismes miliaires

sur les vaisseaux de la pie-mère; 7° un petit foyer de ramol-

lissement dans le noyau caudé ; 8° unepachyméningite céré-

brale chronique : « à la surface de la dure-mère, dans presque

toute l'étendue, et des deux côtés, on trouve une néo-

membrane vascularisée très mince et peu injectée »; 9° des

plaques de sclérose rares sur les artères cérébrales de la

base ; 10° du côté des poumons : « un peu d'emphysème vési-

culaire en avant et aux deux sommets » ; 11° « une adhérence

totale des deux feuillets péricardiques » - 1 ? « quelques

plaques scléroathéromateuses dans l'aorte thoracique et

abdominale s.

Vous voyez combien l'altération est complexe : la sclérose

porte sur la moelle, les nerfs, les méninges, les vaisseaux, le

péricarde, le poumon. Examinée sans parti pris cette autop-

sie permet de conclure à la sclérose multiple disséminée. En

fait c'est une autopsie de tabétique. Pourquoi soustraire à la

sclérose multiple disséminée la sclérose des faisceaux médul-

laires postérieurs alors qu'on lui attribue sans difficulté la

sclérose des autres organes.

Voici un autre cas analogue : il s'agit encore d'une femme

ataxique dontnous résumons exclusivement l'autopsie (obser-

vation III, p. 408) : 1° sclérose des cordons postérieurs;

2° atrophie du nerf optique gauche; 3° vaisseaux de la base

du cerveau atbéromateux ; 4° teinte rouille assez marquée

avec un faible degré d'induration à la partie tout à fait anté-

1 Vulpian. ? f«7. du sy ? ncit'. : malud. de la moelle, 181 ! ).

' MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 1 I 1

rieure et médiane des circonvolutions de la face orbitaire

du cerveau; 5° emphysème pulmonaire assez prononcé des

deux côtés, surtout des bords antérieurs; adhérences peu

étendues du sommet gauche; foyer de pneumonie chronique

des deux côtés ; 6° bronchite chronique ; 7° athérome des

valvules sigmoïdes et de l'aorte avec dilatation; 8° près de

l'utérus brides d'ancienne péritonite et kyste de l'ovaire. Le

compte rendu de cette autopsie comporte les mêmes remar-

ques que pour l'observation précédente.

Ces deux faits dont on pourrait rapprocher bien d'autres

peuvent me servir de point de départ pour établir cette nou-

velle thèse : le tabe.s est un syndrome aaalomo-clinique qui

doit, le plus souvent, être rattaché aune maladie plus géné-

1'ale que l'on peut appeler la sclérose multiple disséminée 1.

Je n'ai pas à rappeler la caractéristique symptomatique et

anatomique de ce syndrome-tabes.

La démonstration poursuivie comporte d'abord trois pro-

positions : '1° dans le tabès isolé, il y a souvent des lésions

scléreuses éparses, discontinues, disséminées ; 2° avec le

tabes coexistent souvent chez le même sujet d'autres syn-

dromes anatomo-cliniques nerveux qui correspondent à

d'autres foyers disséminés de sclérose du système nerveux ;

3° au tabès on trouve également associées chez le même

sujet diverses scléroses d'organes autres que le système ner-

veux.

1. Dans le tabes pris en lui-même il y a souvent des

lésions scléreuses éparses, discontinues, disséminées. La

lésion la plus importante du tabes est dans le protoneurone

sensitif ou centripète de la moelle (cordons postérieurs,

racines postérieures, ganglions spinaux). Cette première

lésion même la plus étroitement locale est le plus souvent

éparse. Elle peut atteindre en effet les protoneurones senso-

riels comme les protoneurones radiculaires spinaux. Et il n'y

a aucune continuité nécessaire, ni même habituelle entre les

diverses lésions. On sait depuis longtemps que la lésion du

nerf optique peut se trouver chez [un tabétique dorso-lom-

baire ; il n'y a là ni contiguïté, ni continuité entre les

lésions.

1 Voir mon Rapport sur le traitement du tabes au Congrès de Moscou

(1897).

11 : 2 CLINIQUE NERVEUSE.

De plus, si l'on peut placer dans ce protoneurone centripète

la lésion principale, systématisée du tabes, il y a cependant

des lésions ailleurs, dans d'autres régions : ainsi, la ménin-

gite spinale chronique, tellement fréquente et importante,

que certains auteurs lui ont attribué le rôle primordial dans

la pathogénie du tabes ; ainsi les lésions des nerfs périphé-

riques, lésions bien étudiées par Déjerine, Pitres et Vail-

lard, qui débutent souvent par la périphérie et constituent

bien ainsi des foyers distincts de la lésion médullaire.

Donc, dans le tabès non compliqué, il y a déjà une série

de lésions éparses, discontinues, disséminées. C'est ce qui a

fait dire à P. Marie que c'est uniquement pour obéir aux

« traditions ayant cours en nosographie à l'heure actuelle »,

qu'il décrit le tabes « parmi les maladies de la moelle et

comme une maladie de la moelle ».

2. Avec le tabes coexistent souvent chez le même sujet

d'autres syndromes anatomo-cliniques nerveux qui corres-

pondent à d'autres foyers disséminés de sclérose du système

nerveux.

Ce sont d'abord les polynévrites dont nous venons de parler.

C'est ensuite la paralysie générale; on discute beaucoup

ses rapports avec le tabes et l'accord semble difficile entre

unicistes et dualistes. Quand on voit survenir des troubles

psychiques chez un tabétique ou des symptômes de tabes

chez un paralytique général, on parle de complication, d'ex-

tension, ou bien on change son diagnostic.

La vraie interprétation de ces faits me paraît être d'ad-

mettre dans le tabes et la paralysie générale, deux groupes

de lésions bien distinctes, unies seulement par les mêmes

causes, par la même maladie générale chez le même sujet.

Ce sont là des foyers disséminés de sclérose, car la sclérose

joue un réel et grand rôle dans la paralysie générale.

Vous avez encore l'association du tabes avec la sclérose

latérale ; le tabes combiné je l'ai étudié en 1886 et en ai fait

une myélite systématisée postérieure diffuse antérieure, un

exemple d'associations scléreuses. Vous avez enfin l'associa-

tion du tabes avec la maladie de Basedow, qui s'accompagne

souvent de sclérose thyroïdienne.

1 Du tabès combiné (ataxozpasmod.) ou sclel'-f1ostel'olatel' de ta moelle.

(.11,ch. de Xeurol., 1887, XI, 15G et 380; XII. 27.)

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 113

3. Au tabes on trouve également fréquemment associées

chez le même sujet diverses scléroses d'organes autres que le

système nerveux.

Nous trouvons d'abord le coeur des tabétiques. J'ai signalé

après Berger et Rosenbach en J 880 la fréquence de la coexistence

du tabes et des cardiopathies chroniques, surtout aortiques' ;

le fait est aujourd'hui confirmé et acquis. J'avais proposé une

théorie qui faisait du coeur du tabétique un coeur de doulou-

reux ; je l'abandonne aujourd'hui pour y voir un exemple de

coexistence de la sclérose tabétique avec un autre foyer de

sclérose localisé sur le coeur.

Il,en est de même pour l'artério-sclérose, celle-ci ne peut

pas être l'origine de la sclérose systématisée du tabès ; elle

se rencontre cependant souvent, ce sont des manifestations

diverses de la sclérose multiple disséminée.

On peut en dire autant de l'association tabès et diabète.

Nous avons montré comment le diabète se rattache à la sclé-

rose multiple disséminée par la sclérose du foie, surtout celle

du pancréas, par ses relations avec l'arthrilisme. Avec le

diabète, non seulement on rencontre l'abolition des réflexes

rotuliens, non seulement le pseudo-tabes qui tient à la poly-

névrite, mais encore le tabès vrai comme en témoigne le

mémoire de Guinon et Souques.

Le corollaire de cette démonstration qui en sera ainsi une

nouvelle preuve est la notion de la complexité étiologique

pour le tabes, comme pour la sclérose multiple disséminée ;

vous savez, en effet, que cette multiplicité étiologique est une

caractéristique de la sclérose disséminée, au même titre que

la présence de foyers scléreux multiples disséminés.

En tête des causes du tabes est certainement la syphilis.

C'est l'élément étiologique le plus fréquent, tellement fré-

quent que je vous ai dit souvent qu'à un tabétique quel-

conque, dès votre diagnostic posé, vous pouvez hardiment

poser la question : à quel âge avez-vous eu la vérole ? Les

idées de Fournier, développées par Erb, sont tout à fait con-

firmées. Mais faut-il dire avec Marie que le tabes est toujours

d'origine syphilitique, que le poison syphilitique est la cause

unique et directe de tout le tabes ? Je ne le crois pas.

1 Al. locom. et lés. caml. Contrib. « l'élude du. 1'etentiss. des mal. dou-

lour. sur le coet'. (monts. méd., 1880, XLIV, 483).

Aucuives, 2e série, t. IV. 8

114 CLINIQUE NERVEUSE.

D'autres causes collaborent souvent avec la syphilis. C'est

d'abord l'arthritisme. Hosenthal a indiqué l'action du refroi-

dissement et du rhumatisme dans l'étiologie du tabes. Char-

cot a montré la coincidence du rhumatisme chronique et

du tabès. Belugou, bien placé à La Matou pour faire une

enquête a relevé sur 32 tabétiques : rhumatisme, IS; herpé-

tisme, 1 ; eczéma chronique, 1 ; syphilis, 1 J ; hérédité névro-

pathique, 13; abus fonctionnels, 31.

Fischer et surtout Souques et Guinon ont montré par de

nombreuses observations l'alternance familiale ou l'associa-

tion individuelle du tabès et du diabète et je vous citerai

comme exemple cette famille israélite où le père étant

ataxique non syphilitique, des deux fils l'un se suicide,

l'autre devient obèse et diabétique. Il existe encore d'autres

causes : le saturnisme et le paludisme (Minor), l'alcool, le

tabac, l'arsenic. les intoxications.

Il y a enfin deux gros éléments étiologiques pour le tabès :

le surmenage (général et local, fatigue médullaire par excès

vénériens, onanisme, coïts anormaux, par trépidation chez

les mécaniciens, les ambulants), et l'hérédité, hérédité névro-

pathique générale, sur laquelle l'école de la Salpêtrière a

tant et légitimement insisté.

Donc le tabès est justiciable de causes multiples, et ces

causes multiples, ordinairement superposées chez le même

sujet sont précisément les causes ordinaires de la sclérose

multiple disséminée. C'est de cette façon que vous com-

prendrez la parasyphilis de Fournier. Après avoir constaté

comme beaucoup d'autres, la banqueroute fréquente du

traitement spécifique contre le tabes, Fournier a dit : c'est

d'origine syphilitique et pas de nature syphilitique.

Cette notion est très juste et très ingénieuse, mais elle ne

peut guère se comprendre que par la notion de la com-

plexité étiologique. Dans les cas dits parasyphilitiques, le

labes par exemple, la syphilis intervient bien comme cause

très fréquente sinon constante, mais elle n'intervient pas seule.

La syphilis a des collaborateurs, d'autres causes coagissent

avec elle. Dès lors l'origine du tabès n'est pas exclusivement

syphilitique et l'on comprend dans une certaine limite que le

traitement spécifique n'ait pas la même efficacité que dans les

manifestations reconnaissant la syphilis pour seule cause.

Voilà- donc, après les atrophies musculaires, un deuxième

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. '1 1 5

grand exemple de syndrome anatomo-clinique que l'on peut

rattacher à la sclérose multiple disséminée, le tabes. Je ne

veux pas passer en revue toute la neuropathologie, nous

tomberions dans des redites et je n'ai pas de documents cli-

niques actuels pour tous les chapitres. Mais je veux encore

citer un autre exemple dont vous avez un cas dans le service,

les polynévrites. ,

11 s'agit du n° 13 de la salle Fouquet : homme de cin-

quante-deux ans entré au service le 9 mars 1897. Son père

était un rhumatisant ; sa mère une névropathe mentale :

double hérédité classique, d'un côté de la maladie sclérose

multiple disséminée, de l'autre de la localisation de cette

maladie sur le système nerveux.

Personnellement : cet homme à l'âge de vingt et un ans est

atteint d'un rhumatisme subaigu qui nécessite deux mois de

lit et six mois de convalescence et à vingt-trois ans d'une

iritis non syphilitique. C'est de plus un alcoolique avéré qui

s'enivre au moins deux fois par mois depuis trente ans. Voilà

l'étiologie complète ! Ce n'est ni un rhumatisant ni un alcoo-

lique exclusif; il réunit ces deux conditions sclérogènes.

Il y a six mois, survient une douleur dans l'épaule droite

qui s'étend ensuite aux extrémités supérieures et s'accom-

pagne de gonflement léger au niveau des doigts et des poi-

gnets. Puis, l'enflure disparait, mais la douleur suit une

marche progressive.

Actuellement, la douleur se montre à la pression, à l'épaule

droite, au coude droit, dans la continuité des avant-bras et

des doigts, surtout du médius et de l'annulaire droits. Il n'y

a pas de réflexes tendineux. La sensibilité au tact et à la tem-

pérature est normale mais elle est altérée profondément pour

la douleur. Il existe de l'analgésie aux doigts des deux côtés

et des bandes diverses d'analgésie surtout à droite au niveau

des avant-bras et des bras. - Les mains sont froides et l'on

note de l'engourdissement facile, surtout à droite.

Aux membres inférieurs il existe de la douleur à la pres-

sion sur les divers segments surtout à droite, un peu plus

marquée au niveau des extrémités. - Il n'y a pas d'exagé-

ration des réflexes rotuliens. La sensibilité à la douleur est

assez obtuse et l'on relève des zones d'analgésie multiples du

côté de l'extension et symétriques. - Les pieds sont froids,

s'engourdissent facilement ; et les crampes sont fréquentes

Ho CLINIQUE NERVEUSE.

dans les mollets. Il n'y a ni paralysie motrice, ni amyotro-

phie ; mais seulement un peu de raideur dans les mouve-

ments des extrémités et une diminution marquée des forces :

le dynamomètre indique 9 à droite, 23 à gauche.

Le diagnostic de polynévrite est facile : il ne s'agit pas d'un

rhumatisme vulgaire, il ne s'agit pas d'une myélopathie ; il y

a de la douleur à la pression des troncs nerveux, etc. Mais à

côté de cela, notre homme se lève trois ou quatre fois la nuit

depuis fort longtemps pour uriner; il a des vertiges fré-

quents ; présente un peu de claquement diastolique ; son

pouls est petit, résistant avec une tension de '19 ; le foie est

diminué de volume et il existe un léger emphysème pulmo-

naire. Ainsi vous avez là de la sclérose des vaisseaux, peut-

être du rein, de la sclérose du foie, du poumon...

Donc en somme il s'agit de la sclérose multiple disséminée,

avec polynévrite. Les mêmes causes héréditaires et per-

sonnelles ont évidemment produit la polynévrite et la sclé-

rose multiple. Il est impossible de séparer les deux choses.

La polynévrite est une localisation, une manifestation de la

sclérose multiple disséminée de ce malade, au même titre

que son artério-sclérose, sa cirrhose hépatique ou s'On

emphysème pulmonaire.

C'est le cas de dire un mot du rôle, des infections et des

intoxications dans l'étiologie de ces états. Vous savez qu'il

est classique de dire que les grands éléments étiologiques des

polynévrites sont les infections et les intoxications. Le fait

est très vrai et l'alcool, le plomb, la diphtérie... en sont des

exemples. Mais notre théorie actuelle ne contredit pas à cette

donnée classique, au contraire. Les infections et les intoxi-

cations jouent en effet un rôle considérable dans l'étiologie

de la sclérose multiple disséminée.

Quand j'ai étudié avec vous *, l'étiologie de la sclérose

multiple disséminée, je vous ai dit que deux grands principes

la dominaient : la notion de la complexité étiologique et la

notion du rôle considérable des infections et des intoxica-

tions.

Les infections et les intoxications font les poussées succes-

sives que l'on observe dans la sclérose multiple disséminée.

Ainsi chez un arthritique, un alcoolique ou un paludéen,

Leçons de clin, méd., 3° série, 1897, p. 301.

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 117

une infection pneumococcique aiguë pourra faire de la sclé-

rose pulmonaire à la suite d'une pneumonie aiguë, chez le

même individu, une infection quelconque fera de la sclérose

rénale ou de la sclérose médullaire. Les infections endogènes

feront de la même manière le foie des dyspeptiques, étudié

par Bois. - De même, le tabac, l'alcool ou le plomb, à dose

inoffensive ou insuffisante pour d'autres, feront de la sclérose

chez un arthritique ou un héréditaire.

Donc, les infections et les poisons sont les grandes causes

des poussées aiguës dans la sclérose multiple disséminée.

Mais il faut en même temps, pour la production de la

maladie, la collaboration d'autres éléments étiologiques, à

action lente et durable, tels : l'arthritisme héréditaire ou

acquis (rhumatisme, goutte, maladie bradytrophiques) dont

nous avons étudié déjà la caractéristique clinique l'al-

coolisme chronique, le saturnisme, le tabagisme, le palu-

disme, la syphilis, la sénilité.

Voilà l'ensemble des causes de la sclérose multiple dissé-

minée. Ces causes deviennent ainsi celles des maladies du

système nerveux que nous rattachons à la sclérose multiple

disséminée. Seulement dans ces cas, il se surajoute d'autres

éléments étiologiques encore, qui déterminent non plus la

formation générale et disséminée de la sclérose, mais la

localisation particulière de cette sclérose sur le système ner-

veux. Ces causes se résument dans la disposition névropa-

thique personnelle ou héréditaire, qui a elle-même ses élé-

ments pathogéniques ordinaires sur lesquels je ne puis

insister.

Ainsi notre dernier malade présente nettement cette étio-

logie : l'hérédité arthritique, le rhumatisme et l'alcoolisme

personnels sont chez lui les causes de la sclérose multiple

disséminée ; l'hérédité névropathique et l'alcoolisme per-

sonnel sont les causes de la localisation de cette sclérose

multiple sur ses nerfs.

De même, un homme à hérédité névropathique et ayant

affaibli sa moelle par des excès fait de la sclérose multiple

disséminée sous l'influence de la syphilis ou de l'arthritisme :

la sclérose se localise sur la moelle dont la résistance est

diminuée et il fera du tabes ou telle autre sclérose médullaire.

1 Leçons de clin, méd., 2c série, 1890. p. 671.

118 8 CLINIQUE NERVEUSE.

Tout ce que nous venons de dire de la moelle ou des nerfs

pourrait bien dans une certaine mesure se dire aussi de l'en-

céphale. Seulement dans l'encéphale c'est le plus souvent par

l'intermédiaire des vaisseaux que la sclérose multiple dissé-

minée se manifeste (hémorragie, ramollissement). La sclé-

rose y est relativement rare et d'une étiologie habituellement

obscure.

Cependant on trouve notamment dans le travail de Leudet

sur la méningite chronique et son influence sur la produc-

tion de la polyurie, quelques observations bien curieuses au

point de vue qui nous occupe. Ce sont des faits comme

celui-ci : observation IX, à l'autopsie : méningite plastique,

hypertrophie partielle de la muqueuse stomacale, néphrite

chronique. Leudet étudie ce cas comme méningite chronique

et donne lalésion gastrique et la néphrite comme complica-

tions. Un autre aurait pu, tout aussi justement, étiqueter le

même fait néphrite chronique ou gastrite chronique avec

complication méningée. Au fond il s'agissait d'un alcoolique

atteint de sclérose multiple disséminée, localisée à la fois sur

le rein, l'estomac et les méninges.

11 me semble que j'ai suffisamment étayé ma thèse : dans

beaucoup de cas de maladies du système nerveux il y a en

même temps de la sclérose multiple disséminée, et on est

alors autorisé à dire que les deux groupes morbides ne font

qu'une maladie : la slcérose multiple disséminée.

Les diverses maladies du système nerveux sont donc de

plus en plus, suivant une idée que je défends et répète

depuis 18ï71, uniquement des syndromes anatomo-cliniques

et non des maladies vraies, des espèces nosologiques.

Le tabes, l'atrophie musculaire progressive, la sclérose

latérale, amyotrophique, les polynévrites... sont des syn-

dromes anatomo-cliniques dont il faut faire d'autre part

l'histoire nosologique. C'est un chapitre de cette histoire noso-

logique, encore embryonnaire, que nous venons de faire ou

d'essayer, en rattachant un grand nombre de ces syndromes

anatomo-cliniques à la sclérose multiple disséminée, qui,

elle, est une maladie, - j'espère vous l'avoir démontré

ailleurs.

' Voir la Ire édition de mes Leçons sur les maladies du système raer-

veux. ,

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 119 D

Il va sans dire que tout ceci ne s'applique qu'aux syn-

dromes nerveux dont la lésion est une sclérose. Ils sont

légion. Mais cela peut-il s'appliquer à toutes les scléroses du

système nerveux ? Ici nous trouvons une difficulté et unc

objection que nous ne devons pas fuir : elles découlent de la

distinction ancienne et ressuscitée des myélites systématisées

et des myélites diffuses, et en général du rôle de la sclérose

dans les lésions d'origine parenchymateuse.

A propos du n° 33 de la salle Fouquet je vous exposerai

bientôt l'état actuel des connaissances sur les lésions du tabcs

en m'aidant notamment de la thèse de Philippe. Vous verrez

que l'on continue à admettre les lésions parenchymateuses,

la distinction entre les myélites systématisées ou parenchy-

mateuses et les myélites diffuses. Peut-on admettre la sclé-

rose dans les maladies à processus parenchymateux pri-

mitif ? ' «

Certains auteurs disent non, notamment Brault1. Brault

refuse le nom de sclérose aux épanouissements de tissu con-

jonctif ne correspondant pas à un processus inflammatoire et

succédant soit aux dégénérations secondaires (faisceaux

pyramidaux) soit aux lésions primitives du parenchyme

(tabès). Il n'admet donc pas des scléroses systématisées ; ce

n'est qu'une simple hyperproduction vicariante de tissu con-

jonctif. Il trouve doublement inexact le mot de sclérose des

cordons postérieurs pour le tabes, car, dit-il, « il est certain

que le développement de la névroglie n'est que la consé-

quence lointaine de la désorganisation lente des cordons

postérieurs, et, d'autre part, que le tissu néoformé n'a aucun

des caractères assignés dans les lignes qui précèdent aux

tissus de sclérose ».

Je crois qu'il y a de l'exagération dans cette manière de

voir. Je ne prétends pas que tous les cas de sclérose aient la

même pathogénie, le même processus de formation, - on

peut donc reconnaître des variétés parmi les scléroses ? .;

mais cela n'empêche pas que tout cela appartient aux sclé-

roses. Qui dit sclérose, dit traditionnellement hypcrplasie ou

hyperproduction de tissu conjonctif; l'effet caractéristique

de la sclérose est toujours le même, c'est la substitution du

1 Brault. - Les artériles et les scléroses. (Encyclop. scieulif. des Aides

mém.). 1897, p. 95.

120 CLINIQUE NERVEUSE.

tissu interstitiel hypertrophié au tissu actif atrophié. Dans

cet effet double également caractéristique, atrophie du tissu

actif et hypertrophie du tissu inerte, l'un ou l'autre des- élé-

ments constitutifs peut être primitif. Si l'hypertrophie con-

jonctive est primitive et étouffe le tissu parenchymateux :

c'est une variété de sclérose. Si l'atrophie parenchymateuse

est primitive et provoque l'hypertrophie de remplissage du

tissu de soutenement : c'est une autre variété. Mais dans les

deux cas le résultat final est le même : c'est la sclérose. La

chose est généralement admise pour les organes autres que

le système nerveux. Pour le rein, que le point de départ soit

parenchymateux ou interstitiel, si la sclérose se développe,

c'est toujours de la sclérose. Il en est de même pour le foie...

Dans le système nerveux lui-même, ce qui prouve qu'il n'y

a pas opposition de nature entre la sclérose primitive et la

sclérose secondaire c'est que les deux peuvent se mêler,

s'associer chez le même sujet.

Ainsi la paraplégie tardive des hémiplégiques cérébraux,

étudiée par Pitres, est due à une sclérose diffuse secon-

daire consécutive à une sclérose systématisée ; dans le tabes

combiné, il y a souvent myélite diffuse et myélite systé-

matisée, ce qui me l'a fait appeler une myélite mixte ; dans

le tabès ordinaire même, certaines lésions comme celles des

méninges ne sont pas étroitement systématisées.

Donc, je maintiens au mot sclérose son sens général d'hy-

perplasie conjonctive. Seulement il y a des variétés : notam-

ment la sclérose primitive et la sclérose secondaire à une

lésion parenchymateuse primitive ; comme il y a une variété

consécutive à l'artério-sclérose et une variété non consécutive

à l'artério-sclérose.

La transition est toute naturelle pour passer à une autre

objection que Huchard vient de formuler en rendant compte

de nos Leçons du trimestre dernier.

« Sous ce nom nouveau (sclérose multiple disséminée)

M. Grasset décrit des choses absolument distinctes : la diathèse

fibreuse de Debove, les inflammations interstitielles polyvis-

cérales de Bard, les scléroses dystrophiques de H. Martin, les

scléroses d'origine artérielle de Lancereaux, Gull et Sutton,

Huchard et Weber... Il nous semble que pour l'éclaircisse-

1 Journal des Praticiens, 1897, p. 303.

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 121

ment de cette question M.Grasset aurait dû étudier dans

autant de chapitres séparés la « sclérose multiple dissé-

minée » suivant qu'elle provient : 1° de l'inflammation inters-

titielle primitive des organes comme Bard l'enseigne ; 2° de

la a diatbèse fibreuse », comme l'ont indiqué Debove et

Letulle ; 3° de la sclérose artérielle, comme l'ont démontré

quelques auteurs. Cette dernière n'est pas de nature inflam-

matoire, elle est un trouble de nutrition, tandis que les sclé-

roses étudiées par Bard, par exemple, sont franchement et

directement inflammatoires. Donc, il s'agit de deux états

morbides absolument différents, et il n'y a pas là de question

plus ou moins doctrinale à soutenir ou à défendre. Les deux

états morbides doivent être séparés, sans aucun doute ; mais

c'est une erreur de diviser les auteurs en deux camps opposés.

Les scléroses non inflammatoires d'origine artérielle exis-

tent, ce qui est d'entière évidence ; les scléroses interstitielles

d'origine inflammatoire doivent également exister, puis-

qu'elles ont été vues et contrôlées par des hommes de grande

valeur. La discorde scientifique n'est donc qu'apparente. »

J'enregistre d'abord avec plaisir que la discorde scienti-

fique n'est qu'apparente. J'avoue que je la croyais plus

profonde, et entre médecins d'autorité clinique telle, que

cela me peinait de ne pas être de l'avis de tous. Je me félicite

donc de l'entente. Cependant il n'est pas inutile de bien pré-

ciser le débat.

Tous les auteurs que j'ai cités dans mes leçons sur la sclé-

rose multiple disséminée connaissent bien cette maladie

cliniquement, la décrivent très bien symptomatiquement :

l'accord est complet sur le point de vue clinique. Mais il existe

un désaccord, au moins apparent, au point de vue anatomo-

pathologique, et comme c'est une maladie surtout caracté-

risée par sa lésion, le désaccord me paraissait avoir un cer-

tain retentissement doctrinal sur sa nature nosologique.

A quoi tendent en effet les très beaux travaux de Huchard ?

D'abord à décrire la sclérose multiple disséminée, ensuite à

établir que tous foyers de sclérose proviennent de l'arté-

riosclérose, que l'artériosclérose fait l'unité de cette maladie,

étant derrière et à l'origine de ces divers foyers épars.

Aussi, après lui et d'après lui, disions-nous' que l'artérios-

1 Leçons de clin, Ire série, p. 522 et 535.

122 CLINIQUE NERVEUSE.

clérose forme « le lien initial commun de bien des maladies

à apparence terminale distincte. » Et on développait l'idée

de l'artériosclérose faisant d'abord des troubles circulatoires

dans l'organe, déterminant la claudication intermittente de

l'organe, puis étant le point de départ soit de la sclérose dys-

trophique d'Ifippolyte Martin, soit de la sclérose par voisi-

nage de Huchard, soit enfin les scléroses mixtes par asso-

ciation de ces deux processus.

En face de ces idées, se sont élevées, au point de vue ana-

tomopathologique celles (que nous croyions nettement con-

tradictoires à certains points de vue) de Letulle, Brault et Bard.

Letulle combat carrément la notion de la sclérose dystro-

phique, ne comprend pas l'ischémie d'un organe qui entraîne

l'hypertrophie des éléments connectifs de cet organe, soutient

avec Brault que « la coïncidence plus ou moins commune de

la sclérose d'un viscère avec des lésions inflammatoires de

ses vaisseaux nourriciers ne comporte pas une corrélation de

causalité nécessaire », admet plutôt la simultanéité des

processus phlogogènes fibroïdes frappant les parois vascu-

laires en même temps que la gangue interstitielle des or-

ganes » et trouve que la théorie de l'artériosclérose « ne parait

pas reposer sur des bases suffisamment solides ». Ne vous

semble-t-il pas, comme à moi, qu'au point de vue anatomo-

pathologique la discorde scientifique pouvait sembler plus

qu'apparente.

De même, Bard étudie les polyscléroses viscérales d'em-

blée, sans lésion initiale et causale des artères, n'admet pas

que « des lésions artérielles soient à l'origine de toutes les

scléroses insiste sur ce fait que les lésions conjonctives les

moins suspectes d'origine dystrophique comme les furoncles

et les tubercules, s'accompagnent d'endartérile des vaisseaux

compris dans la lésion et conclut que « la conception actuelle

de l'artériosclérose est beaucoup trop compréhensive» qu'elle

« doit reculer de tout le domaine qu'elle a usurpé sur ces

inflammations interstitielles primitives ».

Je vous ai développé tout cela, le trimestre dernier, et n'y

reviendrais pas sans la critique de Huchard, qui m'a paru

mériter une réponse. Je vous ai montré pour divers organes,

rein, foie, moelle..., la discussion entre les deux écoles sur le

rôle pathogène des vaisseaux dans la production des scléroses

observées.

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 123

Tout récemment encore, dans un livre que nous avons

déjà cité, paru depuis ces leçons, Brault étudie, dans une

série de chapitres, la question de savoirs'il existe une relation

entre les artères et les inflammations aiguës, puis entre les

artères et les inflammations nodulaires, puis entre les lésions

des artères et les inflammations chroniques (sclérose). Et il

conclut par la phrase suivante qui commence les chapitres

consacrés à la pathogénie des scléroses : « L'idée générale

qui se dégage des faits précédents est que, dans aucun or-

gane, le développement du tissu conjonctif n'est commandé

par les lésions des vaisseaux, puisque les lésions vasculaires

existent sans sclérose, et que, d'autre part, bien plus souvent

encore, les indurations chroniques évoluent sans la partici-

pation des vaisseaux nourriciers. »

Après de pareilles déclarations de principes (à mon sens

du reste trop absolus) ne sommes-nous pas excusables d'avoir

pensé que la discorde scientifique était non seulement appa-

rente, mais réelle.

Huchard nous cause le plaisir de nous dire qu'au fond il

est d'accord avec Letulle, Bard et Brault; qu'au fond, ils ont

simplement envisagé des cas différents; que tout le monde a

raison, chacun pour le chapitre qu'il a étudié; que ces faits,

en apparence contradictoires, visent uniquement des variétés

différentes. Soit, je ne demande pas mieux; et au fond,

c'est ma manière de voir, puisque j'ai combattu les exagé-

rations opposées des deux écoles. Je ne chicanerai pas

Huchard sur la proportion relative des cas que chacun admet

de son espèce : la part laissée par Huchard aux scléroses non

artérielles et la part laissée par Brault aux scléroses arté-

rielles serait peut-être un peu réduite et minuscule. Mais ce

serait de la chicane.

J'aime mieux admettre et vous enseigner nettement avec

la conviction nouvelle (et agréable) que je reste d'accord avec

Huchard : que dans la sclérose multiple disséminée il y a

souvent de l'artériosclérose; que cette artériosclérose est,

dans un certain nombre de cas, l'origine de quelques autres

scléroses, mais que souvent aussi cette artériosclérose, ou

n'existe pas, ou n'est pas le point de départ nécessaire des

autres foyers de sclérose.

Donc, comme toute maladie fréquente, vaste et compré-

hensive, la sclérose multiple disséminée, tout en gardant sa

'124 CLINIQUE NERVEUSE.

grande unité clinique et nosologique, a des variétés. Nous en

soulignons aujourd'hui deux espèces : variétés anatomo-

pathologiques, suivant que les artères jouent ou non un rôle;

variétés pathogéniques, suivant que l'altération est primitive

parenchymateuse ou directement interstitielle. Voilà les deux

points que je n'avais pas développés dans mes leçons du

trimestre dernier, qui justifient celles-ci en complétant les

premières.

Il ne me reste qu'un mot à ajouter pour montrer l'utilité

que cette notion de la sclérose multiple disséminée peut

avoir pour la thérapeutique et spécialement pour la théra-

peutique des maladies du système nerveux, puisque c'est

plus spécialement de ce chapitre que nous nous occupons.

Un exemple suffira à vous montrer tout de suite cette utilité

et ses limites : la question du traitement du tabès.

C'est là une grosse question que je viens d'étudier de près

pour le congrès de Moscou. Une enquête auprès de 80 mé-

decins français m'a fourni de grosses divergences : certains

ne voient guère que le traitement antisyphilitique; d'autres,

constatant l'insuccès trop fréquent de ce traitement, tombent

dans un scepticisme outré.

La notion de la sclérose multiple disséminée ne crée mal-

heureusement pas une thérapeutique nouvelle du tabès, mais

elle permet de mettre les choses au point : l'idée directrice

est l'idée de la multiplicité étiologique que nous substituons

à l'idée de parasyphilis. -

La syphilis joue un rôle étiologique ; mais ce rôle est

limité : elle n'est pas seule. Vous voyez donc le rôle du trai-

tement antisyphilitique : il luttera contre les progrès de la

maladie, contre certains éléments... Mais le traitement anti-

syphilitique n'agira pas comme pour une gomme ; il y a ici

d'autres éléments étiologiques. En l'absence de traitement

spécifique nous ne sommes cependant pas désarmés. Il y a le

traitement de l'arthritisme; eaux minérales; iodure.... Puis,

comme dans tous les cas où il n'y a pas de traitement spé-

cifique triomphant, il faut recourir au traitement de la lésion

et au traitement des symptômes et là se dégagent des indi-

cations puissantes : révulsion, suspension, Frenkel...

Voilà l'idée qui peut éclairer non seulement le tabès, mais

toute la neuropathologie.

Sans doute, cette notion de la sclérose multiple disséminée

OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE. 125

n'est pas une révolution en neuropathologie ; mais elle est

un utile complément de nos connaissances étiologiques et de

l'ensemble de nos connaissances cliniques sur les maladies

du système nerveux.

RECUEIL DE FAITS.

OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE

PENDANT TRENTE-HUIT ANS;

Par le D' D. BRUNET,

Directeur-médecin honoraire de l'Asile d'Evreux.

Sommaire. - Aphasie survenue chez un jeune homme de vingt-un

ans. - Description des symptômes par Trousseau (2° volume de la

Clinique médicale, 7e édition, p. 689). - Mort de pneumonie ci

cinquante-neuf ans. Foyer ancien de l'hémisphère cérébral

gauche. - Aucune modification symptomatique pendant la longue

durée de l'aphasie.

Le nommé Guénier (Henri-François), né à Parcé (Sarthe), le

2 avril 1837, célibataire, plaqueur, est entré à l'asile de Ville-

Evrard le 4G février 1874, et a été transféré à celui d'Evreux le

24 juillet 1875. Son observation est rapportée de la manière sui-

vante par Trousseau :

« Dans le courant du mois d'août 1863, une dame de province

amenait dans mon cabinet son fils, âgé de vingt-cinq ans. Quatre

ans auparavant, ce jeune homme avait été pris de mal de tête et

la céphalalgie avait duré plusieurs jours, quand tout à coup, un

matin, il dit à sa mère : Ah ! je me sens quelque chose d'extraor-

dinaire. Ce furent ses dernières paroles; le bras et la jambe du

côté droit s'engourdirent, et après quelques heures l'hémiplégie

fut complète. Au bout de quelque temps les mouvements commen-

cèrent à se rétablir dans la jambe, puis dans le bras, et lorsqu'il

vint chez moi, ce jeune homme marchait encore avec difficulté et

ne pouvait se servir de sa main que pour des usages extrêmement

grossiers. Mais l'aphasie, qui avait été complète dès le premier

jour, ne s'était jamais modifiée. Il n'avait au service de son intelli-

120 RECUEIL DE FAITS.

gence que deux mots : Non, maman. « Comment vous appelez-

vous ? Maman. »

« Quel âge avez-vous ? - Maman, non. »

Et toujours ainsi. Il comprenait pourtant qu'il ne répondait pas

comme il l'aurait dû faire. Il s'était appris à écrire de la main

gauche, mais il n'avait jamais pu que signer son nom : Guénier

(Henri).

Il l'écrivit très lisiblement sur une feuille de papier que je lui

présentai. « Puisque vous écrivez votre nom, lui dis-je, prononcez

" Guénier ». Il fit quelques efforts et dit « Maman ». - Dites

«Henri ». Il reprit « non, maman ».-Eh bien ! écrivez « maman».

Il écrivit « Guénier». Ecrivez «non ». Il écrivit encore « Guénier ».

Quelque instance que j'y misse, je ne pus obtenir rien de plus.

La mère me raconta qu'il jouait assez bien aux dames et aux

cartes. Il était naguère grand amateur de lecture et souvent il

prenait des livres qu'il paraissait lire aveè intelligence; mais sa

mère avait remarqué qu'après quelques minutes, il laissait le livre

comme s'il n'y trouvait aucun intérêt, pourtant on avait soin de

ne mettre entre ses mains que des écrits faciles à comprendre et

en même temps amusants. Je dois dire que sa figure exprimait

l'intelligence, comme celle de la plupart des aphasiques; mais

comme sa santé était parfaite, qu'il n'avait pas de maux de tête et

que sa vue était excellente, il fallait bien qu'il y eût quelque

trouble dans son intelligence, pour qu'il ne trouvât pas de

charme à une lecture qui, autrefois, l'eût beaucoup intéressé. »

Le 5 décembre 1896, le nommé Guénier est pris de pleuropneu-

monie à laquelle il succombe au bout de six jours.

L'aphasie dont il était atteint et qui a été si bien décrite par

Trousseau n'a subi aucune modification pendant trente-quatre ans,

du moment où elle a été décrite par ce professeur jusqu'à celui de

sa mort, et elle paraît également être restée stationnaire les

quatre premières années.

Pendant seize ans nous l'avons examiné sous ce rapport avec

beaucoup de soin. Il ne pouvait prononcer d'une manière dis-

tincte que les deux mots : « Non, maman », ni écrire que son

nom : « Henri Guénier». Quand on lui demandait d'écrire oui,

papa, soupe, ou autres mots très simples, il assemblait des lettres

qui n'avaient aucun sens, le plus souvent « mes, ma». Les deux seuls

mots, oulre son nom, qu'il parvenait presque à écrire étaient ceux

de « François » et de « Brouette ». Pour François il écrivait

« Fraien, Francis », pour brouette « broutive ».

Il était incapable de copier autre chose que son nom, ne lisait

aucun livre, aucun journal. Il jouait quelquefois aux dames ou

aux dominos avec des malades de sa division, mais jouait très mal.

L'intelligence était affaiblie, il avait des idées enfantines, riait

souvent d'un air niais quand on l'interrogeait, mais elle ne l'était

OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE. 127

pas beaucoup. Il comprenait bien tout ce qu'on lui demandait,

faisait immédiatement tout ce qu'on lui commandait. Comme il ne

pouvait prononcer le mot oui, il répondait affirmativement par un

signe de tête.

Le membre supérieur et le membre inférieur droits étaient para-

lysés ; il ne pouvait presque pas se servir de sa main droite qui

pendait le long de son corps quand elle n'était pas soutenue par

l'autre main; elle était rouge, un peu tuméfiée parce que le sang

circulait mal. Il boitait assez fortement de la jambe, marchait en

fauchant. Les membres paralysés étaient raides, légèrement con-

tracturés, leurs réflexes étaient exagérés. On constatait une légère

flexion de l'avant-bras sur le bras, des doigts dans la paume de la

main, surtout du petit doigt de l'annulaire et du médius.

Il n'y avait pas de paralysie de la face ni de la langue. La sensi-

bilité était normale et il n'y avait pas de troubles des organes

sensoriels.

Il s'habillait, mangeait, écrivait de sa main gauche. Il était

propre dans sa tenue, travaillait au jardin, à la basse-cour. Il ne

perdait pas un moment. Il nettoyait les allées, ramasssait les

branches d'arbres qu'on avait taillés pour les porter dans un

endroit qu'on lui avait désigné, coupait de l'herbe pour les lapins,

des choux pour les porcs et se livrait à divers autres petits tra-

vaux. Il était très calme mais un peu irritable, se mettait facilement

en colère. Il changeait difficilement ses habitudos et s'emportait

quand on le contrariait. Sa taille très élevée avait 1 in, 72. Les fonc-

tions nutritives s'accomplissaient très bien; il n'était jamais malade.

En résumé le nommé Guénier était atteint d'hémiplégie droite

avec léger affaiblissement de l'intelligence, aphasie motrice,

agraphie et cécité verbale.

Autopsie, trente heures après la mort.

128 RECUEIL DE FAITS.

citrin. La partie postérieure de la plèvre viscérale droite est recou-

verte à sa partie moyenne de fausses membranes blanchâtres fibri-

neuses. Le poumon droit est hépatisé dans ses deux tiers infé-

rieurs. La face interne de la base de l'aorte est légèrement

athéromateuse. Dégénérescence athéromateuse des artères de

l'encéphale.

Hémisphère cérébral gauche. - Toutes les circonvolutions de cet

hémisphère sont atrophiées, diminuées de volume. Sa longueur prise

à sa face externe est de 0ra,18 tandis que celle du droit est de On,,20.

On constate sur cet hémisphère un ancien foyer qui est très

vaste, s'étendant en longueur de la troisième occipitale à la troi-

sième frontale, en largeur de la troisième temporale aux circon-

volutions ascendantes et à la parietale inférieure. Au niveau de ce

foyer, l'arachnoïde cérébrale et la pie-mère sont épaissies, opales-

centes, déprimées, adhérentes au moyen de tractus d'aspect

gélatino-fibreux à de la substance blanche. La première et la

deuxième temporale, le pli courbe, les circonvolutions du lobule

de l'insula ont été complètement détruites.

Quand les membranes viscérales du cerveau ont été enlevées au

niveau de ce foyer on voit que celui-ci est beaucoup plus étendu

qu'il ne paraissait l'être avant cet enlèvement. Il s'enfonce en effet

profondément dans la substance blanche sous la troisième et a

deuxième frontale et les circonvolutions ascendantes.

L'avant-mur, la capsule externe, la capsule interne sont détruits

et il ne reste plus qu'une lamelle très mince du noyau intra-ventri-

culaire du corps strié. Cette lamelle est blanchâtre à sa partie

moyenne, demi-transparente et contient à ses deux extrémités

seulement une couche très mince de substance grise.

La troisième temporale est légèrement ramollie ainsi que

l'extrémité antérieure de l'hippocampe.

L'extrémité antérieure de la troisième frontale est très atrophiée,

a moitié moins d'épaisseur que celle de l'hémisphère cérébral

droit, est augmentée de consistance. La partie inférieure des cir-

convolutions ascendantes, la pariétale inférieure sont aussi très

atrophiées mais un peu moins que la troisième frontale. Le foyer

aune longueur de 11 centimètres et une largeur maximum de 6

qui se trouve à l'origine de la scissure de Sylvius. Il va en se rétré-

cissant plus en avant qu'en arrière où il a encore Om,04. La subs-

tance blanche du cerveau qui limite ce foyer est légèrement indu-

rée. L'hémisphère cérébral droit, le cervelet, la protubérance, le

bulbe ne présentent pas de lésions macroscopiques.

Ce qui me paraît intéressant dans cette observation, c'est

le début de l'aphasie à vingt-un ans par un vaste foyer de

l'hémisphère cérébral gauche, sa longue durée, trente-huit

OBSERVATION D'APHASIE STATIONNAIRE. 129

ans, l'absence d'aucune modification symptomatique depuis

l'âge de vingt-cinq ans, auquel elle a été si bien décrite par

Trousseau jusqu'au moment de sa mort survenue àcinquanle-

huit ans, et probablement aussi depuis .son début à vingt-un

ans.

Quelques auteurs- admettent avec Broca que lorsque les

parties- des circonvolutions cérébrales gauches qui président

à la faculté du langage ont été détruites par un foyer de

ramollissement ou d'hémorragie , les parties correspon-

dantes de l'hémisphère droit peuvent suppléer à la perte de

substance de l'hémisphère gauche, surtout si cette suppléance

est aidée par une éducation nouvelle. Cette suppléance pour-

rait produire sinon une guérison complète, au moins une

très grande amélioration.

L'observation de Guenier que nous venons de rapporter est

peu favorable à la suppléance de l'hémisphère gauche par

l'hémisphère droit. Le jeune âge, vingt-un ans, auquel a

débuté l'aphasie, la longue durée de la maladie paraissaient

deux conditions très favorables pour déterminer cette sur-'

pléance qui cependant a été complètement nulle.

L'aphasie de cet individu n'a subi aucune modification,

aucune amélioration malgré sa longue durée et le jeune âge

du début de la maladie.

Nous croyons qu'il est plus rationnel d'admettre que

l'amélioration de l'aphasie produite par un foyer est due il

la cicatrisation plus ou moins complète de ce foyer, à la

disparition des troubles ischémiques ou hypérémiques qui

ont été la cause productive de ce loyer. Quant à la guérison

complète elle ne peut exister que lorsqu'elle est due unique-

ment à de simples troubles circulatoires.

Dans celle observation il ne paraissait pas y avoir de

surdité verbale, bien que la première et la deuxième tempo-

rales où on localise habituellement les images auditives

fussent complètement détruites.

Archives, 2e série, t. IV. 9

130 RECUEIL DE FAITS.

VOMISSEMENTS INCOERCIBLES DE LA GROSSESSE.

TENTATIVES INFRUCTUEUSES D'AVORTEMENT.

GUÉRISON PAR SUGGESTION DES VOMISSEMENTS

ET TERMINAISON DE LA GROSSESSE;

Par le Dr F. TERRIEN,

' Ancien interne des Asiles de la Seine.

Contre les vomissements incoercibles de la grossesse, la

thérapeutique est le plus souvent impuissante. Toutes les pré-

parations antiémétiques, les cautérisations du col, les dilata-

tions du col restent sans effet. Il faut alors songer, et cela plus

tôt que plus tard, ainsi qu'en concluait dans une récente dis-

cussion à l'Académie de médecine, à pratiquer l'avortement.

Auparavant il est cependant utile d'employer la suggestion,

cette médication psychique qu'on oublie trop souvent dans la

pratique journalière et qui pourtant donne de si merveilleux

résultats. L'observation qui va suivre nous en fournira un bel

exemple. On y verra une jeune femme enceinte de deux mois.

arrivée à la période de cachexie par suite d'un défaut complet

d'alimentation chez laquelle on essaiera de pratiquer l'avorte-

ment ; l'avortement tardant à se produire, on fera croire à la

malade qu'elle est débarrassée de son germe, et aussitôt elle

cessera de vomir, recouvrira ses forces, et accouchera au bout

de neuf mois d'un bel enfant bien constitué.

lI ? X... vingt-six ans, d'un tempérament nerveux, sans stig-

mates cependant d'hystérie. Hérédité névropathiquelchargée, tant

du côté paternel que maternel. Ses antécédents personnels sont à

peu près nuls. Santé jusque-là très florissante. On nous raconte

cependant qu'à l'âge de treize ans la malade a présenté de l'anes-

thésie de la moitié du corps. Après six semaines de grossesse,

Mme X... fut prise de vomissements qui rapidement prennent un

caractère de gravité exceptionnelle; la malade ne peut absolument

rien supporter, l'estomac rejette aussitôt le liquide, à peine est-il

absorbé. Aussi la faiblesse est-elle grande. Bientôt lllme X... ne peut

plus quitter le lit. L'amaigrissementapparait, la figure est émaciée,

les membres sont flasques, le poulsestpetit, presque filiforme, d'une

fréquence extrême 130 à 140 à la minute. Insommie complète.

Evanouissements fréquents quand on essaie de relever la malade

VOMISSEMENTS INCOERCIBLES DE LA GROSSESSE. '131

dans son lit ou de la changer de position. Malgré les lavements

nutritifs que l'on donne et qui semblent pourtant assez bien con-

servés, la faiblesse augmente et la malade arrive à la période de

cachexie, sans albumine cependant et sans température qui oscille

entre 36 et 37, le plus souvent 36°, par conséquent atteint à peine

la normale. En présence d'une situation aussi grave et qui, en rai-

son de la marche rapide des accidents, menaçait la vie du sujet à

bref délai, nous décidons l'avortement, avec deux de nos confrères

de la Roche-sur-Yon, les Drs Blé et Genbert. '

Avec toutes les précautions antiseptiques commandées dans la

circonstance, nous introduisons une sonde à demeure dans la

matrice ! Nous choisissons une sonde d'un petit calibre, l'ouverture

du col étant très petite (la malade est une primipare). Le lende-

main aucune contraction, aucune douleur. Le deuxième jour, le

troisième, pas de changements. Le quatrième jour devant cette

inertie complète de l'utérus, et craignant qu'un séjour trop pro-

longé de la sonde ne déterminât des accidents, nous jugeons pru-

dent de la retirer, pour employer un autre procédé plus efficace et

surtout plus rapide, car il fallait se hâter, c'était presque un cadavre

que nous avions devant nous; pâleur extrême, maigreur extrême,

une respiration excessivement rapide et le pouls atteignant 140

à 145.

En retirant la sonde, nous songeons à utiliser la suggestion,

sans espérer, il faut bien l'avouer, grand résultat, ne croyant pas

qu'un accident purement nerveux, purement hystérique, puisse en

si peu de temps débiliter à ce point un malade.

Nous faisons croire à Mme X... que le germe suivait la sonde;

quelques mucosités épaisses que nous arrachons avec des pinces du

fond du vagin et que nous lui montrons n'étaient que des débris de

ce germe et que maintenant ses vomissements allaient aussitôt

cesser, la grossesse n'existant plus. La suggestion était facile à

faire dans la circonstance. Lime X... se rendant parfaitement

compte (et c'est pour cela qu'elle avait accepté si aisément les

manoeuvres abortives) que la grossesse était la seule cause de ses

vomissements, et qu'ils devraient cesser avec elle.

Aussi la physionomie de la malade change-t-elle aussitôt, la

joie anime cette figure tout à l'heure inerte et sans expression.

Nous lui faisons prendre un bouillon léger, et nous quittons un

instant Lime X... en l'assurant à nouveau de la guérison. Une heure

après nous retrouvons 11111° X... qui était heureuse d'avoir con-

servé son potage et qui nous exprimait sa satisfaction d'être déli-

vrée et guérie.

La nuit fut assez bonne. Pas de vomissements et un peu de som-

meil. Le lendemain la malade a de l'appétit et peut prendre 1 litre

de bouillon. Elle demandait du porc que nous croyons prudent de

lui refuser. Tous les jours la situation allait en s'améliorant et

132 RECUEIL DE FAITS.

dix jours après, la malade se levait et faisait quelques pas dans sa

chambre. Puis la grossesse continua son cours. Il n'y eut pas un

seul vomissement depuis le moment où fut employée la sugges-

tion. Un mois et demi après, on commençait à percevoir les bruits,

foetaux et l\1me X... accouchait il y a trois jours d'un enfant bien

constitué.

Cette observation offre des particularités intéressantes.

C'est d'abord la facilité avec laquelle un utérus accepte pendant

plus de trois jours une sonde, sans que le contact de ce corps

étranger produise la plus légère contraction, la plus légère

douleur, aussi avons-nous été obligés de renoncer à ce procédé

d'avortement. Mais le fait les plus remarquable, c'est le rôle

si efficace, si immédiat qu'a joué la suggestion car il est im-

possible d'attribuer à une autre cause la suppression des vomis-

sements, et la guérison de la malade. - On ne peut faire

intervenir ici la dilatation du col, la sonde étant d'un très petit

calibre, je l'ai dit plus haut. C'est donc bien la suggestion, la

suggestion seule, qui a opéré cette transformation qui s'est

manifestée aussitôt que notre malade a eu l'assurance qu'on

avait supprimé par l'avortement la cause de ses vomissements.

Je ne voudrais pas conclure certes de ce cas que les vomisse-

ments incoercibles de la grossesse sont toujours de nature

hystérique et que la suggestion doit toujours les faire cesser,

mais j'ai voulu montrer par cet exemple que cette médication

psychique doit toujours être essayée avant de procédera l'avor-

tement, quand bien même, comme c'était le cas chez notre

malade, on ne constaterait aucun stigmate d'hystérie.

Et si chez Mme X... nous avions réussi dans notre première

manoeuvre abortive, nous n'aurions pas eu le plaisir de pré-

senter aujourd'hui à cette jeune mère un bel enfant qui fait

sa joie.

Je puis ajouter pourtant que nous n'avons songé employer

la suggestion que faute de mieux, uniquement parce que nous

n'avions pas sous la main d'instruments pour amener rapide-

ment l'avortement et que du reste nous trouvions la malade

tellement épuisée, que nous redoutions une issue fatale, au

cours d'une intervention chirurgicale. Il est certain, et nous

étions mes deux confrères et moi du même avis, que M ? X...

sans une intervention rapide mourrait d'accidents qui cependant

n'étaient pas de nature hystérique. Elle ne présentait pas, je

l'ai dit, de température ni d'albumine, mais un mois aupara-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 133

vant je perdais une femme de vomissements incoercibles de

la grossesse, qui le matin seulement du jour où elle mourait vit

ses urines devenir albumineuses et la fièvre s'élever de 37 à41,

l'ascension de la température s'était faite dans les vingt-

quatre heures antrainant avec elle le délire, le coma, puis la

mort. Qui sait si en utilisant la suggestion chez cette femme

qui s'est refusée jusqu'au dernier jour à l'avortement, on

n'aurait pas pu la sauver ? Et je me demande, si, chez A4 ? X...

qui fait le sujet de cette observation, les choses ne se seraient

pas passées d'une façon identique. Tout me porte à le croire,

car la- maladie des deux femmes revêtait une forme absolu-

ment semblable.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

1. Sur L\ folie POST-OPLR.\TOWE; par J. Christian Simpson (The

Journal of Mental Science. Janvier l8rJi.)

M. Simpson rapporte d'abord l'observation d'une femme elle

laquelle on a vu apparaître la folie trois semaines après une

laparotomie; à l'occasion de ce fait, il a rassemblé et étudié ses

observations. Sur vingt-six causes de folie post-opératoire, après

avoir exclu les cas d'opérations portant sur le crâne ainsi que ceux

dans lesquels on pouvait invoquer d'autres cas de folie que l'opéra-

tion elle-même, et il donne dans le présent travail le résultat de

cette étude ainsi limitée.

Sur ces vingt-six cas, dix-sept ont été des cas de manie, dont

deux seulement se sont développés après ,1 deuxième semaine :

l'âte moyen des malades était de quarante-sept ans : il y avait

neuf femmes et huit hommes. Une des femmes est morte.

Sur les neuf autres cas, il y en avait quatre de mélancolie, un de

paralysie générale à forme dépressive, et quatre de démence :

l'auteur en fait deux groupes, l'un composé des cas de mélancolie

et du cas de paralysie générale, l'autre formé par les cas de démence

Dans le premier groupe les symptômes mentaux ont fait leur

apparition plus de quinze jours après l'opération; l'âge moyen

était de quaraute et un ans : il y avait trois hommes et deux

femmes : un homme et une femme sont morts. Le groupe des

déments comprenait quatre hommes et quatre femmes'avec une

134 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

moyenne d'âge de soixante-sept ans : un des hommes est mort.

Cette moyenne d'âge supérieure parait suffisante pour différencier

l'état, plus commun, de dépression de l'état de démence; car

tandis que, dans le premier de ces états, la dissolution mentale, à

la fois plus lente dans son développement et moins grave, est

apparue à un âge inférieur à celui de la dissolution plus rapide

et plus complète de la manie, dans la démence au contraire, qui

comporte le maximum de dissolution mentale, les malades étaient

vingt ans plus âgés que les maniaques, ils étaient probablement

en état plus avancé de dégénérescence, et par conséquent plus

accessibles aux influences physiques ou nerveuses auxquelles ils se

sont trouvés soumis. H. de Musgrave CLAY.

II. Sur l'auto-infection mentale; par Il. KORNFELD. (The Journal

of Mental Science. Janvier 1897.)

Si l'on admet que toule modification psychique éveille ou

implique un état corporel particulier, il en découle naturellement

que, à toute anomalie psychique correspond une anomalie soma-

lique. Il est surabondamment démontré qu'une violente colère

peut déterminer un trouble hépatique ou cardiaque. Aussi l'auteur

attache-t-il une grande importance au degré, à la durée, et aux

intervalles des troubles mentaux. Le monologue d'Hamlet met en

relief les causes variables qui peuvent conduire un homme à la

perte de sa raison. On peut imaginer un cas où la colère serait

remplacée par une maladie physique, ou bien on peut considérer

les effets de l'alcool agissant en tant que poison. L'ictère peut être

causé par une alimentation nuisible ou par la colère, et l'une ou

l'autre de ces deux causes agira à la manière d'un toxique. Il est

certain qu'un homme pout être enivré par l'orgueil tout comme il

peut devenir fou à force de méditer sur des injustices réelles ou

imaginaires. Les effets du poison dépendent des trois conditions

qui ont été indiquées plus haut.

Les conséquences les plus remarquables de ce que l'auteur

appelle l'auto-intoxication mentale se rencontrent chez les persé-

cutés. Lorsque la conviction d'une injustice subie est fixée dans

l'esprit, il n'est pas un malheur, pas un mince ennui qui ne soit

rapporté à cette injustice, et, d'une façon plus nette encore, à

l'auteur de cette injustice. Dès qu'un lien a été créé entre une

affection somatique et une anomalie mentale, les lois de l'associa-

tion entrent en jeu, et de nouvelles connexions, de nouveaux

rapports s'établissent, toujours dans le même sens. Les circons-

tances défavorables entraînant la dureté de la lutte pour la vie,

les déceptions sans motif apparent, une certaine tendance à la

sentimentalité, un peu d'étroitesse d'esprit se réunissent pour

empêcher la juste appréciation des injustices subies et des rapports

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 135

exacts de malheurs indubitables. L'action de ces facteurs est singu-

lièrement favorisée lorsque sous l'influence du désordre mental, il

vient à surgir quelque maladie somatique, lorsque par exemple la

colère e déterminé des désordres intestinaux aggravés par d'autres

causes, inconnues du malade. Il y a plus : si le trouble somatique

vient à prendre une allure périodique, le faux raisonnement qui

vient d'être décrit, en est notablement aggravé, et il s'établit un

véritable cercle vicieux : si enfin cette fâcheuse combinaison phy-

sique et mentale persiste, il en résulte un affaiblissement général

des facultés intellectuelles, si bien que le malade finit par devenir

radicalement incapable de rectifier la fausseté de ses jugements.

R. DE Musghave-Clay.

III. SUR l'accroissement DE la folie ET LE système DES PENSION-

NAIRES extérieurs; par J. BRESTER. (The Journal of Mental Science,

Avril 1896.)

On se préoccupe beaucoup en ce moment de l'accroissement de

la folie; l'auteur incline à penser que cet accroissement est pure-

ment fictif. On interne aujourd'hui beaucoup plus d'aliénés et

d'idiots qu'on en internait autrefois ; on en enferme beaucoup

plus dans certains pays que dans certains autres; ainsi en Angleterre,

la proportion des aliénés et idiots soignés dans les asiles est de

90 p. 100 tandis qu'elle n'est que de 30 p. 100 dans l'Allemagne

orientale : or les chiffres fournis par les asiles sont les seuls sur

lesquels la statistique puisse opérer, et d'après ce qui vient d'être

dit, il est clair que le relèvement de ces chiffres ne correspond pas

nécessairement à un relèvement parallèle du nombre des cas de

folie, et ce qui confirme encore cette manière de voir, c'est que

depuis quelques années, le chiffre maximum des internements étant

à peu près atteint, on ne constate plus dans le nombre des admis-

tions l'augmentation qui se produirait inévitablement si réellement

la folie augmentait de fréquence. L'auteur conclut que l'expérience

nous enseigne qu'il n'y a ni augmentation de la diffusion des

maladies mentales, ni accroissement de la tendance à la folie, ni

commencement de dégénérescence des races civilisées : on trouve-

rait plutôt dans cet accroissement seulement apparent un sens plus

juste de la vérité scientifique en ce qui touche les troubles psy-

chiques, et un progrès dans le traitement plus humain de l'huma-

nité souffrante, par conséquent un pas en avant dans la marche de

la civilisation.

L'auteur termine par quelques considérations sur le système des

pensionnaires extérieurs, ouplacement des aliénés dans les familles,

à l'instant de ce qui se passe à la colonie de Gheel : il insiste sur

les avantages de cette méthodes, tout en reconnaissant que les

malades qui peuvent être utilement soumis à ce traitement sont

136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

relativement peu nombreux, et en rappelant que ce système ne

doit jamais être employé dans un but d'économie, mais exclusive-

ment en vue de l'intérêt des malades. R. de Musgraves-clay.

IV. La signification DE la DOCTRINE DE Weismann EN M 1TILItE DE folie ;

par Georges R. WILSON. (The Journal of Mental Scienco. Octobre

1896. -

Dans la première partie de ce travail, M. Wilson expose des con-

sidérations de physiologie générale sur la doctrine de l'hérédité

telle que l'a conçue Weismann ; nous ne nous y arrêtons pas, l'hy-

pothèse de Weismann et les objections dont elle est passible étant

connues et nous examinerons ici la deuxième partie du mémoire,

qui est consacrée à des considérations de physiologie spéciale rela-

tives au développement de la folie. En laissant de côté le facteur

représenté par l'ambiance, on peut, au point de vue biologique,

diviser les facteurs organiques de la folie en trois classes : 1° arrêt

de développement ; 2° variation individuelle exagérée ; 3° régéné-

ration insuffisante.

1° Arrêt du développement cortical. Si l'on considère le développe-

ment des différents tissus, on voit que les organes embryonnaires

se forment par la superposition couche par couche de cellules en

voie de prolifération, et l'on peut concevoir une force initiale ou

un agent initial qui préside au développement de ces remarquables

activités cellulaires. Peu importe le nom que l'on donne à cette

forces il faut pour le développer avec une rapidité si bien ordonnée

qne le germe-plasme possède une activité moléculaire unique et

caractéristique. Weismann reconnaît que cette activité réside dans

les cellules elles-mêmes. Cette force de développement qui déter-

mine le mode et l'activité de la multiplication cellulaire varie sui-

vant les espèces, suivant les individus, suivant les tissus. L'arrêt

survenu dans un organe atteste une insuffisance dans l'activité ini-

tiale de l'oeuf. D'autre part l'arrêt de développement d'un organe

implique une insuffisance numérique des éléments cellulaires, par

défaut de prolifération. Mais l'arrêt de développement que nous

savons être l'un des facteurs de la folie n'est pas, en ce qui touche

les cellules, d'ordre qualificatif. Le développement cortical, et par

suite son arrêt, sont de nature spéciale : vers la quatrième semaine

de la vie intra-utérine les éléments cellulaires sont numériquement

au complet, et désormais ils ne s'accroîtront plus que par augmen-

tation de volume. Donc le développement cortical s'opère dans des

conditions différentes de celles qui régissent les autres tissus, et le

dédoublement cellulaire n'y peut représenter, comme dans les

autres tissus, le maximum de l'activité cellulaire, puisqu'il n'y

existe plus, ni normalement ni anormalement, dans la vie extra-

utérine. Naturellement l'arrêt du développement cortical est de

ItEVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137

nature unique spéciale, comme le développement lui-même : il

n'est pas dû à une diminution du nombre des éléments corticaux,

mais bien, comme Bevan Lewis l'a montré pour l'idiotie épilep-

lique, et comme il est légitime de l'induire pour diverses autres

formes de folie, à une insuffisance des connexions cellulaires et des

processus de relation des cellules entre elles.

2° Variation exagérée. - L'auteur emploie ce mot pour ramener

le sujet au point de vue biologique. Cette variation exagérée se

traduit par la prédominance, par l'hypertrophie d'une fonction ou

d'une faculté, allant jusqu'à empiéter sur les autres fonctions et les

usurper. Le mécanisme physiologique et pathologique, en ce cas,

découle du mécanisme décrit pour l'arrêt. La base de cette hyper-

trophie d'un organe mental doit être cherchée dans une spéciali-

sation différentielle des cellules individuelles : ici encore l'excès de

développement ne compte aucune prolifération cellulaire.

3° Régéné¡'ation insuffisante. - Répétons une fois de plus que les

conditions de la régénération corticale ne sont pas les mêmes que

celles des autres tissus. Dans les zones corticales l'influence tro-

phique des impulsions nerveuses devient suprême. Et si l'on objecte

qu'il n'y a là qu'une différence de degré, l'auteur répond qu'elle est

assez grande pour équivaloir à une différence de nature. Dans les

tissus organiques autres que le tissu nerveux, la régénération des

cellules épuisées, ou mieux dégénérées, s'accomplit par multiplica-

tion cellulaire, et à cet égard, la régénération de fonction se

rapproche sensiblement de la régénération des parties détruites.

Mais sauf dans des conditions tout à fait extraordinaires (observation

de Voit, dans Landois et Stirling) la régénération ne se produit

pas dans l'écorce cérébrale détruite. La récupération de fonction,

après un épuisement peu grave, se fait par un métabolisme anabo-

lique graduel dans les conditions ordinaires de nutrition. Mais

Foster fait remarquer que les impulsions nerveuses qui portent sur

les cellules constituent l'agent principal qui déterminent ce méta-

bolisme. La première condition de l'activité d'une cellule corticale

c'est la réception par cette cellule d'une succession constante de

stimulations modérées venant des cellules voisines. Si abondam-

ment qu'un centre puisse être être baigné par un sang pur, la con-

dition premitère de son métabolisme, soit anabolique, soit katabo-

lique, réside dans ses relations avec d'autres centres. Et, suivant

l'auteur, les connexions trophiques des centres supérieurs ne suivent

pas un plan aussi simple que dans les, niveaux inférieurs du sys-

tème nerveux : il est probable que, dans une certaine mesure,

chaque centre cortical est trophique pour tous les autres centres.

La récupération de la fonction corticale consécutive il une dégéné-

rescence permanente ne se réalise pas, comme dans les autres

tissus, par prolifération cellulaire, mais par l'établissement de con-

nexions corticales nouvelles. Pour atteindre ce résultat, la plasti-

138 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cité des cellules est de première importance, ou, en d'autres

termes, leur accessibilité aux stimulations. Et quand la régénéra-

tion est imparfaite, c'est que les cellules sont devenues incapables

ou de recevoir la stimulation trophique ou de contracter de nou-

velles relations fonctionnelles.

L'auteur conclut en disant que leproblème qu'il s'est efforcé d'ex-

poser en termes physiologiques est évidemment fort obscur, et

n'est susceptible d'aucune démonstration physique : on ne peut

guère espérer non plus le résoudre par l'expérimentation, et le

raisonnement logique est la seule voie par laquelle on puisse

actuellement l'aborder. Il a essayé de donner les raisons qui per-

mettent de penser que les relations qui existent entre l'écorce céré-

brale et le germe, si elles existent, sont différentes de celles qui

existent entre le germe et les autres lissus du corps. De la compa-

raison des conditions physiologiques résulte l'idée toute naturelle

(et tout ce qui parait naturel n'est pas nécessairement inexact) que

s'il est possible que les autres tissus du corps fournissent au

germe une part contributive spécifique, celle que fournit l'écorce

est probablement de nature purement dynamique à moins qu'elle

ne soit nulle. Enfin M. Wilson insiste sur l'importance, dans l'évo-

lution de l'individu, d'un facteur que Darwin, Spencer et Weismann

ont mentionné, sans s'y arrêter suffisamment, et que beaucoup

d'autres auteurs passent entièrement sous silence, c'est l'évolution

du milieu ambiant. R. DE MusGRAYE-CLAY.

V. UN cas DE stupeur mentale prolongée terminé par guérison; par

A. E. PATTERSON. (The Journal of mental Science, janvier 1897.)

Il a à noter dans cette observation intéressante plusieurs points

remarquables : d'abord de très fréquentes rechutes à début brusque

alors que la maladie paraissait évoluer favorablement; une rigi-

dité musculaire très marquée des membres et du corps en général ;

la netteté singulière de la mémoire, pendant la convalescence, à

l'égard des événements qui sont survenus au moment où la stu-

peur paraissait absolument complète, et même des faits anté-

rieurs à l'entrée à l'asile; enfin la guérison finale complète après

trois ans et demi de maladie. R. DE11USGRAVE-CLAY.

VI. UN cas DE stupeur mentale : guérison après une durée de

six ANS; par n. D. 110TBHIiIS. (The Journal of mental Science, juillet

- 1896.)

Au point de vue du diagnostic, l'auteur établit qu'il s'agit là

d'un cas de stupeur mélancolique : tous les faits observés le

démontrent, sauf deux pourtant, la conservation du sommeil et

l'âge, plus. avancé que celui où l'on observe d'ordinaire cette

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139

forme mentale. La guérison fut obtenue au bout de six ans. Ce

fait est en opposition avec la théorie du Dr Wiglesworth qui fait

de la mélancolie avec stupeur une lésion primitivement inflamma-

toire des cellules nerveuses. R. DE MUSGRAVE CLAY.

VII. UN cas DE FOLIE diabétique; GUÉRISON immédiate DÈS la DISPA-

RITION du sucre; par IEITH CAMPBELL. (The Journal of Mental

Science, juillet 1896.)

Chez la malade dont il s'agit le diabète était probablement

d'origine hépatique ; l'aspect delà malade, les signes d'arthritisme

les troubles biliaires, l'impuissance du régime viennent à l'appui

de cette origine. Ce qui caractérisait surtout les symptômes men-

taux, c'était leur caractère mélancolique accentué, la fixité et

l'extraordinaire puissance des illusions qui se rattachaient sur-

tout à la forme hypocondriaque : il y avait en même temps une

obstination profonde et sournoise, et un refus absolu de s'alimenter.

Le point le plus remarquable de l'observation c'est l'exacte

simultanéité de la disparition du sucre et de la guérison des

troubles mentaux. Cette dernière a été si brusque et si complète

qu'il est impossible de voir là une simple coincidence, d'autant

plus que le sucre ayant un instant reparu dans les urines

quelque temps après, cette réapparition fut elle-même précédée

d'un léger retour offensif des perturbations mentales. Ce fait vient

confirmer la probabilité de l'existence d'une folie diabétique à

type distinct, caractérisée' par de la mélancolie ovec délire hypo-

condriaque et idées de soupçon et de persécution.

R. DE MUSGRAVE CLAY.

VIII. La FOLIE dans LES PRISONS locales D'ANGLETERRE (1894-1895);

par John BAKER. (The Journal of Mental Science, avril 1896.)

On a dans ces derniers temps accusé l'emprisonnement de favoriser

le développement de la folie, et l'on a fourni des chiffres qui seraient

en effet fort inquiétants s'ils étaient exacts. L'auteur, qui est méde-

cin d'une prison, conteste d'abord la première assertion, puis il

rectifie les chiffres : il indique, et les preuves qu'il donne sont, il

faut le reconnaître, indiscutables, l'erreur de statistique par

laquelle on est arrivé à trouver une proportion de 273 cas d'alié-

nation mentale pour 10 000 prisonniers, alors que la proportion

réelle est de 38, 9 p. 10 000. R. M.-C.

IX. Sur la fatigue mentale ET sa réparation; par W.-H.-R. RIVERS.

(The Journal of Mental Science, juillet 1896.)

11. Rivers poursuit dans ce travail l'étude et la propagation des

méthodes ingénieuses de psycho-physiologie employées par le

'140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

professeur Kræpelin dans son laboratoire de Heidelberg. On ne

peut décrire ici en détail les procédés forcément minutieux aux-

quels le professeur a recours pour mesurer la fatigue, en se met-

tant à l'abri de toutes les causes d'erreur physiques ou mentales :

il faudrait surtout reproduire les graphiques psycho-physiologiques.

La conclusion la plus importante qui se dégage de cette très inté-

ressante étude c'est qu'un repos complet d'une demi-heure est

absolument insuffisant pour neutraliser la fatigue provoquée par

un travail mental de la même durée ; et que, même après un repos

d'une heure, les effets de la fatigue ne sont pas complètement éli-

minés.. R. de i\IUSGlt.IVE-CL9Y.

X. Un cas DE FOLIE DEUx; par..... (Occidental Médical Time,

, novembre 189b.)

Cas d'un homme de soixante ans entré à l'asile en même temps

que sa femme. Ils présentaient des idées délirantes identiques, la

femme surtout était anxieuse, très hallucinée parlait de criminels

qui avaient tué ses enfants, crevé les yeux de son mari.

Des renseignements pris on sut que l'homme avait été quelque

temps auparavant attaqué par des malfaiteurs et grièvement blessé

à l'oeil gauche. Il fut conduit à l'hôpital et n'en sortit guéri qu'au

bout de trois mois. Quand il rentra chez lui, sa femme qui avait

été très impressionnée de l'accident présentait un état mélancolique

avec idées de persécution, hallucination, frayeurs nocturnes. Le

mari qui depuis sa chute présentait une forte névralgie oculaire

ne put reprendre son travail, il resta chez lui et au bout d'un mois

présentait les mêmes idées délirantes que sa femme-

Au point de vue hérédité et antécédents personnels, rien de par-

ticulier à noter chez l'homme. La femme au contraire est une pré-

disposée, on l'a toujours connue très nerveuse, viulente, facilement

irritable.

Ce cas de folie à deux rentre, dit l'auteur, dans la forme appelée

par les auteurs français, « folie communiquée ».

Ici c'est l'élément le moins résistant qui joue le rôle actif et

communique son délire à l'élément plus résistant après une cer-

taine lutte de ce dernier. Le délire de la femme peut s'expliquer

ici par la prédisposition plus grande, chez l'homme par l'état d'af-

faiblissement dans lequel l'avait plongé son accident et la névralgie

persistante dont il souffrait. M. 1l.\ ! EL.

XL L'ÉPILEPTIQUE DANS -SES RAPPORTS AVEC LA SOCILTÉ. (1'/W relation

of the stute to the cpileptic) j par HUNT. (rVortlc-1V. Lancet, le,* jan-

vier 1897.)

L'auteur réclame que l'état prenne les épilepfiques sous sa tutelle

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 141

C'est à la fois une mesure de charité et de protection sociale, car

on diminuerait ainsi la classe des criminels. - -

On compte en moyenne deux épileptiques sur 1000 individus.

L'épilepsie est préparée par des causes héréditaires et mise en

jeu par des causes occasionnelles variées (maladies du cerveau,

traumatismes crâniens, intoxications). Quant à sa nature, elle

reste inconnue.

On admet que, loin de traduire une suractivité d'énergie ner-

veuse, elle résulterait d'une insuffisance du pouvoir d'inhibition.'

Aussi son traitement doit-il viser à diminuer les causes d'excitation

réflexe (diète, occupations, médicaments). Le petit mal est rebelle

au traitement et exige une surveillance continuelle. Le traitement

est d'autant moins efficace que l'épilepsie débute de meilleure

heure.

L'auteur fait voir ensuite les effets de l'épilepsie sur l'intelligence

et le moral des sujets. Chez l'épileptique toutes les facultés tendent

à une déchéance progressive. Il est rare de voir des enfants épi-

leptiques développer une intelligence normale. Il est vrai que

l'épilepsie peut coexister avec le génie (César, Napoléon, Molière,

Hrendel). L'épilepsie est une grande cause d'idiotie et de faiblesse

intellectuelle. L'épilepsie fournit de nombreux criminels. Quant au

traitement il est décourageant, surtout en ce qui concerne le petit

mal. C'est à peine si on obtient 5 p. 100 de guérisons.

L'auteur montre ensuite dans quelles conditions d'infériorité

l'épileptique se trouve placé vis-à-vis de sa famille et de la société :

partout rebuté, il se décourage et devient plus dangereux.

Les mariages d'épileptiques ont des conséquences funestes;

leurs descendants présentent de l'idiotie ou de la folie plus souvent

que de l'épilepsie.

Puis l'auteur en arrive aux mesures à prendre vis-à-vis des épi-

leptiques. Il importe que le public soit instruit de la nature du

mal, de la rareté de sa guérison, de sa tendance destructive, de ses

relations avec la folie et l'idiotie, afin de comprendre que la pro-

tection des épileptiques par l'état est une mesure économique

autant qu'humanitaire.

Plusieurs établissements existent déjà, organisés d'après les

plans de la colonie de Bielefedl (Westphalie). Cette colonie peut'

recevoir 1200 épileptiques, que l'on occupe à des travaux variés. Il

importe de créer des asiles spéciaux pour épileptiques. Le mélange

des épileptiques avec des arriérés ou des fous est funeste pour tous.'

Que l'Etat donne asile aux épileptiques dès leur enfance; cette

mesure aura pour effet d'éliminer de la société un élément de,

démoralisation, d'éviter une progéniture dangereuse et permettra

de les améliorer. Quelque coûteux que puisse être l'entretien de ces

sujets, l'Etat gagnera plus à s'en occuper qu'à les abandonner.

Il. BELTAY.

il ? ) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XII. UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE, FORME HYPOCONDRIAQUE, AVEC

symptômes tabétiques; par Henri MARCUS.

Le capitaine C.-R. L..., âgée de cinquante-quatre ans, souffrant

d'affection mentale depuis septembre 1895, mourut en février 1897

d'une attaque épileptiforme.

'M. L... contracta, il'y a quinze ans, un chancre qui fut considéré

comme n'étant pas syphilitique. Il n'offrit jamais de symptômes secon-

daires et aucun traitement ne fût suivi. Dix ans plus tard, M. L...

devint sourd, et depuis lors son humeur se trouve quelque peu dépri-

mée. L'affection mentale commença par une grande dépression

morale avec l'idée d'avoir commis du mal et des délires homicides

et suicides. Ces symptômes ayant persisté pendant une année envi-

ron sans symptômes organiques, la maladie fut longtemps envisagée

comme une mélancolie.

L'été de 1896, cependant, l'image de la maladie changea essen-

tiellement. Alors apparurent des idées hypocondriaques et néga-

tives absurdes. Il refusait de manger, alléguant que ses intestins

contenaient suffisamment de nourriture pour 1,400 hommes, et

qu'ils seraient par conséquent à jamais obstrués. A cette même

époque se présentèrent des symptômes organiques tels que l'ab-

sence des réflexes pupillaires et patellaires, l'ataxie, etc. Il fut alors

évident que l'affection mentale était un cas bien caractérisé du

type nommé par les auteurs forme hypocondriaque de la paralysie

générale. Aucune faiblesse de la mémoire, ni autre confusion de

l'intelligence, que les idées hypocondriaques absurdes et ambi-

tieuses, ne se présenté pendant le progrès de la maladie.

A l'autopsie, on constata une méningo-encéplialite et une ménin-

go-myélite avec des altérations endartériques considérées ordinai-

rementcomme syphilitiques. A l'examen pathologique macro et mi-

croscopique qui fut entrepris spécialement dans le but de déterminer

les altérations de la substance grise de l'encéphale par rapport aux

centres différents décrits par Flechsig dans son ouvrage Gehirn und

Seele, on trouve la localisation suivante du processus.

Dans le grand centre d'association frontal la destruction est

très marquée dans les circonvolutions frontales 1 et II des parties

antérieures de chaque hémisphère. La membrane est agglutinée à

la surface, la circonvolution est très rétrécie, la substance grise

est diminuée et irrégulière, un peu décolorée et gélatineuse. La

destruction des éléments nerveux est excessive, spécialement dans

la moitié extérieure. Les vaisseaux sont fortement agrandis, avec

parois très épaisses et d'un aspect hyalin. Un grand nombre de

cellules lymphoïdes se voient surtout autour des vaisseaux. Les

convolulions III ne sont que légèrement affectées.

Le centre d'association insulaire est fortement détruit à un degré

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 143

à peu près égal dans chaque hémisphère. On y trouve de petites

hémorragies.

Dans le grand centre d'association pariéto-occipito-temporal, on

constate des destructions graves dans sa convolution occipitale II

tant à droite qu'à gauche et dans la convolution pariétale infé-

rieure de gauche. Dans la sphère de la sensation somatique (Koper-

fülspllare) on ne rencontre que de petites destructions dans les

convolutions centrales. Altérations également peu considérables

dans les centres sensoriaux » (Sinnen-centra.)

Il est évident que l'étendue du processus accuse une grande

symétrie dans les deux hémisphères.

Dans la moelle épinière se voit une zone d'égale largeur au voi-

sinage immédiat de la membrane, où les éléments nerveux sont

détruits. Aucun neurone n'est spécialement affecté.

La localisation des altérations graves dans la substance corticale du

grand centre d'association frontal, etdes altérations minimales dans

le grand centre paricto-occipito-temporal, est en correspondance,

selon les explorations de Flechsig, avec les symptômes négatifs,

ambitieux, et l'absence de l'état de confusion. Ce cas, d'un autre

côté, ne correspond pas à la manière de voir de Flechsig, que l'état

hypocondriaque dépendrait spécialement des altérations dans la

région des sensations corporelles (Iürperfülilspliare), et que le

centre insulaire serait d'une grande importance pour la parole. Il

est toutefois naturellement impossible de tirer une conclusion d'un

seul cas. (Nordiskt J11edicins1ct A2,liis, 1897, Bd. VIII.)

XIII. La découverte DE l'aliénation mentale dans les prisons; par

J.-J. P1TC : 11RN. (The Journal of Mental- Science, janvier 1897.)

L'auteur, médecin de la prison de Ilolloway, qui correspond à

peu près à Londres à ce qu'est le Dépôt à Paris, explique le méca-

nisme administratif grâce auquel il est relativement facile diagnos-

tiquer l'aliénation mentale chez les individus incarcérés dans cette

prison. R. M. C.

XIV. LE déliré processif au POINT DE VUE NOSOLOGIQUE ET MÉDICO-

légal; par KoEPPEN. (Arclaiv. (¡il' Psychiatrie, t. XXVIII, liv. I, 1896.)

Conclusions : c'est à tort qu'on reproche aux médecins de con-

sidérer les processifs comme des aliénés, uniquement à cause de

la chicane; dans toutes les affaites connues, les experts ont tou-

jours basé leurs conclusions sur une série d'autres symptômes con-

comitants. Il faut éviter de se servir dans les expertises du mot

délire processif (querulantenwahnsinn) qui ne s'applique pas à

une entité clinique bien définie. Le délire processif se rencontre

le plus souvent dans la paranoïa chronique, il serait plus rare

dans la folie dégénérative, la démence sénile, la folie alcoolique.

144 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

La genèse des idées délirantes est celle qu'on rencontre surtout t

dans la folie raisonnante. Il faut s'attacher à montrer au tribunal

que les déductions des malades ont un faux point de départ et que

les erreurs incorrigibles sont devenues idées délirantes.

La tendance processive est un symptôme psychopathique qui

dans certaines circonstances peut devenir caractéristique d'une

époque et dominer chez un groupe d'individus. Le délire processif

peut présenter des rémissions et devenir dans certains cas curables.

LWOFF.

XIV. Cas montrant l'importance D'UN diagnostic précis dans LES

maladies mentales; par M. Daniel-H. ARTHUR. (Medico-legal

journal, mars 1895.)

Il s'agit d'un paralytique général mort'à l'asile et qui était entré

avec un certificat portant alcoolisme chronique.

Le malade appartenait à une société mutuelle de tempérance

qui devait verser 2000 dollars à la veuve, mais à condition que

l'homme aurait rempli ses engagements et n'aurait fait aucun

abus d'alcool. Un procès eut lieu ; mais l'expertise ayant démontré

que les prétendus symptômes étaient tous' imputables à la para-

lysie générale dont le malade était atteint depuis plusieurs mois

avant son entrée, l'argent fut versé à la veuve.

L'auteur termine par un aperçu sur la spméiologie de l'alcoo-

lisme chronique et de la paralysie générale. A. Marie.

XV. INVERSION sexuelle; par ELUS. (Medico-legal journal,

décembre 1896 1.)

. L'auteur a eu l'occasion d'étudier 33 cas d'invertis sexuels en

dehors de sa pratique médicale et des recensements officiels de

folie et ainsi à l'abri de tout soupçon de partialité. Il a pu noter

avec soin l'hérédité, l'état physique du sujet, le mode de dévelop-

pement du syndrome, les causes occasionnelles, la conduite morale

de l'inverti.

Au point de vue héréditaire, on a observé chez 10 d'entre eux des

cas d'inversion chez les ascendants. Un petit nombre avait une

hérédité assez chargée, telle qu'alcoolisme, neurasthénie, troubles

mentaux chez les ascendants direct ou collatéraux.

Dans la plupart des cas, il y avait prédisposition dès le jeune

âge. A. noter principalement la précocité sexuelle de ces invertis, à

l'âge où normalement les sexes ne sont pas complètement diffé-

renciés. Quant au mode de relations sexuelles, 3 retenus par des

considérations d'ordre moral n'ont jamais eu la moindre relation;

chez 7, les rapports vont rarement jusqu'au contact ; dans 2 ou

1 Voir dans le t. XIII, p. 255 du même journal, l'ass. de 32 cas.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 145

3 cas «fillatio » est le mode préféré ; chez les autres, plus de la moitié,

la péderastie active ou passive a été pratiquée. Six trouvaient une

satisfaction égale dans leurs rapports avec les deux sexes. Un petit

nombre de sujets seulement présentaient des marques notables de

féminisme et un faible développement des organes génitaux.

La plupart avaient des aptitudes artistiques développées.

Quant à la conduite morale des invertis, quelques-uns ont

essayé de lutter contre leur penchant qu'ils considéraient comme

morbide, mais la majorité était emphatique dans ses assertions,

considérait son penchant comme normal ; deux même regardaient

leur amour comme plus noble que l'amour ordinaire.

Que doit-on penser de l'inversion sexuelle ; l'auteur se range à

l'opinion de Moll et Krafft Ebing qui la considèrent comme une

anomalie congénitale et se sépare de Binet et Schrenk-Notzing

qui insistent sur l'élément acquis. On pourrait expliquer l'inver-

sion, dit-il, en se portant au mode de développement des sexes; les

sexes ne se différencient nettement qu'à la puberté etaprèscet âge

il reste encore des rudiments de l'autre sexe (exemple : mamelles

chez l'homme, etc.) ; chez les invertis cette ditférenciation serait

moins complète que chez les normaux. Il y a d'ailleurs tous les

degrés dans l'inversion et il faudrait se débarrasser de cette idée

préconçue, que l'inversion est un tempérament de femme dans un

corps d'homme, ou réciproquement); ce qui n'a pas plusdesens que

si on parlait d'une lumière verte vue à travers un verre rouge. Si

l'auteur considère l'inversion comme une anomalie congénitale, il

ne croit pas qu'il faille aller jusqu'à la faire rentrer dans le cadre

des états dégénératifs et la considérer comme le fait Magnan,

comme un syndrome épisodique.

Beaucoup d'invertis sont des gens absolument normaux qui

d'ailleurs n'ont jamais présenté aucun signe de dégénérescence.

Enfin si quelques-uns ont des tares héréditaires, chez beaucoup

d'autres invertis un signe de dégénérescence ne suffit pas pour

qu'on y voie un rapport avec leur anomalie sexuelle. Il faut égale-

ment considérer que chez un certain nombre l'éducation et les

circonstances jouent un rôle. Il y a un grand nombre d'individus

chez qui l'inversion existe probablement à l'état latent et ne s'est

pas développée parce que les circonstances ne s'y sont pas prêtées.

A. Marie.

Archives, 2e série, t. IV. 10

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. Sur les anomalies des circonvolutions cérébrales ; par S. Mickle.

(B1'ilish Médical Journal, 28 sept. 1896.)

La note, lue par l'auteur à la section de psychologie de la

soixante-troisième réunion annuelle de la Brilish association,

étudie les anomalies des replis et scissures corticales au point de

vue de leurs rapports avec l'état de dégénérescence héréditaire.

Pour établir netlement leur valeur en tant que stigmates phy-

siques et substractions des stigmates psychiques, il importerait

tout d'abord de rectifier la description du cerveau dit normal et

d'établir le type schématique des circonvolutions et scissures de la

substance corticale en dehors de l'état pathologique. L'auteur dé-

nonce d'ailleurs la description actuelle du cerveau normal comme

défectueuse à ce point de vue. A. M.

II. SY31TOU1TOLOG1E des lésions (tumeurs ET abcès) intéressant la

RÉGION préfrontale du cerveau; par WILLIASON. (111'ain, été et

automne 1896.)

Cette symptomatologie moins bien définie que celle des lésions

des autres régions cérébrales donnerait d'après Bianchi les conclu-

sions suivantes : 1° Le lobe préfrontal contient les centres moteurs

des yeux et de la tête du côté opposé et celui de l'attention. 2° Il

est le centre des fonctions psychiques supérieures, sa destruction

entraînant la perte de l'activité psychique. 3° Il serait le centre

moteur des muscles du dos et son haut développement est en

relation beaucoup plus avec la station debout et celni de la mus-

culature dorsale qu'avec l'intellect. Bianchi critique lui-même ces

dernières propositions, pour lui ce lobe serait le siège de la coordi-

nation des produits reçus ou fournis par les diverses zones sensitivo-

motrices du cortex, et opère la synthèse de ce qu'on appelle le

tonus psychique individuel. L'auteur décrit 4 cas de lésions de ce

lobe.

1° Femme, vingt-trois ans. Après un mois de céphalag-ie frontale,

perte de connaissance de nature syncopale, suivie de parésie

droite qui s'amende rapidement. Sensibilité intacte, réflexes nor-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '147

maux à l'exception de réflexe patellaire qui manque absolument

jusqu'à la fin. Torpeur intellectuelle et somnolence persistante, pas

de réponse aux questions, mais parfois réponses spontanées. Après

deux mois coma et mort. A l'autopsie : à gauche dans le lobe

préfrontal, sarcome ovoïde de 2 pouces sur 1 1/4 parallèle à la F2

et inclus dans la substance blanche ; à droite, môme région, deux

petits sarcomes sous la F' et F2 et deux autres plus petits sous la F2.

Intégrité absolue de toutes les autres régions.

2° Homme, dix-neuf ans, après une influenza mal de tête occipito-

frontal persistant intense. Hébétude et somnolence progressives.

Successivement, incapacité de travail et rélégation au lit. Aspect

stupide, yeux et bouche entr'ouverts, inertie, connaissane conservée

réponses exactes aux questions posées. Pas d'autre paralysie

qu'une impossibilité transitoire de tourner les yeux à gauche. Mort

dans le coma au bout de deux mois. Autopsie : abcès dans la subs-

tance blanche du lobe préfrontal n'atteignant ni l'écorce ni les

noyaux gris.

3° Homme trente-six ans, constipation, torpeur et oblusion

intellectuelle, plus tard manie transitoire, enfin douleur de

tête atroces, gémissements et cris insolites, attaques épilepti-

formes fréquentes suivies de coma, jamais de paralysie, marasme

progressif; carphologie, coma et mort au bout d'un mois. Autopsie :

tumeur de la dure-mère comprimant la pointe du lobe frontal

droit sans destruction des tissus, odème très étendu autour du

point déprimé. Le reste du cerveau sain.

4° Jeune homme. Quelques attaques convulsives puis crises de

sommeil profond et durant trois jours de suite. Ensuite successive-

ment, bégaiement, lapsus, paraphasie, impossibilité de se tenir

sur ses jambes, torpeur intellectuelle, douleurs dans le cou ; dévia-

tion de la tête et des yeux à gauche avec contracture; réflexes

patellaire augmentés. Pas de paralysie. Autopsie : invasion de tout

le lobe frontal gauche par une tumeur qui comprime la face in-

terne du même lobe du côté opposé, mais n'atteint pas la région

des noyaux, tout le reste de l'encéphale indemne.

5° Homme, dix-sept ans, attaques épileptiformes depuis cinq ans

avec aura du bras gauche. Ensuite successivement : douleurs occi-

pito-frontales, état vertigineux, photophobie, somnolence, intelli-

gence conservée mais lente, parole traînante. La vue d'un objet

blanc ou très éclairé provoque de vives douleurs frontales, l'arésie

faciale gauche et affaiblissement des membres du même côté,

langue non déviée ; réflexe patellaire nul ; démarche chancelante.

Névrite optique double. Autopsie : tumeur sphéroïde de pouces 1 /2

dans le lobe frontal droit afleurant aux F' et F, facile a enucléer.

Le reste du cerveau sain.

L'analyse détaillée de 50 cas analogues, dont4 abcès et46 tumeurs

de diverses natures (22 à gauche, 17 à droite, 11 des deux côtés),

148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

donne comme symptômes : 1° mal à la tête le plus souvent fron-

tal et fréquemment occipiLQ-frontal, avec ou sans hyperalgésie il

la percussion frontale ou de toute la tête ; 2° névrite optique

simple ou double et presque toujours inégalement développée;

3° anosmie seulement quand le nerf olfactif est intéressé par la

lésion ; 4° parésie ou paralysie (face, bras, jambe) presque toujours

légères et tardives dues à l'extension de la tumeur ou de son in-

fluence atrophique à la zone motrice ; 5° convulsions fréquentes

mais de natures et d'intensité variables ; G° réflexe patellaire tan-

tôt accru, tantôt normal, souvent absent; 7° incoordination rela-

tivement rare ; 8° exophtalmie rare ; 9° anesthésie absolument

nulle; 10° enfin mentalité : habituellement torpeur intellectuelle,

déchéance mentale, perte de l'attention de la mémoire et de toute

initiative, somnolence, état semi-comateux (64 p. 100); quelque-

fois satisfaction (12 p. 100) plus rarement violence (10 p. 100). Les

attaques de coma surtout à la fin sont la règle.

Si le diagnostic des tumeurs et lésions massives du lobe préfrontal

est difficile parmi les tumeurs cérébrales en général, il l'est

surtout d'avec les tumeurs du cervelet, les symptômes communs

entre ces deux ordres de lésions sont nombreux ce qui s'explique

aisément parles connexions spéciales et importantes qui relient ces

deux régions en apparence éloignées. Cependant les phénomènes

moteurs sont également plus accusés et les phénomènes mentaux

moins profonds dans les tumeurs cérébelleuses. Quelques signes

secondaires tels que hyperalgésie frontale, tuméfaction frontale,

exophtalmie quoique rares décideront s'ils apparaissent de la

lésion préfrontale. Enfin l'opportunité opératoire est difficile à

déterminer, elle est pourtant quelquefois réelle. Sur ces 50 cas, 11 i

opérations dont 4 abcès et 7 tumeurs ont donné 2 succès.

F. BOISSIER.

III. Trois cas DE NÏ30PLASIES avec formation DE cavités dans la

moelle ; par W. TOURNER. (Drain, parts LXXIV et LXXV.)

1. - Homme 18 ans, pas d'antécédents pathologiques, affaiblis-

sement progressif jusqu'à paralysie complète avec atrophie des

épaules et des bras. Sueurs profuses, membres postérieurs atteints

ultérieurement, mais sans atrophie ; réactions électriques conservées.

Difficulté dans la miction et la déglutition ; fourmillements et dou-

leurs dans les membres. Dissociation des sensibilités à la tempé-

rature, au tact et à la douleur sur le thorax et les membres supé-

rieurs seulement. Simple hyperesthésie aux membres inférieurs.

Sens musculaire conservé. Proéminence des dernières épines cer-

vicales et des premières dorsales. Décès après deux ans de maladie,

à l'autopsie : tumeurs gliomateuses symétriques des deux côtés

intéressant les cornes et les colonnes postérieures avec cavités au

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149

centre de chaque tumeur sans communication avec le canal cen-

tral, cavités dues vraisemblablement à des hémorrhagies sur cer-

tains points et sur d'autres à la dégénérescence myxomateuse.

II. Homme 23 ans, pas d'antécédents, paralysie presque com-

plète avec atrophie des bras; parésie et rigidité desjambes. Sueurs

profuses de la face et des bras. Douleurs vives et hyperalgésie dans

la région supérieure du rachis, perte graduelle de la sensibilité

autour du thorax : d'abord, thermo-anesthésie, ensuite analgésie,

enfin, anesthésie totale. Mort après un an de maladie, à l'autopsie :

neuroâlyome ganglionnaire intéressant les colonnes et les cornes

postérieures des deux côtés dans la partie supérieure de la moelle

étendu de la deuxième paire cervicale à la première dorsale. For-

mation de cavités au centre de la tumeur', sans épithélium et sans

communication avec l'épendyme, et dues à des foyers de ramollis-

sement résorbés.

III. - Homme, 25 ans. Traumatisme ancien. Hémiparésie

droite, sans alrophie, analgésie et thermo-anesthésie du nez

et des oreilles. Perte de toutes les sensibilités du côté droit sauf à

la face. Sueurs profuses du côté droit. Dissociation en plaques de

la sensibilité à la température et au contact à gauche. Rachis cer-

vical convexe àdroite. Mort après quatre ans de maladie à l'autopsie :

tumeurs avec formation de cavités sans épithélium ni communi-

cation épendymaire dans la moelle intéressant les deux colonnes

postérieures et la corne postérieure gauche. Dégénérescence mar-

quée du faisceau pyramidal croisé et du faisceau antérolatéral des-

cendant gauches. Ces cas montrent que les altérations de la syrin-

gomyélie peuvent produire des désordres de la sensibilité selon

deux modes : 1° en entravant la pénétration des sensations par une

ou plusieurs racines postérieures (troubles segmentaires); 2° en

rompant la continuité des trajets conducteurs médullaires, ce qui

abolit aussi la sensibilité au-dessous de la lésion. Ils montrent encore

que les points d'élection de ces tumeurs cavitaires sont les zones

radiculaires postérieures et les parties adjacentes des colonnes

postéro-médianes et aussi la substance gélatineuse de Rolando avec

les parties voisines de la corne postérieure. (Voir les expériences sur

le tubercule de Rolando et les faits cliniques qui ont montré d'une

part la dissociation des sensibilités, et d'autre part la lésion des

racines postérieures seules coïncidant avec des altérations de la

sensibilité thermique seule; in Etain parts LXX et LXXI.) Mais de

tous ces faits il ressort qu'il est aussi difficile de déterminer l'exis-

tence de fibres périphériques et d'organes terminaux dstincts pour

chaque forme de la sensibilité cutanée, que de déterminer pour

chacune de ces formes des trajets médullaires et des centres corti-

caux distincts. - F. Boissier.

150 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

IV. Contribution A la pathologie DE l'épilepsie. Deux cas avec EX-

CISION ET examen d'une portion de L'ÉCORCE; par COLLINS. (Bl'ain,

été et automne 1896.)

Les mots * coopération pour l'épilepsie » ne signifient rien en

raison de l'extrême variété des interventions chirurgicales tentées

contre cette affection depuis la trépanation pure et simple jusqu'à

l'ablation de la dure-mère ou d'une portion de substance cérébrale,

ou jusqu'aux interventions portant sur des régions périphériques

éloignées, sources réflexes des attaques. Le discrédit actuel de ce dé-

partement de la chirurgie tient à l'abus que l'on a fait au début

d'opérations intempestives, insuffisantes ou sans indications for-

melles et aux déboires ultérieurs amenés par des résultats heureux

illusoires prématurément enregistrés. Pour l'auteur il y aurait

mieux à espérer si on n'opérait que sur indications précises et

complètes et en agissant totalement, c'est-à-dire en enlevant la

dure-mère et l'écorce après avoir taillé un vaste lambeau osseux.

Ces indications sont à vrai dire peu fréquentes mais elles se ren-

contrent aussi bien dans l'épilepsie idiopathique que dans l'épi-

lepsie jacksonnienne. Dans celle-ci elles sont déterminées par la

certitude de l'irritation d'un point toujours le même de la zone

motrice, l'opération doit alors enlever non seulement l'aire sus-

pecte, mais encore une assez large surface autour d'elle. Bile

devra être faite le plus tôt possible après la première attaque de

spasme localisé. Pour l'épilepsie idiopathique, l'indication est pré-

cise si au début de la maladie un spasme localisé constituait à lui

seul toute l'attaque et si dans la suite la crise a toujours com-

mencé par ce môme spasme.

Observation 1.- Homme, vingt ans. Traumatisme à la tête dans

l'enfance, bonne santé habituelle jusqu'à dix-neuf ans. A ce moment

première crise, sensation de secousse électrique dans l'index et le

pouce droit, puis contractions de la main suivies de perte de con-

naissance et morsure de la langue. Répétition fréquente de ces

mêmes attaques dans la suite, toujours suivies de somnolence et

d'abattement. Opération deux mois après la première crise : en

deux temps : 1° section du lambeau osseux et détermination des

centres du pouce et de l'index; 2° huit jours après excision des

méninges et de 4 centimètres sur 1 centimètre et demi d'écorce.

Deux mois après, apparition d'une attaque de petit mal non

suivie d'autres crises. Quatorze mois après l'opération et un an

après cette dernière attaque état très satisfaisant et pas d'autres

troubles post-opératoires que faiblesse relative du bras droit,

légère ataxie de la main et diminution du sens musculaire dans

ce bras; le travail a été repris, le malade écrit de la main gauche.

Le bromure utile pour achever de réduire au calme les cellules

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 151

voisines du foyer a été prescrit à doses moyennes pendant la con-

valescence. Examen de la pièce : foyer de méningo-encéphalite

chronique probablement dû au traumatisme ancien. Epaississe-

ment oblitérant des vaisseaux capillaires de nouvelle formation

à dégénérescence hyaline, dégénération lente des cellules gan-

glionnaires, hyperplasie névroglique, petits espaces ramollis

entre les deux substances.

Observation II. - Femme trente ans, épilepsie idiopathique;

depuis six ans crampes dans la jambe gauche plus tard accompa-

gnées de perte de connaissance, morsure de la langue et écume à

la bouche. Détermination du centre de la jambe. excision d'un

morceau de cerveau de 4 centimètres sur 2. Suites opératoires

habituelles, pas d'attaques depuis plusieurs mois sans que le temps

écoulé permette encore d'affirmer définitivement le succès.

Examen de la pièce : raréfaction des grandes cellules pyrami-

dales, atrophie des cellules restantes, hémorragies punctiformes.

Conclusions : il y a des altérations dans lastructure des portions exci-

sées dans ces cas d'épilepsie. Pourquoi donc se refuserait-on à

enlever ces tissus quand on les diagnostique altérés. Le champ des

opérations dans l'épilepsie doit donc être rétréci mais non pas

abandonné. ' F. LtoISSIEft.

V. Effets DE la DÉGÉNÉRESCENCE ascendante sur LES nerfs MIXTES,

SUR LES CELLULES NERVEUSES DES GANGLIONS, SUR LES RACINES POS-

TÉRIEURES ET SUR LA CORNE ANTÉRIEURE DE LA MOELLE. (The effect of

ascending degeneratio7z on the mixed neuves, on the nerve cells of

the ganglia, on the posterior nerue roots, and the anterior cornue of

the cord); par Robert Fleming. (Edinblargh médical journal, jan-

vier, février, mars 1897.)

Fleming consacre une importante étude critique et expérimen-

tale à cette question d'histologie du système nerveux, qui suscite

actuellement tant de travaux et de recherches.

Dans la première partie de son travail, l'auteur étudie les effets

produits par la dégénérescence ascendante sur les nerfs eux-

mêmes, il donne d'abord un historique détaillé des travaux con-

sacrés à l'étude de la dégénérescence ascendante, recherches de

Déjerine et Mayor (1873), de Hayem et Gilbert (1884) sur les nerfs

et la moelle des amputés, travaux de Vanlair (1891), Krause (1886),

Marie (1892), Marinesco (1892). Ce dernier observe qu'après une

amputation, les fibres nerveuses sont plus nombreuses. Les résul-

tats des différents auteurs sont loin de concorder. Un fait bien '

établi, c'est que la dégénérescence ainsi produite est bien diffé-

rente de la dégénérescence wallérienne. Mais les lésions produites

et décrites par les expérimentateurs résultent souvent d'un pro-

152 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

cessus inflammatoire et non dégénératif. L'inflammation amène

une dégénération avec exsudation de leucocytes en plus. La

moindre infection peut produire une névrite traumatique, qui va

donner lieu à une dégénération ascendante, pouvant atteindre les

ganglions et même la moelle. Aussi pour se mettre à l'abri de

l'inflammation, doit-on recourir à une antisepsie minutieuse. Dans

ses expériences l'auteur s'est servi d'eau bouillie.

L'examen des nerfs lui a donné les résultats suivants : les nerfs

contiennent des fibres fines et des fibres grosses ; les premières

sont les plus altérées. Les fibres fines sont remplacées par du tissu

conjonctif; mais la dégénérescence ne les atteint pas dans toute

leur longueur. Les libres plus grosses ne subissent qu'une simple

atrophie. La myéline est plus altérée que les cylindraxes.

Dans la seconde partie de son travail, Fleming étudie les effets

de la dégénérescence ascendante sur les cellules ganglionnaires,

les racines postérieures et la corne antérieure. C'est aux altérations

des ganglions postérieurs qu'il consacre le plus d'intérêt. Il décrit

d'abord les caractères de la cellule ganglionnaire normale, tels

qu'ils sont connus par les travaux les plus récents (Nisst). Cette cel-

lule, chez les vertébrés supérieurs, est unipolaire. Son prolonge-

ment cylindraxile se divise en deux fibres, l'une qui descend dans

le nerf, l'autre qui va à la moelle. Son noyau est formé d'un

réseau de chromatine et renfermé dans une capsule propre. Son

protoplasma est formé de deux substances, l'une chromatique,

l'autre achromatique, de réactions différentes. Les alcalis dissol-

vent la première tandis que la pepsine additionnée de HCI dissout la

seconde et laisse intacte la première.

Dans ses expériences l'auteur a eu recours à la section du nerf

sciatique ou à sa ligature. Ses examens ont porté sur les racines et

les ganglions de la région lombaire, ainsi que sur les portions de

la moelle correspondante. Fleming décrit ses résultats avec détails

et les résume dans ces conclusions :

Les altérations des cellules ganglionnaires (ganglions des racines

postérieures), consécutives à une section nerveuse, surviennent du

quatrième au septième jour, bien avant que les cellules multipo-

laires de la moelle ne soient altérées. L'un des premierschangements

observés est une diminution du noyau ; parfois les nucléoles dimi-

nuent etdavienuentexcentriques. Les éléments chromatiques de ces

cellules subissent des changements dans leurs dimensions et leur

position. Leurs granulations se groupent autour du noyau et s'ag-

glomèrent parfois en masses. Les espaces lymphatiques péri-cellu-

laires s'élargissent. Fleming admet une grande différence entre les

cellules ganglionnaires et les cellules multipolaires de la moelle.

P. RELLAY.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 153

VI. Une HETÉROTOPIE DE la moelle artificielle; par J. COLINS

(Neuralog. Central. Ch. XIV, 1895).

Il s'agit d'une moelle empruntée à un malade atteint de sclèro'e

latérale amyotrophique typique, préparée avec les soins habituels,

notamment par suspension dans la liqueur de Millier. On constate

des modifications artificielles en question limitées au 8e segment

dorsal ; elles sont imputables, d'après l'auteur, à une contusion de

la moelle post mortem. P. K.

VII. Note SUR la THÉORIE DE Weigert relativement A la STRUCTURE

delà névroglie; par W. FORD HOBERTSON. (The Journal of Mental

Science. Janvier 1897.)

On sait que Weigert, à l'aide de méthodes de coloration nou-

velles, a récemment proposé une théorie nouvelle de la structure

intime de la névroglie. M. Robertson combat l'opinion de Weigert

en se basant sur les travaux de Bevan Lewis et de Golgi, et il

résume, en terminant, les objections à la théorie de Weigert que

M. Pellizzi a tout récemment formulée en Italie dans un travail

sur la structure de granulation de l'épendyme. L'auteur italien

a constaté que dans les préparations de granulations de l'épen-

dyme colorées par la méthode de Weigert, le protoplosma des

cellules hypertrophiées de la névroglie est teinté en jaune et par

conséquent facile à distinguer. Les fibres sont très épaissies, sur-

tout à l'une de leurs extrémités qui peut ou se bifurquer, ou

former une expansion membraneuse qui prend une coloration

un peu moins intense que celle de la fibre. Les extrémités remar-

quablement épaissies des fibres paraissent être souvent placées

contre une cellule de la névroglie. Il soutient que ce n'est pas une

raison parce qu'avec cette méthode on ne peut pas reconnaître de

connexions directes entre les fibres et la cellule, pour que cette

connexion n'existe pas. Il serait tout juste aussi rationnel de nier

l'existence du protoplasma de'la cellule de névroglie en donnant

pour raison qu'on ne le voit pas. M. Pellizzi souhaiterait qu'on, ne

tirât pas de conclusions semblables des apparences obtenues à l'aide

d'une seule méthode ; il ajoute que lorsqu'on emploie plusieurs

méthodes différentes, il devient parfaitement évident que la struc-

ture vraie de la névroglie est telle que Golgi l'a décrite.

R. DE Musgrave CLAY.

VIII. UN cas DE tumeur du cerveau; par Ii'L8TCI ! 1\ B8.\CU. (The Jour-

nal of Mental Science. Juillet 1896.)

Garçon de six ans, né à terme, mais au forceps, présentant un

mois après la naissance sur la tête une grosseur du volume d'une

z

154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

noix qui fut ponctionnée deux fois et donna issue à un peu de

liquide. A deux ans une voiture passe sur lui; la grosseur aug-

mente de volume ; ponctionnée de nouveau elle donne encore un

liquide clair. Après l'accident, il reste six heures =ans connaissance

et revient à lui avec une paralysie du bras droit qui est devenue

définitive, ensuite il a eu des attaques, et son caractère s'est modifié

(alternatives bruyantes et moro,es). Père mort phtisique, para-

lysie dans la famille : trois enfants morts jeunes de bronchite; des

deux autres qui vivent encore, l'un a une affection de la moelle

l'autre est bien portant. La tumeur du crâne est bilobée volumi-

neui-e, lisse et globuleuse ; elle donne au toucher une résistance

élastique et parait contenir du liquide : elle est recouverte par les

cheveux. Par sa base, elle fait corps avec le crâne, sauf en .un

point correspondant au bord de l'os frontal, à gauche, où il existe

une dépression molle. Démarche gauche et faible, roideur de la

jambe droite et pied bot. Parésie du bras droit, chute du poignet

doigts fléchis pouce replié. Parole lente, mais normale ; cependant

il oublie parfois ce qu'il allait dire. Pouls normal. Capacité men-

tale très faible. Crises épileptiques fréquentes .- Mémoire insuf-

fisante. La répétition des crises épileptiques amena le marasme et

la mort. A l'autopsie, la tumeur avait cessé d'être bilobée et ne

formait plus qu'une masse unique : elle était adhérente au cuir che-

velu et contenait une matière d'un rouge brun et de consistance

caséeuse. Elle adhérait aussi au crâne, par une suhstance blan-

châtre d'une dureté presque cartilagineuse et communiquait en

avant avec le cerveau parmi orifice de la table osseuse de la gran-

deur d'une pièce de deux francs, mais de forme ovale. La surface

convexe du crâne portait des dépressions correspondant à la

forme de la tumeur. Le cerveau n'a malheureusement pas été

examiné. R. DE MUsGRAVE CLAY.

IX. Sur L\ pathologie DE la lactescence, DE l'épaississement ET DE

l'opacité de la pie-mère ET de l'arachnoïde chez les aliénés, par

W.-F. Robertson. (The Journal of Mental Science, octobre 1895.)

L'auteur se propose de passer sous silence les altérations macros-

copiques de la pie-mère et de l'arachnoïde, qui sont suffisamment

connues et de restreindre son étude aux lésions microscopiques ;

puis il passe en revue les diverses opinions émises au sujet de la

lactescence et de l'épaississement de ces membranes, dont il résume

la description anatomique : il constate que. leur histologie a été

étudiée presque exclusivement à l'aide de coupes transversales, qui

ne démontrent que peu ou mal la disposition des espaces lympha-

.tiques : il considère comme indispensables les coupes horizontales

ou obliques, et sur tout les coupes horizontales superficielles au de sur-

face. indique d'abord les dispositions anatomiques que révèlentees

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155

coupes à l'état normal, puis celles que l'on rencontre dans l'état

de lactescence et d'opacité des membranes : les altérations anato-

miques, dans ces cas, sont caractérisées par des phénomènes de

prolifération dans le tissu connectif et les éléments endothéliaux,

et aussi, ce qui est plus caractéristique encore, par des lésions de

dégénérescence portant surtout sur les cellules endothéliales. -

L'infiltration des petites cellules arrondies fait presque toujours

entièrement défaut, même dans les cas avancés. - La plupart des

altérations observées dans le= enveloppes du cerveau chez les alié-

nés paraissent devoir être attribuées en grande partie à des ano-

malies de nutrition : elles diffèrent sensiblement de celles qui

caractérisent l'inflammation à laquelle elles ne semblent pas pou-

voir être attribuées. R. de AIUSGRAVE CUY.

X. D'un système de fibres intermédiaires, occupant le' cordon la-

TÉRAL DANS LES PYRAMIDES; par W. DE BECFITEREN. (AMt'00.

Centralbl., XIV, 1895.)

L'auteur rappelle son travail antérieur (voy. Archives de Neuro-

logie, ch. XXIII. p, 397.) confirmé, dit-il, par Biedl, d'après lequel

le faisceau pyramidal des cordons latéraux n'appartient pas exclu-

sivement au grand trajet musculo-motuur entrecroisé. Ce faisceau

latéro-pyramfdal contient aussi des fibres non entrecroisées, centri-

fuges également, qui descender non du ceiveau, mais du cervelet,

par le pédoncule cérébelleux inférieur. En d'autres termes le fais-

ceau de Bield serait le sien. ' P. K.

XI. UN cas DE paralysie DU nerf récurrent gauche DUE A UN ANÉ-

vrisme de l'aorte. (Occidental Médical Times, janvier 1897.)

Cas d'un anévrisme de la crosse chez un homme de quarante

ans. Pas d'antécédents personnels. Il présentait comme symptôme

principal une aphonie complète, avec douleur persistante au côté

droit. Le traitemeut ioduré calma les douleurs mais l'aphonie a

persisté. M. Havel.

XII. UN C1S DE carie cervicale, intéressant LE bord gauche DU TROU

occipital ET DU CONDYLE occipital, la surface articulaire SUP13-

RIEURE gauche DE l'atlas ET l'apophyse odontoïde de l'axis ; par

C. Hetheiungton. (The Journal of Mental Science. Janvier 1897.)

Homme de trente-trois ans, en état de démence : bonne santé

générale sauf des troubles gastriques : jusqu'à huit jours avant la

mort on avait constaté chez ce malade qu'une rigidité des muscles

trapèzes : son état mental ne lui permettait de donner aucun ren-

156 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

seignement. - Le 2 août, douleur vive à la partie postérieure du

cou. Le 1CI septembre : aggravation de cette douleur; déglutition

des liquides très difficile : fièvre, inflammation et gonflement de

la partie postérieure du cou : perte des fonctions de la jambe et du

bras gauches. Le 2 septembre : marasme ; mort. Le litre même de

l'observation résume les résultats de l'autopsie.

- R. DE SIUSGRAVE CLAY.

XIII. SUR la signification DES déformation palatines chez LES

idiots; par`Valter Cl ! AN : \I"G. (The Journal of Mental Science. Jan-

vier 1897.)

Les conclusions de ce mémoire sont les suivantes : 1° Dans les

deux cinquièmes des cas les idiots ont un palais suffisamment bien

conformé. 2° Il peut y avoir des déformations palatines chez les

sujets normaux. 3° Chez les idiots, la différence est une question

de degré et non de nature. 4° Dans un cas comme dans l'autre, il

s'agit d'un développement anatomique irrégulier. 5° Le palais des

idiots et celui de la moyenne des enfants normaux, ne parais-

sent pas différer sensiblement, au-dessous de huit ans, au moins

dans la majorité des cas. 6° Il n'existe aucune conformation spé-

ciale du palais qui soit propre à l'idiotie. 7° L'assertion suivant

laquelle le palais en V ou toute autre forme particulière de palais

constituraient un a stigmate de dégénérescence » reste tout entière

à prouver R. de MUSGRAVE CLAY.

1V.);SSAIS d'excitation électrique des régions du cerveau, président

aux mouvements du tronc ET DE la nuque chez le chien; par

Werker. (Allg. Zeitzcher. f. psychiatrie, t. LII, f. 1er, p. 134-166,

avec 4 figures.)

Depuis les travaux de Hitzig et de Fritsch, la plupart des centres

moteurs ont été topographiquement délimités sur l'écorce céré-

brale. Les centres des muscles du tronc et de la nuque n'ont pas

encore été localisés d'une façon précise ; on les a cherchés aussi

bien dans le lobe frontal que dans le lobe pariétal. Certains expé-

rimentateurs ont dénié au lobe frontal toute excitabilité électrique.

Ferrier cependant y a placé les centres en question ainsi que le

centre des mouvements des yeux, tous les autres centres restant

bien en arrière dos précédents. Les expériences d'extirpation et

d'excitation par l'électricité de ces régions ont donné des résultats

incertains et contradictoires. L'auteur a fait des expériences dans

le but d'élucider cette question ; il a cherché où étaient situés les

centres des muscles du tronc et de la nuque chez le chien, et s'il

existait dans le lobe frontal un centre spécial pour les mouvements

des yeux.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 157

Pour IIitzig le lobe frontal est complètement inexcitable; pour

Ferrier, au contraire, il n'est pas de point de l'écorce qui ne soit

le siège d'un centre. Mais les recherches de Ferrier ne peuvent

entraîner la conviction au point de vue de l'excitabilité du lobe

frontal et au point de vue du siège des centres du tronc et de la

nuque. Il n'y a à retenir que son affirmation de l'existence d'un

centre des muscles des yeux dans le lobe frontal. Contre les idées

émises par Hitzig et Il. de Boyer, s'éleva Munk. Ce physiologiste

place le centre du tronc chez le chien, dans le lobe frontal ; le

centre de la nuque en est voisin. Munk se base sur des expériences

d'extirpation et d'excitation électrique. Beevor et Horsley, dans

leurs recherches sur le cerveau de singes, sont arrivés à des con-

clusions identiques à celles de Ferrier. Il faut citer encore les

travaux d'Unverricht, de ICuicl : . Ce dernier place , comme

Unverricht, le centre de la musculature du tronc sur le gyrus

sigmoïde postérieur enlre les centres des extrémités; il confirme

également le fait signalé par Unverricht, de l'absence pour ce

centre d'action croisée (action dérecte sur les muscles du même

côté). Les expériences de Kurick, faites dans le but de contrôler

celles de Munk (extirpation et excitation des régions corticales) ne

lui ont pas fait constater que les circonvolutions frontales prési-

dassent aux mouvements du tronc et de la nuque.

L'auteur a fait des expériences sur dix chiens âgés de six mois à

un an. Il s'est servi de l'appareil à chariot de Dubois-Reymond,

l'écorce cérébrale recouverte de la pie-mère a été excitée par des

courants induits. De ces recherches il tire les conclusions suivantes :

1° le chien possède deux centres pour les muscles de la nuque :

a) l'un dans le lobe frontal en avant de fissure présylvienne (centre

frontal de la nuque).

b) L'autre dans le lobe pariétal, sur l'extrémité du gyrus syg-

moïde postérieur, au-dessous du centre du membre antérieur

(centre pariétal de la nuque). L'excitation de ces deux centres

détermine un mouvement du museau qui est dirigé du côté du

centre excité ; 2° le centre de la musculature du tronc est situé sur

le girus sygmoïde postérieur entre les centres des extrémités, il

préside aux mouvements des muscles du même côté ; 3° il n'y a

pas de centre moteur des yeux dans le lobe frontal du chien;

4° la situation des centres en général varie suivant les individus

dans des limites restreintes. P. S.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

VIII. DE l'éducation motrice graduelle (Méthode de Fi-enhel) ET DE la

RÉVULSION GALVANIQUE DU RACHIS DANS LE TRAITEMENT DU TABES; par

le D'' Targowla.

La méthode de Frenkel qui consiste à réapprendre aux ataxiques

à faire les mouvements qu'ils ne peuvent ou ne savent plus exécu-

ter, a été appliquée par l'auteur dans 6 cas, dont il donne l'ob-

servation : dans tous les cas les symptômes ataxiques ont disparu

graduellement. M. Targowla insiste avec raison sur la nécessité de

tenir l'attention du malade en éveil pour surveiller les mouvements

non seulement pendant les séances, mais aussi dans l'intervalle des

séances.

En somme, dans les cas de tabes avec ataxie, le traitement par

l'éducation motrice est indiqué : on obtient toujours une amélio-

ration de la locomotion. Cette dernière, à son tour, peut, comme

le montrent les observations citées, modifier favorablement l'état

général, et c'est ainsi peut-être que peut s'expllquer l'amendement

parfois observé dans les douleurs fulgurantes.

La brosse galvauique a été recommandée par M. Witrowski con-

tre les troubles génilo-urimtires ; en effet, dans 3 des cas cités, une

amélioration durable de la miction a été obtenue, et dans un cas

le coit est redevenu possible, après une suppression de la fonction

pendant un an. (Revue neurologique, mai 1896.) E. B.

IX. Note sur LE traitement DE l'inversion sexuelle ; par le

Dr HAVELOCK ELLIS.

En Angleterre l'Ecole est un grand centre de développement de

l'inversion sexuelle et toute réforme préventive sera difficile tant

que les médecins ne seront que des instruments dans les mains de

corporations et d'individus qui sont décidés à tout sacrifier à ce

qui s'appelle l' « école » ou « la prospérité de l'école * mais qui

n'ont aucun souci de l'éducation et du bien-être de l'écolier. Quant

au traitement médical de l'inversion sexuelle, une fois qu'elle est

constituée, l'auteur cite tout d'abord le traitement institué par le

Dr von Schrenk-Notying. Ce dernier, en même temps qu'il soumet

ses malades à l'influence hypnotique, les envoie aussi très fréquem-

ment, et après d'abondantes libations d'alcool dans des maisons

publiques où d'habiles praticiennes s'exercent à ramener l'érection.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 159

Sans s'arrêter à la facile critique de ce mode de traitement peu

apte à relever dans l'esprit des invertis l'amour et le culte de la

femme, M. Ellis estime que chez tout inverti sexuel existe un état

neurasthénique qu'il faut d'abord traiter et guérir par une médi-

cation appropriée.

Lorsque l'état neurasthénique est amélioré ou a disparu, com-

mence le traitement de l'inversion sexuelle : c'est un traitement

bien difficile à effectuer, et dont les modes doivent varier avec

chaque cas en particulier.

Pour ramener l'excitation sexuelle dans sa voie normale, le con-

cours d'une femme honnête sera de beaucoup préférable à celui

d'une prostituée de bas étage qui ne pourra inspirer au malade déjà

bien mal disposé, que dégoût et répulsion. Mais là se rencontre un

échec : il faut se garder de croire trop vite à une guérison hâtive,

et de donner trop vite suite à des idées de mariage émises par le

malade : ce dernier, quelque guéri qu'il paraisse, rete sujet à des

rechutes qui, au lieu de faire un malheureux pourraient, en cas de

mariage, en faire deux et plus même, s'il y a des enfants à qui

pourrait être transmise la tare morale du père. La guérison de

l'inversion sexuelle reste une chose difficile à obtenir et à mainte-

nir ; aussi le meilleur résultat qu'il soit encore préférable de cher-

cher, d'après M. Ellis, c'est tout d'abord de réduire, par des

méthodes directes ou indirectes, l'hyperesthésie sexuelle, puis, par

les méthodes psychiques, d'épurer, de spiritualiser l'impulsion

vicieuse, si bien que la perversion naturelle de l'inverti ne puisse,

plus devenir une cause de perversité acquise pour d'autres. (The

alienist and neul'ologist, juillet 1896.) E. B.

X. Médication thyroïdienne dans la catalepsie; par le D G. RoGERS.

L'auteur a eu l'occasion d'observer deux cas intéressants, d'une

part par la longue durée des conditions cataleptiques, d'autre part

et surtout par les effets rapidement favorables de la médication

thyroïdienne, après échec complet des autres méthodes de traite-

ment. De l'étude de ces deux cas il tire les conclusions suivantes :

1° Les états caractérisés par l'inhibition de l'activité sensitive,

motrice et mentale, sans lésion organique importante, comme on

l'observe dans la catatonie, et dans certains types de folie et de

mélancolie avec stupeur, peuvent tirer un grand bénéfice de l'em-

ploi judicieux de la médicamentation thyroïdienne.

2° Les effets de la médication thyroïdienne à forte dose, ressem-

blent aux symptômes de la maladie de Graves : éruptions cuta-

nées, sueurs profuses fétides, sensation de chaleur et de soif, tachy-

cardie, absence de relations entre le nombre des pulsations, la

respiration et la température, etc.

160 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

3° Les résultats de la médication thyroïdienne confirment la

théorie de Mobius, d'après laquelle la maladie de Graves est due à

une hyperactivité rie la glande thyroïde (American Journal of

insanity, juillet 1896). E. B.

XI. LE TRIONAL est-il UN IIYPNOTIQUE recommandable ; MÉRtTE-T-IL

d'être préféré au SULION.1L par vo : \ ;,\1EP.ING. (.j02()'7z. de Neurologie

et d'hypnologie, 1896, n°24.)

De ses recherches personnelles et de celles d'un certain nombre

d'autres observateurs l'auteur de ce travail conclut qu'actuellement

aucun hypnotique n'est préférable au trional et qu'il mérite d'être

placé beaucoup au-dessus du sulfonal.

Le trional agit vivement et promptement dans l'agrypine simple,

dansl'insomnie qui accompagne les diverses formes de neurasthénie

et même dans l'insomnie des psychopathes agités et aliénés.

Dans l'insomnie dépendant de douleurs physiques le trional peut

encore rendre des services en lui ajoutant une petite quantité de

morphine.

Lorsqu'il faut produire une action calmante prolongée l'emploi du

trional doit alterner avec celui d'autres hypnotiques, tels que l'hy-

drate d'amylène, l'hydrate de chloral et le chloralamide. Dans la

majorité des cas le trional doit être prescrit à la dose de 1 gramme.

Enfin ce médicament ne paraît avoir aucun effet secondaire

fâcheux : si l'hélllatoporphyrinurie été constatée dans quelques cas

après son administration, elle est cependant beaucoup plus rare

qu'après l'emploi du sulfonal et l'on ne saurait affirmer qu'elle est

réellement due à l'action du médicament. G. D.

XII. Onctions DE saindoux dans l'émaciation ; par le Dr BOODY.

Il est cliniquement démoutré que les téguments jouent un rôle

important comme un organe au travers duquel de la nourriture

peut être donnée, introduite dans la circulation, assimilée, en

sorte que la nutrition générale soit relevée.

Il faut songer à ces propriétés de la peau dans le cas d'émacia-

tion extrême avec mauvaise nutrition, quand le traitement tonique

associé au massage n'a pas donné de résultats.

L'auteur pense que, dans ces conditions si aucune nourriture ne

peut être prise par l'estomac, la nutrition pourrait être relevée et

le patient augmenter de poids sous l'influence d'onctions de sain-

doux, d'huile d'olive ou d'un autre corps gras, onctions répétées

deux'ou trois fois par jour : les quelques observations rapportées

dans ce travail viennent confirmer son opinion. (Amel'iean Journal

of insanity, juillet 1896.) E. B.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 161

XIII. L'abus des bromures; par le Dr MARRIET Alexander.

. Il est de notion courante que l'emploi prolongé du bromure

donne fréquemment lieu à certaines dermatoses, surtout à de

l'acné; mais là ne se bornent pas, dans beaucoup de cas, les incon-

vénients des bromures et l'on peut voir se développer les troubles

suivants : arrière-goût amer ou salé, hypersécrétion de la salive

avec irritation de la muqueuse buccale; sensation de brûlure dans

la gorge, diminution de la sensibilité et de l'action réflexe du

voile du palais ; crises de gastralgie et vomissements; diminution

de la muqueuse respiratoire avec catarrhe bronchique; les mu-

queuses oculaire, intestinale etvésicale peuvent aussi être atteintes.

L'ensemble de ces symptômes constitue une intoxication spé-

ciale, le bromisme, dont les manifestations peuvent atteindre le

système nerveux sous forme d'idées délirantes, de tendances au

suicide, de pertes de la mémoire, de parésies, d'affaiblissement

intellectuel.

Une des conséquences les plus fréquentes de l'emploi des bro-

mures consiste dans une modification du caractère, qui devient irri-

table : les malades deviennent alors emportés, violents, sujets à des

périodes d'excitation accompagnée d'hallucinations.

C'est bien le brome qui parait être l'agent de ces troubles, car l'ac-

tion des bromures de sodium, de potassium et d'ammonium est

presque la même.

Un traitement mixte, associant les bromures au connium, à l'ar-

senic et à l'ergot, n'aurait pas ces inconvénients. (The alienist and

neul'ologist; juillet 1896.) x E. H.

XIV. LE traitement hospitalier DES aliénés dans LES asiles ;

par J. MACPHERSON. (The journal of Mental Science, octobre 1896.)

L'auteur relate l'évolution, en Ecosse, des idées de progrès qui

ont abouti soit à la création d'hôpitaux spéciaux pour les aliénés

malades, soit à l'affectation de bâtiments spéciaux dans les asiles

destinés au même usage, et il s'est attaché à faire ressortir les

avantages multiples de ce système d'hospitalisation. R. 1L-C.

XV. UN cas de morphinomanie guéri par la codéine; par.......

(Occidental Médical Time, septembre 1895.)

Cas de guérison d'un morphinomane de vingt-huit ans qui à la

suite d'une diarrhée rebelle en était arrivé à prendre jusqu'à qua-

Tante grains de morphine par jour.

Il suivait ce régime depuis près de sept ans et en était arrivé à

un état de cachexie complète.

Ayant enfin consenti à suivre un traitement intégral, on lui fit

Archives, 2C série, t. IV. Il t

162 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

prendre le premier jour cinq grains de morphine en iujections

hypodermiques; les jours suivants réduction progressive de la

morphine à laquelle fut substituée à l'insu du malade une certaine

quantité de codéine.

Cet essai dura plusieurs semaines le malade s'en trouvant bien,

le médecin crut pouvoir remplacer complètement la morphine par

la codéine tout en. injectant une quantité égale de liquide. Il pro-

longea ce traitement quelques semaines jusqu'à réduction de la

dose de codéine à un demi-grain par jour, c'est-à-dire à une quantité

inoffensive. Une semaine plus tard suppression complète de la

codéine sans que le malade sefûtaperçu delà substitution; la gué-

rison fut radicale; le malade ne prit plus jamais de morphine et

se porte bien actuellement. M. H.wIr.L.

XVI. Extrait thyroïdien dans le goitre avec crétinisme; par W.

R. P.vR6Ea, de Kandal. (British médical journal, 27 juin 1896.)

L'intérêt de ce cas consiste en ce que c'est un crétinisme avec

goitre alors que dans la région le crétinisme s'observe générale-

ment sans goitre. Contrairement à la règle signalée par Bourne-

ville, l'enfant présentait un pseudo-lipome du thyroïde. Ce cas est

difficile à classer si l'on admet la division en crétins sporadiques et

endémiques. Il paraît s'être fort bien trouvé du traitement thy-

roïdien (trois photographies) bien qu'il ait été commencé lard

(dix-neuf ans). A.Marie.

XVII. Contribution A l'étude des soins a donner aux aliénés; par

T. Bogdan. (Cenlmúl, f. l1'c·ve71SILecLIi, XIX, N. F., vu, 1896.)

M. Bogdan ne pratique plus la réclusion en cellules, car c'est,

parait-il, un moyen d'agiter les malades et de les rendre furieux.

Les cellules ont été transformées en chambres munies de leurs

lits; on en laisse la porte ouverte. Les agités sont immédiatement

alités; quand ils ne veulent pas demeurer au lit, vite un grand

bain de deux à trois heures qui est maintenu à 35° grâce à l'af-

fluence continue d'eau chaude ( ? ). Après le bain un sommeil bien-

faisant calme l'agitation. Se réveillent-ils agités, nouveau bain. Et

tout va bien; les bains successifs relèvent la nutrition, les malades

augmentent de poids. Mais si l'agité est à ce point violent, déchaîné,

qu'on ne puisse le conduire aux bains, il faut lui mettre la cami-

sole, mais presque toujours ( ? ) on peut la lui enlever dans l'eau;

l'emploi n'en est que passager : cette découverte remplace avanta-

geusement la claustration cellulaire indéfinie (2) et les narcotiques

ou l'enveloppement dans un drap humide qui sont des poisons et des

tortures ( ? ). M. Bogdan a cependant un spécifique dans l'épilepsie

et contre l'agitation des aliénés en général. C'est le médicament

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 163

de Bachterew (voy. Archives de Neurologie). - Adonis vernalis, 2 à

3,75; véhicule 180; K. Br. 7,50 à 11 ? - Chaque jour 4 à 8 cuil-

lerées à soupe. Il y ajoute l'emploi du lit à grilles.

Enfin il n'y aura plus désormais de gâteux, de malades souillés

de leurs matières, de ces diarrhées dysentériformes qui tiennent

uniquement à la coprostase ( ? ); il n'y aura plus de ces eschares

larges et profondes qui proviennent de ce que les malades sont

mal tenus ( ? ). Il suffit de donner des lavements chaque jour à des

heures déterminées, de conduire régulièrement, à heures fixes ceux

qui urinent au lit, jour et nuit bien entendu; avec un peu de

calomel au besoin, on vient à bout de tous ces accidents. On arri-

vera même à pouvoir donner à tous des matelas en employant

néanmoins des substances imperméables et l'on n'aura plus à se

préoccuper du garnissage du plancher et des parois des cellules.

J'oubliais : M. Bogdan a aussi inventé les sorties de malades par

petits groupes. P. KERAYAL.

XVIII. Contribution au chapitre du travail manuel; par A. FOREL.

(Centralbl. f. Nervenheilk, XIX, N. F., vu, 1896.)

M. Grohntann a installé un établissement du genre de ceux que

demandait 111. Moebius dans son mémoire (Die Behandlung and

Ne1'Venk1'Ll11ken und die Errichlung von Nervenheilsletten) . (Anal. dans

le Progrès médical.)

1° Le travail qui convient aux aliénés est celui qui fait agir les

muscles sans les fatiguer, mais leur offre un but intéressant, reste

simple, présente de la variété : agriculture, horticulture, menui-

serie. Il dérive les activités morbides du cerveau. En revanche les

études mathématiques et philosophiques sont nuisibles; les mouve-

ments automatiques stupides n'ont pas d'utilité. 2° Dans les ma-

ladies nerveuses qui, généralement, ne sont que des troubles fonc-

tionnels du cerveau et qui ni'ntéressent que secondairement les

centres réflexes subordonnés, les muscles, la peau, les os, les,indi-

cations que nous venons de formuler sont encore plus de mise car,

ici, la guérison peut être obtenue, notamment dans la neuras-

thénie (encéphalasthénie).

La direction du travail de Grohmann, sa méthode, sa disci-

pline, sa division en travaux d'hiver et travaux d'été, sont particu-

lièrement recommandables. P. Keraval.

REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION

I. La LOI ANGLAISE DANS LES RAPPORTS AVEC LES ALIÉNÉS ISOLÉS-,

par A. WE.1TIIERLY. (The Journal of Mental Science, janvier 1896.)

La loi anglaise sur les aliénés interdit aux particuliers et aux

institutions quelconques de recevoir et de soigner des aliénés, sans

que ceux-ci aient été certifiés tels ; l'auteur se plaint que cette loi

soit à chaque instant violée, et cela avec une sorte de complicité

au moins tacite des magistrats. Trop souvent on voit des familles,

désireuses d'éviter le discrédit d'un placement dans un asile, mettre

un de leurs membres « en pension » dans une famille salariée

pour le recevoir ; et cela au double détriment des malades, qui

sont soignés par des personnes incompétentes, et de la liberté indi-

viduelle, qui court d'étranges risques en pareille aventure. - L'au-

teur demande le rappel au respect de la loi, qui est une lui de

protection. R. M'. C.

]1. Les pensionnaires volontaires dans LES asiles anglais ; par

R. PERCY SuITII. (The Journal of Mental Science, janvier 1896.)

Etude sur les conditions de légalité dans lesquelles on peut ad-

mettre dans les asiles d'Angleterre les malades qui viennent eux-

mêmes, sans certificat, demander leur internement, et sur les

formes d'aliénation mentale qui poussent le plus ordinairement

ceux qui en sont atteints à formuler ces demandes. R. M. C.

III. Sur LES aliénés dangereux accusés DC crimes ; par John

CARSWELL. (The Journal of Mental Science, juillet 1896.)

Nous ne faisons qu'indiquer ce travail qui vise quelques points

spéciaux de la législation écossaise sur les aliénés dangereux et

criminels. R. M. C.

IV. Sur LES mesures d'assistance A l'égard des IDIOTS ET des Imbue-

CILES indigents EN ANGLETERRE ET dans LE pays de Galles ; par

G.-E. SUUTTLEWORTH. (The Journal of Mental Science, octobre 1895.)

Nous redirons ici que les différences profondes qui existent entre

les procédés administratifs de l'Angleterre et ceux de la France

ne permettent pas de rendre compte de travaux du genre de celui-

REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION. 165

ci ; car ils demanderaient une explication plutôt qu'une analyse;

nous nous bornons à les signaler pour en faire connaître l'exis-

tence à ceux de nos lecteurs qu'intéressent spécialement les ques-

tions comparées d'assistance et de législation. R. M. C.

V. Rapports ET certificats spéciaux exigés par la section 38 de Li

LOI sur les aliénés DE 1890 ET la section 7 DE la LOI DE 1891 ; par

E.-S. S'rEwAIIT. (The Journal of Mental Science, juillet 1890.)

Nous indiquons simplement ce travail, dont la portée est tout

administrative. R. M. C.

VI. L'asile DU « LONDON COUN1'Y COUNCIL » A CLAYBURY, avec un

coup D'4;IL sur la PREMIÈRE année DE fonctionnement ; par Robert

JoNas. (The Journal of Mental Science, janvier 1897.)

Description intéressante, accompagnée d'une vue et d'un plan, de

ce vaste et magnifique asile, où l'on paraît avoir réalisé tous les

progrès récents et rempli toutes les indications que comporte ce

genre d'établissement. R. M. C.

VII. Les lois sur l'aliénation mentale au COLORADO; par E. HOBLIOU9E.

(The Journal of Mental Science, avril 1896.)

Aux États-Unis chaque État, on le sait, a ses lois particulières;

dans le Colorado, la procédure qui aboutit à l'iuteruement d'un

aliéné, consiste en une sentence prononcée par un jury devant un

magistrat, c'est-à-dire qu'elle ressemble en tous points à un procès

criminel. Appelé par un confrère à examiner avec lui un malade

manifestement aliéné, l'auteur a pu assister à un de ces jugements.

Les choses vont vite au Colorado, et comme le juge devait com-

mencer le lendemain une tournée politique, notre confrère, une

heure après l'examen, était cité à comparaître comme témoin

devant le tribunal. Il s'y rendit, vit désigner deux avoués (qui sont

avocats au Colorado), l'un comme avocat de l'État, l'autre comme

défenseur. Au préalable, le juge avait fait prêter le serment de

jurés à sept braves gens qu'on avait été chercher dans la rue et

dans les « bars » du voisinage. Puis il demanda au malade s'il

savait pourquoi on l'avait amené là, et, sur sa réponse affirmative,

le ministère public et la défense firent subir à la femme de l'aliéné

et aux deux médecins un interrogatoire et un contre-interrogatoire.

Ensuite le chef du jury et un ou deux jurés posèrent au malade

quelques questions, et s'étant ainsi assurés qu'il consentait à être

interné, ils rendirent la sentence qui le déclarait aliéné et entraî-

nait son internement. Comme il était indigent et faisait des dettes

par toute la ville, M. Hobhouse n'est pas éloigné de penser que le

166 REVUE d'assistance ET DE législation.

jury ne demandait pas mieux que de le faire entretenir aux frais de

l'État; mais il se demande quel aurait été le verdict si le malade

s'était opposé à l'internement au lieu de l'accepter. En tout cas, c'est

une regrettable procédure que celle qui assimile ainsi un malade à

un criminel, et ses inconvénients sont nombreux et suffisamment

manifestes pour qu'on n'ait-nul besoin d'y insister.

- R. DE -'1 USGRA VE-CL.\ Y.

VIII. L'asile DU CAIRE : LES observations DU Dr WARNOCII SUR la folie

du nAscfuscH/par T.-S. CLOUSTON. (The Journal of Mental Science,

octobre 1896.)

Lorsque, en 1879, MM. Urquhart et W.-S. Tuke visitèrent l'asile

du Caire, ils emportèrent de cette visite la plus fâcheuse impres-

sion : le bon ordre et l'hygiène y étaient également négligés.

M. Clouston qui, à son tour, l'a récemment visité constate avec

satisfaction que, sous l'heureuse influence et l'active impulsion du

Dr Warnoch, qui le dirige actuellement, l'aspect de cet asile a

complètement changé, et qu'il a subi des transformations impor-

tantes, qui assurément ne lui permettent pas de rivaliser avec les

asiles d'Angleterre, mais constituent néanmoins un progrès de pre-

mier ordre.

L'auteur a recueilli de la bouche du Dr Warnock, au cours de

cette visite, quelques renseignements intéressants sur la folie du

haschisch. Il semble, d'après ces données, que l'on ait singulière-

ment exagéré l'influence du chanvre indien dans la pathologie de

l'aliénation mentale. M. Warnock admet bien que l'usage du has-

chisch est dans un grand nombre de cas la cause principale (il est

souvent associé à l'usage de l'alcool), sinon unique, de la folie; mais

il doute fort que l'on puisse actuellement établir l'existence d'une

forme particulière de folie due au chanvre indien, et pouvant sur

ses seuls symptômes lui être attribué : le plus souvent d'ailleurs les

malades guérissent presque immédiatement après leur admission,

la privation du poison habituel suffisant pour amener la cessation

des troubles mentaux avec une rapidité qui est, à elle seule, patho-

gnomonique. Ces troubles se caractérisent souvent par des illusions

ou des hallucinations de la vue qui font croire au malade qu'il est

possédé par des diables : d'autres fois, il y a un délire plus calme,

moins agressif que celui que cause l'alcool et ne s'accompagnant

pas, comme ce dernier, de symptômes ataxiques. Quelquefois le

chanvre indien détermine de la manie aiguë : ces cas sont les

plus graves : ils durent quelquefois plusieurs mois et ne guérissent

pas toujours. Enfin la forme la plus commune, chez les fidèles du

haschisch, c'est un affaiblissement mental, entremêlé, après chaque

nouvel excès de poison, de poussées aiguës qui se rapprochent par

leur forme d'une manie aiguë, mais très atténuée. D'après des

REVUE d'assistance ET DE législation. 167

documents recueillis sur ce point par une commission spéciale, et

que le Dr Warnock ne conteste pas, il semblerait que l'usage

modéré du chanvre indien ne détermine absolument aucun état

fâcheux, physique, intellectuel ou moral. L'abus de ce poison, dit

la commission, altère l'organisme et provoque la dysenterie et la

bronchite, en même temps qu'il affaiblit l'intelligence, et peut

quelquefois causer la folie; il pervertit l'esprit, est une cause de

pauvreté ; mais ne pousse pas au crime. - Au point de vue de la

folie, la commission pense encore que les cas où le haschisch peut

être invoqué comme l'une des causes de l'aliénation mentale ne

dépassent pas la proportion de 7, 3 p. 100, chiffre qu'il faut encore

abaisser à 4, 5 p. 100, si l'on ne retient que les cas où le chanvre

indien peut seul être incriminé. R. DE fUSGnavE-CL.1Y.

IX. L'instruction professionnelle DU personnel DES infirmiers du

service d'aliénés; par A. MERCKLIN. (Ccnt1'albl. f. Ne¡'venheill ?

XIX, iNF., vu, 181JG,)

Les confrères allemands qui ne sont plus ont déjà, dans cette

question vitale, réclamé ce que nous exigeons de nouveau énergi-

quement comme étant la pierre angulaire de la réorganisation de

l'assistance des aliénés en Allemagne. C'est à nous de pratiquer

ée que la théorie a mis en lumière. Le mieux est de faire donner

cet enseignement par chaque établissement. Seulement il faut que

cela se fasse partout suivant une méthode ,et des règles uniformes

afin qu'il n'y ait plus qu'à améliorer. Cet enseignement systéma-

tique des soins que réclament les malades et les aliénés, sera

donné, à des heures déterminées, parles médecins les plus anciens

et les plus expérimentés de l'établissement, et à leur tête par le

directeur-médecin.

plan, marche ET matière DE L'ENSEIGNEMENT.

I. Enseignement de l'assistance hospitalière générale de l'infirmier :

1° Introduction générale sur le développement des hôpitaux et

des asiles d'aliénés; devoirs de l'infirmier ; nécessité de la pro-

preté, de l'ordre, de la tenue (bienséance). Indications précises

sur les divisions architecturales et techniques des établissements,

et leurs rôles. Notions d'hygiène générale : éclairage, aération,

chauffage, assainissement. - 2° Aperçus sur la construction et les

fonctions du corps humain; démonstration, sur le squelette, des

planches, des préparations; dessins topographiques. Ceci afin de

prouver la nécessité de soins minutieux et d'enseigner la précision.

Compléments physiologiques. - 3° Assistance générale des ma-

lades. Thermométrie, bains, soins contre les accidents gangreneux.

soins aseptiques ; maladies infectieuses, secours en cas d'acci-

168 REVUE d'assistance ET DE législation.

dents, etc. ; - 4° Soins spéciaux que réclament les aliénés. Des-

cription des services spécialement adaptés aux soins des aliénés.

Entrée du malade à l'asile (formalités d'admission ; comment on

procède à l'admission; première observation du malade). Procédés

à l'internement; quelles difficultés présente la première arrivée.

Principaux symptômes morbides et principaux types de maladies ;

mesures à prendre. Exemples concrets et description des événe-

ments concrets d'un asile. - 5° Exercices pratiques. Prendre une

température; savoir lever et porter les faibles; enlever les vête-

ments et mettre au lit; appliquer les appareils les plus simples.

Devoirs professionnels. Fautes, erreurs, négligences dans les exer-

cices. - 6° Quand il se passe à l'asile un événement spécial, le

faire servir pour le cours suivant de démonstration et d'exemple.

- je Insister sur les leçons de choses. Répéter les leçons précé-

dentes en commençant la leçon sous forme d'interrogation.

8° A la fin du cours, prendre séparément de petits groupes de

trois à quatre auditeurs et faire de la répétition par questions et

réponses.

II. Faut-il mettre un manuel entre les mains de l'infirmier ?

C'est inutile avec cet enseignement pratique; la plupart des

manuels existants sont trop touffus.

III. Il ne faut pas faire de cours aux infirmiers et infirmières,

simultanément. Il n'en faut pas admettre plus de 10 à 15 ensemble.

IV. Les cours répétés sont une bonne chose parce qu'ils donnent

aux infirmiers nouveaux qui toujours doivent commencer par le

service de la surveillance continue et de garde, l'occasion de s'ins-

truire et permettent de répéter aux illettrés les matières du cours.

V. Une heure par semaine est suffisante; le cours sera de six mois.

Peut-être ne serait-il pas mauvais qu'une commission officielle

nommée par la Société des aliénistes allemands fit officiellement

passer des examens, à des époques fixes, et délivrât des diplômes ;

cette pratique exalterait le zèle des professeurs et des élèves. Une

école centrale d'infir'miers serait cependant désavantageuse, parce

qu'elle forcerait les asiles il multiplier le nombre des infirmiers.

Sans doute, un progrès a déjà été réalisé en ce sens, puisque

au lieu de la proportion 1 pour 10 recommandée par Esquirol on

en est'généralement arrivé à 1 gardien pour 8 et même pour 7 ma-

lades. Avec l'école centrale, les directeurs-médecins devraient en

avoir en excès, puisqu'il y aurait un certain nombre d'entre eux

qui devraient, préalablement à tout service actif, subir l'enseigne-

ment professionnel. C'est une grosse affaire qui certainement est

la conséquence immédiate d'une sérieuse mise en oeuvre de cet

enseignement. En même temps, il faudra songer à relever le niveau

intellectuel du personnel et à améliorer les qualités morales, par un

enseignement primaire convenable. P. Keraval.

VARIA.

Société CONTRE l'usage DES boissons spiritueuses.

A la fin de mai la Société contre l'usage des boissons spiritueuses

a tenu à l'hôtel des Sociétés savantes son assemblée générale an-

nuelle. Devant une salle comble, notre excellent mailre M. J.-V. La-

borde, président d'honneur de la ligue, a prononcé une chaleureuse

allocution pour définir et préciser le rôle et le but de la Société à

laquelle il a consacré une si grande part de son activité et de sa

science; montrant avec netteté les caractères du mal et les diffi-

cultés à vaincre il a déterminé, d'après les résultats déjà obtenus

par l'oeuvre après deux ans de lutte, les points à étudier et les

voies à suivre pour l'avenir. Le Dr Legrain, président de la Société,

après un hommage rendu à toutes les associations anti-alcooliques

françaises a désigné le rôle et marqué la place spéciale de la

Société parmi ces oeuvres diverses. Les unes cherchent surtout le

relèvement du buveur, les autres par une influence sur les pouvoirs

publics cherchent à provoquer l'intervention de ceux-ci contre la

marche du fléau. La Société contrel'usage desboissousspiritueuses

s'attache avant tout à la prophylaxie du mal, par l'action et l'exemple

individuels, par la vulgarisation de la connaissance du mal dans

l'école et les milieux populaires. « Laissant à nos aînés plus experts

le soin de supporter le fardeau d'une lutte plus difficile dans les

régions parlementaires et gouvernementales, nous avons fait oeuvre

de missionnaires, nous adressant à l'individu, à sa conscience, à sa

moralité, essayant de le détourner du mal par un effort volontaire.

C'est eu quoi nous avons secondé nos devanciers, coopérant à leur

oeuvre sans prétendre rivaliser avec eux, ni mieux faire. Nous avons

pensé que les mesures législatives de répression ne vaudraient que

par le terrain où elles seraient appelées à fructifier. Elles vien-

draient par surcroit quand nous aurions bien préparé ce terrain. >

La ligue cherche avant tout à empêcher ceux qui ne boivent pas

encore ou boivent peu de devenir des buveurs. Elle veut créer,

éclairer et développer l'opinion, répandre partout la conviction du

danger; M. Legrain retrace rapidement les faits qui démontrent

l'imminence de celui-ci, avec la richesse et l'exactitude de docu-

mentation que des années de recherches et d'observation spéciales

lui ont permis d'acquérir; il remercie le ministre de l'Instruction

publique et les représentants supérieurs de l'enseignement de leur

généreux appui, et fait enfin le tableau des travaux et des résul-

tats obtenus pendant le dernier exercice. La Société est essentiel-

lement une fédération, les nombreux groupes ou sections qui la

170 VARIA.

constituent vivent et se dirigent individuellement en pleine initia-

tive ; le comité central d'origine leur sert seulement de lien,

d'appui au besoin, et de source de cohésion et de renseignements ;

l'union morale consiste dans la lutte elle-même contre l'alcoolisme

par tous les moyens légaux et surtout par l'exemple et le principe

de l'abstinence partielle. Plus de 82 sections en activité et d'autres

en formation, plus de 5 000 membres composent la ligue qui s'ac-

croit tous les jours. Le journal mensuel l'Alcool pour les adultes et

J'Etoile libre pour les enfants sont ses' deux organes déjà très

répandus. Plusieurs centaines de conférences ont été faites dans

tous les milieux, écoles, usines, réunions privées, sociétés de toutes

sortes, par des membres du comité et d'autres zélés collaborateurs.

Des centaines de brochures diverses ont été distribuées. Le mouve-

ment qui s'accentue tous les jours dans l'enseignement primaire,

les sections cadettes et scolaires sont la meilleure garantie de

succès et le plus réel espoir de réalisation de notre rêve : « le relè-

vement de notre pays que l'alcool menace d'une catastrophe ». En

remerciant tous les collaborateurs de l'oeuvre M. Legrain exprime

aussi la reconnaissance de tous envers M. Laborde pour l'infati-

gable dévouement avec lequel il a tant contribué à sa prospérité.

Mme Hudry-Ménos, dans une causerie intitulée : « Ce que peut la

femme contre l'alcoolisme », fait un tableau rapide de ce qu'était

jadis la situation de la femme dans la société, de ce qu'elle est

aujourd'hui, du rôle bienfaisant qu'elle doit jouer. Elle montre ce

que sont à l'étranger les oeuvres de la femme contre l'alcoolisme

par l'action familiale et sociale ; elle énumère les résultats encou-

rageants obtenus par les femmes en Amérique, en Angleterre, en

Norvège, etc., les moyens employés par elles, les progrès qui leur

sont dus ; elle invite les Françaises à déployer dans le même sens

leur influence et à profiter du moyen d'action puissant que leur

offre la Société contre l'usage des boissons spiritueuses. L'assemblée

passe après un brillant concert à l'élection des nouveaux membres

de son comité d'honneur ; à celle des 42 membres de son nouveau

comité et à celle des membres du bureau ainsi composé : Dr La-

borde, président d'honneur; Dr Legrain, président; MM. Maillet

et L. Marinier, vice-présidents; Dr F. Boissier, secrétaire général ;

M. Serrie ! ·, trésorier ; Mme Legrain, secrétaire des séances.

On sait que la mission de cette ligue est exactement de propager

l'enseignement antialcoolique, d'avertir ceux qui se croyant

modérés parce qu'ils ne s'enivrent pas s'intoxiquent sans le savoir.

Elle comprend des membres bienfaiteurs et adhérents qui ne s'en-

gagent à rien qu'à donner l'exemple de la modération et à favo-

riser les moyens de propagande de l'oeuvre, et des membres actifs

qui en outre de leur propagande s'engagent annuellement à ne faire

aucun usage de liqueurs distillées et à user modérément seulement

des boissons fermentées (vin, cidre, bière). Ses moyens d'action,

VARIA. 171 >

sections scolaires, conférences, brochures, ses organes l'Alcool et

l'Etoile bleue rendent nécessaires l'appui de toutes les bonnes

volontés, en particulier celles des médecins et notamment desalié-

nistes auxquels elle fait surtout appel et qui mieux que per-

sonne peuvent juger des ravages et du péril toujours croissant de

l'alcoolisme. F. Baissier.

Circulaire DU ministre DE l'instruction publique relative A l'en-

slignement ANTl-.\LCOOLIQUE.

Le ministre de l'instruction publique vient d'adresser aux rec-

teurs une circulaire relative à l'enseignement anti-alcoolique dans

les établissements d'enseignement public. Avec celte circulaire, le

ministre transmet aux recteurs le texte des arrêtés par lesquels,

après avis du conseil supérieur del'instruction publique, il a décidé

d'introduire dans les programmes d'enseignement secondaire et

d'enseignement primaire des notions précises sur les dangers de

l'alcoolisme au point de vue de l'hygiène, de la morale, de l'éco-

nomie sociale et politique. Il leur transmet également le rapport

présenté au nom de la commission constituée en 1895, en vue de

rechercher les moyens de combattre l'alcoolisme dans les établis-

sements publics d'enseignement. Le ministre rappelle les graves

'dangers que l'alcoolisme fait courir à la santé publique :

« Les ravages de l'alcoolisme sont en proportion avec les progrès

de la consommation : pour ne citer qu'un exemple, le nombre des

aliénés dont la maladie est due directement à cette cause, était

en moyenne de 713 par année, dans la période de 1866 à po ; il

a été, en 1893, de 3 386.

Il ne s'agit donc point ici d'un danger passager, mais d'un

fléau qui prend un caractère permanent, dontles effets s'aggravent

d'année en année et qui, par sa continuité et ses progrès, est plus

redoutable que les guerres ou les épidémies les plus meurtrières.

L'alcoolisme ne borne point ses ravages à la génération présente,

il menace de vicier dans son germe la génération de demain. Les

enfants d'alcooliques, victimes des excès des parents, portent tous

dans leur sein un poison dont le médecin est impuissant à arrêter

les effets; c'est parmi eux que se recrute pour la plus grande par-

Lie cette foule toujours croissante des enfants rachitiques, dégé-

nérés, des gâteux, des hystériques, des épileptiques, qui envahit nos

hôpitaux, nos maisons de santé.

« Les avertissements n'ont point manqué au pays, mais ils n'ont

pas été écoutés. L'expérience des peuples voisins prouve cependant

qu'on peut lutter avec succès. J'ai pensé qu'il appartenait à l'Uni-

versité de donner l'exemple. Elle y est d'autant plus intéressée que

son oeuvre serait stérile si, après tant de généreux efforts pour

former les intelligences et les âmes des enfants, l'alcoolisme pou-

vait compromettre chez eux, avec la vie physique, la vie intellec-

1 li 1- VARIA.

tuelle et morale. Il importe de leur signaler de bonne heure le

danger, de leur inspirer la crainte et le dégoût de l'alcoolisme, de

leur en faire comprendre toutes les conséquences. Les professeurs

et les instituteurs s'acquitteront de ce rôle avec la conscience de

faire oeuvre de bien public. Je leur recommande de donner ces

notions sous la forme la plus simple, la plus familière, et, par suite,

la plus pénétrante; de faire appel à la réflexion des enfants; en un

mot, de convaincre encore plus que d'enseigner. En dehors du

programme, en dehors des heures de classe, je leur serai recon-

naissant de tout ce qu'ils pourront faire pour que leurs leçons

et leurs conseils soient suivis de résultats : conférences aux adultes,

sociétés de tempérance, etc.

a Il est à désirer que les professeurs des universités s'intéressent

également à cette oeuvre. Us rendraient assurément un grand

service si, en quelques conférences, ils donnaient à nos institu-

teurs les notions d'hygiène, d'économie politique que ceux-ci

seraient parfois embarrassés de réunir et de contrôler. Ils pour-

raient attirer sur ce point l'attention des étudiants, les associer à

leur action, leur faire comprendre les services que plus tard, dans

les situations diverses qu'ils occuperont, ils rendront en réagissant

autour d'eux contre l'alcoolisme. Pour lutter contre un si grave

danger, l'union de toutes les bonnes volontés s'impose ».

Répression DE l'alcoolisme.

Une pétition originale à la Chambre des Communes.

Aux termes d'une pétition couverte de plusieurs milliers de

signatures, et à laquelle ont adhéré déjà les membres de la

Chambre des Communes et de la Chambre des Lords, lisons-nous

dans le Petit Temps du 19 janvier dernier, le Parlement sera dès

sa rentrée invité à voter une loi stipulant à la charge des cabare-

tiers une obligation essentiellement originale.

Il arrive souvent, quotidiennement, que des ivrognes sortent

d'un public-house dans un état qui rend indispensable l'interven-

tion de la police. Les agents s'emparent du pochard, le conduisent

au poste de police, dressent procès-verbal et conservent le délin-

quant toute une nuit sur un lit de camp. En de certains samedis

soir, les postes sont encombrés d'ivrognes qu'on ne sait où cou-

cher. Les pétitionnaires demandent que tout ivrogne remontré à

l'intérieur ou à la porte d'un public-house soit reconduit à son

domicile en voiture aux frais du cabaretier qui lui aura servi son

dernier verre de bière ou d'alcool. A. la bonne heure ! Voilà une

idée neuve, juste et pratique ! son application ne pourrait avoir

que de bons résultats. Le cabaretier y regardera à deux fois avant

de servir un homme en état d'ivresse, s'il sait que son bénéfice de

quelques centimes sur un verre de bière peut être compensé par

VARIA. 173

une dépense de 2 ou 3 francs de fiacre. En outre, les postes de

police ne seront plus encombrés de lamentables pochards et pour-

ront donner asile aux pick-pockets pour lesquels ils ont été cons-

truits. Il n'y a pas à craindre que de malicieux alcooliques abusent

de cette nouvelle loi pour rentrer chez eux en voiture sans bourse

délier. L'obligation imposée aux cabaretiers ne supprimerait nulle

mentleprocès-verhal des agents à la charge de l'ivrogne et la

comparution de ce dernier devant un magistrat de police.

Nécessité DE l'assistance DES idiots.

Sous ce titre : Séquestration d'un imbécile dans sa famille.

Acquittement, le Soleil du 11 février 1897 raconte-le fait suivant :

« La veuve Aubry, âgée de trente-sept ans, et le sieur Ary, âgé de

trente-neuf ans, cultivateurs à Manonviller, ont comparu devant

les assises sous l'inculpation de séquestration arbitraire. Les deux

accusés avaient tenue enfermée dans un réduit obscur et humide la

jeune Joséphine Aubry, depuis la mort de son père.

« Joséphine fut découverte au mois de mai dernier : elle était

vêtue uniquement d'une vieille chemise, elle avait une rétraction

des muscles et une ankylose des articulations, et était complète-

ment idiote. La malheureuse victime, âgée de dix-neuf ans, était

presque privée de nourriture.

« Les accusés nient la séquestration ; ils prétendent l'avoir simple-

ment empêchée de sortir à cause de sa simplicité d'esprit. De nom-

breux témoins, notamment trois autres enfants de la veuve Aubry,

déclarent que leur soeur était privée de nourriture et maltraitée.

Les défenseurs prétendent qu'il n'existe aucune preuve formelle

de séquestration. Le jury a rendu un verdict d'acquittement. »

- Sous le titre : Séquestration d'un idiot dans sa famille, le Temps

du 6 février 1897 relate le fait suivant :

« Une très grave affaire de séquestration vient d'être découverte

au hameau de Massoult (Côte-d'Or). Un fermier, nommé X..., tenait

séquestré un de ses enfants, âgé de quinze ans et un peu idiot. Le

pauvre garçon était dans un état lamentable lorsque, au cours des

perquisitions, il fut découvert par les gendarmes. D'après les dis-

positions cet enfant était plus maltraité que les chiens [de la

ferme; on ne disait rien, parce que X... est craint dans le pays. 11

a été arrêté et emmené à la prison de Châtillon. L'enquête est con-

tinuée sur place par le procureur de la République, assisté du juge

d'instruction et d'un médecin. »

Ces deux faits démontrent une fois de plus la nécessité de

créer dans tous les départements des établissements spéciaux

pour le traitement médico-pédagogique de l'idiotie ; les séques-

174 VARIA.

trations de ce genre sont malheureusement très fréquentes et

la responsabilité en incombe non seulement aux familles, mais

aux municipalités et aux administrations départementales qui

refusent de payer les frais d'entretien de ces déshérités qui,

dans la grande majorité des cas, sont susceptibles d'être amé-

liorés ou même guéris. '

Idiots ET alcooliques : descendance.

Dans un article très intéressant de notre ami, le professeur

N. Charles, sur l'influence de l'iodure de potassium sur la sécré-

tion lactée, influence qu'il conteste, disons-le en passant, nous

avons trouvé un fait très curieux, concernant l'hérédité. Le voici :

X..., vingt-sept ans, petite, rachitique, avec bassin de 6 1/4 centi-

mètres au maximum, est née d'une mère cancéreuse et à moitié

idiote et d'un père alcoolique (ce joli couple a produit 8 enfants,

dont 6 morts entre un et deux ans, une fille bien portante et le

sujet de cette observation). y

X... a eu un premier enfant extrait par la céphalotripsie ; un

deuxième à six mois et demi avec bec-de-lièvre ; à la troisième

grossesse, elle contracte un chancre syphilitique et met au monde

un enfant de six mois et demi, atteint d'anarsaque, qui a respiré

peu d'instants; le quatrième enfant, venu à huit mois, est mort au

bout de six semaines.

Devenue enceinte pour la cinquième fois, elle prend régulièrement

de l'iodure de potassium, 1 gramme par jour à partir du troi-

sième mois de la grossesse ; elle accouche le 22 avril dernier

(accouchement provoqué à huit mois et demi et symphyséotomie) ;

l'enfant pèse 2,800 grammes et ne présente aucune anomalie.

(Journal d'accouchements 23 mai 1897.)

Ce fait s'ajoute à tant d'autres pour justifier l'assistance

des enfants arriérés. Si on avait hospitalisé et traité cette

malade, on n'aurait eu que les frais d'entretien d'une per-

sonne, en la supposant non susceptible d'amélioration et on

aurait évité tous les accidents énumérés par M. Charles. B.

La FOLIE D'UNE évangéliste.

Le Petit Parisien raconte un cas singulier de folie mystique qui

s'est produit jeudi au quartier de la Solbonne. La victime est une

agrégée ès lettres, Mlle Amélie M..., âgée de trente-quatre ans, pro-

fesseur à la faculté de Poitiers. 11111° M..., désireuse de pousser ses

études beaucoup plus loin encore, avait demandé, il y a quelques

mois, samise en disponibilité pour préparer son doctorat, ce qu'elle

obtint sans difficulté.

varia. 175

Elle vint habiter, à son arrivée dans la capitale, dans un hôtel

meublé, 18, rue de la Sorbonne. et depuis elle se mit à suivre assi-

dûment divers cours, entre autres ceux de philosophie et de théo-

logie protestante. Cette dernière étude, pour laquelle l'agrégée se

passionna beaucoup, bien qu'elle appartînt au culte catholique,

produisit sur son cerveau une si forte influence que sa raison ne

tarda pas à s'en ressentir.

Ses professeurs, qui s'en aperçurent, lui en firent l'observation,

D'autres personnes érudites de son entourage lui conseillèrent

d'abandonner momentanément l'étude de la théologie, qui décidé-

ment influait d'une façon néfaste sur son état cérébral. Mais

\III° M... ne tint aucun compte de ses sages avis, et petit à petit

elle se laissa aller à un mysticisme outré.

Jeudi elle était rentrée dans son appartement, situé au premier

étage, vers huit heures, lorsque à deux heures et demie du matin des

gardiens de la paix de service dans la rue aperçurent des flammè-

ches et une épaisse fumée qui s'échappaient de la fenêtre de la

chambre de Mlle M... Presque au même instant celle-ci apparaissait

vêtue de blanc, les cheveux épars, puis lançait sur le pavé divers

objets du mobilier. Elle entonna ensuite d'une voix retentissante

un psaume de l'Eglise réformée.

Les agents s'élancèrent dans la maison, tandis qu'un de leurs

collègues courait prévenir M. Berthelot, commissaire de police du

quartier. Quand le magistrat arriva, les gardiens de la paix, aidés

de l'hôtelier, venaient d'enfoncer la porte du logement de l'aliénée.

Celle-ci avait construit au milieu de la chambre à coucher un bûcher

composé de tous les livres, cahiers et papiers qu'elle possédait, ainsi

que de plusieurs paires de rideaux et de divers vêtements, puis elle

y avait mis le feu.

Quand les agents entrèrent, la malheureuse venait de s'asseoir

au milieu des flammes en chantant toujours son cantique. Tandis

qu'on s'empressait auprès de la folle pour lui prodiguer des soins,

elle repoussa soudain ceux qui l'entouraient; puis prenant sur la

cheminée un verre rempli d'eau elle le tendit avec un geste empha-

tique au commissaire et aux agents, en s'écriant : « Buvez ! c'est la

source de vie, et vous verrez la lumière éternelle ! » Enfin, après

avoir fait panser par un médecin- les brûlures qu'elle s'était faites,

M. Bertbelot a pu faire conduire la pauvre folle à l'infirmerie spé-

ciale du Dépôt. (L'Indicateur de Cognac, 4 juillet 1897.)

CONGRÈS international DE NEUROLOGIE, DE psychiatrie, d'électricité

médicale ET D'HIPNOLOGIE.

Indépendamment des questions mises à l'ordre du jour, les

membres adhérents pourront exposer des communications person-

nelles se rapportant à la neurologie, à la psychiatrie, à l'électricité

'1'ill faits DIVERS.

médicale et à l'hypnologie. Mentionnons dès à présent les titres

suivants : Dr A. W. Rentorghem (d'Amsterdam), un cas de ¡Tic rota-

toire (spasmes cloniques, diopathiques des muscles cervicaux) rebelle

il toutes les médications instituées, y compris le traitement chirur-

gical, guéri par la psychothérapie. - Dr DURAND (de Gros) : Psycho-

logie et morale de la subconscience. Dr Vraarco (de Paris) :

Influence de l'accouchement sur les maladies nerveuses et mentales.

D1' FOYEAU de COURIfELLES (de Paris) : 1° L'obésité et les courants

de haute fréquence. 2° La neurasthénie; formes diverses; gué-

]isonou amélioration par les courants électro-statiques. - 3° Sim-

plification dans l'outillage d'électro-thérapie. - 4° Les rayons X et la

nutrition des tissus. D'' Auguste DE SUZE1OEii : RGER (de laples) :

Contribution à l'anatomie pathologique du traumatisme nerveux.

Réceptions et excursions : réception et raout à l'Hôtel de Ville

de Bruxelles. - Excursion à Spa. Réception fait par l'adminis-

tration communale. Banquet offert par la ville de Spa. - Excursions

à la colonie d'aliénés de Chie ! . - Excursion sur le littoral. - Pro-

menade en mer. -Réception faite par les administrations commu-

nales d'Ostende et de Plankenherghe (Journal de Neurologie, juillet).

FAITS DIVERS.

Distinctions honorifiques. - M. Le Roux, directeur des affaires

départementales de la préfecture de la Seine, vient d'ètre nommé

officier de la Légion d'honneur. Nous sommes heureux de lui

adresser nos plus vives félicitations.

Asile DE VILLE.JUIF. A la suite d'un rapport de M. Bourneville,

présenté à la Commission de surveillance des .asiles de la Seine,

les deux services de l'asile de Villejuif ont été dédoublés. Deux

des services restent confiés à MM. les Drs Briand et Vallon et les

deux nouveaux services ont été confiés à MM. Pactet et Toulouse,

médecins-adjoints de l'asile, faisant fonctions de médecins en

chef.

Thomas (A.). Le Cervelet. Étude anatomique, clinique, physiologique,

vol. in-8° de x-356 pages, avec 107 figures. Paris, 1897, librairie

G. Steinheil.

L\reu\, Cli. HfciusbE'i, imp. S97.

Vol. IV.. Septembre 1897. N° 21 :

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE nerveuses

1 ?

CONTRIBUTION A L'ETUDE AN1TO110-CLINÎQ ? ut- 7/ / E'

. ? fitl .

DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES 1)ORSLTS; ·-^

Par CL. PIIILIPPE,

Chef des travaux anatomo-pathologiques la Clinique de la Salpètrière.

Ce travail se propose d'exposer les résultats de quelques

recherches poursuivies sur les localisations : médullaires

du labes dorsalis l'ataxie locomotrice progressive de Du-

chenne. Ces recherches ont un double hut, anatomique et

clinique : elles s'occupent d'abord de la formule histolo-

'gique générale des lésions médullaires tabétiques ; elles

étudient ensuite la relation entre ces lésions et les' symp- -

tômes observés au lit du malade.

Avant d'entrer dans le détail des résultats, nous croyons

utile de dire brièvement, de quelle façon nous avons compris

l'examen de ce double problème. t

Rechercher la formule anatomo - pathologique du. tabes

au niveau de la moelle, c'est étudier successivement sa topo-

graphie et ses caractères histologiques; ces deux questions

se posent chaque fois qu'on veut aborder l'étude anato-

mique d'une affection cérébro-spinale. Les dénominations

(topographie et caractères histologique§) se définissent

d'elles-mêmes; toutefois, il est bon d'en préciser le sens et la

portée, quand elles s'appliquent à l'ataxie locomotrice, dans

ses localisations médullaires. ' " ' '

Le tabès médullaire parait être, avant tout, une maladie

Archives, 2e série, t. IV. 12

178 pathologie NERVEUSE. ·

de la région 'sensitive de la moelle, comprenant les cordons

postérieurs, les cornes grises adjacentes, et les ganglions

rachidiens. L'étude topographique des lésions médullaires

du tabes doit établir sur quels systèmes de fibres ou de cel-

lules nerveuses évoluent ces lésions, au niveau des cordons

postérieurs, des cornes grises adjacentes ou des ganglions

rachidiens. Or, ces systèmes de fibres ou de cellules ner-

veuses sont nombreux : nous devons donc les énumérer

brièvement, pour donner les termes généraux du problème

à résoudre.- . .

Les cordons postérieurs de la moelle apparaissent, d'après

les derniers travaux, comme formés par deux grands sys-

tèmes de fibres nerveuses; et chacun de ces systèmes com-

prend des fibres qui n'ont ni le même trajet anatomique,

ni la même fonction.

Le premier système comprend toutes les fibres qui, parties

des cellules des ganglions rachidiens, abordent le cordon

postérieur au niveau du sillon collatéral ; elles ont reçu

diverses appellations : fibres radiculaires postérieures, fibres

extrinsèques, fibres exogènes (Pierre-Marie). Malgré leur

dénomination commune, ces fibres n'ont pas la même valeur

anatomique : les unes (libres courtes) se terminent, dès leur

entrée dans la moelle, autour des cellules de la corne posté-

rieure ; les autres (fibres moyennes) suivent un trajet plus

long et aboutissent aux cellules de la colonne de Clarke ou

à celles de la base de la corne antérieure; enfin, un dernier

groupe (fibres longues) va jusqu'aux noyaux sensitifs ou

postérieurs du bulbe (noyau grêle, noyau cunéiforme). De

plus, puisque ces fibres radiculaires (courtes, moyennes et

longues) ont un trajet et des connexions cellulaires diffé-

rentes, leur rôle physiologique doit aussi, ne pas être iden-

tique.

Les mêmes considérations s'appliquent à l'autre sys-

tème de fibres nerveuses qui constitue, avec le précédent,

1 Nous n'ignorons pas le rôle important que jouent, dans la sympto-

matologie générale de l'ataxie locomotrice progressive, les lésions des

nerfs périphériques et de l'écorce cérébrale, comme le démontrent des

travaux récents. Nous ferons simplement observer que nous avons uni-

quement en vue, dans ce mémoire, les localisations médullaires de la

maladie; à ce titre, le tabès reste une affection de la région sensitive

de la moelle.

DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 179

le cordon postérieur. Ce second système (de découverte

plus récente) a été moins . complètement étudié; il com-

prend toutes les fibres qui, parties des cellules de la subs-

tance grise médullaire, accomplissent un trajet plus ou

moins long dans la masse blanche du cordon postérieur. Ces

fibres s'appellent : fibres intrinsèques, fibres endogènes,

fibres commissurales courtes. Comme le précédent, ce sys-

tème est composé de fibres distinctes, les unes ascendantes,

les autres descendantes; de plus, ces fibres occupent, suivant

les étages de la moelle, des régions diverses. Tout cela doit

forcément entraîner un fonctionnement variable..

Les cellules nerveuses qui se rencontrent dans la portion

sensitive de la moelle, ne présentent pas moins de variétés.

Nous avons le groupe des cellules du ganglion vertébral -

celui des colonnes de Clarke - celui des cellules qui se ren-

contrent nombreuses dans la corne postérieure et à la base-

de la corne antérieure. Ces cellules forment autant de sys-'

tèmes dont la topographie, les connexions et (partant les

fonctions) varient suivant des lois, dont quelques-unes sont

connues, et d'autres restent encore à déterminer.

Cet aperçu anatomique montre la complexité des systèmes

de fibres et de cellules nerveuses qui constituent la portion

sensitive de la moelle épinière.

Malgré cette complexité, l'étude topographique des lésions

médullaires du tabès ne doit avoir qu'un seul but : dégager

les lois qui président à l'envahissement de ces systèmes par

la maladie. Ainsi : où débute le tabes ? - Les fibres radicu-

laires sont-elles prises toutes en même temps, qu'elles soient

courtes, moyennes ou longues ? A quelle période se

prennent les fibres endogènes ? Les cellules (ganglion

rachidien, colonnes de Clarke, corne postérieure), participent-

elles à la lésion, et dans quelle mesure ? Autant de ques-

tions que doit résoudre l'étude topographique complète des

lésions médullaires du tabes. En somme, le programme est

le même que pour une cirrhose du foie, par exemple : il

ne saurait suffire d'énoncer que cette cirrhose est une sclé-

rose de l'organe; il faut rechercher la topographie des

tractus fibreux, leur systématisation péri-portale, péri-sus-

hépatique, ou intertrabéculaire, etc., etc. L'étude topogra-

phique du tabès suit le même plan. ,

Mais, nous l'avons dit plus haut, cette formule topogra-

'180 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

phique ne répond qu'à la. première partie du problème ana-

tomo-pathologique. Ce problème comprend une deuxième

- partie qui sera la recherche des caractères h1stologiques du

processus tabétique. En effet, il ne suffit pas de savoir sur

quels systèmes de libres ou de cellules nerveuses évolue le

tabes médullaire, depuis son début jusqu'à sa fin, à n'im-

porte quel étage de la moelle; l'anatomo-pathologisle et, le

clinicien ont intérêt à connaître les caractères de ce proces-

sus. Est-il primitivement parenchymateux, frappant l'élé-

ment nerveux lui-même (fibre ou cellule) ? Est-il, au contraire,

interstitiel*, d'essence conjonctivo-vasculaire ? Ne subit-il pas,

suivant lé système atteint, des modifications plus ou moins

profondes : parenchymateux à certains niveaux, intersti-

tiel à d'autres ? Dans quelle mesure le processus primitif

(parenchymateux ou interstitiel) s'associe-t-il aux dégénéra-

tions secondaires, auxquelles on doit toujours songer, quand

'on fait l'étude anatomo-pathologique d'une affection ner-

veuse quelconque ? Ce sont les questions posées par la

deuxième partie de notre problème anatomique.

Point n'est besoin de consacrer de longs développements à

la justification de ces recherches, quoique de prime abord,

elles puissent paraître minutieuses et d'ordre bien technique.

Nous ferons simplement observer qu'à l'heure actuelle on

ne peut plus se contenter de la définition anatomique, com-

mode, mais insuffisante, qui déclare : que le Tabès est la

sclérose des cordons et des racines postérieurs. Un grand

nombre de maladies (affections médullaires proprement

dites, intoxications diverses, névrites périphériques, atro-

phies musculaires), retentissent sur le cordon postérieur et y

déterminent une sclérose qui peut simuler la sclérose tabé-

tique. La lecture attentive de quelques observations déjà

anciennes, nous a donné la conviction qu'on a mis sur le

compte de la sclérose tabétique, certaines lésions des cordons

postérieurs qui doivent en être soigneusement distraites. Il

n'est donc pas inutile de rechercher jusqu'en ses plus petits

détails, à l'aide des nouvelles techniques histologiques, la

formule anatomique du tabès médullaire; c'est elle seule

qui, bien précisée, permettra de distinguer la sclérose tabé-

tique des autres scléroses des cordons postérieurs, dont les

travaux récents nous démontrent la fréquence.

- En apportant notre contribution à ce gros problème déjà

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 181

abordé par tant d'observateurs, nous devons déclarer, que le

tabes représente, pour nous, une affection vraiment spéci-

fique dans sa symptomatologie, et même dans son étiologie ;

il se caractérise par des lésions franchement autonomes

dans leur topographie, dans leur évolution, dans leurs carac-

tères histologistes. C'est à la lumière de cette notion fonda-

mentale, « spécifité du tabès » que nous avons fait l'examen

en coupes sériées de 10 moelles tabétiques; cet examen nous

a permis de reprendre le problème anatomo-pathologique

des localisations médullaires du tabès; et nous avons cher-

ché à résoudre. et leur topographie et leurs caractères histo-

logiques'. , '

Mais, en système nerveux surtout, la clinique doit trou-

ver son compte dans tout travail anatomo-pathologique,

qu'elle dirige et contrôle à chaque instant. Nous n'aurons

garde d'oublier cette règle capitale et nous montrerons jus-

qu'à quel point nos résultats anatomiques s'accordent avec

la symptomatologie du tabès médullaire.

Ainsi entendu, notre travail comprend de deux parties :

dans la première, nous exposerons la topographie des lésions

médullaires tabétiques par rapport aux faisceaux de fibres

nerveuses des cordons postérieurs et aux cellules de la portion

sensitive de la moelle. Dans la seconde, nous donnerons les

caractères histologiques de ces lésions. Un parallèle ana-

tomo-clinique nous permettra de voir comment l'évolution

symptomatique du tabes s'accorde avec notre formule ana-

tomique générale.

Première partie. - Topographie DES LÉSIONS médullaires du

TA13ES D'APRÈS NOUVELLE AHCUITËCTUHE DES CORDONS POSTÉ-

RIEURS.

L'étude topographique des lésions médullaires du tabès

doit s'appuyer évidemment sur l'anatomie normale des cor-

dons postérieurs et des zones adjacentes. Nos connaissances

à ce sujet se sont considérablement augmentées à la suite de

plusieurs travaux tout récents ; ces travaux ont montré que

les cordons postérieurs se composent de faisceaux distincts et

isolés, dont l'autonomie égale celle du faisceau pyramidal

' Cl. Philippe. Contribution il l'élude anatomique et clinique du

labes dorsalis. (Th. iuaug. Paris, 1897.)

)8 : 2 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

croisé, ou du faisceau cérébelleux direct par exemple. Ces

faisceaux étant bien connus, il suffit de repérer sur chacun

d'eux, les taches scléreuses de la maladie tabétique.

Mais les notions nouvelles sur la fasciculation des cordons

-postérieurs ont insuffisamment pénétré dans les livres clas-

siques d'anatomie. Comme leur connaissance est absolument

nécessaire pour suivre notre description et comprendre nos

résultats, nous ferons précéder l'étude topographique des

lésions médullaires du tabes d'un exposé de la nouvelle fas-

ciculation des cordons postérieurs.

A. FASCICULATION des cordons postérieurs. Cette fascicu-

lation des cordons postérieurs a été étudiée par plusieurs

méthodes dont les procédés et les résultats sont exposés dans

notre travail inaugural : méthodes expérimentale, histblo-

gique, embryogénique ; méthode des dégénérations secon-

daires de la moelle humaine.

A notre avis, la méthode des dégénérations secondaires de

la moelle humaine est seule capable de fournir des documents

indiscutables pour ce problème de la fasciculation des cor-

dons postérieurs. Expliquons brièvement ses procédés, pour

justifier notre choix et faire comprendre pourquoi, dans

l'étude anatomique, nous laissons de côté les résultats fournis

par les autres méthodes.

Cette méthode est basée sur la loi de Waller (Académie

des sciences, 1852). * Après section d'un tube nerveux, le

bout périphérique, séparé de son centre trophique, dégé-

nère. » Supposons donc un faisceau de fibres nerveuses com-

plètement séparé de sa colonne cellulaire originelle ; ce fais-

ceau dégénérera tout entier, dans ses fibres périphériques,

c'est-à-dire suivant le sens même de son trajet ; il sera

remplacé par du tissu conjonctive-névroglique, qui appa-

raîtra, sur les coupes microscopiques convenablement colo-

rées, sous forme d'une tache dite scléreuse, facile à distin-

guer des autres faisceaux restés sains. La méthode des dégé-

nérations secondaires constitue donc un véritable procédé de

dissection, qui permet de suivre la topographie, le trajet, les

connexions d'un faisceau nerveux ; elle est précieuse surtout

avec la technique hisloloigque actuelle qui décèle le plus

petit fascicule dégénéré,' même à ses débuts (procédé de

Weigert-Pal ; procédé de Marchi).

Appliquons ces notions générales à la recherche des fais

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 183

ceaux constitutifs des cordons postérieurs : supposons une

lésion destructive au niveau des racines postérieures de la

queue de cheval, racines lombo-sacrées ; examinons en

coupes sériées transversales la moelle, depuis le cône termi-

nal jusqu'au bulbe, et nous verrons le trajet de ces racines,

à tous les étages; comme si, ayant dans la main chaque fas-

cicule radiculaire, nous le suivions, dans son long trajet

ascendant, à travers les cordons postérieurs et les zones adja-

centes.

De même, supposons un foyer de myélite transverse : cer-

tains faisceaux des cordons postérieurs vont être remplacés

par des taches scléreuses, au-de-sus ou au-dessous de la

lésion ; ces faisceaux seront situés en dehors des champs dits

radiculaires (fibres des racines postérieures); ce seront des

faisceaux endogènes, ascendants ou descendants, suivant la

situation même de leur tache scléreuse.

Il nous paraît inutile d'entrer dans de plus longs détails

pour faire comprendre l'excellence de la méthode des dégéné-

rations secondaires de la moelle humaine, quand on veut

étudier l'architecture ou la fasciculation des cordons posté-

rieurs. - Voyons les résultats qu'elle a donnés pour le pro-

blème d'anatomie normale qui nous occupe. Il nous faut

examiner successivement : les faisceaux exogènes (fibres

radiculaires postérieures, fibres centripètes du protoneurone

sensitif), les faisceaux endogènes (libres intrinsèques, fibres

de cordons).

1° Faisceaux exogènes des cordons postérieurs de la

moelle humaine. - Ces faisceaux constituent les champs

dits radiculaires. Pour bien faire comprendre leur mode de

formation, il nous paraît utile d'étudier d'abord le trajet

d'une racine postérieure quelconque; puis, nous ferons la

synthèse de ces trajets. Nous aurons ainsi les faisceaux exo-

gènes ou les champs radiculaires des cordons postérieurs.

Comme il sera facile de s'en rendre compte par l'étude des

trois figures ci-jointes, toute racine postérieure passe, par

plusieurs étapes successivement ascendantes, au sur et à me-

sure qu'elle suit le cordon postérieur. Au niveau du sillon

collatéral, son faisceau à fibres grêles occupe la zone dite de

Lissauer, tandis que son faisceau à grosses fibres se place

tout contre le bord interne de la corne postérieure : c'est là

une première étape, peu importante, qu'il nous suffira de

184 PATHOLOGIE NERVEUSE.

mentionner. Un- peu plus haut, les grosses fibres occupent la

zone dite cornu-radiculaire ; cette zone a la forme d'un crois-

sant (fig. 1). Sa pointe postérieure touche la partie interne

de la zone de Lissauer, sa pointe antérieure arrive au bord

correspondant de la corne, à peu près au niveau du réseau

plexiforme de la substance grise, le corps même du croissant

constitue une portion renllée qui avance plus ou moins loin

dans l'intérieur du cordon. Plus haut, les mêmes grosses

fibres, quoique diminuées de n'ombre, occupent la zone dite

de la bandelette externe ; le croissant précédent est devenu

une bandelette à cause des pressions subies au contact des

faisceaux voisins ; cette bandelette, comme le disait déjà

1%i ? 1.

Fig, 2.

Fi g. 3.

Fig. 1, 2,3. Ces figures représentent le trajet intra-médullaire ascen-

dant d'une racine cervicale atteinte de dégénérât ion secondaire. Ce

trajet est facilement reconnaissable; il se détache en blanc sur les

autres régions noires, qui sont saines (procédé de Wuigert-Pal).

7 ? 1. La racine postérieure occupe la zone cornu-radiculaire, disposée sous fotme

d'un croissant.

Fit, 2. - La racine constitue la bandelette externe.

Fit. 3. - La bandelette externe est rejetéc tout près du cordon de Goll.

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 185

Pierret, forme un ruban étroit, situé parallèlement au bord

interne de la corne postérieure qu'il côtoie, mais à une cer-

taine distance (/y. 2). Plus haut encore, cette bandelette

externe se portera de plus en plus en dedans et en arrière

(g. 3) à cause de l'arrivée d'autres fascicules radiculaires ;

finalement, à une hauteur variable pour chaque racine, elle

deviendra un petit triangle à base postérieure, à sommet

antérieur, situé d'autant plus près du sillon médian qu'il

appartient à une racine dont le ganglion est placé plus bas

(loi de Kahler).

Ainsi est constitué le trajet de toute racine postérieure : il

nous reste à dire quelle espèce de fibres on rencontre plus

spécialement à chaque étape. On sait, en effet, que, depuis

la classification de Singer et Munzer, on distingue, dans toute

racine postérieure, les fibres courtes, moyennes et longues

suivant l'étendue de leur trajet. Comme le montrent encore

les dégénérations secondaires, les fibres courtes ne dépassent

pas la zone de Lissauer et la zone cornu-radiculaire ; elles

s'épuisent autour des cellules de la corne postérieure adja-

cente. Les fibres moyennes partent de la bandelette externe,

et plus spécialement des deux tiers antérieurs de celte ban-

delette ; elles naissent souvent sur une bailleur de plusieurs

centimètres, pour se rendre aux cellules des colonnes de

Clarke et à celles de la base de la corne antérieure. Quant

aux fibres longues, elles occupent le tiers postérieur de la

bandelette externe pour se cantonner finalement dans le

petit triangle situé au voisinage du sillon médian; donc, à

partir d'un certain niveau, ce triangle ne contient plus que

les libres radiculaires longues.

Dans l'étude du trajet de la racine postérieure, nous

n'avons fait mention que des filets ascendants. Nous n'igno-

rons pas que certaines recherches, embryogéniques et expéri-

mentales, ont démontré l'existence de filets radiculaires

descendants ; mais, dans la moelle humaine, la méthode des

dégénérations secondaires permet de conclure que les filets

radiculaires descendants ne forment pas des fascicules indi-

vidualisés et compacts ; leur importance nous paraît donc

secondaire.

Ainsi toute racine postérieure, abordant la moelle, suit un

trajet ascendant bien délimité (zone cornu-radiculaire, zone

de la bandelette externe, zone du triangle postérieur). Mais,

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 187 I

chaque fascicule se juxtaposant à son voisin, il en résulte un

ensemble que l'on peut appeler le c champ radiculaire » du

cordon postérieur. La topographie et les limites de ce champ

radiculaire se déduisent de notre description précédente sur

le trajet de chaque racine; nous l'avons, d'ailleurs, schéma-

tisé sur les figures ci-jointes, pour bien montrer son étendue,

à chaque étage de lamoelle. Nous nous contenterons de résu-

mer toutes ces notions topographiques en quelques lignes.

- Au niveau de la moelle sacrée, lombaire et dorsale infé-

rieure, le champ dit radiculaire occupe la plus grande éten-

due des cordons postérieurs (zones pointillées). Toutefois, il

n'atteint pas en avant la région cornu-commissurale (b'), et

il finit en dedans, à une certaine distance du sillon médian

postérieur dont il reste séparé par un faisceau spécial, endo-

gène (b). Ce vaste espace est occupé tout entier par les fibres

radiculaires et leurs collatérales. '

Mais il nous faut savoir où se trouvent plus spécialement,

dans ce champ radiculaire, les fibres courtes, moyennes ou

longues. Rappelons-nous le trajet d'une racine isolée, et nous

comprendrons aisément les conclusions suivantes : en B

(zone d'entrée ou de Lissauer) sont situées les fibres fines de

la racine postérieure qui pénètre à ce niveau ; en a (zone

cornu-radiculaire) le faisceau à grosses, fibres, de la même

racine, se dispose contre le bord interne de la corne posté-

rieure, suivant le dispositif signalé plus haut : or, c'est en

B et en a que se trouvent tuutes les fibres courtes, d'ailleurs

Fig. 4, 5, 0, 7, 8. - Ces figures demi-schématiques représentent les

champs radiculaires (régions pointillées) et les champs endogènes

(régions quadrillées) aux principaux étages de la moelle. '

Les champs radiculaires ou exogènes occupent : la zone cornu-radicu-

laire (a); les bandelettes externes (a', a") ; les triangles postérieurs (a'").

B, zone de Lissauer ; D, cordons latéraux ; E, région périépen-

dymaire.

Les champs endogènes sont : les descendants (b), variables à chaque

région, sacrée, lombaire, dorsale, etc. Les ascendants (b') surtout déve-

loppés au niveau des renflements, lombaire ou cervical.

Fit, 4 - Au niveau de la pénétration de la quatrième racine postérieure sacrée.

Flip. 5. - Au ni\eau de la cinquième racine lombaire.

Fig. 6. Au niveau de la douzième racine dorsale.

fit, 7. Entre la huitième racine dorsale et la neuvième.

Fig. S. Au niveau de la deuxième racine cervicale (G', fibres longues lombo-sacrées

et dorsales inférieures. G" fibres longues dorsales supérieures).

188 PATHOLOGIE NERVEUSE.

mélangées aux autres fibres, moyennes et longues. En-a'et

en- a" nous avons l'ensemble des bandelettes externes qui

appartiennent aux racines dont le point d'entrée est située

plus bas; la bandelette la plus interne est celle de la sixième

- racine sacrée, la bandelette la plus externe est celle de la

racine qui a pénétré dans la zone cornu-radiculaire immédia-

- tement sous-jacente : or, les deux tiers antérieurs de ces

bandelettes renferment plus spécialement les fibres radicu-

laires moyennes. Enfin, en d" nous rencontrons le tiers posté-

rieur des bandelettes, région importante à signaler, puis-

qu'elle renferme toutes les fibres longues, celles qui consti-

tueront les triangles du cordon de Goll.

Dans la moelle dorsale et cervicale, le champ radiculaire

-obéit aux mêmes lois d'agencement général ,que celui des

régions sacrée et lombaire; mais il faut noter l'interposition

d'un faisceau spécial, dit virgule de Schulre, que nous aurons

à étudier plus loin.

Nous terminerons cette topographie des champs radicu-

laires du cordon postérieur par l'exposé de la nouvelle con-

ception du cordon de Goll de la moelle cervicale. Les anciens

auteurs désignaient sous ce nom un faisceau de substance

blanche, individualisé à partir de la huitième racine cervi-

cale jusqu'au bulbe; limité en dedans par le septum médian,

il atteint en dehors le septum intermedium ; il se présente

sous forme d'un triangle à base postérieure large, à sommet

antérieur effilé et terminé derrière la commissure grise. Les

travaux récents, faits avec la méthode des dégénérations

secondaires, ont montré la constitution exacte du cordon

de Goll cervical : les triangles postérieurs à fibres longues

des racines lombo-sacrées en occupent la plus grande

partie (fig. 8, G') ; en s'emboîtant les uns dans les autres

(loi de Kahler), ils remplissent en longueur le tiers posté-

rieur du cordon de Goll, sans atteindre en largeur le septum

intermedium; le restant du cordon, de forme irrégulière

(Tg. 8, G") est occupé par les triangles à fibres longues des

sept dernières racines dorsales qui s'étagent successivement,

de dehors en dedans, pour remplir l'espace laissé libre par

les triangles lombo-sacrés.

2° Faisceaux endogènes des cordons postérieurs de la

moelle humaine. - Les champs radiculaires forment la plus

grosse portion du cordon postérieur, mais ne le constituent

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 189

pas en entier ; ils respectent' certaines zones remplies par les

faisceaux endogènes.

Dans cette étude des faisceaux endogènes des cordons

postérieurs de la moelle humaine, nous utiliserons les seuls

documents fournis par la méthode des dégénérations secon-

daires ; elle a été employée, dans quelques travaux récents

dont notre mémoire inaugural a donné l'exposé détaillé.

Nous croyons qu'il est permis de distinguer dans le cordon

postérieur, deux faisceaux endogènes : l'un descendant, le

plus important, l'autre ascendant.

Le faisceau endogène descendant du cordon postérieur

existe dans toute la hauteur de la moelle, depuis le bulbe

jusqu'au cône terminal; mais il occupe une région différente,

suivant l'étage considéré ; en d'autres termes, suivant qu'il

s'agit de la moelle cervicale, dorsale, lombaire ou sacrée.

Nous l'examinerons toujours, comme pour les trajets radicu-

laires, sur une coupe transversale de la moelle.

Dans la région cervicale et dorsale, il s'appelle plus spécia-

lement « virgule de Schultze . Cette virgule, de forme assez

irrégulière, a l'aspect d'une bandelette antéro-postérieure

allant de la commissure grise jusqu'à la périphérie de la

moelle, parallèlement au bord interne de la corne, dont elle

est séparée par d'autres fibres ; son extrémité postérieure est

souvent renflée (fig. 9).

Dans la région lombaire, le faisceau endogène descendant

se place de chaque côté du sillon médian postérieur. 11 occupe

une zone irrégulièrement ovalaire, un peu effilée à ses deux

Fig. 9 destinée à montrer la topographie du faisceau endogène descen-

dant dit « virgule de Schulze ». Ce faisceau apparaît, dans chaque

moitié du cordon postérieur, sous forme d'une bande décolorée au

milieu des régions saines qui sont noires (procédé de lVeigert-Pal).

La coupe horizontale a été faite au-dessous d'un foyer de myélite trans-

vei'se totale.

1 .

190 PATHOLOGIE NERVEUSE.

extrémités en forme de fuseau : c'est le « centre ovale » de

Flechsig. Cet auteur l'a bien signalé, en 1876, dans son tra-

vaiisur les .voies conductrices du cerveau et de la moelle

épinière, mais sans lui donner sa vraie signification (l'tg. 5, 6).

Dans la région sacrée, le faisceau descendant reste situé

tout contre le sillon médian; mais il se présente sous forme de

triangle; sa base atteint la surface de la moelle ; sa pointe

touche la commissure postérieure.

L'on doit se demander comment s'établit la continuité entre

la virgule de Schultze (portion cervico-dorsale du faisceau

endogène descendant), et le centre ovale de Flechsig (por-

tion lombaire). Les derniers travaux faits avec la méthode des

dégénérations secondaires nous paraissent démontrer que

cette continuité est assurée par une bandelette périphérique

spéciale (fig. 6, 7) située à la région dorsale inférieure. Cette

bandelette borde la périphérie même de la moelle et atteint

en dedans le sillon médian ; elle apparaît quand cesse la vir-

gule de Schulze et avant que ne commence le centre ovale.

Le faisceau endogène descendant du cordon postérieur

existe donc dans toute la hauteur de la moelle. Comme tout

faisceau commissural, il reçoit et perd des fascicules à chaque

étage de la moelle. Chaque fascicule nouveau paraît prendre

naissance, au moins pour les régions cervicale et dorsale,

dans les cellules de cordons situées à la base de la corne

1%u. 10 (cône terminal). - Cette figure est destinée à montrer la forme et

les dimensions du faisceau endogène descendant, dit « faisceau triangu-

laire médian » de la "ég-ion sacrée inférieure et du cône terminal. Il est

représenté par une zone décolorée, de chaque côté du sillon médian

postérieur (procédé de Weigert-Pal). Cette coupe, horizontale comme

les précédentes, a été faite.au-dessous d'un foyer de myélite transverse

totale.

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 191 J

postérieure. Ce faisceau endogène descendant contient donc,

à tous les étages, des fibres courtes, des fibres moyennes et

des fibres longues qui paraissent intimement mélangées les

unes aux autres, quel que soit le niveau considéré.

On nous permettra d'insister sur l'importance que présente,

pour le fonctionnement de la moelle, cette longue voie com-

missurale descendante qui unit non seulement un étage mé-

dullaire à l'étage supérieur, mais encore chacun d'eux aux

points extrêmes du renflement lombaire ou de la moelle

sacrée ; elle doit jouer un grand rôle dans la diffusion rapide

des réflexes dont le point de départ, l'impression périphé-

rique, est ainsi projeté à tous les étages de la moelle.

Le faisceau endogène ascendant des cordons postérieurs

paraît moins nettement topographié que le précédent. Ses

dégénérations ont été peu étudiées ; elles sont difficiles à

mettre en évidence; elles ne sont pas compactes, et il per-

siste toujours des fibres saines, en nombre plus ou moins

considérable. qui gênent l'interprétation.

Toutefois, il est permis de penser que des fascicules endo-

gènes ascendants forment la plus grosse partie de la zone

cornu-commissurale, surtout développée au niveau des ren-

flements, lombaire ou cervical. On sait que la zone, dite

cornu-commissurale, occupe l'angle formé par la réunion du

bord interne de la corne et de la partie adjacente de la com-

missure grise.

B. Topographie DES lésions médullaires tabétiques. -

L'étude anatomique de la fasciculation, exogène et endo-

gène, des cordons postérieurs nous a paru nécessaire pour

appuyer notre topographie des lésions médullaires tabé-

tiques. Sans entrer dans de longs détails, nous pouvons

maintenant exposer nos conclusions faciles à saisir, nous

l'espérons, après les développements anatomiques.

Nous avons cherché la solutiondu problème topographique

dans l'examen en coupes sériées de moelles tabétiques à

diverses périodes de leur évolution; en d'autres termes,

nous avons étudié des cas de tabes initial et des cas de tabes

avancé. Les uns devaient, évidemment montrer quels sys-

tèmes de fibres se prennent dès la première atteinte du mal;

et les autres, jusqu'où peut aller l'affection dans l'envahisse-

ment successif des cordons postérieurs.

Comme technique, nous avons surtout employé le procédé

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. '193

7''<'y. 11, 12, 13. Ces figures sont destinées à montrer la topographie des

lésions dans le tabès initial (première étape anatomique de la mala-

die).

Coupes transversales de la moelle, sacrée et lombaire. La moitié postérieure est seule

représentée. Les régions noires (cordons latéraux) sont saines ; les- régions décolorées

sont malades au prorata de leur décoloration (procédé de Weigert-Pal). Il faut remarquer,

toutefois, 'que les cordons latéraux, dessines eu masse, apparaissent plus noirs que les

parties saines des cordons postérieurs, représentées en pointillé distinct.

Les régions des cordons et des. cornes postérieures ont été soigneusement repérées sur

ces figures et les suivantes ; chacune d'elles a été indiquée par une lettre :

A, racines postérieures adjacentes, sur le point de pénétrer dans ia moelle ; B, zone de

Lissauer (faisceau grêle) ; C, corne postérieure et son réseau plexiforme ; D, cordons

latéraux : E, commissure grise ; F, colonnes de Claire.

Zones radiculaires (faisceau à grosses fibre*). - En a, zone cornu-radiculaire ; en a',

a", zone des bandelettes externes ; en a ? zone des libres longues (champs postérieurs).

Zones endogènes. - En b, zones endogènes descendantes (faisceau triangulaire mé-

dian, centre ovale, bandelette périphérique, virgule de Sclmlsr, suivant la région ; en 4',

zones endogènes ascendantes (région coriia-coiiiiiiissurale).

Fit. 11. Au niveau de la troisième racine sacrée. Le quadrilatère tabétique prédo-

mine au niveau des bandelettes externes (deux tiers antérieurs). La zone cornu-radicu-

laire (a) attenant au boi d interne de la corne ; les champs postérieurs (a"') sont moins

décolores. Les racines postérieures adjjcentes'(A) sont malades (fibres fines, fibres déco-

lorées).

Frg. 12, 13 (première racine sacrée, première racine lombaire). Le quadrilatère

tabétique gagne du côté de la ligue médiane. - Il faut remarquer la disproportion qui

existe, à tous les niveaux, entre la décoloration des zones d'entrée et des champs poste-

rieurs, et celle des zones de trajet (bandelettes externes et leurs deu\ tiers antérieurs). On

notera également la conservation relative des champs endogènes, descendant ou ascen-

dant.

Archives, 2e série, t. IV. 13

de coloration dit de Weigert-Pal. 11 a le gros avantage d être

électif pour les gaines de myéline des tubes nerveux, qu'il

colore seules à l'exclusion de tout autre tissu; en consé-

quence, par les cordons postérieurs, les régions saines appa-

raissent noires sur les coupes transversales. Les régions

malades, au contraire, sont plus ou moins décolorées, au

prorata même de leurs altérations. Ce procédé nous a donc

paru le procédé de choix, pour notre étude topographique.

Il est bien évident, d'ailleurs, que certaines règles, d'ordre

technique, doivent être rigoureusement observées dans son

emploi; à cette condition expresse, l'liistologiste est sur de

voir la lésion tout entière, et la lésion seule.

Arrivons aux résultats. Nos cas de tabès initial montrent

d'abord que le mal débute au niveau du système radiculaire,

à la fois dans les racines et dans les cordons postérieurs;

mais celte constatation, qui n'est pas nouvelle, ne saurait

suffire en l'espèce : aussi notre but a-t-il été surtout de voir

quelles fibres se prenaient spécialement, dans ce système

DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 195

l'i ? 1 e, 1, lG, 1 i. Ces figures sont destinées a montrer la prise des

faisceaux endogènes, descendants ou ascendants, au cours d'un tabès

avancé (deuxième étape anatomique de la maladie). Les lettres ont la

même signification que dans les figures précédentes.

Fig. 14 (point d'cntrée (le I.l cinquip.me ¡'.lClne flcl'éc). - Le faisceau triangulaire

médiau (b) est décoloré, presque aussi complètement que les champs radiculaires

(a, a', a", a"').

l'ig. 13 (cinquième racine lombaire). - Décoloration il peu près totale du centre

ovale (6).

Flg, 16 (douzième racine dorsale). La bandelette périphérique dorso-lombaire

(6) n'existe plus.

1% : g. 1 (sixième racine cervicale). La virgule de Schulze (6) n'existe plus à l'état de

faisceau compact.

radiculaire. Au niveau des racines, il nous a paru impossible

de systématiser la lésion : les fibres étant intimement mélan-

gées les unes aux autres, on ne peut saisir la moindre trace de

groupement et nous avons dû abandonner le problème de ce

côté. Par contre, dans les cordons postérieurs, la localisation

initiale est bien tranchée : elle a lieu au niveau des bande-

lettes externes, plus spécialement dans leurs deux tiers anté-

rieurs. D'après l'étude anatomique qui précède les fibres

radiculaires, situées à ce niveau, appartiennent aux fibres

dites moyennes. Il nous paraît donc logique de conclure que

les fibres radiculaires moyennes sont prises dès le début du

tabès, dans les cordons postérieurs. Mais si ces fibres se

détruisent dans la moelle, très vraisemblablement elles se

détruisent aussi au niveau des racines postérieures. En effet,

toutes les fibres radiculaires sont continues, depuis la cellule

ganglionnaire jusqu'à leurs terminaisons dans la moelle ou

le bulbe : leurs réactions pathologiques sont donc les mêmes

au niveau des racines et au niveau des cordons.

Nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer que

cette localisation initiale sur les fibres radiculaires moyennes

explique bien la disparition de certains réflexes dès le début

du tabès (réflexes tendineux, rotulien, etc.) : on sait, en

effet, qu'un grand nombre deces fibres radiculaires moyennes

forme le groupe des fibres dites sensitivo-réflexes (Koelliker).

Ce groupe est spécialement chargé du premier temps de tout

acte réflexe, c'est-à-dire de l'apport de l'impression périphé-

rique aux cellules motrices.

Si le tabes initial renseigne sur la première localisation

(fibres radiculaires moyennes), le tabès avancé montre les

196 PATHOLOGIE NERVEUSE.

autres localisations de la maladie qui a suivi ses principales

phases. Si l'on veut bien consulter lesdessins ci-joints ((lg. '14

à '17), la réponse sera aisée.

Le tabes, dans sa dernière étape, détruit les autres systèmes

radiculaires (fibres courtes, fibres longues); il atteint égale-

ment les fibres endogènes. Ainsi, sur une moelle de tabes

avancé, le faisceau endogène descendant est pris dans toute

la hauteur de la moelle (faisceau triangulaire médian, centre

ovale, bandelette périphérique dorso-lombaire, virgule de

Sclmltze). Les fibres endogènes ascendantes (zone cornu-com-

missurale) sont également prises, mais à un degré moindre

et plus tardivement. Cet envahissement des faisceaux endo-

gènes, à une période plus ou moins avancée de la maladie,

démontre que le tabes n'évolue pas uniquement sur le sys-

tème radiculaire postérieur, comme le répètent quelques

travaux récents. Sans doute, les cas que nous avons pu exa-

miner étaient trop avancés pour nous permettre de recher-

cher l'époque précise à laquelle le mal détruit et les autres

fibres radiculaires et les fibres endogènes. Nous pouvons

cependant conclure que cet envahissement des faisceaux

endogènes est assez constant, assez généralisé pour caracté-

riser le tabes avancé; en d'autres termes, c'est, à notre avis,

la lésion de la deuxième étape anatomique de la maladie.

Une dernière question reste à résoudre : Comment se

prend le cordon de Goll dans le tabes ? Son étude à part

est suffisamment justifiée par l'importance anatomo-physio-

logique de ce grand faisceau des fibres radiculaires longues

(lombo-sacrées et dorsales inférieures). De plus, la solu-

tion du problème sera utile et à la topographie des lésions

médullaires tabétiques et à leur formule histologique gé-

nérale.

Le plus souvent, le cordon de Goll (moelle cervicale) se

prend suivant un mécanisme bien établi par Pierret dans

son travail- fondamental. A la région lombaire, ses fibres

constitutives sont détruites primitivement au niveau des ban-

delettes externes, lorsque le processus gagne leur tiers

postérieur. Détruites, ces fibres subissent, dans leur bout

périphérique, la dégénération secondaire. Finalement, elles

se sclérosent sur les coupes colorées par le procédé de

Weigert-Pal, le cordon de Goll cervical est alors représenté

par une tache blanche, dans toute l'étendue de la moelle

DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 197

cervicale. De par ce mécanisme, le cordon de Goll tabétique

est le fait d'une dégénération secondaire ascendante.

Mais ce mécanisme n'est pas le seul. En nous appuyant sur

trois observations de tabes cervico-dorsal (Eichhorst, Mar-

tius) nous pensons que le cordon de Goll peut être détruit par

un processus primitif, au cours du tabès médullaire. Dans

ces trois cas, la lésion, uniquement cervico-dorsale, respectait

la moelle lombaire, par conséquent les fibres longues du

cordon de Goll au niveau de leur point de pénétration, et,

cependant, ce cordon était sclérosé dans la région cervicale.

La seule conclusion à tirer de ces cas, conformément aux lois

de l'histologie pathologique actuelle, est que le tabes peut

détruire primitivement le cordon de Goll. Il nous sera per-

mis de souligner, dès maintenant, l'intérêt de cette conclu-

sion qui s'ajoute à d'autres faits pour démontrer que le tabes

frappe primitivement les cordons postérieurs.

Deuxième partie. - Caractères IIISTOLOGiQUES du processus

TABÉTIQUE. - FORMULE ANATOMIQUE GÉNÉRALE. - DÉDUC-

TIONS CLINIQUES.

Étudier les caractères histologiques du processus tabétique,

c'est déterminer la part des lésions parenchymateuses inters-

titielles et dégénératives, au cours de ce processus, aux divers

étages de la moelle.

Notre technique a été spéciale pour chaque ordre de

lésions. Ainsi, les réactifs nucléaires par excellence (héma-

toxyline alunée, hématéine) nous ont permis d'étudier la pro-

lifération des cellules interstitielles; en associant à ces colo-

rants nucléaires le picro-carmin ammoniacal de Ranvier ou

l'éosine, nous avons pu apprécier la sclérose névroglique,

l'état des vaisseaux, etc.

L'étude des lésions parenchymateuses a été faite sur les

racines postérieures, sur les cordons de la moelle, enfin sur

les ganglions rachidiens. Pour les racines, nous avons pra-

tiqué surtout des dissociations, après imprégration des divers

segments radiculaires par l'acide osmique (solution aqueuse

au centième). Les cordons postérieurs ont été examinés après

coloration par le liquide osmio-chromique de Marchi ; ce

liquide a le privilège de montrer aisément les corps granu-

leux qui accompagnent toujours une dégénération secon-

198 PATHOLOGIE NERVEUSE.

daire. Enfin, des coupes sériées, pratiquées sur les ganglions

rachidiens choisis à différents niveaux, nous ont donné

l'état des cellules d'origine des racines postérieures.

Les lésions interstitielles nous paraissent avoir une im-

portance secondaire ait cours du processus tabétique : cette

conclusion de notre travail inaugural est justifiée par les

faits suivants.

Au niveau des cordons postérieurs, nous avons bien ren-

contré une légère leucocytose périvasculaire ; mais elle nous

paraît suffisamment expliquée par la phase agonique ou par

les infections secondaires, si fréquentes chez les tabétiques

(pneumonie, pyélo-néphrites, escarres). Dans les espaces,

interstitiels ou péritubulaires, les cellules (embryonnaires ou

conjonctives) ne nous ont jamais paru en nombre suffisam-

ment considérable pour pouvoir prétendre à un rôle quel-

conque dans l'histogenèse du processus tabétique ; même au

cours de nos recherches sur les altérations interstitielles des

moelles tabétiques, nous avons été frappé par le peu de déve-

'loppement de la névroglie ou du tissu conjonctif péritubu-

laire ; aussi ne sommes-nous pas certain qu'il y ait vraiment

prolifération névroglique; car on se trouve en présence d'un

tissu affaissé, sans consistance, dont les mailles sont nom-

breuses et larges. On peut se demander si la persistance du

seul tissu de soutènement normal n'est pas capable d'expli-

quer l'aspect pseudo-scléreux d'un cordon postérieur tabé-

tique ; en ce cas il n'y aurait pas à faire intervenir une pro-

lifération névroglique quelconque.

11 faut aussi parler de la méningite postérieure. Elle eut ses

partisans déclarés. Mais actuellement les auteurs paraissent

être d'accord pour lui refuser toute action directrice sur

l'évolution du processus tabétique. Elle est trop inconstante

et souvent hors de proportion avec l'intensité de la lésion des

cordons sensitifs. D'ailleurs, il ne suffit pas de constater, au

cours d'un tabes, l'existence d'une méningite postérieure

pour lui attribuer un rôle prépondérant dans l'évolution du

processus tabétique. - Les anciens partisans des lésions

méningées auraient bien dû expliquer par quel mécanisme

elles déterminent l'atrophie des tubes nerveux. A ce propos,

nous rappellerons qu'un examen histologique nous a montré

un foyer de méningite très intense, sans aucune lésion au

niveau des filets radiculaires enserrés par lui. « Dans un cas

DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 199

de syringomyélie, les racines postérieures étaient empri-

sonnées, sur une certaine étendue de la moelle, au sein de

lamelles conjonctives développées aux dépens des méninges

et de la dure-mère. Or, ces racines présentaient des tubes

noirs en assez grande quantité, pour être considérées comme

saines '. »

Les lésions parenchymateuses existent, dès le début du

tabès, au niveau du tube nerveux ; la cellule du ganglion

vertébral reste intacte; ces lésions parenchymateuses sont

surtout primitives. - Voyons les faits qui nous paraissent

entraîner cette conclusion.

Nos recherches ont été ici pratiquées sur des cas de tabes

peu avancés dans leur évolution. Ce choix était nécessaire :

dans un tabes très ancien, l'examen histologique porte

sur un tissu cicatriciel, dans lequel on rencontre seulement

des fibrilles névrogliques ou des îlots conjonctivo-vascu-

laires ; dès lors, il est impossible de tirer la moindre con-

clusion de l'étude de cette cicatrice tabétique.

Nous avons examiné les racines postérieures, les cordons

correspondants et les cellules des ganglions rachidiens.

La dissociation des racines postérieures (après imprégna-

tion osmiée) nous a donné les résultats suivants. Examinée

en bloc, la racine est diminuée de volume dans tous ses seg-

ments ; cette réduction de volume résulte de l'atrophie

considérable du tube nerveux. Le processus atrophique nous

a paru passer par plusieurs phases. Au début, la myéline

présente un état granuleux spécial ; elle est poussiéreuse et

se colore mal, en brun terne ; nous avons rencontré très

souvent cette coloration sur les gaines myéliniques tabéliques

en voie d'atrophie. Elle ne tient pas à une imprégnation

insuffisante par l'acide osmique, comme il arrive parfois

pour les parties centrales de certains nerfs volumineux ;

nous croyons plutôt à un état moléculaire spécial de la myé-

line malade. Puis, sous l'influence de cette désintégration

granuleuse, la gaine devient de plus en plus étroite; elle

présente au maximum la disposition variqueuse que Ranvier

a signalée ça et là, sur les tubes sains ; cette exagération

d'une disposition normale tient sans doute à la fragilité

extrême de la gaine. Par contre, les noyaux interannulaires

' Arche. de médecine expérimentale, juillet 1801.

200 PATHOLOGIE NERVEUSE.

n'augmentent pas de nombre; le protoplasma n'est guère

plus abondant qu'à l'état normal ; on trouve souvent, dans

son épaisseur, des granulations graisseuses qui doivent pro-

venir de la fonte moléculaire de la myéline voisine. - Le

tissu interstitiel nous a paru sain ; il n'y a pas de sclérose

vraiment importante à noter - Le processus atrophique

continuant, la gaine myélinique disparaît complètement;

elle est remplacée par une sorte de filament que le picro-

carmin colore en rouge foncé.

Dans cette étude du processus atrophique, nous n'avons

parlé que de la gaine de myéline. Nous ne pouvons donner

aucun renseignement positif sur l'état du cylindre-axe au

cours du processus tabétique. Malgré un séjour prolongé

dans le picro-carmin vieux, après dissociation grossière pour

faciliter la pénétration, nous n'avons pu colorer le cylindre-

axe, même au niveau des points où la méyline était fragmen-

tée. Tant que le colorant électif du cylindre-axe restera

inconnu, on ne pourra, croyons-nous, être renseigné *sur

son état dans le tabes médullaire. Cependant, quelques pro-

babilités nous paraissent en faveur de la longue persis-

tance du cylindre-axe, au moins tant que la gaine de myéline

existe : en effet, cette gaine, quoique très étroite, reste conti-

nue, compacte, à plein calibre : toutes choses difficiles à

comprendre, si l'on suppose la disparition de son contenu, le

cylindre-axe. Dans le même ordre d'idées, si la gaine myéli-

nique était vidée, ses parois arriveraient au contact sous la

pression de tous les tissus environnants, au lieu d'apparaître

béante, avec un double cercle parfaitement net, sur une coupe

transversale.

Au niveau des cordons postérieurs, le procédé de Marchi

nous a permis de constater un processus sensiblement ana-

logue, quelles que soient les régions examinées (zones exo-

gènes ou endogènes). Là aussi, le processus tabétique évolue

par atrophie simple : on assiste à un amincissement graduel

de la gaine myélinique qui finit par disparaître, sans corps

granuleux abondants ; on trouve çà et là, dans le tissu inters-

titiel et les parois des vaisseaux, des granulations graisseuses,

en fine poussière, plus facilement que dans les racines posté-

rieures, sans doute àcausede l'absericede lagaine de Schwann.

Ce processus se fait à froid, avec une extrême lenteur, abso-

lument comme au niveau des racines. Sans doute, nous avons

DES LOCALISATIONS MÉDULLAIRES DU TABES DORSALIS. 201

rencontré souvent des corps granuleux, soit en plein cordon

de Burdach, soit au niveau du faisceau de Goll, et ces corps

granuleux occupaient les espaces intertubulaires ou la gaine

des vaisseaux ; mais c'est là un processus secondaire, car il

succède au processus primitif arrivé à une certaine période de

son évolution (période de la disparition totale du tube nerveux).

Les cellules des ganglions vertébraux nous ont paru remar-

quablement intactes, même dans les cas de tabès avancé, si

l'on met de côté l'hyperpigmentation qui se rencontre, à

partir d'un certain âge, chez tous les sujets. Faut-il expliquer

ces résultats par l'insuffisance de la technique ? Nous ne le

croyons pas. Sans doute, une technique très délicate est

nécessaire pour déceler toute altération cellulaire aiguë et

superficielle au point de ne pas déterminer la moindre dégé-

nération secondaire des cylindres-axes. - Mais, toutes les fois

qu'une altération cellulaire a le temps de provoquer des lésions

dégénératives considérables au niveau des tubes nerveux, la

technique la décèle aisément; en d'autres termes, on peut dire

que, dans les lésions chroniques du système nerveux, il existe

une certaine proportionnalité entre les altérations cellulaires

et les processus dégénératifs secondaires des tubes nerveux.

Or, dans le tabes, la destruction des tubes nerveux est très

intense; l'altération de la cellule originelle, si elle existe,

devrait être énorme, et c'est trop douter des techniques de

la neuro-histologie actuelle que de supposer qu'une altéra-

tion cellulaire, cause d'une dégénération névritique aussi

prononcée, puisse leur échapper. Toutes ces raisons nous

empêchent de croire à une lésion importante des cellules du

ganglion rachidien, au cours du processus tabétique.

De même, les autres systèmes cellulaires (corne postérieure,

colonnes de Clarke) nous ont paru intacts ; dans toutes ces

zones, nous n'avons constaté que la diminution plus ou moins

marquée du réticulum myélinique.

Nous avons dit plus haut que les lésions parenchymateuses

du tabes médullaire étaient surtout primitives. Nous ne vou-

lons pas reprendre tous les détails donnés dans notre tra-

vail inaugural sur les caractères histologiques des processus

parenchymateux secondaires, ou « dégénérations » ; nous

nous contenterons de répéter notre conclusion : le processus

tabétique ne rappelle ni la dégénération wallérienne, ni la

dégénération rétrograde.

20 : 2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Sur le terrain clinique, le gros problème à résoudre est

celui de la superposition de chaque symptôme fondamental à sa

lésion spécifique. Il nous sera permis de donner ici le résumé

de quelques recherches personnelles, quoique leurs résultats

soient encore incomplets. Ces recherches se proposaient

d'examiner quelle symptomatologie différente suit la prise

des fibres endogènes et celle des fibres exogènes; de plus, à

propos de ces dernières, il s'agissait de voir si la symp-

tomatologie varie, suivant que les fibres sont atteintes en

- dehors de la moelle (racines postérieures) ou au niveau de

leur trajet intra-médullaire (cordons blancs).

Ce problème avait déjà été abordé par Pierret, lorsqu'il

disait en 1871, à propos de la superposition (à peine ébau-

chée) des symptômes tabétiques aux lésions : « Il nous

semble possible d'aller plus loin et de rechercher, par

eee : n p le, si le développement graduel de la sclérose des cor-

dons postérieurs n'est pas absolument lié à l'apparition gra-

duelle et successive des symptômes. »

Mais, pour la solution complète de ce problème, un peu

abandonné depuis les recherches de Pierret, peut-être à cause

de sa complexité, il faudrait une cinquantaine d'observations,

dans lesquelles les diverses phases de la maladie auraient été

soigneusement relevées mois par mois : toutes observations

suivies d'examens microscopiques minutieux, pour super-

poser le syndrome à la lésion, suivant la loi établie par

Charcot en neuropathologie. Ainsi comprise, notre étude est

loin d'être achevée : on nous permettra cependant d'exposer

ici quelques faits qui nous ont paru ressortir de ces recher-

ches cliniques.

Dans la symptomatologie du tabes, on peut distinguer

trois éléments : les syndromes tabétiques (sensitifs, moteurs,

trophiques, etc.), - l'ordre d'apparition de ces syndromes,

- enfin leur succession.

Les syndromes tabétiques, considérés en eux-mêmes, pos-

sèdent une fixité remarquable : dans la très grande majorité

des cas, ils débutent, évoluent et s'achèvent, chacun suivant

certaines lois que les recherches de cliniciens tels que

Duchenne, Charcot, Erb, Westphal, etc., ont su rigoureuse-

ment établir. Ces syndromes constituent donc la partie fixe

de la symptomatologie du tabes.

Mais un tabès se constitue en passant presque nécessaire-

DES LOCALISATIONS MEDULLAIRES DU TABES DORSALIS. Oe'1

ment par chacun de ces syndromes, au moins quand il subit

son évolution complète; nous mettons évidemment à part

les tabes qui s'arrêtent, ceux à longue rémission et enfin ceux

dont une maladie intercurrente arrête le développement.

Or, et c'est la partie variable de la symptomatologie tabé-

tique, l'ordre de succession de ces syndromes, leur rapidité

d'évolution sont essentiellement mobiles et différents, sui-

vant chaque malade. Par suite de ces deux derniers carac-

tères, le tabès, considéré en bloc et non dans chacun de ses

syndromes constitutifs, cesse d'être une maladie cyclique.

Dans notre travail inaugural, nous avons réuni quelques

exemples tirés de nos observations. Nous voulons simple-

ment en donner ici la conclusion générale : le tabes médul-

laire reste une affection très variée dans ses localisations

anatomiques, comme dans son expression clinique, malgré

que certaines lois président et à ses lésions et à sa sympto-

matologie. - Est-il possible, maintenant, d'aller plus loin

dans ce parallèle entre les lésions et la maladie que nous

venons de résumer en disant : localisations anatomiques,

multiples et variées ; expressions cliniques, multiples et

variées ? Est-il possible de fournir une formule histologique

de chaque syndrome tabétique ? C'est seulement quand celte

solution aura été donnée tout entière qu'on aura vraiment

achevé l'histoire du tabes. Actuellement, le problème est

posé, c'est tout. Dans une aussi grosse question, il faut

beaucoup d'observations, patiemment et minutieusement

prises, du commencement à la fin, avec un examen histolo-

gique complet. Nos cas personnels sont trop peu nombreux,

pour nous permettre d'apporter, dans ce problème si intéres-

sant, une seule conclusion ferme. Aussi les faits suivants,

que nous allons simplement énumérer, ne sont-ils donnés

qu'à titre provisoire.

L'évolution du tabes se fait suivant deux types : tabes

bénin, tabes grave. Nous serions portés à penser que le tabès

grave reconnaît une lésion surtout médullaire à extension

rapide; cette lésion entraîne très vite la destruction des zones

endogènes des cordons postérieurs, ascendantes ou descen-

dantes. Le tabes bénin serait, au contraire, un tabes surtout

radiculaire; qu'il prenne naissance sur les racines en dehors

de la moelle ou au niveau de leur trajet intra-médullaire, ce

tabès aurait peu de tendance à s'étendre; les cas que nous

112011. PATHOLOGIE NERVEUSE.

avons pu observer, parmi les tabes arrêtés dans leur évolu-

tion ou limités à une symptomatologie peu bruyante, com-

portaient tous des lésions presque uniquement radiculaires.

Dans un autre ordre d'idées, nos cas nous ont aussi montré

que les douleurs étaient surtout le fait des lésions des racines

postérieures; cela concorde bien avec la symptomatologie

qu'on reconnaît à la lésion de ces racines, lorsqu'elles sont

comprimées par une tumeur ou un foyer de méningite posté-

rieure. Au contraire, les engourdissements, les paresthésies

généralisées, se rencontrent principalement dans les tabes

malins, à envahissement rapide; et, à ce titre, cette deuxième

modalité du syndrome sensitif tabétique reconnaîtrait une

lésion médullaire proprement dite. Enfin nous pouvons dire

que l'incoordination motrice ne suit pas nécessairement la

lésion des bandelettes externes : dans notre observation II,

les bandelettes externes étaient considérablement raréfiées

dans toute la hauteur de la moelle lombo-sacrée, et cepen-

dant la malade, suivie pendant plusieurs années par notre

maître, M. Merklen, ne présenta jamais la moindre ébauche

d'incoordination motrice.

Nous arrêterons là l'exposé de nos recherches sur quelques

points de l'histoire anatomique et clinique, de la maladie

de Duchenne; et nous conservons l'espoir de reprendre,

dans un prochain travail, l'étude de certaines parties du

problème que posait déjà Pierret en z1871, sans le résoudre

complètement, savoir : la superposition de chaque syndrome

tabètique à sa lésion originelle.

ASILES D'ALIhNIS.

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D ? LIIvI.S

ET LE RAPPORT DU D'' DUBIEF A LA CHAMBRE;

. Par le D' 11AISAVDON DE MONTYEL,

Médecin en chef de Yille-Elrard.

Il y a d'excellentes choses dans le rapport de mon savant

ami, le Dt Dubief, député de Saône-et-Loire, rapport distribué

à la Chambre dans la séance du 27 novembre z1896, des modi-

fications heureuses sur plusieurs points du texte voté par le

Sénat, toutes choses que je me propose de signaler et de dis-

cuter dans un autre travail '. Ce mémoire est, en effet, exclusi-

vement consacré aux deux articles S et 6 du projet de loi qui

vise l'organisation du personnel des asiles publics d'aliénés,

question d'une importance capitale et qui mérite d'être exa-

minée à part et en détails, puisque d'elle dépend tout le trai-

tement des malades. Or, j'ai le regret sur ce sujet d'être en

presque complet désaccord avec l'éminent rapporteur dont les

propositions formulées au nom de la Commission de la

Chambre, si elles avaient force de loi, loin d'améliorer la

situation actuelle, comme il l'espère, l'aggraveraient de beau-

coup. Au nom même de la bonne et solide amitié qui nous

unit, je lui dois de dire en toute franchise mon opinion.

I. Dans le projet de loi présenté par le Dr Dubief au nom de

la Commission de la Chambre, l'organisation du personnel

supérieur, médical et administratif et du personnel secondaire,

est modifiée profondément. Ce projet supprime, en effet, et les

directeurs purement administratifs, non pourvus d'un diplôme

de docteur en médecine et les médecins adjoints. Depuis des

années je clame que l'adjuvat, tel qu'il fonctionne dans les

asiles français, n'est pas seulement inutile mais encore dan-

' Voir Gazelle des hôpitaux, n°" du 16 et 23 février 1897.

06 asiles d'aliénés.

gereux. L'adjoint ne rend d'autre service que celui de rem-

placer son chef quand il est absent ou malade, le reste du

temps il l'emploie à créer des conflits. Mais j'ai trop écrit déjà

sur ce sujet pour y revenir. Le médecin adjoint qui, dans l'état

actuel, dit le Dr Dubief, est pour la plupart des cas réduit au

rôle de chef interne, adversaire né du médecin en chef, recruté

dans des concours où ce qui manque le plus ce sont les candi-

dats, à raison de l'infériorité de la situation qu'on lui offre,

condamné à tenir rang entre l'économe et le receveur, serait

remplacé par le médecin traitant qui aurait, de par le concours,

le droit à un service sous sa responsabilité. Et le distingué

rapporteur continue en ces termes : « Est-ce qu'on ne donne

pas aux médecins des hôpitaux le droit, dès le lendemain de

leur nomination, de faire les plus grandes opérations chirur-

gicales et de soigner les cas de médecine les plus compliqués ?

Pourquoi le jeune aliéniste, ancien interne des asiles, nommé

au concours, n'aurait-il pas le droit de soigner des aliénés et

de signer des certificats ? » Sur ce point je suis absolument

d'accord avec le D`' Dubief; c'est la thèse que j'ai soutenue

en 189 dans ce journal avec mon mémoire sur la Réorgani-

sation du personnel médical des asiles'. Mais comment dès lors

fonctionnera le service ? Je laisse la parole au rapporteur' :

« La loi en multipliant les organes d'inspection et de surveil-

lance crée les meilleures et les plus efficaces garanties, mais la prin-

cipale doit venir de l'asile, de l'Administration elle-même. A cetetfet

l'autorité, dans tout établissement chargé de soigner et de garderdes

aliénés, doit être tout entière entre les mains d'un directeur qui ne

peut être qu'un docteur en médecine, c'est-à-dire un administrateur

préparé par ses études à l'examen et à la discussion des questions

médicales, non pas pour intervenir dans le service des médecins

traitants qui doivent rester, sous leur responsabilité propre, les

maîtres dans leur domaine médical, mais pour être un agent

d'initiative et d'action intelligente dans la direction générale

de l'établissement. Le régime de la dualité des pouvoirs qui met

face à face le directeur et le médecin en chef est détestable; c'est

la cause constante des plus graves désordres, et c'est à peu près

toujours sur le dos des malheureux malades qu'on se bat. Chaque

asile doit donc avoir pour directeur un médecin. Chaque division

médicale doit avoir pour chef un médecin traitant, »

1 Voir dans la Tribune médicale de mai mon récent mémoire sur la

héonjanisalioii de 1 ? Itljiival.

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 207

A lire ce passage la réorganisation du service médical dans

les asiles serait complète. Il n'y aurait plus ni réunion des

services administratifs et médicaux, ni dualité des fonctions; il

n'y aurait plus, en effet, ni directeur-médecin en chef, ni direc-

teur administratif avec des médecins en chef ses égaux, mais

un médecin-directeur entre les mains duquel serait l'autorité

tout entière et, par conséquent, au-dessous de lui, des méde-

cins traitants chargés seulement de soigner les malades. Or,

ces dispositions qui constitueraient toute une révolution ne

sont pas du tout reproduites dans les articles du projet de loi.

Si on compare, en effet, le texte présenté par le D'' Dubief avec

celui voté par le Sénat, on constate qu'ils ne diffèrent qu'en

trois points : nécessité de la demande du Conseil général pour

la division des services; obligation pour le directeur adminis-

tratif d'être muni d'un diplôme de docteur en médecine; sup-

pression des médecins adjoints; tout le reste est identique. Il

en résulte qu'après comme avant persisteront et la réunion des

services et la dualité ; après comme avant il y aura des direc-

teurs médecins en chef mais sans adjoints et des directeurs

administratifs avec des médecins en chef, mais ces directeurs

administratifs seront des docteurs en médecine entre les mains

desquels sera centralisée toute l'autorité et les médecins en

chef ne seront plus que des subordonnés, de simples médecins

traitants, libres sans doute de saigner, purger et lavementer à

leur guise, mais sans action et nullement maîtres dans leur

service. C'est ce qui ressort clairement et du texte proposé et

des explications de l'exposé de motifs ; nous verrons plus loin

l'interprétation du Dr Dubief.

Eh bien ! une telle organisation du service médico-adminis-

tratif, qui serait obligatoire si le nouveau projet était voté tel

qu'il est présenté, est à tous égards inadmissible. Tout d'abord

l'expérience a démontré que, si avec un directeur administratif

laïque, comme nous l'appelons, les conflits sont très fréquents

avec un directeur administratif qui est médecin ils sont cer-

tains et à brève échéance. Le Dl' Dubief me répondra sans doute

que son médecin-directeur ayant dans ses mains toute l'auto-

rité, il n'y aura pas de heurt, puisque le médecn traitant,

simple subordonné, sera forcé de s'incliner. A mon tour, je lui

observerai deux choses : la première et la plus importante, que

le traitement moral de l'aliéné, si capital en l'espèce, sera

impossible; un médecin dans ces conditions d'infériorité sera

208 ASILES d'aliénés.

complètement paralysé; il restera sans action sur les malades

comme il est sans action sur le personnel; il n'aura pas la

liberté d'imprimer à son service la direction qu'il jugera la

meilleure, et comme en somme c'est lui qui sera le médecin,

qui seul traitera les aliénés, ceux-ci ne seront pas soignés

comme il faudrait qu'ils le soient.

En second lieu je serais curieux de savoir quels sont les

aliénistes qui accepteront de rester toute leur vie dans ces

conditions humiliantes de subordination. Mais tous demande-

ront à passer le plus tôt possible directeurs médecins en chef,

puisque la réunion des services se trouvera conservée, pour se

soustraire à cet état d'infériorité et être à même d'appliquer

leurs idées. Pour ma part, je sais bien que je me refuserai à

une telle situation et quelque horreur que m'inspire l'adminis-

tration, je m'empresserai d'endosser de nouveau le fardeau

administratif. Qu'on en soit certain, les médecins traitants du

D'' Tubief ne seront jamais que des débutants et des oiseaux

de passage et les aliénés, au grand préjudice de leur guérison,

ne seront pas traités six mois de suite par le même praticien.

La réunion des services, quels que soient à mes yeux ses

inconvénients, « vaut mille fois mieux qu'un tel système ».

Car, je le répète, il n'y aura plus comme médecins traitants

que des débutants et tous les aliénistes de quelque valeur

aimeront mieux encore être directeurs-médecins en chef que

de rester les subordonnés du médecin-directeur, et la science

psychiatrique petit à petit qui a brillé chez nous d'un si vif

éclat s'éteindra. En effet, ici encore, l'expérience est con-

cluante : ,sans conteste le directeur tue le médecin. Je n'en

connais que deux exceptions : Parchappe et Lunnier; Ach.

Foville qu'on a mis aussi en avant n'a fait de la direction que

peu de temps et vers la fin de sa carrière '. A part les deux que

j'ai cites, tous nos grands aliénistes ont été des médecins en

chef depuis Pinel et Esquirol, jusqu'à nos jours ; médecins en

chef étaient Georget, Foville père, Leuret et Falret; méde-

cins en chef, Baillarger, Moreau (de Tours) et Delasiauve et

vingt autres encore qu'on pourrait citer.

Mais dans le projet de loi présenté par le Dl' Dubief au nom

de la Commission de la Chambre, il y a une lacune encore

1 Et, croyons-nous, Itenaudin, Auzony, Bartome, Follet, llorel, etc., pour

ne parler que des morts. M. Marandon de Montyel oublie qu'à l'étranger

la grande majorité des asiles sont dirigés par des médecins. (B.)

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 209

plus grave. D'où viendra ce médecin-directeur aux mains

duquel il met toute l'autorité, et qui sera le chef des médecins

traitants ? Son recrutement n'est pas prévu, donc on sera libre

de nommer à ce poste qui on voudra comme on est libre

aujourd'hui de nommer au poste de directeur administratif;

la seule limitation imposée au choix sera le diplôme de docteur

en médecine. Ainsi le projet de loi prévoit pour le médecin

traitant, qu'il place en sous-ordre, deux concours et un stage

d'internat et, quand celui-ci aura passé par ces épreuves lon-

gues, compliquées et difficiles, il se trouvera peut-être le

subordonné du premier médicastre venu, fruit sec de la clien-

tèle, qui se sera réfugié dans les asiles, parce qu'il était inca-

pable d'avoir des clients, mais non pas des protecteurs sérieux

et de les utiliser et qui sait, d'un confrère pris précisément

parmi les refusés du concours des asiles ! Que le D'' Dubief ne

vienne pas nous assurer que le ministre aura soin de ne choisir

que des hommes supérieurs, il sait aussi bien que moi que

pour ces places données à la faveur les ministres sont loin

d'être toujours libres et que malheureusement ceux qui leur

sont le plus puissamment recommandés ne sont pas toujours

des sujets d'élite. Quoi qu'il en soit, il n'est pas admissible

qu'on oblige un médecin à passer par deux concours pour

faire de lui le subordonné d'un autre médecin n'ayant peut-être

jamais mis les pieds dans un asile et à qui on ne demande pas

autre chose que d'avoir des protecteurs influents. Donnant

toute l'autorité à leur médecin-directeur le D'' Dubief et la

Commission de la Chambre auraient dû entourer sa nomination

de plus de garanties encore que celle de leur médecin traitant.

Si le système proposé par le Dl' Dubief était adopté, si dans

les cas de division des services la Chambre décidait que les

fonctions de directeur administratif seraient remplies par

un médecin aux mains duquel serait toute l'autorité, il serait

de toute nécessité de spécifier que ce médecin-directeur omni-

potent serait toujours pris parmi les docteurs en médecine

ayant subi avec succès les deux concours d'interne et de

médecin en chef. De cette façon sa nomination serait régulière

et il serait plus facile pour le médecin traitant d'être son

subordonné et encore, ce qui est plus important, toute l'auto-

rité se trouverait au moins entre les mains d'un homme ayant

l'expérience des asiles. Mais même dans ces conditions tous

les inconvénients signalés plus haut persistent. Le système

Archives, 2° série, t. IV. 14 -

210. ASILES D'ALIÉNÉS. '

du "Dl' Dubief met l'aliéniste dans l'obligation de renoncer à

brève échéance à la science pure pour s'adonner à l'adminis-

tration et devenir directeur-médecin en chef, afin de n'être

plus en sous-ordre. Aujourd'hui il est permis de rester toute

sa vie médecin en chef occupé exclusivement de recherches

scientifiques et de soins à donner aux aliénés, parce que, quel

que soit le directeur, on est du moins son égal et maître absolu

dans son service. Il n'en serait plus ainsi avec le projet de loi.

La Chambre se rendant compte du désaccord existant entre

l'exposé des motifs et les articles de la loi qui lui est proposée

et désireuse d'adopter le système admis par sa Commission

décidera peut-être que désormais, par toute la France, chaque

asile aura pour directeur un médecin à qui sera confiée toute

l'autorité et chaque division pour chef un médecin traitant,

les uns et les autres recrutés toutefois dans les mêmes condi-

tions. Elle sera ainsi logique. Il y aurait de cette façon chez

nous deux corps d'aliénistes, les uns administratifs et qui

auraient la haute main, les autres qui, subordonnés à ceux-ci,

soigneraient les malades et s'occuperaient de science. Certai-

nement avec une telle organisation quiconque désirerait pour-

suivre des travaux scientifiques serait contraint de rester

médecin traitant et en sous-ordre ; aussi ces deux corps d'alié-

nistes s'entre-dévoreraient, comme s'entre-dévoreront d'ailleurs

le médecin-directeur et le médecin traitant du D'' Dubief, que

mon savant ami en soit convaincu,1 malgré sa précaution de

remettre au premier toute l'autorité; et ce seront les malheu-

reux aliénés qui en souffriront, car dans de telles conditions

de subordination, de révolte et de lutte, une thérapeutique

utile sera irréalisable.

Et pourtant le D'' Dubief est bien dans le vrai quand il avance

que, dans un asile d'aliénés, c'est entre des mains médicales

qu'il convient de placer toute l'autorité. Esprit droit et obser-

vateur, il s'est vite rendu compte, durant sa direction à Mar-

seille et à Lyon, de toute la justesse de cette parole d'un

grand aliéniste : dans un asile je cherche partout la place du

directeur et je rie trouve que celle du médecin ; seulement le

remède qu'il propose n'est pas le bon, il est même, j'ai essayé

de l'établir plus haut, de beaucoup inférieur à la réunion des

services et si la Chambre, plus logique dans son vote, l'appli-

quait par toute la France au lieu de le limiter à quelques

asiles sur la demande des Conseils généraux, elle rendrait un

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 211

bien mauvais service aux aliénés dont elle entraverait grande-

ment le traitement. Il est inutile de longtemps chercher, car il

n'y a que deux solutions au problème : ou la réunion des ser-

vices administratifs et médicaux dans les mêmes mains ou la

suppression du directeur et son remplacement par un simple

préposé responsable subordonné au service médical, comme

cela se pratique avec avantage dans les hôpitaux militaires

depuis la réforme. Si on ne veut pas de la réunion des services

dont je suis pour ma part un adversaire déclaré et qui d'ail-

leurs est irréalisable dans les grands asiles, sans nuire au trai-

tement des aliénés, réunion des services qui tue le médecin

pour ne laisser subsister que le directeur, qui par les ennuis

administratifs paralyse l'esprit scientifique, et qui par le

temps gaspillé à assurer les intérêts matériels de la maison ne

laisse pas le loisir de mener à bien les travaux scientiliques,

si on n'en veut pas, dis-je, il n'y a que la division avec subor-

dination de l'élément administratif à l'élément médical.

La Commission de la Chambre supprime le médecin en chef

qu'elle transforme 'en médecin traitant placé sous la coupe du

directeur. Mais c'est la formule inverse au contraire qui est la

vraie : c'est le directeur qui est à supprimer et à remplacer

par un préposé responsable placé sous la coupe du médecin en

chef, solution qui d'ailleurs n'est pas mienne et que M. Bour-

neville a indiquée depuis longtemps déjà. Pourquoi ? Parce que

de l'avis de M. Dubief lui-même, l'impulsion dans un asile doit

être médicale, or, je le lui demande, n'est-ce pas le médecin

traitant qui est le plus à même, de l'imprimer. lui qui, soignant

les malades de la maison et vivant en contact intime avec eux,

connaîtra tous leurs besoins et la direction à donner à leur

traitement. Ne sera-t-il pas plus apte à cette besogne que- le

directeur qui, quoique médecin, sera avant tout un adminis-

trateur et même ignorera peut-être les choses les plus élémen-

taires de la folie, puisque son recrutement n'étant pas réglé

par la loi, un simple diplôme de docteur suffira pour justifier -

sa nomination.

L'agent administratif tel que nous le comprenons ne serait

chargé que des intérêts matériels de l'établissement ; il serait

le maître des services généraux qu'il dirigerait à son idée

comme les médecins seraient les maîtres des quartiers qu'éga-

lement ils dirigeraient à leur gré; ce qui occasionne les froisse-

ments et les conflits, c'est l'immixtion du directeur dans 'les

212 ASILES d'aliénés.

services médicaux : un médecin veut renvoyer un gardien que

le directeur tient à conserver parce qu'il lui est recommandé

par un ami puissant ; l'un est un libéral qui veut ouvrir

grandes les portes de son service aux visites des familles, aux

villégiatures et aux sorties provisoires, l'autre est un autori-

taire qui exige l'observation stricte du règlement ; celui-ci croit

nécessaire telle réforme~ou telle acquisition dont celui-là con-

teste l'utilité et ainsi de suite. Par contre dans les services

généraux, il n'y a jamais de tiraillement et cela précisément

parce que le directeur y est seul chef, parce que, s'il a le droit

de s'immiscer dans les quartiers, le médecin n'a pas le droit,

lui, de s'immiscer dans ces services-là. Que le médecin soit,

de son côté, seul maître chez lui, qu'il ait un budget médical

dont il disposera sous sa responsabilité comme déjà il dispose,

par exemple, du crédit de la pharmacie sans que la direction

puisse contrôler ses prescriptions, qu'il ait le libre choix de ses

gardiens comme celui-ci i'a de ses préposés et les services mar-

cheront parallèlement sans le moindre froissement. Il serait t

très facile d'établir un règlement réglant les attributions des

deux et qui, comme cela se pratique déjà dans les hôpitaux

militaires, tout en laissant au service médical la haute direc-

tion morale à imprimer au traitement et à la maison conser-

verait au préposé responsable toute sa liberté d'action pour

assurer les intérêts matériels de l'établissement.

Si on ne veut pas essayer de ce système qui fonctionne à

l'étranger avec avantage, il n'y a plus que la réunion de tous

les services médicaux et administratifs dans les mêmes mains.

Dans tous les cas mieux vaut mille fois conserver l'état de

choses existant qui permet au moins de se consacrer exclusi-

vement au traitement des aliénés et aux travaux scientifiques,

qui laisse au médecin en chef la latitude d'être quelqu'un et

d'imprimer à son service médical la direction qu'il croit la

bonne que d'adopter des dispositions qui, lui enlevant toute

initiative et toute autorité, faisant de lui un subordonné et, le

réduisant au simple rôle de donneur de potions et de purges,

l'obligeront à n'accepter cette situation que comme un pis-aller

momentané et à demander tout de suite, au grand détriment

de la thérapeutique des aliénés, de la science et de l'avenir de

la psychiatrie dans notre pays, un asile où il sera à la fois le

directeur et le médecin.

J'ajouterai cependant que je n'ai point caché à mon savant

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 13

ami tous ces graves inconvénients du système adopté par la

Commission de la Chambre et qu'il a paru surpris de l'inter-

prétation que je donnais et à ses considérations et au texte du

nouveau projet. Dans son esprit et dans l'esprit de la Commis-

sion m'a-t-il dit, le médecin en chef ne serait pas le subordonné

du médecin-directeur; en cas de désaccord entre eux sur une

mesure à prendre ou une amélioration à introduire, c'est la

Commission de surveillance qui serait appelée à trancher le

différend. Nulle part, ni dans le rapport, ni dans aucun article

de la loi, cette procédure n'est spécifiée; il est, au contraire,

nettement établi dans l'exposé de motifs, que c'est entre les

mains du médecin-directeur que sera toute l'autorité. Il serait

donc indispensable de l'inscrire dans la loi, mais elle créera le

conflit à l'état permanent et confiera à la Commission de sur-

veillance un rôle qui n'est pas du tout dans ses attributions.

Le D1' Dubief m'a cité l'exemple des hôpitaux de Lyon où il a

été interne et où les choses se passent ainsi, mais qu'il n'oublie

pas que la Commission des hôpitaux de Lyon est une Commis-

sion administrative et qu'il n'y a pas là de directeur, ce qui

change de tout au tout la situation. Dans tous les cas, je le

répète, rien de cela n'est dans la loi, et comme nous n'avons

pas le secret de sonder les cceurs et les esprits, force est de

nous en rapporter au texte ; or ce texte, s'il était voté tel qu'il

est présenté par la Commission de la Chambre et fortifié des

commentaires de son éminent rapporteur, aurait toutes les

conséquences désastreuses que nous nous sommes efforcé de

mettre en relief.

Pour justifier la suppression du directeur que nous appelons

laïque, le D'' Dubief m'a déclaré qu'il a semblé à la Commission

de la Chambre comme à lui que c'était le meilleur moyen d'as-

surer l'exécution rapide des vues des médecins traitants, un

docteur en médecine, même choisi en dehors de la spécialité,

étant beaucoup plus apte à comprendre l'importance et la

valeur des réclamations médicales. Quelle erreur ! Mais le

danger vient précisément de la compétence qu'auront ces méde-

cins-directeurs qui voudront non pas accepter les idées des

médecins traitants mais imposer les leurs. Et puis sans vouloir

médire de mes confrères, je rappellerai le vieil adage latin :

invidia clericorum mala, sed medicorccnz pessz*21za. Si la Cham-

bre adoptait un tel système et chargeait les Commissions de

surveillance de régler les différends entre médecins-directeurs

2)4 4 asiles d'aliénés.

et- médecins en chef, on ne trouverait bientôt plus personne

pour les constituer, car chaque séance serait un pugilat. Donc

après comme avant les explications du D'' Dubief toutes les cri-

tiques que j'ai formulées conservent leur valeur, car cette in-

tervention de la Commission de surveillance qui n'est d'ailleurs

pas dans la loi et dont il m'a parlé est une impossibilité; ces

commissions n'étant pas administratives.

II. Dans cette question de l'organisation du personnel

médico-administratif des asiles, il est encore trois points sur

lesquels je ne suis pas absolument d'accord avec le D1' Dubief.

Le Sénat avait donné le droit au ministre sur l'avis du Conseil

supérieur d'ordonner la disjonction des fonctions de médecin

en chef et de directeur, le nouveau projet de loi exige la

demande du Conseil général. D'une manière générale, j'avouerai

en toute franchise que je n'ai pas grande confiance dans les

Conseils généraux de la province en matière d'assistance de la

folie. Plus ou moins ils regrettent presque tous l'argent employé

à secourir cette infortune. Ils demanderont, je crois, plus sou-

vent la réunion que la disjonction. Je trouve que la nouvelle

loi laisse une trop grande latitude aux assemblées départemen-

tales et j'ai peur que les aliénés n'en pâtissent. Il y a à cet

égard une grande différence entre la Seine et les autres dépar-

tements ; on est là, d'ordinaire sur ce chapitre, aussi serré

qu'ici on est large. J'ai été attaché aux asiles de deux dépar-

tements où le prix de journée était de '18 sous, et comme dans

l'un il y avait un pensionnat un peu prospère, le Conseil

général avait jugé bon de prendre ses économies pour cons-

truire des chemins vicinaux ! Encore une fois, je ne suis pas

rassuré et je crains que la question d'économie ne prime tout.

Que fera-t ni alors dans les grands asiles de douze et quinze

cents lits si les Conseils généraux ne demandent pas la divi-

sion et ce sera certainement le cas dans le Nord, dans la Seine-

Inférieure et dans la Haute-Garonne. De toute évidence dans

ces vastes établissements il est matériellement impossible à un

seul homme de traiter ses malades et d'assurer la direction.

N'eût-il que le souci de soigner les aliénés qu'il n'y suffirait pas,

car un service médical, pour que la thérapeutique y soit efficace,

ne doit guère excéder trois cents places. Les aliénés continue-

ront, répondra-t-on, comme ils le sont aujourd'hui, à être bien

logés, bien couchés, bien nourris et menés avec égards, puisque

les adjoints qu'on nomme, sous prétexte d'aider au traitement,

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 1215

en réalité n'aident en rien. Mais si on revise la loi, je suppose

que c'est dans- le but d'améliorer le sort des malades et de

faciliter leur guérison. Et puis, l'adjoint, si en réalité il est

inutile, en apparence il est quelque chose; quand sa présence

n'aurait pour résultat que de donner le change au public et de

rassurer les familles, c'est peu, mais c'est encore mieux que

rien. Qu'on le supprime, soit, mais qu'on le remplace par

quelqu'un plus efficace ; le supprimer pour ne pas le remplacer

du tout n'est point admissible. Or, avec le système préconisé

par le Dl* Dubief, dans les départements où les Conseils géné-

raux ne voudront pas de la division, l'adjoint sera supprimé

et ne sera pas 'remplacé.

Quand j'ai proposé la suppression de l'adjuvat, j'ai proposé

en même temps la division obligatoire des services dans tous

les grands asiles de France, et la création d'autant de postes

de médecins en chef qu'il y aurait de 300 à 400 aliénés à trai-

ter. Les deux choses sont, en effet, intimement unis, il n'est

pas possible de supprimer les adjoints sans diviser les grands

services, à moins de poser en principe que les aliénés seront

recueillis et hospitalisés dans ces vastes établissements. mais

qu'ils ne seront pas soignés. Sans doute ce ne serait que la

continuation de ce qui en réalité existe actuellement, mais

encore une fois ce n'est pas la peine de reviser la législation

s'il n'en sort aucune amélioration. Car, qu'on ne s'illusionne

pas, cette question de l'organisation médicale est chose capi-

tale dans une loi sur les aliénés, d'elle dépend en très grande

partie la guérison ou l'incurabilité de ceux-ci, on ne saurait

donc y regarder de trop près. La raison est le bien le plus

précieux au monde, plus précieux même que la vie, mieux

vaut encore la mort que la folie incurable. Or, sans conteste,

l'organisation médicale actuelle est défectueuse et nuisible à

l'aliéné : c'est lui, l'infortuné, qui supporte les conséquences,

et des luttes entre directeurs et médecins quand les services

sont divisés, et de l'absorption du médecin par le directeur

quand les services sont réunis, et de l'impossibilité où se trouve

l'aliéniste d'arriver même à connaître ses malades quand

on.lui en impose de douze cents à quinze cents à traiter dans

une année avec une population de six à huit cents présents.

Donc revisons cette organisation médicale défectueuse- et

nuisible, mais revisons pour améliorer et non pour rester dans

le statu quo. Si la Chambre adopte les articles qui lui. sont t

216 asiles d'aliénés.

proposés et vote ainsi le maintien de la réunion des services

là où les conseils généraux l'exigeront, il est de toute nécessité

qu'elle laisse au ministre la latitude, sans consulter ceux-ci,

de distraire une partie tout au moins du service médical pour

la confier à un jeune médecin qu'on appellera médecin trai-

tant ou médecin adjoint faisant fonction de médecin en chef,

le nom importe peu. On voit à quelles difficultés on se heurte

et à quelles complications on aboutit dès qu'on s'écarte des

deux seules solutions rationnelles du problème : la réunion des

services par raison d'économie dans les petits asiles de moins

de 500 malades et la division dans les grands asiles avec subor-

dination de l'élément administratif à l'élément médical, comme

aujourd'hui dans les hôpitaux militaires, et un médecin en chef

maître absolu dans son service et de son budget médical pour

300 aliénés, ou ce qui serait mieux encore, il mon avis, n'était

la question d'argent, cette division aussi entendue appliquée

à tous les asiles pour toute la France.

Sur un autre point encore le texte accepté par la commis-

sion de la Chambre modifie, à mon avis, d'une façon fâcheuse,

le texte sénatorial. Le Sénat, avec raison, confiait exclusive-

ment au directeur et au médecin en chef la nomination des

préposés-gardiens et des servants ; pour les secrétaires en chef,

les économes, les receveurs, les pharmaciens, les employés

de bureau, les surveillants en chef, ils étaient nommés par le

Préfet, mais sur une liste de présentation dressée par le direc-

teur responsable et par la commission de surveillance. C'était

bien. La plaie des asiles est, en effet, l'ingérence dans nos

maisons des influences locales que les Préfets, en province,

sont obligés de subir, contraints qu'ils sont de nommer les

protégés des gros bonnets de l'endroit. Or, ces individus, fiers

de leurs protecteurs sur lesquels ils croient pouvoir compter,

sont presque toujours d'une arrogance et d'un sans-gêne sans

pareils. Ils prétendent traiter d'égal à égal avec le directeur; ils

entrent dans la peau des gens influents à qui ils doivent leur

nomination et croient qu'étant leur créature ils ont droit aux

mêmes égards que ceux-ci. Le plus fâcheux encore, c'est qne

les personnages sur la recommandation desquels ont eu lieu

ces choix malheureux, se fâchent souvent d'êtres accusés

d'avoir appuyé des sujets qui n'ont pas toutes les qualités; ils

les soutiennent parfois contre les directeurs qui se trouvent

par là dans la plus fâcheuse posture, forcés ou de supporter

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 217 ï

les impertinences et les fautes de subordonnés incapables et

rebelles ou de se créer des ennemis redoutables. En confiant

la nomination des fonctionnaires et employés, non plus exclu-

sivement au Préfet, mais à la commission de surveillance agis-

sant de concert avec le directeur responsable, si le Sénat

n'avait pas coupé le mal dans sa racine, du moins il avait

apporté un correctif sérieux.

Dans le texte proposé par la commission de la Chambre, il

est dit que ces nominations seront effectuées par le Préfet

dans les conditions fixées par les règlements d'administration

publique. C'est le maintien de l'état de choses actuel. De

même le directeur et le médecin en chef ne seront plus les

maîtres absolus de leur personnel secondaire, comme l'avait voté

le Sénat, leurs choix devant être approuvés par le Préfet. L'ex-

périence m'a démontré que l'intervention de l'administration

préfectorale pour les nominations et les révocations de ce

personnel a pour effet d'entraver le service, de favoriser l'in-

discipline et l'insubordination. En principe j'ai été longtemps

partisan de la nomination par le Préfet, sinon de tout le per-

sonnel secondaire, du moins des chefs de quartier ; j'espérais

par là deux choses : donner à ceux-ci une plus grande autorité

sur les agents placés sous leurs ordres, les simples gardiens,

qui eux n'avaient pas reçu l'investiture préfectorale ; puis, sur-

tout assurer un meilleur recrutement en rendant la situation

plus stable, la révocation de ces chefs de quartier dépendant

désormais, non plus des chefs de l'établissement, mais de

l'administration ; or, malheureusement, les faits n'ont pas du

tout répondu à mon attente et m'obligent à brûler à mon

grand regret ce que j'ai adoré. Il y avait à la médaille un revers

auquel nous n'avions pas songé. Nommés et révocables par le

Préfet, les chefs de quartier et les chefs d'atelier en général

s'émancipent peu à peu, et de plus en plus ils se montrent

récalcitrants, les chefs d'atelier plus encore que ceux-là vis-à-

vis du médecin et du directeur dont ils n'ont plus à redouter

les foudres. Ils ont la prétention de former un Etat dans l'Etat.

La conséquence est un relâchement général dans le service.

Avec ce système les gardiens le plus souvent aspirent à devenir

chefs de quartier, non pour se dévouer davantage à leurs

devoirs et bien mériter de leurs supérieurs, mais dans le but

surtout de se soustraire à l'autorité directe des fonctionnaires

de l'asile et prendre du bon temps. Rares sont ceux qui,

°I8 8 . ASILES d'aliénés. -

promus, conservent leurs bonnes qualités. Les meilleurs les

perdent souvent avec le temps, contagionnés par le mauvais

exemple des autres. Déjà ils commencent à s'émanciper au

seul envoi des propositions à la préfecture et, à l'affût des

nouvelles, ils s'accordent un degré d'indépendance propor-

tionné aux phases par lesquelles celles-ci passent. Il suffit de

les voir à l'oeuvre pour savoir si leur affaire a été examinée

par le service des asiles, si l'avis a été favorable, si le dossier

est à la signature du Préfet et enfin si cette signature a été

donnée. Nous en appelons d'ailleurs à tous nos collègues et

s'il en est un seul qui ne soit pas de notre avis, nous confir-

mons notre erreur.

Il importe donc de reprendre le texte du Sénat qui laisse au

directeur et au médecin en chef le libre choix de leur person-

nel. On leur impose avec raison une très lourde responsabilité,

qu'ils soient au moins libres d'employer les gens en qui ils

ont confiance et de renvoyer ceux en qui ils n'en ont plus.

Il serait souverainement injuste de leur demander compte

d'actes commis par des serviteurs dont ils ne seraient pas les

maîtres absolus. Quant aux surveillants en chef il n'y a pas

d'inconvénients à ce qu'ils soient nommés par le préfet, mais

à la condition que ce soit, comme dans la loi sénatoriale, sur

la présentation du directeur et de la commission de surveillance

auxquels il conviendrait d'ajouter le médecin puisque c'est

surtout sous ses ordres qu'est placé cet employé.

Restent les pharmaciens, les économes, les receveurs et les

secrétaires. A cause des graves inconvénients signalés plus

haut, ceux des influences locales si pernicieuses, je suis abso-

lument opposé à leur nomination par le Préfet. Pourquoi

n'aurait-on pas un corps de pharmaciens, d'économes et de

secrétaires relevant du ministre de l'Intérieur comme on a un

corps de directeurs et de médecins ? Avec la nomination par

le Préfet le fonctionnaire est rivé indéfiniment à l'asile, il n'y

a pas pour lui de mutation possible; or la mutation est souvent

une ressource précieuse ; tel qui a des difficultés et rend de

mauvais services dans un endroit, devient un excellent fonc-

tionnaire dans une autre localité. Aujourd'hui quand un direc-

teur, pour une cause ou une autre, ne s'entend pas avec son

économe, son receveur ou son secrétaire, il est obligé ou de le

subir ou de demander sa révocation ou de s'en aller lui-même.

C'est très regrettable. - '

LE PERSONNEL' DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 219 foi

Je demanderai donc que pharmaciens, économes, receveurs

et secrétaires soient, eux aussi, nommés par le ministre qui

les déplacera selon les besoins du service comme il déplace

les directeurs et les médecins. Il v aurait en outre des avan-

tages à recruter les pharmaciens par voie de concours public.

Le service pharmaceutique est parfaitement organisé dans la

Seine où le recrutement des internes en pharmacie et des

pharmaciens en chef a lieu de cette façon et où, à tous égards.

ils sont assimilés aux internes en médecine et aux médecins.

Je trouve cela très juste. A mon avis les économes et les rece-

veurs devraient être toujours choisis, eux, parmi les secrétaires

et ceux-ci recrutés aussi par voie de concours, tout au moins

de concours sur titres, ainsi qu'on pourrait procéder également

pour leur passage dans l'économat ou la recette. Avec l'organi-

sation actuelle il n'y a aucun avancement ni aucune hiérarchie

ascendante dans l'administration des asiles; on arrive d'emblée

directeur, économe, receveur ou secrétaire, et c'est pour toutela

vie; comment espérer dans ces conditions avoir surtout des

secrétaires de quelquevaleur, quisoientautrechosequ'unporte-

plume, des employés capables d'aider sérieusement le direc-

teur et de le soulager d'une partie de sa paperasserie. J'irai

même plus loin, je dirai que dans mon idée si les économes et

les receveurs devraient être toujours choisis parmi les secré-

taires, c'est parmi les économes et les receveurs qu'on devrait

toujours choisir, dans les cas de division du service, l'admi-

nistrateur, celui qui est actuellement le directeur et qui serait,

comme je l'ai expliqué plus haut, le préposé responsable. Ainsi

que cela se pratique d'ailleurs à l'Assistance publique de Paris.

On aurait ainsi un corps organisé et hiérarchisé à trois degrés

et recruté par concours sur titres : les secrétaires ; les économes

et les receveurs choisis parmi les secrétaires, et les préposés

responsables ou administrateurs choisis parmi les économes et

les receveurs, tous nommés par le ministre, et les asiles

seraient autrement bien administrés qu'aujourd'hui. On aurait

désormais des hommes compétents et rompus au métier, mais

il est certain que le favoritisme perdrait beaucoup de ses droits

et c'est-pour cela qu'il est bien naïf de notre part de proposer

une telle organisation.

Un dernier point à traiter avant de clore ce, mémoire dont

l'importance extrême du sujet justifiera, je l'espère, les déve-

loppements. Dans son rapport le Dl' Dubief demande que.le

220 ASILES d'aliénés.

médecin traitant soit assimilé absolument aux médecins des

hôpitaux dans les centres d'enseignement et dans les établis-

sements situés au milieu ou à proximité des localités impor-

tantes, c'est-à-dire dans plus des deux tiers de nos asiles, plus

directement et plus complètement attachés à l'établissement

dans les asiles isolés en pleine campagne où le médecin n'a

d'autres ressources que sa fonction. Ce système a pour le

D'' Dubief des avantages certains. Il permettrait d'abord, sans

grever le budget des départements au delà de la mesure tolé-

rable d'avoir le nombre suffisant de médecins pour ne voir

plus aux mains d'un seul médecin 800 et 900 malades qui ne

peuvent être, à ce compte, ni soignés ni observés. Ensuite, dit

le distingué rapporteur, qui ne sait d'autre part que pour être

un bon aliéniste il faut être d'abord un bon médecin; non

seulement parce qu'il est incontestable que nombre d'affec-

tions mentales sont sous la dépendance directe de certains

états maladifs physiques qu'il faut savoir discerner, mais

parce que les aliénés sont sujets à toutes les maladies, inter-

currentes.

Nulle part dans le texte de loi ce système n'est formulé en

article, et c'est fort heureux ; car adopté, il serait économique

sans doute, mais funeste et à la science et, ce qui est plus

grave, aux malades. Le Dur Dubief se trompe s'il espère mieux

par là assurer le traitement des aliénés et les progrès de la

psychiatrie. Le praticien adonné à la clientèle pour gagner sa

vie, tout à la fois médecin, chirurgien, gynécologiste, accou-

cheur, que sais-je, sera peut-être tout cela à la fois, mais ce

que j'affirme c'est qu'il ne sera jamais un aliéniste. Aujour-

d'hui les diverses branches de la médecine ont pris un déve-

loppement tel que pour acquérir une valeur quelconque, il est

absolument indispensable de se spécialiser. Voilà pourquoi, à

Paris, les médecins des hôpitaux refusent systématiquement

les consultations de chirurgie et les chirurgiens les consulta-

tions de médecine; chacun reste dans sa sphère. Cette division

du travail scientifique est devenue de nos jours la condition

indispensable du savoir et du progrès.

Certes le Dl' Dubief a raison quand il dit qu'il faut à l'alié-

niste de solides connaissances en médecine générale, mais ces

connaissances sont tout aussi indispensables en chirurgie.

L'erreur de mon savant ami est de croire que pour les acquérir

il faille courir la clientèle; de même que le chirurgien arrive à

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 221 1

les posséder en ne s'occupant jamais de médecine, de même le

médecin d'aliénés les aura en se consacrant exclusivement à la

pratique des maladies du système nerveux. D'ailleurs, même

en consacrant six à huit heures par jour, en dehors du temps

dû aux malades confiés à ses soins, oui, je dis six à huit heures,

c'est à peine s'il arrivera, et encore à la condition de lire cou-

ramment l'allemand, l'anglais et l'italien, à s'assimiler tout ce

qui se publie dans cette branche des sciences médicales, d'au-

tant plus touffue qu'on n'est un bon aliéniste qu'à la condition

d'être un bon neurologiste, et à rédiger ses constatations per-

sonnelles ainsi que les idées qu'elles lui suggèrent. Comment

le D'' Dubief veut-il qu'il trouve le temps de courir la ville et de

monter les étages afin de voir le nombre considérable de

clients qu'il est nécessaire, en province, de visiter pour gagner

sa vie, clients étrangers à sa spécialité et, par conséquent, sans

profit pour lui, car, sauf à Paris, je doute qu'une clientèle

exclusive du système nerveux suffise, même dans les très

grandes villes, à faire vivre son homme. Du moins la pratique

du médecin et du chirurgien profite à sa science, tandis que la

clientèle ordinaire absorberait l'aliéniste sans aucun profit

pour son art.

Si le système préconisé par le no Dubief était adopté, il n'au-

rait donc pas seulement le tort de créer dans le même service

deux catégories de fonctionnaires, ce qui est toujours regret-

table, il obligerait tous les aliénistes de quelque valeur, dési-

reux de se consacrer entièrement à l'étude des maladies men-

tales, à rester toute leur vie dans les petits centres afin d'avoir

le loisir de travailler et de n'être point obligés de courir le

client pour vivre. Il n'y aurait pas en province, dans les grandes

villes et les milieux d'enseignement un seul aliéniste de

quelque valeur.

Mais il y a plus, il y a qu'une telle organisation met l'alié-

niste dans l'impossibilité matérielle de soigner convenable-

ment les aliénés. Tout d'abord il y a des chances pour que le

service de l'asile soit chose secondaire aux yeux de ce médecin

à la tête d'une belle clientèle et qu'il se borne à y faire le

plus souvent le matin une visite dite à la vapeur. Mais fùt-il le

fonctionnaire le plus consciencieux, qu'obligé de consacrer son

temps à ses clients de la ville il n'aurait pas celui de con-

naitre ni d'étudier à fond ses aliénés. C'est que l'observation et

le traitement de ces malades n'ont rien de commun avec

222 ri asiles d'aliénés.

l'examen et la thérapeutique des malades ordinaires. Arriver

à établir un diagnostic sûr en aliénation mentale, connaître

à fond son sujet et trouver les moyens appropriés à son cas,

demandent non pas seulement des heures, mais des jours et

parfois des semaines. Cela est si vrai qu'on, ne parvient à bien

connaitre et à bien soigner les aliénés qu'à la condition de

vivre avec eux. Le médecin a vite fini de diagnostiquer le mal

de son malade et de lui indiquer le remède qui le guérira; il

verra des douzaines de clients avant que l'aliéniste, lui, soit

arrivé à entrevoir la vérité sur un seul cas, car il approfondit

non pas seulement le présent, mais encore le passé depuis la

naissance et se renseigne non pas seulement sur le malade mais

encore sur toute sa famille. Le Dr Dubief parait avoir oublié

ces choses essentielles qui sont pour nous des lieux communs,

mais qu'il importe de rappeler et de rappeler en insistant afin

de les apprendre aux législateurs chargés de voter la loi.

A mon avis il est si essentiel que l'aliéniste consacre tout

son temps aux aliénés confiés à ses soins que, à l'inverse du

Dr Dubief, je demande que la clientèle, en dehors des cas de

sa spécialité, lui soit formellement interdite et qu'il soit tenu

à la résidence diurne, afin de vivre avec ses malades, et de les

revoir l'après-midi encore plus complètement qu'il ne les a

vus le matin. Je crois à la nécessité non seulement d'une

longue visite matinale effectuée à heure fixe afin de donner

l'exemple de l'exactitude et d'assurer régulièrement le service

de la pharmacie et de la cuisine, mais encore d'une contre-

visite effectuée, celle-là, à l'improviste et en débutant tantôt

par une section et tantôt par une autre. Aussi autant je trouve

inutile la résidence la nuit, autant je la juge indispensable

le jour. On voit combien je diffère d'opinion à cet égard avec

le Dr Dubief. Toutefois ici encore je dois dire que des explica-

tions que m'a fournies mon savant ami l'assimilation ne s'éten-

drait pas au traitement, elle ne porterait que sur le logement

et les avantages en nature. Dans les grands centres les alié-

nistes seraient payés sur le même pied que les autres, seule-

ment ils ne seraient pas tenus à la résidence et seraient privés

des avantages qui y sont attachés. Mais encore une fois non

seulement cela n'est pas spécifié, mais il est parlé au contraire

dans l'exposé de motifs d'une assimilation complète .avec les

médecins des hôpitaux; nous sommes donc fondés, par mesure

de précaution, à formuler toutes les critiques qui précèdent.

LE PERSONNEL DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS. 223 3

Telles sont sur l'organisation du personnel des services

publics d'aliénés, personnel supérieur et personnel secondaire,

personnel médical et personnel administratif, les idées que

me suggèrent une expérience longue déjà hélas ! de plus de

vingt-trois ans, et la pratique de neuf établissements tant en

province qu'à Paris. Qu'on réunisse les services dans les petits

asiles puisqu'il y a là une grosse économie qui n'est pas négli-

geable et qu'assez nombreux sont les aliénistes que fascine le

panache directorial, mais que la division soit de droit dans les

grands asiles avec un médecin en chef secondé par deux

internes pour 300 aliénés et la subordination du service admi-

nistratif au service médical, comme cela se pratique aujour-

d'hui dans les hôpitaux militaires depuis la bienfaisante

réforme qui a remis l'intendance à sa place; qu'on ne laisse

pas exclusivement aux préfets dont les choix sont d'ordinaire

détestables, dictés qu'ils sont par les seules influences locales,

les nominations des pharmaciens, des économes, des rece-

veurs, des secrétaires et des surveillants en chef; enfin que le

directeur et les médecins soient les maîtres absolus de leur

personnel secondaire, et on aura réalisé d'utiles réformes.

Aussi ai-je le regret bien vif de n'être pas à la Chambre le

collègue de mon savant ami pour défendre, plus efficacement

que dans un journal scientifique, quelque grande que soit sa

notoriété, ce qui seul, à mon avis, assurera le traitement des

aliénés.

Xote de la rédaction. - Tous nos collaborateurs ont la faculté

d'exposer librement leurs opinions. Sur un grand nombre de points

nous sommes d'accord avec M. \tarandon deMonfhyel; sur d'autres

nous faisons des réserves.

D'une façon générale, nous estimons que l'organisation de nos

établissements hospitaliers est fout à fait défectueuse. Le rôle du

médecin y est secondaire alors qu'il devrait être prédominant. Les

directeurs-administrateurs n'ont aucune connaissance de l'hygiène

d'où l'état déplorable des hôpitaux au point de vue de l'hygiène :

mélange des fiévreux et des blessés, des contagieux et des non

contagieux, cabinets d'aisances infects, absence de lavabos et de

tous les appareils qui servent aux soins spéciaux; bains et douches

nuls ou installés dans des conditions absurdes; services mortuaires

insuffisants, honteux ; services des vénériens et des vénériennes

anti-humains, etc., etc. Pour remédier à un semblable état de

choses, indigne d'un gouvernement républicain démocratique, il

faut des hommes compétents, connaissant à fond l'hygiène et au

224 asiles d'aliénés.

courant de tout ce qui se fait partout au point de vue de l'assis-

tance.

Ce que nous disons des hôpitaux s'applique à plus forte raison

aux asiles d'aliénés où tout doit aboutir encore davantage aux

malades, y compris le travail. Nous persistons dans l'opinion que

nous avons si souvent exprimée : asiles de 500 malades, mixtes,

dirigés par un médecin-directeur, assisté d'un médecin-adjoint-

véritable auxiliaire - et de deux internes.

Quant aux grands asiles, asiles pathologiques, ils sont destinés,

nous le craignons, à toujours mal fonctionner. Tant que nous l'avons

pu. nous avons essayé de maintenir les asiles de la Seine, très bons

à l'origine, gâtés depuis par des adjonctions successives, entre les

mains des médecins. Nous n'avons pas été suffisamment soutenus

dans cette campagne. Peut-être conviendrait-il d'appliquer l'idée

que nous avions fait prévaloir avec Herold, à la commission admi-

nistrative qui avait été chargée de l'étude des améliorations il

introduire dans la loi du 30 juin 1838 : le directeur remplacé par

un préposé ou un administrateur dans les grands asiles et ces

grands asiles administrés par une commission composée des

médecins, du pharmacien, de l'administrateur et de l'économe.

M. Marandon de Monthyel fait une allusion ironique au concours

de l'adjuvat qui manque de candidats. Les faits ne justifient pas

sa remarque. Le nombre des candidats serait en effet plus consi-

dérable s'il n'y avait pas de concours : quantité de médecins n'hési-

teraient pas à se présenter. Le concours a pour premier résultat

d'éliminer les candidats qui ne sont pas prêts à faire preuve publi-

quement de leurs connaissances.

Si le nombre des concurrents n'est pas plus grand, la faute

en est au Ministère de l'Intérieur dont les bureaux n'ont accepté

qu'à regret l'institution du concours; aux ministres qui se sont

succédé et qui, en nommant des directeurs qui n'avaient jamais

subi aucun concours, qui n'avaient aucune expérience des asiles et

des aliénés, ont causé préjudice aux médecins nommés à la suite

de plusieurs concours, et ont découragé beaucoup d'anciens

internes qui, voyant que le concours ne leur assurait aucune

sécurité pour leur avenir, se détournent des concours. En agissant

comme ils l'ont fait, les ministres de l'intérieur, auteurs de ces

nominations, se sont montré sin jus les etontca usé un réel préjudice

aux malades et à la science mentale. B.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

IX. Accidents nerveux causés par l'intoxication goutteuse (acide

urique). (On the HO'uoMS a(feetions caused by the poison of

gout) ; par David INGLIs. (Médecine Détroit, février 1896.)

Les nombreux poisons, toxines, alcaloïdes, résultant de la diges-

tion constituent pour l'organisme une menace d'intoxication

constante et Darwin, frappé de ce fait, disait : a C'est un miracle

que nous puissions vivre. » Le mieux connu de ces poisons est

l'acide urique. On a cru longtemps qu'il résultait du travail muscu-

laire ; mais il résulte surtout de l'alimentation carnée.

Son dosage dans l'urine n'indique que la quantité qui en est

excrétée ; or, les effets toxiques de l'acide urique, comme de tout

poison, dépendent de la quantité qui en est retenue, et non de

celle qui est excrétée.'

L'acide .urique se dissout dans le sang alcalin et s'élimine par

les reins. Mais qu'il vienne à s'accumuler et à imprégner les tissus

c'est alors qu'on observe ses effets toxiques. Les effets du poison se

traduisent beaucoup plus souvent par des accidents portant sur le

système nerveux que par l'attaque de goutte. Ces accidents sont

très variés, étant donné que le poison imprègne le système nerveux

en entier. Les palpitations que l'on observe chez des sujets vigou-

reux n'ont souvent pas d'autre cause.

Ces palpitations, au lieu d'augmenter par l'effort comme celles

qui se montrent sur un coeur affaibli, ont pour caractère d'être

continuelles ou de se montrer sans cause, quand il s'agit d'un coeur

vigoureux. Il suffit souvent de modifier le régime de ces individus

pour faire disparaître ces palpitations, alors que la digitale ne pro-

cure aucun résultat.

Ou peut voir éclater des accidents d'angine de poitrine, sous l'in-

fluence de l'intoxication urique. L'acide urique dissous dans le sang

a pour effetde provoquer la contraction desarlérioles; il en résulte

une hypertension artérielle et une hypertrophie cardiaque, par

suite des efforts imposés au myocarde.

Certaines céphalagies et migraines relèvent de la même cause.

L'action de l'acide urique sur le cerveau peut produire certaines

formes de dépression mentale (hypocondrie, mélancolie). Il arrive

souvent que le malade placé dans un asile s'améliore, grâce au

changement de régime, ou la viande est réduite. Il n'est pas jus-

Archives, 3' série, t. IV. 15

226 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

qu'à l'épilepsie que l'acide urique ne puisse produire; et quand

l'épilepsie se montre après trente ans, il faut songer à cette

intoxication.

L'auteur admet enfin que certains cas d'apoplexie où l'autopsie

ne révèle aucune lésion, seraient dus à une intoxication urique

suraiguë, le sang devenu soudain plus alcalin dissoudrait une

grande quantité d'acide urique. On peut grouper dans le même

ordre de faits certains cas de paralysies transitoires.

La connaissance de ces faits a une grande importance pratique.

En effet, si l'on reconnaît la nature trop souvent méconnue de ces

accidents, il devient facile de les combattre. Il suffit souvent de

modifier le régime du malade. Et, à ce propos, l'auteur fait la

critique de l'alimentation carnée, dont l'abus fait de nombreuses

victimes. L'adulte qui a acquis sa croissance a besoin de peu de

viande. L'abus de la viande impose un surcroît de travail au foie

et aux reins, en même temps que l'accumulation d'acide urique

provoque des accidents. L'ouvrier enrichi tend à subir l'intoxica-

tion goutteuse pour une double raison : d'abord parce que le

repos ne lui permet pas d'éliminer ses principes toxiques comme

le fait le travail, ensuite parce que le bien-être le porte à la bonne

chère. P. RELLEY.

X. Contracture HYSTÉRIQUE CHEZ une FILLETTE DE ONZE ANS. INTÉRÊT

du diagnostic ; par Byron BRAINLL. (EdinbÓU1'gh Med. Journal,

février 189 i.)

Ce cas fournit à l'auteur l'objet d'une leçon clinique où abon-

dent d'intéressants points de pratique. L'enfant est amenée par ses

parents à l'hôpital, parce que depuis deux ans elle ne peut mar-

cher et se plaint en outre de douleurs dans le dos. La première

idée qui vient à l'esprit est celle d'une compression de la moelle

par mal de Pott probablement. Mais l'enfant mise debout présente

une attitude assez spéciale. Elle se tient bien sur la jambe droite

mais à gauche la cuisse est fléchie sur le bassin, le pied est retourné

en varus. 11 y a dans tout ce membre une contracture énergique.

La hanche est inlacte. Il ne s'agit pas là de paralysie. D'ailleurs

l'examen du rachis reste négatif. L'examen de sensibilité révèle

une anesthésie complète dans ce membre ; l'enfant ressent au

niveau du dos les sensations provoquées au niveau du membre.

Partout ailleurs, la sensibilité est normale. Ainsi, cette enfant pré-

sente une perte du mouvement et de la sensibilité dans le membre

inférieur gauche.

L'auteur discute avec détails le diagnostic de l'affection. Une

lésion de la moelle peut-elle produire ce syndrome ? Non.

Une lésion unilatérale de la moelle produirait la paralysie du

même côté- et l'anesthésie du côté opposé. Il faut remonter au

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 227

cerveau pour voir une lésion de la partie postérieure de la capsule

interne atteindre les fibres motrices et sensitives du côté opposé.

Encore pareille lésion ne produirait-elle pas de contracture et pas

d'aneslhésie si limitée. On peut donc exclure toute lésion nerveuse

organique. Il s'agit de contracture hystérique.

A ce propos, l'auteur fait observer combien il faut être réservé

quand on porte le diagnostic : hystérie, et éviter de croire et de

laisser croire que l'hystérie est seule en jeu. Souvent en effet,

l'hystérie masque une lésion organique à laquelle elle est associée.

Après avoir reconnu l'hystérie, un examen de tous les organes

s'impose pour s'assurer s'il n'y a pas autre chose; le pronostic en

dépend. Dans le cas particulier même, il ne faut pas se hâter de

conclure, car un mal de Pott pourrait réellement exister concur-

remment à l'hystérie. Les accidents hystériques disparaissent brus-

quement. Ils cèdent plus facilement chez les jeunes sujets, car on

s'empare facilement de leur volonté. Le but du traitement est en

effet d'agir sur le moral du sujet.

Weir Milchell, pour traiter l'hystérie, a recours à quatre élé-

ments : isolement, suralimentation, massage, électrisation. Les

courants faradiques agissent plus efficacement. L'enfant fut sou-

mise à ce traitement : en trois ou quatre jours, elle marchait très

bien, ce qui confirmait absolument le diagnostic. P. RELL1Y.

XI. Un C\S DE paralysie du trijumeau ; par W.-R. GOwrRS.

(Edillbourgh Médical Journal, janvier 1897.)

L'auteur rapporte l'observation détaillée d'une femme de qua-

rante-cinq ans qui présente une paralysie complète et isolée du

trijumeau, sans autres accidents. C'est là un fait sinon unique, au

moins très rarement observé.

La malade n'offrait rien de particulier dans ses antécédents.

L'affection a débuté brusquement à l'âge de trente-trois ans. La

malade se réveille une nuit en proie à une sensation de brûlure

dans le côté droit de la face, et s'aperçut en même temps que

cette région restait insensible.

Gowers, qui vit la malade dès le début, constata en effet une

anesthésie absolue sur tout le territoire du trijumeau à droite,

tant sur la peau que sur les muqueuses (conjonctive, muqueuse

buccale et nasale)..

En outre, le goût était aboli sur la moilié droite de la langue.

Les muscles masticateurs de ce côté étaient paralysés. Les mouve-

ments' de la langue et du voile conservés; pas de paralysie des

muscles de la face ni de l'oeil. Tout se bornait donc à une paralysie

sensitive et motrice du trijumeau droit.

Les troubles du goût observés portent l'auteur à admettre que

les sensations gustatives gagnent le cerveau par la cinquième

228 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

paire ; la corde du tympan rejoindrait le trijumeau par le ganglion

sphéno-palatin. Quelque temps après, Ja sixième paire fut

atteinte et il survint une paralysie du muscle droit externe. Le

diagnostic de la lésion causale est difficile.

Elle doit intéresser le trijumeau à sa racine, car on n'observe

pas de troubles oculaires trophiques comme dans les lésions du

ganglion de Gasser. La sixième paire passe près de l'origine de la

cinquième paire ; rien d'étonnant qu'elle soit intéressé par le

même processus. En raison de la rapidité d'apparition de la para-

lysie il y a lieu de croire qu'il s'agit d'un processus aigu, tel

qu'une inflammation locale. Mais sa nature reste obscure. Le

malade n'a pas eu la syphilis.

L'auteur analyse ensuite quelques symptômes accessoires obser-

vés chez sa malade. L'odorat était aboli à droite. Cette perte de

l'odorat tient aux altérations de la muqueuse nasale, causées par

la paralysie du trijumeau. L'ouïe était aussi un peu diminuée, ce

qui tient à des altérations analogues dans l'oreille moyenne. Les

muscles de la face étaient parésiés : ils ont besoin en effet de l'ac-

tion trophique du trijumeau.

Aujourd'hui, seize ans après le début des accidents, l'état de la

malade est le même : elle conserve une paralysie totale et isolée

du trijumeau. On note cependant que les troubles gustatifs sont

moins prononcés qu'au début. Il est peu probable que les fibres

détruites aient retrouvé leur fonction. 11 est plus probable qu'elles

ont été remplacées par quelques filets du glossa-pliaryngien. Il y

aurait là une analogie avec les phénomènes bien connus de sensibi-

lité récurrente. P. RELLAY.

XII. SUR LE zona, A PROPOS D'UN cas avec éruption généralisée;

par Alex. HASLUND.

L'auteur a observé, dans son service d'hôpital, un cas de zona

dorso-abdominal chez une femme, âgée de cinquante-neuf ans. -

On trouva simultanément sur toutes les régions de la peau, une

grande quantité de vésicules d'herpès isolées, de date un peu plus

fraîche que les vésicules du zona. Il fut également constaté la pré-

sence de vésicules sur les muqueuses du palais et de la langue.

On pouvait parler à juste titre d'une efflorescence universelle,

comme dans les deux uniques cas de la même espèce que l'auteur

a trouvés dans la littérature, communiqués par Lipp etWasielewski.

M. Haslund estime que ces cas, de même que a les vésicules aber-

rantes » (Tenneson), ne peuvent pas s'expliquer à l'aide de l'hypo-

thèse de la pathologie du zona émise par V. Barensprung, et il

pense qu'ils militent en faveur de la conception du zona comme

maladie infectieuse aiguë, quand on les rapproche des autres points

d'assimilation que la maladie possède avec les fièvres exanthéma-

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 229

tiques, savoir la marche de toute la maladie, l'immunité acquise,

l'apparition épidémique, etc. (Nordiskt 1r[edicinskt Arkiv, 1897,

Bd. VU.)

XIII. ACROMÉGALIE AVEC GOITRE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE ;

par Georges MURRAY. (Edinbo1tl'gh 11/ed. Journal, février 1897.)

Dans l'un des cas, il s'agit d'une femme de soixante-trois ans,

atteinte d'un goitre kystique simple, qui a débuté à l'âge de treize

ans. Elle présente en outre des signes d'acromégalie, qui ont évolué

lentement : le nez, la lèvre inférieure, la langue, les mains ont un

volume considérable.

L'autre cas concerne une femme de trente-sept ans. Le goitre

s'est montré chez elle à l'âge de douze ans, il a diminué de volume

par la suite. Depuis cinq ans, elle éprouve des maux de tête et

accuse une asthénie profonde. Elle est très amaigrie ; son acromé-

galie n'en est que plus frappante. Le nez, les lèvres sont épaissis.

Les mains sont énormes. Les signes de la maladie de Basedow

(goitre, exophlalmie, tachycardie (130), sueurs, tremblement) sont

au complet. Le diagramme des mains obtenu par les rayons

Roentgen fait voir que les phalanges sont épaissies, mais que les

métacarpiens n'ont pas leurs épiphyses soudées. Il est difficile de

s'expliquer cette absence de soudure dans une affection où la for-

mation du tissu osseux est exagérée. On peut penser qu'une autre

cause que l'acromégalie est intervenue vers l'âge de vingt ans, âge

où la soudure s'opère.

L'auteur rappelle que Lancereaux a rapporté trois cas d'acromé-

galie avec maladie de Basedow. Dans deux de ces cas, la glande

pituitaire était hypertrophiée. Ne peut-on pas rattacher l'acromé-

galie à une sécrétion exagérée ou viciée de la glande pituitaire,

comme on rattache le goitre exophtalmique à une altération de

sécrétion thyroïdienne ? A ce point de vue, la coexistence des deux

affections offre un grand iutérêl, car elle fait soupçonner qu'une

cause commune agit sur les deux glandes à la fois (corps thyroïde

et glande pituitaire) et fait que chacune manifeste ses altérations

par des symptômes propres. , P. RELLAY.

XIV. L'automatisme alcoolique; par le or LENTZ. (JoulnzaldeNe2lTO^

logie et d'Hypnologie, n° 3, 1897.)

A côté des automaslismes épileptique, hystérique, neurasthé-

nique etc., M. Lentz démontre dans ce travail qu'il y a lieu de faire

une place à part pour l'automatisme alcoolique. Comme ses con-

génères, cet automatisme débute brusquement et se termine par un.

état de sommeil et d'épuisement plus ou moins profond toujours

suivi d'une amnésie absolue ou tout au moins très accentuée.

230

REVUE DE pathologie NERVEUSE.

XV. Troubles amnésiques DE l'écriture ; par F. MAACK.

(Cenlralbl. f. Nervenheilk., XIX, KF. vu, 1896.)

Il n'y a de troubles amnésiques de l'écriture que quand, le méca-

nisme de la parole et de l'écriture étant intégralement intact, il

existe un affaiblissement de la mémoire ayant altéré le fonction-

nement du mécanisme graphique.

En dehors de cetteagraphie amnésique, toutes les autres formes de

l'agraphie, irréductibles, méritent les noms de : motrice ou sen-

sorielle (optique ou acoustique) et peuvent être désignées par les

adjectifs : corticale, sous-corticale, trans-corticale, de conductibilité

(Wernicke). Ainsi il y a agraphie corticale sensorielle lorsque, dans

le lobe occipital, il y a destruction des images commémoratives des

signes visuels de l'écriture; c'est en ce cas qu'il y a perte de la

faculté de copier, tandis que le malade peut encore écrire sous la

dictée, le dépôt des images phonétiques étant demeuré intact dans

le lobe temporal; il peut, par suite, encore écrire, même spontané-

ment ; le centre moteur de l'écriture n'est pas lésé.

Voici un nouveau plan du mécanisme de la parole et de l'écri-

ture :

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 231

geichgùltig au lieu de gleichgûltig ; il omet des lettres ou des frag-

ments de lettres et de syllabes, des signes diacritiques, comprend

très bien ce qu'on lui dicte et ce qu'il écrit, a conscience qu'il

écrit vicieusement et peut corriger.

2° Peut-il écrire ce qu'il voit, notamment les lettres ? peut-il copier ? Y

Il fait aussi des omissions, mais copie mieux, qu'en écrivant sous

la dictée, quoique aussi très lentement. Il faisait par exemple

18 p. 100 d'erreurs tout à l'heure; en copiant, il n'en fait que

10 p. 100. Notons qu'il épelle toujours en écrivant comme en lisant.

S'il copie relativement bien, cela tient au' modèle qui lui sert de

repère et qu'il examine par tous les points en faisant aller la tête

çà et là; il s'applique avec le plus grand soin.

- 3° Peut-il écrire spontanément ? On constate des omissions iden-

tiques, bien qu'il comprenne ce qu'il a écrit. De l'alphabet il écrira

correctement les 5 premières lettres et mal les suivantes, mettra

7 minutes an lieu de 7 secondes à écrire 16 lettres qu'il énoncera

assez bien. Ecrira bien les nombres en série et aussi sous la dictée,

quant aux unités et aux dizaines; sinon, dictez-lui mille huit cent

quatre-vingt-quinze, il alignera 1000 800 95; dictez dix-huit cent

quatre-vingt-quinze, il consignera 1800 95. Additionset soustractions

écrites et orales des petits nombres correctes.

La constatation du dysgrammatisme, avec tremblement méca-

nique, l'omission, principalement dans l'écriture sous la dictée, de

lettres qui ne sont pas toujours les mêmes, avec pleine conscience

de cet état par le patient et parfaite intelligence des lettres omises,

parfaite compréhension du mot écrit et de l'objet qu'il désigne,

impliquent le diagnostic d'agrnphie amnésique partielle. Il n'existe

aucun trouble de la parole, mais l'oubli des événements récents et

des phases de son travail, chez un homme de soixante-dix-huit

ans atteint de tremblement, sans ataxie, complète la nature du

trouble, c'est une amnésie sénile.

Si l'on voulait, termine l'auteur, compléter l'analyse de la patho-

graphokinésie, il faudrait rechercher des quatre éléments psycholo-

giques du mécanisme (corticomoteur) de l'écriture par l'examen

de : 1° la direction du mouvement de la pointe de la plume (atti-

tude, orientation de l'écriture); - 2° la longueur du trait de la

plume (durée de la direction); - 3° largeur du trait de la plume

(pleins, déliés); - 4° l'interruption du mouvement de la plume

(pauses); mais en tenant compte des moyennes mesures propres à

la majorité des individus normaux. P. IFeavnL.

XVI. DE L'HÉMIANOPSIE ET DE L'OPHTtIAmOPLÉGIE unilatérale d'origine

vasculaire; par G. ROSSOLIrO. (Neurolog. Ce71tralbl., XV, 1896.)

Les branches terminales de l'artère basilaire servent à alimenter -

les appareils optiques de l'encéphale et, en particulier, la pointe

232 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

du lobe occipital, le coin, la circonvolution linguale, le pulvinar,

les tubercules quadrijumeaux supérieurs par l'artère profonde du

cerveau, l'artère optique interne postérieure, l'artère pédiculo-

géminée); -puis, les noyaux et racines de l'oculomoteur commun

(artère du noyau de l'oculomoteur, artère pédonculaire interne).

(Alezius etd'Astros 1894; Shimamura 1894.)

A l'aide d'une observation complexe et parfaitement étudiée,

appuyée par l'autopsie et l'examen microscopique, et rapprochée

d'un cas plus simple, M. Rossolimo conclut ainsi :

la L'artère cérébrale postérieure alimente l'appareil central optique et

oculomoteur du même côté; ses terminaisons principales fournissent à

l'écorce et à la substance blanche du lobe occipital, de la pointe de celui-

ci, du coin, de la circonvolution linguale. Les quatre brandies qui se

détachent tout près du point de la division de l'artère basilaire alimen-

tent le centre optique du pulvinar et les noyaux, ainsi que les racines,

de l'oculomoteur commun dans l'étage inférieur du pédoncule cérébral.

- 2o Les conditions de nutrition sont les mêmes pour les' segments

externes du noyau de l'oculomoteur commun et les trousseaux radiculaires

latéraux : dans les mêmes conditions se trouve la nutrition des segments

internes et médians du noyau et des libres radiculaires. - 3° Les

artères : pédonculaire interne ; du noyau de l'oculomoteur commun ;

optique interne postérieure sont des artères terminales. L'artère pédon-

culogéminée s'anastomose avec d'autres systèmes. - 4° L'altère pédon-

culaire interne accompagne de ses ramifications les trousseaux radicu-

laires - b' La distribution de chacun des noyaux de la troisième paire

concorde presque tout à fait avec le schéma de Saluer et Pics ; la seule

différence est. que le noyau qui commande à l'élévateur de la paupière

doit être un peu en dedans du noyau du droit supérieur,' quoique immé-

diatement à côté de lui. - 6° Il en est de même pour les fibres radicu-

laires ; les faisceaux latéraux sont destinés au droit supérieur et à

l'oblique inférieur ; 'les faisceaux médians, au droit interne, au droit

inférieur, à l'élévateur de la paupière. - 7° Les fibres qui unissent le

droit interne d'un côté avec le noyau du droit externe de l'autre côté,

paraissent occuper les parties latéro-antérieures du faisceau longitudinal

postérieur, sur le côté du noyau de l'oculomoteur commun ; elles ne

passent de l'autre côté qu'au niveau du noyau de l'oculomoteur externe.

P. KERAVAL.

XVII. Contribution LA pathologie DES paralysies DU plexus brachial;

par P. Sciiuster. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)

Observation caractérisée par l'existence d'une paralysie complète

de tous les muscles du bras et de presque tous les muscles de

l'avant-bras. Les muscles complètement paralysés correspondent

aux nerfs : sus-scapulaire, sous-scapulaire, du grand dentelé, des

deux pectoraux, axillaire, musculo-cutané, radial, médian, cubital ;

il existe des troubles correspondants de la sensibilité. Les six pre-

mières branches sont atteintes dans leur totalité ; le radial est affecté

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 233

dans sa plus grande partie ; le médian et le cubital ne le sont que

partiellement. La comparaison des troubles de la sensibilité et de

la motilité permettent d'éliminer une affection spinale; mais les

accidents portent en eux le caractère dégénératif. C'est évidemment

le plexus brachial qui est pris; il est pris par un foyer qui englobe

tous ces nerfs, en en respectant certaines zones et cela, dès le début

de la maladie. Il y a là une sorte de mélange du type Erb avec

celui de Klumpke. Après une étude minutieuse des racines et fibres

d'après le tableau de Féré, M. Schuster croit à la destruction des

o<= et 6° racines cervicales et à la co-parlicipation assez notable de

la 7° racine cervicale.

Il tend également à penser que 1° les fibres sensitives du médian

destinées à la face palmaire du pouce sont à l'origine séparées de

celles du même nerf destinées aux autres droits. Celles destinées

au pouce et à l'index viendraient, comme le veut Hoedemaker des

Se et 6e racines cervicales; 2° le court extenseur du pouce tire ses

fibres de racines plus profondes que de la 7e cervicale : 3° les bran-

ches cutanées destinées à la face dorsale des deux dernières pha-

langes des doigts paraissent courir simultanément n'importe où

dans les racines. P. 11ER1V1L.

XVIII. Contribution A la connaissance des névroses EMETIQUES RÉ-

FLEXES (n¿m'oses du pneumogastrique) ; par GnOEui'NER. (1\'curoloy.

Centralbl., XV, 1896.)

Le vomissement réflexe provient d'excitations périphériques

allant frapper certains centres réflexes bulbaires. Ces derniers

peuvent être directement actionnés par des agents nocifs; ainsi,

dans les affections cérébro-spinales, dans 1'liv-térie, la neuras-

thénie,le goitre exophthalmique. Le vomissement réflexe d'origine

périphérique a pour agents excitateurs, le tube intestinal, les

organes abdominaux, les organes sexuels de la femme ; plus rare-

ment les affections respiratoires. Voici un cas dans lequel l'excita-

tion est partie des organes des sens, la vomiturilion ayant été

précédée d'ailleurs des besoins d'uriner et de déféquer.

Il s'agit d'un homme de trente-quatre ans, de famille nerveuse

qui, à la suite d'excès de tabac, se sentait des envies de vomir pour

les motifs des plus différents : un enchinrènement, des faux-cols

gênants, l'action du soleil, une chambre chaude. Une envie

d'uriner modérée, un besoin d'aller à la selle, des gouttes de pluie

ou quelque saleté tachant ses lunettes concaves, rendent la vomi-

iurilion particulièrement pénible. Parfois l'envie de vomir le prend

avant qu'il ait le temps de se rendre compte quelle en e-lla cause ;

il essuie ses lunettes, se rend à la garde-robe et la vomiturition

disparait. Cette infirmité n'existe pas quand il a solidement vécu,

sans cependant qu'il fasse d'excès. L'exagération de l'activité car-

234 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

diaque et l'augmentation de la pression du sang et des mouvements

respiratoires complètent le diagnostic. Le vomissement réflexe a

disparu sous l'influence d'une cure à Nauheim. P. 1lER.wAL.

XIX. DE la parésie PSEUDOSPASMODIQUE d'origine TRAUM\TIQUE avec

tremblements ; par FUERSTNEft. - Id.; par Nonne. (NPtl9'OlOI ? Cen-

trait., XV, 1896.)

Il s'agit d'accidents permettant d'abord de redouter une affec-

tion organique, mais en réalité purement fonctionnels. Ce sont

surtout des spasmes et tremblements musculaires avec paralysies.

Les phénomènes paralytiques souvent généralisés se localisent

bientôt et s'atténuent; le tonus exagéré et permanent des muscles

qui croît spontanément et pendant les essais de mouvement actifs

et passifs des sujets, peut cependant être neutralisé ou augmenté sous

une influence psychique. Les secousses du tremblement, excessives

à l'occasion des mouvements volontaires, sont aussi très mobiles.

Il en est de même du clonus à la flexion dorsale qui varie d'un

moment à l'autre, est alternativement rythmé *ou irrégulier, et

n'aboutit point à la contraction paradoxale. Les douleurs mobiles

dans le dos, avec intégrité de la sensibilité; la conservation de la

vessie et du rectum ; l'installation brusque et la soudaine dispari-

tion des symptômes modifiés, comme on l'a déjà dit par l'action

psychique ; enfin la démarche qui n'est celle d'aucune des affec-

tions organiques cérébro-spinales, confirment le caractère purement

fonctionnel de ce complexus morbide en apparence si grave.

M. Fuerstner en donne deux observations caractéristiques. M. Nonne

en fournit sept. Il en tenté la nosographie.

- Généralement la blessure intéresse le tronc, surtout le dos seul

ou concurremment avec d'autres parties du corps, ce qui explique

les douleurs sacrées ou thoraciques. Il s'agit d'individus du sexe

masculin dans la force de l'âge, sans lares, jusque-là bien portants.

C'est quelques jours ou quelques mois après l'accident que se pro-

duit le complexus symptomatique moteur (affaiblissement des

membres inférieurs - tremblement progressif surtout intentionnel

- secousses à des degrés variables - tendance à la contracture -

diminution de la force musculaire sans atrophie - démarche aty-

pique). Les troubles sensitifs, ou, bien sont nuls, ou bien sont ceux,

soit de l'irritation spinale, soit des grandes névroses. Comme dans

ces dernières, polyurie et tachycardie. Réflexes tendineux et

cutanés, vifs mais normaux. Bien aux sphincters. Sens génital

diminué mais non disparu. Clonus à la flexion dorsale du pied

ainsi qu'il a été dit plus haut. L'affection, pour être fonctionnelle,

n'en est pas moins chronique et généralement incurable : un seul

cas de guérison au bout de deux ans.'Le plus habituellement il

persiste de l'hypertonie musculaire. P. KERAVAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

DE LANGUE FRANÇAISE

(TOULOUSE, 1897.)

Le lundi 2 août a été ouvert à Toulouse, le Congrès des médecins

aliénistes et neurologistes des pays de langue française, dans la

salle des illustres du Capitole. On devait inaugurer les bustes de

Pinel et d'Esquirol, bustes absents d'ailleurs. Sur une estrade,

installée au-dessous du plafond peint par Henri Martin, avaient

pris place MM. Serres, Rilti, président du huitième Congrès des

aliénistes et neurologistes français; Landard, préfet de la Haute-

Garonne ; Labéda, doyen de la Faculté de médecine; Marty, secré-

taire général de la préfecture; Drouineau, inspecteur principal de

l'Assistance publique, délégué par le Ministre de l'Intérieur, et

Marveaux, médecin principal.

M. le D'' Ritti a pris le premier la parole et a retracé, en termes

éloquents, le rôle joué en médecine mentale par les deux aliénistes

célèbres, Pinel et Esquirol. Nous regrettons que les limites de ce

compte rendu ne nous permettent pas de. reproduire en entier le

discours du savant médecin de Charenton. En voici le résumé :

« Mesdames, Messieurs,

« La loi religieuse de l'Islam impose à tous ses fidèles la stricte

obligation de faire une fois au moins dans leur existence le pèle-

rinage de la Mecque, berceau de la religion, patrie du prophète.

S'inspirant de cette pratique pieuse, le Congrès annuel des méde-

cins aliénistes et neurologistes a voulu commencer son deuxième

septenaire en venant siéger au centre de ce Languedoc, un des

plus exquis joyaux de notre belle France, qui compte parmi ses

illustrations les deux fondateurs de la médecine mentale de notre.

siècle.

« Nous sommes ici dans la patrie de Pinel et d'Esquirol, et c'est

pour moi la satisfaction la plus douce, ce sera l'honneur le. plus

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

grand de ma vie d'avoir été choisi par mes pairs pour présider

cette huitième session dans cette ville de Toulouse, qui a vu naître

mon illustre prédécesseur à la maison de Charenton.

« Ce choix, dicté par un sentiment de délicate attention, dont

je suis profondément touché et reconnaissant, m'impose une obli-

gation à laquelle je me soumets avec d'autant plus de bonne

grâce qu'elle répond à un véritable besoin de ma nature, celui

de rendre justice aux grands esprits, nos maîtres et nos guides

dans la recherche de la vérilé. Non pas que je veuille prononcer

un panégyrique en règle de Pinel et d'Esquirol; mais il me semblé

que placer nos travaux sous les auspices de ces noms qui dominent

de si haut l'histoire de notre spécialité, ce serait pour eux une

garantie de succès. Et, de plus, n'est-ce pas le moyen le meilleur,

le plus digne, de reconnaître l'hospitalité si brillante de la grande

cité languedocienne, que de lui offrir notre tribut d'admiration,

de respect, pour leurs éminents compatriotes, initiateurs tous

deux dans le domaine du savoir comme dans celui de la bienfai-

sance ?

« Qu'il se signale dans la pensée ou dans l'action, « un grand

« homme est, selon la belle formule de l'éminent philosophe,

« M. Pierre Laffilte, celui qui résout pour les successeurs un pro-

« blème difficile, préparé par les prédécesseurs ». Telle est bien la

tâche que Pinel et Esquirol ont accomplie en médecine mentale.

« S'ils n'ont pas résolu définitivement le problème, à la fois si

redoutable et si complexe, de la folie - et le résoudra-t-on jamais ?

- ils édifièrent du moins, à l'aide des documents légués par la

tradition et de ceux puisés dans leur expérience personnelle, une

admirable synthèse provisoire, qui a servi de guide à plusieurs

générations d'aliénistes, dont nous sommes bien encore un peu

les tributaires.

« Observateurs d'une rare pénétration, le premier avec des

tendances philosophiques, le second plus clinicien, ils ont enrichi

la science d'acquisitions nombreuses et capitales, qu'ils portèrent

du premier coup à un rare degré de perfection.

« Est-il nécessaire de rappeler le remarquable mémoire de Pinel

sur la manie périodique ou intermittente, qu'il considérait déjà

comme une des aliénations les plus héréditaires ? N'est-ce pas lui,

aussi, qui, le premier, fit de la'craniométrie chez les aliénés ? En

étudiant les diverses' dimensions de leur crâne, en établissant la

fréquence des « défauts de symétrie », des « vices de conforma-

« tion de cette enveloppe osseuse dans l' « idiotisme originaire »,

il se trouve être le précurseur dans ces recherches sur les stig-

mates physiques de la dégénérescence qui ont illustré Morel et ses

élèves.

« Quant à Esquirol, qui n'admire l'incontestable originalité de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 237

ses travaux sur les hallucinations et les illusions, la merveilleuse

sagacité clinique dont il fait preuve dans son mémoire sur l'alié-

nation mentale des nouvelles accouchées et des nourrices ? Je

n'oublie pas cette étude sur l'isolement des aliénés, d'une analyse

si pénétrante, d'une logique très serrée, où la question est traitée

d'une façon si magistrale, si complète, qu'on n'y a presque rien

ajouté depuis l'année 1832, où elle a été communiquée à l'Institut.

« Mais avec cette puissance créatrice qui se manifestait en des

sujets si divers, avec cette acuité d'observation qui leur permettait

de fouiller les faits jusque dans leurs moindres détails, ces deux

grands esprits possédaient le talent rare de reproduire exactement

et fidèlement tout ce qu'ils avaient vu. Il y avait en eux de l'artiste,

du peintre : leurs descriptions de maladies mentales ressemblent à

ces grandes compositions où tout est sacrifié à l'ensemble; leurs

observations de malades sont, toutes, des tableaux de genre d'un

scrupuleux réalisme.

« Aussi la majorité des faits, dont leurs écrits sont parsemés,

ont-ils encore de l'actualité; vus il y a plus de soixante ans, ils

sont pour ainsi dire d'aujourd'hui et ne dépareraient certes pas le

plus moderne des traités de médecine mentale.

« Qu'on relise, pour s'en convaincre, ces observations si com-

plètes, si suggestives, de folie à double forme, de délire de persé-

cution avec idées de grandeur, de folie du doute avec délire du

toucher, même d'inversion sexuelle, dont Pinel et Esquirol ont

illustré leurs livres et qui en constituent la partie la plus vivante,

la plus durable.

« S'ils n'ont pas su les interpréter comme nous, s'ils n'en ont

pas tiré les conséquences que nous en tirons, c'est qu'il manquait

à la chaîne qui unit leurs théories aux nôtres toute une série d'an-

neaux intermédiaires que le temps et l'expérience ont seuls pu

forger. Tant il est vrai que le progrès de la science n'est pas le fait

d'une génération spontanée, mais d'une lente évolution.

« Ce qui n'empêche que ces grands esprits nous ont laissé nombre

de vues géniales, véritables éclairs projetés sur l'avenir, qui, sous

la forme aphoristique où elles sont exprimées, pourraient servir

d'épigraphes à bien des travaux récents.

« Tous ces germes d'idées, ainsi jetés à pleines mains dans les

écrits et dans l'enseignement des deux illustres penseurs, furent

recueillis avec soin, fécondés et développés par leurs élèves. En-

thousiastes du bien comme du vrai. Pinel et Esquirol surent com-

muniquer leur enthousiasme; ils firent école, et l'on vit se grouper

autour d'eux toute une phalange de disciples qui devaient porter

très loin et très haut les idées et la méthode qui leur étaient en-

seignées. -

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

t C'est le traitement vaguement présenté, mais à peine indiqué

par leurs prédécesseurs, qui constitue le plus grand titre de gloire

de Pinel et d'Esquirol. Avant eux l'aliéné était considéré comme

une sorte d'être intermédiaire entre le criminel et la bête fauve; ils

eurent l'honneur de l'élever à la dignité de malade.

« Sur les instances de Cabanis, avec lequel il s'était lié d'une

étroite amitié, Pinel accepta d'être nommé médecin de l'hospice

de Bicêtre; il entra en fonctions le 11 septembre 1793. Date mé-

morable, non pas seulement de l'histoire de l'Assistance publique,

mais aussi de l'histoire de l'humanité !

« Aidé du surveillant Passin, son intelligent et dévoué acolyte,

il fit tomber les. chaines des aliénés; puis, les arrachant des

réduits infects où ils croupissaient, il les rendit à l'air et à la

lumière dont ils étaient depuis si longtemps privés. A la bar-

barie et à la brutalité, il fit succéder la douceur et la bienveil-

lance. »

M. Ritti rappelle ensuite à quel traitement barbare étaient sou-

mis les malades avant leur entrée dans les asiles d'aliénés. C'est

Pinel qui réclama et obtint non sans peine, la suppression de ce

traitement préalable.

« Ce traitement moral de la folie, dont il fut l'initiateur, l'apôtre

convaincu et écouté, poursuit M. Ritti, Pinel en traça les règles

précises dans son célèbre Traité médico-philosophique de l'aliénation

mentale. On ne relit pas sans une poignante émotion ces chapitres

où il indique les préceptes à suivre et les écueils à éviter, ceux

surtout où, après avoir raconté avec une éloquente simplicité les

réformes qui lui sont dues, il nous fait entrevoir celles qu'il espère

du temps et du progrès des connaissances. Sur ces pages admi-

rables, tout empreintes du sentiment humanitaire de la philo-

sophie du grand xvm siècle, sont vraiment inscrits les droits de

l'aliéné à la sympathie universelle et, aussi, les devoirs du médecin

envers ce malheureux blessé de l'intelligence.

« Si Pinel, dans son immortel ouvrage, a le premier révélé les

« traitements barbares que subissaient les aliénés dans les hospices

« de la capitale, s'il a brisé les fers qui torturaient leurs membres,

« Esquirol a la gloire d'avoir fécondé l'oeuvre du génie et de la

« bienfaisance. » Ces paroles de Falret père, écrites il y a plus

d'un demi-siècle, ont été ratifiées par la postérité, ce « juge sans

« reproche ». Celte heureuse continuité dans une grande oeuvre

philanthropique unit inlimement et à jamais dans la mémoire des

hommes le maître et le disciple, à tel point que le nom de l'un

évoque aussitôt dans notre esprit le nom de l'autre.

« Le fils du capitoul de Toulouse, de l'officier municipal qui,

dans les heures douloureuses de la Révolution, préserva ses conci-

toyens des horreurs de la famine, - Esquirol, hérite de son père

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

cette ardeur pour le bien, cet amour des malheureux qui fut la

plus grande passion de sa vie.

« 11 trouva sa vraie vocation le jour où, jeune encore, il fut

attiré par le besoin de.s'instruire, dans le service de Pinel, à la

Salpêtrière. Dès qu'il fut entré dans l'intimité du maître, son coeur

battit à l'unisson du sien et il résolut de dévouer comme lui son

existence à la réforme du traitement et de l'assistance des aliénés.

c Pendant quarante ans on le vit n'épargner ni ses efforts, ni

sa peine, mettre au service de la plus noble des causes son dévoue-

ment enthousiaste, cette chaleur communicative dont il avait le

secret.

« Inspecteur sans litre, sans mission officielle, il parcourut

toute la France, allant de ville en ville visiter les établissements

qui recevaient les insensés. Son coeur sensible saigna douloureuse-

ment au spectacle des faits lamentables qu'il eut à constater, qu'il

résuma ensuite en ces quelques lignes d'une si navrante élo-

quence : .

c Ces infortunés qui éprouvent la plus redoutable des misères

« humaines, je les ai vus, s'écrie-t-il, nus, couverts de haillons,

« n'ayant que la paille pour se garantir de la froide humidité du

« pavé sur lequel ils sont étendus. Je les ai vus grossièrement

« nourris, privés d'air pour respirer. d'eau pour étancher.leur soif,

cet des choses les plus nécessaires à la vie. Je les ai vus livrés à

« des véritables geôliers, abandonnés à leur brutale surveillance.

a Je les ai vus dans des réduits étroits, sales, infects, sans air,

« sans lumière, enchaînés dans des antres où l'on craindrait de

« renfermer des bêtes féroces que le luxe des gouvernements

« entretient à grands frais dans les capitales. »

« Voilà ce qu'on voyait presque partout en France et à l'étran-

ger, en 181 i, vingt ans après la grande réforme introduite par

Pinel à Bicêtre et à la Salpêtrière; tels sont les maux que dépeint

Esquirol avec une sobriété émouvante et une éloquente simplicité,

dont il indique les remèdes avec une admirable précision, dans le

célèbre mémoire qu'il présenta au ministre de l'intérieur, en sep-

tembre 1818.

« Ces pages courageuses, où éclate à chaque ligne d'indignation

de l'homme de bien, furent comme un cri d'alarme. Il fut entendu.

A la voix du grand aliéniste, l'inhumaine routine fut mise en

complète déroute; les administrations publiques et les corps élus,

pris d'une noble émulation, rivalisèrent de zèle pour soulager la

plus lamentable des infortunes et lui offrir des asiles. En moins

d'un demi-siècle la transformation était complète.. , ,

......................

c Cet admirable mouvement philanthropique dont il fut promo-

teur. Esquirol en resta toute sa vie l'âme directrice. Aussi, peu

d'années avant sa mort, jetant un regard en arrière, il pouvait

240 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dire avec raison : « J'ai assisté aux améliorations apportées an

« régime et au traitement des aliénés; j'ai suivi depuis quarante

a ans les progrès de ces améliorations auxquelles je n'ai point été

« tout à fait étranger. Je les ai secondées de tous mes efforts par

« mes publications, par mon enseignement et par mes voyages.

« Consulté par le gouvernement, les préfets, les administrations

« locales, les architectes, je me suis empressé de livrer les résul-

« tats de mes observations, de mes essais et de ma longue pra-

« tique; j'ai vu mes principes et mes conseils accueillis et appli-

« qués dans plusieurs établissements consacrés aux aliénés. »

a Et cette haute autorité spirituelle qu'il s'était acquise par son

caractère et ses talents dont il faisait un si noble usage, Esquirol

s'attachait à la perpétuer après lui, en s'entourant de nombreux

disciples qu'il pénétrait de ses idées etanimait de son ardeur pour

le bien. Il avait souci de la continuité de son oeuvre et chargeait

volontiers sa vie, selon le mot du fabuliste, des soins d'un avenir

qui n'était pas fait pour lui. Et si, comme nous n'en doutons pas,

il entrevoyait toutes les conséquences sociales et morales de son

labeur, il pouvait avec une légitime fierté et à plus juste titre que

le vieillard de Lafontaine, se répéter :

« Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui.

, « L'année 1838 réservait à l'illustre maître une de ses dernières

de ses plus grandes joies : la loi sur les aliénés qu'il appelait de

tous ses voeux, à laquelle il avait activement collaboré, ainsi que

deux de ses élèves les plus distingués, Ferrus et Falret, fut votée

définitivement et promulguée. Tout ce qui avait été fait jusque-la

sous son influence, obtenait ainsi une sanction légale. »

Rappelant ensuite les réformes accomplies depuis près de cent

ans, grâce à Pinel et Esquirol, M. Ritti ajoute :

« Il faul aimer les aliénés pour être digne et capable de les

« servir. » Cette belle maxime d'Esquirol est aussi la nôtre. Mais

cet amour ne doit pas être comme l'autre, - celui qui porte un

bandeau sur les yeux; - il doit être très clairvoyant, sans cesse

éclairé par le flambeau de la clinique. Notre bienveillance à

l'égard des infortunés confiés à notre sollicitude doit être inces-

sante et inaltérable; que de fois cependant un médecin aliéniste

est obligé de s'armer de sa bonté, contre sa bonté même, selon

le mot du grand Turgot à Louis XVI !

...........

« La postérité pour laquelle ils ont tant travaillé, n'a pas. oublié

les deux grands réformateurs. Les noms de Pinel et d'Esquirol

restent profondément gravés dans la mémoire des hommes; leurs

oeuvres sont inscrites dans l'histoire de la science et aussi dans les

.SOCIÉTÉS SAVANTES. , ,-il 1

annales de l'Assistance publique. Là patrie reconnaissante leur a

consacré des monuments commémoratifs, à Paris, dans ces hos-

pices mêmes où ils conçurent leurs remarquables travaux, au

milieu des malades qu'ils ont tant aimés, dont l'amélioration a été

l'objet-de leurs constants efforts : la statue de Pinel s'élève sur la

place de la Salpêtrière, celle d'Esquirol dans la cour d'honneur de

la Maison nationale de Charenton. » .

.........................

Après avoir adressé des remerciements à tous ceux qui ont prêté

au Congrès un appui moral ou matériel, le distingué médecin

de l'Asile de Charenton, termine par cette éloquente péroraison :

« Le public qui suit avec tant d'intérêt les discussions sur l'hygiène

générale, ne peut manquer de se préoccuper aussi de problèmes

tels que l'alcoolisme, le goitre et le crétinisme, l'hérédité et la

prophylaxie des maladies mentales et nerveuses..Ne sont-ce pas là,

en effet, des questions sociales pressantes qui s'imposent à la sol-

licitude de tous, de la solution desquelles dépend l'avenir de la

patrie, celui même de notre race ? En les creusant de plus en plus

avec toute la précision scientifique dont nous sommes capables,

en nous appliquant à discerner dans ces maux dont souffre notre

société, ce qu'il y a de fatal et ce qu'il y a de guérissable; en nous

efforçant de trouver les remèdes à leur appliquer, nous nous mon-

trerons vraiment dignes des sympathies qui nous entourent, nous

ferons oeuvre utile et demeurerons fidèles à la grande et noble

devise de la civilisation moderne : Progrès par la science, pour

l'Humanité. »

D'unanimes applaudissements ont applaudi les dernières paroles

de M. Ritti, auquel M. Labéda, doyen de la Faculté de médecine, a

succédé, en prononçant le discours suivant :

c Mesdames, Messieurs,

« J'étais loin de m'attendre à l'honneur de prendre la parole

dans celle cérémonie, qui honore à la fois Toulouse et le Congrès

par la glorification d'Esquirol, Toulousain, qui le premier, donna

des lois à l'étude méthodique de l'aliénation, et de Pinel, né à

Saint-Paul, près La, aur, à dix lieues d'ici, de Pinel qui ouvrit les

cabanons et conquit pour les pauvres fous le droit à la dignité

de malades.

« Mais Pinel fut un nosographe éminent, et il a rendu, en son

temps, à la pathologie générale des services qui ne doivent pas

être oubliés ici. Tel a été du moins, le sentiment de plusieurs

membres, les plus autorisés du Congrès, et j'en ai reçu à la der-

nière heure l'invitation d'associer la Faculté de médecine de Tou-

louse aux hommages adressés à Pinel.

a Plein de déférence pour le désir du plus éminent de nos hôtes

Archives, 2° série, t. IV. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mais fort mal préparé professionnellement, et pressé par le temps,

je vous apporte ici une esquisse à peine équilibrée du haut et vaste

sujet qui m'a été proposé si fortuitement. Puisse ma bonne

volonté au service de ma cité natale et du Congrès vous donner

messieurs, l'indulgence nécessaire pour en écouter la sommaire

développement.

« Le 27 octobre 1826, la Faculté de médecine de Paris allait

res.ter. muette devant la tombe de Pinel, un de ses plus glorieux

professeurs, il est vrai, récemment frappé de disgrâce, lorsque

Cruveilhier, élève et ami de l'illusti défunt, et déjà illustre lui-

même, vint, fendant la foule, célébrer son ancien maitre, et rap-

peler quels titres le rattachaient à la savante Compagnie, quels

titres le recommandaient aux hommages reconnaissants de la

postérité. Echo, après trois quarts de siècle, de cette voix du bon

et savant Cruveilhier, la Faculté de médecine de Toulouse récem-

ment restaurée, désire, elle aussi, apporter son tribut d'éloge et

d'admiration à la mémoire de Pinel, d'autant que ce grand

maître avait commencé par s'asseoir sur les bancs de l'ancienne

Faculté, dont nous nous honorons d'être les continuateurs. »

Entrant dans son sujet, M. le doyen montre ce qu'il faut

entendre par classification des maladies, expose à cet égard la

conception de Pinel, et le caractère artificiel de sa classification,

qui constituait cependant un progrès considérable sur les essais de

groupement tentés par Sauvage.

Il entre dans quelques détails sur la rivalité de deux écoles

parisiennes de l'époque : école de la Salpêtrière (Pinel), école de

la Charité (Corvisart), et la ruine commune de ces deux écoles

devant l'organicisme de Broussais et les progrès de l'analomie

pathologique.

Enfin, après avoir esquissé la fin de la vie de Pinel qui ne fut

pas exempte de déboires supportés avec dignité, M. Labéda cons-

tate en ces termes que le côté philanthropique de l'oeuvre de Pinel

est le fondement assuré de la gloire persistante de ce médecin

illustre :

« Pourtant, il faut bien le dire, le savant, le médecin, n'attei-

gnirent pas chez Pinel à la célébrité du philanthrope. Mais ce côté

si intéressant et si important de la figure de notre compatriote

vient d'être mis en lumière avec bonheur par le savant président

de ce huitième Congrès, et je ne saurais rien ajouter aux paroles

de l'honorable M. Ritti.

a Je me bornerai à une dernière réflexion : C'est avec raison

que la philanthropie de Pinel a le plus contribué, aux yeux des

foules, à sa gloire et à sa renommée, car les hommes passent,

la science marche d'une poussée formidable, plongeant dans

l'oubli les efforts du passé; mais leur bonté, la miséricorde, la

pitié aux malheureux, noble et touchante parure de l'austère

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243 i

vérité, méritent de subsister et, en effet, subsistent éternelle-

ment. »

Ce nouvel et éloquent hommage, rendu à la mémoire de Pinel

et d'Esquirol, a terminé la séance du matin, qui a été levée à

,11 heures par M. Ritti.

Séance du 2 août (soir). Présidence DE M. Pitres.

A 2 heures, à la Faculté de médecine, dans le grand amphi-

théâtre, la seconde séance a été ouverte par M. Pitres, doyen de la

Faculté de médecine de Bordeaux et président du congrès de

Nancy en 1896. Le bureau du huitième Congrès a été ainsi consti-

tué : président, M..Ritti; vice-précident, M. Dubuisson, directeur

de l'asile départemental de la Haute-Garonne; secrétaire général,

M. Parant, direc ! eur de la maison de santé de Toulouse; secré,

taires des séances, MM. Noguès, Anglade et Parant fils.

Puis a eu lieu la nomination des présidents d'honneur : le

ministre de l'intérieur; Monod, directeur de l'Hygiène et de l'As-

sistance publiques; Landard, préfet de la Haute-Garonne; Droui-

neau, inspecteur général de l'Assistance publique; Labéda, doyen

de la Faculté de médecine de Toulouse; Faire[, médecin de la

Salpêtrière.

Première QUESTION : - Paralysie générale.

Après la lecture par M. Ritti, de deux lettres d'excuses d'adhé-

rents qui n'ont pu se rendre au Congrès, et d'une lettre de M. Mo-

nod, annonçant que M. le Ministre l'Intérieur délègue au Congrès

,NI. Drouineau, la parole est donnée à M. ARNAUD, médecin-directeur

adjoint de la maison de santé de Vanves (Seine), sur la première

question du Congrès : Diagnostic de la paralysie générale.

Les points essentiels de cette étude sur le diagnostic de la mala-

die ont été résumés par l'auteur en quelques propositions sur les-

quelles la discussion pouvait être engagée. La paralysie générale,

maladie intermédiaire aux psychoses et aux affections organiques

du cerveau, est caractérisée par une double série de symptômes

psychiques et physiques en rapport avec des lésions particulières

(meningo-encéphalile chronique diffuse). Ceci élimine la préten-

due paralysie générale sans aliénation et les états psychopathiques

sans substratum anatomique appréciable ou dépendant de lésion

en foyer, d'altérations athéromateuses, etc. -

Bien qu'ayant des caractères distincts, aucun des symptômes de

la paralysie générale n'est pathognomonique. On n'est pas autorisé

à poser le diagnostic uniquement d'après les signes physiques ou

d'après les symptômes psychiques ; il est nécessaire que les deux

ordres de symptômes soient représentés dans le tableau clinique,

au moins par les plus essentiels d'entre eux. Ce sont, dans l'ordre

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mental, la démence généralisée et progressive à laquelle les délires

empruntent leur physionomie spéciale ; dans l'ordre physique,

l'embarras de la parole, les troubles oculopupillaÍ1'es (ophtalmoplé-

gie interne, graduelle et progressive), l'ataxie ptsyclao-motrice et les

accidents cérébraux. La démence généralisée et progressive, avec

les caractères particuliers que j'ai essayé de décrire, est le symptôme

cardinal de la paralysie générale ; elle constitue un véritable stig-

mate paralytique.

Dès le début de la maladie, l'état démentiel commençant se

trahit par l'impuissance mentale, par l'absurdité des opérations

intellectuelles (association des idées, raisonnement, jugement),

plus encore que par l'absurdité des idées; - par les lacunes de la

mémoire, par les altérations du sens moral, de la conduite et des

actes, etc. Survenant chez un adulte, l'époque où l'énergie de l'es-

prit est au maximum, ces différents symptômes ont vraiment une

signification particulière. Malheureusement, la constatation n'en

est pas toujours possible par l'examen direct du malade, la con-

naissance des antécédents, toujours très utile, peut devenir indis-

pensable. Dans certains cas même, ni les renseignements sur le

début de la maladie, ni l'examen direct du malade ne suffisent à

établir un diagnostic légitime (certaines folies congestives et pseudo-

paralysies); il faut alors se résigner à attendre que l'évolution des

symptômes vienne faire la lumière. - A la période prodromique, la

paralysie générale peut être soupçonnée, mais il n'existe pas de

signes' permettant de l'affirmer.

En dehors de ces considérations générales, je crois que de

l'étude des faits l'on peut déduire quelques règles pratiques pour le

diagnostic.

A partir de cinquante-cinq ans, la paralysie générale devient

vraiment- rare. En présence d'un sujet de cet âge et à bien plus

forte raison après soixante ans, il convient de redoubler d'atten-

tion et de n'admettre le diagnostic de paralysie générale que sous

le bénéfice d'un inventaire rigoureux et plusieurs fois répété.

Devant un malade ayant dépassé cinquante ans et présentant

des signes d'artério-sclérose, il faut se souvenir que l'athérome

cérébral généralisé peut simuler cliniquement la paralysie générale

et que, d'autre part, il peut lui être associé et en modifier la phy-

sionomie. De là l'obligation d'une critique des symptômes, délicate

et approfondie, et la nécessité de sérieuses réserves.

De même, la constatation d'une hémiplégie vraie, si elle n'est

pas de nature à faire éliminer d'emblée la paralysie générale, doit

imposer un doute persistant; les probabilités de paralysie générale

sont, dans ces cas, très faibles, et, tout au moins, il y a certitude

d'une association avec un autre état pathologique.

M. Régis (de Bordeaux). - Je n'insisterai que sur un point du

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

rapport de M. Arnaud, sur les relations de la paralysie générale

avec les maladies infectieuses. Je suis. convaincu de l'importance de

l'infection dans la pathogénie de la paralysie générale. J'ai montré

antérieurement combien était grande la fréquence de la syphilis

dans les antécédents des paralytiques généraux (80 à 90 °/0) ; les

cas relativement nombreux de paralysie générale juvénile consti-

tuent un nouvel argument en faveur de la théorie pathogénique

que je soutiens : il a été prouvé, en effet, qu'à cette période de la

vie le surmenage n'existait pas. Il en est de même des cas, plus

rares il est vrai, de paralysie générale conjugale, lesquels ne peu-

vent guère s'expliquer que par contamination du mari à la femme

ou inversement.

A la vérité, l'anatomie pathologique n'a pas encore démontré là

nature syphilitique des lésions de la paralysie générale ; je con-

nais cependant un certain nombre de faits dans lesquels la moelle

était le siège de lésions identiques à celles que détermine la syphilis.'

Le rôle que jouent les maladies infectieuses aiguës dans la palho=

génie de la paralysie générale est moins bien établi que celui de la

syphilis; cependant, on a déjà rapporté plusieurs cas de paralysie

générale développés consécutivement à la grippe, à la fièvre

typhoïde, etc.

En résumé, bien qu'il me soit impossible de fournir aujourd'hui

de nouvelles preuves à l'appui de cette théorie, je crois que la para-'

lysie générale est une maladie post-infectieuse, consécutive presque

toujours à la syphilis et plus rarement à des maladies aiguës.

Cette théorie infectieuse de la paralysie générale est-elle incom- :

patible avec celle des pseudo-paralysies générales ? Je ne le pense,

pas. De ce que la syphilis, en effet, est susceptible de provoquer'

l'apparition des lésions encéphaliques propres à la paralysie gêné--

rale, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse pas déterminer d'autres

lésions des centres nerveux : ces lésions de syphilis cérébrale don-

nent souvent lieu à un complexus symptomatique presque iden-

tique à celui de la paralysie générale; de là le nom de pseudo-.

paralysie générale syphilitique sous lequel on a pris l'habitude de le

désigner. ,

De même, à côté des alcooliques chroniques qui deviennent de

vrais paralytiques généraux et qui meurent, il y en a d'autres qui,;

après avoir présenté pendant un certain temps tous les signes de

la méningo-encéphalite chronique diffuse, guérissent à la suite de-,

l'élimination du poison, : ce sont des pse2tdo-paalytiqates généraux

alcooliques.

M. P. GARNtER (de Paris). - Comme M. Arnaud, j'estime que ! a'

démence constitue un véritable stigmate paralytique, mais à la

condition que cette démence suit totale, globale. Si le malade aw

conservé soit un peu d'attention, soit un peu de mémoire, soit la;

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

faculté d'associer quelques idées, on peut affirmer qu'il ne s'agit

pas d'un paralytique général. Quant aux conceptions délirantes,'

elles n'ont également de valeur pour le diagnostic que si elles revê-

tent le cachet démentiel propre à la paralysie générale.

Je' me sépare de M. Régis relativement au rôle de la syphilis

dans l'étiologie de la paralysie générale. La syphilis ne fait, selon

moi, que préparer le terrain à la périencéphalite chronique diffuse ;

il en est de même de l'alcoolisme ; mais, pour que la maladie

éclate, il faut qu'une autre cause. intervienne : surmenage, excès

vénériens, etc.

A l'appui de la théorie syphilitique de la paralysie générale,

M. Régis a invoqué les cas où cette maladie se développe dans

l'adolescence. Ces faits, selon moi, ne doivent être admis qu'avec

beaucoup de réserve. Je connais un enfant de quatorze ans qui

présente réunis d'une façon incontestable tous les signes physiques

et psychiques de la paralysie générale, et cependant ni M. Magnan

- qui a également examiné ce malade- ni moi n'avons osé porter

le diagnoslic de paralysie générale. Pourquoi ? parce que la para-

lysie générale est essentiellement une maladie de l'adulte qui exige

pour se manifester le complet développement des éléments ner-

veux ; lorsque ces éléments commencent à dégénérer ou lorsqu'ils

n'ont pas terminé leur évolution, ils paraissent être à l'abri de la

périencéphalite chronique diffuse.

M. de PERRY (de Bordeaux) communique, au nom de M. Régis et

au sien, les observations d'un certain nombre de paralytiques géné-

raux qui à aucun moment de leur affection n'ont présenté de concep-

tions délirantes. Sur 32 malades atteints de paralysie générale

confirmée observés en ville, il y en a 20 qui n'ont jamais été

atteints de troubles délirants. C'est surtout chez les femmes et les

jeunes gens que celte absence d'idées délirantes a été constatée.

M. BRIAND (de Villejuif). - Le « signe du cubital, » qui a été

considéré pendant quelque temps comme presque patlronomo-

nique de la paralysie générale, n'a, en réalité, aucune valeur

diagnostique, et cela pour deux raisons : la première, c'est qu'il

n'apparaît qu'à une période beaucoup trop avancée de la maladie;

la seconde, c'est qu'il est beaucoup trop variable et trop inconstant.

L'état démentiel des paralytiques généraux ne leur permet pas, en

effet, le plus souvent de traduire ce qu'ils éprouvent quand on leur

comprime le nerf cubital. '

A l'appui de la théorie syphilitique de M. Régis, j'invoquerai la

plus grande fréquence de la paralysie générale chez l'homme que

chez la femme.

M. Charpentier (Paris) s'élève contre la tendance des cliniciens

qui considèrent trop souvent comme d'origine syphilitique les

paralysies générales survenant chez un individu entaché de syphilis.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 Î

Il admet, par contre, nettement la paralysie générale alcoolique

qui survient chez des individus indemnes de tous accidents nerveux

antérieurs.

M. GIII.IUD (de Saint-Yon). - Il y a deux signes de la paralysie

générale qui, de très fréquents qu'ils étaient autrefois, sont deve-

nus très rares, je,veux.parler du « grincement des dents » et de la

« coutracture des sterno-mastoïdiens ». Je ne saurais dire à quelle

cause il faut rapporter cette diminution de fréquence.

M. DouTREBGNTE (de Blois). - D'après M. Garnier, on pourrait

croire que la démence est un signe de début de la paralysie géné-

rale ; or, il est loin d'eu être toujours ainsi. On observe à la

période prodromique de la paralysie générale une surexcitation de

toutes les facultés ; loin d'être affaiblie, l'intelligence de ces patients

est alors exaltée souvent dans tous ses modes, comme chez les

excilés maniaques. L'analogie entre ces deux espèces de malades

est dans ce cas tellement grande que le diagnostic différentie immé-

diat est très fréquemment impossible et qu'il faut attendre l'évo-

lution de l'affection pour se prononcer.

M. GIRAUD. - Ce n'est pas seulement avec l'excitation maniaque

que la paralysie générale peut être confondue au début; il n'est

personne de nous qui ne se rappelle avoir vu des sujets considérés

au début de leur maladie comme atteints d'un accès de délire mé-

lancolique ou hypocondriaque, et qui ont versé ensuite dans la

paralysie générale après une période déiirante plus ou moins

longue, quelquefois même après une ou plusieurs rémissions ayant

pu faire croire à une guérison complète.

M. PETRUCCI (d'Angers). - Du rapport de M. Arnaud, qui est un

exposé très complet de la question du diagnostic de la paralysie

générale, il résulte qu'aucun signe vraiment pathognomonique n'est

encore venu élucider cette étude si complexe. La maladie se traduit

surtout par un cortège de symptômes dont les principaux sont la

déchéance intellectuelle, l'embarras de la parole et l'ophtalmo-

plégie. Rien d'étonnant à cela, puisque le terme de paralysie géné-

rale ne satisfait personne et correspond par sa signification même

à un état clinique complexe lié à des lésions nécropsiques très

différentes. La création néologique des pseudo-paralysies générales

n'a pas éclairé davantage la question; elle n'a fait qu'accentuer

avec plus de vigueur l'insuffisance de cette nomenclature vicieuse

tombée aujourd'hui en désuétude et qui dès l'origine n'a pas été

acceptée par tous les pathologistes malgré l'autorité scientifique de

ses parrains.

Il convient avant tout de mettre un peu de clarté dans la valeur

des lésions anatomiques de la maladie, comme cela a été fait pour

les affections de la moelle aujourd'hui mieux connues. Après tout,

le cerveau n'est-il pas un simple renflement de la moelle, composé

248. SOCIÉTÉS 'SAVANTES..

des mêmes éléments histologiquçs : substance blanche, substance

grise, tubes nerveux, cellules nerveuses, enveloppes séreuses, etc. ?

A côté des myélites généralisées nous avons des myélites systéma-

tisées, c'est-àdire propres à un ordre déterminé de substance ner-

veuse blanche ou grise (sclérose amyotropbiqne ou des cordons

latéraux, tabès ou sclérose des cordons postérieurs, etc.). La maladie

commençant par un syslème quelconque peut passer à l'autre et

se généraliser.

Pourquoi n'en serait-il pas de même des péricérébrites ? Les

faits cliniques et les autopsies semblent justifier cette manière de

voir. On ne saurait nier aujourd'hui la transformation du tabès

ascendant en paralysie générale, et inversement de la paralysie

générale en tabès descendant. Les quelques pathologistes irréduc-

tibles qui persistent à voir en ces états deux maladies distinctes

sont obliges de reconnaître l'existence de faits matériels qu'ils ne

s'expliquent pas.

L'artériosclérose cérébrale peut débuter comme celle de la

moelle par des éléments nerveux différents; de là des variétés cli-

niques avec des signes initiaux également différents pouvant se

généraliser ensuite et revêtir le masque de la méningoencéphalite

diffuse générale. Dans la maladie classique de Bayle où le cachet

démentiel ouvre la scène, les cellules cérébrales et les tubes ner-

veux sont les premiers frappés ; la maladie se propage en second

lieu aux méninges : d'où les accidents convulsifs et moteurs, accès

épileptiformes et paralytiques, dont le summum s'observe à la

troisièmepériode delà maladie. Les adhérences cérébrales se font de

l'encéphale aux méninges, c'est-à-dire de dedans en dehors;

l'inverse se produit dans les autres formes, la syphilis par exemple,

dont chacun connaît la prédilection pour les séreuses. Les pous-

sées congestives initiales se traduisent par des convulsions épilepti-

formes, des paralysies à la première période; la décadence intel-

lectuelle initiale est moins prononcée que dans le cas précédent.

- Je ne puis examiner ici chaque variété en particulier, mais il me

semble possible de reconnaître dès aujourd'hui diverses variétés

de péricérébrites, comme de myélites, de bronchites, de pneumo-

nies, de fièvres typhoïdes, etc.

La forme la plus grave, généralement incurable et avec rémis-

sions rares, est celle dont le processus morbide commence par la

cellule nerveuse. Les autres sont sujettes à des rémissions plus ou

moins complètes et durables parce que la cellule nerveuse est la

dernière atteinte, et leur pronostic est beaucoup moins sombre.

Pour ma part, je n'hésite pas à reconnaître : 1° des péricéré-

brites d'origine toxique (alcoolisme, syphilis, saturnisme, états

infectieux à lésions plus ou moins graves ou étendues, depuis la

simple congestion jusqu'à la sclérose complète); 2° des péricéré-

brites débutant par l'altération de la substance blanche ou des

SOCIÉTÉS SAVANTES. ! 249

tubes nerveux avec phénomènes d'ophtalmoplégie initiaux et pré-

dominants ; 3° des péricérébrites cellulaires, c'est-à-dire avec alté-

ration initiale de la substance grise, reconnaissables au cachet

démentiel de la maladie et à l'absence de conceptions délirantes;

4° enfin des péricérébrites méningiliques commençant pur l'altéra-

tion des enveloppes avec productions pathologiques correspon-

danles : épaississements, suffisions sanguines et lactescentes, néo-

mernbraues. ll appartient aux études nosologiques et à la clinique

d'étendre et de mieux préciser ces variétés dans l'avenir.

M. Arnaud. - Les faits cliniques ne plaident pas en faveur de la

théorie de M. Petrucci. L'alhérome artériel généralisé ne déter-

mine pas des symptômes identiques à ceux de la périencéphalite

chronique diffuse, comme je l'ai indiqué dans mon rapport. Ainsi

que Iilippel l'a démontré de son côté, on peut toujours distinguer

les manifestations de l'artériosclérose généralisée d'avec celles de

la paralysie générale : On ne peut donc pas admettre, selon moi,

l'existence d'une variété de paralysie générale d'origine athéroma-

teuse. En revanche, je suis tout à fait d'accord avec M. Petrucci

sur la nécessité de demander à l'anatomie pathologique l'explication

des faits cliniques qui à l'heure actuelle sont susceptibles d'in-

terprétations diverses.

M. CULEllllE (de la Roche-sur-Yon). - 11 est certain que la para-

lysie générale augmente de fréquence dans les campagnes; cette

augmentation ne paraît pas être le fait du développement de

l'alcoolisme, mais semble plutôt liée à l'extension plus grande de

la syphilis. Je dois ajouter du reste, que la paralysie générale d'ori-

gine syphilitique diffère par certains caractères cliniques de la para-

lysie générale classique. ,

Neu1'o-fib1'oIJwtose centrale du cervelet et de la base de l'encéphale. : 11\i.llosL, professeur à la Faculté de médecine de Toulouse, et

Cavalié, prosecteur à la Faculté, ont fait une communication sur

un cas de neuro-fibromatose centrale du cervelet et de la base de l'en-

céphale. C'est là une maladie intéressante, à formeinconnue et qui

n'a pas eucore été décrite. Cette longue mais fort intéressante

séance a été levée à 6 heures et demie. Séance mardi, à 8 heure»

du matin.

Séance du 3 août (matin).

Deuxième question. - Sur l'hystérie infantile sa iicitui e et ses causes.

Rapport de M. le Dr P. DEZY.

M. Burzy. - L'histoire de l'hystérie infantile a commencé le jour

où a été détruite la théorie qui plaçait dans l'utérus le siège de la.

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cause première de la névrose. Les travaux les plus importants sur

ce sujet ont été écrit, en France sous l'influence de l'école de la

Salpêtrière, influence qui s'est étendue aussi à bon nombre de tra-

vaux étrangers. ,

Ce serait une tâche difficile et d'une utilité contestable de rap-

porter ici ne fût-ce qu'une citation de chacun des travaux écrits sur

ce sujet; aussi avons-nous pensé qu'il valait mieux se borner à

un simple exposé montrant les grandes lignes de la question. Tous

les auteurs que nous allons citer donnent eux-mêmes dans leurs

travaux une bibliographie abondante ; il sera donc plus' simple de

se reporter à eux pour les recherches bibliographiques. Avec la

lecture de ces auteurs et les indications que nous aurons soin

d'ajouter, on aura, nous l'espérons du moins, une bibliographie,

sinon complète, du moins très suffisante. L'histoire de l'hystérie

infantile peut être divisée en trois périodes.

Dans la première, les anciens reconnaissent que l'hystérie con-

vulsive existe, non pas seulement chez la femme, mais chez la

petite fille, chez l'homme et chez le petit garçon. Ils en parlent,

mais sans la décrire.

La seconde période est remplie par les travaux de la Salpêtrière,

qui établissent bien nettement les limites de l'hystérie, ses formes,

son traitement. Naturellement l'hystérie infantile profite de ces

éclaircissements. Non seulement elle est reconnue, mais elle est

décrite ; non seulement elle est reconnues dans ses formes convul-

sives, mais elle est dépistée sous ses formes non convulsives, et

même larvées.

La troisième période, qui chevauche un peu sur la précédente et

arrive jusqu'à nos jours, comprend les travaux des médecins

d'enfants.

Nous n'insisterons pas sur les erreurs qui règnentjusqu'àl'appa-

rition de l'important travail de Briquet en 1859 : Traité de l'hysté-

rie. On trouvera, du reste, dans les travaux indiqués, tous les

renseignements à ce sujet. Nous ne pourrions que les recopier

ici. Mais nous devons une mention spéciale à l'importante mono-

graphie de Clopatt. On trouve tous les détails qui intéressent par-

ticulièrement l'hystérie infantile, soit dans l'historique placé au

commencement, soit surtout dans l'appendice placé à la fin, qui

rapporte comme première observation en date celle d'une fille de

douze ans, citée par Willis; puis viennent celles d'Hoffmann;

enfin, les autres, au nombre de deux cent soixante-douze, y sont

résumées et placées dans leur ordre chronologique jusqu'à l'année

1888, époque de l'apparition de ce très important travail.

Pour la période qui nous occupe en ce moment, Clopatt cite, à

côté de Briquet, le noms de Dubois (d'Amiens), de Brachet, de

Willis, de Sydenham, d'Hoffmann, de Georget, de Landouzy et

enfin de Bouchut qui, en 1877, combat les idées de Briquet, et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 251

attribue ses observations d'hystérile infantile à des erreurs de

diagnostics, ces cas devant être classés dans l'épilepsie, la chorée,

le nervosisme.

Deuxième période. - Elle est tout entière résumée dans le nom

de Charcot. Dans ses leçons cliniques de la Salpêtrière il en est une,

celle du mardi 21 février 1888, où il est dit : « On commence sans

doute à parler de l'hystérie chez les jeunes garçons, et le niveau

de nos connaissances sur la pathologie infantile commence à s'éle-

ver, grâce à nos jeunes collègues. » C'est là, enfin, que sont posées

ces deux principes capitaux, que les troubles psychiques persistants

ne sont qu'un prolongement de la phase des hallucinations, et

qu'il faut prendre cette affection pour ce qu'elle est, c'est-à-dire

pour une maladie psychique par excellence.

Aux travaux de Charcot et de ses élèves, qui traitent de l'hystérie

en général, Bernutz, Grasset, Pitres, Blocq, Gilles de la Tourelle,

etc., il convient aussi de rattacher plusieurs monographies dignes

d'attention : tout d'abord, il faut citer les importants travaux de

Bourneville et de ses élèves, dont nous donnerons la nomencla-

ture au chapitre de la forme convulsive, et que l'on trouve en par-

tie dans l'Iconographie de la Salpêtrière de Bourneville et Regnard.

La thèse de Peugniez (Paris, juillet 1885) est inspirée par Char-

cot. Elle a pour titre : De l'hystérie chez l'enfant. On y trouve la

description des diverses formes de l'hystérie à cet âge, notamment

le début par les troubles des facultés affectives. L'auteur insiste sur

la bénignité du pronostic, lorsque le diagnostic et le traitement

sont établis de bonne heure, et signale la forme épidémique. Peu

après paraît la thèse de 111 ? Hélène Goldspiegel, Contribution à

l'étude de l'hystérie chez les enfants. Paris, octobre 1888. Enfin

parait, en 1888, l'importante monographie d'Arthur Clopatt, datée

d'Helsingfors (J.-J. Franck et fils), mais sortie de la Salpêtrière et

de Bicêtre, où elle fut préparée en 1887. En comptant seize obser-

vations personnelles sur lesquelles nous reviendrons plus loin,

l'auteur rapporte deux cent soixante-douze cas plus ou moins

résumés. Ces deux cent soixante-douze cas, classés par ordre chro-

nologique et par pays d'origine, montrent bien les phases de la

question et le point où elle était au moment où parut cet impor-

tant travail.

Troisième période. - En mars 1880 parut la thèse de Paris, ins-

pirée par J. Simon « sur l'hystérie infantile considérée dans ses

sources, ses caractères, son traitement. » L'auteur- dit que l'hystérie

des fillettes est redoutable par sa durée ; il insiste sur ce point

intéressant qu'elle peut être méconnue parce qu'elle se réduit sou-

vent à des troubles psychiques et digestifs.

En avril 1880 paraît la thèse de Giraud, inspirée par J. Simon.

Elle a pour titre : Essai sur l'hystérie précoce se développant, chez

2B2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les petites filles avant la puberté. L'auleur insiste sur les troubles

psychiques et préconise le bromure et l'hydrothérapie. Ces deux

thèses parlent surtout de l'hystérie chez les petites filles ; en dé-

cembre 1884, la question fait un pas avec la thèse de Casaubont, t,

intitulée : L'hystérie chez les jeunes garçons. L'auteur prend pour

point de départ une observation personnelle et s'inspire des travaux

de Bourneville. Il insiste sur la bénignité du pronostic ; mais l'in-

térêt capital de cette thèse se résume dans cette conclusion : la

grande hystérie ou hyatéro-épilepsie existe chez les garçons; elle

est fréquente à treize, quatorze, dix-sept et dix-neuf ans. En 1889

paraissent les cliniques d'Ollivier, qui mettent en vue l'urticaire et

l'hémoptysie hystériques chez l'enfant, et touchent dans plusieurs

leçons à l'hystérie infantile.

C'est sous l'inspiration de ce regretté clinicien que parait,

en février 1891, la thèse de Burnet qui souleva une grosse ques-

tion, non complètement jugée encore. Elle traite, en effet, de

l'hystérie infantile et de sa fréquence au-dessous de l'âge de cinq

ans. Cette même question est soulevée la même année devant l'Aca-

démie par Chaumier (de Tours), qui l'avait déjà traitée au Con-

grès de Grenoble en 1885. Ce travail fut l'objet d'un rapport

d'Ollivier à l'Académie en 1892. Nous reviendrons sur ces travaux

en discutant la question de l'âge du début de l'hystérie infantile.

En janvier 1803 parait la thèse de Bardol. Dans ce travail encore

c'est un point de vue spéciale qui va être étudié; il s'agit, en

en'et, de l'hystérie simulatrice des maladies de l'encéphale chez

l'enfant. A Nancy parut en février 1894 la thèse de Fischer « sur

l'hystérie infantile, observée à la clinique des enfants de la Faculté

de Médecine de Nancy pendant l'année scolaire 1892-93 ». Celte thèse

rapporte trois cas d'hystérie infantile, pris dans le service de

P. Simon.

En février 1896 parait, à lllontpellier, la thèse d'Isnard sur les

manifestations de l'hystérie dans l'enfance. Cette thèse, inspirée

par Bosc, renferme plusieurs observations intéressantes, défend la

cause de l'hystérie des très jeunes enfants, mais en prolestant

contre une trop grande généralisation, et donne plusieurs obser-

vations fort intéressantes.

En décembre 1896 est soutenue, à Paris, par J. Couturies une

thèse sur l'hystérie chez les jeunes enfants qui relate des observa-

lions de Chaumier, l'observation personnelle d'un garçon de trois

ans présentant des attaques convulsives et une monoplégie très

rapidement guérie. L'auteur parle de cas nombreux d'hystérie

infantile qu'il a vus dans le service de J. Simon. Enfin, nous

signalons pour mémoire une courte communication que nous

fîmes à la Sociélé de Médecine de Toulouse, en février 1896, dans .

laquelle nous rapportions quatre observations personnelles d'hys-

térie infantile se répartissant ainsi : garçon, douze ans, hystérie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253 3

convulsive avec arc de cercle; garçon, sept ans, boule; fille, cinq

ans et demi, clou hystérique; garçon, onze ans, contracture; gar-

çon, onze ans, attaques épileptoïdes cessant brusquement par

compression du point iliaque (cette dernière observation fut rele-

vée par notre interne, M. Bize, sous la direction de M. le profes-

seur agrégé Rispal, qui était alors notre chef de clinique et qui

voulait bien nous remplacer à ce moment).

Etiologie. - Nous nous bornerons à quelques considérations sur

ce qui touche particulièrement l'enfance.

En première ligne, il faut inscrire la tare héréditaire. L'hérédité

peut être directe ou indirecte. Charcot et Peugniez ont insisté sur

l'influence de l'hérédité sur l'enfance, qui se trouve plus rappro-

chée des ascendants que l'âge adulte; d'où la fréquence de l'hysté-

rie similaire chez l'enfant et ce principe que plus l'hystérie débute

de bonne heure plus elle est similaire. A côté de l'hérédité simi-

laire il faut placer l'hérédité de toute la famille névropathique,

épilepsie, migraine, excitabilité nerveuse, etc. Certaines diathèses

peuvent aussi se transformer. C'est ainsi que Mossé a depuis long-

temps appelé l'attention sur l'influence de la goutte. Il rapporte

notamment l'histoire d'un garçon de dix ans ayant des attaques

hystériformes et une hérédité goutteuse très chargée. Dans le

même travail, l'auteur se demande si les hémoptysies hystériques

ne reconnaîtraient pas pour cause l'hérédité tuberculeuse qui

donnerait ainsi au poumon, loclts minoris 1 esistenUæ par le fait

de cette hérédité, la propriété de fixer la névrose. Nous signalons

en passant ce fait sur lequel nous aurons à revenir, en rappelant,

au chapitre des formes cliniques, les cas de ce genre, cités par

Ollivier, si important à diagnostiquer chez l'enfant.

C'est dans le même ordre d'idées que Grasset a étudié les rap-

ports de l'hystérie avec la scrofule et la tuberculose. Cette héré-

dité se manifeste aussi bien à la campagne qu'à la ville, à l'hôpital

que dans les classes aisées. Si Baginski dit qu'on la rencontre

d'une façon effrayante dans la classe aisée, Charcot insiste sur

l'influence de la misère, et Grancher montre combien les enfants

sont gâtés et névrosés dans certains ménages d'ouvriers.

Tout héréditaire de ce genre porte donc en naissant sa tache

originelle et les manifestations se produiront plus ou moins tard,

selon l'occasion. On naît hystérique, dit Pitres, on ne le devient

pas. Une fois l'hérédité constituée, trois causes principales chez

l'enfant peuvent faire éclaler les accidents : l'éducation, les émo-

tions,,la contagion.

L'éducation a une influence primordiale. Que de fois on voit

l'hystérie s'installer chez l'enfant en vertu de ce facteurl Au lieu

.d'envoyer les fillettes nerveuses se coucher de bonne heure après

une journée tranquille, certains parents exigeront de celte enfant

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trop de travail ou trop d'excitation (visites où l'on s'occupe trop

des enfants, jeux trop agités, etc.), et le soir les mèneront au

théâtre. Que dire de ceux qui, au lieu d'y mener leurs enfants en

spectateurs, leur font confier ce qu'on appelle « un petit rôle », ce

que l'on voit fréquemment dans les ménages d'artistes ?

L'abus des histoires effrayantes ou des pratiques superstitieuses

constitue encore un de .ces vices de- l'éducation qui font apparaître

souvent l'hystérie chez l'enfant. M. Baratoux, cité par Gilles de la

Tourette, a donné la relation d'une épidémie d'hystérie qui sévit

sur six enfants de la même famille bretonne qu'on avait bourrés à

satiété de contes fantastiques dans lesquels les sorciers et les

revenants jouaient les principaux rôles. - Des faits identiques

ont été mis récemment en lumière par le Dr M. Terrien dans une

thèse soutenue devant la Faculté de Toulouse. L'auteur, qui a

exercé en Vendée, y a fréquemment rencontré l'hystérie infantile

qu'il attribue, en partie, à des mariages consanguins entre nerveux

et alcooliques, en partie aux histoires fantastiques racontées aux

veillées devant les enfants'. - Le surmenage scolaire est très con-

testé par Guinon.

On connaît assez l'influence de l'émotion sur le développement

de l'hystérie. Nous n'y insisterons pas, nous contentant de signa-

ler combien sont dangereuses les frayeurs provoquées chez les

enfants. La crainte des examens est un facteur qu'il ne faut pas

négliger chez l'écolier. Vient ensuite l'imitation.

On trouve dans la thèse d'Aemmer la relation d'une épidémie

qui atteignit, dans une école de Bâle, soixante-six fillettes. Dans

la classe dont faisait partie la première malade atteinte, et qui

comptait quarante-quatre élèves, plus de la moitié fut atteinte.

Palmer rapporte aussi une épidémie de ce genre dans une école et

dans la classe des petites filles. La fréquence de cette cause est une

des raisons qui expliquent pourquoi l'on voit l'hystérie infantile se

manifester chez plusieurs enfants d'une même famille. Comme on

le voit, les cas de contagion nerveuse sont loin d'être rares dans

l'hystérie infantile, et les épidémies d'écoles semblent remplacer

de nos jours les épidémies du moyen âge3.

Le traumatisme a aussi une influence comme chez l'adulte.

Giuseppe Villani a relaté le cas d'un garçon de quinze ans qui eut

de l'hystérie manifeste à la suite d'un traumatisme. Bosc rapporte z

1 Nous publierons prochainement un nouveau travail clinique de

M. Terrou sur le même sujet. La Revue de pathologie nerveuse de ce

numéro renferme l'analyse d'une observation d'hystérie infantile.

2 On trouvera' dans Jean Wier (Bibliothèque diabolique) de très belles

relations d'ppidémie' d'hystéro-démonopalhie. Cet ouvrage devrait être

dans la bibliothèque de tous les aliénistes et de tous les neurologistes.

Ils ne perdront pas leur temps à sa lecture. 1

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

une observation personnelle chez un enfant de dix-huit mois, qui,

présentant très nettement de l'astasie-abasie, portait un prépuce

très long. Dénucé a rapporté des cas analogues, insistant sur l'état

nerveux causé par l'état préputial, et qui disparaissent quand le

chirurgien est intervenu.

Les maladies infectieuses peuvent, comme chez l'adulte, être des

agents provocateurs de l'hystérie. Isnard rapporte, dans sa thèse

citée (p. 141, un cas, d'après Railton, d'un enfant de six ans ayant

eu de l'hystérie à la suite de l'influenza. La névrose fut de courte

durée et se montra pendant la convalescence. L'enfant n'avait pas

d'antécédents héréditaires de nervosisme. Nous avons relaté un

cas de délire consécutif à une fièvre typhoïde qui, d'après Comby,

devait être rattaché aux prodromes de l'hystérie. Nous ne reve-

nons pas ici sur la tuberculose, dont on peut placer l'histoire à

côté de celles d'autres causes héréditaires.

M. Pitres. - Il y a deux points sur lesquels je désire appeler

l'attention à propos du rapport de M. Bézy : l'un vise la nosologie,

l'autre a un intérêt pratique.

Je suis loin de vouloir nier la fréquence de l'hystérie chez l'en-

fanl ; cependant je crois qu'il serait dangereux, actuellement, de

vouloir en élargir trop le cadre. Nous devons à la vérité de recon-

naître qu'en présence d'accidents nerveux chez les enfants les

médecins manquent le plus souvent de données suffisantes pour

décider s'il s'agit de l'épilepsie ou de l'hystérie : l'embarras est

d'autant plus grand que, comme l'a fait remarquer le rapporteur,

la recherche des stigmates est entourée chez l'enfant de difficultés

beaucoup plus grandes que chez l'adulte. Par conséquent, en pré-

sence d'un enfant qui a des frayeurs nocturnes, de l'incontinence

d'urine, ou tout autre phénomène épisodique de même genre,

existant à l'état isolé et se manifestant pour la première fois, il

faudra le plus souvent user de beaucoup de circonspection et

attendre l'évolution de ces accidents avant de leur appliquer une

étiquette nosologique que l'avenir pourra démentir. Mais à côté de

ces syndromes névropathiques d'origine douteuse il en existe

d'autres que nous avons d'ores et déjà des raisons suffisantes de

rattacher à l'hystérie, et c'est là le point de pratique sur lequel il

convient je crois d'appeler l'attention des médecins, parce que

lorsque ces accidents sont traités peu de temps après leur appari-

tion, ils disparaissent très facilement, tandis qu'abandonnés il

eux-mêmes ils deviennent absolument incurables. Parmi les acci-

dents curables au début, lorsqu'ils sont franchement hystériques,

je signalerai le bégayement et la maladie des tics.

Sur ving-trois enfants bègues qu'il m'a été donné d'observer,

j'en ai trouvé sept qui avaient été atteints de leur infirmité brus-

quement à la suite d'une émotion morale violente, le plus souvent

: 56 SOCIÉTÉS SAVANTES.

.une peur, vers l'âge' de sept à huit ans. Nul doute que dans ces

cas il s'agissait d'un bégayement hystérique dont la suggestion et

quelques moyens adjuvants appropriés auraient eu facilement

raison, si la véritable nature du mal avait été reconnue.

Les mêmes considérations s'appliquent.à la maladie des tics ; je

ne parle pas ici des grands tics convulsifs avec écholalie, coprolalie,

etc., mais des petits tics consistant en secousses cloniques plus ou

moins fréquentes d'un ou plusieurs muscles de la face ou des

extrémités. Le plus souvent ces tics sont associés à des stigmates

hystériques qui permettent de les rattacher il leur véritable cause

et par suite de leur opposer en temps voulu un traitement appro-

prié presque toujours couronné de succès.

M. Cullerre : - Les observations que vient de présenter

M. Pitres et auxquelles je m'associe entièrement m'engagent à

vous dire quelques mots des rapports de l'incontinence d'urine

infantile avec l'hystérie. J'ai déjà insisté ailleurs sur les analogies

que présente l'état mental, des enfants atteints d'incontinence

d'urine avec celui des hystériques. Aujourd'hui je vais plus loin et

je crois que l'incontinence d'urine est une manifestation apparte-

nant en propre à l'hystérie ou constitue du moins une prédisposi-

tion formelle à cette maladie. C'est ce que je vais essayer de

démontrer.

L'étiologie de l'incontinence d'urine ne diffère pas de celle de

l'hystérie. Elle se développe toujours sur un terrain préparé par

l'hérédité. Comme pour l'hystérie, les causes occasionnelles ne

jouent, visà-vis de l'incontinence, que le rôle d'agents provoca-

teurs. Parmi ces causes j'ai relevé les émotions vives, les trauma-

tismes et surtout les maladies infectieuses au nombre desquelles

domine la rougeole.

D'après mes recherches relatives à l'époque du début de l'hysté-

rie infantile, celle-ci présente deux maxima de fréquence :

1° avant trois ans; 2° de sept à treize ans. L'incontinence se con-

forme strictement à celte règle : sur les trente-six cas que j'ai

observés, dix-huit fois l'affection existait dès le. bas âge, dix-huit

fois elle s'était manifestée entre sept et quatorze ans avec un

maximum de fréquence vers dix ans.

Même parallélisme en ce qui concerne la pathogénie. Toutefois,

le mécanisme des accidents hystériques n'est pas unique; dans cer-

tains cas, les petits malades, profonds dormeurs, ne s'assimilent

pas les avertissements venus de la vessie et chez eux tout se passe

comme si le centre cérébral de la miction n'existait pas, ou plutôt

était paralysé. 11 s'agit bien, en effet, d'une véritable paralysie

psychique, comparable aux paralysies hystériques ordinaires. Chez

.d'autres petits malades, grands rêveurs, la sensation de besoin ne

stimule qu'insuffisamment ce centre, pas assez pour déterminer le

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 257 Î

plein effet de son action d'arrêt sur la moelle, assez cependant t

pour éveiller des idées subconscientes relatives à la fonction uri-

naire, des rêves directement mictionnels ou des cauchemars agi-

lés, ayant pour conséquence indirecte une émission d'urine. Ce

dernier mécanisme est très net chez nombre de malades qui, à

peine endormis, tombent dans une agitation oniriqne terminée

par une miction, ébauchant en quelque sorte une véritable crise

hystérique en miniature.

Le diagnostic de l'hystérie chez les incontinents est justifié, dans

beaucoup de cas, par l'existence antérieure ou simultanée d'autres

manifestations de cette névrose. Chez la moitié de mes malades,

j'ai retrouvé, soit au moment de l'examen, soit dans leurs antécé-

dents pathologiques, d'autres symptômes d'hystérie.

Le pronostic de l'incontinence se confond avec celui de l'hystérie

infantile : abandonnée à elle-même, elle guérit dans la majorité

des cas au moment de la puberté, mais avant de disparaître elle

est sujette à des périodes tantôt de rémission, tantôt d'exacerba-

tion. Elle disparaît même pariois tout à fait chez certains sujets, à

l'instar des autres manifestations hystériques, pour reparaître en-

suite sous l'influence d'une cause occasionnelle, telle qu'un choc

moral ou une maladie infectieuse.

Enfin une dernière preuve de l'affinité qui existe entre l'inconti-

nence urinaire et l'hystérie est fournie par l'action qu'exerce sur

elle la suggestion hypnotique. La suggestion supprime, en effet,

l'incontinence dans les trois quarts des cas et même là où elle

échoue, son action se fait sentir d'une façon indubitable. Je crois

donc être en droit d'affirmer que l'incontinence d'urine n'est,

dans un très grand nombre de cas, qu'une manifestation de l'hys-

térie.

M. RENAULT (d'Orléans) relate l'observation d'une petite fille, ma-

nifestement hystérique, qui était atteinte d'incontinence nocturne

d'urine et chez laquelle cet accident a complètement disparu par la

suggestion à l'état de veille.

M. Régis pense, comme M. Pitres, que ce serait mal servir la

cause de l'hystérie infantile que de vouloir en étendre trop les

limites. Mieux vaut de temps à autre avouer notre ignorance que

de mettre sur le compte de l'hystérie un accident dont la véritable

natuie nous échappe. Je ferai même. à ce propos, il M. Bézy, une

remarque qui n'est pas une simple querelle de mots. Le rappor-

teur fait rentrer dans le cadre de l'hystérie infantile les accidents

hystériques qui se développent chez des enfants âgés de treize,

quatorze, quinze, seize ans : il me semble que la dénomination

d'hystérie infantile ne doit s'appliquer qu'aux accidents de la pre-

mière et de la seconde enfance. Aller au delà c'est confondre

l'hystérie de l'enfance avec celle de l'adolescence ou de la puberté

Archives, 2e série, t. IV. 17 -1

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

et, de même que les psychoses qui apparaissent au moment de

l'adolescence ou de la puberté, les névroses qui se développent à

cette période de la vie doivent être distinguées de celles de l'en-

fance ou de l'âge adulte. O

M. BRIAND. - De même que MM. Pitres et Régis, j'estime que

l'on est un peu trop enclin aujourd'hui à rattacher à l'hystérie

toutes les manifestations névropathiques que l'on observe chez les

enfants. On oublie qu'à côté de l'hystérie, quelquefois même

coexistant avec elle, il existe un état de dégénérescence mentale

très favorable à l'éclosion, dès les premières années de la vie, de

troubles nerveux très variés (perversions instinctives, accès de

colère, frayeurs nocturnes, etc., etc.). Or, cet état de dégénéres-

cence se reconnaît à un certain nombre de stigmates physiques

trop connus pour que j'aie besoin de les rappeler ici, mais sur la

recherche desquels il me parait utile d'appeler l'attention des mé-

decins, parce que leur constatation permet de reconnaître la véri-

table origine d'accidents qu'on pourrait être tenté sans cela de

rattacher à l'hystérie.

Au cours de la discussion provoquée par le rapport de M. Bezy

sur l'hystérie infantile, M. Bérillon a présenté une étude détaillée

de la thérapeutique suggestive de cette affection. - M. Doutrehente,

s'appuyant sur son expérience personnelle et rappelant sur ce

point les vues exprimées récemment par M. le professeur Joffroy

sur la question, a combattu les conclusions qui suivent, tendant à

l'application pratique de la suggestion hypnotique dans ces cas.

Nous citerons le résumé ci-après de la note lue par M. le Dr Béril-

lon.

M. Bérillon (de Paris). - Après de nombreuses discussions,

inspirées surtout par des appréciations théoriques, la valeur de la

suggestion hypnotique a été acceptée sans conteste dans le traite-

ment de toutes les formes de l'hystérie chez l'adulte. Par contre,

l'emploi de ce procédé dans le traitement de l'hystérie infantile

soulève encore des objections d'ordres divers. Cela tient à ce que

les auteurs s'inspirent encore des théories que l'Ecole de la Salpê-

trière avait émises sur la production et sur la nature de l'hypno-

tisme. Or, depuis les recherches de Charcot, les idées ont évolué et

l'hypnotisme, tel que l'envisagent aujourd'hui les médecins qui

s'adonnent à la pratique de la psychothérapie, n'a rien de com-

mun avec l'hypnotisme tel qu'on le connaissait à la Salpêtrière.

Actuellement les psychothérapeutes n'ont plus recours, pour arri-

ver à la production de l'hypnotisme, qu'à un procédé absolument

inoffensif qui est d'ordre persuasif. Ils se bornent à suggérer au

malade de s'abandonner au sommeille plus simplement du monde.

Ils l'invitent à s'endormir d'un sommeil analogue à celui de la

nuit. Ils lui vantent les avantages de cet état de repos, de passivité.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

Lorsqu'ils jugent que le sujet est arrivé à un état de somnolence

appréciable, ils s'appliquent par des suggestions appropriées à mo-

difier les habitudes automatiques, à provoquer le réveil de l'énergie

volontaire, à la créer lorsqu'elle fait défaut. Ils tiennent au sujet

plongé dans le sommeil provoqué le même langage que d'autres

lui adresseraient à l'état de veille. La suggestion faite, ils ne négli-

gent jamais de procéder avec le plus grand soin au réveil complet

du sujet. Bien plus, les médecins adonnés à la pratique de la psy-

chothérapie savent qu'il convient de réveiller le malade sur des

idées agréables. La mise en oeuvre de la psychothérapie, en appa-

rence assez simple, nécessite cependant de la part de celui qui

l'applique, une certaine compétence et l'exercice de certaines

aptitudes. C'est ce qui peut laisser supposer que ceux qui s'attardent

encore à discuter la valeur thérapeutique de la suggestion hypno-

tique sont peut-être inspirés par leur défaut d'expérience person-

nelle sur la question. N'est-il pas essentiellement humain de

dédaigner les arts, dans lesquels on n'excelle point ? Les objections

que l'on a soulevées contre l'emploi de la suggestion dans le traite-

ment de l'hystérie infantile sont les suivantes : « Vous allez créer

chez les sujets une aptitude spéciale à être hypnotisés par le pre-

mier venu. » C'est exactement le contraire qui est l'expression de

la vérité. Tout psychothérapeute vraiment digne de ce nom ne

manque jamais délimiter les inconvénients que peut présenter pour

un sujet une suggestibilité naturelle excessive, en lui suggérant

d'être désormais à l'abri de toute autre influence suggestive que

de celle du médecin, agissant dans un but purement thérapeutique.

D'ailleurs, il faut le déclarer hautement, il n'y a pas d'hypnoma-

nie, comme il y a une morphinomanie, une chloralomanie, etc.

C'est à peine si deux ou trois faits ont été publiés, et encore un

médecin compétent aurait su guérir le sujet en une seule séance

d'hypnotisation. Ce qui est plus exact, c'est qu'il y a chez un cer-

tain nombre de médecins une véritable hypnophobie. Il est juste de

reconnaître qu'elle ne sévit que chez ceux qui ne se sont jamais

occupés spécialement d'hypnotisme et qui ne se rendent aucun

compte exact de la psychothérapie, telle qu'elle est pratiquée par

un grand nombre de médecins en France et à l'étranger.

Une autre objection est la crainte souvent exprimée que ce trai-

tement hypnotique n'ait pour effet de réveiller l'hystérie en puis-

sance et de provoquer l'éclosion de nouveaux symptômes. Celte

supposition serait légitime, s'ils ajoutaient que ces accidents

seront imputables aux médecins, qui auront appliqué l'hypnolisme

sans avoir la compétence voulue ou à ceux qui, dans un but de

curiosité, provoquent chez leurs sujets des expériences de disso-

ciation mentale, qui leur font réaliser des hallucinations. Entre les

mains des médecins, qui appliquent la suggestion hypnotique en

se conformant rigoureusement aux enseignements de l'Ecole de

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Nancy, on n'a jamais vu survenir il la suile de leur traitement le

moindre symptôme d'hystérie. Cela est tellement vrai qu'à Nancy,

où les malades ont été hypnotisés par milliers, la grande attaque

d'hystérie n'existe pas. Les neurologistes les plus éminents qui

s'adonnent d'une façon courante à la pratique de l'hypnotisme en

arrivent à nier l'existence des stigmates de l'hystérie tels que les a

. décrits l'École de laSalpêtrière, parce que, malgréleurs recherches,

- ils ne les observent jamais. Partout où l'on s'occupe couramment

d'hypnotisme, la grande hystérie, autrefois si commune, disparaît

et les malades de cette catégorie deviennent une véritable rareté.

Et encore, lorsqu'on rencontre une malade chez laquelle surviennent t

des crises complètes d'hystérie, avec l'arc de cercle et les convul-

sions toniques et cloniques, on n'est jamais surpris d'apprendre

que cette malade a fait autrefois un séjour plus ou moins prolongé

à la Salpêtrière. Ce qui surprend le plus en cette circonstance,

c'est de constater que l'objection qui consiste à accuser l'hypnotisme

d'être un agent provocateur de l'hystérie, émane ordinairement t

d'un représentant de l'École qui a provoqué pendant longtemps

chez les grands hystériques les expériences les plus capables de

déséquilibrer l'état mental. Ceux qui soulèvent également cette

objection sont ceux qui administrent toujours sans hésiter, de la

façon la plus libérale, les doses massives de bromures associés et

d'autres médicaments qui composent ce que les anciens thérapeutes

désignaient sous le nom de médication altérante de la cellule

organique. Nous ne craignons pas d'affirmer que quelques gram-

.mes de bromure, de chloral, de morphine ou d'autres stupéfianls

ont sur la cellule nerveuse une action beaucoup plus délétère que

.le procédé thérapeutique qui repose uniquement sur la persuasion

employée pour créer des états de conscience conformes au besoin

manifeste du malade.

Lorsque l'on envisage la suggestion hypnotique comme la con-

çoit l'École de Nancy, l'indication de ce traitement est encore plus

formelle lorsqu'il s'agit de la névrose hystérique chez l'enfant que

lorsqu'on est en présence de la névrose de l'adulte. Pourquoi ce

qui peut être utile au second deviendrait-il dangereux pour le

premier. Ne s'agit-il pas là, comme pour toutes les médications,

d'une question de posologie ? 11 appartient au psychothérapeute de

- doser la durée du sommeil provoqué, l'intensité de la suggestion,

d'en varier les formules selon les aptitudes, l'âge, le degré d'intel-

ligence, les réactions individuelles, de même qu'il appartient au

chirniâlre de déterminer les doses des médicaments en s'inspirant

des conditions dans lesquelles se trouve le malade. Malgré toutes

les considérations théoriques, la comparaison entre les résultats

de la méthode psychothérapique et ceux de la méthode pharmaco-

logique donnera le succès à la première. L'hypnotisme étendu à

ses applications expérimentales les plus extrêmes n'a jamais pro-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261

voqué le moindre accident mortel. Les accidents les plus graves

auxquels son emploi a donné lieu n'ont jamais dépassé les limites

d'un simple mal de tête ou d'une somnolence passagère, suscep-

tibles de disparaître sous l'influence d'une nouvelle suggestion. On

nous parle de sujets que l'expérimentateur n'aurait pu réveiller.

Pour notre part, dans le cours de milliers d'expériences, nous

n'avons jamais constaté rien de semhlahle. Toujours le sujet se

réveille .sous la simple action des mots consacrés : « Éveillez-

vous ! » Aucun élève de l'École de Nancy ne s'est heurté à une

difficulté de cet ordre. Si l'hypnotisme de la Salpêtrière comporte

quelques dangers, comme l'affirmait récemment M. le professeur

Joffroy dans une de ses leçons cliniques il Sainte-Anne, nous affir-

mons par contre que l'hypnotisme de l'Ecole de Nancy n'en com-

porte aucun, d'aucune sorte. 11 nous semble qu'il est souveraine-

ment injuste de faire retomber sur le second les méfaits imputables

au premier. Une objection tirée de ce fait qu'un certain nombre

d'adultes ne sont pas hypnotisables n'a plus de valeur lorsqu'il

s'agit de la suggestion hypnotique au traitement des maladies infan-

tiles. La suggestibilité des enfants est telle que, sur dix enfants de

six à quinze ans, pris dans toutes les classes de la société, huit sont

susceptibles d'être plongés dans le sommeil provoqué dès la pre-

mière ou la seconde séance. Contrairement à l'opinion courante,

les difficultés pour provoquer chez l'enfant un sommeil réel sont

d'autant plus grandes que l'enfant présente des tares héréditaires

plus accentuées. Les idiots sont absolument réfractaires à toute

tentation d'hypnotisation et les imbéciles ne réalisent pas les sug-

gestions qui leur sont faites.

Par contre les enfants hystériques se montrent très hypnotisa-

bles : ce qui n'a rien de surprenant, car ils sont généralement doués

d'une intelligence assez vive. La suggestibilité de l'enfant, faculté

normale, est en rapport direct avec le développement intellectuel

du sujet. Suggestibilité est, en fait, synonyme d'éducabilité.

Toutes les formes de l'hystérie peuvent se rencontrer chez l'en-

fant, mais il est exceptionnel de constater l'existence de stigmates

classiques de l'hystérie. L'hystérie convulsive chez l'enfant est aussi

très rare et quand nous l'avons observée, uous avons pu nous

assurer qu'elle était le résultat d'une contagion nerveuse, l'enfant

ayant assisté à des crises d'hystérie. Par contre l'hystérie se révèle

fréquemment par l'apparition de troubles psychiques qui sont par

ordre de fréquence le défaut d'attention, la mobilité des idées,

l'esprit de contradiction, une émotivité exagérée, le mensonge, la

simulation, la perversion des sentiments; chez les petites filles,

une coquetterie excessive est également une des manifestations de

l'hystérie précoce. En un mot l'instabilité mentale des enfants

hystériques semble calquée sur celle que présentent les adultes

atteints d'hystérie vulgaire.

6) SOCIÉTÉS SAVANTES.

L'éducation défectueuse joue dans l'étiologie infantile un rôle

beaucoup plus important que l'hérédité des caractères acquis.

L'action préventive et curative du traitement psychothérapique en

fournit la démonstration la plus frappante. Il appartiendra au

médecin de montrer qu'il n'est pas étranger aux enseignements de

la psychologie moderne et de procéder à une véritable rééducation

mentale de l'enfant. Il ne dérogera pas en prouvant qu'il est

capable de jouer le rôle d'éducateur. L'enfant hystérique, livré à

lui-même, abandonné au désordre de son imagination, se désé-

quilibrera de plus en plus. Chez certains d'entre eux, le défaut de

résistance aux impulsions instinctives est poussé si loin, qu'il est

possible de les considérer comme des malades dignes d'être ran-

gés dans la catégorie des dégénérés héréditaires. Mais si l'enfant

hystérique est dirigé avec autorité, s'il est habitué à opposer une

résistance effective aux impulsions instinctives, dont le dévelop-

pement est favorisé par la faiblesse et la complaisance du milieu,

non seulement l'état mental se modifie, mais les troubles spasmo-

diques et les perturbations fonctionnelles disparaissent. L'éduca-

tion de la volonté, l'utilisation de cette faculté suffit pour réaliser

ces heureux effets. Mais il faut reconnaître que l'emploi que la

suggestion hypnotique permettra seule de créer des centres d'arrêt

psychiques destinés à fournir au malade un point d'appui suffisant

pour l'application de sa volonté. L'action de la suggestion peut

évidemment être renforcée par l'emploi des moyens d'ordre

psycho-mécanique, par des artifices dont la technique est familière

à tous ceux qui appliquent la psychothérapie. En résumé, l'emploi

de la suggestion est nettement indiqué dans le traitement de

l'hystérie infantile. Les cas dans lesquels l'indication a été éta-

blie par des faits nombreux, rigoureusement contrôlés, sont les

suivants : 1° les troubles symptomatiques de l'hystérie, associés ou

isolés, tels que les tics, la chorée hystérique, le tremblement, les

contractures, les anesthésies, les parésies, le hoquet, l'aphonie, le

mutisme et la toux hystériques, le blépharospasme, le strabisme

hystérique, l'incontinence nocturne d'urine; 2° les habitudes auto-

matiques, l'onanisme irrésistible, l'habitude de se ronger les

ongles (onychophagie), la kleptomanie, etc. ; 3 ? les troubles psy-

chiques relevant de l'émotivité exagérée, pusillanimité, mensonge,

terreurs nocturnes, somniloquie, etc. ; 4° les troubles psychiques

survenant dans le cours des maladies aiguës, en particulier l'in-

sornmie, l'agilation et le délire nocturnes, l'incontinence d'urine et

de matières fécale=.

Dans tous les cas, lorsque la suggestion sera appliquée ration-

nellement, avec patience et douceur; quand on évite de faire des

suggestions expérimentales pour se limiter aux suggestions nette-

ment indiquées par l'état du malade, surtout lorsqu'on ne néglige

pas de procéder avec soin au réveil du sujet, nous affirmons l'inno-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

cuité complète de ce procédé thérapeutique. De plus, l'emploi de

la suggestion hypnotique éclairera souvent le diagnostic et le pro-

nostic en permettant de différencier les troubles fonctionnels qui

dépendent de l'hystérie infantile de ceux qui relèvent de la dégé-

nérescence héréditaire.

M. P. Garnier ne partage pas l'optimisme de M. Bérillon au sujet

de l'innocuité de la suggestion pratiquée en état d'hypnose. Je

connais plusieurs enfants atteints de légers troubles psychiques,

qui, après une ou deux séances d'hypnotisation, ont présenté un

désordre beaucoup plus grand des facultés, dans certains cas même

un véritable délire.

M. LAMARQ(de Bordeaux) communique au nom de M. Sabrazès et

au sien, les observations de trois enfants atteints d'hystérie, qui

méritent d'être réunies parce qu'elles offrent une grande ressem-

blance dans le mode de début et dans la marche des accidents. Il

s'agit dans les trois cas de choc moral ou physique (explosion de

gaz, chute dans un escalier, frayeur d'un enfant ayant le cou serré

par un homme). A la suite de ces émotions, ces trois enfants devin-

rent triste ? , pâles et subirent un amaigrissement notable. L'un

avait des syncopes tous les jours, à l'heure même de l'explosion ;

le second éprouvait des crises de sanglots ou de colère sans raison ;

chez le 'dernier, dont le cou avait été serré par un mauvais plai-

sant, il existait une contracture très marquée du trapèze. L'orateur

attire spécialement l'attention sur les troubles nutritifs qui ont été

la conséquence de ces émotions brusques chez des sujets apparte-

nant à la seconde enfance (de dix à quatorze ans). Le mode d'ap-

parition de ]*hystérie a été ici le même que chez les adultes. La

suggestion pratiquée à l'état de veille a amené une guérison très

rapide dans les trois cas.

M. Pailhas (d'Albi). - A côté des hémorrhagies et des troubles

trophiques que M. Bézy a rattachés à l'hystérie infanlile, il

convient, je crois, de grouper certains troubles circulatoires et

sécrétoires de la peau. Chez deux fillettes j'ai observé sans cause

appréciable, sans traumatisme, des ecchymoses situées au niveau

des bras et affectant la forme de raies disposées parallèlement

le long des membres. Chez deux autres enfants, également du

sexe féminin, j'ai assisté pour ainsi dire à l'éclosion de deux

placards de chromidrose, de coloration jaune ocre, disposés à

la façon de bracelets autour des poignets. En m'appuyant d'une

part sur le sexe de ces enfants, d'autre part sur l'existence de

quelques antécédents névropathiques et surtout sur la physio-

nomie et la morphologie si spéciale de ces accidents survenus

spontanément, je crois être autorisé à les rattacher à la diathèse

hystérique.

61, SOCIÉTÉS SAVANTES.

Trois cas d'hystérie infantile.

MM. S.BRASLS et LAUas rapporlent trois observations d'hystérie

nfantile qui méritent d'être réunies à cause de l'identité de la

cause occasionnelle. Dans les trois cas on observe au début un

choc moral ou physique. Chaque enfant présente des accidents

propres : l'un a des crises-syncopales, un autre une belle contrac-

- lure du trapèze droit, le troisième s'endort tous les soirs à la

même heure, rit et pleure sans le moindre motif. Les présentateurs

ont été frappés par les faits suivants : -.

1° Le choc moral pur ou associé à un traumatisme peut provo-

quer chez l'enfant, tout comme chez l'adulte, l'apparition de l'hys-

térie ; 2° elle s'accompagne de remarquables troubles de la nutri-

tion générale (amaigrissement, pâleur, anémie) précisés par

l'examen du sang et des urines ; 3° dans ces trois cas la suggestion

à l'état de veille a réussi d'une façon parfaite à produire une gué-

rison très rapide de tous les -symptômes. Celle suggestion parait

dans la seconde enfance réussir plus facilement que chez l'adulte.

Un cas d'hystérie infantile.

M. BÉzy rapporte un cas d'hystérie infantile. Une fillette de

quatre ans et demi est prise, en avril dernier, de crampes dans les

jambes. Le 22 elle ne peut plus marcher, mais à ce moment elle

fait une rougeole, on ne peut donc l'examiner que le 6 mai.

C'est une enfant intelligente, maigre, ne présentant à noter qu'un

souffle extra-cardiaque.. Elle ne peut marcher ni se tenir debout.

Si on la fait coucher ou asseoir, on voit que tous les mouvements

spontanés sont faciles, on constate des plaques d'anesthésie dans

les membres inférieurs et supérieurs. On promet à l'enfant sa gué-

rison à jour fixe. Cette tentative ayant échoué, on la renouvelle et

le 15 mai la guérison est obtenue, après un oedème fugace des

pieds. Le traitement par la valériane et l'hydrothérapie ' avait été

aussi institué.

Un cas de tremblement hystérique chez une fillette de onze ans.

- M. BÉzy cite un cas de tremblement hystérique chez une petite

fille de onze ans et demi. Après avoir rappelé un cas analogue de

Pierret, de Lyon, et un de Baumel, de Montpellier, l'auteur insiste

, L'hydrothérapie appliquée méthodiquement, jointe il la gymnas-

tique, aux occupations intellectuelles et manuelles, nous a réussi dans

la très grande majorité des cas, sans récidive, ainsi que les renseigne-

ments ultérieurs nous l'ont fait constater. Notre expérience remonte à

plus de vingt-cinq ans. ' (B.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

sur la rareté des maladies à tremblements dans l'enfance, tandis

que l'hystérie est fréquente à cet âge. Le diagnostic se fait en =énÉ-

ral par la brusquerie du début et la recherche des stigmates, le

tremblement hystérique n'ayant aucun caractère spécial. L'enfant

qui est présenté au Congrès a été prise de son tremblement à la

suite d'une frayeur ayant occasionné une perte de connaissance.

Elle a des zones d'anesthésie sur les quatre membres. Le tremble-

ment qui était d'abord intense est aujourd'hui lent et limité aux

membres supérieurs. L'hydrothérapie' employée régulièrement

depuis quelque temps a produit une légère amélioration.

Trois cas de paralysie hystérique chez l'enfant. Valeur thérapeutique

.et diagnostique de l'électricité.

M. Destarac montre que la paralysie hystérique chez l'enfant a

été méconnue et est encore difficile à déceler, malgré les travaux

de Charcot et la découverte des stigmates si utiles au diagnostic,

parce que ces stigmates manquent le plus souvent chez l'enfant et

d'autant plus souvent qu'il est plus jeune. Il donne, trois observa-

tions : une astasie-abasie, une paraplégie et une mimoplégie sans

stigmates dont le diagnostic a été singulièrement facilité par l'ex-

ploration électrique et qui ont guéri en une seule séance de fara-

disation. Ce qui prouve une fois de plus que chez l'enfant l'hystérie

ne tient pas.

Il insiste sur la valeur thérapeutique de l'électricité qui a une

action réelle en dehors de la suggestion. L'électricité est encore

très utile au diagnostic; ses observations le prouvent. L'existence

de la réaction de dégénérescence permet d'éloigner l'idée d'hystérie.

Il réfute le cas de Gilles de la Tourette et Dutil et les affirmations

de Souques, qui tendraient à prouver que la réaction de dégéné-

rescence est un signe sans valeur puisqu'on le rencontre dans

l'atrophie musculaire purement hystérique.

Séance du soir. - Présidence DE M. Ritti.

Troisième question. - Organisation et administration des asiles.

Rapporteur : M. DOUTftEDEI\TE.

M. Doutredente, directeur-médecin de l'asile de Blois, a fait un

rapport très documenté, et exposé avec beaucoup de talent, sur

l'Organisation médicale des asiles d'aliénés. Le rapporteur a eu

quelques contradicteurs sur des questions secondaires; mais,

contre la division des fonctions de médecin-chef et de directeur,

' Voir la note de la page précédente.

266 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les congressistes ont été à peu près unanimement d'accord. M. Dou-

trebente a, sur cette question, exposé les inconvénients graves qui

résultaient de la division des fonctions, inconvénients dont les

malades étaient les premiers à souffrir. Voici d'ailleurs ses con-

clusions :

Les asiles publics d'aliénés sont en nombre insuffisant; il yen

aura toujours au moins un par département ayant moins de

500000 habitants. Les asiles devront être construits et aménagés

avec six quartiers de classement pour cinq cents malades des deux

sexes (chiffre maximum). Ils contiendront un quartier d'observa-

tion ou de traitement dit de surveillance continue, et, comme

annexe, une colonie agricole à la périphérie, en contact avec l'a-

sile proprement dit. Le département de la Seine, pour ne pas

contribuer à augmenter l'encombrement dans les asiles de la pro-

vince, doit rapidement construire une série d'asiles bisexués de

cinq cents malades dans un rayon de quinze à vingt kilomètres de

Paris. L'encombrement progressif des asiles d'aliénés pourra, en

outre, être combattu avantageusement par des mesures tendant à

faciliter l'internement précoce des aliénés et l'assistance familiale

directe avec secours en argent. Le service médical et administratif

doit être confié, dans chaque asile public d'aliénés, à un directeur-

médecin, assisté d'un ou plusieurs médecins adjoints, d'un ou plu-

sieurs internes et d'un secrétaire, chef de bureau de la direction,

ayant dans l'asile, à égalité, la situation hiérarchique et les appoin-

tements du receveur et de l'économe '. 1.

Dans les asiles de cliniques, situés dans les villes où il existe

une Faculté de médecine, le professeur de clinique deviendrait

directeur-médecin, ayant à sa disposition deux médecins adjoints,

dont l'un, le chef de clinique, serait chargé spécialement des

besoins de l'enseignement, et l'autre des obligations légales du

service médical. En cas de besoin, le nombre des médecins adjoints

pourrait être doublé par des assistants choisis par le profeseur de

clinique, parmi les docteurs en médecine ayant été internes dans

les asiles publics d'aliénés. Les médecins adjoints, nommés par un

concours unique pour toute la France, seront, dans chaque asile,

placés par le ministre de l'Intérieur à la disposition du directeur-

médecin (Constans). C'est parmi les médecins adjoints que seraient

pris, par ordre de mérite et de classement, les directeurs-médecins,

sans qu'aucune exception ou dérogation à ce principe puisse être

fait à propos de la création d'un nouvel asile, ou d'une première

nomination, ou pour des services autres que ceux dévolus aux

seuls médecins adjoints. Les internes seront nommés, par suite de

concours régionaux, entre les docteurs en médecine âgés moins

1 Nos lecteurs savent que ce sont là des idées que les Archives de

Neurologie et le Progrès médical ont toujours soutenues.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267

de trente ans et les étudiants français ayant terminé leurs études

de médecine générale. Après un stage minimum de un an dans un

asile d'aliénés ils auraient le privilège exclusif de pouvoir concou-

rir pour obtenir le titre de médecin adjoint. Dans les asiles trop

éloignés du siège d'une Faculté de médecine, l'interne pourrait

être remplacé par un deuxième médecin adjoint. Dans le plus bref

délai, et en attendant la construction de nouveaux asiles dépar-

tementaux, le service médical dans les quartiers d'hospice et les

asiles privés faisant fonction d'asiles publics sera assuré par le

ministre de l'Intérieur, comme pour les asiles départementaux,

par des médecins nommés par lui et ayant la même origine, le

même classement et la même situation hiérarchique. Les certificats

de vingt-quatre heures et de quinzaine faits par le médecin de

l'établissement pourraient être faits par un médecin de l'établisse-

ment. Le règlement du service intérieur, modifiable par le minis-

tre de l'Intérieur, serait mis à jour et adapté aux propositions

ci-dessus énoncées, sans oublier de placer au premier rang le ser-

vice médical relégué actuellement à l'article 52, § VIII. Dans cha-

que asile d'aliénés il sera aménagé une bibliothèque médicale, un

laboratoire et une salle d'autopsie permettant aux médecins et aux

internes de se livrer à des recherches scientifiques et à l'étude de

l'anatomie normale et pathologique des centres nerveux. Le ser-

vice des retraites des directeurs-médecins sera fait, à l'avenir, par

l'Etat. Les internes étant admis à participer subiront les retenues

réglementaires à partir du jour de leur entrée en fonction. Les

surveillants en chef et gardiens participeront aux charges et aux

avantages de la caisse départementale des retraites. '

M. Charpentier (de Bicêtre) déclare qu'il est partisan du main-

lien du statu quo. Si quelques médecins, a-t-il dit, peuvent être en

même temps de bons administrateurs, d'autres n'ont pas .cette

aptitude spéciale et on ne peut leur imposer des fonctions admi-

nistratives ; il est donc juste d'avoir deux catégories d'emploi,

médecin directeur d'une part', médecin en chef de l'autre, répon-

dant à cette diversité d'aptitude du personnel médical.

Tous les orateurs, sans exception, ont réclamé la direction pour

le médecin, et le désaccord n'a eu lieu que sur quelques points de

détails.

M. Brunet (d'Evreux), partisan de la réforme, croit qu'elle ne

devrait pas être appliquée, du moins au début, aux trop grands

établissements.

M. REY (d'Aix) estime que les professeurs pourront difficilement

être en même temps directeurs. Si cependant la chose avait lieu,

il conviendrait de donner aux professeurs un médecin adjoint

spécialement chargé de les seconder dans la partie administrative.

Il se déclare partisan de la réunion des fonctions.

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Giraud rappelle que dans la Seine-Inférieure les médecins

adjoints assistent aux commissions de surveillance et désirerait

que ce fût là une mesure généralisée. C'est ainsi que, sous la

direction de Foville, il a acquis son expérience de l'administration

des asiles, et il est permis de penser que c'est en participant à

quelque degré à l'étude de toutes les questions vitales qui se

tranchent dans les commissions que les médecins adjoints peuvent

le plus facilement acquérir les connaissances et l'expérience admi-

nistratives nécessaires.

M. le Dr REBaTEL, qui est conseiller général depuis de longues

années, est venu présenter, en faveur de la direction médicale,

une argumentation nouvelle. Membre de la Commission adminis-

trative de surveillance des asiles départementaux, et se plaçant

uniquement sur ce terrain, il a constaté que la séparation de l'au-

torité entre le médecin et un fonctionnaire entraînait la division de

la responsabilité, ce qui est désastreux pour l'exécution du service.

Les regrettables incidents qui ont eu lieu à l'asile de Bron ne se

seraient certainement pas produits, a-t-il dit. si à la tête de cet

établissement avait été placé un médecin-directeur.

M. le D1' Drouineau, inspecteur général des asiles et délégué du

ministre, n'a pas hésité à dire que le personnel de l'Inspectorat

était tout à fait d'avis de confier la direction des asiles aux méde-

cins. Toutefois il ne croit pas que la mesure soil réalisable dans

les grands établissements dotés de plusieurs services médicaux,

par suite de la difficulté de hiérarchiser entre eux les médecins

traitants. En outre, il estime que les professeurs ne pourront

cumuler avec la charge de l'enseignement la responsabilité admi-

nistrative qui incombe à un directeur.

Le mode d'avancement des médecins adjoints a été mis en jeu

par M. Brunet qui a demandé que les places de médecin directeur

ne soient attribuées qu'à la suite d'un concours. La même opinion

a été soutenue par un médecin adjoint, M. ANGLADE (Toulouse).

Ces propositions équivalent, en somme, à l'abandon de l'ancien-

neté et à l'avancement exclusif au choix. C'est là une mesure qui

demande à être mûrement étudiée, et c'est, sans doute, par un

sentiment de réserve qu'aucun orateur n'est venu combattre ou

défendre cette thèse. '

M. LE Filliatre a lu un travail intitulé : Nécessité d'une nouvelle

organisation du se ? -vice médical dans les asiles d'aliénés; son insuffi-

sance. En voici les conclusions :

Nécessité d'éviter l'encombrement actuel des asiles, encombre-

ment si fâcheux pour la bonne exécution du service, en augmen-

tant le nombre des médecins qui devrait être calculé à raison de

1 pour 100 malades.

Suppression des médecins adjoints, et création de « médecins

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269 *

1

d'asiles » analogues aux Il médecins des hôpitaux ». Adjonction à

chaque médecin d'asiles d'un assistant, « médecin interne », pris s

au choix parmi les internes docteurs ayant au moins deux ans de

service dans' les asiles. Nomination à l'emploi de « médecin

d'asiles » par un concours réservé aux « médecins internes ».

Concours annuel d'internat auquel ne pourraient prendre part

que des étudiants n'ayant plus que leur thèse à passer ou des doc-

leurs en médecine. La durée de l'internat serait de deux années.

Augmentation progressive du traitement des « médecins internes ».

Les médecins d'asiles formeraient deux corps, l'un affecté au

département de la Seine, l'autre ressortissant au reste de la

France. Le personnel jouirait des bénéfices de la retraite propor-

tionnelle. Toutes ces mesures seraient applicables aux asiles-

couvents.

M. UUUTREBENTE prenant à partie M. Marandon DE Montyel sur

la question de l'open door, reproduit les arguments déjà dévelop-

pés par M. Christian dans la discussion à la Société médico-psyclaolo-

gigue 1. Suivant lui, les portes ouvertes le seraient très suffisam-

ment dans nos asiles actuels. Les asiles de province et Charenton'

seraient des modèles d'établissement avec le summum de liberté

pour les malades. Dans la Seine il en est autrement, il en con-

vient ; et cela tient à ce que la population des aliénés y est toute

différente de ce qu'elle est en province, Paris envoyant une partie

de ses malades,. difficiles à maintenir, dans les asiles de province.

Il propose à ses collègues des asiles départementaux de refuser

désormais les malades de la Seine à un prix de journée inférieure

à celui qu'on paye à Paris. Confondant l'open-door-système avec

celui de Gheel, il stigmatise humoristiquement les tendances de

M. Marandon de Rloutyel, parce qu'il a vu, en Belgique des malades

traités en liberté s'être mis en état d'ivresse pendant une ker-

messe.

M. LE FILLIATRE répond qu'il ne représente nullement M. le Dr

Marandon et que l'open-cloor n'a rien à voir avec la question du

nombre des médecins traitants.

M. le Dr Dubois, président du Conseil général de la Seine, a

communiqué un travail tiré de son Rapport général sur le service

des aliénés de la Seine. Il a parlé de stastistiques étrangères rela-

tives à la proportion des médecins d'asiles par malades aliénés.

Ces arguments, il les a développés en faveur de la scission des

grands services de Villejuif et de Ville-Evrard à Paris, où les

médecins adjoints ont été érigés en médecins traitants pour le

plus grand bénéfice des malades à traiter.

Voir plus loin la Société medico-psychologique (p. 272).

270 O SOCIÉTÉS SAVANTES.

Enfin, M. DOUTREBENTE a clos la discussion par quelques mots en

réponse aux diverses observations présentées. Cette séance s'est

terminée par la communication d'un travail de M. le professeur

n1 : 11RET, de la Faculté de médecine de Montpellier, qui a parlé de

l'étiologie de la paralysie générale, qu'il a étudiée dans plus de mille

cas.

Le Congrès a décidé que la session de 1898 aurait lieu à Angers,

et celle de 1899 à Marseille.

M. le D*'MoTET a été acclamé président du Congrès de 1899;

c'est là un témoignage éclatant de la grande estime en laquelle

le tiennent ses confrères, et nous l'enregistrons avec grand plaisir.

Le secrétaire général est M. le Dr PETRUCCI, directeur de l'asile

d'Angers, dont l'affabilité est un sûr garant de l'accueil réservé à

chacun. Avec un bureau aussi sympathique, le Congrès de 1898

est sûr d'un grand succès, d'autant que le choix des questions

mises à l'étude et des rapporteurs ne laissent rien à désirer.

En voici l'énumération : Des troubles psychiques post-opéra-

toires : rapporteur, M. HENAULT, d'Orléans. Du rôle des artérites

dans la pathologie du système nerveux : rapporteur, M. SABRAzÈs,

de Bordeaux. Des délires transitoires au point de vue médico-

légal : rapporteur, M. Vallon, de Paris.

Avant de se séparer, les Congressistes réunis à Toulouse sont

allés, sur la proposition de M. le Dr Briand, porter une couronne

sur la tombe d'une victime du devoir professionnel, le Dr Gérard-

Marchant père, mortellement frappé, il y a une vingtaine d'années,

par un malade aliéné.

(A suivre.)

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 28 juin 1897. - Présidence DE M. P. GARNIER.

Condamnation et mort d'un dégénéré impulsif.

M. GUIBERT donne lecture d'un rapport médico-légal, rédigé par

lui, à la requête de la défense du nommé X..., accusé d'assassinat.

X... est le fils d'un alcoolique qui s'est suicidé. Il s'est lui-même

dès l'enfance toujours montré violent, impulsif et, sous de futiles

prétextes, menaçait déjà de tuer ses camarades. A l'âge de seize ans,

dans un accès d'ivresse, il frappait son oncle de plusieurs coups

de couteau, sans conserver aucun souvenir de cet acte criminel.

Placé plus tard dans une colonie pénitentiaire, il s'y conduisit à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 271

peu près bien, tout en conservant toujours un caractère emporté.

Il fut enfin appelé il faire son service militaire dans la flotte, où

pendant les premières années il ne fit aucun excès de boissons. A

la suite d'une visite dans sa famille, uù on lui reprochait la tenta-

tive d'assassinat commise sur son oncle, il se remit àboire etmon-

tra une plus grande instabilité mentale. Un peu après, il cherchait

à se suicider. C'est vers cette même époque qu'il commit une

seconde tentative de meurtre et deux meurtres absurdes, sur des

enfants, afin dissimuler un vol de quelques sous.

M. Guibert ne put faire admettre l'irresponsabilité de cet indi-

vidu qui fut condamné à mort. Il avait alors toute sa lucidité qui

a dû en imposer aux autres experts.

M. MAGNAN. - Il découle de cette communication que, dans

une expertise médico-légale, il faut reprendre la vie tout entière

des accusés. Sans cette précaution on n'est pas armé pour un

examen approfondi. Fils d'alcoolique suicidé, X..., à la suite d'ex-

cès de boissons, au lieu d'avoir un simple excès d'ivresse est pris

d'un véritable accès de folie. Il devient impulsif. Plus tard sobre,

il se comporte à peu près normalement; mais ensuite il reboit et

retombe aussitôt dans une vie irrégulière, tente de se suicider,

devient meurtrier comme précédemment. Emprisonné, il est for-

cément sobre et se remontre le simple débile qui a pu tromper les

experts. Un retour en arrière dans sa vie passée l'a montré tel

qu'il devait être au moment du meurtre.

M. Vallon croit aussi qu'il faut non seulement remonter dans les

antécédents d'un accusé, mais encore rechercher l'état mental des

ascendants. Quant à apprécier le fait particulier de M. Guibert, il

s'y refuse parce qu'il lui manque les rapports des autres experts.

Avant de conclure à la responsabilité, ils ont dû donner des rai-

sons qui ne figurent pas dans les données fournies ici lesquelles lui

semblent insuffisantes.

M. GUIBERT. - M. Magnan a vu leurs rapports,

M. Magnan. - C'est vrai; mais je ne puis en parler, parce que

nos confrères ne sont pas ici pour défendre leurs conclusions.

M. CHARPENTIER. Le père s'est suicidé sous l'influence de

l'alcool, dit-on; il est peut-être mort d'un autre accident. D'autre

part, le suicide d'un parent ne constitue pas la dégénérescence.

X... boit à seize ans et commet une première tentative de meurtre.

Tout autre qu'un dégénéré eût pu en faire autant. Au régiment, il

se conduit bien, c'est donc qu'il n'est pas déséquilibré. Sa tentative

de suicide n'est pas expliquée dans le rapport, je ne l'expliquerai

pas davantage. L'insignifiance du vol prouve surtout qu'il n'a pas

trouvé autre chose. C'est un vicieux à supprimer de la société.

M. Magnan. - L'insubordination jusqu'à seize ans est une

preuve de déchéance. Mais l'accès de fureur, à la suite d'un excès

'21 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de boissons, prouve la dégénérescence. L'individu bien pondéré

qui boit, éprouve un simple accès d'ivresse. Il faut un terrain pré-

paré pour tomber dans la fureur alcoolique ou bien une boisson

spéciale. En m'en tenant au dire de M. Guibert, si je ne constate

pas l'impulsion irréfléchie, je vois cependant les caractères du

meurtre pathologique. '

M. ARNAUD. - L'ivresse avec fureur est caractéristique de la

dégénérescence mentale ou consécutive à l'ingestion de boissons

particulièrement toxiques, nous dit M. Magnan. Je le crois aussi ;

mais le rapport de M. Guilbert ne nous éclaire en rien sur la

nature de la boisson ingérée.

M. GUIBERT. - X... a bu du cidre et de l'eau-de-vie.

M. VALLON. - Il ne s'agit pas ici d'une simple observation, c'est

un rapport médico-légal;' nous ne pouvons pas nous élever contre

l'opinion des autres experts, dont nous n'avons pas la moindre

connaissance. M. Guibert a déjà voulu lire ce même rapport à la

Société de médecine légale qui ne l'y a pas autorisé parce qu'elle

n'avait pas la contre-partie. Je demande donc la publication des

autres rapports avant de discuter ceiui-ci.

M. MAGNAN. - On ne peut évidemment imprimer ces rapports

sans l'assentiment de leurs auteurs. Nous ne devons considérer la

communication de -'1. Guibert que comme une simple observation

et moi-même je ne la discute qu'au point de vue purement scien-

tifique. M. Charpentier comprend bien que X... ait été condamné

à mort. 1\I. A. Voisin. - Sur la photographie qui nous est pré-

sentée je constate l'occlusion palpébrable droite. Peut-être est-elle

en rapport avec une lésion cérébrale ? '

L'Open-door.

M. CHRISTIAN. - M. Marandon tient à son village, dont sans

doute il ne verra pas la réalisation. Qu'il me permette de lui faire

un peu d'histoire : il y a encore dans notre Société quelques

membres qui ont vécu les faits que je vais lui rappeler.

Il y a quelque trente ou quarante ans florissait le baron Mundy,

médecin philanthrope, riche seigneur en Moravie et grand redres-

seur d'abus '. Possédant une fortune considérable, parlant sept

langues, il s'était donné la tâche de réformer nos asiles, qui déjà

alors,' ne donnaient, suivant lui, que de déplorables résultats.

Avec la ferveur d'un apôtre, il allait de pays en pays signalant le

mal, luttant, comme il le disait a contre la puissance de la rou-

tine, l'indolence, l'insouciance, l'ignorance et le mauvais vouloir ».

Telles étaient les aménités que cet excellent homme prodiguait à

' Voir les Annales ) ? ? co-;Mye/;o ? le Journal de médecine mentale,

la Revue de lleérapeul. 77éclico-chii-iiifliccile, etc.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 273

nos prédécesseurs, dont il restait d'ailleurs le meilleur ami. Il ne

s'arrêtait à aucune objection. Que peut la contradiction inspirée

par la routine, ou, comme on dit maintenant, par le misonéisme,

contre celui qui tient la vérité, et qui ne demande qu'à la répandre

dans le moude ?

La vérité pour le baron Mundy, c'était Gheel, c'est-à-dire le

village. Au lieu d'enfermer quelques centaines d'aliénés dans un

asile construit à grands frais, disséminez-les, par groupes de quatre

à six, dans de petits cottages champêtres, où ils seront confiés à

des familles vertueuses, cela va s'en dire et désintéressées, qui les

combleront de soins, tout en leur laissant la plus grande liberté.

Réunissez un certain nombre de ces cottages, vous aurez le vil-

lage, le village idéal, moins complet cependant et moins perfec-

tionné que celui que rêve M. Marandon.

Le baron Mundy a lutté quinze ans pour faire triompher ses

vues, déployant une activité prodigieuse. Il n'est arrivé à rien et

découragé il a cessé de s'occuper des aliénés, pour consacrer ses

soins et sa fortune aux blessés de nos grandes guerres.

Où le baron Mundy a échoué, M. Marandon réussira-t-il ?

Si j'ai cru devoir rappeler à notre excellent collègue qu'il a eu

un précurseur, ce n'est pas pour diminuer le mérite de ses efforts ;

c'est uniquement pour montrer que dans la campagne de l'Open-

door, il n'y a de nouveau que le nom.

M. Marandon m'a couvert de roses, dont il m'a fait galamment

sentir les épines; mais que m'a-t-il répondu ?

Il m'avait paru exorbitant qu'un collègue, occupant une situa-

tion officielle, rompu depuis de longues années à tous les détails

d'administration d'un asile d'aliénés, pût dire que « nos asiles

sont des fabriques d'incurables » ; que les médecins ne sont que

des « fabricants de chroniques ». C'est là une assertion tellement

extraordinaire que j'avais demandé qu'elle fùt justifiée. Car de

deux choses l'une : ou cela ne veut rien dire, ou cela signifie que

les aliénés qu'on nous amène arrivent dans un état qui permet-

trait de les guérir; que s'ils ne guérissent pas, la faute en est à

l'apathie ou à l'ignorance des médecins encroûtés dans leurs pré-

jugés, ou encore à la mauvaise installation de nos asiles.

J'ai objecté que les neuf dixièmes au moins des aliénés sont

arrivés à l'incurabilité quand nous les reçevons; que par consé-

quent nous ne pouvons rien pour eux que de les faire vivre. Nous

ne saurions être responsables d'une situation que nous subissons.

Existerait-il par hasard un moyen de guérir, ne fût-ce qu'une

minime fraction, de ces incurables ? Si oui, qu'on nous l'indique;

cela vaudra mieux que de nous poursuivre d'objurgations

indignées.

De cette situation, qui est plus forte que tous les raisonnements,

découle comme autre conséquence que nos asiles grands ou petits,

Archives, 2° série, t. IV. 18

274 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ne peuvent être et ne seront jamais que des garderies ou des l'en-

fe1'mel'ies, si vous ne voulez plus tout simplement du mot asile.

Leur population ne se composera jamais, pour l'immense majo-

rité, que d'infirmes, d'incurables; ceux que nous pourrons guérir

ne seront qu'une infime minorité. Ce sont là des faits sur lesquels

on peut gémir, mais auxquels je vous défie de rien changer.

Je faisais à M. Marandon une autre objection : je lui disais que

les seuls aliénés que l'on mène dans nos asiles sont ceux que leurs

familles ne peuvent plus garder avec elles, parce qu'ils sont deve-

nus dangereux pour leur entourage ou pour l'ordre public. J'ai

toujours entendu les médecins déplorer cet état de choses, disant

qu'en tardant trop longtemps à soumettre ces malades à un

régime convenable on leur faisait perdre toute chance de guérison.

Voilà donc des individus qui sont un péril ou une source de

troubles incessants dans leur milieu, et il n'y a rien de plus pressé

que de leur ouvrir toutes grandes les portes de l'asile, afin qu'ils

puissent vagabonder à leur aise dans les rues du village ! Que dis-

je ? non seulement la porte doit rester ouverte, on admire même

qu'il n'y ait pas de portier !

J'ai cru jusqu'à ce jour et je crois encore qu'une maison sans

portier est une maison mal tenue, à plus forte raison un établisse-

ment public.

On nous parle des aliénés comme on en parle dans les romans;

on leur prête des sentiments, des idées, des aspirations, que, pour

ma part, je n'ai jamais trouvés chez eux. Ce sont des inconscients

qu'il faut surveiller.

Les réformateurs laissent assez volontiers de côté la question

d'argent. Elle a cependant son importance. J'ai demandé à M. Ma-

randon de nous faire le devis de son village; I. Colin nous en a

cilé un créé sur ce type en Amérique, mais il ne nous a pas dit quel

capital y était engagé. Je ne pense pas qu'il nous donne comme

modèle cet asile d'Ecosse dont j'ai parlé moi-même à la Société, il

y a déjà douze ans, et où les pensionnaires vont chasser la grive ;

je n'ai pas encore rencontré un seul aliéné à qui j'eusse osé confier

un fusil ; on ne peut raisonnablement pas demander à nus asiles

d'avoir des territoires de chasse ou dépêche.

M. Paclet, nous parlant des asiles de 900 malades, nous a fort

bien démontré que, si le médecin veut donner seulement deux

minutes par semaine à chaque aliéné, cela lui fera une visite de

cinq heures par jour.

Le calcul est parfaitement exact. Mais sur ces 900 aliénés com-

bien y en a-t-il qui aient besoin d'être suivis ou observés réguliè-

rement. Il n'y en a certainement pas 50. Tout le reste, les 850

autres, sont des incurables qui végètent paisiblement, et quand

on nous apprend qu'ils ont mangé et dormi, que leur conduite.

a été convenable, que faut-il de plus ? Est-il vraiment nécessaire

SOCIÉTÉS SAVANTES. 273

de s'arrêLer chaque jour devant chacune de ces épaves et de s'as-

treindre à la besogne fastidieuse et inutile de se répéter ? Exigeriez-

vous du médecin d'un bureau de bienfaisance d'aller visiter chaque

matin tous les indigents de sa circonscription ?

Je ne trouve donc pas que le directeur qui disait pouvoir suffire

à un service de 900 pensionnaires aidé par un médecin adjoint et

des internes, mérite les sarcasmes de M. Paclet. A tout prendre,

un coionel peut connaître son régiment, sans faire l'examen quoti-

dien de 2000 ou 3 000 soldats qu'il a sous ses ordres.

On a proposé comme remède de scinder les services. Le soin de

1000 aliénés étant une tâche trop lourde pour un seul médecin, il

n'y aurait qu'à faire deux services de 500 chacun et de nommer

deux médecins. M. Marandon, qui a tous les héroïsmes, a prêché

l'exemple. Il a demandé lui-même l'amputation de son service et

l'a obtenu. Il n'est malheureusement pas à craindre que cet

exemple puisse être imité. A Ville-Evrard, il existe des conditions'

spéciales qui ont permis cette division. Mais, en général, dans

l'immense majorité des cas, cela ne sera pas si aisé. Dans un ser-

vice de médecine ou de chirurgie, on peut dire : a j'ai trop de

100 lits, qu'on en donne 50 à un collègue », rien de plus facile. Mais

dans un service d'aliénés ? M. Marandon a-t-il donc oublié que c'est

lui-même, dans un de ses nombreux écrits, qui a énuméré les

organes indispensables à tout service d'aliénés ? Or, pour donner à

chaque médecin ces organes indispensables, il ne peut être question

d'une simple division; il n'y aurait qu'une chose à faire, créer un

nouvel asile à côlé de l'ancien. Perise-t-il, et aucun de nous peut-il

penser que ce soit là chose réalisable ?

Ceux qui critiquent l'organisation de nos asiles, ne manquent pas

de comparer ce qui se fait chez nous avec ce qui se fait à l'étran-

ger, et comme il faut s'y attendre le résultat de cette comparaison

nous est absolument défavorable. On vous a dit ici même que si,

jadis, les aliénistes du dehors pouvaient apprendre quelque chose

chez nous, les choses avaient bien changé. Je sais combien il con-

vient d'être modeste, combien il faut se garder de tout chauvi-

msme. Mais de bonne foi on nous rabaisse aussi et si l'on exalte les

étrangers, il faut nous dire en quoi ils nous sont supérieurs. Où

sont les découvertes merveilleuses qu'ils ont faites pendant que

nous languissions dans les événements du passé ? Ont-ils trouvé des

méthodes nouvelles de traitement ? Guérissent-ils des aliénés qui

chez nous deviennent incurables ? Nous ont-ils dépassés, dans

l'anatliomie pathologique ? Tant qu'on ne nous aura pas fourni des

preuves palpables de leur supériorité, je reconnaîtrai, si vous voulez,

qu'ils n'ont à rien apprendre chez nous ; mais avouez que nous

ne leur sommes pas inférieurs.

Sur un point peut-être nous pourrions nous inspirer de leur

exemple. Eux aussi ont de grands asiles, de grandes renfermeries ;

276 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mais là où nous nous contentons d'un médecin directeur, d'un

adjoint et d'un ou deux internes, ils ont un personnel plus nom-

breux. A côté du directeur médecin en chef, ils ont deux, trois,

quatre médecins, chargés chacun d'une partie déterminée du ser-

vice médical. Dans cette organisation la hiérarchie est scrupuleu-

sement conservée, le médecin en chef directeur est seule respon-

sable ; tout se fait sous son contrôle. Chaque matin après la visite,

-chacun des autres médecins vient lui rendre compte de ce qu'il a

fait, lui demande et reçoit ses conseils. Pensez-vous que ce système

ait quelque chance de s'implanter en France ?

M. TOULOUSE. - J'ignorais, il y a quelques instants, l'existence du

baron Mundy qui me parait lui-même aliéné et je l'abandonne '.

Maisje ne vois pas trop pourquoi nos asiles resteraient toujours des

garderies. M. Christian dit qu'il n'y a pas eu d'expériences

sérieuses, de faites et cependant il nous parlé de Gheel.

Pour ce qui est de la dépense, cela ne nous regarde pas. Il nous

est égal que les aliénés coûtent cher; ce que nous voulons, c'est

qu'ils soient bien soignés. Pour ce qui est de la possibilité de la

grossesse, c'est un accident qui pèse d'un petit poids dans la

balance. M. Christian dit que les chroniques seuls travaillent : à la

Clinique, ce sont les aigus et aussi les alcooliques qui fournissent le

plus de travailleurs.

Le traitement de la médecine mentale est à l'état embryonnaire.

Nous ne savons pas ce que ça donnera à l'essai. Esquirol ne vou-

drait dans chaque service que 250 malades. Pour ce qui est du

dédoublement des services, je crois que c'est possible, bien qu'il soit

préférable d'avoir à sa disposition plus de quartiers que n'en don-

nerait le dédoublement; il n'y en aura jamais assez. Entre deux

maux il faut choisir le moindre. Le médecin d'un grand service ne

peut pas connaître tous ses malades. Les surveillants sont obligés

de prendre une autorité qu'ils ne doivent pas avoir ; c'est à eux que

le médecin se voit dans la nécessité de s'adresser pour avoir des

renseignements. Pour faire de I*Ope ? z-dooi, il faut réformer les asiles,

les dédoubler et les redédoubler. C'est très facile à faire. On com-

mencera par les services de province où les services d'hommes et

de femmes sont confiés au même médecin. M. B.

Séance du 26 juillet 1897. - Présidence de M. P. GARNIER.

M. A. Voisin se montre étonné de la façon dont M. Toulouse

parle des médecins aliénistes. I ! a assisté aux visites des Moreau

(de Tours), des Falret père, des F. Voisin, des Delasiauve, des Bail-

larger, pour ne parler que des morts et a pu constater qu'ils con-

1 M. Toulouse est un peu dur pour un homme dont il ignore les tra-

vaux, les intentions généreuses et qui, en somme, s'est intéressé aux

malheureux.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 277

naissaient tous les malades de leur service, sans cependant les

interroger individuellement chaquejour : « Je puis, ajoutez. Voisin,

fournir tous les renseignements désirables sur chacune de mes ma-

lades et je trouve que c'est vouloir jeter le discrédit sur les méde-

cins de France que de parler d'eux comme l'a fait notre confrère. »

M. TOULOUSE se défend d'avoir jamais voulu faire aucune per-

sonnalité et de n'avoir fait aucune allusion à M. Voisin qui n'a

qu'un petit service. Il a voulu seulement dire que le médecin le

mieux intentionné ne peut connaître huit cents malades. C'est une

lâche au-dessus des intelligences les mieux douées. Dans les

grands services, on est obligé de se fier aux renseignements des

surveillants ou surveillantes. Loin de vouloir jeter la déconsidéra-

tion sur le corps des aliénistes français, M. Toulouse rend hom-

mage à leurs qualités, car ils remplissent leurs fonctions aussi bien

qu'il est humainement possible de le faire.

M. Charpentier. - Il y a une différence entre le dire actuel de

M. Toulouse et la rédaction de sa communication que nous avo.ns

tous entendue. Mieux aurait valu que M. Toulouse eût fait des per-

sonnalités, car alors il n'eût pas jeté de discrédit sur tous nos col-

lègues des asiles français. - M. TOULOUSE. - Je maintiens qu'on ne

peut pas connaître plus de cinq cents malades. - M. Charpentier.

- C'est une simple assertion qu'il faudrait nous prouver par des faits.

L'Open-door. (Suite de la discussion.)

M. COLLIN. - Nous n'avons pas la prétention de vouloir appli-

quer le système de l'Open-door à toutes les formes de la folie. Cer-

tains malades peuvent seuls en bénéficier. M. Christian prétend

qu'une maison sans portier est une maison mal tenue. A ce

compte, beaucoup de maisons sont mal tenues, car les portiers sont

relativement rares. Je lui répondrai qu'en France nous traitons

tous les aliénés de la même façon. Je lui citerai l'opinion d'un

médecin en chef de Broadmoor qui prétend n'avoir donné ses

soins qu'aux aliénés qui le harcèlent chaque matin. Ce sont tou-

jours les mêmes qui en bénéficient 1.

M. CLOUSTON (d'Edimbourg) reconnaît qu'on ne peut pas traiter

efficacement plus de trois cents malades et qu'en adoptant une

thérapeutique plus efficace, on pourrait réaliser une économie

de 10 p. 100. Il faut donc réagir contre l'encombrement des ser-

vices dont la cause doit toujours être attribuée à l'incompétence

des administrations et non à la volonté des médecins.

1 Un malade atteint d'une pneumonie a besoin d'être vu tous les jours,

même deux fois par jour pendant la période aiguë ; mais un épileptique

dont le traitement est institué d'une façon méthodique, n'a besoin d'être

vu que tous les mois ou tous les deux mois, sauf accident. Et il en est

de même pour d'autres formes des maladies mentales. (B.) -)

218 SOCIÉTÉS SAVANTES.

En Écosse, non seulement les sexes sont mélangés, mais encore

on accorde la liberté sur parole. L'asile de Toledo, aux Etats-Unis

d'Amérique, est bâti sur le système des cottages avec vérandas,

tennis, crockets, etc. Le lit ne revient pas à plus de 1.500 francs.

M. CHRISTIN. - Nous pourrions discuter indéfiniment sans nous

entendre, car nous partons de deux points différents. M. Colin

- semble croire que tous les aliénés sont curables. Je crois au con-

traire que la grande majorité est incurable dès l'entrée à l'asile.

Pensez-vous sérieusement qu'un paralytique général, un dément,

un idiot, un crétin ou un vieux persécuté guériront parce que

tous les matins vous les interrogerez pendant un quart d'heure ? Le

moins que vous fassiez sera de les ennuyer et souvent de les agiter

inutilement. Ce n'est pas davantage la multiplicité des médecins-

adjoints qui les guérira. D'ailleurs pourquoi les médecins-adjoints

ne s'appliquent-ils pas à essayer la thérapeuthique du raisonne-

ment chez ces malades au cours de la contre-visite à laquelle ils

sont tenus d'après le règlement actuellement en vigueur ? Ce sont

eux qui d'après le même règlement doivent prendre les observa-

tions et faciliter ainsi la connaissance des malades aux médecins

en chef. S'ils ne font pas leur service, ce sont eux qui sont dans

leur tort. En ce qui concerne leur autonomie, laquelle serait

empruntée à l'étranger, je dois vous dire qu'elle n'existe encore

nulle part. Us sont partout sous la dépendance absolue d'un chef.

J'ajouterai à propos de rOpen-llo01' que les médecins anglais

n'ont jamais voulu l'appliquer. Ils considèrent ajuste titre que rien

n'est désagréable comme de se sentir quelqu'un à ses trousses.

C'est ce qu'avaient compris les Mormons; quand il venait un

étranger dans leur ville, ils ne le chassaient pas, ils se contentaient

de le faire surveiller par deux suiveurs qui ne le quittaient pas de

l'oeil. Après vingt-quatre heures, l'étranger ne demandait qu'à

filer. Al. Toulouse voulait qu'on ne se mariât qu'après enquête sur

les antécédents névropathiques. Aujourd'hui, il nous répond :

peu importe qu'une grossesse intervienne par ci par là . Il n'est

donc pas conséquent avec lui-même. Personne n'ignore d'ailleurs

que les accidents ne sont pas rares en Ecosse.

M. Colin. - Le système de l'Open-door n'est évidemment

pas applicable à tous les aliénés. L'accord est unanime sur ce

point. Nos adversaires appliquent notre système sans s'en douter,

quand ils envoient travailler leurs malades au dehors. Dans les

asiles écossais, il y a une sorte d'hôpital par où passent tous les

entrants. Les curables y sont conservés en traitement. Les incu-

rables seuls sont envoyés comme travailleurs, au dehors où leur

sont offertes de nombreuses distractions et où ils jouissent d'une

1 Ce serait une nouvelle catégorie de malheureux à secourir, de nou-

velles charges pour la Société.

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 279

très grande liberté. Je regrette, pour ma part, que les médecins

ordinaires ne connaissent pas mieux l'aliénation, car ils pourraient

traiter il domicile beaucoup d'aliénés, qu'un séquestre inutile nuit.

Si l'isolement est bon dans certains cas, il est nuisible dans d'autres.

Enfin si notre système désorganise les asiles on pourra sans regret

et sans y rien changer en faire des collèges ou des casernes. -

M. Taguet. Dans tous les asiles où je me suis trouvé, soit en

qualité d'adjoint, soit de médecin en chef, j'ai toujours constaté

que les médecins-adjoints y faisaient la contre-visite et pouvaient

rendre de grands services il leurs chef dont ils étaient les plus

utiles collaborateurs. Pour pratiquer l'Open-door il faudrait modi-

fier la loi. Le préfet de police ne reconnaît pas les sorties provi-

soires que les médecins autorisent sur leur entière responsabilité.

M. FALRET. - Le Conseil général de la Seine a obtenu, sur l'in-

sistance de notre collègue M. Bourneville, que le préfet de police

fermât les yeux sur ces sorties; mais il est évident que la loi

de 1838 est muette à leur égard 1.

M. TouLOusE. - Les mouvements d'entrée et de sortie d'un ser-

vice de huit cents malades nécessitent l'examen approfondi d'au

moins trois aliénés par jour. En consacrant une demi heure à

chacun des. trois, voyez ce qui restera de temps pour tous les autres.

LE Président rappelle que la question il l'ordre du jour étant

celle de' l'Oprn-door il se voit dans la nécessité d'interrompre

M. Toulouse pour donner la parole à M. Sollier.

L'Open-door. (Suite de la discussion.)

I. Sollieu. - Le débat qui vient de s'ouvrir au sein de notre

Société à propos de l'Open-door, bien que réédité d'autrefois,

comme le remarquait justement M. Christian, indique une évolu-

tion dans les esprits qui mérite, je crois, d'être notée. On n'a pas

entendu sans quelque étonnement des aliénistes formuler contre

leurs confrères des accusations qu'on est habitué il rencontrer sous

une forme bien peu différente dans certains journaux qui n'ont

rien de scientifique. Peu s'en est fallu que nous n'ayons entendu

traiter nos asiles de bastilles modernes ; du moins ont-ils élé con-

sidérés comme des fabriques de chroniques. On sent immédiate-

ment qu'un vent de réforme a soufflé, réforme qui se traduit

d'abord dans les procédés de la polémique.

' Nous remercions .\I. J. Falret d'avoir rappelé notre initiative. Elle ne

s'est pas bornée là. La création ou l'extension des bibliothèques pour les

malades, l'ornementation des salles communes, l'extension du travail

même au dehors, même chez des étrangers, la multiplicité des distrac-

tions, la participation aux concours de gymnastique ou de musique, nous

sont aussi dus pour une bonne part. (I.)

80 SOCIÉTÉS SAVANTES.

A entendre les partisans de l'Open-cloor, j'ai été épouvanté de

l'aveuglement dans lequel j'avais jusqu'ici vécu, en assez bonne

compagnie d'ailleurs, au sujet des mesures à prendre vis-à-vis des

aliénés. En réfléchissant sur la situation si noire qu'on nous avait

présentée, en examinant la panacée nouvelle qu'on nous offrait,

je me suis cependant assez vite rassuré.

Car sous prétexte d'Open-door, on nous a parlé de beaucoup-de

choses qui n'ont rien à y voir, mais on a oublié de nous dire d'une

façon bien précise ce qu'il fallait entendre par ce système. Est-ce

le traitement familial dans les colonies agricoles ? Il n'est appli-

cable qu'à des chroniques, et dans ce cas l'Open-door ne se dis-

tingue guère de nos asiles fabriques de chroniques, sinon que dans

les établissements du nouveau système les malades sont tous et

d'emblée des chroniques, tandis que dans nos asiles nous avons

encore, on me l'accordera, des malades aigus, qui sortent guéris.

Sont-ce des asiles où les aliénés auront plus de liberté que chez

eux, où la vue d'un mur, d'une fenêtre ou d'une porte fermées leur

sera évitée, où ils seront les maîtres et les surveillants et leurs

domestiques chargés de leur tenir la porte ouverte à eux et à leurs

familles ? Les gens normaux e : bien équilibrés, ayant l'habitude de

se clore dans leur propriétés, de ne recevoir des visiteurs qu'à cer-

taines heures, il est évident, en bonne logique, que des aliénés,

êtres anormaux et déséquilibrés, doivent être traités d'une façon

absolument opposée. Et vraiment l'on s'étonne qu'on n'ait pas

songé plus tôt à quelque chose d'aussi simple quoique paradoxal

au premier abord. Mais alorsje me demande ce que viennent faire

dans des asiles ces aliénés nouveau modèle, et ces mélancoliques à

idées de suicide qu'on laissera à proximité d'une pièce d'eau, dont

les fenêtres pourront s'ouvrir facilement pour qu'ils puissent s'as-

surer, en passant au travers, d'un second étage, qu'ils ne subissent

aucune atteinte à leur liberté individuelle, et ces paralytiques

généraux qu'on enferme parce qu'ils font des fugues, et les persé-

cutés qui se croient lésés dans leurs droits et qu'on empêchait de

sortir jusqu'ici pour éviter à leurs persécuteurs imaginaires d'être

leurs victimes ? S'ils sont capables de travailler, de sortir seuls sans

danger pour eux-mêmes ni pour les autres; s'ils peuvent aller voir

ou recevoir leur famille quand bon leur semble, sans inconvénient

pour leur santé morale, pourquoi les placer dans des asiles ? Ils se-

raient mieux chez eux, et ce serait plus économique pour la société.

Il me semble que les promoteurs de l'idée de l'Open-door vont

absolument à rencontre de leurs intentions et se privent du plus

puissant et presque du seul moyen efficace qu'ils aient à leur dis-

position pour amener la guérison des cas curables, à savoir l'isole-

ment. N'est-ce pas bien souvent pour être isolés trop tardivement,

conservés trop longtemps dans leurs familles, que tant d'aliénés de-

viennent incurables ? N'est-ce pas parce que l'isolement n'est pas

SOCIÉTÉS SAVANTES. 281

appliqué assez rigoureusement dans les asiles, que tant de malades

parfaitement curables deviennent des chroniques ? Qui de nous,

pour ne citer qu'un exemple, n'a pas vu de rechutes se produire

chez des mélancoliques à la suite de visites de leur famille, et mar-

cher de nouveau vers la convalescence et la guérison dès qu'on les

remettait à l'isolement ?

Les partisans de l'Open-door, défenseurs attitrés des aliénés oppri-

més et méconnus dans leurs aspirations, ont-ils quelque procédé

thérapeutique nouveau à nous proposer ? 2

Avant d'accuser les autres de ne pas faire ce qu'il faut pour trai-

ter convenablement les malades, il faudrait tout au moins leur

indiquer une méthode nouvelle.

Les partisans de l'Open-door, avides de se dévouer aux malades,

et de les traiter en vue de les guérir, trouveront amplement de

quoi satisfaire leurs légitimes aspirations dans cette dernière caté-

gorie de malades, qui est d'ailleurs la moins nombreuse dans leurs

services. Qu'ils laissent à leurs médecins-adjoints, relégués généra-

lement dans une situation assez ambiguë et n'ayant aucun rôle bien

défini, le soin de s'occuper de tous les chroniques, de tous les incu-

rables, et qu'ils s'attachent, s'ils le veulent, aux seuls malades

curables; qu'ils cherchent de nouvelles méthodes de traitement, et

je suis convaincu qu'ils rendront plus de services aux aliénés qu'en

bouleversant tous les services et en désorganisant les asiles.

M. Toulouse faisait aux aliénistes le reproche extraordinaire

d'être obligé de prendre des renseignements sur leurs malades

auprès des surveillants. Cette critique fait sourire.

A moins que le médecin ne soit lui-même surveillant, reste toute

la journée dans son service, et n'ait qu'un nombre de malades

assez restreint pour les avoir toujours autour de lui, je ne vois pas

trop comment il ferait pour se renseigner sur leurs faits et gestes

quand il n'est plus là, s'il ne s'adressait aux surveillants, à moins

qu'il n'ait le don d'ubiquité. Et ce qui est plus singulier, c'est d'en-

tendre ce reproche venir d'un partisan d'asiles à portes ouvertes,

à pavillons séparés. Il est évident cependant qu'en effet ou n'aura

plus rien à demander aux surveillants, car leur rôle sera singuliè-

rement diminué, et les renseignements qu'ils pourraient donner se

borneraient à indiquer l'heure de sortie et de rentrée des malades.

M. TOULOUSE. - Je partage l'avis de M. Sollier, quand il trouve

qu'on isole trop tardivement les aliénés ; mais ce qui est au-si nui-

sible aux malades, c'est de prolonger inutilement leur isolement.

Nous demandons qu'on essaye le système écossais avec libéralisme.

Pour ce qui est de la contre-visite imposée aux médecins-adjoints,

je lui répondrai que n'ayant aucune responsabilité dans l'asile,

ceux-ci se désintéressent de leur service et en arrivent fatalement

à négliger leurs malades. - M. Charpentier n'accorde jamais de

il) 8 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.

sorties de plus de quinze jours.- M. A. Voisin ne laisse pas sortir

ses malades sans un répondant. Il a renoncé à accorder des per-

missions aux alcooliques qui en profitent pour s'enivrer.

MARCEL Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUR0PATI10L0G1E ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 22 novembre 1896.

M. MINOT. - De l'affection multiple des nerfs crâniens (combinée

avec une hémiatrophie de la langue). Présentation des malades.

L'auteur a observé ces dernières années les trois cas suivants :

Premier cas. - Chez un garçon de dix-huit ans se manifesta, le

lendemain d'une frayeur et d'un refroidissement, une déviation de

la langue vers le côté droit avec développement rapide d'une

hémiatrophie de sa moitié droite. En même temps ou bientôt après

fut notée une paralysie du nerf moteur oculaire externe du même

côté. A l'examen, qui a eu lieu quelques mois après le début de la

maladie, on constata une absence de symptômes généraux céré-

braux et les phénomènes locaux suivants : hémiatrophie de la

moitié droite de la langue, paralysie du palais, de la corde vocale

et du nerf abducteur du même côté.

Deuxième cas. - Homme de quarante six-ans, commis ; syphilis

quelques années aupalavanl. Alcoolisme. Jusqu'au mois de sep-

tembre de l'année 1895, le malade se portait bien, mais ce ruois il

eut un accès d'épilepsie. Au mois de mars de 1896, second accès

avec céphalagie, vertige et paralysie de l'abducteur de l'oeil gauche à

développement lent, avec amaurose. En mai 1896, nouvel accès,

accompagné de troubles de la parole.

.Etat présent à la fin du mois d'octobre de 1896. - La conscience est

nette. Peu de symptômes cérébraux généraux subjectifs. OEdème

de la papille avec transformation en atrophie des deux côtés.

Hémiatropsie bitemporale. Paralysie de l'abducteur de l'oeil

gauche. Paralysie des deux muscles de la fente vocale, qui sont

innervés par le nerf laryngien supérieur (muscles crico-aryténoï-

diens postérieurs). Hémiatrophie gauche de la langue avec tiraille-

ment fibrillaire. Paralysie du palais mou du côté gauche.

Troisième cas. - Femme de quarante-huit ans, toujours bien

portante. Pas de syphilis ni d'alcoolisme. La maladie débuta par de

fortes céphalalgies. Vers la fin de la troisième semaine, pendant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 283 3

une nuit, survinrent une déviation des yeux en dedans et de la

langue adroite.

Elle a été placée dans un hôpital et subit un traitement mercu-

riel sans résultats. A la moitié d'octobre de J 896, elle entra dans un

autre hôpital, c'est' lit que le rapporteur l'observa et constata ce

qui suit : une conscience intacte ; peu de phénomènes cérébraux

généraux ; hémiatrophie de la langue du côté droit avec tiraille-

ments fibrillaires ; paralysie du palais mou du même côté ; paraly-

sie de la corde vocale droite; anesthésie de tout le palais mou et

du pharynx ; paralysie complète de l'abducteur de l'oeil gauche et

parésie de celui du côté droit. Papillite bilatérale avec commence- z

ment d'une atrophie à la suite d'oedème, rétrécissement du champ

visuel des deux yeux, surtout dans sa région supérieureetinférieure.

L'auteur insiste principalement sur la coïncidence des symptômes

principaux dans ses trois cas et, s'arrête encore sur certaines ques-

tions analomo-physiologiques, concernant surtout l'innervation du

palais mou et du pharynx. - Pour expliquer l'anesthésie du pha-

rynx dans son cas, le rapporteur est porté à admettre une lésion

des nerfs vague et accessoire de Willis, et non du trijumeau ou du

nerf glosso-pharyngien. Tout aussi bien il indique l'innervation

complète du palais mou par le nerf facial, ce qui est pourtant-

discuté par certains auleurs; il ne voit pas d'obstacles pour l'expli-

cation de la paralysie du palais mou dans les trois cas par une

lésion de la branche de la portion motrice du trijumeau.

Discussion. - M. NATANSON cite deux cas, observés par lui : dans

le premier il y avait une tumeur; dans le second la syphilis avec

des symptômes d'une lésion multiple des nerfs crâniens. Il fit

attention à la difficulté du diagnostic différentiel dans certains cas,

entre une affection intra-cérébrale ou basale ; en faveur de cette'

dernière peut témoigner la présence d'une hémianopsie temporale,

ainsi que des lésions trophiques de la cornée.

M. le professeur Iionrwmrorr fait remarquer que l'ophtalmie

névro-paralylique ne peut absolument parler en faveur de l'atfec-

tion extra-cérébrale banale, car on observe des cas de lésion de

la protubérance, avec phénomènes trophiques à la suite de lésion

de la portion radiculaire intra-cérébrale du trijumeau.

M. le professeur KojEWKOEOFF indique encore que les troubles de

la déglutition dans divers cas peuvent être de différente origine

sans que l'liémiatropllie de la langue ne soit pas d'une importance

quelconque. Quelques remarques ont été faites encore par M. Ade-

IIIeim,

(A suivre.) G. Rossolimo, N. SCH.\TALOFF, A. Tokarsey.

BIBLIOGRAPHIE.

IV. Dégénérescence mentale et neurasthénie; par le Dl' A. Vcac.

Lyon, 1897.

L'auteur, dans une revue critique de 3 pages, cherche à étendre

le champ de la dégénérescence, dont le domaine, depuis les tra-

vaux de M. Magnan et de son école, est déjà si vaste qu'on ne sait

plus où il commence, ni où il finit. L'homme de talent, l'homme

de génie, celui qui n'a pas une intelligence moyenne, l'idiot, le cré-

tin, etc., sont des dégénérés, d'un type différent il est vrai, mais ce

sont des dégénérés; et c'est là leur point de ressemblance.

Dans ce travail privé de base clinique, M. le D'' Vial demande à

ce qu'on fasse rentrer dans le groupe des dégénérés l'aliéné héré-

ditaire et le névrosé. Il essaie de montrer que la neurasthénie est

la souche de tous les états dégénératifs. La conviction ne ressort

pas de cette démonstration, dont voici les principales conclusions.

La dégénérescence présente un triple critérium : prédisposition,

involution et déchéance finale.

La fonction mentale n'est pas la seule il obéir, dans des condi-

tions données, il la dégénérescence. La régression mentale n'est

qu'un mode de la régression biologique. Dans ces conditions, les

aliénés héréditaires simples et les névrosés entrent dans le groupe

des dégénérés.

La neurasthénie n'est qu'un symptôme. Elle peut être acquise ou

héréditaire. Par l'acquis, elle se rattache à la vie physiologique nor-

male. Par l'hérédité, elle devient la source de toutes les névropa-

thies. La prédisposition, involution et la déchéance finale justi-

fient l'entrée du neurasthénique daiiS le groupe des dégénérés.

F. D.

V. Essai sur les mimiques voulues ; par le Dr G. Dupuis. Lyon, 1897.

Ce travail est l'étude des troubles que l'action de la volonté peut

amener dans le jeu de la mimique normale ; celle-ci s'exerce auto-

matiquement en dehors de la volonté.

Les troubles de la mimique sont dus, soit à des causes patholo-

giques, soit à l'action de la volonté. L'auteur laisse décote les falsi-

fications mimiqnes du premier ordre. Lorsque la volonté intervient

pour modifier la physionomie et lui faire prendre une allure diffé-

bibliographie. 285

rente de celle que comporte l'état psychique, elle ne réussit qu'à la

fausser, à la dissocier. Même chez les acteurs expérimentés, les

sujets maîtres d'eux-mêmes, la mimique vraie reparait toujours

sous la fausse par quelques détails, au grand détriment de l'har-

monie de la physionomie. La mimique des yeux est fort peu

influencée par la volonté. Les falsifications mimiques devront être

recherchées avec soin chez ceux que l'on soupçonne de simuler la

folie, et aussi chez tous les simulateurs ou coupables qui cherchent

à nier. M. le professéur Pierret a donné un pei.it tableau résumant

ce que doit être l'expression des états psychiques chez l'homme sain

et chez l'aliéné. Cette expression doit être :

28G VARIA.

Ces dissociations mimiques dues à la volonté ont pour caractère

essentiel d'être fugitives et mobiles comme les causes qui les

créent et ne sauraient être confondues avec celles plus fixes, durables

et périodiques qui sont dues à des lésions nerveuses.

Dr F. DC1' : 1Y.

VARIA.

LES aliénés EN liberté.

Sous ce litre : Un /'ou décapité par un train, la Justice du 4 mai

rapporte le fait suivant :

Arras 2 ! liai. Le mécanicien du train, qui passait à Airon-

Notre-Dame, aperçut, sur la voie ferrée, le corps d'un homme dont

la tête était séparée du tronc. Aidé du garde-barrière, il ramassa le

cadavre, dont l'identité fut vite établie : c'était un sieur Florent

Lépine, quarante-cinq ans, cultivateur à Airon, né a Saint-Aubin,

près Arras. Cet homme donnait depuis quelque temps des signes

non équivoques d'aliénation mentale.

Tout récemment, le 23, vendredi dernier, il avait brisé tout son

mobilier et le pauvre fou aura sans doute été surpris par un train

et décapité, à moins qu'il ne se soit jeté sous les roues de la loco-

motive. Personne n'ayant été témoin de la scène, on peut admettre

l'une ou l'autre de ces deux versions. - Voilà un fait en faveur de

l'Open-door.

UN curieux cas DE léthargie.

La Justice du 14 ma; raconte le fait suivant : « Un cas assez

extraordinaire de léthargie vient de se manifester dans notre ville,

dans les circonstances suivantes :

Il M. Prompt, capilaine au 19e d'artillerie, avait à son service,

depuis une huitaine de jours, une domestique du nom de Thérèse,

Ducoulet, âgée de trente-six ans, originaire des Hautes-Pyrénées,

lorsque le mardi 29 avril dernier cette fille disparut subitement.

Comme elle paraissait s'ennuyer à Nimes., M. Prompt supposa

qu'elle s'était rendue dans son pays natal et ne s'occupa pas davan-

tage de celte disparition. Hier matin, l'ordonnance du capitaine

Prompt, étant descendu dans la cave pour y chercher du vin,

trouva Thérèse Ducoulet, enveloppée dans une couverture et allon-

gée par terre derrière un tas de fagots. A la grande stupéfaction

de l'officier et de son ordonnance, cette dernière leur expliqua,

d'une voix faible mais très intelligible, qu'à la suite d'un malaise

VARIA. 287 i

faisant pressentir une crise nerveuse dont elle avait une autre fois

déjà éprouvé les symptômes et sentant le sommeil venir elle s'était

réfugiée dans la cave le 20 avril vers quatre heures du matin, pour

y laisser passer cette crise et laisser en même temps ignorer à ses

maîtres son état maladif. Au moment où l'ordonnance est descendu

dans la cave, c'est-à-dire vers neuf heures du matin, Thérèse

Dugoulet s'était réveillée depuis trois ou quatre heures, mais

n'avait pas eu la force de se lever ou d'appeler à son aide.

« M. le Dl' Giral a examiné la dormeuse et a rédigé un bulletin

constatant que les jours de cette fille n'étaient pas en danger,

mais qu'il y avait lieu de la faire transporter immédiatement à

l'hôpital. Thérèse Ducoulet a confirmé à M. le commissaire, ainsi

qu'a M. le D'' Giral, le récit qu'elle avait fait à son maître, et a pu

malgré son long jeûne gagner à pied le fiacre qui l'a conduite à

l'Hôtet-Dieu. Ce matin, l'état de cette fille s'est amélioré, et elle a

même pu prendre du café et plusieurs tasses de bouillon. » - z

Quelques mois d'hydrothérapie guériraient très probablement

cette hystérique. ' '

Discours présidentiel prononcé A la cinquante-cinquième réunion

annuelle DE l'Association MÉDICO-PSTCIIOLOGIQUE, tenue a Londres,

les 23 et 24 juillet 1896; par W.-Julius lllcICLE. (The Journal of

Mental Science, octobre 1896.) ,

Dans ce très long discours, qui a presque l'allure d'une mono-

graphie, l'orateur s'est proposé d'étudier les obsessions mentales

sous leurs divers aspects; il trace d'abord une esquisse de l'obses-

sion mentale, puis il en précise la situation psychologique et cli-

nique, il en étudie les caractères généraux, et il insiste sur la néces-

sité de les séparer, par voie de diagnostic différentiel, des divers

états mentaux avec lesquels on les a confondus. Il examine

ensuite la façon dont elles aboutissent progressivement dans cer-

tains cas à des troubles mentaux de nature spéciale, quelquefois

même à la folie confirmée; ainsi que le caractère sensiblement

nuisible et dangereux qu'elles peuvent revêtir, eu passant par tous

les degrés qui séparent ces deux états extrêmes. Il recherche leurs

rapports avec les phénomènes qui s'observent chez l'homme primitif

et chez le sauvage, et avec les conditions qui se rencontrent dans

les formes communes de a paranoïa »; il indique leur place noso-

logique, leurs alliances, leurs connexions les plus étroites, et il

appuie ses assertions sur des observations démonstratives. Enfin il

décrit les divers degrés de l'obsession, et au lieu d'en indiquer

longuement les formes cliniques il reproduit le récit d'un obsédé,

qui est l'une des premières et des meilleures descriptions qui exis-

tent de certaines formes d'obsession. R. DE 1\lUSGR,\VE-CLH.

FAITS DIVERS

Epilepsie : Chute mortelle. - Ce matin, vers sept heures, dit la

Justice du 13 août, un nommé Joseph Ducinelier, pris subitement

d'une attaque d'épilepsie, en face le numéro 15 du faubourg Pois-

sonnière est tombé sur une baraque de marchand de journaux et

dans sa chute s'est fracturé le crâne. Le malheureux, relevé par des

passants, a élé transporté à l'hôpital Lariboisière' dans. un état

désespéré.

D'où la nécessité d'hospitaliser les épileptiques, dans leur intérêt

d'abord, puis dans l'intérêt de tous, car la vue d'un épileptique

en accès offre souvent pour les femmes et les enfants qui en sont

témoins de réels inconvénients. Voilà encore une des branches de

l'assistance publique qui laisse énormément à désirer dans notre

pays et voudrait une réforme sérieuse.

Asile d'aliénés DE S.11NT-ROBGRT. - Tentative d'assassinat par un

aliéné sur une religieuse. - Un drame a eu lieu à l'asile des aliénés

de Saint-Robert, près de Grenoble, lisons-nous dans le Petit Pari-

sien du 23 août. Une religieuse a été frappée de plusieurs coups

de couteau dans la poitrine par un fou. Son état est grave. Le

parquet est sur les lieux.

Ce fait montre combien sont sages les prescriptions du règle-

ment des asiles qui recommandent de ne jamais laisser d'objets

dangereux entre les mains des aliénés. D'où l'utilité de recom-

mandations incessantes aux familles qui viennent voir leurs

parents malades, d'une surveillance et d'une inspection constantes ;

d'où la vérification minutieuse des instruments de travail dans les

ateliers, à la sortie des aliénés travailleurs. Les mesures indispen-

sables qui doivent être prises pour la sécurité des malades, pour

la sécurité de ceux qui les soignent, médecins ou infirmiers, reli-

gieuses ou infirmières, qui, pour nous, ne sont pas des quantités

négligeables, seront à peu près tout à fait impossible avec l'Open-

Le rédacteur-gérant,' 130URNEVILLE.

livreuz, Ci). llimse, imp. -'J91.

Vol. IV. - Octobre 1897. N° 22.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ASILES D'ALIÉNÉS.

i

LE RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857 ET L'ORGANISATION

MEDICO-ADMINISTRATIVE ;

Par le D' TAGUET,

Médecin en chef de l'asile de \'aucluse.

Dans un précédent article, nous avons reconnu que le

règlement du 20 mars 1857 était, comme tous les règlements,

susceptible de modifications et de réformes, sans qu'il fût

besoin, pour cela, d'en faire table rase, pour se jeter dans je

ne sais quel inconnu qui ne vaudra probablement pas ce que

nous avons. Et voilà que tout à coup la question de la réor-

ganisation médicale et administrative des asiles d'aliénés se

trouve engagée, à la fois, devant le conseil général de la

Seine, la Société médico-psychologique et le Congrès des

médecins aliénistes. Il nous a paru que dans une discussion

de cette nature, qui touche à des intérêts si divers, chacun

devait apporter sa pierre au nouvel édifice, pour qu'en pas-

sant par de savantes mains, elle se fonde en une oeuvre

durable et utile. Voyons, dans ses grandes lignes, les réformes

que comporte le règlement du 20 mars 1857, pour répondre

à ce but.

Commençons par le directeur, ou, pour parler plus juste-

ment par la direction. Comme je ne puis assez exprimer tout

le mal que j'en pense, je laisserai la parole à mon vénéré

maître, le Dr Dagonet. Voici ce qu'il écrit à l'occasion d'une

enquête qui est restée légendaire : « Un directeur se trouve

Archives, 2e série, t. IV. 19 9

290 asiles d'aliénés. '

placé à la tête d'un établissement, non parce qu'il a un

mérite particulier, une connaissance approfondie des ques-

tions se rapportant aux asiles d'aliénés; loin de là, c'est une

place avantageuse obtenue à la faveur de recommandations

puissàntes. Le médecin, lui, ne peut être chargé d'un service

médical qu'à la condition d'avoir donné de nombreuses

preuves de mérite et d'avoir gravi un à un les échelons de

la hiérarchie. Pour un directeur rien de semblable. On ne

lui demande ni diplôme de bachelier, ni certificat d'études.

Il peut avoir passé une grande partie de son existence dans

nne administration toute différente, sortir de n'importe quel

bureau, avoir occupé n'importe quelles fonctions. On ne lui

demande ni qui il est, ni d'où il vient. Une fois nommé, il

s'imagine aussitôt avoir toute l'expérience nécessaire et pro-

pose toutes sortes de réformes.

« En y regardant de près, on peut se demander si l'utilité

du directeur n'est pas chose fort contestable, et si cette dési-

gnation de directeur n'a pas l'inconvénient d'éveiller je ne

sais quelle tendance ambitieuse. Elle les porte sans cesse à

viser un but : celui de chercher à diminuer, à restreindre

autant que possible l'autorité médicale, à pénétrer dans un

service qui ne leur appartient pas, pour lequel ils n'ont

aucune compétence, dans l'idée d'affaiblir l'autorité du mé-

decin et d'y substituer la leur. De là une source de difficultés

et les attaques contre lesquels les médecins sont souvent

obligés de lutter.

. « Les directeurs, n'ont pas la responsabilité que l'on croit

généralement; ils ne peuvent être, en effet, responsables de

mesures prescrites par le médecin chef de service.

« A quels titres veulent-ils alors intervenir; est-ce pour

faire acte d'autorité ?

a Un directeur, sans doute, est un délégué, un représentant

de l'administration; c'est là sa principale mission et son

devoir est d'être l'intermédiaire convenable entre l'adminis-

tration et les divers services médicaux.

« Le personnel attaché à ces derniers services est sous la

dépendance absolue du médecin en chef seul responsable

puisque c'est lui qui ordonne. Les directeurs n'ont qu'un

désir, celui de susciter des conflits et de prouver un antago-

nisme qui, sans eux, n'existerait pas. Leurs prétentions sont

d'autant plus encouragées que seuls ils correspondent avec

RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857. 291 J

l'administration qui souvent ne prend conseil que d'eux

seuls. Ils ne font alors aux médecins de communications

qu'autant qu'ils y sont obligés par l'administration elle-

même. On voit d'ici le danger d'une semblable situation; il

y a là un vice d'organisation et l'on comprend les attaques

que les uns sont disposés à porter contre les autres.

« Quels sont, en définitive, les hommes qui ont imprimé les

progrès considérables réalisés depuis quelques années du

côté de la science des maladies mentales et amélioré le trai-

tement des aliénés ? Ce n'est pas assurément les directeurs

d'asiles, c'est une phalange de médecins distingués qui s'ap-

pellent : Pinel, Esquirol, Falret, Foville, Parchappe, Calmeil,

Leuret, Ferrus, Trélat, Brière de Boismont, Baillarger, Dela-

siauve, Morel, Renaudin, etc... Le médecin a en effet

son rôle bien marqué dans l'asile ou dans le service médical

qu'il dirige; il connaît ses malades, il sait quels sont leurs

besoins, il est l'âme de son service et l'initiateur de toutes

les mesures qui doivent en assurer la prospérité et adoucir la

situation des infortunés dont le sort lui a été confié. Le rôle

d'un directeur se conçoit difficilement; chacun en effet est

responsable de son service, le receveur économe de ses écri-

tures et de ses opérations de comptabilité matière; de ce côté

sans doute un contrôle exact doit être assuré. Est-il besoin

pour cela d'une création de directeur et s'imagine-t-on que

le receveur économe en sera mieux contrôlé ? La préparation

du budget de l'établissement rend-elle cette fonction indis-

pensable ? »

Sans doute tous les directeurs ne sont pas taillés sur le

modèle de celui qui a fourni à M. le D'' Dagonet l'occasion

de faire, en termes aussi justes que mesurés, l'éloge funèbre

de la direction administrative. Il en est, et je me plais à le

reconnaître, qui par leur éducation, leur passé, leur intelli-

gence sont à la hauteur de leurs fonctions et ce n'est pas

leur faute s'ils sont fatalement condamnés à tourner dans un

cercle avec un seul objectif à atteindre : le médecin. En ce

qui me concerne, j'ai eu l'honneur et peut-être l'unique

fortune - ce qui me constitue des droits indiscutables au

prix Montyon - de vivre en bonne intelligence avec cinq

directeurs sur six; et, si j'ai eu quelques démêlés avec ce

dernier c'est pour n'avoir pas compris que les quelques cases

cérébrales qui lui restaient encore de libres, en raison de son

292 asiles d'aliénés.

grand âge, venaient d'être prises brusquement par les arai-

gnées disponibles de mon service qui, en moins de deux ans,

le conduisirent à une révocation.

Toute fonction a ses partisans et ses adversaires, mais

telle est l'inanité de celle qui nous occupe, qu'elle n'a trouvé,

jusqu'à ce jour, aucun défenseur, ni au Sénat, ni dans les

commissions de la Chambre, ni au conseil supérieur de

l'Assistance publique; et si, dans la revision de la loi sur les

aliénés, elle a été maintenue, c'est à titre exceptionnel et

dans des conditions déterminées et encore a-t-il été entendu

qu'elle serait rendue possible par un règlement intérieur à

intervenir. Telle est encore la force des choses qu'elle se

trouve condamnée par les directeurs eux-mêmes. Écoutez

cet aveu de M. Guignard, le grand tombeur de médecins, au

lendemain de sa mise à la retraite : « La direction a été le

mensonge de ma vie. »

Tout le monde est unanime à reconnaître que la direction

ne répond à aucun besoin; qu'elle est la source de conflits

impossibles à éviter, aussi nuisibles au bien du service qu'aux

intérêts des malades et, cependant, elle reste debout, un peu

décapitée dans la Seine, par l'ingérence de l'administration

préfectorale, mais toujours aussi despotique en province

dans les quelques asiles où elle existe encore, malgré l'avis

des conseils généraux. En se reportant aux délibérations

de 1879 et 1880, on avait pu espérer un moment que le

conseil général de la Seine, sur les rapports de M. le D'' Bour-

neville, dont le nom est intimement lié à tout progrès en fait

d'assistance, allait, enfin, étudier une réforme d'où découle,

en grande partie, toute l'organisation intérieure des asiles.

La commission d'assistance du conseil général demandait,

on se le rappelle, le remplacement du titre de directeur par

celui CI d'agent comptable », chargé de toute la besogne

administrative. Toute la réforme est, en effet, dans le mot;

les autres améliorations viendront d'elles-mêmes, au grand

avantage des aliénés et du personnel, du jour où le direc-

teur ne pourra plus dire : C'est moi qui suis Guillot, le berger

de ce troupeau, mes médecins, mes gardiens, mon cocher

particulier, mon cheval, ma voiture; du jour, en un mot, où

hommes et choses échapperont, dans une mesure équitable,

à un contrôle despotique qui, dans beaucoup de cas, est un

barbarisme. Sur ces entrefaites survint, malheureusement,

RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857. 393

la revision de la loi du 30 juin 1838 qui a tout compromis;

et pour avoir voulu un règlement s'appliquant aussi bien aux

asiles de la Seine qu'aux asiles de province on n'a rien fait,

on a tout attendu du temps, des pouvoirs publics, jusqu'au

jour tout récent, où sous la poussée de médecins jeunes et

ardents le règlement du 20 mars 1857 est menacé d'être

emporté en entier. Est-ce à dire qu'on soit resté inactif et

que la roue de la fortune ait cessé de tourner pour les

aliénés ? Non. En effet, de l'accord si précieux de l'adminis-

tration préfectorale, de la commission de surveillance et du

conseil général de la Seine sont sorties une foule de réformes

aussi généreuses que fécondes, pour ne citer que celle du

personnel secondaire dont on ne dira jamais assez de bien et

qui a réellement élevé les aliénés à la dignité de malades.

En attendant la réforme radicale qu'on nous promet,

voyons ce qu'il serait possible de faire, avec le règlement du

20 mars 1857, pour donner au directeur et au médecin la

part de responsabilité et d'attributions qui devrait légitime-

ment leur revenir dans des questions qui demandent leur

concours réciproque.

L'article 56 du règlement d'il que les préposés et gens de

service sont nommés par le directeur, sur l'avis conforme du

médecin en chef. - Voyons comment se passent les choses,

le plus souvent, dans la pratique. Un matin, à la visite, le

surveillant en chef présente le nouveau venu ; le médecin

constate qu'il n'est ni manchot, ni boiteux, qu'il n'a aucune

infirmité apparente ou cachée, et le voilà admis. Quel est-il ?

d'où vient-il ? a-t-il des aptitudes spéciales ? Quels sont ses

antécédents ? Autant de questions que le médecin peut se

poser, mais qu'il ne peut résoudre, le dossier ne lui étant pas

communiqué. On ne lui demande qu'une investiture physique,

c'est déjà quelque chose; mais on s'en passe lorsqu'il s'agit

de préposés pour la ferme ou les services généraux.

L'article 188 veut que le directeur ne puisse prononcer des

peines disciplinaires contre les gardiens attachés au service

médical « pour faits relatifs à ce service que sur la demande

ou l'avis préalable du médecin en chef». Mieux que tout

autre, en effet, le médecin est placé pour apprécier, juger,

raisonner le degré de culpabilité d'un agent placé sous ses

ordres; et, cependant, il n'en reste pas moins, le plus souvent,

à la remorque du directeur qui commence par frapper, en

294 asiles d'aliénés.

vertu de son autorité supérieure, Ego SU1n leo, et écoute

ensuite, si le coeur lui en dit. De là la source de conflits, de

froissements qui se changeront en lutte ouverte, du jour où

le dissentiment sera porté devant le préfet; à moins que le

médecin n'arrive à se désintéresser de tout; à tout prendre,

c'est peut-être le moyen le plus sûr, mais, dans tous les cas,

le plus agréable, pour arriver, sans encombre, à la retraite

et peut-être à la croix.

Au directeur appartient exclusivement la discipline exté-

rieure, c'est là un droit que personne ne peut lui contester.

Mais pourquoi la discipline des quartiers n'appartient-elle pas

tout entière au médecin et quel besoin d'avoir le concours de

directeur pour faits d'ordre purement médical ?

En résumé, les articles 56 et 188 du règlement nous paraî-

traient devoir être ainsi modifiés.

Article 56. - Tous les préposés et gens de service attachés

au service médical sont nommés par le directeur sur l'avis et

la présentation du médecin en chef.

Article 1sus. - Les peines disciplinaires contre les employés

attachés au service médical pour faits relatifs à ces services

sont prononcés par le médecin en chef, le directeur veille à

leur exécution.

Dans une critique du règlement du 20 mars 1857,

M. Marandon de Montyel plaisante très agréablement cette

puérilité qui consiste à soumettre au visa du directeur les

permis de visite et de sortie des aliénés. « De deux choses

l'une, dit-il, ou ce visa est une simple formalité et alors le

directeur joue dans ce cas un rôle ridicule, ou il explique le

droit de refus et alors il se trouve que le service administratif

dont le devoir est d'ignorer les aliénés en tant que malades

et qui en réalité ne les connaît pas du tout, statue sur leur

sort..... En somme l'autorisation de visiter est une chose

exclusivement médicale, le médecin seul connaissant ses

malades, le plus sage serait de lui en laisser l'entière respon-

sabilité. p C'est parler d'or, mais notre confrère peut être

assuré que rien ne sera changé, tant que le règlement ne le

sera pas lui-même. Beaucoup de directeurs, j'en suis per-

suadé, considèrent ce visa qui, cependant, ne rime à rien,

comme la quintescence de leurs prérogatives : c'est la caution,

l'endossement d'un billet qui, sans lui, n'aurait aucune valeur.

Ils lui ajoutent une telle importance, que lorsqu'ils ne peu-

RÈGLEMENT DU ' 20 MARS 1837. 295

vent le donner, ils font apposer le cachet de la direction, sur

le permis, par le garçon de bureau. Où en serions-nous,

grands dieux ! si nous perdions cette tutelle, si les familles

allaient croire que l'idée de malade évoque tout naturelle-

ment celle de médecin ayant exclusivement la responsabilité

des visites et des sorties. Qu'il survienne, au dehors, quelque

' événement fâcheux, le directeur ne manquera pas de s'abriter

derrière le médecin et il aura, cette fois raison; ce qui prouve

que sa responsabilité est plus apparente que réelle, qu'elle

n'existe en fait-que sur le papier. Mais laissons cette question

de visite et de sortie pour en arriver à un visa plus sérieux,

je veux parler des bulletins médicaux.

Les bulletins médicaux sont de deux sortes : ils répondent

à une demande de renseignements, ou bien ils les provo-

quent. Dans l'un et l'autre cas, le visa du directeur constitue

une violation flagrante du secret médical avec toutes ses

conséquences. S'il est, en effet, des bulletins médicaux qui ne

renferment que des banalités qui n'engagent personne, il en

est d'autres, au contraire, dont la divulgation peut avoir les

conséquences les plus graves pour les malades et les familles.

L'article 111 du règlement dit que le directeur transmet, aux

familles qui les demandent, des bulletins rédigés par le

médecin en chef, constatant l'état physique et moral des

malades. Mais transmettre n'est pas viser et les directeurs qui

se refusent à enregistrer et à affranchir des bulletins médi-

caux, sous le prétexte qu'ils leur sont remis sous enveloppe

close, commettent un abus de pouvoir.

Il en est qui ne se contentent pas d'un visa; ils complètent,' '

commentent le bulletin sous la signature du médecin. Mais

cela, monsieur le directeur, s'appelle, je crois, un faux en

écriture. ' -

Le secret des lettres des familles aux malades n'est pas mieux

observé. Sous le prétexte qu'elles peuvent renfermer quelque

valeur, elles sont décachetées par le directeur, et remises

ouvertes au médecin qui est chargé de les faire parvenir aux

intéressés et qui endosse, ainsi, tout ce que cette mesure a

de pénible, d'indélicat. Toute lettre ouverte est une lettre'

déflorée et je m'explique très bien que certains malades les

refusent et que certaines familles hésitent à épancher leur

âme dans une lettre rendue publique avant d'arriver à son

adresse. Je reconnais, cependant, qu'il est certaines lettres

296 asiles d'aliénés.

qui ne peuvent être remises sans de graves inconvénients,

dont le médecin doit rester seul juge; mais je reconnais aussi,

qu'avec un peu de tact et d'habitude, on peut arriver à

remettre cachetées neuf lettres sur dix. Il sera toujours facile

de s'assurer qu'elles ne renferment ni timbres, ni mandat si

l'on prend soin de les faire ouvrir devant soi.

Le règlement qui a tout prévu, même le minimum de bains

généraux et de bains de pieds qui devront être donnés

annuellement aux aliénés, article 147, « de concert avec le

directeur », n'a pas prévu, cependant, le mode de corres-

pondance; les directeurs, on le voit, y ont suppléé en appli-

quant ce grand principe : ce qui n'est pas prévu est à

nous.

Les conflits entre directeurs et médecins, dont quelques-

uns feraient la fortune d'un vaudevilliste et qui prêteraient

à rire, s'ils ne se produisaient, en somme, sur le dos des

malades et du personnel secondaire, viennent, on le voit,

moins des directeurs avec qui on pourrait toujours s'entendre

(bien qu'ils subissent presque tous je ne sais quel entraîne-

ment qui les pousse à voir, dans chaque médecin, un ennemi),

que du règlement qui suscite des situations fausses, dange-

reuses. Et, comme dans une chanson connue, il en sera tou-

jours ainsi tant que durera un règlement qui semble fait

pour des médecins directeurs. A force de vouloir créer un

concert avec deux autorités plus ou moins parallèles, on a

créé la cacophonie la plus étrange qu'on puisse imaginer.

« J'ai beau chercher le directeur, disait Falret, je ne

' trouve. que le médecin. » C'est là la formule qui devra ins-

pirer les pouvoirs publics dans le difficile problème de l'orga-

nisation médico-administrative des asiles de la Seine, du

moment où la réunion de fonctions est reconnue impossible,

en raison de la pluralité des services, et encore est-ce discu-

table. Le département de la Seine, avec son énorme popu-

lation, n'a qu'un préfet : en marche-t-il plus mal pour cela ? z

On nous parle à chaque instant de ce qui se passe dans les

asiles étrangers, trop peut-être, que ne copie-t-on alors leur

organisation médico-administrative ? Une commission est en

route pour cette étude, attendons.

(A suivre.)

CLINIQUE MENTALE.

PÉRIODES TERMINALES ET MORT DANS LES SOI-DISANT

PARALYSIES GÉNÉRALES PROGRESSIVES ;

Par le D''ALEX vxuRE PARIS,

Médecin en chef de l'asile de 3laréville-Nancv.

Dans sa dernière note sur la fin des paralysés généraux l,

M. Arnaud donne, comme plus habituelle, la mort par ictus

apoplectique, par accidents .congestifs, convulsions épilepti-

formes, etc., et il s'étonne que l'on ait pu croire si longtemps

que les paralysés généraux succombaient en majorité par

marasme. Je m'étonne à mon tour que M. Arnaud puisse se

croire fondé à contredire une opinion, qu'il déclare générale

et ancienne, en se basant tout simplement sur une trentaine

de cas recueillis(33)dans des conditions absolument spéciales,

trop spéciales, à mon avis, pour aboutir à une règle géné-

rale. En effet, les cas de M. Arnaud n'ont trait qu'à des

hommes, et ses malades ne se recrutent que dans la partie

aisée, fortunée de la société, tandis que l'opinion générale

qu'il critique est basée à la fois sur l'observation de cas

appartenant et au sexe fort et au sexe faible, et à toutes les

conditions au point de vue de la fortune, des habitudes pro-

fessionnelles, ou autres.

Les deux opinions, opinion générale et avis de M. Arnaud,

me semblent passibles de critiques. On englobe, en effet, sous

la dénomination « paralysie générale », des affections ou des

intoxications qui n'ont de commun, et approximativement

même, qu'une phase paralytiforme et qui se différencient

finalement par leurs terminaisons, comme elles se distin-

guaient avant la période paralytiforme par leur symptoma-

tologie première, par leur évolution symptomatique. Il me

' Archives de Neurologie, numéro de juin 1897.

298 CLINIQUE mentale.

semble qu'il serait utile, indispensable, de chercher les causes

et l'évolution première des affections dites paralysies géné-

rales, et de les opposer aux terminaisons; on verrait proba-

blement ainsi pourquoi telles soi-disant paralysies générales

finissent de telle façon, pourquoi telles autres conduisent à

tels accidents différents, etc., et l'on ne tarderait pas à cons-

tater, cumme je l'ai dit ailleurs, que l'on ne connaît pas les

affections ou les intoxications auxquelles appartient le groupe

symptomatologique que nous sommes habitués à isoler

comme entité morbide, sous la dénomination « paralysie

générale », alors qu'il n'est que phase d'une maladie ou d'une

intoxication.

La syphilis, l'alcoolisme, le saturnisme, l'oxyde de car-

bone, les excès associés (alcoolisme, nicotisme et veilles pro-

longées), etc., conduisent à des maladies souvent englobées

sous l'étiquette « paralysie générale », bion qu'elles n'aient

pas eu même symptomatologie de début, même évolution,

bien que la période paralytique ou paralytiforme affecte

encore quelques caractères spéciaux, suivant les causes, bien

que la terminaison habituelle diffère souvent de l'une à

l'autre, etc.

M. Arnaud n'indique-t-il pas aussi cette différenciation

qui impose une nouvelle étude de la soi-disant paralysie

générale, lorsqu'il dit (loc. cil., p. 444), parlant des paraly-

sés généraux qui finissent par marasme ou par ictus : « Ces

deux catégories de malades se distinguent principalement par

la précoce apparition chez les premiers (les impotents) de

raideurs musculaires, de spasmes très accentués, de contrac

tures plus ou moins durables, lundis que, chez les seconds,

ces symptômes manquent ou n'existent qu'à un très faible

degré. »

Mais, en m'en tenant simplement à la façon actuellement

commune d'envisager la paralysie générale, je trouve que

l'opinion de notre éminent confrère ne peut pas être considé-

rée comme donnant une idée exacte relativement aux termi-

naisons de ladite paralysie générale. En effet, pour qui a

depuis quelque temps un service mixte d'aliénés, c'est-à-dire

comprenant les deux sexes, avec pensionnaires et indigents,

il est évident que : 1° le paralytique mâle succombe plus

habituellement à un ictus congestif ou apoplectique que la

femme; 2° la paralysée générale arrive le plus souvent au

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 99U

marasme et à la fin de cette période; 3° les paralysés généraux

appartenant à la partie sociale fortunée sont plus communé-

ment victimes de troubles congestifs que les paralytiques

anciens manoeuvres, indigents, ayant relativement beaucoup

peiné. La fin du paralysé général qui a vécu dans la misère,

n'est pas absolument la même que celle du paralysé général

qui a passé la plus grande partie de son existence à faire la

noce. Je le répète : pour comparer les fins, il faut comparer

les causes déterminantes et les causes aggravanteùe tous les

cas.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que M. Arnaud, qui exerce

dans un milieu relativement privilégié de la fortune, observe

plus de paralysés généraux finissant par processus congestifs;

les morts subites ou par ictus ne sont-elles pas, du reste,

plus fréquentes chez les non aliénés oisifs, intellectuels,

sédentaires, que chez les ouvriers non sédentaires, les indivi-

dus qui se livrent à un travail manuel, qui peinent pour

vivre ?

Par cette note, j'ai voulu montrer tout simplement que

nous sommes loin d'avoir clairement fixé la question des

rapports des causes et de la symptomatologie ou des termi-

naisons de la soi-disant paralysie générale, parce que nous

ne tenons pas suffisamment compte de facteurs considérés

jusqu'à présent comme secondaires, ou passant inaperçus.

CLINIQUE NERVEUSE.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE;

Par le Dr F. TERRIEN,

Ancien interne des asiles de la Seine.

Dans le numéro de décembre 1893 des Archives de Neu1'o-

logie, je publiais une étude sur Y Hystérie en Vendée, où j'éla-

blissais la fréquence de cette névrose dans cette partie du

300 CLINIQUE NERVEUSE.

Bocage, les formes multiples sous lesquelles elle se présen-

tait et le rôle si efficace de la suggestion dans le traitement

des accidents hystériques chez le paysan vendéen. Je revien-

drai aujourd'hui sur ce sujet en limitant, cette fois, mon

étude à l'hystérie de l'enfance que j'avais, à dessein, laissée

de côté lors de ma première publication, m'étant réservé

d'en faire l'objet d'une communication spéciale.

On le sait maintenant, l'hystérie ne connaît pas d'âge, de

même qu'elle ne connaît pas de sexe; elle est aussi fréquente

dans le sexe viril que dans le sexe féminin, et elle frappe aussi

bien l'enfant au berceau que l'homme adulte, et que le vieil-

lard déjà penché sur la tombe. On voit, par là, combien le

cercle de l'hystérie s'est élargi depuis celte époque encore

peu éloignée où l'on faisait de cette névrose l'apanage exclusif

de la femme, de la femme qui a franchi l'âge de la puberté

et qui n'a pas encore atteint la vieillesse qui est, en un mot,

en pleine période d'activité sexuelle.

L'histoire de l'hystérie infantile est donc de date récente,

elle ne remonte guère qu'à quinze ou vingt ans; et bien que

depuis cette époque de nombreuses publications soient venues

jeter un peu de lumière sur ce sujet de pathologie nerveuse,

malgré des observations intéressantes parues dans des revues

périodiques 1, malgré l'apparition de plusieurs thèses dont

quelques-unes très remarquées2, malgré les belles leçons de

Jules Simon, Charcot et les travaux de Bourneville 3, il reste

' Besy..Hyë'e <H/aM/<7e, Grancher. 7/e ? e c/;e : .s ? e«KM

1 Besy. Hystérie infantile, 1896. - Grancher. Hystérie chez les jeunes

enfants. (Journal de médecine et de chirurgie pratique, février 1888.

(Bulletin médical, 30 juillet 1890.) - Chaumier (de Tours). Hystérie chez

les jeunes enfants. (Bulletin de l'Académie de médecine, 1°' décembre 1891.) .)

Ollivier. Cours cliniques sur les maladies des enfants, 1889; 17, 18,

19, 20, 21, 23 leçons. Greffier. De l'hystérie précoce. (Archives géné-

rales de médecine, octobre 1882.)

2 Thèses : Paris et Guiraud. Thèse Paris, 1880. Souques. Thèse

Paris, 1891. Bardol. Thèse Paris, 1893. l3urnet. Thèse Paris, 1891.

Pueuniez. Thèse Paris, 1885. Clopatt. Thèse Helsingfors, 1888.

Coutdrie. Thèse Paris, 1896.

3 Charcot. Leçons cliniques sur les maladies du système nerveux, t. I,

II, III. Leçons du mardi, 1887-1888 et 1888-1889. Cliniques des maladies

du système nerveux, leçons publiées par Guinon, t. I, 1892. Boume-

ville. Observations d'hyslérie-épilepsie chez les jeunes garçons, (l'rogrès

médical.) lieclcerclres cliniques sur l'hystérie et épilepsie, 1880-1881. (Ar-

chives de Neurologie, 1883-1889.) - Jules Simon. Conférences thérapeu-

tiques et cliniques sur les maladies des enfants (2e édition, 1887). -Gilles

de la Tourette. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, 1891.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 301

encore bien des points obscurs et on peut dire avec Pitres que

le chapitre de l'hystérie infantile est encore à faire. Cette

lacune, je n'entreprendrai point de la combler, je n'ai, du

reste, pas l'autorité pour cela, mon ambition est plus modeste ;

mon but est simplement d'apporter mon contingent de faits,

ma part de documents recueillis dans ma clientèle, dans un

pays précisément très riche en affections nerveuses, en fai-

sant suivre ces faits de quelques réflexions que m'aura suggé-

rées leur étude clinique. J'aurais pu classer mes observations

d'après l'âge des enfants et établir, par exemple, trois caté-

gories de malades, mais cette classification aurait l'incon-

vénient de jeter un peu de confusion en mêlant les accidents-

trop dissemblables, quant à leur forme du moins.

J'ai songé alors à les grouper d'après le genre des manifes-

tations : I. Manifestations hystériques simulant les affections

médullaires. II. Manifestations hystériques simulant les

affections cérébrales. 111. Manifestations hystériques simu-

lant les maladies des autres organes. IV. Manifestations

hystériques qui ne sont la copie d'aucune des affections signa-

lées plus haut et qui ne se retrouvent que dans la névrose

hystérique. V. Manifestations hystériques associées à d'au-

tres maladies.

Cette classification, certes, n'est pas parfaite, le même

malade pouvant appartenir à des catégories différentes, en

raison des formes multiples sous lesquelles son hystérie nous

apparaît à des époques diverses. Cependant pour mettre un

peu d'ordre dans le groupement de mes observations, je

m'attacherai à suivre, autant que possible, cette dernière

classification.

Observation I. Contracture hystérique chez un enfant de vingt-

six mois. Guérison au bout de cinq jours. Aphonie un an api-ès.

Guérison au bout de trois jours.

B... vingt-six mois, enfant mâle bien constitué, ne présentant

aucun signe physique de dégénérescence et paraissant avoir, pour

son âge, une intelligence suffisamment développée.

Antécédents héréditaires. Son hérédité névropathique est très

chargée; père alcoolique avec des stigmates très nets d'hystérie et

signes non moins nets de dégénérescence mentale. Mère très irri-

table et très impressionnable. Toute la famille est entachée de

nervosisme.

Antécédents personnels. On n'a rien de particulier à noter.

302 ' CLINIQUE NERVEUSE.

Pas de maladies depuis la naissance. L'enfant a été nourri au

sein; la dentition s'est effectuée sans trop de fatigue, jamais de

convulsions, de diarrhée et de constipation. La mère dit que le

caractère du bébé est difficile; ses colères sont violentes quand

on lui refuse ce qu'il demande. Cris fréquents, sommeil agité.

Le début de l'affection qu'il présente actuellement et pour

laquelle on est venu me consulter fut subit. L'enfant bien portant

s'amuse à la maison, lorsque tout d'un coup, la mère s'aperçoit

que la tête du bébé est projetée en arrière. : le cou est raide, l'en-

fant s'avance difficilement et tout d'une pièce en opisthotonos.

Effrayée, la mère essaie de ramener en avant la tête de son petit ;

impossible. Cris de l'enfant. A part cette déformation, il semble

se bien porter et voudrait, sans doute, continuer à s'amuser si on

ne lui enlevait pas ses jouets. On le conduit sur-le-champ à mon

cabinet, car on craint une méningite.

Examen direct. 16 juin 1894. J'ai devant moi un enfant

qui, à part l'attitude singulière que je viens de décrire, ne semble

nullement affligé; il a encore à la main un gros morceau de pain

qu'il croque à belles dents, bien qu'il doive être gêné dans la déglu-

tition par la position de la tête, la face regardant le ciel et l'occi-

put touchant presque le dos. J'avoue que je demeurai surpris, un

peu embarrassé en face de cet enfant de ving-six mois qui avait

toutes les apparences d'une santé florissante et qui présentait une

telle déformation survenue aussi subitement. J'essaie de faire

jouer la tête, aucun mouvement en avant ni de côté n'est possible.

L'enfant, du reste, se met à crier quand je tente toutes ces

manoeuvres. Pas de contractures dans les membres, pas de fai-

blesse musculaire. Les réflexes du genou et du pied sont normaux,

le réflexe pharyngien semble conservé, de même le réflexe oculo-

palpébral. Pas de strabisme, la sensibilité générale est intacte. Il

ne m'est pas possible de constater ni aucune zone d'anesthésie, ni

aucune plaque d'hypéresthésie.

L'examen de la sensibilité spéciale est négatif. Impossible, vu

l'âge, de songer à étudier le degré d'acuité auditive ni le degré

d'acuité visuelle, ni de mesurer le champ visuel. En résumé, je me

trouvais en face d'une contracture survenue subitement, sans con-

vulsions, chez un enfant qui jouissait d'une excellente santé, et

qui continuait à se Lien porter. Pas de fièvre, pouls cependant un

peu agité quoique la température fut normale; tube digestif en

bon état, langue rosée, selles régulières, appétit excellent.

En présence de cette situation, quel diagnostic pouvais-je poser ?

Etait-ce de la méningite ? Non, le début fut trop subit et la santé

générale était trop satisfaisante. Du reste, pas d'hérédité tubercu-

leuse. Fallait-il penser à une excitation médullaire par mal. de

Pott ? La colonne vertébrale est droite sans saillie anormale, sans

douleurs à la pression. 0

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 303

A des accidents tétaniques ? Mais il n'y pas de trismus, la con-

tracture chez notre enfant ne survient pas par accès, elle est per-

manente; de plus, il n'y a pas de modifications dans l'état général

du petit sujet; la déglutition se fait bien et pas de fièvre.

A une lésion organique des centres cérébraux spinaux ? Le

mode de début, l'intégrité des membres, l'absence d'exaltation

des réllexes éloignaient ce diagnostic.

Devait-on penser à un accident occasionné par les vers intesti-

naux' ? Nous n'avons eu ici ni perte de connaissance ni convulsions

cloniques, mais une contracture permanente s'installant d'emblée.

Par exclusion, on était donc forcé de se rattacher, et cela mal-

gré l'absence de stigmates, au seul diagnostic d'hystérie. C'était

une contracture hystérique; les événements, d'ailleurs, m'ont

donné raison. Le lendemain, 17 juin 1894, j'allais voir chez lui le

petit malade : l'état était le même, l'enfant s'amusait dans sa

chambre et mangeait toujours d'un bon appétit. Le troisième jour,

la contracture semblait avoir diminué, sa tête était moins inclinée

en arrière; le cinquième jour (21 juin) tout avait disparu. Comme

médication, quelques bains, et à l'intérieur un peu de valérianate

et de bromure.

Comment s'était produite cette contracture hystérique ? Ya-t-il eu

traumalisme ? Chute sur 'la tête, chute immédiate ou datant de

quelques jours ? Les renseignements sont négatifs à ce sujet, on ne

s'est aperçu de rien. Ceci, du reste, n'a qu'une importance rela-

tive. On constate une contracture, dont le véritable facteur étiolo-

gique est évidemment l'hérédité; quant à la cause occasionnelle

qui n'est pas nécessaire pour l'éclosion du mal, elle nous échappe.

Si ces doutes avaient pu persister dans notre esprit sur la nature

de l'accident, ils auraient été assurément dissipés par les manifes-

tations que l'enfant a présentées dans la suite, et c'est un des

avantages que présente l'exercice de la médecine à la campagne

(je parle ici de la Vendée où le paysan reste attaché au sol qui l'a

vu naître). On peut y suivre longtemps ses malades; on ne les perd

pas de vue.

Six mois après (décembre de la même année) je suis rappelé en

toute hâte près de ce même enfant. Cette fois la mère ne craignait

pas la méningite; mais elle redoutait le croup, car une petite épi-

démie sévissait dans la région. L'enfant perdait la voix subitement,

il ne pouvait plus parler, il ne se faisait plus entendre, il se faisait

seulement comprendre par gestes et par la mimique de la face.

Cet. accident était survenu après une crise de colère, l'enfant

avait voulu suivre son père aux champs, et on lui avait fermé la

porte pour l'en empêcher. Là, il n'y avait pas d'hésitation, ce

n'était certes pas le croup, comme le croyait la mère pas de

fièvre, pas d'angine, pas de dyspnée ni le faux croup aucune

gêne respiratoire, aucune crise de suffocation : c'était de l'aphonie

304 CLINIQUE NERVEUSE.

hystérique. Cet accident dura trois jours, puis la voix est revenue

d'abord voilée, puis très nette sans bégaiement. Depuis cette

époque, l'enfant n'a rien présenté qui mérite d'être signalé.

Observation II. Paraplégie hystérique chez un enfant de six ans,

produite par l'autosuggestion. L'enfant copiant une parésie diph-

néritique que venait de faire son frère. Guérison en trois jours.

H... six ans. Hérédité nerveuse, mère neurasthénique; tante

hystérique avec crises; père alcoolique.

Comme antécédents personnels, rien de particulier à noter. Pas

de maladies antérieures que la coqueluche à trois ans.

En janvier 1896, son frère aîné est atteint d'une angine diphté-

ritique grave; il guérit de son angine; mais huit jours après sur-

vient la paralysie du voile du palais, avec le nasonnement carac-

téristique, puis bientôt de la faiblesse dans les jambes, faiblesse

qui va en s'accentuant et rend enfin la marche impossible. Tous

les jours j'allais voir le malade et j'examinais en même temps la

gorge et le pouls des trois autres enfants de la maison. A une de

mes visites, le 8 février, au lieu d'un malade à électriser on m'en

présente deux, le plus jeune, âgé de cinq ans, qui ne peut plus

marcher à son tour, et de plus on ne peut lui toucher les jambes

sans le faire crier. L'examen de la gorge ne m'indique rien, la

voix est nette et non nasillarde ; le pouls, la température, tout

est normal; les réflexes sont conservés. Etait-ce là aussi une para-

lysie diphtérique et sans manifestations préalables à la gorge ? Je

ne devais guère y penser, chaque matin l'examen de cet enfant ne

m'avait rien révélé qui pût indiquer qu'il fût contaminé. Jamais

de fièvre et toujours excellent appétit. De plus, cette paraplégie

n'avait pas été' précédée de la paralysie du voile du palais, puis

cette paraplégie était douloureuse, et la paraplégie diphléritique ne

l'est pas; il n'y a pas comme ici d'hypéresthésie cutanée. Enfin la

guérison presque immédiate acheva de fixer le diagnostic d'hysté-

rie que je posais dès le début.

Je dis à l'enfant que demain j'allais revenir, je l'électriserais

comme son frère et je le persuade qu'élant plus jeune il marche-

rait immédiatement. Je le fais isoler aussitôt de son aîné et le

lendemain je viens l'électriser. Après une courte séance, je lui

ordonne de marcher; il titube d'abord mais en l'aidant un peu il

fait quelques pas. Après la seconde séance il courait dans la

chambre; il était guéri. L'étiologie de cet accident est donc assez

remarquable. L'enfant s'était fait lui-même sa paralysie en regar-

dant son frère paralysé.

Observation III. - Paraplégie hySlél'o-tl'aumatique avec hypél'esthésie

chez un enfant de huit ans. Guérison au bout d'un mois. Un an

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 305

après parésie par suggestion des parents sur l'enfant. CI : La lune de

l'année, devant pour la mère, produire les mêmes effets que la lune

correspondante de l'année précédente. » Guérison au bout de dix

jours.

Herb..., huit ans. Cet enfant, jetait un jour, en revenant de

l'école, des pierres à un cantonnier. Colère du cantonnier qui,

aussitôt court après le bambin; celui-ci, dans sa fuite, tombe à

terre mais ne se fait aucun mal, Deux jours après, il éprouve une

grande faiblesse dans les jambes, il titube en marchant, puis bien-

tôt il ressent une douleur très vive dans les membres inférieurs,

surtout au niveau des genoux; on ne peut imprimer aucun mouve-

ment aux jambes sans arracher à l'enfant des cris perçants. L'ex-

tension est surtout très pénible. C'est à ce moment qu'on se décide

à me faire appeler (25 août 1893), je trouve l'enfant au lit les

membres inférieurs en demi-flexion; - pas de gonflement aux

articulations, pas de fièvre; -mais une hypéresthésie très accentuée

de toute la jambe, le simple frôlement de la main, même le con-

tact des draps détermine une violente douleur. Je note un peu

d'exagération du réflexe rotulien.

Les renseignements donnés par la famille sur la chute et sur le

début de l'affection me font penser à l'hystérie. Je recherche s'il

n'existe pas quelques stigmates, mais, je le répète encore, cette

recherche est le plus souvent infructueuse chez l'enfant. Je n'en

trouve pas, sauf peut-être, un peu d'anesthésie du pharynx. Malgré

l'absence des stigmates, en raison de l'hérédité névropathique

accumulée que je note en passant, surtout du côté paternel (grand-

mère paternelle, oncle paternel excessivement nerveux) je pose le

diagnostic : paraplégie et hypéresthésie hystéro-traumalique.

J'essaie, mais en vain, de plonger l'enfant dans le sommeil hyp-

notique. A ma seconde visite, je lui fais passer dans les jambes

quelques courants électriques en lui assurant qu'il serait vite guéri.

Pourquoi ai-je employé l'électricité ? Uniquement, je l'avoue, parce

» que ce traitement frappe l'imagination du paysan vendéen, et

qu'il attribue une grande vertu à tout ce qui lui semble extraordi-

naire. C'est un moyen de faire de la suggestion avec quelques

chances de succès.

La guérison fut pourtant assez lente à se produire. A chaque

séance, cependant, je constate une légère amélioration. D'abord,

quand on essayait de le faire marcher, il fallait le soutenir,

presque le porter; les jambes restaient à demi-fléchies, puis au

bout de quelques minutes, il s'affaissait complètement en jetant

des cris de douleur. Bientôt il put faire quelques pas, mais toujours

le corps penché en avant et les jambes légèrement pliées. Enfin

au bout d'un mois les douleurs avaient complètement disparu et

la marche était normale. Je n'entendais plus parler de cet enfant,

Archives, 2e série, t. IV. 20

306 CLINIQUE NERVEUSE

lorsque, un an après, on le ramène dans mon cabinet. « Nous vous

présentons votre malade de l'année dernière, disent les parents,

c'est dans ce même mois qu'il a été frappé de paralysie et à la

même lune. Nous remarquons déjà, qu'il marche difficilement et

qu'il éprouve des douleurs. La maladie de l'an passé va reparaître. »

En effet, je constate que l'enfant a de la peine à se mouvoir.

« Mais vous lui faites vous-mêmes sa paralysie, m'écriai-je indi-

gné, vous lui répétez sans cesse qu'il ne pourra bientôt plus mar-

cher. Je vous défends désormais de lui en parler. » Mais le mal

était fait, la suggestion avait accompli son oeuvre. Guérison au

bout de quinze jours.

Dans cette observation on ne peut soulever aucun doute sur la

nature de l'accident : le mode de début, le traumatisme qui est il.

la tête de la paralysie, l'évolution de la maladie, sa disparition

totale; puis la reprise de l'accident sous l'influence de la sugges-

tion faite par les parents. Tout cela n'appartient qu'à l'hystérie, et

ne peut se rencontrer dans aucune autre affection, et ici il est

intéressant de constater quel rôle néfaste jouent parfois les parents

dans l'éclosion des phénomènes hystériques. On peut comprendre

dès lors toute l'importance que l'on doit attacher à l'isolement

quand cet isolement est possible.

Observation IV. Aphonie et amnésie survenues à la suite d'un

chute sur le genou chez un garçon de onze ans. Guérison par

suggestion.

X..., onze ans. Mère nerveuse, père congestif, n'avait jamais

rien présenté d'anormal ; son caractère était doux, patient. La

santé physique est excellente. Son père meurt subitement, frappé

d'apoplexie en descendant du train. Le caractère de l'enfant change

aussitôt, il est devenu triste, pleure à chaque instant et sans motif.

Quelques jours plus tard il fait une chute sur le genou, la chute

n'était pas grave, une simple ecchymose; ce fut suffisant pour ame-

ner les premières manifestations d'un mal qui aurait pu éclater

plus tard ou peut-être jamais. Les émotions causées par la mort du

père avaient préparé l'hystérie, la chute la fit apparaître. ,

Le soir de la chute, il perdit la voix complètement, sans perdre

connaissance, sans éprouver rien d'anormal en dehors de cette

aphonie ; on remarqua toutefois un certain degré d'amnésie. Quand

on le conduisit dans mon cabinet l'aphonie avait disparu, il ne res-

tait plus qu'une sorte de bégaiement, ce bégaiement qui termine

souvent ce phénomène nerveux. Outre ce bégaiement je constatais

que la mémoire était encore bien diminuée et une sorte d'hébétude

se peignait sur son visage.

Cette simple chute sur le genou avait donc eu de très singulières

conséquences, puisqu'elle rendait d'un seul coup l'enfant amné-

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 301

sique et qu'il perdait la mémoire des mouvements coordonnés des

lèvres et de la langue (il est aphone). Cette amnésie s'étendait

également sur presque toutes ses connaissances acquises : il a perdu

le souvenir. Sa mère n'a pas su me dire s'il aurait pu écrire, cal-

culer ; elle ne le croit pas, car son intelligence s'étaitsubitement obs-

curcie. Quel traitement a-t-on faitsuivre à ce malade ? On lui avait

appliqué, nous dit la mère, quelques sangsues. Pourquoi ? On avait,

sans doute, cru à une lésion organique,, et c'était de l'hystérie qui

était en jeu, car outre cette aphonie qui n'existe ainsi marquée que

dans l'hystérie, aphonie survenant sans perte de connaissance,

après un choc léger, je constatais un rétrécissement concentrique

notable du champ visuel, une diminution de la sensibilité du côté

gauche et un peu d'anesthésie pharyngienne. Quelle conduite

devais-je tenir dans la circonstance ? Il était probable que tout

allait rentrer dans l'ordre ; cependant je voulais voir si l'hypno-

tisme pouvait faire cesser immédiatement ce bégaiement et ce qu'il

pouvait faire également sur l'amnésie. Le résultat fut très heureux,

car quelques jours après on m'apprenait que l'enfant était com-

plètement guéri de son bégaiement et que la mémoire lui était

revenue.

Cette observation offre un certain intérêt, car ces cas d'amnésie

hystéro-traumatique doivent être rares.

Observation V. Enfant de trois ans. Contracture des muscles de

la nuque. Tête rejetée en arrière et comme enfoncée dans les

épaules. Disparition au bout de trois jours. - Six jours après

paralysie complète et flasque du bras gauche, suivie au bout de deux

tours d'une parésie des deux jambes. Guérison rapide de la

parésie (3 jours). Guérison de la paralysie brachiale (22 jours).

Enfant chétif ayant présenté à l'âge de huit mois une entérite

aiguë qui mit ses jours en danger. A deux ans, bronchite. Hérédité

névropathique et tuberculeuse. Oncle maternel phtisique, un frère

mort d'une méningite. Mère hystérique. Père entaché de nervo-

sisme.

Le 25 avril 1897, l'enfant est pris de fièvre et de diarrhée, j'y

vois un embarras gastrique, je donne un léger purgatif et un peu

de sulfate de quinine. Le 29 avril la fièvre disparait, l'enfant a

retrouvé son appétit, il commence à s'amuser avec ses petits cama-

rades de la ferme. On le conduit cependant à mon cabinet parce

que sa tête ne peut pas se mouvoir. Je constate, en effet, une con-

tracture très prononcée des muscles du cou ; l'enfant se tourne

tout d'une pièce quand il veut regarder de côté. Pas de douleur (1

la pression au niveau delà nuque, le bébé crie seulement quand on

essaie de vaincre la résistance des muscles contractures. Le 2 mai,

la contracture a cessé. Elle a donc duré trois jours.

308 CLINIQUE NERVEUSE

Le 8 mai, on me rappelle près de l'enfant, le bras gauche étaitpa-

ralysé. Déjà, la veille, on avaitremarqué que la main laissait échap-

perles objets qu'elle avait saisis, puis la faiblesse musculaire s'était

accentuée et au moment où je l'examinais le bras était pendant le

long du corps, les doigls étaient allongés et inerte ? . C'était une

paralysie flasque, les réflexes étaient conservés, la sensibilité était

diminuée à l'avant-bras,-normale au bras et à l'épaule. Je consta-

tais, le lendemain, que la réaction faradique n'avait pas disparu,

les sphincters n'étaient pas atteints. Mais la paralysie ne devait

pas s'arrêter là, deux jours après (10 mai), c'était le tour des deux

jambes. Cette fois, la paralysie n'était pas complète, c'était une

très grande faiblesse musculaire, l'enfant se tenait debout mais

difficilement, et si on lui commandait de marcher il criait, crai-

gnant de tomber. Il fallait donc le soutenir dans sa marche, les

pieds alors traînaient sur le sol, se heurtaient l'un dans l'autre, le

corps progressait en se balançant. Cette parésie s'effaçait au bout

de trois jours, mais la paralysie brachiale persistait toujours. Enfin,

le 20 mai, c'est-à-dire après une durée de douze jours, l'enfant

commençait à soulever son bras; l'avant-bras et le bras n'avaient

pas encore retrouvé le mouvement.

Le 22, la sensibilité était absolument normale et les doigts pou-

vaient se Le 25, l'enfant pouvait saisir son pain et le porter

à sa bouche. Pas d'atrophie du membre et pas de déformation.

Le 30, la guérison était complète.

Le diagnostic au début de la paralysie devait'se faire avec la

paralysie infantile ; mais dans la polyomyélile antérieure il n'y a

pas de troubles de la sensibilité, la réaction est nulle sous les

courants faradiques; les réflexes sont ordinairement abolis, ou

tout au moins diminués, puis la paralysie frappe d'emblée le petit

malade; dans une seule nuit elle est devenue complète : elle

n'atteint pas, un jour le bras, puis quelques jours après les autres

membres. Enfin la guérison qui est survenue au bout de vingt-

deux jours sans laisser de trace, sans marque d'atrophie ni de

déformation, achève de fixer le diagnostic de contracture et de

paralysie hystérique.

013SFRVATIO.iVl.-Pseudo-n2éiziîzgile/tystéi-iqzie(etifaiit de deuxans).

Aphonie consécutive ayant persisté six semaines. Coxalgie hasté-

Tique à cinq ans.

J..., petite fille de deux ans, ayant toujours eu une santé excel-

lente, n'a jamais présenté de convulsions. A l'époque de la denti-

tion a eu pendant quelques jours la diarrhée verte. A marché à

treize mois et a parlé à douze mois.

1894. 18 août. L'affection pour laquelle je suis appelé, débute

subitement ; la veille, la fillette s'était amusée comme de coutume,

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDEE. 309

ces selles étaient régulières, le soir elle dînait cependant moins

bien et avait eu quelques vomissements : <. Je veux me coucher, »

dit-elle. Ce qui n'était pourtant point son habitude... On la couche.

La nuit se passa sans incident, ou plutôt on ne remarqua rien,

l'enfant semblait dormir d'un sommeil profond et calme. A-t-elle

eu des convulsions ? On ne peut le savoir. Le matin, au réveil, on

va au lit de la pouponne, elle dort toujours, on essaie de la réveil-

ler, efforts inutiles ! Elle ne fait aucun mouvement, elle ouvre les

veux par instants ; mais elle semble ne pas voir. Elle ne parle pas,

alors on m'appelle en toute hâte, je trouve l'enfant dans le coma,

elle est insensible à la piqûre, ses bras soulevés retombent inertes.

Est-ce du coma apoplectique ? Est-ce une méningite ? Est-ce, en

raison de l'hérédité nerveuse dont je savais la famille entachée,

une pseudo-méningite ? Je ne peux, à cette heure, émettre une opi-

nion bien précise. Cependant je me souviens avoir consolé les

parents dès le début, en leur faisant espérer que c'était peut-être

un drame hystérique qui se déroulait devant nos yeux. La respira-

lion n'était point stertoreuse ; de plus, elle était régulière, les

pupilles étaient très dilatées mais égales ; le ventre toutefois était

un peu rétracté et la raie méningitique était assez nette. Pouls

agité, température 37°,5.

Dans l'incertitude du diagnostic je fais apposer sur la tête : de

la glace, des sangsues aux apophyses, etc., et ordonne un lave-

ment purgatif. Le lendemain matin, même état, la constipation

assez tenace cède après un second lavement qui amène une selle

abondante, urines en quantité assez notable puisqu'elles ont impré-

gné tout le linge du berceau.

L'insensibilité est toujours complète, pas de convulsions, toujours

le même coma, le même masque immobile de la face, et les

membres toujours inertes. Il est difficile de lui faire absorber du

lait. Pas de vomissements dans la journée. Cinq jours après

(24 août), l'enfant commence à être sensible aux piqûres, elle com-

mence à remuer les bras et les jambes, mais elle est toujours indif-

férente et ne parle pas.

3 septembre. C'est-à-dire quinze jours après le début de l'ac-

cident, la fillette reprend connaissance, elle entend quand on lui

parle et paraît comprendre ce qu'on lui dit, mais l'aphonie per-

siste complète.

18 septembre. - L'enfant marche, s'amuse, l'aplionie persiste.

26 septembre. La parole est revenue sans beaucoup de tâton-

nement, toutefois les premiers mots prononcés elle ne peut les

achever : « pap... pour papa, mam... pour maman ».

Puis tout est revenu dans l'ordre, c'est aujourd'hui une belle

enfant de cinq ans qui depuis cette crise s'est bien portée jusqu'au

mois de janvier de cette année où elle a présenté un peu de clau-

dication et de la douleur dans les hanches. Claudication qui s'est

3110 () CLINIQUE NERVEUSE

effacée, paraît-il, au bout de deux mois environ. Je dis : paraît-il,

car on avait cessé de m'appeler malgré les remerciements dont on

m'avait accablé lorsque la première affection s'était produite. Je

ne peux donc pas donner de renseignements complets sur cette

dernière maladie, mais nous verrons plus loin que j'avais soigné

un frère de la petite malade pour une pseudo-coxalgie hystérique

Ce dernier accident de l'enfant semble bien être de même nature-

Observation VII. Pseudo-méningite à répétition chez une petite

pille, il huit ans, dix ans et quatorze amas.

- Hérédité nerveuse. Mère ayant eu des crises de nerfs dans sa

jeunesse. Soeur ayant présenté une contracture hystérique du bras

et du cou. Ses frères sont nerveux, impressionnables.

Comme antécédents personnels, la petite M... aurait présenté,

à l'âge de deux ans et à cinq ans, des «crises de vers», dit sa mère.

A l'âge de huit ans elle est prise un jour de vomissements; on

croît d'abord à une indigestion, pourtant elle n'avait presque pas

absorbé de nourriture, depuis deux ou trois jours elle n'avait pas

d'appétit. Ces vomissements se répètent pendant vingt-quatre

heures sans interruption; un peu de lait est aussitôt rejeté. Puis

au bout de vingt-quatre heures les vomissements cessent pour

faire place à un état plus alarmant : la perte de connaissance est

complète, on la pique, elle reste insensible. Elle n'entend, ni ne

voit. Le médecin qui soigne l'enfant porte le diagnostic ménin-

gite ». On lui applique de la glace sur la tête, des sangsues aux

oreilles et un vésicatoire à la nuque. On porte un pronostic fatal

qui ne se réalise pas. L'enfant guérit au bout de trois jours. A dix

ans le même accident se produit avec le même cortège de symp-

tômes, mais atténués cependant. Guérison au bout de deux jours.

Il y a quatre mois (fin février), la malade a maintenant quatorze

ans, je suis appelé à lui donner mes soins pour une anémie très

accuentuée; la fillette n'a jamais eu ses règles, elle est excessive-

ment pâle et présente le souffle carotidien. Pas d'albumine dans

les urines. Quelques jours après, le 6 mars, on me fait entrer voir

la malade. Toujours même faiblesse, l'enfant n'a plus la force de

marcher, elle est au lit; depuis le matin elle vomissait sans cesse.

La nuit on me rappelle en toute hâte, la malade étant sans con-

naissance, les yeux hagards, la face d'une pâleur extrême, le pouls

très petit et très agité 150 à 160 à la minute : la température en

désaccord avec le pouls 36 1/2; sueurs froides, abondantes sur le

visage; le ventre n'est pas rétracté, mais la tache cérébrale existe

avec une grande netteté. La constipation est opiniâtre, car j'avais

ordonné, la veille, un lavement purgatif assez énergique qui n'a-

vait rien produit. Pas d'urine depuis quinze heures. L'insensibilité

est absolue, la perte de connaissance complète. Coma.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 311

Celait la nuit; le lendemain matin, au coma succède une période

d'agitation extrême, il faut l'aide de plusieurs personnes pour pou-

voir maintenir la malade dans son lit : contractures passagères des

mains, contracture dorsale, figure grimaçante, écume à la bouche.

Jamais d'urine et de vomissements depuis la perte de la connais-

sance. Je prescris un lavement au chloral et un bain. Les parents

me supplient d'appliquer des sangsues aux oreilles. « Çà l'avait

guérie de sa première et de sa seconde méningite, » disent-ils. Je

déclare que je ne crois pas, pour le moment, à de la méningite,

que ces méningites d'autrefois, du reste, n'étaient pas de vraies

méningites parce qu'elles avaient trop bien guéri. Cependant je

dois avouer que j'attendais avec anxiété le dénouement de cette

crise. En raison de la petitesse de ce pouls vraiment filiforme, de

cette pâleur effrayante, de cette anémie, je lui fais une injec-

tion de sérum artificiel. Evidemment je ne veux pas mettre sur le

compte de cette injection la cessation des phénomènes, mais j'avais

à peine quitté la maison qu'on me rappelle aussitôt, la malade

venait de reprendre connaissance. Elle se met à uriner, une urine

claire, limpide assez abondante, urine nerveuse. Ceci m'étonne

un peu, car une demi-heure auparavant j'avais percuté la vessie,

sondé la malade et n'avais retiré que quelques gouttes d'urine.

Je revois la malade le soir, elle est bien, son pouls est bon et moins

fréquent; elle ne se rappelle pas ce qui s'est passé depuis deux

jours, elle ne se souvient pas de m'avoir vu la veille alors qu'elle

me parlait bien et semblait avoir pleine connaissance.

Bien peu de choses manquent au tableau de la méningite : nous

avons des vomissements, de la constipation, perte de connaissance,

de la céphalée, des contractures, de l'anesthésie, du coma, puis de

l'agitation, du délire, fièvre dissociée, raie méningitique. Pourquoi

n'ai-je pas cru, tout d'abord, à la'ivraie méningite ? La soudaineté

du début et l'histoire de cette malade qui avait traversé des états

analogues et qui avait guéri. La respiration de Cheyne-Stock

faisait défaut et dans tous les cas de pseudo-méningites que j'ai ren-

contrés, je l'ai vue manquer. J'ai noté également le désaccord entre

le pouls et la température : tandis que dans la vraie méningite

c'est le pouls qui est lent et la température élevée, ici c'est le con-

traire. Enfin la terminaison heureuse et rapide venait lever toute-

incertitude.

Observation VIII. Pseudo-méningite hysté1'o-t1'aumatique, chez une

fillette, à un an et demi et à trois ans.

G..... Le petit bébé, à un an et demi, fait une chute sur la

tête (janvier 1895). Une légère ecchymose au front marque d'abord

seul l'accident. Le lendemain l'enfant est prise d'une fièvre violente

avec agitation, cris, véritables cris hydrencéplialiques, constipa-

312 CLINIQUE NERVEUSE

tion, ventre rétracté; mais pas de vomissements, pas de perte de

connaissance. Enfin l'agitation cesse, l'enfant dort continuelle-

ment, sa respiration est assez régulière, pupilles dilatées et égales.

Cet état dura huit jours, puis la guérison survint.

En mars 1897 nouvelle chute sur la tête, nouvelle crise de fausse

méningite; vomissements, fièvre, agitation, se plaint de la tête.

Par instants, la fillette veut s'arracher les cheveux, on est obligé

d'être constamment auprès de son lit pour éviter qu'elle se fasse

mal. Cris aigus, qu'on peut entendre au loin venant entre-coupcr

un sommeil agité : respiration régulière, pupilles égales; la raie

méningitique du ventre est très nette, mais cette raie n'existe pas

seulement au ventre, partout où l'on exerce une pression, même la

légère, on détermine de la rougeur avec surélévation des tégu-

ments dans la partie touchée véritable dermographisme hysté-

rique puis une toux sèche, quinteuse, s'installe. Au bout de dix

jours tous ces symptômes avaient disparu. Comme héridité père

et mère alcooliques, mère nerveuse.

Observation YS.. Pseudo-méningite chez un petit garçon de trois ans;

à six ans hémiplégie guérissant au bout de trois semaines sans

laisser de traces.

Hérédité très chargée : père, mère, tante, oncles tant du côté

paternel et maternel, tous nerveux. Antécédents personnels

nuls, mais caractère très difficile : colères fréquentes, se roule à

terre, elc.

En janvier 1894 il est pris d'une fièvre intense, crie sa tête : « Oh !

ma tête ! » se cache la face dans les oreillers, quelques secousses

convulsives dans les membres, grimaces de la face, agitation :

il essaie de déchirer les linges qui le recouvrent; vomissements,

constipations, pupilles égales et réagissant bien à la lumière. Pas

de perte de connaissance; pouls, à 140; température 39.

Quatre jours après, je revois le malade, il était guéri.

Ces phénomènes avaient duré trois jours.

C'était évidemment du méningisme hystérique, car voilà les ren-

seignements que j'ai recueillis tout dernièrement sur cet enfant

que je n'avais pas revu depuis longtemps. (Il habite loin des

Essarts.) Il aurait eu, m'écrivent les parents, une maladie de

la moelle épinière ? ? ... Il a eu un côté paralysé pendant trois

on quatre semaines. Mais il est très bien guéri, il jouit actuelle-

ment d'une parfaite santé.

Cette maladie de la moelle, pour moi qui ai connu l'enfant, a

bien l'air de ressembler à de l'hémiplégie hystérique, la paralysie

ayant duré trois semaines sans laisser de traces chez un petit

malade excessivement nerveux qui a fait déjà du méningisme hys-

térique.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 313

Observation X. Pseudo-méningite chez une fillette de sept ans.

Guérison au bout de dix jours.

Marie G... appartient à une famille d'hystériques. Son père a eu

de la parésie hystérique avec hypéresthésie; son frère a eu de la

paraplégie hystérique et un an après une monoplégie brachiale,

suite d'une chute sur le bras (Obs. 2 et 3 de l'Hystérie en Vendée,

n° de décembre 1893 des Archives de Neurologie. Obs. repro-

duites dans la thèse de mon frère. Thèse de Toulouse, 1896). Sa'

mère a eu de l'anesthésie hystéro-traumatique, sans paralysie

(Obs. IV de la thèse ci-dessus).

Comme antécédents personnels il n'y a presque rien. D'un carac-

tère vif, riant aussi vite qu'elle pleure. Bonne santé habituelle.

En août 1893, elle est prise d'une violente céphalalgie; ce sont

des cris aigus, qui font peur, dit la mère. Elle ne peut plus voir le

jour, ses yeux sont presque toujours clos, elle se cache la figure

dans ses draps. Ces crises se répètent tous les quarts d'heure. La

respiration présente, quelquefois, des arrêts, mais ces arrêts n'ont

pas la régularité que présente la vraie méningite : pupilles égales,

constipation, vomissements très abondants et incoercibles. Malgré

toutes les préparations antiémétiques ordonnées, le vomissement

continue; mais l'enfant ne vomit pas les aliments ingérés, son

estomac, faisant comme une sorte de sélection, rejette simplement

une matière glaireuse, extrêmement abondante et cela aussitôt

après l'absorption de la nourriture.

Tous les traitements institués sont sans résultat; aucune amélio-

ration ne se fait sentir. La suggestion pendant le sommeil hypno-

tique ayant si bien réussi chez tous les membres de la famille,

j'essaie l'hypnose sur l'enfant : impossibilité absolue malgré des

tentatives répétées. Je lui fais - sans sommeil de la suggestion

avec un médicament quelconque que j'ordonne. La guérison est

immédiate, les vomissements cessent aussitôt, la douleur de tête

s'efface, la fillette reprend sa vie habituelle.

Avec l'enfant de l'OBSERV.ITIO.1 II, c'est le seul cas d'hystérie

infantile où j'ai réussi par suggestion à l'état de veille à supprimer

les accidents. Il n'en est pas ainsi chez mes vieux hystériques ven-

déens, de même que je le constatais dans l'article Hystérie en Vendée.

Chez eux la suggestion même à l'état de veille est très efficace.

Observation Il Diabète insipide hydrurique chez un petit

garçon de deux ans et demi. 10 à 12 litres par jour de boisson.

8 à 10 litres d'urine. Aucune trace de sucre. Parésie hys-

térique à cinq ans. Rougeole à six ans avec cessation de la po-

lyurie et de la polydipsie pendant rougeole. Reprise du diabète.

Hérédité névropathique très chargée.

Enfant naturel ; grand'mère maternelle, cinquante-cinq ans, que

3 1 Ik CLINIQUE NERVEUSE

je soigne actuellement d'un oedème Hystérique avec crises d'angine

de poitrine hystérique. - nlère hystérique. Le père, d'après les

renseignements, serait également très nerveux. Le grand'père

l'est également. Les tantes, les oncles maternels sont tous

marqués de nervosisme.

Jusqu'à l'âge de deux ans et demi, l'enfant n'a fait qu'une bron-

chite légère, mais son caractère a toujours été, dès le berceau,

extrêmement difficile. Il poussait des cris de colère, il pleurait lors-

qu'on lui refusait ce qu'il demandait. Jamais de convulsions, santé

excellente. Quant on le conduisit pour la première fois dans mon

cabinet (janvier 1893), la grand'mère me déclara que l'enfant ne

leur semblait pas malade, aussi avait-elle hésité à me l'amener, il

avait bon appétit et s'amusait comme d'habitude. Ce qui inquiétait

les parents, c'était cette soif ardente survenue subitement (il y a

huit jours environ), que rien ne pouvait étancher, et ces mictions

d'urine si fréquentes. J'ai pensé aussitôt au diabète, mais l'analyse

de l'urine faite, séance tenante, à la liqueur de Fehling ne révèle

pas la moindre trace de sucre; c'était donc du diabète insipide;

mais quelle variété de diabète insipide ? Etait-ce du diabète azotu-

rique, ou du diabète insipide hypoazoturique ou hydrurique ?

L'analyse complète nous l'indiquera tout à l'heure. Pour l'instant,

quelle était la quantité de liquide absorbé ? 10 à 12 litres, dit la

mère : 6 à 8 litres le jour et 4 litres la nuit. Afin de ne pas être

sans cesse obligé de se lever la nuit pour lui donner à boire, on

avait soin de déposer dans le lit de l'enfant 4 litres d'eau. Avant

le lever du jour lout était absorbé, il vidait presque toujours son

litre d'une seule fois. Du reste, j'ai pu voir par moi-même jusqu'à

quel point était poussée cette soif ardente et contrôler l'exactitude

des renseignements qui me paraissaient tout d'abord taxés d'exa-

gération, tant le chiffre des urines et du liquide absorbé était

hors de proportion, même en cas de diabète, avec l'âge de l'enfant.

Un jour que je visitais le petit malade (décembre 1893), je priais

les parents de le laisser agir à sa guise et de ne pas le déranger de

ses occupations; ses occupations ne variaient guère, boire sans

cesse et toujours, c'était une obsession. Eh bien ! Dans une demi-

heure passée à la maison, je constatais que l'enfant avait pu

prendre 2 litres d'eau. Quand le seau où il puisait fut vide, je le vis

se diriger vers un bassin où l'on déposait les eaux grasses pour

alimenter les porcs, et, si, on ne s'était pas précipité vers l'enfant,

cette eau sale, huileuse était absorbée. Ce n'était pas la première

fois, me disait la mère. qu'on le surprenait ainsi. Il n'avait qu'une

idée fixe, boire et chercher partout du liquide quel qu'il soit. On le

surpritun jour dans un champ, où il s'étai t l'en d pour accompagner

ses parents occupés à travailler, on le surprit, dis-je, urinant dans

son verre pour boire son urine. C'était du liquide, cela lui suffisait

tant le besoin de boire était impérieux.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 315

Quelle était la quantité d'urine rendue par jour ? Il est difficile

de le savoir d'une façon exacte, les parents l'évaluent à 8 ou f0

litres, en se basant sur ce qu'il urine la nuit. C'est un robinet

continuel, disent-ils; en effet, à une de mes visites, je demande de

l'urine dans le but de la faire analyser, « Il vient d'uriner, » me dit

la mère. Je manifeste mon ennui. Oh ! que cela ne vous contrarie

pas, nous allons lui donner à boire et il urinera aussitôt. C'était la

vérité, car je puis recueillir sur-le-champ 400 grammes d'urine.

Donc polyurie et polydipsie très prononcées chez cet enfant de

deux ans et demi. Mais quelle sorte de polyurie ? L'examen des

urines fait par Bertault, chef du laboratoire agricole départe-

mental, nous le fait connaître. Cette première analyse pourtant

est assez incomplète.

6 décembre 1893. Enfant de trois ans. Urine d'nne limpi-

dité parfaite, sans dépôt, presque pas plus colorée que l'eau.

Densité 9=,OU`3

Réaction très faiblement acide.

Urée 1 ,28 par litre.

... 10 à 12 yraumms en wiigi-qualre heures.

Acide nuque. Néant.

Pas d'éléments anormaux (sucre, bile, albumine).

Examen microscopique. Rien.

Résumé : Urine sans éléments anormaux, mais avec un excès

d'eau exagéré.

La polyurie (diabète insipide) est nettement caraclérisée dans

son intensité. Cette analyse, de plus, nous indique une diminution

de moitié du chiffre normal de l'urée, 1 ? ? S par litre; 10 à 20

grammes en vingt-quatre heures; il y a donc de l'hypoazoturie.

Ainsi nous nous trouvons en face d'un diabète insipide hypoazotu-

rique, le diabète hydrurique. Une seconde analyse que nous trou-

verons plus loin nous fournira des données plus complètes sur les

autres éléments de l'urine : chlorures, phosphates, etc.

Outre ces symptômes fondamentaux : soif insatiable, urine abon-

dante sans sucre, et sans augmentation de l'urée, qui nous suffi-

sent dès maintenant pour classer le genre d'affection et en faire

du diabète insipide hydrurique.

Quels sont les autres symptômes présentés par l'enfant ? Il n'y a

pas de polyphagie, le bébé songe plutôt à boire qu'à manger ;

cependant il prend une nourriture suffisante, son appétit est ordi-

naire. La langue n'est pas sèche, mais un peu blanche ; l'estomac

est dilaté, le ventre est bidonné, coliques fréquentes, constipation.

On constate dans la première année de sa maladie un peu d'amai-

grissement, un peu de faiblesse musculaire : la face est pâle, le

pouls est petit et en plus agité, la température n'est pas

abaissée. c

316 CLINIQUE NERVEUSE

Quelle était la nature de ce diabète insipide hydrurique ? Etait-ce

un diabète de nature hystérique ? La tare héréditaire dont cet

enfant était frappé pouvait m'y faire penser; cependant les don-

nées étaient insuffisantes (car pas de stigmates hystériques) pour

porter un diagnostic précis. Quelques acctdents survenus plus tard

nous apporteront, de nouveaux éléments de discussion. Essayer

de faire de la suggestion à cet âge, je n'y devais pas songer. Ne

pouvant en faire sur l'enfant, j'en fais une bien mauvaise, je

l'avoue, sur les parents; je leur commande d'exercer une surveil-

lance active sur l'enfant, de ne pas le laisser boire quand il le leur

demanderait. Le résultat fut le suivant : l'amaigrissement s'ac-

centue aussitôt, le caractère de l'enfant s'assombrit, puis ce sont

des pleurs continuels et les douleurs de ventre ne font que s'ac-

croître. Je m'empresse de réparer ma faute, je lève la punition, la

gaieté revient et l'enfant reprend sa physionomie habituelle.

En juin 1894 l'enfant est pris subitement d'une fièvre violente,

pouls 180, température 41°; malgré le sulfate de quinine la fièvre

persiste pendant dix jours. Faciès non typhique, pas de gargouille-

ment, pas de diarrhée, rien à la poitrine. L'enfant boit moins pen-

dant sa fièvre, urine moins abondante. Je n'ai pas fait faire l'ana-

lyse de l'urine à ce moment; mais elle était, comme toujours, très

limpide, d'une coloration un peu plus foncée cependant; la dimi-

nution de la polyurie et de la polydipsie était loin d'être aussi

marquée que celle que nous constaterons, tout à l'heure, pendant

la rougeole.

La fièvre tombe en deux jours, il n'y a pas, à proprement parler,

de convalescence, l'enfant reprend vite sa vie ordinaire et avec ses

mêmes habitudes. Quelle était la nature de cette fièvre ? Il faut

convenir que son début, sa marche, sa terminaison brusque, n'of-

frent guère le tableau ordinaire de la fièvre typhoïde; elle n'était

pas intermittente non plus. Etait-ce une fièvre grippale ? Etait-ce

une fièvre hystérique ? La question me semble assez difficile à

résoudre. Combien de fois, chez les hystériques, se trouve-t-on aux

prises avec les mêmes difficultés. Ce sont, à coup sûr, les malades

qui exigeut du médecin l'observation la plus attentive, la plus

minutieuse, et qui, malgré cette attention, entraîneront, le plus

aisément, des erreurs de diagnostic.

Nous nous trouvons, six mois après (février 1895), en face d'un

accident qui lui, du moins, ne laissera aucun doute, ne permettra

aucune hésitation sur sa véritable nature. L'enfant tombe à terre

paralysé de la jambe droite; cette paralysie survient en deuxjours

sans que l'état général de l'enfant paraisse s'aggraver, il marche

en traînant la jambe. Anesthésie de la plante du pied qui est insen-

sible aux piqûres ; hypéresthésie à la partie supérieure de la cuisse

à la hanche. Cette fois nous nous trouvons nettement en face d'une

paralysie hystérique; les réflexes sont conservés. Au bout de cinq

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 31 ï

jours tout avait disparu. Nous savons donc maintenant que notre

diabétique hydrurique est un hystérique. A ce moment on me

signale que l'enfant avait absorbé d'un seul Irait 1 litre de vin sans

paraître incommodé, sans donner aucun signe d'ivresse.

Je n'entendais plus parler de notre petit malade lorsque le

18 mai de cette année, j'écris aux parents de me l'amener, j'étais

curieux de savoir ce qu'il devenait. Je vois un enfant qui n'avait

plus l'aspect chétif qu'il présentait dans les deux premières années

de son affection, il était très bien développé pour son âge, faciès

coloré indiquant nullement la souffrance. Il va à l'école de son

village, il apprend bien. Mais ce sont toujours les mêmes misères,

la soif est aussi ardente qu'autrefois; personne n'est plus étonné de

voir entrer l'enfant dans les maisons qui avoisinent l'école (il habite

assez loin de l'école), on sait d'avance ce qu'il vient chercher,

on lui présente de l'eau, son instituteur le laisse boire à dis-

crétion.

Je fais faire par M. Berthault une seconde analyse dont voici le

résultat (cette analyse est plus détaillée que la première).

1897. 23 mai. Enfant de six ans et demi. 10 à 12 litres en

vingt-quatre heures.

Urine absolument sans couleur, limpide, sans dépôt.

Densité il + 15° = -) ? 002

Réaction très faiblement acide.

318 CLINIQUE NERVEUSE

cependant que ne l'est la soif, il urine un peu plus qu'il ne boit.

« Je n'ai plus soif, » me dit-il. J'en profite pour faire de la sugges-

tion. 0 : Ta rougeole va te guérir de ton ancienne maladie, lui

dis-je, tu n'auras plus envie de boire. » Le résultat ne fut pas très

heureux, à peine sa rougeole, sa fièvre disparues, il recommence

(23 juin) à Loire comme par le passé. Cependant, depuis un an, la

maladie ne semble pas être en progrès, car les parents estiment

que la quantité de liquide absorbée aujourd'hui (à six ans et demi)

n'est pas supérieure à celle que l'enfant absorbait par jour, à

trois ans.

Pour résumer : enfant portant une tare héréditaire très pro-

fonde présentant à quatre ans une paralysie hystérique très

nette, six mois avant une fièvre typhoïde, fièvre peut-être hysté-

rique. C'est donc bien un hystérique que nous avons devant nous,

ainsi que l'indique la paralysie, sans parler de. cette fièvre sur la

nature de laquelle je ne peux me prononcer.

Nous avons ici de l'hystérie, c'est un point acquis. Cejeune

hystérique est atteint de plus d'un diabète insipide hydrurique

tel, qu'il est rare d'en voir à cet âge d'aussi accentué. D'après

mes recherches, je ne trouve pas un cas analogue qui soit

signalé dans la science.

Ce diabète, sans parler pour l'instant de sa nature, hysté-

rique ou non, présente certaines particularités intéressantes.

Voilà quatre ans qu'il existe sans interruption, sauf au

moment de la rougeole et notre petit malade ne s'en porte

pas plus mal; il grandit et, à part quelques accidents signa-

lés, accidents qui n'impliquent en rien une débilité de

l'organisme, il jouit d'une excellente santé. Au début de

son affection on pouvait craindre une issue fatale et prochaine,

car l'enfant était devenu maigre et indiquait un peu de fai-

blesse musculaire; puis la santé de l'enfant s'était vite amé-

liorée, il semble s'être habitué, pour ainsi dire, à sa maladie.

Aujourd'hui c'est un petit garçon de six ans-et demi, fort,

bien constitué, et également bien développé au point de vue

intellectuel.

Trousseau et Roger considéraient le diabète insipide hydru-

rique comme très grave chez l'enfant et causant fatalement la

mort après un délai variable qui ne dépassait pas trois ou

quatre ans. Notre petit diabétique fait mentir cette assertion,

puisqu'il est atteint depuis quatre ans de son affection, et

il se porte beaucoup mieux que dans la première période de

sa maladie. 1. -

.HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 319

D'après Erhardt, qui a réuni dans un travail (thèse 96) un

certain nombre de cas, la soif chez l'hydrurique serait moins

ardente; l'urée serait rendue dans la journée en quantité

normale, il y aurait alors augmentation de chlorure, ce serait

une chlol'u1'ie,

Les deux analyses faites par M. Berthault semblent donner

des résultats absolument contraires chez notre petit malade.

La soif est poussée à un tel degré qu'il boira des eaux

grasses, de l'urine même, s'il ne peut autrement satisfaire sa

soif. L'urée est diminuée de moitié ainsi que les chlorures,

nous ne pouvons donc pas appeler ce diabète, un diabète

hydrurique chlorurique, ainsi que le voulait Erhardt, mais

bien plutôt un diabète hydrurique hypoazoturique,hypochlo-

rurique. Peut-être faut-il voir, dans cette diminution du résidu

solide, 22 à 25 grammes au lieu de 60 à 6D, chiffre normal en

vingt-quatre heures, l'explication d'une santé maintenue

excellente, malgré une affection considérée comme grave, le

plus souvent mortelle.

Il reste un dernier point à examiner; ce diabète hydru-

rique, chez notre enfant est-il de nature hystérique ou est-ce

un diabète hydrurique chez un hystérique, une association de

deux maladies distinctes ?

Un cas, à peu près analogue, rapporté par Grand à la

Société de médecine, a fait l'objet d'une discussion. Pour

Grand, son petit malade de neuf ans qui présentait une

polyurie assez abondante (6 à 8 litres par jour), et qui a été

guéri après une courte séance d'électricité, était bien un

hystérique; mais la polyurie. à son point de vue, ne devait

pas être rattachée à la névrose. Pour Apostoli, c'était bien

un diabète hydrurique hystérique, en raison de cette guérison

vraiment trop rapide due évidemment à la suggestion. Pour

moi, dans le cas de Grand, la nature hystérique de l'affection

ne semble pas faire de doute.

Pierre Erhardt (thèse 1896) conclut que la polyurie hysté-

rique peut exister en dehors de tout autre stigmate consti-

tuant ainsi une hystérie monosymptomatique.

La polyurie chez notre petit hystérique est-elle de nature

hystérique. ? Une suggestion sans hypnose, suggestion par

conséquent imparfaite, a été essayée. Cette suggestion n'a

pas eu de résultat, mais j'estime que la suggestion chez les

hystériques en bas âge, même faite pendant le sommeil hyp-

320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

notique, donne des résultats souvent négatifs; aussi malgré

cet insuccès du traitement psychique, j'incline à penser que

c'est un diabète hydrurique hystérique, je m'appuie pour cela

sur la tare héréditaire, sur la paralysie nettement hystérique

présentée dans le cours de l'affection diabétique, sur les

caractères de cette hydrurie, enfin sur l'état général du petit

sujet qui se maintient excellent, nous l'avons vu, malgré une

hydrurie si abondante et de date déjà si ancienne.

(A suivre.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

IX. Contribution A l'étude DE la 16RALGIL paresthésique ; par

KNAUER (Ce21ti'albl. f. Nervenheilk, XIX, N. F. vu, 1896.)

Douleurs, sentiment de fatigue, sensations paresthésiques occu-

pant un territoire limité d'une des cuisses. 4 observations. Guéri-

son par les douches, les frictions froides, le massage. Causes :

fatigues; consommation régulière de l'alcool chez des individus

exerçant une profession sédentaire; névrite consécutive à la fièvre

typhoïde pendant les suites de couches. En effet, grande ressem-

blance avec la névrite alcoolique. 0 P. K.

X. Contribution a la pathologie DES NERFS DE la peau; par K. Gum-

PERTZ. (Neurolog. Cenh·al6l. , XV, 1896.)

Suivre les fibres nerveuses dans la peau pour bien en déterminer

le nombre et la disposition, afin de préciser s'il y a des altérations

des derniers rameaux sensitifs soit dans les affections cutanées, soit

dans le tabès et notamment dans le tabes au début, tel est le

problème : A) des expériences de sections du sciatique chez le lapin

sacrifié de six à huit mois après l'opération semblent démontrer

qu'il existe dans les ramifications cutanées une dégénérescence accu-

sée (désagrégation de la substance blanche complètement disparue

en certains points); B) voici jusqu'à présent les premiers résul-

tats de la même méthode d'examen chez six malades : 1° dans un

cas de névrite du cubital, on ne rencontre aucun élément nerveux de

la peau nulle part; 2° dans un cas d'herpès zoster avec névralgie

intercostale, il semble y avoir désintégration granuleuse; 3° chez

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 321

un malade atteint de tabes avec hypoalgésie généralisée, il existe

une évidente dégénérescence des éléments nerveux cutanés. Mais

dans l'anesthésie hystérique, dans l'anesthésie traumatique, dans

la paralysie saturnine (3 observations en tout), aucune altération.

P. KERAVAL,

XI. UN CAS DE TREMBLEMENT CONGÉNITAL; par Augustus Usiner.

(Edimbourg médical Journal, mai 1897.)

On observe parfois des sujets atteints d'un tremblement persis-

tant, qu'il est impossible de rattacher à une affection déterminée.

Un tel tremblement peut atteindre plusieurs membres d'une même

famille. Il peut apparaître de bonne heure ou assez tard. Plus le

tremblement se montre à un moment précoce, plus on est en droit

dépenser à une cause organique.

Le cas suivant que rapporte Eshner, en raison de son apparition

précoce et en l'absence d'autres signes indiquant une affection

organique, constitue bien un cas de tremblement congénital. Il

s'agit d'un homme de trente-six ans, atteint d'un tremblement,

qu'il présente depuis l'enfance. Il se souvient qu'à l'école sa main

droite tremblait en écrivant. Depuis ce temps, les accidents ont

progressé. Le tremblement n'existe pas au repos, mais se montre à

l'occasion des mouvements : c'est donc essentiellement un tremble-

ment intentionnel. Il augmente après les efforts. -Cet homme ne

présente d'ailleurs pas d'autres accidents nerveux, ni troubles

réflexes, ni troubles de la parole.

L'absence des phénomènes spasmodiques, ainsi que le début pré-

coce et la marche lente des accidents, doivent faire écarter l'idée

d'une sclérose des cordons latéraux et permettent de considérer ce

malade comme atteint d'un tremblement congénital essentiel.

P. RELLAY.

XII. UN cas DE poliomyélite aiguë chez un médecin ; par le D1' GLO-

, RIEUX. (Journal de Neul'oloie et d'IIypnologie, 1897, n° 10.)

Le sujet de cette observation est un jeune médecin, âgé de vingt-

six ans, qui, à la suite de grandes fatigues corporelles, fut pris de

courbature, de fièvre, d'agitation, puis de douleurs dans le dos et

dans la nuque et, enfin, de paralysie du membre inférieur gauche

et du membre supérieur droit. Cette parahsie ne tarda pas à s'ac-

compagner d'atrophie musculaire, mais la sensibilité resta toujours

intacte; il en fut de même des sphincters, par contre les réflexes

rotuliens furent abolis dès le commencement de la maladie. Après

une période stationnaire qui dura environ six semaines, les mou-

vements de la jambe, puis du bras paralysé commencèrent à se

rétablir, mais l'atrophie persista plus longtemps surtout au niveau

Archives, 2e série, t. IV. 21

322 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

des muscles de l'omoplate et de l'épaule, et elle n'est pas encore

complètement disparue aujourd'hui.

Se fondant sur le mode de début de cette affection, sur la marche

et la localisation des accidents paralytiques et atrophiques, l'auteur

pense qu'il s'est agi dans ce cas d'une poliomyélite aiguë.

XIII. INFLUENCE du tabac -sur LES maladies du système nerveux; par

Niccolo 13UCCELLI. (Riv. di. pat. nerv. et ment., fasc. 10, 1996.)

Le tabac est un toxique, qui, plus encore peut-être que les autres

poisons du système nerveux, a peu d'action lorsqu'il est naturel :

il en a au contraire une très grande, sitôt qu'il commence à être

falsifié. Son action s'adresse surtout aux régions sous-cervicales et

bulbaires. Il est capable de provoquer des effets désastreux chez

des individus déjà en voie de guérison, faisant antérieurement

usage du tabac sans en avoir ressenti d'inconvénients ; par suite,

on doit être très strict pour en autoriser l'usage en pareil cas,

surtout dans les asiles. J. Ségalas.

XIV. Sur la myoclonie; par E. Lugaro. (Riv. di. pat. nerv. et ment.,

fasc. 10, 1896.)

Observation suivie de quelques réflexions aboutissant à cette

conclusion que la myoclonie doit être considérée comme l'expres-

sion extérieure d'un état neuroclonique des nerfs moteurs. Elle ne

doit pas être regardée comme constituant essentiellement un cadre

morbide spécial, mais comme un symptôme élémentaire, dont

l'origine centrale est délimitée localement dans chaque cas, ainsi

par exemple que dans les paralysies. J. SÉGL.\S.

XV. Contribution A l'étude DE la paralysie BULBAIRE unilatérale ;

par'Gaetano GEROUZI. (Riv. di. pat. neuv. et ment., fasc. 6, 1896.)

XVI. MÉNINGO-ENCËPHALITES INFECTIEUSES ET TOXIQUES APRÈS L SECTION

du sympathique cervical; par Andréa CRISTIANI. (Riv. (lui. pat,

ne1 ? et ment., fasc. 6, 1896.)

XVII. Asystolie POST-li1'ILEI''rrQUE; par le D'' Féré.

La coïncidence de maladies du coeur avec l'epilepsie est assez

fréquente pour qu'on ait souvent attribué les troubles nerveux aux

troubles de la circulation.

Mais l'epilepsie peut aussi provoquer des troubles cardiaques : on

peut regarder comme prouvé que l'attaque épileptique provoquée

par l'irritation de l'écorce, est accompagnée d'une augmentation

considérable de la pression artérielle, même pendant la période de

ralentissement du coeur.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 323

La part que prend le coeur dans l'attaque d'épilepsie est capable

de rendre compte des cas de mort consécutifs à un seul accès con-

vulsif, soit dans une syncope par arrêt du coeur, soit par la rup-

ture du coeur qui se produirait, surtout pendant la période toxique.

En général, la rupture du coeur, comme la rupture des autres

muscles, est favorisée par un état morbide antérieur. Cette dernière

condition peut aussi favoriser l'asystolie aiguë dont l'auteur publie

un bel exemple.

Le mécanisme du coeur forcé dans ces circonstances n'est guère

différent de celui qu'on observe à la suite d'un surmenage physique

ou d'une émotion intense ou prolongée où les troubles peuvent

aussi se manifester chez des individus sains.

La possibilité de l'asystolie consécutive aux accès d'épilepsie cons-

titue une indication de plus de la discipline. thérapeutique chez les

épileptiques atteints d'affections du coeur, ou arrivés à un âge où le

coeur s'affaiblit. On a dit que le bromure peut produire à lui seul

des accidents cardiaques. L'auteur d'en a jamais observé chez des

individus à coeur sain et, jusqu'à preuve du contraire, il reste con-

vaincu qu'un cardiaque a plus à redouter d'une attaque d'épilep-

sie que du médicament qui court le plus de chances de la lui évi-

ter. (Revue neurologique,' mars 1897.) E. B.

XVIII. Contribution A l'étude CLINIQUE DE la migraine

OPIITALMOPLÉGIQUE; par le De J.-B. Charcot.

L'intéressante observation relatée par l'auteur a trait à une

femme relativement bien portante, chez qui survint, à l'àge de

trente-huit ans, une hémicranie gauche qui s'accompagna, au

bout de huit jours, de paralysie du moteur oculaire commun et du

moteur oculaire externe du côté gauche; guérison au bout de

quinze jours de la paralysie du moteur oculaire commun, persis-

tance pendant huit mois de la paralysie du moteur oculaire externe ;

pendant cette période, atténuation de l'hémicranie,

Deux ans après, hémicranie droite et, consécutivement, paraly-

sie partielle du moteur oculaire commun droit, puis, dix mois après,

paralysie de la sixième paire gauche. Au bout d'un mois de traite-

ment polybromuré, disparition de l'ophtalmoplégie, sauf en ce qui

concerne la paralysie du droit supérieur et du réflexe lumineux du

côté droit. Le diagnostic de migraine ophtalmoplégique s'impose.

L'étude comparative de cette observation avec celles, peu nom-

breuses, publiées jusqu'à présent, amène les remarques sui-

vantes :

1° L'hérédité neuro-arthritique dans la migraine ophtalmoplé-

gique joue un rôle plus important quecelui qui lui est généralement

attribué ;

2° L'ophtalmoplégie peut faire son apparition à tout âge ; les

324 liez REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

accès de migraine qui la précèdent datent au contraire presque

toujours de l'enfance ;

3° L'ophtalmoplégie n'est pas toujours unilatérale ; on ne peut

même plus dire qu'elle est exceptionnellement bilatérale. Lors-

qu'elle est bilatérale, elle ne l'est généralement pas d'emblée,

chaque paralysie étant, dans la plupart des cas, précédée d'une

hémicranie correspondante ;

4° La paralysie peut frapper le nerf moteur oculaire externe

tout comme le nerf moteur oculaire commun, mais il n'a pas

encore été observé de migraine ophtalmoplégique avec paralysie

isolée du moteur oculaire externe. La paralysie du moteur oculaire

commun n'est pas invariablement totale ;

5° Ses rapports avec la migraine vulgaire semblent incontes-

tables. (Revue neurologique , avril 1897.) E. B.

XIX. Maladie DE LI1'TLE ET rigidité spasmodique spinale DES enfants

NLS avant terme ; par le Dur Van GEUUCUTEN. '

Un grand nombre d'affections nerveuses de l'enfance sont accom-

pagnées de rigidité musculaire plus ou moins généralisée d'exagé-

ration considérable des réflexes et d'affaiblissement de l'influence

de la volonté sur les membres contractures, autrement dit de la

triade symptomatique qu'on pourrait appeler le syndrome spas-

modique..Tous ces états pathologiques ont été réunis par Freud

dans un même groupe nosogl'aphique : les diplégies cérébrales

infantiles, sans que cet auteur ait cru devoir tenir compte ni des

causes éliologiques variables d'un cas à l'autre, ni de l'âge de l'en-

fant au début de l'affection, ni des symptômes multiples et graves

qui peuvent accompagner les symptômes précités, comme des

troubles de l'intelligence, du langage, etc.

L'auteur adopte l'idée de séparer des affections spasmo-paraly-

tiques infantiles un groupe spécial comprenant les affections spas-

modiques survenant chez des enfants nés avant terme, avec

absence de symptômes manifestes de lésion corticale et avec une

tendance à la guérison, séparation faite par MM. Marie (tabes dor-

sal spasmodique vrai) et Brissaud (maladie de Little).

Mais au lieu d'attribuer à ces dernières affections une origine

cérébrale comme le font Marie et Brissaud, M. Van Gehuchten croit

devoir leur reconnaître une origine spinale : ces ajlections sont

dues exclusivement et uniquement à un arrêt ou à un retard dans

la croissance des fibres pyramidales.

Ce développement peut se faire encore dans la suite, aussi y a-

t-il tendance à la guérison.

C'est pour bien marquer l'origine spinale de ces états spasmo-

diques ainsi que les conditions étiologiques spéciales dans les-

quelles ils se produisent que l'auteur a proposé de les désigner

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 325

sous le nom de rigidité spasmodique spinale des enfants nés avant

terme.

Un second groupe d'affections spasmodiques pourrait comprendre

les états spasmodiques survenant chez les enfants pendant les pre-

mières années de la vie et présentant le même tableau clinique

que la rigidité spasmodique spinale des enfants nés avant terme,

c'est-à-dire la triade symptomatique du syndrome spasmodique,

avec absence complète de symptômes d'origine cérébrale. Ce sont

ces affections spasmodiques que Erb a décrites sous le nom de

paralysie spinale spastique. Il s'agit là de lésions intéressant les

faisceaux pyramidaux qui ont existé avec leur développement nor-

mal ; aussi cette affection ne montre-t-elle aucune tendance vers la

guérison.

A côté de ces deux groupes d'affections spasmodiques dont la

cause anatomique se trouve exclusivement dans les éléments cons-

tituants de la voie motrice corlieo-médullaire, on observe encore

un grand nombre d'affections nerveuses dans lesquelles la triade

symptomatique du syndrome spasmodique se trouve accompagnée

d'autres symptômes qui montrent que la lésion ne s'est pas exclu-

sivement localisée aux faisceaux pyramidaux ; on pourrait les réu-

nir provisoirement sous le nom d'états spasmodiques infantiles

d'origine cérébrale. (Revue neurologique, février 1897.) E. B.

XX. DYSI'RAGIE CIsRIslift0-SPIVLE ET ICIITYOSE; par L. LÉ ?

Sous le nom de meiopragie, M. le professeur Potain désigne la

réduction de l'aptitude fonctionnelle d'un organe quelconque.

De la méiopragie on peut rapprocher les vices de fonctionnement,,

auxquels l'auteur propose d'appliquer le terme plus général de

dyspragie et donne l'observation d'un fait de cet ordre dans le

domaine cérébro-spinal.

Il s'agit d'une jeune fille de vingt-un ans, arriérée, sans stigmates

hystériques, qui présentait une raideur des membres supérieurs et

inférieurs, une démarche à apparence spasmodique, et une exa-

gération manifeste des réflexes patellaires mais sans trépidation

épileptoïde.

Le diagnostic avait pu se poser avec une maladie de Little. En

même temps la malade présentait une dyspragie cutanée : elle

était porteuse d'ichtyose.

La malade ayant succombé à une fièvre typhoïde, l'autopsie,

puis l'examen histologique démontrèrent qu'il n'y avait aucune

lésion du cerveau ni de la moelle, en particulier des faisceaux

pyramidaux.

Après avoir éliminé l'hypothèse de paraplégie spasmodique et

d'hyslérie, l'auteur, en présence de la dyspragie cérébrale, se

demande si la moelle ne peut pas être elle aussi, en état de mau-

326 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

vais fonctionnement, il y aurait donc une dyspragie cérébro-

spinale.

Ce qui donne un appui à cette manière de voir, c'est qu'il exis-

tait chez la malade un autre trouble de fonctionnement, une autre

dyspragie, celle-ci d'ordre cutané : la peau était le siège de ce

trouble congénital de la kératinisation qui se traduit sous forme

d'ichtyose. A ce propos, il est intéressant de rappeler que la peau

et le système nerveux dérivent embryologiquement d'un même

feuillet, l'ectoderme.

On est donc amené à penser que la dyspragie médullaire exis-

tait, comme l'ichtyose, depuis la naissance : elle ne s'est extériorée

qu'assez tard, au point de vue clinique, sous une influence indéter-

minée. (Revue neurologique, décembre 1896.) E. l3Llrr.

XXI. L'ORIGINE auto -toxique DE l'épilepsie; par le Dr Nelson Teeter.

L'auteur a repris l'étude de l'auto-intoxication dans l'épilepsie

en recherchant l'urée non dans l'urine et les matières fécales,

comme la plupart des auteurs l'ont fait jusqu'à présent, mais dans

le sérum sanguin lui-même.

Les résultats obtenus paraissent diminuer l'importance des pro-

duits excrétoires comme cause de la convulsion épileptique. Sans

les éliminer entièrement de la liste des causes toxiques, il est pro-

bable que l'auto-intoxication n'est pas due à une seule cause

toxique principale mais à l'action combinée de tous les poisons.

Les conclusions de ce travail sont d'abord qu'il y a une augmen-

tation moyenne du taux de l'urée trouvée dans le sérum sanguin

d'épileptiques idiopathiques, comparée à l'état normal.

Secondement, il ne parait y avoir que peu de relations entre la

quantité d'urée trouvée et le paroxysme épileptique, car, dans cer-

tains cas, il y avait augmentation, et, dans d'autres, diminution

après la crise.

L'augmentation de l'urée trouvée dans l'urine après une crise

peut être mise sur le compte d'autres causes que la crise, soit le

grand travail musculaire effectué pendant la crise, soit l'action

diurétique de l'urée elle-même quand elle s'accumule dans le sang.

Cette hypothèse trouve une confirmation dans l'examen du sang,

car le taux de l'urée trouvée diminue graduellement pour quelque

temps après le paroxysme épileptique. (The alienist and neuro-

logist, avril 1897.) E. B.

XXII. Convulsions épileptiformes réflexes d'origine PRÉPUTI : 1LE

par le Dr HODGDON.

La muqueuse du gland étant une des plus riches en terminai-

sons nerveuses, il peut arriver que des convulsions épileptiformes

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3 : 27 7

réflexes se produisent consécutivement à l'irritation de ces termi-

naisons nerveuses par le smegma accumulé entre le gland et le

prépuce, en cas de phimosis.

L'auteur rapporte l'observation d'un enfant de quatre mois qui

lui fut présenté, atteint de crises d'épilepsie depuis l'âge d'un mois.

La veille du jour de l'examen, l'enfant avait encore eu trois crises.

Trouvant à l'examen de cet enfant un phimosis avec orifice

préputial très étroit, l'auteur pensa que ces crises pouvaient être

d'origine réflexe et pratiqua sur-le-champ la circoncision. L'enfant

eut encore une crise deux jours après l'opération, mais, depuis

lors, ces crises ont totalement disparu. (The alienist ancl neuro-

logist, avril 1897.) E. B.

XXIII. CONTRIRUTION A LA QUESTION DE L'HYSTERIE CHEZ LES SOLDATS J

par W, GRCIDENBERG. (Centralbl. f. Nervenheilk., XVIII, N. F., vi,

1895.)

Jeune homme de vingt et un ans, fantassin. Il présente : 1° des

troubles de la sensibilité à localisation spécifique ; 2° des tremble-

ments et secousses, à proprement parler paraplégiques ; 3° un

rétrécissement concentrique du champ visuel ; une diminution de

l'acuité auditive, du goût ; absence presque complète de l'odorat;

4° des convulsions généralisées avec perte incomplète de connais-

sance. Libération. P. K.

XXIV. Contracture réflexe respiratoire; par M. EDEL. (Cent1'albl. f.

Nervenheilk., XVIII, N. F., vi, 1895.)

Convulsions généralisées rappelant l'hystérie, à la suite de l'inci-

sion d'un furoncle dans le conduit auditif externe. Dyspnée à240 à la

minute, avec 108 pulsations et trouble de la connaissance. Respiration

très superficielle parfois interrompue par un bruyant mouvement

de la déglutition. Inspiration extrême. On électrise la phrénique au

moyen d'un faible courant faradique, mais la respiration cesse tout

à fait pendant des pauses de une demie à une minute et demie :

cyanose faciale et bruit convulsif hoqueté. Tension excessive des

muscles respiratoires; puis rigidité du système musculaire entier;

le corps forme un arc de cercle, avec saillie de l'abdomen dur

comme du bois, flexions convulsives des bras et des poings, pro-

fonde dépression de la ligne diaphragmatique. Au bout de trois à

vingt secondes, profonde inspiration ; la tension et la cyanose

cessent.

A ce momentconvulsions cloniques, grands mouvements, attitudes

passionnelles. Cela dure encore une demi heure. Puis tout rentre*

dans l'ordre. Trois minutes plus tard, le paroxysme revient, mais

moindre, et finalement profond sommeil calme. Durée totale

328 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

deux heures et demie. Le jour suivant le malade, amnésique, est

brisé de fatigue. Aucun stigmate personnel, pas de commémoratif

héréditaire névropathique et hystéropathique, Réflexes normaux.

P. Keraval.

XXV. D'une forme peu connue DE névralgie professionnelle;

par M. BERNHARDT (IVCZI ? '010g. Centralbl., xv, 1890.)

Douleur au niveau de l'épicondyle et de la tête du radius, sur-

tout du côté droit; c'est surtout une douleur provoquée (par les

pressions) qui s'étend le long de l'avant-bras jusque dans les doigts

de la main, principalement quand on meut ceux-ci et qu'on ferme

le poing, ou qu'on saisit quelque chose. Rien ou presque rien au

repos. Aucun signe de paralysie musculaire, pas d'altération élec-

trique, pas de troubles sensitifs, pas de troubles trophiques. Cet

état porte surtout sur les homnes (2T sur 30 cas) de plus

de trenle ans.' Il est consécutif au surmenage de certains

muscles (extenseurs), dure quelques semaines et cède au repos,

aux compresses hydropathiques, à la teinture d'iode, à l'applica-

tion de l'anode d'un courant électrique et au pinceau fariadique.

P. KERAVAL.

XXVI. DE la léthargie hystérique; par L. T.03NC1rf;LD. (Centralbl.

f. Newenheilli" XVIII, N. F., vi, 1895.)

L'auteur étudie comparativement la léthargie nerveuse des neu-

rasthéniques, de certains aliénés, des lésions organiques du cer-

veau, et la léthargie hystérique. Il établit que la léthargie hysté-

rique n'est pas seulement caractérisée par une tendance à des

attaques de sommeil hystérique, qu'elle est bien plutôt l'expression

d'une tendance au dédoublement de la conscience à la suppression

du Moi normal (ICI' état) et à son remplacement par un Moi patho-

logique qui vit en plusieurs tableaux ou accès épisodiques ; cette

modification psychique se produit sous l'influence d'un état parti-

culier d'épuisement cérébral engendré par la constitution hyslé-

rique du système nerveux, probablement- par auto-intoxication.

On en trouve de semblables exemples dans le diabète et l'anémie.

Le traitement consiste, en dehors de la suggestion, en l'adminis-

tration de spermine de Poehl par voie gastrique et par injections

sous-cutanées. La léthargie de la c¡]1'ébmsthén'ie, de j'hysté7'oneums-

thénie n'a pas l'intensité de la léthargie hystérique ; elle n'aboutit

pas au dédoublement de la personnalité, parce que, pour qu'il y

ait dédoublement du Moi, il faut que, préalablement, les éléments

du second Moi se soient formés dans le psuclié, en tant que pro-

duits conceptuels; or, ils ne s'y forment que pendant l'épuisement

cérébral et l'insomnie des hystériques. P. IEaA ? 1L.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329

XXVII. Troubles DE l'écriture occasionnés par UNE alexie centrale

isolée; par F. MaACK. (Centralbl. f. 1\enuenleeillc., XIX, N. F., vu,

1896.)

Le malade soutient parfaitement une conversation; il écrit bien

sous la dictée et spontanément, ainsi que les noms des objets qui

lui sont présentés; il dessine toutes les figures possibles, mais il

est incapable d'écrire d'après un modèle; il copie faux, parce qu'il

ne peut lire ou qu'il lit mal les lettres, notamment celles qui sont

associées en mots, les syllabes et les mots, quoique les organes de

la vue (vision directe) soient intacts. C'est de la cécité verbale.

L'écriture est tremblée, ataxique ; le malade affectionne les lettres

longues il branches descendantes; il est paragraphique avec dys-

grammatismes de même ordre, mais par alexie : quand il lit bien,

il écrit bien, il écrit exactement ce qu'il lit mal, c'est-à-dire mal

ce qu'il lit mal, mais exactement comme il lit.

Cet état s'est manifesté il la suite d'une attaque apoplectiforme

par syphilis artérielle du cerveau ; au début, il y a eu un gros foyer

agissant sur les centres moteurs et sensoriels, ainsi que sur

leurs voies d'association dès la 3° frontale (centre moteur de la

parole), la temporale supérieure (centre sensoriel de la parole), les

deux ascendantes (centre du bras et de la jambe), le lobe occi-

pital (centre visuel), puis la localisation s'est limitée aux voies

d'associalion entre le centre sensoriel des images graphiques pro-

duites par les impressions visuelles (centre optique) et le centre

>ensoriel et moteur de la parole et le centre motear cyaphique.

En un mot le pli courbe gauche est demeuré lésé. C'est l'endroit

où passent les fibres d'association qui relient le centre visuel occi-

pilal au centre de la parole et au reste du cerveau frontal (il y a

agraphie optique par alexie optique). Comme le patient ne peut

mécaniquement lire avec exactitude (conformément au modèle

qu'on lui donne à copier) la lésion doit s'étendre aux fibres d'asso-

ciation entre le centre visuel et le centre auditif. Comme il écrit

et dessine mécaniquement, il y a intégrité de voies d'unions

directes entre le centre optique et le centre graphique. S'il y a eu

héniieurie puis lacryma droite (corticale), le malade a conservé

une très grande cécité de la vue, ce qui prouve que la région du

cerveau qui correspond à la macula (coin, l10 occipitale) n'est pas

lésée. La lésion siège, en un mot, plus en avant, c'est-à-dire sur le

pli courbe. P. Keraval.

XXVIII. Syphilide DE la paupière supérieure guérie par LE traitement

10DURÉ ET SUIVIE D'ACCIDENTS CÉRÉBRAUX TRAITÉS SANS SUCCÈS PAR

L'IODURE ET LES FRICTIONS MERCURIELLES ET GUÉRIS PAR LES INJEC-

TIONS HYPODERMIQUES DE CYANURE DE MERCURE; pal' BE1\NA1\DHEIG et

DUIIARBY. (LYo1'llwndie médicale, 6. 4ScJG.)

330 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXIX. Convulsions partielles ET aphasies; par DESIL1YES.

(No1'llwndie médicale, 9, 1896.) , -

XXX. Les paralysies DE l'enfant, par HLIPR. (Normandie

médicale, il, 1806.)

SOCIETES SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

DE LANGUE FRANÇAISE1 1

(TOULOUSE, 1897.)

Séance du vendredi G août.

Après avoir procédé à la désignation du siège du prochain

congrès (Angers 1898), et désigné M. Motet comme président et

M. PETRUCCI, médecin-directeur de l'asile d'Angers, secrétaire géné-

ral, choisi les questions générales suivantes et les rapporteurs :

1° Trou6les psychiques post-opératoires : rapporteur, M. Reynaud

(d'Orléans) ;

2° Rôle des artériles dans la palhogénie du système nerveux : rap-

porteur, M. Sabrazès (de Bordeaux) ;

3° Des délires transitoires au point de vue médico-légal : rappor-

teur, M. Vallon (de Paris),

Le congrès procède alors à l'audition des :

, Communications diverses.

M. Marie (de Dun), dépose une note sur la Colonie de Dun-sur-

A1l1'on. Actuellement la colonie compte 300 malades et on pourrait

encore disposer immédiatement de places suffisantes pour élever

au double le nombre des placements. Sur 504 entrées en cinq ans,

la colonie n'a eu que 89 décès, 5 réintégrations et 7 sorties défi-

nitives avec liberté. Le développement rapide de la colonie qui ne

comptait que 100 malades la première année est certes un encou-

ragement à favoriser cette tentative. Quant à l'action curative du

régime familial, elle se restreint forcément à l'amélioration des

1 Voir Archives de Neurologie, n° 21.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331

chroniques ainsi placés. M. Marie rappelle en outre à propos des

colonies familiales qu'on ne doit pas confondre le système d'assis-

tance dans les colonies avec l'asile aux portes ouvertes : Sheel, par

exemple, n'a rien à faire avec l'open door qui est une institution

écossaisse. M. Doutrebente qui basait hier ses objections à l'upen

door sur sa visite à la colonie de Sheel n'est plus le système qui a

cours en Écosse, où l'assistance est basée sur une sélection rigou-

reuse des malades après un examen méthodique et leur élimina.'

tion pour maintenir à l'asile fermé son but curatif. C'est toute-

fois un système différent de celui préconisé par M. Marandou de

Montyel, qui ne voudrait pas, dans son application de l'open door

de distinction préalable des aigus et des chroniques.

M. AnGL : IDE lit un rapport sur l'examen histologique de la moelle

de 40 aliénés pris dans son service. 14 étaient des paralytiques,

12 déments apoplectiques; les autres, des aliénes chroniques qui

n'avaient jamais présenté de symptômes médullaires. Il a trou\(' ! :

principalement chez ces derniers une dégénération de la substance

blanche (faisceau de Burdach) avec raréfaction de la myéline. A

la méthode de Nissl, les cellules radiculaires antérieures et celles

de la colonne de Clarke présentaient une diminution de la substance

chromatophyle devenue homogène et fortement colorée. 11 con-

viendrait de rechercher chez les aliénés les troubles qui pourraient

correspondre à ces lésions qui paraissent assez fréquentes.

M. Sabrazès pense qu'il faut se mettre un peu en garde contre

ces sortes de lésions qu'il a trouvées souvent chez des sujets âgés

normaux. Il conviendrait comme contrôle de faire également des

études histologiques de la moelle chez ces sujets normaux.

La rééducation suggestive de la volonté. -

MM. P. VALENTIN et P. Hartenberg (de Paris). Parmi les nom-

breuses formes d'aboulies que nous avons étudiées et interprétées

conformément aux théories histologiques et physiologiques les plus

récentes (Pitres, Grassel, Flechsig, etc.), nous ne voulons considé-

rer dans ce travail que deux groupes bien différents. A. Les

- aboulies occasionnelles, qui surviennent accidentellement, sont

curables et doivent être attribuées à un trouble passager du dyna-

nisme 'psychique. Trois variétés : 1° celles qui sont consécutives

aux maladies graves; 2° celles qui sont dues à une diminution de

conductibilité desvoies motrices del'arc réflexe psychique ; 3° celles

qu'entretient une peur auto-suggérée de la douleur. B. Les

aboulies constitutionnelles, qui sont intimement liées au caractère

des malades. Trois variétés : 1° par apathie; 2° par irrésolution ;

3° par émotivité. Ces trois variétés peuvent se combiner chez le

même sujet. De plus elles se montrent à des degrés très variables;

et à leur degré le plus grave elles se confondent avec les psychoses :

332 sociétés savantes.

mélancolie, folie du doute, phobies. Traitement. La suggestion

opposée aux troubles d'une fonction essentiellement active, telle

que la volonté, doit être avant tout active. On emploiera la dyna-

mogénie-suggestive, complélée au besoin par le sommeil provoqué.

Pour les malades du groupe A, la méthode consistera il les faire

lever, marcher, se mouvoir. Cette gymnastique à deux consé-

quences favorables : ' d'abord, elle stimule le cerveau et rétablit

l'habitude du mouvement, ensuite elle rassure l'émotivité des ma-

lades, en leur montrant, par exemple, que leurs craintes sont

vaines. La guérison est habituelle. Pour les malades du groupe B,

il faut moins un traitement momentané et curatif qu'une direc-

tion morale continue. Si on le peut, on prendra les sujets dès l'en-

fance, on leur imposera une éducation conforme à leur caractère,

on les guidera dans le choix d'une carrière, on cherchera même,

dans le mariage, à unir des époux dont les tendances respectives à

l'action puissent se compléter heureusement. D'autre part, au cours

de certaines crises paroxystiques d'aboulie, survenant chez les ma-

lades sous des influences physiques ou morales, on aura recours à

la suggestion adaptée aux circonstances et à la personnalité du

sujet. Il est impossible de donner ici cette méthode en détail. Nous

le ferons dans un travail ultérieur, plus complet, consacré à la

même question.

M. Carrier 1rt un rapport sur la paralysie générale juvénile chez

les hêrédo-syphilitiques et présente quelques observations, une entre

autres particulièrement intéressante chez une jeune fille dont le

traitement spécifique produisit une rémission très nette.

M. Doutrebente s'appuie sur ce rapport pour préconiser le traite-

ment spécifique dans la paralysie générale d'origine nettement

syphilitique.

M. Régis croit qu'il faut toujours attribuer à une cause hérédo

syphilitique la paralysie générale juvénile. Les cas sont plus fré-

quents qu'on ne le croit jusqu'ici ; il en a été observé 22 en France

et de nombreux autres cas ont été observés à l'étranger. On ne

saurait trop conseiller à tous les médecins d'examiner soigneuse-

ment tous les' jeunes déments précoces. Un cas de ce genre qui

avait été très discuté, fut autopsié par M. Sabrazès et présentait

toutes les lésions de paralysie générale.

M. BEZY fait remarquer que dans nombre de cas d'hydrocéphalie

spécifique, le traitement antisyphilitique est toujours resté impuis-

sant ; il fait un rapprochement entre ces lésions des centres ner-

veux et celles des paralytiques sur lesquels on n'a pu obtenir aucun

résultat par ce traitement.

VALLON et Marie communiquent une Note sur l'étude de

quelques obsessions. Il y aurait lieu de distinguer des obsessions se

rattachant : 1° à la sphère cénesthétique (obsessions émotion-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

nelles) ; 2° à la sphère sensitivo-sensorielle (obsessions hallucina-

toires) ; 3° à la sphère motrice (obsessions impulsives) ; 4° à la

sphère psychique (obsessions intellectuelles), auxquelles il faudrait

ajouter les combinaisons de ces variétés entre elles. La combinaison

la plus constante est celle qui comprend un certain degré de parti-

cipation de la zone antérieure psychique sous forme de phénomènes

de conscience plus ou moins complets avec intervention plus ou

moins effective des centres phrénateurs.

Autre note de MM. Vallon et Marie sur le délire mélancolique.

C'est contiibution à l'étude des délires mélancoliques systématisés

à évolution progressive (type Letard), en un mot un chapitre à

ajouter à l'étude du délire des négations.

M. HAMKL lit en son nom et au nom de 11. Marie une note sur les

aliénés vagabonds et l'utilité qu'il y aurait à procéder à un examen

médical qui permettrait de reconnaître souvent les aliénés migra-

teurs méconnus dont il rapporte un certain nombre d'observations.

C'est une question qui se rattache à celle des aliénés méconnus et

condamnés par les tribunaux.

M. Drouineau aurait désirer voir établir dans cette question une

statistique des vagabonds aliénés traités à la colonie de Dun. Les

chômages et les conditions sociales tendent de nos jours à augmen-

ter le nombre des vagabonds; des travaux de statistique seraient t

intéressants pour établir une délimitation entre les vagabonds

aliénés et ceux qui le deviennent par des causes extrinsèques.

M. GiRuD appelle l'attention sur les nombreux persécutés et

hallucinés chroniques qui deviennent vagabonds sous l'influence

de leurs hallucinations.

M. Sabrazès rapporte le cas d'une jeune fille ayant présenté des

borborygmes rythmés. Cet état d'origine gastrique était favorisé par

l'état névropathique du sujet. Guérison au moyen de la compres-

sion par la sangle dePlénard.

MM. Dubuisson et Anglade rapportent un cas d'épilepsie trauma-

lique suivi d'autopsie. Le malade avait eu des accidents épilep-

tiques consécutifs à un coup de pied de cheval reçu sur la partie

antérieure de la région frontale. Troubles mentaux consécutifs,

état maniaque, mort en état de mal épileplique. A l'autopsie

adhérence du cuir chevelu et des méninges, esquille comprimant

la première frontale. Ce cas démontre qu'un sujet peut vivre avec

perte de substance et qu'il n'est pas besoin que la force motrice

soit intéressée pour produire des accidents épileptiques.

Deux cas de chorée héréditaire avec aittopsie.

L.4,NNois et Paviot (de Lyon) ont pu faire l'examen histo-

logique de deux cas de chorée héréditaire, datant l'un de vingt ans,

334 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'autre de cinq ans et demi. Au point de vue macroscopique, en

dehors de lésions banales d'épanchement dans les méninges, de

pachyméningite et d'hématomes récents, les auteurs appellent

surtout l'attention sur l'atrophie cérébrale, qui est des plus accu-

sée ; l'encéphale entier pesait chez la première malade 950 grammes

et chez la seconde 980 grammes.

Au point de vue microscopique, la lésion très évidente, consiste

essentiellement en une infiltration de petites cellules rondes,

presque uniquement constituées par un noyau volumineux que

l'on voit déjà dans la zone des cellules polygonales, qui augmente

dans la zone des petites cellules et atteint tout son développement

dans la zone des grandes cellules pyramidales. Ces cellules se ren-

contrent également dans la substance blanche sous-jacente. Elles

sont pour la plupart disposées, au nombre de trois à six, autour de

la cellule pyramidale dont elles ont envahi la gaine lymphatique,

ou autour des vaisseaux, soit dans, soit autour de la gaine péri-

vasculaire.

La moelle paraît légèrement atteinte dans les faisceaux descen-

dants, la région antéro-latérale et le cérébelleux direct. La lésion

dans ces deux cas est donc très analogue à celle qui a été décrite par

Greppin. Les auteurs lui attribuent une grande importance, car les

trouhlls moteurs et mentaux s'expliquent bien par l'irritation des

neurones, par les noyaux ayant rempli les espaces péri-cellulaires.

Sans se prononcer catégoriquement sur l'origine de ces noyaux,

les auteurs ont de la tendance à les considérer moins comme le

résultat d'une encéphalite que comme une prolifération des cel-

lules fixes de la névroglie, évoluant lentement et ne donnant de

symptômes qu'à un degré avancé. Ils ne croient pas qu'on puisse

englober dans une même description tous les cas de chorée chro-

nique dont les unes ont de grosses lésions macroscopiques et les

autresde fines lésions histologiques très différentes de nature.

Du nycthémère appliqué à l'étude des maladies nerveuses et mentales.

M. PAILHAS (Albi). S'appuyant sur l'évolution des différentes

phases du nycthémère et leur influence sur les fonctions de l'or-

ganisme humain et ses résistances vitales, M. Pailhas tente un

rapprochement entre l'enfance et l'hystérie d'une part, et d'autre

part entre la vieillesse et la neurasthénie. Sur le nycthémère, et par-

ticulièrement sur l'influence vespérale, il fonde un élément de dif-

férenciation des états hypersthéniques et hyposthéniques dans les

affections nerveuses, mentales et autres. Finalement il arrive à ces

conclusions :

1° La matinée entraîne un abaissement de la vitalité propre à

décéler les états hyposthéniques : tels par exemple, la neurasthé-

nie et les troubles qui sont sous sa dépendance.

` SOCIÉTÉS SAVANTES. 335

2° La soirée (entre 3 et 6 heures) accuse un surcroît de cette

vitalité de nature à accentuer les états hypcrsthéniques, aux-

quels paraît se rattacher essentiellement l'hystérie, et à amender,

au contraire, les troubles matinaux de la neurasthénie ou de

l'hyposthénie sénile.

3° Considérés dès lors au critérium de leurs réactions respec-

tives vis-à-vis du nycthémère, il semble que les états nerveux,

vésaniques ou autres, puissent se différencier dans leur nature

hyperstbénique, hyposthénique et même congestive selon que les

accidents surviennent de préférence ou se montrent plus accusés,

le soir entre 3 et 6 heures, le matin entre 6 et 10 heures ou aux

heures matinales de la nuit si propices aux crises tluxionnaires.

4° Ainsi appliquée à l'observation des maladies mentales, l'in-

tervention nycthémérale permet de constater l'extrême prédomi-

nance des psychosthénies.

5° Les données précédentes se montrent absolument opposées à

la théorie physiologique de l'hystérie fournie par M. Féré en 1890

et de laquelle il découlerait que cette névrose, loin d'être un état

hypersthénique, serait l'expression d'un affaissement des phéno-

mènes vitaux.

Spasme expiratoire laryngé paroxystique.

MM. NoGuÉs et SAIR : 1L. Il s'agit d'un gendarme retraité un peu

nerveux, mais sans antécédents personnels ou héréditaires. A la

suite d'une émotion il est, en 1885, brusquement pris d'étouffe-

ments. Cette première crise qui l'effraya, dura vingt secondes envi.

ron. Depuis il a de douze à dix-huit crises par jour et quatre ou

cinq par nuit.

Avant la crise il y a de l'angoisse, puis sensation de boule. La

crise est constituée par une expiration prolongée précédée soit d'un

gémissement rauque, soit d'un sifflement. La cage thoracique est

immobilisée par une sorte de tétanisation des muscles expirateurs;

les paupières sont mi-closes, les yeux ne sont pas convulsés ; la

face est congestionnée, violacée : la bouche est ouverte. Au bout de

quinze à vingt secondes, il se produit une forte inspiration, la face

se décongestionne, la bouche se ferme puis la yeux s'ouvrent. Pas

de perte de connaissance, ni de sensation vertigineuse. Pas d'émis-

sion involontaire d'urine ou de matières fécales. État général bon.

L'examen laryngoscopique a montré qu'il n'y avait pas de lésion

du larynx. L'ictus laryngé a été écarté en raison de l'absence

d'aura, de perte de connaissance et de chutes. Il n'y a aucun signe

de tabes. L'épilepsie à aura laryngée ne peut être incriminée. Il

n'y a donc qu'à l'hystérie mono-symptomatique ou au phréno-

âlottisme de l'adulte affections qui se ressemblent tant - qu'on

puisse rattacher cette singulière affection.

33G SOCIÉTÉS SAVANTES.

Etiologie et pathogénie de la paralysie générale.

MM. Mairet et Vires (de Montpellier). Nous nous sommes

demandé si derrière l'unité symptomatique et anatomique de la

paralysie générale ne se cache pas une diversité de nature. Pour

élucider cette question, nous avons réuni toutes nos observations

de paralysie générale ; après avoir éliminé celles où les ren-

seignements relatifs aux causes font défaut ou sont incomplets,

il nous en est resté 174 dont l'étude nous permet les conclusions

suivantes :

i° Dans tous ces cas, sauf un, on rencontre des facteurs suscep-

tibles d'être regardés comme causes. Il se divisent en héréditaires

et en acquis. Les premiers sont constitués par diverses mala-

dies chroniques des ascendants, arthritisme. alcoolisme, tubercu-

lose, cérébralité, maladies mentales et nerveuses. Le second groupe

comprend : a) les intoxications, spécialement l'alcoolisme, le taba-

gisme, l'oxyde de carbone; b) les infections : aiguës, fièvre typhoïde,

influenza, paludisme; chroniques, tuberculose, syphilis; c, les excès

divers : excès génésiques, surmenage intellectuel; d) les trauma-

tisnaes; e) les causes morales.

2° Plusieurs de ces facteurs se trouvent réunis chez le même

individu; beaucoup plus rarement certains d'entre eux peuvent

exister seuls. Les facteurs qui peuvent reslerseuls sont : les héré-

dités cérébrale, arthritique, alcoolique ; l'alcoolisme personnel, la

syphilis, l'oxyde de carbone. N'existent jamais seuls : les hérédités

tuberculeuse, mentale et nerveuse; les infections aiguës, la tuber-

culose, le tabagisme, les excès, les traumalismes, le surmenage et

les causes morales. Ces divers facteurs peuvent-ils être cause de

paralysie générale ? Nos recherches nous ont amené aux conclusions

suivantes :

1° L'hérédité mentale et nerveuse n'a aucune influence. La pré-

disposition née de cette hérédité ne fait que fournir des éléments

au délire, ou associer il la démence paralytique une folie-névrose; ?

2° Les causes du deuxième groupe précédemment constitué,

celles qui ne sont jamais seules, ont une influence parfois puis-

sante, d'autres fois beaucoup moins marquée; causes déterminantes

là, causés occasionnelles ici ;

3° Les facteurs du premier groupe, ceux qu'on retrouve seuls

dans l'étiologie, ont une action pathogène.

En particulier, la syphilis ne produit pas la paralysie générale

vraie ; elle donne naissance, du côté du cerveau, à des lésions spé-

cifiques qui peuvent s'exprimer symptomatiquement sous les allures

de la paralysie générale, elle donne naissance à une syphilis céré-

brale à forme de paralysie générale.

En résumé, les causes pathogènes de la paralysie générale sont :

les hérédités arthritique alcoolique, cérébrale, et l'alcoolisme per-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 337 I

sonnel. Ces causes donnent naissance à une prédisposition qui peut

aboutir par elle-même à la paralysie générale, ou bien fournissent

un terrain favorable à l'application des causes constituant notre

second groupe, qui passent alors au premier plan. C'est en produi-

sant une sénilité anticipée, c'est-à-dire la dégénération et l'inflam-

mation des tissus, que l'a1'lhl itisme produit la paralysie générale, et

dans ces cas l'affection prend, en général. tous les caractères de la

paralysie générale sénile. A l'autopsie de ces diathéiques, alors

même qu'ils n'auraient pas présenté, au début de la paralysie géné-

rale, la forme sénile, on trouve au coeur, au foie, aux reins, les

lésions dégénératives du début de la sénilité, dégénérescence grais-

seuse ou scléro-graisseuse.

L'hérédité cérébrale produit du côté du système nerveux central,

d'une part, une tendance à l'inflammation diffuse du système vas-

culaire et, d'autre part, une moindre résistance organique de la

cellule nerveuse. Cette moindre résistance s'affirme par une fatigue

intellectuelle facile et une sensibilité extrême à l'égard de certains

agents et particulièrement de l'alcool. Aussi voit-on, sous l'influence

d'une cause légère, la cellule nerveuse chuter. Or, cette moindre

résistance organique ne peut s'expliquer que par une dégénéra-

lion de la cellule. C'est donc la dégénération, l'inflammation qui

font, dans ce cas, éclore la paralysie générale.

L'hérédité alcoolique peut produire soit la sénilité anticipée,

comme l'hérédité arthritique, soit une moindre résistance orga-

nique du système nerveux cenlral, comme l'hérédité cérébrale.

L'alcoolisme personnel mine le cerveau, atteignant la cellule sous

forme de délire, de démence, et les vaisseaux sous forme d'attaques

et de congestions liées naturellement à une inflammation dégéné-

rative vasculaire. De sorte que dégénéralion et inflammation sont

les deux modes suivant lesquels l'alcoolisme aboutit à la paralysie

générale. . -

Ce que nous venons de dire de l'alcool peut s'appliquer aux

excès, au surmenage, à {'infection, etc., qui usent la cellule et con-

gestionnent le système nerveux. Seulement ces dernières causes

trouvent un terrain tout préparé à leur action par les causes que

nous avons indiquées précédemment : Quelle que soit la cause pre-

mière, partout nous retrouvons la dégénération et l'inflammation.

Par suite, rien d'étonnant que le travail anatomique soit morpho-

logiquement le même dans tous les cas. Mais cette lésion anato-

mique peut être due à une maladie locale (hérédité cérébrale)

ou une maladie générale (arthritisme, alcoolisme). 11 existe donc

deux grands groupes de paralysie générale, l'un maladie locale

du système nerveux, l'autre symptomatique d'une maladie géné-

rale. Les nécropsies démontrent que cette division n'est pas théo-

rique.

Archives, 2e série, t. IV. 22

338 SOCIÉTÉS SAVANTES.

De la folie paludique.

lli\I. REV (d'Aix) et BOTNET (de Marseille). Cette communica-

tion repose sur des faits nombreux observés au Tonkin, à Mada-

gascar, au Brésil, et recueillie, de 1882 à 1896, à l'asile de liarseille;

ils démontrent qu'il existe une vésanie déterminé parle paludisme.

Nos malades sont des -militaires, appartenant principalement aux

régiments étrangers, aux compagnies de discipline, aux bataillons

d'Afrique, et ayant servi dans des colonies différentes, mais à foyers

paludiques graves.

La première partie de ces observations a été établie par des

médecins de la marine, des colonies ou de l'armée de terre; mais

ces nombreux médecins ont vu la même chose, de telle sorte que

toutes ces observations, malgré leur diversité d'origine, ont des

caractères communs. Tous ces malades, à l'occasion d'une intoxi-

cation paludique aiguë, ont été pris d'un état mélancolique avec

stupeur : quelquefois il y a des fugues inconscientes; d'autres

fois des frayeurs avec hallucination, etc. En somme, il résulte des

rapports de nos confrères militaires ou marins que l'intoxication

paludique aiguë peut déterminer une vésanie, qui se présente tou-

jours comme un délire mélancolique simple.

Des hommes ainsi frappés, un certain nombre peut se remettre

rapidement; mais chez d'autres les troubles de l'état mental per-

sistent et nécessitent leur envoi dans un asile où on observe encore

des guérisons fréquentes. Cependant, chez quelques-uns, les trou-

bles passent à l'état chronique, ce sont alors des prédisposés; le

délire change d'aspect. On observe des particularités remarquables

chez les dégénérés qui, après avoir présenté le délire mélancolique

paludéen, font parfois consécutivement du délire spécial à cette

catégorie de malades..

On peut s'expliquer ainsi cette scène pathologique : le premier

tableau est dû à l'infection paludique; chez les sujets non prédis-

posés les choses en restent là; mais lorsque l'alcoolisme, la syphi-

lis, l'hérédité ont préparé le terrain, chez les prédisposés en un

mot et il n'est pas téméraire de ranger dans cette catégorie les

déséquilibrés si nombreux à la légion et dans les corps d'épreuve

le drame continue et le sujet lui imprime son cachet personnel.

Il semble que l'attaque de paludisme doive être particulièrement

grave pour produire ces désordres, car, dans la Camargue, où la

fièvre intermittente est commune et dans certains cantons de la

Corse, nous ne voyons pas donner naissance à de la vésanie.

Nous n'avons pas non plus constaté, dans la folie paludique,

que le retour des accès de fièvre amène une aggravation dans leur

état mental où même une récidive. Nous devons également signa-

ler que les paludiques peuvent présenter des états analogues à la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

paralysie générale, comme nous l'avons observé au Brésil et à

l'asile de Marseille.

Ces données'nous ont semblé intéressantes au point de vue des

obligations qu'elles créent il l'Etat vis-à-vis de cette catégorie des

malades. Jusqu'à présent, il n'a pas été admis que le paludisme

pouvait occasionner la folie et l'on ne considérait pas les vésa-

nies qui se produisaient dans ces conditions comme causées par le

service et ouvrant des droits à la retraite. C'est une erreur à recti-

fier, une injustice à réparer.

M. Régis. -J'ai observé chez des soldats d'infanterie de marine

des faits analogues à ceux que vient de signaler M. Rey. La symp-

tomatotogie est celle de toutes les folies infectieuses, à tel point

qu'on croirait d'abord qu'il s'agit d'alcoolisme. J'ai observé souvent

le retour des accès de délire coïncidant avec les accès de fièvre

intermittente.

M. Doutrebente demande à M. Rey, s'il a noté le pays d'origine

de ses malades.

M. Rey Les malades venaient de tous les pays, et il a l'obser-

vation d'un malade, soldat au 4° régiment d'infanterie de marine,

qui était né dans les Basses-Alpes où on n'a jamais signalé de cas

de paludisme.

M. Aug. Vosix. M. Rey a-t-il fait l'examen du sang ? Quel était

l'état de la rate ?

M. REY. L'examen du sang a permis quelquefois, mais pas

toujours, de retrouver l'hématozoaire de Laveran. La rate était

toujours grosse.

M. CULIèRE habite une région marécageuse (Charente), il voit

beaucoup de paludiques, et jamais il n'a observé un cas de folie

primitive, reconnaissant nettement pour cause le paludisme.

M. E. Maurel. Malgré une longue pratique du paludisme,

notamment à la Guyane où le paludisme peut épuiser son action

sur le personnel de la transportation, dont une partie meurt de

cachexie paludéenne, je ne me souviens pas d'avoir observé des

troubles cérébraux persistants. Sans nier l'existence de ces trouble ?

je pense donc qu'ils doivent être assez rares.

Je pense aussi que, relativement à ces troubles, il faut faire deux

groupes de manifestations paludéennes : les accès pernicieux et les

formes simples qui cependant peuvent conduire à la cachexie. Or,

si les accès pernicieux, surtout les cérébraux qui, ainsi que le

prouvent les autopsies, sont souvent accompagnés de lésions de la

méningite, peuvent être suivis de troubles psychiques, il parait

difficile d'admettre que le. paludisme simple puisse conduire aux

mêmes résultats. Je suis donc porté à croire que dans les cas obser-

vés par M. Rey, il faut faire intervenir, et avec un rôle des plus

340 SOCIÉTÉS SAVANTES.

importants, ainsi du reste que M. Rey l'admet lui-même, les dégé-

nérescences prédisposantes, l'alcoolisme et les insolations. Le palu-

disme n'arriverait ainsi que comme cause adjuvante, occasion-

nelle, de même que certaines autres infections.

En terminant, je ferai remarquer qu'il y aurait quelque inconvé-

nient à exagérer l'influence du paludisme dans l'étiologie de ces

troubles psychiques, au point de vue de la pension de réforme,

point sur lequel M. Rey a insisté. Il serait à craindre, en effet,

que ces pensions ne fussent accordées à un personnel qui est loin

de les mériter .

Note sur la toxicité urinaire dans la chorée chronique héréditaire.

MM. RISPIL et Baylac communique une observation de chorée

chronique héréditaire où les urines se sont montrées hypotoxiques

dans toutes les expériences faites sur les animaux de laboratoire.

Un cas d'acromégalie traitée par la médication thyroïdienne.

MM. BAYLAC et G. Fabbe. Dans un cas d'acromégalie à évolu-

tion lente, sans retentissement sur l'état général et n'ayant amené

aucun trouble encéphalique, les auteurs ont employé la médica-

tion thyroïdienne, le corps thyroïde était administré en nature, à

l'état frais, à la dose de 4 grammes pendant deux mois et de

2 grammes pendant un mois.

Sous l'influence de ce traitement, le malade a présenté un

amaigrissement progressif (8 kilogrammes) qui a enlevé aux mains

leur aspect de battoirs et diminué l'hypertrophie des pieds. En

revanche le prognathisme et la cyphose ont paru amoindris.

Du côté des urines, les auteurs ont constaté une augmentation

croissante de l'urée excrétée.

M. Pierre Parigot (Nancy). Les hallucinations de l'ouïe sont

fréquentes dans la démence sénile délirante; elles accompagnent

plus spécialement le délire avec les idées de persécution.

Elémentaires, communes, auditives-verbales, elles sont quelque-

fois combinées, auditives-verbales et motrices.

Elles concernent des faits anciens ou des personnes connues

depuis longtemps, affectent souvent le caractère triste ou injurieux

et leur reproduction monotone témoigne du défaut de mémoire et

d'imagination du dément sénile.

Au début des troubles délirants, elles se manifestent de préfé-

rence la nuit et, quand la démence a fait des progrès, c'est encore

la nuit qu'on les retrouve plus nombreuses; l'hypnose naturelle

rend manifestes des phénomènes psycho-sensoriels qui resteraient

latents à l'état de veille.

Les hallucinations auditives ont besoin parfois pour éclore d'une

SOCIÉTÉS SAVANTES. 34'

impulsion; il suffit d'un mot ou d'un nom bien connu prononcé

devant un dément délirant ou bien d'un sifflement ou de quelques

bourdonnements produits par une lésion de l'oreille si commune

à l'âge avancé.

La suggestion à l'état de veille permet souvent de faire renaître

ou d'arrêter, au gré de l'observateur, des hallucinations auditives

mais elle ne peut en créer de nouvelles; ces hallucinations provo-

quées se manifestent avec plus ou moins de netteté suivant le

degré de suggestibilité ou de démence des sujets.

Céphalée persistante. Idées et tentatives de suicide. Deux craniecto-

mies. Lésions méningées. Guérison.

MM. Voisin et LOEVE, Il s'agit d'un malade de vingt-deux ans,

se plaignant d'une céphalée atroce dans le côté gauche de la tête

depuis trois ans ; attaques convulsives avec chute à terre, déviation

de la langue à gauche, hémiparésie droite, idées de suicide. Un an

après, en janvier 189G, survint une phase aiguë avec température

élevée, céphalée intolérable, puis prostration. Cette période aiguë

fut de courte durée ; mais les vomissements, la céphalée persis-

taient, l'inanition menaçait la vie du sujet.

Le 19 mars 1896, M. Péan fit une craniectomie à la région tem-

poro-pariétale gauche ; 10 centimètres de tissu osseux dans le sens

antéro-postérieur et 7 centimètres dans le sens vertical furent

enlevés.

La dure-mère bombait : une ponction fit jaillir un jet de liquide

de 22 à 25 centimètres de haut. La dure-mère incisée, un lac séreux

fut trouvé, occupant une loge de 4 centimètres cubes de diamètre

dans les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, loge

bordée par des fausses membranes. La dure-mère était doublée à

sa face interne d'une couenne grisâtre. La pie-mère était opaline.

L'amélioration fut immédiate : céphalée gauche, hémiparésie et

vomissements cessèrent; les idées de suicide disparurent, et le

15 juillet 1896, on pouvait considérer la malade comme complète-

ment guérie.

Vers la fin de septembre elle commençait à éprouver des tiraille-

ments douloureux dans le côté droit de la tête, jusque-là indemne.

La douleur ne fit qu'augmenter et, à la fin de mars 1897, la malade

souffrit jour et nuit. Le maximum d'intensité siégeait à 5 centi-

mètres au-dessus du pavillon de l'oreille. Tentative de suicide.

Une nouvelle intervention fut pratiquée du côté droit par

M. Péan. Large incision curviligne à concavité dirigée vers l'oreille

coupant perpendiculairement dans son tiers extérieur la suture

fronto-pariétale. On trouve de l'ostéite condensante et une conges-

tion aiguë considérable de la pie-mère, véritable apoplexie ; elle

siège au milieu de la région temporale, en avant elle avance sur

342 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les première et deuxième frontales; suites simples. La malade, à

l'heure actuelle, est guérie et a engraissé. Il est à remarquer que

cette malade, avant chaque opération, présentait de la rétention

d'urine, qui disparut après chaque intervention.

Sur la réapparition des phénomènes psychiques dans la guérison du

- coma éclamptique.

M. Lafforgue, médecin militaire. De l'analyse de deux faits

de ce genre, nous avons retenu les phénomènes suivants. La sensi-

bilité viscérale a persisté dans un cas, et a été la première à repa-

raître dans le deuxième, sans que l'on ait constaté une manifesta-

tion de la sensibilité sensorielle proprement dite. Les manifesta-

tions de cette sensibilité ont affecté même l'aspect de réactions

complexes, déterminant des actes très compliqués. Ces faits corro-

borent l'opinion qui établit l'indépendance entre le moi splanch-

nique et le moi viscéral puisqu'ils peuvent se manifester l'un sans

l'autre; ils semblent démontrer que les centres cérébraux du moi

splanchnique offrent une plus grande résistance aux influences de

l'intoxication.

Les phénomènes cérébraux ont réapparu à peu près dans l'ordre

dans lequel ils semblent prendre naissance au début de la vie :

sensations viscérales, sensibilité gustative et olfactive, et enfin sen-

sibilité tactile et visuelle. La mémoire n'a apparu que longtemps

après. Les souvenirs les premiers apparus sont ceux qui intéres-

saient la personnalité même des malades, conscience du moi, et

ensuite les faits relatifs à la famille. D'une façon générale, les plus

éloignés ont les premiers été rappelés, les plus rapprochés de la

maladie ont apparu en dernier lieu. Ce qui semble prouver que

les cellules cérébrales qui sont le substratum des souvenirs ont

résisté d'autant plus à l'influence morbide que leur fonctionne-

ment avait été plus durable, et, par suite, que leur organisation

était plus développée. Le fait suivant, relevé dans un de ces cas,

vient à l'appui de cette opinion. Le rappel des images visuelles a

été plus difficile que celui des images auditives ou motrices, et

dans les essais faits pour provoquer le retour de la mémoire, le

souvenir était plus aisément évoqué par des moyens se rapportant

aux deux dernières catégories d'images que par des phénomènes

d'ordre visuel. Or, la malade qui a donné lieu à ces remarques

avait eu des troubles visuels très accentués d'origine cérébrale-

immédiatement avant les accès éclamptiques et à titre de phéno-

mène prémonitoire. Enfin, l'attention volontaire était due à l'in-

tensité de la mémoire, il la richesse des souvenirs. Une mobilité

d'esprit extrême était notée au début ; nulle tant que la conscience

de la personnalité n'a pas été complète, l'attention s'est ensuite

progressivement établie.

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 343

L'association des faits de conscience s'est également manifestée

dès la première manifestation des diverses sensibilités; l'associa-

tion et la coordination appliquées d'abord à des phénomènes

d'ordre sensitivo-moteur ont toujours ensuite coïncidé avec les

phénomènes d'ordre plus élevé auxquels elles s'appliquèrent. Elles

se sont donc montrées comme une conséquence logique de ces

phénomènes sensitifs ou intellectuels, plutôt qu'à la façon d'un

phénomène particulier et indépendant.

M. l3fizr lit une note sur l'hémiplégie chez l'enfant.

A propos d'une tumeur du crâne opérée chez une fillette de un jour

et demi.

MM. Secheyron et Maurel présentent une fillette âgée de quelques

jours seulement, née à terme dans un accouchement normal, par la

tête, et qui présentait une tumeur à la partie supérieure du crâne,

au niveau de la région inlerpariétale, en avant de la pointe de l'oc-

ciput. Cette tumeur molle, comme spongieuse, recouverte comme

d'un voile, est légèrement aplatie et offre à sa base une ligne de sé-

paration circulaire bien nette entre la peau crânienne et l'enveloppe.

Cette tumeur est reliée par un large pédicule qui paraît s'enfon-

cer dans l'encéphale. Privée de tout mouvement d'expansion, la

tumeur est douloureuse, surtout eu arrière et à gauche, la pression

de cette zone déterminant des mouvements réflexes, des contrac-

tures brusques des quatre membres, ou bien une sorte de bâille-

ment, de respiration profonde, parfois des contractures de la face,

exprimant la douleur. Notons également les mouvements de rai-

deur tétanique, qui s'emparent de la nuque, de la colonne verté-

brale, et soulèvent légèrement l'enfant. La tête a une forme spé-

ciale aplatie, il semble qu'un coup violent ait effondré les os de la

voûte crânienne. Le front est renversé en arrière, au niveau de sa

base et fait défaut. Les frontaux, pariétaux, sont réduits d'étendue,

les sutures sont larges ; les fontanelles antérieures et postérieures

paraissent faire défaut ou sont remplacées par l'hiatus d'où sort

la tumeur. Les globes oculaires sont en exophtalmie ; l'oeil gauche

est tourné en dehors et en haut. L'oeil droit regarde en bas et en

dehors. Quelques contractions fibrillaires passent parfois sur les

muscles de la face.

L'enfant n'offre pas d'autres malformations apparentes. La cir-

culation est normale (un peu violacée le premier jour). Les fonc-

tions digestives paraissent normales, l'enfant telle avec avidité.

Les réflexes tendineux sont exaltés. L'enfant est toujours assoupie.

Il ne pousse pas de cris. M. Secheyron fit l'opération au bout de

vingt-quatre heures. Les suites en furent simples et bonnes. La

tumeur examinée par M. Daunic, chef du laboratoire d'anatomie

pathologique, était simplement un angiome. (A ? «,.» \

344 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 20 décembre 1896.

M. Weidenhammer. Contribution l'élude des dégénérescences secon-

daires dans les lésions circonscrites de la protubérance. Le rap-

porteur examine (principalement par la mélhode de Marchi) des

dégénérescences ascendantes et descendantes dans un cas de

tnmeur (tubercule du pont de Varole) qui a détruit la partie gauche

de la piotubérance et produit une interruption de tous les systèmes

de ses libres de ce côté. La dégénérescence du faisceau longitudi-

nal postérieur ne va pas loin; ce système consiste dans sa masse

principale de fibres connectives courtes. La plupart des fibres de

la substance réticulaire grise ne contient non plus des voies

longues, les dégénérescences de ce système cessent rapidement en

haut et en bas de la tumeur, mais dans les parties extérieures

(latérales) de la substance réticulaire grise se trouvent des fibres

longues, qui sont dégénérées en direction descendante; c'est jus-

tement le système de fibres fines, situées en dedans de la substance

gélatineuse de la racine bulbaire (inférieure) du trijumeau. La dé-

génération de ce système des fibres, qui traversent tout le long du

bulbe et s'épuisent graduellemenl vers le niveau de l'entrecroise-

ment supérieur, n'est décrite par personne encore. En direction

descendante se dégénère aussi une petite quantité de fibres,

situées dans les régions extérieures de la substance réticulaire

grise. Ces fibres, d'une dimension assez grosse, se trouvent entre la

racine bulbaire du lrijumeaa et l'olive inférieure et semblent tour-

née vers le processus réticulaire au niveau de l'origine de la décus-

sation des pyramides ; il est très possible qu'elles appartiennent

au faisceau dit déclinant t (M onako tU) ,

La voie centrale de la calotte et la racine bulbaire du trijumeau

se dégénèrent en direction descendante ; la première s'épuise au

niveau des régions inférieures du bulbe, au sur et à mesure de la

disparition de l'olive inférieure, et la seconde vers le niveau de la

sortie des racines du deuxième nerf cervical.

Le ruban de Reil médian se dégénère en entier en direction

ascendante ; dans la couche interolivaire se trouvent aussi des

faisceaux isolés, dégénérés dans la direction descendante; mais

ces faisceaux, d'après l'avis du rapporteur, appartiennent au sys-

tème des faisceaux pyramidaux. En direction descendante se dégé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 345

nèrent le faisceau médian supplémentaire du ruban de Reil et la

partie principale de ces faisceaux, que l'on nomme disséminés. Ces

faisceaux disséminés contiennent des fibres ascendantes de même

que des fibres descendantes. Les unes et les autres s'achèvent dans

l'écorce cérébrale. Les fibres descendantes des faisceaux disséminés

s'épuisent vers le niveau des régions inférieures du pont de Varole.

Les fibres ascendantes présentent, peut-être, une voie centrale pour

les fibres du trijumeau, qui conduisent les sensations liées avec la

mimique volontaire et avec la parole (les mouvements de la langue).

En suivant la direction des fibres dégénérées du ruban de Reil

médian (principalement), le rapporteur put s'assurer qu'ils s'achè-

vent de trois sortes :

1° La partie principales des fihres se disperse dans la région du

noyau central de la couche optique; 2° une petite quantité de

fibres se dirige vers la zona incerta, en se finissant, comme il le

parait, dans les cellules de la partie la plus interne ; 3° la troi-

sième partie des fibres, en passant par le centre médian, s'achève

dans les cellules situées de son côté potéro-médian concernant

le petit faisceau des fibres, qui se trouve en dedans du « dorsale

Abtheilung (de liôsel) du ruban de Reil médian du pédoncule céré-

bral et qui est dégénéré en direction ascendante, sa disposition et

sa terminaison suivent totalement la direction principale du ruban

de Reil. Ce faisceau n'a pas de dénomination spéciale ; il est pos-

sible qu'il présente la continuation du système des fibres, décrit

par M. Ilüsel, et sert de voie centrale du noyau sensitif du triju-

meau. ·

En outre, on a trouvé des lésions de la moelle épinière, princi-

palement dans les cordons dorsaux et dans les fibres radiculaires.

De pareilles altérations sont constatées encore, par la méthode de

Marchi, dans six cas de tumeurs cérébrales. Dans tous ces cas on a

pu voir la dégénérescence plus ou moins marquée dans les cor-

dons postérieurs de la moelle épinière. La dégénérescence la plus

sensible est observée surtout dans la région radirulaire des fais-

ceaux de Burdach de la partie cervicale ; dans les faisceaux de

Goll elle est plus faible.

En s'abaissant, la dégénérescence diminue graduellement, et

s'affaiblit le plus dans la partie lombaire de la moelle épinière.

Les racines postérieures sont aussi altérées, mais leurs changements

sont disséminés et disposés très inégalement et il faut remarquer

que dans leur partie extra-médullaire prédominent des phéno-

mènes d'une névrite parenchymateuse et dans leur partie intra-

médullaire des phénomènes d'une dégénérescence secondaire.

Dans des cas, où la lésion est plus forte, dans les faisceaux posté-

rieurs on peut voir aussi une dégénérescence disséminée dans les

cordons autéro-latéraux, exprimée de même principalement dans

la région cervicale de la moelle épinière. Il faut chercher la cause

346 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de ces altérations dans l'auto-intoxication du sang, comme suite

d'un dérangement de la nutrition sous l'influence de la tumeur et

dans les tumeurs malignes, peut être à cause d'une influence

toxique du néoplasme lui-même.

Des remarques ont été faites par M. Mouratoff et M. Mouravieff.

Ce dernier est d'avis que les névrites radiculaires peuvent être

observées dans les conditions les plus variées et il est porté à expli-

quer leur origine par l'épuisement.

M. MounATOFF. Contribution à l'étude de la pathologie générale

des destructions cérébrales précoces par rapport à l'épilepsie.

Observation I. - Une jeune fille de dix-sept ans eut une mala-

die aiguë du ccrveau lorsqu'elle n'avait que dix mois. Hémiplégie i

latérale gauche avec atrophie musculaire et avec développement

incomplet du squelette. Accès d'épilepsie jacksonienne, débutant

au bras. Démence. Parfois excitation très forte presque sans mo-

tifs, s'exprimant en accès de fureur.

Observation IL Un homme de vingt-trois ans, devint malade

lorsqu'il n'avait que six mois. Hémiplégie gauche avec atrophies

habituelles. Accès épileptiques très fréquents avec perte de cons-

cience. Les convulsions débutent du côté gauche et passent facile-

ment du côté droit. Phénomènes post-épileptiques d'assez longue

durée en forme de convulsions cloniques bilatérales. Idiotisme. La

sphère psychique de ces deux malades présente beaucoup d'ana-

logie : compréhension incomplète de l'entourage, faible critique et

mémoire, manque d'intelligence et très grande faiblesse de com-

binaisons.

L'auteur est porté à expliquer la lésion cérébrale si précoce par

un ramollissement cérébral, développé sur un terrain d'altération

innée de vaisseaux.

Les apoplexies infantiles diffèrent des lésions cérébrales des

adultes par l'étendue plus vaste des dégénérescences consécutives ce

qui mène par l'atrophie et la diminution des lobes centraux en-

tiers et par la sclérose lobulaire, observée par Cotard, ainsi que par

des destructions plus vastes - au ramollissement cérébral infun-

dibuliforme (porencéphalie).

Le rapporteur soutient l'avis de Sachs et de Féré, que l'épilepsie

spontanée et la paralysie infantile sont deux maladies conformes

et de la même espèce ; seulement, dans la première on trouve des

dégénérescences plus fines, qui s'expriment cliniquement par un

développement asymétrique du crâne, par une innervation iné-

gale de la face, affaiblissement de la force musculaire et raccour-

cissement cubital des doigts.

Pour confirmer la ressemblance clinique de l'entité morbide,

décrite par Sachs et Féré, le rapporteur présente encore une

preuve anatomique : .

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 347

Observation III. Epilepsie psychique dès l'âge de treize ans;

impulsion maladive pour les boissons alcooliques; accès de fureur

épileptique; parfois des convulsions en forme d'épilepsie générale.

Mort après l'âge de trente ans, à la suite d'un accès épileptique.

L'autopsie démontra une hémorrhagie tout à fait fraîche dans

la dure-mère, qui a eu lieu pendant l'agonie; une inflammation

répandue de l'arachnoïde, une inflammation circonscrite dans le

tiers médian des circonvolutions centrales droites, qui a provoqué

leur atrophie. La circonvolution centrale antérieure, ainsi que la

postérieure, sont deux fois plus fines que dans l'état normal ; une

arachnite locale très prononcée. Sur les coupes on remarque un

amincissement local très marqué de l'écorce cérébrale.

Ce cas peut être regardé comme une forme intermédiaire entre

la paralysie infantile et l'épilepsie spontanée. On y constate des

altérations trop faibles pour faire apparaître une hémiplégie et

des accès corticaux, mais qui, joints à une arachnite répandue,

sont suffisants pour être cause des accès épileptiques généraux.

La démence y est d'une origine épileptique. °

En défendant son opinion, le rapporteur ne nie pas pourtant la

possibilité des cas d'épilepsie générale d'origine réflexe ou d'ori-

gine toxique. -

M. \1'cmFr;Ir.»IFR cita un cas où les circonvolutions étaient atta-

quées, mais pas détruites totalement et tout de même il n'y avait

pas d'accès épileptiformes.

M. le professeur Roru ne trouve pas possible d'attribuer aux

changements dégénératifs le rôle principal ; les hémiplégies infan-

tiles peuvent s'accompagner de paralysies, d'idiotie et d'épilepsie

en différents degrés dans des cas de la même lésion et dans le

même endroit ; il existe encore un certain élément supplémentaire,

qui influe sur la répétition fréquente des accès. En observant le

cours de pareils cas, on rencontre de telles transformations de la

maladie, qui nous obligent à chercher une nouvelle explication

des accès; la même irritation locale, qui agissait d'abord, conti-

nue d'agir jusqu'à la fin de la maladie.

M. le professeur KOJEVNIKOFF fait attention à ce que la cause

dominante de ce que les lésions cérébrales circonscrites chez les

enfants provoquent chez eux des altérations plus fortes et plus

compliquées que chez les adultes, consiste en ce que le système

nerveux des enfants se trouve encore dans un état d'évolution.

M. le professeur 1\0RSAKOFF. De l'Association des aliénistes et

neurologistes russes.

Le succès du premier congrès des aliénistes russes, qui a eu lieu

à Moscou en 1887, donna l'espoir que dans peu de temps aurait lieu

un second pareil congrès. Cependant cet espoir ne s'est point réa-

lisé jusqu'à présent. Dans la presse russe médicale générale, il a

348 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

été énoncé que ces congrès spéciaux ne sont point à désirer, puis-

qu'ils peuvent nuire au développement des congrès généraux

(comme celui de la Société des médecins russes, fondée en mé-

moire du Dr Pirogof).

Le rapporteur trouve que ces considérations ne sont pas justes et

pense que la fondation des congrès spéciaux sera d'une grande

utilité pour l'évolution des spécialités isolées tout aussi bien que

pour le progrès social. Il est assuré que les congrès spéciaux, non

seulement ne diminueront pas, mais tout au contraire augmente-

ront la quantité et la qualité des travaux dans les congrès généraux.

L'auteur suppose que la voie la plus conforme pour l'établissement

des congrès spéciaux des aliénistes consiste dans la fondation d'une

société spéciale, qui organisera les congrès spéciaux des aliénistes

russes. Pendant le sixième congrès des médecins russes à Kiew

(en 1896), les membres de la section des maladies nerveuses et

mentales onléluunecommission de cinq personnes pour l'élabora-

tion d'un projet d'une association générale des aliénistes et neuro-

logistes russes ayant pour but l'organisation des congrès spéciaux

périodiques.

Séance du 24 janvier 1897.

M. Korniloff présente un malade avec lésion du plexus brachial.

Le malade, âgé de vingt-un ans, cause d'une douleur et d'une

faiblesse croissante du membre supérieur droit, a été obligé d'en-

trer dans un hôpital. Depuis six mois déjà, le malade remarqua

qu'il avait deux tumeurs, l'une à la cuisse et la seconde à la partie

postérieure du membre supérieur gauche sur l'os brachial.

A son entrée à l'hôpital, outre ces deux tumeurs (de 10-12 centi-

mètres en diamètre) assez dures, on en constata encore une au côté

droit du cou. Ces enllures, que l'on croyait d'abord n'être que des

lipomes, furent bientôt reconnues pour des abcès froids à la suite

d'une lésion tuberculeuse des os.

L'examen minutieux du membre supérieur droit démontra que

les muscles brachiaux (biceps, brachial antérieur et postérieur), le

deltoïde et le long supinateur sont non seulement paralysés, mais

encore atrophiés avec réaction de dégénérescence. Quant aux autres

muscles, ceux de l'avant-bras et de la main sont restés intacts.

Nous avons donc affaire ici à une lésion assez rare du plexus

brachial, type Ducheune-Erb ; dans ce cas la lésion devait être

occasionnée par une tumeur dans la fosse sus-claviculaire. Comme

distinction, pourtant, de ce cas des cas typiques provenant d'une

lésion de la cinquième et sixième racines cervicales, le malade en

question a encore une atrophie du muscle triceps. Ce muscle est

innervé par le nerf radial , qui prend son origine, d'après certains

auteurs, des cinquième, sixième et septième racines et d'après

d'autres, de la sixième et septième racines ; de sorte que dans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 349

notre cas il faut admettre non seulement la lésion de la cinquième

et de la sixième racines cervicales, mais encore de la septième.

M. VERzILOFF. Un cas de maladie de Thomsen (avec présentation

d'un malade). Le rapporteur décrit un cas typique de maladie

de Thomsen chez un soldat de vingt-trois ans. La maladie se déve-

loppant progressivement dès l'âge de dix à onze ans, envahit non

seulement les muscles des extrémités, du corps et du cou, mais

encore les muscles de la face, principalement les masticateurs. A

l'entrée du malade à la clinique du professeur Kojewnikolf tous ces

phénomènes étaient très marqués surtout à la face et aux membres

inférieurs ; dans les extrémités les fléchisseurs étaient attaqués le

plus. Sur les courbes myographiques obtenues pendant les mouve-

ments volontaires et après des excitations électriques et mécaniques,

on voit nettement que la particularité principale de la maladie en

question consiste en un relâchement lent, provoqué par le spasme

myofonique; aux conditions favorablesà l'apparitiondece spasme se

rapportent le repos, le froid des courants électriques de force moyenne

et de peu de durée, avec interruptions fréquentes. Ce spasme,'que

l'on distingue facilement du tétanos physiologique, consiste en ce

que le muscle ne répond pas durant une irritation plus ou moins

prolongée à chaque excitation à part, mais semble s'accumuler ;

la courbe myotonique reste plus basse que celle du tétanos physio-

logique et rappelle celle du muscle fatigué.

Sur les coupes microscopiques du morceau pris du muscle gas-

trocnémien, on trouva une augmentation très prononcée du

volume des fibres musculaires jusqu'à 1G0-170 p.), une prolifération

des noyaux (jusqu'à six dans chaque fibre), une déformation des

contours des fibres (en forme des zigzags) et une apparition des

vacuoles (seulement sur les préparations au liquide de Millier).

L'analyse de l'urine démontra une augmentation de créatinine et

de sarcine.

Pendant le séjour du malade à la clinique, les mouvements des

extrémités devinrent plus libres. Le rapporteur cite encore un cas

de myotonie, observé dans l'ambulatoire de cette même clinique

avec tous les symptômes caractéristiques de la maladie en question,

mais, comme dans le premier cas, sans tare héréditaire et sans

caractère familial. '

A la discussion ont pris part MM. ROSSOLDIO, AIOLTCIIANOrI·,

Korniloff et MM. les professeurs KojEWNiMFF et Rora.

M. Oar.ovsxr. Syphilis et sclérose disséminée des centres nerveux.

- La. combinaison d'une sclérose disséminée avec des altérations

syphilitiques est possible. Il n'existe dans la littérature qu'une seule

observation semblable (de Grec1 ! '), mais qui n'est pas aussi de trop

grande valeur. Le cas du rapporteur présente une combinaison

des deux maladies en question.

350 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Chez une femme de vingt-quatre ans, trois ans après une conta-

gion de syphilis, apparurent de légers troubles des organes pel-

viens ; dans la durée d'une année se développa une parésie spas-

modique très marquée des membres inférieurs avec anesthésie

et paralysie presque complète des sphincters. Pour quelque

temps il y eut une amélioration, mais bientôt tous les phénomènes

delà paralysie spasmodique s'aggravèrent visiblement et il apparut

en outre une paralysie des muscles oculaires avec nystagmus, un

tremblement pendant les mouvements volontaires. Grâce au trai-

tement mercuriel, il y eut une amélioration, qui dura pendant

huit mois, mais à cette amélioration succéda bientôt une aggrava-

tion aiguë, survinrent de très graves troubles bulbaires, mais qui,

grâce au traitement mercuriel, disparurent assez vite, tandis que

les symptômes médullaires augmentèrent jusqu'à une paraplégie

complète avec anesthésie et paralysie des sphincters. Quatre ans

après le début de la maladie elle mourut il cause de phénomènes

bulbaires très aigus.

Dans la substance blanche de l'hémisphère droit on constata

un long îlot scléreux, ayant l'aspect d'un cordon. On trouva des

plaques disséminées de sclérose dans les pédoncules, la protubé-

rance, la moelle allongée et sur toute l'étendue de la moelle épi-

nière ; la moitié droite de la moelle épinière, principalement les

cordons latéraux en étaient surtout atteints.

Les plaques sont très nombreuses et dans certains endroits sont

disposées symétriquement; on y constata une prolifération et

un épaisissement des fibres de la névroglie, ainsi qu'une hyper-

plaxie très marquée de ses cellules (surtout dans la substance grise

altérée) ; beaucoup de fibres nerveuses ont péri, mais dans certains

endroits sont restés des cylindraxes. Les cellules nerveuses sont

presque intactes. Dans la partie dorsale inférieure fut notée une

méningite très marquée en même temps qu'une myélite annulaire

insignifiante. On ne trouvera nulle part de dégénérescences secon-

daires. Un épaisissement très visible et un oedème des parois de

toutes les veines médullaires; les artères ne sont presque pas du

tout atteintes.

Le diagnostic différentiel de la sclérose syphilitique disséminée

et de la sclérose simple présente beaucoup de difficulté ; souvent la

ressemblance est telle, que le diagnostic clinique est même impos-

sible (Cassier). Dans ce cas l'infection syphilitique a mis un cachet

très marqué sur tout le tableau de la maladie et donna tous les

symptômes positifs, qui peuvent servir, d'après la plupart des au-

teurs, au diagnostic différentiel. Voici ces symptômes : 1° l'appari-

tion très précoce des dérangements graves, indiquant une lésion

stable de la moelle épinière ; 2° des oscillations très marquées dans

le cours de la maladie ; 3° le tableau général de la maladie très

grave d'un cours rapide; 4° une amélioration très visible après un

SOCIÉTÉS SAVANTES. 351

traitement antisyphilitique. Pourtant l'ol>servation donnée, pré-

sentant une combinaison de deux processus morbides, ne peut

servir de base au diagnostic entre la sclérose disséminée simple et

syphilitique.

A la discussion ont pris part : MM. Rossow1l0, Minor, Mouratoff,

Postowsky et M. le professeur KOJEW.NIKOFF.

Séance du 14 février 1897.

1). M. n10L1·CriAnOFF ? Affection des vaisseaux (des veines) pro-

venant d'une lésion des nerfs périphériques (présentation du malade).

Un poêlier, âgé de cinquante-six ans, ressentit après un refroi-

dissement du membre supérieur droit (près du 15 août en 189G)

une vive douleur, qui débuta le long du nerf cubital droit et plus

tard envahit tout le membre ainsi que l'omoplate; en même temps

le malade ressentit un engourdissement dans le petit doigt et dans

la région de l'hypothénar. En quelques jours apparut une dila-

tation des veines dans le domaine de l'articulation de la main,

dans le système de la veine basilique droite et dans la région du

cinquième métacarpien (sans oedème, ni lividité); trois semaines

plus tard apparurent des varices au côté cubital de l'avant-bra;

les veines étaient sensibles à la pression (mais pas de symptômes

de périphlébite) ; leur propagation au début était strictement limi-

tée dans la région d'anesthésie (nerf cubital, nerfs cutané médian

et interne), en même temps survint une atropine des muscles

interosseux trois-quatrièmes et plus lard encore une thrombose

des veines. La force musculaire de la main droite est affaiblie.

A l'examen du malade, lorsqu'il se trouvait à la clinique de

M. Rossolimo, on put constater un développement progressif de la

névrite; une douleur à la pression du nerf médian et en partie du

nerf cubital, ainsi qu'une atrophie de la main et des hémorrha-

gies à l'avant-bras; les phlébeclasics envahirent des régions plus

vastes. Thrombose et calculs disséminés dans les veines. La courbe

sphymographique de l'artère radiale était située plus. haut du côté

droit que du côté gauche. Depuis le mois de février 1897 la névrite

et la phlébectasie devinrent moins marqués.

L'auteur note le manque de données concernant cette question

(un cas décrit par Potain et deux autres par Lapinsky). Léwacliolf,

Fraenkel et l3ahius ! : y, d'après l'auteur, trouvent que certaines

altérations des vaisseaux dépendent des lésions des nerfs périphé-

riques (Fraenkel l'a prouvé expérimentalement).

Conclusions. Les névrites, surtout quand elles sont aiguës,

peuvent provoquer des altérations secondaires dans les veines

(élargissement, thrombose et sclérose); cette influence est immé-

diale, vu le développement rapide de la sclérose ; il est possible de

supposer que les nerfs périphériques peuvent influer immédiate-

352 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment (par les nerfs trophiques ou vasomoteurs) sur la nutrition de

l'endothélium des parois des vaisseaux, mais en prenant en consi-

dération la douleur à la pression des veines altérées il faut

admettre avec Nothnagel l'existence des nerfs sensitifs dans leurs

parois : on peut présumer que les vasomoteurs des veines cutanées

sont situés dans le tronc nerveux général, très près des nerfs de

la sensibilité cutanée, et probablement ils sont séparés des vaso-

moteurs des artères.-

Dans la discussion M. MooRaTOFF et M. le professeur KojEwnrorOFF

admettent que dans de pareils cas il existe dans les veines elles-

mêmes un terrain favorable pour des modifications de ce genre.

.2). M. HOSSOLDIO. Contribution à la palhogénir. de la sclérose en

plaques en rapport avec la question des différentes lésions de luzzévro-

glie. Le rôle du système vasculaire.

L'intérêt contemporain de l'étude de la sclérose disséminée con-

cerne deux points : l°la signification des vaisseaux et 2° le rapport

du processus en question à la glio-e et au gliome. Le cas suivant

a servi à l'auteur pour l'étude présente.

Un malade de seize ans, observé dans la clinique du rapporteur,

a présenté les symptômes suivants : hémiplégie droite, légère

aphasie, parésie des nerfs moteurs artériels et de l'hypoglosse

droit, aneslhésie du tronc (plus bas que la clavicule) et des mem-

bres du côté droit, troubles de sensibilité musculaire du membre

supérieur droit, qui en outre était encore en état de contracture;

ces phénomènes se développèrent penduat les derniers neuf mois.

Dans l'anamnèse du malade on peut noter qu'il a reçu à l'âge

de trois ans un coup à la tête avec enfoncement de l'os occipital

avec cicatrice osseuse consécutive. Un an avant le début de cette

affection le malade tomba sur un verre et eut une blessure il la peau

du front, et trois mois avant la maladie il a eu une forte frayeur.

Outre les symptômes mentionnés déjà, on peut noter à la cli-

nique : parfois de légers mouvements involontaires dans les extré-

mités droites; les papilles optiques un peu pâles; démence, rire et

pleurs involontaires. A la fin du séjour du malade à la clinique il

se déclara subitement une paralysie complète du membre supé-

rieur gauche et le lendemain une paralysie du membre inférieur

gauche, aphonie, dysarthrie presque complète et dérangement de

la déglutition. Le jour suivant le malade mourut.

Autopsie. Les parties centrales de la substance blanche, le

corps calleux et la partie médiane de la région centrale de l'hé-

misphère droit présentent un vaste foyer d'altération, à limites

très marquées; ce foyer donne des branches qui se dirigent vers

la partie postérieure de la capsule interne et vers la capsule

externe gauche; la partie médiane du noyau caudé et le noyau

lenticulaire ne sont que légèrement attaqués. Ce foyer consiste en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 353

une masse de grosses cellules névrogliques (avec un réseau de libres

de névroglie compacte) et de neuroblastes (de Raymond) d'une

dimension moins grande; à certains endroits se trouvent des

accumulations de leucocytes. Les faisceaux de filaments névrogli-

ques sont fades et présentent des phénomènes de dégénérescence,

plusieurs fibres nerveuses ont perdu leur myéline; d'autres n'en

ont conservé qu'une gaine plus ou moins mince; on observe. des

cylindraxes gonflés, traversant les cavités dans le tissu ramolli.

Les vaisseaux sont hyperplasiés, remplis de sang; les espaces

périvasculaires sont remplis de leucocytes et de corps granuleux. Il

n'y a point de dégénérescences secondaires. Le second foyer de

sclérose en forme de lame triangulaire est situé dans la région

ventrale de la moelle allongée et du quart postérieur de la protu-

bérance ; en touchant la-substance grise centrale de la région pos-

térieure du bulbe il s'en éloigne de plus en plus pour.se limiter à

la partie antérieure du bulbe, des pyramides et du ruban de Reil,

et dans la partie postérieure du pont de Varole et des pyramides.

En outre, la lésion envahit le domaine du noyau de l'hypoglosse et

de ses racines, les parties internes des olives et en partie les fibres

arciformes internes et externes. La lésion est symétrique, avec des

limites très accentuées et par le tableau microscopique elle est

caractéristique pour la sclérose disséminée. Le foyer décrit du

cerveau est considéré par l'auteur comme une forme intermé-

diaire, à laquelle il propose de donner le nom de scléro-gliose.

L'auteur finit son travail en notant la coïncidence de la région de

la plaque de la moelle allongée avec le bassin de certains vais-

seaux définis, qui ont été étudiés par lui à l'aide des injections. La

moitié caudale de la moelle allongée reçoit son sang par des

artères spino-bulbaires, tandis que la région ventrale de la moitié

antérieure est vascularisée par des artères tertéb1'o-bulbai1'es ; le

domaine de l'entrecroisement des pyramides et du ruban de Reil et

aussi la moitié postérieure des pyramides du pont de Varole sont

fournis par deux à quatre ramuscules qui partent du lieu de la

réunion des artères vertébrales (arteria foraminis coeci).

Dans la moelle épinière on a trouvé une dégénérescence secon-

daire des cordons pyramidaux latéraux et de ceux de Furk.

Ayant cité, en abrégé, encore deux cas de sa clinique, ayant

rapport la question, l'auteur formula les conclusions suivantes :

la sclérose disséminée peut quelquefois s'éloigner du type commun

en dépendance de la localisation; elle présente beaucoup d'ana-

logie avec la gliosc et le gliome. La névroglie, pendant sa prolifé-

ration, préfère des endroits qui sont situés auprès des ventricules

et des vaisseaux. Les plaques peuvent occuper une région vascu-

laire.définie. La prolifération de la névroglie peut être occasionnée

par un traumatisme, une infection et une intoxication d'origine

interne et externe.

Archives, 2e série, t. III. 3

354 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les dégénérescences secondaires peuvent se développer sans la

destruction des cylindraxes quand la même fibre est soumise à

l'influence accumulée des causes multiples, quoique faibles.

A la discussion M. ! \IOURATOFF a été porté à envisager les altéra-

tions indiquées de la moelle épinière, comme des plaques scléro-

tiques.

M. Weidenhammer confirme la possibilité des dégénérescences

secondaires dans le cas du rapporteur.

M. le professeur Roth différencie le cas donné des cas typiques

de sclérose en plaques où il faut admettre l'existence d'un agent

spécifique (d'origine infectieuse ? ) pour lequel la myéline sert de

milieu nutritif. M. le professeur KojEWNiKOFF note l'intérêt que

présentent les recherches de l'auteur sur la vascularisation de la

partie ventrale du bulbe.

Séance du 25 avril 1897.

M. Minor présente le cerveau, la base du crâne et la langue

d'une malade avec lésions multiples des nerfs crâniens. On constate

sur le clivus Blumenbachi, plus du côté droit, sous la dure-mère, un

endolhéliome de la grosseur d'une prune; cette tumeur pénétrait

aussi, en partie, dans le trou occipital. Le pont de Varole et la

moelle allongée du côté droit sont comprimés par la tumeur et

aplatis; l'abducteur, l'hypoglosse, le vague et l'accessoire du même

côté ont l'aspect de lamelles grises, très fines et plates. Puis

M. Minor montre des radiogrammes des doigts hippocratiques

d'un malade, présenté déjà par lui en 1892. Sur ces photographies

on voit que les os ne présentent aucune altération.

M. Minor. De la paralysie faciale partielle d'origine congénitale.

- Ayant cité préalablement les ouvrages de Môbius, qui institua le

terme Infantile ! ' ](emschwund et les observations de Schultze, de

Bernhart (1894-1897) et de Remak, qui ont décrit la paralysie

congénitale unilatérale, envahissant seulement le nerf facial, et

ayant comparé ces cas avec les observations de Mann, de Kortum

et de Cohn (de la clinique de Mendel) le rapporteur communique

en détail un cas, observé par lui-même :

Le malade S..., âgé de vingt-six ans, célibataire; sa mère était

alcoolique. Il vint au monde sans intervention chirurgicale, mais

dans un état d'asphyxie pénible. Bientôt après sa naissance fut

remarquée une déviation très prononcée de la moitié gauche de la

face. Cette déviation, quoique à un degré bien plus faible, resta

jusqu'à présent. Au commencement de la vie, le développement

intellectuel et psychique du malade était normal; mais à seize ans,

le malade commença à abuser des boissons alcooliques. A dix-huit

ans se développa une épilepsie très grave avec des accès passagers

SOCIÉTÉS SAVANTES. 358

d'un dérangement psychique. Depuis lors il ne peut plus s'occuper

de rien. Le premier examen détaillé du malade fut fait par le 'rap-

porteur, en janvier 1895, et alors on constata les phénomènes

suivants : paralysie du nerf facial droit; lagophthalmie médiocre,

atrophie très marquée dans la région de la fosse canine sous l'arc

zygomatique et dans la région du muscle huccinateur, paralysie

complète du côté droit du muscle frontal, du sourcilier, de l'orbicu

laire des paupières (outre une petite partie dans le quart infério-

externe), du releveur de l'aile du nez et de la lèvre supérieure, du

releveur de lèvre supérieure propre, du petit zygomatique, du

transverse du nez et enfin de l'orbiculaire de la bouche (dans sa

moitié supérieure droite). Le mouvement du grand zygomatique est

très bien conservé. Lorsque le malade montre ses gencives, sa

bouche se dévie fortement à droite. Pas de contractions, mais

pendant les mouvements volontaires l'action du grand zygoma-

tique augmente; tous les mouvements des muscles mentonniers se

font bien. L'atrophie du peaucier est très marquée et on n'y voit

que la contraction du faisceau médian. Le changement des con-

tractions électriques correspond à la distribution des paralysies ;

dans tous les muscles paralysés et atrophiés, la contraction à deux

courants (comme du muscle ainsi que du tronc nerveux) = 0 ;

dans les muscles qui ont conservé leurs mouvements, tous les deux

courants électriques donnent une bonne contraction. Au moyen de

courants très forts on peut encore recevoir tout à fait symétrique-

ment des contractions du quart inféro-externe du muscle orbicu-

laire des paupières et de la moitié inférieure du muscle orbicu-

laire de la bouche du côté droit. A l'électrisation du tronc commun

du nerf facial auprès du trou stylo-mastoïdien les muscles ne réa-

gissent pas localement au courant, et ne donnent pas non plus

aucune contraction, tandis que les autres se contractent bien.

Le rapporteur est porté à voir dans son cas une altération du

pont de Varole, et vu la pénible asphyxie, qui a eu lieu à la nais-

sance du malade, il est prêt à admettre comme cause une hémor-

ragie dans la région du noyau du nerf facial et de la région

voisine.

D'après l'avis de M. 110R1\ILOFI·, le diagnostic du cas rapporté

ne peut être posé qu'avec un certain degré de probabilité ; on ren-

contre très souvent une semblable distribution des lésions dans les

paralysies périphériques invétérées du nerf facial, et pour cette

raison on peut considérer comme prouvé qu'on a affaire ici à

une paralysie d'origine centrale et non périphérique.

M. le professeur KOjEWNIKOFF fait remarquer, que si même on

peut admettre ici l'existence d'une paralysie périphérique, la distri-

bution des paralysies et des atrophies présente tout de même

beaucoup d'intéressant et de particulier.

356 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. MOURAVIEFF. De l'influence du poison diphtérique sur le

système nerveux.

Les expériences concernant l'influence du poison diphtérique

sur le système nerveux ont donné jusqu'à présent des résultats

contradictoires. Certains auteurs ont trouvé, comme suite du poi-

son diphtérique, des modifications seulement dans les nerfs péri-

phériques, tandis que. d'autres envisagent ces névrites comme

secondaires et trouvent que les modifications primitives n'ont lieu

que dans les cellules des cornes antérieures de la moelle épinière

(Crocq fils, Pernice et Scaliosi). Le rapporteur a pratiqué des

injections du toxine diphtérique à des cobayes. Pour la coloration

des cellules de la moelle épinière il se servait principalement de la

méthode de Nissl, en la modifiant un peu de la manière sui-

vante : le traitement préliminaire des préparations; l'auteur le fai-

sait à l'aide du formaline, d'où il transportait les pièces dans

l'alcool et montait les préparations dans le baume de Canada.

Toutes ses conclusions, l'auteur les tirait en se basant sur la com-

paraison de ses préparations avec des préparations identiques,

reçues de deux cobayes normaux tués par le chloroforme.

Les expériences concernaient les intoxications diphtériques

aiguës et subaiguës, et aussi les intoxications chroniques. Les ani-

maux de la première catégorie vivaient de trois à vingt-deux

jours et mouraient eux-mêmes ou étaient tués par le chloroforme.

La particularité à noter chez tous ces animaux consistait dans

l'absence des phénomènes paralytiques définis. A l'autopsie, les

résultats étaient toujours les mêmes; manque d'altération sur les

nerfs périphériques (à l'exception d'un gonflement de certains

cylindraxes) et des altérations particulières dans les cellules de

la moelle épinière, principalement dans les cornes antérieures, à

savoir : gonflement, contours peu clairs, disparition des granules,

transformation de la substance chromatique en une masse presque

homogène, sa disparition complète sur la périphérie des cellules

(la chromatolyse périphérique de Marinesco) et enfin la formation

au milieu du protoplasme des vacuoles, tantôt petites et nom-

breuses, tantôt très grosses, occupant quelquefois la plus grande

partie de la cellule, et alors le noyau est repoussé vers la périphé-

rie ; les prolongements s'ouvrent, se colorent mal parfois et la

cellule de même. Les phénomènes, qui ont été observés pendant

la vie et après la mort des animaux à la suite de l'intoxication

chronique, sont tout à fait différents; dans quatre ou dix semaines

après l'injection (qui a été faite une ou plusieurs fois) commen-

çaient à se développer chez l'animal des parésies, plus accusées

dans les extrémités postérieures. L'analyse microscopique démon-

tra l'existence des névrites très marquées; dans les cellules de la

moelle épinière, les modifications étaient déjà effacées passable-

ment. De sorte qu'à l'intoxication des cobayes par le poison diph-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 357

térique avant tout apparaissait une altération des cellules médul-

laires, mais en ce temps on ne remarque pas encore des paraly-

sies nettes; les névrites qui sont cause des paralysies se développent

plus tard.

Le rapporteur suppose qu'il y a une relation entre les névrites

et les modifications des cellules, à savoir : le poison diphtérique

pour la plupart n'est pas assez fort pour tuer la cellule; pourtant

il peut y provoquer de grossiers dérangements nutritifs, assez

prologés, qui ne restent pas sans suite pour son prolongement

cylindr-axile, c'est-à-dire pour la fibre nerveuse; cette dernière

s'altère à son tour, peut-être même à cause d'autres conditions

accessoires; les altérations de l'encéphale de la moelle allongée,

de la substance blanche de la moelle épinière et des ganglions

intervétébraux sont comparativement insignifiants.

M. ROSSOLIMO suppose que la lésion particulière des cornes anté-

rieures de la moelle épinière est en liaison avec les modifications

dans la région des artères spinales antérieures.

M. ORLOWSKY remarqua que les modifications analogues dans les

cellules des cornes antérieures de la moelle épinière ont été

observées aussi après les injections du poison de la rage.

M. Minor a fait attention aux expériences récentes de Golds-

cheider et Flatau, qui pratiquant chez les animaux des injections

de malonnitril et provoquant une élévation artificielle de la tem-

pérature constatèrent que la régénération des cellules survient

dans soixante-et-onze heures environ.

M. le professeur KOJEWNIKOFF ne trouve pas possible de convenir

avec l'explication du rapporteur, que la lésion des cellules des

cornes antérieures doit être regardée comme un phénomène pri-

mitif et la lésion des nerfs périphériques, comme phénomène

secondaire ou consécutif. Il est bien plus vraisemblable que toutes

ces modifications se développent indépendamment sous l'influence

de la même cause. Des remarques ont été faites encore par

M. SCH : 1TALOFF et M. le professeur KORSAKOFF,

M. Mouratoff. De certaines particularités cliniques, dans la

lésion cérébrale circonscrite d'origine traumatique ou à la suite du

ramollissement. Le rapporteur cite deux cas d'épilepsie corticale

observés par lui dans ces derniers temps.

Premier cas. Il s'agit d'une jeune fille de vingt-trois ans. A

l'âge d'un an, elle eut une chute d'un poêle, ce qui causa une

fracture de l'os occipital gauche et une hémiparésie droite. Sont

activité psychique est normale. Les accès d'épilepsie corticale débu-

tent du nerf facial droit et du membre supérieur du même côté et

s'accompagnent d'une perte de conscience de courte durée. On

observe des convulsions cloniques continuelles dans la branche

inférieure du perf facial droit et des troubles de la sensibilité mus-

358 SOCIÉTÉS SAVANTES.

culaire et tactile; les muscles des extrémités droites sont atro-

phiés, mais sans abaissement d'excitabilité. Il y a encore un rac-

courcissement cubital des doigts (Féré). L'examen du crâne, fait par

M. le professeur Zeruofl' à l'aide de son encéphalomètrc, démontra,

que le manque de l'os correspond à l'extrémité inférieure des cir-

convolutions centrales et à la circonvolution angulaire.

Deuxième cas. Homme de trente-deux ans. A dix-sept ans

se développèrent subitement des accès épileptiques qui depuis lors

commencèrent à se répéter de plus en plus souvent. Dans les der-

nières cinq années s'observait parfois l'état épileptique. Avec l'ap-

parition de ces accès se développait une démence progressive. La

dernière année survinrent une paralysiede toutes les extrémités, des

contractures à la région des articulations du genou et un idiotisme

complet. Les convulsions débutaient ordinairement du côté droit.

Les réflexes sont exagérés. La sensibilité est conservée. Hémianop-

sic, parfois cécité psychique complète. Le discours se borne par

quelques paroles habituelles; le malade a aussi conservé quelques

gestes habituels. A l'autopsie (en février 1897) on constata un

kyste causé par le ramollissement, sur la surface interne de l'hémis-

phère gauche ; l'avant-coin, en partie le coin et le corps calleux

(dans son tiers postérieur) sont détruits, le lobule paracentral l'est

aussi. Les circonvolutions de la surface convexe sont effacées, l'hé-

misphère est élargi. En comparant ces deux cas, le rapporteur nota

que la paralysie cérébrale infantile d'origine traumatique possède

les mêmes symptômes organiques qu'on observe chez les adultes

dans l'épilepsie traumatique. Le premier cas confirme l'ancien

avis du rapporteur concernant la dépendance du trouble du sens

musculaire de la destruction des fibres arciformes. Dans le second

cas, la lésion primitive en forme de foyer causé par la dégéné-

rescence de la substance cérébrale donna un tableau d'idiotisme

paralytique. Les accès locaux, pourtant, n'étaient pas tout à fait l

perdus dans le tableau compliqué de la maladie et laissaient la pos-

sibilité de diagnostiquer une altération circonscrite (début unilaté-

ral des accès et hémianopsie). Il faut encore faire. attention à cela,

que, malgré une destruction considérable du cerveau et la fai-

blesse psychique, la sensibilité restait normale.

M. RossoLmo trouve irrégulier d'expliquer le raccourcissement t

cubital des doigts par l'influence du manque des fonctions céré-

brales définies puisque d'autres symptômes anatomiques, qui ont

été observés chez des épileptiques, ne peuvent être expliqués de

cette façon.

D'après l'opinion de M. le professeur KOJEWNIK01,,r, d'accord avec

celle de l'auteur, les conclusions définitives ne pourraient être

faites que quand l'examen microscopique sera achevé.

G. ROSSOLItO, N. SCHATALOFF, A. TOKARSKY.

BIBLIOGRAPHIE.

IV. De la toxicité des alcools et prophylaxie de l'alcoolisme;

par le Dl' ANTHEA UME. (Thèse de Paris, 1897.)

Dans cette thèse dont nous allons donner un résumé concis, l'au-

teur discute avec une remarquable logique la question actuellement

si controversée de l'alcoolisme, montrant, d'une part, les résultats

des connaissances expérimentales actuellement acquises sur ce

point, et donnant d'autre part, le véritable remède contre l'intoxi-

cation par l'alcool.

Dans une première partie, l'auteur nous fait, assister, avec nom-

breuses expériences de M. Joffroy à l'intoxication aiguë et chro-

nique de l'alcool. Duns l'état actuel de nos connaissances, l'expéri-

mentation sur les animaux permet : 1° de mesurer dans l'intoxica-

tion aiguë l'équivalent toxique des alcools et de leurs impuretés,

équivalent qui peut être défini : la quantité miiiima de matière

toxique qui, contenue entièrement à un moment donné dans le

sang d'un animal, tuera fatalement 1 kilogramme de matière

vivante; 2° d'évaluer d'une manière approximative la puissance

toxique de ces mêmes substances dans l'intoxication chronique.

Pour obtenir des résultats précis, il faut : 1° introduire le liquide

en expérience par la voie intra-veineuse, pour les mensurations

dans l'intoxication aiguë; ce procédé serait plus exact que les injec-

tions intra-musculaires ou intra-péritonéales ; 2° éviter les coagu-

lations sanguines qui pourraient se produire après la mort de

l'amimal, en additionnant au liquide alcoolique employé un exci-

pient anticoagulant et non toxique, tel que la macération dé têtes

de sangsues (Joffroy et Serveaux). L'appareil le mieux approprié

sera le vase de marotte; on choisira comme animal réactif un

chien, un lapin ou un cobaye ; 3° dans l'intoxication chronique on

aura recours à l'ingestion stomacale et parfois aux injections sous

cutanées et intra-musculaires. Par ces mensurations, M. Joffroy est

arrivé à une conséquence de la plus haute importance, à savoir que :

« dans les boissons alcooliques fortes le taux de l'alcool est si con-

sidérable par rapport au taux minime des impuretés, que l'alcool

même le plus pur et le moins toxique doit être surtout incriminé

dans le developpement de l'alcoolisme ».

De ces résultats précis découle sout naturellement l'indication du

remède, que l'auteur de la thèse étudie dans la deuxième partie de

360 BIBLIOGRAPHIE. '

son travail. Le monopole de la rectification de l'alcool est inutile

puisque l'amélioration de la qualité du toxique, l'élimination des

impuretés, est une question secondaire ; il est dangereux parce

qu'il tendrait à confirmer l'idée, malheureusement trop répandue,

que l'alcool, par lui-même, n'est pas un poison. Ce qu'il faut, c'est

le dégrèvement des boissons aromatiques et les boissons d'un faible

degré alcoolique, c'est surtout l'augmentation de l'impôt d'autant

plus élevé que l'alcool est plus concentré, c'est la suppression des

bouilleurs de cru, la réglementation des débits de boissons enfin

la propagande privée anti-alcoolique. Anselme Schwartz.

V. Etude clinique du dynamisme psychique; par le Dr Henri Aimé

(Thèse de Nancy). Paris, 0. Doin, éditeur (in-8° de 256 p.),

1897.

Ce travail est avant tout clinique, comme M. Aimé a soin de le

faire remarquer dans sa préface. L'auteur a étudié le rôle de l'élé-

ment nerveux dynamique psychique dans diverses affections ner-

veuses. C'est la vieille question, toujours d'actualité, des rapports

du moral et du physique, reprise et rendue susceptible de recevoir

une solution nouvelle par l'introduction de la notion du dyna-

misme. Le dynamisme est « une modalité fonctionnelle », et, an

cas particulier, une modalité de la fonction nerveuse, une variation

des pouvoirs de dynamogénie et d'inhibition dévolus aux neurones

et cellules.

M. Aimé définit ensuite l'élément psychique morbide « toute

action nerveuse anormale qui, ne correspondant à aucune altéra-

tion organique, apparente, connue et durable, se compose d'idée,

d'émotion et dépend de l'individualité psychique. Elle est suscep-

tible d'être effacée par une autre action dynamogénique thérapeu-

tique, telle que la suggestion ».

Le cerveau est un lieu de passage où les sensations analysées

deviennent émotions, idées, volitions. L'idée, l'émotion sont des

phénomènes psycho-dynamiques; la première engendre la seconde,

le plus souvent. Telle est, très résumée, la théorie qui forme la

première partie. Elle est d'une psychologie très contenue, un peu

spéciale, exposée en un style sobre, de signification un peu

ardue.

L'action pathogénique des idées, voilà ce qu'a cherché l'anteur

dans les nombreuses observations qui' composent la partie clinique,

très intéressante et variée. L'élément dynamique psychique cons-

titue seul la maladie, ou bien il dénature l'affection organique à

laquelle il est surajouté, ou bien il précède cette, affection et lui

prépare accès. '

Les crises convulsives hystériques, certaines névropathies locales,

certains tics et paramyoclonus (dont il est rapporté un- cas très

'. , .1 .

BIBLIOGRAPHIE. 361

curieux), les paralysies psychiques, etc., etc., sont des accidents

psycho-dynamiques.

L'auto-suggestion également intervient dans les phénomènes

hallucinatoires au début. Le dynamisme psychique défigure cer-

tains troubles organiques, fait hésiter le diagnostic dans quelques

dyspepsies, l'angine de poitrine, l'épilepsie, etc.

M. Aimé nous donne ensuite trois exemples de polynévrites dans

l'étiologie desquelles se trouve l'émotion morale qui circonscrit un

champ dynamique où l'élément infectieux peut agir, favorisé par

la diathèse, l'individualité. Il n'accorde à l'émotion morale, élé-

ment dynamique, qu'un rôle occasionnel et ne se dissimule pas la

nécessité de l'intervention microbienne.

M. Aimé a résolument pris parti pour les doctrines de l'Ecole de

Nancy. Le chapitre consacré au traitement est un manuel de

suggestion et de psychothérapie, bref et précis. Il peut se résumer

à ceci : guérir l'idée par l'idée judicieusement employée. Les guéri-

sons rapportées sont en faveur de la méthode mise en honneur

surtout par M. le professeur Bernheim.

Nous exprimerons toutefois le regret que l'auteur ne se soit pas

occupé des cas où l'application de cette méthode peut devenir

dangereuse. Il est malheureusement certain aujourd'hui, pour

beaucoup de nos confrères et pour nous-même, que cette méthode

n'est pas toujours sans danger. On voit, en effet, des névroses et

divers troubles mentaux s'aggraver sous l'influence de l'hypnotisme,

de la suggestion, notamment chez des sujets affectés d'une lourde

lare héréditaire. Nous ne trouvons pas dans le travail de M. Aimé

la fixation des contre-indications de la méthode de traitement de

M. le professeur Bernheim, contre-indications qui, à notre avis,

doivent découler notamment d'une différenciation plus complète

qu'elle ne l'est actuellement de l'hystérie et de la dégénérescence

intellectuelle proprement dite.

C'est une lacune regrettable, mais que l'auteur saura bientôt

combler, nous n'en doutons pas; le grand nombre de documents

qu'il apporte à l'appui de ses vues et la discussion judicieuse et

claire qui suit chaque exposé de faits montrent, en effet, la volonté

'de M. Aimé d'apporter toutes les ressources d'un jugement droit

et de fortes études à la mise au point d'une méthode thérapeutique

précieuse en faveur de laquelle il nous donne, en somme, un

excellent et très encourageant p'aidoyer. Dr A. Paris.

NÉCROLOGIE,

Le D' L. CAMUSET

M. le Dr L. CAMUSET, médecin-directeur de l'asile d'aliénés de

Bonneval, est décédé le 11 septembre à la suite d'une longue et dou-

loureuse maladie qui depuis plusieurs mois l'avait arraché à son

labeur et obligé de solliciter prématurément sa mise à la retraite.

Né à Lyon le 8 décembre 1841, Louis CAMUSET fit de brillantes

études au lycée Bonaparte ; il s'incrivit la Faculté de médecine de

Paris et devint peu après externe des hôpitaux. D'une imagination

ardente, d'un esprit vif et curieux, il se sentit bientôt attiré par le

NÉCROLOGIE. 363 3

charme de l'inconnu lointain et s'engagea dans la médecine navale

à laquelle il fut attaché de 1862 à 1867 : quatre longues années pen-

dant lesquelles il resta courageusement sur la brèche au milieu des

marécages mortels de la Guyane. Il en revint épuisé par la terrible

anémie tropicale qui devait faire le sujet d'une excellente thèse inau-

gurale, et après avoir terminé ses études médicales il se mit brave-

ment à affronter dans le département d'Eure-et-Loir les déboires, et

les fatigues d'une pratique des plus pénibles, qu'il exerça pendant

treize ans, sans trêve ni repos, successivement à Arron et à Bonneval.

Les exigences de la clientèle n'avaient pu cependant éteindre son

ardent besoin de connaître, et c'est pendant ces dures années de

pratique médicale qu'il trouva le temps de compléter des études

de psychologie et d'anthropologie commencées déjà sous le ciel de

plomb des îles du Salut, au milieu des déchets sociaux auxquels il

donnait ses soins.

Quand, vaincu par une tâche trop lourde, CAMUSES se décida à

se consacrer exclusivement à la médecine mentale, il possédait les

connaissances les plus étendues dans la physiologie et l'anatomie du

système nerveux, la psychologie normale et l'anthropologie, et il ne

lui manquait que des malades pour devenir le clinicien sagace qu'il

fut bientôt. En entrant dans l'administration en 1881, CAMUSET était

déjà un maître. . ·

Successivement attaché comme médecin adjoint et médecin en

chef aux asiles de Vaucluse, Saint-Alban, Cadillac, Clermont, il

était en 1888 nommé médecin-directeur de l'asile de Bonneval,

dans lequel il vient de s'éteindre à son poste de combat, à peine

âgé de cinquante-six ans.

Malgré les terribles atteintes qu'avait subies sa santé depuis long-

temps, CAMUSE ! ' a conservé, pour ainsi dire jusqu'au dernier jour,

toutes les qualités de cet esprit alerte, 'sagace dans l'observation,

sûr dans la déduction, original dans l'exposition et d'une énergie,

d'une activité peu communes, que beaucoup de nous ont eu l'occa-

sion d'apprécier de près et qui s'est manifesté dans un ensemble de

travaux justement appréciés.

Au cours de dix-sept années qu'il a vécues au milieu d'aliénés, il

a publié un nombre considérable d'observations et de recherches

en clinique mentale, en médecine légale, en anthropologie. La

plupart ont paru dans les Annales médico-psychologiques et les

Archives de Neurologie, dont il a éte l'un des collaborateurs les plus

actifs et les plus estimés. Critique judicieux et toujours bienveillant,

c'est dans ces mêmes Revues qu'il présentait au public médical,

l'analyse substantielle des travaux de neurologie et de psychiatrie

parus en France et à l'étranger.

Membre de la Société médico-psychologique, rapporteur d'une

des questions mises à l'ordre du jour du Congrès des médecins alié-

nistes de 1892 sur le délire de négation, vice-président du Congrès

364 NÉCROLOGIE.

de 1891, lauréat de l'Académie de médecine en 1891 (prix Civrieux)

pour un travail sur la Paralysie générale, CAMUSET avait été fait

chevalier de la Légion d'honneur à la suite d'une épidémie cholé-

rique grave qui avait décimé l'asile de Bonneval en 1893 et pen-

dant laquelle sa modestie n'avait pu l'empêcher de montrer toute

l'étendue de son dévouement professionnel de ses connaissances

d'hygiéniste et d'administrateur.

Plus qu'un clinicien éclairé et un savant infatigable, CAMusET

avait toutes les qualités du maître et si sa voix ne s'est point fait

entendre hors des limites des établissements dans lesquels il a passé

il en faut accuser seulement son horreur excessive du bruit et de

l'apparat qui l'a toujours tenu éloigné des centres intellectuels où

s'agitent le monde et la science. Mais ceux de ses élèves devenus

comme nous ses amis affectionnés, qui, se destinant à la carrière

des asiles, ont eu la bonne fortune d'être ses internes, n'oublieront

point le maître affectueux, serviable et bon, et conserveront tou-

jours l'empreinte de cet enseignement pratique, si clair, si simple,

recueilli chaque jour au chevet des aliénés.

Penseur et observateur profond, d'un éclectisme délicat, d'un

altruisme élevé, CAMUSET a été partout où il a passé l'honneur de

la profession médicale, l'honneur de la science mentale et de la

solidarité humaine. Sa mort prématurée laisse dans la plus

profonde douleur, une femme admirable qui a été fidèle compagne

de sa vie ; elle est une perte irréparable pour ses élèves, ses amis,

la psychiâtrie et le corps des médecins aliénistes.

Les obsèques du regretté D1' CAMUSE ? ont eu lieu à Bonneval

(Eure-et-Loir) le 14 septembre au milieu d'une assistance considé-

rable dans laquelle on remarquait toutes les notabilités électives,

administratives et médicales de la région. Le deuil était conduit par

MM. Jean Camuset et Foret, frère et parent du défunt. Le cercueil

disparaissait sous de magnifiques couronnes de fleurs naturelles.

Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Isambert, député,

vice-président delà Chambre, Jouanneau, conseiller général d'Eure-

et-Loir, président de la commission de surveillance de l'asile de

Bonneval, maire de Bonneval, le Dr Larrieu, ancien maire de Bon-

neval, représentant l'Association des médecins d'Eure-et-Loir, le

Dl' Hiblot, ami du défunt.

Au cimetière, cinq discours ont été prononcés : par M. Amelat,

sous-préfet de Châteaudun, délégué par le préfet, au nom de l'ad-

ministration supérieure; par M. Isambert, député, au nom des

populations de la région ; par M. Jouanneau, au nom de la ville de

Bonneval et de l'administration de l'asile ; par M. le D1' Larrieu, au

nom de l'Association des médecins d'Eure-et-Loir; par M. le

D1' R. Charon, médecin adjoint des asiles publics d'aliénés, au nom

des amis et des anciens élèves du Dr Camuset.

B. CHARON.

VARIA.

L'OPEN-DOOR ou LES aliénés EN LIBERTÉ.

Sous ce titre La Folie, le Petit Parisien du 5 septembre relate

les faits suivants :

Trois aliénés, demeurant dans le quartier Sainte-Avoie, où leur

présence était une cause d'inquiétude ou de scandale pour les voi-

sins, ont été envoyés hier au Dépôt.

Le premier, Henri D..., âgé de quarante ans, domicilié rue de

Montmorency, déclarait qu'il voulait tuer sa femme, ses deux

enfants et son concierge. Il s'était barricadé chez lui, et l'on a eu

toutes les peines du monde à le mettre en voiture pour le conduire

à l'infirmerie spéciale.

Rue Beaubourg, : ylm Gomard, âgée de trente-cinq ans, passait

ses journées à faire chauffer de l'eau, attendant qu'elle fût bouil-

lante pour la jeter sur ses voisins et sur les passants.

Enfin, rue llfichel-le-Comte, M ? Houdin, âgée de cinquante ans,

qui se montrait d'une lucidité parfaite sur tout ce qui concernait

son ménage, divaguait aussitôt qu'elle se trouvait dans la rue.

Elle regardait le ciel, montrait aux passants des étoiles invisibles

et leur faisait un cours incohérent d'astronomie qui avait le don

de provoquer' de nombreux rassemblements et d'interrompre la

circulation dans les rues étroites des quartiers du centre. En raison

des accidents qui auraient pu se produire/M. Carpin, commissaire

de police, a dû envoyer également Mme Houdin à l'infirmerie spé-

ciale du Dépôt.

Deux gardiens de la paix de service rue de la Coutellerie, ren-

contraient, hier matin, un monsieur fort bien mis qui leur deman-

dait où se trouvait la rue du Faubourg-Baniez. Ne connaissant ni

l'un ni l'autre cette rue, les gardiens la cherchèrent dans leur

guide sans, d'ailleurs, pouvoir la trouver. Mais leur interlocuteur

insista et les somma d'avoir à l'y conduire, car c'était là, disait-il,

qu'il occupait une grande maison au numéro 220. Une discussion

s'ensuivit au cours de laquelle le singulier passant tomba à bras

raccourcis sur les agents. Ceux-ci le conduisirent au commissariat

de M. Lawail, où tout s'expliqua.

On se trouvait en présence d'un aliéné, un commerçant demeu-

rant à Orléans, M. Alfred Larousse, âgé de cinquante-deux ans,

366 faits DIVERS. ·

qui se croyait être dans sa ville natale, où il a habite véritable-

ment le faubourg Baniez. On se demande comment le malheureux

fou a pu venir jusqu'à Paris. Il a été dirigé sur l'infirmerie spéciale.

Séquestrations illégales dans LES hôpitaux... EN 1741.

Dans les annexes du livre d'Eugène Pelletan, intitulé : Jarozcsseau,

le pasteur du Désert, nous trouvons l'extrait suivant d'une lettre de

M. deMaurepas, en date du 13 novembre 1741 :

« L'évêque de Saintes marque que les femmes qui ont paru,

il y a quelque temps, dans les assemblées religionnaires dans les

environs de Royan et qui faisaient les fonctions de ministres et de

prédicantes, continuent toujours à y paraître et y font la même

impression. On ne crut pas devoir alors traiter fort sérieuse-

ment ce nouveau spectacle. Cependant, il convient que vous vous

fassiez informer si ces assemblées continuent et si ces mêmes

femmes qui y faisaient personnages continuent toujours d'y paraître

de la même manière. En ce cas vous pourriez m'envoyer les noms de

quelques-unes qu'on ferait ENFERMER comme insensées à l'hôpital de

la Rochelle. »

FAITS DIVERS.

ASILE(D'ALIÉNÉS, Nominations et promotions : lf, le D1' LorF,

médecin-adjoint à l'asile de Prémontré, est promu à la classe excep-

tionnelle (ler juillet); AI. DUBUISION, médecin en chef à l'asile cli-

nique, estnomméàla classe exceptionnelle (2 juillet); \I. le D1' ALAM-

BERT-GOGET, médecin-adjoint à Bassen, est promu à la Ira classe

(28 juillet); M. le Dr BOISSIÈRE, médecin-directeur de l'asile de Saint-

Alban, est promu à la po classe (28 juillet); M. le Dr ViGOUROux,

médecin-adjoint à l'asile d'Évreux, est nommé au même grade à la

colonie de Dun-sur-Auron (21 juillet); M. le D1' Cosr,E est nommé

médecin-adjoint à l'asile de Mareville (2 août).

Suicides d'enfants. Le jeune Louis Boucher, âgé de quinze

ans, demeurant chez ses parents, à Adamville près Rambouillet, a

été trouvé pendu hier matin à un arbre dans la forêt de Chamoise.

On ignore la cause de- sa fatale détermination. (Le Petit Parisien

du 6 sept.)

Les miracles de Lourdes. On écrit de Nancy : Un forgeron de

Dieulouard, M. Pierre Frédéric, âgé de quarante-cinq ans, qui

.BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 367

faisait partie d'un pèlerinage revenant de Lourdes, s'est trouvé

mal en gare de Nancy. On lui apporta une tasse de bouillon dont

il absorba à peine quelques gouttes; il s'affaissa et mourut soudai-

nement. Son cadavre a été transporté à l'Institut anatomique aux

fins d'autopsie. (Le Petit Parisien du 12 sept.)

Combustion rapide d'un alcoolique. Le nommé François

Hinault, âgé de cinquante-quatre ans, maître couvreur à Saint-

Brieuc, rentrait ivre à son domicile. Il alluma une bougie et, celle-ci

à la main, il voulut aller dans une autre chambre. Il tomba. Le

feu prit à ses vêtements et bientôt, au dire des personnes accourues

en entendant ses gémissements, « il flamba comme un bol de

punch ». On le transporta à l'hôpital, où il est mort hier des suites

de ses brûlures. (Le Petit Parisien du 12 sept.)

INCENDIE A l'asile d'aliénés DE PAU. Un incendie s'est déclaré,

hier au soir, dans l'asile d'aliénés de Saint-Luc, près de Pau. Le feu

a pris dans un couloir du rez-de-chaussée. Grâce à la promptitude

des secours, il a pu être éteint sans qu'on ait eu de graves acci-

dents de personne à déplorer. Les aliénés que l'on avait conduits

dans d'autres bâtiments ont pu, ce matin, rentrer dans leurs dor-

toirs habituels. (Le Temps, numéro du samedi 31 juillet 1897.)

Une mission pour l'étude DE l'alcoolisme. M. Lewy d'Abar-

trague, ingénieur civil, publiciste, est chargé, disent les Annales

médico-psychologiques, par le ministre de l'intérieur d'une mission

en Allemagne, en Russie et en Suède, ayant pour objet l'étude des

moyens employés pour combattre l'alcoolisme dans ces différents

pays et des résultats obtenus. Nous verrons bientôt, sans doute,

des médecins envoyés en mission pour étudier à l'étranger la cons-

truction des chemins de fer.

Colonisation DES déments séniles. Le conseil général de la

Seine a, dans sa séance du 8 juillet 1897, voté une somme de

47 000 fr. pour la création, à Levet (Cher), d'une annexe de la

colonie familiale de Dun-sur-Auron. '

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

13eeu·rFnFw (\V.). Uebel' die Anivendung der lIelfl'llhe bei reisles-

krnrrkeu. Brochure in-8" de 5 pages. Cohlenz, t8U7. Librairie

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triinge. Brochure in-8° de 3 pages, avec 2 figures. Leipzig, 1877.

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Krankhof 1er Stôrung. Brochure in-8° de 6 pages. Leipzig, 1897.

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BECHTEREW (W.). Ueber die Kercle der m ? '/ den Augezzbave ,r¡Il71gen

in Re : ;iels1'll71,r¡ ! 3teh ! }nden Nerven (des Oculomolorius Abducens und

Trochlearis) and iiber die Verbindung derselben un 1er ciMa ? t(/er.

Brochure in-8° de 9 pages, avec 11 figures. Saint-Pétersbourg, 1897.

Chez l'auteur.

BECHTERE1V (W.). Ueber Myolonie und ihre Behandll/1lg, Bro-

chure in-8° de 9 pages. Saint-Pétersbourg, 1897. Chez l'auteur.

Buschax (G.). Bibliogoaphisclzer Semeslerbericht der Is'rsclzeizzunez7

auf dem Gebicte der Neurologie und Psychiatrie (2° année 1896,

2° cahier). Volume in-8° de 187 pages. Prix : 5 fr. 60. Iéna, 1897.

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Collet. (F. -J.). Les troubles auditifs d'ans les maladies nerveuses.

Volume in-12 de 182 pages. Paris, 1897. Librairie Masson et Cio.

Constantin. La réforme de l'orthographe. Brochure in-8° de

16 pages. Paris, 1897. Chez tous les libraires.

DEMOOR (J.). Les enfants anormaux, leur éducation. Brochure

in-8° de 24 pages. Gand, 1897. Imprimerie Vander Ilaeghen.

DENTI (F.). Resoconto clinico del comparlo ottallnii nel' ospidate

maggi01'e di j)f ? 7a ? io (1893-1894). L'Acl'omegalia nei suoi rapporli

coll' organo visivo. Nota suU' oltalmia migraloria o SM ? tpa/ ! ea.

Volume in-4" de 318 pages. Milan, 1897. Tipografia del Riforma-

torio Patronato.

Fargas (1L-A.). El major procimienlo de hislereclomia abdominal

en los casos de miomas uterizzos. Brochure in-8° de 26 pages. -

Madrid, 1897. (Anales de obsletricia, gizzccopatia.)

Finzi (J.). / fenomeni e le dollnine clel senso zzzuscolare. Bro-

chure in-8° de 32 pages. Iteggio-Emilia, 1897. Tipografia S. Cal-

derini e Figlio.

Mau.u.m. Centres de projection et centres d'association du cerveau.

Brochure in-8° de 8 pages. Liège, 1897. Imprimerie Faust.

l'IEIIRET (A.). Considérations synthétiques sur la palhogénie du labes.

Brochure in-8° de 76 pages. Lyon, 1897. Imprimerie L. Oela-

roche et Cie.

SANO (F.). Les localisations motrices dans la moelle louzbo-srrcrée.

Brochure in-8° de 11 pages, avec 7 figures. Extrait du Journal de

Neurologie. Bruxelles, 1897.

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du langage. - Brochure in-8° de 23 pages. Extrait du Journal de

Neurologie. Bruxelles, 1897.

SCHIPTURE (E.-M.). The new psychology. Volume in-12, relié, de

xxm-500 pages, avec 121 figures. London, 1897. W. Scott.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Lvrew, Cli. IIÉ111sSE\, ¡mp. - 1007.

Vol. IV. Novembre 1897. N° 23.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDGE1;

Par le D'' F. TERRIEN,

Ancien interne des asiles de la Seine.

Observation XII. - Diabète insipide hydrurique chez un enfant de

vingt-deux mois. Durée cinq mois. Sueurs abondantes succédant à

celte hydrurie. Tare nerveuse, tempérament nerveux.

C'est également un enfant naturel comme le diabétique précé-

dent. Son père est inconnu. Sa mère est très nerveuse. La grand'-

mère l'est encore davantage. Les tantes et les oncles ont tous un

caractère bizarre marqué quelque peu de dégénérescence.

1893. Septembre, - Depuis quinze jours, la mère remarque que

l'enfant boit beaucoup et urine beaucoup ; ce n'était pas certes une

soif aussi violente que celle notée dans obser ? lion précédente; cepen-

dant, le bébé buvait litres environ. Pour l'urine, la mère ne peut

donner même un chiffre approximatif; est-ce titres ou 5 litres, elle

ne le sait; mais à chaque instant le bébé urinait, c'est tout le ren-

seignement que je pus obtenir. On comprend, du reste, aisément

l'impossibilité qu'il y a à recueillir toute l'urine de la journée chez

un enfant de cet âge, d'autant plus qu'il paraissait avoir une

intelligence trop obtuse pour qu'on pût songer à lui faire com-

prendre qu'il fallait uriner da ? un vase, mais il urinait presque

autant qu'il buvait, voilà un , il*t certain. Son urine est claire, lim-

pide, ne donne pas d'odeur .mmoniacale et pas de dépôt, même

après un séjour de plus d',lrl mois dans un récipient ouvert. On

dirait absolument de l'eau de source. Pas la plus légère trace de

sucre. C'est donc encore un cas de diabète insipide.

1 Voir Archives de Neurologie, no 22.

. Archives, 2e série, t. l1'. 21 r

370 CLINIQUE NERVEUSE.

Malheureusement, je n'ai pas l'analyse complète de l'urine (c'est

pour cela que mon observation sera brève). Je remettais toujours

au lendemain cette analyse, et il est arrivé que, l'enfant, m'ayant

surpris par une guérison subite, à laquelle je ne m'attendais guère,

je n'ai pu avoir l'analyse.

Pendant ce diabète, l'appétit de l'enfant était normal, le facies

était un peu pâle mais non amaigri, ventre ballonné. Cetétat a duré

cinq mois, puis tout d'un coup la soif a disparu et la polyurie et la

polydipsie ont baissé aussitôt.

Je n'ai plus revu l'enfant. Il y a deux mois, appelé dans le village

habité par le bébé, je trouve la grand'mère qui me parle de mon

ancien malade. « Son affection ne s'est pas reproduite, mais je

crois bien que son urine s'est changée en sueurs, car nous sommes

obligés de changer son linge quatre ou cinq fois par jour. Hiver

comme été, ses habits sont trempés comme si on les plongeait dans

l'eau, mais il ne boit pas comme autrefois, un peu plus que les

autres enfants cependant. A part cette petite infirmité, il se porte

très bien. »

Ce cas ressemble assez à celui d'un homme de cinquante

ans à qui j'ai donné mes soins, qui a présenté un diabète

insipide hydrurique hystéro-traumatique, le diabète surve-

nant subitement après une chute à terre (il avait été terrassé

par un boeuf), manifestation évidemment hystérique. Dans le

cours du diabète il survenait des crises de sueurs vraiment

extraordinaires, pendant lesquelles l'urine diminuait d'une

façon notable.

Pour en revenir à notre petit malade, j'en fais un diabé-

tique hystérique, ces sueurs peuvent bien être de nature

hystérique.

Observation XIII. . Coxalgie hystérique chez un jeune garçon de sept

ans. Guérison au bout d'un mois et demi.-

Jan..., sept ans. C'est le frère de la petite J... de l'Observa-

tion VI. On s'aperçoit un jour qu'il boite en marchant; la cause de

cette claudication semble, pour les parents, résider dans la hanche

droite; on le conduit dans mon cabinet, et voici les constatations

qu'il m'est donné de faire :

1891. Janvier. Douleurs vives à la pression, au grand tro-

chanter, au sacrum et à l'aine. Cette douleur s'irradie le long de

la cuisse à la face antérieure.

Le pli fessier n'est pas au même niveau que le pli fessier opposé;

une légère ensellure lombaire existe; quand je veux faire mouvoir

la cuisse, l'enfant crie que je lui fais mal. Jé n'entends pas de cra-

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 371 1

quements, l'article est donc libre. Claudication très accentuée. C'est

donc bien, à part l'absence du craquement, le tableau de la coxal-

gie organique. Et pourtant l'évolution de la maladie, sa terminaison

heureuse au bout de deux mois, indiquent nettement, malgré l'ab-

sence de stigmates, que nous nous trouvons en face d'un phéno-

mène hystérique. Du reste, l'hérédité est là : hérédité névropathique

et non tuberculeuse, la soeur ayant présenté de la pseudo-ménin-

gite (Observation VI) et de la pseudo-coxal"ie

Et puis, un an avant cet accident de pseudo-coxalgie, cet enfant.

aurait eu de l'oedème de la jambe avec douleur vive le long du tibia;

j'avais cru à de l'ostéite lorsque, à mon grand étonnement, oedème

et douleur avaient disparu. C'était forcément une manifestation de'

la névrose hystérique.

Depuis cette époque, l'enfant s'est bien porté; il a maintenant

douze ans; il est fort et vigoureux, et il commence à aider ses

parents aux travaux de labour.

Observation XIV. Fillette de sept ans. Etouffements nerveux, eii ? ,ozie-

ment nerveux. A quatorze ans, après une tentative de viol, crises

de sommeil, aboiement nerveux, accès convulsif.

Poir..., sept ans. Plusieurs fois on m'avait conduit cette jeune

fille; un jour c'était pour des étouffements nerveux qui inquiétaient

les parents, étouffements survenant par accès dont la durée variait

de huit à quinze jours2. D'autres fois c'était pour un enrouement

très prononcé qui faisait craindre le croup à la famille. En raison

de l'hérédité nerveuse de l'enfant- grand'mère maternelle hysté-

rique avec crises mère et tantes maternelles très impression-

nables, névropathes ; j'avais porté le diagnostic : étouffement, enroue-

ment hystérique. Diminution de la sensibilité du pharynx.

Il y a huit mois (septembre 1896), un fournisseur vient dans la.

maison où elle servait de petite bonne d'enfant, et essaie, en l'ab-

sence des maîtres, de la violer. Aux cris de la petite fille on accourt,.

et le viol n'est pas consommé, mais deux heures après on trouve-

l'enfant couchée et profondément endormie, sa maîtresse a beau-

coup de peine à la faire sortir de ce sommeil. Les étouffements.

qu'elle a présentés à sept ans, se reproduisent, mais avec une plus

1 Ces pseudo-coxalgies sont assez fréquentes en Vendée. J'ai noté dans s

les Archives de Neurologie une petite épidémie de coxalgie à laquelle

j'ai assisté. Jules Simon, Société des hôpitaux, 189G, signale un joli

cas de coxalgie chez un petit malade de douze ans qui avait fait sa

pseudo-coxalgie en regardant ses petits camarades de Berck, atteints de

coxalgie véritable.

2 Ces crises d'étouu'ement,.de laryngisme sont très fréquentes chez les

enfants hystériques. Bien des fois j'ai été appelé à les constater dans ma

clientèle.

372 CLINIQUE NERVEUSE.

grande intensité; l'enfant, le visage anxieux, la bouche ouverte, le

corps plié en deux, les mains crispées s'accrochant aux meubles,

essaie, en se débattant, d'avoir une large respiration qui ne vient

pas.

A cette période de crises, caractérisées par des étouffements,

période qui dure un mois, en succède une autre marquée par des

phénomènes plus bruyants : toutes les heures environ, elle se met

à pousser des cris aigus, tellement aigus qu'ils s'entendent de loin.

Quand l'enfant sent venir sa crise, elle se jette à terre, et là, la

bouche largement ouverte, elle laisse échapper de véritables aboie-

ments qui, la nuit, réveillent les gens du quartier. Par la compres-

sion des ovaires, j'arrive à arrêter la crise; par la suggestion, je

l'ai supprimée totalement.

Cette fillette a, parait-il, en ce moment, de grandes crises avec

chute à terre, perte de connaissance, mouvements convulsifs. On

n'a pas voulu me faire appeler parce que les parents s'imaginent

qu'elle tombe d'un « haut mal », et qu'elle n'a pas besoin du secours

inutile de son médecin. J'avais constaté un retrécissement con-

centrique très marqué du champ visuel, lors du dernier examen.

Évidemment ces dernières crises sont des crises d'hystérie.

Observation XV. Enfant d'un an. Crises d'hystérie. Convulsions

toniques, cloniques sans aura, sans sommeil consécutif.

Hérédité maternelle et paternelle. Père alcoolique. Mère ner-

veuse. Tante maternelle hystérique. .

L'enfant jusqu'à un an n'a rien présenté de particulier, la den-

tition s'est bien effectuée, santé générale excellente. Pas de cons-

tipation, pas de diarrhée ; l'enfant est nourri aux seins. A l'âge

d'un an il a sa première crise : les membres se raidissent, les yeux

sont convulsés en haut, la face est violacée. Puis les convulsions

cloniques apparaissent, au bout de deux minutes la crise cesse et

l'enfant se met tantôt à rire, tantôt à crier. Pas de coma succédant

à l'agitation. Lorsque j'arrive la première fois pour voir l'enfant,

la seconde crise venait de se terminer, et je trouve un beau bébé

qui, certes, paraissait nullement souffrir, il s'amusait. Je réserve

mon diagnostic : était-ce une crise réservée à la dentition ? Était-ce

une crise due à quelques lombrics ? Etait-ce une crise d'hystérie ou

d'épilepsie ? Le réveil, à coup sûr, n'était pas celui de l'épilepsie.

Le lendemain on me rappelle, une nouvelle crise s'était pro-

duite, pendant ma consultation, nouvel accès en tout semblable à

celui que j'ai décrit plus haut. Puis tous les mois environ, et cela

pendant plus d'un an ces mêmes crises se répètent. Depuis trois

ans les accès n'ont pas reparu. L'enfant très intelligent a un carac-

tère irritable, sensible, pleurant [pour de futiles motifs. Il a des

terreurs nocturnes, se jette subitement hors de son lit croyant voir

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 373

des bêles qui viennent le dévorer, etc., incontinence nocturne

d'urine'. La recherche des stigmates hystériques ne donne pas

de résultats ; les crises se répétant tous les mois, pendant un an et

demi, dans la forme que j'ai décrite plus haut, leur disparition

depuis trois ans, le caractère de l'enfant, la tare héréditaire, tout

plaide en faveur de la névrose.

Observation XVI. Somnambulisme hystérique. Vision à distance.

Enfant de treize ans.

C'est avec une certaine timidité que je trace l'histoire de cette

malade; mais le clinicien qui a observé doit dire tout ce qu'il a vu,

si extraordinaires, si invraisemblables que puissent paraître les

phénomènes offerts à son observation, surtout s'il les a étudiés

scrupuleusement avec l'exactitude scientifique la plus rigoureuse.

On doit, du reste, se souvenir que le vrai n'est pas toujours vraisem-

blable. Dans mon travail sur l'llystérie en Vendée (numéro de

décembre 1893 des Archives de Neurologie) j'avais à propos d'une

grande hystérique ayant présenté successivement contractures,

cécité hystérique, surdité hystérique, raconté le fait suivant. Je cite

textuellement :

« Un jour que la jeune fille était étendue, malade, dans son lit,

elle aurait raconté dans tous ses détails, à sa soeur, le voyage que

faisait en même temps sa mère, lui disant l'argent qu'elle avait

emporté, les personnes qu'elle avait rencontrées dans le cours de ce

voyage, le cadeau qui lui était fait (deux rosiers ayant chacun une-

rose épanouie). Quand la mère rentra, la soeur ne put s'empêcher

de rire, en voyant à la gare d'arrivée sa mère portant les deux

rosiers à la main et en lui entendant raconter toutes les péripéties

d'un voyage qu'elle connaissait déjà. Il m'est, il est vrai, ajoutais-

je, impossible de garantir l'exactitude de ce fait que je mentionne

sous toutes réserves. »

Voilà ce que j'écrivais en 1893. Étais-je convaincu ? Non. Les

réserves de la fin l'indiquent. Cependant je n'avais pas cru devoir

omettre dans la description de la vie pathologique de ma malade

ce fait étrange, d'autant qu'il m'était rapporté par la soeur témoin,

femme intelligente à l'esprit cullivé, et dont la bonne foi ne

devait guère être suspectée.

Dans l'observation qui va suivre, on va trouver la confirmation de

ce fait, et le cas, nous le verrons, semblerait probant, et de profond

sceptique que j'étais, je vais être obligé aujourd'hui de me con-

* Cette incontinence nocturne d'urine est un accident fréquent chez les

enfants hystériques. Culerre, médecin en chef de l'asile de la Boche-

sur-Yon, en a signalé de nombreux cas dans les Archives de Neurologie.

Plus heureux que moi il en a guéri heaucoup par la suggestion hypno-

tique.

374 CLINIQUE NERVEUSE.

vaincre, bien qu'il m'en coûte encore; je vais être obligé de croire

que les phénomènes de vision à distance existent réellement ; sans

- cela je ne vois comment on pourrait explique ! ' les faits dont j'ai été

le témoin, où toute supercherie, nous le verrons, doit être écartée.

Estelle S..., treize ans, a une mère nerveuse, un père intelligent,

mais ayant présenté à l'âge de trente ans de la mélancolie,1 avec

idées de persécution, puis de persécuté il était devenu persécuteur

et avait menacé de tuer son maître.

Antécédents pel'SOl1l1els. - Rien à noter dans sa première enfance.

A dix ans elle est atteinte de diphtérie grave. Elle est intelligente,

a acquis une assez bonne instruction primaire. A treize ans elle

entre en apprentissage comme tailleuse et c'est grâce à cette cir-

constance qu'il m'a été permis d'examiner la fillette. Il est d'usage

à la campagne que les ouvrières travaillent chez les particuliers.

Ainsi, elle n'était pas venue chez moi connue malade, elle était

pour travailler à la couture. Sa maîtresse, après le déjeuner, déclare

qu'elle a sommeil : « J'ai également sommeil, » dit la fillette. A

peine a-t-elle prononcé ces mots qu'elle s'endort. Lorsque sa mai-

tresse se réveille après quelques instants, elle secoue la jeune

Estelle pour la remettre au travail, impossible de la tirer de son

sommeil ; c'est à ce moment qu'on m'appelle dans la chambre de

travail. Je trouve la petite dormant profondément, elle est insen-

sible aux piqûres, les membres soulevés retombent inertes, ils sont

en résolution complète. Je lui parle à l'oreille, elle ne répond pas.

C'était du sommeil hystérique. Après une heure d'un calme com-

plet, la malade toujours couchée commence à se plaindre, elle

pleure, elle a peur; elle a, sans doute, des hallucinations terri-

fiantes ; puis elle se lève brusquement de son siège, se met à chan-

ter, à danser, quelquefois les yeux ouverts. Elle parle avec une

volubilité extraordinaire. On l'interroge, elle semble ne pas

entendre, ou, du moins, elle continue son thème commencé sans

se préoccuper de la question posée, à moins que cette question

.présente quelques rapports avec le sujet qui la préoccupe. Mais voici

où son histoire commence à être intéressante. J'avais depuis plu-

sieurs jours égaré des clefs qui m'étaient indispensables; alors

voici ce que la fillette raconte dans son sommeil : « Tu as perdu la

clef de ta caisse (quand elle dort, elle tutoie tout le monde et

appelle chacun par son prénom), tu en as eu besoin pour payer

une traite et il t'a fallu aller chercher le serrurier, etc... Je

la vois cette clef, elle tient à un anneau, c'est la plus grande du

trousseau qui en contient trois, les deux autres sont plus petites,

j'en.vois une qui paraît mieux que la grande. » Elle donna ensuite

.d'autres détails qu'il serait trop long d'énumérer, et qui étaient

-absolument exacts. En effet, je me souvenais que j'avais eu l'idée

'de mettre mes clefs dans un lieu sûr pour les soustraire aux regards

d'une jeune bonne Estelle me rappela ce fait et au moment

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDUE. 375 5

où l'on m'apportait la traite je ne pus me souvenir dans quel

endroit j'avais caché mes clefs.

J'étais absolumentstupéfait, d'autant que c'était la première fois

que la fillette venait chez moi et que je n'avais pu confier à qui que

ce soit les renseignements précis qu'elle venait de si bien exposer.

Autre détail. Elle continue : « Tu arrives de Chauché voir des

malades, tu en as vu quatre au lieu d'un qui t'avait appelé. » C'était

encore exact.

En face de ces révélations je devais, évidemment, chercher à

poursuivre l'expérience. Je prends discrètement son mouchoir et

vais pour le cacher d'abord dans la salle à manger, ensuite dans

le berceau de mon enfant ; 'ne trouvant pas le lieu assez sûr, je

l'enfouis sous des papiers au fond d'une caisse, et je reviens près

de ma petite hystérique. Au bout de quelques minutes elle trouve

l'absence de son mouchoir, elle sort alors précipitamment, tra-

verse les yeux fermés un long couloir, pénètre brusquement

dans la salle à manger, va au berceau, puis s'éloigne pour se diri-

ger vers la cuisine auprès de la caisse, soulève un amas de papier

et de chiffons, retire son mouchoir et retourne à sa place dans la

chambre de travail. -

Elle avait suivi exactement le trajet que j'avais parcouru, sui-

vant pour ainsi dire ma pensée qui m'avait porté d'abord à cacher

l'objet dans un endroit, puis dans un autre de préférence.

Je lui prends alors sa broche fixée à son corsage, et vais la poser

dans le salon derrière la pendule (les persiennes étaient fermées,

il y faisait noir); quelques minutes après elle s'aperçoit de la dis-

parition de sa broche, elle s'empresse de se diriger vers le salon et

malgré l'obscurité qui régnait dans la pièce, elle relire, sans rien

casser, la broche que j'avais cachée. Et c'était la première fois qu'elle

venait chez moi, elle ne connaissait pas l'appartement,j'étais donc

étonné de la voir se diriger vers la pendule avec une aussi grande

sûreté 1. Ce qu'elle m'avait raconté tout à l'heure m'avait, je l'ai

dit, stupéfait; ce qu'elle venait de faire ne m'étonnait pas moins.

Il est inutile de citer d'autres expériences qui, toutes, semblent

indiquer, chez notre jeune hystérique, une vision à distance très

nette dont il m'est difficile de nier l'existence. Car ici, je le répète,

pas de supercherie possible : il n'y avait que deux acteurs dans ces

diverses scènes, elle et moi, la malade et le médecin et un médecin

très sceptique sur cette matière, qui ne voudrait pas croire ce qu'il

ne comprend pas. C'est dire le soin, l'attention que j'apportais

dans mes expériences.

J'ai assisté cette malade durant cinq ou six crises de ce sommeil

' Les paupières ne formaient nullement écran devant ses yeux, car elle

se promenait dans ces longs couloirs et dans ces chambres avec autant

d'aisance les yeux fermés que les yeux ouverts.

376 CLINIQUE NERVEUSE.

hystérique dont la durée variait de quatre à six heures, c'est tou-

jours le même tableau : premièrephase,sommeilcalmesans paroles,

membres en résolution, anesthésie .complète ; deuxième phase, la

malade au bout de trois quarts d'heure à une heure commence il

s'agiter, elle est sous le coup d'hallucinations, elle pleure, elle rit,

elle parle avec une plus grande facilité d'élocution qu'à l'état nor-

mal1. Si un sujet la préoccupe à l'état de veille, c'estce sujet qu'elle

abordera tout d'abord; elle ne répond pas aux questions posées;

troisième phase, ce sont alors de grands mouvements, elle danse,

elle saute, elle court d'une chambre dans l'autre, tantôt les yeux

ouverts, tantôt les yeux fermés. Elle se conduit partout avec aisance

sans se heurter aux obstacles. Elle cite des faits dont elle n'a nulle

souvenance après le sommeil, telle l'histoire de la clef que j'ai

rapportée plus haut; elle ne sait pas ce que je veux lui dire quand

je lui parle de ces clefs dont elle donnait si bien, tout à l'heure, la

description ! 1 .

Que conclure ? Il m'est impossible, après cette constatation,

de nier que la vision à distance existe. Ces deux exemples le

prouvent, celui que j'ai rapporté dans les Archives de J\Teu1'O-

logie et que mon frère a rappelé dans sa thèse « Hystérie en

Vendée » et ce dernier cas plus probant.

Essaierai-je de l'expliquer ? Ne le comprenant pas, je ne

peux donner une solution. Du reste, en face de phénomènes

présentés par l'hystérique, on se trouve le plus souvent en

face des mêmes difficultés.

Comprend-on aisément comment, en frappant sur l'épaule

d'un hystérique, qui est à l'état de veille, et en lui déclarant

qu'il ne peut plus remuer le bras, on puisse entraîner de

suite la paralysie, paralysie que l'on fera disparaître aussi

aisément qu'on l'a fait naître ? Et cet aveugle hystérique à

qui l'on donnera, par le simple commandement, la vision ?

On constate les faits, mais pour les expliquer on ne peut

recourir qu'aux hypothèses el, seraient-elles vraisemblables,

elles ne sont toujours que des hypothèses.

Tout est donc étrange, presque mystère dans l'hystérie;

cette dernière observation en est une preuve nouvelle.

Observation XVII. Enfant de sept ans. Hystérie et dégénérescence

mentale. Vomissements hystériques incoercibles. Peur du tambour

et du violon. Guérison par suggestion. Persistance des autres

manifestations.

C..., âgée de sept ans, est amenée dans mon cabinet, elle n'a

1 Elle est ordurière dans ses expressions (coprolalie).

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 377 l

point une physionomie intelligente : front fuyant, crâne asymé-

trique ; elle présente les signes physiques de dégénérescence. Sa

mère qui me donne les renseignements, semble avoir un niveau

intellectuel peu élevé.

Cette petite fille, âgée de sept ans, vomit depuis un mois ; à

peine ingère-t-elle un aliment que son estomac le rejèle aussitôt ;

l'appétit pourtant est excellent, la langue n'est pas très chargée,

les selles sont régulières. Comme stigmates d'hystérie (car je pense

a des vomissements hystériques) je ne trouve rien. Cependant les

vomissements sont hystériques car je plonge l'enfant dans le som-

meil hypnotique, je lui défends de vomir et elle m'a obéi, les

vomissements ont disparu.

J'essaie également de supprimer les craintes qu'elle avait du

tambour et du violon, sur ce point je n'ai pu réussir. Sa mère me

racontait qu'elle ne pouvait supporter le bruit de ces instruments,

elle jetait des cris et se renfermait dans une chambre. Ce résultat

confirme bien ce que j'avançais dans une précédente étude sur

l'hystérie en Vendée. La suggestion, dans l'hystérie, est le traite-

ment par excellence ; mais dans les autres affections nerveuses,

neurasthénie, dégénérescence mentale, etc., elle est presque tou-

jours sans effet.

Les vomissements chez cette enfant ont reparu deux ans après,

le même traitement employé a été suivi des mêmes résultats.

Observation XVIII. Chorée rythmique chez un enfant de huit ans.

Paralysie spinale ((trophique,

Chorée rythmique (danse de Saint-Guy) chez un enfant de huit

ans qui avait été frappé d'une paralysie spinale atrophique à deux

ans et demi et qui présente actuellement une atrophie considérable

de la jambe droite avec pied bot. Varus équin.

Je ne pourrais dire que quelques mots sur ce cas pourtant inté-

ressant, je ne retrouve que des notes incomplètes sur ce malade.

Si j'en fais mention ici, c'est parce que cet enfant présente un bel

exemple d'hystérie associée à une affection organique.

Voici les quelques notes recueillies sur ce petit garçon amené de

loin et rencontré qu'une seule fois dans mon cabinet :

1896. Août. Garçon de huit ans. Paralysie à deux ans et demi,

atrophie consécutive de la jambe droite, déformation du pied

(pied bot, varus équin). A huit ans, il présente de la chorée

rythmique, mouvements saltatoires ; il danse sur place pendant

des heures entières sans qu'il soit possible de l'arrêter.

Quand il commence sa danse, c'est un balancement régulier de

tout le corps. Pas de réflexes pharyngiens, il a eu fréquemment des

crises de dyspnée avec toux croupale.

378 CLINIQUE NERVEUSE.

Nous trouvons donc ici association d'une chorée hysté-

rique avec une affection médullaire. J'aurais pu ajouter

bien d'autres observations, mais je devais me limiter. Je

tenais à signaler les cas les plus intéressants parmi ceux qu'il

m'a été donné d'étudier pendant cette période de huit années,

passée en Vendée, et avant tout je ne voulais présenter que

des malades dont l'hystérie ne pouvait être mise en doute.

Car en raison de la difficulté très grande, de l'impossibilité

souvent qu'on a de démasquer les stigmates de la névrose

chez l'enfant, l'incertitude du diagnostic est plus fréquente

ici que partout ailleurs, et si cette insuffisance des stigmates

révélateurs éclate à chaque pas dans le cours de ce travail,

en tête de mes observations, j'ai su du moins relever une

série de faits se succédant chez le même enfant à plusieurs

années de distance, devant entraîner la certitude du dia-

gnostic là où le premier accident pris isolément pouvait le

rendre fort discutable ou tout au moins appelait quelques

réserves.

Ainsi l'exercice de la médecine à la campagne, au milieu

des inconvénients sans nombre qu'il présente, offre cet avan-

tage, qui, dans la pathologie nerveuse, est particulièrement

appréciable : on peut suivre longtemps son jeune malade, on

le voit naître, grandir, on ne le perd pas de vue, surtout

dans ce coin de la Vendée où presque chaque habitant a sa

maison à lui, son coin de terre qu'il cultive; à ce sol qui l'a

vu naître, il reste profondément attaché, si un instant il s'en

- éloigne, c'est pour y revenir à la première occasion. Aujour-

d'hui vous le voyez dans tel petit village, dans quelques

.années vous le retrouverez sous le même toit ou sous un toit

très voisin. C'est dans le tempérament vendéen.

Je me hâte de conclure, et mes conclusions, je dois le dire

dès maintenant, seront en partie conformes à celles qui sont

généralement acceptées aujourd'hui :

1° L'hystérie existe chez les enfants et tous les âges, aussi

bien chez le nouveau-né et à la première enfance, qu'à la

seconde forme et dans l'âge qui précède la puberté. Ce point

n'est point discutable, aussi je n'insiste pas. Du reste, sur

J 8 cas d'hystérie, relatés ici, nous en trouvons 8 au-dessous

de quatre ans et autant de petits garçons que de fillettes;

2° Elle est aussi fréquente que chez les adultes. L'est-elle

davantage ? Je ne saurais le dire.

HYSTÉRIE INFANTILE EN YE ? \DÉE. 379

L'impressionnabilité plus grande dans un cerveau encore

rudimentaire, que la raison ne dirige pas, où presque tout

est soumis à l'instinct, plaiderait, il me semble, assez dans

ce sens. Et cependant, il faut l'avouer, l'occasion nous est

moins souvent offerte de la constater. A vrai dire, si l'on

devait considérer comme manifestation hystérique tous les

accidents convulsifs pour lesquels on est appelé près des

enfants ; si l'on devait rayer, par exemple, l'éclampsie infan-

tile comme entité morbide et en faire un syndrome hysté-

rique comme le voulaient Chaumier, Ollivier, Magitot (Aca-

démie de médecine, séance du 28 juin 1892); si l'on devait

considérer comme hystériques tous les enfants à caractère

difficile, emporté, violent, aux pleurs et rires faciles, comme

semble le comprendre Burnet en sa thèse inspirée par Ollivier

(Th. Paris, 1891), les enfants hystériques seraient légion, on

en verrait vraiment trop; il ne faut pas tomber dans l'excès

et voir des hystériques partout. L'éclampsie infantile, à mon

avis (c'était, du reste, l'opinion émise par Peter, Roy de

Méricourt, etc., en cette séance du 28 juin 1892, en réponse

aux assertions d'Ollivier et de Magitot), ne doit pas être

rayée comme entité morbide; les convulsions dues à la den-

tition, aux vers intestinaux sont des convulsions dues à une

action rellexe, convulsions qui ne relèvent en rien de la

névrose ; tout ce que l'on peut concéder, c'est qu'elles doi-

vent naître plus aisément dans un terrain préparé, c'est-à-

dire dans un terrain névropathique.

Combien d'enfants ai-je rencontrés, présentant vers un an

des crises éclamptiques qui, depuis, n'ont jamais indiqué le

moindre. syndrome hystérique. On comprendra difficilement

qu'un enfant, ayant eu un accès convulsif dans sa première

enfance (si cet accès était de nature hystérique), puisse tra-

verser la seconde et la troisième enfance sans donner plus

jamais de signes évidents d'hystérie. Ce n'est pas ainsi que

se comporte ordinairement cette névrose avec crises convul-

sives, mode d'accidents qui révèle une hystérie bien accen-

tuée. Pour résumer ma pensée je dirai donc que, si l'hystérie

de l'enfance n'est point rare (les nombreux cas publiés l'indi-

quent), elle n'a certainement pas la fréquence par trop

grande que veulent bien lui accorder certains auteurs qui

appliquent trop aisément l'étiquette d'hystérie à des mani-

festations qui ne relèvent en rien de la névrose. Si l'impres-

380 CLINIQUE NERVEUSE.

sionnabilité, toute spéciale d'un jeune cerveau à peine formé

le prédispose aux accidents hystériques, pour peu qu'il y ait

de l'hérédité; d'un autre côté l'enfant, en raison précisément

de son âge et de son intelligence rudimentaire est soustrait à

bien des causes qui, dans l'âge viril, peuvent faire éclater

l'hystérie. Ce qu'il gagne d'un côté, il le perd donc de l'autre;

aussi cette conclusion semblerait-elle assez justifiée, l'hys-

térie, chez l'enfant, n'est ni plus fréquente ni moins fréquente

qu'à tout autre âge de la vie.

3° L'hystérie des enfants est la même que l'hystérie des

adultes. - On peut observer chez les enfants toutes les mani-

festations psychiques et somatiques de la névrose,, telles

qu'on les rencontre à un autre âge : si les stigmates ne nous

apparaissent pas, chez eux, aussi nettement, aussi fréquem-

ment que chez l'adulte, c'est que la recherche de certains

stigmates est difficile, la recherche de plusieurs impossible.

Il ne faudrait donc pas conclure à leur non-existence de ce

que l'on n'arrive pas à les démasquer. L'hystérie est une ; de

même qu'il n'y a pas, à proprement parler, d'hystérie mas-

culine, féminine, il n'y a pas davantage d'hystérie infan-

tile, juvéline et sénile. La névrose, chez l'enfant, n'est pas

simplement psychique comme semblait le vouloir l'école

allemande (mémoire de Duvernay, de Bâle) et comme ten-

.daient à le penser Legrand du Saule et Ollivier dont on

retrouve dans leurs écrits comme un écho des doctrines alle-

mandes, elle peut revêtir toutes les formes, je dirai même

que la forme somatique de l'affection est la plus fréquem-

ment notée. On le comprend quand on songe combien sont

difficiles à apprécier les troubles psychiques chez les.enfants

dont l'intelligence n'est pas encore développée et combien il

est malaisé d'établir un diagnostic sur ces simples données,

vivacité, colère, pleurs, rires exagérés, idées extravagantes,

gestes désordonnés, etc. -

En réalité, l'hystérie de l'enfance est bien identique à

l'hystérie virile et les divisions fondées sur l'âge n'ont donc

pas leur raison d'être, car elles n'auraient pas plus d'im-

portance, comme le dit Pitres, que les divisions fondées sur

la marche de la maladie, sur la localisation ou la nature des

symptômes.

4° Comme l'hystérie de l'âge viril, elle peut simuler chez

l'enfant, presque toutes les maladies du système nerveux

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 381

médullaire (thèse Souques 1891) ', elle peut également simu- a u aj

1er les affections des autres organes. Dans les observations

relatées plus haut, on l'a vue simuler (et avec quelle préci-

sion) la méningite (observations G, 7, 8, 9, '10) ; les paralysies

et contractures organiques (observations 1, 3,4, 5), lespara-

lysies dues aux intoxications (observation 2; elle donne la

polyurie, la polydipsie du vrai diabétique diabète hydru-

rique (observations 1'I, 12) ; elle simule la coxalgie (obser-

vation 13) à tel point que le neuropathologiste le mieux

exercé peut s'y tromper. J'ai relaté dans les Archives de

Neurologie 1893, page 470, cette petite épidémie de coxal-

gie survenue dans un village. Croyant avoir devant moi une

arthrite tuberculeuse de la hanche, j'avais mis une jeune

fille dans une gouttière ; quatre de ses camarades, dans les

mois qui suivirent, présentèrent la même claudication, la

même douleur à l'articulation et un peu de déformation de

la hanche. La peur du mal avait créé, chez elles, le mal, et

ce mal, créé par la peur, n'était évidemment qu'un accident

hystérique. Pris d'un doute sérieux au sujet de la nature de

la coxalgie de ma première malade, je l'examine alors plus

attentivement. j'avais fait une erreur de diagnostic, je la sors

de son appareil et lui fais comprendre que ce séjour de

quelques mois suffisait pour sa guérison. J'ai revu cette

jeune fille, il y a quelques jours, avec son frère qui venait

me consulter pour de l'oedème hystérique à la partie supé-

rieure du sternum; cette jeune fille s'est toujours bien portée,

elle n'a jamais présenté depuis de douleurs à la hanche et

sa marche est normale.

Et la méningite ? Comme l'hystérie sait bien la copier ;

aussi l'erreur est-elle facile. On a vu (observation 7) que le

premier accès de méningisme avait été pris par le médecin

pour une méningite tuberculeuse, et que ce médecin avait

compté, à son actif, une guérison (résultat qui aurait pour-

tant dû lui faire douter de son diagnostic). Il y a cependant

un symptôme que je n'ai, pas rencontré dans les cas de

pseudo-méningites que j'ai observés, c'est la respiration de

Cheyne-Stokes, presque constante dans la vraie méningite ;

cette respiration irrégulière a pourtant été notée par Gran-

cher dans un cas de pseudo-méningite hystérique (observa-

1 Toutes les maladies du système nerveux cérébral. (Thèse Barde), 189,3,

et Fabvre, 1883, Marseille médical.)

382 CLINIQUE NERVEUSE.

lion 23, thèse Burdol) ; mais, pourmon compte, je ne l'ai pas

encore rencontrée.

Une remarque s'impose quand on parcourt les observa-

tions publiées sur l'hystérie de l'enfance, elle ne copie abso-

lument que les maladies susceptibles de frapper l'homme' à

cette période organique de la vie, la méningite est fréquente

à cet âge, elle copie la méningite, elle copiera l'hémiplégie

spasmodique infantile, l'hémiplégie spinale athrophique,

elle copiera la coxalgie, elle n'a pas donné, que je sache,

l'image de la sclérose .en plaques, sclérose latérale amyotro-

phique qui frappe à l'âge viril, de la paralysie agitante, etc.

Sa Ainsi que l'hystérie virile, elle peut s'associer chez l'en-

fant à d'autres névroses et aux maladies organiques, et cette

association est bien faite pour égarer souvent le clinicien.

Cette coexistence avec les maladies organiques, si bien mise

en relief par Charcot et ses élèves, et surtout par la remar-

quable communication de Babinski à la Société médicale des

hôpitaux, Il novembre 1892, sera évidemment moins fré-

quente chez l'enfant que chez l'adulte, que chez l'homme

arrivé à l'âge mûr et à la vieillesse. Cela s'explique aisément,

vu l'absence dans le bas àge de la plupart des lésions orga-

niques qui peuvent nous frapper à une époque plus avancée

de la vie. Renard et Swolfs ont cité un cas d'hystérie chez

une jeune fille de quatorze ans avec crises convulsives, para-

lysie, mutisme, ovaralgie, accidents hystériques associés à

une méningite tuberculeuse. Dans l'observation XVII de ce

travail on voit l'hystérie et la dégénérescence mentale coexis-

ter, le syndrome hystérique s'effacer par la suggestion, et

les phénomènes dus à la dégénérescence mentale persister.

Dans l'observation XVIII c'est de la chorée rythmique qui

accompagne une hémiplégie atrophique de l'enfance. Je

pourrais rappeler encore ici ce cas de myopathie primitive

(type Erb) chez une jeune hystérique, relaté dans l'llsGé7·ie

en Vendée ', et ce mal de Pott chez une hystérique, avec

hoquet permanent et douleur hystérique de la hanche décrit

dans le même mémoire.

C'est surtout dans ces cas d'association intime qu'il est

indispensable de recourir à un examen sévère et approfondi

pour dissocier ce complexus morbide et donner à chacun des

' Hystérie en Vendée, p. 469, Archives de Neurologie.

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 383

éléments qui le constituent la part qui lui est propre. C'est

pour ne pas avoir démêlé cette union intime de la névrose

avec d'autres affections organiques que l'on est souvent

entraîné à des erreurs de diagnostic, que l'on peut s'imaginer

parfois se trouver en face d'espèce hybride non encore étu-

diée ou que l'on estime avoir amélioré une maladie grave

jusque-là rebelle à tout traitement, quand on fait disparaître

simplement les manifestations dues à là névrose sans avoir

touché à l'affection qui lui est associée 1.

6° Le diagnostic de l'hystérie, chez l'enfant, est de beau-

coup plus difficile qu'à tout autre âge, à établir d'une façon

certaine ; il y a pour cela plusieurs raisons. D'abord l'interro-

gatoire du petit malade est toujours incomplet, les questions

posées ne sont pas comprises; les réponses sont, le plus sou-

vent, sans valeur. L'enfant dit « oui » ou « non suivant

l'inspiration du moment et non suivant les symptômes réels

qu'il éprouve et ne peut définir. J'ai trouvé des enfants qui

disaient toujours « oui t, d'autres toujours « non». Il est

donc impossible de démêler la vérité dans un interrogatoire

aussi confus, aussi contradictoire.

Il y a également la recherche des stigmates si difficile chez

l'enfant. Le bébé peut avoir des troubles de la sensibilité

générale et spéciale sans qu'il nous soit possible, le plus

souvent, de les apprécier. L'anesthésie pharyngée existe-

t-elle, que l'enfant par peur (on sait combien il redoute l'exa-

men de la gorge) sera secoué, comme si la région huccale et

pharyngée était excessivement sensible. Pour les zones hys-

térogènes, pensera-t-on qu'il existe un point douloureux sur

telle partie du corps parce que l'enfant aura crié au moment

où on l'aura touché ? Mais il suffit souvent qu'il voit le méde-

cin faire ees recherches pour qu'il pousse des cris au moindre

contact quand bien même le point touché n'est nullement

douloureux.

Pour constater les troubles visuels achromatopsie, dyschro-

matopsie, rétrécissement du champ visuel, il n'y faut pas

songer chez l'enfant en bas âge. Et pourtant tous ces signes

ont une valeur séméiologique considérable, le rétrécisse-

ment du champ visuel surtout qui a une signification carac-

téristique.

' Hystérie en Vendée, p. 471, ibid. ,

384 - CLINIQUE NERVEUSE.

On n'a donc, le plus souvent, devant soi qu'un seul syn-

drome, et c'est sur ce syndrome qu'il faut tabler pour fixer

son diagnostic. Je sais bien qu'on aura, pour s'aider, les

antécédents héréditaires qui manquent très rarement dans

l'hystérie, les antécédents personnels révélant, dans son

passé, quelques manifestations franchement hystériques ;

malgré cela. comme le doute s'impose en bien des circons-

tances et que de réserves on est obligé de faire ! L'avenir

vient seul fréquemment éclairer le diagnostic et vous per-

mettre de poser, sur tel accident présenté antérieurement

par le jeune malade, sa véritable étiquette qu'il aurait été

primitivement audacieux et téméraire d'appliquer. On a pu

voir, en effet, en parcourant quelques-unes de mes observa-

tions que c'est le mode d'évolution, que ce sont parfois des

accidents ultérieurs qui ont pu me fixer d'une façon certaine

sur la nature des phénomènes primitifs. Tout d'abord, je

pouvais penser à l'hystérie, prononcer le nom, mais je sen-

tais mon diagnostic fort discutable. Sydenham a bien dit :

« Lorsque j'ai examiné une malade, et que je ne trouve rien

en elle qui se rapporte aux maladies connues, je regarde

l'affection dont elle est atteinte comme une hystérie. » Je

pense néanmoins que l'hystérie monosymptomatique ne

peut, ne doit être portée qu'à bon escient. Donc, pour toutes

les raisons que je viens d'énumérer, l'hystérie de l'enfance

plus encore que l'hystérie de l'âge viril exige une observation

très attentive du médecin, car elle peut, s'il n'y prend garde,

le dérouter, le tromper, eût-il le flair le mieux exercé, le

plus fin ! Il faut ainsi, là plus que partout ailleurs, suivre de

très près son petit malade, l'examiner scrupuleusement,

interroger avec soin son entourage sur les antécédents héré-

ditaires et personnels du jeune sujet, étudier le mode de

début des phénomènes présentés et les circonstances dans

lesquelles ils sont survenus, et si, malgré cette étude attentive,

le diagnostic ne semble pas d'une certitude absolue, la pru-

dence commande au médecin de faire les plus grandes

réserves, sans cela on s'exposerait à de graves mécomptes;

on pourrait annoncer une affection très sérieuse, très inquié-

tante quand ce n'est qu'un symptôme névropathique, une

manifestation nerveuse plus ou moins gênante, plus ou moins

fugace et vice-versa.

7° Pronostic. « L'hystérie, dit Ollivier, reconnue dans

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE.. 385

les premières années, est plus facile à combattre qu'à un

autre âge, parce qu'on est nécessairement rapproché du

début; lorsqu'on voit les premiers accidents, qu'on ne s'en

préoccupe pas, qu'on les laisse marcher, elle deviendra

extrêmement rebelle et prendra les caractères d'une véritable

névrose constitutionnelle, » La conclusion est qu'elle serait

moins grave que chez l'adulte, puisqu'elle doit plus aisément

disparaître.

A mon sens, cette bénignité dans le pronostic est fort con-

testable. Peut-être celle appréciation résulterait-elle de ce

que l'on a rangé parfois dans l'hystérie certaines manifesta-

tions qui pouvaient avoir simplement quelques analogies

avec elle, l'éclampsie infantile par exemple. Ces manifesta-

tions disparaissant pour toujours, on est porté alors à croire

que l'hystérie infantile est beaucoup plus aisément curable.

Si je dois m'appuyer sur ma pratique personnelle, j'admet-

trai évidemment que les accidents hystériques de l'enfance

sont, en général, moins tenaces que chez l'adulte ; mais je

serai également obligé d'accepter qu'ils se reproduisent avec

une telle facilité, soit sous une forme, soit sous un aspect de

nature différente que je devrai considérer comme assez

sombre l'avenir d'un jeune enfant à l'hystérie nettement

accentuée. Il est vrai que le traitement du jeune hystérique

à la campagne est très défectueux et que je suis, je dois

l'avouer, peut-être assez mal placé pour établir une juste

appréciation d'après les résultats obtenus.

Etiologie. Je ne passerai pas en revue toutes les causes

pouvant produire l'hystérie chez les enfants, puisqu'elles

sont évidemment les mêmes que celles qui sont signalées

dans tous les traités classiques au chapitre Etiologie de l'hys-

térie en général, car l'hystérie, nous le savons, est une dans

son étiologie comme dans son essence. Cependant, je ne puis

m'empêcher d'insister sur le rôle vraiment prépondérant que

joue l'hérédité soit similaire, soit dissemblable. A la tête de

toutes mes observations de la névrose infantile on la retrouve.

C'est là incontestablement le facteur principal qui distance

de très loin tous les autres facteurs.

Après l'hérédité nerveuse, on trouve l'hérédité alcoolique.

En Vendée, l'on boit beaucoup, je l'ai dit ailleurs; le Ven-

déen a cette réputation et elle est méritée : six à huit litres

de vin par jour paraît une dose très raisonnable au paysan

Archives, 2e série, t. IV. 25

386 CLINIQUE NERVEUSE.

du Bocage. Or, il est fréquent de constater l'hystérie chez ces

fils de buveurs. Toutefois, il est assez difficile d'indiquer la

part qui revient ici à l'alcoolisme, la plupart de mes alcooli-

ques portant déjà avec eux, la tare nerveuse héréditaire. On

ne doit pas contester cependant que l'alcoolisme des parents

joue un rôle assez important dans l'étiologie de la névrose.

Comme cause provocatrice chez les sujets prédisposés on

cite les traumatismes, cause si fréquente d'accidents hystéri-

ques. On cite les émotions morales vives etc., etc. Pour la

Vendée, je mettrai en avant l'éducation dans un milieu supers-

titieux. Un pays neuf, primitif, ai-je dit dans une précédente

étude; un pays où les idées superstitieuses dirigent tant de

cerveaux, où règne le fanatisme religieux, où la croyance à

tout ce qui est surnaturel est si profondément enracinée, un

tel pays doit voir se développer plus aisément les névropa-

thies. L'enfant, au coin du feu, dans les longues veillées

d'hiver, entend raconter les histoires les plus fantasques de

revenants, de sorciers; sa jeune imagination est frappée par

ces récits grotesques, son jeune cerveau travaille sur ces

idées bizarres que l'on y sème; le jour il y pense, la nuit il y

rêve; toutes ces images, toutes ces représentations terrifiantes

ne sont-elles pas propres à ébranler le système nerveux, à le

surexciter au point de produire bientôt un état patholo-

gique qui sera l'hystérie ou la neurasthénie. Ce serait,

pour moi, une des raisons qui, avec l'hérédité, expliquerait

le développement vraiment exagéré, vraiment anormal des

névroses dans ce pays.

9° Traitement. Dans mon premier travail sur l'hystérie

en Vendée,je disais : «L'hypnotismeestuneexcellentemélhode

de traitement des accidents hystériques, paralysies, contrac-

tures etc., chez les sujets hypnotisables; chez les sujets non

hypnotisables, la suggestion à l'état de veille doit être uti-

lisée, car elle donne d'excellents résultats en attachant aux

divers traitements employés une vertu, une efficacité qu'ils

n'auraient pas sans elle. Chez l'hystérique vendéen, mais

chez l'hystérique seulement, car ailleurs il n'est d'aucun

secours, le traitement psychique est pour moi le traitement

de choix, en raison de l'impressionnabilité toute spéciale du

paysan du Bocage qui le fait obéir d'une façon vraiment éton-

nante à la suggestion, surtout à la suggestion faite pendant

l'hypnose. Voilà le langage que je tenais en 1893, et aujour-

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 387 Î

d'hui, s'il m'était permis d'être plus affirmatif encore, je le

serais, car depuis deux ans environ j'ai pu faire une sorte de

contre-épreuve, ayant dû, pour des raisons de clientèle,

m'abstenir d'hypnotisme chez l'hystérique. N'avait-on pas

fait circuler ce bruit (et je laisse à penser avec quelle facilité,

dans un pays aussi superstitieux que celui-là, où la croyance

à la sorcellerie est si profondément enracinée, ce bruit s'est

accrédité), n'avait-on pas dit que tous ces paralytiques qui

subitement quittaient leurs béquilles, que ces aveugles qui

retrouvaient la vision, ces muets hystériques qui se mettaient

tout d'un coup à parler, que tous ces malades, tous ces

infirmes ne devaient la guérison aussi rapide de leurs infir-

mités qu'à l'intervention du diable, la suggestion hypnotique

étant un procédé inventé par l'enfer; pour peu, j'allais

devenir aux yeux du paysan fanatique un suppôt de Satan,

opérant en son nom et profitant des lumières du « mauvais

génie » , pour lutter de puissance avec a le bon génie »

(sic).

Eh bien, depuis cette abstention nécessaire, voulue, de

l'hypnotisme mes résultats dans le traitement des accidents

hystériques sont loin d'être aussi brillants que ceux obtenus

primitivement. Je parle ici de l'hystérie virile.

Si j'ai une telle foi dans l'efficacité du traitement des mani-

festations hystériques par l'hypnose, et si je préconise avec

tant de conviction cette méthode, en raison des résultats

acquis, je serai beaucoup moins affirmatif en ce qui con-

cerne l'hystérie infantile. Doit-on l'utiliser cependant ? Et si

on l'utilise, quelle est son efficacité. Pour le premier point,

doit-on l'utiliser ? On le peut, on le doit même quand les

accidents de la névrose ont l'air de s'éterniser et de résister

trop longtemps à toute autre médication; mais dans ce cas

on doit le faire avec une extrême réserve, car on est suscep-

tible de développer chez le petit enfant, d'accroître encore

son impressionnabilité déjà si grande à cet âge. J'ai toujours

présente à l'esprit cette belle crise d'hystérie que je déter-

minai en essayant un jour d'endormir un enfant qui jusque-

là n'avait jamais présenté d'accidents convulsifs semblables.

Indécis sur la véritable nature de son affection, était-ce une

arthrite organique du genou ou une pseudo-arthrite hysté-

rique, j'avais voulu me servir de l'hypnotisme comme d'un

élément de diagnostic. Je viens de dire le résultat.

388 ' CLINIQUE NERVEUSE.

Donc de la prudence dans l'emploi de l'hypnotisme comme

traitement des manifestations hystériques du jeune âge.

Et ceci encore ne s'adresse qu'à la seconde enfance, car

dans la première enfance le sommeil hypnotique ne me

semble guère facile à obtenir; serait-il possible, que je ne le

conseillerais pas à cette première période de la vie. Pour mon

compte, je ne l'ai pas essayé. Mais ce que l'on doit toujours

utiliser chez les enfants, chez ceux évidemment dont l'intel-

ligence est assez développée pour comprendre la valeur d'un

ordre, d'un commandement, c'est la suggestion à l'état de

veille; il faut convaincre son petit malade de la bénignité de

son affection, de sa guérison certaine. Si l'on devait se

borner simplement à lui faire entrevoir la possibilité d'une

amélioration comme la prudence semblerait le commander,

on n'aurait avec lui aucun succès, car il a, plus que qui que

ce soit besoin d'une foi complète dans sa guérison.

Et, dès lors, qu'importe les médicaments employés, puis-

qu'ils sont tous bons ou tous mauvais suivant la valeur que

l'hystérique y attache. Il vaudrait certes beaucoup mieux

donner un simple verre d'eau colorée, en affirmant à l'enfant

que ce médicament le guérira que d'employer telle prépara-

tion du Codex la plus savante qui n'impressionnera pas (et

cela parce que l'on aura négligé de le faire) l'imagination du

petit sujet. Donc, de l'arsenal pharmaceutique je ne veux

rien retenir, parce qu'il n'y a rien à retenir selon moi.

Un peu de fer, quelques toniques pourront toutefois être

donnés quand l'anémie accompagnera la névrose puisqu'il

est admis que la débilité de l'organisme favorise le dévelop-

pement des névropathies ; on attaquerait ainsi une des causes

provocatrices.

Charcot a insisté à chaque instant dans ses remarquables

leçons sur l'importance de l'isolement dans le traitement de

l'hystérie. Il est certain, en effet, qu'ainsi isolé, mais isolé

dans un hôpital ou une maison de santé, le jeune hystérique

se trouverait dans les conditions les plus favorables pour

voir s'effacer vite les accidents de sa névrose. Combien de

manifestations sont dues à la mauvaise direction imprimée

par la famille à l'éducation et à l'instruction de leur enfant;

elle se charge souvent, cette famille, d'entretenir le mal quand

elle n'arrive pas à le créer de toute pièce. Ceci est surtout

vrai pour la Vendée que j'habite : ce que j'ai dit au chapitre

HYSTÉRIE INFANTILE EN VENDÉE. 389

« Etiologie » l'indique, et les observations II et V de ce

mémoire le démontre de la façon la plus claire, la plus

péremptoire. Malheureusement cet isolement tant vanté, si

justement préconisé n'est guère un traitement pratique; je

dirai même qu'à la campagne il est impossible,- il n'y faut

pas songer, on se heurterait devant la résistance énergique

des parents.

10 Comme prophylaxie chez les petits enfants, surtout

chez ceux qui sont des candidats à la névrose, de par leur

tare héréditaire, il est utile de recommander aux parents

d'éviter, pour eux, toute émotion morale vive, de ne pas

s'amuser à frapper leur imagination par des histoires de

sorcellerie, de revenants, de contes de fées comme ils se com-

plaisent trop souvent à le faire, choisissant encore de préfé-

rence dans tous ces récits ceux qui présentent les images,

les tableaux les plus terrifiants parce que ce sont ceux qui

précisément captivent le plus l'attention de l'enfant et lui

donnent cette tranquillité, ce repos passager que la mère

recherche ; mais si le corps est tranquille pendant ces narra-

tions, le cerveau, lui, s'agite, il ne chôme pas, il travaille, et

ce travail cérébral, souvent répété, peut entraîner par la suite

les plus déplorables effets. Ainsi du repos moral et pas de

surmenage intellectuel chez les prédisposés'.

1 Dans notre service de llicêtre, à l'Institut médico-pédagogique, dans

notre clientèle, nous avons tonjours eu recours à la gymnastique, à

l'hydrothérapie, aux travaux manuels et intellectuels, cherchant à occu-

per le malade du matin au soir, enfin, au traitement moral et à une

surveillance rigoureuse pour combattre ou éviter l'onanisme. On trou-

vera un certain nombre de nos observations dans le mémoire de Clopatt

et dans nos Comptes rendus de Bicêtre de 1880 à ce jour. 13.

CLINIQUE MENTALE.

LES TROUBLES TIIOPIIIQUES DANS LA PARALYSIE

GÉNÉRALE ;

Par le D' Alex. A1'IIAnASSIO,

Médecin adjoint à l'asile d'aliénés de Marcoutza (Bucarest),

Chef de clinique mentale ù la Faculté.

Les troubles trophiques sont fréquents dans la paralysie

générale. Cela se comprend facilement étant donné le carac-

tère vaso-paralytique, congestif, le mauvais état dans lequel

se trouve la nutrition générale des tissus dans cette maladie.

Les effets morbides peuvent se montrer superficiellement du

côté de la peau ou plus profondément.

Du côté de la. peau nous observons des éruptions diverses;

le zona, l'herpès zoster, des excoriations, des ecchymoses, de

l'érythème et surtout une desquamation facile de la couche

épidermique sous l'influence des moindres rayons solaires,

causant une espèce d'érythème qui peut simuler la pellagre

(pseudo-pellagre due à la faible résistance de la peau aux effets

congestifs des rayons solaires, qui se termine par une desqua-

mation ichtyosique superficielle de la couche épidermique).

La peau des paralytiques généraux est fréquemment onc-

tueuse, gluante, glissante, état dû à une abondante sécrétion

de sébum, qu'on pourrait expliquer par une vaso-paralysie

des vaisseaux capillaires des glandes et un trouble d'inner-

vation.

Les démangeaisons de la peau se produisent aussi fréquem-

ment, si on en juge d'après la tendance qu'ont certains para-

lytiques à se gratter continuellement, à s'excorier jusqu'à la

production d'ulcérations saignantes, à entretenir les anciennes

excoriations en grattant, rompant et déchirant les croûtes et

les cicatrices. Ces démangeaisons et tendances auto-destruc-

tives vont quelquefois plus loin, ainsi certains paralytiques

TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 391

généraux s'arrachent des parties du cartilage de l'oreille, de

la cloison du nez, etc. ; d'autres se préoccupent de leurs dents

et vont jusqu'à les arracher, ce qui constitue alors le syn-

drome connu sous le nom d'obsession dentaire.

Plus profondément on observe des modifications patholo-

giques plus fréquentes du côté du tissu cellulaire sous-cutané ;

plus rarement du côté des muscles, des tendons, os, périoste,

cartilage et périchondre. Ici nous assistons à la production

d'oedèmes, d'abcès, de collections purulentes, gangrènes,

eschares, sphacèles, etc.

Les oedèmes s'observent fréquemment, leur résorption est

difficile, lente à se produire, elle ne cède pas aux résolutifs

habituels, aux diurétiques ou toniques cardiaques, qui restent

souvent sans effet. On ne constate pas toujours l'albumine

dans l'urine.

Les abcès et collections purulentes méritent une mention

à part, se produisant fréquemment, parfois multiples et dis-

séminés, parfois des. grandes collections se forment. Elles

siègent plus fréquemment à la moitié inférieure du corps;

elles ont comme caractère remarquable que leur apparition

est presque constamment suivie d'une amélioration notable

de l'état psychique antérieur du malade ainsi que des autres

symptômes paralytiques. L'évacuation des collections puru-

lentes ne donne pas toujours de bons effets.

Souvent sous l'apparence de l'oedème ou d'une collection

purulente se cache un processus morbide d'une nature spé-

ciale, la section ou plutôt l'incision des tissus nous montre

une gangrène gélatineuse, gazeuse, elle ne laisse parfois

s'écouler aucun liquide purulent, séreux ou d'autre nature,

un peu de suc sanguinolent noirâtre, ichoreux, peu abondant

s'écoule des tissus mortifiés, atones, anfractueux, détruits.

Les fractures se produisent parfois très facilement, aux

moindres contusions et, chose notable, leur consolidation

est rapide et solide, malgré l'état cachectique avancé du

malade.

Signalons encore comme trouble trophique du périchondre

et du cartilage, l'o<Aë) ? M<ome de l'oreille qui est dû à une

hypersécrétion cartilagineuse du périchondre de la conque

de l'oreille détachée de son cartilage.

Une déformation caractéristique de l'oreille est la suite de

ces othématomes qui reconnaissent comme pathogénie ou

392 CLINIQUE MENTALE.

une lésion nerveuse (racines nerveuses, moelle, cerveau en

avant des tubercules quadrijumeaux) (Brown-Sequard) ou

une simple hypérémie. passive de l'oreille par congestion de

l'encéphale et vaso-paralysie des vaisseaux capillaires de

l'oreille. L'othématome se produit dans la majorité des cas

d'une façon spontanée, sans coups, blessures ou contusions

de l'oreille. -

Observation (résumé). Antécédents héréditaires inconnus mais

suspects. Antécédents personnels. Syphilis et alcoolisme. Etat

physique. Quelques stigmates de dégénérescence, traces de coups et

blessures, ecchymoses. Symptômes caractéristiques. Tremblements

fibrillaires des lèvres, de la langue, des extrémités. Pupilles égales

mais ne réagissant pas à la lumière et à l' accommodation . Signe de

Bombera. Signe de Biemacki (analgésie du nerf cubital des deux

côtés). Troubles de la sensibilité générale. Etat psychique. Affai-

blissement de la mémoire surtout pour les faits récents. Hyperaffec-

tivité. Délire des grandeurs et de satisfaction, etc. Evolution de la

maladie,- Mars 1 897. Excitabilité et irritabilité extrême. Impulsions.

Actes de violences, obsession dentaire. - Mai 1897. Apparition de

contusions, des troubles trophiques bigarres, leur étendue. Termi-

naison fatale.

Le nommé b1 ax.Veâ...,tren le-lmi ails, israélite, commerçant, entre

à l'hospice llarcoulra le 11 mars 1897, avec des symptômes bien

nets de paralysie générale ; en cherchant les antécédents hérédi-

taures du malade, ses parents et connaissances nous ont nié l'exis-

tence de tout autre cas d'aliénation mentale ou maladie nerveuse

dans la' famille. Cette négation ne nous a pas paru sincère, elle

est suspecte. D'un autre côté, considérant que le malade est de con-

fession judaïque et comme nous connaissons aujourd'hui la fré-

quence des maladies nerveuses et mentales chez les individus de

cette race ; fait mis magistralement en lumière par le professeur

Charcot qui insistait à maintes reprises sur cette fréquence neuro-

pathologique héréditaire chez les Juifs, très intelligents et bien

doués du reste. .

Antécédents personnels. Ici nous trouvons des données plus

certaines et précises. Le malade a eu la syphilis et présente

actuellement sur le prépuce une cicatrice pigmentée et indurée.

Pleiade ganglionnaire bilatérale. Exostose caractéristique sur la

crête de l'os cubital. Le malade a, en outre, des antécédents alcoo-

liques, libations et excès de boissons fréquents.

Comme stigmates physiques le maiade offre une asymétrie

faciale, le côté gauche est moins développé, le front est petit, les

oreilles bien dégagées, normales, les lobules grands, mous, non

TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 393 '

adhérents. Les dents sont mal implantées, barrée^, les inférieures

sont usées. '

Le malade est de taille moyenne. Le système osseux et muscu-

laire bien développé. Il présente sur le corps quelques excoria-

tions et ecchymoses, surtout prononcées et nombreuses au dos et

aux cuisses. Des traces de coups et blessures que le malade parait

avoir recu récemment. Au côté droit du cou dans la direction des

vaisseaux et sur leur trajet on observe une tumeur longue de

7 centimètres, large de 4 centimètres, dure à la pression ; on ne

sent pas de pulsations ; la couleur de la peau est normale. Les

pupilles sont égales, mais ne réagissent pas à la lumière ni direc-

tement ni par association. Le malade a des tremblements fibril-

laires aux lèvres et à la langue. Aux membres supérieurs et '

même aux membres inférieurs on observe un peu de tremble-

ment.

Analgésie des nerfs cubitaux à la pression dans la gouttière

olécranienne, les deux derniers doigts innervés par ces nerfs ne

se contractent pas à la pression (signe de 131ernachi). Le réflexe

pharyngien diminué. Le réflexe des fléchisseurs et extenseurs exa-

géré. Le réflexe rotulien très exagéré. Le plantaire diminué. La

sensibilité générale très retardée, le sens de localisation altéré.

L'esthésiométrie donne 12 centimètres pour les membres inférieurs,

8 centimètres pour les membres supérieurs. Les sens spéciaux sont

en bon état. La perception des couleurs, du goût, odorat, etc.,

conservée.

Etat psychique. Le malade se présente dans une attitude conve-

nable et se soumet facilement à l'examen. La mémoire est atfai-

blie, elle parait parfois conservée pour certains faits récents, il

confond les noms de ses enfants. L'idéalion et le raisonnement

assez bien conservés. L'affectivité est exagérée. Il y a un délire des ,

grandeurs et de satisfaction : le malade a hérité des millions de souk

père et des milliards de son frère qui était lord en Angleterre,

avec cet argent il a l'intention de faire le plus grand commerce

du monde, commerce d'habits et de meubles. Dans une seule

année il a gagné 2 millions en vendant de la laine de chameau. Il

nous promet à tous des coslumes et des habits comme il n'a pas

encore existé. Il aidera toutes les familles pauvres, etc. Le malade

dort passablement. Il est propre quant à ses besoins de miction et

défécation, etc.

1897. Mai : s. Le malade se trouve dans un état d'excitation et

d'irritabilité extrême, il parle, profère des vociférations et demande ,

continuellement ses habits pour partir, il devient agressif et dan-

gereux pour les autres malades, il commet des actes de violence

contre un autre malade, un coreligionnaire, en lui faisant une

énorme plaie à la tête, et disant qu'il doit être tué, ainsi que ,

beaucoup d'autres malades et le personnel médical. Le malade est

394 CLINIQUE MENTALE.

renfermé seul dans une chambre où il continue à être agité, se

déshabille et détruit ses effets, il se fait plusieurs excoriations

dans différentes régions du corps, les anciennes cicatrices sont

continuellement égratignées et ulcérées de nouveau.

Le malade souffre en outre d'une obsession dentaire intense, il lui

semble que les dents le gênent dans la bouche comme des corps

étrangers, il les arrachent, et toutes les dents finissent par être

avulsées, il prétend les remplacer par d'autres en or, les parties

antérieures des arcades dentaires supérieures et inférieures sont

dénuées de dents. A leur place les gencives et les os maxillaires

se présentent livides. nécrosés, gangreneux, exhalant une odeur

félide, infecte, etc.

Mai. - A la suite d'une légère contusion le malade présenta

une tuméfaction de la cuisse droite qui alla toujours en s'aggravant

et offrit les caractères d'un oedème, plus tard survient une indura-

tion de toute la masse musculaire, masse consistante à la pression,

n'étant pas fluctuante, et ne présentant pas le caractère inflamma-

toire d'un abcès ou d'une collection purulente, le. malade a pour-

tant un peu d'élévation de température (38°5). Cette tuméfaction

résiste à tous les traitements résolutifs et compressifs, aux anti-

septiques.

Une incision faite pour se rendre compte de la nature de cette

tuméfaction, et pour laisser un écoulement au pus qu'on pouvait

encore soupçonner à la rigueur, ne donna issue à aucun liquide

purulent, les masses musculaires présentaient une consistance géla-

tineuse, elles étaient gangreneuses, relativement peu fétides, il y

avait dans la profondeur des tissus des anfractuosltés, des cryptes

entre les muscles et dans leur masse; de nulle part ne surgissait

de liquide purulent. Le malade succomba le 27 mai 1897.

Autopsie. (Rédigée par M. le professeur OnItEGr : 1). Le cadavre

moyennement développé, un peu émacié, présente des taches

livides cadavériques très étendues à la cuisse droite. Tout le

membre inférieur droit présente une notable tuméfaction qui

intéresse toute la cuisse et une bonne partie de la jambe, un

oedème circonscrit s'étend à la partie qui correspond au bassin et

aux organes génitaux. A la partie moyenne de la face externe de

la cuisse une plaie gangreneuse d'une étendue de 15 centi-

mètres sur 10 centimètres. Les arcades dentaires se , présentent

dépourvues de dents dans presque toute l'étendue des mâchoires.

Toutes les dents du maxillaire supérieur sont absentes et cinq au

maxillaire inférieur.

Le cuir chevelu est normal, la boîte crânienne est un peu asymé-

trique, la bosse frontale gauche étant un peu déprimée. Le dia-

mètre antéro-poslérieur mesure 17 centimètres 9 millimètres. Le

transverse lo centimètres. Les parois osseuses sont minces, les

TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 390.

sutures complètement ossifiées, le diploé et la lame vitrée très

congestionnés. La dure-mère est très peu épaissie mais fortement

congestionnée, un peu adhérente à la calotte osseuse. Le sinus

longitudinal supérieur est libre de caillots.

La base du crâne présente quelques modifications anatomiques :

l'apophyse clinoïde postérieure droite est très aplatie. La loge

sphénoïdale droite est recouverte d'une hémorrhagie en lame fine,

coagulée, légèrement adhérente à la dure-mère. Le liquide

céphalo-rachidien est abondant et rougeâtre.

39G CLINIQUE MENTALE.

congestionnés. Le corps pituitaire petit, congestionné, son segment

supérieur réduit.

La glande thyroïde très congestionnée à la surface, le lobe

gauche atrophié, le parenchyme glandulaire très congestionné

aussi, présente des suffusions bémorrhagiques interstitielles, des

dégénérescences kyrtiques et surtout la fonte de la substance col-

loïde interne. Le coeur est libre dans la cavité péricardique, volu-

mineux surtout en ce qui concerne la cavité gauche. Le myocarde

très rouge; hypertrophie du ventricule gauche. Les valvules

mitrales normales, l'aorte pourvue de nombreuses plaques alhéro-

mateuses avancées. Les poumons sans adhérences pleurales, mais

les'plèvres très congestionnées et oedémateuses.

Le foie congestionné avec un commencement d'induration du

parenchyme hépatique. La rate légèrement augmentée de volume,

commence à avoir des adhérences capsulaires avec les organes

voisins, la pulpe splénique est un peu ramolie. Les reins sont

très volumineux, les capsules rénales se détachent bien et facile-

ment sans perte de substance corticale du rein. Une section faite

nous montre tous les caractères d'une néphrite parenchymateuse.

L'estomac contient une petite quantité de liquide verdâtre, la

muqueuse est congestionnée; les intestins gonflés, pleins de gaz. z.

La muqueuse rectale sans ulcérations, un peu congestionnée. La

vessie contient un peu d'urine, la muqueuse non ulcérée est aussi

congestionnée.

Le diagnostic anatomo - pathologique peut se résumer

ainsi : adhérences des méninges aux os du crâne; hémor-

rhagie en nappe de la dure-mère à la base du crâne;

méningo-encéphalite avec granulations de l'épendyme,

adhérences de la couche corticale et ulcérations consécutives;

congestions viscérales multiples (plèvres, foie, reins, intes-

tins, rectum, vessie).

NOT.I. Ce travail a été fait sous l'inspiration de notre éminent maître,

M. le professeur Obregia, médecin en chef et directeur de l'hospice 6lar-

coutza. Notre maître, ayant fait enlever la moelle ephnere ainsi que les

nerfs périphériques (cubitaux, sciatiques, trijumeaux), se réserve le droit

d'nne étude d'histologie pathologique, pour juger dans ce cas du rôle des

névrites périphériques comme cause, origine et pathogénie des troubles

trophiques survenus chez notre malade. Nous n'avons voulu considérei

dans le présent travail que lu côté clinique de la question, nous serons

heureux pourtant d'entretenir nos lecteurs de ces recherches histologiques

intéressantes dans un prochain article.

REVUE CRITIQUE.

GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU

ET DU CERVELET

D'âpres E. Laawo.

Par Jules SOURY,

Uitccteur-adjoint à l'École pratique des Hautes-ÉLudes,

Les différentes catégories d'éléments nerveux constituant

les deux écorces du cerveau et du cervelet soutiennent entre

eux des rapports de connexion et des rapports fonctionnels.

Les éléments hétérogènes apparaissent, sur une coupe verti-

cale de l'écorce, disposés par couches plus ou moins nette-

ment séparées, et c'est aussi dans l'épaisseur de l'écorce

qu'ont lieu les rapports variés existant entre ces éléments de

catégories différentes. Dans le sens horizontal, au contraire,

et d'une manière générale, chaque élément se trouve placé

près d'éléments pour la plus grande partie semblables à lui-

même, appartenant à la même espèce de neurones. Lugaro

résume ces particularités de structure en disant que l'écorce

cérébrale est un organe composé d'éléments dissemblables

dans le sens de la profondeur, semblables dans le sens paral-

lèle à la surface, entre lesquels existent des rapports hétéro-

gènes dans le premier sens, homogènes dans le second '.

Dans le cervelet, où les divers types d'éléments nerveux

offrent la plus grande diversité, la disposition est analogue;

mais nulle part l'ordonnance régulière de ces éléments par

strates dans l'épaisseur de l'écorce n'est plus constante et,

pour ainsi dire, aussi géométrique. On connaît le parallé-

lisme parfait qu'affectent les divisions en T des cylindraxes

des grains dans la couche moléculaire du cervelet. Outre les

écorces cérébrale et cérébelleuse, il existe d'autres lames

1 E. Lujaro.- Sulla genesi délie circonvoluzioni cerebrali e cerebellari

(Riv. di patologia nerv. e ment., Il, 1897).

398 REVUE CRITIQUE.

grises dans l'intérieur de l'organisme : telles sont les olives

bulbaires, protubérantielles, cérébelleuses. Dans les olives, la

disposition lamellaire est déterminée par les rapports régu-

liers de superposition et de contiguïté des différentes voies

nerveuses afférentes : l'épaisseur de l'organe dépend du

nombre des faisceaux ascendants et descendants dont les

directions opposées se croisent. Les écorces grises du cerveau

antérieur ou pallium et du^cervelet ne sont, elles aussi,, que

deux ganglions nerveux situés chacun au sommet d'un arc

diastaltique complexe où, dans la profondeur de l'organe, se

mêlent les voies nerveuses centripètes et centrifuges.

Le nombre et la variété des types cellulaires, la grandeur

des éléments nerveux, ainsi que leur situation,'sont l'expres-

sion anatomique des fonctions manifestées par ces neurones.

Ces facteurs déterminent, pour chaque organe, dans chaque

espèce et chaque individu, l'épaisseur de l'écorce. La raison

d'être de telle ou telle structure macroscopique de l'écorce

réside ainsi dans le mode'd'activité des différentes variétés de

neurones. Les rapports anatomiques des éléments nerveux

de l'écorce dépendent donc, en dernière analyse, de leurs

rapports fonctionnels,

L'extension en surface de la substance grise corticale

dépend également en premier lieu de la disposition anato-

mique des éléments nerveux déterminée par les fonctions

de l'écorce, centre le plus élevé de terminaison et d'origine

des faisceaux de projection afférents et efférents. Les gan-

glions inférieurs sont, comme l'écorce, des centres de coor-

dination sensitivo-motrice, dont les arcs réflexes, plus ou

moins compliqués, sont destinés à l'exécution d'actes relati-

vement simples et dont le mécanisme possède une grande uni-

formité relative. L'écorce cérébrale est au contraire un grand

centre de coordination sensitivo-motrice systématique des

plus complexes, où affluent par des voies différentes toutes

les impressions sensitives et sensorielles des milieux interne

et externe, et d'où partent d'innombrables incitations trans-

mises à des groupes de neurones moteurs inférieurs, exécu-

teurs aveugles des actes et des actions volontaires.

Il est vrai qu'à côté des centres de projection il existe, dans

l'écorce, des centres d'association sans couronne rayonnante

(Flechsig). Mais, entre les voies d'association et les voies de

projection, il n'y a point de différence relativement au mode

GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 399

de terminaison ou d'origine de ces faisceaux dans l'écorce :

leur rôle physiologique divers dépend uniquemenl de la

nature des centres nerveux corticaux d'où partent (sphères

sensorielles) et où s'arborisent (centres d'association) les fibres

de ces faisceaux. Pour le mécanisme de coordination dont la

complexité détermine une extension en surface correspon-

dante de l'écorce, il n'importe en rien, remarque Lugaro, que

les fibres afférentes s'élèvent directement des centres sous-

corticaux ou proviennent d'autres points de l'écorce, ni que

les fibres efférentes se terminent dans des centres inférieurs

ou dans des centres plus ou moins distants appartenant à

l'écorce.

Ce qui vient d'être dit pour le cerveau convient aussi pour

le cervelet. L'écorce cérébelleuse reçoit des fibres afférentes

de deux- sortes : ·1° les fibres moussues, provenant proba-

blement des cellules des colonnes de Clarke et des noyaux

bulbaires homologues, qui se ramifient dans la couche des

grains; 2° les fibres grimpantes, dont les cylindraxes s'ar-

borisent en plexus grimpants, provenant des cellules des

noyaux du pont de Yarole, qui, une fois arrivées à la

zone moléculaire, s'appliquent contre la tige ascendante

des cellules de Purkinje, Il s'élévant par son intermédiaire

comme des lianes le long des branches d'un arbre des

tropiques » (Ramon y Cajal). Les cylindraxes descendants

de l'écorce du cervelet dérivent exclusivement des cellules

de Purkinje. Chaque portion du corps et des ramifications

de ces neurones est, on le sait, enveloppée par une espèce

distincte d'arborisations nerveuses terminales. Les cylin-

draxes des grains ou fibriles parallèles entrent en con-

tact avec les ramuscules protoplasmiques des dendrites. Les

corbeilles terminales des petites cellules étoilées de la

couche moléculaire, cellules d'association', entourent le

' C'est à propos de ces cellules étoilées, dont Golgi avait reconnu la

nature nerveuse, mais sans pouvoir mettre en évidence leur terminaison,

et cela à cause de l'hypothèse du réseau nerveux interstitiel destiné à

expliquer les communications intercellulaires, que Ramon y Cajal a

écrit les lignes suivantes, dont l'intérêt historique est considérable :

« Nos recherches réitérées, d'abord dans le cervelet des oiseaux (1888),

puis dans celui des mammifères, nous procurèrent la joie de résoudre ce

point dont l'importance éclatera aux yeux, si l'on considère qu'il s'agit

du premier fait bien établi "(1' line terminaison des cylindraxes dans les

centres nerveux. Jusqu'alors on avait suivi les fibres nerveuses delasubs-

400 REVUE CRITIQUE.

corps de la cellule. Enfin, les arborisations grimpantes sont

successivement en connexion avec le corps, le tronc et les

branches protoplasmiques de ces neurones. Le développe-

ment des arborisations grimpantes est un exemple remar-

quable, en même temps que du fait de la polarité des pro-

longements protoplasmiques et cylindraxiles, du mode géné-

ral d'action par influence ou par contact qu'exercent les

arborisations cylindraxiles des neurones sur le corps cellu-

laire et les expansions dendritiques d'autres neurones. Atuias,

dans ses Recherches sur Vhyslogenèse de l'écorce du cerve-

let (1897), a vu qu'à un stade embryonnaire où la cellule de

Purkinje ne possède pas de panache, la fibre grimpante vient

se mettre en rapport avec son corps, et qu'à mesure que le

panache se développe, l'arborisation quitte peu à peu le

corps cellulaire pour envelopper le tronc protoplasmique

d'abord, puis chacune de ses branches. Quand la cellule de

Purkinje est devenue adulte, les mailles du plexus grimpant

entrent en contact avec les épines des dendrites. a Le fait

qu'une fibre entoure le corps d'une cellule tant que celle-ci

ne possède pas de prolongements protoplasmiques, et

qu'elle le quitte plus tard pour se mettre en rapport avec ses

expansions dendritiques, tend à prouver que les prolonge-

ments protoplasmiques sont les organes récepteurs par

tance grise sur une distance plus ou moins grande de leur trajet, mais

personne n'avait été témoin de leur mode de terminaison. Aussi, devi-

nant que nous étions en présence, non d'un fait isolé de connexion

nerveuse, mais de la loi qui commande les rapports de tous les corpus-

cules nerveux, on comprendra facilement la satisfaction et l'émotion que

nous avons éprouvées à publier notre découverte. Notre conviction

d'avoir trouvé la clef des rapports nerveux centraux n'était pas une

illusion, presque toutes nos recherches ultérieures nous en persuadent;

car ces recherches ne représentent rien d'autre que la confirmation ou

l'extension à diverses parties du système nerveux du fait fondamental...

Le fait le plus important consiste en ce que tous les ramuscules colla-

téraux descendants, aussi bien que l'arborisation terminale de cette

fibre nerveuse, cylindraxile, des cellules étoilées, constituent, en se

ramifiant autour du corps des cellules de Purkinje, un plexus très

épais, intimement superposé au protoplasma cellulaire. De la sorte chaque

corps cellulaire de Purkinje est, pour ainsi dire, doublé d'une corbeille

formée par des ramifications nerveuses terminales, excessivement

épaisses et variqueuses... On comprend aisément que la fin d'une

telle disposition ne peut être que d'établir une relation dynamique, une

véritable communication de courant entre les cellules étoilées et les

cellules de Purkinje. » 1

GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 401

excellence des excitations nerveuses. En même temps le

corps cellulaire devient libre pour recevoir des excitations

secondaires de cellules d'association (corbeilles terminales des

cellules étoilées). »

Il résulte de ces dispositions anatomiques qu'une coordi-

nation des voies afférentes et efférentes aussi régulière, aussi

capable de distribuer l'influx nerveux symétriquement aux

deux moitiés du corps et se référant aussi nettement aux

deux dimensions verticale et 'horizontale, ne saurait mieux

s'effectuer que dans un organe étendu en surface tel que

l'écorce du cervelet. C'est là, dit LUGARO, un fort indice de

probabilité « en faveur de l'hypothèse, d'après laquelle cet

organe prendrait une part très importante à la fonction de

l'équilibre». La conservation de l'équilibre serait ainsi un

effet de la « biditimensionalité de l'ordre des connexions ana-

tomiques de l'écorce du cervelet ». Le cylindraxe, très long,

des cellules étoilées, a un trajet non seulement parallèle à la

surface du cervelet, mais rigoureusement transversal, c'est-à-

dire parallèle au plan des arborisations des cellules de Pur-

kinje, ainsi que les fins prolongements cylindraxiles des

grains, parallèles à la direction de la lamelle cérébelleuse.

L'équilibre serait maintenu par voie réflexe au moyen d'exci-

tations musculaires continues et bilatérales. Quand l'équi-

libre est compromis, pour une cause quelconque, l'inner-

vation musculaire augmenterait dans un sens ou dans l'autre

pour la rétablir. Les voies des pyramides, en traversant le

pont de Varole, émettent, on le sait, des collatérales qui

s'arborisent entre les cellules des noyaux protubérantiels :

les prolongements nerveux de ces cellules se terminent par

les arborisations grimpantes qui entourent la tige ascen-

dante et les branches maîtresses des dendrites des cellules

de Purkinje. Tout mouvement volontaire, parti des zones

rolandiques de l'écorce cérébrale, doit donc agir, dans une

certaine mesure, sur l'écorce cérébelleuse ; cette action doit

être destinée à compenser le désordre d'équilibre du corps

que tout mouvement, volontaire ou non, tend à produire en

déplaçant le centre de gravité du corps.

L'écorce cérébrale de chaque espèce possède, à titre de

caractère spécifique, une forme définie et constante. Le

nombre et la profondeur des sillons ne sont pas moins cons-

tants et définis. Quelles sont les. causes et de la forme et de

Archives, 2" série, t. IV. 26

402 REVUE CRITIQUE.

l'étendue de l'écorce dans chaque espèce ? Lugaro invoque

cette loi biologique : la forme et la dimension de chaque

organe est en rapport avec les besoins physiologiques de

l'organisme, ainsi qu'avec la forme et les dimensions des

autres organes. On peut déjà en déduire qu'un rapport doit

exister entre le développement morphologique et l'étendue

de la surface de l'écorce et ceux du reste des organes. Car

si l'écorce est, en partie du moins, un « organe de projec-

tion » où sont représentées les surfaces sensibles, internes

et externes, de l'organisme, il est naturel que l'étendue de

ces surfaces, variable avec l'importance relative des différents

sens, influe sur l'étendue des aires corticales correspondantes.

11 faut en dire autant des organes de motilité, dont les

dimensions et la puissance sont en raison de l'étendue et de

la complexité morphologique des territoires corticaux d'ori-

gine des faisceaux centrifuges de projection.

Outre les surfaces sensibles internes et externes du corps

et la puissance ou le degré de différenciation fonctionnelle

des appareils moteurs, la masse de l'animal est un autre

facteur important de l'étendue de l'écorce. Cet élément per-

turbateur reparaît toutes les fois qu'on cherche à déduire le

degré de supériorité psychique de la quantité de matière

grise de l'écorce. A égalité d'intelligence, la masse plus con-

sidérable du corps dans une espèce que dans l'autre entraîne

une augmentation en surface et en poids de l'écorce.

Mais l'écorce cérébrale n'est pas seulement un organe de

projection ; c'est encore et surtout, chez l'homme et les

anthropoïdes, un centre d'association, le nombre et la

richesse des voies d'association croissant en proportion directe

du degré d'élévation psychique de l'espèce. Ces voies d'asso-

ciation ne se comportent pas autrement que les voies de

projection quant à .l'extension en surface de l'écorce ; elles

agissent dans le même sens, qu'il s'agisse des voies longues

on courtes d'association, intra ou intercorticales. L'anato-

mie comparée des neurones montre comment, des simples

tigelles sans ramification des prolongements protoplas-

miques des cellules de l'écorce cérébrale des amphibiens, on

s'élève graduellement aux ramures et aux ramescences luxu-

riantes des dendrites des cellules pyramidales de l'homme.

Or, Ramon y Cajal l'enseigne, c'est à la richesse de ces con-

nexions qu'on mesure le degré de puissance et de complexité

GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 403

mentales. L'abondance et les dimensions des organes de con-

nexion dans l'écorce des mammifères les plus élevés font

que les corps des neurones sont séparés par une plus grande

distance, remplie de l'épais feutrage des dendrites, des arbo-

risations terminales et des collatérales des cylindraxes. Voilà

donc encore une cause d'augmentation de l'écorce grise qui,

croissant en tout sens, s'étend surtout en superficie. Sauf

pour ce qui a trait aux longues voies d'association, qui man-

quent dans le cervelet, il en est encore ici pour l'écorce de

cet organe comme pour celle du cerveau.

Il reste à déterminer à quelle nécessité d'adaptation cor-

respond la forme circonvolutionnée de l'écorce. 11 existe à ce

sujet plusieurs théries ; en voici deux : 1° le plissement de

l'écorce résulte de la résistance opposée par la paroi osseuse

du crâne au développement encéphalique (Ilenle, Bischoff,

Hyrtl). Lugaro rejette cette hypothèse, si contraire à toute

finalité biologique. La paroi cranienne est une adaptation

protectrice acquise pour la défense de l'encéphale ; elle n'a

pu devenir un obstacle capable d'arrêter le développement

du cerveau. Quand les sutures se soudent, c'est que « la poten-

tialité d'accroissement de l'encéphale est déjà épuisée ». Le

volume du crâne est en raison des exigences du développe-

ment encéphalique ; il suit celui-ci durant toute l'évolution

phylogénique ; 2° le plissement de l'écorce résulte des rap-

ports existant entre celle-ci et la masse de substance blanche

sous-jacente (Jelgersma). Or la quantité de. substance

blanche est déterminée par le nombre, l'épaisseur et la lon-

gueur des fibres nerveuses. Le nombre de ces fibres dépend

directement de la structure et des fonctions de l'écorce ; les

faisceaux de projection ascendants et descendants sont en

rapport avec la masse du corps, avec l'étendue des surfaces

sensibles internes et externes, avec la puissance et la diffé-

renciation des appareils moteurs ; les faisceaux d'association

sont l'expression anatomique de la supériorité et de la com-

plexité des -fonctions de l'intelligence. Ces deux ordres de

faits, anatomiques et physiologiques, influent nécessaire-

ment sur la quantité de la substance blanche et, partant, sur

le nombre des fibres nerveuses de cette substance. Le volume

ou calibre de ces fibres dépend de leur rôle fonctionnel et

réalise les conditions les plus favorables d'isolement du

cylindraxe, de nutrition, de conductibilité. De même pour

404 .. - REVUE REVUE CRITIQUE.

la longueur des fibres : l'onde nerveuse tend à se propager

par le plus court chemin, car plus l'étendue des fibres reliant

les organes est brève, plus la transmission du courant est

rapide, et ces adaptations fonctionnelles doivent encore influer

sur la forme du cerveau.

, Si, au cours de l'évolution phylogénique, la surface corti-

cale, dont on vient d'indiquer quelques-unes des conditions

d'extension en surface, ne s'était pas plissée, et si le crâne

avait dû la suivre dans cette expansion, deux graves incon-

vénients, entre autres, seraient résultés de l'énorme augmen-'

talion de la substance blanche : il() l'extension de la cavité

ventriculaire, . entraînant l'augmentation de poids de l'or-

gane ; ? ° l'allongement de toutes les voies nerveuses, soit de

projection, soit d'association, amenant de grands retards de

transmission. Aussi Lugaro rappelle-t-il que la capacité ven-

triculaire est en raison inverse du développement des orga-

nismes et que, grâce au plissement de l'écorce, l'extension

de la substance grise a tendu toujours davantage à s'adapter

à celle de la substance blanche. La croissance du crâne a

suivi secondairement l'établissement de ces adaptations. Cela

apparaît avec le plus d'évidence sur le cervelet, organe plus

circonvolutionné que le cerveau. L'indigence relative de la

substance blanche du cervelet est due, nous l'avons dit, à

l'absence de voies longues d'association.

Les anciennes idées sur les fibres arci forntes d'association

du fond des sillons corticaux, celles sur les commissures du

cerveau et du cervelet, ont subi, du fait des nouvelles mé-

thodes d'imprégnation et de coloration du système nerveux,

une atteinte assez grave. Dans aucune des nombreuses recher-

ches instituées avec la méthode au chromate d'argent, on ne

fait mention de fibres où l'on puisse reconnaître celles qu'a

décrites Meynert. « Les fibres que j'ai pu observer au fond

des sillons des circonvolutions, écrit Lugaro, et qui affectent

la disposition en arc, appartenaient aux systèmes communs

de projection de l'écorce. » Avec les méthodes colorant la

gaine de myéline, l'observation de tractus isolés de pareilles

fibres peut faire illusion sur leur provenance réelle et sur

leur rôle physiologique. Les commissures ne servent pas non

plus, on le sait, à relier des parties symétriques ou homo-

logues d'un même organe : ce ne sont que des points d'entre-

croisement de fibres qui établissent des connexions, mais de

GENÈSE DES CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU, ETC. 405

nature à assurer l'unité fonctionnelle du cerveau, entré les

parties les plus diverses du même organe, voire avec d'autres

centres nerveux. La démonstration a été faite en particulier

pour les pédoncules cérébelleux moyens (Ramon y Cajal,

Pusateri). Les méthodes nouvelles ont au contraire confirmé

les recherches de Conti (1884), reprises par Chiarugi, qui ont

demontré que la plus grande épaisseur de la substance grise

est au sommet des plis de l'écorce circonvolutionnée, la

moindre au fond des sillons'. Ramon y Cajal a vu (1 890) que,

dans le développement du cervelet, les cellules de Purkinje

les plus rapprochées de la surface libre sont à un stade plus

avancé que celles qui occupent le fond des sillons. Lugaro a

observé la constance de ces faits, non seulement pour les

cellules de Purkinje, mais pour tous les neurones de l'écorce

du cervelet. La migration des grains du cervelet, si bien étu-

diée par Ramon y Cajal et par Lugaro (1894), depuis la

couche la plus superficielle de cet organe jusqu'à la couche 'e

profonde où ils s'arrêtent, migration qui continue encore

dans les premiers temps de la vie extra-utérine, cesse plus tôt

au sommet des lamelles qu'au fond des sillons. Cette migra-

tion des grains ne s'accomplit point pour tous simultanément;

elle a lieu successivement, durant une longue période. De

ces neurones, les uns sont déjà arrivés à leur place définitive

que d'autres sont encore en train de descendre ; les uns sont

entrés dans la phase bipolaire tandis que les autres pré-

sentent encore, dans la couche épithélioïde, des processus très

actifs de karyokinèse. Bref, selon Lugaro, le grain ne descend

à travers la couche moléculaire et ne va occuper son poste

définitif que lorsque son activité proliférante est épuisée.

Quelles causes déterminent la direction dessillons et celles

des circonvolutions ? Les hypothèses de Reichert et de Seitz,

d'après lesquelles cette directiou est rapportée à celle des

artères, en' désaccord avec beaucoup de faits, sont surtout

inapplicables au cervelet, où souvent existe « une disposition

tout à fait opposée ». Si le développement du crâne suit celui

1

1 Cf. pour l'étude de l'épaisseur de l'écorce du cerveau humain/à l'état

normal et pathologique, par Conti et par Cionini, les Fonctions du

cerveau, par Jules Soury, 2° édit., 1892, p. 333-340. Chiarugi. La forma

del cevello amano e le variaziôni corrélative del cranio e delta super-

ficie cérébrale, e studio crilico sulla gerzesi délie circonvoluzioni cere-

brali. Siena, 4886... 1% \

406 REVUE CRITIQUE. 1

de l'encéphale durant tout le développement phylogénique,

la forme de la calotte crânienne pourrait, à litre de facteur

d'importance secondaire, concourir à déterminer la direction

des sillons. Outre l'action du cerveau, la forme du crâne

subit en effet d'autres influences modificatrices, capables de

retentir à leur tour sur la morphologie de l'organe nerveux.

Ces influences modificatrices de la forme du crâne, Lugaro

les énumère ainsi : le rapport entre l'axe du corps et la ver-

ticale, l'attitude du corps, la situation et la grandeur des

appareils et organes crâniens des sens, les rapports entre les

os de la face, les inserlions craniennes des muscles et sur-

tout de ceux de l'appareil masticateur. Le rapport signalé

par Meyer, Meynert et Rùdinger entre la dolichocéphalie et

la brachycéphalie d'une part, et la direction des sillons

d'aulre part, paraît également fondé à Lugaro ; mais, comme

la raison génétique de ces formes du crâne nous échappe,

on peut se demander si elles ne sont pas plutôt des effets que

des causes, effets de causes inconnues, ayant déterminé

ces formes céphaliques, expressions probables de caractères

ethniques. L'étude de toutes ces influences sur la forme et la

division des sillons corticaux est encore fort peu avancée.

Mais, même en les admettant, Lugaro demeure fort éloigné

de leur accorder une action prépondérante sur la forme du

crâne. Cette action, il la voit toujours dans la morphologie

du cerveau. C'est dans le nombre et la variété des connexions

des voies de projection et d'association des diverses régions

de l'écorce qu'il faut toujours chercher la raison explicative

de l'extension différente de ces territoires nerveux dans telle

ou telle direction. Déjà en se fondant sur cet ordre de consi-

dérations Schnopfhagen et Flesch ont esquissé à grands

traits une explication de l'origine et de la nature des plis et

des sillons de l'écorce cérébrale 1.

Dans le développement lent et continu de la phylogéniede

la forme du cerveau, si l'on ne saurait exclure l'influence

des variations individuelles utiles, résultat de toute adapta-

' F. Schnopfhaen. Die Fallung der Grosshirnrinde. Tagebl. der 61

Vers. deutsch. Naturf. u. Aerzt. zu Kôln, 1888; Die EntstelwlIfj der

Windungen des ';l'osshil'l1s..Jahl'b. f.Psvelh., IY,'1890. Flysch. Ue6er die

Ursache (le), Ilirnwindungen. Correspond, f. schweiz. Aerzte, 1888 ; Die

Bedeulung der seciiîztlâ,eit 1%arclzerz sur die Erkennlniss der Ursachen

der Ilirzzfurchung. Anat. Anzeig., 1890.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 407

tien'fonctionnelle, c'est surtout dans les effets de l'activité

prolongée des éléments nerveux de cette province du névraxe,

dans les excitations physiologiques provoquées par les

besoins toujours nouveaux auxquels se sont trouvées aux

prises les différentes familles de vertébrés au cours des luttes

séculaires pour l'existence, qu'il convient de chercher la

cause principale des progrès de la forme organique du cer-

veau. Cette forme, avec tous ses mécanismes, tels qu'ils se

montrent dans l'embryon, le foetus et le nouveau-né, est

sortie de formes très simples, très rudimentaires, héritées des

plus lointains ancêtres : elle résulte surtout de la fixation par.

l'hérédité de modifications adaptatives presque insensibles,

mais progressives, d'un petit nombre de centres corticaux

élémentaires et surtout des connexions de ces centres ner-

veux.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

XIX. Empoisonnement chronique par LE SULFONAL (hémcctoporphyri-

nurie) terminé par la mort; par R. SCHULZ. (Neul'olo{]. Centl'albl.,

XV, 1896.) ,

L'hématoporphyrinurie est due à des hémorrhagies stomacales

et intestinales; le sang doit alors séjourner assez longtemps dans

le tube digestif pour être transformé en hématoporphyrine qui est

résorbée et excrétée par l'urine. Il faut donc qu'il y ait intoxica-

tion chronique et constipation. Aussi la rencontre-t-on surtout

dans des cas mortels. C'est ce qui a eu lieu chez une hystérique de

cinquante-neuf ans qui, ne pouvant dormir, n'absorbe d'abord en

trois mois que trois fois la dose habituelle desulfonal. Néanmoins dès

ce moment apparaît l'hématoporphyrinurie. Elle prend ensuite en

un mois 16 grammes du médicament. Tranchées, renvois bruyants,

vomissements; soif vive, agitation. Anesthésie abdominale, anes-

thésie en manchettes au niveau des articulations podaliql1es ; légers

troubles de la motilité. L'appétit revient cependant, la malade

semble plus calme, mais brusquement elle s'affaisse et meurt. L'au-

topsie n'a pu être pratiquée. P. KERAVAL.

408 REVUE DE thérapeutique. -

XX. Note sur l'emploi DE la PARALDÉHYDE; par P. Daman. (Bull. de

la Soc. de Dléd. ment, de Belgique, juin 1896.)

Administré à des paralytiques généraux, des paranoïques, des

mélancoliques, des sujets atteints de délire généralisé, etc., la paral-

déhyde a toujours procuré un sommeil absolument calme. Son

emploi peut être continué longtemps sans inconvénients et sans

qu'il se produise d'accoutumance. On prescrit le médicament à la

dose de 4 grammes à prendre en une fois le soir en se couchant.

G. D.

XXI. Effets comparés DE l'antipyrine ET DES TOXINES SUR LES éléments

nerveux ; par le Dr Debray. (Journal de Neurologie et d'Hypnologie,

1897, N° 3.) .

- Bien que l'antipyrine soit susceptible d'après quelques auteurs de

déterminer dans les éléments nerveux des altérations comparables

à celles de certaines toxines, le Dr Debray, s'appuyant sur les résul-

tats de sa pratique, soutient que le meilleur moyen de conjurer

les accidents nerveux qui compliquent si souvent la grippe est de

donner au début de la maladie de 2 à 5 grammes d'autipyrine par

jour.

XXII. Contribution A la casuistique DE l'intoxication CHRONIQUE par

LE trional ; par N. GIERLICIi. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)

Observation montrant que le trional peut produire un complexus

symptomatique semblable à celui de la paralysie générale, mais avec

conservation très nette.de la conscience de l'état morbide par le

sujet; plus les troubles symptomatiques indiquent une paralysie

générale avancée, plus le malheureux a conscience de la gravité de

son état, ce qui est l'inverse dans la paralysie générale vraie. Évi-

demment le trional exerçait surtout ici une action dénotritive

plutôt que toxique sur les cellules corticales (hyperoxydalion,

légère coagulation du protoplasimi, Mosso, Binz). Dans les cas où

le trional agit directement comme toxique on trouve de l'hémato-

porpliyrine dans l'urine et des troubles gastro-intestinaux. L'obser-

vation présente est en outre intéressante en ce que 4g,50 du médi-

cament fut continué pendant des semaines pour lutter contre le

morphinisme d'ailleurs parallèlement continué. P. KFRAVAL.

YXIlLTRAITE51ENTCFiIRURGICAL DE l'épilepsie ; par Giirw. (Médecine

Détroit, juin 189ï.)

L'auteur laisse de côté l'épilepsie essentielle idiopathique, et son

étude ne vise que l'épilepsie d'origine traumatique ou, réflexe, la

REVUE DE thérapeutique. 409

seule sur laquelle. la chirurgie puisse. agir. La connaissance des

localisations cérébrales a fait faire un grand pas au traitement

chirurgical de cette affection.

Le cas suivant est fort intéressant, en raison des heureux résul-

tats qui ont suivi l'intervention chirurgicale.

Il s'agit d'un homme âgé de trente-cinq ans, cuisinier, qui,

s'étant jeté par une fenêtre dans un incendie, se blessa au bras et

à la tête. Cet accident remonte à quinze ans. Le malade ne peut

dire s'il y eut fracture du crâne. Toujours est-il qu'on n'intervint

pas. Une demi-heure après cette chute, il a présenté sa première

crise de convulsions. Les crises convulsives se sont répétées depuis

durant'treize années. Pendant ce laps de temps, il n'est jamais

resté vingt-quatre heures sans présenter de crises. Ces attaques

violentes, journalières, duraient environ une demiheure. L'atlaque

était précédée de douleurs de tête avec sensation de brûlure.

Eu mars 1895, à la suite d'une crise plus violente que de cou-

tume, il resta sans pouvoir parler ni comprendre ce qu'on lui

disait. Cet état d'aphasie motrice et de surdité verbale persista et

devint permanent. Il ne pouvait s'exprimer que par écrit et par

gestes. Il conservait d'ailleurs toute sa lucidité d'esprit et faisait

savoir qu'à la suite d'une attaque antérieure, il était resté trois

mois sans pouvoir parler. Il était difficile de rattacher des acci-

dents aphasiques si complexes à une lésion corticale en foyer. On

se rattacha à l'idée d'une aphasie purement fonctionnelle. Gowers

admet, en effet, que l'excitation de certain point du cerveau peut

entrainer une aphasie fonctionnelle.

Sur les instances du malade, on l'opéra en décembre 1895. 11

avait déjà subi, un an auparavant, une opération incomplète, qui

n'avait eu d'autre résultat que d'amener une rémission passagère

des crises.

La cicatrice résultant de l'accident se trouve aux confins des

régions pariétale et occipitale à 2 centimètres de la ligne mé-

diane du côté gauche. La pression y est douloureuse, mais ne

détermine pas de convulsions.

On opéra en ce point ; après excision de la cicatrice, on enleva

une rondelle osseuse, qui fut remplacée par une plaque d'argent.

Après l'opération, le malade parlait et comprenait ce qu'on disait.

11 sortait bientôt, complètement guéri de son aphasie et de ses

convulsions. Depuis quinze mois que l'intervention a eu lieu, les

convulsions n'ont pas reparu. P. RELLAY.

XXIV. LE TRIONAL dans le ? maladies mentales; par AGOSTINI. (ll blani-

comio. Anno XI, fasc. 2-3.)

Le trional est un hypnotique utile et actif chez les aliénés, ayant

dans la plupart des cas, une action égale à celle du chloral, supé-

410 revue DE thérapeutique.

rieure à celle du sulfonal, de la paraldabyde, de l'uréthane. Il

réussit surtout dans les formes d'excitation plutôt que dans celles

de dépression. Dans certains cas il entraîne une diminution ou

même une suspension temporaire des accès épileptiques nocturnes.

, J. SÉGLAS.

XXV. DE l'influence PSYCHIQUE DE la NUIT; par le Dr RICHARDSON.

L'alternance du jour et de la nuit n'est pas sans intérêt par

l'influence psychologique qu'elle exerce sur la race humaine. Si le

jour est la période de l'activité énergique, la nuit est celle du

repos et de la récupération. Au jour, correspond un état d'éléva-

tion, de confiance naturelle et de bonne volonté à entreprendre

ce que l'esprit indique; mais à la nuit correspond d'autre part une

dépression naturelle, une timidité, une poltronnerie à surmonter

les obstacles qui se dressent sur notre route. Ne voit-on pas les

médecins supporter chaque nuit les conséquences de cette influence

psychique, appelés par des malades qu'alarment, sous l'influence

de la nuit, le moindre symptôme, une indisposition que, pendant

le jour, ils auraient jugée légère ? Sur le terrain pathologique,

chez les mélancoliques, les heures les plus dangereuses sont les

heures nocturnes : la dépression est plus grande, les obstacles

paraissent plus insurmontables et le pouvoir de résistance aux

idées de suicide est moins effectif; les gardiens de ces malades

devraient recevoir des instructions spéciales à cet égard. (Ameri-

can Journal of insanity, octobre 1896.) E. B.

XXVI. LES lavements d'eau chaude dans LES états d'agitation CHEZ LES

aliénés; par R. Fronda. (Il 31(inicornio, Anno XI, fasc. 2-3.)

Résultais favorabies des lavements à 10° dans les phases d'agita-

tion (épileptique ou hallucinatoire avec ou sans délire), alors qu'il

est nécessaire et qu'on se propose d'empêcher indirectement ou de

traiter un état d'hyperhéruie cérébrale, active ou passive. J. S.

XXVII. LE surmenage oculaire CONSIDÉRÉ comme cause d'épilepsie ET LES

résultats DU traitement ophtalmologique; Réponse au D rREDE-

RICK PETERSON; par AMBROSE L. Ranney. (The New-York Médical

Journal, 26 décembre 1896, 2 et 9 janvier 1897.)

Nous avons rendu compte à cette place du travail du D1' Ranney

et du mémoire du Dr Peterson : nous ne pouvons suivre l'auteur

dans sa polémique contre le.Dr Peterson, et nous devons nous

contenter de reproduire ici, en les abrégeant quelquefois, ses con-

clusions qui, naturellement visent surtout les points sur lesquels

il est en désaccord avec son contradicteur, mais forment par cela

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 411

même le complément des travaux que nous avons précédemment

analysés. Voici le résumé général de l'opinion de M. Ranney :

1° Il a limité la discussion aux points sur lesquels il est en con-

tradiction avec le Dr Peterson; 2° il pense avoir démontré que

l'épilepsie réflexe se rencontre dans un bien plus grand nombre de

cas que ne le pense le Dr Peterson lorsqu'il écrit que ce nombre

ne dépasse certainement pas la proportion de un ou deux sur

mille; 3° il pense avoir démontré que le Dr Peterson est dans

l'erreur lorsqu'il dit que les cas de ce genre, bien authentiques et

dignes de créance, se compteraient aisément sur les doigt*; 4° il

pense avoir démontré que le Dr Peterson est dans l'erreur lors-

qu'il dit que la suppression de l'irritation réflexe ne modifie que

rarement la marche de la maladie. Dans 87 p. 100 des cas réunis

par l'auteur, le soulagement apporté à la fatigue oculaire a com-

plètement guéri ou notablement amélioré l'épilepsie réflexe ;

d'autres observateurs ont constaté des résultats analogues; 5° il a

rapporté des témoignages écrits, émanant soit de médecins con-

nus, soit des malades eux-mêmes, prouvant qu'il s'agissait bien

d'épilepsie vraie, que les résultats publiés par lui sont exacts, et

qu'ils ont été obtenus grâce au soulagement de la fatigue oculaire,

alors que les traitements ou les régimes ordinaires n'avaient pas

réussi à modérer les attaques; 6° il pense avoir démontré qu'il ne

craint pas de fournir, à l'appui de son opinion, des faits cliniques,

rapportés sans aucune omission; 7° il croit avoir montré que les

avantages retirés par les malades de ce mode de traitement ne

sont dus ni à la suspension de la médication bromurée ni à une

contre-irritation, comme l'a avancé le Dr Peterson, sans quoi lui-

même aurait pu les obtenir par les mêmes moyens; 8° il conteste,

comme absurde et insoutenable, la curieuse assertion du Dr Peter-

son, suivant laquelle il y aurait un effet mental produit sur le

malade parla ténotomie; 9° il conteste l'assertiou du Dr Peterson

suivant laquelle une sorte d'hypnotisme mental permanent serait

un facteur possible des résultais obtenus; 10° il croit, après les

arguments qu'il a apportés, pouvoir repousser le reproche de

«cécité mentale » que lui adresse le Dr Peterson; 11° il se croit

en mesure de prouver par les faits rapportés que le D1' Peterson

se trompe en assurant qu'il.ne pourra pas étayer ses conclusions

par des faits; 12° il estime que la proportion des épileptiques, chez

lesquels la fatigue oculaire joue un rôle important (déduction

faite des cas relativement peu nombreux où les crises d'épilepsie

sont directement sous l'influence d'une lésion organique du cer-

veau ou d'une dépression des os du crâne) est très considérable ;

13° la proportion énorme des guérisons complètes et pratiques,

dans la série rapportée par l'auteur de vingt-deux cas traités par

la méthode ophtalmologique, est, à son avis, supérieure à ce que

l'on peut espérer obtenir dans un nombre plus considérable de

412 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

cas alors même que l'oculiste est particulièrement habile à résoudre

le problème oculaire compliqué de l'épilepsie et qu'il possède une

grande habitude de ce traitement. La proportion obtenue est de

beaucoup plus considérable que l'auteur ne l'avait annoncé, ou

même espéré pour les épileptiques ; 14° il croit avoir démontré

que la fatigue oculaire peut exister sans aucun symptôme oculaire,

et que la douleur de l'occiput et de la nuque, bien que réellement

fréquente, n'existe pas nécessairement; 15° il pense avoir expliqué

d'une manière satisfaisante pourquoi les épileptiques peuvent

avoir : des rechutes temporaires après les résultats avantageui

d'un traitement oculaire, sans que cela justifie en aucune manière

les critiques injustes dirigées contre 'ce traitement et ses résultats

permanents, résùltats qui auraient pu être maintenus tels, si le

malade' avait pris soin d'éviter de nouvelles sources d'irritation

réflexe; 16° il voudrait que le lecteur fût bien pénétré de cette

vérité que toute amélioration marquée des crises épileptiques,

qu'elle porte sur leur fréquence ou sur leur violence, si elle est

obtenue en dehors de toute intervention pharmaceutique, constitue

un progrès marqué sur les méthodes antérieures de traitement,

alors même que la guérison ne serait pas complète; 17° il désire

aussi persuader ses confrères de l'extrême difficulté du traitement

oculaire chez les épileptiques chroniques, et de la nécessité où

l'on est de surveiller longtemps et patiemment les anomalies

c latentes » de l'accommodation, avant de penser une intervention

opératoire ou de l'entreprendre. Il faut en outre que l'oculiste

soit bien familiarisé avec les méthodes nouvelles, et que, de son

côté, le malade soit suffisamment intelligent pour se rendre

compte de l'importance des détails et pour persévérer dans le

traitement jusqu'à ce qu'une accommodation parfaite ait été obte-

nue ; 48° il estime qu'il est facile de démontrer que beaucoup de

médecins éminents qui étaient autrefois opposés à la manière de

voir que défend l'auteur ont été forcés d'admettre, dans une

mesure plus ou moins large, le traitement oculaire des maladies

nerveuses : s'ils ne sont pas devenus enthousiastes de la méthode

nouvelle, ni peut-être tous très habiles à l'employer, du moins ne

repoussent-ils plus les preuves cliniques placées sous leurs yeux :

la lecture des livres classiques actuels, et surtout leur comparaison

avec les livres classiques d'il y a quelques années le démontrent

manifestement; 19° enfin il insiste une fois de plus sur la néces-

sité, lorsqu'on se trouve en présence d'une maladie nerveuse (et

particulièrement de celles de ces maladies qui sont les moins

accessibles au traitement, comme l'épilepsie, la folie, la chorée,

les névralgies) de n'avoir recours à la médication pharmaceutiqus

que lorsqu'on a soigneusement, intelligemment et vainement

cherché toutes les causes réflexes possibles.

H. DE 1\IUSGItAVE-CLAY.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. .1, l3

XXVIII. CONTRIBUTION A L'ÉTIOLOGIE ET A LA thérapeutique DE la para-

LYSIE progressive des aliénés; par. W.-A. Tschisch. (Cenlralbl. l.

Newenheilk., XVIII, N. F., IV, 1895.)

N'utilisant que les cas appuyés par des commémoratifs bien

exacts, et procédant sur des faits nettement observés, l'auteur a

recueilli 130 observations : 96 de ces paralytiques généraux avaient

en souvent la syphilis. Ces 996 syphilitiques .paralytiques étaient

surtout (56) des individus de trente à quarante ans. Ils avaient

généralement eu la syphilis (36), cinq à dix ans avant la paralysie

générale. Voici des autres causes de paralysie générale que l'on

pouvait noter chez eux :

414 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XXIX. DE l'hydrargyroiodate D'HGUILE ; par Kobert. (Centralbl, f.

Newenheilk., XIX, NF, 1896.) ,

Préparations contenant 13 p. 100 de mercure et 28 p. 100 d'iode,

associés à l'hémoglobine. Ou la donne en pilules dans la syphilis

avancée, d'après la formule : ,

sociétés savantes...415

Dresde, Leipzig, Troudjeine, Christiania, Copenhague, Londres,

Bruxelles et aussi en Amérique', soit sous forme d'établissements

privés, soit sous forme d'instituts annexés aux écoles primaires. Si

un traitement spécial n'est pas appliqué à ces enfants, la plupart

resteront pour, toujours dans leur ignorance actuelle et conserve-

ront les défauts moraux qui les rendent si désagréables.

Si des soins spéciaux leur sont donnés, beaucoup pourront

s'instruire ou se corriger et échapper ainsi à la prison ou à la mai-

son de correction qui les guette. C'est aux médecins qu'il appar-

tient de renseigner les parents et les autorités sur ce qu'ils peuvent

faire pour obvier dans une large mesure aux troubles intellectuels

et moraux de l'enfance, et pour empêcher que beaucoup d'arriérés

restent définitivement des déclassés.

XXXI. SUR LES EFFETS de l'extirpation DES glandes parathyroïdiennes;

par G. Vassale et F. Generali. (Iliv. di. pat. rzerw. et ment.,

fasc. 7, 1896.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Mon cher Rédacteur en chef, .

Le Congrès de Moscou est clos et on peut aujourd'hui jeter un

coup d'oeil d'ensemble sur l'oeuvre qui s'y est accomplie, au moins

en ce qui concerne les branches spéciales qui intéressent les

lecteurs des Archives de Neurologie.

Toutefois, même à ce point de vue, il est difficile de rendre

compte, même d'une façon succincte, de l'étendue et de la multi-

plicité des questions abordées. Les questions à l'ordre du jour ont

fait l'objet de rapports variés en langues diverses, ce qui n'était

pas une des moindres causes des ditficultés auxquelles se sont

' La création d'écoles semblables en France a été à diverses reprises

réclamée par M. Bourneville.

416 SOCIÉTÉS savantes.

heurtés les correspondants de journaux ainsi que ceux qui comp-

taient prendre part aux discussions contradictoires.

En fait, chaque section a constitué une série de congrès natio-

naux successifs, et le plus souvent, chacun s'est attaché, naturel-

lement, à lire son travail le jour où étaient inscrits des com-

patriotes susceptibles de l'écouter et de le comprendre.

Le nombre très grand des médecins allemands, dont quelques

congressistes français se sont montrés chagrinés, a fait que le

nombre des notes présentées dans leur langue a été considérable

et qu'elles ont été lues généralement en présence d'amis venus en

bande pour faire un succès à leur compatriote, ce que les Français

auraient pu tout aussi bien faire, s'ils avaient été en nombre et

plus unis. ,

Des journaux politiques en ont tiré la conclusion que nous avions

été froidement reçus et que les ovations des Russes avaient été aux

Allemands, alors que ce sont les Allemands eux-mêmes qui se

sont faits leurs propres et légitimes ovateurs. ,

Les Français étaient trop peu nombreux et on était étonné de

l'abstention de certains chefs de file autour desquels on eût été

heureux de se grouper pour souligner la valeur de notre vitalité

scientifique nationale.

Il est nécessaire de dire ces choses, pour protester contre cer-

taines insinuations d'un chauvinisme - morose qui pourraient

attrister nos confrères russes, lesquels ont tout fait pour nous être

agréables et nous recevoir d'une façon qu'il sera difficile de sur-

passer en 1900 à Paris.

Les médecins allemands étaient groupés et marchaient en batail-

lons disciplinés; ils avaient d'ailleurs eux-mêmes fait l'offre gra-

cieuse de recevoir les Français au passage et de leur faire les

honneurs de Berlin et Hambourg.

Mais c'était de leur part se faire une idée bien fausse du carac-

tere indépendant des confrères français, qui sont à peu près tous

partis isolément, sans entente préalable commune et à des dates

diverses ; il était, dans ces conditions, impossible de répondre à

l'invitation allemande^ et il est fâcheux que cette abstention non

voulue ait été prise pour une impolitesse intentionnelle.

Cependant, la preuve que les savants russes étaient au fond

pleins de sympathie pour la France, c'est qu'ils ont réussi à faire

désigner Paris comme siège prochain du Congrès suivant, malgré

le petit nombre des Français et l'opposition de Madrid, déjà pro-

posée à Rome en 1893.

Quoi qu'il en soit, les principales questions au programme pour

la section de Neurologie et Psychiatrie étaient celles relatives à

l'étude des obsessions, l'étiologie et la nature de la paralysie

générale et du tabès et enfin la récente découverte d'histologie

normale ou pathologique concernant le système nerveux périphé-

sociétés savantes. 417

rique et central. Je me suis borné à présenter ici un résumé des

principales communications en langue française sur ces ques-

tions générales et aussi sur quelques points en dehors du pro-

gramme, dans l'ordre où elles ont été présentées au Congrès.

A. Marie.

SECTION DES maladies NERVEUSES ET mentales

' Séméiologie des obsessions et idées fixes.

MM. Pitres et Régis (de Bordeaux). Conception psycho-pathologique

de l'obsession. L'obsession est un état morbide à base émotive.-Sans

entrer dans de longues considérations générales pour faire une

démonstration qui ressortira suffisamment, nous l'espérons, de

l'ensemble de cette étude, nous rappellerons que la psychologie

contemporaine a montré que la vie affective est la première en

date,- avant la vie intellectuelle, et que, dans les processus de la

conscience, l'émotion est antérieure à la connaissance.

« Comparer, dit Ribot, comme l'ont fait certains auteurs, la

« sensibilité » et l' « intelligence » pour rechercher si l'une de ces

deux « facultés » est supérieure à l'autre, est une question factice,

déraisonnable, puisqu'il n'y a pas de commune mesure entre les

deux, et elle ne comporte aucune solution, sinon arbitraire. Mais

on peut procéder objectivement et se demander si l'une est pri-

maire et l'autre secondaire, si l'une vient se greffer sur l'autre, et,

dans ce cas, laquelle est le tronc et laquelle est la greffe. Si la vie

affective apparaît la -première, il est clair qu'elle ne peut, être

dérivée, qu'elle n'est pas un mode, .une fonction de la connais-

sance, qu'elle existe par elle-même et est irréductible. » Et Ribote

résume en faveur de la priorité de la vie affective les principales

preuves physiologiques, ainsi que les preuves psychologiques,

admirablement indiquées déjà par Schopenhauer.

a L'émotion, le sentiment, soutient aussi Dallemagne, sont à la

base de l'idée comme les centres nerveux inférieurs constituent les

agents secondaires de l'activité des centres supérieurs. L'appa-

rent effacement des émotions et du sentiment dans la genèse de

l'idée n'implique donc que l'infériorité de leur degré de cons-

cience. Celte infériorité, jointe à la difficulté de leur rappel mné-

monique, est encore un des indices de leur ancienneté évolutive. Ils

servent comme de transition entre les fonctions médullaires auto-

maliques et inconscientes et les fonctions corticales conscientes et

d'apparence spontanée. Toutefois, ces distinctions sont pour ainsi

dire inexistantes dans le temps ; l'idée et l'émotion, séparées par

tant de caractères, s'engendrent en réalité d'une manière instan-

tanée. Leur coexistence, leur pénétration anéantit tout ce que

leurs différences de localisation, d'ancienneté, de conscience et

d'intensité, enseignent et démontrent. » .

Archives, 2e série, t. IV. 27

418 sociétés savantes.

S'il en est ainsi à l'état physiologique, il ne peut en être autre

ment à l'état pathologique. Considérons par exemple l'impulsion.

» A la base de toute activité physique, déclare Féré, il y a un état

émotionnel en rapport avec une excitation locale ou générale,

qu'elle soit perçue ou non. Les impulsions dites irrésistibles, que

l'on qualifie aussi quelquefois à tort d'automatiques, sont toujours

en rapport avec une émotivité morbide, en conséquence de laquelle

une irritation, perçue ou non, détermine une décharge, qui,

suivant qu'elle est plus ou moins rapide, est inconsciente ou cons-

ciente. »

L'impulsion est aussi, pour Krafft-Ebing, « voisine des actes

émotifs, mais elle en diffère essentiellement en ce qu'elle ne

coïncide pas, par rapport au temps, avec une émotion, bien qu'elle

ait souvent une base émotive ».

Quant à l'obsession, il en est de même, et plus encore. La meil-

leure preuve que l'on puisse donner de la priorité et de la pré-

pondérance de l'émotion dans l'obsession, c'est qu'elle en est

l'élément constant et indispensable. Prenez une obsession quelle

qu'elle soit, impulsive ou idéative, l'obsession-doute ou l'obsession-

homicide par exemple. Supprimez par la pensée l'angoisse,

l'anxiété qui s'y trouvent, et vous n'avez plus d'obsession. Par

contre, prenez une obsession quelconque et enlevez-en l'idée fixe

ou la tendance impulsive, ne laissant que l'anxiété, l'angoisse, et

vous avez encore l'obsession dans son fondement, dans son

essence. Tels sont ces états d'anxiété diffuse qui ne se précisent

que d'une façon momentanée et, comme dit Ribot, au hasard des

circonstances. Il peut donc y avoir obsession, entendue au sens

large du mot, sans idée fixe et sans impulsion ; il n'y en a pas sans

émotion, et, dans tout état obsédant, on retrouve, plus ou moins

marqués, les phénomènes constitutifs de l'émotivité pathologique,

en particulier les. phénomènes vaso-moteurs.

Autre preuve encore. Il est des obsédés, et ils sont nombreux,

chez lesquels l'objet de l'obsession est multiple ou se modifie, s'il

est unique. Les uns, par exemple, ont commencé par la phobie de

la rage; plus tard, ils ont la phobie de la malpropreté, puis celle

des pièces de monnaie, etc., etc. D'autres ont, à la -fois, en même

temps, plusieurs obsessions. Or, ce qui varie chez eux, soit succes-

sivement, soit simultanément, c'est le phénomène intellectuel,

sentiment ou idée. Ce qui ne varie pas, ce qui reste immuable et

constant, c'est le phénomène émotif, c'est l'anxiété.

Il convient de faire remarquer aussi, avec M. Séglas, que, dans

nombre de cas, les obsessions débutent par une phase d'angoisse

pure et, avec Dallemagne, qu'elles finissent souvent de même par

une phase d'angoisse analogue, après la disparition de l'idée fixe.

- Notons enfin que, si l'émotion. n'était qu'une réaction de l'idée

fixe, son intensité devrait nécessairement être en raison directe de

SOCIÉTÉS savantes. 419 9

l'intensité de cette dernière. Or, c'est le contraire qui est plutôt

vrai, car on peut dire, en thèse générale, que les symptômes émo-

tionnels s'atténuent dans l'obsession, au sur et à mesure qu'elle

tend à s'intellectualiser.

L'obsession est donc, comme l'avait vu Morel, un état morbide

foncièrement émotif.

Classement nosologique des états d'obsession. Cette conclusion

n'est pas seulement importante théoriquement, au point de vue de

la conception psycho-pathologique du syndrome. Elle domine

pour nous l'étude entière de l'obsession et nous fournit à son sujet

les éléments d'une divisiou clinique rationnelle. Si l'émotion est,

en effet, l'élément fondamental des états d'obsession, c'est évidem-

ment elle qui doit servir de base à leur classement.

Dans une première catégorie de cas, tout se réduit aux phéno-

mènes de l'émotivité pathologique, de l'ansoisse. Ce sont les né-

vroses anxieuses pures ou phobies, divisées en diffuses et systéma-

tisées, suivant que l'anxiété leste imprécise ou s'objective sur un

sujet déterminé. Dans une seconde catégorie de cas, aux phéno-

mènes de l'émotivité pathologique s'ajoute une idée fixe ou domi-

nante. Ce sont les obsessions proprement dites.

On a donc ainsi une série d'états obsédants, qui, partis de la

forme la plus élémentaire, l'anxiété vague ou diffuse, sorte

d'ébauche indistincte, aboutissent à la forme achevée ou complète,

l'obsession idéative, en passant par l'anxiété systématisée, qui

constitue entre les deux comme une sorte d'intermédiaire ou

de transition.

Nous étudierons successivement : i° L'état obsédaut à anxiété

diffuse ou panophobique ; 2° L'état obsédant à anxiété systéma-

tisée ou monophobique ; 3° L'état obsédant à idée anxieuse ou

monoïdéique. '

C'est là, sur une base autre et dans un ordre progressif plus

complet, au point de vue clinique, la division des états obsédants

en phobies et obsessions vraies, adoptée par certains auteurs

et notamment par Freud.

1° Etat obsédant ci anxiété diffuse ott panophobique. Dans

le premier cas, celui que nous avons en vue ici, les sujets sont

dans un état permanent de tension émotive, qui éclate brusque-

ment par paroxysmes, à propos de tout et de rien, comme

une décharge de fluide émotionnel, accumulé en excès dans l'or-

ganisme. Une idée, une émotion, une sensation quelconques, suf-

fisent, le moment venu, pour provoquer la décharge, qui peut

même se produire dans le summeil sous la forme de chocs anxieux

(ernotional discharpes, de Weir Alitchell), de réveils brusques,

avec angoisse respiratoire (réveils angoissants, de Mac Farlane).

Attente anxieuse. Le symptôme prédominant de cet état pano-

phobique est ce que Freud appelle très justement « l'attente

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

anxieuse ». « Je ne puis mieux définir, dit-il, ce que je décris sous

le nom de « névrose d'angoisse », que par ce mot et par l'exemple

que j'ajoute. Une dame qui souffrait de cette « attente anxieuse »

s'imaginait, à chaque accès de toux de son mari, qu'il avait une

pneumonie influenzique et voyait son spectre marcher en tête

de son propre convoi funèbre. Si, rentrant-chez elle, elle voyait

deux personnes devant sa porte, elle ne pouvait se sortir de

l'idée que l'un de ses enfants s'était précipité par la fenêtre;

si elle entendait sonner les cloches, elle croyait qu'on allait

lui annoncer un deuil. Et cependant, dans tous ces cas, il n'existait

aucune raison plausible à cette appréhension.

Attaque anxieuse. Quelle que soit la circonstance provocatrice

de la décharge émotive, celle-ci éclate à la façon d'une véritable

attaquo, soudaine le plus souvent, mais précédée parfois d'une

« aura, partant du centre épigastrique, de la profondeur des

entrailles, et s'irradiant dans tout le système cérébro-spinal ».

(Morel.) Quant à l'attaque en elle-même, elle est essentiellement t

constituée par un état d'angoisse, soit simple, soit associé à une

sensation phobique quelconque (sensation d'abolition de la vie,

d'évanouissement, de folie imminente, d'accident inévitable, etc.),

et accompagné des symptômes physiques habituels de l'émotivité

morbide, particulièrement du côté de la respiration, de la circula-

tion, de l'innervation vaso-motrice de l'activité glandulaire.

Cas d'anxiété diffuse ou panophobique. Les exemples de l'état

anxieux panophobique ne sont. pas rares. On en trouve un dans le

mémoire si remarquable de Morel. Il s'agit de ce banquier qui ne

pouvait assister à une représentatio des Italiens sans être pris, à

l'audition de certains motifs, de troubles émotionnels qui se tra-

duisaient par des pleurs, des sanglots, et l'obligeaient à quitter la

salle. Dans sa collection de tableaux, il en était dont il ne pouvait

faire ressortir les beautés aux amateurs sans se livrer à des mani-

festations qui se terminaient pareillement par des crises de larmes.

A la moindre indisposition de son neveu, ce malade se roulait de

désespoirsuruncanapé, prenait les mains de son médecin'et le sup-

pliait de sauver des jours qui n'étaient nullement en danger. Dans

la mare d'Auteuil, au Bois de Boulogne, qu'il avait louée, il élevait

des grenouilles et payait un garde pour veiller à la sûreté de ces

batraciens... Un jour, il aperçoit un de ces animaux étendu sans

mouvement ; l'émotion qu'il en ressentit détermina une crise de

larmes, des sanglots, un véritable accès de désespoir. Il dut se cou-

cher en arrivant et envoya quérir son médecin.

2° Etat obsédnnt avec anxiété systématisée, ou monophobique (phobie

proprement dite). Comme les antres états obsédants, mais d'une

façon plus nette encore, les phobies systématisées peuvent être

.consLitutioiiuelle5 ou accidentelles.

Constitutionnelles, elles se présentent sous forme de répulsions

SOCIÉTÉS SAVANTES. * 421

.ou de peurs anxieuses originelles, chroniques,' portant spécia-

lement sur un objet déterminé' (phobie du velours et des fruits,

du sang, des armes tranchantes, du feu, de l'eau, des hauteurs, de

l'orage, d'un animal, etc.). Ces phobies systématisées ont été signa-

lées, notamment par More), Féré, Gélineau, chez un certain nom-

bre de personnages célèbres. -

Les caractères principaux de la phobie systématisée constitution-

nelle sont les suivants : 1° Elle s'allie à une hérédité chargée, sou-

vent similaire, à un tempérament névropathique, hystérique ou

hystéro-neurasthénique, et peut, dans le milieu delà famille ou de

l'intimité, se présenter sous forme de phobie à deux; 2° son début,

très précoce, a lieu dans l'enfance où à la puberté; 3° elle peut,

mais cela n'a guère lieu que lorsqu'elle constitue un stigmate indé-

lébile de déséquilibralion émotive, demeurer unique et persister

indéfiniment sous la même forme avec des alternatives de pa-

roxysme et d'accalmie ; 4° le plus souvent plusieurs phobies systé-

matisées se succèdent dans la vie du sujet,'au hasard d'événements

même sans importance, ou bien il existe une phobie primitive et

permanente, prédominant au milieu d'un certain nombre d'autres

phobies accessoires. La variété accidentelle de phobie systématisée

à des caractères cliniques différents.

Tout d'abord, elle survient chez des sujets à prédisposition héré-

ditaire beaucoup moindre, en tout cas non dégénérative. Dépourvus

d'une tare forte les exposant, comme les précédents, à succomber

dès le premier choc, ces sujets traversent la puberté, le mariage et

les épreuves ordinaires de la vie sans accident. Mais à un moment

donné, entre trente et cinquante ans surtout, comme l'avait

déjà remarqué Morel, mis en état d'opportunité morbide par des

fatigues, du surmenage, une maladie, qui ont créé ou accentué

chez eux un état névropatique, hystérique ou hystéro-neurasthé-

nique, ilssubissenlun choc moral violent : c'est, très souvent, la

mort d'un parent ou d'un ami ; un accident grave, tel que chute

de voiture, de chemin de fer, etc. Ce genre de phobies mérite bien,

comme on le voit, le nom de phobies traumatiquesque Freud pro-

pose de lui attribuer.

3° Etat obsédant avec anxiété intellectuelle Oll monoidéique. (Obses-

sion proprement dite). - La première question qui se pose ici est

celle de savoir si l'obsession est souvent, comme nous le pensons,

une forme aggravée ou, pour mieux dire, intellectualisée de la

phobie.

Or l'obsession n'est plus souvent qu'une forme aggravée ou pour

mieux dire intellectualisée de la phobie. Entre la phobie systéma-

tisée et l'obsession, il n'y a pa, à notre avis, si loin qu'on le croit

généralement. 11 y asi peu loin qu'en consultant l'ensemble de nos

observations, nous nous sommes trouvés souvent embarrassés pour l'

distinguer s'il s'agissait de phobies ou d'obsessions. Que faut-il, en

422 SOCIÉTÉS SAVANTES.

effet, pour que la phobie systématisée tourne à l'obsession ? Il faut

simplementque celte phobie, au lieu de se manifester par descrises

d'angoisse intermittentes, avec calme complet dans l'intervalle,

préoccupe plus ou moins, dans l'inter-paroxysme, l'esprit du sujet,

ce qui arrive dans la majorité des cas. Et c'est ainsi que, par une

pente toute naturelle, la monophobie tend peu à peu vers le monoï-

disme, et qu'on a si souvent affaire, dans la pratique, non à des

phobies systématisées pures, mais à des cas intermédiaires ou de

transition entre la phobie et l'obsession.

L'obsession n'est donc souvent qu'une phobie ayant perdu son

caractère de simple trouble émotif pour prendre, par le fait

même de son évolution, celui de trouble à la fois émotif et intel-

lectuel.

Au reste, dans les cas mêmes où l'obsession survient d'emblée.

sans avoir passé au préalable par une phase exclusivement phobique

les symptômes caractéristiques de l'angoisse se retrouvent toujours,

à un degré quelconque. Ce qu'on peut dire, au moins en thèse

générale, c'est que plus l'obsession tend à s'intellectualiser, plus

son substratum émotif s'atténue.

Il est d'usage de séparer, dans l'obsession, l'idée fixe simple et

l'idée impulsive. Bien qu'au fond de toute idée il y ait un élement

moteur, et que les idées obsédantes soient de véritables « impul-

sions intellectuelles » (Bail), nous envisagerons séparément les

obsessions idéatives et les obsessions impulsives. Nous dirons aussi

quelques mots à part des hallucinations dans les obsessions. Le

substratum émotionnel de l'obsession nous étant connu, puisqu'il

est le même, à l'intensité près, que celui de la phobie, nous n'a-

vons à nous occuper ici que de l'élément intellectuel, de l'idée

fixe.

Obsessions idéatives. - Le caractère principal de l'idée fixe patho-

logique - nous parlons de l'idée fixe jugée telle, car l'idée fixe

méconnue est une idée délirante dont nous n'avons pas à nous

occuper ici - est d'être involontaire et en désaccord avec le cours

régulier des pensées.

L'individu que poursuit un nom, un mot, un refrain, présente à

ce point de vue un rudiment d'obsession, parce que le souvenir qui

s'impose à lui est involontaire, automatique, et tend à dissocierson

activité psychique normale en se substituant à elle. Mais ce n'est

qu'un rudiment d'obsession parce qu'il lui suffit d'un effort

de volonté plus ou moins intense pour chasser cet hôte importun.

C'est une idée parasite, automatique, discordante, irrésistible. La

plupart des auteurs ont insisté sur ce caractère essentiel de l'idée

fixe d'obsession. Kipper la considère comme paraissant née hors

de notre cerveau. Séglas dit : « L'obsession n'est, en résumé, qu'un

état particulier de la désagrégation psychologique, une sorte de

dédoublement de conscience. »

SOCIÉTÉS SAVANTES. zizi

z Mais cela n'empêche pas la lutte, au contraire. Car, qui dit

obsession, dit lutte. Ce qui différencie essentiellement, en effet, au

point de vue de l'idée, l'obsession du délire, c'est que, dans lèpre-,

mier état, la conscience se révolte contre l'invasion de la puissance

étrangère qui tend à l'envahir et fait appel à la volonté pour la

refouler, tandis que, dans le second, l'idée délirante peut être

pénible, suivant sa teneur ; mais elle n'est pas un élément hétéro-

gène, elle s'identifie à l'esprit par qui elle est acceptée, dès lors avec

toutes ses déductions.

Un des caractères le plus anciennement et le plus généralement

attribués à l'obsession, c'est d'être consciente, et c'est pour ce motif

qu'elle a été tout d'abord rangée et décrite dans les folies dites

avec conscience.

Les idées qui constituent l'élément intellectuel de l'obsession

sont éminemment variables. Nous avons relevé dans nos 0 obser-

vations toutes celles qui existaient dune façon nette, et nous avons

trouvé, parmi les principales, l'obsession de la folie, de la gale,

de la syphilis, du cancer, de l'attaque d'apoplexie, de la mort

subite, etc.

D'une façon générale, les obsédés sont pris le matin, dès leur

réveil, et ce passage de la vie onirique, accompagné le plus souvent

de l'oubli momentané de leur torture morale, à la vie réelle quila

fait réapparaître instantanément, est chez beaucoup, comme chez

nombre de neurasthéniques, le plus mauvais moment de lajournée.

D'autres, au contraire, dans un état supportable durant le jour,

sont pris tous les soirs, à la tombée de la nuit, de paroxysmes

angoissants. '

Le sommeil est plus ou moins bon.Tantôtl'obsession n'a aucune

répercussion sur lui; d'autres fois elle a également lieu dans le

rêve, soit qu'elle en tire son origine, soit qu'elle s'alimente et se

renforce simplement en lui. Cette action du rêve sur l'obsession et

l'idée fixe s'exerce surtout chez les hystériques, sans qu'ils en aient

souvent conscience à l'état de veille. L'obsessionse manifeste habi-

tuellement sous forme paroxystique et il est rare qu'elle soit tout à

fait continue. En tout cas, dans l'intervalle des crises et même

durant les crises, lorsqu'elles ne sont pas trop intenses, les

sujets peuvent continuer de se livrer aux travaux de leur profes-

sion. D'habitude ils cachent leur étal d'âme et se renferment en

eux-mêmes, évitant d'en parler jusqu'à leurs plus proches. Ce n'est

que lorsqu'ils sont à bout de forces ou trop tourmentés qu'ils vont

s'ouvrir au médecin, puisant dans cette confession, comme les neu-

rasthéniques, un soulagement momentané.

Obsessions impulsives. - Au point de vue psychologique, l'exis-

tence d'une forme d'obsession particulière, caractérisée par des .

impulsions, ne saurait être admise, toute idée, nous l'avons vu,

étant un mouvement en germe et toute obsession idéative étant

424 SOCIÉTÉS SAVANTES.'

elle-même, en somme, une impulsion intellectuelle.- Au point de

vue nosologique, l'obsession impulsive n'existe pas non plus en tant

que variété à part, car ses symptômes ne sont pas essentiellement

différents de ceux que nous venons d'examiner.

Un second point, qui touche de près au précédent, est celui de

savoir si les obsédéscèdent, et s'ils cèdent souvent à leurs impul-

sions. 1

Nous ne croyons pas; pour notre part, que, d'une façon générale,

l'obsession aboutisse très fréquemment à l'exécution d'un délit ou

d'un crime. Tout en admettant que le sujet puisse, après avoir

épuisé dans une longue lutte toutes les résistances de sa volonté. se

laisser finalement entraîner, nous croyons que d'habitude il n'en

est pas aiusi, et que, soit spontanément, soit grâce à l'appoint d'un

soutien moral, de bonnes paroles d'encouragement, ou de tout

autre moyen de protection, l'impulsion reste heureusement chez lui

à l'état statique. 1

Si l'obsession impulsive aboutit parfois au délit ou au crime, ce

qu'il est. impossible de nier, c'est seulement dans des cas déter-

minés, en particulier dans les cas où l'obsession n'est pas pure et

où il s'y joint un autre facteur, tel que : dégénérescence marquée ?

affaiblissement intellectuel, intoxication alcoolique, morphiniqueou

autre, idée délirante, contagion par l'exemple ou les journaux,

attraction trop forte et enivrement de l'étalage, etc. C'est faute

d'avoir tenu compte de ce facteur, de' cet élément surajouté, qu'on

a pu considérer les délits et les crimes par obsession comme des

plus fréquents. En réalité, pour faire passer l'obsédé de l'idée ou de

la peur à l'acte. il faut le plus souvent quelque chose de plus que

l'obsession. Il en est ainsi, par exemple, chez heaucoup de régi-

cides. Ravaillac, pour ne citer que celui-là, était hanté par l'idée

de tuer le roi, et trois fois il quitta Paris pour ne pas céder à la

tentation, allant même jusqu'à briser, dans ce but, la pointe de son

couteau. Il succomba enfin, parce qu'il était convaincu qu'Henri IV

voulait faire la guerre au pape et détruire l'Eglise catholique. Ce

n'était pas, chez lui une obsession simple, mais une obsession liée

à une idée erronée, sinon délirante.

En est-il de même pour le suicide que pour les autres impulsions ?

En d'autres termes, les obsédés se suicident-ils ou non ? Eh bien sur

l'ensemble de nos observations, nous avons trois cas de suicide et

plusieurs tentatives. L'obsédé peut donc se suicider.

Les obsédés, particulièrement les obsédés impulsifs, sont-ils res-

ponsables de leurs actes ? C'est là une question des plus délicates à

résoudre.

Lorsqu'il s'agit, en effet, d'une folie confirmée, l'hésitation n'est

pas permise, parce que la folie est incompatible avec la libre déter-

mination. Mais lorsqu'il s'agit d'états comme l'obsession, dans

lesquels les facultés intellectuelles et morales sont touchées sans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 425 5

qu'il y ait aliénation à proprement parler, on comprend que l'ap-

préciation de la responsabilité soit très difficile.

C'est sur ces données qu'il convient de se décider et de conclure

chez l'obsédé à un degré de responsabilité qui peut varier, suivant

les cas, depuis la responsabilité à peu près entière jusqu'à l'irres-

ponsabilité absolue, lorsque véritablement « il a été contraint par

une force à laquelle il n'a pu résister ». (Code pénal,' art. 64.)

Oboessions hallucinatoires. Un des caractères le plus généra-

lement reconnus aux obsessions jusqu'à ces derniers temps, c'est

de ne s'accompagner jamais d'hallucinations. Morel l'avait déjà

noté, et M. J. Falret a insisté sur ce point dans son rapport au Con-

grès inteanational de 1889. '

Divers cas d'obsessions aux hallucinations ont été publiés, entre

autres ceux de Stefani, de Séglas, de Catsaras. M. Séglas surtout

s'est occupé de la question, et, dans plusieurs travaux, a démontré

que l'hallucination ne doit pas être exclue du cadre des obsessions.

Il admet deux sortes decas : ceux où l'idée obsédante s'accompagne

d'hallucination qu'elle provoque (obsession hallucinatoire), et ceux

où une hallucination revêt le caractère obsédant (hallucination

obsédante). Dans les deux cas, l'hallucination peut affecter une

forme quelconque, être verbale ou commune, sensorielle ou motrice,

atteindre aussi la sensibilité générale.' .'

Marche. Durée. Pronostic. Terminaison. Forme aiguë. La

marche des obsessions est aiguë ou chronique. Daus les cas aigus,

l'accès survient brusquement à la suite d'un choc moral violent ou

d'une poussée infectieuse, presque toujours alors sous forme de

phobie diffuse ou systématisée, avec un état anxieux permanent et

très intense. Elle dure un laps de temps variable, de quelques

semaines à quelques mois; puis elle s'atténue et disparaît. Quand

la guérison est complète, le malade parle sans émotion actuelle des

angoisses qu'il a éprouvées pendant qu'il était dans la période

d'accès ; il se souvient parfaitement de l'état d'anxiété dans lequel

il se trouvait ; il en décrit volontiers les symptômes ; il se rit de ses

craintes passées et avoue qu'elles étaient absolument injustifiées.

Forme chronique. La forme chronique est intermittente,

rémittente ou continue. La variété intermittente est pour ainsi

dire spéciale à certaines phobies systématisées, aux constitution-

nelles notamment, dans lesquelles la crise n'a lieu qu'avec le retour

de la cause provocatrice ; par exemple : à la vue de l'animal redouté

au bruit de l'orage, en face d'allumettes, d'un couteau, etc. Dans

l'intervalle, l'esprit est entièrement en repos. Dans la variété rémit-

tente, considérée par tous les auteurs comme la plus fréquente, la

maladie se traduit par des paroxysmes plus ou moins rapprochés,

entre lesquels il reste des symptômes encore très sensibles d'émoti-

vité obsédante. C'est le cas de beaucoup de phobies syttématisées,

de celles surtout qui sont à la fois des phobies et des obsessions.'

42G 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Telle, par exemple, l'érythrophobie, caractérisée par des ictus de

rougeur angoissante avec idée obsédante pins faible, dans l'inter-

valle. Quant à la variété continue, elle est plus rare, mais elle existe.

On la rencontre en particulier dans les formes intellectualisées de

l'obsession, comme celle du doute. Les, malades n'ont plus alors

aucun repos. Constamment ils ont l'esprit torturé par lenr pensée

morbide et se posent indéfiniment les mêmes questions. Mais,

même dans ces cas, les paroxysmes ne font pas défaut. La durée de

la forme chronique, toujours longue, est de plusieurs mois ou de

plusieurs années.

Pronostic. Terminaison. La terminaison des obsessions est

variable. Elles peuvent guérir, elles peuvent persister indéfiniment.

Les conditions qui commandent la terminaison, et, par suite, le

pronostic, se tirent à la fois du terrain et des caractères de l'ob-

session. D'une façon générale, les obsessions sont d'autant plus

graves qu'elles se présentent sur un terrain plus dégénéré; d'autant

moins graves que la dégénérescence et l'hérédité sont moins accu-

sées. D'une façon genérale aussi, plus la cause occasionnelle a de

l'importance par rapport à la prédisposition, et plus l'obsession a

des chances de guérison. Il en est de même pour le début brusque

moins sérieux que le début lent et insidieux.

Les états obsédants sont, en principe, d'autant moins graves

qu'ils sont plus entièrement réduits à l'élément émotionnel ; d'au-

tant plus graves, au contraire, que l'élément intellectuel tend à pré-

dominer.

Les obsessions vraies, avec idées fixes et impulsions marquées,

sont donc plus graves que les phobies avec angoisse dominante

accompagnée ou non d'hallucinations représentatives, qui sont ici

de véritables hallucinations du sentiment.

Et, parmi les états purement émotionnels, les phobies diffuses

sont plus bénignes que les phobies systématisées. Il est rare, on

peut le dire, qu'elles ne guérissent pas.

Il suit de là que l'échelle croissante que nous avons établie dans

la maladie au point de vue de la symptomatologie clinique : 1° état

obsédant panophobique ou phobie diffuse; 2° état obsédant mono-

phobique ou phobie systématisée; 3° état obsédant monoïdéique

ou obsession, se trouve complètement justifiée au point de vue du

pronostic, qui s'aggrave progressivement avec chacune de cesformes.

Guérison. Récidives. -Lorsque l'accès guérit, tout peut en rester

là. Mais il peut arriver qu'un ou plusieurs accès se manifestent

ultérieurement; en un mot, qu'il y ait des récidives de la maladie.

Il est des cas où un accès d'obsession ne guérit que pour faire

place à un autre. Le plus souvent, il s'écoule un laps de temps assez

long, parfois plusieurs années, entre chaque accès.

Les divers accès peuvent se reproduire avec des caractères

toujours identiques chez les mêmes sujets, chacun d'eux étant la

SOCIETES SAVANTES.

421

répétition fidèle des précédents. Tel est le cas d'une de nos mala-

des, aujourd'hui âgée de quarante-sept ans, qui été en proie cinq

fois, depuis l'âge de vingt-six ans, à la crainte obsédante de ne plus

aimer son fils comme une mère doit aimer son enfant, et n'a jamais

eu d'autre obsession.

L'impulsivité morbide; par le Dr D. Marri y JULIA (Barcelone).

Conclusions : I. L'impulsivité vraie, est celle qu'on appelle impul-

sivité morbide; l'impulsivité physiologique, elle n'existe pas.

II. Celle qu'on appelle impulsivité physiologique, n'est que la com-

plète évolution des arcs fonctionnels psycho-moteurs réflexes,

arrêtés dans leur route physiologique à l'individu même ou dans ses

ancêtres. III. Par la dénomination d'impulses morbides on

qualifie des phénomènes aussi différents que le réflexisme psychique,

le réflexisme psycho-moteur, lesphylies et les impulses morbides.

IV. L'impulse morbide est un trouble pathologique des dégé-

nérés, non pas un stigme. V. Les caractères de l'impulsivité

morbide -sont : a) Apparition d'emblée; b) défaut d'étiologie psy-

chologique ; c) inconnexion avec la personnalité; d) résistance de

l'individu à réaliser l'impulse; e) tandis que l'impulse ne se réalise

pas, il y a de l'angoisse progressive; Câpres la réalisation de l'im-

pulse il y a-du bien-être physique et du grand regret par les résul-

tats de l'impulsion; g) l'impulsivité morbide est paroxystique.

Conclusions.

Obsessions.

I. L'obsession est une néofor-

mation psychique occasionnée

par l'émotivité morbide.

IL La forme psychique de

l'obsession est un concept con-

nexe à l'état psycho-moral de

la personnalité.

III. L'obsession, effet de l'émo-

tivité morbide, exagère, par

l'autonotion de sa qualité, l'état

émotif jusqu'à l'angoisse.

Idées fixes.

I. L'idée fixe est l'activité, par

impulse pliysiologique, d'un ré-

sidu psychique, d'emblée en

fonction par déséquilibre fonc-

tionnel du cerveau.

II. La forme psychique de

l'idée fixe est l'idée simple, ou

une représentation psychique

élémentaire, n'ayant pas de re-

lation avec l'état psycho-moral

de la personnalité.

III. L'idée fixe ne produit pas,

par elle-même, de l'émotivité;

ses effets affectifs sont de. l'en-

nui et de la fatigue, et, par

autovolition, dont son but est la

disparition du trouble, une très

légère émotivité.

428

SOCIETES SAVANTES. '

Obsessions.

- in. L'obsession est persistante

à intensilé variable, depuis son

initiation jusqu'à sa disparition.

V. L'obsession a tendance à

subsister.

VI. L'obsession est un concept

délirant émotif qui par l'asso-

ciation, non pas toujours par-

faite, produit du délire à exten-

sion variable, et plus ou moins

raisonné et systématisé.

VII. L'obsession altère la per-

sonnalité.

VIII. L'obsession est un trou-

ble pathologique des dégénérés.

. Idées fixes.

IV. L'idée fixe n'est en action

que pendant les états aprosexi-

ques ; lorsque la personnalité est

en fonction à but inconnexe

avec l'idée fixe, il y a arrêt du

trouble.

V. L'idée fixe est une activité

qui, par elle-même, va à l'épui-

sement. ,

VI. L'idée fixe n'est pas un

concept délirant; elle n'est plus

qu'une persistante perception

mécanique. L'idée fixe est sans

action sur les fonctions associa-

tives.

- VII. L'idée fixe n'a pas d'ac-

tion sur la personnalité. '

VIII. L'idée fixe est, un trou-

ble fonctionnel observable à

l'état physiologique aussi bien

qu'à l'état pathologique, des

individus dégénérés ou non dé-

générés.

Phénomènes psychiques avec le caractère tl'ii-2-ésistibilité (Obsessions,

Zwawjsvorstellungen) ; par le Dl' J. 110VST : 1NTI\OVSA1 (Moscou).

Thèses. 1. On peut reconnaître les obsessions dans le sens de

Westphal. 2. Tous les actes psychiques peuvent se revêtir d'un

caractère d'irrésistibilité. 3. Un seul caractère d'irrésislihilité ne

donne pas le droit d'englober tous ces phénomènes dans le vaste

cadre des obsessions. 4. Plusieurs symptômes ayant un caractère

d'irrésistibilité après leur étude clinique doivent être rangés dans

les divers cadres des troubles intellectuels. 5. La présence d'hal-

lucinations tant communes que verbales motrices ne constitue pas

un fait caractéristique pour les obsessions avec conscience, car elles

se rencontrent dans la démence déjà avancée.= 6. Pour la classi-

fication des phénomènes psychiques d'un caractère irrésistible

(obsédantes) leur appréciation au point de vue clinique est néces-

saire.

. Sur les obsessions; par le De Arie DE Jovc (Haye).

Résumé. - Les obsessions étant généralement des stigmates

psychiques de dégénérescence sont observées quelquefois chez des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 429

personnes non dégénérées. Il n'est pas vraisemblable que les

causes des obsessions soient des changements anatomiques patho-

logiques du cerveau, mais il est plus probable qu'elles sont d'une

nalure suggestive; que les obsessions sont des auto-suggestions.

Il va sans dire qu'il faut toujours une cause psychique ou une

cause de nature somatique par laquelle l'auto-suggestion est pro-

voquée. Il importe de tâcher de découvrir ces causes, surtout pour

le traitement.

Contribution à l'étude de quelques obsessions; par MM. VALLON et

Marie, médecins des Asiles de la Seine.

D'une façon générale les obsessions peuvent être considérées

comme des excitations non diffusées à l'ensemble des centres ner-

veux mais irradiées partiellement en un sens particulier. Les phé-

nomènes secondaires ainsi éveillés sont d'autant plus intenses que

l'irradiation est plus limitée à telle sphère déterminée l'intensité

et la limitation du phénomène réalisent un traumatisme plus ou

moins impérieux en même temps que plus ou moins conscient. Il

est d'autant moins conscient qu'il est plus impérieux à son summum.

C'est alors comme une personnalité nouvelle qui prend naissance

au sein de l'ancienne qui assiste impuissante à sa genèse. On peut

à côté, distinguer ces irradiations de l'éréthisme obsessionnel, quel

qu'il soit,

43,0 SOCIÉTÉS SAVANTES. z

Sur quelques lésions expérimentales de la cellule nerveuse.

MM. Gilbert Ballet et A. DUTIL (de Paris). Nous avons déjà, l'an

passé, communiqué. au Congrès de neurologie de Nancy, les résul-

tats d'expériences faites sur le cobaye dans le but d'étudier les

lésions légères des cellules nerveuses de la moelle provoquées par

l'anémie temporaire de cet organe. Depuis notre premier travail,

nous avons reproduit sur un plus grand nombre d'animaux nos

expériences premières; nous avons cherché à déterminer non seu-

lement les caractères, mais aussi la durée approximative des

lésions provoquées. La présente communication résume les faits

que nous avons observés.

Notre intention a été de rechercher les différences ou les analo-

gies que peuvent présenter les altérations primitives de la cellule

nerveuse ainsi produites, avec celles qui apparaissent consécutive-

ment aux sections des troncs nerveux, telles qu'elles ont été cons-

tatées par différents auteurs et par nous-mêmes.

Le procédé expérimenta] que nous avons employé est le suivant :

on comprime, avec les deux pouces, contre la colonne vertébrale

l'aorte abdominale d'un cobaye pendant environ cinq minutes; on

cesse la compression et l'on constate que l'animal présente une

paraplégie complète des pattes postérieures. Cette paraplégie se

dissipe au bout de quelques minutes (de quatre à six minutes en

moyenne). Après un court intervalle, seconde compression de six

à sept minutes de durée; la paraplégie qui succède à ce second

temps d'anémie disparaît après huit à dix minutes. Nouveau

temps de repos, troisième compression de cinq à six minutes de

durée. Cette fois, en général, la paralysie est plus durable. Elle ne

s'efface complètement qu'au bout d'une demi-heure, une heure et

quelquefois plus. Alors l'animal a, comme précédemment, recouvré

l'entière liberté de ses mouvements : tout au moins, il est impos-

sible, lorsqu'il est placé au milieu d'autres cobayes, de le distin-

guer de ses voisins par quelque caractère anormal de la station ou

de la marche. On sacrifie alors le cobaye; on place sa moelle pen-

dant vingt-qaatre heures dans l'alcool à 95°, et on colore les

coupes par la méthode de Nissl.

En variant la durée et le nombre des temps d'anémie, mais sans

aller jusqu'à déterminer une paraplégie définitive, nous avons pu

observer la série des altérations légères que ces anémies transi-

toires produisent dans la structure des cellules ganglionnaires

spinales. Nous avons ainsi noté des faits qui nous paraissent

intéressants au point de vue de la pathologie générale de la cellule

nerveuse.

La première lésion apparente, c'est la dissolution partielle des

granulations chromatophiles. Cette altération, ainsi que l'ont cons-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 431

taté, dans des conditions analogues, divers expérimentateurs,

précède incontestablement toute la série des modifications bien

connues que subit la cellule lorsque J'anémie de la moelle a été long-

temps prolongée, c'est-à-dire la rupture des prolongements, lesforma-

tions vacuolaires, la fragmentation du corps cellulaire, la dispari-

tion du noyau. Cette chromatolyse partielle initiale ne nous a pas

paru avoir une répartition topographique régulière et toujours la

même. Nous l'avons vue se localiser dans les points les plus divers

de la cellule. Nous n'avons pas constaté qu'elle se cantonal plus

particulièrement au pourtour du corps cellulaire, mais plus géné-

ralement, soit au pourtour du noyau, soit à l'un des pôles de la

cellule, à la base d'un prolongement protoplasmique. La plupart

des cellules ainsi lésées ont subi un certain degré de tuméfaction ;

leurs noyaux paraissent intacts et gardent, en général, leur posi-

tion centrale.

Les altérations que nous venons de décrire sont les plus légères;

mais nous avons pu provoquer des lésions de chromatolyse plus

générales et plus diffuses en recourant, par tâtonnements, à des

compressions plus prolongées ou plus fréquemment réitérées.

Dans 3 cas, notamment, nous avons noté une dissolution presque

complète des granulations chromatophiles dans la presque lotalité

des cellules ganglionnaires des cornes antérieures du renflement

lomhaire. Ces cellules, dont les granulations avaient disparu,

offraient une coloration diffuse'; beaucoup d'entre elles étaient

notablement tuméfiées et tendaient, tout en ayant conservé leurs

prolongements, vers la forme globuleuse. Dans quelques-uns, le

noyau non altéré avait subi un déplacement notable ou se trouvait

nettement rejeté à la périphérie du corps cellulaire, ce qui permet

de penser que le réseau achromatique avait subi, lui aussi, un

certain degré de désintégration.

Fait important à noter, les animaux dont les cellules spinales

étaient ainsi altérées jouissaient pourtant, au moment où ils ont

été sacrifiés, comme ceux chez lesquels les lésions constatées

étaient moins accusées, de l'intégrité des mouvements. Ce qui

nous conduit à penser que la granulation chromatophile (kineto-

plasma de Marinesco) ne constitue pas, comme on avait été logi-

quement amené à le supposer; l'agent nécessaire de la fonction

excito-mot.rice.

D'autre part, et c'est là une particularité que nous tenons à

mettre en reiief, nous avons été frappés par ce fait, que les modi-

fications de structure, subies par un grand nombre de cellules

ainsi lésées par anémie transitoire du centre spinal, présentaient

d'étroites analogies avec les altérations bien connues que déter-

mine, dans ces mêmes éléments, la section des nerfs périphéri-

ques, c'est-à-dire la tuméfaction de la cellule, qui tend à prendre

la forme globuleuse, la dissolution des granulations chromatophiles

432 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de Nissl, l'ectopie plus ou moins avancée du noyau pour un certain

nombre de cellules.

Tels sont les traits de ressemblance que l'on peut relever dans

les préparations que nous avons obtenues. Dans ces derniers temps,

quelques auteurs, MM. Marinesco, Lugaro notamment, se sont

appliqués à marquer les différences très nettes qui existent entre

les lésions secondaires de la cellule nerveuse, c'est-à-dire consécu-

tives aux sections des nerfs périphériques, et les lésions primitives

produites par une injure diiecte faite à ces mêmes cellules gan-

glionnaires (anémie expérimentale, etc.). En rapprochant très judi-

cieusement la lésion secondaire expérimentale des altérations

cellulaires observées dans un certain nombre de cas de polyné-

vrite, M. Marinesco a encore contribué à individualiser, en lui

donnant la valeur d'un type de dégénération, l'altération secon-

daire de la cellule nerveuse et à l'opposer eu même temps aux

modes de dégénération,, d'ailleurs très variés, que l'on peut ren-

contrer dans le groupe des lésions primitives produites par l'anémie

prolongée, les intoxications, les infections, etc.

Cette distinction est parfaitement légitime si l'on met en pré-

sence les unes des autres, d'une part les altérations que déter-

mine, dans les cellules ganglionnaires spinales, la section des nerfs

correspondants, et, d'autre part, les désintégrations aiguës et bru-

tales des cellules spinales qu'entraînent la ligature définitive ou

longtemps prolongée de l'aorte abdominale, les embolies expéri-

mentales de la moelle épinière, les infections intenses, les intoxi-

cations massives.

Il est incontestable, en effet, que les lésions cellulaires, réalisées

dans ces deux ordres de cas, sont fort dissemblables. Cependant,

nous venons de voir qu'une injure directe, mais légère et graduel-

lement effectuée, produite comme celle que nous avons réalisée

dans nos expériences, peut déterminer des lésions cellulaires très

analogues aux altérations dégénératives secondaires à la section des

nerfs. Sans doute, l'évolution n'est pas la même dans les deux

ordres de faits, les lésions primitives s'effectuent et se réparent

beaucoup plus vite que les lésions secondaires. Nous avons cons-

taté, en effet, dans le cours de nos recherches, que, dès le cinquième

ou le sixième jour, elles s'étaient presque entièrement effacées.

Mais il n'en est pas moins vrai qu'une atteinte directe portée à la

cellule nerveuse, lorsqu'elle est suffisamment atténuée, peut pro-

voquer une altération dégénérative de cet élément, à peu près sem-

blable aux altérations secondaires. Les dissemblances habituelle-

ment observées entre ces deux ordres de lésions sont peut-être le

fait d'une différence dans l'intensité plutôt que dans la qualité

de l'injure produite. Nous croyons donc que la séparation des

lésions dégénératives de la cellule nerveuse en deux types, le

secondaire et le primitif, est, d'une manière générale, parfaitement

SOCIÉTÉS SAVANTES. 433

fondée, mais qu'il ne faudrait' pas la formuler en termes trop

rigoureux absolus. Puisqu'une lésion primitive est capable, dans

certaines conditions, de se montrer semblable à la lésion secon-

daire, on conçoit qu'il puisse se présenter, en'anatomie patholo-

gique, tel ou tel cas dans lequel l'aspect des cellules altérées ne

permette pas d'affirmer ou d'infirmer catégoriquement le caractère

primitif ou secondaire de l'altération constatée.

Une autre conséquence se dégage de nos expériences; la chro-

mastologie est la première lésion appréciable par laquelle la cellule

nerveuse révèle sa souffrance; mais elle n'implique pas une altéra-

tion profonde de l'élément anatomique. Elle est facilement et rapi-

dement réparable quand cessent les conditions qui l'ont déter-

minée, si le spongioplasma n'a pas été lui-même gravement

atteint et si les connexions physiologiques de la cellule nerveuse

avec les cellules voisines sont conservées.

i >

L'histopathologie de la cellule nerveuse.

- M. Marinesco. Quand on se rapporte à la structure de la cellule

nerveuse, telle qu'elle élait admise il y a quinze ans, et qu'on la

compare à celle qui résulte des recherches les plus récentes, on

s'aperçoit aisément des grands progrès accomplis dans cet inter-

valle. A quoi doit-on attribuer cette véritable révolution sur la

notion de la texture intime de l'élément fondamental du système

nerveux ? C'est, comme dans toute autre branche de la science, à

la création de nouvelles méthodes. La méthode de Golgi permet

d'étudier la configuration externe des éléments nerveux, le trajet

des fibres nerveuses.

Ce qui a frappé les premiers observateurs, Flemming, Nissl,

Benda, etc., dans la structure de la cellule nerveuse, c'est la décou-

verte d'un nouvel élément jusqu'alors méconnu dans le proto-

plasma de la cellule- : l'élément chromatophiles, ainsi nomméjiarce

qu'il se colore fortement par les couleurs basiques d'aniline. Ces

éléments sont disposés concentriquement autour du noyau et

affectent la forme polygonale. A mesure qu'on s'éloigne du centre,

ils deviennent plus allongés, et dans les prolongements protoplas-

matiques ils prennent un aspect fusiforme, leur grand axe étant

parallèle à celui de ces prolongements. Le cylindraxe n'en pos-

sède pas. ,

Dans une première phase de recherches sur .cette structure

. interne (Nissl, Lenhossek, Marinesco, etc.), la substance fonda-

mentale ou achromatique de la cellule fut considérée comme une

substance amorphe. A cette époque, on s'occupa surtout de la

morphologie des éléments chromatophiles et de ces altérations

dans les divers états pathologiques. La grande -découverte qui a

été faite dans cette première période est due à Nissl, qui a montré

Archives, 2e série, t. IV. 28

434 SOCIÉTÉS SAVANTES.

que la section d'un nerf moteur ou sensitif amène une désinté-

gration des éléments chromatophiles, processus que j'ai désigné

sous le nom de chromatolyse. Mes recherches personnelles, celles

de Flatau, Ballet et Dutil, de Lugaro, de van Gehuchten, etc., ont

confirmé cette donnée fondamentale de la pathologie nerveuse :

je dis fondamentale parce qu'on avait admis depuis Waller que le

bout central d'un nerf sectionné et son centre d'origine restent

intacts. Or, la méthode de Nissl a montré d'une manière certaine

que celte proposition est inexacte.

Les lésions qui déterminent la section d'un nerf sensitif ou

moteur sont très faciles à constater. Il suffit de couper le nerf

hypoglosse, chez Je chien par exemple, et altendre dix à quinze

jours, sacrifier ensuite l'animal, fixer son bulbe dans l'alcool, le

formol, le sublimé, et traiter par la méthode de Nissl. Sans entrer

dans la description détaillée de ces lésions, nous ferons remarquer

que la première altération observée, après la section d'un nerf,

est la désintégration ou, comme je l'ai appelée, la chromatolyse

des corpuscules chromatiques.

Cette lésion commence tout près du cylindraxe. La chroma-

tolyse peut gagner tout le corps de la cellule nerveuse, mais, une

chose essentielle à noter, c'est, que le noyau qui, à l'état normal,

occupe le centre de la cellule, émigré à ce moment vers la péri-

phérie. Cette émigration du noyau est-elle un phénomène actif

ou s'agit-il d'un déplacement passif ? Il est difficile de trancher

cette question. Quand la plus grande partie de la substance chro-

matique est ainsi désintégrée, le centre de la cellule présente un

fond plus ou moins uniforme dans lequel sont disséminées de

fines granulations.

Cette désintégration de la substance chromatique permet quel-

quefois d'entrevoir dans le cytoplasma un réseau trabéculaire, qui

n'est autre chose que la substance achromatique organisée, c'est-

à-dire celle qui se continue directement avec les fibrilles du

cylindraxe.

J'ai soutenu, et, depuis, plusieurs auteurs ont confirmé cette

opinion, que la désintégration des éléments chromatophiles ne

retentit pas sur la structure du cylindraxe et des nerfs périphé-

riques. Pour que celui-ci soit atteint, il faut une altération de la

substance achromatique, éventualité qui présente dans les cas de

lésions primitives de la cellule nerveuse, lésions que nous étudie-

rons plus loin.

Cette constatation anatomique a eu une autre conséquence :

celle de prouver que la cellule nerveuse constitue une unité, un

neurone dont l'intégrité dépend de l'intégrité de toutes ses parties

constituantes : corps cellulaire, cylindraxe, prolongements pro-

toplasmatiques. J'ai montré l'application importante qu'on pouvait

faire à la pathologie nerveuse de cette donnée expérimentale. En

SOCIÉTÉS SAVANTES. 435

effet, les névrites qui déterminent la destruction du nerf réalisent

en somme une section nerveuse. Par conséquent, il n'existe pas de

névrites sans réaction des cellules des nerfs atteints. J'ai montré

aussi l'exclusivisme de ceux qui ont voulu faire des névrites une

lésion purement périphérique. Mais ces lésions centrales sont con-

sécutives à la dégénérescence des nerfs.

Les modifications de réaction à distance que je viens de décrire

peuvent, dans une deuxième phase, rétrocéder,. et la cellule

récupère un aspect normal; cette deuxième phase est la phase de

réparation. Pour connaître exactement ce qui se passe dans la

cellule nerveuse pendant la phase de réparation, il faut laisser les

animaux vivre pendant un, deux, trois ou quatre mois. On voit

bien alors que la cellule, avant de revenir à son aspect normal,

présente une hypertrophie considérable, qui s'accroit jusqu'à

quatre-vingt-dix jours après la section, et qui intéresse à la fois le

volume général de la cellule et celui des éléments chromatophiles.

Ceux-ci acquièrent de grandes dimensions, se colorent d'une

manière plus foncée; ainsi la cellule présente, d'une part, une

coloration plus intense.

Nous avons envisagé jusqu'ici la substance achromatique comme

étant constituée par une matière amorphe ; mais les recherches

toutes récentes de Flemming, Becker, Lévi, Lugaro et les miennes

ont montré que cette substance est composée d'une partie orga-

nisée, dont nous allons éludier la texture, et d'autre part d'une

substance fondamentale.

La substance achromatique, dont la véritable nature a donné

lieu dans, ces derniers temps à de nombreuses discussions, affecte

une disposition variable dans les prolongements et le corps de la

cellule. Même dans les pièces traitées par la méthode de Nissl, on

peut voir une vague striation, qui est assez évidente dans les

grandes cellules de la substance réticulée du bulbe; mais, pour

voir d'une façon indubitable que celte striation dépend en réalité

de l'existence de vraies fibrilles dans ses prolongements, il faut

faire usage de l'hématoxyline. diluée.

Sur la figure cet aspect est des plus nets : les fibrilles du prolon-

gement nerveux, en traversant le collet de la cellule, se présentent

sous l'aspect de faisceaux rayonnants, et leurs fibrilles se dirigent

en partie vers la périphérie et se perdent dans le réseau du pro-

toplasma cellulaire, à la formation duquel ses fibrilles prennent

part par les ramifications collatérales qu'elles donnent. Les travées

du réseau achromatique s'insèrent d'une part au centre sur la

paroi du noyau.

Aux points d'intersection des travées du réseau il existe des

renflements chromatiques minuscules qui, sur les coupes obliques

de la cellule, font partie' intégrante des filaments achromatiques.

11 résulte de cette courte description que- dans les. mailles du

,436 SOCIÉTÉS SAVANTES.

.réseau viennent se mouler les éléments chromatophiles, et que

c'est de la texture du réseau que dépend la forme de ces éléments.

Quel est le rapport des fibrilles du cylindraxe et des prolon-

gements protoplasmatiques avec le réseau achromatique ? L'élude

-attentive d'un grand nombre de coupes montre jusqu'à l'évidence

qu'on doit admettre une continuité anatomique entre les fibrilles

de ces prolongements et les travées du réseau de la cellule.

Cette continuité a une grande importance au point de vue des

rapports qui existent entre les lésions des prolongement et ceux

de la cellule, ce qui confirme l'opinion que j'ai émise le premier,

à savoir que les lésions de la substance achromatique entraînent la

dégénérescence des prolongements périphériques parce que les

fibrilles de ceux-ci ne sont autre chose que la continuation du

réticulum intra-cellulaire.

, Sur la pathologie des cellules neiveuscs.

MM. les Drs A. Golscheider et E. PLATEAU (de Berlin). Les

auteurs emploient la méthode de Nissl pour observer les cellules,

- et l'injection de nitrile malonique (CN-CH2CN), qui produit des

phénomènes d'intoxication conduisant à la mort les petits lapins

soumis à l'expérience. Les corpuscules de Nissl sont déformés,

rapetissés, épars. Si l'on élève à 43° ou 44° centigrades la tempé-

rature des lapins, le volume des cellules nerveuses est agrandi et

les corpuscules de Nissl sont détruits. Les toxines du tétanos déter-

, minent d'abord le grossissement des nucléoles et des corpuscules

de Nissl, puis leur morcellement en petites granulations, et cela

d'autant plus rapidement qu'elles sont en plus grande quantité et

plus concentrées. L'injection d'antitoxine retarde ce processus de

désorganisation et permet à la cellule de revenir plus rapidement

à sa forme, normale. Le injections de strychnine produisent des

.désordres semblables à ceux qui résultent de l'absorption des

toxines du tétanos.

M. SA3RAZES (Bordeaux). - Il' semble que l'élude du proloplasma

-des cellules nerveuses ait absorbé toute l'attention des observateurs

' qui ont.pris part à cette discussion. Cela tient vraisemblablement à

. ce que le noyau de ces éléments est considéré comme n'ayant plus

- les qualités d'un organe reproducteur et préside simplement à la

. nutrition de la cellule. Mais à chaque altération protoplasmique

-correspond néanmoins une modification du noyau qu'il importe

d'étudier. Or, cette étude du noyau des cellules nerveuses, à l'état

normal comme à l'état pathologique, est généralement laissée au

second plan. " ' ..

Nous avons, dans un travail publié avec M. Cabannes dans la

.Nouvelle Iconographie de la Salpétrière (1897), étudié l'état des

,cellules nerveuses médullaires dans la rage humaine. A coté des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 437'

lésions de chromatolyse que nous avons figurées existent des modi-

fications intéressantes du noyau : il est souvent projeté à la péri-

phérie, turgescent; le nucléole est fragmenté; la membrane

nucléaire et le réseau de linine s'effacent; il n'est pas rare de voir

des bâtonnets de chromatine et même un véritable peloton chro-

matique dans le corps nucléaire. Il y a là, dans les éléments ner-

veux des cornes antérieure et postérieure dont la confusion n'est

pas possible avec les cellules endothéliales, les leucocytes, les cel-

lules névrogliques, une ébauche de karyokinèse qui avorte. La-

cellule nerveuse réagit, vis-à-vis de l'irritant pathologique (virus

rabique), en consommant d'abord les matériaux chromatiques

accumulés dans les mailles du spongioplasma ; ce stade correspond

à la période des spasmes rabiques ; mais la cellule ne peut suffire

à réparer ses pertes et à lutter contre le virus : alors survient le

stade paralytique de la rage et cela bien que la cellule ait fait

effort auparavant, par l'intermédiaire du noyau (qui tend sans

y aboutir à la karyokinèse), pour persister et pour se reproduire.

Il n'est donc pas indifférent d'étudier le noyau cellulaire qui

commande la nutrition normale et pathologique du protoplasma.

Au point de vue technique, la thionine à saturation dans l'eau me

parait être le réaclif de choix des granulations cliromophiles.

Polynévrite arsenicale.

l\nl. BmeLI et VARNAL1, deBucarest. Sultane Arsenesco, paysanne,,

âgée de vingt-huit ans, journalière de son étal, souffrait depuis

bientôt huit ans d'une leucorrhée très tenace et qui se compliquait

de temps en temps de métrorragies. Lasse de supporter les ennuis

de cette infirmité, elle a eu recours, il y a eu un an (1896) au mois

d'août, aux soins empiriques d'une vieille femme. Le traitement

était extrêmement héroïque, car la potion se composait d'une

solution alcolisée d'arséniate de sodium et de mercure à l'état

métallique. Dès la première dose, notre malade éprouva de vio-

lentes douleurs d'estomac, des vomissements et une diarrhée colli-

quative. Le lendemain, reprise du traitement : la malade prend,

une autre dose suivie des mêmes accidents et, bien qu'elle se trou-

vât très affaiblie, elle continua quand même à prendre sa drogue,

mais pas impunément, car le troisième jour elle fut atteinte d'une

stomatite fort intense. Les ganglions cervicaux étaient engorgés;

les conjonctives congestionnées et pas de troubles du côté des

voies aériennes.

- Le quatrième jour les selles deviennent sanguinolentes, l'appétit,

est nul et les accidents gastro-intestinaux se répètent. Ajoutons que-

la malade commence à avoir une sensation de chaleur sur tout le

corps. Elle affirme avoir eu de temps en temps de l'épistaxis, mais-

438 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pas d'ictère ni de manifestations du côté de la peau. Elle a pour-

tant perdu une grosse partie de sa chevelure.

Quant aux phénomènes nerveux, nous apprenons qu'elle a eu,

dès les premiers jours de son traitement, des vertiges, des douleurs

sur tout le corps et une terrible insomnie qui lui rendait l'exis-

tence malheureuse. Elle a eu un accès de convulsions, unique dans

toute sa maladie.

- Jusqu'ici nous n'avons à enregistrer que des phénomènes anor-

maux sensitifs la plupart du temps, mais, vers la troisième semaine

apparaissent les signes avant-coureurs de la paralysie; c'est dire

que la malade avait commencé à sentir des fourmillements dans

les membres et un engourdissement qui fut remplacé la cinquième

semaine par une paralysie et une anesthésie des mains et des pieds.

Voici d'ailleurs l'état de notre malade le 7 avril 1897, jour de

notre premier examen. Amaigrie par une continuelle déplétion,

elle est pâle ayant le système musculaire osseux peu développé.

Présente deux petites cicatrices sur la face. Poumons, foie, rate.

reins normaux. Le coeur aussi ne présente d'anormal que le choc,

qui est presque imperceptible au toucher. La région épigastrique,

ainsi que le reste du ventre, est indolore. La pression même

n'éveille pas de douleurs. La luette un peu déviée à gauche.

Il ne reste plus de la stomatite, dont parle notre patiente,

qu'une légère gingivite localisée à la mâchoire inférieure. On y

voit suinter'une goutte de sang ainsi que du pus.

La sensibilité au toucher ainsi qu'à la douleur est exagérée,

mais rien qu'aux jambes jusqu'aux genoux et aux mains jusqu'à

l'articulation radiocarpienne. Sur tout le reste de la peau les sen-

sibilités sont normales. Ce qui plus est on trouve, sur la face

anléro-interne de la jambe et du pied droit, le phénomène de

l'hyperesthésie relative. Une légère piqûre passe inaperçue, tandis

que si on presse un peu plus fort on provoque des cris de douleur.

Ajoutons que la sensibilité au froid était extrêmement exagérée.

Elle avait renoncé à l'eau froide, et c'est toujours avec l'eau chaude

qu'elle se lavait. Et, bien qu'il lit assez chaud dans nos salles, elle

restait tout le temps emmitouflée dans sa couverture et la tête

couverte d'un fichu de laine. C'est pourquoi nous n'avons pu la

photographier toute nue.

A la suite de la paralysie des fléchisseurs des pieds (extenseurs

des doigts), les pieds sont tombants, ballants en adduction et

légère rotation en dedans. Les bouts des pieds se rapprochent de

telle façon qu'ils ont l'air de vouloir se toucher. Les orteils sont

tous demi-lléchis, le premier orteil en complète flexion. La plante

anormalement voûtée tourne vers la ligne médiane. Par consé-

quent le bord interne est un peu plus relevé que l'externe. La

flexion des pieds est nulle. Les muscles extenseurs des pieds sont

normaux.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 439

On constate un steppape très caractéristique. Le réflexe de

Westphal disparu, les réflexes cutané plantaire et abdominal sont

conservés. Pas d'atrophie marquée du côté des pieds, alors qu'on

trouve une amyotrophie prononcée aux mains. Ainsi les thénars,

hypothénars et les muscles inlerosseux sont visiblement atrophiés.

C'est pourquoi la diduction des doigts est difficile. Pourtant la

flexion et l'extension, les mouvements de latéralité des mains, sont

normaux. L'attitude de la main est simienne. L'épreuve du dyna-

momètre donne 5 à droite et si à gauche.

Grâce à l'inégale atrophie des muscles interosseux, les doigts

ont une altitude plus ou moins étendue, plus ou moins rapprochée.

Ainsi le petit doigt gauche ne parvient pas à atteindre une com-

plète extension. L'annulaire et le médian droits sont toujours

accolés. .

Un fait bien curieux et qui est digne de toute notre attention,

c'est la présence de mouvements chgréiformes qui agitent le pouce,

l'annulaire et le petit doigt gauches. Les contractions idiomuscu-

laires (avant-bras, bras) sont exagérées. Le goût, la vue, l'odorat,

sont conservés. L'intelligence intacte.

La sensibilité électrique normale; les fléchisseurs du pied ne se

contractent pas aux courants interrompus.

Le 21 avril, à la suite de quelques séances de courants fara-

diques, elle recouvre en partie les mouvements physiologiques et

était en voie de guérison quand, tout d'un coup, prise d'un irré-

sistible mal du pays, elle quitta l'hôpital.

En résumé, nous voyons que des deux substances toxiques, le

mercure et l'arsenic, la première ne donne qu'une stomatite, la

seconde reproduit l'ensemble symptomatique si bien décrit dans

les leçons cliniques de M. Raymond.

Ce qu'il y a de nouveau dans cette observation c'est la présence

du phénomène de l'hyperesthésie relative et des mouvements choréi-

formes localisés au pouce, à l'annulaire et au petit doigt gauches.

Maintenant était-ce une névrite, une myélite, ou les deux à la

fois ? Nous croyons, et la marche de la maladie nous y autorise,

que chez notre malade les neurones moteurs périphériques

étaient atteints rien qu'en leurs prolongements qui constituent les

nerfs.

. C'est dire que nous nous sommes arrêtés au diagnostic de

névrite plutôt qu'à celui de myélite arsenicale, car les névrites gué-

rissent tandis que les myélites sont incurables, et, nous le répé-

tons, notre malade est sortie en complète voie de guérison.

Encore quelques séances d'électrolhérapie et elle eût complète-

ment recouvré les mouvements physiologiques.

M. L. miner, de Moscou. Dans les cas graves, suivis d'autopsie,

d'affections traumatiques de la moelle (par suite de fracture, luxa-

440 SOCIÉTÉS SAVANTES ?

tion, déplacement, etc, des vertèbres), on peut généralement cons-

tater l'existence de deux sortes de foyers, dont les uns pourraient

être appelés foyers locaux, les autres foyers localisés.

Le foyer local se trouve directement sous l'endroit de la lésion

osseuse et consiste dans une simple destruction mécanique et désor-

donnée (contusion, écrasement) de la substance médullaire. Dans

quelques cas rares (suivis d'autopsie) de compression moins grave,

on peut trouver une myélite par compression.

Au-dessus et au-dessous du foyer local uni ou bilatéralement on

peut constater dans la majorité des cas l'existence de lésions net-

tement localisées. Cette localisation est toujours la même ; le plus

souvent elle occupe la substance grise centrale de la corne anté-

rieure et postérieure; plus rarement elle occupe un. territoire bien

défini de la corne postérieure, notamment l'angle formé par la

commissure postérieure et la limite interne de la colonne de Clarke.

L'irruption du sang dans les cordons latéraux doit être considérée

comme un phénomène exceptionnel et dans ce cas l'hémorragie se

cantonne le plus souvent dans la région du processus réticulaire

de la corne antérieure. En tout cas, l'auteur n'a jamais vu l'exten-

sion de l'hématomyélie dans les cordons pyramidaux.

Le tableau histologique de ces foyers localisés consiste avant

tout et le plus souvent en une accumulation de sang pur sous forme

d'hématomyélie centrale ; ensuite on peut constater l'hémato-

myélie macroscopiquement et trouver à l'examen microscopique

la formation de fissures et de cavités.

On peut également trouver une simple a désintégration cen-

trale », avec ou sans mélange de sang.

Enfin dans quelques cas l'hématomyélie préexistente avec destruc-

tion de parties centrales peut être le point de départ de formation

de grandes cavités. Dans des cas plus anciens ces cavités peuvent

s'entourer d'un anneau de tissu névroglique hyperplasié.

VI. Dans ces cas le canal central se montre généralement non pas

oblitéré, mais ouvert; sa lumière est souvent beaucoup plus grande

qu'à l'état normal (tendance à l'hydromyélie); sa configuration est

très variable ; l'épithélium qui tapisse le canal et les cellules péri-

épendymaires ont une grande tendance à la prolifération (gliose

débutante). Par endroits on voit la lumière du canal se diviser en

deux on trois parties. ?

VII. Quant aux phénomènes cliniques, en dehors de la perte du

réflexe rotulien, déjà connue dans les localisations les plus diverses

du traumatisme de la moelle épinière, il faut accorder une atten-

tion spéciale à l'existence d'une zone, parfois considérable, de

dissociation syringomyélique de la sensibilité, trouvée souvent par

l'auteur dans les segments situés immédiatement au-dessus de la

région complètement anesthésiée. Cette zone d'analgésie et. de

thermoanesthésie peut être expliquée par l'existence d'un foyer.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 441

central ascendant (le plus souvent hématomyélie centrale), ou,

autrement, elle en fait présumer l'existence. Si cette constatation

se trouve vérifiée dans d'autres observations d'affections trauma-

tiques de la moelle, à l'exclusion des cas de myélite transverse, ce

phénomène peut acquérir une grande valeur au point de vue mé-

dico-légal, comme signe différentiel.

VIII. 11 y a lieu d'admettre que dans les cas de dissociation syrin-

gomyélique exclusive il n'existe qu'une seule lésion centrale loca-

lisée. Ces cas arrivent rarement à l'autopsie, car, à l'instar de la

poliomyélite aiguë, ils ne sont pas absolument^ mortels.

J'ai injecté à un chien pesant 7 kil. 1/2 une quantité totale de

160 grammes d'alcool en douze jours, la dose quotidienne variant

entre 15 et 26 grammes.

Après chaque injection, l'animal tombait dans un état de sono-

lence, et, au réveil, présentait les phénomènes de l'ivresse, parmi

lesquels la démarche dite titubante tenait la première place. Dans

le système nerveux central, la corne antérieure de la moelle et le

cervelet, j'ai trouvé des lésions très nettes, consistant dans la désin-

tégration périphérique des éléments chromatophiles et dans leur

diminution de volume; quelquefois j'ai vu ces corpuscules perdre

leur faculté de coloration.

Dans le cervelet les lésions étaient beaucoup plus intenses, et

l'on voit de suite l'intérêt pratique de cette constatation : elle dé-

montre que l'alcool, à un degré faible de concentration, détermine

dans le système nerveux central des lésions extrêmement nettes

qu'on peut reconnaître au microscope. .

Parmi les intoxications qui atteignent le système nerveux cen-

tral, il en existe une que nous devons mentionner : c'est celle que

produit le botulisme. On entend par ce mot l'ensemble des acci-

dents morbides observés à la suite de l'ingestion de jambon, sau-

cisses ou de viandes avariés; des cas ont été observés l'année dernière

en Belgique où M. van Ermengem a eu l'occasion d'étudier une

épidémie de ce genre. 11 a trouvé la cause de ces accidents graves

suivis même de mort rapide dans la présence d'un microbe anaé-

robie dans le jambon consommé par les sujets malades, microbe

qu'il a désigné sous le nom de bacilllls botulizus. L'injection de ce

microbe ou de ses toxines détermine chez les animaux les mêmes'

accidents nerveux graves que chez l'homme. L'examen du système

nerveux central des animaux qui ont succombé à la suite de l'ino-

culation de ce microbe m'a montré des lésions nerveuses centrales

caractéristiques. '

/

Gangrène des extrémités par atrésie et par oblitération artérielle

incomplète dans le cancer de l'estomac. ·

MM. SABRAZÈS etCABANNEs, de Bordeaux. La gangrène par artérite

442 SOCIÉTÉS SAVANTES.

chronique n'exige pas fatalement, à rencontre de l'opinion clas-

sique formulée par Cruveilhier, une oblitération totale des troncs

artériels du membre intéressé et de leurs collatérales. Une oblité-

ration partielle, voire même une simple artrésie, peuvent la provo-

quer, ainsi que le démontrent nos deux observations dans lesquelles

il ne s'est agi ni de gangrène par névrites périphériques, ni de

gangrène septique..Il faut pour cela qu'interviennent des causes

de dénutrition multiples et associées, cancer de l'estomac, anémie

grave, hyposystolie, thrombose veineuse, hémiplégie, sénilité, etc.

Sur un nouveau traitement curatif des névralgies périphériques.

M. C. Ballabené, de Rome, se propose de démontrer que la dou-

leur physique, même unique symptôme, doit être prise en consi-

dération sérieuse et motiver un traitement curatif, parce qu'en

quelques cas une névralgie seule peut tuer le malade. Il cite la

sciatique, le lumbago, la névralgie, le plexus brachial. Il passe en

revue beaucoup de remèdes jadis employés pour ces maladies, et

beaucoup d'autres, qu'on emploie aujourd'hui pour calmer la dou-

leur et fait remarquer les qualités thérapeutiques de chacun d'eux.

Il traite enfin d'une nouvelle préparation, le valérianate de méthyl,

qu'il a nommée alonicon, terme grec ancien, qu'on traduit

« vainqueur de la douleur » et qui est en solution dans l'eau,

composée par M, Joseph Pifferi, de Rome. Il explique les motifs qui

l'amenèrent à essayer cette préparation, remarque les effets qui

résultent de son application hypodermique profonde, cite quelques

cas de guérison et enfin le propose comme le remède le plus effi-

cace et le plus innocent pour la cure des névralgies périphériques.

Etude clinique et anatomo-pathologique d'un cas d'hématomyélie

centrale.

MM Pitre et SABRAZÈs,de Bordeaux. Il s'agit d'un cas d'hémato-

myélie centrale de la partie effilée du renflement lombaire consé-

cutif à un traumatisme de la colonne vertébrale remontant à plus

de deux ans. Le foyer de sang épanché en pleine substance grise,

dans la moitié droite de la moelle qui n'était pas rompue, en dehors

du canal épendymaire, a été le point de départ d'une cavité volu-

mineuse sur les parois de laquelle se sont déposés des amas d'hé-

matoïdine amorphe et cristallisée. La névroglie ambiante a pro-

gressivement formé une capsule qui, de proche en proche, a

successivement empiété sur la substance grise et sur les divers

cordons. Autour de ce kyste d'origine hématiquo évoluait sourde-

ment un processus progressif de gliose tendant à gagner excentri-

quement la périphérie de la moelle.

Nous. tenons surtout à faire ressortir l'extension prise par ces

SOCIÉTÉS SAVANTES. , 443

phénomènes de gliose autour d'une hématomyélie tubaire qui a

joué pendant plus de deux ans le rôle d'épine irritative vis-à-vis de

la névroglie.

Cliniquement, les symptômes observés jusqu'à la mort apparte-

naient à la série syringomyélique; l'atrophie musculaire, extrê-

mement marquée, marchait sensiblement de pair et respectivement

sur chaque membre inférieur avec la dissociation sensitive. Anato-

miquement ce fait tire son intérêt de la survie du malade, pendant

plus de deux ans, et des données de l'autopsie.

En somme, il découle de ce cas que l'hématomyélie centrale

peut simuler, au point de vue clinique et anatomo-patholoique,

certaines formes de syringomyélie à évolution lente ou à symp-

tômes stationnaires.

Contribution et l'étude de la pathogénie de la maladie deBasedotu.

1\1, H,\SKOVEC, de Prague. On connaitbien l'insuffisance des diverses

théories en ce qui concerne la pathogénie de la maladie de Basedow,

qui ont été émises jusqu'à présent. C'est la théorie de l'intoxica-

tion, soutenue par la plus grande partie d'auteurs de tous les pays,

qui semble prédominer à présent. Mais on est loin encore d'avoir

élucidé le mode de cette intoxication. On parle de l'altération de

la nutrition générale à cause de la glande thyroïde altérée ou de

l'hyperthyroïdation qui peut être primaire ou secondaire et

dépendre elle-même d'un trouble du système nerveux. Quoi qu'il en

soit, les expériences que j'ai faites dans l'institut de M. Spina, à Pra-

gue, et qui concernent l'action du liquide thyroïdien surle système

nerveux central, sont assez intéressantes et importantes pour

qu'elles nous puissent intéresser à ce point de vue. Elles nous mon-

trent en même temps l'importance des travaux expérimentaux et

biochimiques, même dans la neurologie.

Voici le résultat de mes recherches. Le liquide thyroïdien pro-

duit, après l'injection intra-veineuse, une diminution delà pression

sanguine intra-artérielle et l'accélération du pouls, tel le symp-

tôme cardinal de la maladie de Basedow. Quelle est la cause de

celte accélération ? Elle peut paraître ou bien après la paralysie

du centre ou de l'appareil périphérique du nerf vague, ou bien

elle est l'effet d'une excitation des centres intra-cardiaques et du

muscle du coeur même, et enfin elle peut être causée par l'excita-

tion des nerfs accélérateurs.

Mais l'on observe l'accélération du pouls même quand on a

coupé les nerfs vagues ou quand on a paralysé leur appareil

périphérique au moyen de l'atropine. Or, ce n'est pas la paralysie

du nerf vague qui entraîne l'accélération du pouls dont il est ques-

tion. Si nous tranchons le bulbe, on n'observe aucune accélération

du pouls après l'injection thyroïdienne. Cela prouve que ce n'est

444 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pas aussi l'excitation directe du coeur qui cause son accélération,

et on est conduit à croire que c'est le centre des nerfs accélérateurs

dans le bulbe qui est inlluencé par le liquide thyroïdien. -

Pour en donner une preuve directe, j'ai excisé les premiers gan-

glions dorsaux (ganglia stellata) dans lesquels se trouve le plus

grand nombre de fibres accélératrices; dans une autre série d'expé-

riences j'ai coupé la moelle au-dessus de la première vertèbre dor-

sale qui, d'après Stricker et Wagner, renferme aussi les nerfs

accélérateurs. Je n'ai observé dans ces cas, après l'injection thyroï-

dienne, aucune accélération du pouls, ou bien celle-ci était presque

insignifiante et elle n'est jamais montée à celle que l'on a rencontrée

avant l'excision des ganglions stellaires. On observe, au contraire,

quelquefois un léger retard du pouls. Le nerf vague (Schiff el

Moleschott) et le nerf sympathique cervical (Bezold) renferment

aussi de leur côté quelques fibres accélératrices; ainsi, si nous

coupons en même temps les ganglions stellaires et le vago-sympa-

thique, on n'obtient jamais, après l'injection thyroïdienne, une

accélération du pouls.

On peut observer l'accélération du pouls, après l'injection thy-

roïdienne, même dans le cas où le pouls, par suite d'un tonus

exagéré du nerf vague, est ralenti. Dans le cas où l'on irrite, par

exemple, le centre du nerf vague par l'absence de l'oxygène, par

la cessation de la respiration artificielle, on obtient le même effet.

L'accélération peut monter jusqu'à 166 p. 100. J'ai injecté régu-

lièrement 1 ou 2 centimètres cubes de liquide que l'on obtient par

la macération aqueuse de 4 glandes thyroïdes de chiens ou de

celles de moutons (15-20 grammes thyroïdini siccati Merck,

100 grammes d'eau distillée).

' Nous avons jeté par ces faits une nouvelle lumière sur le rapport

existant entre le nerf vague et le nerf accélérateur, et nous avons

mis en lumière pour la première fois la possibilité de l'excitation

toxique du centre des nerfs accélérateurs.

En ce qui concerne la diminution de la pression sanguine intra-

artérielle, elle ne dépend pas de l'accélération constatée, elle n'est

pas exclusivement d'origine bulbaire et elle peut dépendre au=si ou

bien des centres spinaux ou bien de la périphérie même. La réso-

lution de ce problème ainsi que l'étude histologique spéciale con-

cernant les bulbes dans les cas d'hyperthyroïdation font l'objet

d'autres études.

Valeur· thérapique du courant galvanique dans le goitre exophtalmique.

M. En. BERTRAN, de Barcelone. Le courant galvanique continu,

en application bulbo-thyroïdienne, est utile, même considéré

comme traitement empirique. ·

Les principaux avantages obtenus par ce procédé électrothéra-

I

SOCIÉTÉS SAVANTES. 445

pique sont : a) Diminution ou disparition de l'exophtalmie ;

z) Amélioration graduelle, assez rapide, des troubles de l'innerva-

tion cardiaque, jusqu'à la réintégration complète dans l'état nor-

mal ; c) Soulagement corrélatif des altérations du fonctionnement

général de l'individu, jusqu'au rétablissement total; d) Diminution

(presque jamais résolution complète) de l'hypertrophie du corps

thyroïde. ,

Emploi des machines électro- statiques pour la radioscopie.

M. S. LEDUC, de Nantes. En employant des bouteilles de Leyde

convenablement disposées, il est possible d'utiliser les machines

électro-statiques pour toutes les applications delà radiographie et

de la radioscopie.

M. j\IAIXNEIt, de Prague. Le caractère familial de la paralysie

musculaire hypertrophique est démontré de nouveau par l'obser-

vation clinique de trois soeurs, qui descendent d'une famille neuro-

palhique. Les premiers symptômes apparurent chez toutes les trois

soeurs à t'age de dix ans. L'aînée mourut des conséquences de cette

maladie à l'âge de dix ans ; la seconde soeur présente à ce moment

un accroissement remarquable des muscles du mollet, des muscles

extenseurs quadrijumeaux, glutéens, et des muscles extenseurs de

la colonne vertébrale ; elle-même est forcée de garder le" lit. à

cause d'une contraction permanente des muscles du mollet. Chez

la cadette, âgée de onze ans, commence à se développer à ce temps

un agrandissement du mollet, une marche balançante, une impuis-

sance et maladresse quand elle exécute des mouvements exi-

geant un peu plus d'attention. L'évolution classique des manifes-

tations exclut tout doute sur la nature de la maladie. -

La question, s'il y a dans la paralysie musculaire hypertrophique

des lésions anatomiques de la moelle épinière, n'étant pas encore

jusqu'ici définitivement décidée, il était nécessaire de les sou-

mettre à des recherches anatomiques minutieuses. Des altérations

importantes ont été trouvées dans la moelle épinière et dans les

troncs nerveux. Dans la moelle, ces lésions s'observent dans les

cellules ganglionnaires antérieures, dans la névroglie des cornes

antérieures et dans le système vasculaire; mais aussi dans la subs-

tance blanche de la moelle, des troubles dégénératifs se sont éta-

blis d'une manière plus spéciale dans la région lombaire et cervi-

cale que dans la région dorsale de la moelle. Dans le nerf crural

et nerf ischiatique et dans les troncs du plexus brachial, il existe

uue prolifération insolite du tissu conjonctif entre les faisceaux et

les fibres de nerfs ; les fibres nerveuses sont soumises aux altéra-

tions dégénératives qui, passant par des stades divers, finissent

par la destruction des fibres nerveuses. Des morceaux de muscles

. pris du muscle gastro-cnémien, des muscles quadrijumeaux et du

446 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

muscle deltoïde présentent les altérations connues. Pour con-

trôler ces observations et y établir un parallèle, on fit des recher-

ches comparatives sur une moelle saine et sur des troncs ner-

veux sains d'une personne du même âge; les préparations en

furent colorées selon les mêmes méthodes de coloration.

Considérations sur lu paralysie générale.

1\1. CH, Vallon (de Paris). Suivant l'auteur, l'hérédité, la syphilis

et l'alcool constituent une sorte de trépied qui est la base étio-

logique de la paralysie générale. Quelquefois, en l'absence

d'antécédents héréditaires, la syphilis peut, seule causer la para-

lysie générale ; il en est de même de l'alcoolisme ; mais celui-là

remplit les meilleures conditions pour devenir paralytique géné-

ral qui, héréditairement prédisposé aux maladies cérébrales, con-

tracte la syphilis et, de plus, se livre à des excès alcooliques. La

paralysie générale est intimement liée aux autres allections céré-

brales et mentales. Les paralylytiques généraux procréent souvent

des enfants idiots. épi ! eptiques`eu vésaniques.

On a prétendu que la syphilis et l'alcool ne produisaient pas la

paralysie générale vraie, mais seulement des pseudo-paralysie,

générales. L'auteur montre la fausseté de celle proposition, en

s'appuyant sur les recherches histologiques de M. Biswinger.

De la paralysie progressive chez la femme.

M. B. GREIDENBERG (de Simphéropol). - Les cas de paralysie gêné

raie chez la femme sont devenus ces derniers temps beaucoup plus

nombreux et leur nombre progresse relativement plus vite que chez

les hommes. D'après nos données de ces dernières douze années,

pour le gouvernement de la Tauride, le rapport est de 2 à 1.

Les rapports de cette. maladie, chez les hommes et chez les

femmes, se trouvent soumis à toute une série de conditions géné-

rales et individuelles et ne peuvent donc tout naturellement par

être partout les mêmes.

La propagation de la paralysie progressive dans les différentes

classes de la société parmi les femmes et les hommes est tout à

fait opposée; chez les hommes, elle a commencé par les classes éle-

vées et n'est descendue que graduellement dans les classes

moyennes et les basses classes; chez les femmes, au contraire, c'est

une maladie qui, jusqu'à présent, n'a exclusivement existé que

dans les basses classes et ne pénètre que depuis peu dans les classes

moyennes et les classes élevées; chez les hommes, la paralysie pro-

gressive, d'aristocratique qu'elle était, devient de plus en plus

démocratique; chez les femmes, c'est le contraire.

Les causes sont les mêmes chez les hommes que chez les femmes,

sociétés savantes. 447 ï

mais leurs combinaisons diffèrent pour les deux sexes. Le tableau

clinique chez les femmes offre certaines singularités qui lui donnent

un cachet particulier. Le cours de la paralysie progressive est plus

lent chez les femmes que chez les hommes, par conséquent la durée

de la maladie pour elles est, en moyenne, un peu plus longue que

chez ces derniers.

Quelques observations sur la symptomatologie de la syringomyélie. 1

M. Maixner (de Prague). Dans une série de cas où la syringo-

myélie se présenta sous le type élevé par Kahler, Schultze et Schle-

singer, quelques observations cliniques sont notées, qui méritent

de l'intérêt à cause de leur caractère. Il s'agit de deux cas de chei-

romégalie unilatérale, d'un cas qui se présente sous l'aspect de la

maladie de Raynaud, d'un cas compliqué de tahes et enfin d'une

observation concernant la syringomyélie à type Morvan.

Contribution ci l'étude des dégénérescences propagées. Altération des

cordons postérieurs secondaire ci une lésion cérébrale en foyer; par le

D'' G. DURANTE (Paris).

Nouvelle observation d'altération des cordons postérieurs con-

sécutive à une altération en foyer de l'écorce cérébrale. Cette obser-

vation vient appuyer celles que nous avons déjà publiées anté-

rieurement en 1894 et 1895, où Jes mêmes altérations des cordons

postérieurs se retrouvaient à la suite de foyers de ramollissement

intéressant le centre optique dans le premier cas et l'écorce céré-

brale dans le second cas.

La dégénérescence rétrograde qui, à la suite de l'interruption

d'un tronc nerveux, remonte dans le bout central vers le centre

trophique, mise en lumière par V. Gudden, est très connue aujour-

d'hui et a été retrouvée aussi bien dans les centres (dégénérescences

ascendantes du faisceau pyramidal, certains faits de sclérose com-

binée) que dans les nerfs périphériques. Ce que l'on admet moins

généralement, c'est que, de la même façon que la dégénérescence

wallérienne, cette dégénérescence rétrograde puisse se propager

d'un neurone au neurone suivant.

Nous croyons cependant que, comme celles que nous avons

publiées antérieurement, l'observation que nons apportons est un

nouveau fait d'altération des cordons postérieurs secondaire à une

lésion cérébrale, par dégénérescence rétrograde propagée à tra-

vers les relais bulbaires.

Quelques considérations sur le traitement du labes dorsalis; par le

D1' RÛCIILli'OE (Paris).

I. Les rapports intimes qui existent entre le tabes et la syphilis

448 SOCIÉTÉS savantes.

et qui nous font considérer le tabès comme une affection métasy-

philitique (dans le sens de \foehius), justifient à priori l'application

dans le tabes des moyens spécifiques (antisyphilitiques).

En réalité cependant, le traitement classique, mercuriel ou iodo-

mercuriel, est d'une efficacité très relative et même contestable

dans le tabes. Néanmoins, il reste indiqué dans la première

période de la maladie encore en pleine voie d'évolution, où il peut

influencer, au moins d'une façon indirecte et dans une certaine

mesure, les toxines spéciales qui sont la cause présumée de régé-

nération tabétique du système nerveux. L'usage des iodures à hautes

doses, surtout dans les stades avancés du tabes, nous parait irra-

tionnel. Quant à la sérothérapie antisyphilitique, les essais que nous

avons faits avec le sérum de'Richet-Héricourt lui sont défavorables.

II. L'organothérapie nous parait privée de toute espèce d'impor-

tance au point devue du traitement radical du tabes. Tout au plus

peut-on lui accorder une influence tonique générale, et encore très

contestable.

III. Les médications physiques, notamment la balnéothérapie et

l'hydrothérapie, l'étectrothérapie, le massage et la gymnastique',

sont, au contraire, d'une très grande utilité et doivent être mises

au premier plan dans le traitement du tabes. La principale indi-

cation dans le tabes doit viser l'état général du malade et tâcher

de relever 'par un ensemble de mesures diétético-hygiéniques les

forces physiques et morales de l'organisme, et de compenser les

effets de la maladie.

Contribution sur la pathologie et sur l'anatomie pathologique du

tabès clorsalis; par le Dr R. COLELU (Messine).

Me guidant sur les recherches que je viens d'exposer, je propo-

serai les conclusion ? suivantes principales : 1. Dans le tabes dor-

salis on peut observer des paralysies amyotrophiques très graves

et répandues, même lorsque la substance grise antérieure de la

moelle épinière présente seulement des modifications histologiques

à peine appréciables et très circonscrites. 2. Ces paralysies

amyotrophiques sont en dépendance, la plupart, d'une altération

primitive, généralisée et profonde des racines antérieures de la

moelle épinière. 3. Ces altérations sont constituées par des

névrites radiculaires parenchymateuses, et par des foyers nécro-

tiques répandus dans les racines médullaires.

Dr JACOB (Berlin). - .1. Il a été impossible jusqu'à présent d'obte-

nir une guérison ou une amélioration notables dans le tubes dorsal

au moyen du traitement spécifique. 2. Le traitement mécanique

1 Personnellement c'est L la. balnéothérapie, à l'hydrothérapie, au

massage, à la gymnastique, joints aux médicaments répondant à des

indications spéciales que nous avons recours. (B.) -)

S.OCIÉTÉS SAVANTES. 449'

(compensatoire) nous promet, au contraire, des résultats qu'aucun'

autre système de traitement n'a encore donnés. Cette méthode n'a

pas pour but la guérison de la maladie elle-même, mais elle tend',

à soulager ou à mettre finaux troubles de coordination au moyen

d'exercices méthodiques. Le malade doit apprendre à se rendre'

maître de ses mouvements, malgré l'affaiblissement de la sensibi-

lité (sens musculaires). 3 Ces exercices ne peuvent pas avoir

d'heureux résultats si on se borne à de simples indications; des')

appareils organisés spécialement dans ce but sont nécessaires, et

une direction méthodique de plusieurs semaines au moins estindis-i

pensable. ,

Moyens thérapeutiques qui s'adressent aux causes du tabès '(syphilis,

arthritisme, surmenage, etc.) ; par M. Grasset, de Montpellier,

rapporteur. i

11, En tête, nous trouvons la syphilis et la grave question du trai-'

tendent spécifique dans le tabes. On instituera le traitement spéci-

fique dans le tabes toutes les fois que la syphilis sera certaine dans

les antécédents du sujet. Quand les traitements spécifiques anté-

rieurs ont été insuffisants, l'obligation de traiter est plus stricte !

Mais cette obligation ne disparaît pas, quoique alors moins étroite,

quand les traitements spécifiques antérieurs paraissent avoir été-

suffisants, parce qu'on n'est jamais sûr de la chose qui est toujours

fort ancienne.

Je crois même qu'on fera bien d'instituer le traitement, toutes

les fois que la syphilis antérieure sera probable, ou même seule-

ment possible. On ne s'abstiendra donc de tout essai thérapeutique

dans ce sens que si on est absolument certain de l'absence de toute

syphilis antérieure. Or, il me paraît absolument difficile d'avoir

une certitude de ce genre. D'où la règle pratique que j'enseigne en

fait (avec quelques rares exceptions) qu'on doit toujours instituer

le traitement spécifique chez un tabétique que l'on voit pour la

première fois ou plutôt dont on est le premier médecin.

Le traitement institué dans ce cas sera toujours le traitement

mixte, et, sauf intolérance constatée et persistante, il devra durer

trois mois.

Le mercure sera donné par la bouche : 5 à 10 centigrammes de

proloiodure ou de gallate de mercure, 5 à 10 milligrammes de

sublimé. Il vaut mieux, en général, les frictions napolitaines

avec massage sous les aisselles et les jarrets ou le long de la

colonne. C'est ce que j'emploie le plus habituellement. On peut

aussi faire des injections. Spillmann fait des injections intra-mus-

culaires de thymolacétate ou de cyanure ; j'emploie habituellement

l'huile grise suivant la formule de Gay que j'ai donnée ailleurs. ,

Si on fait les frictions, qui sont le procédé de choix, sur les trois,

Archives, 2e série, t. IV. 29

450 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mois de traitement, on les fait à 5 reprises pendant dix jours,

suivis de dix jours de repos. Pendant les mêmes trois mois, on

donnera l'iodure de potassium à la dose quotidienne croissante de

1 à 6 grammes ou même 8 grammes par la bouche ou en lave-

ment.

- Après ce premier traitement, la conduite variera suivant les

effets obtenus. S'il n'y a aucune espèce d'effet, ni amélioration

(même légère), ni temps d'arrêt sur aucun point, il me parait

inutile de continuer le traitement spécifique ou de recommencer

plus tard sous une forme quelconque. Si au contraire il y a un

effet quelconque, qui puisse faire soupçonner une action heureuse

de la médication, il faut la continuer ou la reprendre plus tard.

Si l'effet a été très marqué et par suite est très encourageant, ou

si, l'effet étant médiocre, les traitements antisyphilitiques anté-

rieurs ont été nettement insuffisants, on continuera.sans désem-

parer, mais en employant la méthode des indications alternantes,

successivement et alternativement par le mercure et l'iodure de

potassium. Si, au contraire, les effets sont médiocres et si les trai-

tements spécifiques antérieurs sont suffisants, on suspendra le

traitement spécifique, pour le reprendre trois mois après.

Dans la formule générale du traitement du tabes on fait alors

figurer la médication spécifique deux fois par an, au printemps et

à l'automne, trois mois chaque fois.

A ce traitement antisyphilitique se rattache la prescription de

certaines eaux minérales qui peuvent agir par elles-mêmes ou

bien facilitent l'emploi et augmentent l'action de la thérapeutique

médicamenteuse. Ce sont les eaux éliminatrices (surtout chloru-

rées) comme Aulus, Balaruc, Brides, Carlsbad, Badenbaden, Wies-

baden; ou les eaux sulfureuses comme Luchon, Baden bei Wien,

Aix-en-Savoie ; ou les eaux chlorurées et sulfureuses comme

Uriage, Aix-la-Chapelle, Baden en Argovie...

Toujours dans le même ordre d'idées, si l'iodure n'était absolu-

ment pas toléré, on pourrait donner les sels d'or, notamment le

chlorure d'or et de sodium, à la dose quotidienne de 5 à 10 milli-

grammes en solution. Galezowski fait à la région temporale des

injections hypodermiques de 5 à 15 milligrammes de cyanure d'or

et de potassium ;

2° A côté de la syphilis et après elle, il faut placer l'arthritisme

comme élément étiologique faisant, dans certains cas de tabes,

indication thérapeutique. Si l'arthritisme n'apas, comme la syphi-

lis, un traitement' spécifique, il y a du moins des moyens de le

modifier thérapeutiquement. Tels sont : les alcalins et les iodures

à dose faibles longtemps continués dans l'arthritisme en général,

les salicylates quand les origines sont rhumatismales, la lithine

quand elles sont goutteuses, l'arsenic ou le soufre si les manifesta-

tions sont plutôt herpétiques.. -

SOCIÉTÉS SAVANTES. 451

On peut, par exemple, combiner un traitement de la manière

suivante : les dix premiers jours de chaque mois, 50 centigrammes

d'iodure alcalin (en solution) et un cachet de 50 centigrammes de

salol et 50 centigrammes.de bicarbonate de soude à chaque repas

principal (deuxfoisparjour). Les dix ourssuivan ts, 50 centigrammes

de salicylate de lithine (en solution) à chaque repas dans un verre

à bordeaux d'eau de Vichy (Hauterive ou Saint-Yorre) ou de Vals

(Vivaraise n° 5).

Il ne faut donc pas immobiliser le tabélique comme certains

neurasthéniques. Il faut le faire marcher, mais sans excès, c'est-à-

dire que le tabétique ne doit pas se forcer; il ne doit faire que ce

qu'il peut sans fatigue, il doit rester en deçà de la lassitude, sauf

à renouveler les séances. En d'autres termes, il faut permettre et

conseiller l'usage et l'exercice des mouvements encore possibles,

mais ne jamais tolérer l'abus, le surmenage. C'est ce qu'exprime

Erb quand il dit aux tabétiques : Vivez comme des vieux.

Dans ce paragraphe rentre aussi la question du régime des tabé-

tiques ; j'entends les tabétiques en général, abstraction faite des

règles alimentaires plus spéciaux qu'impose à certains leur nature

arthritique.

Dans quelques cas; dit Bouchard, où les névrites primaires du

tabes « m'avaient paru être toxiques et relevaient' d'une auto-

intoxication gastro-intestinale, j'ai vu des douleurs qui, dans deux

cas, allaient jusqu'à produire une certaine impotence et qui, dans

un cas, se compliquaient d'accidents cérébraux, céder très rapide-

ment à l'antisepsie du tube digestif il.

Le régime et l'antisepsie gastro-intestinale remplissent, dans ces

cas, une véritable indication causale. Nous y reviendrons à propos

des indications tirées de la lésion anatomique. En somme, les mé-

dications causales du tabes se résument dans ces trois principales :

la médication antisyphilitique, la médication antiathritique et

l'hygiène.

Des moyens thérapeutiques qui s'adressent aux lésions du tabes.

La lésion principale du tabes étant une sclérose médullaire, cette

lésion fera indication thérapeutique, soit à titre de lésion scléreuse,

soit à titre de lésion médullaire; c'est-à-dire qu'il y a des moyens

s'adressant à la sclérose et des moyens s'adressant à la moelle.

1° Moyens s'adressant à la sclérose. - Le traitement de la sclérose

est toujours le même, au moins dans ses lignes principales, quel

que soit le siège de la maladie. La localisation médullaire ne fait

pas exception et ne modifie pas ce principe. Le vrai médicament

de la sclérose, médullaire ou autre, reste l'iode sous ses différentes

formes.

On peut employer les iodures alcalins (potassium ou sodium),

non à dose antisyphilitique, mais àdoseanti-arthritique : 1 gramme

par jour, dissous dans 30 cent. cubes d'eau, pris en deux fois au repas,

452 'l) SOCIÉTÉS SAVANTES.

dans de l'eau vineuse, du lait ou de la bière. Si l'iodure était mal

toléré (hypercrinies des muqueuses oculaire et nasale et surtout

troubles gastriques), on le remplacerait par la teinture d'iode :

5 à 6 gouttes deux fois par jour, dans du lait.

Du reste, pour faciliter la tolérance des préparations iodées, on

associera quelques cachets de salol et de benzonaphtol, ou de salol

et de bicarbonate de soude (50 centigrammes de chaque à tous les

repas). Si la teinture d'iode donnait des douleurs d'estomac, on

l'associerait, à parties égales, avec le chloroforme. Ce traitement

peut en général être conlinué pendant de longs mois, avec un

repos de dix jours (pour vingt jours de traitement) tous les mois.

Beaucoup d'auteurs emploient ainsi l'iodure dans un but autre

que la lutte contre la syphilis. Je citerai Lancereaux, Magnan,

Teissier. « Je ne l'emploie (l'iodure), dit ce dernier, qu'à titre de

résolutif général et comme l'altérant de choix, destiné à enrayer

la production de la sclérose, qu'elle soit syphilitique, arthritique,

saturnine, mercurielle, ou alcoolique. » Il donne, en lavement,

un gramme parjour, dans une infusion de valériane.

Il me paraît, comme à Rauzier, légitime de placer le nitrate

d'argent ici, à côté de l'iode, parmi les altérants qui ont la préten-

tion de combattre l'élément sclérose. C'est le mémoire de Charcot

et Vulpian, fait d'après les travaux de Wunderlich, qui a lancé ce

médicament dans la thérapeutique du tabès. On emploie surtoutle

nitrate d'argent cristallisé en pilules de 1 centigramme, en pre-

nant pour excipient la mie de pain, qui réduit une portion du

sel à l'état métallique ; une autre portion est transformée en chlo-

rure d'argent. Bokai enrobe les pilules dans de l'argile blanche et

fait ingurgiter immédiatement après un peu de lait.

On peut aussi donner directement du chlorure d'argent, en

associant dans la même pilule (comme l'a fait Mialhe), 1 centi-

gramme de nilrate d'argent et 4 centigrammes de chlorure de

sodium. Au début, on donnait parjour 2 à 5 de ces pilules conte-

nant 1 centigramme de sel d'argent. Aujourd'hui beaucoup

d'auteurs ont plutôt de la tendance à diminuer ces doses, afin

d'éviter l'argyrie, et on prescrit alors le nitrate d'argent par milli-

gramme, au lieu de le prescrire par centigramme. En tout cas, il

faut interrompre de temps en temps le traitement : dix jours par

mois par exemple.

Rosenbaum a fait des injections hypodermiques de chlorure

d'argent (2 milligr. 1/2 et plus tard, milligrammes deux ou trois

fois par semaine) ; plus tard, il a injecté de l'argentamine (<lahy-

lendiamin silberphosphat).

Dans notre enquête, Lépine emploie le nitrate d'argent et déclare

c possible que ce médicament ne soit pas à rejeter » ; Berbez le

donne aussi, 1 à 3 centigrammes par vingt-quatre heures, par

cures de dix jours, dans la période d'augment de la maladie ;

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4S3

Mayet trouve qu' « on a trop délaissé le nitrate d'argent, qui peut

agir très utilement dans quelques cas sur les douleurs fulgurantes,

mais a peu d'action sur les troubles de la marche ».

J'ai personnellement l'habitude de donner le nitrate d'argent

quand il y a une intolérance absolue de l'iode sous toutes les

formes, ou bien j'alterne les sels d'argent avec les préparations

iodées quand la tolérance pour ce dernier médicament est limitée

et courte. Le nitrate d'argent serait donc un succédané de l'iode à

dose antiarlhrilique, comme nous avons vu que le chlorure d'or

serait le succédané de l'iode à dose antisyphilique. On connaît

l'action vaso-constrictive de l'ergot de seigle, et depuis les travaux

de Tuczek, confirmés expérimentalement par Grunfeld, Kokotin,

etc., on connaît aussi l'action spéciale de cet agent sur les cordons

postérieurs de la moelle. On comprend dès lors qu'on ait

employé ce médicament dans le traitement du tabes.

Brown-Sequard l'administrait dans les congestions de la moelle

et les myélites. Dans le tabes, Charcot l'employait volontiers et

donnait, par exemple, matin et soir, 25 centigrammes d'ergot

récemment pulvérisé.

Si ce médicament n'a « jamais donné de résultat marqué » à

André, Lépine a cru au contraire en « obtenir parfois quelques ré-

sultats », et Bidon emploie d'une manière presque constante l'ergo-

tine (une semaine par mois), alternée avec l'iodure (trois semaines

par mois). Magnan donne l'ergot trois jours par semaine et la

phénacétine les quatre autres jours : chez trois tabétiques, il a vu des

douleurs en ceinture, des constrictions pénibles de la base du

thorax et des troubles urinaires amendés par ce traitement au bout

de six semaines à deux mois.

Ce médicament n'est pas sans inconvénients possibles. J'ai publié

un fait démonstratif à ce point de vue : parti de 0 gr. 25 par jour,

le malade était arrivé à prendre 1 gramme par jour et en éprouva

les plus fâcheux effets, qui disparurent en grande partie après la

suppression du médicament. Le seigle ergoté peut nuire aux tabé-

tiques soit en exerçant sur la moelle une action trop énergique et

déprimante, soit en facilitant le développement des gangrènes. Il

faut donc se garder des doses trop élevées et surtout trop longtemps

continuées sans interruption. Si on alterne avec l'iodure, on peut

adopter pour le seigle ergoté le rythme, soit de trois jours par

semaine, soit de cinq jours tous les quinze jours, et alors donner

seulement, 5 centigrammes matin et soir le premier jour, en aug-

mentant tous les jours de 5 centigrammes jusqu'à'15 ou 25 centi-

grammes, pro die.

L'élément indicateur de cet agent, dans la sclérose tabétique,

réside surtout dans la flexion médullaire, que l'ergot combattra

- quand elle est active et que l'ensemble du système vasculaire n'est

pas trop profondément altéré. Par conséquent, le seigle ergoté

454 SOCIÉTÉS SAVANTES.

serait plutôt le médicament de poussées, aiguës ou subaiguës, dans

le tabes ; beaucoup moins utile dans les périodes franchement

chroniques et plutôt nuisible dans les rémissions.

Dans le traitement général des scléroses, le régime joue un

rôle absolument de premier ordre. C'est également vrai pour les

cas où la sclérose est localisée sur ie protoneurone centripète.

Nous avons vu que Bouchard avait constaté la mauvaise

intluence que les poisons alimentaires peuvent exercer sur les tabé-

tiques et les heureux effets des antiseptiques du tube digestif. La

chose est absolument vraie et plus classique pour les scléreux en

général. L'alimentation doit fournir aux scléreux le moins de poi-

sons possible : 1° parce que ces poisons sont souvent la cause et le

point de départ de nouvelles poussées sléreuses ; 2° parce que la

sclérose envahit souvent les organes éliminateurs ou destructeurs

comme le rein ou le foie, ce qui accroît notablement la nocivité

des produits toxiques développés dans le lube digestif.

D'après ces considérations, ou voit qu'il y a un régime des tabé-

tiques, comme nous avons vu plus haut qu'il y a une hygiène des

tabétiques. Seulement ce régime sera plus ou moins sévère et par

suite différent suivant l'intensité ou plutôt suivant l'étendue de la

sclérose, dans chaque cas particulier. On peut schématiquement

admettre trois degrés, qui serviront de cadre aux divers faits indi-

viduels.

a) Si la sclérose est limitée à la moelle, le régime sera surveillé,

mais sans règle très étroite. On évitera l'encombrement intestinal

et les fermentations vicieuses : une purgation de temps en temps

fera du bien ; on ne permettra ni gibier ni viandes faisandées ;

on pourra joindre des antiseptiques (naphtol et salol : 50 centi-

grammes de chaque au repas), médicaments qui sont du reste

l'adjuvant utile de la plupart des traitements choniques prolongés.

b) Si la sclérose a envahi simultanément d'autres organes que la

moelle (artères, veines, coeur...), le régime sera plus sévère et de

lait devra commencer à occuper une large place dans l'alimenta-

tion ; les viandes seront bien cuites et très divisées. On pourra

même en arriver à conseiller le lait comme boisson exclusive aux

repas.

c) Enfin, si la sclérose a envahi, en même temps que la moelle,

des organes de première importance pour la destruction ou l'éli-

mination des poisons, comme le foie et le rein, le régime, devenu

très étroit, sera par exemple le suivant : le matin, à 8 heures, un

bol de lait, à midi déjeuner ordinaire (comme b) et eau vineuse,

à 4 heures soir un bol de lait, à 7 heures soupe au lait, légumes

au lait et bol de lait, à 10 heures bol de lait (ainsi que dans la nuit

s'il y a un réveil spontané ou deux).

Si la même sclérose rénale était portée à un haut degré, il fau-

drait imposer le régime maigre ou le régime lacté. absolu et exclu-

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 455

sif, au moins pour un temps. Ceci rentre dans le traitement des

scléroses autres que la sclérose médullaire, scléroses autres qui

peuvent coexister parfois avec le tabès. -- ,

2° Moyens 's'adressant à la moelle. Les agents thérapeutiques

de ce groupe s'adressent, comme les précédents, à la sclérose.

Seulement ils sont commandés ou modifiés par ce fait particulier

que la sclérose est, chez nos malades, localisée sur la moelle : ils

cherchent à modifier spécialement la moelle. Pas n'est besoin

d'insister sur la révulsion locale, le long de la colonne vertébrale :

c'est un procédé classique, rationnel du reste, mais pour lequel

l'enthousiasme des médecins a plutôt besoin d'être refréné qu'ex-

cité. -

D'une manière générale, ce moyen thérapeutique s'adresse sur-

tout, 'comme le seigle ergoté, aux phases congestives qui précèdent

et préparent les poussées scléreuses. Ces périodes sont surtout

marquées, en clinique, par une recrudescence de crises doulou-

reuses, des troubles des sphincters, des aggravations motrices, etc.

A ces phases, cliniquement bien définies, s'adresseront les pointes

de feu ou les vésicatoires, le long du rachis. Le vésicatoire cantha-

ridien ne sera appliqué qu'avec les précautions d'usage et s'il n'y a

aucuu signe de sclérose rénale ; dans le cas contraire, on emploiera

le vésicatoire à l'ammoniaque ou au chloral. Les badigeonnages

de teinture d'iode ont un effet beauconp plus atténué et doivent

être répétés souvent et largement pour n'avoir pas un effet nul.

Certains auteurs, comme Magnan et Teissier, préfèrent ce

dernier moyen aux pointes de feu. Berbez fait cette révulsion avec

les ventouses scarifiées et les pointes de feu.

S'appuyant sur les expériences de Rung, qui établissent l'action

exercée sur les vaisseaux de la moelle par les bains froids limités

aux extrémités inférieures, Hoenelin réchauffe les membres infé-

rieurs du tabétique dans une couverture ou un bain de vapeur ;

puis, immédiatement après, il fait une affusion froide à 20° ou une

application de linges imbibés d'eau à la même température, ou

une immersion dans un bain de pieds froid (10 à 20°), pendant

quinze à soixante secondes. 1

En dehors de ces poussées nettement définies, le tabes, même

chronique, tant qu'il est progressif, a des poussées latentes clini-

quement : de là l'usage rationnel des pointes de feu le long 'du

rachis, tous les'huit ou dix jours, même dans les formes chro-

niques. J'estime que les indications de la révulsion locale dispa-

raissent dans les rémissions du tabes. '

Dès 1887, Brown-Sequard avait montré les bons effets, dans le

tabes, des pointes de feu appliquées, non plus le long du rachis,

mais le long , des membres inférieurs. Cette action est facile à

admettre et à expliquer soit par une action inhibitrice à distance,

soit par une .action sur .les, névrites, que.'nous avons vues être

ŸJG SOCIÉTÉS SAVANTES.

/

l'élément anatomique le plus curable du tabes. Ainsi, A. Robin les

applique très superficielles, le long des nerfs périphériques, en

commençant par les pieds et en remontant graduellement le long

des membres inférieurs, et leur demande une action inhibitrice

sur la moelle.

Le plus souvent,, on préfère appliquer les pointes de feu au

niveau des lésions présumées. Il y a alors des éléments cliniques

précis dans chaque cas particulier, pour décider l'opportunité et le : lieu d'application des pointes de feu : quand l'analyse clinique révé-

lera l'existence d'une poussée névritique, on appliquera des

-pointes de feu à la périphérie, le long de ces nerfs; quand on aura

lieu de supposer une poussée myélitique, on appliquera ces mêmes

- pointes de feu le long de la colonne vertébrale. Si on est autorisé

à supposer qu'il n'y a aucune poussée, ni au centre ni à la périphé-

rie, on s'abstiendra de toute révulsion locale. L'électrothérapie

n'est pas un agent thérapeutique univoque dans ses applications au

traitement du tabes.

Le traitement symptomatique peut se grouper sous cinq chefs

principaux : 1° Les douleurs fulgurantes et les crises viscéralgiques

sont justiciables de tous les sédatifs : opium (éviter le plus pos-

sible les injections de morphine), antipyrine, etc. Contre les crises

d'estomac, on a employé l'oxalate de cerium. L'étude du chimisme

stomacal dans chaque cas fournira des indications complémentaires

utiles. Au même groupe appartient une série de moyens externes :

révulsifs, chloroforme, eau chaude, électricité, eaux minérales

sédatives ;'

2° A l'amyosthénie et à l'asthénie on a opposé la médication

séquardienne et la transfusion nerveuse, qui peuvent être rempla-

cées aujourd'hui par les injections de sérum artificiel et de glycé-

rophosphates. Au même groupe appartiennent les toniques

internes (généraux et spéciaux) et aussi le massage et l'hydrothé-

rapie, l'électricité et certaines eaux minérales;

3° Contre l'ataxie, la rééducation des muscles suivant la méthode

- de Frenkel est un récent et utile moyen : c'est la,rééducation de

la moelle par le cerveau ou le développement, par faction céré-

brale, d'une compensation médullaire, compatible avec la persis-

tance da la lésion (comme dans le cas de Schultze). Ce moyen doit

être employé en dehors des poussées aiguës ou subaiguës, quand

la vue, les fonctions intellectuelles et la force musculaire sont

suffisamment conservées ;

4° Sans parler de l'hystérie simulant le tabes et de l'association

hystéro-tabétique, on peut dire que les phénomènes névrosiques

'occupent dans la symptomatologie du tabes une place beaucoup

plus importante qu'on ne le croit et qu'on ne le dit généralement.

.Le premier et le principal moyen pour combattre ces symptômes

,est la suggestion. Au même groupe appartiennent certaines

SOCIÉTÉS SAVANTES. 457 Î

applications électriques, l'hydrothérapie et certaines eaux minérales.

5° Enfin les troubles vésico-rectaux, les troubles oculaires, les

troubles trophiques, les troubles circulatoires, les crises bulbaires

sont le point de départ d'indications spéciales dans certains cas.

Atrophies musculaires.

M. FRIEDEL PICK (de Prague). Dans différents cas il est impos-

sible d'établir, suivant le tableau clinique de l'atrophie, une sépa-

ration nette entre les formes spinales et myopathiques des atro-

phies musculaires.

A une période plus avancée d'atrophie myopathique primaire,

on rencontre des dégénérescences des uerfs périphériques, qu'on

doit regarder et considérer comme étant secondaires.

Sur la nature des modifications de la moelle épinière dans le tabès.

M. L. DARKSCIIEWITSCU (de Kasan). La modification des cor-

dons postérieurs de la moelle dans le tabès dorsalis n'est pas une

affection primaire, mais un phénomène secondaire.

Deux processus morbides surtout paraissent être la cause de

cette modification secondaire :

a) Des modifications inflammatoires du système nerveux péri-

phérique ;

6) Une inflammation chronique et progressive des enveloppes

molles de la moelle.

Ces deux causes initiales peuvent être combinées avec prépon-

dérance de l'une ou de l'autre.

L'inflammation du système nerveux périphérique peut provo-

quer une dégénérescence rétrograde, qui s'étend aux faisceaux

des racines postérieures. '

Dans la moelle, ces modifications se localisent dans la zone

d'expansion des faisceaux des racines postérieures.

Les modifications des cellules des ganglions inter-vertébraux,

dans cette dégénérescence ascendante des faisceaux sensitifs,

paraissent être de l'atrophie simple et correspondent aux modifi-

cations des cellules des cornes antérieures, qu'on rencontre dans

la dégénérescence rétrograde des faisceaux moteurs.

L'atropie des cellules des cornes antérieures résulte de la mor-

bidité des faisceaux moteurs périphériques.

La leptoméningite, qui provoque des modifications tabétiques

dans la moelle, se localise presque exclusivement dans la zone

d'expansion de l'articulation spinalis postérieure.

Ces modifications ne se rencontrent que suivant l'étendue du

processus morbide dans les racines postérieures.

(A suivi'e.)

ASILES D'ALIÉNÉS.

Notice sur l'Asile DE DURY (Somme).

L'asile public d'aliénés du département de la Somme est situé

sur le territoire de la commune de Dury, à 3 kilomètres environ

au sud d'Amiens, en bordure de la route nationale de Paris àDun-

kerque. Il cumprend, enfermés dans une même enceinte, quoiqu

complètement séparés et distincts, un asile d'indigents et un pen-

sionnat, dont les prix varient de 1800 francs à 4000 francs.

Pour ménager la susceptibilité des familles qui placent leurs ma-

lades au pensionnat, rien à l'extérieur, pour le voyageur qui passe

sur la grande route, n'accuse la destination de l'édifice; on a placé

sur le frontispice qui couronne la grande porte d'entrée ces seuls

mots : Établissement départemental.

L'asile de Dury est de construction toute récente. Commencée en

1886, elle a duré quatre ans; l'établissement a été ouvert en 1891.

On a choisi l'emplacement en dehors du territoire de la ville

d'Amiens, afin de pouvoir acquérir à bon compte, comme terrain

de culture, une surface assez vaste, et d'éviter le paiement des droits

d'octroi, tant sur les matériaux de construction que sur les denrées

et matières de toute nature nécessaires à l'alimentation et au fonc-

tionnement de l'établissement. Cependant, si, pour les raisons éco-

nomiques qui viennent d'être indiquées, l'asile a été construit en

dehors du territoire d'Amiens, il n'est pas éloignéde la limite même

de ce territoire que bordent sur une face les murs de clôture de

l'établissement.

Pour franchir les 3 kilomètres qui séparent l'asile de la place

Gambetta, prise comme centre de la ville, il n'existe aucun moyen

de transport par services publics, ni omnibus ni tramway; il faut

aller à pied ou avoir recours aux voilures particulières, dont le

tarif, en dehors de la ville, est coté 2 francs l'heure.

Il n'existe, dans le voisinage immédiat de l'asile, aucune autre

construction. Les habitations les plus proches, qui sont celles du fau-

bourg Saint-Denis, en sont distantes d'environ 1 kilomètre. Le vil-

lage de Dury, sur la commune duquel est bâti l'asile, et qui est

d'ailleurs fort peu important (il ne comprend que 669 habitants),

en est éloigné de 3 kilomètres.

L'asile est établi sur un plateau assez élevé, à 30 mètres environ

au-dessus de la ville d'Amiens et à 90 mètres environ au-dessus du

.asiles d'aliénés. 459

niveau de la mer. Le terrain s'élève, à partir de la route de Paris,

suivant une pente assez sensible, 0m,03o par mètre. Il affecte, pris

dans son ensemble et en laissant de côté les lignes brisées de son

périmètre, la forme rectangulaire. Il mesure une surface de 35 hec-

tares environ entièrement clos de murs. Ces murs, qui ont 3 mètres

de hauteur, sont construits en briques et présentent un développe-

ment de 3 800 mètres environ. 'Ils suivent toutes les sinuosités du

terrain.

Les bâtiments de l'asile proprement dit et de ses dépendances

occupent une surface de 11 hectares environ. Le pensionnat, enclos

par un mur élevé de 3111.50, couvre une superficie de 1 hectare

68 ares. Le surplus du lerrain qui entoure l'établissement et qui

est compris dans le périmètre des murs d'enceinte, soit environ

22 hectares, est consacré pour la plus petite partie à la culture

maraîchère et pour le surplus à la grande culture. Le sol est prin-

cipalement formé de marne blanche légèrement caillouteuse et

recouverte d'une couche fort peu épaisse de terre végétale.

Les constructions de l'asile de Dury sont, comme la plupart des

bâtiments de la région, composées de maçonnerie de hriques et de

charpentes en fer. On y a employé fort peu de pierre. On ne voit

guère de pierre de taille'qu'à la chapelle et au pensionnat. La cons-

truction en briques est d'ailleurs la plus économique pour le pays.

Elle a été payée, pour l'asile de Dury, 20 francs le mètre cube. Les

piliers qui supportent la toiture des galeries sont en briques et ont

coûté deux tiers de moins que si on avait employé la fonte. Les

galeries sont dallées en ciment, mais ce ciment a peu résisté; les

bâtiments sont couverts en. tuiles rouges.

L'asile est alimenté en eau potable par un puits profond de

80 mètres qui fournit une eau légèrement séléniteuse. Une pompe,

actionnée par une machine à vapeur, élève l'eau dans un réservoir

placé au-dessus du bâtiment de la buanderie au point culminant,

de l'asile, d'où elle se distribue dans tous les services. L'eau em-

ployée aux usages alimentaires est préalablement filtrée au moyen

de batteries de bougies Chamberland.

L'asile comprend une buanderie, une boulangerie, des ateliers,

une petite ferme avec écurie, étable et porcherie. L'écurie et

l'étable, adossées l'une contre l'autre, ont leurs ouvertures, la pre-

mière du côté du quartier des hommes, la seconde sur le quartier

des femmes.

L'établissement est pourvu d'un cimetière spécial compris dans

l'enceinte des murs et dissimulé dans un redan du terrain à l'ex-

trémité sud-ouest. L'amphithéâtre et la salle des morts sont à côté

du cimetière, hors de la vue des quartiers.

La plus grande simplicité a été apportée aussi bien dans le choix

des matériaux employés que dans leur mise en oeuvre; on s'est atta-

ché par-dessus tout à réduire les dépenses au strict minimum,

460 asiles d'aliénés.

pour rester dans le programme imposé par le Conseil général. C'est

ainsi que les briques, même à l'intérieur, sont restées apparentes,

sans crépis ni enduits. Elles sont recouvertes d'une -peinture à

l'huile, rouge foncé pour les soubassements, jusqu'à hauteur

d'homme, et pour le surplus en ton blanc teinté. Les menuiseries,

en sapin pour la plupart, sont traitées aussi simplement que pos-

sible ; on en a écarté tout ce qui, comme appareil et comme orne-

ment, pouvait être une cause de plus-value. On a pensé avec rai-

son qu'il s'agissait, du moins en ce qui concerne l'asile, d'hospita- z

liser des indigents, et qu'il fallait rigoureusement écarter de la

construction tout ce qui pouvait paraître superflu.

Il n'est pas inutile de noter en passant que ces menuiseries si

simples ont été faites par une maison de Paris, dont la spécialité

est l'ameublement de luxe, la maison Krieger; quant aux meubles

de tout genre, y compris les tables de marbre des réfectoires, la

literie, le linge, etc., le tout a été fourni, après concurrence établie

entre divers fournisseurs, parles magasins du Bon Marché.

Après avoir fait l'éloge des constructions, au point de vue de

l'économie apportée dans leur édification, il convient, pour être

complet, de noter quelques critiques : l'installation des lavabos

et des cabinets d'aisances laisse beaucoup à désirer; les préaux,

dépourvus de toute verdure et de plantations, sont tristes; enfin, les

dallages en ciment des galeries sont en partie ruinés.

BIBLIOGRAPHIE.

VI. Contribution à l'étude de l'encéphalite aiguë primitive à forme

hémorragique; par le D1' L. Murât. Lyon, 1897.

L'encéphalite hémorragique doit être considérée comme la forme

typique des encéphalites primitives aiguës non suppurées. Autour

d'elles gravitent, simples variétés, l'encéphalite hyperplastique de

Hayem et la poli encéphalite de Vernicke. D'origine inconnue dans

la plupart des cas, son facteur étiologique, le plus constant dans

les autres, a paru être la grippe. Au reste, la pathogénie de cette

affection, sans doute de nature infectieuse, reste encore à élucider.

La symptomatologie est plus nette. On peut dresser schématique-

ment le tableau suivant : une première phase de prodomes carac-

térisée par le syndrome habituel d'invasion des maladies infec-

tieuses et fébriles (frisson, fièvre, céphalalgie, vomissements). Une

deuxième phase d'excitation : dédire, contractures et crises jack-

sonniennes. Enfin, une période terminale de coma et de paralysie.

Souvent une ou deux périodes manquent, ou les symptômes, d'une

marche capricieuse, engendrent les formes les plus disparates. La

maladie, d'une durée moyenne de quinze jours, quoique très grave,

est loin d'avoir constamment une évolution fatale. Par une lente

convalescence, le malade peut recouvrer dans un tiers des cas la

plénitude de la santé.

Rare, parce qu'elle est ignorée, cette affection peut devenir plus

fréquente, quand on saura distraire du domaine des encéphalo-

pathies infectieuses et de la méningite des formes souvent curables

qui ne sont que des encéphalites méconnues. Plusieurs cliniciens

ont déjà fait ces diagnostics délicats, et les observations, dont les

premières remontent à quelques années à peine, se multiplient

rapidement.- Aussi, dans cette première monographie de l'encé-

phalite hémorragique, on trouvera déjà réunis cinquante-neuf cas.

L'encéphalite hémorragique mérite donc de prendre définitivement

place dans la nosologie. Dr F. Dkvay.

VU..Arches de physiologie, publiées par MM. Bouchard, Ciiauveau,

MAREY et GLEY, 5° série, t. IX, Masson, éditeur.

Voici les titres des travaux relatifs au système nerveux parus

dans cet important recueil durant l'année 1897 : La néoformation

des cellules nerveuses dans le cerveau du singe, consécutive à

462 BIBLIOGRAPHIE.

l'ablation complète des lobes occipitaux ; par M. Alex. N. Vitzou ;

Recherches expérimentales sur la création de l'élasticité et l'éner-

qui lui a donné naissance dans les muscles en contraction

volontaire.; par' M. J. Tissot; Relation de cent trois opérations

de thyroïdectomie chez le fapin;. par M. Alfred Rouxeau ; - Sur

les mouvements des membres produits par L'excitation de l'hémis-

phère cérébral du côté correspondant; par MM. E. Wertheimer et

L. Lepare; - Lésions médullaires expérimentales produites par

les embolies aseptiques; par M. Henri Lamy; - Critique des

expériences de Hirn sur la thermodynamique et le travail chez les

êtres vivants. Comment elles auraientdû être instituées pour aboutir

à des conclusions exactes sur la valeur de l'énergie que le -travail

mécanique « prend » ou « donne » aux muscles, suivant qu'il est

positif ou négatif; par M. A. Chauveau ; - Structure intime des

libres terminales des nerfs moteurs des muscles striés des Am-

phibiens ; par M. Charles Rouget ? Recherches sur l'innervation

motrice et inhibitrice des muscles du poumon; par M. M. Doyon;

Influence motrice du grand sympathique sur l'intestin grêle

par MM. D. Courtade et J.-F. Guyon; - Recherches expérimen-

tales sur l'innervation vaso-motrice du foie (3e et 4e mémoires :

Réflexes vaso-constricteurs) ; par MM. Ch.-A. François-Franck et

L. Hallion ; Structure intime des plaques terminales des nerfs

moteurs chez les vertébrés supérieurs; par M. Charles Rouget-

Recherches sur l'excitation des nerfs par les rayons électriques

(1er mémoire) ; par M. B. Danilew,sky; Recherches sur l'éxci-

tation des nerfs par les rayons électriques (2° mémoire) ; par

M. B. Danilewshy ; Action des états variables du courant

galvanique sur les nerfs sensitifs ; Recherches expérimentales

sur les lois des secousses sensitives chez l'homme ; par M. Il. Bor-

dier ; Note sur les procédés de recherche des plaques terminales

motrices; par M. Charles Rouget; Sur un nouveau procédé de

section intra-cranienne du facial chez le chien; par M. Laffay;

Myélite expérimentale subaiguë par intoxication tétanique ; par

M. H. Claude; Période réfractaire dans les centres nerveux; par

MM. André Broca et Charles Richet; Influence motrice du grand

sympathique et du nerf érecteur sacré sur le gros intestin ; par

MM. D. Courtade et J.-F. Guyon; Contribution à l'étude des

paralysies du trijumeau chez l'homme ; par MM. E. Long et Max.

Egger; Contribution à l'étude du réflexe pharyngien étudié sur

les mêmes malades aux trois périodes de la paralysie générale;

par le Dr E. Marandon de Montyel.

NÉCROLOGIE.

Nous avons le regret d'apprendre la mort de M. Paul C.r,uQauu,

interne en médecine à l'asile de Villejuif, décédé le 17 septembre.

Les obsèques ont été célébrées au temple protestant de la rue Saint-

Honoré ; l'inhumation a eu lieu au cimetière de Bagneux dans un

caveau provisoire. Voici le discours prononcé au cimetière par

M. le Dr Vallon,' son chef de service : ,

- < Mesdames, Messieurs,

« Il y a quelques mois à peine, au dernier concours de l'internat

des asiles d'aliénés de la Seine, CALLDAUD, après de bonnes

épreuves, était nommé le troisième de la promotion, et bientôt il

choisissait une place dans mon service à l'asile de Villejuif; je fus

heureux d'accueillir mon jeune compatriote, qui arrivait d'ailleurs

précédé d'une excellente réputation ; je savais qu'à l'Ecole prépara-

toire de médecine de Limoges où, comme moi, il avait fait ses pre-

mières études, il s'était concilié l'estime de ses maîtres, l'amitié de

ses camarades.

« Il valait encore mieux qu'on' ne me l'avait dit : je ne tardai

pas à m'en convaincre. Très exact dans le service, toujours attentif

aux moindres observations qu'on pouvait lui faire, il s'acquittait

scrupuleusement de ses fonctions ; studieux, avide de s'instruire, il

observait avec curiosité les faits cliniques qui se déroulaient jour-

nellement sous ses yeux, recueillant déjà des matériaux que plus

tard il aurait pu mettre en oeuvre ; avec cela, affable et modeste, il

était en un mot un interne modèle. Sans nul doute, à la fin de

son internat, le concours pour les places de médecin adjoint l'eût

trouvé prêt à affronter la lutte et à triompher. Hélas ! de cette

carrière de médecin aliéniste qu'il voulait parcourir, il n'a pu

franchir que la première étape : la mort implacable est' venue le

frapper avant même qu'il ait achevé sa vingt-troisième année.

« Sa perte est vivement ressentie à l'asile de Villejuif, par moi

d'abord, qui suis privé d'un collaborateur dévoué ; par les malades

qui savaient apprécier la douceur et l'aménité de son caractère,

par ses subordonnés qui l'aimaient pour sa bienveillance, par tous

enfin, fonctionnaires du service administratif comme du service

médical. Quant à ses collègues d'internat, à ses amis, ils lui étaient

tous très attachés; ils l'ont bien fait voir au dévouement infatigable

avec lequel jusqu'à la dernière minute ils l'ont disputé à la mort.

464 faits DIVERS.

« L'administration préfectorale a tenu à se faire représenter aux

funérailles et à s'associer à notre deuil. Puissent ces regrets una-

nimes apporter quelque consolation à cette mère et à ce père si

cruellement éprouvés par la perte d'un fils unique qui était leur

joie, leur orgueil, et dont ils étaient tendrement aimés. Et mainte-

nant, mon cher Calluaud, au nom de l'asile de Villejuif, en mon

nom personnel, je vous adresse un cordial adieu ; tous, nous gar-

dons votre souvenir. »

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. le Dr Cossa, est

nommé médecin-adjoint à l'asile de Marseille, en remplacement

de M. Cavalié, non-acceptant (23 août) ; M. le D'' 13ALLETARD,

directeur-médecin de l'asile de Pierrefeu, et M. le Dr LaLLEIfANT,

directeur-médecin de l'asile de Dijon, sont élevés à la 2° classe du

cadre (19 août); M. le Dur LALLEM.%NT, médecin-directeur de l'asile

de Dijon, est nommé directeur-médecin de l'asile de Quatre-

Mares, en remplacement de M. le D'' DEL,\.poRTE, admis sur sa

demande à faire valoir ses droits à la retraite (30 août); M. le

Dr GARNIER, directeur-médecin de l'asile de Saint-Ylie (Jura), est

nommé directeur-médecin de l'asile de Dijon (1er septembre);

M..le Dr ROUSSE]', médecin-adjoint à l'asile de Bron, est nommé

médecin-directeur de l'asile de Saint-Ylie (2'septembre); - M. le

Dr Toy, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Bron (9 septembre) ;

M. le Dr Leuoy, médecin-adjoint à l'asile de Quimper, est nommé

médecin-adjoint à l'asile d'Evreux (9 septembre) ; M. le Dr DE-

ric, directeur-médecin de l'asile d'Alençon, est nommé directeur-

médecin de l'asile de Bonneval, en remplacement de M. CAMusET,

décédé (20 septembre); M. le D'' GILBERT-PETIT, médecin-adjoint

à l'asile Sainte-Gemmes, est nommé directeur-médecin de l'asile

d'Alençon (24 septembre); -1\1. le D1' COULON, est nommé médecin-

adjoint à l'asile Sainte-Gemmes (24 septembre); M. le Dr Thi-

baud, interne de Charenton, est nommé médecin-adjoint à l'asile

de Quimper (2 octobre); M. le D'' DELAPORTE, directeur-médecin

de l'asile de Quatre-Mares, est nommé directeur-médecin honoraire

de cet établissement (0 octobre) ; M. le Dr DERico, direcleur-

médecin de l'asile de Bonneval, est élevé à la 2e classe (11 octobre).

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLIL.

ÉNreUX, Cri. Ilémsser, imp. - 1191.

Vol. IV. Décembre 1897. N° 24

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

RECHERCHES CLINIQUES SUR L'ALCALESCENCE DU SANG

ET LES INJECTIONS DE SOLUTIONS ALCALINES

CHEZ LES ÉPILEPTIQUES ;

t'AHt ? S DOCTEURS .

R. CIIARON, ET E. «RICHE,

Médecin-adjoint des Asiles publics d'aliénés. Interne à l'Asile des ithenes de liailleul.

I. D'après les nombreuses recherches des physiologistes

sur la réaction duliquidesanguin, l'alcalinité du sangestdue

au phosphate bibasique de soude (mal), elle est plus élevée

après la digestion qu'à jeun (Peiper), elle est augmentée par

l'ingestion continue de soude (Duhelir), elle atteint un degré

moins élevé chez la femme et l'enfant que chez l'homme

(Jacob). Dans le domaine clinique, des observateurs ont éta-

bli que l'alcalinité du sang diminue dans les états diathé-

siques (diabète, rhumatisme, cachexie, anémie) (Peiper,

Lépine), dans les hétéro et auto -intoxications (Coûtant,

Krauss).

A un point de vue plus restreint et dans un autre ordre

d'idées, des cliniciens éminents, appuyés sur des faits nom-

breux, ont constaté que, chez les épileptiques, le sang pré-

sente une diminution de l'activité de réduction avec diminu-

tion de l'oxyhémoglobine, comme dans les états d'épuise-

ment consécutifs aux traumatismes, aux hémorrhagies, aux

anémies (Ilénocque, Féré), et que les attaques épileptiques

sont plus fréquentes chez la femme et l'enfant que chez

Archives, 2e série, t. 1 V, 30

466 CLINIQUE NERVEUSE.

l'homme (Beau, Delasianve, Statistiques de Bicêlre et de la

Salpêtrière). Au pointde vue pathogénique, des observations

très intéressantes tendent à établir que l'attaque épileptique

est due à une auto-intoxication (Greffelhs, Mairet) ou à l'ac-

cumulation dans le sang de carbamide acide d'ammoniaque

qui devrait, à l'état normal, se transformer en acide urique

(Krauski). De notre côté, il nous a été donné de remarquer

dans différents services d'épileptiques que, d'une façon gé-

nérale, le nombre des accès allait en progressant à mesure

que s'éloignait l'heure des repas.

En comparant entre elles ces différentes observations cli-

niques et physiologiques nous avons été amenés à nous

demander si, chez les épilepliques, il n'y aurait pas parallé-

lisme entre les manifestations convulsives et les variations

du degré de l'alcalescence du sang. Pour nous éclairer sur

cette question nous avons établi, aux différentes saisons, des

statistiques décadaires indiquant le nombre des attaques,

heure par heure, dans le service des épileptiques de l'asile

Bailleul. '

Feré, d'après des recherches analogues, avait déjà noté

que les accès sont plus nombreux la nuit que le jour et que

les maxima de fréquence se rencontrent vers neuf heures du

soir et quatre heures du matin, c'est-à-dire aux heures qui

suivent le coucher et précèdent le lever. La moyenne des

résultats que nous avons obtenus est indiquée dans le tableau

suivant :

Les chiffres précédents confirment les résultats de Feré au

point de vue de la prédominance du nombre des attaques

nocturnes sur les attaques diurnes; mais ils indiquent surtout

que, en laissant à part la période de sommeil de minuit à

six heures du matin, qui correspond à un qtat physiologique

tout spécial, le nombre des attaques augmente progressive-

ment d'un repas à l'autre, de sorte qu'on peut, pour chaque

révolution quotidienne, établir très nettement, d'une part,

trois périodes minima de trois heures chacune, suivant immé-

diatement les repas et pendant lesquelles le nombre des

attaques n'atteint que 5,6 p. 100, 4,2 p. 100, 9,4 p. 100, soit

ensemble, pour une durée de neuf heures, 1,9.2 p. 100 du

nombre total des attaques quotidiennes; d'autre part, trois

périodes maxima de trois heures chacune, pendant lesquelles

le nombre des attaques atteint successivement 18 p. 100,

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Tableau I. - Statistique décadaire des accès épileptiques heure par heure pour 130 malades.

468 CLINIQUE NERVEUSE.

U3.G p. 100, 21,3 p. 100, soit ensemble, pour une période de

neuf heures, 52.9 p. 100 du nombre total des attaques.

La plupart des épileptiques qui tombent pendant les pre-

mières heures après les repas, sont des malades en cours de

séries et dont les séries le plus souvent on\.-débuté pendant

les périodes maxima. Aussi pouvons-nous dire, d'après ce

que nous avons observé, que, pendant les heures qui sui-

vent immédiatement les repas, les attaques convulsives sont t

relativement très rares.

Existe-t-il chez les épileptiques, du côté de l'alcalinité san-

guine, des variations quotidiennes constantes, en rapport

avec les variations constatées dans les manifestations convul-

sives ? C'est ce que nous avons cherché il savoir au moyen

d'expériences faites à diverses époques et dont les résultats

ont été rassemblés dans le tableau suivant.

Pour nos examens, nous avons appliqué le procédé cli-

nique imaginé par Landois et qui consiste à mélanger succes-

sivement une goutte du sang à examiner avec des solutions

acides titrées et graduées de I àX. On se sert d'un tube capil-

laire jaugeur gradué et on essaie le sang obtenu à l'aide

d'une simple piqûre, successivement avec les solutions [I,

II, III, IV, etc., jusqu'à ce que le mélange colore en teinte

sureau le papier bleu de tournesol. Le numéro de la pre-

mière solution qui n'est plus neutralisée par.le sang, repré-

sente son degré d'alcalescence. L'éminent professeur de

l'Université de Greisswald et les expériences de Peiper éta-

blissent que le degré moyen de l'alcalescence du sang = V

ou VI chez l'adulte, IV chez l'enfant.

Pour les examens pendant la nuit, nous nous sommes

heurtés à des difficultés qui nous ont empêchés de les faire

aussi nombreux qu'il eut été désirable. Cependant les quel-

ques expériences faites pendant la nuit indiquent que le

degré de l'alcalinité sanguine atteint son minimum de

neuf heures à minuit et qu'il reste stationnai1'e de minuit à

six heures du matin. Nous avions d'autre part constaté

(v. tabl. I) que le nombre des attaques atteint son maximum

de neuf heures à minuit et que de minuit à six heures du

matin le mouvement des attaques, heure par heure, reste à

peu près uniforme. Pour le reste du temps, le mouvement

quotidien des variations de l'alcalescence du sang et le

mouvement des variations numériques des attaques sont

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Tableau Il. - Variations quotidiennes du taux de l'alcalescence du sang.

(Examens répétés à différentes heures sur 21> épileptiques.)

470 CLINIQUE NERVEUSE.

régulièrement isochrones et inversement proportionnels.

L'examen de la réaction urinaire, pratiqué concurremment

* aux examens de sang, a permis de constater de très grandes

différences individuelles. A côté d'une série d'épileptiques

donnant : aie. du sang.= VI et acid. urinaire = 1,75, 7,5,

4,5, etc., on trouve d'autres malades dont l'aie, sanguine

= III et l'acidité urinaire = ·18, 12,5, 4,7, etc. Mais, pour

chaque épileptique examinée, les variations de l'alcalinité

sanguine et de l'acidité urinaire suivent une marche paral-

lèle. Les urines examinées à la fin des périodes maxima de

l'alcalescence sanguine, c'est-à-dire aux périodes maxima des

attaques, ont presque constamment donné un degré d'aci-

dité élevé; le fait a déjà été constaté par les cliniciens pour

les urines post-paroxyslidues.

En présence des résultats qui précèdent, nous nous som-

mes demandé si cet isochronisme constant entre les varia-

tions du taux de l'alcalescence sanguine et les variations nu-

mériques des attaques n'était pas l'indice d'une relation de

cause à effet entre l'état de l'alcalinité du sang et le phéno-

mène convulsif. Et nous nous sommes crus autorisés à tenter

de modifier cet état par une intervention thérapeutique.

Tandis que certains physiologistes (Dtibelir) déclarent que

le degré de l'alcalescence sanguine est relevé par l'ingestion

continue de soude, d'autres (Strauss) affirment qu'il est, pour

chaque individu, un phénomène constant comme la tempé-

rature et qu'il n'est en rien modifié par l'administration des

alcalins.

Sans préjuger entre ces affirmations contradictoires, nous

avons tenté de relever le degré moyeu de l'alcalinité san-

guine par le moyen d'injections de solutions alcalines prati-

quées quotidiennement et pendant assez longtemps sur une

série de huit épileptiques, soumises de la façon la plus nette

aux doubles varialions quotidiennes examinées plus haut, et

dont les observations suivent :

II. Les solutions employées ont été successivement les

suivantes :

1° Solution à 1/40 :

L'ALCALESCENCE DU SANG CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 471

2° Solution à '1 /'1 :

472 CLINIQUE NERVEUSE.

Le 13, injection de 30 cent. cubes. L'excitation a disparu.T.37,4.'

Les 14, 15, 16, 17, pas d'injections. La température est retombée

à son chiffre habituel, 36,5. Fonctions régulières. Pas d'attaques

depuis le commencement des expériences.

Le 18, le 21, le 22, le 24, le 27 juillet; injections de 20 cent. cubes,

30 cent. cubes et 10 cent. cubes de solution à 1/10. Etat général

satisfaisant. T. 37° à 37,5. Pas de modification de l'état mental.

Les attaques reparaissent isolées.

Le 30, injection de 30 cent. cubes. Degré maximum de l'alcales-

cence du sang constaté 30 minules après l'injection = VI. Degré

minimum entre deux attaques à 11 heures de matin = IV. Les

urines restent abondantes et très faiblement acides.

Les injections à 30 cent. cubes sont continuées les 1,3, 5, 7, 11,

15, 17, 18, 19, 22, 26, 27, 28 et 29 août. Rien de particulier à

signaler, sinon un amaigrissement progressif. Le sommeil et l'ap-

pétit sont réguliers. Pas de modification de l'état mental. Les

attaques ont repris leur fréquence habituelle. Degré maximum de

l'alcalescence du sang, après les injections = VI. Les attaques se

produisent généralement aux heures des minima, surtout de

10 heures à midi. Ale = IV.

Injections de 30 cent. cubes les 1, 2, 5, 8, 9,;i l, 12 septembre; les

attaques reparaissent en séries très nombreuses (voir tableau plus

loin). Pas de modification de l'état mental.

Poids de la malade avant les injections ; 51 kilogrammes.

après les injections : 49

En-résumé, dans l'espace de neuf semaines, il a été intro-

duit dans le tissu sous-cutané de D..., au moyen de 38 injec-

tions, 1,420 centimètres cubes de solution, comprenant

124 grammes de sels alcalins. Les modifications produites

dans l'état physique ont été une élévation peu considérable

de la température, avec amaigrissement progressif, sans

troubles fonctionnels.

Du côté mental, un accès passager d'excitation maniaque. ,

Une augmentation du nombre des attaques (série très nom-

breuse à la fin dès expériences). Elévation transitoire du

degré de l'alcalescence du sang à la suite des injections.

A partir du jour de la cessation des injections, cette malade

a continué à s'émacier, son alimentation est devenue insuffi-

sante et son état très inquiétant. Au bout de deux mois elle a

été atteinte d'un accès d'agitation très violente, avec série

d'attaques très nombreuses, troubles sensoriels, hallucina-

tions terrifiantes. Son poids est tombé à 4G kilogrammes. Un

L'ALCALESCENCE DU SANG CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 473

jour, au plus fort de son agitation, elle s'est échappée des

mains des infirmières et a traversé le dortoir en courant.

Elle était paraplégique depuis plus de sept ans. L'excila-

tion est tombée subitement. L'état physique s'est restauré.

L'état mental est satisfaisant. Les attaques sont devenues

très rares. Six mois après la cessation des expériences, D...

se maintient dans un état satisfaisant. Elle continue à mar-

cher. Les attaques restent isolées et peu fréquentes.

474 CLINIQUE NERVEUSE.

Le 2 juillet, injection de 20 cent. cubes desolution alcaline il 1/25,

suivie d'une déviation de la température de 1°. Pas d'autres trou-

ble notable.

Le 3, injection de 30 cent. cubes suivie d'hyperthermie relative,

37,8. Pas de troubles fonctionnels. Diminution de l'excitation

habituelle. '

Le 4, injection de 40 cent. cubes. T. 37,8. Rien de particulier.

Les 5, 6, 7. 8, injections de 40 cent, cubes. Sans modifications

de l'état général. ·

Le 10, injection de 40 cent. cubes suivie de réaction violente :

frissons, sueurs, anurie. T. 38°. Au bout de quelques heures retour

il l'état habituel. ' '

Le 11, injection de 30 cent. cubes. T. 38,4. Excitation. L'alca-

lescence du sang mesurée il 5 heures du soir (heure du mini-

mum) = V. Urines acides et abondantes.

Les 12, 13, 16, 17, injections de 30 cent.' cubes. Rien à signaler.

Le 18, injection de 20 cent. cubes de solution à 1/10. Pas de

réaction.

Les 21, 22, 4; 27, 30, injections de 40 cent. cuhes. Alcalescence

du san; mesurée trente minutes après l'injeetion = VII ; deux heures

après l'injection = V. La malade n'a pas été réglée et n'a pas eu

d'attaques depuis le début des injections.

Les 1er, 3, ti, 7, 8, 11 août, injections de 30 cent. cubes. Pas de

réactions. Etat de subexcilation persistant. Pas d'attaques.

Le 14, série de sept attaques violentes (de 10 heures à midi). Cha-

cune d'elles présente ce caractère nouveau d'être précédée de plu-

. sieurs auras, « comme si l'attaque ne pouvait pas sortir ». Parésie

transitoire du pied droit.

Les 15, 4 i, 18, 19, injections de30 cent. cubes.* Dépression. Fonc-

tions normales.

Le 20, une attaque isolée.

Les injections sont continuées jusqu'au 12 septembre. Menstrua-

tion suivie d'excitation plus violente. Pas d'attaques. Fonctions

régulières.

l'alcalescence DU sang CHEZ LES épileptiques. 475

nombreuses que pendant les périodes antérieures. Elévation

transitoire du degré de l'alcalescence du sang la suite des

injections.

Après la cessation des injections, B... est resiée, au point de

vue physique et mental, ce qu'elle était auparavant. Les

attaques n'ont reparu que pendant la première quinzaine

d'octobre, en séries nombreuses. Au commencement de

novembre, à la suite d'une série très nombreuse, B... est

tombée en état de mal et est morte dans le coma.

OnSFRYATJO : 'I III. Leur... C., vingt-huit ans (llystéro-épilep-

sie). Antécédents héréditaires, alcooliques et tuberculeux. Fièvre

typhoïde à quinze ans. Début des convulsions à quatorze ans, à la

suite d'une frayeur (attaques hystériques probables). Menstruation

à dix-sept ans, sans modification des symptômes convulsifs qui se

manifestent quotidiennement. Traitée successivement à la Pitié, à

Tenon, à la Salpêtrière, sans aucun résultai (hydrothérapie, sug-

gestion). Entrée à l'asile de Bailleul au mois d'août 1893. On cons-

tate : signes de dégénérescence physique, stigmates hystériques,

attaques hystériques en séries de 25 à 80 par vingt-quatre heures.

Caractère irritable, sournois, trodinll1 vitoe. En 1894, les séries

d'attaques augmentent progressivement, alternativement hysté-

riques et épileptiques. <111'aiLlissernetit physique progressif. A partir

de 1895, les attaques du type hystérique ont complètement disparu.

Les séries épileptiques sont de plus en plus nombreuses. L'état

physique est restauré. L'état mental est amélioré. Il se produit en

moyenne deux séries par mois, variant de 100 à 200 attaques.

Chaque série débute le plus souvent de 10 heures èt midi ou de

4 à 5 heures ; elle est annoncée par des coliques et suivie d'un état

de dépression mélancolique.

Du 1er au 7 juillet 1890, l'examen du sang et des urines donne

les résultats suivants :

170 C.WC,UL nr.ltv GUS.

Le 18, injection de 20 cent. cubes. Solution à 1/10. Air. = IV.

Six heures après l'injection (10 b. s.), seiie de 9 attaques.

Ale.= 111. Urines et sueurs abondantes.

Les 21, 22, injections de 30 cent. cubes. Mêmes symptômes con-

sécutifs. Appétit et sommeil réguliers.

Le 27, injection de 40 cent, cubes (5 h. s.), immédiatement suivie

d'une série brusque de 7 attaques sans aura. Aie. = 111 pendant

les attaques. -

Les 30 juillet, 1, 3, 5, 7 aoùl, injections de 30 cent. cube-. Pas

d'accidents consécutifs. L'énergie physique et psychique se relève.

Menstruation le 9, sans modifications autres.

Le 11, injection de 30 cent, cubes, sans troubles consécutifs.

Série de 41 attaques, de 10 heures il midi. Au moment de l'injec-

tion (4 h. s.) aie. = lit. Quarante-cinq minutes après l'injection,

aie. = IV.

Les 15, 17, 18, 19, 22, injections de 30 cent. cubes. Pas de

troubles consécutifs.

Le 23, sans prodromes, série de 261. attaques débutant à 5 Il. m.

Une deuxième série de 105 attaques commence à Il. s. Ale. = IV.

Les jours suivants, les séries d'attaques continuent. Aie. = II1,

immédiatement avant une série.

Les 26, 27, 29, injections de 30 cent. cubes. Série de 177 attaques

le 28.

, Le 30, 6 attaques.

Les 2, 5, 8, 9, 11, 12 septembre, injections de 30 cent. cubes.

Rien à signaler. Pas d'attaques.

L'ALCALKSCHXCH du sang chez les épileptiques. 477 1

attaque vers l'âge de dix ans. Attaques d'abord très espacées. Aup-

' mentation progressive jusqu'à 5 il 10 par mois. toujours nocturnes,

très violente^, suivies d'état impulsif. Affaiblissement intellectuel,

irritabilité. Menstruation régulière. Etat général bon.

L'examen du sang et des urines, pratiqué du 1 ? au 7 juillet,

donne les résultats suivants :

478 CLINIQUE NERVEUSE.

des attaques. Élévation transitoire du taux de l'alcales-

cence du sang après les injections. Trois mois après, la

malade a repris son embonpoint. Son état physique et mental

est tel qu'il a été résumé plus haut.

Observation V. - Mich... M..., vingt-sept ans, (épilepsie). Pas

d'antécédents héréditaires. Fièvre cérébrale ( ? ) iL douze ans. Pre-

mière attaque à seize ans à l'occasion des premières règles. Signes

physiques de dégénérescence. Obnubitation intellectuelle post-

paroxytique. Caractère difficile. S'occupe. État physique bon. Les

attaques sont complètes, toujours précédées d'aura (crampe d'esto-

mac), elles se produisent isolées à raison de 4 à 6 par mois.

Examen du sang et des urines du ,1 cr au 7 juillet : -.

l'alcalescence DU sang CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 479

En résumé, 33 injections,' 1.000 centimètres cubes de so-

lution, 90 grammes de sels. Réaction fébrile à la suite des

premières injections seulement. Un peu d'amaigrissement.

Aucune modification notable dans l'état physique et men-

tal. Augmentation du nombre des attaques. Elévation ,

transitoire. du taux de l'alcalescence du sang après les injec-

tions.

Observation VI. Dela... A., seize ans (épilepsie). Pas d'anté-

cédents héréditaires. Convulsions dès les premiers jours de la vie.

Les attaques nettement caractérisées v partir de de trois ans

ont augmenté progressivement de fréquence jusqu'à 13 à 20 par

mois. Depuis l'époque de la puberté (quatorze ans), les attaques

sont plus violentes. Signes de dégénérescence. Débilité mentale

avec fond mélancolique. Les attaques sont précédées d'une courte

période de subexcitation et suivies d'une aggravation de l'état mé-

lancolique avec idées de suicide. S'occupe régulièrement. Facile à

diriger. Etat physique bon.

Examen du sang et des urines du 1 ? au 7 juillet :

480 CLINIQUE NERVEUSE.

En résumé, 32 injections comptant 1,020 cent. cubes de

solution et 92 grammes de sels. Réaction fébrile à la suite

des premières injections. Aucune modification dans l'état

physique. Très légère augmentation du nombre des attaques.

Augmentation fugace du taux de l'alcalescence sanguine à

la suite des injections. Aggravation de l'état dépressif post-

paroxystique.

Observation VIL- Nott... vingt-six ans (épilepsie). Débilité

mentale dans les antécédents héréditaires, antécédents personnels

obscurs. Attaques épileptiques remontant à la première enfance.

Menstruation régulière. État physique bon. Débilité mentale na-

tive. Les attaques se produisent en séries peu nombreuses, tous les

quinze jours environ.Elles sont précédées et suivies d'une période

d'excitation violente. Dans les intervalles la malade est facile à diri-

ger et s'occupe.

Examen du sang et des urines d1l1e.' au 7 juillet :

l'alcalescence DU sang CHEZ LES épileptiques. 481

Les 2, 5, 8, 9, 11, 1 septembre, injections de 30 cent. cubes. Etat

physique et mental satisfaisant. Un peu d'amaigrissement.

Poids de la malade avant les injections : 56 kilogrammes.

après les injections : 5t -

En résumé, 24 injections comportant 740 cent. cubes de

solution et 64 grammes de sels. Réactions fébriles à la suite

des premières injections. Pas de modification de l'état phy-

sique. Augmentation du nombre total des attaques. Pendant

la dernière quinzaine, pas d'altaques. Période d'excitation

suivie de dépression. Augmentation transitoire de l'alcales-

cence du sang à la suite des injections.

Observation VIII Ba... R..., vingt ans (épilepsie). Enfant natu-

relle. Mère alcoolique. Première attaque à l'âge de douze ans.

Attaques quotidiennes depuis plusieurs années. Imbécillité. Perver-

sion des instincts. Fréquentes périodes d'agitation. Impulsions vio-

lentes. État physique assez bon. Fonctions régulières, Examen du

sang et des urines du 1 ? au 7 juillet :

TABLEAU III ( 1.

lll2qrres ennureluues de* malade* dont les observa/tons précèdent

o

1

n

5

1

1

'"

r

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1

>

1

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m

1

1

S

C

00

484 CLINIQUE NERVEUSE.

immédiatement après une attaque =111. Après l'injection, à 5 h. s.

= V.

Les 1, 2, 5, 8, 9, 11, 12 septembre, injections de 30 cent. cubes.

Rien de particulier à signaler.

Poids de la malade avant les injections : 16 k. 5.

- après les injections : 45 k. 5.

En résumé, 33 injections comportant 1,020 cent. cubes

de solution alcaline et 92 grammes de sels. Réactions fébriles

à la suite des premières injections seulement. Aucune modi-

fication importante de l'état physique et mental. Diminution

du nombre des attaques qui se montrent plus violentes. Elé-

vation fugace du taux de l'alcalescence du sang à la suite des

injections.

Les modifications constatées chez nos épileptiques, du fait

des injections, peuvent se résumer ainsi :

Dans tous les cas : réaction fébrile fugace apparaissant

moins d'une heure après l'injection avec tendances lipothy-

miques ; les symptômes, dont la gravité décroissait progressi-

vement, avaient complètement disparu après les 10 premières

injections. Dans tous les cas : amaigrissement progressif plus

ou moins considérable, sans aucun trouble fonctionnels

Au point de vue mental : apparition d'un violent accès

d'agitation avec hallucinations terrifiantes chez une malade

qui n'avait jamais présenté ce symptôme (obs. I). Dans un

autre cas (obs. VII), aggravation des tendances maniaques.

Pour la plupart des cas : accentuation des troubles psy-

chiques post-paroxystiques.

D'une façon générale : diminution des attaques isolées,

aggravation des séries. Augmentation du nombre total des

attaques dans tous les cas, sauf deux (obs. II et VIII).

Toutes les fois que les injections ont été pratiquées entre

deux examens du sang, il a été noté après l'injection une élé-

vation du degré de l'alcalescence sanguine. Mais cette éléva-

tion s'est toujours montrée fugace ; une heure après l'injec-

tion, elle avait disparu. Le degré de l'alcalescence du sang

n'a pas autrement été modifié, ni pendant les injections, ni

après.

Les injections ont toutes été pratiquées au cours de périodes

maxima des attaques, et cependant, dans aucun cas, il n'a

été constaté d'attaques pendant la première heure qui a suivi

l'alcalescence du sang CHEZ les épileptiques. 48b "a

ces injections. Les résultats précédents sont intéressants à

rapprocher des recherches de M aire et Bosc sur les effets de

la glande pituitaire administrée aux épileptiques. Les obser-

vations publiées de part et d'autre présentent une frappante

analogie.

III. Conclusions. 1° Chez les épileptiques dans le

cours de chaque révolution quotidienne le degré de l'alca-

lescence du sang subit des variations constantes avec minima

"et maxima en rapport avec les conditions du travail digestif.

2° Les attaques convulsives présentent des variations nu-

mériques également constantes, isochrones et en rapport

inverse avec les variations de l'alcalescence du sang.

3° Les injections répétées de solutions alcalines ne modi-

fient pas d'une façon permanente le degré de l'alcalescence

du sang. Elles produisent seulement une élévation très fugace

de ce degré d'alcalescence, élévation qui a déjà disparu une

heure après l'injection et pendant laquelle il ne se produit

pas d'attaques. - ,

,4° Les injections ont pour résultat de diminuer le nombre

des attaques isolèes et de provoquer leur rassemblement en

séries. Elles ne diminuent pas le nombre total des attaques,

et si elles ont une action sur les manifestations convulsives,

c'est plutôt pour les augmenter.

5° Elles aggravent généralement les troubles psychiques

post-paroxystiques et provoquent dans certains cas des accès

délirants à forme maniaque.

RECUEIL DE FAITS.

UNE OBSERVATION DEMANDE AIGUË

CHEZ UNE ACROMÉGALIQUE;

PAR LES DOCTEURS

SAVOEL GARNIER, ET SANTENOISE,

Médecin en chef. Médecin adjoint de l'asile de Saint-Ylie.

M... C..., femme B..., ménagère, âgée de quarante et un an*,

née à P... (Jura) est entrée à l'asile le 22 mai 1897 et sortie le

22 juillet suivant, par suite de guérison.

Antécédents héréditaires. Pas de renseignements précis sur le

père et la mère. Une tante paternelle aurait été berloque (sic). Un

frère est mort à vingt et un ans de fluxion de poitrine;, il était

porteur d'un goitre léger (cette affection est d'ailleurs presque

endémique dans la localité). Une soeur est décédée à trente-huit ans

par suite de tuberculose pulmonaire.

Antécédents personnels. Pas de maladie grave antérieure.

Notre malade aurait toujours eu, du plus loin qu'elle se rappelle,

ainsi que le mari, les extrémités grosses; son goitre remonte aussi

à l'enfance. De son mariage sont nés cinq enfants dont trois sont

encore vivants et bien portants, savoir : un garçon de quatorze ans,

une fille de huit ans et une de quatre ans. Les deux autres enfants

sont morts, l'un à la naissance, l'autre à trois mois. Notre malade

a toujours été réglée régulièrement, mais depuis quelque temps,

les époques ont lieu toutes les trois semaines. C'est douze jours

environ avant son entrée à l'asile qu'elle a été brusquement prise,

sans cause appréciable, d'un accès de folie aiguë. Son mari peint

la brusquerie de l'invasion de la maladie, en nous disant : « Ça l'a

prise comme un coup de fusil » et ses époques avaient cessé depuis

huit jours.

État physique actuel. Cette femme est bien constituée, mais ce

qui frappe chez elle de suite, c'est le développement exagéré de la

face et des extrémités (mains et pieds). Voyons en détail chacune

de ces particularités, la femme étant déshabillée comme la présen-

tent les deux photographies ci-après :

MANIE AIGUË CHEZ UNE ACRO¡ÉG'-\'I.lQI)R, 487

Fit. 26.

488 ' recueil DE FAITS.

. Hypertrophie des mains. Leur développement excessif con-

traste avec l'aspect et le volume normal des autres segments du

membre supérieur. Elles sont épaisses, larges, sans être déformées

ni notablement augmentées de longueur. Cette hypertrophie porte

sur tous les plans des tissus de la main; os, muscles, tissu cellulo-

adipeux et peau. Cette dernière est résistante, ferme, sans oedème,

de coloration peu foncée. La circonférence dé la main est de

vingt-cinq centimètres. Les doigts ont de fortes dimensions, aussi

gros à leur pointe qu'à leur racine, sans aucune déformation arli-

culaire, de direction et de longueur normales. Par comparaison,

les ongles paraissent petits; ils sont aplatis, élargis, striés dans le

sens longitudinal. Cette hypertrophie sans déformation des doigts,

du carpe et du métacarpe s'atténue au niveau du poignet. Les

avant-bras, les bras, tout en étant plus gros qu'à l'état normal sont

cependant loin d'être aussi hypertrophiés que les mains. Malgré

cette augmentation de volume, les fonctions de la main s'exercent

avec intégrité et sans douleur.

Hypertrophie des pieds. Comme les mains, les pieds sont

élargis et épaissis, sans augmentation notable de longueur. Cette

hypertrophie cesse au niveau du cou-de-pied; les jambes et les

cuisses restent indemnes. Toujours comme à la main, tous les

tissus constitutifs : os, muscles, etc., participent, à l'hypertrophie;

l'aspect de la peau est identique. Les orteils ont gardé leur foi me

et leur direction habituelles; ils sont simplement épais et larges,.

très volumineux. Les ongles sont courts, aplatis, élargis, striés

aussi longitudinalement. ,

Hypertrophie de la tête. Les altérations du crâne sont peu

accentuées, c'est avant tout la face qui est le siège d'une hyper-

trophie ; elle est allongée, ovalaire : le front est toutefois assez

découvert; les rebords et apophyses orbitaires extrêmement sail-

lants, les paupières un peu épaissies. Le nez est accru dans tous

ses diamètres; il forme une saillie assez forte. Les pommettes sont

très proéminentes; les lèvres très épaisses; le menton large et peu

saillant. Les oreilles sont augmentées de volume. La langue est

plus volumineuse qu'à l'état normal.

Thorax. Notre malade présente aussi une cyphose cervico-

dorsale, avec lordose lombaire et projection de l'abdomen en

avant. Dans son ensemble, le thorax est aplati latéralement. Indé-

pendamment de ces symptômes pour ainsi dire primordiaux,

nous avons encore à citer quelques symptômes secondaires con-

tingents. Ainsi le corps thyroïde est hypertrophié ; les seins sont

atrophiés et flasques; par contre, les systèmes musculaire et arti-

culaire- sont normaux, ainsi que les réflexes rotuliens. Du côté du

système circulatoire, nous notons des palpitations, un peu d'hyper-

trophie du coeur avec al'tél'io-scléI'05e; quelques varices existent-

MANIE AIGUË CHEZ UNE ACIIONILG ? 1.1(ULz. 4bU

Fifl. 27.

490 RECUEIL DE FAITS.

aux jambes. Notre malade est sujette à des transpirations abon-

dantes, quelquefois profuses. La sensibilité générale et spéciale est

intacte; la peau dans son ensemble a une teinte jaune brun.

Etat mental. - M... C..., qui, de l'hôpital de L... où elle a séjourné

quarante-huit heures, arrive signalée comme présentant un état

maniaque aigu, n'offre à l'entrée qu'un état de confusion mentale

probablement consécutif. Elle a encore de nombreuses illusions

sensorielles, prend le directeur .pour le médecin de son pays et

croit reconnaître des personnes de son entourage parmi les

malades du quartier. Elle ne peut d'ailleurs donner de renseigne-

ments bien précis sur sa maladie et prétend que si elle a refusé de

manger à l'hôpital, c'est qu'on voulait l'empoisonner. On remarque

aussi chez elle de l'asymétrie faciale (le côté gauche est plus déve-

loppé que le droit) et la voûte palatine ogivale. Pendant la hui-

taine qui a suivi son admission, les symptômes délirants ont été en

s'atténuant progressivement, et au bout de la quinzaine cette

femme sort de son état d'apathie et demande à s'occuper. Sans

avoir beaucoup d'initiative,- elle finit par travailler régulièrement

à la couture; toutefois la mémoire est toujours peu précise en ce

qui concerne les faits qui ont motivé la séquestration d'office; la

malade croit avoir vécu comme dans un rêve. Rappelons qu'une

de ses tantes a été aliénée. Au bout d'un mois de calme absolu,

eile est visitée parle mari^qui trouve son état très satisfaisant et

déclare que sa femme est revenue à l'état normal. Sa sortie lui est

alors accordée et elle réintègre le domicile conjugal où elle a

repris ses occupations habituelles.- La guérison ne s'est pas dé-

mentie.

Réflexions. Si l'on veut bien maintenant se rappeler la

description de l'état physique du sujet de notre observation,

on sera frappé des nombreux caractères' sur lesquels l'ailen-

tion se concentre et qui font immédiatement penser à l'acro-

mégalie. Et en effet, de quelle autre maladie pourrait-il s'agir

ici, en présence de cette hypertrophie des mains, des pieds,

de la face, de la cyphose cervico-dorsale, de l'atrophie et de

la flaccidité des seins, etc., etc. ? La seule différence qui sépare

M... C... d'une acromégalique complète serait la menstruation

conservée et par conséquent la fécondité. Notre malade n'a

pas non plus été sujette aux maux de tête symptomatiques

de l'acromégalie; mais, en ce qui concerne l'absence des deux

symptômes précédents, on ne doit pas oublier que les cas

types réunissant tous les symptômes d'une maladie, sans

exception, sont fort rares.

Contrairement encore à ce qu'on observe chez les acromé-

MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 491

galiques, dont l'intelligence garde son intégrité à toutes les

périodes, notre malade a été prise, il est vrai, d'un accès

subit de folie; mais il ne s'agit là vraisemblablement que d'un

simple épisode délirant dû à la dégénérescence héréditaire,

et par conséquent d'un accident tout à fait indépendant de

l'acromégalie que notre observation surtout a pour but de

mettre en relief. Les enfants de cette femme, pas plus d'ail-

leurs que ses frères, soeurs et parents n'ont présenté de

signes d'acromégalie ; cette maladie chez elle est donc ac-

quise. ,

Nous ne voulons pas nous attarder à faire ici un diagnostic

différentiel de la maladie avec d'autres affections qu'on pour-

rait confondre avec elle, savoir le myxoedème, la maladie

osseuse de Paget, l'éléphantiasis, etc., la simple constatation

de l'hypertrophie des extrémités permettant de faire le dia-

gnostic à distance (Souques in Charcot). Si nous avons pensé

à recueillir cette observation, c'est que les cas d'acromégalie

sont encore très limités puisqu'une centaine seulement ont

été signalés dans le-Traité de médecine de Charcot de 1894.

Enfin l'apparition d'un accès de manie aiguë à évolution

rapide chez une femme acromégalique est par elle-même

un fait digne d'être noté et, croyons-nous, sans précédent.

MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE;

Par le D' F. DEVAY,

Ancien chef de clinique des maladies mentales, médecin à ILl m.lison de santé

de Saint-Jean-de-Dieu (de Lyon).

Les observations de psychoses survenant dans le cours d'une

maladie de Basedow sont encore peu nombreuses. llirschl,

élève du professeur Kraft-Ebing, a donné un résumé des

43 principaux cas qu'il a recueillis dans la littérature médi-

cale '. Dans ces 43 cas, toutes les formes de folie, manie,

mélancolie, paranoia, folie du doute, paralysie générale, sont

représentées. Cepeudant, l'auteur admet que la maladie de

1 )al ! 1'bÜcltel' sur l'scltyatl'ie, 1893.

492 RECUEIL DE FAITS.

Basedow se complique rarement de psychose ; que si cette

complication survient, c'est avec la forme maniaque, et que

les autres psychoses, qui peuvent la compliquer, sont la con-

séquence de l'hystérie, de la neurasthénie ou de l'alcoolisme

qui compliquent le goitre exophtalmique. Cette opinion, con-

firmative de celle formulée par M. Ballet à la Société médi-

cale des hôpitaux, en 1890, paraît par trop exclusive. M. Jof-

froy, à la Société médico-psychologique, mars 1S90, pense

que la mélancolie ou la manie peuvent marquer le début

de la maladie de Basedow; que celle-ci peut se compliquer

de troubles vésaniques qui empruntent leur forme et leur ori-

gine à la maladie première. D'autres auteurs nient au con-

. traire tout rapport entre les deux affections.

Logiquement, il semblerait que la forme d'aliénation men-

tale qui découle de la maladie de Basedow, névrose de l'an-

goisse par excellence, soit la lypémanie anxieuse. Cette psy-

chose serait naturellement produite par les palpitations

angoissantes, par l'insomnie, par la sensation obsédante

d'étouffement, de mort imminente, etc. C'est l'opinion que

nous avons l'intention de défendre. Voici d'abord l'observa-

tion du malade qui nous a suggéré ce travail :

SoMM.\iRE. tUë/(U : co'eaH<eM6'<'. Troubles anciens de l'estomac.

Goitre. Tremblement. Palpitations. Accès de goitre

exophtalmique pendant le cours de la mélancolie. Guérison.

A..., quarante-cinq ans, prêtre, ne présente aucun antécédent

héréditaire; sa mère a eu 12 enfants, 7 sont vivants, 5 sont morts

eu bas âge de maladie indéterminée. Le malade a eu, à quatorze

ans, une fièvre typhoïde qui a duré deux mois et demi et a été

accompagnée de délire. A vingt-cinq ans, on note une névralgie

intercostale, accompagnée ou suivie (le malade ne peut preciser)

de troubles de la digestion, qui était lente et pénible. Le traitement

prescrit par un médecin a consisté dans une saison à Brides (Savoie).

Notre malade en revint très amélioré.- L'année suivante, un retour

des malaises s'améliora de la même façon. A cette époque, A...

avait déjà un tremblement nerveux. De vingt-huit à quarante ans,

la santé a été relativement bonne, sauf quelques troubles de la

digestion, mais à de rares intervalles.

Depuis cinq ans, les malaises de l'estomac, quoique moindres,

ont reparu sous une autre forme; le malade ne peut rester à jeun

sans éprouver une tendance syncopale et une sensation d'angoisse

fort pénible. Le malade, très intelligent, prédicateur de valeur,

travailleur acharné, venait d'être nommé curé d'une paroisse où

MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 493

dès le début il a été en proie à de nombreuses difficultés. Les

comptes de la fabrique étaient très embrouillés; la commune, dont

une partie est française, l'autre suisse, s'était emparée, depuis de

nombreuses années, des revenus de la paroisse. Notre malade a été

obligé de faire des recherches dans de vieux dossiers, de plai-

der, etc. Les soucis, le surmenage occasionnés par ces embarras

ont élé excessifs. Après le gain du procès, il y a trois ans, les

troubles de la digestion ont reparu, cette fois très accentués. Ils

consistaient en dégoût de la nourriture, douleurs au creux de

l'estomac et digestions fort laborieuses; ils étaient accompagnés

d'un tremblement très accentué de tout le corps, plus marqué

cependant aux membres supérieurs; l'écriture était très altérée.

L'amaigrissement avait été rapide, 20 kilos en trois mois. Le

malade consulte alors un médecin de Genève qui lui prescrit des

antiseptiques intestinaux, de la noix vomique et de la pepsine. Ce

médecin remarque la tuméfaction du corps thyroïde, à laquelle le

malade n'avait apporté aucune attention, et ordonne pour ce

goilre une pommade iodo-iodurée qui ne fut pas employée.

Après le traitement de l'estomac, le cou avait diminué et le

tremblement presque disparu; la digestion était devenue assez

facile, l'état de vacuité de l'estomac ne déterminait plus de sensa-

tion angoissante ou syncopale.

Cet état persista un an et demi. »

Au mois d'août 1890, le malade éprouve de nouveau des maux

d'estomac, un tremblement de' tout le corps, et en plus des palpi-

tations angoissantes, à accès paroxystiques, et de l'insomnie. Un

séjour à la montagne produisit une amélioration notable de tous

ces symptômes; cependant le malade n'avait plus la même faci-

lité de travail; il avait des dégoûts et déjà quelques préoccupations

hypochondriaques.

En octobre, il est atteint de mélancolie simple, qui ne l'empêche

pas d'exercer son ministère; les travaux qu'il affectionnait ne sont

plus pour lui qu'une cause d'ennui et quelque peu d'angoisse. La

mémoire est moins fidèle.

En décembre, les troubles mélancoliques s'accentuent; le tra-

vail devient impossible; le malade prend alors un congé, qu'il

va passer dans sa famille. Il est anxieux et a des idées de suicide

auxquelles il peut encore résister. Il est soigné par un médecin

dans sa famille, pendant deux mois, sans résultat. Il est alors

conduit à la maison de santé de Saint-Jean-de-Dieu, à Lyon. Le

certificat du docteur qui l'a traité est ainsi conçu : est atteint de

délire de la persécution avec hallucinations de la sensibilité'

générale.

L'altitude et la physionomie du malade, à ce moment, expriment

l'angoisse et l'instabilité; il ne peut rester en place, gémit; l'atten-

tion est diminuée, les idées mélancoliques sont obsédantes : aussi

494 RECUEIL DE FAITS.

répond-il fort mal aux questions qu'on lui pose. Une de ses préoc-

cupations est l'impossibilité de la guérison, il y revient à chaque

instant. Cependant, à la suite de pressantes interrogations, il

raconte qu'il a eu de nombreux ennuis, que tout le monde le

regardait passer; que des gens qu'il n'avait jamais vus lui disaient

dans l'oreille des reproches sur sa conduite, sur la façon avec

laquelle il avait conduit son procès, etc. Ces reproches continuaient

la nuit. Sous l'influence de ces hallucinations et de l'insomnie, il

e=t tombé dans un état de tristesse excessive qui lui fait désirer la

mort. Les idées de persécution n'existent à peu près pas, et ce qui

domine c'est la lypémanie.

. Examen physique. Le lobe gauche du corps thyroïde est très

augmenté de,voluitie - il forme une masse du volume d'une grosse

mandarine. Il n'y a pas d'exophtalmie; par contre, on note un

tremblement qui présente les caractères suivants : tout le corps est

animé d'un léger mouvement à oscillations verticales rapides, les

mains tremblent aussi et ce tremblement se fait sentir dans l'écri-

ture. Le pouls est rapide, 120 à 130 par minute; pas de palpitations.

Les urines, claires et limpides, abondantes (2 litres et demi), ne

contiennent ni sucre ni albumine.

Le malade se plaint de gastralgie, l'estomac est un peu dilaté;

on perçoit un clapotement qui ne dépasse pas d'un travers de

doigt la ligne ombilico-costale. La constipation est habituelle et

l'amaigrissement très marqué.

Le traitement prescrit est la teinture thébaïque à dose progres-

sive, depuis le 10 mars jusqu'au 10 mai, en augmentant d'un quart

de centigramme par jour.

10 mai. Le malade prend 20 centig. d'extrait thébaïque; à la

visite du matin, 'il nous dit qu'il va beaucoup mieux, que son

anxiété a disparu, alors que la veille il était aussi atteint que le

jour de son entrée. Il nous avoue à ce moment ses idées de suicide,

raconte son délire, ses illusions et ses hallucinations qui n'existent

plus. La teinture thébaïque est continuée, mais à dose décroissante.

18. L'état mental persiste bon. Suppression de l'opium. Le

goitre a le même volume; le pouls est moins rapide (80). L'insom-

nie ainsi que la polyurie ont disparu.

20. Le malade a été pris dans la nuit de palpitations violentes

avec sensation d'étouffement ayant nécessité le décubitus assis. La

respiration est rapide, le corps est agité par un tremblement

accentué à oscillations dans le sens de l'axe du corps; on peut les

noter même sans mettre la main sur la tête du sujet; les mains

tremblent aussi, le malade a de la peine à porter un verre il sa

bouche. Le pouls est très rapide (130). 1

Les battements du coeur sont énergiques et irréguliers, les vais-

seaux du cou son ! tendus; le goitre a augmenté de volume, dans

de notables proportions, il est pulsatile. OEdème aux membres infé-

MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 495

rieurs. Pas d'exopthalmie. Urines : ni sucre ni albumine. Traite-

ment bromure.

25. L'état mental est bon. Persistance des accès de suffocation.

Insomnie très tenace. Même état du corps thyroïde.

1er juin. Traitement thyroïdien, c'est-à-dire le malade absorbe

en nature le corps thyroïde de mouton; la dose est croissante,

d'abord un lobe, puis deux, et ainsi de suite jusqu'à deux glandes

par jour, en augmentant d'un lobe tous les deux jours.

25. Le tremblement s'atténue. Les palpitations ont disparu en

même temps que le sommeil est revenu; le corps thyroïde a repris

son volume antérieur.

L'étal mental reste satisfaisant.

10 juillet. Le malade sort guéri de sa psychose et de son syn-

drome maladie de Basedow, conservant cependant son goitre qui

ne le gêne en rien.

Quel enseignement peut-on tirer de cette observation ? Le

goitre exophtalmique, au point de vue de l'évolution, est

assurément antérieur à l'éclosion de la lypémanie, quoiqu'à

l'époque de l'admission les symptômes en aient été très

peu marqués. Au point de vue de l'époque de son apparition,

il est fort difficile d'être fixé; le goitre, ignoré du malade, a élé

constaté par un médecin, il y a trois ans, mais'il devait exis-

ter depuis de longues années; les troubles de l'estomac, qui

ont apparu à l'âge de vingt-cinq ans, doivent être mis sous la

dépendance de cette névrose, d'autant plus qu'ils étaient

accompagnés de tremblement et de tendance syncopale. Pen-

dant ce long intervalle, de vingt-cinq à quarante-trois ans,

l'état mental du malade actuel n'est point celui des' base-

dowiens. Nous ne trouvons pas l'instabilité, soit dans les

idées, soit dans le travail; cet homme a été calme, pondéré,

travailleur non par excès, mais régulier. Il l'a montré quand

il a poursuivi son procès avec grand tact, sans impatience

ni irritabilité.

Le caractère était plutôt porté à la tristesse qu'à la gaîté,

sans qu'on puisse le considérer comme maladif. Cet état psy-

chique était plus accentué pendant les périodes de digestion

pénible. On sait l'influence de l'estomac sur le caractère ';

nous avons démontré que déjà la dilatation de l'estomac peut

créer un délire à forme hypochondriaque par un mécanisme

' D'Devay. Contribution il l'étude de la dilatation de l'estomac et

des troubles psychiques qu'elle provoque. Lyon, 1892.

496 RECUEIL DE FAITS.

analogue à celui qui peut déterminer le goitre exophtal-

mique, c'est-à-dire par la formation, dans l'organisme, de

poisons du système nerveux. \

Malgré l'exislence, chez notre malade, de troubles gas-

triques, nous avons peu de tendance à les considérer comme

pathogéniques, quoique la première crise vraie de maladie

de Graves n'ait apparu qu'au moment de la guérison des

troubles mentaux. Voici les raisons qui nous guident : le

tremblement avait les mêmes caractères que celui que nous

constatons (le malade nous l'affirme); l'augmentation de

volume de la glande thyroïdienne, dont le malade n'a eu

connaissance qu'il y a trois ans, devait exister, puisqu'il n'a

remarqué aucun changement dans le volume de son cou ; les

palpitations l'ont fait souffrir depuis longtemps, mais d'une

façon intermittente; le traitement qui amendait tous les

symptômes était le séjour au grand air, à la campagne ou à

la montagne, et à l'abri de tout souci. Un fait à remarquer,

noté déjà dans le cas de Paul', c'est l'éclosion d'une crise

aiguë de goitre exophtalmique après la guérison, ou, plus

exactement dans notre cas, pendant .la période d'améliora-

tion de la psychose.

Avons-nous le droit de considérer cette succession de phé-

nomènes : accès de mélancolie, maladie de Basedow, comme

une association morbide temporaire, ou plutôt comme une

forme spéciale d'un état mental propre au goitre exophtal-

mique ? C'est à cette dernière opinion que nous nous arrê-

tons ; nous disons : la maladie de Basedow détermine dans

quelque cas, par le fait de poisons du système nerveux, soit

incomplètement détruits par la glande thyroïdienne, soit

créés par nne hypersécrétion thyroïdienne, un état psy-

chique caractérisé et par les symptômes de cette maladie

et par de la mélancolie anxieuse. Nous sommes, il est

vrai, en contradiction avec l'opinion formulée par Ballet

et llirschl, qui n'admettent pas la mélancolie symptoma-

tique de, la maladie de BaSedow. Les raisons qu'ils en

donnent sont insuffisantes; ils veulent qu'un basedowien,

frappé de mélancolie ou d'une psychose autre que la manie,

soit un neurasthénique, un hystérique ou un alcoolique.

Nous ne saisissons pas le lien qui unit au basedowisme la

' Dicl. ciieyclop. des se. méd., art. (loili-e exophtalmique.

MÉLANCOLIE ET GOITRE EXOPHTALMIQUE. 497

manie, à l'encontre des psychoses à forme dépressive, alors

que logiquement l'état cérébral de cette affection semble

conduire naturellement à la lypémanie. Du reste, noire ma-

lade, qui, pendant sa convalescence, nous a racunté sa façon

de vivre, n'est pas un alcoolique ; il ne présente non plus pas

de stigmates ni de l'hystérie, ni de la neurasthénie.

Une considération importante doit être tirée du traite-

ment. A l'entrée, le symptôme qui dominait la scène était la

mélancolie anxieuse; les autres phénomènes : goitre, tachy-

cardie, tremblement, ont été mal interprétés au premier

abord et nous avons appliqué le traitement de la mélancolie

anxieuse, c'est-à-dire la teinture thébaïque à dose progres-

sive et les bains tièdes de une heure par jour. Notre erreur

d'interprétation rapidement reconnue, nous avons continué

systématiquement le traitement, sous l'influence duquel nous

avons vu disparaître l'accès de lypémanie.

Quelques jours après cette amélioration, nous avons assisté

à l'éclosion brusque d'un accès à forme paroxystique de ma-

ladie de Basedow, qui dura plusieurs semaines. Le bromure et

les douches froides n'eurent aucune influence sur les palpi-

tations angoissantes. ni sur l'insomnie; il en a été de même

de toute la série des hypnotiques. Nous avons alors pensé à

la médication thyroïdienne ; le corps thyroïde a été absorbé

en nature. Au bout de huit jours de ce traitement quelque

peu paradoxal, le syndrome goitre exophtalmique a dimi-

nué jusqu'à disparaître complètement, sans que l'état mental

en subisse un amoindrissement. Le malade est parti guéri,

soit au point de vue physique, soit au point de vue psy-

chique.

En somme, nous nous croyons en droit de dire :

3° Le syndrome maladie de Basedow est capable de créer

un état psychique spécial qui peut se transformer en folie,

se présentant sous la forme de mélancolie. Celle-ci doit être

considérée comme un symptôme épisodique, aussi fréquent

que la manie, de la maladie de Basedow;

2° Le traitement de ce symptôme ne diffère pas de-celui de

la mélancolie observée chez les dégénérés ou les héréditaires.

Il doit être, complété par un traitement causal, chirurgical

.ou médical, du syndrome basedowien.

Archives, 2e série, t. IV. 32

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXI. Courte communication SUR UN cas DE dystropuie musculaire

PROGRESSIVE, NOTABLEMENT AMÉLIORÉE PAR L'EMPLOI DE LA GYMNAS-

TIQUE méthodique; par A. \VIEnEn. (v1'etcrolog. Centralbl., XV, 1896

Il s'agissait du type facio-scapulo-lmméral, ayant débuté brusque-

ment, sans cause, à l'âge de dix-neuf ans (photographie*). Atrophie

progressive pendant plusieurs années de différents muscles et sur

tout de ceux des épaules, de la face, du dos, des jambes; pas de

convulsions fibriltaires ; pas de grandes modifications de l'excitabi-

lité électrique; pas de troubles de la sensibiité Diaan, : myopathie

progressive primitive du type Landouzy et Dejerine. Pas de névrite

antécédente. , ' P. K lm ,1 VAL.

XXXII. Nouvelles remarques SUR LES \EURO-P51'CHOSES DE défense;

par S. FREUD. (Neurolog. Cent1'illbl., XV, 1896.)

Mémoire finement détaillé, divisé en trois parties :

1° Etiologie spécifique de l'hystérie. Consisterait en des trauma-

tismes psychiques, c'est-à-dire en des événements agissant sur la

psuchêcomme des traumatisâtes; le souvenird'incidents déjà sexuels

antérieurs à la puberté éveille, en se représentant à l'esprit de

l'individu formé, une impression obsédante désagréable contre

laquelle lutte celui-ci ; cette lutte, cet effort de chasser de telles

impressions constitue le fond de la névrose de défense, de rejet,

qui s'appelle l'hystérie. Mais le déplacement du souvenir d'un évé-

nement sexuel pénible, pendant l'âge mûr, ne se produit que chez

des personnes qui sont accessibles à l'action de cet événement;

il faut que, en vertu d'une organisation particulière, l'événement

en question fasse revivre la silhouette commémoralive du trauma-

tisme sexuel de l'enfant.

Voyons des exemples de cette action posthume d'un trauma-

tisme sexuel de l'enfance. Il s'agit d'enfants de deux à huit ans

ayant été l'objet de véritables attentats génitaux, voire d'actes

abominables de la part de leurs bonnes, gouvernantes, serviteurs et

servantes, professeurs. Le plus généralement (13 observations) une

personne du sexe féminin abuse d'un petit garçon; cet abus éveille

prématurément en lui le désir, si bien que, quelques années plus

lard, il répète l'acte avec sa soeur. Ce sont ces souvenirs qui, ulté-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 499

rieurement, provoquent l'hystérie par le mécanisme sus-indiqué.

2° Nature et mécanisme de la névrose obsédante. Mêmes causes

que précédemment, avec cette différence qu'au lieu d'avoir subi

sans plaisir des actes sexuels, l'individu a participé activement à

l'orgasme pendant l'agression. Les obsessions sont toujours des

pensées de blâme métaI'l1lOpbosées, 'provenant de l'action psy-

chique, de la lutte de l'esprit qui essaie de chasser le souvenir

d'actes sexuels pratiqués pendant l'enfance avec plaisir. On distin-

guerait quatre périodes. Une période, dite d'immoralité enfantine,

relative aux dépravations et à l'agression contre une personne

d'un autre sexe, qui, plus tard, apparaîtront coin me actes blâmables;

une période de maturité sexuelle, souvent prématurée ; au souve-

nir de ces actes .s'allie le sentiment de reproche en vertu duquel

l'esprit tente de chasser le tableau commémoratif deces hontes : tel

est le premier effort conscient, le symptôme de défense primitif ; -la

troisième période est celle des scrupules, ce la houle, de la défiance

en soi; la défense morbide est constituée. Enfin c'est en vain que

ces souvenirs sont rejetés; ils reviennent plus obsédants que

jamais (quatrième période). Il en existe deux formes, suivant que

l'obsession ne laisse pas au malade une sensation trop désagréable,

trop déprimante, ou -au contraire entraîne une émotion morale

pénible aboutissant à l'angoisse avec interprétations délirantes

sociales ou religieuses. L'auteur passe en revue toutes les moda-

lités, toutes les associations d'idées, toutes les pratiques impul-

sives (fétichistes) des obsédés, leurs minutieuses précautions qui

se rattachent à ce mécanisme psychique et ont pour but de les

défendre contre l'obsession, ou l'impression de l'obsession. Pen-

sées dérivatives, raisonnements pressés, moyens préservatifs (pho-

bies et les habitudes qu'elles-enlrainenl).

3° Analyse d'un cas de folie systématisée chronique., - Il s'agit

d'une persécutée fort hallucinée. « On observe ses pensées, on

sait ce quelle fait, on la regarde se déshabiller le soir. Elle sent

dans le pénil un je ne sais quoi qui lui indique que sa femme de

chambre a une pensée inconvenante sur elle ; une grosse main

furète dans ses parties génitales. Elle voit des images de femmes

nues, un mont de venus. Ces hallucinations sont surtout pénibles

lorqu'elle converse avec une femme ; celle-ci lui apparait nue,

inconvenante, et elle se croit au même moment vue dans le même

état par sa vis-à-vis, etc. M. Freud apprend en outre que la

malade a donné rendez-vous à son frère, qui vit près de là, qu'elle

avait quelque chose à lui communiquer, mais qu'elle ne lui a

rien dit du tout. Il cherche donc les éléments psychiques sem-

blables à ceux de l'hystérie, et, évoquant des souvenirs dans

lesquels se reflètent des nudités avec sentiment de pudeur, il finit

par lui faire raconter une scène pendant laquelle elle se serait

dévêtue devant son frère. Cette scène a précisément trait à un

500 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

souvenir d'enfance; c'était, parait-il, une habitude aux frères et

soeurs de se montrer nus les uns aux autres avant de s'endormir.

'Peu à peu il se découvre qu'elle a eu à l'âge de six à dix ans des

relations sexuelles avec son frère. Tandis qu'elle se rappelle ces

pratiques, arrivent les hallucinations visuelles et tactiles en ques-

tion. Donc, conclut l'auteur, les hallucinations sont des fragments

de souvenirs d'enfance chassés, mais récidivants. La folie systéma-

tisée est, par conséquent, aussi une psychose de défense; elle procède

des efforts faits pour chasser des souvenirs pénibles, et les symp-

tômes en sont alors moulés sur le sujet même de ceque l'indi-

vidu a à rejeter. II. Keraval. '

XXXIII. Contribution A l'étude delà I'oItENCLPIL1LIE; par E. 13EYER.

(AMt'o. Cezztralbl., XV, 1896.)

Revue critique, de laquelle il résulte les faits suivants : Il n'y a

pas de différence entre la porencéphalie congénitale et la porencé-

phalie acquise. Déjà Kahlden a fait justice du signe de Kundrat

relatif au rayonnement des circonvolutions autour du trou. L'exi"-

tence ou l'absence de résidus inflammatoires dépend uniquement

du temps pendant lequel l'individu a survécu à sa maladie et de

l'activité circulatoire du sujet; les lacunes auront donc forcément à

un moment donné le même aspect, qu'elles datent de la vie foetale,

de la prime jeunesse, ou de la période de maturité, même chez les

gens âgés, pourvu que la mort ait lieu longtemps après. Mais il est

évident que pendant la vie foetale les produits de destruction seront

bien plus rapidement et bien plus complètement résorbés; de même

la compensation locale s'y fait bien plus large et fructueuse, et le

remplissage par du tissu cicatriciel s'effectue en bien plus faible

masse que chez l'adulte. Donc la porencéphalie sans traces inflam-

matoires se rencontre tout aussi bien quand elle est acquise, de

même que l'on rencontre des résidus inflammatoires dans la poren-

céphalie congénitale. Il est donc impossible de décider si la poren-

céphalie s'est produite avant la naissance (Schultze).

De plus la porencéphalie, le trou porencéphalique, peut siéger en

n'importe quel endroit du cerveau, ce qui détruit l'élément sur

lequel Kahlden fonde sa théorie de l'arrêt de dévoloppement pur,

théorie qui n'expliquerait, au reste, point la prétendue locali-

sation constante et typique du trou. Sans doute, dans les cas les

plus nombreux il occupe le territoire de la sylvienne et présente

exactement les limites du foyer de ramollissement par embolie, ce

qui est précisément en faveur de la théorie vasculaire. M. Deyes

passe en revue les espèces de Gowers, Heubner, Kreuser, et conclut

à la pathogénie également polymorphe, soit de la porencéphalie

congénitale (hémorragies méningées, embolies môme symétriques),

soit de la porencéphalie tardive (même genèse). Dans ces deux cas,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 501

l'embolie (Kundrat, Kreuser, Heubner), la tuberculose buccale syphi-

litique ou marcestique (Gowers) ; le traumatisme occasionnant

des embolies, des thromboses, des hémorragies, de l'encéphalite

(Koeppen, Gowers et Mac Nutt, Friedmann) peuvent provoquer le

même genre de lacunes encéphaliques. P. KERAVAL.

XXXIV. CONTRIBUTION A LA CASUISTIQUE ET A LA SYMPTOMATOLOGIE DR LA

PARALYSIEASTUÉNIQDE (paralysie bulbaire sans lésions anatomiques),.

par J. r ? rEnszr.a. (Neurolng. Centnrlbl, XV, lS9fi.)

OBSERVATION. - Chez un jeune homme de vingt-trois ans, il se

produit : de la blépharoptose ; un affaiblissement de la branche

motrice de la cinquième paire; de la dysphagie ; un trouble carac-

téristique de la parole; une parésie des muscles de la nuque du

facial supérieur (faible occlusion de la paupière) et du facial

moven. Intégrité de l'excitabilité électrique des muscles et des

nerfs du thorax et des extrémités avec conservation de la nutrition

musculaire; sensibilité absolument normale; rien au sensorium.

Les phénomènes paralytiques progressent surtout quand le malade

travaille. La marche est donc aiguë sans causes appréciables, mais

il y a aussi une grande tendance à l'amélioration et des oscillations

brusques. Cette observation est comparable il celle de Kaliscller

(Deulsche Zeitschr f. Nervenheilk. VI); on trouve, dans ce cas, à.

l'autopsie lès lésions de la paralysie subaiguë. P. KERA VAL.

XXXV. Deux cas DE paraplégie après l'accouchement; par LEESON.

(The Edinburgh médical Journal, p. 411, 1897.)

Ces deux cas méritent, d'attirer l'attention, en raison de la rareté

d'un pareil accident.

Le premier concerne une multipare de vingt-quatre ans; on dut

recourir à la délivrance artificielle à cause d'adhérences placen-

taires. Tout se passa normalement, il n'y eut pas trace d'infection.

Mais trente-six-heures après l'accouchement, on constate que les

deux jambes sont contracturées en extension et que tout mouve-

ment est impossible. La sensibilité est normale. La malade se

plaint seulement de lourdeur dans les cuisses et les jambes. Pas de

troubles vésicaux ni rectaux. Toute idée de myélite fut écartée. La

contracture indiquait une paraplégie hystérique purement fonc-

tionnelle, et le pronostic était favorable. En effet, au bout de

huit jours, les mouvements reparaissent peu à peu, et bientôt la

malade est tout à fait guérie.

Dans le second cas, il s'agit d'une primipare de vingt-six ans,

qui présente aussi des adhérences placentaires. Aussitôt l'accou-

chement terminé, elle se trouva paralysée des membres inférieurs

et du tronc, de sorte qu'elle ne pouvait se tourner dans son lit. Les

S02 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

bras seuls pouvaient se mouvoir. Il n'y avait pas de contracture.

Pas de troubles vésicaux. Dès le troisième jour, la malade constate

qu'elle peut remuer les pieds et les jambes; la force musculaire

revient peu à peu, mais la marche n'est possible qu'au bout de

trois semaines.

Ces deux cas ont plus d'un point de rapprochement. Ces deux

femmes étaient des névropathes avérées; chez toutes deux on dut

intervenir pour extraire le placenta adhérent. Chez toutes deux,

la marche des accidents fut la même et la guérison progressive.

Ces faits de paraplégie semblent se rattacher à un choc nerveux

subi par la moelle et résultant de l'excitation exagérée et passa--

gère que cause un travail laborieux. L'expérience journalière nous

montre des phénomènes analogues, où un épuisement nerveux

passager succède à une excitation trop forte. L'auteur termine en

citant les paroles de Charpentier (Traité des accouchements) qui

confirme cette manière de 'soir. P. RELLAY.

XXXVI. Paralysie DU MOTEUR oculaire commun par névrite hémor-

RIJAGIQUE ; coexistence d'un épanchement sanguin au niveau du

lobe frontal du côté opposé ; par G.-A. Gf13S0Y et Aldren Tur-

NER. (The Edinburgh médical Journal, mai 1897.)

. Les muscles de l'oeil, de même que ceux du larynx, ne peuvent

être paralysés par suite d'une lésion corticale unilatérale; l'exis-

tence d'une paralysie d'origine corticale est rendue impossible par

ce fait que chaque hémisphère exerce une action bilatérale sur les

mouvements de ces muscles.

L'expérience a montré qu'une excitation du centre laryngé

produit des mouvements d'adduction dans les deux cordes vocales;

mais d'autre part il n'y aurait pas un seul cas authentique de para-

lysie d'une corde vocale par lésion corticale unilatérale.

Il en serait de même pour ce qui concerne les yeux. On sait depuis

longtemps qu'une [excitation au niveau du pied des deuxième et

troisième froutales donne lieu au mouvement conjugué des deux

yeux qui se dirigent vers le côté opposé. Si l'on vient même à sup-

primer l'action des muscles droits externes et internes par la sec-

tion de leurs nerfs respectifs, l'excitation au même point du cer-

veau produit encore des mouvements dans les yeux, d'une façon

plus faible et différente; on voit alors les yeux s'élever et s'abaisser.

D'autre part, l'ablation des deux lobes frontaux qui contiennent

ces centres n'entraîne qu'une suppression passagère des mouve-

ments conjugués. Il s'ensuit donc que l'ophtalmoplégie corticale

après lésion bilatérale des lobes frontaux n'a pu être obtenue

expérimentalement.

Cette conclusion résulte d'expériences entreprises par Ferrier et

Aldren Turner.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. Oc3

Les faits cliniques ne sont pas plus probants.

Il n'est pas rapporté un seul cas où la lésion d'un lobe frontal

ait entraîné une paralysie des muscles de l'oeil du côté opposé,

autre qu'une abolition des mouvements conjugués de cet oeil avec

l'autre. Ces considérations se trouvent confirmées par le cas sui-

vant, dont l'étude anatomo-clinique offre le plus grand intérêt.

11 s'agit d'une enfant de onze mois, admise à l'hôpital pour acci-

dents de gastro-entérite. Un ptosis complet de l'oeil droit attire

l'attention ; la mère apprend que l'oeil était encore ouvert il y a

quelques jours, et que depuis il est resté fermé. En soulevant la

paupière, on voit la pupille très dilatée, insensible à la lumière.

L'oeil reste immobile, regardant un peu en dehors. A gauche, rien

de semblable : l'oeil suit les objets, la pupille réagit parfaitement.

D'ailleurs, on ne trouve pas d'autres accidents nerveux. Tout se

borne donc à une paralysie complète de la troisième paire droite.

Le diagnostic de la lésion causale était difficile; on s'arrêta à

l'idée d'un tubercule intéressant la troisième paire.

L'enfant mourut -cinq jours après son entrée. A l'autopsie, un

examen du nerf en question ne révèle rien de particulier, mais au

niveau de la scissure de Sylvius du côté opposé existe un large

épanchement sanguin qui s'étend sur le lobe frontal et le com-

prime.

Il était logique dès lors de conclure à une ophtalmoplégie uni-

latérale, causée par lésion du lobe frontal opposé. Encore fallait-

il, pour rendre cette conclusion certaine, pousser plus loin l'ana-

lyse, et démontrer encore plusieurs points : absence de toute autre

lésion corticale, intégrité des fibres corlico-pédonculaires, intégrité

des noyaux de ,1'oculo-moteur, intégrité du nerf lui-même. Or

l'examen microscopique du moteur oculaire commun de l'oeil para-

lysé montra des lésions manifestés de névrite hémorrhagique, avec

dilatation et thrombose des capillaires.

Cet examen permet doue de rattacher la parqlysie à une lésion

directe du nerf et fait écarter toute idée d'ophtalmoplégie corti-

cale, qui avait été suggérée à première vue. P. l3GLt.11'.

\\1VII. U,r cas d'amnésie; par le D'·' Bisiiop.

Il s'agit d'un homme qui marchant, sur la grand'route, voit une

ville devant lui, y entre sans savoir le nom de cette ville, et s'y

promène par les rues jusqu'au moment où, abordé par un police-

man, il se trouve dans l'impossibilité de dire quoi que ce soit sur

lui-même, et de donner même son nom.

Au bout d'un certain temps et avec bien de la peine son iden-

tité est reconstituée et l'on reconnaît avoir affaire à un mécanicien

qui, à la suite d'une commotion cérébrale due à une chute sur la

tête, changea de caractère, prit des habitudes nomades, eut des

504 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

crises d'intempérance, chaque crise étant accompagnée de douleurs

localisées, d'excitation maniaque ,et de troubles de la mémoire

caractérisés par une amnésie de la commotion, amnésie s'élendant

aux faits antérieurs à l'accident et qui finalement devint totale.

Quand le malade fut arrêté il errait depuis deux semaines sans

qu'on puisse savoir ce qu'il a pu faire pendant ce temps. (American

Journal of insanily, avtit 1897.) E. l3Lm.

XXXVIII. Contribution A la pathologie DE la sclérose EN plaques;

par A. Srnihll'ELL, (Ne2crolog. Cent2oclbl., XV, 1896.)

En imputer la cause à une infection aiguë (théorie de Marie) n'est

pas exact; celle-ci serait exceptionnelle dans les 30 à 40 observa-

tions de l'auteur, et tout a fait absente dans les 24 derniers faits où

il a noté avec soin les commémoratif". Une intoxication ne peut

davantage être alléguée. Le système vasculaire n'en saurait être non

plus rendu responsable : pourquoi effet une affection vasculaire,

et laquelle, surviendrait-elle d'emblée sur les plus fins vaisseaux

du système nerveux central, à l'exclusion d'altérations du même

genre en d'autres organes ? On n'osait poiut songer d'ailleurs

à l'artério sclérose, ni à la syphilis, dont on connaît les rava-

ges et leurs modalités dans le système nerveux ; le calibre de la

lumière des vaisseaux n'est point diminué dans les scléroses en

plaques. L'ischémie n'a que faire ici. -

,Ne serait-ce donc pas une maladie endogène due à des conditions

anormales congénitales, vagues sans doute jusqu'à nouvel ordre' ?

L'auteur a déjà recueilli deux observations dans lesquelles on

constatait en même temps : de l'hydromyélie, de la gliose centrale,

de la sclérose en plaques vraie, et un fait d'hydromyélie avec foyers

scléreux. Il y a là, dit-il une indication. C'est en réalité une mala-

die du jeune âge, dont on peut faire remonter les débuts à l'enfance,

qui épargne pendant longtemps les organes conducteurs de subs-

tance nerveuse, les cylindraxes, à l'iuverse des maladiesexogènes

celles-ci, de bonne heure, lèsent les cellules ou cylindraxes. Elle

frappe à tort et à travers et intéresse n'importe quelle courte éten-

due de chaque neurone ; elle a donc pour origine la névroglie et

se traduit par une prolifération multiloculaire primitive de cette

dernière. C'est une gliose mulLiloculaire ayant des origines congé-

nitales, exactement comme les névromes, fibromes et lipomes

multiples. Ainsi s'explique que, le neurone n'étant pas primitive-

ment atteint, ce soient d'abord les - manchons de myéline qui

souffrent exclusivement et que les cylindraxes demeurent longtemps

épargnés. Ceci n'élimine point les influences nocives exogènes,

indubitables en certains cas; elles sont alors des causes occasion-

nelles qui donnent le coup de fouet, aiusi qu'il arrive dans l'ataxie

héréditaire et piobablement ausssi dans la gliose centrale.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 505

M. Strumpell annonce que s'il y a des cas de sclérose en plaques

où l'on constate du tremblement intentionnel (Charcot), il y a un

nombre énorme d'observations dans lesquelles les troubles moteurs

des extrémités supérieures et inférieures sont de l'ataxie véritable,

comme dans le tabes, la maladie de Friedreich, la polynévrite

ataxique. Mais, tandis qu'il est rare de constater chez le tabétique

une ataxie prononcée sans aucun trouble simultané de la sensibi-

lité, dans la sclérose en plaques on rencontre la plus vive ataxi-

sans trouble de la sensibilité, ce qui prouve que ce dernier sympe

tome n'est pas une condition sine qua non de l'alaxie. A côté de

cela, dans la sclérose en plaques les réflexes des téguments cuta-

nées manquent souvent. Sur 24 malades, 67 p. 100 n'en présentaient

plus, tandis que sur 185 personnes saines, ces réflexes ne manquaient

que chez 25, soit 13,5 p. 100. P. KERAVAL.

XXXIX. Contribution A l'étude DE la maladie DES TICS convulsifs

(névrose convulsivc mimétique) ; par lli\ESLER. (Neurolog. Cenlralbl.,

XV, 18 ! )11.)

Longue observation d'un jeune homme de vingt-quatre ans. Il

présente des tics convulsifs de la face et des épaules exagérés par

l'émotion, avec addition de cris qui rappellent l'oie. Un état psy-

chique préside à ces convulsions faciales dont la cause a d'ailleurs

été une secousse morale ; les autres mouvements systématisés sont

le cortège du jeu de la physionomie, à l'instar des gestes normaux.

Ces mouvements ont le caractère précis des mouvements de

défense : c'est une névrose de défense. Le premier mouvement s'est

produit sous l'influence d'une émotion, par exemple de la terreur;

celle-ci a engendré un geste de défense contre la cause terrifiante.

Le sentiment en question a tellement exagéré l'innervation des

centres moteurs que l'énergie nerveuse en excès a continué, plus

tard, à faire appel aux mêmes mouvements, sous des influences

psychiques bien moindres, par suite de l'état de tension où se

trouvent les centres. La volonté n'agit donc plus, n'est plus con-

sultée ; ainsi s'est établi un automatisme indépendant. Le cri de

l'oie est la caricature d'une interjection phonétique, comme les

convulsions sont la caricature des jeux de physionomie. La copro-

lalie doit être tenue pour l'exagération de ces tics vocaux, les

jurons obscènes sont une forme des manifestations défensives; les

anamnestiques révèlent en outre que la mère du malade était

régalée d'injures. L'écholalie échappe à notre genre d'interpréta-

tion ; elle survient d'ailleurs plus rare dans la maladie des tics.

Les actes impulsifs sont ici représentés par des besoins irrésis-

tibles de casser des vitres, sous forme d'attaques stéréotypées, ou,

quand l'occasion manque d'y procéder, le patient déchire ses vête-

ments. On sait que d'ordinaire ils se bornent à des impulsions

50G REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

inoffensives. Ici ils subsistent continuellement; c'est une force qui

se déchaîne dès qu'elle ne rencontre plus d'obstacles. Un jour,

l'infirmier attaché au malade dut prêter main-forte à M. 13resler;

à peine a-t-il tourné le dos que le jeune homme, saisissant une

chaise, brise méthodiquement quatre carreaux avec les quatre

pieds de la chaise, d'un seul coup. Peut-être ne faut-il voir là qu'un

acte de vengeance contre de mauvais traitements antérieurs; peut-

être n'est-il la conséquence que des habitudes de compter les

fenêtres et leurs carreaux. Certaines assertions du patient semblent

indiquer aussi des idées délirantes : il dit que les religieuses pro-

voquent contre lui des excès des autres malades, qu'il se joue beau-

coup de comédies dans l'établissement. Qu'il s'agisse de concep-

tions ou de jugements bêtes comme il en apparait chez des

émotifs de cette espèce, ils témoignent de l'action exercée par la

névrose sur le psûchê. Oppenheim croit, dans l'espèce, à l'intensité

intellectuelle, mais il convient que la maladie développe, chez ces

individus, de la mauvaise humeur, de la misanthropie, de la

défiance. En notre cas, les actes impulsifs sont dangereux, par

suite et de la mauvaise éducation du malheureux et du traitement

au rebours qu'il a subi. P. KERAVAL.

XL. Contribution A la symptomatologie de la paralysie faciale;

par T. Cobn. (l'eu7·olo. CeK<)'«<6 ? XV, 1890.)

Fillette de dix-neuf ans présentant les signes d'une lésion de la

base du côté gauche (hématome probable, Maginsky). Paralysie

faciale complète, totale, en apparence, et cependant tous les mou-

vements ne sont pas troublés à un degré égal. Tandis qu'elle ne

peut pas du tout plisser le front, lever la lèvre supérieure, rire,

elle peut encore un peu faire la bouche en coeur, fermer, quoique

très incomplètement, l'oeil; elle réussit à froncer le sourcil, dépri-

mer et tordre la lèvre inférieure, élever la houppe du menton,

rider le nez. Mouvements du voile du palais et de la langue nor-

maux ; conservation du goût, de la sensibilité. Pas de contractures

pas de convulsions fibrillaires; pas de mouvements associés ; faible

amaigrissement de la moitié gauche du visage.

La complète déchirure de certains muscles et l'état électrique de

ceux qui sont respectés indiquent que le centre du facial n'est pas

atteint ; la conservation du goût signifie que la lésion porte sur le

bout central du ganglion géniculé ; par conséquent, l'altération

occupe la partie du facial située entre' ce ganglion et le noyau du

facial.

Mais l'ouïe est troublée, ce trouble n'a pas précédé la paralysie

faciale, car, autrement, il eùt été remarqué; il ne constitue donc

pas une maladie indépendante. Il n'y a pas de destructions

osseuses très étendues, auxquelles contredit en effet l'état de

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 507

l'oreille. Il faut, conséquemment, croire à une lésion du labyrinthe

ou de la base du crâne dans le voisinage du trou auditif interne.

Peut-être n'y a-t-il rien dans le labyrinthe, puisqu'on n'y constate

ni troubles subjectifs ni troubles objectifs de l'équilibre. Sans

doute il n'y a pas de parésie du voile du palais, mais cela s'est

déjà vu bien souvent dans les paralysies faciales périphériques à

siège élevé. Les commémoratifs laissent supposer des convulsions

qui indiqueraient qu'il y a eu hémorrhagie de l'artère auditive

interne, peut-être une méningite.

Quoi qu'il en soit, l'intérêt du cas gît dans l'apparition brusque

et simultanée de l'hémiplégie faciale et de la 'surdité nerveuse;

puis, dans l'intégrité complète de certains muscles de la face,

malgré la lésion de la base, notamment dans la conservation de

muscles dont les fibres viennent, à n'en pas douter, du noyau du

facial exclusivement : tels ceux du menton, le peaucier, le sour-

cilier. P. KERAVAL.

XLI. DE l'épilepsie spinale; par BMSLEH. (Ne2c·olog. Cenlrulbl.,

XV, 1896.)

Il existe une forme de l'épilepsie qui débute par des déchar-

ses myocloniques à peine perceptibles d'abord, échappant à la

conscience et à la volonté du sujet, et survenant souvent la nuit.

Ces contractions myocloniques passent comme des éclairs, sont

irrégulières, dépourvues de rythme, non synergiques, au point

qu'elles se bornent il quelques muscles ou simplement à quelques

faisceaux musculaires. Excepté les muscles de l'oeil, tous les mus-

cles volontaires sont pris ainsi que le diaphragme. Puis apparaît

l'épilepsie avec ses attaques caractéristiques, sans que la myoclo-

nie cesse; celle-ci continue dans l'intervalle des attaques. L'auteur

en donne une observation qu'il rapproche de celles de Russel Rey-

nold et d'Unveruicht. Il montre que c'est une affection familiale,

comparable il ce qui se passe à la suite des lésions expérimentales

de la moelle entre la huitième dorsale et la deuxième lombaire; au

bout de quelque temps on constate de l'hyperexcilabililé, voire des

convulsions spasmodiques de certains groupes musculaires, et bien-

tôt des attaques complètes d'épilepsie (Brown-Sequard, Schiff,

NoLliiiagel). Il propose d'appeler cette forme morbide myoclonie

épileptique ou épilepsie spinale. Il fait remarquer que l'épileptique

ordinaire, qui succombe à l'epilepsie même, est généralement tué

par un état de mal dans lequel on distingue un stade convulsif et

un stade comateux, tandis que dans l'épilepsie spinale c'est un coma

mortel sans accès proprement dit préalable, qui intervient. Il

appuie cette remarque d'un autre exemple (coma mortel survenant

alors que les accès d'épilepsie étaient suspendus depuis des mois).

Seppilli a, lui aussi, publié trois observations de irnoclome fami-

508 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

liale avec épilepsie (Rivista spel'imentale di freniatria, XXI); seule-

ment il l'impute à l'écorce du cerveau. P. KERAVAL.

XLII. OBSERVATION DE maladie DE hlOIIV : 11 ; par M. Bielsciiowsky.

(iYetM'0. CezlralLl., XV, 18cJ6.)

Trois séries de symptômes :

1° Troubles moteurs ; atrophie et parésie des muscles de la cein-

ture scapulaire ; 2° Troubles de la sensibilité; paralysie partielle

de la sensibilité à la douleur et à la température dans la partie

supérieure du tronc et dans les membres supérieurs; 3° troubles

trophiques ; modification de la consistance de la peau des mains;

graves mutilations des doigts de la main gauche ; arthropathies

semblable» aux arthropathies des tabétiques, des trois phalanges

digitales. Diagnostic ' syringomyélie de la moelle cervicale et dor-

sale supérieure.

L'auteur ajoute que les arthropathies sont singulièrement rares

chez une femme qui, de par sa profession, n'a jamais été particu-

lièrement exposée à des influences traumatiques. Rare aussi cette

adhérence de la peau du bras droit avec l'aponévrose et les expan-

sions fibreuses du tendon du biceps, adhérence toute spontanée,

n'ayant été précédée ni d'inflammation cutanée, ni d'inllamma-

tion du tissu cellulaire sous-cutané, dont l'aspect rappelle la

rétraction de l'aponévrose palmaire de Dupuytren. Il n'y a pas

lèpre, car on ne trouve aucun commémoratif de ce genre; le sang

et le sérum des endroits excoriés ne renferment point de bacilles de

la lèpre; les troncs des nerfs sont indemnes; la peau ne présente

pas d'anomalies pigmentaires ; il y a dissociation marquée des

fonctions de la sensibilité ; enfin les membres supérieurs sont exclu-

sivement atteints. P. Keraval.

SOCIETES SAVANTES.

CONGRÈS INTERNATIONAL DE MEDECINE

DE MOSCOUI.

Section DES maladies mentales et nerveuses (Suite).

Pathogénie el anatomie pathologique de la syringomyélie.

M. H. SCIILESINGER (de Vienne). Il n'est pas prouvé par l'ana-

tomie que la lèpre joue un rôle dans l'étiologie de la syringo-

mvélie.

La grande ressemblance du tableau clinique des deux affections

n'autorise nullement l'admission du même processus anatomique ;

encore n'est-il pas probable que la lèpre puisse produire des exca-

vations dans la moelle.

Le terme de « maladie de Morvan est à remplacer par celui de

« complexe symptomatique de Morvan », qu'on peut rencontrer

dans des affections centrales (syringomyélie) et dans des affections

du système nerveux périphérique (de nature lépreuse).

La vie dans des contrées exemptes de lèpre et le défaut du bacille

spécifique ne sont pas une raison suffisante pour exclure la maladie.

Les symptômes qu'on ne rencontre que dans chaque maladie à

l'exclusion des autres, ont une importance clinique très grande.

La syringomyélie parait admissible quand on se trouve en face de

phénomènes bulbaires unilatéraux, de parésie spasmodique des

extrémités inférieures, de rigidités et de crampes de ces extrémi-

tés, d'augmentation du réflexe patellaiie, de nystagmus, de ver-

tiges violents, de troubles sensitifs et moteurs disposés en seg-

ments ; on doit admettre par contre une affection lépreuse en face

d'une paralysie faciale périphérique de nerfs sensibles à la pres-

sion des troubles oculaires et laryngés typiques, d'éruptions pig-

mentaires et bulleuses réparties sur tout le corps.

' C'est par erreur que dans le dernier numéro on a mis sous la Ru-

brique Société de neuropathologie et de Psychiatrie de Moscou, la pre-

mière partie du Congrès international de médecine de Moscou.

510 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La lésion anatomique bulbaire de la syringomyélie ne se ren-

contre, même sur des coupes transversales typiques, que jusqu'à

l'extrémité de la protubérance.

L'étiologie de la syringomyélie bulbaire n'est pas unique : Des

modifications vasculaires, qui se développent quelquefois dans la

première jeunesse, semblent jouer un rôle important.

On doit considérer comme moteurs étiologiques très importants

l'ischémie progressive produite par des lésions artérielles, ainsi que

la distraction du tissu par des hémorragies.

Les cavités situées latéralement, au contraire des cavités

médianes de la moelle, manquent toujours d'un revêtement épen-

dymaire, qu'on rencontre toujours, du moins sur un certain par-

cours, dans les cavités médianes.

La formation cavitaire ne s'étend pas sur les noyaux, ni sur les

tractus intrabulbaires des quatre premières paires nerveuses céré-

brales et de la petite portion du trijumeau.

Dans la pachyméningite de la moelle, on rencontre une forma-

tion cavitaire qui, selon toute apparence, tire son origine d'une

modification vasculaire.

M. OBERSTEINER, de Vienne. Le tabes est l'oeuvre d'intoxica-

tions probablement multiples et agissant sur différents points du

système nerveux. L'étude des lésions qu'elles y provoquent conduit

à cette conclusion qu'elles affectionnent particulièrement les

racines postérieures de la moelle et que c'est sur le point où ces

racines offrent le minimum de résistance que ces lésions débutent.

Mais nous ne connaissons point quelles sont ces toxines, causes du

tabes; nous ne savons pas davantage quel est le mécanisme de

leur action et pourquoi cette action se traduit par une. telle lésion.

11 semble cependant que la toxine syphilitique y joue un rôle fré-

quent et que le processus scléreux chemine le long des voies cen-

tripètes. C'est là tout ce que nous pouvons dire.

M. R.11CHLINE (de Paria) pense que l'hygiène et la diététique sont

les principales indications à remplir.

M. FRÆNKEL (de Heiden, Suisse) expose sa méthode de rééduca-

tion etlllontre les apparellsqui lui serveutàréapprendre à l'ataxique

à marcher, à écrire, à se tenir debout, à se lever, s'asseoir,.

etc. Ces appareils sont fort simples et il est facile à tous les méde-

cins d'en imaginer de semblables. Avec de la patience on réussira

dans la grande majorité des cas à trantformer un impotent, un

infirme, en un homme valide et capable de gagner sa vie.

M. EULGBUIiG, de Berlin, accepte les conclusions de Frsenkel et

préfère employer les moyens de ce genre que la médication anti-

syphilitique, qui est basée sur une théorie qui ne lui paraît pas

absolument certaine.

SOCIÉTÉS SAVANTES.. 511

M. le D'' IJROWER (Daniel) (de Chicago). La première chose à

considérer pour le tabes dorsal est le climat. L'auteur recom-

mande surtout à ses malades de passer deux ou trois mois, au

priutemps, dans les montagnes du Missouri, dans celles de la

Caroline du Nord, dans la Géorgie ou la Californie. Il recom-

mande ensuite le repos au lit, avec massage journalier et traite-

ment par les courants faradiques pendant six à huit semaines. Tout

travail d'esprit et de fatigue physique doit être évité. La nour-

riture doit être facilement digérée et toute constipation également

évitée. Il ne faut user des alcools et du tabac que très modéré-

ment. Les bains froids ou tièdes, ne dépassant pas 18° F., sont

bons mais, d'après l'auteur, le baiu chaud porte préjudice au

malade.

M. le l' ERB (W.) (d'Heidelberg). Après avoir passé en revue

la thérapeutique du labes dans les cinquante dernières années,

il examine les moyens à employer eu égard aux causes de cette

affection. Dans les cas de tabes précédés de syphilis, le traitement

spécifique est indiqué ; dans ceux notamment où le tabes en est à

son début et existe, en même temps que d'autres manifestations

syphilitiques (peau, os, muqueuses, etc.), enfin dans les cas où le

traitement spécifique antérieur a été insuffisant. Ce qui fait que

cette thérapeutique échoue, c'est l'état général insuffisant du

malade, les lésions trop avancées, et enfin l'influence d'autres

causes (alcool, nicotine, etc.). Mais ce n'est là que le traitement

causal, et on ne peut en attendre des résultats rapides. Il faut lui

adjoindre un traitement symptomatique, qui consiste à calmer les

douleurs fulgurantes (antipyrine, antiféhriue, phénacétine, etc.)

les crises douloureuses diverses (gastriques, ano-vésicales, laryn-

gées, etc.), l'ataxie elle-même; à ce dernier point de vue la méthode

de Fraenkel marque un réel progrès.

M. A. EULEIOEURG (de Berlin) eslime que jusqu'à présent on n'est

pas autorisé à regarder la syphilis comme la cause essentielle ou

exclusive du tabes. Par conséquent, le traitement spécifique, en

tant qu'il est dirigé contre l'affection tabélique elle-même, en

l'absence d'autres indications formelles, ne lui parait nullement

fondé. Quant à la méthode de rraenhel, il la considère comme un

moyen précieux contre l'ataxie tabétique.

Action analgésique et sédative de la main appliquée en position hétéro-

nome, principalement dans les algies des sujets hystériques et

néur·as(éctiqttes; par le De Ed. 13sr : Tn.r; (Barcelone).

Conclusions : 1. L'application hétéronome de la main de l'opéra-

teur exerce une action calmante décidée, évidente et prompte sur

les manifestations algiques (névralgies, myalgies, viscéralgies) de

512 1) SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

la plupart des malades névropathes, surtout des hystériques et

névrasthéniques. 2. L'effet est toujours immédiat et en maint

cas définitif. 3. La promptitude et efficacité de cet effet est en

raison directe de ce qu'on pourrait appeler aptitude physico-biolo-

gique de l'opérateur. 4. Il est vraisemblable que ladite action

analgésique est due à ce qu'on étudie modernement sous le nom

d'od; et par conséquent, il n'est pas aventureux de supposer

que l'efficacité du procédé reste proportionnelle à la quantité et iL

l'énergie des effluves odigues de l'opérateur.

Du traitement d'états d'angoisse et de contrainte.

M. OTTO DORNBLUTH. Le traitement'Systématique par l'opium

et la codéine donne les meilleurs résultats quand on a affaire à des

états graves et invétérés d'angoisse et de contrainte; le repos au

lit, l'hydrothérapie, la diète et le traitement psychique doivent aider

les médicaments et corroborer les résultats obtenus par eux. Même

sur des cas de moindre gravité, on doit avoir recours aux médica-

ments sus-nommés.

Valeur thérapique dzccourant galvanique dans le goitre exophtalmique ;

par le D'' Ed. 13ERTllAN (Barcelone). 1

Conclusions : 1. Le courant galvanique continu, en application

bulbo-thyroïdienne, est utile, même considéré comme traitement

empirique. 2. Les principaux avantages obtenus par ce procédé

électrolhérapique sont : a) diminution ou disparition de l'exoph-

talmie ; b) amélioration graduelle, assez rapide, des troubles de

l'innervation cardiaque, jusqu'à la réintégration complète dans

l'état normal; c) soulagement corrélatif des altérations du fonc-

tionnement général de l'individu, jusqu'au rétablissement total;

d) diminution (presque jamais résolution complète) de j'hypertro-

phie du corps thyroïde.

Sur un nouveau traitement curatif des névralgies périphériques ;

par le Dl' C. BALLABENE (Home).

1. L'auteur se propose- de démontrer que la douleur physique,

autant comme symptôme qui procède de maladies d'autres tissus

de l'organisme animal, que comme affection de la branche même

nerveuse, doit être prise en considération sérieuse dans le traite-

ment curatif, parce qu'en quelque cas la névralgie seulement peut

tuerie malade. - 2. L'auteur parle ensuite de lï £ chialgie (com-

munément sciatique), du lumbago ou courbature et de la névral-

gie du plexus brachial autant en regard de leurs causes quede leurs

formes cliniques. - 3. L'auteur passe en revue beaucoup de

remèdes jadis employés pour ces maladies et beaucoup d'autres

SOCIÉTÉS SAVANTES. su3 3

qu'on emploie aujourd'hui dans le but de calmer ladouleuretilfail

remarquer les qualités thérapeutiques de chacun d'eux. 4. Il

trai'e enfin d'un nouveau préparat, savoir du Valériuiante de,11éthyl,

qu'il a nommé Algonicon (parole grecque ancienne, qu'on traduit :

vainqueur de la douleur) et qui est en solution dans l'eau, composé

par le D''chimiste Joseph Pilferi, de Rome. - 5. L'auteur parle

sur les motifs qui l'induisirent à essayer cette préparation,

remarque les effets qui résultent de son application ipodermique

profonde, conte quelques cas d'importance de guérison et enfin le

propose comme le remède le plus efficace et le plus innocent de

tous les autres jusqu'à présent employés dans la cure des névral-

gies périphériques.

Note sur le délire mélancolique ; par les D's Ch. Vallon et A. Marie.

Dans cette étude les auteurs-se sont particulièrement attachés

aux formes typiques de la mélancolie, aux cas pouvant aboutir à

une évolution en quelque sorte progressive, au délire mélancolique

chronique systématisé. En le faisant ils ont cherché à isoler dans

le syndrome clinique de la mélancolie ce qui lui appartient en

propre de ce qui peut n'être que symptôme accessoire et

variable.

Dans le groupe des mélancolies, on peut, comme Lasègue l'a fait

pour les persécutés, distinguer des cas, offrant avec ces derniers

d'ailleurs certaines analogies, mais pouvant leur être opposés

comme types de mélancolie vraie, essentielle, avec des caractères

fondamentaux dont les formes chroniques systématisées ne sont

que l'accentuation progressive, la cristallisation si l'on peut dire

ainsi, la forme stéréotypée en un mot (délire chronique des néga-

tions de Cotard).

Cette élude a pour but de dégager d'abord du complexus symp-

tomatique ce qui est délire mélancolique vrai, de ce qui n'est

qu'idées mélancoliques. Les auteurs attribuent à ces deux mots

(délire par opposition à idées simples) le même sens qu'on attribue

aux mêmes expressions en ce qui concerne les persécutés. De

même qu'il y a des malades quelconques à idées de persécution

idiopathique, de même il y aurait des malades à idées mélancoli-

ques et d'autres à délire mélancolique. C'est ce dernier que cette'

étude a pour but d'isoler en une entité clinique comparable à la

maladie de Lasègue.

De la suggestion ; par le professeur 13ERIIEIM.,

La suggestibilité est une propriété physiologique du cerveau

humain : c'est la tendancedu cerveau à réaliser toute idée acceptée

par lui. Toute idée acceptée est une suggestion. L'hypnotisme n'est

Archives, 2e série, t. IV. 33

rus14 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pas un étal particulier, c'est la mise en activité de la suggestibilité

avec ou sans sommeil.

La suggestion peut faire réaliser à quelques personnes des actes

criminels, soit par impulsion instinctive, soit par hallucination,

soit par perversion du sens moral. Elle ne peut détruire un sens

moral robuste, ni le ciéer quand il est absent ; mais elle peut déve-

lopper les germes bons ou mauvais existants.

Un viol peut être commis par suggestion sur une femme, soit

dans le sommeil hystérique consécutif aux manoeuvres hypnotiques,

soit par perversion instinctive et excitation sensible en condition

seconde, soit par insensibilité psychique suggérée au sujet. La sug-

gestion, c'est-à-dire l'idée, d'où qu'elle vienne, s'imposant au cer-

veau, joue un rôle dans presque tous les crimes.

La faiblesse congénitale du sens moral et une grande suggestibi-

lité facilitent les suggestions criminelles. Un acte délictueux ou

criminel peut être commis dans un état de condition seconde ou

vie somnambulique, d'origine hétéro ou auto- suggestion. Un faux

témoignage peut être fait de bonne foi par auto-suggestion don-

nant lieu à des souvenirs fictifs. Le libre arbitre absolu n'existe

pas. La responsabilité morale est le plus souvent impossible à appré-

cier. La société n'a qu'un droit de défense et de prophylaxie sociales.

L'éducation doit intervenir pour neutraliser les germes vicieux et

opposer aux impulsions natives un contrepoids de suggestions coer-

citives.

De l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies mentales;

par A.-A. TOKARSKY (Moscou).

Le sommeil hypnotique est un état physiologique spécial, qui se

caractérise par l'abolition presque complète de l'activité psychique.

Dans beaucoup de cas cet état est accompagné de la plus grande

suggestibilité. Mais l'état hypnotique et la suggestibilité ne dépen-

dent pas l'un de l'autre immédiatement et on peut rencontrer des

cas où la grande suggestibilité se manifeste malgré l'absence du

sommeil hypnotique et vice versa. Au point de vue thérapeutique

l'état hypnotique a autant de valeur que la suggestion. Il ne peut

produire que l'abaissement de la fonction du système nerveux, et

par conséquent il agit comme un sédatif.

La suggestion peut produire l'abaissement ainsi que l'exagération

de la fonction dans une direction déterminée. Cette excitation du

système nerveux par la suggestion ne peut être que de courte durée.

Par conséquent au point de vue thérapeutique l'état hypnotique

et les suggestions négatives, ayant un caractère de défense, ont la

plus grande importance. Il ne faut pas oublier que l'excitation

apparente de la fonction faisant disparaître les paralysies hystéri-

ques n'est en effet que l'abolition des impulsions morbides qui

SOCIÉTÉS SAVANTES. 515

arrêtaient la fonction. Ainsi l'application de l'hypnotisme à la thé-

rapeutique donne les meilleurs résultats dans le traitement des états

d'excitation générale du système nerveux, quelle que soit la cause

de cette excitation. Mais ce sont là des résultats passagers. On ne

peut faire disparaître les symptômes isolés par lesquels une maladie

mentale se manifeste que sous la condition de l'amélioration de

l'état général du système nerveux. Par exemple, la disparition des

idées impulsives est toujours accompagnée par la disparition de

l'excitation générale, de l'insomnie, de l'état affectif, inappé-

tence, etc.

Dans l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies

mentales il ne faut pas perdre de vue qu'au début des maladies

mentales aiguës la susceptibilité » l'hypnotisation et la suggestibi-

lité diminuent, et même des personnes qui étaient très susceptibles

avant leur maladie deviennent complètement réfractaires. La sus-

ceptibilité revient de nouveau dans la période de convalescence. Ce

fait explique pourquoi on obtient de meilleurs résultats par l'appli-

cation de l'hypnotisme dans les périodes où la maladie commence à

devenir stationnaire.

En ce qui concerne les formes des maladies mentales, l'hypno-

tisme peut donner des résultats favorables, avec les restrictions

mentionnées, dnns la neurasthénie, les obsessions, la mélancolie,

manie légère, abus d'alcool, morphinisme et d'autres impulsions

morbides, ainsi que dans la perversion sexuelle. Dans toutes ces

formes, l'influence favorable de l'hypnotisme se manifeste dès le

commencement du traitement, ne fût-ce qu'à degré très faible. On

peut dire que l'application de l'hypnotisme n'est pas indiquée, si

après quelques séances on n'obtient aucune amélioration notable.

L'application du chloroforme pour faciliter l'hypnotisation ne peut

être pratiquée qu'il titre d'essai.

L'effet nuisible de l'bypuotisaliou dans la plupart des cas est

produit par l'inexpérience de l'hypnotiseur et on ne peut observer

que rarement des cas où l'hypnotisation provoque une espèce d'ex-

citation générale du système nerveux, qui est toujours passagère,

mais qui peut quelquefois empêcher l'application thérapeutique de

l'hypnotisme.

Au point de vue médico-légal, on ne peut pas nier la possibilité

des crimes sous l'influence des suggestions hypnotiques, mais en

même temps il faut exiger des experts d'indiquer catégoriquement

s'il y a hypnotisation avec suggestions déterminées ou non, et s'abs-

tenir de suppositions vagues sur des suggestions probables, parce

que la plupart des suggestions indirectes ou à l'état de veille ren-

trent dans le domaine de l'influence morale d'un individu sur

l'autre et n'ont rien de commun avec des suggestions hypnotiques

proprement dites.

Eu somme, dans le traitement des maladies mentales, on ne

51 G SOCIÉTÉS SAVANTES.

peut pas mettre l'hypnotisme au dernier plan, malgré son appli-

cation assez restreinte, parce que tous les autres moyens théra-

peutiques, même les plus efficaces, restent très souvent sans aucune

influence sur les maladies, et il y a beaucoup de malades qui ne

peuvent être guéris que par l'hypnotisme. Quant au traitement des

maladies nerveuses, l'hypnotisme et la suggestion doivent être

regardés comme un moyen thérapeutique puissant qui a d'autant

plus de valeur qu'il agit quelquefois dans des cas où tous les autres

remèdes sont restés sans aucun résultat.

L'aliénation mentale momentanée dans l'intoxication alcoolique. Dis-

position illogique de la loi civile (incapacité) et criminelle (respon-

ScLbiltté); par M. J.-F. SUTHERLAND.

La question que l'auteur a l'honneur de soumettre à l'apprécia-

tion des aliénistes et juristes de tous les pays de l'Ancien et du

Nouveau Monde est d'une profonde et urgente importance inter-

nationale au poiut de vue psychologique, médico-légal, social et

moral.

Jamais on n'a plus fait dans le cours des siècles pour combattre

et diminuer les conséquences néfastes et incontestablement pro-

gressives de l'alcoolisme que ne font aujourd'hui les parlements et

les conseils municipaux, encouragés et aidés par les juriscon-

sultes et les médecins, parles sociologistes et les moralistes. Les

moyens qu'ils emploient sont :

1° Création de lois protégeant la personne, la famille et les biens

de l'alcoolique. En ce moment la Grande-Bretagne seule fait peut-

être exception, mais on croit que son isolement du concert euro-

péen des nations civilisées n'est qu'une question de très peu de

temps; 2° restrictions apportées à la vente des boissons toxiques;

3° insistance à obtenir une plus grande pureté dans la fabrication,

et par conséquent élimination des adultérations fort toxiques du

commerce (essences, bouquets artificiels, furfurol, aldéhyde sali-

cilique, etc.); 4° soins médicaux appropriés à l'ivresse accidentelle

et à l'alcoolisme invétéré. -

On doit accepter le fait que la consommation des boissons eni-

vrantes (whisky, eau-de-vie, absinthe, wodka, etc.) et par consé-

quent l'alcoolisme augmente. La consommation varie beaucoup

suivant les conditions morales et géographiques (c'esl-à-dire eh-

matériques) et suivant la nature de la boisson nationale. C'est

ainsi que l'on constate que, quoique l'alcoolisme soit universel, il

est plus développé parmi les races teutoniques que parmi les races

latines, et plus fréquent chez les races latines que chez les slaves.

Mais les preuves d'un accroissement général arrivent de Ions côtés.

Pendant les dix-sept dernières années, l'auteur a fait, à divers

titres officiels, desrecherches sur toutes les phases du problème de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 517

l'alcoolisme, plus parmi les nations de langue anglo-saxonne que

parmi les nations continentales afin d'étudier les effets produits sur

l'individu, la famille, la société, ses relations, et les dispositions de

la loi civile et criminelle à cet égard. La conclusion, qui repose sur

des bases suffisantes et ne court guère le risque d'être infirmée, est

que l'alcoolisme, sous une forme ou une autre, est non seulement

la cause principale de désordre social mais qu'on y trouve le facteur

principal et, selon plusieurs auteurs un facteur de l'aliénation men-

tale, du crime et de la misère.

M. P. VicTOnorr, de Moscou. Au point de vue bio-chimique la

pathogenèse des maladies nerveuses à substratum anatomique

peut être réduite à une modification pathologique de la nutri-

tion moléculaire tant générale que spéciale du système nerveux.

En principe, l'organothérapie doit être applicable au traitement

des maladies nerveuses, puisqu'il s'agit de l'introduction dans l'or-

ganisme de substances physiologiques ayant d'indubitables rap-

ports avec la nutrition moléculaire. Cette thèse est juste surtout

quand il s'agit des affections du système nerveux sur un terrain

syphilitique, podagrique, diabétique, alcoolique, etc. dans lesquelles

une modification pathologique de la nutrition est évidente.

Les injections sous-cutanées de l'extrait orchidique (injections de

Brown-Sequard) sont d'une utilité indiscutable dans le traitement

du tabes, des paralysies alcooliques (paraplegia alcoolica) et de cer-

tains cas de l'épilepsie jacksonienne.

Les injections de Brown-Sequard rendent de grands services sur-

tout dans les cas du tabès où en raison d'antécédents syphilitiques

un traitement spécifique mercunel avait été suivi d'un abaissement

de la nutrition générale du malade.

Bro'n-Scquard n'est pas seulement un des maîtres de la physio-

logie du système nerveux et un des fondateurs de la pathologie

expérimentale du système nerveux, mais c'est à lui encore qu'ap-

partient de toute justice le titre de fondateur de l'organothérapie

qui est en train deconquérir ses droits de citoyen dausle traitement t

des maladies nerveuses. L'application de la méthode de Brown-

Sequard au traitement des maladies nerveuses pourrait bien jeter

une nouvelle lumière sur la pathogenèse de ces maladies.

M. LUCAS-CIL1\IPIOVnII' : nE, de Paris. Je ne pense pas que l'on

puisse avancer des faits d'une précision absolue concernant les ren-

seignements que l'on peut tirer de l'observation de l'épilepsie jack-

sonienne. Je suis venu à cette conclusion par l'observation d'un

très grand nombre de cas dans lesquels, pour des causes diverses,

j'ai dû faire la trépanation crânienne.

Je compte actuellement 60 opérations de trépan faites pour des,

lésions cérébrales sans origine traumatique ou se rapportant à des

traumatismes de l'encéphale déjà anciens et 20 cas de trépanation

suivant une fracture plus ou moins ancienne.

Si 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Certains chirurgiens ont été assez heureux pour rencontrer des

cas d'accidents cérébraux caractérisés par de l'épilepsie jackso-

nienne dans lesquels la lésion cérébrale était bien limitée à un

peint de la région des centres moteurs dans l'écorce cérébrale. Ces

cas simples sont relativement peu communs : dans les grandes

séries de trépanation, on doit compter des cas très nombreux dans

lesquels l'épilepsie jacksonienne accompagnait des lésions éloignées

des centres moteurs ou de grosses lésions ne touchant que fort peu

ces centres moteurs. Parmi les cas qui peuvent entraîner la con-

viction, je puis citer trois observations de tumeur : l'une du lobe

frontal, l'autre du lobe droit du cervelet, et la troisième de la base

du crâne sans lésion du parenchyme cérébral.

Dans ces cas il y eut des attaques d'épilepsie jacksonienne. Dans

deux de ces cas les attaques sont restées limitées aux membres supé-

rieurs ; dans le dernier elles.se généralisaient ensuite.

Sans perdre de vue la facilité de diffusion des lésions de l'encé-

phale, même inflammatoires, et en tenant compte que seulement

les lésions superficielles sont accessibles, il convient d'élargir l'in-

tervention de l'un à l'autre des hémisphères cérébraux avec la seule

restriction de respecter les grands sinus veineux. Seulement ainsi

s'obtient la décompression facile, complète, la désingurgitation

du parenchyme cérébral, et s'évitent les lésions régressives.

Le but de ce travail ne nous permet pas d'entrer dans plus de

détails qui justifiraient nos opinions ; mais si, d'une part, on con-

sulte les statistiques des grands praticiens qui s'occupent spéciale-

lement de ce sujet, et si on- les compare avec la nôtre, nous les

trouvons désastreuses quant au résultat ; si les insuccès s'expliquent

par les désordres anatomo-pathologiques qui les motivent, et si,

en dernier cas, les rares succès enregistrés par des personnalités

sont comme von Berghmann, Laplace, Horsley et quelques autres,

ajoutés aux nôtres, nous verrons que l'intervention immédiate est

celle qui procure le plus de ces succès, et, en conséquence, il est

facile de justifier pourquoi nous préférons l'emploi de ce moyen,

de même que, quelquefois, il peut être nécessaire de l'associer au

traitement médical alors que celui-ci est nettement indiqué.

Pour réaliser cette idée, nous conseillons de pratiquer la cra-

niectomie dans la zone rolandique, en levant une portion du crâne

partant d'un centimètre en dehors de la suture sagittale et s'éten-

dant au-dessous et en avant jusqu'aux limites de la fosse temporale,

et lorsque cela est nécessaire, en l'étendant jusqu'à la fosse même'

en faisant la canaisation consécutive la plus parfaite, afin d'évi-

ter les infiltrations dans la région lemporozygomatiquc.

Comme le reste de notre technique opératoire ne diffère pas de

celle universellement acceptée de tous les praticiens, nous croyons

utile d'entrer plus loin dans ce détail. Chacun des multiples cas

que nous aurons à traiter exigera peut-être quelques modifications

SOCIÉTÉS SAVANTES. 519 \)

spéciales, mais d'une manière générale, c'est à cette règle que

nous devons nous arrêter.

Pour conclure, la chirurgie cranio-cérébrale, par rapport à l'épi-

lepsie jacksonienne ou autre processus de l'encéphale, doit être

rapide et opportune si on veut obtenir de bons résultats ; les insuc-

cès que nous avons sont dus à l'opportunité des interventions.

M. Doyen, de Reims. L'abord de la cavité crânienne doit être

très large. La résection temporaire des os du crâne est la méthode

de choix. M. Doyen propose, avec de nombreuses opérations à

l'appui, une instrumentation nouvelle pour pratiquer en très peu

de temps, 5 à 10 minutes, l'isolement de larges volets osseux. Pré-

sentation des instruments.

Nécessité et urgence de l'intervention opératoire dans les cas de lésions

cérébrales; par le Dr LAVIST.1 (de Mexico).

Les efforts que la chirurgie a constamment faits pour modifier

les multiples lésions occasionnées par les désordres cérébraux,

aussi bien d'ordre psychologique que d'ordre sensitivo-moteur,

n'ont pas encore répondu aux désirs des spécialistes, tant au point

de vue chirurgical qn'à celui des études neurologiques. Multiples

sont les causes qui concourent à ces effets : les uns, d'ordre ana-

tomo-pbysiotopique, les autres, aussi importants que les premiers,

d'ordre purement pathologique.

Les variations qui proviennent fréquemment des circonvolutions

et la difficulté de la localisation qui correspond à chacune d'elles

sont sans doute un écueil qui difficilement pourra être vaincu

par la réalisation de l'idée que nous poursuivons.

Croire que les centres ou territoires de l'écorce cérébrale sont

définitivement limités, c'est une véritable illusion, parce qu'ils ne

représentent que des régions où s'accentue le maximum de la

fonction d'où ils s'irradient à une grande partie de la surface

du cerveau, et que c'est ainsi qu'il arrive que les centres se réunis-

sent plus ou moins complètement, conservant toujours leur parfait

contact.

Encore ignorons-nous le rôle précis que jouent les circonvolu-

tions frontales supérieures et moyennes. On'suppose qu'elles doi-

vent avoir des fonctions délicates, telles que l'intelligence et la

mémoire; mais la démonstration de ces faits n'en a pas encore été

faite suffisamment.

Quelques-uns des faits cliniques que nous avons rencontrés dans

notre pratique paraissaient approuver cette manière de voir, mais

un seul de ces faits n'est pas assez éloquent pour affirmer cette sup-

position. Nous allons donc essayer, en nous réduisant, d'expliquer

un de ces faits.

A la suite d'une blessure occasionnée par une arme à feu dans

520 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la région lemporale droite et dont le projectile élait sorti à 1 cen-

timètre en dehors du sinus longitudinal supérieur, traversant le

lobule dans sa partie antérieure, le sujet a perdu complètement la

mémoire et presque totalement l'intelligence. Six années après est

survenue l'épilepsie jacksonienne la plus grave que nous ayons

jamais vue. La durée des crises, que nous n'avons pu déterminer

facilement, par suite de leur peu d'interruption, était souvent

de vingt-quatre jusqu'à quarante-huit heures, et le malade tom-

bait dans un état de mal épileptique chaque fois qu'elles arrivaient

à ce degré.

Opéré, en soulevant les ostéophytes qui, en s'introduisant dans

la substance cérébrale, maintenaient l'horrible situation indiquée

ci-dessus, nous avons pu démontrer la disparition complète des

circonvolutions frontales supérieures et moyennes, et avec elles, la

mémoire et l'intelligence.

Ce cas est intéressant, parce qu'il contribue à donner plus de

poids à la doctrine qui paraît s'affermir, dans la science, sur le

rôle accordé à cette circonvolution. Mieux connu, sans doute, est

le territoire moteur toujours en relation avec le système muscu-

laire du côté opposé, et même, à certains degrés, avec le même

côté correspondant toutefois aux centres de la figure et des

membres ; encore ne sommes-nous pas tous d'accord sur le centre

qui correspond aux muscles du tronc. La loi acceptée sans discus-

sion, enseigne que les muscles dépendant de la volonté sont subor-

donnés au cerveau, tandis que ceux qui en sont indépendants cor-

respondent à la moelle.

Nous n'avons pas encore dit le dernier mot sur la section du

lobule pariétal comme sur celle de l'occipital. Nous savons que le

girus angulaire paraît intervenir dans la fonction du sens de

la vision. Très probablement on rencontre dans ce lobule la

partie qui correspond à la moitié temporale de la rétine du même

côté et à la moitié nasale du côté opposé, mais le centre, qui est

chargé des fonctions extrinsèques des muscles de l'oeil, n'est pas

encore connu. Egalement, pour le sens de l'audition, on prétend

que la circonvolution supérieure est peut-être la portion antérieure

de la moyenne du lobule temporal qui est le siège du centre cor-

respondant ; comme 'aussi on assure que, dans la partie antérieure

de ce même lobule, dans la région du crochet, on rencontre le

centre de l'appareil olfactif : le reste de cet important territoire est

èncore physiologiquement en étude.

M. A. Voisin a observé un cas d'épilepsie jacksonienne chez un

jeune garçon de dix-sept ans. Il est atteint depuis l'âge de quatre

ans d'attaques convulsives du côté gauche qui débutent par une

aura douloureuse du membre supérieur gauche. Tous les traite-

tements pharmaceutiques avaient échoué et le jeune homme était

arrivé à ne plus pouvoir quitter son lit, tellement le nombre des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 521

attaques était grand; il était, de plus, tombé dans un état voisin

de l'idiotisme. Aussi M. Voisin pensa qu'une opération chirurgi-

cale pouvait seule olfcir quelques chances de succès, et il pria

M. Péan de faire une large craniectomie au côté droit de la tête

(région temporo-pariétale).

Une partie d'os, longue de 001, Ii;) et large de Om,05 fut enlevée

au niveau des circonvolutions fronto-pariétales ascendantes. La

dure-mère présenta une voussure très marquée ; la pie-mère appa-

rut très vascularisée; la substance célébrais fut trouvée notable-

ment dure, comme sclérosée.

Les suites de l'opération furent simples. Depuis, la douleur du

membre supérieur gauche a totalement cessé, le jeune homme n'a

eu que 3 attaques; il n'a conservé que quelques tressaillements,

quelques légères secousses; il a repris peu à peu toute son intelli-

gence et aujourd'hui il s'est remis au travail. Il y a deux ans et

demi que l'opération a été pratiquée et tout fait penser que la gué-

rison se maintiendra. '

Résultats de l'intervention c ! zil'llI'(Jicale pour la cure de l'épilepsie

jacksonienne; par M. R. Lavista (de Mexico).

L'épilepsie jacksonienne est molivée par des lésions de la zone

psychomotrice de l'encéphale. Elle offre des formes multiples rare-

ment circonscrites, avec des manifestations localisées à un seul

membre ou segment de ce membre, mais elle se généralise com-

munément en conservant son type primordial.'

On l'observe plus fréquemment dans le premier cas. Quand elle

se généralise, elle a ordinairement son point de départ sur les

muscles de la moitié de la face, principalement sur la moitié droite

parce que plus communément la lésion existe sur le lobe cérébral

gauche.

Beaucoup de causes peuvent produire des lésions anatomiques

dans le sillon de Rolando, mais les plus communes à Mexico sont

traumatiques d'abord, syphilitiques immédiatement après, ou

pachyméningées. La pachyméningite s'observe fréquemment à la

suite du traumatisme, elle est rarement tuberculeuse à Mexico. On

a coutume de trouver des lésions dégénératives avec le caractère

gliomateux comme causes de l'épilepsie jacksonienne.

Dans notre pratique, nous avons eu l'occasion de rencontrer

plusieurs faits bien prouvés, offrant comme particularité leur loca-

lisation plus précise.

L'évolution de ces diverses lésions est excessivement lente et ses

manifestations presque toujours tardives; comme conséquence

naturelle, le procès pathologique devient diffus et naturellement

difficile à modifier avec les ressources chirurgicales.

J'ai rarement eu l'occasion de le trouver parfaitement limité ;

522 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dans un cas pareil la souffrance n'était pas dyscrasique, il s'agis-

sait d'un kyste hémorragique consécutif au traumatisme. Il con-

vient de signaler cette circonstance par la bénignité delà lésion et

le résultat vraiment satisfaisant obtenu par l'intervention. On

déduit naturellement de cela que l'opération, la craniotomie seule,

est justement indiquée comme ressource curative radicale, en

pareil cas.

Vingt-cinq interventions pratiquées dans des cas multiples d'épi-

lepsie jacksonienne d'ordre pathologique ne m'ont donné que des

résultats incomplets. Le seul cas de cure radicale a été d'origine

traumatique et serapporte à celui du kyste cérébral déjà mentionné.

Le mieux passager dans les cas de syphilis cérébrale (syphilome

méningé) n'a donné que le bienfait que produit la décompression,

qui permet la conservation et la prolongation de la vie pour un

temps plus ou moins long. Il détermine d'ordinaire des lésions

régressives descendantes, qui envahissent les pyramides et attei-

gnent tôt ou tard le bulbe.

Mes malades ont perdu successivement leurs facultés sensorielles

sensitives et motrices en produisant fréquemment la paralysie,

spastique quelquefois. Les accidents d'ordre psychique n'ont pas

été dominants. J'ai observé quelquefois la forme mégaloma-

niaque, rarement la forme de manie aiguë; après l'intervention,

la guérison du délire a été obtenue temporairement. Tôt ou tard,

celui-ci reparaît, les accident se généralisent et occasionnent la

mort. Les désordres psychiques donnent une gravité spéciale à

l'épilepsie jacksonienne et contre-indiquent l'opération.

L'intervention opératoire en elle-même a toujours été innocente,

tant qu'elle a été pratiquée sur la voûte crânienne; quand il est

nécessaire de l'étendre à la fosse temporale, elle se complique faci-

lement d'accidents hémorragiques ou infectieux. Les grandes exci-

sions crâniennes permettent seules l'exploration de la partie pos-

téro-supérieure du sillon de Rolando.

Réfection totale et bilatérale du sympathique cervical dans le traite-

ment du goitre exophtalmique et de l'épilepsie; par M. Jonnesco (de

Bucharest).

Les suites opératoires sont des plus simples; la réunion par pre-

mière intention je l'ai toujours obtenue, et le pansement, enlevé le

huitième jour, a laissé voir une cicatrice linéaire imperceptible.

Après la résection du nerf d'un côté, j'ai toujours vu le rétrécisse-

ment immédiat de la pupille de ce côté. A près l'opération il se pro-

duit immédiatement une congestion passagère du visage, un peu de

larmoiement et une abondante sécrétion nasale. Tous ces phéno-

mènes, sauf le rétrécissement pupillaire, disparaissent dans la suite.

Dans le cas de résection partielle, il s'est produit chez les épilepti-

SOCIÉTÉS SAVANTES. â°l3 3

ques mêmes, une accélération du pouls qui durait plus ou moins

longtemps. Après la résection totale, le pouls au contraire se ralentit,

tombe au-dessous de la normale. Ce ralentissement est de courte

durée, il dure quelques jours elle pouls revient à son taux normal

quelquefois pourtant il persiste assez longtemps au-dessous de la

normale.

Quant aux troubles trophiques tardifs, je n'en ai jamais ren-

contré, ni du côté du globe oculaire ni ailleurs. Il en est de même

de l'état général des opéréss qui reste parfait et même s'améliore

dans certains cas. Ainsi tombent, chez l'homme du moins, les

données physiologiques bien connues sur le rôle du sympathique

cervical dans la nutrition du globe oculaire.

Indications. Elles sont au nombre de deux : la maladie de

Basedow et l'épilepsie essentielle.

a). Le goitre exophtalmique est incontestablement modifié et

même guéri par la résection du sympathique cervical. Des trois

principaux symptômes, deux reconnaissent incontestablement pour

cause l'excitation permanente du sympathique cervical. L'exopthal

mie peut être produite par l'excitation expérimentale du nerf, les

expériences de Cl. Bernard l'ont prouvé; le retrait du globe

oculaire, la diminution de la fente palpébrale, la chute de la

paupière supérieure s'observent après la résection du sympa-

thique ; on peut se rendre compte du phénomène en comparant

les yeux d'un épileptique ayant subi la résection unilatérale de

la chaîne sympathique cervicale. C'est ainsi que s'explique la

disparition de l'exorbilisme après la résection du sympathique

cervical chez les basedowiens, ce qui tient à un phénomène

musculaire, à la paralysie du muscle orbitaire interne, et non au

resserrement des vaisseaux rétro-bulbaires par section des nerfs

vaso-dilatateurs contenus dans le sympathique (Abadie). Avec

l'exorbitisme disparaît la dilatation pupillaire pour faire face au

rétrécissement permanent, comme je l'ai vu dans un de mes cas où

la dilatation, pupillaire pré-opératoire était indiscutable. Les autres

troubles oculaires, signe de Graefe, signe de Stellwag, signe de

Moebius, signe de Ballet, quand ils existent, comme dans mon troi-

sième cas, disparaissent aussi après l'opération. Ceci s'explique, car

tous ces signes sont d'une façon directe ou indirecte dus à l'excita-

tion permanente du sympathique cervical. La tachycardie diminue

et disparaît même après la résection.

En somme, la résection du sympathique cervical, en réglant la

circulation encéphalique troublée, fait disparaître les troubles ner-

veux si caractéristiques des basedowiens.

L'influence du sympathique cervical sur les manifestations delà

maladie de Basedow est indéniable; mais il ne faut pas pour cela

faire du sympathique même le p ? ,iinuni movens de l'affection. Celle-

524 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ci peut se présenter sous deux formes : goitreux devenus basedo-

wiens et basedowiens devenus goitreux.

Dans les deux ca, le sympathique sert de trait d'union, de voie

de transmission entre le ¡J1'imum movcns variable, goitre ou affec-

tion encéphalique, et les divers organes qui sont altérés secondaire-

ment dans leur fonctionnement : yeux, coeur, voire même corps

thyroïde chez les basedowiens devenant goitreux. Donc le sympa-

thique peut être excité à la périphérie, excitation mécanique ou

chimique, par le goitre ou par la sécrétion thyroïdienne, ou

subir une excitation centrale primitive, chez les basedowiens sans

goitre.

Aussi, quelque soit le mécanisme de l'excitation, celle-ci existe;

et, enlever le sympathique cervical, c'est faire cesser les manifesta-

tions diverses de la malade de Basedow.

Les excellents résultats que j'ai ohtenus sur mes trois opérées,

dont deux datent déjà d'un an et sont actuellement parfaitement

guéries, et la troisième, récente qui a vu disparaître la plupart des

troubles oculaires et diminuer les autres (goitre, pouls, état ner-

veux, etc.), prouvent que le traitement de choix du goitre exoph-

talmique, affection si tenace en général, doit être la tésection du

sympathique, opération efficace, bénigne et relativement facile.

Mais à quelle intervention doit-on s'arrêter ? La section simple du

cordon (opération de Jaboulay) est inutile, car le nerf peut se régé-

nérer et la récidive se montrer. La résection partielle étendue aux

deux ganglions et au cordon intermédiaire, allant jusqu'au-dessous

du plexus thyroïdien inférieur, telle que je l'ai proposée et exécutée

le premier, peut donner d'excellents et durables résultats thérapeu-

tiques, car mes deux malades ainsi opérées sont actuellement gué-

ries, sauf une très légère tachycardie. La résection partielle et

limitée au ganglion supérieur et à une petite partie du cordon qui

lui fait suite ne peut donner de résultats définitifs durables, ce qui i

explique les récidives observées (Chauffard et Quénu, Gérard Mar-

chant et Abadie, etc.).

La résection totale et bilatérale comprenant les trois ganglions

et leur cordon intermédiaire est l'intervention de choix, et voici

pourquoi : le ralentissement des battements cardiaques et la dimi-

nution de la force de la systole cardirque ne peuvent être réelle-

ment obtenus que par l'enlèvement du ganglion cervical inférieur

d'où partent d'importants et nombreux filets accélérateurs cardia-

ques d'origine sympathique; de plus, pour, modifier d'une façon

aussi complète que possible la circulation encéphalique, il faut

s'adresser non seulement au sympathique prévertébral d'où partent

les filets vaso-constricteurs du territoire carotidien des artères encé-

phaliques, mais aussi lâcher d'enlever le sympathique intra-verté-

bral qui enlace l'artère vertébrale et va avec elle innerver le terri-

toire postérieur ou vertébral des artères encéphaliques. C'est

SOCIÉTÉS SAVANTES. 525

pourquoi l'opération idéale doit être celle qui détruit le ganglion

cervical inférieur et le nerf vertébral qui en part.

Du reste, Jaboulay, à propos de sa première intervention par la

simple section du sympathique, exprimait le désir de voir aller plus

loin et détruire les filets efférenls cardiaques du ganglion cervical

inférieur, pour voir cesser la tachycardie. Pourquoi ultérieure-

ment a-t-il abandonné cette manière de voir, conforme à la phy-

siologie et à l'anatomie même (Fr. Franck), je ne le sais, ou, pour

mieux dire, c'est probablement la peur de toucher à ce ganglion

cervical inférieur difficile à extraire, le noli me ta7lgere des chirur-

giens, quoique je l'aie enlevé déjà près de 50 fois sans aucun danger.

En résumé, le traitement de choix du goitre exophtalmique est la

résection totale et bilatérale du sympathique cervical, comprenant

les trois ganglions et leur cordon intermédiaire. L'excellent résultat

que j'ai obtenu dans l'unique cas que j'ai opéré ainsi, cas où tous

les symptômes étaient des plus accentués et où tous ont disparu, si

.ce n'est le goitre qui diminue mais n'a pas encore disparu, et cela

en deux jours, prouve que la résection totalc et bilatérale seule doit

être pratiquée dans l'avenir.

b). L'épilepsie. - La théorie de l'anémie cérébrale comme cause

déterminante de l'attaque épileptique, perte de connaissance et

convulsions, est encore soutenue par un grand nombre de neuropa-

thologistes et par des physiologistes de valeur.

Conclusions. La résection totale et bilatérale du sympa-

thique cervical est une opération possible; ses conséquences ulté-

rieures sont nulles.

Théorie de l'hérédité.

MM. les D''s Hillemand et PETRUCCI (de Paris). Les auteurscom-

mencent par rappeler que Magendie, Cl. Bernard, Vulpian ont

démontré la prépondérance du système nerveux dans les domaines

physiologique et pathologique. Dans la théorie des auteurs, le sys-

tème nerveux devient l'agent principal de l'action de chaque indi-

vidu sur l'espèce; l'hérédité des caractères acquis se réduit pour lui

à une action réflexe spéciale du système nerveux sur les cellules

germinatives. La pathologie et surtout les résultats de la patho-

logie expérimentale viennent à l'appui de celte manière de voir.

Les auteurs citent des faits de transmission héréditaire de l'épilepsie

expérimentalement provoquée chez des cobayes par l'hémisection

de la moelle. Enfin la castration montre l'intime liaison qui existe

entre l'épithélium germinatif et le reste de l'économie; pour expli-

quer que l'ablation des cellules germinatives puisse arrêter le déve-

loppement du larynx, des poils, il faut faire intervenir un trouble

local du système nerveux se généralisant et se répercutant sur l'en-

semble du corps.

526 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Genèse psychopalhiyue.

M. Louis Dolsa (de Barcelone) conclut ainsi : Les psychopathies

essentielles (vésanies) n'ont pas d'autre étiologie que l'hérédité.

Elles sont donc des manifestations nosologiques d'une génération

troublée ou pathologique (déterminante d'une entité fixe qui s'ap-

pelle dégénéré), évolutionné par le milieu. Le milieu, cause déter-

minante de ces états de caducité en évolution. est un élément bio-

logique dont l'activité révèle le dégénéré accomplissant la loi de

sélection. Le milieu pathologique est un élément de dégénération ;

il ne peut produire que des délires symptomatiques, mais pas de

vésanies. La psychiatrie doit se borner à un rôle préventif, favori-

sant les régénérations, et ne doit pas tendre à guérir des états

pathologiques qui sont toujours la manifestation d'un défaut

d'origine.

Sur l'existence de mouvements cloniques au cours de la

syringomyélie.

M. Marinesco. - J'ai eu l'occasion de constater chez un certain

nombre de malades atteints de syringomyélie des troubles des

mouvements volontaires, qui présentent un certain intérêt au point

de vue de la clinique et de la physiologie pathologique. Il s'agit,

dans ce cas, de mouvements involontaires localisés aux extrémités

des membres supérieurs et portant sur les doigts et particulièrement

sur le pouce. Ce sont des secousses rapides, quelquefois même vibra-

toires, se présentant d'ordinaire sous forme d'accès et apparaissant

ou disparaissant sans cause apparente.

Sur la dyspepsie nerveuse et son rapport avec les névroses

en général.

M. le professeur l3osisNIICm (de Berlin). - L'auteur considère la

dyspepsie nerveuse comme une entité morbide; comme Leube, il

la définit : Névrose de la sensibilité tactile de l'estomac. La fonction

motrice et sécrétoire de l'estomac peut y être altérée (anacidité,

liyperacidilé, atonie, etc.); si cette altération est considérable et

durable, il y a lieu généralement de penser qu'il ne s'agit pas de

dyspepsie nerveuse, mais d'une autre affection gastrique (gastrite,

dilatation) qui a pu d'ailleurs se développer aux dépens d'une dys-

pepsie nerveuse. Cette dernière est relativement rare, même chez

les individus nerveux ; l'auteur cite 50 cas de neurasthénie dont

27 ne se rapportaient pas à la dyspepsie nerveuse, mais à d'autres

affections stomacales et dans 11 seulement se rencontraient les

symptômes de la dyspepsie nerveuse. On ne peut donc admettre que

celle-ci soit une manifestation de la neurasthénie; souvent même

SOCIÉTÉS SAVANTES. 527

les névroses en général dépendent de la névrose de l'estomac et dis-

paraissent avec elle

Cas de maladies cérébrales dans lesquelles les fonctions respiratoires

cessent entièrement quelques heures avant celles de la circulation du

sang.

M. le D1' UYCC Drrcr(\vol1.TH (de Londres). Je donnerai sommaire-'

ment les détails de 4 cas : 3 d'abcès cérébraux ou cérébelleux pro-

duits par des otites moyenne ssuppuratives, et un cas d'hémorragie

cérébrale par suite de traumatisme, dans lesquels le malade cessait

absolument de respirer de trois à cinq heures avant que la fonction

du coeur se fût arrêtée. La respiration artificielle ne put aucune-

ment rétablir ces fonctions, et des injections hypodermiques de

strychnine et d'éther furent également impuissantes. L'auteur rap-

porte des observations qui démontrent que ce phénomène a été

observé dans des cas de lésions du cerveau, comme suite de bles-

sures par armes à feu; il discute les explications possibles.

L'exploitation d'une maladie imaginaire au profit de la

- thérapeutique.

M. le D1' GALE (G.) (de Binasio). - Une malade atteinte d'hys-

térie croyait que sa mutité intermittente était le résultat de la pré-

sence d'un serpent à l'intérieur de son corps. Le médecin entra

dans ses vues; il la plongea dans le sommeil hypnotique et lui dit

ensuite que le serpent était retiré. Pour convaincre la malade de

l'exactitude de ce fait, on lui mit dans la main un tube de caout-

chouc. Elle guérit; mais quelques jours après elle revint en disant t

qu'on avait oublié de retirer la femelle du serpent. Cette dernière

fut également retirée pendant le sommeil hypnotique delafemme

et elle fut complètemelltguérie.

Note sur l'évolution et la pathogénie du délire de persécution ;

par Tory et 1 ? TV (de Lyon).

Résumé. Le délire chonique est une rareté clinique, en ce sens que

les diverses phases de cette maladie ne s'excluent pas l'une l'autre,

et ne se suivent pas dans un ordre invariable. La mégalomanie n'est

pas une phase obligée du délire de persécution ; d'après nos obser-

vations elle manque dans un tiers des cas. Certains délires de per-

sécution paraissent s'arrêter, s'améliorer et même guérir. La

maladie se manifeste de préférence à l'âge adulte de trente-cinq à

quarante-cinq ans.

L'hérédité psychopathique domine en haut la pathogénie du

délire de persécution ; nous la relevons dans plus d'un quart des

cas, toujours très lourde. L'alcoolisme est également fréquent chez

528 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les ascendants. L'étude du délire des persécutions chez les vieillards

permet d'éclairer de quelques lueurs la genèse de ce délire. Enfin

quelques observations, rares il est vrai, montrent manifestement

l'action déterminante de certaines maladies (tuberculose, cardiopa-

thies, myélopathies, etc.), dans lesquelles le délire de persécution

revêt l'allure d'un symqtôme cérébral.

Râle du spasme et de la contracture dans les affections des organes

digestifs. Description, diagnostic, traitement.

M. Jules Geoffroy (de Paris). - Dans les travaux, d'ailleurs très

remarquables, qui ont été publiés au cours de ces dernières années,

on a absolument laissé de côté l'étude du rôle que joue le tissu

musculaire dans les états physiologiques et pathologiques de l'appa-

reil digestif; ou, du moins, on ne s'en est occupé que pour réduire

sa pathologie à l'atonie. Il faut cependant réfléchir que, quand un

muscle est frappé d'atonie, c'est, ou bien que le système nerveux

qui l'anime est lui-même atteint, ou que le muscle a été soumis à

un travail excessif ou trop prolongé : l'atonie est une conséquence

dont il n'est pas oiseux de rechercher la cause.

Si les fonctions physiologiques dévolues à l'estomac et à l'intestin

ne peuvent aucunement s'accomplir sans l'intervention directe et

constante de leur tunique musculeuse, par contre il faut bien recon-

naître que toutes les affections de ces organes retentissent sur elle

par la voie du système nerveux, en produisant d'abord le spasme

et la contracture, plus tard, mais plus tard seulement, l'atonie et

la dégénérescence. Spasme et contracture ne sont que la réaction

des fibres musculaires lisses de l'appareil digestif en présence de

l'état pathologique de la muqueuse et de ses sécrétions, ou des

tiraillements que l'organe peut subir dans ses déplacements (ptoses).

Je vais plus loin ; considérant la richesse nerveuse du tube digestif

avec son double plexus, je pense que, sous la seule influence du

système nerveux, il peut se produire une susceptibilité, une irrita-

bilité de la fibre musculaire lisse (états moraux, fatigues, surine e

nage, névropathie, hystérie) capable d'engendrer à elle seule le

spasme et la contracture et les phénomènes pathologiques qui en

sont la conséquence.

Quand le tube digestif est affecté de spasme et de contracture,

que l'affection soit primitive ou secondaire, la circulation intérieure

et l'élaboration des matériaux de la digestion se trouvent arrêtées,

de même que leur absorption et l'élimination de leurs résidus ; la

circulation sanguine rencontre elle-même des difficultés qui, ajou-

tées à l'irritation des plexus nerveux gastro-intestinaux, exercent

une influence fâcheuse sur l'état général de la constitution. Il se

crée ainsi des états morbides qui varient suivant la localisation des

phénomènes de spasme et de contracture.

ASILES D'ALIÉNÉS.

Nouvelle réglementation DE la CLINIQUE DES maladies mentales

A l'Asile CLINIQUE : situation DU chef DE CLINIQUE

A la séance du '1 CI' juin de la Commission de surveillance

des asiles de la Seine, M. le directeur des affaires départe-

mentales a donné lecture de l'arrêté ministériel ci-après, en

date du 13 avril dernier :

Le Ministre de l'Intérieur, sur la proposition du conseiller

d'Etat, directeur de l'Assistance et de l'hygiène publiques; vu la

loi du 30 juin 1838 sur les aliénés et l'ordonnance du 18 décem-

bre 1839 qui règle le mode d'administration des asiles publics et

privés consacrés aux aliénés ; vu le décret du 4 février 1875 relatif

au cadre des directeurs et des médecins des asiles publics; vu

l'arrêté du 8 octobre 1879 établissant à l'asile Sainte-Anne la cli-

nique des maladies mentales ; Arrête : .

Article premier. Le professeur titulaire de la chaire de la

clinique des maladies mentales à l'Asile clinique (Sainte-Anne)

remplira les fonctions médicales et administratives de médecin en

chef. z

ART. 2. - Il sera tenu à l'accomplissement des obligations

imposées par les articles 8, 11, 12, 14, 18, 20 et 41 de la loi de

1838 et par les articles 5, 8 et 9 de l'ordonnance du 18 décem-

bre 1839.

ART. 3. - Une indemnité égale à celle allouée au médecin du

quartier des aliénés de la Salpêtrière sera accordée au professeur

de la clinique comme médecin en chef d'un service public

d'aliénés. '

ART. 4. - En cas d'absence ou d'empêchement du professeur,

le chef de clinique remplira les obligations imposées au médecin

en chef du service ;il recevra une indemnité annuelle de mille deux

cents francs (1.200 francs). Dans le cas d'absence simultanée du

professeur et du chef de clinique, le chef de clinique adjomt rem-

plira par intérim les fondions dévolues au médecin en chef.

ART. 5. - Le .conseiller d'Etat, directeur de l'Assistance et de

l'hygiène publiques et le préfet de la Seine sont chargés, chacun

en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté qui abroge

l'arrêté ministériel du 8 octobre 1879.

Archives, 2e série, t. IV. 34

530 asiles d'aliénés.

A l'occasion de la lecture du procès-verbal de la séance du

'ler juin, faite le 11 juin, nous avons fait les remarques sui-

vantes :

' M. le Dr Bourneville. - Au procès-verbal de la dernière

séance figure la communication, par l'Administration, à la Commis-

sion d'un arrêté de M. le Ministre de l'Intérieur, en date du

13 avril 1897, réglementant à nouveau le service de la clinique des

maladies mentales à l'Asile clinique. Vous vous rappelez qu'aux

termes de l'arrêté du 8 octobre 1879, qui réglait antérieurement

la question, M. le professeur Bail, titulaire de la chaire des mala-

dies mentales, remplissait nominalement les fonctions dé médecin

en chef du service de la clinique. Mais il était, au point de vue

administratif, assisté d'un médecin adjoint responsable; et, ce qui

à notre avis n'aurait pas dû être toléré, ces fonctions de médecin-

adjoint faisant fonction de médecin en chef, étaient dévolues au

chef de clinique, qui se trouvait par là bénéficier de la situation

et des avantages de médecin adjoint sans avoir eu à subir les

épreuves du concours de l'adjuvat.

Or, les personnes attachées à la profession n'ignorent pas que si

le concours pour l'adjuvat est liés sérieux, il n'en est pas de même

du concours du clinicat,pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'expo-

ser ici. Aujourd'hui, aux fermes du nouvel arrêté pris par M. le

Ministre de l'Intérieur, le professeur titulaire de la clinique des

maladies mentales à l'Agile clinique remplira les fonctions médi-

cales et administratives de médecin en chef; et ce n'est qu'en cas

d'absence ou d'empêchement du professeur que le chef de clinique

satisfera aux obligations imposées au médecin-chef de service.

11 semble résulter de cette nouvelle situation que le chef de cli-

nique n'étant plus considéré comme remplissant les fonctions de

médecin adjoint et encore moins de médecin en chef, devra, à

l'avenir, s'il veut suivre la carrière des asiles, prendre part au

concours de l'adjuvat des asiles. Cette conséquence est-elle bien

exacte ?

M. LE Roux répond affirmativement. En ce qui le concerne, il

s'est demandé si la suppléance du médecin en chef qui incombe

au chef de clinique aux fermées du récent arrêté n'était pas de

nature à lui constituer des droits spéciaux; mais si l'opinion ferme

de la Commission était d'obliger à l'avenir le chef de clinique qui

voudrait faire sa carrière dans nos asiles à passer le concours de

l'adjuvat, je lui proposerais de vouloir bien émettre en ce sens un

avis qui serait transmis à M. le Ministre de l'Intérieur.

M. ASTIER se range à cette proposition et tient à ce que ce point,

qui n'est pas spécialement visé par le nouvel arrêté, &oit bien

clairement établi.

La Commission adopte la proposition de Ai., Bourneville.

asiles d'aliénés. 531

RÔLE DU médecin adjoint dans LES ASILES.

La situation des médecins adjoints dans les asiles a été,

dans ces derniers temps, l'objet de vives critiques : des mé-

decins en chef se plaignent de ne pas obtenir assez de leurs

médecins-adjoints; des médecins-adjoints se plaignent de ne

pas être suffisamment utilisés par leurs médecins en chef.

Suivant nous, les médecins adjoints devraient être des auxi-

liaires actifs des chefs de service, de véritables collaborateurs

des chefs de clinique. Les fonctions que le règlement de 1814

attribuait à l'inspecteur du service de santé à Charenton

devraient être les leurs. Voici en quoi elles consistaient :

« L'inspecteur du service de santé, qui est sous l'autorité immé-

diate du médecin en chef, reçoit ses instructions, lui rend compte

jour par jour de ce qu'il observe, l'informe de tout ce qui est rela-

tif au service médical ; il l'aide dans ses recherches, observe les

changements qui ont lieu dans la marche du délire de chaque

aliéné, tient note des maladies accidentelles qui se manifestent et

viennent compliquer les affections cérébrales, afin d'en informer le

médecin lors de sa visite. Il s'assure de l'exacte administration des

médicaments et des autres prescriptions; il accompagne les méde-

cins dans leurs visites; il est présent toutes les fois que la douche

est administrée ou que des moyens de répression sont mis en usage;

il ordonne, dans l'intervalle d'une visite à l'autre, lorsque cela est

nécessaire, mais il doit en rendre compte à la visite du lendemain.

Il fait pendant la journée plusieurs visites dans les différents quar-

tiers, particulièrement auprès des aliénés qui sont actuellement en

traitement. t.

« L'inspecteur du service de santé a la surveillance directe des

élèves ; il les dirige dans leurs fonctions, dans la rédaction des

observations dont ils sont chargés, dans celle des ouvertures des

cadavres qu'il fait ou fait faire en sa présence lorsque le médecin

est absent ; il inspecte la tenue des cahiers de visite, du registre

médical et des feuilles de régime. »

Ce sont, d'après M. le Dl' Ritti, dans son très bel Eloge de

CaK7,Ies fonctions qu'a remplies l'illustre médecin de Cha-

renton, depuis le 16 juin '1827 jusqu'au 27 mars 1841. Il nous

semble qu'en donnant une tâche analogue aux médecins

adjoints ils auraient un champ suffisamment vaste pour

produire d'excellents travaux. Leur jeunesse, leur bonne

532 asiles d'aliénés.

volonté, leur intelligence seraient utilisées au bénéfice des

malades, des ehefs de service, des asiles et à leur propre

avantage'. BOURNEVILLE.

Contribution A la question DES gardiens; par H, HOUPPE. (Cel1tl'albl.

1 ' f. Ne1'venheik, XVIII, N. F., vi, 1895.)

Longue et très intéressante étude, nourrie d'arguments, de

laquelle il découle que, pour améliorer le personnel infirmier, et

relever la profession, il faut : 1° augmenter les appointements

(amélioration de la situation matérielle et sociale); 2° organi-

ser des écoles d'infirmiers (absolument indispensables); 3° sur-

veiller minutieusement le personnel des infirmiers. Cette surveil-

lance doit moins s'effectuer par les médecins que par les

surveillants en chef ou plutôt par un agent intermédiaire à qui i

incombera cette mission. P. KERAVAL.

NOTE SUR LE rôle DES femmes comme infirmières dans LES salles

d'hommes des infirmeries d'asile, par A.-R. TUR-,BULL. (The Jour-

nal of Mental Science, octobre 1896.)

Les points sur lesquels l'auteur tient à insister sont les suivants :

1° l'avantage que l'on trouve à disposer la salle d'hommes de l'in-

firmerie de telle manière qu'elle puisse être commodément et

utilement desservie par le personnel féminin; 2° la démonstra-

tion de la possibilité de diriger avec succès la salle des hommes

dans l'infirmerie d'un asile sans autre assistance que celle du per-

sonnel féminin, ainsi que cela se passe d'ailleurs dans les salles

d'hommes des hôpitaux civils ordinaires; - 3° enfin les avantages

réels qui résultent, aussi bien pour les malades que pour le per-

sonnel lui-même, de l'utilisation aussi large que possible des soins

féminins dans le traitement de nos aliénés malades du sexe

masculin. Il. DE jIUSGRA'E-CL.1Y.

Remarques sur LE personnel d'infirmiers des asiles, par P.-W. MAC

DONALD. (The Journal of lIlental Science, juillet 1896.)

L'auteur s'est attaché dans cette étude à préciser quelques-unes

des améliorations dont on pourrait faire bénéficier le personnel

des asiles, et à rechercher quelques-unes des mesures à l'aide

desquelles on pourrait essayer de prolonger les services et le séjour

ordinairement trop court, des infirmiers et des infirmières.

R. M. C.

' Calmeil fut nommé médecin en chef à cinquante ans, et depuis

longtemps ses titres scientifiques étaient nombreux et de qualité !

asiles d'aliénés. jazz

L'assistance des aliénés EN PRUSSE, A la lumière DU procès IELL1GE

par H. IURELL : 1. (Centralbl. f. Nervenheilh., XVIII, N. F., vi, 1895.)

Toutes les commissions, toutes les mesures de surveillance pro-

mises par le Ministre pour assurer l'inspection des établissements

laissés à la direction des religieux (llariaberr) ne signifient rien.

Ce qu'il faudrait, c'est organiser l'assistance des aliénés avec la

collaboration des spécialistes, des aliénistes seuls compétents. Il

faut aussi préparer, former des infirmiers et organiser leurs ser-

vices dans des conditions pécuniaires sortables, sans les surmener.

P. K.

PROPORTION des médecins ET DU PERSONNEL secondaire par rapport

au NO1ll11E DES malades dans l'asile d'aliénés DE Préobragenskoie,

près Moscou.

D'une relation faite à cet asile, lors du dernier Congrès inter-

national de médecine, par le Dr E. Shuttleworth, et publiée dans

The Aeylum News du 15 septembre, nous tirons les renseignements

suivants : .

L'asile doit contenir 400 malades; il y en a actuellement 360.

Le corps médical se compose d'un médecin en chef, de quatre

assistants résidents, de quatre assistants externes et d'un patholo-

giste. Les surveillants et infirmiers sont au nombre de 100 (62

hommes et 38 femmes).

A propos de L'Open door; par le Dr CHRISTIAN.

Réponse à un article de M. Marandon de Montyel paru dans les

Annales médico-psychologiques (l'Open door et le Congrès de Nancy,

décembre 1896). M. Christian ne partage, à propos de l'Open door,

ni les craintes ni l'enthousiasme de M. Marandon de Montyel.

Dans l'Open door, il voit si peu de choses nouvelles que ce n'est pas

la peine de s'y arrêter; ce qui s'y trouve de bon est vieux et connu;

ce qui s'y trouve de nouveau et d'inédit est fort contestable, sinon

même impraticable.

L'auteur réfute l'assertion faite par M. Marandon que « nos

asiles sont des fabriques d'incurables ». Pour soutenir cette thèse, il

faudrait considérer comme démontré : 1° qu'en arrivant dans nos

asiles, les aliénés sont curables; îl° que s'ils ne guérissent pas,

c'est d'abord la faute de l'asile, mal construit et mal agencé, et

ensuite celle des médecins négligents ou ignorants. La première de

ces propositions serait assez difficile à établir en présence de ce

fait indéniable que, sur 100 aliénés qui entrent à l'asile, 80 au

moins sont déjà tombés dans un état de complète incurabilité. Ce

n'est pas à dire que tout soit pour le mieux dans le meilleur des

534' asiles d'aliénés.

mondes; nos asiles ne sont pas parfaits, mais ils ne méritent pas

l'anathème que leur jette M. Marandon et supportent la comparai-

son avec ceux de l'étranger. (Annales médico-psychologiques, février

1897.) E. 13LIN.

CONTRIBUTION A l'article 8 DE la LOI DU 30 JUIN 1838 ;

par le D1' II. Bonnet.

Malgré les meilleures intentions et la plus scrupuleuse sagesse

- apportée dans le travail de la loi, on doit fatalement compter sur

des imprévus que l'expérience seule fait découvrir. C'est ce qui est

arrivé pour le cas rapporté par l'auteur et sur lequel on ne saurait

trop appeler l'attention des nouveaux législateurs.

Un sieur X..., atteint de manie chronique, est placé par sa

femme à l'établissement d'aliénés de Châlons-sur-Marne; toutes les

pièces exigées par la loi sont fournies et le placement a lieu à la

3e classe de pension, le malade ayant une certaine fortune. Au bout

d'un certain temps, la femme refusa de payer et l'administration

de l'enregistrement fut obligée de poursuivre. Mais la femme du

malade constitua avoué et donna citation à l'asile devant le tribunal

de ire instance de Châlons-sur-Marne, à cette fin de cesser les

poursuites, et les conclusions de l'avoué étaient que la femme,

étant sous puissance de mari, n'avait pas eu et n'avait pas, d'après

le Code civil, le droit d'agir par elle-même ; donc, elle ne devait pas

placer son mari et, en tout cas, disposer de fonds auxquels elle

n'avait pas le droit de toucher.

Or, le tribunal de Châlons-sur-Marne rendit un jugementau profit

de la partie adverse et donna tort à l'asile. Si la jurisprudence du

tribunal de Chàlons-sur-Marne passait malheureusement en cou-

tume, on peut penser à quels embarras continuels on aurait affaire.

(Annales médico-psychologiques, avril 1897.) E. B.

Du Patronage familial DES aliénés A Lierneux en 1897 ; par le

DDEPERON. - (Bull, delcSoc. de naél. ment. deBelgique, juin 189 î .).

Fondée en 1884, la colonie de Lierneux compte actuellement, dit

le De Deperon, 419 aliénés. La commune de Lierneux est située

au sud de la province de Liège ; elle comprend un territoire de

6,325 hectares occupés par une population d'environ2,S00 habitants.

Cette vaste superficie, l'absence de cours d'eau navigable, l'éloigne-

ment des grands centres établissent la possibilité de recevoir actuel-

lement plus de 1,000 aliénés, tout en leur procurant les conditions

satisfaisantes d'isolement et de tranquillité ; ce chiffre pourra s'éle-

ver à 2,000, à mesure que des constructions nouvelles viendront

augmenter les ressources du pays.

A leur arrivée à Lierneux, ils sont reçus à l'infirmerie de la colo-

nie, ils y sont soumis pendant cinq jours, ou plus au besoin, aux

asiles d'aliénés. 53S

observations des médecins; ceux qui, déjà confiés aux soins du

nourricier, exigent un traitement spécial ou une surveillance

momentanée plus sévère, y sont ramenés. ,

Les malades, après la période d'observation, sont placés dans les

familles; ils en partagent la vie, les plaisirs et les travaux. Au

point de vue de la surveillance, le territoire de la commune est

divisé en quatre sections de plusieurs hameaux chacune.

A la tête de chaque section se trouve un infirmier-garde qui s'en

va de maison en maison, partout ou il y a des aliénés, à l'effet de

s'assurer que les engagements du nourricier envers le pension-

naire sont bien remplis. Un chef-garde contrôle le service des

gardes et est à son tour contrôlé par le directeur et les médecins

de la colonie. , '

Le médecin-directeur ou un adjoint visite, au moins une fois par

semaine, et plus souvent si l'état de l'aliéné l'exige, les curables,

et une fois par mois les incurables. Indépendamment de ce con-

trôle et de l'action médicale, il ex;ste une surveillance exercée

mensuellement par deux délégués d'un comité permanent. L'orga-

nisation de la colonie de Lierneux est identique à celle plus ancienne

de Ghul, sauf en ce qui concerne les dispositions suivantes :

Le comité de placement des malades de Lierneux est composé

exclusivement des médecins de la colonie ; ceux-ci ne peuvent

naturellement solliciter aucune fonction élective ni 'se livrer à la

pratique médicale privée. Le secrétaire de ladite colonie, qui

primitivement veillait particulièrement à la bonne tenue du loge-

ment chez les nourriciers, et actuellement chargé de s'occuper

uniquement des écritures administratives'.

Le personnel de surveillance qui, dans les premières années du

fonctionnement de l'institution, avait, en vue de donner l'exemple,

la garde de un ou de deux pensionnaires, ne peut plus, par suite

d'une décision récente, remplir les fonctions de nourricier.

Les formes morbides que l'on rencontre le plus fréquemment à

Lierneux sont, par ordre de décroissance : l'idiotie et l'imbécillité,

la manie, l'alcoolisme, la mélancolie et la folie systématisée, la

paralysie générale et la démence.

Les sorties par guérison se chiffrent de 1886 au 1er janvier 1897

à 113, soit à peu près 10 p. 100. Le chiffre des décès subit d'année

en'année une décroissance constante; il a été de 28, soit environ

6 p. 100 en 1896. Le nombre des évasions non suivies de reprise

immédiate a été de 8.

La plupart des malades sont occupés soit aux travaux agri-

coles (98), soit aux soins du ménage et à la garde d'enfants (102) ;

un certain nombre se livrent à des travaux de couture, decordon-

' Et cela avec juste raison : les malades et tout ce qui les concerne

aux médecins. . (B.) -)

536 bibliographie. ·

nerie, de menuiserie, etc. Le nombre des nourriciers inscrits à ce

jour est de 390 ; celui des chambres affectées aux logements des

aliénés de 530. G. DENr.

L'asile PROJETÉ pour LE district fédéral DE Mexico. (Rapport de

la commission spéciale, sous la présidence du Dr V. Morales,

Mexico, 1896.)

- Ce rapport accompagné de plans prévoit un total de 632 malades

(hommes et femmes). Pensionnats pour 152 pensionnaires de deux

classes (24 de première et 128 de seconde), répartis en 6 pavillons

avec chambres séparées.

Les 480 malades de la dernière classe sont répartis en 14 quartiers,

dont 2 de cellules (hommes et femmes) ce qui fait des sections de

35 malades au maximum. Reste à savoir comment ces services

seront répartis au point de vue médical et entre combien de méde-

cins. Des bibliothèques, ateliers, laboratoires, services photogra-

phiques, électriques, etc., sont largement prévus.

A. Marie.

BIBLIOGRAPHIE.

VIII. Examen oculaire et visuel de trois cent soixante-deux jeunes

détenus de la colonie pénitentiaire d'Aniane (oeil criminel); par le

Dr GIUDIBEIIT. (Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 1.)

Ces recherches établissent que l'organe de la vision des jeunes

criminels ne présente ni des anomalies, ni des tares plus considé-

rables ou plus fréquentes que chez les sujets ordinaires et que les

troubles observés sont insuffisamment caractéristiques pour consti-

tuer de nouveaux stigmates de la criminalité. Ducamp.

IX. Etude des rapports' de la myopathie primitive progressive avec la

dégénérescence ; par le D1' Joseph Fabue. (Thèse de Montpellier,

1896-1897, n° 5.) ,

Avec Eb, Lépine, Brissand, etc., l'auteur pense que les alté-

rations musculaires des myopathies dites primitives sont sous la

dépendance d'une lésion des centres nerveux, et, ayant observé un

certain nombre de myopalhiques possédant des stigmates psychiques

ou physiques de dégénérescence, il établit qu'un grand nombre de

myopalhiques appartiennent au groupe des dégénérés. D.

bibliographie. 537

X. Etude sur les hallucinations dans' la paralysie générale progressive ;

par le Dr P>;Yn>;. (Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 6.)

Presque tous les paralytiques généraux qui ont des idées déli-

rantes ont en même temps des hallucinations. Ces hallucinations

sont quolquefois élémentaires; il ne s'en produit parfois qu'une

seule dans le cours d'un épisode délirant, et à cause de l'état

mental parliculier du malade, en raison aussi des difficultés de

l'observation, elles passent facilement inaperçues.

Les troubles de perception de la paralysie générale ont les carac-

tères du délire dans cette même affection; ils sont multiples,

mobiles, absurdes, contradictoires; les paralytiques généraux ont

des hallucinations, mais ne sont pas des'hallucinés. Les deux pre-

mières périodes de la paralysie générale et les formes mélancoliques

sont les plus riches en hallucinations. Les troubles sensoriels forment

la base des idées délirantes des paralytiques généraux et reten-

tissent aussi, mais plus faiblement, sur les actes des malades.

DUCAMP.

XI. Du traitement de la névralgie sciatique par les applications d'acide

chlorhydrique ; par le Dr GENN.1TAS. (Thèse de Montpellier, 1896-

1897, n° 17.) -

La guérison est le plus souvent obtenue après trois ou quatre

applications de trois à quatre couches d'acide chlorhydrique pur

appliqué eu badigeonnage sur la peau suivant le trajet du grand

nerf sciatique. Un intervalle de un à deux jours doit, dans tous les

cas, séparer deux applications. La guérison est durable. D.

XII. Hystérie izztra-ilzfectieuse; par le Dr MocQuoT. (Thèse de Mont-

pellier, 1896-1897, n° 39.)

Comme résumé de son travail, l'auteur formule les conclusions

suivantes : 0 : 1° L'hystérie, quand elle apparaît en pleine période

aiguë des infections, reconnaît ces dernières comme causes déter-

minantes. Il suffit que le sujet y soit prédisposé par une tare héré-

ditaire ; 2° l'hystérie ainsi développée affecte plus spécialement la

forme convulsive; les manifestations parétiques étant plus souvent

observées dans les névroses post-infectieuses; 3° hystérie et infection

marchent de pair, peuvent s'influencer l'une, l'autre, au point que

le diagnostic présente parfois des difficultés presque insolubles;

4° le traitement qui combat l'infection, atténue et modère les

manifestations hystériques. » DurAMP.

' X111. Contribution ci l'élude de la paralysie générale alcoolique; par le

De Iilnorr. (Thèse de \Iontpellier, 1896-1897, if"' 40.)

L'alcool peut produire à lui seul la méningo-encéphalite diffuse

538 , bibliographie.

qui se présente alors avec un tableau clinique spécial. Le nombre

des cas de paralysie générale a subi dans ces trente dernières

années une augmentation parallèle au nombre de cas d'alcoolisme;

les hommes sont les plus frappés, mais dans la classe ouvrière les

femmes sont cependant atteinles dans une assez forte proportion.

Ducamp.

XIV. De la question de l'étiologie du crime et de la dégénérescence,

- précédée d'un aperçu sur les principales théories de la criminalité;

par le Dr Rakowsky. (Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 75.)

De son étude, M. Rakowsky tire les conclusions générales sui-

vantes : « 1° Nous considérons que le crime est un rapport social,

d'une nature particulière, consistant dans le fait qu'il est dirigé

contre les lois et les règles établies; 2° nous rejetons complètement

la genèse anatomique et biologique du crime; 3° nous pensons,

avec- tous les auteurs modernes, que la dégénérescence est une

maladie spécifique ayant, entre autres caractères, celui d'équilibre

instable, et n'est pas une dégénération sélective, comme certains

la considèrent; 4° nous considérons que les mêmes causes qui

créent la dégénération peuvent créer aussi la dégénérescence; 5°

nous attribuons une importance considérable au facteur écono- '

mique, qui, agissant sur l'individu physique, créé les maladies, sur

l'individu moral; le crime, agissant sur les deux, crée la dégéné-

rescence. » D.

XV. Chorée et infection (essai de pathogénie) ; par le Dr ESSAYAN.

(Thèse de Montpellier, 1896-1897, n° 30.)

L'auteur pense que la chorée est un syndrome clinique qui

reconnaît pour origine une maladie infectieuse quelconque, et que

la localisation sur le système nerveux de ces agents infectieux

divers ou de leurs toxines est favorisée par la prédisposition ner-

veuse héréditaire ou personnelle, par l'anémie, le mauvais état

général, par l'âge, le sexe et par toutes les causes qui mettent le

système nerveux en état de moindre résistance. DUCAUP.

VARIA.

Traitement MÉDICO-PÉD.1GOGIQUE DES enfants arriérés dans DES

classes spéciales annexées aux ÉCOLES primaires.

Analysant le dix-septième Compte rendu de notre service de

Bicêtre, l'un des neurologistes les plus distingués de la Suisse, le

Dr P. Ladame, dit : « A la suite de ce compte rendu, M. Bourne-

ville a eu l'heureuse idée de publier divers documents (lettre au

Conseil général, rapport il la Commission de surveillance, lettre à

M. Carriot, etc.) relatifs à la création de classes spéciales annexées

aux écoles primaires pour les enfants arriérés. On sait que cette

question est actuellement à l'ordre du jour un peu partout, et

spécialement qu'elle est à l'étude chez nous, à Genève et dans plu-

sieurs cantons suisses. Les renseignements fournis par les publica-

tions du Dr Bourneville arrivent ainsi au moment opportun » »

Notre pays aurait pu être, sinon le premier, au moins l'un des

premiers à accomplir cette réforme d'assistance et d'éducation.

Malgré nos efforts pour en faire ressortir les mnltiples avantages,

rien n'a encore été tenté. En indiquant ce qui se fait à l'étranger,

chaque fois que l'occasion s'en présente, peut-être arriverons-nous

à fixer l'attention de ceux qui sont en position de passer de la

théorie à la pratique. B.

LES aliénés EN LIBERTÉ.

Sous ce titre Un fou, la Justice du 13 octobre 1897, raconte le

fait suivant :

« Un crime commis rue de l'Hôtel-de-Ville, 26, a mis en émoi les

habitants du quartier. M. Duchesne, âgé de quarante-deux ans,

sommelier, après une longue discussion avec sa femme, aurait

précipité celle-ci par la fenêtre du troisième étage. La malbeu-

reuse, enceinte de trois mois, a été relevée et transportée d'abord

dans une pharmacie de la rue du Pont Louis-Philippe, où les pre-

miers soins lui furent données, et de là, à l'Hôtel-Dieu. Son état

est désespéré.

« Duchesne a été arrêté. Il prétend que sa femme s'est jetée par la

fenêtre de son propre mouvement. Deux fois déjà, il a été interné

' Revue méd. de la Suisse romande, n° 9, p. 620.

540 / varia.

à l'Asile clinique (Sainle-Anne)-pour accès de folie. Les époux

Duchesne avaient un garçon âgé de sept ans, qui a été amené avec

son père au commissariat. Les mesures nécessaires ont été prises

à l'égard de ce malheureux enfant. » '

Ce fait montre combien est difficile le rôle des médecins des

asiles et explique pourquoi, en maintes circonstances, ils hésitent

à signer la sortie des malades. La liberté du malade a coûté ou va

couler probablement la vie de deux êtres humains.

GUÉRISON d'un TIC par UN traitement physique ET l'émotion qui s'en

suivit.

Le fait dont il s'agit est raconté par Bonaventure des Périers

sous ce titre : Du gentilhomme qui criailla nuit après des oiseaux et

du chartier qui fouettait ses chevaux.

« Il y a une manière de gens qui ont des humeurs colériques ou

mélancoliques, ou flegmatiques. Il faut bien que ce soit l'une de ces

trois, car l'humeur sanguine est toujours bonne, ce dit-on, dont

la fumée monte au cerveau, qui les rend fantastiques, lunatiques,

erradiques, fanatiques, schismatiques, et toutes les attaques qu'on

saurait dire, auxquelles on ne trouve remède, pour purgation qu'on

leur puisse donner. 0

" Pource ayant désir de secourir ces pauvres gens et de faire plai-

sir à leurs femmes, parents, amis, bienfaiteurs et tous ceux et

celles qu'il appartient, j'enseignerai ici, par un bref exemple ad-

venu, comme ils feront quand ils auront quelqu'un aussi mal traité,

principalement de rêveries nocturnes, car c'est un grand inconvé-

nient de ne reposer ni jour ni nuit. 11 y avait un gentilhomme au

pays de Provence, homme de'bon âge, et assez riche, et de récréa-

tion. Entre autres, il aimait fort la chasse et y prenait si grand

plaisir le jour, que la nuit il se levait en dormant : il se prenait à

crier ni plus ni moins que le jour, dont il était fort déplaisant et

ses amis aussi, car il ne laissait reposer personne qui fût en la mai-

son où il couchait et réveillait souvent ses voisins, tant il criait

haut et longtemps après ses oiseaux.

z Autrement, il était de bonne sorte et élait fort connu, tant à

cause de sa gentillesse que pour cette imperfection fâcheuse, pour

laquelle an l'appelait l'Oiseleur. Un jour, en suivant ses oiseaux, il

se trouva en un lieu écarté, où la nuit le surprit, qu'il ne savait

où se retirer, fors qu'il tourna et vira lant par les bois et montagnes,

qu'il vint arriver tout tard en une maison étant sur le grand che-

min toute seule, là où l'hôte logeait quelquefois les gens de pied

qui étaient en la nuit, pource qu'il n'y avait point d'autre logis qui

fût près. Et quand il arriva, l'hôte était couché, lequel il fit lever,

le priant de lui donner le couvert pour cette nuit, pource qu'il fai-

varia. 541

sait froid et mauvais temps. L'hôte le laisse entrer et met son

cheval à l'étable des vaches, en lui montrant un lit au sol, car il

n'y avait point de chambre haute. Or, il y avait là dedans un char-

retier voiturier qui venait de la foire de Pézénas, lequel était cou-

ché en un lit tout auprès; lequel s'éveilla à la venue du gentil-

homme dont il lui fâcha fort,' car il était las et n'y avait guère

qu'il commençait à dormir. Et puis, telles gens de leur nature ne

sont gracieux que bien à point. Au réveil ainsi soudain, il dit à ce

gentilhomme : « Qui diable vous amène si tard ? » Ce gentilhomme,

étant seul et en un lieu inconnu, parlait le plus doucement qu'il

pouvait :

« Mon ami, dit-il, je me suis ici traîné en suivant un de mes

oiseaux; endurez que je demeure ici à couvert, attendant qu'il

soit jour. » Ce charretier s'éveilla un peu mieux, et regardant ce

gentilhomme vint à le reconnaître; car il l'avait assez vu de fois à

Aix en Provence et avait assez souvent ouï dire quel coucheur c'était.

Le gentilhomme ne le connaissait point; mais en se déshabillant,

lui dit : « Mon ami, je vous prie, ne vous fâchez point de moi pour

une nuit; j'ai une coutume de crier la nuit après mes oiseaux ; car

j'aime la chasse, et m'est avis toute la nuit que je suis après. -

Ilo, ho ! dit le charretier en jurant. Par le corps bleu 1 il m'en

prend ainsi comme à vous, car toute la nuit il me semble que je

suis à toucher mes chevaux et ne m'en puis garder. - Bien, dit le

gentilhomme; une nuit est bien vite passée; nous nous supporterons

l'un l'autre. » Il se couche; mais il ne fut guère avant en son

premier somme, qu'il ne se levât de plein saut et commença à

crier par la place : Volà, volà, volà. Et à ce cri, mon charretier

s'éveille, qui vous prend son fouet, qu'il avait auprès de lui, et le

vous mène à tort et à travers, à l'endroit où il sentait mon gentil-

homme, en disant : a Dia, dia, houois, hau, dia. » Il vous sangle

le pauvre gentilhomme. Il ne faut pas demander comment; lequel

se réveilla de belle heure aux coups de fouet et changea bien de

langage ; car au lieu de crier : volà, il commença à crier à l'aide et

au meurtre; mais le charretier fouettait toujours, jusqu'à tant que

le pauvre gentilhomme fût contraint se jeter sous la table sans plus

dire mot, en attendant que le charretier eût passé sa fureur :

lequel, quand il vit que le gentilhomme s'était sauvé, se remit au

lit, et lit semblant de ronfler. L'hôte se lève, qui allume du feu et

trouve ce gentilhomme musse sous le banc, et était si petit, qu'on

l'eût bien mis dans une bourse d'un double, et avait les jambes

toutes frangées et toute sa personne blessée de coups de fouet,

lesquels certainement firent grand miracle ; car oncques puis ne lui

advint de crier en dormant, dont s'ébahirent depuis ceux qui le

connaissaient, mais il leur conta ce qu'il lui était advenu. Jamais

homme ne fut plus tenu à un autre, que le gentilhomme au char-

retier, de l'avoir ainsi guéri d'un tel mal comme celui-là... »

542 ' varia. -

Nous croyons pouvoir rapprocher de ce cas, celui d'un de

nos malades, Villac..., dont l'un de nos élèves, M. Julien

Noir, a publié l'observation, que nous lui avons communiquée,

dans sa thèse 1 : rictus spasmodique constant à treize mois,

strabisme de l'oeil gauche à troisans, contorsions de la face. La

manie de gifler remonte à l'âge de neuf ans. A cette époque,

il brisait tout chez lui : assiettes, vitres, etc. On le corrigeait

en le souffletant. Il pleurait, demandait pardon... et recom-

mençait. Un jour, il souffleta son père, sa mère, ses frères.

Et, depuis, il ne cessa de souffleter tous ceux qui l'appro-

chaient. Placé à onze ans à la colonie de l'asile de Vaucluse,

il gifla tout le personnel. On s'en débarrassa en l'envoyant

à Bicêtre (dix-sept ans et neuf mois). Dès le premier jour, il

souffleta les deux surveillantes de service, un de ses cama-

rades, l'infirmier qui surveillait sa classe, le maître menui-

sier, l'infirmier des bains, etc. Durant son séjour dans le ser-

vice (avril 1886-22 juin 1891), sous l'influence de la gymnas-

tique et de l'hydrothérapie, la manie de gifler diminua, ne

fut plus constante, se présenta par périodes. Le 22 juin 1892,

Villac... passa dans l'une des sections d'adultes. Pendant le

premier mois, il continua à donner des gifles. Un jour, un

malade de sa section, qu'il avait giflé, lui administra une

correction telle qu'il fut six mois sans gifler personne. La

guérison n'était pas complète. Il recommença, mais momen-

tanément, car une nouvelle correction fit disparaître com-

plètement, paraît-il, sa manie de gifler. Bourneville.

Comité DE DÉFENSE DES enfants traduits EN JUSTICE DE MARSEILLE.

Samedi 6 mars, à 9 heures et demie, a eu lieu, au palais de jus-

tice, dans la grande chambre du Conseil, la réunion du Comité de

défense des enfants traduits en justice, sous la présidence de

M. Henri Joly, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Dijon.

M. le président de Rossi souhaite la bienvenue à M. Joly. Il fait

l'éloge du philosophe distingué qui a consacré les loisirs de sa

retraite à l'étude des questions pénitentiaires et de l'enfance cri-

minelle, en visitant les établissements d'éducation correctionnelle

de l'Europe.

Après lui, M. Wulfran Jauffret, secrétaire général, a rendu

compte des travaux de l'année 1896. Le Comité a eu à s'occuper

' Noir (J.). - Elude sur les tics chez les dégénérés, les imbéciles et

les idiots, 1893. -Librairie du Progrès médical, p. 144-155. et

/M ! 0, J893. Librairie du 7'o'M Me : c<, p. t44-i55.

varia; 543

de 183 mineurs de seize ans, sur lesquels 45 n'ont été l'objet d'au-

cune poursuite judiciaire et ont été rendus, soit à leurs famiiles,

soit au Comité de patronage, soit confiés à l'Assistance publique.

Sur les 138 qui ont comparu devant le tribunal, on compte

14 acquittés, 49 rendus aux parents à l'audience, 3 confiés au

patronage, 3 condamnés à une amende, 8 à la prison avec bénéfice

de la loi Bérenger, 10 à la prison sans la loi du sursis, 50 envoyés

en maisons de correction et 1 traduit devant la cour d'assises.

Le Comité s'est occupé en outre de 80 mineurs de seize à dix-huit

ans, signalés comme plus particulièrement dignes d'intérêt. Sur ce

nombre, 20 ont été recueillis-par le patronage, 27 engagés volon-

taires,12 rendus à leur famille, 10 acquittés par le tribunal, 7 con-

damnés avec application de la loi Bérenger et 7 condamnés à des

peines légères d'emprisonnement.

Le rapporteur rend compte de l'organisation de l'école et du

travail dans la prison Chave. Il présente le compte financier de la

Société, remercie le conseil général et le conseil municipal de leurs

généreuses subventions et tire enfin des conclusions extrêmement

intéressantes des divers éléments que la statistique lui fournit. Il

termine en déplorant l'accroissement de la criminalité enfantine

et adresse un appel pressant aux pouvoirs publics en faveur du

relèvement de la jeunesse par l'éducation morale.

M. Vidal-Naquet, président du Conseil, prend alors la parole et

résume les observations présentées par le secrétaire général. Il

signale tout d'abord le degré de perversité des enfants traduits en

jnstice pendant l'année 1896, et il demande aux tribunaux de se

montrer de plus en plus sévères pour la remise des enfants aux

parents, lorsque ceux-ci ne présentent aucune garantie pour assurer

le relèvement moral de leurs enfants. Il s'élève contre l'abus des

peines d'emprisonnement prononcées contre les mineurs. Il en

démontre tout le danger et toute l'inutilité. Et, en effet, les enfants

condamnés à la prison subissent leurs peines dans les maisons de

correction, au milieu des enfants non déclarés responsables, avec

cette seule différence que les condamnés à la prison sont souillés

et flétris par le casier judiciaire, alors que les autres sont simple-

ment soumis à l'éducation correctionnelle.

M. Vidal-Naquet rend compte des notes obtenues parles petits

Marseillais envoyés en maison de correction, dans les colonies

d'Aniane et du Luc. Presque toutes sont bonnes, et, pendant l'an-

née 1896, le Comité a réclamé la liberté provisoire de neuf enfants

qui, par leur conduite, ont mérité cette faveur. M. Vidal-Naquet

adresse ses remerciements à tous ceux qui ont collaboré à l'oeuvre

du Comité, à M.Vincent, sous-directeur honoraire au ministère de

l'intérieur; à M. Joly et à tous les collaborateurs dans cette oeuvre

de réforme et de préservation sociale.

AI. Joly prend alors la parole. Après avoir félicité le Comité de

544 ' varia.

défense de Marseille de tous les progrès qu'il a su réaliser et des

réformes qu'il a su apporter en faveur de l'enfance coupable et

malheureuse, il aborde la question si délicate du discernement.

Après avoir démontré que les magistrats ont le devoir, en dehors

de l'examen de l'état intellectuel de l'enfant, de s'assurer de son

degré de volonté, il adjure les magistrats de renoncer aux condam-

nations aux courtes peines, pour s'en tenir au bénéfice de l'éduca-

tion dans les maisons de réforme.

M. Joly signale alors tous les avantages qui résultent des envuis

prolongés dans les maisons de correction, où les enfants, soumis

pendant longtemps à une éducation sévère, perdent leurs mau-

vaises habitudes et deviennent de bons et honnêtes ouvriers. Il

indique cependant qu'il y a une amélioration à apporter dans le

régime de nos maisons de correction, et, d'après lui, c'est contre

l'agglomération qu'il faut surtout lutter. Il signale les maisons de

correction de la Suisse qui, ne comprenant pas plus de 70 enfants,

en sont arrivées à réduire le nombre des enfants récidivistes à 2

p. 100, alors qu'en France il est encore de 50 p. 100. @

M. Joly invite le Comité de défense à solliciter de l'État la créa-

tion de colonies plus nombreuses, à effectif plus réduit, et au

maintien et au développement des colonies privées par une subven-

tion plus large. En terminant, M. Jolly conseille la création, à Mar-

seille, d'une école de réforme, placée sous la direction du Comité

de défense, école qui pourrait arriver à la colonisation dans des

fermes d'Algérie ou de Tunisie. M. Joly, s'adressant aux hommes

de coeur qui composent le Comité de défense, les invite à s'unir

dans la lutte contre le crime pour contre-balancer les efforts que

les criminels ne cessent d'accumuler contre la société moderne.

Contre la ligue du crime, il faut opposer la ligue des gens de bien.

Après ce discours fréquemment interrompu par les applaudisse-

ments de l'auditoire, la séance est levée à midi.

La majorité des enfants dont il est question devraient être

examinés d'une façon complète. Si l'on scrutait leurs anté-

cédents héréditaires et personnels, si l'on se rendait compte

du milieu dans lequel ils ont vécu, on constaterait que bien

souvent ce ne sont pas des coupables (des enfants coupables ! )

mais de malheureuses victimes, anormales au point de vue

physique et psychique, dignes de pitié et susceptibles d'être

relevées non par la correction, mais par l'éducation. B.

Court aperçu DES problèmes DE la PSYCHIATRIE, par le Dr MEYER.

D'une étude générale sur les progrès et.les conditions de la psy-

chiatrie moderne, l'auteur tire les conclusions suivantes : il) La

varia. 545

1

conception biologique de l'homme apporte à la médecine, et en

parliculier à la psychiatrie une riche moisson d'hypothèses fécondes ;

2° Une maladie mentale est un désordre de l'être suivant les lois

de la pathologie générale, comme toute autre maladie; 3° Les s

symptômes mentaux ne constituent pas exclusivement la maladie

et ne sont de sûrs guides pour le diagnostic qu'à la condition d'être

accompagnés des vues de la pathologie générale prenant en consi-

dération tous les aspects d'un homme ; 4° L'étude clinique de la psy-

chiatrie est la base naturelle de l'étude de la pathologie mentale.

(American Joumal of ! Mf;<M ! < ? avril 1897.) 1 : . 13LIV.

Assistance DES épileptiques.

On écrit de Sainte-Marguerite-de-l'Autel au Rappel de

l'Eure du 20 octobre :

Une malheureuse jeune fille de vingt-trois ,ans, IIIlc Franclet;

sujette à des crises, de nerfs est tombée la semaine dernière dans

sa cheminée au moment où elle venait d'allumer son foyer. Elle

poussa des cris qui furent heureusement entendus des voisins.

Mais les brûlures qu'elle a au côté gauche ne laissent pas que de

metlrc sa vie en danger. ,

De tels accidents n'arriveraient pas si le Conseil général et

le Préfet de l'Eure facilitaient l'admission de ces malheureux >

à l'asile de Navarre, au lieu d'y admettre en grand nombre.

pour en tirer bénéfice, les aliénés du département de la

Seine. Avant de recevoir dans leur établissement départe-

mental les aliénés de la Seine, ils devraient tout au moins

assister les malades de l'Eure, qui devraient être soignés, au

lieu d'en faire des incurables.

DE la procréation CHEZ LES IDIOTS.

Le Dr de Forest Willard (de Philadelphie) nous demande;

dans une lettre circulaire, notre opinion sur les points sui-

vants :

1° Dans quelle proportion considérez-vous la procréation conve-

n ble chez les habitants de votre institution (Asile-Ecole de Bicêtre) ?

2 Dans quelle proportion considérez-vous la procréation possible

c ,ez eux ? 3° Quel serait l'effet probable des rapports sexuels au

point de vue de leurs conditions mentales et morales ? 4° Quel en

serait l'effet au point de vue de leurs conditions physiques' ? 5° Quelle

serait, d'après vous, l'opération la plus convenable à faire sur le

mâle; enlèvement des testicules, ligature du cordon ou ligature du-

Archives, 2e série, t. IV. 35

546 varia.

canal déférent ? 6° Quelle opération, jugez-vous la plus convenable

à faire sur les filles ? 7° A quel âge l'opération serait-elle la plus

effective ? 8" Avez-vous eu des expériences pratiques et cliniques

dans cette matière ? 9° Pourrait-on décréter une loi d'Etat pour

légaliser l'opération ? En ce cas quelles seraient vos idées sur une

loi de ce genre ? 'f

- 1° et 2° Les malades améliorés ou guéris, dont nous

signons le certificat de sortie, deviennent absolument libres

et jouissent de tous leurs droits naturels, civils et poli-

tiques. A défaut de Société de patronage qui pourrait

les conseiller, les surveiller, les suivre, voir ce qu'ils devien-

nent, s'ils ont ou non des enfants, sains ou malades, nous

ne pouvons donner une réponse scientifique aux deux

questions.

3° et 4° Si les rapports sexuels sont physiologiques et

modérés, nous ne voyons pas en quoi ils offriraient des

inconvénients. Ils remplaceraient avantageusement l'ona-

nisme, si commun parmi les enfants nerveux et arriérés,

mal surveillés. ? 6°, 7°, 8° et 9°. Nous considérons comme inhumaine et

barbare toute mutilation, toute opération pratiquée sans

but d'utilité directe pour les malades. Sous le nom d'idiots,

on, compred des enfants atteints à des degrés divers dans

leurs facultés intellectuelles, depuis l'idiot végétatif, inca-

pable de tout mouvement, impuissant à s'aider en quoi que

ce soit, ne parlant pas, gâteux, jusqu'au simple arriéré qui

confine aux enfants réputés normaux. A quel degré vous

arrêterez-vous dans vos mutilations ?

Les utilitaires devraient être plus catégoriques et deman-

der la suppression légale des idiots, des infirmes, etc., en

un mot, de tous les individus qui constituent une charge

pour une société égoïste et retournant à l'état sauvage.

Pour nous, nous pensons que le devoir d'une société

civilisée, surtout d'une société républicaine, qui, plus que

toute autre encore, doit être humaine, est de venir en aide

généreusement à tous les infirmes du corps et de l'esprit,

à tous les anormaux, aux malades de toutes catégories, aux-

vieillards, à tous ces coûteux dont certains voudraient se

débarrasser - qui, en définitive, appartiennent à l'huma-

nité. Par respect pour nous-mêmes, qui nous disons nor-

maux, nous devons secourir les vieux, soigner les malades,

faits DIVERS. 547

relever dans la mesure du possible, rapprocher de la nor-

male, les anormaux. Et c'est là du bon, du vrai socialisme,

de la fraternité. Bourneville.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions : I. le Dr SIZARET,

médecin-adjoint de l'asile de la Roche-Gandon, est nommé direc-

teur médecin de l'asile de Saint-Ylie en remplacement de M. le

Dr Rousse, maintenu sur sa demande médecin adjoint à l'asile de

Bron; M. le Dr DEaICe, directeur-médecin de l'asile de Bonneval,

est élevé à la 2e classe; - M. le Dr Guyot, directeur-médecin de

l'asile de Châlons-sul ? l\Iarne, est élevé à la classe exceptionnelle

(25 octobre); M. le Dr Toy, précédemment nommé médecin

adjoint à l'asile de Bron, est nommé médecin adjoint à l'asile

de la Roche-Gandon en remplacement de M. Sizaret; M. le

Dr ALLEllAN, médecin adjoint à l'asile d'Auxerre, est élevé à la

ire classe (4 novembre); - M. le Dr Monestier, médecin adjoint de

l'asile de Lafond, est élevé à la 4e classe (10 novembre).

Asiles des aliénés de la Seine. Concours pour la nomination

aux places d'interne titulaire en pharmacie vacantes au 1'1' jan-

vier 1898, dans les asiles publics d'aliénés du département de la

Seine. Asile clinique, asiles de Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif.

Le lundi 8 novembre 1897, à une heure précise, il a été ouvert

à l'Asile clinique, rue Cabanis, n° 1, à Paris, un concours pour la

nomination aux places d'interne titulaire en pharmacie vacantes

au 1er janvier 1898 dans lesdits établissements. Ce concours vient

de se terminer par la nomination de 11\I. Goret, SrENART, DE-

lange, internes titulaires ; Dupouy, BA ROTY, ESNAULT, internes pro-

visoires.

Nouveau journal. Nous signalons l'apparition du Journal de*

maladies nerveuses, paraissant tous les mois, sous la direction du

Dr E. Verrier. Nous souhaitons bonne chance à notre nouveau

confrère.

AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du le, JANVIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

5 -If 8 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à noire charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien el payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que. à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, el partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés dejoi21di-e à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la bande de leur journal.

Nous rappelons el nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit el 30 francs pour la France et l'Étranger.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Asile public d'aliénés DE Saint-Robert. Compte rendu de statis-

tique médicale. Compte moral el administrait f pour l'année /896, par

le Dr Duroun, médecin-directeur. Brochure )n-8'' de 17 pages. -Gre-

noble, 1897. Imprimerie Allier père et fils.

.Illi del IX Conrlresso délia Societa frenalria llaliana tenuto in

l'ineme dut 5 al 9 oltoúl'e /896. - Volume in-8° de 233 pajes.- Reggio-

EmUia, 1897. Tipografia di S. Calderini e Figlio.

Bermieim. L'Hypnotisme el la suggestion dans leurs rapports avec

la médecine légale. Brochure in-8° de 103 pages. Paris, 1897.

Librairie 0. Dom.

Carsnoa de la Carrière et Montât (L.). L'urine normale de l'enfant. t,

Brochure in-8° de 16 pages. Pans. 1897. Imprimerie Lafosse.

Demi Francesco. fiesoconto clinico del compaiio ollalmici ncll'

ospedale marmiol'c di llilano bienno /893-1894. L'acromegalia nei sulli

l'appol'li coll organo visivo. Nota suit' ollalmill nzigrctloria o simpatica

(Studio spzerin7enlalel. Volume in-8° de 318 pages. blilano, 1897.

Tipografia del Hiformalorio Patronato.

Finzi (J.). Alcuni casi d'imúccillita studio clinico e psicologico.

Volume in-8° de 112 pages. Ferrera, 1897. Manicormo Provinciale.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 549

Gil 11,ABDUCCI (F.).- Cenno clinico sui mulati osseraali all' ambulalorio

zzei mesi di l1WI ? O, aprile, muggio 1897. Volume in-4° de 117 pages.

ltnma, 1897. Societa éditrice Dante Alighieri.

GLATZ (P.). Dyspepsies nerveuses el neurasthénie. - Volume in-12

de 348 pages. Prix : 1 Irancs. Paris, 1897. Librairie F. Alcan.

HOWELL T. PERSIIH\G, '- .1uditol'y (iphisia. -Bi-ocliiii-P tn S° de 15 pages.

Denver, 1897 The Journal of nervous and Mental diseuses.

LESVÉ. Petit manuel du relieur à l'usage des sottrcls-nzuets, publié

d'après le manuscrit original, par le D' .1.-A.-A. Halte ! . Volume in-12

de m-9'r pages. Prix : 3 Il'. 50. Librairie J.-B. Baillière.

I)IA,NIIEI.)IER (M.). Le gâtisme au cours des étals psclopalhictues.

Volume tn-8° de 171 pages. Pans, 1897. Librairie F. Alcan.

Paris (A.). L'aliénation mentale, ses causes, ses dangers, ses trai-

tements (améliorations il apporter à l'organisation des asiles).

Volume iri-81 de 110 pages. Nancy, 1897. Imprimerie Berger Le-

vrault et Cle.

Itrrrt (A.). Éloge de G.-l'. Calnxeil lit it la séance publique annuelle

de la Société du 3 mai 1897. Brochure in-8° de

60 pages. - Paris, 1897. Librairie G. Masson.

Boubinovitcii (J.) et TOULOUSE (Ed.). La mélancolie. Volume

in-l8 de viii-124 pages, avec figures et tracés dans le texte. - Prix : 4 francs.

Winkler (C ? L'Intervention chirurgicale dans les épilepsies.

Brochure m-8' de 83 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1897. Librai-

rie 0. Doin.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES

Acromégalie avec goitre et goître

exophtalmique, par Murray, 229.

- traitée par la médication thy-

roïdienne, par Bavlac et Fabre,

340. par Yarisot, 310.

Agitation. Les lavements d'eau

chaude contie l' des aliénés,

par Fronda, 410.

Alcool. Toxicité des -, par An-

theaume, 359. -

ALCOOLIQUE. Aliénation mentale mo-

mentanée dans l'intoxication -,

par Sutherland, 516,

Alcoolisme. Répression de l' -, 172.

Alexie. Troubles de l'écriture cau-

sés par une centrale isolée par

Maack, 329.

Algies. Traitement des -hystérique

et neurasthénique, par Bertran,

511.

Aliénation. Découverte de l'

mentale dans les prisons, par

Pitcairn, 143.

Aliénés. Assistance des - dans

l'Etat de 1ew-lorlc, par Macdo-

nald, 62. Lactescence et opa-

cité de la pie-mète et de l'arach-

noïde chez les -, par Robertson,

154. Traitement hospitalier des

dans les asiles, par 3)acpher-

son, 161. Soins à donner aux

- , par Bogdan, 162. Loi anglaise

dans ses rapports avec les - iso-

lés, par AVeatherly, 164. - dan-

gereux accusés de crimes, par

Carswell, 16r. - en liberté, 286.

Amnésie. Ln cas d' -, par Bishop,

503.

Amnésiques. Troubles de l'écri-

ture, par Maack, 230.

Angoisse. Traitements des états d'

- , par Dorubluth, 512.

ANTI-ALCOOLIQUE. Circulaire du mi-

nistre relative à l'enseignement

- "I. ,

Amipyrine. Etude comparative sur I

l'action de Il et des toxines sur

les éléments nerveux, par Debray,

408.

Aphasie stationnaire pendant trente-

huit ans, par Brunet, 125. Con-

vulsions partielles et-, par Des-

hayes, 330.

Archives de physiologie, 461.

ARSE11CIJ\IE. Etude sur l' -, par

G. Brouardel, 87.

asiles. Pensionnaires volontaires

dans les anglais, par Smith,

164. du London County Coun-

cil, par Johns, 165. Le personnel

des et le rapport du Dr Dubief

à la Chambre, par Maraudon de

Montyel, 204. Organisation admi-

nistrative des au Congrès de

Toulouse, par Doutrebente, 265;

Charpentier, 287; Brunet, 267,

Rey, 267; Giraud, 268; Rebatel,

268, Drouineau, 268; Le Filliâtre,

268; Doutrebente, 269; Dubois,

269; de Uury (Somme), par

Louvard, 459; - d'aliénés, 546.

Assassin de douze ans, 94.

Assassinat. Tentative d' par un

aliéné, 288.

Assistance des idiots en Angleterre,

par Shuttleworth, 164.

Association". Discours à Il - médi-

co-psychologique de Londres,

par 111ck1e, 287. - des aliénistes

et des neurologistes russes, par

Korsalioff, 347.

Asystolie postépileptique, par Féré,

322.

Atrophie . Main succulente et -

musculaire, par larinesco, 85.-

musculaires, par Pick, 457.

AUTO-UiFEC11ON mentale, par Korn

feld, 134.

Bibliographie, 461.

1300HORYGJIES rythmes, par Sabra-

zès, 333.

TABLE DES MATIERES.

551

Brachial. Paralysies du plexus

par Schuster, '232. Lésions du

plexus -, par Korniloff, 348 :

Bromures. Abus des -, par Alexan-

der, 161.

C : 1MUSET. Nécrologie, par Charon,

362.

CRtE cervicale, par Hetherington,

155.

Cellule nerveuse. Sur quelques lé-

sions expérimentales de la-, par

Ballet et Uutil, 430. Histopatholo-

gie de la-, par itlarinesco,'f33.-

Sur la pathologie des -, par

Goldscheider et Flateau, 436.

ChpnvLALGiE persistante avec idées

de suicide, par Voisin et Lasve,

341.

Cérébrale. Lésion - circonscrite,

parllouratoff, 357. Nécessité d'une

intervention opératoire dans les lé-

sions -, par Lavesta, 519. Mala-

dies où les fonctions respira-

toires cessent avant la circulation

du sang, par Duckworth, 527.

Cerveau. Symptomatologie des lé-

sions intéressant la région pré-

fronlaledu -, par \-illiason, 146.

Un cas de tumeur du -, par

Flechter Beach, 153.

CERVELET. Un cas de gliome volu-

mineux du -, par Trénel et

Antheaume, 1. Neurofibromatose

centrale du - et de la base de

l'encéphale, par Mossé et Cava-

lié, 249.

CnoRLE héréditaire avec autopsie,

par Lannois et Pariot, 333. Toxi-

cité urinaire dans la - chro-

nique, par Rispal et Baylac, 310.

Circonvolutions. Anomalies des -

cérébrales, par Mickle, 146. Ge-

nèse des du cerveau et du

cervelet, d'après Lugaro, par

Soury, 397.

Claudication intermittente chez un

hystérique atteint de pouls lent

permanent, par Olivier et Hali-

pré, 61.

Colonie de Dun-sur-Auron, par A.

Marre, 330.

Coma éclamptique, par Laffargue,

342.

Congrès. VIII' des aliénistes et

neurologistes, 88, 235, 330. -

international de Moscou, 90, 175,

415, 509.

Contracture hystérique chez une

fillette, par Bramwel, 226. - ré-

llexe respiratoire, par Edel, 327.

Convulsifs. Accès - corticaux de

la langue dans la paralysie géné-

rale, par Mouratoff, 80.

Cordon latéral. Fibres intermé-

diaires du dans les pyramides,

par de Bechterew, 155.

Crâniens. Affections multiples des

nerfs , par Minor, 282.

Déformations palatines chez les

idiots, par Chanmng, 156.

Dégénéré. Condamnation à mort

d'un impulsif, par Guibert,270.

Dégénérescence. Effets de la - as-

cendante sur les nerfs mixtes, sur

les cellules nerveuses des gan-

glions, sur les racines posté-

rieures et sur les cornes anté-

rieures de la moelle, par Flaming,

151. Etude des propagées, par

Durante, 447.

Dégénérescence mentale et Neuras-

thénie, par Vial, 284.

Délire. Le - processif, pal' Koep-

pen, I.f3. Evolution et pathogénie

du de la persécution, par Toy

et'l'aty, 527.

Diagnostic précis dans les maladies

mentales, par Arthu : , 144.

Digestifs. Rôle du spasme et de la

contracture dans les affections des

organes -, pai@Geofli-oy, 528.

Diphtérique. Influence du poison

, sur le système nerveux, par

Mouravieff, 356.

DYnAusw : psychique, par Aimé, 360.

Dyspepsie nervornotrice, par llali-

pré, 61.

Dyspepsie nerveuse ou dans les

névroses en général, par ltosen-

heim, 526.

DYSPRAGIE cérébro-spinale et ich-

tytose, par Lévi, 325. '

Dystrophie musculaire progressive,

par Wiener, 498.

Education des enfants anormaux,

par Demoor, 414.

ÉLECTRICITÉ comme moyen de dia-

gnostic et de traitement, par Pa-

trick, 45.

ELECTRIQUE. Excitation - des ré-

gions du cerveau chez le chien,

par Werloer, 156.

Emaciation. Onctions de saindoux

dans l' -, par Boody, 160.

552

TABLE DES MATIERES.

Emétique. Névroses - réflexes, par

Grueuper, 233.

Encéphalite hémorragique aiguë,

par Mouravief, 78; par Murât, 460.

Enfants anormaux. Education des

- , par llemoor, 114.

EprLEI"IIFOR : IIF., Convulsions d'ori-

gine préputiale, pai llodgdon,326.

EI'ILI : 1"rIIIIJE. L'- dans ses rapports

avec la société, par Ilunt, 140.

Assistance des -, 515.

Epilepsie. Traitement de l' -, par

Unnninn, 44. Pathologie de l' -,

par Collois, 158. Chute mortelle,

288. Origine auto-toxique de l'

- , par 'l'eeter, 32G. trauma-

tique, par Dllhuisson et Anglade,

333. Destructions cérébrales pré-

coces par rapport il l' -, par

. \louratoll, 3t6.'l'rattementchirur-

gical de l' , par Mac Grew, 408.

Le surmenage oculaire considéré

comme cause de l' -, pur lau-

nay, 410. spinale, par liresler,

507. Intervention opératoire

pour la cure de l' jacksonienne

par Lavista, 521. Résection du

sympathique cervical dans le

goitre exophtalmique et l' -, par

Jonnesco, 522.

. Fatigue. Sur la - mentale et sa

réparation, par Rivers, 139.

- FOLIE post-opératoire, par Simpson,

133. Accroissement de la et

système des pensionnaires exté-

rieurs, par Brester, 135. Doctrine

de Weissmann en matière de -,

par Wilson, 136. - diabétique,

par Campbell, 139. - dans les

prisons locales d'Anteterre-par

Baker, 139. - à deux, 140. -

d'une évangéliste, 174. palu-

dique, par liev et Boinet, 338. -

par lIUrel, 339.

Gangrène des extrémités par atrésie

. et oblitération artérielle dans un

cancer de l'estomac, par Sabrazès

et Cabannes, 444.

Goître exophtalmique. Courants gal-

vaniques dans le , par Bertran.

444,512. Résection totale et bilaté-

rale du grand sympathique dans le

- et l'épilepsie, par Jonnesco,522.

Gomme syphilitique de la moelle,

par Orlowsky, 78.

Goutteuse. Accidents nerveux pro-

duits par l'intoxication- , par

Inglis, 225.

Haschisch. Folie du -, par Clous-

ton, 166.

Hémianopsie. De l' et de l'ophtal-

muplégie unilatérale d'origine

vasculaire, par liossoliino, 231.

11É11A1'01(Yl.LIC centrale, par Pilres

et Sabrazès, 412.

IIÉll-,E. llydrargyriodate d' -, par

Kobert, 414.

Hémiplégie chez l'enfant, par Bézy,

343.

Hérédité. Théorie de l' -, par Hil-

lemanrl et Petrucci, a2.

Hypnotisme dans le traitement des

maladies mentales, par Tokarskv,

51 i. "

Hystérie infantile au Congrès de

Toulouse, par Bézy, 249, Pitres,

255, Cullerre, 256, Renault, 257,

Briand, 258, Bérillon, 2vas, l'. Gar-

nier, 263, Lamarq, 263, Paillas,

263, Sabrazes et Lamarq, 264,

Bézy, 2Gf, Destarac, 265. - infan-

tile en Vendée, par Terrien, 298,

369. - chez les soldats, par Grei-

denberg, 327.

Idiots. Nécessité de l'assistance des

- 173.-etalcoolidues, 171. Pro-

création chez les , par Willard,

55.

Imaginaire. Exploitation d'une ma-

ladie -, par Gali, 527.

Impulsivité morbide, par Marti y

Julia, 427.

Infirmiers. Instruction profession-

nelle des - par Mercklin, 167.

Innervation. Développement de l'-

musculaire volontaire, par Roth,

76, par Egllier, 77.

Instabilité mentale avec perversion

des instincts, 93.

Inversion sexuelle, par Ellis, 141.

Traitement de l' , par Eleis, 158.

IRItÉSIST1131LITÉ'. Phénomènes psy-

chiques avec le caractère d' ,

par Konstantinowsky, 428.

1,.i.INEC'fO.)IIE pour une tumeur du

canal rachidien.par Lanphéar,42.

Léthargie. Un curieux cas de -,

286. - hystérique, par Loeven-

feld, 328.

Loi anglaise sur les aliénés de 1890,

par Stewarth, 165. sur l'alié-

nation au Colorado, par llob-

house, 165.

Main succulente et atrophie mus-

culaire, par Marinesco, 85.

TABLE DES MATIERES.

Maladie DE Basedow. Pathologie de

la-, par ilaskovec, 443.

Maladie DE Liitle, par Raymond,

47, par van Gehuchten, 324.

.Maladie de Morvan. Observation de

- , par Biel.cltowsly, 508.

Maladie DE 'l'novsEV, par VeriloOE',

349.

Manicome. Le premier du monde,

par Escurler, 63.

Manie algue chez une acromégali-

que, par S. damier et Sante-

nous(', 486.

Mélancolie a\cc lipome, par Ht'ar-

der, 16. - et guiire exophtal-

mique, par Devay, 491.

Mélancolique. Note sur le 1

par Vallon et A. Marie, 333.

\ft : nmco-wcet·u.trrr infectieuse et

toxique après la section du sym-

pathique cervical, par Cristtaui,

322.

Meralgie parest[iésictue,parIW auer,

320.

.Migraine ophtalmoplégique, par

J.-B. Charcot, 323.

Mimiques. Essai sur las - voulues

par Dupuis. 28L

Moelle. Néoplasies de la -, par

Tllrner, 14S. Hétérotopie artifi-

cielle de la -, par Collm, Ib3.

[OHI'Il ! "O\l.\¡¡1E guérie par la co-

déine, 161.

Mutisme. Du - chez l'enfant qui

entend, par A. Boyer, 28.

Nécrologie. Camuset, par Charon,

362. Calluaud, par Vallon, 463.

Nerfs. Pathologie des-de la peau

par tlumpertz, 320.

Neurasthénie. Dégénérescence men-

tale et -, par Vial, 284.

Neurones. Théorie des - eu rap-

port avec l'explication de quel-

ques états psychiques, par Sou-

manoir, 15.

NE 0 lOl YCI] OSES de défense, par

Freud, 498.

Névralgie professionnelle, par Bern-

hardi, 328. Nouveau traitement

des - péllphériques, par Balla-

bene, 442, 512.

Névrite péhiphéhique. Affection des

vaisseaux provenant d'une -, par

Moltchanoff, 351.

Névroglie. Sur la théorie de Wei-

gert relative à la structure de la

- , par Robertson, 153.

Nuit,. Influence psychique de la -,

par Richardson, f10.

.NYCTIIÉ3lÈnE dans les maladies ner-

veuses et mentales, par l'ailhas,

33t.

Obsession . Notes sur l'étude de

quelques -, par Vallon et Marie,

332. Conception psyehopalholo-

nique de l' , par Pitres et Régis,

417. par Arte de Jon. 420.

par Vallon et A. Marre, 429.

Open-Door dans les asiles de la

Seine, par Febvré, 70, 363. - pal'

Christian, 272; Collins, 277; Sol-

fier, 279.

Orurll.l0l'LI.GIC . De l'hémanopsie

et de l' - unilatérales d'origine

vasculaire, par HOSS011lllO, 231.

P «aldéhydes. Note sur l'emploi de

la -, par Daman, 'i08.

Paralysie asthénique hulhaire, par

lioevnil : off, 73. - cérébrale bila-

térale congénitale, par Mouralow,

77. bulbaires unilatérales, par

Gerouzi, 322. - de l'eufaut, par

Hait pré, 330. - fu;iale partielle

congénitale, par Vllnor, 3àî. Con-

tribution à l'élude de la - asthé-

nique, par Fa.Jerstzajn, ,ï01. - dit

moteur oculaire commun, par

Gibson et Turner, 502. - faciale,

. par Colin, 506.

Paralysie générale. Accès convul.

sifs dans la -, par Mouratoff, 80.

- forme hypoclioudriaque avec

symptômes tabétiques, par Mar-

cus, 142. au Conglès de Tou-

louse, par Arnaud, 213, Régis, ? +1, P. GaJ'l1ler; 2\ : ), de Perry,

2t6. Briand ; 216, Charpentier,

246; Giraud, 247; Domrebente,

247 ; Pelrucci, 247; Cullel'le, 219.

Périodes terminales et mort dans

les soi-disant -, par A. Paris,

296. De la - juvénile chez les

hérédo-syphilitiques par Carrier,

332. Eiiologie de la -, par

Mairet- et Vires, 336. Troubles

trophiques dans la -, par Atha-

nassio, 390. Etude et thérapeu-

tique de la - des aliénés, par

Tschisch, 413. Considérations sur

la ? par Vallon, 446. - chez la

femme, par Greidenberg, 446.

Paraplégie après un accouchement,

par Leeson, 501.

554

TABLE DES MATIERES.

Parathyroïdiennes. Extirpation des

glandes -. par Vassale et Gene-

rali ; 415.

PARÉSIE pseudospasmodique d'ori-

gine traumatique avec tremble-

ment, par Fuerstner et par Nonne,

234.

PINEL. Eloge de -, par Ritti. 235.

Poliomyélite aiguë chez un méde-

cin, par Glorieux, 321. -

Polynévrite arsenicale, par Buicli

et Varnali, 437.

PoaECÉI'IIAt.113. Contribution à l'é-

tude de la -, par Beyer, 500.

Protubérance. Dégénérescences se-

conclaires dans les lésions circons-

crites de la -, par Weideuham-

mer, 314. 1

Psychopaihiques. Genèses -, par

Dolsa, 326.

Radioscopie. Machines électrosta-

tiques dans la -, par Leduc et

Maixner, 445.

Récurrent. Paralysie du - due à

un anévrysme de l'aorte, 155.

Règlement du 20 mars' 1897, par

Taquet, 289.

RESPOXSAMtDTÉ pénale des médecins

dans la répartition des aliénés,

par P. Garnier, 68.

Sang. Alcalescence du chez les

épileptiques, par Charon et Rri-

che. 465.

Sclérose latérale amyotrophique il

'début bulbaire, par Raymond, 47.

Maladies du système nerveux et

- multiple disséminée, par Gras-

set et Vedel, 97. Syphilis et - en

plaques, par Orlovhs, 349. Pa-

thogéllie de la en plaques, par

Rossolimo, 352, en plaques,

par Strumpell, 504.

Séquestration illégale en 17f1,3G6.

Saoco. Nature et traitement du

chirurgical, par Ground, 43.

Société médico psychologique, par

Briant, 66, 270. de neuropa-

thologiè et de psychiatrie de Mos-

cou, par Rossolimo, Schataloff et

Fokarski, 73, 282, 344, 415.

contre l'usage des boissons spiri-

tueuses, par Boissier, 168.

Spasme expiratoire laryngé paroxys-

tique, par* Noguès et Sairal, 335.

Stupeur mentale prolongée, guéri-

son, par Patterson, 138, par

Ilotbekis, 138.

SULFONAL. Empoisonnement chro-

nique par le -, par Schulz, 407.

Supériorité intellectuelle et névro-

pathie, par Toulouse, 67, 68; par

Marandon de Montyel, 68.

Synergies fonctionnelles, par Ni-

colle et Ilalipré, 60.

SYPIIILIDE de la paupière avec trou-

bles cérébraux, par liernardbei'

et Duharry, 339. `

Syphilis et sclérose disséminée, par

Orlovsky, 349.

Syringomyélie. Symptomatologie de

la-, par 11laixner, 447. l'atho-

génie et anatumie pathologique de

la -, par Schlesinger, 509. Mou-

vements cloniques dans la , par

Uarinesco, 526. '

Système nerveux. Cliniques des ma-

ladies du -, par Raymond, 82.

Tabac Influence du - dans les

maladies du système nerveux, par

l3uccelli, 322.

Tabès. De 1 éducation motrice et de

'la révulsion galvanique dans le-

par 'l'argowla, 158. Etude anato-

mo-clinulue des localisations mé-

dullaires du -, par Philippe, 177.

Traitement du -, par Raïchline,

il7. Contribution sur la patholo-

gie et l'anatomie pathologique du

- , par Colella, 448. Moyens thé-

rapeutiques s'adressantaux causes

du -, par Grasset, 449. 111o(hfica-

tions dp la moelle dans le -,par

barkscliewitscli, 457.

Thyroïdien. Traitement du -, du

myxoedème etc.,parvVaren Little,

12. Médication dans la cata-

lepsie, par I\ogers, 159. Extrait-

dans le goitre avec crétinisme, par

Parker, 162.

Tics convulsifs. Maladie des -, par

13resler, 505.

Toxines. Etude comparée de l'anti-

pyrine et des sur les éléments

nerveux, par Debray, 408.

Travail manuel, par Fore ! , 163.

Tremblement congénital, par Eshner,

321.

Trijumeau. Paralysie du -, par

Gowers, 227.

TNIONAL. Emploi du -, par Villers.

44, Le - est-il un hypnotique

recommandable ? par von Mering.

100. Intoxication chronique par

le , par Guerlich, 408. dans

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

555

les maladies mentales, par Agos-

tini, 409.

Tumeur du crâne opérée chez un

nouveau-né, par Secheyron et

Maure), 343.

Vagabonds. Aliénés -, par Ilamel

et Marte, 333.

Volonté. Rééducation suggestive

de la -, par Valentin et Harten-

berg, 331.

Vomissements incoercibles de la

grossesse, par Terrien, 130.

Zona. Sur le , par Haslund, 228.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Anostini, 409.

Aimé, 360.

Alexander. 161.

An'lude, 331,333.

Antheaume, 1, 359.

Arnaud, 2t3.

Arthur, 141.

Attauassio, 390.

Ballabene, 442.

Ballet, 430.

Baylac, 340.

13echterew (de), 155.

Berillon, 258.

Bernarbeig, 329.

Bel'l1hurdt, 328.

Bertran, 4S i, 511.

Beyer, 500.

Bézy, 219, 264, 343.

I;ie1seliomsl,v, 508.

Bishop, 503.

Bogdan, 162.

BOIssiel', 168.

Boody, 160.

Bouchard, 4G0.

Bourneville, 41, 94, 174,

224,389,530,532,542,

544, 516.

Boyer (A.), 28.

Bramwel, 226.

Bresler, 505, 507.

Brester, 135.

Briand, 66, 216, 258.

Bricbe, 465

Brouardel (G.), 81.

Brunet, 125, 207.

Bucceli, 322.

Buicli, 437.

Cabannes, 241.

Campbell, 139.

Caiswell, 164.

Cavalié, 249.

Channing, 156.

Charcot (J.-B.), 323.

Charon, 362, 465.

Charpentier, 246, 267.

Chauveau, 460.

Clouston, 166.

Colella, 448.

Cohu, 106.

Collins, 150, 153.

Crisliani, 322.

Cullerre, 249, 256.

Daman, 408.

Dathschewitsclt, 457.

Debray, 408.

Demoor, 41 Í.

Deshayes, 330.

Destarac, 265.

Devay, 491.

Dolsa. 526.

Doutt-ebente, 2Í7, 265,

269.

Drouineau. 268.

Dubois, 269.

Dubuisson, 333.

Ducl : morth, 527.

Duharry, 329.

Dunning, 4L

Dupuis, 284.

Durante, 447.

Dutil, 430.

Edel, 327.

Eguier, 77.

Ellis, 144, 158.

Escuder, 63.

Eshner, 321.

Fabr'è, 340.

Fajerstzajn, 501.

Febvré, 70.

Féré, 322.

Flateau, 436.

Flechter Beach, 153.

Flemming, 151.

Foliarski, 73, 282.

Forel, 163.

Freux, 498.

Fronda, 410.

Fuerstner, 234.

Gals, 527.

Ganîier(P-),68,245,263.

Garnier (S.), 486.

Gehuchten (van), 324.

Generali, 415.

Geoffroy, a28.

Gerouzi, 322.

Gibson,500.

Gierhch, 408.

Giraud, 217, 268.

Gley, 460.

Glorieux, 321.

Goldscheider, 436.

Gowers, 227.

Grasset, 97, 449.

Greidenberg, 327, 446.

Groeupner, 233.

Ground,43.

Guibert, 270.

Gumpertz, 320.

Halipré, 60, 61, 330.

Jt30 Li TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Dame ! , 333.

Ilarteriberg, 331.

lIasll1nd, 228.

llaskovec, 443.

liarder, 46.

tietherinaton, 155.

llillemand, 325.

Hobhouse, 165.

Hodgdon, 326.

Hotbelcis, 138.

Hunt, 110.

Inglis, 225. '

Joins, 165.

.long (de), 428.

Jonnesco, 522.

Keraval (l'.), passim.

Knauer, 320.

Kobert, llf.

Koeppen, 113.

hojernil : ofT. 73.

Konstant 1110wskv, 428.

Kornfeld, 134.

Kornilolï, 348. '

liorsahoff, 347.

Lafforgue, 342.

Lamarq, 263, 64.

Lannois, 333.

Laulthear. 42.

Lavista, 519, 521.

Leduc, 445.

Leesson, 501.

Lefilliàtre, 268.

Lentz, 229.

Levi, 325.

Lève, 311. 1.

Loewenfeld, 328.

Louvard,359.

Lugaro, 322.

)Jaack, 230, 329.

Macdonald, 62.

Mac Grew, 408.

Macpherson, 161,

Mairet, 336.

)lainner, 41t, r, 447.

Marandon de lllontyel,

68, 204.

)lai-cus, 112.

}[al'ey, \60.

Marie (\.), 330, 332,

429.

Marinesco, 85, 133, 520.

Marti y Julia, 12 î

Maure], 339, 313.

Mering (von), 160.

\Iercl.liu, 167.

}J Iclde, 116,286.

Iinor, 282, 354.

Moinet, 338.

lloltl;lanolF. 33[,

Mossé, 219.

)lourato\\" 77, 80, 346.

357.

llouracieff, Í8, 336. I

Mural, 400. ·

Murray, 229.

\icolle, G0.

Noguès, 335.

Nonne, 234.

Olivier,-61. I.

Orlovsky, Í8, 3,t9.

Pailhas, 263,33t.

Paris, 296.

Parisot, 310.

Parker, 162.

Patrick, 45.

Patterson, 135.

Paiiot, 333.

Perry (de), 21G.

l'etlllcci, 217, 525.

Philippe, 177.

Pick, 457.

Pilcairn, 143.

Pitres, 255, H7,t42.

Raichline, 447.

Ramey, 410.

Raymond, 17, 82.

Hebatel, 68.

Régis, 244, 417.

Itenault, 257.

Rey, 267.

liicllardson, 410.

Rispal, 340.

Ritti, 235.

Hivers, 139.

Robertson, 153, 154.

Rogers, 159.

ltosenlieim, 52G.

Rossolimo, 73, 231,282,

3j2

Roth, 76.

Sabrazès, 262, 333, 411,

443.

Sail'al, 33 ?

Santenoise, 487.

SchatalolT, ï3, `3S ?

Schlesinger, 509.

Schult, 407.

Sehuster. 232.

Secheyron, 343.

Shu tleworth. J(j 1.

Simpson.H3.

Smith, 164.

Souklianofl, 15.

Soury, 397.

Stewart, 105.

Slrumpell, 504.

Su th erland, [¡1(j.

Taguet, 289.

Targowla, 158.

'l'aty, 5`37.

Teeter, 326.

Terrien, 130, 298, 369.

To[< : at'hky,5t4.

Toulouse, 6ï, GS.

Toy, 527.

Trénel, 1.

'fumer, 148, 502.

Tsisch, 413.

Valentin, 331.

Vallon, 332, 333, 129.

- 'tiG, 563.

Varnah, 437.

Vassale, 415.

Vedel, 97.

Verzilolt', 319.

Vrai, 284.

Villers, 44.

Vires, 336.

Voisin, 341.

Waren Little, 42.

Weatherly, 164.

\1'nidenhammer, 31.

Werker, 156.

Wipner, 498.

Willard, 5\.5,

Williarnson, 146.

\\'ilson, 13G.

Évrcu, Cli. liémssao, imp. - : ? 07.