(1897) Archives de neurologie [2ème série, tome 03, n° 13-18] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1897) Archives de neurologie [2ème série, tome 03, n° 13-18] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE E

NECROLOGIE-

HEVUE MENSUELLE Il

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fonder par J.-1H. CIIA1VCOT

1

l'UISL11·,E SOUS LA DIRECTION DE bl3l.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

a la Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

- dctncdccme

Médecin de l'Asile clinique

(SIe-Anne).

F. RAYMOND

I'ofescur de clinique

des m.dlltlies

du système nerveux

à L Faèullé de médecine

de Paris.

C01.LA11C ! UTKUP> PRINCIPAUX

M¡I. lll';S[([, BALLET, IILANCIIAIIII (11.), BLIN,

F. B01SS1ER, IIIIIANII (11.), ItItISSAUU (E.), BIt0UAItUEL (l'.), CAMUSET.

CATSAIIAS, CtIABBEItT, CHRISTIAN, COLLEHIIE,

UEUOVE (11L), UENY, UEVAY, 17UCA61P, nOVAI, (11W rnms), t'EIIBIEIl,

fiiancotte, gilles de la TOl1llETT", GAI\NIEI\ (S.), C0111SAU1.'f, grasset,

1(1-'IIAVAL(P.), klippel, LANIIOUZY,

maimndon de 1101V'fYlsl., AL11t11 ? , AlIEIiZEJEIVSICY, musgra ve-ci.ay, noir,

l'IEIIIIIIT, pitres, IIIiGIS, Itl ? GNAItU (P.), I\ £ G : >II,E11 (P.), ItIl : Illilt (P.1,

110UlIlNO\'ITW, iiotii (\1'.), SISCLAS, SECIIIN IE.-C.), sérieux, SOLLII : 11, souques,

soi 111' (J.), TLINTIIIIIEH (I ? .), t11ui.ié (h.), TOULOUSE (E.), vallon (cn.),

villard, VOISIN (J.), nON (f.).

Rédacteur en Clief : BOUItNi-VILLE

Secrétaire de la rédaction : J.-It. CII¡\ nCOT

Dessinateur : LEUBA

Deuxième série, tome III. 1897.

Avec 8 ligures dans le texte et 3 planches.

PARIS

UUUHAUX DU P 110 G l ! È MÉDICAL L

1 i, rue des Carmes.

1897

Vol. III. Janvier 1897. N° 13.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

1

PATHOLOGIE NERVEUSE. ,

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR (ÉREUTHOPHOBIE) ;

Par les D" A. PITRES et E. RÉGIS.

La physiologie nous apprend que le phénomène de la rougeur

émotive est, par ses côtés essentiels, un fait d'ordre psychique.

Nous voudrions montrer qu'il peut aussi, dans certains cas,

devenir le point de départ d'un état d'esprit particulier allant

jusqu'à l'obsession, à la phobie 1.

La rougeur émotive du visage s'accompagne habituellement,

1 Nous aurions désiré nous abstenir de baptiser cette obsession, esti-

mant que la nomenclature des phobies est déjà suffisamment longue et

n'ayant aucun goût pour les néologismes médicaux inutiles. Cependant,

pour nous conformer à un usage aujourd'hui établi, comme pour la

commodité du langage, et à condition qu'on ne voie pas là le désir d'éri-

ger un simple syndrome en maladie nouvelle, nous proposerons une

dénomination à cette obsession. Tout d'abord, nous la désignions entre

nous par le nom d'érgtlirophobie, sous lequel elle est déjà couramment

connue à Bordeaux. Mais '1,01ô, voulant dire simplement couleur rouge,

érythrophobie ne pouvait signifier que phobie du rouge et non de la

rougeur, d'où une source de confusion possible. Précisément l'un de nous

vient d'observer une dame qui, entre autres phobies, présente celle de la

couleur rouge, à ce point qu'on a dû enlever de sa chambre tous ,les

objets de cette teinte. Il y a donc là deux phobies très distinctes l'une de

l'autre : la phobie du rouge, la phobie du boeuf ou du taureau, qu'on

peut appeler l 'érythrophobie, et la phobie de la rougeur, à laquelle on

pourrait donner le nom d'érevllhophobie, de 11,,0 ? rougeur de la honte.

Mais, nous le répétons, nous ne tenons pas le moins du monde à ces

dénominations, qui sont l'accessoire. Le point important, c'est le fait

psychopathologique.

Archives, 2° série, t. III. 1

2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

on le sait, d'un sentiment de trouble et de confusion. Ce senti-

ment est parfois très pénible, surtout chez les hommes. Il

semble, en effet, que les femmes, qui rougissent davantage, en

soient moins affectées, peut-être parce que la rougeur est une

expression en accord avec la délicatesse de leur sexe et leur

prête pour ainsi dire un charme de plus. On prétend que les

Circassiennes qui rougissent sont estimées au plus haut prix.

La rougeur de l'homme a quelque chose de plus ennuyeux, de

plus ridicule, sans doute parce que c'est un signe de timi-

dité, de faiblesse, de féminisme.

Parmi les individus sujets à rougir, il en est qui, sur le

moment, sont plus ou moins gênés, décontenancés. Mais, la

rougeur passée, ils n'y pensent plus. Chez d'autres, cette

idée qu'ils ont rougi les poursuit et les tourmente, même

dans l'intervalle. Ils y pensent, et, souvent, ce souvenir seul

les fait rougir à nouveau. Chez certains, l'ennui d'avoir rougi

se double de la crainte de rougir encore, de sorte qu'à tout

instant, dans tous leurs actes, ils se montrent inquiets,

timides, gênés, rougissant pour un rien, par la peur même de

rougir, très malheureux de cet état; si malheureux qu'ils

appréhendent tout contact, tout rapport de société, et que

beaucoup deviennent sombres, misanthropes et songent même

au suicide.

Ces cas sont loin d'être exceptionnels. L'enquête que nous

avons faite nous a montré que bien des jeunes gens avaient

éprouvé, à un degré quelconque, ce trouble émotif, et c'était

pour eux comme un soulagement d'apprendre qu'ils n'étaient

pas, ainsi qu'ils l'avaient cru, les seuls à en avoir souffert.

D'habitude, cette appréhension excessive de la rougeur n'a

qu'un temps. Passé la jeunesse, vers trente ans, elle s'atté-

nue ou disparaît, en même temps que la rougeur elle-même

devient plus rare et moins pénible. Chez quelques-uns, cepen-

dant, la crainte de la rougeur prend les proportions d'une

véritable obsession, qui empoisonne Ja vie et qui persiste

durant de longues années, quelquefois indéfiniment.

Il existe donc, au point de vue de l'effet moral produit par

la rougeur, comme une échelle de gradation et nous pouvons,

à cet égard, admettre trois degrés ou catégories.

Premier degré. Ereuthose SIMPLE.

Au premier degré se placent des individus qui ont une façi-

L'OBSESSION DE la ROUGEUR. 3

lité extrême, soit innée, soit acquise, à rougir. Sous l'influence

de conditions diverses, particulièrement de conditions phy-

siques, extérieures ou intérieures, à tout bout de champ quel-

quefois, leur visage s'anime et se colore d'une façon plus ou

moins intense et plus ou moins durable. Mais, chez eux, tout

se borne là. Ce qui les distingue donc, c'est leur absence com-

plète de préoccupation, vis-à-vis de leurs rougeurs, pour si

fréquentes et pour si marquées qu'elles soient. Ou ils ne s'en

émeuvent pas, ou, s'ils se troublent, c'est sur le moment. Après

ils n'y pensent plus. Il nous paraît inutile de citer des faits de

ce genre. Ils sont courants et n'offrent à vrai dire rien de

pathologique. Nous les citons uniquement comme point de

départ des états plus caratérisés qui vont suivre.

Deuxième degré. EREUTHOSE émotive.

Au deuxième degré, nous trouvons des individus qui non

seulement rougissent très fréquemment, mais qui s'en tour-

mentent plus ou moins. Chez les uns, l'aptitude à rougir n'est

que temporaire et due à une cause accidentelle, climatérique

ou pathologique. Ce sont des jeunes garçons, des jeunes filles

au moment de la formation, des femmes à l'âge critique, des

chloro-anémiques avec aménorrhée ou dysménorrhée. Chez les

autres, l'aptitude à rougir est durable et fait pour ainsi dire

partie du tempérament. Ce sont des délicats, des candidats à la

tuberculose, des arthritiques, des nerveux, hystériques, neu-

rasthéniques, ayant le plus souvent des névropathes et des

tuberculeux dans leur famille et, presque toujours aussi, des

parents ou collatéraux émotifs, sujets à rougir.

Ce qui caractérise ces sujets, c'est, d'une part, l'excessive

disposition qu'ils ont à rougir, particulièrement dans les rap-

ports de la vie courante avec leurs semblables, dans les cir-

constances où il faut se montrer ; d'autre part l'ennui que pro-

voque chez eux cette disposition quasi-maladive et le désir

qu'ils ont de s'en débarrasser. Mais cet ennui et ce désir ne

vont pas jusqu'a l'obsession. Ils n'y pensent que de temps à

autre, à la suite de leurs crises de confusion, qui les laissent

honteux et irrités. Après, ils redeviennent gais. Tout cela

d'ailleurs, s'amoindrit ou cesse avec le temps. Comme

exemple, et parmi tant d'autres, nous citerons les suivants, qui

peuvent passer pour typiques.

4 pathologie NERVEUSE.

Une jeune fille est prise à dix-huit ans de chloro-anémie avec

aménorrhée et tous les jours, ordinairement à la même heure,

elle éprouve des bouffées de rougeur, parfois d'un seul côté du

visage. Tourmentée par la crainte de rougir en public, elle

imagine, lorsqu'elle redoute quelques visites pour la journée,

^~de se faire rougir chez elle au préalable en s'approchant des

fourneaux de la cuisine, ayant remarqué qu'après avoir rougi

une fois, elle en était quitte en général, jusqu'au lendemain.

Ayant observé également qu'elle ne rougit que peu ou pas

par les clairs soleils et durant le fort de l'été, elle demande,

sans oser dire pourquoi, à être mise en pension à Nice. Chose

'étonnante ! le vieux praticien qui soignait cette jeune fille,

trouvant que ces rougeurs étaient un indice d'excès de sang,

lasaignait ! Un traitement tonique et des bains de mer vinrent

rapidement à bout de lachloro-anémie et de l'aménorrhée, si

bien que les bouffées de rougeur disparurent et avec elles la

préoccupation morale q.ui leur était liée. ,

La situation est la même pour beaucoup de femmes à la mé-

nopause. Pour un rien, surtout aux repas, elles sont prises de

bouffées subites, et certaines en sont très gênées. Aussi

évitent-elles avec soin les grands dîners, où l'effet congestif de

la digestion se double de celui de la chaleur, de la lumière, de

la nécessité de se sangler dans un corset, de figurer en nom-

breuse société. Nous connaissons une dame qui, ayant fini par

céder à une invitation de ce genre, éprouva un véritable ma-

laise. Une rougeur l'ayant prise en effet, au moment où l'on

parlait du Panama, malgré elle l'idée la prit qu'on pouvait

établir un rapprochement entre sa rougeur et le Panama, ce

qui l'émotionna très vivement.

Ces deux faits appartiennent à la catégorie des tendances

temporaires à la rougeur émotive, dont nous parlions plus

haut, dues à une cause, passagère elle-même, climatérique ou

pathologique.

Voici maintenant, résumée par eux-mêmes, l'histoire de deux

frères, étudiants en médecine, sujets par tempérament à la

rougeur émotive, avec préoccupation, mais sans obsession.

Observation 1. - J. X..., vingt-quatre ans, étudianten médecine.

Père nerveux, émotif, à émotion se traduisant par des afflux de

larmes, sans rougeur. Mère très sujette à la rougeur dans sa jeu-

nesse, mais sans obsession. Rougit moins aujourd'hui. Tuberculeux

dans la famille.

L'OBSESSION DE la ROUGEUR. 5

Une soeur et un frère (P. X...) sujets également il rougir.

a Rougit depuis l'âge de six à sept' ans,' mais principalement

depuis la puberté. Rougit, beaucoup dans ! .laii'ue, gêné'par les

regards des passants. Rougit' devant un étalagera, l'idée qu'on

pourrait croire qu'il peut voler.des objets exposés.. Rougit dans les

magasins à entrée libre, de. peur d'être, soupçonné d'être venu là

pour voler, au, café, lorsqu'il est seul, en tramway, en chemin de

fer, surtout chez le coiffeur ; rougit plus fréquemment en, présence

de plusieurs personnes, notamment d'étrangers. Seul, rougit rare-

ment, et alors.c'est au souvenir d'une commission non faite, d'une

indélicatesse commise, du tort porté à quelqu'un, d'une' maladresse

qui l'a fait mal juger. ' , . , > .*l r

« Rougit moins par un temps clair et chaud, davantage par un

temps lourd et couvert. Rougeur variable et intermittente.; Reste

des semaines sans rougir, puis rougit très souvent pendant d'autres

semaines. , , <

Il sent venir la rougeur. Il éprouve une^sensation vague

d'avoir dans la poitrine une certaine quantité de sang en trop : un

verre environ. Ce sang serait prêt à monter à la face., Quand la

rougeur avorte, ce qui arrive quand la cause cesse,, le, .trop-plein

du sang semble s'être arrêté à la gorge, puis. redescendre, comme

un index de liquide qui monterait ou descendrait .dans un.tube. «

« Quand la rougeur est intense, le front se couvre de

gouttelettes de sueur, surtout quand la rougeur s'est reproduite

quatre ou cinq fois dans un court espace de temps. Avec la rou-

geur, sensation de chaleur exagérée la tête, battements forts

des artères. Quelquefois, mais rarement, palpitations cardiaques.

Eprouve, parfois seulement, de la confusion. Il se tourmente par

moments de son état, mais peu, et cela ne l'empêche aucunement

après, d'être très gai.»

Quant aux moyens qu'il emploie pour cacher sa rougeur ou

l'empêcher, les voici : s'il se trouve avec des gens qui savent qu'il

rougit pour un rien, il n'essaie pas de cacher sa rougeur; sinon,

il tente de la dissimuler, le plus souvent au moyen des mains, dans

la pose où, les coudes appuyés, on se tient la tête entre les doigts.

S'il est au café, ou en chemin de fer, ou en tramway, il use du

journal, dans lequel il semble se plonger, et derrière lequel il

s'abrite. Voyant dans la rue une personne connue qui doit l'im-

pressionner, et sentant venir la rougeur, il change de frottoir ou

de rue, ou bien il revient sur ses pas. Pour empêcher l'afflux du

sang au visage il arrête son souffle après une forte inspiration et

reste aussi longtemps que possible sans expirer.

Observation II. P. X..., étudiant, frère du précédent. Se

rappelle avoir toujours été facile à émotionner et à faire rougir.

Les larmes arrivent aussi très facilement. A dix-huit ans, crise de

B pathologie NERVEUSE.

neurasthénie, troubles gastriques, maux de tête, névralgies, dimi-

nution de la faculté d'attention.

La rouceur survient assez irrégulièrement, mais il n'est guère de

jour ou P. X... ne rougisse pas, hormis par les temps froids. Il se

dit : « Je vais rougir », et alors il tente d'arrêter le phénomène

qui ne se produit jamais immédiatement. Pour cela, il essaie de

penser à autre chose, mais le plus souvent le moyen ne réussit pas

et il sent affluer le sang.

Dans les cas les plus ordinaires, il éprouve, au moment de la

bouffée, une simple sensation de chaleur à la face. S'il se trouve

avec quelqu'un, il parle vite, sans savoir ce qu'il dit, afin de détour-

ner l'attention de l'interlocuteur, et de faire croire qu'il est occupé

d'autre chose que de sa rougeur; mais il y pense et en est confus.

Si on le lui fait remarquer, il en ressent de l'humeur, vite réprimée

et il se plaisante lui-même. Dans ce cas, il ne se préoccupe pas

beaucoup de l'incident.

Dans les cas plus forts, par exemple au milieu d'une compagnie,

il lui arrive tout à coup de penser qu'il pourrait rougir. Cette pensée

l'inquiète; il essaie alors d'intéresser plus vivement son esprit à ce

qui se dit, et réussit parfois à ne pas rougir. Sinon, la rougeur

arrive à son comble. Des bouffées successives montent; le corps

se couvre de sueur, avec sensation d'horripilation. P. X... sent alors

son coeur battre avec violence, ainsi que les artères de la tête et du

cou.

Il ne se souvient pas d'avoir rougi dans l'obscurité. Quand il

est seul, il rougit rarement, et alors exactement sous l'influence des

mêmes causes que son frère.

Il rougit rarement dans la rue, redoute les pensionnats de jeunes

filles, carla pensée d'une rougeur possible lui vient alors fatalement.

Au café, en tramway, en chemin de fer, chez le coiffeur, même

chose que son frère. Sa disposition à rougir ne le rend malheureux

que par instants, quand il y songe, mais ne constitue pas le moins

du monde une obsession.

Troisième degré. EREUTHOSE obsédante (E1'eul/wp/wbie).

Nous avons parlé jusqu'ici des individus qui, soit temporai-

rment, soit d'une façon durable, étaient sujets à rougir et qui

s'en tourmentaient plus ou moins, mais dont la préoccupation

n'était qu'intermittente et relativement peu intense. Il en

existe d'autres chez lesquels la préoccupation de la rougeur

constitue une obsession véritable, une phobie extrêmement

pénible, tenace et incessante. Ce sont ceux de notre troisième

catégorie.

Nous avons, dans ces dernières années, observé huit cas

L'OBSESSION DE la ROUGEUR. 7

typiques de ce genre et c'est en rapprochant ces cas que nous

allons résumer les traits principaux de l'obsession à laquelle

ils se rapportent. Et d'abord, à l'exception d'une dame présen-

tant d'ailleurs des particularités spéciales, nos sujets étaient

tous des hommes, ce qui confirme ce que nous disions plus

haut de l'influence psychique prépondérante de la rougeur dans

le sexe masculin. On trouve bien des femmes atteintes d'éreu-

those émotive, c'est-à-dire plus ou moins préoccupées de la

crainte de rougir, mais l'obsession proprement dite, l'éreutho-

phobie, paraît surtout être spéciale à l'homme. Tous nos

sujets étaient jeunes. Ils avaient de vingt à trente ans, sauf un,

âgé aujourd'hui de trente-sept ans.

Tous avaient des nerveux, des alcooliques ou des tubercu-

leux dans leur famille. Tous avaient dans leurs ascendants ou

leurs collatéraux des individus timides et enclins à rougir. A

part la femme, entachée d'hystérie, tous étaient des neurasthé-

niques constitutionnels, quelques-uns, en plus, des dégénérés

à stigmates. Tous se souvenaient d'avoir rougi dès l'enfance,

mais ils n'avaient commencé à s'en inquiéter qu'à dater de la

puberté, entre douze et dix-huit ans, le plus,souvent à l'occa-

sion d'un incident fortuit, d'une crise de rougeur particulière-

ment désagréable. A dater de ce moment, leur facilité à rou-

gir, souvent objet d'allusions et de quolibets, les avait émus,

tourmentés et ils en étaient arrivés à ne plus penser qu'à cela,

ce qui les rendait très malheureux. '

Identiques comme origine et comme début, ces huit cas

offrent aussi symptomatiquement, des caractères identiques.

Ainsi, les crises de rougeur surviennent dans les mêmes con-

ditions, sous l'action des mêmes influences. Les malades sont

unanimes à constater qu'ils sont plus ou moins sujets à rou-

gir, suivant le temps. Par les froids secs de l'hiver ou par les

grands soleils de l'été, ils rougissent moins et s'en montrent

d'autant plus heureux que la coloration plus vive de leur visage

à ce moment leur semble un moyen naturel de protection et

de dissimulation contre leur pénible infirmité. En revanche,

par les temps chauds, orageux et humides, ils rougissent beau-

coup plus. Certains, véritables baromètres, sentent par avance,

à des malaises déterminés que le temps va se couvrir et alors,

s'ils le peuvent, ils ne sortent pas, pour éviter de rougir à tout

bout de champ.

Généralement, ils sont mieux le matin que le soir.Toutefois

8 PATHOLOGIE nerveuse.

lorsque vient la nuit, ils recouvrent à la faveur de l'ombre,

leur activité, leur aplomb et même de la gaieté. Entrer dans un

salon, dans un magasin, dans un restaurant, dans un café,

dans un lieu public, parler ou agir devant du monde, est pour

eux d'une difficulté très grande, souvent insurmontable et lors-

qu'ils essaient de se faire violence, c'est au prix d'une émotion

qui touche parfois à l'angoisse. Un des actes les plus pénibles

de la vie est, pour la plupart, d'aller se faire raser ou couper

les cheveux chez un coiffeur. Pour quelques-uns, c'est un véri-

table supplice que de sentir le barbier penché sur leur visage

et les regardant. Ils ont beau lire un journal, fermer les yeux,

essayer de penser à autre chose, toujours cette idée les obsède :

« Si tu venais à rougir, quel ennui ! » et cela suffit presque

toujours à les faire rougir; ils ont beau se débattre,ils finissent

par succomber et deviennent écarlates.

Ils peuvent facilement traverser une rue quand elle est

déserte; mais s'il y a du monde, surtout si on a l'air de les

regarder, ils se troublent, s'agitent et ne savent à quoi se

résoudre pour se tirer d'embarras.

Devant des gens connus, surtout devant des dames ou des

jeunes filles, leur émoi est extrême. L'un d'eux, obligé de pas-

ser devant un atelier de couturières, en sortant de son travail,

ne pouvait le faire qu'en prenant son élan et en se mettant à

courir une fleur à la bouche pour se donner une contenance.

Un jour, interpellé au passage par l'une -des ouvrières, il

rougit et trembla si violemment qu'il fut obligé de se cram-

ponner pour ne pas tomber et à la suite de cet incident,

honteux et désespéré, il s'empressa de quitter le pays.

Beaucoup évitent de manger dans un restaurant et s'as-

treignent à prendre leurs repas seuls, en famille ou dans une

maison particulière. Quand ils sont à table, en compagnie, si

on parle autour d'eux, si on s'occupe d'autre chose, ils sont

calmes. Si on les regarde, si on les interpelle, si surtout ils sont

obligés de parler, ils se troublent aussitôt et rougissent. Au

théâtre, ils sont généralement tranquilles, parce que leur atten-

tion et celle des spectateurs est attirée ailleurs.

Certains sujets de conversation, certains propos les font

rougir davantage. Si on parle d'un méfait, par exemple, ils rou-

gissent comme s'ils étaient coupables. De même pour certains

actes ; ils rougissent s'ils commettentune maladresse, une gau-

cherie, une infraction quelconque aux règles de l'étiquette ou

L'OBSESSION DE la rougeur. 9

si seulement on les commet devant eux. Ils rougissent non

seulement s'ils font mal, mais aussi s'ils font bien, par

exemple quand ils donnent une aumône en public, de peur

d'être taxés d'ostentation.

La plupart de leurs rougeurs ont pour cause une pensée

secrète, une appréhension quelconque, surtout celle de rougir,

qui ne les quitte pas. Même seuls, elle les obsède et c'est ainsi

qu'il leur arrive de rougir dans la solitude, au souvenir d'un

incident désagréable, d'une confusion pénible, ou d'un obstacle

difficile à surmonter pour leur timidité.

La crise de rougeur, à part quelques différences légères, est

la même chez tous les malades. Presque toujours elle survient

au moment où ils se disent : «. Si j'allais rougir ! » ou encore :

» Je vais rougir. »

Généralement ils la sentent venir. L'un dit que < ça part

dans l'intérieur du corps comme une faiblesse de coeur qui

monte jusqu'aux tempes et produit l'agitation du sang et des

picotements comme des pointes d'aiguilles ». Un autre res-

sent « un poids sur l'estomac, un resserrement dans les hypo-

condres, des palpitations, des bouffées, de l'angoisse, etc. ». Un

autre éprouve d'abord des palpitations. Son coeur bat violem-

ment. Puis sa respiration devient oppressée, haletante. Le

sang lui monte violemment à la tête. Ses oreilles bourdon-

nent. Ses tempes battent. Les yeux ne voient plus. Ses pau-

pières s'agitent convulsivement. Sa tète est lourde. Ses

jambes se dérobent et vont de travers. Sa bouche se tourne

dans tous les sens et grimace, sa langue remue, mais il ne

' peut parler. Son corps est agité d'un tremblement général.

La rougeur est plus ou moins vive suivant les cas. Elle va

du rouge clair au rouge écarlate, sans que ces variations de

nuances aient une influence quelconque sur l'état de l'esprit,

et à cet égard on peut dire que l'intensité de l'obsession n'est

nullement en rapport avec l'intensité de la rougeur. Parfois

on constate très nettement le pouls capillaire. L'étendue de la

rougeur est également des plus variables. Le plus souvent elle

est limitée à la face et s'arrête au cou. Elle peut exceptionnel-

lement, descendre plus bas. On a du reste, cité quelques faits

physiologiques où la rougeur avait envahi tout le corps. Une

sensation de chaleur souvent très vive accompagne la rougeur.

Une sueur plus ou moins abondante et plus ou moins généra-

10 PATHOLOGIE NERVEUSE.

lisée, parfois compliquée d'autres phénomènes de réaction

émotive (besoin d'uriner, diarrhée subite, etc.), survient d'habi-

tude et marque, dans ce cas, la dernière période de la crise qui

ne se prolonge guère au delà de quelques instants. -

Dès le début, les sujets sont dans un état de trouble et d'an-

goisse inexprimables. Plusieurs pensées les assaillent. Ils ont

peur qu'on les trouve timides, ridicules, qu'on les prenne

pour des ivrognes, qu'on croie qu'ils ont fait un mauvais coup,

qu'on se moque d'eux, qu'on fasse sur eux des réflexions déso-

bligeantes ; ils ressentent, en même temps que de la confusion,

un sentiment de colère contre tout le monde, surtout contre

eux. Ils sont furieux « d'être comme ça». Aussi, à ce moment,

si on les regarde, si on a l'air de sourire, si on fait la moindre

allusion à leur rougeur, ils se fâchent, deviennent grossiers,

même violents. L'un d'eux s'écriait alors : « Qu'est-ce que ça

peut vous foutre que je devienne vert, rouge ou bleu ? » et il

s'en allait furieux. Un autre menaçait et pour un rien aurait

frappé. Il y a là un court moment où l'obsédé a de la peine à

rester maître de soi. C'est la vraie furor brevis des anciens.

Quand la crise s'achève, la rougeur diminue rapidement et

fait place parfois à de la pâleur; les phénomènes concomitants

disparaissent, la confusion se dissipe et le sujet reste partagé

entre l'ennui d'avoir rougi si bêtement et la satisfaction de

n'avoir pas à rougir de quelque temps. Ces crises, d'intensité

variable, se renouvellent plus ou moins fréquemment . Quel-

quefois elles se produisent plusieurs fois par jour. D'autres

fois elles cessent pendant plusieurs semaines. Nous avons vu

plus haut quelles sont les influences qui les favorisent.

En dehors de l'état mental de la crise ou du paroxysme, que

nous venons d'indiquer, les sujets continuent, même dans

l'intervalle, d'être préoccupés par l'idée de leur rougeur. Ils en

sont tyranniquement obsédés. Ils ne pensent plus qu'à ca. Ils

ont beau essayer de chasser ce tourment de leur esprit, ils n'y

parviennent pas et l'un d'eux nous disait : « C'est comme si

un bossu voulait ne plus penser à sa bosse, »

Presque tous cherchent à se rendre compte de leur infir-

mité, à s'analyser. L'un est préoccupé surtout de savoir

« comment il se fait qu'il y ait des personnes pâles, dont la

figure ne rougit jamais, et d'autres chez qui le sang afflue pour

un rien au visage. Pourquoi ces différences ? Est-ce que le sang

est plus éloigné de la peau chez les uns que chez les autres ? »

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR. 1'I

Un autre est persuadé « qu'il n'est pas comme tout le

monde, qu'il a le cerveau faible, qu'il n'y a pas chez lui équi-

libre entre le cerveau et le sang ». Il se croit « un malheureux

martyr par la souffrance morale.' Sa mère aurait mieux fait

de se foutre à la rivière ou dans un couvent au lieu de faire des

enfants ».

Tel est leur état mental dans l'interparoxysme. Telles

sont les pensées qui les torturent, et ce qui augmente

leur souffrance, c'est que, comme la plupart des obsédés, ils

la cachent à tous sauf au médecin à qui ils s'ouvrent en con-

fidence, lui parlantde leur obsession avec une émotion angois-

sante et la lui peignant comme un supplice de tous les ins-

tants, qui empoisonne littéralement leur vie.

On comprend, dans ces conditions, que ces malheureux ne

vivent pas de la vie de tout le monde, Non seulement ils

restent des célibataires endurcis, mais encore ils fuient tout

contact, tout plaisir, s'enfermant dans une solitude sombre et

farouche, songeant à en finir par le suicide s'ils ne guérissent

pas, tombant, s'ils sont intelligents et instruits, dans ce pes-

simisme amer et subtil qu'onrencontre si souvent, comme l'a

montré l'un de nous, chez les neurasthéniques supérieurs '.

Parfois l'obsession de la rougeur se complique, chez les ma-

lades, d'autres troubles psychiques, mais rarement d'obses-

sions différentes. Chez quelques-uns cependant, on observe

certaines inhibitions émotives, en particulier de l'inhibition

génitale.

Ce qu'il y a de vraiment curieux, ce sont les artifices aux-

quels ont recours les euréthophobes soit pour empêcher^soit

pour dissimuler leurs crises de rougeur. S'empêcher de rougir

est pour eux chose des plus difficiles, car pour faire effort dans

ce but il faut y penser, et penser à la rougeur c'est incontes-

tablement le meilleur moyen de la provoquer. Ils n'ont donc

qu'un seul procédé un peu efficace, c'est de penser à autre

chose. Beaucoup en usent, et, au moment où ils sentent venir

la rougeur, ils essaient de détourner leur esprit, de a s'atten-

tionner ailleurs », comme ils disent, soit en lisant un journal,

soit en causant avec quelqu'un, soit en parlant tout seuls à

haute voix, soit en s'occupant à regarder, à sentir, à manipuler,

i-E. Régis. - Pessimisme et neurasthénie (leçons cliniques), thèse de

Reneurel, Bordeaux, 1896.

'12 PATHOLOGIE NERVEUSE. ,

à mâcher, à faire quelque' chose, comme celui de nos sujets,

un ouvrier, qui plaçait une règle sur son épaule et la balançait

doucement dans la rue à la fois pour se captiver et pour se

donner une contenance. Cela réussit quelquefois, mais pas

toujours, et il est en somme assez rare que les obsédés de la

rougeur puissent s'opposer à leur crise.

En revanche, ils ont mille moyens, plus ingénieux les uns

que les autres, pour la dissimuler lorsqu'elle survient. ,

Parmi ces moyens, certains leur sont pour ainsi dire com-

muns et tous y ont naturellement recours : ils consistent à se

cacher la figure derrière un journal en faisant semblant de

lire, à se couvrir le visage avec les mains ou avec' un. mou-

choir, en simulant de se moucher, de s'essuyer la figure,

de souffrir des dents, etc., etc. , , ,,

La plupart ont des procédés^ particuliers. L'un enfonce son

chapeau sur ses yeux et prend l'attitude d'un homme harassé,,

qui n'en peut plus; un autre se couvre de son parapluie; un

autre fait semblant de lire des affiches ; un autre, si on lui

adresse brusquement la parole, quand il est à son travail, se

baisse et a l'air de chercher quelque chose sous un meuble, etc.

Mais le moyen employé le plus volontiers par les malades, à

la fois pour empêcher et pour cacher leur rougeur, c'est de

boire. Quatre de nos sujets sur sept hommes se livraient à la

boisson dans ce but.

Boire, pour eux, réalise un double avantage. En premier lieu,

cela leur donne plus d'assurance, leur permet d'affronter les

regards, de parler et d'agir comme tout le monde ; en second

lieu, la boisson colore leur visage et cette coloration rend,

pensent-ils, leur rougeur émotive beaucoup moins visible. Pure

illusion d'ailleurs, car nous en connaissons un devenu un

ivrogne rubicond, chez lequel les bouffées de rougeur sont

restées tout aussi apparentes. Les boissons auxquelles ils ont

recours de préférence sont les plus fortes, l'eau-de-vie, le

rhum, l'absinthe. Deux de nos malades ont fini à la longue

par présenter des symptômes physiques et psychiques d'alcoo-

lisme et cependant la boisson leur répugnait et ils n'y avaient

recours que par les temps ou dans les circonstances où ils re-

doutaient de rougir. L'un d'eux s'étant aperçu à vingt et un ans

que, quand il avait bu, il avait du toupet comme les autres, se

mit à boire de temps en temps de l'alcool et de l'absinthe,

pour se préserver de sa rougeur. Et comme il avait remarqué

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR. '13

que l'excitant mettait environ vingt minutes à faire son

oeuvre, il avait soin de boire une petite demi-heure avant d'ac-

complir-les actes qui coûtaient le plus à sa timidité. A ce mo-

ment, un peu étourdi', il aurait-parlé, chanté, joué la comédie,

bravé le monde entier.

Mais ce ne sont là que des palliatifs. Ce que voudraient sur-

tout ces- malheureux, c'est ou ne plus rougir, ou masquer

leur rougeur d'une façon constante. Ils conçoivent, à cet

effet, toutes sortes de combinaisons étranges, qu'ils viennent

'proposer au médecin. L'un voudrait se poudrer la figure avec

une poudre blanche imperceptible, comme les femmes. Un

autre demande à être délivré de son obsession par la sugges-

tion. Un troisième, dans une lettre à l'un de nous, s'exprime

ainsi : Ne pourrait-on pas empêcher les gens de rougir mal-

gré eux ? N'est-il pas une teinture imitant le rouge naturel,

qui pourrait donner au teint une nuance feu permanente, de

façon à avoir toujours le visage coloré ! ou bien ne pourrait-

on pas infiltrer entre la première et la deuxième peau un

liquide' quelconque, absolument comme on fait pour un

tatouage; seulement au lieu d'être bleu, ce serait rouge...1 ? »

'.L'histoire la plus curieuse, à cet égard, est celle de A..., l'un de

nos malades. Désireux de guérir à tout prix, il entre à l'hôpital, dans le

service de M. le professeur Pitres et réclame des sangsues. On lui applique

quatre sangsues dans la région mastoïdienne et on laisse couler le sang

assez abondamment. Le lendemain, le malade se sent mieux, mais il

demande déjà une saignée plus forte, et, peu de jours après, mécontent

du résultat, il réclame une opération plus radicale, la ligature des deux

carotides.

On se décide à lui donner un semblant de satisfaction et à pousser

d'essai de psychothérapie à ses dernières limites. M. le professeur Demons,

après avoir endormi A..., lui fait une longue incision sur le trajet de la

carotide droite. La plaie est refermée à l'aide de plusieurs points de

suture et recouverte d'un pansement complet. Sur la pancarte, on ins-

crit, en gros caractères : « Ligature de la carotide droite. »

Tout d'abord, le malade se trouve soulagé ; il se regarde constamment

à la glace. Le dixième jour, on enlève les points de suture et on continue

le pansement. Depuis plusieurs jours jours déjà, A... est inquiet; il

trouve que l'effet produit laisse à désirer et demande la ligature de

l'autre côté. Il redevient obsédé, irascible, violent. Il est renvoyé de

l'hôpital après une algarade. Depuis, il est plus obsédé que jamais et

ne cesse de réclamer une opération nouvelle. « La carotide, dit-il, a

réussi dans un genre parce que le sang monte moins, mais le cerveau est

toujours très faible. C'est là qu'il faudrait travailler, prendre le mal dans

sa racine. Pour moi. ce' qu'il faudrait, ce serait un changement de cer-

veau, une extraction du cerveau. Que voulez-vous ? Mourir pour mourir ! »

14 " PATHOLOGIE NERVEUSE.

On voit suffisamment par ce qui précède que l'obsession de

la rougeur est, en général, des plus tenaces. Chez aucun de nos

sujets, malgré tout ce que nous avons pu tenter, nous n'avons

réalisé d'amélioration notable. Ce n'est que dans un cas où

la peur de la rougeur s'est trouvée liée à l'hystérie, que

nous avons pu obtenir quelque chose, en particulier de la

médication psychique, de la suggestion à l'état de veille,

l'hypnose étant restée impossible. Chez nos autres malades

qui étaient ou neurasthéniques ou dégénérés, nous ne sommes

arrivés à rien et ils semblent voués à perpétuité à leur tor-

ture morale.

Nous nous bornerons à donner ici deux de nos observations

d'obsession de la rougeur. Elles sont particulièrement inté-

ressantes, en ce qu'elles émanent toutes deux de jeunes gens

intelligents, instruits, et qui ont décrit eux-mêmes, d'une façon

très exacte et vraiment vécue, les divers symptômes qu'ils

éprouvaient. La première de ces observations nous a été

communiquée par notre ami le D'' V. Dubourdieu, médecin

adjoint des asiles d'aliénés, que nous remercions bien sincè-

rement.

Observation III (communiquée par M. le Dr V. Dubourdieu).

V. L..., vingt-un ans, étudiant, très intelligent, instable, pessi-

miste, nerveux, impressionnable, sujet aux palpitations, est atteint

d'éreuthophobie. Il décrit ainsi lui-même sa maladie :

Je me souviens d'avoir toujours eu beaucoup de sensibilité. La

plus petite satisfaction accordée à mes désirs d'enfant me comblait

de joie, la plus petite contrariété me causait une intense douleur.

Est-ce que ces diverses émotions se traduisaient par une rougeur

du visage ? Il est possible, mais je n'en avais pas conscience. C'est

vers l'âge de douze ans qu'est apparue chez moi cette crainte de

rougir et ces rougeurs sans motif. Mon sens génésique était déjà

éveillé depuis trois ans. C'est à neuf ans, au collège, que j'ai reçu

l'initiation onanique. A douze ans, c'est-à-dire à mon entrée au

lycée de X..., je pratiquais ces habitudes, mais d'une façon assez

modérée. J'ai connu la femme dans le courant de ma seizième an-

née, pendant laquelle je faisais ma rhétorique. Ces époques de ma

vie génitule n'ont été marquées d'aucun changement dans ma mala-

die.

J'ouvre une parenthèse. Vous me demandez mon état d'esprit

lors da ma première communion ? Parfait, au point de vue catho-

lique. Au sujet des rapports que cela peut présenter avec ce qui

nous occupe, sachez que longtemps avant et quelque temps après

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR. 15

la communion, je m'abstins de toute pratique solitaire et que ma

maladie n'était pas encore déclarée. Comme ma maladie est restée

identique depuis son apparition, je passe sur ma vie de lycée, et je

vais la décrire dans ses généralités en prenant des exemples de ses

manifestations dans les cinq dernières années.

Sachant ma facilité extraordinaire à rougir, je suis obsédé par

cette idée : « Je vais rougir. » Cette idée me suit partout, me

tenaille le cerveau et suffit à elle seule à me faire rougir, sans qu'il

soit besoin de l'intervention d'une personne étrangère, d'une cir-

constance extérieure. Pourtant, si je suis seul, dans ma chambre,

cette idée est insuffisante. Il faut que je sois dans la rue, avec

d'autres personnes, en un mot, en un endroit où ma rougeur puisse

être remarquée. Exemple : Je suis seul, je traverse une rue.

Tout d'un coup, à 20 mètres en avant, j'aperçois un groupe de per-

sonnes arrêtées qui regardent passer la foule. Il se peut que cela

me laisse indifférent. La plupart du temps, l'idée surgit et me

frappe d'un choc : Ge Tu vas rougir. » Et si je n'ai pas le temps de

passer avant que le rouge me soit monté au visage, je rougis. Si

j'ai le temps, si je ne suis pas aperçu, le sentiment d'une délivrance

me soulage, dissipe l'angoisse, et le c phare » s'éteint au moment

où il commençait à s'allumer. Il m'arrivera de me détourner de

mon chemin, de passer par une autre rue, de revenir sur mes pas,

de faire semblant de lire un journal de très près pour me cacher.

Je m'imagine toujours qu'on me regarde, qu'on m'examine, que

je suis l'objet d'une attention malveillante. Presque continuelle-

ment, je ressens dans la région précordiale une douleur légère et

sourde, une gêne. Quand l'accès va se produire, cette gêne devient

de l'angoisse. Il me semble qu'on me serre le coeur, et en même

temps je l'entends battre violemment, à coups précipités. Je rougis.

Alors les mains deviennent moites, j'étouffe (Unie semble que mon

col est trop petit, m'étrangle), je ressens des picotements derrière la

nuque, aux oreilles, mes idées se brouillent, je ne sais plus exac-

tement ce que je dis, ce que je fais. J'ai envie de fuir, de rentrer

sous terre. Peu à peu je me calme, je ressens une grande fatigue,

je suis déprimé, abattu, physiquement et moralement. Il me vient

l'envie de me saouler. de perdre connaissance, de me reposer, de

mourir.

L'accès que je viens de décrire est un accès aigu. Généralement

il est moins fort. Il existe à tous les degrés. Vous citer des faits, des

circonstances ? Inutile. Partout, toujours, cette idée me menace.

Vais-je dîner chez une personne ? C'est un supplice si j'ai la lumière

dans les yeux. A table, s'occupe-t-on de moi, je rougis. Ne s'en

occupe-t-on pas ? Je rougis aussi. Au café, la même chose. Avec

des hommes, je rougis. Avec des femmes, je rougis.

Maintenant, quelles influences peuvent agir sur moi ? Au milieu

de la foule, je souffre beaucoup. L'idée que je ne pourrai me déga-

16 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ger, fuir, que forcément on me verra rougir, amène précisément

la rougeur. La température ? J'aime l'été avec beaucoup, beaucoup

de soleil. Je ne passe pas à l'ombre. Les temps gris, doux, me

mettent dans des états impossibles. (Il est vrai qu'il y a autre

chose que cette peur de rougir.)

La joie ? favorable. La tristesse ? défavorable ? La boisson ? sur le

moment, favorable; - après, augmente le mal. Je n'ai suivi aucun

traitement. J'ai pris du bromure pendant quelques jours ; j'ai fait de

l'escrime avec douches après la séance ; j'ai fumé deux fois de

l'opium. D'autres ennuis, des chagrins sont venus interrompre ces

petits essais. Pour oublier, je buvais, et l'absinthe en deux jours

détruisait le travail de quinze jours.

Moyen moral : très réellement je méprise la plupart des gens. J'ai

essayé de me servir de ce sentiment pour m'empêcher de rougir.

Je me disais : Bête ! qu'est-ce que tous ces gens peuvent bien tue

faire ? Tu t'en fiches, n'est-ce pas ? Tu n'as pas besoin de te trou-

bler devant eux, etc.» Très imparfait le moyen ! Il m'a bien réussi

quelquefois. En général, tout en me répétant : « Tu les méprises, »

je n'en rougis pas moins. A quoi bon m'étendre plus longuement

là-dessus ? Je réponds brièvement à vos questions dernières. Quand

je souffre physiquement du coeur, je rougis plus facilement et plus

souvent. Je suis très ennuyé de ma maladie, et je donnerais tout ce

que je possède pour guérir ou tout au moins pour être amélioré.

A un moment où d'autres chagrins augmentaient ma lassitude,

elle est entrée pour une certaine part dans un acte de désespoir '.

Observation IV.-R... M... vingt-un ans, intelligent, instruit, ba-

chelier es lettres est atteint d'ereuthophobie. Il a rédigé lui-même

sur sa maladie, l'intéressante observation suivante, à laquelle nous

laissons exactement sa forme et ses divisions, nous bornant à indi-

quer en note quelques particularités complémentaires recueillies

par nous au cours de notre examen.

I. Antécédents héérédiluires. - Peu de choses à dire. Tout ce que

je sais, c'est que j'ai entendu dire plusieurs fois que ma grand'mère

du côté maternel, ju-que vers l'âge de cinquante ans, avait une

facilité extrême à rougir. Un regard suffisait pour lui faire monter

le sang à la tête. Elle est atteinte d'asthme=.

II. Antécédents personnels. Tempérament nerveux, affaibli.

' Le malade fait ici allusion à une tentative de suicide qu'il a accom-

plie dans une maison publique, pendant qu'au même endroit, à côté de

lui, un de ses cousins se donnait la mort.

2 l'ère, très bien portant, soixante-six ans. Caractère sérieux, froid.

Mère, atteinte d'une maladie de coeur. TI ès vive. Un peu scrupuleuse,

sur les choses de l'amour en particulier. Elle ne lit pas les feuilletons du

Petit Journal de peur d'y trouver des choses inconvenantes.

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR. '17 7

Jusque vers l'âge de quatorze ans, très bonne santé. A cette

époque, je fus atteint d'une fièvre muqueuse, puis typhoïde, mais

cette dernière fut légère. L'année qui suivit cette fièvre (quinzeans),

je ressentis : a) des pesanteurs d'estomac après les repas, et depuis

les digestions sont restées plus ou moins laborieuses; b) les premiers

symptômes de la gravelle urique : démangeaisons dans le canal en

urinant et surtout à l'extrémité de la verge après avoir uriné,

dépôts de sable rouge, de mucus. Pas d'accès de coliques néphré-

tiques jusqu'ici. A l'heure actuelle, pas de mucus, très peu de sable;

ce qui domine c'est la congestion rénale, c'est-à-dire que j'urine

bien pendant quinze ou vingt jours; puis à propos de rien, sans

cause apparente, la quantité d'urine décroît et passe de 1,200 ou

1,580 grammes, quantité normale, à 500, 600 ou 700 grammes.

Cet état dure un temps variable, un, deux, trois, cinq, dix jours,

puis la quantité normale reparait pour disparaître à nouveau au

bout d'un temps également variable. Et ainsi de suite toute l'année

aussi bign l'hiver que l'été. Tous les médecins à qui j'ai demandé

la cause de cette variation de la quantité d'urine et qui très

souvent ont différé sur d'autres points ont été unanimes à me

dire : * Cela tient à un état nerveux prononcé. » Une particularité :

si j'entre dans un urinoir et que quelqu'un que je connaisse vienne se

mettre à côté de moi, à moins que le besoin d'uriner ne soit très

pressant, il m'est impossible d'y satisfaire. Cela date de deux ans'.

III. Historique. Pour la première fois, j'ai eu conscience de

cette facilité extrême à rougir vers l'âge de six à sept ans. Je me

souviens qu'un jour, ayant rougi devant une personne étrangère,

cette personne en fit la remarque et je me rappelle ces paroles

textuelles d'une domestique de ma famille, qui était présente :

« A la maison c'est la même chose ; la moindre chose qu'on lui dit,

il rougit. » Ces paroles me frappèrent et je me les suis toujours

rappelées depuis.

Jusqu'à l'âge de douze ou treize ans, souvenirs confus. Jusqu'à

cette époque, je ne pris pas garde à cette affection. Car je n'avais

aucune idée des lois de l'hérédité; en outre j'espérais que cela

passerait en grandissant. Or, c'est le contraire qui arriva. Plus

j'avançais en âge, plus celte facilité à rougir augmenta. D'abord je

1 Urines normales. Pas de sucre ni d'albumine. Coeur normal. Altères

souples. Sommeil bon, rêves rares et insignifiants.

Pupilles normales, réagissant bien à la lumière et à l'accommodation.

Réflexes rotuliens très vifs des deux côtés. Pas de tremblement des

mains, des paupières, ni de la langue. Réflexes testiculaires très faibles

(sensibilité testiculaire très vive. Les deux testicules sont petits, presque

atrophiés, surtout le droit). Réflexe abdominal faible. l'as de dilatation

de l'estomac, bien que le malade se plaigne de digestion lente, un peu

pénible.

Archives, 2" série, t. III. 2

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ne rougissais que quand on m'adressait la parole et vice verso, ou

quand on me regardait fixement durant un certain temps; puis peu

à peu je pris l'habitude de rougir en voyant venir de loin quelqu'un

de connaissance, en entrant dans un café, dans un théâtre, dans

une salle quelconque où il y avait du monde. Bien plus, huit fois

sur dix, au moment d'entrer dans la chambre ou dans le cabinet

de quelqu'un, et alors même que j'ignore si ce quelqu'un y est ou

non, je sens le sang me monter à la tête. De même, si je suis à

causer avec quelqu'un et qu'une autre personne arrive, je me sens

rougir. Parfois même il m'est arrivé de rougir simplement en me

promenant dans une rue, sans que personne m'adresse la parole.

Enfin, mais rarement, il m'est arrivé de rougir étant seul. Je le

répète, je ne suis arrivé à l'état dans lequel je suis que peu ci peu.

Ma propre famille a, je crois, beaucoup contribué à développer

cette affection.

Ainsi, au lieu d'avoir l'air de n'y pas faire attention, de ne pas

s'en apercevoir,mon père, jusque vers l'âge de quatorze à quinze ans,

avait sans cesse la malencontreuse idée de me dire : « Qu'est-ce

que tu as à rougir ? Qu'est-ce qui te fait rougir ? Tiens, ça l'a

fait rougir que je dise cela. Ah ! regardez donc comme il est

rouge ! Il est rouge comme un coq ! Bon ! voilà encore le

rouge qui l'empoigne ! » Forcément, à force d'entendre dire que

je rougissais, j'en ai pris l'habitude.

Quant aux procédés employés pour cacher cette affection, les

voici :

a) Le plus pratique, évidemment, c'est quand je suis invité à un

déjeuner, à une partie de plaisir, etc., de prétexter un malaise,

un empêchement quelconque.

b) A table, j'ai toujours soin d'avoir un journal à côté de moi et,

quand je sens le sang qui commence à me monter la tête, vite je

prends le journal et le mets devant moi de façon à ce que mes

vis-à-vis ne me voient pas la figure.

c) Parfois, mais rarement le procédé d'ailleurs n'étant pas très

pratique et ne pouvant se renouveler sans cesse - je me suis passé

un mouchoir autour de la figure, prétextant un mal de dents factice.

d) Quand un de mes amis vient me voir comme on ne se

gêne pas avec ses amis - je garde mon chapeau sur la tête, de

façon à avoir le front en parlie couvert; puis je fais asseoir mon

visiteur non en face de moi, mais à ma gauche, afin que, au moment

où je sentirai le sang commencer à me monter à la tête, je puisse

me cacher la joue gauche avec la main, le coude reposant sur le

bras gauche d'un fauteuil.

e) Quand je vais chez quelqu'un, s'il y a des affiches à la porte

et que, au moment d'entrer, je sente le sang qui commence à me

monter à la tête, je fais semblant de lire les affiches, en attendant

que la rougeur soit passée.

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR. 19

f) Mais quand je dois aller chez quelqu'un, le procédé que j'em-

ploie le plus consiste à n'y aller que le soir ou quand le jour com-

mence à baisser.

INFLUENCES DIVERSES

1° Influence de la température. - a) Par les temps chauds, quant

on sue facilement, je rougis moins que d'habitude. b) Quand il

fait un froid vif et sec, quand le vent cingle la figure, j'ai beau

m'arrêter à causer dans la rue, alors même que je songe à rougir,

cela m'est impossible. c) Par contre par les temps mous et sur-

tout plucleux, extrême facilité à rougir.

2° Influence physiologique. Après le dîner (7 heures), la facilité

à rougir augmente.

3° Influence de l'heure. - Après le repas du soir, c'est dans la

journée que je rougis le plus. L'heure à laquelle je rougis le moins

c'est le soir, avant de dîner, lorsque le jour baisse. Cela se com-

prend. A cette heure, si je rougissais cela ne paraîtrait pas. Or c'est

précisément parce que je sais que cela ne paraîtra pas que je ne

rougis pas.

4° Influence au point de vue moral et psychique. a) Influence sur

le moral. Cet état peu commun a eu puur effet de déterminer

chez moi une mélancolie effroyable, un pessimisme poussé au

dernier degré. Aussi je n'ai de goût pour rien ; je suis incapable de

m'inléresser à n'importe qui ou quoi. Je ne peux plus faire la

moindre chose sans me demander immédiatement : « A quoi boit ? »

- Il pourrait m'arriver n'importe quoi, en n'importe quel ordre de

choses, cela me serait entièrement indifférent. Il me serait impos-

sible d'éprouver un chagrin, une peine quelconque. C'est l'indiffé-

rentisme universel, un état d'âme qui se rapproche de ce qu'Épic-

tète appelait l'ataraxie. Car, quand parfois la nature reprend

le dessus, quand je suis par trop écoeuré, j'éprouve un réel plaisir

à lire Epictète, Schopenhauër, Hartmann, Léopardi, et tous les

auteurs qui conseillent d'opposer à la douleur qui est dans le

monde, la résignation, le silence et le mépris.

b) Influence psychique. Avec une telle conception de la vie, il

va sans dire que de tous les sentiments qui élèvent et ennoblissent

l'homme : Dieu, l'âme, la patrie, l'honneur, la vertu, le désintéres-

sement, je ne crois pas un traître mot. Heureux encore quand je

me contente de n'éprouver que de la pitié à leur égard ! 1

Ainsi, pourUieu, jusqu'à l'âge de dix-sept oudix-huitans j'ai eu de

sentiments religieux assez vifs et qui certainementavaient été avivés

par l'affection dont je suis atteint. Mais peu à peu ces sentiments

s'en allèrent naturellement c'est-à-dire avant d'avoir lu aucun

ouvrage opposé à la religion, avant même d'avoir eu connaissance

des principales objections - pour faire place au doute, lequel fit

bientôt place à la négation. Ainsi aujourd'hui je suis convaincu que

2Û PATHOLOGIE NERVEUSE. ·

comme le dit Biieliiier dans « Force et Matière », « Dieu et l'âme

sont des entités chimériques inventées par la métaphysique de

Platon et popularisées par la scolastique du moyen âge ». Car je

ne puis admettre, en dépit des solutions que la philosophie spiri-

tualiste donne du problème du mal, que, s'il y avait un Dieu juste

et bon, la vie ne serait pas aussi abominable qu'elle l'est pour cer-

'taines gens. « Si Deus est, undè malzern, ? »

De même pour le patriotisme. Ainsi j'avoue n'avoir rien compris

à l'indignation qu'ont montrée certains journaux parce que,

dernièrement, à la tribune de la Chambre, un député socialiste a

dit : « La patrie n'est qu'un mot. »

De même pour la vertu. Je suis persuadé que s'il y a des filles

qui restent ce qu'on appelle sages, c'est uniquement par peur

d'avoir des enfants. A ce dernier point de vue, j'avoue également

ne voir aucune différence entre une femme mariée et une femme

qui ne l'est pas. Car enfin, du moment qu'une femme a appartenu

à un homme, qu'elle a été souillée ce n'est pas de ma faute,

mais je trouve le coït ignoble elle n'est plus respectable. Il faut

peut-être voir là l'explication de ce que je disais hier : à savoir

que, devant une femme, je n'éprouve aucune espèce de trouble,

tandis que des jeunes gens que je connais et qui d'habitude ne

sont pourtant pas timides, n'ont aucune facilité à rougir, perdent

littéralement la tête quand ils se trouvent en présence d'une femme.

Conclusions. Donc, je rougis à tout propos et hors de tout

propos. Voilà le fait. Mais la rougeur n'est que l'effet. La cause,

c'est la pensée, la crainte que j'ai, quand je me trouve en présence

de quelqu'un, de rougir. La preuve, c'est que si, par hasard, je ren-

contre quelqu'un dans la rue, ou si je suis fortement attentionné

à un récit, à une conversation, et que jc ne songe pas à rougir, eh

bien ! je ne rougis pas. Supprimez la pensée, et la rougeur cessera.

Tout' est là'.

1 Quand R... était au lycée, on se moquait de sa facilité à rougir. Ses

camarades lui disaient : " Tu vas encore piquer un phare ", et cela lui

était fort désagréable.

Un des ennuis de sa situation, c'est que, lorsque les surveillants ou

les professeurs lui reprochaient quelque chose, il avait beau dire qu'il

n'en était pas coupable, on ne le croyait pas, parce que « sa rougeur le

trahissait », disaient ses accusateurs.

La rougeur, quand elle arrive, ne dure pas plus Je quelques instants,

deux minutes au plus. Et se dissipe ensuite lentement.

Pendant le temps de la consultation, R... n'a pas eu de forte rougeur.

Il a eu constamment les oreilles très rouges, mais le visage pas.

il parle sans émotion apparente de ses rougeurs. Il en a peur non

parce qu'il y attache une idée de maladie ou de terreur instinctive, mais

uniquement parce que cela est ridicule de « rougir ainsi pour rien ».

Pas d'autres phobies. Pas d'émotion ni d'inhibition, génitale. Pas d'excès.

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR. 121

L'obsession de la rougeur offre ceci de particulièrement

intéressant qu'elle se lie non à une condition quelconque,

extérieure à l'individu, mais à un phénomène émotionnel

intime, représenté par une modification vaso-motrice. Elle

parait donc offrir un terrain de choix pour l'étude des rapports

de l'idée fixe avec l'émotion,

On sait qu'à l'heure actuelle un mouvement se dessine,

en psychologie, relativement à la théorie de l'émotion. D'une

part, les états affectifs, généralement regardés jusqu'ici

comme secondaires et subordonnés aux états intellectuels,

tendent à être considérés comme primitifs ou autonomes.

D'autre part, l'émotion n'est plus une faculté morale d'es-

sence inconnue ; elle devient un fait biologique distinct

composé de deux éléments : l'un physique, primordial, la

modification vaso-motrice; l'autre psychique, consécutif,

le sentiment, et on arrive déjà à la définir ; « la conscience

des variations neuro-vasculaires ».

De ce mouvement psychologique, qui a pour représen-

tants principaux Bain, Spencer, Maudsley, James Lange ',

Ribot 2, on peut rapprocher un mouvement similaire qui se

produit en psychiatrie à l'étranger et qui a pour objet de

faire ressortir et de mettre en évidence, dans certaines

affections mentales, la prépondérance du trouble émolif, de

l'angoisse (névrose angoissante de Freud 3, psychoses angois-

santes de Wernicke \ etc.

Les conséquences de ce double mouvement peuvent être

considérables et, s'il aboutit, on entrevoit déjà que l'affectivité

devenue une sphère spéciale importante de la vie psychique

aura sa pathologie comme sa physiologie et que toute une

série de formes morbides, classées aujourd'hui parmi les

maladies intellectuelles, depuis l'obsession «équivalent affectif

de l'idée fixe » (Ribot), jusqu'à la mélancolie anxieuse (an-

goisse aiguë), deviendront des maladies de l'émotivité.

' Lange. Les émotion ? élude psychophysiologique. Traduction du

Dr Georges Dumas (Bibliothèque de philosophie contemporaine 1895).

. Ribot. La psychologie des sentiments (Bibliothèque contempo-

raine, 1896).

' Freud. La névrose angoissante (Neurologisches Ccntralblatt,

15 janvier 1895).

' Wernicke. Les psychoses angoissantes (lllg. Zeitsclirift sur Psy-

chiatrie. B. 3, IL 1895).

U>. U).

PATHOLOGIE NERVEUSE.

Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que ce serait, en

fin de compte. admettre des Délires émotifs, très étroitement

liés aux variations vaso-motrices, c'est-à-dire revenir après

trente ans, et par le fait même de l'évolution scientifique, à

la conception de Morel, ce clair génie de la psychiatrie fran-

çaise qui a décrit en 1866 les obsessions sous le nom de

délire émotif et les à rattachées à une névrose du système

nerveux ganglionnaire 1.

L'état actuel de nos connaissances ne permet pas de se

prononcer encore et on ne peut que souhaiter de voir les

recherches s'engager dans le sens de celles de Lange, Klippel,

et Dumas , c'est-à-dire à la fois dans la voie psychologique et

dans la voie expérimentale. Mais ce qui est évident déjà, c'est

que le rôle de l'émotion dans certains états psychopatiques.

comme l'obsession, est plus considérable qu'on ne le croit

généralement, plus considérable môme que celui de l'idée

fixe, et que, dans ces états, les phénomènes vaso-moteurs ne

font jamais défaut, à côté du phénomène émotionnel propre-

ment dit.

C'est à ce point de vue, c'est-à-dire au point de vue des

rapports de l'élément mental et de l'élément affectif de

l'obsession, de l'idée fixe et de l'émotion, que l'étude des

phobies qui ont pour objet une des manifestations plus ou

moins directes de la fonction vaso-motrice, telles que la

rougeur, la pâleur, la sueur, la miction, la défécation, etc.,

est, ainsi que nous le disions plus haut, particulièrement t

intéressante.

Nous n'avons pu, l'attention n'étant pas encore suffisam-

ment attirée sur ce point au moment où nous recueillions

nos observations, étudier expérimentalement les réflexes

vaso-moteurs chez nos obsédés, soit durant la crise paroxys-

tique de rougeur, soit dans l'état interparoxystique. Nous

pouvons néanmoins tirer des faits quelques déductions de

psychologie 'clinique. Et d'abord, il est incontestable que

dans tous les cas la tendance à la rougeur émotive précède,

parfois de plusieurs années, la crainte de rougir, et cela non

'More). - Le délit e émotif, névrose du système nerveux ganglion-

naire (Arch. générales de médecine, 1866).

2 Klippel et Dumas. Des paralysies uaso-mnlrices dans leurs l'U]J-

ports avec l'état affectif des paralytiques généraux (Comptes rendus du

Congrès des aliénistes et neurologistes de Bordeaux, t. II, Dlasson, 1896).

L'OBSESSION DE la ROUGEUR. 23

seulement chez les éreuthosiques simples, mais aussi chez les

vrais éreuthophobes qui, nous l'avons vu, rougissent depuis

l'enfance, alors qu'ils ne commencent à s'en inquiéter réelle-

ment qu'à dater de la puberté, c'est-à-dire de l'éveil des

fortes impressions affectives. C'est donc la tendance exces-

sive à rougir, tendance ordinairement innée et héréditaire,

qui ouvre d'abord la scène; puis survient le sentiment de

confusion, jusque là peu marquée, et, enfin, l'idée fixe, qui se

greffe sur ce complexus émotif comme une sorte de compli-

cation. L'ordre de succession des phénomènes est donu le

suivant : phénomène vaso-moteur (rougeur) ; phénomène émotif

(confusion) ; phénomène intellectuel (idée fixe).

D'autre part, si l'on envisage la maladie non plus dans la

succession de ses phénomènes, mais au point de vue de la

gravité croissante de ses diverses modalités, la même disso-

ciation des trois éléments qui la composent se retrouve et

dans le même ordre.

Ainsi l'Greuthose simple, nous l'avons vu, n'est autre que

la tendance excessive à rougir, innée ou acquise, sans émo-

tion morbide et sans idée fixe, c'est-à-dire la maladie réduite

à son élément vaso-moteur.

L'É'reuthose émotive, elle, est la tendance à rougir, avec

émotion morbide, sans idée fixe, c'est-à-dire la maladie avec

ses deux éléments vaso-moteur et affectif.

L'ElI1'otop/lObie, enfin, est la tendance à rougir aves émo-

tion morbide et idée fixe, c'est-à-dire la maladie au complet,

avec ses trois éléments vaso-moteur, affectif, intellectuel.

'On retrouve donc, dans l'ordre de gravité des formes

morbides comme dans l'ordre de succession des symptômes,

la rougeur à la base, et l'idée fixe au sommet, à titre de cou-

ronnement possible de l'édifice pathologique. ,

Ajoutons aussi que la rougeur et la peur de rougir ne sont

nullement en proportion constante et directe; une disposition

fréquente et violente à la rougeur, même avec réaction affec-

tive intense, peut coïncider avec une absence complète d'idée

fixe, et, d'autre part, une préoccupation mentale très vive peut

accompagner une disposition des plus légères à rougir. Toutes

ces constatations sonten accordance avec la théorie actuelle

de l'émotion.

Un fait, toutefois, semble plaider contre l'antériorité et la

prépondérance absolues, dans la phobie et la rougeur, de

24 PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'élément affectif. C'est que les crises de rougeur, une fois

l'obsession créée, sont généralement engendrées par « l'idée »

de rougir, c'est-à-dire par l'élément intellectuel. La plupart

des malades, nous l'avons vu, sont très précis sur ce point.

Il suffit qu'ils pensent qu'ils vont rougir, pour que la rougeur

apparaisse, à moins qu'ils ne parviennent à la refouler en

« s'attentionnant ailleurs » ; en revanche, s'ils n'y pensent

pas, rien ne survient. Les paroxysmes obsédants semblent donc

commandés par l'idé fixe, l'émotion par l'idée.

Ce fait qu'une émotion est produite par une pensée, n'a en

soi rien d'inacceptable ni même qui soit contraire à la théorie

de Lange, d'après laquelle l'émotion consiste essentiellement

en * la conscience des modifications vaso-motrices », que le

phénomène soit d'ailleurs primitif ou secondaire à une incita-

tion purement mentale. On peut donc admettre que, dans la

crise de rougeur, c'est l'idée qui provoque l'émotion, sans que

cela change rien à cette conception psychopathologique que

le trouble émotif est l'élément fondamental de l'obsession.

Mais, en allant au fond des choses, on s'aperçoit que le pro-

blème n'est pas aussi simple qu'il le paraît au premier abord.

L'idée de rougir précède bien la rougeur, cela est incontes-

table. Mais l'émotion ne commence-t-elle qu'avec la rougeur ?

Il suffit ou d'avoir éprouvé des appréhensions anxieuses de ce

genre, ou d'interroger ceux qui y sont sujets, pour être con-

vaincu que l'émotion apparait en même temps que l'idée et

que, dès que celle-ci surgit dans l'esprit, c'est-à-dire bien

avant l'empourprement du visage, l'obsédé est ému, angoissé,

souvent avec des malaises généraux, des frissonnements, de

l'oppression, de la pâleur, des palpitations, de la constriction

de la gorge, etc. Il ne s'agit donc pas d'une idée simple, ordi-

naire, mais d'un état psychique complexe, dans lequel l'idée

et l'émotion coexistent, indissolublement liées. I' a-t-il main-

tenant, dans cette association, un élément malgré tout anté-

rieur et prédominant ? S'agit-il d'une, idée-émotion ou d'une

émotion-idée ? C'est ce qu'il est difficile de préciser.

Nous pensons, néanmoins, que ce que les malades appellent

« l'idée » de rougir est en réalité une « crainte », c'est-à-dire

un phénomène, avant tout émotif consistant en une représen-

tation vive, une hypermnésie systématique de la mémoire

affective, en une réviviscence spontanée d'une émotion pénible

antérieure, surgissant brusquement dans le champ de la cons-

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR.. 25

cience et aboutissant, à moins d'une dérivation ou d'un

empêchement salutaires, à la reproduction de l'émotion pre-

mière.

Il en est ainsi également dans l'état interparoxystique, où

l'idée de la rougeur, bien que n'aboutissant pas à la crise, est

chaque fois accompagnée d'une émotion plus ou moins vive

et plus ou moins marquée suivant les cas. Ici encore, l'idée

fixe est inséparable de l'émotion.

Il existe d'ailleurs deux particularités de l'histoire des

éreuthophobes qui semblent indiquer que le paroxysme émotif

n'est pas, autant qu'on pourrait le croire, de prime abord,

sous la dépendance de l'idée.

La première, c'est la façon dont se passent les choses

lorsque la crise survient brusquement, tout d'un coup, par

exemple à la rencontre inopinée , dans la rue, d'une personne

impressionnante. Immédiatement le sujet éprouve un choc

au coeur, comme un arrêt du sang, avec oppression, tressail-

lements, angoisse, pâleur même, puis rougeur, et c'est alors,

mais alors seulement que survient le flot des pensées et des

inquiétudes obsédantes. Ici, le phénomène émotif se pro-

duit à la façon d'un réflexe immédiat. Le phénomène intellec-

tuel n'est que consécutif.

L'autre particularité, c'est que dans les rapports réciproques

des deux phénomènes, ce sont les influences productrices de

la rougeur, notamment les influences atmosphériques qui

influent par leurs variations, sur l'intensité de l'idée fixe. Il peut

même arriver ce fait curieux que lorsque l'état atmosphérique

n'est pas favorable àlarougeur, lemaladeabeau penseràrougir

il n'y arrive pas. Un des obsédés dont l'observation est rap-

portée plus haut (observ.IV) dit lui-même, en effet : «Quand

il fait un froid vif et sec, que le vent cingle la figure, j'ai beau

m'arrêter à causer dans la rue, alors même que je songe à

rougir, cela m'est impossible. »

C'est là, croyons-nous, une preuve péremptoire que l'idée

ne suffit pas à créer la crise émotive et que, dans cette crise

c'est, comme le soutient Lange, le phénomène vaso-moteur

soumis à des actions aussi bien extérieures qu'intérieures, qui

est le principe et le fondement du processus affectif.

Il serait intéressant, pour corroborer ces données, d'où

ressort la prépondérance manifeste de l'élément émotionnel,

de les appuyer sur l'étude expérimentale des réflexes vaso-

26 . CLINIQUE MENTALE.

moteurs dans la série des divers états psychiques qui caracté-

risent l'éreuthophobie. Ce sont là des recherches difficiles,

délicates, mais qui, bien conduites, pourront aboutir, par la

suite, à des résultats probants. D'ores et déjà, il est permis

d'affirmer, croyons-nous, que, dans l'obsession de la rougeur,

comme dans beaucoup d'autres sans doute, le phénomène

fondamental et constant, c'est l'émotion.

CLlNfQUE MENTALE.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES A ÉVOLUTION PROGRESSIVE

ET A SYSTÉMATISATION DITE PRIMITIVE » {Suite) 2

PAR lit

Cil. VALLON, et A. MARIE,

Médecin en chef de l'asile .Médecin en chef de la colonie

dc YllleJl11f. de Dun sur-nuron.

Dans la plupart des observations qui suivent on peut remar-

quer un dédoublement tardif de la personnalité plus ou moins

net. Le malade peut même se croire triple comme le prêtre

d'Esquirol qui se figurait être en trois personnes conformément t

au mystère de la Sainte-Trinité, et voulait qu'on lui servît

trois couverts, trois plats, trois serviettes.

Anna R..., une de nos malades, aliénée depuis J819, a pré-

senté une première période caractérisée par des idées de persé-

cution à teinte mystique ; elle réagissait par des pratiques de

religion outrées restant à genoux des heures entières (hallu-

1 Cet article est le résumé d'un chapitre sur les Psychoses mystiques

pour l'Encyclopédie Leaulé. Il nous a paru d'actualité d'en extraire ces

lignes après le Congrès de Nancy où les délires hallucinatoires ont été

étudiés et, à leur propos, une observation répondant au type que nous

décrivons. '

1 Voir Archives de Neurologie, n° 12.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 27 -i

cinations psychosensorielles seulement à cette époque), plus

tard sont apparues des idées hypocondriaques ; tous ses

organes étaient malades, le coeur ne battait plus, elle avait des

tumeurs dans la poitrine, etc.; enfin, elle s'est plainte d'être

possédée par un être surnaturel qu'elle appelait Ispéritisme.

On le voit, ce délire offre beaucoup d'analogie avec celui des

mélancoliques chroniques; c'est ainsi qu'on lui a coupé la tête

deux fois, elle a eu le coeur percé d'un poignard, à l'exemple

de certaines images de piété représentant la Vierge affligée ;

mais, signe caractéristique, elle a su résister à tous ces malé-

fices et les réparer; bientôt sont apparues les hallucinations

visuelles, consolantes, elle a vu la Vierge resplendissante

apparaitre et la ranimer.

Une divinité tutélaire est descendue en elle, elle l'entend,

elle la sent respirer dans sa poitrine; grâce à ses inspirations,

elle a maintenant le don des langues et fait des incantations

bizarres sur tout ce qui l'entoure. Elle croit ainsi créer le

monde à nouveau ; son langage, lorsqu'elle parle, sous l'in-

fluence de l'inspiration, n'est qu'un assemblage bizarre de

syllabes à consonnances burlesques et sonores.

Comme l'a dit Calmeil (/oc. cit., p. 83 et 298), on observe

en effet souvent la combinaison du langage automatique avec

l'altération des mots constituant un idiome spécial, tissu de

néologismes incompréhensibles. Non seulement l'articulation

des paroles prononcées sous l'inspiration divine a lieu sur un

ton différent de la voix ordinaire (Baillarger, hallucinés à deux

voix), mais encore les mots ainsi prononcés sont altérés dans

leur composition. Des modifications analogues de l'écriture

peuvent s'observer chez ceux qui croient écrire sous la dictée

de Dieu et sentent leur main dirigée par lui (hallucinations

motrices graphiques).

Ces troubles de la motilité graphique nu d'articulation

n'excluent pas la conservation parallèle du langage et de l'écri-

ture normaux; il semble que deux individus coexistent dans le

même, avec leur langage distinct, correspondant, l'un à la

personnalité initiale normale, l'autre à la divinité inspira-

trice.

Un ancien prêtre, du service de M. Séglas, a d'abord entendu

sa pensée, toutes ses facultés saisies par une puissance exté-

rieure mystérieuse; on le contrôlait, on le passait au filtre, il

était comme un cristal transparent, ne s'appartenant plus,

1)8 clinique mentale.

n'ayant plus un mouvement de libre (dédoublement objectif),

hallucinations de la vue, visions de lettres grecques lumi-

neuses, apparition de saint Michel, etc.

Puis il a senti des « voix articulées, voix internes, basses,

pénétrantes », qu'il articulait involontairement ; c'est ainsi

qu'on lui fait dire parfois le contraire de ce qu'il allait dire,

« un scrupule extériorisé me modifie la finale » (dédoublement

subjectif tardif), ce sont des voix labiales; elles se combinent

d'une façon très complexe aux voix perçues par l'oreille, en

une sorte de combat, où le malade distingue de bons et de

mauvais esprits en lutte. « C'est saint Michel et le dragon »,

le premier tend à avoir le dessus et le malade se demande si

grâce au puissant saint qui le hante, il ne va pas avoir bientôt

des faveurs surnaturelles en compensation des épreuves subies.

Il travaille d'ailleurs à refondre la religion ; des néologismes

(langue mystérieuse des esprits) émaillent son récit.

Un médecin dont le délire remonte à plus de dix années,

se croit le messager de Dieu, il s'intitule Edouard, le balayeur

du Christ '. Après une longue période d'incubation et de per-

sécution il eut une vision révélatrice typique.

Il voyait, dit-il, le fleuve de la grâce couler à ses pieds et les

Pharisiens s'y jeter en foule; dominant la scène, un person-

nage immobile, vêtu en capucin, un balai et une lanterne à la

main. Depuis, il travaille à consolider le christianisme, et

rédige, sous l'inspiration de Dieu, de volumineux manuscrits,

« il a tout compris sans rien entendre ».

Berbiguier avait été longtemps poursuivi par des diablo-

tins et farfadets qui lui dérangeaient parfois le cerveau pour

l'empêcher d'écrire ses souffrances (inhibition motrice gra-

phique) ; il commença à éprouver quelques consolations au

milieu de ses misères à partir du jour où Jésus-Christ lui

apparut en une vision éclatante et caractéristique.

Un malade de M. le professeur Bail 3 est en communication

avec Dieu dont il est grand chancelier. Dieu lui a appris que

c'était bien sa voix qui s'adressait aux hommes par son inter-

médiaire. Hallucinations de la vue; apparitions célestes.

Enfant Jésus dans les fleurs. Dieu lui dicte ses prophéties

1 D' Moret. Th. Paris, 1890, obs. IV, p. 2fi.

2 Berbiguier. - Les farclafels, 1821. '

3 Bail. - Loc. cil., éd. 1883, p. 463.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 29

à l'oreille gauche. Altérations élémentaires de l'écriture.

Un vieux théomane visionnaire récite constamment à demi-

voix et dans une langue de son invention, une prière qu'une

voix partant de sa poitrine récite avant lui '. C'est un type de

théomane à double voix avec langages différents correspon-

dants. Durant vingt-cinq années il employa les mêmes néo-

logismes stéréotypés, dont il donnait à volonté la traduction

invariable en langue ordinaire.

Un illuminé de Cazanwielh 2 après une longue période de

dépression profonde, avec idées de suicide, se sent enfin ins-

piré par une « voix intérieure que la chair et le sang ne com-

prennent pas ». Il a senti cette voix céleste, mille et mille fois

en quinze ans. Depuis, tout ce qu'il fait c'est Dieu qui lui

ordonne de le faire. Par ces inspirations il prophétise la fin du

monde, au nom de Dieu qui lui en a, dit-il, donné mission. Ce

malade avait persuadé à ses soeurs de se retirer avec lui au

désert, c'est-à-dire en forêt, où ils vivraient presque nus, à la

façon de Jésus et Jean avant le baptême. Là, il improvisait des

sermons incohérents, selon toute apparence, où, cependant,

ses compagnes saisissaient des prophéties.

Une malade de M. Magnan 3 est travaillée par la diablerie,

en même temps que par les francs-maçons; elle sent l'inqui-

sition en elle... elle est accaparée par la magie et subit la

guerre des invisibles. On a frappé sa pensée, on la force à

parler (impulsions psycho-motrices verbales). En même temps

les chambards lui retiennent le coeur et la travaillent au

dedans pour la saligoter ; les rongeurs, les vampires la dévorent

intérieurement... on lui prend son sang, etc. Malgré tout cela,

elle a triomphé. - « On lui a crié dedans qu'elle était la petite

fille de Louis-Philippe, qu'elle allait épouser Sigismond d'Apre-

nim, etc., enfin, l'impératrice Eugénie s'est introduite dans

son corps où elle vit à sa mode, etc. » On retrouve ici la plu-

part des phénomènes signalés précédemment, automatisme

verbal, hallucinations cénesthétiques simulant celles des mé-

lancolies chroniques, possession par des esprits malveillants

ou consolateurs.

' Calmeil. Loc. cil., t. Il, p. 359.

* Cazilnvirlh, Du suicide et de l'aliénation mentale dans les cam-

pagnes, p. 166.

3 Magnan. Leçons cliniques, p. 2G9.

30 CLINIQUE MENTALE.

Une autre malade de M. Magnan, rapportée sous le titre

délire chronique à systématisation religieuse ambitieuse, est

citée par M. Dupain 1 dans sa thèse, p. z102. Elle a vu l'Enfant

Jésus, elle pourrait le dessiner; en même temps que cette

vision elle perçoit une voix qui lui dit de sauver l'Eglise, la

France, etc. Elle a bien entendu cette voix par les oreilles,

mais elle résonnait dans sa poitrine et elle la répétait...

D'autres fois elle dit que ce sont des voix intérieures, des ins-

pirations.

Un malade de M. le D Briand 2 (cité par le même auteur au

chapitre délire chronique à évolution systématique) offre avec

la précédente la plus grande analogie. Elle a vu Dieu, les

Anges, la Vierge, qui sont venus la voir, au milieu d'une pluie

d'or et d'argent. Ces visions lui font comprendre ce qu'on veut

lui dire sans lui parler.

Chez une autre malade, le diable s'est installé et a pris pos-

session de la bouche pour injurier les braves gens, et compli-

menter les mauvais ; elle prononce effectivement ainsi des in-

sultes et d'autres paroles ; mais les images de la Vierge et

du Christ ont mis le diable en fuite. Dès lors c'est sous

l'inspiration de Dieu et de la Vierge qu'elle agit, elle répète

le crucifiement sur elle-même, et la Vierge apparaît en blanc

avec l'Enfant Jésus, puis le Christ en croix, etc. Depuis elle a

« mission de vertu » et va chasser le diable de la terre 3.

Deux autres malades de M. Legrain ont présenté une phase

initiale dépressive, au cours de laquelle l'un a même fait une

tentative de suicide ; mais ensuite Dieu lui est apparu sous la

forme créatrice. * Il ne le voit pas réellement, il n'entend pas

sa voix, mais il se sent possédé et inspiré par lui ». Q ANeuf-

châtel l'esprit de Dieu agissait sur moi, certes ce n'est pas moi1

qui agissais, » il n'a jamais entendu la voix de Dieu, c'est

par la pensée qu'il se manifestait en lui.

Le deuxième est aussi animé de l'esprit de Dieu dont il pré-

tend avoir reçu une mission réformatrice 3.

, Dupain. - TU. Paris, p. 102.

= Dupain.- Loc. cil., p. 101 et 105.

3 Dupain. Obs. VIII, p. 56.

1 Legrain. Débilité mentale, idées mystiques, délire religieux à

évolution chronique, etc., obs. XXXIII, p. 190 et suiv.

5 Excitation cérébrale, délire ambitieux et mystique à forme rémil-

lente, évolution chronique citez un dégénéré, obs. XXXIV, p. 193.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 31

On peut rapprocher des cas précédents celui de M. H.

Dagonet'. « Dieu est en moi, dit la malade, écoutez, il parle

par ma voix ;je suis dispensatrice de l'amour de Dieu, de son

serment et de sa miséricorde, etc »

Un caractère commun à la plupart de ces faits consiste dans

leur ressemblance au début, avec des délires hypocondriaques

vrais ou mélancoliques chroniques ; on observe assez fréquem-

ment des tentatives de suicide ou de mutilation, réactions rares

dans le délire de persécution ordinaire, sans idées mystiques.

Les caractères différentiels peuvent, cependant, être atténués

par la combinaison possible du délire mystique, avec le délire

moderne de persécution, comme MM. Magnan et Sérieux l'ont-

signalé (p. 100). Nous nous reporterons donc, en terminant,

aux délires religieux purs du moyen âge rapportés dans les

vieux auteurs.

Le calviniste Elie Marion sent qu'un esprit forme dans sa

bouche les paroles qu'il veut lui faire prononcer : « Il y a des

fois que le premier mot qui me reste à prononcer est déjà

formé dans mon idée, mais assez souvent j'ignore comment

finira le mot que l'esprit m'a déjà fait prononcer; parfois

croyant dire une sentence, ce n'est qu'un chant inarticulé qui

se forme par ma voix. Je ne prononce nulles autres paroles

que celles que l'esprit ou l'ange de Dieu forme lui-même en se

servant de mes organes, c'est à lui que j'abandonne entière-

ment le gouvernement de ma langue... n'occupant mon es-

prit qu'à me rendre attentif aux paroles que ma bouche même

récite... C'est alors un pouvoir étranger et suprême, qui me

fait parler 2. »

« Il plut à Dieu, dit un autre prophète cévenol, de délier ma

langue et de mettre sa parole en ma bouche; sa volonté fut

d'agiter mes lèvres et de se servir de ces faible organes pour

son bon plaisir : je sentis et entendis s'écouler par ma bou-

che un ruisseau de paroles dont mon esprit, n'était point l'au-

teur et qui réjouissaient mes oreilles. « Je t'assure m'a dit le

Saint-Esprit, que je t'ai destiné pour ma gloire, dès le ventre

de ta mère » Délire palaingnostic 3.

1 DagoneL. - Mégalomanie religieuse, p. 282.

2 Elie Marion des Cévennes. Avertissements prophétiques, Londres,

1707, in-12, p. 6.

' V. Théâtre sacré des Céve.ines, Londres, 1707, in-12.

32 CLINIQUE MENTALE.

« Ces théomanes, dit .Montgeron (théomanie des jansé-

nistes), parlent comme si leurs lèvres, leurs langues, tous les

organes de la prononciation étaient remués et mis en action

par une force étrangère. ,

« Il leur semblait qu'ils débitaient des idées qui ne leur ap-

partenaient aucunement et dont ils n'acquéraient la connais-

sance que lorsque l'oreille était frappée des sons qu'ils étaient

forcés d'articuler.$

« Ils supposaient qu'une intelligence divine avait pris place

dans leur âme devenue inerte. Quelques-uns entendaient

d'ailleurssortir de leurspoumons une voix autre que la leur...

ils se comparaient à un écho ou à une personne qui ne dicte

que ce qu'elle entend dicter » (Ex : Fontaine.)

Tostat dit que Dieu par sa lumière prophétie : éclaire notre

entendement malgré nous ; il peut ainsi remuer nos lèvres

pour nous obliger de publier les choses révélées.

Les théomanes de Paris, comme ceux des Cévennes, les

protestants, et les jansénistes de Saint-Médard s'accordaient

tous à annoncer la fin du monde et la venue du prophète

Elie sur la terre, et ils pensaient que c'était le Saint-Esprit qui

les forçait à faire ces prédictions, et à prononcer leurs ser-

mons 2.

« Il y a une grande différence entre les paroles formées par

notre imagination et les divines paroles, dit sainte Thérèse,

nous ne saurions en oublier la moindre syllabe; elles répon-

dent à des pensées qui ne font que passer en un moment,

dans notre esprit, ou à des pensées que nous n'avons plus et à

des choses auxquelles nous n'avons jamais pensé. Notre ima-

gination n'a pu se les figurer. L'âme ne fait qu'écouter ces

paroles qui viennent de Dieu. Une seule de ces paroles

divines comprend en peu de mots ce que notre esprit ne pour-

rait exprimer en plusieurs. Les divines paroles comprennent

plusieurs autres sens outre celui qu'elles expriment, et cela,

sans le marquer par aucun son. C'est une manière de parler

intérieure et subtile. Ces manifestations qui viennent de Dieu

remplissent l'âme de lumière et la laissent dans une grande

paix ; celles qui ne sont que des illusions du démon causent

des inquiétudes et du trouble 3 ».

1 Carré de Montgeron. La vérité des miracles, in-4, 1 137.

2 )longeron. T. II, p. 48, cité par Calmeil, p. 3\ : ).

3 OEuvres de sainte Thérèse, p. 481-482,

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 33

Ailleurs, la sainte décrit un état qui est à rapprocher de

l'automatisme graphique, ». Lorsque j'écris dans l'oraison dont

je traite (quatrième degré)1, je vois clairement que ni l'ex-

pression, ni la pensée ne viennent de moi. Quand c'est écrit, je

me demande comment j'ai pu le faire, ce qui m'arrive souvent. x

Le passage suivant des Lettres spirituelles sur l'Oraison mon-

trera que l'auteur distingue aussi plusieurs sortes de fausses

perceptions, parmi lesquelles on reconnaîtra les phénomènes

moteurs :

« Vision et révélation : la vision est, lorsque Dieu manifeste

quelque secret à l'âme et lui fait entendre quelques paroles et

quelques sons mélodieux. Il y a des locutions et des voix intel-

lectuelles qui se font dans l'esp rit et dans l'intérieur de l'âme.

Il y en a d'imaginatives qui se font dans l'imagination, il y en

a de corporelles qui frappent les oreilles extérieures du

corps, etc. D

«Ainsi donc il y a, pour les auteurs mystiques, des visions

intellectuelles et corporelles, des locutions et des voix inté-

rieures et extérieures ; ces voix intellectuelles se font dans

l'intérieur de l'âme; les autres, corporelles, frappent les oreilles

externes du corps 2.

« Pourquoi ces voix et ces visions qui, en fait, émanent du

malade, ne sont-elles pas siennes pour lui ? Il doit y avoir à

cela des causes anatomiques et pathologiques 3 D... Mais, en

examinant les relations détaillées des extatiques, il y a lieu,

pour notre sujet, d'établir deux catégories. Dans la première,

la mobilité persiste jusqu'à un certain degré. C'est un non

automatisme plus ou moins parfait (Marie de Mari, Louise

Lateau, en sont des exemples bien connus).

La seconde catégorie est celle de l'extase en repos. L'idée

seule règne d'ordinaire, abstraite ou métaphysique : Dieu,

pour sainte Thérèse et Plotin, mieux encore le Nirvana des

bouddhistes. Les mouvements sont supprimés; on ne sent plus

qu'un reste d'agitation intérieure '.

' Sainte Thérèse distingue nettement quatre degrés d'oraison, comme

les bouddhistes décrivent quatre degrés de contemplation dans le Nir-

vàna.(I ! hagamd-gitu, VI° lecture, cité par Barth. Saint-Hilaire, Bouddha,

p. 136, et Ribot, la Volonté, p. 1°i.)

. Baillarger. Loc. cil., p. 384.

3 Ribot. De la dissolution de la personnalité, p. I 13.

4 De la volonté, p. 131-132.

Archives, 2° série, t. III. 3

34 CLINIQUE MENTALE.

a L'extase, suivant saint Martin, a pourcaractère l'abdication

de la volonté propre, de la réflexion de toute faculté person-

nelle ; tant que l'homme demeure, elle n'existe pas. Elle ne

commence qu'à ce point où ce n'est plus Dieu que nous

prions, mais Dieu qui se prie lui-même en nous. » Et ailleurs :

« L'extase prend son origine dans l'exagération du sens divin,

dans l'exagération d'un phénomène vrai... L'âme religieuse

sent parfois abonder en elle des mouvements merveilleux, des

dilections, des béatitudes infinies qui sont comme une vie

nouvelle. »

« Jusqu'ici les limites du mysticisme, dit orthodoxe, n'ont

pas été dépassées; mais l'extatique ne tarde pas à les franchir

et à entrer en possession de ce bienheureux état dont parle

le philosophe inconnu dans son Nouvel Homme, où tout n'est

que dilection, multiplication de la vie, ouverture des sens,

résurrection d'un homme merveilleux, tout-puissant, maitre de

l'Univers et des essences éternelles ; il est roi ; il est Dieu 1. »

Carré de Montgeron, cité plus haut à propos du langage

automatique des théomanes protestants, dit que « les pro-

phètes ne pouvaient pas toujours exprimer ce qu'ils éprou-

vaient pendant l'imprégnation divine » ; leur âme tombait

alors dans une sorte d'extase qu'il appelle l'état de mort.

« L'âme, se trouvant entièrement absorbée par la vision,

perd quelquefois totalement l'usage de ses sens, et d'autrefois

seulement en partie. » ,

Le dernier terme de l'état pathologique, qui dans une

partie des cas se traduit par l'inhibition partielle, c'est-à-dire

l'automatisme, consiste donc dans une inhibition complète,

qui est l'extase.

« Dans cet état de ravissement, mon corps devient si léger

qu'il n'a plus de pesanteur, c'est au point que je ne sens plus

mes pieds toucher la terre... 2 » C'est la lévitation que nous

avons déjà signalée,, la comparant à l'extase diabolique des

démonopathes transportés au sabbat. On peut l'observer dans

nos asiles et Baillarger en cite un cas dans son Mémoire sur

les hallucinations (5 SI).-

' Moreau de Tours. Psychologie morbide, p. 232-233.

, Fie de sainte Thérèse, p. "O(i. Trad. du P. Doux.

' « La lieine des Mages. Elle fuit le globe terrestre et s'élève dans les

nues, s'isolant ainsi, dans l'espace et dans le temps...

« Voici comment elle quitte la terre et la manoeuvre qu'elle répète à

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. Diagnostic différentiel DE la folie ; par le Dr BURR.

Tout en reconnaisant qu'une classification étiologique des mala-

dies mentales présente un grand intérêt clinique, l'auteur divise,

pour son étude, les maladies mentales en cinq groupes : étals de

dépression mentale états d'excitation mentale folies inter-

mittentes états d'affaiblissement intellectuel maladies céré-

brales avec manifestations mentales prédominantes. Puis il donne

une énumération des principaux caractères diagnostiques qui carac-

térisent ces différents états et leurs subdivisions. (The alienist and

neurologist, octobre 1896.) E. B.

II. QUELQUES erreurs courantes relatives A la folie; i

parle D E. Mink.

L'auteur est surpris de voir quelle idée fausse se font, en géné-

ral, de la folie non seulement le grand public pour lequel un fou

doit avoir l'air féroce, les yeux hors de la tête, la bouche pleine

d'écume, niais encore beaucoup de magistrats et de médecins qui

demeurent convaincus qu'une personne est saine d'esprit lorsqu'elle

a tenu une conversation suivie et intelligente.

A ce propos M. Mink réfute les idées enonées qui considèrent

comme des critériums de l'état sain de l'esprit le but dans l'ac-

complissement de l'acte, la préméditation, la conscience de la cul-

pabililé, le remords.

tout instant : elle prend dans chaqne main un sabot, une séllille de bois

ou tout autre objet, puis elle s'affaisse un peu sur elle-même en se retour-

nant à demi. Alors elle fait une grande inspiration, dilate autant que

possible sa poitrine, gonfle ses joues, puis peu à peu elle se redresse en

élevant ses bras en l'air; bientôt elle ne touche plus terre que de la

pointe du pied et souvent d'un pied seulement. Elle reste ainsi un instant

comme suspendue retenant sa respiration et les yeux tournés vers le

ciel... Elle est alors au plus haut point de sa lévitation. Elle redescend

ensuite sur terre et produit avec sa bouche un bruit particulier indiquant

la cessation des efforts violents qu'elle a faits. Vingt fois par jour, on voit

cette femme se gonflant d'air et répétant tous les mouvements que je

viens de décrire. Elle est convaincue qu'elle passe ainsi une partie de sa

journée dans les nuages. D. S., p. 62. C'est une mégalomane délirante

chronique et non une hystérique.

36 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Dans les cas douteux et criminels une attention plus grande

devrait être apportée dans l'examen du criminel et un peu moins

dans celui du crime en lui-même ; la vie entière du criminel

devrait être soumise à une analyse psychologique minutieuse ; c'est

dire que la jurisprudence devrait être émancipée des entraves et des

traditions de la loi romaine et des préjugés théologiques en même

temps qu'elle accepterait les enseignements de la psychiatrie et de

l'anthropologie criminelle. (The alienist and neurologist, juil-

let 1896.) E. B.

III. Diabète ET aliénation mentale; par H. Band. (British médical

Journal, 28 septembre 1895.)

Sur un total de 175 aliénés examinés l'auteur a trouvé du sucre

12 fois, soit 6,85 p. 100. Chez la plupart de ces 12 malades plu-

sieurs des signes principaux du diabète proprement dit manquaient,

mais presque tous avaient une température au-dessous de la

normale et des antécédents alcooliques; 2 d'entre eux, mélan-

coliques, guérirent en même temps que les traces de sucre dispa-

ruren t.

IV. Fragilité DES CÔTES comparée CIIEZ LES aliénés ou LES NOR-

maux ; par A.-W. CAMPUELL. (Brilish médical Journal, 28 sep-

tembre 1895.)

L'auteur conclut, d'observations et autopsies nombreuses, que la

force de la côte est le double chez l'homme de ce qu'elle est chez

la femme, que vers : ;5 ans la porosité et la fragilité commencent et

vont progressivement avec l'àge, aussi bien chez les aliénés que

chez les non aliénés. Les premiers par les contractions musculaires

inconsidérés contribuent peut-être plus que les autres aux fractures

de leur propre squelette, car la fragilité des os est proportionnelle

au développement et à la contractilité du système musculaire.

. A. M.

V. Névrite alcoolique avec TROUBLES mentaux caractérisés;

par D. NEIR, 0, d'Oxford. (British médical Journal, 17 avril 1896.)

L'intérêt de l'observation réside en ceci, que l'alcoolisme fut pro-

duit par une thérapeutique intempestive chez une prédisposée à

qui l'on avait ordonné le whisky pour une névralgie faciale !

La dose quotidienne était relativement faible, mais fut longtemps

continuée. Les troubles mentaux consistaient en hallucinations

multiples, perte de la mémoire, obnubilations et délire incohérent.

Les symptômes de névrite périphérique furent très nets, et l'état

parétique très marqué. Les symptômes physiques cédèrent avant

les troubles mentaux par la suppression de toxique, les massages,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 37

la strychnine et la morphine employés durant un traitement de

neuf mois. S. 11.

VI. LES idées prévalentes; par L. A. Kocii. (Cent·al6l. f. Ne¡'nenheilk,

XIX. X. F. VII. 1896.)

Les auto-psychoses circonscrites ou par idées fixes de Wernicke

sont une forme de l'ancienne folie partielle. Il y a dans cette

théorie une part de vrai. Mais s'il existe des idées prédominantes,

il faut encore considérer le terrain. Dans les observations cliniques

données par Wernicke l'auteur n'a pas séparé l'idée délirante de

l'idée obsédante. L'idée prévalente peut n'être prédominante que

parce qu'elle a germé sur un terrain pathologique, antérieure-

ment préparé; il faut donc aussi s'occuper de celui-ci. Quand il

existe une pensée obsédante qui d'ailleurs n'a rien de psychopa-

thique, il n'y a pas pour cela psychose, il n'y a pas pour cela idée

fixe. Quand un homme, jusque-là bien portant, est, il la suite

d'efforts physiques ou de surmenage psychique, passagèrement

hanté par une pensée obsédante, prédominante, c'est qu'il y a eu

dans le terrain générateur de l'idée constitution générale patho-

logique. Souvent cette idée prévalente reste encore dans un cadre

actif, quelquefois elle est frappée au sceau d'un affaiblissement

mental évident. Ces deux caractères en éclairent la genèse. (Obser-

vations curieuses.) Un dégénéré peut, à la suite de blessures

d'amour-propre, sous l'influence de son irritation, engendrer des

idées prévalentes psychopathiques qui devenant, en partie, fixes

gravitent dans un sens déterminé. Ce n'est plus à proprement

parler l'idée qui est fixe, mais le sens vers lequel convergent des

idées multiples variables en soi, mais adhérentes en masse ; elles

sont relativement mobiles, mais leur but commun est obsédant.

Evidement c'est encore la constitution générale du sujet qui est en

cause. Et il ne s'agit point d'une vraie folie systématisée auto-

mécanique. Encore sous une influence psychique (suffisance per-

sonnelle, émotivité ancienne) le dégénéré concevra sur tels ou

tels événements des erreurs qui plus tard se tranformeront en

délire prédominant. Mais celui-ci ne dépasse pas la sphère d'ac-

tion de l'événement générateur ; une nouvelle idée chasse l'autre

quand l'individu change de milieu ou quand, lui demeurant dans

le même milieu, une nouvelle impression extérieure modifie le

cours de ses pensées. C'est encore ce fonds général qui est en

cause. P. 11ER : 1VAL.

VU. Contribution A L'ÍÚUDE du délire DE chicane; par G. Â.SCHAFFEN-

BURG. (Ceatt·cal6l. f. Nervenheilk. XVIII. N. F. VI, 1895.)

Ce n'est pas la chicane qui est une maladie, c'est la personnalité

qui la transforme en maladie. ,

38 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Les chicaniers non aliénés se décomposent en deux groupes. Les

uns sont par nature querelleurs, amateurs de controverses et, à

toute occasion, font des procès. Très chatouilleux à l'égard des

actes de leurs semblables, ils sont eux tout prêts à empiéter sur les

droits du prochain. Leurs arguments varient, attaquent n'importe

qui (une observation; procès Ileyelmaier d'Heiibroun; rapport de

Schnele). Les autres ayant subi quelque tort, quelque ait été le

motif de leur désagréable aventure, ne cessent dès lors d'avoir les

yeux sur cette affaire et poursuivent avec acharnement leur réha-

bilitation, la revendication de leurs droits, sans souci du préjudice

matériel qui peut leur causer une lutte pleine d'aigreur, souvent

maladroite ; voyez : '

le cas du conseiller G. Pfizer, par R. Lutz.

- - de llichail Kohlbaas, par Kleist.

de Taras Barabola, par E. F. Karl.

(de Krafft Eling. Allg. Zeitsch. f. Psycolog., t. XXXV.)

Pour bien distinguer le chicanier physiologique du chicanier

psychopathe, il faut bien étudier l'individu, ses actes, embrasser

l'ensemble du développement et de l'expansion de la maladie. Il

faut encore bien exactement connaître les conditions de la légiti-

mité de la contestation juridique, tout en se préservant de l'exa-

gération.

Voici, par exemple, un pré\enu qui niait énergiquement avoir

jamais signé une pièce dans laquelle il faisait des excuses à ses

adversaires injuriés par lui. Or sa signature était réellement fausse.

Cette constatation engagea le rapporteur à conclure non malade.

Et pourtant le reste de l'observation démontre que le malheureux

était aussi malade.

Et cet autre Monsieur qui n'a cessé de traiter de canaille le

maire de sa localité, malgré les autorités qui en faisaient le plu,

grand éloge ! Et cependant c'est le chicanier qui avait raison, car

le maire en question fut, pour détournements et faux, finalement

condamné à deux ans et demi de correction. A partir de ce

moment notre chicanier eût pu se déclarer satisfait, car que deve-

naient ses griefs en présence d'une aussi éclatante démonstration.

Pas du tout. Il continue triomphalement son réquisitoire et con-

clut : c Maintenant je le retiens encore comme parjure ! »

Et là est la maladie. Le chicanier ne cesse pas sa chicane quand

il a obtenu gain de cause. A partir de ce moment il trouvera

matière à ses plaintes dès l'examen de sa situation dans le monde

vis-à-vis des autres, plus il a raison, plus on doit s'incliner devant

lui en tout, pour tout, sinon on est un misérable, on machine contre

lui tout un système d'infamies. Sa personnalité domine toujours

le débat. Et c'est ainsi que se déroule le délire de chicane qui est

une folie systématisée (paranoïa querelans).

P. KE11.\VAL.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 39

VIII. CON'rRIBU'l'fON A LA QUES1'IOV de la folie MORALE; par P. lC6E.

(Neurolog. Centralbl, XV, 1896.)

Remaniement critique de la question. Tous les cas de folie morale

se peuvent ramener à trois groupes : : - 1° celui, le plus étendu, de

la débilité mentale pathologique. y compris la débilité mentale

physiologique ; il y faut mettre le gros des récidivistes; 20 celui

des délirants systématiques héréditaires (paranoïaques héréditaires),

qui est un cadre mal déterminé ; 3° celui des idiots moraux ou

déments moraux qui sont des dégénérés, ou plutôt, puisque les deux

premiers groupes sont également formés de dégénérés, de démené

rés sans les idées délirantes du groupe numéro 2, et sans la débilité

mentale du groupe 1.

En réalité les groupes 1 et 2 sont des aliénés même quand la

débilité mentale est physiologique. Le troisième groupe se compose

d'individus sur la limite de l'aliénation mentale. Au point de vue

du traitement, les débiles pathologiques et les délirants incombent

aux asiles d'aliénés. Les débiles physiologiques (le gros des crimi-

nels par habitude) doivent être condamnés, mais en atténuant leur

peine suivant le degré du facteur endogène. Les jeunes seront con-

fiés aux établissements d'éducation orthophrénique. Les fous

moraux proprement dits à intelligence intacte ou presque intacte,

qui n'ont rien à retirer de l'éducation, doivent être soumis à divers

régimes selon le genre de leurs lacunes morales et les ressources

pécuniaires dont ils peuvent bénéficier. Il y a de ces individus qui

n'ont que peu ou point de sentiments altruistes, mais qui se con-

duisent bien. Il y en a d'autres qui ont une vie instinctive anor-

male : si les actes commis, tout pervers qu'ils soient, sont relative-

ment inoffensifs, la famille, quand elle est riche, prenant à sa

charge les dommages, fera rentrer le garnement au bercail ; s'il y

a eu crime, il faut qu'elle s'adresseà l'asile d'aliénés ou à tout

autre asile du même genre et non à la prison, l'inculpé étant irres-

ponsuble quoique non aliéné au sens strict du mot.

P. KERAVAL.

IX. DE l'élimination DE l'acide phosphorique par LES urines dans

la phase dépressive D'UNE folie cyclique; par le D' UMBERTO

Steffani, aide de clinique des maladies mentales à l'Université

de Padoue. (Padoue, Calderini et fils éditeurs, 1895.)

M. Steffani publie, dans cette brochure, le résultat de ses

recherches sur l'élimination de l'acide phosphorique et de l'urée,

pendant la période dépressive d'une folie alternante, il espère

apporter un document nouveau, et non sans intérêt, aux nombreux

documents qui existent déjà sur cette question, d'ailleurs très

complexe, de l'influence des psychoses sur l'élimination de l'acide

40 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

phosphorique. Ses observations n'ont encore porté que sur un

malade unique, mais il les multipliera plus tard.

Ce malade est un homme de quarante-neuf ans fortement héré-

ditaire qui, dès l'adolescence, présentait des oscillations régulières

dans le caractère. Pendant une semaine il était gai, actif; la se-

maine suivante il était au contraire triste et paresseux, et toujours

ainsi. Avec le temps ce trouble intellectuel se transforma en une

folie alternante typique, dont voici la formule : lre période ma-

niaque avee ses trois stades, début, acmé, rémission; 2° période

intervallaire pendant laquelle le malade est réellement un homme

normal. C'est la période normale post-maniaque; 3e période de

dépression avec ses trois stades, début. acmé, rémission ; 4° période

normale post-dépressive. Les périodes maniaque et dépressive

durent chacune treize jours. Les urines furent analysées tous les

matins à partir du début de la période dépressive et jusqu'à sa fin,

c'est-à-dire pendant treize jours. Chaque matin on analysait donc

l'urine émise pendant la journée et la nuit précédentes : cette

remarque est à retenir. Dans un tableau très simple on a les résul-

tats de toutes les analyses : quantités et densités, dosage de l'urée,

de l'acide phosphorique, rapport de l'acide phosphorique à l'uree.

Pendant toute la durée de l'observation, le malade avait tous les

jours le même régime. Toutes les urines étaient recueillies, l'auteur

est convaincu qu'on n'a jamais commis la moindre erreur.

Eh bien, l'étude de ce tableau fait voir que, dès le début de la

période de dépression, la proportion d'acide urique diminue.

Comme l'urine analysée est celle de la veille et de la nuit précé-

dente, la diminution de l'acide est antérieure il la dépression, elle

prépare celle-ci pour ainsi dire. C'est là le point le plus impor-

tant du travail de M. Steffani ; les modifications morbides qui

s'effectuent dans la nutrition, des centres nerveux, et dont un

résultat est la diminution de l'élimination de l'acide phosphorique,

précédant les troubles psychiques, elles ne leur succèdent pas.

Le tableau donne encore d'autres indications : la diminution de

l'acide phosphorique, qui commence, en réalité, dès avant le pre-

mier jour de la période dépressive, s'accentue rapidement. Le

troisième jour du stade de début de cette période ; on a le chiffre

minimum d'acide, 0,91. A partir du troisième jour, l'acide aug-

mente mais irrégulièrement; il arrive enfin, avant la fin de la,

période dépressive, à remonter au chiffre des phases d'état nor-

mal : 1,73 - 1,79. On remarque même que le neuvième jour de

l'observation, c'est-à-dire au début du stade de rémission de la

phase dépressive, on a le chiffre maximum d'acide, 1,81.

En résumé, toutes les considérations tirées de l'étude du tableau

confirment cette théorie de l'auteur : la diminution de l'activité

psychique ne diminue pas l'élimination de l'acide phosphorique.

C'est au contraire le trouble nutritif qui se manifeste dans les

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 41

éléments du cerveau, et qui en vertu duquel l'acide phosphorique

esi éliminé en quantité moindre qu'à l'état normal, qui a pour

conséquence la diminution de l'activité psychique.

CAMUSE.

X. L'aliénation mentale chez les Arabes ; par le Dr MEILHON.

D'une longue et substantielle étude de l'aliénation mentale

chez les Arabes, d'après les indigènes musulmans de la province

d'Alger hospitalisés à l'asile d'Aix, de 1860 à 1890, l'auteur tire les

conclusions suivantes : 1° l'aliénation mentale est très rare chez

l'Arabe; la proportion des aliénés est, chez les musulmans de la

province d'Ager, cent-trente-quatre fois moins considérable qu'en

France; 2° (le climat n'a qu'une importance négligeable sur

cette immunité; 3° elle est surtout un effet de la civilisation;

4° la religion du Koran est elle-même une cause prophylactique

très importante ; 5° le Kabyle est moins souvent atteint de folie

que l'Arabe ; plus que lui, du reste, il résiste aux causes de dégé-

nérescence ; 6° l'aliénation est encore plus rare chez la femme et

principalement chez la femme kabyle ; 7° l'hérédité doit avoir une

influence prépondérante sur l'éclosioo de la folie chez les Arabes;

8° la syphilis, sous forme de syphilis conceplionnelle, doit être

également incriminée ; 9° quant à l'alcool et au kiff, le quart des

malades observés sont des intoxiqués.

10° Le trait dominant de la folie des Arabes est leur tendance à

la violence, les perversions génésiques sont aussi très fréquentes;

11° le suicide est une exception chez l'indigène ; 12° les idées dé-

lirantes les plus communes sont les idées mystiques et les idées

ambitieuses, ces dernières semblant se concilier difficilement avec

le tempérament fataliste de l'Arabe; 13° les formes primitives d'alié-

nation et surtout la manie, dominent la pathologie mentale des

Arabes; 14° l'Arabe devient maniaque, le Kabyle devient mélan-

colique ; la° le délire chronique s'observe aussi quelquefois; il

atteint surtout l'Arabe. Quant au délire mystique proprement dit,

l'auteur n'en a rencontré aucun exemple bien caractérisé malgré

l'extrême fréquence des idées mystiques; 16° l'alcoolisme apparaît

surtout depuis l'année 1880 ; il frappe plus du cinquième des ma-

lades et sévit surtout chez l'Arabe; 17° l'intoxication par le kiff

est assez fréquente et se manifeste par quelques symptômes carac-

téristiques, parmi lesquels l'éréthisme génésique, avec tendance

aux actes obscènes et impudiques, l'extase, le rire continu, les

hallucinations de la vue, la sensation d'enlèvement dans le vide ;

18° comme l'alcoolisme, le kiffisme frappe surtout l'Arabe, le Ka-

byle restant presque indemne; 19 la paralysie générale est très

rare chez les Arabes; elle est surtout un résultat des progrès de la

civilisation.

42 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

20° L'imbécillité et l'idiotie se rencontrent rarement à l'asile, les

malades qui en sont frappés étant sans doute laissés en liberté en

raison du respect dont les Arabes les entourent; 21° l'épilepsie,

dont laforme maniaque estla plus commune, s'accompagne toujours

de réactions extrêmement dangereuses ; 22° la proportion des

décès à celle des admissions est de 53.52 p. 100 ; parmi les causes

de léthalité, la phtisie atteint la proportion de 20.54 p. 100 du

chiffre total des décès ; 23° les conséquences pratiques et théra-

peutiques qui découlent de ce travail amènent à conclure à la

nécessité d'hospitaliser les Arabes sur le sol même de l'Algérie.

(Annales médico-pschologiues, décembre 1896). E. B.

XI. Contribution A l'étude de la « paranoïa inventoria » ;

par le Dr Serge SOU¡¡HANOFF,

Le délire chronique présente une forme où les idées absurdes

s'expriment sous l'aspect du délire d'invention et de découverte

le contenu des idées morbides est tiré du domaine des sciences

pratiques et théoriques. Sans doute, plus le délire du malade est

absurde. plus se remarque son état morbide ; mais parfois le délire

du malade prend une forme particulière, de sorte que l'entourage

ne doute pas qu'il soit tout à fait bien portant. La netteté de cons-

cience, l'absence d'hallucination parlent en faveur du malade qui

n'apparaît à son entourage que comme un sujet étrange, un fan-

tasque, un rêveur. Tel ce malade, dont l'observation est rapportée

par l'auteur.

Il s'agit d'un homme de cinquante-cinq ans, paysan d'origine et

presque sans aucune éducation, et qui, après avoir fait une petite

fortune dans une entreprise de typographie, se mit à négliger ses

affaires pour ne plus parler que des lois physiques et s'adonner à

toutes sortes d'expériences physiques, se croyant un second Newton,

un second Galilée. Il colporte en tous lieux des écrits sur les forces

de la nature, sur « une instruction rationnelle pour l'augmentation

continuelle de la récolte et pour la réaction contre la sécheresse à

l'aide de l'engraissement de la terre par le soleil ».

Les récits du malade, aussi bien que la lecture de ses composi-

tions, démontrent que son savoir dans les sciences physiques est

très faible et qu'il n'en connaît même pas les notions élémentaires :

c'est ainsi qu'il prétend que « la pression atmosphérique n'existe

pas », et que « la plante nourrit absolument la terre ».

Mais quand on cause avec le malade d'autres objets qui ne con-

cernent pas la physique, il en parle et raisonne sainement, sans

aucune idée délirante, ce qui fait croire aux personnes qui l'en-

tourent qu'il est tout à fait normal. Sa soeur, une personne peu

intelligente, trouve qu'il est un homme d'un grand esprit et croit à

son génie. Il est probable que les éléments dont provient la mala-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 43

die psychique avec le délire défini et systématisé de grandeurs, exis-

tent déjà depuis longtemps chez le malade.

On voit que l'élément de la folie raisonnante, à savoir Je terrain

de dégérescence mentale, existe dans ce cas comme dans tous les

cas analogues : aussi,- en se servant du terme de c paranoïa »,

M. Soukhanotf reconnaît que ce malade se distingue beaucoup des

autres malades dont les idées délirantes de persécution et de gran-

deur se développent progressivement sans avoir l'élément de la

folie raisonnante. La « paranoïa inventoria » est une maladie qui,

pour' se produire, a besoin d'une prédispositon héréditaire, à

savoir une dégénérescence mentale. (Annales médico-psychologiques,

oct. 1596.) 1. B.

XII. UN cas DE délire raisonnant DE dépossession. : ,;

par le Dr Régis.

Un nommé 0.... jardinier à Bergerac, âgé de quarante et un ans,

rend la vie tellement dure à sa femme, que celle-ci obtient la sépa-

ration de corps. Pour liquider ses reprises, elle fait vendre un petit

bien commun sis à Bergerac. A la suite de licitation, cet immeuble

est acheté par un voisin; mais 0... ne veut pas en sortir. Jugement

d'expulsion est rendu contre lui, mais il refuse de l'exécuter; un

huissier, commis aux fins de l'expulsion, se présente; mais bien

qu'assisté de la force armée, il est obligé de se retirer, en présence

des menaces de mort proférées par 0..., armé de fusil, fourche, etc.

En même temps celui-ci, comme pourbien affirmer ses droits, con-

tinue de- faire acte de propriétaire en arrachant des arbres fruitiers

et en cultivant le terrain. On se saisit enfin de lui par surprise, et

il est écroué à la maison d'arrêt, où. il est l'objet, de la part des

docteurs Z et Y, d'un examen médico-légal qui conclut qu'il jouit

de ses fonctions cérébrales et qu'il est responsable de ses actes.

Mais le jour de l'audience venu, il refuse de s'y rendre. Dans ces

conditions, et en présence de l'attitude étrange de l'inculpé, le tri-

bunal jugea nécessaire de le soumettre à un nouvel examen pour

lequel ont été commis les docteurs Lande, Pitres, et Régis. De

l'examen médico-légal fait par ces derniers, il ressort qu'O... est un

individu débile d'intelligence, sans trace évidente d'alcoolisme, en

proie dépuis longtemps à des idées de défiance et de jalousie qui.

sous l'influence des circonstances, ont pris une forme particulière,

celle du délire processif ou de chicane, « paranoia querelans ».

comme l'appellent les Allemands, variété du délire raisonnant de

persécution.

0... est donc titi' persécuté raisonnant, ou persécuté persécuteur,

c'est à-dire un de ces individus qui, avec des apparences de logique

et de raison, se croient l'objet d'injustices imaginaires et, sous

l'empire de ce délire systématisé, cherchent par tous les moyens

44 It REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

possibles, en particulier par les moyens violents, à donner satis-

faction à leurs droits soi-disant lésés.

Etant donné le mélange de délire et de raison qui existe chez les

sujets, il est difficile d'établir nettement s'ils sont ou non respon-

sables de leurs actes, la mesure en ces matières échappant à une

appréciation mathématique. Ce qu'on peut dire, c'est qu'O... agit

de plus en plus sous J'influence de ses idées fixes, et, par suite, qu'il

est dominé par une force à laquelle il ne saurait résister. Par là,

c'est un irresponsable, au moins pour les choses afférentes à la sphère

de son délire.

Conformément aux conclusions du rapport, 0... fut remis entre

les mains de l'autorité administrative pour être interné dans un

asile d'aliénés. Les cas de ce genre ne sont pas absolument rares :

fort curieux au point de vue psychologique, ils sont souvent très

délicats au point de vue médico-légal et peuvent être diversement

interprétés, comme on vient de le voir.

Au Congrès des aliénistes et neurologistes de Bordeaux, le

docteur Pailhas a décrit sous le nom de « états monomaniaques

liés à une déviation de l'instinct de conservation de la propriété »,

cet état mental de certains individus qui, expropriés de leurs biens,

refusent d'accepter la chose jugée et, se considérant commeinjus-

tement dépouillés et comme toujours légitimes propriétaires, se

livrent, pour défendre leurs soi-disant droits, à des revendications

plus ou moins violentes. [L'auteur propose, pour les faits de ce genre,

la dénomination plus exacte et plus simple de « délire raisonnant

de dépossession ». (Annales rnédico-psychologiques, oct. 1896).

E. B.

II. LE TREMBLEMENT GÉLATINEUX DE LA LANGUE CHEZ LES ALIÉNÉS

MELANCOLIQUES'; par le D'' V. Parant.

Parmi les tremblements qui intéressent la clinique des mala-

dies mentales, celui de la langue des aliénés paralytiques est

presque le seul remarqué. A côté de ce tremblement l'auteur en

décrit un autre qui, s'il n'est pas absolument spécial aux maladies

mentales et s'observe à peu près identique dans certaines affections

fébriles de la pathologie ordinaire, prend, dans les maladies men-

tales où on le rencontre, une importance véritable.

Dans ce tremblement, la langue n'est point animée de mouve-

ments irréguliers tenant aux contractions anormales des fibres

longitudinales. Le malade semble avoir quelque peine à tirer la

langue hors de la bouche : elle sort à moitié tout au plus et s'étale

arrondie, flasque, sur la lèvre inférieure. En l'examinant alors, on

à

1 communication faite au Congrès des aliénistes et neurologistes,

Nancy, 1896.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4S 5

voit qu'elle paraît osciller dans sa masse; il s'y fait de côté et

.d'autre de petites dépressions momentanées; l'aspect est celui

d'une petite masse de gélatine arrondie, que rien ne comprime

sur ses bords, et à qui l'on imprime de légères oscillations. D'après

cette comparaison, M. Parant propose de donner à ce tremblement

le nom de tremblement gélatineux.

La constatation de ce Lemblement, intéressante au point de vue

clinique, présente aussi son imporlance au point de vue du pro-

nostic. En effet, on l'observe presque uniquement chez une caté-

gorie de malades en état de dépression mélancolique, chez qui la

mélancolie est récente et ne revêt qu'une de ses formes simples,

plus spécialement d'origine infectieuse. Cette dernière hypothèse

est confirmée par ce l'ait qu'un tremblement analogue s'observe

dans des maladies fébriles qui sont évidemment de nature infec-

tieuse, telles certaines fièvres typhoïdes.

Dans ces conditions, ce tremblement peut être le plus habituel-

lement considéré comme un signe pronostique favorable. (Annales

médico-psychologiques, décembre 1896.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. UN CAS DE CHORÉE CHRONIQUE CHEZ L'ADULTE AVEC ALTÉR \TIONS

ANATOMIQUES SEMBLABLES A CELLES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE ; par

le DI IONDUR.1NT.

Il s'agit d'un cas de chorée développée, chez une femme de dix-

huit ans, après un accouchement. Cette femme était déjà une affai-

blie intellectuelle ; mais depuis le début de la chorée jusqu'à la

mort, qui survint neuf ans après, consécutivement à une gangrène

du poumon, l'affaiblissement intellectuel alla en progressant et

finalement la malade tomba dans une démence presque com-

plète.

Les mouvements choréiques affectaient d'une façon constante

les muscles de la face, du cou et des membres supérieurs, surtout t

- du côté gauche; ils cessaient pendant le sommeil et étaient plus

marqués dans les mouvements volontaires. Associés à ces mouve-

ments choréiques, on remarquait un tremblement rythmique assez

prononcé des mains et, lorsque la malade concentrait son atten-

tion sur un acte à accomplir, quelques mouvements athétosiques

des doigts, surtout du. côté gauche ; à l'examen histologique, la pie-

46 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mère est épaissie, adhérente par endroits il l'écorce cérébrale,

laquelle présente un certain degré d'atrophie. Les vaisseaux pré-

sentent des lésions accentuées. Un grand nombre des cellules pyra-

midales sont dégénérées, surtout dans la zone motrice. Les

faisceaux pyramidaux sont également dégénérés sur tout leur

parcours; il existe un commencement d'altération dégénérative

sur les faisceaux de Gowers.

Les ventricules latéraux et le quatrième ventricule étaient

recouverts de granulations. En somme il existe dans ce cas une

combinaison de signes cliniques avec des modifications du

système nerveux central analogues à celles qu'on rencontre dans

la paralysie générale, qui semble établir l'existence de rapports

intimes entre la chorée chronique progressive et certaines autres

maladies neuro-dégénératives, notamment la paralysie générale.

(The alienist and neurologist, juillet 1896.) E. B.

II. LA. TEMPÉRATURE SUPERFICIELLE DU CRANE DANS LES MALADIES

cérébrales; par le Dr MAc-C%srry.

L'étude de la température superficielle de la tête peut-elle aider

au diagnostic des maladies cérébrales D'après les recherches

classiques de Lombard, faites sur un ensemble de G000 observa-

tions, la température normale de la surface de la tête oscille entre

35° et36°, 5, variationquiserapprochede celles qu'on observe dans

la température prise dans la bouche ou le rectum. La tempéra-

ture extérieure influence beaucoup la température superficielle

de la tête, surtout lorsqu'elle est froide : aussi est-il utile de ne

faire de pareilles recherches que dans une chambre chauffée pour

le moins à 2(}°.

Le disque du thermomètre devra être protégé par une enveloppe

en susbstance mauvaise conductrice de la chaleur ; de plus il fau-

dra appuyer assez fort le thermomètre afin de déterminer un

certain degré d'anémie du cuir chevelu dont les vaisseaux san-

guins exerceront, de la sorte, le minimum d'influence sur l'éléva-

tion de la température.

Cette prise de température locale est en somme une opération

délicate, qui donne la température de la peau en un endroit déter-

miné et dont la valeur repose entièrement sur la netteté avec

laquelle elle indique la température approximative de la portion

de cerveau sous-jacente. Les indications données par la tempéra-

ture superficielle du crâne pourront, dans certains cas, être pré-

cieuses, non qu'elles permettront de déterminer la nature d'une

lésion cérébrale, abcès, tumeur, hémorragie, etc. ; mais elles

permettront de déterminer de manière plus ou moins précise la

vascularisation des tissus, les phénomènes d'inflammation asso-

ciés à la tumeur, à l'abcès, à l'hémorragie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47

Dans les méningites de types aigus et subaigus, la température

crânienne est invariablement plus élevée que la température géné-

rale, et l'élévation la plus grande correspond aux zones dans les-

quelles le processus inflammatoire est le plus développé.

Dans la folie, les recherches sur la température superficielle du

crâne n'ont pas encore donné des résultats précis : pourtant Mara-

gliano, Seppilli et quelques auteurs ont trouvé une élévation de

température dans la manie aiguë. (The alienist and neizrologist,

oct. 1890.) E. B.

III. LA PARALYSIE DES ÉCRIVAINS N'EST PAS DUE A L'ÉCRITURE SEULE;

par le D1' Hugues.

L'élude de nombreux cas de crampes ou de paralysies des écri-

vains a conduit l'auteur à cette conclusion que, dans les dillérentes

variétés de névroses professionnelles, telles que la paralysie des

écrivains, la paralysie des musiciens, la crampe des choristes, la

paralysie des graveurs, etc ? la profession n'est pas le seul facteur,

mais n'intervient qu'à titre de cause déterminante; la condition

essentielle du développement de ces affections doit être cherchée

dans le genre de vie sédentaire, irrégulier, dans le surmenage,

l'épuisement du système nerveux général, associés à des prédispo-

sitions névropathiques. La preuve en est que, dans beaucoup de

ce= cas de névroses professionnelles, on ne rencontre pas une fa-

tigue excessive des muscles intéressés. (The aliezzist and neurologist,

oct. 1896.) E. B.

IV. LA SYPHILIS COMME FACTEUR ÉTIOLOG1QUE DANS LA PRODUCTION DE

l'ataxie LOCOMOTRICE; par le Dr CHAIRE DRENNE\.

L'auteur passe en revue les divers arguments fournis par les

nombreux partisans du rôle importa n t de la syphilis dans l'étiolo-

gie du tube. '

Il estime que l'influence de la syphilis sur la production du

tabes a été exagérée ; à l'appui de son opinion il remarque que,

d'une part, au Japon où la syphilis est fréquente, les cas de tabès

sont rares et d'autre part, dans la race nègre où la syphilis est des

pluscommunes, le tabès est si rare que, dans une pratique de vingt

années, [il n'en a pas rencontré un seul cas. A son avis il est une

cause du tabes dont on ne parle pas et qui cependant est fort pro-

bable ; c'est l'emploi continu, ininterrompu, de fortes doses

d'iodure de potassium dans le traitement de la syphilis ; ce

remède, par son action irritative, peut provoquer à la longue les

modifications pathologiques qu'on rencontre dans le tabès.

Peut-être la rareté du tabes chez le nègre n'est-elle due qu'à ce

fait qu'il est impossible de faire prendre au nègre aucun médica-

48 ' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment lorsque les symptômes visibles ont disparu ? (Tite alienist and

neurologist, oct. 9 S9G.) E. B.

V. DES causes du tabès : par VOIGT. (Centrait . f. Nenvenheillc,

N F. VI. 1895.)

Sur 340 malades, 208 avaient eu les accidents secondaires de la

syphilis, ce qui donne la proportion de 61 p. 100 ; cette proportion

atteint 83, 5 p. 100 sil'on considère tous ceux qui en réalité avaient

été infectés Les autres causes de tabès n'ont à elles seules produit

cette maladie qu'extrêmement rarement. Il n'est qu'une maladie

où l'infection syphilitique joue exactement le même rôle, c'est la

paralysie générale qui se rattache, sous bien des rapports, au

tabes.

D'autre part, sur 100 tabétiques 83 avaient eu un chancre ou la

syphilis; sur 100 neurasthéniques 83 étaient indemnes de chancre

ou de syphilis. Si l'on en rapproche que les pasteurs sont rarement

tabétiques, mais souvent neurasthéniques, on arrivera à une conclu-

sion facile. Comme, dans le cas de neurasthénie, nous rencontrons

la tare névropathique, le surmenage psychique et physique, les

excès, les émotions, l'alcool, causes que l'on constate aussi dans le

tabès, il appert, les neurasthéniques étant d'ailleurs rarement tabé-

tiques, qu'il y a des agents morbigènes entraînant de simples

troubles fonctionnels, qu'il y en a d'autres qui produisent des

perturbations organiques. S'il est établi que la neurasthénie est la

résultante de la prédisposition névropathique, des excès, du surme-

nage, c'est que ces éléments nocifs ne sont pas aptes à produire le

tabes ou qu'ils ne le peuvent engendrer que dans des conditions

particulières. Ces conditions particulières se résument en : l'infec-

tion syphilitique qui prépare le terrain. Comment ? Pourquoi '¡

Et surtout pourquoi l'action s'en exerce-t-elle sur de tels systèmes

anatomiques ? Nous ne savons. Mais il ne faut pas oublier que

30 p. 100 de nos tabétiques préalablement syphilitiques n'avaient pas

d'autres causes nocives dans leurs antécédents. P. KERAYAL.

VI. Hémiplégie faciale, linguale, pharyngée ET laryngée ( ? ) du coté

gauche, consécutive A un FOYER DE ramollissement occupant le

centre ovale DROIT ; par A. Wallenberg. ('rell9'O10. iuB7dl)'ülbl.,

XV, 1896.)

Homme de quarante-sept ans, atteint, depuis plusieurs années,

d'une insuffisance aortique, sans signe d'anévrisme (pas de para-

lysie du récurrent) ; depuis au moins un an, myosis bilatéral avec

immobilité réflexe des pupilles, paralysie de l'oculomoteur

externe du côté droit. Affaiblissement intellectuel progressif,

céphalalgies, accès de dyspnée avec vomissements : le malade a ,,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49

également souffert d'une affection pulmonaire ayant évolué eu

quelques jours (embolie ? ) Puis, pendant plusieurs mois, rien

de nouveau. C'est alors que, en trois jours, paralysie pharyngée

- totale, parésie gauche du facial (toutes ses branches), de la moitié

gauche de la langue, de la corde vocale gauche, et un peu des élé-

vateurs de l'épaule gauche ; en même temps, oedème de la conjonc-

tive gauche et de la paupière supérieure du même côté; deux

tumeurs sur la paroi gauche du crâne. Frictions mercurielles qui

font disparaître les tumeurs et rétrograder considérablement les

phénomènes paralytiques. Trois semaines plus tard, vomisse-

ments, dyspnée, collapsus ; mort. On trouve à l'autopsie un foyer

de ramollissement dans la substance blanche du lobe frontal

droit, par thrombose probable de la première branche de l'artère

sylvienne. Ce foyer a à peu près la forme d'une molaire qui serait

placée horizontalement; sa couronne, transversale et antérieure,

occuperait la distance comprise entre le putamen et la paroi anté-

rieure du ventricule latéral. L'une des racines, correspondrait à

l'arrière de la pointe supérieure du noyau lenticulaire, se dirigeant t

du côté de sa queue ; l'autre, parallèle et latérale au corps calleux

à la hauteur duquel elle serait, se dirigerait en arrière. Ce foyer a

interrompu : 1° presque toutes les fibres de projection de la troi-

sième frontale, de la moitié antérieure de la deuxième frontale et

de la circonvolution de passage ; 2° quelques éléments émanés

des portions antérieures des ascendantes ; -3° un bien plus grand

nombre de fibres issues des circonvolutions orbilaires, surtout de la

latérale 4° les faisceaux d'association antéropostérieurs du

lobe frontal ; -- 50 les fibres des corps calleux; 6° les éléments de

la capsule externe. Le noyau caudé, le noyau lenticulaire, la capsule

interne sont demeurés en dehors de l'action du foyer. La dégéné-

rescence secondaire n'a pas eu le temps de s'effectuer, car il s'est

écoulé trop peu de temps entre la genèse du ramollissement et l'is-

sue mortelle (figures). Discussion intéressante du diagnostic com-

prenant aussi l'histoire du centre cortical du larynx. (Masini,

Brissaud.) P. KERAVAL.

VII. Observations DE tumeur cérébrale ayant procédé par DES ATTA-

QUES SPÉCIALES ET PAR DES TROUBLES DE L'OUÏE; par F. LUH11.L"NN.

(Neurolog. Centl'albl., XV, 1896.)

Homme de cinquante-un ans; sypliilisextrêmement probable (sa

femme, qui est probablementjnorte de tumeur cérébrale, a subi

plusieurs avortements dont un foetus putréfié). Au début d'octo-

bre 1892, pendant qu'il prononce un discours en public, les mots

précis lui échappent, il se trompe, ne peut lire quelques nombres

écrits. Les jours suivants exagération de la sensibilité il l'égard des

sons, hypoacousie; finalement, à de courts intervalles, bruits répé-

Archives, 2° série, t. III. 4

50 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tés très gênants dans l'oreille droite; pas de lésions de l'oreille

moyenne. Syphilis cérébrale probable. Papille stasique déjà en voie

de régression. Kl. Le 4 novembre, il comprend bien, prononce

bien quelques mots mais est obligé de chercher en s'exprimant et

doit finalement recourir aux gestes. Il confond et estropie les

termes; l'articulation reste cependant lionne car il répète conve-

nablement ce qu'on lui dit, copie sans fautes, mais ne peut écrire

exactement de mémoire pas plus que sous la dictée, en omettant

syllabes et mots. A des questions simples formulées par écrit il

répond par écrit en omettant syllabes et mots. Pas d'alexie.

Puis, de temps à autre, attaques constituées par un beuglement

traînant, monotone et perçaut; bientôt la tête est convulsivement

tournée à droite ainsi que les globes oculaires, tandis que le regard

est fixe ; il y a cyanose faciale sans perte de connaissance, sans

disparition du réflexe cornéen. Durée une demi à une minute. Ces

accès sont précédés et accompagnés d'un fort bruit, perçu par le

malade dans l'oreille droite qui ressemble tantôt à celui que l'on

obtient eu frappant sur une lame métallique, tantôt au son d'une

crémaillère; les accès, d'abord fréquents, revenant même toutes les

cinq ou dix minutes le premier jour, disparaissent graduellement L

et tout à fait, au bout de huit jours. Les bruits subjectifs survivent

aux accès pour disparaître complètement dès le quatorzième jour.

Onctions mercurielles; Kl. Guérison en sept semaines, qui s'est

maintenue depuis. Disparition des phénomènes papillaires. Discus-

sion des symptômes : gomme du lobe temporal. P. 1\ÉIIA YAL.

VIII. Observation DE paralysie isolée DE L'IITPOGLOSSE DU côté DROIT,

TRÈS probablement D'ORIGINE névritique; par A.MARINA. 1 ? 217'OlPCJ.

Centralbl., XV, 1896.)

Il s'agit d'un homme de cinquante-un ans, dont la photographie

est jointe à l'observation, qui, sans cause appréciable, fut atteint.

d'une pharyngite aiguë, suivie quelques jours plus tard de difficulté

à parler surtout à articuler les r et s. On constate une paralysie de

l'hypoglosse; la langue dévie un peu à gauche, la moitié droite est

un peu plus élevée que la moitié gauche, l'organe est en continuelle

agitation, animé de convulsions fibrillaires et fasciculaires. A

droite, existent deux sillons longitudinaux mais obliques. La lan-

gue peut se mouvoir à gauche, en haut et en bas, mais non à

droite ; hors de la bouche elle dévie fortement à droite et l'on voit

nn arc de cercle ayant pour appui la moitié gauche et formé par

la moitié droite un peu recoquillée. Il y a donc paralysie de l'hypo-

glosse droit avec hémialrophie au début. Il y a réaction dégénéra-

tive, la moitié de la langnemalade, ne réagissant pas du tout au cou-

rant faradique, réagit exagérément au courant galvanique. La cause

doit être périphérique, mais les convulsions fibrillaires indiquent

REVUE pi PATHOLOGIE NERVEUSE. 51

une lésion aiguë du centre bulbaire de l'hypoglosse. On est donc

obligé de croire à une lésion centrale ayant très fortement atteint

les racines intra-bulbaires ce qui donne à la paralysie un cachet péri-

phérique. Bientôt la langue se plisse de plus en plus, elle est quasi

mutilée; la mobilité à droite en est presque impossible, la pointe

dévie toujours à droite. Deux mois après le début des accidents

apparaît de la contracture : l'organe se raccourcit et se durcit, la

pointe dévie de plus en plus du côté paralysé et l'arc de cercle s'ac-

cuse d'avantage comme s'il y avait un cordon qui tire sur la moitié

gauche saine. Le malade parle comme s'il avait une blessure de Ja

langue. La paralysie avec atrophie est des plus nettes. Ea R ;

Ka SZ = An SZ. Ce qui correspond d'après l'étude du début et de

l'évolution (novemlire 1892 août 1894) à une paralysie périphé-

rique grave, comme celle qui succède à la névrite faciale. Névrite

idiopathique de l'hypoglosse droit, de cause inconnue : l'auteur aban-

donne l'idée de la lésion des noyaux de l'hypoglosse. P. KERAVAL.

IX. LES phénomènes constatés CHEZ LES INDIVIDUS que -l'on A

RAPPELLES A LA VIE LA SUITE D'UNE TENTATIVE DE STRANGULATION;

par H. Brackmann. (Neurolog. Cenlralbl., XV, 1896.)

Il s'agit d'un individu qui, après avoir été pendu pendant cinq

minutes, fut' rappelé à la vie par la respiration artificielle. Alors

apparurent des espèces de convulsionshystériques à grand orchestre

ni toniques, ni cloniques, avec mouvements de défense pendant

une grande heure. Elles survinrent exactement au moment où la

respiration artificielle rappela les mouvements respiratoires spon-

tanés véritablement efficaces. P. KERAYAL. ,

X. DE la névrite périphérique; par SEYSIOUR SILARK.1Y. (British

med., 22 février 1896.) Communiqué à la section de Pathologie

de la réunion annuelle de la British Association. Londres, juillet-

août 1895.

L'auteur, rappelant l'origine récente de cette' entité morbide,

signale les travaux antérieurs à 1861 dans lesquels Graves par-

lait desiaireclions causées par l'altération du système nerveux péri-

phérique. Depuis, l'existence de ces lésions put être établie par

Dumesnil et dès lors la vogue de l'entité nouvelle amena l'extension

abusive de ce terme à beaucoup d'affections d'un diagnostic dou-

teux. Il y aurait lieu de déterminer clairement les altérations ana-

tomo-pathologiques méritant l'expression de névrite périphérique

et de déterminer en outre ce qu'on entend par système nerveux

périphérique d'une part, et système central de l'autre. A la suite de

celte note une discussion s'est engagée entre MM. Hamilton, Grain-

gel' Stewart,l\Ial'inesco et Ormeron, I.lIIarinesco rappelant les travaux

82 * REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de MM. Charcot, Marie et Souques, appelle l'attention sur les cas

de névrite périphérique liés à des altérations du système nerveux

central avec troubles trophiques. A. M.

XI. Cas DE paralysie DE LANDRY; par Herbert RoBsoN.

(Bristish med. Journal, 18 avril 1896.)

C'est une jeune fille de quatorze ans d'une famille de tuberculeux.

L'attaque de paralysie débuta par de la photophobie avec cépha-

lée liés pénible, hyperthermie, bientôt suivies de diplopie avec

dysphagie rachialgie [cyanose, hypothermie, pouls intermittent,

mort au sixième jour sans perte de connaissance jusqu'à la fin.

A. M.

XII. Influence DES affections aiguës spécifiques SUR la lèpre;

par Edouard Tond. (British médical Journal, 20 juin 1896.)

L'auteur passe en revue l'érysipèle, la rougeole et les fièvres

éruptives, la tuberculose et la syphilis. Toutes ces affections ont

paru exaspérer la diathèse lépreuse et même activer l'apparition

de complications nerveuses centrales si l'on en juge par l'éclosion

précose des anesthésies des membres avec paralysie et contracture

des extrémités. A. M.

XIII. Complications NERVEUSES DES maladies infectieuses ;

par H. IIANDRORD. ((British. médical journal, 21 septembre 1895.)

Hoffman, Cullen, Sauvage et bien d'autres auteurs anciens ont

signalé les paralysies dans Ja convalescence des fièvres continues.

Landry et Gubler en ont donné la description définitive. Le progrès

de nos connaissances sur le système nerveux permet d'en expli-

quer le mécanisme et la pathologie infantile l'a éclairé clinique-

ment. On peut diviser les complications nerveuses des maladies

infectieuses en différentes classes, selon que : i° elles intéressent le

cerveau et ses membranes; 2° la moelle ou ses enveloppes; 3° le

système nerveux périphérique. Ces différentes lésions peuvent être

elles mêmes divisées en altérations communes, infectieuses et en

altérations spécifiques, spéciales à certaines toxines. L'auteur passe

en revue successivement les statistiques nombreuses d'Osier,

Clausten, Donkin, Barlow, Gowers, Bury, Griffiths, etc. A. M.

XIV. SURDITÉ NERVEUSE ; par GItANT.

(British médical Journal, 16 novembre 1895.)

L'auteur appelle l'attention sur l'importance de la recherche des

causes ayant provoqué la surdité nerveuse. Il préconise l'emploi de

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53

la pilocarpine et du galvanisme, considère comme de nature fonc-

tionnelle la plupart des cas de surdité nerveuse et termine en étu-

diant l'influence de l'insénescence sur les modifications de la faculté

auditive. Il insiste sur le diagnostic différentiel avec les affections

de l'oreille moyenne et le mal de Ménière. A signaler dans le

même numéro deux communications et discussions d'otologie de la

British Association, juillet et août 1895. Ces communications sont

relatives aux affections mastoïdiennes et de l'oreille moyenne avec

complications cérébrales, (Th. Barr et Macewen). Dans le numéro

suivant du 23 novembre, note de G. Macnaughton sur le mal de

Menière et l'hyperesthésic acoustique. A. M.

XV. Paralysie DES sixième ET septième paire coïncidant

avec la coqueluche; par GnAiG.(7M ! sA meclical Journal, 13 juin 1896.)

C'est le cas d'une enfant de trois ans atteinte de coqueluche,

à la suite vraisemblablement d'une hémorragie légère au cours des

quintes, paralysie du moteur oculaire externe et du facial gauches.

Physionomie caractéristique de la paralysie faciale périphérique

avec stabisme convergent (2 figures). A. M.

XVI. Diagnostic des caries spinales par LE procédé DE ROENTGEN; .

par Noble SMITH. (B)'ilish médical Journal, 6 juin 1896.)

C'est une application pe la photograDhie à travers les corps par

les rayons X pour le diagnostic précis d'une carie de vertèbres au

début d'un mal de Pott, mal caractérisé (2 reproductions de photo-

graphies). A. M.

XVII. Hypertrophie DES os ET FRACTURFS spontanées; '

par G. G. SAINCLAIR. (British médical Journal, 7 décembre 1865.)

Il s'agit d'un malade de trente-sept ans, ancien mineur sans anté-

cédents héréditaires spéciaux qui fut atteint à la suite de plusieurs

années de mine dans les charbonnages d'une cachexie particulière

qui aboutit à des arthropathies avec fractures spontanées et troubles

ostéo-trophiques caractérisés par l'hypertrophie considérable des

épiphyses. A. M.

XVIII. Plaie des carotides et DE L\ jugulaire par tentatives DE SUI-

cIDE, ligature; par Th. Thomas. (British. médical Journal, 7 dé-

cembre 1895.)

Le malade guérit malgré une hémorragie abondante grâce à la

transfusion du sérum artificiel et à la ligature des carotides en cinq

points et de la jugulaire en trois endroits. A. M.

54 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. r

XIX. Cas de cécité brusque ET de brusque restauration de la vue ;

par le Dl' Vaughop.

Intéressante observation d'un homme de quarante-quatre an<,

dégénéré, ayant été interné à plusieurs fois pour excitation mania-

que, ayant eu, à diverses reprises des crises épileptiformes et qui,

s'étant couché tranquillement, un beau jour, pour la sieste, se

réveilla complètement aveugle. Cette cécité, survenue le 11 no-

vembre 1894, cessa brusquement le 25 mars 1895. Le malade pen-

dant ce temps avait pris un peu d'iodure de potassium.

L'auteur estime que dans ce cas, on se trouve en présence d'une

lésion corticale des deux lobes occipitaux ayant détermini une

hémianopsie double : cette lésion aurait été en rapport avec ses

crises épileptiformes. (Amener ! journal of inscatzil, avril 1896.)

E. IL

XX. Deux cas DE tétanie d'origine gastrique; par M. 11ORENO y

LOPEZ. (Siglo Medico, avril 1896.)

1° Un jeune homme de vingt ans n'ayant aucun antécédent

névropathique héréditaire ni personnel était depuis trois ans atteint

de dyspepsie douloureuse avec ectasie gastrique, vomissements,

éructations fétides, maigreur extrême, paleur de la peau et des

muqueuses; urines claires sans albumine, selles noires et sèches,

rétrécissement organique du pylore. Le malade se traite avec per-

sévérance, des lavages de l'estomac sont faits quotidiennement,

Malgré cela il est pris soudainement d'accidents tétaniques un

matin au moment de se lever. L'auteur le trouve couché sur le

côté. Les masséters, les muscles de la face et du pharynx sont

tétanisés. La contracture porte surtout sur les avant-bras qui sont

fortement fléchis, sur les mains et sur les doigts qui sont courbés

en griffe, le malade est agité d'un léger tremblement, les points

atteints non douloureux mais hyperesthésiés. Température 38° ;

pouls 70, petit contracté. Traitement : injection de morphine, lave-

ment de chloral. A midi tout est rentré dans l'ordre. Un lavage

avait été pratiqué peu d'heures avant l'attaque.

2° Un autre jeune homme de dix-huit ans était inconnu de

l'auteur qui, appelé à l'improviste auprès de lui à 2 heures du

matin, trouve ce malade assis sur le bord du lit, les pieds sur une

chaise et soutenu de côté par des parents. Le phénomène qui frappe

d'abord est une dyspnée des plus inquiétantes résultant de la rigi-

dité des muscles du thorax, mais il y a une contracture douloureuse

des avant-bras fléchis et des mains appliquées contre la poitrine et

fortement fermées. Soif dévorante, difficulté extrême pour avaler,

parole entrecoupée et pénible, intelligence intacte comme dans le

premier cas, pouls filiforme, température 38 ? Pas d'antécédents

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55

de nature névropathique ni héréditaires ni personnels, pas de plaie

récente, pas d'urémie, pas d'ingestion de substances tétanogènes,

mais dyspepsie intense depuis six ans très rigoureusement traitée

et en particulier par des lavages réguliers de l'estomac dont un

même avait été fait six heures avant l'accident. Traitement : lave-

vement de chloral et frictions avec une pommade belladonée et

laudanisée. Le soir même la guérison était complète.

C'est a dessein que l'auteur n'a pas prescrit contre ces accidents

tétaniques les lavages de l'estomac préconisés par Bouveret et Dévie.

Les deux malades en effet les pratiquaient déjà très assidûment et

l'un deux s'y était livré très peu de temps avant la crise, il attri-

buait même son attaque à son dernier lavage. L'auteurse demande

avec Jaccoud si l'on ne doit pas en outre des toxines gastriques

laisser dans la pathogénie de tels cas un certain rôle au pouvoir

réflexe excito-moteur de la moelle déchainé sous l'influnece de

l'action répétée exercée par le passage de la sonde sur les filets du

pneumo-gastrique ? Il établit ensuite le diagnostic différentiel de la

tétanie gastrique, le plus souvent : purement tonique et se terminant

bien ou mal mais sans coma et sans trouble de l'intelligence, d'avec

la tétanie urémique fréquemment épileptoïde, affectant moins régu-

lièrement les mêmes groupes musculaires et dont la terminaison

est précédée d'une période comateuse. F. Boissier.

XXI. Tétanie d'origine gastrique ; par B. GIL Y Outega. (Siglo

Medico, mai et juin 1896.).

L'auteur insiste sur la nécessité de la prophylaxie dans le même

sens que Bouveret et Dévie; dans les cas graves le traitement arrive

presque toujours trop tard : M. C..., âgé de quarante-huit ans, ne

présente aucun antécédent névropathique personnel ni héréditaire

mais il est atteint depuis plusieurs années de dyspepsie doulou-

reuse, de nature irritative, hyperchlorhydrique avec ectasie gas-

trique, gaz fétides, vomissements, amaigrissement et hyperhémie

du foie. Il se traite d'une façon insuffisante et irrégulière. En

avril 1890 à la suite de quelques écarts de régime la cachexie s'exa-

gère, le teint devient terreux subictérique, l'épigastre douloureux.

Le malade est abattu, incapable de travailler; il accuse des névral-

gies, de la céphalée, du malaise, de l'insomnie, de la cryeslhésie.

Son caractère eevient inégal et irritable. Un peu d'albumine

rétraclile. L'auteur prescrit alors des lavages de l'estomac. Les pre-

miers sont excessivement pénibles, constriction spasmodique

intense de l'oesophage et suffocation très inquiétante. Le malade s'y

habitue pourtant, mais il les fait irrégulièrement. A la suite d'un

nouvel écart de régime (poisson fumé et vin rouge) suivi pourtant d'un

lavage, il est pris le soir du 20 avril de crampes dans les doigts et

les avant-bras. Le lendemain matin : angoisse extrême, lividité de

56 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

la face, rigidité des muscles thoraciques, contracture en flexion

des avant-bras, les mains appliquées contre la poitrine, les doigts

tétanisés et réunis en pointe (main d'accoucheur), immobilité com-

plète, douleur fixe et spontanée des membres intéressés. Les mou-

vements communiqués sont possibles mais exagèrent la douleur et

l'attitude est reprise aussitôt qu'on les cesse. Température 38°;

pouls 130, sueur profuse inondant les draps et les oreiller-. Pas de

vomissements, pas le moindre signe rappelant l'existence de l'atfec-

tion gastrique dans le moment. Mais les antécédents connus, l'ab-

sence de signes de lésions des centres nerveux l'ensemhle des symp-

tômes entraine le diagnostic. Les anti-spasmodiques en piqûres et

lavements échouent. Un[la\age de l'estomac ne donne aucun résul-

tat. Le soir du 21 la rigidité gagne les muscles du cou et le dia-

phragme, la respiration parait cependant e ricore,'su ft ! 5 : aii Les mais la

cyanose qui augmente trahit la parésie bulbaire. La sueur est

encore excessive, le pouls filiforme, la température 40°, la voix

éteinte, l'intelligence est intacte et le malade meurt dans la nuit

sans avoir perdu connaissance.

Les tétanies gastriques peuvent se classer en trois catégories

celles à marche régulière qui débutent toujours parles mains et les

avant-bras, mais qui peuvent se généraliser et arriver imiter pres-

que le tétanos, celles à formes épileptoïdes plus rares, et enfin les

formes intermédiaires qu'il ne faut pas oublier. On ne doit nulle-

ment se fier à la bénignité du début et il faut tenir compte des

antécédents immédiats pour le pronostic : la gravité de ce cas en

quelque sorte foudroyant peut tenir au mauvais état général du

malade, à l'irrégularité du traitement suivi par lui et aux excès de

boisson auxquels il se livrait à chaque écart de régime. Cet appoint

d'intempérance doit être un élément importantde gravité. Le trai-

tement en pareille situation n'a aucune prise sur l'attaque déclarée

il doit donc être préventif, antitoxique et hygiénique, les lavages

doivent en constituer la partie principale et être faits très régulière-

ment. Ou doit redoubler d'activité en cas de menaces de tétanie.

F.1301ss11<.1\.

XXII. SUR UNE nouvelle forme DE neurasthénie partielle (ANAG : '>1U-

SIASTÜÉNIE); par le prof. BIaNCIII. (Aiiii. di neLlrol., fasc. 1, II,

anno XIII.)

Il s'agit d'individus qui conservent leur vigueur intellectuelle

habituelle, dont la santé physique reste bonne, mais pour qui la

lecture devient difficile et parfois même impossible. Ce n'est pas

une impossibilité de reconnaître les signes graphiques simples ou

associés, et de leur attribuer leur signification usuelle : la percep-

tion des lettres, des sylllabes et des mots est parfaitement con-

servée ; mais il existe une incapacité de concentrer les axes visuels

et l'attention sur les syllabes et les mots écrits, pour un temps

assez long, et de recueillir et d'enregistrer dans la conscience les

images lues, c'est-à-dire le contenu de l'ecrit. Le malade se met de

bonne volonté à lire; il se sent vigoureux et bien dispos; mais après

avoir lu quelques mots, quelques lignes ou, dans les cas les plus

heureux, quelques phrases d'un journal, il accuse une vive sensa-

tion de douleur de tête, parfois circonscrite à la région occipitale,

ou s'irradiant vers les yeux et en même temps un sentiment de

malaise général, tous symptômes qui ne disparaissent qu'avec la

cessation de l'effort. La scène se répète constamment, avec les

mêmes caractères, chaque fois que le malade se met à lire..

La plus grande partie de ces individus sont de constitution

robuste, mais quelque peu névropathes de naissance. Un fait à

noter est qu'il y a quelquefois coexistence de l'astigmatisme ou de

t'asthénopie; néanmoins, ce syndrûme se distingue de l'asthénopie

parce qu'il n'est ni toujours, ni complètement corrigé par l'usage

des verres, parce que les souffrances qu'il détermine sont plus

grandes et plus généralisées que celles qui résultent de la simple

asthénopie, et parce qu'il y a des cas où l'asthénopie fait défaut.

Il se distingue aussi de toutes les phobies par l'absence de répu-

gnance ou de peur de la part du sujet pour l'acte en question. Au

contraire, ces individus brûlent du désir de lire, ils regardent avec

volupté les livres, les journaux, et leur regard ne se détourne des

pages que par suite de la souffrance qu'ils éprouvent, plus forte

que leur désir ou leur volonté. Il se distingue enfin de l'ataxie,

une des formes de l'ophasie optique, parce qu'alors les signes gra-

phiques ont perdu leur signification intellectuelle, et sans qu'il y

ait d'autre part de douleur à la tête ou aux yeux... Le repos, l'élec-

tricité, la gymnastique méthodique ont pu, dans certain cas, donner

quelques résultats favorables. J. Séglas.

XXIII. Contribution A la pathologie ET A l'anatomie pathologique

du tabès DORSALIS; par COLELLA.' ci)272. di neurol., anno XIV,

fasc. I, II.) .

Dans le tabes dorsalis, chaque point du système humo-muscu-

laire peut être lésé. C'est dans les altérations de la moelle épinière

et des nerfs oculo-moteurs du mesencéphale, comme dans celles

des nerfs périphériques et des muscles que l'on doit chercher la

physiologie pathologique des troubles les plus divers de la motilité,

de la sensibilité, des réflexes des sens spéciaux. Au point de vue

pathogénique, il y a de même un rapport indéniable entre les

altérations de l'écorce et les désordres des fonctions psychiques.

On peut observer dans le tabes dorsalis des paralysies amyotro-

phiques graves et diffuses, même quand la substance grise anté-

rieure de la moelle et le système nerveux périphérique ne présentent t

58 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

que des modifications histologiques à peine appréciables et tout à

fait circonscrites. En pareil ça ? , ces paralysies amyotrophiques

dépendent le plus souvent d'une altération primitive, généralisée

et profonde, des racines antérieures anatomiquement constituées

par des névrites du parenchyme, et des foyers nécrosiques dissé-

minés dans les racines spinales elles-mêmes. J. S.

XXIV. Paralysie conjuguée DES mouvements DE latéralité DES YEUX;

par VASTARINI-C11ESI. (Ann. di neurol., anno XIV, fasc. III, IV.)

XXV. lII1'OCTONIE fibrillaire ET inspiration IYOC1'ONIQUE chez un

dégénéré; par G. 1\1rIlTO. (Ann. di neurol., anuo XIV, fasc. III, IV.)

XXVI. Contribution A l'étude DES troubles DE la sensibilité

11YGItIQUE; par le D'' 111u1GazzINI. (Anrt. eli neu1'ol., anno XIII, fasc.1, 2.)

Nouvelle observation de troubles de la sensibilité hygrique chez

un paralytique général, analogue à celles des Drs llamadier et

Tambroni. J. S.

XXVII. UN CAS DE PARALYSIE POST-DIPHTÉR1T1QUE AVEC AUTOPSIE; J

par M. F. SANO. (Joulna, de neurologie, 1896 n° 11 1.)

Il s'agit d'un enfant de quatre ans atteint de diphtérie qui fut

traité par le sérum antidiphtéritique. Deux mois après environ alors

qu'il était guéri depuis longtemps de son angine, ce malade pré-

senta une parésie avec atrophie des membres inférieurs, une para-

lysie du voile du palais, etc. et succomba à une pneumonie.

L'examen microscopique a porté sur les centres nerveux, le nerf

crural et une portion du muscle quadriceps fémoral.

Les centres nerveux n'ont présenté aucun signe d'altération. Il

n'en n'est pas de même du nerf crural ; à ce niveau les cylindaxres

avaient disparu en certains points. Quelques-uns étaient gonflés,

d'autres amincis. La myéline avait disparu dans plus delà moitié des

tubes. Après coloration par la méthode de nlarclii, plusieurs fais-

ceaux musculaires parurent atteints d'une dégénérescence très fine,

pointillée.

En résumé la lésion dominante dans ce cas a été une polynévrite

segmentaire périaxile, les lésions des muscles u'ont été que secon-

daires. G. 1)EN o.

XXVIII. Endothéliome DE la dure-mère RACIIIDIE1\NE; opération; par

M. CLARKE. (tain, été et automne 1895.)

Homme vingt-huit ans. En 1891, malaise fébrile avec délire; peu

après chute de bicycle suivie de raideur des membres inférieurs et

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. oU

fourmillements des mains. En 1892, rigidité plus prononcée avec

exagérations des réflexes et parésie sans atrophie des membres

inférieurs; parésie atrophique avec abolition des réflexes des mem-

bres supérieurs; troubles de la sensibilité pareils à ceux de la syrien-

gomyélifij diagnostic : pachyméningite cervicale. En 1894, exagéra-

tion de tous les symptômes, impotence complète, paralysie atro-

phique des bras, contracture des membres inférieurs, paralysie de

la vessie, de tout temps peu de douleurs; diagnostic : gliome au

niveau du renflement cervical. Opération en septembre 189'r; mort

le soir même. Tumeur endothéliomateuse, molle, lisse; gris rou-

geâtre située en dehors de la dure-mère et adhérente à sa face

externe, remplissant le canal rachidien de la cinquième à la der-

nière racine cervicale incluse. Moelle presque indemne, à peine

quelques fibres dégénérées. A remarquer : la longue durée,

l'influence d'une chute, la ressemblance avec les troubles de la

syringomyélie et l'absence de fortes douleurs due à la mollesse du

néoplasme. La guérison était possible dans les meilleures conditions

opératoires. F. BOlssnOE.

XXIX. UN cas de tumeur cérébrale; symptômes initiaux surtout SEN-

SITIFS dans LE bras ET la face. Aggravation soudaine avec perte

DE l'ouïe du côté DE la lésion ; par S. WEST. (It)'üil7, été et

automne 1895.)

Homme seize ans. Engourdissement du bras gauche avec dyses-

thésie très marquée, même état du côté gauche de.la face. Troubles

de même ordre mais très légers dans le membre inférieurgauche.

Type hémiplégique. Perte de la vue par névrite optique double.

Aggravation soudaine et abolition de l'audition à droite. A l'au-

topsie, tumeur grosse comme une noisette dans la substance

blanche à la face externe du noyau lenticulaire. F. B.

XXX. Contribution A l'étude DE la déviation conjuguée de la tète et

des yeux; par 13RESLER. (Neurologie Centralbl., XV, 1896.)

Jeune fille de vingt ans, à développement physique normal, mais

atteinte depuis la puberté d'instabilité mentale greffée sur un fonds

d'imbécillité : accès de vagabondage, colères, impulsions à détruire.

Inflammation ancienne de l'oreille gauche, double tympan est

épaissi et a subi la dégénérescence nacrée remontant a plusieurs

années. Léger strabisme convergent à gauche. Diminution de

l'acuité visuelle. La fête est d'ordinaire agitée de légers mouve-

ments convulsifs qui la portent de droite à gauche (sortes de tics) ;

en même temps et aussi loin que la tête est au repos, léger nys-

tagmusdes deux yeux, surtout horizontal, plus rarement rotatoire,

il excursion presque insignifiante, qui ressemble à un léger clonus

60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ou à une oscillation latérale il droite ou à gauche, surtout à droite.

Origine peut-être counue des deux symptômes (clonus céphalique

et nystagmus) sans qu'on puisse se prononcer; on ne sait notam-

ment à quelle époque de la vie les faire remonter, car la malade

- n'en a pas conscience. P. 11E11AV : 1L.

XXXI. Observation DE paralysie facule datant DE la première EN-

Fange ; atrophie unilatérale des muscles DE la face ; par 11.1RTOSI.

(Neurolog. Cenlralbl., XV, 1896.)

Epileptique aliéné alcoolique de trente-trois ans. Il présente une

atrophie complète, perceptible à la palpation, des muscles de

l'oreille, des yeux, du front, de la région naso-labiale, innervés

par le facial droit ainsi que du peaucier ; disparition complète de la

réaction électrique de ces muscles; intégrité relative simultanée

de l'orbiculaire des lèvres droit, de quelques muscles mento-

labiaux qui réagissent d'ailleurs au courant électrique direct.

L'auteur croit cette atrophie d'origine périphérique, malgré l'atro-

phie ; il tendrait à croire à une compression périostique de nature

rachitique des nerfs dans l'aqueduc de Fallope, entre le nerf de

l'étrier et le lieu d'origine de la chorde du tympan, à l'âge de deux

ans.. P. K.

XXXII. Delà DlpLÉGOE facule; par L.-E. f3Rl : c.w. (Ncurolog.

Ceit ? -albl., XX, 1896.)

Observation I. Paralysie faciale consécutive à une méningite

tuberculeuse de la base. Parexie du facial gauche dont toutes les

branches ont été successivement paralysées plus tard. Un exsudat

plastique occupe la base du cerveau, notamment au niveau du

chiasma, le long de l'artère sylvienne et au-dessous de la protubé-

rance ; le facial gauche est complètement englué de ce magma.

Observation II. Jeune cultivateur ; paralysie faciale droite, pré-

cédée de névralgie douloureuse et de paresthésie dans le domaine

du trijumeau, des nerfs occipitaux, du plexus cervico-bracliial ;

l'ensemble de ces symplômes, d'origine probablement rhumatis-

male, persistant avec un peu de faiblesse du bras droit. Deux

semaines plus tard, il s'y ajoute une paralysie de la moitié gauche

de la face avec paresthésies des extrémités inférieures et légère

faiblesse du mouvement. Quatorze jours après, la paralysie faciale

gauche a disparu, tandis que la paralysie faciale droite augmente

et ne s'améliore que peu en l'espace de deux mois. Au bout d'un

mois ont cédé les douleurs et phénomènes moteurs des extrémités.

Diagnostic : protodiplégie périphérique siégeant, à droite, à l'en-

droit d'où part le nerf de l'étrier ; à gauche, au voisinage de l'ori- j

gine de la chorée du tympan. La persistance des douleurs si vio-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 61 1

lentes qui, dépassant la région de la face, s'étendent à la nuque, à

l'occiput, au plexus brachial, avec sensibilité à la pression des

points d'élection des nerfs atteints, montre qu'en outre du facial,

les nerfs sensitifs sont pris. Légère atteinte des nerfs des extrémités,

En un mot, polynévrite descendante, diminuant d'inteusité de haut

en bas ; l'ait en faveur de la nature infectieuse de la paraylsie faciale

rhumatismale. Apparition, pour ainsi dire, épisodique de la para-

lysie faciale gauche, qui parait plutôt encadrée dans la paralysie

faciale droite plus grave qu'elle ; finalement, apparition tardive

(seulement à la troisième semaine) des modifications de l'excitabi-

lité électrique, ce qui nous engage à êlre réservé quant au pronostic

d'une paralysie faciale récente. P. IiEBA ? 1L. ,

XXXIII. Contribution A la symptomatologie ET A L4 pathologie D'AF-

fections SYPHILITIQUES DES ARTÈRES ET DU TISSU DU CERVEAU, par

Ablecoff. (iVell1'olu ! J. Cenlralbl., XV, 1896.)

Observation aussi longue qu'intéressante accompagnée de figures

anatomo-pathologiques. Il s'agit de la manifestation, à l'âge de

vintet un ans, d'une maladie cérébrale organique chez un individu

indemne de tare héréditaire et n'ayant dans ses conditions sociales

ou sa profession aucune cause prédisposante. Force est donc de

croire à la qualité particulièrement nuisible et à la quantité du

poison. Deux stades peuvent être distingués : 1° l'incubation. Etat

mental caractérisé par de la dépression dans la dissociation des

facultés affaiblies, des hallucinations de la vue et de l'ouie, bientôt

suivies d'excitation générale, puis d'agitation avec gesticulation.

Apparaissent ensuite de l'aphasie motrice, du tremblement, de

l'insomnie, des céphalalgies. Deux mois auparavant, le jeune

homme avait eu un chancre induré. 2° Symptômes témoignant

d'un trouble mécanique de l'irrigation cérébrale. Confusion men-

tale, apathie complète, amnésie, gâtisme, oubli de manger, mou-

vements automatiques, tremblements, hébétude, liyperexcitabilité

des réflexes tendineux, hypertermie, attaques d'épilepsie jackso-

nienne de plus en plus précipitées avec une sorte d'athétose et des

mouvements choréiformes, atteinte convulsée des nerfs crâniens

moteurs, crises tétanoïdes. -Autopsie. Lésion des artères de la base

et surtout delà cérébrale moyenne (parois épaissies, thrombose) ;

foyers de ramollissement dans la pariétale ascendante, le corps

strié gauche, le cervelet. Le microscope complète l'élude des alté-

rations artérielles disséminées et des petits foyers de ramollissement

occasionnés par elles, notamment en pleine couche optique où les

cellules sont délruites, ainsi que les fibres conjonctives et rempla-

cées par de gros globes de granulations, dans le -]obus pallidus,

à la hauteur de la commis- sure postérieure, etc. ; thromboses

disséminées des petits vaisseaux. 11 est à remarquer que la lésion

6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE."

des artères s'attaque surtout à la tunique interne, la tunique

moyenne demeurant intacte; intactes la tunique musculeuse et,

en particulier, la membrane fenêtrée, ainsi que la fenêtre adven-

tice, même lorsque le tissu environnant est détruit conformément

à l'opinion de Heubner, le siège premier des altérations. C'est

l'endothélium. - P. KERAVAL.

XXXIV. 'Analgésie DU TRONC DU cubital (Bic1'naC/¡i) ET DE CELUI DU

PÉRONIER, CONSIDÉRÉES COMME SYMPTÔMES DE TABES; par A. S.aRt3U

(Ncurolog. Cenlralbl, XV, 1890.)

Sur 15 tabétiques, on trouvait :

6 malades présentant et l'analgésie bilatérale du cubital et l'anal-

. gésie bilatérale du péronier.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 63

jambe fortement tendus ; on les sent à la partie postérieure de la

cuisse. Les fléchisseurs de la jambe sur la cuisse sont : le biceps

fémoral, le semi-tendineux, le semi-membraneux qui s'insèrent à

la tubérosité de l'ischion d'une part, au tibia et à la rotule d'autre

part ; ils sont aussi extenseurs de la cuisse sur le bassin. Donc si la

jambe est étendue sur la cuisse et que l'on veuille fléchir la cuisse

sur le bassin, ce groupe de muscles sera nécessairement tiraillé

puisque dans celte position on éloignera dans d'autres les points

d'insertion. Plus la jambe sera étendue, et plus vous essaierez de

fléchir la cuisse sur le bassin, plus vous les tiraillerez. Mais chez le

Labétique il y a une modification dans la constitution des muscles

en question sinon une atrophie, au moins une diminution de leur

tonicité, qui change les conditions physiologiques. ,

Ce phénomène se produit-il exclusivement dans le tabès dorsal ?

S'il existe une excessive mobilité de toutes les articulations du

membre inférieur dans ces atrophies musculaires dégénératrices,

elle n'existe que pour des mouvements passifs, tandis que le tabé-

tique exécute le mouvement spontanément. Dans la polynévrite

aiguë, à la période de convalescence, on ne l'observe pas ; à la

période d'acuité, il y a trop de douleur pour qu'on puisse l'essayer

même passivement, c'est donc un symptôme pathognomonique du

tabès dorsal. Il est constant dans les formes graves de l'ataxie, quand

il y a impotence ou alitement. On l'observe alors vingt fois sur

vingt malades. Entre la période praeataxique et les cas extrêmes,

tantôt on le constate, tantôt on ne l'observe point. Cela dépend de

l'hypotonie, bien qu'il ne paraisse pas exister de rapport direct

entre le signe de l'ataxie et celui de 'hypotomie, rapport qui à

priori devrait exister. Cette apparente contradiction indique que

l'ataxie manifeste est, non un symptôme, mais un complexus

symptomatique composé d'éléments de diverses origines et d'impor-

tance variée. P. Keraval.

XXXVI. BEMARQUES RELATIVES A LA PATHOLOGIE DE LA CELLULE NER-

VEUSE ; par 0. Julinsburger. (Ne2lJ'OIUg. Cent1'albl., XV, 1896.)

Etude spéciale des granulations des cellules des cornes anté-

rieures prises chez deux malades tués par des accès subintrants

d'épilepsie, chez deux personnes, paraparétiques comme les pre-

miers, ayant succombé, à un âge avancé, de pneumonie et bron-

chite, enfin chez des lapins rendus paraplégiques par la compres-

sion de l'aorte abdominale et y succombant. La moelle ayant été

durcie, on pratique des coupes à l'alcool et l'on colore soit au bleu

de mélhylène (i'lissl), soit à la fuchsine mélangée de vert à l'iodure

de méthyle. On voit alors dans le corps et dans les prolongements

protoplasmiques de la cellule des corpuscules de formes diverses,

très particuliers, dont on discute actuellement l'importance. Ce

64 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sont les granulations qui, dans le corps des cellules des cornes

antérieures de la moelle de l'homme ou des animaux, ont une

disposition concentrique autour du noyau, et dans les prolonge-

ments des mêmes éléments, une orientation parallèle. Ces granu-

lations ou corpuscules, à forme de bâtonnets, de fuseaux, ou de

polyèdres, sont souvent percés à jour d'espèces de vacuoles nette-

ment limitées, à peu près incolores (vacuves des corpuscules de

Nisse), qu'il ne faut pas confondre avec les vraies vacuves du corps

de la cellule. Ces granulations colorables de la cellule nerveuse,

seraient pour Benda des parties du corps organisé de la cellule,

plus ou moins farcies de plus fines granulations basopliiles; il a

raison. Un très fort grossissement permet, par le mélange colorant

en question, de facilement reconnaître dans les granulations deux

substances distinctes l'une de l'autre : une substance fondamentale

qui prend dans le mélange colorant la nuance du reste du proto-

plasma cellulaire, mais en se colorant d'une façon plus intense que ce

dernier; c'est le lit des fines granulations, de grosseurs variables,

affectant les unes par rapport aux autres une orientation diversifiée.

Au moment de la décoloration, le protoplasma cellulaire se déco-

lore totalement ; alors la substance fondamentale conserve une

coloration très vive. Continuez à décolorer, vous obtenez la décolo-

ration de la substance fondamentale elle-même, mais, les fines

granulations apparaissent sous une masse colorante presque pure.

La substance fondamentale prend en même temps que le reste du

protoplasma cellulaire toujours la même couleur. Les fines granu-

lations préfèrent la coloration des noyaux de la cellule, aussi pour

les voir nettement devra-t-on employer les couleurs qui colorent

vivement les noyaux, c'est-à-dire qui dans les noyaux font appa-

raître la nuclénie (matières colorantes basiques de Rosin). Sous

l'influence d'une solution concentrée aqueuse de safranine, on \erra

par exemple le nucléole de la cellule rouge-ponceau, les fines

granulations et le noyau surtout violets.

Les granulations contiennent donc les matières de la nucléine.

L'acide nucléique a une extrême affinité pour les couleurs basiques

d'aniline (Silienfeld) et pour le vert à l'iodure de méthyle (Jalin-

burger) ; celui-ci se porte, quand on utilise le mélange fuchsine et

vert à l'iode, sur les granulations cellulaires et sur le noyau de la

cellule. C'est lui qui rend si distinct les pelottes et noeuds des cellules

en voie de prolifération divisionnaire des noyaux, or ces dessins

sont des modifications morphologiques des plus fines granulations

composan'. les fils chromatiques, ce qui veut dire que les substances

de ces figures sont de l'acide nucléique.

Les granulations de la cellule nerveuse ont donc une importance

fonctionnelle extrême, et, par conséquent, une grande importance

pathologique. Les cellules des connus intérieurs des épileptiques

morts en état de mal montrent ce qui suit : la substance fondamen-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 6b

taie ne se voit plus, ou bien dans la cellule oedématiée tantôt le

proloplasma cellulaire demeure incolore, tantôt il est trop coloré.

La teinture ne différencie plus ces parties circonscrites du reste du

protoplasma. Les granulations, au lieu d'être incluses dans la

substance fondamentale, sont disséminées dans toute la cellule. Il

y a donc primitivement altération de la substance fondamentale qui

libère les granulations, lesquelles se répandent dans la cellule. Dans

certaines cellules, les granulations sont devenues de plus en plus

fines, ou elles se sont notablement éclaircies (cellules claires,

vitreuses, lessivées de Friedmann). Ce processus d'éclatement des

granulations commence généralement près du noyau, il peut pro-

gresser concentriquement de dedans en dehors et finit par

atteindre la couche granuleuse périphérique. Il est des cas où

cette destruction des granulations occupe un secteur plus ou moins

large par rapport à la périphérie de la cellule, et s'accompagne

parfois de la formation de vacuoles. Cette vacuolisation a pour

cause l'éclaircissement sphérique d'une partie du protoplasma.

En même temps des noyaux indenines, ou plus vivement colorés

que d'ordinaire (exagération de leur état granuleux) se rappro-

chent du bord. Les nucléoles sont intacts, si ce n'est un degré

extrême ; à la dernière phase de la vitrification cellulaire qui se

traduit par la disposition du noyau et du nucléole, les prolonge-

ments sont bien conservés; leurs granulations y ont conservé la

forme et la disposition habituelles. Même état chez les paraplé-

giques, les lapins dont on a comprimé l'aorte, ou ceux empoison-

nés par l'arsenic.

Les granulations sont des substances nutritives, les vectrices de

tension, des réservoirs de l'énergie potentielle disponible qui est

par l'activité cellulaire, transformée en énergie cinétique (théorie

de hosenbacll). La preuve c'est qu'il y en a dans les prolongements

protoplasmiques qui servent à la diffusion du plasma nutritif, qui

sont en rapport direct avec des vaisseaux et non dans les

prolongements cylindraxiles qui, eux, sont des organes nerveux

purs.

P. Ii6R.IVAL.

Aucun es, 2° série, t. 111. 5

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 26 octobre 1896. Présidence DE M. Charpentier.

Lecture et adoption du procès-verbal de la séance précédente.

' , AZ. B.

Séance du 30 novembre. Présidence DE M. Charpentier.

Elections. M. le Professeur Raymond est élu membre de la

société.

Présentation d'ouvrages. M. TouLOUSE fait hommage à la

société d'une Etude médico-psychologique sur E. Zola.

M. GARmER demande si, dans le cas où M. Toulouse aurait ren-

contré chez son sujet une affection grave et ignorée, l'épilepsie

par exemple, il aurait néanmoins publié l'observation dans son

intégrité.

M. TouLousE. De deux choses l'une : M. Zola connaîtrait ou

ignorerait l'existence de l'affection grave à laquelle il est fait allu-

sion. Dans le premier cas je ne l'aurais dévoilée qu'avec l'assenti-

ment du sujet; dans le second j'aurais sacrifié la curiosité scienti-

fique à la tranquillité du malade.

Sur la demande de M. CHRISTIAN la question posée par M. Garnier

figurera à l'ordre du jour de la prochaine séance.

La période terminale de la paralysie générale.

M. ARNAUD. - Les auteurs sont unanimes, les plus anciens

comme les plus récents, à nous montrer le paralytique général à

la période terminale sous l'apparence d'un malade amaigri, très

alfaibli, incapable de se mouvoir, confiné dans son lit et s'étei-

gnant enfin dans l'épuisement et le marasme, à moins d'être

prématurément emporté par quelque complication : ictus cérébral,

escarres, pneumonie, diarrhée, asphyxie par bol alimentaire, etc.

sociétés savantes. 67

Les choses sont bien loin de se passer toujours ainsi. Sur 33 ma-

lades hommes que j'ai observés, plus de la moitié (18) sont

morts debout; c'est-à-dire qu'ils avaient conservé, jusqu'a la veille

de leur mort, une vigueur et une liberté de mouvements suffisantes

pour aller et venir sans gêne notable, pour marcher sans appui. A

aucun moment, ces 18 malades n'ont présenté le tableau classique

du paralytique général à la période ultime. Les 15 autres malades

ont traversé avant de mourir une période plus ou moins longue

d'impotence et de séjour au lit.

Quant aux causes de la mort, elles se répartissent de la façon

suivante : 26 malades sur 33 les 4/5 ont été enlevés par un

ictus cérébral ; 6 ont succombé à des complications accidentelles

(bronchite aiguë, 3 fois; insuffisance aortique, 2 fois; accidents

gastro-intestinaux aigus, une fois). Le dernier des 33 malades a fini

dans l'épuisement et le marasme complets. Mais il importe de rele-

ver que, dans ce cas, la paralysie générale était compliquée de

lésions médullaires étendues (paralysie vraie, atrophies, contrac-

tures permanentes, etc.).

En conséquence, on doit admettre que l'ictus cérébral n'est pas

seulement, comme le veut. l'opinion traditionnelle, une complication

de la paralysie générale, mais qu'il en constitue un symptôme

propre, essentiel, et qu'il en est la terminaison naturelle. Le para-

lytique général meurt d'ictus cérébral quand il n'est pas emporté

avant l'heure par une complication accidentelle. Quant au ma-

rasme, ce n'est le plus souvent qu'un mot cachant une complica-

tion méconnue.

L'impotence fonctionnelle des paralytiques généraux et leur

séjour forcé au lit seraient dus principalement il des symptômes

spasmodiques, pouvant aller jusqu'à la contracture et qui sont

décrits depuis longtemps dans la paralysie générale. Les malades

qui meurent debout ne présentent pas ces symptômes. Quand ils

apparaissent, pendant la période d'état, on peut prévoir avec une

grande vraisemblancequellesera la physionomie de lapériode finale.

On pourrait donc établir deux variétés cliniques dans la para-

lysie générale à son déclin. L'une serait caractérisée par la simple

ataxie des mouvements, par l'absence de phénomènes spasmo-

diques, par la conservation des forces et de la marche, et enfin

par des ictus peu nombreux, mais rapidement mortels. L'autre

variété serait compliquée de symptômes spasmodiques. Les ictus y

seraient généralement nombreux et assez rapprochés, la mort ne

surviendrait qu'après une période assez longue d'impotence mus-

culaire et d'alitement ; cette dernière variété aurait une durée

notablement plus longue que la précédente. La première pourrait

être dénommée variété ataxique et la seconde variété ataxo-spas-

modique, ces termes s'appliquant à la prédominance des symp-

lûmes physiques et nullement à la nature de la maladie.

68 sociétés savantes.

M. Dupain constate que les escarres autrefois très fréquentes, à

l'asile d'Alençon, chez les paralytiques généraux, ont disparu

depuis l'arrivée de M. Déricq, qui tient ces malades très propre-

ment et les fait lever tous les jours.

M. CHRISTUN a fait dernièrement le relevé des 336 paralytiques

généraux, morts dans son service depuis dix-huit ans. Parmi eux.

98 sont morts d'attaques épileptiformes, 23 de congestion cérébrale,

les autres ont succombé, pour la plupart, dans le marasme ;

quelques-uns enfin sont morts de pachyméningite ou d'affections

intercurrentes et surtout de pulmonaires. On doit se demander si

le marasme constitue une complication ou une phase de la

maladie ? On considérait autrefois la paralysie générale comme

une complication de toutes les vésanies. Les anciens auteurs ont

ainsi pu englober dans la paralysie plusieurs affections différentes,

par exemple les escarres qui sont très rares dans la vraie paraly-

sie générale. On peut considérer deux variétés de paralytiques :

les uns qui conservent leur embonpoint jusqu'à la mort; les autres

qui maigrissent et présentent cette forme de marasme que les

anciens auteurs considéraient comme la règle. La rubrique « ma-

rasme » est, il mon avis, une rubrique englobant.beaucoup de phé-

nomènes disparates.

M. VALLON. - Je partage l'opinion de M. Christian, au point

de vue des escarres. On peut les éviter en faisant lever les

malades; mais les ictus doivent être envisagés comme partie inté-

grante de la paralysie générale. Les paralytiques généraux peuvent

mourir subitement à toutes les périodes de leur maladie. J'en ai

vu mourir un, sous mes yeux, au moment où l'infirmier le levait

pour faire son lit.

M. Charpentier ne croit pas que les escarres soient aussi rares

que le pense M. Christian. Elles reconnaisent deux causes : un

trouble trophique caractérisé par des phlyctènes se montrant aussi

bien chez les malades debout que chez ceux qui gardent le lit, ou

un érythème provoqué par la pression du décubitus. La mort

subite s'observe beaucoup plus souvent qu'on est tenté de le

croire.

M. A. Voisin ne couche ses paralytiques qu'à la dernière période

et cependant il a constaté la présence d'escarres dans des régions

où le décubitus lie pouvait déterminer de pression. M. C.r,ncr

croit aussi à la fréquence des morts subites anatomiquement inex-

pliquées.

Souscription au jubilé de Théophile Roussel.

M. BRIAND. Vous savez, Messieurs, qu'on prépare un jubilé en

l'honneur- de Théophile Roussel et que ce savant philanthrope, dont

BIBLIOGRAPHIE. 69

le nom est synonyme d'assistance, fut le rapporteur du projet por-

tant revision de la législation des aliénés et l'un de nos anciens

présidents. Ne pensez-vous pas que la société se doit à elle-même

de participer à la souscription qui vient de s'ouvrir et de se faire

représenter au jubilé du 20 décembre ? -La proposition estadoptée.

La société prendra part à la souscription et se fera représenter par

son bureau au jubilé de Théophile Roussel. MARCEL Briand.

BIBLIOGRAPHIE.

1. Des variétés cliniques de la folie en France et en Allemagne;

par J. ROCBlNOVITCH, 0. Dons, éditeur, Paris, 1896.

La préface que le professeur Joffroy a écrite pour le livre de

M. Roubinovitch débute par l'extrait de la Genèse qui conte la lé-

gende de la tour de Babel ; comme Babel, en effet, la clinique

psychiatrique est gênée dans son essor par la confusion des

langues ; dans chaque école, dans chaque pays, des noms diffé-

rents, des classifications dissemblables sont appliqués à des unités

cliniques identiques ou analogues. M. Roubinovitch a entrepris le

travail peu aisé qui consiste à rapprocher, à comparer les diverses

variétés cliniques de la folie telles qu'elles sont décrites en France

d'une part, en Allemagne de l'autre.

Dans la première conférence qui est une introduction à la tâche

entreprise par l'auteur, sont exposés les rapports entre les idées

religieuses et philosophiques des peuples et les théories ayant

cours sur l'aliénation mentale. Les idées sur la folie de la période

hippocratique, du galénisme, des Arabes, du moyen âge, celles^

de Montaigne, Bacon, Descartes, etc., sont tour à tour passées en

revue. Félix Flatter, de Baie, au xvni0 siècle, inaugure le goût de

l'observation clinique dans le domaine de l'aliénation mentale et

par suite onvre une voie nouvelle aux médecins qui s'occupent de

ces maladies. l'eu après le philosophe anglais Locke (16gaz) et

son disciple l'abbé Condillac (vers 1754) répandent les doctrines

seusualistes qui marqueront de leur empreinte les recherches des

aliénistes français. Les idées résultent des sensations et « la mé-

thode expérimentale est le fondement de toute philosophie qui

mérite ce nom (Condillac). C'est sur ces principes sensualistes que

Pmel et Esquirol ont basé leurs études sur la folie. ;

70 BIBLIOGRAPHIE. ,

En Allemagne, sans doute par une disposition particulière de

l'esprit, l'animisme de Sthal a remplacé le sensualisme de Con-

dillac pour servir d'appui aux doctrines et aux classifications alle-

mandes. Heinrolh, à rencontre d'Esquirol et de Pinel, s'efforça

d'étudier les rapports de l'âme et de l'organisme et publia en 1818

une étude des troubles de l'âme, titre qui indique bien les convic-

tions animistes de l'auteur. Toute l'évolution de la psychiatrie en

France et en Allemagne repose sur cet antagonisme du sensualisme

et de l'animisme.

La méthode d'observation clinique et anatomique donna lieu en

France aux travaux de Pinel, d'Esquirol, de Georget, de Calmeil,

de Bayle, de Parchappe, F. Voisin, More), Baillarger, etc., etc.

L'école animiste d'lleinroth compta Bencke, Ideler et bien d'autres.

Sans doute l'animisme ne tarda pas à être abandonné par les alié-

nistes allemands. Ffemming, Wernicke, llitziâ, Griesmger, Scinde;

Kratft-Ebing, etc., etc., ont brillamment développé les idées de

l'école zomatique, mais les classifications allemandes ont conservé

en pathologie mentale une large place à l'hypothèse et à la théorie

différant ainsi notablement des classifications françaises qui s'ef-

forcent de ne se guider que sui les trois principes suivants : l'évo-

lution clinique, l'étiologie et l'anatomie pathologique. A l'appui

de sa thèse, M. Roubinovitch compare la classification française de

M. Magnan et les classifications allemandes ds Krafft-Ebing et de

Sclrüle.

M. Roubinovitch aborde alors l'étude des variétés cliniques alle-

mandes et cherche leurs équivalents dans la pathologie mentale

française contemporaine. Il débute par la démence primaire curable

de Krafft-Ebing et s'appuyant sur l'analyse d'observations, il con-

clut qu'elle n'a pas un équivalent unique en France, cependant le

plus souvent elle correspond à la dégénérescence mentale avec dépres-

sion mélancolique accompagnée du nom de confusion mentale.

Sous le nom de Wahnsinn, Iarafît-l : bing comprend ce que l'on

désignerait en France de la façon suivante : Excitation maniaque

avec hallucinations et confusion mentale par intervalles chez les

dégénérés.

La verriicktheit secondaire et la bl6dsinn secondaire sont en France

les démences secondaires précoces ou tardives.

La folie catatonique de Halhaum ne correspond pas chez nous à

une entité morbide; c'est un état dans lequel on observe successi-

vement la dépression mélancolique, l'excitation maniaque, la stu-

peur, la folie intermittente et la démence.

La paranoïa des auteurs allemands comprend tous les délires

systématisés de la pathologie mentale française, entre autres le

délire chronique à évolution systématique de Magnan.

Pour la mélancolie et manie l'accord est à peu près complet entre

les psychiatres allemands et les aliénistes français.

ASILES D'ALIÉNÉS. 71 L

Pour la manie raisonnante, les folies périodiques, les folies névro-

siques la description et la dénomination sont à peu près les mêmes

en France et eu Allemagne; mais l'interprétation doctrinale varie.

Krafft-Ebing les classe parmi les dégénérescences psychiques, tan-

dis que Magnan restreint pour elles le rôle de l'hérédité.

Il y a encore peu de divergences dans les deux pays au sujet du

délire aigu, de le paralysie générale, de la démence sénile, des lésions

cérébrales circonscrites, de l'idiotie, de la folie morale, etc., etc.

Le travail de M. Roubinovitch sera d'une réelle utilité et facilitera

en France la lecture et l'étude des travaux allemands. A ce point

de vue, cotte sérieuse critique qui parallèlement aborde les variétés

cliniques de la folie eu France et en Allemagne, se basant non sur

la simple interprétation des traités théoriques, mais sur les obser-

vations qui ont permis d'établir ces derniers, rendra de grands

services aux aliénistes de notre pays. J. Noir.

ASILES D'ALIÉNÉS.

1. Deux asiles d'aliénés criminels ; par le Dr PONS.

Au cours d'un voyage en Italie, l'auteur a visité l'asile criminel

de nlontelupo; situé à une heure de Florence, dans la Villa Am-

broggiana, ancienne résidence des ducs de Toscane. Malgré sa tenue

irréprochable, cet établissement ne pourra jamais servir de mo-

dèle aux asiles criminels français, pas plus que le traitement qu'on

y pratique.

En effet, le système cellulaire est appliqué uniformément à

Montelupo, sans distinction de cas cliniques : il n'y a ni réfectoire,

ni salles de réunion. A l'infirmerie seulement, les malades sont

traités dans un dortoir commun ; pour tous les autres, l'isolement

est la règle vingt-deux heures sur vingt-quatre. La condition des

pensionnaires de la Villa Amhroggiana est donc celle des prison-

tiers ; le régime alimentaire auquel ils sont soumis justifie encore

celte assimilation. Le travail est peu employé et une douzaine de

malades seulement s'occupent isolément à divers métiers.

L'établissement contient des aliénés avant commis des crimes et

des condamnés aliénés ; ces derniers sont en grande majorité

(62 sur 75 admis). Le nombre total des malades était de 293 au

72 . ASILES D'ALIÉNÉS.

leur juillet 1893. Tel qu'il est, Montelupo peut passer pour une

bonne prison ; il devrait être quelque chose de plus.

C'est, en effet, accomplir une iniquité que donner à un mani-

come criminel des facultés répressives. Que l'asile soit un établisse-

ment de sûreté, dont il sera malaisé de sortir, la chose est logique

et désirable ; mais les malheureux séquestrés doivent être l'objet

de soins bienveillants. De plus, l'asile spécial n'est pas seulement

destiné à garder ses malades, il doit encore se prêter à leur traite-

ment, lorsque, par exception, leur folie est curable. Or, c'est vou-

loir proscrire toute thérapeutique qu'astreindre systématiquement

les aliénés à un encellulement rigoureux.

Il est à espérer que les idées humaines prévaudront dans cette

oeuvre en Italie comme elles viennent de prévaloir en Amérique où

elles ont inspiré les fondateurs de l'asile criminel de ;\latteawan,

dans l'Etat de New-York.

L'asile, avec ses dépendances, occupe une superficie de 4 hec-

tares, dans un emplacement admirablement choisi sur un plateau

élevé, à deux heures de New-York.

La forme donnée à l'asile est celle d'une maison de sûreté. Le

périmètre formé par ses bâtiments circonscrit un vaste espace inté-

rieur dont on a fait les préaux, où les aliénés peuvent prendre

l'exercice nécessaire. Ces cours intérieures, au nombre de deux,

n'ont pas moins de 4,000 mètres.

Préaux intérieurs, portes s'ouvrant du côté des préaux, loge-

ments des gardiens commandant l'accès des quartiers, nombreux

locaux d'isolement, surveillance générale rendue facile par la

forme des constructions, pavillons cellulaires centraux... tellessont

les dispositions spéciales qui donnent à Lalteawan le caractère

indiscutable d'une maison de force.

Mais il est aussi une maison de traitement et son créateur a pu

lui donner les qualités d'un bon asile d'aliénés.

La sélection des malades s'y fait parfaitement, grâce au nombre

des quartiers ; les locaux d'habitation sont d'aspect agréable,

largement éclairés et ventilés. Le régime alimentaire est iden-

tique à celui des aliénés ordinaires ; les pensionnaires de Mattea-

wan jouissent donc véritablement de ce bien-être qui est indispen-

sable à leur traitement, quand leur guérison est possible. Le

travail est en honneur à l'asile et y donne les résultats les plus

satisfaisants.

A la fin de 1894, la population était de 453 aliénés (16 hommes

et 37 femmes) pour lesquels existe un personnel de 244 gardiens.

11 est question de réserver cet asile spécial aux seuls aliénés non

condamnés et de traiter, à l'avenir, les condamnés frappés de

folie, dans des quartiers de prison.

Cette séparation satisfera le sentiment public, en empêchant la

promiscuité d'aliénés simples avec des individus souillés par la

asiles d'aliénés. - 1 3

flétrissure sociale. Et, bien qu'elle soit mal établie pour quelques

sujets, cette distinction des aliénés criminels en deux catégories

repose cependant sur une base clinique. D'une part, l'aliéné qui a

commis un crime sous l'influence de son trouble mental ne diffère

pas de nos malades des asiles : le crime est chez lui un accident,

un symptôme. - Que le malade guérisse, et le crime n'a plus

aucun motif de se produire. D'autre part, le condamné devenu

aliéné est d'abord un criminel. A l'inverse de l'autre type

d'aliéné, la folie est chez lui l'accident, l'épiphénomène. - Sup-

primez la folie, et le criminel reste avec ses tares et ses tendances

vicieuses.

D'après ce système de la double assistance, en France, les con-

damnés devenus aliénés seraient internés a Gaillon ou dans d'autres

quartiers de prison similaires, alors qu'un asile spécial, dit de

sûreté, recevrait : 1° les aliénés placés par la justice ; 2° les pen-

sionnaires dangereux des asiles normaux. (Annales médico-psycho-

logiques, juin 1896.) E. B.

IL Note sur la colonie DE Chaig pour LES épileptiques;

par le Dr PETERSON.

Ce n'est guère que pendant la durée de la crise, de quelque na-

ture que soit sa manifestation, que les épileptiques perdent leurs

aptitudes physiques ou mentales. Tout le reste du temps ils se

portent bien, sont forts et sains en apparence et tout aussi capables

de travailler de corps ou d'esprit que n'importe quel autre

individu.

Mais le seul fait qu'ils sont sujets à leurs accès les empêche de

jouir des privilèges dont peuvent jouir les autres individus. On

leur refuse l'entrée des écoles publiques ; leurs camarades les

évitent et ils deviennent à charge à leur famille. Quand ils par-

viennent à l'adolescence, ils ne trouvent personne qui veuille les

employer. Les hospices ordinaires ne peuvent les admettre au

nombre de leurs pensionnaires, et, en somme, on ne les accueille

nulle part, excepté dans les asiles d'indigents ou les maisons

d'aliénés.

Pour remédier à cet état de choses, l'état de New-York vient

d'installer dans la vallée du Genesee, sur un territoire de 900 hec-

tares, exploité autrefois par une association de Shakers, une colo-

')le disposée sous forme d'un village, la Colonie de Craig, dont le

but sera : 1° d'ouvrir aux épileptiques des écoles où ils puissent

recevoir une instruction semblable à celle des autres enfants et

jeunes gens ; '

2° De leur donner l'apprentissage nécessaire pour le genre de

travail ou d'industrie auquel ils désireraient se consacrer ;

3° D'ouvrir une demeure à ceux d'entre eux à qui toutes les

portes sont fermées ;

14 asiles d'aliénés.

4° De traiter chaque cas d'épilepsie par les méthodes scienti-

fiques les mieux expérimentées.

Les ressources de la propriété qui, cette année même, donnera

un revenu de 70,000 francs, sont telles que les habitants de ce vil-

lage, unique en son genre, pourront y trouver tous les approvi-

sionnements qui leur seront nécessaires, et que le surplus de

leurs produits, dus soit à l'agriculture, soit à la fabrique, utilisés

avec sagesse, pourront en pratique rendre la colonie indépen-

dante de toute assistance extérieure. De la sorte, les nombreux

malades de l'Etat qui s'imposent actuellement à la charité publique

ne seront plus à la charge de ceux qui paient des impôts. A la

colonie sera établi un centre de recherches cliniques et patholo-

giques sur l'épilepsie. (Annales médico-psycholoyiques, août 1896.)

E. B.

III. LE NOUVEL hôpital M. LEAN par le Dr IIU1lD.

Ce nouvel asile a été construit à 6 milles de Boston, au village

de Waverley dans un parc de 70 hectares. La disposition vallouée

du terrain a permis de donner à chacune des constructions de

l'asile un caractère individuel. C'est ainsi que chacun des quar-

tiers d'hommes ou de femmes sont construits en matériaux diffé-

rents, de styles divers, afin d'éviter le caractère de caserne que

présentent trop souvent les établissements similaires. Il y a pour le

traitement des malades sept bâtiments séparés de la sorte par l'as-

pect extérieur et l'orientation, sans compter le bâtiment d'adminis-

tration, les cuisines, les laboratoires, très bien installés, l'amphi-

théâtre, des gymnases pour les hommes etles femmes, les ateliers,

l'usine. L'intéressante description de cet asile est accompagnée de

plans et de photographies. Il est 11 remarquer qu'on a recherché

tout particulièrement le confort des malades qui possèdent des

salles d'études, de billard, des gymnases, etc. (American journal

of insanity, avril 1896.) E. B. '

LÉGISLATION

Royaume DE P1\uSSE. Kom eau règlement sur la collocation des

aliénés, DES idiots et des épileptiques dans DES asiles privés.

Direction ET surveillance DE ces asiles.

I. Collocation. Nul ne peut être colloqué dans un asile privé

d'aliéné ou dans un asile pour idiots ou épileptiques, qu'en vertu

d'un certificat médical indiquant d'une part les raisons et le but de

l'internement, le lieu et la date de l'examen médical et les rensei-

gnements recueillis, et, d'antre part, les conclusions de la propre

exploration du médecin. Le certificat doit indiquer la forme de

folie dont le malade est atteint.

§ 2. En règle générale, le certificat de collocation doit être

délivré par le a kreisphysicus » du district auquel appartient le

malade. En cas d'empêchement du « kreisphysicus », ou s'il est

médecin de l'asile d'aliénés, il sera remplacé par le médecin de

district (kreiswandarzt) ayant satisfait à l'examen pour le phi-

sicat » ou, à son défaut par un autre physicus, ou un autre médecin

de district ayant, satisfait à l'examen pour le « physicus», chose qui

doit être mentionnée sur le certificat.

§ 3. Toutefois le « physicus » ou son remplaçant peuvent se

borner à confirmer l'exactitude du certificat de collocation délivré

par un médecin quelconque.

§ 4. En cas d'urgence la collocation peut avoir lieu en vertu

d'un certificat délivré conformément au § 1 par tout médecin auto-

risé à pratiquer. Mais alors le malade doit être examiné dans les

quarante-huit heures après la collocation, par le « physicus » du

district à moins qu'il ne soit médecin de l'asile où se trouve le

malade. En cas d'empêchement il est remplacé par le médecin de

district ayant subi l'examen de physicus » ou à son défaut par le

« physicus » ou le médecin de district d'un district voisin. A la

suite de cet examen, l'expert rédige un certificat qui décide du

maintien ou de la sortie du malade. Dans les cas douteux, l'explo-

lation doit être renouvelée à bref délai et le rapport médical

rédigé dans les cinq jours au plus tard. '

§ 5. Un simple certificat de collocation dans la forme prescrite

par le § 1 est suffisant :

1° Lorsque le malade déjà reconnu aliéné antérieurement est

76 législation.

pourvu d'un conseil de tutelle ; 2° lorsque le certificat est délivré

par le médecin directeur d'un asile public d'aliénés ou par un pro-

fesseur de clinique psychiatrique.

§ 6. L'admission dans un asile privé ne peut se faire que sur

la présentation d'un certificat médical datant de moins de quinze

jours. Le certificat doit mentionner la date de la dernière explo-

ration.

§ 7. L'admission d'un malade venant d'un autre asile privé ou

public ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un ordre de transport du

directeur de l'asile d'où vient le malade et sur présentation de la

copie légalisée du certificat de collocation. 11 doit également}' être

joint un rapport du médecin directeur de l'asile d'où vient le

malade, renseignant sur la marche et le pronostic de la maladie.

§ 8. L'admission d'un malade doit être signifiée confidentielle-

ment dans les vingt-quatre heures aux autorités de police du lieu où

se trouve l'asile, ainsi qu'aux autorités de police du lieu où le malade

avait son domicile. L'internement de malades non pourvus d'un

conseil de tutelle doit être signifié au procureur du roi du tribunal

civil ayant compétence pour prononcer la mise sous tutelle et, pour

le cas où le domicile du malade serait inconnu, cette signification

doit être faite au procureur du roi dans le ressort duquel se trouve

l'asile.

IL Sortie et congés. § 10. La sortie de l'asile doit être accordée :

1° lorsque le malade est guéri ; 2° lorsque son conseil judiciaire

demande sa mise en liberté. Si le malade a été interné à la

demande des autorités de police, l'élargissement ne peut avoir lieu

sans le consentement de celles-ci.

§ 11. Les congés accordés aux malades internés ne peuvent

excéder quinze jours, et ne peuvent être accordés qu'avec l'assenti-

ment de la police si le malade a été interné à la demande de celle-

ci. Passé ce délai de quinze jours, la rentrée du malade à l'asile est

soumise aux mêmes formalités que pour un premier internement.

§ 12. Un malade considéré comme dangereux pour lui-même

ou pour autrui, ne peut être mis en liberté ou ne peut sortir en

congé qu'avec l'assentiment des autorités de police du lieu où le

malade a l'intention de se rendre et lorsque toutes les mesures de

sécurité auront été prises.

§ 13. Les autorités de police doivent être immédiatement

informées de la sortie d'un malade en précisant le jour de la sortie

et le lieu où se rend le malade, ces mêmes autorités doivent être

également informées de la mort des aliénés internés et des

évasions :

111. Disposition concernant les internes volontaires. - § 1-11. Le direc-

teur d'un asile privé ne peut accepter des malades qui demandent

de leur plein gré à être internés qu'avec l'assentiment des autorités

LÉGISLATION. 77 -1

de police. Cette autorisation doit être confirmée par le président

du tribunal; elle est toujours révocable.

S 15. Cette autorisation ne peut être accordée qu'aux asiles où

habite un médecin.

s 1G. Pour que l'admission de pensionnaires volontaires puisse

avoir lieu il faut : 1° un certificat médical constatant l'utilité de la

détermination prise par le malade ; 2° le consentement écrit du

malade lui-même et ratifié par son conseil de tutelle s'il en est

pourvu. L'entrée du malade de l'asile doit être enseignée dans

les vingt-quatre heures aux autorités de police locale...

IV. Établissement et Direction. § 18. Les établissements privés

pour aliénés, ceux pour idiots et épileptiques, sont sonmis aux

règlements généraux d'hygiène concernant les hôpitaux. En outre,

ils sont soumis aux mesures suivantes : 1° ils doivent être dirigés

par un médecin qui par la fréquentation prolongée d'un asile

public ou d'une clinique psychiatrique universitaire, a acquis les

connaissances psychiatriques nécessaires ; 2° ils doivent être dirigés

par un médecin agréé par les autorités de police et par le président

du tribunal. S'il vient à. être démontré que ce médecin n'a pas les

connaissances nécessaires, l'autorisation de diriger l'établissement

peut lui être retirée ; 3° les asiles recevant des malades curables et

pouvant contenir plus de 50 aliénés etplus de 100 épileptiques seront

dirigés par un médecin au moins remplissant les conditions énoncées

au il'' 1 du présent paragraphe et logeant à l'asile ; 4° si le chiffre

des aliénés dépasse 100 ou celui des épileptiques 200, un second

médecin sera attaché et logera à l'asile. Ce second médecin aura

également il fournir la preuve de ses connaissances en maladies

mentales, mais il n'est pas nécessaire qu'il remplisse toutes les con-

ditions exigées pour le médecin directeur ; 5° quand le chiffre des

aliénés dépasse 300 ou celui des épileptiques 400, il peut être

adjoint un médecin en plus par 100 aliénés ou par 200 épileptiques ;

6° l'histoire de chaque malade sera tenue régulièrement au cou-

rant par le médecin. De plus, dans tout asile, il devra être tenu :

A) un grand-livre ; B) un livre d'entrée et de sortie (une annexe au

présent règlement indique le modèle et la façon dont ces livres sont

tenus. N. d..tr.) § 19. Le médecin directeur a seul le droit :

1° d'ordonner l'isolement d'un malade. hormis le cas d'urgence.

Ces malades isolés doivent être inscrits sur un registre spécial;

2° d'autoriser l'emploi des divers moyens de contention en usage,

ce qui doit être également mentionné dans un registre spécial ;

3° de prescrire un régime spécial aux malades ; 4° il a seul la direc-

tion du personnel pour tout ce qui concerne le soin des malades;

5° il répond aux renseignements demandés par les diverses auto-

rités ou par les -parents ou conseils des malades, pour autant que

ces renseignements aient trait à la santé des malades. Les autres

78 5 VARIA.

soins, le transfert d'un aliéné dans une autre section de l'asile, le

règlement des occupations des aliéné5, la nourriture, la distribution

du personnel sont réglés par le propriétaire avec l'approbation du

médecin directeur.

V. Surveillance. - 20. Les établissements privés sont régulière-

ment inspectés par le « physicus » du district ou par son agréé et

par une commission nommée par le ministre.

§ 21. Les inspections ont lieu sans que les directeurs soient pré-

venus : 1° deux fois par an, en été et en hiver, par le « physicus D

ou son remplaçant; 2° une fois par an, par la commission d'inspec-

tion. Le « physicus » assiste à cette visite, ainsi que les médecins

de l'établissement qui sont tenus de fournir les renseignements

demandés.

§ 22. Le « physicus » ou son remplaçant doit rendre compte au

ministre du résultat de son inspection.

VARIA.

ERMITE jeûneur.

Dans ses Esquisses d'histoire suisse, M. le professeur P. Vaucher,

parlant de l'antagonisme des pays et des villes de la confédération

naissante, raconte qu'on eut recours aux conseils d'un ernzite jeti-

neur. Voici ce passage :

« Le 18 décembre suivant, une diète se réunit de nouveau dans

ce lieu, à quelque distance de l'ermitage où, depuis quatorze ans,

un solitaire justement respecté, l'humble frère Nicolas de Glue,

partageait'sa vie entre le jeûne, la prière et la méditation '. Mais

à cette heure suprême, les députés ne réussirent qu'à constater

l'impossibilité dans laquelle ils étaient de s'entendre. La discussion

se prolongea pendant trois journées sur les esprits. « Or, est-il

dit dans l'unique récit, or il y avait à Stans un brave et pieux curé,

nommé messire Henri Am Grund, natif de Lucerne et ami parti-

culier du frère Nicolas, lequel, comprenant bien que les choses

tournaient droit à la guerre, se leva dans la nuit et se rendit en

1 L'esprit de la prière et de la solitude

Qui plane sur les monts, les torrents et les bois

Dans ce qu'aux yeux mortels la terre a de plus rude

Appela de tout temps des âmes de son choix.

Lamartine.

FAITS DIVERS. TU

toute hâte auprès du frère Nicolas pour lui exposer la situation...

Tant durèrent les débats que les députés, divisés sans retour en

deux avis contraires, se préparaient tous à partir dans l'après-midi

et ne songeaient plus, quand ils seraient rentrés chez eux, qu'à se

confier en leurs propres forces. Déjà l'on avait dîné et l'on était

sur le point de prendre congé, lorsque messire Henri, revenant

tout en nage, alla d'auberge en auberge quérir les députés, et les

supplia les larmes aux yeux, au nom de Dieu et de frère Nicolas,

de se réunir encore une fois afin d'entendre le conseil et l'opinion

du frère. Ainsi fut fait ; mais ce qu'il apportait ne fut communiqué

qu'à un petit nombre de personnes, car Nicolas avait défendu à

messire Henri de le dire à d'autres qu'aux députés. Dieu voulut

donc que l'affaire, si mauvaise qu'elle fût avant midi, fnt grande-

ment améliorée par ce message, et qu'en une heure tout fût

arrangé et terminé ! » L'homme de Dieu avait eu raison, sans le

savoir, de ne pas quitter sa cellule. Présent, on eût peut-être dis-

cuté son avis. Absent, sa voix, que rehaussait le bruit depuis

longtemps accrédité de sa miraculeuse abstinence, fit sur les dé-

putés l'effet d'un ordre émané du ciel. »

Il serait peut-être intéressant de scruter ce cas avec soin et de

voir dans quelles limites se continuait le jeûne, les phénomènes

qui l'accompagnaient. Notre savant ami le 1)" Ladame pourrait

certainement mener à bien cet examen. B.

Des placements volontaires dans LES asiles ; par PERCY SIfITfI,

(British Médical Journal, 28 septembre 1895.) .

On sait que les asiles anglais peuvent admettre des aliénés se

plaçant eux-mêmes sa us certificat. L'auteur en donne une statistique

par diagnostic; beaucoup de rechutes de malades déjà traités, des

cas légers de mélancolie, quelques impulsions homicides, des

paralytiques généraux sans délire au début, quelques folies par-

tielles dégénératives et des hallucinés avec conscience, des mor-

phinomanes, cocaïnomanes et alcooliques dyspsomanes,et quelques

convalescents désireux de parfaire leur guérison. A. M.

FAITS DIVERS.

Suicide d'une enfant. En ouvrant une écluse du canal de Saint-

Denis, à Aubervilliers, deux éclusiers, Pirardière et Bouchet, ont

aperçu, enfoncé dans la vase, le corps d'une jeune fille portant de

80 AVIS A NOS ABONNÉS.

nombreuses et profondes blessures, ayant notamment une plaie

béante à l'occiput, le genou gauche et le fémur fracturés. L'eu-

quête a établi qu'on se trouve en présence du suicide de Louise

Alatliieu, âgée de treize ans et demi, dont les parents habitent

Pantin. La malheureuse avait été placée dans une crémerie : elle

s'y ennuyait et avait à plusieurs reprises manifesté son intention

d'en finir avec la vie. (La Justice, 9 novembre 18\10,)

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 31 DÉ-

CG'1113RT étant l'une des plus importantes de l'année, nous

prions instamment nos souscripteurs dont l'abonnement ces-

sera à cette date, de nous envoyer le plus tôlp'ossible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à noire charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste,

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre il leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations, la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif f

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.

z Nous appelons très vivement l'attention de nos

lecteurs sur les Etrennes médicales annoncées

dans le dernier numéro des ARCHIVES DE

NEUROLOGIE, ainsi que sur le Catalogue

d'ouvrages au rabais, qui figure ci la fin de ce numéro

et du numéro actuel.

Le rédacteur-gérant : nOURE\'lLLE,

Evreux, Ch. HtnI5SE\ ! 111lp. - 1-97.

Vol. III. Février 1897. N° 14.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ASILES D'ALIÉNÉS.

LES VISITES DES FAMILLES

DANS LES SERVICES PUBLICS D'ALIÉNÉS z

ET LE RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857

Par le D E. MARANDON de MONTYEL,

Médecin en chef de Villes rarri.

Quand Pinel eut brisé, après une lutte longue et héroïque,

contre la routine et les préjugés si puissants dans notre pays,

les fers de l'aliéné, celui-ci, pour son plus grand bien, fut

élevé, comme on l'a dit, à la dignité de malade, mais il ne

resta pas moins un malade spécial, qui avait besoin d'asiles

spéciaux et d'une thérapeutique particulière; cette thérapeu-

tique était l'isolement, pris dans le sens, non pas d'un change-

ment de milieu, mais dans le sens rigoureux du mot, dans le

sens d'une séparation du reste du monde. On était alors con-

vaincu, et nombreux sont ceux qui le croient encore, que la

guérison de la folie nécessitait le retrait de la vie commune,

la rupture de toutes relations familiales et amicales. C'était à

l'écart, loin de toute secousse et de toute affection, au milieu

d'étrangers sympathiques et dévoués sans doute, mais sans

lien aucun avec l'aliéné, que s'opérait, sous l'influence d'une

retraite prolongée et à l'ombre de murs hauts et épais le

retour à la raison. Avec une telle conception du traitement à

appliquer à la folie, il était logique de considérer les relations

avec les parents et les amis, les visites des familles, comme

Archives, 2e série, t. III. G

82 asiles d'aliénés

une chose d'une gravité excessive, susceptible de compro-

mettre la guérison et d'entraîner en un moment la perte de

toute l'amélioration obtenue par un isolement rigoureux de

plusieurs mois. Les tendres embrassements de la mère à son

fils, les baisers passionnés de l'époux à l'épouse, furent jugés

des éléments éminemment perturbateurs.

Quand, il y a vingt-trois, en 1874, je débutais comme

interne dans les asiles de province, cette doctrine régnait là

en souveraine. Une autorisation de visite était une détermina-

tion grave à prendre et j'ai raconté déjà ailleurs, dans les

Annales d'hygiène publique, je crois, comment dans l'établis-

sement où j'ai fait mon adjuval un tel permis était l'objet

d'une longue délibération, à laquelle participaient, outre le

directeur-médecin et l'adjoint, les deux internes en médecine,

et, quand l'aliéné était un travailleur, l'économe et le chef

d'atelier, plus le surveillant en chef et le chef de quartier.

Nous étions huit à nous demander si ce n'était pas compro-

mettre à tout jamais la guérison du malade en convalescence,

car hors ce cas le refus, était de règle, que de le laisser embras-

ser ses parents. Il en résultait que dans ce vaste asile qui

abritait plus de huit cents malades, c'est à peine si certains

jours de parloir il y avait cinq aliénés visités.

Il n'est pas contestable que dans ces conditions les visites

avaient parfois des effets désastreux. J'ai assisté, je le recon-

nais, à de véritables catastrophes. J'ai vu des malades en très

bonne voie de guérison placés en présence de leurs femmes,

de leurs enfants et de leurs ascendants qu'ils n'avaient pas vus

depuis de longs mois, quelquefois depuis plus d'un an, pàlir

et chanceler, puis redevenir plus fous que jamais. Et les parti-

sans de l'isolement triomphaient, pauvres abusés qui avaient

des yeux pour ne pas voir ! Je me souviens entre autres des

malédictions dont je fus chargé par mon maître en une cir-

constance semblable où la visite avait été autorisée sur mes

instances réitérées pour un malade à la guérison duquel il

tenait tout particulièrement : conseiller de malheur fut le plus

aimable de ses qualificatifs ! Eh bien ! ce qui amenait ces per-

turbations dont j'ai été témoin, je l'avoue une fois encore, ce

ne sont pas les visites, mais bien au contraire la privation de

visites. Un mélancolique, et tous les aliénés plus ou moins

sont des mélancoliques, porte contre sa famille les accusa-

tions les plus noires ou se figure qu'elle l'abandonne, ou

DES VISITES DES FAMILLES 83

croit qu'il est un misérable qui mérite d'être répudié par elle,

ou nourrit contre elle des sentiments de haine et de vengeance;

ouà l'inverse, dans son malheur, ne conserve qu'un rayon de

joie : l'amour des siens; on le prive pendant des mois et des

mois de voir ses parents; il est par là confirmé dans ses con-

ceptions délirantes ou souffre d'un abandon auquel il ne

croyait pas. Quoi d'étonnant, dès lors, qu'une visite tardive

détermine une secousse morale susceptible d'entraîner la gué-

rison ? Mais il suffit de nous rappeler, nous gens raisonnables

et pondérés, l'angoisse qui nous étreint quand nous revoyons

les êtres chers après une absence même courte, pour com-

prendre tout le mal que peut produire une telle méthode

thérapeutique. Ce n'est donc pas la vue des parents qui per-

turbe, mais cette vue survenant après un long temps de soucis,

de souffrance et d'amertume. Et de fait, quand à aucun

moment on n'a rompu les relations de famille, quand les

visites ont toujours été autorisées, jamais on n'a de ces vio-

lentes perturbations morales entravant le traitement. Autant

j'en voyais jadis avec la méthode de l'isolement rigoureux, au-

tant je n'en vois plus du tout, depuis que chef de service à mon

tour et éclairé par l'expérience, j'ouvre à deux battants aux

visiteurs, parents et amis, les portes de ma section.

Quoi qu'il en soit, la doctrine de l'isolement absolu et du

grand danger des visites n'avait pas d'adversaire et domi-

nait toute la thérapeutique de l'aliénation mentale, quand,

le 20 mars 1857, fut promulgué le règlement du service inté-

rieur des asiles, toujours en vigueur. Forcément ce règlement

se conformait aux idées régnantes. Que prescrit-il sur le

point particulier qui nous occupe ?

D'après les prescriptions ministérielles, les aliénés ne peu-

vent être visités par leurs parents et leurs amis que sur une

permission écrite du médecin en chef, soumise au visa du

directeur. Puis les visites se font au parloir ou dans les jardins,

sous la surveillance des infirmiers et des infirmières; dans les

cas exceptionnels de convenance ou de nécessité reconnus par

le médecin en chef et le directeur, elles peuvent se faire dans

les divisions et dans les chambres de pensionnaires. Elles ont

lieu à jour et à heures fixes, mais leur durée peut être limitée

à un temps déterminé dans la permission du médecin en chef

et, en outre, elles doivent immédiatement cesser toutes les

fois qu'elles ont pour effet d'agiter le malade. Enfin, aucun

84 ASILES d'aliénés

aliéné ne peut faire de promenades extérieures, s'il n'est

accompagné d'un infirmier on d'une infirmière, ou s'il n'est

confié à un parent ou à un ami qui prend la responsabilité de

la surveillance au seuil de l'établissement ; la permission de

sortie, délivrée par le médecin en chef et visée par le directeur,

doit mentionner le nom de la personne qui accompagnera ou

recevra le malade et déterminer la durée de l'absence.

Eh bien ! pour l'époque ce règlement est encore très libéral.

Il permet, en effet, les promenades extérieures, que je n'ai vu

autoriser qu'à l'asile de Marseille ; il est certainement plus

libéral, non seulement que les médecins du temps, mais en-

core que la presque totalité des médecins d'aujourd'hui. Néan-

moins, il devient insuffisant avec la nouvelle thérapeutique,

qui de plus en plus tend à s'implanter. Qu'est-elle, cette nou-

velle thérapeutique en ce qui concerne les relations de l'aliéné

avec sa famille.

Elle est tout l'opposé de celle jusqu'ici appliquée. Elle consi-

dère que l'isolement et la vie spéciale imposés aux aliénés sont,

pour un très grand nombre d'entre eux, non pas seulement

une souffrance inutile mais dangereuse, susceptible d'entraîner

l'incurabilité. Pour guérir elle enseigne que le malade doit

sans doute changer de milieu pour rompre avec les causes

qui ont engendré son mal, mais jouir dans le milieu nouveau

où il a été placé, de toute la liberté compatible avec son état

mental et vivre le plus possible de sa vie habituelle. Il est

évident qu'une telle méthode ne saurait apporter aucune en-

trave, ou à peu près, aux relations des aliénés avec leur

famille et leurs amis. De même qu'autrefois, avant sa

maladie, le malade est libre de recevoir qui il veut, quand il

veut et comme il veut. Dans un mémoire publié en janvier do

cette année dans les Annales médico-psychologiques, j'ai

longuement discuté les avantages de cette innovation et sa

raison d'être, réfutant les critiques qu'on pouvait lui adresser

au point de vue de l'ordre et de la discipline de l'établisse-

ment, et montrant que l'isolement confirmait le lypéma-

niaque dans ses idées de culpabilité et de déshonneur, exal-

tait la colère du maniaque, fournissait un aliment aux

conceptions délirantes du persécuté, prouvait au mégalomane

qu'il était un haut personnage dont on avait intérêt à se dé-

faire, poussait le mélancolique au suicide, décourageait l'épi-

leptique et attristait le paralytique. Je n'y reviendrai pas, me

' DES VISITES DES FAMILLES 85

bornant à signaler le fait des visites à volonté, sans fixation de

jour, d'heure ni de durée pour tous les aliénés, seuls maîtres

de les recevoir ou de les refuser.

La méthode nouvelle condamne également le vaste parloir

unique, fort en usage de nos jours dans nos établissements, et

où, aux heures réglementaires, s'entassent les malades valides

de toutes catégories, avec leurs parents et leurs amis. Tout

d'abord, rien de moins thérapeutique que ce mélange dispa-

rate d'aliénés les plus variés. Ce n'est vraiment pas la peine

de construire à grands frais des quartiers détachés afin de sépa-

rer complètement entre eux les divers groupes de malades si

deux fois par semaine durant plusieurs heures on les réunit

tous dans un local exigu où le contact est intime et la promis-

cuité complète. Et puis par la présence en ce même lieu des

tranquilles, des épileptiques, des dangereux à impulsions

subites, des mélancoliques à idées de suicide, des semi-agités,

des gâteux encore assez solides sur leurs jambes pour s'y

rendre, il n'est pas une seule de ces réunions qui ne soit trou-

blée, et il suffit d'y avoir assisté une fois pour être fixé sur

leurs inconvénients : c'est un épileptique qui tombe en pous-

sant un cri affreux que répètent effrayées toutes les femmes

présentes; c'est un impulsif, jusqu'alors paisible, qui, saisi

tout d'un coup du besoin d'étrangler sa dame, essaie de la

prendre par la gorge, d'où nouveaux cris de terreur des assis-

tants ; c'est un semi-agité qui, à l'improviste, devient furieux,

et cherche à tout casser autour de lui, semant le désordre et

l'effroi dans le parloir; c'est un persécuté à qui ne plaît pas la

tète d'un visiteur qu'il prend pour un de ses persécuteurs et

qu'il veut absolument gifler; c'est un érotique qui embrasse

toutes les demoiselles, et qu'on est obligé d'expulser parce

qu'il n'est pas du tout convenable; enfin, donnant la note

gaie et parfumée, c'est un gâteux qui se soulage bruyamment,

et met en fuite tous ses voisins. En vérité, le vaste parloir,

uuiquement tout ce qu'on pouvait imaginer de plus irration-

nel, de plus dangereux, de plus immoral et de plus mal-

propre.

Pour rester dans la logique des choses, il faut que chaque

catégorie d'aliénés reçoive ses visites dans des locaux dis-

tincts. Permettra-t-on alors aux visiteurs de pénétrer dans les

quartiers ? Certainement non, sauf pour voir les alités. La mé-

thode de liberté que je préconise n'ouvre pas du tout aux

86 asiles d'aliénés

parents et aux amis, la porte des sections'. Il y aurait, en effet,

des inconvénients sérieux, à mêler ainsi des étrangers aux

aliénés à l'intérieur même de leurs divisions ; chaque visite

deviendrait, de cette façon, commune à tous : des familiarités

fâcheuses ou coupables s'établiraient, des indiscrétions se

commettraient, des actes graves pourraient se produire, et sur-

tout avec les visites à volonté, il régnerait dans chaque quar-

tier une agitation continue. Moins donc encore que l'ancienne,

la nouvelle méthode ne permet pas l'entrée des habitations.

Jusqu'à ces temps derniers, j'ai dû, dans ma section spéciale

d'alcooliques, admettre les visiteurs à l'intérieur de la division

parce que je n'avais pas de parloir spécial pour eux et qu'ils

auraient bu très certainement si je les avais envoyés au grand

parloir commun; j'ai pu le faire là sans inconvénient, parce

que mes alcooliques ne sont pas des aliénés, ils ne sont placés

en ce lieu qu'après la disparition de leur délire toxique éphé-

mère. Depuis que ces malades ont été transférés dans un local

à part, j'ai pour eux un parloir spécial et j'estime que, même

avec des gens rendus à la raison, c'est plus prudent.

Donc, bien que chaque catégorie doive être vue à part, ce ne

sera jamais à l'intérieur des divisions que les visites auront t

lieu. Où alors ? J'ai dit ici même, quand j'ai traité dans ce

journal des éléments communs il tous les quartiers d'aliénés

que le principe était d'avoir dans chaque section une petite

salle avec entrée dans le vestibule, afin d'y pénétrer sans

avoir besoin de passer par l'intérieur; petite salle destinée

aux visites. Malheureusement, dans nos asiles actuels, rien n'a

été prévu dans ce sens; un grand parloir unique est tout ce

qui d'ordinaire existe. En conséquence, il conviendra d'y con-

duire tous les aliénés valides en état de s'y rendre, les

inconvénients signalés du grand parloir unique étant encore

moindre sque l'entrée des sections. Mais en dehors des alités,il

restera encore trois groupes de malades que, de toute néces-

sité on devra visiter sur place : ce sont les infirmes qui sont

incapables de marcher et par là d'aller au parloir, les grands

gâteux qu'on est souvent obligé de changer une et même deux

fois au cours d'une seule visite et qui empoisonneraient tout le

monde, enfin, les grands agités dont les mouvements et les

cris ne permettent pas de les sortir de la division. Dans beau-

' C'est bien à tort qu'au Congrès de Nancy M. Rouby m'a prêté cette

opinion.

DES VISITES DES FAMILLES 87 Î

coup de services, les médecins se montrent impitoyables pour

ces malades et leurs familles; ils refusent systématiquement

tout permis, du moment que l'aliéné n'est pas en état d'être

visité au parloir, il en résulte que certains d'entre eux sont

exposés à rester des mois entiers sans voir ni parents, ni

amis. Avec raison, à mon sens, la nouvelle méthode thérapeu-

tique que nous préconisons s'élève contre un tel ostracisme,

elle n'accepte pas que par suite d'une mauvaise installation des

locaux, de l'existence d'un parloir unique, des aliénés soient

ainsi condamnés à un isolement douloureux et nuisible à leur

rétablissement. Il convient donc que ces malades comme les

autres reçoivent leurs familles; en l'absence de tout local

approprié le mieux est d'admettre les visiteurs dans le réfec-

toire des sections, sans jamais les autoriser ni à pénétrer dans

la salle de réunion, ni à s'installer dans le préau. Mais c'est

un pis-aller, quand on construira de nouveaux asiles, il im-

porte d'annexer à chaque section une pièce indépendante pour

les visites, et si on est quand même partisan d'un grand par-

loir central, malgré tous les inconvénients dont nous avons

parlé, qu'on se souvienne au moins qu'il y a trois groupes

d'aliénés qui sont dans l'impossibilité de s'y rendre : les

infirmes, les grands gâteux et les grands agités. A ne rien

prévoir pour eux, on se trouvera plus tard dans l'alternative,

ou de les priver complètement de visites ou de laisser pénétrer

les visiteurs dans l'intérieur de leurs sections, ce qui est tou-

jours fâcheux.

En résumé; la nouvelle méthode thérapeutique est pour les

visites à volonté, sans fixation de jour, ni d'heure, ni de durée,

de tous les aliénés, son idéal serait une petitepièce spéciale dans

chaque quartier destinée à ces visites, afin que les malades

ne soient pas mêlés, et que jamais les visiteurs n'aientàpénétrer

à l'iniérieur de celui-ci hors le cas de maladie incidente néces-

sitant le séjour au lit; s'il n'y a qu'un parloir unique, comme

à ses yeux les relations des familles avec les malades jouent,

contrairement à l'opinion ancienne un rôle considérable dans

la guérison, elle est pour la visite des infirmes, des grands

gâteux et des grands agités, dans le réfectoire de leurs sections

respectives, mais exclusivement là. Or, une telle conception

est en complète contradiction avec le règlement ministériel du

20 mars z1857. Ce règlement, il est vrai, prévoit le cas où,

pour des raisons de convenance et de nécessité reconnues par

88 asiles d'aliénés. s

le médecin en chef et le directeur, les visites pourraient avoir

lieu dans les divisions ou dans les chambres de pensionnaires.

Mais, il spécifie que c'est à titre exceptionnel; or, les trois

groupes d'aliénés, dont nous venons de parler forment encore

une minorité assez importante, aussi beaucoup de médecins

et bien plus encore de directeurs pensent-ils que l'exception ne

les vise point et est relative aux seuls alités. En conséquence,

en l'absence de tout local spécial dans les quartiers pour les

visites, ils refusent systématiquement le permis à tout aliéné

non allié qui, par suite de son état mental ou physique, est

dans l'impossibilité de se rendre au parloir commun, comme

nous l'avons dit et examiné plus haut. Le nombre de ces col-

lègues intraitables va sans cesse en diminuant, mais il y en a

encore et quand ceux-là s'abritent derrière le règlement du

20 mars 1857, il est bien difficile de les condamner complète-

ment.

Où toute discussion est impossible c'est sur les jours et les

heures de visites. Le règlement ministériel du 20 mars 1857

ne prévoit nullement le cas où celles-ci s'effectueraient en 9

dehors des instants réglementaires, pas même pour le cas de

danger de mort. Il est complètement muet à cet égard. Cer-

tainement il n'est parmi nous personne qui ait jamais refusé

aux familles, quel que fut le moment d'embrasser un parent à

l'agonie, en invoquant ledit règlement. Mais nombreux encore

sont ceux qui l'invoquent pour ne jamais laisser voir un

aliéné en dehors des jours et des heures fixées. Or il arrive

que partout il est certaines personnes qui, pour obéir à cette

obligation sont contraintes de s'imposer de lourds sacrifices,

il en est d'autres qui sont dans l'impossibilité absolue, elles,

de s'y conformer et qui dès lors sont forcées de se priver du

plaisir de voir leurs parents malades et de les priver eux aussi

de ce bonheur. Est-ce humain ? Il y a des gens qui gagnent

leur vie surtout le dimanche et le jeudi dans l'après-midi,

moments fixés pour les visites; il y en a en condition qui

n'ont de liberté que quand il se trouve que leurs maîtres n'ont

pas besoin d'eux ; il en est qui demeurent au loin et qui pour

venir sont obligés, faute d'argent, de profiter d'un train de

plaisir ou d'un billet de faveur, beaucoup arrivent à l'asile la

première fois ignorant que les visites sont réglementés,

enfin ils sont en nombre ceux qui seraient heureux de profiter

des instants où le travail ne va pas et qui ne coïncident pas

DES VISITES DES FAMILLES 89

toujours avec les jours et les heures officielles pour visiter

leurs malades et sans trop perdre au déplacement. Aussi dans

beaucoup de services a-t-on été obligé de se montrer moins

rigoureux que le règlement et de délivrer ce qu'on appelle

permissions permanentes valables en dehors des jours et des

heures réglementaires.- Mais je le répète il n'en est pas par-

tout ainsi et on trouve encore des médecins et des directeurs

quis'y refusent absolument. Et ils sont dans leur droit, de par

le règlement du 20 mars 1857.

Quant à l'Administration locale, elle ne peut pas trop

encourager ceux qui ont des tendances libérales et ce n'est

pas seulement parce qu'elle est par essence respectueuse des

traditions et des vieilles coutumes, assez mésonéiste, un tan-

tinet même routinière prétendent ses détracteurs, mais aussi

et surtout par ce qu'elle est la gardienne dudit règlement,

comme la magistrature est la gardienne de la loi, et que l'une

pas plus que l'autre n'a la liberté de laisser péricliter le dépôt

confié à sa garde. L'Administration locale fermera les yeux,

commencera par laisser faire mais tôt ou tard, plutôt tôt que

tard, pour une cause ou une autre, elle sera amenée à rappeler

des fonctionnaires au respect du sacro-saint -règlement, et ces

sera son droit et même son devoir. C'est donc ce règlement

suranné et nuisible qu'il importe de réformer.

Cela importe d'autant plus qu'à moins d'être cruel, on ne

saurait l'appliquer ainsi que je l'ai démontré plus haut, or il

n'est rien de pire que des prescriptions qu'on élude pour les

uns et pas pour les autres; il en résulte des jalousies et des

récriminations et je connais tel asile en province où pour

contenter tout le monde le chef de service, n'a plus voulu déli-

vrer de permission permanente. Cela importe d'autant plus

encore que ce règlement est une pomme de discorde entre

directeur et médecin. Celui-ci seul autorise, en effet, la visite,

mais son autorisation* est soumise au visa de celui-là, or de

deux choses l'une : ou ce visa est une simple formalité et alors

le directeur joue dans ce cas un rôle ridicule ou il explique le

droit de refus et alors il se trouve que le service administratif

dont le devoir est d'ignorer les aliénés en tant que malades et

qui en réalité ne les connaît pas du tout, statue sur leur sort.

Tout cela est profondément regrettable. On argue qu'il y a là

une question d'ordre et que le directeur est chargé d'assurer

la discipline; s'il en est ainsi il n'y a qu'à soumettre égale-

90 ASILES D'ALIÉNÉS.

ment à son visa les prescriptions médicales car il y a là une

question budgétaire, et il aura ainsi le droit, tout aussi légi-

time, de ne pas viser une purge parce qu'il trouvera trop

Diafoirus le médecin dont les purgations répétées, fort cou-

teuses, compromettent l'équilibre de son budget. Avec un méde-

cin tant soit peu libéral et un directeur tant soit peu à cheval

sur le règlement de 1857, le conflit est fatal, ce dernier ayant t

le droit de refuser toute visite, même in extl'f'mis, en dehors

des jours et des heures réglementaires. En somme l'autorisa-

tion de visiter est une chose exclusivement médicale, le méde-

cin seul connaissant ses malades, le plus sage serait de lui en

laisser l'entière responsabilite.

Les diverses modifications que nous demandons en matière

de visites au règlement de 1857 qui, pris à la lettre, n'autorise

à visiter hors des quartiers que les aliénés en état de se rendre

au parloir ou dans les jardins de l'établissement et dans les

quartiers que ceux alités, les uns et les autres seulement le

jeudi et le dimanche de 1 heure à 3 heures, sont justifiées

par le revirement qui petit à petit s'est produit et se poursuit

encore dans l'esprit des aliénistes sur l'opportunité de laisser

voir les malades. Qu'on compare ce qui se passe actuellement

dans nos services même les plus fermés, avec ce qui se passait

à l'asile où j'ai été médecin adjoint, et que j'ai rapporté plus

haut et on appréciera tout le chemin parcouru. Alors même

qu'on n'accepterait pas dans leur intégralité les idées nous

vellesqueje défends, qu'on croirait bon de rompre pour certains

aliénés les relations de famille durant un certain temps, j'ai

moi-même dans mon mémoire des Annales médico-psycholo-

giques examiné deux cas : celui du refus de recevoir les parents

et celui' de vive surexcitation causée chaque fois par leur pré-

sence, il est incontestable que nous n'apprécions pas les

choses comme nos pères qui ont inspiré ledit règlement. Pour

eux la visite était l'exception tandis que pour nous, comme l'a

fort bien exprimé M. Rouby au congrès de Nancy, c'est l'inter-

diction de visite qui l'est devenue. La formule thérapeutique

se trouve donc complètement renversée, or à formule nouvelle

nouveau règlement.

Une autre chose qni n'est pas non plus de tout prévue

par la réglementation de'1857, c'est la collation des parentsavec

les malades lors des visites. Si on avait proposé une telle

liberté à nos vieux maîtres, ils seraient sûrement tombés fou-

DES VISITES DES FAMILLES 91

droyés d'indignation; l'ordre était formel, les concierges ne

laissaient rien entrer, le panier était rigoureusement interdit; le

tabac était toléré par faveur exceptionnelle et en quantité

déterminée. Etpourtant, elles sont une joie pour les aliénés et

les familles, ces collations si sévèrement condamnées ! Les

uns et les autres les attendent souvent avec impatience pour

goûter le plaisir d'autant plus vif qu'il est devenu rare de

manger côte à côte et de se partager le même morceau de pain

Certes elles peuvent avoir des inconvénients, toute chose en a

en ce monde. Sous leur couvert on verra l'alcool se glisser dans

l'établissement, l'alcool qui à tous ses attraits ajoute celui

d'être un fruit défendu, mais si la surveillance est bien orga-

nisée, la fraude ne se produira pas. Les indigestions, a-t-on

encore invoqué contre elle, surtout chez lesparalysés généraux

à l'appétit insatiable et qui avalent gloutonnement, indiges-

tions d'autant plus faciles que ces collations suivent de près

le repas de 11 heures. Mais ce n'est encore là pour empêcher

l'inconvénient qu'une question de mesure et d'avertissement

aux familles qui sont d'ordinaire dociles car elles seraient

désolées que, par leur faute, ce qui est un plaisir se changeât

en indisposition. Et puis les gardiens savent quels sont les

malades avec qui on collationne, ils en sont même avertis par

les parents et les jours de visites, ils veillent aux rations de ces

aliénés. Que le service soit bien établi, et on ne retirera de

cette liberté-là comme de toutes les autres que des avantages.

Je demande donc que la lacune du règlement soit comblée et

le médecin autorisé, sous sa responsabilité à permettre les

collations dans lesparloirs et les jardins des asiles.

J'ai déjà reconnu plus haut que très libéral sur ce point, le

règlement du 20 mars 1857 autorisait les promenades exté-

rieures et que si presque nulle part elles ne sont permises, la

faute en est aux médecins qui n'usent pas de leur droit de les

accorder soit parce que partisans de l'isolement, ils les consi-

dèrent comme nuisibles, soit à cause des accidents susceptibles

de se produire au dehors et d'engager leur responsabilité. A

l'inverse de mes collègues, je profite largement de la libé-

ralité du règlement et depuis huit ans j'envoie villégiaturer

dans la campagne tous les aliénés qui m'inspirent assez de

confiance pour cela; certains dimanches j'en ai plus de cent

dans les environs de l'asile. Jusqu'ici je n'en ai retiré que des

avantages, mais je reconnais qu'agir ainsi c'est endosser une

92 asiles d'aliénés.

très lourde responsabilité. Quelque soin qu'on apporte dans

la connaissance et le choix des malades, avec des aliénés, il

convient de toujours accorder une part à l'imprévu et à un

accident possible. Il faut compter aussi avec les susceptibilités

des populations avoisinant les établissements et pas toujours

rassurées de rencontrer de nombreux fous par les rues de leur

villages, bien qu'ils soient sour la garde de leurs parents. C'est

une affaire de tact et de mesure. A Neuilly, après une opposi-

tion très vive au début, les habitants petit à petit ont compris

l'innocuité de ces promenades et aujourd'hui je crois que

toutes les appréhensions sont dissipées. Je ne saurais trop

engager mes collègues à entrer dans cette voie libérale qui

leur est ouverte, je le répète par le règlement actuellement en

vigueur : il n'y a donc là aucune innovation.

Nous arrivons enfin à une mesure sur laquelle par extraor-

dinaire l'accord existe entre tous les aliénistes je veux parler

des congés et des sorties provisoires de quelques jours à

un mois. Le Sénat grâce à une active campagne menée par

MM. Bourneville et Achille Foville l'a inscrite dans la nou-

velle loi. En attendant que celle-ci soit promulguée nous

sommes désarmés, car le règlement du 20 mars 1857 n'en

parle pas. Je ne cacherai pas que j'accorde beaucoup de ces

congés et de ces sorties provisoires, je dirai par -exemple

qu'au 1li juillet j'ai octroyé quarante et une de ces permis-

sions, et vint-cinqle l5août, mais c'est de ma part une irrégu-

larité, l'aministration serait absolument dans son droit en

me blâmant et le Directeur dans le sien en s'y opposant.

Comme pour les visites, en effet, le règlement exige pour les

sorties au dehors, le visa de ce fonctionnaire.

Nous pourrions avec plus de raison encore répéter pour

celle-ci ce que nous avons dit pour celles-là. Il est irrationnel

d'imposer une responsabilité quelconque au directeur pour

une mesure qu'il n'a aucun moyen d'apprécier ; la responsa-

bilité des sorties et des congés, des visites et des promenades

au dehors doit incomber exclusivement au médecin qui seul

est à môme, de les accorder ou de les refuser en connaissance

de cause. L'autorité du directeur n'en sera pas plus amoindrie

qu'elle ne l'est dans le cas de toute autre prescription

médicale.

Comme on voit, nous demandons six choses. En premier

lieu la latitude de laisser visiter nos malades comme nous le

DES VISITES DES FAMILLES 93

jugeons utile dans leur intérêt et dans l'intérêt des familles

sans être gênés par des limitations de jours ni d'heures. En

second lieu la latitude aussi, dans le cas d'un parloir

unique, de faire voir les grands agités, les grands gâteux et les

infirmes dans les réfectoires de leurs quartiers respectifs avec

la réserve que sous aucun prétexte les parents ne seront

admis ni dans la salle de réunion, ni dans le préau. Quant aux

malades alités, ils seraient visités comme aujourd'hui à leurs

lits. Puis la latitude également d'accorder les collations, les

promenades extérieures et les congés de quelques jours à un

mois. Enfin nous désirerions que les relations des malades

avec leurs familles et leurs amis fussent exclusivement du

ressort médical et qu'on n'imposât pas aux directeurs une part

de responsabilité dans des mesures qu'ils sont dans l'impossi-

bilité absolue d'apprécier, cette intervention administrative

n'étant bonne qu'à engendrer des conflits.

Ces modifications littérales que nous sollicitons au règlement t

du 20 mars 1857 auraient leur utilité partout, mais nulle part

autant que dans la Seine. Ici, en effet, l'administration débor-

dée par le trop grand nombre des aliénés et par le chiffre res-

treint de places dont elle dispose est obligée, quels que soient

ses regrets, de recourir à ce moyen barbare, de transférer

chaque année des centaines de malades en province. Elle a

grand soin de choisir exclusivement ceux qui reçoivent le moins

de visites. Celles-ci acquièrent par conséquent dans la Seine,

en dehors du bien qu'elles procurent à l'état mental de l'aliéné

et du plaisir qu'elles lui apportent, une importance capitale

qu'elles n'ont pas ailleurs, puisqu'elles sont l'unique moyen

d'empêcher l'exil au loin. Eh bien ! je dis que dans ces condi-

tions, non seulement notre devoir est de donner aux familles

toutes facilités de visiter leurs parents afin de leur éviter le

transfert, mais que nous serions grandement coupables d'y

apporter la moindre entrave ; nous n'en avons pas le droit.

Nombreux sont encore les gens, nous l'avons établi plus haut,

qui sont dans l'impossibilité matérielle ou morale de venir aux

heures et aux jours réglementaires. Ne serait-il pas criminel

de notre part de leur interdire de se rendre à d'autres moments

et après d'envoyer en province leurs malades sous prétexte

qu'ils ne sont pas visités ? Une autre raison qui ne nous per-

met pas d'appliquer dans toute sa rigueur le règlement est

l'éloignement des asiles de la Seine et la difficulté des commu-

94 asiles d'aliénés.

nications. Suivant, le point de Paris qu'on habite, il faut, pour

effectuer le voyage de Ville-Evrard, qui n'est pourtant qu'à

seize kilomètres de Notre-Dame, de quatre à cinq heures pour

l'aller et le retour sans compter le temps passé à l'asile et

dépenser près de trois .francs en tramway et chemin de fer.

C'est donc un déplacement très long et très coûteux. Ne

serait-il pas humain dès lors de permettre aux familles de voir

les aliénés quand elles le peuvent sans trop nuire à leurs

affaires !

Nous le pensons et nous le pensons d'autant plus qu'au

Pensionnat de Ville-Evrard il n'y a pas de jours, ni d'heures

réglementaires. Les parents des pensionnaires qui ne sont

pourtant pas, eux, dans la nécessité de travailler durement

pour gagner un morceau de pain et qui, sans se gêner, vien-

draient à des moments déterminés ont au contraire toute lati-

tude de visiter à leur gré leurs aliénés qu'ils voient dans une

pièce spécialement affectée à cet usage dans chaque pavillon,

ce que je trouve parfait ; mais il n'est pas juste, à mon avis,

de refuser au pauvre, ce que nous accordons au riche. Celui-ci,

s'il n'est pas satisfait de nos soins a les moyens d'aller en

chercher de meilleurs dans une autre maison ; celui-là est

obligé de rester où on l'assiste ; raison de plus de lui accorder

toutes les joies et toutes les satisfactions dont nous disposons,

or il n'en est pas de plus grandes, ni, à mon avis, de plus

utiles, que les relations affectueuses. Ouvrons donc tous les

jours les portes de nos parloirs et soyons assurés d'avance

qu'il n'y aura pas d'abus, car l'ouvrier ne viendra dans la

semaine que s'il est réellement empêché de venir le dimanche.

Cherchons aussi s'il ne serait pas possible dans nos services

d'indigents d'avoir autre chose qu'un parloir unique, d'orga-

niser des salles distinctes pour permettre de visiter à part les

épileptiques, les grands agités, les grands gâteux et les infirmes

sans avoir besoin de pénétrer dans le réfectoire des quartiers.

A Ville-Evrard ce serait très facile ; les six divisions s'ouvrant

deux par deux sur trois beaux vestibules extérieurs, il suffirait

d'y mettre des bancs, des chaises et des tables, un poêle pour

l'hiver et une porte qu'on fermerait lors des visites pour obtenir

trois beaux parloirs où les familles auraient la facilité de voir

les convulsifs, les malpropres et les violents sans avoir à entrer

dans les sections. Quoi qu'il en soit, rappelons-nous que le

système de l'isolement rigoureux se meurt, que l'avenir est au

pathologie NERVEUSE. 95

système de liberté et que, tant dans l'intérêt des aliénés que

dans celui de leur famille, notre devoir est d'aider à son déve-

loppement '.

PATHOLOGIE NERVEUSE.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES

DE L'HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL.

THÉORIE DES NEURONES.

par Jules SOURY

I. GOLGI.

L'étude des fonctions du- cerveau est si intimement liée à celle

de l'histologie du système nerveux central et périphérique que les

travaux des grandes Ecoles contemporaines d'anatomie fine ont

ouvert une ère nouvelle pour la psychologie physiologique. C'est

Kôlliker lui-même qui, au sujet des méthodes de coloration des

éléments du système nerveux, a écrit que les procédés de Weigert

et de Golgi étaient lesplus importantes conquêtes qu'ait faites de

nos jours l'histologie 2. » Ce qu'on nomme la méthode de Golgi, la

méthode de la coloration noire, où les pièces sont successivement

traitées par le bichromate de potasse ou d'ammoniaque et par le

nitrate d'argent, remonte à 1873 3. Elle l'emportait, en effet,

cette méthode, sur toutes les méthodes connues, pour faire appa-

1 Nous aurions des remarques à faire sur différents points de l'intéres-

sant travail de Marandon de Monthyel, nous les résenons pour plus

tard. (La Rédaction.)

2 A. Kûlliker, - Die Un tel'S , von Golgi iiber den feijzei-eit Bail des ceil-

tralen Veroen systc1lls. Anat. Anzeiger. Iena, II Jahr. 1887, 480-3.

3 C. Golgi. S ullasl1'llltll ! 'adella sosieiiza gi-igia del cerLello. Gaz. med.

Lombarda, VI, 1873. Voici en quoi consistait la première méthode d-

Golgi, la méthode lente : des fragments du système nerveux étaient laissé ?

dans une solution de bichromate de potasse à 2.5 p. 100 pendant quel-

ques semaines; celle-ci était concentrée progressivement jusqu'à 5 p. 100;

les préparations, après avoir été lavées, étaient transportées dans une

solution de nitrate d'argent à 0.75 p. 100, ou plus faible pour commencer,

elles restaient ensuite deux ou trois jours dans une solution nouvell"

de nitrate d'argent. Enfin, quand les fragments ainsi traités ne donnaient

plus de précipité, ils étaient prêts pour les coupes.

96 pathologie NERVEUSE

raitre, avec une puissance incomparable, les éléments essentiels du

système nerveux, les cellules avec leurs prolongements ramifiés, y

compris les collatérales du prolongement axile. Il n'y eut qu'une

voix sur la fidélité [des représentations de ces éléments, surtout de

celles des prolongements protoplasmiques, que Golgi fit connaître

au monde dans son grand, ouvrage, Sulla fines anatomia degli

O1'gani centrait delsisteiiîa ne1'VOSO ( ! lIilano, Iloepli, 1886,214 p., avec

24 pl.), commencé et terminé, après bien des années, dans le labo-

ratoire de pathologie générale de Pavie '.

Nous ne rappellerons que la position des principaux problèmes

de l'anatomie générale du système nerveux, tels que Golgi les a

conçus, et nous indiquerons les solutions qu'il en a données ou que

ses élèves en donnent après lui, sans perdre de vue les rapports de

ces études avec celles dela physiologie du névraxe, dont aujourd'hui

elles sont l'âme même. Tout d'abord, des difficultés presque insur-

montables, et qu'on ne rencontre pas dans l'étude des autres

organes et ti.us de l'organisme, se dressaient ici devant Golgi.

Ailleurs, la connaissance anatomique des organes, des tissus et des

éléments anatomiques, a révélé les lois de leur fonctionnement :

dans l'étude du système nerveux, l'anatomie était encore la ser-

vante de la physiologie. La physiologie démontre que le cerveau

est un organe fonctionnellemeiu hétérogène, c'est-à-dire que les

fonctions du cerveau varient avec les différentes régions de cet

organe. L'anatomie, non seulement ne pouvait rendre raison de

ces différences de fonction : elle ne saurait même dire, suivant

Golgi, si cette hétérogénéité fonctionnelle des diverses régions du

cerveau correspond à des variétés de forme et de structure des

éléments anatomiques de ces régions. La physiologie ne met pas

en doute qu'entre les différentes parties des centres nerveux il

n'existe une liaison intime, condition de la synergie fonctionnelle

de ces parties. L'anatomie ne saurait fournir jusqu'ici une seule

preuve de la réalité de ces relations, de ces anastomoses, par

exemple, que l'on postule pour rendre solidaires tous les territoires

sensoriels et sensitivo-moteurs de l'écorce cérébrale. Pour GOLGI,

les idées courantes sur la texture et la morphologie élémen-

taire des organes centraux du système nerveux, idées alors em-

pruntées à Gerlach, à JCIIULTZG, à Meynert, étaient de simples

hypothèses sans fondement anatomique, de purs schémas imagi-

naires.

Dès 1867, Meynert, indiquait l'existence, dans l'écorce cérébrale,

de couches d'éléments nerveux, à morphologie différente, réguliè-

rement stratifiées. A un grossissement d'environ 100 diamètres, les

coupes transparentes de l'écorce laissent voir, dit-il, cinq couches

1 Cf. Golgi. Unlersucliungez üLer den feineren Bau der cezlralen und

peripherischen \'erzenss(ems. Iena, 1891.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES. 97

à partir de la pie-mère : 1° couche de névroglie; 2° couche des petites

cellules pyramidales; 3° couche des grandes cellules pyramidales ;

4° couche des cellules granulées ou des granulations (couche grccnu-

leuse); 5° couche des cellules fusiformes, où d'assez grandes pyramides

existent vers le périphérie ; 6° substance médullaire, où se trouvent

encore nombre de cellules fusiformes. Meynert étudia la structure his-

tolnidue de l'écorce cérébrale sur des coupes durcies dans le chro-

mate double de potasse, colorées dans des solutions de carmin, éclair-

cies dans l'huile d'oeillet (Stricker,Ha ? ! d6. d. Lettre von den Geiveben,

1870); il vit les prolongements ascendants des cellules s'élever jusqu'à

la surface de l'écorce, jusqu'à l'espèce de membrane limitante,

formée de cellules conjonctives aux nombreux prolongements

d'une finesse extrême, véritable disposition épithéliale, qu'il

nomme couche de la névroglie (cellules en pinceau de Boll, cel-

lules en araignée de Jastrowitz) ; de l'extrémité inférieure de

ces cellules sortait un prolongement, peut-être ramifié (Lüwe),

qui descendait en rayonnant dans l'écorce. Dans la troisième

couche, les fibres nerveuses issues de la base des petites pyramides

commencent à se réunir en faisceaux qui passent en grossissant

toujours entre les groupes des grandes cellules pyramidales. Outre

les prolondements ramifiés du sommet de ces pyramides, dont le

faite peut atteindre la couche des petites pyramides, elles émettent

un prolongement basilaire moyeu descendant qui, peut-être

indivis (Koschewnikow), pénètre dans la substance blanche. La

direction des fibres des systèmes de projection et d'association

révèle la nature des fonctions des cellules pyramidales et des

cellules fusiformes : les fibres propres du système d'association,

qui ne sont, dit Meynert, par rapport à l'écorce, ni des conducteurs

centripètes, ni des conducteurs centrifuges, mais qui vont d'une

circonvolution à une autre, parallèlement à la surface, ont une

direction analogue à celle des cellules fusiformes, d'ailleurs nulle-

ment bipolaires, parallèle aussi à la surface de l'écorce. La stria-

lion du protoplasma des cellules nerveuses sur les pièces traitées

par les solutions d'acide osmique avait été suivie dans les prolonge-

ments de la cellule et ces prolongements avaient élé considérés

comme analogues aux cylindraxes (Max Schullze, Boll). En parlant

du prolongement basilaire moyen qui descend directement dans

la substance blanche (méthode à l'or), prolongement déjà assimilé

par Gerlach à celui des cellules des cornes antérieures de la moelle,

Meynert mentionne expressément les vastes ramifications du pro-

longement ascendant des grandes cellules pyramidales montant

jusque dans les couches externes de l'écorce '. Outre ces ramifi-

cations terminales, le prolongement ascendant de ces cellules

émet déjà, peu après sa sortie de la cellule, des « fibrilles laté-

1 Psychiatrie Klinlk d. Erkrank. d. Vo/'del'hÏ1'IIS, 1892.

Archives, 2° série, t. III. 7

98 PATHOLOGIE NERVEUSE.

raies », qui, dit-il, prennent part à la formation du réseau fibril-

laire de l'écorce tout entière. Mais sur les préparation de Gerlach

lui-même, dans l'intrication fibrillaire des plus délicats faisceaux,

Meynert n'a pu apercevoir qu'un feutrage, non un réseau. Meynert

réfute toujours l'opinion qui tend à faire dériver la fonction d'un

élément nerveux de la- forme de cet élément ; il combat donc

l'opinion qui fait des petites pyramides des cellules de la sensibilité,

des grandes, des cellules de la motilité, et aussi l'idée de Wundt,

qui tenait les unes pour jeunes et les autres pour vieilles. La gran-

deur et les dimensions relatives des pyramides, étudiées dans le

type commun à cinq couches ou dans le type à huit couches de la

scissure calcarine, etc. Meynert les explique par des considérations

de pure topographie corticale, en particulier par le degré d'éloigne-

ment où ces cellules se trouvent de la surface de l'écorce.

Les faisceaux de fibres à myéline de l'écorce cérébrale n'avaient

pu être suivis, par Meynert, dans leur direction ascendante vers la

surface de l'écorce, au delà de la troisième couche de son schéma;

Berlin les avait suivis plus loin (1858) ; Remak, dès 1841, avait

découvert, à la surface de l'écorce, une couche de fibres nerveuses

à myéline. Exner, avec sa méthode de coloration (solution osmique,

glycérine, eau amoniaquée), put constater l'existence, dans toute

la première couche de Meynert, au-dessous de la couche de névro-

glie (dont il compare les fibres à des fils de chanvre), d'une couche

de fibres nerveuses myélilliques, d'épaisseur et d'orientation

variées 1. Outre les fibres nerveuses à direction parallèle de la

surface de l'écorce du cerveau, fibres taneentieiles, Exner en vit

d'autres s'élever des couches inférieures de l'écorce qui, après

s'être recourbées ou ramifiées suivent dans ces hauteurs, elles aussi,

une direction parallèle à la surface de l'écorce. Chez l'enfant nou-

veau-né, Exner ne trouva dans cette couche aucune fibre nerveuse

à myéline, mais de très grosses cellules, pourvues d'un prolon-

gement descendant, assez espacées et d'ordinaire disposées en série

comme les cellules de l'url : iuje du cervelet. Au niveau de la

deuxième couche, les fibres myéliniques, très nombreuses, appa-

raissent plus minces que celles d'aucune autre couche de l'écorce.

Dans la troisième couche, ces fibres commencent à se grouper en

faisceaux descendants, quoique beaucoup d'entre elles se dirigent

obliquement vers la surface de l'écorce. Le ruban rayé de

Vicq-d'Azyr du lobe occipital, beaucoup plus large que les stries

des six couches de Baillarger, est constitué par des fibres nerveuses

à myéline dont la direction n'est point, chez toutes, parallèle à

la surface de l'écorce. Sur un fragment de circonvolution du lobe

pariétal, où les raies de Baillarger étaient bien apparentes, au

' S. Exner. Zar Kennlaiss von feineren Bau der Grosshirnrinde.

Sitzungsb. der K. Akad, d. Wiss. Wien., vol. 83, p. 151 sq.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES. 99

fond d'une scissure, les coupes microscopiques montrèrent un très

o-rand nombre de fibres tangentielles passant d'une paroi à l'autre

de cette scissure : c'étaient des fibres d'association (fi6)' (t ? 'cM6[<oe.)

Dans la quatrième couche, les fibres myéliniques deviennent si

nombreuses et si serrées qu'elles ne laissent entre elles presque

plus d'espace. Le trajet des fibres à myéline à travers l'écorce est

relativement long ; celles qui ne se projettent pas, sous forme de

radiations, de la substance blanche dans l'écorce, mais suivent

d'autres directions, doivent être considérées comme servant à relier

(Ve1'bindtlngcn) différents territoires corticaux : ce sont encore des

fibre arcuatoe, mais au sens le plus étendu du mot. Exner répète

qu'il n'a jamais pu constater de « division des fibres à myéline ;

il n'admet donc point la description de Gerlacli d'où est sorti le

fameux réseau. Exner avait appliqué sa méthode il l'étude histolo-

gique d'autres parties du système nerveux central, telles que le

cervelet et la moelle épinière. Avant la méthode à base d'héma-

toxyline, de Weigert, la méthode d'Exner, méthode de coloration

des gaines de myéline, avait donc fait voir, avec plus de précision.

et de relief qu'on n'y avait réussi jusqu'alors, les directions et les

connexions de ces grandes voies nerveuses centripètes qui seules

expliquent, par le retentissement ou la projection du monde exté-

rieur jusqu'à l'écorce cérébrale, la vie tout entière des représenta-

tions, les fonctions de l'intelligence. Rien de plus frappant, à cet

égard, que les deux scbémas de l'écorce cérébrale de Meynert et

d'Exner : l'un montre les formes et la disposition des corpuscules

nerveux, qui sont la condition même de l'élaboration des processus

psychiques ; l'autre ne laisse guère apercevoir qu'un feutrage de

fibres nerveuses à myéline, dont le caractère change aux différents

niveaux de l'écorce : là passent les grandes voies ascendantes et

descendantes qui amènent et emportent la matière première en

quelque sorte et les produits de cette élaboration : les deux

méthodes se complètent.

Par quels caractères propres la cellule nerveuse se distingue-

t-elle au point de vue objectif des autres éléments anatomiques des

centres nerveux ? Golgi définit la cellule nerveuse, une cellule

munie d'un prolongement spécial, toujours unique, ditîérent de

tous les autres, et destiné à relier cet élément aux fibres ner-

veuses. Quelle est la nature de la substance qui forme le corps de

la cellule nerveuse ? Selon Golgi, les caractères du protoplasma

véritable faisaient défaut à la substance, de structure fibrillaire, du

corps cellulaire, aussi bien qu'à celle des prolongements protoplas-

miques ; cette substance n'était qu'une « formation secondaire du

protaplasma primitif ». Le protoplasma vrai n'existait que dans la

partie centrale de la cellule nerveuse qui environne le noyau.

Golgi a rappelé que la structure fibrillaire de la cellule nerveuse

a déjà été reconnue par Bemak (1853), et que d'autres observa-

100 PATHOLOGIE NERVEUSE.

teurs (Beale, Fromman, Kolliker) en avaient également fait men-

tion jusqu'à ce que Sclultze (1865, 18G8, f871), en étudiant les

grosses cellules nerveuses du cerveau des torpilles, pût se con-

vaincre de la structure fibrillaire, non seulement du corps cellu-

laire de ces éléments, mais de leurs prolongements : structure

fibrillaire non absolument pure, d'ailleurs, car Sclmllze découvrit

qu'entre les fibrilles il existait une substance finement granuleuse,

contenant un pigment jaune-brun ; cette substance granuleuse ou

ces granulations interfibrillaires se continuaient dans les prolonge-

ments de la cellule. Ce sont là des observations dont la portée

n'échappera à aucun des histologistes qui connaissent les travaux

actuels sur ce sujet, j'entends sur la nature des parties chromatiques

et achromatiques de la cellule nerveuse, de Vissl, de Benda, de

Lugaro, etc. Il n'y a pas jusqu'à la question des mouvements

amiboïdes du protoplasma cellulaire, question que l'on ne fait

remonter qu'à Rabl-Ruckhardt en général, qui, dès 1868, ait

déjà été agitée par Walther ' : il estimait que les cellules nerveuses

ont le pouvoir d'exécuter, dans une certaine mesure, des mouve-

ments amiboïdes. Walther avait pu observer directement ce fait

sur les cellules nerveuses de cerveaux congelés de grenouilles, au

moment de la décongélation de ces cellules. Reidingshausen et

Popoff 2 instituèrent ensuite des expériences qui parurent démon-

trer la persistance de la contmctililé du protoplasma cellulaire des

cellules nerveuses.

Les prolongements de la cellule nerveuse sont de deux sortes :

l'un, toujours unique, affirmait Golgi, et qui va constituer le cylin-

draxe d'une fibre nerveuse à myéline, est le prolongement ner-

veux ; les autres, dont le nombre peut s'élever de 3 à 20 et

au delà, et dans lesquels circule la substance du corps cellulaire,

sont désignés, quoiqu'un peu inexactement, dit-il, du nom de prolon-

yements protoplasmiques. Physiologiquement, toutes les cellules

nerveuses sont donc unipolaires ; ce n'est que morphologique-

ment qu'elles sont multipolaires. Quel est le mode de terminai-

son de ces prolongements protoplasmiques ? On avait supposé

que leurs ramifications ultimes s'anastomosaient directement, de

manière à former un réseau inextricable de fibrilles nerveuses

amyéliniques, donnant pourtant naissance à leur tour à des

fibres à myéline. Dans cette hypothèse, alors la plus généra-

lement admise, les cellules nerveuses affectaient deux modes de

connexion avec les fibres nerveuses : d'une part, au mojen des

1 Walther. ! 7;t<eMe/tMM üb. (las Ceralr·cclnerveztsslezn. Centrait) ! ,

f. med. Wissensch., 1868, p. 451.

. PopolT. Ueber Verünclez°uzrezz inz,Gehirzz bel Aúdominallyplws und

lraun : alischcrEzzl : .üzzcluzzg.1'ravnil de l'Institut pathol. de Heklingshausen

à Strasbourg. Ach. f. patholog. Anat. u. Plies. v. Virchow, t. G3, 1873.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES. 101

prolongements nerveux ou cylindraxiles ; de l'autre, au moyen

des ramifications des prolongements protoplasmiques du réseau de

Gerlach. On expliquait par ces anastosmoses fibrillaires les actions

réflexes du cerveau et de la moelle, et les rapports fonctionnels

des différentes régions du système nerveux. Malheureusement, les

plus célèbres histologistes, Deiters, Max Schultze, Iioellicker,

Icause, etc., n'avaient jamais pu apercevoir ces anastomoses.

Or, s'il était une méthode capable de révéler ces anastosmoses,

au cas où elles existeraient, c'était certainement celle de la colo-

ration noire, qui fait saillir, avec un si grand relief, les plus fines

et les plus délicates arborisations nerveuses. Un examen minutieux

de plusieurs centaines de préparations n'avait jamais permis à

Golgi de découvrir, fût-ce une seule fois, une de ces anastomoses :

a 11 est vrai, disait-il, que, bien souvent, deux prolongements pro-

toplasmiques, allant directement l'un vers l'autre, produisent l'im-

pression d'une fusion réciproque, surtout si l'un observe avec de

faibles grossissements ; mais un examen attentif, à l'aide des plus

lorts objectifs, nous fait facilement reconnaître que ce n'est là qu'une

apparence, résultant d'un simple contact. D (SztLlla fina Anat., p. 19.)

Selon Golgi, loin de donner naissance à un réticulum nerveux,

les ramifications des prolongements protoplasmiques des cellules

nerveuses, dont l'orientation vers la surface des circonvolutions

était bien connue, allaient isolément se mettre en rapport avec les

cellules de la névroglie et avec les parois des vaisseaux sanguins

qui rampent dans l'écorce. La fonction des prolongements proto-

plasmiques devait donc être de nature purement trophique : ils ser-

vaient à la nutrition de la cellule nerveuse. de pense, disait Golgi,

qui a persisté, avec quelques-uns de ses nombreux élèves, dans cette

doctrine, que ces prolongements sont les canaux par lesquels, des

vaisseaux sanguins et de la névroglie, le plasma nutritif arrive aux

éléments essentiellement nerveux; il serait du reste difficile decom-

prendre par quelle autre voie la matière nutritive arriverait à ces

éléments. » Si les fibres nerveuses ne dérivent ni directement ni

indirectement des prolongements protoplasmiques, il est clair que

ces prolongements ne pouvaient servir à relier les différents ter-

toires cellulaires de l'écorce, soit au moyen d'anastomoses diver-

ses, soit dans l'hypothèse d'un réticulum nerveux diffus.

Quelle est alors, pour Golgi, l'explication anatomique de l'origine

des fibres nerveuses de la substance grise ? Comment s'établissent

entre les cellules, considérées individuellement, et les différentes

régions de l'écorce, ces rapports fonctionnels dont il faut admettre

l'existence ? Quant à la première question, celle de l'origine des

fibres nerveuses dans les diverses provinces du système nerveux

central, le prolongement nerveux, sans doute d'origine nucléaire,

loin de se maintenir indivis jusqu'à ce qu'il ait constitué le cylin-

draxe d'une fibre à myéline, émet toujours, à une distance plus

')02 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ou moins grande de la cellule, des ramuscules arborescents, dont

la forme varie, et sert à distinguer les fibres nerveuses en deux

catégories distinctes : 1° les unes, tout en émettant des fibrilles

secondaires latérales, conservent leur individualité propre; 2° les

autres se subdivisent en fins ramuscules à une petite distance de

leur origine et perdent toute individualité propre. Mais les unes et

les autres, quoiqu'en des proportions très diverses, ne laisseraient

pas de concourir, par ces ramifications secondaires, à la formation

d'un réseau nerveux qui existerait dans toute l'épaisseur de la

substance grise. Golgi incline à croire que ces innombrables

ramifications des prolongements nerveux s'anastomosent entre elles

pour former un véritable réseau, et non un simple entrelacement.

C'est au moyen de ce réseau cylindraxile qu'on doit s'expliquer le»

rapports anatomiques et fonctionnels quirelient les éléments cellu-

laires des différentes régions de l'écorce cérébrale.

Les fibres de la première catégorie, qui n'émettent qu'un petit t

nombre de rameaux latéraux avant de devenir le cylindraxe d'une

fibre à myéline, sont issues de cellules nerveuses qui rappellent

celles des cornes antérieures de la moelle épinière. Les fibres de lu

deuxième catégorie sortent de cellules qui ont plutôt l'aspect des cel-

lules des cornes postérieures et de la substance de Holando. Delà

deux types de cellules nerveuses en rapport avec ces deux catégories

de fibres nerveuses. Les cellules du premier type seraient motrices,

celles du second sensitives ou sensorielles. Outre ces variétés morpho-

logiques, des différences chimiqnes ou autres correspondraient peut-

être aux différences de fonctions de ces cellules. Quant au con-

sensus physiologique que l'on constate entre les régions sensitives ou

sensitivo-motrices, et les régions sensorielles de l'écorce cérébrale,

Golgi l'explique encore par les anastomoses reliant, dans son

réseau nerveux diffus de l'écorce, les fibrilles émanées des prolon-

gements nerveux moteurs des cellules du premier type avec celles,

en nombre infiniment plus grand, des prolongements nerveux

sensitivo-sensoriels des cellules du deuxième type, « Quelle autre

signification pourrions-nous attribuer, écrivait Golgi, aux fibrilles

qui, émanant du prolongment nerveux des cellules du premier

type (supposées motrices ou psycho-motrices), vont se perdre dans

le réticulum diffus, constitué essentiellement de prolongements

nerveux des cellules du deuxième type (cellules sensitivo-se2so

rielles ou psycho-sensilivo-sensorielles) », si ce n'est celle d'assurer

les rapports physiologiques existant entre les nerfs de la inutilité et

ceux de la sensibilité ? c La connaissance de ces rapports histolo-

giques peut rendre raison du mécanisme des actions réflexes, qu'on

avait jusqu'ici cherché dans des prétendues anastomoses directes

des prolongements protoplasmiques des cellules nerveuses ou dans

le réseau diffus, également hypothétique, résultant de l'infinie

subdivision de ces mêmes prolongements protoplasmiques. »

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES. 103

Mais l'idée d'une transmission nerveuse isolée, soit centripète, soit

centrifuge, entre deux cellules ou deux groupes de cellules nerveu-

ses, centrales ou périphériques, n'a point de base anatomique dans

cette conception d'un réseau diffus nerveux de l'écorce, constitué, non

par l'anastomose des prolongements directs des cellules nerveuses,

mais par les ramifications ultimes et latérales de leurs cylindraxes.

Les cellules et les fibres motrices présenteraient seules les condi-

tions d'une transmission directe des régions centrales aux noyaux

gris de l'axe spinal. Quant aux organes périphériques de la sen-

sibilité générale et spéciale, ils ne sauraient être qu'indirectement

en rapport avec des groupes ou des territoires de cellules cen-

trales extrêmement étendues. Telle est bien, en effet, la doctrine

de Golgi. Chaque fibre nerveuse, loin de se trouver isolément en

rapport avec une cellule, est au contraire, dans la plupart des cas,

en connexion avec des groupes étendus de cellules. Inversement,

chaque cellule nerveuse des centres nerveux peut être en rapport

avec un certain nombre de fibres ayant probablement une fonc-

tion différente. Tout au plus pourrait-on parler, pour concilier les

faits anatomiques avec la doctrine des localisations fonctionnelles

du cerveau, de voies de transmission nerveuse « électives », et

de territoires corticaux où certaines fonctions nerveuses « prévali-

draient », mais sans délimitation rigoureuse.

Enfin, les variétés morphologiques des éléments nerveux corres-

pondent-elles à des fonctions différentes de ces éléments ? La dis-

tinction de ces organites en cellules motrices, sensitives ou senso-

rielles, qu'invoquait tout àl'heure Golgi, en se référant aux différen-

ces de structure des cornes antérieures et postérieures de la moelle

épinière, a-t-elle quelque apparence de vérité ? Golgi nie qu'il y

ait à tenir compte de la forme ou de la grandeur des cellules ner-

veuses pour la connaissance de leurs fonctions. Certes, les cellules

du premier type qui sont motrices, sont grandes ; celles du second

type, qui sont vraisemblablement de nature sensitive ou sensorielle,

sont petites : t mais il y a trop d'exceptions à cette règle pour qu'on

puisse en dégager une loi générale ». Bref, on ne saurait rien con-

jecturer decerlain sur la fonction de telle cellule ou de tel groupe

de cellules nerveuses, si l'on n'observe les rapports de ces éléments

avec les libres de la première ou de la seconde catégorie, c'est-à-

dire avec des fibres de nature motrice ou de nature soit sensitive,

soit sensorielle. C'est donc dans la nature des prolongements ner-

veux, et dans ses connexions anatomiques, non dans la forme de

la cellule, que se trouve à cet égard le seul critérium digne de foi.

Ajoutez que, si la structure anatomique des cellules nerveuses ne

sauraitnous renseigner sur leurs fonctions, on chercherait également t

en vain, selon Golgi, à découvrir soit dans la disposition des cou-

ches stratifiées de l'écorce, soit dans celle de prétendues zones spé-

ciales du cerveau, une indication physiologique quelconque. Dans

104 PATHOLOGIE NERVEUSE.

toutes les régions des cenlres nerveux, les deux types de cellules qu'il

a distingués se trouvent, dit-il, réunis et confondus. Il concède, il

est vrai, que les unes ou les autres prévalent dans certaines zones

ou se trouvent même séparément groupées dans une même zone.

Ce fut même pour soumettre à un examen nouveau les doc-

trines alors reçues de Meynert et de Betz (1) à ce sujet que Golgi

étudia deux circonvolutions cérébrales de fonction très différente,

la frontale ascendante, qui fait bien partie de la zone motrice,

et la première circonvolution du lobe occipital, siège reconnu

d'une fonction des sens spéciaux (vision). La FA appartient au

type générai de structure de l'écorce, c'est-à-dire au type à cinq

couches de Meynert. En réalité, Golgi ne trouva dans cette circon-

volulion que trois formes distinctes de cellules : u, des cellules

pyramidales (1 ? 2°, 3° couches de Meynert); b, des cellules fusi-

formes (5° couche de Meynert); c, des cellules globuleuses ou poly-

gonales, à angles émoussés (4° couche de Meynert). Il ne put recon-

naître l'existence de couches stratifiées nettement isolées. Toute-

fois, si les cellules globuleuses se rencontrent dans toute l'épaisseur

de l'écorce, elles abondent surtout au voisinage des amas de cel-

lules fusiformes, lesquelles ne se trouvent presque exclusivement

que c dans les coucheslesplus profondes de l'écorce». Quant aux cel-

lules pyramidales, qui existent bien dans toute l'écorce, elles occu-

pent surtout les régions supérieure et moyenne de l'écorce. Golgi

propose de diviser l'écorce cérébrale, non plus en cinq couches, mais

en trois : 10 en une couche superficielle comprenant le tiers supé-

rieur de l'écorce, formée presque exclusivement de petites cellules

pyramidales; 2° en une couche moyenne, occupant le tiers moyen

de l'écorce, et constituée par des cellules pyramidales moyennes

et grandes, ces dernières surtout au voisinage de la couche sui-

vante ; 3° en une couche profonde, ou du dernier tiers de l'écorce,

où, quoique les cellules pyramidales moyennes et petites ne man-

quent pas, ce sont des cellules globuleuses et des cellules fusi-

lormes, plus nombreuses qu'en aucune autre région de l'écorce,

qui dominent. De même, pour l'étude de la 0,, Golgi nie que les

divisions de cette région en sept ou huit couches (Clarke, Meynert,

Huguenin) aient aucun fondement. Pour Golgi, les différences de

fonctions de ces deux circonvolutions s'expliquent uniquement par

la direction et les rapports périphériques des fibres nerveuses. La

spécificité de fonction des diverses zones cérébrales dépend, en effet,

non point de l'organisation de ces zones elles-mêmes, mais de la

spécificité des organes pépiphériques, en rapport avec les nerfs à

direction centripète ou centrifuge. Il n'existe pas d'autre moyen

de déterminer l'activité spécifique des cellules nerveuses que l'élude

' Betz in Kiew. Lebel' die feinere Slruclun der Gehirnrinde des Mens-

chen. Centralisait f. d. meclicm. Wissenschaten, 1881, p. 193, 20`J, 231.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES. 105

de leurs prolongements nerveux. Toutefois, arrivé au terme de

son grand ouvrage, dans un Appendice, Golgi s'est un peu départi de

son scepticisme scientifique; il parle et il croit qu'on a le droit de

parler, de cellules montées,voire de cellules sensitives et sensorielles,

et cela parce qu'il est arrivé, par des procédés de technique, à sur-

prendre les rapports directs des nerfs moteurs avec les cellules des

cornes antérieures de la moelle épinière.

Où fallait-il chercher, dans l'hypothèse qu'il en existe, des cel-

lules incontestablement motrices Uans la zone motrice du cerveau ?

Mais cette zone renferme en même temps, sans doute confondues

avec les éléments moteurs, des cellules sensitives. Dans le cervelet ?

C'est un champ de recherches plus obscur encore. Dans la moelle

épinière ? Mais, même pour les cellules des cornes antérieures, le

moyen d'affirmer qu'on a bien affaire à une cellule motrice, tant

qu'on n'a point vu son prolongement nerveux constituer une fibre

des racines antérieures ? A cet effet, au lieu de la moelle d'un

adulte, Golgi ici encore le véritable précurseur de Ramony Cajal,

soumit à ses réactifs des moelles de foetus et de nouveau-nés, et

parce que la gaine médullaire, enveloppant le cylindraxe, ou fait

encore défaut ou est rudimentaire, et parce qu'avec la coloration

noire la fine et délicate structure des éléments nerveux apparaît avec

d'autant plus de netteté que les tissus sont plus jeunes. Voilà com-

ment Golgi découvrit que les cellules des cornes antérieures de la

moelle épinière sont bien en rapport direct, quoique non isolé,

avec les nerfs périphériques du mouvement : Aujourd'hui je me

sens autorisé à supprimer, sinon toutes, du moins la plus grande

partie des réserves que j'ai faites quant à l'interprétation de la

nature physiologique des deux types différents de cellules ner-

veuses. Au lieu de dire, comme je l'ai fait jusqu'ici : Les cellules

du premier type sont en rapport direct, non isolé, avec les fibres

nerveuses; je pourrài dire dorénavant, et avec toute raison : Les

cellules nerveuses motrices (cellule 7ze ? ,uose motrice), sont en rap-

port, non isolé, avec les fibres nerveuses (du mouvement). »

Quant aux autres cellules nerveuses, à celles du deuxième type,

dont le prolongement nerveux se subdivise en fibrilles de plus

en plus ténues, qui vont constituer le réseau nerveux diffus de

l'écorce cérébrale, < elles peuvent désormais être considérées avec

plus de fondement comme des cellules de sensibilité (cellule di

senso).

De ces études de Golgi sur l'histologie des centres nerveux se

dégageait une conception de la structure de l'écorce cérébrale qui

fournit déjà une base scientifique aux expériences des physiolo-

gistes et aux observations des cliniciens sur les fonctions du sys-

tème nerveux central. Ferrier et Exner avaient vu, comme Tambu-

rini et Tripier, soit l'excitation expérimentale, soit les lésions,

irritatives ou destructives, des centres corticaux de la sensibilité

106 PATHOLOGIE NERVEUSE.

générale ou spéciale, déterminer des réactions motrices et, inverse-

ment, l'excitation ou les lésions des zones motrices, provoquer des

troubles de la sensibilité. L'hypothèse de Tamburini (1876) sur la

nature mixte de tous les centres de l'écorce trouvait, dans la thèse

suivante de Golgi, une base anatomique. Dans les différentes

zones de l'écorce cérébrale, les fonctions de la sensibilité et celles

de la motilité ne sont pas plus distinctes et séparées, d'une manière

absolue, que ne le sont les deux types de cellules du mouvement et

de la sensibilité; anatomiquement, les deux formes d'activité spé-

civique du système nerveux central ont un siège commun, où leurs

éléments se juxtaposent, se confondent ou se mêlent en propor-

tions diverses. (Golgi. Considérations anatomiques sU ? ' la doctrine des

localisations cérébrales. Arch. ital. de biol., 11, 1882, p. 249.) Cette

thèse ne vaut point, à la vérité, pour tout le système nerveux

central : Golgi reconnaît que les régions motrices et sensitives de

la moelle épinière, que les cellules nerveuses des cornes anté-

rieures et postérieures sont rigoureusement distinctes anatomique-

ment. «Cependant, ajoutait-il, même pour la moelle, il semble que

l'exception ilepeut êtreconsidérée comme absolue.» Dejlt Golgi fonde

sur l'existence des deux types distincts de ses cellules nerveuses,

mêlées et confondues dans toutes les provinces du système nerveux

central, une loi générale, qui depuis a été souvent vérifiée, celle

de « la non-divisibilité des deux formes d'activité spécifique (sensi-

bilité et mouvement) du système nerveux central ». Ainsi, « il 1

aura mélange, dit-il, du siège anatomique central de la sensibilité

tccctileet de l'activité Psyc/¡o-111otl'ice », du a siège anatomique du sens

de la vue et de l'activité motrice qui se rapporte aux mouvements

volontaires du globe oculaire ». De même pour la fonction olfac-

tive et auditive. « Je laisse de côté le sens du goût, sur lequel

mes recherches ne sont pas encore bien précises, tandis que pour

la vision, l'odorat et la sensibilité commune, les résultats de mes

recherches histologiques, concernant les centres cérébraux relatifs,

sont très probants. » (Ibid., p. ? ) Ainsi, « les différences fonc-

tionnelles propres aux diverses circonvolutions cérébrales trouvent

leur raison d'être, non pas dans les particularités de structure de

ces circonvolutions, mais dans les rapports des circonvolutions

avec les fibres périphériques des sens : la spécificité de fonction

des différentes zones cérébrales serait déterminée par la spécificité

de l'organe auquel, périphériquement, les fibres nerveuses vonz

aboutir, et non point par une spécificité d'organisation anatomique

de ces zones. »

C'est la doctrine de Meynert. Quoique Meynert eût admis « des

localisations fonctionnelles dans l'écorce cérébrale, et que les

différentes aires corticales lui parussent avoir subi une différen-

ciation physiologique évidente, par exemple celle du lobe olfactif

chez les animaux osmatiques, et celle du langage articulé chet

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES. 107 Î

l'homme; quoique, avec les physiologistes et les cliniciens, il

divisât l'écorce en territoires sensoriels et en territoires-d'innerva-

tion motrice, le grand anatomiste de Vienne enseignait que « les

énergies spécifiques des cellules nerveuses ne sont que le résultat

des différences existant dans les organes terminaux des nerfs, et

que la seule énergie spécifique de la cellule nerveuse, c'est la sen-

sibilité (Empfindungsfoehigkeil) . » Meynert a même été amené-i

ainsi il soutenir que les centres prétendus moteurs de l'écorce céré- f

hrale ne sont, en réalité, que des centres de sensibilité générale. /

C'était, pour Meynert, une explication superflue que celle de Jean-ï

Muller, qui attribuait aux différentes régions du cerveau des éner-

gies fonctionnelles spécifiquement différentes. La cellule nerveuse

ne possède qu'une seule énergie fonctionnelle : la sensibilité, qui

n'est qu'un mode de l'irritabilité. L'hétérogénéité des sensations

de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, etc., dépendent uniquement : 1° de

la diversité de nature des forces du monde extérieur qui sont

nécessaires à la production de ces sensations ; 2° de la structure des

organes terminaux des nerfs des sens. Bref, c'est à la structure des

appareils périphériques des sens, non aux énergies spécifiques des

cellules nerveuses des différentes aires corticales du cerveau, que

Meynert. a rapporté les différents modes de la sensibilité générale

et spéciale. Seule, la fibre musculaire devrait être appelée motrice,

et non pas le nerf ni la cellule nerveuse qui innervent le muscle :

« Le nerf ni la cellule nerveuse ne renferment un principe moteur. »

(Meynert. Psychiatrie. KUni/¡ der Erk1'Cm/¡ungell des Vorderhirns,

Wien, 188r, 127.) Meynert réfute l'opinion qui voit, dans les petites

pyramides, des cellules de sensibilité ; dans les grandes, des cel-

lules de motilité, ainsi que l'étrange hypothèse de Wundt qui tient

les unes pour jeunes, les autres pour vieilles. Lorsque les cellules

de l'écorce du cerveau antérieur perçoiventles excitations externes,

cette écorce, Meynert la compare d'ordinaire à une gigantesque

amibe projetant dans le monde extérieur ses pseudopodes pour

s'emparer de sa proie. Les nerfs de la sensibilité et ceux du mou-

vement sont comme des expansions grâce auxquelles l'écorce céré-

brale peut explorer le milieu et le conquérir au moyen des appa-

reils musculaires, tendineux, etc., annexés à ses prolongements

nerveux moteurs : « La substance grise et blanche du cerveau ne

peut être comparée qu'il un groupe social d'êtres vivants animés,

écrit Théodore Meynert (en son langage d'nne poésie si profonde,

mais souvent si obscure, qu'il rappelle celui d'Heraclite) : ce n'est

point là une simple comparaison, c'est un fait'. A ces êtres proto-

plasmiques appartiennent des manifestations psychiques, tout

autant qu'aux colonies de monades d'Ehrenberg, aux rlilzopodes de

' Th. Meynert. - Das Zusammenwirken (le), Gehirnleile, p. 2. Berlin,

Hirschwald, 1890, in-8° (X internat, medicin. Congress).

'108 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

Max Schulze. Les fibres nerveuses qui sont liées à ces organismes

élémentaires, nous pouvons les comparer des tei2taciiles (Pûltlfttden),

et, en tant qu'ils innervent des appareils moteurs, il des bras pré-

hensiles (FangaJ'me) : c'est ainsi que les gromies et les amibes se

servent de leurs prolongements; la seule différence, c'est que les

filaments nerveux sont~des formations permanentes. La forme ou

l'ordre suivant lequel cette colonie sociale de cellules se range dans

l'écorce cérébrale est une disposition tactique pour triompher de

Ja nature extérieure et s'en emparer. Le corps est une sorte d'ar-

mure, la propriété collective incontestable de la colonie; il fait un

avec elle; comparez le bouclier protecteur des soldats romains

allant au combat. Au dehors de l'épiderme s'étend jusqu'aux

étoiles le domaine illimité de ce qu'on nomme le monde extérieur,

de l'image du monde, dont cet'.e colonie d'organismes élémen-

taires se rend maîtresse pour la contemplation et aussi en partie

pour l'action... Le résultat de cette prise de possession du monde

par plus d'un milliard d'êtres armés de tentacules et de bras, c'est

l'embrasement de la conscience par des images lumineuses,

sonores, olfactives, sensitives. Dans ses hémisphères, le cerveau est

comparable à une colonie d'êtres vivants et conscients qui ont fait

la conquête de l'image du monde au moyen d'appendices lentacu-

laires et de bras, et c'est là plus qu'une simple comparaison.

Seule, la conscience de l'écorce cérébrale tombe chez l'homme

sous l'attention, et grâce aux connexions universelles, protoplasmi-

ques et fibrillaires, des êtres élémentaires de l'écorce, grâce à leurs

processus d'association, elle s'apparaît comme un seul être. Dans

cette conscience, qui est la résultante phénoménale d'innombrables

fonctions d'unités cellulaires, l'animal s'apparaît à lui-même

comme ne faisant qu'un seul être. La conscience de l'écorce céré-

brale paraît être pour l'homme la seule sensible, quoique nous

voyions des animaux sans écorce cérébrale encore capables de

beaucoup de perceptions et d'actions conscientes. Cette conscience

en apparence exclusive de l'écorce cérébrale ne repose que sur

une question de degré d'intensité qui masque, pour ce que nous

nommons l'attention, les processus conscients d'autres colonies de

l'Etat cellulaire du cerveau... Cette différence d'intensité, d'où

naît notre illusion à ce sujet, correspond, chez l'homme, àla masse

prédominante de la colonie corticale, et l'unité résultant de cette

universalité de connexions protoplasmiques de ses individus élé-

mentaires, existe aussi, parce que en dehors du réseau des cellules

associées, où les courants sont lents et difficiles, il y a encore une

autre conduction, au cours rapide, reliant toutes les distances

et toutes les directions de la colonie, au moyen des fibres à

myéline des systèmes d'association. » L'écorce du cerveau, que

Meynert appelle la capitale de l'Etat cérébral (capitale qui, chez

l'homme, est « plus grande que les provinces » de cet Etat) est

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES.. 109

« le siège principal de l'intelligence ». « Chez un animal pu-

rement spinal, tel que l'amphioxus, il ne peut exister de cons-

cience corticale. Dans des cerveaux tels que ceux de la taupe et

de la chauve-souris, où l'écorce cérébrale n'est qu'une sorte de

coiffe recouvrant les autres parties du cerveau, ici beaucoup plus

considérables, la conscience corticale ne saurait prédominer. »

Bref, « on doit éviter de chercher à distinguer entre elles les cel-

lules et les fibres nerveuses, et à supposer des différences dans leurs

processus internes. L'état interne des cellules nerveuses, c'est

l'aptitude à sentir l' (Em.p(indun¡Js{æhigkeit) que la nutrition et les

stimuli extérieurs transforment en sensation (Empfindung). Avons-

nous le droit de supposer, pour ces êtres simples, homogènes en

apparence, des différences dans cette capacité de sentir ? »

Au point de vue phylogénétique il paraît bien, en effet, que

c'est des cellules constituant le feuillet cutané de la gastrula que

sont sortis, à travers les âges, tous les organes des sens. Démocrite

avait déjà considéré ceux-ci comme des parties différenciées de

l'épiderme, et toutes les sensations comme des modifications du

toucher. La science a démontré depuis que les différents organes

des sens n'étaient que des parties différenciées et transformées du

tégument cutané : toutes les cellules nerveuses de ces organes sont

la postérité de cellules épidermiques modifiées par l'adaptation.

Il suit que les sensibilités spéciales ou spécifiques de l'ouïe, de la

vue, du goût, de l'odorat se sont développées de la sensibilité

générale (E. Ilaeckel, Huxley) : elles ne sont que des cas de spécia-

lisation de cette dernière (Grant Allen). « A mesure que l'être

vivant s'élève et se perfectionne, a dit Claude Bernard, ses élé-

ments cellulaires se différencient davantage : ils se spécialisent par

exagération de l'une des propriétés au détriment des autres. »

(Leçons sur les phénomènes de la vie, etc., I, 368.) C'est précisément

sur cette « spécialisation » qu'est fondée Ja doctrine de la spéci-

ficité fonctionnelle des différents centres de la sensibilité générale

et spéciale de l'écorce cérébrale. L'hétérogénéité fonctionnelle des

éléments nerveux constituant ces centres résulterait de cette obser-

vation vulgaire que la destruction des aires corticales de la vision,

par exemple, n'abolit que cet ordre de sensation en laissant subsister

celles du son, de l'odorat, du goût, du tact ou de la pression. En

outre, les effets de cette destruction locale d'un sens sembleraient

bien prouver que ses éléments centraux ne sont point disséminés

sur toute l'écorce et confondus pêle-mêle avec les autres éléments

centraux de la sensibilité générale et spéciale.

La doctrine d'une diversité spécifique, non pas absolue sans doute

ni primitive, mais acquise par l'adaptation et fixée par l'hérédité,

des différents centres sensilifs et sensoriels de l'écorce cérébrale, a

reçu naguère des travaux de Hermann Munk une démonstration

expérimentale, démonstration dirigée contre W. Wundt, dont les

110 PATHOLOGIE NERVEUSE.

idées à ce sujet ne diffèrent guère de celles de Meynert. Les élé-

ments nerveux de l'écorce cérébrale étant fonctionnellement

indifférents, selon l'auteur des Éléments de psychologie physiologique,

la fonction de chacun des centres du manteau résulterait simple-

ment de ses connexions avec un appareil périphérique des sens et

de la répétition d'un mode uniforme d'excitation. Si la fonction des

éléments nerveux d'un de ces centres vient à être inhibée ou abolie,

d'autres éléments nerveux de l'écorce seront capables de la suppléer.

Ainsi, une cellule nerveuse qui, en vertu de ses connexions ana-

tomiques, donne une sensation visuelle, pourrait aussi bien, dans '-

d'autres conditions, produire une sensation tactile ou musculaire.

Il y a plus : une cellule nerveuse de l'écorce qui, par l'intermé-

diaire du réseau nerveux central de Golgi ou de Gerlach, serait en

rapport avec plusieurs nerfs de sensibilité différente, pourrait réu-

nir en soi une pluralité de fonctions différentes. La possibilité de

ces suppléances des diverses régions du cerveau rendrait en tout

cas inutile l'hypothèse de toute fonction spécifique des centres

nerveux corticaux. Cependant l'ablation des deux sphères visuelles

d'un mammifère le rend pour toujours aveugle, et la destruction

d'une seule sphère visuelle détermine une hémianopsie corticale

qui ne s'amende jamais. Chez les animaux nouveau-nés, avant tout

exercice notable des sens, si les éléments centraux de l'écorce sont

fonclionnellement indifférents, s'ils peuvent tous se suppléer, on

devrait pouvoir, dit II. Muni : , détruire une partie de ces éléments

sans dommage aucun pour les fonctions de la sensibilité. Par

exemple, si les cellules nerveuses des sphères visuelles n'ont rien

qui les différencie fonctionnellemdnt à l'origine de celles des sphères

de l'audition ou du sens articulaire, on doit pouvoir les détruire

impunément : l'animal verra avec les éléments d'autres régions

cérébrales. C'est ce qu'avait cru observer Gudden. Mais en enlevant

les sphères visuelles tout entières, chez des lapins nouveau-nés, à

parti d'un millimètre en avant de la suture coronale (et non en

arrière, comme Gudden), Munk a déterminé une cécité complète et

durable. « La spécificité des éléments constituant les centres de sen-

sibilité de l'écorce, qu'admet la doctrine que combat Wundt, est

une spécificité qui ne diffère pas au fond de celle que présentent

beaucoup d'autres éléments du corps, par exemple les cellules de

sécrétion des glandes. Il n'existe pas de raison qui nous force d'ad-

mettre dans celles-ci plutôt que dans ceux-là une création nouvelle

de toutes pièces. comme s'exprime Wundt. La que.-lion de savoir

comment du protoplasma primordial, avec sa seusihibilité élémen-

taire, se sont formés les éléments centraux des différents sens, est

entièrement de plain-pied avec cette autre question : comment du

proloplasma primordial, avec son chimisme élémentaire, se sont

développées les cellules des glandes salivaires, hépatiques, ré-

nales, etc. ? Dès qu'on le veut, ou peut là comme ici se représenter

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES 111

le même processus de développement; la fixation des variations

utiles reposant sur le principe de la variabilité générale». (II. Munk.

Ueber die Functionen der Grosshirezrinde, 2 te Aufl. Berlin, 1890,

p. 286.) Des expériences instituées spécialement à ce sujet par

Munk il résulte que, lorsqu'on réussit à enlever entièrement les cen-

tres de la vision de l'animal peu après sa naissance, il est et demeure

aveugle pour toujours. Gudden s'est trompé, parce qu'il a resserré

dans des limites trop étroites les sphères visuelles du lapin ; ce que

nous savons de l'étendue de ces sphères chez l'homme, le singe et

le chien, aurait pourtant dû lui rappeler que plus un mammifère

est bas placé sur l'échelle, plus le centre cortical de sa vision est

relativement vaste et s'étend en avant sur le cerveau. « Mais l'es-

sentiel, c'est que les expériences sur les animaux nouveau-nés con-

tredisent la doctrine de Wundt, écrit Munk : il en résulte avec

nécessité que la nature propre ou spécifique de chaque sensation

repose sur le caractère propre ou spécifique, donné par la nature,

des éléments ou cellules des centres corticaux de la sensibilité qui

servent àcette sensation. » (Ibid., p. 291.)

Un partisan des idées de Gudden, A. Forel, a surtout adhéré

dans le principe aux doctrines de Golgi, et parce qu'il était arrivé

personnellement à des vues analogues, et parce que ces doctrines

s'accordaient en partie avec les résultats des expériences de son

maître. (Aug. Forel. Einige hirnanatomische Betrccclttztrzgerz und

Eogebnisse. Arch. f. Psych., XVIII, 1887.) Il reconnaît toutefois que

le travail de Golgi, Recherches sur l'histologie des centres nerveux,

publié dans les Archives italiennes de biologie (111-IV, 1883), lui

« ouvrit les yeux )) (<7e6e)'dtM Verluïltniss der expei,i211eiîtellenAl ? ,ophie

und Degenemtionsmethode, etc. Zurich, 1891, p. 1). Adversaire de

la doctrine des anastomoses entre les prolongements soit proto-

plasmiques, soit nerveux, des cellules nerveuses, Forel se demande

pourquoi l'on continuait à parler de ganglions d'interruption des

fibres nerveuses, de réseau nerveux diffus de l'écorce, etc. S'il n'exis-

tait pas d'anastomoses protoplasmiques, il ne devrait pas eu exister

decylindraxiles, et, de fait, il n'avait jamais pu apercevoir le réseau

nerveux de Golgi, non plus d'ailleurs que Kiilliker. Dans l'article

que publia l'illustre bistologiste de Würzburg, en 1887, sur les Recher-

ches de Golgi (loc. cit.), il remarque expressément que ce réseau

nerveux ne lui est pas suffisamment prouvé et que c'est une hypo-

thèse à abandonner que celle des anastomoses des prolongements

nerveux des cellules, puisque aucun fait ne l'appuie. Kolliker con-

testa surtout avec force une autre hypothèse de Golgi : celle que « les

prolongements protoplasmiques des cellules nerveuses ne seraient t pas

dénature nerveuse ». Golâi,diait-il, fonde celle étonnante hypo-

thèse » sur la direction et la prédominance de ces prolongements

dans des régions de l'écorce « où ne se rencontrent point de fibres

nerveuses à myéline ». Voici d'ai Heurs les paroles mêmes de Gol;i :

112 PATHOLOGIE NERVEUSE

z En manière de conclusion, je me crois autorisé à soutenir que les

prolongements protoplasmiques ne prennent aucune part à la for-

mation des fibres nerveuses ; elles se maintiennent constamment

indépendantes de ces fibres; elles contractent au contraire des rap-

ports intimes avec les cellules connectives et avec les vaisseaux san-

guins. » (Snilu fina anat. degli ornant cenlrczli, etc., p. 26-27.) Quant

à la direction des prolongements protoplasmiques, Golgi avait donc

cru observer chez ceux-ci une « tendance à se porter dans des

régions où n'existent pas de fibres nerveuses ». Ces régions étaient

les couches supérieures de l'écorce du cerveau et surtout la fascia

deiîtattt cornu Ammonis. Or Iiülliher rappelait qu'il avait démontré

dans les couches superficielles de l'écorce cérébrale l'existence

d'une quantité considérable de fibres à myéline. De même dans la

fascia dentata : « ainsi tombent, ajoutait-il, les arguments de

Golgi. » On voit combien les critiques qu'on adresse encore chaque

jour à Golgi sont anciennes, et combien, dès la première heure,

en quelque sorte, elles ont été radicales chez ses plus fervents admi-

rateurs. Forel était donc arrivé, de son côté, à nier toute anasto-

mose entre les éléments du système nerveux central : chaque fibre

nerveuse n'était que le prolongement d'une cellule nerveuse et la

transmission des excitations de cellules à cellules ne se propageait

que par des contacts entre les ramifications terminales elles colla-

térales de ces prolongements nerveux. On sait que, d'une manière

indépendante, et sans doute en même temps que Forel (août 1886),

His (octobre 4586) arriva à la même conception que le professeur

de l'Université de Zurich. Dans le muscle non plus, remarquait

ce savant, la terminaison des nerfs n'est pas en continuité directe

avec la fibre. 11 comprenait de moins en moins pourquoi la conti-

nuité des plus fines ramifications nerveuses serait un postulat phy-

siologique. Pour expliquer la transmission des excitations, il n'est

point nécessaire que les ramifications ultimes des éléments ner-

veux soient en continuité : il suffit qu'elles soient contiguës. « L'é-

lectricité présente de nombreux exemples, disait Forel, de pareilles

transmissions sans continuité directe ; il en pourrait être de même

pour le système nerveux. » Puis, pourquoi parler encore de cellules

motrices et de cellules de sensibilité ? Forel protestait ; il s'élevait

contre Golgi lui-même. Quelque diverses que soient les terminai-

sons périphériques des nerfs du deuxième type de Golgi, le point

initial de l'excitation sensible est une cellule épithéliale, une cellule

périphérique de sensibilité d'où sort un prolongement nerveux,

comme des cellules du premier type : c'est de cette cellule périphé-

rique que part le nerf qui gagne le système nerveux central, où elle

' V. His. -Zur Gescleiclzle des menschlichen Rilckenmarks und der

Ve ? ,ve7zwiii,zelii. Abh. d. math.-phys. Kl. d. K-1. Sachs. Gesellsch. der

Wissensch. B. XIII, 1886, p. 4 î9.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES 113 3

se termine en fines ramifications arborescentes. Ce qui distingue

le nerf sensible du nerf moteur ne serait donc pas que le premier

entre en rapport avec des cellules du deuxième type : la seule diffé-

rence, c'est que la cellule nerveuse d'où sort la fibre sensitive ou

sensorielle est périphérique, tandis qu'elle est centrale pour le nerf

moteur. Dans les deux cas le nerf se termine en s'arborisant, le nerf

moteur dans le muscle, le nerf sensible dans la substance grise

centrale. Mais on n'a point le droit d'appeler sensibles ou motrices

ces cellules nerveuses. Seul, le mode de terminaison d'une fibre

parait être décisif pour le diagnostic de sa fonction.

Pour Nansen, qui est bien aussi de l'Ecole de Golgi, les prolon-

gements des cellules nerveuses sont de deux sortes, nerveux et pro-

toplasmiques : ceux-ci, orientés vers la périphérie de l'écorce, se ter-

mment au voisinage des vaisseaux sanguins et servent à la nutrition

des cellules nerveuses; il n'existe point d'anastomoses des cellules

nerveuses au moyen de ces prolongements. Les prolongements ner-

veux, toujours uniques, ou conservent leur individualité, ou, tout

en émettant quelques ramuscules latéraux, vont constituer directe-

ment un tube nerveux, ou bien encore ils perdent leur individua-

lité, et donnent naissance aux fines arborisations du réseau fibril-

laire de l'écorce. Nansen a vu aussi, dans la moelle épinière des

myxines, des tubes nerveux sortir directement des cellules des

cornes antérieures; ceux des racines postérieures seraient formés

de la réunion de fibrilles nerveuses. Avec Golgi on peut, dit-il,

appeler moteurs les premiers, sensibles les seconds. Les cellules

nerveuses n'ayant absolument aucun rapport direct entre elles,

elles ne sauraient intervenir ni dans la production des mou-

vements réflexes, ni dans celle des mouvements volontaires.

« La vieille manière de voir, dit Nansen, relativement à la com-

position des arcs réflexes et à l'importance physiologique des

cellules nerveuses, ne peut plus se soutenir, du moment où ces

dernières n'ont pas entre elles de communication directe, et où les

cellules nerveuses centrales offrent tout aussi peu de communica-

tion directe avec les tubes nerveux sensitifs ou centripètes. » L'arc

réflexe est constitué : 1° par le nerf centripète et ses ramifications

fibrillaires, passant directement dans le réseau nerveux central de

l'écorce ; 2° par la propagation de l'excitation dans ce réseau ;

3° par la transmission des excitations jusqu'aux fins ramuscules

latéraux des tubes nerveux centrifuges. « Il suit que l'incitation est

transmise aux centres supérieurs sans passer directement par les

cellules nerveuses. On peut admettre de la même façon, continue

Nansen, que les impulsions volontaires, provenant des tubes ner-

veux qui émergent des centres supérieurs, se rendent directement

aux tubes nerveux centrifuges des centres nerveux inférieurs sans

passer par les cellules nerveuses de ces centres. Il est par consé-

quent impossible d'admettre que les cellules nerveuses des centres

Archives, 2° série, t. III. 8

114 PATHOLOGIE NERVEUSE

nerveux inférieurs possèdent une importance directe, aussi peu

pour les mouvements réflexes que pour les mouvements volon-

taires, ce que l'on semble pouvoir appliquer aussi aux cellules ner-

veuses des centres supérieurs 1. Quel est donc le siège de l'activité

centrale du système nerveux, de l'intelligence, de la conscience ? Ce

siège serait le réseau fibrillaire central de l'écorce. L'étendue et le

développement de l'intellligence seraient en raison directe de la

complexité de structure du réseau. Quant aux cellules des centres

nerveux, déchus de leurs fonctions psychiques, devenues de sim-

ples centres trophiques, elles ne serviraient qu'à la nutrition des

tubes nerveux et de leurs innombrables ramifications.

En Italie, tout en applaudissant aux découvertes de Golgi, dont

il signalait d'ailleurs les vues divergentes, Seppilli appuyait la

doctrine de l'hétérogénéité fonctionnelle de l'écorce cérébrale

sur l'existence des variétés correspondantes de structure histolo-

gique des circonvolutions (1881); Luciani ne faisait point difficulté

d'avouer que l'absence de transmission isolée des fibres nerveuses

qui communiquent entre elles dans le vaste réseau du système ner-

veux central, est un fait incompatible avec la doctrine, ou plutôt

avec le postulat de la double transmission nerveuse (centripète et cen-

trifuge, 1881). Bianchi, tout pénétré des doctrines de Golgi, deman-

dait, à propos de la confusion, dans l'écorce, des éléments anato-

miques de la sensibilité et de la motilité volontaire, pourquoi les

cellules nerveuses centrales des divers organes de la sensibilité et

du mouvement devraient être morphologiquement distinctes. Les

deux sortes d'éléments nerveux coexistent dans la zone visuelle,

parce qu'il n'est point de perception de la vue qui ne résulte à la

fois d'impressions lumineuses et de contractions des muscles de

l'oeil. De même pour les centres corticaux des sensations organi-

ques et des mouvements des viscères, pour les centres moteurs et

pour les centres d'arrêt : parlout les éléments nerveux de la sensi-

bilité et du mouvement devaient être nécessairement confondus.

A part les exagérations, concluait Bianchi, les doctrines histolo-

giques de Golgi ne pouvaient exercer aucune influence fâcheuse sur

la théorie scientifique des localisations cérébrales (1882). Golgi, en

effet, en dépit des critiques qu'il adresse à cette théorie, n'a jamais

nié la possibilité de certaines localisations fonctionnelles de l'é-

corce. Les aires fonctionnelles de l'écorce, aires aux limites indé-

terminées, aux vagues confins, empiétant en partie sur les fron-

tières voisines, il les admet formellement : là sont les sièges de

fonctions cérébrales spéciales, en rapport avec la nature des or-

ganes périphériques des sens, reliés à ces centres de l'écorce, non

' Fridtiof Nanôen. Nuve elemenlerne, (lei,es sli-ukiiir ? 1 sammcnhall[j i

ee7 : Y ? Ke;'t)M<'me/. Nordiskt medicinsla Arkiv. 1887 XIX, l, p. 1-24.

Comptes rendus des traités, p. 3-6.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES '1'11>

pas sans doute au moyen de transmissions nerveuses isolées, mais

en quelque sorte « électives ». Des anciens élèves de Golgi,

A. Cattaneo, V. Marchi, R. Fusari, etc., nous ne dirons rien ici,

préférant rappeler les derniers travaux des représentants les plus

récents de la grande école de Pavie.

Quant à Golgi lui-même, il est revenu naguère, dans une com-

munication très importante ', sur l'interprétation de la nature

anatomique et du rôle physiologique de son réseau nerveux dif-

fus des organes centraux du système nerveux. Il y soutient, contre

les récentes négations » des histologistes et des physiologistes,

l' « existence du réseau nerveux diffus de la substance grise des

centres *. Ce réseau, « continu dans toute l'étendue de la subs-

tance grise, occupe, pour ainsi dire, tous les interstices laissés par

les éléments cellulaires ». Quant à la provenance de ce réseau, tous

les éléments nerveux, sans exception, des organes centraux, entrent

dans sa formation, ainsi qu'il a été dit plus haut,dans notre exposi-

tion de la doctrine de l'éminent anatomiste. Mais, pour ce qui est

de la nature de ce réseau nerveux diffus, s'agit-il toujours d'un

réseau au sens strict du mot, ou d'un entrelacement de fibrilles ?

Golgi, tout en estimant devoir persister dans sa réserve première,

admet aujourd'hui qu' « il s'agit d'une subdivision indéfinie de fi-

brilles ». Il ajoute : « Vu la finesse, la complication extrême et

l'intimité des rapports du tissu fibrillaire, tels qu'ils apparais-

sent à la lumière de mes préparations, la connexion matérielle

ou fusion entre fibres et fibres ne se présente plus comme une néces-

sité pour expliquer les rapports fonctionnels entre les divers groupes

de cellules et entre les diverses provinces du système nerveux cen-

tral. » Il ne croit plus, pour la même raison, que « la fusion ou

la continuité directe entre fibrilles de provenance diverse doive

être considérée comme condition sine qua non de la transmission

des excitations entre les unes et les autres ». Du reste, outre

qu' on ne peut dire qu'il n'existe pas de connexion par fusion »,

des procédés d'investigation plus délicats que ceux que l'on con-

naît pourront un jour permettre à l'observation directe de mieux

voir ces rapports. Le peu qu'on sait autorise pourtant pleinement

à croire qu' * une seule fibre nerveuse peut avoir des rapports

avec un nombre infini de cellules nerveuses centrales ainsi qu'avec

les parties les plus diverses et les plus éloignées des centres ner-

veux ». Or l'importance de ce « fait histologique » domine toutes

les manifestations physiologiques du système nerveux, et partant

la question des localisations fonctionnelles du cerveau.

Aujourd'hui encore, Golgi ne trouve dans l'anatomie fine des centres

z C. Golgi. La rele nervosa diffusa degli oryani centrait del sisliî ? za

nervoso. Silo sigrzificalo /isioloico. - Renliconti dol Il. Istituto Lom-

bardo, ser. II, vol XXIV, fasc. V111 e IX. Milano, 1891.

116 ? ' PATHOLOGIE NERVEUSE 3. û'i ~· i

nerveux aucun fondement qui puisse servir d'assise à ces trois pos-

tulats de la doctrine a annoncée » par Hitzig : 1 particularités

d'organisation caractéristiques pour les diverses parties du système

nerveux central en rapport avec les fonctions spéciales et distinctes

relatives à ces parties; 2° délimitation matérielle plus ou moins

précise ou ligne de démarcation des différentes régions destinées à

des fonctions essentiellement différentes, par exemple à la percep-

tion des différentes impressions des organes périphériques des

sens; 3° marche isolée des fibres nerveuses depuis les organes

destinés à revoir les impressions du monde extérieur jusqu'aux dif-

férentes zones centrales correspondantes. Sur le premier point, au

lieu de la différence de structure postulée pour l'explication des

différences de fonctions, Golgi constate dans les circonvolutions

considérées une organisation histologique « essentiellement iden-

tique ». La spécificité fonctionnelle des différentes zones corti-

cales du cerveau résulte, non d'une composition anatomique spé-

ciale de ces parties, mais de la nature propre des organes périphé-

riques avec lesquels les fibres nerveuses sont en rapport, les faits

histologiques étant décidément contraires à la séparation rigou-

reuse du siège de ces deux fonctions fondamentales, encore admi-

ses par Golgi, la sensibilité et le mouvement. Par là Golgi se

défend d'insinuer que les différentes provinces du cerveau ne possè-

dent point de fonctions prédominantes, dans l'un ou l'autre sens,

du fait de leurs connexions avec les organes périphériques. Sur le

second point, l'existence du réseau nerveux, qui envahit toute la

substance grise centrale, moelle épinière, moelle allongée, noyaux

gris encéphaliques, écorce du cerveau et du cervelet, etc., et repré-

sente un tissu continu interposé entre les cellules nerveuses, dont

l'unique destination est de relier fonctionnellement les diverses

parties de ce système, est si contraire à l'idée de localisations

fonctionnelles précises et exactement délimitées, qu'elle l'induirait

tout net, dit Golgi, à repousser la doctrine des localisations, si

d'autres faits ne l'autorisaient à admettre, toujours avec certaines

restrictions, cette même doctrine, la tanto accarezzata dottrina loca-

lialrice. Enfin, quant au troisième point, la marche isolée des

fibres nerveuses des organes périphériques des sens aux centres

nerveux, c'est un postulat encore incompalible avec le fait que,

avant de pénétrer dans ces centres, la fibre nerveuse envoie, sur

tout son parcours, nombre de fibres collatérales destinées évidem-

ment à contracter les rapports et les connexions les plus divers.

« Les fibres nerveuses non seulement ne sont pas en rapport indi-

viduel, isolé, avec des individualités cellulaires correspondantes :

elles contractent des rapports avec des groupes étendus de cellules

nerveuses; inversement, toute cellule nerveuse des centres peut

être en rapport avec ces mêmes fibres nerveuses, et cette connexion

peut vraisemblablement avoir lieu avec des fibres nerveuses qui

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES 117 7

possèdent des destinations et probablement des fonctions entière-

ment différentes (p. 21). » Relativement à la distribution de ces

fibres, tout conspire, dans le système nerveux central, à rendre

plus étendus et plus compliqués les rapports des divers groupes

de cellules nerveuses et ceux des différentes provinces de ce système.

Il ne saurait donc exister d' « aires centrales exactement déli-

mitées de distribution des fibres nerveuses ». Mais Golgi croit tou-

jours à l'existence de ce qu'il appelle des territori di prevalente e

più diretta distribuzione délie fibre. Les fibres nerveuses venant de

la périphérie ou allant vers celle-ci seraient en rapport plus direct

et plus intime avec ces territoires qu'avec d'autres parties rappro-

chées ou lointaines, avec lesquelles elles ne laissent pas d'ailleurs

d'être aussi en relation. Golgi insiste sur un fait de nature histolo-

gique, « favorable aux localisations » : celui du revêtement myé-

linique dont sont pourvues les fibres nerveuses cérébro-spinales

dans leur trajet depuis la périphérie jusqu'à leur entrée dans la subs-

tance grise des centres, à l'exception naturellement de leur origine

et de leur terminaison. Ce revêtement constitue certainement, dit

Golgi, « une limitation dans la transmission latérale des courants

nerveux. » Si, en anatomie comme en physiologie, l'existence

d' a aires nettement délimitées et rigoureusement spécialisées

quant à la fonction, au sens des doctrines localisatrices de Hitzig

et de Ferrier », est « insoutenable », les faits histologiques nous

autorisent toutefois à admettre, avec des c voies prédominantes ou

électives de transmission », des provinces aux vagues confins, en

partie superposées, dont l'excitation prédominante ou élective pro-

voque des réactions de nature correspondante.

Le grand histologistes italien est resté fidèle, on le voit, aux doc-

trines anatomiques et physiologiques qu'il avait le premier appor-

tées au monde. Loin de se montrer fermé à toutes les idées nou-

velles qui résultent du développement même de ses doctrines, il

incline volontiers à reconnaitre que la continuité substantielle des

éléments nerveux de son réseau n'est peut-être qu'une contiguïté

des fibrilles constituantes; il produit même de nouveaux arguments

histologiques en faveur d'une conduction,' sinon isolée, du moins

« prédominante et élective » des courants nerveux, conciliant

ainsi, dans un esprit critique vraiment supérieur, les faits de l'his-

tologie avec les résultats de l'expérimentation physiologique, de la

clinique et de l'anatomie pathologique. Mais il révoque en doute,

toujours d'après ce qu'il a vu ou croit savoir, bien des faits qui

chaque jour prennent droit de cité dans la science. Ainsi Golgi

n'admet pas l'existence de cellules nerveuses pourvues de deux,

trois, quatre prolongements nerveux, telles qu'en ont signalé en

certaines régions de l'écorce cérébrale Ramon y Cajal, Kolliker,

van Gehuchten. Il n'admet pas qu'on supprime la division des pro-

longements cellulaires en protoplasmiques et nerveux, car rien

118 PATHOLOGIE NERVEUSE.

n'est plus opposé à ses idées que d'attribuer aux prolongements

protoplasmiques les fonctions propres et exclusives des cylin -

draxes, éléments de son réseau nerveux. La formule synthétique de

ces nouvelles connexions est due, dit-il, à Ramon y Cajal, qui

l'a résumée sous le nom de polarisation dynamique des élé-

ments nerveux. Ainsi, la direction du courant nerveux, pour

toutes les catégories de cellules nerveuses, n'irait plus du prolon-

gement cylindraxile à la cellule, mais du prolongement protoplas-

mique à la cellule et de celle-ci au cylindraxe. « Ces nouveaux

concepts tendraient, déclare Golgi, à apporter une révolution dans

la manière de considérer la signification des différentes parties

constitutives des cellules nerveuses 1. » Il n'admet pas que, * pour

les besoins de la théorie de la polarisation dynamique D, on fasse

des prolongements protoplasmiques, d'une longueur exceptionnelle,

des fibres cylindraxiles les plus typiques, celles des nerfs périphéri-

ques de la sensibilité générale. Enfin, peut-être importuné du

bruit que fait le triomphe de la doctrine de la transmission nerveuse

par contiguité, et non plus par continuité, Golgi rappelle aux

triomphateurs qu'il a, depuis longtemps, signalé l'existence d'un

« mince revêtement, vraisemblablement de nature neurokéra-

tinique, ayant la forme d'un réseau ou d'une couche continue »,

s'étendant non seulement sur le corps cellulaire, mais sur ses pro-

longements, surtout protoplasmiques 2. L'existence de ce revête-

ment, s'il était véritablement de nature neurokératinique, devrait,

remarque Golgi, être un obstacle, et non des moins significatifs, de

par son action isolatrice, à l'admission des « prétendus courants

nerveux par contiguïté ». Jules SouRY.

1 C. Golgi. - Sur l'origine du quatrième nerf cérébral (pathétique) el

sur un point d'ltislo-physiologie générale qui se rattache à celle ques-

lion.ArCli. ital. de biol., XIX, 1893, p. 453 sq. Cf. C. Golgi. Unlersuclmngen

itber denfeineirenliau des cenlralen und peripherisclten, Neruensyslems.

léna, 1891."

2 Cf. Tirelli. Corne si comporta lo slroma nectro-chemclinico délie fibre

nervose del moxzcozte periferico di un xtervo reciso e nel cadavre, Mitonna

medica, 1896, n° 25.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXVII. Recherches expérimentales ET : 1VAT0)IOP.1TIIOLOGIQUES sur la

RÉGION DE LA CALOTTE, LA COUCHE OPTIQUK ET LA RÉGION SOUS-

OPTIQUE AVEC CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LÉSIONS ACQUISES DU

CERVEAU ET DU CERVELET; par le P MoNAKOW. (A7-chiv. fitr

Psychiatrie und Nervenkrankheiten, t. XXVII, liv. I et Il, 1895.)

Nous ne pouvons qu'indiquer ici les grandes lignes de ce vaste

travail (250 pag., VII planches et 80 figures) qui comporte deux

divisions principales :

1° Etudes faites sur les cerveaux des différentes espèces animales;

2° faits anatomopathotogiques.

La première partie commence par une description anatomique

de la couche optique et de ses dépendances chez le chat et le chien.

La couche optique est divisée par des lames et lamelles.médul-

laires en plusieurs groupes nucléaires : 1° groupe antérieur

(tubercule antérieur chez l'homme), qu'on peut diviser en ante. a,

anter. b. et an tel'. c. ; 2° groupe latéral, subdivisé en luter, a. et

laie ? ,. b. ; 3° groupe médian, avec ses subdivisions méd. a, méd. b

et iîiéd. c. ; 4° groupe inférieur (ventral) composé de vcrttn. a,

vent ? b. et vent ? antérieur ; i;° groupe postérieur, et G° la couche

grillagée avec ses îlots cellulaires. '

La substance grise du corps genouillé externe est divisée par une

couche de fibres venant de la capsule interne en deux noyaux prin-

cipaux qui se subdivisent à leur tour. Le corps genouillé interne

n'a pas de divisions bien tranchées.

Dans la région sous-thalamique se trouvent la couche dorsale

de Forel, la zona incerta qui contient des cellules isolées et le

corps de Luys; la commissure de Meynert est très nette et on

peut voir qu'elle est formée par des fibres venant du noyau lenti-

culaire. Ces noyaux se distinguent les uns des autres par la forme

et l'agencement de leurs éléments 'constitutifs (cellules, fibres,

névroglie).

Cette description est vraie, à quelques variations près, pour la

couche optique de l'homme. Chez ce dernier, les fibres du ruban

120 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de Reil supérieur et sa couche principale se dissocient et pénètrent

dans les noyaux de la couche optique; de nouvelles fibres, prove-

nant du voisinage du noyau rouge de la calotte, viennent alors les

renforcer. L'auteur isole ces faisceaux des fibres qu'il considère

comme autonomes et les désigne sous les noms de couche dorsale,

couche latérale, couche inférieure et couche antérieure du noyau

rouge, d'après leurs rapports avec ce noyau. L'anse du noyau len-

ticulaire se compose de trois parties : 1° le faisceau dorsal qui

vient du putamen, traverse l'épaisseur du pédoncule cérébral ;

passe, en lui fournissant une enveloppe, sur le corps de Luys et se

rend aux noyaux optiques antérieurs et inférieurs ;

2° Le faisceau moyen a la même origine et le même trajet à

travers le pédoncule que le précédent ; il pénètre dans la partie

inférieure du corps de Luys. Ce faisceau a été considéré à tort par

Stilling comme une racine de la bandelette optique.

3° Le volumineux faisceau antérieur (anse pédonculaire des

auteurs) naît de toutes les parties du noyau lenticulaire, contourne

le pédoncule antérieur et pénètre dans les noyaux antérieurs de la

couche optique en se confondant avec les fibres des faisceaux pré-

cédents. La substance innommée de Meynert fait partie de ce fais-

ceau et ne peut en être séparée.

Ces préliminaires anatomiques étaient nécessaires pour l'intelli-

gence de ce qui va suivre. Chez de nombreux animaux jeunes,

l'auteur enlève tantôt un hémisphère, tantôt une partie d'un

hémisphère et étudie les processus dégénératifs à leurs divers

degrés. « Il désigne, sous le nom de dépendances du cerveau, les

groupes de neurones qui, tout en étant situés en dehors de lui, s'y

rattachent étroitement ; qui, sans son aide, ne fonctionnent pas du

tout ou ne fonctionnent qu'imparfaitement et qui, après son abla-

tion, dégénèrent ou s'atrophient au bout d'un temps plus ou moins

long. co

Après l'ablation d'un hémisphère tout entier, on observe : une

dégénérescence complète des noyaux de la couche optique, y com-

pris la couche grillagée et la zona incerta du corps de Luys et de la

substantia nigra ; une dégénérescence incomplète et des processus

atrophiques dans la substance grise de la protubérance dans la

couche grise superficielle des tubercules quadrijumeaux antérieurs,

dans les noyaux des cordons postérieurs et dans le noyau de la

couche réticulaire de la moelle cervicale ; une atrophie simple dans

le noyau rouge de la calotte, dans les tubercules quadrijumeaux

postérieurs et dans l'hémisphère du cervelet du côté opposé.

Pour donner une notion sommaire des localisations des proces-

sus dégénératifs qui suivent l'ablation des circonvolutions isolées

ou de leurs segments, nous ne pouvons mieux faire que de repro-

duire le dessin schématique de l'auteur.

Les lésions corticales anciennes ou récentes amènent chez

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

121

l'homme une dégénérescence secondaire des diverses c dépendances

du cerveau ».

Dans la couche optique, chaque noyau possède comme chez les

animaux un centre trophique qui se trouve dans une région déter-

minée de l'écorce cérébrale. Les autres noyaux gris de la calotte

de la protubérance, etc., et les différents systèmes de fibres se

trouvent également plus ou moins atteints, après la destruction

pathologique d'un territoire plus ou moins étendu.

Dans le tableau qui va suivre, l'auteur donne un résumé de onze

cas étudiés par lui et d'autres anatomo-pathologisles. On y trou-

vera d'un côté l'indication des territoires corticaux lésés, et d'autre

les « dépendances cérébrales » qui ont été plus ou moins profondé-

ment atteintes à la suite de ces lésions.

Le signe -j- indique une dégénérescence complète; le trait ver-

tical une dégénérescence incomplète, n'intéressant qu'une par-

tie du noyau atteint; le trait horizontal signifie absence de

lésions secondaires.

Parmi les considérations générales anatomiques et physiolo-

giques nous devons noter que d'après l'auteur la couche optique

Fig. 1. Hémisphère d'un chat.

'122 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. il, REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE..^y

124 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

présente à la fois une station terminale pour les fibres venant des

noyaux gris situés en arrière et un lieu d'origine pour les fibres se

dirigeant vers l'écorce. Les noyaux optiques ne seraient que des

stations intermédiaires par où passe le courant nerveux centripète.

Les autres noyaux gris joueraient le même rôle ; mais le plus

souvent indirectement en s'interrompant dans la couche optique.

La transmission des impressions sensibles à l'écorce est toujours

médiate.

La fibre centripète se termine dans une cellule du noyau

auquel elle aboutit, de là une autre cellule transmet l'impression

à l'écorce. Ces deux cellules agissent non pas directement, l'une

sur l'autre, mais toujours par l'intermédiaire d'une troisième que

l'auteur désigne sous le nom de cellule intercalaire.

L'excitation partie de l'écorce ne se transmet pas non plus

directement à une fibre centrifuge, elle se communique d'abord à

une cellule du noyau d'un nerf moteur; une cellule intercalaire la

transmet à une troisième cellule en communication avec une fibre

motrice qui va au muscle. Une fibre corticale isolée n'agit pas sur

une seule cellule motrice, mais met en mouvement, par l'intermé-

diaire d'une cellule intercalaire, tout un groupe de cellules

motrices associées dans leur action, selon un mécanisme préétabli.

C'est là la théorie des cellules intercalaires de l'auteur.

LWOFF.

XXXVIII. L'ÉCRITURE EN miroir; par J. ALLE.4. (Drain,

été et automne 1886.)

L'étude de l'écriture en miroir de la main gauche peut éclairer

celle des processus compliqués de coordination. Beaucoup de per-

sonnes possèdent cette faculté sans s'en douter, et sont amenées à

s'en apercevoir quand quelque trouble nerveux, les privant de l'écri-

ture normale, les oblige à avoir recours à la main gauche. Aussi la

maladie n'est-elle pas dans ce cas la cause du fait en lui-même, mais

la cause de sa découverte.

L'auteur qui possède ce pouvoir depuis son enfance, s'aperçut

seulement à dix-neuf ans qu'il écrivait couramment de la main

gauche sans exercice préalable, mais à l'envers. A noter les phé-

nomènes subjectifs suivants : 1° facilité extrême pour écrire en

miroir à la craie sur la planche noire; un peu moins pour écrire à

la plume, hésitations légères pour former les lettres, maladresse

pour diriger les lignes; 2° l'écriture est un peu plus lente, on fait

les mêmes fautes de netteté que normalement si on veut aller trop

vite ; 3° il est très facile d'écrire en miroir simultanément les mêmes

mots des deux mains, d'écrire en miroir avec le pied gauche sur le

sable, de se servir à l'envers en gaucher de l'alphabet digital des

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 125

sourds-muets ; 4° un alphabet nouvellement appris normalement

peut être tracé par la gauche sans aucun exercice préalable de ce

côté, le système nerveux entraîné pour un seul côté peut- envoyer

les mêmes messages coordonnés presque aussi facilement du côté

opposé ; 5° le secours de la vue est inutile ou même gênant, l'auteur

relit moins facilement son écriture en miroir qu'il ne la trace. Il

se trouve dans la situation des sujets atteints de cécité verbale qui

conservent le pouvoir d'écrire; il doit, pour se lire, suivre avec les

yeux le contour des caractères reproduisant ainsi les sensations qui

accompagnent l'action d'écrire. Il lit difficilement un imprimé en

miroir, et très facilement un livre placé la tête en bas. Il n'est

nullement gaucher d'ailleurs, mais quelque peu ambidextre. Les

sensations qui accompagnent l'écriture, sont assez identiques des

deux côtés pour prouver que le message part de la même région

corticale; mais il semble qu'un système de commutateurs placés

plus bas peut le détourner à volonté dans des conducteurs dif-

férents allant à des groupes musculaires analogues, mais étéro-

nymes. Ceci ferait supposer que le vrai centre graphique ne coïn-

cide pas avec l'un ou l'autre des centres moteurs, mais qu'il leur

est supérieur à tous deux. F. BoISSIER.

XXXIX. UN cas remarquable DE grande hystérie ; par R. Merino

Y. HANCHEZ. (Siglo Medico, novembre et décembre 1896.)

Thérésa V..., seize ans, réglée à treize ans, est depuis cette époque

capricieuse, bizarre, irritable, inattentive, orgueilleuse et méchante;

poussée par des instincts de destruction elle coupe ses vêtements

et ses cheveux et se rend insupportable à son entourage, quoique

robuste et bien développée. (Mère hystérique ayant subi une crise

d'aliénation mentale ; père nerveux, dissipé, mort d'angine de poi-

trine ; un frère, dix-neuf ans, a eu des attaques convulsives; une

soeur, quatorze ans, a guéri de troubles névropathiques.) Des revers

de fortune.ont augmenté les troubles du caractère de la malade,

qui recherche la solitude et affecte de mépriser sa famille trop

indulgente. En 1894, après une violente frayeur : première attaque

convulsive' avec cris et perte de connaissance ayant duré deux

heures et suivie de paralysie avec contracture douloureuse en flexion

forcée de la jambe droite sur la cuisse, pied varus équin, et

mutisme. Celui-ci dura vingt-quatre heures, la contracture deux

mois. En mai 189o, effrayée par l'incendie de sa maison Thérésa est

reprise de la même contracture sans attaque.

Un mois après, émue par une séparation elle est prise d'une vio-

lente douleur dans le membre affecté, puis de tremblement et de

convulsions généralisées suivies d'exagération de la contracture.

Quinze jours plus tard, nouvelle attaque et contracture du membre

supérieur droit en flexion forcée. En octobre, attaque et contrac-

126 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ture identique du membre supérieur gauche permanente et mutisme

transitoire. Enfin le membre inférieur gauche se prend aussi. A

partir de ce moment grande attaque tous les huit jours, suivie de

un à trois jours de mutisme. La rigidité des membres tend à

s'amender légèrement dans l'intervalle des crises, mais s'exagère de

nouveau après chacune. Urines rares, sueurs profuses, peau froide

et moile, anémie progressive, menstrues régulières, pas de météo-

risme. Hyperesthésie des régions ovarienne, mammaire et rachi-

dienne. Anesthésie absolue, sauf pour un courant faradique éner-

gique, de toutes les autres régions de la peau et des muqueuses

accessibles. Champ visuel très étroit à gauche, odorat et goût abolis

sauf pour les amers. Les quatre membres contracturés en flexion

forcée de la jambe sur la cuisse, du bras sur le tronc et de l'avant-

bras sur le bras, les pieds étendus en varus équin, les mains fermées

et pliées sur l'avant-bras ne permettent pas le moindre relâchement

même pendant le sommeil. La famille absurde refuse toute inter-

vention chloroformique ou hypnotique, exploratrice ou curative. Les

troubles trophiques se montrent : peau sèche, froide, mince, squa-

meuse, exsangue; atrophie musculaire en masse mais non dégéné-

rative (examen électrique satisfaisant) ; articulations profondément

douloureuses à la pression, tendues, sèches, menacées d'ankylose.

Intelligence intacte, sauf impossibilité absolue pour le moindre

calcul. Altérations affectives profondes, aversion pour les siens et

surtout pour sa mère, combinaisons cruelles à son égard, bon

accueil aux étrangers. Bientôt deux attaques par jour précédées de

rires ou de pleurs, avec secousses cloniques de la face, du cou et du

tronc, projections de la tête entre les cuisses, exophtalmie, dilata-

tion pupillaire, cris et paroles incohérentes, sueurs profuses, enfin

coma ; durée : plusieurs heures.

Il existe une aura ovarienne, la pression de cette région provoque

et arrête les crises. Réflexes tendineux exagérés. L'amaurose gauche

devient complète et l'oeil droit est fermé par spasme tonique per-

manent. Le moindre effort extérieur pour vaincre la contracture

détermine une violente attaque. La rigidité permanente dure depuis

huit mois, le= attaques depuis deux ans; en dehors des crises de

mutisme la voix reste aphone. L'intervention maladroite d'un

médecin qui veut faire l'extension brusque et le massage des mem-

bres amène une crise de huit heures de durée suivie de contracture

permanente de la langue. Bientôt s'y ajoule un trismus invincible

et un nystagmus persistant. Les attaques durent toutes sept ou

huit heures. L'alimentation même artificielle devient presque

impossible. Divers médecins portent des diagnostics différents,

redoutant une lésion médullaire ou ccrébrospinale. Tous les médi-

caments ont échoué ; la famille, toujours hostile à tout moyen rai-

sonnable, repousse l'hypnotisme.

- L'auteur, convaincu que l'hystérie est seule en cause, redoute les

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 11-) -1

suites de la dénutrition et des contractures ; il craint de voir s'éta-

blir un processus de sclérose latérale ou un état d'aliénation men-

tale, inquiet de l'apathie et de l'indolence de la malade qui refuse

de se laisser guérir et désire rester malade pour tourmenter les

siens. Il pense avec Jaccoud que l'hystérie se caractérise par un

état d'alaxie cérébrospinale dans lequel l'innelvalion spinale pré-

domine l'innervation cérébrale affaiblie. Dans son cas une série

d'éléments émotionnels ont déprimé la cérébralité et excité à l'excès

le pouvoir réflexe médullaire. Le processus irritatif gagne le bulbe

et la protubérance ; l'liypoglosse, des filets du pneumogastrique,

l'acoustique, le lacis les trois oculo-moteur : , la branche motrice

du trijumeau, les olfactifs, l'optique gauche sont déjà intéressés.

La zone cortico-intellectuelle est menacée. La dénutrition fait les

progrès les plus alarmants, et M. Mérino finit par imposer l'inter-

vention hypnotique sans grand espoir dt succès.

Il l'applique selon la méthode de Bernheim. Le sommeil est facile

à provoquer, mais dans une première séance de vingt minutes, il

n'obtient qu'un imperceptible relâchement dans les masseters et en

profite pour donner quelques aliments liquides. Les progrès sont

extrêmement lents malgré de patientes séances quotidiennes dont

les premières sont surtout utilisées pour l'alimentation; la famille

ne fait qu'entraver les efforts du médecin. Des atlaques surviennent

qui détruisent parfois les progrès dus à des journées d'efforts. Il

faut sans cesse lutter contre les supercheries de la malade qui ne

cherche qu'à tromper le médecin, et dont le caractère se fait de

plus en plus détestable. Cependant au bout de dix jours elle peut

commencer à parler, après un mois et demi de persévérance elle

marche sans bâton. Au bout de quatre mois-elle écrit et court tout

en gardant une main contracturée. Après un mois de repos les

séances sont reprises pendant de longues semaines. Mais il reste

un certain degré d'hyperesthésie, rétrécissement visuel à gauche,

diminution de l'ouïe à gauche, et de l'odorat à droite, du goût pour

le sucré et l'acide. Les attaques ont complètement disparu, la nutri-

tion améliorée laisse encore à désirer à cause des caprices de la

malade encouragée par son entourage.

L'auteur insiste sur la gravité du cas, le bon effet de l'hypnotisme

qui a sauvé la malade d'une mort certaine mais ne l'a pas guérie

puisqu'il ne l'a débarrassée que des symptômes les plus menaçants.

Le succès eût été beaucoup plus complet et une guérison ultérieure

à espérer si on avait pu isoler la malade ou au moins écarter le

milieu funeste de sa famille. F. BOISSIER.

XL. LA THÉORIE DES NEURONES ET LA THÉORIE DE LA DÉCHARGE;

par DE l3ECUTEREw. (Neurolog. CelatralLl., XV, 181Jû,) -

M. de Bechterew a, depuis 1866, repris les travaux de Golgi

128 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

(nitrate d'argent) avec ses collaborateurs, Teletnik, Blumenau,

Korolkow, Giese, Ossipon.

A peu d'exceptions près, dit-il, les cellules du système nerveux

central des mammifères supérieurs paraissent unipolaires, car en

outre des prolongements protoplasmiques plus ou moins bifurqués,

elles ne possèdent qu'un seul prolongement cylindraxile ou

nerveux. La couche externe de l'écorce du cerveau de ces animaux

et de l'homme ne lui a pas présenté les cellules à deux ou plu-

sieurs prolongements cylindraxiles décrits par Ramon y Cajal. Il

est indubitable que ces prolongements cylindraxiles et leurs colla-

téraux ne s'anastomosent point les uns avec les autres, qu'ils ne

forment généralement point de réseaux : ils se terminent tous

librement, même les courts prolongements cylindraxiles des cel-

lules de ce nom; seulement, assez souvent, toutes leurs ramifica-

tions finales s'entrelacent avec les prolongements protoplasmiques

ainsi qu'avec les corps d'autres cellules. Les prolongements proto-

plasmiques ne s'anastomosent point non plus les uns avec les

autres. Les cellules nerveuses représentent donc des éléments com-

plètement séparés, c'est-à-dire des neurones, n'ayant les uns avec

les autres aucune conjonction organique immédiate, continue

(théorie de Ramon y Cajal, His, Forel, Kolliker, Waldeyer) ; en

revanche, il n'y a pas de fibres nerveuses indépendantes puisque

partout elles ne sont que des prolongements de cellules nerveuses.

Les faits ne justifient point la division des cellules de Golgi en

cellules motrices, à longs prolongements cylindraxiles cellules sen-

sitives à courts prolongements cylindraxiles. En effet, les premières

se peuvent aussi bien rencontrer dans les organes sensitifs (Ramon

y Cajal, de Bechterew); elles seraient plutôt des cellules de trains-

mission à distance, à des cellules nerveuses éloignées, puisqu'elles se

continuent en fibres nerveuses. Les secondes peuvent également

se rencontrer en des organes moteurs; ce sont probablement des

cellules de raccord, la transmission se faisant à des cellules proches

par l'intermédiaire de courts prolongements cylindraxiles qui se

ramifient aussitôt. Enfin les cellules apolaires jouent très vraisem-

blablement le rôle d'éléments copulatifs placés entre les prolon-

gements de diverses cellules; elles transmettent l'excitation de

telles cellules à telles autres cellules. Chaque système nerveux

contient un chaînon de cellules de plusieurs types; la composition

organique est donc la même dans les conducteurs centrifuges ou

centripètes; il n'y a que le sens du prolongement cylindraxile qui

les dislingue : descendant, dans le conducteur centrifuge ascen-

dant dans le conducteur centripète.

Les prolongements protoplasmiques ou dendritiques des cellules

ne sont pas seulement destinés à la nutrition de la cellule, de tout

son corps; ils servent aussi à conduire le courant, comme les pro-

longements cylindraxiles.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 129

Chacune des cellules nerveuses entre en relations alternatives

l'une avec l'autre, car les ramifications terminales des prolonge-

ments cylindraxiles d'une cellule s'entrelacent avec les dendrites et

le corps de l'autre; mais ce qui doit être le plus fréquent, c'est le

voisinage plutôt que le contact de ces éléments. Le même phéno-

mène doit exister par entrelacement des dendrites d'une cellule

avec celles de l'autre. Et peut-être aussi entre les prolongements

cylindraxiles des diverses cellules etl'un quelconque des prolonge-

ments protoplasmiques de diverses autres; dans l'écorce du cer-

velet il n'est pas rare de voir quelques-uns des cylindraxes qui, de

la couche granuleuse profonde, vont, entre les cellules de Purkinje

dans la couche moléculaire, entrelacés avec les plus fins ramuscules

des cylindraxes qui proviennent des cellules étoilées de la couche

moléculaire (de Bechterew).

De ces constatations résultent les opinions suivantes :

Les prolongements cylindraxiles, partout où ils entrent en rap-

ports alternatifs avec les prolongements protoplasmiques et avec

les corps d'autres cellules conduisent les impressions dans le sens

centrifuge, c'est-à-dire cell2clofuge (de Bechterew). Quant aux den-

drites, elles sont centripètes pour la plupart excepté lorsqu'elles

s'entrelacent; ainsi, dans la commissure antérieure de la moelle,

en particulier chez les animaux inférieurs, et dans les cellules apo-

laires : le corps de la cellule et les dendrites qui en représentent

les prolongements immédiats peuvent donc conduire dans les deux

directions; exemple : les dendrites des cellules apolaires du lobe

olfactif. L'entrelacement des dendrites établit des- relations d'un

corps cellulaire à un autre et provoque un échange de courants

entre les deux cellules, par suite, l'activité associée de deux ou de

quelques cellules fonctionnant ensemble. Enfin, pour les cellules

dépourvues de cylindraxes, il y a conductibilité de dendrites dans

les deux sens ; ainsi se produisent les réflexes simples, les trans-

missions rudimentaires comme dans le centre olfactif et la rétine.

Lorsque les ramuscules terminaux desprolongerneatscylindraxiles

d'une cellule prennent contact avec le corps et les prolongements

protoplasmiques des autres cellules, il y a propagation par conti-

guïté. Cette théorie du contact doit être complétée par la théorie

d'activité par voisinage, ou des décharges par voisinage. Chaque

neurone ou anneau d'un tractus nerveux développe des excitations

nerveuses par modifications moléculaires, chacun d'eux décharge

son énergie en vertu de différences de tension des éléments qui

l'avoisinent. Ces différences de tension entraînent la décharge

d'un élément sur l'autre, laquelle décharge développe l'excitation

des éléments suivants. Le courant nerveux en marche (conducti-

bilité) résulte donc de la modification moléculaire dans les neu-

rones, accompagnée d'une suite de décharges de l'énergie dans

les neurones qui servent à constituer la chaîne nerveuse, l'excita-

Archives, 2° série, t. III. 9

130 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tion nerveuse de chaque neurone devant son origine à la décharge

de l'énergie du neurone antécédent. C'est donc comme une série

de bouteilles de Leyde qui se déchargent successivement l'une après

l'autre et l'une dans l'autre. En d'autres termes la déséquilibration

de la tension énergique des éléments nerveux voisins les uns des

autres donne le courant nerveux; et il suffit pour cela qu'il y ait

voisinage des extrémités nerveuses d'un neurone avec le corps ou

les prolongements de l'autre; les rapprochements se feront plus ou

moins suivant le degré de résistance qu'offrirontàla transmission de

l'excitation nerveuse tels ou tels neurones. Ainsi se produit le

courant ascendant qui va de la périphérie à l'écorce du cerveau, et

inversement le courant descendant; il peut aussi y avoir courant

par les rameaux latéraux des fibres et réflexion de l'activité sur

d'autres territoires -ou tout au moins collaboration, synergie de

plusieurs territoires.

Comment maintenant expliquer la différenciation physiologique ?

Par la structure des appareils destinés à la perception des excita-

tions extérieures, non seulement les appareils épithéliaux périphé-

riques, transmettent l'excitation de l'agent extérieur, non seule-

ment ils préserventles éléments nerveux conducteurs de l'excitation,

mais ils jouent encore un rôle dans la différenciation qualitative

des multiples excitations extérieures ; ils transforment l'excitant

extérieur en une modalité apte à solliciter la fibre nerveuse. Selon

l'organisation de l'appareil périphérique, il y aura excitation mé-

canique ou chimique, avec variantes, des extrémités nerveuses. De

là les différences radicales entre les qualités des sensations que

nous percevons (tactiles, visuelles, olfactives, gustatives) qui sont

en rapport direct avec les variétés des mouvements périphériques;

elles dépendent des particularités différentes de l'excitation ner-

veuse qui se rend aux centres ; c'est-à-dire que : les excitations

nerveuses engendrées à la périphérie ont déjà leur caractère

propre et produisent un courant nerveux spécial.

P. IiEB4VAL.

XLI. TREMBLEMENT consécutif A l'influenza ; par les docteurs de

BUCK ET DE l\IOOR, (Journ. de Neurologie, octobre 1896, 11" 22.)

Le malade qui fait l'objet de ce travail fut atteint, à deux reprises

différentes, de tremblement immédiatement après une attaque d'in-

fluenza. Ce tremblement, de rythme moyen occupait surtout le

côté droit du corps; continu à l'état de veille, il cessait pendant

le sommeil et s'exagérait sous l'influence d'une émotion ou de la

fatigue. Un travail manuel modéré semblait au contraire le dimi-

nuer. Pour expliquer le développement de ce tremblement post-

grippal, les auteurs supposent que le système nerveux de ce malade

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES 131

avait été rendu plus vulnérable par les maladies infectieuses

(fièvre typhoïde, fièvre intermittente) dont il avait été atteint anté-

rieurement. Comme traitement ils ont employé les injections de

chlorhydrate de spermine à la dose de 25 centigrammes par jour

et croient devoir leur attribuer la guérison de leur malade.

C. DENY.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. NOUVELLES communications SUR LV COURONNE rayonnante DU CER-

veau DE l'homme; par P. FLECHSIC. (Neurolog. Centralbl.,XV,

1896.)

Les faisceaux de la couronne rayonnante s'échappent générale-

ment par le plus court chemin pour rayonner de la capsule interne

à l'écorce, mais certains de leurs segments font des détours remar-

quables.

10 Le faisceau longitudinal inférieur de Burdach, connu sous

le nom de système d'assooiation occipito-temporal, qui est le

faisceau de la substance blanche du cerveau le plus tôt revêtu

de myéline, est net et complet dès la première semaine qui suit

la naissance. Ses fibres se dirigent bien en arrière dans le lobe

occipital et, en particulier dans le centre visuel; mais, en avant,

elles aboutissent non à l'écorce, mais à la couche optique. Elles

font donc un coude énorme, car, dans le lobe temporal, elles se

dirigent en avant jusqu'à la région située immédiatement en

dehors et en arrière du noyau amygdalien, pour, de là, s'in-

fléchir en haut : c'est un coude à angle aigu qui embrasse

d'abord la corne inférieure. Dans la couche optique, elles entrent en

contact avec les segments inférieurs du noyau latéral, c'est-à-dire

avec le tubercule squamiforme; quelques-unes montent à la face

postérieure du pulvinar, dans la couche des fibres arciformes pour

atteindre Je noyau principal. Là elles s'épanouissent en un fort

trousseau qui, de la face supérieure du corps genouillé externe, va,

à travers le pulvinar, dans la partie postérieure des fibres arcifomes...

2° La couronne rayonnante du centre sensitif du corps, c'est-à-

132 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES

dire la masse tactile de Flechsig, ou zone motrice des auteurs, fait

un large détour à travers le cervean antérieur, de la capsule interne

à l'écorce. Notamment, en ce qui concerne les trousseaux du pied

de la première frontale et du tiers moyen de la circonvolution du

corps calleux ; ces trousseaux arrivent dans la substance blanche

du lobe frontal, jusqu'à 2 il 3 centimètres du pôle frontal.

3° Le faisceau subcalleux contient des trousseaux des fibres de la

couronne rayonnante qui sortent de la capsule interne de la cou-

che optique, du pied du pédoncule cérébral du segment situé en

avant du milieu de la couche optique, côtoient le noyau caudé,

viennent en partie en avant jusqu'au genou du corps calleux, et

s'accolent à la couronne rayonnante delà circonvolution du corps

calleux et des segments antérieurs de la masse tactile précédente.

Quelques-uns de ces trousseaux traversent presque un tiers de la

longueur des hémisphères, d'avant' en arrière. A eux s'ajoutent

des fibres du corps calleux qui, les unes, les accompagnent jusqu'en

avant, les autres, s'infléchissent en arrière vers les lobes occipito-tem-

poraux ; il ne s'y mêle qu'un très petit nombre de faisceaux de la

couche des fibres arciformes.

Il n'y a donc, d'après l'examen du cerveau de l'enfant, qu'un

très petit nombre de fibres d'associations absolues directes, établis-

sant une communication expresse du lobe occipito-temporal au

lobe frontal. P. KEKAVAL.

II. Contribution A la QUESTION DES dégénérescences secondaires

dans la substance blanche DE la MOELLE, par SUITE de lésions DE

la QUEUE DE cheval; par L. 0. DARKSCIIE1VITSCiI. (Neurolog. Ce2z-

12,albl., XV, 1896.)

Cas de dégénérescence ascendante de la moelle; étude anatomo-

pathologique sans étude clinique. Nombreuses gravures. Carcino-

nome occupant la face abdominale des deuxième, troisième, qua-

trième vertèbres lombaires. Pachyméningite externe hypertrophi-

que ; au-dessus et au-dessous, rapide disparition des phénomènes

inflammatoires. Au niveau des deux quarts moyens de la queue de

cheval, exsudat plastique dure-mérien qui soude les fibres, radicu-

laires entre-elles et à la face de la dure-mère, mais sans qu'il y ait

jonction intime. '

I. Comme il n'existe pas dans la moelle d'autre affection en foyer

qui ail pu déterminer de dégénérescence ascendante, ! la dégénéres-

cence des cordons postérieurs doit être mise sur le compte de l'al-

tération des fibres de la queue de cheval lésée dans toute son

épaisseur; celle-ci a produit la première. La dégénérescence

en question occupe toute la hauteur de la moelle. Dans le segment

sacré et lombaire, les fibres dégénérées sont disséminées à travers

tout le territoire des cordons postérieurs altérés sur toute l'étendue

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 133

de leur coupe transverse. A partir de l'extrémité inférieure de la

moelle dorsale, le nombre des fibres dégénérés décroit graduelle-

ment mais progressivement de bas en haut, de sorte que dans le

segment cervical, il n'y a que les faisceaux de Goll qui soient dégé-

nérés ; on enpeutsuivreladégénérescencejusquedans les noyaux cor-

respondants du bulbe. Celles des fibres dégénérées qui n'atteignent

point les faisceaux de Goll s'arrêtent principalement au segment

inférieur de la moelle dorsale et surtout aux colonnes de Clarke.

En conséquence, les fibres des racines postérieures qui prennent

part à la constitution de la queue de cheval sont de deux sortes.

Les unes se terminent dans la substance grise du segment le plus

inférieur de la moelle. Les autres vont, sans interruption, par les

faisceaux de Goll, dans les noyaux de ces derniers où elles se termi-

nent, c'est-à-dire qu'il y a union directe des fibres sensitives des

racines de la moelle avec les noyaux des faisceaux de Goll.

Les racines postérieures qui viennent d'entrer dans la moelle

occupent le voisinage de la corne postérieure au côté interne de la-

quelle elles sont placées; elles déplacent les fibres radiculaires

antérieurement entrées, en dedans, du côté delacloison postérieure.

C'est pourquoi la dégénérescence des fibres sensitives de la moelle,

en se propageant de bas en haut, apparaîtra avant tout dans la

zone radiculaire du faisceau de Burdach du segment transverse

correspondant, et gagnera, plus loin, dans les parties situées plus

haut, les parties avoisinant la cloison.

Une grande partie des fibres radiculaires relevant du complexus

anatomique de la queue du cheval se terminent dans les colonnes

de Clarke; celles-ci sont donc, au point de vue anatomique, adé-

quates aux noyaux des faisceaux de Goll. Les noyaux des fais-

ceaux de Goll sont le trait d'union entre les fibres sensitives des

segments inférieurs du corps et le cerveau; de même, les colonnes

de Clarke sont le trait d'union des mêmes fibres avec le cervelet.

II. Il existait aussi une altération des fibres radiculaires anté-

rieures. Cette altération occupait distinctement le trajet des fibres

radiculaires au sein de la substance de la moelle et portait seule-

ment sur celles des fibres qui participent à la formation de la queue

de cheval. Il y a donc une relation de cause à effet entre cette alté-

ration et la lésion de la queue de cheval. Les altérations des fibres

radiculaires étaient, en d'autres termes, des dégérescences ascen-

dantes qui, de même que la dégénérescence ascendante des fibres

sensitives, dépendaient de la lésion de la queue de cheval. Ceci rap-

pelle les altérations des mêmes fibres radiculaires antérieures par

lésion du sciatique chez les cobayes; altérations comparables à celles

qui dans les nerfs crâniens moteurs se montrent lorsqu'on a lésé le

bout périphérique de ceux-ci.... ,

- P. KERAVAL. -

134 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

III. Remarques sur la STRUCTURE du ruban DE REIL ; par H. SCHLE-

singer. (Neunolog. Ccnt·albl., XV, 1896.)

1° Dans les parties supérieures du ruban de Reil, on trouve, en

- dedans de celui-ci, quelques trousseaux de fibres nerveuses qui, de

plus en plus fournis à mesure qu'on se rapproche du cerveau, se

rapprochent du ruban en question; au niveau du tiers moyen de la

protubérance, ils occupent le tiers moyen du ruban de Reil trans-

versalement étendue. Ce sont les trousseaux protubérantiels latéraux

du ruban de Reil occupant d'abord la face antérieure du ruban de

Reil médian, ils deviennent latéraux par rapport à lui, à mesure

qu'on s'élève. Puis ils quittent le ruban de Réil pour, dans les

régions plus élevées de la protubérance, s'appliquer au faisceau

pyramidal; modifiant alors leur direction; ils se perdent dans les

fibres externes du pied du pédoncule cérébral. 2° Un peu au-

dessus de ces trousseaux protubérantiels latéraux, apparaît, dans le

territoire du ruban de Reil, immédiatement à côté du raphé, un

trousseau de fibres, qui pourrait bien être le faisceau qui va du

ruban Reil au pied ou étage inférieur du pédoncule cérébral. 11 est à à

croire qu'il y a union directe, sans entre-croisement du bulbe avec

le trousseau qui va du ruban de Reil au pied, qui renforce ce système

de fibres. 3° Les trousseaux pl'otubémntiels latéraux du ruban de

Reil médian apparaissent au' niveau des noyaux sensitifs de la pro-

tubérance, surtout au niveau du noyau sensitif du trijumeau et

grossissent à mesure que l'on s'élève veis le cerveau. La clinique

ayant paru indiquer que le ruban de Reil contient les fibres sensi-

tives des nerfs crâniens sensitifs (et surtout du trijumeau), il est

possible que ces trousseaux-là contiennent le système central du

trijumeau. P.IiERAVAL.

IV. DE LA SECTION DES régions supérieures DE la MOELLE CHEZ LES

chiens; par J. GAD et E. fL.AT : 1U. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)

Chez de jeunes chiens de quatre à six semaines, en parfait état,

on détruit la moelle, en la liant sans ouvrir la dure-mère au niveau

de la région dorsale (tout en haut de cette région) ou à la partie la

plus basse de la région cervicale (trois échantillons), ou, enfin,

entre la moelle dorsale et la moelle lombaire (4° spécimen). Des-

cription très détaillée des phénomènes présentés par ces animaux;

nous ne pouvons que les résumer. Ce sont : paralysie du train pos-

térieur (motilité, sensibilité) ; persistance des réflexes cutanés,

abdominaux crémastériens, etc... affaiblissement, voire complète

abolition des réflexes tendineux, notamment du réflexe patellaire

(dans le cas de section élevée de la moelle); ces réflexes sont au

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES 135

contraire exagérés quand il y a eu section entre la moelle dorsale

et la moelle lombaire. Les chiens opérés dans les régions hautes de

la moelle présentent encore le réflexe dit de grattement, c'est-à-dire

que lorsqu'on frotte la peau du thorax de l'animal, la patte

postérieure du même côté se fléchit dans toutes ses articulations

puis s'étend, l'alternative de ces mouvements rythmiques produit

le grattement du ventre. Le même réflexe s'observe aussi chez cer-

tains chiens normaux. On obtient aussi d'autres réflexes compli-

qués, du même genre, par des piqûres successives des orteils, rude

pincement, leur friction, le chatouillement de la plante des pieds;

- les mouvements du coït par excitation du gland - ceux du

sphincter anal (réflexe anal) par l'introduction du doigt, etc.. Dans

tous ces cas, le train postérieur s'amaigrit rapidement sans qu'il y

ait d'atrophie musculaire ; cet amaigrissement contraste avec l'em-

bonpoint général de l'animal vivisecté. Chez un des chiens (section

de la moelle dorsale supérieure) on produisit du rachitisme des os

de la jambe. P. 11ÉRAV.1L.

V. Trajet ET MODE de terminaison DES fibres DU « champ ovale »

DES CORDONS POSTÉRIEURS DE LA MOELLE LOMBAIRE ; par À. HoCHE.

(Neurolog. Centl'albl., XV, 1896.)

Il s'agit de la zone ovale de Flechsig située des deux côtés de la

cloison postérieure, sur le milieu de la moelle (centre ovale, zone

médiane, champ médian) à laquelle Gombault et Philippe donnent

pour caractéristique de contenir des fibres qui, probablement pro-

viennent de la substance grise, et qui subissent la dégénérescence

descendante dans les lésions transverses du segment lombaire et

dorsal donnant alors l'image d'un champ, ovale dans la moelle

lombaire, triangulaire aigu (à base périphérique postérieure) dans

la moelle sacrée. Barbacci croit que ce sont les fibres de la virgule

de Schultze qui, convergeant vers la cloison, composent le champ

ovale. Voici deux observations de lésion transverse par compression

entre la 4° et la 6° vertèbre dorsale - ou au-dessous de la 8° ra-

cine cervicale, ayant occasionné la mort de trois à six semaines

après le début de la compression. Les fibres du champ ovale des

cordons postérieurs ont dans l'espèce subi la dégénérescence des-

cendante jusque dans la région le plus inférieure du cône terminal.

On y voit que les fibres de la virgule de Schultze ne prennent pas

part à la zone en question. Les fibres de la zone médiane siègent,

au-dessous de l'endroit lésé, dans les portions postérieures les plus

latérales des cordons cunéiformes, puis, elles gagnent la périphérie

postérieure, le long de laquelle elles constituent une raie étroite

jusqu'à la cloison postérieure. Parvenues en cet endroit, elles forment,

dans la moelle lombaire, un territoire ovale ; dans la moelle sacrée,

136 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES

un triangle aigu. Entre le renflement lombaire et l'extrémité termi-

nale du cône terminal, le nombre de ces fibres diminue rapide-

ment, parceque, les unes le long de la cloison, les autres à travers

les cordons postérieurs, pénètrent obliquement en avant dans la

substance grise. Les dernières fibres se terminent dans la partie

la plus inférieure du cône terminal en se détournant, en décri-

van une courbe (coupes longitudinales) pour gagner la substance

grise déjà rare en cet endroit. Il est donc probable que ces fibres pro-

viennent de la corne postérieure (des racines postérieures ? ) et vont

dans les cordons postérieurs. Il est également probable qu'elles

constituent un faisceau commissural d'une longueur considérable.

P. KÉRAVAL.

VI. Contribution A l'étude DU trajet DES racines postérieures

chez l'homme; par A. Marguliès. (Neurolog. Cei2ti-albl.,XV, 1896.)

Observation de lésion isolée des racines postérieures ; figures.

Il s'agit d'un homme de quarante-cinq ans, mort de démence para-

lytique. Rien dans les cordons postérieurs. On constate à droite au

niveau de la 6e racine dorsale, un champ dégénératif corres-

pondant exactement à la zone cornu-radiculaire de P. Marie. On

voit très nettement un bactus de fibres dégénérées, dans la corne

postérieure, qui représente évidemment les contingents de fibres

de moyenne longueur de la 6e racine dorsale. A la hauteur de la

1" racine dorsale, cette zone se dirige en dedans ; elle n'est sépa-

rée de la cloison paramédiane dorsale que par une mince raie de

tissu sain qui s'amincit encore d'arrière en avant. Ici la zone dégé-

nérative forme un L, dont la branche verticale atteint à peu près

le tiers antérieur du cordon cunéiforme, tandisque sa branche hori-

zontale côtoie la périphérie du cordon postérieur, et lui est même

contiguë à son extrémité latérale. La zone radiculaire postérieure

apparaît donc comme le lieu de réception des fibres de la 6e racine

dorsale qui vont au cerveau. Au niveau de la 7e racine cervicale, la

zone dégénérative a diminué parce que un certain nombre de fibres

ont été abandonnées à la corne postérieure ; elle est rejetée en

dedans par les fibres qui viennent à la suite. Il n'y en a plus qu'un

petit vestige près de la corne postérieure. La zone dégénérative

forme maintenant un triangle dont le sommet occupe l'extrémité

la plus postérieure de la limite externe du cordon de Goll ; un des

côtés en est parallèle à la cloison paramédiane dorsale, à peu près

par le tiers postérieur de la longueur du cordon postérieur ; l'autre

côté est immédiatement contigu à la moitié interne de la péri-

phérie postérieure de la moelle. Au niveau de l'entrée de la 3° ra-

cine cervicale, la partie dégénérée a la forme d'une raie étroite

qui, exactement adaptée à la forme de la limite externe du cordon

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques 137

de GolJ, est contiguë à la périphérie la plus interne du cordon de

Burdach. En arrière, elle débute à la périphérie, où elle présente

une faible expansion, elle se dirige, en restant d'une égale largeur,

en avant, jusqu'à la commissure postérieure; là, elle se dirige en

dehors, et, toujours côtoyant la commissure grise, pousse une

pointe dans la direction de la corne postérieure. Au-dessous, c'est-

à-dire depuis ia 8° paire dorsale, aspect normal sauf une affection

du cordon latéral typique, manifeste à toutes les hauteurs. Cette

dégénérescence unilatérale des racines postérieures limitée au côté de

la racine affectée n'a pas de cause ici connue, peut-être avait-on

affaire à un tabes incipiens, peut être à la cachexie. ,

P. 11ÉRAVAL.

VII. La mensuration DE la rapidité DE l'association DES idées chez

LES ALIÉNÉS ET EN PARTICULIER DAUS LA FOLIE CIRCULAIRE; par Th.

ZIEHEN. (Neurolog. Centoulbl., XV, 1896.)

L'auteur insiste sur l'utilité de la psychologie physiologique et en

particulier de la psychophysique, mais les systèmes d'examen de

Kroepelin sont inapplicables chez les aliénés : c'est à la méthode des

évaluations mathématiques de temps, exactes, isolées, successives

que l'on doit avoir recours. On fait par exemple faire par les mé-

lancoliques et les maniaques des mulliplications ou autres jeux

d'association d'idées et l'on détermine le temps qu'ils y mettent

avec l'horloge spéciale à millièmes de secondes de Alunsterberg.

Pour cela, le médecin s'assied devant l'horloge, le malade à la

gauche du médecin afin qu'il ne voie pas l'aiguille qui marche.

Avant de commencer l'expérience, une pression exercée sur un des

boutons supérieurs de l'appareil met en marche le mécanisme,

mais cela ne fait pas marcher les aiguilles. Le médecin place son

indicateur gauche sur la manette installée sur le côté. A l'instant

où il appuie sur elle (ce qui met les aiguilles en mouvement), il

propose au malade un nombre; celui-ci doit d'après les instructions

reçues auparavant répondre par le nombre voisin.. Dès que le

médecin a obtenu la réponse, il lâche la manette, ce qui arrête les

aiguilles. Un assistant note la situation de ces dernières Le

temps relevé entre chaque appel et chaque reprise est le temps de

l'association des idées. Après l'association par nombres simples,

on procède à l'association par addition, multiplication, appels de

mots, ou toute autre combinaison. Il s'agit moins de déterminer

l'équation personnelle des individus que de trouver les chiffres pro-

pres à la mensuration des opérations psychiques chez un et même

aliéné dans diverses conditions. En comparant les chiffres entre eux

on espère arriver à lire exactement dans la profondeur du méca-

nisme psychopattloloique de chacune des psychopathies et en

138 8 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques

tirer plusieurs indications diagnostiques et thérapeutiques. Mais,

pour atteindre ce but, il faut pratiquer un grand nombre d'exa-

mens isolés, pratiquer un grand nombre d'expériences en séries;

c'est en accumulant ces examens qu'on corrigera les sources d'er-

reurs accidentelles inévitables, quel que soit l'appareil, quelle que

. soit la méthode. Nous 'passons sur les combinaisons mathématiques

fort importantes données par M. Ziehen.

Exemple : Une femme de quarante-huit ans, héréditaire, alcoo-

lique chronique, ayant de rares accès d'épilepsie, séquestrée

depuis 1887. Léger affaiblissement intellectuel. Depuis très long-

temps alternatives de phases maniaques et de phases mélancoliques

On la soumet à 3 000 contrôles métriques : 1° elle doit quand on

appelle un nombre entre 1 et 11 répliquer aussitôt par le nombre

suivant; 2° quand elle entend énoncer un nombre entre 1 et 10

elle doit répliquer par le second nombre qui suit; 3° quand elle

entend prononcer le mot maintenant, elle doit énoncer successive-

ment d'affilée les nombres 1, 3, 5, 7, 9 ou 2, 4, 6, 8. 10.

Dans ces conditions on constate dans la première série d'expé-

riences (n° 1) une accélération de la réaction pendant la phase

d'exaltation, un ralentissement de la réaction pendant la phase de

dépression. La différence maxima est de près d'une demi-seconde.

Dans la seconde série d'expériences (n° 2), les mêmes allures se

retrouvent; la différence maxima est de près de trois quarts de

seconde. Enfin dans la troisième série (n° 3) l'accélération et le

ralentissement sont moins prononcés, probablement parce que l'as-

sociation motrice l'emporte sur l'association intellectuelle.

P. KERAVAL.

VIII. NOUVELLE ÉLECTRODE COMMOTATRICK QUI, EN même temps, ferme

ou interrompt LE courant ; par B. BERNSTEIN. (Neurolog. Centl'albl"

XV, 1896.)

Voir, dans le texte, le dessin et l'explication de la poignée. Cons-

truite par L. Schulmeister, de Vienne. P. K.

IX. DE la dégénérescence DES faisceaux pyramidaux A la SUITE

' de l'extirpation unilatérale DES CENTRES DES membres ; par

M. Rothmann. (Neurolog. Centralbl" XV, 1896.)

Tout le monde convient que l'ablation des centres moteurs des

membres d'un côté détermine une dégénérescence très marquée

des faisceaux du cordon latéral dans les pyramides du côté opposé

à la lésion, et en même temps une faible dégénérescence du même

système du même côté que la lésion. On connaît les explications

proposées par les auteurs : Pitres, Muratoff, Molt, Sherrington,

REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques 139

Marchai et Algeri, Hallopeau, Charcot, Unverricht, Vierhufi, quant

à la figure, à l'étendue, au mécanisme de la dégénérescence homo-

latérale.

M. Rothmann s'est proposé de chercher : 1° si, à la suite d'une

extirpation de l'écorce du cervean d'un côté, il se produit réelle-

ment une dégénérescence du cordon latéral dans les pyramides

des deux côtés ; - 2° combien fréquemment, et à quel degré d'in-

tensité, on rencontre la dégénérescence du système en question du

côté de la lésion; - 3° par quoi est produite cette dégénérescence.

Expériences chez des chiens et des singes. Dessins dnatomo-micros-

copiques.

Conclusions. - 1° L'extirpation unilatérale des centres des mem-

bres entraîne une dégénérescence bilatérale des cordons latéraux

dans les pyramides. 2° Celle-ci a lieu dans tous les cas récents,

jusqu'à quatre semaines au moins après l'opération, bien que la

dégénérescence du cordon latéral des pyramides du même côté ne

soit souvent qu'indiquée. - 3° La dégénérescence du cordon latéral

dans les pyramides du même côté que la lésion commence à l'entre-

croisement des pyramides. Ces fibres se trouvent altérées par la

compression qu'exercent sur elles, au niveau de l'entre-croisement,

les fibres du côlé opposé pendant le premier stade de la dégéné-

rescence. 4° Entre le deuxième et le quatrième mois qui suit

l'opération, la dégénérescence du cordon latéral dans les pyra-

mides du même côté rétrograde et ne se constate plus plus tard.

- 5° Si. chez l'homme, la dégénérescence homolatérale persiste,

dans les périodes plus tardives, il faut en attribuer la cause pour

la plus grande part, à l'altération du système vasculaire qui dimi-

nue la nutrition du système nerveux central. 6° Dans nombre

de cas récents on peut constater l'existence de quelques fibres dégé-

nérées qui vont de la pyramide affectée, par l'intermédiaire de la

couche interolivaire, à l'olive de l'autre côté; leur signification n'est

pas expliquée. 7° Il n'y a pas à l'intérieur de la moelle d'entre-

croisement d'un cordon latéro-pyramidal avec celui de l'autre côté.

P. KERAVAL.

X. SUR LES VOIES LYMPHATIQUES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL;

par DALE1VUD0. (Ann. di nev1'ol., allno XIV, fasc. III, 1V.)

XI. ETUDE COMPARATIVE CLINIQUE ET HISTOLOGIQUE DE LA PARALYSIE

GÉNÉRALE PROGRESSIVE; par GR1S.1FULLT. A717t. Cl2 7le'UTOI., allno Xi,

fasc. III, IV.) '

XII. SUR LA VALEUR SÉMÉIOLOGIQUE DE L'EXAMEN DES HÉMATOBLASTES

DANS LE SANG DES ALIÉNÉS; par le D GIOV,1NYI DOTTO. (A177t. de

neurol., anno XIV, fasc. 1, IL)

140 revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

XIII. Recherche B1CTÉBIOSCOPIQUE SUR L'ÉCORCE cérébrale D'INDIVIDUS

MORTS DE paralysie générale PROGRESSIVE; par PICCININO. (Ann. di

nevrol., anno XIV, fasc. 1, II.)

XIV. PROJECTION orthogonale DES places du crâne; par CORRADO.

(Ann. di nevrol., anno XIV, fasc. I, II.)

Description d'un appareil donnant les contours du crâne, dans

ses différents plans, par le procédé des silhouettes. J. S.

XV. DE l'action DE QUELQUES substances médicamenteuses SUR la

circulation cérébrale; par GIANNELLI. (Ann. di nevrol., anno XIV,

fasse. 1, 11.)

Recherches faites sur un malade atteint de paralysie générale,

ayant en une fracture du crâne, et subi la craniectomie. Les subs-

tances étudiées ont été le nitrite d'amyle, l'hyosciamine, le sulfate

d'atropine, le sulfate de duboisine, la elsemi : e, l'acide salycilique,

l'ergotine Bonjean, le chlorhydrate de morphine, l'extrait aqueux

d'opium, le chanvre indien, le somnal, le sulfonal, le chloralose,

la paraldéhyde, le chloral. J. S.

XVI. SUR la MORPHOLOGIE ET la valeur DES parties constituantes DE

la CELLULE NERVEUSE; par C. COLUCCI. (Ann. di nevrol., fasc. III,

IV, anno XIV.)

XVII. Quelques variétés morphologiques DES OS interpariétaux ET

PRÉINTERPARIÉT.\ UX DANS LES CRANES DES FOETUS HUMAINS; par DE

RCAUGÉLIS. (Ann. di nev7'ol., anno XIV, fase. III, IV.)

XVIII. INFLUENCE de l'électricité sur la circulation cérébrale DE

l'homme; par Capriati. (Ann. di névrol, anno XIII, fasc. III, VI.)

XIX. Recherches HISTOLOGIQUES SUR L'ÉCORCE GRISE DU cerveau CHEZ

LES ENFANTS, DEPUIS LA NAISSANCE JUSQU'A LA FIN DE LA PREMIÈRE

année; par itl.lRlIACI\0. (Ann. di nevrol., anno XIII, fasc. III, VI.)

XX. SUR UNE modification DE la méthode de WElGERT-PAL POUR la

COLORATION DU SYSTÈME NERVEUX; par DE, I(CHELE. (Ann. di 7teuTOl.,

anno XIII, fasc. 111, VI.)

XXI. Les EFFETS DE l'excision DES racines sensitives de la moelle

épinière ET LEUR interprétation; par le Dr P.1LADINO. (Anlt. di

nevrol., anno XIII, fasc. 1, 2.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-I'S1'GHOI,OGIQU1;

Séance du 28 décembre 1896. Présidence DE M. Charpentier.

Jubilé de Théophile Roussel.

M. Ritti, secrétaire général, rendant compte de la cérémonie du

jubilé de Th. Roussel, auquel la Société s'était fait représenter par

son bureau, donne lecture-de l'adresse qu'il a remise au savant

philanthrope.

M. Théophile Roussel remercie, en termes émus, ses collègues

de l'honneur qu'ils lui ont fait. Je me vois, dit-il, découvrir depuis

huit jours une foule de qualités que je ne connaissais pas et dont

on ne parle d'ordinaire que dans les oraisons funèbres. Je ne m'en

reconnais qu'une seule, ajoute-t-il avec beaucoup de modestie ;

c'est l'amour de la vérité scientifique. '

M. Th. Roussel expose ensuite les raisons indépendantes de sa

volonté qui l'ont empêché de se spécialiser dans la médecine men-

tale, vers laquelle il se sentait attiré dans sa jeunesse.

Les hallucinations à caractère pénible dans le tubes dorsalis.

M. l\IAROEL BRIAND communique deux observations, rédigées en

collaboration avec M. Cololian, interne de son service, et relatives

à deux cas de tabes classique s'accompagnant d'hallucinations audi-

tives et visuelles. Il s'agit de deux femmes, non alcooliques, dont les

hallucinations revêtirent les caractères habituelsdu délire éthylique.

Ces femmes ne présentaient aucun signe de paralysie générale ou

d'hystérie et leur maladie a évolué comme évolue d'ordinaire

l'ataxie locomotrice. On sait, qu'en dehors des délires toxiques, de

l'hystérie et de la paralysie générale, où elles sont déjà très rares,

on rencontre si peu d'hallucinations visuelles qu'elles ont pu être

niées dans les autres formes de folie.

Les auteurs, en face du caractère de ces hallucinations qui les

rapprochent des hallucinations d'origine toxique (mobilité, colo-

142 SOCIÉTÉS savantes.

ration, multiplicité, aspect terrifiant, etc.), se demandent si, pour

expliquer leur pathogénie on ne doit pas penser à des auto-intoxi-

cations. Elles résulteraient peut-être des troubles apportés par le

tabes dans la nutrition de la cellule nerveuse. (Un état gastrique

particulier, se manifestant un peu avant l'apparition des lialluci-

nations, rend légitime une semblable hypothèse qui, les auteurs le

reconnaissent, est loin d'être démontrée.)

L'une et l'autre des malades présentaient d'ailleurs des tares

héréditaires, dont l'influence n'est sans doute pas étrangère à la

facilité, avec laquelle elles ont déliré à la suite de causes peut-être

insuffisantes, pour provoquer un semblable délire hallucinatoire

chez un tabétique non prédisposé.

Le président remercie M. Briaud de sa communication.

Questions au sujet d'un cas de médecine légale en matière

d'aliénation mentale.

M. 13ARGY, interne à Villejuif. - Un jeune homme enfermé

pour mélancolie et accès d'excitation par intervalles, sort de l'asile

guéri, selon le certificat du médecin traitant. Le jour même de sa

sortie, il boit et essaie de violer une femme. Il est arrêté et le mé-

decin qui l'avait traité à l'asile, appelé à l'examiner s'y refuse

parce qu'il le considère comme responsable. Trois autres médecins

civils sont alors chargés de cet examen ; ils déclarent l'accusé

irresponsable et demandent qu'il soit placé dans un asile.

Le même médecin, qui l'a déjà soigné, ne le considérant pas

comme aliéné, estime que « sa place est dans une prison » et non

dans un asile; mais il le croit dangereux et ne demande pas sa

sortie pour cette raison. L'individu reste à l'asile environ six ou

huit mois, le médecin protestant toujours contre sa présence dans

son service. Enfin le D1' H... est chargé officiellement de l'examiner

et conclut à sa mise en liberté.

Ce cas paraît intéressant en ce sens que l'on peut se demander :

1° si un médecin aliéniste doit, ou peut, se charger d'une exper-

tise médico-légale au sujet d'un de ses malades qui à sa sortie

aurait commis un crime; 2° quelle conduite doit tenir le médecin

qui a dans son service un individu enfermé à la suite d'un rapport

médico-légal et qu'il ne reconnaît pas comme aliéné ? Doit-il le

garder, ou mettre dehors un individu dangereux pour la société et

dont la place serait mieux dans une prison ?

Pour M. Bargy, il résulte des conclusions du rapport des mé-

decins experts et de l'examen des faits qui ont précédé ou suivi le

viol, que l'inculpé n'était pas un aliéné.

Le rapport des experts serait en outre de nature à montrer l'in-

compétence des médecins ordinaires, pour l'examen des aliénés ou

académie DE médecine 't43

des prétendus tels, examen qui devrait n'être confié qu'à des spé-

cialistes.

Le malade observé n'ayant pas de sens moral, il semble qu'il

devrait être placé dans une maison intermédiaire entre l'asile et la

prison.

M. Garnier. La communication de M. Bargy, pour intéres-

sante qu'elle soit, n'est pas complète. Il nous a bien lu les certificats

et les rapports du médecin de l'asile, mais il ne nous fait pas con-

naître le rapport des experts qui ont examiné le sujet, et sur

lequel il s'appuie pour nier l'irresponsabilité. Dans ces conditions,

la Société médico-psychologique ne peut pas répondre aux ques-

tions posées par M. Bargy. ZD

La Société, suivant l'opinion de M. Garnier, décide qu'elle est

insuffisamment éclairée pour formuler une opinion.

Elections.

Après les élections, le bureau est ainsi composé pour 1897 :

'Président : M. P. Garnier; vice-président : M. 111 : ,oaoT; secrétaire

général : M. RITrl ; trésorier : ;\1. J. Voisin; secrétaires des séances :

MM. SÉMELAIGNE et SOLDER.

IIhI. CHItISTIAN et FALRET sont désignés pour faire partie de la

Commission des finances.

Conformément aux statuts le conseil de famille est composé des

membres du bureau et des deux derniers présidents.

MM. Ballet, 13OUCIICREAU, Vallon, sont nommés membres du

conseil de publications. Marcel BRIGAND.

ACADÉMIE DE MÉDECINE.

Séance du 26 janvier 1897.

UN stigmate permanent DE l'épilepsie; par MM. MAIRET et VIRES

(de Montpellier).

L'épilepsie est une maladie qui est volontiers simulée dans ses

attaques et qui, en dehors des attaques et de toute simulation ne

présente pas de signe précis permettant de la reconnaître. MM. Mai-

1444 académie DE médecine

ret et Vires se sont attachés à déterminer des signes constants

réalisés indépendamment de la volonté de l'individu et susceptibles,

d'une part d'affirmer la nature épileptique d'une attaque, et d'autre

part de déceler la névrose, n'importe à quel moment et quelle que

soit la forme revêtue par elle, épilepsie convulsive, épilepsie larvée.

Leurs recherches leur ont montré :

A.Pourl'attaque.-Que cette attaque, même isolée : 1° augmente

l'excrétion de l'azote et des phosphates, sortant du phosphate ter-

reux ; 2° perturbe la marche de la température générale ; 3° modifie

enfin la toxicité urinaire.

B. Pour la névrose, qu'elle soit larvée, que les attaques soient

fréquentes ou espacées (depuis des mois, même des années), une

toxicité urinaire 2, 3, 4, 5 fois moindre que celle de l'homme

sain. Tandis que l'urine de l'homme sain tue un kilogramme de

lapin à des doses variant entre 45 et 80 centimètres cubes, il faut

150, 200 et jusqu'à 450 centimètres cubes d'urine épileptique. En

outre cette dernière urine est beaucoup plus convulsivante que

l'urine normale.

Ces deux caractères, qui sont constants constituent ainsi un stig-

mate permanent propre à l'épilepsie, stigmate dont la connaissance

est de la plus grande importance pour le médecin légiste et pour

le clinicien. Au premier il permet en dehors de toute attaque de

dépister la névrose épileptique; au second il fournira un signe

conducteur pour l'étude encore si obscure de l'épilepsie larvée.

PRIX DE 1896.

Prix Baillarger, 2,000 francs (bisannuel). - Ce prix sera décerné

à l'auteur du meilleur mémoire sur la thérapeutique des maladies

mentales et sur l'organisation des asiles publics ou privés consacrés

aux aliénés. Trois ouvrages ont été présentés. Un prix de 1,000 francs

est décerné à M. le Dr Paul Sérieux, médecin de l'Asile de Villejuif,

auteur de plusieurs travaux inscrits sous le n° 3.

Prix Charles Boullard, 1,200 francs (bisannuel). Ce prix sera

décerné au médecin qui aura fait le meilleur ouvrage et obtenu

les meilleurs résultats de guérison sur les maladies mentales, en en

arrêtant ou en en atténuant la marche terrible. Quatre mémoires

ont été soumis à l'examen de l'Académie. Une somme de 800 francs

est partagée à titre de prix entre M. le Dr E. Régis, chargé du

cours des maladies mentales à la Faculté de médecine de Bordeaux,

auteur d'un Manuel inscrit sous le n° 2, et M. le D1' Ed. Tou-

louse, chef de clinique des maladies mentales à la Faculté de mé-

decine de Paris, pour son travail portant le n° 4. Une somme de

400 francs est partagée à titre de récompense entre M. le D'' Sa-

muel Garnier, directeur de l'Asile de Saint-Ylie, près Dôle

académie DE médecine 14J

(Jura), brochure inscrite sous le n° 1, et M. le Dr Alexandre Paris,

médecin en chef de l'Asile d'aliénés de 6faréville, près Nancy, mé-

moire portant le n°3.

Prix Civrieux, 1,000 francs (annuel). Question : de l'hallucina-

tion dans les maladies mentales. Deux mémoires ont concouru. Le

prix est décerné à Mule Dr Paul Sérieux, médecin de l'asile de

Villejuif (Seine), auteur du mémoire inscrit sous le n° 2. L'Aca-

démie accorde un encouragement à l'auteur du mémoire portant

le n° 1, M. le Dr Albert Pégurier, médecin aide-major de 110 classe,

au 142° régiment d'infanterie, à Montpellier.

Prix Falret, 900 francs (bisannuel). - Question : le morphinisme

et la morphinomanie. Huit mémoires ont élé présentés sur. cette

question. L'Académie partage le prix de la manière suivante : -.

la 300 francs à M. le D' Jacquemart, de Paris, pour son mé-

moire portant le n° 3 ; 2° 300 francs à M. le Dr Paul Rodet,

de Paris, auteur du travail inscrit sous le n° 7 ; 3° 300 francs à

MM. André Anlheaume et Raoul Leroy, internes à l'Asile Sainte-

Anne, Paris, auteurs du mémoire inscrit sous le n° 6 ;

Une mention très honorable est décernée à M. L. Guinard, chef

des travaux de physiologie à l'Ecole vétérinaire de Lyon, mé-

moire n° 5.

Prix Théodore Herpin (de Genève), 3,000 francs (annuel). Ce

prix sera décerné à l'auteur du meilleur ouvrage sur l'épilepsie et

les maladies nerveuses. L'Académie a reçu cinq travaux pour ce

concours. Le prix est décerné à M. le D'' Gilles de la Tourette,

de Paris, auteur du travail inscrit sous le n° 3. Des mentions hono-

rables sont accordées à : 1° MM. les Drs Arthur Claus, d'Anvers,

et Orner Van der Stricht, de Gand, pour leur ouvrage portant le

n° 1 ; M. le Dr Gustave Duranle, de Paris, mémoire n° 4.

Prix Lefèvre, 1,800 francs (triennal). Question : de la mélanco-

lie. Trois mémoires ont été adressés à l'Académie. Le prix est dé-

cerné à MM. les Drs Roubinovitch et Toulouse, chefs de clinique

à l'Asile Sainte-Anne, Paris, auteurs du mémoire inscrit sous le

n° 3. Uue mention honorable est accordée à llIll. les J. Toy et

Th. Taty, chefs de clinique des maladies mentales à la Faculté de

médecine de Lyon, auteurs du mémoire portant le n° 2.

Prix PROPOSÉS POUR l'année 1898.

Les concours seront clos fin février 1898.

Pria; Baillarger, 2,000 francs (bisannue ! ). Ce prix sera décerné

à l'auteur du meilleur travail sur la thérapeutique des maladies

mentales et sur l'organisation des asiles publics ou privés consacrés

aux aliénés.

Archives, 2° série, t. III. 10

146 REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX

Prix Charles Boullard, 1,200 francs (bisannuel). Ce prix sera

décerné au médecin qui aura fait le meilleur ouvrage et obtenu les

meilleurs résultats, de guérison sur les maladies mentales, en en

arrêtant ou en en atténuant la marcheterrihle.

Prix Civrieux, 1,000 francs (annuel). - Question : des obsessions

'en pathologie mentale.

Prix Falret, 900 francs (bisannuel). - Question : les somnam-

bulistes.

Pria; Théodore Ilerpin (de Genève),3,000ft'ancs (annuel).-Ce prix

sera décerné à l'auteur du meilleur ouvrage sur l'épilepsie et les

maladies nerveuses.

Prix Orfila, 2,000 francs (bisannuel). Question : de la Coque

du Levant et de la picrotoxine. Thérapeutique et toxicologie.

Prix proposés POUR l'année 1899.

Les concours seront clos fin février 1899.

Prix de l'Académie, 1,000 francs (annuel). Question : physio-

logie et pathologie de la glande thyroïde.

Prix Curieux, 800 francs (annuel). Question : du nervosisme.

Pr·ixThéodore Ilenpin (de Genève), 3,000 francs (annuel). Ce

prix sera décerné à l'auteur du meilleur ouvrage sur l'épilepsie et

les maladies nerveuses.

Prix Lefèure, 1,800 francs (triennal). Question : de la mélan-

colie.

REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX

(') 895-1896.)

I. DE l'avenir génital DE LI femme après ablation unilatérale

DES annexes DE L'UTÉRUS; par le Dr Louis AUBRÉE.

Ce travail consacré aux dangers et aux avantages résultant de

l'ablation unilatérale des annexes de l'utérus, contient un chapitre

sur l'influence des opérations gynécologiques sur l'état mental des

opérés. Simple confirmation de ce fait connu, que ces opérations

sont des armes à deux tranchants, dispensant suivant les cas le

REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX 147

bien ou le mal, rendant aux unes la raison et provoquant chez les

autres la folie '.

IL Contribution A L'ÉTUDE DES hémorragies DES MUQUEUSES dans

la neurasthénie; par le D`' IJER14UCgON.

Les hémorragies des muqueuses dans la neurasthénie, signalées

surtout par Mesnard et Lautraite, peuvent intéresser toutes les

muqueuses, particulièrement les muqueuses pulmonaires, les mu-

queuses digestives, quelquefois les muqueuses utérines.

Tout en admettant la coexistence fréquente de la neurasthénie

et de l'artério-sclérose, sur laquelle nous avons personnellement

insisté, l'auteur ne croit pas que les hémorragies des muqueuses

dans la neurasthénie, soient imputables à cette diathèse vasculaire

il les attribue à la névrose elle-même, par paralysie vaso-motrice.

III. CONTRIBUTION A l'étude DE l'étiologie DE l'épilepsie;

par 13ESSIGRE.

L'hérédité nerveuse ou vésanique n'intervient dans l'épilepsie

que comme une cause prédisposante; elle manque dans un bon

nombre de cas; l'hérédité similaire est assez rare. Il n'y a pas d'é-

pilepsie essentielle. L'épilepsie n'est qu'un syndrome clinique qui

peut être sous la dépendance de facteurs divers, particulièrement

d'une infection antérieure plus ou moins éloignée. Le processus

infectieux agirait en laissant dans l'organisme une trace profonde

dont la nature reste encore à déterminer. Quant à l'accès épilepti-

que en lui-même, il paraît être un phénomène d'auto-intoxication,

dû à une déviation de la nutrition cellulaire.

IV. Essai CRITIQUE SUR L\ LOMBO-PONCTION dans LES affections DU

SYSTÈME NERVEUX CÉRÉBRO-SPINAL; par DEGROOTE.

La lombo-ponction est une opération simple, facile, exempte de

dangers. Sa valeur diagnostique est incontestable. Son action thé-

rapeutique est beaucoup plus contestable. Il n'est rien dit, dans ce

travail, de la lombo-ponction dans la paralysie générale, pratiquée

dans ces dernières années à l'étranger, ni dans les théories où elle

a donné dans quelques cas, par une action difficile à préciser, de

bons résultats.

' Depuis quelque temps, on est frappé, nous assure-t-on du nombre

des femmes atteintes de psychopathies consécutives aux opérations gyné-

cologiques qui entrent à l'Asile clinique ou se rendent aux consultations

de l'Asile. (B.).

148 REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX

V. Considérations SUR L'ÉTIOLOGIE DES perversions ET DES déprava-

TIONS sexuelles chez L'HOMME; par ÛESCHAMPS.

Etude « plus philosophique que médicale », comme le dit l'auteur,

dans laquelle après avoir indiqué à grands traits ce que sont les

- perversions et les dépravations sexuelles, d'après les travaux récents

des auteurs, est passée en revue l'influence sur ces états du tempé-

rament individuel, du milieu, de l'état social, du climat, de l'édu-

cation, de l'oisiveté et de l'âge. Conclusion : le progrès et le déve-

loppement intellectuel exercent une influence perverse sur la

moralité de la foule irréligieuse ou riche. Remède : prophylaxie

génitale dans l'adolescence et surtout mariage précoce, assurant le

fonctionnement normal des organes génitaux.

VI. Considérations sur la PSEUDO-GROSSESSE; par DOBRUIL.

Il est regrettable que l'auteur ait limité son sujet à la pseudo-

grossesse nerveuse et en ait écarté la pseudo-grossesse vésanique

pour cette raison que dans cette dernière il n'y ait pas la moindreo

apparence de grossesse, ce qui n'est pas absolument exact.

En tout cas, au point de vue mental, la pseudo-grossesse vésa-

nique est inséparable de la pseudo-grossesse nerveuse , dont

elle est une sorte d'aggravation, et il eût été, par conséquent, in-

téressant de les rapprocher dans une étude d'ensenble. L'auteur

distingue dans la grossesse nerveuse : 1° la pseudo-grossesse propre-

ment dite, dans laquelle on ne peut invoquer, comme agent provo-

cateur, que l'imagination, imagination normale ou imagination

dévergondée des hystériques sous l'intluence d'hallucinations ou de

rêves. Il s'agit là d'une véritable auto-suggestion, dont le point de

départ psychologique peut se ramener aux deux mobiles, crainte

ou désir d'une grossesse ; 2° la pseudo-grossesse dans laquelle une

lésion primordiale, définie et connue, est le prétexte de l'aberration

psychique qui amène le développement de l'affection. Les symptô-

mes de la maladie et ceux dus à l'imagination s'entre-croisent et

il est souvent malaisé de démêler ce qui appartient à l'une ou à

l'autre ; 3° il existe des cas, enfin, dans lesquels on ne note ni lésion

physique ni incitation psychique, et qui se rapprochent de cer-

taines pseudo-grossesses observées chez les animaux.

VII. LES rêves CHEZ LES HYSTÉRIQUES; par ESCANDE DE MESSIÈRES.

10 Les hystériques sont sujets à une foule derêves qui peuvent acqué-

rir une importance considérable à cause de l'influence qu'ils exer-

cent même longtemps après le réveil. L'observation en fait foi.

2° Les rêves ont chez les hystériques bien des caractères particu-

liers ; mais la plupart de ces caractères ne sont que l'exagération de

REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX 149

ceux que l'on trouve dans les rêves des sujets normaux. Certains

états, les délires des intoxications entre autres, peuvent présen-

ter des caractères analogues qui les rapprochent des rêves des

hystériques. Cependant l'influence, persistante au réveil, des

rêves hystériques paraît leur constituer un caractère qui leur est

propre. Cette influence est, en effet, due à la suggestibilité de ces

malades, suggestibilité beaucoup plus marquée chez eux que chez

les autres sujets. Bien que le sommeil des hystériques et leurs rêves

présentent certaines analogies avec le sommeil et les délires hypno-

tiques, ces divers états ne sont cependant pas identiques; car,

outre- des différences physiques plus ou moins appréciables, il y a

entre eux une différence essentielle : le plus souvent les sugges-

tions créées par le rêve ne peuvent être détruites pendant l'hyp-

nose comme le serait une suggestion hypnotique. 3° Etant. donnée

l'influence des rêves hystériques, il importe de s'assurer de leur

existence. Quand leur souvenir est perdu au réveil, il peut être

retrouvé pendant les états subconscients (hypnose, somnambu-

lisme, etc.). L'écriture automatique peut en cela être d'un précieux

secours. 4° Eléments de diagnostic précieux dans l'hystérie infantile;

causes souvent méconnues de beaucoup d'accidents hystériques ; les

rêves, quand ils sont suggérés, peuvent devenir en des mains pru-

dentes et expérimentées un puissant agent de psychothérapie. En

médecine légale, sans vouloir faire des hystériques des irresponsa-

bles absolus, il sera bon parfois de rechercher si leur libre arbitre

n'est pas diminué par influence de rêves dont eux-mêmes peuvent

ignorer l'existence 1.

VIII. RECHERCHES expérimentales SUR LES propriétés coagulantes et

SUR LES PROPRIÉTÉS TOXIQUES DE QUELQUES URINES PHYSIOLOGIQUES ET

pathologiques; par Antoine GU1LIIOU.

Très bon travail, du laboratoire du professeur Jolyet, à con-

sulter. -

IX. DE la. névrose CÉRÉBRO-C.\RDIAQUE; par Jean-Hippolyte GOUDAUD.

L'auteur croit, avec Krishaber et le professeur Dieulafoy, que la

névrose cérébro-cardiaque constitue une entité morbide et il essaie

de lu différencier de la neurasthénie et de l'hystérie, dans le cadre

desquelles on la range aujourd'hui le plus habituellement. Les

caractères différentiels qu'il indique, basés pour la plupart sur le

1 Voir : Bourneville et P. Regard. - Iconographie de la Salpêtrière,

t. III, p. 88-1 f0. Nous avons étudié successivement le sommeil des hys- z

tériques (cauchemars, rêves agréables, insomnie), le sommeil des idiots, <

des épileptiques et les attaques de sommeil. (B.) ·

150 REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX

plus ou moins d'intensité de symptômes communs aux affections à

distinguer, paraissent insuffisants pour conclure de même façon

que lui, et nous croyons qu'il est préférable d'admettre, comme on

le fait généralement, que la névrose cérébro-cardiaque est surtout

une variété de neurasthénie.

X. DE LA CHUTE SPONTANÉE DES DENTS DANS LE TABES;

par Michel L : 1PONTAINE.

La chute spontanée des dents peut être un symptôme du tabès.

Elle se produirait dans 8 à 10 p. 100 des cas environ. Elle se montre

à toutes les périodes de lamaladie,surtoutàla période préataxique.

Les dents, souvent saines et intactes, tombent généralement sans

douleur, sans hémorrhagie, mais leur chute est précédée d'un

certain nombre de symptômes subjectifs dans la sphère du tri-

jumeau. Celles du maxillaire supérieur tombent de préférence. Les

canines et les prémolaires préludent à la chute. Elles se déchaussent

par leur face interne au maxillaire supérieur et au maxillaire infé-

rieur par leur face interne. Le rebord alvéolaire subit, en même

temps que les dents tombent, un processus de résorption si accusé

que ce rebord finit par disparaître, laissant voir des racines entre

lesquelles s'est interposé un pont gingival qui les maintient adhé-

rentes. Le périoste alvéolo-dentaire, véritable ligament comparable

à ceux des articulations, persiste malgré la résorption de l'alvéole

et maintient la dent jusqu'à ce qu'une cause brusque, la masti-

cation par exemple, l'arrache de son point d'adhérence. Parfois, si

la résorption alvéolaire n'est pas aussi complète, les traumatismes

entraînent la chute par luxation. L'alvéole transformée en cornet

osseux extrêmement mince et friable, peut tomber et s'exfolier

avant ou après la dent elle-même. La chute spontanée des dents

parait être due à un trouble du système nerveux dans le territoire

du trijumeau et des vaso-moteurs qui l'accompagnent.

XI. Contribution A L'ÉTUDE DES PSYCHOSES SÉNILES. DÉLIRE DES

' persécutions CHEZ LES vieillards ; par André nichon.

1° L'homme, arrivé au dernier âge de la vie, subit des transfor-

mations physiques et morales qui troublent profondément son être.

Le principal agent de ces transformations est l'artério-sclérose : si

elle ne constitue pas la vieillesse, du moins elle la prépare; 2° les

vieillards aliénés et non aliénés, par la seule exagération de leurs

tendances naturelles, deviennent souvent des persécutés. Près des

deux tiers des aliénés, en effet, âgés de plus de soixante ans, pré-

sentent des idées de persécution; 3° mais quelquefois ces idées se

précisent, se coordonnent et les malades, malgré leur âge avancé

sont atteints d'un délire de persécution systématisé, progressif,

REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX 151

analogue à celui de l'adulte ; 4° la forme raisonnante, qu'on a

appelée le délire des dégénérés ou des persécutés persécuteurs

n'est pas l'apanage exclusif de la jeunesse et peut se rencontrer

chez le vieillard; 5° cependant, dans la plupart des cas, la psychose

évoluant sur un terrain sénile offre à l'observation des caractères

particuliers, une modalité différente : le délire est mobile, diffus

et offre une sorte de systématisation à rebours; nous entendons

par là que les conceptions délirantes visant au début une seule

personne, s'étendent, se généralisent peu à peu et s'adaptent au

milieu et aux circonstances. Dans cette psychose, les idées de vol,

d'empoisonnement, les troubles de la sensibilité générale, les hal-

lucinations de la vue occupent la première place, tandis que les

hallucinations de l'ouïe sont relégués au second plan. Ces symp-

tômes, suivant leur intensité, nous paraissent devoir être attribués

à un degré plus ou moins avancé d'affaiblissement intellectuel ;

G° ces mêmes caractères, moins exagérés, se retrouvent en effet

chez les déments persécutés. Ainsi, chez ces derniers, le délire au

lieu d'être vague et diffus, est puéril et incohérent ; les idées de vol

deviennent des idées de spoliation et de ruine.

XII. QUELQUES remarques SUR l'éclampsie puerpérale;

par Marie LEFLOCH.

L'éclampsie puerpérale est une maladie infectieuse et probable-

ment contagieuse. L'intoxication est d'origine gastro-intestinale et,

née de l'intestin, gagne rapidement le foie. Le foie malade n'exerce

plus son action dépurative sur le sang, et c'est ce liquide vicié, en

particulier peut-être par les toxines du microbe, qui occasionne

les convulsions éclamptiques par son action normale sur le système

nerveux.

XIII. Essai sur LE rôle PSYCHOLOGIQUE DE l'action RÉFLEXE;

par Joseph 1\1 A TIIIS.

L'action réflexe n'est pas l'acte le plus élémentaire d'où déri-

verait toute notre vie psychique. Les instincts, les émotions, la

volonté ne sont pas uniquement constitués par des réflexes. L'action

réflexe est complexe par sa nature, elle est psychique comme mé=

canique. Elle a pour origine un acte volontaire. L'observation de'

chaque jour nous montre comment les actes volontaires et cons-

cients deviennent réflexes par l'habitude. Sans négliger la part

que jouent les actions réflexes dans la vie physiologique, où elles

assurent la conservation de l'espèce, les actions réflexes, au point

de vue psychologique, ont deux rôles importants : 1° en exprimant

la vie de la conscience par des mouvements (physionomie, gestes,-

attitudes) elles rendent possible la psychologie de la société; 2° en

'152 REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX

libérant la conscience pour laquelle elles ont été formées, elles lui per-

mettent de continuer son rôle de perfectionnement. En fixant les

.résultats acquis, les actions réflexes sont pour les êtres vivants une

condition de progrès.

XIV. DES éruptions cutanées D'ORIGINE hystérique; par PANNETIER.

L'hystérie determine des éruptions cutanées d'aspect morpholo-

gique et d'intensité, différents, érythémateuses, urticariennes,

pemphigoïdes, eczématiformes, gangreneuses. Ces lésions paraissent

relever toutes d'un même processus vaso-moteur et présentent

entre elles un c air de famille » emprunté à l'hystérie. Leur indé-

pendance avec l'état général du sujet, leur distribution sans rela-

tion anatomique nerveuse, leur rapport avec les phénomènes cri-

tiques de la névrose, leur facilité de récidive, sont des caractères

qui les unissent.

XV. LES somnambules extralucides, LEUR influence au POINT DE VUE

DU développement DES maladies NERVEUSES ET mentales. Aperçu

MÉDICO-LÉGAL ; par DE PERRY.

Travail intéressant de 225 pages, dans lequel l'auteur, après avoir

résumé l'histoire des somnambules à travers les âges dans un his-

torique complet, montre leur influence d'aujourd'hui, plus grande

que jamais, et leur action néfaste sur les maladies mentales et

nerveuses, tant au point de vue cliniqne que médico-légal. Il y a

là des faits bien précis, très probants, très intéressants. M. de

Perry, guidé par de distingués avocats, a étudié la législation ac-

tuelle vis-à-vis des somnambules et après avoir montré son impuis-

sance il y propose une modification légère qui permettrait d'at-

teindre nos « Pythonisses modernes » , dans leurs coupables

entreprises vis-à-vis de la sécurité publique.

XVI. Essai SUR LES rapports DU pessimisme ET DE la neurasthénie;

- par RENCUREL.

, On a beaucoup parlé, dans ces dernières années, du pessimisme

contemporain et des pessimistes, L'auteur, conformément aux idées

de son maître, M. Régis, cherche à démontrer que ledit pessimisme

n'est autre qu'une manifestation mentale de la neurasthénie, ou,

si l'on veut, une forme, la plus amère et la plus subtile, de la neu-

rasthénie des intellectuels. Il établit, dans un parallèle à la fois

psychologique et clinique, que,. comme le neurasthénique, le pessi-

miste analyse d'une façon morbide ses sensations, ses pensées, ses

actions,tout ce qui intéresse sa personnalité et même le monde exté-

rieur ; que, comme lui, il a des idées obsédantes, soit d'ordre phi-

REVUE DES THÈSES DE BORDEAUX 153

losophique; que, comme lui, il est anxieux, angoissé, doutant de lui-

même et de' tout et sans volonté; que, comme lui enfin, il a à la

fois le désir et la crainte de la mort, et, malgré son mépris' de la

vie, ne se suicide que rarement.

,

XVII. Nature DES PSYCHOSES choréiques; par Rousseau. 1

La chorée de Syndenham paraît de plus en plus avoir une origine

toxique infectieuse. L'étude attentive des troubles psychiques de la

chorée,'depuis les simples hallucinations nocturnes terrifiantes jus-

qu'au délire aigu, montre qu'ils sont identiques à ceux des intoxi-

cations dont le délire alcoolique est le type. Comme lui, ils consti-

tuent, ainsi que le montre M. Régis, des délires de réve ou oniriques.

Il résulte de l'identité de ces caractères que le délire choréique est

un délire toxique, ce qui est un argument de plus à l'appui de l'ori-

gine toxique, infectieuse, de la chorée.

XVIII. DE la prothèse testiculaire après castration ; par Salles.

Cette thèse, bien que traitant d'un sujet chirurgical, est à

signaler ici parce qu'elle contient quelques données sur l'état men-

tal des châtrés, aussi bien des adultes châtrés accidentellement

que des enfants châtrés intentionnellement, c'est-à-dire des eunu-

ques. Dans les deux cas, la perte des glandes testiculaires semble

déterminer constamment des troubles psychiques, si bien que l'au-

teur va jusqu'à dire que les mutilés des testicules sont aussi et

avant tout les mutilés de l'esprit. Les troubles psychiques obser-

vés sont ordinairement des troubles mélancoliques, allant depuis

la simple hypocondrie jusqu'à la lypémanie confirmée et le suicide.

XIX. ETUDE DE la consanguinité dans SES rapports avec la SURDI-

51UT1TÉ CONGÉNITALE ET LA RÉTINITE PIGMENTAIRE ; par SA1BUC.

Étude très sérieuse et très documentée, contenant entre autres,

33 opérations recueillies, sous la direction de M. le professeur

Coyne, à l'Institution nationale des sourdes-muettes de Bor-

deaux, et jugeant, de façon définitive, cette question souvent

si discutée de la consanguinité dans ses rapports avec la surdi-mu-

tité. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, l'auteur conclut que la consan-

guinité n'est pas respousable de tous les méfaits qu'on a pu lui

attribuer : derrière elle se cache l'hérédité, avec laquelle elle se

confond. Et de même qu'il y a deux hérédités, l'hérédité saine et

l'hérédité pathologique, il y a aussi deux consanguinités, une con-

sanguinité saine, inoffensive, et une consanguinité morbide, agis-

santpar l'accumulation sur la descendance, des tares héréditaires

ancestrales.

154 BIBLIOGRAPHIE.

XX. Contribution A l'étude de l'hystérie; par TEXIER.

L'expérience sexuelle précoce, considérée par Freud comme cause

spécifique des névroses, n'est pas applicable à l'hystérie, dans

laquelle, lorsqu'elle existe, elle n'est pas un fait surajouté.

- - E. Régis.

BIBLIOGRAPHIE.

II. Du rôle du système nerveux dans l'infection de l'appareil broncha-

pulmonaire ; par le D1' H. Meunier. (Paris, 1896.)

M. le Dr Henri Meunier, dans un travail fort remarquable, en se

basant sur la clinique et sur l'anatomie pathologique et en s'aidant

des recherches expérimentales, a étudié l'influence qu'exercent les

troubles du système nerveux dans les infections de l'appareil bron-

cho-pulmonaire. L'auteur nous rappelle tout d'abord que l'infec-

tion de l'arbre bronchique et consécutivement du poumon, de par

leurs rapports et leur rôle physiologique, serait des plus faciles

sans la défense que lui oppose le réflexe tussigène, le réflexe naso-

bronchique, la vibratilité des épithéliums, leur résistance et le chi-

misme bactéricide des humeurs. Tous ces moyens de défense éner-

giques ne fonctionnent que par l'action du système nerveux, et

l'appareit broncho-pulmonaire se trouvera livré à l'infection si

celui-ci vient à manquer, infection d'autant plus sûre et plus pro-

fonde que le trouble nerveux est plus grave.

Expérimentalement, l'auteur nous démontre que l'énervation du

poumon, consécutive à la section du pneumogastrique, met l'or-

gane en état de réceptivité et permet, dans la suite, à l'infec-

tion de se développer librement sur le terrain qui lui est livré.

En clinique : 4° la localisation de l'infection (unilatéralité des

lésions nerveuses périphériques et des lésions infectieuses; -croi-

sement des lésions nerveuses centrales et des lésions infectieuses;

localisation systématique de l'infection dans un lobe pulmonaire

seul dysnervé) ;

2° La fréquente coïncidence d'infections pulmonaires et d'affec-

tions nerveuses générales ;

3° La constatation journalière d'infections pulmonaires succé-

dant à des troubles nerveux réflexes, démontrent les relations entre

les infections pulmonaires elles troubles du système nerveux.

BIBLIOGRAPHIE. 155

Ce sont les névrites primitives et secondaires des nerfs vagues,

primitives par toxicité ou par infection, secondaires par compres-

sion ou par inflammation du voisinage (adénopathie trachéo-

bronchique, anévrisrne de l'aorte, néoplasme du médiastin) qui

favorisent l'infection du poumon. Mais cette infection est encore

favorisée par les lésions des centres nerveux, comme l'hémorragie

cérébrale, le ramollissement, les lésions bnlbaires, etc..., par cer-

taines névroses, comme la paralysie agitante, l'hystérie, l'épi-

lepsie, par les affections mentales et encore par des troubles pure-

ment dynamiques, en particulier par ceux résultant d'actions

réflexes à point de départ voisin (pneumonie contusive), ou éloigné

(accidents pulmonaires liés aux traumatismes, au shock opératoire,

aux brûlures, etc.).

L'auteur nous indique ensuite par quel mécanisme les lésions

nerveuses livrent le système pulmonaire à l'infection :

1° Par les troubles vasculaires neuro-paralytiques, dont dépendent

les perturbations de la diapédèse et de la phagocytose ; 2° les

troubles glandulaires, qui modifient la quantité et la qualité des

sécrétions bronchiques; 3° les troubles de nutrition des tissus et

des éléments cellulaires (troubles trophiques) auxquels se rappor-

tent la diminution de résistance des épithéliums, la perte de l'ac-

tivité proliférante, les modifications chimiques, chimiotoxiques et

bactéricides des humeurs. On n'a pu encore déterminer ce qui

revient dans la genèse de ces infections pulmonaires au pneumo-

gastrique et au grand sympathique, mais il semble cependant que

les troubles du pneumogastrique sont plus préjudiciables que ceux

du grand sympathique.

Quant aux formes anatomiques auxquelles aboutissent les lésions,

elles relèvent de l'espèce ou des espèces microbiennes mises en jeu;

cependant, la fréquence de la gangrène pulmonaire prouve le peu

de résistance qu'offre le parenchyme pulmonaire énervé aux agents

microbiens vulgaires. J.-B. CHARCOT.

III. Sur quatre cas de neurofibromatose généralisée;

par E. Feindel. (Thèse de Paris, 1896.)

La neurofibromatose généralisée, maladie de Reckiinghausen,

est étudiée chez 4 malades. Chez deux d'entre eux un ou plusieurs

ascendants ont été porteurs de fibromes cutanés et de taches pig-

mentaires. Le début de l'affection remonte chez tous les quatre à

leur naissance.

A côté de stigmates physiques de la maladie, fibromes cutanés

multiples, taches pigamentaires (les fibromes sur le trajet des nerfs

n'ont été constatés nettement chez aucun d'eux), tous présentent

des troubles fonctionnels variés : de l'abaissement intellectuel, de

la paresse de mémoire, des douleurs ayant nécessité l'intervention

156 VARIA

chirurgicale chez un d'eux, de la paresse musculaire, du tremble-

ment. La neurofibromatose est une affection congénitale, dont

l'expression anatomo-pathologique est une malformation primitive

des éléments de l'ectoderme : système nerveux central et périphé-

rique et revêtement cutané.

L'auteur ne se prononce pas sur la nature de cette malforma-

tion ; il serait intéressant de rapprocher de cette hypothèse l'obser-

vation récente d'un cas de fibromatose généralisée congénitale

étudié par le professeur Popoff (de Kasan), qui a constaté à l'au-

topsie une hypertrophie considérable, et généralisée de la gaine

de myéline de toutes les fibres. M. Feindel partage l'opinion de

Recklinghausen sur le point de départ nerveux des fibromes; dans

les deux tumeurs examinées par l'auleur, le nerf se trouvait au

centre du néoplasme. La production du tératome serait le premier

pas fait dans le processus néoplasique ; un pas plus loin amènerait

à la formation d'énormes fibromes ; le retour à l'état embryon-

naire constituerait un sarcome. Témoin la troisième observation.

E. Margouliès.

VARIA.

INTERNES dans LES ASILES.- Incompatibilité DE leurs fonctions avec

CELLES D'INTERNES ou d'externes dans LES hôpitaux ou autres ÉTA-

BLISSEMENTS PUBLICS. - Inscriptions.

M. le Dr THULIÉ. Messieurs, vous vous souvenez que lors de

notre séance du 12 mai dernier nous n'avons pas cru devoir nous

montrer favorables à deux demandes de congé faites par deux

internes de nos asiles. Ces demandes, que ne motivait aucune

raison de famille, n'avaient pas en réalité d'autre but que de per-

mettre à ces deux internes de remplir en même temps les fonc-

tions d'externes dans les hôpitaux de l'Assistance publique auxquels

ils sont attachés. L'administration nous a demandé à ce sujet s'il

n'y aurait pas lieu, à notre avis, d'ajouter à l'arrêté organique du

20 mars 1880, qui ne se prononce pas sur ce point, un article éta-

blissant l'incompatibilité des deux fonctions.

Eh bien ! la réponse à cette question ne saurait faire aucun doute.

Ces deux fonctions sont incompatibles. Les internes des asiles ne

peuvent, aux mêmes heures, remplir leur service dans nos asiles

et dans les hôpitaux. Non plus d'ailleurs que dans les établisse-

FAITS DIVERS 157

ments publics tels que, par exemple, la maison nationale de Cha-

renton et la maison de Saint-Lazare. Nous demandons que cette

incompatibilité soit bien spécifiée dans l'affiche du prochain con-

cours.

Une seconde question nous avait été posée par l'administration.

L'arrêté organique du 20 mars 1880 exige un stage dans les hôpi-

taux de Paris, attesté par un certificat de seize inscriptions. Or,

dans la pratique, on a été amené à ne plus en demander que huit.

Dès lors, les jeunes gens admis comme internes dans nos asiles

sont contraints, ou bien d'abandonner nos malades pour suivre

les visites du matin dans les hôpitaux, ou bien de ne jamais ter-

miner leurs études. Sur ce second point, je ne demande pas qu'il

soit ajouté quoi que ce soit à l'arrêté de 1880 ; je demande seule-

ment un retour à son application rigoureuse.

Telles sont, messieurs, les deux décisions que nous vous deman-

dons de prendre dès maintenant, en attendant qu'une commission

soit nommée pour étudier le plan d'une réforme générale du con-

cours pour l'internat des asiles. Des voeux ont été émis par les

jurys en faveur de cette réforme, sur laquelle nous possédons d'ail-

leurs des documents intéressants.

Après une courte discussion à laquelle prennent part MM. le pré-

sident, Thulié et Pelletier, la commission se prononce à l'una-

nimité : 1° en faveur de l'incompatibilité des fonctions d'internes

dans les asiles et celles d'internes ou d'externes dans les hôpitaux

de l'Assistance publique et autres établissements publics; 2° en

faveur d'un retour à une application stricte de l'arrêté organique

du 20 mars 1880 en ce qu'il exigeait seize inscriptions; et demande

que ces modifications à l'état de choses actuel soient bien spéci-

fiées dans l'affiche du prochain concours. (Procès-verbal de la

séance du 23 juillet de la Commission de surveillance des asiles

d'aliénés de la Seine.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations. M. le Dr Bou-

BILA, médecin en chef de l'asile de Marseille, est élevé à la classe

exceptionnelle du cadre à partir du iCI' novembre (17 novembre 1896);

M. le Dr BELLETRUD, médecin en chef de l'asile du Mans, est

nommé directeur.-médecin de l'asile de Pierrefeu (28 novembre) ;

- M. le Dr JOURNIAC, directeur-médecin de l'asile de Pierrefeu, est

158 ' FAITS DIVERS

nommé médecin en chef de l'asile du Mans (28 novembre) ; M. le

Dr 1'RÉNEL, médecin-adjoint de l'asile de Saint-Yon, est élevé à la

11'0 classe du cadre (12 décembre) ; - M. le Dr Guillemin, médecin

en chef de l'asile de Monldevergues, est élevé à la 2e classe du cadre

à partir du ler janvier 1897 (16 décembre); M. le D' BOUDRIE,

médecin en chef de l'asile de Vaucluse (Seine), est élevé à la classe

~ exceptionnelle à partir du 1 ? janvier 1897 (24 décembre); M. le

Dr VJGOUROUX, médecin-adjoint à l'asile d'Evreux, est élevé à la classe

exceptionnelle (1 ? janvier 1897) ; M. Bransoulié, directeur de

l'asile de Clermont (Oise), est admis à faire valoir ses droits à la

retraite (7 janvier); - M. GALABERr, ancien sous-préfet de Bayonne,

est nommé directeur de l'asile de Clermont (Oise) (7 janvier) ;

M. le Dr ANGL.DE, médecin-adjoint de l'asile de Braqueville, est élevé

à la classe exceptionnelle à partir du 1 cr janvier 1897 (18 janvier).

LES aliénés EN DBERTE. «Mardi dernier, dit le Rappel de l'Eul'e

du 30 décembre, M. Pierre Nieunet, propriétaire à la Guéroulde,

âgé de soixante-deux ans, et atteint de la monomanie de la per-

sécution, est allé se jeter dans l'Iton sous les. yeux de M. Bertin,

ferronnier, qui avec l'aide de deux voisins s'est empressé de

retirer de l'eau ce désespéré. M. Nieunet respirait encore quand

on l'a transporté à son domicile : mais il n'a pas tardé à rendre

le dernier soupir, malgré les soins qui lui ont été prodigués. »

N'aurait-il pas été plus humain d'hospitaliser ce malheureux à

l'asile de Navarre près Évreux ? L'aliénation mentale est d'autant

plus curable que le malade est hospitalisé à une époque plus rap-

prochée du début. Laisser las aliénés en liberté, c'est les livrer aux

impulsions de leur délire, dangereuses pour eux, le cas actuel

en est la preuve, dangereuses pour les autres ainsi que nous en

rapportons souvent des exemples.

Faculté DE médecine DE Genève. Nominations. - M. le

Dr Johanee Martis, médecin-directeur de l'asile des Aliénés, a été

noumé professeur ordinaire de psychiatrie (théorie et clinique), en

remplacement de M. le professeur Olivet. démissionnaire.

Incendie A l'asile d'aliénés D'ALENÇON. Le mardi 20 no-

vembre 1896, à 4 heures et demie du matin, un incendie s'est

déclaré à l'asile d'aliénés d'Alençon, dans un bâtiment servant de

séchoir et dépendant de la buanderie. En un instant, la toiture

était en flammes et les vitres du séchoir éclataient.

Après une demi-heure de travail le feu a été circonscrit par la

pompe de l'asile et, lorsque les pompiers de la ville arrivèrent, la

part du feu était faite. Grâce à leur aide, le foyer a été rapidement

noyé. Ce qui mérite d'être signalé dans cet accident, ce que

M. Déricq, directeur-médecin en chef de l'Asile, a constaté, non

sans satisfaction, c'est la parfaite tenue des malades hommes, au

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 159

nombre de 40 environ, qu'il avait fait sortir des quartiers, et à l'aide

desquels il put organiser une chaîne sans avoir recours au public.

Tous ont travaillé avec la plus grande activilé, d'abord au sauve-

tage du linge, ensuile à l'approvisionnement des pompes.

L'un d'eux, très halluciné, aidait le surveillant général à

enlever les tuiles de la toiture pour empêcher la propagation de

la flamme. On peut dire qu'il n'est aucun de ces aliénés, tous plus

ou moins délirants, qui n'ait obéi, en quelque sorte ponctuellement,

aux ordres de ceux qui avaient pris la direction des secours. (Ann.

médio-psch.)

Asile d'aliénés DE BÈGARD. Incendie. A Saint-Brieuc, le

22 décembre, dans la nuit, un violent incendie a détruit en partie

l'important asile d'aliénées-femmes, de Bégard, dirigé par les

religieuses du Bon-Sauveur et occupé par 800 folles, la plupart

appartenant au département de la Seine. Le feu s'est déclaré à

7 heures du soir dans l'église communale, à la suite d'une impru-

dence d'un sacristain. 11 a gagné la communauté contiguë et a

détruit une grande partie du bâtiment central. L'église est com-

plètement brûlée. Les folles ont pu être éloignées à temps. Les

secours ont été apportés de Guingamp, distant de 15 kilomètres

par les pompiers, et le 48° régiment d'infanterie. On ne signale

aucun accident de personne. Ce sinistre démontre une fois de

plus la nécessité de pourvoir les établissements hospitaliers d'eau

en abondance, de bouches d'incendie, d'enseigner à quelques-uns

des agents du personnel secondaire et des ouvriers qui viennent

travailler à l'asile le maniement des appareils. Ces précautions,

prises dans quelques établissements, devraient l'être dans tous

sans exception.

Asile DE Saint- Ylié. - Demande d'interne : une place d'interne

(division des hommes) est vacante dans cet asile. Les candidats

doivent adresser leur demande au directeur de l'établissement.

Avantages, 800 francs, nourri et logé. Les candidats doivent avoir

14 inscriptions au moins et un certificat de leurs chefs de service.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

AT.IBEh41\TE. - De la palhogénie de l'angine de poitrine. (Genève.)

BEORCIIIA-NIGRIS (A.). - Salla sede e sulla natum del morbo di Erb.

Brochure in-8° de 29 pages. - Udll1c, 1896. - 'l'Ipogl'afia : \1. liardusco.

160 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

BINSWANGEO (Otto). - Die pathologie und Thérapie der neurasthénies

Volume in-81 de IV-14' pages. - Prix 11 fr. 25. Iena, 1896. - Verlag

J. Fischsr. 0

Ciiarcot (J.-M.). - La Foi qui guérit. - Brochure in-8" de 48 pages.

Papier vélin, prix : 2 francs; pour nos abonnés, 1 franc. Papier de

Hollande, prix : 3 francs; pour nos abonnés, 1 fr. 50. - Papier japon,

prix : 4 francs ; pour nos abonnés, 2 francs.

CuRCHOD (J.). (Thèse de Genève, 1896.) - Ein nach Trauma clurch

Excisions belsazzdlung rleheiller Fall von Spina bifitla. (Lausanne.)

. Foi-lyN'ieilli ,Iîiiiiitil ,epo-1 of flic trustées of lhe dlassaclzusclls school

for llhe feeble-minded (il Valtham for llhe year ending september 30,

1896. - In-8" de 40 pages. Boston Wright et Potter Printing C'. State

printers, 1897. ,

GONNRLLI-CIONI (A. p.) Educhiamo i fanciulli daboli di mentez

Milano, 1896. - Tipographia del Commercio.

Index-catalogue of the-libr·ttry of the s1l1',r¡eon.gcnel'al's office, Uailed

State Arnzy. Second séries, vol. 1 (A.-Azzurri). Vol. in-t°, relié, de

828 pages. Washington, 1896. - Government printin office. - Il

s'agit là d'une très belle publication dont nous n'avons pas, croyons-

nous, d'exemple dans notre pays.

- LAOARRET (L.), - I. Cholesléalome de l'oreille. Il. Papillomes diffus

sous-ploltiques. Brochure in-8° de 24 pages. -.Toulouse, 1896.

Ed. Privât.

BHA31 (E. de). Un cas de myélite diffuse. (Thèse de Lausanne, 1896.)

SCIINERDT (C.). - Beilmige zur /Etiologie, Symplomctlologie und The-

l'apie der der krankheil Ezzlez·oplose-I3ccsedow,Dlplxrcdenx, Scle1'odel'mie.

Brochure in-8, de 29 pages. - Iena, 1897, Verlag vun G. Fisher.

Mils SOSSCDOFF. - Contribution il l'élude du syndrome d'Erb. (Genève.)

STEVART (fi.-S.). - The Increasc of gênerai pal'al ! }sis in England and

1Yalcs : ils cassation C. anclsi7nicazice. Brochure in-8 de 20 pages. -

Lewes. 1896, Soutii countiespress. n

VENTRA (D.) - La cura del moto et Basedow con la yaan ? a : ! 0 ? : e

e con V alimenlazione di limo fiesco. - Brochure in-8° de 18 pages.

Nocera-Inferiore, 1896. - Tipograiia del Manicomio.

Voisin. (J.) L'Épilepsie. Volume in-8o de 420 pages. Prix : 6 fr.

Paris, 1895. Librairie F. Alcan.

Voir en Supplément à la fin des deux derniers nu-

méros le Catalogue de LIVRES AU RABAIS.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

livrcui. l : L. Ilésesev, imp. - -91.

Vol. III. Mars 1897. - N° 15.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE.

i

SUR LES HALLUCINATIONS SYMBOLIQUE^

dans

LES PSYCHOSES ET DANS LES RÊVES DES' SOURDS-MUETS;

Par le D' M. SANJUA ?

Médecin en chef de l'Hospice des aliénés de Notre-Dame-du-Pilar de Saragosse

(Espagne).

I. Les hallucinations du langage sont connues de tous.

Aussi n'aurions-nous pas à en parler si ce n'était à cause de

leur relation avec celles dont nous allons nous occuper. Les

anciennes idées de Fournié, de Max Simon et de Baillarger

évolutionnant avec le temps ont acquis dans l'esprit de J. Seglas

une forme définitive. Grâce à l'interprétation donnée par lui en

18881, les hallucinations psycho-motrices, limitées exclusivement

au champ du langage, nous apparaissent avec la plus grande

clarté. Elles sont divisées en deux groupes distincts : celui des

motrices de l'articulation et celui des motrices graphiques.

Les travaux postérieurs du même auteur, joints à ceux de

Sérieux, Garnier, Roubinovitch, Soury et P. Londe en France 2

'Les hallucinations psycho-motrices. (Progrès méd., 18,25 août 1888.)

$J. J. Seglas. Sur le dédoublement de la personnalité et les halluci-

nations verbales psycho-molrices. Communication au congrès interna-

tional de médecine mentale de Paris, 1889, in Arch. de Neurologie

Du mutisme mélancolique. (Ann. méd. psychologiques, 1891.) - Des

hallucinations, in Journal des connaissances méd., n°' 6 et 7, 1894.

De l'antagonisme des idées délirantes chez les aliénés. (Annales, jan-

vier 1889.) Coexistences, associations et combinaisons liallucinaloires,

in Journal des connaissances méd., n°' 16, 17, 18, 20, 1894. Obsession

hallucinatoire et hallucination obsédante. (Comm. à la Soc. méd. psych.,

in Leçons cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, p. 107,

Archives, 2c série, l. III. 11 i

162 PATHOLOGIE MENTALE.

et à d'autres de Tamburini, Pierraccini et Morselli en Italie 1

ont complété l'étude des hallucinations psycho-motrices ver-

bales dont la palkogénie est évidente et dont la séméiologie

laisse déjà très peu à désirer.

Quant aux autres, aux hallucinations verbales qui consistent

dans l'extériorisation d'images visuelles et auditives, leur déter-

mination antérieure fait qu'elles soient parfaitement connues,

même par les personnes éloignées de la Psychiatrie. Nous

avons donc le langage de réception représenté dans les psy-

choses : 1° par des hallucinations visuelles verbales ; ` ? ° par des

hallucinations verbales auditives.

Celui de transmission compte à son tour : l° les hallucina-

tions motrices d'articulation ; 2° les graphiques.

II. Mais ce ne sont pas seulement des images verbales,

celles qui peuvent être extériorisées dans le cours des psychoses

comme hallucinations de caractère symbolique. Il y a des

sujets qui se trouvent absolument dans l'impossibilité de pré-

senter cette classe d'hallucinations par la raison bien simple

qu'ils n'en possèdent pas la première matière, c'est-à-dire les

images conservées dans les centres cérébraux correspondants. Il

est clair que celui qui ne sait pas lire et dont l'écriture ne se

fait pas automatiquement, ne pourra pas avoir des hallucina-

tions verbales visuelles ni graphiques. De la même façon tous

ceux qui, par l'effet d'une cause antérieure ou postérieure à

Pans, 1895.) Des hallucinations dans la mélancolie, in Leçons clini-

ques, etc., p. S21. Les hallucinations et le dédoublement de la per-

sonnalité dans la folie systématique, in Leçons cliniques, etc., p. 563 et

Ann. méd. psych., juillet-août 1891. Seglas et P. Londe. Sur les

hallucinations et en particulier les hallucinations psyclto-motrices dans

la mélancolie. (Arch. de Neurol., nO' 68 et Ga, 1892.) - P. Sérieux. Sur

un cas d'hallucinations motrices chez un paralytique génél'al. (Arch. de

Neurol., mai 1894.) Garnier (Paul). Coexistence d'hallucinations

psycho-mol1'ices verbales et d'hallucinations sensorielles. Dialogue entre

les voix intérieures et extérieures. (Soc. méd. psych., 26 nov. 1891, in

Arch. de Neurol., n° 98.) Houvinovitch, Contribution à l'étude des

hallucinations verbales psycho-motrices. (Soc. méd. psychologique

28 août 1892, in Arch. de \eurol., n° 73.) Soury. Les fondions du

cerveau, Paris 1892.

1 Tamburini. Huile alluciuaio71 motol'ie (Riv. sperimentale di fre-

natria, etc., p. 444, 1889). Sulla ezzesi délie allucinaaioni. (Riv.

sper., etc., 1880.) Pieraccini. Cottlnibttlo a lo studio dellenllucina-

zioni verbali psicomolorie. (Il Manicomio, nO'1 1 et 2, 1892.) Morselli.

Mallltale di semeiolica délie znalallie ntealali, Milano, 1894.

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. 463

leur naissance, sont privés de l'ouïe et, par conséquence, du lan-

gage oral, ne pourront pas non plus présenter (dans le cas

d'une maladie mentale) des hallucinations auditives ni psycho-

motrices d'articulation. Tels sont les sourds-muets.

Parmi ceux-ci il y a deux catégories : la première est formée

par des individus qu'une lourde tare héréditaire a privés de ces

centres auditifs et d'articulation, produisant de plus d'autres

altérations cérébrales qui rendent impossible toute manifes-

tation intellectuelle un peu élevée ; la seconde est constituée

par les sourds-muets (nés ou non avec cette infirmité) auxquels

l'audition absente soustrait, cela est certain, une partie de

l'intelligence, mais qui, malgré tout, en possèdent suffisamment

pour pouvoir vivre en commerce intellectuel avec leurs sem-

blables. Leur commerce ne saura jamais être représenté par

de grandes entreprises, sûrement que non ; leur situation est

bien plus modeste, ils seront toujours de petits industriels de

l'intelligence. Ce sont ces derniers qui m'intéressent.

Lorsqu'il n'a pas été convenablement instruit, le sourd-muet

ne possède d'autre langage qu'une mimique amplifiée d'un

certain nombre de gestes et d'attitudes conventionnels dont

chacun exprime une idée plus ou moins complexe. Quelques-

uns (et ceci représente une éducation rudimentaire) viennent

en aide à leur langage mimique au moyen de certains signes

conventionnels, tels que des dessins grossiers d'instruments de

travail, facilitant ainsi quelque peu l'expression de leurs idées.

C'est le cas du sourd-muet qui motive ces lignes.

Mais quelque riche en coloris que soit son langage mimique,

quelque nombreux que soient ces signes conventionnels aux-

quels je me réfère, combien ne manque-t-il pas à l'intelligence

du sourd-muet illettré (privé, dès le commencement de sa vie

intellectuelle, d'images auditives verbales et d'images d'articu-

lation), combien, dis-je, ne manque-t-il pas à son intelligence

pour qu'elle puisse briller à la face du jour ! La partie la plus

intellectuelle du langage de réception, la plus intellectuelle de

celui de transmission lui font défaut ; son intelligence ne peut

se servir dans l'échange des idées avec les autres hommes que

de perceptions visuelles (communes et mimiques) et d'extério-

risations motrices mimiques. Les images collectionnées dans

ses centres corticaux du langage ne peuvent correspondre

qu'à ces deux catégories. C'est pour cela que les images pseudo-

verbales (qu'on me pardonne ce néologisme) extériorisées sous

164 PATHOLOGIE MENTALE.

forme hallucinatoire en vertu de l'excitation que produit en

ses centres cérébraux une maladie mentale, ne pourront être

que des représentations visuelles mimiques et des représenta-

tions motrices mimiques, ou, ce qui revient au même, « les

hallucinations symboliques du sourd-muet illettré seront, dans

le cas d'une maladie mentale, apte à les produire, visuelles

mimiques et psycho-motrices mimiques ».

Le cas suivant donnera la preuve de la première de ces deux

affirmations :

« Simon M ? trente-trois ans, célibataire, forgeron. Les

antécédents de sa famille sont inconnus. Son développe-

ment physique s'opéra bien et il démontra, pendant l'appren-

tissage de son métier, de bonnes conditions intellectuelles.

Son langage était exclusivement mimique et, comme cela se *

produit ordinairement chez ces individus, ses gestes et attitudes

étaient assez riches en coloris pour se faire comprendre

lorsqu'il se référait aux choses usuelles et courantes.

Pour se faire comprendre dans les travaux de son métier il

portait toujours sur lui un carnet sur les pages duquel il avait

dessiné grossièrement ses différents outils. Je n'ai trouvé en

lui nulle trace de syphilis. Très adonné aux boissons alcooli-

ques, il avait été atteint déjà de deux accès de délire toxique

dont on sait uniquement qu'il manifestait des idées de gran-

deurs et qu'il était très agressif.

Notre observation du malade date du troisième accès de

délire qui revêtit la forme de manie aiguë. La surexcitation

était plus intense pendant les nuits qu'il devait passer isolé dans

sa cellule. La présence des signes objectifs des hallucinations

visuelles nous fit remarquer ces troubles et interroger le malade

au moyen d'un de ses compagnons qu'il comprenait le mieux.

Ses réponses furent formelles : il voyait des hommes vêtus

de rouge qui, au moyen de gestes, le menaçaient de l'étrangler.

Les fantômes étaient de différentes tailles, les uns petits et les

autres assez grands.

Les gestes, dont les visions hallucinatoires se servaient pour

le menacer, consistaient d'abord en un mouvement des deux

mains pour lui étreindre le cou, et ensuite en un autre pour

lui indiquer qu'elles le pendraient au plafond '. »

1 L'observation détaillée de ce malade a été publiée dans notre tinsse

.. Los traslornos psico-sensoriales en las e71el'medades mentales. » Zara-

goza, 1896.

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. 165

L'hallucination visuelle de cet individu entre parfaitement

dans les caractères correspondant à ce symptôme lorsqu'elle

fait partie du cadre d'un délire alcoolique. De cecôté elle n'offre

rien de particulier.

Mais elle a quelque chose de spécial, qui n'est ni son appa-

rition préféremment nocturne, ni le grand nombre des fantômes

hallucinatoires, ni la couleur rouge dont ceux-ci se couvraient,

mais bien son caractère symbolique : c'est d'être des halluci-

nations du langage et du seul langage que ce sourd-muet

pouvait comprendre. Les fantômes grimaçants d'autres alcooli-

ques pourraient avoir quelque analogie avec ceux de cet aliéné ;

mais la différence entre eux est cependant bien claire. Los

grimaces des premiers n'ont aucune valeur verbale; les centres

corticaux du langage n'interviennent en rien dans leur for-

mation.

Chez mon malade c'est tout le contraire, son centre visuel

du langage extériorisait l'unique classe de symboles qu'il pos-

sédait. Chez les premiers, le délire alcoolique est un rêve,

comme le dit l'inoubliable Lassègue, mais un rêve où les

personnages sont muets. Chez celui-ci les fantômes du rêve

parlent. La différence est capitale.

Il n'est pas rare que les hallucinations verbales apparaissent

dans le délire alcoolique, quelle que soit la forme sous laquelle

il se présente.

Tous nous avons vu fréquemment des délires alcooliques

dans lesquels les hallucinations verbales auditives apparaissent

unies ou non aux visuelles communes pour donner plus de

vivacité à cet état panophobique qui pousse si facilement les

alcooliques au suicide, ou leur fait commettre des agressions

contre les'personnes qui les entourent. M. Vallon, pour sa part,

a rencontré les hallucinations motrices d'articulation chez

deux alcooliques'.

De sorte que les deux ordres de représentations verbales,

sensorielles et motrices se trouvent extériorisés sous formes

d'hallucinations dans le délire alcoolique, mais ils sont tou-

jours dominés par les visuelles communes qui apparaissent

au premier plan. Eh bien, l'hallucination mimique de l'alcoo-

' Soc. 7 ? écl. -psycholoqiq tic, 26 nov. 1891, in Arch. de Neurol.

166 PATHOLOGIE MENTALE.

lique qui nous occupe, est en tout analogue aux fausses

perceptions de paroles que d'autres éprouvent. Seulement,

tandis que ceux-ci possèdent accumulées dans leurs centres

cérébraux d'énormes quantités de représentations verbales,

qui sont non seulement plus nombreuses, mais encore bien

plus fréquemment évoquées que les mimiques (placées sur

un pied d'infériorité) et pour cette raison extériorisent les

premières et non les secondes, quand ils souffrent, le sourd-

muet illettré manque de toute autre catégorie de représenta-

tions symboliques qui ne soient les mimiques, et seulement

celles-ci peuvent revêtir la forme d'hallucinations dans un tel

cas.

Après tout, quelque chose d'analogue se produit dans les

hallucinations verbales, quelle que soit la forme mentale sous

laquelle elles se présentent. Quelles sont les classes qui appa-

raissent préféremment ? Les auditives et motrices d'articula-

tion. C'est-à-dire des ensembles énormes de représentations

évoquées incessamment dans l'état normal, et qui remplissent

tout le centre d'articulation verbale et la majeure partie du

sensorium auditif. Comparées à celles-ci, les représentations

verbales visuelles sont peu nombreuses et les graphiques insi-

gnifiantes. Qu'on se rappelle maintenant la rareté relative des

hallucinations verbales visuelles, bien plus accentuée encore

dans les graphiques.

Pour pouvoir souffrir d'hallucinations visuelles de paroles,

il faut avoir lu beaucoup ; pour les graphiques il faut que

l'écriture soit automatique. Pour en avoir d'auditives ou

psycho-motrices d'articulation, il n'est point nécessaire d'ins-

truction. Etant ni sourd ni muet, s'alcooliser suffit.

Il y a donc des sujets qui, quoique normalement consti-

tués, sont privés de classes déterminées d'hallucinations.

C'est exactement cela, mais dans des proportions majeures

et pour une cause qui n'était pas seulement un défaut d'ins-

truction, ce qui se produit chez l'individu à qui je me

réfère à tout instant. Les siennes ont la valeur symbolique

qu'elles pouvaient avoir; elles exprimaient des idées comme

elles le pouvaient le sujet ne jouissant ni de parole orale ni

écrite. Mais les symboles dont elles se servaient ne laissaient

pas d'avoir pour lui la même valeur que les paroles ont pour

d'autres malades. C'est pour cette raison que dans l'ouvrage

cité plus haut nous les avons appelées pseudo-lexiques (|eu8 ? );

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. 167

faux, )'G ? parole), c'est-à-dire des hallucinations de quelque

chose qui a la valeur identique de la parole, quoique ne l'étant

pas. Il serait cependant plus logique de les appeler hallucina-

tions du langage mimique ou hallucinations mimiques, et

ainsi on déterminerait leur valeur symbolique en même temps

que la variété à laquelle elles appartiennent.

Deux faits démontrent qu'elles doivent avoir une place

indépendante : 1° celui de se présenter avec le caractère sym-

bolique dans les psychoses des sourds-muets 1; 2° celui que,

hors cette classe de sujets, quoique quelques hallucinations

consistant dans la vision de fantômes qui gesticulent entre

eux aient été décrites, leurs attitudes et mouvements manquent

de valeur symbolique 2.

III. Existait-il, chez l'alcoolique en question, des halluci-

nations psycho-motrices constituées par des représentations

mimiques ? Il fut impossible de résoudre cette question à cause

de la difficulté insurmontable de lui faire comprendre les

demandes qu'on lui dirigeait. Peut-être que s'il se traitait d'un

sourd-muet possédant de l'instruction, nous pourrions répondre

affirmativement ou négativement ; et peut-être dans ce cas

aurions-nous pu surprendre un dialogue sans voix ni paroles,

formé d'une part par les mouvements des fantômes vus, et de

l'autre part de fausses perceptions de mouvements mimiques.

Malheureusement il n'en fut pas ainsi ; nous manquions d'a-

liénés sourds-muets possédant une instruction suffisante pour

pouvoir nous comprendre à l'aide du langage dactylogique,

par exemple ; aussi dûmes-nous nous en tenir à l'interroga-

toire cité plus haut.

D'autre part, la littérature psychiatrique n'offrait rien d'inté-

1 Nous ignorons si, chez quelques personnes, comme les acteurs par

exemple, chez qui le langage mimique joue un plus grand rôle que

chez la généralité des gens, elles pourront se présenter quoique nous

croyions que cela soit extrêmement difficile.

' Voir les observations publiées, pour n'en citer d'autres, de Bail-

larger : Sur les hallucinations I)sycho-seiisoi-ielles. De l'influence de

l'étal intermédiaire à la veille et au sommeil sur la production et la

marche des hallucinations (Annales médico-psychologiques, vol. V et VII;

Aliénation mental, traduc. espagnole de J. Munoz, 1861). A. Maury.

- Le Sommeil et les Rêves, Paris 1861, p. 35 et suiv. Christian.

Hallucinations, in 1)ict.Encyclop. des Se. médicales. Dechambre, vol. XII,

p. 79. - J. Seglas. Les troubles du lan ! Jage,etc" Paris, 1892.

168 PATHOLOGIE MENTALE.

ressant relativement à la manière donl s'all'ecte l'intelligence

de ces individus : quelques mots dans un livre de Ribot', quel-

ques lignes dans une oeuvre de Ballet 2, très peu dans une

autre de Stricker3 et une douzaine de pages dans celle de

Kussmaul ? C'est tout ce que l'on peut trouver en dehors des

livres et communications dédiés à Laura Bridgeman, célèbre

aveugle et sourde-muette dont l'éducation fut faite par le

Dr Howe, directeur de l'Institut des aveugles à Boston s. Je

passe sous silence la littérature pédagogique spéciale, qui ne

pouvait nullement nous éclairer.

De plus, toutes les oeuvres citées s'occupent de préférence

des troubles du langage, et seulement incidemment elles par-

lent des sourds-muets. Celle de Kusmaul, lorsqu'elle traite

des sourds-muets, s'occupe, plus que de toute autre chose, de

la fréquence et des causes.

La pathologie cérébrale du sourd-muet reste à faire et rien

n'a été écrit sur ses psychoses. Dans cette situation, manquant,

d'une part, de malades qui puissent servir de sujets d'obser-

vation, et, d'autre part, ne pouvant tirer des conclusions de

travaux antérieurs d'autres auteurs, nous dûmes dévier nos

investigations et les diriger vers les rêves des sourds-muets en

dispositions de pouvoir nous rendre compte du caractère, de

la nature et des variétés des hallucinations perçues pendant le

rêve. C'est-à-dire que nous opérâmes avec des sujets convena-

blement instruits.

Nous n'avons pas à rappeler ici, à cause de leur nombre, et

puisque beaucoup d'entre eux sont classiques, tous les ouvrages

qui ont été publiés sur cet état, si pareil à l'aliénation mentale

en général, et à quelques-unes de ses formes en particulier,

qui s'appelle le rêve ; qu'il suffise de rappeler celui si célèbre

1 Ribot. Les maladies de la personnalité. Paris, 1891. ! Ballet. Le langage intérieur et les diverses formes de l'aphasie.

Paris, Alcan, 1888.

3 Stricker. Du langage et de la musique. Paris, Alcan, 1885.

4 Kussmaul. - Les troubles de la parole. Pans, Baillière, 1881.

» Mary-Swift Lamson. The life and éducation of Laura 13·iclrenzanu.

London, Truhuer, 1878.-Nous regrettons de n'avoir pu nous procurer le

mémoire de Riccardi, publié in Archivio per l'Antropologia, vol. XXI,

1889, intitulé dnlroolo71a del sorclonzvliszno.

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. 169

de Lasègue , qui est la continuation de son intéressant tra-

vail sur l'alcoolisme subaigu.

Nous rappellerons ce Mémoire2 de Moreau de Tours, qui

concluait en affirmant l'identité psychologique entre les rêves

et la folie. Et nous rappellerons enfin ces paroles de Chaslin,

qui résument une étude qu'il fit sur cet état : « L'analyse que

nous avons faite plus haut des éléments du rêve, montre que

ceux-ci (rêve et folie) sont identiques ou à peu près . »

Il est certain que, seulement dans ses éléments fondamentaux,

le rêve pourra ressembler à certaines formes de l'aliénation;

seulement en ceci il pourra ressembler au « délire chronique

à évolution systématique » de Magnan par exemple; mais non

dans le groupement de ces éléments, ni dans l'évolution, ni

moins encore dans son ensemble logique et cohérent qui

nécessite, pour arriver à se constituer en système, la suracti-

vité maintenue pendant des années et des années, de toutes

ces parties (centres cérébraux, voies conductrices, plaques

impressionnables) qui interviennent de la façon la plus prin-

cipale dans la formation de l'individualité psychique.

Les rêves ont déjà plus de ressemblance avec d'autres

formes mentales, telles que le « délire hallucinatoire » de

Mendel 4, confondu indubitablement par cet auteur avec la

variété hallucinatoire de la « confusion mentale primitive ».

Mais où la ressemblance est plus exacte, c'est dans le délire

alcoolique subaigu, où, comme tout le monde le sait depuis

Lasègue, le délire diurne n'est autre chose que la continua-

tion du rêve de la nuit. Que ce fait nous serve de justificatif

dans la direction suivie. Ne pouvant expérimenter sur des

hallucinations alcooliques, nous invesligâmes les oniriques,

qui leur sont si analogues. Après tout, si elles étaient ohser-

vées dans les rêves, cela serait suffisant pour pouvoir affirmer

l'existence, encore qu'elles ne soient qu'oniriques, des hallu-

cinations psycho-motrices mimiques.

' Lasègue. -Le délire alcoolique n'est pas un délire mais un rêve.

Eludes. Paris 1881.

= Moreau (de Tours).-Utt haschisch et de l'aliénation mentale. Paris,

1845, p. 14.

3 Ph. Chasiin. Du râle du rêve dans l'évolution du délire, p. 30.

Paris, 1887.

* Mendel. Le délire hallucinatoire (Médecine scientifique, n° 21).

170 PATHOLOGIE MENTALE.

Quel que soit le degré d'éducation atteint par le sourd-

muet, jamais le langage mimique ne perd suffisamment en

importance pour arriver au degré qu'il occupe chez l'homme

normalement constitué.

Qui plus est, il résulte de nos observations que, quelque

'élevé que soit le degré de perfection auquel soient arrivés chez

ces individus les autres procédés de langage, la mimique

rationnelle ou conventionnelle occupe toujours le premier

rang. Ceci ne doit pas nous surprendre. En premier lieu, la

mimique a été le seul langage qu'ils aient possédé durant tout

le temps qui précéda leur instruction, et les images de ces

mouvements sont les seules qui aient pu s'éveiller dans leur

cerveau en exprimant les idées. De plus, elles ont été non

seulement reproduites, mais perçues avant les images verbales,

et, étant ainsi, elles se sont trouvées dans les meilleures con-

ditions pour laisser les empreintes les plus profondes dans

les centres corticaux, pour s'organiser, comme le dit Mauds-

leu

D'autre part, il y a dans la parole des sourds-muets instruits

quelque chose d'adveritif, quelque chose d'artificiel, effet pro-

venant non de conditions naturelles, mais de procédés artis-

tiques.

Les images verbales, n'ayant pas été acquises spontanément,

doivent se trouver sur un pied d'infériorité relativement aux

autres citées plus haut pour se fixer avec une égale intensité.

Elles se trouvent dans le même cas que les images visuelles et

graphiques des paroles chez les personnes bien conformées;

et il y aura bien une raison pour que, lorsque le cerveau en

conditions pathologiques fonctionne et reproduit automatique-

ment les images verbales avec une intensité suffisante pour

les extérioriser sous forme hallucinatoire, il extériorise plus

difficilement ces deux sortes d'images. L'acquisition de l'image

graphique représente le plus haut degré de perfection dans

l'éducation de nos organes de la parole, et la preuve, c'est que

l'hallucination graphique est la plus rare de toutes les halluci-

nations. Il y a encore d'autres raisons qui militent en faveur

de l'importance du langage mimique.

Les sourds-muets (nous ne parlons ici que de ceux qui ont de

l'instruction), lorsqu'ils se dirigent, au moyen de la parole, à

1 llaudsley. Physiologie île V esprit, tl ad, Ilerzeu, p. 233 et sui\",

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. Il -il

des personnes qui ne connaissent pas leurs symboles verbaux

spéciaux, ne peuvent employer que le langage articulé ou

écrit, et il suffit de suivre quelques-unes de ces conversations

pour s'apercevoir que tous deux sont très imparfaits. Généra-

lement, il leur faut employer les deux venant à l'aide à l'un au

moyen de l'autre, et, malgré cela, ils peuvent rarement se

passer de la mimique, qui leur sert ou à donner plus de relief

à l'idée ou à l'exprimer avec plus de rapidité.

En dehors de la mimique, l'éducation les a dotés des modes

de langage suivants, nos deux formes de langage de réception

(audition et vision verbale) étant représentées : 1° par

la vision de caractères- écrits comme chez nous ; 2° par

la vision des mouvements des lèvres de leur interlocuteur

(lecture sur les lèvres) ; 3° par la vision des mouvements

spéciaux du langage dactylologique.

A côté de cette dernière forme, et comme trait d'union entre

le langage verbal et le mimique (langage naturel, mimique

rationnelle), il faut placer la vision des mouvements plus

simples des mains et des bras qui représentent convention-

nellement des paroles déterminées (mimique convention-

nelle). -

D'une façon analogue, notre langage de transmission a chez

eux comme équivalents : 1° la parole articulée, quoique im-

parfaite (fausse articulation) ; 2° la parole écrite ; 3° la parole

transmise par la dactylologie et, comme chaînon entre le

verbal et le mimique pur, l'exécution de mouvements de mi-

mique conventionnelle.

Selon ceci la parole, qui est chez nous un assemblage de

quatre images partielles, est formée chez le sourd-muet par

l'aggroupation de six images, trois sensorielles et trois mo-

trices. Nous ne comptons pas la mimique naturelle et conven-

tionnelle.

172 ' PATHOLOGIE MENTALE.

giques actuelles, chacune de ces trois classes d'images possède

son centre cortical correspondant pour sa conservation et sa

reproduction ultérieure. Il est même facile, avec ces mêmes

données en main, de préjuger la question de localisation de

ces centres dans la cappe de l'écorce cérébrale. Mais ce n'est

pas de cela qu'il s'agit.

Ce qui uniquement nous intéresse pour le moment, c'est

que, lorsque, par ces circonstances spéciales, l'excitation est

portée auxdits centres et les images éveillées avec une vivacité

suffisante, il pourra se produire autant de groupes d'hallucina-

tions verbales qu'il y en a d'images acquises. C'est ce qu'on

observe dans les rêves. Nous donnons comme preuves les

observations suivantes :

Observation I. - J. P... sourd-muet de naissance, vingt-huit ans,

très intelligent, fut élevé dans l'école provinciale des aveugles et

des sourds-muets de Burgos. Dans la famille il y a un autre sourd-

muet, son cousin germain ; il a une soeur hystérique, et un frère

atteint de débilité mentale.

On commença son éducation à douze ans, et ses progrès furent

aussi grands que son désir d'apprendre; il obtint à l'école les

premiers prix dans tous'les concours.

Il possède avec toute la perfection possible chez ces individus les

formes de langage citées plus haut. De plus il a des notions assez

étendues de grammaire, de géographie, d'histoire universelle,

d'histoire particulière d'Espagne, d'arithmétique, de géométrie,

de dessin linéaire et à main libre, et de peinture. Par rapport à

cette dernière il faut noter la particularité commune à d'autres

sourds-muets, c'est qu'il est incapable de composer un sujet quel-

conque, quelque simple qu'il soit. Copier, si : jusqu'à la perfection ;

les portraits qui portent sa signature, ont la garantie de la plus

exacte ressemblance. Ordinairement il lit les paroles sur les lèvres

de son interlocuteur et répond en les articulant.

L'articulation résulte un peu gutturale, et quelques lettres sont

constamment substituées par d'autres. Les s, q, k, et celles qui ont

un son identique, sont remplacées par t (tatre au lieu de quatre

toeur pour coeur tilogramme pour kilogramme)

Il recourt à l'écriture quand il s'aperçoit qu'on ne comprend

pas bien quelqu'une de ses paroles, et sollicite qu'on écrive celles

qui se croisent dans la conversation et lui sont inconnues. S'il

maintient une conversation au moyen de l'alphabet manuel (dac-

tylologie) avec une personne bien initiée, il égale en rapidité

une personne qui articule lentement. La mimique de ce sujet est

de plus très expressive : sa face dit davantage encore que ses pa-

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. 1T3

rôles, avec elle il souligne de telle façon la phrase que sa compré-

hension en résulte bien facilitée.

Et cependant, malgré toutes les merveilles opérées en lui par

l'éducation, son langage ne peut se comparer comme richesse à

celui d'un homme bien constitué. Son intelligence lutte contre la

maladresse de ses moyens d'expression et souvent un geste de

dépit est la confession de son impuissance à les vaincre.

En certaines occasions cette situation lui cause des moments

d'emportement pendant lesquels il exprime la menace du suicide.

L'emportement apparaît aussi à la moindre contrariété. Son père

dit qu'il paraît être alors un fou furieux. En dehors de ces moments

son caractère est doux et plein de bonté. Les vêtements riches et

élégants lui plaisent exlraordinairement et il ne consent jamais

que les siens soient faits de tissus d'un bas prix. Il a une opinion

très haute de lui-même. '

Ses idées, par reflet de l'importance qu'a l'ouïe dans le déve-

loppement de son intelligence, sont ingénues, candides, enfantines.

« L'ange gardien le conduit par la main dans les rues et lui évite

d'être écrasé par les chevaux, voitures, tramways etc. » Il croit que

c'est un péché grave que^d'avoir des relations, mêmes innocentes,

avec une femme. Il aime ses parents et ses frère et soeur, quoiqu'il

se croit bien supérieur à eux intellectuellement. L'instinct sexuel

est quelque peu débilité, mais sans perversion aucune.

Il n'existe en lui aucune altération morphologique ni physiolo-

gique notable en dehors de son infirmité. Ses rêves abondent en

images hallucinatoires visuelles. Les fantômes lui parlent souvent,

se servant de préférence du langage mimique. Cependant quel-

quefois, si ses frères ou ses condisciples sont les sujets de ses rêves,

ils emploient le langage manuel et la mimique conventionnelle. Il

se rappelle qu'ils lui aient parlé dans ses rêves au moyen du

mouvement des lèvres. Ses réponses sont faites par l'une ou l'autre

des formes du langage de transmission selon la nature du fantôme

qui lui parle '.

Par ordre de fréquence, la mimique occupe le premier lieu ;

viennent ensuite l'articulation verbale, la dactylologie et en dernier

lieu la réponse écrite. Les rêves les plus fréquents consistent en

scènes muettes; son ensemble a le même sceau enfantin que

nous avons signalé dans ses idées. Nous ne copions aucun de ces

rêves pour ne pas donner une trop grande extension à cette étude.

Observation II. - Gregoria G.-A. Enfant de treize ans; à deux ans

elle eut au cou une adénites avec suppuration, suivie de granu-

* Si c'est un autre sourd-muet dont il rêve, il emploie le langage mi-

inique et le langage dactylologique.

174 Il PATHOLOGIE MENTALE. |

lation aux paupières, l'année suivante une otitis avec suppuration

qui entraîna la surdité. Actuellement elle est pensionnaire à l'école

provinciale des aveugles et sourds-muets de Saragosse. Elle pour-

suit encore son éducation et ne possède pas encore complètement

la fausse articulation ni l'écriture. Elle parle aux fantômes, en ses

rêves, au moyen de la mimique et de la dactylologie; ils emploient

- avec elle le même langage 1.

A part nos observations personnelles, M. Blasco, directeur de

l'Ecole nationale de sourds-muets de Madrid, et 11.IIernandez,

directeur de la provinciale de Burgos, se rendant complètement

au désir que nous leur en avions exprimé, pratiquèrent sur

leurs élèves respectifs des observations qui concordent essen-

tiellement avec ce que nous venons d'exposer. Nous remplis-

sons un devoir en leur témoignant ici nos affectueux senti-

ments.

IV. Nous ne voulons pas terminer cette étude sans tirer

des observations pratiquées quelques déductions qui ont un

certain intérêt au point de vue pathologique et psychologique.

En premier lieu, lorsque ce n'est pas par les circonstances

d'hérédité qui l'entourent (surdo-mutisme acquis), par sa cons-

titution psychique défectueuse dérivée du défaut cérébral (qui

est déjà une tare importante), le sourd-muet, considéré anthro-

pologiquement, est un membre de la grande famille des dégé-

nérés ; ses psychoses doivent être marquées du sceau de la

dégénérescence. Mais il est déjà du domaine vulgaire combien

sont fréquentes les hallucinations verbales jusque dans la « folie

émotive de Morel », « folie des dégénérés (à obsessions) de

Magnan », « paranoia rudimentaire idéative de Morselli ». Il

est logique de supposer que les psychoses des sourds-muets ne

sont pas des exceptions à la règle et se comportent comme les

autres quant aux symptômes qui nous occupent, lesquels

Les autres observations au nombre de dix sont en tout analogues aux

précédentes et pour cette raison nous les omettons.

°- Nous devons cependant confesser, en honneur il la plus absolue

bonne foi, que celles de M. Ileruandez concordent exactement avec les

circonstances observées dans le second cas mais non avec celles du

premier. A savoir : préférence d'hallucinations mimiques visuelles et

psycho-motrices et existence moins fréquente de fausses perceptions

visuelles et motrices de paroles. ltien de plus. Indubitablement les

sujets observés par lui n'avaient pas complété leur instruction et c'est

pour cela qu'il était impossible qu'il se produise autre chose.

HALLUCINATIONS DES SOURDS-MUETS. '1 TJ

auront de spécial ce qu'ont de spécial les symboles de leurs

idées.

La pensée, formulée intérieurement à l'aide de paroles,

revêt, selon les sujets, l'une ou l'autre classe d'images verbales.

Ceci a donné lieu à la formation de divers types d'hommes

suivant leur langage intérieur-1.

Les types analogues à ceux-ci ne peuvent être que trois chez

les sourds-muets : les moteurs, les visuels et les mixtes.

Dans l'OBSERVATION I, nous avons vu que J. P., très bon

peintre lorsqu'il copie, est incapable de composer un sujet

quelconque sur la toile. Mon estimé confrère M. le D'' La

Riva m'a fait part d'un cas semblable.

Aucun de ces sujets n'était visuel. S'ils l'avaient été, s'ils

avaient pu formuler leur pensée à l'aide d'images concrètes

visuelles, il leur eût suffi de copier le tableau formé par leurs

représentations intérieures pour peindre des sujets originaux.

D'autre part Stricker2, qui, il y a une douzaine d'années,

investiga le rêve des sourds-muets dans un but distinct du

nôtre, croit voir en lui un moteur. Ce cas est vraiment anormal.

En outre, il ressort du résumé qne le directeur de l'Ecole

nationale de sourds-muets de Madrid a fait pour nous, qu'il a

remarqué aussi l'existence de moteurs. Mais comme ces mo-

teurs, tout comme les visuels correspondants, possèdent trois

images de chaque espèce, il faut en déduire qu'il se crée des

sous-types divers en harmonie avec la variété sensorielle ou

motrice des images ou représentations qui occupent chez eux

le premier plan 3.

Il est facile de reconnaître l'intérêt que ces données de

psychologie du langage ont pour la pathologie cérébrale des

1 Voir Ballet. Op. cil. Stricker. Op. cil. - Charcot. OEuvl'es com-

plèles, vol. III, p. 176. Paulhan. Le langage intérieur et la pensée.

(Revue philosophique, n° 1, 1886, p. 32.) V. Egger. La parole inté-

rieure, Pans, Germer-Baillière, 1881. -Galton. Inquiries in la humas

faculty and ils développement . London, 1SS3, p. 133.- Kussmaul. Op. cit.

- Stricker. Op. cit., p. 1 fez.

3 Si l'on accepte l'interprétation de Stricker, il se traite d'un sourd-

muet dont l'instruction n'est pas complétée, qui dans ses rêves lisait les

paroles sur les lèvres de son père. Ce sujet paraît davantage être visuel.

La théorie soutenue dans le livre auquel je me réfère, explique cependant

l'interprétation (erronée à notre avis) de l'auteur.

176 CLINIQUE MENTALE.

sourds-muets spécialement pour l'étude de ses diverses for-

mes d'aphasie. Il serait très facile de construire un schème

au moyen duquel on pourrait, par un procédé analogue à

celui employé en 1894 par M. Ferrant, décrire les six - 2

formes fondamentales et.les nombreuses formes combinées

v de l'aphasie chez les sourds-muets. Mais ceci sera l'objet d'inves-

tigations et d'études postérieures pour arriver à la publication

d'un travail qui pourra s'intituler « le langage intérieur et les

diverses formes d'aphasie chez les sourds-muets ».

M. Ballet nous pardonnera si nous commençons par adapter

à notre objet le titre de sa belle thèse d'agrégation. Pour le

moment, nous nous limitons à consigner que, tant dans les

psychoses que dans les rêves des sourds-muets, il existe des

hallucinations symboliques sensorielles et motrices en har-

monie avec les diverses formes de leur langage particulier.

CLINIQUE MENTALE.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES A ÉVOLUTION PROGRESSIVE

ET A SYSTÉMATISATION DITE PRIMITIVE » (Suite2) ;

l' ,\ Il

Cn. VALLON, et A. MARIE,

Médecin en chef de l'asile Médecin en chef de la colonie

de Villejuif. de Dun-sur-Auron.

Comme les autres délires chroniques, le délire des persé-

d Ferrand.-Le langage, la parole et les aphasies. Bib. Cliarcot-Debove.

Paris, 1894.

2 Nous ne comptons pas les diverses formes de mimique rationnelle ou

conventionnelle.

3 Cet article est le résumé d'un chapitre sur les Psychoses mystiques

pour l'Encyclopédie Leaulé. Il nous a paru d'actualité d'en extraire ces

lignes après le Congrès de Nancy où les délires hallucinatoires ont été

étudiés et, à leur propos, une observation répondant au type que nous

décrivons.

1 Voir Archives de Neurologie, nOl 12, 13.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. ,[ tri

cutions et le délire ambitieux de teinte religieuse peuvent

aboutir à la démence, mais, quand cela se produit, ce n'est

qu'au bout de longues années. Quelquefois même le sujet a

toutes les apparences du dément, alors qu'il ne l'est pas en

réalité; ses réponses sont incohérentes, il a des attitudes et des

gestes bizarres.

C'est chez ces déments mystiques que l'on observe la double

voix ou hallucinations psychomotrices alternant avec la voix

naturelle en un dialogue qui rend l'examen du malade d'autant

plus épineux.

Une démente à délire mystique ancien, citée par M. Hamel,

est persécutée par les diables boulous » qui lui introduisent

toutes sortes d'objets dans le corps par les voies génitales ;

interrogée elle répond tantôt de sa voix naturelle tantôt d'une

autre voix qu'elle attribue à des personnes étrangères, entre

autres à son fils qui réclame sa sortie par sa propre bouche.

Le malade, de plus en plus isolé dans son délire, en arrive à

perdre progressivement les notions de temps et de lieu, et

cependant, si l'on parvient à le replacer sur le terrain de son

délire, ce qui est parfois délicat, on est étonné de la persistance

et de la précision des souvenirs et des conceptions stéréotypées.

Il semble que ces dernières résistent plus que les éléments

moins atteints de la mentalité. Nous avons déjà parlé d'un

vieux théomane cité par Calmeil1 qui put pendant vingt-cinq

années traduire constamment de la même façon les expressions

très singulières dont il faisait usage. Souvent chez des individus

arrivés aux extrêmes limites de la vieillesse on retrouve les

psychoses systématisées avec les mêmes caractères qu'à l'âge

adulte. Néanmoins à la longue, l'action de l'âge aidant, il peut

arriver un moment où les idées délirantes finissent par se dis-

socier et, comme le dit Schùle2 : « Le saint, le prophète, avec

tous leurs glorieux attributs, s'acheminent vers la démence

progressive et définitive. »

Cette démence consécutive à la psychose systématisée peut,

cela est tout naturel, se compliquer de lésions cérébrales

(hémorragie, ramollissement, etc.). Une remarque intéressante

à se sujet. A s'en rapporter à certains faits il semblerait que

,dans le cas où il y a prédominance des phénomènes halluci-

' Calmeil. De la folie, t. II, p. 359.

2 Schùle. Traité des maladies mentales, p. 155.

Archives, 2° série, t. III. 12

178 CLINIQUE MENTALE.

natoires d'un côté, c'est dans le côté correspondant que se

développent plus tard les lésions en foyer. L'éréthisme plus

marqué dans un hémisphère aboutirait ainsi à des ruptures

vasculaires dans ce même hémisphère. '

On le voit, la phase terminale de nos délires religieux systé-

- matisés, peut affecter des formes démentielles variées ; c'est

tantôt une démence apparente seulement, une pseudo-démence,

suivant l'expression de M. Christian', tantôt une démence

vraie avec ou sans lésion en foyer, la lésion pouvant ou non

être en rapport avec l'état pathologique antérieur.

Pour nous résumer nous croyons pouvoir conclure de ce qui

précède que, à côté du délire de persécution moderne il y a des

persécutés mystiques (délires chroniques du moyen âge (Ma-

gnan) : Obsédés par le démon au début, ils offrent des carac-

tères distinctifs d'avec les possédés vrais (démonomanie externe

de Macario et Dagonet). Chez ces malades, la personnalité, loin

de s'éteindre, s'exagère. Leurs hallucinations sont caractérisées

par leur prédominance dans la sphère visuelle à la deuxième

période et parfois dès la première. On observe là un double

courant délirant antagoniste (visions terrifiantes puis conso-

lantes). Les dernières semblent parfois être l'origine des idées

de grandeur (théomanie) ; lamégalomanie des théomanes paraît

avoir pour caractéristique la constance des visions radieuses

caractérisées par leur fixité et leur immobilité muette, en ce

sens que les personnages vus ne prononcent pas des paroles

perceptibles à l'oreille ; en revanche ils s'expriment souvent

par le moyen d'articulations verbales inspirées aux malades, ou

par des mouvements graphiques automatiques (possession

théomaniaque); ces hallucinations motrices finissent par être

inconscientes, le malade se confond finalement avec la divinité

inspiratrice qui prophétise par sa bouche.

En terminant, nous opposerons aux types précédents les

formes frustes écloses sur un terrain dégénératif plus net, dont

les formes extrêmes du moins, ne sauraient prêter à confusion

par la brusquerie, le polymorphisme et le peu de cohésion des

conceptions délirantes mystiques.

Un malade de ce genre que nous avons pu observer, a présenté

une première bouffée délirante en 1882, à l'âge de vingt-six ans,

la contagion s'étendit en même temps à cinq autres membres

de sa famille (le père et la mère, un frère et deux soeurs). Cette

petite épidémie de démonopathie fit alors l'objet de deux études

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 11B

détaillées insérées dans les annales médico-psychologiques

(1882), et dues, l'une à MM. Reverchon et Pages, l'autre à

M. Lapointe.

Nous avons nous-même suivi celui d'entre ces malades dont

les troubles mentaux ont persisté. Il figure au rapport de 1891

sur l'asile de La Rochegandon. « Le nommé L. P..., dit M. le

Dr Frièse, est entré pour la sixième fois après être sorti il y a

à peine trois mois; c'est un dégénéré héréditaire qui, depuis

des années, présente un enchaînement ininterrompu de

périodes de dépression mélancolique, puis d'excitation maniaque

avec des rémittences plus ou moins longues. Les dernières

rechutes arrivant à des intervalles de plus en plus rapprochés

doivent faire redouter l'incurabilité et la démence prochaine »

(p. 22).

On le voit, l'évolution progressive manque ici, il y a bien

une psychose chronique mais sans systématisation suffisante ;

au contraire, les accès paroxystiques homologues se ressem-

blent tous, affectant même début, même marche et termi-

naison brusque. Pendant l'accès, le malade est dans un état

anxieux avec panophobie, il voit le démon dans tous ceux qui

l'approchent et s'agite alors d'une façon extraordinaire (démo-

nomanie externe).

Au début, dans les accès où sa famille a déliré avec lui, le

point de départ fut une mission prêchée dans le voisinage ;

puis s'y adjoignirent les pratiques d'un rebouteur consulté sur

leurs malaises qui prescrivit une décoction de belladone et

d'absinthe.

« Ces six malheureux, complètement nus, parcouraient la

campagne jetant des pierres et cassant les vitres ; ils se réunis-

saient la nuit dans les cimetières, allaient à l'église maltraiter

ceux qui s'y trouvaient, ou poursuivaient les gens en pleine

campagne, comme les lycanthropesd'antan. Une nuit, ils firent

une sorte de sacrifice sabbatique, en simulant l'égorgement

d'un bouc sur une peau d'outre. »

La terminaison de cette épidémie de délire religieux est

intéressante ; les deux soeurs, présentant des stigmates

d'hystérie, guérirent les premières, ainsi que le père et la

mère ; les deux frères se calmèrent à leur tour et tous sortirent.

La vie commune et l'échéance du deuxième accès périodique

de notre malade firent reparaître les mêmes accidents, non

seulement chez lui mais chez toute la famille.

180 . CLINIQUE MENTALE.

Cette fois, grâce aux conseils du Médecin de l'Asile, l'iso-

lement fut suivi à la sortie de la dispersion des membres de la

famille ; les soeurs allèrent à la ville avec le père et la mère,- le

fils cadet changea de pays également ; notre malade, isolé dès

lors, délire seul périodiquement; ses accès, où la phase

dépressive prédominait tout d'abord, devinrent seulement plus

rapprochés avec le temps et marqués par une agitation plus

grande. Les autres membres de la famille, restés depuis

indemnes, étaient l'élément passif dans cette folie commu-

niquée ; notre malade représentait le chronique qui marque

l'épidémie au coin de son délire. La prédisposition héréditaire

commune se manifestait par l'hystérie, si fréquemment com-

binée aux psychoses mystiques, et aussi par la dégénérescence

mentale ordinaire ; la dégénérescence est assez nette ici pour

qu'il ne soit pas besoin d'y insister. Elle explique l'absence

d'évolution et de systématisation du délire et de ses autres

caractères.

Dans le cas précité les conceptions délirantes sont demeurées

frustes malgré le passage à l'état périodique et chronique; il

n'en est pas toujours de même chez les débiles où l'on peut

observer un certain degré de systématisation. Mais d'une façon

générale le degré de systématisation est d'autant plus élevé

que le niveau mental est moins faible. Ces délires mystiques

systématisés chez les dégénérés forment une transition gra-

duelle entre les idées délirantes religieuses n'offrant aucune

systématisation et les psychoses de même ordre à systémati-

sation progressive type. Leur existence ne saurait être mise en

doute, elle parait d'ailleurs admise maintenant par les auteurs

même qui opposent aux psychoses des héréditaires des formes

de délires pathognomoniques d'un état dégénératif (délire

chronique de M. Magnan).

C'est ainsi que Greidenberg admet desparanoia systématisées

progressives héréditaires et des paranoïa systématisées progres-

sives non dégénératives. Il n'y a donc pas lieu au point de vue

spécial qui nous occupe (délire religieux), pas plus qu'au point

de vue général, d'établir une opposition tranchée entre les cas

où l'hérédité psychopathique existe et ceux où elle manque. Tout

ce qu'on peut dire en restant sur le terrain de la clinique, c'est

que les malades qui ont une hérédité très chargée n'ont que

des bouffées délirantes polymorphes sans cohésion ni systéma-

tisation nette présentant une marche rémittente et pouvant

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 181

même guérir. Au contraire les sujets à tares héréditaires moins

profondes, coordonnent mieux leurs conceptions délirantes et

peuvent fournir une psychose à évolution plus ou moins rapide

à phases plus ou moins distinctes. La durée de l'évolution

paraît être en raison inverse des tares dégénératives ; plus

celles-ci sont nombreuses, moins le malade offre en quelque

sorte de résistance au délire et plus l'évolution de celui-ci est

rapide.

Chez les dégénérés la lésion anatomique semble plus étendue

dès le début; l'éréthisme atteint à la fois les sphères sensorielles

et motrices au lieu de se propager successivement des unes

aux autres.

Comme le disent MM. Binet et Fér6l, les dégénérés sont de

mauvais accumulateurs, ils ne capitalisent pas leurs excitations

psycho-sensorielles mais les transforment rapidement en phé-

nomènes moteurs ; leur délire devient presque d'emblée

ambitieux, de là le polymorphisme des conceptions délirantes

religieuses ; on observe par exemple en même tempe la théo-

manie avec inspirations psychomotrices et la possession

démoniaque.

Le travail de systématisation constitue la période de prépa-

ration de la maladie; elle dure jusqu'à ce que le malade ait

trouvé la formule définitive de son délire ; elle correspond à

une lutte qui est d'autant plus courte que la faiblesse d'esprit

du malade est plus marquée. Aussi l'éclosion brusque de bouf-

fées délirantes correspond-elle au degré le plus marqué de

débilité mentale.

On sait que chez les dégénérés les obsessions sont fré-

quentes ; or il n'est pas rare de les voir devenir le point de

départ d'idées délirantes de nature religieuse. Une de nos ma-

lades atteinte de débilité mentale avec idées de persécution

persistant depuis six ans a en outre des impulsions à se frap-

per elle-même et à frapper les personnes de son entourage.

Ce phénomène a tous les caractères de l'obsession (irrésistibilité,

angoisse précordiale préalable, soulagement consécutif). La ma-

lade a systématisé sur ces impulsions un véritable délire de pos-

session qui les explique à ses yeux. 4 Le diable, dit-elle, prend

la pensée d'une autre et la met dans la mienne ; je sens alors

deux pensées en même temps dans ma tête. "L'invisible peut

' Binet et Ferré. - Sensations et mouvements. ,

182 . CLINIQUE MENTALE.

alors me faire parler et agir. C'est ainsi que pour me prouver

sa puissance, il me fait égratigner la figure avec mes ongles

et jeter la tête contre les arbres de la cour.» Elle demande des

médicaments pour paralyser l'Invisible. A l'approche des im-

pulsions obsédantes, elle sent une lutte étrange, l'esprit malin

lui soutient qu'elle est folle, malgré ses dénégations, et, pour

le lui prouver, il lui paralyse la raison et accomplit l'acte

(coup à elle-même ou à ses voisines). Aussitôt elle sent en

elle un grand soulagement qu'elle attribue à la satisfaction

du diable qui est en elle en ce moment, il se réjouit et dit

même par sa propre bouche : « Tiens, je suis le plus fort, je

suis content. Quand elle écrit, il la force parfois à mettre de

gros mots (coprographie), aussi est-elle obligée de faire tou-

jours des brouillons qu'elle rature avant d'exécuter une copie

correcte.

Une autre malade atteinte d'onomatomanie et d'arithmoma-

nie attribue aussi ses obsessions à des Invisibles. Ce sont des

questions relatives à des chiffres, des lettres ou des mots (ques-

tions qu'elle prétend lui être posées par ses persécuteurs : Julien

l'Apostat, Lucifer, etc.), c'est l'obsession combinée à un véri-

table délire à évolution, car la malade a suivi toutes les étapes

elle a vu des lettres de feu, des apparitions consolantes et pré-

sente enfin des phénomènes psychomoteurs qu'elle appelle les

voix théologiques inspirées par les bons anges qui parlent dans

sa bouche et forcent sa langue à remuer. Ils lui font ainsi .

répondre par des jeux de mots, des chiffres et des lettres.

Lorsqu'elle a trouvé ses réponses, elle est soulagée tout comme

une onomatomane simple ; c'est en quelque sorte l'onomato-

manie permanente associée au délire '.

On le voit, la constatation des syndromes psychiques, joints

aux stigmates physiques, ne saurait permettre de pronostiquer

constamment et à coup sûr une bouffée délirante 'curable à

l'exclusion d'une psychose religieuse systématisée. A côté des

cas où les obsessions affectent un caractère épisodique et pas-

sager, il y en a d'autres où elles persistent, constituant une

psychose sinon progressive, du moins chronique et incurable.

Tel est par exemple le cas suivant rapporté par Leuret. Il

1 Celte observation a été publiée en entier par un de nous A. Marie

(Elude sur quelques symptômes des délires systématisés et sur leur

valeur, 1802, p. 105)..

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 183

s'agit ici d'une dame qui croyait avoir communié en état de

péché mortel. Le délire religieux était incessant ; il était le

principe de toutes les actions. La malade voyait partout des

hosties et des profanations d'hosties. Tout ce qui avait une

forme circulaire, tout ce qui était blanc, sans même avoir cette

forme, était une hostie ou une portion d'hostie. Dans les po-

tages, dans les sauces, il y a de la graisse fondue et affectant

la forme circulaire : ce sont des hosties ; dans le pain, il y a

des trous également circulaires : ce sont encore des hosties ;

dans les boissons il y a, à la surface, des bulles de gaz : toujours

des hosties. Il ne faut donc ni boire ni manger sous peine de

sacrilège. Dans le mucus des narines; dans la salive, dans l'urine,

les matières fécales, encore des bulles, et par conséquent, des

formes circulaires : on ne doit donc rien rendre, car on ren-

drait des hosties. Point de poches, il y tomberait des hosties ;

point de changement de linge, car dans les plis pourraient se

trouver des hosties ; point de lettres fermées avec des pains à

cacheter ; pas de promenades, parce que, chemin faisant, on

rencontre des morceaux de papier, du plâtre, des objets blancs

qui sont des hosties ; jamais de prières à l'église, parce qu'il y

a là des hosties dont on peut s'emparer. De là, obligation de se

détourner des églises, de s'en tenir assez loin, pour ne pas

entendre le son des cloches qui rappellent les églises, qui rap-

pellent les hosties ; pas de sommeil, à moins qu'on n'y suc-

combe, parce qu'en dormant, on peut se réveiller somnam-

bule et aller ouvrir le tabernacle ; au réveil, frayeur extrême,

et recherche empressée des hosties, qui pourraient rester aux

mains, dans le lit, etc. (Leuret, l. c.)

D'une façon générale, en dehors des mystiques débiles pro-

prement dit (comprenant les degrés inférieurs de la mentalité

de l'idiotisme et l'imbécillité jusqu'à la simple faiblesse d'es-

prit), on peut distinguer, parmi les congénitaux à idées déli-

rantes religieuses, deux autres grandes classes d'héréditaires.

Les uns, à tendances passives, convergeants en eux-mêmes,

sont caractérisés particulièrement par l'émotivité (Morel) ;

plus ou moins conscients, ils souffrent et sont malheureux,

aussi arrivent-ils souvent au suicide. C'est chez eux queles per-

turbations de la sphère émotionnelle se traduisent par la foiie

du doute ou du toucher et toutes les phobies variées qu'on a

décrites sous le nom de syndromes épisodiques ; ainsi que

nous venons de le voir, ces syndromes peuvent s'observer à

184 . CLINIQUE MENTALE.

l'état permanent et incorporés à un délire mystique chronique.

Lés autres congénitaux, qu'on pourrait opposer aux précé-

dents, ont au contraire des tendances actives et en quelque

sorte divergentes ou centrifuges. Ils rentrent dans la catégorie

de ceux de Moreau (de Tours) qui dit que ce sont des instruments

- auxquels manquent des cordes, à cause de leurs facultés par-

tielles, de leur instabilité mentale, se traduisant par la folie im-

pulsive ou les perversions instinctives. Ces malades aggres-

sifs et dangereux sont plutôt enclins à l'homicide; leurs

conceptions morbides religieuses peuvent se rapprocher de

celles des délirants systématisés primitifs théomanes par l'exa-

gération constante de la personnalité. Les anomalies de l'ins-

tinct sexuel si fréquentes chez ces dégénérés s'allient aussi très

souvent à des troubles mentaux de teinte mystique.

Moreau (de Tours) signale ce mélange intime du mysticisme

et de l'érotisme. « Sous le masque de l'amour le plus pur, d'un

sentiment qui a pour objet non plus la créature, mais le créa-

teur lui-même, se cachent quelquefois les appétits sexuels les

plus ardents, une surexcitation des deux systèmes d'or-

ganes dont le concours d'action engendre la passion amoureuse

dans toute sa plénitude. » [Moreau (de Tours). Psych. mor-

bide, 37, 30, °G9.]

D'après Bail, il existe un rapport presque constant entre la

folie religieuse et l'excitation sexuelle à tel point qu'on pourrait

croire que ce sont les mêmes cellules cérébrales qui prési-

dent aux deux phénomènes. Souvent ces tendances érotiques

se marient aux idées mystiques les plus exaltées.

En Allemagne, nous rappellerons'que Schule, parmi les para-

noïas dégénératives, décrit une forme onanistique du délire

religieux et que Krafft-Ebing signale aussi le mysticisme des

psychopathes sexuels. (Lerbuch. der psych., t. I, p. 61.) Une

de nos malades conciliait d'une façon originale les deux sortes

de perversion mentale ; elle se masturbait avec un crucifix,

croyant ainsi sanctifier l'acte.

Il y a chez ces malades une dissociation psychique, bien

que par un mécanisme autre que celui des malades étudiés au

commencement de ces notes. Au lieu d'un antagonisme pure-

ment cérebral, il y a un antagonisme que l'on pourrait appe-

ler cérébro-spinal, le malade luttant contre les impulsions

morbides nées de ses appétits génitaux et de son centre génito-

spinal excité.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 185

L'aspect clinique est alors très analogue à celui des possé-

dés ; des cas d'inversion sexuelle sont de même expliqués par

les malades à l'aide d'une théorie semblable à celle de la pos-

session. Un jeune homme cité par Esquirol à la fin du cha-

pitre sur la démonomanie s'imagine être transformé en

femme et en porte l'habit. Un autre inverti sexuel s'imagine

qu'une femme s'est introduite dans son corps.

Une femme anesthésique sexuelle croit qu'une autre se

substitue à elle dans son propre corps, pendant ses rapports

conjugaux. (Magnan, loc. cit., p. 80, 81. Sérieux, thèse

Paris, 1888.) Un homme agénésique croira aux sorciers

noueurs d'aiguillettes.'

Comme les inversions, les perversions sexuelles peuvent

s'observer conjointement à des idées délirantes mystiques.

Une débile, ancienne religieuse, croit avoir avec le Christ

des rapports ab ore (Délires systématisés, p. 30).

« Plus d'une religieuse, dit Ball, a choisi Jésus comme

amant et le rôle de ce divin personnage n'est pas toujours aussi

immatériel qu'on le pourrait croire » (p. 590, loc. cit.).

Aux perturbations de la sphère génitale se rattachent aussi

les' grossesses imaginaires que des aliénées à l'esprit faible

expliquent par une nouvelle intervention de l'Esprit-Saint, ou

un ensorcellement diabolique, et la croyance aux incubes et

succubes; il est à remarquer que dans ce dernier cas, les coïts

imaginaires sont particulièrement douloureux, comme dans la

démonomélancolie.

L'excitation génésique et les préoccupations mystiques

coexistent également chez d'autres malades, sans que les deux

ordres de conceptions soient mêlés, mais ils se succèdent régu-

lièrement en des périodes nettement distinctes et d'une oppo-

sition tranchée. Telle est cette malade de Morel, citée par

M. Ritti (La folie à double forme) . Elle se croit tour à tour

religieuse ou prostituée. (Obs. XVII.) .

RECUEIL DE FAITS.

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPHÉRIQUE :

IDIOTIE, HÉMIPLÉGIE DROITE ET ÉPILEPSIE CONSÉCUTIVES;

Par BOURNEVILLE.

SOMMAIRE. - Père, excès de boisson, fièvres intermittentes Grand'-

mère paternelle, excès de boisson. Grand-père maternel, quel-

ques excès de boisson. Une cousine maternelle, épileptique.

Une autre arriériée, bègue. Un oncle, excès de boisson. Tante

et cousine, idiotes. Plusieurs frères et soeurs, convulsions. ? Cyanose à la naissance. Premières convulsions sous forme

d'état de mal à 5 ans avec prédominance à droite. Hémiplégie

droite et idiotie consécutives. Convulsions pendant trois mois.

Début de l'épilepsie à 13 ans et demi.

Description du malade. Impulsions violentes : colères,

injures, obscénités. Légère torsion de la verge et épispadias.

Onanisme fréquent. Accès sériels de plus en plus fréquents. -

Escarres et gâtisme consécutifs à une série. Altitude voûtée et

inclinaison du corps de plus en plus prononcée. Evolution de

la puberté. - Etat de mal. Elévation notable de la tempéra-

rature. Mort. Marche de la température et de la rigidité

cadavériques.

Autopsie. Liquide céphalo-rachidien abondant. - Atrophie

totale de l'hémisphère cérébral gauche. Atrophie du pédoncule

cérébral, du tubercule mamillaire et de la bandelette optique gau-

ches. Description du cerveau. Description du squelette : .'

Aa·rél de développement de toute la moitié droite.

Doue... (René), né à Paris le 16 mars 1865, est entré à Bicêtre,

dans notre service, le 28 juin 1879.

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère.) Père,

quarante-sept ans, homme de peine, assez calme d'ordinaire, fait

des excès de boisson et « a le vin très exalté » ; bien portant, a

eu les fièvres intermittentes de vingt-sept à trente-cinq; c'est dans

cette période qu'est né le malade. Pas de syphilis. [Père inconnu.

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPHÉRIQUE. 187

Mère, a fait des excès de boisson, morte à soixante-douze ans.

- Une soeur, bien portante, mère d'enfants sains. - Pas de

maladies nerveuses dans le reste de la famille.] ,

Mère, cinquante ans, fruitière, intelligente, sobre, peu nerveuse,

bien portante. - [Père débardeur, quelques excès de boisson,

plusieurs hémoptysies, mort à quarante-cinq ans, à la suite d'un

coup reçu sur la poitrine, au cour d'une joute. Mère, soixante-

quatorze ans, en bonne santé. Un frère a deux filles : l'une, forte

et intelligente, aurait eu, au moment de la puberté, des accès d'épi-

lepsie qui auraient reparu pendant un an ; ils auraient cessé depuis

plus d'une. année. L'autre a « l'intelligence lourde et bégaie un

peu ». Un autre frère (de mère seulement), nerveux, fait des excès

de boisson. Une soeur, morte idiote à dix-neuf ans, sans avoir

parlé, ni marché. Une cousine germaine « a la tête faible

mais gagne sa vie.]

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de trois ans (mère plus

âgée).

Six enfants d'un premier lit : 1° une fille un peu nerveuse dont

un des enfants a eu des convulsions internes; - 2° un garçon

mort athrepsique à deux ans; - 3° un garçon mort du croup ( ? ) à

9 mois;-40 un garçon mort de « rougeole rentrée » à deux ans et

demi; - 5° un garçon t bossu », a eu beaucoup de convulsions,

est mort à dix-huit ans, à la suite d'un abcès par congestion;

6° un garçon, vingt-sept ans, bien portant, a eu des convulsions

internes.

Cinq enfants d'un second lit : 1° une fille, dix-huit ans et demi,

médiocrement intelligente et qui a eu beaucoup de convulsions ;

2° notre malade ; 3° une fille, quinze ans et demi, nerveuse,

peureuse, sujette à des cauchemars, a eu des convulsions; elle est

intelligente; 4° un garçon, intelligent, a eu des convulsions; -

5° un garçon, passablement intelligent, a eu des convulsions.

Notre malade. Pas de rapports sexuels durant l'ivresse.

Grossesse bonne. Accouchement naturel, à terme. - D... était

à sa naissance « aussi gros qu'un enfant de trois mois »; il était

cyanosé et on dut saigner le cordon. Sa mère l'a nourri jusqu'à

quinze mois; c'est vers treize mois qu'ont paru les premières dents.

D... a commencé à parler à quinze mois; il n'a marché qu'à

dix-huit mois. Jusqu'àsix ans, il a pissé au lit, mais il était propre

dans le jour. On l'envoya à l'asile : il apprenait assez bien, savait

des prières, des chansonnettes.

Il avait cinq ans lorsque, une après-midi, et à peine couché, il

fut pris de convulsions généralisées aux quatre membres, et qui ne

durèrent que quelques minutes. Vers sept heures du soir, le même

jour, il fut pris d'une nouvelle crise, qui dura jusqu'à minuit, sous

forme d'état de mal. Les secousses convulsives, qui étaient très

188 RECUEIL DE FAITS.

fortes, portèrent uniquement sur le côté droit. A dater de ce jour,

D... eut quotidiennement pendant trois mois, des crises convulsives

qui duraient d'une demi-heure à une heure, et portaient unique-

ment sur le côté droit. Il passa ces trois mois presque complète-

ment au lit, sans bouger, sans parler, paraissant souffrir lorsqu'on

le remuait, surtout du côté droit. On le faisait manger, et il ne

dépérit pas trop.

Après cette période, on put le lever, et on s'aperçut que le côté

droit était paralysé et que les membres de ce côté étaient devenus

rigides. Il dut apprendre de nouveau à marcher et il ne put le

faire qu'en traînant la jambe; le bras était .inerte. Lorsqu'il

recommença à parler, ce fut en bégayant. L'intelligence, elle-

même, avait considérablement diminué ; le caractère, primitive-

ment doux,, s'était modifié : D... était devenu colère, violent,

brutal.

Jusqu'à treize ans et demi, il n'eut plus de crise convulsive,

mais sa paralysie ne se modifia pas, non plus que son intelligence :

à l'école il n'apprit rien du tout. Puis, à la suite « d'une colère

rentrée » contre un voisin, il eut dans la nuit un premier accès

d'épilepsie, avec prédominance des convulsions dans le côté para-

lysé. Nouvel accès dans la nuit, quatre ou cinq jours après. Les

accès se succédèrent ensuite, toujours nocturnes; ils étaient précé-

dés d'un cri plaintif, étouffé; puis tout le corps devenait raide avec

inclinaison du côté droit, déviation conjuguée de la tête et des

yeux à droite, grincement des dents. Les secousses étaient peu

fortes et prédominaient à droite; pas d'écume, pas de morsure de la

langue, pas d'évacuations involontaires. A la fin, stertor, et retour

assez rapide de la connaissance ; pas de troubles psychiques consé-

cutifs. Dans la journée, pas d'accès, à moins qu'on ne le couchât,

mais quelques étourdissements : il devenait tout drôle, regardait

avec des yeux hagards, blémissait un peu et en quelques secondes

c'était fini.

Chez ses parents, il passait la journée sans rien faire. La mère

était fruitière à côté d'un lupanar où il allait porter de la mar-

chandise ; il y restait à déjeuner : « On le faisait chanter, dit sa

mère, mais ce n'est pas dans ces maisons qu'on apprend de

vilaines choses; ces femmes-là sont réservées ( ! ). Mais à côté de

chez nous il y avait dès-chiffonniers qu'il allait voir et qui ne se

gênaient pas devant lui. Ce sont eux qui lui ont appris les

expressions ordurières » qu'il débite effrontément. Il n'avait pas de

tic, mais bavait en parlant et suçait son pouce. Pas d'onanisme.

Quoique colère, il avait bon coeur, demandait volontiers pardon,

n'était pas vindicatif, partageait avec ses camarades, jouait avec

les animaux. Une rêvait que de travailler pour avoir de l'argent, il

connaît la valeur des pièces, prenait des sous pour les donner aux

enfants.

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPITÉRIQUE. 189

Etat actuel. Tête assez grosse; crâne oval, symétrique, assez

développé aux régions occipitale et mastoïdienne.

190

RECUEIL DE FAITS.

Membres supérieurs.

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPHÉRIQUE. 191

flexion est facile, mais l'extension est limitée par les fléchisseurs

contracturés. Pas de craquements dans les articulations : pas

d'athétose, pas de modifications de la nutrition de la peau, ni du

système pileux. A la palpation, le membre paralysé paraît plus

froid que le gauche.

Membres inférieurs. - Le membre droit, moins développé que

l'autre à première vue, est très légèrement fléchi, le pied n'est pas à

angle droit, mais retombe un peu. Le malade étant couché, si on

lui dit de lever la jambe droite, on voit ce membre se roidir et être

1'ig. 2. Doue..., en juillet 1884 (19 ans).

192 RECUEIL DE FAITS

pris de tremblement, ce qui n'empêche pas le malade de le sou-

lever. Pendant cet effort, le bras correspondant se raidit et se sou-

lève par un mouvement associé très net.. 1 .,

D... arrive à fléchir et étendre le genou, quoique très lentement ;

nous ne pouvons lui faire comprendre de remuer son pied. En

marchant, légère boiteriez comme si ce membre était trop court;

le pied retombe de la pointe et fauche légèrement. Il est facile de

communiquer des mouvements lents à toutes les articulations,

dans lesquelles on ne perçoit aucun craquement. On obtient par-

fois, sur les deux membres inférieurs, des phénomènes d'épilepsie

spinale. Pourtant il n'y a pas de phénomènes du tendon bien nets.

- Pas de mouvements choréiformes ; pas de modification nutritive

de la peau ni du système pileux ; température plus basse du côté

paralysé.

Peau et tissu cellulaire. - Cheveux, sourcils et cils châtain clair,

assez abondants ; moustache blonde naissante ; quelques poils au

menton; poils abondants aux aisselles, au pénil; tronc glabre;

poils aux quatre membres. Pas d'adénite. Quelques petites cica-

trices sur le dos du poignet droit ; une cicatrice de brûlure au tiers

inférieur de la face dorsale de l'avant-bras droit. Quelques érosions,

quelques ecchymoses sur le bras droit, qui parait recevoir des chocs

plus fréquents. - Une petite cicatrice sur la crête du tibia droit.

Organes génitaux. - Verge très volumineuse, pas de phimosis;

testicules gros, égaux. Onanisme fréquent.

Digestion : appétit excellent, digestion facile, selles régulières;

rate, foie, normaux. - Respiration : sonorité à la percussion ; pas

de râles. - Circulation : coeur régulier; pas de bruit morbide.

Sensibilité générale conservée sous ses divers modes; paraît être

égale des deux côtés. -Vue, ouïe, odorat, goût, conservés, mais dif-

ficiles à juger comme qualité.

Force musculaire. -Prise à droite avecle dynamomètre Mathieu :

8 kilogrammes ( ? ) ; à gauche, 25 kilogrammes. En juillet 1881 :

taille, lm,64; poids, 58k,20.

Intelligence. On a essayé, sans succès, d'envoyer Doue... à

l'école ; il se refuse à toute application, et quitte la classe pour

passer sa journée à traîner sur les bancs dans la cour. Il ne connaît

pas ses lettres, ni ses chiffres, n'a rien appris en gymnastique, n'a

ni discernement, ni mémoire. Si on lui montre un objet usuel, en

lui en demandant le nom, les usages, il répond le plus souvent par

un rire bête et détourne la tête. Il est grossier et s'il prononce

spontanément un mot, ce sera une grossièreté. Très colère, si on

veut le contraindre à faire quelque chose, il répond par des injures

mord les personnes, lance ses sabots contre elles, déchire ses vête-

ments ; il frappe à tout propos les enfants plus jeunes que lui.

Pourtant il peut s'habiller, quoique avec une lenteur désespérante;

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TABLEAU DES ACCÈS ET DES VERTIGES

194

RECUEIL DE FAITS

sait se laver, mange seul et ne gâte pas d'habitude. Il est incapable

de retrouver son lit au dortoir ou sa place à l'école.

Actuellement les accès sont à la fois diurnes et nocturnes ; ils

sont très fréquents, ainsi que le montre le tableau ci-devant.

L'état d'idiotie prononcée de Doue... rend impossible la recherche

d'une aura : rien d'ailleurs ne nous autorise à en admettre l'exis-

- lance. Il nous a été donné d'observer un accès durant la visite, et

voici quelle a été son évolution :

Sans aucun cri initial, Douc... est tombé de sa chaise et c'est sa

chute qui nous a fait retourner. Durant quelques instants, il est

reslé immobile comme dans un étourdissement ; puis tout le corps

s'est raidi, à peu près également des deux côtés, la face tournée à

gauche. La phase tétaniforme qui a suivi, a prédominé aux deux

membres inférieurs. Les secousses cloniques ont à peu près impres-

sionné également les quatre membres. Pas d'écume : stertor ter-

minal et sommeil consécutif assez prolongé.

TABLEAU DU POIDS ET DE LA TAILLE.

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPHÉRIQUE. 195

tion notable. Le seul bénéfice qu'on en a retiré a été de le rendre

plus traitable, plus calme i.

Entré à l'école le 20 octobre 1879, D... ne connait pas les lettres

ni tracer aucun caractère d'écriture. 11 additionne des nombres

simples, tels que 2 et 1, 4 et 3, mais ne connaît pas tous les chiffres.

Pas de mémoire. Pas de discernement. Gymnastique : sans

aucune notion, mauvaise volonté, ne veut rien faire.

1er septembre. - L'enfant prend régulièrement ses douches en

jet en éventail. Il est plus tranquille, mais toujours violent.

2 décembre. Doue... refuse absolument de faire quoi que ce

soit ; en classe, il frappe les petits enfants, qu'il mord lorsqu'on

veut le contraindre à travailler. A la plus petite contrariété, il

déchire ses vêtements. Il insulte sans cesse les maitres par les

paroles les plus grossières ; il est rebelle aux avis les plus bienveil-

lants. Les douches ont été continuées jusqu'à ce jour.

1880. 21 septembre. - Le maître obtient de lui faire répéter les

lettres et d'en tracer pendant huit à dix minutes. - D... est tou-

jours enclin à la colère et aux paroles injurieuses, grossières et

obscènes.

18 août. - Amélioration légère. On continue les douches.

8 novembre. Suspension des douches; bromure de potassium

de 2 à 8 grammes ; école. D... lit un peu; gymnastique (où il y a

peu de progrès).

1881. 4 juillet. D... ne veut rien faire et devient d'une vio-

lence extrême si on veut le contraindre.

le, novembre. Gale contractée durant un congé.

1882. L'enfant a suivi le traitement hydrothérapique d'avril à

septembre.

1883. Hydrothérapie du 1 au 30 novembre.

10 novembre. A eu 436 accès du 1er avril au 31 octobre tandis

qu'il en avait eu 652 dans la même période de 1882. Onanisme

fréquent.

1884. Hydrothérapie du le, avril au 1er septembre.

1er juillet. Même état. D... passe son temps à flâner dans la

cour de l'infirmerie. Il lui arrive, mais très rarement, de gâter.

Puberté. Poils abondants et frisés au pénil. Bourses pendantes.

Testicules volumineux. Verge très développée. - Gland, peu

Cette première partie de l'observation a été déjà publiée dans la thèse

de l'un de nos internes, le D' \i'uillamié (De l'épilepsie dans l'hémiplégie

spasmodique infantile, 1882).

196 RECUEIL DE FAITS.

découvert. Le méat, dont les bords sont convexes, est étroit et

situé à l'extrémité du gland sur la face antérieure (léger degré

d'épispadias). Onanisme.

1885. 5 janvier. Pas de folie après les accès. Pas d'inéga-

- lité des pupilles. Pas d'embarras de la parole. Persistance de l'ona-

nisme. On l'habille et le déshabille. Gâteux la nuit et tous les

jours, même quand il n'a pas d'accès. Son attitude est la même,

toujours voûtée. Quand on veut l'habiller ou le déshabiller, il se

sauve au bout de la salle. Les recherches avec le dynamomètre sont

impossibles. '

il juillet. - Puberté. Moustache blonde, assez fournie. Poils

abondants et longs à la lèvre inférieure et au menton. Léger duvet

sur les joues. Poils abondants et longs au pénil et à la racine

des bourses qui sont pendantes, de niveau. - Testicules égaux, de

la grosseur d'un petit oeuf de pigeon. Verge volumineuse, un peu

tordue vers la droite. Circonférence 9; longueur 9 et demi.

D... continue à se masturber. Poils assez abondants à l'anus.

La pupille droite est un peu plus dilatée que la gauche. On

ne peut obtenir de D... qu'il fasse sortir la langue et c'est à peine

si on peut lui arracher quelques paroles.

Attitude : Il est penché en avant, toujours très voûté; il lève

péniblement le pied droit, dont la pointe frotte. Le bras droit est

pendant le long du thorax, l'avant-bras fléchi, la main tout à fait

fléchie. D... est toujours gâteux, grossier. il n'aime pas aller

aux douches. Parfois crises de colère dans lesquelles il déchire ses

habits.

26 décembre. Depuis quinze jours, D... a des accès très fré-

quents. Il présente des ulcérations, les unes arrondies, les autres

ovalaires sur presque tout le dos, sur la région trochantérienne

droite, de volume variable.

1886. 9 février. Puberté. Moustache blonde, bien dessinée,

assez épaisse, égale des deux côtés. Barbe assez abondante au

menton; mouche bien fournie. Duvet sur les joues. Poils roux,

très abondants, au pénil. Les poils sont également très abondants et

très longs à la racine des bourses, pendantes. Les testicules sont

égaux, de la dimension d'un petit oeuf de pigeon. Verge : circon-

ference, 82 millimètres : longueur, 105 millimètres. Le gland est

en partie découvert, découvrable. Le méat est un peu étroit avec

excoriation. Poils assez abondants à l'anus et aux aisselles. Il ne

paraît pas y avoir de différence entre les deux côtés au point de

vue du développement et de la répartition du système pileux.

D... présente au niveau du sacrum à droite : 1° une escarre de

2 centimètres de diamètre ; 2° trois larges cicatrices d'escarres

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPHÉRIQUE. 197

un peu plus petites. Rien de semblable à gauche, mais sur les

deux côtés du thorax et les trochanters, macules et cicatrices de

petites escarres consécutives au décubitus et au gâtisme qui a

débuté pendant la série d'accès qu'il a eue au mois de janvier.

Pupilles égales.

21 juin. - Le malade a eu six accès. Il est pâle, abattu, ne

mange pas. Le pouls est petit.

2. D... a encore eu six accès. Son état reste le même.

23. Depuis hier quatre accès. Prostration. Beaucoup de diffi-

culté pour avaler. Les quelques mots qu'il disait dans ces derniers

temps ne peuvent plus être articulés. 11 n'allonge plus ses jambes,

il a un certain degré de contracture. Quand on veut défléchir la

jambe gauche, l'on n'y parvient pas. Le membre supérieur gauche

n'est pas contracturé, les membres du côté droit ont leur ancienne

attitude. La face est hébétée. - Au sacrum, escarre large comme

une pièce de cinq centimes. Pas d'autres escarres.

24. Ce matin D... est très agité, sa face est rouge, un peu

congestionnée, les yeux sont hagards, il agite fréquemment son

bras gauche et sa jambe droite, cherche à mordre ceux qui l'ap-

prochent, mord ses draps. Quatre accès depuis hier.

16 juillet. - Plaques rouges un peu ulcérées au trochanter

droit. t.

23. Depuis sa dernière période de grands accès (21 et 2S juin)

ses jambes ne le supportent plus; elles ont tendance à se replier ;

en tout cas elles s'allongent difficilement. Les escarres, dont une au

sacrum et deux sur le haut de la jambe droite, qui étaient en

bonne voie de guérison, se sont rouvertes et ont augmenté de

dimension. D... continue à se masturber, mais moins qu'autrefois.

Selles régulières, involontaires. Appétit revenu.

4 août. 9 accès. T. R. 38°,4. Soir : T. R. 38°,6.

5. - Etat de mal depuis hier, 10 accès ce malin. 18 accès hier.

T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°, 3.

6. Même état.- K. Br. Bouillon et lait. Dans les trois derniers

jours de l'existence, le malade n'a pas prononcé un seul mot. Les

accès du 5 sont venus de la façon suivante : 12 le matin, en

4 heures de temps ; 6 dans l'après-midi. Dans les accès du matin la

connaissance n'était pas revenue, elle n'est pas revenue non plus

entre la série du matin et la série du soir. L'amaigrissement a faitt

des progrès assez rapides depuis quelques mois; le malade élai-

affaibli et ses dernières séries l'ont achevé. 3 accès. T. R. 37 ? J.

Soir : T. R. 38°,9.

7. - L'enfant meurt à 7 h. 15 du matin avec une température

de 41°,2, sans avoir repris connaissance, et sans avoir eu de nou

veaux accès.

198 RECUEIL DE FAITS.

Température après décès.

SCLÉROSE CÉRÉBRALE HÉMISPHÉRIQUE. 199

dian gauche, entre autres, paraît de même mesure que le droit. A

gauche, l'artère fémorale est plus large, ses parois sont plus

épaisses. Les nerfs sciatiques semblent normaux.

A droite, les articulations du coude et de l'épaule sont moins

développées qu'à gauche. La surface articulaire est normale; la

synoviale ne présente pas de particularités. La coloration est un

peu bleuâtre à droite, blanc-jaune à gauche.

Sternum proéminent, surtout à droite vers l'insertion des der-

nières côtes. ·

Cou. Pas de thymus. Glande thyroïde assez développée à

droite, très peu à gauche. Larynx, oesophage, trachée, rien

d'anormal.

Thorax. A droite le poumon est entièrement adhérent aux pa-

rois costales et au péricarde; à gauche il n'y a pas d'adhérence entre

es deux plèvres. Pas de liquide anormal dans la cavité pleurale.

Péricarde, rien de particulier. Coeur (250 grammes) en systole;

dans les cavités, sang liquide et caillots noirs. Imbibilion des val-

vules de l'aorte et de l'artère pulmonaire. Le trou de Botal est

oblitéré. Valvules, myocarde, endocarde, rien de notable.- Pou-

mon droit (295 grammes) ne présente aucune lésion. Poumon

gauche (440 grammes), très forte congestion et oedème du lobe

inférieur l'

Abdomen. - Estomac sain. - Foie (1450 grammes) congestionné,

ayant un aspect un peu muscade. Vésicule biliaire normale.

Canal cholédoque perméable. Pancréas, rien. Rate (125 grammes)

très adhérente au diaphragme, capsule ridée et cicatrice médianes.

- Rein gauche (125 grammes) lobule, hypérémié, étoiles de Ver-

rheyen. - Rein droit (130 grammes) lobulé, même état. Capsules

surrénales normales. Vessie pleine, saine. Uretère, testicules,

intestin grêle et côlon, rien de particulier.

Tête. A l'ouverture de la cavité crânienne, il s'écoule une

grande quantité de liquide céphalo-rachidien. La calotte est dure,

épaisse, congestionnée, symétrique, toutefois le côté droit présente

une épaisseur moindre que le côté gauche. Il en est de même à la

base qui paraît symétrique. (Voir plus loin la description com-

plète du squelette.) - Le trou occipital est normal. La dure-

mère est assez congestionnée, de même que le cuir chevelu sur

toute sa surface et principalement en arrière et à gauche. La

pie-mère est très hypérémiée, très épaissie etoedématiée à gauche,

mince et oedématiée à droite. - Les artères et les nerfs de la base,

sauf le nerf optique, ne présentent rien de particulier.

L'hémisphère gauche est très petit, atrophié dans son ensemble;

les circonvolutions sont vermiformes, l'hémisphère ne recouvre

qu'en partie le lobe cérébelleux correspondant et est en retrait en

avant et en arrière de l'hémisphère droit qui parait bien conformé.

Pas d'adhérences. Le ventricule latéral est très dilaté. - Le pédon-

200 RECUEIL DE FAITS.

cule cérébral gauche, la moitié gauche de la protubérance et du

bulbe paraissent moins développés qu'à droite. Il en est de même

du tubercule mamillaire et de la bandelette optique gauches. Le

pédoncule cérébral gauche est fortement déprimé. Il mesure 9 mil-

lim. à sa base tandis que le droit mesure 13 millim à la même

hauteur. Au niveau de la bandelette optique, il mesure 20 millim.

- à droite, 17 à gauche.

SCLÉROSE cérébrale hémisphérique. 201

ment assez grande sur les circonvolutions très grêles du lobe qua-

drilatère et l'extrémité du lobe frontal. Les circonvolutions du lobe

occipital sont aussi plus grêles que ne le fait voir la planche. La

circonvolution du corps calleux est tout à fait lisse. Le ventricule

latéral est un peu dilaté, la couche optique et le corps strié très

atrophiés. Les sillons sont relativement assez profonds. Les

coupes pratiquées sur les masses centrales ne révèlent aucune

lésion. (Pl. II, fig. 2.)

Hémisphère droit. Les circonvolutions sont en général bien

développées (PL. 1 et II). Les sillons sont assez profonds, mais les

plis de passage sont peu nombreux. Relevons en particulier le

développement de F. A., l'. A., P. S. et P. I., sur la face convexe;

- de FI., L. Q., C. H., 'P sur la face interne. Les Planches I et Il

nous dispensent d'en faire une description détaillée.

RÉFLEXIONS. - I. Les antécédents héréditaires sont assez

chargés. Le père, sous l'influence de fièvres intermittentes,

lorsque l'enfant a été conçu, commettait de fréquents excès de

boisson, comme sa mère - la grand'mère paternelle de l'en-

fant. Il en était de même, mais à un moindre degré, du grand-

père et d'un demi-frère maternels du malade. Signalons

encore, dans la ligne maternelle, une tante idiote, une cousine

imbécile et une autre épileptique; - deux demi-frères mater-

nels et un neveu, deux frères et deux soeurs, dont l'une est

arriérée, qui ont eu tous des convulsions.

II. L'enfant est né cyanose. Est-ce à cette condition, dont le

degré n'a pu être précisé, ou au terrain héréditaire qu'il faut

aitribuer le retard de la dentition, de la parole et de la marche,

ainsi que l'incontinence nocturne d'urine, nous ne saurions

nous prononcer.

III. C'est à cinq ans que débutent les lésions qui ont eu pour

conséquence : 1° l'i'diotie; 2° l'hémiplégie droite;

3° l'épilepsie.

Les lésions, sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure,

ont eu pour symptôme capital les convulsions qui se sont pré-

sentées sous la forme d'un état de mal. Elles ont duré sept

heures sans arrêt et ont porté uniquement sur le côté droit.

Souvent, après cet état de mal, les malades de cette catégorie

ont un répit, les convulsions soit isolées, soit subintrantes, ne

réapparaissant qu'au bout de plusieurs mois, d'un an, etc.

Ici pendant trois mois, les crises convulsives sont revenues

quotidiennement, affectant toujours, exclusivement, la moitié

droite du corps. Les convulsions ont eu pour conséquence

202 RECUEIL DE FAITS.

immédiate l'hémiplégie et l'idiotie, et pour conséquence ulté-

rieure l'épilepsie.

1° L'hémiplégie occupait les membres du côté droit, qui

avaient été le siège des convulsions. Elle était complète pour

le membre supérieur, incomplète pour l'inférieur. Le membre

.supérieur était contracture, le bras collé contre le tronc,

, l'avant-bras presque àangle droit surle bras et la main à angle

droit sur le poignet (fig. 2). D... marchait en traînant assez

fortement la jambe.

Ainsi que cela est constant, quoique variable en degré, dans

l'hémiplégie infantile, la paralysie se compliqua d'un arrêt de

développement. Les mensurations comparatives que nous

avons consignées (p. 89) à diverses reprises font voir que l'atro-

phie ou mieux l'arrêt de développement était plus accusé au

membre supérieur qu'au membre inférieur, qu'il allait en

quelque sorte en diminuant de la partie supérieure du corps

à l'inférieure. Elles montrent encore que les membres du côté

paralysé se sont développés de 1879 à '1882, mais que leur

développement a été sensiblement moindre que celui des

membres du côté sain. Ajoutons que l'hémiplégie se compli-

quaitd'un arrêt de développement de la moitié droite du tronc,

thorax et abdomen, et d'une double incurvation de la région

dorsale de la colonne vertébrale (fig. 2, 3, 4).

2° L'idiotie, comme le prouvent les détails donnés au cou-

rant de l'observation, existait à un degré prononcé. Le carac-

tère était irritable, violent. Les instincts sexuels étaient très

développés. Tous les efforts faits pour obtenir une améliora-

tion de l'état intellectuel ont échoué. Le traitement, d'ail-

leurs, a commencé trop tard, dans la quinzième année et,

alors, on avait à lutter et contre la maladie elle-même et contre

les habitudes de vagabondage et de paresse contractées par le

malade.

3° Huit années après l'apparition des lésions cérébrales

encéphalite - qui s'était traduite cliniquement par l'état de

mal convulsif, a débuté l'épilepsie. Dans les accès, les convul-

sions prédominaient du côté paralysé. Selon la règle dans

l'épilepsie hémiplégique sauf celle qui reconnaît pour

cause la méningo-encéphalite- les vertiges étaient absents ou

rares. Ils sont devenus fréquents en 1884 et en 1885 pour dis-

paraître presque complètement dans les dix derniers mois de

la vie. Les accès se présentaient par séries, ainsi qu'on l'ob-

sclérose cérébrale hémisphérique. 203

serve communément dans cette forme symptomatique du mal

comitial. Bien que, en général, il n'y ait pas non plus de folie

20t RECUEIL DE FAITS.

après les crises, que l'intelligence se maintienne telle qu'elle

était à l'origine, ces malades n'en sont pas moins sujets à l'état

de mal épileptique. Donc... nous en fournit un nouvel exemple :

il a succombé à cette complication avec une température cen-

trale très élevée (41°, 2).

IV. La sclérose atrophique, affectant tout l'hémisphère céré-

bral gauche, fournit l'explication du syndrome clinique : état

de mal convulsif, hémiplégie et idiotie, épilepsie. La descrip-

tion que nous avons tracée, les Planches I, II, III qui l'ac-

compagnent nous dispensent d'insister. Rappelons seulement

qu'il s'agit là d'une forme assez rare de sclérose cérébrale.

Comme lésions consécutives nous devons mentionner : 1° l'é-

paississement du crâne notablement plus accusé à gauche côté

de la lésion cérébrale,'qui contribuait, avec une grande quantité

de liquide céphalo-rachidien et la dilatation du ventricule laté-

ral gauche, à combler le vide qui existait entre la surface de

l'hémisphère gauche et la moitié correspondante de la calotte

cranienne, car, nous l'avons déjà dit, il n'y avait pas de dif-

férence sensible, pas d'asymétrie notable entre les deux côtés

delà tète; 2° les dégénérations secondaires, intéressant la ban-

delette optique, le tubercule mamillaire, le pédoncule cérébral

gauches, de même que la moitié correspondante de la protu-

bérance et du bulbe.

V. Profitant de l'autorisation qui nous a été accordée d'assis-

ter au relèvement des corps de nos anciens malades au bout

de cinq ans, nous avons recueilli le squelette entier de D... La

question qui nous intéressait surtout, c'était de savoir quel

était le degré de l'arrêt de développement des os du côté para-

lysé. Les mensurations comparatives ci-après nous renseignent

complètement (fig. 3 et 4). ZD

Crâne. - Il est allongé, symétrique, assez épais ét notablement

plus à gauche qu'à droite :

SCLÉROSE CEREBRALE HEMISPHERIQUE.

205 5

droite, trois à gauche, disposés suivant une ligne oblique, ne se

décèlent en quoi que ce soit à la face externe de l'os.

A la base toutes les sutures persistent, au point que les tempo-

raux et les pariétaux chevauchent. La voûte orbitaire gauche est

un peu plus saillante que la droite. Par contre la fosse temporale

gauche paraît un peu plus profonde que la droite. L'apophyse

crista-galli, assez large et haute, est couchée complètement sur la

voûte orbitaire gauche. La fosse pituitaire est normale. Les dif-

férentes parties de la face paraissent symétriques ainsi que le

maxillaire inférieur.

206 RECUEIL DE FAITS.

La moitié droite du sternum est environ 3 à 4 millim. moins

large que la gauche.

La colonne vertébrale, régulière à la région cervicale et à la

région lombaire, présente à la. région dorsale une incurvation à

convexité postérieure très prononcée correspondant aux 5 pre-

mières dorsales. En même temps, il existe une légère incurvation

latérale à convexité dirigée à gauche répondant également aux

5 premières vertèbres dorsales. Par suite de l'usure du squelette, il

est difficile de dire si les apophyses transverses des vertèbres du

côté paralysé étaient plus petites que celles du côté sain.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. LE REPOS ET L'EXERCICE DANS LE TRAITEMENT DES MALADIES NER-

VEUSES ET MENTALES OUVERTURE DE LA DISCUSSION ; par MM. T.-S.

Clouston ET J. BATTY TUKE. (The Journal of Mental Science,

octobre 1895.)

Opinion de M. Clouston. L'auteur se prononce en faveur de

l'exercice, malgré la tendance qui se dessine depuis quelques

années à préconiser le repos. Il a eu recours à l'exercice dans un

grand nombre de cas, et tout en reconnaissant sans difficulté qu'il

y a un petit nombre de malades à qui ce moyen a été plutôt pré-

judiciable, il en a constaté les avantages chez la grande majorité

des aliénés qui y ont été soumis; il est très évident qu'il faut tenir

compte de la nature de la maladie, et même des diverses périodes

de la même maladie mentale; mais si l'on y a recours d'une façon

judicieuse, il est presque invariablement utile, et l'auteur n'en

saurait dire autant du repos. L'exercice physique musculaire est

le meilleur moyen d'obtenir par dérivation le repos cérébral. Il

n'y a qu'un petit nombre de malades chez lesquels on peut per-

mettre quelques jours de repos au lit; ce sont d'abord les malades

atteintes de folie puerpérale; puis les sujets musculairement

faibles et profondément neurasthéniques; les paralytiques; les

malades manifestement épuisés (jusqu'à ce que l'épuisement ait

diminué); enfin les aliénés dont le cerveau est devenu si exception-

nellement sensible que la moindre impression extérieure déter-

mine chez eux un état d'excitation. Enfiu M. Clouston constate en

terminant que s'il existe quelques cas de folie reconnaissant pour

cause un surmenage physique, il en est un bien plus grand

nombre dus au surmenage mental. M. Tuke pense que dans ce

dernier cas il existe un état congestif de la substance corticale, et

il en donne des raisons histologiques; c'est pourquoi il préconise

le repos pour diminuer la congestion et revivifier la cellule ner-

veuse. L'auteur conteste que cette théorie de la folie et de l'in-

somnie, fournisse une explication correcte des symptômes. Les

vaisseaux sont les serviteurs, et non les maîtres, de la cellule :

rétablissez l'activité de la cellule et, règle générale, les vaisseaux

s'arrangeront tout seuls. M. Clouston ne conteste pas un seul ins-

tant qu'il existe des cas auxquels s'applique la description de

208 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

M. Tuke; mais il pense que même dans ces cas l'exercice doit

encore être préféré au repos ; il pense en effet, que, dans beaucoup

de cas, la nutrition de la cellule cérébrale est plus sûrement

obtenue par l'exercice que par le repos.

- Opinion de 11. l3rtl Tuke. L'auteur se prononce en faveur du

repos, qu'il considère comme une méthode de traitement d'im-

portance capitale dans certaines formes de folie ; il se base pour

soutenir cette opinion sur des données d'ordre et d'origine pure-

ment scientifiques, mais dont la clinique est venue confirmer

l'exactitude. Il faut d'abord se souvenir que la cellule corticale

est l'unité d'activité psychique, et aussi que l'activité mentale est

une fonction basée sur des connexions d'éléments, ainsi que l'ont

démontré avec plus de précision que leurs prédécesseurs Golgi et

RamonyCajal; aussi Obersteiner a-t-il pu dire avec raison que

la substance grise est le terrain où s'opère l'association des diver-

ses impulsions sensorielles. Cet appareil complexe et à spécialisa-

lisation si élevée est soumis à diverses influences pathologiques

(suractivité, traumatisme, agents toxiques, régression prématurée,

etc.). Mais ce qu'il faut retenir surtout c'est que l'action sur la cel-

lule de certaines influences nocives est rapide; et l'action morbide

n'est pas limitée aux éléments nerveux, elle s'exerce sur tous les

tissus (vasculaire, lymphatique, connectif) dont l'altération réagit

à son tour sur la cellule. Mais en ce qui touche la folie la lésion

de la cellule est la condition primitive : par elle l'arc nerveux est

brisé, et l'adaptation des relations intérieures et extérieures est

rendue impossible. L'auteur a démontré dans un autre travail le

rôle de l'hypérémie corticale et de ses conséquences rapides à

l'égard de la cellule et du système lymphatique; or, ce rôle est

surtout net dans les maladies mentales qui ont pour cause un

surmenage cortical dû à une stimulation trop continue (l'auteur

laisse de côté les cas où la folie relève d'une dégénérescence des

éléments nerveux). L'observation tant clinique que nécroscopique

d'un grand nombre de cas a montré que dans la manie, comme

dans la mélancolie ou la démence avec excitation, les symptômes

se rattachaient à la continuité de cette hypérémie ; tous les élé-

ments constituants du cerveau sont petit à petit envahis par elle,

et cet état de choses donne lieu naturellement à des troubles men-

taux et à des troubles somatiques. Si, au moment où l'état cérébral

agit d'une manière si fâcheuse sur l'organisme en général, on

prescrit l'exercice, on réclame de cet organisme un travail de

réparation qu'il n'est pas en mesure d'accomplir; il faut au con-

traire conserver précieusement à un tel malade toute son énergie

nerveuse afin d'en faire bénéficier son organisme tout entier. C'est

en se basant sur ces considérations que M. Tuke a traité par le

repos un grand nombre de cas d'aliénation menlale ; la proportion

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 209

des améliorations a dépassé 90 p. 100. L'auteur admet que tous

les cas dont il s'agit (il n'a retenu que 40 cas, ne voulant parler

que de ceux qui ont été soumis au repos sous la forme la plus

complète) étaient plutôt favorables au point de vue du pronostic

en raison du début récent de la maladie et que beaucoup d'entre

eux auraient probablement guéri sous l'influence d'autres traite-

ments ; mais même cette concession faite, il reste encore à inscrire

à l'actif du traitement par le repos la remarquable rapidité des

guérisons. R. DE Mus GRAVE CLAY.

IL LE REPOS et l'exercice dans LE traitement DES maladies NER-

VEUSES ET mentales; par le professeur L. MEYER (de Gottingen).

(The Journal of Mental Science, avril 1896.)

Il y a plus de trente-cinq ans que l'auteur a commencé à appli-

quer le repos au traitement des aliénés, et sauf quelques excep-

tions, comme il s'en trouve au sujet de toutes les méthodes de

traitement, il n'a qu'à se féliciter des résultats obtenus. M. Batty

Tuke a raison de dire qu'il faut surtout insister sur la rapidité

avec laquelle apparaissent les phénomènes d'amélioration, car

c'est là en elfet un des traits les plus remarquables du succès de

cette méthode. Bien que les symptômes mentaux bénéficient lar-

gement du repos, ce n'est pas en eux, mais surtout dans les signes

physiques qu'il faudra chercher l'indication du repos à prescrire,

et du temps pendant lequel le malade devra être maintenu au

lit. Souvent même le malade, conscient des bénéfices du repos,

donne à cet égard au médecin d'utiles renseignements.

R. DE 1VIUSf,R.IVE CLAY.

III. SUR la CRANIECT0111E ET l'observation DE SES SUITES CHEZ DEUX

opérés ; par TELFORD-SMiTII. (The Journal of Mental Science,

janvier 1896.)

Lorsque Lannelongue publia le résultat de ses premières cra-

niectomies on put espérer la curabilité de l'idiotie' inicrocé'pha-

lique, et bien que Lannelongue lui-même se séparât de Virchow

(lequel regardait l'ossification prématurée des sutures du crâne

comme la cause primitive du mal) et qu'il attribuât la microcéphalie

àsa véritable cause, c'est-à-dire à l'arrêt du développement cérébral,

il pensait néanmoins qu'il y avait une compression exagérée, avec

une sorte de nanisme cérébral consécutivement à la pression

osseuse, et que la craniectomie en modifiant ces conditions favo-

riserait l'accroissement normal du cerveau. Il résulte pourtant de

recherches plus récentes, portant à la fois sur le crâne et sur le

cerveau des microcéphales que l'idée étiologique de compression

Archives, 2° série, t. III. 14

210 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

doit être abandonnée. 11 ne faut pas oublier non plus que les

autopsies de microcéphales craniectomisés ont montré que l'opé-

ration avait plutôt pour résultat d'augmenter la compression et

de diminuer la capacité crânienne; l'auteur rapporte à cet égard

l'opinion de Bourneville. Lannelongue, très confiant dans le

résultat de l'éducation de- l'enfant opéré, demandait qu'on atten-

dît un temps assez long avant de juger l'opération. Bourneville a

fait très justement remarquer qu'on entourait les petits opérés

d'une attention et d'un intérêt si soutenus que l'on était peut-être

amené à les trouver plus améliorés qu'ils ne l'étaient réellement ;

l'auteur partage cette opinion, et se demande si les premiers

brillants résultats ne sont pas dus en partie à une sorte d'attention

expectante. Il rapporte deux cas intéressants dans lesquels la cra-

niectomie a été pratiquée, sans résultats satisfaisants appréciables.

Il pense que le nombre des craniectomies faites depuis 1890 est

actuellement suffisant pour que l'on puisse se faire une opinion

sur cette opération; mais pour cela il faudrait que les observations

fussent plus complètes et plus explicites au point de vue des suites

mentales de l'intervention.

Toutefois, dès à présent, l'auteur estime que les faits actuelle-

ment connus ne plaident pas en faveur de la craniectomie; et le

jugement qui semble devoir être porté sur, ou plutôt contre cette

opération, n'est pas basé seulement sur l'examen des cerveaux

microcéphales, des crànes de microcéphales, et des crânes sur

lesquels on a tenté cette intervention, mais encore sur l'état men-

tal des petits malades et sur les résultats physiques obtenus même

dans les cas qui paraissaient réunir toutes les conditions favorables.

R. DE Musgrave CL.4Y.

IV. LE traitement CIIIRURG1CAL de l'idiotie ; par G.-E. SfIUTTLE-

WORTH. (The Journal of Mental Science, janvier 1896.)

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

I. La craniectomie ne donne que rarement si tant est

même qu'elle en donne des résultats utiles d'un caractère per-

manent dans les cas de microcéphalie congénitale ordinaire, où la

défectuosité primitive a pour siège le cerveau et non la boîte cra-

nienne ; mais elle peut quelquefois être utile en atténuant les

symptômes de compression lorsqu'une hypertrophie osseuse d'ori-

gine constitutionnelle a déterminé une synostose précoce ; elle

favorise alors le développement du cerveau. Mais le diagnostic des

cas dans lesquels il convient d'y avoir recours est hérissé de diffi-

cultés.

Il. Dans les lésions traumatiques récentes, lorsque des symp-

tômes d'irritation et d'épilepsie sont provoqués par la compression,

les opérations crâniennes sont nettement indiquées; elles le sont

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 211

également dans les cas d'affaiblissement mental avec hémiplégie

ou athétose par hémorragie intra-cranienne durant l'accouche-

ment. Il convient toutefois de se souvenir que l'insuffisance céré-

brale peut se rattacher à la porencéphalie et non à la compression

exercée par un caillot ou une fausse membrane.

III. Dans les cas d'altération mentale due à un épanchement

hydrocéphalique, et dans la méningite tuberculeuse, l'évacuation

du liquide peut être utilement pratiquée. Il en est de même de

l'hypertrophie du cerveau, où la trépanation et l'incision de la

dure-mère peuvent être avantageuses en atténuant une pression

exagérée.

IV. L'un des cas mentionnés dans ce mémoire (celui de

M. Anderson) permet d'espérer que des procédés analogues donne-

ront des résultats favorables au moins temporaires dans les cas

d'imbécillité par syphilis héréditaire'. 1. R. DE l\IUSGRAVE CLAY.

V. Plaie pénétrante DU crâne ET DU cerveau : trépanation ;

EXTRACTION D'UN ÉCLAT DE BOIS ET D'UN FRAGMENT D'OS. GuÉRISON ;

par F.-Ii. Ferguson. (tYew-I'oIv Médical Journal, 12 sept. 1896.)

Observation intéressante et instructive; en effet, la blessure avait

été faite par une roue de voiture, et rien, ni à la palpation ni à

l'inspection ne révélait une ouverture ayant pu laisser pénétrer un

corps étranger ; il y avait cependant dans la plaie cérébrale un

éclat de bois, qui avait pénétré transversalement dans le cerveau ;

ce fragment de bois avait été suivi par un éclat de la table interne

qui avait pénétré avec lui dans le tissu cérébral. Le cas démontre

l'utilité d'une intervention rapide et hardie, précoce pour éviterles

phénomènes d'infection, hardie puisque, malgré les apparences,

on peut avoir affaire à un corps étranger : la trépanation, prati-

quée dans le seul but de relever la table osseuse déprimée, a per-

mis ici de libérer le cerveau de deux corps étrangers. Le malade

a guéri. R. DE l\IUSGRAVE CLAY.

VI. SUR la ponction lombaire DE l'espace sous-arachnoïdien ; par

Georges W. JACOBY. (New-York Médical Journal, 28 décembre

1895.)

Lorsque, en 1891, au dixième Congrès international de Médecine,

Quincke parla d'une méthode propre à évacuer le contenu liquide

de la cavite cérébro-spinale sans ouverture du crâne, on ne pen-

' Non avons eu l'occasion de voir un nombre assez considérable d'idiots

cramectomisés depuis un temps déjà long. Chez aucun d'eux il n'y a eu

une amélioration digne d'être notée. Voir sur ce sujet notre communi-

cation à la Sociélé anatomique (janvier 1896) intitulée : Crânes et cer-

veaux d'idiuls; craniectomie, avec 18 fig. (U).

? 1 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

sait guère que cette opération, après tout fort simple, prendrait

place parmi les procédés reconnus de diagnostic et deviendrait

peut-être un acheminement à un nouveau traitement des maladies

de l'axe cérébro-spinal ; il faisait connaître à cette époque 22 cas

de ponction, pratiqués sur-10 malades. Deux ans plus tard, au

douzième Congrès, Von Ziemssen communiquait les résultats de sa

pratique de cette méthode, et vers la même époque Lichtheim en

signalait la valeur au point de vue du diagnostic de diverses formes

de méningite. Celte année (1895). Fùrhinger a donné le résultat

de 86 cas, comprenant plus de 100 ponctions ; mais jusqu'ici la

question n'a guère été étudiée qu'en Allemagne. L'expérience de

l'auteur porte sur un laps d'environ six mois, et le nombre dç ses

opérations s'élève à 35, comportant jusqu'à 7 ponctions dans

un seul et même cas. Ses cas se répartissent ainsi : méningite

supposée tuberculeuse., 17 ; méningite suppurée, 1 ; méningite avec

abcès, 1; tumeur, 6 ; hydrocéphalie, 4; hémorrhagie ventricu-

laire, 1 ; hémorrhagie spinale, 1 ; manie aiguë, 3; l'observation des

autres cas n'a pas été recueillie.

Le procédé opératoire est basé sur les deux données suivantes :

1° les espaces sous-arachnoïdiens du cerveau et de la moelle com-

muniquent entre eux et avec les ventricules cérébraux ; 2° la

moelle descend chez l'adulte jusqu'à la seconde, et chez l'enfant

d'un an jusqu'à la troisième vertèbre lombaire, en sorte qu'une

aiguille introduite dans le troisième ou le quatrième espace inter-

laminaire ne peut pas toucher la moelle, et s'engage simplement

parmi les racines nerveuses flottantes de la queue de cheval. Le

but de l'opération peut être soit d'évacuer un liquide anormale-

ment accumulé dans la cavité de l'arachnoïde ou des ventricules,

soit de se procurer un échantillon dans un but diagnostique.

L'instrument le plus pratique pour opérer est une simple seringue

munie d'une aiguille creuse ; l'aiguille doit être longue, car on

est quelque fois obligé de pénétrer plus profondément qu'on ne

penserait; si elle doit être grosse, le trocart fin devra être préféré.

Chez les enfants émaciés, il est facile de compter les vertèbres ;

chez les malades corpulents, c'est quelquefois impossible ; un arti-

fice infaillible consiste à faire passer une ligne par les points les

plus élevés des deux crêtes iliaques ; cette ligne prolongée, passe

par le milieu de la quatrième lombaire, en sorte que la première

apophyse épineuse que l'on rencontre en remontant est celle de la

troisième lombaire. Le point d'élection pour l'introduction de l'ai-

guille se trouve entre la troisième et la quatrième, ou bien entre

la quatrième et la cinquième vertèbre lombaire, à 5 millimètres

environ de la ligne médiane (le premier de ces deux points

d'élection est ordinairement le plus commode). Quincke a montré

que, chez l'enfant, on peut, pour des raisons anatomiques, ponc-

tionner sur la ligne médiane, mais l'auteur préfère, même dans

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 213

ces cas, la ponction latérale. Chloroforme facultatif ou suivant le

cas. L'auteur préfère l'anesthésie ; il indique ensuite l'attitude que

l'on doit donner au malade. La profondeur à laquelle doit pénétrer

l'aiguille varie suivant Quincke, de 2 à 6 centimètres ; mais un

cas de Goldscheider montre qu'il faut être prêt à aller jusqu'à

8 centimètres. Sitôt l'aiguille entrée, le liquide s'écoule soit goutte

à goutte, soit en jet mince, suivant le degré de pression. L'inspi-

ration ralentit l'écoulement, l'expiration l'accélère et contraire-

ment à certaines assertions l'auteur l'a vu s'accélérer aussi par le

relèvement de la tête. - La quantité de liquide à retirer varie

naturellement avec les indications de chaque cas particulier ; Für-

bringer a retiré jusqu'à 110 centimètres cubes en une seule

ponction. La douleur est faible si on laisse le liquide couler spon-

tanément ; l'aspiration est plus douloureuse, quelquefois même

intolérable. Les accidents ou incidents fâcheux au cours de l'opé-

ration sont extrêmement rares, et ne sont que passagers. Le risque

d'introduction de l'air est nul si l'on a soin de retirer la canule

pendant que le liquide s'écoule encore. Pour retirer l'aiguille, il

faut vaincre une pression assez considérable et employer plus de

force que pour l'introduire. En raison des faits anatomiques, cli-

niques et expérimentaux que nous connaissons, nous sommes

certainement fondés à tenter la ponction lombaire comme moyen

thérapeutique, ou comme préparation à d'autres interventions thé-

rapeutiques, sans nous dissimuler toutefois que, à l'heure actuelle,

elle ne nous a guère donné que des résultats thérapeutiques assez

insignifiants, et qu'on ne doit guère espérer d'elle qu'une action

palliative d'assez courte durée.

Mais si la valeur de la ponction lombaire est faible au point de

vue de la thérapeutique, elle est considérable au point de vue du

diagnostic ; elle permet en effet de constater : 1° la pression que

supporte le liquide cérébro-spinal ; 2° la présence et le taux de

l'albumine ou du sucre ; 3° la présence d'éléments étrangers ou

anormaux (sang, pus, micro organismes divers, surtout bacille de

la tuberculose). Les auteurs qu'on a cités ont déjà insisté sur la

valeur du taux de l'albumine au point de vue du diagnostic diffé-

rentiel entre les tumeurs cérébrales, les abcès du cerveau, la mé-

ningite. A ce propos, M. Jacoby croit devoir signaler un fait encore

peu remarqué, c'est que, après des ponctions répétées, le taux de

l'albumine augmente de quelques dixièmes pour mille. Il entre

ensuite dans quelques détails, tirés des auteurs qui l'ont précédé,

sur l'examen du liquide cérébro-spinal, et la signification de ses

divers caractères au point de vue du diagnostic différentiel.

En résumé, on peut au moyen de la ponction lombaire retirer

du liquide cérébro-spinal de l'enveloppe sous-arachnoïdienne de la

moelle et des cavités du cerveau ; au point de vue thérapeutique,

cette opération n'a de valeur .directe qu'une action palliative, due

214 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

à la diminution d'un excès de pression; elle est peut-être plus

utile indirectement, en la considérant comme le premier pas dans

le traitement local des lésions cérébro-médullaires; elle présente

de grands avantages au point de vue du diagnostic différentiel des

diverses affections inflammatoires des membranes cérébrales, et

elle aide à reconnaître les hémorragies intra-ventriculaires, aussi

bien que celles qui se produisent dans le canal rachidien ; cette

petite intervention est tellement facile qu'elle ne tardera pas à

prendre place parmi les opérations usuelles et de pratique cou-

rante. R. DE MUSGRAVE CLAY.

VII. L'usage ET LES restrictions QU'IL CONVIENT d'apportée A L'EM-

PLOI DES procédés mécaniques DE contention considérés COMME

MOYEN DE traitement cuez LES aliénés ; par P. MAURY DEAS. (The

journal of Mental Science, janvier 1896.)

L'auteur déclare tout d'abord qu'il n'a nullement l'intention

d'examiner la valeur thérapeutique ou morale de la contention

mécanique en général, mais seulement de rechercher s'il n'existe

pas des cas, difficiles et exceptionnels, où il est avantageux et légi-

time d'y avoir recours. Pendant quinze ans, il a dirigé un grand

asile, et n'a jamais, sauf une fois peut-être, été tenté d'employer

la contention mécanique : actuellement il dirige un établissement

destiné à recevoir des malades d'une catégorie sociale supérieure

à celle qui peuple les asiles, et les faits l'ont amené à modifier le

caractère absolu de sa première opinion. Mais il y a deux points

sur lesquels il désire s'expliquer tout d'abord : ils ont trait à la

limitation des cas où la contention mécanique est applicable, et à

la limitation des moyens employés pour la réaliser. En ce qui

touche le choix des cas, il estime qu'elle ne doit être employée que

pour la protection des malades : cette règle ne comporte aucune

exception : aucune violence à l'égard des personnes ou des choses

ne légitime l'emploi des moyens mécaniques, auxquels on en

peut aisément substituer d'autres. En ce qni touche les procédés,

il estime que la contention des mains et des bras est toujours

suffisante, et il n'a jamais eu recours à la contention générale

qui lui paraît dangereuse et dépourvue d'avantages.

Les cas dans lesquels l'immobilisation forcée des mains et des

bras lui paraît indiquée sont exceptionnels et peu nombreux : ce

sont d'abord les cas chirurgicaux, où son utilité ne peut guère être

contestée; puis les cas de tendance au suicide, non pas les cas

ordinaires, mais ceux dans lesquels les violences et la répétition

des tentatives entraînent un état de lutte perpétuelle absolument

épuisant pour le malade ; puis encore les cas de mutilations volon-

taires de toute sorte; enfin les cas de masturbation, qui sont ceux

où l'auteur hésite le moins à employer la contention mécanique. A

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 'L.N7 15

l'appui de ses assertions, il rapporte onze observations de cas

exceptionnellement difficiles, et dans lesquels il a retiré du moyen

qu'il préconise de très réels avantages.

Cette méthode est passible de trois objections : la première est

purement sentimentale; on a dans le passé abusé, d'une façon

stupide et barbare, de la contenlion mécanique chez les aliénés;

est-ce une raison pour se priver des services qu'elle peut encore

rendre dans des cas exceptionnels, et sous la forme très atténuée

qui a été indiquée ? il serait absurde que l'abus d'hier entraînât la

complète et aveugle renonciation d'aujourd'hui. La seconde est

plus sérieuse; elle est tirée de la facilité avec laquelle on est tenté

de continuer l'emploi de ce moyen : rien de plus juste ; mais les

moyens pharmaceutiques sont passibles du même reproche, qu'il

est facile de ne pas mériter. Enfin la troisième est basée sur la

possibilité de déterminer chez le malade des effets fâcheux, soit

d'ordre physique, soit d'ordre mental. Elle est purement théorique,

et, fort de son expérience, l'auteur n'hésite pas à la déclarer mal

fondée.

Quant aux avantages de la méthode, on peut les résumer ainsi :

sécurité plus grande pour le malade ; - continuité, sans les incon-

vénients, d'un relàchemeut de surveillance; suppression de toute

violence de la part du personnel (duquel on a coutume d'attendre

trop de patience, oubliant qu'infirmiers et infirmières ne sont que

des hommes et des femmes, et pas des anges) ; conservation des

forces du malade que les luttes continuelles épuisent inutilement ,

ou bien que les agents sédatifs, si c'est à eux qu'on a recours,

épuisent non moins inutilement ; enfin, dans quelques cas,

augmentation de la liberté réelle de l'aliéné, que la contention

mécanique partielle n'empêche aucunement de faire de l'exercice

en plein air. R. de MusGRavE CLAY.

VIII. Diagnostic ET traitement DES HÉfORRHAGIES cérébrales MENIN-

GÉES ; par G. W. MAC CASKEY. (New-Yod¡ Journal., 19 sep-

tembre 1896.)

Bon et clair exposé de la question, où l'auteur se prononce en

faveur des interventions chirurgicales précoces, une fois le diagnos-

tic posé, ou rendu suffisamment probable. R. M. C.

IX. SUR L'EMPLOI ET l'éducation systématiques DES aliénés; par

EDWARD D. 0' NEILL. (The Journal of Mental Science, avril 1896.)

L'auteur estime qu'il y a toutes sortes d'avantages à employer

les aliénés dans un asile et à leur enseigner divers métiers manuels,

qui les rendent à même d'exécuter presque tous les travaux de la

maison : le goût du travail, l'émulation seront entretenus chez

eux par. de légères faveurs, portant surtout sur le régime ; un.

216 6 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

pareil système est d'abord très utile au traitement ; il donne au

point de vue du travail exécuté des résultats excellents ; enfin il

réalise d'importantes économies. R. M. C.

X. NOTES SUR LE traitement DE la folie épileptique; par J. H.

'l'ULL VLS11. (The Journal of Mental Science. Avril 1896.)

- Ce travail est accompagné de dix-huit observations et de plu-

sieurs tableaux statistiques; les conclusions qui se dégagent pour

l'auteur d'une longue étude d'un grande nombre de cas de folie

épileptique sont les 'suivantes : on ne retire pas, il s'en faut

de beaucoup, dans la folie épileptique, les mêmes avantages du

traitement par les bromures que dans l'epilepsie sans aliénation :

toutefois leur usage continu est utile contre la violence des crises

et l'excitation qui les accompagne, mais il ne paraît aucunement

en diminuer la fréquence. Parmi les bromures l'auteur préfère

celui de potassium; le sel d'ammonium lui parait aussi très utile,

mais il n'attribue qu'une faible valeur au bromure de sodium. Le

borax n'a donné aucun résultat satisfaisant. L'auteur n'a pas essayé

le nitrate d'argent, avec lequel il n'aurait pas à redouter l'incon-

vénient qu'on lui reproche en Europe (l'auteur dirige un asile dans

l'Inde anglaise), la pigmentation cutanée ne risquant guère de

changer la couleur d'une peau indienne. La morphine et le sul-

fonal rendent des services de premier ordre en diminuant l'excita

tion grave que l'on observe souvent avant et après les attaques

d'épilepsie. Sauf le cas d'extrême excitation ou de maladie

intercurrente, la fréquence des attaques ne paraît pas influencer

le poids du corps; ce poids, en effet, ne change pas sensiblement

durant les périodes où il n'y a pas eu d'attaques. Il ne semble pas

non plus être modifié parla médication bromurée même employée

à hautes doses et longtemps continuée. Les symptômes de bro-

misme n'ont été contatés que très rarement.

R. de ! \IUSGRAVE CLAY

XI. L'hypnotisme considéré comme agent thérapeutique ; par Louis

LICHTSCHEIN. (Nezv-York Médical Journal, 30 mai 1896.)

L'auteur débute par des considérations étendues sur l'état d'hyp-

notisme et sur la conception différente qu'en ont l'école de Charcot

et l'école de Nancy ; puis il définit l'hypnotisme et la suggestion et

aborde enfin son sujet ; la valeur thérapeutique de l'hypnotisme et

de la suggestion. Il commence par établir qu'il serait imprudent

de se fier à la suggestion seule dans le traitement des maladies et

qu'elle ne dispense nullement de l'emploi des autres moyens thé-

rapeutiques, à l'égard desquels elle doit être surtout considérée

comme un auxiliaire, plus ou moins puissant suivant les cas; puis

il aborde l'étude, ou plutôt, l'énumération - longue et brillante

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 217 -j

suivant lui des cas dans lesquels on peut utilement avoir recours

à la suggestion hypnotique : nous le suivonsdanscetteénumération.

Les névroses fonctionnelles de toute sorte sont favorablement

influencées par la suggestion : il en est de même, et dans un temps

relativement court, des névroses traumatiques, et des troubles du

langage consécutifs à la, frayeur. Les troubles nerveux des écri-

vains et des artisans cèdent promptement à la suggestion. La

chorée, l'épilepsie, la paralysie agitante lui sont rebelles, bien que

dans la paralysie agitante, on puisse souventprovoquerle reposnoc-

turne, améliorer la démarche et diminuer le tremblement des mains.

Dans les névroses de coordination, la guérison est souvent rapide.

Dans la neurasthénie, l'hypnose est difficile à obtenir , mais si

un hypnotiseur expérimenté réussit à l'obtenir, la suggestion,

renouvelée avec persévérance, a une grande valeur. Même obser-

vation pour l'hystérie et pour l'laystéro-épilepsie.

Les maladies mentales ne sont que peu ou point influencées.

L'alcoolisme est accessible à la suggestion. La morphinomanie ne

l'est guère, malgré d'assez nombreuses observations de guérison ;

l'habitude du chloral et des autres hypnotiques lui cède facilement.

La paralysie faciale post-hémiplégique est influencée par la sug-

gestion, tandis que la paralysie faciale périphérique ne l'est aucu-

nement : le tic convulsif, l'asthme nerveux peuvent être traités avec

succès par ce moyen, qui donne, d'autre part, dans les névroses du

larynx et du pneumogastrique de si excellents résultats que l'on

peut se dispenser de tout autre traitement.

La névralgie, et surtout celle de la cinquième paire, quelles que

soient son ancienneté et sa durée, ne résiste guère (sauf la scia-

tique), à une série de quatre à six séances ; mais il faut que le som-

meil hypnotique soit assez profond.

La suggestion peut être employée comme traitement sympto-

matique dans diverses maladies auxquelles on ne trouve pas de

cause apparente, par exemple dans l'insomnie, dans la céphalalgie

habituelle, dans la migraine, sans cause anatomique, où quelques

séances suffisent à produire une action presque immédiate et pro-

phylactique en même temps : il va de soi que si la migraine relève

de l'anémie, de la chlorose ou de la dyspepsie, ce sont ces états

pathologiques qu'il faudra soigner, mais la suggestion n'en aura

pas moins une utile action palliative.

La diarrhée et la constipation chroniques sont très accessibles à la

suggestion, ainsi que les anomalies de la menstruation lorsqu'elles ne

reconnaissent pas d'étiologie organique.

Les affections rhumatismales et surtout le lumbago sont avanta-

geusemeut traitées par la suggestion, qui peut également déter-

miner une anesthésie générale ou locale de la peau fort utile pour

de petites opérations. Dans l'accouchement, on peut, à l'aide de ce

moyen, supprimer la douleur, les tranchées utérines et agir sur la

218 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

sécrétion du lait; mais il faut aller jusqu'au sommeil profond.

Les états neurasthéniques génitaux (impuissance psychique, saly-

riasis, nymphomanie, spermatorrlaée, masturbation) ainsi que les

symptômes qui les accompagnent ou qui en découlent, sont émi-

nemment justiciables de la suggestion, surtout la masturbation,

contre laquelle on est très désarmé et où elle donne d'excellents

^résultats. En dépit de quelques heureux résultats publiés, elle est

d'une efficacité très modérée dans les perversions sexuelles et

notamment dans l'homosexualité.

Certains états neurasthéniques spéciaux tels que Yaslrophobie,

la monophobie, la claustrophobie et l'agomphobie, cèdent facilement,

mais les rechutes sont faciles. La pollakiurie, nocturne ou diurne,

est heureusement modifiée, mais nécessite un traitement prolongé.

R. DE IIiUSGRAVE CLAY.

XII. LE traitement médical ET CHIRURGICAL DE l'épilepsie ; par Fre-

derick PETERSON. (New-YoJ'k Médical Journal, 6 juin 1896.)

L'auteur laisse de côté dans ce travail les médicaments que l'on

peut appeler classiques dans le traitement de l'épilepsie pour étu-

dier de préférence les nouveaux agents que les progrès de la science

ont mis récemment à notre disposition. Parmi ces agents, il signale :

la teinture de simulo (plante de l'Amérique du Sud) qui est inoffen-

sive et mérite d'être essayée, car elle est quelquefois utile ; - le

solanum carolinense, qui. ne lui a donné aucun résultat appréciable;

le traitement bromo-opiacé de Flechsig, très utile chez un cer-

tain nombre de malades, et surtout dans les cas anciens et rebelles ;

l'adonis vernalis, qui, associé aux bromures, a dans certains cas

une efficacité réelle.

Dans certains cas d'auto-intoxication, le régime, l'antisepsie du

tube digestif donnent de réels succès. L'extrait thyroïdien, employé

par l'auteur chez dix malades, lui a donné neuf insuccès, et un suc-

cès véritablement brillant. Le traitement moral, actuellement

mieux connu, mais trop souvent négligé, donne des résultats qu'on

aurait tort de mépriser.

Les traitements chirurgicaux préconisés contre l'épilepsie dans

ces dernières années forment deux groupes : 1° opérations ayant

pour but de supprimer les causes dites réflexes ; 2° trépanation,

avec ou sans ablation des tumeurs ou des cicatrices corticales.

Il faut se souvenir tout d'abord, dans l'appréciation des méthodes

chirurgicales que la cessation ou la diminution des attaques pen-

dant des semaines ou quelquefois des mois, consécutivement à une

intervention opératoire, de quelque nature qu'elle soit, est la règle

chez les épileptiques : aussi n'est-ce pas trop de laisser passer deux,

ou même trois et quatre ans, avant de publier les faits qui doivent

juger une méthode chirurgicale. ,

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 219

En ce qui touche les opérations ayant pour but de remédier à

l'épilepsie réflexe, l'auteur demande seulement qu'on veuille bien

ne pas perdre de vue les trois propositions suivantes : 1° L'épilepsie

réflexe est tellement rare qu'elle ne dépasse certainement pas la

proportion de un ou deux cas sur mille. 2o Dans les cas chroniques

où l'épilepsie est réellement de cause réflexe, l'habitude convulsive

est tellement établie que la suppression de l'irritation réflexe ne

pourra que rarement modifier la marche de la maladie. 3° Le

nombre des cas connus, dans lesquels une opération quelconque

dirigée contre une cause dite réflexe, a réellement guéri l'épi-

lepsie, est étonnamment petit. L'auteur pense que l'on pourrait

sans peine compter sur ses doigts les cas authentiques et indiscu-

tables de cette nature. Cela posé, que l'on opère tant que l'ou

voudra, mais sans trop de confiance dans le succès.

En ce qui touche la trépanation, l'auteur résume son opinion

dans des conclusions qui sont les suivantes : 1° Dans environ un

pour cent de la totalité des cas, l'épilepsie a pour cause originelle

une lésion de la tête. 2° Dans une proportion de cas beaucoup plus

considérable, on trouvera pour cause une hémorragie méningée

ancienne, congénitale ou datant de la premtère enfance, et don-

nant naissance, en plus de l'épilepsie, à des degrés variables, à de

la paralysie, à de l'idiotie, ou à d'autres symptômes cérébraux,

avec atrophie cérébrale, sclérose ou kystes consécutifs à la lésion

primitive. 3° Dans l'état actuel de la science et de notre expérience,

les cas qui relèvent d'une hémorragie méningée ne sont justicia-

bles d'aucune opération. 4° Dans le très petit nombre de cas recon-

naissant pour cause une lésion de la tête, l'habitude convulsive est

si puissante, et les altérations cérébrales sont ordinairement si

anciennes et si profondes que, règle générale, l'opération ne sup-

prime pas les attaques et n'en diminue que rarement la fréquence

d'une manière permanente. 5° En prenant en bloc les cas trauma-

tiques dans lesquels une intervention opératoire paraît justifiée et

est effectivement tentée, on peut raisonnablement espérer la gué-

rison chez quatre pour cent des opérés. 6° L'ablation d'une cica-

trice corticale considérée comme le foyer épileptogène, sera natu-

rellement suivie de la formation d'une nouvelle cicatrice consécutive

à la plaie chirurgicale, ce qui rend le procédé difficilement défen-

dable. 7° Plus la lésion primitive est récente, plus les chances de

succès durable sont grandes ; si l'on pouvait choisir cent cas d'épi-

lepsie dans lesquels le traumatisme ne remonterait qu'à quelques

mois, il est fort probable que la trépanation et l'ablation des tissus

malades auraient une action curative dans une très grande pro-

portion de ces cas'. R. de 111USGItAVG CLAY.

1 Dans la grande majorité des cas d'épilepsie où la craniectomie a été

pratiquée et qui sont venus sous notre observation, après une rémission

220 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XIII. SUR UN cas d'alcoolisme chronique traité empiriquement avec

guérison apparente ; par EDWARD, L. IIIUN30N. (New-York medical

Journal, 29 février 1896.) .

' Le malade dontil s'agit n'étaitpas un buveur régulier, mais plutôt

un alcoolique à « bordées », qui entra àl'hôpital après une orgiede

- huit jours : il fut soumis à un traitement parla strychnine et la mor-'

phine, et autorisé à boire autant d'alcool qu'il voudrait;' mais

après l'alcool, on lui faisait à son insu en ce qui touchait l'ac-

tion de ce médicament une piqûre ' d'apomorphine, et on le

maintenait ainsi dans un perpétuel état nauséeux, aboutissant fina-

lément au vomissement : en même temps on lui inculquait l'idée

d'un antagonisme tel entre les médicaments qu'il prenaitet l'alcool,

que l'usage prolongé de ces médicaments déterminerait dans son

organisme une intolérance absolue pour les boissons alcooliques.

Le résultat fut tel qu'on l'avait espéré, car, lorsque, au bout de

neuf jours, le malade quitta l'hôpital,' l'idée, la vue ou l'odeur de

son alcool favori lui donnaient immédiatement des nausées. Depuis

neuf mois la guérison s'est maintenue, et le malade n'a pas touché

une goutte d'alcool.

L'auteur reconnaît que la guérison est due à une pure sugges-

tion, basée sur une association d'idées, et aidée par un traitement

tonique. Ce procédé tout empirique, n'est certainement pas suscep-

tible de généralisation; il a paru utile néanmoins de le faire con-

naître, car il pourrait sans doute être utilement essayé dans un

certain nombre de cas, jugés favorables à son application.

R. de ltIUSGRAVE CLAY.

XIV. QUELQUES remarques SUR l'alimentation FORCÉE DES aliénés

malades; par A. R. TURNBULL. (The Journal of mental Science,

' octobre 1895.)

- L'auteur s'est proposé dans ce travail de faire connaître ses

observations sur l'alimentation forcée; sur l'emploi de la sonde

oesophagienne; - sur la nature des aliments qu'il convient d'in-

troduire, et enfin de rapporter quelques observations. R. M. C.

XV.DE l'alimentation thyroïdienne : NOTE complémentaire basée SUR

' L'ÉTUDE D'UNE SECONDE SÉRIE DE soixante cas; par LEWIS-C. BRUCE.

(1'he Journal of mental Science, octobre 1895.) .

.Nous avons analysé à cette place le premier travail de M. Bruce :

les conclusions de ce nouveau mémoire sont les suivantes : 1° le

plus ou moins longue, les accès, ainsi que nous l'avons déjà dit, ont

reparu comme auparavant (B.).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 221

traitement thyroïdien détermine incontestablement un léger état

fébrile qui, par son action et la réaction qu'il provoque est souvent

très utile au malade ; 2° il constitue un agent direct de stimula-

tion cérébrale; 3° il est excessivement probable que, à certaines

périodes de la vie, le traitement thyroïdien fournit à l'organisme

certaines substances qui lui sont nécessaires. R. M. C.

XVI. LE TRAITEMENT SOPORIFIQUE ET CALMANT ; par M. X. FRANCOTTE.

(Journ. de Neurologie et d'Hypnologie, juillet 1896.)

Leçon clinique consacrée à l'examen des principaux remèdes et

médicaments soporifiques ou calmants usités en médecine men-

tale. G. D.

XVI . LE BROMURE D'E11bI0LE DE KOBERT; par HOLST. (Centrvl6l.

f. Nervenheilk., XIX, N. F., VII, 1896.)

Combinaison de l'hémoglobine avec le bromure. Circulerait si

lentement dans l'économie qu'il suffit d'en administrer 1 à

2 grammes à plusieurs reprises par jour, pour obtenir la bromu-

ration (Kobert). Mais ce médicament n'est pas propre aux cas

qui nécessitent une action rapide et intense; il suffit pour ceux

où il faut une action prolongée, moyenne, sédative, pourvu qu'on

donne une dose double de celle des bromures inorganiques : dans

ces conditions il est préférable à ceux-ci, parce qu'il n'est point

toxique et qu'il est tonique grâce à l'hémoglobine. P. KERAVAL.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XIV. La PSYCHOLOGIE DE l'idiot; par le Dr F. Peterson.

L'idiotie et ses divers degrés, l'imbécillité et l'affaiblissement

intellectuel, étant le résultat d'un vice ou d'une maladie cérébrale,

congénitale ou acquise, qui s'oppose à l'évolution normale du cer-

veau, toutes les fonctions cérébrales peuvent être atteintes sans

qu'aucune faculté psychique eu particulier puisse être accusée par

son désordre de retarder ou d'influencer le développement des

autres facultés.

L'auteur, après avoir résumé d'après le livre de Preyer, et pour

servir de point de comparaison, le développement normal des

222 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

facultés pendant les quarante premiers mois de la vie, passe

d'abord en revue chez l'idiot, le fonctionnement des organes senso-

riels, organes qu'on peut considérer comme les voies qui conduisent t

au développement psychologique. Après l'étude des sensations, vient

celle de l'attention, des instincts, des émotions et des sentiments,

du langage, de l'intelligence proprement dite, de la mémoire, de

l'association des idées, du raisonnement, et enfin de la volonté, de

la personnalité, et de la responsabilité. Comme Sollier, dont il a

pris en quelque sorte le livre pour guide, M. Peterson s'attache

tout particulièrement à l'étude de l'attention tout en reconnaissant

que d'autres facultés sont aussi nécessaires au développement

de l'activité mentale, la volonté et la mémoire, par exemple.

L'absence de l'attention, toute commune qu'elle soit chez l'idiot,

ne peut, en aucune sorte, être considérée comme le caractère de

distinction de cet état de l'esprit comparé aux autres altérations

mentales. Il y a deux formes d'attention, une attention naturelle

ou spontanée, et une attention volontaire, établie par l'éducation;

cette dernière ne peut exister sans la première.

L'étude de l'attention amenait M. Sollier à établir une différence

tranchée entre l'idiot, être extra-social, et l'imbécile, être anti-

social. L'auteur n'admet pas cette distinction tranchée entre

l'idiotie et l'imbécillité et pense que si l'imbécile anti-social, décrit

par M. Sollier correspond bien en réalité à un type, ce n'est

qu'un type clinique d'un des nombreux intermédiaires qui sépa-

rent l'état normal de l'idiotie, en passant par la débilité mentale

et l'imbécillité.

L'imbécile de M. Sollier, égoïste, orgueilleux, vicieux, dange-

reux, glouton, vagabond, perverti, sexuel, etc., correspond bien

à une variété d'imbécile, mais ce n'est pas l'imbécile type : chez

l'imbécile de forme moyenne, en effet, l'attention peut être altérée

à des degrés divers et les idées, les paroles, la conduite peuvent

varier avec le tempérament, avec la docilité ou la perversité, en

un mot, avec les différences innées de caractère et d'individualité

qui peuvent aussi bien se manifester chez l'imbécile que chez l'en-

fant normal. C'est dire que si l'imbécile peut être vagabond, mal-

faisant, indolent, anti-social, il peut aussi être d'un bon naturel,

loyal, docile, travailleur.

A chaque degré de l'idiotie, il arrive un moment où l'éducation

s'arrête, où cessent les progrès faits par les diverses facultés : le

maximum de développement des diverses facultés est fort variable

mais, d'une manière générale, le développement de l'intelligence

s'arrête de meilleure heure que celui des sens. C'est ainsi que

dans les types inférieurs les progrès intellectuels peuvent cesser à

l'âge de six ou sept ans, alors que les sentiments et les sens conti-

nuent leur développement jusqu'à dix-huit ou vingt ails; dans

certains cas la puberté peut arrêter tout à la fois les progrès des

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 223

sensations, des sentiments et de l'intelligence. (American journal

of insanity, juillet 1896.) E. B.

XV. Considérations SUR 368 cas DE DÉMENCE paralytique;

par le 1) IRwING Neff.

L'auteur donne une série de tableaux statistiques sur 368 cas de

démence paralytique qu'il a observés à l'Asile du Michigan, de

1878 à 1895. Sur ce nombre, 86 p. 100 étaient des hommes. Dans

42 cas pour 100, la syphilis était l'unique agent étiologique; dans

31 p. 100 l'intempérance; dans 7 p. 100 l'intempérance et la syphi-

lis ; dans 100 p. 10 le surmenage cérébral. Sur les 368 malades

observés, 311 sont morts et sur ce nombre, 32 p. 100 sont morts

d'attaque apoplectique, 19 p. 100 de crises épileptiformes et

30 p. 100 de cachexie.

Dans 12 cas pour 100 la maladie s'est développée entre vingt-cinq

et trente ans; dans 20 p. 100 entre trente et trente-cinq ans; dans

58 p. 100 entre trente et quarante-cinq ans. Enfin dans 1 cas

pour 100 la maladie s'est dévelopée entre quinze et vingt ans et dans

2,5 p. 100 entre vingt et vingt-cinq ans. La durée moyenne de la

maladie a été de deux ans et huit mois. (American Journal of in-

sanity, juillet 1896.) E. B.

XVI. DÉGÉNÉRESCENCE CHEZ LES CRIMINELS, MISE EN ÉVIDENCE PAR LE

SYSTÈME DE MENSURATION ET PHOTOGRAPHIES DE BERTILLON; par le

Dr \IAC-CORN.

Pendant qu'il assurait le service médical à la prison de l'Etat de

Wisconsin, à Waupurn, l'auteur a soumis les prisonniers aux men-

surations du système de Bertillon. D'une manière générale, les

crânes de criminels sont d'un type extrême, en ce sens qu'on ren-

contre la plupart du temps des bachycéphales ou des dolichocé-

phales. Les asymétries craniennes sont des plus fréquentes; le pro-

gnatisme se rencontre assez souvent, surtout chez les meurtriers.

La saillie des pommettes est plus marquée chez les condamnés

pour outrages aux moeurs.

De l'ensemble des diverses recherches qu'il a faites sur les mensu-

rations, les photographies, l'examen des tatouages, l'auteur demeure

convaincu que les criminels appartiennent à la classe des défectueux

et des dégénérés : ils ne sont donc pas entièrement responsables de

leurs méfaits, et la sociéte a tort de leur infliger le genre de vie qu'ils

subissent dans nos institutions pénales. Dans les cas où toute espérance

d'amélioration n'est pas perdue, les criminels doivent être traités

de façon à améliorer leurs conditions mentales et physiques, à leur

permettre par des habitudes de travail, de se suffire à eux-mêmes :

quant aux cas sans espoir ou incorrigibles, ils devraient être placés

224 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

dans des maisons de surveillance où leur seraient donnés tout le

bien-être et la liberté compatibles avec la préservation de la société.

(American Journal of insanily, juillet 1896.) E. B.

XVII. Examen DE CENT cas DE paralysie générale; par DI' PHELPS.

~ De l'étude de 100 cas de paralysie générale, l'auteur déduit que

si la paralysie générale correspond bien à une entité clinique,

beaucoup de cas « limites » se présentent avec des anomalies qui

rendent souvent le diagnostic hésitant. C'est ainsi que la paralysie

générale de nature syphilitique et la « maladie cérébrale syphili-

tique D, ont de nombreux points de contact. De même le diagnos-

tic peut être délicat dans les cas de démence alcoolique avec symp-

tômes paralytiques, d'états séniles avec prterio-sclérose et signes

paralytiques, de cas d'épilepsie ancienne.

Aussi M. Phelps serait-il d'avis d'étendre le nom de paralysie

.générale au groupe des symptômes les plus communs qui corres-

pondent avec une affection corticale générale progressive. Quelques-

uns des symptômes classiques pourraient suivant les cas être absents

pour être remplacés par des symptômes d'autres types comme la

démence sénile ou la démence alcoolique. Les difficultés du dia-

gnostic seraient de la sorte applanies, et perdraient se leur impor-

tance, concernant plus une question de nom'que de fait.

En ce qui concerne l'étiologie, l'auteur n'a rencontré la syphilis

bien démontrés que dans 21 cassur 100, mais dans presque tous les

cas elle pouvait être soupçonnée, en raison des habitudes d'intem-

pérance ou du genre de vie des malades ; aussi, la syphilis, 'à son

avis, est-elle l'élément étiologique prédominant de la paralysie géné-

rale. Beaucoup des variétés et des symptômes ne seraient dus qu'à

la distance qui sépare la maladie, de l'infection syphilitique. Chaque

fois que l'infection syphilitique a pu être nettement établie, l'incu-

bation avarié entre six et quinze ans. Dans aucun des cas exami-

nés, le surmenage cérébral n'a pu être incriminé comme cause de

la maladie. (American Journal of insanity, juillet 1896.) E. B.

XVIII. UN fait d'anarchisme ? par le professeur Bombarda.

Les problèmes que soulevé l'étude médicale de l'anarchisme

et du régicide ne sont guère aptes à recevoir des solutions rapides

ou absolues. M. le professeur Bombardo est d'avis qu'il faut répri-

mer la promptitude avec laquelle on accuse de folie les faits qui

s'éloignent par un fait extraordinaire de ceux qui sont usuels ou

courants dans nos sociétés actuelles.

Il est nécessaire de se placer en dehors de la défense de la cons-

titution actuelle de nos sociétés et de se souvenir de tout ce que peut

la passion désespérée ou l'énergie convaincue pour la propagande

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 225

de ceux dont la voix est étouffée par une complexité infime d'inté-

rêts, pour examiner nettement si l'un ou l'autre des attentats

d'anarchisme ne peut pas être le produit de la logique implacable

de la puissante réflexion d'un esprit absolument sain. Le problème

est surtout un problème pratique. Doit on retenir dans les asiles

les criminels anarchistes et les régicides ?

Contrairement à l'idée de M. Régis, qui a créé un type d'aliéné

régicide et voudrait qu'en thèse générale, les régicides fussent

internés dans des asiles d'aliénés criminels. L'auteur n'hésite pas

à répondre négativement et, pour soutenir son opinion, à savoir

qu'on peut être anarchiste et régicide sans être fou, il rapporte

tout au long l'intéressante observation d'un malheureux qui, en

janvier dernier, commit un attentat sur le roi de Portugal.

Un examen approfondi et prolongé de l'accusé ne permit de

découvrir aucune donnée se rapportant à une forme clinique quel-

conque d'aliénation mentale. La pensée de cet homme se présen-

tait avec une logique suivie où il n'y avait pas d'hésitation ou de

défaut. Il pensait clairement et exprimait clairement ses pensées,

bien qu'en phrases rudes et déparées ; ses théories s'enchaînaient

entre elles le plus étroitement ; son affection était tout à fait nor-

male. (Revue neurologique, oct. 1896.J J E. B.

XIX . DU TROUBLE MENTAL DANS LE GOITRE EXOPHTALMIQUE;

par le Dr Serge SOUKHANOFF.

Différentes formes de maladies mentales accompagnent le goitre

exophtalmique à titre de complication secondaire. Dans le plus

grand nombre des cas, le trouble mental qui accompagne le goitre

exophtalmique prend extérieurement la forme de manie ou de

mélancolie ; d'autres fois, c'est la forme intermittente, comme

aussi la forme d'obsession avec impulsions irrésistibles, de délire

aigu, de délire chronique, de paralysie générale, etc.

Bien que toutes ces formes ne soient pas en rapport direct avec

le goitre exophtalmique, qu'elles puissent apparaître en même

temps que lui par simple coïncidence, et qu'on ne puisse encore, à

l'heure actuelle, considérer aucune forme typique de maladie

mentale comme se rapportant spécialement au goitre exophtal-

mique, il est incontestable que, dans beaucoup de cas, le goitre

exophtalmique donne une empreinte toute caractéristique à la

marche de la maladie mentale ainsi qu'à sa manière de se mani-

fester. Cette empreinte caractéristique se traduit le plus souvent

par un état d'excitation, d'irrégularité et d'inquiétude qu'il faut

probablement attribuer aux changements qui s'opèrent dans la

circulation cérébrale.

Dans les deux cas cités par l'auteur de trouble mental accom-

pagnant le goitre exophtalmique, on retrouve bien la dégéné-

Archives, 2e série, t. III. 15

226 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

rescence mentale dont M. Raymond et Sérieux ont indiqué les

rapports avec le goitre exophtalmique dans les cas de psychoses :

toutefois, M. Soukhanoff, tout en reconnaissant que le goitre

exophtalmique n'apparaît qu'à la suit d'une certaine prédisposi-

tion et d'un système nerveux mal équilibré est d'un système ner-

veux mal équilibré est d'avis que l'altération de la circulation du

sang du cerveau peut être la cause immédiate de l'affection men-

tale, la dégénérescence n'en étant qu'une cause plus éloignée. Il

ne faut pas perdre de vue, non plus, que le goitre est souvent en

rapport immédiat avec une affection de la glande thyroïde et que

l'intoxication de l'organisme produite par une affection de cette

glande peut aussi intervenir comme facteur étiologique dans la

production de la psychose. (Revue neurologique.) E. B.

XX. Sur L'AMOK; par le D'' Van Brero.

Paramok on entend, aux Indes Orientales Néerlandaises, une

attaque plus ou moins soudaine avec impulsion à l'homicide. Dans

le cas classique, « l'homme amok » quitte la maison, court dans

les rues, et tend à tuer aveuglément chacun de ceux qu'il rencontre,

armé de l'arme nationale, le kris. Revenu au calme, il prétend

avoir été « mata glap », ce qui veut dire littéralement « oeil

obscur », par où il comprend cette idée concrète : a Je ne savais

pas ce que je faisais. » Si on cherche à savoir plus exactement

pourquoi il ne savait pas ce qu'il faisait, il répond que la vue lui

était devenue abscure ou rouge, qu'il voyait des tigres, des san-

gliers, des chiens ou des diables et qu'il voulait les tuer.

L'attaque est précédé ou suivie d'un état de stupeur plus ou

moins long et est souvent terminée par un sommeil profond et

prolongé. Dans presque tous les cas, l'homme amok est sous le

coup de chagrins et de soucis. z

Les auteurs sont très partagés sur les causes de l'amok. Les uns

y voient une sorte d'épilepsie larvée : mais l'épilepsie est très rare

dans ces régions, et, de plus, les hommes seuls sont, en général,

atteints d'amok.

D'autres auteurs pensent que l'usage de l'opium est souvent la

cause d'une explosion de l'amok. M. Van Brero estime que deux

causes doivent être particulièrement incriminées : 1° les fièvres

paludéennes et leurs suites, parce qu'elles existent beaucoup aux

Indes Orientales et parce qu'elles ont une grande influence sur

l'état mental des indigènes, et 2° l'état émotif, la susceptibilité

nerveuse des indigènes chez lesquels les psychoses dégénératives

sont fréquentes. Les habitants de l'Archipel Indien n'ont, en effet,

que peu d'empire sur leurs passions ; leur orgueil est très surex-

- cltahle, les moindres déceptions les mettent en colère, le chagrin

.se manifeste avec une grande ostention. Aces causes prédisposantes,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 227

il faut ajouter, comme facteur complémentaire, ce fait que les

indigènes sont héréditairement accoutumés à ne faire que peu de

cas de la vie de leur prochain. (Annales médico-psychologiques,

déc. 1896.) E. B.

XXI. La THÉORIE DE L'INVERSION DU SENS génital; par HaVELOCK

ILLIS. (Centralbl. f. Nervenheilk, XIX, N. F., 1896.)

L'inversion sexuelle est une anomalie congénitale, parfois fonc-

tion d'un état dégénératif. Cette anomalie, ou prédisposition à

l'inversion, peut demeurer latente chez beaucoup d'individus

pendant toute leur vie; chez d'autres ce penchant est si vif qu'il

éclate en dépit des obstacles; chez d'autres enfin, très faible, elle

recevra un coup de fouet de causes occasionnelles.

Quelles sont les causes qui développent la prédisposition qui

sommeille : 1° le système d'éducation scolaire qui sépare les filles

des garçons, à l'âge de la puberté et de l'adolescence, il en résulte

une propension sexuelle, souvent purement sentimentale, mais très

vive, pour le même sexe, et inversion consécutive ; 2° la séduction,

ou initiation d'un garçon ou d'une fille à des pratiques anormales

de la part d'un individu expérimenté plus âgé; 3° l'amour pour

une personne d'un autre sexe déçu ou sans résultats, c'est-à-dire

n'aboutissant pas à la jouissance du coït malgré l'exécution des

rapports sexuels. D'ailleurs l'homosexualité ainsi éveillée, est-elle

aussi souvent impuissante. Le commerce des prostituées entre

elles n'a fréquemment pas d'autre cause. P. KERAVAL.

XXII. La Psychologie DES idées fausses DES aliénés; par le DI' Urie de

Jouy (de la Haye). (Joum. de neurologie et d'hypnologie, 1896, n°27.)

La conclusion qui se dégage de ce travail, c'est que les idées

fausses se manifestent dans l'aliénation mentale sous des formes

très différentes qui peuvent se ranger en deux catégories : 1° des

idées d'infériorité; 2° des idées du supériorité. Les idées fausses

des aliénés apparaissent dans le sensorium par déduction logique,

leur cause première résiderait dans une modification de la faculté

conductrice dans les systèmes d'association. La diminution de cette

faculté engendrerait un état de tristesse et d'anxiété, son augmen-

tation un sentiment de bien-être et de gaieté. La concentration de

la force nerveuse sur les centres où ces sentiments sont localisés

aurait enfin pour conséquence de mettre en jeu, au moyen des

fibres d'association, l'activité des centres des idées auxquelles ces

sentiments sont habituellement liés. De ce fait les associations dans

les autres sphères du sensorium se trouvent contraires si bien que

les idées contradictoires qui devraient corriger les idées fausses ne

peuvent plus être réveillées.

228 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Ces considérations seraient applicables à toutes les idées fausses

des aliénés quelle que soit la variété de maladie mentale à laquelle

on ait affaire. C. DENY.

XXIII. GENÈSE DE QUELQUES hallucinations; par le Dr Rossi. (Ann.

di neural., anno XIII, fasc. 1, 2.)

L'auteur envisage surtout les hallucinations verbales motrices et

arrive à cette conclusion qu'elles ne dérivent pas purement et sim-

plement d'une excitation morbide des centres sensorio-moteurs;

mais qu'elles sont un phénomène très complexe, qui réunit en lui

tous les éléments primitifs formant et déterminant le langage en

général. Sans insister ici sur ce sujet, nous rappellerons seulement

que nous n'avons jamais songé à considérer ces hallucinations

comme le résultât d'une simple excitation des centres sensorio-

moteurs. Nous avons essayé de montrer que leur physionomie spé-

ciale était due à un facteur particulier, à l'intervention du centre

moteur d'articulation : mais il n'en est pas moins évident que ces

hallucinations, comme toutes les autres, plus même peut-être que

les autres, sont un phénomène très complexe et nous avons insisté

autre part sur ce point que si l'excitation des centres corticaux

était une condition nécessaire de l'hallucination, elle n'en était

pas la condition à la fois nécessaire et suffisante. J. Séglas.

XXIV. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE de la FOLIE puerpérale; par PIANETTA.

(Ann. di neural., anno XIII, fasc. III, VI.)

La folie dite puerpérale et surtout celle qui se développe pendant

la grossesse, est rare. On ne peut pas attribuer une action étiolo-

gique spécifique à l'état puerpéral, grossesse, état puerpéral pro-

prement dit ou allaitement; ce sont là plutôt des causes occasion-

nelles. Les maladies mentales se développant durant l'état puer-

péral n'ont pas de caractères particuliers distinctifs, comme

symplomatologie, marche ou terminaisons, elles se présentent fré-

quemment sous la physionomie de la confusion mentale agitée ou

stupide. Le pronostic est généralement favorable : les éléments se

tirent, comme pour les maladies mentales en général, des données

étiologiques et de la forme mentale particulière à chaque cas.

J. SÉGLAS.

XXV. Des hallucinations VISUELLES (visions) PRODUITES par la PRES-

SION exercée SUR LES globes oculaires; par ALZUEIMER. (Centralbl.

f. Ne1'venheil/¡,.XVIII, N. F., VI, 1895.)

Ces résultats s'obtiennent non seulement dans le délire alcoo-

lique (Liepmann), mais encore dans la folie systématique, dans la

REVUE DE pathologie mentale. 229

folie épileptique et hystérique et même dans la paralysie géné-

rale. Observations; expériences. P. K.

XXVI. SUR QUELQUES caractères DES formes PSYCIIOPATIIIQUES dans LE

MIDI DE L'ITALIE ; par le Dr FRANCESCO DEL GRECO. (Ann. di neurol ,

Anno XIII, fasc. 1, 2.)

Ces caractères sont surtout relatifs à la prédominance des troubles

graves de l'aperception, des phénomènes d'irritation sensorielle

intense, de l'impulsivité et de l'épuisement psycho-moteur. J. S.

XVII. L'idiotie hydrocéphalique; par fRI : DER1C5 PETERSON.

(New-York médical Journal, 25 juillet 1896.)

L'hydrocéphalie est une cause assez fréquente d'idiotie. Bourne-

ville divise l'idiotie hydrocéphalique en trois classes : 1° hydrocé-

céphalie simple ou commune; 2° scapho-liydroc2phalie; 3° hydro-

céphalie symptomatique. Puis il subdivise la première classe en

deux troupes : 1° hydrocéphalie simple sans malformation céré-

brale et 2° hydrocéphalie compliquée de malformations ou de

lésions telles que l'absence du corps calleux ou du cervelet. L'au-

teur propose comme plus simple la classification suivante : il hydro-

céphalie primitive, comprenant les cas ordinaires, à pathogénie

inconnue; 2° hydrocéphalie secondaire, comprenant les cas consé-

cutifs à la méningo-encéphalite ou aux tumeurs cérébrales.

L'étiologie a le plus souvent pour base l'hérédité névropathique;

mais l'hérédité directe de la lésion est rare; Bourneville en a

pourtant cité un cas intéressant (hydrocéphalie de la mère et de

deux enfants) : l'alcoolisme parait être un facteur puissant chez

les parents (sur 22 cas, Bourneville a trouvé chez les parents 16 fois

l'alcoolisme et 2 fois l'absinthisme).

La pathogénie de l'hydrocéphalie primitive est inconnue. Celle

de l'hydrocéphalie secondaire est moins obscure : ici l'hydrocéphalie

interne est déterminée par l'obstruction des veines de Galien ou

par l'oblitération des trous de Monro, de Magendie et de Mierze-

jewski et ses causes les plus ordinaires sont les tumeurs (tubercu-

leuses on sarcomateuses) du cervelet. La méningite peut agir de la

même manière. Généralement l'hydrocéphalie secondaire n'atteint

pas un volume aussi considérable que la primitive, peut-être

parce que, en raison de sa cause, elle est d'ordinaire rapidement

mortelle.

L'augmentation du volume de la tête est ordinairement le pre-

mier symptôme qui attire l'attention ; l'auteur décrit avec soin la

forme de la tête et les autres symptômes principaux [de l'hydrocé.

phalie primitive : il insiste sur les paralysies et les convulsions épi-

leptoïdes, telles que nous les connaissons, et arrive à l'état psy-

chique des idiots hydrocéphaliques; on trouve chez eux une tendance

230 REVUE de pathologie mentale.

à l'affaiblissement de tous les actes psychiques allant de la fai-

blesse intellectuelle à l'imbécillité et à l'idiotie la plus complète-

Les instincts normaux eux-mêmes finissent par être abolis et le

malade est réduit à une vie purement végétative.

Rien n'est plus incertain que la marche et la durée de l'hydro-

céphalie. Les arrêts, les-guérisons spontanées ne sont pas rares;

mais les progrès de la maladie peuvent être réguliers et continus,

lents ou rapides. Le diagnostic est presque toujours facile. Le

pronostic est naturellement grave souvent pour la vie, presque

toujours pour l'intelligence.

L'auteur résume l'opinion de Bourneville sur le traitement médi-

cal et constate que les interventions chirurgicales qui ont été ten-

tées jusqu'ici (craniectomie et drainage -ponction des ventricules

latéraux-ponction du quatrième ventricule-ponction lombaire)

n'ont donné que des résultats peu satisfaisants 1.

R. DE 111USGRAVE CLAY.

XXVIII. La folie DIMINUE : données statistiques QUI PORTENT A LE

penser; par T ? 1. CH.11')1 : 1N. (1'lte Journal of mental Science, janvier

1896.)

L'auteur résume son opinion sous la forme suivante : il croit que

l'homme est en moyenne moins exposé à la folie actuellement

qu'il ne l'était il y a trenle ans, et cela dans une proportion qui ne

dépasse pas 30 p. 100. Mais il est actuellement plus exposé qu'il y

a trente ans à être interné dans un asile, parce qu'on l'y interne

aujourd'hui pour des raisons qui ne l'y auraient pas conduit autre-

fois. R. M. C. '

XXIX. Notes SUR trois cas de gangrène spontanée; par W.-B.MoRTON.

(The Journal of mental Science, janvier 1896.)

Malgré l'abaissement du taux de la vitalité et la diminution

de la sensibilité générale que l'on observe si fréquemment dans les

maladies mentales et qui sembleraient devoir être des causes pré-

disposantes, la gangrène est rare chez les aliénés; l'auteur a pu en

rassembler trois cas, dont il publie dans ce travail les observations,

et qu'il fait suivre de quelques remarques sur l'origine de la lésion.

R. M. C.

XXX. La folie DE l'amour, étude sur L'ARIOSTE, par 11. Kornfeld.

(The Journal of mental Science, octobre 1895.)

L'auteur se livre à une intéressante étude psychologique de l'Or-

lando Furioso, et il en dégage cette opinion de l'Arioste, que l'amour

1 Consulter sur l'llplnocélrlealie la collection des Comptes rendus du

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 231

est absolument le contraire de la haine de la vie et qu'il est le

meilleur et le plus élevé des sentiments humains. Le point essen-

tiel de l'enseignement du poète est renfermé dans cette question,

qu'il laisse à ses lecteurs le soin de résoudre : « Y a-t-il quelque

chose de plus caractéristique de la folie que de se détruire soi-même

pour nuire aux autres. » R. M. C.

XXXI. Folie DE la CONDUITE; par Geo. H. Savage et C. Mercier.

(The Journal of Mental Science, janvier 1896.)

Les deux auteurs relatent successivement plusieurs cas très inté-

ressants de folie morale, dans lesquels l'aliénation mentale s'est

caractérisée et révélée non par des troubles intellectuels mais par

un désordre manifeste de la conduite. R. M. C.

XXXII. TYPES DE folie traumatique; par Thomas Pmup C01VAN.

(The Journal of Mental Science, janvier 1896.)

Ce travail renferme cinq observations dont nous relevons ici,

d'après l'auteur, les particularités les plus dignes d'être'notées. La

première a trait, suivant lui, à une paralysie de la naissance (on

sait que Gowers désigne ainsi les lésions du système nerveux qui se

produisent au moment ou à l'occasion de l'accouchement) ayant

donné lieu à un arrêt du développement physique et mental dû à

une hémorrhagie de la surface du cerveau : c'est un des cas assez

rares où les symptômes sont surtout unilatéraux. Le diagnostic tou-

tefois, est à faire entre une hémiplégie infantile et une paralysie

de la naissance congénitale. L'observation ne révèle aucune

cause ordinaire, non plus que les convulsions ou la paralysie sou-

daine qui sont ordinairement les premiers signes d'une thrombose

des veines cérébrales dans la première enfance. Une lésion aiguë

des cornes doit également être mise hors de cause, puisqu'il n'y a

pas eu de début brusque, et que la paralysie, assez légère, est géné-

rale et non limitée à un ou plusieurs groupes musculaires. Le

réflexe du genou d'ailleurs est exagéré. D'autre part il y a peu de

rigidité et pas de mouvements spasmodiques : mais ces deux signes

peuvent manquer. En somme, il y a plus de raisons en faveur du

type congénital que du type acquis. La vague faiblesse des mem-

bres, à peine appréciable pour la mère, la tendance, à des inter-

valles irréguliers, aux convulsions locales, aboutissant à l'âge de

quatre ans à des convulsions épileptiformes bien nettes, sans para-

lysie consécutive, enfin l'observation ultérieure du malade confir-

ment pleinement cette manière de voir.

service des enfants de Bicêtre et notamment le tome XIV, 1893, qui

renferme une monographie que nous avons faite en collaboration avec

notre ancien interne le D Noir. (B.) .

232 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Le second cas parait être un cas ordinaire de manie alcoolique,

avec cette particularité que la manie a été directement provoquée

par un traumatisme grave du cerveau et de la moelle. On pourrait,

à non moins juste titre, en faire un cas de manie traumatique chez

uu homme prédisposé aux troubles mentaux par l'action toxique

de l'alcool sur les cellules corticales. Toutefois le caractère du

^désordre mental fait pencher la balance en faveur de la manie

alcoolique simple post-traumatique.

Le troisième cas est un cas de manie traumatique provoquée par

une lacération partielle de la substance cérébrale qui s'est produite

directement et par contre-coup. Etant]donnée l'étendue des ravages

traumatiques, le caractère rapide et en apparence complet de la

guérison est assez suprenant.

Les deux derniers cas sont des exemples de symptômes mentaux

et nerveux déterminés par des lésions traumatiques du cerveau

ayant probablement donné lieu à un épaissisemeut des méninges et

à une atrophie lente de la substance corticale. Dans le premier de

ces deux cas la fracture avec dépression ayant été traitée avec

succès, les symptômes des lésions en foyer font défaut, et il ne sub-

siste que les effets généraux de la lésion cérébrale. Le second est

surtout intéressant à rapprocher du premier : il présente les

symptômes bien nets d'une lésion en foyer, avec confusion des

idées et démence survenues lentement, mais progressivement, le

tout succédant à une dépression traumatique de la boite crânienne,

à laquelle il n'a pas été remédié. Les phénomènes très accusés que

présentent les jambes dans les crises convulsives correspondent

bien à ce que faisait prévoir le siège de la lésion; mais ce qui est

curieux c'est qu'il n'y ait jamais eu d'aura sensorielle avec point de

départ dans les extrémités inférieures. R. DE IUSGRAVE-CLAY.

XXXII. La psychologie expérimentale DANS SES rapports avec la

folie; par W. H. R. RivERs. (The Journal of Mental Science,

octobre 1894.)

Travail intéressant dans lequel l'auteur a montré avec quel soin

Kraepelin (de Heidelberg) s'est attaché à rendre plus pratiques les

recherches de psychologie physiologique surtout dans leur appli-

cation à la pathologie mentale; et dans lequel aussi il décrit quel-

ques-unes des méthodes appliquées par le professeur de IIeildeberg.

R. M. C.

XXXIII. Etats mentaux associés DES lésions viscérales chez l'homme

sain; par Henry HEAD. (Tfec Jourlaal of Mental Science, janvier 1896.)

Parmi ces états, il en est qui sont pour ainsi dire directs, c'est-à-

dire qu'ils accompagnent directement la maladie et sont associés à

l'existence de produits anormaux ou d'altérations de tissus, comme c

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 233 IL

il arrive dans le myxoedème ; on n'en parlera pas ici. Il en est

d'autres que l'on peut appeler indirects parce qu'ils ne s'associent

aux lésions viscérales que par l'intermediaire du système nerveux

sympathique; ce sont ceux dont on va s'occuper, et, parmi eux,

seulement des troubles sensoriels et émotifs.

Le premier de ces états est une mélancolie survenant avec une

extrême rapidité et pouvant durer de plusieurs minutes à plusieurs

heures : elle s'accompagne de larmes abondantes, sans aucune

cause de tristesse, et généralement d'une horreur profonde de la

musique : en même temps le malade est assailli parles plus funestes

pressentiments; il garde le silence et ne rend compte qu'après la

crise des sensations qu'il a éprouvées; il a des tendances vagues au

suicide, tendances que les simples mouvements nécessaires pour en

tenter l'exécution suffisent à dissiper.

Le second de ces états est l'état d'hallucination : ces hallucina-

tions portent sur la vue, l'ouïe et l'odorat, peut-être sur le goût,

mais l'état de la bouche ne permet guère de s'assurer de leur exis-

tence certaine.

Ensuite vient la folie soupçonneuse, puis les modifications de

l'attention, de la mémoire et du caractère.

Ces troubles mentaux sont associés à la présence de douleurs

dites à distance, avec sensibilité des tissus superficiels du corps et

de la peau du crâne : ils paraissent être en rapport direct avec

l'intensité de la douleur locale et de l'hyperesthésie de la peau.

Les douleurs locales d'autre nature ne provoquent pas ces troubles

mentaux : c'est ainsi que chez un des malades observés la douleur

locale causée par un point pleurétique n'a nullement déterminé

ces troubles mentaux, qui se sont développés quelques semaines

plus tard à l'occasion de la douleur - non locale cette fois, - pro-

voqué par le début d'une tuberculose pulmonaire. La dépression

mentale parait accompagner surtout les cas où il existe des zones

superficielles douloureuses à la partie inférieure du thorax et sur

l'abdomen. Les hallucinations n'apparaissent que dans les casd'hy-

peresthésie du cuir chevelu. R. DE Musgrave-Clay.

XXXV. Etude DE QUARANTE-QUATRE cas d'affections fébriles survenues

chez DES aliénés ; par J. KEAY. (The Journal of Mental Science,

avril 1896.)

L'auteur rapporte d'abord une observation de manie aiguë, au

cours de laquelle survint une scarlatine qui détermina la guérison

de l'affection mentale. A l'occasion de ce fait, il a étudié 44 cas

de scarlatine et de fièvre typboïde observés dans l'asile qu'il dirige

de 1866 à 1894 : ces cas se répartissent ainsi : scarlatine 6 ; fièvre

typhoïde 38. Si l'on pouvait tirer des conclusions d'un nombre

aussi restreint de faits, on serait amené à penser que l'améliora-

234 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tion de l'état mental survient plus souvent à la suite de la scarla-

tine qu'à la suite de la fièvre typhoïde. Ce travail n'est qu'une con-

tribution à l'étude de l'influence des maladies aiguës sur l'évolution

des affections mentales, question qui malgré de nombreuses

recherches, demeure encore aujourd'hui très controversée.

- R. DE IVIUSGRAVE-CLAY.

XXXVI. UN cas DE manie RÉCURRENTE ; par John G. HAYELOCK.

(The Journal of Mental Science, octobre 1896.)

Le sujet de cette curieuse observation est un homme de cin-

quante-quatre ans, qui, durant les trente-quatre dernières années

a eu vingt attaques de manie aiguë, dans l'intervalle desquelles il

a dirigé avec succès une importante maison de commerce. Il y a il

l'heure actuelle trois ans et demi qu'il n'a présenté aucun trouble

intellectuel, et sa santé mentale et sa santé physique sont égale-

ment parfaites. R. M. C.

XXXVII. Rapports DE L'AUTO-INTOXIC.ITiON intestinale avec certaines

formes communes DE la folie ; par ALLAN MACLANE IIAÜILTON.

(New-York Médical Journal, 14 novembre 1896.)

Les conclusions de ce travail sont les suivantes : 1° Les urines

riches en indican contiennent très peu ou pas du tout d'acide sul-

furique préformé, et sont toxiques. 2° Quand le taux des sul-

fates se modifie d'une façon appréciable, cette modification est

ordinairement due à une intoxication liée à une augmentation

dans la quantité des sulfates combinés ou éthérés. 3° Des indi-

cations de ce genre se rencontrent généralement dans les folies

aiguës avec symptômes à développement rapide.

4° Les hallucinations et les illusions fugaces et changeantes, les

délirés non systématisés, la confusion mentale et la verbigération

lorsqu'elles s'accompagnent d'insomnie, de pâleur, d'indigestion

inteslinale, de constipation et d'épuisement rapide, sont dues à

l'auto-intoxication. - 5° Les états paranoïques, ou ceux qui se

caractérisent surtout par des concepts, les états de stupeur chro-

nique, et certaines formes de démence n'ont guère de relation

avec les produits de putréfaction intestinale. 6° Les diverses

folies d'origine post-fébrile, traumatique, alcoolique ou médica-

menteuse sont celles dans lesquelles on rencontre le plus cons-

tamment l'auto-intoxication.

7° Les variations dans l'excrétion des sulfates combinés suivent

une marche parallèle à celle de la folie confirmée, les accès et les

attaques épileptiformes étant en relation directe avec les processus

de putréfaction. 8° Les moyens de traitement les plus utiles

sont le lavage, les douches intestinales, l'antisepsie gastrique et

REVUE DE pathologie mentale. 23b

intestinale au moyen de l'acide chlorhydrique, du borax, du

salicyclate de soude, du charbon, du gaïacol ou de la naphtaline

à petites doses répétées, et aussi l'administration d'un mélange

de moelle rouge des petits os, de sang et de glycérine.

R. DE Musgrave-Clay.

XXXVIII. QUELQUES remarques SUR LES rapports DU diabète avec la

folie; par C. Hubert Bond. (The Journal of Mental Science,

janvier 1896.)

Les conclusions de ce travail sont les suivantes :

Les cas de diabète, ou plus exactement peut-être de glycosurie,

que l'auteur a pu rassembler sont au nombre de 17 : dans douze

d'entre eux, les symptômes de folie, au moment où l'existence du

sucre a été constatée, étaient aigus ; dans les cinq autres ils étaient

chroniques. Ces cinq derniers cas (dont quatre se rapportaient à

des femmes) étaient des cas de démence secondaire : dans deux

une légère rémission des symptômes mentaux fut observée lors

de l'apparition du diabète ; dans un autre, le sucre disparut lors-

que parurent les symptômes de manie. Mais en somme ces cas ne

démontrent pas grand'chose au point de vue de l'alternance des

symptômes de glycosurie et des symptômes de folie. On observerait

plutôt le contraire, c'est-à-dire le parallélisme des deux ordres de

symptômes. Sans préciser pour chaque cas la forme de folie, on

peut remarquer que dans les douze cas aigus, le symptôme prédomi-

nant était la mélancolie, en même temps qu'une confusion mentale

très accentuée, allant dans quelques-uns jusqu'à une amnésie très

marquée. A ce propos, il est à remarquer que quatorze fois sur l'en-

semble des cas observés, on a pu être renseigné sur les habitudes

antérieures des malades, et que chez exactement la moitié d'entre

eux on trouvait des excès alcooliques. L'influence étiologique de

l'alcool sur le diabète a été souvent notée ; mais c'est peut-être la

première fois qu'elle apparait aussi nettement chez les aliénés,

Dans six des cas dont il s'agit les peines et anxiétés morales

étaient signalées comme cause des troubles cérébraux. Dans les

douze cas aigus, sauf un, il existait des antécédents héréditaires :

six fois, on a noté la folie chez d'autres membres de la même

famille ; sept fois, on a trouvé sur le malade des stigmates ner-

veux. Dans deux on signale un cas de diabète dans la famille. Le

réflexe du genou était exagéré dans cinq cas, insuffisant dans un

cas; il faisait défaut dans deux cas de diabète avancé. Chez tous

les malades la température restait au-dessous, et quelquefois très

au-dessous de la normale, et ne s'élevait pas toujours quand la

glycosurie disparaissait. Dans cinq cas sur douze il existait des

signes manifestes de dégénérescence vasculaire. La quantité de

sucre variait depuis de simples traces jusqu'à 3910 grains (236

236 REVUE DE pathologie mentale.

grammes). La quantité de l'urine elle-même ne s'élevait au-dessus

de la normale que dans cinq cas des duuze cas aigus. Sauf dans un

cas, il y a toujours eu parallélisme entre le maximum de sucre et

le maximum d'urée; mais le taux d'excrétion de l'urée a toujours

été faible. Dans les deux autopsies qui ont pu être faites on a

trouvé des altérations du pancréas et un étal cirrhotique du foie

et des reins. - On a signalé l'alternance du diabète et du psoria-

sis : l'auteur a examiné six malades de l'asile atteints de

psoriasis, et il n'a trouvé de sucre chez aucun d'eux ni pendant les

poussées de psoriasis, ni en dehors de ces poussées. '

R. DE Musgrave-Clay.

XXXIX. SUR LES symptômes mentaux QUI PEUVENT SURVENIR dans LES

maladies somatiques; par Ernest Septimus REYNOLDS. (The Journal

of mental Science, janvier 1896.)

L'auteur est amené par de nombreuses observations à formuler

les conclusions suivantes ;

la Il est relativement rare de voir la folie vraie survenir dans le

cours des maladies somatiques :

2° Dans les hôpitaux généraux, la folie se manifeste le plus com-

mnnément après les fièvres, les intoxications, les blessures et les

opérations, et les lésions cardiaques, et l'ordre de cette énuméra-

tion paraît être celui de la fréquence relative;

3° Dans la période initiale des fièvres, et aprèsrles blessures et les

opérations, c'est la manie qui est la forme la plus commune de

folie ; mais, dans les autres conditions, la dépression est plus fré-

quente ; toutefois la forme la plus ^répandue est une folie avec

délire accentué de persécution, s'accompagnant souvent d'halluci-

nations de l'ouïe, telle qu'on l'observe dans la phtisie, dans les

lésions cardiaques et après la fièvre typhoïde;

4° Il n'existe aucune forme spéciale de folie se rattachant à telle

ou telle maladie somatique, en sorte qu'il est impossible de

déduire des symptômes mentaux la nature de la maladie soma-

tique primitive. Il y a cependant lieu de faire exception pour

l'état mental particulier qui accompagne les paralysies alcoo-

liques ;

5° La folie apparaît avec une fréquence extraordinaire dans les

maladies somatiques qui s'accompagnent de névrite périphérique,

telles que les intoxications (alcool, oxyde de carbone, plomb), la

pellagre, la fièvre typhoide, le typhus, la scarlatine, le rhuma-

tisme articulaire aigu, l'influenza, la pneumonie, la phtisie, la

syphilis, la septicémie, la goutte et le diabète. Il est possible

que dans les diverses maladies, l'agent étiologique des altérations

des nerfs périphériques détermine des altérations du même

ordre dans certains éléments du cerveau et trouble ainsi les diffé-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 237 Î

rentes réactions cérébrales normales qui concourentà la formation

d'une mentalité régulière ; ,

6° Lorsque la cause n'est pas permanente (intoxications, fièvres,

tranmatismes accidentels, opérations) les symptômes mentaux dis-

paraissent dans la grande majorité des cas ; dans les lésions

cardiaques et dans la phtisie ils peuvent alternativement dispa-

raître et reparaître de temps en temps ; mais dans quelques cas,

dans les lésions du rein par exemple, ils ne disparaissent qu'avec

la vie. R. DE lIIUSGRAVE-CLAY.

XL. SUR UNE FORME d'idiotie DE famille, A terminaison généralement

FATALE, ET ASSOCIÉE A UNE CÉCITÉ PRÉCOCE (IDIOTIE DE FAMILLE

AMAUROTIQUE) ; par B. Sachs. (New-York médical Journal, 30 mai

1896.)

L'auteur a déjà publié l'observation d'un des enfants de cette

famille, qui, d'apparence saine à sa naissance, avait commencé

à se développer physiquement et mentalement d'une façon nor-

male, dont les membres étaient ensuite devenus très faibles, puis

s'étaient paralysés, dont la vue avait baissé, et s'était totalement

et rapidement perdue, et qui avait succombé à l'âge de deux ans

en état de marasme. Quatre ans plus tard, M. Sachs a constaté un

deuxième cas semblable dans la même famille; la marche des

événements fut identique, identiques aussi les altérations cérébrales

constatées à l'autopsie Si bizarre que fût l'analogie de ces deux

cas, il pouvait y avoir là une simple coïncidence; mais d'autres

séries de faits semblables ont été observées par divers médecins et

par l'auteur lui-même qui rapporte plusieurs observations, person-

nelles ou recueillies dans les auteurs, neurologistes ou oculistes.

La nombre des cas que M. Sachs a pu relever est actuellement

de 19 (cinq garçons, onze filles, trois enfants dont le sexe n'a

pas été mentionné), dont huit ont été directement observés par lui.

En étudiant les diverses observations, aussi bien celles des ocu-

listes que celles des neuropathologistes, on voit qu'il s'agit bien

réellement d'une affection de famille dont les principaux symp-

tômes sont les suivants : 1° affaiblissement mental constaté dans

les quelques premiers mois de la vie et aboutissant à l'idiotie com-

plète ; - parésie ou paralysie (qui peut être flasque ou spasmo-

dique) de la majeure partie du corps 30 diminution ou augmen-

tation des réflexes; 4° diminution de la vision, se terminant par

une cécité absolue (altérations de la tache jaune, et ultérieurement

atrophie du nerf optique); - 5° marasme, et, règle générale,

terminaison fatale vers l'âge de deux ans; 6° reproduction de

l'affection chez plusieurs memhres d'une même famille.

On peut ajouter que, parmi les symptômes observés dans quel-

ques-uns des cas, mais non dans tous, figurent le nystagmus, le

238 REVUET DE pathologie mentale.

strabisme et l'hyperacuité de l'audition. Quelquefois aussi

l'imbécillité, à forme très accentuée, remplace l'idiotie.

Les altérations de la tache jaune sont si frappantes qu'elles

prennent une réelle valeur diagnostique : sur les 19 cas cilés, elles

ont été constantes et identiques dans 14 cas; dans 4 cas, il n'y a

pas eu d'examen oplitalmoscopique, et, dans le dernier cas, l'ob-

servation n'est pas complète.

Trois autopsies ont pu être faites, et comme on pouvait le prévoir,

elles ontfourni les signes d'un arrêt de développement du cerveau

et de ses éléments (macroscopiquement, les anomalies de scissures

qui caractérisent les cerveaux mal développés; microscopique-

ment, anomalies de structure cellulaire, sans aucune lésion de

nature inflammatoire).

Au point de vue étiologique, la prédisposition de famille est

manifeste puisque les 19 cas cités appartiennent à dix familles, et

qu'on a'compté jusqu'à dix enfants pareillement atteints dans la

même famille. L'absence d'hérédité syphilitique a été constatéesix

fois. La marche est rapide et la terminaison fatale : sauf un seul,

tous les enfants dont il s'agit sont morts vers l'âge de deux ans, en

état de marasme.

Le diagnostic différentiel est à faire avec la syphilis héréditaire

et avec l'idiotie congénitale commune ; les antécédents éclaireront

le diagnostic dans le premier cas; dans le second, l'absence de

lésions oculaires et la longueur de la survie trancheront la ques-

tion.

En somme, la maladie dont il s'agit possède une physionomie

clinique suffisamment nette pour que M. Sachs désire lui voir attri-

buer une dénomination spéciale et propose de l'appeler « idiotie

amaurotique de famille ». R. DE MUSGRAVE-CLAY.

XLI. ETUDE du crétinisme sporadique; par VGILLIA3t B. NOYES.

(New-Y01'k médical Journal, 14 mars 1896.)

L'observation du petit malade peut se résumer ainsi : petite fil-

lette de deux ans, à laquelle on ne donnerait guère plus de six

mois : aspect boursouflé, gros ventre, joues et visage bouffis :

sangue gonflée, saillante hors de la bouche, lèvres grosses, renver-

lées, perte de la salive; cou court, épais, gonflé : aspect idiot. Fon-

tanelles ouvertes, os du crâne mous; brièveté des jambes et des

bras; pas de signes de rachitisme. C'est le premier enfant d'un

jeune ménage bien portant et exempt de tout antécédent patholo-

gique. Traitement thyroïdien, suivi d'un plein succès; modifica-

tion favorable de tous les symptômes; par erreur, une trop forte

dose d'extrait thyroïdien ayant été donnée à l'enfant, on constata

une élévation de température, de la prostration et des symptômes

nerveux durant une semaine environ, au bout de laquelle tout

REVUE DE pathologie mentale. 239

rentre dans l'ordre, et il se fait une desquamation cutanée de

toute la surface du corps. Le traitement thyroïdien est repris, et il

aboutit au bout d'un temps assez court à la guérison.

Cette observation est suivie d'une foule de considérations sur

l'idiotie, le goitre et leurs conditions héréditaires, considérations

que nous ne pensons pa, devoir analyser ici, parce qu'elle ne sont

que la reproduction des opinions des auteurs ayant écrit sur ces

sujets. R. DE ! \IUSGRAVE-CLAY.

XLII. UN cas léger DE folie avec STUPEUR, dans LEQUEL ON pouvait

PROVOQUER PAR SUGGESTION DES ILLUSIONS, DES HALLUCINATIONS et des : 1CTESAUTOM.4TIQUIdS; par ALUN i\I : 1C-L.\NE HA111LTOV etW. S. BIrO\VN.

(New-Yo1'k médical Journal, 4 avril 1896.)

L'observation peut se résumer ainsi : jeune homme de dix-huit

ans, hérédité névropathique : habitude de masturbation : il y a

quinze mois, il quitte son poste de télégraphiste au chemin de fer ;

le sentiment de sa responsabilité lui était pénible; il évitait les

agents de police, craignant d'être arrêté pour quelque négligence

dans son service. Il guérit et reprend un emploi qu'il tient conve-

nablement : au bout de quelque temps, incohérence, agitation

(nécessitant l'aide de plusieurs personnes pour le contenir). Interné

dans un asile, il peut à peine marcher et est dans un état de demi-

stupeur : pouls rapide et faible. Il se rend vaguement compte de

ce qui lui arrive, mais n'en parait pas autrement impressionné.

Il prend du trional qui le fait dormir; il parle à peine et ne prend

ses repas qu'avec une grande résistance. Bientôt il faut avoir recours

à l'alimentation forcée pendant trois jours; puis il se remet à man-

ger. - Tendance cataleptique, qui va en s'accentuant. La catalep-

sie sans rigidité musculaire est à plusieurs égards semblable à celle

que l'on observe dans le cas de suggestion. Le malade reçoit des

suggestions, sans se rendre compte de l'absurdité des choses suggé-

rées, et il en résulte une illusion ou une hallucination : par exemple

on lui suggère qu'il y a une souris sur la table, et on lui demande

s'il la voit; il répond que oui et parle d'elle comme si elle s'atta-

quait à un fromage. On met devant lui une plume et une feuille de

papier et on lui dit de manger sa soupe; il fait le geste de man-

ger en se servant du porte-plume comme d'une cuiller et de la

feuille de papier comme d'une assiette. L'état cataleptique persiste,

et se rapproche par plusieurs points de l'automatisme. 11 semble

bien ici que la catalepsie relève exclusivement de la torpeur céré-

brale : ce qui le prouve, c'est l'absence de toute rigidité muscu-

laire, de toute lésion des muscles; c'est aussi la façon dont elle

s'accentuait à la suite d'un épuisement cérébral quelconque; c'est

enfin sa disparition progressive, et par instants totale, parallè-

lement à l'amélioration de l'état mental. R. DE MUSGRAVE-CLAY.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 25 Janvier 1897. PRÉSIDENCE DE MM. Charpentier

et GARNIER.

M. Charpentier, avant de quitter le fauteuil de la présidence,

passe en revue les travaux et discussions qui ont eu lieu dans le

sein de la Société pendant l'année 1896 et renouvelle ses félicita-

tions à son successeur.

M. GARNIER prononce l'allocution d'usage et adresse ses félicita-

tions à l'esprit d'indépendance du président auquel il succède. Il

insiste sur ce point que les tendances actuelles de la société se des-

sinent vers l'évolution des diverses formes mentales. Il exprime

enfin le souhait que la Société fera entendre sa voix dans le procès

actuellement pendant entre la société moderne et l'alcoolisme.

Commissions des pris.

Prix Aubanel : Aucun mémoire n'ayant été déposé, le prix

Aubanel est reporté à l'année prochaine. La question à traiter

est la suivante : Des rapports des anto-iiitoxications avec le délire.

- Prix Esquirol : Deux mémoires ont été déposés. Commission :

MM. MITIVIÉ, Boucherau, FALRET, RITTI, SEGLAS. Ce prix sera

décerné cette année pour la dernière fois. Pria; Belhomme :

Deux concurrents. Commission : MM. Vallon, KLIPPEL, JEOFFROY,

BLIN, Jules Voisin. Prix Moreau de Tours : Huit concurrents :

Commission MM. Moreau, PACTET, GARNIER, FEBVRE, SÉ : .IELAIGNE.

M. CnRISTIAN, au nom de la commission des finances, donne

lecture de son rapport annuet et félicite le trésorier, de la bonne

gestion des fonds de la Société.

M. TOULOUSE fournit quelques renseignements au sujet de l'en-

quête médico-psychologique qu'il a faite sur le rapport de la supé-

riorité intellectuelle et la dégénérescence névropathique. It reproche

à ses contradicteurs de l'avoir condamné sans le lire. Jusqu'à pré-

sent semblable enquête n'avait été faite que post mortem, ce qui

lui enlève toute valeur scientifique en raison de la difficulté de

faire une enquête sérieuse et de contrôler ensuite les faits avancés.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

Il ne se considère nullement comme tenu à aucune discrétion pro-

fessionnelle parce que ce n'est pas comme médecin qu'il a publié

son observation sur M. Zola, mais plutôt comme publiciste. Pour

ce qui est de l'hérédité collatérale dont il pourra avoir à s'occuper

dans ses prochaines études, et qui n'appartient pas au sujet seul

mais à toute la famille, M. Toulouse s'abstient d'en parler ne pou-

vant oublier qu'il est médecin. S'il n'a pas attendu la mort de

Zola pour publier son observation, c'est parce que les héritiers

n'auraient peut-être pas autorisé cette publication. -

MARCEL BRIAND.

CONGRÈS DE PSYCHIATRIE MÉDICO-LÉGALE DE DRESDE

(Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, tome LUI, fasc. 4.)

Une Société de psychiatrie médico-légale a été fondée à Dresde,

le 7 mars 1894, pour étudier les nombreuses questions qui intéres-

sent à la fois les juristes et les aliénistes. Cette innovation se jus-

tifie amplement : les juristes ont en effet à provoquer les exper-

tises d'hommes compétents lorsqu'ils ont des doutes sur l'état

mental d'un inculpé; d'où leur désir de voir des aliénés, d'ap-

prendre comment ces malades pensent, jugent, ressentent et agis-

sent. Des vues générales sur le domaine de la psychiatrie leur sont

d'autant plus utiles, qu'ils endossent, comme juges, une partie de

la responsabilité des rapports des experts; ils ont à décider de la

suite qui doit être donnée à ces rapports et ne sont point tenus,

dans leurs jugements, de suivre l'avis des experts. D'autre part il

importe que les aliénistes aient quelques notions des sciences juri-

diques. En outre bien des points de la législation des aliénés inté-

ressent également juristes et psychiatres. La Société fondée à

Dresde comptait, à la fin de 1895, 12 juristes, 7 aliénistes, 4 méde-

cins d'arrondissement, 2 neuropathologues et 2 praticiens.

Séance du 7 mars 1894.

M. Ganser. La méthode d'examen psychiatrique. En première

ligne il faut savoir que les aliénés sont des malades au point de

vue somatique. Chaque faculté psychique saine est liée à l'inté-

grité d'une certaine partie du cerveau et spécialement de l'écorce

cérébrale. Celle-ci intéressée par un processus pathologique, sur-

vient une maladie mentale. Mais le cerveau n'est pas le seul organe

atteint chez les' aliénés ; nombre d'e troubles psychiques sont

Archives, 2e série, t. III. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

provoqués par des causes organiques. D'où la nécessité d'examiner

minutieusement tous les organes de l'économie et de se rendre

compte de leur fonctionnement. C'est au médecin seul qu'il appar-

tient de pratiquer cette investigation et de conclure à l'existence

ou à l'absence d'une maladie mentale.

Les maladies mentales se traduisent avant tout par des symp-

tômes psychiques. D'où il résulte que le médecin doit avoir des

connaissances spéciales sur la valeur de ces signes, qu'il doit être

un aliéniste. Celui-ci n'a pas besoin d'une culture psychologique

spéciale : il lui faut seulement pouvoir mettre en évidence les

troubles psychiques élémentaires des malades (mémoire, enchaîne-

ment des idées, jugement, actions, expression de la physionomie,

etc.), la façon dont ils sont groupés. Seul un rapport, basé sur un

examen approfondi pratiqué par un spécialiste compétent, possède

une valeur décisive.

M. Ganser. Présentation de malade. - Homme de 57 ans, sans

tares héréditaires, sans antécédents personnels, quelque peu iras-

cible. Dans les derniers temps, excès de boissons, disputes, empri-

sonnement et séjour en cellule. Au cinquième jour de la détention,

hallucination de l'ouïe (reproches et menaces), excitation, anxiété,

idées de persécution. Transféré à l'asile d'aliénés, il guérit complé-

tement et garde le souvenir précis de tout ce qui s'est passé. Dia-

gnostic : délire hallucinatoire aigu.

Séance du 25 avril 1894.

M. VVmNGaT, conseiller à la cour. Sur les incendiaires uliénés. -

Quand il s'agit de découvrir l'auteur d'un incendie, une question se

pose : qui a pu avoir intérêt à commettre cet incendie ? Il faut

distinguer trois classes de motifs : 1° ceux qui sont raisonnés, par

exemple l'intérêt personnel, le but de faciliter ou de cacher, grâce

à l'incendie, des meurtres, les buts politiques, 2° les sentiments

passionnels, vengeance, jalousie, mécontentement, nostalgie,

méchanceté, peur ; 3° les mobiles pathologiques,

Les aliénés peuvent être poussés à commettre des incendies par

des motifs analogues à ceux qui déterminent les mêmes actes chez

des sujets non aliénés. Dans ces cas, la maladie mentale joue un

rôle en ce sens qu'elle anéantit ou diminue la résistance que peut

opposer un sujet normal à de pareilles impulsions ; aussi voit-on

certains aliénés être poussés à l'incendie par des influences peu

actives. Mais en outre des faits précédents il y a, chez les aliénés,

des mobiles qui relèvent directement de leurs troubles psychiques.

Tels sont : a) les hallucinations ; b) les idées délirantes; c) les états

affectifs pathologiques. Ces derniers sont généralement de nature

dépressive, rarement à forme expansive. Le plus important de ces

états affectifs est l'angoisse . Certains aliénés veulent, par un

sociétés savantes. 243 3

incendie, se délivrer du tourment de l'existence ; les mélancoliques

pensent pouvoir se débarrasser de la dépression psychique qui pèse

sur eux, en commettant un acte de violence, et se laissent assez

facilement entraîner à l'incendie parce que cet acte n'exige pas un

déploiement de forces considérables; enfin la nostalgie, quand elle

est très accentuée, peut entrainer de jeunes malades à l'incendie.

Certains maniaques furieux allument des incendies pour satisfaire

leur besoin de destruction; certains imbéciles, pour jouir de la vue

des flammes ; d) les obsessions : quelques malades deviennent

incendiaires, poussés par une idée obsédante à laquelle il leur est

impossible de résister ; e) troubles de la conscience. Des incendies

sont commis parfois au cours d'états d'inconscience, sans motifs

apparents, d'une façon impulsive, par exemple dans les phases

d'inconscience des épileptiques, des hystériques, dans l'ivresse

alcoolique ou autre, le somnambulisme, l'hypnose.

En raison de la fréquence des incendies dont l'auteur est un

aliéné, il importe que les magistrats tiennent compte de ces faits,

pour éviter de condamner un malade. Les faits suivants, constatés

par le juge, devront le décider à provoquer une expertise médico-

légale : 1° troubles intellectuels observés chez l'inculpé; 2° signes

somatiques tels que : absence de douleur constatée chez un inculpé

blessé, cicatrices ou plaies de la langue ou des lèvres, blessures

consécutives à des tentatives de suicide, attaques convulsives, para-

lysies, contractures, incoordination des mouvements etc. ; 3° 1'en-

seignements fournis par des tiers sur l'existence chez l'inculpé d'une

intoxication antérieure (alcool, morphine), ou d'une maladie

(somnambulisme, épilepsie, hystérie) ; 4° perversions sexuelles;

5° absence de rapport entre les actes et les mobiles. Il va sans dire

que toutes ces circonstances ne constituent qu'une présomption

en faveur de troubles psychiques et ne suffisent point pour affir-

mer qu'on se trouve en présence d'un aliéné.

Discussion. M. GANSER - Les malades les plus dissemblables

allument des incendies. C'est le plus souvent le hasard qui fait

commettre aux aliénés tantôt un meurtre, tantôt un acte de

violence, tantôt un incendie. Les actes des aliénés échappent

habituellement à toute détermination précise. Certains malades

allument des incendies par défaut de jugement (paralytiques

et imbéciles), d'autres par suite d'états affectifs pathologiques

(angoisse), ou d'idées délirantes, d'autres par vengeance, etc.

M. WEBER. - Mélancoliques, hallucinés, faibles d'esprit, épi-

leptiques, jeunes nostalgiques, tels sont les aliénés parmi lesquels

se recrutent les incendiaires. Un examen médico-légal est néces-

saire chaque fois qu'on pourra supposer avoir affaire à un malade

de ce genre.

Discussion. M. GANSER. - L'absence de rapport entre l'acte et

244 sociétés savantes.

le mobile doit faire penser à des troubles psychiques. Certains alié-

nés cependant invoquent des motifs alors qu'au moment de l'acte

incriminé ils n'en ont point eu, ou en ont eu d'autres. Les aliénès

agissent souvent avec préméditation.

M. Ganser, à propos de l'interdiction d'un processif, fait rcmar-

. qner que le médecin aliéniste n'a d'autre tâche que de déclarer

si tel sujet est malade d'esprit ou non; les questions de respon-

sabilité et de capacité ne le regardent pas. Cependant les magis-

trats, eux, désirent habituellement des appréciations qui puissent

servir à la solution des questions légales qui leur sont posées. Les

juristes parlent de troubles psychiques partiels quand un sujet

accomplit un certain nombre d'actes de nature maladive, et d'au-

tres qui ne le sont pas. Si l'on exige, pour interdire un aliéné, que

tous les actes qu'il exécute soient de nature maladive, il est évident

qu'un grand nombre d'aliénés ne peuvent être interdits. Les alié-

nistes ne peuvent admettre la théorie de troubles partiels : l'esprit

est chose indivisible.

M. \'VEmGnaT fait remarquer que les maladies mentales peuvent

ètre plus ou moins accusées et demande si les aliénistes consi-

dèrent comme irresponsable et incapable tout sujet atteint d'une

maladie mentale, celle-ci fût-elle peu accentuée.

M. Boehmert demande si par exemple un quérulant peut-être

condamné pour vol.

M. Weber considérerait comme une faute de condamner un qué-

rulent pour vol. Ces sujets sont pour l'aliéniste des aliénés, et non

des individus atteints de troubles partiels. Tous les aliénés sont

irresponsables au point de vue pénal ; mais chez quelques-uns, par

exemple chez de simples déprimés mélancoliques, on peut admettre

la persistance de la capacité civile.

Séance du 23 mai 1894.

M. Ganser. Présentation de malade. - Femme de quarante ans.

Hallucinations et idées de persécution systématisées. Pas de cons-

cience de l'état maladif. Mémoire excellente, langage très cohé-

rent ; la malade se conduit d'une façon correcte pour tout ce qui

n'a pas trait à son délire. Doit être considérée comme irrespon-

sable. Diagnostic : délire systématisé hallucinatoire : (hallucinato-

rische Ver ? ,ttcktheit.)

' M. Ganser. Sur les conceptions délirantes. Les idées délirantes

sont en général des conceptious inexactes quant à leur contenu :

ce n'est pas là cependant l'essence même de l'idée délirante. Il y a

des idées délirantes dont il est impossible de démontrer l'inexac-

titude. Contrairement aux erreurs de jugement, les conceptions

délirantes sont des idées qui se produisent par suite d'un méca-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245 5

nisme pathologique des processus physiologiques de l'écorce. Les

idées délirantes se manifestent en premier lieu sur le terrain des

modifications de l'humeur, par exemple chez les maniaques et les

mélancoliques ; elles servent à motiver ces altérations. Le mélan-

colique est primitivement déprimé et triste et, en raison de cette

disposition d'humeur, il perçoit sous une forme douloureuse les

sensations provenant de son propre corps et du monde extérieur,

et porte sur ces sensations des jugements erronés. L'orientation

individuelle de la vie représentative détermine des idées de culpa-

bilité, d'indignité, de persécution. Les conceptions délirantes du

maniaque naissent au contraire sur le terrain de sentiments

d'expansion, d'accroissement de la vitalité, et leur couleur s'en

ressent. Un second mode de développement des idées délirantes

n'est pas sans analogie avec l'intuition du génie : des idées de

grandeur ou de persécution s'installent dans la conscience et

s'imposent d'une façon absolue ; ensuite intervient la systématisa-

tion délirante que renforce aussi l'apparition d'hallucinations.

Troisièmement, il faut citer les idées délirantes provoquées par

les rêves, puis celles qui sont dues aux pseudo-souvenirs, enfin

celles qui sont communiquées par un autre aliéné.

4° séance : 20 juin 1894.

Discussion sur l'interdiction dans les projets de code civil de

l'empire allemand. M. WEBER constate que le second projet de

code civil a donné satisfaction aux voeux émis de différents côtés,

en spécifiant, paragraphe 14, que l'interdiction pourrait être

prononcée en cas de maladie mentale, lorsque l'aliéné se trou-

verait, par suite de sa maladie, incapable de gérer ses intérêts.

Les extraits du projet de loi publiés jusqu'ici ne permettent pas

encore de se faire une idée exacle des mesures spéciales prises

pour les cas d'imbécillité.

M. CUDASCH trouve inutiles des dispositions spéciales concernant

les faibles d'esprit, car l'inlerdition est la mesure la meilleure

pour ces sujets.

M. LoSSNrTZER, au contraire, n'est pas partisan de l'interdiction

des imbéciles; on pourrait leur reconnaître une capacité limitée en

les soumettant à une surveillance déterminée.

M. PIERSON rappelle qu'au congrès des médecins aliénistes

allemands on a proposé de substituer à l'expresion « maladie

mentale » le mot « trouble psychique », afin de ne point paraître

laisser de côté l'imbécillité.

M. WEBER se félicite de voir, dans le nouveau projet de code

civil, l'ivrognerie habituelle parmi les causes d'interdiction.

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

5° séance : Il juillet 1894.

M. WEBER, il propos de l'interdiction des buveurs d'habitude,

pose la. question de savoir si le nouveau code civil permettra au

tuteur d'un sujet interdit pour ivrognerie habituelle de provoquer

le placement de ce dernier dans un asile de buveurs même contre

la volonté du patient.

M. Ganser pense que c'est le devoir du tuteur de provoquer le

placement du buveur interdit dans un asile spécial : il con-

viendrait que la loi spécifiât ce point.

M. BOEHMERT est également de cet avis, mais il demande que le

placement du buveur dans un asile spécial soit effectué non par

le tuteur, mais par les autorités dont dépend l'interdiction.

M. Ganser insiste, comme l'a fait aussi l'orateur précédent, sur

la nécessité d'une expertise médicale dans toutes les mesures à

prendre contre les buveurs. Les buveurs d'habitude sont des ma-

lades, et, pour apprécier en connaissance de cause leur maladie,

l'expérience des choses médicales et les méthodes d'examen clinique

sont nécessaires. De simples témoignages ne peuvent suffire puisque

ce n'est pas tant la quantité de liquides alcooliques ingérés qui

importe, que la réaction individuelle du sujet.

6° séance : 17 octobre 1894.

M. LuaanaNN. Sur l'alcoolisme. - Sur les 1 900 malades du sexe

masculin traités à l'asile municipal de Dresde durant ces cinq

dernières années, il y en avait 500 atteints de psychoses uniquement

attribuables à l'alcoolisme. En 1893 la proportion des aliénés

alcooliques a été de 31 p. 100. L'alcool a joué un rôle important

dans 50 p. 100 des cas nouvellement admis au cours de cette année.

Le nombre des alcooliques a augmenté par suite de la propagation

de l'intoxication à la bourgeoisie, aux femmes et à la jeunesse.

L'alcool lèse l'estomac, le foie, les reins, le coeur, l'appareil circu-

latoire en entier. La mortalité est plus considérable chez les alcoo-

liques. L'alcool altère surtout le système nerveux et en trouble

les fonctions sensorielles, motrices et psychiques. Le. buveur est

forcé d'augmenter sans cesse la dose quotidienne de poison, car,

par suite de l'accoutumance, les doses faibles ne sont plus suffisantes

pour faire disparaître les symptômes pénibles de l'état de besoin.

Les descendants des buveurs sont des névropathes, des idiots, des

épileptiques, des aliénés. Des doses minimes d'alcool suffisent à

provoquer des troubles profonds de la conscience chez les épilep-

tiques, les sujets ayant subi des traumatismes cérébraux, et les

dégénérés. L'auteur termine par les propositions suivantes : 10

L'alcoolisme est une maladie physique et psychique. 2° Le «buveur i,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247

au sens médical du mot, est celui qui s'adonne, d'une façon

habituelle, à l'usage des boissons alcooliques et dont la volonté

est amoindrie au point qu'il ne peut plus résister à son appétit

maladif. 3° Le buveur ne peut pas plus résister au besoin de boire

que l'aliéné à une impulsion. La volonté est, chez tous deux,

également impuissante. 4° Un médecin compétent est seul capable

de déterminer si ce degré d'intoxication chronique est atteint. 5°

Le buveur qui, par suite de ses habitudes de boisson, est devenu

incapable de gérer ses intérêts, ou ne peut plus subvenir aux

besoins des siens, ou encore est dangereux pour la sécurité

publique, doit être. interdit et doit être placé, comme malade,

dans un établissement de traitement spécial - même contre son

gré. 6° Les juges devront faire examiner par un médecin compétent :

a) les sujets qui auront subi de nombreuses condamnations pour

délits commis en état d'ivresse ; b) les buveurs atteints d'accès

convulsifs, ceux qui ont eu antérieurement une maladie mentale

ou qui manifestent des idées de jalousie; c) les vagabonds.

Discussion. - M. PIERSON, chez des malades appartenant à la

classe aisée, est loin d'avoir trouvé un chiffre proportionnel d'al-

cooliques aussi considérable.

M. LUHftMANN. - A l'asile de Dresde les malades se recrutent prin-

cipalement dans la classe pauvre qui boit surtout de l'eau-de-vie.

M. Ganser attire l'attention sur ce fait que si les chiffres pro-

portionnels des alcooliques sont aussi élevés à Dresde, c'est qu'on

admet à l'asile les cas aigus à évolution rapide. Dans ces dernières

années, l'alcoolisme a frappé surtout les ouvriers aisés, les employés

de situation inférieure et les petits marchands. L'alcoolisme est

plus rare chez les gens cultivés. Les buveurs d'habitude sont des

malades, et non des sujets en proie à une passion comme les

avares : l'abstinence se traduit chez eux par des palpitations,

du tremblemeut, de la turbulence et de l'anxiété.

M. WEBER a trouvé, dans 10-16 p. 100 des cas, l'alcool comme

facteur étiologique (asile de Sonnenstein). La fréquence moindre

des excès alcooliques dans les classes cultivées tient aussi à ce

qu'on y consomme des alcools moins toxiques.

M. WERTHER montre les difficultés auxquelles donnent lieu

certains vagabonds, non aliénés au sens rigoureux du mot, mais

manifestement déséquilibrés. Faut-il les condamner, les interner

dans un dépôt de travail ou dans un asile d'aliénés ?

7e séance : 20 novembre 1894.

M. BOEHMERT (juge). Le projet de la lui sur les buveurs d'habitude.

L'auteur rappelle le rapport élaboré par la Société contre l'abus

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

des boissons alcooliques de Dresde à l'occasion du dépôt au

Rèichstag, le 15 janvier 1892, d'un projet de loi contre l'alcoolisme.

L'ivresse, les troubles psychiques transitoires déterminés chez les

prédisposés par une dose minime d'alcool, l'ivrognerie habituelle,

tous ces états psychiques anormaux ont nécessité des mesures

d'exception et de protection, éparses jusqu'ici dans les codes civils

"des divers états allemands, dans le code pénal. On s'occupe

actuellement de les réunir et de les coordonner en une loi. Les

questions les plus importantes sont celles de l'interdiction des

buveurs, de leur internement dans des établissements spéciaux, et

des pénalités contre l'ivrognerie L'auteur est partisan de l'inter-

diction des buveurs d'habitude incurables ; les buveurs curables

doivent être traités dans un asile spécial. Il étudie longuement

dans quelle mesure les pénalités du code doivent être appliquées

aux buveurs, et recommande de soumettre ceux-ci à un examen

médical sérieux.

Discussion. - M. Ganser n'est point partisan de punir l'ivresse.

Certains paragraphes du projet de loi contre l'alcoolisme sont en

contradiction avec la conception fondamentale qui veut que l'al-

coolique doive être traité. , '

M. Weber, au point de vue théorique, admet les pénalités portées

contre l'ivresse ; mais, pratiquement, elles ne sont pas faciles à

appliquer, et, au point de vue social, elles sont iniques.

M. BOEÜÙtERT. -La société a jusqu'ici considéré le buveur comme

un homme normal et l'a puni comme tel. Maintenant on tend à

voir en lui un malade. C'est pourquoi le projet de loi contre l'al-

coolisme renferme certaines parties contradictoires qui se res-

sentent de ces deux conceptions différentes.

Paul Sérieux.

57 REUNION DE SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE

RHÉNANE

6 juin 1896. BonN

(Allg. Zeitschr, f. Psychiatrie, t. lui, fasc. 4.)

M. le professeur PELMAN ouvre la séance.

M. WEBER présente un cas de crâne en forme de tour. Le sujet,

un ingénieur civil, est âgé de quarante-deux ans. Pas d'antécé-

dents héréditaires. Père mort à soixante-seize ans après avoir eu

un ictus apoplectique à soixante ans; mère morte en couches;

deux soeurs normales. Pas de déformation crânienne analogue dans

la famille. Le malade a contracté la syphilis il y a douze ans; il a

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

eu des accidents secondaires et tertiaires à différentes reprises.

Depuis deux ans céphalée très violente, surtout la nuit; diminution

de la mémoire et de l'application au travail. Excitabilité, troubles

de la parole, puis, en mai 1896, ictus aphasique passager. La con-

formation du crâne attire immédiatement l'attention. Le front est

légèrement fuyant et étroit, la largeur du crâne est normale, sa

hauteur exagérée (15 centimètres du conduit auditif au vertex, soit

2 centimètres en plus de la hauteur normale), son diamètre antéro-

postérieur au-dessous de la normale (Brachycéphalie). Pupilles

normales; léger strabisme et nystagmus. Pas de troubles de la

mobilité et de la sensibilité, sauf des troubles de la parole.

Le malade se plaint surtout de la faiblesse de sa mémoire : il ne

peut s'orienter ni dans le temps m dans l'espace, il ne reconnaît

pas la physionomie des personnes connues de lui, il a grand'peine

à reconnaître son médecin ; il ne retient aucun nom, ne sait

retrouver ni sa maison, ni sa chambre, est sans cesse à la recherche

de son chapeau et oublie tout ce qu'un lui dit. Il lui faut écrire les

choses les plus importantes sur son carnet, mais il oublie souvent

de le consulter et reste alors inerte, ne sachant qu'entreprendre. Les

souvenirs anciens sont effacés, il ignore la date, plaçant tous les

événements en 1870. Il produit au premier abord l'impression d'un

dément, mais on est convaincu ensuite qu'il a une certaine activité

intellectuelle et porte des jugements exacts sur les choses où la

mémoire n'intervient pas. Il comprend toutes les questions, yrépond

correctement et calcule bien. Il a conscience de sa situation. Pas

d'idées délirantes.

Diagnostic. - Le crâne en forme de tour ne constitue pas à lui

seul une prédisposition aux maladies mentales, mais on connaît

toute une série de cas dans lesquels il se compliquait de troubles

du côté des nerfs. optiques et en particulier d'atrophie. Weiss et

Brugger ont publié 16 cas de crâne en forme de tour avec atrophie

des nerfs optiques ; entre autres chez deux frères. Dans le cas

actuel il n'y a qu'une légère décoloration de la papille droite. Un

n'a pas encore expliqué le rapport qui existe entre le crâne en

forme de tour et l'atrophie optique ; cependant, étant donné l'ar-

rêt de développement de toute la partie postérieure du crâne dans

cette malformation, on peut admettre un arrêt de développement

correspondant des lobes postérieurs, siège de la sphère visuelle, ou

une prédisposition de ces parties à des altérations ultérieures. Le

crâne en forme de tour n'est pas dû au mécanisme de l'accouche-

ment, mais à des modifications des noyaux d'ossification durant la

vie foetale et à des synostoses prématurées (sutures coronale, sagit-

tale, lambdoïde).

L'interprétation des symptômes présentés par le malade est aisée.

La diminution considérable, pour ne pas dire la disparition de la

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mémoire, accompagnée de la persistance de l'intelligence, sans

modifications du caractère, est en faveur de l'hypothèse d'une dégé-

nération du cerveau de nature syphilitique. Le traitement ioduré

(10-12 grammes par jour) n'a donné aucun résultat.

Discussion. M. Weber insiste de nouveau sur ce fait que le

crâne en forme de tour n'a rien à voir avec les déformations pro-

duites par l'accouchement.

M. PELMAN, qui a vu le malade avant son dernier ictus aphasique,

est étonné de l'aggravation des symptômes. Le sujet avait alors une

conscience parfaite de son état et, bien que sa mémoire fût dimi-

nué, il pouvait donner des renseignements détaillés. Le pronostic

était déjà à ce moment fort sombre, mais le tableau clinique ne

présentait pas (comme l'a dit M. Weber) d'analogie avec celui de la

paralysie générale. ,

M. JoREs. Sur l'anatomie pathologique des tumeurs cérébrales.

L'auteur, après avoir signalé qu'on s'attache aujourd'hui davantage à

l'étude de l'histogenèse et de J'étiologie des tumeurs qu'à leur exa-

men morphologique et à leur classification, communique deux

observations de tumeurs cérébrales. Dans le premier cas, intéressant

par sa localisation et son point de départ, il s'agit d'un néoplasme

de la grosseur d'une noix situé entre le cervelet et le bulbe qu'il

comprimait -et qu'il avait atrophié. C'était un papillome développé

aux dépens de la partie des plexus choroïdes du quatrième ven-

tricule qui se trouve située entre le cervelet et le bulbe. Chez le

même sujet on constatait en outre l'existence de nombreuses hernies

de la substance cérébrale en dehors de la dure-mère, et d'une atro-

phie accentuée de presque tous les nerfs craniens. Au point de vue

clinique on avait voté une marche lente des symptômes dont les

derniers observés étaient dus à la compression cérébrale, à l'atro-

phie des nerfs et à la compression du bulbe. (V. Hess, Contribution

à l'étude des tumeurs, thèse, Bonn, 1896.)

Dans le deuxième cas il s'agit d'un homme de trente-un ans chez

lequel une tumeur grosse comme une petite pomme s'est développée

au milieu de l'hémisphère gauche, entre la frontale ascendante et

les trois frontales. Dans la substance blanche contiguë à la tumeur

se trouvaient trois kystes, de la grosseur d'une noix et d'un noyau

de cerise, contenant un liquide jaune, limpide. La tumeur était un

sarcome ; par places elle présentait l'aspect d'un angiosarcome.

Absence d'éléments nerveux et de substance névroglique. Les kystes

avaient une couche unique d'un épithélium cubique.

L'auteur rappelle les observations analogues de Buchholz et

Stroebe sur la présence de kystes à épithélium dans des tumeurs

cérébrales (gliomes). Il pense, avec les observateurs précédents,

qu'il s'agit d'inclusions congénitales de l'épendyme ventriculaire,

qui aboutissent à la formation de tumeurs, comme on le voit pour

SOCIÉTÉS SAVANTES. 251

d'autres organes où des troubles congénitaux sont la condition du

développement de certaines tumeurs. La présence de kystes à épi-

thélium avec tumeurs dans le système nerveux central jette quel-

que lumière sur le mécanisme de la syringomyélie et tendrait à

faire admettre que cette affection a pour première condition des

anomalies de développement.

M. Scaur.TZE rappelle une conception déjà antérieurement émise,

sur l'analogie que présentent les gliomes du cerveau accompagnés

de kystes, isolés ou non, avec les gliomes de la moelle dans la

syringomyélie. Dans un nombre considérable de cas, les cavités de

la moelle sont d'origine congénitale, mais elles peuvent aussi se

développer plus tard. Sous l'influence de causes inconnues, peut-

être consécutivement à des localisations dans les maladies infec-

tieuses, ou à la suite de traumatismes, des tumeurs peuvent se déve-

lopper aux dépens des cavités médullaires. La conception qui fait

des cavités de la moelle le résultat de la dégénérescence des

tumeurs n'est point partagée par l'auteur; il la considère comme

devant être plus rarement invoquée qu'il ne le faisait jadis. Il

demande si les préparations de M. Jores ont été colorées par la

méthode de Weigert. (Réponse négative.)

3. M. GOTTLOB. Sur la question de la capacité des épileptiques ci

prêter serment et à servir de témoins. Ce travail sera publié ulté-

rieurement.

M. Brie (DÜren). Sur un cas d'encéphalite primaire aiguë hém01'-

ragique. - L'auteur rappelle que cette affection a été décrite pour

la première fois par Strùmpel (1889) et étudiée ensuite par

Leichtenstern, Fiirbringer, Kônigsdorf, Schmidt. Il rapporte un

cas personnel. Une femme de trente six ans entre à l'asile d'alié-

nés de Düren en 1894 pour des troubles psychiques ayant débuté

cinq ans auparavant, et présentant le tableau clinique de la

démence secondaire. En novembre 1895 l'état général devient

mauvais, des vomissements se produisent ; la malade se plaint du

mal de tête : gâtisme, somnolence, dilatation de la pupille gauche,

cyanose de la face, parésie légère du côté gauche, fièvre, 40.5.

Mort. Autopsie (12 heures post mortem). Cerveau ; hémisphère

droit : la substance blanche présente au niveau du gyrus angularis

un foyer hémorragique de la grosseur d'un haricot et un foyer

de ramollissement contigu de la grosseur d'une noix. L'hémisphère

gauche renferme de nombreux foyers hémorragiques capillaires

de la grosseur d'une lentille (gyrus angulaire, couche optique,

noyau lenticulaire, centre ovale). Il s'agit, dans ce cas, d'une véri-

table encéphalite aiguë-hémorragique, qu'il n'est pas possible d'at-

tribuer à l'influenza comme le fait a été noté dans d'autres obser-

vations.

M. Kerries. Quelques cas de folie communiquée. - Le premier cas

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

concerne une famille M., composée de Nicolas, né en 1853, de sa

soeur née en 1856, et de leur père. En 1881 le fils fut condamné

pour menaces : ultérieurement d'autres condamnations frappèrent

la famille M. pour menaces, injures aux fonctionnaires, etc. Con-

vaincu qu'il avait été condamné à tort, Nicolas devient, à partir de

1887, agressif envers les juges ; il défend sa cause et celle des siens

^dans de nombreux mémoires injurieux et menaçants, épuise toutes

les juridictions. Sa soeur et son père signent avec lui les mémoires

en question. Nicolas est interné en 1888 à l'asile de Merzig. Sa

soeur continue à poursuivre la campagne de revendications entre-

prise par lui; elle rédige des libellés diffamatoires et injurieux :

on l'interne à l'asile. Nicolas, qui présente des signes de dégéné-

rescence, est intelligent et tranquille, mais il s'excite et n'est plus

maître de lui quand on lui parle des faits qui ont provoqué son

internement. Il développe ses conceptions délirantes dans un lan-

gage diffus, violent et allégorique. Sa soeur, qui a également des

stigmates physiques, est moins intelligente que lui ; ce n'est cepen-

dant pas une faible d'esprit. Elle prétend être persécutée, ainsi que

sa famille, par les juges et les voisins; elle défend sa cause avec

énergie ; c'est pour elle le « droit divin p. On saisit facilement dans

son langage l'influence exercée sur elle par son frère qui lui a

imposé ses idées délirantes. Après un court séjour à l'asile la malade

écrit à son frère une lettre, signée aussi du père, dans laquelle elle

l'exhorte à quitter l'asile, le compare à Jésus-Christ, lui dit que la

mesure des miquités est comble et se répand en divagations mani-

festement délirantes. Nicolas est mis en liberté en juillet 1889; il

se met alors, avec sa famille, à persécuter ses voisins, fait une ten-

tative d'incendie. Il est interné de nouveau avec sa semeur. Il pré-

tend posséder une puissance mystérieuse qui lui fait deviner les

pensées d'autrui. Sa soeur présente quelques hallucinations, des

idées de persécution basées sur des troubles de la sensibilité géné-

rale, des interprétations délirantes. Le rôle du père a toujours été

assez effacé.

Le deuxième cas concerne deux frères et une soeur internés tous

trois le même jour en avril 1892. L'aîné des frères, Nicolas, né en

18ou, a commencé à présenter des idées de persécution cinq ans

avant l'internement. Quatre ans après, l'autre frère et la soeur se

croient égalemeut persécutés : ils prétendent tous trois que le pas

teur, au temple, les fixe sans cesse, que le pain est empoisonné et

refusent de payer leurs impôts. A leur entrée à l'asile les trois

malades refusent de s'alimenter : la soeur meurt le dixième jour ;

le frère aîné ne larde pas à mourir aussi, malgré l'alimentation

artificielle. Le survivant finit par s'alimenter et par s'occuper ; par

moments il s'excite, se déshabille, devient anxieux, présente des

idées de persécution avec hallucinations. 11 est encore en traitement

à l'asile.

BIBLIOGRAPHIE. o3

Une troisième observation est celle de deux soeurs entrées à

l'asile en 1892 et sorties deux ans après. Elles sont nées en 1841 ;

une antre soeur est atteinte de manie chronique. Quelques mois

avant l'entrée à l'asile les deux soeurs sont prises de la crainte d'être

enlevées par des officiers qu'elles pensent avoir séduits par leur

beauté ; on veut les photographier nues, on les surveille, on parle sur

leur compte etc. Une seule présentait des hallucinations.

Les observations qui précèdent doivent être rangées dans la folie

communiquée. Ces faits exigent, pour se produire, une prédisposi-

tion psychopathique, une analogie de caractère, une intimité

étroite, des intérêts communs : aussi se rencontrent-ils habituelle-

ment chez des parents. Pour qu'il y ait folie induite, communi-

quée, il est nécessaire qu'un aliéné impose à un autre individu son

délire et non pas seulement que des idées délirantes éclatent sous

l'influence d'une même cause chez des sujets vivant ensemble. Dans

la première observation on observe d'une façon nette l'influence

exercée par le frère sur sa soeur : c'est le premier qui impose à

celle-ci ses idées délirantes; chez tous deux on constate l'existence

d'une prédisposition psychopathique. Il faut noter la ressemblance

complète chez ces deux malades du caractère psychique et des

réactions déterminées par le délire. Dans la seconde observation,

il s'agit de sujets vivant isolés, en étroite communion d'idées et

présentant tous une prédisposition manifeste. C'est le frère aîné

qui est l'élément actif dans l'élaboration du délire et qui a commu-

niqué ses idées de grandeur à son entourage. Il en est de même

daus la troisième observation où l'on voit l'une des deux soeurs,

plus intelligente que l'autre, systématiser des idées délirantes,

présenter des hallucinations, alors que l'autre n'est qu'un écho

atténué de ces divers troubles psychiques. Toutes deux d'ailleurs

sont des dégénérées. Paul Sérieux.

BIBLIOGRAPHIE.

LIV. Procedings of the American Medico-psychological Association.,

at the fifty-first annual meeting held in Dezzvez·, june 12-13, 1895.

Outre des renseignements sur la composition de l'Associaion, la

répartition géographique des membres et des institutions, ce vo-

lume comprend les communications faites à la réunion de Denver

et les discussions auxquelles elles ont donné lieu. En voici l'énumé-

ration : Discours du président, E. Cowles, sur les Progrès de la psy-

chiatrie en Amérirl2ze; - Du travail médical dans les salles des hôpi-'

254 VARIA.

taux pour les aliénés, par P. M. Wise ; Du régime alimentaire

dans les hôpitaux de l'Elat de New-Yo1'k, parPilgrim; Régime ali-

mentaire dans les asiles, par Manson; - Des maladies du bassin

chez les femmes et aliénation mentale, par Rohe ; Signification des

troubles moteurs de la folie, par Richardson ; - Médication thyroï-

dienne dans quelques formes de troubles mentaux, par Clarkee; -

Observations cliniques sur l'usage de la glande thyroïde dans l'alié-

nation, par E. Brush; Cas dans lesquels l'aliénation a été invo-

quée devant les tribunaux, par D. Clark; - Démonstrations d'ana-

tomie pathologique du cerveau avec remarques (et planches), par

Meyer; Exemple de fragilité des os, par Eyman ; - Relations de

l'alcoolisme avec l'aliénation, par Bannister et Aider Brumer;

Eludes sur les lésions produites par l'action de quelques poisons sur

les cellules nerveuses corticales, par Berkley; - Classification de la

folie et obscurité du diagnostic, par Mitchell ; Cas de cécité subite

avec retour subit de la vue, par Vaughop. Ce volume se termine

par des notices sur les Drus E. Duquel, Culver Palmer, Taylor Fuller,

Boardman Andrews et Dickenson Field, décédés dans l'année.

Dr FREEMAN.

VARIA.

Discours PRÉSIDENTIEL prononcé A la cinquante-quatrième réunion

annuelle DE l'association médico-psychologique, TENUE .1 LONDRES

les 25 et zig JUILLET 1g95; par David NicoLSON. (The Journal of

Mental Science, octobre 1895.)

L'orateur a lui-même résumé son discours dans sa péroraison ;

il a d'abord essayé de déterminer par l'analyse l'équivalent psy-

chologique du crime, et de montrer l'origine mentale dominante

pour chacune des trois catégories suivant lesquelles on peut diviser

les crimes ; mais bien que son esquisse et sa classification se rap-

portent à la conduite criminelle considérée comme l'aboutissement

de certains états de mentalité, elles sont également applicables à

d'autres formes de conduite auxquelles ne s'applique pas l'épi-

thète de c criminelle », par exemple à ce que l'on appelle le péché,

et même à des modes de conduite ordinaire dans lesquels il existe

une déviation appréciable du type moyen de l'honnêteté (par

paroles ou par action), de la pureté sexuelle ou des sentiments

affectifs à l'égard des personnes. -- En second lieu, il s'est efforcé

de démontrer l'inanité de ce que l'on a appelé J'anthropologie cri-

minelle, en tant du moins que ce mot prétend appliquer aux crimi-

nels en général l'histoire naturelle de quelques criminels qui pré-

varia. , 255

sentent des particularités -spéciales; il espère avoir plaidé cette

cause sans mettre en doute, dans la mesure où elles sont fondées,

les observations faites sur quelques criminels par des auteurs com-

pétents, et aussi sans avoir jamais incriminé leurs motifs. Il

combat les termes, criminologie et anthropologie criminelle, et leur

refuse une application générale parce qu'ils sont basés sur l'étude

d'une minorité de criminels, tout comme il refuserait d'appliquer

à la science de l'homme en général la dénomination d'anthropolo-

gie si elle n'était basée que sur l'étude d'une ou deux races d'hom-

mes. En dernier lieu il espère avoir montré dans quelle large

mesure le type du crime et l'origine mentale du crime diffèrent

chez l'aliéné criminel et chez le criminel ordinaire.

R. de lIlUSGRAVE CLAY.

TORQUATO TASSO ET SES biographes ; par William-W. IRELAND.

(The Journal of Mental Science, juillet et octobre 1896.)

Dans unelongueet intéressante étude AI. Ireland examine d'après

ses biographes l'état mental du grand poète ; on a beaucoup discuté

sur ce point ; mais les études de plusieurs médecins italiens ont

nettement établi la folie de Torquato Tasso, niée pourtant par

plusieurs de ses biographes. Ce qui a évidemment prolongé et

obscurci la controverse, c'est que les troubles mentaux présentés

parle poète n'ont jamais été caractérisés par ce complet boulever-

sement des facultés intellectuelles qui, pour le grand public, carac-

térise la folie. Il était incontestablement sujet à des attaques de

délire, qui, lorsqu'elles étaient terminées, le laissaient en posses-

sion d'une puissance intellectuelle de premier ordre ; et c'est là

ce qui a permis à Manso d'affirmer qu'il n'avait jamais dépassé

les bornes du délire mélancolique. Ce même Manso qui le consi-

dérait comme sain d'esprit, et sujet seulement à la mélancolie et

de temps en temps à des illusions mentales, ne nous cache pas

néanmoins que ses ennemis le tenaient pour fou. R. M. C.

HISTOIRE DES PREMIÈRESANNÉES DE l'Association MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE;

par T. OUTTERSON WooD. (The JOU1'n. of. Ment. Se, avril 1896.)

Cette Association a célébré son jubilé en 1891 à Birmingham ;

peu de ses membres connaissent aujourd'hui les premières années

de son histoire, si bien que, en traitant de choses anciennes,

l'étude rétrospective que publie M. Wood garde, en plus de l'inté-

rêt qu'il a su lui donner, le mérite de la nouveauté. R. M. C.

LES enfants bourreaux : Imbécillité morale

Un individu, dont le sentiment de la famille est loin d'être des

plus intenses, le nommé Gaston Marchand, âgé, aujourd'hui, de

256 BULLETIN bibliographique.

dix-sept ans, a été envoyé, hier, au Dépôt. Ce vaurien, qui lassait

par de fréquentes demandes d'argent ses parents qui demeurent

rue Haxo, s'était vu dernièrement refuser quoi que ce soit. Son

père ne pouvant plus travailler par suite d'une attaque de para-

lysée, c'était sa mère qui allait en journée pour subvenir aux

besoins du ménage. -

« Hier soir, vers dix heures, accompagné de cinq individus de sa

trempe, Gaston Marchand demanda de nouveau de l'argent à son

père qui refusa. Il fil enlever la moitié du mobilier, et, cet exploit

accompli, il tomba à bras raccourcis sur l'auteur de ses jours que

M° Marchand vint défendre. Aux cris poussés par les époux,

quelques voisins accoururent. Il était temps. Les malheureux

parents auraient succombé aux violences de leur fils. M. Danjou,

commissaire de police, prévenu, a envoyé au Dépôt cette brute. »

(Le Journal, 29 janvier 1897).

Le plus souvent les adolescents de ce genre sont des malades.

Vaurien, brute, c'est bientôt dit; mais pour bien juger ces cas, il

faut connaître les antécédents héréditaires, le milieu familial, les

accidents nerveux les maladies infectieuses subies par la « brute ».

A Bicêtre, à l'Institut medico-pédayogique, nous avons des malhru-

reux tout à fait semblables. Souvent au point de vue intellectuel,

ces malades sont de niveau ou à peu près avec les enfants de leur

âge ; mais, en revanche, ils sont inférieurs, malades, sous le rap-

port des sentiments affectifs et moraux : ils sont atteints d'imbécil-

lité morale, dont les principaux caractères sont l'instabilité mentale

et la perversion des instincts. Ces enfants doivent être internés;

traités et éduqués convenablement, ils peuvent être améliorés et

même guéris.

1\IAG : >AN (V.). - Leçons cliniques SUI' les maladies mentales, faites à

l'Asile clinique (Sainte-Anne), 1 ecuellhes et publiées par le 1)' PlCIIARIA.N.

Volume in-8° de 250 pages. Paris, 1897. Prix : 4 francs; pour nos

abonnés 2 fr. 75.

CHARCOT (J.-51.). La l'oi qui guérit. Brochure in-8° de 48 pages.

- Papier vélin, prix : 2 francs; pour nos abonnés, 1 Iranc. Papier

Hollande, prix : 3 francs; pour nos abonnés, 1 fr. 50.- Papier Japon,

prix : 4 francs; pour nos abonnés, 2 francs.

, BouRKEvn.LE. Lettre aux membres de la 3° commission du Conseil

général de la Seine, sur la création de classes spéciales pour les enfants

arriérés. Paris, 1896. Brochure in-8° de 16 pages. Prix : 0 fr. 50.

Voir en Supplément à la fin des numéros 12 et 13

le Catalogue'de LIVRES AU RABAIS.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Cli. HÉRISSE\", imp. - 3.97.

Archives DE Neurologie, 1897, T III PL I

Ntlmypne H RACLE Parti

Archives DE Neurologie, iSO7. T III PL. II r

1 H RACLE Paru

Archives DE NEUROLOGIE, 1897, T. III

Il

r

i i

I· ï9. 2

Héliotypie H. RACLE, Parla.

Vol. III. Avril 1897. N° 16.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

DGS TROUBLGS DU GOUT I : T DG L'ODO)taT DANS Ll : i ?

DES TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TAÎ

Par le D' M. KLIPI'EL, ' \ î*. , * ',

Par le D 11. ILIPIL, , ;

111édecin lcs HJpiLau.

Comme beaucoup de maladies, le tabes affecte un système

physiologique, celui de la sensibilité générale et spéciale. De

là ses déterminations possibles, et nous croyons pouvoir ajouter

fréquentes et variées, sur les nerfs des muqueuses linguale et

pituitaire, c'est-à-dire sur les nerfs de l'olfaction et du goût,

ainsi que sur les branches nasales et linguale du nerf triju-

meau.

Malgré nos connaissances approfondies, rious ne pouvons

encore différencier sous le microscope une fibre de la sensi-

bilité d'une fibre motrice. La maladie fait cette distinction.

En décrivant les troubles olfactifs et gustatifs du tabes sur

lesquels l'attention des pathologistes s'est jusqu'ici à peine

arrêtée, cette affinité du tabes pour le système sensitif appa-

raîtra avec d'autant plus de rigueur que toute exception à la

règle générale sera par le fait écartée.

Fréquence. La fréquence et l'importance des symptômes

tabétiques du goût et de l'odorat semblent jusqu'à l'heure

actuelle avoir peu préoccupé les médecins. Les ouvrages clas-'

siques sont muets sur ce point ou ne donnent que quelques

renseignements fort incomplets. Plusieurs indiquent la néces-

sité d'un travail d'ensemble sur ce sujet. En prenant au hasard

quelques traités classiques, parmi les plus remarquables, on

pourra, en effet, se convaincre facilement du peu que nous

savons du goût et de l'odorat dans le tabes.

Voici ce qu'en disent quelques auteurs dans leurs traités :

Archives, 2e série, 1. HT. 17 î

58 CLINIQUE NERVEUSE.

Vulpian 1, dans son traité des maladies du système nerveux,

écrit : « L'odorat est rarement modifié ou du moins les modi-

fications de ce sens, si elles existent, sont peu connues; cepen-

dant on sait qu'il peut y avoir anosmie à divers degrés. On a

observé aussi 2 une excitation morbide avec perversion de

l'odorat, d'où résultait la sensation habituelle de mauvaises

odeurs.

« Quant au goût, il peut être atteint plus rarement encore. *

Ici Vulpian cite les travaux de Topinard et de Pierret que

nous allons retrouver un peu plus loin.

Leyden 3 est encore plus affirmatif; il dit : « l'odorat et le

goût ne sont jamais sensiblement troublés. » Le professeur

Raymond '* dans son remarquable article du Dictionnaire

encyclopédique, écrit : « On trouve signalés des troubles de

l'odorat et du goût Ce sont là des manifestations insolites

auxquelles on ne saurait, en l'état des choses, attribuer une

grande importance. »

M. Marie dans ses leçons s'exprime ainsi :

a Appareil olfaclif. - Il arrive parfois que les malades sont

« poursuivis par des odeurs plus ou moins désagréables d'ori-

« gine purement subjective ; dans ces cas rares on peut

« constater une véritable anosmie tenant vraisemblablement

« à une lésion tabétique des nerfs de l'olfaction.

« Appareil gustallf. - Quelques tabétiques accusent des

« saveurs bizarres, notamment une saveur sucrée plus ou

« moins persistante, qui, bien entendu, n'ont objectivement

« aucune raison d'être. Parfois aussi il existe une véritable

« agueusie qui probablement est due aussi à l'altération des

« nerfs du goût.

« Ces différents troubles sensoriels sont en somme assez

rares, peu accusés et mal connus. »

Topinard 6 note dans son observation CCIII que « le goût

était obscur depuis un an et la digestion difficile ». Plus loin il

' Vulpian. - Maladies du système nerveux, 1879, t. I, p. 330.

2 Pierret cité par Vulpian.

3 Maladies de la moelle épinière, p. 610.

' Itaymond. Tabès clorsttlis. Dict. encycl., p. 310.

'' Maladies de la moelle, J 7. leçon, p. 21G.

o Topinard. Traité de l'ataxie locomotrice. Paris, J8GL

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES 259

note lapamlysie du goût ' et, plus loin encore 2, la dysphagie

et l'anesthésie du goût. Les traités classiques d'Axenfeld, de

Grasset, de Hammond, de Duchenne(de Boulogne), d'Althaus,

etc., ne font pas mention des troubles de l'odorat et du goût

des tabétiques, ou n'en disent qu'un mot comme c'est le cas

pour l'ouvrage d'Althaus.

Mais si l'on cherche soit dans les monographies sur le tabes,

soit surtout dans les observations publiées çà et là, on rencontre

encore assez souvent dans le tableau complet du malade quel-

que particularité touchant le sujet qui nous occupe. Or ceci

est à notre sens très important. N'est-ce pas la démonstration

que le goût et l'odorat sont touchés beaucoup plus souvent

qu'on ne saurait le croire en lisant les ouvrages classiques ?

C'est ainsi que dans la monographie de M. Pierret nous trou-

vons deux observations, l'une 3 où le goût est aboli d'un côté;

l'autre où il est nul des deux côtés.

Dans l'importante communication faite par MM. Joffroy et

Hanot au Congrès d'Alger, on trouve aussi deux observations

où les mêmes symptômes existaient. Dans le premier des cas

de MM. Joffroy et Hanot il y avait unepe2,vei,sioizdu goût, carac-

térisée par une saveur franchement amère que le malade trou-

vait à tout ce qui était douceâtre ou sucré. Dans le second cas

il y avait diminution de la sensibilité guslative.

Dans une observation du Dr Magnan 6 un ataxique préten-

dait que son corps dégageait une odeur fort désagréable.

Dans un cas cité par le Dr Falret le malade se plaignait qu'on

jetait des oeufs pourris dans ses aliments. Le docteur de Mas-

sary 8 dans sa thèse récente indique les leçons cliniques du

professeur Raymond comme contenant quelques observations

où sont relatés des troubles de l'odorat et du goût. Le même

auteur cite également une observation de Erben 9 où par

' Topinard. P. lui.

1 Topinard. P. 27t.,

' Pierret. Observation IV.

' Pierret.- Observation X.

h Joffroy et Hanot. Accidents bulbaires à début rapide chez les

ataxiques. Congrès d'Alger, ils1.

' Cité par Althaus, p. 62.

' Cité par Althaus sous la dénomination de troubles mentaux, p. 61.

8 Thèse de 1896.

0 Erben. Wiener merl. moelle ? 18S6, n<" 43 et li, cité par de Mas-

sary dans sa thèse.

2GO CLINIQUE NERVEUSE.

moment un tabétique percevait une odeur de matières fécales.

Nous n'avons certes pas la prétention de connaître toutes

les observations où un auteur a pu relever des troubles du

goût ou de l'odorat. Les précédentes seront suffisantes à mon-

trer que ces symptômes sont moins rares qu'on ne le pense

généralement, d'autant plus que dans beaucoup de cas ces

troubles ne sont pas mentionnés parce qu'ils n'ont pas été

recherchés avec soin. De là pour se faire une idée exacte de

leur fréquence il est nécessaire de diviser l'ensemble des faits

en deux catégories :

D'une part les cas où le goût et l'odorat sont profondément

modifiés, au point que les malades se plaignent et attirent de

ce côté l'attention du médecin. Ces cas sont surtout ceux où il

y a perversion du goût et de l'odorat et où le malade est incom-

modé par une odeur ou par un goût des plus désagréables,

comme le fut l'un de nos malades qui était sans cesse et parti-

culièrement, pendant qu'il prenait ses repas, la victime d'une

odeur insupportable de poisson pourri. Dans cette même caté-

gorie il faut ranger des cas où le phénomène est moins désa-

gréable, mais non moins intense; ce sont ceux où au lieu de la

perversion il y a abolition totale et bilatérale-de la sensation,

comme dans une autre de nos observations où le tabétique

était dans l'impossibilité absolue de distinguer par l'odeur ou

par le goût la nature des aliments qu'il prenait. Eh bien, ces

cas où les phénomènes sont très intenses, ne nous paraissent

pas exceptionnels, étant donné qu'en moins d'un an nous

en avons vu plusieurs exemples des mieux caractérisés.

Ici le symptôme a une importance réelle; il prend une part

incontestable à la symptomatologie de la maladie ; malgré les

souffrances de ces malades ayant tous les inconvénients du

tabes, et n'ayant que trop sujet à se plaindre, il se range sur

la même ligne que les douleurs, il est pénible en lui-même;

il est accusé par les malades d'une manière toute spontanée.

D'autre part il y a toute une catégorie de malades chez les-

quels il existe en réalité quelques troubles du côté de la pitui-

taire et de la muqueuse linguale, mais chez lesquels les signes

nécessitent une recherche et sont dans un plan fort éloigne

par rapport aux autres signes de la maladie.

Cette seconde catégorie de cas nous a paru très fréquente,

beaucoup plus fréquente que la première puisque dans le même

temps, moins d'un an, nous en avons rencontré une dizaine de

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 261

cas. L'ensemble de ces faits nous parait donc indiquer que le

tabes frappe fréquemment les appareils olfactif et gustatif,

mais surtout suivant la seconde de ces modalités. Nous ne cher-

cherons pas à préciser d'avantage et indiquer une proportion

par un chiffre, le nombre des tabéliques que nous avons pu

voir depuis le début de nos recherches n'étant pas assez élevé

pour arriver sur ce point à une conclusion exacte. Nous nous

bornons à indiquer, sans plus préciser, qu'il s'agit lit de symp-

lûmes souvent rencontrés en clinique.

Symptômes. Pour plus de clarté et pour abréger la des-

cription nous résumons tout d'abord l'ensemble des symptômes

dans les deux tableaux suivants :

TABLEAU DES SYMPTOMES

I. Appareil DE l'olfaction

A. Sensibilité spéciale.

Anosmie totale.

Diminution de l'odorat.

Hémianosmie totale ou partielle.

Perversions de l'odorat (sensations subjectives; odeurs de pour-

riture, odeurs infectes, etc.).

Hallucinations olfactives comme base de conceptions délirantes

(délire de persécution des tabétiques.)

B. Sensibilité générale.

26 CLINIQUE NERVEUSE.

Abolition du réflexe olfactif.

Diminution ou absence de l'éternuement spontané, provoqué ou

pathologique.

II. APPAREIL DU GOUT

Abolition totale du goût.

Diminution uni ou bilatérale du goût.

Perversions du goût.

Délire de persécution tabétique à point de départ dans les troubles

du goût. (Sphère du glosso-pbaryugien.)

Anesthésie linguale, uni ou bilatérale.

Perversions du goût consécutives à des troubles d'innervation et

de trophicité dans la sphère du nerf lingual.

Langue saburrale névropathique. (Sphère du trijumeau.)

Abolition du réflexe pharyngien.

Abolition du réflexe salivaire.

Exagération du réflexe salivaire (surtout dans les perversions du

goût.)

Troubles probables de l'action réflexe de la gustation sur les

sécrétions gastriques.

A la lecture des tableaux précédents on se. rend compte de

la multiplicité des symptômes que présente le tabes dans ses

manifestations olfactives et gustatives. Beaucoup de ces symp-

tômes peuvent se passer de commentaires ; leur énumération

seule est suffisamment explicite. Mais il est nécessaire d'insister

davantage sur quelques points.

L'énumération précédente sépare et distingue les troubles

de la pituitaire et de la muqueuse buccale qui appartiennent

à la sensibilité spéciale (nerfs olfactif et glosso-pharyngien) de

ceux qu'on relève dans le domaine de la sensibilité spéciale (tri-

jumeau) de ces mêmes muqueuses. Une telle distinction, d'ail-

leurs quelquefois réalisée en clinique, est surtout avantageuse

pour la description didactique des faits. En pratique les deux

ordres des nerfs sensibles tant dans l'appareil du goût que dans

celui de l'odorat sont le plus souvent simultanément altérés. Le

malade qui présente de l'ageusie pourra' présenter aussi de

l'aaeschésie linguale et invariablement d'autres anesthésies

dans la sphère du trijumeau. Mais il y a bien plus : les

troubles qui nous occupent ne sont pas fatalement le résultat

d'une lésion portant sur le nerf olfactif ou sur le glosso-

pharyngien, ainsi qu'on serait tenté de l'admettre.

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES 263

L'olfaction et la gustation sont en effet, des phénomènes com-

plexes dans le jeu desquels ilfaut faire entrer en ligne de compte

les nerfs de la sensibilité générale qui se rendent à la muqueuse

pituitaire et à la muqueuse linguale : c'est pourquoi dans cette

étude nous avons sans cesse en vue les troubles et les altéra-

tions du nerf nasal et du nerf lingual qui viennent du triju-

meau. Ces nerfs à eux seuls peuvent modifier le goût et l'odorat,

et nous ont paru être seuls en cause chez quelques tabétiques.

Nous aurons à nous expliquer sur ce sujet un peu plus loin

en parlant de la pathogénie. On verra que la difficulté peut

être grande pour faire la part exacte de ce qui revient au triju-

meau dans l'ensemble des symptômes observés du côté du goût

et de l'odorat. Pour le moment nous nous bornerons à cette

constatation qui justifie dans notre énumération le relevé des

désordres de la sensibilité générale de la bouche et du nez.

L'ensemble des symptômes se divise tout naturellement en

phénomène d'anesthésie uni ou bi-latérale, ou en phénomènes

de perversions.

1° Abolition de l'odorat et du goût. Anesthésie nasale et

linguale. L'anosmie et l'ageustie totales sont assez fré-

quentes. Nos malades, leur attention étant appelée sur ce

point, nous répondaient avoir eux-mêmes constaté depuis un

temps plus ou moins long qu'ils ne percevaient plus aucune

odeur, qu'ils ne distinguaient plus la nature des aliments qu'ils

prenaient. C'est ce que remarque un malade vers la dixième

année de son tabes confirmé ; c'est ce que constata un homme

tabétique et probablement alcoolique vers la troisième année

de sa maladie.

En se servant de différentes substances odorantes, de diffé-

rentes substances amères ou douces, il est facile de mesurer

le degré des symptômes en question en suivant la technique

employée chaque jour pour constater les troubles sensoriels de

l'hystérie. Par le même examen le trouble présenté sera

reconnu facilement être bilatéral ou unilatéral.

En ce qui concerne l'odorat, on peut reconnaître en même

temps avec des odeurs fortes la disparition de l'éternuement et

du réflexe que ces odeurs provoquent normalement ainsi que

l'abolition de leur action réflexe vaso-motrice du nez à la

conjonctive. Plusieurs malades ont constaté, après le début du

tabes que l'éternuement ne se produisait que relativement peu

ou pas du tout au cours de leurs coryzas.

z CLINIQUE NERVEUSE.

Du côté du goût les réflexes sont difficiles à mettre en évi-

dence, la volonté intervenant dans cette sorte de grimace que

font les sujets soumis à une sensation gustative extrêmement

désagréable. Les substances sapides placées dans la bouche

provoquent également à l'état normal une action réflexe sur la

sécrétion salivaire ; avec l'ageustie tabétique elle nous a semblé

diminuée et, au contraire, augmentée dans les cas de perversion

du goût où la salivation est plus abondante, où la sialorhée peut

être extrême. Il est d'ailleurs difficile d'établir une loi absolue

sur ce point et encore bien plus lorsqu'il s'agit de la sécrétion

réflexe du suc gastrique. Il parait seulement fort vraisemblable

que les troubles du goût et de la sensibilité de la langue des

tabétiques retentissent d'une façon ou d'une autre sur les sécré-

tions de l'estomac de même que sur les sécrétions salivaires.

2° Les pa1'eslhésies nasale et linguale. Perversions de l'odorat

et du goût. En second lieu nous trouvons les mômes fonc-

tions altérées sous une autre forme qui est la perversion. La

perversion consiste en des sensations subjectives, c'est-à-dire

que le malade perçoit une odeur ou une saveur en l'absence de

l'objet qui a cette saveur ou cette odeur. Ici encore le trouble

doit porter essentiellement soit sur la sensibilité générale de la

muqueuse pituitaire ou linguale, soit sur leur appareil de sen-

sibilité spéciale; mais l'un de ces troubles, rappelons-le encore,

est assez rarement isolé dans chacun de ces appareils.

a). Les perversions de la sensibilité générale qui se produi-

sent dans les branches nasale et linguale du trijumeau, sont

des paresthésies de forme variable ; nous les avons surtout

observées du côté de la muqueuse nasale où elles s'accompa-

gnent ordinairement de sensations analogues dans les autres

branches du trijumeau, ce qui démontre que c'est bien ce nerf

qui est en cause en pareil cas.

Le cas le plus net que nous ayons rencontré de ces pares-

thésies apparaissait comme une crise nasale aiguë qu'on peut

à tout point de vue rapprocher d'une crise laryngée ou d'une

crise gastrique, etc., si bien connues au cours du tabes. Nous

désignons cette modalité dans le tableau précédent sous le

nom de crise nasale.

Crise nasale. - La crise nasale avec aura paresthésique

dans la sphère du trijumeau s'est montrée à notre observation

au cours d'un tabès à symptômes évidents, chez un homme

âgé de quarante-deux ans, malade depuis trois ans.

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 265

Du côté de la pituitaire on trouvait chez lui l'abolition du

réflexe au chatouillement, une diminution de la sensibilité au

toucher et, du côté' gauche seulement, une diminution de

l'odorat. La crise est caractérisée par un accès d'éternuement

avec paresthésie nasale précédé de symptômes subjectifs dans

la sphère du trijumeau, au niveau de la face et du cou. Au

début avant l'éternuement notre malade accuse des sensations

anormales dans la face presque toujours du côté gauche et

toujours prédominantes de ce côté. Ces sensations consistent

dans une sorte d'aura occupant principalement la joue. C'est

une sensation étrange, une sorte de constriction de la face,

d'engourdissement, de raideur dans la sphère du trijumeau. Il

semble au malade que la sensibilité disparaît dans les tégu-

ments de la joue. Cette sorte d'engourdissement le pousse à

faire des grimaces volontaires avec ce côté de la face comme

pour réveiller une sensation absente. S'il touche sa face à ce

moment il lui semble que la joue n'existe plus, la sensibilité

devenant de plus en plus obtuse dans cette partie. Il éprouve

aussi à ce moment un peu de fourmillement, accompagnant

l'engourdissement de la joue. Presque en même temps la

narine du même côté est enchifrenée. Le malade a la sensation

que la narine gauche est bouchée, tandis qu'à droite l'air passe

normalement.

A ce moment des picotements se produisent au devant du

larynx dans les téguments, non dans le larynx lui-même, d'ail-

leurs sans toux et sans dyspnée. Puis le besoin d'éternuer se

fait sentir. Des fourmillements se produisent au niveau de la

muqueuse pituitaire et l'éternuement se répète à ce moment

de sept à dix fois. Pas de troubles vaso-sécréteurs notables. Il

n'y a pas d'écoulement nasal de quelque importance. Les éter-

nuements qui viennent de se produire, mettent fin à la crise et

les sensations anormales dans la sphère du trijumeau dispa-

raissent à ce moment.

Les troubles de la sensibilité et l'enchifrènement n'existent t

qu'à gauche. Cependant il y a parfois dans la joue droite, mais

seulement à l'état d'ébauche, le même trouble qu'à gauche.

Aucune odeur spéciale pendant la crise.

Il semble donc certain que la crise nasale est provoquée par

un trouble de la sensibilité générale, et non de la sensibilité spé-

ciale, de l'odorat. C'est le nerf trijumeau qui est le siège de

l'aura précédant l'éternuement par accès et ce sont ses bran-

266 CLINIQUE NERVEUSE.

ches de la pituitaire qui sont intéressées, et non le nerf olfactif.

Ce sont des picotements et des fourmillements, de l'engourdis-

sement dans la joue et le cou, et non des sensations olfactives

qui sont accusées par le malade.

La crise nasale a donc pour origine les branches du triju-

meau à la face au devant du larynx, dans le tégument du cou,

et enfin au niveau de la muqueuse du nez.

En résumé la crise nasale se caractérise par une première

période, l'aura paresthésique de la joue, du cou et du nez,

puis par une seconde période accusée par des picotements

dans la narine gauche et terminée par un accès d'éternue-

ment.

Cette crise n'est sans doute pas sans présenter des analogies

avec ce qu'on décrit sous le nom de coryza spasmodique, de

coryza des arthritiques. Nul doute d'ailleurs que l'éternuement

ne soit provoqué dans l'un et l'autre cas par des troubles de la

sensibilité nasale. Mais les différences qui séparent ces deux

variétés apparaissent sous les trois rapports suivants : l'aura

du tabétique s'étend dans la sphère du trijumeau, notamment

au niveau de la joue où débute l'accès et elle s'y montre avec

cet aspect à la fois si étrange et si caractéristique des paresthé-

sies du tabes. En second lieu, en dehors des accès des troubles

persistent du côté de la pituitaire (abolition du réflexe nasal,

anesthésie nasale, hémianosmie).

En troisième lieu c'est évidemment le tabes et non l'arthri-

tisme qui est à l'étiologie de la crise du tabétique. Enfin l'accès

tabétique s'accompagne, parfois, non toujours, de sensations

de chaleur à la face et probablement d'un état congestif vaso-

moteur et dans ce cas il y a toujours des bruissements et des

sifflements dans les deux oreilles. Avant d'abandonner ce svn-

drome il reste encore à se demander l'explication de ces pico-

tements observés dans la peau, au cou, au-devant du larynx.

Toute l'aura hors ce phénomène évolue dans la sphère du

trijumeau.

Les branches du plexus cervical qui innervent le cou parti-

cipent-elles à l'aura ? Le fait n'est pas impossible; mais n'est-il

pas plus probable que le trijumeau innerve une portion de la

région cervicale, soit par ses branches mentonnières, soit

plutôt par des anastomoses avec le plexus cervical ? C'est là

un point d'anatomie normale que nous ne pouvons pas pré-

ciser.

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 267

b). Perversions de la sensibilité spéciale. L'odorat et le

goût sont dans ce cas le siège de sensations subjectives. Les

malades sentent des odeurs désagréables en dehors de tout

objet pouvant provoquer ces sensations, y compris leur haleine

qui n'est pas fétide. Les odeurs accusées sont variables et ceci

a peu d'intérêt. '

L'odeur de poisson pourri est la plus typique. Un des malades

que nous avons observés en était constamment la proie. L'ali-

mentation qui la provoquait irrévocablement, devenait pénible

de ce seul fait. Si l'on présentait au malade un objet quelconque

fût-il complètement inodore, il lui trouvait cette odeur. Le

seul fait de faire acte de sentir éveillait immédiatement l'odeur

désagréable.

Le goût offrait chez lui la même particularité ; tous les ali-

ments ressemblaient au poisson pourri. En même temps la

salivation était extrême. La salive recueillie en vingt-quatre

heures dépassait deux litres et était en réalité plus considé-

rable. Les aliments la provoquaient en très grande abondance.

La diminution de la sensibilité générale de la langue était peu

marquée; mais dans la sphère du trijumeau, à la face, il y

avait des troubles des plus nets. Le malade sentait incomplé-

tement au toucher ; à la piqûre il y avait erreur de lieu. Le

malade désignait la lèvre supérieure au lieu du front ; le cou,

au lieu de la joue.

D'ailleurs il existait encore d'autres troubles impliquant la

participation du bulbe. Ces fausses sensations du goût et de

l'odorat étaient continuelles dans ce cas. Chez d'autres ma-

lades nous avons observé des perversions passagères. Ceci est

infiniment plus fréquent. Ces perversions survenaient du côté

du goût durant quelques minutes, quelques heures, quelques

jours. Elles consistaient dans des sensations particulières qui

s'accompagnaient presque constamment de quelques signes

d'embarras gastrique. Les malades les indiquaient dans les

mêmes termes que les sujets atteints accidentellement de

catarrhe gastrique. C'était un goût amer, un goût de terre, un

goût désagréable, survenant spontanément ou à l'occasion des

aliments. Parfois ces sensations persistent ou se reproduisent

si souvent qu'elles deviennent l'état habituel du sujet qui les

subit.

Il est intéressant, et surtout capital pour l'interprétation des

faits, de rapprocher de ces troubles l'état physique de la langue

268 CLINIQUE NERVEUSE.

et l'état des fonctions digestives. Incontestablement celles-ci

peuvent être normales, du moins en apparence. Les diges-

tions peuvent être régulières, l'appétit normal, etc. La langue

du malade cité plus haut, si tourmenté pendant toute sa mala-

die par l'odeur et le^goût de poisson pourri, est constamment

demeurée normale. Le goût peut donc être profondément

atteint sans catarrhe, sans état saburral de la langue. Il en est

quelquefois de même lorsque les troubles sont passagers et

que tout semble indiquer un embarras gastrique vulgaire, plus

ou moins léger, qu'on cherche cependant en vain à rattacher

à d'autres signes et qui n'existe pas en réalité. Ce n'est pas

à dire que l'embarras gastrique soit rare au cours du tates ;

loin de là. Et dans ce cas il est évident que le goût participe

à la maladie gastrique.

En relation avec les sensations subjectives de terre, d'amer-

tume, etc., des tabétiques, nous avons constaté deux états de

la langue. Le premier est caractérisé par un dépôt blanchâtre,

mou, humide, occupant la partie centrale de la langue, lais-

sant les bords intacts. Ceci est un fait assez banal. Le second,

beaucoup plus persistant et qui semble se lier plus étroitement

à la maladie nerveuse, est caractérisé par une coloration blan-

châtre, ou grisâtre de toute la surface linguale, mais sans

dépôt de quelque épaisseur ; les papilles sont apparentes, bien

séparées les unes des autres, mais l'épithélium qui les

recouvre a cette coloration spéciale et semble épaissi. La

bouche est plutôt sèche ; la soif augmentée. Ces modalités

sont le plus souvent chroniques. Est-ce là un état gastrique

chronique dans lequel persistent naturellement avec plus ou

moins d'intensité les sensations subjectives du goût ?

A notre avis cet état de la langue', compatible d'ailleurs

avec d'assez bonnes digestions, relève du tabes lui-même. Il

constitue un trouble de nutrition, un trouble trophique de la

muqueuse linguale sous l'unique dépendance de la maladie

nerveuse. La cause qui le régit, autorise le terme de langue

saburrale névropathique employé dans le tableau précédent.

Ainsi que nous le dirons plus loin, cet état de la nutrition de la

langue dépend du trijumeau ; mais à son tour il retentit sur le

nerf de la sensibilité spéciale et c'est pourquoi une étude du

1 Vulpian - loc. cil., semble admettre la possibilité d'un trouble tro-

phique delà langue pouvant entraîner des troubles du goût.

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 269

goût dans le tabes ne saurait se passer de lui faire une large

place.

Il est fort probable qu'il existe également du côté de la mu-

queuse nasale un trouble trophique analogue à celui de la

langue et qui lui aussi, dans bien des cas, tient sous sa dépen-

dance les troubles de l'olfaction.

Nous avons déjà indiqué combien toutes ces sensations

désagréables, ces saveurs et ces odeurs pouvaient, mais heu-

reusement dans des cas rares, être pénibles aux malades et

devenir cause de souffrances égales à tant d'autres au cours

d'une des affections les plus douloureuses qui soient. Dans

quelques cas ces mêmes troubles comportent des conséquences

d'un autre ordre et on voit apparaître des symptômes psy-

chiques. La plupart des malades, très lucides, comprennent

l'illusion dont ils sont l'objet et rapportent sans la moindre

hésitation les sensations subjectives à leur maladie.

.Mais de l'illusion sensorielle à l'hallucination il n'y a qu'un

pas, et de même de l'hallucination à l'interprétation délirante.

Cependant, pour que ce dernier pas s'effectue, il faut une

condition nouvelle et assez rarement réalisée chez le tabétique ;

cette condition est l'affaiblissement des facultés intellectuelles.

Dès que l'intelligence fléchit, l'interprétation délirante appa-

raît. Le malade devient un persécuté. Comme l'ont fort bien

indiqué le professeur Pierret' et ses élèves, les symptômes sen-

soriels du tabes peuvent entrainer des conceptions délirantes

à caractères spéciaux, reconnaissant pour cause les troubles

de leurs sensations. Les douleurs fulgurantes vont devenir des

décharges électriques; les sensations de flamme dérivant de la

lésion du nerf optique se transforment en tourments imposés

par des ennemis imaginaires. Les sensations subjectives de

l'odorat et du goût sont elles-mêmes l'origine d'accusations

d'empoisonnement que les malades font retomber sur telle ou

telle personne de leur entourage, particulièrement sur les

infirmiers qui les soignent et leur apportent leurs aliments à

l'hôpital.

Ce délire à point de départ périphérique s'organise surtout

s'il s'agit du goût et de l'odorat. ,

Le tableau de la persécution peut devenir dans ces cas très

' Voir rierret. Congrès cie médecine mentale. Blois, 1893, et la thèse

de M. Rogipr (Lyon).

270 CLINIQUE NERVEUSE.

complet : l'hallucination est présente, l'accusation est formu-

lée, le persécuteur est nettement choisi et désigné ; le malade

accuse, se plaint et se défend. Et ainsi apparaissent chez le

tabétique les principaux symptômes du délire de persécutions

et cela à l'occasion des fausses sensations du goût et de l'odorat.

Il importe donc de mettre ici en relief la présence d'un tel

délire, étant donné son point de départ. Le rôle que peuvent

éventuellement jouer l'odorat et le goût dans le tabes, prend

ainsi plus d'importance.

Le délire en question comporte un autre enseignement pra-

tique pour le diagnostic du délire de persécutions en dehors

du tabes lui-même. A supposer, en effet, que cette dernière

maladie, en l'absence de mouvements ataxiques, ce qui n'est

pas rare, ne soit pas reconnue, on peut se croire en présence

du délire de persécution dans sa forme habituelle. Le tabes

peut être fruste, caché aux yeux du médecin, tandis que le

délire qui en est la conséquence, se développe et devient

symptôme prédominant. Ce délire d'origine tabétique ne sau-

rait cependant être confondu, en nosologie, avec le délire de

persécutions dont il diffère au fond et dont il n'est qu'une

forme purement symptomatique.

Le diagnostic se fera facilement pourvu qu'on songe à la

possibilité d'un tabes masqué par le délire et qu'on recherche

l'abolition des réflexes, les troubles de la sensibilité, les dou-

leurs, les symptômes visuels qui appartiennent à l'une et non

à l'autre des deux maladies. Il semble en présence de toutes

les variétés de troubles qui viennent d'être cités et en consé-

quence des cas où les perturbations de l'odorat et du goût

deviennent au cours du tabes si prédominantes, que ces organes

ne puissent être négligés dans une description complète de

cette maladie.

Autres symptômes accompagnant les troubles du goût et de

l'odorat. - Un autre point qui se dégage de cette étude et qui

constitue l'une de ses conclusions, c'est que les nerfs de l'odo-

rat et du goût sont manifestement touchés dans certaines

formes du tabes, c'est-à-dire que leur lésion s'accompagne

spécialement d'un ensemble de symptômes évoluant parallè-

lement avec eux. Ces symptômes attestent la participation du

bulbe au processus morbide. Lorsque le goût et l'odorat se

sont rencontrés à notre observation notablement altérés, il y

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 271

avait chez nos malades d'autres symptômes bulbaires. Nous

n'avons jamais vu, en d'autres termes, ces troubles quand ils

étaient intenses, attester à eux seuls l'envahissement du

bulbe ; chez un de nos malades à côté de la sensation olfactive

et gustative, de poisson pourri, on trouvait :

1° Des troubles de la déglutition, avec parésie du voile du

palais, répondant à la lésion du nerf facial et du nerf grand

hypoglosse ;

2° Une salivation d'intensité peu commune au cours du

tabes, se produisant continuellement, avec des exacerbations,

causant par elle seule une déperdition considérable des forces

du malade et impliquant la lésion des nerfs dont la fonction

est la sécrétion salivaire ;

3° Des troubles de la sensibilité dans la sphère du triju-

meau caractérisé surtout par l'impossibilité de préciser le point

où l'on opérait un contact sur la peau de la face (le malade

indiquait par exemple là lèvre supérieure quand on le touchait

au front) ; ,

4°*Des paralysies permanentes des muscles moteurs des

paupières.

Ces quatre groupes de symptômes relevaient tous de la

lésion d'autres nerfs crâniens et démontraient le tabes bulbaire

dans toute sa complexité. Un autre de nos malades qui avait

perdu l'odorat et conservé le goût, avait comme symptôme

bulbaire une tachycardie s'élevant habituellement à 130 pulsa-

tions pendant le repos au lit et n'avant jamais été au-dessous

de -H2.

Un troisième, présentant l'anesthésie totale du goût et de

l'odorat, offrait en même temps une anesthésie au toucher et à

la douleur dans presque toute la sphère d'innervation du nerf

trijumeau, etc., etc.

Il est surtout bien rare que la sphère du trijumeau soit

épargnée dans les cas où le goût et l'odorat sont intéressés.

C'est là un point important, sur lequel nous reviendrons. C'est

donc liés aux formes bulbaires du tabes et accompagnés

d'autres signes habituels à ces formes que s'observent les

troubles du goût et de l'odorat, du moins dans tous les cas où

ils se manifestent avec une grande intensité. Ajoutons enfin

que les signes de l'alcoolisme sont souvent présents ; il nous a

semblé, en effet, que les tabétiques alcooliques sont plus parti-

culièrement sujets aux pervertions du goût et de l'odorat.

272 CLINIQUE NERVEUSE.

Marche des symptômes. Les troubles du goût et de l'odo-

rat peuvent se montrer dès le début du tabes. Peuvent-ils en

être un des signes révélateurs à une époque précoce et servir

par conséquent à établir un diagnostic ? Le fait n'est pas dou-

teux, à la condition que l'attention du médecin soit appelée

de ce côté et qu'il soit bien établi que les symptômes en ques-

tion se lient souvent au tabes. En tout cas ils peuvent être

l'indice très précoce de la participation du bulbe à la maladie.

Dans les deux observations citées plus haut et dues à MM. Jof-

froy et Hanot, le goût se montre altéré dès le début de la

maladie. Il y avait chez le premier de ces malades une saveur

franchement amère qui se produisait à l'occasion d'un aliment

quel qu'il soit, même à ce qui était douceâtre ou sucré. Chez

le second malade des mêmes auteurs la sensibilité gustative est

diminuée dès le début.

D'après les malades que nous avons vus, les perversions

intenses et si désagréables du goût et de l'odorat se mon-

traient d'uue façon précoce par rapport au début de la mala-

die.

On sait que dans la grande majorité des cas de tabes ce sont

les troubles de la sensibilité qui ouvrent la scène. Les moda-

lités en sont des plus variées; ce sont souvent des douleurs

dans les membres ; quelquefois ce sont des paresthésies, des

fourmillements, des constrictions, des sensations de raideur,

d'agacement, de réfrigération, ou même de la courbature res-

semblant à ce qu'on observe chez les rhumatisants.

Les perversions du goût et de l'odorat rentrent souvent dans

cette même catégorie des signes précoces et dont la valeur

doit être la même.

Dans d'autres cas le symptôme a moins d'importance parce

qu'il apparaît beaucoup plus tard. C'est alors surtout l'anosmie

et l'ageustie qu'on observe. Absorbé par tant d'autres dou-

leurs le malade ne se plaint pas de cette perte plus ou moins

complète de la fonction de deux nerfs sans importance par

comparaison avec le nerf optique ou le nerf auditif. Envisagés

dans leur évolution ces mêmes symptômes peuvent apparaître

assez brusquement et s'accompagner d'autres troubles bul-

baires

De même une crise laryngée, par exemple, peut se produire

tout à coup sans que rien ne puisse la faire prévoir. A chaque

pas dans cette étude se rencontrent, pour la sphère du goût et

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 273

de l'odorat, des analogies évidentes avec ce qu'on peut observer

dans la même maladie relativement à d'autres nerfs cra-

niens.

Dans cette analogie étroite, le goût et l'odorat peuvent être

frappés définitivement et d'une façon continue, soit par

l'anesthésie, soit par la perversion, ou se montrer atteints sous

la forme intermittente et représenter des accidents plus ou

moins fugaces. Cette dernière modalité nous a semblé très

fréquente.

Voici la manière dont se comportent ces sortes de crises. Le

malade accuse tous les quelques jours, toutes les semaines,

tous les mois un goût désagréable dans la bouche. Les compa-

raisons exprimées par nos malades sont les suivantes : un goût

de terre qui se produit en dehors des repas, en dehors de toute

alimentation durant chaque fois une demi-journée, un goût

âpre difficile à définir ayant duré chaque fois pendant une

dizaine de minutes, un goût très amer, constaté très souvent

depuis six mois (à la période ataxique); une sensation de

rigidité et de chatouillement désagréable avec goût salé, goût

bilieux, etc.

Il est d'une très grande importance d'envisager les autres

symptômes qui accompagnent ces crises, car seuls ils peuvent

nous donner quelques notions de pathogénie. Il en a déjà été

fait mention plus haut.

Rappelons-les brièvement. Ces symptômes sont de deux

ordres :

En premier lieu ceux qui se manifestent dans la sphère du

trijumeau. Ce sont les paresthésies très variées dans la face,

dans les joues, dans le nez, consistant le plus souvent en

engourdissement de face, en crispation, ou fourmillement, en

cette sensation qui pousse le malade à faire des grimaces pour

réveiller la sensibilité endormie des joues et du front.

En second lieu, ce sont des modifications dans l'aspect de la

muqueuse correspondante, consistant en un état catarrhal de

la langue, en un trouble trophique de la langue, qui précisé-

ment ont fait naître les troubles du goût, non pas tous les

troubles du goût que nous décrivons, tant sans faut, mais

quelques-uns d'entre eux.

D'ailleurs ces mêmes symptômes, nous les avons vus le plus

souvent dans les paroxysmes sans la moindre modification du

côté de la langue et des muqueuses. Dans un cas il y avait en

Archives, 2e série, t. III. 18

274 CLINIQUE NERVEUSE.

outre une soif intense et une polyurie proportionnelle attei-

gnant de S à 6 litres en vingt-quatre heures.

Les troubles de l'olfaction envisagés dans leur marche pré-

sentent les mêmes phénomènes d'attaques aiguës que ceux du

goût. Au point de vue.de leur marche et quels qu'ils soient,

les symptômes olfactifs et gustatifs présentent donc, soit le

début aigu, soit la marche chronique d'emblée, soit des crises

très variables d'intensité et de durée, à phénomènes complexes

et fort intéressants. Ils se rapprochent, dans ce dernier cas,

de crises douloureuses périphériques ou viscérales du tabes,

mais dans lesquelles il n'y a pas de douleurs et dont les ma-

lades ne se plaignent pas en général.

Anatomie pathologique. Les lésions qui commandent les

symptômes précédents sont encore très obscures. Il semble

cependant que les lésions sont en rapport avec ce qu'on observe

dans les autres nerfs et centres nerveux des tabétiques, en

particulier dans les ganglions correspondants au centre tro-

phique des fibres nerveuses. Pour les nerfs rachidiens ces

centres sont les ganglions intervertébraux; pour les nerfs

craniens il existe des ganglions qui sont les analogues de

ceux-ci. Nous avons eu l'occasion de faire l'autopsie d'un ma-

lade ayant succombé après avoir présenté les troubles les

plus intenses et les plus manifestes du côté du goût de l'odorat.

11 s'agissait d'une perversion de ces sens, accompagnés de

symptômes bulbaires et de salivation abondante.

Notons d'abord que les cordons postérieurs et les racines

spinales présentaient des lésions classiques du tabes, cela pour

établir avec certitude l'existence du tabès qui d'ailleurs n'avait

jamais laissé aucun doute au point de vue clinique. Les glandes

salivaires ont été trouvées énormes et congestionnées'. Les

autres lésions étaient les suivantes :

Nerf glosso-pha1'yngien du côté gauche. - Avec le picro-car-

min on trouve un épaississement considérable du tissu con-

jonctif du nerf. Probablement dans ces travées épaisses il y a

beaucoup de gaines vides.

Les fibres nerveuses examinées après action de l'acide

1 L'examen histologique de ces glandes a montré qu'il existe en pareil

cas des lésions inflammatoires du parenchyme glandulaire. Voir Klippel

et Lefas, Soc. de Biologie, 6 fév. 1897.

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 275

osmique offrent, pour un petit nombre seulement un processus

de dégénérescence caractérisée par la fragmentation de la

myéline, soit en blocs, soit en boules. Avec la méthode de

Marchi on constate que beaucoup de fibres présentent des réac-

tions pathologiques. Enfin la plupart des fibres nerveuses qui

persistent avec leur enveloppe' de myéline, sont plus grêles

qu'à l'état normal.

Le ganglion d'Andersch qui se trouve sur le trajet de ce

nerf, au niveau de la base du crâne, présente de remarquables

altérations. Son volume, sans tenir compte du tissu conjonctif

qui l'entoure, est environ celui d'un grain de blé. Sur les

coupes histologiques colorées par le picro-carmin, la méthode

de Weigert et celle de Pal, on voit les lésions suivantes dont

les figures ci-jointes, faites avec soin et exactitude par M. Rau-

lin, externe des hôpitaux, sont la reproduction.

Les cellules nerveuses de ce ganglion sont nombreuses,

mais petites, à contours très irréguliers, atrophiées manifes-

tement. Le protoplasma cellulaire est rempli de fines granu-

lations, très régulières, non teintées par les pigments san-

guins. Ces granulations occupent tout le protoplasma et non

pas seulement un segment au voisinage du noyau. Le noyau

lui-même est fort grêle et souvent soit simplement masqué par

les granulations, soit invisible. Sur les coupes qui intéres-

sent le ganglion suivant son 'grand axe longitudinal, on voitles

fibres qui entrent et les fibres qui sortent de ce centre ner-

Fig. il, - Ganglions d'Andersch (glosso-phal'yngien).

276 CLINIQUE NERVEUSE.

veux. Des deux côtés ces fibres sont également altérées et

offrent les mêmes caractères signalés dans le nerf lui-même.

Le système vasculaire du ganglion est très développé. Les vais-

seaux sont gorgés de sang. La sclérose du ganglion est

douteuse. -

Nerf olfactif. - On y constate par l'acide osmique beau-

coup de fibres dégénérées avec altération très profonde de la

myéline. Le maximum de ces lésions se trouve dans les

racines qui vont du bulbe olfactif au cerveau. Le ganglion de

ce nerf est représenté, on le sait, par les cellules olfactives qui

se trouvent dans la muqueuse pituitaire elle-même. Or ces

cellules s'altèrent après la mort avec une grande rapidité. Les

conclusions qu'on pourrait tirer dans le cas d'une autopsie

faite dans les conditions où nous étions placés n'ont pas grande

valeur. Nous n'avons donc rien à dire à ce sujet.

Nerf trijumeau. Les ganglions de Gasser ont été examinés

au microscope par les mêmes méthodes. Ils présentaient des

lésions intenses, mais pas exactement semblables à celles du

ganglion d'Andersch. La plupart des cellules étaient atrophiées;

quelques-unes, généralement groupées par trois ou quatre, pré-

sentaient une atrophie avancée. Elles étaient petites, apparais-

sant sous la forme d'un corps festonné, allongé, avec des

granulations ocreuses pressées les unes contre les autres au

point que tout le protoplasma, sans noyau visible, était trans-

formé en corps granuleux.

Mais toutes les cellules du ganglion étaient loin de présenter

cette lésion qui était disséminée sous forme d'îlots de cellules.

Le processus congestif était intense ; la sclérose, légère, mais

indubitable. Les branches de ces nerfs étaient grêles, mais

sans lésions dégénératives marquées.

Le bulbe rachidien offrait des lésions au niveau des noyaux

grêles. Les cellules ganglionnaires y étaient atrophiées surtout

dans les noyaux des nerfs moteurs, ce qui est en dehors du

sujet qui nous occupe, mais ce qui est intéressant à signaler

pour montrer encore que le bulbe est atteint d'une manière

générale chez les tabétiques à symptômes olfactifs et gustatifs.

L'examen des circonvolutions cérébrales, portant spécialement

sur celles du corps calleux, sur l'hippocampe, sur les frontales

internes et externes, sur les temporales (que quelques auteurs

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 277

considèrent comme des centres olfactifs et gustatifs ? ), a mon-

tré des lésions banales, mais accusées, d'atrophie et de dégé-

nérescence des éléments nerveux, surtout des tubes nerveux

et des capillaires.

Toutes ces lésions ont sans doute leur importance. Mais

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278 CLINIQUE NERVEUSE.

peuvent-elles expliquer les symptômes de perversion et ne les

retrouverait-on pas, avec les mêmes caractères, chez les tabé-

tiques ayant présenté d'autres désordres du goût de l'odorat ?

PATHOGÉNIE. - Quel est maintenant le mécanisme qui pré-

side aux troubles de l'odorat et du goût chez les tabétiques ?

Quelle est la lésion qui préside à ces symptômes ? Est-ce la

seule altération des nerfs de l'odorat et du goût qui est en

cause, ou bien les altérations du nerf lingual et du nerf nasal,

branches du trijumeau, peuvent-elles à elles seules déterminer

les mêmes symptômes, ainsi que nous l'avons plusieurs fois

laissé entrevoir dans les lignes précédentes ?

D'abord en ce qui concerné la localisation périphérique ou

centrale, l'anatomie pathologique montre que le système de la

sensibilité est pris dans son ensemble. Ainsi le ganglion d'An-

dersch situé sur le trajet du glosso-pharyngien a été trouvé

altéré et en partant de ce point, soit pour descendre du côté

de la langue, soit pour monter du côté du bulbe et de l'encé-

phale on trouvait encore des lésions. Il en est de même du

ganglion de Gasser et de ses branches afférentes ou efférenles.

L'ensemble du système de ces nerfs, leurs branches nerveuses

aussi bien que leurs cellules ganglionnaires se montrent égale-

ment lésées. De sorte que la question de localisation ne peut se

poser que relativement à son siège premier, dès le début.-Cette

question revient donc à se demander où débutent les lésions du

tabes. Sans insister sur ce point, il suffira de rappeler que pour

quelques auteurs comme pour nous-même' le tabes vulgaire est

une maladie du téléneurone centripète. Les nerfs du goût et

de l'odorat n'échappent pas à cette loi générale.

La seconde question mérite de retenir plus longtemps notre

attention, comme étant spéciale au sujet de ce mémoire.

Nous croyons que le tabétique peut pâtir du côté du goût et

de l'odorat par l'altération de nerfs différents suivant les cas,

c'est-à-dire, soit par la lésion des nerfs de .la sensibilité spé-

ciale (nerfs olfactif et glosso-pharyngien), soit par celle du nerf

de la sensibilité générale de la langue et de la pituitaire, soit

peut-être même par les nerfs du sens musculaire.

1° Il est des cas où le glosso-pharyngien et le nerf olfactif

1 Les Neurones. - Les lois fondamentales de leur dégénérescence (Au-

chives de Neurologie, juin 1896). '

TROUBLES DU GOUT ET DE L'ODORAT DANS LE TABES. 279

sont en cause. Leur lésion est suffisante, sinon nécessaire.

Ces nerfs sont en effet à l'heure actuelle, après tant de contro-

verses, reconnus comme jouissant seuls de la sensibilité spé-

ciale de l'odorat et du goût. Même dans les cas où il y a

anesthésie du trijumeau à la face, si la sensibilité générale de

la langue et de la pituitaire est intacte, si l'absence du symp-

tôme « de la langue saburrale névropathique » démontre l'inté-

grité de la nutrition de cet organe, si les réflexes persistent, la

seule conclusion logique est d'incriminer les nerfs de sensibilité

spéciale en laissant de côté le trijumeau.

2° Dans d'autres cas les symptômes relèvent des nerfs de la

sensibilité générale dont les lésions entraînent secondairement

la perte ou la perversion de la sensibilité spéciale. Si le nerf

lingual n'est pas le nerf du goût, il a néanmoins des fonctions

dont l'abolition entraine la perte du goût. C'est pour cette

raison que plusieurs auteurs ont affirmé que ce nerf était doué

de la sensibilité spéciale du goût.

Trizani après section du lingual a constaté l'abolition de

la gustation dans les deux tiers antérieurs de la langue. De son

côté Serres a vu la perte du goût chez un individu dont le gan-

glion de Gasser était dégénéré. Senator a fait une observation

qui plaide dans le même sens en constatant simultanément

l'anesthésie dans la sphère du trijumeau et la perte de la sensa-

tion des saveurs.

Rappelons à ce sujet qu'au cours de ce mémoire nous avons

Insisté sur la fréquence des anesthésies du trijumeau chez les

tabétiques qui présentaient des perversions et des abolitions

du goût. Par quel mécanisme agit le trijumeau pour entraîner

l'abolition de la sensibilité dans la sphère du glosso-pharyngien

ou du nerf de la première paire ? Il est actuellement très facile

de répondre à cette question. Le trijumeau tient sous sa dépen-

dance en ce qui concerne l'organe du goût et de l'odorat :

1° la circulation des muqueuses correspondantes ; ? ° la sécré-

tion de ces muqueuses ; 3° leur état trophique.

On connaît en effet l'influence dilatatrice des filets nasaux du

maxillaire supérieur, on sait que l'innervation sécrétoire va de

pair avec l'innervation vaso-motrice (comme pour la corde du

tympan).

Or, d'autre part, l'appareil vaso-moteur, la sécrétion régu-

lière des glandes entretenant l'humidité des muqueuses, l'inté-

grité de la nutrition de la pituitaire ou de la muqueuse lin-

280 CLINIQUE NERVEUSE.

guale sont des conditions indispensables de la fonction du glosso-

pharyngien et de l'olfactif.

C'est ainsi qu'une sécrétion trop abondante recouvrant la

pituitaire trouble l'olfaction.

En un mot le trijumeau est un nerf accessoire de l'olfaction

et du goût qu'il peut abolir en troublant les fonctions circula-

toires, secrétaires et trophiques des muqueuses correspondantes.

A la lumière de ces faits on s'explique facilement la théorie de

certains physiologistes, celle de Magendie qui regarde le nerf

lingual comme le nerf du goût; celle de Muller qui émet la

même opinion; on s'explique aussi l'influence de la corde du

tympan dans la même fonction, démontrée par Cl. Bernard.

Le rôle du trijumeau lésé dans le tabes peut donc à lui seul

créer indirectement les troubles de l'odorat et du goût. C'est

dans ce dernier cas qu'on observe parfois cet état particulier

de la trophicité de la langue, désigné plus haut sous la déno-

mination pathogénique de langue saburrale névropathique.

3° Il n'est pas jusqu'à la sensibilité musculaire qui ne puisse

peut-être jouer un rôle sur l'odorat et le goût du tabétique.

Il est très remarquable que tous les malades accusent cons-

tamment des goûts fort désagréables et jamais de perversion

leur rappelant une sensation agréable. La sensation du dégoût,

cette sensation vague, ne pourrait-elle pas être à l'origine des

perversions que les malades formulent ensuite dans des termes

plus précis ? Le dégoût est tout d'abord quelque chose de vague

et de presque indéfinissable; lorsqu'il s'accuse plus nettement,

on le voit se caractériser par la nausée; à un degré de plus,

c'est le rejet, c'est le'vomissement qui survient.

Le dégoût à son début semble donc une sensation d'ordre

musculaire, la conscience vague d'un mouvement du pharynx,

de l'oesophage, etc., qui se fait en sens inverse des mouve-

ments normaux et qui aboutit au rejet des aliments. Sans

doute ce mouvement est souvent consécutif à une sensation

rebutante ayant son point de départ dans la sensibilité géné-

rale ou spéciale ou même dans un acte de répulsion psy-

chique, mais non toujours.

Le sens musculaire viscéral peut-il être perverti dans le tabes

et aboutir ainsi à la sensation vague du dégoût que secondai-

rement et par un acte psychique, les malades cherchent à for-

muler par l'un des termes dont on se sert le plus souvent

pour exprimer l'aversion, le dégoût pour un objet ? 2

THÉORIE DES NEURONES. 281

Cette sensation nauséeuse vague sur laquelle le malade

greffe une idée nette et complète qu'il formule sous le nom de

goût ou d'odeur de putréfaction, ne serait pas sans rappeler

les états primitifs de tristesse ou d'euphorie donnant nais-

sance à des conceptions tristes ou gaies. Mais cette dernière

explication des troubles tabétiques qui nous occupent, ne peut

s'appliquer à l'ensemble des faits et nous ne nous dissimulons

pas qu'ici nous sommes en présence d'une simple hypothèse.

CONCLUSIONS. Les troubles de l'odorat et du goût sont

fréquents et multiples au cours du tahes. Ils reconnaissent pour

cause soit une lésion des nerfs de la sensibilité spéciale,du glosso-

pharyngien et de l'olfactif, soit une lésion des branches du tri-

jumeau qui commandent la nutrition des muqueuses pituitaire

et linguale, soit peut-être un trouble primitif du sens muscu-

laire entraînant le dégoût. Ils s'associent toujours lorsqu'ils sont

très marqués à d'autres troubles d'origine bulbaire.

REVUE CRITIQUE.

HISTOIRE DES DOCTRINES CONTEMPORAINES

DE L'HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL.

THÉORIE DES NEURONES'.

PAR JULRS SOURY

II. S. ILA\ION Y CAJAL.

Les libres terminaisons arborescentes des prolongements nerveux

apparaissent, avec Ramon y Cajal, à la place du réseau nerveux

diffus de Golgi 2. A l'exception de quelques cas très rares, tels que

1 Voir Archives de Neurologie, n° 14.

* Voir pour la bibliographie tle l'oeuvre de Cajal, M. von Lenhossek,

Der feinere Bau des Xervensyslems. p. ! e-75. - Seue Darslellmag vom

/tM<ooMc/;e)t Bau des Cealraluervensyslens. Arch. f. Anat. u. Phys.,

1893, p. 319-428. Les nouvelles idées sur la structure du système

282 ' REVUE CRITIQUE.

celui des fibres parallèles du cervelet, par exemple, l'arborisation

terminale du cylindraxe et de ses collatérales est la règle. On savait

déjà que les nerfs sensitifs périphériques se terminent librement

dans la peau et dans les muqueuses, et Ranvier avait vu depuis

longtemps l'« arborisation terminale» des nerfs moteurs « dissociés

en fibrilles » se mettre'en rapport avec la substance contractile du

muscle : « Cette multiplication de points de contact, disait l'illustre

histologiste, doit être considérée comme une condition essentielle

de l'action du nerf sur le muscle. » (Leçons sur l'histologie du sys-

tème nerveux, 1878, II, 348.) La différence entre les deux catégo-

ries de cellules nerveuses de Golgi s'est aussi évanouie : il n'y a

plus que des cellules nerveuses à prolongements nerveux longs ou

courts, et toutes les formes de transition existent à cet égard dans

l'écorce cérébrale, le bulbe olfactif, la corne d'Ammon, la moelle

épinière, la rétine. Les branches collatérales de chaque prolonge-

ment nerveux se terminent aussi librement que l'arborisation termi-

nale du cylindraxe. La découverte des collatérales est due à Golgi :

leur physiologie est surtout l'oeuvre de R. y Cajal, puis de Kolliker,

de van Gehuchten, de Lenhossek. Les collatérales, presque toutes

pourvues de myéline, ne s'entourent de cette gaine qu'après leur

tige. La découverte des collatérales a profondément transformé les

idées sur l'activité du système nerveux central. On donnait le nom

de « voies courtes » ou de « commissures longues » aux prolonge-

ments nerveux que beaucoup de cellules envoyaient, par exemple,

dans la substance grise de la moelle épinière : mais la décharge

nerveuse résultant de l'excitation transmise par la cellule à ;on

prolongement nerveux n'avait lieu, pensait-on, qu'à la terminaison

de ce prolongement dans un ganglion, et la cellule d'origine d'un

nerf était censée ne pouvoir agir que sur les cellules au contact des-

quelles s'arborisaient, par l'intermédiaire des dexdrites de celles-

ci, les ramifications ultimes du cylindraxe de cette cellule. On

sait aujourd'hui qu'une cellule nerveuse des ganglions spinaux

peut influencer tous les territoires de la substance grise que tra-

verse son prolongement nerveux central, non seulement par les

arborisations terminales des branches ascendante et descendante

des radiculaires sensitives, mais par les collatérales qu'émet suc-

cessivement ce prolongement sur tout son parcours. Ainsi, les

nerveux chez l'homme et chez les vertébrés, trad. par le D' L. Azoulay.

Préface de M. Duval. Paris, 1894. Croouian Lecture, faite le 8 mars

1894. Revue générale des sciences, 15 mars 1894, p. 141-155. - Cf. Pro-

ceedinfls of Ihe Royal Society, vol. LV. - .1lqitiia3 conjeturas sobre el

mecanismo anatomico de la ideacion, asociucion y ulencion. llevista de

medicina y cirur ? ia pracliias. Madrid. Nie. Moya, 1895, 14 pages. - Allas

der pathologischen Histologie des Nervensystems. IV. Lief. Berlin, 1895.

Lslrucfttrtt clel proloplasmo ne/'vio8o, Rev. ll'imesl/'almicl'o ! 71', I, I.

THÉORIE DES NEURONES. 283

longues voies nerveuses des cordons postérieurs qui montent jus-

qu'au niveau de la moelle allongée, peuvent, sur tout leur trajet,

contracter des rapports, par leurs collatérales, avec presque toute

la substance grise de la moelle épinière. Le riche plexus de fibres

à myéline que l'on voit, dans la substance grise de la moelle épi-

nière, autour des cellules nerveuses surdes préparations au Weigert-

Pal, est constitué par les collatérales de la substance blanche;

ce sont aussi des collatérales qui forment la commissure posté-

rieure de la moelle et les fibres fines de la commissure antérieure.

Dans le cervelet, les collatérales des prolongements cylindraxiles

des cellules de Purkinje entrent en contact avec d'autres cellules

de Purkinje et réalisent ainsi entre ces cellules une unité physio-

logique. Dans le cerveau, les fibres du corps calleux relient, au

moyen de leurs collatérales, non pas, comme on le croyait, deux

points symétriques de deux hémisphères, mais bien d'autres élé-

ments cellulaires encoie des différentes couches de l'écorce grise

et des territoires les plus différents etles plus distants du manteau.

Il en est ainsi des collatérales du bulbe olfactif, de la corne d'Am-

mon, des fibres du cordon du grand sympathique. Dans la subs-

tance blanche aussi existent des collatérales et des arborisations

terminales de fibres nerveuses s'entrelaçant à des prolongements

protoplasmiques, signalés par Ramon y Cajal. Les collatérales

constituent ainsi, dans la substance grise comme dans la substance

blanche, une grande partie des commissures des centres nerveux.

En somme, il n'existe point d'anastomoses entre les prolongements

protoplasmiques (Gerlach)-ou nerveux (Golgi) des neurones ou uni-

nits nerveuses de Waldeyer (1891). La théorie des réseaux à dû

faire place à celle des arborisations libres. Tout essai de classifica-

tion physiologique ou fonctionnelle des cellules nerveuses en cel-

lules de la sensibilité ou de la motilité, fondé sur la morphologie

de ces organites élémentaires, est contraire aux faits observés. Enfin,

la troisième hypothèse anatomo-physiologique de Golgi, la fonction

trophique de la cellule nerveuse attribuée aux prolongements pro-

toplasmiques, qui seraient en rapport avec les vaisseaux et les cel-

lules de la névroglie, n'a plus guère, on le verra, qu'une existence

locale dans l'Ecole italienne : c'est un foyer qui s'éteint sur place.

Avant d'aborder l'étude des fonctions du cerveau, telle qu'elle

résulte des doctrines anatomiques et physiologiques de S. Ramon y

Cajal, on doit considérer d'abord les faits plus simples, quoique

essentiellement de même nature, que présentent la morphologie

et les connexions des éléments nerveux de la moelle épinière.

I. Chaque fibre nerveuse n'est que le prolongement d'une cellule

nerveuse, soit périphérique, soit centrale. Chaque fibre nerveuse,

de son origine à sa terminaison, n'est donc qu'une partie de sa

cellule d'origine. Ce fait capital avait déjà été établi, en 1857, par

Kupffer ; il a été confirmé par Golgi, par His, par Vignal et par

284 REVUE CRITIQUE.

tous les auteurs qui ont fondé l'hystogénèse actuelle du système

nerveux, Cajal, Lenhossek, Retzius, etc.

II. Les expansions protoplasmiques des cellules nerveuses se ter-

minent librement dans la substance grise (Golgi); les prolonge-

ments nerveux des cellules nerveuses se terminent de même au

moyen de libres arborisations variqueuses, et la transmission ner-

veuse a lieu par contact entre le corps et les expansions protoplas-

miques d'un neurone, d'une part, les arborisations collatérales et

terminales du prolongement nerveux d'un ou de plusieurs autres

neurones, d'autre part, les ramifications protoplasmiques et le

corps cellulaire servant à la conduction nerveuse comme les

cylindraxes et leurs appendices fibrillaires. Dans certains organes,

le corps cellulaire avec ses dendrites est même l'unique chaînon de la

chaine conductrice. Mais, d'une manière générale, dans les organes

des sens comme dans les centres nerveux, le corps cellulaire et ses

prolongements protoplasmiques sont des appareils de réception,

non d'émission des courants nerveux. Dans les éléments qui,

comme les cellules nerveuses des ganglions spinaux ou les spon-

gioblastes de la rétine, sont adendritiques, sans ramifications pro-

toplasmiques, l'appareil de réception est représenté par le corps

protoplasmique seul de la cellule.

III. Les cellules de substance grise de la moelle épinière sont

de deux espèces : les cellules radiculaires « motrices », dont les

cylindraxes constituent la racine antérieure; les cellules des cordons,

dont les prolongements nerveux constituent les fibres des faisceaux

ou cordons antérieur, latéral et postérieur du même côté. Les cel-

lules des cordons donnent naissance d'ordinaire aux voies courtes

de la substance blanche.

D'après la situation topographique des cordons auxquels ces cel-

lules donnent naissance, on distingue : a, les cellules du cordon

antéro-latéral du même côté; b, les cellules du cordon postérieur

du même côté; c, les cellules du cordon antérieur du côté opposé (cel-

lules commissurales dont le cylindraxe forme la commissure anté-

rieure en se rendant au cordon antéro-latéral de l'autre côté). Les

cylindraxes de toutes les cellules, excepté peut-être ceux des cel-

lules radiculaires motrices, émettent à leur passage à travers la

moelle des collatérales entre les cellules nerveuses.

IV. Les fibres sensitives des vertébrés ne naissent pas dans la

moelle : elles proviennent, comme l'a établi W. His, des cellules

nerveuses des ganglions spinaux intervertébraux. Dans la capsule

endothéliale qui enveloppe chaque cellule des ganglions cérébro-

spinaux, entre cette capsule et le protoplasma cellulaire, s'arbo-

rise une fibre nerveuse d'origine inconnue (Lenhossek, Ehrlich,

Cajal) : cette arborisation prouve en tout cas que, entre le courant

nerveux apporté de la pequ, des muqueuses, des articulations, des

muscles, etc., par la branche périphérique, de signification proto-

THÉORIE DES NEURONES. 285

plasmique, suivant Cajal, des cellules de ces ganglions, courant

transmis à la moelle épinière par la branche centrale, d'autres

courants nerveux encore, provenant peut-être des cellules du

grand sympathique, peuvent parvenir à ces neurones.

Ces cellules nerveuses, issues de l'ectoderme, et d'abord bipo-

laires, puis unipolaires (au moins en apparence), envoient la

branche centrale de leur prolongement nerveux dans la substance

blanche de la moelle épinière, où son cône d'accroissement finit par

donner naissance en se divisant à une branche ascendante et à

une branche descendante, qui montent et descendent le long du

cordon postérieur : ce sont les collatérales de ces branches qui,

seules, pénètrent dans la substance grise où elles s'arborisent entre

les éléments nerveux de la moelle épinière. Outre les arborisations

terminales des branches ascendantes ou descendantes des fibres

radiculaires sensitives, on distingue des collatérales longues desti-

nées à la corne antérieure, des collatérales courtes destinées à la

corne postérieure : celles-ci, après avoir traversé la substance de

Rolando, s'arborisent autour des cellules de la colonne de Clarke

(voie cérébelleuse ascendante de la moelle) ; celles-là, issues de la

portion voisine de la bifurcation, plutôt que des branches ascen-

dantes ou descendantes, lesquelles donnent surtout naissance aux

collatérales courtes, se terminent en se mettant en contact avec le

corps ou avec les ramifications protoplasmiques des cellules de la

corne antérieure : elles constituent la voie ordinaire des réflexes :

d'où les noms de collatérales réflexes, de fibres réfCeo-motriees (Kël-

liker) ou sensitivo-motrices (Cajal). Les cellules des cornes posté-

rieures envoient leurs cylindraxes presque entièrement dans le

cordon latéral.

L'existence d'une voie sensitive centrale, propageant jusqu'au

cerveau les diverses sensations de la sensibilité générale, peut être

inférée avec certitude : 1° de l'absence d'entre-croisement des

fibres radiculaires sensitives; 2° du fait que la plupart des fibres

représentant des voies courtes se terminent dans les divers seg-

ments de la moelle épinière.

Dans l'çC0ltCE cérébrale, identique au fond chez tous les mammi-

fères, Ramon y Cajal distingue quatre couches : : 1° zone moléculaire;

2° couche des petites pyramides; 3° couche des grandes pyramides;

4° couche des cellules polymorphes .

1. Zone moléculaire. Lescellules de la névroglie se pressent sur-

tout près de la pie-mère. La partie la plus superficielle est traversée

de fibres horizontales à myéline (Kolliker, Exner), dont quelques-

unes sont des collatérales des cylindraxes ascendants de certaines

cellules, telles que les cellules fusiformes ou triangulaires de Mar-

tinotti. Mais la plupart des fibres nerveuses de la zone moléculaire

proviennent des quatre types de neurones suivants : 1° cellules poly-

gonales, à quatre ou cinq ramifications protoplasmiques hérissées

286 REVUE CRITIQUE.

d'aspérités, grêles, dont quelques-unes descendent jusqu'à la couche

inférieure des petites pyramides, à cylindraxe fin, tantôt oblique,

tantôt horizontal, et demeurant dans la zone moléculaire : cellules

spéciales, ou cellules de Cajal, de la zone moléculaire; 2° cellules fusi-

{ormes, à direction horizontale, dont les deux prolongements

polaires, protoplasmiques, envoient, à angle droit, quelques ramus-

cules ascendants vers la surface du cerveau, se décomposant en

deux ou plusieurs filaments très longs, qui paraissent être des fibres

nerveuses, restant toujours dans la zone moléculaire (cellules

polyaones de Lenhossek) ; 3° cellules triangulaires ou étoilées, non

plus à deux, mais à trois ou plusieurs prolongements protoplas-

miques très longs, d'abord horizontaux, se continuant peu à peu

en fibres nerveuses ou de nature analogue, peu ramifiés, émettant

sur leur trajet de fines collatérales qui se perdent dans les fibrilles

nerveuses de la zone moléculaire; 4° cellules fusiformes unipolaires.

Ces cellules fusiformes de la couche moléculaire doivent être,

comme le pense Cajal, des cellules d'association, unissant à cette

zone aux strates inférieures de l'écorce : du prolongement nerveux

u nique de ces neurones sortent par bifurcation deux fibres qui

dans des directions opposées vont se mêler aux fibres du faisceau

tangentiel (Veratti).

Les cellules spéciales de la zone moléculaire, presque toutes pluri-

polaires, présentent quelque analogie, aux collatérales près, avec

certains spongioblastes de la rétine, dont les prolongements vari-

queux et horizontaux ressemblent à ceux des cellules de Cajal.

Pour Retzius, qui a fait une étude spéciale de ces cellules, sur des

embryons d'hommes et d'autres mammifères, il s'agit de cellules

nerveuses pourvues de plusieurs expansions d'apparence nerveuse'.

La réunion de toutes ces fibres autochtones, jointes à celles qui

montent des couches inférieures et aux arborisations terminales

cylindraxiles de longues tiges dont on ignore le lieu des cellules

d'origine, forment dans cette première couche de l'écorce un

plexus très serré, entre les mailles duquel passent les ramures des

dendrites des cellules pyramidales. «Il est, dit Cajal, impossible de

ne pas considérer cette singulière disposition, qui certainement se

' Quoique les cellules de Cajal présentent encore à la naissance de

quelques mammifères (lapin) des prolongements multiples non histolo-

giquement différenciées entie eux, un seul de ces filaments dont l'origine,

la forme et la position seraient constantes, assume, dans le développe-

ment ultérieur, selon Veratti, le caractère de prolongement nerveux,

tous les autres prenant peu à peu celui de prolongements protoplas-

miques. Chez d'autres animaux, cette différenciation entre le prolonge-

ment nerveux et les prolongements protoplasmiques existerait déjà au

coui de la vie intra-utérine. Veratti. Su alcune parlicularita di slrutlura

délia corleccia cérébrale. Soc. méd. cleiratrg. di Pâma, 1896.

THÉORIE DES NEURONES. 287

retrouve avec les mêmes caractères chez tous les vertébrés, comme

un exemple important de transmission nerveuse par contact ou

contiguïté, comparable à celle qui a lieu, dans le cervelet, entre les

fibrilles parallèles et les arborisations protoplasmiques des cellules

de Puikinje. Ce contact serait transversal ou oblique; c'est pour-

quoi les branches terminales des cellules pyramidales possèdent des

épines collatérales courtes dans les intervalles desquelles semblent

être contenues étroitement les plus fines fibrilles nerveuses dépour-

vues de myéline. » Ces fibrilles nerveuses agiraient donc ici sur ces

prolongements protoplasmiques pour transmettre l'onde nerveuse

aux cellules pyramidales.

Toute cellule pyramidale, à quelque couche de l'écorce qu'elle

appartienne, présente, comme caractères morphologiques géné-

raux : un corps conique ou pyramidal, d'où part un cylindraxe etd'où

sortent des expansions protoplasmiques très nombreuses où l'on

distingue : a, une tige ascendante, épaisse, se ramifiant dans la

couche moléculaire en ramures, souvent très étendues, qui se ter-

minent par de libres arborisations ; b, des branches latérales sorties

à angle droit de la tige ascendante ; c, des expansions basilaires

procédant du corps de la-cellule pyramidale même et se ramifiant

latéralement ou en bas entre les cellules voisines; cl, un cylindraxe,

partant de la base de la cellule, ou d'une expansion proloplasmique

basilaire, et se terminant, en bas, dans la substance blanche, où il

devient une fibre nerveuse à myéline du faisceau de projection.

Mais, pendant son trajet dans la substance grise, le cylindraxe

émet de fines collatérales, d'une longueur extraordinaire, terminées

par deux ou trois ramuscules. Les collatérales les plus hautes du

cylindraxe remontent quelquefois jusqu'à la zone moléculaire elle-

même. Dans les vertèbres inférieurs, toules les expansions proto-

plasmiques de ces cellules se réduisent, chez les batraciens, au

bouquet terminal de la zone moléculaire, sans branches latérales

de la tige ni expansions basilaires; chez les reptiles, la Lige, avec le

panache, existe, mais il n'en part point de ramescences, et une

seule expansion basilaire apparaît ; chez les oiseaux, la pyramide

manque de lige radiale et de véritable panache; chez les poissons,

la cellule pyramidale fait défaut. Chez les foetus à terme et chez

les enfants de quelques mois, les expansions protoplasmiques basi-'

laires et les collatérales nerveuses sont encore très courtes et

simples; il est très probable que ce processus de .croissance des

prolongements cellulaires se continuejusqu'à l'âge adulte » (Croo-

nian Lecture). A partir de l'époque embryonnaire, les éléments ner-

veux ont perdu la propriété deproliférer, quoiqu'on puisseadmettre,

selon Cajal, que * l'exercice mental suscite, dans les régions céré-

brales les plus sollicitées, un plus grand développement de l'appareil

protoplasmique et du système des collatérales nerveuses. » Non seu-

lement les associations déjà créées entre certains groupes cellulaires

88 REVUE CRITIQUE.

pourraient se renforcer et se multiplier ainsi : des connexions

nouvelles s'établiraient par le fait d'une * néoformation de collaté-

rales nerveuses et d'expansions protoplasmiques ». Une fois organi-

sées, ces connexions acquises des cellules pyramidales se transmet-

traient par hérédité aux descendants immédiats ou éloignés

(atavisme, talent héréditaire). « Ainsi, chez les hommes dont le

talent, comme chez Gambetta, a coïncidé avec un cerveau de petites

dimensions, les cellules nerveuses seraient moins nombreuses ou

peut-être simplement plus petites; elles présenteraient en revanche

un système fort compliqué d'associations protoplasmico-nerveuses.

Au contraire, les cerveaux excessivement volumineux, si souvent

associés à une intelligence inférieure, voire à l'imbécillité, ren-

fermeraient un plus grand nombre de cellules; seulementleurs con-

nexions seraient fort imparfaites. C'est peut-être ce qui a lieu pour

les gros cerveaux de la baleine et de l'éléphant. » La morphologie

de la cellule pyramidale ou psychique n'est d'ailleurs qu'une des

conditions anatomiques de la pensée.

II. Couche des petites cellules pyramidales (10 à 12 p.).

III. Couche des grandes cellules pyramidales (20 à 30 p.). Le

cylindraxe, très épais, de ces neurones, après avoir émis sur son

parcours des collatérales dont l'arborisation ultime se termine libre-

ment, se bifurque souvent en arrivant à la substance blanche, four-

nissant une grosse collatérale qui semble destinée à former le corps

calleux.

IV. Couche des cellules polymorphes. Les cellules de cette couche,

où l'on rencontre encore quelques cellules pyramidales, sont

ovoïdes, fusiformes, triangulaires ou polygonales. Les prolonge-

ments protoplasmiques ascendants ne présentent point d'orienta-

tion très nette et la tige qui les supporte n'atteint jamais la zone

moléculaire; elle fait souvent défaut. Le cylindraxe est fin et des-

cendant ; il fournit trois ou quatre collatérales ramifiées et se con-

tinue, ou par un coude, ou par une division en T, avec une ou deux

fibres nerveuses de la substance blanche. On distingue dans cette

couche des cellules à cylindraxe court; Cajal en compte deux

espèces, ayant ce caractère commun que le cylindraxe naît et se

termine dans l'épaisseur même de la substance grise : les cellules

sensitives de Golgi, et les cellules à cylindraxe ascendant de Marti-

notti. Les premières, robustes, polygonales, envoient des expan-

sions protoplasmiques dans tous les sens, émettant un cylindraxe

qui, à peu de distance de]sa cellule d'origine, se décompose en une

libre arborisation dont les ramuscules enveloppent les corps des

cellules voisines. Ces cellules de Golgi sont des cellules d'association.

Les secondes, qu'on trouve d'ailleurs dans les trois couches infé-

rieures de l'écorce, mais surtout dans la couche des cellules poly-

morphes, fusiformes ou triangulaires, à ramifications protoplas-

miques ascendantes ou descendantes, envoient leur cylindraxe

THÉORIE DES NEURONES. 289

presque en droiture jusqu'à la zone moléculaire, où il se divise en

deux ou trois grosses branches qui vont se ramifiant horizontale-

ment et « constituant une arborisation finale d'une très grande

ampleur ».

La substance blanche du cerveau antérieur est composée de quatre

espèces de fibres : 1° fibres de projection; 2° fibres calleuses ou

commissurales ; 3° fibres d'association; 4° fibres centripètes ou termi-

nales, ramifiées dans la substance grise.

Les fibres de projection provenant de toutes les régions de l'écorce,

et sans doute de toutes les cellules, grandes et petites pyramides

et cellules polymorphes, convergent dans la capsule interne et

dans les pédoncules cérébraux; à la hauteur du corps calleux,

un certain nombre de ces fibres émettent une grosse collatérale dans

cette commissure. L'anatomie pathologique et la méthode de Fleclisi,-

permettent de croire, quant à la terminaison inférieure de ces fibres,

qu'elles constituent en grande partie la voie des pyramides.

Les fibres calleuses ou commissurales, situées au-dessous des fibres

d'association, et recouvrant les ventricules latéraux sont : 1° des

cylindraxes provenant directement des petites cellules pyramidales

de tous les points de l'écorce cérébrale d'un hémisphère et s'arbo-

risant dans tous les points, symétriques ou non, de l'hémisphère

opposé, sauf à la région sphénoidale, où les fibres commissurales

constituent la commissure blanche antérieure (chiasma des bande-

lettes olfactives de Van Gehuchten) ; 2° des fibres collatérales ou

des branches de bifurcation des fibres de projection et d'associa-

tion. Des fibres calleuses se détachent des collatérales qui montent

dans la substance grise où elles se terminent.

Les fibres d'association, courtes ou longues, reliant l'un à l'autre

deux points plus ou moins rapprochés ou éloignés de l'écorce grise,

proviennent des cellules existant probablement dans les trois cou-

ches inférieures du manteau. Ramon y Cajal est parvenu à observer

directement les connexions de ces fibres avec les cellules poly-

morphes et avec quelques cellules pyramidales géantes. Un point

sur lequel on ne saurait trop insister dans l'étude des fonctions

intellectuelles du cerveau et pour lequel on peut invoquer la grande

autorité de Cajal, c'est que beaucoup de fibres d'association peuvent

mettre en rapport une cellule de telle ou telle région de l'écorce

avec un grand nombre de cellules situées dans des territoires et

peut-être dans des lobes distincts d'un même hémisphère. Chez

l'homme et les grands mammifères, où la quantité de substance

grise de l'écorce est indéfiniment multipliée par les circonvolu-

tions les fibres d'association forment par leur abondance la masse

principale de la substance blanche du cerveau. La quantité et la

longueur extraordinaire des fibres d'association, leur mélange

intime aux fibres de projection et aux fibres calleuses ou commis-

surales, rendent impossible la poursuite anatomique de l'une

Archives, 2° série, t. III. 19 9

290 REVUE CRITIQUE.

d'elles. En somme, les fibres d'association représentent soit les

prolongements cylindraxiles de certaines cellules pyramidales,

soit les branches collatérales nées de ces prolongements nerveux.

Les collatérales des fibres d'association montent dans les diverses

couches de l'écorce cérébrale et atteignent même la zone molécu-

laire, où elles s'arborisent. D'autres collatérales, paraissant se ter-

miner dans la substance blanche, semblent destinées à établir des

connexions avec les nombreuses expansions protoplasmiques des-

cendantes qui se terminent en pleine substance blanche.

Les fibres centripètes, dont les arborisations cylindraxiles se ter-

minent dans l'écorce du cerveau, proviennent peut-être indirecte-

ment de la moelle épinière, du cervelet, etc. Ces longues fibres tra-

versent d'ordinaire, obliquement ou horizontalement, toute l'épais-

seur de la substance grise jusqu'à la couche moléculaire. Cajal

signale l'extension énorme des ramifications de ces fibres. Les

dernières branches de ces ramescences forment des arborisations

variqueuses qui semblent envelopper de préférence, dit-il, les

petites cellules pyramidales. Ces fibres représentent-elles la termi-

naison cérébrale des nerfs sens ! tifs, ou du moins celle des cylindraxes

des cellules dans les dendrites desquelles s'arborisele troisième neu-

rone (cortico-thalamique) des nerfs sensitifs ? Sans pouvoir rien affir-

mer, l'illustrelistologiste espagnol incline visiblement dans ce sens.

Au cas où ces fibres seraient l'irradiation terminale du faisceau sen-

sitif, on connaîtrait le point du névraxe où les courants afférents

arrivent aux cellules de projection et deviennent des courants eué-

rents ou » volontaires. » Il est évident qu'un pareil schéma, à peine

suffisant pour expliquer les mouvements réflexes, ou automatiques

les plus simples, est beaucoup trop rudimentaire pour l'intelligence

d'un mouvement « volontaire », celui-ci impliquant par définition

l'éveiî simultané ou successif d'un nombre considérable de repré-

sentations, et sans doute l'activité presque toute entière des élé-

ments nerveux de l'écorce cérébrale. Mais ce n'en est pas moins une

remarque précieuse que celle de Hamony y Cajal qui, pour éclairer

cette hypothèse au moyen d'une analogie frappante, rappelle que,

comme les fibres sensitives sans doute, les fibres sensorielles se

terminent toujours, par de libres arborisations, dans la couche

moléculaire du cerveau, en se mettant en rapport avecles dendrites

des cellules pyramidales. Ainsi, dans le lobe olfactif des mam-

mifères, les branches collatérales et terminales d'une grande partie

des fibres venues du bulbe olfactif montent dans cette zone et

s'y arborisent dans les ramures protaplasmiques des cellules pyra-

midales. Dans l'écorce cérébrale des reptiles, non seulement les

cylindraxes des fibres olfactives, mais sans doute aussi ceux des

fibres sensitives, se terminent dans la couche moléculaire du cer-

veau. L'incitation du mouvement volontaire, au sens que nous

avons dit, naîtrait donc dans l'épaisseur de la zone moléculaire. 151

THÉORIE DES NEURONES. 291

Cajal explique ainsi la production des mouvements limités à cer-

tains groupes de muscles que provoque l'excitation mécanique, chi-

mique ou électrique de l'écorce cérébrale : les excitations dif-

fusées dans la zone moléculaire agiraient soit directement sur les

dendrites des . cellules pyramidales, soit indirectement sur les

fibrilles nerveuses de cette zone; bref, « le stimulant du physiolo-

giste agirait sur le même point que la volonté de l'animal ».

La préoccupation constante des anatomistes etdes physiologistes

a toujours été de déduire la nature fonctionnelle d'une cellule ner-

veuse de ses caractères morphologiques : c'est sur ceux-ci que

reposait l'hypothèse des cellules de motilité et de sensibilité de

Golgi, hypothèse ruinée par Kôlliker, His, Waldeyer et Van Gehu-

chten. Des organes des sens, tels que la rétine, la muqueuse et le

bulbe olfactifs, contiennent un grand nombre de cellules nerveuses à

cylindraxes longs; des organes à fonctions motrices, tels que le

cervelet, la zone rolandique, renferment un grand nombre de

cellules à cylindraxes courts. Ajoutez qu'il existe des cellules à

cylindraxes multiples. Il est donc impossible de ramener à une

morphologie spéciale les cellules nerveuses dites sensitives ou sen-

sorielles, motrices, commissurales, d'association ou de projection.

Il nous parait bien pourtant, quoique Cajal ne le dise pas, que les

cellules du deuxième type de Golgi, qui sont sans doute des cellules

de sensibilité, mais comme toutes les autres cellules nerveuses,

sans exception, la sensibilité étant la seule propriété spécifique de

ces éléments, acquise, d'ailleurs, au cours de l'évolution, par l'eflet

de la division du travail physiologique,- il nous paraît, comme à

von Monakow, que ces cellules de Golgi, appelées dendraxones par

von Lenhossek, sont bien des neurones d'association, et qu'on

pourrait surprendre ici quelque rapport entre la fonction, la mor-

phologie et la topographie de ces cellules. Il reste toutefois que les

cellules des fibres d'association, de commissuration et de projection

nesiègent exclusivement dans aucun district de l'écorce et semblent

les habiter tous. C'est même là, suivant Ramon y Cajal, « une dispo-

sition qui explique peut-être, dit-il, l'extrême rareté des altérations

intellectuelles bien délimitées à une sphère d'activité et la conserva-

tion des fonctions cérébrales dans les cas de grave lésion de tel ou tel

département encéphalique ».

Ce qui peut rendre raison du mécanisme des fonctions de l'inner-

vation centrale, de celles de l'écorce cérébrale en particulier, ce

n'est donc pas la morphologie cellulaire : : ce sont les connexions des

cellules entre elles. Ces connexions sont immenses, et bien propres

à déconcerter l'imagination. Dans la zone moléculaire, point

commun de rencontre d'une « infinité de fibres nerveuses ter-

minales avec les dendrites des cellules pyramidales », voici les

courants nerveux que les terminaisons arborescentes des cylin-

draxes et des collatérales existant dans cette zone peuvent com-

292 REVUE CRITIQUE. -

muniquer aux vastes ramures protoplasmiques et aux corps cel-

lulaires des pyramides : 1° courants des quatre espèces de cel-

lules autochtones de la zone moléculaire; 2° courants des cellules à

cylindraxe ascendant; 3° courants des cellules pyramidales d'asso-

ciation, arrivant de tous les points de l'écorce, par le canal des colla-

térales ascendantes ou~de l'arborisation terminale des cylindraxes

de ces cellules; 4° courants apportés peut-être indirectement des

cellules de la moelle épinière ou du cervelet, etc. ; 5° courants

venus peut-être de l'hémisphère opposé pour les branches termi-

nales des fibres calleuses. Les connexions qui peuvent avoir lieu

entre le corps cellulaire, la tige et les expansions protoplasmiques

des cellules pyramidales et polymorphes des trois dernières couches

de l'écorce grise des vertébrés sont plus énormes encore : cinqespèce-

de fibres nerveuses peuvent en effet venir, par leurs contacts, éveiller

ou entretenir l'activité fonctionnelle de ces innombrables neu-

rones : 1° les collatérales de la substance blanche du cerveau;

2° les collatérales des fibres du corps calleux ; 3° les fibres termi-

nales d'association intrahémisphérique; 40 les arborisations des

cellules de Golgi; 5° les fibrilles collatérales, en nombre infini,

émanées des cylindraxes des cellules de ces trois couches profondes

pendant leur trajet intracortical. Le plexus nerveux formé autour

de ces cellules par un si grand nombre de filaments paraît absolu-

ment inextricable. En tout cas, ce serait une prétention téméraire.

de l'aveu de Cajal lui-même, que de vouloir énumérer par le détail

tous les rapports de contiguïté que peut soutenir une seule cellule

pyramidale, par exemple. Il semble en résulter que, comme l'admet

Golgi, une seule cellule nerveuse peut être en connexions indépen-

dantes les unes des autres avec des éléments nerveux fonctionnelle-

ment différents. De même pour les cellules de Purkinje du cerve-

let : chaque point du corps et de l'aiborisalion protoplasmique de ces

neurones est enveloppé par une espèce distincte de ramifications

nerveuses terminales : par les corbeilles terminales, le corps de la

cellule est en rapport avec les cellules étoilées de la couche molé-

culaire ; la lige maîtresse et les principaux rameaux ascendants

sont en relation, par les arborisations des fibres grimpantes,

s s'entrelaçant comme des lianes aux branches d'un arbre des tro

piques, » avec les éléments nerveux de la moelle ou du cerveau ;

les vastes ramures aplaties, hérissées d'épines, sont parcourues par

les fibres parallèlles, nées de la bifurcation du cylindraxe ascen-

dant des grains, les ramifications des fibres moussues apportant peut-

être à ces grains les courants nerveux de la voie cérébelleuse directe

de la moelle épinière.

Grâce au plexus fibrillaire de l'écorce du cerveau, les cellules

pyramidales peuvent donc subir l'action : 1° des cellules de Golgi

ou à cylindraxe court, situées dans les couches de ces cellules ;

2° des cellules d'association intrahémisphérique d'un même hémi-

THÉORIE DES NEURONES. 293

sphère; 3° des cellules de l'hémisphère opposé, au moyen : a des

fibres calleuses ; b de celles de la commissure blanche antérieure ;

4° des cellules de la moelle ou du cervelet, etc. ; 5° les cellules

pyramidales situées au-dessus de telle strate déterminée, envoyant

leurs collatérales à la tige, au corps et aux expansions basilaires des

neurones inférieurs. Bref, chaque collatérale, grâce à sa longueur

considérable, à ses arborisations, à son parcours, « peut loucher

transversalement aux tiges protoplasmiques et aux corps de cen-

taines de cellules, de sorte qu'une seule petite cellule pyramidale

peut, par l'intermédaire de ses collatérales nerveuses, influer sur

plusieurs séries de cellules pyramidales moyennes et petites

situées au-dessous d'elle ». A son tour, chaque grande cellule

pyramidale, par l'effet de la surface considérable de contact que

présentent ses dendrites, sa tige, ses expansions basilaires, peut

recueillir un grand nombre de courants nerveux des petites cellules

pyramidales situées au-dessus d'elle. En vertu de la loi de la polarité

dynamique, les courants vont, en effet, dans l'écorce grise du cer-

veau, des petites cellules pyramidales aux grandes, et de celles-ci

aux cellules polymorphes.

Tous les éléments constituant le système nerveux central et péri-

phérique sont donc des individus anatomiquement isolés, mais

fonctionnellement associés par des rapports de contiguité, condi-

tion de la transmission des courants nerveux des arborisations

terminales et collatérales des cylindraxes aux corps et aux expan-

sions protoplasmiques des cellules nerveuses. Si ces expansions

font défaut (spongiohastes de la rétine, etc.), la surface du corps

cellulaire est le point du contact efficace des arborisations ner-

veuses. Dans les cellules bipolaire (auditives, olfactives, rétiniennes,

bipolaires sensitives des vers, bipolaires sensitives des ganglions

spinaux des poissons), l'expansion périphérique, destinée à rece-

voir les courants dérivant des impressions sensitives ou senso-

rielles, est relativement grosse : c'est, pour Cajal, un prolongement

cellulaire de nature protoplasmique, ce qui s'accorde avec la direc-

tion cellulipète du courant dans ces prolongements. De même pour

la branche périphérique des cellules unipolaires des ganglions

spinaux des batraciens, reptiles, oiseaux, mammifères : elle a la

valeur d'un prolongement périphérique et conduit le courant dans

le même sens. La branche centrale, plus fine, est un véritable

prolongement nerveux, à courant de direction cellulifuge. Les

expansions protoplasmiques, ou dendrites, ne sont point simple-

ment un appareil trophique du neurone, sortes de radicelles suçant

le plasma sanguin des capillaires : elles ne sont pas plus en con-

nexion avec les vaisseaux qu'avec la névroglie ; elles ont la même

fonction conductrice des courants nerveux que le prolongement

cylindraxile et ses collatérales. Les glomérules du bulbe olfactif,

où les fibres olfactives s'arborisent à proximité des prolongements

294 REVUE CRITIQUE. ·

descendant des cellules mitrales, ne contiennent ni vaisseaux san-

guins, ni cellules de névroglie. 11 n'en existe pas non plus dans la

couche plexiforme interne de la rétine, où les ramifications proto-

plasmiques des cellules nerveuses ganglionnaires entrent. en rap-

port avec les cellules bipolaires. Partout où s'arborisent des fibres

nerveuses, dans la substance grise ou dans la substance blanche

(Cajal), il y a des ramifications protoplasmiques, et réciproquement.

La longueur extrême de certaines tiges protoplasmiques (cellules

pyramidales du cerveau, cellules de Purkinje du cervelet, etc.),

ainsi que l'exubérance des expansions protoplasmiques latérales

et basilaires de ces cellules, sont sans doute en proportion avec

le nombre des arborisations dont elles doivent recueillir les cou-

rants. Les épines et les encoches interépineuses qui hérissent les

branches et les rameaux de ces dendrites représentent sans doute

les points où les terminaisons des fibres nerveuses entrent en

contact avec ces branches 1.

Entre le volume du corps des cellules nerveuses et la grosseur et

le nombre des éléments chromatiques un rapport existe, ainsi que

l'a vu Nissl. Ce fait d'observation général est contraire à l'hypothèse

d'après laquelle la quantité de ces éléments du cytoplasma corres-

pondrait à une dignité fonctionnelle plus élevée de la cellule, car

les cellules des noyaux moteurs possèdent des granules plus gros

et plus nombreux que les cellules pyramidales de l'écorce céré-

brale, et les cellules volumineuses des poissons, des batraciens et

des reptiles présentent à cet égard une supériorité semblable sur

les petites cellules nerveuses des mammifères, telles que les grains

du cervelet, du bulbe olfactif, etc. L'étude comparée de la distribu-

1 La réalité objective, plusieurs fois révoquée en doute, de ces appen-

dices épineux des dendrites, que fait apparaître la coloration de Golgi,

a été démontrée par Ramon y Cajal au moyen d'un autre procédé que la

réaction noire par le chromate d'argent : il a réussi à les rendre mani-.

festes avec la coloration au bleu de méthylène. Il soumet le tissu vivant,

sectionné in situ en parties de 2 à 3 millimètres d'épaisseur, à l'action

directe d'une solution saturée de bleu de méthylène et d'une certaine

quantité de poudre de cette substance colorante. Les morceaux excisés

sont après trois quarts d'heure traités par la méthode de Betle. Sur les

préparations ainsi obtenues, les appendices collatéraux des dendrites se

présentent avec les mêmes caractères que dans la réaction noire, c'est-à-

dire constitués par un prolongement extrêmement ténu, terminé à l'ex-

trémité par une sorte de bouton minuscule. Avec la méthode ordinaire

de coloration d'Eliilich-Dogiel, les épines n'apparaissent point ; on voit

des varicosités que Cajal considère comme la production d'une altéra-

tion post-mortelle, probablement due à l'action de l'air, inséparable de

cette méthode de coloration. Ramon y Cajal. Las espinas colalerales de

las celulas del cerebvo lenidas par el azul de melileno. Rev. trimestr.

microgr., vol. I, 1896.

THÉORIE DES NEURONES. 295

tion et répartition des éléments chromatiques du cytoplasma dans

la série phylogénique aussi bien que dans le développement onto-

génique a permis à Cajal d'établir les principales phases de ce

processus de différenciation : a) état de diffusion des granules chro-

matiques dans le protoplasma cellulaire ; b) apparition de gra-

nules à la périphérie du cytoplasma laissant autour du noyau une

zone claire qui s'étend jusque dans les prolongements protoplas-

miques ; c) mélange d'une zone de granules périnucléaires à la zone

périphérique; d) extension de ces éléments chromatiques à tout le

corps de la cellule et aspect fusiforme de ces corpuscules orientés

parallèlement aux prolongements protoplasmiques, pour ne pas

gêner le passage des courants nerveux. Ceux-ci paraissent suivre

les fibrilles d'un réseau de spongioplasma achromatique ces

fibrilles, conduisant l'excitation sont les unes longitudinales, les

autres horizontales ; les premières sont plus épaisses que les

secondes. Ce réseau, dont l'aspect fibrillaire a été observé par

Schultze, Ranvier, Flemming, Dogiel, décrit par Cajal, s'étend vers

le cylindraxe et les prolongements protoplasmiques. Les fins pro-

longements dendritriques etla terminaison des puissants rameaux de

ces prolongements manquent d'éléments chromatiques; leur fonc-

tion physiologique n'est peut-être pas identique à celle du corps

cellulaire. Ainsi, tandis que le corps de la cellule et ses forte»-

branches protoplasmiques, où sont accumulés des éléments chro-

matiques, entrent en conflit avec les ramifications nerveuses am-

biantes, les aiborisations des prolongements cylindraxiles n'ont de

contact efficace qu'avec les ramescences terminales des dendrites.

Les cellules obscures se rencontrent chez tous les vertébrés et dans

tous les centres nerveux ; elles se caractérisent constamment par

l'allongement des corpuscules fusiformes chromatiques et la dimi-

nution des espaces fibrillaires du cytoplasma. Les cellules chro-

mophiles représentent sans doute, comme Nissl le croit, un état

fonctionnel de la cellule nerveuse, peut-être en phénomène d'arrêt

provoqué par la contraction de la substance basophile du proto-

plasma. Cette substance, qui paraît n'avoir rien à faire avec la

fonction de conductibilité nerveuse', est loin d'être propre au proto-

plasma des neurones ; on en constate la présence, dit Ramon y

Cajal, chez certains leucocytes, dans les cellules du tissu connectif

et dans celles de la névroglie ; elle ne forme toutefois d'amas con-

sidérables que dans les grandes cellules nerveuses. L'hislologisle

espagnol est porté à voir dans ces amas de substance baaophile,

1 Non seulement elle fait défaut dans quelques cellules nerveuses,

remarque Ramon y Cajal, mais dans les neurones mêmes où elle est

abondante, elle laisse libres les voies qui d'un prolongement protoplas-

mique à un autre, du corps cellulaire au cylindraxe, permettent au

réseau fibrillaire de propager les ondes nerveuses. ,

296 REVUE CRITIQUE.

dans ces corpuscules chromatiques, une sorte de 'production « des-

tinée sans doute à servir de matériaux de nutrition à la cellule

durant son activité fonctionnelle ». Cajal estime même qu'il serait

permis de comparer ces éléments aux corpuscules fusiformes des

couches du sarcoplasma des fibres musculaires striées, dont le

volume paraît également varier d'une façon notable pendant la

contraction. Quant au noyau de la cellule nerveuse, il se modifie

lui aussi d'une manière correspondante au degré de différenciation

anatomique et physiologique de l'élément dont il est sans doute le

substratum des énergies fondamentales ; toute la nucléine subit

une concentration progressive en un ou deux nucléoles. Les cellules

nerveuses dont la nucléine s'est ainsi différenciée ont sans doute

perdu la faculté de proliférer dès la période embryologique de leur

existence. Il en est autrement des cellules de la névroglie, on le

sait, dans lesquelles la nucléine conserve toujours sa disposition

réticuliformel.

Les conclusions physiologiques que Ramon y Cajal a tirées de

ses études anatomiques sur la nature des fonctions supérieures du

cerveau, peuvent être résumées ainsi d'après la Neue Darstellung

vom histologischen Bau des Centralnervenstjstems (l. c., 373-377).

J. Ni la structure interne ni les connexions de la cellule nerveuse

cérébrale n'ont rien qui la distingue des autres cellules nerveuses

de même type. Quelle que soit sa fonction, toute cellule nerveuse

semble posséder la : même structure, les mêmes propriétés physiques,

la même composition chimique. Les cellules des cornes antérieures

de la moelle, les cellules ganglionnaires de la rétine, celles du

sympathique des vertébrés, etc., sont toutes pourvues du même

cylindraxe, des mêmes prolongements protoplasmiques, des

mêmes appareils de réception et de transmission des courants ner-

veaux ; bref, elles possèdent toutes les propriétés essentielles aux-

quelles nous rapportons les plus hautes fonctions de la vie cérébrale

(association des idées, mémoire, intelligence). Quant à la com-

plexité des connexions et à la variété des types morphologiques,

l'écorce du cerveau est même loin d'égaler la merveilleuse struc-

ture du cervelet et de la rétine.

Dans la lutte opiniâtre et sans trêve qu'elle soutient pour l'expli-

cation mécanique de la pensée, la science ne doit point perdre

courage : ce qui distingue les cellules cérébrales de celles de la

moelle et des ganglions, n'est pas dans la forme extérieure, mais

sans doute dans l'architecture intime et le chimisme de ces élé-

ments, si bien que les mouvements intestins du protoplasma des

cellules psychiques pourraient n'être point de même nature que

ceux des cellules nerveuses de ces catégories inférieures.

' Ramon y Cajal. Lslnuclurcc del proloplasmo ueraioso. Rev. trim.

microgr., I, 2.

THÉORIE DES NEURONES. 297

II. Il n'existe point de centre dans le cerveau où convergent

toutes les fibres sensitives et sensorielles, d'où partent toutes les

fibres motrices : l'écorce représente une série de centres, dont

chacun reçoit des fibres sensitives ou sensorielles, et envoie des

libres motrices affectées à un ordre déterminé de mouvements.

Ces centres sont reliés entre eux par les systèmes des fibres d'asso-

ciation et de commissuration pour réaliser les différents processus

d'associations mentales (sensitivo-moteurs, conscients, inconscients);

ces régions particulières de l'écorce n'offrent aucune structure spé-

cifique qui permette d'en déduire les fonctions. La spécialité fonc-

tionnelle d'un territoire cortical s'explique plutôt, ainsi que l'ont

vu Meynert et Golgi, par la nature de ses connexions périphériques

(organes des sens, muscles, etc.).

III. On peut admettre, avec quelque réserve, que, dans la

série animale, les fonctions psychiques sont liées aux cellules pyra-

midales « cellules psychiques ». Chez les poissons, qui, « au pied de

la lettre, ne manifestent aucune intelligence » (ce que je ne saurais

accorder il Cajal), il n'y a point, d'après Edinger, de cellules pyra-

midales. Les cellules pyramidales possèdent des caractères spé-

ciaux, qui ne manquent jamais chez les batraciens, reptiles,

oiseaux, mammifères, et qui ont été énumérés.

IV. La forme allongée des cellules pyramidales, avec ses pro-

longements multiples, correspond bien à l'idée qu'une cellule ner-

veuse doit être en rapport avec le plus grand nombre possible

d'éléments. De même que la cellule de Purkinje du cervelet, grâce

à son énorme développement en surface, est en rapport par cha-

cune de ses parties (corps cellulaire, tige, dendrites) avec des

fibres nerveuses d'nne certaine catégorie, les cellules pyramidales

recueillent, grâce à leur extrême longueur, les excitations ner-

veuses des régions les plus diverses au moyen de leur corps et

de ses expansions basilaires, de leur tige et de leurs ramifications

protoplasmiques. Le nombre d'éléments déterminés avec lesquels

une cellule peut entrer en relation dépend ainsi de l'extension et

du degré de développement de ses prolongements protoplas-

miques. -

V. - Plus on s'élève dansla série animale, plus la « cellule psy-

chique grandit et se complique. On doit naturellement attribuer,

au moins en partie, le progrès de la fonction à celui de la forme

et de la complexité croissante de l'organe, c'est-à-dire de la cel-

lule nerveuse. Vraisemblablement les fonctions d'une cellule psy-

chique ont d'autant plus de puissance et d'efficace que le nombre

des prolongements protoplasmiques et des expansions basilaires

est plus grand et que les collatérales du cylindraxe sont plus

abondantes, plus longues, plus ramifiées. Le degré de développe-

ment de la cellule nerveuse est souvent en rapport avec son

volume; souvent il en est indépendant. En général, le volume des

298 REVUE CRITIQUE. 1

cellules semble être en rapport avec celui de l'animal : la poule et

le lézard ont des cellules pyramidales plus grandes que le moineau,

mais sans être pour cela plus différenciées ni plus capables, par

conséquent, d'une activité intellectuelle supérieure. On doit aussi

admettre que la dimension du corps cellulaire est en rapport avec

l'extension et la richesse des arborisations terminales du prolonge-

ment nerveux, ou, en d'autres termes, que plus une cellule est

grande, plus est grand le nombre des cellules (nerveuses, glandu-

laires, musculaires) avec lesquelles elle entre en connexion. Ni la

longueur du cylindraxe, ni la richesse des prolongements proto-

plasmiques ne semblent influer, au moins d'une façon constante,

sur la grosseur du corps cellulaire.

VI. Les intervalles qui séparent les cellules psychiques étant

remplis de ramifications nerveuses et protoplasmiques (la névro-

glie prend rarement part à ces plexus fibrillaires), on peut mesu-

rer le degré de différenciation de ces éléments par leur écartement

réciproque. Chez les batraciens et les reptiles, les corps des cellules

psychiques arrivent en quelques points presque au contact, tandis

que chez l'homme ils sont le plus éloignés les uns des autres.

VII. - Cette doctrine des rapports réciproques existant entre la

supériorité fonctionnelle d'une cellule nerveuse et le nombre de ses

prolongements peut sans doute servir à expliquer deux points fort

difficiles dans l'hypothèse, généralement admise, que l'intelligence

est en rapport avec le nombre des cellules du cerveau, et que ces

cellules représentent soit un simple instrument de l'âme, soit la

cause exclusive des actes psychiques. Ces deux points sont : 1° l'ac-

croissement intellectuel considérable des hommes qui se livrent

sans relâche aux travaux de l'esprit; 2° l'existence de cerveaux de

volume moyen ou inférieur chez des hommes d'un léel talent, voire

chez des hommes de génie. Quant au premier point, il faut

admettre que l'exercice du cerveau, quoique incapable de produire

de nouvelles cellules (car les cellules nerveuses ne se multiplient pa,

comme les cellules musculaires), peut favoriser d'une manière

extraordinaire le développement des prolongements protoplas-

miques et des collatérales nerveuses, et créer ainsi des connexions

intracorticales nouvelles et plus étendues. Si le volume du cerveau

demeure le même, c'est, pourrait-on dire, qu'il y avait ou diminu-

tion corrélative du corps des cellules nerveuses ou réduction du

tissu de soutien. Pour le second point, rien n'empêche de supposer

que, dans certains cerveaux, par l'effet d'une adaptation hérédi-

taire ou autrement, le nombre relativement petit des cellules ner-

veuses est compensé par un développement considérable de toutes

sortes de collatérales. Ces considérations s'appuient sur une hypo-

thèse naturelle relative au rôle des cellules et à celui de leurs pro-

longements. On doit admettre, en outre, que, pendant le stade

d'activité, chaque élément psychique se trouve dans un certain état

THÉORIE DES NEURONES. 299

vibratoire ou chimique, encore indéterminé, et qu'il reflète ou

reproduit ainsi en quelque sorte une image de chacune des im-

pressions reçues soit du monde extérieur, soit des organes de

notre corps (sens musculaire), image conservée dans cet élément.

Quelle que puisse être la nature de cette activité supérieure qui as-

socie, juge, compare, etc., il est clair au moins que la voie que

doivent suivre ces processus ne peut être que celle des prolonge-

ments cellulaires, soit nerveux, soit protoplasmiques, et que l'am-

pleur et l'étendue de nos jugements croîtront comme la matière de

nos expériences et de nos représentations, et le nombre des con-

nexions réalisées entre celles-ci par le substratum cellulaire du

cerveau. Toutes ces considérations ont trait, non à la nature ou à

l'essence des actes psychiques, mais à leurs conditions.

Plus récemment encore, dans le travail intitulé : Algunas conje-

turas sobre el mecanismo anatomico de la ideaeiôn asociacibzz y aten-

ciôn (1895), Ramon y Cajal a traité les trois questions suivantes,

d'une importance capitale pour l'étude des fonctions du cerveau :

I. Une ou plusieurs cellules nerveuses servent-elles de subs-

tratum à chaque perception ?

Il. Hypothèse sur le mécanisme histologique de l'association.

du sommeil et de l'état de veille.

III. Théorie de l'attention.

I. Entre les organes des sens et les centres nerveux, il existe une

chaîne déterminée de conducteurs ou de neurones où l'impression

reçue à la périphérie, par une cellule d'un organe des sens, se

propage en avalanche, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un nombre

croissant de cellules nerveuses, jusqu'au cerveau. 11 existe donc

des chaines de neurones visuels, auditifs, sensitifs, etc., s'éten-

dant en quelque sorte des surfaces sensibles de l'organisme aux

centres nerveux. Cette loi, entrevue par Golgi, dit Cajal, n'a été

démontrée que depuis qu'on connaît les véritables terminaisons

nerveuses des neurones afférents dans l'axe cérébro-spinal. Cajal

appelle unité d'impression le mouvement simple reçu, suivant

l'impression, par un cône ou par un bâtonnet rétiniens, par une

cellule ciliée du limaçon, etc. Mais l'unité d'impression, reçue

par un seul cône, peut affecter des centaines et peut-être des

milliers de cellules nerveuses d'un centre de l'écorce cérébrale,

et cela grâce à cette avalanche de conduction dont la structure

anatomique des appareils périphériques et centraux de la vision,

de l'audition, de l'olfaction, de la sensibilité générale, etc., réa-

lise les conditions nécessaires et suffisantes. Nous avons insisté

sur les parcours et les relais-de ces routes nerveuses qui vont

de la périphérie aux centres, des centres à la périphérie. Il faut

seulement ajouter ici que, dans la théorie de Cajal, chaque

image rétinienne, par exemple, se compose d'autant d'unités d'im-

pression qu'il y a eu de cellules nerveuses simultanément exci-

300 REVUE CRITIQUE.

tées. Mais, quel que soit ce nombre d'éléments des sens directe-

ment impressionnés, l'excitation qui en part et qui se propage

jusqu'au cerveau finit par déterminer des connexions ou associa-

tions d'un nombre extraordinairement grand de cellules pyrami-

dales de l'écorce. Ces cellules forment un groupe physiologique qui

correspond à une sensation ou perception déterminée ; la perception

y est conservée à l'état latent, et la « pléiade de pyramides corti-

cales » qui est intervenue dans la perception d'un son ou d'une

image visuelle, sera la même qui, sous la sollicitation de la

volonté, élaborera le souvenir de ces sensations a (p. 5). Le phé-

nomène de l'avalanche implique que chaque cellule d'un organe

des sens prend part, avec chaque groupe correspondant, subor-

donné, de cellules pyramidales, à la production des images

distinctes. Au point de vue anatomique et physiologique, une per-

ception sensible se distingue d'une autre de même nature, c'est-à-

dire appartenant au même ordre de sensibilité, par le nombre et

la position respective des groupes de pyramides corticales mises

en vibration.

11 suit que les centres sensoriels de l'écorce du cerveau repré-

sentent bien une véritable projection étendue des surfaces sen-

sibles des organes des sens : il y existe bien ainsi une rétine cen-

trale, un organe de Corli central, etc. Toutefois, dans l'écorce

cérébrale, chaque cellule d'un organe périphérique des sens est

représenté non par une pyramide, mais par un groupe de cellules

pyramidales. Chaque groupe de cellules pyramidales relié anato-

miquement avec une cellule sensorielle d'un organe des sens

conserve, à l'état latent, les diverses images, ou mieux les unités

d'impression que cette cellule lui communique à certains moments.

Dans chaque perception les groupes des pyramides sont en activité.

Le souvenir, répétition, dans les même conditions, de la même

perception, résulte de ce que, dans le même groupe de pyramides,

s'accumulent les efforts successifs de l'attention pour créer l'image

latente. L'on ne se rappelle pas ou l'on se rappelle mal un objet

qui n'a été vu qu'une seule fois ou en dehors des conditions de la

perception distincte. L'analogie que nous établissons entre deux

représentations peut dépendre du nombre de groupes de pyra-

mides qui interviennent en commun dans la production de ce

phénomène psychologique. La dissemblance dépendrait du petit

nombre de groupes de cellules pyramidales communs à deux repré-

sentations successives. L'opposition, enfin, résulterait de l'absence

complète de coïncidence des groupes pyramidaux actifs dans la

perception. Cajal ne croit pas possible de pousser plus avant l'ana-

lyse du mécanisme du travail cérébral, ignorants que nous sommes

de ce qu'est « le mouvement psychique et sous quelle forme

demeure latente la perception directe pour se convertir en souve-

nir » (p. 7). No;i moins obscur, inabordable, tout ce qui a trait au

THÉORIE DES NEURONES. 301

processus histologique de l'association. Les associations de lieu, de

temps, par contraste, analogie, etc., correspondant à un même

ordre de sensations, ont pour substratum les connexions établies

entre les collatérales nerveuses et les expansions protoplasmiques

des cellules résidant dans le même centre cérébral; peut-être les

cellules à cylindraxe ascendant de Martinotti et les cellules pluripo-

laires de la première couche corticale y jouent-elles un rôle impor-

tant. Les associations entre images d'ordre sensoriel distinct (per-

ception gustative évoquée par une image visuelle, souvenir acous-

tique réveillant des formes et des couleurs, etc.) auraient pour

substratum de conduction les cellules d'association et celles des

flores calleuses des hémisphères cérébraux : grâce à ces cellules, les

groupes des pyramides des centres visuels, par exemple, réagi-

raient sur les centres corticaux de l'audition, du goût, de l'olfaction,

du tact, etc., établissant un vaste système de connexions inter-

corticales, si bien qu'il suffirait d'une première perception pour

que tout le registre compliqué des souvenirs sensoriels fût par-

couru.

II. Tout semble indiquer que 1' « architecture » des centres

sensoriels du cerveau, de même que celle des voies d'association,

n'est pas absolument fixe, qu'il existe peut-être un facteur histologi-

que variable, auquel on doive rapporter les changements infinis du

travail mental. Cajal n'ignorepas les hypothèses suivantes, invoquées

quelquefois pour expliquer ces changements : inhibitions de cer-

taines zones cérébrales; interférences des courants nerveux; aug-

mentation de la résistance des conducteurs due à des modifications

de la composition chimique des fibres nerveuses, ; troubles physico-

chimiques sans altération anatomique ou histologique de la tramc

cérébrale. Mais ces hypothèses ne reposent, suivant Cajal, sur aucun

fondement. Il en est de même de l'hypothèse histologique deMathias

Duval, dont Kôlliker a récemment montré les difficultés : on ne

peut constater le moindre mouvement amiboïde dans les fibres

nerveuses et les arborisations terminales observées durant la vie

(plaques motrices, ramifications des fibres sensitives, etc.). Quant

il Cajal, il produit les faits suivants, qu'il a directement observés,

et qu'il oppose à l'hypothèse de llathias Duval.

1° Les arborisations et expansions, tant nerveuses que protopla-

miques, du cervelet, du bulbe olfactif, des ganglions acoustiques

centraux, du lobe optique, etc., présentent constamment la même

extension, la même forme, le même degré de rapprochement

entre les corps cellulaires, quel que soit le genre de mort de l'ani-

mal (chloroforme, hémorragie, empoisonnement par le curare, la

strychnine); 2° les arborisations nerveuses terminales de la rétine

et du lobe optique, chez les reptiles et les batraciens, offrent tou-

jours le même aspect, que les organes fussent plongés dans l'état

de repos au moment de la mort (animaux sacrifiés après un long

302 REVUE CRITIQUE.

séjour dans l'obscurité) ou qu'ils fussent excités (animaux exposés

plusieurs heures au soleil).

Toutefois, il résulte des observations de Ramon y Cajal, obser-

vations entreprises pour surpendre l'existence de variations mor-

phologiques corrélatives à l'état de repos ou d'activité des cellules

nerveuses, que, pendant l'activité psychique, les formes des cellules

de la névroglie de la substance grise du cerveau se modifient : tantôt

rétractées, pourvues de courts et épais prolongements, tantôt émet-

tant de larges expansions hérissées de nombreuses ramifications

secondaires et tertiaires, elles présentent dans l'intervalle de ces

états toutes les transitions possibles. Ces formes, qui ne sont que des

phases diverses d'un processus physiologique différent, ont été vues

sans doute parRetzius, Andriezen et par d'autres, mais elles ont été

considérées à tort comme des formes fixes, comme des variétés mor-

phologiques des cellules typiques de Deiters.Selon Cajal on doit

distinguer la névroglie de la substance blanche de la névroglie de

la substance grise. Quant aux théories d'après lesquelles les cellules

de Deiters serviraient d'intermédiaire à la nutrition ou constitu-

raient un tissu de soutènement, il faut les abandonner. Sile,plasma

sanguin destiné à la nutrition des cellules nerveuses passait par les

cellules de la névroglie avant de parvenir aux cellules nerveuses,

elles commenceraient par en absorber une grande partie. En outre,

les cellules de la névroglie n'existent que dans certains territoires

de l'écorce cérébrale, et elles sont précisément en plus grand

nombre là où les cellules nerveuses abondent le moins. Des cellules

aussi petites, isolées, délicates, que celles de la névroglie ne sauraient

non plus servir de soutien (sustentaculo) aux cellules nerveuses.

Pourquoi ces dernières manqueraient-elles même parfois de ce pré-

tendu mode de soutien, alors que les cellules de la névroglie sont

accumulées en très grand nombre dans la substance blanche des

centres nerveux, qui a moins besoin que la grise de soutènement ?

Voici, dans leur rapport avec l'activité des fonctions supérieures

du cerveau, les diverses classes de cellules de la névroglie distin-

guées par R. y Cajal.

1° Cellules de névroglie de la substance blanche. - Elles sont fixes,

volumineuses, pouvues de prolongements rigides, lisses, à contours

nets. Leur fonction parait être d'interposer entre les fibres nerveuses

une substance nauvaise conductrice des courants qui circulent dans

ces fibres, et non d'assurer des espaces ou interstices par lesquels

se répandrait la lymphe.

`3° Cellules de névroglie péri-vasculaires. Bien décrites par Golgi,

elles se trouvent seulement à proximité des capillaires de la subs-

tance grise, auxquels elles envoient un ou plusieurs prolongements

épais (pseudopodes) qui s'insèrent à la face externe de l'endothé-

lium. Chaque capillaire donne insertion à des milliers de pareils

pseudopodes qui divergent en tous sens. La fonction de ces cellules

THÉORIE DES NEURONES. 303

est de susciter, par la contraction de ces prolongements, des dilata-

tions locales des vaisseaux et de déterminer secondairement des

hyperhémies physiologiques liées à la plus ou moins grande inten-

sité des processus psychiques.

3° Cellules de névroglie de la substance grise. Connues surtout

depuis les travaux de Retzius » et de W. Lloyd Andriezen 2,

tantôt étoilées, tantôt allongées en queue de comètes, leurs pro-

longements sont hérissés d'un grand nombre de courtes collatérales

pennées. Ce sont ces cellules qui ont apparu à Ramon y Cajal sous

deux formes correspondant à des phases d'activité différentes,

a). Stade de contraction, dans lequel le corps protoplasmique de la

cellule grossit tandis que ses prolongements diminuent en longueur

et perdent leurs ramifications secondaires. Sous cet aspect,

eiles ressemblent aux cellules pigmentaires et chromatophores

de la peau de certains animaux : ces cellules, contractiles,

étendent leurs expansions dans l'état de repos, les rétractent dans

l'état contraire. Ces cellules de la névroglie abondent surtout là où.

se rencontrent les courants nerveux, par exemple dans la couche

moléculaire de l'écorce cérébrable, où les panaches périphériques

des cellules pyramidales.entrent en contact avec une infinité de

ramilles nerveuses terminales. En rétractant le protoplasma de leurs

appendices secondaires, ces pseudopodes permettent l'établissement

de contacts entre les cellules et les arborisations nerveuses aupara-

vant séparées. En vertu de ce mécanisme, le cerveau passe de l'état

de repos à l'état d'activité. Ces contractions pseudopodiques de la

névroglie peuvent avoir lieu automatiquement; d'ordinaire elles

sont plus ou moins provoquées par le stimulus de la volonté

(volunt(id) qui. étendant ainsi ce stimulus à un groupe particulier

de cellules de névroglie, dirige le processus de l'association dans des

directions déterminées. La tournure insolite que prend parfois

l'association, la fuite des idées et des paroles, la difficulté tran-

sitoire de s'exprimer, l'obssession d'un souvenir, l'exaltation de la

pensée ou l'exagération de réactions motrices conscientes, etc.,

s'expliqueraient avec cette hypothèse, b). Etal de relâchement (relaja-

cion). Les prolongements des cellules de la névroglie, qui, en réalité,

représentent « une matière isolatrice des courants nerveux »,

pénètrent alors entre les arborescences nerveuses et les cellules

nerveuses ou leurs expansions protoplasmiques, rendant très dif-

ficile ou suspendant le passage des courants nerveux : c'est la

phase de repos mental, et du sommeil, soit naturel, soit provoqué

(narcotiques, hypnotisme). En somme la névroglie de la substance

' Retzius. Die Neuroglia des Gehirns beii)t Menschen und beim Sau-

gethiel'ell. 131olog. Untersuch, Neue Folge, VI, 1895.

2 W. L. Andriezen. On a sgstenz of fibre-oells currsunding the blood-

t'essels of f lhe tinain. ltrit. med Journ., 1893.

304 REVUE CRITIQUE.

grise représenterait un appareil isolateur (un app( ! 1'ato aislador) et

commutateur des courants nerveux, selon les phases d'activité ou

de repos. Cajal fait remarquer que la contraction de ces cellules de

la névroglie ne coïncide pas avec le repos de l'intelligence, mais

avec l'activité de l'écorce du cerveau, ce qui est le contraire de ce

qui arriverait dans l'hypothèse de M. Duval (où il n'est pas d'ailleurs

question des cellules de névroglie).

III. Pour la théorie de l'attention, Cajal rappelle que, dès que

cette fonction se concentre sur une idée ou sur un petit nombre

d'idées associées, outre la contraction intense des cellules de la

névroglie qui doit se produire dans le centre cortical correspondant,

une congestion active des capillaires' de ce même centre doit éga-

lement favoriser l'énergie de l'onde nerveuse en portant au

maximum les phénomènes corrélatifs de GO chaleur » et d'échanges

(métabolisme). On suppose quelquefois alors que la volonté exerce

une action sur les nerfs vaso-dilatateurs des points de l'écorcehyper-

hémiés. Mais, objecte Cajal, le propre de l'attention étant de con-

centrer l'activité psychique sur un champ limité de représentations,

l'excitation du graudsympatbiqueseraitici peu efficace. En effet, les

capillaires cérébraux manquent de nerfs et de fibres musculaires

lisses, et les artères relativement grosses de la pie-mère, pourvues

d'une tunique musculaire, ne peuvent provoquer, sous l'influence

d'une excitation du grand sympathique, que des congestions éten-

dues et mal limitées. La difficulté augmente si l'on prend garde

que toute action vaso-motrice est involontaire et que le processus

de l'attention est au contraire éminemlllentcomcient' et volontalrl',

D'après Cajal, sous l'influence de la volonté (voluutad), les pseudo-

podes des cellules péri-vasculaires de la névroglie, fixés sur les

capillaires, se contractent : les capillaires, attirés en tous sens vers

la substance grise ambiante, augmentés de diamètre, occupe-

raient ainsi presque tout l'espace lymphatique qui l'environne. Aini

pourraient se produire deshyperhémies de la substance grise aussi

limitées et localisées que l'exige le GO monoïdéisme » de l'attention.

Il n'y a pas jusqu'aux espaces lympathiques péri-vasculaires eux-

mêmes qui ne paraissent de nature à favoriser ces hyperhémies

physiologiques, en protégeant les cellules nerveuses voisines contre

les pressions et les ébranlements que pourrait occasionner une

turgescence vasculaire trop brusque. Il. y Cajal ne donne ces hypo-

thèses que pour ce qu'elles peuvent valoir : elles reposent sur l'in-

terprétation scientifique des faits d'observation et d'expérience.

Toutefois, d'après les dernières recherches de Weigert non seu-

lement il n'existe aucun rapport entre les éléments de la névro-

glie, pourtant accumulés autour des vaisseaux, et les parois de

ces vaisseaux : la névroglie, simple organe de soutènement ou de

protection du système nerveux, masse de remplissage, tissu qui pro-

lifère quand la cellule nerveuse dégénère, ne posséderait point les

THÉORIE DES NEURONES. 305

fonctions que lui attribue Ramon y Cajal, en particulier celle de *

matière isolatrice des courants nerveux. L'hypothèse des « états

latents » des principaux processus mentaux, si par ces mots Cajal

entend autre chose que les conditions de ces états, paraîtra sans

doute hors de saison. Il en faut dire autant de ce deus ex machina,

la « volonté D, que l'éminent histologiste espagnol évoque trop

souvent, car il y a beau temps que cette abstraction est allé retrouver

l' « apperception » de Wundt, avec l'état de prétendu « mono-

idéisme » de l'attention, dont parle aussi Cajal, dans le caput mor-

tuum de la psychologie physiologique contemporaine.

La méthode de Weigert permet d'étudier la névroglie, chez

l'adulte, à l'état normal et pathologique. Elle colore en bleu uni-

quement les fibres de la névroglie, avec les noyaux de toutes les

cellules, y compris ceux des cellules de névroglie, et éventuelle-

ment les corpuscules rouges du sang dans les vaisseaux; elle ne

colore ni le protoplasma des. cellules nerveuses ou névrogliques ni

les prolongements protoplasmiques et cylindraxiles des neurones,

si ce n'est en. jaune, couleur de contraste. Le problème que s'était

proposé Weigert est donc en partie résolu : colorer le tissu inters-

titiel ou de soutènement appelé névroglie, le colorer nettemenl,

isolément, complètement, sans teindre les éléments nerveux et

surtout leurs cylindraxes. Comme elle ne représente que les élé-

ments différenciés et émancipés » de ce tissu, les fibres, cette

méthode est incapable de poursuivre jusqu'aux périodes embryon-

naires l'histoire de ces fibres, car à cette époque du développement

celles-ci ne sont pas encore différenciées des corps protoplasmi-

ques de leurs cellules d'origine. La méthode d'imprégnation métal-

lique de Golgi demeure donc toujours, quoique inélective à cet

égard, le meilleur réactif pour la connaissance de l'embryologie et

du développement ultérieur de la névroglie, en particulier du rap-

port génétique des fibres et des cellules de ce tissu. La méthode de

Golgi imprègne en effet tous les éléments du système nerveux cen-

tral, à l'exception des gaines de myéline, et fait apparaître, avec

les cellules nerveuses et leurs prolongements, les cellules épen-

dymaires, les cellules de la névroglie et leurs prolongements

(F01'siÏlze der Zellen). Que les fibres de la névroglie ne soient pas

nées de ces cellules, mais soient nées originairement comme tissu

interstitiel, c'est une imagination que repousse expressément Wei-

gert : « Autant que je puis voir, écrit-il, il n'est pas possible d'ctd-

mettre une pareille opinion ni pour la névroglie ni pour le tissu con-

nectif. » (C. Weigert, Ileitnüge zur Kenntnis £ le1'1w1'I1wlen menschli-

chen New'oglia-Festsch1'ift, Francfurt a. M., 3 nov., 1895, p. 52).

Il ajoute que les fibres de la névroglie ne sont pas élastiques, comme

on l'avait cru par erreur (Gerlach). Les fibres de névroglie se colo-

rent donc seules avec la coloration élective de Weigert, non le

protoplasma ou substance cellulaire (Zellp1'Otoplasma) « d'où ces

Archives, 2e série, t. III. 20

306 REVUE CRITIQUE.

fibres tirent leur origine », ainsi que l'établissent les recherches

embryologiques. Le cylindraxe des cellules nerveuses est aussi du

protoplasma modifié, dit Weigert ; au point de vue de la coloration,

il se distingue du corps protoplasmique de sa cellule d'origine en

s'en éloignant : mais il n'existe jamais émancipé de celle-ci. Les fibres

de la névroglie ne sont plus au contraire qu'en contiguïté avec le

corps cellulaire. Ce qui distingue donc la fibre de névroglie, c'est

qu'elle est à la fois une substance modifiée et émancipée du corps cel-

lulaire protoplasmique d'origine. Dès 1861, Mauthner avait nette-

ment aperçu l'origine et la fonction de la névroglie; Hensen,

en 1876, avait suivi les cellules épithéliales jusqu'à la pie-mère,

ainsi que l'a rappelé Lenhossek. Jastrowitz, qui le premier employa

le nom de cellules en araignées (Spinlw1tellcn) pour désigner les

cellules de Deiters, avait indiqué les rapports de l'épithélium épen-

dymaire avec la névroglie. Mais au lieu de considérer la névroglie

comme épithéliale à cause de son rapport avec l'épithélium épen-

dymaire, Jastrowitz tenait au contraire l'épendyme pour un endo-

thélium, pour une sorte de tissu connectif; en d'autres termes, il

ne tenait pas les cellules épithéliales pour la matrice des cellules

en araignées, mais bien les cellules en araignées pour la matrice

des endothéliums épendymaires du tissu connectif, lequel provient

du mésoderme. Mais il avait écrit : « Nous voyons ici jusque dans

ses moindres particularités l'identité des cellules de névroglie avec

l'épithélium des ventricules. » Depuis 1884, signal a démontré, on

le sait, que la névroglie est d'origine ectodermique. Tous les carac-

tères chimiques, morphologiques, biologiques, histogéniques dis-

tinguent la névroglie du tissu connectif. L'unité de tous ces carac-

tères est si nette, qu'on ne saurait admettre, selon Weigert, qu'une

partie des fibres de la névroglie provienne de mésoderme, une

autre de l'ecloderme. Seule, l'origine ectodermique des cellules de

Deiters est admissible. La nature est arrivée, dit-il, par deux voies

différentes au même résultat : du mésoderme, elle a dérivé comme

substance de soutènement le tissu connectif; de l'ecloderme, la

névroglie, comme substance interstitielle et de liaison (Binde

substanz). La névroglie n'est pas davantage de nature nerveuse

(Colella), et il ne peut être douteux un seul instant que, au moins

pour les c prolongements des cellules de Deiters », pour les Lang-

strahler, fibres déjà différenciées à proximité du noyau et du proto-

plasma de ces cellules, dont elles sont émancipées, chez l'adulte,

à l'état normal, la substance de ces éléments ne soit pas ner-

veuse : 1" parce que, avec la coloration de Weigert, rien de ce qui

est nerveux ne se colore électivement, et que ces fibres se colorent

seules en bleu sombre (conclusion per exclusioncm); 2" parce que

ces fibres possèdent une substance modifiée, non plus protoplas-

mique, et sont émancipées du corps cellulaire; 3° parce que ces

fibres et leurs cellules se comportent, à l'état pathologique, tout à

THÉORIE DES NEURONES. 307 i

fait comme une substance connective, c'est-à-dire prolifèrent lorsque

le tissu nerveux disparaît. Lorsque l'on répète, après Frommann et

Golgi, que la névroglie est formée des cellules et des prolongements

de ces cellules, cela n'est exact, chez l'homme, suivant Weigert, que

pour la période embryonnaire et pour les états pathologiques du

système nerveux : à l'état normal, et quand le développement est

achevé, la névroglie est formée, comme l'enseigne Weigert après

Ranvier, de cellules, et, en outre, de fibres, celles-ci l'emportant

en nombre d'une façon si énorme qu'on les peut considérer comme

l'élément essentiel de ce tissu.

Quant à l'origine des cellules de Deiters, Weigert adopte les

idées de la science de son temps sur la phylogénie et l'ontogénie

de ces éléments : ce sont des cellules émigrées des surfaces inté-

rieures des centres nerveux; les cellules épithéliales du canal cen-

tral et des ventricules envoient il la périphérie de longs prolonge-

ments qui s'étendent jusque sous la pie-mère, traversant tout le

centre nerveux. Dans la période embryonnaire des oiseaux et des

mammifères, et chez les poissons, les batraciens et les reptiles,

durant toute la vie, ces longues expansions périphériques des cel-

lules épithéliales persistent; puis, dans la plupart des centres ner-

veux, mais non dans la rétine, la muqueuse olfactive, etc., où la

névroglie épithéliale demeure à cet état embryonnaire, les prolon-

gements centraux et périphériques de ces corpuscules s'atrophient,

et ces anciennes cellules épithéliales, arrêtées en pleine substance

blanche ou grise, se transforment en cellules en araignées. Dislo-

cation et différenciation de cellules originairement épithéliales en

cellules en araignées, voilà donc le seul mode liistogénique de la

névroglie. Durant ce processus, c'est-à-dire durant la phase d'émi-

gration et de transformation, ces cellules se multiplient (Lenhossek).

Le développement ontogénique reproduit naturellement le déve-

loppement phylogénique. Parmi les différentes parties du système

nerveux central d'une seule et même espèce, a écrit Sala y Pons

(Ea Neuroglia de los verlebrados, Madrid, 1894, p. 38), celles dont

l'origine est plus ancienne présentent des formes plus différenciées

que celles qui ne descendent que d'un plus petit nombre d'ancê-

tres. Ainsi, dans la moelle épinière et le cervelet des oiseaux on

trouve de vraies cellules en araignées; dans le cerveau, on ne ren-

contre encore que des formes de transition. Chez les amphibiens

et les reptiles, ces formes de transition se montrent dans la moelle

épinière : il n'existe que des cellules épithéliales dans l'écorce céré-

brale et le lobe optique. C'est peu dire : dans le même organe, des

différences apparaissent. Chez les poissons, il existe dans le cervelet

des cellules de névroglie qui ressemblent, dit Sala y Pons, à celles

des mammifères, mais dans la valvule du cervelet, qui n'a, chez

ces vertébrés, qu'un caractère plutôt embryonnaire, on retrouve

les formes primitives de ces éléments. Les cellules épithéliales et les

308 REVUE CRITIQUE.

cellules de Deiters peuvent remplir la même fonction. Au degré le

plus inférieur de développement, il n'existe, ontogéniquement et

phylogéniquement, comme substance de soutènement, que des

cellules épithéliales (moelle épinière des poissons, écorce du cerveau

des amphibiens et des reptiles, centres nerveux des mammifères

aux premiers stades de leur développement); à des degrés plus

élevés, les cellules en araignées dominent (moelle épinière des

oiseaux et des mammifères, écorce du cerveau et du cervelet de ces

derniers); à des degrés intermédiaires, les cellules épithéliales et

celles qui se rapprochent déjà de la forme des cellules en araignées

se montrent dans l'écorce cérébrale et le lobe optique des oiseaux.

En outre, plus un centre nerveux augmente de volume, plus diminue

le nombre des cellules épithéliales de soutènement qui envoyaient

d'abord leurs prolongements jusque sous ia pie-mère.

' L'histoire de la névroglie nous livre donc un des documents les

plus anciens et les plus authentiques pour écrire ou esquisser déjà

une paléontologie du système nerveux cérébro-spinal des vertèbres.

C'est de quoi convient un esprit aussi pénétrant et aussi délicat que

Weigert lui-même, et cela à propos des deux lois suivantes : 4° sous

l'épithélium des ventricules et du canal central git toujours une

couche épaisse de fibres de névroglie d'un tissu très serré; ce feu-

trage est le plus épais qui existe normalement dans le système

nerveux central; 2° les surfaces externes du système nerveux cen-

tral (l'écorce cérébrale, par exemple) présentent aussi un épaissis-

sement remarquable de la névroglie, mais d'un tissu moins serré et

moins dense que celui des amas épendymaires. Or ces deux lois ne

valent pas seulement pour les surfaces internes et externes du sys-

tème nerveux de l'homme adulte, telles qu'elles existent présente-

ment : elles ont la même valeur, jusqu'à un certain point, pour

celles qui ont existé et qui ont disparu au cours de l'évolution orga-

nique des vertébrés. Ces traces anciennes, attestant encore un état

antérieur de développement du système nerveux, nous sont révé-

lées par la présence de traînées de névroglie, ou traînées de Kiel

(KielStrei/'ez), comme les appelle Weigert, qui ont persisté après

l'accolement ou la soudure de ces surfaces, autrefois libres, par

exemple dans la corne d'Ammon. Peut-être pourra-t-on se servir

de ces sortes de témoins d'un passé très lointain de l'organisation

des vertébrés pour la solution de questions de phylogénie et d'on-

togénie. Comment, d'autre part, n'être point frappé du fait que la

névroglie, qui n'est nulle part plus abondante que dans la glande

pinéale, cette ruine du cerveau des vertébrés, dont les derniers ves-

tiges sont eu train de disparaître, l'est au contraire extraordinai-

rement peu dans les corps striés, « si peu abondante, écrit Wei-

gert (p. 12ç», qu'où peut bien dire que le noyau caudé et le noyau

lenticulaire montrent par leurs rapports avec la névroglie combien

ils correspondent au type de l'écorce du cerveau ».

THÉORIE DES NEURONES. 309

Quelles sont les fonctions de la névroglie" ? Quel est le rôle de

cette substance interstitielle ? Ces fonctions sont purement pas-

sives. Examinons la nature de quelques-unes. Et d'abord, entre les

fibres de la névroglie et les éléments nerveux, il n'existe jamais la

moindre transition de passage. Ainsi sur les préparations de

Weigert, où les corps et les prolongements protoplasmiques des

cellules nerveuses, ainsi que le commencement des cylindraxes

apparaissent en jaune, les fibres de la névroglie s'enlèvent nette-

ment en bleu. Les rapports admis par Golgi entre les prolongements

protoplasmiques des cellules nerveuses et la. névroglie n'existent donc

point. Quant aux vaisseaux, on sait depuis Virchow en quelle quan-

tité considérable les masses de névroglie se rencontrent à la limite

des espaces qui entourent ceux-ci. La névroglie est plus dense

autour des gros vaisseaux, elle l'est d'ordinaire beaucoup moins

dans l'entourage des petits; on l'y rencontre pourtant toujours

même dans les couches profondes de l'écorce cérébrale, où les

fibrilles de névroglie n'apparaissent plus qu'isolées et rares ou plus

du tout. Le rôle de la névroglie nous semble être, ainsi qu'à Lloyd

Andriezen, par rapport aux vaisseaux des centres nerveux, le

même que celui qu'elle paraît remplir quant aux surfaces internes

et externes du névraxe : elle protège le tissu nerveux contre toutes

les causes de lésion pouvant provenir de l'ambiance. Sans la gaine

de névroglie, les parois des vaisseaux de l'écorce cérébrale n'oppo-

seraient souvent qu'une résistance insuffisante aux brusques chan-

gements de pression. En outre, ainsi que le dit Weigert, qui parle

ici de substance de soutènement, les vaisseaux sont, pour le système

nerveux central, des corps étrangers au même titre que la pie-

mère ; au regard des vaisseaux, la limite du tissu nerveux est une

surface interne ; il doit être protégé comme les surfaces externes

du cerveau et de la moelle. Il est remarquable que la couche pie-

mérienne de névroglie du cerveau manque au cervelet. L'épaisseur

de cette couche varie entre 0,003 et 0,03 selon la région du cerveau

et l'âge de l'individu. Dans la vieillesse, la névroglie de l'écorce

cérébrale (Golgi) et de cette couche en particulier est plus épaisse

et ses fibres sont plus grosses. La direction des fibres de la couche

pie-mérienne de névroglie varie beaucoup, quoiqu'elle soit en

général tangentielle. De cette couche rayonnent, dans la profon-

deur de [l'écorce, des masses fibrillaires dont le nombre va en

décroissant, jusqu'à complète disparition. On peut les suivre jusqu'à

la limite inférieure des petites pyramides. Lloyd Andriezen (1893)

admet qu'elles descendent jusqu'au milieu des grandes pyramides.

Dans les couches profondes de l'écorce du cerveau, même dans

celle des fibres radiaires à myéline, Weigert n'a plus rencontré que

des fibrilles isolées de névroglie, et même aucune sur de vastes

étendues. Dans la substance blanche du cerveau, au contraire, un

abondant feutrage de névroglie reparait, comme dans celle du cer-

310 REVUE CRITIQUE.

velet, les fibres de ce tissu sont seulement plus fines et leurs mailles

plus serrées dans le cerveau. Dans tout le système nerveux central,

c'est une règle que toute fibre nerveuse à myéline de la substance blanche

est isolée des fibres voisines par des fibres de névroglie. Ainsi naît,

dans toute cette substance, un feutrage à mailles plus ou moins

larges. La névroglie constitue donc encore ici une sorte de tissu

servant à limiter, à isoler, sinon à défendre, à protéger et à soute-

nir l'élément nerveux. Tantôt une ou plusieurs fibrilles de névro-

glie séparent des autres une fibre nerveuse (dans le cerveau, le

cervelet, la partie interne de la moelle allongée), tantôt ce sont

des faisceaux entiers (partie externe de la moelle allongée).

Une autre fonction delà névroglie consiste à remplir ou combler

les vides (Rnzamausfiillende Aufgabe). Depuis plus de vingt ans,

Weigert a développé ce principe général de biologie, confirmé par

l'histologie pathologique, que partout où le tissu nerveux laisse

par sa disparition la place libre, la névroglie prolifere et remplit,

comble les espaces vides. Il semble que le tissu nerveux, tant qu'il

est vivant, oppose une sorte de résistance (Gewebsuârte1'stand) aux

processus de prolifération C'.Vuehe1'ltnfJsvorgiinge) de la névroglie.

Que la myéline disparaisse, en etfet, comme dans la sclérose mul-

tiple, que toutes les fibres nerveuses dégénèrent comme dans le

tabes et les dégénérescences secondaires, que toutes les cellules

nerveuses soient frappées comme dans la poliomyélite antérieure,

que des parties seulement des neurones soient détruites comme

dans la paralysie générale, que tout l'élément nerveux, cellules et

prolongements, dégénèrent comme dans les nécroses ischémiques,

partout et toujours la névrorlie comble les lacunes laissées par la

mort totale ou partielle de l'élément nerveux. Dans la paralysie

générale en particulier, on voit d'énormes quantités de cellules en

araignées ou astrocytes, aux corps cellulaires extraordinairement

gros, apparaître, hérissées de prolongements très épais. Les cicatrices

qui se forment là où ont existé des foyers de ramollissement

(nécrose iscbémique) ne contiennent pas, dit Weigert, ainsi qu'il

l'avait cru, de tissu conjonctif, mais des masses considérables de

névroglie.

Restent les fonctions hypothétiques attribuées à la névroglie par

Golgi, P. Ramon, Ramon y Cajal et Sala y Pons. Quant à l'hypo-

thèse de l'existence de rapports entre les dendrites des cellules ner-

veuses et les prolongements des cellules de la névroglie, condition

anatomique des fonctions trophiques attribuées par Golgi aux pro-

longements protoplasmiques, les préparations de Weigert permet-

tent, nous l'avons dit, de l'écarter sans discussion. En outre, les

fibres de la névroglie ne sont pas creuses, mais pleines; elles ne

pourraient donc servir de canaux propres au transport des sucs

nutritifs. Selon les auteurs espagnols cités, le rôle de la névroglie

serait d'isoler les courants nerveux, c'est-à-dire d'empêcher la pro-

THÉORIE DES NEURONES. 31 I

duction de courants secondaires, dérivés ou à côté, qui pourraient

nuire à la transmission directe des courants nerveux efficaces.

Weigert démontre que les faits sur lesquels on voudrait fonder cette

hypothèse ne sont pas exacts. Il est, par exemple, inexact que ce

sont dans les amas de substance grise les plus pauvres en névroglie

que les contacts des dendrites et des arborisations cylindraxiles

existent en plus grand nombre. Dans les olives, les tubercules qua-

drijumeaux, etc., des contacts de ce genre existent certainement

en très grand nombre : la névroglie y est pourtant très abondante,

beaucuup plus abondante que dans la substance blanche. Le rôle

physiologique de substance isolatrice des courants nerveux, attri-

bué par les savants espagnols aux éléments de la névroglie, convient

d'autant moins à la substance blanche des centres nerveux que les

cylindraxes sont déjà entourés d'épaisses gaines de myéline ; à quoi

servirait, demande Weigert, une autre couche isolante de névroglie ?

Dans la substance grise, au contraire, on pourrait admettre

l'utilité d'une substance isolatrice aux points où les terminaisons

arborescentes des cylindraxes et des collatérales entrent en con-

tact avec les dendrites. Mais le moyeu de croire que les courants

nerveux sont transmis au hasard des rencontres des prolongements

nerveux et cylindraxiles qui s'enchevêtrent inextricablement dans

l'écorce cérébale ? Il doit exister, selon Weigert, dans la structure

des centres nerveux, des conditions de transmission des courants

nerveux qui ne permettent point à ceux-ci de s'égarer en dehors des

voies prescrites et de faire fausse route. Aucune couche isolatrice de

substance de névroglie ne doit donc être ici nécessaire. Et, s'il en

est ainsi pour la substance grise, à plus forte raison en est-il de

même pour les fibres à myéline de la substance blanche. D'ailleurs,

les fibres de névroglie ne présentent jamais de masses fibrillaires

susceptibles d'enclore ou d'isoler quoi que ce soit, mais de simples

feutrages aux mailles plus ou moins larges. S'il fallait isoler abso-

lument les dendrites des cylindraxes, peut-être le liquide ambiant

dans lequel baignent les fins ramuscules de ces prolongements

suffirait-il à cet office ; avec des courants de tension aussi faibles que

ceux des neurones, ce liquide pourrait très bien servir d'isolateur.

Enfin, la fonction de la névroglie qu'invoquent les auteurs espa-

gnols ne saurait, à coup sûr, exister dans les couches profondes

de l'écorce cérébrale, puisqu'il ne s'y rencontre plus même de

fibrilles isolées de ce tissu; là, dans le centre d'innervation le plus

élevé du névraxe, on ne rencontrerait aucune des dispositions qui

se trouvent si largement réalisées pour la bonne direction, s'il

fallait en croire ces auteurs, des courants nerveux, dans des centres

d'importance bien inférieure, tels que ceux des olives bulbaires ou

des noyaux rouges de Stilling.

Au cours de ses études sur l'histologie et la pathologie de la névro-

glie,G.-L. Pellizzi, s'appuyant sur les recherches de Golgi et sur les

312 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

siennes propres, a insisté sur un point de fait et de doctrine dontl'ex-

pression paradoxale avait séduit nombre de biologistes, encore que

Weigert eût expressément déclaré, nous le répétons, qu' GO il n'était

pas possible » d'admettre que les fibrilles de la névroglie ne fussent

pas nées de cellules de névroglie : « La nouvelle méthode de Wei-

gert est, de par sa nature spécifique, excellente pour les fibrilles de

la névroglie considérées en elles-mêmes et pour leurs rapports : rien

de plus; sa nature même lui interdit de servir à l'étude des autres

éléments de la névroglie; ceux-ci échappent en effet à la réaction et

par conséquent l'observation. Si, avec cette méthode, on n'aperçoit

point de rapports directs entre les prolongements et les corps cellu-

laires de la névroglie, cela ne saurait assurément suffire pour nier

absolument l'existence de ces rapports. Autant vaudrait nier l'exis-

tence des autres éléments qui ne se colorent pas par cette méthode,

le protoplasma des cellules de névroglie, par exemple, par la raison

qu'on ne les voit pas' ». La méthode de Weigert constate une

différence histochimique entre les prolongements et le corps cellu-

laire de la névroglie; voilà tout ce que cette méthode établit. Plus

perfectionnée encore, surtout quant à la coloration de contraste,

elle sera, toujours avec le contrôle d'autres méthodes, particulière-

ment précieuse pour l'histologie pathologique. Mais on ne peut

arguer de la différenciation chimique existant entre les prolonge-

ments et le protoplasma des cellules de la névroglie pour nier la

réalité de leur continuité. Pellizzi témoigne hautement avoir cons-

taté, au moyen de méthodes différentes, <t la continuité du corps

cellulaire et des fibrilles de la névroglie ». Ces fibrilles doivent être

considérées comme des prolongements véritables de leurs cellules

d'orig-ine.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. DE LA RESPONSABILITÉ CRIMINELLE DANS SES RAPPORTS AVEC LA

folie : OUVERTURE DE la discussion; par H. MAUDSLEY. (The Journal

of Mental Science, octobre 1895.)

M. Maudsley a ouvert cette discussion par une exposition de la

question où l'on retrouve les qualités dominantes de ses travaux,

' G. B. Pellizzi. -- Snlla-,slrullrtrrt e anll'nrir/ine délie f7l'1Jnulaiol11

ependimali. HIV. sperlment. di fren., vol. XXII, 1896, p. 466-487.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. là Il 3

la clarté dnns la logique, la sobriété dans l'exposition ; nous Je sui-

vrons presque pas à pas; nous voulons seulement rappeler pour. l'in-

telligence de ce qui va suivre que, selon la jurisprudence anglaise,

un homme est réputé responsable et par conséquent punissable

lorsqu'il a commis un acte criminel, en sacrant que cet acte était

criminel, alors même qu'une impulsion reconnue délirante l'a mis

dans l'impossibilité de ne pas le commettre. Cette jurisprudence a

été vigoureusement entamée, dans ces dernières années, par l'un

des plus grands magistrats de l'Angleterre, sir James Stephen :

elle subsiste malheureusement encore dans l'esprit de beaucoup

de magistrats, malgré l'évidence de son absurdité.

M. i\Iaudsley constate d'abord qu'il n'est peut-être pas un médecin,

ayant quelque pratique des maladies mentales, qui oserait sou-

tenir qu'un aliéné est responsable de ce qu'il sent et de ce qu'il

fait par le fait seul qu'il connaît le caractère criminel de l'acte

qu'il accomplit. Les plus tristes cas démolie, au contraire, sont pré-

cisément ceux où l'aliéné commet d'une manière impulsive un acte

qui lui fait horreur; et cet antagonisme entre la notion nette du

caractère criminel de l'acte et l'impulsion involontaire qui le fait

commettre est quelquefois si manifeste que les jurisprudences

anciennes et surtout ecclésiastiques avaient imaginé pour expli-

quer l'accomplissement quand même du crime l'idée de la a pos-

session >. Naturellement l'homme qui était « possédé » ne se pos-

sedait plus lui-même, et n'était par conséquent plus libre d'agir ou

de ne pas agir. Soutenir qu'un homme dont la volonté est sur-

montée par une force supérieure est responsable, est aussi absurde

que de dire qu'un homme en état de crise convulsive est, puisqu'il

a toute sa force, coupable de ne pas arrêter ses convulsions ; c'est

confondre la conscience d'un acte avec la possibilité-de ne pas le

commettre. On lui trouve un fondement, pourtant, à ce critérium de

la jurisprudence anglaise, mais ce fondement repose sur une obser-

vation inexacte et sur une psychologie défectueuse, car il n'est autre

que l'observation du processus psychologique chez l'homme sain d'es-

prit. Est-il rien de plus absurde en pareille matière que de conclure

de l'homme sain à l'homme aliéné ? Voilà pour l'observation

inexacte : psychologiquement le critérium n'est pas moins faux,

car il suppose que c'est la raison seule, à l'exclusion de la sensa-

tion, qui dirige les actes humains : ainsi un homme se mettra à

aimer une femme sous l'impulsion de sa raison ; c'est la même

impulsion qui le poussera à embrasser cette femme, et lorsque

après ces embrassements il poussera les choses plus loin, c'est

encore à sa seule raison qu'il obéira ! Cela est absurde. C'est de

la sensation que vient l'impulsion maîtresse, la force de projection

qui pousse l'homme vers un acte ; et la psychologie singulière qui

voit dans la raison la cause déterminante de l'action, ressemble au

raisonnement d'un homme qui chercherait la force de propulsion

314 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

d'un navire non pas dans sa machine, mais dans les ordres du capi-

taine. Est-ce à dire que la raison n'ait pas sur l'exécution des

actes un pouvoir de contrôle et de direction ; on ne le prétend pas,

mais ce pouvoir est limité et ne s'exerce que dans une certaine

mesure. L'association de la raison et de la sensation est évidem-

ment la condition idéale de l'accomplissement, d'un acte puisque

la raison, sans la sensation, ne pourraitl'exécuter, et que la sensa-

tion sans la raison serait purement lyrannique. Mais ce qui est faux

c'est d'aller jusqu'à dire que la raison peut toujours contrôler le

désir alors qu'elle le voit sur le point d'accomplir un acte mau-

vais : c'est pourtant ce que la théorie légale persiste à penser.

malgré l'expérience. Elle maintient que lorsque la raison ne

maîtrise pas une impulsion délicate, c'est qu'elle n'est pas saine

elle-même, et qu'elle ne sait pas ce qu'elle parait savoir, mais

qu'elle croit le savoir. Ainsi, pour sauver cette théorie, qui ne le

mérite guère, on nous invite à forcer et à fausser le sens du mot

« savoir » à lui faire signifier ce qu'il ne signifie pas, et à dire

que si un homme ne peut pas gouverner ses actes, il ne sait pas

ce qu'il fait. On voit combien cette théorie est subtile : elle est

beaucoup trop métaphysique pour être pratique : le jury ne se

soucie guère de la comprendre et condamne. z

Pourquoi donc conserver un critérium si difficile à bien com-

prendre, si facile à mal interpréter, si faux au point de vue scien-

tifique, si incertain dans son application ? A-t-il au moins pour lui

la légalité ? Pas du tout, car le juge, sous prétexte d'éclairer le

jury, lui impose en réalité son critérium à lui, qui est général et

unique. Or la responsabilité de l'accusé est une question de fait,

non de droit, et il appartient au jury seul de la résoudre comme

toutes les autres questions de fait du procès. Si le juge veut réel-

lement éclairer le jury, il n'a qu'à faire en matière d'aliénation

mentale ce qu'il fait lorsque les débats impliquent des questions

de mécanique, d'électricité ou de navigation, appeler un homme

compétent et faire appel à ses lumières.

Ce ne sont pas seulement les médecins, ce sont tous les gens de

bon sens qui condamnent le système actuel, contre lequel s'élève

d'ailleurs comme une sorte de rébellion tacite. Que fait-on eu

effet quand un accusé suspect de folie est condamné à mort ? On

fait après ce qu'on aurait dû faire avant, on fait examiner l'accusé

par un homme compétent, et tranquillement, sans bruit, on défait

ce qui vient d'être fait avec toute la pompe et l'apparat de l'au-

dience. Quelquefois même on ne juge pas du tout l'accusé, et on

l'interne, ce qui est une autre forme d'illégalité.

Naturellement les jurisconsultes, de leur côté, accusent les

médecins de voir des aliénés dans tous les criminels, mieux encore

d'assimiler le crime à la folie. Il faut reconnaître que l'altitude

des médecins a quelquefois justifié cette critique : mais un témoi-

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 31b

enrage maladroit ne condamne pas une doctrine : les magistrats

n'en sont pas moins restés enclins à croire ou qu'il n'y a pas de

science médicale exacte, ou qu'il n'y a pas d'honnêteté médicale

rigoureuse, et les témoignages médicaux en demeurent singulière-

ment discrédités. Un autre tort des médecins en justice c'est

d'aborder trop souvent la question de la responsabilité des aliénés

au point de vue général, comme si la folie était quelque chose de

défini et de toujours identique, au lieu de se souvenir qu'il n'y a

pas une folie, mais des folies, et de s'en tenir à l'étude du cas

particulier soumis à leur examen. Enfin les théories récentes du

criminel-né, des stigmates de dégénérescence chez les criminels,

sont venus, par leur exagération, diminuer encore, en heurtant

les faits, l'autorité des médecins experts. Le milieu, les circons-

tances, bien des éléments réagissant les uns sur les autres contri-

buent à la genèse d'un crime et d'un criminel. Il y a des criminels

qui, dans des circonstances différentes, seraient peut-être devenus

de grands saints ; et, à propos des signes de dégénérescence,

M. Maudsley demande ironiquement si les enthousiastes qui auraient

constaté des stigmates chez Saul, le féroce persécuteur des pre-

miers chrétiens les auraient vu disparaître lorsque ce personnage

abandonnant l'iniquité pour la sainteté devint Paul, le grand

apôtre des gentils. Morel, autrefois, avait donné à ce mot de

dégénérescence un sens et une valeur scientifique ; on a outre

mesure étendu la portée du mot, et compromis l'idée qu'il repré-

sentait. En résumé on supprimerait le conflit entre la loi et la

médecine si l'on voulait, de part et d'autre, faire le sacrifice de

pas mal de mots et de quelques théories, et se résigner à cette

méthode simple qui consiste à regarder les faits en face, sincère-

ment et carrément. R. DE l\1USGRA.\1 ! : CLAY.

Il. SUR QUELQUES MESURES RÉCEMMENT PROPOSÉES A L'ÉGARD DES

IVROGNES HABITUELS ET D'AUTRES DliLINQU.1NTS ; par A. WOOD-

RENTON et D. YELLOR-LRES. (The Journal of Mental Science, jan-

vier 1896.)

Dans ce double travail M. Wood-Renton, en sa qualité de légiste,

aborde la question sur le terrain juridique, où nous ne pouvons le

suivre. Médecin et aliéniste, M. Yellowlees, après quelques considé-

rations sur les formes de l'ivrognerie habituelle, constate le piteux

échec des diverses mesures adoptées jusqu'ici pour protéger l'indi-

vidu, sa famille et la société elle-même contre les déplorables

effets de l'intempérance; cet échec, d'ailleurs, l'insuffisance, la

naïveté, l'absurdité parfois des mesures actuellement en vigueur

permettrait de le prévoir. Le but à atteindre, c'est de guérir

l'ivrogne; on n'y parviendra qu'en le privant radicalement de son

poison habituel, et en le régénérant physiquement et moralement.

316 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

L'opinion publique s'est émue de l'état de choses actuel ; des com-

missions parlementaires ont été nommées et paraissent avoir fait

de bonne et utile besogne : celle d'Ecosse notamment a publié des

conclusions intéressantes, accompagnées des documents qui les

ont motivées et des témoignages qu'elle a recueillis. Les commis-

saires constatent que toutes les personnes entendues. (médecins ou

personnes étrangères à la médecine) ont été unanimes à déclarer

que la première mesure à prendre en vue d'une guérison était

l'abstinence complète et prolongée; que cette abstinence n'était

possible que si l'ivrogne était mis hors d'état de retomber dans

ses habitudes alcooliques : que l'internement volontaire (tel que la

loi actuelle l'admet) était nettement refusé par ceux précisément à

qui il était le plus nécessaire ; que dans l'intérêt du malade, de sa

famille ;et de la société, il y avait urgence à ce que, la nécessité

d'un internement une fois reconnue, celui-ci pût être ordonné

par l'autorité compétente, dans un but de traitement ; que ce trai-

tement devait comporter des occupations physiques et une

influence moralisatrice ; que les résultats de ce traitement devaient

être appréciés par des épreuves, et que l'insuccès de ces épreuves

devait entraîner une prolonguation de l'internement et du traite-

ment.

M. Yellowlees espère et souhaite ardemment que ces conclusions

soient adoptées et que l'Angleterre n'ait plus à rougir, vis-à-vis de

plusieurs autres nations, de l'insuffisance, ou même de l'impuis-

sance, de ses lois répressives de l'ivrognerie. Il ne faut pas que le

respect exagéré de la liberté individuelle, surtout de celle des

ivrognes, continue à être pour le législateur un épouvantail qui le

paralyse. Au nom de la médecine, de l'hygiène, de la santé

publique, on a déjà porté à cette liberté individuelle d'autres

atteintes légitimes, et celle-ci comptera parmi les plus utiles ou,

mieux, parmi les plus nécessaires.

R. DE MuSGUAVE CLAY.

III. Un cas DE médecine légale ; par 130N'ILLG li. Fox. (The Journal

of Mental Science, janvier 1890.)

Ce cas s'ajoute aux cas déjà trop nombreux qui démontrent

l'insuffisance et l'inexactitude du critérium de l'aliénation mentale

selon la jurisprudence anglaise, critérium basé sur la notion du

bien et du mal chez le délinquant au moment du délit, et ne

tenant nul compte de la possibilité ou de l'impossibilité de ce

délinquant de conformer sa conduite à cette notion. L'auteur a eu

manifestement raison de voir dans l'accusé un paralytique géné-

ral au début : mais le tribunal n'a pas tenu compte de son opinion,

a considéré le malade comme responsable, et l'a condamné.

Les détails de l'observation sont intéressants. M. R. C.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 317 ï

IV. L'hypnotisme EN justice; par CLARK BELL. (.1ledico légal Jour-

nal, mars 189G.

L'auteur rappelle les conclusions de Wingate au Congrès de Chi-

cago. Bien des gens concluent à l'irresponsabilité et sont sus-

ceptibles de subir une action suggestive les poussant au crime.

Les suggestions de la presse et de l'image rappelant des crimes

sensationnels agissent sûrement parfois d'une façon contagieuse et

collective sur les débiles. L'étude de ces actions nocives peut per-

mettre de les contre-balancer, et il y a lieu d'appliquer à ces con-

tagions mentales des mesures analogues à celles qu'on applique

aux affections contagieuses autres. - L'auteur passe ensuite en

revue les procès retentissants à ce point de vue spécial dans ces

dernières années; il cite l'affaire Goulfé-Bompard, le cas de

Czynski en Allemagne, celui de M. Donald en Kansas et un fait

analogue qui s'est passé à \linnes. A. Marie.

V. Nécessité d'un examen médical devant POURSUITE correction-

NELLE ; par A. ABBOTT. (lIle £ lico-legalJou1'1lat, mars 1896.)

L'auteur développe les arguments qui militent en faveur de la

création auprès de chaque tribunal de police, quand du moins cela

est possible, d'une sorte d'hôpital decorrection (un violon médical,

suivant l'expression de M. le D' Vallon au Congrès français de

Bordeaux). Tout individu arrêté pour ivresse, alcoolisme ou dé-

sordre sans charge criminelle proprement dite, sera mis en obser-

vation médicale préalable avant d'être déféré en justice - (On sait

que le tribunal anglais desflagrants délits est encore plusexpéditif

que le nôtre.) A. M.

VI. RESTRAMT mécanique dans la folie ; par CLARK BELL.

L'auteur rappelle la teueur des règlements du Lunacy-Board

en ce qui concerne l'usage des moyens du restraint mécanique

dans les asiles. Ces règlements (de 1890et 1895) citentle maillot, les

gants sans doigts, le bain prolongé, l'enveloppement au drap et

même l'emploi des serviettes et écharpes.

L'auteur estime que c'est encore trop et qu'un règlement d'ins-

pecteurs officiels est de taire jusqu'au mot restraint plutôt que de

l'admettre même pour le limiter à ces quelques moyens. C'est en

légitimer l'usage à un certain degré, ce que l'auteur repousse

même pour le bain continu forcé. Pour lui autoriser le moindre

restraint mécanique est une faute et la porte ouverte aux abus

possibles. A. M.

318 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

VII. Responsabilité légale ET ivresse; par CROTHERS. (liledico-lv7ul

Journal, mars 1896.)

L'auteur développe cette notion que « ne devient pas alcoolique

qui veut », comme disait Lasègue. Il rappelle l'hérédité dégénéra-

tive constante des buveurs et combat le préjugé juridique anglais

que l'ébriété étant voulue aggrave la responsabilité loin de l'at-

ténuer. La responsabilité pour lui est une question de fait et

échappe à une théorie juridique générale. Tous les éléments indi-

viduels, héréditaires, accidentels, sociaux, physiques et moraux de

la question doivent être mis en balance et l'observation médicale

de l'inculpé établie, comme le demandent les partisans de l'anthro-

pologie criminelle italienne. Enfin l'auteuradmet la responsabilité

restreinte à tous ses degrés d'atténuation. A. Marie.

VIII. Prévention DE L\ FOLIE; par CLARENCE LIGÜTNEfi.

(Medico-legal Journal, mai 1896 )

L'auteur propose des mesures prophylactiques de deux ordres :

les unes d'ordre législatif, les autres fondées sur l'éducation. Toute-

fois, il ne se fait pas d'illusion sur l'influence que pourrait avoir

l'éducation comme obstacle aux mariages entre prédisposés pour

lesquels la procréation serait contre-indiquée à ce point de vue. Et

à ce propos il rappelle la mesure législative prise dans l'État de

Connecticut où la loi proscrit comme criminel le mariage pour les

épileptiques et aliénés en poursuivant le complice. Bien que dou-

tant de sa portée pratique, l'auteur s'en félicite comme d'un signe

de la préoccupation des pouvoirs et du public dans le sens d'une

sélection voulue au point de vue de l'aliénation mentale. A. M.

IX. Du SOMNAMBULISME ALCOOLIQUE CONSIDÉRÉ SURTOUT AU POINT DE

vue médico-légal ; par le Dr FR : 1NCOTTE de Liège. (Journal de

Neurologie et d'Hypnologie, 1897, n° 2.)

Les observations contenues dans ce travail tendent à prouver qu'il

existe un somnambulisme alcoolique, c'est-à-dire un état provoqué

par l'alcool, dans lequel le sujet agit d'une façon apparemment

normale, mais sans en avoir conscience, ou du moins, sans en

garderie souvenir. En réalité dans l'état somnambulique, la con-

duite, la manière d'être présentent certaines anomalies, mais celles-

ci échappent facilement à une observation superficielle.

Le somnambulisme alcoolique ne s'observe habituellement que

chez des psychopathes héréditaires. Les actes commis dans l'état

de somnambulisme alcoolique doivent bénéficier de l'irresponsa-

bilité, à moins, naturellement, qu'il ne s'agisse d'une ivresse voulue,

préméditée. G. Deny.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLII. Un cas de tétanie; par FRANCIS EDWIN Park. (New- Yo1'l¡]Uedical

Journal, 0 juin 189G.)

Les observations de tétanie sont rares ; celle-ci peut se résumer

de la façon suivante : Femme de 37 ans, sans antécédents nerveux

personnels ou héréditaires (sauf une grande excitabilité de carac-

tère chez sa mère), jusqu'à 18 ans; à cet âge elle eut une maladie

de trois mois, avec convulsions, maladie qui paraît avoir été assez

obscure d'après le nombre des médecins qui défilèrent auprès

d'elle ! De 18 à 35 ans bonne santé, sauf céphalalgies fréquentes. Il

y a deux ans, elle a eu un enfant, et depuis elle n'a jamais été

bien : elle souffrait de la tête et du dos ; le retour de couches sur-

vint au bout de neuf mois, et les règles revinrent deux fois par

mois. Trois mois après l'accouchement, elle a eu une crise convulsive

qui s'est renouvelée huit fois jusqu'au moment où M. Park la vit

pour la première fois. Les résultats de l'observation directe sont

les suivants : le médecin est appelé pour une crise convulsive téta-

nique : état d'opisthotonos, bras serrés contre la poitrine, mains

fléchies, pouces rentrés; respiration en apparence suspendue; face

cyanosée : tous les muscles paraissent rigides. De temps en temps

elle aspire brusquement, respire rapidement pendant quelques

secondes, puis arrive une crampe qui débute par les bras et les

jambes et se propage rapidement amenant une roideur générale

de tout le corps. Pendant le spasme, les mâchoires étaient con-

tractées ; de temps en temps la langue était mordue. Le grand

danger était causé par le spasme de diaphragme qui arrêtait la

respiration. Le tout fut suivi de calme et d'un profond sommeil :

le lendemain elle était tout à fait bien ne conservant qu'un peu de

roideur et de douleur articulaires. Pendant plusieurs semaines on

vit reparaître ces crises convulsives à des intervalles plus ou moins

éloignés, avec seulement quelques variétés de forme sans impor-

tance, ou quelques différence d'intensité. Puis les crises se mirentàne

plus reparaître qu'au moment des règles. En régularisant la mens-

truation, et en la réduisant à une seule perte par mois au lieu de

deux, on fit un grand pas vers la guérison. A l'une des époques,

elle fut prise d'un hoquet incoercible, tumultueux, continu, avec

vomissements,étouffements et inquiétantes irrégularités du coeur.

Depuis, son état sensiblement amélioré. Un point importnntà noter,

320 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

c'est que la malade et aitattcinte d'un astigmatisme qui était proba-

blement la cause de ses maux de tête; la correction récente de cet

astigmatisme n'a peut-être pas été sans influence sur la progres-

sion, récente aussi, de l'amélioration.

L'auteur entre ensuite dans des considérations assez détaillées

sur le diagnostic, l'étiologie et le traitement du cas dont il s'agit.

R. DE IUSGRAVE CLAY.

XLIII. Névrite bilatérale du plexus brachial, consécutive A une

PNEUMONIE CRour.\LE AIGU ? par WILLIAM M. LESZYNSKY. (New- Yorl.

Médical Journal, 11 avril 1896.)

La plupart des troubles fréquents et multiples qui accompagnent

la pneumonie lobaire aiguë et que l'on attribuait autrefois à l'hy-

perpyrexie sont rattachés à l'intoxication du sang. Telle est évidem-

ment l'étiologie du cas rapporté par l'auteur, le seul parmi les

trois cents cas au moins de névrite périphérique qu'il a observés

qui paraisse se rattacher à une pneumonie : l'un des points à noter

dans cette observation, c'est la paralysie du grand dentelé ; deux

autres points à noter, parce qu'ils s'écartent des faits ordinaires,

c'est d'abord l'envahissement, par la cause primitive de la névrite

aiguë de dégénérescence, des branches supérieures du plexus

brachial des deux côtés; et ensuite la limitation précoce de la

lésion permanente au nerf circonflexe droit et au nerf thoracique

postérieur gauche. R. DE Musgrave CL\Y.

XLIV. Lésions DES nerfs PÉRIPHÉRIQUES : CINQ observations ; par

L.-L. Williams. (Nezv-Yorlc Médical Journal, 18 janvier 1896.)

Ces observations sont publiées sans commentaire : la première a

trait à un névrome traumatique du cubital, traité par la résection

et la suture. La seconde concerne une suture du nerf facial.

Dans la troisième il s'agit d'une division du nerf radial, traitée par

la suture secondaire. Le quatrième cas est une lésion du plexus

brachial. La cinquième se rapporte à un cas de névrite trauma-

tique du cubital, traitée par l'élongation. R. M. C.

XLV. UN cas d'intoxication alcoolique aiguë CHEZ UN JEUNE enfant :

CONVULSIONS ET PARALYSIE D'ORIGINE CÉRÉBRALE ; NÉVRITE MULTIPLE;

par C.-A. HEURTER. (New-York Médical Journal, '7 nov. 1896.)

Il s'agit d'un enfant de trois ans qui avait absorbé dans une

après-midi environ 12 onces (350 grammes) de whisky pur : pen-

dant plus de deux mois il demeura dans un état de stupeur plus ou

moins profond : il présenta un grand nombre de crises convulsives

tantôt généralisées, tantôt limitées au côté gauche; à droite une

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 321 1

paralysie qui parait surtout sur le bras; on constata en outre des

contractions très accusées, surtout à gauche, avec perte de l'exci-

tabilité faradique, et atrophie. Pendant les deux premiers mois il

avait des symptômes pupillaires, du strabisme, des vomissements

répétés. Pendant six semaines, signes d'induration du lobe infé-

rieur droit. Pendant sept semaines fièvre irrégulière, mais assez

modérée. Le petit malade a guéri. R. DE lIIUSGR.1VE CLAN.

XLVI. NOTE SUR UN C13 D'HMl-.\TROPHlE faciale; paL'ALBERT ABRA31S.

(New-Yoz·k Médical Journal, 31 octobre 1896.)

Le cas est intéresssnt à un double point de vue : d'abord à cause

de la rareté des observations d'hémi-atrophie faciale; ensuite

parce qu'il contribue à déterminer les rapports du trijumeau avec

cette affection. il est remarquable aussi par la présence d'une

altération marquée de lasensibilité cutanée au niveau de la région

affectée, symptôme qui est tout à fait exceptionnel dans l'atrophie

circulaire de la face. - L'auteur rappelle les théories qui ont été

invoquées pour expliquer cette lésion et constate qu'à l'heure

actuelle les preuves prépondérantes sont en faveur de l'opinion qui

fait de l'hémi-atrophie faciale une trophonévrose. R. M. C.

XLVII. UN cas DE MYXOEDEME DE la GORGE ; par John W. FARLOW.

(nez- York Médical Journal, 26 septembre 1896.)

Il s'agit d'une malade âgée de quarante-six ans chez laquelle on

vit apparaître un oedème très marqué de la face, avec gonflement

de la luette et des parties molles du palais. La parole était lente

et la respiration était gênée, mais ces deux phénomènes paraissent

avoir eu surtout une cause mécanique, le gonflement des régions

indiquées. Le traitement thyroïdien n'a donné que des résultats

presque insignifiants.

L'auteur reconnaît que beaucoup des symptômes généraux du

myxoedème faisaient défaut ; aussi est-il permis de penser que son

diagnostic GO myxoedème de la gorge » n'est peut-être pas suffisam-

ment justifié. R. DE MUSGRAVE CLAY.

XLVIII. Sur l'Epilepsie diabétique (acétonémique) ; par Ge01';e-V.

JAcoBy. (New-Yo1'k Médical Journal, 9 novembre 1895.)

Les cas d'épilepsie diabétique ne sont pas communs ; l'auteur a

pu en observer trois, dans lesquels l'épilepsie était purement dia-

bétique : dans l'un d'eux il y avait coexistence du grand et du

petit mal. Il résume brièvement les cas déjà publiés et s'attache à

démontrer que chez les malades qu'il a observés, l'épilepsie rele-

vait bien réellement et bien exclusivement de l'état diabétique,

Archives, 2e série, t. III. 21

j" : 2 revue de pathologie NERVEUSE.

et qu'elle était due à l'acétonémie. Il insiste en terminant sur ce

fait que les cas d'épilepsie acétonémique viennent puisamment à

l'appui de l'opinion suivant laquelle l'attaque d'épilepsie ne serait

autre chose qu'une intoxication aiguë ; il importe peu que nous

ne puissions pas à l'heure actuelle déterminer avec précision quels

sont les facteurs de cette intoxication ; ce qui est certain c'est que

l'accroissement de la toxicité urinaire après cette attaque d'épi-

lepsie (Féré-Voisin-Régis), l'analogie qui existe entre beaucoup

de cas de convulsions urémiques et l'épilepsie rapprochée des

notions précises que nous possédons sur la nature auto-toxique

de l'urémie, enfin les cas d'épilepsie acétonémique sont autant

de faits qui tendent à rétrécir le cadre de l'épilepsie idiopathique

et à élargir celui des épilepsies par intoxication.

H. DE MUSGRAYE CLAY.

XLIX. Paralysie motrice du larynx ; par J. A. Mac CASSY.

(Nezv-Yok Médical Journal, 26 septemhre 1890.)

L'auteur publie cinq observations, deux de paralysie unilatérale

thyréo-aryténoïde - une de paralysie chronique bulbaire chez un

aliéné, une de paralysie bilatérale des muscles crico-aryténoi-

diens latéraux due à l'hystérie, enfin une d'aphonie hystérique.

R. M. C.

L. SUR LES modifications mentales QUE l'on observe dans L1 MALA-

DIE DE Graves; par A. IIAUDE. (The Journal of Mental Science,

janvier 1896.)

Bien que la littérature médicale ne soit pas très riche sur ce

point l'apparition de la folie dans la maladie de Graves est un fait

connu, sur lequel l'auteur insiste d'autant moins que les troubles

mentaux n'empruntent à cette origine aucune allure particulière.

Il en est autrement de certains états mentaux, qui ne vont pas

jusqu'à la folie, qui sont assez difficiles à décrire, mais qui pré-

sentent néanmoins une physionomie très nette.

Les malades dont il s'agit présentent une très grande animation,

assez semblable à celle qu'on observe dans la manie subaigus et

dans la neurasthénie, avec mouvements des mains, grimaces,

tics, le tout d'ailleurs n'ayant rien de commun avec la chorée, que

l'on observe quelquefois, non plus qu'avec les tremblements qui

sont habituels. Ils sont faciles à émouvoir : un bruit brusque

les agite pour des heures, ce qui est dû à leur instabilité cardiaque.

Ils ont quelquefois des illusions sensorielles sans aucun autre

signe de folie : Galezowski a signalé les hallucinations de la vue,

Grainger Stewart celles de l'ouïe. Le vertige, à son degré le

plus élevé, est un symptôme commun, et l'auteur ne peut guère

s'empêcher de le rattacher, au moins dans ses formes légères, au

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 323

catarrhe de l'oreille moyenne qui est très commun dans la mala-

die de Graves. Mais ce sont là les moins accusées des modifications

mentales : les suivantes sont plus marquées et plus caractéristiques :

les malades deviennent irritables, faciles à impatienter, mécontents

de tout, susceptibles et querelleurs ; ils sont menteurs, soupçon-

neux et ne supportent ni contradiction ni conseils ; la mémoire,

surtout celle des choses courantes, s'affaiblit notablement. Mais ce

qui est plus caractéristique encore c'est ce que Russel Reynolds a

pittoresquement appelé la « chorée des idées »; il y a impossibilité

de fixer son attention sur un sujet pendant un temps raisonnable :

si le malade commence à parler ou à écrire sur un sujet, de nou-

velles idées se précipitent, sous le tumulte desquelles il ne reste

rien du sujet primitif : les mouvements dirigés par les idées

souffrent du même désordre; c'est ainsi qu'une malade, taillant de

l'étoile pour une jupe, se surprend à terminer sa coupe par celle

d'un corsage. Une autre modification mentale intéressante, c'est

un sentiment véritablement morbide du devoir, en même temps

qu'une importance exagérée attachée à l'opinion publique, ou à

l'opinion de quelques personnes déterminées, ce qui peut être

comme une forme atténuée de mélancolie.

L'auteur n'ignore pas que la plupart des phénomènes qu'il vient

de décrire se rencontrent dans la neurasthénie et dans l'hystérie;

mais outre que chez les malades qu'il a observés, il a régulièrement

recherché l'hystérie, sans la constater; ce qui paraît les rattacher

à la maladie de Graves c'est surtout leur groupement (différent de

celui de l'hystérie et de la neurasthénie) et leur fréquence. -Il 11

n'est peut-être pas sans intérêt de remarquer le contraste absolu

qui existe entre les phénomènes d'agitation nerveuse qui viennent

d'être décrits et l'état d'apathie mentale des myxoedémateux : une

autre dissemblance, c'est l'absence totale dans la maladie de

Graves des hallucinations de l'odorat, si communes dans le

myxoedème. Et de ce contraste, ne pourrait-on pas induire (con-

clure serait prématuré) que l'une de ces maladies est due à une

insuffisance et l'autre à un excès d'une substance capable d'agir à

la façon d'un stimulant ou à la façon d'une toxine sur les éléments

nerveux, et plus particulièrement sur ceux de ces éléments dont

s'occupe spécialement la psychologie. Il. DE lIZUSGR.1\'E CL.1Y.

LI. Trois cas DE paralysie DE 13110N\-SEQU.1RD, avec quelques

REMARQUES SUR LE TRACTUS SENSORIEL DANS LA MOELLE ÉPINIÈRE DE

l'homme ; par Pearce Bailey. (New-York Médical Journal, 9 mars

z5.)

Ces trois observations intéressantes sont relatées avec soin et

avec détail-, elles concordent presque entièrement avec les cas de

même nature, au nombre d'environ soixante-quinze, qui ont été

324 Il. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

publiés depuis la première description donnée par Brown-Sequard.

Les troubles moteurs ont généralement été caractéristiques de la

dégénérescence du tractus pyramidal (paralysie avec rigidité spas-

modique, sans atrophie marquée). Dans quelques cas la corne anté-

rieure demeure indemne, mais comme on sait aujourd'hui que la

plupart des muscles sont pourvus d'une représentation cellulaire dans

plus d'un segment médullaire, il est permis de supposer que même

si la corue antérieure était lésée, la suppléance des cellules détruites

serait prise par les cellules saines du segment blessé et aussi par

les cellules des autres segments préposées au même muscle ou

au même groupe musculaire. Du côté de la lésion les réflexes pro-

fonds sont exagérés, les superficiels diminués ou absents.

Dans les deux cas de l'auteur où la lésion siégeait à la région

cervicale, il y avait du myosis et de l'abolition du réflexe cilio-

spinal du côté de la lésion ; les trois observations qu'il publie

montrent aussi que l'hyperesthésie et la douleur du côté paralysé

ne sont pas constantes ; elles enseignent aussi que la décussation

des fibres du toucher, de la douleur et de la température se fait à

des niveaux légèrement différents. La décussation de ces deux

derniers ordres de fibres devient complète dès l'entrée dans la

moelle et se poursuit sans interruption de bas en haut du côté

opposé. La perte du sens musculaire est le plus incertain des

symptômes de la paralysie de Brown-Sequard. L'auteur examine et

discute l'opinion de Férrier sur la décussation immédiate des fibres

du sens musculaire à leur entrée dans la moelle. Il constate

ensuite que les fibres du sens musculaire et celles de la sensibilité

tactile paraissent avoir d'étroites relations : en effet, tandis que

dans les lésions unilatérales de la moelle, les deux fonctions sont

souvent conservées pourvu que le sens musculaire le soit, l'auteur

ne connaît qu'un seul cas (celui de Charcot et Gombault) dans

lequel le sens musculaire ait été atteint alors que la sensibilité

tactile demeurait normale : encore s'agissait-il là d'un cas de

sclérose, affection qui peut laisser indemnes les fibres de la sensibi-

lité générale. - Les cas de paralysie de Brown-Sequard paraissent

démontrer que toutes les fibres de la sensibilité tactile ne s'entre-

croisent pas dans la moelle, du moins au niveau même des lésions

observées, puisque si, dans les lésions de la moelle, cette fonction

est abolie, c'est que la lésion est bilatérale. Parmi les cas où

cette fonction a été modifiée d'une manière sérieuse, l'auteur n'en

connaît aucun qui se rapporte à une lésion unilatérale; et, en

réalité, devant l'absence de toute observation d'hémianesthésie

cérébrale complète, on manque de preuves en faveur d'une décus-

sation complète en un point quelconque ; et il est probable que

les fibres qui se croisent immédiatement à l'entrée se trouvent

quelque part dans la substance blanche des colonnes latérales et

en dehors des tractus pyramidaux. ' Il. de MUSGIIA VE CLAY.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 325 5

LII. Epilelpsie sénile; par ! \OVALF : WSKY. (Archives de psychiatrie,

de neurologie et de psychopathologie légale, 1897, l. XXIX, nO 1,

p. 78-88.)

Tous les cas d'épilepsie peuvent être divisés en deux groupes

principaux : épilepsie idiopathique, ou essentielle, ou médullaire,

et épilepsie symptomatique ou corticale; seul le premier groupe

comprend la vraie épilepsie, dans le deuxième n'entrent que les

accès épileptiformes. Les causes de l'épilepsie vraie sont nom-

breuses, l'hérédité est une des plus importantes; les intoxications

et les auto-intoxications sont des causes occasionnelles dans la

grande majorité des cas, de même que l'âge.

L'épilepsie sénile, c'est-à-dire l'épilepsie débutant après soixante

ans, n'est pas rare; elle est essentielle le plus souvent et se déve-

loppe aussi bien sur un terrain héréditairement prédisposé que

sur un terrain acquis; parmi les causes prédisposantes, il faut citer

surtout l'artério-clérose, l'alcoolisme, la syphilis, les chocs moraux,

les maladies cérébrales, etc.

Les manifestations de l'épilepsie sénile revêtent tantôt la forme

du grand mal, tantôt celle du petit mal; les équivalents psychi-

ques ne sont pas rares non plus. Les troubles psychiques post-épi-

leptiques sont moins fréquents que chez les enfants quoique, aussi

bien que chez ces derniers, on peut observer chez les vieillards,

l'affaiblissement de l'attention, de la mémoire, de l'intelligence.

L'épilepsie sénile est souvent accompagnée d'insomnie, de ver-

tiges, d'accès d'anxiété précordiale (lendel), elc.

Son évolution, ses manifestations et la façon dont elle se com-

porte en face du traitement bromure ne différent en rien de ce

que présente sous les mêmes rapports l'épilepsie des enfants. Les

deux cas rapportés par l'auteur, dans l'un, début à soixante-quatre

ans, dans l'autre, à soixante-deux, entrent sous tous les rapports

dans la règle. E. Margouliès.

LUI. La sensation douloureuse ; par J. Roux.

111.1e D" J. Roux (Prov. méd., 10 oct. 1896) étudie les sensations dou-

loureuses au point de vue de leurs voies de conductibilité, de leur rôle

biologique, de leurs rapports avec les phénomènes intellectuels et

les émotions. Il établit le fait de la séparation des sensations tactiles

et doulolt1'ellses au niveau de la moelle. Dans les nerfs périphériques

elles peuvent très bien suivre le même cylindre. Quelle est la

nature de la douleur ? Est-ce une sensation spéciale ou bien un

degré des autres sensations ? Y

Nos sensations, dit M. Roux, peuvent se diviser en sensations

externes et en sensations internes ou cénestésiques. Les premières

nous renseignent sur le monde extérieur et sont les éléments de

326 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la connaissance. Les secondes nous font connaître notre orga-

nisme et sont la base de la personnalité consciente. Toutes deux

peuvent être la source d'émotions pénibles ou désagréables. Les

sensations externes peuvent seules donner la douleur physique.

La sensation douloureuse est le phénomène subjectif, le fait de

conscience qui accompagne un réflexe de défense ou de prophy-

laxie suscité par une excitation intense menaçant l'existence d'une

partie de notre organisme. Ce réflexe est conscient parce qu'il n'est

pas complètement adapté.

Son but est la conservation de l'indi\idu. Le phénomène de

conscience qui l'accompagne (la sensation douloureuse) est pénible,

parce que la cause qui le provoque tend à diminuer notre somme

d'énergies latentes, notre personnalité physique et parlant notre

personnalité consciente. Les émotions intellectuelles, sociales,

morales, esthétiques, politiques, sont à nos personnalités intellec-

tuelles, sociales, morales, esthétiques, politiques, ce que la dou-

leur est à notre personnalité physique. DEVAY.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXX<- RÉUNION DES MÉDECINS ALIÉNI5TES DE LA BASSE-SAXE

ET DE WESTPHALIE

A Hanovre, le, mai 1896. - Présidence DE M. GERSTENBERG.

M. Bruns (Hanovre) présente. : 1° un garçon de dix ans atteint de

pseudohYPc1't1'ophie musculaire typique. Hypertrophie des mollets et

des deltoïdes, troubles de la marche : le malade, pour se lever de

terre, doit prendre appui sur son propre corps. On constate eu

outre un arrêt de développement intellectuel, des grimaces conti-

nuelles, qui n'ont pas la rapidité des mouvements du tic et qui

font penser au premier abord à des mouvements choréiformes.

Le frère du malade, âgé de dix-sept ans, présente des symptômes

analogues ; le visage participe à l'atrophie, de même les fléchis-

seurs de la cuisse ; il est également atteint d'imbécillité. B... insiste

sur ce fait que le cerveau est intéressé dans ces cas de dystro-

phie musculaire.

2° Deux soeurs de vingt-trois et vingt-six ans. L'ainée présente

une paralysie spastique des deux jambes (les bras ne sont pas inté-

SOCIETES SAVANTES..)2 1

ressés), des troubles de la parole qui est scandée, un état d'imbé-

cillité, des accès de rire impulsif. L'autre offre les mêmes symp-

tômes et en outre une atrophie musculaire progressive des deux

mains, à caractère spinal. La soeur aînée n'a vu se développer

l'affection qu'à l'âge de dix-sept ans : la cadette n'a jamais pu

courir, mais c'est depuis quelques années seulement que les symp-

tômes ont progressé. Le cas 1 rentre dans le domaine de la paraly-

sie spastique familiale ; le cas 2 rappelle les faits décrits par

Hoffmann comme un complexus symptomatique spécial ; combinai-

son d'un état de débilité mentale avec une atrophie musculaire

progressive (et fréquemment aussi avec une paralysie spastique des

membres inférieurs) ; il se rapproche aussi des cas décrits par

SeeligmÜlIer sous le nom de sclérose latérale amyotrophique des

enfants. Ces faits montrent la parenté de ces diverses formes de

lésions héréditaires des voies motrices; paralysie spinale spastique,

atrophie musculaire familiale par névrites, dystrophie progressive.

A ces altérations s'associe assez souvent un état d'imbécillité.

3° M. Bruns 'présente un hémisphère gauche dont la troisième

frontale et la partie moyenne de la frontale ascendante sont le

siège d'un foyer de ramollissement (artério-sclérose). L'aphasie

motrice totale et la paralysie du bras droit observées pendant la

vie s'étaient développées progressivement, sans ictus apoplectique.

L'aphasie motrice totale avait succédé à de très légers troubles de

l'articulation, considérés par Oppenheim comme caractéristiques

des tumeurs de la région frontale. De pareils cas d'artério-sclérose

peuvent aisément être pris pour des lésions chroniques progressives

(tumeurs) ; les maux de tête ne sont pas rares, non plus que les

vomissements (lésions du bulbe). Comme dans la plupart des cas

de ce genre, il n'y avait pas de névrite optique.

M. Bruns (Hanovre). Sur les myélites. Le domaine des myélites

va en se retrécissant depuis les nouvelles recherches cliniques et

anatomo-pathologiques. Les paraplégies aiguës que l'on observe

assez fréquemment dans la syphilis ne doivent pas être attribuées

à une myélite (à part les cas de méningo-myélite gommeuse), mais

à un ramollissement par thrombose. On ne range aujourd'hui dans

les myélites que les cas de lésions médullaires plus ou moins primi-

tives, transversales, non systématiques et de nature inflammatoire.

Ainsi définies, les myélites sont des affections rares. Mais il n'est

pas aussi facile qu'on le croit au premier abord de démontrer la

nature inflammatoire d'une lésion médullaire. On n'a pu le faire

avec certitude que dans les cas très rares où l'on a constaté l'exis-

tence dans la moelle de causes provocatrices de l'inflammation.

Les faits histologiques considérés comme caractéristiques des pro-

cessus inflammatoires ont été observés aussi dans des cas de

tumeurs ou de compression de la moelle, qu'on ne saurait ranger

dans le groupe des inflammations. On les a même constatés dans

328 SOCIÉTÉS SAVANTES.

le ramollissement par thrombose, et c'est une chose très caracté-

ristique que de voir les stades de ramollissement rouge, jaune et

blanc décrits comme caractérisant la myélite aiguë, être cousidé-

rés, dans le cerveau, comme les périodes successives des foyers de

ramollissement d'origine vasculaire.

Adressons-nous à l'étiologie pour définir les myélites. Les causes

les plus importantes de ces affections sont les infections et les

intoxications. Il est vraisemblable que, dans certaines circons-

tances, toute maladie infectieuse peut déterminer une myélite,

D'ailleurs il n'y a pas d'infection, d'origine interne ou externe

(tranmatisme), qui n'ait pu donner lieu à des inflammations de

la moelle : la fréquence seule de ces complications varie suivant les

infections. En France on a déterminé des myélites infectieuses

expérimentales. Pour ce qui est des intoxications, on a constaté le

rôle étiologique de poisons animaux, végétaux, métalliques, gazeux

des auto-intoxications (diabète, anémie, maladies de l'estomac).

Les refroidissements graves agissent peut-être aussi en détermi-

nant l'apparition de produits toxiques. Dans les maladies infec-

tieuses il faut incriminer tantôt l'infection primaire (bacille typhi-

que, Curschmann), tantôt une infection secondaire (staphylocoques,

streptocoques), tantôt l'action de toxines. Les deux derniers

modes sont plus fréquemment observés que le premier. En tenant

compte de ces facteurs étiologiques on est autorisé à diagnostiquer

une myélite transverse, quand le tableau symptomatique est celui

d'une section plus ou moins complète de la moelle et quand

l'anammèse révèle une infection ou une intoxication antérieures.

Les infections et aussi, dans une certaine mesure les intoxica-

tions, jouent un rôle actif dans la production, non seulement des

myélites transverses, mais de tout un groupe d'affections médul-

laires que l'on a distingués des myélites. Il faut citer en première

ligne la poliomyélite antérieure de l'enfance, que l'on a vue se mon-

trer parfois de façon épidémique, etla poliomyélite antérieure de l'a-

dulte qui fréquemment est déterminée par une maladie infectieuse.

Puis viennent la forme centrale de la paralysie de Landry, la

myélite aiguë à foyers multiples, l'éncéphalo-myélite, la sclérose

en plaques, certains cas de scléroses systématiques combinées.

L'influence étiologique des infections et des intoxications est évi-

dente dans les premières aflections; elle est moins certaine dans

la sclérose multiple. Les recherches de Kadji nous ont appris

l'existence de deux systèmes de vaisseaux dans la moelle : 10 les

artères centrales qui, du sillon antérieur, pénètrent dans les

cornes antérieures et aussi dans la base des cornes postérieures et

dans la substance blanche limitant les cornes antérieures ; 1° les

artères périphériques, plus petites, qui pénètrent dans la substance

blanche et irriguent les parties non desservies par le premier

système. Dans la poliomyélite antérieure c'est le premier système

SOCIÉTÉS SAVANTES. 329'

artériel qui est intéressé par l'inflammation. Le second système est

lésé dans la myélite consécutive à l'anémie grave (sclérose systéma-

tique combinée : lésions prédominantes des cordons latéraux et

postérieurs). Entre ces deux formes prennent place les myélites

disséminées, la sclérose multiple, la myélite transverse. La forme

centrale de la paralysie de Landry est une maladie du territoire

des artères centrales qui s'étend rapidement à toute la substance

grise. Ces différentes myélites se distinguent donc essentiellement

les unes des autres par la localisation des systèmes artérielles

intéressés. On comprend qu'il y ait plus de probabilités pour qu'un

poison quelconque intéresse par les artères centrales une partie

des cornes antérieures (poliomyélite antérieure) que pour qu'il aille

agir sur toute la périphérie de la moelle par les petites artères

périphériques, et cela sans léser les cornes antérieures (scléroses

systématiques combinées). De même lorsque les deux systèmes

artériels sont atteints il y a plus de chance pour qu'il se produise

une myélite disséminée intéressant toute la moelle et peut-être le

cerveau, que pour que l'inflammation reste circonscrite au niveau

d'un poinl déterminé. Aussi la polyomyélite antérieure est-elle la

forme de myélite la plus fréquente ; puis viennent les formes

disséminées (elles sont les plus communes à l'âge adulte) ; les

myélites transversales et celles qui intéressent seulement la péri-

phérie de la moelle sont les plus rares. On rencontre d'ailleurs

toutes les formes de transition : la paralysie infantile spinale n'est

pas strictement limitée au territoire des artères centrales, et par-

fois le cerveau est lui aussi atteint. La myélite centrale diffuse de

Hayem parait-êrte une forme de transition entre la myélite trans-

verse et la poliomyélite antérieure. Cette conception permet de

rapprocher les névrites multiples elles-mêmes du groupe des

myélites comme l'indique déjà leur étiologie commune. Nous savons

que, même dans les névrites typiques, le poison touche aussi la

moelle et le cerveau.

La sclérose multiple parfois évolue rapidement, et le début de

la maladie, qui peut frapper les nerfs optiques ou la protubé-

rance, se fait quelquefois sous une forme aiguë. Elle paraît ne se

distinguer des myélites citées plus haut, qui tuent rapidement ou

qui deviennent silencieuses, que par sa marche progressive. Mais

cette dernière distinction perd elle-même de sa valeur, puisque la

paralysie spinale infautile peut se continuer, à l'âge adulte, d'une

façon lente et progressive, sous forme d'atrophie musculaire spi-

nale, ou d'une façon aiguë, sous forme de poliomyélite antérieure

aiguë. Il existe aussi vraisemblablement des rapports entre la sclé-

rose multiple et l'encéphalomyélite aiguë disséminée.

Discussion. M. ALT (Uchtspringe) pense que dans toutes les

myélites, même dans celles qui sont consécutives aux infections, le

facteur étiologique principal est l'intoxication. Il cite toute une

330 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

série de recherches expérimentales qui appuient sa manière de

voir. Il a empoisonné d'une façon chronique un chien, à l'aide

d'injections de morphine : l'animal a présenté le tableau clinique

du tabès; à l'autopsie on a trouvé une dégénéralion de la moelle

portant surtout sur les cordons postérieurs. Le venin de serpent, en

injections sous-culanees, a donné des résultats identiques.

De même les toxines du typhus, les toxalbumines du choléra-

La lésion intéressait surtout les cordons postérieurs et latéraux;

sa répartition variait quelque peu suivant la nature du poison. Il

semble que les divers territoires de la moelle présentent une vul-

nérabilité inégale à l'égard des différents poisons. L'intoxication de

chiens par la toxine du choléra a montré le rôle capital des vais-

seaux dans le processus de dégénération de la moelle : on consta-

tait de nombreux foyers hémorragiques plus ou moins étendus

au niveau de l'origine du pneumogastrique. Peut-être ces hémor-

ragies déterminent-elles les cas de mort subite observés dans le

choléra. Les pneumonies secondaires qui succèdent parfois à des

maladies infectieuses graves peuvent en partie être attribuées à la

dégénération produite par les poisons dans le bulbe.

Des intoxications multiples déterminent plus aisément une dégé-

nération de la moelle, de là le danger des maladies infectieuses de

longue durée et à récidives multiples. Si la syphilis provoque si

fréquemment la dégénération du système nerveux central c'est

en outre de l'action spécifique du poison sur la fibre nerveuse

qu'aucune autre maladie infectieuse ne persiste aussi longtemps

dans l'organisme en déterminant de temps à autre une nouvelle

intoxication. L'expérimentation sur les animaux apprend aussi

qu'une nouvelle intoxication produit chez un animal déjà empoi-

sonné une accélération du processus dégénératif. Ce fait est d'ac-

cord avec les données cliniques qui montrent que par exemple la

marche du tabes est accélérée par l'inlluenza.

M. Cramer (Gttin`en). Ictère, psychose, cczçto-intoxcnLio7t. - On

ne veut pas s'étendre sur les théories qui prétendent expliquer les

rapports entre l'ictère et les psychoses en se basant sur l'étude des

intoxications. Il rapporte simplement un fait qui montre les rela-

tions existant entre l'ictère et une psychose, relations qui peuvent

être expliquées par une auto-intoxicalion. Un industriel de cin-

quante-quatre ans, sans tares héréditaires, bien développé au point

de vue physique et psychique, actif, mais quelque peu irascible,

est sujet, depuis plusieurs années, à des accès annuels de troubles

digestifs compliqués d'ictère et qu'accompagnent des manifesta-

tions mélancoliques et hypocondriaques disparaissant avec les

troubles digestifs et l'ictère. En novembre de l'année dernière appa-

raissent des troubles digestifs avec une certaine irascibilité; ces

phénomènes s'accentuent (constipation, ictère) ; surviennent alors

de l'insomnie, des préoccupations hypocondriaques, de la dépres-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331

sion, des idées d'indignité, des accès d'angoisse, une tentative de

suicide. Entrée à l'asile le 20 décembre apathie, mutisme, ictère

accentué. L'urine renferme de l'albumine et des pigments biliaires.

Hypothermie. Pouls 88. Cet état se maintient durant quelques jours

sans modifications. Les réflexes du genou, d'abord faibles, dispa-

raissent ; myosis et rigidité des pupilles; légère parésie des mem-

bres inférieurs. L'ictère augmente, état comateux dont le malade

ne sort que rarement pour lever le bras en menaçant, et dire

GO va-t'en ». Mort le 2 janvier par pneumonie. Autopsie du cerveau

faite trois heures après la mort; pas d'autres altérations que des

adhérences de la dure-mère à la voûte crânienne. L'examen histo-

logique montre que les fibres nerveuses sont normales; de même

les cellules nerveuses, la névroglie, les vaisseaux. Dans la gaine

adventice de nombreux vaisseaux, et aussi dans la substance corti-

cale elle-même, il y a des hémorragies récentes sans leucocytes ni

pigment. Mêmes hémorragies dans la moelle, la protubérance (sur-

tout sous l'épendyme), les noyaux de l'acoustique, du trijumeau

sensitif. On trouve en certains endroits de l'écorce des hémorragies

plus anciennes, en petit nombre, que l'auteur croit elles-mêmes de

date peu éloignée. Pas de' microorganismes.

Le tableau clinique et l'examen histologique montrent que -dans

ce cas il ne s'agissait ni de paralysie générale, ni de psychose sénile,

La coïncidence de l'ictère avec les troubles psychiques étant mani-

feste, on peut admettre qne les produits toxiques ont joué un rôle

dans la production de la psychose ; on sait d'ailleurs que l'ictère

peut-être accompagné de troubles cérébraux graves. Damsch a

observé la catalepsie, et Dischkin a décrit une psychose polynévri-

tique dans l'ictère. M. Cramer attire l'attention sur l'atlas d'ana-

tomie pathologique de Ross et Rumpel et sur l'atlas d'histologie nor-

male de Dress.

M. WEBER (Uchtspringe) fait remarquer qu'il a observé maintes

fois chez des épileptiques morts en état de mal des hémorragies

analogues à celles décrites précédemment et siégeant dans la subs-

tance grise centrale. Dans ces cas il s'agissait aussi d'hémorragies

récentes localisées principalement sur le plancher du quatrième

ventricule, surtout au niveau du noyau du pneumogastrique. Elles

avaient déterminé la mort. On réussit quelquefois, par la narcose

cliloroformique, à entraver le cours de l'état du mal.

M. Weber (Uchtspringe) La méthode de Golgi dans les 2-eche ? ches

de neuropathologie. La méthode de Golgi n'a pas jusqu'ici été

souvent employée par les pathologues et les cliniciens. Elle est

cependant aisément praticable. Le cerveau doit au préalable être

plongé, durant quelques jours, dans une solution de formol à

10 p. 100. Si le cerveau est placé tout entier dans un bocal, on aura

soin de sectionner le corps calleux. Puis on place des petits frag-

ments du cerveau ou de la moelle dans un mélange d'une solulion

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de bichromate de potasse à 3.5 p. 100 (40 parties) et d'une solu-

tion d'acide osmique à 1 p. 100 (10 parties) ; durant quatre jours,

puis pour vingt-quatre heures dans une solution de nitrate d'argent

à 3/4 p. 100. Les pièces sont déshydratées par l'alcool, puis incluses

dans la celloidine. L'auteur pense que, contrairement à l'opinion

de Weigert, la méthode de Golgi peut être utile pour l'étude des

lésions de la névroglie ; il a pu mettre en évidence, dans la moelle

de sujets adultes, l'existence de cellules identiques par leur forme

et par leur situation aux cellules de l'épendyme que l'on trouve

chez l'embryon.

DMCtMSMH.M. Cramer a observé, chez des paralytiques généraux

morts d'ictus, des hémorragies siégeant au niveau de la substance

grise centrale; ces foyers hémorragiques n'étaient pas aussi éten-

dus que dans le sujet atteint d'ictère. L'intéressante observation

d'Alt sur l'existence de nombreuses hémorragies dans la substance

grise centrale des épileptiques morts en état de mal, son hypothèse

sur l'étiologie toxique des accès, remarque que les animaux empoi-

sonnés par des toxines bactériennes présentent les mêmes lésions,

permettent d'admettre que dans le cas du malade ictérique les

hémorragies ont été également produites par des toxines.

M. Ar.T (Uchtspringe). Contribution à l'élude de la question des

infirmiers. M. All présente le plan d'un petit village construit

sur ses indications à Uchtspringe, renfermant des habitations pour

14 familles d'infirmiers et pour 32 aliénés confiées à l'assistance

familiale. La communication de l'auteur paraitra ailleurs in-

extezso .

M. SNELL (ilildesheiiii). L'asile d'aliénés de Tol.lo (Japon). L'au-

teur a visité en 1894, Tokio-fu-Hospital. C'est un bâtiment en bois,

à un seul étage, avec deux ailes l'une pour les hommes, l'autre

pour les femmes. Les fenêtres ont, au lieu de vitres, du papier

blanc, qui laisse très bien passer la lumière; en dehors sont pla-

cées' des grilles en fer. Avant de pénétrer dans les salles de réunion

on retire ses chaussures pour les remplacer par des sandales de

paille ; cette coutume s'explique par ce fait que les Japonais n'ont

ni sièges ni lits, mais s'assoient et dorment sur les nattes qui cou-

vrent le parquet. Les salles ont de chaque côté un large corridor :

elles sont assez encombrées. Chauffage au charbon de bois. Les

cellules ont trois parois de bois; la quatrième est constituée par

une grille de fer. Les cabinets aboutissent à un canal. La plupart des

médecins parlent correctement la langue allemande. La paralysie

générale est rare au Japon (2 p. 100), et ne frappe que les classes

aisées. Les autopsies sont très rares (1 p. 100 des cas), par suite de

scrupules religieux. Les familles avant de placer leurs malades

à l'asile, les conduisent souvent dans des temples bouddhiques,

pensant obteuir leur guérison par la lecture des livres sacrés : les

maladies mentales sont considérées comme une punition divine. Le

BIBLIOGRAPHIE. 333

traitement des aliénés à l'asile de Tokio est conforme aux principes

de la science moderne. L'asile possède un laboratoire d'histologie

et une bibliothèque très riche. (Allg. Zeitsch. f. Psychiatrie, t. LUI,

f. 4.) Paul Sérieux.

BIBLIOGRAPHIE.

V. LE GOiTRE exophtalmique. Interprétation nouvelle, par P. Riche.

(Soc. d'édit. scientif. 1897)

Après un rapide exposé symptomatologique, M. Riche discute

l'hypothèse des faux goitres exophtalmiques, il doute de l'existence

de cesfausses maladies de Basedow, existence quisemble cependant

reposer actuellement sur des bases solides, car les goitres base-

dowifiés offrent des signes et une réaction à la médication thy-

roïdienne qui permettent de les distinguer nettement de la vraie

maladie de Basedow.

M. Riche critique les théories pathogéniques du goître exophtal-

mique. Les groupes des théories extra-thyroïdiennes (théories

cardio-vasculaires, nerveuses) ont cédé le pas aux théories thyroï-

diennes et actuellement, parmi ces dernières, la théorie thyroï-

dienne mécanique a fait place aux théories chimiques à celle de

l'hyperthyroïdation. Se basant sur une étude anatomique détaillée

du sympathique cervical, M. P. Riche considère l'excitation de ce

sympathique par un goitre quelconque, souvent dû à une altéra-

tion vasculaire du genre des anévrysmes cirsoïdes, comme l'origine

du syndrome basedowien. Ce syndrome ne serait donc pour

M. P. Riche qu'une complication et le volume de la glande thyroï-

dienne, ses connexions, sa sécrétion interne ne joueraient aucun

rôle dans la pathogénie de cette complication. Tous les symptômes

de lamaladiede Basedow résulteraient de l'augmentation de calibre

et des troubles de la circulation des artères thyroïdiennes inférieures

dont les rapports avec le cordon cervical sont parfois très intimes.

Conclusions : les goitres exophtalmiques échappent au traite-

ment médical, leur cure doit être laissée au chirurgien et parmi

les opérations tentées dans la maladie de Basedow (thyroïdectomie

totale ou partielle, strumectomie, exothyropexie) M. P. Riche

donne la préférence à la thyroïdectomie partielle dans laquelle, à

l'inverse de Mikuliez, il ne laisserait que les cornes supérieures du

corps thyroïde pour éviter le myxoedème postopératoire.

J. Noir.

VARIA,

Huitième congrès DES médecins aliénistes ET neurologistes

Le huitième Congrès annuel des Médecins Aliénistes et Neurolo-

gistes français s'ouvrira à Toulouse, le lundi 2 août 1897, sous la

présidence de M. le Dr Ritti, médecin de la Maison nationale de

Charenton. Le programme comprendra : 1° Questions mises il

l'ordre du jour : Pathologie mentale. - Diagnostic de la paralysie

générale. Rapporteur : M. le Dr Arnaud, médecin de la maison

de santé de Vanves.

Pathologie nerveuse. - L'hystérie infantile. Rapporteur :

M. le D1' Rézy, chargé du cours de clinique infantile à la Faculté de

médecine de Toulouse.

Assistance des aliénés. Organisation du service médical dans les

asiles d'aliénés. Rapporteur : M. le Dr Doutrebente, médecin

directeur de l'asile de Blois.

2° Lectures, présentations, travaux divers ; 3° Visite de l'asile

d'aliénés de la Haute-Garonne ; 4° Assemblée générale de l'Union

des Aliénistes français ; 5° Excursions ; 6° Impression et distribu-

tion .des travaux du Congrès. Prix de la cotisation : 20 francs.

Adresser, dès maintenant, les adhésions, les cotisations et toutes

communications au Secrétaire général du Congrès, M. le or Victor

Parant, allées de Garonne, 17, Toulouse.

Congrès international DE médecine légale

La Société de Médecine légale de Belgique, à l'occasion de l'Ex-

position de Bruxelles, a décidé d'organiser dans cette ville, uu

Congrès International qui se tiendra du 2 au 7 août prochain.

Pouvant déjà compter sur le concours de savants dévoués, elle fait

un pressant et chaleureux appel à la collaboration des hommes

qui ont à coeur les progrès de la médecine judiciaire et qui, par la

grande autorité qu'ils ont acquise et basée sur leurs travaux scien-

tifiques et pratiques donneront tout le poids nécessaire aux con-

clusions et aux voeux résultant des discussions auxquelles donneront

lieu les travaux présentés. Elle sera reconnaissante à tout adhérent

à cette oeuvre qu'elle s'efforcera de faire dignement surcéder à

celle que nos collègues de France ont réalisé à Paris en 1889. Le

programme des questions générales qui seront traitées au Congres

a été arrêté comme suit :

1. Bactériologie et Toxicologie. - ire question : Les facteurs

internes de la putréfaction des cadavres. Rapport de M. le D1'

Malvoz, professeur de bactériologie à l'Université de Liège.

2nvc question : Le rôle et les devoirs du médecin légiste dans les

faits divers 335

expertises relatives aux accidents provoqués par l'ingestion des

viandes. Rapporteur : M. le Dr Van Grnrengeu, professeur de

médecine légale et de bactériologie à l'Université de Gand.

3 ? question : La toxicologie de l'acétylène. Rapporteur : M. le Dr

Van Vyve, médecin-légiste, Anvers. 4mo question : L'intoxica-

tion par l'oxyde de carbone. Rapporteurs : M. Berge, professeur

de chimie à l'Université libre de Bruxelles et M. le Dr de Nobele,

assistant du cours de médecine légale à l'Université de Gand.

II. législation. 1re question : Les aliénés criminels et les

maisons-asiles. Rapporteur : M. de Busschere, conseiller à la cour

d'appel de Bruxelles. 2me question : Le secret professionnel

médical devant la justice. Rapporteurs : : 'IL Alfred Moreau et

M. Smets-Mondez, avocats près la cour d'appel de Bruxelles.

III. Médeciae légale. 1 ? question : La docimasie pulmonaire.

Rapporteur : : \1. le Dr Dallemagne, professeur de médecine légale

à l'Université libre de Bruxelles. 2rao question : La valeur médico-

légale des ecchymoses sous-séreuses. Rapporteur M. le Dr Gabriel

Coprin. assistant du cours de : médecine légale à l'Université de Liège.

IV. Médecine mentale. ire question : De la responsabilité,

notamment de la responsabilité partielle. Rapporteur : M. le Dr de

Boeck, chargé de la clinique de psychiatrie à l'hôpital Saint-Jean,

Bruxelles. - 2mue question : L'hypnotisme dans ses rapports avec

la criminalité. Rapporteur : M. le or Camille Moreau, docteur ès

sciences naturelles, médecin-légiste à Charleroi.

Le Comité prie chaque adhérent de vouloir bien, de son côté,

lui faire connaître, avant le 15 mai, les questions qu'il désirerait

traiter personnellement au cours des réunions. Le prix de la coti-

sation est fixé à 20 franc. Les adhérents recevront le règlement et

les rapports sommaires dans ie courant du mois de juin ainsi que,

dans l'avenir, le compte-rendu des travaux du Congrès. Toutes les

demandes de renseignements doivent être adressées au secrétaire-

général, M. le U'' Camille Moreau, rue de la Gendarmerie, 6, Char-

leroi (Belgique). Le bureau est ainsi composé : président d'hon-

neur : Dr Vleminckx, membre de l'Académie de médecine de

Belgique ; président : D1' Mot, membre de l'Académie de médecine

de Belgique ; premier vice-président : D'' llalvoz, professeur de

bactériologie iL l'Université de Liège ; second vice-président :

D'' Lebrun ; secrétaire général : Dr Camille Moreau ; secrétaire

adjoint : D1' de Nobele ; trésorier : 1)'' Dewez.

FAITS DIVERS.

Asiles D'AHEKES. Nominations et promotions : : M. le Dr Meunier,

directeur-médecin de l'asile d'Aix, est nommé médecin en chef de

336 FAITS DIVERS

l'asile de Marseille (10 février) ; M. le Dr REy, médecin en chef

de l'asile de Marseille, est nommé directeur-médecin de l'asile

d'Aix (18 février); - )1. le D Cu.uu.lRD, directeur-médecin de l'asile

de Bourges est nommé médecin en chef de l'asile de Clermont

(Oise) (3 mars) ; M le Dr DUBOURDIEU, médecin-adjoint de l'asile

de Pau, est élève à 1" classe du cadre (13 mars).

Prix DE l'académie des sciences. L'Académie des Sciences a

tenu sa séance publique annuelle, le lundi 21 décembre 1896, sous

la présidence de M. Cornu. Parmi les récompenses proclamées

nous relevons les suivantes, décernées à des travaux sur la physio-

logie et la pathologie du système nerveux :

Prix Montyon de médecine et de chirurgie, 7,500 francs. Un

prix de 2,500 francs est décerné à M. le Dr LEGRAIN, médecin à

l'asile d'aliénés de Ville-Evrard, pour ses travaux sur l'alcoolisme.

Une mention honorable est accordée à les Drs BROC,\, chirur-

gien des hôpitaux de Paris, et Maubrac, de Paris, pour leur ouvrage

sur la Chirurgie cérébrale.

Prix Allemand, 1,800 francs. Le prix est décerné à M. RApii%EL

Aubois, professeur à la Faculté des sciences de Lyon, pour son

Etude sur le mécanisme de la thermogenèse et du sommeil chez les

mammifères ; physiologie de la marmotte.

Voici le titre des deux prix proposés pour 1897 qui peuvent inté-

resser nos lecteurs :

Prix Duscate. Ce prix sera décerné, s'il y a lieu, en 1900, à

l'auteur du meilleur ouvrage sur les signes diagnostiques de la

mort et sur les moyens de prévenir les inhumations précipitées.

Prix .aMemffnd. Ce prix annuel, d'une valeur de dix-huit

cents francs, est destiné à « récompenser ou encourager les travaux

relatifs au système nerveux, dans la plus large acception des

mots». Les travaux destinés au concours devront être envoyés au

Secrétariat de l'Institut avant le lcr juin de chaque année.

Nécrologie. M. IeD''Chartes LoisEAu estmortau commencement

de février. Il était âgé de 72 ans. Sa vie a été des plus actives. Pra-

ticien distingué, il avait su s'attirer une nombreuse clientèle.

Ancien interne de la Maison nationale de Charenton il s'intéres-

sait particulièrement aux questions relatives a l'aliénation mentale

et à l'organisation des asiles d'aliénés. Pendant de longues années

il a pris une part active aux discussions de la Société médico-psy-

chologique dont il fut président. Il a fait partie du Conseil munici-

pal de Paris et du Conseil général de la Seine pendant près de

quatorze ans. Il a fait dans ces deux Conseils de nombreux

rapports relatifs à l'assistance.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Evreux, Ch. IItOI5SEY, imp. 3-97.

Vol. III.

Mai 189 ? /lf ? E N 17.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

LA THÉORIE DES NEURONES EN RAPPORT

AVEC L'EXPLICATION DE QUELQUES ÉTATS PSYCHIQUES

NORMAUX ET PATHOLOGIQUES ;

Par te'D' Serge SOUKUANOFF,

Médecin de la clinique psychiatrique de Moscou.

Nos connaissances de la plus fine structure du système ner-

veux se sont récemment accrues et ont subi sous beaucoup de

rapports des modifications radicales. Bien qu'il y ait plus de

vingt ans qu'est apparue la méthode d'investigations histolo-

giques, à l'aide de laquelle nous avons reçu de nouvelles don-

nées, ce n'est que maintenant et à nos yeux qu'on commence

à reconnaître l'importance et l'authenticité des résultats qu'elle

donne. Les nouvelles idées et le nouveau point de vue ont

pénétré dans la neurologie, la neuropathologie et en partie

dans la psychiatrie. Ce courant, qui a envahi toutes les régions

de sciences, qui sont en rapport direct ou indirect avec l'étude

de la plus fine structure du système nerveux, devrait aussi

arrêter l'attention des psychologues et des aliénistes. La théorie

contemporaine neurologique, fondée sur les faits reçus récem-

ment, jette une nouvelle lumière sur l'activité variée du méca-

nisme nerveux, mécanisme extrêmement compliqué et parfait

dans sa construction détaillée. Les investigations de M. Golgi,

perfectionnées et heureusement précisées par M. Ramon y

Cajal et aussi par d'autres savants, s'appuyant sur les faits

reconnus par MM. His et Forel à l'aide d'autres méthodes, ont

Archives, 2e série, t. III. 22 2

338 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

prouvé que tout le système nerveux central et périphérique

consiste dans l'ensemble d'unités séparées et complètement

isolées, et nulle part les prolongements d'une cellule ne passent

à ceux d'une autre. M. Waldeyer a proposé pour ces entités

nerveuses le nom de neurone. Ce terme fut admis par tout

le monde scientifique. Que représente donc chaque neurone

pris à part ? Quelles sont ses propriétés morphologiques, phy-

siologiques et biologiques ? Après avoir répondu à ces questions,

appliquons les résultats reçus à l'explication de quelques états

peychiques normaux et pathologiques.

En faisant subir à une section quelconque du système ner;

veux central un durcissement consécutif par des chromates et

par l'acide osmique mélangé avec ces derniers et l'action de

nitrate d'argent, nous atteignons l'imprégnation des éléments

nerveux, qui nous apparaissent au microscope comme des cor-

puscules noirs et opaques, munis d'une grande quantité de

prolongements, qui se ramifient et se dirigent dans toutes les

directions. Avant l'apparition de la nouvelle méthode d'inves-

tigation, nons ne supposions pas que chaque cellule ner-

veuse ait une aussi grande quantité de prolongements pro-

toplasmiques ou de dendrites. Outre ces dernières, chaque

cellule nerveuse a un ou plusieurs prolongements cylin-

draxiles, qui sont aussi munis de prolongements latéraux ou

collatéraux. Si nous suivons le cours du cylindraxe, nous

pouvons nous convaincre qu'il atteint toujours les prolonge-

ments protoplasmiques de quelque autre cellule et forme

autour de ceux-ci tout un réseau d'arborisations, composé de

fibres nerveuses extrêmement fines et àl'endroitoù le cylindraxe

atteint les prolongements protoplasmiques d'un autre élé-

ment nerveux, il ne s'opère jamais de continuité d'un prolon-

gement à un autre. Dans tous les cas sans exception, l'affaire

se borne au simple contact d'un prolongement à un autre.

C'est un fait fondamental de notre conception contemporaine

du rapport des cellules nerveuses entre elles. Pour ce qui con-

cerne le mode des arborisations terminales des collatérales de

la fibre nerveuse principale, nous pouvons supposer qu'il s'y

opère la même chose; nommément, les collatérales se dirigent

de leur côté vers les prolongements protoplasmiques des autres

cellules nerveuses, ne se continuant nulle part avec eux. Ainsi

à chaque terminaison de la fibre nerveuse, quel que soit le

nombre des prolongements qu'elle émette, la cellule nerveuse

LA THÉORIE DES NEURONES. 339

peut être considérée comme un élément isolé de ses semblables.

C'est justement cette unité nerveuse, avec tout l'ensemble de

ses prolongements protoplasmiques et cylindraxiles, qui est

désignée du nom de neurone. Tout le système nerveux central

et périphérique apparaît à ce point de vue comme l'union d'une

grande quantité de neurones, très variés selon leurs parti-

cularités morphologiques. L'aspect extérieur des neurones est

d'une extrême variété. Mais, il existe une forme caractéris-

tique de neurones pour chaque région du système nerveux ;

par exemple, les cellules pyramidales avec leurs panaches pro-

toplasmiques très caractéristiques ne se rencontrent que dans

l'écorce cérébrale; nous n'en voyons plus nulle part; les cel-

lules de Purkinje ne se trouvent que dans l'écorce cérébelleuse.

Nous avons déjà dit que les neurones isolés se rattachent

entre eux par le simple contact des cylindraxes d'un neurone

avec les prolongements protoplasmiques d'un autre. Plus le

neurone est muni de dendrites et de collatérales, plus il a de

contact avec les autres neurones.

Nous allons maintenant passer à l'examen des propriétés

biologiques et physiologiques des neurones. Le corps de

chaque neurone avec ses dendrites constitue la partie active

du neurone, tandis que les prolongements cylindraxiles jouent

le rôle de conducteurs des courants nerveux. La vibra-

tion moléculaire, qui commence aux dendrites, se dirige vers

le corps cellulaire, passe de ce dernier au conducteur nerveux,

à la fibre nerveuse, atteint les arborisations terminales du

cylindraxe, et à l'aide de ces dernières influe sur les autres élé-

ments en y excitant une vibration moléculaire.

La cellule nerveuse joue, à l'égard du cylindraxe, le rôle

du centre trophique, car la destruction de la cellule provoque

l'atrophie de la fibre, qui est en continuité avec elle. Les den-

drites augmentent considérablement la surface du corps cellu-

laire, ce qui est d'une grande importance pour la nutrition de

la cellule. Outre leurs fonctions spécialement nerveuses, les

dendrites servent d'organes nutritifs aux neurones, parce qu'ils

consistent dans la même substance, dont est formé le corps du

neurone, c'est-à-dire du protoplasma.

Lasubstance vive et mobile des prolongements protoplasmiques

réagit rapidement et facilement aux irritations extérieures qui

l'atteignent. Cette substance a la propriété de se contracter et de

prendre une autre forme; toutes les modifications s'y produisent t

340 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

avec une extrême rapidité. Les dendrites ont la propriété de

paraître sous l'influence d'irritations extérieures dans des en-

droits où elles n'existaient pas auparavant ; et plus le neu-

rone est actif, plus sa tendance à produire de nouveaux

bourgeons protoplasmiques est grande. Cette hypothèse est

fondée sur les faits qui nous permettent de faire cette suppo-

sition. Le neurone, avec ses dendrites, a quelque ressemblance

avec l'amibe. Un savant allemand, M. VViedersheim, a réussi à

observer la cellule nerveuse d'un animal inférieur pendant son

activité, et il put constater que la cellule ne reste pas en repos,

mais change de forme. De même que l'amibe, la dendrite est

munie d'un protoplasma mobile, de forme variable, dont les

ramifications produisent de nouveaux rameaux, pareils aux

pseudopodes de l'amibe. Mais n'oublions pas que l'amibe mène

une existence indépendante, tandis que le neurone est entouré

d'autres éléments, auxquels il se rattache et dont il dépend, et

qu'il est incapable d'exister indépendamment. De sorte que

malgré cette ressemblance du protoplasma du neurone avec

l'amibe, il existe une extrême différence entre eux dans l'ex-

pression de leurs fondions extérieures. La propriété des prolon-

gements protoplasmiques d'émettre de nouvelles ramifications

est d'une grande importance pour l'organisme en général et pour

le développement des facultés psychiques en particularité; car,

grâce à cette capacité les neurones qui remplissent des fonc-

tions psychiques peuvent former un nouveau substratum pour

de nouvelles images, de nouvelles idées et conceptions. Pour

ce qui concerne les prolongements du cylindre-axile et ses

collatérales, toutes les fibres nerveuses du neurone constituent

l'organe passif de ce dernier, qui sert à transmettre le courant

nerveux ; il est à remarquer que ce dernier se dirige toujours

du corps cellulaire vers les arborisations terminales.

De quelle manière s'accomplit donc la nutrition de la cellule

et de ses nombreuses dendrites ? Nous savons déjà qu'autour du

corps cellulaire se trouve un espace nommé péricellulaire, qui

contient un liquide lymphatique nutritif. Nous sommes de

l'avis que ce sac a des manches d'une longueur assez considé-

rable, dans lesquelles siègent les prolongements protoplas-

miques. La cellule avec ses nombreuses dendrites nous appa-

rait donc entourée de tous côtés d'un sac périprotoplasmique ;

elle est plongée dans un fluide lymphatique dont elle puise le

matériel nutritif.

LA THÉORIE DES NEURONES. 341

L'opinion de M. Golgi, qui supposait qu'au bout de chaque

dendrite se trouve un vaisseau sanguin, ne se confirma pas par

les investigations ultérieures. Il est, en effet, difficile d'ad-

mettre que le protoplasma tendre des neurones puisse ab-

sorber les sucs nutritifs, en les prenant tout droit des vais-

seaux, le contenu desquels présente tel qu'il est une matière

assez grossière.

Après la description des particularités morphologiques et

biologiques des neurones, arrêtons notre attention à la manière

dont ces derniers se réunissent en un mécanisme harmonieux

capable d'accomplir des fonctions extrêmement délicates et

inexplicables. Sous ce point de vue, c'est la structure fine du

cerveau, surtout de sa couche corticale, qui nous présente

pour le moment le plus d'intérêt. Les cellules pyramidales,

connues aussi sous le nom de cellules psychiques, que nous

trouvons uniquement dans l'écorce cérébrale en constituent la

partie la plus active et la plus importante relativement à ses

fonctions. Quoique de volume inégal et de différentes formes,

les cellules pyramidales gardent partout leurs particularités

morphologiques ; elles occupent la seconde et la troisième des

quatre couches de l'écorce cérébrale. Les petites cellules pyra-

midales sont situées plus près de la surface de l'écorce céré-

brale. Les panaches protoplasmiques des unes et des autres se

dirigent vers le bord extérieur de l'écorce, atteignent sa couche

supérieure et y forment une quantité de dendrites fins, qui se

ramifient et se terminent librement. Dans cette région, c'est-

à-dire dans la couche supérieure de l'écorce cérébrale, dans ce

réseau épais, formé par les éventails protoplasmiques des

cellules pyramidales, se trouvent d'autres éléments nerveux

qui ont la forme de corpuscules fusiformes, triangulaires et

polygonaux. Cependant les ramifications cylindraxiles de ces

cellules montrent une tendance à prendre une position parallèle

au bord de l'écorce cérébrale ; ce sont elles qui constituent la

couche des fibres tangentielles. Ces dernières servent à unir

les panaches protoplasmiques des cellules pyramidales. Comme

ces panaches montent vers la surface de l'écorce cérébrale

presque perpendiculairement, tandis que les fibres tangentielles

vont parallèlement à son bord externe, un cylindre-axe plus ou

moins long lie plusieurs cellules pyramidales, en s'entrelaçant

consécutivement d'une branche protoplasmique à une autre.

D'après notre avis, l'activité des panaches protoplasmiques

342 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

est en rapport intime avec les fonctions psychiques. Ce pa-

nache de la cellule pyramidale apparaît comme son supplé-

ment, qui se développe et se perfectionne plus tard que ses

autres parties ; il consiste, évidemment, en une substance pro-

toplasmique la moins stable, qui peut, dans des conditions

favorables, produire de nouveaux bourgeons très fins.

Les ramilles terminales du panache protoplasmique peuvent

changer de forme, peuvent s'augmenter et se diminuer, tantôt

s'étendant, tantôt se contractant. Ainsi, dans la première

couche de l'écorce cérébrale siège un mécanisme extrêmement

sensible et très délicat, qui consiste dans l'ensemble de la subs-

tance protoplasmique mobile et des fibres cylindraxiles très

fines ; ce mécanisme peut être considéré comme organe supé-

rieur de la vie psychique.

Quel est donc le rôle des cellules situées dans la première

couche de l'écorce cérébrale ? Sont-elles destinées à remplir la

fonction des voies d'association à l'égard des cellules pyrami-

dales ? Nous pouvons les envisager comme un élément acces-

soire ; mais d'un autre côté, quelques auteurs, M. Wernicke,

par exemple, leur attribuent uniquement des fonctions psy-

chiques.

Les cellules pyramidales ou psychiques, outre leur lien avec

les corpuscules nerveux environnants, entrent en contact avec

différentes régions de l'écorce cérébrale, du cerveau en géné-

ral, de la moelle épinière et du cervelet. Cette connexion

s'opère de la manière suivante, dont nous donnons quelques

exemples :

1° D'une cellule pyramidale située, par exemple, dans les

lobes frontaux ; le cylindraxe se dirige vers la portion occipi-

tale où il émet des arborisations terminales, et où il entre en

contact avec les dendrites d'une cellule pyramidale quel-

conque. Une grande quantité de ces fibres nerveuses forme

une longue voie d'associàtion entre le lobe frontal et le lobe

occipital. Chaqueprolongementcylindraxileémetses collatéra-

les ; les ramilles terminales de ces derniers entrent en contact

avec les dendrites des éléments nerveux. Cette circonstance

nous convainc aussi que le nombre de voies d'association,

c'est-à-dire de liens entre les cellules nerveuses situées dans le

même hémisphère est presque fabuleux. Une cellule se ratta-

che à l'aide de filets cylindraxiles latéraux, qui naissentde la

fibre principale, à une grande quantité d'éléments nerveux;

LA THEORIE DES ]'OEURONas. 343

2° Pour ce qui concerne les liens commissuraux destinés à

transmettre le courant nerveux d'une cellule, située par

exemple dans l'hémisphère droit, à une autre cellule, située

dans l'hémisphère gauche ou dans le sens contraire, il sont

aussi formés de la même manière, déjà décrite. La cellule

pyramidale projette un prolongement cylindraxile jusqu'à

l'autre hémisphère, où il émet des ramifications et entre en

contact non pas avec une cellule pyramidale, mais avec plu-

sieurs, ce qui s'effectue aussi avec l'aide de collatérales ;

3° Le cylindraxe du neurone pyramidal se dirige quel-

quefois vers la moelle épinière, le cervelet, etc. ; mais quelle

que soit la direction qu'il suive, nous voyons que partout dans

son trajet il donne naissance à une quantité de collatérales

qui vont non seulement aux neurones proches, mais aussi à

ceux qui sont plus éloignés. Il est très probable que certains

cylindraxes qui servent à transmettre les impulsions dans

les régions sous-jacentes du système nerveux central et qui

traversent, par exemple, l'hémisphère droit, émettent de lon-

gues collatérales qui entrent dans l'hémisphère gauche et

participent à la formation de faisceaux commissuraux.

De sorte que nous voyons partout que les collatérales du

prolongement cylindraxile augmentent extrêmement l'étendue

des voies de transmission du courant nerveux : ce dernier,

naissant d'une cellule, peut se transmettre à l'aide de voies

latérales à une multitude de neurones proches et éloignés.

Outre les cylindraxes, qui naissent des cellules pyrami-

dales ou de quelques autres cellules de l'écorce cérébrale, dans

cette dernière passent les ondes nerveuses des régions infé-

rieures du système nerveux central. Nous parlerons des

courants centripètes. Nous voyons également ici, qu'une

fibre entre en connexion avec beaucoup de cellules pyra-

midales à l'aide de ses collatérales et de ses ramifications

terminales, et le nombre de ces fibres est illimité. Il est en

général difficile de se faire une représentation, même approxi-

mativement vraie, du nombre et de la variété des connexions

des dentrites protoplasmiques avec les ramifications cylin-

draxiles. Nous avons affaire ici à des millions de cellules, une

grande partie desquelles ont des milliers de contacts.

Avant de terminer ce court aperçu du mécanisme de l'écorce

cérébrale, notons, que dans sa quatrième couche sont situées

des cellules de différentes dimensions, douées de la particula-

3H AN.,TOMIE PATHOLOGIQUE.

rité suivante : leur cylindraxe, après avoir projeté dans tous

les sens de nombreuses ramifications, descend dans les régions

sous-jacentes du système nerveux. Nous ne savons pas encore

quelles sont les fonctions de ces cellules. Elles servent, évi-

demment, à la transmission des courants quelconques prove-

nant de l'écorce cérébrale.

Les neurones de l'écorce cérébrale subissent l'influence sti-

mulante de différentes impulsions centripètes qu'ils reçoivent

des appareils perceptifs périphériques à travers les centres

inférieurs. L'activité indépendante des cellules pyramidales

consiste dans la transformation et la modification selon leur

énergie spécifique des incitations reçues du dehors. L'onde de

l'air qui parvient à l'organe de l'ouïe, l'oscillation extrêmement

rapide de l'éther, qui atteint la rétine, ne parviennent pas au

cerveau sans subir de grands changements. Il en résulte que

les impulsions centrifuges, qui se dirigent de l'écorce cérébrale

portent des traces des particularités reçues des neurones envi-

ronnants. Notons encore ceci par rapport aux impulsions cen-

trifuges. L'onde moléculaire, qui surgit au panache proto-

plasmique d'une petite cellule pyramidale, peut passer par

son cylindraxe dans d'autres sections du système nerveux, ou

transmettre à l'aide des liens latéraux d'une grande cellule

pyramidale, à d'autres cellules, situées dans la couche sous-

jacente.

L'écorce cérébrale garde presque partout les traits caracté-

ristiques de la structure dont nous venons de faire la descrip-

tion, bien qu'elle présente dans ses différentes régions quel-

ques déviations du plan général. Ainsi, le lobe occipital est

muni d'un plus grand nombre de fibres tangentielles; ces

dernières en occupent deux zones délimitées par une couche

de cellules fusiformes verticales. Les couches inférieures ont

plus de cellules, dont le cylindraxe prend la direction ascen-

dante et se dirige vers la couche moléculaire supérieure.

En ce qui concerne le mécanisme des voies unissant les

appareils périphériques avec le système nerveux central, les

investigations nouvelles ont donné les résultats positifs. Ainsi,

nous savons maintenant que le nombre des neurones visuels

est plus considérable que celui des neurones olfactifs, ce qui

s'explique par une plus grande variété de sensations visuelles ;

il est à noter, comme règle générale, que le nombre des neu-

rones nécessaires à unir la périphérie avec les centres psychi-

LA THÉORIE DES NEURONES. ' 34S

ques de l'écorce cérébrale, varie selon la complexité 'et la ri-

chesse des sensations qui parviennent à l'appareil périphérique.

L'étude des neurones visuels et olfactifs nous fournit,

entre autre, le fait suivant qui est d'une grande importance

pour nos combinaisons théoriques. La plupart des impulsions

visuelles et olfactives affectent une direction centripète, c'est-à

dire, elles montent de la périphérie aux centres psychiques

supérieurs. Mais à côté des fibres centripètes existent des

fibres centrifuges, dont la naissance n'est pas encore élucidée.

Ces cylindreaxes, qui naissent de cellules nerveuses, qui

nous sont encore inconnues, conduisent les impulsions des

centres supérieurs à la périphérie.

Les arborisations terminales des cylindraxes centrifuges

atteignent les cellules de l'appareil périphérique perceptif et

ne s'y terminent pas librement, mais entrent en contact avec

les dendrites des neurones situés ici et exercent une influence

sur elles, en leur transmettant les impulsions qui viennent du

cerveau.

Nous avons le droit de rapporter à tout le système nerveux

périphérique ce que nos investigations nous ont donné concer-

nant les voies conductrices visuelles et olfactives et de faire

l'hypothèse suivante : dans toutes les fibres sensitives , à

quelque catégorie qu'elles appartiennent, sont situées quoique

en quantité médiocre, de pair avec les fibres centripètes, qui

conduisent les courants nerveux de la périphérie aux centres,

d'autres fibres qui servent à transmettre les impulsions cen-

trifuges, qui suivent la direction inverse. Ayant cela en vue,

il ne nous est pas nécessaire d'admettre que la même fibre

serve de conduction à des ondes moléculaires contraires. Mais

quel est donc le rôle que jouent ces fibres centrifuges dans les

nerfs sensitifs ?

Nous pouvons admettre qu'elles constituent un substratum

histologique de notre faculté de projeter nos représentations

au dehors. Il est aussi probable qu'elles participent, en outre,

considérablement dans le procès des perceptions et de la

transformation de ces dernières en représentations et sont en

rapport intime avec l'activité psychique. Il est à remarquer

que le nerf visuel des animaux inférieurs est beaucoup plus

pauvre en conducteurs centrifuges. Ce phénomène dépend, il

notre avis, de ce que la quantité d'images visuelles est plus

considérable chez l'homme que chez les animaux.

346 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Puisque les voies sensitives sont pourvues de fibres cen-

trifuges, nous pouvons admettre que les nerfs moteurs ont

aussi des fibres spéciales, destinées à conduire les impulsions

centripètes. Il se peut que ces fibres servent à transmettre les

sensations d'innervations et aient des fonctions qui les distin-

guent des appareils sensoriels Il en résulte que l'arc réflexe

simple doit être modifié et complété : il serait comme double.

Elucidons ce que nous venons de dire sur un exemple quel-

conque. Arrêtons-nous à l'appareil visuel. Les incitations qui

parviennent à la rétine, pénètrent, à l'aide d'une chaîne de

neurones aux cellules du cerveau, d'où partent à travers les

fibres centrifuges du nerf visuel des impulsions centrales qui

régularisent et donnent le tonus à la substance protoplas-

mique des neurones périphériques. L'excitation, parvenue aux

cellules de l'écorce cérébrale par l'organe de la vue, se trans-

met tôt ou tard, en telle ou autre forme et après avoir subi

des modifications, aux voies motrices centrifuges, et atteint

aux muscles internes et externes de l'oeil, d'où partent des

fibres centripètes qui reviennent au cerveau. Ces fibres peut-

être servent à transmettre les sensations d'innervation qui

viennent de l'appareil moteur de l'oeil et sont en rapport

direct avec le mécanisme musculaire.

Notre conception du double arc réflexe peutse rapporter aussi

à tous les appareils perceptifs périphériques et à tous les méca-

nismes moteurs qui sont en union avec eux. Involontairement

l'idée surgit que nous avons des liaisons doubles entre les diffé-

rents centres du cerveau. Il est très probable que les fibres

commissurales et celles d'association sont formées de la même

manière. Nous pouvons admettre que les cellules situées dans

deux régions éloignées l'une de l'autre, de l'écorce cérébrale,

entrent en contact entre elles de façon à ce que les impulsions

nerveuses puissent aller dans des directions inverses. Il est à

noter, en outre, que dans les systèmes d'association les cylin-

draxes des neurones du degré supérieur jouent, à l'égard

des neurones subordonnés, le rôle de régulateurs. Pourtant

notre conception des liaisons doubles exigent encore un éclair-

cissement ; la quantité des fibres centrifuges dans les nerfs

sensoriels n'est pas considérable comparativement au nombre

des fibres centripètes. Une plus petite quantité de fibres suffi-

rait peut-être pour transmettre les sensations d'innervation,

qui portent des mécanismes moteurs.

SUR UNE CAUSE IGNORÉE D'INTOXICATION SATURNINE'. 347 I

Nous terminons ici notre aperçu des données biologiques et

physiologiques concernant les neurones et nous passons à

l'étude de ce que la théorie des neurones nous offre pour

l'explication de quelques faits, du domaine de la vie psy-

chique normale, et aussi de la sphère psychopathologique.

Nour sommes nullement d'avis que la nouvelle théorie puisse

décider la question de la nature intime des phénomènes psy-

chiques ; nous sommes loin d'affirmer que cette théorie nous

découvre le rapport intérieur qui existe entre les procès psy-

chiques et la fine structure du système nerveux. Mais, dans

tous les cas, nous devons tenir compte de cette doctrine, car

elle présente un système harmonique et nous donne le droit

d'en tirer quelques conclusions théoriques importantes pour

la psychologie et la psychiatrie contemporaines.

(A suivre.)

RECUEIL DE FAITS.

SUR UNE CAUSE IGNORÉE D'INTOXICATION SATURNINE.

FABRICATION DES FLEURS ARTIFICIELLES.

Par MM. le D' J.-B. CHARCOT, chef de 'clinique,

et P. YVON, chef du laboratoire de chimie '.

L'usage si répandu du plomb soit à l'état pur, soit dans ses

composés, explique la fréquence considérable de l'intoxication

saturnine. Sa facile absorption justifiera d'autre part la gra-

vité et le nombre des accidents. Mais, il ne faut jamais perdre

de vue que la prédisposition personnelle joue un rôle considé-

rable dans l'intoxication saturnine et que telle proportion de

plomb absorbée n'occasionnera aucun symptôme morbide sur

tel individu, alors qu'une dose beaucoup plus faible pourra

causer chez un prédisposé les accidents les plus graves.

Cette constatation expliquera que certaines professions,

1 Travail de la consultation externe et du laboratoire de chimie de

la clinique des maladies du système nerveux de la Salpêtrière.

348 RECUEIL DE FAITS.

même banales, comportant le maniement du plomb ne pro-

voquent que des cas isolés d'intoxication saturnine, mais qui

cependant devraient trouver leur place dans le chapitre de

l'étiologie du saturnisme.

Il n'est pas douteux qu'il ne soit d'une grande importance

de révéler toutes les causes jusqu'ici ignorées ou passées sous

silence pouvant engendrer une intoxication aussi grave, car,

sans compter que cette révélation pourra quelquefois éclairer

un diagnostic douteux, une thérapeutique et une hygiène

appropriées, instituées à temps auront toujours raison des acci-

dents saturnins ; et, de plus, l'hygiène préventive pourra

encore bien souvent éviter l'apparition de ces derniers.

Le cas suivant révélera ce que nous n'avons, malgré des

recherches minutieuses, trouvé signalé nulle part, l'intoxica-

tion saturnine chez les ouvrières en fleurs artificielles.

Il s'agit d'une femme qui s'est présentée à la clinique des

maladies du système nerveux de la Salpêtrière présentant les

symptômes classiques de la paralysie saturnine (accompagnée

d'ailleurs d'autres symptômes de l'intoxication par le plomb)

d'une telle netteté que nous nous sommes immédiatement

livrés à une enquête dans la profession, qu'excerçait cette

femme, enquête qui nous a donné les résultats intéressants

que nous publions à la suite de l'observation clinique.

La nommée Jeanne B... âgée de trente-deux ans. exerçant la

profession de fleuriste, se présente le 9 juin 1896 la consultation

externe de la Salpêtrière. Elle se plaint d'une paralysie qui serait

survenue presque subitement trois jours auparavant et qui est

localisée aux deux mains et aux deux avant-bras.

Les antécédents héréditaires de cette malade ne présentent

aucune particularité à relever.

. Personnellement sans avoir jamais souffert d'aucune maladie

aiguë grave, notre malade n'ajamais été d'une santé très robuste.

Depuis plusieurs années déjà elle était, disait-elle, très anémique et

souffrait fréquemment de coliques accompagnées de vomissements

et de constipation survenant par crises. Ces crises d'ailleurs sont

encore très fréquentes, obligeant la malade à rester alitée six

ou huitjours sans pouvoir supporter la moindre nourriture.

La paralysie des extenseurs des avant-bras et des mains, pour

laquelle la malade vient nous consulter, a débuté il y a trois jours ;

la malade s'ea est aperçue un matiu à son Iravail et elle s'est

manifestée d'emblée avec l'intensité qu'elle présente aujourd'hui;

cependant au début la malade aurait ressenti quelques douleurs

SUR UNE CAUSE IGNORÉE D'INTOXICATION SATURNINE. 349

dans les territoires paralysés, d'une intensité très faible et qui ont

complètement disparu actuellement.

La main droite est pendante, flasque, pouvant être agitée en

tous sens par les mouvements imprimés à l'avant bras. La main

ne peut être étendue sur l'avant-bras et les phalanges sur les méta-

carpiens ; mais cependant la malade peut étendre les phalangines

sur les phalanges et les phalangettes sur les phalangines, quand

on immobilise en extension les phalanges sur les métacarpiens.

La flexion de la main est excessivement faible et à peine sensible,

la flexion du pouce en particulier se fait à peine. L'extension de

la main sur l'avant-bras est impossible de même que les mouve-

ments latéraux. Les mouvements de supination sont conservés.

Les mouvements de flexion et d'extension de l'avant-bras sur

le bras s'effectuent normalement et avec force. A la vue et à

la palpation on ne constate aucune modification morphologique

bien accusée, si ce n'est toutefois un certain degré de mollesse

des muscles de l'avant-bras et de l'éminence thénar. Pas de

tumeur dorsale du carpe. Lorsque le bras est mis en flexion et

que l'on cherche à vaincre cette flexion on constate la saillie nor-

male du long supinateur.-

Le membre gauche présente les mêmes caractères, mais moins

accentués; de ce côté la malade peut en effet étendre légèrement

sa main sur l'avant-bras mais elle exécute ce mouvement excessi-

vement lentement. La flexion de ce côté est également un peu plus

puissante qu'à droite mais elle l'exécute uniquement avec les

quatre derniers doigts de la main, le pouce n'intervenant pas. La

sensibilité cutanée est normale dans tous ses modes. La malade ne

présente de paralysie en aucun autre point du corps. M. Huetqui a

eu l'obligeance d'examiner électriquement notre malade nous a

remis la note suivante : Réactions électriques en rapport avec le

diagnostic de paralysie saturnine. Réaction de dégénérescence très

prononcée à gauche dans l'extenseur propre et dans l'extenseur

commun, moins marquée dans le cubital postérieuret moins encore

dans les radiaux. Le long supinateur est indemne. A la main la

réaction de dégénérescence est assez prononcée dans les muscles

de l'éminence thénar, moindre dans le premier interosseux dorsal,

nulle dans lesmuscles de l'éminence hypothénar.

L'examen des viscères, coeur, poumons, foie, a donné un résultat

négatif. Les urines sont normales ; la vue, l'ouïe sont normales.

La malade est pâle, amaigrie, ses muqueuses conjonctivales et gin-

givales sont pâles et décolorées ; la dentition est mauvaise et l'on

constate nettement au niveau du bord libre des gencives inférieures

la présence d'un liséré ayant tous les caractères du liséré saturnin.

La malade ne présente actuellement pas trace de syphilis ou

d'alcoolisme et un interrogatoire minutieux n'en fait pas relever

dans ses antécédents personnels.

350 RECUEIL DE FAITS.

La malade excerce son métier de fleuriste depuis plus de

dix ans, son travail consiste à enrouler du papier vert autour

de tiges en caoutchouc également peintes en vert ; fréquem-

ment elle porte le coin d'une des feuilles de papier à sa bouche

pour le mouiller et l'enrouler plus facilement, pour passer

selon l'expression adoptée dans les ateliers de fleuristes.

Le papier dit à passer est du papier mince, non collé, de

consistance analogue à celui qui sert à rouler les cigarettes et

teint de diverses nuances suivant l'usage auquel il est des-

tiné ; les feuilles présentent les dimensions suivantes : 50 cen-

timètres de hauteur et 76 de largeur. Pour en faire usage, la

fleuriste découpe chaque feuille en bandes d'environ un centi-

mètre de largeur ; puis elle mouille, en l'appliquant sur la

langue, une des extrémités de cette bande afin de la faire

adhérer à la tige rigide ou flexible qui constituera les pétioles,

pédoncules ou tiges des feuillages, fleurs ou arbustes artificiels.

Ensuite par des mouvements de torsion et de traction combi-

nés, elle enroule cette bande de papier sur toute la longueur

de la tige qu'elle tient entre les doigts et, parvenue à l'extré-

mité, elle déchire la bande de papier, .mouille l'extrémité

libre en l'appuyant sur la langue et la fait ainsi adhérer au

support.

Un examen rapide des divers papiers apportés par la malade

nous a permis de constater qu'ils renfermaient du plomb, et

pour cela un essai chimique n'est pas nécessaire ; il suffit

d'approcher une bande de papier d'une flamme ou de la faire

toucher à un charbon en ignition ; immédiatement le papier

plombifère entre en ignition, puis la combustion continue

et se propage sans flamme ainsi qu'on l'observe pour l'ama-

dou nitré ou les mèches à briquet, qui sont, on le sait, impré-

gnées de chromate de plomb.

, La présence d'un sel de plomb, indiquée par cet essai

rapide a été ensuite confirmée par un examen chimique plus

détaillé, qui a porté sur les papiers et accessoires remis par la

malade, et dans lesquels il a été facile de déceler une propor-

tion de plomb assez considérable.

Pour généraliser nos recherches nous nous sommes procurés

dans le commerce la série des papiers à passer les plus em-

ployés. La couleur de ces papiers forme une gamme chroma-

tique allant du brun, brun verdâtre, vert bleu, vert jaune au

jaune pur; les premiers sont employés pour les fleurs et

SUR UNE CAUSE IGNORÉE D'INTOXICATION SATURNINE. 351,

feuillages imitant les plantes naturelles; les papiers jaunes

sont utilisés pour les fleurs dorées dites fleurs d'église.

Un certain nombre de ces papiers dont la couleur est

franche ne renferment pas de plomb et sont colorés avec des

dérivés d'aniline ou autres produits; nous avons laissé de

côté leur étude qui dans le cas présent, n'offrait aucun inté-

rèt pour nous. Mais toute une série formant une gamme colo-

rée allant du jaune verdâtre au bleu verdâtre, et ne présentant

pas une couleur franche renferme du plomb. La matière colo-

rante est formée par un mélange de bleu et de jaune ; ce der-

nier est constitué par du chromate de plomb ; l'examen som-

maire que nous avons indiqué et qui est basé sur la combustion

du papier suffit pour le prouver.

L'examen chimique plus complet a été pratiqué de la

manière suivante. Nous nous sommes assurés que le papier

plombifère ne renfermait pas de sel de plomb soluble, et qu'il

ne cédait pas de ce métal à l'eau distillée ; le sel de plomb

employé n'est pas l'acétate, mais le chromate ; le papier jaune

d'or, utilisé pour les fleurs d'église, est recouvert ou plutôt

imprégné de chromate de plomb sans mélange ; il suffit en

effet de le tremper dans l'eau alcalinisée avec de la potasse ou

de la soude caustique pour qu'il se décolore presque immédia-

tement, surtout à chaud ; le chromate de plomb est en effet

très soluble dans ces alcalisjcaustiques ; le soluté reste coloré

en jaune, et l'addition d'acide acétique, employé en quantité

suffisante, en précipite le chromate de plomb.

En traitant de 'même par un soluté alcalin les papiers de

couleur jaune verdâtre ou bleu verdàtre on dissout tout

d'abord le chromate de plomb qu'ils renferment ; le dissolvant

se colore en jaune, et le papier devient bleu ; si l'on prolonge

l'action du soluté alcalin ; surtout à chaud, la matière colorante

bleue entre à son tour en solution et le papier se décolore.

Nous avions espéré pouvoir doser le chromate de plomb en

traitant directement les papiers par un soluté étendu de

potasse caustique, puis en précipitant le sel de plomb par un

excès d'acide acétique ; mais quelques essais nous ont montré

qu'il ne fallait pas compter sur l'exactitude de ce procédé.

Le mélange colorant étant maintenu dans la pâte du

papier, à l'aide d'une substance agglutinante, nous avons dû

détruire la matière organique par incinération ; la séparation

du plomb par l'hydrogène sulfuré, en présence du chrome

352 RECUEIL DE FAITS.

étant assez délicate, nous avons préféré doser ce métal à l'état

de sulfate de plomb, en le précipitant par l'acide sulfurique

en milleu alcoolique.

Nous avons de cette manière recherché et dosé le plomb

dans les papiers à passer qui nous ont été remis par la malade,

ainsi que dans ceux que nous nous sommes procurés dans le

commerce et dans des bottes de pistils colorés en jaune.

Voici les résultats que nous avons obtenus :

Chaque feuille de papier présente les dimensions suivantes :

largeur, 0 ? 76 ; hauteur, 0 ? 50 ; la surface est donc égale

à 0-, 38'1.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 353

dans 45 grammes de salive, une certaine quantité du papier

plombifère n° 106 ; après dix jours de contact le mélange a été

exprimé puis filtré à plusieurs reprises sur du papier très serré

de manière à obtenir un liquide limpide et ne tenant en sus-

pension aucune parcelle de chromate de plomb. La salive ainsi

filtrée a été évaporée à siccité, puis le résidu traité par l'acide

azotique de manière à détruire toute trace de matières orga-

niques. Dans le résidu nous avons pu déceler des traces de

plomb très appréciables et les caractériser à l'état de sulfure,

puis de chromate.

11 ne nous parait donc pas douteux que les accidents satur-

nins observés chez notre malade ne soient dus à l'absorption

lente du plomb provenant de la manipulation prolongée de

papiers plombifères. 1

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXII. Faisceau pyramidal et maladie DE LITTLE par M. VAN GEHUCHTEN.

(Jourot. de Neurologie et d'Hypnologie, juin 1896.)

D'après l'auteur de ce travail, la rigidité généralisée et la para-

plégie spasmodique qui surviennent chez des enfants nés avant

terme à la suite d'un accouchement normal doivent êlre attri-

buées, dans l'immense majorité des cas, à un arrêt, ou à un

retard momenlané dans la croissance des fibres du faisceau pyra-

midal. Ces enfants sont des spasmodiques, parce que chez eux il y a

abseuce de connexion directe entre la zone motrice de l'écorce

cérébrale et la substance grise de la corne antérieure de la moelle

épinière. Cet état spasmodique marche naturellement vers la

guérison parce que les fibres pyramidales ne sont pas détruites ;

elles sont simplement arrêtées ou retardées'par leur marche des-

cendante. La croissance de ces fibres pyramidales continue après

la naissance et dès qu'elle atteint son terme, la spasticilé disparait.

La comme dans leur marche descendante, les libres pyramidales

traversent successivement la moelle cervicale, la moelle dorsale, la

moelle lombaire et la moelle sacrée on voit parallèlement l'état

spasmodique disparailre des membres supérieurs vers les membres

inférieurs. G. Deny.

Archives, 2° série, t. 111. 23

354 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXIII. Observations SUR LE DÉVELOPPEMENT HISTOLOGIQUE DE L'ÉCORCE

CÉRÉBELLEUSE, EN RAPPORT AVEC LA LOCOMOTION; par le Dr AURELIO

Lui.

Le recherches relatives à ce travail ont été poursuivies dans

le laboratoire de physiologie du D'' Stefani, de Padoue. De ses

nombreuses observations l'auteur conclut que les éléments qui se

développent avec la plus grande régularité, en même temps que

l'animal approche graduellement de l'époque à laquelle il pourra

marcher, sont les cellules de Purkinje et celles qui se développent

dans la couche profonde de la zone granuleuse externe pour

prendre part à la formation de la substance moléculaire; les

cellules de Purkinje ont bien la signification de cellules motrices

et les autres sont en connexion intimé avec elles par leurs pro-

longements. A ces éléments il faut ajouter le plexus qui suit « pas

à pas » le riche développement des branches protoplasmiques des

larges cellules motrices.

Quant au stratum granuleux interne, que l'animal ait ou n'ait

pas à sa naissance la faculté de se tenir debout et de marcher, il

montre un état de développement avancé. Les relations qu'il est

le plus nettement possible de voir s'établir au sur et à mesure que

l'animal arrive à l'époque où il pourra marcher sont celles, que l'on

remarque d'une part entre les prolongements des cellules de Pur-

kinje et les plexus ramifiés, et d'autre part entre les prolongements

descendants des cellules en corbeille et les pieds des cellules de

Purkinje.

En résumé, au sur et à mesure que l'activité locomotrice se

montre et devient plus complète, en même temps de nouveaux

éléments se forment dans l'écorce cérébelleuse, les éléments exis-

tants se modifient, se perfectionnent, et de nouvelles relations

s'établissent ; au point de vue de la fonction de l'organe, cette

coïncidence est d'un grand intérêt. (The alienist and neurologist,

oct. 1896.) E. B.

XXIV. Les anastomoses ENTRE LE spinal ET LE pneumogastrique ;

par les Dr Mir'to et PUSATERI.

Les auteurs ont repris, par la méthode des dégénérations secon-

daires, l'étude des rapports entre le spinal et le pneumogastrique;

l'examen histologique des nerfs a été fait au moyen de la méthode

de Marchi modifiée par Vassale.

De ces recherches, il résulte que la branche interne du spinal,

d'origine exclusivement bulbaire, doit être considérée comme une

racine bulbaire motrice accessoire du pneumogastrique et qu'elle

n'a que des rapports accidentels de contiguïté avec la branche

externe; cette dernière, qui représente le spinal proprement dit, va

innerver le sterno-cléido-mastoïdien et le trapèze.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 355

A la' suite de la section de la branche externe, les auteurs ont

trouvé des fibres dégénérées dans le nerf dépresseur de Cyon, dans

les branches musculaires et pharyngiennes du laryngé inférieur et

dans les branches pulmonaires du pneumogastrique.

En confirmation des théories avancées par CI. Bernard et

Chauveau, des fibres dégénérées ont été trouvées aussi dans le

tronc abdominal du pneumogastrique.

La présence de fibres dégénérées dans le tronc du nerf dépres-

seur de Cyon confirme les résultats des recherches physiologiques

de Spallitta et Consiglio qui ont soutenu que ce nerf est formé en

partie par la vague, en partie par le spinal. (The alienist and

neurologist, juillet 1896.) E. RLiN.

XXV. UNE opération CHIRURGICALE pendant LE somnambulisme

provoqué ; par le Dr P. JANET. (Journal de Neurologie et d'Hypno-

logie, 1897, n° 2.)

L'opération dont il s'agit est une dilatation extemporaire du

col suivie d'un curettage de l'utérus ; elle dura vingt minutes et ne

détermina aucune sensation douloureuse. L'anesthésie fut obtenue

par suggestion pendant le somnambulisme. La malade était une

hystérique, âgée de vingt-quatre ans, très facilement hypnoti-

sable et extrêmement suggestible.

XXVI. LES CENTRES DE PROJECTION ET LES CENTRES d'association DE

Flechsig dans LE cerveau terminal DE l'homme ; par A. VAN

GEHUCHTEN. (Journal de Neurologie et d'Hypnologie, 1897, n° 1.)

Ce travail est un exposé succinct des recherches de Flechsig sur

les connexions des diverses régions de l'écorce cérébrale entre elles

et avec les masses grises inférieures du névraxe. D'après Flechsig

l'écorce cérébrale doit être divisée en deux zones distinctes ; une

zone reliée aux masses grises inférieures par des fibres de projec-

tion (zone des centres de projection) et une zone uniquement cons-

tituée par des fibres centripètes et centrifuges reliant entre eux les

centres de projection (zone des centres d'association).

La zone des centres de projection est constituée par quatre sphères

distinctes : 1° sphère tactile (circonvolutions centrales, lobule para-

central, partie voisine de la circonvolution du corps calleux et

partie postérieure des trois circonvolutions frontales) ; 2° sphère

auditive (partie moyenne de la première circonvolution temporale

et partie voisine de cette circonvolution qui concourt à former

l'opercule inférieur de la scissure de Sylvius) ; 3° sphère visuelle

(partie de la face interne de chaque hémisphère qui entoure la

scissure calcarine) ; 4° sphère olfactive (trigone olfactif et partie voi-

sine de la circonvolution du corps calleux, substance perforée anté-

rieure, repli unciforme et partie voisine de la circonvolution de

l'hippocampe).

356 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Ce sont là les zones ou les sphères sensorielles ou plutôt les

sphères sensitives motrices, chacune d'elles étant en connexion avec

nos organes périphériques par un double faisceau de fibres ner-

veuses, centripètes ou sensitives, et centrifuges ou motrices.

Tout ce qui reste de l'écorce cérébrale en dehors des sphères

sensorielles constitue la zone des centres d'association. Cette zone

est formée de trois sphères distinctes : 1° le grand centre d'associa-

tion postérieur comprenant une grande partie du lobe occipital, du

lobe pariétal et du lobe temporal ; 2" le centre d'association moyen

localisé dans l'insula de I ! eil ; 3° le centre d'association antérieur

localisé dans la partie antérieure du lobe frontal.

C'est dans les centres d'association que se réunissent et se

fusionnent toutes les sensations qui lenr sont transmises par les

centres sensoriels. C'est là que ces sensations sont comparées entre

elles et aux sensations antérieures. Les centres d'association sont

donc les véritables régions de l'écorce qui concourent à la vie intel-

lectuelle et morale ; aussi leur développement, très inégal chez

l'homme et chez les différents mammifères varie-t-il encore beau-

coup d'un cerveau humain à un autre cerveau humain.

Les centres de projection se développent avant les centres d'asso-

ciation ; pendant le premier mois de la vie le cerveau terminal se

trouve réduit dans son fonctionnement aux seules sphères senso-

rielles de sorte que si à ce moment et à plus forte raison pendant

la vie intra-utérine des zones de l'écorce qui correspondent à ces

sphères sont détruites ou arrêtées dans leur développement, il

en résulte un arrêt correspondant dans le développement des

centres d'association et par là même un arrêt dans le dévelop-

pement de nos facultés. Mais une fois que les centres d'association

sont développés, une modification quelconque des sphères senso-

rielles reste sans influence sur l'intelligence. G. DENY.

XXVII. Contribution A l'étude DES dégénérescences secondaires DES

CENTRES ET VOIES OPTIQUES PRIMITIFS DANS LES CAS D'ANOPHTHALMIE

CONGÉNITALE ET DANS L'ATROPHIE DU GLOBE OCULAIRE CHEZ LES EN-

FANTS NOUVEAU-NÉS ; par O.-V. LÉONOWA. (A1'ch. sur Psychiatrie,

t. XXVIII, liv. I, 1896.)

L'auteur a soumis à un'examen microscopique les centres nerveux

dans quatre cas d'anopllthalmie et trois cas d'atrophie du globe

oculaire. Les tubercules quadrijumeaux postérieurs ne jouent aucun

rôle dans la vision. Dans les tubercules quadrijumeaux antérieurs

la couche grise superficielle et les fibres blanches de la périphérie

se trouvent en rapport avec les éléments de l'appareil de la vision.

Le corps genouillé externe et les bras des tubercules quadriju-

meaux antérieurs sont atrophiés; seules les cellules ganglionnaires

des tubercules quadrijumeaux conservent leur structure normale, ce

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 357

qui prouve qu'elles ne donnent pas naissance aux fibres optiques;

ce rôle est dévolu aux cellules ganglionnaires de la rétine. Les

fibres optiques viennent s'épanouir parmi les cellules du corps

genouillé externe, mais n'entrent pas en contact intime avec elles.

Ces cellules servent d'appareils de transmission qui envoient plus

loin les impressions lumineuses. Ce sont des cellules intercalaires

de Monakow '. Le corps genouillé interne et le corps de Luys res-

tent indemnes; ils n'ont donc rien de commun avec l'appareil

visuel; il en est de même des commissures de Meynert ou de Gud-

den. La commissure de Forel était absente dans tous les cas; elle

joue donc probablement un rôle dans la vision, dit M. L... La

glande pinéale, ses pédoncules, le ganglion habenula; et la com-

missure postérieure ne présentent aucune altération et ne jouent

aucun rôle, d'après l'auteur, dans la vision. L'intégrité des noyaux

des IIIe, IVe et Vie paires ne doit pas étonner, ces nerfs étant

purement moteurs. Dans l'écorce, l'auteur constate une atrophie

de la quatrième couche (couche des noyaux) dans la circonvolution

calcarine et une diminution assez marquée des cellules des autres

couches de la même circonvolution.

On ne trouve pas de lésions de ce genre dans les autres circon-

volutions cérébrales, et il est évident que l'existence de la qua-

trième couche de la circonvolution calcarine est subordonnée à

l'intégrité du globe oculaire et que cette couche joue un rôle con-

sidérable dans la vision.

Les radiations optiques de Gratiolet qui contiennent, comme on

sait, les fibres reliant le corps genouillé externe, le pulvinar et les

tubercules quadrijumeaux à l'écorce sont en partie atrophiés.

La marche des impressions lumineuses serait schématiquement

la suivante : par l'intermédiaire de ses cellules ganglionnaires, la

rétine envoie l'excitation au corps genouillé externe; là les cel-

lules intercalaires la transmettent aux cellules ganglionnaires qui

l'envoient finalement, à l'aide des radiations optiques, dans les cir-

convolutions occipitales et particulièrement dans la circonvolution

calcarine (couche des noyaux). Ln-OFF.

XXVIII. Lésion du plexus brachial; par M. KORNILOFF.

L'auteur a présenté à la Société de Neuropathologie de.l'Uni-

versité de Moscou, un malade âgé de vingt et un ans, entré à l'hô-

pital, pour une douleur et une faiblesse dans la main droite, qui

allaient en augmentant.

Six mois avant son entrée ce jeune homme a remarqué l'appari-

tion de deux tumeurs, l'une sur la fesse gauche, l'autre sur le bras

du même côté. Une troisième tumeur a été trouvée sur le côté

1 Voir Archives de Neurologie, 1897, 11° 14, p. 124. ^

358 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

droit du cou au moment de l'examen à l'hôpital. Ces tumeurs de

consistance assez dure, mesurant de 10 à 12 centimètres de dia-

mètre, qui ont été prises d'abord pour des lifomes ont été recon-

nues comme étant des abcès tuberculeux symptomatiques d'une

affection osseuse de même nature. Un examen détaillé du bras

droit a démontré que les muscles deltoïde, biceps, brachial interne,

triceps et long supinateur sont non seulement paralysés, mais en-

core atrophiés. De plus, ils présentent tous la réaction de dégéné-

rescence. Les autres muscles (de l'avant-bras et de la main) sont

absolument normaux.

On se trouve donc en présence d'une affection du plexus bra-

chial (paralysie de Duchenne-Erb), provoquée très probablement

par une tumeur siégeant au niveau.de la région sus-claviculaire..

Ce qui donne à ce cas une physionomie toute particulière, c'est

la participation du triceps brachial qui est innervé par le radial

qui prend naissance, d'après les uns au niveau des racines des

cinquième, sixième, septième et huitième paires cervicales, et,

d'après les autres, au niveau des sixième et septième. Dans tous les

cas, ce qui est certain, c'est la participation, non seulement des

racines des cinquième et sixième paires cervicales, comme cela

existe dans les cas typiques de cette paralysie, mais aussi de la

racine de la septième paire. (Vratsch, 1897, n° 9.) Roubinovitch.

XXIX. SUR UNE particularité DE structure DES CELLULES DE la

COLONNE DE CLAME ET SUR L'ÉTAT DE CES CELLULES DANS LE TABES

SIMPLE OU ASSOCIÉ A LA PARALYSIE GÉNÉRALE; par G. MaRINESCO.

L'auteur a examiné plusieurs moelles de sujets atteints de para-

lysie générale et de tabes, pour y rechercher l'état des cellules des

colonnes de Clarke.

Dans la paralysie générale, ces cellules sont augmentées de

volume, tuméfiées : leur noyau est rejeté à la périphérie. Les élé-

ments chromatophiles n'occupent qu'une couche mince qui borde

le contour de la cellule nerveuse. Le noyau n'est presque jamais

rond; il est aplati, présentant la forme d'un ellipsoïde plus ou

moins régulier. D'une manière générale, plus le noyau est excen-

trique, moins la cellule est riche en éléments chromatophiles et

vice versa.

Dans le cas de tabes simple, ces lésions de la colonne de Clarke

existent aussi, mais moins accentuées.

Dans le cas de paralysie générale comme dans ceux de tabès,

les cellules de la corne antérieure n'étaient pas tout à fait intactes :

le volume de quelques-unes était diminué, les éléments chroma-

tophiles raréfiés, déformés, de volume moindre, les prolongements

moins nombreux. L'existence de ces modifications de structure des

cellules de la corne antérieure pourrait expliquer certains phéno-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 359

mènes tabétiques tels que les relâchements des muscles et des

ligaments, la diminution du volume des muscles et l'atrophie

simple.

Ces modifications des cellules de la colonne de Clarke appar-

tiennent-elles en propre au tabes et aux affections analogues, ou

s'agit-il là d'une disposition qui existe dans d'autres cas ? En exa-

minant, pour élucider cette question, des moelles provenant d'in-

dividus non tabétiques, l'auteur a trouvé avec surprise que dans les

moelles d'hémiplégiques ou dans celles qui ne présentaient pas de \

lésions grossières, les cellules de la colonne de Clarke ont un

aspect à peu près semblable. ,

Toutefois les modifications sont moins accentuées : le volume des

cellules n'est pas augmenté, les prolongements des cellules sont

plus nombreux et plus visibles, la cellule plus riche en éléments

chromatophiles disposés en plusieurs couches.

En somme la conclusion temporaire de l'importante étude de

M. Marinesco est que dans les moelles des tabétiques, des para-

lytiques généraux, et aussi dans des moelles d'individus morts d'an-

tres affections, les cellules de la colonne de Clarke présentent fré-

quemment un noyau rejeté à la périphérie, en même temps que

les éléments chromatophiles sont réduits à une rangée périphé-

rique ; mais dans les moelles de tabétiques et de paralytiques

généraux ces modifications prennent des allures secondaires telles

que l'auteur les a fait connaître. (Revue neurologique, novembre

1896.) E. B.

XXX. La mâchoire DES dégénères; par le û1' G. BOODY.

L'auteur, en prenant pour point de comparaison les moyennes

établies par le D'Talbot d'après de longues séries d'examens et de

mensurations des mâchoires, a examiné les mâchoires de 153 alié-

nés et les a trouvées déformées dans 81 cas, soit dans 52,80 cas

pour 100. (American journal of insanity, octobre 1896.) E. B.

XXXI. Préservation DES coupes EN sÉRIe; par le D'' VORCESTER.

Les coupes en série sont du plus grand intérêt pour l'étude de

l'anatomie normale et pathologique du système nerveux. Mais le

montage d'une grande quantité de coupes demande beaucoup de

temps et de lames de verre. L'auteur fait connaître un mode de

conservation des coupes qui lui permet de les avoir toujours à sa

disposition, sans être obligé de les monter toutes.

Des morceaux de papier de soie, un peu plus larges que les

coupes à effectuer, sont numérotés avec un crayon de mine de

plomb. Lorsque la coupe, imbibée de celloïdine, a été faite, elle est

recueillie sur le rasoir au moyen d'un de ces papiers et les coupes,

360 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

adhérentes à leur papier numéroté, sont empilées en ordre les unes

au-dessus des autres, dans l'alcool. Un certain nombre de ces

coupes sont réunies en un paquet étiqueté, ficelé, et placé dans

l'alcool; lorsqu'on veut examiner une des coupes, il suffit de choisir

celle que l'on désire dans le paquet, et en effectuant la séparation

sous l'alcool on évite d'endommager la coupe. La coupe choisie,

toujours accompagnée de son papier de série, peut être colorée et

éclairée. (Amel'ican journul of insanily, oclobre 1896.) E. B.

XXXII. SUR un système d'enregistrement des données ANTHROPOLO-

GIQUES ; par le Dr W. STEAnNS.

L'hérédité esl, sans contredit, une des causes les plus puissantes

de la folie et la phase de l'hérédité qui a les rapports les plus

intimes avec les maladies mentales, est la dégénérescence; c'est ce

qui explique le grand nombre de recherches qu'a produit cette

science, depuis quelques années.

Mais les variations physiologiques sont nombreuses, les observa-

teurs pas toujours expérimentés, si bien qu'en présence de la fré-

quence avec laquelle les signes de dégénérescence sont signalés, il

y a souvent à se demander si, dans un cas donné, les particularités

signalées soit du côté du corps, soit du côté de l'esprit sont bien

des signes de dégénérescence ou non, s'il existe bien là des signes

d'infériorité constitutionnelle, tendant à devenir plus marqués chez

les descendants. '

Pour acquérir des données précises sur la véritable signification

de semblables variations, il est nécessaire de recueillir les observa-

tions étendues et uniformément exactes, en même temps qu'il est

désirable que l'enregistrement de ces observations soit fait d'après

un système uniforme, afin de faciliter les comparaisons.

C'est dans ce but que l'auteur, d'après les méthodes les plus

récentes, a dréssé un plan d'examen anthropométrique où les

diverses mensurations sont rangées méthodiquement et de façon

que les chiffres puissent être rapidement examinés et comparés

entre eux. Les mesures les plus importantes, les points les plus

intéressants à examiner ont été notés en détail, au détriment des

mensurations sans intérêt qui ont été laissés de côté. (American

journal ofinsanity, octobre 1896.) E. B.

XXXIII. Coloration du système nerveux central EN morceaux ;

par G. ILBERG. (neural. Centralbl., XV, 1896.)

Par ce procédé on peut durcir et colorer en bloc des cerveaux de

petits animaux et des morceaux de cerveaux d'animaux de

moyenne grosseur. Pour les gros animaux on pratique des sec-

tions perpendiculaires à l'axe longitudinal de la moelle et du

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 361

bulbe en tranches de 1 centimètre de long; quant au cerveau in-

termédiaire, au cervelet, au manteau, on les coupe en dés de

1 centimètre d'arête. Ces pièces sont immergées dans l'alcool à 96°

changé chaque jour pendant deux à trois jours, puis elles sont

soumises à la solution de \issl.

362 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rison; une paralysie du nerf musculo-cutané du côté gauche.

Comme il existe de la sensibilité dans la région du point sus-clavi-

culaire des deux côtés et que l'excitabilité faradique neuromuscu-

laire est conservée, mais diminuée, dans le biceps gauche dont

néanmoins la paralysie est persistante, l'auteur croit que le plexus

doit être atteint au-dessus de la clavicule des deux côtés. Il y aurait

donc paralysie partielle bilatérale du plexus de Erb. Il s'agit d'un

employé des postes ayant surmené ses deux bras en prenant et

classant des paquets, pour remplacer un collègue, et cela dans un

courant d'air. Le pronostic est assez favorable puisque actuellement,

après trois mois, la motilité récupéré ses fonctions. P. K.

XXXV. La réaction électrique NEUROTONIQUE; par E. REMAK. - Id.,

par A. Marina. (Neurolog. Centralbl., XV, 1896.)

Il s'agit d'un cas de crampe des écrivains avec la particularité

suivante. Le courant faradique ou galvanique, appliqué au médian

et au cubital du bras droit, produit surtout des convulsions téta-

niques qui diffèrent des contractions normales en ce qu'elles per-

sistent un laps de temps considérable après l'interruption du cou-

rant. De plus, bien qu'il n'y ait pas d'hyperexcitabilité marquée en

ce qui concerne le K S Z minima, ni pour les intensités électriques

limites (Schwellenverth) du courant faradique, on voit apparaître

relativement de bonne heure AnOeZ, et il existe une prédisposition

et K S Te et pour An Oe Te; la tétanisation persiste, tant après

l'ouverture du courant qu'après l'excitation galvanique erratique,

de même qu'à la suite de l'excitation faradique répétée. Ces con-

vulsions se limitent strictement au territoire nerveux atteint et se

montrent immédiatement; elles ne sont donc point réflexes. D'ail-

leurs, la détermination quantitative de la réaction sensible excen-

trique du médian et du cubital des deux côtés, n'a révélé aucune

différence évidente entre les valeurs limites; la réaction sensible

en question n'existait plus, dit le patient, alors que persistait la

tétanisation.

C'est donc une forme de réaction nerveuse nW1'otunique qui est

l'opposé de la réaction myotonique. Elle indique probablement,

dans l'espèce, une amyotrophie spinale, d'autant plus que l'on

constate un affaiblissement du long abducteur du pouce.

M. Marina revendique la parenté de cette réaction qu'il a décrite

dans l'hystérie. (Rivisladi freniatria, 1887, XIII, 2, et 1888, XIX, 3, 4.)

11 la rapproche de la réaction myotonique de la maladie de Thom-

son et des modalités électriques de la tétanie. Ce sont, pour lui,

probablement des degrés divers de l'hyperexcitabilité du neurone

moteur, congénitale ou acquise, due à différentes causes. Son exis-

tence dans l'hystérie indique combien celle-ci confine aux mala-

dies organiques du système nerveux. En réalité l'hystérie, la neu-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 363

rasthénie et l'épilepsie sont de véritables maladies constitution-

nelles du système nerveux, puisqu'elles apparaissent dès l'enfance,

s'étendent à l'ensemble de l'appareil nerveux et ne sont jamais gué-

ries pour toujours, ni complètement. P. KERA VAL-

XXXVI. SUR la valeur fonctionnelle DES CENTRES MOTEURS corticaux

DU CERVEAU CHEZ DIFFÉRENTS ANIMAUX; par WeSLEY-MILLS. (New-

Yo2·lcDlediccdJourlzccl, 17 octobre 1896.)

Chez le pigeon, chez la poule domestique, il est impossible de

provoquer par stimulation électrique les mouvements ordinaires

des membres ou du tronc. Lorsque, chez le pigeon, on enlève la

substance corticale tout entière, presque tous les mouvements sont

conservés, bien que tous cessent d'être volontaires, ce qui semble

indiquer que le mécanisme nécessaire à l'exécution de ces mouve-

ments est autre part que dans la couche corticale, probablement

surtout dans les centres sous-corticaux du cerveau, mais en tout

cas en un point quelconque de l'encéphale. Chez les chais, lors-

que l'on enlève en une seule opération les deux centres situés au-

tour du sillon crucial, qui, fonctionnellement, correspond assez

bien à la scissure de Rolando, et dans lesquels se trouvent les

centres de la tête et des membres, l'animal marche à peu près dès

que les effets de l'anesthésie s'effacent, et pendant les quelques

jours de sa survie, qui n'est pas longue, sa démarche s'améliore

progressivement, jusqu'à devenir presque normale. Mais, si l'on

enlève ces mêmes centres en plusieurs opérations successives, l'ani-

mal guérit, et, au bout de trois ou quatre jours, marche comme si

son cerveau était intact. Chez le chien, la guérison est plus lente,

mais on la constate dans une grande mesure. Le lapin marche

après l'ablation de presque toute sa substance corticale. Après des

opérations de même nature, mais moins graves, le singe présente

des signes de paralysie très accusée et sa guérison est possible,

mais très lente. Il en est de même chez l'homme où la paralysie

est très persistante.

L'auteur pourrait montrer que chez le lapin, le chat et le chien,

les différents centres de l'écorce ne sont pas au même niveau, et

que l'expression « centres moteurs » prend une signification très

différente, suivant que l'on parle de telle ou telle espèce animale,

et surtout s'il s'agit des oiseaux. Il est évident pour lui, après de

nombreuses expériences sur des animaux très divers, que la loca-

lisation atteint chez les différents animaux des degrés très varia-

bles et que les centres corticaux sont chez les uns et les autres très

différemment organisés. Si l'on s'en rapporte aux données de la

stimulation électrique les oiseaux seraient dépourvus des centres

corticaux moteurs ordinaires. Chez tous les autres animaux dont

il a été question dans ce mémoire, l'auteur a constaté que : 1° cer-

364 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tains centres de l'écorce cérébrale répondentàl'excitation électrique

par des mouvements; 2° certains centres ont une distribution diffé-

rente, bien qu'analogue, chez différents animaux ; 3° les mouve-

ments sont plus facilement provoqués, plus élaborés et leurs cen-

tres s'épuisent moins aisément chez certains animaux que chez

certains autres; 4° la'situation exacte des centres moteurs est d'au-

tant mieux définie que l'animal est situé plus haut dans l'échelle

des êtres : tout cela sous réserve des variations individuelles.

En somme, on doit reconnaître chez les différents animaux (et,

jusqu'à un certain point chez les différents individus) tous les degrés

de développement du fonctionnement cortical : on peut démon-

trer, en outre, que chez un même animal tous les centres ne sont

pas également bien organisés, ou en d'autres termes ne sont pas

au même niveau physiologique. Celte conception du fonctionne-

ment des centres moteurs s'accorde avec les faits cliniques. On

sait que chez l'homme tous les mouvements ne sont pas abolis au

même degré par une lésion cérébrale et que le malade ne les

recouvre pas non plus tous au même degré.

Ces faits nous font mieux comprendre le rôle relatif que jouent

les centres supérieurs et les centres inférieurs chez l'homme aussi

bien que chez les animaux. Evidemment les centres corticaux sont

relativement plus importants chez l'homme; mais prétendre que,

même chez l'homme ils ne peuvent pas être remplacés dans une

certaine mesure, par d'autres centres, est une assertion que ne

viennent soutenir ni la physiologie expérimentale, ni la médecine

clinique. Tout se résout par une question de degré pour l'homme

comme pour les animaux inférieurs, et c'est ce que l'auteur a

voulu démontrer dans ce travail. R. DE Musgrave-Clay.

XXXVII. SUR H nomenclature DES cellules nerveuses; par FR : 1NE-

BAKER. (Nem-York Médical Journal , 21 mars 1896.)

L'auteur, dans un but de simplification, propose la classification

et la terminologie suivantes :

Eléments nerveux = neztres.

Ils se divisent en :

1° Éléments collecteurs, ou æsthésione1l1'es.

a). Cellules disséminées, ou sporadoneures.

b). Cellules rassemblées en ganglions ou ganglioneures.

2° Éléments associateurs, ou zygoneztres.

a). Cellules des voie* courtes, ou brachyneures.

b).' Cellules des voies longues, ou téléneures.

3° Éléments de décharge, ou dynamoncures.

(t). Cellules correspondant aux muscle, ou myoneures.

b). Cellules correspondant aux glandes, adénoneures.

Il. M.-C.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 365

XXXVIII. Dégénérescence descendante dans la partie lombo-sacrée

DES cordons postérieurs DE la MOELLE; par A. BANCE et R. MUNIR.

(Bmrin, été et automne 1896.)

Ce cas est à mettre à côté de ceux de Baslian, Kohler et Pick,

Strumpell, Westphal, Schultze, Tootk, Schmans, Pfeiffer, Bruns,

Gombault et Philippe, grâce auxquels Tootk et Schultze ont pu

décrire et localiser le faisceau GO en virgule » qui s'étend dans le

cordon postérieur tout le long des régions cervicale et dorsale et

dont la dégénérescence est descendante. Il est situé vers le milieu

du cordon postéro-externe, est parallèle au bord interne de la

corne postérieure et n'atteint ni la commissure postérieure ni la

périphérie, mais il n'a pas été suivi par les auteurs cités au-dessous

de la région dorsale (neuvième vertèbre dorsale). Un doute per-

sistait donc à savoir si ce faisceau de Schultze avait réellement sa

terminaison en ce point ou s'il se retrouvait dans la région lombo-

sacrée sous forme de dégénérescence diffuse. Or Gombault et Phi-

lippe seuls avaient signalé un cas dans lequel la région dorsale

présentait la dégénérescence classique du faisceau en virgule et la

région lombo-sacrée une bande mince de dégénérescence occupant

de chaque côté les deux tiers du bord du sillon postérieur et une

petite étendue de la périphérie. D'autre part ces mêmes auteurs

signalaient deux cas de tabès où la dégénérescence ascendante

totale des cordons postérieurs dans la région lombo-sacrée avait

laissé indemnes précisément ces mêmes régions de fibres qui dégé-

nèrent de haut en bas dans les cas de lésions supérieures. Ceci

permettait donc d'affirmer l'existence d'un filet descendant déter-

miné dans cette région. Mais était-ce la suite du faisceau en vir-

gule ? 2 -

MM. Bruce et Muir pensent avoir élucidé ce point. Pour les cas

des auteurs cités plus haut, il s'agit de dégénérescence à la suite

d'une lésion importante intéressant un point élevé de la moelle,

ici la lésion est plus voisine de la région lombaire. Il s'agit d'une

fracture de la douzième dorsale ayant complètement écrasé la

moelle; la mort survint cinq semaines après l'accident, au moment

opportun pour favoriser l'examen par la méthode de Marchi. On

trouva au-dessous de la lésion d'abord une dégénérescence totale des

cordons antéro-latéraux et dans les cordons postérieurs : une ban-

delette dégénérée qui occupait en haut le tiers postérieur du bord

du sillon médian postérieur et la moitié interne de la périphérie,

et qui, en descendant, quittait peu à peu la périphérie pour occuper

tout le bord du sillon depuis son angle avec la périphérie jusqu'à la

commissure postérieure. Ily avait en outre une légère dégénérescence

diffuse au milieu de la zone radiculaire. Ce cas s'accorde aussi avec

deux cas de Schultze (écrasement de la queue de cheval et déchi-

rure des racines du sciatique) et aussi avec les expériences de Bar-

366 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

bacci qui montrèrent le cordon postérieur entièrement dégénéré

de bas en haut à l'exception de cette même bandelette (sillon et

périphérie) demeurée saine. Enfin le cas de Hoche éclaire complè-

tement la question en montrant à la suite d'une lésion cervicale

d'une part la dégénérescence continue du faisceau en virgule tout

le long des régions cervicale et dorsale et s'arrêtant à la région

lombaire (douzième racine dorsale) où il se perd dans la substance

grise au niveau du champ ovale de Flechsic- et d'autre part la

dégénérescence, dans la région lombo-sacrée, de la bandelette du

sillon et de la périphérie. Suivie jusqu'en bas elle quitte aussi

insensiblement la périphérie pour n'occuper que le sillon et finit

dans le cône terminal en se recourbant en avant pour pénétrer dans

la substance grise. Or ce faisceau pouvait dans ce cas être pour-

suivi en haut au-dessus de la région lombaire jusqu'à la région cer-

vicale, mais il était dans ces parties supérieures beaucoup plus

diffus. Il y aurait donc un faisceau descendant autre que le faisceau

en virgule dans le cordon postérieur.

Conclusions : 1° Il y a un faisceau descendant distinct dans le

cordon postérieur à la région lombo-sacrée; 2° ce faisceau existe

aussi, mais irrégulièrement diffus au-dessus de ce niveau; 3° au

niveau de la troisième racine lombaire il occupe la marge du sillon

postérieur dans la partie postérieure de ce sillon et la moitié de la

marge de la périphérie; 4° au niveau de la quatrième racine lom-

baire il s'étend plus en avant jusqu'à la commissure postérieure;

au-dessous de ce niveau (deuxième racine sacrée) il prend la forme

d'un coin très mince dont la base touche la périphérie et le sommet

la commissure. A partir de la troisième racine sacrée il va en dimi-

nuant progressivement d'étendue tout en conservant sa forme et

ses rapports avec le sillon ; 5° ses fibres se terminent en passant en

avant dans la substance grise à la base de la corne postérieure du

même côté.

Il est probable que ce faisceau n'est pas en continuité directe

avec les fibres des racines postérieures de la région correspon-

dante, qu'il est indépendant du faisceau « en virgule » et du fais-

ceau de Marie. Les fibres qui le composent, doivent le pénétrer à

des niveaux ditférents. Il semble correspondre dans sa position au

champ ovale de Flechsig et au faisceau dorso-médian de Obers-

teiner. Enfin on pourrait l'appeler faisceau descendant septo-mar-

ginal. F. 1301SSIER.

XXXIX. SUR LE début ET la marche DES dégénérations secondaires

DANS LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE DU CHIEN; par

le Dr WOROTYNSKI.

Jusqu'à ces derniers temps, nos connaissances sur le terme d'ap-

parition de dégénérations secondaires et sur leur développement suc-

cessif dans les systèmes de fibres isolés avaient un caractère insuf-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 367

fisant, en raison de l'impossibilité où se trouvaient les anciens

procédés d'exploration de découvrir les premières traces de dégé-

nération. Actuellement, grâce au procédé de Marchi, ou peut mani-

fester les premiers stades de dégénération.

A l'aide de ce procédé, l'auteur a repris les expériences de

Schaffer relativement aux dégénérations de la moelle, et est arrivé

aux conclusions suivantes :

1° Quatre jours et demi après la section complète de la moelle

d'un chien , survient une dégénération ascendante du cordon

de Goll, qui se présente cependant fort peu accentuée vers cette

époque;

2° Le cinquième jour après l'opération, il la dégénération ci-

dessus mentionnée, qui apparaît alors d'une manière plus nette,

vient se joindre la dégénération descendante du cordon de Lôwen-

thal, autrement dit du faisceau marginal antérieur et de l'intermé-

diaire latéral;

3° Vers le sixième jour commencent 2 dégénérer les faisceaux

cérébelleux directs : la dégénération porte tout d'abord sur leur

portion postérieure ;

4° Le septième jour apparaît la dégénération descendante des

faisceaux pyramidaux latéraux;

5° Le maximum de développement du processus dégénératif est

atteint, après la section de la moelle, dans les cordons de Goll et de

Lowenthal vers le huitième ou dizième jour, dans les faisceaux

cérébelleux vers le quatorzième ou seizième jour, et enfin dans les

voies pyramidales latérales vers le vingtième ou trentième jour.

(Revue neurologique, octobre 1896.) E. B.

XL. Thyroïdectomie expérimentale; par Georges l\IURRA Y. (British

Médical Journal, 4 janvier 1896.)

L'auteur rappelle les expériences de Lanz sur les poissons, de

Christiani sur les lézards; on sait que sur ces animaux la thyroï-

dectomie amène une cachexie particulière avec mue de la peau,

bientôt suivie de mort. Reprenant les expériences de Gley sur le

lapin, l'auteur a obtenu par la thyroïdectomie une cachexie carac-

téristique avec hypothermie et troubles trophiques du système

pileux; à l'autopsie, infiltration du tissu sous-cutané et du péri-

carde. (Photogr. à l'appui.) Il impoite dans ces sortes d'expé-

riences, de pratiquer l'ablation totale du corps thyroïde et de ses

lobes accessoires.' A. Marie.

XLI. Indépendance FONCTIONNELLE DES deux hémisphères (Dual action

OF THE cérébral hémisphères); par James 111ERNAN. (illediciae,

Détroit, janvier 1896.)

L'auteur américain émet quelques vues originales sur la possi-

bilité d'une indépendance fonctionnelle des deux hémisphères,

368 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

admise par plusieurs physiologistes. Un curieux cas de folie rap-

porté par Bruce donne à cette théorie un solide appui.

L'aliéné dont il s'agit se présentait sous deux états différents :

tantôt il raisonnait bien, était droitier, parlait anglais et pouvait

ajissi parler l'idiome du pays de Galles; tantôt il était dément,

gaucher, et ne parlait que le gallois.

Dans un état intermédiaire enfin, il était ambi-dexlre et parlait

un mélange d'anglais et de gallois. Dans l'état de raison, il n'avait

aucun souvenir de ses états de folie, mais il se rappelait très bien

ce qui se rapportait à ses états de raison antérieurs. L'auteur a

recours à une hypothèse ingénieuse pour expliquer ce cas bizarre.

Les deux hémisphères du sujet, habitués à fonctionner indépen-

damment, seraient atteints chacun pour son compte, le droit de

mélancolie et de démence, le gauche, de manie.

Dans les conditions normales, seul l'émisphère gauche pren-

drait part aux opérations intellectuelles, tandis que le droit, pré-

sidant surtout aux fonctions motrices et sensitives, prendrait peu

de part à l'idéation ; dès lors ses altérations doivent se traduire par

des phénomènes de démence plutôt que par des phénomènes

d'excitation mentale. Il faut encore remarquer dans ce curieux cas

que le langage n'était pas aboli dans le stade de démence, mais

restait limité à l'idiome gallois, sa langue natale. Ce fait prouve-

rait que l'hémisphère gauche, considéré comme le siège du lan-

gage, n'était pas absolument inactif, ou bien qu'il y avait un

double centre du langage.

L'auteur admet en effet que les deux hémisphères agiraient con-

curremment dans la production du langage. Il rapporte deux faits

qui tendent à prouver que l'insula de Reil dépourvue de fonctions

à l'état normal est susceptible de suppléer le centre du langage

détruit par une lésion, à condition que cette lésion se produise len-

tement. P. RELLAY.

XLII. Séméiologie DE la fontanelle (Tue CLI\IC.1L value OF tue

ciiild's fontanelle); par Isaac Art. (Medicine Détroit, nov. 1896.)

L'auteur signale quelques particularités d'un grand intérêt pra-

tique, relatives à l'examen de la fontanelle chez l'enfant. L'état de

la fontanelle est d'un précieux secours dans le diagnostic de cer-

taines affections encéphaliques. La fontanelle antérieure se ferme

du quinzième au seizième mois. Son oblitération est retardée dans

le rachitisme et l'hydrocéphalie. Elle donne à la palpation une

sensation de tension et d'élasticité. Elle présente des battements

qui sont liés aux mouvements de la respiration et de la circulation.

Ses pulsations lui sont transmises par les artères de la base. Elles

augmentent si la tension sanguine s'élève un peu; mais elles dimi-

nuent ou même cessent de se,produire, si la tension devient très

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 369

forte. Dans l'hydrocéphalie, la fontanelle reste tendue, mais sans

élasticité. Une fontanelle légèrement proéminente et animée de

battements indique une hypérémie cérébrale, comme le fait se pro-

duit dans les maladies fébriles. Une fontanelle très proéminente et

très tendue indique un épanchement sanguin (hémorrhagie), ou

inflammatoire (méningite).

La rétraction de la fontanelle a une grande valeur clinique ; elle

se rattache souvent à une diminution des liquides de l'économie,

causée soit par de la diarrhée, soit par des hémorrhagies, soit par

un état cachectique. Dans la thrombose des sinus, la fontanelle est

très déprimée.

Tous ces faits ont une grande valeur quand il s'agit de détermi-

ner la nature d'accidents méningitiques survenant au cours de

maladies infectieuses (pneumonie, fièvre typhoïde). Si la fontanelle

reste normale, on est en présence d'accidents purement fonction-

nels, car en cas de méningite, la fontanelle est proéminente et ten-

due. Cet examen est important quand il s'agit d'établir un diag-

nostic différentiel entre la méningite et les accidents nerveux dus

à la pneumonie, à la fièvre typhoïde ou à l'urémie.

Le choléra infantile se termine souvent par des accidents céré-

braux (coma, convulsions, rythme de Cheyne-Stokes). La dépres-

sion de la fontanelle, que l'on observe alors, indique qu'il n'y a pas

de méningite, comme on serait tenté de le croire ; elle a de plus

une grande valeur pronostique, puisqu'elle indique une anémie

profonde liée à une grande perte de liquides. P. RELLAY.

XLIII. ORIGINE DES caractères différentiels ENTRE l'homme ET la

femme; par Sylvio Venturi. (Il Alanicomio, XII, fasc. 1.)

XLIV. Guérison des altérations DES CELLULES NERVEUSES cérébrales;

par eiLE5Sl. (Il l11anicomio, XII, fasc. 1.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XLIII. La menstruation ET SON INFLUENCE SUR LES PSYCHOSES CHRONI-

uES; par le Lr P. NECKE. (Al'chi1J. fit1'. Psychiatrie, t. XXVIII,

liv. 1, 1896.)

Etude faite sur 99 femmes, dont 52 non mariées, 46 mariées et

1 divorcée. L'âge de ces femmes variait entre vingt-cinq et qua-

Archives, 2° série, t. III. 24

370 REVUE DE pathologie mentale.

rante-cinq ans. La moitié des malades était internée depuis trois

à six ans, 15 depuis plus de dix ans, les autres depuis moins de trois

ans. Formes des maladies :

REVUE DE pathologie mentale. 371

XLV. DE l'aortite chronique chez les aliénés; par DEL GRECO (Il

Olanicomio, anno XII, fasc. 1.)

A l'examen nécroscopique de cent aliénés, dont trente-deux

paralytiques généraux, les autres de diverses catégories, l'auteur

a trouvé trente-deux cas d'altérations chroniques de la crosse ou

de la portion initiale de l'aorte. De ces trente-deux cas, onze seu-

lement présentaient des altérations cardiaques associées aux aor-

tiques. Mais dans presque tous il existait dans l'encéphale, les

reins, le coeur, des lésions vasculaires diffuses et en général de ces

altérations particulières d'un organe déterminé que l'on rapporte

d'ordinaire à la sclérose des petites artères. Elles étaient surtout

accentuées chez les paralytiques généraux, et telles qu'on pouvait

les considérer comme la base des maladies intercurrentes ayant

déterminé la mort des sujets. On reconnaît aujourd'hui à l'origine

des aortites l'action de deux facteurs, les uns diathésiques ou

toxiques, les autres mécaniques. Sans exclure ces deux ordres de

facteurs, il faut y ajouter, dans les cas de paralysie générale ou de

marasme précoce, le facteur organique consistant dans la dépres-

sion de la vitalité des cellules, dans lesquelles se déroule le processus

morbide. Altérations vasculaires et psycopathie sont les indices

d'un même fonds de déchéance de l'individualité psychophysique.

Elles s'influencent réciproquement l'une l'autre, tout en restant

cependant distinctes dans une certaine mesure pour la genèse et

le développement. J. Séglas.

XL VI. SUR le délire DE possession; par ANGIOLELLA. (Il J11anicomio,

\Il, fasc. 1.)

Cas de délire sensoriel avec idées de démonopathie prédomi-

nantes, bien que souvent remplacées par d'autres conceptions dé-

lirantes. Cet exemple peut servir à montrer le passage de la folie

sensorielle à la paranoïa; il montre aussi, comparativement à

d'autres cas assez fréquents encore aujourd'hui, que le délire de

possession doit être considéré comme pouvant faire partie des

formes les plus variées de psychopathies, bien que plus ordinaire

chez les paranoïaques et les hystériques et présentant descaractères

divers suivant les affections dans lesquelles on le rencontre. Les

conditions de la genèse du délire de possession nous sont encore

inconnues au fond et nous n'en connaissons que quelques éléments

qui sont l'existence de nombreuses hallucinations cénesthétiques et

de phénomènes psychomoteurs morbides (mouvements irrésis-

tibles et inconscients); sur les autres nous ne pouvons faire que

des hypothèses. Le caractère hystérique présente des conditions

favorables à l'apparition de ces idées et ces conditions se résument

dans la suggestibilité, l'aptitude à la désagrégation psychologique,

372 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

le grand développement des facultés imaginatives uni à la ten-

dance à concevoir toutes les idées sous forme concrète et sensible,

et enfin la fusion entre l'érotisme et l'ascétisme qui se retrouve

dans l'observation. Cela explique pourquoi les délires de possession

sont plus fréquents chez les femmes et surtout chez les hystériques.

- - J. SÉGLAS.

XLVII. Association DES maladies du COEUR ET DES névroses ; par Fronda.

(Il Manicomio, XII, fasc. 1.)

D'après Huchard, un cardiaque qui a des syncopes, des palpita-

tions violentes, une polypnée intense, des phénomènes d'angine

spontanée sans caractères de coronarite, doit être considéré

avant tout comme entaché d'hystérie et l'on ne peut se prononcer

sur le pronostic qu'après un examen attentif à cet égard, l'hystérie

cardiaque pouvant se présenter chez les cardiaques. L'auteur en

rapporte une nouvelle observation, montrant de plus que la

névrose peut quelquefois exercer une influence heureuse sur le

décours de la lésion valvulaire. Cette observation concerne une

dame atteinte d'hystéro-neurasthénie, avec tendance à de la dé-

pression psychique, et de palpitations nerveuses, et qui vint à

avoir un rétrécissement mitral; après trois ans de durée, cette

maladie ne détermina pas les tristes accidents de règle en pareille

circontance. J. SÉGLAS.

XLVIII. LE DÉLIRE ET LES FORMFS paranoïaques dans LEURS rapports

avec LES autres DÉLIRES ET LEURS conditions PATIIOGÉRÇIQUES; par DEL

GRECO. (Il Manicomio, XII, fasc. 1.)

Les délires systématisés qui s'observent quelquefois dans les

manies ou lypémanies, ne trouvent pas, au point de vue de leur

genèse psychologique, des conditions génératrices suffisantes dans

le simple état maniaque ou mélancolique. Il en existe d'autres,

psychologiques, distinctes jusqu'à un certain point de celles de la

psychonéurose en question, bien que pouvant se confondre par

certains côtés avec quelques-uns de ses éléments. Et quand on

considère que les manies et lypémanies typiques sont très

rares, tandis que celles qui présentent d'autres symptômes sont

fréquentes, on ne s'étonnera certainement pas qu'ils puissent être

aussi le point de départ, avec le concours d'autres circonstances,

de délires systématisés et paranoïaques. Des délirés du même

genre apparaissent aussi souvent dans la folie sensorielle parce

qu'ils trouvent dans le désordre des représentations, dans l'irrita-

tion sensorielle et la lucidité, particulières à certaines formes,

certaines des conditions psychologiques indispensables à leur

genèse. Si le délire paranoïaque est ainsi nommé parce qu'il se

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 373

relie à des changements profonds de toute la personnalité, le sys-

tématisé ne peut atteindre un développement et une organisation

convenable que s'il y a réactions volitives et hypertrophie de la

conscience personnelle. En un mot, le délire systématisé est le

premier signe, l'indice de la transformation paranoïaque de toute

une individualité. Le fait de constater des délires paranoïaques

transitoires, incomplets, dans le cours ou à la suite d'accès

maniaques, mélancoliques, confusionnels, prouve que la paranoïa

n'est pas toujours la continuation d'anomalies psychiques particu-

lières, évidentes dès les premières années. Elle peut, surtout dans

les formes précoces, s'engendrer en grande partie, tantôt en se

différenciant dans le tumulte d'accès psychopatlliques d'autre

nature, tantôt par suite de l'épuisement mental qu'ils ont déter-

miné.. J. SÉGLAS.

XLIX. DE l'influence DE l'élément nerveux ET mental dans LES

maladies EN général; par CLOUSTON. (B1'itiscn Médical Journal,

18 janvier 1896.)

L'auteur, s'appuyant sur l'intervention aujourd'ui établie de l'en-

céphale pour toutes les fonctions physiologiques, en déduit son

influence comme élément constant dans toutes les affections phy-

siques ordinaires. Le cerveau préside, par certains de ses éléments,

à l'absorption, aux sécrétions, aux tonus vasculaires, aux phéno-

mènes trophiques des cellules de nos tissus, et ses altérations

amènent soudainement des troubles de ces diflérentes fonctions

par l'absence de son pouvoir régulateur normal. On sait la facilité

caractéristique avec laquelle idiots et déments se tuberculisent ;

c'est que leurs tissus vivent mal dès que l'action directrice de l'en-

céphale est suspendue. Des commotions morales ont pu amener,

par un mécanisme semblable, des troubles trophiques immédiats

comme la canitie subite du duc de Norfolk, phénomène que

Brown-Séquard a reproduit, expérimentalement, par la section de

certains nerfs cutanés, section entraînant la décoloration du poil

dans la zoue correspondante. Ces prédisposés succombent à leur

diathèse souvent à l'occasion du choc moral.

En temps d'épidémie la confiance et l'énergie morale sont

des garanties d'immunité considérables; inversement la démo-

ralisation prédispose fortement, de même que dans les masses

armées l'action de la défaite sur l'augmentation immédiate

des maladies épidémiques et la suspension de ces dernières

après une victoire. L'influence du moral explique encore l'ac-

tion si variable d'un même médicament sur des personnes

différentes, voire même sur une seule personne à des mo-

ments divers. Cette influence réciproque est démontrée par les

observation^ inverses de modifications de l'état mental, à la

b74 REVUE DE pathologie mentale.

suite d'intervention chirurgicale sur des organes fort éloignés du

cerveau ('exemple castration). La mort, consécutive à beaucoup de

maladies, provient moins de l'aggravation du mal que de la dimi-

nution de résistance morale et physique de l'individu ; de là l'im-

portance de la psychothérapie dans toutes les maladies.

Dans le numéro précédent de septembre 1895, M. E.-S. Rey-

nolds avait fait un article sur le même sujet : Des relations des

maladies corporelles avec les troubles intellectuels; ainsi crue

M. H. Head, sur les états mentaux liés d certaines affections viscé-

1'ales. A. M.

L. SUR certains états du système circulatoire chez LES aliénés; par

S 1MUEL EDCERLEY. (The JOll1'nal oOIental Science, juillet 4896.)

L'auteur rapporte sept observations intéressantes et très propres

à démontrer les relations qui existent entre l'état du système

circulatoire et les anomalies des processus mentaux. Dans certains

cas les troubles de l'appareil circulatoire sont une cause de folie ;

beaucoup plus souvent c'est la maladie mentale qui détermine les

troubles circulatoires] : mais dans un cas comme dans l'autre,

comme le cerveau ne peut recouvrer son état normal qu'avec le

concours du système vasculaire, il est d'une importance capitale de

remédier aux troubles circulatoires avant qu'ils aient revêtu un

caractère définitif. Il faut se souvenir aussi que l'on ne se trouve

pas toujours en présence de lésions valvulaires, mais que les ano-

malies ou les irrégularités fonctionnelles, qui sont communes chez

les aliénés, demandent, pour les motifs qui viennent d'être indi-

qués, à être traitées et combattues avec autant de soin que les

affections organiques du coeur. R. DE Musgrave CLAY.

LI. Statistique relative A la FOLIE héréditaire, portant SUR PLUS

de mille cas observés A l'asile du comté D'EsSEX; par JOIIn ToRNER.

(The Journal of Mental Science, juillet 1896 .)

1

Etude très intéressante et très bien conduite, et dont l'auteur

résume ainsi les conclusions :

Hérédité directe. - ). En prenant en bloc toutes les catégories

de la folie, les formes acquises comme les formes congénitales, on

trouve que le père aliéné transmet son instabilité mentale à un

plus grand nombre de ses enfants que la mère aliénée, et que

c'est surtout aux filles qu'il la transmet ; si c'est la mère qui est

folle, l'influence est, là encore, plus marquée dans la direction des

filles, en sorte que, quel que soit celui des ascendants qui est

aliéné, il y a toujours un plus grand nombre de filles qui devien-

nent folles que de fils. - B). Le nombre des mères aliénées est

considérablement supérieur à celui des pères aliénés.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 375

Hérédité 1'ével'sive et collatérale. A). Dans les deux sexes, l'in-

fluence héréditaire la plus puissante vient par la branche mater-

nelle. B). Ce sont les hommes qui ont le plus de frères aliénés

et les femmes qui ont le plus soeurs folles.

R. DE Musgrave CLAY.

LU. PSEUDO-PARALYSIE générale; par B. HYSLOP. (The Journal of

Mental Science, avril 1896.)

Bien qu'il se défende de vouloir chercher querelle à la nomen-

clature, l'auteur conteste la légitimité de la dénomination de para-

lysie générale appliquée à l'ensemble des symptômes que nous

entendons communément par ce mot : il se rallie à l'opinion de

Régis, et pense avec lui que les faits cliniques récents, tels que les

rémissions, la paralysie générale à double forme et surtout les

pseudo-paralysies générales d'origine syphilitique, saturnine et

alcoolique ont petit à petit entamé l'idée d'une entité pathologique

impropre à les expliquer. Il estime que la paralysie générale, telle

que nous la connaissons, est une démence paralytique, essentielle-

ment constituée par de la démence et par de la paralysie progres-

sive, et prenant le mot dans ce sens il s'attache à décrire quelques-

nnes do formes les plus communes qui simulent la paralysie géné-

rale. Les maladies auxquelles se rattachent ces pseudo-paralysies

générales sont l'épilepsie, l'alcoolisme, l'intoxication saturnine, les

fièvres, le paludisme, la syphilis, l'insolation ; à propos de chacune

d'elles, il développe quelques considérations intéressantes.

R. DE Musgrave CLAY.

LUI. UN cas DE FOLIE dégénérescence DE DÉVELOPPEMENT, avec INVER-

SION SEXUELLE, MÉLANCOLIE CONSÉCUTIVE A L'ABLATION DES TESTICULES,

tentative d'homicide ET DE suicide; par E.-S. TALBOT et Havelock

ELLIS. (The Journal of Mental Science, avril 1896.1

Cette observation concerne un homme de trente ans, qui en

pleine rue de Chicago tira quatre coups de revolver sur un facteur

et le croyant mort essaya de se suicider avec la même arme. Son

père était aliéné; lui-même, débauché, croit-on, par un homme qui

occcupait la même chambre que lui, commence dès l'âge de douze

ans à présenter des signes de perversion sexuelle ; devenu maître

d'école, il épousa la fille d'un fermier aisé ; mais il devint amou-

reux d'un cousin de sa femme, qui, dit-il, était fort beau, ce qui

amena une séparation entre les époux. En 1886, il fut interné pen-

dant trois ans dans un asile, où le diagnostic porté snr son état

mental fut celui de GO paranoïa». Son examen physique à l'asile et

plus récemment donne les résultats suivants : état normal des sens

spéciaux; testicules anormalement petits, pénis rudimentaire. Crâne

376 REVUE DE pathologie mentale.

asymétrique, front bas, indice céphalique normal (78). Arrêt de

développement de lamàchoire supérieure. Parait dix ans de plus que

son âge. Les seins sont volumineux. Corps bien développé : pieds et

mains grands. A la sortie de l'asile, lacune dans les renseignements.

Plus tard il devient facteur des postes à Chicago et fait la connais-

sance de Clifford sur lequel il a tiré. Il devient amoureux de lui

et pendant un temps, il semble que Clifford ait répondu à sa passion

ou tout au moins l'ait subie : mais bientôt il rompt cette liaison,

et alors Olmstead (le malade porte ce nom) l'accable de lettres, et

le suit partout, lui rendant la vie intolérable. Enfin Clifford remet

à ses chefs les lettres de son persécuteur et celui-ci est révoqué.

C'est à ce moment que sur le conseil de ses amis, Olmstead entre

à l'hôpital (février 1894) et on lui pratique l'ablation des deux testi-

cules : le résultat n'est pas heureux, car il est presque immédiate-

ment -atteint de mélancolie hystérique. Il écrit au D'' Talbot une

lettre où il se juge plus que sévèrement, s'indigne lui-même de sa

perversion sexuelle, et en même temps déclare qu'il a revu Clifford,

que sa passion s'est réveillée plus forte que jamais ; en même

temps il demande un peu ironiquement, semble-t-il, au DI' Talbot

si les médecins savent que les gens à qui on a enlevé les testi-

cules peuvent encore avoir des érections, se masturber et avoir

les mêmes passions qu'auparavant. C'est sur ces entrefaites qu'il

exécute sa double tentative d'homicide et de suicide. Jugé en au-

dience non publique, il a été interné à l'asile des aliénés criminels.

L'observalion est à plusieurs égards.incomplète : cependant il

est difficile de voir chez ce malade autre chose qu'un cas de

dégénérescence héréditaire mal défini, ayant donné lieu à des

symptômes appartenant à divers groupes morbides, et rentrant

difficilement dans une catégorie nosologique quelconque. Quant à

l'inversion sexuelle, elle paraît avoir été congénitale : c'est du

moins ce qu'indiquent les signes physiques.

L'ablation des testicules parait avoir déterminé des phénomènes

très nets de dépression ; il est à noter que le crime l'a suivie de

bien près. La chirurgie psychiatrique agira peut-être prudemment

en ne se hâtant pas trop de châtrer les invertis et les pervertis

sexuels; car la mutilation les déprime toujours, et ne les débar-

rasse que rarement de leurs perversions.

R. DE MusGRavE CLAY.

LIV. Visions : RÉCIT PERSONNEL DES phénomènes MORBIDES. (The

Journal of Mental Science, avril 1896.)

Ce récit a été écrit et envoyé au journal pour y être publié par

un journaliste expérimenté : les aberrations mentales qu'il décrit

ont précédé un accès de manie aiguë dont il est actuellement

guéri : nous ne pouvons suivre le narateur dans tout son récit;

REVUE DE pathologie mentale. 377 Î

nous en relevons seulement les points les plus remarquables. Les

troubles sensoriels les plus marqués ont porté sur la vue : ces trou-

bles avaient le caractère de ce que l'on pourrait appeler des hallu-

cinations rectifiées ; car jamais le malade n'a cru à l'existence

réelle des choses qu'il voyait, et qui d'ailleurs ne correspondaient

à rien d'existant dans le milieu ambiant, et n'ont jamais revêtu

de caractère terrifiant : lui-même sentait parfaitement qu'elles ne

se cassaient pas dans ce milieu, et elles lui apparaissaient comme

projetées sur un écran par une lanterne magique. Ces visions

apparaissaient aussi bien en plein jour qu'à tout autre moment.

A certains moments, il voyait deux scènes absolument distinctes et

également irréelles qui paraissaient, disparaissaient, et parfois se

superposaient sans se confondre : ces scènes donnaient lieu à des

dialogues que le malade entendait. R. M. C.

LV. La paralysie générale A DÉBUT précoce; par Alzheimer.

(Allg. Zeilscla. f. Psychiatrie, t. LII, fasc. 3.)

Ce travail, le plus complet que nous connaissions sur la question

de la paralysie générale juvénile, se divise en trois parties :

I. L'auteur a rassemblé en un tableau tous les cas de paralysie

générale à début précoce publiés jusqu'à ce jour; ces cas sont au

nombre de 38. Chaque colonne du tableau est consacrée à une des

rubriques suivantes : nom de l'auteur et titre de l'observation;

sexe du malade; âge auquel est survenue la mort; antécé-

dents héréditaires; syphilis; autres facteurs étiologiques;

état mental et développement intellectuel avant l'apparition de la

maladie; premiers symptômes; marche de la maladie;

troubles somatiques prédominants ; - réflexes patellaires; - résul-

tats de l'autopsie. Grâce à cette disposition les recherches sont

singulièrement facilitées ainsi que la comparaison des divers cas

entre eux.

II. La seconde partie du mémoire est consacrée aux observa-

tions personnelles de Alzheimer : il jeune fille, enfant naturelle,

antécédents héréditaires inconnus sauf, la syphilis du père. Stig-

mates d'hérédo-syphilis.A trois ans manifestations méningitiques ( ? )

Intelligence peu développée, mémoire paresseuse. A onze ans accès

convulsif ( ? ). Menstruation à quinze ans, puis diminution de l'acuité

visuelle, démarche incertaine, maladresse des mains. A dix-neuf

ans, chorée et augmentation des troubles de la marche. Démence

progressive. Incontinence des matières. Eschare. Entrée à l'asile il -

vingt-deux ans. Aspect infantile. Pupilles inégales, réflexes pares-

seux, tremblement des muscles de la face et de la langue. Hésita-

tion de la parole. Exagération des réflexes. Epilepsie spinale. Mort

dans le marasme paralytique. '

Le diagnostic de paralysie générale a été confirmé par l'autopsie

378 revue DE pathologie mentale.

et l'examen histologique. Il est difficile de fixer avec précision la

date du début de la maladie : probablement quinze ans.

2° La deuxième observation peut être ainsi résumée : Enfant

naturel; mère : d'une famille névrôpathique; père : syphilis anté-

rieure au mariage. Signes probables d'hérédo-syphilis chez la

malade. Hydrocéphalie dans les premières années. A l'école, niveau

intellectuel peu élevé, céphalée fréquente, tendance au sommeil.

En 1886 (neuf ans), ictus paralytique (mouvements involontaires de

la tête sans perte complète de connaissance) suivi de troubles de

la marche et d'affaiblissement intellectuel.-1888. Deux accès con-

vulsifs avec perte de conscience passagère, suivis de vomissements

et d'hallucinations. 1889. Accès fréquents de caractères variés.

Aggravation des troubles psychiques. Pupilles inégales, pares-

seuses ; troubles de la parole et de l'écriture, tremblement des

muscles de la face, exagération des réflexes, clonus du pied, trou-

bles vésicaux, accès passagers d'anxiété, hallucinations de l'ouïe.

Rémission qui dure quelques mois. En 1890 démence progressive,

contracture du côté droit. L'année suivante, contracture du côté

gauche. Ictus fréquents. 1894. Admission à l'asile. Démence

profonde; contracture des membres du côté gauche et de la jambe

du côté droit; parésie du bras droit. Mort.

Parmi les particularités intéressantes de ce cas il faut signaler :

la syphilis héréditaire, l'hydrocéphalie, le début très précoce de la

maladie (à neuf ans) par un ictus, l'existence de troubles, du côté

du système nerveux dès la première enfance, la fréquence et l'im-

portance des ictus suivis tantôt de troubles moteurs, tantôt de

troubles psychiques, la nature de ces troubles moteurs et leur pré-

dominance au détriment des symptômes psychiques (contracture

du côté gauche, puis du côté droit). La physionomie spéciale des

manifestations motrices était de nature à faire penser plutôt à une

lésion circonscrite qu'à une affection diffuse comme la paralysie

générale ; aussi nombre de médecins spécialistes qui avaient

observé la malade avaient-ils posé le diagnostic de syphilis céré-

brale, de tumeur du cerveau, de sclérose multiple, sans penser à la

paralysie générale. A l'autopsie, lésions habituelles de la méningo-

encéphalite, atrophie des ganglions de la base.

3° Fille de vingt-six ans. Mère : syphilitique, probablement para-

lytique générale. Hérédo-syphilis probable. A vingt-un ans dimi-

nution de l'acuité visuelle. Atrophie optique. Céphalée, douleurs

fulgurantes, perte des réflexes. A vingt-six ans accès d'excitation,

troubles de la parole, tremblement fibrillaire de la langue et des

muscles de la face, ictus, démence progressive, idées de gran-

deur.

III. De l'examen des 41 observations actuellement connues de

paralysie générale à début précoce, Alzheimer tire les conclusions

suivantes : 1° Contrairement à ce qui est observé chez l'adulte,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 379

la forme précoce de la paralysie générale est aussi fréquente chez

la femme que chez l'homme : 20 hommes et 21 femmes.

2° Le début de la maladie s'est fait de quinze à seize ans dans

11 cas, de treize à quatorze ans dans 8 cas, de dix-sept à dix-huit

dans 5 cas. Les autres périodes de la jeunesse comprises entre neuf

et vingt- deux ans fournissent un moindre contingent de (4 à

2 cas).

3° La durée moyenne de la maladie a été, dans les 23 cas qui ont

pu être utilisés pour cette recherche, de quatre ans et demi. Dans

5 cas la maladie a duré plus de sept ans.

4° Des tares héréditaires ont été trouvées dans 86,6 p. 100 des

cas. L'influence de l'hérédité névropathique est donc plus considé-

rable dans la paralysie à début précoce que dans la paralysie des

adultes, et même que dans les psychoses. Dans 5 cas on a noté la

paralysie générale chpz le père, dans un sixième cas la paralysie

chez la mère, et dans un autre la paralysie probable chez la mère.

L'hérédité similaire se rencontre donc dans 25 p. 100 des cas. Dans

6 observations le père était un alcoo ! ique avéré, dans 3 la mère

était aliénée (non paralytique). Si on laisse de côté, dans les anté-

cédents héréditaires. la paralysie générale, les troubles d'origine

syphilitique, on obtient comme proportion des tares nerveuses

66,6 p. 100.

5° Etiologie. En ne tenant compte que des 34 cas sur lesquels on

a des renseignements précis, on note la syphilis comme certaine

dans 17 cas (50 p. 100) ; si on y ajoute, eu premier lieu, les 12 cas de

syphilis très probable, et en second lieu les 2 cas de syphilis pro-

bable on a les proportions de 85 p. 100 dans le premier cas et de

91 p. 100 dans le second. (Chez les adultes l'auteur trouve : syphilis

certaine, 86 p. 100; syphilis certaine et très probable 93 p. 100.)

380 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cours de la maladie, tandis que les troubles psychiques se dévelop-

pent plus lentement et restent longtemps au second plan; c) la

prédominance de la paralysie, dès le début, d'un côté du corps ou

au niveau d'un membre. Les réflexes ont fait défaut dans 7 cas; ils

étaient exagérés chez 15 malades. L'atrophie optique a été rencon-

trée dans 12 cas pour 100, c'est-il-dire plus fréquemment que chez

l'adulte.

8° Résultais unalomo-pathologiques. La plupart des auteurs se con-

tentent de dire que l'on a trouvé les lésions typiques de la paralysie

progressive. Quelques-uns donnent plus de détails et notent, d'une

façon constante, l'épaississement notable, l'opacité et l'oedème de

la pie-mère, et, fréquemment, les adhérences de cette membrane

à l'écorce, l'atrophie des circonvolutions surtout au niveau du lobe

frontal, la dilatation des ventricules, les granulations de l'épen-

dyme. Le poids du cerveaua varié de 720 grammes (femme de

dix-neuf ans) à 1185 (homme de vingt ans). Alzheimer insiste sur

les lésions des ganglions de la hase (dégénérescence).

9° Fréquence de la paralysie juvénile. Alzheimer a observé 3 cas

de paralysie juvénile contre 3 deparalysie générale chez les adultes.

Paul Sérieux.

LVI. SUR LE diagnostic précoce DE la paralysie générale ;

par M. Gnoss (lieidelberg).

Au stade prodromique de la paralysie générale, c'est le diagnos-

tic différentiel avec la neurasthénie qui doit être envisagé en pre-

mier lieu. Il est nécessaire de distinguer aussitôt que possible ces

deux affections, surtout en raison des traitements qui leur sont

applicables. L'hydrothérapie, telle qu'elle est ordonnée habituelle-

ment aux neurasthéniques, a une influence des plus fâcheuses sur

la paralysie générale au début. Cette dernière affection a en géné-

ral, pour symptômes prodromiques, des troubles neurasthéniques :

à la clinique des maladies mentales de Heidelberg, sur cent-

quatre-vingt neuf cas, on n'a observé que dix fois un début sous

forme aiguë. La nature de l'affectioh n'est plus douteuse lorsqu'il

se produit des symptômes de paralysie motrice ou des signes évi-

dents d'affaiblissement intellectuel. Mais, en l'absence même de

ces troubles, il est habituellement possible de faire le diagnostic

différentiel d'après l'ensemble des symptômes psychiques. Les mo-

difications du caractère fournissent d'utiles renseignements.. En

général, chez les neurasthéniques, on ne constate que des troubles

de forme dépressive. Au contraire, chez le paralytique il n'est pas

rare d'observer, même dans la période prodromique, certains phé-

nomènes de nature expansive, de l'excitation cérébrale, de l'irasci-

bilité, des accès d'activité. Les modifications du caractère, qui se

traduisent par de la brutalité, sont tout à fait en faveur de la para-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 381

lysie générale. Alors que les signes évidents d'affaiblissement psy-

chique fout encore défaut, on peut constater par intervalles un

certain état d'obnubilation intellectuelle. qui se traduit plus parti-

culièrement par une lenteur des conceptions, un ralentissement de

la pensée, une diminution de la mémoire. Parmi les troubles les

plus caractéristiques et les plus frappants de la paralysie générale

au début, il faut citer les actes anormaux des malades actés qui ont

leur source dans la perte des sentiments élevés et du jugement. Il

est important de savoir que ces actes sont considérés souvent

comme la cause de la neurasthénie, alors qu'ils sont en réalité les

symptômes du début de la paralysie générale (spéculations incon-

sidérées ou même absurdes, excès de toutes sortes).

Cependant, il est toute une série de cas dans lesquels, malgré

une analyse précise du tableau clinique, il n'est pas possible, du

moins à l'aide de nos méthodes d'examen actuelles, d'établir d'une

façon assurée, le diagnostic différentiel entre la neurasthénie et

le stade prodromique neurasthénique de la paralysie générale.

L'âge auquel apparaît la maladie peut fournir ,.des indications

utiles. La neurasthénie est une affection constitutionnelle et débute

presque toujours dès la jeunesse. Au contraire la paralysie géné-

rale est une maladie de l'âge adulte : sur cent quatre-vingl-neuf

cas nous n'en avons observé que trois chez des sujets de moins de

trente ans. Des causes nuisibles, agissant pendant un temps prolongé

sur la vie psychique d'un sujet, peuvent déterminer un accès de neu-

rasthénie. Si l'on ne peut mettre en évidence ces causes, il faudra

toujours soupçonner la paralysie générale quand on verra la neuras-

thénie se montrer, entre trente et cinquante'ans, chez un homme

jusque-là normal et non névropathe. L'âge est un fait important à

considérer, non seulement à lapériode prodromique de la maladie,

mais à un stade plus avancé. On aura lieu de craindre la para-

lysie générale chez les sujets qui ont présenté des troubles psychi-

ques pour la première fois, à l'âge adulte. Une guérison apparente

ne suffira pas pour écarter co diagnostic. L'auteur a observé un

certain nombre de cas de ce genre dans lesquels une rechute s'est

produite avec tous les signes de la paralysie générale. En voici

deux brièvement résumés :

1. K..., commerçant, âgé de quarante-cinq ans, tombe malade

en 1890, après une période prodromique dépressive accompagnée

d'idées de persécution et d'empoisonnement. Aucun signe de para-

lysie générale, ni physiques, ni psychiques. Diagnostic : délire

hypocondriaque. Amélioration rapide. Sortie en 1892. K... continue

son commerce jusqu'en mai 1895 ; il entre alors à l'asile pour la

seconde fois, avec les mêmes symptômes psychiques, mais il pré-

sente du myosis, de l'immobilité des pupilles et de l'affaiblissement

intellectuel.

2. S..., employé des postes, quarante-deux ans, a eu à trente-

382 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

quatre ans, pour la première fois, un accès délirant avec idées

hypocondriaques et de persécution. Diagnostic : délire hy-

pocondriaque. Il sort amélioré après quinze mois de séjour et

parait complètement guéri durant cinq ans : il passe des examens,

se marie. A quarante ans, accès de dépression hypocondriaque,

inégalité et immobilité des pupilles. Affaiblissement intellectuel

avec euphorie.

Dans neuf autres cas l'évolution a élé la même : on a constaté

des rémissions de deux à dix ans entre le premier et le second

accès. Dans tous les cas qui précèdent, le premier accès n'a pas

été considéré comme relevant de la paralysie générale, surtout

par suite de l'absence de signes physiques. Le début du premier

accès s'est fait dix fois entre trente et cinquante ans, une fois à

cinquante-cinq ans. Ce seul fait aurait dû faire soupçonner la

paralysie générale et peut-être qu'un examen minutieux des signes

psychiques aurait alors permis de faire d'emblée le diagnostic.

LVII. La signification DES IDÉES délirantes au POINT DE VUE DU

diagnostic; par M. SCH : 11·FENBUBG (Heidelberg). '

Pour répoudre aux demandes des familles de nos malades qui

réclament de nous un pronostic précis, il nous faut pouvoir formu-

ler un diagnostic exact. Il est donc nécessaire de rechercher des

symptômes qui, à eux seuls, ou réunis à d'autres, aient une signi-

fication spéciale au point de vue clinique. Parmi les symptômes qui

ont été le plus étudiés, ou cours de ces dernières années, il faut

citer en première ligne, les conceptions délirantes. Cramer, dans

son rapport sur la délimitation et le diagnostic différentiel de la

paranoïa, a considéré les conceptions délirantes, dans la plus

large acception du mot, comme le critérium de la paranoïa, qu'il

oppose, en tant que maladie des facultés intellectuelles propre-

ment dites, aux troubles de la sphère affective. Ziehen considère

également les idées délirantes et les hallucinations comme carac-

térisant la paranoïa, et il ajoute à ces symptômes un troisième, la

dissociation. L'auleur s'est donné pour tâche de rechercher si les

conceptions délirantes sont réellement spéciales à la paranoïa. Il

montre qu'elles peuvent se rencontrer dans les formes dépressives

de l'involution sénile. Ces malades, par exemple, interprètent tout

ce qui se passe autour d'eux comme se rapportant à eux-mêmes,

ils élaborent même des idées délirantes très compliquées : idées

hypocondtiaques, idées de persécution parfois très systématisées.

L'existence d'idées délirantes et d'hallucinations ne suffit donc pas

toujours pour faire admettre une paranoïa, puisque celles-ci peu-

vent se rencontrer dans les psychoses d'involution.

De même dans la folie circulaire, on peut également observer

des conceptions délirantes qui peuvent se prolonger longtemps

SOCIÉTÉS savantes. 383

encore une fois le calme rétabli. Sur cer.tquarante-deux cas de folie

circulaire, l'auteur a observé des conceptions délirantes à durée pro-

logée dans li p. 100 des cas. Une malade, par exemple, a élaboré

tout un roman compliqué, accompagné d'hallucinations, sur l'in-

fluence hypnotique exercée sur elle par un médecin. Est-ce pour

cela un cas de paranoïa ? Non pas. Il y a encore toute une série de

psychoses qui présentent des conceptions délirantes, tels sont les

états de confusion et l'amentia. Il faut encore citer la paralysie

générale. Il y a trois ans, se trouvait à la Clinique un homme pré-

sentant de la façon la plus nette l'aspect clinique de la paranoïa :

délire de persécution systématisé sans affaiblissement intellectuel.

Ce malade vient de rentrer à l'asile avec les mêmes idées déli-

rantes, mais son intelligence a baissé, les pupilles ne réagissent

plus à la lumière. Nous voyons donc que les conceptions délirantes

sont des symptômes qui peuvent se rencontrer dans toute une

série de psychoses différentes. Le mode de début, le développe-

ment, l'évolution d'une psychose sont des symptômes qui ont une

mportauce au moins égale, sinon plus considérable, que la con-

ception délirante en elle-même. (Allg. Zeitsch. f. Psychiatrie, t. LU,

f. 6.) Paul Sérieux.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.

Séance du 13 juin 1890. Présidence de M. Laehr.

M. Vogelgesang (\Vuhlarlen). Le traitement de l'épilepsie par

le sérum. - L'auteur a entrepris des expériences sur l'action thé-

rapeutique du sérum dans l'épilepsie, à l'asile municipal d'épilep-

tiques de Berlin. Il s'est servi d'un sérum préparé par le Dr Diettrich

qui a fondé à Bottmingen, près Bâle, un laboratoire destiné à la

fabrication de la GO tauricine », et qui considère celle-ci comme un

remède utile contre l'épilepsie, la : neurasthénie, le tabès et la chorée.

Le Dr Jahlouowsl : i l'avait antérieurement expérimenté sur deux

épileptiques dont les accès avaient diminué. L'auteur rappelle les

expériences analogues entreprises par Bourneville et Cornet, par

Féré qui n'ont guère obtenu de résultats par l'emploi du liquide

tesliculaire en injections sous-cutanées, celles faites à l'asile de

384 sociétés savantes.

Bron. 11 n'a observé que chez trois de ses malades une diminution

du nombre des accès : encore deux d'entre eux eurent-ils plus tard

une série d'accès. Un de ces derniers avait été précédemment sou-

mis au traitement de Flechsig sans meilleur résultat. Chez un autre

, malade les accès furent moins violents et moins longs. Aucune

modification ne fut constatée chez un épileptique qui avait anté-

rieurement été traité par la méthode de Flechsig. Chez deux sujets

les injections déterminèrent des phénomènes d'excitation. L'état

mental des individus soumis au traitement ne fut pas amélioré.

M. Max EDEL. Sur les infirmières blessées et devenues invalides. -

L'auteur, à propos des attaques imméritées auxquelles a été en

butte le personnel de surveillance des asiles d'aliénés, rappelle les

dangers que courent ces infirmiers et se propose d'examiner les

attentats dont ceux-ci ont été victimes, à l'asile municipal de

Dalldorf, de la part des malades. En 1884, un infirmier fut, pendant

la nuit, assommé à coups de balai par un paralytique général, et

succomba à ses blessures. L'auteur a observé un certain nombre de

cas dans lesquels, à la suite de blessures, se montrèrent des

troubles nerveux parfois assez graves. Ces faits sont intéressants

en raison de la possibilité de la simulation, et jusqu'ici on n'a point

signalé leur fréquence dans le personnel de surveillance des asiles.

Ce sont d'abord deux cas d'hystérie traumatique chez des infir-

mières. L'une, âgée de vingt-cinq ans, fut frappée au front par une

malade; des maux de tête s'ensuivent, puis survient une attaque

hystérique suivie d'une monoplégie du bras gauche avec hémianes-

thésie du même côté. Une autre infirmière, à la suite d'une fracture

du cubitus, est prise de parésie etde névralgies dans le membre lésé

et devient incapable de continuer son service. Congédiée, elle fait

des tentatives ponr se faire admettre de nouveau et pour obte-

nir un secours, ce qui lui est accordé. Depuis plusieurs années,

elle se dit incapable de travailler d'une façon régulière et réclame

sans cesse des secours mensuels. Un autre infirmier fut blessé,

il y a un an, d'un coup de couteau au pouce gauche. La blessure

guérit, mais laissa après elle des troubles fonctionnels notables

(faiblesse du membre supérieur gauche). Cette parésie résista à

tous les traitements qui furent institués. On diagnostiqua une paré-

sie hystéro-trcaumatique (douleurs spontanées dans le bras gauche,

anesthésie et analgésie au niveau du pouce blessé et dans les

régions voisines). Pas d'amélioration. Le malade s'est suicidé.

Un autre infirmier, opérant le transfèrement d'un malade agité,

est projeté à la renverse d'un omnibus. Depuis l'accident il a perdu

10 kilogrammes, il présente une monoplégie du bras droit avec

névralgie et troubles de la sensibilité dans le même membre, de

l'insommie, de la perte de, l'appétit, un état d'épuisement. Il

devient incapable de continuer son service.

Dans une circonstance analogue, un infirmier qui cherchait à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 3Ô'NJ

contenir un malade dans un fiacre, est frappé d'un coup de canif

dans le dos. La blessure guérit, mais des troubles neurasthéniques

et hypocondriaques se manifestèrent, qui ne se sont pas modifiés

depuis neuf mois et dont le pronostic parait mauvais.

Un autre infirmier a été atteint de commotion cérébrale à la suite

d'un traumatisme crânien, qui détermina une perte de connais-

sance passagère suivie d'un état d'obtusion durant quelques jours

(vomissements, refus d'aliments). Puis se montrèrent des vertiges,

de la céphalée, des bourdonnements d'oreille, des sensations anor-

males dans la tête, de la somnolence, de la surdité du côté droit,

et plus tard des manifestations neurasthéniques et hypocon-

driaques. Quelques années après il était encore incapable de faire

son service, et obtint une pension mensuelle de 50 marks.

Un septième cas est celui d'un infirmier devenu neurasthénique

et hypocondriaque plusieurs années après un traumatisme crânien.

On n'a pu déceler chez ce sujet aucun autre facteur des troubles

neurasthéniques.

Les sept cas qui précèdent, recueillis, sauf un seul, dans le cours

des six dernières années, se présentent tous sous l'aspect clinique de

manifestations hystériques survenues chez des infirmiers frappés

par des aliénés; les troubles psychiques, plus ou moins accentués,

sont de nature neurasthénique ou hypocondriaque. Il est probable

que des faits analogues ont été observés dans d'autres asiles. On sait

que le traumatisme est souvent un agent provocateur de l'hystérie

ou d'autres troubles nerveux. L'apparition fréquente de ces mani-

festations nerveuses dans le personnel des asiles peut être attribuée

à la vive émotion qui accompagne habituellement les actes de

violence accomplis par les aliénés et aussi à l'état d'excitabilité

nerveuse qui se rencontre chez certains infirmiers qui ont passé

plusieurs années dans les asiles.

11 faut noter que l'administration ne s'est pas désintéressée de ces

« invalides » ; ils ont non seulement été l'objet de soins spéciaux

dans les asiles mêmes et dans d'autres établissements médicaux,

mais ils ont été pourvus d'un emploi facile à remplir; quelques-uns

ont obtenu une indemnité sans qu'il y ait eu de procès engagé.

Il serait bon que le personnel de surveillance des asiles fût appelé

à bénéficier de la loi sur l'assurance contre les accidents, et qu'avant

l'admission des infirmfers, on soumît ceux-ci à un examen portant

non seulement sur leurs aptitudes physiques et sur leur instruction,

mais aussi sur leur hérédité et sur les autres facteurs qui seraient

de nature à diminuer la résistance de leur système nerveux.

M. JULIUS13ERGER (Ilerzberge) présente des préparations de moelle

épinière de l'homme, durcie d'après le procédé de Orth. Ce procédé

est avantageux par sa rapidité et permet de traiter les pièces par

les méthodes deMarchi, de Nissl, d'Azouiay, de Pal. (Allg. Zeitsch.

f. Psychiatrie, t. LUI, fasc. 4.) Paul Sérieux.

Archives, 2e série, t. III. 25

386 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXVII» CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DU SUD-OUEST DE L'ALLEMAGNE

A CARLSRUIIE 9-10 NOVEMBRE 1895.

Première séance du 9 novembre, à 3 heures. Présidence

DE I. LUDR'IG. -

Le professeur Kirn (Fribourg), ouvre le Congrès. Le Dr LuDmG

(Heppenheim) est nommé président.

M. Wildermuth (Stuttgart), lit un rapport sur les troubles psy-

chiques de l'épilepsie au point de vue du droit criminel.

L'auteur n'envisage que les psychoses épileptiques transitoires

aiguës et considère que le médecin-légiste doit chercher à ré-

soudre ces questions : 1° Comment reconnaître la nature épileptique

de troubles psychiques donnés ? - 2° Peut-on, en dehors de la ques-

tion précédente, tirer, de l'examen physique et psychique du sujet, des

indications qui démontrent l'existence de l'épilepsie ? - 3° Quels ren-

seignements peut fournir l'anamnèse et en particulier l'étiologie ? ' !

llorel et Falret ont les premiers étudié consciencieusement les

troubles psychiques de l'épilepsie; puis vinrent les travaux de Grie-

singer, de Sander (1872), de Samt (1875-7G), qui considère la folie

épileptique comme caractérisée surtout par sa symptomatologie,par

son mode de développement et son évolution, et qui n'exige pas,

pour admettre la nature épileptique des troubles, l'existence d'an-

técédents épileptiques. Ce dernier point de vue est combattu par

W. Sommer, v. Krafft-Ebing, Schiile, Siemerling, qui ne consi-

dèrent comme étant de nature épileptique, que les troubles psy-

chiques survenus chez des épileptiques avérés. Kraepelin, au con-

traire, l'accepte. La théorie de Lombroso et de son école, qui élar-

gissent considérablement le cadre de l'épilepsie n'est plus admise.

Il en est de même de la conception de Meynert, qui voulait

séparer de l'épilepsie les psychoses épileptiques et plus spéciale-

ment le petit mal. *

Parmi les divers troubles dits épileptiques il faut distinguer :

1° l'épilepsie vraie, caractérisée par des accès périodiques de troubles

maladifs de la conscience, c'est-à-dire par des attaques de folie passa-

gère. En général, on ne trouve pas d'autre facteur étiologique que

l'hérédité. L'epilepsie vraie est le terrain sur lequel se développent

les psychoses épileptiques spécifiques.

2° Les troubles épilepti formes consécutifs aux intoxications chroni-

ques (alcool, plomb).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 387

3° L'épilepsie corticale ou jacksonienne, par lésion en foyer des

centres moteurs ou des faisceaux qui en émanent. Cette forme ne

s'accompagne pas de folie épileptique.

4° L'épilepsie réflexe, par excitation périphérique (cicatrices).

5° L'épilepsie consécutive à lapolioencéphalite de l'enfance (forme

hémiplégique des accès).

Au point de vue de leur fréquence respective, ces différentes

catégories se classent ainsi d'après l'observation de 240 cas :

'388 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Chez ces derniers sujets et aussi parfois chez les adultes. on

observe des troubles psychiques élémentaires, étroitement en rap-

port avec les accès épileptiques et que caractérise l'absence de

troubles de la conscience. On peut les diviser en trois groupes :

1° Modifications de l'humeur (tristesse, idées de persécution), accom-

pagnant une série d'accès épileptiques; 2° modifications de l'humeur

de nature différente, avant et après l'attaque. Avant : dépression,

idées hypocondriaques. Après : euphorie. Rarement le rapport est

renversé ; 3° avant ou après l'accès, excitation violente sous

forme de manie qué1'ulante. Pas d'amnésie, pas de désorientation.

Enfin l'auteur a observé des troubles psychiques analogues comme

équivalents de l'accès : il y avait une exagération aiguë de la dépres-

sion et la diminution du sens moral constatée précédemment en de-

hors des accès.

Wildermuth considère la folie épileptique comme assez rare par

rapport à la fréquence de l'épilepsie.

Existe-t-il des psychoses épileptiques transitoires sans autres

symptômes épileptiques ? L'auteur rapporte un cas qui le démon-

trerait.

Peut-on diagnostiquer la folie épileptique d'après la forme du délire ?

- Wildermuth le croit, en se basant sur les points suivants : début

brusque, souvent après un stade prodromique de malaise général ;

modifications de la conscience, sous forme de rêve, allant d'une

stupeur profonde à une légère obnubilation ; hallucinations fan-

tastiques ; délire mystique ; actes absurdes ou violents coïncidant

parfois avec des allures correctes; état d'anxiété ; répétition d'accès

analogues ou identiques ; perte du souvenir ou souvenir incomplet.

Quant aux troubles psychiques élémentaires dans lesquels fait

défaut le trouble de la conscience, ils n'ont rien de caractéristique

sinon leur rapport avec les accès.

Au point de vue médico-légal, il faut savoir que l'épilepsie peut

débuter par un accès de délire (9 cas sur 193) avant toute autre ma-

nifestation convulsive.

La dégénérescence chronique épileptique se rencontre dans 00 à

70 cas p. 100. Elle est caractérisée par une diminution extrême de

la mémoire, comme on ne l'observe que chez les paralytiques et

les déments séniles, par un sentiment assez vif de l'état maladif,

par des lacunes murales. La démence épileptique est, d'après

Wildermuth, liée surtout aux grands accès plutôt qu'au petit mal.

L'épileptique présente-t-il, dans l'intervalle des accès, des symp-

mes somatiques qui facilitent le diagnostic ? Les signes de dégé-

nérescence sont plus fréquents chez ces sujets que chez les autres

aliénés (53 p. 100), mais ils ne peuvent servir au diagnostic. Dans

le plus grand nombre des cas, il n'existe, chez les épileptiques, en

dehors des suites immédiates des accès (morsure de la langue,

ecchymoses) aucun signe physique caractéristique. La présence,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 389

durant les intervalles, de troubles moteurs, sensitissou sensoriels,

doit même faire penser qu'il ne s'agit pas d'épilepsie vraie, mais

d'hystérie ou de complication d'hystérie avec épilepsie, ou encore

d'épilepsie symtomatique.

W. a trouvé des tares héréditaires dans 49 à 50 p. 100 des cas

(hérédité similaire : 19 p. 100). Pour ce qui est des causes directes,

l'examen de 189 cas d'épilepsie vraie donne les résultats sui vants :

390 SOCIÉTÉS SAVANTES.

intellectuel est caractérisé par un mélange particulier de démence,

plus spécialement d'amnésie et de troubles dans les conceptions,

avec une notion exacte de la maladie, l'espoir de la guérison, des

habitudes mystiques, de l'irascibilité. Tandis que la dégénérescence

épileptique se traduit, quand elle se développe chez les adulles, par

des symptômes d'affaiblissement intellectuel, elle se révèle, chez

les enfants, par des lacunes du sens moral. Dans les deux cas, se

manifeste une irascibilité très accusée qui détermine de violentes

explosions de colère, contrastant parfois avec les allures soumises

et craintives des malades. Certains auteurs veulent voir dans ces

modifications extrêmes de l'humeur un trait caractéristique de la

dégénérescence psychique épileptique.

Ces épileptiques dégénérés au point de vue mental tombent sou-

vent sous le coup de la loi. Les uns, ne trouvant pas de travail,

deviennent des vagabonds ou des voleurs d'habitude, sans qu'ils

puissent, en raison de leur faiblesse intellectuelle et morale, se

rendre compte de la valeur de leurs actes. Les autres font des excès

de boissons et se laissent ensuite aller à proférer des injures. La

diminution de la mémoire peut déterminer de faux témoignages,

des vols. L'irascibilité extrême de ces sujets, jointe à l'absence du

pouvoir d'inhibition, les pousse à des actes de violence (blessures,

meurtres). Rien n'est dangereux comme un épileptique irrité ! Les

anomalies intellectuelles et morales expliquent les attentats aux

moeurs.

2° Les troubles psychiques au sensoriels élémentaires servent de

transition entre les phénomènes précédents et les délires épilepti-

ques caractéristiques. Ils précèdent ou suivent les accès convulsifs.

Dans le premier cas, ce sont des « auras » toujours identiques :

hallucinations terrifiantes, angoisse précordiale, obnubilation,

mélancolie, exagération de l'irascibilité ou de l'amnésie. Ces sujets

peuvent abandonner brusquement leur service (désertion etc.). Les

troubles consécutifs sont un état d'obtusion, de stupeur, d'irasci-

bilité au cours duquel des actes délictueux peuvent être commis.

Il faut citer ici également les actes automatiques accomplis pen-

dant les absences momentanées.

3° Les complexus symptomatiques délirants sont de la plus haute

importance, au point de vue médico-légal. Tous les cas de folie

transitoire doivent faire penser à l'épilepsie, mais il est parfois

difficile de mettre celle-ci en évidence. Il faut ne considérer comme

psychoses épileptiques que celles qui correspondent à un des types

cliniques aujourd'hui bien établis et qui sont développées sur le

terrain de la névrose épileptique : Tout délire survenu chez un épi-

leptique n'est pas forcément un délire épileptique ; il faut qu'il

présente certains caractères spéciaux, aux points de vue de l'épo-

que d'apparition et de l'aspect symptomatique. On dislingue des

troubles post-épilepliques (les plus fréquents), antéépileptlyues et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 391

équivalents. Au point de vue clinique, on observe surtout des états

de stupeur ou de délire hallucinatoire aigu ; les états de confusion,

de fureur maniaque sont plus rares. Toutes ces formes sont accom-

pagnées d'un trouble plus ou moins profond de la conscience, de

tendance à des actes impulsifs, d'amnésie partielle ou totale. Les

actes commis dans l'état de stupeur sont des vols, des attentats à

la pudeur, des suicides, des meurtres, etc.

4° Les psychoses chroniques épileptiques, états d'excitation ou de

stupeur pouvant durer des mois et des années.

En présence d'un cas particulier, d'un prévenu soupçonné d'épi-

lepsie, il faudra diagnostiquer l'existence de l'épilepsie, démontrer

qu'il s'est produit des troubles psychiques de nature épileptique ét

rattacher l'acte incriminé à ces troubles psychiques. On cherchera

si l'état mental habituel du sujet présente les caractères de la

dégénérescence psychique épileptique ; - si le prévenu a déjà eu

des troubles intellectuels par accès; si le délit a été commis pen-

dant un accès délirant ou dans l'intervalle des crises. Dans ce der-

nier cas, pour apprécier la responsabilité du sujet, on évaluera

l'intensité de la dégénérescence psychique épileptique, on tiendra

compte de la fréquence des attaques, de leur forme, du nombre de

jours qui sépare l'accomplissement du délit de l'apparition d'un

accès convulsif. Quant aux actes commis pendant l'accès délirant

ils ont, ainsi que cet accès lui-même, des signes caractéristiques

connus.

Discussion. M. 11R.11.PELIuIT insiste sur la valeur, au point de vue

du diagnostic, de la mauvaise humeur épileptique qu'il a maintes

fois constatée, après certains états de confusion, et qui constituait

le seul signe d'épilepsie.

M. TaczEK fait remarquer que certaines conceptions, nées au

cours de l'état de rêve épileptique, peuvent se continuer au delà de

cette période et faire partie des acquisitions du sujet revenu à

l'état normal. Ces faits ont une importance au point de vue du

témoignage en justice des épileptiques. Ces souvenirs pathologiques

ne sont pas forcément de nature fantastique ; ils peuvent persister

sous forme d'idées délirantes ou se développer en se systématisant.

M. WILDERMUTB, contrairement à l'opinion de Iïraepelin qui con-

sidère l'alcool comme un agent provocateur actif des psychoses

épileptiques, maintient son avis sur la rareté de l'épilepsie alcooli-

que dans l'Allemagne du Sud. Comme Kraepelin, il admet que

la dipsomanie a les plus grandes analogies avec les psychoses

épileptiques.

M. CiIRSTNER. La mauvaise humeur des épileptiques est peut-

être en rapport avec des attaques nocturnes, car elle est plus

accentuée le matin. - Dans les psychoses épileptiques il ne saurait

être question, le plus souvent, d'une éclipse de la conscience, mais

392 SOCIÉTÉS SAVANTES.

seulement d'un changement dans le contenu de la conscience. -

Au point de vue des troubles de la conscience, la persistance du

souvenir présente un intérêt particulier ; suivant le degré de ces

troubles, elle est plus ou moins grande. La nature des actes accom-

plis pendant l'accès épileptique ne peut fournir aucune indication

sur le souvenir qui en reste : des actes compliqués peuvent ne

laisser aucune trace dans la mémoire et vice versa. Pour ce qui est

des décharges motrices, il ne s'agit pas toujours d'actes dangereux

mais le plus souvent d'actes agressifs, entre autres de nature ver-

bale.

M. Wildermuth rappelle que dans son rapport il a considéré la

modification spéciale de l'état de conscience comme caractérisant

avant tout les psychoses épileptiques transitoires.

M. KRAEPELIN pense, lui aussi, qu'il n'y a pas de rapport entre la

profondeur du trouble de la conscience et la persistance du sou-

venir. Ce dernier peut être conservé immédiatement après l'accès

et disparaître ensuite; d'autre part, il peut faire défaut en premier

lieu, puis apparaître plus tard. Quant à ce qui concerne la mau-

vaise humeur des épileptiques, elle ne peut être mise sur le compte

d'accès nocturnes, puisque cette manifestation se produit à n'im-

porte quel moment de la journée; d'ailleurs un grand nombre de

ses malades sont soumis à une surveillance continuelle pendant la

nuit. '

M. Siemerling insiste sur l'état de la conscience et le souvenir

consécutif; il admet un rapport entre ces deux phénomènes. La

conscience n'est pas supprimée, mais seulement changée. Le sou-

venir consécutif, la perte du souvenir ne peuvent nous renseigner,

ainsi que Pick l'a montré, que sur le degré du trouble de la cons-

cience. L'amnésie ne peut suffire à faire admettre une disparition

de la conscience. Siemerling rappelle quelques exemples, renvoie à

sa communication antérieure et énumère les différents degrés de

persistance du souvenir. A côté de l'amnésie prennent place une

persistance complète du souvenir, un défaut partiel de souvenir, et un

souvenir variable suivant le théàtre des actes accomplis. Au point

de vue médico-légal, il est important de connaître la possibilité de

la persistance du souvenir immédiatement après l'acte et la dis-

parition ultérieure de ce souvenir. Pour démontrer devant le tri-

bunal l'existence de l'épilepsie, surtout dans les cas d'équivalents

psychiques de la maladie, il faut s'appuyer sur les antécédents épi-

leptiques antérieurs et notamment les vertiges. La délimitation

exacte du domaine des GO antécédents épileptiques » est difficile. Il

- parait douteux qu'on puisse, dans ce sens, accorder la même

signification qu'aux autres symptômes à ces modifications de l'hu-

meur dont parle Iraepelin.11 conviendrait d'être réservé, au point

de vue médico-légal, sur les déductions qu'on tirerait de la présence

SOCIÉTÉS SAVANTES. 393

de ce signe. Ces troubles peuvent se rencontrer dans toutes les

psychoses et tous les états de faiblesse intellectuelle. Contraire-

ment à la remarque du rapporteur, Siemerling considère l'épilepsie

alcoolique comme très fréquente. La moitié des buveurs environ

deviennent épileptiques, ainsi que l'ont démontré les statistiques

faites à maintes reprises à la Charité.

M. Aschaffenburg, contrairement à l'orateur précédent, accorde

une certaine importance, au point de vue du diagnostic, aux ano-

malies de l'humeur qui surviennent sans cause extérieure. Sur

50 cas il les a constatées dans 64 cas p. 100, et même dans 78 p. 100

si l'on ne tient compte que des observations complètes. Ces formes

des états épileptoïdes sont la source de grosses difficultés devant les

tribunaux. Dans les cas de nostalgie accompagnés parfois d'impul-

sions à courir, on peut voir se produire des désertions et autres

actes délictueux. Au cours de ces états d'excitabilité anormale, un

épileptique peut réagir d'une façon violente : ces faits ne sont pas

rares, ils doivent être considérés comme de nature pathologique et

entraîner l'irresponsabilité.

M. STARK demande si M. Siemerling a observé, à la Charilé, que

l'épilepsie alcoolique se produisait de préférence chez les buveurs

d'eau-de-vie.

M. THOMSEN relève quelques particularités concernant l'état de la

mémoire daus les formes d'obnubilation transitoire de l'épilepsie :

la persistance du souvenir peut varier d'une façon considérable par

rapport à des faits presque simultanés, sans qu'il faille y voir une

preuve de simulation. Il pense que chez certains sujets (dipso-

manes, morphinomanes) affectés d'une façon périodique, l'épi-

lepsie pourrait être mise en cause. Au point de vue médico-légal,

il considère comme indispensable pour le diagnostic l'existence

d'accès convulsifs ou vertigineux.

M. Siemerling parle des crises convulsives chez les alcooliques. A

côté d'autres formes, on voit parfois les accès se présenter sous

forme de convulsions tétaniques avec persistance de la conscience;

les malades semblent avoir été empoisonnés par la strychnine. Les

accès durent de quelques minutes à une demi-heure et se généralisent

habituellement à tout le corps. On pourrait, dans ces cas, penser à

un empoisonnement par des produits toxiques résultant du.dé-

doublement de l'alcool. Le délire et l'épilepsie alcooliques sont

plus rares chez les buveurs de vin et de bière. Siemerling a observé

d'une façon très nette le phénomène de la double conscience chez

de vrais épileptiques.

M. Kraépelin. La preuve que la dipsomanie est une manifestation

épileptique, c'est qu'on observe chez ces malades un trouble très

caractérisé de la conscience. Quant aux modifications de l'humeur,

394 SOCIÉTÉS SAVANTES.

elles sont très fréquentes : qu'on étudie spécialement les épilep-

tiques à ce point de vue.

M. FuRSTNEn. L'épilepsie alcoolique ne doit pas être séparée,

quant à sa nature, de l'épilepsie vraie. Sa fréquence dépend des

boissons consommées dans le pays. La bière ne produit pas l'épi-

lepsie. -Au point de vue médico-légal, il est nécessaire de démon-

trer l'existence d'attaques, de vertiges pour prouver l'épilepsie;

de simples anomalies de l'humeur ne peuvent servir au dia-

gnostic.

M. KRAEPELIN. Ces anomalies n'ont de signification, au point de

vue légal, que lorsqu'elles sont associées à d'autres symptômes épi-

leptiques.

M. SCHULE. Les illusions fantastiques du souvenir signalées par

Tuczek ne sont pas des signes épileptiques spécifiques ; elles se

rencontrent en effet dans les formes aiguës de la paranoia. Il en

est de même de la conscience alternante décrite par Siemerling,

qui est observée aussi dans les folies intermittentes, et dans d'au-

tres formes. Il faut, surtout devant les tribunaux, être très réservé

dans la signification, au point de vue du diagnostic, d'un symp-

tôme psychique unique ; il ne faut invoquer que des signes dont la

valeur soit bien certaine. Il serait même d'avis de rétrécir le cadre

des psychoses épileptiques, plutôt que de vouloir l'élargir.

M. FURSTNER. Sur la pathologie de certains accès convulsifs.

Fürstner insiste sur les difficultés du diagnostic quand il s'agit

de délimiter et de classer les accidents convulsifs. Ces difficultés

sont surtout grandes chez les enfants et les adolescents. Il n'existe

pas de signes différentiels nets entre les manifestations de l'hystérie

et celles de l'épilepsie. D'accord avec Oppenheim et Bruns, Fürstner

ne croit pas à l'immunité des enfants à l'égard de l'hystérie et sur-

tout de l'attaque hystérique. Il résume ainsi ses observations sur

les attaques hystériques chez les enfants jusqu'à l'âge de huit ans :

le sexe masculin est frappé de préférence; l'hérédité ne joue pas

un rôle prépondérant; les causes déterminantes des accès sont

variables. Les attaques sont fréquentes : deux et davantage par

jour, tendance à l'état de mal, parfois avec élévation de tempéra-

ture ; physionomie variable des attaques, tantôt hystérique, tantôt

épileptoïde. Inefficacité du bromure de potassium; attaques de

bromisme précoce. Evolution caractéristique : les accidents cessent

brusquement - surtout sous une influence psychique, - ou s'asso-

cient à certaines circonstances (repas), ou se montrent à certaines

heures de la journée. Pronostic favorable. Dans la période de la

puberté, on observe aussi fréquemment des attaques analogues avec

grande fréquence, physionomie variable des symptômes, tendance

à l'état de mal, inefficacité du bromure, évolution identique à

celle décrite plus haut. Il faut signaler, parmi les autres symptômes

sociétés savantes. ;39cl

hystériques, l'anorexie avec diminution progressive de l'alimenta-

tion, les troubles vaso-moteurs consécutifs. Dans la production de

ces attaques, les influences psychiques ont un rôle prépondérant :

l'isolement est souvent nécessaire.

Fiirstner décrit ensuite des cas dans lesquels on voit survenir un

accès épileptique chez des sujets qui ont subi dans l'enfance un

traumatisme crânien ou qui ont eu une affection cérébrale orga-

nique (paralysie infantile cérébrale). Fürstner cite plusieurs exem-

ples, entres autres un cas dans lequel une encéphalite survenue à

l'âge de deux ans n'avait laissé d'autre reliquat qu'une parésie du

facial gauche; à dix-sept ans survint le premier accès épileptique,

suivi d'accès ultérieurs. Un autre malade subit, à l'àge de six ans 1

et demi, un traumatisme crânien grave avec dépression du crâne;

les attaques épileptiques ne se montrent chez lui que nombre d'an-

nées après l'accident. Fürstner conseille de traiter ces malades

d'une façon préventive par de fortes doses de bromure. Il parle

ensuite des attaques épileptiformes qui sont les prodromes d'affec-

tions cérébrales organiques (tumeurs, lésions vasculaires par allié-

rome, syphilis; paralysie générale).

Furstner termine en décrivant les accidents épileptiques qui peu-

vent se produire au cours des psychoses fonctionnelles. Il ne les

considère pas toujours comme des signes d'altérations organiques,

mais voit en eux des exemples d'une exagération extrême des

légères manifestations motrices qui se rencontrent assez souvent

chez les sujets atteints de psychoses fonctionnelles.

Discussion. M. Wildermuth a observé des attaques hystériques

caractéristiques chez des patients de dix à seize ans. Il est égale-

ment convaincu de l'inefficacité du bromure chez ces sujets. Le

fait peut servir au diagnostic entre l'hystérie et l'épilepsie.

M. Siemerling signale l'existence de l'hystérie chez de tout jeunes

enfants : il cite plusieurs cas, entre autres deux, dans lesquels la

peur avait joué, d'une façon certaine, un rôle étiologique impor-

tant. Le procédé thérapeutique souverain consiste dans l'isole-

ment. Dans les cas d'épilepsie tardive qu'il a observés, les mala-

dies infectieuses (rougeole, scarlatine, diphtérie) ont eu, à coup

sûr, une influence étiologique considérable.

M. A. Hoche (Strasbourg). Questions médico-légales relatives

aux anomalies de la sphère sexuelle.

L'auteur, après avoir rapporté un cas d'exhibitionnisme chez un

individu cultivé, non aliéné, qui fut condamné à un an de prison,

critique la campagne entreprise par Krafft-Ebing et d'autres contre

les dispositions du code concernant les attentats aux moeurs (para-

graphe 175). Sans vouloir aborder la question au point de vue du

droit criminel, l'auteur conteste que la suppression du para-

graphe 175 soit justifiée par des arguments d'ordre médical. Plus

396 SOCIÉTÉS SAVANTES.

particulièrement pour ce qui concerne les sujets atteints d'inversion

sexuelle, il nie l'exactitude des allégations des auteurs cités plus

haut. Il affirme que la fréquence de cette anomalie a été exagérée,

qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de modifier les dispositions pénales;

que ces dernières sont au contraire de nature à suppléer, chez les

sujets en question'-à la diminution de l'inhibition volontaire. Il

critique ensuite les récentes publications sur le tribadisme qu'on a

voulu annexer à la question des a Urninâe » ; ceux-ci sont sans

doute dignes de pitié en tant que malades, mais il ne faut pas les

transformer en martyrs.

M. KRAEPELIN. Des l'émissions de la catatonie.

L'auteur, après avoir insisté sur la nécessité de délimiter des

formes cliniques en se basant surtout sur le pronostic, déclare qu'il

est plus en plus porté à considérer la catatonie de Kahlbaum comme

une entité clinique réelle. Sans doute le diagnostic est souvent

difficile, mais il est certain que les cas authentiques de catatonie ont

un pronostic commun et que par suite, une fois la maladie diagnos-

tiquée, on peut en prédire la marche avec assez de certitude.

Kahlbaum et Jensen ont déclaré que la catatonie se terminait assez

souvent par la démence, mais fréquemment aussi par la guérison.

Ils pensent que la maladie peut récidiver, même après un long

intervalle. Pour élucider cette question, Kraepelin a rassemblé 63 cas

de catatonie. L'affection est plus fréquente chez la femme. Dans

24 cas on observa une rémission; et sur ces 24 sujets, 14 eurent une

rechute. Les malades en rémission purent reprendre leurs occupa-

tions, mais certains symptômes persistèrent : catalepsie, rêves non

motivés, etc. La rechute se produisit le plus souvent dans les cinq

ans qui suivirent la sortie. Sur 10 sujets en rémission dont la

famille a suivi et noté l'état mental, un seul a été considéré par

son entourage comme complètement guéri; les autres avaient

encore quelques troubles (absence de la notion de leur mala-

die, etc.).

Il résulte de ces faits que la catatonie détermine, en règle géné-

rale, un trouble psychique durable qui peut se manifester de nou-

veau, même après un long intervalle. La catatonie diffère d'ailleurs

sensiblement des psychoses périodiques, par la persistance, dans

les intervalles, de troubles accentués; par le nombre restreint des

accès, puisque dans 22 cas p. 100 seulement, il y a eu plus d'un seul

accès. En outre, dans la catatonie, chaque nouvel accès détermine

une augmentation notable de la faiblesse psychique, parfois même

une démence profonde.

- Cette marche rappelle assez celle de la paralysie générale avec

laquelle la catatonie a encore une série de rapports remarquables

(rémissions survenant de préférence dans les états d'excitation). On

observe également, dans la catatonie, des pertes de connaissance,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 397

des phénomènes convulsifs qui dénotent un état d'excitation du

cerveau.

L'auteur résume ainsi ses opinions sur la catatonie : 1° les rémis-

sions sont fréquentes, surtout chez l'homme ; leur durée peut être

de plusieurs années, même dépasser dix ans.

2° En général, durant cet intervalle, les malades ne sont pas

complètement normaux (irascibilité, allures affectées, bizarres).

3° Tout sujet qui a eu un accès de catatonie est très exposé à pré-

'senter un nouvel accès.

4° Il s'agit, dans la catatonie, d'une aflectiou cérébrale organi-

que qui aboutit il une démence plus ou moins accentuée.

Deuxième séance, 10 novembre 9 heures du matin. - Présidence DE ! II. SCHGLE.

Le Congrès adopte en bloc la résolution suivante de M. Sommer :

c Le Congrès approuve le» propositions suivantes :

1° Le défaut d'enseignement obligatoire, contrôlé par un examen,

des connaissances psychiatriques dans l'instruction des étudiants, a

des conséquences fâcheuses pour la profession médicale, pour les

aliénés et leur famille, et pour les asiles eux-mêmes.

c 2° Il est par suite nécessaire que dans la nouvelle organisation

des examens de médecine il y ait un examen spécial de psychiatrie

auquel permettra de satisfaire la prolongation de la durée des

études d'un semestre. »

M. LUDWIG lit les conclusions de son rapport sur la question des

infirmiers.

1° Les appointements des infirmiers doivent en général être supé-

rieurs aux gages des domestiques et des manouvriers de la localité.

Ils doivent aller en augmentant chaque année durant les premières

années (environ 125 fr. de la ire à la 3° année). La limite supérieure

des appointements sera en rapport avec les conditions sociales et

économiques du pays. Les gages des infirmières ne doivent pas

être par trop inférieurs à ceux des infirmiers (50 marks environ).

Discussion. M. rüasTnEn. Il convient, dans cette question du

personnel de surveillance, de distinguer les grands asiles, les cli-

niques et les établissements situés dans les villes. Pour ces der-

niers, les difficultés sont plus considérables que pour les autres : le

personnel est plus exigeant au point de vue matériel, les inconvé-

nients des permissions sont plus considérables ; le contrôle est

plus difficile en raison du grand nombre dés entrées, des rapports

avec les familles. Il y a lieu de limiter la discussion aux grands

asiles.

2° Le personnel de surveillance doit déposer régulièrement uns partie

de ses gages dans une caisse d'épargne publique.

398 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion. M. LUDWIG communique au Congrès l'organisation

qu'il a instituée depuis plusieurs années à Heppenheim. Un infir-

mier vient-il solliciter une place, on l'informe qu'il doit déposer les

gages de son premier mois à la caisse d'épargne publique. Cet enga-

gement a toujours été accepté par les candidats : d'ailleurs, dans

des circonstances exceptionnelles, on pourrait surseoir à ce dépôt,

l'économe, en payant aux infirmiers leurs appointements mensuels,

demande à chacun d'eux, chaque mois, combien il a l'intention de

déposer à la caisse d'épargne. Je me tiens au courant des verse-

ments effectués par les infirmiers et m'enquiers, auprès de ceux

qui n'ont rien déposé, des raisons qu'ils peuvent faire valoir. Les

livrets de caisse d'épargne sont confiés à l'économe qui ne doit les

remettre à leur possesseur qu'avec mon assentiment. Il ne saurait

être question, dans toute cette organisation, de pression exercée

sur le personnel, puisque c'est avec son consentement unanime et

libre que ces mesures sont en vigueur. Dans les neuf premiers

mois de 1895, nos 70 infirmiers et infirmières ont déposé de 9 à

10.000 marks à la caisse d'épargne, pour les infirmiers, de 300

à 450 pour les infirmières, après deux années de service. Aucun

infirmier n'est marié).

M. STanb. A Stephansfeld, les appointements sont de 350 à

500 marks, la caisse de l'établissement garde un dixième des ap-

pointements du personnel de surveillance; ces dixièmes sont ver-

sés à leurs possesseurs après la cinquième année de service.

M. Ganser. Le système appliqué à Heppenheim ne serait pas

accepté en Saxe où on le considérerait comme arbitraire. La plus

grande partie de nos infirmiers arrivent avec des dettes et ne

peuvent faire aucune économie sur leur premier mois. L'épargne

obligatoire, comme l'entend M. Ludwig, sera difficilement appli-

cable dans les grandes villes.

M. FURSTNEll. Dans les asiles urbains et les cliniques le personnel

est peu stable : à Strasbourg, par exemple, l'organisation créée

par M. Ludwig serait inapplicable.

3° Parmi les avantages en nature du personnel de surveillance, il

faut compter un vêtement et des chaussures.

Pas de discussion.

4° La répartition des rémunérations et des pourboires doit être faite

en tenant compte de l'ancienneté de service et non des qualités et du

mérite des infirmiers.

M. TUCZEK tient compte du mérite de chaque infirmier.

M. KnEUZEn emploie également les rémunérations comme primes

attribuées aux infirmiers les plus méritants et non les plus anciens.

' M. Lowls critique cette dernière manière de faire qui serait

une source de discussions et d'injustices.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 399

M. SCIIÜLE. Ne convient-il pas de donner une prime aux

infirmiers affectés aux quartiers dans lesquels le service est plus

pénible ?

M. Ludwig fait passer son personnel dans tous les quartiers. Il

trouve juste de faire participer à la répartition en question les infir-

miers qui n'ont qu'une année de service.

M. Ganser partage l'opinion de M. Ludwig. En Saxe les « rému-

nérations » sont remplacées par des primes annuelles.

5° L'admission et le renvoi des infirmiers n'appartiennent qu'au

Directeur.

M. SCUÜLE déclare qu'en vertu de la loi de Bade sur les fonction-

naires, il n'a pas le droit de nomination du personnel.

M. LUDWIG. Le personnel de surveillance ne doit pas rentrer dans

la catégorie des fonctionnaires, afin d'être tout à fait dans la

main du directeur.

11. FÜRSTNER critique également la qualité de fonctionnaires

reconnue aux agents du personnel de surveillance. La question du

personnel est doublement délicate quand on a affaire à une con-

grégation ; on ne saurait trop insister sur ce point que seul le

Directeur doit avoir le droit d'admission et de renvoi.

6° Les infirmiers ne doivent pas être mariés.

Discussion. M. TuczEK. Dans cette question, il faut encore tenir

compte des différences suivant les régions. A Marburg, par exemple,

nous ne pourrions interdire d'une façon absolue le mariage aux

infirmiers. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que ceux qui sont

mariés sont les éléments les plus stables du personnel.

M. KREUSER a, dans son asile, quelques infirmiers mariés ; mais

ces cas doivent rester l'exception.

M. FÙRSTNER. La question importante est de savoir si le ménage

de ces infirmiers est en dehors de l'asile. ,

M. LUDWIG avait auparavant des infirmiers mariés, mais il y a

renoncé. L'infirmier, dans un asile, a un but à remplir : soigner

les malades. Le médecin, lui, ne peut s'occuper à la fois des intérêts

du malade et de ceux de la famille des infirmiers. Il faut qu'il

puisse se débarrasser d'un infirmier qui ne rend plus de services,

sans être arrêté par des considérations étrangères. Ludwig est

partisan d'infirmiers célibataires.

M. SCHÜLE est satisfait des infirmiers mariés. Il est véritablement

dur de congédier un infirmier parce qu'il se marie. On perdrait

ainsi souvent les meilleurs sujets.

M. KRAEPELIN. La solution de cette question du mariage des

infirmiers dépend de cette autre question : veut-on conserver un

400 SOCIÉTÉS SAVANTES.

personnel stable, veut-on faire du métier d'infirmier une profes-

sion ? Si oui, il faut permettre le mariage.

7. Le temps et l'activité des infirmiers doivent être consacrés à la

surveillance des malades et aux soins à leur donner.

8° Il n'y a pas lieu de recommander l'institution d'infirmiers parti-

caliers attachés à un malade.

Discussion. M. ScnüLe ne pourrait se passer d'infirmiers atta-

chés spécialement à certaines maladies.

M. LUDN(G. Ces infirmiers sont une source d'ennuis continuels

avec les familles qui exigent qu'ils soient constamment et exclu-

sivement auprès de leur malade. Un asile doit avoir un personnel

suffisant pour toutes les éventualités possibles. D'ailleurs, l'exis-

tence de quartiers de surveillance continue facilite beaucoup cette

tâche.

M. Emminghaus. A Fribourg, nous n'avons qu'un infirmier pour

5 malades. Ce chiffre est déclaré suffisant par le Ministère. Si acci-

dentellement un malade a besoin d'un infirmier spécialement

attaché à sa personne, la famille doit payer deux marks par jour.

M. ScmiLE a besoin de cette catégorie d'infirmiers pour accom-

pagner les pensionnaires à la promenade, pour surveiller ceux qui

ont besoin d'une surveillance continue et qu'il n'est pas possible de

mettre dans le quartier spécial avec les autres aliénés.

M. Ludwig a assez d'un infirmier pour 0 malades, bien qu'il ait

beaucoup de pensionnaires.

9° En général, les infirmiers ne devraient pas rester en fonctions plus

de dix ans. Une durée de service plus longue a des inconvénients pour

l'asile et pour le personnel.

Discussion. - M. Ganser. Voilà une question capitale. Les infir-

miers devraient ne rester à l'asile que de six à dix années, M. de

l3odelschwiu;h a adopté comme limite maxima six ans.

M. FURST\ER propose comme durée de service un laps de dix

années, sans exceptions. Les infirmiers donnent assez rapidement

tout ce qu'ils peuvent donner, puis ils entrent dans la période de

satisfaction d'eux-mêmes et de négligence. De même pour les infir-

mières. Furstner est opposé à la façon de voir de ceux qui con-

sidèrent la profession d'infirmiers d'asile comme une carrière.

M. Kraepelin approuve ces manières de voir. La suffisance des

vieux infirmiers indispose les jeunes médecins. Il y a encore une

autre considération qui vient de la durée prolongée du service : le

personnel est littéralement usé. C'est un devoir d'humanité de ne

pas le conserver indéfiniment. Dans tous les grands asiles, on

trouve de ces infirmiers usés, de ces vieux invalides. Mais que faire

SOCIÉTÉS SAVANTES. 401

des infirmiers éliminés ? La question est à étudier. On pourrait

s'inspirer de ce qu'on fait pour les anciens militaires.

M. ËMMiNGHAus. Dans les cliniques, on n'a pas à se préoccuper

de cette question : la plupart des infirmiers s'en vont avant que

l'on ait eu à craindre pour leur santé. Ils rendent le plus de ser-

vices après cinq ou six ans.

M. Ganser. Après de longues années de service, les infirmières

(asile de Dresde) deviennent hystériques, neurasthéniques, chloro-

anémiques. - M. ScHULE n'a pas constaté ces troubles d'une façon

fréquente.

M. Ganser. La question de l'avenir réservé aux infirmières

devenues malades il l'asile est difficile à résoudre. II faudrait orga-

niser un système d'épargne, sur le modèle de l'asile d'Heppen-

heim, afin que les infirmiers, à leur sortie de l'asile, soient en

possession d'un petit capital. M. KREUSER connaît des infirmiers

actifs et utiles qui ont plus de dix ans de services.

M. FURSTNEII. Il faudrait que les infirmiers puissent, comme

les sous-officiers, toucher, après qnatre ou cinq ans de bons ser-

vices, une prime de 1 000 marks.

M. Vorstkr n'est pas satisfait du personnel trop ancien. De

même M. Tuczek, qui n'a vu que rarement de bons infirmiers ayant

plus de cinq à six ans de services.

M. Kraepelin. Il ne nous est pas possible de congédier pure-

ment et simplement les vieux infirmiers. Il faut leur trouver quelque

compensation.

M. SCHULE ne partage pas complètement les opinions émises

précédemment. La meilleure période d'un infirmier doit être placée

plus tardivement. Les vieux infirmiers servent d'exemples et d'édu-

cateurs ; ils sont des collaborateurs très utiles. M. LUDWIG, au con-

traire, considère l'influence des vieux infirmiers comme mauvaise.

10. Il faut s'enquérir des voies et moyens de nature ci assurer le

recrutement d'infirmiers présentant les qualités physiques et psychi-

ques nécessaires.

Discussion. - M. Ludwig utilise dans ce but le concours des

600 membres de la Société de patronage des aliénés guéris. Les

infirmiers sont pris à l'essai.

lui. FURSTNER. Le concours des maires, du clergé, des institu-

teurs est aléatoire. Les anciens sous-officiers ne font pas en général

de bons infirmiers.

M. Narrer. Le meilleur mode de recrutement est celui qui se

fait parmi les parents et les compatriotes des infirmiers.

11. Pendant l'hiver, des cours doivent être faits aux infirmiers.

Archives, 2e série, t. III. 26

402 sociétés savantes.

12. Les médecins et les agents du personnel de surveillance doivent

se trouver fréquemment en rapport les uns avec les autres.

13. Il y a lieu d'établir un roulement pour les sorties du per-

sonnel.

14. Il n'y a pas lieu de recommander l'usage de chambres spéciales

pour les infirmiers. -

Discussion. - lli. FURSTNER. Il est dur de supprimer les chambres

réservées au personnel, en raison d'abord du repos de la nuit et

ensuite du besoin qu'ont surtout les infirmiers d'avoir une sorte

de foyer. Si l'on supprime ces chambres particulières. que l'on crée

une salle de récréation.

M. Ganser. Le personnel doit coucher dans les mêmes locaux

que les malades (à part les agités). On ne s'occupe pas assez, en

Allemagne des distractions du personnel.

1\1. TUc,zEK est également opposé aux chambres d'infirmières.

Le président adresse ses remerciements au rapporteur.

Paul Sérieux.

3e Séance du 10 novembre. Présidence de M. KRAEPELIN

M. VoRsTER (Stephansfeld). Un cas de dégénérescence hyaline

isolée dans le lobe frontal. L'auteur a trouvé, à l'autopsie d'une

femme de soixante-dix ans, qui avait été atteinte de mélancolie

sénile, un néoplasme de la grosseur d'une noix muscade situé

dans l'épaisseur du lobe frontal droit. A l'oeil nu, on pouvait penser

à un enchondrome, mais l'examen hislologique montra qu'il s'agis-

sait d'une dégénérescence hyaline des vaisseaux et de la substance

voisine. Vorster présente des préparations, décrit en détail les

modifications histologiques, et insiste sur les différences qui exis-

tent entre les cas récents et les cas anciens de dégénérescence

hyaline. Contrairement à ce qui a été constaté dans les observa-

tions antérieures, il n'existait pas, dans le cerveau, d'autre foyer de

dégénérescence hyaline. Aussi au point de vue étiologique, faut-il

invoquer non seulement des causes générales, comme l'involution

sénile, mais surtout des facteurs locaux. L'hypothèse d'une dégé-

nérescence hyaline secondaire, consécutive à un néoplasme pri-

maire, n'est pas fondée.

Discussion. M. ALSHEIIER distingue, dans le cerveau, la dégé-

nérescence hyaline et la dégénérescence colloïde. Répondant à

une question de M. Kraepelin, il déclare que les cas de dégé-

nérescence colloïde qu'il a observés, ce sont présentés sous l'aspect

clinique d'une tumeur cérébrale ou de la paralysie générale,

tandis que .la dégénérescence hyaline évolue sous la forme de la

démence sénile.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 403

M. 'l'HOMA (Illenau). - Trois cas de tumeur cérébrale. - En général

les médecins qui s'occupent de clinique interne ont, plus que les

aliénistes, l'occasion de diagnostiquer des tumeurs du cerveau. Les

troubles psychiques prodromiques d'une tumeur cérébrale (dépres-

sion, irascibilité, inaptitude au travail, incapacité de penser) ne

nécessitent pas, en général, l'admission dans un asile. Plus lard, la

céphalée, les vertiges, les paralysies motrices, les troubles de la

vue conduisent le malade dans un service de médecine interne ou

d'ophtalmologie. Lorsque, à la fin de la maladie, la démence s'ins-

talle, la prédominance des troubles paralytiques et de la somno-

lence dispense de conduire le patient dans un établissement spé-

cial. Il y a cependant toute une catégorie de cas dans lesquels les

symptômes psychiques sont au premier plan : les troubles moteurs,

qui pourraient faire penser à une lésion en foyer, ne se manifes-

tent que peu de temps avant la mort, ou, s'ils sont moins tardifs,

restent masqués par les troubles psychiques. Chez les premiers

malades où prédominent les manifestations de lésions en foyer,

l'examen ophtalmoscopique, répété fréquemment, révélera une

névrite optique ou un oedème de la papille.

I. Le premier cas observé par M. Thoma estceiui d'un homme âgé

de cinquante-deux ans, qui, quatre mois avant son admission, pré-

senta quelques attaques syncopales, suivies d'un état de dépression

et d'un certain degré d'amnésie. A l'asile, le malade présente de l'af-

faiblissement intellectuel, une absence totale d'énergie, une dimi-

nution notable de la mémoire. Comme cette amnésie élait très

variable, qu'elle faisait défaut quand le malade parlait de ques-

tions générales, pour reparaître quand il s'agissait d'affaires per-

sonnelles, et que le patient avait des raisons de simuler, on pensa

à une simulation possible. D'ailleurs on relevait, en outre, quelques

traits du caractère hystérique. Plus tard, les troubles s'accentuè-

rent : démence progressive, gâtisme; puis hémiparésie droite,

vertige, vomissements, perte de l'équilibre. Enfin état comateux et

mort. A l'autopsie, tumeur dure, sphérique, de la grosseur d'un

petit oeuf, développée aux dépens de la dure-mère, au niveau du

trou ovale gauche et ayant envahi la substance blanche du lobe

temporal. 11 s'agissait d'un sarcome à cellules fusiformes avec un

stroma résistant de tissu conjonctif.

II. Dans le second cas, il s'agissait d'une femme, âgée de cin-

quante-huit ans, qui était déjà entrée à deux reprises à l'asile

(quinze ans et vingt-cinq ans auparavant) pour des accès de mélan-

colie. Trois semaines avant l'entrée, la malade se plaint d'abatte-

ment, s'accuse elle-même, manifeste des idées^d'empoisonnement.

A l'asile, somnolence, puis état fébrile, sans cause appréciable,

(39°, b pouls; 140); enfin stupeur et troubles paralytiques avec eon-

tracture du côté droit. Amaurose de l'oeil droit. Mort. Autopsie :

404 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tumeur molle (glio-sarcome) de la grosseur d'une pomme, dans la

substance blanche du lobe occipital.

III. La troisième observation est celle d'une héréditaire âgée de

cinquante-deux ans, qui, un an avant son entrée, fut prise, à l'époque

de la ménopause, de douleurs généralisées, de scrupules, d'idées de

persécution. A l'asile, ces dernières idées délirantes persistent : on

constate des douleurs au niveau de la région sacrée et des jambes,

des vertiges, puis des vomissements, de l'ictère avec élévation de

température. La mort survient après des convulsions coniques loca-

lisées au côté gauche du corps, et accompagnées de perte de con-

naissance. Al'autopsie, on trouve une tumeur du cervelet (sarcome)

de la grosseur d'un oeuf comprimant le pédoncule cérébral droit et

les tubercules quadrijumeaux du même côté.

On a cherché à décrire les troubles psychiques caractéristiques

des tumeurs cérébrales (Jastrowitz, Oppenheim) : état maniaque

spécial (moria) avec euphorie. Dans les trois observations précé-

dentes, on a observé trois psychoses distinctes : 1° affaiblissement

intellectuel; 2° mélancolie avec éléments paranoïaques; 3° para-

noïa. Le siège des tumeurs était, lui aussi, différent dans chaque

cas : 1° lobe temporal ; 2° lobe occipital ; 3° cervelet. Les trois cas

présentent cependant certains traits communs. Au point de vue

de l'étiologie, on constate que tous les malades sont des hérédi-

taires, des anormaux, ce qui explique qu'une tumeur cérébrale

ait déterminé chez eux des troubles psychiques. Au point de vue

clinique, on a observé chez les sujets certaines manifestations habi-

tuelles aux hystériques (exagération des symptômes, etc.). Il s'agit

là d'une particularité qui mérite d'attirer l'attention.

M. 11RAEPELIV fait remarquer que les psychoses survenant à l'âge

dont il est question dans les observations précédentes, présentent

souvent ce caractère hystérique. Celui-ci n'est donc pas en rapport

avec l'existence d'une tumeur cérébrale.

M. TRONER (Ileidelberg). Modifications pathologiques des cellules

nerveuses; leur mto'op/tOtoftp/He. T... insiste sur les avantages

considérables de la microphotographie pour l'étude des altérations

des éléments nerveux. Il a examiné les lésions du système nerveux

produites chez le chien par l'empoisonnement par le trionalet par

l'alcool. Chez un chien de 8 kilogrammes, tué en deux jours avec

120 grammes d'alcool, T. a trouvé, avec la méthode de Nissl, une

légère chromophilie des ganglions spinaux, sans altérations de

structure, une coloration légère de la substance habituellement

non colorée des cellules motrices des cornes antérieures et

des noyaux des nerfs crâniens, des altérations des corpuscules

colorés à la périphérie de la cellule et dans ses prolongements;

une dégénération granuleuse des cellules de Purkinje et des cel-

lules pyramidales (altérations des parties périphériques des élé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 405

ments et de leurs prolongements). A côté des cellules lésées, s'en

trouvaient d'autres normales. Sur un chien de 6 kilogrammes em-

poisonné en douze jours avec 8 grammes de trional, on a trouvé

des altérations des cellules des cornes antérieures et des cellules

de Purkinje, analogues aux précédentes, mais sans prédominance

à la périphérie. Les deux intoxications étudiées donnent donc les

résultats communs suivants : 1° intégrité relative des cellules des

ganglions spinaux par rapport aux cellules motrices; 2° persis-

tance d'éléments normaux à côté d'éléments très altérés; 3° dé-

but de la lésion au niveau de l'origine du cylindre-axe. Comme

différence, il faut noter que, dans l'intoxication par l'alcool, ce sont

les parties périphériques et les prolongements des cellules qui

étaient surtout intéressés : dans l'empoisonnement par le trional,

c'était la partie centrale.

M. BEYER (Strasbourg). Les troubles psychiques dans l'artériosclé-

rose. L'auteur étudie un certain nombre de cas observés à la cli-

nique de psychiatrie de Strasbourg, dans lesquels des apoplexies

répétées ont réalisé une forme clinique analogue à la paralysie

générale. La plupart des malades étaient âgés de quarante-huit à

cinquante-huit ans. Le début de l'affection s'était fait par une atta-

que d'apoplexie survenue chez un individu jusque-là en bonne

santé. Les ictus, tantôt de simples vertiges, tantôt des attaques

apoplectiformes ou épileptiformes, s'étaient répétés à des inter-

valles de semaines, de mois et même d'années, jusqu'à ce qu'un

de ces ictus ait emporté le malade, en général trois ou quatre ans

après le début de la maladie ( dans un cas, après une durée de

trente-trois années, de quarante-quatre à soixante-sept ans).

Les malades, après s'être remis des suites immédiates des atta-

ques (et aussi parfois des troubles aphasiques et hémiplégiques),

se montraient apathiques et réagissaient d'une façon nonchalante

en présence des excitations du monde extérieur; la plupart s'orien-

taient mal à l'égard de leur entourage et avaient perdu la mémoire

des événements récents. Les premières acquisitions étaient solide-

ment conservées et une conservation plus prolongée montrait que

l'intelligence était beaucoup moins atteinte qu'on aurait pu le

croire d'après l'état de stupidité apparente. L'humeur était habi-

tuellement déprimée, mais toujours très variable; parfois se mon-

trait un état d'euphorie. Il n'y avait pas, à proprement parler,

d'idées de grandeur; mais souvent les malades, par suite des la-

cunes de leur mémoire, du défaut d'orientation et de l'euphorie,

échafaudaient des fables et des projets. Parfois se montraient des

manifestations hypocondriaques. Les troubles de la parole étaient

fréquents (le plus souvent lenteur et tremblement). Le tremblement

de la langue et des mains était souvent très accentué; l'hémiparé-

sie et l'inégalité pupillaire ont été fréquemment observés. Les

réflexes étaient le plus souvent exagérés, jamais absents. L'arté-

406 SOCIÉTÉS SAVANTES. '

riosclérose se laissait facilement reconnaîlre. Les malades se m on

traient très excitables par intervalles; parfois se produisaient des

accès d'excitation, surtout en rapport avec les attaques.

L'autopsie n'a pas toujours montré une artériosclérose très

étendue : celle-ci prédominait au niveau des artères de la scissure

de Sylvius et de la convexité; elle était le moins accentuée sur les

vaisseaux de la base du cerveau. Des foyers hémorragiques récents

ou anciens se montraient dans toutes les parties de l'écorce du

cerveau et du cervelet et dans les ganglions centraux, mais jamais

dans la capsule interne. La mort reconnaissait pour cause une hé-

morragie récente particulièrement abondante. Les cas en ques-

tion ne se distinguent des apoplexies avec hémiplégie habituelle-

ment observées (lésions de la capsule interne), que par la localisa-

tion des foyers et de l'artério-sclérose; ces derniers faits rendent

compte de la fréquence des récidives des hémorragies. Les lésions

des vaisseaux ne sont pas aussi généralisées et aussi étendues aux

plus fines ramifications que dans la dégénération artérioscléreuse de

Binswanger et Alzbeinner. Les résultats de l'autopsie, sont faciles à

distinguer des lésions de la paralysie générale et de la démence

sénile; on peut sans doute, rencontrer aussi dans ces maladies des

foyers hémorragiques, mais l'artériosclérose n'est alors qu'une

lésion accessoire.

Au point de vue du diagnostic différentiel clinique, il faut citer,

comme signes importants, les relations étroites de la maladie avec

des ictus, le caractère particulier de l'affaiblissement psychique,

dû à l'absence de mise en oeuvre des impressions extérieures, le

degré même de cet affaiblissement qui ne va jamais jusqu'à une

démence accentuée, les troubles de la parole et les symptômes

physiques. L'auteur se croit autorisé à admettre entre la paralysie

générale d'une part, et la démence sénile de l'autre, une forme

clinique bien caractérisée, la démence apoplectique, qui doit être

placée à côté de l'encéphalite sous-corticale chronique et de la dé-

génération artérioscléreuse.

M. Nissl (IIeildell)ei--). Les rapports de la substance des cellu-

les nerveuses avec les états de repos, d'activité et de fatigue des élé-

ments nerveux.

Les couleurs basiques d'aniline montrent l'existence, dans toutes

les cellules nerveuses fixées par l'alcool, d'une substance qui se

colore sous l'action de ces matières colorantes et d'une autre subs-

tance qui ne prend pas ces couleurs. La première substance est

répartie d'une façon qui varie avec la nature de la cellule et qui

est suffisamment -caractéristique pour faire reconnaître à quelle

espèce de cellule on a affaire. La méthode de Beckera montré que,

au moins dans les éléments moteurs. la substance non chromato-

phrle a une structure fibrillaire; diverses considérations tendent à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 407

faire admettre qu'il en est de même dans les autres cellules ner-

veuses. La question n'est .d'ailleurs pas résolue si, dans tous les

autres éléments nerveux, la substance non chromatophile est com-

posée en totalité - ou seulement en partie de fibrilles. On a

émis des vues variées sur la substance chromatophile : 1° Becker

la considère comme composée de corpuscules ; 2° un autre auteur

en fait un produit des mutations nutritives et non une subs-

tance vivante et fonctionnante; 30. Benda pense que la substance

chromalophile est constituée par la persistance du protoplasma des

cellules embryonnaires, qui s'imprègne plus ou moins de corpus-

cules granuleux se colorant par les couleurs basiques et se rappro-

chant des granulations de Ehrlich, ce qui tendrait à faire croire

qu'il ne s'agit pas d'éléments vivants, mais de résidus de l'activité

cellulaire; 4° Flemming, dans ses dernières publications sur la

structure des cellules des ganglions spinaux, admet, dans la subs-

tance chromatophile, des éléments fibrillaires et des granulations;

Lriedmann, Kronthal ont mëmeidentifié la substance chromatophile

des cellules nerveuses motrices avec les fibrilles de Max Schultze.

Pour résoudre ces questions, de meilleures méthodes de coloration

sont nécessaires ; celles que nous possédons actuellement ne nous

permettent que de faire l'analyse de la substance des cellules

nerveuses.

INISSL a fait. depuis plusieurs années, des recherches sur les mo-

fidications structurales de la substance des cellules motrices par le

repos, l'activité, la fatigue. L'excitation des cellules par le courant

faradique a seule donné des résultats, l'activité physiologique n'a

rien produit. D'après Mann, durant l'état de repos, des matériaux

de réserve, qui se colorent par les couleurs basiques, s'amassent

danslescellules motrices, dans les cellules des ganglions sympathi-

ques, de la rétine, du corps genouillé externe, delà sphère visuelle.

A l'état d'activité, des matériaux sont utilisés,- tandis que le corps

cellulaire, le noyau, le nucléole augmentent de volume ; la fatigue

produit une diminution de volume du noyau, du corps cellulaire

et, dans le noyau, il se forme une substance qui prend la couleur.

Nissl considère que les dessins fournis par Mann sont beaucoup trop

schématiques, et l'on ne peut tirer des examens microscopiques, les

conclusions que cet auteur a formulées.

Les points que l'on peut considérer comme scientifiquement

établis sont : 1° l'existence dans les cellules nerveuses d'une

substance chromatophile et d'une substance non chromatophile ;

2° la substance non chromatophile a une structure fibrillaire (appa-

reils de conductibilité pour l'excitation nerveuse) ; 3° la substance

chromatophile offre de grandes variétés au point de vue morpho-

logique et au point de vue de son affinité pour les matières colo-

rantes, mais son rôle est inconnu. Au point de vue expérimental,

il est démontré que fous les facteurs nuisibles actuellement connus

408 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qui agissent sur la substance de la cellule nerveuse, déterminent

d'abord une modification de la substance chromatophile. La répa-

ration de la lésion n'est possible que losrque le noyau de la cellule

n'a pas été altéré ; 4° il est a démontrer expérimentalement quelles

sont les modifications anatomiques correspondant à l'état d'activité,

de repos et d'épuisement de la cellule nerveuse. Dans ces expé-

riences, il n'est pas possible de se servir de l'excitalion faradique ;

celle-ci étant au point de vue expérimental, l'équivalent d'excitants

chimiques, thermiques et non de l'activité physiologique ; 5° la

chromophilie des cellules nerveuses est une production artificielle,

post-mortem.

M. 13ESS (Stephansfeld). Sur le signe du cubital (Biernacki)

chez les aliénés.

L'auteur a examiné 30 paralytiques hommes, de l'asile de

Stephansfeld, au point de vue du signe du cubital. Une pression

énergique exercée sur ce nerf, entre le condyle interne de l'humérus

et l'olécrane, a déterminé une sensation douloureuse peu accentuée

chez 7 malades seulement, et encore chez 2 d'entre eux le résultat

était-il douteux. Chez 22 autres patients, on a observé une analgé-

sie unilatérale. Résultat : 76,6 p. 100 de malades présentant le

signe de Biernacki, 16,6 sans ce signe. Sur 12 femmes paralyti-

ques, 5 ont présenté une analgésie bilatérale, 1, une analgésie

unilatérale ; 4 réagissaient normalement. Chez 2, la sensation dou-

leureuse était diminuée. Résultat : 50 p. 100 de malades femmes

présentaient le signe de Biernacki. Pour les deux sexes réunis, la

proportion est de 69 p. 100.

Rassemblant les résultats des observateurs qui l'ont précédé,

l'auteur arrive au résultat suivant, au point de vue de la fréquence

de ce signe : sur 417 tabéliques et paralytiques, 66,9 p. 100 pré-

sentaient de l'analgésie du cubital; sur 354 paralytiques, la pro-

portio était de 70 p. 100 ; la proportion pour les hommes est de

73,7 p. 100 et, pour les femmes, de 43,7. Les trois quarts des para-

lytiques hommes : et la moitié environ des paralytiques femmes

présentent donc le signe de Biernacki.

Sur 100 aliénés hommes, non paralytiques et non épilepliques,

l'auteur en a trouvé 82 sensibles à la pression du cubital, 16 pré-

sentant de l'analgésie (chez 2 le résultat a été incertain). Sur 100

femmes, sensibilité à la pression dans 88 cas, analgésie dans 9 cas ;

résultat douteux dans 2 cas. La comparaison des chiffres trouvés

chez les paralytiques et chez les aliénés non paralytiques, montre

que l'analgésie du cubital est un symptôme important de la para-

lysie générale, surtout dans le sexe masculin. L'importance de

ce signe au point de vue du diagnostic s'accroîtra lorsqu'on

aura pu étudier d'une façon satisfaisante les cas dans lesquels

l'analgésie du cubital existe chez des sujets non paralytiques.

SOCIÉTÉS savantes. 409

D'après Biernacki, les épileptiques réagiraient normalement à

la pression du cubital, tandis que d'après Hillenberg et Goëbel, ils

présenteraient une proportion de sujets analgésiques égale à celle

des paralytiques. Sur les épileptiques hommes de Stephansfeld,

86,9 p. 100 réagissaient à la pression du cubital ; l'analgésie n'a

été constatée que chez 8,69 p. 100, c'est-à-dire dans le dixième

des cas. Pas de cas d'analgésie chez la femme. Mais la sensibilité

à la pression disparaissait chez 12 sujets, pendant les six ou douze

heures consécutives à l'accès. Après une durée de douze heures, la

sensibilité à la pression redevenait normale chez presque tous les

sujets; seule, une femme présentait encore, après trente-six heures,

une analgésie notable qni n'a disparu qu'après quarante-huit heures.

Les malades qui ont présenté cette analgésie à la suite de l'atta-

que ne se trouvaient pas dans un état d'obnubilation accentuée,

mais pouvaient donner des explications précises et accomplir

leur travail. L'auteur n'a observé celte analgésie postépileptique

que peu de temps avant la fin de son travail, ce qui fait qu'il n'a

pu présenter un grand nombre de cas. Si des recherches ulté-

rieures confirment les résultats précédents, si on les fait porter

aussi sur des épileptiques non aliénés et sur des sujets présentant

des équivalents épileptiques (épilepsie psychique), l'analgésie à la

pression du cubital pourra devenir un signe précieux et d'une

grande importance pratique. (Allg. Zeitsclvr. f. Psychiatrie, t. LU,

fasc. 0). Paul Sérieux.

SOCIETE DE NEUROP : 1'l'HULOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 19 janvier 1896.

M. LoovTZ. IIémial1'ol1hie totale croisée. Il s'agit d'une malade

X..., âgée de vingt-six ans. Pas d'alcoolisme, ni de syphilis. Depuis

neuf ans elle ressentit des douleurs à la partie extérieure et à la

partie postérieure de la cuisse et de la jambe du côté droit; ces

douleurs, au commencement passagères, devinrent plus tard con-

tinuelles. Deux ans plus lard parut une atrophie de la glande

mammaire droite et un an après s'est manifesté un amaigrisse-

ment du membre inférieur droit. Depuis quatre ans la malade

remarqua encore un amaigrissement et parfoisdes douleurs àla joue

gauche, et durant celle dernière année elle ressentit des maux il

la région sacrée, dans le membre inférieur gauche, à l'omoplate

droite et au membre supérieur droit.

410 SOCIÉTÉS savantes.

Etat actuel.- Une atrophie très marquée des tissus cutanés, sous-

cutanés et musculaires de la joue, de l'aile du nez et de la moitié

de la lèvre du côté gauche et parésie du muscle droit interne et du

releveur de la paupière supérieure du même côté; plus bas l'atro-

phie passe iL la moitié opposée et se localise dans la partie droite

du tronc et dans le membre inférieur droit. De ce côté l'atrophie

atteignit le sein, les muscles sterno-huméral, le deltoïde et le

muscle grand dorsal; plus fort les muscles obliques de l'ab-

domen, la région du nerf cutané fémoral médian et interne, la

jambe et le bord intérieur du pied et très fort la région de la fesse

droite, la surface postérieure de la cuisse, la partie extérieure de

la jambe, la région dorsale du pied et le bord extérieur de la

plante; les tissus cutanés et sous-cutanés des régions : indiquées sont

aussi atrophiés.

Une légère faiblesse (mais pas de parésie) des membres du côté

droit. Pas d'anesthésie, mais une sensation d'engourdissement dans

les mêmes parties. L'électro-sensibilité des muscles est un peu

exagérée, dans les endroits où l'atrophie cutanée est plus marquée.

Les réflexes tendineux sont un peu exagérés et du côté droit plus

que du côté gauche, surtout le réflexe rotulien. Des maux de têle

fréquents, des vertiges, et transpiration abondante, sensation de

froid aux membres inférieurs, dont la peau est d'une couleur

bleuâtre.

L'auteur prétend qu'il s'agit d'un cas d'hémiatrophie totale croisée

à l'instar de l'hémiatrophie faciale, provenant d'une névrite intersti-

tielle proliférante migratrice.

Dans la discussion prirent part MM. Mourakoff, Stepozobr, Ser-

bsky, Cepetir, et M. le professeur Kojewnikoff, Roncelauzobr qui

doute qu'il s'agisse d'un affection périphérique, vu la distribution

des atrophies à type de paralysie alternante.

M. KOll : o ! ILOFF. Myosite multiple primaire. Un homme de

trente et un ans fut atteint d'une néphrite parenchymateuse su-

baiguë avec oedème, albuminurie bien marquée, durant laquelle fut

notée une pleurésie accompagnée de péricardite. Au bout de deux

mois l'élévation de température fut notée Ja fièvre, de 38,8, qui

dura assez longtemps, et une augmentation de l'oedème et trois

semaines plus tard la quantité des urines monta de 2 000 centi-

mètres cubes jusqu'à S 700 et la faiblesse des membres arriva

dans deux jours jusqu'au degré de l'immobilité.

Deux jours plus tard on a constaté une paralysie presque com-

plète des bras et des jambes, surtout dans leurs parties supérieures,

une douleur très accuentuée à la pression des muscles, et à peine

perceptible des troncs nerveux; abolition de la réaction fara-

dique de tous les muscles; diminution prononcée de la réaction

galvanique de certains muscles avec réaction de dégénérescence.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 411 1

Vers la fin de la vie, au bout d'un mois, atrophie musculaire

surtout dans la région des grandes articulations; les réflexes ten-

dineux et cutanés, qui existaient au commencement de la maladie;

disparurent plus tard. La sensibilité restait normale.

Autopsie. - Néphrite parenchymateuse chronique, péricardite;

rien d'anormal dans les nerfs périphériques et dans le système ner-

veux central; altérations très marquées du parenchyme des fibres

musculaires à savoir : vacuolisation, gonflement, troubleet atrophie,

infiltration cellulaire et prolifération du tissu conjonctif intersti-

tiel ; ces altérations sont plus marquées dans les muscles des

grandes articulations.

L'auteur note l'absence des phénomènes inflammatoires dans la

peau (ce qui n'avait pas lieu dans les cas déjà publiés), de la douleur

spontanée et du gonflement des muscles, la diminution rapide de

leur électro-sensibilité l'absence de lésions des troncs nerveux et

la polyurie du début de la maladie, tout indiquait, d'après l'auteur,

une origine toxique de la maladie en question. La discussion ont

pris part MM. les professeurs Rothet, Kojewnikoff, et M. le D. Mou-

ratoif.

MM. G. ROSSOLIlo et Bouche. Des néoplasmes vasculaires de la

pie-mère céré6ro-spinale.

Un garçon de neuf ans présentait pendant un an des phénomènes

d'une tumeur du cervelet : céphalalgie, vomissements, atrophie

des nerfs optiques secondaire, accès épileptiformes, et parésies

passagères des 6° et paires.

A l'autopsie fut constatée une infiltration angio-sarcomateuse des

méninges de la moelle épinière, du bulbe et du cervelet. Le néo-

plasme était plus développé dans la région des tuméfactions et à la

surface postérieure de la moelle. Le tissu médullaire n'était pas

altéré et seulement dans la région du vermis inférieur la tumeur

pénétrait dans la substance du cervelet en forme d'un noeud

isolé. Les auteurs ont fait mention de dix cas semblables déjà pu-

bliés et indiquent, que cette affection est plus fréquente chez les

enfants et se développe peut-être à l'état embryonnaire, restant

inaperçue tant qu'elle ne pénètre pas des méninges dans le tissu

nerveux. Le néoplasme de ce genre a d'ordinaire le caractère d'une

infiltration, bien qu'il se propage parfois en forme de noeuds isolés.

- A la discussion prirent part MM. G. Rossolimo, N. Schataloff,

A. Jokarsky.

ASILES D'ALIÉNÉS.

IV. CONSTRUCTION D'UN pavillon d'agitées A l'asile DE Villejuif,

rapport présenté par M. BOURNEVILLE. à la Commission de sur-

veillance des asiles d'aliénés de la Seine.

Messieurs,

Plusieurs fois il a été question d'agrandir l'asile de Villejuif. On

nous a proposé entre autres la création de nouveaux bâtiments

dans les jardins, la transformation des greniers en dortoirs, et à la

suite des rapports qui vous ont été faits vous avez toujours écarté

ces propositions, qui avaient pour conséquence d'augmenter la

population de l'asile, en vous appuyant sur l'insuffisance des ser-

vices généraux. Personnellement il en est une seule sur laquelle

nous avons appelé votre attention, d'accord avec les chefs de ser-

vice, MM. Briand et Vallon; c'est la création de payons pour les

malades agités. Chacun de ces pavillons compléterait, d'ailleurs, les

deux divisions de l'asile. En conformité de ce voeu, auquel vous

avez donné votre approbation , lors de notre dernière visite à

l'asile de Villejuif, \I. Pelletier vous a exposé ainsi la suite donnée

à votre voeu : '

c L'Administration a fait étudier un projet de construction de

deux pavillons d'agités sur les emplacements réservés à cet effet

dans le plan d'ensemble de l'asile. Les plans ont été soumis à M. le

Dr Briand, qui les approuve, et n'y demande pas d'autres change-

ments que la substitution du linoléum au parquet dans les cellules.

La dépense est évaluée à 210 01)0 francs, rabais déduit. Après

examen et discussion, la Commission émet l'avis que le projet

actuel soit renvoyé au service d'architecture pour l'étude d'un mode

de construction différent, il est vrai, de celui qui a été adopté pour

le resle de l'asile, mais moins coûteux, comme par exemple l'em-

ploi de la brique blanche >.

c Saisie de la question au cours de sa visite du 23 octobre der-

nier à l'asile de Villejuif, la 3° Commission du Conseil général,

dit M. Le Roux dans sa lettre introductive du projet à la Commis-

sion de surveillance, s'est prononcée pour le maintien de l'unité

du mode de construction et pour que le nouveau bâtiment fût

construit sur le même modèle que le reste de l'asile afin que l'en-

semble des constructions présentât le même aspect.

asiles d'aliénés 413

« Ces modifications, continue M. le Directeur, ont donné lieu au

dernier devis ci-joint s'élevant à 299,488 francs et qui présente une

augmentation de 36,608 francs sur le précédent. Celte augmenta-

tion porte sur les travaux de maçonnerie, le bâtiment nouveau

étant construit en mêmes matériaux que les autres pavillons exis-

tants, ainsi qu'il est expliqué dans le dernier rapport de M. Bertsch-

Proust. » L'architecte chargé des plans et devis. M. Bertsch-PL'ouot,

dans son rapport en date du 29 juillet 1896, expose ainsi son

projet :

« Il comprend un sous-sol. un rez-de-chaussée, un premier étage.

« Au sous-sol se trouve le service de chauffage. Le rez-de-chaussée

comprend un vestibule desservant le 1er étage; seize cellules don-

nant sur une vaste galerie éclairée sur le chemin de ronde; à l'une

des extrémités de cette galerie, un réfectoire-chautibir, avec office;

sortie sur le quartier voisin et chambre de surveillante; à l'autre

extrémité, une grande salle de bains, avec sept baignoires, et atte-

nant à cette salle, un lavabo et une chambre de veilleuse. Enfin

dans la galerie, un cabinet de médecin, une chambre de surveil-

lante et qnatre cabinets d'aisance.

« Le premier étage comprend vingt-deux chambres d'isolement, un

dortoir de dix lits avec lavabo et chambre de veilleuse ' et donnant

sur la galerie quatre cabinets d'aisance et deux chambres de sur-

veillante et de veilleuse. La construction de ce pavillon serait

toute en brique blanche de Chartres avec filet et motifs en brique

rouge comme parement seulement, et le surplus des murs en

brique ordinaire de Vaugirard. Le soubassement des murs exté-

rieurs et les fondations seraient seuls en meulière, Il n'est prévu de

pierre que pour les appuis des croisées, les seuils et les marches.

«De concert avec M. le Dr Briand, le soussigné a prévu, pour les

cellules du rez-de-chaussée, des châssis fixes, en glace de deux cen-

timètres d'épaisseur, avec volets et fenêtres d'aération, à coulisse

se manoeuvrant de l'intérieur de la galerie, ainsi que cela vient

d'être fait à l'Asile Clinique dans les nouvelles cellules du pavillon

Leuret. Tous les planchers sont en fer, la charpente serait en bois

de sapin, la couverture en tuile mécanique et les parquets en chêne

scellés à bains de bitume.

« Le devis s'élève à la somme de 248,000 francs avant rabais, au

lieu de 261,300 francs prévus au l01' devis, soit une économie de

13,300 francs. Cette dépense par suite des rabais qu'on obtiendrait

lors de l'adjudication des travaux et que l'on peut évaluer sans

exagération à 25 p. 100 comme moyenne, 'se trouverait réduite à

' Faire coucher l'infirmière de nuit dans le pavillon des agités n'est

peut-être pas la placer dans de bonnes conditions pour dormir et répa-

rer ses forces.

414 li asiles d'aliénés. '

186,000 francs, ce qui ferait ressortir le prix du lit de malade à

3,875 francs ». '

Ainsi que nous vous l'avons dit en commençant, l'architecte, sur

la demande du Conseil général, qui a tenu à conserver l'uniformité

de l'asile, a rait un nouveau devis, d'où l'augmentation de dépense de

36,000 francs. En ce qui nous concerne, bien que nous ne soyons pas

l'auteur de la proposition des briques blanches et rouges, nous n'y

voyions rien d'extraordinaire : une telle construction aurait apporté

un peu de variété dans un asile qui en manque.

Actuellement le cinquième quartier est consacré aux demi-agi-

tées, le sixième quartier aux agitées et le septième aux gâteuses.

La construction du Pavillon des cellules (huitième quartier) faisant

suite au septième (gâteuses) permettra de désaffecter le sixième

quartier. On ne nous dit pas si on transportera les demi-agitées

dans le septième, ce qui serait logique c'est-à-dire à côté des

agitées, les gâteuses venant prendre la place des demi-agitées.

Peut-être le renseignement existe-t-il dans le programme qui a été

demandé à M. Briand. Nous ne saurions nous prononcer, ce pro-

gramme ne figurant pas au dossier.

Le nouveau pavillon doit comprendre 38 cellules et 1 dortoir de

10 lits, soit au total 48 places. Or, dans le quartier affecté actuelle-

ment aux agitées, il y a aujourd'hui, d'après le renseignement

qui vient de nous être fourni par M. Briand et par M. Tondu,

- 75 malades. C'est un chiffre, messieurs, que nous vous prions de

retenir.

Nous n'avons reçu le dossier qu'il y a quelques jours aussi

noire examen est-il imparfait, d'autant plus que le temps nous

a fait défaut pour nous : mettre en relation avec M. l'Architecte. Nous

nous permettrons cependant quelques critiques :

1° Le projet est-il suffisant ? Non. Le quartier actuel des agitées

renferme aujourd'hui, nous le répétons, 75 malades. Le pavillon

futur n'en pourra contenir que 48. Que fera-l-ou du surplus, soit

27 malades ?

2° Avec quelques aliénistes qui ont eu un certain renom, entre

autre autres Esquirol et Parchappe, nous estimons qu'un quartier

d'agitées ne doit avoir qu'un rez-de-chaussée. L'ascension et la des-

cente d'escaliers par les malades agitées exposent à de nombreux

accidents. Ces ascensions et ces descentes seront fréquentes : il

faudra conduire les agitées aux bains, au réfectoire, dans les

préaux; autant d'ascensions et de descentes qui ne peuvent qu'aug-

menter l'agitation, le désordre et tout ce qui s'ensuit.

La sous-commission chargée d'élaborer le programme du 5° asile,

dont faisaient partie Le Roux et Pelletier, avait donné son

' La lettre adressée à M. le Président de la Commission est du

1" décembre.

asiles d'aliénés. 41 S

assentiment à cette disposition : cellules uniquement à rez-de-

chaussée. Les motifs tirés de l'intérêt des malades, de la sécurité

du personnel, de la responsabilité de l'Administration n'ont pas

changé : notre opinion non plus. L'espace ne manque pas d'ail-

leurs, à Villejuif, pour faire un pavillon de cellules il rez-de-chaussée.

3° Le pavillon comprend deux groupes de cellules, l'un à gauche,

l'autre a droite du vestibule d'entrée. On a placé les bains à l'extré-

mité gauche, ce qui obligera à transporter les malades du groupe

de droite à travers tout le groupe de gauche. En revanche, comme

le réfectoire est placé à l'extrémité droite, les malades du groupe

de gauche auront, pour s'y rendre, à traverser toutes les cellules du

groupe de droite.

On aurait pu éviter les graves inconvénients de ces allées et

venues d'agitées, semant l'agitation sur leur passage, en plaçant au

centre le service des bains et le réfectoire. L'allongement en saillie

du centre du pavillon rendrait facile cette modification.

4° Pourquoi placer dans le dortoir des agitées deux lits par

trumeau, alors qu'à diverses reprises la Commission a réclamé

un lit par trumeau ? Encore tout récemment, en relatant les résul-

tats de notre visite de nuit à l'asile de Villejuif nous a\ons montré

les conséquences qu'entraîne le voisinage de deux lits. L'existence

d'une fenêtre entre deux lits constitue une sorte de sépw alion maté-

rielle qui empêche des rapprochements dangereux.

5° Si, au rez-de-chaussée, l'architecte a pu prévoir une porte à

chacune des extrémités des cellules, comme cela doit être, il n'a

pu le faire au 1°I' étage : c'est encore un argument en faveur des

cellules à rez-de-chaussée.

6° Les préaux devront avoir des murs unis, lisses, et non des

aspérités comme dans les préaux des quartiers de cellules de quel-

ques-uns de nos asiles. S'il y a des sauts de loups, ils devront être

en pente très douce. Peut-être aurait-on pu substituer, comme

clôture extrême de quelques-uns des préaux, le grillage incurvé que

nous avons fait installer à Bicêtre.

7° En ce qui concerne les dispositions de détails, les portes, leur

judas, les parois, les aménagements spéciaux des bains, nous

n'avons pu examiner ligne par ligne le devis, ce qui a été prévu.

Nous n'avons pas trouvé dans le dossier la description complète,

détaillée du type choisi de cellules. En tout cas, nous savons qu'il

n'a pas été possible d'éclairer les cellules par leurs parties supé-

rieures.

Nous nous sommes laissé aller à ces critiques parce que nous

voudrions que chacune des nouvelles constructions hospitalières

constituât un progrès par rapport à ce qui existe; parce que nous

voudrions que tout y fût fait de plus en plus pour le bien des

malades, la commodité et la sécurité de la surveillance ; parce que,

enfin, nous voudrions que lors des visites qui auront lieu dans nos

4116 asiles d'aliénés.

asiles, à l'occasion de l'Exposition de 1900, les administrations de

Paris et de la Seine ne reçoivent que des éloges.

Notre opinion ressort des critiques que nous venons de faire.

C'est à la Commission de décider si elle les trouve fondées. Si oui,

c'est le rejet du projet.

M. Astieu. Je désirerais seulement mettre deux points en

lumière. Je ne crois pas, en premier lieu, qu'il y ait eu de la part

de la 3° Commission un véritable vole exprimé contre l'emploi de

la brique blanche, et je désirerais ensuite faire sentir à la Com-

mission quelles sont les intentions du Conseil en matière de cons-

tructions hospitalières ; je désirerais que la Commission fût bien

informée que le Conseil est avant tout favorable à l'installation de

constructions légères et utilitaires, de baraquements capables de

recevoir des lits nombreux, et susceptibles d'être élevés dans l'espace

de trois à six mois.

M. Le Roux. Il me semble bien me rappeler que la 3° Com-

mission s'est prononcée d'une manière formelle pour maintenir

l'unité de construction à l'asile de Villejuif.

En ce qui concerne l'emploi de baraquements et de construc-

tions légères, qui constitue en effet un idéal que l'Administration

s'efforce de réaliser, je désire qu'il soit bien observé qu'à Villejuif,

et surtout dès qu'il s'agit d'élever un pavillon entier de malades

agitées, la question n'est plus entière; car il y a déjà un établisse-

ment complet, élevé selon certains principes qu'il importe de res-

pecter lorsqu'on ajoute à l'une ou l'autre des deux ailes une

construction nouvelle. Enfin, il ne faut pas oublier que le traite-

ment cellulaire exige l'installation de services très compliqués.

M. LE président. Je voudrais amener la discussion sur ce qui

me semble son véritable terrain. L'objection principale de M. le

Dr Bourneville m'a paru porter sur la disposition intérieure des

cellules et sur la nécessité qui s'impose, selon lui, de ne placer de

cellules qu'au rez-de-chaussée. C'est sur ces points, je pense, que

doit être concentré le débat.

. M. LE Roux. La cellule proposée dans ce projet n'est que la

reproduction du dernier type de cellule, approuvée par la Com-

mission à l'Asile Clinique. L'Administration a tenu, pour l'élabo-

ration du plan actuellement en discussion, à ce que le service

d'architecture se soumît aux desiderata du corps médical., M. le

Rapporteur ne peut admettre l'installation de cellules ailleurs qu'au

rez-de-chaussée. Il me permettra de remonter à l'origine du projet

qui lui est soumis. On pouvait l'utiliser par la création d'un pavillon

de 48 lits comme celui que nous proposons, on ne rien faire avec

l'encombrement que vous connaissez jusqu'au vote du budget

de 1898. Nous avons préféré la première solution.

bibliographie. 417

M. le Dr Bourneville. Je considère l'intérêt des malades comme

primordial, et, selon moi, il est engagé dans la question. Je demande

que l'on s'en tienne aux conditions fondamentales d'un service de

cellules, telles qu'elles ont été posées par Esquirol, par les grands

aliénistes qui l'ont suivi, et par la sous-commission du 5a asile.

Quant au crédit il n'y a qu'à le reporter au crédit du 5" asile.

Mener vite cet asile, c'est assurer le commencement du désencom-

brement.

M. le Dr Taule se range à l'opinion exprimée par son collègue,

M. le Dr Bourneville. Agir autrement pourrait créer à son avis, une

situation pleine de périls, pour les malades et leurs gardiens.

M. le Dr Briand insiste pour démontrer que le nouveau pavillon

tel qu'il est proposé, lui rendra, vu l'encombrement, les plus grands

services, et s'il est vrai que le projet ne prévoit que 48 lits pour

75 agitées, il lui sera facile de choisir parmi ces dernières les

moins agitées et de ne composer son ancien quartier que de cham-

bres d'isolement où elles se calmeront plus rapidement.

Après une discussion à laquelle prennent part MM. Bourneville,

Astier, Le Roux et Briand, la Commission décide d'adopter les con-

clusions négatives de M. le Rapporteur.

BIBLIOGRAPHIE.

VI. Localisations spinales de la syphilis héréditaire; par Georges

GASNE, ancien interne de hôpitaux de Paris.

L'étude des relations de la syphilis héréditaire avec les maladies

du système nerveux et en particulier avec les maladies nerveuses

de l'enfance est tout il fait à l'ordre du jour. Née en France avec les

magistrales leçons de M. le professeur Fouruier, il semble que

cette question passionne davantage en ce moment les auteurs

étrangers. M. Gasne, ne s'attaquant qu'a une petite partie de ce

vaste sujet, vient d'étudier les localisations, sur l'axe spinal, des

lésions de la syphilis héréditaire. Rappelant les observations que

M. Gilles de la Tourette a publiées dans la Nouvelle Iconographie

de la Salpêtrière, M. Gasne, dans son travail, qui est du plus haut

intérêt, montre que cliniquement on devait admetlre que la syphi-

lis héréditaire frappe la moelle comme elle frappe les autres

organes, et que ses manifestations peuvent être tardives, précoces

ou congénitales.

Archives, 2e série, t. III. 27

418 5 bibliographie.

Aujourd'hui que la théorie de l'origine médullaire des difformi-

tés congénitales si souvent liées à l'hérédo-syphilis semble s'affir-

mer, cette connaissance des lésions spinales spécifiques ayant

évolué pendant la vie intrautérine n'est pas sans intérêt, ces

mêmes lésions expliquent suivant le point où elles prédominent

les formes cliniques très variées qui ont été observées depuis les

quadriplégies plus ou moins complètes, les paraplégies le plus sou-

vent spasmodiques, les troubles sphinctériens, jusqu'aux troubles

moteurs et sensitifs qui caractérisent les affections de la queue de

cheval. M. Gasne rapporte même une observation d'amyotrophie

survenue chez une fillette indiscutablement hérédo-spécifique, vue

par M. le professeur Raymond, et à propos de laquelle le savant

professeur s'est demandé si l'infection congénitale n'avait pas joué

un rôle déterminant.

C'est la réalité de ces lésions que M. Gasne s'est attaché à dé-

montrer ; les autopsies publiées surtoutà l'étranger, concernant des

faits de myélites hérédospécifiques précoces ou tardives ne laissent

pas que d'être suggestives, le résultat des recherches de l'auteur à

propos des lésions congénitales ne saurait laisser de doute : ayant

étudié les moelles de 26 foetus mort-nés, issus de parents syphiliti-

ques, quatre fois il a constaté des lésions destructives grossières,

visibles en quelque sorte à l'oeil nu, et sept fois des lésions indé-

niables de filtration nucléaire et d'altération vasculaire. La na-

ture des lésions les rapproche absolument de celles qu'on constate

dans la syphilis acquise, infiltration, gommes, sclérose avec

atteinte spéciale des méninges et des vaisseaux.

M. Gasne vient d'écrire un chapitre entièrement et absolument

nouveau de l'histoire anatomopathologi que de la syphilis héréditaire;

la communication récente de M. Déjerine démontrant l'existence

d'une lésion médullaire isolée dans certains cas de maladie de

Little en souligne encore l'intérêt; les auteurs qui s'arrêtent à la

notion de l'altération médullaire dans la pathogénie des difformi-

tés congénitales, pourront aller plus loin et y puiser la notion de

cause dans quelques cas. On ne pouvait mieux compléter le travail

d'ensemble très remarquable que M. Gasne nous donne sur la

syphilis spinale héréditaire. J.-B. Charcot.

VII. Morphinomanie et Morphinisme ; 7 ? zoeti2-s, symptômes, traitement

médecine légale ; par \l. le D'' Paul Rodet, directeur de l'éta-

blissement hydrothérapique d'Auteuil, lauréat de l'Académie

(ouvrage couronné par l'Académie), lit-12, 333 pages, Paris,

F. Alcan, 1897.

Les nombreux travaux qui ont été publiés depuis vingt ans sur

les questions les plus diverses touchant à la morphinomanie

étaient disséminés dans les journaux de tous les pays. Il manquait

bibliographie 419

donc un ouvrage d'ensemble établissant l'état actuel de la science,

en ce qui concernait cette intoxication. C'est pour provoquer

l'émulation des auteurs que l'Académie mit au concours le sujet

de la morphinomanie et c'est à la suite de ce concours que cet ou-

vrage ayant rempli le but de la savante compagnie, celle-ci lui a

décerné le prix Falret.

Dans un premier chapitre, l'auteur présente l'historique très

complet du morphinisme en faisant assister le lecteur aux diffé-

rentes étapes que cette affection avait traversées avant d'être

reconnue comme une véritable entité et en attribuant à chacun la

part qui lui revenait dans la description de la maladie.

Les moeurs des morphinomanes, la morphinomanie à deux, sa

propagation rapide forment un des côtés les plus intéressants de

la question, dont l'étude se termine par une statistique de mille cas.

La symptomatologie du morphinisme et celle de l'abstinence

sont les deux chapitres capitaux de l'ouvrage, car il est indispen-

sable de les avoir étudiés en détail pour bien connaître les diverses

phases du morphinisme.

Ce chapitre trouve son complément dans celui qui est relatif à

la coexistence de plusieurs intoxications, car très souvent le mor-

phinomane est doublé d'un alcoolique ou d'un cocaïnomane.

Dans l'étude médico-légale, l'auteur a élucidé les différents pro-

blèmes qu'on peut être appelé à résoudre et leur a donné la solu-

tion qu'ils comportent.

Le traitement constitue le chapitre le plus important de l'ou-

vrage. Après y avoir exposé toutes les diverses méthodes, M. Rodet

arrive à en adopter une qui est, du reste, acceptée par presque

tous les médecins qui s'occupent de la crise des morphinomanes. A

celle-ci il ajoute certains moyens qui suppriment la souffrance pen-

dant la période de suppression. Enfin l'ouvrage se termine par un

Index bibliographique très important et aussi complet que possible.

En somme ouvrage très utile et dont la propagation parmi les

médecins et les gens du monde pourra certainement contribuer à

diminuer le nombre des morphinomanes, en décidant ceux qui le

sont déjà à se soumettre au traitement qui doit les guérir et en

empêchant ceux qui sont sur le point de le devenir, de tomber dans

le précipice.

VIII. Poisons de l'organisme. Les Poisons du tube digestif; par Char-

RlN. (Encyclopédie des Aide-Mémoire, Léauté, directeur, G.l\Iasson,

éditeur.)

Les poisons jouent un rôle important dans la pathogénie des

maladies (maladies humorales, maladies infectieuses, maladies à

réactions nerveuses, maladies à dystrophie élémentaire, etc.). Le

tube digestif par ses communications extérieures et ses fonctions

420 bibliographie.

introduit dans l'organisme de nombreuses substances toxiques et

en permet l'élaboration.

La bouche, même saine, a un contenu toxique. Signal, Sana-

relli, David et autres ont insisté sur les nombreuses espèces bacté-

. riennes de la bouche qui peuvent produire des toxines diverses.

La salive normale, du reste, est toxique et l'altération des détritus

alimentaires, la carie dentaire si fréquente, augmentent encore la

toxicité du contenu buccal.

Les aliments normaux introduisent directement des poisons dans

le tube digestif. La chair des animaux, le bouillon sont toxiques

à un degré plus ou moins accentué. M. Charrin en a fait maintes

fois la preuve expérimentale. Beaucoup d'aliments même de bonne

qualité sont aussi des poisons; toutes les albumines possèdent des

attributs nocifs. Les principes minéraux et en particulier les sels

de potasse qui sont en notable proportion daus les aliments végé-

taux peuvent causer des accidents.

M. Charrin a examiné l'influence des aliments sur la toxicité

des produits d'élimination. 11 a démontré que la toxicité des urines

est en partie d'origine alimentaire.

Après l'étude des aliments comme cause d'intoxication, un court

chapitre expose l'absence de principes nocifs dans l'oesophage,

simple lieu de passage. Il n'en est pas de même de l'estomac. Le

suc gastrique, les peptones qui s'y forment seraient dangereux si

on les injectait directement dans le sang et l'auto-intoxication

doit jouer un rôle prépondérant dans les accidents généraux qui

surviennent la suite de maladies de l'estomac. Les parasites qui

se développent dans le contenu gastrique : sarcines, levures, bac-

téries, causent des fermentations variées dont les produits sont loin

d'être inoffensifs.

Enfin, plus que le contenu gastrique, le contenu intestinal se

trouve sujet aux fermentations et aux putréfactions variées. Les

microbes de l'intestin, assez rares dans le duodénum, s'accroissent

en nombre et en espèces progressivement jusqu'au caecum pour

diminuer de la même façon ensuite. Certains de ces microbes

auraient, du reste, une action sur la digestion de certaines subs-

tances et en particulier sur les albuminoïdes et les hydrocar-

bonés.

Les microbes pathogènes, ou capables de le devenir, sont nom-

breux dans l'intestin. Ils sécrètent des diastases, des toxalbu-

noses, des nucléines et neucléo-albumines d'une toxicité exces-

sive. Certaines sécrétions venant des annexes du tube digestif, la

bile, le suc pancréatique, etc., sont aussi des poisons. Les aliments

altérés donnent encore lieu à des troubles variés d'empoisonne-

ment aigu qui portent le nom de botulisme.

M. Charrin termine par un chapitre sur les désordres patholo-

giques dérivés des poisons du tube digestif. Tous les organes

bibliographie. 421 1

sont plus ou moins atteints, le système nerveux ne fait pas excep-

tion : « le délire, le coma, les convulsions indiquent l'intoxica-

tion des circonvolutions antérieures; les monoplégies, les hémi-

plégies accusent celle des circonvolutions de la zone rolandique. »

Les muscles de l'oeil, le pneumogastrique peuvent être intéressés;

le fonctionnement des sens, l'état psychique sont modifiés par les

troubles 'digestifs. Ces accidents seraient plus graves et plus fré-

quents si l'organisme ne possédait pas de sérieux modes de pro-

tection.

Le goût met en garde contre les poisons extérieurs; dans le

tube digestif des neutralisations s'opèrent, l'épithélium amène des

modifications des substances absorbées. Le foie, le corps thyroïde,

les capsules surrénales sont des organes destructeurs de poisons.

La fièvre activant le mouvement nutritif joue dans ces cas d'in-

toxication un rôle favorable. Enfin de nombreuses voies d'élimina-

tion, au premier rang desquelles il faut ranger la fonction urinaire,

débarassent l'organisme des poisons du tube digestif. J. \.

IX. De la nature de l'épilepsie ; par F. HALLAGER. (Paris, Société

d'éditions scientifiques, 1897.)

Ce livre extrêmement documenté tend à établir la théorie de

l'anémie. On ne peut plus aujourd'hui dire l'épilepsie, mais bien

les épilepsies. Or, les épilepsies par compression (tumeurs du cer-

veau, des méninges, des os), les épilepsies par fractures, les épilep-

sies toxiques, et les épilepsies réflexes, dont le champ s'accroît

constamment au dépends du domaine des épilepsies ditesjusqu'ici

idiopathiques, présentent les mêmes symptômes et les mêmes

caractères que ces dernières et engendrent les mêmes phénomènes

postépileptiques. D'autre part cette épilepsie idiopathique, qui

perd de jour en jour de son importance à mesure que l'observa-

lion s'éclaire, nous laisse ignorants sur son anatomie patholo-

gique, et l'on peut dire que les conditions anatomiques de l'attaque

épileptique sont variables ou inconnues (la sclérose névroglique

est encore à prouver), et la physiologie pathologique en est à peu

près nulle. On a tort d'employer les termes épileptoïde et épilep-

lifo1'1ne qui ont la prétention de différencier des faits dont l'essence

originelle vraie est mal connue, de faits dont l'origine est complè-

tement inconnue, mais dont les manifestations sont identiques.

On devrait donc réserver en général le nom d'épilepsies à toutes

les '.maladies qui se caractérisent par l'attaque épileptique clas-

sique. Une analyse raisonnée des théories émises par Kussmaul et

Tenner, Nothnagel, Brown-Sèquard, Schroeder van der Kolk,

Jaccoud, Fritch, HiLzig et Jackson arrive à montrer que l'interrup-

tion subite de la circulation cérébrale provoque la perte de con-

naissance et des convulsions toniques et cloniques. Ce, premier

422 bibliographie.

point est encore étendu et corroboré par la critique judicieuse des

expériences de ces auteurs et de celles de Binswanger, Ferrier,

Albertoni, Lucioni, Munk, Bubnoff, Heidenhain, François Franck

et Pitres, Unverricht, Rosenbach, Danillo, Ziehen, Freussberg et

Luchsinger 'contre celles de Vulpian, Bochefontaine, Danilewski,

Tscherewow, Gartner, Wagner et Mosso. Les unes complètent les

autres ou en font ressortir les points faibles et l'insuffisance.

D'ailleurs l'auteur a dirigé sa propre expérimentation de façon à

combler les lacunes, annuler les contradictions et contrôler les

faits. Il éclaire ainsi sa théorie avec plus d'assurance. Il fait obser-

ver que si ses prédécesseurs n'ont réussi que dans un nombre res-

treint de cas à provoquer chez des animaux normaux, par la seule

irritation des vaso-moteurs une anémie capable de produire

l'attaque épileptique ; on l'a au contraire obtenue aisément en

rendant préalablement les centres nerveux moins résistants (sai-

gnée générale antérieure). Or précisément il faut songer que le

cerveau des épileptiques se trouve dans conditions exceptionnelles

d'irritabilité. Il conclut donc de l'expérimentation en général :

1° que l'attaque épileptique est toujours accompagnée de constric-

tion des vaisseaux cérébraux (au moins à son premier stade);

2° que cette vaso-constriction s'établit avant le début de l'attaque

épileptique; 3° que l'attaque ne peut être produite que par l'irrita-

tion de la partie de la surface cérébrale dont l'irritation amène

aussi la vaso-constriction même en dehors de l'épilepsie ; 4° que

cette vaso-constriction peut être produite avecmoins d'intensité par

des irritations trop faibles pour la pousser au degré capable d'en-

gendrer l'attaque ; 5° qu'une anémie subite du cerveau peut provo-

quer une attaque épileptique.

La clinique de son côté fournit des arguments nombreux retrou-

vés chez les auteurs précédemment cités aussi bien que chez Lo-

wenfeld et Bourneville par une critique savante. En s'appuyant sur

un tableau raisonné de 70 cas d'épilepsie symptomatique et de

46 cas d'épilepsies réflexes l'auteur montre que la première est

réductible à la seconde en dernière analyse, la surface corticale

agissant comme une surface de réception de l'irritation et la

transmettant au centre réflexe. Il faut en somme une lésion irrita-

tive, agissant sur un organisme prédisposé ou ayant subi l'in-

fluence prolongée d'une irrilalion préalable, pour produire en un

point quelconque de la périphérie un foyer épileptogène. Or

comme l'expérimentation (Nothnagel) montre qu'une irritation

périphérique peut produire une anémie cérébrale et que cette

anémie chez un individu prédisposé entraine une attaque épilep-

tique, il est difficile de ne pas accorder la clinique avec l'expéri-

mentation ; d'autant plus que l'anémie est nécessaire pour expli-

quer au moins la perte de connaissance. Enfin s'il n'est pas abso-

lument prouvé que dans l'épilepsie réflexe une irritation périphé-

bibliographie. 423

rique produise l'attaque par l'intermédiaire d'une anémie cérébrale,

du moins tout parle en faveur de cette théorie et rien ne peut

l'infirmer. Le mécanisme de l'attaque complète serait donc le sui-

vant : la constriction des vaisseaux, c'est-à-dire l'interruption subite

de la nutrition du cerveau, provoque la perte de connaissance et

les convulsions toniques et ces dernières entraînent une stase vei-

neuse qui prolonge la convulsion sous la forme clonique. La pâleur

de la face au début, le caractère du pouls, l'examen du fond de

l'oeil ne peuvent qu'appuyer cette manière de voir avec laquelle on

peut encore facilement accoider les opinions de Féré, Voisin,

Kniess, Gray, Marie, Pichon et Musso.

Mais pour que la théorie ait une valeur réelle, il faut qu'elle

puisse aussi expliquer, outre l'attaque, les phénomènes postépilep-

tiques moteurs, secrétaires et psychiques. Pour les paralysies la

théorie de l'anémie ne peut que compléter celle de l'épuisement de

Todd et de Robertson, elle s'accorde fort bien aussi avec celle

émise, par Féré et pour laquelle les cellules nerveuses restent

influencées après l'attaque, l'auteur la trouve plus rationnelle que

celle de l'inhibition de Gowers. Les polyuries et albuminuries

transitoires relèvent directement de troubles vaso-moteurs, contric-

tion artérielle rénale suivie rapidement de dilatation statique vei-

neuse et enfin de dilatation artério-veineuse réactionnelle. Quant

aux troubles psychiques, il faut faire des réserves sur les notions

généralement admises et notamment sur celle des équivalents psy-

chiques. On considère trop aisément comme équivalents psychi-

ques, c'est-à-dire comme remplaçant l'attaque absente ou larvée

des phénomènes qui en réalité sont bien nettement post-épilep-

tiques et nés à la suite d'une attaque passée seulement inaper-

çue. Un examen rigoureux d'ailleurs difficile permet de réduire

singulièrement le nombre de ces faits dits équivalents. Les deux

types principaux des phénomènes psychiques sont l'automatisme et

le délire hallucinatoire, mais il en existe d'innombrables variétés

ou combinaisons. Etant donnée la sensibilité extrême et plus ou

moins durable des éléments cérébraux à toute modification brusque

de leur nutrition ; l'anémie suivie de stase qui produit l'attaque

doit avoir pour conséquence une mise hors de fonction des centres

cérébraux. Ce trouble fonctionnel passager se manifeste par l'au-

tomatisme quand les centres supérieurs sont seuls affectés, et par

le coma quand le trouble de la nutrition plus profond est plus gé-

néralisé. Pour le délire il faut en outre faire intervenir l'hyperhé-

mie secondaire réactionnelle, dont l'expression symptomatique est

d'autant plus pathologique que le cerveau de l'épileptique est affai-

bli dans sa résistance. Cette théorie peut donc tout expliquer, tout

en s'appuyant sur la clinique et sur l'expérimentation. En résumé,

quelle que soit la variété de l'épilepsie, l'anémie provocatrice de

l'attaque est toujours le résultat d'une vaso-constriction réflexe.

424 varia.

L'irritation se propage de la périphérie ou du cortex, jouant le

même rôle que la périphérie (surface irritable), au centre vaso-mo-

teur. L'anémie passagère simple dans les petites attaques, suivie

de stase veineuse dans les cas compliqués, explique tous les troubles

d'origine épileptique. Le cerveau enfin ne subit pas impunément

ces phénomènes dont l'influence répétée justifie même les altéra-

tions psychiques et moralespermanentes. F. BoissiER.

VARIA.

LES aliénés EN L113LREÉI.

Le Rappel de l'Eure du 10 avril relate le fait suivant : « Depuis

longtemps déjà, M. François Larue, peignier à Ezy, ne jouissait

pas de la plénitude de ses facultés mentales; à diverses reprises,

il avait manifesté l'intention d'en finir avec la vie. Vendredi der-

nier, pendant que sa femme était à son travail, le malheureux a

mis à exécution son funeste projet en s'asphyxiant da ns sa chambre

avec deux réchauds contenant du charbon de bois. M. Larue était

âgé de soixante-quatre ans. »

Ce malade aurait dû être interné; il aurait peut-être guéri.

Pourquoi ne l'a-t-il pas été ? Parce qu'il aurait fallu sans doute

que la commune paie une partie des frais de séjour à l'asile

d'Evreux et que le département en prenne aussi une part à

sa charge. Or, le département de l'Eure préfère affecter le

plus grand nombre possible de lits aux malades payants que

lui envoie la Seine, de préférence à ses malades qui lui coû-

teraient. Si les aliénés, les épileptiques et les idiots du dépar-

tement qui sont errants ou plus ou moins séquestrés étaient

hospitalisés, afin d'être traités, il ne resterait guère de lits

disponibles pour la Seine. B.

L'open DOOR et LE Congrès DE NANCY, par le Dr Marandon

de MONTYEL.

L'auteur regrette que dans son rapport sur l'internement des

aliénés, au Congrès de Nancy, M. Garnier n'ait pas parlé de l'asile

aux portes et aux fenêtres ouvertes, de l'open door, disposé en

village, sans murs de clôture, ni saut-de-loup, ni galeries cou-

'

VARIA. 425

vertes. S'il avait pu assister lui-même au Congrès de Nancy, il y

aurait nettement posé la question sur l'urgence de la réforme de

nos asiles-casernes et de notre méthode néfaste d'isolement. Ce qu'il

n'a pu dire à Nancy, M. Marandon de Montyel l'expose en un travail

marqué au coin de l'intérêt persuasif qu'il sait attacher à ses écrits.

C'est avec la conviction basée sur une pratique de près de huit

ans, armé des résultats acquis déjà par nos voisins d'outre-Manche

et d'outre-Rhin, qu'il s'élève contre nos asiles tels qu'ils sont cons-

truits, .contre l'isolement tel qu'on l'y pratique, et qu'il proclame

l'excellence de la nouvelle méthode d'hospitalisation et de traitement

des aliénés *. De cette étude se déduisent les conclusions suivantes :

1° Les asiles d'aliénés, tels qu'ils sont actuellement construits,

hôpitaux mi-partie caserne et mi-partie prison, sont, pour un très

grand nombre d'aliénés, avec leurs dispositions symétriques, leurs

sauts-de-loups, leurs galeries couvertes, leurs constructions massives,

leur agglomération centrale des services généraux, leurs murailles

extérieures et intérieures, des fabriques d'incurables.

2° En appliquant l'hygiène de l'isolement avec interdiction de

visites, de collation et de villégiature, difficultés d'écrire, absences

de sorties provisoires, discipline sévère et châtiments, nous sommes,

dans un très grand nombre de cas, inconsciemment et a\ec les

meilleurs intentions du monde, des fabricants de chroniques.

3° L'asile, pour répondre au voeu d'Esquirol et devenir par lui-

même le principal instrument de guérison, doit être sans murs à

l'extérieur, et à l'intérieur formé de villas aux portes etaux fenêtres

ouvertes pour 60 à 70 p. 100 des aliénés et fermées simplement par

une grille élégante et une serrure pour les 30 à 40 p. 100 des autres

malades, villas disposées sous formes de village avec place publique

entourée de tous les corps de métiers, d'un café billard abstinent,

et d'un bureau de tabac, et avec de grands boulevards sillonnés par

des tramways qui assurent le service.

4° A l'hygiène de l'isolement, pour obtenir de la guérison dans

cet asile aux portes et aux fenêtres ouvertes, il faut substituer l'hy-

giène de la liberté avec visites à volonté sans fixation de durée, de

jour, ni d'heure, collation au dedans, villégiature au dehors, faci-

lité absolue d'écrire, sorties provisoires de quelques jours à deux et

quatre semaines, travail largement développé, non-restraint aussi

absolu que possible pour les agités et les dangereux, discipline

douce avec la seule restriction de la liberté comme sanction. (An-

nales rnédico-psyclvologiqztes, décembre 1896). E. B.

Education psychologique ; par le D1' Stanley Hall.

La psychologie scientifique a fait, au cours de ces dernières-

' Nous reviendrons bientôt sur cette question. (Note de la Rédaction.)

426 VARIA.

années, de grands progrès en Amérique. Il y a une dizaine d'an-

nées, aucun laboratoire n'existait sur la matière : il y en a plus de

trente à l'heure actuelle. On ne trouvait alors aucun livre spécial,

aucun journal, aucune association des étudiants de l'esprit : ils se

multiplient maintenant tous les jours.

Ce développement, qui commença sous le titre modeste de psycho-

logie physiologique, a pris une telle ampleur qu'il pourrait être

désigné sous le nom de philosophie biologique. L'évolution s'ap-

proche pour les étudiants de l'esprit, et l'on peut dire que la psy-

chologie en est au point où se trouvaient les sciences biologiques

avant Darwin.

La psychologie scientifique n'est pas, toutefois, sans rencontrer

des difficultés, des dangers peut-être plus grands qu'aucune autre

science : les vieilles superstitions, la phrénologle, la magie, les

fantaisies du spiritualisme moderne, etc., sont représentées par les

mystagogues, les théosophistes et les myologistes qui, non seule-

ment dégradent le mot de psychologie, mais peuvent encore

exercer, comme par un charme subtil, une influence sur certains

esprits des mieux trempés, mais insuffisamment persuadés du plein

pouvoir de la science dans sa nudité et sa simplicité. L'auteur a

donné les lignes générales d'organisation d'une section universi-

taire de psychologie, en rapport avec les nécessités modernes. Ce plan

a déjà eu un commencement d'exécution à l'Université de Clark.

Les études de psychologie scientifique devraient comprendre les

divisions suivantes : 1° des études historiques beaucoup plus com-

plètes que pour les autres sciences et comprenant toutes les philo-

sophies, en même temps que les diverses religions ; 2° des connais-

sances de biologie générale, en y comprenant le darwinisme et

l'évolution, les théories cellulaires contemporaines, les théories sur

l'hérédité, des notions générales sur la vie, sur l'état de santé et des

maladie ; sur la mort, la naissance et la reproduction ; 3° à côté

des connaissances fournies par la biologie générale, nous voyons

que les fonctions instinctives ne sont pas moins complexes que la

structure des organes, et c'est, en conséquence, un nouveau champ

scientifique appelé à un grand développement que l'étude empi-

rique des instincts animaux; 4* des études de physiologie générale

avec expériences pratiques et enseignement de l'usage des instru-

ments et des méthodes; 5° l'anthropologie moderne, qui repré-

sente peut-être, à l'heure actuelle, la science la plus touffue, la

plus vaste, avec ses divisions multiples dont deux, en particulier,

mériteraient chacune un enseignement à part : la criminologie et

l'étude de l'enfant; 6° la neurologie. Les relations intimes entre

le cerveau et l'âme ont, de tous temps, appelé l'attention des

penseurs. Aujourd'hui plus que jamais, les études neurologiques

s'imposent au psychologue, depuis que les applications de l'élec-

tricité, les recherches sur les localisations cérébrales, les nouvelles

VARIA. 427

conceptions consécutives aux récents travaux de structure du tissu

nerveux, ont diminué la profondeur de l'abime qui sépare le

cerveau de l'âme ; 9° psychiatrie. Enfin, si l'on ne peut expéri-

menter sur l'âme humaine, la nature s'est chargée d'offrir, avec

les maladies de l'âme et les diverses formes d'aliénation mentale,

un moyen d'études des plus importants. A ce propos, l'auteur

regrette que le défaut d'organisation de l'enseignement laisse dans

l'abandon le vaste champ de connaissances psychologiques enfoui

dans les asiles d'aliénés. (American journal of insamty, oct. 1896.)

Quand verrons-nous dans notre pays des installations semblables ?

E. B.

CONGRÈS international DE NEUROLOGIE, DE psychiatrie,

d'électricité médicale ET d'hypnologie.

Ire SESSION.- Bruxelles : 14 au 19 septembre 1897.

Président d'honneur : M. ScnoLLARRT, Ministre de l'Intérieur et de

l'Instruction publique. Président : M. le professeur VERRIEST, de

Louvain. Vice-Présidents : M. le professeur VAN GEHUCHTEN, de

Louvain et M. le D1' LENTZ, directeur de l'Asile d'aliénés de Tour-

nai. Secrétaire général : D'' CRocQ, fils, agrégé de la Faculté de

médecine, chef de service à l'hôpital de niolenheelc. - Secrétaires

des séances : Neurologie : MM. les Drs Glorieux et JIAHAIM ; Psy-

chiatrie : MM. les Dl's CL.aus et DE BUCK; Electricité médicale :

MM. les Drs LINOTTE et SVOLFS; - Hypnologie : MM. les D'S L. DE

lIIOOR et VAN VELEN.

Questions mises à l'ordre du jour. A) Neurologie : - I. Le

traitement chirurgical de l'épilepsie. Ses indications et ses consé-

quences. Rapporteur : professeur Wineler, d'Amsterdam (Hol-

lande). II. Pathogénie et traitement du goitre exophtalmique.

Rapporteur : professeur EULENI1URG de Berlin (Allemagne).

III. Pathogénie et séméiologie des réflexes. Rapporteur : profes-

seur Mendelssohn, de Saint-Pétersbourg (Russie). IV. (Question

à fixer ultérieurement). Rapporteur : professeur OPPENnEIM, de Ber-

lin (Allemagne). V. Influence de l'accouchement sur les mala-

dies nerveuses et mentales que présentent ultérieurement les

enfants. Rapporteur : professeur ANTON, de Graz (Autriche-Hon-

grie). VI. Pathogénie de la rigidité musculaire et de la contrac-

ture dans les affections organiques du système nerveux. Rappel'-

leur : professeur VAN GEHUCIITEN, de Louvain (Belgique).

B) Psychiatrie : I. La valeur diagnostique des symptômes

prodromaux qui précèdent de longtemps les manifestations de la

paralysie générale. Rapporteur : professeur 'faouEN. de Bonn

(Allemagne). II. Psychoses et rêves. Rapporteur : Dr Santé DE

SANCTUS, de Rome (Italie). - III. Des modifications de l'image

428 8 varia

morbide de la paralysie progressive des aliénés durant les trente

dernières années. Rapporteur : professeur l\IENDEL, de Berlin (Alle-

magne). IV. Des relations entre les Psychoses, la dégénéres-

cence mentale et la neurasthénie. Rapporteur : Dr 1.ENTZ, de Tour-

nai (Belgique).

C) Electricité médicale. I. La valeur séméiologique des réactions

électriques des muscles et des nerfs. Rapporteur : professeur DOUMER,

de Lille (France). II. La valeur thérapeutique des courants à

haute fréquence. Rapporteur : professeur BERGONI, de Bordeaux

(France).

D) Hypnologie. - I. La valeur thérapeutique de l'hypnotisme

et de la suggestion. Rapporteur : Dr 1111LNE-BnAruwELL, de Londres

(Angleterre). II. La question des suggestions criminelles. Ses

origines, son état actuel. Rapporteur : professeur Liégeois, de

Nancy (France),

Les questions mises à l'ordre du jour peuvent être l'objet de

communications personnelles; les rapports développés en séance

par les auteurs peuvent être discutés par tous les membres pré-

sents. Indépendamment des questions traitées par les rapporteurs,

les membres du Congrès sont autorisés à faire des communi-

cations personnelles sur un sujet quelconque se rapportant à la

Neurologie, il la Psychiatrie, à l'Electricité médicale ou à l'Hypno-

logie. Le temps consacré au développement des rapports n'est

pas limité; les communications personnelles ne peuvent dépasser

la durée de vingt minutes, à moins toutefois que le Président ne

juge à propos de prolonger cette durée. Le prix de la cotisation

est fixé à 20 francs. Les adhérents recevront le compte rendu des

travaux du Congrès. Les auteurs de communications personnelles

sont priés d'envoyer, au Secrétaire général, au commencement

du mois de juillet, un résumé de leur travail ; ce résumé sera

imprimé et distribué aux membres présents afin de faciliter la

compréhension aux étrangers et afin de permettre à la presse de

donner des comptes rendus exacts. Prière d'adresser dès mainte-

nant les adhésions au Secrétaire général, 27, avenue Palmerston,

Bruxelles.

L'avancement DE la psychiatrie EN Amérique ET LES relations DE la

PSYCHIATRE AVEC LA MÉDECINE GÉNÉRALE ; par le Dr E. COWLES.

Alors que la chirurgie possède, dans le département spécial de

la science médicale, un champ relativement limité, la psychiatrie,

tout en étant une spécialité, est intimement unie à la médecine

générale, car elle trouve son étiologie dans toutes les maladies du

corps. C'est dire que l'avancement de la psychiatrie en Amérique

doit reposer sur des bases solides.

VARIA. 429

Tout d'abord, les hôpitaux devraient être placés sous une direc-

tion médicale, puisqu'ils sont institués dans un but médical et

cette direction médicale devrait n'avoir qu'un but, celui de favo-

riser, de multiplier l'efficacité professionnelle du corps médical.

Dans cet ordre d'idées, les médecins, choisis au concours, ne

devraient pas, tout en ne négligeant rien des études neurolo-

giques et psychologiques, se spécialiser d'une façon exclusive dans

l'étude de la psychiatrie et se bien pénétrer de la loi générale

qu'Herbert Spencer appelle la tendance à l'intégration de toutes

les spécialités dans la science médicale, tendance qui, à l'heure

actuelle, est singulièrement renforcée par le grand développement

de la biologie.

Ce n'est qn'en appelant à l'aide les différentes branches de la

science médicale et les enseignements les plus récents de la

psychologie, que les aliénistes pourront entreprendre avec fruit

l'étude des plus hauts et des plus difficiles problèmes de la vie

humaine, à savoir la préservation et la restauration de la santé de

l'esprit. (The alienist and netcrologist, juillet 1896.) E. l3r.tv.

UNE empoisonneuse DE TREIZE ANS

Mary-Jane Scull, âgée de treize ans, a comparu hier devant la

cour de police de Marylebone (Londres), et lorsqu'on lui a dit au

cours de l'interrogatoire : Vous êtes accusée d'assassinat et de

tentative d'assassinat par le poison. Elle a répondu sans émotion :

yens, sir.

C'est une gamine blonde, en jupe courte, coiffée de bandeaux

à la vierge, qui se terminent en longues tresses de soie, avec une

allure timide, une physionomie ingénue et délicate. ltary-Jane,

orpheline à trois ans, avait été recueillie par sa tante et son oncle;

tout alla bien jusqu'à la naissance d'un enfant de ces braves gens.

Alors Mary-Jane changea d'attitude, puis au cours d'une épidémie

de diarrhée enfantine, l'enfant mourut et l'orpheline reprit son

caractère enjoué.

Il y a quelques jours, à la suite d'une punition, Mary-Jane dé-

clara avoir empoisonné son cousin avec du chloroforme camphré

mêlé au contenu de son biberon.

Devant la cour de Marylebone, l'empoisonneuse fait de nou-

veaux aveux : Oui, c'est moi qui ai tué le petit. Depuis sa nais-

sance, ma tante s'occupait moins de moi et cette idée m'était insup-

portable. Je suis allée chez le pharmacien et je lui ai dit que ma

1 Nous partageons absolument cette opinion qui repose sur la pratique

et la logique. Donner la direction des établissements hospitaliers à des

hommes qui ne connaissent ni les maladies, ni l'hygiène c'est un non-

sens. ( t3. )

430 FAITS DIVERS

tante, ayant malaux dents, m'envoyait acheter deux sous de chloro-

forme. J'ai versé le chloroforme dans la bouteille et le baby est

mort le même soir.

Le médecin qui a soigné l'enfant est entendu, il n'a pas soup-

çonné le crime, mais le pharmacien qui a vendu le poison est très

affirmatif. Il a bien vendu pour deux sous de chloroforme cam-

phré à Mary-Jane au jour qu'elle indique et qui coïncide avec le

décès de l'enfant. Il se rappelle aussi que la petite fille a prétexté

une rage de dents de sa tante pour expliquer cet achat, puis

l'oncle de l'accusée apprend au tribunal qu'après la scène des

aveux Mary-Jane a essayé d'empoisonnerses bienfaiteurs en jetant

des sous de cuivre dans le pot-au-feu. - Aussi je ne veux plus

d'elle, ajouta-t-il en pleurant, elle nous tuerait tous les deux !

Mary-Jane Scull a écouté ces témoignages et ces accusations sans

manifester ni émotion ni inquiétude. De temps en temps elleinter-

rompt froidement son oncle et sa tante pour leur crier : - C'est

bien fait ! Pourquoi me négligiez-vous pour le baby ? Si vous ne

l'aviez pas aimé plus que moi, je ne l'aurais pas tué. Cela vous

apprendra. Maintenant je vois bien que vous ne m'aimez pas, et je

ne veux plus vivre avec vous... Le juge a maintenu l'arrestation de

cette effrayante enfant, et il a ordonnéun supplément d'enquête en

même temps qu'un examen médical. (X[3 : e Siècle, 11 fév.)

Nous enregistrons ce fait à titre de document pour servir à l'his-

toire de la folie chez les enfants et les adolescents. Il y aurait inté-

rêt à réunir sous forme de thèse ou de mémoire les faits analogues.

FAITS DIVERS.

Asile d'aliénés. Promotions et mutations : M. le Dr DUBOUR-

DIEU, médecin en chef de l'asile de Pau est élevé à la classe excep-

tionnelle (13 mars); M. le Dr REY, directeur de l'asile d'Aix est

élevé à la classe exceptionnelle (23 mars); M. le D' l\IARTlNENCQ,

directeur-médecin de l'asile de Dury est élevé à la classe excep-

tionnelle (23 mars); M. le Dr PILLEYRE, directeur-médecin de

l'asile de Prémontré, est élevé à la classe exceptionnelle (23 mars);

- vu. le D1' Sérieux, médecin-adjoint à l'asile de Villejuif est nommé

avec le même grade à l'asile de Ville-Evrard, et fera fonction de

médecin en chef chargé spécialement du service des alcooliques

(23 mars); M. le or TOULOUSE, médecin-adjoint à l'Asile Clinique,

bulletin bibliographique. 431

est nommé avec le même grade à l'asile de Villejuif, en remplace-

ment de M. le D'' Sérieux (23 mars); - ici. leur Brunet, directeur-

médecin de l'asile d'Evreux, en retraite, est nommé directeur hono-

raire de cet établissement (30 mars); M. le Dr BnoQU>`nF,

directeur-médecin de l'asile de la Roche-Gandon, est élevé à la

deuxième classe du cadre (30 mars) ; M. le Dr FEBVRÉ, médecin

en chef de l'asile de Ville-Evrard est élevé à la classe excep-

tionnelle.

Famille d'idiots. - M. X... a épousé Ahie Y... et en a eu 6 enfants

dont deux, des filles, sont idiotes. Le frère de M11e Y... a deux filles

et un garçon qui sont idiots. Ces deux familles appartiennent à la

haute bourgeoisie d'une des grandes villes du Midi : « C'est une

famille de a Saints » nous dit-on. Mieux vaudrait une famille de

« Sains 1).

BULLETIN, BIBLIOGRAPHIQUE.

Ballet (G.) - Leçons de clinique médicale (Psychoses et affections

nerveuses). - Volume in-8°, de vi-451 pages, avec 52 ligures. - Prix :

9 francs. - Paris, 1891. - Librairie 0. Doin.

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pleurésies purulentes de l'enfance. - Volume m-8° de 80 pages. -

Paris, 1896. - Librairie G. Steinheil.

Bormrr.n (11.). Précis d'élect rolhérapie . - Volume in-18 jésus cartonné,

de 600 pages, avec 146 ligures. - Prix : 8 francs. - Paris, 1897. -

Librairie J.-B. Baillière et tüs.

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208 pages. - Paris, 1891. - Libl'8.irie G. Slelnheil.

Buschan (G.) - l31bliographischeu Semesterberichl der l : nscheinun7en

au( den gebieler der Neurologie unrl Psychiatrie. - Volume in-8° de

156 pages. - Iéna, 1896. - Verlag von G. Fischer. - Publication très

soignée à consulter. 0

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in-8, de 281 pages (New-York, 1891). - Paris, chez l'auteur.

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leeble-minded Clrilclnezz, Elivyii, Delawcere Counly. - Brochure in-8',

de 41 pages, avec 12 planches. - Philadelphia, 1896. - Me Fetridge.

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Eille Etileiliiiiq ;;111' Uulersuc/utng Nervonlcranher. - Volume m-8" de

262 pages, avec 52 figures. - Berlin, 1897. - Librairie Fischers.

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de 133 pages. Montpellier, 1897. Imprimerie du Nouveau Montpel-

lier médical.

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in-8° de vi-13G pages. Berlin, 1897. Veilag von S. Karger.

Marage. Note sur'un nouveau cornet acoustique servant en même

temps de masseur du tympan. - Brochure in-8° de 16 pages, avec

9 figures. Paris, 1897. Librairie G. basson.

1\'I-,Tll BIENÇIL REPORT of lhe direclors and officiers of the Minnesota

Instilute for dereclives. Brochure in-8°, de 79 pages, avec 3 figures.

Saint Paul (Mim.), 1897. Pioners Press Company. ,

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P.111,11.IS (B.). - Étude sur la périodicité citez l'homme sain et malade :

loi de périodicité biologique et ses applications il la pathogénie de

Vhydarlrose et de 1'liyÉl ? -oizéplii,ose intermittentes, et il la thérapeu-

tique. Brochure de a2 pages. Albi, 1897. Chez l'auteur.

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point de vue du développement des maladies nerveuses et mentales

(Aperçu médico-1t ? al). - 111-8- de 226 pages. - Paris, 1897. Librairie

J.-B. Baillière et fils.

Riche (P.). Le goitre exophtalmique. Interprétation nouvelle.

Volume in-8°, de 97 pages. Paris, 1897. Société d'éditions scien-

tifiques.

RODET (P.). Morphinomanie el morphinisme. Volume in-18 car-

tonné, de mo-331 pages. - Paris, 1897. Librairie F. Alcan.

S.OE : ,(GER (A.) Die bClll'theilull[1 der zervener7crarzkungerz nachun fall.

- Brochure in-8°, de 90 pages. - Stuttgart, 1896. - Verlag von F. Lnke.

Santé DE SAXCTIS E Montessori (M.) Suite considelle allucinazioni

anlagonisliche. Brochure in-8°, de 17 pages. -lloma, 1897. Societa

éditrice Dante Alighieri.

Second A1\U1L report OF the BOABD 01·· managers oJ' l7te Rome State

Cuslodial Asylum at Home (N, l'.) for the year Gzzclin7 seplember 30,

1896.-Brochure in-8°, de 60 pages. Albany and New-York, 1897. -

Wynkoop Hallenbeck Crawford Co.

Tanzi (E.). -I Gianili délia psicologia. Brochure in-8°, de 19 pages.

Estratto dal Discorso Inaugurale dei' anno accademico 1896-97.

Thirtl amnuul report of the boarcl of managers of Crairl cotony to Ille

stale boyard o/' Charités, Brochure in-80, de 70 pages, avec planches

hors texte. Bulfalo, 1896. The llatthews-lVerthrult Co.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Cli. Hémsssr, iiiip. - 497.

Vol. III. Juin 1897. N° 18.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE.

SUR LA PÉRIODE TERMINALE DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE

ET SUR LA MORT DES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX;

. Par le D' F.-L. ARNAUD,

Médecin de la maison de santé de Vanves.

L'histoire de la paralysie générale a donné lieu, en ce qui

concerne ses premières périodes, ses différentes formes clini-

ques, sa nature et sa curabilité, à d'innombrables contro-

verses. Sur tous ces points l'accord est bien loin d'être réalisé

encore.

Il en est tout autrement de la période terminale de la mala-

die et de la mort des paralytiques généraux. Ici, les auteurs

sont unanimes dans une opinion traditionnelle qui, depuis

Bayle et Calmeil, n'a pas sensiblement varié. Quelques cita-

tions vont montrer en quoi consiste cette opinion.

Bayle ', qui a établi la division de la paralysie générale

en trois périodes, distinguait trois degrés dans la période

terminale. Au 2 degré de la 3e période, écrivait-il en 1826,

« les malades ne peuvent plus se soutenir d'eux-mêmes; ils

sont obligés, pour faire quelques pas, de saisir les objets

environnants ou de s'appuyer aux murs. Enfin, il vient sou-

vent un moment où les membres sont tout à fait incaables de

maintenir le tronc, quoiqu'ils conservent d'ailleurs encore des

' t1.-L.-J. Bayle. Traité des maladies du cerveau et de ses mem-

brantes. Paris, Gabon et C", 1826.

Archives, 2° série, t. III. 28

434 PATHOLOGIE MENTALE.

mouvements volontaires » (p. 309). Au 3° degré de la 3° pé-

riode, « les malades ne peuvent ni marcher, ni se soutenir sur

leurs jambes, ni même se soutenir assis et attachés, on est

obligé de les laisser dans leur lit » (p. 513). Il signale comme

habituelles l 'infiltration des jambes, les 6scAa ? 'es gangreneuses

et profondes (p. 1530).

A la même époque, Calmeil' traçait un tableau de tous

points semblable. Presque toujours, au 3e degré, « les extré-

mités inférieures sont devenues tellement faibles que le para-

lytique ne peut plus se tenir debout; dès qu'il cherche à

abandonner le fauteuil sur lequel il repose, les cuisses et les

jambes refusent de soutenir le poids du corps, et le malade

retombe pesamment sur son coussin. Un temps viendra même

où étant assis l'aliéné ne pourra plus ni soulever ni étendre

les jambes. La peau se dénude, et des eschares profondes se

forment sur les points du corps les plus saillants... Il est rare

que la mort survienne uniquement par suite des altérations

qui existent dans le cerveau ; à peu près constamment les

organes abdominaux ou thoraciques s'affectent... » (p. 77, 79).

L'opinion de Calmeil n'avait pas varié en 18592 : « Il arrive

un moment où les lésions ne comportent plus que des mou-

vements singulièrement restreints : d'abord les paralytiques

cessent de se tenir en équilibre sur leurs jambes, puis ils

cessent de garder leur équilibre même quand ils sont assis; on

se voit contraint alors de les maintenir à demeure dans leur

lit. Lorsque la mort n'arrive qu'au dernier terme de l'épuise-

ment, les talons, les hanches, le siège se couvrent presque

nécessairement d'eschares gangreneuses ou de vastes foyers

de suppuration n (I, p. 28S).

Plus près de nous (1878), nous rencontrons la même des-

cription dans l'excellent article écrit par A. Foville dans le

Dictionnaire de Jaccoud : « Lorsque les malades sont arrivés

à la période terminale,... les mains ne peuvent rien faire, les

jambes ne peuvent supporter le corps ; le malade partage son

temps entre le lit et un fauteuil, où il a peine à se soutenir et

où il s'affaisse toujours du côté précédemment affaibli...

Misérables grabataires, les aliénés paralytiques, à leur déclin,

' L.-F. Calmeil. De la paralysie considérée chez les aliénés. Paris,

J.-B. Baillière, 1826.

2 Calmeil. Traité des maladies inflammatoires du cerveau, 2 volu-

mes. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1859.

PÉRIODE TERMINALE DE LA PARALYSIE GENERALE. '435

végètent dans leur lit, ne pouvant ni marcher, ni se tenir

debout, ni rien faire d'utile de leurs mains... ; alors, mais

alors seulement leur déchéance irrémédiable justifie le terme

de paralysie générale... C'est donc à son mode de terminaison

seul que la maladie doit son nom ». La mort se produit par des

mécanismes très différents : 1° agitation, fonte paralytique et

marasme nerveux ; 2° attaques congestives ; 3° asphyxie

alimentaire ; 4° enfin, lorsque aucun des accidents que nous

venons d'énumérer n'enlève le malade d'une manière préma-

turée, il s'épuise lentement et finit par succomber sous l'in-

fluence seule des progrès de la paralysie générale... »

Sans insister autant, le professeur Bail ' émet une opinion

analogue : « Presque toujours, vers la fin de la maladie, on

voit survenir un amaigrissement rapide et prononcé, qui s'ac-

compagne assez souvent de diarrhée et de marasme (p. 860).

A la 3° période, la paralysie envahit les membres enfin, des

eschares se développent sur plusieurs points, annonçant une

fin prochine » (p. 873).

D'après Régis 2, . « les malades en arrivent à ne plus quitter

leur lit, à devenir grabataires, et bientôt, sous l'influence de

l'altération du système nerveux, ils présentent des troubles

trophiques et de dégénérescence divers, tels que : amaigrisse-

ment cachectique, tendance aux fractures et aux luxations...

abcès..., eschares du sacrum, des fesses, du talon (p. 446).

La mort a lieu soit par les progrès mêmes de la déchéance phy-

sique (marasme ou cachexie paralytique), soit par le fait d'une

complication quelconque, soit enfin à la suite d'attaques conges-

tives (p. 448) ».

Pour Magnan et Sérieux 3, « la période terminale..., la mar-

che devient impossible ... Le patient, forcé de garder le lit, s'é-

teint dans un état de profond marasme... ; il n'est pas rare de

le voir emporté plus tôt par une attaque épileptiforme ou une

pneumonie (p. 12). - A la période ultime..., sensibilité, mou-

vements volontaires, états psychiques conscients, toutes les

manifestations de l'activité de l'écorce sont anéanties (p. des

1 B. Bail. Leçons sur les maladies mentales, 2° édition. Paris,

Asselin et Houzeau, 1890.

2 E. Régis. Manuel pratique des maladies mentales, 2° édition.

Paris, 0. Doin, 1892.

3 Magnan et Sérieux. - La paralysie générale, collection Léauté. Paris,

Masson, 1894.

436 PATHOLOGIE MENTALE.

Les paralytiques meurent de façons très diverses : la termi-

naison la plus fréquente est causée par un état de cachexie

profonde... Viennent ensuite, par ordre de fréquence pour

les causes de mort, les attaques apoplectiformes et épilepti-

formes... Citons ensuite la pneumonie (p. 100 et 101) ».

Les auteurs allemands partagent sur ce point l'opinion des

auteurs français. Kroepelin écrit qu' « à la période ultime,

les malades ne savent plus ni se mouvoir, ni se tenir debout,

et par suite ils sont contraints de rester continuellement cou-

chés dans leur lit (p. 279). La maladie se termine ordinai-

rement par la mort, qui arrive soit par un accès paralytique,

soit par extrême épuisement ; ou encore par broncho-pneumo-

nie, par suffocation, par phtisie ou par pyémio due à un

décubitusgangréneux(p. 281).

Pour Schüle ? » les troubles ataxiques observés au début

dans les muscles du tronc et des extrémités continuent à

s'accentuer pour arriver à une paralysie complète ; de sorte

que le malade devient incapable de marcher, de se tenir debout,

est dans l'impossibilité de faire des mouvements avec les

bras (p. 336). Enfin, arrive la mort : 1° par marasme et

thrombose marastique ; 2° par pneumonie; 3° par convulsions;

4° enfin par une maladie intercurrente, pneumonie, pleurésie,

eschares et septicémie, larges phlegmons gangreneux, etc.

(p. 348) ».

Enfin d'après Krafft-Elung3, « la forme du stade terminal

est une et la même pour tous les malades, quelle qu'ait été

l'évolution ou la forme de la période intervallaire... La démar-

che devient impossible..., les mains sont devenues inutili-

sables... et le malade périt par suite du décubitus gui peut

ouvrir même la cavité vertébrale, par la pyémie, par la pneu-

monie..., ou encore par suite d'un accès épileptiforme ou

apoplectiforme (p. 669) ».

Il serait facile de multiplier ces citations. Dans tous les

travaux consacrés à la paralysie générale on retrouve une

description à peu près identique. On peut la résumer ainsi :

1 Kroepelin. Compendium de psychiatrie. Traduction italienne de

Bruggia et Bonfigli. Leonardo Vasard], Milano, 1886.

2 II. Schule. Traité clinique des maladies mentales. Traduction

Dagonet et Duhamel. Paris, Lecrosnier et Babé, 1888.

3 Krafft-Ebing. - Traité clinique de psychiatrie, 5° édition. Traduction

E. Laurent. Paris, Maloine, 1897.

PÉRIODE TERMINALE DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 437

à la dernière période de leur maladie, les paralytiques géné-

raux deviennent complètement impotents. Bien que la para-

lysie demeure toujours incomplète, les malades s'affaiblissent

au point de ne pouvoir plus marcher, de ne pouvoir même

plus se soutenir. Confinés au lit ou dans un fauteuil, ils mai-

grissent, ils subissent la fonte paralytique, ils ont des eschares

et ils s'éteignent enfin dans le marasme, à moins qu'ils ne

soient prématurément emportés soit par quelque affection

intercurrente (pneumonie ou diarrhée colliquative, par exem-

ple), soit par une complication dont la plus fréquente est

peut-être l'ictus épileptiforme, soit enfin par un accident tel

que l'asphyxie alimentaire, etc.

Cette manière de voir n'est pas fausse, mais, à mon avis,

elle est beaucoup trop exclusive. Les faits que j'ai observés,

depuis 1889, à la maison de santé de Vanves, la contredisent

fréquemment. Il n'est pas rare du tout de voir des paralyti-

ques mourir de leur paralysie générale, et non d'un accident

quelconque, ayant conservé jusqu'à la fin la liberté de leurs

mouvements et n'ayant jamais passé par une phase de séjour

forcé au lit. Il est étrange que la possibilité de ces cas n'ait

pas été indiquée, même à titre exceptionnel.

J'ai réuni tous nos cas de paralysie générale terminée par la

mort, pendant ces sept dernières années; ils sont au nombre

de trente-trois. Ce chiffre n'est pas très considérable, mais il

a sa valeur, et d'autant plus que, réparti sur une période de

sept années, on ne peut guère objecter qu'il corresponde à

une série exceptionnelle.

J'ai déjà présenté sur ce sujet une note à la Société médico-

psychologique, dans la séance du 30 novembre 1896. Si j'y

reviens aujourd'hui, c'est que la question me paraît avoir un

sérieux intérêt, à la fois théorique et pratique.

Mon intention n'est pas de décrire dans son ensemble la

période terminale de la paralysie générale, ni d'étudier com-

plètement la mort des paralytiques généraux. Je laisserai de

côté tout ce qui concerne l'état mental pour m'occuper seule-

ment de l'état général des malades et, plus particulièrement,

de l'état des fonctions motrices. J'indiquerai ensuite, d'après

mes observations, comment ces malades meurent le plus sou-

vent ; et enfin je rechercherai s'il n'est pas possible de dé-

duire des faits exposés quelques résultats utiles en clinique.

Tous mes malades étant des hommes, c'est à la paralysie

438 PATHOLOGIE MENTALE.

générale masculine seule que devront s'appliquer mes conclu-

sions.

I. Période terminale. Plus de la moitié de nos paralyti-

ques - exactement 18 sur 33 - sont morts debout. Avec

M. Falret, nous entendons par là les malades qui ont été

atteints par la crise finale alors qu'ils conservaient encore,

avec un bon état général, l'intégralité de leurs mouvements,

et qui pouvaient aller et venir dans la maison sans gêne no-

table. A aucun moment, ces 18 malades n'ont réalisé le

tableau classique du paralytique général à sa dernière période.

Ils étaient plus ou moins affaiblis, leurs mouvements étaient

plus ou moins embarrassés, mais la marche restait relative-

ment aisée.

Cinq autres malades, plus affaiblis que les précédents,

avaient de la peine à quitter leur lit ou leur fauteuil, mais

depuis peu de temps seulement, quelques jours, quelques se-

maines au plus.

Chez les 10 derniers, l'affaiblissement, l'impossibilité à peu

près complète de se mouvoir et, par suite, le séjour forcé au

lit, remontaient à plusieurs mois. Ceux-là se sont montrés

plus respectueux de la tradition. Nous verrons plus loin que

tous ces malades longtemps affaiblis, présentaient certains

symptômes particuliers.

Même dans cette dernière catégorie, aucun des malades

sauf un dont nous reparlerons tout à l'heure n'a présenté

cet amaigrissement, cette cachexie, cette fonte paralytique,

signalés par tous les auteurs comme caractérisant la période

finale de la paralysie générale. Aucun n'a eu d'eschare véri-

table. Chez quelques-uns, on a observé des érosions, des exul-

cérations superficielles aux fesses et au sacrum, sur les points

en contact habituel avec l'urine et les matières fécales. Un

autre s'est fait au coude une plaie du même genre, par suite

d'un continuel fro'ttement sur ses draps. Chez tous, ces lésions

ont disparu en quelques jours sous l'influence de soins de pro-

preté et de quelques précautions antiseptiques.

II. Mort. - Nos 33 cas de mort se répartissent en 3 groupes

fort inégaux, suivant que la mort a résulté d'un ictus cérébral,

d'une affection intercurrente ou d'un état de marasme.

1. Le premier groupe est de beaucoup le plus nombreux :

il comprend 26 morts par ictus, presque toujours épilepliforme;

ce chiffre représente les 4/5 du total des 33 morts.

PÉRIODE TERMINALE DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 439

2. Dans le 2e groupe, celui des morts par affection intercur-

rente, étrangère à la paralysie générale, nous trouvons 6 cas :

trois fois, mort rapide par affection broncho-pulmonaire aiguë ;

deux fois, mort subite attribuée à une insuffisance aortique

reconnue pendant la vie; une fois enfin, accidents gastro-

intestinaux ayant enlevé le malade en quelques jours.

3. Le 3e groupe est réduit à l'unité. Il comprend un seul

malade qui a fini dans le degré le plus avancé de l'usure orga-

nique, dans l'épuisement, dans le marasme total. Mais la phy-

sionomie clinique de son affection était bien spéciale. Après

avoir présenté tous les signes physiques et psychiques d'une

paralysie générale expansive, y compris plusieurs ictus dont

le dernier se produisit 2 mois avant la mort, ce malade a été

confiné au lit pendant plus de 4 ans. Ses membres inférieurs

complètement paralysés étaient le siège d'une atrophie mus-

culaire considérable avec rétraction telle que le corps était

complètement recroquevillé sur lui-même; les cuisses étaient

fléchies à angle aigu sur l'abdomen, les jambes pareillement

fléchies sur les cuisses, de sorte que les pieds étaient mainte-

nus constamment au-dessus du plan du lit, sans point d'appui.

J'ai vu le malade dans cette position pendant plus de trois ans.

Les membres supérieurs conservaient quelques mouvements

d'ensemble; mais les avant-bras et les mains, très atrophiés,

étaient immobilisés par la contracture; les mains étaient dé-

formées en griffe.

La parole était supprimée pendant les trois dernières an-

nées de la vie, et la déglutition était devenue presque impos-

sible. Après la mort qui survint neuf ans après l'entrée du

malade à Vanves, tous les efforts restèrent impuissants à re-

dresser les membres rétractés. L'autopsie n'a pas été faite;

mais il est bien évident qu'il y avait dans ce cas des complica-

tions médullaires étendues.

Il est intéressant de relever, ici encore, qu'il n'a pas été ob-

servé de ces eschares si graves, dont les auteurs tracent l'ef-

frayant tableau. Toutes les conditions favorables se trouvaient

cependant réunies. Il n'y a pas eu autre chose qu'un certain

nombre d'eschares superficielles, limitées au point où le frotte-

ment était le plus accentué, et elles ont toutes guéri sans

complications d'aucun genre. Au moment de la mort, il n'en

existait pas. \

En résumé, la mort de nos 33 paralytiques généraux a été

440 PATHOLOGIE MENTALE.

due 26 fois à un ictus cérébral, 6 fois à une affection inter-

currente, une seule fois à l'épuisement et au marasme.

Si nous examinons rapidement les rapports qui ont existé

entre l'état des malades avant la mort, entre la durée de la

maladie et entre le genre de mort, nous obtenons les résultats

suivants :

Les 6 malades qui ont succombé à des affections intercur-

rentes sont tous mort debout sans avoir traversé une période

d'affaiblissement considérable. La durée de la paralysie géné-

rale, dans ces cas, a été assez courte : deux ans en moyenne.

Les 26 malades qui sont morts par ictus cérébral forment

deux catégories. La première comprend ceux qui sont égale-

ment morts debout; ils sont au nombre de 12. Chez eux, la

maladie a duré un peu plus longtemps que chez les précédents

2 ans '1/2 en moyenne. Dans la deuxième catégorie se rangent

14 malades emportés par ictus cérébral, mais après une

période d'affaiblissement plus ou moins marqué. La durée

moyenne de la paralysie générale a été ici notablement plus

longue que dans les deux groupes précédents puisqu'elle atteint

4 ans 1/2. Dans un cas à début tabétique la maladie a duré

plus de 10 ans. Pour un autre, appartenant à la variété épi-

leptique, la durée totale a dépassé 7 ans. Enfin, dans le cas

unique terminé par le marasme, la durée a été de 9 ans.

Il est bien évident que tous oes chiffres relatifs à la durée

sont inférieurs à la réalité, puisque nous n'avons pu le plus

- souvent faire remonter le début qu'à une époque où la maladie

était déjà bièn apparente pour l'entourage.

Des constatations qui précèdent se dégage cette première

conséquence qu'il y a tout au moins une grande exagération

dans l'opinion traditionnelle nous montrant le paralytique

général à la troisième période toujours immobilisé dans son

fauteuil d'abord et dans son lit ensuite, par l'impossibilité de se

mouvoir. Il n'est pas dans ma pensée de soutenir cependant

que tant d'observateurs sagaces se soient trompés d'une

manière absolue. Ils ont bien décrit ce qu'ils ont vu, mais ce

qu'ils ont vu tenait, je le crois, moins à la maladie elle-même

qu'à une tout autre cause. Les paralytiques parvenus à une

période avancée sont plus ou moins affaiblis, ils gâtent copieu-

sement, ils sont très malpropres et de toute façon. Il est donc

nécessaire de les soumettre, le jour et la nuit à une surveillance

très active; de leur prodiguer des soins minutieux d'hygiène

PÉRIODE TERMINALE DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 441

et de propreté; de leur appliquer un traitement et un régime

individuels, variables avec chaque malade et suivant l'état de

ses forces, de ses fonctions digestives, etc. Pour cela il serait

indispensable d'avoir des services d'asile non surchargés de

malades et, au contraire, riches en infirmiers. Sans insister

plus qu'il ne convient sur ce sujet, je suis très convaincu que

si l'on mettait fin au système d'encombrement à outrance de

nos asiles, si l'on doublait le chiffre des infirmiers dans les

quartiers de gâteux et d'affaiblis, on verrait diminuer brus-

quement et dans une forte proportion le nombre des paraly-

tiques alités et aussi les complications auxquelles sont exposés

ces malades.

Il serait évidemment exagéré de dénier à la paralysie géné-

rale toute espèce d'influence dans la production des troubles

trophiques. Comme toute maladie chronique grave, la para-

lysie générale altère la nutrition dans son ensemble. Mais ces

troubles ne sont, à beaucoup près, ni aussi fréquents, ni aussi

graves qu'on l'a dit généralement. On a observé, chez des

paralytiques généraux, le zona, le mal perforant, la chute des

ongles et des poils, etc. Mais, en regard du nombre immense

des malades, ces faits sont vraiment très rares, si rares que

l'on est en droit de se demander s'ils ne sont pas sous la

dépendance de quelque complication (lésions de la moelle ou

des nerfs périphériques). Quant aux eschares, qui constituent

le trouble trophique le plus sérieux et le plus souvent observé,

il en est d'elles comme de la prétendue prédisposition aux

fractures chez les paralytiques. Dans un très grand nombre

de cas, elles ne sont pas un effet direct de la paralysie générale.

Sur ce point, d'ailleurs, plusieurs auteurs récents, notamment

MM. Christian et Ritti, Magnan et Sérieux, G. Ballet, font les

plus expresses réserves ; ils pensent que la production des

troubles trophiques, des eschares, des gangrènes, etc., est

infiniment amoindrie par une hygiène et des soins bien

entendus. A propos de ma communication à la Société médico-

psychologique, MM. Christian Vallon, Falret, Dupain, ont

conclu dans le même sens'.

Une deuxième conséquence que je tiens à indiquer est rela-

tive à la cause immédiate de la mort. Je rappelle que les 4/5 de

nos malades, 26 sur 33, ont été emportés par un ictus cérébral

' Voir Annales médico-psycholo,qiques, 1897, t. V, p. 94 et suivantes.

442 PATHOLOGIE MENTALE.

le plus souvent épileptiforme. Il me semble encore que ce

rèsultat n'est pas conforme aux enseignements classiques. Si

tous les auteurs signalent la fréquence des ictus dans le cours

de la paralysie générale, ils ne leur attribuent guère qu'un

tiers des décès environ, et presque tous rangent ces ictus dans

les complications de la maladie. Cette complication - de même

que les affections intercurrentes, l'asphyxie par bol alimen-

taire, etc. arrêterait la marche naturelle de la paralysie

générale, marche naturelle dont l'aboutissèment serait l'épui-

sement et le marasme. Sans entrer dans une discussion détaillée

je me prononcerai volontiers pour une opinion précisément

inverse. Je considère les attaques apoplectiformes ou épilepti-

formes non comme une complication de la paralysie générale,

mais comme un symtôme propre de la maladie et, de plus,

comme sa terminaison naturelle et la plus fréquente. Le para-

lytique succombe normalemen à une de ces attaques, lorsque

le cours de sa maladie n'est pas interrompu par quelque affec-

tion intercurrente, accidentelle, dont le prétendu marasme

n'est d'ordinaire qu'une variété méconnue.

Il me reste maintenant à montrer les applications cliniques

que me semblent comporter les chiffres et les faits consignés

dans ce travail.

J'ai dit plus haut que, dans les cas où la paralysie générale

s'est terminée par une période plus ou moins longue d'impo-

tence motrice, les malades ont présenté quelques symptômes

particuliers. Je veux parler de phénomènes spasmodiques

assez intenses, de raideurs musculaires, surtout apparentes

dans les mouvements passifs, même de contractures plus ou

moins étendues. Ces symptômes sont bien connus dans la para-

lysie générale, et les premiers auteurs les ont décrits très

nettement. Mais je ne sache pas qu'on les ait mis en rapport

avec telle ou telle modalité de la période terminale de la mala-

die. Mes observations me portent à croire qu'il existe un rap-

port de ce genre. Chez tous nos malades qui sont restés

longtemps immobilisés avant leur mort, j'ai noté des symp-

tômes spasmodiques bien manifestes, qui étaient certainement

la cause principale de l'impotence fonctionnelle. Apparaissant

assez longtemps avant la période d'immobilisation, ils s'aggra-

vent et persistent d'ordinaire jusqu'à la mort. Au contraire, ils

n'existaient pas ou n'existaient que très atténués chez les

malades qui sont morts debout. 1

PÉRIODE TERMINALE DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 443

Ces deux catégories de malades m'ont paru se distinguer en-

core cliniquement par une différence dans la fréquence et dans

la gravité des ictus cérébraux, dont les uns et les autres sont

atteints. Chez ceux qui n'ont pas présenté de phénomènes

spasmodiques, voici ce qui se passait d'ordinaire : un ou deux

ictus peu graves, souvent apoplectiformes, à la première

période de la maladie. Puis, un long intervalle (un an, deux

ans et plus) sans ictus. Enfin, un violent ictus épileptiforme

emportait rapidement le malade. Chez les malades à symptômes

spasmodiques, les ictus sont plus nombreux et plus rap-

prochés ; l'accident terminal se fait plus longtemps attendre et

il est toujours précédé d'une phase d'affaiblissement très ap-

préciable. '

On pourrait donc semble-t-il, d'après ces données, établir

deux grandes variétés dans l'aspect clinique de la paralysie

générale à son déclin : une première variété serait caractéri-

sée par la simple ataxie des mouvements, par des ictus peu

nombreux mais rapidement mortels, et enfin par ce fait que

les malades conservent jusqu'à la fin le pouvoir de marcher

sans appui. La seconde variété serait compliquée de phéno-

mènes spasmodiques, les ictus y seraient généralement nom-

breux et assez rapprochés, la mort ne surviendrait qu'après

une période d'impotence musculaire (sans paralysie vraie) et

de séjour obligé au lit; dans cette seconde variété, la maladie

aurait habituellement une durée plus longue.

Dès la période d'état, on peut prévoir la terminaison future,

d'après l'absence ou l'apparition des symptômes spasmodi-

ques. S'il est vrai que ces symptômes dépendent de lésions

médullaires ', on pourrait caractériser cliniquement et anato-

miquement les variétés en question en les désignant ainsi :

variété ataxique ou cérébrale, variété ataxo-spasmodique ou

céébro-spi7aale. Il est bien entendu que ces termes n'ont rien

d'absolu et qu'ils s'appliquent uniquement à des prédomi-

nances de symptômes.

Toute interprétation laissée de côté, il reste qu'en fait la

paralysie générale se termine de façons diverses et qu'il y a

lieu de remanier complètement, en ce qui concerne les signes

physiques, le tableau uniforme que les auteurs ont tracé de sa

période finale :

' Voir à ce sujet, l'intéressante thèse de M. Trénel. Symptômes

spasmodiques dans la paralysie générale. Paris, Steinheil, 1894.

444 PATHOLOGIE MENTALE.

I. S'il est très vrai que beaucoup de paralytiques vont s'af-

faiblissant progressivement jusqu'à perdre, plus ou moins long-

temps avant la mort, le pouvoir de marcher et de se soutenir,

il n'est pas moins certain qu'un grand nombre d'entre eux, la

moitié peut-être, meurent debout, conservant jusqu'à leur

mort une liberté de mouvements assez grande pour aller et

venir sans appui. Ces deux catégories de malades se distin-

guent principalement par la précoce apparition chez les pre-

miers (les impotents) de raideurs musculaires, de spasmes

très accentués, de contractures plus ou moins durables, tandis

que, chez les seconds, ces symptômes manquent ou n'existent

qu'à un très faible degré. L'anatomie pathologique nous

donnera sans doute l'explication de ce fait clinique, qu'il n'est

pas indifférent pour le médecin de connaître et de prévoir.

II. Il me paraît également incontestable que les ictus céré-

braux jouent un rôle prépondérant dans la mort dès paraly-

tiques : ils en sont la cause naturelle et la plus fréquente.

III. Quant aux troubles trophiques, si libéralement attribués

à la paralysie générale, la plupart deviendront exceptionnels

lorsque les médecins seront bien persuadés qu'ils ne sont pas

une conséquence nécessaire de la maladie et qu'on peut ordi-

nairement en empêcher la production.

Je rappellerai, en terminant, un intéressant travail pré-

senté par M. Rist à la Société médico-psychologique, en jan-

vier 1890 1. Cet aliéniste distingué a étudié surtout les rap-

ports des signes physiques avec l'état mental et le délire, et

il conclut aussi à l'existence de variétés distinctes dans les

dernières périodes de la paralysie générale. Contrairement à

l'opinion traditionnelle, tout n'est donc pas dit sur cette ques-

tion ; à l'étudier de près, il y a un égal intérêt pour l'exacti-

tude du pronostic et pour une plus juste appréciation de la

nature de la maladie.

. Voir Annales médico-psychologiques, mars 1890.

ASILES D'ALIÉNÉS.

RÈGLEMENT DU 0 MARS 1857.

RÉPONSE A M. LE D MARANDON DE MONTYEL;

Par le D' TAGUET.

Il est écrit que rien ne doit trouver grâce devant M. Maran-

don de Montyel ; les lois et les règlements sur les aliénés, que

nos devanciers ont eu tant de peine à établir, sont condamnés

à aller rejoindre les vieilles lunes ou la vieille ferraille. Les

morceaux en sont heureusement bons et nous allons chercher

à les recueillir. Dans un article inséré dans les Archives de

Neurologie de février dernier, M. Marandon s'en prend au

règlement du 20 mars 1857 qui, selon lui, ne répond plus aux

besoins actuels, aux idées régnantes. Nous reconnaissons que

tout règlement est susceptible de modifications, de réformes;

mais il s'agit bien de réformes ici, c'est de l'inédit qu'il faut

à l'esprit nouveau. Sous ce rapport le projet qui nous est sou-

mis ne laisse rien à désirer, reste à savoir s'il est appli-

cable, s'il ne constitue pas un progrès à rebours. Que dit ce

règlement tant incriminé ? Notre collègue va nous l'apprendre

lui-même : '

« D'après les prescriptions ministérielles, les aliénés ne peuvent

être visités par leurs parents ou leurs amis que sur une permission

écrite du médecin en chef, soumise au visa du Directeur. Puis les

visites se font au parloir ou dans les jardins sous la surveillance des

infirmiers et : infirmières; dans les cas exceptionnels de convenance

ou de nécessités reconnus par les médecins en chef et le Directeur,

elles peuvent se faire dans les divisions et dans les chambres des

pensionnaires. Elles ont lieu à jour et à heures fixes, mais leur

durée peut être limitée à un temps déterminé dans la permission

du médecin en chef et, en outre, elles doivent immédiatement

cesser toutes les fois qu'elles ont pour effet d'agiter le malade. Enfin,

aucun aliéné ne peut faire de promenades extérieures s'il n'est

446 asiles d'aliénés.

accompagné d'un infirmier ou d'une infirmière, ou s'il n'est confié

à un parent ou à un ami qui prend la responsabilité de la surveil-

lance au seuil de l'établissement. La permission de sortie délivrée

par le médecin en chef et visée par le Directeur doit mentionner

le nom de la personne qui accompagnera ou recevra le malade et

déterminer la durée de l'absence. »

Que propose notre collègue ? Les visites à volonté, sans

fixation de jour, d'heure et de durée pour tous les aliénés sans

exception « seuls maîtres, dit M. Marandon, de les recevoir ou

de les refuser ». Voilà une façon de comprendre la liberté que

je ne m'attendais guère à trouver ici ; mais pourquoi s'arrêter

en si bon chemin et ne pas reconnaître aux aliénés toutes les

libertés possibles, même celle de conserver leurs idées déli-

rantes. Mais c'est là la négation de tout traitement moral et

médical ; c'est la consécration d'un état morbide, d'antipathies

que rien ne justifie le plus souvent et qu'une visite ménagée

à propos suffira à faire disparaître dans bien des cas; c'est, enfin,

la subordination de la volonté raisonnée à la volonté mor-

bide. On voit, sans qu'il soit besoin d'insister, les conséquences

d'une pareille théorie.

Au pensionnat de Ville-Evrard, dit notre collègue, il n'y a

ni jour ni heures réglementaires, et, « il n'est pas juste de

refuser au pauvre ce que nous accordons au riche ». Eh bien ?

C'est précisément parce que les pauvres sont dans la nécessité

de travailler durement, et chaque jour, pour gagner un mor-

ceau de pain que l'administration a pris leur cause en mains;

qu'elle a édicté un règlement qui leur donne la certitude

qu'en venant à l'asile à des jours et à des heures déterminés,

ils verront le médecin et leurs malades, sans être exposés à

attendre, parfois assez longtemps si ceux-ci sont aux ateliers,

ou aux travaux des champs. Autoriser les familles à visiter les

malades à leur gré, c'est, en outre, abandonner les visites à

la fantaisie, au caprice du moment, à une occasion fortuite. Je

ferai volontiers le pari qu'elles diminueraient dans des propor-

tions très appréciables du jour où elles seraient absolument

libres. Je lis dans le compte rendu de la Compagnie de chemin

de fer Nogentais que depuis deux ans le chiffre des visiteurs à

Ville-Evrard a baissé considérablement ; mon pari serait-il

déjà gagné ? Pour l'asile de Vaucluse le système des portes

constamment ouvertes aurait un résultat déplorable pour les

familles à qui le chemin de fer consent une réduction très

' RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857. 447

sensible, le dimanche et le jeudi, sur les billets d'aller et

retour ; cette réduction la consentirait-il pour tous les jours

de la semaine ? c'est au moins douteux. L'adoption de la me-

sure que M. Marandon nous donne sous le nom très alléchant

de « méthode nouvelle » aurait, on le voit, la triple consé-

quence de nuire aux familles, de rendre les visites moins

fréquentes, de rendre le service des asiles impossible par le

va-et-vient incessant des gardiens à la recherche des malades.

Les personnes étrangères à la vie d'asiles doivent se faire

une singulière idée de nos parloirs, on croirait vraiment assis-

ter à une scène de l'enfer de Dante, écoutez plutôt :

« C'est un épileptique qui tombe en poussant un cri affreux que

répétent effrayées toutes les femmes présentes; c'est un impulsif,

jusqu'alors paisible, qui, saisi tout d'un coup du besoin d'étrangler

sa dame, essaie de la prendre par la gorge, d'où nouveaux cris de

terreur des assistants; c'est un semi-agité qui, à l'improviste, devient

furieux et cherche à tout casser autour de lui, semant le désordre

et l'effroi dans le parloir; c'est un persécuté à qui ne plaît pas la

tête d'un visiteur qu'il prend pour un de ses persécuteurs et qu'il

veut absolument gifler; c'est un érotique qui embrasse toutes les

demoiselles et qu'on est obligé d'expulser parce qu'il n'est pas con-

venable; enfin donnant la note gaie et parfumée, c'est un gâteux

qui se soulage bruyamment et met en fuite tous ses voisins. En

vérité, le vaste parloir est uniquement tout ce qu'on pouvait ima-

giner de plus irrationnel, de plus dangereux, de plus immoral et de

plus malpropre. »

Tout cela rentre dans l'ordre des choses possibles, mais les

jours, où quelque chose de tout cela arrive, comptent dans les

annales des asiles. Dans une carrière déjà longue, je n'ai

assisté qu'à deux accidents, une tentative de viol et une ten-

tative d'assassinat accomplies l'une et l'autre, en dehors des

parloirs, dans une pièce attenante à la section, où contraire-

ment au règlement on autorisait la visite de quelques malades

privilégiés.

La création d'un petit parloir par section selon « la nouvelle

méthode »,ne ferait disparaître aucun des inconvénients signa-

lés ci-dessus et en créerait, au contraire, de nouveaux. Chaque

quartier comporte de trois à quatre gardiens, il n'en faudrait

pas moins de deux pour chaque parloir, que resterait-il pour

le reste du service, et encore admettrons-nous que le personnel

est au complet, qu'il n'y ait ni malades, ni absents. Mais ce

448 asiles d'aliénés

n'est pas seulement les malades et les visiteurs qu'il faut

surveiller, c'est encore les gardiens eux-mêmes, et comme le

surveillant en chef, à qui incombe plus spécialement ce soin,

ne saurait être partout, on ne serait pas longtemps à dire,

mais cette fois avec raison, que les parloirs par sections sont

« uniquement tout ce qu'on pouvait imaginer de plus irra-

tionnel, de plus dangereux, de plus immoral ». C'est déjà bien

assez que les visiteurs pénètrent librement dans les infirme-

ries et dans le quartier cellulaire. Dans un certain nombre

d'asiles on a approprié pour les malades dont l'existence n'est

plus que l'affaire de quelques jours, de quelques heures, une

pièce absolument indépendante où les familles peuvent assis-

ter leurs malades et recevoir leur dernier souffle ; la création de

cette pièce aurait, croyons-nous, une tout autre utilité qu'un

parloir dans chaque section.

Je ne vois que des avantages à un parloir unique, mais nous

le voudrions assez vaste pour permettre aux familles de s'en-

tretenir librement avec leurs malades sans courir le risque

d'être entendus des voisins, nous voudrions encore, comme

cela se pratique d'ailleurs à Vaucluse, qu'indépendamment du

surveillant en chef, chaque quartier y fût représenté par son

surveillant.

Si on avait parlé à nos vieux maîtres, dit notre collègue, de

laisser les malades faire collation avec les visiteurs « ils seraient

tombés foudroyés d'indignation». Qu'il se rassure, ce qu'il

considère comme un progrès, une innovation heureuse, était

la règle autrefois ; mais en présence des abus, des dangers

d'une telle mesure, on est arrivé insensiblement à la restrein-

dre ; elle n'existe guère aujourd'hui que dans quelques asiles

privés, où ces collations constituent un petit commerce sur

lequel les inspecteurs généraux ont appelé l'attention de l'ad-

ministration. A l'asile de Vaucluse nous autorisons l'entrée de

tout ce qui constitue une douceur, c'est-à-dire des fruits et des

gâteaux, mais nous reconnaissons que cette tolérance n'est pas

sans quelques inconvénients. C'est un visiteur qui sous le

prétexte de donner à son malade du café très étendu, l'enivre

avec de l'eau-de-vie ; un autre dissimule du jambon dans une

orange; un autre, enfin, gorge littéralement un paralytique et

vient en présence de son appétit se plaindre qu'il n'est pas

possible qu'on lui ait donné à manger. Il y a quelques semai-

nes un de mes malades, à l'infirmerie des gâteux, a étouffé par

RÈGLEMENT DU 20 MARS 1857. 449

une pomme; dans un autre asile, nous avons perdu, de per-

foration intestinale, un convalescent de fièvre typhoïde, à qui

on avait fait absorber quatre tablettes de chocolat coup sur

coup. Il ne se passe pas une semaine que nous n'ayons à soi-

gner des troubles de gastro-entérite contractés lors des visites

dans les parloirs ou les infirmeries. L'ingestion d'aliments est

ici d'autant plus dangereuse qu'elle se produit à l'issue du

repas de onze heures, c'est-à-dire à un moment où les malades

sont en pleine digestion. On ne peut compter sur les familles

qui, neuf fois sur dix, prennent leurs devoirs à rebours, pas

plus qu'on ne peut compter sur la surveillance des gardiens,

si parfaite qu'elle soit.

Dans une de ces boutades qui lui étaient familières le pro-

fesseur Lasègue ne reconnaissait l'utilité, dans les asiles

d'aliénés, que d'un seul agent, le concierge pour les empêcher

de sortir, c'est assez dire qu'il n'admettait ni sorties à titre

d'essai, ni permissions d'aucune sorte. Il y avait là un rigo-

risme par trop excessif, mais il n'est pas moins vrai qu'il ne

faudrait pas généraliser ces sorties outre mesure, sans perdre

tout le bénéfice d'un mode de traitement qui peut donner

quelques résultats. Les asiles d'aliénés ne sont pas des maisons

de retraite et on se fait difficilement à l'idée qu'un certain

nombre d'aliénés, M. Marandon a parlé de 200, c'est-à-dire

plus d'un tiers de sa population, soient susceptibles de villégia-

turer dans les environs de l'asile sans accident, sans inconvé-

nients pour la population. Celle de Neuilly ne s'en plaint pas,

je veux bien le croire ; cela prouve qu'elle a un bon caractère

et une bonne dose de patience. Toutes les populations ne sont

pas animées du même esprit et ne se laisseront pas mettre

aussi facilement en coupe réglée, pour ne citer qu'Armentières

et Bordeaux, où les promenades autrefois permises, ont été

interdites par ordre supérieur. Sans doute le règlement auto-

rise ces sorties, mais il les entoure de tant de formalités qu'il

semble qu'il ait voulu leur donner un caractère purement

exceptionnel, M. Marandon, en accordant ces promenades au

dehors avec tant de prodigalité, est-il bien sûr qu'il ne favorise

pas l'alcoolisme qu'il s'est donné plus spécialement le rôle de

guérir; l'union des sexes, ce qui nous promet une jolie race

de dégénérés; qu'il ne porte pas souvent un large préjudice

aux intérêts financiers du malade, la perspective d'un diner en

tête à tête vaut bien une signature, sauf à la regretter plus tard.

Archives, 2° série, t. III. 29

450 RECUEIL DE FAITS.

En résumé, des divers desiderata formulés par M. Marandon,

nous n'en retiendrons qu'un seul, et encore sans grande im-

portance, c'est celui qui consiste à ne pas imposer aux direc-

teurs une part de responsabilité dans des mesures qu'ils ne

peuvent ni autoriser, ni empêcher. Nous estimons que le règle-

ment du 20 mars 1857 n'a rien perdu de son actualité et si

jamais il a donné lieu à des abus c'est par la manière dont on

l'applique, ou plutôt dont on ne l'applique pas. Il arrivera aux

réformateurs du règlement du 20 mars 1857, au jour de la

discussion, ce qui est arrivé pour les réformateurs de la loi du

30 juin 1838, c'est-à-dire l'étalage de leur impuissance.

RECUEIL DE FAITS.

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE INFANTILE;

Par le Dr Cino L'URRIOLA (de Panama).

Guadalupe, qui se trouve parmi les hospitalisés à 1' « asile Boli.

var », est né à Panama le 12 décembre 1881. C'est le second de

neuf frères. Sa mère à eu sept couches sur lesquelles, deux fois,

elle a eu des jumeaux. Elle est morte d'éclampsie après avoir

donné le jour à deux petites filles qui n'ont vécu que quelques

heures. De ses autres enfants trois seulement vivent encore, Gua-

dalupe et deux frères jumeaux; les autres sont morts pour des causes

diverses. La première (une petite fille) est morte des suites d'un

fort traumatisme qu'elle a reçu au moment de sa naissance (la

mère se trouvait debout au moment où elle a été surprise par

l'accouchement et l'enfant est tombée sur la tête, par terre); le

troisième, six jours après sa naissance, du tétanos neonatorum; le

quatrième à deux ans et huit mois, de fièvres intermittentes; et le

cinquième est mort aussi du tétanos dans la première semaine qui

a suivi sa naissance. Leur père a aujourd'hui soixante-huit ans

et a des habitudes d'intempérance invétérées. Au moment de la

conception de Guadalupe il avait cinquante-trois ans et celle qui

était sa femme, n'en avait que vingt-huit. La différence d'âge entre

eux était donc de vingt-cinq ans. Il n'y avait entre eux aucun lien

de consanguinité.

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE INFANTILE. 4SI

Au mois de septembre 1881, c'est-à-dire quatre mois avant la

naissance de Guadalupe, sa mère fut profondément impressionnée

par les secousses de tremblement de terre dont Panama fut le

théâtre pendant plusieurs jours de suite. L'enfant naquit à terme,

en état de mort apparente et avec le crâne si tendre qu'il s'a-

platissait quand la tête reposait sur l'oreiller ou sur n'importe

quelle surface plane et. résistante. Il n'a pu prendre le sein que

huit jours après sa naissance et ce n'est qu'à l'âge de deux mois

qu'il commença à pousser les premiers cris et à pleurer à de

longs intervalles. Vers cette même époque, le crâne s'était déjà

endurci suffisamment pour conserver d'une façon définitive les

marques de déformation qu'il présente aujourd'hui. A l'âge de trois

mois, il a eu de fortes convulsions qui se répétèrent pendant une

durée d'une heure, mais depuis cette époque ce symptôme ne s'est

jamais reproduit.

Il n'a jamais marché qu'à quatre pattes et jusqu'à l'âge de six ans

on le plaçait sur une chaise à dossier et on l'y -maintenait avec

une bande d'éloffe qui enveloppait le tronc en passant sous les ais-

selles. Il restait dans cette position la plus grande partie du jour,

la tête inclinée sur la poitrine et le tronc en avant; mais à partir

de six ans il commença à s'asseoir seul et à pouvoir soutenir le

corps et la tête dans la position verticale.

Il fit ses premières dents à l'âge de six ans. Aujourd'hui il ne

possède encore que les dents de lait qui ne sont pas encore tom-

bées. Leur implantation est solide et parfaite, sauf pour les deux

incisives moyennes supérieures qui sont légèrement inclinées en

avant, et les dents sont d'un émail magnifique. La voûte du palais

est d'une forme ogivale très prononcée.

A sept ans il fit ses premiers essais dans le mode de locomotion

qu'il emploie aujourd'hui. Assis sur les fesses, les cuisses dirigées

en dehors et les jambes en dedans de manière que les talons se

touchent; il se pousse des quatre extrémités, amenant les talons

jusqu'à la racine des cuisses et laissant derrière lui les mains

appuyées sur le sol. Soutenu par les aisselles (fig. 7), le tronc s'in-

cline en avant, les cuisses entrent en adduction, les genoux se

collent l'un contre l'autre et les jambes se séparent laissant entre

elles un espace triangulaire dont la base est en bas; les pieds,

appuyés sur le bord interne, se contracturent, comme le révèle la

flexion des doigts, surtout celle de l'orteil du pied droit. Le pied

est pied plat et a des doigts dirigés en dehors. Quand on l'oblige

à faire quelques pas dans cette attitude, la marche ressemble alors

à celle de l'astasie-abasie (forme paralytique), jusqu'à ce qu'arrive le

moment où les jambes cèdent sous le poids du corps et retombent

à terre. Les jambes se maintiennent toujours froides et sont

légèrement atrophiées.

Les réflexes patellaires sont exagérés des deux côtés et le clonus

402

RECUEIL DE FAITS.

du pied existe. Le crémastérien et le plantaire sont normaux. La

sensibilité est complète dans toutes ses manifestations.

Les testicules sont descendus dans les bourses et sont de la gros-

seur d'un pois. Le pénis mesure 0 ? 03S et le prépuce permet de

découvrir le gland. Les bras et les jambes sont couverts de fins

poils follets.

Il n'y a ni strabisme, ni nystagmus et le fond de l'oeil est normal.

Il est gâteux, surtout pendant la nuit. Il se suce l'index et le mé-

Fig. 7.

PARAPLEGIE SPASMODIQUE INFANTILE.

453

dius de la main droite et la peau de ses doigts est blanche et

rugueuse. Quand il ne suce pas ses doigts, il presse convulsivement

avec la main droite les doigts de la main gauche. Il a presque

toujours la bouche ouverte et la salive s'échappe par les commis-

sures des lèvres.

A sept ans il a commencé à prononcer les mots papa et maman;

il parle avec assez de difficulté et articule si mal les paroles qu'il

les convertit en sons presque inintelligibles; il tutoie toutlemonde;

il ne manque pas de mémoire et est capable de quelque attention.

Son regard est vague et peu intelligent. Il est analpliabétique.

Mais ce qui appelle surtout l'attention dans ce cas, ce sont les

déformations que présente le crâne. Comme nous l'avons dit

déjà, Guadalupe est né avec la tête si molle qu'elle prenait la forme

Fig. S.

454 RECUEIL DE FAITS.

de la surface sur laquelle elle s'appuyait. Mais, dès la seconde

semaine de sa naissance, le crâne commença à durcir de telle

façon qu'à deux mois la tête présentait les déformations qu'on y

note en ce moment.

Le crâne est aplati de droite à gauche et élargi dans le sens

opposé; c'est par conséquent un crâne plagiocéphale ou oblique

ovalaire. En effet la région postérieure latérale droite qui comprend

une partie du temporal, du pariétal et de l'occipital (fig. 8), au lieu

de présenter la même forme arrondie que la région opposée, est

aplatie et reproduit la forme de l'oreiller sur lequel s'appuyait

cette partie du crâne pendant les premières semaines de l'existence

de cet enfant; derrière l'oreille droite la^ proéminence de l'apo-

physe mastoïdienne n'existe pas et la bosse du front, à droite, est

remplacée par une surface plane qui s'étend depuis les sourcils

jusqu'aux cheveux, ce qui fait que cette partie du front est moins

élevée que la partie opposée. Le crâne présente aussi une autre

déformation très notable, c'est son inclinaison en forme de toit,

déformation déjà décrite par Foville et appelée plus tard par Topi-

nard déformation française relevée 1. L'oreille droite, dont le lobe

est adhérent, est à un niveau supérieur à celui de l'oreille opposée et

sur un plan antérieur(5 centimètres plus en avant que la gauche). Il

n'y a pas trace de fontanelles. Les cheveux sont abondants, durs

et plats (Cholo) et forment deux tourbillons à la partie postérieure

de la tète. Le front est spacieux et mesure dans la partie moyenne

5 centimètres et demi. -

Les dimensions du crâne sont les suivantes :

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE INFANTILE. 455

mère dans la seconde moité de la grossesse sur le développe-

ment de l'infirmité avec laquelle Guadalupe est venu au

monde ; et que cette influence a prévalu sur les autres qui

pouvaient s'alléguer comme producteurs de la même maladie,

c'est-à-dire l'alcoolisme du père, la différence d'âge entre lui

et sa femme, et l'état de mort apparente de l'enfant quand il

est venu au monde ; cela se prouve par le fait que les enfants

mis au jour dans des conditions identiques, avant et après la

naissance de Guadalupe, n'ont pas souffert d'infirmités céré-

brales semblables à celle de ce dernier. S'il est certain que

Little attachait beaucoup d'importance, dans la genèse de la

maladie qui porte son nom, à l'asphyxie des nouveau-nés, on

ne doit pas considérer comme telle l'asphyxie qui disparaît

promptement, sinon celle qui a pour cause un accouchement

laborieux et une interruption de la circulation placentaire.

Dans le cas de Guadalupe, l'accouchement fut rapide et sans

aucune des circonstances qui provoquent l'asphyxie grave; ce

à quoi, en réalité, devaient s'attribuer les rares signes de vie

qui ont accompagné la naissance de cet enfant, c'est aux pro-

fondes lésions cérébrales engendrées durant les derniers mois

de l'évolution de la vie intra-utérine et qu'il a conservées avec

lui en naissant.

Clinquement parlant, ce cas forme partie du groupe varié

compris aujourd'hui sous la dénomination d'encéphalopathies

atrophiques de l'enfance, dans lequel entrent la paraplégie

spasmodique infantile ou maladie de Little, l'hémiplégie spas-

modique, la diplégie, l'athétose double, la chorée spasmodique

et l'idiotie ; groupe résultant de lésions si diverses et de locali-

sation si capricieuse qu'il est absolument impossible au clini-

cien de les prévoir '.

1 Voir une observation de Paraplégie spasmodique infantile; par

Bourneville, dans le n° 21 du Progrès médical (1897) et les leçons de

M. le prof. F. Raymond sur les Affectionsspasmo-pa1'lllytiques infantiles,

dans les nos 2, 4 et 6 du même journal (1894) et dans la Semaine médi-

cale, janvier 1897.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LIV. CONTRIBUTION A l'étude DE la paralysie ascendante aiguë

(paralysie DE LANDRY) ; par Plarce HALLES et James EwiNG. (New-

Yorlc Médical Journal, 4 juillet 1896.)

Les auteurs se proposent : 1° de décrire un cas de paralysie

ascendante aiguë, principalement au point de vue des lésions ana-

tomiques ; 2° de rechercher, d'après les cas déjà publiés, la nature

pathologique de cette maladie.

Les points intéressants de l'observation personnelle que publient

les auteurs peuvent se résumer de la façon suivante : ce cas fournit

une exacte contrepartie clinique du cas primitivement publié par

Landry et présente des symptômes qui sont considérés par les

auteurs postérieurs à Landry comme caractéristiques de la maladie

à savoir : une paralysie ascendante aiguë, causant la mort par

envahissement des noyaux bulbaires, sans altération accusée de la

sensibilité, sans participation de la vessie ou du rectum, et avec

conservation de l'excitabilité faradique des muscles : Ce cas contraste

avec le cas de Landry et avec quelques cas ultérieurs en ce que les

symptômes cliniques sont imputables à des lésions très étendues,

intéressant tout l'axe cérébro-spinal et portant surtout sur la subs-

tance grise du cerveau et delamoelle, etsur les cornes antérieures.

La lésion avait les caractères d'une inflammation, exsudative aiguë,

avec infiltration cellulaire très accentuée des gaines péri-vascu-

laires, dégénérescence des cellules ganglionnaires et oblitération

des autres éléments de tissu. Le caractère peu accusé de ces lésions

dans la région sacrée explique l'intégrité des sphincters; et l'état à

peu prèsnormal des cornes postérieures, des tractus sensoriaux et des

racines nerveuses concorde avec l'absence de symptômes du côté de

la sensibilité.

Dans la seconde partie de leur travail, les auteurs ont été amenés

à formuler les conclusions suivantes :

La paralysie ascendante aiguë est une toxhémie aiguë dans

laquelle l'agent toxique affecte principalement le système nerveux.

La lésion siège le plus ordinairement dans la moelle mais on peut

la rencontrer dans l'écorce et dans les racines nerveuses. Lorsqu'elle

siège dans la moelle elle-même, les altérations anatomiques sont

celles de la poliomyélite antérieure aiguë, c'est-à-dire une inflam-

mation exsudative aiguë, suivant la distribution de la branche cen-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 457 Î

traie de l'artère spinale antérieure, avec infiltration cellulaire des

gaines péri-vasculaires, dégénérescence des cellules ganglionnaires,

disparition des éléments de structure avec ou sans dégénérescence

des racines antérieures. Les lésions que l'on rencontre dans les autres

parties de l'axe cérébro-spinal sont de même nature.

La possibilité de la présence des lésions caractéristiques de la

paralysie de Landry dans les nerfs périphériques résulte d'un cas

unique, publié il y;a vingt ans par Déjprine : lorsque la lésion inté-

resse les nerfs périphériques, on constate une augmentation des

cellules de la névroglie et une dégénérescence des fibres nerveuses.

Il est actuellement impossible de contester que la paralysie ascen-

dante aiguë peut évoluer jusqu'à la mort sans laisser d'altérations

histologiques démontrables dans le système nerveux. Il est certain

que les cas où l'autopsie a été négative ne présentaient pas les

lésions vasculaires bien accentuées de la poliomyélite antérieure

aiguë, mais il est probable qu'il existait dans les cellules ganglion-

naires des altérations que les méthodes delicates auraient révélées.

A l'aide des données dont nous disposons à l'heure actuelle il parait

impossible de distinguer, à l'aide des seuls phénomènes cliniques

les divers types de lésions. R. DE Musgrave-Clay.

LV. UN cas d'aphasie amnésique, avec QUELQUES remarques sur

l'étiologie; par Frederick-T. SIMPSON. (New-York médical Journal ,

29 mars 1896.) .

Il s'agit d'un homme de soixante-douze ans, comptable, parlant

plusieurs langues, chez lequel ses amis observèrent d'abord une

diminution graduelle, plus grande que celle qu'aurait justifié l'âge,

de la vigueur physique et mentale. Un jour on nota un certain

degré d'égarement mental avec congestion de la faceetincertitude

de la démarche, mais sans paralysie, sans perte de connaissance,

sans trouble du langage : l'abaissement mental devint tel qu'il dut

renoncer à ses occupations. A l'examen du malade en 1894 on cons-

tate les faits suivants : pas d'hémiplégie : il comprend tout ce qu'on

lui dit; l'articulation du langage est normale; il répète les paroles

prononcées lit couramment à haute voix et comprend ce qu'il lit;

il peut écrire sous la dictée et copier; mais, s'il est fatigué d'écrire,

son écriture devient illisible. Il connaît l'usage des objets. Il ne

retrouve aucun nom sauf le sien. Il ne peut nommer que deux

villes, celle où il hahite et une autre; il ne peut donner le nom

d'aucune rue, pas même de la sienne. Il a perdu tous les noms pro-

pres, et beaucoup de noms communs, même les plus familiers; il

désigne certaines choses par le nom générique auxquelles elles se

rapportent (il appelle un buvard du papier). Sa conversation est

limitée à des réponses faites aux questions qu'on lui pose, et dans

les termes mêmes de ces questions. La faculté d'écrire spontané-

458 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment est également très troublée. Si on lui dit : « Ecrivez le nom

de la rue que vous habitez, » il écrit très lisiblement : « le nom de

la rue que vous habitez, » se bornant ainsi à reproduire textuelle-

ment l'ordre donné : il s'aperçoit alors qu'il n'a pas écrit ce qu'on

lui demandait; il recommence et écrit les mêmes mots, s'en aper-

çoit de nouveau et en est visiblement fâché. Il fait très correctement

sur le papier l'addition et la multiplication; ses soustractions sont

souvent fausses, et il a entièrement perdu la technique de la divi-

sion. Il met parfaitement l'orthographe même des mots longs et

difficiles. Il nomme les jours de la semaine et les mois de l'année,

mais à la condition qu'on en commence pour lui l'énumération. Il

a la notion de temps et de lieu.

Ce cas parait être un cas d'aphasie amnésique pure, c'est-à-dire

d'impossibilité d'exprimer sa pensée par le langage articulé ou

écrit, par suite de l'oubli des mots, état qui est probablement dû à

une dégénérescence cellulaire généralisée. Il. DE MUSGRAVE-CLAY.

LVI. UN cas d'atrophie musculaire A DÉBUT BRUSQUE;

par Théodore DITTER. (New- YOl'k Médical Journal, 6 juin 1896.)

Dans le cas dont il s'agit la maladie a débuté par des phéno-

mènes d'ophtalmoplégie : six mois après, paralysie brusque de la

main droite, bientôt suivie d'atrophie progressive de l'avant-bras et

de l'épaule. L'atrophie et la paralysie persistent sans changement

pendant trois mois, puis s'aggravent progressivement pendant

deux ans; puis ensuite paralysie et atrophie du deltoïde, des

muscles de la région radiale et de l'éminence thénar à gauche,

avec début insidieux et marche progressive et assez rapide. Ce cas

s'écarte du type normal par la brusquerie du début, qui rappelle la

poliomyélite chronique. Il est difficile de préciser la nature des

altérations qui se sont produites dans la moelle lorsque la para-

lysie a brusquement fait son apparition dans la main droite; mais

la symptomatologie est si analogue à celle de la poliomyélite, qu'il

n'est pas illogique de supposer, comme dans cette dernière mala-

die, l'existence de lésions des cornes antérieures.

R. DE l\IUSGRAVE-CLAY.

LVII. Fracture compliquée DU crâne avec PERTE DE substance CÉRÉ-

BRALE : GUÉRISON; présentation du malade; par II. PEREY SMITH.

(Nezv-Yorlc médical Journal, 6 juin 1896.)

Ce cas dans lequel aucune intervention chirurgicale n'a pu

être tentée, la famille s'y étant formellement opposée démontre

une fois de plus que chez les sujetsjeunes, si aucun des centres les

plus importants n'est intéressé et si l'antisepsie est rigoureusement

observée, il ne faut jamais désespérer de la guérison, quelle que

soit la gravité apparente, d'une lésion cérébrale. R. M.-C. ' '

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 459

LIII. UN cas DE paralysie BULBAIRE AIGUË, avec remarques SUR la

pathogénie ET LE diagnostic; par W. AUZAL. (New-York médical

Journal, 14 mars 1896.)

Les cas de paralysie bulbaire aiguë ne sont pas communs, et

celui que rapporte l'auteur a l'avantage d'être absolument ty-

pique et en outre de démontrer l'efficacité du traitement ioduré

L'observation peut se résumer ainsi : homme de trente-neuf

ans, célibataire, professeur de chant ; ses parents, ainsi que ses

dix-sept frères et soeurs, sont bien portants. Insolation en 1877,

rhumatisme goutteux en 1886, et influenza légère en 1889. A souf-

fert de maux de tête presque toute sa vie. Excès alimentaires, mais

non alcooliques. Pas de syphilis avouée. Non fumeur. Il y a trois

semaines, douleur sourde à la nuque, avec éblouissements et tinte-

ments d'oreille à droite. Vision obscurcie, inaptitude à l'activité

physique et mentale depuis trois ou quatre mois. Gêne légère de

la déglutition. Engourdissement du pied droit. Un matin il se

réveille avec de l'engourdissement et des fourmillements dans la

moitié droite du visage, dans la jambe et le bras droits. Roideur

des lèvres et de la langue ; aggravation de la gêne de la dégluti-

tion ; articulation du langage difficile, respiration courte et diplo-

pie. Marche impossible sans assistance. Trouble des idées pendant

un ou deux jours. Pas de nausées ni de vomissements, pas de

fièvre. A l'examen actuel, bon aspect de santé, mais paraît dix ans

de plus que son âge. Coeur volumineux, deuxième bruit accentué ;

mais pas de lésion cardiaque. Pouls de fréquence et de rythme

normaux. Rien aux poumons ni aux organes abdominaux; aucun

stigmate de syphilis. -Sphincters sains. Urine normale sans sucre

ni albumine.

A l'examen ophtalmoscopique, pas de lésion. Céphalalgie oc-

cipitale sourde, sans exacerbations. Au point de vue psychique,

dépression considérable, larmes faciles. Tête légèrement inclinée à

gauche; l'exagération de cette inclinaison augmente les vertiges.

Diplopie marquée ; pupilles égales, modérément contractées,

réagissant à la lumière. Faiblesse de l'orbiculaire des paupières à

droite : sillon naso-labial droit un peu effacé : du même côté, écou-

lement involontaire de la salive. Pas de déviation de la luette.

Paralysie de la moitié droite de la langue, gênant la déglutition et

la parole. La langue, quand il la tire, est déviée à droite. Voix

rauque.-Dyspepsie. Faiblesse des extrémités adroite. Au moindre

effort, fatigue extrême; pas de tremblement de la langue ni des

extrémités. Pas d'altérations de la sensibilité, sauf une hyperesthé-

sie droite insignifiante. Altération du goût sur lamoitié droite delà

langue. Diminution de l'acuité auditive à droite, mais pas de mo-

dification de l'odorat. Démarche titubante, penchant à droite,

460 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.' *

impossible sans assistance. Dans la station verticale, les yeux

fermés, chute à droite. Pas d'incoordination dans les extrémités

supérieures. Réflexes cutanés et tendineux conservés. Amé-

lioration considérable par le traitement ioduré, le régime et l'élec-

tricité. L'auteur termine cette intéressante observation par des

considérations étendues sur la pathogénie et le diagnostic de la

paralysie bulbaire aiguë. R. DE MUSGBAVE-GLAY.

LIX. LE diagnostic DE l'hystérie ; par 1lUGIi T. PATRICE.

(Neiv-York médical Journal, 15 janvier 1896.)

Travail intéressant, mais impossible à analyser, où le diagnostic

de l'hystérie est très bien exposé : l'auteur est très documenté et

très personnellement renseigné. R. M.-C.

LX. UN cas DE thrombose DU SINUS L4TI3B.\L : guérison après

opération; par John-L. AD.ms. (Neiv-York médical Journal,

29 août 1896.)

L'auteur a publié, il y a trois ans, un cas de thrombose du sinus

latéral dans lequel l'intervention chirurgicale n'avait pas réussi à

sauver la vie du malade; il avait tiré argument de cas malheureux

pour conseiller une exploration précoce du sinus latéral dès qu'on

avait des raisons de le supposer malade, et aussi pour exprimer

le voeu que cette opération, aussi bien d'ailleurs que toutes celles

qui sont nécessitées par des lésions consécutives aux affections de

l'oreille, soit pratiquée par le chirurgien auriste, de préférence au

chirurgien non spécialiste. Actuellement il est heureux de publier

un second cas, suivi de guérison, et il en rapporte l'observation

détaillée. R. M.-C.

LXI. UN cas DE CIIORÉE congénitale; par Georges-J. PRESTON-

(New-York medical Journal, 14 mars 1896.)

La chorée congénitale est extrêmement rare. Le cas rapporté

par l'auteur est celui d'une jeune fille de dix-sept ans, dont la mère

n'était pas choréique au moment de la grossesse et de la naissance;

pas de chorée non plus dans les ascendants. Peu de temps après la

naissance, les mouvements choréiques furent constatés ; ils affec-

taient la tête et les extrémités et allèrent en s'aggravant pendant

huit ou dix ans. Depuis cinq ou six ans état stationnaire; il y a un

arrêt de développement; cette jeune fille de dix-sept ans en parait

douze ; tous les organes sont sains ; toutes les fonctions sont régu-

lières ; seulement la menstruation a été tardive, elle, vient de s'éta-

blir. Les réilexes profonds sont un peu faibles, mais ils existent

tous; les réflexes superficiels sont normaux. La sensibilité n'est

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 461

pas atteinte ; les réactions électriques sont normales. Les muscles,

- peu développés ne présentent ni atrophie, ni hypertrophie. La

malade ne parle pas ; il y a quelques années elle émettait des sons

qni voulaient dire oui ou non ; mais elle a renoncé même à cet

essai, et se fait comprendre au moyen de l'alphabet des sourds-

muets ; elle aime la lecture, le théâtre, se sert de la machine à

écrire, et joue un peu du piano. Les mouvements choréiques

affectent tout le corps, surtout les muscles de la face et de la

langue et la tête. Si elle essaye de se servir de ses mains ou de

marcher, les mouvements augmentent de violence. Les mouve-

ments n'ont rien de l'athétose. Ils cessent quand elle dort, et quel-

quefois quand une lecture l'intéresse vivement. L'inaptitude à

parler paraît surtout résulter de l'ininterruption des mouvements

de la langue et des muscles de la face. Il ne parait y avoir évidem-

ment aucune lésion importante del'écorce, mais plutôt une altéra-

tion, ou peut-être un arrêt de développement des centres mo-

teurs corticaux. Ce qui paraîtrait confirmer cette dernière hypo-

thèse c'est que les troubles de la motilité sont généralisés et ont

débuté dès la naissance. La seule étiologie que l'on peut invoquer

c'est un chagrin de la mère, qui a perdu une fille de quinze ans un

mois avant la naissance de la malade ; or divers auteurs ont signalé

les frayeurs maternelles comme une cause de chorée pour l'enfant

à naître. Dale a même soutenu que cette cause (frayeur ou toute

autre émotion) pouvait être invoquée dans les deux tiers de n'im-

porte quelle série de cas de chorée pris en bloc.

R. DE IUSGR : 1VE-CLAY.

LXII. LE réflexe radio-bicipital ; par le D'' X. FR.11\COTTE.

(Bull. de la Soc. de méd. ment, de Belgique, mars 1896.)

L'auteur de ce travail a recherché le réflexe radio-bicipital d'une

part, sur 427 malades ordinaires; d'autre part, chez 100 aliénés.

Sur 270 femmes appartenant au premier groupe, le réflexe a

manqué 43 fois, soit à peu près dans 16 p. 100 des cas. Sur

157 hommes du même groupe, il manqué 65 fois, soit à peu près

dans 41 p. 100 des cas.

Dans le second groupe formé de 100 aliénés, le réflexe a manqué

chez 6 femmes sur 45 (soit dans 13 p. 100 des cas) et chez

11 hommes sur 55 (soit dans 20 p. 100 des cas). Ces chiffres mon-

trent une différence assez notable quant à la fréquence du réflexe

radio-bicipital en faveur du sexe féminin. Il l'observe surtout chez

les anémiques, les névropathes, les paralytiques généraux, etc.

L'exagération du réflexe d'un seul côté indiquera généralement

un état d'hypertonicité ou de contracture active commençante. On

la rencontre dans les hémiplégies, la paralysie agitante, etc.

Il y a généralement concordance entre le réflexe radio-bicipital

462 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

et le phénomène du genou. D'après M. Francottc, ce réflexe ne

doit pas être considéré comme le résultat d'un ébranlement com-

muniqué au muscle, mais constitue véritablement un phénomène

réflexe à point de départ osseux ou périostique. G. D.

LXIII. Sur la méningite TUBERCULEUSE spinale ET la LEUCOMYËUTE AIGUË ;

par H. JACOBAUS. (Nordiskt l1ledicinskt Arkiv., 4896.)

Il s'agit, dans le premier des cas relatés, d'une malade qui, après

un accouchement suivi d'endométrite, fut saisie d'une fièvre assez

ardente. Elle commença simultanément à tousser et à maigrir. Ces

symptômes ayant persisté pendant quelques semaines, des douleurs

violentes siégeant dans la région sacro-lombaire la contraignirent

à se mettre au lit. Les crises douloureuses continuèrent avec une

violence extraordinaire ; peu à peu, paralysie des extrémités infé-

rieures et rétention d'urine. En même temps, les apophyses épi-

neuses étaient tout particulièrement douloureuses à la pression,

et il y avait accompagnement d'opisthotonos. Enfin, développement

des signes classiques d'une méningite basilaire, suivie de mort dans

le coma. Entre l'apparition des douleurs sacro-lombaires et la mort,

il y eut un intervalle de quatre semaines.

Autopsie : Phtisie pulmonaire, endométrite et salpingite tuber-

culeuses, méningite basilaire, qui n'offrait rien de particulier.

L'arachnoïde et la pie-mère rachidiennes étaient envahies par une

infiltration tuberculeuse très volumineuse, s'étendant depuis la

base de l'encéphale jusqu'à la partie la plus inférieure du sac de la

dure-mère, et ayant son maximun dans la partie lombaire de la

moelle épinière. Microscopiquement on trouva des altérations de

la zone périphérique de la moelle entière; dans l'intumescence

cervicale, les lésions étaient d'une gravité remarquable, toute la

partie marginale étant complètement dégénérée ; quant au centre

.de la moelle, il était presque intact.

Ce cas fournit un excellent exemple de la forme très rare de

méningite tuberculeuse, dans laquelle les enveloppes de la moelle

sont attaquées les premières, forme spinale, forme ascendante.

Vraisemblablement l'infection tirait son origine de l'utérus et des

trompes de Fallope.

Dans le second cas, un jeune homme ayant joui jusqu'alors d'une

.santé parfaite commença à ressentir des douleurs vagues aux

muscles du tronc et des extrémités. Ces symptômes s'aggravant, il

est forcé d'entrer à l'hôpital, quatre jours après le commencement

de la maladie. C'est un sujet robuste, se plaignant de douleurs au

tronc et aux extrémités ; les muscles sont légèrement raides et

douloureux à la pression, la respiration un peu difficile; les organes

végétatifs parfaitement sains. De temps à autre, diplopie, mais

pas de strabisme manifeste. Les jours suivants, la situation s'ag-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 463

grave ; il n'y a pas de paralysie vraie, mais la douleur et la raideur

des muscles empêchent le malade de faire des mouvements ; la sen-

sibilité est intacte. Mort par une attaque d'asphyxie quatre semaines

après le commencement de la maladie.

A l'autopsie, on ne trouve d'abord rien. Après le durcissement de

la moelle épinière, le microscope décèle des lésions myélitiques

assez graves et d'une forme très singulière. Dans la partie sacro-

lombaire de la moelle, celle-ci est saine ; elle est au contraire gra-

vement atteinte dans sa partie cervico-dorsale, où toute la zone

marginale est dégénérée, tandis que la partie centrale est presque

intacte; il n'y a pas de méningite spinale.

Ce dernier cas paraît démontrer que la perception des irritations

sensitives (tactiles, douloureuses, thermiques) peut être réalisée à

la condition de l'intégrité de la substance grise centrale. Cette

conclusion se trouve en bonne concordance avec l'expérience géné-

rale, à savoir que les lésions de la substance grise ont pour consé-

quence constante des altérations de la sensibilité cutanée (syringo-

myélie, hématomyélie), pourvu que la lésion ne soit pas limitée aux

cornes antérieures, et que par contre la plus grande partie de la

substance blanche peut être dégénérée sans que la sensibilité soit

altérée (maladie de Friedreich).

LXIV. DE la FRÉQUENCE DE la neurasthénie EN FINLANDE, SES

symptômes ET SES causes ' ; par le professeur H. HOLSTI.

Afin d'être fourni des renseignements les plus complets sur la

neurasthénie en Finlande, l'auteur s'est adressé aux médecins pra-

ticiens du pays dont quarante, habitant des différentes parties lui

ont donné les informations requises. Il ressort de ces rapports que

la neurasthénie est répandue dans tout le pays, qu'elle est plus

générale dans les villes, surtout dans les grandes, mais qu'elle

n'épargne non plus la province et qu'il n'y a sous ce rapport aucune

différence entre la population parlant suédois ou finnois. Toutes les

classes de la société sont atteintes de cette maladie et ce n'est pas

constaté si elle est plus générale parmi les classes élevées que parmi

celles des ouvriers livré à un travail physique. Sa fréquence ne

dépend pas des questions d'économie. Elle est plus générale chez

les femmes que chez les hommes (de tous les cas 73 p. 100 chez

les femmes et 27 p. 100 chez les hommes). Le fait qu'un grand

nombre d'hommes de certaines parties du pays a émigré en

Amérique et que, par conséquent, les femmes sont forcées de

vaquer aux lourds travaux agricoles, est, selon l'auteur, une des

raisons de la grande fréquence de la maladie chez les femmes.

' Conférence donnée au premier Congrès scandinave pour la médecine

interne, à Gothembourg, 1896.

464 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

.C'est connu que la neurasthénie peut être aussi sollicitée par un

surmenage du corps.

Quant aux femmes instruites, il est plus d'usage en Finlande

que dans maint autre pays qu'elles s'adonnent aux études et occu-

pent des emplois dans des établissements publics. Ces circonstances

contribuent peut-être aussi à la plus grande fréquence de cette

.maladie chez les femmes. La neurasthénie est rare dans les années

d'enfance proprement dite, ainsi que dans l'âge avancé; mais elle

apparaît le plus souvent entre' les deux âges.

En parlant des symptômes de la maladie, l'auteur s'arrête le plus

aux symptômes dyspeptiques, s'étant trouvés dans 05 p. 100, de

tous les cas. La forme la plus ordinaire de la dyspepsie a été

l'hyperchlorhydrie. De 32 cas dans lesquels l'examen chimique du

contenu stomacal a été fait 16 ont été marqués d'hyperchlorhy-

drie, 8 d'hypochlorhydrie et dans 8 cas|la quantité de l'acide hydro-

chlorhydrique était normale.

Dans 12 des 16 cas d'hyperchlorhydrie, la digestion était

ralentie ; dans les 8 cas d'hyro-resp-anachlorhydrie dans un

seulement, et dans aucun des cas où la quantité d'acide chlorhy-

drique était normale. Quant au rapport entre la neurasthénie et

la dyspepsie, l'auteur prétend que, dans la plupart des cas celle-

ci est secondaire, mais, selon lui, il est pourtant possible que dans

certains cas les troubles dyspeptiques soient primaires et puissent

causer la neurasthénie chez les personnes disposées aux maladies

nerveuses.

Quant à l'étiologie de la neurasthénie, il faut distinguer les causes

prédisposantes des causes accidentelles dont les premières ont plus

d'importance. Un système nerveux manquant de force pour résister

à des irritations physiques ou psychiques est la principale cause pré-

disposante. Cette faiblesse du système nerveux est souvent innée;

mais elle peut aussi s'acquérir par des circonstances défavorables,

surtout pendant l'enfance, par une fausse éducation et de mauvaises

habitudes, etc.

Les données anamnestiques nous apprennent que dans la plu-

part des cas de neurasthénie les patients ont déjà été chétifs et

maladifs étant enfants, avec des symptômes d'une irritabilité

anormale du système nerveux. Quand l'irritabilité est plus pro-

noncée, la neurasthénie peut se développer lentement sans la pré-

sence visible d'une cause extérieure. Plusieurs circonstances de la

vie moderne avec son agitation fiévreuse prédisposent aussi à la

neurasthénie.

Pour les classes élevées la concurrence a augmenté à un degré

considérable dans toutes ses branches ; le combat pour la vie s'est

compliqué et les forces du système nerveux en sont réclamées au

plus haut point. La diminution du nombre des mariages est entre

autres la conséquence de cette concurrence agrandie et il constate

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 465

que le célibat prédispose à la neurasthénie au moins chez les

hommes. Des mouvements, ne pouvant manquer d'influencer le

système nerveux d'une manière nuisible, dominent de nos jours;

aussi les ouvriers, livrés au travail physique, et la disposition de la

populace vivant dans la proximité des grandes villes de quitter la

province, et de s'y établir, y est pour beaucoup. L'auteur donne

une grande signification à certaines erreurs dans l'éducation des

enfants. Les enfants ayant grand besoin de sommeil pendant la

croissance veillent trop le soir, et devant être levés de bonne

heure le matin pour se rendre à l'école, ils ne dorment pas assez

pour le repos de leur système nerveux. On les habitue à la con-

sommation du thé, du café, du vin, de la bière et d'autres subs-

tances excitantes, produisant sur leurs nerfs un effet bien plus

dangereux que sur ceux des adultes. Ils sont menés de bonne

heure à des plaisirs publics, où ils passent dans un air vicié les

heures qui devraient être vouées au sommeil et où leurs senti-

ments et leur imagination sont trop tôt irrités.

\ Les causes accidentelles du développement de la neurasthénie

peuvent être psychiques ainsi que physiques. Le surmenage intel-

lectuel est considéré comme la plus active des causes psychiques

et l'auteur l'admet dans certains cas, mais il trouve sa portée exa-

gérée ; il le prouve en citant le fait que la neurasthénie est presque

aussi générale chez les ouvriers voués aux travaux physiques que

dans les classes cultivées. Les passions dépressives constituent au

contraire un des facteurs les plus puissants de la neurasthénie. Les

cas accompagnant des lésions traumatiques, de même que les cas

dépendant do l'onanisme doivent être comptés parmi ceux, susci-

tés par des causes psychiques, le choc psychique étant le plus actif

des deux. Les causes physiques de la neurasthénie sont plusieurs.

Elle naît souvent après des maladies infectieuses, surtout après

l'inlluenza. Selon l'auteur, la fréquence redoublée de la neurasthé-

nie pendant les dernières années est en rapport avec cette mala-

die-là et il avance particulièrement, que le nombre des cas de

neurasthénie, traités à la clinique d11e]singfors, augmenta consi-

dérablement après la grande épidémie d'influenza en 1889. La

neurasthénie peut aussi être provoquée par des causes, ayant toutes

cela de commun, qu'elles produisent un état de faiblesse physique.

On range ici par exemple les excès sexuels et le surmenage du

corps, ainsi que des couches réitérées des femmes comme une

cause fréquente de la neurasthénie dans la classe ouvrière.

- Parmi les affections locales chroniques, pouvant peut-être par-

fois occasionner la neurasthénie, il faut citer particulièrement les

troubles de l'appareil digestif et des parties sexuelles.

Comme on sait, les troubles des parties génitales ont été considé-

rés comme ayant une très grande importance sur le développement

de la neurasthénie. L'auteur fait valoir les expériences acquises à

Archives, 2e série, t. III. 30

466 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

la clinique médicale d'Helsingfors, démontrant qu'il n'y avait point

de troubles des parties génitales dans la plupart des cas de neuras-

thénie chez les femmes. Des douleurs précédant la menstruation

et l'irrégularité de celle-ci ont été souvent observées, sans la pré-

sence d'une affection locale, mais elles ne peuvent être considérées

comme ayant causé la maladie, mais plutôt comme ses suites.

Même dans les cas relativement peu nombreux d'affection locale,

celle-ci était pour la plupart à envisager plutôt une complication

accidentelle causale. L'auteur accentue néanmoins que, même si v

les maladies des parties génitales de la femme ne peuvent que rare-

ment être censées avoir causé la neurasthénie, il est pourtant sûr

que la vie sexuelle exerce une grande influence sur l'intensité des

embarras neurasthéniques chez la femme. A la règle ces embarras

empirent à l'entrée de la menstruation et ils deviennent quelque-

fois très violents après la ménopause.

L'auteur traite en dernier lieu la question du rapport entre la

neurasthénie et les boissons stimulantes et il fait part que, selon

son impression personnelle, dans la plupart des cas, l'abus de l'al-

cool n'a pas de signification étiologique. Le fait que la neurasthé-

nie est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes porte

aussi à y croire. La plupart des médecins en Finlande sont du

même avis. Mais si l'alcool est pour peu de chose dans le dévelop-

pement de la neurasthénie, son importance indirecte sous ce rap-

port est en revanche très grande. On sait que les enfants d'alcoo-

liques ont souvent un système nerveux faible, ce qui est une des

causes les plus graves de la neurasthénie. Puis il est facile de con-

cevoir que, même si l'alcoolique ne devient pas neurasthénique

lui-même, son entourage peut aisément le devenir par lui. Quant

au café, l'auteur croit qu'il a en Finlande une plus grande impor-

tance dans la provocation de la neurasthénie que l'alcool. Il est

consommé en très grande quantité surtout par les classes infé-

rieures. De mauvaise qualité, mal préparé, et mêlé de divers suc-

cédanés, il exerce pour sûr une influence mauvaise sur le système

nerveux et sur les organes de la digestion ; et il est peut-être en

partie la cause de ce que les symptômes dyspeptiques dominent si

souvent chez nous dans le tableau symptomatique de la neuras-

thénie.

LXV. Tuberculose cérébrale ; par Gallois.

Le 19 avril, entrait à la Crèche, service de M. Colrat, un

enfant de huit mois présentant de l'ophtalmoplégie et du nystag-

mus. Cet enfant était malade depuis six semaines, poussait fré-

quemment des cris plaintifs et semblait souffrir de la tête, où il

portait fréquemment ses mains. On n'avait observé ni vomisse-

ments, ni constipation. En l'examinant, on constatait du ptosis de

la paupière gauche, du strabisme externe desdeux yeux et un léger

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 467

nystagmus transversal. Les pupilles, régulières, non dilatées, réagis-

saient bien à la lumière. La fontanelle antérieure, largement

ouverte, n'était nullement tendue.

Le poumon, le coeur n'offraient d'anormal à l'examen ; le foie

et la rate étaient volumineux. Les urines ne contenaient pas d'al-

bumine. La température oscillait entre 38° et 39°. Après quelques

journées de séjour l'enfant succombait.

Le diagnostic porté avait été tumeur siégeant au niveau des

pédoncules cérébraux et n'ayant intéressé que les noyaux d'origine

ou des fibres du nerf moteur oculaire commun.

A l'autopsie, on reconnut que les méninges étaient intactes et

qu'aucune tumeur ne faisait saillie à l'extérieur. Une coupe médiane,

faite au niveau des pédoncules, a montré un tubercule du volume

d'une noisette siégeant à la même hauteur que les tubercules

quadrijumeaux et occupant à peu près toute l'épaisseur du pédon-

cule. Les portions latérales n'étaient pas envahies. Toutefois, la

lésion s'étendait davantage du côté gauche que du droit. La partie

supérieure du tubercule arrivait au voisinage de l'aqueduc de

Sylvius. D'autres sections, portées en différents points du bulbe

ou de la protubérance, ont montré l'intégrité des tissus. (Société

des Sciences médicales, Lyon.)

LXVI. Anévrisme CIRSOÏDE DE la VOUTE crânienne. CRISES épileptiques

JACKSONNIENNES.

M. Pollosson et son interne M. Pont font connaître uil cas de

tumeur vasculaire de la voûte s'accompagnant de crises épilep-

tiques, chez un jeune garçon de neuf ans. Rien à noter dans les

antécédents héréditaires. A l'âge de trois mois, il glissa des genoux

de sa mère sur les dalles de la cuisine et perdit connaissance. Il

n'y eut pas d'hémorhauie, mais une petite bosse sanguine au

niveau de l'angle postéro-supérieure du pariétal gauche. Jusqu'à

l'âge de sept ans, il n'eut aucune affection ; à ce moment il prit une

première crise d'épilepsie (tremblement convulsif des membres,

perte de connaissance et de la parole, sans cri initial, ni morsure

de la langue), puis d'autres crises à intervalles réguliers.

Actuellement, les crises sont un peu modifiées : l'enfant les sent

venir ; il se dirige alors vers une chaise ou vers sou lit, puis pâlit

tout à coup, devient indifférent atout ce qui l'entoure, mais ne

perd pas complètement connaissance. Cet état dure trente à

soixante secondes. Il n'est pas accompagné de mouvements épilep-

tiformes. Après la crise, la lucidité est complète, mais l'enfant a

un besoin invincible de sommeil.

Dans l'intervalle des crises l'enfant s'amuse, son intelligence est

normales; il n'a de troubles ni oculaires ni auditifs, ni sensitifs ni

moteurs. Au niveau du bord postérieur du pariétal gauche, il existe

468 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

une dépression ovalaire, à grand axe oblique de haut en bas et

d'avant en arrière : grand diamètre 4 centimèlres, petit diamètre

1 centimètre. Cette dépression est peu profonde. Ses bords sont

épaissis et forment un relief très appréciable. Les téguments au

niveau de la dépression sont animés de battements isochrones au

pouls radial; on note un souffle systolique. Sous l'influence d'une

inspiration forcée, d'un effort, les battements disparaissent, et la

peau se soulève et se tend ; il en est de même si l'on fait pencher

la tête en avant et en bas.

M. Pollosson admet, l'existence d'un anévrisme cirsoïde développé

sous l'épaisseur du pariétal, à l'occasion du traumatisme. Il pense

intervenir.

LXVII. Un cas DE maladie osseuse DE Pajet SUIVI d'autopsie.

Ce cas est intéressant en raison de l'étendue des déformations

osseuses et de certaines manifestations nerveuses. Homme de cin-

quante-huit ans, lithographe, ne présente pas d'antécédents héré-

ditaires ou personnels. La maladie a débuté il y a dix ans, pas de

parésie, des crampes douloureuses et la déformation des membres

qui est allée en s'accentuant de jour en jour.

On constate une incurvation considérable en arc de cercle à con-

cavité interne des deux membres inférieurs, plus atteints que les

membres supérieurs. Dans la station verticale le malade ar.ive à

se tenir debout en se croisent les jambes en X, de telle sorte que le

bord inlerne de chaque pied ne repose plus sur le sol. Il existe de

la contracture des adducteurs.

La sensibilité est normale. Les réflexes rotuliens sont seuls

notablement exagérés. Du côté des organes urinaires on note des

envies fréquentes, impérieuses d'uriner ; le malade se mouille

souvent.

Autopsie. - La mort est accidentelle. La face est indemne, les os

du crâne présentent une épaisseur considérable. La calotte cra-

nienne pèse 605 grammes. Les deux tables de l'os ont perdu leur

netteté, le tissu est partiellement compact, partiellement conges-

tionné. Les cartilages costaux sont en grande partie ossifiés ;

l'épaisseur des côtes est accrue. Les vertèbres dorsales présentent

plusieurs apophyses tranverses réunies par des jetées osseuses.

Membres supérieurs indemnes. Membres inférieurs : le processus

a respecté les extrémités, il est symétrique. Le fémur (poids 1,250 gr.)

a une double courbure, l'une à convexité antérieure, l'autre à

convexité interne. Il est inégal, bosselé, le périoste est vasculaire,

la couche sous périostique éburnée. Le col du fémur fait un

angle droit avec la diaphyse. Le tibia et le péroné (poids z gr.)

présentent des bosselures qui s'arrêtent à la malléole interne. La

coupe a un aspect marbré formé par des taches blanches jau-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 469

nâtres d'ostéite condensante et d'autres taches rouges d'ostéite

raréfiante. La moelle osseuse est très vasculaire. L'examen histo-

logique de cette moelle a montré les caractères de la moelle

foetale, caractérisée par de nombreuses cellules médullaires, de

nombreux capillaires, quelques myéloplaxes et l'absence de vési-

cules adipeuses.

L'encéphale pèse 1,250 grammes. La moelle pèse 40 grammes,

elle a partout sa consistance normale, et ne présente aucune perte

de substance. A noter une teinte grisâtre de deux cordons posté-

rieurs et du faisceau pyramidal droit. Au point de vue des vais-

seaux, M. Pic a noté l'existence de l'athérome aortique de la sclé-

rose rénale et un peu d'hypertrophie du ventricule gauche. Poids

du coeur 413 grammes. Poids des reins 130 et 135 grammes.

Le diagnostic de maladie osseuse de Pajet n'est pas douteux.

M. Pic appelle l'attention sur l'excessive déformation qui justifie

bien ladénomination d'ostéite déformante et la progression qui ne

peut se faire qu'avec des béquilles, sans décroiser les jambes.

Il insiste sur certaines manifestations nerveuses telles que les phé-

nomènes vésicaux, les contractures des membres inférieurs, les

exagérations des réflexes rotuliens.

Ces phénomènes sont de nature à appuyer l'hypothèse de l'ori-

gine médullaire de la maladie de Pajet. (Société des Sciences médi-

cales de Lyon.) Dr DEVan.

LXVIII. DE La dyschromatopsie chez les HYSTÉRIQUES ; -

par le Dr PLCHrn.

Si l'on considère les champs visuels des couleurs chez les hysté-

riques comme normaux, offrant les dimensions et la succession

dans l'ordre qu'on leur connaît dans l'oeil sain, l'achromatopsie et

la dyschromatopsie des hystériques s'expliquent mal par un rétré-

cissement concentrique du champ visuel. Sans doute lorsque le

bleu persiste en dernier lieu et ne disparaît qu'après toutes les

autres couleurs, la théorie du rétrécissement concentrique est

valable.

Mais la couleur bleue ne persiste pas toujours la dernière, c'est

quelquefois le rouge, et dans ce cas Ja théorie du rétrécissement

concentrique ne peut être suffisante qu'à la condition d'admettre

que chez l'hystérique les champs visuels colorés ne sont plus à leur

place respective, que leurs limites sont changées, interverties.

Pour exprimer ces perturbations par une formule générale, on

peut dire que ce qui caractérise le champ des couleurs chez les

hystériques, c'est le désordre. Il y a inversion des couleurs. Cela

étant admis, on comprend que le rétrécissement atteigne la cou-

leur dont le cercle est le plus interne, et même la fasse disparaître,

de telle sorte que cette couleur centrale étant variable, ce sera telle

470 REVUE DE PATHOLOGIE NERVUESE

ou telle couleur qui disparaîtra la première pour laisser subsister,

jusqu'à ce qu'elle s'éteigne à son tour, telle autre couleur qui

pourra être tantôt le bleu, tantôt le rouge, en d'autres termes celle

qui aura le champ visuel le plus étendu et que, par conséquent, le

rétrécissement n'atteindra qu'en dernier lieu. De plus, le rétrécis-

sement n'est pas proportionnel, il peut atteindre une couleur plus

- qu'une autre. (Revue neurologique, novembre 1896.) E. li.

LXIX. UN cas DE syndrome DE Weber, suivi d'autopsie ; par les

Drs SOUQUES ET CONNUS.

Les cas de syndrome de Weber, suivis d'autopsie, sont relative-

ment rares : d'où l'intérêt de l'observation rapportée par les auteurs.

Les figures montrent un foyer de ramollissement étroitement loca-

lisé au pied du pédoncule cérébral gauche, localisation qui explique

exactement les deux facteurs du syndrome clinique, à savoir l'hé-

miplégie droite et la paralysie du moteur oculaire commun gauche.

L'état athéromateux très prononcé de l'hexagone, du tronc

basilaire et de l'origine des branches qui en partent, permet de

supposer que ce ramollissement a été consécutif à une oblitération

par thrombose de certaines des artères du pied du pédoncule.

(Revue neurologique, novembre 1896.) E. B.

LXX. Nystagmus vibratoire DE nature hystérique, spontané ET pro-

VOQUÉ par suggestion D1N3 l'hypnose ; par les docteurs Saurazès

ET CADANNES.

Des observations rapportées par les auteurs se dégagent les con-

clusions suivantes :

1° Le nystagmus s'observe parfois spontanément dans l'hystérie.

2° Ce nystagmus vibratoire ne ressemble pas aux oscillations

inégales et assez lentes se produisant surtout dans les positions

extrêmes du regard qu'on observe dans la sclérose en plaques.

3° Le strabisme interne qui l'accompagne, est très remarquable

parce qu'il persiste dans la vision éloignée, car s'il est possible nor-

malement de loucher en fixant un objet rapproché, le fait est tout

à fait extraordinaire quand l'un des yeux regarde au loin.

4° Ce nystagmus est accessible à la suggestion comme les autres

manifestations de la névrose. nô

5° On peut le provoquer expérimentalement chez les hystériques

alors que, normalement, il est d'une simulation impossible. (Revue

neurologique, septembre 1S9G.) E. 1).

LXXI. Névrite traumatique DU cubital, déviation DES DOIGTS EN COUP

DE VENT, rétraction DE l'aponévrose PALM aire ; par E. FEINDEL.

Certains troubles trophiques d'origine nerveuse peuvent présenter

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 471 l'

des analogies avec les déformations du rhumatisme chronique.

L'observation rapportée par M. Feindel en est un exemple.

Il s'agit d'un malade chez qui un traumatisme du nerf cubital

droit détermina, en plus des troubles paralytiques, esthésiques,

trophiques, conséquences ordinaires de la névrite, une déviation

des doigts en coup de vent vers le bord cubital de la main, et la

rétraction de l'aponévrose palmaire. Par quel mécanisme peut-on

expliquer cette déviation spéciale ? Il ne peut être question, dans

une névrite périphérique, des contractions musculaires spasmo-

diques invoquées pour expliquer les déformations du rhumatisme

articulaire chronique ; on ne peut songer davantage à l'action

tonique des muscles restés indemnes. Il est plus légitime de cher-

cher à expliquer cette déformation par des troubles trophiques

portant soit sur les ligaments et les tissus fibreux de la main, soit

sur les extrémités articulaires. En somme, l'hypothèse proposée

serait la suivante : subluxation des doigts en dedans, favorisée par

la laxité des ligaments métacarpo-phalangiens, peut-être par une

déformation légère des extrémités osseuses, et réalisée avec un

certain degré de flexion par la rétraction de l'aponévrose pal-

maire. (Revue neurologique, septembre 1896.) E. B.

LXXII. DE la PERTE DE connaissance dans LES attaques D'HYSTÉRIE ;

par le professeur Pitres.

Les nosologistes anciens croyaient avoir trouvé dans la perte ou

la conservation de la connaissance, durant les paroxysmes con-

vulsifs, un élément de diagnostic différentiel entre l'épilepsie et

l'hystérie, la connaissance étant conservée dans l'hystérie et tota-

lement abolie dans l'épilepsie. Les auteurs récents sont revenus

sur cette indication absolue et M. Richer, notamment, a montré

que la perte de connaissance est complète dans la période épilep-

toide de la grande attaque d'hystérie. Il résulte des recherches

faites par l'auteur, pour fixer avec plus de précision qu'on ne l'a

fait jusqu'à présent l'état mental dans les paroxysmes hystériques,

que les lois qui président à la conservation ou à la perte de con-

naissance dans les attaques d'hystérie peuvent, pour compliquées

qu'elles soient, être résumées dans les propositions suivantes :

1° Dans la période proe-convulsive des attaques hystériques

complètes et régulières, et dans les attaques frustes uniquement

caractérisées par les phénomènes faisant habituellement partie de

cette période (attaques de sanglots, de spasmes, etc.) la conscience

et la mémoire sont intégralement conservées.

2° Dans la période convulsive des attaques régulières, et dans

les attaques frustes constituées par des convulsions toniques et

cloniques du type épileptoïde, la conscience et la mémoire sont

totalement abolies. Dans les attaques frustes ou irréguliores où les

472 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

.convulsions se montrent d'emblée sous la forme clonique, les

malades conservent parfois assez de lucidité intellectuelle pour se

rendre compte de ce qui se passe autour d'eux et répondre aux

questions qu'on leur pose. Mais malgré cette persistance apparente

de la conscience, ils ne se rendent pas compte qu'ils ont des con-

vulsions et ne se rappellent pas, quand l'attaque est terminée,

qu'ils ont eu des mouvements désordonnés, involontaires.

4° Dans la période post-convulsive dos attaques régulières, et

dans les attaques uniquement représentées par des syndromes

hypnotiques (attaques de sommeil, de catalepsie, de léthargie, de

délire etc.), la conscience et la mémoire se comportent exactement

comme dans les cas où ces syndormes ne font pas fonction équi-

valente des attaques, c'est-à-dire que, sauf dans quelques variétés

assez rares (léthargie profonde, délire maniaque aigu, etc.) la

conscience est conservée pendant l'épisode hypnotique, et le

souvenir de ce qui s'est passé pendant sa durée, aboli à l'état de

veille normal, est susceptible de reviviscence complète dans les

états hypnotiques ultérieurs, spontanés ou provoqués. (Revue neu-

rologique, sept. 1896) FI. B.

LXXIII. NOTE SUR DES recherches préliminaires SUR la toxicité URI-

' - 1\A1RE DANS LE lü7XDlifE par HERTOCnE et Paul MASOIN,

L'impression d'ensemble qui se dégage des premiers résultats

obtenus par les auteurs dans leurs recherches sur la toxicité ùIi- i-

naire dans le myxoedème, est que, dans cette affection, et encore

au début de la période de demyxoedémisation, l'urine est faiblement

toxique. (Revue neurologique, août 1896) E. B.

LXIV. Paralysie P03T-PUERPÉftALE par NÉVRITE périphérique ;

par le Dr H. LAnIY.

On admet sans conteste l'origine infectieuse des névrites post-

puerpérales revêtant le type de polynévrite généralisée ou loca-

lisée aux membres supérieurs. Quant aux paralysies des membres

inférieurs consécutives à l'accouchement, on songea tout d'abord à

les rapporter aux traumatismes obstétricaux, mais celte étiologie a

été mise en doute au cours de ces dernières années.

En matière d'étiologie, on doit parfois être éclectique : l'inté-

ressante observation citée par l'auteur en est une preuve. Les

particularités importantes de cette observation sont les suivantes

grossesse normale chez une femme bien portante- accouchement

par le siège, pénible, application de forceps dans un bassin étroit

douleurs violentes dans le membre inférieur gauche pendant

l'opération. Paraplégie absolue et immédiate, offrant les carac-

tères d'une paralysie par névrite. Suites de couches fébriles avec

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 473

albuminurie. Guérison encore incomplète au bout de sept mois. Si

l'évolution de la maladie montre que cetle névrite s'est comportée

comme toutes celles qui relèvent d'une infection ou d'une intoxi-

cation, les accidents du début, brusques et immédiatement consé-

cutifs à l'accouchement, n'ont pas présenté le mode de début des

polynévrites infectieuses post-puerpérales : aussi paraît-il logique

d'admettre ici une violente compression nerveuse momentanée

portant sur le tronc lombo-sacré au niveau du détroit supérieur et

de considérer ce traumatisme comme une cause déterminante de

premier ordre de la névrite qui s'en est suivie. -

On se trouve dans ce cas en présence de la double 'influence

étiologique : 1° d'un traumatisme nerveux, et 2° d'une infection ulté-

rieure venant développer une névrite de longue durée dans le

territoire lésé. On peut admettre que le lombo-sacré peut être

comprimé dans le bassin pendant un accouchement laborieux et

qu'une paralysie immédiate peut en résulter : mais cette paralysie

sera vraisemblablement bénigne et de courte durée si les suites de

couches sont simples, alors qu'au cas contraire elle aura de grandes

chances pour évoluer à la façon des névrites infectieuses. (Revue

neurologique, août 18'JG) ' " E. B.

LXXV. QUELQUES cas de paraphasie ET DE SUItDlfl3 verbale ;

par le D1' NoRCESTEa.

L'auteur a observé huit 'malades chez lesquels se rencontraient

les deux symptômes communs suivants : 1 quoique parlant avec

volubilité et sans défaut d'articulation, ils étaient plus ou moins

incapables de se servir des mots appropriés pour exprimer leur

pensée, entremêlant leurs phrases soit de mots courants mais

n'ayant aucun sens dans l'acception qu'ils leur donnaient, soit de

néologismes de leur invention : 2° bien que percevant très nette-

ment les sons, ils étaient incapables, à des degrés divers, de com-

prendre ce qui leur était dit.

Ces symptômes sont souvent associés avec la lésion de la première

circonvolution temporale gauche : dans les deux cas où l'autopsie

put être faite, c'est en effet sur cetle circonvolution que fut trouvée

la lésion. Dans un des cas, notamment, il existait deux taches de

ramollissement ancien, l'une de 3 centimètres de diamètre, sur le

pied de la première circonvolution frontale droite, l'autre occupant

c)

toute la surface des postérieurs de la première circonvolution

temporale gauche, s'étendant jusqu'au voisinage de l'insula de

Reil et entamant un peu la partie supérieure de la deuxième

temporale.

- L'auteur estime qu'il est nécessaire, dans la pratique journalière

des asilés, d'avoir ces cas bien présents à l'esprit, car la paraphasie'

474 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

peut être confondue avec l'incohérence, et la difficulté de com-

prendre le langage mise sur le compte de la démence, alors que

cette dernière n'existe pas.

De pareilles erreurs peuvent inutilement priver de leur liberté

des malades qui, à part leur infirmité spéciale, ont un degré

normal de capacité mentale. (American journal of insanity, oc-

tobre 1896.) E. R.

LXXVI. CHOC nerveux ET maladie DU SYSTÈME nerveux COMME cause

d'anémie PERNICIEUSE ; par le docteur Herrick.

L'auteur rapporte l'intéressante observation d'un homme qui, à

la suite d'une chute sur le dos, perdit subitement ses forces, devint

sujet aux vertiges, se fatiguant à propos de rien, avec la peau

blanche, les jambes enflées, et présenta tous les signes cliniques

d'une anémie pernicieuse.

L'examen de ce cas, et d'un certain nombre de cas relatés dans

ce travail, permet d'établir que dans quelques cas d'anémie perni-

cieuse il y a rapport de cause à effet entre le choc ou la blessure

du système nerveux et l'anémie consécutive. Il est difficile de dire

si le choc agit par interférence avec le mécanisme nerveux des

organes digestifs, le résultat étant une anémie grave ou si, en

raison de l'altération de l'influence nerveuse, il y a trouble de la

fonction des organes hématopoiétiques.

En assignant au choc nerveux une influence sur la production de

l'anémie, il n'est pas nécessaire de le regarder comme la seule

cause ou même comme la cause principale : le choc nerveux ne

fait peut-être que favoriser l'action de quelque microorganisme ou

toxine jusque-là inerte et qui, grâce à ces circonstances, détermine

une anémie profonde ou même mortelle. (The alienist and rzezcro-

logist, juillet 1896.) E. B.

LXXVII. Genèse DE la paralysie faciale DITE rhumatismale ;

. par J. NEUMANN. (Ne.urolog. Centrnl6l. XIV. 1895.)

Des observations soumises à une minutieuse étude l'auteur

conclut à l'existence de trois, facteurs : 1° La substance nerveuse

est plus ou moins prédisposée à la paralysie par hérédité ou des

modifications acquises (diabète, syphilis, tabes). - 2° Des élé-

ments matériels d'origine extérieure (bactéries) ou interne (acide

urique, urée, créatine) pénètrent le tissus nerveux. 3° Les cellules

qui entourent les manchons amyélins, la gaine de Scwaun,

perdent leur action protectrice en face de ces éléments, quand les

conditions locales (commotion, choc, éléments chimiques, circula-

tion lymphatique) leur sont défavorables. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 475

LXXVIII. EMPYÉME DU SINUS FRONTAL GAUCHE, OUVERTURE DANS LA CAVITÉ

CRANIENNE ; SUPPURATION INTRA-DURE-MÉI11ENNE; par A. WALLEMBERG

(NClll'olog., Cehtreilb. XIV 1895.)

Il s'agit d'une danie de cinquante-deux ans, parfaitement saine

d'esprit, se plaignant de douleurs au-dessus de l'oeil gauche et

dans la moitié gauche du front. Blépharoptose gauche complète,

léger oedème à la paupière supérieure, douleur à la pression au

niveau du point d'émergence du sus-orbitaire gauche. La cavité

nasale droite est plein de muco-pus retenu par la muqueuse tumé-

fiée, celle de gauche est perméable. Le lendemain, il existe quelque

albuminurie. On propose d'ouvrir le sinus frontal. Puis les 4 acci-

dents augmentent d'intensité, ils se compliquent d'aphasie motrice

complète. Dans la nuit deux grands frissons, coma, respiration de

Cheyne-Stokes, résolution. Un ponctionne et trépane le sinus fron-

tal ; on gratte, on resèque les parties nécrosées de la voûte orbi-

taire ; on trouve dans l'arrière-fond du sinus un trou qui occupe

tout le milieu de la moitié inférieure; on dilate et l'on met à nu

une dure-mère sanieuse ; la ponction ne donne pas d'issue au pus

La malade meurt. L'autopsie démontre .que le pus du sinus a dû

pénétrer par le trou en question entre les première et deuxième

frontales, couler en arrière et en bas, s'épancher dans la scission

de Sylvins après avoir baigné la troisième frontale ; puis, refoulé

par la résistance du lobe occipital, il a comprimé la face interne

des hémisphères le long des ascendantes. P. K.

LXXIX. Considérations générales SUR LES affections CHRONIQUES

DE la moelle épinière ; par JoNES. (NOl'thw. Lancet, déc. 1896.)

Pour apprécier et comprendre la signification des principaux

symptômes fournis par les maladies de la moelle, il faut connaître

sa structure et les fonctions de ses divers segments.

Les renflements lombaire et cervical sont plus souvent atteints

que sa portion dorsale. Si la lésion est limitée aux cornes anté-

rieures, on observe de la paralysie motrice et de l'atrophie muscu-

laire, tandis que la lésion des cornes postérieures produit des

troubles sensitifs divers. Les conducteurs des sensations doulou-

reuses et thermiques entourent le canal central et sont reliés au

faisceau de Gowers, tandis que les conducteurs des sensations tac-

tiles suivent les cordons postérieurs en dehors de la substance

grise.

Paralysie motrice, atrophie musculaire, anesthésies diverses se

rattachent à des lésions bien localisées, tandis que d'autres symp-

tômes, tels que douleurs, incoordination, ataxie, contractions

spasmodiques, troubles réflexes, se rattachent à des lésions plus

étendues ou à des formes combinées.

476 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

L'auteur passe en revue ces principaux symptômes indiquant les

particularités qu'ils présentent dans les affections de la moelle.

Dans la polyomyélite antérieure, la paralysie motrice est étendue

et complète dès le début. Par la suite, elle se localise aux groupes

musculaires dépendant des noyaux cellulaires intéressés. Si, après

deux semaines le muscle ne répond pas à l'électricité, il est pro-

bable que la réaction de dégénérescence est complèle. La paraly-

sie dans la sclérose latérale amyotrophique indique l'envahisse-

ment des cornes antérieures. Il en est de même dans la syrll1go-

myélie. Dans la paralysie musculaire progressive, la paralysie

résulte de la dégénérescence des cylindraxes, due elle-même à

l'atrophie de leurs cellules d'origine.

Dans la myélite transverse, la paralysie est d'ordinaire complète

au-dessous du siège de la lésion.

L'atrophie musculaire accompagne la paralysie motrice quand la

lésion siège dans la substance grise. Les troubles senitifs varient

suivant le siège de la lésion (tabès, syringomyélie). Les douleurs

sont surtout prononcées dans les compressions de la moelle par

tumeurs ou par méningite. -

L'ataxie et la démarche spasmodique ne sont pas toujours

faciles à différencier. Dans le tabès, ces désordres résultent d'une

lésion des cordons postérieurs interceptant le cours des arcs re-

flexes ; dans la sclérose latérale amyotrophique, la démarche

spasmodique résulte d'une lésion bien différente intéressant les

cordons moteurs. -

L'étude des réflexes est d'un précieux secours. L'absence du

réflexe rotulien indique une lésion des cornes postérieures (tabès).

ou des cornes antérieures (polyomyélite). Les troubles trophiques

ont aussi une grande valeur; mais ils peuvent aussi s'observer dans

des névrites indépendantes de lésions médullaires. L'auteur résume

ensuite dans un tableau succinct les symptômes des principales

-affections : polyomyélite, myélite transvere, myélite diffuse, sclé-

rose latérale amyotrophique, tabès, tabès spasmodique, syringo-

myélie. P. RBLLAY.

LXXX. Faits CLINIQUES ET AN.1T0)10-l'.1TIIOLOGIQUES pour SERVIR A la

chirurgie DES tumeur ? DE la MOELLE épinière ; par L. Bruns.

(Archiv. sur Psychiatrie, t. XXVIII, liv. I, 1896.)

Première observation : femme de vingt-quatre ans. Hérédité

chargée. Apartir du mois d'août 1890, douleurs par accès au sacrum

s'irradiant dans les membres inférieurs et l'hypogastre. La malade

est alitée. Entre janvier et mai 1891, pas de douleurs, la malade se

lève. Parésie du pied droit. Entre mai et septembre, douleurs can-

tonnées surtout dans la jambe droite; parésie très marquée dans

la région péronière droite, le muscle tibial antérieur excepté et,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 477 Î

dans la région- tibiale postérieure (sauf les interosseux). Excitabilité

électrique, sensibilité normale; pas de troubles trophiques. Ves-

sie et rectum intacts. Au printemps 1892, on enlève un petit fibro-

sarcome de l'oreille droite. A la fin du mois de juillet 1892, dou-

leurs très fortes siégeant surtout à la face interne des hanches;

réflexes rotuliens all'aiblis. A la fin du mois d'août phénomènes

paraplégiques correspondant à une lésion dont le siège serait à la

limite de la moelle dorsale et lombaire; troubles de la sensibilité.

Plus tard, tout le renflement lombaire paraît devoir être mis en

cause. Paraplégie motrice et sensitive complètes dans le domaine

de la moelle sacrée, sensibilité dissociée (contact conservé) dans le

domaine de la moelle lombaire. Pendant un temps très court quel-

ques symptômes d'une lésion unilatérale. Paralysie totale de la

vessie et du rectum. Douleurs dans la région abdominale ; la pres-

sion est douloureuse au niveau des vertèbres dorsales inférieures et

lombaires supérieures.

Diagnostic : Tumeur (fbrosarcome) de la moelle épinière com-

mençant au niveau de la pie-mère et des racines du côté droit du

renflement lombaire qui est comprimé; centre au niveau de la

cinquième paire lombaire et première sacrée, la tumeur s'étend jus-

qu'à l'origine de la dernière dorsale.

Opération le 22 octobre 1892. On ne trouve pas de tumeur. Les

troubles de la motilité s'étendent jusqu'au domaine delà huitième

paire dorsale, les troubles de la sensibilité jusqu'aux racines dor-

sales supérieures. Mort le 13 décembre 1893, quatorze mois après

l'opération.

Autopsie : Sarcomes multiples des méninges et des racines mé-

dullaires. Siège primitif au niveau de la moelle lombaire. Pénétra-

tion des tumeurs à travers la pie-mère et par les racines dans

la substance médullaire. Toute la moelle lombaire est transformée

en une tumeur sarcomateuse compacte de la grosseur d'une petite

pomme. La dégénérescence sarcomateuse s'étend le long de la pie-

mère et sur les racines jusqu'à la partie supérieure de la moelle

dorsale.

Deuxième observation : homme de vingt-huit ans, pas d'héré-

dité. Opéré pendant la dernière année trois fois pour des

tumeurs : tératome de la cavité abdminale, sarcomes des ganglions

sus-claviculaires et du testicule gauche. Au mois d'avril 1894, dou-

leurs déchirantes au niveau du mamelon gauche; développement

1-apide d'une paraplégie totale motrice et sensitive, excitabilité

faradique des nerfs et muscles conservée, sensibilité exagérée

depuis les pieds jusqu'à un travers du doigt au-dessus des mame-

lons, de là jusqu'au niveau de la deuxième côte, zone de sensibi-

lité incertaine. Douleurs dans cette zone et pins tard dans la par-

tie interne des deux bras. Paralysie de la vessie et du rectum.

Abolition du réflexe rotulien et de celui du tendon d'Achille, con-

478 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

servation du réflexe planlnire. Phénomènes mal définis dans la

pupille gauche. Douleur à pression bien nettement circonscrite

entre lapremière et la deuxième apophyses épineuses dorsales cor-

respondant à l'origine médullaire de la troisième paire.

Diagnostic : tumeur métastatique des méninges dont le centre

se trouverait entre la troisième et la quatrième racine dorsale.

Prolongement jusqu'à la deuxième paire dorsale.

Opération le 25 avril 1894. Les arcs des quatre premières ver-

tèbres dorsales sont réséquées et on se trouve en présence d'une

tumeur aplatie située en dehors de la dure-mère entourant la par-

tie postérieure de la moelle et intéressant les racines des deuxième

et cinquième paires dorsales : extirpation aussi complète que pos-

sible ; hémorrhagie très abondante, mort le soir même de l'opé-

ration.

Le 26 avril, autopsie : la tumeur s'étend au-dessous de la lame

de la cinquième vertèbre dorsale jusqu'au niveau des sixième et

septième racines dorsales, et dans la région de la plus forte com-

pression elle atteint le bord postérieur des corps des vertèbres.

Dans ces endroits ou trouve des restes de la tumeur. La face anté-

rieure de la dure-mère n'est pas envahie. Il s'agit d'un sarcome

métastatique dans le tissu adipeux extra-dural. La dure-mère n'est

pas déchirée et la pie-mère comme la substance médullaire ne

sont pas atteintes par la tumeur. La moelle épinière est complète-

ment ramollie au niveau de la compression maxima sur une lon-

gueur de un centimètre et demi, elle est très atteinte entre le

deuxième segment dorsal en haut et le septième en bas. Cette

substance est dissociée; on y trouve des foyers disséminés, des vais-

seaux malades, des hémorragies. La moelle lombaire est indemne.

Dégénération descendante du faisceau pyramidal.

Suivent des considérations générales sur le diagnostic topogra-

phique, le pronostic et l'opportunité de l'intervention chirurgicale.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 9 février 1897.

M. Jovarsky. De la myopie volontaire. 'OBSERVATION I. Un

jeune homme, de vingt-quatre ans, sans hérédité morbide etd'une

bonne santé en général, ayant les pupilles et les mouvements des

yeux normaux, peut à son gré provoquer la myopie au degré qu'il

désire; il voit alors les objets qu'il fixe indistinctement, soit qu'ils

se trouvent à une distance rapprochée ou éloignée de lui.

La myopie peut être corrigée par des lunettes de tel ou tel

numéro dépendant du degré de la myopie spontanée.

L'examen ophtalmoscopique démontre une oscillation dans la

dimension du cristallin de 8 jusqu'à 9 dioptries. Une longue lecture

fatigue le malade.

Observation II. M. G... est un camarade du gymnase du

premier individu et a aussi la faculté de provoquer la myopie. Le

degré de sa myopie habituelle est de 6 dioptries, mais il est

capable de l'augmenter jusqu'à 9.

D'après le récit de ces deux malades la même particularité

existe chez une dame de leur connaissance.

L'auteur explique les cas observés par la capacité de ces ma-

lades de soumettre à leur volonté les muscles, qui ordinairement

ne peuvent être soumis aux mouvements volontaires.

C'est ainsi qu'on a décrit des cas, où certaines personnes pou-

vaient à leur gré ralentir les pulsations du coeur, élargir ou dimi-

nuer leurs pupilles selon leur volonté. En ce qui concerne le cris-

tallin, l'auteur est porté à donner une explication analogue. Dans

certains cas ces changements n'ont lieu que dans le cristallin et

dans d'autres l'impulsion motrice, en se concentrant dans le cris-

tallin, peut aussi s'étendre sur d'autres mouvements de l'oeil. Le

premier cas est regardé par l'auteur comme une capacité appar-

tenant proprement à cet individu. La genèse de ces phénomènes

est attribuée à une habitude acquise.

480 sociétés savantes.

M. ADELMEtM est du même avis et pense que cette capacité

provient à la suite d'un exercice prolongé et envisage ces cas

comme exceptionnels.

M. Evetzicy a connu une jeune fille avec V=l, qui devenait

myope dès qu'elle se mettait à lire; il paraît que dans ce cas jouait

un grand rôle l'idée de la myopie qui agissait comme une auto-

suggestion. M. Evetzky ne nie pas non plus complètement l'in-

fluence de l'exercice.

AI. Kojewnikoff explique les cas cités, par une habitude de faire

des mouvements isolés par des muscles, qui ordinairement ne se

contractent que simultanément.

M. ÛGNEFF. De la structure de l'organe pseudo-électrique chez

diverses espèces de m01'lnyl'us. En occupant la partie postérieure

du corps, cet organe d'une forme cylindrique est composé de

quatre parties : deux parties dorsales et deux parties ventrales.

Chaque partie finit par un rétrécissement conique, composé d'un

tissu muqueux qui subdivise l'organe en question en série de

lamelles à forme triangulaire.

Les nerfs s'attachent au côté postérieur des lamelles. A chaque

lamelle se joignent 50 ou GO fibres à myéline, qui, en s'unissant et

en se divisant dicbotomiquement, se partagent en 6, 8 ramilles

terminales.

Elles sont entourées d'une membrane pareille à celle de

Schwann; puis vient une couche d'une substance homogène ou

granuleuse, avec une quantité considérable de noyaux. L'axe des

fibres se partage en fibrilles très fines, qui sont des prolongements

des cylindres-axes; la lamelle elle-même se divise en deux cou-

ches : la couche antérieure et la couche postérieure qui, se confou-

dant à leurs bouts, se composent d'un protoplasme granuleux.

Dans la couche inférieure pénètre une substance homogène de

fibres avec ses noyaux. La couche moyenne est composée d'une

couche très mince de fibres musculaires striées. La coloration par

l'or et par la méthode de Golgi permettent de suivre les fibrilles

jusqu'à la couche moyenne, où le fin fascicule de fibrilles se ter-

mine librement.

Sous le rapport biologique les organes électriques et pseudo-

électriques sont intéressants comme un contredit de la théorie de

Darwin; on voit ici que le tissu musculaire, si utile et si indis-

pensable à l'organisme, se transforme visiblement en un organe

tout à fait inutile, pour la construction duquel se dépense une

masse de substance nerveuse si précieuse pour l'organisme.

Quelques questions furent posées par MM. Pribytkolf, Iïornilolf

et Kojewnikofl'.

SOCIÉTÉS savantes. 481 l

Séance du 23 février 1896.

MM. ÂLEXANDMFF et Mm·on. Intervention chirurgicale dans deux

cas de lésion de la moclle épinière et du cerveau chez des enfants. Con-

tribution à l'étude de la syringomyélie résultant des mêmes cas.

Premier cas. Une fillette de douze ans était atteinte pendant

trois mois et demi d'une myélite assez aiguë, qui se développa à

cause de la compression de la moelle épinière au niveau de la qua-

trième et de la cinquième vertèbre. On fit une résection des arceaux

de la cinquième et de la sixième vertèbre, qui démontra ici un

épaississement de la dure-mère; l'opération n'alla pas plus loin.

La plaie guérit par première intention. La malade mourut d'une

pneumonie. Autopsie : endothéliome des vertèbres et de la dure-

mère médullaire, compression de la moelle, dilatation du canal

central dans la partie supérieure de la région dorsale.

Deuxième cas. Il s'agit d'une fillette, âgée d'un an, atteinte

d'hydrocéphalie (la circonférence de la tête 0 ? G23), et en même

temps une spina bifida située dans la partie inférieure de la

colonne vertébrale. On fit une ponction à l'aide d'une aiguille à la

région pariétale de la tête, on retira 140 centimètres cubes de

liquide transparent, et on injecta 18 centimètres cubes d'une

faible solution de teinture d'iode. Après l'opération la circonfé-

rence de la tête diminua jusqu'à Om,605. Quelque temps après

survinrent des convulsions générales et l'enfant succomba.

Autopsie. - Hydrocéphalie interne; la masse cérébrale des

deux hémisphères est amincie jusqu'à 5 millimètres; la substance

grise et la substance blanche peuvent être distinguées; épaississe-

ments disséminés de la pie-mère médullaire, adhérée à la dure-

mère. La moelle dans sa partie inférieure est endurcie d'une

couleur grisâtre et à demi transparente. Dans la partie inférieure

de la région dorsale la substance blanche est réduite, tandis que

la substance grise est d'un aspect normal. Au-dessus, on aperçoit

une dilatation du canal central à certaine distance. Après l'expo-

sition des théories concernant le développement de la syringo-

myélie, fut présentée la description des préparations microscopi-

ques. Dans le second cas (hydrocéphalie interne et spina bifida) le

canal central de la région lombaire avait un aspect d'une large

fente, qui plus haut prenait la forme d'un rein; encore plus haut

se détachait du côté postérieur du canal central une cavité en

forme de tube. Elle était close dans la partie supérieure de la

région dorsale et communiquait au milieu de son étendue à une

courte distance avec le canal central. D'après l'avis des auteurs il

s'agit ici d'un diverticule provenant d'une anomalie de développe-

Archives, 2° série, t. III. 31

482 SOCIÉTÉS savantes.

ment du canal central. Dans le premier cas (myélite par compres-

sion) au-dessus de la compression de la moelle épinière le canal

central est dilaté, plus bas il se divise en plusieurs canules, dontle

postérieur se transforme plus bas en une large cavité syringo-

myélique, qui occupe la partie centrale de la moelle épinière, se

prolongeant plus bas dans le canal central normal. En outre, on a

constaté une hyperplasie névroglique, se dirigent du canal central

vers les cornes et les cordons postérieurs. D'après les auteurs il

s'agit ici de même d'une affection d'origine embryonnaire.

M. Minor suppose que ces deux cas indiquent l'origine embryon-

naire de la syringomyélie, mais ils n'excluent pas en même temps

la possibilité de son développement à la suite d'autres causes,

comme, par exemple, de l'hématomyélie, etc., etc.

M. ROT ! ! indique que ces cas, où la prolifération de la névroglie

s'est développée sur le terrain des cavités préformées, n'ont pas de

rapport direct à l'entité nosologique, qui a pour base anatomique

une gliose ou une gliomatose de la substance grise centrale, et que

les cavités, si elles ne présentent pas de phénomène primitif, ne

jouent pas de rôle principal, d'autant plus qu'il y a raison de les

regarder comme des produits artificiels. M. Roth n'admet pas

l'origine hématomyélique de la gliomatose médullaire, puisqu'on

ne peut pas prouver qu'une hémorrhagie, dans n'importe quelle

partie du système nerveux, puisse produire une hyperplasie chro-

nique progressive, d'autant plus que la gliomatose se localise

principalement, dans la substance gélatineuse et, d'après l'avis de

M. Roth, on pourrait plutôt supposer ici l'origine parasitaire de la

maladie en question.

Selon M. Mouratoff les cas cités ne présentent qu'un intérêt

tératologique, et ne peuvent servir à l'explication de la patho-

génie de la gliomatose. Quanta l'origine hématomyélique de cette

dernière, M. Mouratoff croit que les cas de Schulze ne donnent

rien que des analogies anatomiques.

Quelques remarques furent faites par M. Pribytkoff et M. Ko-

jewnikoff.

M. RossouMO et M. BuscH. - Sur quelques nouveaux procédés de

coloration du système nerveux. L'essentiel consiste dans la colo-

ration suivante des corps granuleux et des mottes de myéline;

après l'endurcissement durant quarante -huit heures dans la

solution de formaline 5 p. 100, et après la déshydration par l'alcool,

les préparations sont montées à la celloïdine, après quoi on pré-

pare des coupes microscopiques ; pour la coloration on se sert

d'acide osmique et de l'hématoxyline de Bohmert. Pour la colora-

tion osmique les coupes microscopiques sont placées pour trois

heures dans une solution d'acide osmique 1 p. 100; sur le fond

SOCIÉTÉS savantes. 483

brun-clair les corps granuleux, et surtout les mottes de myéline,

apparaissent colorés en noir.

Pour faire le contraste plus marqué, on plonge les coupes

microscopiques dans le mélange suivant :

484 -il sociétés savantes.

l'enfance. L'auteur admet dans ce cas des hémorragies sous-ménin-

gées et il explique la variété des convulsions par le degré et non par

la localisation de la lésion de l'écorce cérébrale.

M. Ryi3,rorp. De la narcolepsie. - L'auteur a observé à la cli-

nique psychiatrique de Moscou un étudiant âgé de dix-huit ans, qui

- depuis deux ans après un typhus était atteint d'une somnolence,

qui le surprenait même pendant ses occupations. Dans tout le reste

le sujet en question était bien portant. Ces accès de sommeil

arrivent de 1 à 3 fois par jour et se prolongent de cinq minutes

à une heure. L'auteur trouve que nous avons affaire ici à une

forme de narcolepsie pure, en contraste de l'état narcoleptique,

qui accompagne quelquefois l'hystérie, l'épilepsie, les lésions car-

diaques et les lésions du foie. '

La narcolepsie, d'après l'avis du rapporteur, doit être regardée

comme un syndrome de la dégénérescence et peut être rapportée

à la catégorie des impulsions irrésistibles.

1\1>\1. SERBSRY, Rossouno, FOKARSKY et le M. le professeur Kojev-

vmorr, étant d'accord avec l'auteur sur l'existence d'un pareil

symptomo-complexus firent pourtant des objections motivées con-

cernant l'opinion du rapporteur, que la narcolepsie doit être

regardée comme une impulsion irrésistible. A la question, adres-

sée par M. Rossolimo, l'auteur répondit que les recherches

chimiques des sécrétions n'ont pas été faites et concernant la

sphère motrice des yeux on n'a pas constaté d'anomalie.

M. FOKARSKY cita un cas de narcolepsie, qu'il avait observé chez

un garçon âgé de onze ans et qui avait simultanément beaucoup

d'autres anomalies psychiques : on remarquait chez ce malade un

rapport étroit entre le sommeil normal et le sommeil patholo-

gique.

M. SCIIATALOFF fit mention d'un malade chez qui l'état narco-

leptique existait depuis dix-huit ans et accompagnait toujours une

lésion optique, et quand le malade s'en débarrassa la narcolepsie

disparut aussi.

M. le professeur KORSAKOFF est d'accord avec l'opinion de

M. Rybakoff, que la narcolepsie, dont souffre le malade en ques-

tion, doit être regardée comme un des symptômes de dégénéres-

cence, ainsi que d'autres anomalies impulsives, qui ont été obser-

vées chez le malade.

M. le professeur KOJEWNIKOFF ne consent pas à regarder la nar-

colepsie comme une entité morbide et à la comparer avec le

symptomo-complexus hystérique ou neurasthénique. Ce syndrome

ne se développe pas toujours sur un terrain de la dégénérescence

et conserve toujours son autonomie.

M. Semidaloff. Contribution ci l'étude de la confusion psewlo-

SOCIÉTÉS savantes. 1185

aphasique. L'auteur observe deux cas d'une confusion pseudo-

aphasique, dans l'un desquels l'embarras de la parole se continua

pendant une semaine et le second deux Jours. Ce trouble était

caractérisé :

1° Par une tendance à former des paroles incompréhensibles;

2° par une déformation des mots et par un remplacement d'un

mot par un autre ; ce qui était plus marqué surtout pendant la

période de la plus grande confusion d'association; 3° par l'oubli

des noms propres et de noms des objets sans perte de la faculté

de comprendre leur sens à l'exception d'une fois, lorsqu'on

observa la disparition presque totale de la faculté de compréhen-

sion du sens; 4° par quelques formes d'agramalisme, qui sont si

propres à l'amentia manicans.

En se basant sur ces cas l'auteur pense que les troubles de la

parole, accompagnant la confusion mentale, sont des phénomènes

épisodiques que l'on remarque pendant le plus haut degré de la

confusion mentale; c'est pourquoi on ne doit pas regarder la con-

fusion pseudo-aphasique comme une entité morbide d'une psy-

chose délirante fonctionnelle.

M. FOKARSKY fit attention à ce que dans certains cas d'cemnésia de

Aleynert pendant tout le cours de la maladie, existent des embarras

de la parole indépendamment de la confusion mentale et que

l'étude de ces derniers présente un intérêt parce qu'elle peut jeter

une lumière sur le cours probable de l'issue de la maladie.

M. le professeur KORSAKOW pense que les troubles du langage

dans la confusion mentale peuvent dépendre du degré de la

confusion mentale, quand disparait la connexion entre les mots

et les représentations, ou cela dépend d'une association irrégu-

lière des expressions auditives avec des images grâce à l'existence

des idées délirantes ou des hallucinations; outre cela ce phéno-

mène peut dépendre, d'après l'avis de M. le professeur Korsakow,

de l'affaiblissement, des arrêts et de la tendance à dire des sottises

singulières.

M. le professeur KOJEWNIKOV indiqua sur la signification pro-

gnostique très grave du diagnostic différentiel entre le trouble

aphasique et le trouble pseudo-aphasique.

M. Rossolimo fit une communication sur une nouvelle espèce

d'affection mycosique du système nerveux central.

Il s'agit d'une malade qui venait d'arriver à Paris et qui souf-

frait d'abcès multiples : dans un poumon, sous la peau et dans le

cerveau (d'ici une hémiplégie gauche avec développement lent);

avant la mort se manifestèrent des phénomènes d'une méningite

aigue. L'autopsie donna les résultats suivants : abcès dans un

poumon, abcès dans la couronne rayonnante, qui pénètre dans le

486 SOCIÉTÉS savantes.

ventricule latéral; petit abcès dans l'écorce cérébrale de la circon-

volution frontale'première; en outre une méningite basilaire res-

semblant à une méningite purulente. L'investigation bactériolo-

gique de la pituite pendant la vie, est du pus des abcès après

l'autopsie et de la substance cérébrale autour de ces derniers

indiqua que cette lésion dépendait d'une infection par une espèce

de stl'eptotl'ix, ressemblant à un cladotrix t11,tél'oïdes et dont le

signe particulier de la culture consiste dans une couleur rose au

lieu d'une couleur rouge, cette espèce mycotique n'a pas été décrite

par personne jusqu'à présent. Concernant la communication, des

questions furent adressées par M. le professeur Korsakoff, M. le

Dr Mourakofl et M. le professeur Kojewnikoff.

G. RossoLmo, N. SCHATALOFF, A. FOKAHSK.

LVIe SESSION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE LA PROVINCE RHÉNANE.

Session DE BONN : le 9 novembre 1896.

M. PELMAN, président, fait part à la Société de l'accident grave

dont a été victime M. le Dr Schaifer, directeur de l'asile de Leu-

zerich, qui a été blessé par un aliéné d'un coup de couteau au cou.

La Société adresse à M. Schaefer l'expression de sa sympathie et ses

souhaits de prompt rétablissement. -

M. TECKEL1. Sur l'importance des sentiments d'inquiétude dans la

neurasthénie. Erb et surtout Olôbius voulant donner une vue

d'ensemble du complexus symptomatique, proléiforme d'appa-

rence, dela neurasthénie, ont signalé le parallélisme entre les symp-

tômes de cette affection et ceux de la fatigue : « les symptômes de

la neurasthénie, a-t-on dit, sont ceux de la fatigue ». Quelque

séduisante que soit l'analogie établie par ces auteurs, il y aurait

lieu, pour être plus exact, de dire : « le, symptômes de la neuras-

thénie sont ceux de l'anxiété, de l'inquiétude ». L'auteur veut

prouver sa thèse en s'appuyant sur les cinq propositions suivantes

qui ont pour but de mettre en lumière la grande importance des

sentiments d'anxiété (états dépressifs de concentration, d'expecta-

tion) dans le tableau clinique de la neurasthénie.

1° D'après l'opinion unanime des auteurs, le surmenage, phy-

sique ou psychique, l'épuisement ne suffit pas à lui seul pour pro-

SOCIÉTÉS savantes. 487 7

voquer la neurasthénie. Il est nécessaire qu'un état affectif de

concentration de nature dépressive vienne s'y ajouter (Bouveret,

MBbius, Loewenfeld, v. Hüsslin, v. Kraft-Ebing);

2° L'étude des facteurs étiologiques considérés par les auteurs

comme intervenant dans la genèse de la neurasthénie montre que

la prédisposition héréditaire que l'on trouve dans 75 cas p. 100, se

traduit en général par une impressionnabilité extrême, un état

d'inquiétude, de poltronnerie. Mais parmi toutes les causes occa-

sionnelles de la neurasthénie, les états affectifs de nature dépres-

sive, d'anxiété et de préoccupation jouent un rôle prédominant.

V. Hbsslin, par exemple, considère comme des causes fréquentes

de neurasthénie (chez 9 malades sur 10) les soucis, les préoccupa-

tions. l'échec de projets caressés, l'ambition déçue, les déboires.

Parfois le mode d'intervention de ces facteurs est plus difficile à

déceler; il en est ainsi quand l'état d'anxiété est provoqué par

des troubles physiques (oblitération des fosses nasales, entérop-

tose, etc.);

3° Avant tout, les signes physiques qui accompagnent l'état

d'anxiété sont absolument identiques avec les symptômes de la

neurasthénie; on ne peut pas en dire autant des symptômes de la

fatigue. Seule la rachialgie des neurasthéniques n'a pas d'ana-

logue dans les signes de l'état d'anxiété;

4° Il n'y a pas de neurasthéniques qui ne présentent des états

d'anxiété, de concentration pénible. Bouveret signale également ce

fait; .

5° L'auteur insiste sur les analogies qui existent entre la neuras-

thénie et l'hystérie d'une part et l'anxiété et la terreur d'autre

part. La neurasthénie et l'hystérie ont, comme la terreur et

l'anxiété. toute une série de symptômes communs. Il n'y a que

quatre symptômes qui appartiennent en propre à la terreur et

aussi à l'hystérie, ce sont : 1° la paralysie complète, frappant plus

particulièrement les jambes ; 2° la tendance aux convulsions

toniques et cloniques ; 3° le mutisme ; 4° l'insensibilité.

L'auteur mentionne en terminant la théorie de S. Freud qui pro-

pose de détacher complètement du tableau clinique de la neuras-

thénie le complexus symptomatique des névroses provoquées par

l'anxiété. Il ne resterait alors comme représentant la neurasthénie

que les symptômes d'irritation spinale, puisque tous les autres

symptômes, comme il a été dit plus haut, se superposent aux

signes physiques de l'anxiété. L'auteur pense qu'il serait préfé-

rable d'identifier les mots de neurasthénie et de névrose due à

l'anxiélé et peut-être de donner de nouveau droit de cité à l'an-

cienne irritation spinale. Ce qu'on ne peut admettre, c'est que

tous les cas de névrose par anxiété soient d'origine sexuelle.

M. PELMAN rappelle que les expériences de Mosso ont démontré

488 SOCIÉTÉS savantes.

la base physiologique de ces processus. Chaque excitation qui agit

sur les nerfs périphériques de la sensibilité a pour résultat une

constriction des vaisseaux périphériques. Les neurasthéniques pré-

sentant une augmentation de l'intensité des perceptions, il en

résulte que chez eux les constrictions des vaisseaux sont plus consi-

dérables et par suite les conséquences de cette vaso-constriction plus

accusées. Cramer a mesuré l'augmentation de la pression sanguine

dans la peur à l'aide du sphygmomanomètre de v. Basch. Il est

intéressant de noter l'état de la pupille dans la peur; la constric-

tion des vaisseaux détermine une dilatation intense et persistante.

On observe parfois cette dilatation d'origine émotive chez des can-

didats.

M. Hecker cite une observation faite par le Dr Iiüni qui, en

examinant les urines des candidats pendant l'examen et huit

jours, après a trouvé une augmentation des phosphates (2 p. 100).

On a aussi signalé la phosphaturie dans la neurasthénie.

M. TlGGES. Rapport sur l'augmentation du nombre des aliénés en

Angleterre, en Ecosse et en Irlande. - On admet généralement que,

dans la période contemporaine, le nombre des aliénés a augmenté.

En faveur de cette opinion, il y a ce fait que le nombre des aliénés

soignés dans les asiles a été toujours s'accroissant. C'est en Grande-

Bretagne que la proportion des aliénés assistés est la plus élevée.

Ce fait, joint à ce que ce pays possède la meilleure statistique des

aliénés et fait exécuter'tous les dix ans un recensement des aliénés

en même temps que le recensement général de la population,

donne une valeur toute particulière aux considérations qui vont

suivre.

Depuis quelques années, un certain nombre de médecins anglais

et écossais prétendent, contrairement à l'opinion généralement

acceptée, que l'augmentation des aliénés en Angleterre et en

Ecosse n'est qu'apparente; les médecins irlandais, au contraire,

tiennent cet accroissement pour réel; cependant, depuis deux ans,

ils commencent à accepter l'opinion des Anglais et des Ecossais.

Ceux qui admettent la réalité de l'augmentation du nombre des

aliénés s'appuient sur l'accroissement continu de la population des

asiles et du chiffre des entrées. Les arguments ,'que jadis on pou-

vait invoquer pour ne voir là qu'un accroissement apparent (no-

tions plus exactes sur l'assistance des aliénés), ces arguments ne

peuvent plus servir aujourd'hui. D'autre part, les facteurs étiolo-

giques de la folie ont augmenté en fréquence et en intensité, d'où

il résulte que les maladies mentales ont dû devenir plus fréquentes ;

citons par exemple l'alcoolisme, la lutte pour la vie.

Les partisans de l'opinion contraire font valoir que la population

se sert plus volontiers que jadis des asiles d'aliénés ; de nombreux

établissements ont été créés et agrandis; les communications sont

SOCIÉTÉS SAVANTES. 489

devenues plus faciles; le caractère des établissements s'estmodifiéen

ce sens que les malades ont été traités d'une façon plus humaine

et plus scientifique; l'idée générale qu'on se fait [de la [folie s'est

transformée; de nombreux sujets qui étaient auparavant recueillis

dans les dépôts de mendicité ou laissés en liberté ont été internés.

Il faut ajouter encore que la mortalité est moins grande dans les

asiles. Le chiffre de la population des asiles ne peut donner aucune

indication sur la prédisposition d'un peuple aux maladies men-

tales. Ce dont il faut tenir compte, c'est du nombre des premières

admissions. Dans ces conditions l'accroissement est faible.

Hack Tuke(1894) a énergiquement combattu l'opinion qui consi-

dère la folie comme augmentant de fréquence en Angleterre. Le

nombre des premières admissions aurait augmenté de 1871 à 1892,

pour la première et la dernière période de cinq ans, de 14,2 p. 100.

Ce dernier chiffre ne serait pas, d'après Hack Tuke, l'indice d'une

augmentation aussi considérable qu'elle le parait. Pour lui, ni le

chiffre de la population des asiles, ni le nombre des admissions ne

démontreraient l'existence d'une augmentation de la folie. En

Ecosse, le nombre des premières admissions a légèrement diminué

de 1883 à 1892 : le chiffre de la population des asiles a aug-

menté de 28 p. 100.

Le Dr Spencer conclut de ces recherches que les cas de folie ne

sont pas plus nombreux actuellement en Ecosse qu'en 1858. Il en

est de même en Irlande.

On peut donc admettre, en se basant sur toute une série de

recherches statistiques, qu'en Grande-Bretagne et probablement

dans les autres pays civilisés, le nombre de sujets atteints de folie

ne varie pas, pour une même période et pour une même popula-

tion. L'accroissement constaté n'est qu'apparent.

M. PERGTTI. Le mariage des sotH ? mtfe<s.Une sourde-muette de

vingt-deux ans s'est vu refuser, par les autorités religieuses et admi-

nistratives, le droit de se marier, sous prétexte que son consentement

n'était pas valable. L'auteur examina la jeune fille et constata

qu'elle n'était pas atteinte d'imbécillité, mais que son développe-

ment intellectuel n'avait pas été poussé très loin faute d'une ins-

truction suffisante. Elle ne pouvait donner de consentement ni

oral ni écrit, mais elle se conduisait d'une façon normale, savait

tenir un ménage, gagnait sa vie avec des travaux de couture et

subvenait aux besoins d'une jeune soeur. M. Peretti conclut en

demandant, que l'instruction soit obligatoire pour les sourds-muets.

Paul Sérieux.

BIBLIOGRAPHIE.

X. Contribution à l'étude anatomique et clinique du Tabès dorsalis,

par le Dr Cl. Philippe (avec 43 figures dans le texte et une

planche). -

Pour l'auteur, l'anatomie pathologique du tabes médullaire

soulève un double problème : topographie des lésions d'une part;

caractères histologiques du processus morbide d'autre part. Le

chapitre 1 est consacré à l'histoire critique des solutions successi-

vement proposées par ce double problème ; ces solutions divisent

l'anatomie pathologique du tabes en trois grandes périodes. Dans

la première période, avec le mémoire original de Bourdon et Luys

(1861), la maladie est regardée comme la sclérose des racines et

des cordons postérieurs. Plus tard, en 1870-72, l'Ecole de la Salpê-

trière, avec Charcot et Pierret, donne la première formule systé-

matique, formule médullaire, bientôt appuyée par les recherches

embryogéniques de Flechsig : le tabès commence par les bande-

lettes externes des cordons postérieurs. En 1879, Vulpian ouvre la

troisième période, en admettant l'origiue primitive des lésions des

racines postérieures; cette formule radiculaire, oubliée quelques

années, est bientôt rajeunie par les progrès de l'anatomie des

cordons postérieurs qui apparaissent surtout formés par les fibres

des racines; elle donne naissance à plusieurs théories (Hallopeau,

Schultze, Déjerine, Pierre Marie, Babinski, etc.)

L'auteur aborde ensuite, le premier problème anatomo-patholo-

gique, celui de la topographie des lésions médullaires du tabès.

La première partie de son chapitre Il, est une élude d'anatomie

normale, pour établir la place, la direct : nn, le volume des fais-

ceaux qui constituent les cordons postérieurs. Cette étude d'ana-

tomie normale, faite avec la méthode des dégénérations secon-

daires de la moelle humaine, démontre que les cordons postérieurs

possèdent deux systèmes de faisceaux. Le premier système comprend

les fibres des racines postérieures : fibres extrinsèques - exogènes

(Pierre-Marie) fibres du ganglion vertébral, fibres centripètes

du protoneurone sensitif. Le deuxième système renferme les fibres

intrinsèques : fibres endogènes, fibres de cordon. Chaque système

occupe une place définie et forme un faisceau individualisé. Ainsi,

le système radiculaire postérieur, à direction ascendante, constitue,

au sur et à mesure de son trajet, la zone cornu-radiculaire, la zone

BIBLIOGRAPHIE. 1191 1

des bandelettes externes, la zone interne des fibres longues. Les

systèmes endogènes sont : l'un descendant, l'autre ascendant;

le système endogène descendant occupe, dans le cordon postérieur,

une place variable suivant la hauteur considérée ; latéral pour la

moelle cervicale et dorsale, il forme la virgule de Seliultze

médian au niveau de la moelle lombo-sacrée, il devient le centre

ovale de Flechsig et le faisceau triangulaire de la région sacrée et

du cône terminal postéro-latéral pour la moelle dorso-lombaire,

il constitue une bandelette périphérique spéciale. Le système

endogène ascendant, mois bien individualisé, occupe la région

cornu-commissurale, surtout au niveau des renflements, cervical ou

lombaire. Des figures, pour la plupart personnelles, accompagnent

cette étude anatomique complète, de la fasciculalion, endogène et

exogène, des cordons postérieurs.

Puis, l'auteur passe à la topographie des lésions médullaires

tabétiques. Il a pn étudier les coupes sériées (4000 environ) de

10 cas de tabes observés à diverses périodes, dans le service de

M. A. Gombault à l'hospice d'Ivry; cette étude dresse la topogra-

phie : 1° au niveau du système radiculaire postérieur; 2° au niveau

des zones endogènes ; 3° au niveau du cordon de Goll. De nom-

breuses figures, dessinées d'après nature, permettent de suivre

l'étude topographique qui arrive à la conclusion suivante : Le labes,

dit initial, atteint d'abord, le système radiculaire postérieur,

depuis la racine jusqu'au cordon correspondant de la moelle. Les

fibres moyennes de Singer et Alunzer sont prises avec élection, et

au niveau de la moelle (bandelettes externes de Pierret), et au

niveau des racines. Cet envahissement du système radiculaire pos-

térieur, par zones successives, constitue la première étape anato-

mique du tabès. Le labes avancé est caractérisé par la destruction

des zones endogènes descendantes (virgule de Schultze; bandelette

périphérique dorso-lombaire ; centra ovale de Flechsig; faisceau

triangulaire médian du cône terminal;, et des zones endogènes

ascendantes (fibres cornu-commissurales); celte destruction des

zones endogènes constitue le deuxième étage anatomique du

tabes. La sclérose du cordon de Goll, si elle est, dans certains cas,

le résultat d'une dégénération secondaire des fibres longues lombo-

sacrées, peut aussi être produite par une lésion primitive, toute

locale, au cours d'un tabès cervico-dorsal intense.

Le chapitre m est consacré au deuxième problème anatomo-

pathologique, ou à l'étude des caractères histologiques du processus

tabélique. L'auteur, en comparant ce processus avec les types

connus des dégénérations secondaires, en l'étudiant à tous les

niveaux par des procédés variés (dissociation; coloration par le

marchi, etc.), arrive à conclure : le processus tabétique est paren-

chymateux, il frappe le tube nerveux tout en entier (gaine de

myéline et cylindraxe), sans participation de la cellule originelle.

493 BIBLIOGRAPHIE.

La lésion est, avant tout, une lésion primitive, quelle que soit la

zone atteinte, endogène ou exogène, au niveau des racines comme

au niveau des cordons postérieurs.

Le chapitre iv traite des conclusions générales et des applications

cliniques. L'auteur fait une étude synthétique des syndromes tabé-

tiques (sensitifs, sensoriels, moteurs, trophiques), d'après des

documents cliniques puisés dans le service de M. le professeur

Raymond à la Salpêtrière. Il montre combien l'évolution de la

maladie tabétique est polymorphe; ce polymorphisme clinique

s'accorde avec le polymorphisme des localisations anatomiques.

J.-B. CIIARCOT.

XI. Etudes de sociologie. Les anarchistes; par C. Lombroso : traduit

de la 2° édition italienne par les D'S Hamel et A. Marie, méde-

cins des asiles d'aliénés de la région de Paris. 1 vol. de

258 p. Ernest Flammarion. Paris, 1897.

Le professeur Lombroso fait précéder la seconde édition de son

étude sur les anarchistes d'une remarquable préface. Il montre

que les fanatiques ont existé de tout temps, mais que jadis ils trou-

vaient un aliment dans les luttes politiques et religieuses. Dans

notre société actuelle « tout entière basée sur le mensonge », et

surtout chez les races latines, lorsqu'un de ces fanatiques altruistes

surgit, il ne trouve d'autres aliments possibles à ses passions

que sur le terrain social et économique.

Quelles sont les causes sociales de l'anarchie ? Ce sont, dit Lom-

broso, les mensonges conventionnels de nos institutions, une

éducation qui ne répond plus aux besoins modernes, l'apologie de

la violence, les vices du régime parlementaire. Les anarchistes sou-

tiennent quelques idées qui peuvent être prises en considération,

mais que de théories inapplicables et absurdes qui ne tiennent pas

compte de la lenteur nécessaire à l'évolution du progrès et qui

veulent s'imposer à la majorité par la violence.

L'étude de l'état mental des anarchistes montre qu'il faut grou-

per ces sujets eu catégories distinctes. Citons d'abord les criminels-

nés, que caractérise l'absence totale de sens moral; le vol, l'as-

sassinat leur semblent des actes tout naturels; on peut prendre

pour types de cette catégorie Ravachol et Pini. Puis viennent

les épileptiques et les hystériques (Vaillant), les aliénés , les mal-

loïdes à sens moral ordinairement bien conservé, altruistes, gra-

phomanes, obsédés et impulsifs, les mastoïdes persécuteurs, les

cas de suicide indirect, les criminels par passion qui sont par

leur droiture l'antithèse des criminels-nés (Caserio). Lombroso

admet, avec Ilamon, que le mobile du plus grand nombre des

anarchistes, c'est un altruisme exagéré, une sensibilité morbide à

la douleur des autres. Cet altruisme est, avec le manque de miso-

BIBLIOGRAPHIE 493 3

néismè, la néophilie, un caractère des plus importants. Un cha-

pitre est consacré à l'étude de l'influence des saisons, de la lati-

tude, de l'altitude, de la race et enfin des fautes des gouvernements.

La prophylaxie est examinée avec détails. A part les criminels-nés,

la peine capitale ou les peines graves ne devraient pas être appli-

quées aux anarchistes. D'ailleurs ces châtiments ne font que propa-

ger le mal en excitant l'aberration altruiste et la soif du martyre

des déséquilibrés où se recrute l'armée des anarchistes. L'exil, la

déportation, l'internement dans des asiles, telles seraient les meil-

leures mesures. Les lois sur la presse sont sans action, de même la

religion. Pour prévenir l'expansion de l'anarchie, il faut diminuer

la centralisation exagérée des propriétés, des richesses, de la puis-

sance, réformer les programmes d'enseignement, porter remède à

la corruption : l'anarchie ne devient audacieuse que dans les pays

mal gouvernés.

On trouvera, dans cet ouvrage très intéressant du professeur

Lombroso, les qualités et les défauts du savant italien. Les docu-

ments et les observations sont souvent incomplets et gagneraient

à être soumis à une critique plus sévère. Les aperçus originaux

sont nombreux et l'auteur exprime ses idées avec une franchise

énergique à laquelle on n'est pas accoutumé. La traduction, de

MM. Hamel et A. Marie, est excellente. Paul Sérieux.

XII. Elude médico-légale de l'état mental des vieillards ;

par le Dr SCIlAEFFER. (Th. de Lyon, 1896.)

La vieillesse est la période de déclin normal de l'organisme,

intermédiaire à la croissance et à la mort. Elle résulte d'une dimi-

nution d'intensité dans les fonctions d'organes affaiblis par la

durée même de leur activité. L'évolution sénile est un processus

physiologique, se traduisant par un aspect spécial. Cet aspect est

la conséquence d'un processus atrophique compliqué de dégéné-

rescences. Ces dégénérescences n'étant qu'un phénomène particu-

lier de la vie cellulaire - Canstatt et l'atrophie résultant de la

prépondérance de la désassimilation sur l'assimilation. Nombre

de vieillards parviennent à un âge avancé en conservant l'usage

de leurs facultés, un commerce agréable et même leur vigueur

physique.

Au point de vue mental, l'évolution sénile peut se diviser en

trois périodes admettant entre elles de nombreuses transitions.

La première période est caractérisée surtout par une tournure

d'esprit particulière, et des manifestations instinctives mal répri-

mées. Le vieillard reste maître de ses facultés, mais ne peut plus

ou très difficilement acquérir de nouvelles notions.

La deuxième période, préface de la démence, est caractérisée :

1° par la disparition graduelle des facultés intellectuelles ; 2° par

494 BIBLIOGRAPHIE.

la disparition graduelle des facultés affectives et des sentiments;

3° par le retour de l'instinct. La disparition des facultés et des sen-

timents se fait dans l'ordre inverse de leur acquisition : les plus

complexes et les plus élevées disparaissent les premières.

L'affaiblissement de l'intelligence et de la vie sentimentale crée

toujours, entre les idées et le- jugement, une désharmonie éminem-

ment propre à la naissance d'interprétations erronées, à la perpé-

tration d'actes délictueux ou la mise en jeu d'impulsions soudaines.

Ainsi est expliquée la fréquence du suicide chez les vieillards, les

attentats à la pudeur et l'exhibitionnisme. Les acquisitions artis-

tiques ne suivent pas la loi de régression d'HerberLSpencer. Ce phi-

losophe divise les sentiments en 4 groupes : 1° sentiments indi-

viduels ou égoïstes : 2° sentiments sociaux ou tenant à l'espèce;

3° sentiments moraux ou altruistes; 4° sentiments esthétiques.

La troisième période est la période démentitielle. Les vieillards

y parviennent ou insensiblement ou brusquement après une

période de suractivité physique ou intellectuelle. Chez certains

vieillards, la déchéance physique ne s'accompagne pas de dé-

chéance intellectuelle. L'esprit reste insensible, grâce à de très

nombreuses acquisitions faites avant l'arrivée de la vieillesse.

La responsabilité est presque toujours entière à la première période

de lasénilité, elle estpartielle et limitée àladeuxième, nulle àla troi-

sième. Certains -vieillards vieillissent très vite, ce sont des séniles

précoces. Celle-ci est due soit à des influences diathésiques hérédi-

taires ou acquises, soit à des infections, soit à des intoxications. Les

troubles mentaux sont identiques, ou à peu près à ceux qu'on

observe dans la sénilité normale. La mélancolie est celle des psy-

choses qu'on observe les plus fréquemment dans la vieillesse.

Toutes ces psychoses se manifestent surtout par une exaltation

du sentiment de la conservation personnelle et de la propriété, et

par des tendances érotiques. Leur fond est identique à celui des

psychoses des adultes. Leur médecine légale est soumise aux règles

ordinaires de celles des aliénés. Dr DEVAY.

RIl Leçons sur les délires systématisés dans les diverses psychoses,

faites à l'Asile Clinique par V. Magnan, recueillies et publiées

par le Dr PliCHAR,11AN. (Progrès Médical, 1897.)

Après avoir dans une première leçon de séméiologie générale

exposé toute l'importance de la prédisposition et de l'état mental,

« les deux jalons directeurs de l'étude des psychoses », M. Magnan

décrit le délire chronique à évolution systématique. Le diagnostic de

ce délire est basé sur l'état mental primordial et sur l'évolution de

la maladie. Jusqu'au moment où éclate le délire, le malade n'a

généralement présenté aucun trouble psychique, souvent même il

n'a pas d'antécédents héréditaires. La première période de l'affec-

BIBLIOGRAPHIE. 493

tion est une période d'inquiétude progressive et longue, à laquelle

fait suite une phase dont les hallucinations de l'ouïe sont la carac-

téristique. Les idées de persécution deviennent plus nettes et arri-

vent à faire place à des idées de grandeur qui petit à petit se subs-

tituent aux idées de persécution. C'est la troisième période de

l'évolution de la maladie qui se termine toujours par la démence.

C'est là le type du délire systématisé.

La systématisation du délire existe aussi dans la dégénérescence

mentale, mais n'offre plus les mêmes caractères.

M. Magnan étudie l'état mental des dégénérés qui est surtout

caractérisé par un manque d'équilibre des facultés morales et intel-

lectuelles. 11 montre le vaste champ qu'occupe la dégénérescence

mentale s'étendant de l'idiot à l'imbécile, au débile, et atteignant

le dégénéré supérieur qui peut être fort intelligent mais offre

toujours une lacune, une désharmonie dans les fonctions céré-

brales. Les obsessions, les phobies, les aboulies sont les stigmates

psychiques de ces malades et à eux viennent se joindre les aberra-

tions et perversions sexuelles : inversion, fétichisme, zoophilie, etc.

Les délires systématisés des dégénérés seront toujours mobiles

et variables, sans évolution régulière ce qui permettra avec l'étude

de l'état m'entai antérieur de faire le diagnostic avec le délire

chronique. La manie raisonnante et la folie morale ne sont que

l'exagération de cet état mental : l'une dans la sphère intellec-

tuelle, l'autre dans la sphère morale. Les persécutés persécuteurs

empruntent à ces deux derniers types morbides. Leur délire est

obsédant, sans troubles sensoriels, sans évolution régulière. Ils

peuvent être processifs, homicides, filiaux, amoureux, etc.

Le délire de persécution des dégénérés emprunte sa couleur à

l'éducation, au milieu et à l'époque ou vit le malade.

Il peut être un délire mystique qui s'il se complique d'idées ambi-

tieuses, peut simuler le délire chronique, mais son début rapide,

son manque d'évolution, sa disparition fréquente permettent de

l'en distinguer.

Le délire ambitieux du dégénéré a toujours les mêmes caractères

généraux; l'idée ambitieuse est analogue aux idées obsédantes, il

n'y a toujours pas de troubles sensoriels, ni d'évolution régulière.

Le délire hypocondriaque est encore fréquent dans la dégéné-

rescence mentale. Il peut être rapide, complexe et polymorphe ou

à systématisation uuique mais fixe et toujours sans évolution.

Jusque-là les délires simples des dégénérés ont été seuls examinés

mais dans cette classe d'aliénés on observe aussi des délires multi-

ples à conceptions, différentes contemporaines ou successives. Dans

ces délires les idées de persécution et de grandeur peuvent se com-

biner, mais elles surviennent par bouffées successives pour ainsi

dire. Il y a plutôt coïncidence que succession au lieu de la transfor-

496 FAITS DIVERS.

mation lente des idées de persécution en idées de grandeur qu'on

observe chez le délirant chronique.

Après avoir dans un rigoureux parallèle distingué le délire

chronique, psychose progressive et régulière, des délires des dégé-

nérés, psychoses irrégulières, sans évolution, M. Magnan examine

les délires dans l'épilepsie et l'hystérie.

- Le délire épileptique a pour caractères l'automatisme et l'amnésie

qui lui fait suite. Il faut aussi prendre garde à la possibilité de

l'association de formes diverses de l'aliénation à l'épilepsie.

Le délire hystérique constitue la quatrième phase de l'attaque ou

se substitue à elle. Là encore, il peut y avoir association de psy-

choses à la névrose.

Le délire alcoolique est caractérisé par des hallucinations repro-

duisant les préoccupations habituelles du sujet. Ces hallucinations

terrifiantes sont surtout visuelles, mais ont aussi leur siège dans

tous les sens. Ces hallucinations sont toujours multiples et très

mobiles. Elles se développent non d'emblée mais graduellement,

passant par le trouble fonctionnel, l'illusion, puis l'hallucination

vague qui se précise enfin de plus en plus.

Mais souvent dans l'alcoolisme éclatent des délires étrangers

liés à la dégénérescence mentale ou symptômes d'une autre

psychose.

Les délires systématisés de la paralysie générale semblent être le

fait d'un paradoxe. La paralysie générale étant psychiquement

caractérisée par l'affaiblissement des facultés et la disparition

rapide des états de conscience. Ils existent cependant au début de

la maladie ou au moment de ses rémissions, mais chez les seuls

paralytiques à prédispositions vésaniques. J. Nom.

FAITS DIVERS

Don Cunacor. - 141m veuve Charcot s'est engagée à abandonner

la pension annuelle de 2,000 francs qu'elle reçoit de l'Etat, en fa-

veur des veuves ou des enfants, soit des professeurs, soit des

agrégés de la Faculté de médecine de Paris, morts sans fortune

ou sans retraite réversible suffisante. Elle a versé une somme de

5,077 fr. 75 représentant les arrérages qui lui avaient été payés le

jour où elle est entrée en jouissance de sa pension. Cette libéralité

figurera au budget de la Faculté sous la rubrique Subvention Char-

cot.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 497 -i

Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions : M. le Dr Pain,

médecin-adjoint de l'asile de Naugeot (Haute- Vienne), est élevé à

la 1re classe du cadre ; M. le Dr DENIZET, directeur de l'asile de

llarenville, est élevé à la classe exceptionnelle; M. le DRCROUSTEL,

médecin-adjoint de l'asile de Saint-Méens, est élevé à la 1 classe;

- M. le Dr LEGRAIN, médecin de la maison de santé de Ville-

Evrard, a permuté avec M. le Dr SRIEUX, médecin du service des

alcooliques.

l3anewv (P.). The idiot lus place in création ttncl liis daims on

sociely. Volume in-8" relié de 123 pages. Londres, 1897. Jar-

rold and sons.

Boun\c\ [1.1.1 : , Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du service des enfants idiots, épilep-

lirlues et arriérés de Hicêll'e, pour l'année 1896. Avec la collaboration

de MM. Metteta), .). Noir, Hegnault, ltellay, Vaquez et l3oyer.-Tome \VJI

de la collection, 1 fort volume de c-254 pages, avec 41 figures dans le

texte et 9 planches. Prix : G francs. Pour nos abonnés i francs.

AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 101' JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse il

celte date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons et notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien il payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, et partir du

15 Juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le l'éda,'lew",qél'lllll : J)nUII\, E\'It.I.F.

.acnms, 2e : éri, 111. , : J

498 EXPLICATION DES PLANCHES.

PHKMOEl. I.

Sclérose cérébrale hémisphérique.

Face convexe de l'encéphale (p. 200).

Cette planche montre à quel degré est prononcée l'atrophie

de l'hémisphère cérébral gauche.

EXPLICATION DES PLANCHES. 499

PL.1\CIIE II.

Sclérose cérébrale hémisphérique.

Face inférieure de l'encéphale (p. 200).

Même remarque. - Sur cette planche on se rend compte, en outre

de l'atrophie du pédoncule cérébral gauche, P, de la moitié gauche de

la protubérance, Pr., de la pyramide antérieure du même côté, Pi, et de

l'hémisphère cérébelleux droit.

500 EXPLICATION DES PLANCHES.

P ? wcm : 11 f.

Sclérose cérébrale hémisphérique.

Pig. 1. - Face convexe de l'hémisphère gauche (p. 200).

F2, F', seconde et troisième circonvolutions frontales.

F.A., frontale ascendante.

S.R., sillon de Rolande

P.A., Pariétale ascendante.

P.P.I., pli pariétal inférieur.

T', première temporale.

L.O., lobe occipital.

riq. 2. - Face interne du même hémisphère.

C.C., corps calleux.

C.C.C., circonvolution du corps calleux.

F', première circonvolution frontale.

L.P., lobe paracentral.

L. Q., lobe quadrilatère.

1..0., lobe occipital.

TABLE DES MATIÈRES

Académie de médecine, 143.

AFFECTION MYCOTIOUE. Nouvelle -

du système nerveux central, par

Hossolmo, 485.

Alcoolique. Intoxication chez un

jeune enfant, par Ilerter, 320.

Alcoolisme chronique traité empi-

rlquement, par Munson, 220. Sur

1' -, par Luhrman, 246.

Aliénation mentale chez les Arabes,

par Jleilhon, 41.

Aliénés. Restriction des procédés

mécaniques de contention des -

par Maurice Deas, 214. Educa-

tion systématique des -, par

O'Neill, 215. Affections fébriles

survenues chez des -, par Keay, : 33. - en liberté, 44. Augmen-

tation du nombre des - en An-

gleterre, par Tigges, 488.

.1LI11L\TA7f0\ forcée chez les aliénés,

par Turnbell, 220.

Amok. Sur l' -, par van Brero, 226.

Amour. La folie de l' -. Etude sur

l'Arioste par Kornfeld, 230.

Anvrciusme. Un fait d' -, par Bom-

barda, 221.

An IReHISTES, par Lombroso, traduc-

tion de Hamel et A. Marie, 492.

Anémie pernicieuse. Choc nerveux et

maladies du système nerveux

comme cause d' -, par Derrick.

AÉ'lHÓ"E cirsoide de la voûte cra-

nienne, par Polasson et Pont, 467.

'Annexes de l'utérus. Avenir génital

de la femme après ablation des

- , parAubrée, 146.

Anthropologiques . Enregistrement

des données -, par Steans, 360.

Aortite chronique chez les aliénés,

par del Greco, 371.

.11,iiisii, motrice totale par Bruns,

327. - Un cas d' - amnésique, par

Simpson, 457.

Artériosclérose. Troubles psychi-

ques de l ? par Beyer, 405.

Asiles. Deux - d'aliénés crimi-

nels, par Pons, 71. Placements

volontaires dans les-, par Smith,

79. - d'aliénés. Les visites des

familles et le règlement du 20

mars 1857, par Marandon de Mon-

tyel, 81. Internes des - par

Thulié, 157. - d'aliénés de Tokis

par Snell, 332. -, nominations,

335. - d'aliénés; règlement du 20

mars 1 857, par Taâuet-i55.-Cons-

truction d'un pavillon d'agitées à

l' - de Villejuif, par Eourneville,

412.

Associvtion DES idées. Mensuration

de la rapidité de l' - chez les

aliénés, par Zlehen, 137.

t1T wE et syphilis, par Drennen, 47.

Atrophie atuscuLUnE, à début brus-

que, par Dicter, 458.

Auto-intoxication. Rapport de 1' -

intestinale avec les lormes com-

munes de la folie, par Hamilton,

23L

Bibliographie, 69, 15.'t, ? 53, =e17, 490.

BRACIIIIL. Les lésions du plexus ,

par Korlinoff, 357.

BHO\CIIO-PULIO\ 11RE. Rôle du sys-

tème nerveux dans l'infection de

l'appaleil -, par Meunier, 154.

Cnow-SEQUAnD. Trois cas de paraly-

sie de -, par Bailey, 323.

Buveurs. Projet de loi sur les -

d'habitude, par Boehmert, 247.

Calotte. Recherches sur la région

de la -, par Mouakow, 118.

Caries. Diagnostic des - spiuales

par les rayons de Roentgen, par

Smith, 53.

Catatonie. Des rémissions de la -.

par Kroepelin, 396.

Cécité brusque, par Vanghop, 54.

Cellules nerveuses. Pathologie de

la -, par Julinsburer, 63. Sur

502 TABLE DES MATIÈRES.

la nomenclature des-, par Baker,

364. Modifications pathologi-

ques des -, par Tromner, 404.

Rapports de la substance des

- avec les états de repos d'acti-

vité, etc., des éléments nerveux,

par Nissl, 406. -

Centres de projection et d'associa-

tion de Dpchsig, par van Gehu-

chten, 355. Moteurs corticaux

du cerveau chez différents ani-

maux, par Wesley Alills, 363.

Cérébelleuse. Développement de

l'écorce -, par Lui, 354.

Cérébrale. Trois cas de tumeur ,

par Thomas, 403.

Cescnrso-c.sm vsuL. Névrose -, par

Gombaud, 149.

Chorée chronique avec alternances

semblables il celles de la paralysie

générale, par Boudurant, 45. -

congénitale, par Preston, 460.

Choréiques. Nature des psychoses

- , par Rousseau, 153.

Circulation. Action de quelques

substances médicamenteuses sur

la - cérébrale, par Giannelli, 140.

Circulatoire. Sur certains états du

système - chez les aliénés, par

Edgerley, 374.

Colonie de Craig pour les épilepti-

ques, par Peterson, 73.

Colonne DE CLARKE. Cellules de la

- dans le tabes simple ou asso-

cié à la paralysie générale, par

nlarmesco, 358.

COLOR ITIOX du système nerveux cen-

tral, par llberg, 360. -, par

Rossolimo et Busch, 482.

Confusion pseudo-aphasique, par

Semidaloff, 484.

Congrès international de neurologie

de Bruxelles, 427. VIII'

des médecins aliénistes et neural'

pathologistes, 334. - interna-1

tional de médecine légale, 334.

Consanguinité dans ses rapports avec

la surdité congénitale et la réti-

nite pigmentaire, par Sambuc,

153.

Convulsions d'origine cérébrale, par

Versiloff, 483.

Convulsifs. Pathologie de certains

accès -, par Furstner, 394.

Cordons postérieurs. Dégénéres-

cence de la partie lombo-sacrée

des - de la moelle, par Bance et

Muir, 365.

Cotes. Fragilité des - chez les

aliénés et les normaux, par Camp-

bell, 36.

Coupes. Préservation des - en série,

par Worcester, 359.

Couronne rayonnante. Nouvelles

communications sur la - du

cerveau de l'homme, par Fluchsig.

131.

Crâne. Plaie pénétrante du - et du

cerveau, par Fergusson, 211. -

en forme de tour, par Weber,248.

Fracture du - avec perte de

substance cérébrale, par Smith,

458.

CR.\'ECTO)iiE. Sur la -, par Telford

Smith, 209.

CRI'.TIIIIS11; sporadique, par Noyés,

238.

Criminels. Dégénérescence chez les

- , par Mac Corn, 223.

CUISIT1L. Signe du chez les alié-

nés, par Hess, 408.

Dégénérés. Mâchoire des -, par

Boody, 359.

Dégénérescences secondaires de la

substance blanche de la moelle par

Darkschewitschsch, 132. - des

faisceaux pyramidaux à la suite

de l'extirpation unilatérale des

membres, par Rothmann, 138.

DI : LIrs 1\TES. Sur les conceptions -,

par Ganser, 244. Signification

des idées - au point de vue du

diagnostic, par Aschall'enburg, 382.

Délire de la chicane, par

fenburg, 137. - raisonnant de

dépossession, par Régis, 43.

- de possession, par Angiolella,

311.-systomatisés dans les psy-

choses, par Magnan et Péchar-

man. 494.

Démence. Considération sur la -

paralytique, par Neff, 223.

Déviation conjuguée de la tête et

des yeux, par Bresler, 59.

Diabète et aliénation mentale, par

Uand, 36. - Rapports du - avec

la folie, par Band, 235.

Diabétique. Epilepsie -, par Jacoby,

321.

Uiplégie faciale, par Bregman, 60.

Discours à l'Association médico-

psychologique à Londres, par

Nicolson, 251.

Douloureuse. La sensation -, par

Roux, 325.

Dure -mère iuchidienne. Endothe-

liome de la -, par Clarke, 58.

TABLE DES MATIERES.

503

DYScuMMATopsiE chez les hysléii-

ques, par Péclu, 469. "

ECL1\II'SIE puerpérale, par Lelloch,

151.

Ecriture en miroir, par Allen, 121.

Ecrivains. La paralysie des - n'est

pas due à l'écriture seule, par

Hugues, 47.

Education psychologique,par Stan-

ley Hall, 125.

Electrode. Nouvelle - commuta-

tril : e, par Bernstem, 138.

Empoisonneuse de treize ans, ,21J.

E ? cÉpiilLlis primaire aigue hémor-

ragique, par Brie, 251.

Enfants bourreaux. Imbécilhlé mo-

ralle, 255.

Ermensm. Un stigmate permanent

de l' -, par Mairet et Vires, 143.

Etiologie de l' -, par l3essti;res,

147. Traitement médical et chi-

rurgical de l' -, par Peterson,

218. - diabétique, par Jacoby,

321. - sénile, par Kovalewsky,

325. Traitement de Il -, par le

sérum, par Vogelgesang. 383.

Troubles psychiques de l' -, au

point de vue du dioit criminel,

par Waldermuth, 386, par KI l'I1 ,

389. De la nature Jeu, par

Hallager, 42).

Ermite jeûneur, 78.

Eruptions cutanées d'origine hys-

térique, par Pannetier, 152.

E\InIEN. La méthode d' -- psychia-

trique, par Ganser, 241. Nécessité

d'un - médical devant la pour-

suite correctionnelle, par Ahbott,

317.

Folie. Diagnostic différentiel de la

- , par Burr, 35. Quelques erreurs

relatives il la -, par \Imk, 35.

- morale, par NaLioe, 39. Elimi-

nation de l'acide phosphorique

dans la - cyclique, par Stettam,

39. Variétés cliniques de la - en

France et en Allemagne, par Ilou-

binoviteli, 69. Traitement de la -

épileptique, par Tull Walsli, 2Jti.

Contribution à l'étude de la -

puerpérale, par Pianetta, 228. La

- diminue, statistique, par Chap-

man, 230. - de la conduite, par

Savage et Mercier, 231. - trait-

matique, par Cowan, 231. -

avec stupeur, par Hamillon et

Ili-O\Vn, 239. - communiquée,

par Kerris, 251. Prévention de la

- par Llghtner, 318. Statistique

relative à la - héréditaire, par

'fu l'ne 174. - dégénérescente

de développement, par Talbot et

Havelock, 375.

Fontanelle. Séméiologie de la ,

pm Abt, 368.

Frontal. Dégénérescence hyaline

isolée dans le lobe -, par Vors-

tel', \02.

Gvnghène. Trois cas de - ¡,ponta-

née, par Ilortoii, 230.

GOITRE EXOI'IITIL111()liL Troubles men.

taux dans le -, par 60\lldlanoll',

225. -, interprétation nouvelle,

par Riche 333.

Gocr. Méthode de -, par Weber.

331.

Goût. Troubles du - et de l'odorat

dans le tabes, par Kllppel, 257.

GRHES. Troubles mentaux dans la

maladie de, parMaude, 322.

Hallucinations pénibles dans le

tabes, par Bnand, 140. - sym-

boliques chez les sourds-muets,

par Sanjuan, 161. Genèse de

quelques -, par Rossi, 228. -

visuelles' produites par la pres-

sion sur le globe oculaire, par

Alzheimer, 228.

Hémiathophie faciale, par Abrams,

321 . - totale croisée, par Lountz,

409.

Hémiplégie faciale, linguale, pai

Wollenberg, 48.

Hémisphères. Indépendance fonc-

tionnelle des deux -, par Kier-

nain, 367.

IIÉM0L. Le bromure d'- de Iiobert.

par Holst, 221.

Hémorragie des muqueuses dans

la neurasthénie, par Beinichon,

117. - cérébrales et méningées,

par Mac Casliey, 215.

Histologie du système nerveux

centra). Théorie des neurones,

pal, Soury, 93, 281.

Hôpital. Nouvel -. L'eau, par

Huard, 74.

Hvdrocephaltique. Idiotie -, par

Pélerson, 229.

Hypnotisme considéré comme agent

thérapeutique, par Lichtschein,

216. - en justice, par Bell, 317.

Hyio4-,LobsE. Paralysie isolée de

il -, par Marina, '50.

D04

TABLE DES MATIERES.

Hystérie. Cas remarquable de

grande -, par Marino y Sanchez,

125. Diagnostic de Il -, par

Texier, 154. Diagnostic de Il -

par Patrick, ego. Perte de con-

naissance dans les attaques d' -,

par Pitres, 471.

ICTÈRE, psychoses, auto-intoxica-

tions, par Cramer, 330.

Idées prévalentes, par A. Koch, 37.

Psychologie des - fausses des

aliénés, par Une de Jouy, 227.

IDIOT. Psychologie de 1' , par

Petcrson, 220. «'

IDIOTIE. Traitement chirurgical de

Il -, par Shutleworth, 510. Sur

une réforme d' - de famille, par

Sachs, 237.

Incendiaires. Sur les - aliénés, par

Wemgart, 242.

INFECTIEUSES Complications ner-

veuses des maladies -, par Iland-

ford, 52.

Infirmières blessées et devenues

invalides, par Edel, 384.

Infirmiers. Question des z. parAlt, t,

332; par 397.

Interdiction. Discussion sur 1'

dans les projets du code civil alle-

mand, par Weber, Cubasch, Loss-

mtzer, Peterson, Boehmert, 245.

Inversion. Théorie sut 1' du sens

génital, par Havelock, 227.

Ivrognes. Mesures à l'égard des

d'habitude, par Wood Renon et

Yellowlées, 315.

LAiIDRY. Paralysie de -, par Rob-

son, 52.

Langage intérieur dans les scléroses

et la paralysie,par Trommer, 370.

Larynx. Paralysie motrice du ,

par Mac Cassy, 322.

Législation des aliénés. Rovaume

de Prusse, 75. r "

Lèpre. Influence des maladies aiguës

sur la -, par Todd, 52. *

Lésions. Etats mentaux associés à

des - viscérales, par Ilead, 232.

LEUCCM1ÉLITE. Méningite tubercu-

leuse spinale et - aiguë, par

Jacobaus, 462. c

LiTTLe. Faisceau pyramidal et ma-

ladie de-, par van Gehuchten,353.

L031BO-YONCTION dans les affections

du système nerveux spinal, par

Degrotte, 147. - de l'espace sous-

arachnoïdien, par Jacoby, 211.

Maladies nerveuses ET mentales. Le

repos et l'exercice dans le traite-

ment des -, par Clouston et

Tuke, 207 ; par Mayer. 209.

Manie. Un cas de - récurrente, par

Havelock, 23 i.

Médecine légale. Un cas de - en

matière d'aliénation, par Bargy,

142. Un cas de -, par Bonville

Fox, 310.

D1EDIC01'SYCIIOLOGIC.1L. American

Association, par Freemann, 253.

- Associatron, par 1-ood, 25a.

Méningite tuberculeuse spinale et

leucomyélrte aiguë, par Jacobaus,

462.

Menstruation et son influence sur

les psychoses chroniques, par

Najcke, 369.

Mental. Élément nerveux et dans : les maladies, par Clouston, 373.

Mentaux. Symptômes pouvant

survenir dans les maladies soma-

tiques, par Reynolds, 236.

Moelle. Section des légions supé-

rieures de la- chez les chiens,

par Gad et Flateau, 134. Champ

ovale des cordons posténeurs de

la - lombaire, par Hoche, 135.

Dégénération secondaire de la -

du chien, par Worotynski, 366.

Affections chroniques de la-, par

Jones, 475. Chirurgie des tumums

de la-, par Bruns, 476.

Morpiiinomame et morphinisme, par

Nodet, 418.

Myélites. Sur les , par Bruns,

327.

Myopie volontaire, par Jovarsky,

479.

Myosite multiple primaire, par

Kornitoff, 410.

Myoldème de la gorge, par Farlow,

321. Toxicité urinaire dans le -,

par Hel'toghe et Masoin, 472.

Narcolepsie, par n ybakoff, 184.

Nerfs. Lésions des - périphériques,

par Williams, 328.

Nerveux. Elément et mental

dans les maladies, par Clouston,

373.

Névrite alcoolique avec troubles

mentaux, parNeil, 3fui. -périphé-

rique, parSharl : ay, 51. - bitate-

rale du plexus brachial consécu-

tive à une pneumonie, par

Leszinsky, 320. - algue multilo-

culalre localisée, par llemal¡, 3GI,

TABLE DES MATIERES.

505

- traumatique du cubital, par

Feinte),470.

Névroses. Association des maladies

du coeur et des -, par Fronda,

372.

Neurasthénie. Nouvelle forme de

partielle par Bianchi, 56. Rap-

ports du pessimisme et de la -

par Rencurel. 152. - en Finlande,

par Holsti, 463. Inquiétude dans

la -; par Hacker, 486.

Neurofibromatose généralisée, par

Feindel, 155.

Neurones. Théorie des - et théo-

rie de la décharge, par de Bech-

terew, 127. Théorie des - avec

explications de quelques états

psychiques, par Soukhanoff, 337.

\rDLoowuE. Réaction électrique

- , par Remak et Marina, 362.

Nystagmijs vibratoire, par 8abrazès

et Cabannes, 470.

Obsession de la rougeur, par Pitres

et Régis, 1

Odorat. Troubles du goût et de 1'

- dans le tabes, par Klippel,

257.

Open door et le Congrès de Nancy,

par Marandon de Montyel, Í2L "

Optiques. Dégénérescence secon -

daire îles centres et voies -

- primitifs dans l'anophtalinie

congénitale, par Leonowa, 356.

Os. Hypertrophie des - et frac-

tures spontanées, par Sainclair, 53.

Organe pseudo-électrique chez le

Mormyrus, 480.

PAJET. Maladie osseuse de -, par

Devay, f6S.

Paralysie des l'le et Vile paires

coïncidant avec la coqueluche, par

Graig, 53. - post-dtphtéritique,

par Sano, 58. - Faciale de la pre-

mière enfance, par Kartom, 60. -

ascendante aiguë par Hadey et

Ewing, Í56.- bulbaire aiguë, par

Auzal, n59.- Post-puerpérale, par

névrite périphérique, par Lamy,

472. - Faciale dite rhumatismale,

par Neumann, 474.

Paralysie générale. Période termi-

nale de la -, par Armand, 67,

433. Cent cas de -, par Phleps,

22L Psendo - par Ilyslop, 375.

- à début précoce par Alzheimer,

377. Diagnostic précoce de la -,

par Gross, 380.

Paranoïa inventoria, par Shouka-

11 oit.

Paranoïaques. Délire et formes -,

par del Greco, 372.

PARAPHASIE et surdité verbale, par

Worcester 473.

Paraplégie spasmodique infantile,

par Ciro d'Urriola, 450.

PIC-11ÈRE. Néoplasmes de la - cé-

rébro-spinale, par Rossolimo et

Bouche, 411.

Pneumogastrique. Anastomoses en-

tre le spinal et le -, par Mirto et

Pusateri, 354.

Poisons. Les - de l'organisme, par

Charrin, 419.

Pseuno-cnosssssE, par Dubreml ,

148.

PSCUDO - hypertrophie musculaire

typique, par Bruno, 32G.

Psychiatrie en Américlue, par Cow-

les, 428.

Psychologie expérimentale dans ses

1 rapports avec la folie, par Rivers,

, 232.

Psychopatiiiques. Formes - dans

le midi de l'Italie, par del Greco,

229.

Psychoses religieuses à évolution

progressive et il systématisation

dite primitive, par Vallon et A.

Marie, 26, 176. - séniles par

Mahon, 150. Nature des - cho-

réiques, par Rousseau, 153.

Pyramidal. Faisceau - et maladie

de Little, par van Gehuc))t3n, 353.

Racines postérieures. Trajet des

- chez l'homme, par Marguliès,

136.

Réflexe. Rôle psychologique de

l'action -, par 1\1athis, 151. -

radiobicipital par Francotte, 461. ! lESPOXSOEILITÉ criminelle dans ses

rapports avec la folie, par Mauds-

ley, 312. - légale et ivresse, par

Crothers, 318.

RESTRAIXT mécanique dans la folie,

par Clark Bell, 317.

Rêves chez les hystériques, par Es-

clande de Messlères, 148.

Ruban de Reil. Structure du-, par

Schlesinger, 134.

Saturnisme. Cause ignorée d'in-

toaication -, par J.-B. Charcot et

Ivon, 3'rî.

Sclérose cérébrale hémisphérique

(idiotie, hémiplégie droite et épi-

506

TABLE DUS MATIERES.

lepsie consécutives par Bourne-

ville, 186.

Sensibilité. Troubles de la

hygrique par Mingazzil1l, 58.

Sexuelles. Perversion et déprava-

tion - chez l'homme, par Des-

champs, 148. Questions médico-

légales relatives aux anomalies de

la sphère -, par Hoche. 395.

Sinus. Thrombose du - latéral, par

Adams, 460. Empyème du-t'ron-

tal gauche, par Wallenbepg, 475.

Société médico-psvchologique par

Briand, 66, 141, 230. médico-

légale de Dresde, par Sérieux,

241. - psychiatrique de la pro-

vince rhénane, par Sérieux, 248,

486. - des médecins aliénistes

de Basse-Saxe et Westphalie, par

Sérieux. 326 -, psychiatrique de

Berlin, par Sérieux, 383. - psy-

chologique du S.-O. de l'Alle-

magne, par Sérieux, 386. - de

neuropathologie de Moscou, 409,

479.

Somnambules extra - lucides, par

Perry, 152.

Somnambulisme alcoolique au point

z do-vue médico-légal, par Fran-

cotte, 318. Opérations chirurgi-

cales, pendant le - provoqué,

par P. Janet, 355.

Soporifique. Traitement - et cal-

mant, par Francotta, 221.

Sourds-muets. Mariages des - par

Peretti, 489.

Spinal. Anastomose entre le - et

le pneumogastrique, par l\1 irto et

Pusateri, 354.

Strangulation. Phénomènes à la

suite de tentatives de -, par

Brackmann, 51.

Suicide. Plaies des carotides et des

jugulaires dans les tentatives de

- , par Thomas, 53.

Surdité nerveuse par Grant, 52.

Paraphasie et - verbale, par

Worcester, 473.

Syphilis et ataxie locomotrice, par

Dreunen, 47. Localisations spL

nales de la - héréditaire, par

Gasne, 41 î.

SYPHILITIQUES. Affections - des ar-

tères et du tissu du cerveau, par

Ablecoff, 61.

Syringomyélie consécutive à une

lésion de la moelle par Alexan-

droff et Minor, 481.

Tabès. Causes du -, par Voigt, 48.

- dorsalis, par Colella, 57. Anal-

gésie du cubital et du péronier

dans le -, par Sarbo, 62. Flacci-

dité des muscles dans le -, par

Girenkiel, 62. Chute spontanée

des dents dans le -, par Lafon-

taine, 150. Troubles du goût et

de l'odorat dans le-,par Klippel,

257. - dorsalis, par Philippe, 490.

Tnsso. : orquato- et ses biographes,

par Ireland, 255.

Température superficielle du crâne

dans les maladies cérébrales, par

Mac Casl : ey, 6.

Testiculaire. Prothèse - après cas-

tration, par Salles, 153.

Tétanie d'origine gastrique, par

Moreno y Lopez, 54 ; par Ortega,

55. Un cas de , par Park, 31H.

Thyroïdienne. De l'alimentation -,

par Broca, 220.

Thyroïdectomie expérimentale, par

Murray, 367.

Tremblements gélatineux de la lan-

gue chez les mélancoliques, par

Parant, 44. - consécutif à l'in-

Iluenza, par Buck et de Moor, 130.

Tuberculose cérébrale, par Gallois,

466.

Tumeur cérébrale ayant procédé

par attaques spéciales et troubles

de l'ouïe, par Luhrmann, 49. Un

cas de -, par West, 59. Sur l'ana-

tomie pathologique des -, par

Jores, 250.

Urines. Propiiétés coagulantes et

- toniques de quelques -, par

Guilhon, 149.

Vieillards. Etat mental des -, par

Scha-Her, 493. '

Vision. Récit personnel des phéno-

mènes morbides, 376.

Weber. Un cas de syndrome de

suivi d'autopsie, par Souques et

Bonnus, 470.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

.\hboll,311.

AI>beco(T, 01.

nlrams, a21.

Ahl, 368.

Adams, 460.

Alexandioir, 1181.

Alley, 1 ? 1.

Alt, 332.

Alzheimer, 228, 377.

Anaiolella, 371.

Arnaml, 66, 433.

Aschalrenbnrg, 37, 382

Aubrée, 156.

Auzal, 459.

Bailey, 323.

Baker, 364.

Banco, 36;).

liaiitl, 36, 235.

Bangy, 142.

Bechterew (de), 127.

Bell (CI.), 317.

Bermchov, i+7.

Bernstein, 138.

Bessières, 147.

Beyer, 405.

Bianchy, 56.

Boehmert, 2\6, 247.

Bombarda, 224.

Bondurant, 45.

Bonnus, 470.

Bonville (Fox), 316.

Boody, 359.

Bouche, 411.

Bourneville, 18G, 412.

Brackmann, 51.

Bregman, 60.

Brero (van), 226.

Bresler, 59.

Briatid, 66, l'iO.

Brie, 251.

Brown, 239.

Bruce, 220.

Bruns, 221, 327, 476.

Buck (de), 130.

liurr, 35.

Busch, 482.

Cabailiies, 17û.

Campbell, 36.

Chapmann, 230.

Charcot, 347.

Ciro l'Urriola, 450.

Clarke, 58.

Clouston, 207, 373.

Colella, 57.

Cowan, 231.

Cowles, 4 ? 8.

Cramer, 330.

Crothers, 318.

Cusbach,2f5.

Darhscbewitsch, 132.

Degroote, 147.

Deschamps, 148.

Devav, 468.

Dicter, 458.

Drenner, 47.

Dubreuil, l'f8.

Edel, 384.

Edgerlen, 374.

Esclande de rlessicres,

148.

Ewing, 456.

Farlow, 321.

Feindel, 155,470.

Fergusson, 211.

Flatau, 134.

Flechsin, 131.

Francotle, 221,318,461.

Freemann, 253.

Frenkel, 62.

Fronda, 372.

Fiirstner, 394.

Gad, 13F.

Gallois, 466.

Ganser, 241, 21-Í.

Gasne, 417.

Gehuchten (van), 353,

35 ?

Gianelli, 140.

Gonbaud, 949.

Graig, 53.

Garant, 52.

Greco (der), 229, 371.

372.

Gross, 380.

Guilhon, 149.

Hallager, 421.

Hamilton, 234, 239.

Handfort, 52.

Havelock. 227, 234, 37.

Head, 232.

Hecker, 486.

Derrick, 474.

Heurter, 320.

Hertoghe, 172.

Mess, 408.

Hoche, 135, 395.

Holst, 221.

Holsti, 463.

Hugues, 47.

Hurd, 74.

Hyslop, 375.

Ilberg, 360.

Ireland, 255.

Jacobaus, 462.

,lacoby, 211, 321.

Janet (P.), 355.

Jones, 475.

Jores, 250.

Jouy (de), 227.

Jovarsky, 479.

Juluisberger, 63.

Kartom, 60.

Keay, 233.

Kern, 389.

Kerris, 251.

Kiernan, 367.

Klippel, 257.

Koch (A.) 37.

Kornfeld, 230.

508

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Korniloff, 35-1, 410.

Kowalewshy, 32.ï.

KroepelIn, 396.

Lafontaine, 150.

Lamy, 472.

Lelloch, 151.

Leonowa, 356. '

Leszinsltv, 320.

LichtschEnn, 215.

Lightner, 318.

Lonntz, 409.

Lossnitzer, 245.

Ludwig, 397.

Lui, 354.

Luhrmann, 49, 246.

Mac Caskey, 46, 215.

Mac Cassy, 322.

Mac Corn, 223.

111allon, 150. : l1aIl'et, 143.

Marandon de montre),

81, 424.

N arguties, 136.

Marie (A.), 26, 176.

Marina, 50, 362.

nlarinesco, 358.

111.¡soill, 5î ?

Matins, 151.

Maude, 322.

nlamlsley, 312.

Maury Deas, 214.

nleilhon, 41.

Mercier, 231.

Mermon Sanchez, 125.

Meunier, 15.

lieyer, 209.

Mingazinnl, 58.

Mink, 35.

Minor, 481. 1.

Mirto, 354.

Monakov, 118.

Moor (de), 130.

Moreno y Lopez, af. 1

nlormvrus, 80.

Moi,Loii. 230.

Muir, 365.

Munson, 220.

Murray, 361.

Neff, 223.

Neil, 36.

Neumann, 474.

Nicolson, 254.

Nissl, 406.

Noecke, 3D, 369.

\oyes, 238.

O'Neill, 215.

Ortega, 55.

Panuetier, 152.

Parant, 44.

Park, 319.

Patrick, 460.

Péclun, 469.

Peretti, 489.

Perry (rie). 152.

Peterson, 73, 21 g, 220,

229.

Philippe, 190.

Phleps, 224.

Pianetta, 228.

Pierson, 245.

Pitres, 1, 471.

1'01l0880n, 467.

Pons, 71.

Pont, 467.

Preston, 460.

l'usateri, 354.

Railev, -450.

Iléis, 1, 43.

Reniai;, 361, 3G3.

Rencurel, 152.

ReynoUls, 236.

Riche, 333.

Hivers,232.

liobson, 52.

Rodent, 418.

HOEsi, 228.

liossolino, 411, 18 ? , i ?

Rothmann, 138.

Rouuinowicli, 69.

Rousseau, 153.

Roux ( ? ), 325.

Rybakoff, 484.

Sabrazès, 470.

Sachs, 237.

Sall1clan', 53.

Salles, 153.

Sambuc, 153.

Sanjuan, 151.

Sand, 58.

Sarbo, G3.

Savage, 231.

Schlesinger, 134.

Semidaloff, 484.

Sérieux. 241, 2'f8, 326,

383, 386.

Sharkay, 51.

ShouhLanoff, 42, 225,

337.

Schuttleworth, 210.

Simpson, 457.

Smith, 53, 79, 458.

Snell, 332.

Souques, 470.

Sourc, 95, 281.

Stanlev Hall, 525.

Stearus, 3G0.

Steffani, 39.

Taguet, 445.

Talbot, 375.

Telford Smith, 209.

Texier, 151.

Thoma, 403.

Thomas, 53.

Thulié, 156.

'1`Igges, 488.

Tord, 52.

Tromner, 370, 404.

Tuke, 207.

l'ili'liblill, 220.

Turner, 374.

Yanghop, 54.

Vallon, ` ? G, 176.

Versiloli', 483.

Vires, 143.

Vogelgesaug, 383.

VOlat, 58.

Vorst el', 402.

Wa1lenher¡¡, 48, 47G.

Walsh, 216.

Weber, 245, 248, 331.

"eln<Tart 242

Wesley (Mills), 363.

West, 59.

Wildermuth, 386.

Williams, 320.

Wood,255.

Wond flcnton, 315.

Worcester, 359, 473.

Worotynski, 366.

Yellowlees, 315.

Yvon,3t7.

Zichen, 137.

Evreiix, Cil. ÎIÉP159FY 1111p. - 097.