(1895) Archives de neurologie [Tome 30, n° 101-106] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
/ 200
(1895) Archives de neurologie [Tome 30, n° 101-106] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

ARCHIVES

NEUROLOGIE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondée par J.-M. CIIARCOT

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MJI.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sie-Anne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

à la Faculté de médecine

de Paris.

COLLABORATEURS PRINCIPAUX

MM. BAB1NSICI, BALLET, ISLANCHABU(I1.), BLIN(E.),

BOUCIIEREAU, BOYEIl (J.), BILIANI) (M.), ItItISSAUU (E.), BHOUARDEL (P.),

CAMUSET, GATSAItAS, CIIABBERT, CHAItPENTIEIi, CIIIiISTIAN,

CULLEIiIiE, DEBOVE (M.). DENY, DEVAY, DUCAMP, t)UVAL(MiTmAs), FERMER,

IIiANCOTTE, GAL VIELLE, GILLES DE LA TOURETTE, GOMI1AULT,

GRASSET, IIALLION, HASKOVEC, JANET (l'.), KERAVAL (P.),

KLIPPEL, LANDOUZY, MARANDON DE 1VIOTYEL, 9)A)UE, H;E))ZEJEWSKY,

SIUSGIIAVE-CLAY, NAGEOTTE, NOIR, PAILII : 1S, PETIT (R.), P1EIIItn ? PITRES,

POPOFF, RÉGIS, REGNAlI ! > (l'.), Rf;G : ilpl (P.), ItICIIEIt (P.), BOJ1JI1NOVITCIi,

HOTH (\V.), SÉGLAS, SCGUIN SCIIIEUX, SCLUEK. SOUQUES, SOUI1Y (J.)'

TEINTURIER (E.), TIIULIE (II.), TlIE11CL, Y1LLA11D, VOISIN (J.), YVON (P.).

Rédacteur en chef : BOUItNLVILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-n. CIIARCOT et G. GUINON

Dessinateur : LEUBA

Tome XXX. 1895.

Avec ¡¡¡ figures dans le texte. ?

- t

PARIS

BUREAUX DU PIi0GIilsS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1895

Vol. XXX. Juillet 1895. N° 101

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE.

CLINIQUE médicale DE l'Hôpital SAINT-ÉLOI DE VIONTPELLIER.

UN CAS DE SARCOME VOLUMINEUX DU CERVEAU

AYANT DÉBUTÉ DANS LA SUBSTANCE BLANCHE

DE LA RÉGION FRONTALE GAUCHE;

OBSERVATION ET AUTOPSIE;

PAR

L. GALA. VIELLE, et H. VILLARD,

Chef de clinique intérimaire Interne des hôpitaux

à la Faculté de médecine

de Montpellier.

Nous avons eu l'occasion de suivre, dans le service de notre

excellent maitre, M. le professeur Grasset, un malade atteint z

d'une tumeur cérébrale dont l'observation offre un certain inté-

rêt, et mérite, croyons-nous, d'être publiée comme document

anatomique. Il s'agit d'un homme de trente-deux ans, à l'au-

topsie duquel nous avons trouvé un volumineux sarcome du

cerveau développé primitivement dans la substance blanche

de la corne antérieure de l'hémisphère gauche. Ce sarcome, à

début intra-cérébral, a rapidement augmenté de volume, a

occupé toute la portion du cerveau gauche, située au-devant du

sillon de Rolando, en déterminant une déformation très pro-

noncée et fort remarquable des circonvolutions sur laquelle

Archives, t. XXX. , 1

2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

nous insisterons dans le cours de l'observation. Mais ce n'est

que tardivement qu'il a envahi la substance grise centrale,

quoi qu'il fût sous-jacent à cette même substance grise sur

une assez grande étendue.

Les phénomènes cliniques qui ont révélé la présence de cette

production morbide ont été peu accentués et peu nets au

début. Ils ont consisté principalement en phénomènes doulou-

reux (céphalalgie), en phénomènes d'irritation réflexe (vomis-

sements), et en phénomènes sensoriels (troubles oculaires et

auriculaires). Les troubles intellectuels ont été précoces, ce

qui n'a pas lieu de surprendre, étant donné le siège de la lésion

dans la zone psychique du cerveau. Mais ce n'est que tardive-

ment que les troubles moteurs ont apparu : d'abord intermit-

tents, ils sont devenus permanents, et ont été constitués par

une parésie d'abord, par une hémiplégie droite ensuite. Cette

hémiplégie a présenté ce caractère intéressant de survenir brus-

quement, fait sur lequel plusieurs auteurs, Gowers' entre

autres, ont attiré l'attention. Elle a précédé la mort de quelques

jours seulement.

On voit, par ce rapide résumé, quels sont les symptômes

principaux qu'a présentés notre malade. Ils n'offrent , en

somme, rien de bien particulier, et sont assez classiques. Mais

ce qui présente un peu plus d'intérêt, c'est la nature de la

lésion que nous avons observée bien plutôt que la symptoma-

tologie à laquelle elle a donné lieu. Aussi est-ce sur les parti-

cularités anatomo-pathologiques, bien plus que sur les carac-

tères cliniques que nous insisterons, soit dans l'observation

elle-même que nous allons rapporter maintenant, soit dans

quelques considérations rapides dont nous la ferons suivre.

Pour rendre cette description anatomique plus claire et plus

saisissante, nous avons cru utile de rapporter quatre figures

qui, quoique fort schématiques, n'en donnent pas moins une

idée exacte des dimensions et des rapports de la tumeur.

Le nommé G..., âgé de trente-deux ans, exerçant la profession

de cultivateur, est entré le 4 février 1894, à l'HOtel-Dieu Saint-Eloi

de Montpellier, salle Fouquet, n° 5, service de M. le professeur

Grasset.

Rien à noter du côté des antécédents héréditaires ou personnels.

Pas de syphilis, pas d'alcoolisme.

1 Gowers. - Drain, t. I, p. 48.

UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 3

L'affection qui amène ce malade dans nos salles parait avoir net-

tement débuté le 8 septembre 1893, par des vomissements, survenus

sans cause appréciable. Quelques jours après il commença à souf-

frir de la tête, et cette douleur fut localisée d'emblée, dans la partie

gauche et antérieure du crâne. En même temps, il fut pris d'une

faiblesse assez marquée ; il n'avait plus ni volonté, ni énergie. Il

dut bientôt cesser son travail, se désintéressant de tout ce qui

était extérieur, il restait couché presque toute la journée, n'aspi-

rant qu'après le repos. Ce changement dans son caractère frappa

fort l'entourage du malade, qui était auparavant travailleur et dur

à la peine.

Des troubles oculaires et auriculaires, siégeant du côté gauche,

ne tardèrent pas à apparaître. Ces troubles oculaires étaient carac-

térisés par une diminution de l'acuité visuelle, une sensation « de

tremblement et de fourmillement » de l'oeil gauche, et une photo-

phobie assez intense avec larmoiement passager, sans que cepen-

dant l'oeil fût rouge ou injecté. Les troubles auriculaires, qui sié-

geaient exclusivement à gauche au début, se traduisirent par une

sensation de sifflement et de bourdonnement, sans diminution de

l'acuité auditive. Le malade resta dans cet état, pendant les mois

de septembre et d'octobre.

Au mois de novembre, la maladie s'accentua : les phénomènes

anciens devinrent plus intenses, et des phénomènes nouveaux

apparurent. La céphalalgie devint beaucoup plus violente et

présenta, pour la première fois, le caractère d'être accrue

par la compression du côté gauche du crâne. De plus notre

homme commença à ressentir dans l'oeil droit les mêmes sensations

de fourmillement et de tremblement qu'il accusait depuis deux

mois dans l'oeil gauche ; mais cependant l'acuité visuelle ne parais-

sait pas diminuée. Les vomissements qui n'avaient pas cessé pen-

dant les mois de septembre et d'octobre, continuèrent et s'accen-

tuèrent en novembre. Malgré cela, l'appétit, loin de diminuer,

augmenta beaucoup, et le malade qui, d'ordinaire, mangeait fort

peu, fut pris d'une véritable boulimie.

Dans le courant du même mois, apparurent par intermittences

des vertiges qui étaient surtout prononcés après les vomissements.

A la même époque, assez exactement entre le 10 et le 20 no-

vembre, l'intelligence du malade commença à baisser ; la mémoire

s'affaiblit, ses paroles étaient incohérentes, ses raisonnements

décousus, et selon les propres expressions de son entourage « il ne

disait que des bêtises D. Il eut cependant quelques rares intervalles

de lucidité qui parfois durèrent un ou deux jours. Vers le milieu

du mois de novembre, il fut examiné au point de vue oculaire,

par M. le professeur Truc, qui diagnostiqua une tumeur probable

du cerveau et ordonna un traitement approprié.

Depuis lors l'état du malade alla toujours en s'aggravant. La

4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

céphalalgie, excessivement intense se généralisa des deux côtés du

crâne, mais ce n'est que du côté gauche que la pression détermi-

nait une exagération de la douleur. De même les bourdonnements

et les sifflements d'oreilles qui jusque là n'avaient siégé qu'à

gauche envahirent l'oreille droite; ils se produisaient tantôt à

droite, tantôt à gauche, mais jamais simultanément des deux

côtés.

En décembre apparut un léger strabisme intermittent, en même

temps que quelques crises convulsives se montraient du côté droit

mais nous n'avons pu avoir sur ces deux phénomènes aucun ren-

seignement précis. Nous avons appris, cependant, que ces crises

convulsives s'accompagnèrent d'un affaiblissement du côté droit

du corps, mais trop peu prononcé pour rendre la marche impos-

sible.

' La marche était assez facile, en effet, mais elle s'accompagnait

rapidement de fatigue ; de plus, le malade avait tendance à perdre

l'équilibre et à tituber surtout quand il venait d'avoir des vomisse-

ments. Les troubles intellectuels' s'accentuèrent progressivement

et devinrent excessivement prononcés à partir du 10 au 15 dé-

cembre.

Le mois de janvier se passa sans incident notable, mais les

symptômes que nous avons déjà rapportés, s'aggravèrent de jour

en jour. Lors de son entrée, le 4 février, nous notâmes l'état

suivant : '

Etat actuel. C'est un homme dans la force de l'âge, qui frappe

de suite, par son regard vague et hébété. Il ne peut fournir aucun

renseignement exact, ni sur la marche de sa maladie, ni sur les

sensations qu'il éprouve actuellement. Une se rappelle de rien, ne

peut rien dire de sensé. Il se plaint surtout d'une céphalalgie

intense, constante, mais présentant cependant des moments d'exa-

cerbation. Elle siège au niveau des régions frontales et pariétales

des deux côtés, mais elle est beaucoup plus prononcée à gauche.

La pression augmente cette douleur.

La vision du côté gauche parait diminuée ; mais nous ne pou-

vons fournir de renseignements précis à ce sujet, l'acuité visuelle

n'ayant pu être mesurée. L'oeil gauche, à l'inspection, n'est le siège

'd'aucune altération extérieure. La pupille est un peu paresseuse;

l'iris n'est ni terne, ni décoloré. La tension de l'oeil est normale. La

malade a une acuité auditive à peu près normale, mais il perçoit

constamment des bruits dans les oreilles, surtout du côté gauche.

Il accuse aussi une sensation vertigineuse qui n'est pas constante

et survient par intermittences. Il n'a pas de crises convulsives, soit

généralisées, soit localisées à une moitié du corps ou à un membre

Quand on lui fait étendre la main droite et écarter les doigts, on

perçoit un léger tremblement se rapprochant assez du tremblement

alcoolique.

UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 5

La sensibilité parait normale des deux côtés, mais cette recherche

est rendue incertaine par le peu de réaction du malade, et surtout

par le peu de précision de ses réponses qui sont souvent contradic-

toires. Il n'y a pas d'hémiplégie. Cependant le côté droit parait

légèrement parésié; cette diminution relative des forces est très

nette au membre supérieur droit. Il n'y a pas de paralysie faciale.

Les divers sphincters fonctionnent bien.

La marche est mal assurée ; le malade s'en va un peu voûté ;

traînant les jambes et titubant par moments. Cependant il n'a

jamais fait de chutes. Le réflexe rotulien est normal des deux

côtés. Il n'y a pas de trépidation épileptoide.

La parole est lente; les réponses ne viennent que lentement.

Les mots sont émis avec peine, le malade bredouille et ne peut pas

toujours être compris.

Les troubles intellectuels sont des plus marqués. Ils sont carac-

térisés par un affaiblissement progressif et continu des facultés

mentales. La mémoire a beaucoup diminué, elle a même presque

disparu. Les conceptions sont lentes ; les réponses sont le plus sou-

vent incohérentes. Le malade n'a plus ce besoin de repos, cette

torpeur musculaire, que nous avons signalés comme un des symp-

tômes du début; il est rarement couché, il se promène partout dans

l'hôpital sans savoir où il va, et on est obligé de le surveiller de très

près. Quelques jours après son admission il se dirigea dans un coin

du jardin où se trouvent des serres et là cassa plusieurs vitrages.

A plusieurs reprises il a jeté dans la salle son assiette, son verre,

et n'en a pas moins continué malgré les admonestations des gens

de service.

Les fonctions digestives se font bien. Il n'y a ni constipation, ni

diarrhée. L'appétit est exagéré, le malade mange tout ce qu'on lui

donne, avec voracité, gloutonnerie et sans aucune mesure. Il a

parfois des vomissements, mais ils sont assez rares actuellement.

Durant les premiers jours de son séjour à l'hôpital, les symptômes

que nous venons de rapporter persistèrent avec ces mêmes carac-

tères. Mais vers le 15 février, on vit survenir une aggravation dans

l'état du malade. En effet, dès ce moment les forces diminuèrent

rapidement. Il restait couché la plus grande partie de la journée,

il fallait l'exciter à se lever, de plus il fallait le faire manger. L'ap-

pétit, jusque-là augmenté, commença à diminuer; de temps en

temps il allait sous lui. Enfin les troubles de la parole augmentè-

rent encore ; le malade répondait par quelques mots, quand on le

pressait vivement, et les paroles qu'il prononçait étaient le plus

souvent un vague bredouillement inintelligible.

A partir, du 1 ? mars il resta constamment couché, ne faisant

aucun mouvement et allant constamment sous lui.

Le 12 mars, survint une brusque aggravation dans son état. On

constata ce jour là que tout le côté droit était paralysé et dans la

6 PATHOLOGIE NERVEUSE. ,

résolution complète; de plus, il paraissait y avoir une légère dimi-

nution de la sensibilité du même côté. La face ne présentait aucune

paralysie, mais la tête était non pas déviée, mais portée latérale-

ment à gauche et restait toujours dans cette position. Le-regard

était très vague et la perte de connaissance absolue. On lui donna

de suite un lavement purgatif, et on lui mit un vésicatoire à chaque

mollet, mais son état, au lieu de s'améliorer, alla en s'aggravant,

et il mourut dans la nuit du 14 au 15 mars.

Autopsie.

L'autopsie pratiquée le 16 mars a donné les renseignements sui-

vants. L'incision des parties molles du crâne ne présente rien de

particulier. La section du crâne est excessivement facile et très

rapidement faite, ce qui tient à un amincissement excessif des

parois crâniennes et à la diminution de leur consistance.

La dure-mère vue extérieurement parait normale. Quand on l'a

incisée on constate qu'elle présente quelques adhérences avec la

pie-mère, assez lâches, siégeant principalement au niveau du lobe

frontal et de la partie antérieure du lobe pariétal du côté gauche.

Quelques rares adhérences disséminées du côté droit. La pie-

mère est congestionnée, mais ce qui domine, c'est la stase nerveuse

qui est bilatérale. Elle présente des adhérences avec la substance

cérébrale. Ces adhérences siègent dans toute l'étendue des circon-

volutions ; elles sont assez lâches sauf au niveau des circonvolutions

frontales gauches où elles sont très serrées : on ne peut pas déta-

cher la pie-mère en ce point, sans entraîner en même. temps de

petits fragments de substance cérébrale.

Le cerveau enlevé et dépouillé de ses enveloppes autant que cela

a été possible est alors examiné. Ce qui frappe au premier abord,

c'est une déformation excessivement prononcée de l'hémisphère

gauche. Quant à l'hémisphère droit, nous tenons à dire de suite

qu'il ne présente rien d'anormal, ni extérieurement, ni à la coupe.

Nous allons décrire longuement l'hémisphère gauche.

La région frontale gauche qui normalement occupe le tiers envi-

ron de l'hémisphère a acquis un développement considérable et

occupe presque les deux tiers de cet hémisphère, autrement dit, le

sillon de Rolando qui sépare les zones frontale et pariétale est rejeté

en arrière, et situé beaucoup plus près de la corne occipitale que

de la corne frontale. En outre les circonvolutions de ce lobe fron-

tal sont étalées, élargies : les sillons qui les déterminent manquent

de profondeur de telle façon que cette portion du cerveau se rap-

proche jusqu'à un certain point d'un cerveau d'animal. La parié-

tale ascendante*participe un peu à cet élargissement.

Au niveau du pied de la troisième circonvolution frontale gauche,

on voit une légère élevure présentant les dimensions d'une pièce

UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 7

de un franc environ, et offrant une coloration lie de vin très nette,

tranchant fortement sur la teinte grisâtre des circonvolutions envi-

ronnantes. La palpation de la zone frontale permet de constater

une augmentation de consistance du tissu cérébral, dont le maxi-

mum se trouve au niveau de la portion eccliymolique dont nous

venons de parler (pg. 1).

On pratique alors, à un centimètre de distance l'une de l'autre,

une série de huit coupes allant depuis la corne frontale jusqu'au

sillon de Rolando et parallèles à ce sillon. Voici ce que nous avons

constaté. La première coupe qui porte sur la portion tout à fait

antérieure du lobe frontal gauche nous montre le commencement

de la lésion, constituée par une tumeur, demi-dure, d'aspect aréo-

laire, blanchâtre, et occupant la portion centrale de la substance

blanche. Tout autour du tissu néoplasique, on observe une zone de

ramollissement. t.

Dans la deuxième coupe, la portion indurée s'est accrue princi-

palement du côté de la convexité, et atteint la substance grise

périphérique, sans l'intéresser cependant. Cette tumeur blanc gri-

sâtre, est limitée du côté interne par une zone de ramollissement

beaucoup plus nette que dans la première coupe.

Dans la troisième coupe, la tumeur s'est encore fortement accrue.

Elle est devenue plus dure, et a pris une teinte rougeâtre, elle est

toujours située contre la substance grise. Du côté interne on voit

à côté de la tumeur une zone d'infiltration, d'envahissement et en

dedans de celle-ci une nouvelle zone de ramollissement.

La quatrième coupe nous montre que la tumeur s'élargit encore

dans tous les sens, et principalement par sa base qui est interne.

Fig. 1. Configuration extérieure de l'hémisphère gauche.

0 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Elle est devenue plus molle et plus rosée. Elle présente en haut et

en dedans une production secondaire, formant un nodule dur,

rosé, séparé du noyau principal par la zone ramollie qui fait le

tour presque complet de la tumeur primitive (fig. 2).

La cinquième coupe est faite à 6 ou 7 centimètres de la corne

frontale, et n'atteint pas encore le point où porte la coupe pédi-

culo-frontale de Pitres..

La tumeur est encore augmentée, et elle occupe les deux tiers

supérieurs et externes du centre ovale. Elle est de plus en plus

rosée, un peu moins dure qu'au début. La zone de ramollissement

englobe complètement le néoplasme. En haut et en dedans du

noyau principal on voit le noyau secondaire que nous avons déjà

signalé et dont les dimensions ont augmenté.

La sixième coupe nous montre la tumeur au point où elle est le

plus développée. Elle occupe près des deux tiers de la substance

blanche, et à la partie inférieure et externe arrive jusqu'aux mé-

ninges, constituant là cette saillie rougeâtre que nous avons signa-

lée à l'inspection de la face convexe du cerveau gauche, elle refoule

le noyau secondaire en haut et en dedans. Elle présente à sa base

deux échancrures qui la divisent en trois lobes assez nets. Sa consis-

tance n'est pas complètement uniforme; à côté de points relative-

ment ramollis se trouvent des parties indurées, lardacées, en bien

plus grand nombre. Elle est, en quelque sorte, isolée du restant de

la substance cérébrale par une zone assez large de ramollisse-

ment (fig. 3).

1% i,g. 2. Quatrième coupe passant à 5 centimètres environ de la

corne frontale gauche.

UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. V

La septième coupe portant dans la région 'pédiculo-frontale de

Pitres, nous permet d'observer une diminution dans les dimensions

de la tumeur. Elle gagne la partie inférieure et se dégage de la

partie supérieure, le noyau secondaire a disparu. Quant au noyau

principal il présente les mêmes caractères macroscopiques et est

toujours entouré de la même zone de ramollissement, qui n'est

très prononcée cependant qu'à la partie supérieure.

Enfin la huitième et dernière coupe porte un peu en avant du

sillon de Rolando. Nous arrivons là à la limite postérieure de la

tumeur qui n'occupe que la partie inférieure et externe de l'hé-

misphère. Elle est encore circonscrite par une zone de ramollisse-

sement.

Les diverses coupes que nous avons pratiquées, et dont nous

venons de rapporter la description, nous permettent de déterminer

assez exactement la forme et les dimensions qu'affectait la tumeur

à l'intérieur de l'hémisphère gauche. On peut en somme la com-

parer à un ovoïde à grand axe dirigé d'avant en arrière et un peu

de dedans en dehors, la grosse extrémité de cet ovoïde étant pos-

térieure. Cette tumeur ne siégeait que dans la substance blanche

de la partie antérieure du cerveau gauche; dans une grande par-

tie de son étendue elle était sous-jacente à la substance grise,

Fig. 3. Sixième coupe passant à 7 à 8 centimètres environ de

. la corne frontale gauche.

10 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

mais le processus néoplasique n'avait envahie l'écorce qu'au niveau

du pied de la cicronvolution de Broca. En un point elle présentait

noyau secondaire qui n'avait pas encore acquis un grand dévelop-

pement. Enfin une zone de ramollissement la séparait du restant

de la substance blanche.

Pour donner une meilleure idée de la disposition. générale de

la tumeur, nous avons rapproché les diverses coupes de Pitres,

reconstitué ainsi en quelque sorte le cerveau, et nous avons fait

alors une coupe de Flescliig que nous rapportons : on peut voir

aussi la tumeur sous ses deux principaux diamètres, et de plus bien

juger des dimensions vraiment énormes qu'elle présentait (fig. 4).

Voici maintenant l'examen histologique d'après la note que nous

a remise M. le professeur Kiener. La tumeur a été étudiée sur des

coupes provenant de fragments durcis dans l'alcool. La structure

Fig. 4. Coupe schématique de Flechsig montrant la tumeur sectionnée

horizontalement, au point où elle a atteint son maximum de dévelop-

pement.

UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 11

est celle d'un sarcome fasciculé dont les faisceaux sont enchevêtrés

dans toutes les directions. Les cellules appartiennent au type fusi-

forme. Dans certains faisceaux elles sont fibro-plastiques et l'on voit

interposées entre elles des fibres conjonctives plus ou moins grêles

ou larges. Mais dans d'autres faisceaux les cellules extrêmement

grosses et nombreuses se touchent presque immédiatement sans

interposition de fibres conjonctives. La plupart de ces cellules pré-

sentent des noyaux volumineux de forme très irrégulière, vivement

colorés, qui se rapportent évidemment aux différentes phases de la

karyokinèse, bien que les formes typiques soient un peu effacées

dans cette pièce cadavérique.

En même temps le protoplasma des cellules subit une transfor-

mation colloïde; il devient réfringent, et refoule le noyau à la péri-

phérie. Les cellules ainsi modifiées ont tendance à se fusionner et

donnent naissance parfois à des cellules géantes à noyaux mul-

tiples. Dans les parties où cette dégénération colloïde du proto-

plasma cellulaire est très prononcée, les fibres conjonctives devien-

nent elles-mêmes tuméfiées réfringentes et semblent annoncer une

fonte prochaine. Cependant on ne trouve pas de foyer de ramollis-

sement dans le fragment examiné.

Telle est, rapportée dans tous ses détails, l'observation qui

fait la base de ce travail. Nous allons maintenant tâcher de

faire ressortir, en quelques lignes, les quelques points qui nous

paraissent dignes d'intérêt.

La tumeur que nous avons observée est intéressante par sa

nature histologique, par son siège, par son volume, par les

modifications de voisinage qu'elle a déterminées soit dans le

cerveau lui-même, soit dans la cavité cranienne. Quant à la

marche clinique, elle nous paraît trop classique pour que nous

la reprenions ici; nous avons, d'ailleurs, suffisamment insisté

sur cette étude sympathique dans le cours de l'observation,

aussi nous n'y revenons pas.

a. Les caractères macroscopiques, sur lesquels nous nous

sommes longuement étendus, nous permettaient, à eux seuls,

de poser le diagnostic de sarcome; nous avons vu que l'élude

histologique, faite par M. le professeur Kiener, dont on con-

naît la grande compétence, a confirmé ce premier diagnostic,

établi à la table d'autopsie, et a levé tous les doutes. Cet

examen microscopique a de plus démontré que nous avions

affaire à un sarcome pur, sans aucun mélange de tissu ner-

veux. '

Or, les sarcomes du cerveau sont relativement rares, surtout

12 PATHOLOGIE NERVEUSE.

si l'on tient compte de ce fait que la plupart de ceux qui ont

été observés, l'ont été chez des enfants ou des adolescents

ayant rarement dépassé l'âge de dix-neuf ans, et de cet autre

fait que bien des fois ces sarcomes ont eu un début primitive-

ment dure-mérien. Quoi qu'il en soit, nous voyons que tous les

sarcomes, pris en. bloc, n'ont été constatés que 34 fois sur

300 cas de tumeurs des centres nerveux, si nous en croyons la

statistique fort remarquable de Allen Starr'. 1.

Ces seuls chiffres nous dispensent de longues dissertations,

en nous montrant que les sarcomes constituent une variété

exceptionnelle de tumeurs cérébrales, ces tumeurs étant elles-

mêmes fort rares.

b. Au point de vue du siège, cette même statistique de Allen

Starr nous montre que les localisations exclusives des tumeurs

cérébrales dans la substance blanche sont rares, puisqu'elles

ont été observées 35 fois seulement dans le centre ovale ou le

corps calleux. Cette localisation de la tumeur dans la subs-

tance blanche de la corne frontale, nous rend compte de l'ap-

parition précoce des troubles psychiques, et de l'installation

tardive d'une hémiparésie, puis d'une hémiplégie droite.

c. Mais ce qui est réellement remarquable dans notre cas,

c'est le volume énorme de la tumeur, dont les dimensions

peuvent être comparées à celles d'un oeuf de dinde environ.

Et cependant cette production morbide si volumineuse n'avait

déterminé, pendant longtemps, que des troubles symptoma-

tiques relativement légers; le cerveau a donc fait preuve d'une

tolérance relative, tolérance que l'on peut rapprocher de celle

bien connue qu'il a présentée, dans certains cas, pour des

corps étrangers volumineux.

d. La présence de cette tumeur volumineuse a déterminé,

par action mécanique, une déformation remarquable de l'hé-

misphère atteint. Cet hémisphère, augmenté de volume dans

son ensemble, était avant tout déformé. Cette déformation

était double. Elle consistait tout d'abord en une augmenta-

tion des dimensions du lobe frontal, si volumineux que le sillon

de Rolando, qui le limite en arrière, était beaucoup plus près

de la corne occipitale que de la corne frontale ; elle consistait,

en outre, en un aplatissement et un élargissement des circon-

1 Allen Starr. Aled. News., 12 janvier 1889.

UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 13

volutions de ce même lobe frontal, de telle sorte que les cir-

convolutions étaient beaucoup plus larges, et que les sillons qui

les séparent étaient moins sinueux et surtout moins profonds

qu'à l'état normal; nous avons cherché à représenter cette dis-

position dans les figures schématiques que nous rapportons.

C'est là, d'ailleurs, une déformation que l'on voit suivant la

juste remarque de MM. Grasset et Rauzier', dans tous les cas

de tumeur cérébrale volumineuse siégeant à l'intérieur de l'en-

céphale, et qui est indépendante de la nature du néoplasme.

e. Une autre conséquence de la présence de cette volumi-

neuse tumeur cérébrale a été un agrandissement de la cavité

cranienne. Mais cet agrandissement de la cavité, assez peu pro-

noncé du reste, s'est fait principalement aux dépens de l'épais-

seur des os du crâne qui étaient remarquablement minces et

diaphanes. Cependant il n'y avait pas de perte de substance

osseuse.

f. Enfin, et pour terminer, nous voulons attirer l'attention

sur la zone de ramollissement que nous avons signalée autour

de la tumeur, sur toutes nos coupes. Cette zone était très nette,

et en certains points mesurait plusieurs millimètres, mais elle

n'était pas assez prononcée pour que la tumeur fût énucléable.

Nous n'avons pas fait d'étude histologique de cette zone inté-

ressante ; nous ne pouvons donc émettre aucune opinion per-

sonnelle sur la pathogénie de ce ramollissement; nous rap-

pellerons simplement que, pour Friedlander, il s'agit là d'un

ramollissement ischémique produit par une artérite oblité-

rante.

' Traité pratique des maladies du système nerveux, t. I, p. 424,

il édition, 1891. '

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE ' ;

Par le D' J. VOISIN, médecin de la Salpètrière; et Raymond PETIT,

interne des hôpitaux.

DU SANG.

L'état du sang a déjà été l'objet de plusieurs recherches;

nous y avons fait allusion en parlant des troubles de nutrition

dans l'épilepsie. Hénocque avait remarqué qu'à la suite des

accès épileptiques, l'activité de réduction de l'oxyhémoglobine

était diminuée. Cette diminution de l'activité de réduction coïn-

cide avec la disparition d'une certaine quantité d'oxyhémoglo-

globine comme l'a constaté M. Féré, et pour lui elle est sous

la dépendance de la décharge nerveuse. On signale aussi une

diminution du nombre des globules rouges qui n'est pas paral-

lèle à celle de la quantité d'oxyhémoglobine. Ce défaut de

parallélisme n'est pas propre à l'épilepsie. On le remarque dans

d'autres maladies. Ainsi Otto a vu que la saignée diminuait le

nombre des globubes et plus encore la quantité d'hémoglobine.

Seppeli, d'autre part, a constaté que chez les pellagreux l'hé-

moglobine diminue dans une plus forte proportion que le

nombre des globules. Enfin, à la suite des accès, on trouve

dans le sang un certain nombre de globules rouges, sphériques,

paraissant plus petits que les globules discoïdes ordinaires ; en

même temps on signale aussi l'apparition de globulins ou

hématoblastes.

Chez plusieurs malades en état de mal, nous avons voulu

remplir l'indication de la saignée. Chaque fois que nous avons

tenté cette intervention, nous avons échoué à cause de l'état

tout particulier du sang. Les veines sont assez apparentes au

pli du coude, maisleur ouverture ne présente pas un écoulement

1 Voir Archives de Neurologie, n°' 98, 99, 100.

DE L'INTOXICATION DANS l'ÉPILEPSIE. 15

de sang suffisant quelles que soient d'ailleurs les dimensions

de la plaie veineuse ; à peine quelques gouttes apparaissent-

elles à l'orifice cutané, elles se coagulent aussitôt, et quoi que

l'on fasse l'écoulement est faible ou ne se fait pas. Le sang a

un aspect particulier, il est noir, épais et très visqueux, il se

coagule presque immédiatement au contact de l'air en donnant

un caillot noir parfois différent et une quantité de sérum assez

minime comme nous avons pu le voir en recueillant du sang à

l'aide de ventouses scarifiées. Cette modification du sang rap-

pelle celle que l'on attribue généralement à diverses intoxi-

cations et à certaines maladies infectieuses. Nous en avons été

frappés et cela nous a suggéré l'idée d'en faire l'examen bac-

tériologique. Malheureusement, ces recherches nécessitent un

temps considérable et ne peuvent devenir concluantes que par

leur grand nombre. Aussi, nous nous contenteronsderapporter

ici quelques-unes de nos expériences sans vouloir encore géné-

raliser, ni donner à ces résultats un caractère de constance

absolu. Peut-être que ces recherches que nous continuons,

nous permettront-elles un jour d'être plus affirmatifs.

Dans tous ces essais bactériologiques, nous avons opéré que

sur des malades qui avaient des accès en série ou du délire,

nous avons suivi la méthode que voici et qui nous a paru la

plus certaine. Le choix de la veine étant fait et un lac posé

au-dessus de la région, on lave celle-ci avec une brosse ou

une compresse rude, de l'eau et du savon. Ce lavage doit être

un peu prolongé. Il faut ensuite faire un second lavage iL

l'éther, suivi d'un troisième à l'alcool à 90°. Ces deux derniers

se font en frottant avec du coton hydrophile. On prend ensuite

du coton stérilisé si possible avec lequel on lave une quatrième

fois au sublimé; cela fait, on laisse le tampon au sublimé sur

le point que l'on va piquer. Parfois même nous avons laissé

un pansement au sublimé en place pendant une heure ou deux.

A l'aide d'une seringue à aiguille capillaire stérilisée à l'auto-

clave et gardée jusque-là dans un tube bouché avec de l'ouate

et parfaitement stérilisée, on pique ensuite la veine, entrant

autant que possible d'emblée et franchement dans sa cavité;

puis on fait l'aspiration. Les seringues de choix sont celle de

Roux ou celle de Strauss dont le piston est stérilisable. Quand

on a une quantité de sang suffisante, on retire brusquement

l'aiguille et le moment est venu d'ensemencer. On incline le

tube à culture, on le débouche tout juste assez pour laisser

16 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

passer l'extrémité de l'aiguille ou de la seringue et on laisser

tomber quelques gouttes du sang recueilli. Cet ensemencement

doit être fait sur place et rapidement afin d'éviter autant que

possible toute cause de contamination extérieure. Dans quel-

ques cas même, pour éviter les causes d'erreur qui pourraient

venir de la peau, nous avons commencé par faire une dénu-

dation de la veine avec les précautions antiseptiques les plus

minutieuses. Ces piqûres ou ces dénudations sont insensibles.

Nous nous sommes servi du bouillon de boeuf peptonisé, de

milieux peptonisés simples à divers titres et de gélatine et de

gélose nutritives.

I. SOLIv'... Premier examen. Les lamelles de sang examinées

au microscope, ne laissent voir aucun microbe d'une façon nette

et certaine. Deux tubes de gélatine ne paraissent pas avoir poussé

malgré l'aspect trouble et louche du point d'ensemencement que

nous pensons devoir être attribué au sang lui-même ou à son albu-

mine. Deux tubes d'agar ne semblent pas avoir poussé non plus.

Trois centimètres cubes de sang inoculés dans le péritoine d'un

cochon d'Inde entraînent une élévation de température pendant

les vingt-quatre heures suivantes.

2° Examen. - Les lamelles de sang restent négatives tout au moins

incertaines à l'exposition microscopique. Deux tubes de gélatine

n'ont pas poussé.

Deux tubes de bouillon à 39°. Au bout de deux jours, ces bouil-

lons se troubleut. On ensemence avec eux deux tubes de gélatine.

Quarante-huit heures après, ceux-ci commencent à cultiver. On

voit de nombreux grains très petits en chapelet le long de la piqûre

et sur la traînée superficielle. Ces gélatines se liquéfient assez rapi-

dement sur toute la largeur du tube en donnant un fond plat

d'un dépôt blanchâtre. Au microscope, on voit dans toutes ces cul-

tures un grand nombre de petits coccus prenant le Gram. Ils se

disposent en zooglées, quelques-uns sont isolés, d'autres en diplo-

coques ou en courtes chaînettes irrégulières de quatre ou cinq élé-

ments.

Un tube de bouillon à la température de 22°. Trois jours après

l'ensemencement, ce bouillon est nettement troublé ; on y voit

nager d'épais grumeaux blanchâtres qui déposent au fond du

tube.

Avec ce même bouillon, on ensemence un tube de gélatine qui

présente au bout de deux jours des grains arrondis, translucides à

la surface et sur tout le trajet de la piqûre, ces derniers beaucoup

plus petits ; la liquéfaction de la gélatine ne se fait qu'au bout de

cinq jours. Ces deux cultures laissent voir au microscope des

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. tri 7

bacilles assez courts et trapus, à bouts arrondis et isolés, et par

chaînettes de deux éléments. Deux tubes de gélose n'ont pas poussé.

Le 13 novembre 1893, on injecte dans la veine marginale de

l'oreille droite d'un lapin un mélange à parties égales du bouillon

à 22° et du bouillon à 39°. L'injection est de 10 centimètres cubes

et poussée lentement.

18 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

laisser voir au microscope un assez grand nombre de coccus pre-

nant le Gram et du même volume que ceux de la gélatine ci-des-

sus.

4e Examen. - Les lamelles de sang examinées immédiatement

restent négatives. Un tube de bouillon. Température, 39°, se trouble

nettement au-bout de trois jours; on y voit de fins grumeaux

blanc sale, déposant au fond du tube. Les préparations microsco-

piques colorées par la méthode de Gram laissent voir une culture

pure de coccus arrondis, d'un volume moyen, ordinairement grou-

pés en zooglées, quelquefois isolés ou en chaînettes irrégulières de

quatre à cinq éléments.

Un tube de bouillon (22°) a commencé à se troubler vers le troi-

sième jour, mais il a été contaminé par une levûre rose et ne peut

entrer en ligne de compte.

Un tube de gélatine a été également contaminé par une levûre

rose.

De deux tubes d'agar, l'un a été également contaminé par la

levure rose, l'autre a poussé faiblement, montrant au microscope

de petits coccus en zooglées, qui prennent le Gram.

LEP... Premier examen. Les lamelles de sang, examinées

immédiatement, restent négatives ou incertaines. Deux tubes de

bouillon (température, 39°). Au bout de deux jours, ces tubes sont

troubles et contiennent d'abondants flocons granuleux qui nagent

dans le liquide et déposent au fond. Au microscope, on voit des

coccus de volume moyen, isolés et le plus souvent groupés en

amas.

Deux tubes de gélatine sont ensemencés avec ces deux bouillons ;

au bout de trois jours, on y voit paraître des grains arrondis, jau-

nâtres le long de la piqûre et sur la traînée de la surface. Le

sixième jour, la liquéfaction commence et se fait rapidement sur

toute la largeur du tube; elle est limitée par un fond plat sur

lequel se fait un dépôt jaune pâle. Au microscope, ces deux géla-

tines donnent, par la méthode de Gram le même résultat que les

deux bouillons précédents.

Un tube de bouillon à 2a°. Au bout de trois jours, il est troublé et

contient des flocons louches qui déposent au fond. Les préparations

microscopiques faites par la méthode de Gram contiennent des

coccus assez gros en zooglées et souvent disposés par quatre.

Un tube de gélatine est ensemencé avec ce bouillon; il commence

à pousser le troisième jour sous forme de nombreux points arron-

dis, blanchâtres et très petits, aussi bien sur le trajet de la piqûre

que sur la traînée d'ensemencement; puis la gélatine se liquéfie de

la même façon que précédemment. Au microscope, on voit des

coccus assez gros en culture pure, isolés par quatre, ou le plus sou-

vent en zooglées.

DE L'INTOXICATION DANS l'ÉPILEPSIE. 'J9

On injecte 10 centimètres cubes de bouillon à 22& dans la veine

marginale de l'oreille gauche d'un lapin (injection lente) ; pendan-

l'opération, l'animal est pris d'une oppression très vive. Après l'int

jection, il reste immobile dans un coin, les oreilles basses. Pendant

les deux jours suivants, ce lapin a présenté une élévation de tem-

pérature de 4°,4, puis il est redescendu à la température normale

et a guéri.

2e examen. - Les lamelles de sang restent négatives.

Un tube de bouillon (température, 39°), se trouble le troisième

jour, puis donne un dépôt blanc sale au fond du tube. Au micros-

cope, on voit des coccus isolés ou plus souvent en zooglées, très

petits et prenant le Gram.

Un tube de bouillon (température, 22°), se trouble le quatrième

jour, puis dépose au fond, comme le précédent. L'examen micros-

copique (Gram),donne le même résultat.

Deux tubes de gélatine ont poussé le troisième jour. On y voit

des points jaune pâle arrondis le long de la piqûre et sur la traînée.

Les plus gros atteignent le volume d'un grain de chènevis; la géla-

tine se liquéfie rapidement. Au microscope, on voit de petits coc-

cus prenant le Gram, disposés en zooglées.

JAcQ... Lamelles de sang. En quelques points, il semble y

avoir sur ces préparations colorées par la méthode de Gram quel-

ques coccus isolés ou en diplocoques.

Un tube de bouillon (température, 39°) a poussé le quatrième

jour. Il est trouble et un dépôt sale se fait au fond du tube. Au

microscope, on voit de petits coccus en zooglées, prenant le Gram.

Un tube de bouillon (température, 22°). Ce bouillon se trouble le

cinquième jour et dépose un peu au fond.

Au microscope, on voit quelques coccus isolés ou disposés par

deux et quelques rares bacilles comme ceux que nous avons déjà

signalés précédemment.

Deux tubes de gélatine n'ont pas poussé.

Deux tubes d'agar n'ont pas poussé non plus.

DuaAi3... Premier examen. - Lamelles de sang. L'examen de

ces lamelles reste négatif.

Un tube de bouillon (température, 39°) a poussé le troisième jour

et dépose au fond du tube.

Au microscope, on voit des coccus de dimensions moyennes,

isolés en petits amas, parfois en courtes chaînettes. Ils prennent le

Gram.

Un tube de bouillon (température, 22°) se trouble le troisième

jour et montre un dépôt sale et granuleux au fond du tube.

Au microscope, on voit des coccus en petits amas par deux et

souvent par quatre ; ils prennent le Gram.

20 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Deux tubes de gélatine ontpoussé le cinquième jour sous la forme

de grains arrondis liquéfiant la gélatine comme les précédents.

Au microscope, on voit de petits coccus en zooglées ou isolés.

2e Examen. (Sang pris immédiatement après la mort dans la

veine fémorale.)

Deux tubes de gélatine ont poussé le sixième jour; ces cultures

contiennent de petits points blancs et d'autres plus foncés, bru-

nâtres. 'Elles ne sont donc pas pures. Au microscope, on voit en

effet, par la mélhode de Gram, des coccus très abondants en amas

volumineux et des bàtonnets courts à bouts arrondis qui rappellent

ceux que nous avons déjà mentionnés plus haut.

Un troisième tube de gélatine commençait à pousser de la même

façon que les deux premiers ; nous l'avons mis à la température

de 39°.

La gélatine fondue à cette température s'est troublée, et au mi-

croscope, par la méthode de Gram, on y voit de nombreux coccus

et seulement un ou deux bacilles.

Un flacon d'Erlenmeyc1' contenant de l'agar est ensemencé avec le

sang. Trois jours après, il a poussé abondamment en îlots arron-

dis et tomenteux. Au microscope, par la méthode de Gram, on voit

des coccus petits en culture pure et groupés en zooglées.

ARN.... vingt-deux ans, épileptique. Les lamelles de sang exa-

minées directement, ne laissent voir aucun microbe.

Trois tubes de bouillon à 39°. Deux de ces tubes sont troublés le

cinquième jour; le troisième, le septième jour seulement. Tous

déposent plus ou moins au fond.

Au microscope, on voit des coccus moyens, isolés, quelquefois

par deux ou par quatre, ou bien encore en petites zooglées. Ils sont

peu abondants, dans la préparation faite avec le dernier tube ;

plus nombreux dans les deux autres qui ont poussé mieux et plus

vite. Ces coccus prennent le Gram.

Deux tubes de bouillon à 22°. Ces deux tubes se sont à peine trou-

blés et ont un peu déposé au fond.

Au microscope, on y voit de petits coccus prenant le Gram, pas

nombreux, isolés, par quatre et plus rarement en petits amas.

Evidemment ces recherches sont insuffisantes et demandent

à être continuées ; c'est du reste notre intention. Mais nous

pouvons néanmoins essayer d'interpréter ces faits.

On sait quelles analogies existent entre les crises convul-

sives de l'éclampsie puerpérale et celles de l'épilepsie.

Plusieurs fois déjà ce rapprochement a été fait par les

auteurs, si bien qu'on est allé jusqu'à dire que les convulsions

éclamptiques des femmes en couches méritaient le nom d'épi-

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 21

lepsie aiguë. Or l'éclampsie puerpérale a été le sujet de très

intéressantes recherches.

Le professeur Depaul range sous quatre chefs les hypothèses

tendant à expliquer cet état : 1° congestion cérébrale ;

2° névrose; 3° lésion rénale; 4° altération du sang. Il semble

donner la préférence à cette dernière explication, mais se

demande quelle en est la cause.

M. Delore (de Lyon) 1 invoque la théorie bactérienne et pense

que l'altération du filtre rénal empêche l'élimination d'un

produit toxique accumulé dans le sang. M. Doléris dans une

série de communications faites à la société de biologie en 1883,

1885 et 1886 admet aussi la présence d'une substance toxique.

Dans les cultures d'urine, il a pu isoler des microbes et surtout

des streptocoques.

MM. Tarnier et Chambrelent sont venus démontrer à leur

tour (Société de biologie 1892, février) le rapport inversement pro-

proportionnel qui existe entre la toxicité du germe sanguin et

de l'urine chez les éclamptiques. Les expériences de M. Bar

le conduisent aux mêmes conditions. Neumann de Berlin 2

considère que l'origine infectieuse de l'éclampsie n'est pas dou-

teuse.

Enfin les recherches de M. Emile Blanc lui ont permis

d'isoler un microbe pathogène dans les urines ainsi que dans

le sang de ces malades. M. h'avre en étudiant le même sujet

trouva un micro organisme qu'il appela « micrococcus éclamp-

siæ D. M M. Comberale et V. Bué en mars 1892 présentent à

la Société de biologie les résultats de leurs expériences et con-

cluent à la présence dans le sang de staphilocoques aureus et

albus surtout, et ils considèrent leurs toxines comme des subs-

tances éclamptisantes.

M. Hergott (de Nancy), dans une très intéressante revue

générale (Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie,

11 mars 1893), admet deux ordres de causes à l'éclampsie puer-

pérale : 1° l'auto-intoxication; 2° l'hétéro-intoxication due aux

toxines des staphilocoques. Il montre que c'est surtout la

toxine qui agit, ce qui explique très bien qu'on ne retrouveras

le microbe dans le sang d'une façon constante.

' Delore. Congrès de Blois, sept. 1884.

* Neumann. Société de méd. de Berlin, janvier 1892.

3 Favre. Arch. de Virchow 1891 et Gaz. hebd. de médecine et chirur-

gie, mai 1891. 1

22 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

On nous pardonnera cette digression un peu longue peut-être,

' mais elle a son intérêt. En effet dans nos expériences .nous

avons -retrouvé deux fois un petit bacille court à bouts arrondis

' analogue à celui que décrit M. Emile Blanc et presque toujours

s des- edccus qui semblent être des staphilocoques du genre

- . albus le plus souvent comme dans les expériences de 1'1 \1. Com-

berale et V. Bué sur les éclamptiques. L'analogie dans les

résultats expérimentaux vient donc s'ajouter à l'analogie

clinique.

Ici comme dans l'éclampsie puerpérale n'est-il pas possible

que les accidents soient dus tantôt à une auto-intoxication,

tantôt aux produits solubles des staphilocoques qui ne sont

pas suffisamment éliminés et qui s'accumulent dans le sang

pour y déterminer les altérations que nous avons signalées ! Si

dans quelques cas les cultures de sang restent négatives, si les

lamelles le sont aussi, il ne faut pas s'en étonner. On sait que

très rarement l'examen direct du sang peut révéler la présence

de microorganismes. Il faut faire des cultures et celles-ci ne

donneront pas toujours de résultats. Dans l'espèce pour le

staphilocoque cela se comprend facilement, car la bactériologie

nous enseigne qu'il n'est pas dans les moeurs de ce microbe de

passer dans le torrent circulatoire comme le fait si volontiers

le streptocoque. Mais nous le répétons, nous ne pensons pas

que les microbes agissent ici par leur présence directement.

Nous croyons bien plutôt qu'il faut incriminer leurs produits

de sécrétion, leurs toxines. Nous espérons que par la suite, ces

recherches que nous continuons apporteront des résultats plus

probants et nous permettront alors d'être nettement affir-

matifs.

INTERPRÉTATION PATHOGENIQUE GÉNÉRALE.

Nous croyons donc pouvoir conclure que dans les cas qui

nous occupent ici, c'est-à-dire dans l'épilepsie générale sim-

ple, il faut incriminer le plus souvent l'intoxication; que le

poison soit formé de toutes pièces dans l'organisme ou sécrété

par un microbe dont la toxine s'accumule dans le sang, ce

n'en est pas moins l'action toxique qui entre en jeu. Nous

n'avons pas encore conclu fermement à l'hétéro-intoxication,

nos expériences n'étant pas assez nombreuses. Cependant

il est possible que nous ne soyons pas obligés de choisir

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 23

entre l'auto et l'hétéro-infection; n'est-il pas admissible en--

effet que l'une et l'autre puissent donnner lés mêmes ,1`c

tats, et entrer alternativement en jeu suivant les cas. Les i-,Zi 1

crobes sont en tout analogues à nos éléments cellula\res"et"

la différence en apparence énorme qui semble sépar

êtres organisés supérieurs des êtres infiniment petits et mot

nocellulaires n'est pas si grande qu'elle le parait à première

vue, comme l'a montré M. Duclaux'. Les cellules qui cons-

tituent autant de microbes ont leur vie propre, leurs besoins,

leurs exigences, tout comme chaque cellule de l'organisme.

Les uns se nourrissent , absorbent et sécrètent absolument

comme les autres, et l'on peut très bien concevoir que nos

cellules puissent sécréter des substances toxiques dans cer-

taines conditions tout comme les microbes sécrètent des

toxines variables suivant leurs conditions d'existence.

Ce poison, quelle que soit sa provenance, aurait donc un pou-

voir convulsivant. Introduit dans le torrent circulatoire et dif-

fusé par lui dans l'organisme entier, il viendrait irriter les

cellules nerveuses de l'encéphale et de la moelle et détermi-

nerait l'ensemble d'actions réflexes qui constituent les accidents

épileptiques. Ceux qui n'admettent pas la théorie de l'intoxi-

cation sont réduits à invoquer ce qu'ils appellent la décharge

nerveuse. Il est évident que ce n'est là qu'un mot, il n'explique

rien d'ailleurs et n'indique point la cause mystérieuse de l'épi-

lepsie.

Ce poison agirait spécialement sur les centres vaso-moteurs,

soit en paralysant les vaso-dilatateurs, soit en excitant les

vaso-constricteurs, ce qui est le plus probable.

Plusieurs objections peuvent nous être posées, et d'abord on

nous fera observer qu'on peut avoir des troubles vaso-moteurs

sans être épileptique. D'accord, mais c'est qu'alors la prédispo-

sition n'existe pas et n'a pas préparé le système nerveux à

réagir dans un sens donné.

On nous opposera peut-être aussi l'épilepsie traumatique et

l'épilepsie locale, enfin même les cas où l'épilepsie générale

peut être provoquée d'une façon ou d'une autre sans qu'il y ait

des troubles digestifs sur lesquels nous avons tant tenu à

insister. Nous ne voyons rien de surprenant dans ces cas et

nous ne croyons pas que ce soit des arguments solides contre

1 Duclaw. - Le microbe et la maladie.

24 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

notre théorie pathogénique. Nous l'avons dit, nous ne nous

sommes occupés ici que de l'épilepsie générale d'emblée, l'épi-

lepsie dite idiopathique précédée et accompagnée de troubles

digestifs ; mais nous avons fait remarquer que chez ces ma-

lades comme chez tous les épileptiques quels qu'ils soient, il y

a une question de prédisposition héréditaire le plus souvent et

qui domine toute la scène.

L'individu dont le système nerveux normal a tendance à

réagir par des convulsions épileptiques verra sa prédisposition

entrer en acte à toute occasion capable de la réveiller. Chez

celui-ci ce sera à l'occasion d'un traumatisme, chez celui-là

par la compression d'une cicatrice ; chez les uns ce sera sous

l'influence d'une lésion cérébrale ou d'une irritation quelconque

des terminaisons nerveuses (vers intestinaux par exemple).

Chez les autres ce sera sous une influence morale et physique.

Enfin dans un grand nombre de cas, nous croyons même pou-

voir dire dans la majorité des cas d'épilepsie générale d'em-

blée, ce sera l'intoxication qu'il faudra mettre en avant.

Un rapide coup d'oeil sur la marche des accidents et l'évo-

lution de la maladie, nous fera mieux comprendre encore.

Nous avons distingué deux genres d'épileptiques : ceux chez

lesquels il n'y a pas de troubles gastro-intestinaux, ni d'état

saburral de la langue, et ceux chez lesquels ces phénomènes

existent et sont très marqués. Dans le premier cas on a affaire

à l'épilepsie réflexe, dans le second à une intoxication, sans

préjuger du reste de l'origine du poison. Or, la marche des

accidents est très différente dans ces deux espèces d'épi-

lepsie.

Dans l'épilepsie réflexe l'état de l'intelligence reste très

longtemps normal, les facultés intellectuelles peuvent n'être

pas touchées et on ne constate pas cette hébétude prolongée

cette déchéance progressive de l'intelligence qui conduit à

l'abrutissement complet et à la démence. C'est qn'en effet,

dans l'épilepsie réflexe, qu'elle soit locale, généralisée ou même

générale d'emblée, les accès sont le résultat d'une excitation

brusque et passagère dont la cause déterminante rapide et

fugace n'agit qu'un moment.

Au contraire, dans l'épilepsie générale qui s'accompagne de

l'état gastrique sur lequel nous avons tenu à insister, l'hébétude

postparoxystique est de règle, elle dure même parfois assez

longtemps et enfin les malades arrivent à la démence. C'est

DE L'INTOXICATION DANS L'EPILEPSIE. 25

qu'ici l'épilepsie a pour cause déterminante une intoxication;

cette cause n'agit plus brusquement comme tout à l'heure.

Le poison s'accumule progressivement, partant de zéro il passe

par un maximum qui répond aux accès pour décroître ensuite.

Il y a donc là une irritation prolongée par inhibition des cen-

tres nerveux ou altération cellulaire, d'où la déchéance plus

complète et plus rapide de l'intelligence. Ceci nous explique

même certains cas que nous avons signalés à propos de la

démence épileptique. Nous avons dit que celle-ci pouvait avoir

une marche progressivement croissante dans certains cas, au

lieu que dans les autres elle marche par poussées successives

avec des rémissions. Eh bien ces poussées successives répon-

dent aux accès accompagnés de troubles gastriques, tandis que

les rémissions surviennent quand ces mêmes troubles font

défaut. On peut donc voir chez un même malade les deux ordres

de causes entrer en jeu alternativement pour produire les acci-

dents épileptiques.

En résumé nous concluons donc de cet essai pathogénique :

1° Que la prédisposition du système nerveux, prédisposition

presque toujours héréditaire est la première condition, capitale,

indispensable pour que les accidents épileptiques puissent

apparaître ; 2° que l'épilepsie générale peut être sous la dépen-

dance de deux causes déterminantes distinctes; ce qui permet

d'admettre une épilepsie réflexe et une épilepsie par intoxica-

tion, celle-ci plus grave que l'autre ; 3° que ces deux genres

d'épilepsie peuvent alterner chez un même sujet ; 4° que l'in-

toxication peut, suivant les cas, venir de l'organisme lui-même

ou du dehors, auto-infection et hétéro-infection.

TRAITEMENT T

Il n'y a peut-être pas de maladie où le traitement soit aussi

varié que dans l'épilepsie. Chacun a voulu apporter son remède

à une affection aussi redoutable, et cette profusion de médica-

ments ou de méthodes prescrits est une preuve de la non-effi-

cacité de tous ces moyens etdel'incurabilité de la maladie dans

la plupart des cas. Dans ces derniers temps avec le bromure de

potassium, ou croyait avoir le médicament par excellence, la pa-

nacée de l'épilepsie. Legrand du Saulle l'appelle la muselière

Legrand du Saulle. Étude médico-légale sur les épileptiques, 1877.

26 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

de l'épilepsie, mais il fait bien ressortir comme A. Voisin ' que

le médicament une fois adopté doit être continué pendant t

longtemps; il est nécesaira au malade comme la nourriture.

Il devient donc pour lui une sorte d'aliment et quand on le

néglige le malade alors peut-être appelé à liquider son arriéré» .

Depuis un certain temps on est revenu à des opinions plus mo-

dérées sur ce médicament et tout en lui reconnissant des pro-

priétés hyposthénisantes nerveuses et vasculaires, on est loin

de lui accorder pleine propriété curative. Nous en reparlerons

tout à l'heure quand nous passerons en revue les différents

médicaments que l'on doit recommander dans cette maladie.

Nous avons établi que l'épilepsie générale, appelé encore épi-

lepsie idiopathique ou épilepsie névrose, est dans la presque

totalité des cas ou sinon dans tous les cas, d'origine infectieuse.

Les symptômes précurseurs de l'accès que nous avons tâché de

mettre en évidence, ainsi que les symptômes concomitants

d'une part, et d'autre part les expériences que nous avons en-

treprises sur les urines et sur le sang de ces malades, nous pa-

raissent péremptoires contre cette auto ou hétéro-intoxication

de l'économie et contre l'irritabilité du système nerveux.

Nous laisserons de coté la thérapeutique des épilepsies

traumatiques. Elle est souvent du ressort de la chirurgie.

Nous ferons seulement observer que lorsque les épileptiques

de cette catégorie présenteront des symptômes d'épilepsie gé-

nérale, ils devront être soumis à la médication que nous pré-

conisons tout en ne négligeant pas les moyens chirurgicaux.

Les épilepsies symptomatiques de la syphilis, du saturnisme,

de l'alcoolisme, ne nous occuperont pas non plus, nous limite-

rons notre travail à l'épilepsie vraie.

Le traitement de l'épilepsie comprend deux indications : la

première s'applique à l'accès paroxystique et la deuxième vise

les causes qui déterminent la maladie. La conception pathogé-

génique de cette affection ayant été variable et même dissem-

blable selon les auteurs, il s'en est suivi une foule de moyens

thérapeutiques. Nous n'en parlerons que très brièvement et

pour mémoire mais nous ne les décrirons pas; mais nous nous

appliquerons surtout à décrire ceux que nous avons employés

et à fournir les résultats de nos observations.

Nous savons que l'accès paroxystique est généralement pré-

' A. Voisin. Recherche clinique sur le bromure de potassium, 18G6.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 27 -i

cédé de symptômes précurseurs éloignés ou immédiats. Eh bien

c'est au médecin à soigner ces symptômes précurseurs. Pour

nous les symptômes précurseurs que décrivent tous les auteurs

sont toujours accompagnés d'état gastrique, d'état saburral de

la langue. Nous devons soigner cet état gastrique par des laxa-

tifs et par une hygiène appropriée; nous verrons souvent ces

symptômes précurseurs disparaître et l'accès avorter.

Mais quand on est en présence de symptômes immédiats,

d'accès, d'auras, il faut diriger tous nos soins contre eux; quand

l'aura est d'origine sensitive ou motrice du côté d'un membre

par exemple, on frictionnera ce membre ou bien on le compri-

mera. C'est Odier qui a surtout préconisé la ligature des mem-

bres au-dessus des auras. Quelquefois la flexion exagérée ou

l'extension forcée d'un orteil ou d'un doigt arrête une attaque

comme Bravais l'a montré. Il en est de môme de la traction

violente sur les parties du membre qui sont le siège de l'aura.

Une douleur vive déterminée dans un point quelconquedu'corps

peut aussi produire le même résultat. Brown-Séquard a

montré que la trépidation électrique du membre inférieur peut

être arrêtée par la flexion du pied dans l'épilepsie partielle.

Quand il existe une aura gastrique, on donnera à boire au

malade quelques gouttes d'eau chloroformée, de fleurs d'oran-

ger ou de mélisse. Cette simple ingestion pourra amener la

suspension de l'attaque. Nothnagel et Schultz ont arrêté une

attaque en ingurgitant du sel marin dans la bouche d'un ma-

' lade. Nous-mêmes nous avons obtenu ce même résultat chez

une de nos malades. Mais dans tous ses cas à aura, nous ne

parvenons à un heureux résultat que si la maladie est d'ori-

gine réflexe et non d'origine symptomatique d'empoisonne-

ment. Si cette épilepsie réflexe revêt à un certain moment

donné la forme d'épilepsie générale, nous ne pourrons pro-

voquer aucun soulagement par ces moyens. L'accès aura lieu

quand même ; il sera peut être retardé, mais il évoluera à

un moment donné.

Nous ne parviendrons à l'empêcher que si nous dirigons

nos moyens sur l'état général du malade, sur son état gastri-

que d'abord.

Cette distinction de l'épilepsie réflexe à aura, ne s'accompa-

gnant pas d'état gastrique et de l'épilepsie réflexe à aura s'ac-

compagnant d'état gastrique, par conséquentdevenant épilepsie

ordinaire, est très importante à connaître, .car l'une est gué-

28 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

rissableet bénigue et l'autre est généralement incurable et des

plus graves.

C'est cette distinction que Lasègne a voulu faire, en nous

disant que les épileptiques à aura, sont des épileptoïdes et non

des épileptiques vrais. La marche de la maladie en effet n'est

pas la même et la terminaison en est différente aussi. Mais cet

homme distingué n'avait pas attiré l'attention des praticiens

sur cet état saburral concommitant des voies disgestives. Pour

lui l'épileptique vrai tombait tout d'un coup sans prodrôme et

sans aura; l'état gastrique pour lui passait inaperçu et il s'ap-

puyait seulement sur cette brusquerie des accidents et sur les

asymétries faciales pour porter son diagnostic. Comme nous le

disons plus haut, pour nous le signe capital différentiel est

l'état gastrique du sujet accompagnant généralement les stig-

mates de la face, puisque l'épilepsie est essentiellement héré-

ditaire et d'origine dégénérative.

En présence de l'iniminence d'un accès épileptique, nous

devons protéger le malade autant que possible contre le choc

et éviter la suffocation. Certains malades tombent toujours

en avant, d'autres en arrière, d'autres enfin sur le côté. Quel-

ques-uns s'affaissent sur eux-mêmes.

Ceux qui tombent lourdement en avant ou en arrière doi-

vent porter un bourrelet autour de la tête pour se préserver

d'une fracture du crâne ; malgré cela cependant il arrive quel-

quefoisqu'ils se brisentla tète contre l'encognure d'un mur ou

d'un meuble. Nous devons autant que possible faire en sortequ'ils

ne restent pas seuls dans un appartement où il y a du feu,

car ils peuvent se bruler cruellement ou mettre le feu à l'ap-

partement. Les cas de mort par brûlure ou incendie ne sont

pas rares. On doit aussi recommander à ces malades de prendre

des métiers qui no les exposent pas à des morts certaines dans

leur chute, comme celui de couvreur, de laveur, de matelot, etc.

Enfin aussitôt qu'un malade est à terre, il faut l'étendre ho-

rizontalement, lui relever très légèrement la tête, la poser de

côté, déboutonner ses vêtements et lui tirer la langue hors la

bouche si par hasard elle tendait à être avalée.

Quand un malade est exposé à des accès nocturnes fréquents,

on devra le surveiller la nuit, car il peut, dans ses mouvements

convulsifs, se retourner la face contre l'oreiller et mourir

étouffé. Il peut s'enrouler aussi sous ses couvertures ou s'étran-

gler avec ses vêtements. Il faut en outre faire coucher le

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 29

malade sur un lit bas ayant des balustrades et contenant des

oreillers en crin ou en varech, plutôt que des oreillers en plume,

qui sont trop mous et qui remontent par ce fait trop facilement

autour de la face.

Mais ce qui doit surtout occuper le médecin dans le traite-

ment de l'épilepsie, c'est l'hygiène de son malade. Avec une

bonne hygiène, on peut éviter beaucoup d'accidents. Le méde-

cin, en effet, est en présence d'un tempérament à système

nerveux défectueux, à impressionnabilité plus ou moins grande

et à tendances convulsives et impulsives. Il faut que par la

direction qu'il va donner à l'enfant atteint de cette maladie, il

lui évite des excitations funestes. Il doit donc veiller à son

éducation, à son instruction, à son alimentation et à son habi-

tation. Parmi les enfants atteints de cette terrible maladie, les

uns sont intelligents, les autres sont débiles et présentent de

la dégénérescence mentale. Les enfants intelligents ne seront

pas poussés vers des travaux intellectuels demandant une grande

tension d'esprit. L'assiduité au travail leur est funeste et pro-

voque des convulsions. Les exercices violents amènent le même

résultat. La vie à la ville, au milieu des excitations physiques

et intellectuelles, leur est nuisible. Il leur faut une vie calme

à la campagne, et un travail manuel aux champs leur est des

plus favorables. Le jardinage est le but que l'on doit se pro-

poser dans beaucoup de cas. Le professeur chargé de l'éduca-

tion d'un enfant épileptique doit avoir une grande fermeté en

même temps qu'une grande douceur. Il doit sans cesse se rap-

peler qu'il a devant lui un être éminemment excitable et

impulsif.

L'alimentation doit être surveillée avec soin. Nous avons vu

que des troubles digestifs sont presque toujours l'indice d'un

accès et que sous l'inflence d'un écart de régime, l'épileptique

est sujet à des accès convulsifs. Le vin pur, l'alcool sous toutes

ses formes (eau-de-vie, absinthe, cassis, chartreuse, madère,

bitter, etc.) doivent être bannis. Nos malades, les jours de

sortie, sont presque toujours pris d'accès, soit chez eux, soit en

rentrant à l'hospice. Cela tient soit aux excès de table qu'ils

font, soit aux excès génésiques auxquels ils se livrent pendant

leur sortie. L'onanisme, de même que l'excès génésique, est

très défavorable à l'épileptique, aussi devrons-nous surveiller

avec soin les fonctions sexuelles chez les jeunes gens au moment

de la puberté. A cette époque de la vie, beaucoup d'enfants

30 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

voient leurs accès convulsifs augmenter et leur intelligence

s'arrêter dans son évolution et même rétrograder.

Huglings Jacksun recommande une nourriture variée et

substantielle, mais comme il croit que l'épilepsie résulte de

modifications de nutrition de la substance nerveuse, et comme

d'autre part il sait que les épileptiques, dans leurs accès, éli-

minent par leurs urines un excès d'acide phosphorique uni

aux terres, il préconise l'usage d'huile phosphorée pour sup-

pléer à cet excès d'élimination de phosphore. Pour lui, le phos-

phore est un principe tempérant du système nerveux, et dans

l'épilepsie, il serait remplacé par des substances azotées. Nous

avons employé ce moyen chez plusieurs malades et nous

n'avons pas retiré de cette médication tout le bien que nous

en espérions. La balnéation et l'hydrothérapie doivent être

recommandees et prescrites avec méthode. C'est un moyen

excellent pour obtenir la sédation et en même temps la tonifi-

cation du système nerveux. De plus, il favorise les fonctions

de la peau et par suite l'élimination des toxines de l'écono-

mie. Il doit être prescrit en même temps qu'une médication

interne.

L'habitation doit être bien exposée au soleil levant. Un grand

jardin doit, autant que possible, l'entourer. Enfin les chambres

de ces malades doivent être au rez-de-chaussée pour éviter,

dans les escaliers, des chutes qui pourraient être mortelles.

C'est pour cette raison que les quartiers des épileptiques,

dans les hospices, ne comprennent pas de bâtiments à étages.

Un homme épileptique, ayant des accès fréquents, ne peut

trouver de travail dans les ateliers; il est renvoyé par ses

patrons. De là, la misère et l'impossibilité absolue de la com-

battre, puisque le pauvre ouvrier est repoussé de tout le monde.

On devrait l'hospitaliser; mais la loi de 1838 ne permet d'hos-

pitaliser que les aliénés ou les impulsifs dangereux, et l'État

n'a pas encore pris les mesures nécessaires pour subvenir aux

besoins de ces pauvres infirmes. Des colonies agricoles devraient

être instituées pour recevoir ces pauvres déshérités de la nature

humaine, ou bien on devrait les placer dans des familles de

cultivateurs où ils pourraient gagner leur vie, c'est-à-dire

payer leurs dépenses par les services qu'ils rendraient. En

Westphalie, à Bielefeld, une colonie de ce genre est ins-

tituée sous la direction d'un médecin, et donne de bons résul-

tats.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 3t

Un épileptique dangereux, c'est-à-dire un malade qui a com-

mis des actes nuisibles ou qui a montré une conduite violente

et n'a été empêché que par la force de produire des effets nui-

sibles, doit être séquestré dans une maison de santé et ce

malade même ne devra jamais en sortir s'il a commis un crime

sous l'influence des accès paroxystiques.

Nous venons de passer en revue les mesures hygiéniques

que l'on doit prendre pour un épileptique; voyons maintenant

quel traitement interne nous devons lui donner. Beaucoup de

médicaments ont été proposés et essayés et aucun, malheureu-

sement n'a été reconnu infaillible. Nous ne les passerons pas

tous en revue, mais nous attirerons l'attention sur ceux que

l'on préconise le plus souvent.

Les antispasmodiques et les calmants sont les médicaments

qui ont tenu et qui tiennent encore la plus grande place dans

la thérapeutique de l'épilepsie; nous citerons le camphre, les

fleurs de tilleul et d'oranger, le gallicum, l'éther, le nitrite

d'amyle, la valériane, l'assa-foetida, la belladone, l'opium,

l'oxyde de zinc, la coque du Levant, la digitale, la jusquiame

et l'hyoscyamine, etc. Ces médicaments se donnent à des doses

variables, et le plus souvent ils sont associés entre eux pour

la composition de pilules. C'est ainsi que l'oxyde de zinc est

associé à la valériane et à la jusquiame dans les pilules de

Méglin. Herpin prescrivait l'oxyde de zinc seul jusqu'à la dose

de G grammes par jour et prétendait en avoir de bons résultats.

D'autres auteurs l'employèrent et n'eurent pas le même bon-

heur. On donne généralement maintenant ce médicament en

même temps que le bromure de potassium, et on pense que

cette association produit de meilleurs résultats. Le camphre a

été recommandé surtout chez les épileptiques comme anaphro-

disiaque. Son action curative n'est pas démontrée. Le D1' Clin a

fabriqué des capsules de bromure de camphre, qu'il donne à la

dose de 10 à 12 par jour; elles amèneraient, d'après le Dl' Bour-

neville, un effet sédatif, surtout chez les épileptiques verti-

gineux.

Le nitrite d'amyle a été employé en inhalations par le même

auteur, et M. Bourneville prétend avoir ainsi provoqué des

avortements d'accès. Weir Mitchell l'introduisit le premier

dans la thérapeutique de l'épilepsie, en z. Ce médicament

a la propriété d'amener une congestion de la face et du cer-

veau, par conséquent il devrait guérir l'épilepsie si cette mala-

32 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

die était due à l'anémie cérébrale, comme l'ont voulu certains

auteurs'. -

'L'opium et ses dérivés, surtout la morphine, paraissent cal-

mer pour un moment les accès. Mais le morphinisme arrive

bien vite sous l'influence de la médication et le remède est

bientôt pire que le mal. Aussi ne doit-on pas en faire usage.

La belladone ou son alcaloïde, l'atropine, paraît surtout être

efficace dans une manifestation épileptiforme, l'incontinence

nocturne d'urine. C'est Trousseau qui a remis en honneur cette

médication.

Les valérianates d'ammoniaque, de zinc ou de fer, ou encore

la valériane en poudre, l'acide valérianique, ont leurs par-

tisans, mais on ne peut mettre à leur actif aucun cas de gué-

rison. Il en est de même des médicaments suivants : l'assa

foetida, la jusquiame, le datura stramonium, l'aconit, le musc,

le castoreum, etc.

Gowers conseille le borax. 11 le donne à la dose de 2 à

5 grammes en commençant par 0,75 à gramme et prétend

avoir quelques succès. Son administration peut produire une

éruption cutanée, du psoriasis ou de l'eczéma. Féré l'a employé

à la dose de il à 3 grammes etn'a pas obtenu de bons résultats.

Pour combattre le psoriasis Gowers donne de l'arsenic.

Couyba, Hambrusier2 eurent des résultats heureux avec la

coque du Levant et son alcaloïde, la picrotoxine. La teinture

de la coque du Levant se prescrit à la dose de 20 à 50 goutes et

la picrotoxine à la dose de 1 à 6 milligrammes. Nous l'em-

ployâmes en 1880-1881 et voici les quelques observations elle

tableau comparatif des accès chez les mêmes malades traités

par le bromure de potassium seul ou les bromures de potas-

sium et de sodium réunis ensemble. Nous avons constaté que

lorsque l'on donnait la picrotoxine à la dose de 1 à 2 milli-

grammes, le pouls était légèrement accéléré. Il montait à

92 et 100. Les urines étaient augmentées de volume 1,800 à

1 Nous avons également employé le sulfate de cuivre, l'oxyde de zinc,

la glace (Recherches sur l'épilepsie et l'hystérie, 1876). Le bromure

d'éthyle (Compte rendu de l31cêtre,1880); -- le bromure d'or, les aimants,

l'hydrothérapie (id.,1883);-le curare, l'acide sclérotinique (lbid.,1884).

La picrotoxine (Ibid., 1889); - les injections sous- cutanées de liquide

testiculaÍ1'e (Ibid., 1895) ; enfin, le bromure de zinc et le bromure de

nickel. Tous les ans, dans nos Comptes rendus de Bicêtre, nous sommes

revenus sur l'emploi prolongé de l'hydrothérapie. (B.).

2 Hambrusier. Traitement de l'épilepsie, 1880. Bulletin de l'Aca-

démie de Médecine. Belgique.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 33

2,000 grammes et enfin l'appétit au début était exagéré. Nous

avons donné ce médicament pendant deux ou trois mois. de

suite chez des sujets qui prenaient depuis plusieurs années

déjà du bromure de potassium; puis après la picrotoxine nous

avons repris le bromure de potassium ou le sel double de.bro-

mure de potassium et de sodium. Enfin dans quelques cas, à

la suite d'un de ces traitements, nous avons laissé -le malade

sans aucune médication pendant un mois ou deux, quelquefois

trois mois pour reprendre ensuite le traitement bromuré. Si

nous jetons un coup d'oeil sur les tableaux, nous ne voyons

pas de grandes différences dans le nombre des accès et nous

ne constatons pas d'état de mal produit par la suppression d'un

de ces traitements. Ce qui attire surtout notre attention dans

tous ces relevés et dans ces observations, c'est ce fait : chaque

fois que l'on change un traitement, on voit dans les quinze

jours qui suivent, le nombre des accès diminuer soît qu'il

s'agisse de substituer un traitement à un autre, soit qu'il

s'agisse de le supprimer seulement sans le remplacer. Mais

dans la majorité de nos observations la picrotoxine n'a paru

amener aucune amélioration. Dans quelques cas même le

nombre des accès parait augmenter. .

KnOEscH...., trente-six ans. Epileptique.

Aucune médication pendant soixante-douze jours. Trois accès.

34 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. '

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 35

36 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

rose double. Les troubles pupillaires ont été notés dans 82 cas

sur 100; l'inégalité des pupilles 62,7 ; le myosis double, 7,2;

la mydriase double, 3,6; immobilité des pupilles avec lar-

ger moyenne, 2; - déformation pupillaire (synéchies). 4,2 p. 100.

Sur 100 paralytiques des deux sexes on ne note l'absence de

troubles pupillaires que chez 17 (hommes 13,4; femmes 33,9

p. 100). Ces troubles sont moins fréquents chez les paralytiques

syphilitiques. Le strabisme a été relevé dans 3,3 cas p. 100; le

ptosis dans 12,3 p. 100; - le le nystagmus est rare. Les troubles

auditifs ne sont pas fréquents (1,3 p. 100). La voracité a été notée

dans 2,1 p. 100. '

Le- troubles de la sensibilité générale se rencontrent dans 43,3 cas

p. 100; ils peuvent se répartir ainsi :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 37

Les autres troubles de la motilité ont été observés dans la pro-

portion suivante :

38 ' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

un phénomène habituel et il n'a peut-être d'autre signification que

d'être le signe banal d'une constitution névropathique : c'est à ce

titre que la céphalalgie se rencontre fréquemment dans les anté-

cédents morbides des aliénés. Dans certains cas, la céphalalgie,

survenue comme phénomème prodromique peut acquérir une

certaine valeur en mettant sur la voie du diagnostic, si l'on se rap-

pelle la place que prend la céphalalgie parmi les symptômes des

auto-intoxications en particulier de l'urémie. On commence en

effet à se rendre compte que les auto-intoxications ne sont pas sans

jouer un cet tain rôle dans la genèse de la folie et, parmi ces

auto-intoxications, l'urémie occupe probablement une place prédo-

minante. E. B.

III. La conscience dans LES crises épileptiques; par le DI" Bombarda.

. (Revue neurologique, déc. 1894.)

Les faits d'épilepsie partielle où la conscience persiste intacte

pendant l'accès ne sont plus à démontrer.

A côté de cas de transition entre l'inconscience absolue qui ac-

compagne d'ordinaire la crise d'épilepsie généralisée et le maintien

de la conscience au cours de ces crises, l'auteur cite deux cas qui

lui paraissent probants, destinés à démontrer qu'une attaque épi-

leptique peut se derouler dans un état de conscience plus ou moins

parfait. E. B.

IV. Observations SUR LES délires associés ET LES transformations

du délire; par le Dr I. DAGONET. (Annales médico-psychologiques.

janvier 1895.) -

On observe assez fréquemment la transformation d'un délire

dans un autre ou l'association chez un même individu des délires

les plus différents et les plus contradictoires par exemple l'asso-

ciation du délire dépressif, d'idées ambitieuses et d'idées hypo-

condriaques, de persécution, etc. L'auteur a réuni une série d'ob-

servations intéressantes de ces formes complexes de l'aliénation

mentale. En tête des transformations du délire observées chez cer-

tains aliénés se place la folie circulaire. Les formes les plus diverses

d'aliénation donnent à l'auteur l'occasion de citer des observations

de délires combinés : paralysie générale, alcoolisme, délire des

négations, délire systématisé des persécutions auquel vient se

joindre parfois du délire ambitieux sans que l'on puisse, suivantl'au-

teur, considérer ce délire ambitieux comme une transformation

du délire de persécution.

A part les délires alcooliques plus ou moins aigus, l'association

la transformation de différents délires parait augmenter la gravité

du pronostic du délire primitif. E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 39

V. Un cas DE MOIIPIW¡OMA7'1]E; par M. Seiilecq. (Annales

médico-psychologiques, janv. 1894.)

L'intéressante observation relatée par l'auteur présente plusieurs

particularités peu fréquentes montre toute l'importance de l'état

névropathique, héréditaire ou acquis, dans le développement de la

morphinomanie.

Un sujet non névropathe, après un an d'usage de la morphine,

. cesse brusquement les injections sans éprouver aucun phénomène

autre qu'un certain degré de nervosisme. Lorsque le malade,

devenu ainsi névropathe, reprend, un an après, l'usage de la mor-

phine, l'appétence apparait avec accoutumance rapide et besoins

impérieux d'augmenter sans cesse.

Le malade n'est pas sans lutter et, chose assez rare, essaye de

lui-même, par deux fois, à supprimer la morphine.

Chose peu commune aussi, le malade a présenté pendant cinq

ans une certaine immunité, l'usage de la morphine n'ayant donné

lieu à aucun phénomène spécial. E. B.

VI. LES difformités OSSEUSES DE la tète ET la dégénérescence ;

par le Dr CULLEIiRE. (Annales méllico-psychologiçues.)

Les aliénistes sont loin de s'entendre sur la nature de la dégé-

nérescence et sur son importance. A propos d'un livre récent du

Dr Talbot, l'auteur fait une étude critique de la valeur des malfor-

mations osseuses de la tête et de la face en tant que stigmates de

dégénérescence.

Dans la production des anomalies dites de dégénérescence, cer-

taines causes générales comme le climat, l'habitat, le mélange des

races et de l'hérédité physiologique jouent un rôle de premier

ordre, sans compter ce que M. Talbot appelle les névroses de déve-

loppement, provoquant des perturbations nutritives pendant la

croissance des individus à lourdes tares héridilaires.

Si ces anomalies de développement présentent souvent un ca-

ractére banal, se présentant avec une extrême fréquence dans la

masse de la population réputée saine, il ne s'ensuit pas cependant

que la dégénérescence soit un vain mot, ni que ce soit une notion

superflue pour la connaissance des maladies mentales. Il est des

incorrections physiques, sans parler des psychiques, qui, accu-

mulées chez le même aliéné, lui con-tituent un faciès spécial qui

porte avec lui son diagnostic; mais il y a loin de là à confondre

toutes les manifestations de la folie dans le vaste sein de la dégé-

nérescence et à faire de ce fait biologique la base même de la con-

naissance des malades de l'esprit. E. B.

40 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

VII. Rapport des anomalies morphologiques avec LES maladies NER-

YEUSES ET MENTALES ENDOGÈNES; par SOMMER. (Ceiltralbl. f. Ner-

venheilk. N. F., IV, 1893, N. F., V, 189t.)

Y a-t-il entre les déviations morphologiques de la construction du

crâne et les maladies neuropsychopathiques endogènes un rapport

ou non ? ·

Commençons par étudier l'arrêt de développement intellectuel con-

génital. Le lype des troubles intellectuels fonctionnels endo-

gènes eslla débilité mentale sans substratumanatomo-pathologique. -

Mais on peut y rencontrer des anomalies morphologiques géné-

ralés ou spéciales du crâne dont il s'agit d'établir les relations-avec

les troubles intellectuels. Voici par exemple une observation de ce

genre concernant trois frères présentant des degrés divers des

troubles psychiques qui nous occupent. L'affaiblissement psychique

est ici congénital. A côté de cela, il y a chez eux une ensellure cra-

nienne. Ils tiennent évidemment la dégénérescence psychique du

côté paternel tandis que le côté maternel, indemne de toute ano-

malie mentale, leur a transmis l'anomalie morphologique; celle-ci

n'a évidemment dans l'espèce rien avoir avec celle-là.

- - P. IER.1VAL.

VIII. Nouvel examen DU malade DONT l'observation A SERVI de base A

. LA THÉORIE DE L'LPELAGE POUR LA LECTURE ET L'ÉCRITURE ; par

Sommer. (Centmlbl. f. Nenenheilk., N.F., V, 1894.)

Il s'agit du malade de M. Grashey qui, tombé d'une échelle en

novembre 1893, a présenté les symptômes d'une fracture de la base

avec troubles intellectuels d'origine cérébrale, et au sujet duquel on

asuccessivement diagnostiqué diverses localisations. Il s'agit, d'après

M. Sommer, d'une lésion en foyer à troubles périodiques.

. L'auteur fait sontourune nouvelle hypothèse; puis dans une note

il ajoute que depuis qu'il a rédigé cette analyse, clinique et ses con-

clusions anatomiques, certains symptômes se sont modifiés et ne

justifient pas la théorie tout enlière qu'il a émise, de sorte que les

conclusions suivantes ne sont plus vraies que partiellement.

1° En réalité, le malade, à l'aspect seul des objets, n'en peut

trouver le nom ; c'est le symptôme, non d'un affaiblissement général

de la mémoire, mais d'une lésion en foyer ; 2° il trouve en écri-

vant les noms des objets qu'il voit. Ceci ne peut pas s'expliquer

par la théorie du syllabage de la lecture et de l'écriture. Il faut

admettre qu'il y a une union directe entre le centre des concep-

tions représentatives des objets et le centre des conceptions repré-

sentative des mouvements de l'écriture; 3° au moment où le

. ¡

1 Archives de neurologie, t. XII, p. 88. z

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - 41

malade écrit, il n'a ni images phonétiques, ni conceptions représen-

tatives imagées des lettres, il n'a cependant pas de la paragraphie.

Par conséquent dans ce cornplexus représentatif formé par l'image

de l'objet, le nom correspondant, la conception représentative

des images des lettres, et les sensations des mouvements propres

à l'écriture, une partie de cet ensemble peut manquer sans qu'il y

ait destruction des connexions entre les autres parties ; 4° le malade

peut avoir des idées sans avoir en lui les mots correspondant à ces

idées ces deux dernières constatations prouvent que dans un

ensemble représentatif constitué par des idées, des images articu-

lées, des conceptions représentatives des mouvements propres à la

parole, certaines parties peuvent manquer sans que l'essentiel en

shuffre ; 5° des recherches faites chez ce malade sur les associations

des idée ? , il découle qu'il y a une pensée sans mots non seule-

ment dans le domaine sensoriel mais aussi dans le domaine de

l'idéation pure; 6° ce malade présente une perte de l'association

des éléments acoustiques dans le centre même de la zone acous-

tique, ce qui renverse la théorie de la paraphasie; 7° Les grandes

difficultés que l'on éprouve chez lui à une explication univoque

conforme à la théorie des localisations servent de leçon au psy-

chiatre qui voudrait s'appuyer sur l'interprétation schématique des

phénomènes cérébraux pour intervenir chirurgicalement.

Tout intéressants que soient ces phénomènes, leur mobilité, et

les théories avec les schémas correspondants, leur constatation ne

servira que le jour où l'on pourra constater les lésions cérébrales.

- P. KERAVAL.

IX. Raretés d'un asile d'aliénés; par P. NOECKE. (Allg. ZeilSChr'.

f. Psychiut., L, 3, 4.)

{.Influence de la grossesse, de l'accouchement et des suites de cou-

ches sur la marche d'une psychose chronique antérieure. Cinq

observations dont deux de folie systématique (avec et sans halluci-

nation'-), une de paralysie générale, une de démence secondaire.

La puerpéralité n'exercerait d'après l'auteur pas la moindre

influence sur la marche ultérieure des psychoses chroniques. Il n'a

vu d'ailleurs que très rarement survenir une rémission courte,

jamais d'aggravation, encore moins de guérison. La grossesse et

l'accouchement altèrent à peine le pronostic des psychoses chro-

niques, quant aux symptômes psychiques. L'observation A montre

que les allures de la mère aliénée peuvent faire courir un danger

immédiat à l'enfant, et qu'il faut la surveiller étroitement. Si

l'aliénée est bien portante, affectueuse, et a du lait en quantité, on

peut la laisser nourrir, car il n'est pas à penser que la lactation

puisse renforcer l'hérédité probable du petit être, seulement c'est

impossible dans une maison d'aliénés.

42 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Observation D. Pendant un congé une femme a pu accoucher ou

faire une fausse couche; elle était d'ailleurs enceinte au moment

de son admission à l'asile. Ici se place la grave question de la surveil-

lance de cette aliénée-mère; et la question des congés à des

femmes aliénées non encore enceintes (le mari se hâte décoller); et

celle, non moins épineuse, des hommes aliénés en congé qui ont

immédiatement des rapports avec leurs femmes. Et l'hérédité !

2. Un cas de folie à deux. - Ou plutôt belle observation de folie

à trois (trois soeurs). Tare héréditaire paternelle. Seconde soeur

hystérique. Vie en commun complète, avec suprématie psychique

de l'aînée. Perte brusque de leur fortune précédée de dissensions

familiales. Il estprobable que ces commotions moralesont engendré

chez l'aînée, la plus intelligente, un délire des persécutions. Elle

impo-a inconsciemment son délire aux deux autres.

3. Cas de catatonie alterne. Folie circulaire à succession régu-

lière des deux phases, dépressive et maniaque, dans lesquelles on

constate des poses plastiques, du grimacement, de la verbigération

incohérente, un certain degré de tension musculaire, des troubles

vasomoteurs.

4. Deux cas de parole double. Délire chronique hallucinatoire.

Les deux malades entendent deux voix différentes qui procèdent de

deux mécanismes distincts : chez la première, il s'agit d'une impul-

sion automatique; chez la seconde, y a division de la personnalité.

- 5. Observation de folie obsédante.

6. Observation de délire du toucher dans le cours d'une confu-

sion mentale secondaire. - Il est souvent difficile, dit M. Næcke, de

distinguer une obsession véritable d'une idée délirante. Il est

évident que bien des observations d'obsessions présentées par

les Français témoignent en réalité d'idées délirantes et non d'ob-

sessions. P. K.

X. Contribution A l'étude DES TROUBLES mentaux CHEZ LES dégénérés ;

par 0. DORN13LUTII. (Allg. Zeitscisr. f. Psychiut., L, 3,4.)

Rapport sur un délire de chicane. Il y a beaucoup de ces malades

qui ne deviennent pas des fous systématiques, sont de pursdégénérés

ou des hy popsychopathes. Leur histoire, le développement du trouble

mental, le texte de leurs conceptions délirantes et leur manifesta-

tion, leur degré d'infériorité morale, les font rentrer dans ce der-

nier groupe. Le médecin doit donc décrire au juge la personnalité

du malade, et tracer les limites exactes de sa responsabilité qui le

séparent des fous proprement dits. Il convient surtout que les alié-

nistes ne porle pas de diagnostics différents.

Voici, d'après, l'auteur, la meilleure classification des psychoses

dégénératives; 10 l'idiotie; 2° l'imbécillité; 3° la démence consti-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 43

tutionnelle primitive, à laquelle il faut rattacher l'hébéphrénie;

4° la neurasthénie constitutionnelle avec les états anxieux et les

ob.-essions ou impulsions; 5° les parapsychies (folies héréditaires);

6° la folie périodique.

Dans le cinquième groupe, l'auteur range les psychopathies

sexuelles la folie raisonnante- le délire de chicane les con-

ceptions délirantes non systématiques des anormaux héréditaires

Les idées fixes ou exagérées de Wernicke. P. K.

XI. UNE modalité particulière du tremblement dans LE DELIRIUM

THEMENS DES alcooliques; par N. OSTERllAYER. (Allg. Zeitsch. f.

Psych., L, 3, 4.)

Observation. Tandis que le tremblement généralisé ordinaire

est modéré, le côté droit du corps est secoué d'un tremblement

continu si violent que le tremblement général, relégué au second

plan, devient à peine perceptible. Il y a en outre, toujours à droite,

paralysie du sphincter irien, parésie du facial, parésie des membres

supérieur et inférieur, exagération extrême des réflexes tendineux,

patellaire et clonus podaliques,hyperexcitabilité mécanique neuro-

musculaire.

Ceci ne dura que quelques jours pendant la durée même de

l'état délirant et rétrocéda sans laisser de traces. Il est impossible

d'y trouver d'explication, à moins qu'on ne veuille faire jouer un

rôle, dans l'espèce, au développement plus accentué des muscles du

côté droit de cet homme qui est chaudronnier. P. K.

XII. CONTRIBUTION A l'étude DE l'inversion DU SENS génital;

par R. DE KII.4FFT-EDiNG. (Julcrbfieh, f. Psychiat., Xll, 3.)

C'est le plus souvent un symptôme de dégénérescence : lacune

morale, trouble psychique spécial, construction psychosexuelle

anormale, en tout cas congénitale. Voici vingt nouvelles observations

confirmatives. P. K.

XIII. DE la TENEUR DU sang EN hémoglobine ET DE SON POIDS

SPÉCIFIQUE CHEZ LES aliénés; par VOttSTLR. (Allg. Zeitsch. f.

Psychiut., L, 3, 4.)

Hémomètre de Fleischl. Pyknomètre capillaire de Schmalz.

138 malades (104 hommes, 24 femmes). Cinq observations dans le

texte.

Conclusions. 1° L'agitation psychique avec agitation motrice

vive et continue; détermine une diminution de la densité et de

l'hémoglobine; 2° si dans le cours d'une psychose (mélancolie ou

démence apathique) il se présente des signes de stase veineuse,

44 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

.d'ordinaire il y a augmentation de la densité et de l'hémoglobine.

Dans ces conditions, même si les malades sont anémiques, le sang

reste dans les conditions normales ou présente une augmentation

de la densité et de l'hémoglobine; 3° si .dans le cours d'une

période d'exaltation, ou de dépression, le poids spécifique et la

teneur en hémoglobine sont diminués, on les voit d'ordinaire

remonter en même temps que le poids du corps, quand survient

la guérison; 4° les attaques congestives épileptiformes ou apoplec-

tiformes sont parfois suivies d'une augmentation de la densité on

de la teneur en hémoglobine; 5° les épileptiques soumis depuis

des années à l'action du bromure de potassium présentent en

moyenne un poids spécifique et une proportion d'hémoglobine

plus élevés que ceux qui ne sont pas soumis ou qui ne sont soumis

que depuis peu au bromure. '

Voilà un premier élément de recherches qu'il serait bon de géné-

raliser et de compléter. P. K.

XIV. DE la folie INDUITE ET DE quelques phénomènes contagieux

ou transmis chez LES aliénés; par ROLLER. (Allg. Zeistch. /.

- Psychiat., L, 3, 4.)

10 Observation de folie à deux. Deux soeurs, dont l'une est un

élément plutôt passif. Un frère est également atteint de concep-

tions délirantes; mais il n'est pas séquestré, il a évidemment adopté

plusieurs idées délirantes de ses soeurs tout en louvoyant, quant à

son appréciation de leur état mental : 2° exemples de transmission

de conceptions délirantes de certains aliénés il d'autres malades

de l'établissement; 3° exemple d'imitation mécanique de l'écho-

ialie par répétition ; 4° exemples de transmission de sensations mor-

bides provenant de gens sains ou de malades par une sorte de

suggestion. P. K.

XV. ZOOPHILIE ÉROTIQUE, bestialité ET zooérastie ; par DE

. 11RAFT-EBING. (Allg. Zeilsch. f. P,y-hitit., L, 3, 4.)

La première expression signifie que le coït des animaux entre eux

provoque chez l'homme le désir de coïter avec une personne d'un

autre sexe mais de même espèce (perversion), sorte de fétichisme;

la sensation spéciale que produit le contact de la fourrure morte

ou vivante, toute libidineuse, peut en être rapprochée. Mainls per-

vertis sexuels adorent chiens et chats {une observation). Il n'eu est

plus de même de la zooérastie qui est une perversité, témoin la

bestialité, coït avec des animaux, généralement faute de mieux.

Voici maintenant l'observation d'un homme qui éprouve la

jouissance génésique quand il est à cheval. La vue des chevaux et

des chiens produit chez lui des érections, mais il ne peut coïter

avec une femme. Cet homme a guéri.. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 45

XVI. SUR UNE sensation SUBJECTIVE de l'ouïe dans l'état HYPNAGO-

GIUE; par L. Daraskiewicz. (Ne1l1'olúg. Ceret·albl., XIII, 1894.)

Ayant travaillé tard dans la nuit (c'était dans l'hiver), l'auteur,

surpris par le sommeil, entend tout à coup une détonation qui le

réveille en sursaut, c'était une fausse sensation produite par les

craquements des arbres qu'il avait entendus en travaillant. Peut-être

le tympan agit-il là comme une corde tendue qui se détend et

vibre au moment où il entre en repos; les muscles perdent leur

tonicité, les osselets s'entre-choquent comme une masse inerte.

P. K.

XVII. LES NEUROPSYCHOSES de REJET; par S. CREND.

(Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)

L'auteur essaie, ainsi qu'il le dit dans un sous-titre, d'établir une

théorie psychologique de l'hystérie acquise, de beaucoup de phobies

et d'obsessions, et de certaines folies hallucinatoires. Il prétend

que ces névroses sont la résultante en certains cas d'un effort de la

volonté impuissant à chasser du cerveau certaines idées qui

semblent au malade condamnables. Voici par exemple une jeune

fille qui, pendant qu'elle soigne son père, se met à penser à un

jeune homme qui a fait sur elle une impression érotique. Cette

pensée lui semble incompatible avec la dignité de sa situation

actuelle. Elle veut la rejeter de son cerveau. Elle n'y réussit que

partiellement. Il y a conversion totale ou partielle de l'irritation

mentale, du traumatisme psychique, sur l'innervation motrice ou

sensorielle. Ainsi apparaît l'hystérie, l'obsession, l'hallucination.

C'est le plus ordinairement un élément sexuel qui donne naissance

à ces idées insupportables, à ces cas de conscience perpétuellement

insolubles et perpétuellement excitants malgré l'apparence heu-

reuse du résultat psychique obtenu. Le rejet mental ou la défense

mentale entraine des conséquences névropathiques, mais à la condi-

tion qu'il y ait une prédisposition préalable. P. K.

XVIII. DE l'hypnotisme ET DES troubles mentaux; par F. JOLLY.

(Archiv. f. Psychiat., XXV, 3)

Observation I. Hystérique, atteinte de délire systématique,

n'ayant jamais été hypnotisée que dans son imagination (concep-

tions délirantes).

Observation II. Hystérique atteinte d'hypocondrie en rapport

avec la ménopause, avec affaiblissement intellectuel progressif et

finalement folie systématique aiguë. Elle a été hypnotisée jadis

dans un but thérapeutique, et c'est alors le thème que son délire,

qui n'a rien à voir avec cet hypnotisme, a enfourché. z

46 REVUE DE pathologie mentale.

Voici maintenant un autre point de vue :

Vous croyez bien faire en hypnotisant certains individus. Or, ils

ont une prédisposition nerveuse; l'hyp' otisme développe, par suite,

chez eux la prédisposition hystérique latente et voilàqu'apparaissent

des attaques convulsives (observations) ou des syndromes de folie

aiguë (observations

L'auteur discute enfin l'utilité ou la nocuité des pratiques hypno-

tiques et suggestives, combat leur application à la psychologie expé-

rimentale, et pense, en touchant de près la question de l'abus des

hypnoti,ables et des hypnotisés (criminalité suggérée), qu'après

tout, il ne faut pas encourir le reproche de prendre des observations

intéressantes mais auxquelles il manque avant tout le mérite de

l'exactitude (mensonges, rêves éveillés des hystériques). Au surplus

ces hypnotisâmes sont rares, et ce sont en réalité des êtres patho-

logiques. Est-on bien sûr que les hypnotisés ne se souviennent que

partiellement et d'une façon controuvée des phases de l'opération ;

Il y a plutôt lieu de penser que ces hypnotisés d'hahitude ne

diffèrent pas essentiellement des hystériques. P. K.

XIX. OBSESSIONS ET PHOBIES. LEUR mécanisme PHYSIQUE ET LEUR

étiologie; par le Dr IREND.

L'auteur commence par déclarer qu'il ne lui paraît pas justifié

de faire dépendre les obsessions et les phobies de la dégénéres-

cence menlale. Les obsessions et les phobies sont des névroses à

part et dans ce groupe il y a lieu de distinguer : 1° les obsessions

vraies, 2° les phobies.

Dans toute obsession il y a d'une part une idée qui s'impose au

malade et d'autre part un état émotif associé, que ce soit l'anxiété,

le doute, le remords, la colère; l'état émotif est la chose principale

et persiste inaltéré, alors que l'idée associée varie.

Une analyse psychologique des différents cas montre que l'état

émotif, comme tel, est toujours justifié. Seulement, et c'est dans

ces deux caractères que consiste l'empreinte pathologique : l'état

émolif s'est éternisé, alors que l'idée associée n'est plus l'idée juste,

l'idée originale, en rapport avec l'étiologie de l'obsession, elle en

est un remplaçant, une substitution. La preuve en est qu'on peut

toujours trouver dans les antécédents du malade, à l'origine de

l'obsession, l'idée originale remplacée. Ses idées remplacées ont

des caractères communs, elles correspondent à des impressions

vraiment pénibles de la vie sexuelle de l'individu que celui-ci s'est

efforcé d'oublier; il a réussi seulement à remplacer l'idee incon-

ciliable par une autre idée mal appropriée à s'associer à l'état

émotif qui, de son côté, est resté le même. C'est cette mésalliance

de l'élat émolif et de l'idée associée qui rend compte du caractère

d'absurdité propre aux obsessions. Dans certains cas, l'idée origi-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 47

nale au lieu d'être remplacée par une idée, est remplacée par des

actes ou impulsions qui ont servi à l'origine comme soulagements

ou procédés protecteurs et qui maintenant se trouvent en associa-

tion grotesque avec un état émotif qui ne leur convient pas, mais

qui est resté le même et aussi justifié qu'à l'origine.

Mais comment cette substitution peut-elle se faire ? l'auteur

pense qu'elle est l'expression d'une disposition psychique spéciale

et l'on rencontrerait souvent l'hérédité similaire dans les obses-

sions. Quant au motif de cette substitution, ce serait un acte de

défense du moi contre l'idée inconciliable. La grande différence

entre les obsessions et les phobies est que dans ces dernières, l'état

émotif est toujours l'anxiété, la peur.

Il y a deux groupes de phobies, suivant l'objet de la peur : 1° peur

exagérée des choses que tout le monde abhorre ou craint un peu,

comme la nuit, la mort, les maladies, les serpents, etc.; 2" peur

de conditions spéciales qui n'inspirent pas la crainte à l'homme

sain, comme les phobies de la locomotion.

Le mécanisme des phobies est tout à fait différent de celui des

obsessions : il n'y a plus d'idée inconciliable remplacée; on ne

trouve jamais autre chose que l'état émotif anxieux qui, par une

sorte d'élection a fait ressortir toutes les idées propres à devenir

l'objet d'une phobie. L'auteur se propose, dans un prochain travail

de démontrer qu'il existe une névrose spéciale, la névrose anxieuse,

névro-e d'origine sexuelle et dont les phobies font partie. (Revue

neurologique, janv. 1895.) E. B.

XX. Delà paralysie générale A FORME tabétique; par M. 1l' Dr JOFFIIOY.

(Nouvelle lconog.de luSvlpétrière, 1895, n° 1. Communication faite

au Congrès de médecine mentale de Clermont-Ferrand, 1894.

L'auteur rappelle d'abord les principales opinions qui ont et ont

eu cours sur les rapports qui existent entre le tabes et la paralysie

générale, car, dès f,almil, on avait déjà noté l'association assez

fréquente des symptômes de l'ataxie locomotrice et de ceux de la

paralysie générale. La paralysie générale, dans le cas d'association,

est la conséquence de la propagation au cerveau du processus patho-

logique établi dans la moelle (Jaccoud). Le tabes et la paralysie

générale sont deux affections qui s'as-ocient fréquemment, elles

ne constituent en réalité qu'une maladie unique (Raymond). Le

tabes et la paralysie générale sont deux affections différentes, elles

peuvent coexister chez le même sujet, ce qui arrive rarement, mais

c'est là une association nosoiogique comme on en observe souvent

en pathologie nerveuse (Ballet et Joffroy). Le tabès se rencontre

combiné à la paralysie générale dans la proportion de 3 p. 100,

c'est une dualité pathologique (Renaut). Le tabes associé à la

paralysie générale constitue une maladie systématique affectant

48 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.'

tout le système sensitif cérébro-spinal, c'est un tabes psycho-sen-

soriel (Pierret). Les deux maladies n'en font qu'une capable de se

localiser diversement, quelle que soit la localisation, la syphilis

domine l'étiologie des lésions, lesquelles sont de nature parasyphi-

litique (Fournier), etc.

L'auteur modifie aujourd'hui,' ou plutôt étend davantage ses

conclusions d'autrefois. Il admet toujours que le tabes et la para-

lysie générale véritable sont capables de s'associer, mais il pense

que la plupart des cas présentés comme des associations des deux

affections ne sont en réalité que des cas de paralysie générale à

forme tabétique. La paralysie générale débute alors par des

symptômes spinaux à forme tabétique, lesquels symptômes dispa-

raissent ou s'effacent à mesure que les symptômes paralytiques

s'établissent. Aux autopsies on trouve de la sclérose médullaire,

mais sans la localisation systématique caractéristique du tabes.

Exemple : Homme syphilitique depuis douze ans. L'affection

débute par des symptômes nettement tabétiques, l'erreur de diag-

nostic est commise. Quelques années après, les signes physiques et

psychiques de la paralysie générale apparaissent et s'accentuent

de plus en plus, les symptômes du tabes, l'incoordination motrice,

comme les autres, s'affaiblissent et s'effacent. A l'autopsie : lésions

macroscopiques cérébralesclassiques de la paralysie générale. A la

moelle, lésions histologiques multiples et prononcées, dont les prin-

cipales sont : une sclérose irrégulièrement disposée des cordons

latéraux et l'atrophie des cellules des cornes antérieures à la région

dorsale. M. Joifroy possède plusieurs observations analogues, ce qui

l'aulorise à poser les conclusions sus énoncées. - CauUSET.

XXI. Délire DE maigreur chez une hystérique; par MM. Brissaud

, et Souques. (Nouv. konogr. de la Salpétrière, 1894, n° 6.) .

L'expression «anorexie hystérique» n'est pas très exacte, la

perte de l'appétit n'existe pas nécessairement. Ce phénomène est

la conséquence d'une idée fixe consciente ou inconsciente. Il fau-

drait mieux dire « inanition hystérique ». Voici un exemple de cette

sorte d'inanition due incontestablement à l'influence d'une idée

fixe successivement consciente et inconsciente.

Jeune fille, hérédité névropathique. A neuf ans, à la suite d'une

chute, coxalgie hystérique et consécutivement hyperesthésie loca-

lisée à la hanche gauche qui dure dix ans. Au moindre attouche-

ment, douleur angoissante presque syncopale, alors que le frotte-

ment des vêtements n'est pas perçu. Jeune fille intelligente, un

peu mystique par intervalles, très émotive, syncopes aux moindres

contrariétés. A l'âge de seize ans, elle était un peu forte, elle pesait

60 kilogrammes, ses compagnes la raillaient de son embonpoint,

c'est alors qu'elle fut prise de l'idée fixe de maigrir. Elle passait

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 49

des journées sans manger et avait des vomissements dès qu'elle

recommençait à ingérer des aliments. 11 arriva un moment où son

estomac ne put plus rien supporter, vomissements incoercibles.

« C'est devenu une habitude, au commencement c'était exprès,

j'aurais pu me retenir, » disait-elle à la Salpêtrière. La maigreur

augmenta de plus en plus et la malade tomba dans un état

lamentable.

A son arrivée dans le service, maigreur extrême, plus de tissu

adipeux, c'est la morphologie du squelette. Les principaux viscères

sont normaux. Le poids égale 29 kilogrammes. Il existe un délire

mélancolique avec dépression, idées de remords, de culpabilité, de

damnalion. Tendance au suicide. Traitement : Isolement absolu,

pas même de communications écrites avec sa famille, repos au

lit, alimentation ordonnée sévèrement avec menace de la sonde

oesophagienne en cas de refus. Dès le début de ce traitement, la

malade mange et ne vomit plus. Trois mois après elle pesait

59 kilog., la température qui était de 35° était remontée à 37*. La

guérison s'est maintenue depuis.

C'est l'idée fixe de maigrir qui domine toute l'histoire de cette

malade. Celle-ci a doublé son poids en trois mois, ce que seuls les

hystériques sont capables de faire, chez eux l'influence trophique

du système nerveux est activée par l'idée de grossir. Il arrive un

moment où les hystériques, atteints ainsi d'inanition, ne peuvent

plus maigrir sans succomber, il existe une limite qu'ils ne peuvent

pas dépasser. Quand l'émaciation progressive dépasse les six

dixièmes du poids initial, la mort est certaine (expériences sur les

animaux), il est probable qu'il en est de même chez l'homme. On

sait que Charcot a relaté d'assez nombreux cas de mort par inani-

tion hystérique. C.2 £ M USET.

XXII. Parallélisme entre LES PROCESSUS psychiques ET somatiques;

par BERl'OEART. (Centi,albl. f. Ner·uenheilk., N, F. V., 1894.)

La chimie a réussi à mettre en évidence les atomes et les molé-

cules par des procédés d'études physiques; elle a réussi aussi à

isoler et à présenter les éléments chimiques sous une forme pal-

pable. La psychologie physiologique a déterminé les sensations

élémentaires, mais ces éléments-là ne nous sont connus que par les

connexions qu'ils ont entre eux.

11 lui faut donc trouver un témoin indicateur de la sensation

simple de même que la chimie a, à l'appui de ses éléments chi-

miques, l'indiscutable poids atomique, l'analyse (séparation) et la

synthèse (reconstitution). Ce témoin indicateur, cet index, il faut

le chercher dans certains processus qui se mettent, en mouvement

quand se produit une sensation.

C'est l'excitant et l'irritation d'un des organes du système ner-

Archives, t. XXX. 4

50 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

veux dont la modalité arrive à la connaissance, qui est l'élément

psychique de la sensation. Etude des conditions de la sollicitation

des éléments nerveux et de l'irritation des centres engendrant des

modalités sensationnelles diverses (résumé des notions psycho-

physiques). Nos sensations résultent de l'excitation cérébrale poly-

morphe. La perception d'un mouvement est en quelque sorte

l'image microscopique de la genèse (vibration) d'une sensation. Un

corps paraît à l'oeil être en mouvement quand son image couvre

successivement plusieurs places de la rétine successivement décou-

vertes. De sorte que l'impression du mouvement est la résultante

de l'excitation d'une série d'endroits voisins de la rétine par les

rayons lumineux qu'envoie le corps en mouvement et inverse-

ment de l'alternance des rayons lumineux du fond de l'oeil où ce

corps se meut. Elude des différences de l'irritation nerveuse

produite par l'excitation. Qualités physiques.

La sensation est donc tout à fait en harmonie avec les autres

phénomènes naturels. Equilibre des forces cachées dans les corps.

Les diverses manifestations des forces se mesurent et à la quantité

de la force dont est chargé le corps actif et à la quantité de la

force emmagasinée par le corps actionné. Un corps ne manifeste de

force que quand il est entré en équilibre de forces avec un autre.

Une cellule nerveuse n'a de sensation que quand elle a l'occasion

d'échanger avec une autre un certain degré d'irritation (force vitale).

Ainsi les processus psychiques s'évaluent par des processus phy-

siques et la loi psychophysique devient une loi. mathématique. La

force des excitations doit croître dans un rapport géométrique

pour que la force des sensations croisse dans un rapport arithmé-

tique ; de même l'effet d'un moteur ne croit que dans un rapport

arithmétique quand la charge et la force croissent.simultanément

dans un rapport géométrique.

Pour qu'une sensation ait lieu, il faut que deux endroits du cer-

veau soient irrités par des excitations identiques.- Et par suite,

notre appareil nerveux doit être construit comme la machine élec-

trique par influence. '

Il faut que de deux côtés opposés du champ de la conscience les

cellules soient sollicitées pour qu'il y ait complexus psychique : Et

ce processus a dans toute circonstance pour substratum des images

commémoratives. Ce sont elles qui constituent, comme autant d'in-

grédients, les éléments de l'association par ressemblance, contraste

coexistence locale, succession temporelle.

L'attention est cette faculté que nous avons de dégager d'un

centre une irritation sur un autre centre également sollicité soit

par la périphérie, soit par le centre préalablement mis en activité.

Ce sont les mêmes lois d'équilibre dynamique. Il y a toujours un

processus moléculaire entre deux, cellules qui s'influencent réci-

proquement. u .

REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 51

Cet exposé raccourci montre la parenté la plus intime entre les

processus psychiques et les processus du monde physique, c'est

pourquoi dans notre intérieur le monde extérieur peut se symboliser

et nous pouvons pénétrer avec notre esprit dans les rouages de ce

dernier. , P. KEnavaL.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. Etat mental DE S... Clément, accusé DE VOL ET DE VIOL. Etude

MÉDICO-LÉGALE, par le Dr Arnoldo SiERACCtNi, vice-directeur du

manicome de Macerata. (ESI1'atto dal Roccoglitoue medico,

vol. XVII, 1894.)

Rapport médico-légal très détaillé, très documenté et très riche

en considérations psychiatriques.

Le nommé S... Clément était convaincu d'avoir commis deux

crimes. Le 24 juillet 1892, il avait volé des objets sans valeur

abandonnés devant une maison, quelques fagots de bois et de la

chaux; le 10 août suivant, chose autrement grave, il avait violé

une jeune fille de vingt-cinq ans. Il niait tout, du reste. Mais

comme il passait dans son village pour n'avoir pas la tête bien

solide et qu'il avait été placé antérieurement, à deux reprises diffé-

rentes, au manicome de Macerata, la Chambre du conseil du

tribunal civil et criminel de Macerata décida qu'il serait examiné

au point de vue médical. En conséquence, le juge d'instruction

commit le Dr Sieraccini comme expert et le chargea principale-

ment de répondre à ces deux questions : 1° S... était-il aliéné dans

les journées du 24 juillet et du 10 août 1892 ? 2° Est-il aliéné

actuellement ?

Examen des faits. S... âgé de trente-huit ans est un malheu-

reux journalier marié et père d'une petite fille. ' Aucune tare

névropathique, ni chez ses ascendants, ni chez les membres de sa

famille. Un de ses frères pourtant passe pour être très irritable, il

aurait été condamné deux fois à la prison, on ne sait pour quel

motif. Malgré cette absence d'hérédité, S... est cependant venu

au monde avec quelque chose de défectueux dans le système ner-

veux central, il a une atrophie congénitale du membre supérieur

droit et de la moitié correspondante du thorax. Cette infirmité en

le rendant peu apte au travail manuel, lui qui ne possédait rien, le

52 REVUE DE MEDECINE LEGALE.

condamnait d'avance à une vie misérable. Il fut traité deux fois

au manicome, une première fois en ! 885, pendant trois mois, et

une seconde fois, en 1891, pendant trois mois et quelques jours.

Dès avant ces placements au manicome, il avait subi deux con-

damnations, l'une à deux mois de prison, en 1877, pour port

d'armes prohibées, l'autre à quatre mois en 1880 pour menaces et

coups. '

Les certificats d'admission au manicome portent qu'il est dange-

reux pour les personnes et les propriétés, qu'il est très irritable, qu'il

entre en fureur pour un rien, qu'il menace de tuer et d'incendier,

qu'il erre la nuit dans la campagne, qu'il se querelle avec tout le

monde. Les notes médicales relevées sur les registres du manicome

indiquent, pour chaque admission, le même accès maniaque carac-

térisé exactement chaque fois par des symptômes identiques :

Fureur, cris, récriminations. Il est séquestré injustement. Loqua-

cité intaiissable, les phrases sont projetées pâle-rnêle, les halluci-

nations et les illusions font naître les idées les plus diverses.

Prédominance cependant d'idées de persécution rapportées à

sa femme qui, aidée de ses complices, a a toujours fait son

malheur ».

L'auteur établit qu'en outre de ces accès vésaniques, S... en a

éprouvé d'autres pour lesquels il n'a pas été placé au manicome, et

que ces accès ont toujours eu les mêmes caractères que ceux qui

ont été observés officiellement, pour ainsi dire, au manicome. Ils

ne diffèrent d'eux que par une intensité moindre. C'est ainsi que

la femme de S... raconte que son mari, il y a deux ans et demi, a

été un certain temps violent, querelleur, qu'il la battait, qu'il

buvait et qu'un rien l'enivrait, qu'il ne dormait plus et errait dans

la campagne, qu'il était d'une lubricité extraordinaire et n'avait

aucune retenue, il voulait la posséder en présence de sa fillette

âgée de six ans. Cet accès se dissipa vite. Une autre fois, il a eu

une « bouffée de folie », dont il avait conscience; il s'est présenté

de lui-même au manicome pour demander son admission.

S..., en dehors de ses accès est un homme « comme tout le

monde, affectueux pour les siens ». Quand sa tête est perdue, c'est,

dit sa femme, un démon; il boit, il vole, il menace tout le monde,

etc., etc. Arrivant à l'époque des crimes reprochés à S..., le D1' Sie-

raccini prouve d'abord que ceux-ci sont certains. S... ne cachait

pas ses larcins. Quant au viol, voici comment il fut consommé : La

jeune X... soignait ses bêtes dans l'étable, S... entra et lui repro-

cha de l'avoir accusé de voler les voisins. Une discussion s'ensuivit

et S... se jeta sur la jeune fille, la fit tomber, la frappa, puis lui

releva les jupes par-dessus la tête et abusa d'elle. L'examen médical

pratiqué peu après fit constater les traces d'une lutte et la déchi-

rure récente de l'hymen. S... nia quand même : « Si elle est

déflorée, elle l'a été par d'autres, » disait-il.

REVUE DE MEDECINE LEGALE. 53

L'enquête démontre que précisément vers cette époque S...

n'avait pas sa tête à lui ». Toutes les personnes qui l'ont vu alors "

sont unanimes sur ce point. Sa femme exposant son état mental

pendant les mois de juillet et d'août 1892, au Tribunal, fait en

réalité le tableau symptomatique le plus exact de l'excitation ma-

niaque.

Examen de l'accusé. L'auteur donne en détail l'anthropométrie

de S... Il est certainement de l'école de Lombroso, car il énu-

mère avec satisfaction les principaux stigmates de la criminalité

qu'il a constatés chez l'accusé : zygomes écartés, mandibule très

développée, dolichocéphalie, etc. Chez nous, on néglige en général

ces recherches spéciales, à tort selon moi, mais ce n'est pas ici le

lieu de disserter sur la criminalité ou sur l'homme criminel. Au

point de vue psychique, S... ne présente aucun symptôme morbide,

ni hallucination, ni conception délirante, ni impulsion, etc. Mais

en l'étudiant attentivement on s'aperçoit que ses facultés mentales

n'arrivent qu'à un niveau peu élevé. Notez qu'il continue à nier

tous les faits qu'on lui reproche, il n'a, du reste, pas cessé de

prendre le médecin expert pour un juge d'instruction. « Rien de

tout cela n'est vrai, répète-t-il sans cesse, je ne me souviens de

rien, » formule commode pour qui craint de se compromettre, et

n'a pas l'intelligence suffisante pour trouver d'autres moyens de

défense.

De tout ce qui précède, l'auteur conclut : S... est un faible

d'esprit, ses conceptions sont pauvres, lentes sont ses associations

d'idées, sa mémoire est bornée, sa volonté insuffisante, mais sur

l'échelle de la faiblesse intellectuelle il faut reconnaître qu'il se

tient sur le premier échelon. Chez nous, nous dirions qu'il est

atteint d'une certaine débilité mentale.

Si S..., poursuit le Dr Sieraccini, était simplement un débile

au mental, nous le considérerions comme un individu à responsa-

bilité pénale limitée, mais il est en outre atteint de manie pério-

dique, et cela nous oblige à envisager sa responsabilité d'une

toute autre manière. Dans plusieurs écoles psychiatriques, dans

l'école allemande principalement, on admet que les fous pério-

diques sont complètement irresponsables des crimes qu'ils peuvent

commettre, même quand ces crimes sont commis en dehors des

périodes aiguës de leur affection. Krafft-Ebing a fait voir, par la

seule observation clinique, que chez les fous périodiques la maladie

est permanente : même dans les intervalles, pendant lesquels tout

symptôme psychopathique semble avoir disparu, elle persiste

latente. Il reste toujours, du fait des accès antérieurs, plus ou

moins d'affaiblissement mental et d'irritabilité anormale. C'est le

cas de S..., lequel est un aliéné complètement irresponsable.

On ne peut, en effet, douter que cet individu ne soit atteint de

folie périodique, il offre tous les symptômes classiques d'une manie

54 REVUE DE MÉDECINE LEGALE

périodique, et non ceux d'une simple manie ayant récidivé. La res-

semblance complète de tous les accès qui sont copiés les uns sur

les autres, la fréquence et le peu de durée de ces accès, la nature

des symptômes intercurrents, la perversité des instincts; au début

de l'accès l'érotisme, la méchanceté, les agressions, la tendance à

boire, à voler; ce contraste bizarre enfin, dans le même moment,

entre des paroles raisonnables et des actes les plus insensés. Tout

cela indique, d'une façon irréfutable, la folie périodique.

Enfin, les actes incriminés ont été perpétrés, non dans un inter-

valle raisonnant, mais dans le cours même d'un accès aigu. Cela

ressort de l'enquête.

Conclusions. 1° S..., atteint de manie périodique, n'est pas

aujourd'hui dans un accès aigu de son affection, il est dans un état

raisonnant qui, pour lui, représente l'état d'équilibre mental.

2° S... était dans un accès aigu de sa manie périodique à l'époque

où il a commis le vol et le viol qui lui sont reprochés; 3° il était, à

ce moment, dans un état pathologique qui le privait complètement

de son libre arbitre. Il est par suite absolument irresponsable.

Quelques jours après le dépôt de ce rapport, dont les conclusions

ont été adoptées intégralement par la Chambre du conseil du

tribunal de Macerata, S... fut pris d'un nouvel accès maniaque

d'une violence extrême. A un moment donné sa vie fut en danger,

mais il finit cependant par se calmer. Il est actuellement calme et

raisonnable, il travaille régulièrement à la ferme du manicome, et

il demande avec instance sa sortie. Le Dr Sieraccini pense qu'on ne

doit pas lui permettre de vivre en liberté à cause des dangers qu'il

ferait courir à son entourage. Il termine par cette judicieuse

remarque : Les accès aigus des aliénés périodiques sont calqués

les uns sur les autres, on ne doit, par suite, rendre à la vie com-

mune, pendant leurs intervalles raisonnants, que les seuls pério-

diques qui ne commettent pendant les accès aigus de leur maladie

aucun acte nuisible. CAMUSET.

II. Considérations médico-légales SUR LES traumatismes DU CER-

vEao; par ScuAECEe. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, LI, 4.)

La commotion cérébrale (ébranlement du cerveau) est une affec-

tion diffuse de l'organe qui n'est point révélée par l'examen

analomo-pathologique. Dans les cas de mort par traumatisme

cranien, le médecin-expert conclura à l'ébranlement cérébral si

le traumatisme est démontré, si la mort a suivi ce dernier de près,

si les circonstances de l'accident parlent en faveur de ce diagnos-

tic, enfin si l'autopsie ne fait constater aucune autre cause de

mort. En présence d'un malade, l'expert, avant de poser le

diagnostic de commotion cérébrale, s'enquerra des circonstances

au cours desquelles s'est produit le traumatisme, ainsi que des

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 55

suites immédiates de l'accident; il tiendra compte de la limitation

exacte de l'amnésie à la période de la perte de connaissance.

Parmi les causes prédisposantes individuelles il faut citer l'alcoo-

lisme. Une enquête minutieuse évitera la confusion de la commo-

tion cérébrale avec l'ivresse grave. L'évolution des symptômes de

la commotion cérébrale serait-elle favorable, l'expert devra néan-

moins faire des résen es sur la possibilité de complications tar-

dives : la résistance cérébrale est d'ailleurs toujours diminuée.

En cas de mort, l'existence d'une hémorragie méningée récente

sera considérée comme la cause de la mort, s'il existe en même

temps une blessure de l'écorce et quand bien même on consta-

terait de l'artérite cérébrale ou une pachyméningite hémorragique.

Observe-t-on un intervalle entre le traumatisme et l'apparition

de symptômes de compression cérébrale, on sera autorisé à

admettre l'existence d'un foyer d'hémorragie méningée. Un

foyer de ramollissement récent peut être considéré comme d'ori-

gine traumatique, lorsqu'il siège dans l'écorce et lorsqu'il est '

accompagné d'une hémorragie méningée. C'est dans les ganglions

de la base et dans la capsule interne que l'on rencontre les foyers

hémorragiques non traumatiques; ils s'accompagnent d'altérations

vasculaires. Un foyer de ramollissement jaune de l'écorce peut

être considéré comme secondaire à une lésion traumatique du

cerveau, si l'on ne constate pas de lésion dégénérative des artères.

On sera très réservé sur le pronostic des blessures du cerveau; des

plaies très étendues peuvent en effet guérir; et d'autre part, des

traumatismes légers de l'écorce amènent parfois rapidement la

mort (abcès). Un abcès chronique du cerveau, terminé par la

mort, doit être considéré comme causé par un traumatisme déter-

miné, quand rien dans les autres organes ne peut en expliquer

l'apparition, quand l'âge qu'on est autorisé à lui attribuer con-

corde avec la date du traumatisme, enfin quand les symptômes

sont en rapport avec le processus anatomique. - Le rapport de

cause à effet entre le développement d'une tumeur cérébrale et un

traumatisme crânien ne peut être admis que dans des cas excep-

tionnels.

Les troubles nerveux et psychiques consécutifs aux traumatismes

crâniens sont dus soit à l'ébranlement du cerveau, soit à des

lésions cérébrales variées (cicatrices, abcès, kystes, foyers de

ramollissement, méningites, exostoses, corps étrangers, etc.), soit

enfin au choc psychique provoqué par la blessure ou par l'émo-

tion. Les troubles nerveux sont très variés et ne réalisent que rare-

ment l'aspect clinique d'une maladie déterminée (neurasthénie,

hystérie, épilepsie). On observe cependant des groupements de

symptômes caractéristiques, dont quelques-uns de nature objective,

qui doivent faire supposer l'origine traumatique de l'affection.

Les troubles nerveux tantôt se développent immédiatement après

56 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

le traumatisme, tantôt ils en sont séparés par une période variable.

La neurasthénie revêt le plus souvent la forme hypocondriaque;

le tableau clinique est parfois modifié par l'existence de troubles

neurasthéniques locaux, périphériques, provoqués par l'action

locale du traumatisme. L'insomnie, les douleurs dans les diverses

parties du corps sont des phénomènes presque constants dans la

neurasthénie traumatique. Parmi les symptômes somatiques les

plus fréquents sont les troubles de la nutrition, les désordres gas-

triques et intestinaux, les vertiges, les paresthésies, les phéno-

mènes d'excitation et de parésie de nature motrice, sensitive, sen-

sorielle, vaso-motrice. Au point de vue psychique, ces neurasthé-

niques présentent de l'excitabilité, de la diminution de l'attention,

de l'émotivité. Ces névroses traumatiques sont très tenaces et

offrent en général peu de chances d'une guérison complète et

durable. Lorsqu'elles ne se terminent pas par la guérison, elles

passent à l'état chronique et aboutissent même à de véritables

psychoses (idées délirantes hypocondriaques, obsessions, etc.). En

présence d'un cas de neurasthénie traumatique, l'expert, lorsque

le sujet exagère l'intensité de ses troubles morbides ou même en

invente d'imaginaires, doit se garder de considérer des symptômes

réels comme étant eux aussi simulés. Le médecin n'affirmera

l'existence de manifestations épileptiques que s'il a constaté, lui-

même, un accès épileptique. (Importance des morsures de la

langue, des ecchymoses, des cicatrices.)

Les traumatismes craniens peuvent affecter avec les psychoses

différents rapports : tantôt ils les provoquent directement, tantôt

ils agissent en qualité de facteurs prédisposants; dans certains cas

enfin, ils interviennent, comme cause occasionnelle, pour déter-

miner l'apparition d'une psychose chez un sujet déjà prédisposé.

Il n'existe pas de psychose traumatique ayant des caractères spé-

ciaux : les formes les plus variées peuvent être observées. Certains

symptômes sont assez fréquents dans les psychoses d'origine trau-

matique : citons la diminution de l'intelligence, les maux de tête,

les vertiges, les troubles de l'émotivité, les tendances aux actes de

violence. Schuie distingue des psychoses traumatiques primain et

secondaires suivant leur apparition immédiate ou tardive. Wille,

parmi les psychoses primaires, a observé le délire hallucinatoire

aigu avec les hallucinations terrifiantes, la désorientation, la con-

fusion psychique, l'amnésie qui le caractérisent. On a noté aussi

des cas de stupidité, de démence aiguë curable, d'un pronostic

favorable. Plus graves sont les cas d'affaiblissement intellectuel

progressif, qui simulent parfois la démence paralytique (une obser-

vation), ceux de paranoïa chronique.

Au point de vue médico-légal, les psychoses traumatiques

primaires ne présentent pas de difficultés. Leur évolution est-elle

rapide et favorable ? elles ne donnent point lieu à une expertise.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 57

Leur marche est-elle chronique ? le rapport de cause à effet entre

le traumatisme et la psychose qui l'a suivi apparaît évident. Les

psychoses traumatiques secondaires ne se montrent qu'après un

intervalle de durée variable, au cours duquel ne s'observent que

des modifications de l'humeur (irascibilité, etc.).

Le plus souvent la psychose confirmée se traduit par un état

d'affaiblissement intellectuel progressif avec parésie et troubles de

la coordination, ou par un accès maniaque que termine la dé-

mence. La marche de ces psychoses est chronique. Au cours de la

période latente il arrive que les malades commettent des actes

délictueux par suite de leur moindre résistance aux incitations

passionnelles et à l'alcool. z

Pour qu'un traumatisme déterminé puisse être considéré comme

la cause d'une psychose ultérieurement développée, il faut que la

nature de ce traumatisme soit précisée, ainsi que ses conséquences

immédiates et éloignées ; il faut démontrer qu'avant l'accident

aucun symptôme morbide ne s'était produit, et que d'autres facteurs

étiologiques ne sont pas intervenus. P. Sérieux.

III. Un cas d'épilepsie alléguée ET simulée ; par le Dr Samuel

Garnier. (Annales métlico-psychologiliies, août 1894.)

Avocats ou délinquants, instruits de ce fait que beaucoup de ma-

ladies mentales ou nerveuses peuvent ne pas se traduire au dehors

par des raisonnements étranges et présenter des périodes d'accal-

mie, ne manquent plus d'invoquer, les uns et les autres, l'excuse

d'une maladie susceptible, ou de jeter un doute dans l'esprit des

jurés, ou de leur faciliter la revendication du bénéfice de l'article 64

du code pénal. L'épilepsie, surtout quand elle n'est pas de notoriété

publique ou facile à établir par preuves testimoniales et médicales

antérieures à un crime, n'avait pas figuré, jusqu'à présent, dans la

nomenclature des maladies auxquelles on pouvait recourir, à l'oc-

casion, comme excuse légale devant la justice. Il faut croire que la

notion scientifique de la substitution possible, à une crise convul-

sive, d'une crise de l'intelligence pouvant amener une impulsion

irrésistible criminelle, a fini par se faire jour dans le public extra-

médical car l'auteur vient d'observer un cas où l'épilepsie fut

d'abord alléguée et ensuite simulée par le prévenu dans le cours de

sa détention, pour s'excuser d'un meurtre suivi d'une tentation de

viol.

M. S. Garnier fut commis comme expert dans cetle affaire et la

mission ne manquait pas d'être assez délicate, un premier expert

ayant écarté l'épilepsie, alors qu'un second expert l'avait admise

et conclu à une impulsion possible qui aurait rendu l'inculpé

inconscient.

Le rapport de M. Garnier, des plus intéressants et publié in ex-

58 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

tenso, montre bien comment l'auteur put reconnaître la simulation ;

par l'accusé, de la crise postérieure au crime et l'absence de rela-

tion de causalité entre une épilepsie antérieure presque douteuse et

les faits criminels dont il s'agissait. E. B.

IV. Kleptomanie chez une chobéique. Rapport médico-légal ;

- ! par II. IUIrELLA. (Allg. Zeilschr. f. Psychiatrie, LI, 4.)

Une fillette de quinze ans est inculpé d'avoir dérobé cent francs.

On constate chez elle un certain nombre de stigmates de dégéné-

rescence (malformations du crâne, de la face, etc.), de la dermogra-

phie, des mouvements choréiformes dans la moitié droite du corps,

symptômes révélateurs d'un état de dégénérescence, sur lequel

viennent en outre se greffer des désordres cérébraux périodiques

(obnubilation passagère avec troubles vaso-moteurs).

Les facultés psychiques ne présentent pas d'arrêt de dévelop-

pement : l'intelligence et la mémoire sont normalement dévelop

pées, il n'y a pas de mauvais instincts, pas de signes de folie

morale. L'émotivité est extrême et se manifeste par des troubles

vaso-moteurs de la face, un état d'obnubilation psychique qui empê-

che la malade de répondre aux questions, et une exagération des

mouvements choréiformes. Les renseignements apprennent que

peu après le vol, les règles firent leur apparition pour la première

fois. L'inculpée, au moment de l'acte incriminé, se trouvait donc

au cours d'une des dernières phases de la puberté et d'une période

prémenstruelle. Or on sait que la puberté est un puissant agent

provocateur d'actes impulsifs, même chez les sujets normaux, et

a fortiori chez les dégénérés : il en est de même de la chorée et de

la période prémenstruelle. Il faut tenir compte aussi des fréquents

états vertigineux, présentés par l'inculpée, états qu'accompa-

gnaient des troubles visuels et une paralysie de toutes les fonctions

psychiques. L'auteur termine en constatant chez l'inculpée un état

de dégénérescence héréditaire, accompagné de chorée et de

troubles périodiques de la conscience et de l'activité cérébrale. Il

conclut à l'irresponsabilité. P. S.

V. LE CRITERIUM DE LA RESPONSABILITÉ DANS LA FOLIE; par le

Dr Brainerd. (The cclienist and neiii-ologist, avril 1891.)

- Le criterium de la responsabilité, dans les cours de justice, con-

siste ordinairement dans la faculté pour l'individu de discerner le

bien du mal, en ce qui concerne un acte donné, et dans l'absence

d'impulsion irrésistible le poussant à accomplir cet acte. L'auteur

estime que ce criterium de la responsabilité est suffisant; il est pour

lui dans la réponse négative à la question suivante : « L'inculpé

était-il fou au moment de l'accomplissement de l'acte et quel a pu

être le résultat de sa folie, soit par rapport à son inaptitude à dis-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 59

tinpuer le bien et le mal dans l'acte accompli, soit par rapport iL

l'affaiblissement du contrôle de ses actes, soit par rapport à un

besoin irrésistible d'accomplir l'acte, sous l'influence d'une impul-

sion morbide ou d'une hallucination ? E. B.

VI. TROIS rapports SUR LES TROUBLES morbides consécutifs .1 DES

accidents; par S. MENER. (Archiv. f. Psychiat., XXVI, 1.)

C'est toujours la question de l'hystérie traumatique (Charcot) qui

est en jeu; étude minutieuse des symptômes dans leurs rapports avec

la démonstration objective de leur réalité, pour déjouer la simula-

tion. Ce mémoire confirme les idées de Charcot et traite de la super-

position possible de névropathies fonctionnelles et de névropathies

à lésions. Ce n'est au surplus, pas une rareté. Cette simultanéité

éclate souvent en dehors de tout accident. L'hystérie ou les troubles

fonctionnels nerveux s'ajoutent fréquemment à des affections

graves du cerveau et de la moelle (paralysie générale, apoplexie,

tabes, sclérose en plaques). P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. Cas d'atrophie infantile unilatérale DES muscles DE la face,

probablement congénitale : par IJEIINHARDT, (Neurolog. Centralbl.,

Xlll, 1894.)

Homme de vingt-quatre ans. C'est deux semaines a près sa naissance

(accouchement naturel) que sa mère s'est aperçue de cette paralysie

faciale du côté droit, avec atrophie des muscles de la face. Il ne

peut fermer l'oeil droit, toujours largement ouvert; épipuora sans

accidents inflammatoires.' Côté droit du front implissable, lisse.

Emaciation extrême de la région située au-dessous de l'arcade zygo-

matique ; main droite immobile; les deux lèvres paraissent plus

volumineuses que normalement; à droite la lèvre inférieure et le

menton sont plus aplatis qu'à gauche. Il y a là cependant une sorte

de suppléance fonctionnelle du peaucier du cou. Intégrité du voile

du palais, de la luette, de la sensibilité, des fonctions sudorales, de

la coloration, de l'oreille, de la mastication, des muscles de l'oeil,

des pupilles. Toutefois l'exagération de la rotation des yeux à

gauche ou à droite, et en dehors, produit un léger nystagmus. Il

60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

peut siffler et former le groin. L'électrisation au niveau de la

base du crâne, de l'angle du maxillaire inférieur, du milieu de la

branche horizontale du maxillaire inférieur, nécessite l'intervention

de plus forts courants à droite qu'à gauche, pour produire les

mêmes résultats, et encore, en agissant à droite, n'obtient-on que

des contractions courtes et rapides et seulement des muscles labiaux

ou sous-labiaux et mentonniers, quel que soit le courant, fara-

dique ou galvanique, qu'on emploie. Les plus forts courants d'une

batterie, d'un appareil d'induction, d'une décharge d'étincelles de

la machine statique, ne provoquent pas de contractions sur le

frontal, l'orbiculaire des paupières, le sourcilier, les zygomatiques

les muscles naso-labiaux, le buccinateur; résultats aussi nuls quand

on agit sur le tronc du facial ou sur ses branches. Mais on peut faire

contracter par excitation directe ou indirecte (surtout intrabuccale),

la partie droite de l'orbiculaire des lèvres, le triangulaire du

menton (à droite), le carré du menton, etc. Suit une étude

analytique. L'auteur croit difficilement à raison de ces détails à

l'origine périphérique de la lésion pathogénetique. P. K.

II. NOUVELLE observation d'alexie avec hémianopsie homonyme DU

côté DROIT (Alexie SrlhC09'GtCQIC de Wernicke). Autopsie ; par

L. Bruns. (Neurolog. Cenlratbl., XIII, 1894.)

L'oeil de la malade reconnaît sûrement les lettres et les images

des objets, sans pouvoir les nommer. 11 n'y a donc pas d'alexie

littérale à proprement parler. Pour les mots, à part certains mots

très courts, il y a pour elle impossibilité de reconnaître et saisir le

sens de ces mots, et non pas seulement impossibilité de lire à

haute voix; c'est là de l'alexie verbale. Disparition des substantifs,

surtout de ceux qui désignent des objets concrets, la parole spon-

tanée restant en dehors de la normale et ne présentant qu'une

paraphasie légère. Celle-ci ne porte généralement que sur quelques

lettres ou syllabes, rarement sur des mots entiers. Elle comprend

parfaitement la parole, saisit bien la musique, répète très bien ce

que l'on dit. Hémianopsie droite. Elle reconnaît les objets qu'on

lui présente, mais ne les nomme pas d'emblée; ce nom ne vient

même pas quand elle s'aide des autres sens, tels que le toucher et.

l'odorat. La malade reconnaît aussi les lettres imprimées mais n'en

trouve pas le son; il en est de même pour les lettres et les mots

écrits; elle ne les reconnaît pas davantage en les copiant ni quand

l'examinateur les lui trace dans le vide ou sur une table en se

servant de la main droite de la malade. Quelques nombres sont

reconnus ou nommés immédiatement, ou bien quand la malade en

comptant en elle-même ou à haute voix arrive en partant de un

au nombre proposé. Il lui est impossible de lire de longues

séries de nombres. Elle calcule très mal. Au début, l'écri-

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 61

ture spontanée et l'écriture sous la dictée étaient conservées. Puis

elle ne put copier; son état général ne lui permettait du reste que

difficilement de pratiquer les mouvements de l'écriture. Enfin, les

deux modes de l'écriture (spontanée et dictée) subirent des troubles

graves. La surdité verbale termine la scène; coma, mort. On

trouve une tumeur plate et lobulée, rouge, à la base de l'extré-

mité antérieure de la circonvolution occipito-temporale médiane

gauche (circonvolution de l'hippocampe et uncus); elle vient

recouvrir un peu, en avant, la bandelelle optique, couvre toute la

région du gyrus hippocampi et du lobule lingual jusqu'à la pointe

du lobe occipital. Intégrité du gyrus fusiforme. A la convexité il y

a une sorte de châtaigne à l'extrémité postérieure des première

et deuxième temporales gauches, tout contre le pli courbe, qui

plonge d'un centimètre et demi dans la substance blanche. Enfin

dans le lobe occipital gauche une tumeur vasculaire sans limites

précises, distante partout de 2 centimètres de la convexité,

occupe la profondeur de la pointe du lobe en question, gagne en

se rapprochant de l'écorce, vers la base, les circonvolutions occipito-

temporales et en avant, dans la substance blanche des pariétales,

vient détruire le pulvinar gauche. Intégrité des deux tiers anté-

rieurs de la couche optique. On voit qu'il ne s'agit pas d'une lésion

en foyer bien limitée, mais d'une lésion des plus complexes.

L'auteur en rapproche l'observation qu'il a publiée en 1888

f,Nezcrolog. Centralbl.) et dont il raconte les aléas depuis cette époque

qui n'a pas encore reçu de sanction anatomique, puis passant

comparativement en revue les faits semblables de la bibliographie,

il résume la classification des alexies.

Il existe, dit-il, deux formes d'alexies sous-corticales présentant

les mêmes allures à l'égard des objets concrets :

62 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Voici tout au moins une observation à marche' extrêmement

rapide (six semaines) en faveur de cette opinion. 11 s'agit d'une

asthmatique de cinquante ans qui fut profondément affectée

d'apprendre qu'elle avait du sucre dans les urines. Dès lors les

accès d'asthme s'accroissent et le cou commence à se tuméfier;

accidents typiques du goitre exophthalmique; dyspnée (bronchite) ;

. albuminurie; glycosurie; fièvre le soir. Mort. P. K.

IV. Analgésie DU tronc du cubital constituant un SYMPTÔME DE

tabès; par E. Bn : RN.IC¡(1. (Neurolog. Centmlbl., XIII, 1894.)

L'examen de la sensibilité à la pression du nerf cubital entre

l'olécrâne et le condyle interne de l'humérus, endroit si sensible

quand on se cogne le coude, révèle précisément l'insensibilité de

ce nerf, même aux plus fortes pressions, chez les tabéliques les

mieux caractérisés, quoique cette compression détermine chez eux

la sensation d'engourdissement des deux derniers doigts. z

Elle fut de règle dans 14 cas sur 20 malades. Elle paraît propre

. à la sclérose des cordons postérieurs. Etudes comparatives à ce

point de vue d'autres affections y compris les troubles et névrites

du nerf cubital. 11 est à supposer que, quand cette analgésie existe,

la moelle cervicale inférieure est déjà prise, mais sans qu'on puisse

plus spécialement localiser l'altération, et bien que, d'après Schiff,

les cornes grises postérieures soient le territoire par lequel passent

les faisceaux conducteurs des sensations douloureuses. La moitié

de nos tabétiques, qui étaient atteints d'analgésie du cubital, pré-

sentaient également une analgésie cutanée diffuse du même degré

dans le domaine du cubital ainsi que suivant le trajet d'autres

nerfs du bras et du dos, analgésie latente et isolée, qui ne portait

point sur les autres qualités de la sensation telles que le sens de la

température. P. KERAVAL.

V. Maladie DE ET lèpre; par Frenkel. (821TO10(J.

- Centralbl., XIII, 1894.)

Résumé critique de l'étude de Zambaco-Pacha sur la lèpre :

identité de la syringomyélie, de la maladie de Morvan, de l'asphyxie

locale, de la gangrène symétrique, avec la lèpre. (Semaine médicale,

1893, n° 37, 15 juin.) , P. K.

VI. DES phénomènes nerveux consécutifs UNE COMMOTION de La

colonne vertébrale ; par C.-S. FBEUND. (Neurolog. Centralbl.,

XIII., 1894.). ,

. Ce sont : la sensibilité à la pression des vertèbres dorsales supé-

rieures (surtout au niveau des apophyses épineuses du côté gauche)

avec irradiations dans le domaine des rameaux cutanés du nerf

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. G3

cubital et du médian ; l'atrophie évidente, quoique incomplète, des

segments inférieurs du trapèze gauche (peut-être combinée à un

affaiblissement purement fonctionnel du grand dentelé du même

côté), .enfin des phénomènes d'irritation dans le grand sympa-

thique oculaire (phénomènes oculo-pupillaires). Cette localisation

indique d'après l'auteur, qu'il y a eu, du fait du choc spinal, une

commotion ou un tiraillement des racines des nerfs dorsaux, au

niveau des vertèbres dorsales supérieures. Au même niveau; il

pourrait bien y avoir un ramollissement circonscrit des cellules

appartenant à l'accessoire (atrophie du trapèze); c'est ce qui ressort

des avis de Gaupp, L. Mann, E. Reuiak, Gowers. On pourrait

également songer aux foyers de dégénérescence traumatique diffus

par trouble direct de L. Bruns, siégeant comme il vient d'être dit.

Quant aux phénomènes d'excitation les uns sont en rapport avec

des processus de régénération des nerfs, les autres émanent de

l'impression terrifiante et expliquent la conclusion d'un des

experts (névrose traumatique). P. K.

VU. UN cas DE pachyméningite cervicale syphilitique avec para-

LYSIE DOUBLE DE la SIXIÈME paire; par le Dr H. Lamy, ancien in-

terne DES hôpitaux. 1V021U. Iconographie de la Salpêtl'iè1-e, 1894,

n° 2.)

Cette observation de M. Lamy est intéressante surtout parce

qu'elle démontre la nature certainement syphilitique d'une ménin-

gite cervicale, laquelle a la plus grande analogie clinique avec la

pachyméningite cervicale hypertrophique de Charcot et de

Joffi oy.

Homme de trente-neuf ans, hérédité nerveuse assez lourde, entre

à la Salpêtrière en 1892. Syphilis douze ans auparavant, accidents

secondaires, pas de traitement sérieux. Début de la maladie il

y a deux ans par de la céphalée, des vertiges, de la diplopie, de

la perte de la mémoire et enfin par un embarras assez pro-

noncé de la parole. Un peu plus tard, violentes douleurs muscu-

laires dans les membres supérieurs, surtout aux avant-bras et aux

mains, et dans les muscles du thorax. Réaction de dégénérescence

dans un grand nombre de muscles. Paralysie des deux sixièmes

paires. Etat général mauvais, le malade se tient voûté et il marche

mal, sans que, pourtant, les muscles des membres inférieurs

soient paralysés ou atrophiés. Traitement spécifique : iodure de

potassium 6 grammes par jour et frictions mercurielles. En peu de

temps amélioration notable : les vertiges disparaissent, la diplopie

disparaît, plus de céphalée et la mémoire redevient normale. L'état

général est bon, les douleurs ne se font plus sentir, tous les symp-

tômes enfin se dissipent, sauf l'atrophie musculaire qui, elle, resle

aussi prononcée qu'avant le traitement.

64 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

En somme donc, l'affection répond au diagnostic de pachymé-

ningite cervicale avec paralysie atrophique des membres supérieurs,

avec des symptômes cérébraux en plus, et elle est certainement

sous la dépendance de la syphilis. C.

VIII. Myopathie primitive généralisée; par MM. Paul LoNDE et

- Henry MEIGE. (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 3.)

L'existence des myopathies primitives, c'est-à-dire des myopa-

thies sans lésion médullaire ni nerveuse, le muscle lui-même étant

primitivement atteint, est mise hors de doute aujourd'hui. On

s'était ingénié, ces temps derniers, à multiplier les formes de ces

myopathies primitives, chaque auteur donnant son nom au type

qu'il observait pour la première fois. C'est ainsi qu'on a créé le

type Landouzy-Déjerine, le type Zimmerlin, le type juvénile d'Erh

et le type Leyden-Moebius. Mais on s'est aperçu que la variété des

groupements musculaires primitivement atteints était infinie, et que

chaque variété limitée au début se généralisait le plus souvent par

la suite et perdait ses caractères distinctifs. Aussi tend-on aujour-

d'hui à englober tous ces différents termes sous la dénomination

générale de myopathie primitive et progressive ; en Allemagne, on

dit : dystrophie musculaire progressive. Cette nouvelle concep-

tion synthétique est due à Charcot. C'est, en effet, le grand neu-

ropathologiste français qui a reconnu la coexistence, chez le même

sujet, des atrophies avec des pseudo-hypertrophies musculaires,

qui en outre a fait voir que les muscles en pseudo-hypertrophie

étaient cependant paralysés, qu'ils avaient perdu leur propriété

fonctionnelle, et enfin que, dans toutes les myopathies primitives

généralisées, les réactions électriques étaient similaires, que les

contractures fibrillaires faisaient défaut et que ce caractère familial

était commun à tous les types.

Voici un cas qui , précisément, ne correspond exactement à

aucune des formes qu'on a cherché à différencier autrefois, il n'y a

cependant aucun doute qu'il ne rentre dans la grande classe des

myopathies primitives progressives.

Femme, vingt-sept ans, lourde hérédité neuropathique, une

soeur a été myopathique. A quinze ans, la marche commence à

devenir défectueuse, la malade s'affaisse parfois brusquement par

suite d'une grande faiblesse des jambes, elle court d'une façon ridi-

cule qui fait rire. Les troubles de la marche vont en s'accentuant,

à dix-huit ans elle n'est plus capable de se relever seule quand elle

est tombée. C'est à ce moment que les membres supérieurs se

prennent à leur tour; enfin depuis dix aus, la malade ne peut plus

quitter sa chambre. A signaler, dès le début, de violents maux de

tête et d'estomac qui n'ont pas cessé.

Actuellement, le faciès quelque chose de spécial, les traits sont

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65

épaissis, flasques, pas ou peu de rides, l'occlusion forcée des pau-

pières est difficile, la bouche est large, les lèvres sont projetées en

avant. La malade ne. peut siffler ni souffler un peu fort. Au tronc :

Tous les muscles sont plus ou moins atteints. La tête est fortement

inclinée en avant. Lordose lombaire légère et cyphose cervico-

dorsale légère également. Aux membres supérieurs : atrophie des

deltoïdes et impossibilité d'étendre horizontalement les bras. D'une

façon générale, les divers mouvements des bras sont, ou impos-

sibles, ou très difficiles et alors très peu étendus. Aux membres

inférieurs : les grands fessiers sont atrophiés, mais l'atrophie est

dissimulée par une forte masse graisseuse. Les mouvements diffi-

ciles et limités. Assise, la malade ne peut se lever sans un point

d'appui le long duquel elle se hisse. Mouvements des pieds très

faibles, chute des pieds pendant la marche, les extenseurs étant

surtout atteints. Rétraction des gastro-cnémiens. Démarche « en

canard », le bassin s'inclinant du côté de la jambe oscillante.

L'examen de la sensibilité électrique démontre, d'une façon géné-

rale, une diminution simplement quantitative, mais ne démontre

rien qui rappelle la réaction de dégénérescence.

Il y a surtout à retenir de cette observation : le début de la

maladie seulement à l'âge de quinze ans; l'envahissement rapide

de l'impotence fonctionnelle et la localisation prédominant à

gauche; la conservation apparente des formes extérieures, surtout

aux membres inférieurs (pseudo-hypertrophie sans hypertrophie);

les modifications survenues dans la station et dans la marche;

enfin l'hérédité de la malade. - Cvmuset.

IX. Un cas D'IIÉIIP.41tAPLÉG1E spinale avec anesthésie croisée

d'origine SYPHILITIQUE ; par M. Jon.aND, interne des hôpitaux.

- (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, t89L, n° 2.)

Le syndrome de Brown-Séquard (hémiparaplégie et anesthésie

croisées) est ordinairement dû à une lésion unilatérale de la moelle

par un instrument tranchant ou par une balle de revolver, mais il

peut aussi être sous la dépendance d'une affection organique du

rachis, des méninges ou de la moelle.

L'hystérie peut également le provoquer, mais après les trauma-

tismes, c'est la syphilis qui est son facteur étiologique le plus ordi-

naire et il existe une myélite sytématisée syphilitique spéciale qui

a, comme symptôme constant, l'hémiparaplégie avec anesthésie

croisées.

Voici un cas de ce genre :

Une femme de quarante et un ans, sans tare névropathique hérédi-

taire, chétive, misérable et d'une débilité mentale assez prononcée,

contracte la syphilis huit ans avant le début de l'affection. Aucun

traitement. L'alfeclion débute par de l'engourdissement dans le

Archives, t. XXX. a

.66 .REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

- membre pelvien gauche qui s'affaiblit progressivement;' au point

de devenir complètement impotent.

A la Salpêtrière on constate : paralysie presque complète du

membre inférieur gauche, légères douleurs spontanées, surtout

la nuit, dans ce même membre.. 1

Le membre, inférieur droit n'est pas du tout paralysé, mais la

sensibilité y est fortement lésée : anesthésie à la douleur, à la

chaleur et au froid, les sensations de contact et de pression

sont conservées.

Ces troubles de la sensibilité dépassent le membre et on les

retrouve à la moitié droitedu tronc, jusqu'au niveau de la deuxième

vertèbre lombaire. Les réflexes rotuliens sont normaux des deux

côtés, il n'y a pas d'atrophie musculaire, ni de trouble trophique,

pas plus à gauche qu'à droite. Pas de symptômes céphaliques, pas

de troubles oculaires, on note seulement quelques vertiges et des

palpitations assez violentes. Le traitement spécifique n'amène

aucune amélioration, et même les symptômes se prononcent de

plus en plus, en même temps qu'apparaissent des troubles vési-

caux, du gâtisme et une eschare au sacrum. La malade exige sa

sortie et est perdue de vue. ' C.

X. UN cas DE myopathie primitive PROGRESSIVE avec attitudes

vicieuses extraordinaires; par M. A. Souques. (Nouvelle Iconogra-

phie de la Salpêtrière, 1894, n° 3.)

Observation. Homme, vingt-sept ans, tare héréditaire légère,

mais six frères ou soeurs morts en bas âge ou tuberculeux. A dix-

.sept ans les bras deviennent faibles et les épaules saillantes, c'est

le début de l'affection qui, depuis, n'a fait que progresser. A

vingt-cinq ans, le sujet ne pouvait plus se livrer à aucune occu-

pation.

Etat actuel. - Faciès myopalhique très accusé, surtout vu de

profil (traits flasques, peu de rides, occlusion normale des pau-

pières incomplèle, la fente palpébrale reste large de 3 ou 4 milli-

'mètres, lèvres grosses, proéminentes, impossibilité de siffler);

crâne plus développé proportionnellement que la face; région

occipitale aplatie. Au cou, les sterno-mastoïdiens très atrophiés.

Aux membres supérieurs : morphologie des épaules normale; les

trapèzes ont disparu; les omoplates sont d'une mobilité excessive;

les avant-bras ont à peu près conservé leur forme et leur volume.

Au tronc : thorax rectangulaire; grand relief des côtes; muscles

pectoraux et dentelés disparus, abdomen proéminent, lordose

dorso-lombaire monstrueuse, dont les photographies et les dessins

.qui accompagnent le texte sont seuls capables de donner une

idée. Il est incroyable qu'avec une telle conformation un homme

.puisse se tenir debout et marcher. Bassin fléchi sur les cuisses et ne

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 67

pouvant se relever. Cuisses maigres, jambes et pieds d'aspect nor-

mal, simple diminution quantitative de l'excitabilité électrique,

en rapport avec le degré d'atrophie des muscles ou avec les altéra-

tions de leur contractilité.

.. L'intérêt de cette observation réside dans l'attitude vicieuse

extraordinairement prononcée. Pour se mettre debout, quand il est

assis, le malade pend son appui sur ses genoux avec ses mains, il

incline le tronc eu avant et le soulève légèrement, il descend ensuite

sa main gauche au-iessous du genou et étend en arrière le bras

droit, il grimpe avec la main gauche le long de la cuisse et place

le poing droit sur la fesse droite. Il redresse alors le tronc et

applique le poing gauche sur la fesse gauche. Debout alors, la face

antérieure du tronc formant une courbe convexe qui équivaut

presque à une demi-circonférence, les avant-bras appliqués sur les

fesses, il peut avec sa' lordose inimaginable progresser et même

monter des escaliers, marchant fortement « en canard » et les

jambes très écartées. C. >

.

XI. Un cas d'amyotrophie primitive accompagnée DE réactions

ÉLECTRIQUES ANORMALES ET DE TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ; par

- M. Thomas-D. SA VILLE (de Londres). Traduction de M. le

' Dr Henry Meige. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894,

n° 3.) ,

- Les amyotrophies forment deux grands groupes, le premier

comprend les cas où les muscles présentent des réactions électriques

anormales, le second ceux où les muscles présentent des réactions

électriques normales plus ou moins intenses. A cette division répond

analomiquemenl cette autre division : 1° amyotrophies de cause

médullaire ou par lésion des nerfs périphériques; 2° myopa-

thies primitives progressives, la lésion ne porte que sur la fibre

musculaire.

Dans le premier groupe on trouve la paralysie spinale infantile,

l'atrophie musculaire progressive, les atrophies avec paralysies

dues à des uévrites périphériques multiples ou localisées, les

atrophies liées à des poliomyélites antérieures secondaires, c'est-

à-dire consécutives à d'autres lésions spinales, par exemple les

atrophies syringomyéliques, et enfin les atrophies musculaires

articulaires.

Dans le second groupe, dans les myopathies primitives, il n'y a

pas de réactions électriques anormales. A ce groupe appartiennent :

la paralysie pseudo-hypertrophique et ces nombreuses variétés de

myopathies primitives généralisées,qui neformenten réalité qu'une

seule classe, comme l'a démontré Charcot. C'est dans le second

groupe qu'on doit faire entrer le cas suivant, bien que les muscles

réagissent à l'électricité d'une façon anormale. '

68 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Observation. Femme, vingt-sept ans à l'époque de l'examen.

Début de l'affection de très bonne heure par l'orbiculaire des pau-

pières, puis successivement : déformation vertébrale, déformation

des pieds, altération de la parole, faiblesse musculaire très grande,

lordose considérable, tous les muscles volontaires sont altérés...

Faciès myopathique : non fermeture des paupières, lèvres épaisses

projetées en avant, absence de rides, etc... L'atrophie musculaire

est si intense que l'on ne peut sentir par la palpation la moindre

masse musculaire au deltoïde ou au trapèze. La force musculaire

est diminuée en raison de l'atrophie. Les fléchisseurs sont toujours

restés plus gros et par suite plus forts que les extenseurs, ce qui

explique les déformations des extrémités et l'ensellure.

Jamais on n'a observé de tremblements fibrillaires. Il existe con-

tinuellement, sauf pendant le sommeil, des mouvements choréi-

formes. Il y eut des symptômes douloureux; une hyperesthésie

cutanée et des douleurs sur le trajet de certains troncs nerveux,

ces symptômes ne furent que transitoires. Enfin l'examen électrique

peut se résumer ainsi : diminution générale de tous les modes

d'excitabilité électrique avec quelques changements qualificatifs.

Comme on le voit, le cas serait classique, sans les symptômes

douloureux qui, du reste, n'existaient plus au moment de l'obser-

vation, et surtout sans les modifications de la réaction électrique.

Tous les autres caractères sont les caractères de la myopathie

primitive, et c'est pourquoi on doit considérer le cas comme un

véritable cas de myopathie primitive progressive, malgré les anomc-

lies en question.

Mais les modifications de réaction électrique n'en sont pas moins

l'indice d'une lésion profonde, d'une lésion de la moelle ou des

nerfs. L'auteur, devant celte considération, se demande si les deux

, grandes variétés d'amyotrophies ne seraient pas toutes deux, au

début, sous la dépendance de lésions médullaires ou nerveuses,

et il propose l'hypothèse suivante : dans les myopathies dites pri-

mitives, les lésions nerveuses profondes survenues dans les premiers

temps de la vie disparaissent ensuite, alors que le processus patho-

logique dont elles ont été le point de départ continue à évoluer

dans les muscles. Dans l'observation qui précède, les lésions ner-

veuses, au lieu de disparaitre, sont devenues chroniques en restant

très légères. D'où les signes de réaction de dégénérescence qui sont

leurs manifestations cliniques et qui rendent le cas anormal. C.

XII. ARTHROPATHIES NERVEUSES ET TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ; par

M. E. Brissaud. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894,

nos 4 et 5.)

Leçon de M. Brissaud faite à la Salpêtrière. Les arthropathies

d'origine nerveuse ont une allure caractéristique. Ainsi les arthrites

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69

du tabes qui sont typiques de ces athropathies sont des arthrites

tout à fait spéciales : hydarthroses énormes, athrophies ou hyper-

trophies tendineuses, cartilagineuses, osseuses alleignan t des propor-

tions extraordinaires, dislocations articulaires des plus complexes,

et avec tout cela, absence complète de phénomènes douloureux. La

douleur, si elle existe, est passagère et extra-articulaire, elle est due

à la distension rapide de la peau et des tissus voisins de l'articula-

tion malade. En effet, l'accident se produit d'un coup. Il est extra-

ordinaire que ces arthropathies si remarquables n'aient pas été

reconnues plus tôt, car c'est Charcot qui les a décrites le premier.

Toutes les articulations peuvent être atteintes, et dans l'ordre de

fréquence suivant : genou, hanche, épaule, articulation tibio-tar-

sienne, poignet, articulation du tarse, mâchoire. Ce qui frappe

tout d'abord, c'est le gonflement énorme de l'article, et il est dû à

un épanchement sanguin, la synoviale serait incapable de fournir

une aussi grande quantité de liquide en aussi peu de temps. Le

gonflement envahit tout le membre qui devient oedématié, élé-

phantiasique. Mais si le début de telles arthrites est soudain, la

résorption, au contraire, est lente à s'effectuer. Quand elle est

accomplie, on se rend compte de la gravité des désordres articu-

laires. L'article est informe, il y a des cavités là où devraient exister

des saillies, on ne retrouve plus aucun rapport, les mouvements

sont devenus indifférents, tous les éléments constitutifs de l'articu-

lation sont détruits ou lésés, surtout atrophiés, mais quelques-uns

aussi hypertrophiés.

Il arrive parfois que ces dislocations s'établissent sans fracas, peu

à peu, insidieusement, mais toujours sans douleur. Le résultat est,

du reste, le même. Dans tous les cas l'impotence fonctionnelle.

demeure plus ou moins marquée, elle est souvent absolue. Il faut

noter que ces lésions articulaires commencent par des troubles

trophiques osseux périostiques ou médullaires.

Les altérations articulaires trophiques du tabes se produisent

particulièrement dans les tabes dits sensitifs. M. Brissaud en

donne des preuves cliniques, en présentant plusieurs malades dont

les observations corroborent sa proposition. Mais d'autres myé-

lopathies que le tabes provoquent des arthropathies; la syringo-

myélie, par exemple, donne des dystrophies articulaires identiques

à celles de l'ataxie, or, la syringomyélie est d'autant plus apte à

produire ces accidents qu'elle est plus douloureuse. Il en résulte

que si les arthropathies myélopathiques ne sont pas le propre du

tabes, elles sont toujours caractérisées par un ensemble de phéno-

mènes et par une évolution que le tabès réalise sous la forme

typique. Elles figurent avec leur maximum de netteté dans le tabes

sensitif. Elles accusent une réaction spéciale des éléments anato-

' miques, en présence de certaines excitations des nerfs sensitifs.

Les troubles trophiques ne sont donc pas primitifs, ils sont secon-

70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

daires, les troubles sensitifs sont toujours les premiers en date.

- Voici les arguments physiologiques que M. Brissaud expose pour

confirmer cette conclusion. Les centres de coordination de la

moelle président, non seulement aux mouvements, mais aussi à la

nutrition intime des tissus. Les' organes de la vie végétative exigent

pour le maintien des échanges nutritifs réguliers à leur intérieur

le fonctionnement régulier de ces centres. A une stimulation péri-

phérique anormale, la moelle répondra par un mode d'activité

plus grande ou plus faible de ses centres organiques, les échanges

organiques subiront de ce fait, une perturbation qui se traduira

par des hypertrophies, des atrophies, des congestions, des isché-

mies, etc. Or, tous ces phénomènes pathologiques appartiennent

au labes et on peut déjà saisir la raison des troubles trophiques dans

cette affection. Du reste le tabes est loin d'être la seule maladie

nerveuse qui justifie la loi de corrélation entre les troubles trio-

phiques et les conducteurs nerveux centripètes : se rappeler l'hé-

miatrophie faciale qui s'établit à la suite de la névralgie du triju-

meau, l'atrophie musculaire des arthrites douloureuses, etc.

^Remarquons maintenant que si la lésion du tabes est unique

quelle que soit la forme du tabès, il ne s'ensuit pas que les mêmes

éléments nerveux soient lésés dans toutes les formes, on sait que

de nombreux cylindre-axe échappent à la dégénérescence bien que

plongés dans une zone sclérosée; l'identité de la lésion ne comporte

que l'identité de la région médullaire atteinte. On peut donc très

logiquement admettre que, dans le tabes sensitif, les fibres ner-

veuses centripètes de toutes les sensibilités subissent la dégénéres-

cence, et que dans le tabes moteur, les seules fibres de la sensibilité

réflexe sont atteintes.

Comment, avec cette théorie, expliquer le fait de la non-atrophie

des muscles volontaires dans le tabes. On sait que quand l'atrophie

musculaire existe, elle est due à des complications ? Par les

arcs diastaltiques réflexes. La voie réflexe n'est pas unique, il existe

une voie simple et des voies complexes. Si du lieu d'entrée des

racines postérieures aux racines antérieures il existe un arc réflexe

simple, il en existe d'autres qui parcourent un chemin bien plus

long. Un de ces arcs va jusqu'à l'écorce cérébrale d'où il repart

pour aboutir aux racines antérieures. Cet arc diaslaltique réflexe

constitue le système pyramidal. Si dans le tabes les fibres centri-

fuges de ce grand arc sont respectées, la nutrition des muscles

striés est maintenue normale, car il subsiste assez de « sensations-

souvenirs » dans l'écorce pour entretenir la fonction trophique des

muscles, alors même que l'arc réflexe direct est interrompu. Un

malade atteint, au contraire, de tabes sensitif a des troubles tro-

phiques articulaires etsurtout osseux, parce que les centres spinaux

de réaction nutritive des os et des cartilages ne connaissent rien

de l'écorce cérébrale. - - Camuset.

REVUE.DE pathologie NERVEUSE. 71 L

XIII. TROIS CAS D'ARTHROPATHIE TABÉTIQUE BILATÉRALE ET SYMETRIQUE;

par MM. A. Souques et J.-B. CHARCOT. (Nouvelle Iconographie

de la Salpêtrière, 4.)

Première observation. Femme, cinquante-quatre ans, sans

tare héréditaire, nerveuse dans son enfance, syphilisée par son

mari. Début du tabes trois ans après le mariage. Symptômes ordi-

naires du tabes. Vingt ans après le début, arthropathie tabétique

classique à l'épaule gauche. Un an après, arthrite du pied gauche.

Cinq ans après, arthropathie tabétique classique à l'épaule droite.

. Dans les deux épaules les lésions sont identiques. La face latérale

de l'épaule est aplatie, l'extrémité claviculaire et l'acromion for-

ment une saillie au-dessous de laquelle on peut, en déprimant,

toucher le fond de la cavité glénoïde. La tête humérale et les par-

ties voisines de la diaphyse de l'humérus ont disparu. Il en résulte

une mobilité invraisemblable des deux articulations, on peut faire

faire aux membres deux ou trois tours autour de leur axe longitu-

dinal. Pas de douleurs en dehors des douleurs fulgurantes.

' Deuxième observation. Femme, quarante-cinq ans, tare héré-

ditaire, pas de syphilis, excès vénériens de toutes sortes depuis

l'enfance. Début du tabes à vingt-six ans par des douleurs fulgu-

rantes aux membres inférieurs. La maladie se manifeste sous une

forme remarquablement sensitive. Douze ans environ après le

début, arthrite du genou gauche et deux mois après arthrite du

genou droit. Ces deux arthropathies tabétiques sont classiques, les

membres inférieurs sont éléphantiasiques.

Troisième observation. Homme, quarante-six ans, hérédité

névropathique, syphilis. Début du tabes à trente-six ans par des

douleurs fulgurantes. Le tabes reste presque exclusivement sensitif.

Neuf ans après le début, arthrite du genou droit et un mois après

arthrite du genou gauche. Ces deux arthropathies sont caractéris-

tiques, la gauche est moins grave que la droite.

A noter chez ces trois malades une anesthésie profonde des arti-

culations malades et l'intensité des douleurs fulgurantes, lesquelles

douleurs ont précédé les arthrites de plusieurs années; elles ont

siégé, non dans les articulations atteintes, mais dans les régions

situées au-dessous d'elles. C.

XIV. Arthropathies SYRI-.qGOMYÉLIQUES; par MM. Paul LoNDE

et J. SERREY. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894, nos 4 et 5.)

Leur connaissance est récente, elle est due à M. Debove (1889).

La scoliose etles arthrites des petites articulations, les panaris, sont

bien des troubles trophiques, mais les auteurs ne s'occupent ici

que des arthropathies des grandes articulations.

Toutes les grandes articulations peuvent devenir le siège d'une

72 2 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

arthrite syringomyélique. Voici par ordre de fréquence celles qui

sont le plus ordinairement prises : épaule, coude, poignet, hanche,

genou, pied, tarse, mais celles des membres inférieurs, sauf la

hanche, sont très rarement atteintes.

Ces arthrites surviennent à des époques variables, souvent au

début de l'affection, elles peuvent être multiples et bilatérales, les

hommes y sont plus sujets que les femmes. Leur apparition est

souvent précédée de douleurs lancinantes ou de troubles trophiques

cutanés, qui siègent parfois au niveau même de l'articulation qui

va devenir malade.

Les arthropathies syringomyéliques affectent plusieurs formes.

D'abord la forme d'hydarthrose, laquelle est rapide ou progressive.

Dans le premier cas la tuméfaction est intra ou extra-articulaire,

forte, elle peut exiger la ponction. Le plus souvent il n'y a pas de

douleuf. Dans le second cas, la ressemblance avec une hydarthrose

ordinaire est complète. Ces hydarthroses guérissent lentement,

sont sujettes à revenir, et après chaque rechute l'impotence fonc-

tionnelle se prononce davantage. Après la résorption du liquide,

on constate des désordres plus ou moins graves dans l'articulation :

craquements, laxicité des ligaments, luxation. Il arrive souvent

que l'articulation est complètement disloquée et qu'il existe des

exostoses épiphysaires et même des productions osseuses extra-

capsulaires. La caractéristique de l'arthropathie est l'hyperostose,

cependant on trouve aussi des atrophies osseuses et souvent la

coexistence des deux dystrophies. Enfin ces arthrites le plus souvent

indolores sont parfois excessivement douloureuses; mais elles ont

alors toujours subi un traumatisme. -

La peau qui recouvre la lésion, excepté dans les cas exception-

nels, est atteinte d'analgésie et de thermo-anesthésie. Les parties

profondes sous-jacentes sont également indolores, ce qui est

démontré par les interventions chirurgicales.

L'évolution de ces arthrites est essentiellement chronique mais

coupée de poussées aiguës. Il arrive que, par suite d'une infection

accidentelle secondaire, l'articulation suppure, il y a alors des dan-

gers graves, la pyohémie même est à redouter. Ne pas confondre

ces suppurations secondaires avec les arthrites suppurées d'emblée,

lesquelles n'ont pas de gravité et évoluent sans réaction.

Les arthropathies syringomyéliques dépendent de lésions médul-

laires, on ignore encore quelles sont ces lésions, on sait seulement

qu'il y a corrélation entre les troubles sensitifs et trophiques.

Quand on sait que le sujet est syringomyélique, le diagnostic de

ces arthrites est facile, sinon les erreurs sont fréquentes surtout

quand la lésion articulaire apparaît tout à fait au début de l'affec-

tion. On doit différencier les arthropathies syringomyéliques des

arthrites traumatiques ordinaires, des arthrites tabétiques, des

arthrites déformantes, des arthrites de la lèpre. C. -

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 73

XV. Un cas DE syringomyélie atypique; par M. J. TARGOVrLA.

(Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894, n° 5.)

La triade symptomatique de la syringomyélie comprend : l'atro-

phie musculaire, la dissociation de la sensibilité et les troubles

trophiques. Chaque symptôme peut prendre une importance parti-

culière, d'où variété des types et aussi difficulté parfois du diagnos-

tic. Exemple : .

Observation. Monoplégie brachiale droite. Dissociation de la

sensibilité, arthropathies multiples. Luxation spontanée de l'épaule

droite. Cypho-scoliose, Déformations cicatricielles des doigts. Der-

mographisme. Trouble de la sécrétion sudorale. Pas d'atrophie

musculaire, sauf un léger aplatissement de l'éminence thénar

droite. Tremblement fibrillaire dans les muscles de l'avant-bras

droit.

Donc, plusieurs des symptômes de la syringomyélie, mais pas'

tous. En outre il existe des symptômes d'amyotrophie : contraction

lente des muscles à la suite d'une excitation mécanique ou élec-

trique. Abaissement considérable de l'excitabilité électrique. Trem-

blement fibrillaire de certains groupes de muscles. On sait aussi

que dans les névrites périphériques il peut y avoir de la dissocia-

tion de la sensibilité.

En réalité, cependant, et la chose n'est pas douteuse, il s'agit

d'un cas de syringomyélie, mais d'une syringomyélie à forme

mixte, la syringomyélie type Morvan, décrite par Charcot. La

lésion doit être localisée plutôt vers les cornes postérieures puis-

qu'il n'y a qu'à peine un peu d'atrophie musculaire, elle doit sié-

ger surtout à droite et enfin se trouver au niveau du renflement

cervical. Ce serait le type médian postérieur de la classification

anatomo-physiologique de Charcot. CAMUSET.

XVI. LES arthropathies TROPHIQUES au POINT DE VUE chirurgical;

par M. CHIPAULT. (Nouvelle Iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 5.)

Dans ce travail, l'auteur n'étudie pas le diagnostic des arthrites

neuropathiques, il se borne à l'examen des cas où l'articulation

trophique c'est ainsi qu'il désigne les arthropathies d'origine

nerveuse acquiert une occasion chirurgicale par l'adjonction de

quelque élément connexe. Il classe ainsi ces éléments connexes L

traumatisme au début ou pendant l'évolution de l'affection ner-

veuse, infection surajoutée, troubles trophiques graves, nature.

chirurgicale de l'affection nerveuse causale..

Viennent d'abord quelques observations de traumatisme au début

de l'affection nerveuse, ou pendant le cours de celle-ci. Suit l'étude

des infections secondaires, l'articulation devient alors tropho-infec-

tieuse. L'inflammation infectieuse peut se propager aux nerfs péri-

7,1, REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

articulaires. Les articulations tropho-infectienses comprennent les

trop'ho-tuberculeuses, les tropho-suppurécs, les tropho-névrotiques.

Il y a lieu de décrire à part l'ensemble des lésions articulaires qui

peuvent.faire partie des symptômes du mal perforant.

Les arthrites consécutives aux affections chirurgicales de la

moelle et des nerfs comprennent des types importants. A la suite

du traumatisme des nerfs périphériques on note des arthrites

ânkylosantes, le plus ordinairement des petites articulations. Le

début en est indolore et progressif. Les arthrites consécutives aux

lésions chirurgicales de la moelle constituent de simples curiosités

pathologiques, ainsi l'hydarthrose du genou provoquée par une

tumeur médullaire.

Au point de vue de l'intervention chirurgicale, on doit admettre

deux grandes classes : celle des arthropathies trophiques pures et

celle des tropho-infectieuses. Presque toujours, sinon toujours, l'in-

tervention est locale, cependant la lamnectomie a parfois amené

des guérisons. radicales. Si l'arthrite est simple, on n'a que rarement'

.il intervenir, et seulement dans un but orthopédique et non cura-

I if. Toutes les arthrites tropho-infectieuses, elles, sont chirurgicales ;

la discussion ne porte que sur le choix des moyens à employer.

Notez que les tissus périarticulaires saignent beaucoup et qu'ils

constituent un mauvais terrain chirurgical. En revanche, ils sont

ordinairement analgésiques, ce qui permet de ne pas employer le

chloroforme. C.

- XVII. Migraine ophtalmique EU aphasie; par J. M. Charcot.

(Nouvelle lnonog. de la Salpêtrière, 1895, n° 1.)

Leçon inédite publiée intégralement d'après le texte du manus-

crit original du professeur Charcot,.

Exemple d'un cas d'aphasie transitoire, à répétition survenant par

.accès, et qui se rattache à la migraine ophtalmique. Homme,

trente ans, père tabétique. Début de l'affection il y a quinze ans

par de fréquentes céphalalgies. A vingt ans, la douleur se com-

plique de troubles visuels, hémiopie et ensuite des vomissements.

Plus tard les accès s'accompagnent d'un autre phénomène encore,

un scotome scintillant, et après engourdissement dans le membre

supérieur droit. Enfin, dans ces derniers temps, un dernier syn-

drome vient encore compliquer les accès déjà très complexes, une

aphasie complète portant sur tous les modes de réception et d'ex-

pression du langage.

Ce cas est un exemple de migraine ophtalmique accompagnée, ainsi

nomnïée parce qu'elle est accompagnée de plusieurs phénomènes

qui pourraient manquer, sans que la maladie cessât d'être une

véritable migraine ophalmique, dont les éléments essentiels sont :

la céphalée frontale, l'hémiopie et le scotome scintillant. Il arrive

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 75 5

que les accès de cette migraine soient frustes et réduits à quelques-

uns seulement de ces éléments, ou bien les symptômes anormaux

(non essentiels) prédominent tellement qu'on ne voit qu'eux et

qu'on méconnaît l'affection véritable. C'est ainsi qu'on a diagnosti-

qué des aphasies transitoires à répétition, qui n'étaient que des

migraines ophtalmiques frustes. De même des accès d'épilepsie

intermittents, qui disparaissaient à un moment donné, et qui se

rattachaient eux aussi à la migraine ophtalmique.

La migraine ophtalmique guérit ordinairement ; en tout cas,

les symptômes les plus alarmants, comme l'aphasie, finissent par

disparaître. Il y a des exceptions à cette règle, l'aphasie s'établit

parfois définitivement, aussi faut-il traiter cet accident dès qu'il se

manifeste. Les bromures réussissent très bien alors. On doit noter

aussi que la migraine ophtalmique peut être symptomatique

d'autres affections protopathiques, la paralysie générale, par exem-

ple..Toutes ces considérations ne permettent pas de donner toujours

un pronostic favorable. C.

XVIII. Paralysie bilatérale DU DELTO1DE par élongation DES deux

NERFS circonflexes ; par. M. RA1'MOND. Leçon recueillie par

M. A. Souques. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 1.)

Observation. - Homme, vingt-quatre ans, très fortement musclé,

non héréditaire. Cet homme a, depuis quelque temps, l'habitude

de dormir dans une attitude peu ordinaire. Couché sur le dos, les

bras relevés et les mains jointes derrière la nuque. Un matin il

se réveille ne pouvant plus lever les bras. Il existait une paralysie

deltoïdienne double.

Le sujet peut à peine esquisser le mouvement d'écartement des

bras, réflexes conservés aux coudes et aux poignets. Engourdisse-

ment vague dans les deux régions deltoïdiennes qui s'exaspère la

la nuit. Hypoesthésie double dans la zone d'innervation des deux

nerfs circonflexes. Excitabilité voltaïque et faradique affaiblie dans

les diverses parties des deltoïdes, réaction partielle de dégénéres-

cence dans les mêmes muscles. Il y a doue bien paralysie des del-

toïdes. D'autres muscles sont-ils paralysés ? Non, la preuve en est

donnée par des considérations physiologiques démontrant que les

dentelés et les sous-épineux fonctionnent normalement.

La cause de cette double paralysie réside dans la distension et

la, compression des nerfs circonflexes. On sait que ces nerfs con-

tournent le col chirurgical de l'humérus et qu'en outre de leurs

branches motrices, ils émettent une branche sensitive qui s'épuise

danslapeau de l'épaule, précisément dans la région sur laquelle, chez

le sujet, on constate de J'hypoesthésie. Sur une préparation anato-

mique, en donnant aux membres supérieurs la même position que

celle que le malade prenait endormant, on- constate que les circon-

76 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

flexes sont tiraillés quand ils ne sont pas flexueux. La sinuosité de ces

nerfs est du reste la règle, et c'est ce qui explique pourquoi, alors

que beaucoup de personnes prennent en dormant la posture du

malade, elles n'éprouvent pas l'accident qui a frappé celui-ci, dont

les nerfs circonflexes ne sont certainement pas sinueux.

On voit que, comme le professeur Raymond l'annonce en com-

mençant, ceci est bien un cas d'étude. Pour être complet il discute

à la fin le diagnostic. L'hypothèse d'une lésion médullaire comme

facteur étiologique est à rejeter, parce qu'il faudrait une lésion

parfaitement homologue des parties antérieures des deux moitiés

delà moelle, et surtout parce qu'il n'y a pas d'atrophie musculaire.

L'hypolhèse d'une paralysie hystéro-lraumalique ne convient pas

non plus, parce que l'anesthésie serait plus franche, autrement

limitée, et parce qu'il n'existe pas, chez le sujet, de stigmate d'hys-

térie. Traitement : courants faradiques. Amélioration progressive

qui fait espérer une guérison complète prochaine. CAMUSET.

XIX. La NOTION étiologique DE L'IlRDO-SYPEIILIS dans la maladie

DE LITTLE; par MM. les D"S Fournier et Gilles DE la TOUItETTE.

(Noua. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 1.)

Deux cas de maladie de Little, dans lesquels l'hérédo-syphilis

semble être un des éléments étiulogiques de l'affection.

Première observation. L'enfant, un petit garçon, a quatre ans

actuellement. Il est né à six mois et demi, son père était syphili-

tique. On s'aperçut qu'il était paralysé des quatre membres dans

les premiers temps de son existence, surtout des membres infé-

rieurs. Ses reins ne le soutenaient pas. Puis les membres supérieurs

devinrent progressivement normaux quoique l'un resta toujours

plus faible que l'autre. Les membres inférieurs s'améliorèrent

également, mais s'ils devinrent mobiles ils demeurèrent raides, et

cette roideur ne fit que s'accentuer avec le temps. A quatre ans,

l'enfant ne peut marcher, il est incapable de se tenir debout, ses

membres inférieurs très raides ne le soutiennent pas. Couché, on

constate que les cuisses sont fortement accolées l'une à l'autre, on

a peine à les séparer. Trépidation spinale, exagération des réflexes,

les pieds sont en équin direct, le tendon d'Achille est raccourci.

Il existe des signes de syphilis héréditaire. Intelligence très déve-

loppée. Le diagnostic est évident : Tabes spasmodique infantile.

Le traitement consiste en légères frictions mercurielles et en l'ad-

ministration d'iodure de potassium 30 à 50 centigrammes par jour.

Amélioration. '

-Deuxième observation. Le père syphilitique est en outre por-

teur d'une tare héréditaire névropathique lourde. Un premier enfant

mort en bas âge était atteint de la maladie de Little. Le second, ,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 77

une fille, née à terme, bien conformée, intelligente, ne peut main-

tenir la tête droite sans appui. Assise, le tronc se fléchit à droite

ou à gauche. Elle lève difficilement les bras, surtout le gauche.

Les membres inférieurs sont raides, en extension constante. La

sensibilité est conservée, les réflexes sont normaux. Même traite-

ment que dans le cas précédent. Amélioration.

Dans ces deux cas, le diagnostic s'impose, il s'agit évidemment

de deux cas de maladie de Little. Sans préjuger de la nature intime

de cetle affection, ni de ses lésions cérébrales ou médullaires, sans

rechercher non plus si la maladie de Little n'est qu'une variété

d'une grande classe nosologique, les diplégies d'origine cérébrale,

les auteurs croient pouvoir avancer que la syphilis n'est pas tou-

jours innocente de ce tabes spasmodique infantile. C.

XX. Deux cas DE SYNDROME DE Weber ; par MM. Souques

et Paul L011DE. (Nouvelle Iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 6.)

On désigne sous le nom de signe de Weber une paralysie croisée

comprenant le moteur oculaire d'un côté et le facial inférieur ainsi

que la moitié du corps du,côté opposé. La cause de cette paralysie

croisée consiste en une lésion de la troisième paire et du pédoncule

cérébral d'un même côté. Deux observations.

Première observation. Femme, vingt-sept ans. II y a deux ans

céphalée, puis névralgie du trijumeau droit, amblyopie des deux

yeux. Il y a deux mois, hémiplégie gauche qui se localise au membre

supérieur et en même temps, paralysie, de la troisième paire droite.

Le traitement antisyphilitique ne produit aucun résultat. 11 est pro-

bable qu'il s'agit de tuberculose.

Deuxième observation. - Homme, vingt et un ans. Hémiphégie com-

plète droite respectant le facial supérieur et paralysie de la troisième

paire gauche. Embarras de la parole comme dans la paralysie gé-

nérale, la motilité de la langue est demeurée intaete. Quelques

troubles mentaux. Plus tard aphasie. Gâtisme. La nature de la

lésion est sans doute tuberculeuse.

Noter que quand l'aphasie accompagne de signe de Weber, la

lésion siège toujours dans le pédoncule gauche, ce qui tend à con-

firmer la réalité de l'existence du faisceau de l'aphasie.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ALLEMANDS.

' SESSION DE DRESDE.

Séance du 21 septembre 1894. Présidence du professeur .IOLLY.

M. Sommer. La psychologie criminelle. Dans son important rap-

port sur cette question, l'auteur examine d'abord les conséquences

que l'on peut être amené à déduire des idées de Lombroso, au

point de vue de la responsabilité, du libre-arbitre et du droit

pénal. Lombroso, on le sait, affirme qu'une partie des sujets con-

sidérés comme criminels par la justice, et condamnés comme res-

ponsables de leurs actes, présentent des anomalies morphologiques,

anatomiques, qui sont les stigmates congénitaux d'un étal psychi-

que anormal, également congénital (stigmates de dégénérescence).

Nombre de criminels seraient donc des criminels endogènes, c'est-

à-dire qu'ils seraient devenus tels, nécessairement, en vertu de leur

organisation. Y a-t-il réellement un critérium morphologique de

la criminalité endogène ? Non : il n'existe pas de type criminel.

Une autre question se pose maintenant : Existe-t-il des criminels-

'nés ? La solution de cette seconde question reste complètement

indépendante de celle de la première. Oui, il existe des sujets qui

présentent, dès le plus jeune âge, des tendances impulsives aux

actes criminels : faut-il les considérer comme atteints d'idiotie

morale congénitale, de maladie psychique endogène. Cette idiotie

'morale doit-elle être nettement distinguée des tendances crimi-

nelles justiciables du Code pénal.

La ruine de l'hypothèse du type anatomique du criminel ne

préjuge en rien de la solution du problème du crime endogène.

Les sujets atteints d'idiotie morale sont-ils bien réellement des

malades et doivent-ils par suite être justiciables du médecin ?

Il convient d'abord de faire remarquer que l'expression de débi-

lité ou d'idiotie morale ne peut être employée qu'après élimination

de toutes les maladies qui ont parmi leurs symptômes un arrêt de

développement congénital du sens moral. Les sujets qui, au cours

SOCIÉTÉS SAVANTES. 7 \}

de la vie foetale »ou de l'enfance, ont été atteints d'une affection

du cerveau ayant eu pour conséquence l'arrêt de développement du

sens moral, les sujets atteints de faiblesse psychique généralisée

congénitale, appartiennent tous à l'asile d'aliénés et non à la pri-

son. Nous n'envisageons ici que les cas dans lesquels le manque de

sentiments moraux et les impulsions criminelles existent à l'étal

isolé, sans trouble de l'intelligence et sans qu'on puisse les consi-

dérer comme les symptômes d'une maladie psychique. Est-il pos-

sible de séparer ces cas, en dépit de leur parenté phylogénétique

avec la dégénérescence, des affections mentales ? La réponse doit

être affirmative. La caractéristique de l'acte criminel est la satis-

faction de l'individu au détriment de l'intérêt, ou contre la volonté

de la communauté. Dans les cas que nous envisageons, manque le

critérium de la maladie, à savoir le dommage infligé directement

à l'individu par suite de l'état psychique qui a présidé chez lui à

l'acte criminel. Il en résulte que la répétition même d'actes crimi-

nels et l'absence totale de sentiments moraux grâce à laquelle ils

se produisent, ne sont jamais suffisantes par elles-mêmes pour

permettre d'affirmer un état maladif. Ces criminels endogènes

doivent être enfermés dans des établissements pénitentiaires.

Quand bien même on ferait des criminels endogènes un groupe

spécial et que la société réclamerait le droit de les soumettre à une

détention perpétuelle; ces sujets n'en devraient pas moins être

séquestrés dans des établissements pour les criminels incorrigibles

et non dans des asiles d'aliénés. L'auteur s'élève contre les consé-

quences erronées qui ont été déduites de la théorie des tempéra-

ments criminels endogènes, au point de vue du traitement de ces

individus. Kirn, par exemple, déclare que si les criminels d'habitude

ont, sans exception, un niveau intellectuel faible, s'ils sont poussés

au crime d'une façon fatale par un besoin maladif, il faut les in-

terner dans un asile dirigé par un médecin. Sommer fait observer

qu'il n'envisage que les sujets atteints d'un arrêt de développement

psychique partiel portant sur la sphère morale, avec conservation

de l'intelligence, et il insiste sur ce point, que ces individus, malgré

la nature endogène et congénitale de leur caractère, n'appartien-

nent nullement à l'asile d'aliénés, mais sont réclamés par les

établissements de détention. Est-on cependant décidé à considérer

les sujets chez lesquels des instincts antisociaux apparaissent d'une

façon endogène, comme non responsables ? Que l'on n'aille pas

alors invoquer une maladie mentale, mais que l'on spécifie qu'ils

sont irresponsables, par suite d'instincts endogènes, sans cependant

être atteints d'une affection mentale.

Caractère criminel endogène et maladie psychique 'sont deux

concepts différents. La folie morale à l'état isolé doit être rejetéé.

C'est, ajoute Sommer, dans l'identification de la perte du libre-

arbitre avec une maladie mentale qu'est-la source d'erreurs

80 SOCIÉTÉS SAVANTES.

multiples : le fait de la nature endogène d'un état psychique ne

suffit pas pour démontrer qu'il s'agit d'une manifestation mala-

dive.

Discussion : M. PELMAN n'adopte pas la manière de voir du rap-

porteur. Les résultats des recherches modernes sur l'anthropologie

criminelle ne sauraient être condamnés par les conséquences pra-

tiques qui peuvent en découler. C'est à la Société à conformer ses

mesures pénales aux notions scientifiques actuelles.

, M ? KURELLA n'est point d'avis de faire reposer la distinction entre

le tempérament criminel et les psychopathies sur l'avantage ou

le dommage qui résulte pour le sujet de son acte. Le fait que

M.' Sommer reconnaît l'existence du caractère endogène de nombre

- dépendances criminelles est un résultat des travaux de l'école de

- Lombrosu. Sans doute les stigmates morphologiques de cette pré-

disposition criminelle ne sont pas connus avec précision, mais

peut-on affirmer qu'ils n'existent pas ? Je pense avec M. Sommer

qu'il existe une prédisposition criminelle congénitale qui, par sa

nature, doit rester en dehors de la pathologie et n'est qu'une

variété anthropologique. Avec lui je considère les natures pure-

ment asociales comme devant entrer dans la catégorie des crimi-

minels et comme échappant à l'aliéniste.

M. LEPPMANN s'élève contre les idées émises par M. Kurella; il

critique également les conceptions exposées dans le manuel d'an-

thropologie criminelle de ce dernier. Il se félicite que M. Sommer

ait reconnu la nécessité d'une délimitation entre le crime et la

folie, et en ait tenté l'esquisse. Mais il considère qu'il est bien

difficile de faire le départ des causes endogènes et exogènes du

crime; des recherches patiemment poursuivies sont nécessaires.

Il conclut que le crime n'est pas en lui-même une manifestation

pathologique; c'est une manifestation vitale de l'organisme social,

c'est une conséquence inévitable de tout groupement social.

M. MENDEL se rallie aux idées exprimées par le précédent ora-

teur.

M. NAECKE reproche au rapporteur de n'avoir pas insisté sur la

question importante, la psychologie du criminel. Il montre que

les tendances criminelles sont déjà contenues à l'état embryonnaire

(mensonge, cruauté) chez les individus appartenant aux classes

inférieures de la société. Il n'y a donc entre ces derniers et les cri-

minels qu'une différence quantitative et non qualitative. La fré-

quence ues signes de dégénérescence doit faire penser, chez les

criminels, à une cause endogène. Cette dernière est jusqu'à un

certain point d'ordre pathologique. Naecke n'est point convaincu

qu'un criminel dont la nature endogène est bien démontrée ne

doive pas être considéré comme un malade. Au point de vue pra-

BIBLIOGRAPHIE. 81

tique des réformes du droit pénal sont déjà appliquées dans diffé-

rents pays.

M. KURELLA proteste contre le rapprochement fait par M. Naecke

entre les criminels et les classes inférieures de la société.

1 1 P. Sérieux.

SOCIÉTÉ MÉO 1 CO- P S y C H 0 LO G lQ DE.

\ a.. .

Séance du 29 avril 1893. Présidence DE M. Paul MoR&A,«;.r ? i\E

distribution DES RÉCOMPENSES.

Prix Moreau (de Tours). Sur le rapport de M. SRJ1ELUGl'iE fils,

le prix Moreau (de Tours) est décerné à M. HaNNION pour sa thèse

sur la Confusion mentale. Une mention honorable est acc'ordée à la

thèse de M. Maupalé, médecin-adjoint de l'asile d'Armentières,

intitulée Recherche d' anthropologie criminelle chez l'enfant.

Prix Bellzonzme. - Sur le rapport de M. SOLDER, le prix Bel-

homme est accordé à M. BoYER professeur à l'Institut médico-péda- ! logique de Vitry (Seine). Une mention honorable est décernée à

M. le Dr Bonnet, médecin-adjoint à l'asile de Saint-Robert.

Prix Esquirol. - 111. Sérieux, donne lecture de son rapport dé-

cernant le prix Esquirol à MM. Antheaume et Iscovesco, internes

du survice des femmes de l'asile de Villejuif pour leur mémoire

sur les Rapports du tabès avec la paralysie générale. 91. B.

BIBLIOGRAPHIE.

I. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie; par le Dr Gilles

DE la TOURNETTE (Paris, 1895). Seconde partie hystérie paroxystique

et traitement, 2 volumes. PLOrr et Ci., éditeurs.

Dans la préface que le professeur Charcot a consacrée au Traité

clinique et Thérapeutique de 1'11ystél'ie, par le Dr Gilles de la Tourelle

Archives, t. XXX. 6

82 BIBLIOGRAPHIE.

le maître constate que ce premier volume « dû à un des meilleurs

parmi ses élèves », et qu'il a lu « avant l'imprimeur » est la repro-

duction aussi sincère que possible de son enseignement et des travaux

qu'il a inspirés à ses élèves. Si le professeur Charcot avait pu lire

la seconde partie de ce traité, il n'aurait eu à regretter en rien son

opinion, et pas un mot ne serait changé dans cette préface.

Tout comme le premier volume, les deux derniers sont l'inter-

prétation fidèle des opinions du professeur Charcot et des travaux

de l'école de la Salpêtrière. Ceux qui ont suivi un peu assidûment

cet enseignement retrouveront dans ce traité, entourées d'une pro-

fusion de documents, d'analyses de travaux et d'observations, les

idées si fréquemment émises par le maître, et ils jugeront comme

nous cet ouvrage tel que le professeur Charcot l'aurait voulu. Fidèle

aux traditions de l'école, M. Gillesde la Tourette cite de nombreux

exemples empruntés à l'art et à la littérature religieuse si féconds

en reproductions et en descriptions de cas d'hystérie.

La première partie de ce traité est consacrée à l'Hystérie normale

ou interpaa·oxystique, la seconde partie traite de l'hystérie paroxys-

tique et du traitement. Après avoir décrit la grande attaque d'hysté-

rie avec la régularité de ses phases successives, l'auteur démontre

avec documents à l'appui ce qu'a d'erroné la théôrie de M. Bern-

heim qui veut qu'en dehors de la Salpêtrière on n'ait pu observer

la régularité de ces phases dont Charcot a donné la description.

Cette succession des trois périodes épileptoïde, cloniques et des

attitudes passionnelles ne se pésente pas toujours avec la régula-

rité qu'on retrouve dans les cas typiques et qui ont servi de base

aux descriptions. Mais l'esquisse en existe toujours; la variélé des

combinaisons dues à la durée insolite d'une phase, a son impor-

tance prédominante, à la variabilité dans l'intensité d'une d'elles

au détriment des autres constitue justement les formes si nombreuses

de l'attaque d'hystérie.

Ces attaques d'hystérie si souvent remarquables par leur vio-

lence et leur durée n'ont pas été sans attirer rapidement l'attention

sur l'état de la nutrition dans les paroxysmes; les recherches de

MM. G. de la Tourette et de Cathelineau constituent, comme l'a dit

M. Charcot, une « véritable découverte ».

Ce sont ces recherches basées sur l'examen des urines qui ont

permis à l'auteur de diviser l'hystérie en paroxystique et interpa-

roxystique ; il les résume ainsi lui-même.

« L'attaque convulsive d'hystérie comprenant une période d'ana-

lyse des vingt-quatre heures à dater de son début, se caractérise

par une polyurie relative due à la première sécrétion, le total de

l'urine des vingt-quatre heures étant généralement au-dessous de

la normale. Le résidu fixe, l'urée, les phosphates, les chlorures,

les sulfates sont diminués d'un tiers par rapport l'état normal. Le

rapport de l'acide phosphorique terreux à l'acide phosphorique

BIBLIOGRAPHIE. 83

alcalin (les deux formant l'acide phosphorique total) qui, à l'état

normal, est en chiffres ronds comme 1 est à 3 tend à devenir,

comme 2 est à 3 sinon plus...

La longueur et l'intensité de l'attaque accentuent les modifica-

tions nutritives qui sont parfaitement perceptibles par l'analyse chi-

mique pour une simple attaque d'un quart d'heure de durée. »

Elles débutent avec l'attaque. La nutrition reste normale dans l'in-

tervalle des paroxysmes. -

Cette formule chimique est applicable aux autres paroxysmes hys-

tériques survenant sous forme d'accès, soit simples, soit prolongés

ou états de mal. Ces faits consacrent d'une façon irréfragable la

merveilleuse intuition qui avait poussé M. Charcot à faire partie du

même tout des phénomènes cliniques aussi différents les uns des

autres que les convulsions épileptoïdes d'une part.1, et les attitudes

passionnelles de l'autre. L'analyse des urines des vingt-quatre

heures peut en outre trancher la question souvent si difficile de

l'attaque de l'hystérie ou de l'accès d'épilepsie.

Après avoir décrit les formes si nombreuses qui, par prédomi-

nance d'un des phénomènes, prennent un aspect auquel il est

souvent si difficile d'attribuer sa véritable cause (vertiges hysté-

riques, attaques avec syncopes, absences, pseudo-méningite hys-

térique, pseudo-angine de poitrine, etc...), M. G. de la Tourette

s'occupe des cas où la mort a été attribuée à l'attaque; il résume

le point important en constatant « combien sont rares les cas de

mort au cours du paroxysme hystérique simple ou prolongé sous

forme d'état de mal ; l'attaque de spasme paraît avoir surtout le

privilège. Encore, semble-t-il, pour qu'elle agisse dans le sens

fatal, qu'il faille la coexistence d'altérations organiques auxquelles

elle apporte, dans la circonstance, son funeste concours ». L'auteur

s'occupe ensuite de quelques variétés de l'attaque et de l'état de

mal hystérique revêtant plus particulièrement le type convulsif;

puis de la chorée rythmée et des spasmes rythmiques hysté-

riques. Il met bien en évidence que, comme l'enseigne Charcot, la

chorée rythmée n'est qu'une attaque hystérique transformée. Dans

l'attaque et dans l'état de mal du sommeil hystérique, il ne s'agit

en réalité que d'une grande attaque modifiée par l'immixtion des

phénomènes léthargiques occupant une place prépondérante. Il

insiste longuement sur ie diagnostic si important dans l'espèce et

démontre un fait d'un intérêt médico-légal considérable, que le

viol peut être perpétré pendant la léthargie hystérique le plus

souvent à ce qu'il semble sans que la malade en ait conscience.

S'occupant ensuite de l'attaque cataleptique, de l'attaque des

délires et des étals délirants, l'auteur arrive aux formes somnam.

1 Voir l'obs. de Geneviève et surtout celle de Parm... dans le tome III

de l'Iconographie de la Salpêtrière, p. 58-78. (B.)

84 bibliographie.

buliques de l'hystérie, aux états seconds de l'amnésie rétro-

antérograde et à l'automatisme hystérique ambulatoire. Ce cha-

pitre mérite une attention toute particulière; on y trouve en effet

des preuves qui paraissent indiscutables de l'identité de l'hystérie

et de l'hypnotisme; les recherches de MM. G. de la Tourette et de

Catheliueau ne sont point parmi les moindres. Il n'y a aucune diffé-

rence de nature entre l'hypnose provoquée et l'hypnose spontanée.

De même, il faut faire Tentrer le somnambulisme dit naturel dans

le cadre de l'hystérie.

Tous les états décrits dans ce chapitre ne sont en somme que les

maillons d'une même chaîne qui commence au délire hallucina-

toire de l'attaque pour se terminer au vigilambulisme ; il en est de

même de la folie hystérique, sujet si controversé qui, à aucun prix,

ne doit être confondu avec les maladies mentales auxquelles

l'hystérie peut s'associer mais sans jamais se fusionner. Les troubles

trophiques sont traités avec la profusion de détails qu'ils méritent;

M. Gilles de la Tourette décrit d'abord les troubles trophiques

cutanés puis les hémorragies de la peau, des muqueuses et des

organes des sens; l'auteur donne l'interprétation de ces faits si

curieux à l'aide de la diathèse vaso-motrice; qu'il s'agisse d'éruptions

vésiculeuses de zona, d'urticaire bulbeuse, de pemphigus ou de

gangrène, le processus semble identique et il y a comme un air

de famille entre tous ces cas; un des caractères principaux de ces

phénomènes est la ténacité, et ce caractère est celui de tous les

stigmates hystériques ; aussi, faut-il faire rentrer la diathèse

vaso-motrice cause de tous ces troubles trophiques dans le fond

commun de la névrose tout comme on y a admis la diathèse de

contracture. Cette diathèse vaso-motrice évolue en somme avec des

paroxysmes qui vont de la rougeur à la gangrène en passant par

l'oedème et les hémorragies, ne se localisant pas uniquement au

tégument externe, les hémorragies gastriques et pulmonaires étant

encore assez fréquentes. L'auteur s'occupe ensuite des troubles

trophiques des annexes de la peau et des tissus profonds et enfin

de la fièvre hystérique qui doit être assimilée à un paroxysme

ordinaire, à sa forme prolongée ou état du mal.

Le second volume de la seconde partie du Traité de l'hystérie est

consacré aux paralysies et contractures hystériques, aux manifes-

tations viscérales de l'hystérie et au traitement. Dans le chapitre trai-

tant des paralysies et contractures des muscles de la tête et du tronc,

on trouve une intéressante discussion sur l'existence longtemps

contestée de la paralysie faciale hystérique qui définitivement doit

être admise et qu'on peut considérer comme une paralysie faciale

systématique depuis le mémoire de M. Babinski sur ce sujet. Le

pseudo-tabes hystérique, les associations h3·stéro-tabétiques, la

tétanie hystérique, l'astasie-abasie, toutes questions d'un intérêt si

considérable, sont traitées avec détail, et à propos de la tétanie hys-

asiles d'aliénés. 85

térique l'auteur conclut que : « 1° l'hystérie revendique une grande

partie des contractures dites essentielles des extrémités ou tétanie

dans leurs formes les plus graves; 2° que la tétanie hystérique

peut sévir de façon épidémique chez les enfants en particulier.

Les manifestations viscérales de l'hystérie, d'une importance si

capitale et qui ont été la cause de tant d'erreurs de diagnostic d'in-

terprétation et de traitement, tiennent une grande place dans ce

volume. A propos des troubles gastriques nous signalerons les travaux

de l'auteur et de M. Calhelinau sur les vomissements hystériques

et les recherches de M. G. de la Tourette faites dans les hôpitaux

de Paris et qui tendent à prouver que l'influence trophique de

l'hystérie dans la production de l'ulcère rond semble indiscutable.

Un bon tiers du volume est consacré au traitement, et ces cha-

pitres méritent une attention particulière. M. Gilles de la Tourette

y a mis tout le fruit que le professeur Charcot avait patiemment

recueilli à ce sujet dans sa longue pratique. Outre les renseigne-

ments si importants que l'on peut y trouver pour la guérison et le

soulagement des malades atteints de cette affection tenace devant

laquelle on est souvent désarmé, on y trouvera encore la des.-

truction d'idées fausses engendrées par l'amour du surnaturel, et

la mise en garde contre cértaines pratiques d'un danger trop fré-

quemment méconnu. Ces pages sont utiles à la science et à l'huma-

nité. Dr J.-B. CHARCOT.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. Rapport sur l'asile DE LINDENHOP; par le Dr PIfiRSON. (Bericht

uber die P1'ivat-Heilanstalt fil/' Gemüths und Nervenkranke, Lin-

denhof beï Coszvig, Dresde, 1893.)

Les statistiques des établissements d'aliénés privés peuvent four-

nir des résultats d'autant plus utiles qu'elles présentent des garan-

ties d'exactitude, de précision, qu'il est difficile, pour ne pas dire

impossible, de réaliser dans les asiles publics Le nombre des ma-

lades admis en sept ans dans l'établissement de Lindenhof a été

de 445, celui des pensionnaires traités a atteint 496; le chiffre des

guérisons s'est élevé à 85, celui des améliorations à 74, celui des

morts à 83.

1 Au moins dans certains cas où l'on ne fait aucun compte rendu annuel,

comme cela devrait être la règle- (B.) ,

86 asiles d'aliénés.

La plupart des sujets signalés comme guéris ont pu être suivis

pendant un temps assez prolongé. Un certain nombre des malades

sortis «améliorés» ont guéri après leur sortie de l'établissement.

Le nombre des paralytiques a été de 126 (119 hommes et 7 femmes),

c'est-à-dire du quart des entrées. Les sujets atteints de psychoses

simples ont été au nombre de 342 (175 hommes, 154 femmes). La

plus grande partie des hommes rangés dans cette catégorie étaient

atteints de délires systématisés chroniques ou de confusion hallu-

cinatoire ; les cas de folie intermittente ont été assez nombreux.

Rarement la mélancolie a été observée dans le sexe masculin;

quant à la manie, M. Pierson la considère comme une forme excep-

' tionnelle. Chez la femme, c'est la mélancolie qui a été la psychose

la plus fréquemment relevée; puis viennent la confusion hallucina-

toire, les délires systématisés chroniques; enfin les folies inter-

mittentes.

L'hérédité a été notée dans 50 p. 100 des cas pris en bloc. Pour

les paralytiques la prédisposition héréditaire a été relevée dans

17 cas p. 100. M. Pierson a utilisé les matériaux cliniques de son

établissement pour apporter sa contribution à l'étude des rapports

entre la syphilis et la paralysie générale. L'auteur fait observer avec

raison que les recherches de cette nature ne peuvent nulle part

être entreprises dans des conditions d'exactitude aussi favorables

que dans les établissements privés. Il insiste sur les difficultés

qu'offre une enquête de ce genre et fait ressortir que les résultats

négatifs en sont par cela même infirmés. Souvent chez des paraly-

tiques généraux considérés comme absolument indemnes de syphi-

lis, M. Pierson a pu se convaincre de la réalité d'une infection syphi-

litique antérieure, grâce aux renseignements fournis par le médecin

traitant, par des camarades d'étude du malade, renseignements

obtenus parfois seulement après la mort du patient. Il est évident

que dans les grands services des asiles publics, les difficultés sont

encore bien plus considérables. Le nombre des paralytiques chez

lesquels une enquête patiemment poursuivie a démontré à

M. Pierson l'existence de la syphilis est suffisant, lui parait l'auto-

riser à ranger cette infection au premier rang des facteurs de la

paralysie générale. Voici d'ailleurs un tableau assez démonstratif :

TOTAL DES CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE 126

asiles d'aliénés. 87

de l'encéphalite interstitielle chez l'homme que chez la femme,

rareté de la maladie chez les femmes des classes riches (4 ou

5 p. 100, au lieu de 10 à 15 dans les classes pauvres), cas de para-

lysie générale conjugale. Parmi les autres facteurs de la maladie,

M. Pierson range l'hérédité, les traumatismes anciens, les excès

alcooliques, les chagrins, mais il considère ces différentes causes

comme n'ayant qu'une action prédisposante à côté de la syphilis.

Quant au surmenage intellectuel son rôle serait plus important.

Le traitement spécifique n'a jamais donné de résultats satisfaisants,

parfois il a même amené une aggravation de la maladie.

Paul Sérieux.

II. ORIGINE ET progrès DE la médecine mentale; par le D' Régis.

(The Alienist and Neurologist. Octobre 1894.) ,

Historiqne intéressant des progrès accomplis par la médecine

mentale depuis Hippocrate, son fondateur, jusqu'à la réforme mé-

morable de Piuel. E. B.

III. Laboratoire DE l'hôpital ifac LEAN A S011ERVILLE (Massachusets) ;

par le D' STANLEY Hall. (Amer. jour, ofinsanity. Janv. 1795.) 1

Il n'est pas sans intérêt de signaler l'inauguration dans un asile

d'aliénés d'un laboratoire médico-psychologique.

Ce laboratoire a été installé de façon à combiner les études de

neurologie et de psysiologique avec les études de chimie et d'ana-

tomie pathologique. '

A ce laboratoire est attaché le personnel médical de l'asile qui

comprend cinq médecins et trois internes en médecine. La distri-

bution de ce laboratoire parait des mieux comprises : il contient

en effet : Tune chambre pour l'examen des malades, 2° un labora-

toire de chimie avec les étuves à température constante, 3° une

chambre pour les appareils de psychologie pathologique, 4° un labo-

ratoire de photographie en même temps que d'études microsco-

piques ; 5° une chambre obscure pour les travaux photographiques;

6° une chambre pour recevoir les visiteurs. Enfin, dépendant du

laboratoire mais situées au rez-de-chaussée, la chambre des morts

et la salle d'autopsie 1. E. B.

IV. SUR LE prétendu accroissement DES cas DE folie;

par D. HACK TUKE. (The Journal of Mental Science. Avril 1894.)

L'auteur a fait sur ce point une enquête très soigneuse et très

documentée, et il est arrivé aux conclusions suivantes : Il est incon-

1 Voir les articles de M. Baudouin, Archives de Neurologie, t. XXVIII,

p. 11 et 380.

88 asiles d'aliénés.

testable que, depuis 1890, on constate une -augmentation considé-

rable du nombre des aliénés dans les asiles et dans les « Work-

houses », mais surtout dans les asiles. Il y a un accroissement

considérable aussi, mais pas aussi grand dans le nombre des

malades admis dans les asiles pendant la même période, déduc-

tion faite des transferts et des réadmissions.

L'augmentation du nombre des malades internés, bien qu'elle

demeure réelle alors même que l'on tient compte de l'accroisse-

ment de la population, ne prouve pas que le nombre des cas de

folie tende d'une manière générale à s'élever, car il y a lieu de

faire entrer en ligne de compte la diminution (même depuis 1870)

du taux de la mortalité, le caractère chronique de la maladie, et

la fâcheuse fréquence des rechutes.

L'augmentation du nombre des admissions dans les asiles ne

prouve pas non plus que la folie soit devenue plus fréquente, car

il faut tenir compte : 1° de la façon dont les familles apprécient

mieux de jour en jour la valeur et le confort du traitement des

aliénés dans les asiles; 2° du grand nombre des malades qui sont

passés des « workhouses » dans les asiles; 3° enfin de la diminution

du nombre des aliénés non déclarés et que révèlent les recensements.

L'augmentation du nombre des aliénés a porté surtout sur les

classes les plus pauvres de la société. L'augmentation de la propor-

tion des aliénés durant la période de vingt années qui va de 1871 1

à 1891, a porté sur des sujets âgés de plus de quarante-cinq ans,

ce qui indique clairement qu'il s'agit d'une accumulation de cas

chroniques. D'autre part, il y a eu pour la même période une

diminulion dans la proportion qui existe entre les cas de faiblesse

mentale chez les sujets au-dessous de vingt-cinq ans et le chiffre

total de la population au même âge : c'est là un fait très important.

Si considérable qu'ait été l'accroissement du nombre des aliénés

tel qu'il résulte des recensements de 1871, 1881 et 1891, la propor-

tion de cet accroissement a été en diminuant, car si, pendant la

période décennale 1871-1881 l'accroissement de la proportion par

rapport au chiffre de la population a été de 7,04 p. 100, il n'a

atteint que 3,23 p. 100 pendant la période décennale 1881-1891.

Si ces conclusions sont, en somme, rassurantes, elles ne sont pour-

tant pas de celles dont on peut légitimement tirer vanité, car on

aurait pu espérer mieux du progrès social aussi bien que du pro-,

grès de nos connaissances médicales. R. DE Murgrave CLAY.

V. La FOLIE AUGMENTE-T-ELLE EN Amérique (Etats-Unis);

par F.-B. SANEOItN. (The Journal of Mental Science. Avril 1894.)

En s'appuyant sur des statistiques bien faites, et sur des inter-

prétations qui paraissent légitimes, l'auteur conclut dans le sens

de l'affirmative. R. Al. C. , ,.

VARIA.

Folie MYSTIQUE.

Il existe actuellement à Echternach, dans le grand-duché de

Luxembourg, une procession d'un genre particulier dont l'origine

remonte au xivc siècle et qui conslitue un des numéros les plus

extraordinaires des fêtes de la Pentecôte : c'est la procession dan-

sante des « Saints-Sautants », qui s'exécute aux sons d'un haut-

bois, de musettes, de violons et d'autres instruments de diverses

espèces. Celte danse consiste à faire trois sauts en avant et un en

arrière, ou cinq en avant et deux à reculons.

Dans des conditions pareilles, on n'avance pas vite, et la montée

seule des 60 marches qui conduisent au parvis de l'église de Saint-

Willibrord, prend déjà un' temps considérable. Une fois arrivé, le

cortège toujours bondissant, fait le tour de l'autel et se disloque

près de la croix du cimetière.

Les personnes pieuses qui se livrent à cette gymnastique bizarre

généralement plus ou moins épileptiques ou hystériques, viennent

demander leur propre guérison, à moins que ce ne soit celle de

leurs parents, de leurs amis ou même de leurs bestiaux. Les gens

trop malades peuvent payer un remplaçant qui saute à leur inten-

tion ; un seul homme a le droit de remplacer plusieurs malades à

la fois et parvient ainsi à se faire des bénéfices assez sérieux. (Petit

Var du 8 juin.)

Assistance, des épileptiques.

Vendredi dernier, vers deux heures de l'après-midi, des voisins

de la nommée Pauline Lerendu, tricoteuse à Belval, village de

l'Hôlel-aux-Moines, aperçurent celle fille tombée dans sa maison.

Ils s'empressèrent auprès d'elle, mais tout secours fut inutile. Elle

était épileptique et tombait fréquemment, même plusieurs fois par

jour; sa mort est certainement due à une chute qu'elle a faite ce

jour-là. (Union Normande.)

- A la suite d'attaques'd'épilepsie, auxquelles il était sujet depuis

quelque temps, un nommé Isidore Frère, âgé de soixante-neuf ans,

demeurant à Bailleui-Neuville, près Londinières, s'est pendu à une

échelle à l'aide d'une longe. Quand on est arrivé, cet infortuné

vieillard avait cessé de vivre. (Union Normande, 19 avril.)

90 VARIA.

On écrit de Courtenay, 21 mai, au Républicain Orléanais que

« la femme Merlin, âgée de vingt-deux ans, manouvrière à Saint-

Hilaire-les-Andrésis, sujette à des attaques d'épilepsie, a été trouvée

noyée dans un lavoir situé sur un petit ruisseau, dans un pré, au

climat dit La Grosse-Planche ».

Ces nouveaux faits montrent la nécessité d'hospitaliser les épilep-

tiques. Il y a là une question d'humanité devant laquelle toute

considération financière devrait s'incliner.

Assistance DES aliénés.

MORTAIN. A la suite du terrible drame dont nous avons publié

les détails dans notre dernier numéro, la femme Lejemble avait

été conduite à l'hospice de Mortain en attendant son transfert dans

un asile d'aliénés. Vendredi matin on l'a trouvée pendue dans

sa cellule. Le médecin de l'hospice n'a pu que constater le décès.

(Union Normande, 19 avril.)

Ce suicide s'est produit dans un hospice confié à des reli-

gieuses. S'il était survenu dans un établissement confié à des

laïques, toute la presse réactionnaire aurait, avec sa bonne

foi habituelle, incriminé la laïcisation. En tout cas, étant

connues les conditions déplorables dans lesquelles sont en

général installés dans les hospices les cabanons, ou plutôt les

cachots dans lesquels on place les aliénés, c'est-à-dire loin

de toute surveillance et il est probable que l'hospice de

Mortain n'est pas mieux doté que les autres il n'y a rien

d'étonnant à ce qu'il survienne de graves accidents comme

celui que nous venons de relater. Nous avons insisté bien

des fois sur cette déplorable situation. M. Napias, M. H. Monod

ont corroboré et complété tout ce que nous avons dit. C'est

au ministre de l'intérieur qu'il appartient de donner des

instructions formelles pour remédier à une situation vraiment.

barbare. B.

Asile DE CLERMONT (OISE).

UN FOU assommé. Brutalités d'infirmiers. La MORT d'un 'prison-

NIER. Le Radical du 7 juin a publié le fait ci-après : .

Un fait d'une gravité exceptionnelle s'est passé à l'asile d'aliénés

de Clermont, dans le déparlement de l'Oise. Un malade, pension-

naire de cinquième classe, nommé Jean Maître, est mort dans des

circonstances telles que le médecin chargé de l'autopsie a refusé la

permis d'inhumer et averti le parquet.

, VARIA. 91

Voici le résumé de cette affaire. Le défunt, depuis quelque temps

s'était montré plus agité que de coutume, et le médecin de service

avait jugé nécessaire de lui administrer une potion de bromure de

potassium. Comme l'aliéné refusait de boire, les infirmiers le frap-

pèrent, parait-il, avec la dernière brutalité, et le malheureux ne

tardait pas de rendre le dernier soupir. On rapporte qu'il a eu

plusieurs cotes brisées, des lésions abdominales et qu'il portait des

ecchymoses sur tout le corps. Une enquête est ouverte et si la res-

ponsabilité des infirmiers est établie, nous pensons que la justice

saura punir avec la rigueur qui convient de pareilles atrocités.

UNE campagne CONTRE l'alcoolisme.

Le ministre de l'instruction publique vient d'autoriser le Dr Rou-

hinovitch, chef de clinique à Sainte-Anne, à faire des conférences

sur l'alcoolisme dans les écoles primaires supérieures de Paris et à

l'École normale des instituteurs de la Seine.

C'est là un fait intéressant, point de départ, selon toute appa-

rence, d'une véritable campagne pédagogique contre l'alcool.

Voici du moins ce que rêve M. Roubinovitch : tous les instituteurs

de France seraient chargés, chacun dans sa sphère d'action, de

mener la bataille, contre ce pire agent de la dégénérescence

humaine, car non seulement ils auraient à profiter de toutes les

occasions pour signaler aux enfants les dangers de l'alcoolisme,

mais ils fonderaient autour d'eux des sociétés enfantines de tempé-

rance et les dirigeraient.

Tel est le plan soumis d'ailleurs au ministre et dont l'examen a

eu ce premier résultat de faire autoriser les conférences qui vont t

avoir lieu. (Le Figaro.)

LES possédés de P. BROUZET; par MM. Paul RICHER et Henri 111EIGE.

(Nouvelle iconographie de la Salpêtrière. 1894, n° 4.)

Très souvent les artistes ont représenté des possédés, mais les

uns ont copié la nature, les autres, répugnant d'instinct à repro-

duire des gestes désordonnés et des faces grimaçantes, ont fait des

peintures conventionnelles, tel Raphaël. Nubiens, en revanche, a

figuré des possédés, véritables reproduction de la nature, où l'on

retrouve les vrais caractères de l'hystérie. Pierre Brouzet, artiste

marseillais, un peu mystique, et mort il y a quelques années,

appartient sous ce rapport, à l'école de Raphaël. Aussi dans un

tableau de lui, que l'on voit à Marseille, et qui représente Jésus

guérissant un possédé, le possédé n'a absolument rien de l'hysté-

rique. Il a les jambes tendues et non roidies, le poing fermé natu-

rellement, la langue rentrée, le pied reposant mollement sur un

rocher, etc... En somme, l'article de MM. Richer et Meige est un

92 VARIA. %

article de critique d'art avec des considérations spéciales d'ordre

médical, qui le rendent particulièrement intéressant. A noter les

figures qui l'accompagnent. C.

Drame DE la folie.

Depuis quelque temps, M. Maximilien Borche, ouvrier tailleur à

façon, âgé de quarante-trois ans, donnait des signes non équi-

voques de dérangement cérébral.

Hier matin, un apprenti, Emile Bachan, se présentait chez lui

vers dix heures, rue d'Odessa, lui apportant de l'ouvrage de la part

de son patron, mais il recula effrayé en apercevant Borche debout

au milieu de sa chambre, les yeux hagards, brandissant une paire

d'énormes ciseaux et tenant des propos incohérents. L'apprenti fit

part au concierge de ce qu'il venait de voir et celui-ci alla prévenir

M. Chevalier, commissaire de police, qui ne tarda pas à arriver

accompagné d'un médecin et d'un inspecteur.

A ce moment, l'ouvrier tailleur descendait l'escalier en poussant

des cris inarticulés. Comme il arrivait au premier étage, deux

petits garçons, les frères F..., âgés de six et huit ans, sortaient sur

le carré en compagnie de leur tante, M'le Bachelier, âgée de cin-

quante et un ans. Le fou se précipita aussitôt sur eux, armé de ses

ciseaux. Un drame était inévitable, sans l'intervention de Mrl° Ba-

chelier qui se jeta sur l'aliéné. La pauvre femme fut terrassée et

piétinée par le fou qui cherchait toujours à atteindre les deux

enfants, paralysés par la frayeur. Enfin, le concierge et l'inspec-

teur de police s'emparèrent de Maximilien Borche, et, après une

lutte violente, le ligotèrent. Mlle Bachelier, qui avait perdu con-

naissance et qui a reçu de graves contusions, a dû s'aliter. (Paris,

8 fév.) -

. Congrès français DE MÉDECINE.

Le Congrès français de Médecine doit tenir à Bordeaux sa seconde

session sous la présidence du Dr Ch. Bouchard, membre de l'Ins-

titut, professeur à la Faculté de Médecine de Paris. Elle s'ouvrira

le 8 août 1895, pendant la période de l'Exposition, deux jours avant

la clôture du Congrès annuel de l'Association française pour l'avan-

cement des sciences. Des trois questions, mises à l'ordre du jour

par le .Congrès de Lyon, et qui feront l'objet de rapport préalables,

nous citerons les suivantes :

1° Des myélites infectieuses. Rapporteurs : M. le Dr Grasset,

professeur à la Faculté de Montpellier; M. le Dr Vaillard, profes-

seur au Val-de-Grâce.

2° DES antithermiques analgésiques. Rapporteurs : M. le

or Schmitt, professeur à la Faculté de Nancy; M. le Dl' Laborde

membre de l'Académie de médecine.

FAITS DIVERS. 93

Les communications personnelles des membres du Congrès

devront être inscrites avant le 14 juillet prochain, au secrétariat

général (Dr X. Arnozan, 27 bis, pavé des Chartrons, Bordeaux). Les

adhésions peuvent être envoyées soit chez le secrétaire général,

soit chez le trésorier (Dr Moure, 25 bis, cours du Jardin-Public,

Bordeaux). La cotisation de membre titulaire est fixée à 20 francs.

Les étudiants en médecine peuvent être admis comme membres

associés, moyennant une cotisation de 10 francs.

FAITS DIVERS.

Académie DE MÉDECINE. Nous annonçons avec plaisir la nomi-

nation à l'Académie de médecine de notre excellent ami M. le

Dr P. Regnard, professeur de physiologie à l'Institut agronomique,

avec lequel nous avons publié l'Iconographie photographique de la

Salpêtrière (1876-1880), auteur d'un beau livre intitulé Les mala-

dies épidémiques de l'esprit.

Asiles d'aliénés. Nominations : M. le Dr Bresson est nommé

médecin-directeur de l'asile de Marseille. M. le Dr Legrain,

médecin en chef de Ville-Evrard, est promu à la deuxième classe

(14 mai 1895).

Asile d'aliénés DE VAUCLUS : Epuration des eaux vannes et irai-

gation des prairies. Par délibération, en date du 27 mai, le Con-

seil général de la Seine a voté un crédit de 20,194 francs, pour le

projet d'épuralion des eaux vannes de l'asile et de la colonie de

Vaucluse par l'irrigation des prairies.

Asile d'aliénés DE France. Hérault. Le Conseil général de

l'Hérault a tenu une session extraordinaire pour prendre une déci-

sion définitive sur la question de création d'un asile départemental

des aliénés, pendante depuis plusieurs années. Le Conseil a voté

un emprunt de deux millions pour l'achat des terrains et les pre-

miers travaux, a décidé qu'un concours serait ouvert auquel pren-

draient part tous les architectes français pour l'établissement des

plans et devis, et invité le Conseil municipal de Montpellier, au cas

où l'asile serait englobé dans le périmètie d'octroi, à examiner les

droits d'entrée.

94 FAITS DIVERS.

L'Alcoolisme devant LE Palais-Bourbon. Les honneurs de la

discussion de la Chambre des Députés, à propos de l'alcoolisme,

ont été pour M. le professeur Lannelongne qui, laissant de côté le

problème fiscal et se plaçant au point de vue de la science hygié-

nique, a fait le procès de l'alcoolisme, péril sans cesse grandissant

qui menace l'espèce humaine-dans le présent et dans l'avenir, qui

atteint la race et sa descendance.

V° CONGRÈS international CONTRE L'ABUS DES boissons ALCOO-

LIQUES. Dans sa séance du 18 août 1893, le quatrième Congrès

international contre l'Abus des Boissons alcooliques, à la Haye, sur

la proposition de M. Berner, accepta l'invitation de la Société

d'Abstinence à Bâle, de recevoir le cinquième Congrès dans cette

ville. Le comité permanent des Congrès fait savoir, qu'une commis-

sion d'organisation du cinquième Congrès s'est formée parmi les

principaux adversaires de l'alcoolisme en Suisse et qu'elle se

propose de réunir ce Congrès à Bâle le 20 août 1895 et les deux

jours suivants. Cette commission désire classer les discussions du

Congrès sous deux rubriques : 1° l'alcoolisme sous les rapports

moral, hygiénique, social et médical; 2° les moyens préventifs,

persuasifs et coercitifs, mis en usage pour com6attrr, l'alcoolisme.

On compte présenter au Congrès un projet de règlement sur

une organisation permanente des Congrès internationaux contre

l'alcoolisme.

Congrès DES aliénistes ET NEUROLOGISTES : session de Bordeaux.

Nous rappelons à nos lecteurs que ce Congrès s'ouvrira à Bor-

deaux le jeudi ler août, sous la présidence de M. le professeur

Jor.FROV. Adresser, dès maintenant, les inscriptions (20 fr.) et

toutes les communications à M. le Dr E. Régis, 54, rue Huguerie,

à Bordeaux, secrétaire général du Congrès.

L'HoMME-PARATONNERRE. - Le temps orageux que nous subissons,

en ce moment, influence certains cerveaux ! Témoin un nommé

Ernest Clébaut, âgé de quarante-cinq ans, haleur de bateaux,

demeurant 118, faubourg du Temple, qui gesticulait hier, boulevard

Richard-Lenoir, et s'efforçait de démontrer à cinq ou six cents

personnes amassées qu'il était l'homme-paratonnerre et que tous

ceux qui craignaient la foudre devaient se réfugier autour de lui ! i

Il accompagnait ses paroles de gestes et prouvait, à ses auditeurs,

qu'il était armé de fluide et en distribuait à qui voulait...

Des gardiens de la paix, n'ayant pas voulu se laisser électriser,

ont conduit le pauvre fou au commissariat de police, d'où on l'a

envoyé à l'infirmerie spéciale du Dépôt.

Un mauvais PETIT-FILS. Imbécillité morale. Le jeune Timpagnon

Louis, âgé de seize ans, peintre à Troyes, sans travail, a été

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95

recueilli par sa grand'mère, une bonne vieille rentière de quatre-

vingt-trois ans, à qui il fait endurer tant de misères que les voisins

ont fini par avertir le commissaire de police. Dernièrement, l'in-

culpé se trouvait dans son lit lorsque sa grand'mère lui apporta

un bol de bouillon qu'il ne voulut point d'abord accepter, qu'il

réclama ensuite, qu'il repoussa encore. Finalement, il se leva, se

saisit d'un bâlon déposé dans un coin et frappa brutalement la

pauvre vieille grand'mère sur le dos et sur les bras.

A l'audience, la veuve Timpagnon cherche à atténuer les faits :

« Je l'ai eu tout pelit, dit-elle, je l'ai recueilli et je l'ai soigné,

il est malade. » Il n'en a pas l'air, dit M. le président, pas assez

malade, en tout cas, puisqu'il vous injurie, vous brutalise et vous

frappe journellement, surtout quand vous lui refusez de l'argent.

Le prévenu allègue pour sa défense qu'il a frappé sa grand'mère

dans un accès de fièvre. Un mois de prison. (Le Pelit Troyen.)

L'hystérie. Une jeune fille, âgée de dix-huit ans, Julia Mar-

tin, ouvrière brocheuse, avait depuis quelque temps des accès de

colère et de nervosité dans lesquels les médecins diagnostiquaient

des symptômes d'hystérie. Au cours de ces crises, il lui arrivait de

frapper ses grands-parents, chez lesquels elle habitait, 98, rue

Lecourbe.

Hier malin, plus agitée que de coutume, elle s'arma d'une

cruche en grès et en porta des coups si violents à sa grand'mère

que la vieille femme expira dans la soirée. Son corps a été trans-

porté à la Morgue aux fins d'autopsie. Quant à Julia Martin, son

état mental va être soumis à l'examen de médecins aliénistes. (Le

Journal, 19 juin.) On aurait mieux fait de la soigner auparavant.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Asile PUBLIC d'aliénés DE QUd'l'RC-IdRE9 (Rapport médical pour l'an-

née 1894). Brochure in-4 de 25 pages, avec nombreux tableaux. a

Rouen, 1895. - Imprimerie Cagniard.

Asile public d'aliénés de Samr-Yon (Rapport médicalpour l'année 1894).

Brochure in-4 de 34 pages. Rouen, 1895. Imprimerie Cagniard.

BULLAHD (W.-N.), f3aaDFOnD (P.-R ? Cerebellar tumor. Opération- ·

Jloemorrhagi from defect of occipital Bone; Death, gênerai Remarks. -

Brochure in-18 de 20 pages. Boston, 1891. -Danviell and Upham.

BULLARD (W.-N.). Considération of some of the indications for ope-

ration in head injuries. - Brochure in-18 de 9 pages. - Boston, 1895.

Danviell and Upham.

96 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Porm (A.). Die /mmum<7<i<s und Immunisations theol'icen vom bio-

logisch chemischen Standpunkt Mtrachtet, Brochure IIl-8o de 12 pages.

Leipzig, 1895. Verlag von G. Thierne.

POEHL (A.). L'inwirlcung des Spermins au/ den stoff 'umsalz bei Au-

tointoxicationen im 4H) ? tC : en Ulld bei harnsaurer Diathèse im Spe-

ciellen. Brochure in-8° de 40 pages. Berlin, 1894. Gedrukt bei i

L. Schumacher.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 1 cr JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera

à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

20 juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer de

suite leur renouvellement par un mandat-poste.

- Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés dejoiiîdi-e à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations, la bande de leur journal.

Nous rappelons il nos lecteurs que l'abonnement collectif z

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evrcux, (;h. Hébissey, imp. -ï9$.

Vol. XXX. Août 1895. N° 102

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

MÉDECINE LÉGALE.

INFANTICIDE ET HYSTÉRIE;

Par le D'A. CULLERRE,

Directeur-médecin de l'asile d'aliénés de la Roclie-sur-Yon,

L'appréciation de l'état mental des femmes qui commettent

un crime au moment de l'accouchement est un des plus déli-

cats problèmes qui puissent être posés au médecin légiste. Cer-

tains infanticides sont commis dans des circonstances bizarres

où dominent une imprévoyance déconcertante et une dépra-

vation morale monstrueuse. Quand l'expert en examine les

auteurs, il se trouve parfois en présence de sujets lucides,

d'apparence normale et présentant tout au plus quelques

signes vagues d'un état mental peu caractérisé. En pareille

occurrence certains aliénistes, et non des moindres, Esquirol

et Marcé, entre autres, n'en ont pas moins été portés à

admettre l'irresponsabilité, plutôt par une sorte d'intuition

de clinicien que par des raisons péremptoires tirées de l'exa-

men direct.

1 Tardieu, qui en sa qualité d'expert professionnel près les

juridictions de Paris, avait acquis une grande expérience des

cas médico-judiciaires, le prend d'un peu haut avec ces spécia-

listes : « Il n'est pas, dit-il, à ma connaissance un seul cas

probant et authentique, qui démontre que sous l'influence des

douleurs de l'enfantement une femme ait été saisie d'une

fureur homicide transitoire, non plus que d'une impulsion

Archives, t. a\1. 7

98 MÉDECINE LÉGALE.

instinctive qui l'ait conduite, sans qu'elle en ait conscience, à

tuer son enfant '. »

Il faut convenir que la question est assez mal posée. Qu'est-

ce que cette fureur homicide transitoire et où la classer dans

le cadre des maladies mentales ? Nous ne connaissons aucun

aliéniste ancien qui se soit rendu coupable d'un diagnostic

aussi fantaisiste. Et de ce que Tardieu n'a jamais vu une nou-

velle accouchée poussée par une impulsion instinctive, cons-

ciente ou non, à tuer son enfant, il n'en résulte pas que le cas

ne se soit jamais présenté ni surtout qu'il ne puisse se pré-

senter jamais. Serait-il à ce point étonnant et impossible

qu'une héréditaire poursuivie pendant sa grossesse par l'ob-

session du meurtre de son enfant en vint précisément à suc-

comber à l'impulsion obsédante dans ce moment de désorien-

tation mentale, de véritable affolement, qui accompagne chez

certaines femmes l'acte de la parturition; ou encore qu'une

épileptique ou une hystérique, dans un accès de délire, accom-

plît le même crime sur son enfant nouveau-né ? Mais Tardieu

ne connaissait pas les troubles mentaux de l'hystérie. Le terme

de folie hystérique était pour lui, comme pour tous les méde-

cins de son temps, synonyme de folie raisonnante ou de folie

morale.

Poursuivons : Les seuls faits que donnent en exemples les

écrivains aliénistes il qui il a manqué pour les bien juger

l'expérience que donne seule la pratique de la médecine

légale et des débats criminels en matière d'infanticide, ces

.faits sont relatifs au meurtre d'enfants nouveau-nés tués dans

les conditions ordinaires, c'est-à-dire peu de temps après la

naissance, par des femmes pour lesquelles on invoque l'excuse

banale de la folie. Je prends les cas eux-mêmes que citeMarcé

et sur lesquels il s'appuie pour soutenir la doctrine erronée

que je combats surtout à cause des conséquences funestes

qu'elle pourrait avoir dans les expertises médico-légales.

« Esquirol rapporte le fait suivant : Une fille accouche pen-

dant la nuit, et le lendemain le corps de l'enfant est trouvé

dans les latrines mutilé de coups de ciseaux. Cette fille avoue

son crime et n'en témoigne aucun regret. Quelques jours

apiès, elle confirme ses aveux et refuse de manger. N'avait-

elle pas eu un accès de délire ? se demande le savant aliéniste.

1 Tardieu. Étude médico-légale sur la folie. Paris, 1872.

INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 99

On avouera qu'il faudrait d'autres preuves pour le faire

croire. »

Soit. Les raisons d'Esquirol ne suffisent pas à justifier son

diagnostic pourtant très vraisemblable. Mais est-ce là un

meurtre d'enfant nouveau-né tué dans les conditions ordinaires

comme le prétend Tardieu ? et le fait d'avoir déchiqueté le

corps à coups de ciseaux ne mérite-t-il aucune importance ? On

a vu des femmes découper leur foetus en morceaux, d'autres le

saler ou le faire cuire. Ce ne sont pas là vraiment des circons-

tances banales et dont l'expert aliéniste ne doive tenir aucun

compte, et nous penserons toujours, avec Legrand du Saulle', l,

qu'en pareil cas, on est en droit de soupçonner l'état mental.

En admettant avec l'auteur que nous venons de citer que cet

état d'excitation nerveuse quasi délirante qui s'empare de cer-

taines femmes pendant le travail ne soit pas de la folie et ne

puisse excuser de piano le crime commis à ce moment même,

il est du devoir de l'expert de remonter à la cause de cette

excitation nerveuse et cette recherche pourra l'amener à d'in-

téressantes découvertes. Il pourra rencontrer l'hérédité psycho-

pathique accumulée et la dégénérescence mentale, véritable

origine de cette bouffée délirante de la femme qui accouche

et il pourra poser, en dépit de Tardieu, un diagnostic de folie

transitoire solidement établi. Qu'on interroge les familles de

certaines femmes devenues tardivement aliénées, et l'on

apprendra qu'à plusieurs, sinon à chacune de leurs couches,

elles ont déliré bruyamment pendant quelques heures ou quel-

ques jours, et d'un délire parfaitement distinct de la folie puer-

pérale infectieuse.

Il pourra dépister encore une hystérie jusqu'alors mécon-

nue, soit qu'elle ne se soit jamais révélée par le cortège bruyant

des phénomènes convulsifs, soit qu'elle ait échappé aux inves-

tigations de praticiens insuffisamment préparés à sa recherche.

Et l'hystérie, nul ne l'ignore aujourd'hui, est une véritable

maladie mentale qui, en dehors de toute complication déli-

rante, rétrécit l'activité intellectuelle et le champ de la cons-

cience, déchaîne les instincts et oblitère la sensibilité morale.

Nous avons été chargés récemment, le D'' Blé, de la Roche-

sur-Yon, et moi, d'examiner une fille qui, accouchée clandes-

tinement, avait fait disparaître son enfant. Elle avait été

' Legrand du Saulle. Traité de médecine légale. Paris, 1886.

100 MÉDECINE LÉGALE.

dénoncée par la rumeur publique. L'attitude bizarre de cette

fille pendant l'instruction éveilla l'attention du juge expéri-

menté chargé de l'interroger. C'est alors qu'il nous commit

pour procéder à l'examen de son état mental et dire si elle

devait être considérés comme responsable. Le résultat de nos

recherches a été consigné dans un rapport dont nous allons

donner la partie clinique et les conclusions. Ce n'est pas,

disons-le tout de suite, un cas susceptible de confirmer l'une

des hypothèses que nous venons d'émettre ; il ne s'agit pas

d'un infanticide commis soit sous l'influence d'une impulsion

irrésistible, soit dans un excès de délire transitoire de nature

hystérique. Cette observation tend toutefois à démontrer que

la grande névrose n'est pas sans pouvoir jouer un rôle dans

l'exécution d'un crime de cette espèce.

Marie C... est une grande et forte tille de vingt-cinq ans, qui

présente toutes les apparences d'une robuste santé et chez laquelle

on ne relève aucune lare physique congénitale. Comme antécédents

de famille on relate que la mère est morte d'une maladie de coeur,

que le père qui est sourd, passe pour chicanier, et d'une probité

douteuse et qu'il a deux- frères, l'un idiot et l'antre imbécile. Elle

est sourde depuis quelques années, et elle prétend que sa surdité a

sensiblement augmenté surtout à gauche, depuis un terrible acci-

dent qui lui est arrivé au mois de juillet dernier et qui a eu pour

conséquence un traumatisme du crâne dont les traces sont encore

visibles sous la forme d'une vaste cicatrice dont pour le moment

nous ne ferons que signaler l'existence. Au moral, Marie C..., est

unanimement considérée comme une fille d'une intelligence ordi-

naire, laborieuse, mais de moeurs peu recommandables. « Ma fille,

dit lui-même le père, est une bonne travailleuse ; malheureusement

sa conduite n'ajamais été bonne. » Elle travaillait comme un homme

et en avait la liberté de propos et d'allures. Elle se plaisait aux con-

versations grossières et érotiques et bien qu'on n'ait relevé à son actif

aucun acte d'immoralité publique, il est constant qu'elle a fait à

un jeune homme des propositions obscènes. Comme conséquence

de sa mauvaise conduite, elle a déjà eu un enfant il y a six ans.

Elle a d'ailleurs élevé cet enfant d'une façon maternelle et dans

les meilleures conditions, ainsi que le constate M. le Maire de sa

commune.

Dans le courant de l'année 1894, les voisins et les membres de sa

propre famille reconnurent chez Marie C... les signes d'une nouvelle

grossesse. Cependant elle nia toujours et jusqu'au dernier moment t

qu'elle fût enceinte. Son père en présence de ses dénégations per-

sistantes, avait voulu la faire examiner par un médecin, mais,

INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 101

devant l'attitude de l'intéressée, ce praticien avait-, comme de juste,

refusé de se livrer à un examen qu'elle déclarait d'avance sans

objet. Cependant au mois d'août, la soeur de Marie C... était allée

trouver le maire et lui avait formellement fait part de la grossesse

de cette dernière.

Vers le 15 novembre, une voisine, s'aperçut que l'embonpoint de

Marie C... avait subitement disparu et qu'elle marchait péniblement

les jambes écartées. Elle lui en fit la remarque, et lui fit entendre

qu'elle la soupçonnait d'avoir accouché clandestinement, mais

Marie C... protesta en termes énergiques, et levant sa robe, mon-

tra sa chemise ensanglantée, pour faire croire qu'elle avait ses

règles. A partir de ce moment elle se garnit de façon à grossir sa

taille : on a découvert plus tard chez elle un jupon sur le devant

duquel elle avait, pour obtenir ce résultat, cousu un morceau de

sac à phosphate.

Cependant le maire, avisé de ce qui se passe, avertit à son tour

la justice. Mandée auprès du procureur de la République, Marie C...

continue à nier d'une façon énergique : « Je n'ai pas accouché, dit-

elle, et je suis désireuse d'être visitée par un médecin pour répondre

aux calomnies dont j'ai été l'objet. » Le même jour, le médecin,

expert, chargé de l'examiner, constate les signes indubitables d'un

accouchement récent remontant à trois ou quatre semaines au

plus.

Arrêtée aussitôt, elle avouait le lendemain le crime de suppres-

sion d'enfant dans les termes suivants : « Je reconnais que le

11 novembre j'ai mis au monde un enfant que je n'ai vu ni remuer,

ni crier. Je l'ai cru mort. J'ai eu l'idée de le cacher dans ma pail--

lasse, ne sachant où le mettre. Je. ne croyais pas accoucher sitôt,

car mes dernières règles sont du mois d'avril. J'étais au lit quand

j'ai senti un malaise... ça n'a pas duré plus de dix minutes. L'en-

fant ne bougeant pas, je l'ai mis à côté de moi; j'avais'd'ailleurs

tout préparé pour le recevoir. Le voyant mort je l'ai enveloppé

dans un tablier et l'ai mis sous mon traversin » D

Et effectivement ce même jour les gendarmes avertis découvrent

sous le traversin du lit de Marie C... un enfant mâle dans un état

de décomposition avancé.

L'autopsie du foetus montra que les aveux de l'inculpée étaient

contraires à la réalité des faits, car d'après l'expert commis,

l'enfant était à terme, viable, bien conformé; il avait respiré et

était mort d'asphyxie par suffocation. La bouche, le nez et la

figure portaient les traces d'une compression énergique. Malgré

l'évidence, Marie C..., persiste à nier l'infanticide, et par d'aulre'

1 Marie. C .. couchait dans la même chambre que son père et son pre-

mier enfant. Le père qui, à la vérité est sourd, a déclaré n'avoir rien

entendu et ne s'être aperçu de rien.

'102 MÉDECINE LÉGALE.

allégations fausses sur lesquelles il est inutile d'insister, cherche à

se disculper de tout acte et de toute intention criminels.

Jusqu'ici tout parait fort simple et ressemble à un infanticide

vulgaire, mais quelques circonstances omises à dessein dans l'exposé

qui précède et sur lesquelles il nous faut maintenant revenir,

viennent compliquer les choses et faire naitre des doutes sur la

responsabilité morale de l'inculpée. En effet, le 13 décembre, le

gardien chef de la prison signale que cette fille depuis son arres-

tation « parait avoir des instants bizarres. Elle chante, elle rit par

moments avec paroles peu sensées et se plaint constamment de sa

tête, surtout le soir... Lors de son avant-dernière instruction, elle

est revenue dans un grand état de surexcitation et toute boule-

versée... Dans la nuit elle n'a cessé de chanter et de pleurer jusqu'à

cinq heures du malin. « Cette agitation s'est renouvelée à diverses

reprises, tout en changeant parfois de forme. Ainsi, un jour, on

remarque chez elle des tendances érotiques très surexcitées; elle

tient des propos obscènes à ses compagnes et se jette sur tous les

hommes, même les détenus. Une autre fois elle menace subite-

ment, sous un prétexte futile, de frapper ses compagnes à coups

de couteau. Elle est tellement irritable qu'elle fait aussitôt du

tapage si on ne donne immédiatement satisfaction à ses désirs.

Ses nuits sont mauvaises. Elles a des cauchemars pendant lesquels

elle se dresse sur son lit, gesticule, pousse des cris, et semble

assister toujours à la même scène terrifiante : elle voit son fils,

âgé de six ans, tomber dans une mare et s'écrie qu'il va se noyer;

elle le gourmande, lui donne des ordres. Parfois, mais plus rare-

ment elle rêve à ce qui s'est passé dans la journée et interpelle

la gardienne ou ses codétenues. Une seule fois on a constaté chez

elle un rêve ayant trait à son affaire; elle protestait de son inno-

cence, disant qu'elle avait avorté, qu'elle n'avait pas tué son

enfant.

Cette exaltation maladive du système nerveux avait déjà été

remarquée dès le début de l'instruclion par l'expert chargé de faire

l'examen de ses organes génitaux. L'inculpée, dans son cabinet,

s'était livrée à des actes étranges et désordonnés, frappant des coups

sur les meubles, et tournant en tous sens autour de l'appartement

tout en protestant de son innocence dans un langage exalté et

excessif. Cette circonstance avait assez frappé son attention pour

qu'il en fit part immédiatement au juge d'instruction dans une note

qui se trouve au dossier.

Enfin, Marie C... se plaint énormément de la tête. Elle éprouve

dans la partie droite du crâne des douleurs telles qu'elle ne peut se

se coucher comme tout le monde, et qu'elle ne peut reposer que

la tête très soulevée par des oreillers dans une position presque

verticale. Elle dit entendre des roulements, des sifflements, des

bruits qu'elle ne sait définir et dont elle n'arrive à rendre compte

INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 103

qu'en disant que ça lui chambarde partout dans la tête, surtout du

côté gauche.

Dans cette région du crâne, il existe en effet une vaste cicatrice

commençant à l'angle externe de l'oeil gauche, coupant oblique-

ment la paupière et le sourcil pour gagner le milieu du front, où

elle décrit un demi-cercle pour revenir en dehors et. en haut se

perdre dans la région pariétale gauche.

Toute la partie frontale de cette cicatrice est rouge, dentelée,

adhérente à l'os et très douloureuse au toucher; au centre de la

boucle qu'elle décrit sur le front se trouve encore une cicatrice

isolée, ronde, déprimée, très adhérente à l'os et très douloureuse,

des dimensions d'une pièce de vingt centimes. On dirait qu'en ce

point la table externe de l'os frontal a été intéressée par la bles-

sure.

Voici, d'après le récit de l'inculpée, confirmé d'ailleurs par la noto-

riété publique et le témoignage d'un médecin, dans quelles circons-

tances cette blessure a été produite. Le 7 juillet 1894, Marie C... con-

duisaitune charrette altelée de deux vaches et contenant du fourrage.

A un moment donné, l'inculpée tomba si malheureusement qu'une

des roues lui laboura le crâne depuis l'oeil gauche jusqu'au sommet

de la tête ; elle fut étourdie sur le coup, la peau détachée pendait et

saignait abondamment; cependant se rappelant tout à coup que

les vaches n'étaient plus dirigées, qu'une mare se trouvait au bord

du chemin à quelques pas et que son enfant était sur la charrette(

elle fut prise d'une grande frayeur à la pensée du danger qu'il cour-

rait ; elle poussa des cris de détresse et parvenant à se relever,

arriva auprès de l'attelage juste au moment où des gens accourus

à ses cris l'arrêtaient sur le bord de la mare. A ce moment elle

perdi t connaissance.

L'inculpée prétend que la guérison de sa plaie a demandé deux

mois; que pendant une partie de ce temps, elle troublait, selon

son expression, ne sachant plus ce qu'elle disait, ni ce qu'elle faisait,

qu'elle cherchait constamment à sortir et qu'on avait toutes les

peines du monde à la retenir.

Voici ce qu'a bien voulu nous apprendre à ce sujet, le médecin

qui l'a soignée : les os ne lui parurent pas intéressés par la bles-

sure ; les lèvres de la plaie étaient nettes dans la partie du cuir

chevelu, et au contraire déchiquetées dans la portion frontale qui

n'a guéri qu'après suppuration. Le lendemain de l'accident et les

jours suivants, il y eut du trismus et du délire. Ce délire, tantôt

calme, tantôt violent et discontinu a pu durer une huitaine de

jours, le trismus également et la plaie mit au moins un mois à

guérir.

Ainsi il est constant qu'au mois de juillet dernier la fille Marie C...

a subi un traumatisme du crâne qui sans avoir causé de lésions

internes a déterminé de graves accidents nerveux. Lanature deces

104 MÉDECINE LÉGALE.

accidents ainsi que de l'exaltation cérébrale constatée chez elle

depuis sa détention ont un caractère assez particulier pour que

nous ayons cru devoir procéder à un examen direct très méticuleux

et très complet de l'inculpée, tant au point de vue physique que

mental. Et d'abord Marie C..., bien que vivement émue et s'exprimant

au mileu des sanglots, répond d'une façon lucide et correcte à

toutes nos questions, ce qui exclut toute idée de délire actuel. Elle

fait preuve de présence d'esprit et de suite dans les idées en ne

variant pas dans ses dires, qui cependant, nous l'avons vu, ne sont

pas conformes à la vérité. Nous croyons pouvoir affirmer qu'elle a

conscience de la gravité de l'acte qu'elle a commis ainsi que de

ses. conséquences judiciaires.

Passons à l'examen physique. Nous avons commencé par chercher

à nous rendre compte de la surdité de l'inculpée.

L'examen otologique nous a révélé que cette surdité était due à

une double sclérose du tympan. Il e=.t possible que peu accentuée

avant l'accident, elle se soit accrue depuis par la superposition

d'un trouble d'autre nature, car, en effet, l'inculpée accuse une

aggravation de son infirmité surtout du côté gauche et nous

allons voir qu'elle est hystérique avec hémianesthésie accentuée

surtout à gauche. '

Le pharynx et l'arrière-gorge sont absolument insensibles à tous

les excitants. La peau presque insensible à droite, est complètement

anesthésique dans tout le côté gauche du corps, de telle sorte qu'on

peut traverser ou piquer profondément les tissus avec une longue

épingle non seulement sans provoquer de la douleur, mais même

sans écoulement de sang. De ce même côlé le froid n'est plus senti

et le chaud à peine distingué. La peau de la face et des conjonc-

tives est tout à fait insensible et le chatouillement ne provoque aucun

réflexe. Au dynamomètre la main droite ne donne qu'une pression

de 2S°, et la main gauche de 13° seulement, ce qui indique non seu-

lement une faiblesse parétique du côté gauche, mais encore

affaiblissement en masse de la puissance musculaire.

L'examen des sens n'est pas moins significatif; le goût est très

obtus, et parmi les saveurs accentuées, seul le sel marin est reconnu.

L'atroce amertume du sulfate de quinine n'est pas perçue. Le

champ visuel, pris avec soin, est diminué de moitié à droite et des

trois quarts à gauche. Bien que l'ophtalmoscope ne révèle aucune

lésion du fond de chacun des yeux, l'oeil gauche est presque

amblyopique (fig. 5).

Le sens des couleurs est aussi altéré; à droite le violet n'est pas

reconnu, et les diverses nuances du jaune ne sont pas distinguées :

à gauche le vert et le jaune ne sont pas reconnus, et la perception

du rouge est altérée.

Tous-ces symptômes et quelques autres moins importants que

INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. '105

nous négligeons pour ne pas allonger ce rapport établissent nette-

ment l'existence de l'hystérie et d'une hystérie grave, préparée par

la prédisposition héréditaire et déterminée selon toute probabilité

par l'accident du mois de juillet dernier. C'est également à l'hys-

térie qu'il faut rattacher le délire et le trismus des mâchoires con-

sécutifs au traumatisme, car pour le premier il ne peut s'agir de

délire fébrile puisqu'il a débuté avant toute suppuration, pas plus

qu'il ne peut s'agir de tétanos pour le second, cette maladie néces-

sitant une incubation d'une certaine durée : c'était donc bien une

contracture hystérique.

On saisit maintenant la nature de cette excitation psychique et

de ce délire observés chez Marie C... depuis sa détention. Ce sont

aussi des accidents hystériques, des manifestations de la déséquili-

bration mentale dont l'hystérie se complique d'une façon si fré-

quente.

Nous avons nettement établi l'existence de l'hystérie avant

l'époque où a été commis le crime dont Marie C... s'est rendue cou-

pable. Cette maladie a-t-elle pu influer sur les déterminations de

l'inculpée et est-elle pour quelque chose dans l'accomplissement de

ce crime ? Nous touchons ici au point le plus délicat de notre tâche.

Certes, la conception même du crime n'est pas imputable à l'hys-

térie ; elle doit naître chez bien des filles de santé régulière en

pareil cas et cette idée a dû d'autant plus venir à l'esprit de l'in-

culpée qu'elle avait eu plus à souffrir des reproches que ne lui

ménageaient pas certains membres de sa famille tant pour les

charges occasionnées par son premier enfant que pour celles qui

Fig. 5.

106 MÉDECINE LÉGALE.

devaient résulter du second. Mais de la conception à l'acte il y a un

abîme et il est permis de se demander si, en bonne santé,

Marie C... l'eût délibérément franchi. Remarquons combien étaient

développés chez elle les sentiments maternels : non seulement elle

a élevé convenablement son premier enfant, mais elle l'entourait

d'une affection si réelle que le danger couru par cet enfant lors de

son* accident a puissamment contribué à faire naître chez elle

l'hystérie dont elle souffre aujourd'hui. En tombant sous les roues

de sa charrette, elle a eu peur surtout pour son enfant; la preuve

en est dans la fixité de ses rêves pendant lesquels se déroule non

pas le danger qu'elle a elle-même couru, mais celui de l'enfant

qu'elle voit tomber dans la mare et se noyant.

Un des symptômes de l'hystérie psychique, c'est l'affaiblissement

des sentiments moraux de telle sorte que beaucoup de ces malades

offrent une véritable anesthésie morale. Un autre effet encore plus

certain de celte maladie, c'est un amoindrissement notable de

l'énergie intellectuelle, principalement en ce qui concerne l'alteu-

tion et la volonté; en même temps les phénomènes d'automatisme

psychique s'exagèrent; les idées fixes et les impulsions naissent

avec la plus déplorable facilité et s'imposent d'autant plus à l'esprit

du malade qu'il est devenu moins capable de réfléchir et de diriger

ses pensées. Il est donc possible, et notie devoir était de le signaler,

que la détermination de la fille C... ait été influencée par la grave

maladie survenue chez elle avant l'accouchement, ou tout au moins

que sa force de résistance morale contre l'impulsion criminelle ait

été sensiblement diminuée.

En résumé' : 1° Marie C..., n'est pas aliénée et il ne nous semble

pas qu'elle le fût au moment où elle a commis le crime qui lui est

reproché ;

2° Elle est atteinte d'hystérie traumatique grave depuis le mois

de juillet 1894;

3° Celte maladie a déterminé chez elle une déséquilibration

mentale réelle dont il doit être tenu compte dans l'appréciation de

sa responsabilité morale. ' ' z

Après avoir pris connaissance de ce rapport, et malgré nos

conclusions admettant la responsabilité réelle, mais atténuée

de la prévenue, le ministère public abandonna l'accusation,

estimant sans doute qu'elle ne pouvait aboutir devant le jury(

qu'à un acquittement pur et simple, et la fille C... fut mise en

liberté.

Les développements étendus de l'observation précédente

permettront au lecteur de se faire une opinion personnelle sur

la valeur de nos conclusions et nous n'entendons pas les dis-

cuter de point en point. Nous dirons seulement en quelques

INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 107

mots pourquoi nous ne nous sommes pas prononcé pour

l'irresponsabilité sans restriction. Nous ferons remarquer

d'abord que Marie C..., même avant l'accident qui parait avoir

été chez elle le point de départ des troubles hystériques, avait

toujours nié la grossesse et cherché à la dissimuler; peut-être

à ce moment déjà était-elle hantée par de mauvais desseins.

Nous voyons ensuite qu'elle a essayé de cacher son crime

par des moyens très prémédités, se livrant le lendemain de ses

couches à ses travaux habituels, soignant son bétail, char-

geant des voitures de fumier, se garnissant l'abdomen de

linges destinés à grossir sa taille et cherchant à faire prendre

l'hémorragie post-puerpérale pour le sang de ses règles. Nous

observerons enfin que rien dans l'examen mental de l'inculpée

ne nous a conduit à examiner l'hypothèse d'une impulsion

irrésistible et qu'elle-même, loin de s'excuser de son crime, a

persisté, malgré l'évidence, à le nier jusqu'à la fin. Mais si

l'hystérie ne nous a pas paru avoir joué un rôle direct et pré-

pondérant dans la genèse de l'infanticide, il n'en était pas

moins évident pour nous qu'elle avait sérieusement atteint les

facultés de l'inculpée peu de temps avant l'acte incriminé; que

ces troubles retentissaient encore quelques jours avant notre

examen sous forme de légers accès de manie hystérique et que

dans ces conditions la prévenue devait bénéficier d'une cer-

taine indulgence. Qui nous dit, répéterons-nous ici en

terminant, que sans l'accident provocateur de l'hystéro-trau-

matisme dont elle a été victime peu de temps avant l'accouche-

ment, elle n'eût pas trouvé en elle-même la force de résister aux

suggestions mauvaises que lui inspiraient les circonstances ?

Des études récentes ont bien mis en évidence cette indigence

mentale des hystériques à stigmates. L'existence de l'anesthé-

sie cutanée et tel est le cas de notre malade entraine

une véritable apathie psychologique. Les sentiments affectifs

disparaissent en même temps que se rétrécit le champ de la

conscience. La femme, autrefois pleine d'affection et de solli-

citude pour ses enfants, les délaisse et ne se préoccupe plus

d'eux'. Il y a peut-être là une voie nouvelle à explorer pour

les médecins experts en matière d'infanticide et nous tenions

à l'indiquer.

1 Pierre Janet. Étal mental des hystériques ; les stigmates mentaux.

Paris, 1892.

THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE .

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE

CHEZ LES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS ;

PAR

BOURNEVILLE, ET T J. BOYER,

Médecin de Bicètre. Professeur à l'Institut médico-

pédagogique de Vriry.

La parole étant une fonction très complexe exigeant pour

répondre à son but le concours de plusieurs organes préala-

blement exercés, nous n'étonnerons personne en disant que de

toutes les fonctions c'est celle qui présente chez l'idiot les

troubles les plus nombreux comme les plus profonds. Elle est

avant tout un art d'imitation, né, pour ainsi dire.-de ce besoin

instinctif qui poussa les premiers hommes à se constituer en

société. Sous l'influence de la civilisation, cet art a suivi le

progrès intellectuel, et de simple et naturelle qu'elle était au

début, la parole est devenue de plus en plus conventionnelle

et compliquée. Comment un idiot, qui, comme son nom l'in-

dique, a horreur de toute société, comment l'idiot pourrait-il

être maître de cet art, lui qui peut à peine, lorsqu'il le peut.

guider un organe dans l'accomplissement de la plus naturelle

de ses fonctions ? Comment pourrait-il imiter et comprendre

ses modulations aussi complexes que variées, lui dont l'intelli-

gence n'est pas suffisante pour diriger les instincts, et dont

l'attention est difficile ou même impossible pour ceux qui ne

se sont jamais occupés du traitement de ces enfants et qui

sourient dédaigneusement lorsqu'on émet devant eux la possi-

bilité de les faire parler ?

Nous étudierons d'abord les idiots qui ne parlent pas, nous

nous occuperons ensuite de ceux qui parlent mal.

Idiots qui ne parlent pas. Les idiots qui ne parlent pas

sont très nombreux S'enferment-ils dans le mutisme le plus

complet, parce que, comme dit Itard, n'ayant aucune idée, ils

n'ont rien à dire; ou bien est-ce, comme le dit Séguin, parce

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 109

qu'ils ne savent pas se servir de leurs organes ? Il y a du vrai

dans ces deux raisons, on pourrait même dire que c'est pour

ces deux raisons que nos malades ne parlent pas. En effet, si

les idiots sont muets n'est-ce pas parce qu'ils n'ont pas d'idées,

et s'ils n'ont pas d'idées n'est-ce pas parce que n'étant pas

maîtres de leurs organes, ils n'ont pu en acquérir et les emma-

gasiner dans leur souvenir faute de mots pour les repré-

senter ? Que si les muets intelligents ont des idées sans parole,

n'est-ce pas parce qu'ils ont à la place de ces signes oraux,

pour ainsi dire, d'autres signes visibles qui en tiennent lieu ?

Du reste cette question, à reprendre au point de vue clinique

et physiologique, est toute secondaire, pour le but qui nous

occupe. Les idiots ne parlent pas, comment peut-on faire pour

provoquer en eux l'émission d'un son articulé, voilà, aujour-

d'hui, la question importante.

Avant d'aborder la pratique il est nécessaire d'établir une

distinction. Il va de soi que si les lésions qui ont occasionné

l'idiotie ont détruit plus ou moins complètement les circonvo-

lutions qui président à la fonction du langage, les moyens

thérapeutiques et pédagogiques demeurent stériles, mais, et

c'est la grande majorité des cas, chez les idiots qui ne parlent

pas, ces lésions localisées n'existent pas, et c'est précisément

pour cela, qu'il est possible d'arriver à créer en quelque sorte

et à développer la faculté du langage

Pour apprendre à parler, il faut d'abord savoir écouter, d'où

nécessité de s'assurer de l'intégrité de l'organe de l'ouïe, et d'en

faire ensuite l'éducation. L'attention auditive, c'est par là que

nous débuterons. Si l'enfant n'est pas atteint de surdité com-

plète 1, nous essaierons de faire entrer en exercice l'organe de

l'ouïe, de le développer afin de l'amener insensiblement à la

perception de la voix. Un jeu de timbres ou de sonnettes, com-

prenant les huit notes de l'octave, rendra beaucoup de services

dans ce cas. Nous prendrons d'abord le timbre qui donne la

note la plus grave et, nous plaçant à une certaine distance de

notre élève, derrière lui de préférence, nous frapperons sur le

timbre au moment où le silence ménagé' dans la classe sera

le plus complet.

' Les cas de ce genre sont relativement rares, souvent on nous envoie

des idiots réputés sourds et muets et chez lesquels l'audition est cons-

tatée quand on la recherche avec soin.

2 Dans ces sortes d'exercices le maître doit toujours être seul avec son

élève.

110 THÉRAPEUTIQUE l4fÉDICO-PEDAGOGIQUE.

L'enfant tressaille aussitôt sans se rendre compte de ce qu'il

éprouve. Répétons l'expérience, et l'enfant redresse la tête, et

quelquefois même cherche l'endroit d'où vient ce bruit qu'il

ne s'explique pas. Progressivement, on s'éloignera et on arri-

vera ainsi avec beaucoup de patience à faire percevoir un son

de plus en plus éloigné. Répétant ce qu'ltard a fait pour le

sauvage de l'Aveyron, nous pourrons passer des sons graves

aux sons aigus, de la cloche à la flûte en passant par le piano

et l'harmonium, de la flûte à la voix humaine.

Comme on courrait le risque de tomber dans la monotonie,

on peut et on doit en même temps s'occuper de provoquer

l'attention visuelle. Se plaçant en face de l'enfant, de façon à

avoir le corps bien éclairé, on tâche d'attirer l'attention de

l'idiot en le poursuivant d'un regard tenace et en le forçant,

pour ainsi dire, à avoir toujours le visage tourné de notre côté.

On tâche d'attirer son attention sur les changements que l'on

fait subir à la face, que ce soit des flexions de la tête, ou même

des grimaces.

Tout en s'occupant de l'ouïe et de la vue, on fera faire à

l'élève des exercices d'imitation. C'est encore là un moven de

varier le travail et de prévenir la lassitude chez le sujet. Ces

exercices d'imitation porteront d'abord sur les membres supé-

rieurs. On élève et on abaisse simultanément les bras, et afin

que le maître n'ait pas à quitter sa position pour aider à recti-

fier les mouvements de l'enfant, il est bon qu'une deuxième

personne, placée derrière l'idiot, le guide dans l'exécution de

ces mouvements. Des mouvements des bras on passera aux mou-

vements de la tête et on procédera de la même façon. Puis on

fera exécuter les mouvements du visage : ouvrir et fermer la

bouche, tirer la langue, rapprocher et éloigner les commissures

des lèvres. On pourra avec quelque avantage exécuter et faire

exécuter ces divers exercices préliminaires devant une glace,

afin que l'enfant juge par lui-même de la faiblesse de son

imitation et puisse la rectifier, comme cela se pratique à l'Ins-

titution nationale des sourds-muets de Paris.

Lorsque l'enfant sera arrivé à imiter d'une manière aussi

parfaite que possible, on s'occupera de l'émission d'un son. Par

quoi commencerons-nous ? Sera-ce par les voyelles comme

avec les sourds-muets, sera-ce par les consonnes comme le re-

commande Séguin. Nous suivrons noire maître à tous, Séguin,

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 111

et avec lui nous dirons que l'enfant normal, débutant par les

syllabes simples composées d'une consonne et d'une voyelle,

il n'y a pas de raison pour que nous changions avec des enfants

anormaux la marche indiquée par la nature elle-même.

Les labiales (b, p, f,) paraissent tout indiquées pour com-

mencer la série, leur émission étant, pour ainsi dire, plus

visible et plus extérieure sera par conséquent plus facilement

imitable. Cependant ici, comme ailleurs, les contrastes peuvent

être d'un grand secours, et nous nous sommes souvent bien

trouvé en suivant l'ordre suivant :

112 Z THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE. ·

servîmes de leurs goûts. Au moyen de rondes au rythme facile,

qu'elles aimaient à danser avec nous, nous parvînmes à leur

faire répéter non pas seulement l'air, mais encore les paroles,

ce qui avait pour nous un autre intérêt. Nous leur apprîmes

ainsi une foule de mots que nous leur disions en les faisant

danser et ces mots qu'elles dirent d'abord au hasard, finirent

par être placés fort à propos. Et de ces deux enfants, la pre-

mière ne disait que papa, maman, sans en comprendre le sens,

la seconde n'avait encore émis aucun son.

Une fois le premier mot obtenu, la voie est ouverte, il ne

faudra plus qu'une patience persévérante, pour augmenter le

vocabulaire de l'enfant. Faisant asseoir devant nous le malade

dont nous nous occupons, et chez lequel nous avons pu obtenir

un certain degré d'attention, nous lui montrons un objet usuel,

son chapeau par exemple, et, en considérant l'objet avec intérêt,

nous répétons sans cesse le mot qui sert à le désigner. Si c'est

un enfant qui aime la promenade, ce sera surtout au moment

de sortir, au moment de l'habiller, que nous ferons cet exercice.

Le désir de sortir sera un stimulant de plus pour provoquer

la parole. On se butte souvent à une obstination aussi bizarre

qu'insurmontable. L'enfant sait et peut dire un mot puisqu'on

a réussi à le lui faire dire déjà, et par entêtement il refuse quel-

quefois de le répéter. Bien plus, nous avons souvent aperçu sur

les lèvres de l'idiot un véritable sourire moqueur, qui semble-

rait prouver chez lui le désir de taquiner son maître. C'est alors

qu'il ne faut pas céder. « Vous ne voulez pas dire chapeau,

nous ne sortirons pas. » Si la menace est suivie d'exécution et

si le lendemain le même fait se produisant, on fait preuve de

la même énergie, l'enfant finira par céder et par répéter le

mot. Aussitôt il est bon de prodiguer des caresses à l'enfant,

de lui manifester le contentement qu'on éprouve, mais il faut

bien se garder de dire, comme font certaines personnes : p Ah 1

il a cédé ; c'est bien fait ! » L'idiot est souvent très susceptible

il comprendra la plupart du temps que l'on se moque de lui,

et on risque de le repousser dans l'inactivité, dont on a eu tant

de peine à le tirer.

Il serait inutile de chercher à corriger de suite les défauts de

prononciation ou les fautes d'imitation que peuvent présenter

les premiers mots de l'idiot. L'essentiel c'est de s'assurer si tel

mot bien ou mal prononcé correspond exactement à l'idée que

nous avons voulu provoquer. Petit à petit à force d'entendre le

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 113

mot l'enfant le corrigera de lui-même, à mesure que se déve-

loppera en lui la puissance d'imitation.

Nous plaçons dans la même catégorie d'idiots ne parlant pas

ceux qui ont à leur disposition un certain nombre de syllabes,

dont le sens échappe aux personnes qui n'ont pas l'habitude de

vivre avec eux. Du reste le nombre de ces syllabes étant très

restreint, on ne peut pas les considérer comme constituant un

vocabulaire. Ces malades formeront si l'on veut la transition

entre ceux qui ne parlent pas, et ceux qui parlent mal.

Edmond B... appartient à cette catégorie. Il dit : papapa,

mamama, gaga (gâteau, et en général tout ce qui se mange),

apia (papier qu'il aime beaucoup à déchirer), coucou (boule

d'eau chaude que l'on place dans son berceau), et puis c'est

tout ; soit en tout cinq vocables. Nous ne chercherons pas

tout d'abord à modifier ces signes vocaux plus ou moins

altérés ; au contraire nous nous en servirons pour désigner les

mêmes objets ou les mêmes personnes que lui, nous les répé-

terons sans cesse, mais toujours à propos, pour montrer à l'en-

fant que nous les comprenons, et pour établir entre lui et nous

un moyen de communication. Respectant les mots qu'il a pour

ainsi dire lui-même acquis, nous les accepterons tels qu'ils sont

et nous ne chercherons qu'à en provoquer de nouveaux, en

suivant la méthode indiquée plus haut. Par ce procédé et en

quelques mois, Edmond B... a appris à dire à boi (à boire),

ava (au revoir), caca (quand il veut aller au siège), coco (quand

il demande un oeuf), et certainement là ne s'arrêteront pas les

progrès de la parole chez cet enfant.

Séguin a fait remarquer avec beaucoup de raison que l'idiot

comme l'enfant en général, a une plus grande facilité pour

prononcer les syllabes redoublées, que les syllabes isolées.

Quand il reproduit un refrain quelconque, dont il est incapable

de redire les paroles, c'est une suite de syllabes redoublées

qu'il fait entendre, le plus souvent la la la. Nous basant sur

cette observation, il nous est souvent arrivé de désigner un

animal sous la forme d'un redoublement rappelant le plus pos-

sible le cri de l'animal. L'enfant répétait après nous sans

tarder, surtout s'il avait entendu lui-même crier l'animal. Oua-

oua voulait dire chien, bé bê voulait dire mouton, marna vou-

lait dire vache, cot-cot, poule, etc. Du reste n'est-ce pas là le

langage primitif, et nos ancêtres désignaient-ils autrement les

animaux dont ils voulaient parler ? A mesure que les progrès

Archives, t. XXX. 8

1 il. THÉRAPEUTIQUE 11EDIC0-PEDAGOG1QUE.

s'effectueront, que l'enfant s'habituera à répéter les sons émis

devant lui, il ne lui sera pas aussi difficile qu'on le croirait de

substituer au nom provisoire le nom définitif ; c'est du reste ce

que l'expérience nous a plusieurs fois prouvé. Est-il nécessaire

de nous appesantir sur les difficultés en présence desquelles se

trouverait celui qui voudrait faire prononcer à l'idiot, sans exer-

cice préalable, chien, vache, brebis, ou tout autre mot composé

de syllabes les unes plus complexes que les autres, et que l'en-

fant normal lui-même a tant de peine à acquérir ?

Si l'on se reporte au cahier d'articulation que nous avons

établi on remarquera qu'après chaque leçon nous avons placé

une sorte d'exercice pratique dans lequel se trouve des noms

uniquement composés des sons qui ont fait l'objet de la leçon.

Si l'on a le soin de montrer à l'enfant l'objet dont on lui fait

énoncer le nom, non seulement notre élève apprend à parler,

mais encore il s'habitue à n'employer que des mots dont il con-

naît le sens. Ce sera au maître de s'ingénier à amuser l'élève

de manière à maintenir son attention.

Donnons un exemple, Henri D... ne parlait pas ; il disait à

peine et rarement à propos papa, marna, mossau ( ? ), boulou ( ? ),

messi (merci). En le soumettant à la méthode dontnous venons

de parler, il est arrivé à prononcer le mot bouton. Nous lui

avions souvent montré l'objet en en prononçant le nom, et

nous avions réussi à le lui faire dire. Pour bien nous assurer

qu'il comprenait bien le sens du mot, nous le faisions jouer

avec des boutons, nous lui en faisions chercher, et dès qu'il

nous en apportait un, nous lui demandions : « Qu'est-ce que

c'est ? » Il répondait aussitôt bouton en souriant, et dès qu'en

promenade il en rencontrait un à terre, il nous l'apportait en

le nommant. Ce n'est pas là le langage du perroquet.

Nous passerons ainsi en revue tous les objets, toutes les per-

sonnes, tous les animaux même qui entourent quotidienne-

ment l'enfant. C'est par le nom des diverses parties de son

corps que nous commencerons, c'est-à-dire par ce qui est en

contact le plus immédiat avec notre élève. L'enfant est d'abord

habitué à désigner, sur ordre, telle ou telle partie de son corps ;

on guide d'abord sa main et on ne tarde pas à s'apercevoir que

son bras est de plus en plus docile, et qu'un jour même il n'a

besoin d'aucune direction pour montrer le nez, les yeux ou la

bouche. Après quelques semaines de cet exercice l'enfant non

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. H5

seulement comprend le sens de ces divers noms, mais encore

les répète avec nous.

Après la partie du corps, nous nommerons les vêlements,

après les vêtements, les objets qui lui servent, tels que le cou-

vert, la boisson qu'il préfère, le mets dont il est friand. Puis

ses jouets et parmi ces derniers, les divers animaux qu'il peut

aimer à caresser, enfin le nom des personnes qui l'entourent,

surtout de celles pour lesquelles il parait avoir une préférence

marquée. Cet ordre là est-il rigoureux ? Est-il besoin de dire,

que c'est l'idiot lui-même qui devra nous diriger, et qu'on

devra chercher à lui apprendre d'abord le nom de ce qui parait

l'intéresser avant de s'occuper de ce qui lui est indifférent.

Jusqu'ici nous n'avons fait acquérir que des noms, et même

des noms concrets, nous allons maintenant essayer des adjec-

tifs, c'est-à-dire des abstractions. Nous suivrons la même

méthode que nous venons d'indiquer. Louis B..., aime les

chevaux, et le seul mot qu'il ait encore pu prononcer est dada.

Il aime tirer à lui un cheval à roulette, manier un fouet, c'est

sur ces objets que nous maintiendrons son attention. Nous lui

ferons voir, toucher, porter, traîner successivement un grand

et un petit dada, et nous lui enseignerons à présenter ou à

montrer le plus grand et le plus petit. Comme c'est en jouant

que se font ces divers exercices, l'enfant ne tarde pas à faire

la différence en attendant qu'il applique lui-même le mot nou-

veau. Avec une petite fille, les poupées sont d'un grand

secours. Avec tel autre enfant amateur de bruit, les son-

nettes nous servent d'instruments. Nous avons eu à nous

servir de ballons, de cerceaux, de fleurs, de tambours, de

robinets même, etc. C'est toujours l'enfant qui nous a guidé

dans le choix.

C'est ainsi que nous apprenons le nom des couleurs, des

formes, des odeurs (bon, mauvais), que nous donnons la notion

de poids (léger, lourd), toujours en ayant soin de procéder par

contraste en choisissant les extrêmes, afin de mieux faire la

distinction. Ces exercices que nous signalons se retrouvent

dans l'éducation de la vue, du toucher, etc., mais est-il pos-

sible de n'exercer qu'un organe à la fois, et les diverses fonc-

tions ne sont-elles pas tellement solidaires qu'on ne peut en

exercer une sans en mettre une autre en mouvement ?

Bien que cela paraisse prétentieux, après l'adjectif nous pas-

ho THÉRAPEUTIQUE : m';D1CO-PÉDAGOGIQUE.

sons au verbe. Il n'est pas ici question de conjugaison, pas plus

que de règles et d'exceptions. Notre ambition se borne aux

verbes qui expriment la manière d'être des objets que notre

élève connaît déjà. Ni temps, ni mode, l'infinitif, cela nous

suffit. Cerceau rouler, poupée tomber, soupe brûler, Julie

manger, voilà les phrases que nous tâchons de provoquer,

phrases qui se compliquent quelquefois d'un adjectif comme :

dada noir partir, etc. Lorsque l'enfant en est arrivé là, ne

peut-il pas se faire comprendre, exprimer ses besoins, en un

mot communiquer avec ceux qui l'entourent.

Il existe un certain nombre d'idiots qui semblent ne pouvoir

aller plus loin au point de vue de la parole. Ils continuent à

acquérir de nouveaux mots, et cela par le seul commerce avec

leurs semblables, mais ils paraissent ne pouvoir construire

une phrase si courte soit-elle; et la syntaxe qu'ils emploient

a beaucoup de rapport avec celle des sourds-muets parlants. Ils

énoncent leurs idées par ordre d'importance, et dans leur lan-

gage, ils font des inversions qui déroutent. Ils ne demanderont

pas : Est-ce que je sortirai samedi ? Mais : sortir André samedi ?

Il est évident que dans cet exemple c'est l'idée de sortir qui

est la plus importante, aussi sera-t-elle énoncée la première ;

après vient le nom de la personne, idée pour ainsi dire secon-

daire, car l'idiot ne peut que parler de lui-même, et enfin le

temps, qui est aussi quelque chose d'accessoire, puisque ce

qu'il importe le plus de savoir pour André, c'est s'il sortira ou

non. On pourrait citer mille exemples semblables.

Le moyen de corriger cette façon de parler exige encore des

exercices spéciaux. 11 faudra faire répéter à l'enfant à chaque

instant du jour les phrases usuelles qu'il a l'occasion de dire à

tout moment ; faisons même semblant de ne pas le com-

prendre s'il persiste à les mal donner, et nous arriverons en

peu de temps à de grands changements.

Idiots qui parlent mal. Les idiots, dont nous allons main-

tenant nous occuper, savent parler. Ils peuvent exprimer leurs

besoins, leurs passions, poser des questions, y répondre, mais

il est certains sons qu'ils n'émettent pas franchement, cer-

taines consonnes qu'ils prononcent d'une façon défectueuse.

Ces divers défauts de prononciation peuvent tenir à des causes

multiples qu'il est indispensable de connaître avant d'en tenter

la suppression. Quelquefois ces défauts de prononciation ont t

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 117

une cause physiologique, paralysie, atrophie de tel ou tel élé-

ment d'organe. La langue trop épaisse, emprisonnée dans une

mâchoire trop étroite que surmonte un palais en ogive, se

meut difficilement et arrête les sons au passage; l'enfant fait

des efforts pour parler correctement, projette de la salive et

fait entendre presque continuellement le son ch pour s, j, z,

tel Henri de la C... D'autres, comme Georges T..., par suite

de la malformation de la mâchoire supérieure et d'une denti-

tion anormale frappent à tout instant les incisives supérieures

trop développées, de la pointe de la langue et semblent tou-

jours prononcer des dentales, ce qui donne à leur conversation

un ton dur et discordant où domine le son t ou d. D'autres

enfants, comme Henri R..., possèdent une langue toujours en

retrait dans la bouche, ne savent émettre que des sons guttu-

raux et sont incapables de donner le l le 2, et les dentales.

Les exercices à faire suivre en pareil cas varient avec la

cause même du défaut de prononciation. Si l'on est familier

avec le mécanisme de l'articulation, on saisira facilement le

point faible à exercer, à développer. Nous reviendrons encore

ici à l'attention dont il faudra d'abord s'assurer avant d'entre-

prendre toute tentative d'amélioration. Si l'enfant est attentif,

et qu'on ait su provoquer en lui l'imitation, il suffira de lui

faire faire par imitation les exercices ayant pour but de mettre

en jeu la partie faible de l'organe. Si les sons gutturaux ne

sont pas correctement donnés, nous ferons venir à notre aide

le toucher, et, plaçant la main de l'enfant sur notre gorge,

nous appellerons son attention sur les vibrations qui se pro-

duisent à cet endroit lors de l'émission d'un k ou d'un y, puis,

lui faisant placer la main sur sa gorge à lui, nous l'inviterons

à fournir ce son, jusqu'à ce que les vibrations qu'il sentira

soient identiques à celles qu'il ressentait quand nous par-

lions.

Si la langue est paresseuse, c'est d'elle que nous nous occu-

perons. Nous la ferons tirer le plus possible, ramener à droite,

à gauche, nous lui apprendrons à toucher le palais, à se

mettre en gouttière, à frapper les dents, à faire en un mot

tous les mouvements nécessités par l'émission des sons lin-

guaux

L'éducation des lèvres est relativement plus facile, car ici

nous nous adressons uniquement à la vue. Disons aussi que

les labiales sont les plus faciles à prononcer et que nous

118 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

n'avons la plupart du temps à remédier qu'à la faiblesse de

l'émission plutôt qu'à l'incorrection. Il faudra alors apprendre

à l'enfant à faire vibrer les lèvres en projetant violemment, les

dents serrées, de l'air au dehors, en produisant le bruit que

fait un cheval qui renâcle.

Lorsque l'idiot ne donne pas le son r, il ne faut pas songer

à lui faire émettre le r lingual, si facile pour les gens du midi,

si difficile pour un grand nombre de personnes. Nous nous

contenterons du r guttural que nous provoquerons comme les

autres sons gutturaux au moyen du toucher, et encore en appre-

nant à l'enfant à se gargariser.

Le son k est aussi un de ceux qui font le plus souvent défaut.

Si l'on se reporte au mécanisme de l'articulation, on sait que

pour produire ce son « la base de la langue se relève, entre en

contact avec le voile du palais; celui-ci se trouve pressé entre la

langue et la paroi pharyngienne et tout passage de souffle est

interrompu ; puis la langue se détache vivement et une explo-

sion se produit ' ».

La plupart du temps l'enfant ne sait pas relever la langue,

et donne t pour k; le maître, alors avec son doigt, repoussera la

pointe de la langue le plus possible, afin de lui faire occuper

la position normale, et fera prononcer à l'enfant le seul son

possible dans cette position, ka. Puis on habituera l'enfant à

maintenir lui-même la langue avec son propre doigt, et peu à

peu la langue s'habituant à cet exercice finira par ne plus avoir

besoin d'aide pour se relever. Passer en revue tous les défauts

de prononciation nous entraînerait trop loin, et nous n'avons

pas la prétention d'écrire ici un traité d'orthophonie, mais pour

dessein de fournir les principes généraux qui doivent guider

les auxiliaires des médecins, instituteurs et surveillantes.

Certains idiots ne présentent pas à proprement parler de

défauts de prononciation. Ils émettent à peu près bien tous

les sons, mais comme ils semblent avoir peur de desserrer les

dents, ils déforment légèrement l'émission des voyelles. À

moins de les écouter attentivement, les sons a, e, i, o, u sem-

blent confondus et prononcés de la même façon, de même les

sons nasaux an, on, zn. Il est facile de faire disparaître cette

confusion. Il suffit de les soumettre régulièrement plusieurs

fois par jour à la gymnastique des lèvres et des mâchoires,

1 Goguillot. - Comment on fait parler les sourds-muets.

TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 119

qu'ils semblent ne pouvoir mouvoir qu'avec une extrême len-

teur. Ne craignons pas d'exagérer l'ouverture de la bouche

pour le son a, par exemple; l'idiot ne voit jamais trop. Cette

méthode a parfaitement réussi avec Maurice J..., qui avait,

au début, un langage incompréhensible pour les personnes'qui

ne vivaient pas avec lui, et quelques semaines ont suffi.

D'autres idiots paraissent ne pas avoir de souffle. Ils hachent

leur conversation, semblent perdre haleine à chaque instant,

et ne peuvent prononcer dans la même expiration qu'un mot

de deux ou trois syllabes. Pour ceux-là, on se trouvera bien des

exercices suivants : faire soutenir un son le plus longtemps

possible, puis faire émettre dans la même expiration deux

sons opposés comme a et i, en ne donnant le signal du second

que lorsqu'on sent être arrivé à peu près à la moitié de l'expi-

ration. Après quelques semaines de ces exercices, on fait pro-

noncer un mot de plusieurs syllabes en habituant l'enfant à

ne passer d'une syllabe à l'autre qu'au commandement, afin

que le maître puisse lui-même guider la durée d'émission de

chaque syllabe. On fait ensuite dire, toujours lentement, des

phrases entières mais courtes, pour arriver progressivement

à des phrases plus ou moins longues dans lesquelles le maître

lui-même désigne le point logique où doit avoir lieu une nou-

velle inspiration. Lorsque l'on aura affaire à des idiots de cette

catégorie, il sera bon au préalable, pour tâcher d'augmenter

la capacité de leurs poumons et de leur permettre par consé-

quent de pouvoir émettre un son plus prolongé, de faire les

exercices du souffle, exercices qui amusent l'enfant et qui l'in-

téressent. Parmi ces exercices nous pouvons signaler celui qui

consiste à faire souffler une bougie à une distance de plus en

plus éloignée, à souffler dans un sifflet, à faire gonfler un

ballon de caoutchouc ou une simple vessie d'animal, à faire

tourner un moulin à vent, à gonfler un sans-gène, à lancer

un pois dans un tube de sureau, à faire avancer une bille sur

une longue planche à rainure, bille que l'on pourra prendre

d'abord en moelle de sureau, puis en liège, enfin en bois.

Pour augmenter progressivement la difficulté de ce dernier

exercice, on pourra mettre la planche sur un plan incliné de

façon à ce que le souffle de l'enfant ait non seulement à

lutter contre la force d'inertie de la bille, mais encore contre

l'action de la pesanteur, de même que pour amuser et inté-

resser l'enfant, on suspendra au-dessus de la rainure un grelot

120 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

ou un timbre quelconque, que l'on pourra avancer et reculer,

et que la bille fera résonner en passant. On ne doit jamais

laisser échapper l'occasion d'amuser notre idiot, qui suit sou-

vent avec tant d'indifférence un travail qui lui semble inutile.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE ' ;

Par le D' J. VOISIN, médecin de la Salpètrière; et Raymond PETIT,

interne des hôpitaux.

Bromure de potassium. - Le bromure de potassium a été

introduit dans la thérapeutique de l'épilepsie en 1851 par

Ch. Locack. C'est le médicament qui parait rendre le plus de

service jusqu'à ce moment dans cette terrible maladie.

Son action physiologique a été parfaitement étudiée par

Martin Damourette et Pelvet et par G. Sée. Ces auteurs ont

montré que l'action du bromure de potassium est générale et

qu'elle atteint partout les systèmes nerveux et musculaire.

« C'est un anesthésique aussi bien des centres et des cordons

nerveux que des surfaces muqueuses et tégumentaires. C'est

un acynésique aussi bien des plans musculeux digestifs uri-

naires et respiratoires que des muscles striés. Cette'double

propriété anesthésique et amyosthénique rapprochée de l'effet

sédatif sur la circulation, la chaleur et les sécrétions explique

les applications faites du bromure dans l'épilepsie. »

D'après M. Germain Sée, le bromure de potassium diminue

l'excitabilité réflexe de la moelle sans la détruire ; il diminue

les fonctions de la moelle en produisant l'olighémie et non pas

une action spéciale élective sur les tissus nerveux; en outre il

excite les centres modérateurs. Pour Aug. Voisin et Legrand

du Saulle c'est le médicament indispensable de l'épilepsie.

Grâce à lui les accès sont reculés et quelquefois supprimés,

' Voir Archives de Neurologie, 11" 98, 99, 100, 101.

DE l'intoxication dans l'épilepsie. 121

mais son administration doit être continuelle une fois qu'on l'a

commencée. Il est, disent-ils, aussi indispensable à l'économie

qu'un aliment. Si on le supprime, les accès reviennent plus

forts et le malade est enlevé par un état de mal. Le patient, dit

Legrand du Saulle, paie son « arriéré ». Il est reconnu que

dans beaucoup de cas ce médicament arrête ou diminue nota-

blement les accès convulsifs ; mais en revanche les vertiges

deviennent plus nombreux et l'intelligence baisse rapidement,

et quand son administration est par trop prolongée nous avons

remarqué que l'état saburral de la langue ne peut plus dis-

paraitre malgré les purgatifs. Il entretient donc cet état quand

les individus sont arrivés à saturation et les malades ont une

haleine des plus fétides. Il est nécessaire à ce moment de le

supprimer et de le remplacer par .les purgatifs et par les

moyens que nous préconisons. Nous n'avons jamais vu sa

suppression amener à ce moment un état de mal et la mort du

malade. Cet état de torpeur accompagné de vertiges incessants

a été mis sur le compte du bromisme qui, d'après les auteurs,

peut se manifester de deux manières différentes : la torpeur ou

l'excitation.

Nous nous demandons si cette torpeur ou cette excitation ne

sont pas dues plutôt à cet empoisonnement que décèle l'état

gastrique concomitant signalé plus haut. L'individu est saturé,

tous ses organes sont imprégnés de bromure. Le médicament

n'agit plus sur les vaisseaux et l'infection prend le dessus.

Quand nous supprimons le bromure de potassium dans ces cas,

on voit peu à peu sous l'influence des purgatifs la langue se

nettoyer, l'haleine devenir meilleure et aux vertiges faire

suite les attaques convulsives. Celles-ci se renouvellent cinq à

six fois, mais les vertiges disparaissent ainsi que la torpeur

pour faire place à l'intelligence. Nous avions une malade qui,

sous l'influence de cette saturation chronique, présentait indé-

pendamment de cet état gastrique des vertiges et de la folie

furieuse avec hallucinations terrifiantes. Nous supprimions le

bromure à ce moment et aussitôt un ou deux accès convulsifs

se produisaient et l'excitation disparaissait ainsi que les vertiges

et l'état gastrique. Nous avons pu constater quatre ou cinq fois

de suite ces mêmes phénomènes chez ce même malade à cinq

ou six mois d'intervalle. Avec la saturation bromique arrivaient

ces accidents vertigineux et de folie furieuse. Chez ce même

malade ainsi que chez un autre homme ces mêmes phéno-

122 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

mènes se présentaient avec des manifestations hystériformes.

Ainsi donc le bromure de potassium transforme les accès

convulsifs en vertiges, en accès incomplets en attaques hysté-

riformes et en excitation cérébrale, mais cela plus rarement.

Pour faire cesser ces manifestations, il suffit de suspendre

complètement le médicament et de purger le malade; on le

voit alors revenir à son état habituel. La guérison n'est donc

pas complète sous l'influence du bromure de potassium. Il y a

dans tous ces cas, des modifications des accès convulsifs d'une

manière manifeste, mais malheureusement les accès convulsifs

sont transformés le plus souvent en vertiges et en trouble

mental avec obtusion intellectuelle profonde.

On peut reprocher à ce médicament aussi d'entretenir l'état

gastrique. M. Féré pour obvier cet inconvénient a préconisé

l'usage simultané du naphtol et il en a obtenu de bons résul-

tats. Nous-mêmes nous l'employons et nous en sommes satis-

faits. Dans certains cas nous avons supprimé le bromure de

potassium et donné le naphtol et nous avons vu les accès être

moins nombreux que lorsque nous donnions les deux médica-

ments. Nous en reparlerons tout à l'heure.

La dose de bromure employée ordinairement est de 4 à

6 grammes par jour. Dans ces derniers temps, Ferél a porté la

dose jusqu'à 16 et 20 grammes chez des sujets où la moyenne

de 4 à 6 grammes ne réussit pas, et il a vu que les accès dimi-

nuaient un peu de nombre et que la nutrition n'était pas

altérée. Mais l'usage de cette médication doit être surveillé

avec soin. Ondoit la suspendre aussitôt que le bromisme appa-

rait, c'est-à-dire aussitôt que les éruptions bromiques et la tor-

peur intellectuelle arrivent et, dans ces cas, cet auteur recom-

mande en même temps des purgatifs ,

L'association du bromure de potassium avec le bromure

d'ammonium et de sodium a paru à M. Ball et à Charcot

produire de meilleurs effets que le bromure de potassium seul.

On les donne à la dose de 4 à 8 grammes par jour, c'est-à-dire

'1 ou 2 grammes de chaque par jour. Voici d'ailleurs la formule

employée par Charcot à la Salpêtrière :

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 123

124 4 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Calcul ? soixante-huit ans. Épileptique.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. l '2 ? \

126 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

LECOM..., trente-sept ans. Epileptique.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. '127 Î

128 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

leptique et nos malades s'en trouvent si bien qu'elles viennent

d'elles-mêmes nous montrer leur langue et réclamer le médi-

cament. On n'oubliera donc pas ce moyen thérapeutique, se

rappelant qu'il doit ici être administré de bonne heure, dès le

début de l'état gastrique. Quand une série d'accès est com-

mencée, les purgatifs sont encore utiles ; nous avons vu, dans

plusieurs cas, la série prendre rapidement fin sous leur

influence, mais ici ils ne sont pas suffisants.

Antisepsie intestinale. Depuis les travaux du professeur

Bouchard, sur les auto-intoxications, la thérapeutique s'est

enrichie d'une arme nouvelle. L'administration de naphtol ou

de bétol à la dose de 0 gr. 80 à 1 gramme permet de faire de

l'antisepsie, au moins relative du tube digestif. On a pu voir

dans les tableaux précédents les résultats assez bons que nous

a fournis son emploi. C'est un adjuvant puissant, mais seule-

ment un adjuvant.

Lavages de l'estomac. A côté de ces moyens d'action sur

le tube digestif, il convient de placer les lavages d'estomac.

Nous les avons essayés dans plusieurs cas et spécialement dans

des états de mal ou dans des périodes d'excitation ou de trouble

mental consécutifs aux accès. Ces lavages ont paru produire

d'heureux effets chez Soliv... en particulier, à qui nous en

avons fait pendant le trouble mental. Ce trouble a rapidement t

disparu en quelques jours au lieu de persister dix à quinze

jours, comme c'est l'ordinaire chez elle. Chez les malades

Curv... et Lep..., ces lavages ont contribué, une fois chez la

première, deux fois chez la seconde, à arrêter l'état de mal.

Tous ces moyens d'action sur le tube digestif sont bons en ce

sens qu'ils empêchent l'intoxication de s'accroître, mais ils ne

font pas éliminer à proprement parler. Les deux grandes voies

d'élimination : c'est l'émonctoire urinaire et la peau.

Diurétiques. L'emploi du régime lacté nous a déjà donné

quelques résultats comme nous l'avons vu ; mais l'administra-

tion de tisanes diurétiques en assez grande abondance et de la

lactose ont un effet plus puissant que le régime du lait exclu-

sif. Le Dr Dujardin-Beaumetz a attiré l'attention sur le pouvoir

diurétique de la lactose employée à des doses qui varient

de 40 et 80 grammes jusqu'à 100 grammes et plus. Nous l'em-

ployons journellement et nous avons plusieurs fois constaté

ses bons effets, ainsi que ceux des tisanes diurétiques. C'est

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 129

surtout lorsque l'état saburral de la langue est très accentué

avant les accès, ou bien lorsque les accidents sont déjà com-

mencés et dans l'état de mal que cette médication nous paraît

devoir être employée.

Hydrothérapie el frictions. L'hydrothérapie est un pré-

cieux agent dont l'utilité est incontestable dans les cas qui

nous intéressent. En même temps qu'elle agit sur l'état géné-

ral, elle est un bon moyen de sédation quand elle est bien

comprise et agit localement sur les fonctions de la peau. Dans

beaucoup de circonstances, les douches brisées, prises d'une

façon habituelle, nous ont donné de bons résultats, mais à la

condition d'être courtes (20 secondes environ) et jamais admi

nistrées à plein jet sur la tête '.

Chez les malades qui sont en état de mal épileptique avec

élévation croissante de la température, les bains prolongés de

deux à trois heures à la température de 32° à 34° ont été d'un

heureux effet; de même dans les périodes d'excitation. La

malade Lep... que nous avons soumise à ce traitement dans

deux états de mal et une période d'excitation, a pu échapper à

ces états graves qui entraînent si fréquemment la mort. Nous

pensons donc que l'hydrothérapie mérite, à tous points de vue,

d'attirer l'attention. Il en est de même du drap mouillé, des

frictions sèches et des lotions alcoolisées qui ont pour résultat

de stimuler la peau et d'activer ses fonctions éliminatrices.

Injection de sérum artificiel. Nous avons essayé les injec-

tions sous-cutanées de sérums artificiels (formules de Hayem

et formule de sérum concentré de Chéron). Chez plusieurs

malades nous les avons employées avec succès dans l'état de

mal, dans les accès sériels et lorsque les symptômes prémoni-

toires font leur apparition. L'indication de cette méthode est

bien nette dans ces cas. Nous avons vu, en effet, que la tension

artérielle s'abaisse avant l'accès et qu'en même temps le pouls

devient souvent irrégulier. Or, les injections de sérum artifi-

ciel relèvent la tension vasculaire en même temps qu'elles

poussent à l'élimination et stimulent l'organisme tout entier.

C'est en nous basant sur ces données physiologiques que

nous avons été conduits à nous servir de ce moyen thérapeu-

1 Nous nous permettrons de rappeler que tous les ans, depuis 1880,

nous publions dans notre compe rendu de Bicètre, des renseignements

sur l'hydrothérapie. Voir aussi la thèse de Bricou. (B.j

Archives, t. XXX. 9

130 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

tique. Les injections doivent être lentes et faites avec une

seringue parfaitement stérilisée. Les doses que nous avons

employées ont varié de 112 à 100 grammes par séance. Il va

sans dire que le liquide doit être stérilisé en le portant à 1 ? â°

dans une étuve et que toutes les précautions antiseptiques

doivent être minutieusement prises du côté de la peau avant et

après les injections. On recouvre ensuite le point piqué et

toute la région d'une couche de collodion élastique. Lorsqu'on

arrive aux doses de 40 et GO grammes, il nous a semblé pré-

férable de multiplier les points d'injections. Le massage un

peu prolongé, qui facilite la résorption rapide du liquide, doit

être fait après l'opération.

Seigle ergoté. Nous devons ajouter ici le seigle ergoté en

teinture alcoolique, dont l'effet n'est d'ailleurs pas bien expli-

qué. Déjà employé en Angleterre, il y était donné à des doses

beaucoup plus fortes que celles que nous avons prescrites. Nos

malades Soliv... etHug... en ont pris, ces deux derniers mois,

à la dose de 4 gouttes par jour en l'absence de tout autre

traitement. Toutes deux sont restées pendant ces deux mois

sans avoir d'agitation et de trouble mental, alors que la pre-

mière était troublée d'ordinaire tous les mois, et la seconde

plus souvent encore. Elles ont cependant eu des accès comme

par le passé. En ce moment l'une et l'autre viennent d'avoir

quelques attaques et sont dans une période d'agitation légère.

Ce ne sont là que deux essais récents et dont nous ne cherche-

rons pas à tirer encore de conclusion.

Depuis six mois nous employons en ce moment chez quatre

de nos malades le bromure de potassium associé à la pilocar-

pine et nous obtenons une grande amélioration au point de

vue de l'excitation maniaque. Les accès convulsifs sont à peu

près aussi fréquents, ils ont lieu tous les mois, mais ils ne

sont pas suivis de délire et d'agitation comme autrefois. Nous

donnons à ces malades 6 à 7 grammes de bromure de potas-

sium et 6 à 7 milligrammes de pilocarpine. Il y a un gramme

de bromure et un milligramme de pilocarpine par cuillerée à

soupe. A l'aide de ce médicament nous obtenons une diurèse

plus abondante, mais pas de sueur et nous estimons que cette

diurèse est la cause de l'amélioration que nous constatons.

Nous avons passé en revue les moyens thérapeutiques qui

nous semblent devoir être utilisés chez les épileptiques vrais.

Il nous reste à dire quand et comment nous les emploierons.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 131

A notre avis ce n'est pas à l'un d'eux exclusivement qu'il

faut avoir recours, on doit les combiner. Nous ne pensons pas

non plus qu'il faille les continuer constamment chez un même

malade. Lorsque l'épileptique commence à présenter les symp-

tômes prémonitoires avec état saburral des voies digestives,

nous le faisons immédiatement purger et nous lui prescrivons

le naphtol pendant quelques jours. Le lendemain nous faisons

prendre de la lactose (40 ou 60 grammes par jour), puis davan-

tage, et des tisanes diurétiques. Quand les malades entrent

malgré cela dans une série d'accès il faut alors faire des injec-

tions de sérum artificiel à doses progressivement croissantes

chaque jour, et si l'état saburral persiste très accentué, laver

l'estomac plusieurs jours de suite. Enfin dans l'état de mal et

dans l'agitation, nous joignons à tous ces moyens thérapeu-

tiques les bains prolongés et les frictions sèches ou alcoolisées.

Nous ne pensons pas, nous l'avons dit déjà, que ces médi-

cations soient à employer d'une façon continuelle entre les

périodes d'accès. Il faut étudier les malades et les suivre,

tâcher de découvrir quelle est la marche que suivent chez eux

les accidents (accès isolés, en série, survenant régulièrement

ou irrégulièrement) et instituer ce traitement complexe dès que

les symptômes prémonitoires font leur apparition. On les

continue tout le temps que dure l'état gastrique. Les douches

seules peuvent être continuées et doivent être prises de la façon

que nous avons dite précédemment. Quand les voies digestives

sont nettoyées, nous administrons ensuite un des médicaments

internes dont nous avons parlé plus haut, et plus spécialement

le bromure de potassium seul ou associé aux autres bromures

ou encore aux antiseptiques intestinaux. Son administration

est interrompue de temps en temps.

Appendice. Au moment de terminer ce mémoire, nous

devons ajouter l'observation suivante que le hasard nous a

fournie et qui viendra à l'appui de ce que nous avons avancé,

aussi bien dans la pathogénie que dans le traitement de l'épi-

lepsie générale.

Cunv..., vingt-trois ans. Epilepsie. Antécédents héréditaires : .'

père bien portant, mère hystérique, migraineuse, aurait eu la

fièvre typhoïde en 1870.

Grossesse bonne mais accompagnée de chagrins; accouchement t

à terme normal.

132 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Antécédents personnels : a parlé et marché de bonne heure. Con-

vulsions pendant la dentition jusqu'à cinq ans; elle avait des petits

vertiges. A huit ans elle fit une chute dans une cave. Depuis ce

moment elle eut de nombreux vertiges et. des fugues inconscientes.

A partir de dix ans, elle présente des accès épileptiques fréquents,

souvent suivis de grand et de petit mal intellectuel. Son intelli-

gence a baissé beaucoup : elle a perdu la mémoire. Le 3 août 1893

elle entre dans une série d'accès, dans un véritable état de mal

avec une température élevée, 40°. Hébétude, état saburral des

voies digestives très prononcé; on la purge et on supprime le bro-

mure. Le 7 août nouvelle purgation.

Le 11 août lavage de l'estomac; abaissement de la température.

Le 13 et le 14 août injection de 24 et 80 grammes de sérum arti-

ficiel, la tension artérielle restant basse, le pouls étant faible et les

bruits du coeur un peu sourds on lui fait prendre de la caféine. Le

17 août les accès ont disparu, l'intelligence revient progressive-

ment, la température est normale. En janvier 1894 elle prend

4 grammes de bromure par jour depuis longtemps. Le malade pré-

sente :

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 133

2° Lavements froids avec 0,50 de bétol, à li heures et demie du

soir et à 5 heures du matin.

3° Pendant toute la nuit faire boire le plus possible de la prépa-

ration suivante :

134 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

CONCLUSIONS :

1° L'épilepsie générale est une maladie héréditaire et

ses manifestations sous la dépendance d'une disposition

particulière du système nerveux;

2° L'épilepsie générale, suivant les causes détermi-

nantes, peut être divisée en deux classes : épilepsie

réflexe, épilepsie par intoxication;

3° L'épilepsie réflexe ne s'accompagne pas de troubles

gastro-intestinaux, ni d'état saburral. Elle est moins

grave;

4° L'épilepsie par intoxication est toujours précédée

et accompagnée de symptômes gastro-intestinaux. Elle

est plus grave;

5° L'épilepsie par intoxication peut relever d'une auto

ou d'une hétéro-infection; .

6° L'épilepsie réflexe peut se transformer en épilepsie

infectieuse et prendre ses symptômes, sa marche et sa

terminaison ;

7° Dans l'épilepsie par intoxication, lorsqu'un état de

mal s'accompagne d'hémiplégie corticale, on voit sou-

vent ensuite, avec la démence épileptique ordinaire, une

sorte de tabes spasmodique ou diplégie cérébrale;

8° Le traitement doit viser deux points : 1° la prédis-

position ; 2° les accidents de l'épilepsie;

9° Les bromures agissent sur la prédisposition du sys-

tème nerveux, mais ces médicaments doivent être

employés à des doses variées et suspendus quand parais-

sent les troubles gastriques. Il faut y joindre une

hygiène et une alimentation convenables ;

10° Les médications visant les accidents épileptiques

ne doivent pas être continuées entre les périodes d'accès ;

11° Les accidents de l'épilepsie par intoxication peu-

vent être prévus et doivent être combattus dès que les

symptômes prémonitoires apparaissent;

12° Dans l'épilepsie générale vraie, par intoxication,

REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 138

on devra enrayer l'empoisonnement et favoriser l'élimi-

nation des produits toxiques par : 1° les purgatifs;

2° l'antisepsie intestinale; 3° les lavages de l'estomac;

4° les diurétiques; 5° les injections de sérum artificiel;

6° l'hydrothérapie, les bains prolongés, les frictions

sèches et les lotions alcoolisées.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

' PATHOLOGIQUES.

I. Les conditions DE l'excitabilité électrique du système nerveux

PÉRIPHÉRIQUE DE L'HOMME DANS LE JEUNE AGE ET SES RAPPORTS AVEC

LA STRUCTURE ANATOMIQUE DU )IÉME SYSTÈME; par A. `VESTPH.1L.

(Archiv. f. Psychiat., XXVI, 1.)

1. Dans les premières semaines de la vie, jusqu'à une certaine

période qui n'est pas la même dans tous les cas, les nerfs et les

muscles sont bien plus difficiles à exciter que les nerfs et les muscles

des adultes (XI tableaux résumant les examens électriques). A quoi

cela tient-il ?

B. Les recherches anatomiques suivantes vont nous le dire.

Vingt-six analyses ont été pratiquées chez le nouveau-né et

l'adulte jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Elles ont démontré que :

1° Chez le nouveau-né les gaines de myéline des nerfs périphériques

sont bien différentes de celles de l'adulte. Les manchons en question,

bien plus minces, présentent souvent des interruptions sur une étendue

considérable; le dépôt de myéline est irrégulier. L'acide osmique colore

la myéline des nerfs périphériques du nouveau-né en vert ou en gris

jaunâtre et non en noir; les quelques fibres du nouveau-né colorées en

noir n'ont pas le ton noir foncé saturé des libres de l'adulte. L'acide

chromique ne les colore pas en jaune ou en jaunâtre; elles deviennent

rougeàtres sous l'action du carmin, bleuâtres, sous l'action de la nigro-

sine. On n'y constate point la structure concentrique. Les liquides déco-

lorants agissent bien plus vite et bien plus activement que chez l'a-

dulte (méthode de Weigert et de Pal); 2° il certaines périodes post-

embryonnaires précoces, un certain nombre de cylindraxes prennent

par l'acide osmique un ton verdâtre et non blanchâtre ou gris blanchâtre,

et encore souvent notable quantité de cylindraxes d'ailleurs très voluml-

136 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

neux demeurent-ils indemnes de toute couleur. On voit parfois un com-

mencement de dépôt de myéline sur les cylindraxes à leur périphérie

cela notamment aux troisième et sixième semaines de la naissance; 3° Les

fibres périphériques des nouveau-nés qui n'ont pas encore de manchons

de myéline sont dépourvues des étranglements de Ranvier; 4° Les gaines

de Schwann des nouveau-nés ont des noyaux très volumineux surtout

si on les compare à la largeur des fibres. Ces noyaux sont fréquemment

entourés de masses protoplasmiques granuleuses et étendues ; ils par-

raissent plus nombreux que chez l'adulte; 5° Les fibres nerveuses périphé-

riques du nouveau-né sont considérablement plus étroites que celles des

adultes. Leur largeur moyenne est à peu près le cinquième du diamètre

des fibres adultes. Jamais elles n'atteignent le maximum de largeur des

fibres adultes. Les minima des diamètres des fibres sont les mêmes

chez l'adulte et le nouveau-né, mais on trouve chez le nouveau-né beau-

coup plus de fibres à minimas. Fréquence caractéristique de libres très

fines variqueuses chez le nouveau-né; 6° L'endonerf et le périnerf, très

développés chez le nouveau-né, se distinguent du tissu interstitiel du

nerf de l'adulte par une grande richesse de noyaux; 7° A partir de la

naissance la structure des fibres nerveuses périphériques se développe; les

manchons de myéline se forment progressivement et alors se développent

tous les autres éléments des fibres nerveuses; 8° Dans la deuxième

et la troisième année de la vie le développement des manchons de

myéline et de toutes les fibres périphériques est très voisin de l'état

parfait des fibres de l'adulte, mais il ne l'a pas encore complètement

atteint; 9° La période des troisième à sixième semaines de la vie est un

stade important du développement des manchons de myéline. A cette

époque, la formation myélinique s'est notablement accrue par rapport à

l'état postembryonnaire du premier âge. Aussi voit-on le long de nombreux

cylindraxes volumineux nus apparaître de la myéline dont on suit toutes

les phases; 10° Mais le développement des manchons de myéline et celui

de toutes les fibres nerveuses périphériques est irrégulier. Il y a souvent

des différences considérables chez le même individu dans ses divers nerfs

ou dans chacun des trousseaux nerveux à la même époque du même

enfant; il Il est impossible de déterminer la loi de formation des

manchons de myéline aux divers endroits de développement d'un nerf.

Quant aux muscles, les fibres musculaires des nouveau-nés presque

absolument rondes, ou partiellement circulaires, sont déjà, à

la troisième semaine de la vie, en partie polygonales. Chez un

enfant d'un an on a constaté un nombre imposant de grandes fibres

rondes et cylindriques entre d'autres petites fibres polygonales.

Largeur bien moindre que de celles de l'adulte ; les plus larges

mesurent 28 p, c'est-à-dire moins que les fibres les plus étroites

de l'adulte (30 ); aux époques postembryonnaires on trouve des

fibres très étroites de 5 à 10 li, ces dimensions progressent très

irrégulièrement. La longueur des bourgeons musculaires de l'enfance

est de 40 à 70 p. ; les fibres, contenues dans l'enveloppe, stratifiées,

au nombre de 4 à 14, rondes ou cylindriques, ont un diamètre

moyen de 7 p : une partie d'entre elles possèdent un noyau collé

contre la paroi ou un noyau central : des nerfs et des vaisseaux

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 137 î

rampent tout près du germe musculaire sans encore le pénétrer.

La caractéristique du muscle infantile est dans sa richesse en noyaux

et dans leur disposition. Très nombreux dans le sarcolemme, ils

sont en séries linéaires ou en tas, accolés à cette enveloppe. Parfois

cependant ils sont centraux, surtout dans les fibres qui occupent

l'intérieur du bourgeon musculaire. En tout cas leur volume est

souvent très considérable, et le tissu interstitiel est aussi très riche

en noyaux. En conséquence :

La bien moindre largeur des fibres nerveuses et musculaires, l'absence

d'étranglements des fibres nerveuses, la richesse en gros noyaux du

parenchyme et du tissu interstitiel, l'allure des cylindraxes pendant les

stades postembryonnaires précoces, le non-développement des manchons

de myéline expliquent, sans qu'on puisse assigner le rôle joué par cha-

cun de ces facteurs, les différences d'excitabilité fonctionnelle entre le nou-

veau-né et l'adulte. Il est fort probable que le développement des man-

chons de myéline est particulièrement coupable.

Suit une intéressante application des études embryogéniques

(C.) et anatamopathologiques (D.) à ces données-là. La progression

précédemment établie n'a malheureusement pas encore puisé de

sanction réciproque dans la détermination exacte de la régression

des nerfs normaux infantiles ou adultes. Ce qui est, quoique cela,

extrêmement probable, c'est que la fibre normale doit être tenue

pour le prolongement cylindraxile protoplasmique de la cellule

nerveuse ganglionnaire centrale et que la formation ou la diffé-

renciation du cylindraxe est parallèle à la production de la myé-

line. P. KERAVAL,

II. Contribution A l'anatomie pathologique ET au COMPLEXES SYMP-

TOMATIQUE CLINIQUE DES AFFECTIONS AtULTILOCDLA1RES DE L'ENCÉ-

PHALE; par M. KOEPPEN. (drchiv. f. Psychiat., XXVI, 1.)

Observation I. Troubles de la parole. Attaques congestives;

réaction pupillaire défectueuse; nystagmus; strabisme divergent.

Pseudosymplôme de de Groefe. Périencéphalite angiomateuse, Arté-

rio-sclérose. -

C'est une démence paralytique avec excessive vascularisation, en

foyers occupant l'écorce du lobe frontal, des ascendantes, du lobe

temporal et de l'insula. Çà et là atteinte de la substance blanche-

et des cavités grises centrales jusqu'au début du quatrième ventri-

cule. Atrophie complète des éléments nerveux, fibres et cellules.

Extrême altération des vaisseaux. Syphilis probable, mais les vais-

seaux n'en présentent pas traces.

Cas. II. Démence; hypocondrie; hémiplégie gauche; hémi-

parésie droite. Atrophie des extenseurs de l'avanl-bras. Réaction

pupillaire conservée. Intégrité de la parole. Dans l'écorce de l'hé-

misphère droit, atrophie avec cavités et cicatrices.

138 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Il s'agit d'une paralysie générale traumatique consécutive à une

lésion en foyer (hémorragie pie-mérienne et corticale) déterminée

par une contusion de la tête. Les lésions diffuses généralisées en

ont été -la conséquence; puis s'est produite la dégénérescence

secondaire unilatérale et de la poliomyélite cervicale.

OBs. III. Démence; accès vertigineux; raideur musculaire et

attitude de la paralysie agitante; rélropulsion. Arlério-sclérose. Mort

consécutive à une apoplexie. Foyers multiples de ramollissement.

Ramollissement chronique du cerveau par artério-sclérose ayant

détruit la substance blanche avec dégénérescence des faisceaux

postérieurs, antérieurs et latéraux de la moelle par altération des

faisceaux antérieurs dans les pyramides. P. K.

III. ETUDES anatomiques sur DES cerveaux d'aliénés ;

par ScHLOESS. (Jahrbüch. f. Psychiat., XII, 3.)

Examen de la surface cérébrale de cinquante-deux aliénés héré-

ditaires dont sept idiots (nombreuses planches). Ces cerveaux res-

sembleraient aux cerveaux de criminels de Benedikt (anaslomose

fréquente des sillons, présence de sillons accessoires). Il arrive

assez souvent que le cerveau laisse plus ou moins à découvert le

cervelet. Les anomalies des circonvolutions témoignent de types

rétrocédant ou de formations atavique»; exemples : quatre circon-

volutions frontales latérales comme dans les cerveaux de carnas-

siers, anomalies du sillon calloso-marginal, présence du sillon

orbitaire externe.

Il y aurait donc une parenté entre l'homme né pour le crime et

celui qui en naissant présente une prédisposition à la folie; le sub-

stratum organique de l'anomalie psychique réside dans les ano-

malies cérébrales.

Comparant les cerveaux d'individus dont le développement psy-

chique est très élevé avec ceux des criminels et avec les siens,

M. Schloess trouve que, * en général, on ne saurait nier qu'il n'y ait

un accord remarquable entre les états anatomiques des cerveaux

de personnes très intelligentes, et ceux des cerveaux de criminels

et d'aliénés héréditairement prédisposés ', mais « il n'existe pas

encore assez de matériaux pour qu'on puisse conclure avec certi-

tude D ; « l'homme de génie est-il, tout comme le criminel et l'aliéné

héréditaires, un individu taré ? c'est une question insoluble,jusqu'ici

du moins, par l'étude de l'anatomie cérébrale. » P. 1(EllnvaL.

IV. LE phénomène du genou ET l'équilibration DE la jambe ;

par Sommer. (Jah1'bÜch. f. Psychiat., XI ! , 3.)

On place le sujet à examiner sur un banc bien plan; le genou

dépasse le bord de ce-banc. Le jarret repose sur un appui en collier

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 139

moelleux qui soutient ainsi la cuisse et l'immobilise; la jambe

de tout son poids, pend en dehors du collier. On la charge de

faire équilibre à un poids suspendu à une corde qui se réfléchit au

plafond sur une poulie et vient s'attacher au-dessus des malléoles

par un manchette de crin; la jambe ainsi suspendue en équilibre

n'a donc plus de poids. On la fléchit sur la cuisse à un angle de 45

de sorte que les contractions produites sur elle par le choc du

tendon rotulien se transmettront à la corde qui agira sur un

levier; celui-ci inscrira ces contractions sur un tambour en rota-

tion.

On a vu par cet appareil que, en frappant le tendon tricipital, on

obtient non un simple réflexe, mais une alternative de tensions

dans les muscles antagonistes, comme dans le clonus podalique.

La courbe d'enregistrement est dite courbe pendulaire physiolo-

gique. Par ce procédé on constate aussi d'une manière frappante

l'existence du réflexe croisé dans l'exagération de l'excitabilité ré-

flexe, ainsi que l'existence du réflexe tendineux dans certains

cas où par la méthode ordinaire, ce dernier parait manquer.

P. K.

V. Contribution A la connaissance : DE l'anatomie pathologique DE

la paralysie AGIT.1NTE ET DE SES rapports avec certaines MALA-

DIES nerveuses DE la vieillesse; par E. REDLICH. (Jahrbùch. f.

Psychiat., XII, 3.)

Il y a, dit M. Redlich, une lésion anatomique fixe qui est la cause

de la maladie de Parkinson. L'auteur en possède sept observations

dont deux dans ce mémoire. On constatait ce qui suit dans l'es-

pèce.

C'était dans la moelle, surtout dans les cordons postérieurs et

latéraux, une sclérose périvasculaire, moins prononcée dans les

autres parties de la substance blanche, affectant la forme d'ilôts

petits. La lésion, d'une netteté très grande dans les cordons posté-

rieurs, était constituée par de nombreux vaisseaux, à lumière très

rétrécie, à tunique interne légèrement proliférante, à tunique

moyenne fort épaissie. En dehors de cette dernière, tissu grenu

très épais qui avait donné naissance à la condensation scléreuse.

Par confluence, se forment de gros foyers avec altérations des fibres

nerveuses; dans les petits foyers scléreux, les fibres nerveuses

conservent leur aspect normal. Les parties internes et antérieures

des cordons postérieurs sont la plupart du temps le plus gra-

vement atteintes; dans les cordons latéraux, les altérations ont

leur maximum de netteté dans la zone qui correspond à peu près

aux faisceaux latéraux des pyramides. Suivant la hauteur de la

moelle, il y a des différences dans l'intensité de la lésion; on peut

presque en désigner deux centres : l'un qui occupe la moelle lom-

140 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

baire, l'autre, le renflement cervical. En somme il s'agit d'une

endo et périartérite avec propagation du processus inflammatoire

aux alentours des vaisseaux.

Il convient d'en rapprocher les altérations séniles de la moelle

(observation), car alors c'est à ces altérations qu'on peut rattacher-

l'oblitération du canal central, la pigmentation des cellules ner-

veuses, l'abondance des corps amyloïdes, que l'on trouve aussi dans la

paralysie agitante. Quant à l'épaississement des vaisseaux, il n'at-

teint jamais dans la moelle de vieillards autrement bien portants le

haut degré qu'il atteint dans la paralysie agitante; chez le vieillard,

on ne rencontre pas la couche grenue externe des vaisseaux, ni la

sclérose périvasculaire.

Ces lésions anatomiques expliquent la contracture de la paralysie

agitante. (Voy. Démange, Contracture tabétique.)

La plus forte atteinte de la moelle cervicale explique la rigidité

des extrémités supérieures et celle des muscles du cou. L'atteinte

du bulbe est en rapport avec les symptômes des nerfs crâniens,

le masque de la physionomie, le trouble spécial de la parole.

Quant au tremblement, symptôme le plus important et le plus

précoce, de la paralysie agitante, il n'a pas de substratum anatamo-

pathologique. P. K.

VI. DES lésions anatomiques DE la MOELLE dans LES cas DE TUMEURS

cérébrales; par C. MAYER. (Jahrbuch. f. Psychiat., Yll, 3.)

Deux observations de tumeurs cérébrales avec absences partielles

de réflexes, lésion récente des cordons postérieurs qui paraît

plutôt purement fortuite :

Observation I. Gliôme du volume d'un oeuf de poule implanté

dans la couche blanche sous-corticale correspondant au rameau

antérieur de la sylvienne, ayant absorbé l'écorce et repoussant à la

périphérie l'opercule et le pied de la troisième frontale gauche

comprimés. La parésie des extrémités droites tenait à l'atteinte

indirecte de la capsule interne. L'absence des réflexes patellaires

pourrait s'expliquer par la lésion de la zone d'entrée radiculaire de

la moelle lombaire et dorsale inférieure.

Observation II. Endothéliome; gros comme une petite pomme

originaire de l'extrémité antérieure de la grande faux du cerveau,

ayant usé l'os frontal, comprimé et déplacé les lobes frontaux.

Ramollissement jaune citron de ces deux lobes. Quelques altérations

dans la moelle lombaire supérieure et dans la partie de ce segment

qui confine à la moelle dorsale, mais elles sont trop minimes pour

qu'on y puisse rattacher l'abolition des réflexes patellaires; cette

abolition résulte plutôt de processus d'arrêt cérébral dus à la

tumeur. P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 141

VII. SUR la NOUVELLE méthode DE coloration DE l'ensemble DU système

NERVEUX DE ROSIN ET SES REMARQUES SUR LES CELLULES NERVEUSES;

par F. NissL. (Neurolog. Ceratralbl., XIII, 1894.) - Réplique aux

CRITIQUES DE NISSL; par H. ROSIN. (Ibid.)

Polémique engagée entre les deux histologistes, aussi délicate

que leurs études, ainsi qu'on peut s'en rendre compte en lisant

l'exposé des faits qu'ils ont avancés et des interprétations minu-

tieuses (chimie microscopique) qu'ils proposent. Ces mémoires ont

été analysés en leur temps. Rien de nouveau dans la polémique.

Aux micrographes à colorer et à juger. P. K.

VIII. Un TUBERCULE solitaire dans LE pédoncule cérébral DROIT ou

DANS LA CALOTTE, AVEC DÉGÉNÉRESCENCE DU RUBAN DE REIL ; par

J. E. GREIwE. (Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)

Tubercule siégeant dans la région de la calotte du pédoncule;

dégénérescence des tubercules quadrijumeaux antérieur et posté-

rieur droits, dégénérescence de la formation réticulaire, du pédon-

cule cérébelleux supérieur, du ruban de Reil latéral et médian,

légère dégénérescence' du ruban de Reil médian du côté gauche.

La dégénérescence décroit en descendant, si bien que, dans la

protubérance, il n'y a que la portion interne du ruban de Reil

médian à droite, et la formation réticulaire, qui soient encore

atteints. A l'extrémité la plus inférieure de la. protubérance, la

dégénérescence du ruban de Reil médian n'est que très minime,

mais on la voit encore nette en bas sur le côté droit dans le terri-

toire de la couche intermédiaire des olives. Au niveau du champ

moyen de celte couche, il y a une légère déchéance des fibres

transverses, et, à côté, une dégénérescence circonscrite dans le corps

restiforme, dans la zone où émergent les racines de l'acoustique.

Pas de dégénérescence dans les noyaux des cordons grêles et

cunéiformes. La moelle présente une altération douteuse au

niveau du cinquième postérieur des cordons postérieurs. Dégéné-

rescence très accentuée dans la couche optique et dans les deux

nerfs optiques sans lésion de la bandelette optique. Pas d'altération

dans les nerfs périphériques. P. K.

IX. Nouvelle communication relative A L'ÉTUDE DU trajet central

DE l'acoustique; par S. KIRILZEW. (Neurolog. Centralbl., XIII,

1894.)

Recherches expérimentales. L'auteur en déduit ce qui suit :

1. Ni le noyau interne de l'acoustique, ni le noyau de Deiters ne

sont les lieux de terminaison de la racine postérieure de l'auditif.

2. Les fibres de la racine postérieure en question se terminent

142 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

dans le noyau antérieur, dans le tubercule acoustique, dans les

deux olives supérieures, dans le tubercule quadrijumeau postérieur

du côté opposé. Une insignifiante fraction de fibres se termine

peut-être aussi dans le tubercule quadrijumeau postérieur du même

côté. Donc tous les organes suprà dénommés sont des centres pri-

maires des racines postérieures de l'auditif, c'est-à-dire du nerf

cochléaire. 3. Les fibres des racines postérieures qui se termi-

nent dans les olives supérieures, et dans le tubercule quadrijumeau

postérieur, vont par les olives, dans le corps trapézoïde, et par le

tubercule quadrijumeau, dans le corps trapézoïde et le ruban de

Reil inférieur. 4. Les stries médullaires ou acoustiques (barbes

du calamus) se composent de deux faisceaux : un gros faisceau

appartenant à la région cérébrale, un faisceau plus petit apparte-

tenant au plan inférieur (caudal). A. Le gros faisceau vient du

tubel cule acoustique, contourne le corps restiforme de dehors en

dedans et de haut en bas, et, par une trajectoire oblique et anté-

rieure (ventrale), va au raphé où. il s'entre-croise en arrière du corps

trapézoïde avec celui du côté opposé, puis se termine en partie

dans l'olive supérieure opposée; mais sa plus grande portion, en

s'ajoutant au ruban de Reil inférieur, va au tubercule quadrijumeau

postérieur dans lequel elle se termine probablement. Une fraction

insignifiante des fibres de ce trousseau va, en apparence du moins,

à l'olive supérieure du même côté, et aussi au tubercule quadriju-

meau inférieur du même côté. B. Le petit faisceau vient du noyau

antérieur. Il commence, comme le gros, à contourner le corps

restiforme, descend directement entre la partie externe et la partie

interne de ce dernier, dans une direction antérieure, se dirige sur

le côté médian de la racine ascendante du trijumeau et va, incli-

nant sur la ligne médiane, à l'olive supérieure du même côté et du

côté opposé, formant entre-croisement dans le raphé en arrière du

corps trapézoïde. Quelques-unes de ses fibres, plus inférieures,

passent dans le noyau du facial du même côté. Le trajet et les

connexions anatomiques des stries acoustiques (barbes du calamus)

imposent l'idée qu'elles constituent un faisceau d'association cen-

tral, affectant des rapports intimes avec les centres primaires de la

racine postérieure de l'acoustique. 5. Le ruban de Reil inférieur

contient les fibres qui vont à l'olive supérieure du même côté,

et qui unissent celle-ci avec le tubercule quadrijumeau postérieur.

Il n'y a pas de raison de douter de l'existence de fibres analogues

allant à l'olive supérieure du côté opposé. 6. Dans le corps trapé-

zoïde passent les fibres du ruban de Reil inférieur qui vont au

noyau antérieur et unissent ce noyau avec le tubercule quadriju-

meau inférieur du côté opposé. 7. La racine antérieure du nerf

acoustique (d'après nos recherches sous ce rapport d'ailleurs infruc-

tueuses) passe en bas en partie dans le noyau de Bechterew, en

partie dans la racine ascendante de l'acoustique de Roller. P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143

UN cas de défectuosité congénitale DU peaucier DU COU;

par E. REYIK. (Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)

Individu bien portant, présentant une espèce de paralysie par-

tielle du facial localisée dans les muscles mentonniers du côté

gauche semblable à celle que C. Fuerst a décrile à la suite de l'extir-

pation des tumeurs ganglionnaires sous et rétro-maxillaires. Chez

ce malade l'insuffisance du carré et du triangulaire du menton

marche avec celle du peaucier du cou du côté gauche : intégrité

de l'élévateur du menton. Le courant faradique ne fait contracter

ni le carré, ni le triangulaire du menton, ni le peaucier du cou du

côté gauche tandis qu'à droite, l'application du courant au point

moteur symétrique, produit la contraction normale du triangulaire

et du carré du menton, ainsi que de l'élévation du menton. Cette

simultanéité de la difformité et de l'anomalie fonctionnelle indique

une relation anatomique entre les muscles du menton et le peau-

cier du cou. Comme il n'y a point eu de traumatisme, par exemple,

par application de forceps, il y a lieu de penser à une anomalie de

formation congénitale. P. K.

XI. DES rapports réciproques DE L'ANESTHÉSIE ordinaire ET DE L'ANES-

THli3lE sensorielle (diminution DE fonction DES organes DES SENS)

A la lumière DES études CLINIQUES ET expérimentales; par W. DE

B8CHTEREW. (Neurolog. Centralbl., XIII, 189t.)

L'auteur montre l'insuffisance de la théorie du carrefour sensitif

pour expliquer l'anesthésie sensorielle qui accompagne l'hémia-

neslhésie du corps. L'amblyopie qui accompagne toujours l'hémia-

nesthésie organique ou fonctionnelle et siège du même côté que

cette hémianesthésie (Féré, Lannegrâce, Bechterew) résulte de la

diminution de la sensibilité générale du globe de l'oeil qui fait

partie intégrante de 1'tiéiiiiaiiestliésie (Laiinegrâce).il. Kuprewitsch a

réalisé dans le laboratoire de III. de Bechterew une expérience confir-

mative. Il a réussi à détruire dans le bulbe la racine ascendante (sen-

sitive) du trijumeau ; il a ainsi obtenu une hémianesthésie faciale

et céphalique de la sensibilité tactile et douloureuse ; avec elle est

survenue de l'amblyopie du côté anesthésique et de l'affaiblisse-

ment de la fonction des autres sens du même côlé. L'affaiblisse-

ment des sens spéciaux est donc bien la résultante de la suppres-

sion de leur sensibilité générale. Quel en est le mécanisme ? Est-ce

par un trouble de nutrition des éléments sensoriels ? On n'en constate

pas. Il vaut mieux l'attribuer à des troubles vaso-moteurs. L'auteur

a constaté un rétrécissement (spasmodique) des artères rétiniennes;

il doit donc y avoir ischémie de l'ensemble des appareils consti-

tuant l'organe visuel, olfactif, gustatif, auditif; cette ischémie

explique l'affaiblissement des fonctions de la vue, etc. P. K. '

144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XII. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MOUVEMENTS associés particuliers

DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE PARÉSIÉE DANS LA DLÉPHAROPTOSE UNILA-

TÉRALE congénitale ; par M. BERNHARDT. (Neurolog. Gent1'albl., XIII,

1894.)

Celte infirmité porte sur la paupière supérieure droite, le malade,

un jeune homme de dix-neuf ans ne peut ouvrir cet oeil ni seul, ni

en commun avec l'oeil gauche. Mais s'il ouvre largement la bouche

(abaissement du maxillaire inférieur) voici que la paupière supé-

rieure droite se lève et reste levée tant que la mâchoire reste bée. Il

obtient le même résultat en déplaçant le maxillaire inférieur à

gauche, en criant et chantant; la paupière s'élève plus ou moins

suivant le degré d'ouverture de l'orifice buccal. Pendant la masti-

cation, la paupière s'élève et s'abaisse en même temps que les

mouvements de mastication. Or, la contraction des masséters et

des temporaux n'influence point la paupière en question, tant que

la bouche reste fermée. Ajoutons que quand la bouche est large-

ment ouverte le malade peut non seulement ouvrir l'oeil droit com-

plètement, mais le fermer aussi complètement indépendamment

de l'oeil gauche.

Evidemment c'est le ventre antérieur du digastrique et le mylo-

hyoïdien qui exercent cette influence sur l'élévateur de la paupière

supérieure droite; dans le mouvement de rotation du maxillaire

inférieur à gauche, c'est l'action des ptérygoïdiens du même côté

que la blépharoptose qui se réfléchit sur la paupière supérieure. Il

y a restitution du mouvement volontaire par action réflexe, par

suite du voisinage des noyaux moteurs du trijumeau et de l'oculo-

moteur. C'est l'histoire des mouvements associés dans les membres

paralysés. Le bâillement ne s'accompagne-t-il pas en pareil cas de

mouvements dans le bras hémiplégique seul ou de concert avec le

membre du côté non paralysé. P. K.

XIII. DES FIBRES NERVEUSES A myéline DE L'ÉCORCE DU cerveau

de l'homme; par Th. KAES. (Neurolog. Cent1'ltlbl" XIll, 1894.)

Nouvelle numération des fibres sur 3 cerveaux d'hommes de

quarante-deux, quarante-cinq, cinquante-trois ans. Il semble qu'à à

l'âge de quarante ans, graduellement, il se fasse une pause dans le

développement; à ce moment les couches II et III atteignent la

largeur du ruban des fibres d'association externes y compris la raie

de Baillarger. P. K.

XIV. DU FAISCEAU OLIVAIRE DE LA PORTION CERVICALE DE LA MOELLE

ÉPINIERE; part. DE BECHTEREW. (Neurolog. CeH< ! 'a/6<., XIII, 1894.)

Le faisceau central de la calotte de l'auteur (1885), qui part des

olives inférieures et va au cerveau, est bien le faisceau triangulaire

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145

d'Helweg au moins dans ses traits essentiels. Il appartient aux sys-

tèmes de la moelle à développement tardif, car la plupart de ces

'fibres ne prennent leurs manchons de myéline qu'après le faisceau

pyramidal. Il appartient à la moelle cervicale et, pour une part

aussi, à la portion inférieure du bulbe. Au niveau de la partie

supérieure du renflement cervical, entre les racines antérieures, il

affecte la forme d'un petit ménisque qui disparait à l'extrémité

inférieure de la grosse olive. Le segment inférieur de ce faisceau se

trouve entre le cordon antérieur et le cordon latéral, au point

d'émergence des racines antérieures. Il monte en grossissant rapi-

dement, se dirige de plus en plus en avant, et va, au lieu de pas-

sage dans le bulbe, jusqu'à la région des voies pyramidales anté-

rieures. Sur une coupe transverse, il est bien triangulaire mais

rien que dans la portion moyenne de la moelle cervicale; plus bas

près de son origine, il a plutôt la forme d'un petit ménisque; il est

tout à fait triangulaire quand il passe dans le bulbe. Se dirigeant

donc de plus en plus en avant, au point de passage de la moelle

dans le bulbe, il touche finalement, dans la partie inférieure du

bulbe, les voies pyramidales, où il disparait au point où apparait

la grosse olive; il se rend dans le segment antéro-externe de celle-ci.

Ses fibres, fines, prennent leur origine dans la corne antérieure.

Les rapports avec les grosses olives ou olives inférieures indiquent

la légitimité de sa désignation : faisceau olivaire de la moelle cer-

vicale. Comme de l'autre côté de ces olives part, dans la direction

du cerveau, le faisceau central de la calotte, il est évident que

celui-ci et celui-là appartiennent à un seul système de fibres inter-

rompu, dans son trajet, par les olives inférieures. On sait aussi

que celles-ci donnent naissance à de nombreuses fibres qui vont

au corps restiforme du côté opposé, et de là au cervelet.

Son développement, relativement tardif chez le nouveau-né,

permet de le voir très nettement dans le faisceau antéro-externe

de Gowers et Bechterew. Ce dernier, placé par Gowers à la partie

supérieure de la région cervicale, au niveau de la troisième paire,

se dirigerait, sous la forme d'un trousseau mince, entre les voies

pyramidales et cérébelleuses. On pourrait le suivre, dans les plans

inférieurs à la périphérie de la moelle, jusque près des voies

pyramidales antérieures, ce qui, d'après nous, n'est pas tout à fait

exact, car nous n'avons jamais pu le suivre chez les embryons au

delà de la région des racines antérieures. P. K.

XV. Méthode SIMPLE DE constater l'hémianopsie ; par D. AXENFELD.

(Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)

Quand un individu, invité à partager en deux parties égales une

ligne horizontale, en ne la regardant que d'un oeil, commet avec

cet oeil toujours la même erreur, c'est-à-dire quand il en apprécie

Archives, t. XXX. 10

146 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

invariablement la même moitié trop petite, et quand, à la vision

binoculaire, il commet la même erreur, mais dans des proportions

encore plus grandes, on est en présence d'une hémianopsie homo-

nyme latérale qui siège du même côté que la moitié trop petite

à la ligne horizontale partagée en deux. Ceci permet de se passer

de périmètre et de découvrir la simulation. P. K.

XVI. DES différents modes DE station chez l'homme sain ; par

M. Paul Richer. (Nouv. iconog. de la Salpétrière, 1894, u° 2.)

Elude à la fois anatomique, physiologique et artistique. D'abord

une définition générale des stations du corps. Ce sont les manières

les plus simples de se tenir au repos sans que le corps soit complè-

tement abandonné à l'action de la pesanteur. Toute station donc

est un acte de résistance aux lois de la pesanteur.

Les modes de station qu'il importe surtout d'analyser avec soin

sont : le mode de station verticale droite ou symétrique, celui de

cette même station sur la pointe des pieds, celui de la station

verticale hanchée ou asymétrique. Les autres stations ne sont que

des modifications ou des combinaisons de celles-ci; ainsi la station

sur un pied, la station à genoux, la station assise.

Dans toutes ces stations, les différents segments du corps, plus

ou moins mobiles naturellement les uns sur les autres, doivent

cependant être maintenus dans un état d'extension réciproque.

On a fait plusieurs théories, quant à la cause qui maintient

ainsi cette extension réciproque des différents segments du

corps. La théorie purement musculaire est la plus ancienne,

puis la théorie mécanique qui fait uniquement intervenir l'exten-

sion des ligaments articulaires, enfin la théorie de Giraud-Teulon

basée sur la tonicité musculaire. Pour M. Paul Richer, la contrac-

tion musculaire, la distension des ligaments et la tonicité mus-

culaire, ces trois éléments interviennent tous, concurremment ou

isolément, selon les articulations considérées. Sa théorie est

éclectique et il en prouve le bien fondé.

Voici un aperçu de l'élude de la station verticale symétrique, il

suffit pour donner une idée du très intéressant travail de M. Paul

Richer. Dans ce mode de station, le corps est droit, vertical, les

pieds se touchent par les talons et font ensuite l'un avec l'autre un

angle de 35°. Le poids de la tête et du tronc est transmis aux

membres inférieurs par l'intermédiaire de la ceinture, du sacrum

et des os iliaques. La ligne de gravité, c'esl-à-dire la ligne qui

passe par le centre de gravité du corps, arrive en bas, en avant de

l'articulation libio-tarsienne, dans un plan transversal situé en

avant de l'apophyse du cinquième métatarsien. Prolongée par en

haut, cette ligne passe en avant du moignon de l'épaule et traverse

le pavillon de l'oreille vers son milieu. Il serait trop long de relater

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 147

ici le procédé inïénieux employé par l'auteur pour déterminer le

lieu précis du centre de gravité chez l'homme en station verticale.

La tête en' station sur la colonne vertébrale, la ligne de gravité

passe un peu en avant de l'articulation occipito-atloïdienne. La

tête tomberait donc en avant si elle n'était pas maintenue par les

muscles de la nuque en contraction légère. C'est un levier du pre-

mier genre. La théorie musculaire trouve là une confirmation

complète, c'est la contraction musculaire qui maintientl'extension

de la tête, mais elle est très peu forte, les muscles ne font pas

de saillie.

L'équilibre des diverses pièces du rachis s'établit aussi par un

levier du premier genre, le point d'appui est au centre du corps de

la vertèbre, la résistance est un peu eu avant de lui, à la ligne de

gravité, et la puissance est représentée par les muscles du dos et

du cou. Aux lombes, la ligne de gravité passe en arrière des ver-

tèbres, la puissance alors est aux muscles de l'abdomen, les muscles

lombaires n'agissent pas.

Dans la station du tronc sur les cuisses, l'équilibre est instable

par suite de la conformation de l'articulation de la hanche, tout

le corps appuyant sur la tête du fémur libre dans la cavité cotyloïde.

Or, les fesses sont en relâchement, l'observation le démontre; les

muscles fessiers n'interviennent donc pas, contrairement à ce qu'on

pourrait croire de prime abord, pour maintenir la station du

tronc sur les cuisses. La ligne de gravité passe en arrière de l'axe

transversal qui joindrait le centre des deux articulations de la

hanche, la puissance doit par conséquent se trouver en avant de

cet axe, et elle est réalisée par la distension du ligament de Bertin

situé à la partie antérieure de l'articulation, et en même temps par

quelques muscles de cette région. Les fessiers n'agissent, en réalité,

que pour rectifier l'équilibre quand le tronc penche en avant.

Quant à la station des cuisses sur le tibia, la ligne de gravité

passant en avant de l'articulation du genou, cette articulation est

maintenue en extension par la pesanteur et par la distension des

ligaments articulaires, principalement par la distension du ligament

croisé. Il faut aussi faire intervenir la distension des muscles

jumeaux.

Dans la station des jambes sur les pieds, la ligne de gravité

passant en avant de l'articulation, laquelle ne possède pas de liga-

ments capables de limiter les mouvements en avant ou en arrière,

la puissance qui empêche le corps de tomber en avant est le

muscle gastro-cnémien. Il est distendu et non contracté, sinon la

pointe du pied s'abaisserait.

Dans la station enfin des pieds sur le sol, le pied repose sur le

talon, par son bord externe et par sa partie antérieure.

Ces considérations exposées vient la description des formes exté-

rieures dans la station verticale symétrique. Les deux moitiés du

148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

corps sont symétriques. L'axe des épaules est dans un plan hori-

zontal qui passe par la deuxième pièce du sternum. Les différents

segments du corps forment une ligne brisée dont les angles sont

très ouverts. L'axe des hanches est toujours en avant de l'axe des

épaules. La distance qui sépare les deux verticales passant par les

axes des épaules et des hanches égale 7 à 8 centimètres. Cette

mesure est très importante, elle varie avec la courbure des reins,

etc., etc. Quant aux caractères morphologiques, le ventre est légère-

ment tendu, les muscles spinaux, aux reins, forment un relief mou

et arrondi. Les fesses sont aplaties, de forme quadrilatère, à

angles arrondis. Le pli fessier est profond. Les cuisses sont bridées

latéralement par l'aponévrose. En bas et en avant on voit le relief

caractéristique du relâchement du triceps. La rotule est descendue

et saillante. Le jarret est tendu, les muscles du mollet sont nette-

ment marqués. La ligne de gravité tombe dans l'espace recouvert

par les deux pieds et le triangle qui les sépare, ce qui permet au

corps de s'incliner en tous sens d'une certaine quantité. Avec des

souliers rigides, très longs, il est remarquable combien le corps

peut, sans tomber, s'incliner en avant. Attitudes que le corps prend

quand il supporte des fardeaux, etc.

Ces quelques lignes suffiront, je l'espère, pour faire saisir l'im-

portance du travail de M. Paul Richer. Au point de vue purement

artistique, ce travail constitue une sorte d'anatomie raisonnée des

formes extérieures du corps humain, avec les modifications que,

physiologiquement, les changements d'attitudes entraînent dans

cette morphologie. Au point de vue médical, son importance est

plus grande encore, il est le préliminaire nécessaire de toutes les

recherches sur les affections générales du squelette, des articulations

et des muscles ; et de fait, il constitue, dans la Nouvelle iconographie

de la Salpêtrière, le premier chapitre d'une série d'articles sur les

myopathies et sur les athropathies nerveuses. CAMUSET.

XVII. DE la station ET delà marche chez LES 3rYOPATHIQUES;

par M. Paul RICaEa. (Nouvelle iconogr. de la Salpêtrière, 1894, n° 3.)

Considérations cliniques et physiologiques sur la station et la

marche chez les myopathiques, à propos d'une femme myopathique

de la Salpêtrière dont les muscles, tout en ayant à peu près con-

servé leurs reliefs ordinaires, sont excessivement faibles. Malgré

cette impuissance fonctionnelle presque absolue, la malade se tient

debout en équilibre stable et elle peut marcher.

La raison en est que la station debout exige que les différents

axes du corps soient maintenus en extension les uns sur les autres

et fixés ainsi, et que pour réaliser cette disposition, le système

musculaire n'a pas, comme on le croyait autrefois, un rôle pré-

pondérant. Rappelant les propositions établies par lui dans un

REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149

précédent travail analysé dans ce journal : Des différents modes de

station chez l'homme sain, M. Paul Richer fait voir successivement :

qu'une légère contraction des muscles de la nuque suffit pour

maintenir la tête droite sur le cou. Chez la malade, la tête est

précisément un peu inclinée en avant par suite de la faiblesse de

ces muscles. Que l'équilibre du bassin sur les cuisses est main-

tenu, non par les contractions des fessiers, mais par la pesanteur et

l'extension des ligaments antérieurs de l'articulation de la hanche.

Que les genoux sont maintenus en extension par le fait des liga-

ments croisés. Que l'articulation de la jambe avec le pied enfin est

fixée par le muscle gastro-cnémien qui, dans ce cas, agit comme un

ligament; il est tendu et non contracté. Les muscles du mollet

deviennent, du reste, parfois trop courts, il en résulte le pied équin

qui n'est pas rare chez les myopathiques.

Quelles que soient les déformations du tronc dépendant d'une

atrophie oud'une rétraction musculaires, l'attitude des arthropa-

thiques a toujours les mêmes caractères que l'attitude physiolo-

gique. Tout dépend des lois mécaniques connues maintenant, et

en particulier du passage de la ligne de gravité en arrière de l'ar-

ticulation de la hanche et en avant de celle du genou. L'obliquité

physiologique des axes les uns sur les autres augmente même chez

les atrophiés dans le but d'assurer une stabilité plus grande; la

base de sustentation se trouve ainsi augmentée dans le sens antéro-

postérieur.

On a établi deux types selon que la ligne de gravité passe très

en arrière du centre articulaire de la hanche, ou au contraire qu'elle

passe en avant de lui. Dans ce dernier cas, le plan des épaules est

antérieur à celui des hanches, et le tronc est incliné en avant.

Dans le premier la disposition est inverse, et le tronc est plus ou

moins fortement incliné en arrière. C'est à ce type d'inclinaison en

arrière que se rattache d'une manière générale la station des

myopathiques et des atrophiques.

L'étude de la marche des myopathiques est précédée d'une étude

physiologique de la marche, laquelle n'est pas la reproduction

simple des doctrines classiques sur le sujet, elle est au contraire

remplie d'aperçus personnels à l'auteur qu'on ne peut que signaler

seulement ici. A relever cependant que le grand fessier a un rôle

très restreint dans la marche. Les moyens fessiers entrent au con-

traire en contraction à chaque pas du côté de la jambe portante,

et cette contraction dure tout le temps de l'appui unilatéral. Elle

s'oppose ainsi à la chute latérale du bassin entraîné par le poids

du membre oscillant, et cependant le bassin incline un petit peu

de ce côté.

Les myopathiques marchent en canard, terme vulgaire mais très

juste. Cela tient à une inclinaison exagérée latérale du bassin du

côté de la jambe oscillante, et ensuite à une inclinaison du tronc

1ôO REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rejeté en son entier du côté opposé, c'est-à-dire du côté de la

jambe portante. La cause en est dans la faiblesse du moyen fessier.

L'action du torse, elle, est une action de compensation pour main-

tenir la ligne de gravité dans le pied portant. Ces explications

physiologiques sont très justes, la preuve en est par exemple dans

le fait d'un autre malade du service. Ce sujet n'a qu'un seul moyen

fessier atrophié, celui du côté droit. La chute latérale du bassin

ne'se produit que dans l'appui latéral de la jambe droite, c'est-à-

dire qu'il se produit à gauche. Par suite, le tronc s'incline à

droite.

En terminant son travail, l'auteur rappelle ce que disait Charcot

de l'importance des études morphologiques humaines si utile aux

nosographes et aux cliniciens. A noter enfin que ce qu'il peuty avoir

d'un peu abstrait dans l'étude de M. Paul Richer est rendu clair et

facile par les nombreuses figures et photographies intercalées dans

le texte. CAMUSE.

XVIII. Rapport DE L'ORIGINE DES NERFS rachidiens avec LES apophyses

épineuses; par M. A. CHIPAULT. (Nouvelle iconographie de la Sal-

pêtrière, 1894, n° 4.)

Pour trouver les rapports cherchés rapports donton comprend l'uti-

lité au point de vue de la médecine opératoire, l'auteur aemployé un

procédé inédit. Ce procédé est basé sur l'emploi de dessins juxtapo-

sés et représentant très exactement les régions diverses du rachis,

du rachis ouvert, du rachis et de la dure-mère ouverts. La moelle

a sa limite inférieure aux environs de la première apophyse épi-

neuse lombaire, elle descend un peu plus bas chez la femme adulte,

ce qui tient à la plus grande courbure lombaire chez elle. Chez

l'enfant, elle descend au même niveau que chez l'homme adulte,

sans différence sexuelle. Chez le nouveau-né, elle va jusqu'à la partie

inférieure de la deuxième apophyse épineuse lombaire. Les trous

de conjugaison ne s'élèvent que fort peu au-dessus des apophyses

épineuses de leurs vertèbres correspondantes. Les paires ner-

veuses ne sortent pas de suite du rachis, elles suivent un trajet

intra-rachidien oblique de haut en bas et en dehors, avant d'arri-

ver à leurs trous de sortie. La question intéressante, pour le chi-

rurgien, est de savoir à quelle apophyse épineuse correspond, pour

une racine donnée, le point de départ médullaire de ce trajet. Ce

qui simplifie la recherche, c'est que les quatre racines homologues

naissent au même niveau. La longueur de ce trajet présente de

nombreuses variations individuelles, mais l'auteur a quand même

trouvé une formule dont l'application donne des résultats suffisam-

ment exacts pour la pratique.

A la région cervicale, il faut ajouter 1 au numéro d'une apophyse

déterminée par le palper, pour avoir le numéro de la racine qui

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 181

nalt à ce niveau. A la région dorsale supérieure, il faut ajouter 2.

A partir de la sixième apophyse épineuse jusqu'à la onzième, ajou-

ter 3. La partie inférieure de la onzième apophyse dorsale et l'es-

pace interépineux sous-jacent répondent aux trois dernières paires

lombaires. La douzième dorsale et l'espace sous-jacent, aux paires

sacrées.

Il faut modifier légèrement ces formules pour les enfants, chez

eux les paires des nerfs vertébraux naissent un peu plus haut que

chez les adultes, ce qui tient au développement de la moelle dor-

sale qui, vers six ou sept ans, s'allonge proportionnellement plus

que le rachis dans lequel elle est contenue. C.

XIX. LE NERF labyrinthique; par M. Pierre Bonnier.

(Nouvelle iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 6.)

M. Bonnier expose d'une façon très précise, en s'étayant sur

l'anatomie, l'embryogénie et l'anatomie pathologique, les origines

et les connexions du nerf auditif. Il établit, et c'est un des points

les plus importants de son étude, l'homologation du nerf labyrin-

thique et des faisceaux nerveux divers qui le composent. C'est ainsi

qu'il fait voir que le nerf labyrinthique est l'homologue d'une racine

spinale postérieure, et qu'il démontre que le nerf vestibulaire est

avant tout cérébelleux, alors que le nerf cochléaire est plutôt céré-

bral. Les fibres d'origine de ce dernier arrivent aux régions

corticales, temporales et pariétales. L'étude du cerveau d'un sourd-

muet permet même de localiser à la pariétale ascendante le lieu

exact d'origine. Comme c'est là également qu'aboutissent les fibres

originaires du faisceau de Goll, il est facile de déduire le rôle de

ces conducteurs vestibulaires et médullaires vis-à-vis de la motricité

volontaire appliquée à l'équilibration.

La seconde partie de ce travail est consacrée à l'interprétation,

par les données anatomiques susindiquées, de la physiologie du

nerf auditif. Tout d'abord l'auteur énumère toutes les fonctions

qu'il attribue aux papilles de l'oreille interne. L'audition est la plus

consciente des fonctions auriculaires, mais c'est la plus récemment

acquise, l'immense majorité des êtres pourvus d'oreilles ou d'appa-

riels analogues n'entend pas. En réalité ces appareils ont une

double fonction : 1° ils servent à renseigner l'animal sur les atti-

tudes et variations d'attitude des segments qui portent l'appareil

de signification auriculaire, c'est l'orientation subjective directe;

2° ils le renseignent sur la pression et les variations de pression du

milieu qui le baigne. L'audition n'est que la perception de varia-

tions très légères et très rapides de la pression ambiante, dues à la

propagation d'ondes alternativement dilatantes et condensantes.

Voici selon l'auteur les diverses formes des deux grandes fonc-

tions :

152 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

1° Les crêtes âmpullaires nous fournissent les notions d'attitude

et de variations d'attitude du segment céphalique, avec le sens, la

durée et la vitesse de ces variations. C'est l'orientation subjective

directe. 2° La macule utriculaire renseigne sur la tension et les

variations de tension des liquides labyrinthiques et endocrâniens.

- 3° Elle indique aussi les variations de tension dues aux variations

lentes du milieu ambiant. 4° La macule sacculaire nous permet

d'apprécier l'incidence des ébranlements communiqués. - 5° Le

tympan sphérique, qui la recouvre, la rend accessible aux varia-

tions rapides de pression extérieure. 6° La papille cochléaire per-

çoit les mêmes ébranlements et les classe selon l'acuité (fonctions

auditives). 7° Toutes les papilles recouvertes de formations

inertes sont sensibles aux trépidations communiquées à celles-ci

par la paroi osseuse sous-jacente. 8° Enfin, à l'orientation objec-

tive correspond l'orientation subjective directe qui nous permet de

définir notre position dans un espace objectivement connu.

M. Ponnier termine en recherchant pour chacune de ces fonctions,

les centres et les conducteurs utilisés. Notons seulement une de

ces études, celles du signe de Romberg, parce qu'elle nous intéresse

particulièrement.

L'équilibration consciente ou non est étayée sur trois sources

d'informations périphériques : la vue, laquelle est supprimée dans

la recherche du signe de Romberg; il reste l'orientation subjective

directe et le sens des attitudes segmentaires (sens musculaire).

L'orientation exige l'intégrité des conducteurs et noyaux des nerfs

ampullaires, le sens des attitudes dépend de celle des cordons pos-

térieurs de la moelle et des noyaux correspondants. Suivant que

l'un ou l'autre ou l'un et l'autre de ces appareils est lésé, le signe

' de Romberg prend des caractères différents. Dans le tabes, les cor-

dons postérieurs, seuls atteints, le sujet sent parfaitement les oscil-

lations et cherche à rectifier l'attitude, mais il ne peut y arriver et

ne fait que des gestes incohérents, non parce qu'il y a trouble de la

motricité, mais parce qu'il ne sait où prendre les mouvements con-

venables, les images d'attitudes segmentaires étant viciées ou

absentes. Quand, dans le tabes, le nerf labyrinthique est aussi

envahi par la sclérose, le sujet tombe sans même s'en douter, il n'a

pas besoin de rectifier une attitude qu'il n'a pas même senti se

fausser. C'est le signe de Romberg complet. C. ,

XX. Un cas DE BIDACTYLIE DE la main DROITE par amputation congé-

NITALE ; par M. LECLERC., (Nouvelle iconog. de la Salpêtrière, 1894,

. n° 4.)

Le sujet est une femme appartenant à une famille nombreuse

dont aucun des membres n'a présenté d'arrêt de développement.

La main droite est bidactyle, il ne reste que le pouce et l'auri-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 153

culaire, tous deux atrophiés. Pas la moindre cicatrice sur les moi-

gnons dont la peau est très lisse. Le membre supérieur droit est

légèrement atrophié Y a-t-il eu arrêt de développement ou am-

putation intra-utérine ? Il est difficile d'être affirmatif à cet égard;

mais l'auteur, tenant compte de la belle constitution du sujet, de

l'absence de tout arrêt de développement et de tout signe de dégé-

nérescence dans la famille, croit, malgré l'absence de cicatrice, qu'il

s'agit d'un cas d'amputation intra-utérine; la cicatrice aurait dis-

paru avec le temps ( ? ). - C.

XXI. Deux cas d'hermaphrodisme antique; par M. DIRIGE.

- (Nouv. iconog. de la Salpêtrière, 1895, no 1.)

On a pensé que l'hermaphrodisme antique était purement con-

ventionnel. t L'art, a-t-on dit, peut être considéré comme le créa-

teur du type hermaphrodique. » La proposition est trop absolue ;

le type idéalisé par les Grecs n'est pas en contradiction avec toutes

les données de la nature.

Les hermaphrodites anciens, au point de vue esthétique, sont

beaux. Or, que présente la nature ? D'abord on n'a pas d'exemple

authentique d'un hermaprodile véritable, c'est-à-dire d'un être

qui serait à la fois, anatomiquement ou physiologiquement, homme

et femme. En revanche, on rencontre des individus qui ont leurs

organes sexuels atrophiés, déformés au point qu'il est parfois dif-

ficile de reconnaître leur véritable sexe. De tels sujets, ordinaire-

ment porteurs d'autres tares physiques, n'ont guère dû tenter le

pinceau ou le ciseau des artistes. Mais il n'est pas rare de voir

d'autres personnages qui ont avec des organes sexuels simplement

arrêtés dans leur développement et non déformés, les attributs

sexuels secondaires du sexe opposé. Ce sont ceux-là qui, idéalisés

par les artistes grecs, sont devenues les Eros, les Ganymèdes, les

Bacchus.

Ces hermaphrodites antiques existent donc encore de nos jours,

ce sont ces sujets que nous diagnostiquons atteints d'infantilisme

ou de féminisme.

Et l'auteur donne deux observations détaillées, l'une d'infanti-

lisme, l'autre de féminisme, mais aucune description ne peut rem-

placer les photographies des sujets jointes à son texte.

Il existe des collections nombreuses d'hermaphrodites antiques,

quelques-uns sont célèbres dans le monde artistique. On peut les

diviser en deux groupes. Le premier comprend des personnages

conventionnels qui renferment réunis les caractères de. la beauté

pris dans l'un et l'autre sexe, c'est l'art idéal, aucun exemple n'est

l'expression d'une vérité morphologique. Ainsi une statue figure un

corps de femme très bien modelé avec les organes génitaux mâles

très développés. - Le second groupe est naturel, c'est la copie de

154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

la nature idéalisée. Ce sont les hermaphrodites dont Platon admi-

rait la beauté hybride. Les lignes du corps tiennent à la fois de

celles de l'homme, de la femme et de l'enfant. Les deux sexes sont

représentés par leurs attributs, mais peu accentués. Les seins sont

petits mais bien' faits, les organes mâles sont ceux d'un enfant de

six ans, la figure est celle d'un éphèbe. CAMUSET.

XXII. L'anatomie FINE DE la région INFUNDIBULAIRE DU cerveau

comprenant la glande pituitaire; par Henry BERKLEY. (BI't2t22,

part. IV, 1894.)

L'auteur a fait ses recherches chez douze chiens de races

diverses et chez six souris. Il a étudié successivement la glande

pituitaire, la région infundibul'aire, la névroglie des parois ventri-

culaires, les éléments nerveux du tuber cinereum et enfin des

corps mamillaires. Neuf planches hors texte renfermant trente

figures représentant des préparations faites avec la méthode de

Golgi, avec cette méthode modifiée par l'auteur avec l'acide picri-

que, et avec la méthode de Nissl. Il nous est impossible de donner

l'analyse de ce travail important qui est essentiellement descriptif

et ne comporte point de conclusion. P. S.

XXIII. ORSERVAT10NS'SUR LES relations centrales DU GLOSSO·PHARYN-

GIEN, DE L'ACCESSOIRE ET DE L'HYPOGLOSSE A PROPOS D'UN CAS DE

paralysie BULBKIRE; par W. Adrien TUANEA et W. BULLOCH. (Brain,

part. IV, 1894.) ,

Il s'agit d'une femme de soixante-six ans présentant de la para-

lysie des lèvres, de la langue et du voile du palais; un défaut d'ar-

ticulation et de déglutition; puis elle présenta de la paralysie des

cordes vocales et une atrophie des interosseux des mains; pas

d'affection des muscles de l'oeil, ni de ceux de la mastication.

Durée d'environ deux ans et demi. A l'autopsie, dégénération des

cellules ganglionnaires du noyau de l'hypoglosse, du noyau ambi-

guis (noyau moteur du nerf vague et du -losso-pharyn-ien), du

noyau facial, et des cornes antérieures de la moelle dans les régions

cervicale et dorsale. Légère sclérose des cordons pyramidaux croi-

sés. Les conclusions de ce travail sont que le noyau principal de

l'hypoglosse est la seule source des racines du nerf hypoglosse. Les

fibres propres du noyau proviennent pour une grande part des

pyramides. Les autres fibres afférentes viennent de la formation

réticulaire. Le nucléus ambiguus est le noyau d'origine des fibres

motrices du glosso-pharyngien et du spinal, et la source d'inner-

vatiou du muscle releveur du voile du palais, des muscles thyro-

aryténoïdiens et probablement aussi des muscles du pharynx. Le

noyau postérieur du glosso-pharyngien est le noyau terminal des

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155

processus cylindraxiles des cellules ganglionnaires au-dessus du

tronc des nerfs glosso-pharyngien et pneumogastrique.

Le tronc du facial reçoit un large apport de fibres du faisceau

longitudinal postérieur du côté opposé, qui vient probablement du

noyau du moteur oculaire commun. Le groupe de cellules postéro-

latéral de la corne antérieure de la moelle est le moins affecté et le

dernier dans la polyomyélite progressive chronique, et, comme

l'a montré hünrazzini; est probablement en rapport avec les

mécanismes réflexes de la moelle. P. S.

XXIV. CONNEXIONS centrales DE certains NERFS crâniens ;

par Aldren TURNER.

L'auteur signale quelques points spéciaux des connexions fibril-

laires d'origine de la cinquième paire et des nerfs hypoglosse, vague

et glosso-pharyngien. -

Il tire ses arguments de plusieurs observations de paralysie bul-

baire et delà section expérimentale du glosso-pharyngien. (British

Médical Journal, 22 septembre 1894.) A. Marie.

XXV. Dégénérations CONSÉCUTIVES A la LÉSION expérimentale

du CERVELET; par RSlel1 RUSSEL et AIL CAMPELL.

Ces auteurs par des expériences sur les animaux d'une part, cor-

roborées par cinq observations cliniques suivies d'examen histo-

logiques complets concluent à la dégénération du tractus cérébel-

leux direct, consécutivement à l'altération de l'hémisphère céré-

belleux correspondant du même côté. La dégénération secondaire

s'étend d'une part jusqu'aux colonnes postéro-exlernes de la moelle

jusqu'à la région dorsale. Le corps dentelé détruit dans le cervelet

amène une atrophie contra-latérale. Ces faits sembleraient venir

à l'encontre de ceux de Flechsig, Mott, Tooth et autres d'après les-

quels les faisceaux cérébelleux directs étaient considérés comme

centripètes. (British Médical Journal, 22 septembre 1894.)

1 A. Marie.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XXIII. Remarques sur deux cent cinquante cas d'épilepsie ; par

R.-K. MACALESTER. (New-York Médical Journal, 27 janvier et

24 février 1894.) .

L'auteur étudie les données fournies par ces 250 cas au double

point de vue de l'étiologie et de la symptomatologie.

A. Étiologie. 1° Hérédité. On a recherché les antécédents

névropathiques dans 169 de ces cas, et on les a rencontrés dans 52.

Les causes prédisposantes ou provocatrices sont ensuite indiquées

par ordre de fréquence 2° Excès. On les a constatés 44 fois :

l'alcoolisme des parents (avec ou sans excès de tabac) est noté

10 fois, celui des malades eux-mêmes 14 fois; l'abus du tabac seul

2 fois; les excès vénériens 9 fois; le surmenage physique ou mental,

9 fois. 3° Convulsions infantiles : notées 29 fois. 4° Trauma-

tisme suivi d'épilepsie vraie et persistante a été noté 24 fois; dans

23 cas la lésion portait sur la tête ou le corps, et dans un seul

cas sur les nerfs périphériques. 5° Phtisie : notée 17 fois chez

les ascendants, 3 fois chez les malades eux-mêmes. - 6° Affections

fébriles aiguës : notées 17 fois. 7° Hémiplégie infantile : notée

16 fois. 8° Frayeur et émotions : 11 fois. 9° Longueur de l'ac-

couchement, dystocie : 10 fois. - 10° Affections ycestro-intestinales :

4 fois. 11° Action des hautes températures (naturelles ou artifi-

cielles) : 4 fois. 12° Cho ? ,ée : 3 fois. -13° Syphilis : congénitale,

1 fois; acquise, 2 fois. 94 Grossesse : 2 fois, et avortement : .'

1 fois. 15° Ménopause : 3 fois. 16° Rachitisme : ' 2 fois.

17° Vaccination toxique ; 1 fois. 18° Mauvaise nourriture : 1 fois.

Enfin, on a noté comme précédant ou accompagnant assez sou-

vent le début de la maladie, la menstruation, le mariage, la mas-

turbation et la dépression mentale.

Sur les 250 malades observés, on trouve 138 hommes et

112 femmes.- En ce qui touche l'âge auquel l'épilepsie est apparue,

les chiffres de l'auteur sont les suivants, sur 197 cas : de zéro à cinq

ans, 51 cas; de cinq à dix ans, 26 cas; de dix à vingt ans, 65 cas;

de vingt à quarante ans, 48 cas; au-dessus de quarante ans, 7 cas.

B. Symptomatologie. 1° Aura, observée seulement 42 fois.

2° Nature de l'attaque, constatée 212 fois, qui se répartissent

ainsi : haut mal, 87 fois; forme mixte, 69 fois; petit mal, 34 fois;

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 157

haut mal avec épilepsie jacksonienne, 14 fois; épilepsie rotatoire,

2 fois, et épilepsie psychique, 6 fois. 3° Fréquence des attaques,

notée 167 fois : une ou deux attaques par mois dans 44 cas; attaques

irrégulières ou groupes irréguliers d'attaques dans 41 cas; une ou

plusieurs attaques quotidiennes dans 29 cas; une ou deux attaques

par semaine dans 28 cas; une ou deux attaques par an dans 25 cas.

4a Heures des attaques, notées dans 126 cas : dans 59 cas, les

attaques se montraient indifféremment le jour et la nuit; dans

47 cas, le jour exclusivement, et dans 20 cas exclusivement la nuit.

5° Etat mental : on a constaté dans 36 cas des troubles mentaux

caractérisés par de l'affaiblissement des facultés intellectuelles ou

de la mélancolie; dans 10 cas, de l'irritabilité et une humeur que-

relleuse ; dans 5 cas, l'idiotie. 6° Stigmates, constatés 29 fois, et

pouvant se ramener aux quelques vices de conformation suivants :

arrêt de développement de la tête et du corps, oreilles irrégulières,

de dimensions anormales ou non lobulées, saillie du front en

avant, inégalité pupillaire, élévation et voussure anormales de la

voûte palatine, dents inégales, mal développées, chevauchant les

unes sur les autres, tête difforme ou bizarrement conformée, asy-

métrie du visage ou du crâne, occlusion prématurée ou ouverture

persistante des fontanelles, etc. 7° Hémiplégie. L'hémiplégie

infantile a été indiquée au paragraphe de l'étiologie, l'hémiplégie

transitoire qui survient après l'attaque d'épilepsie, ou en d'autres

termes l'hémiplégie dite post-épileptique a été rencontrée six fois.

8° Epilepsie psychique. Dans ce paragraphe, l'auteur donne

"l'observation résumée de quatre cas intéressants, deux cas d'épi-

lepsie avec automatisme, un cas d'épilepsie rotatoire, et un cas

d'épilepsie psychique (petit mal) ; ces quatre cas montrent com-

bien divers et multiples peuvent être les équivalents psychiques de.

l'épilepsie; l'auteur insiste sur l'utilité médico-légale du diagnostic

de l'épilepsie psychique. - Il termine par quelques considérations

sur le traitement, et constate que c'est encore la vieille médication

bromurée qui tient et garde le premier rang; il y a lieu de croire.

toutefois, d'après les résultats déjà obtenus, que, judicieusement

employée dans certains cas déterminés, la médication opiacée pré-

conisée par Flechsig donnera de réels avantages et constituera une

précieuse addition à l'arsenal de la thérapeutique anti-épileptique.

R. DE Musgrave CLAY.

XXIV. Un cas d'agoraphobie; par NEVILLE TAYLOR. (The New-York

' Médical Journal, 30 mars 1895.)

Il s'agit d'un cas d'agoraphophie vulgaire, et le seul point remar-

quable de l'observation est l'absence de toute hérédité névropa-

thique, et de toute autre étiologie vraisemblable, à moins qu'on ne

veuille incriminer l'abus que fait le malade de la cigarette.

R. M.-C.

158 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. -

XXV. Sur la mélancolie : analyse DE 730 cas; parW.-F.FARQUIIARSON.

(The Journal of Mental Science, avril 1894.)

Les conclusions de cet important travail sont les suivantes :

1° parmi les cas de folie observés dans les asiles, la mélancolie est

à peu près moitié moins fréquente que la manie; 2° les fluctua-

tions qui surviennent dans l'état des affaires, les grèves, etc., l'ap-

pdrition de maladies épidémiques comme l'influenza, ou l'existence

de tout autre facteur capable de modifier d'une façon générale la

santé publique, exercent une influence appréciable sur la fréquence

de la mélancolie dans une région donnée ; 3° dans les comtés où

Tailleur a fait ses observations (comtés de Cumberland et deWest-

morland), la mélancolie a paru plus fréquente chez les femmes

que chez les hommes; 4° dans les cas de mélancolie traités à l'asile

de Garlands, la proportion des guérisons a été plus élevée chez les

hommes que chez les femmes, et la proportion totale des guérisons

a été beaucoup plus élevée pour les cas de mélancolie que pour les

cas de manie observés pendant la même période; 5 dans la majo-

rité des cas, la dépression mentale s'accompagne tôt ou tard de

délusions; les cas de dépression simple, sans délusions, sont ceux

dont le pronostic est le plus favorable; 6° dans les cas observés à

l'asile de Garlands, la tendance au suicide existait dans la propor-

tion de plus de 65 p. 100, et dans plus de la moitié des cas où se

rencontrait cette impulsion au suicide, il y avait eu au moins une

tentative; 7° dans un grand nombre de cas, la dépression mentale

est associée à des lésions organiques bien nettes : à l'asile de Gar-

lands, c'est surtout la phtisie pulmonaire qui a été observée dans

ces conditions; 8° le taux de la mortalité dans la mélancolie a été

un peu plus élevé chez les hommes que chez les femmes : la cause

de mort la plus commune a été la phtisie pulmonaire, et, en

seconde ligne, l'épuisement résultant de la mélancolie elle-même;

9° la mélancolie apparaît le plus communément entre trente et

soixante ans; elle est proportionnellement moins fréquente que la

manie durant les premières périodes de la vie; elle l'est davantage,

au contraire, à un âge avancé. Les chances de guérison sont d'au-

tant plus grandes, que la mélancolie a fait son apparition chez un

sujet plus jeune, et, en règle générale, ces chances décroissent

dans la même proportion que s'accroit l'âge du sujet à l'apparition

du trouble mental : toutefois, la guérison peut être obtenue, même

à un âge avancé; 10° la durée d'une crise de mélancolie avant

l'internement du malade dans un asile a une grande influence sur

la terminaison de l'affection mentale : plus on met de promptitude

à interner le malade, plus il a de chances de guérir. Le taux des

guérisons dans les rechutes de courte durée est supérieur au taux

fourni par les premières crises d'égale durée; 11° la durée du trai-

tement à l'asile est extrêmement variable : dans un très grand

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 159

nombre de cas, la guérison est obtenue en quelques mois; d'autre

part, la mélancolie peut guérir même après un séjour de plusieurs

années dans un asile; 12° la proportion des mélancoliques sortis

de l'asile guéris et qui y sont rentrés pour des rechutes a été de

15 p. 100; 13° la mélancolie est une des formes de l'aliénation dans

lesquelles l'influence de la prédisposition héréditaire est le plus

nettement apparente : dans les cas héréditaires, l'apparition du

trouble mental est ordinairement plus précoce, les rechutes sont

plus fréquentes, le taux des guérisons est plus élevé et le taux

mortuaire est plus faible que dans les cas qui ne relèvent pas de

l'hérédité; 14° le plus ordinairement, la crise de mélancolie a une

cause physique; il est moins commun de lui trouver une origine

morale ou mentale; 15° les indications essentielles du traitement

consistent à ramener l'organisme physique à l'état normal, et à

substituer aux conceptions morbides de l'imagination, qui rendent

la vie insupportable au malade, un retour à la régularité du fonc-

tionnement intellectuel. R. DE Musgrave CLAY.

XXVI. La folie DE la ménopause; par E. GooDUaLL et M. CRAIG.

(The Journal of Mental Science, avril 1894.)

La folie apparaissant d'ordinaire chez la femme à un âge plus

avancé que chez l'homme, il en résulte naturellement que, dans un

grand nombre de cas, les premières manifestations coïncident avec

la période de la ménopause. Sauf Krafft-Ebing qui accorde la

prééminence au délire de persécution, tous les auteurs sont d'ac-

cord pour admettre que la forme ordinaire de la folie de la méno-

pause est la mélancolie : bien que moins fréquentes, la manie et la

folie avec délusions ne sont pas rares et revêtent l'allure subaiguë.

La démence d'emblée est tout à fait rare. La paralysie générale

figure pour environ 3,5 p. 100 (20 p. 100 pour Krafft-Ebing).

Les modifications mentales et les troubles somatiques qui accom-

pagnent chez les femmes bien portantes la cessation des règles

peuvent être les prodromes de la folie et doivent par conséquent

être prises en sérieuse considération lorsqu'il existe de l'hérédité

névropathique. Nous n'insisterons pas sur les troubles somatiques,

qui sont bien connus, mais les modifications mentales peuvent se

présenter sous des formes très diverses : insomnie, changement de

caractère, névroses, bruits dans les oreilles et surdité, hallucina-

tions, soupçons, jalousie, accusations fausses, diminution de l'at-

tention, de la mémoire, perversions sexuelles (érotisme, frigidité,

masturbation) ; apparition d'habitudes d'intempérance, ou d'habi-

tudes toxiques (morphinomanie, cocaïnomanie).

Les symptômes de la folie, confirmée à la ménopause, ne sont

que la continuation et le développement des phénomènes prodro-

miques ; ils sont d'ailleurs très variables. Sauf pour Krafft-Ebing qui

160 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

donne le premier rang aux hallucinations de l'odorat, les halluci-

nations de l'ouïe sont considérées comme de beaucoup les plus

communes; celles de la vue viennent ensuite. Parmi les autres

symptômes, on peut citer : les troubles gastro-intestinaux (pouvant

donner lieu à des idées d'empoisonnement), les sensations abdo-

minales éveillant l'idée de grossesse, les sensations anormales du

côté de la peau (souvent attribuées à l'électricité, etc.), la sensation

de compression de la tête, les idées de persécution, la modification

des sentiments affectifs (hostilité à l'égard de la famille), la perver-

sion morale aboutissant à la tromperie et à des accusations fausses

se rattachant, le plus souvent, aux choses sexuelles, l'érotisme,

l'enthousiasme religieux et la religiosité, enfin l'insomnie et le

refus de toute nourriture. On peut ajouter que la tendance au sui-

cide est surtout fréquente chez la femme à l'époque de la vie qui

nous occupe. '

Le pronostic est immédiat ou définitif, et il est influencé par des

facteurs très divers, tels que l'hérédité, les attaques antérieures, la

cause déterminante, la précocité du traitement, la forme du délire,

l'état physique de la malade. Dans les cas héréditaires, les rémis-

sions, les guérisons temporaires ne sont pas rares, mais le pronostic

définitif est défavorable. Le pronostic, d'ailleurs immédiat ou défi-

nitif, est d'autant plus grave que le nombre des attaques anté-

rieures est plus grand. Il est, d'autre part, d'autant plus favorable

que la cause déterminante est mieux précisée et plus facile à

écarter (par exemple dans l'alcoolisme sans délire systématisé).

Le pronostic de la forme affective est meilleur que celui de la forme

délirante.

La durée de la maladie, pour les cas traités dans les asiles, peut

être environ de neuf à dix-huit mois : beaucoup de malades gué-

rissent dans le cours de la première année. Les terminaisons pos-

sibles sont la guérison, l'amélioration, le passage à l'état chronique

et la mort; les chiffres recueillis à l'asile de Wakefield sont les

suivants : sur 120 cas, on compte 49 guérisons (40,8 p. 100), 41 pas-

sages à l'état chronique (34,1 p. 100), 14 améliorations (11,6 p. 100),

16 morls (13,4 p. 100).

Le traitement varie naturellement suivant la forme de folie et

suivant l'état de santé de la malade; mais il a pour base et pour

condition de succès l'isolement de la malade qui doit être aussi

promptement que possible séparée de sa famille et internée dans

un asile. Il est à noter, toutefois, que dans la folie de la méno-

pause comme d'ailleurs dans la folie puerpérale, lorsque la malade

a atteint un certain degré d'amélioration, on peut souvent, en auto-

risant son retour précoce dans sa famille, hâter une guérison traî-

narde. Dans les cas observés par les auteurs, l'hérédité a été cons-

tatée dans 57 cas sur 102, ce qui donne une proportion de

55,8 p. 100.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 161

Au point de vue de l'état civil, les chiffres sont les suivants : pour

une première série de 102 cas, on trouve 59 femmes mariées

(y compris un petit nombre de veuves), soit 57,9 p. 100, et 43 céli-

bataires, soit 42,1 p. 100. Sur une seconde série de 120 cas, on

trouve 94 femmes mariées, soit 78,5 p. 100 et 26 célibataires, soit

21,5 p. 100. Si l'on recherche l'influence de la ménopause sur les

psychoses déjà existantes, on constate que cette influence est très

rarement heureuse. Presque toujours, la psychose existante suit sa

marche ordinaire et si la ménopause agit sur elle, c'est d'une

manière nettement défavorable. Quant à la pathogénie de la folie

de la ménopause, on n'a guère avancé jusqu'ici que des hypothèses

plus ou moins rationnelles : on est contraint de reconnaître que,

dans l'état actuel de la science, la relation pathologique qui unit

les modifications de l'appareil génital de la femme aux troubles

intellectuels de la ménopause demeure inconnue dans son méca-

nisme et dans ses véritables causes. R. DE l\ ! USGRAVE CLAY.

XXVII. SUR la paralysie générale A la PÉRIODE DU DÉVELOPPEMENT

PHYSIQUE; par James Middlemiss. (The Journal of Mental Science,

janvier 1893.)

Les cas de paralysie générale à la période de l'adolescence ou de

la puberté ne sont pas communs : l'auteur en a rassemblé sept cas

nouveaux dont il publie l'observation en l'accompagnant de quelques

commentaires intéressants que nous résumons brièvement. Les

observations dont il s'agit viennent presque toutes à l'appui de

l'opinion de M. Clouston qui attribue à la syphilis héréditaire un

rôle important, sinon prépondérant. Les autres causes (trauma-

tisme, hérédité névropathique) ne paraissent avoir joué qu'un rôle

secondaire ou incertain. L'âge des malades oscillait entre onze

ans et demi et seize ans. Il est à remarquer que les sept cas

observés appartenaient tous au sexe féminin, et que, dans tous les

cas où ces constatations ont pu être faites, on a trouvé que l'utérus

et les ovaires n'avaient pas dépassé, au point de vue du développe-

ment, la période infantile, et que les règles n'avaient pas encore

paru, ou n'avaient paru qu'une ou deux fois. La durée de la mélan-

colie est généralement plus longue que chez les adultes; dans les

quatre cas qui se sont actuellement terminés par la mort, elle n'a

guère été inférieure à cinq ans. Les caractères cliniques de la

maladie ont été tels qu'on les a décrits à cette période de la vie :

le trait le plus caractéristique a été l'affaiblissement mental à début

insidieux et à progrès réguliers. L'état émotif des périodes de début

était généralement un état de douce satisfaclion, modérément

accusé. Les troubles moteurs existaient dans tous les cas, mais à

un degré moindre que chez l'adulte. 1

Au point de vue anatomo-pathologique, il existait dans tous les

Archives, t. XXX. il

162 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cas une atrophie cérébrale très marquée. L'adhérence des mem-

branes existait aussi, mais à un degré très variable. Au point de

vue histologique, on a surtout noté la dégénérescence des cellules

nerveuses, l'augmentation des éléments lymphatiques et la présence

de noyaux adventices sur les vaisseaux sanguins. Ces altérations

sont, en somme, celles que l'on a coutume de rencontrer dans les

cas de paralysie générale à forme lente avec excitation mentale

modérée. R. DE MUSGRAVE CLAY.

XXVIII. Un diagnostic A faire; par REGINALD H. l\100TT.

(The Journal of mental Science, janvier 1894.)

Il s'agit d'un aliéné calme et doux en apparence, qui le premier

soir de son entrée dans un asile assassina deux de ses compagnons

de dortoir : interrogé peu de temps après ce double meurtre, il

déclara avoir obéi à la voix de Dieu. Transféré à l'asile de Broad-

moor (asile des aliénés criminels), il déclara ne se souvenir de rien

et persista depuis dans cette déclaration qui parait avoir été sin-

cère. A son entrée à Broadmoor, il présenta des signes évidents de

trouble mental, des idées de richesse et plus tard de persécution,

qui firent penser à la paralysie générale ; mais en présence des

alternatives de calme et d'agitation physique et intellectuelle par

où il passa, il faudrait admettre des rémissions peu probables. Le

rapport qui avait motivé son internement dans le premier asile le

signalait comme épileptique, mais on n'a jamais constaté d'attaques

pendant son internement.

Cependant, dans l'hypothèse d'une paralysie générale, on aurait

pu penser que les crises épileptiformes avaient été prises pour de

l'épilepsie vraie : mais tous les signes somatiques de la paralysie

générale faisaient absolument défaut. L'état du malade s'aggrava

subitement, la prostration devint complèle et la mort survint en

dix-huit heures. A l'autopsie on trouva une congestion intense des

méninges et une inflammation de la pie-mère.

L'auteur estime qu'il s'agit là d'un cas d'épilepsie larvée, et que

la dernière crise, qui a été plus longue et plus violente que les

autres et qui a abouti à une méningite aiguë et à la mort était un

état analogue au status epilepticus qui se termine si souvent par

une méningite. R. DE AIUSGRAVE Ctay.

XXIX. L'alcoolisme chez LES enfants; par le Dr Pal morceau

(de Tours).

Depuis quelques années ce n'est plus seulement chez l'adulte que

l'alcoolisme exerce ses ravages et un chapitre spécial a été ouvert

pour l'alcoolisme chez l'enfant.

L'ivresse existe chez les enfants et elle est plus fréquente qu'on

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 163

se l'imagine : dans la majorité des cas, elle se produit chez des

prédisposés, des héréditaires, des dégénérés.

On trouve chez l'enfant à peu près toutes les formes d'ivresse que

l'on observe chez l'adulte, Le pronostic est des plus graves, vu l'hé-

rédité et l'incertitude du traitement : ce dernier doit être principa-

lement et surtout prophylaclique, tout en ne négligeant pas le

traitement des symptômes et des complications.

Dans le cas de délit commis sous l'influence de l'ivresse, il faut

se montrer inexorable et ne pas admettre chez les enfants les cir-

constances atténuantes, trop souvent invoquées chez les adultes.

En agissant de la sorte, le magistrat atteindra un double but :

d'abord il punira la faute commise, en second lieu il fera de la

bonne thérapeutique en mettant l'enfant hors d'état de se livrer

à ses excès, soit en frappant sa jeune imagination, soit qu'en le

condamnant à une réclusion, il le mette dans l'impossibilité maté-

rielle de recommencer, au moins pendant un certain temps.

(Annales médico-psychologiques, mai 1895.) E. BLIN.

XXX. Inversion sexuelle CHEZ la FEMME; par le D Havelock ELUS.

Intéressante étude sur l'inversion sexuelle chez la femme, sur les

causes qui peuvent la déterminer, sur sa fréquence, sur les caractères

physiques particuliers des femmes atteintes de ce trouble moral. Les

femmes qui présentent de l'inversion sexuelle n'ont pas la même

horreur du coit normal que les hommes atteints de ce même vice et

sont assez fréquemment mariées, ce qui tient probablement à ce que

la femme peut garder un certain degré de passivité. Il paraît certain

que l'inversion sexuelle fait de nombreux progrès chez la femme :

chez la plupart de celles qui sont atteintes on retrouve des antécé-

dents nerveux personnels ou héréditaires. L'auteur termine son tra-

vail par une observation typique d'inversion sexuelle chez la femme.

(The alienist and neurologist, avril 1895.) E. B.

XXXI. Psychiatrie ET localisations cérébrales; par le DI' MINK,

L'auteur estime que la doctrine des localisations corticales est

dans les mêmes relations avec les maladies du cerveau que l'aus-

cullalion et la percussion le sont avec celles de la poitrine. Comme

exemple il montre que la plupart des troubles psychiques de la

démence paralytique peuvent recevoir leur explication par Jalésion

de telle ou telle région de l'écorce cérébrale. (The alienist and neu-

rologist, octobre 1894.) E. B.

XXXII. Rectification historique DE L'ÉTUDE DES rapports ENTRE la

SYPHILIS ET la PARALYSIE générale progressive ; par le professeur

P. KOVALEVSKY.

Tous les auleurs qui donnent un aperçu historique de l'étude de

la paralysie générale aff1l'men l Il Il' ESl1lal'ch elE-seu furent tespre-

164 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

miers à attirer l'attention sur les rapports de la syphilis avec la

paralysie et à avancer que la syphilis est une des graves causes de

la paralysie. Ce dernier fait est juste, mais les recherches de l'au-

teur montrent que le fait de la fréquente coexistence de la para-

lysie avec la syphilis fut indiqué pour la première fois par Bayle,

qui attira l'attention sur ce point trente ans avant que le travail

d'Esmarch et de Jessen ne parût. (Revue neurologique, mars 1895.)

E.B.

XXXIII. SYMPTÔMES oculaires précoces dans la paralysie générale;

par le Dr Jameson HEPBURN.

D'après huit cas qu'il a observés, l'auteur estime que dans la para-

lysie générale se rencontrent très fréquemment des signes précoces

du côté des yeux et que ces signes pouvant survenir de un à trois

ans avant l'apparition des symptômes classiques de l'affection pour-

raient permettre, s'ils étaient confirmés, un diagnostic précoce et

par conséquent une intervention thérapeutique plus efficace.

Ces signes seraient une décoloration de la papille qui, d'abord

couleur cuir, devient de plus en plus blanche en même temps que

les vaisseaux sont beaucoup moins visibles que dans l'atrophie

ordinaire. Sur la rétine on voit, entre les fibres nerveuses, des

stries ou petites plaques de tissu conjonctif, localisées du côté

nasal jusqu'à une période avancée de la maladie, et envahissant

plus tard le côté temporal. Le rétrécissement du côté temporal du

champ visuel serait un symptôme presque constant et l'accroisse-

ment de ce symptôme pourrait servir de mesure aux progrès de

la maladie. (American journal ofinsanity, janvier 1895.) E. B.

XXXIV. LE sang CHEZ LES aliénés; par le Dr BURTON.

De l'examen du sang au microscope, dans diverses formes men-

tales, l'auteur tire les conclusions suivantes :

Dans la démence sénile, l'augmentation des globules blancs est

presque de règle, alors que leur diminution se rencontre dans la

plupart des cas de paralysie générale. Lorsqu'il y a tendance à

l'excitation maniaque, le nombre des leucocytes s'accroit dans de

notables proportions. (American journal of insanity, avril 1895.)

E. B.

XXXV. TROUBLES délirants DE nature alcoolique, chez DEUX SOEURS;

. par le Dr ZENNER.

Il s'agit chez l'une des soeurs, âgée*de trente et un ans, d'idées de

persécution avec troubles de la sensibilité générale et chez la

seconde, âgée de quarante-six ans, de délire alcoolique aigu.

Chez les deux soeurs, les accidents ont disparu après la suppres-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 165

sion de toute boisson alcoolique. L'intérêt de ces observations

réside moins dans les détails d'ordre banal, de chaque observation

prise à part, que dans la coïncidence peu ordinaire de deux soeurs,

sans antécédents héréditaires, et se livrant en secret, à l'insu l'une

de l'autre, à leur passion pour les boissons alcooliques. (American

journal of insanity, avril 1895.) E. B.

XXXVI. Observation d'hébéphrénie ; par le D LANE.

En une période de dix ans, l'auteur a observé à l'asile de

Boston 63 cas d'hébéphrénie. L'hébéphrénie ne doit pas être con-

fondue avec la folie de la puberté ou la folie de l'adolescence. Ces

dernières sont des cas de folie survenant chez des enfants ou des

adolescents et peuvent guérir; au contraire, dans l'hébéphrénie,

l'âge n'est plus une condition occasionnelle mais une cause déter-

minante et le pronostic est sombre.

On doit considérer l'hébéphrénie comme un arrêt du développe-

ment mental survenant au moment critique où l'individu commence

à prendre les caractères sexuels de l'état adulte. Une des caracté-

ristiques de l'hébéphrénie est la variabilité des aspects qu'elle revêt

successivement; manie puis mélancolie et démence. La démence

est le terme presque fatal et arrive vite, en moins d'une année.

L'hébéphrénie se confond en partie avec les cas décrits sous le

nom de démence prirnitive.(Anaerican joul·nal of insanity, janv.1895.)

E. B.

XXXVII. Sur LE délire aigu; par M. S. SOUCHANOFF.

(Arhiv. Psychiatrii, 1894, t. XXIV, n° 2.)

L'auteur cite trois observations dans lesquelles le diagnostic

porté a été : « délire aigu ». Le premier cas est très typique] pour

la confusion mentale : fièvre très légère (37,7 a 38°,2), incohérence

dans les idées, association par consonnances, hallucinations nom-

breuses, insomnie, amaigrissement rapide, guérison au bout de

six mois. Le second cas ressemble assez à de la paralysie générale

au début chez une femme prédisposée par une lourde hérédité

- alcoolique et vésanique ; l'auteur note chez elle une période pré-

monitoire caractérisée par un délire de persécution avec halluci-

nations ; vient ensuite un vif accès d'excitation avec inégalité

pupillaire, grincement des dents, incohérence dans les idées, tem-

pérature à grandes oscillations allant certains jours jusqu'à 40,1 ;

deux mois et demi après le début de la maladie elle meurt, et à

l'autopsie on trouve entre autres lésions de l'oedème avec hypérémie

du cerveau et des méninges. C'est plutôt le troisième cas qui méri-

terait le nom de délire aigu. Là, en effet, tout a évolué en trois

ours et dès le premier jour la température s'est élevée à 40°.

'166 SOCIÉTÉS SAVANTES.

L'agitation motrice est extrême. La parole faible, incohérente. Les

pupilles sont rétrécies. A l'autopsie : adhérence de la dure-mère

à la boite cranienne, épaississement de cette membrane, la pie-

mère présente un aspect louche, les sinus sont gorgés de sang, la

substance cérébrale est dissociée et fortement injectée.

J. Roubinovitch.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ IÉ DI CO- P SYC Il 0 LO G lQ UE.

Séance du 27 Mai 1895. Présidence DE M. P. Moreau.

M. JOFFROY demande au nom de M. Régis, secrétaire général du

Congrès des aliénistes de langue française, que la Société accorde

une subvention au Congrès. Il expose qu'au lieu de limiter l'im-

pression des discussions, comme on sera peut-être tenu de le faire

faute de ressources suffisantes, on pourrait publier in extenso

mémoires et discussions si la société voulait faire un léger sacrifice

d'argent.

M. BRIAND serait d'avis de demander à lous les asiles de France

de s'inscrire au Congrès.

M. Charpentier. M. Régis a lui-même critiqué l'ingérence de

notre société dans l'organisation du Congrès, je ne sais pas pour-

quoi il vient aujourd'hui faire appel à notre caisse.

LE secrétaire général propose de renvoyer la question à une

commission.

Le renvoi à une commission, composée de MM. Joffroy, J. Voisin,

Charpentier, Falret et Vallon, est prononcée.

A propos des phobies dans un cas d'insuffisance mitrale.

M. Roubinovitcii. - Il s'agit d'une femme âgée de quarante-six

ans, atteinte d'une insuffisance mitrale typique avec un souffle

assez rude à la pointe et au premier temps, légère augmentation

de la malité, battements irréguliers, pouls petit. Pendant les accès

SOCIÉTÉS SAVANTES. 167

de dyspnée la malade manifeste des phobies : si elle se trouve à ce ..

moment dehors, la vue de la rue lui fait peur, elle n'est plus sûre

d'elle, etc.; étant chez elle l'essoufflement résultant, par exemple,

du fait de se lever d'une chaise pour traverser la chambre, provoque

une peur invincible de se servir des couteaux ou des fourchettes

dans une mauvaise intention vis-à-vis de son fils et de son mari.

Jusqu'à présent l'histoire ressemble singulièrement aux faits

cités dans la thèse de M. Fauconneau, comme exemple de ce que

certains auteurs appellent la folie cardiaque. En effet, à première

vue, l'affection cardiaque parait bien antérieure à l'apparition des

phobies, et il ya là en outre l'exacerbation des troubles intellectuels

au moment des accès de dyspnée cardiaque, ce grand symptôme

sur lequel est bâti le diagnostic différentiel de la folie cardiaque.

Or, en reprenant les antécédents personnels et héréditaires on voit

qu'on est présence d'une personne atteinte de surdité congénitale,

de blésité, qui à l'âge de cinq ans a eu des tics dans les paupières,

les épaules et les bras, qui un peu plus tard a eu des impulsions et

qui a toujours présenté une exlrême émotivité. C'est d'ailleurs la

fille d'un alcoolique et la petite-fille d'une femme qui a eu un

accès de folie puerpérale.

Ce fait vient corroborer l'opinion de certains auteurs qui pensent

que la condition dominante des troubles intellectuels chez les car-

diaques est la prédisposition héréditaire ou acquise. Mais M. Rou-

binovitch expose que la constatalion de celte prédisposition ne

suffit pas pour expliquer l'apparition des phobies au cours d'une

affection cardiaque ; en d'autres termes, on peut être un prédisposé

vésanique et en même temps porteur d'une affection du coeur sans

avoir pour cela des phobies pendant les attaques d'asystolie. Il

cite une observation à l'appui de cette opinion. -

Aussi, en présence des faits de ce genre on se trouve obligé de

supposer que la prédisposition héréditaire vésanique n'est pas par-

tout la même, qu'elle localise son action dégénérative tantôt sur

les centres purement intellectuels, tantôt enfin sur les centres

moteurs.

Mais tout en attribuant à la prédisposition héréditaire un rôle

prépondérant dans l'apparition des obsessions chez sa cardiaque.

l'auteur exprime avec le plus grand soin la part qui revient à la

cardiopathie, non pas dans la production de ces troubles intellec-

tuels, mais dans leur entretien.

Il ne faut pas s'exagérer, d'après lui, l'efficacité du traitement

cardiaque, contre les accidents mentaux et tout en l'employant,

ne pas formuler des pronostics favorables même en ce qui con-

cerne un avenir prochain, car on s'exposerait trop souvent à-être

démenti par la persistance de l'affection psychique.

M. Charpentier pense que les troubles mentaux liés aux affections

168 SOCIÉTÉS SAVANTES.

du coeur sont rares. Ce qu'on observe plutôt c'est une gêne dans la

circulation du sang et pas autre chose. Il reproche à M. Roubino-

vitch de ne pas faire la preuve de la tare dégénérative qu'il attri-

bue à sa malade. Pour lui les troubles décrits relèvent de l'arthritis

et non de la dégénérescence mentale.

M. Voisin. Peut-être faut-il aussi faire intervenir la sclérose

des artères du cerveau ? -

De la valeur respective de la prédisposition et des causes dites

occasionnelles, dans les maladies mentales .

M. ToULOuzr étudie d'abord la prédisposition, qui est une con-

dition étiologique générale que l'on ne retrouve pas seulement

dans la pathologie mentale, mais dans toute biologie et, on pour-

rait dire, dans tous les phénomènes naturels.

Tout le monde, en effet, n'est pas également prédisposé aux

maladies infectieuses, et il est des tempéraments réfractaires à la

variole. D'autre part, on peut dire encore que si un corps en verre

se brise dans un choc, c'est que sa constitution moléculaire le pré-

disposait à cet accident. ,

La notion de prédisposition doit donc être complétée par des

recherches propres à préciser ce qui est cette condition générale

des organismes. Les aliénistes disent qu'elle est le plus souvent

héréditaire; or, l'hérédité- morbide est d'une interprétation assez

obscure. Tantôt il s'agit de troubles dystrophiques frappant à la

fois le générateur et son produit; tantôt il s'agit de contagion

foetale, comme dans les cas d'hérédo-infection; tantôt, même, il

s'agit de contagion ultérieure à la naissance, physique ou men-

tale. L'hérédité similaire est en résumé exceptionnelle, et il est

plus conforme aux faits de dire avec M. Féré, développant une

idée de M. Morel, que l'hérédité morbide est surtout caractérisée

par l'interruption de la transmission héréditaire des caractères nor-

maux. Tous les individus, nés de parents malades, présentent donc,

à des degrés divers, des signes qui les différencient de leurs ancê-

tres, mais qui les rapprochent tous, et en forment une famille

pathologique les dégénérés si l'on veut.

Peut-être la prédisposition de ces individus à une maladie par-

ticulière pourra un jour être décelée par les recherches où la téra-

togénie aura une grande part : la maladie de Lillle ne frappe-t-elle

pas les individus dont les cordons pyramidaux sont primitivement

faibles ? M. Joffroy a fait aussi l'hypothèse que la chorée ne sur-

viendrait que chez ceux dont le système moteur est cungénitale-

ment débile. On peut donc arriver ainsi à donner une signification

concrète à cette notion encore vague de prédisposition.

Mais allons plus loin. Cette prédisposition existe; ne faut-il pas

qu'elle soit actionnée ? C'est là qu'intervient la cause directe :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 169

l'alcool, l'infection, le traumatisme. M. Toulouze, insiste pour qu'on

ne délaisse pas l'étude de ces facteurs, tout en se gardant de leur

faire jouer un rôle illégitime.

Il règne une opinion assez courante en psychiatrie, que les

causes dites directes ne sont que des occasions banales des délires,

qui ne se ressentent pas de la cause qui les a éveillés. Or, c'est là

une doctrine en opposition formelle avec cette loi générale de bio-

logie et de physique qu'aucune force ne se perd. En fait, l'alcool,

un traumatisme, une maladie infectieuse, une émotion n'agissent

pas toujours de la même manière. Pour l'alcool, l'accord est una-

nime et l'on donne aux délires qu'il provoque une dénomination

étiologique. Et cependant tous les toxiques paraissent agir un peu

comme l'alcool. Si, dans les autres cas, les psychoses éveillées

paraissent les mêmes, c'est qu'on n'a pas encore différencié les unes

des autres bien des formes cliniques vésaniques illégitimement

réunies. Et puis l'on s'est engagé dans une mauvaise voie quand on

a voulu décrire des folies spéciales à chaque maladie, à la puer-

péralité, au cancer, à l'anémie, etc.

Dans chacun de ces vastes syndromes morbides se placent des

processus .pathogéniques bien différents. Ainsi, dans la puerpéra-

lité, à chaque période correspond un élément pathogénique un peu

spécial; à la grossesse, l'auto-intoxication qui se manifeste notam-

ment par l'urémie, à l'accouchement. D'où vient que dans cha-

cune de ces deux circonstances, c'est l'une ou l'autre de ces formes

cliniques qui se montre le plus souvent ? C'est que le facteur qui a

éveillé les troubles psychiques porte son influence sur eux. Mais .

cette manie transitoire de la parturition peut se rencontrer dans

d'autres circonstances; par exemple, à la suite d'un traumatisme;

c'est en somme le délire nerveux des chirurgiens. L'étlquelle' étio-

logique de puerpéral ne lui convient donc pas, et il serait plus

exact de lui donner l'étiquette pathogénique de traumatique.

Il n'y a donc pas des psychoses étiologiques, mais des psychoses patho-

géniques.

Certes la question est des plus complexes, car la réaction parti-

culière à chaque individu embrouille les aspects cliniques. Tel

supportera bien l'alcool, qui sombrera à la suite d'un traumatisme.

Quoi qu'il en soit, il était nécessaire de poser les principaux termes

du problème, qui comporte deux questions : à quoi répond la pré-

disposition vésanique et quelle est la manière dont elle est action-

née par les différentes causes directes ? ,

M. SEÙfELAIGNE reproche à M. Toulouze de sembler croire qu'on

considère la prédisposition héréditaire comme une cause de folie.

M. TOULOUZE. Si les auteurs ne le disent pas d'une façon très

réelle, ils le laissent au moins entendre.

170 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 24 juin 1895. - Présidence DE 11. Moreau (de Tours).

Prix BELHOMSE. - La Société décide de donner comme sujet à

traiter pour le prix Belhomme, 1896 : Du langage chez les idiots.

Subvention au Congrès de Bordeaux au nom de la commission

nommée à cet effet. M. Charpentier propose d'accorder au con-

grès de Bordeaux une subvention de 300 francs en vue de contribuer

aux frais d'impression du compte rendu des séances du congrès.

Les aliénés criminels.

M. FALRET fait une communication sur les mesures à pren-

dre à l'égard, des aliénés criminels. Il expose que la commis-

sion de la Société de médecine légale chargée d'étudier cette

question a reproduit les voeux déjà formulés au congrès de 1878.

Pour l'entrée des aliénés criminels dans l'asile, rien ne serait

changé à l'état de choses actuelles; c'est-à-dire que c'est l'admi-

nistration qui serait chargée comme aujourd'hui de provoquer le

placement de l'aliéné. Pour la sortie, on a proposé de la subor-

donner à une décision prise par une commission mixte composée

du médecin traitant, du procureur de la République et du Préfet.

Chaque année cette commission aurait à se prononcer sur le main-

tien de l'aliéné.

M. RûUSSEL est partisan d'un asile spécial pour les aliénés crimi-

nels, comme en Angleterre, sans qu'il soit nécessaire d'admettre

le principe de l'internement perpétuel.

M. Charpentier. Cet asile devrait admettre non seulement

les aliénés criminels, mais encore les aliénés dangereux, non cri-

minels. Le projet d'une commission mixte appelée à statuer sur la

sortie de l'aliéné me parait excellent.

M. ROUSSEL. L'admission dans l'asile spécial des aliénés dan-

gereux non criminels a été prise en considération par le Sénat.

Sur la réquisition du médecin de l'asile constatant qu'un aliéné

est dangereux et exige une surveillance spéciale, il poura être

transféré dans l'asile d'aliénés criminels.

M. Vallon. C'est le tribunal et non l'administration qui de-

vrait être chargé de' provoquer le placement et la sortie de

l'aliéné criminel. Lorsque à la suite d'une expertise médico-légale

un prévenu a été l'objet d'une ordonnance de non-lieu, pourquoi

le remettre, avant de le faire entrer dans un asile, à l'examen

d'un médecin de l'administration.

M. ARNAUD voudrait qu'on acceptât te principe des sorties condi-

tionnelles comme en Angleterre. L'aliéné criminel serait ainsi

soumis à une sorte de surveillance; la responsabilité de la per-

VARIA. ' 171 L

sonne qui réclame la sortie serait engagée par une amende, en cas

de surveillance inefficace.

M. Auguste Voisin est partisan d'une commission mixte pour

statuer sur le maintien de la sortie des aliénés criminels. Cette

commission renforcerait l'autorité du médecin et lui permettrait

de résister aux sollicitations dont il est souvent l'objet de la part de

personnages influents qui réclament la sortie d'un aliéné dan-

gereux.

M. CHRISTIAN demande la séquestration perpétuelle des aliénés

criminels. Il n'est pas éloigné d'être partisan de la condamnation

de certains persécutés. Marcel BR1AND.

VARIA.

Sixième CONGRÈS DES aliénistes ET NEUROLOGloTEb DE France

ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE.

Session de Bordeaux, 1895.

PROGRAMME. - Le sixième Congrès des aliénistes et neurologistes

de France el des pays de langue française se tiendra à Bordeaux,

du 1er au 7 août 1895, dans un des amphithéâtres de la Faculté de

médecine, place d'Aquitaine, où le secrétariat se trouvera égale-

ment transporté pendant la durée du Congrès. Le programme est

ainsi composé : - ,

Jeudi 1er août : matin, 9 heures. - Séance solennelle d'ouver-

ture, salle du Dôme de l'Exposition. A l'issue de la séance, visite

générale de l'Exposition, sous la direction de délégués de la Société

philomatique Soir, 2 heures (Faculté de médecine). Pre-

mière question du programme : Les psychoses de la vieillesse; rap-

porteur, M. le Dr Ant. RITTI. Discussion. Séance dans la soirée,

s'il est nécessaire.

Vendredi 2 août : matin, 9 heures. Deuxième question du pro-

gramme : Corps thyroïde et maladie de Basedow ; rapporteur, M. le

En dehors de cette visite collective gracieusement offerte par elle, la

Société philomatique a décidé que les membres des congrès de Bordeaux

ne paieraient, sur la présentation de leur carte, que moitié prix (0 fr. 50)

à l'entrée de l'Exposition.

172 varia.

Dr E. BRISSAUD. Discussion. Soir, 2 heures. Même question.

Suite et fin de la discussion.

Samedi 3 août : matin, 9 heures. Troisième question du pro-

gramme : Les impulsions irrésistibles des épileptiques, envisagées sur-

tout au point de vue médico-légal; rapporteur, M. le Dr V. Parant.

Discussion. Soir, 2 heures. Même question. Suite et fin de la

discussion. A 7 h. 1/2. Banquet par souscription du Congrès.

Dimanche 4 août : malin, 9 h. 1/2. Visite de l'asile des aliénés

de Château-Picon (Bordeaux). -A midi, banquet offert au Congrès

par l'administration de l'asile.

Lundi 5 août : matin; 9 heures. Communications diverses.

Soir, 2 heures. Communications diverses.

Mardi 6 août : Excursion à Cadillac (Gironde). Départ de Bor-

deaux le matin à 8 heures. A 10 heures, visite à l'asile des

aliénés de Cadillac. A midi, banquet offert par l'administration

de l'asile. Dans l'après-midi, visite de la colonie agricole, annexe

de l'asile et du château du duc d'Epernon (maison pénitentiaire

correctionnelle de jeunes filles). Rentrée à Bordeaux à 6 heures du

soir.

Mercredi 7 août : Excursion à Royan (Charente-Inférieure). Dé-

part de Bordeaux à 7 heures par bateau spécial de la compagnie

Gironde-et-Garonne. Arrivée à Royan vers 11 heures. Réception

par la municipalité et le corps médical. A 11 h. 1/2, banquet offert

par la ville de Royan. A 2 heures, promenade sur la côte (Pon-

taillac Saint-Palais). A 4 h. 1/2, départ de Royan. Lunch en

bateau. Arrivée à Bordeaux vers 8 h. 1/2. - Fin du Congrès 1.

LE Dr HACK TUEE ET la Société DE patronage POUR LES aliénés

SORTIS DES asiles.

Il était naturel qu'un médecin que les traditions de famille -

^on trisaïeul avait fondé en 1792 la fameuse maison de ` Retraite »

d'York et la spécialité elle-même avaient amené à s'occuper avec

une réelle sympathie des faits concernant les aliénés, ressentirait

un vif intérêt pour leur « soin ultérieur ».

Dans une lettre du D'' Hack Tuke, écrite en mai 1879, se trouvent

ces mots : « Le sujet a ma sympathie ardente et mon approbation

Les membres du Congrès qui voudraient prolonger leur séjour à Bor-

deaux pourront assister le jeudi soir, 8 août, à la réception de l'hôtel

de ville offerte par la municipalité au Congrès de l'Association française

pour l'avancement des sciences, ainsi qu'aux congrès médicaux à ce

moment à Bordeaux. Ils pourront également, s'ils sont adhérents, parti-

ciper aux travaux et aux excursions du Congrès de l'avancement des

sciences et du Congrès de médecine interne. (Voir les programmes spé-

ciaux.)

VARIA. 173

entière, et si le journal peut devenir l'agent de n'importe quelle

communication ou appel sur ce sujet, je suis sûr que collabora-

teurs, comme moi-même, seront heureux de saisir l'occasion.

A moins d'empêchement inévitable, je serai certainement au

meeting ».

Le meeting en question eut lieu le 15 juin, de la même année,

chez le Dr Bucknill dont la maison fut le lieu de naissance de'

l'Association 39, rue Wimpole. A cette occasion la résolution

« que ce metting se forme lui-même en Association » fut proposée

par le Dr Lockhart Robertson, et secondée par le Dr Hack Tuke.

Le Dr Bucknill fut invité à prendre la place de président, et le

Rev. H. Ilawkins celle de secrétaire honoraire. Le 27 novembre,

un autre meeting eut lieu à la maison du Dr Bucknill, dans lequel

le Dr Hack Tuke appuya la proposition a que le comte de Shaftes-

bury serait invité à agir comme patron de l'Association « du soin

ultérieur ». A la même époque une résolution fut proposée par

le Dr Savage, et appuyée par le D Claye Shaw, « que l'objet de

cette Association est de faciliter la réadmission dans la vie sociale

et domestique des femmes convalescentes se trouvant dans les

asiles d'aliénées. » Et d'après la proposition du Dr Lockhart Ro-

bertson, secondé par le Dr Hack Tuke, il fut décidé « qu'il n'était

pas désirable à présent de faire une maison distincte, mais seule-

ment d'arriver au but ci-dessus, en essayant de traiter les malades

convalescents dans des cottages ou autres maisons ».

Bientôt par la suite, le Dr Tuke fut attentif à noter que la forma-

tion d'une « Maison » ne devait pas être considérée comme une

chose refusée, mais seulement en suspens. Il écrivit : « Jeun'aurait

pas appuyé cette proposition si les mots c à présent avaient été

omis. La proposilion signifie que nous devons avancer pas à pas

et que nous ne devons, par aucun moyen, empêcher la création

d'une maison distincte quand la majorité pensera que le moment

est arrivé d'en fonder une. » Il avait préalablement remarqué, je

crois, que le « festina lente » serait pour quelque temps la devise

de notre Association, et définitivement que nous devions pour

arriver à notre but prendre des mesures plus héroïques. »

Au commencement de décembre 1879, le comte de Shaftesbury

accepta la présidence de l'Association. Dans une communication

reçue de lui, se trouvent les mots : « Votre lettre intitulée Soin

ultérieur, m'a profondément intéressé. Le sujet a beaucoup occupé

mon esprit. » Au premier anniversaire, en 1880, qui se célébra

encore dans la rue Wimpole, le Dr Tuke était-présent. Une lettre

antérieure émanant de lui, avait trait à un « prognosis » défavo-

rable de la Société. « Je regrette beaucoup d'entendre un rapport

aussi décourageant de l'état de santé de notre bambin, et quand

son excellente et sensible nourrice... se sent découragée, je confesse

que cela est sérieux. Il exprima son intention d'attendre la réunion

174 VARIA.

anniversaire, en 1881, si elle avait lieu chez le Dr Andrew Clark, et il

était présent l'année suivante à celle tenue chez le Dr Opte. A cette

occasion, de concert avec Lord Shaftesbury, il appela l'attention

sur la nécessité d'avoir une maison ou une salle dans laquelle

l'Association pourrait s'occuper de ses travaux. Une question plus

avancée se trouve dans une des dernières lettres du président. « Le

temps n'est-il pas arrivé pour nommer un fonctionnaire payé ? »

Lord Cottesloe accueillit avec bienveillance l'Association dans sa

maison de Eaton-Place, en 1883. A cette occasion le D Hack Tuke

remarqua qu'aucun progrès n'était fait, et appuya la proposition

qu'une personne soit nommée pour faire avancer le travail de

l'Association. La réunion de 1884 fut tenue chez Lord Brabazon

(devenu peu après comte de Meath),83, Lancaster Gâte, et pour la

dernière fois, le comte de Shaftesbury accepte la présidence. Le

Dr Tuke proposa de référer la question d'une c Maison à à un

comité spécial. En mai 1885, un bazar destiné à augmenter les

fonds de l'Association était installé à l'hôtel de ville de Kensington,

et le Dr Tuke fut uu de ceux qui s'adressèrent à la compagnie.

Plus tard, dans la même année il parla à une réunion tenue à

l'hôpital royal de Bethléem, où aussi un second meeting fut tenu

en automne, dans lequel le Dr Tuke fit allusion au système de

pension extérieure, qu'il pensait devenir désirable d'utiliser. Il est

à noter qu'à cette réunion une proposition fut faite par le Dr Nor-

man Kerr, et appuyée par le Dr Hack Tuke : « Que Lord Brabazon

serait prié d'accepter le poste de président. » Il accepta définiti-

vement. t.

Dans une assemblée tenue à l'automne de 1886, le Dr Hack Tuke

étant présent, M. H. Thornhill Koxby fut élu secrétaire à l'unani-

mité. A partir de cette date, l'Association entra dans une période

plus active et plus fertile. La maison située dans Lancaster Gale

devint par la bonne faveur du comte et de la comtesse de Math,

le siège de la Société, et le D''Tuke, le président permanent des

réunions mensuelles. Il possédait pour cet emploi d'excellentes

qualités : tact, patience, courtoisie, déférence pour les opinions des

autres tout en gardant la sienne, et sagesse dans le choix du sujet

avant la réunion. On se souviendra longtemps de la présence

ponctuelle, de la gravité pleine d'indulgence et des remarques faites

à propos de notre dernier président. Il rendit aussi de grands ser-

vices à l'Association dans des occasions exceptionnelles, par exem-

ple, lorsqu'il envoya une députation au dernier cardinal Manning

afin d'obtenir ses sympathies et son secours pour la Société de

patronage, spécialement pour les convalescents de la Roman Catho-

lic Faith (la foi catholique romaine), ou lorsqu'il se rendit à une

réunion de visiteurs de Londres et des environs tenue à l'asile de

Colwey-Hatch ; de temps en temps il visitait la maison temporaire

de la Société à Red Hill qui l'intéressait beaucoup.

FAITS DIVERS. 175

Les rapports importants du Dr Tuke avec le Journal of Mental

Science, le rendirent capable de grands services en lui faisant mieux

connaître les exigences de la Société de patronage (aster Carre).

Non seulement il obtint des éditeurs (dont il faisait partie) l'auto-

risation de mettre dans ses colonnes, une note ayant ce titre, mais

il ajouta à l'article une note spéciale appelant l'attention de tous

ceux qui avaient accepté son idée. Dans d'autres occasions aussi, le

journal contribua à l'avancement du projet. Sa correspondance

doit avoir été volumineuse, cependant ses communications quoique

nécessairement brèves quelquefois furent pleines d'urbanité-et faites

en temps voulu. Il présida pour la dernière fois les réunions men-

suelles de l'Association le mardi 14 février 1895.

Ces détails un peu minutieux montrent comment est née la

Société de patronage anglaise pour aider les aliénés qui sortent

des asiles. Les rapports que nous avons faits au Conseil supé-

rieur de l'assistance publique et à la Commission de surveillance

des asiles, bien que les conclusions en aient été adoptées, n'ont

pas encore été suivis d'effet. Relativement au département

de la Seine, il est cependant du devoir du Conseil général

d'agir vite pour alléger le budget croissant du service des

aliénés. B.

FAITS DIVERS.

Suicide d'un aliéné. M. Pierre Cevray, âgé de soixante-neuf

ans, demeurant à la Roussière, dit le Rappel de l'Ettre, avait perdu

la raison à la suite d'une grave maladie de sa femme, et par un

singulier revirement, depuis qu'elle était guérie, il ne pouvait plus

souffrir sa présence ni celle de ses enfants. Un matin de la semaine

dernière, sa bru, étant venue voir s'il n'avait besoin de rien, a

trouvé le malheureux pendu dans sa chambre.

SOCIÉTÉ contre l'usage DES boissons alcooliques. Une nou-

velle société, la « Société contre l'usage des boissons alcooliques »,

a tenu la semaine dernière, à la mairie du 6° arrondissement, sa

première séance. Le comité se compose de MM. le Dr Legrain, mé-

decin des asiles d'aliénés de la Seine, président de la Société; de

M. Hazemann, interne à l'asile de Ville-Evrard, secrétaire; des

DI" Camille Chabrié, François Boissier, Henri Triboulet, Paul

176 FAITS DIVERS.

Sérieux, etc. Dans un manifeste qui sera répandu dans toute la

France, les fondateurs de la nouvelle société déclarent que « le

moment est venu pour tous les bons citoyens d'entrer en cam-

pagne contre un fléau qui nous déshonore et nous ruine ». Ils

ajoutent qu'ils se proposent d'étudier les moyens d'extirper l'al-

coolisme, d'en atténuer les effets, de propager la connaissance du

mal dans tous les milieux sociaux, de grouper le plus grand

- nombre possible de citoyens qui souhaitent sa disparition, de sou-

lever un mouvement d'opinion contre lui, de donner l'exemple de

la tempérance en s'abstenant de consommer des boissons alcoo-

liques, d'enseigner à l'enfance les principes de la tempérance par

une intervention directe dans les milieux scolaires, de réunir les

écoliers en groupes de tempérance, etc. Cotisation de 1 franc,

exigible seulement des adhérents âgés de seize ans. La nouvelle

société, dont le siège est provisoirement rue de Vaugirard, 46, a

en outre décidé de distribuer à ses adhérents des cartes sur les-

quelles on lit au recto : « Je promets : 1° de m'abstenir entière-

ment, sauf prescription médicale, d'eau-de-vie et de liqueurs; 2° de

ne faire qu'un usage modéré de vin, de bière ou de cidre. » Et

au verso : « La force d'un peuple réside dans la vigueur intellec-

tuelle, morale et physique de ses enfants. L'alcoolisme affaiblit un

peuple et le conduit à sa perte. Etre tempérant, c'est être pa-

triote. » N'entrez dans un débit de boissons qu'en cas d'absolue

nécessité.

Lutte contre L'ALCOOLISME.- L'administration supérieure a en-

tendu l'appel fait dans la lutte contre l'alcoolisme. Elle a fait bon

accueil à la proposition de M. le D Roubinovilch d'organiser des

conférences scolaires sur les funestes effets de l'intempérance.

M. le Dr Roubinovitch, qui, l'on s'en souvient, a pris l'initiative de

cette campagne, a soumis au Ministre de l'instruction publique un

programme de conférences sur la question. Ce programme a été

approuvé et M. Poincarré, que cette décision honore, a autorisé

M. Roubinovitch à faire ces conférences à l'Ecole normale d'insti-

tuteurs d'Auteuil et dans les écoles primaires supérieures de gar-

çons Turgot, Colbert, Arago, etc. La première conférence a eu

lieu lundi dernier à l'école Turgot, devant les élèves des deuxième,

troisième et quatrième années, au nombre de 250 environ. Les

professeurs de ces classes assistaient à la leçon et, à leur tête, le

directeur de l'école. Tous les ans, quelques-uns des professeurs

des Écoles d'infirmières et, en particulier, notre ami Isch Wall,

insistent sur les dangers de l'alcoolisme. B.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

lsvreua, CI,. HÉRISSBY, imp. - 795.

Vol. XXX. Septembre 1895. N° 103

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA TUBERCULOSE

DE LA MOELLE ÉPINIÈRE;

Par le D' L. HASKOVEC,

Assistant à la Clinique psychiatrique tchèque de Prague.

La tuberculose de la moelle épinière n'a été que dans ces

derniers temps l'objet d'études approfondies, lorsqu'on a fait

de fréquents examens microscopiques de la moelle atteinte ou

suspectée d'une affection tuberculeuse.

La tuberculose de la moelle épinière a été connue plus tard

que celle du cerveau. Les' anciens travaux ne citent que des

tubercules solitaires et ne communiquent que les résultats

d'examens macroscopiques. Bayle' cite un cas de tuberculose

du cerveau et du bulbe durant le cours d'une phtisie pulmonaire

et rappelle que l'on a diagnostiqué diverses maladies du cerveau :

apoplexies, etc., là où il s'agissait de la tuberculose. Olivier 2,

dans son ouvrage classique, mentionne deux cas de tubercules

de la moelle et du bulbe et cite aussi les scrofules parmi les

causes de la myélite. Ce savant parle en ces termes des nodules

tuberculeux dans les enveloppes médullaires : « Il n'est pas

rare de trouver de la matière tuberculeuse dans l'épaisseur

des membranes rachidiennes, lorsqu'il existe une carie scro-

' G.-L. Bayle. Recherches sur la phtisie pulmonaire, 1810.

' P. Olivier d'Angers. Traité de la moelle épinière et de ses mala-

dies, Paris, 1827.

Archives, t. XXX. 12

178 CLINIQUE NERVEUSE.

fuleuse du rachis. » Olivier dit que Lapeyre a déjà décrit dans

le Journal de médecine, LXV, un tubercule dans la région de

l'olive et Lepelletier dans la protubérance (pons Varoli). Olivier

pense encore que peut-être les tubercules de la moelle causent

assez souvent des symptômes épileptiques. Cruveilhier', dans

son atlas, remarque que les tubercules peuvent envahir le

cerveau, le cervelet et la moelle, et il admet même que ces

tubercules peuvent être primitifs. Rokitansky 2 dit que les

tubercules de la moelle sont rares; il les a trouvés principale-

ment dans la partie lombaire et cervicale. Il décrit des tuber-

cules de grandeur différente, dans lesquels il n'a jamais

remarqué de ramollissement. Lebert dit de même que la tuber-

culose envahit le plus souvent la partie lombaire et il en pré-

sente une symptomatologie très détaillée. Virchow'' déclare

que les tubercules spinaux peuvent se multiplier et il cite non

seulement l'opinion de Rokitansky mais encore celle d'Ogle,

Rilliet et Barthez; il admet que ces tubercules peuvent se ra-

mollir.

Il admet les tubercules primitifs du cerveau mais ne tranche

pas l'origine des tubercules médullaires. Virchow affirme que

le système nerveux est réfractaire à l'invasion tuberculeuse et

parle d'une prédisposition locale dont le traumatisme cons-

titue un rôle important. Le processus tuberculeux part de la

névroglie dans laquelle existe justement cette prédisposition.

Hasse se borne de même à décrire les tubercules solitaires de

la moelle et fait observer que ceux des enveloppes pro-

viennent le plus souvent du voisinage : carie des vertèbres,

méningite basilaire; il écrit à ce propos : « Ich habe mehrere

Mal eine Miliartuberculose der cerebralen Pia Mater auf die

spinale ubergehen ;;esehen, und zwar in verschiedener Aus-

delmung, selbst bis zur Cauda equina. »

En 1869, Liouville a montré à la Société de Biologie que

J. Cruveilhier. Anatomie pathologique du corps humain, etc.,

t. I, 1. \Vlll, 1829-1835.

' Carl Bulcitausky. lIandbuch der spec. path. Anatomie, I, Bd., l8ff.

3 H. Lebert, //M(MMe/K')'pt'aA<. J/eM ! K, 1859.

Il. Virchow. Die hranhhaflen Gescle2oulste, 1861-1865, 11, Bd.,

p. 656-666.

8 K.-E. Hasse. llandbuch der spec. Pathologie und Thérapie der

Krankheilen des Nervensyslems, 1869.

i II. Liouville. - Contribution à l'élude anatomo-pathol. de la menin-

gite cérébrospinale tuberculeuse (Archives de physiologie, 1870, 490).

, LA. TUBERCULOSE DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. 179

les tubercules ne se trouvent pas seulement dans les mé-

ninges, mais aussi dans le tissu conjonctif de la moelle où ils

peuvent occasionner une inflammation subaiguë et parle d'une

méningomyélite tuberculeuse. Dans son travail, publié dans

les Archives de physiologie, Liouville distingue les trois formes

suivantes de la tuberculose de la moelle : a) l'inflammation

tuberculeuse des enveloppes ; b) l'inflammation tuberculeuse

des enveloppes et de la moelle; c) la tuberculisation de la

moelle.

Le mémoire de Liouville indique un progrès important dans

nos connaissances sur ce sujet et Dujardin-Beaumetz a pu

dire avec raison, dans sa thèse d'agrégation : De la myélite

aiguë, que Liouville par ses travaux sur les anévrysmes mi-

liaires et sur la méningomyélite tuberculeuse « ouvrait

encore des aperçus nouveaux à la science ». En 1874, Liou-

ville communique dans le Progrès médical, p. 709 (Nouveaux

exemples de lésions tuberculeuses dans la moelle épinière)

un nouveau cas de tubercule solitaire et, revenant de nou-

veau sur les cas qu'il a présentés quelques années auparavant,

s'étend tout particulièrement sur l'anatomie pathologique.

Hayem * cite chez un homme de trente-sept ans un cas de

tubercule solitaire dans la région lombaire, région qui, d'après

cet auteur, serait prédisposée à la tuberculose. Il démontre

que les tubercules de la moelle peuvent être primitifs sans

trace de tuberculose dans les autres organes. Chvosteli cite

deux cas de tubercules solitaires, assez petits, avec une myé-

lite consécutive de voisinage; le premier s'est manifesté sous

les symptômes d'une myélite aiguë. Leyden 3 fait voir que la

tuberculose de la moelle est rare, et il ajoute qu'on peut trou-

ver relativement encore plus souvent des tubercules solitaires.

Il n'a pas vu de cas avérés de tuberculose nodulaire dans les

méninges spinales. Il cite encore, outre Ollivier et Lebert, les

auteurs suivants : Abercrombie, Guersant, Gerdon, Andral,

Laurance, Eager, Gull et Eisenschütz. D'après cet auteur, la

tuberculose envahit plus souvent la partie supérieure que la

partie inférieure de la moelle lombaire. Au point de vue cli-

' G. Hayem. 0&set'us< ! OK pour servir à l'histoire des tubercules de

la moelle épinière. Arch. de phys., 1873.

2 Chvostek. Zicei Faite Non Tube,lit des Rûckenmarkes (Wien.

med. Presse, 1873, p. 810).

3 Leyden. Klinik der Rüclcezzmarlcslcranlcheitezz, 1874,1, Dd., p. 473.

180 . CLINIQUE NERVEUSE.

nique, elle se manifeste soit sous les symptômes d'une tumeur

de la moelle, soit sous ceux d'une myélite aiguë (akute Erwei-

chung). On peut supposer l'existence de la tuberculose dans la

moelle, mais on ne saurait en certifier le diagnostic. Enfin cet

auteur déclare que la méningite spinale se joint plus souvent

.que l'on ne croit à la méningite basale.

Erbl cite dans son livre, Leyden, Weber (Deutsche Klinik,

1852), Bierbaum et Kôhler (Journal sur Kinde1'heilkunde 189),

qui mentionnent la méningite spinale à côté de la méningite

basale. Dès lors, la méningite spinale tuberculeuse dont

Hasse et Leyden ont déjà fait mention attire l'attention de plu-

sieurs auteurs. Schultze' (1876) communique un cas de lepto-

méningite tuberculeuse aiguë avec examen de la moelle. Un

peu plus tard, en 1879, le même auteur3 communique un cas

de tuberculose dans les faisceaux pyramidaux et, discutant de

nouveau son premier cas, montre que les affections de la base

du cerveau se compliquent presque toujours de lésions spinales.

Dans la thèse de Châteaufort 1878, on trouve un chapitre

étendu et précis sur la méningite et méningomyélite tubercu-

leuse, tant au point de vue clinique qu'au point de vue anato-

mique. Williams s rapporte trois cas de méningite compliquée de

méningite basale et, jugeant d'après les symptômes cliniques,

croit que les enveloppes rachidiennes sont plutôt attaquées que

les méninges du cerveau. Charcot, dans ses Leçons sur les

maladies du système nerveux, tome II, 1880, dit qu'on peut

considérer la tuberculose solitaire, après le gliome, comme une

des tumeurs intraspinales les plus fréquentes et qu'elle coïncide

en général avec des tuberculoses développées dans d'autres

organes.

Kohts (1883) étudie la casuistique et la symptomatologie

i Erb ? HaKd&uc/t der Krankheitendes Nel'vensystems, II,1876, p. 229.

' Fr. Schultze. Leplomeningitis acuta luberculosa cerebrospizcalis,

vulgo meningilis basilaris. (Virchow. Archiv., 1876.)

3 F. Schultze. - Zur Symptomatologie 11. patitoi. Anatomie der tuber-

kulosen u. e)tM ! ttM ! 'cA6 ? t jE ? [ ! 'SK/tH ! ! $'en und der Tubera. des cerebro-

spinalen Nervensyslems. (Deut. Arch. 1'. klJl1, Med., 1879, p. 297.)

4 De Châteaufort. Contribution ci l'étude de la méningite spinale

tuberculeuse, 1878.

* A.-C. WIlliams. - Das Vedtallen des 7 ! MC/M)M ! a ? '/{s u. seiner Haute

bei luberkuloser und eitriger liasilarmeningilis. (Deut. Arch. f. klin.

Merl., 1879, p. 292.)

1 Kohts. 6Me)*.nt<c/MKHMH'/M<u))t(M'e)t ! ? tA'M ! t's ? (Wien. med.,

Bit., 1885, p. 41-43.)

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 181

des tuberculoses solitaires dans l'enfance. La même année,

Margerite', un des élèves de Raymond, s'étend en particulier

sur les troubles sensitifs dans la tuberculose aiguë et les rat-

tache à des lésions anatomiques nerveuses. Cette même année

encore, Voisenet, également élève de Raymond, exprime dans

sa thèse concernant les différentes formes de myélites tubercu-

leuses l'opinion de son maître. Il classifie les tuberculoses de

la moelle de la même manière que Raymond2 dans un article

publié en 1886, dans la Revue de médecine. Cet auteur insiste

surtout sur la fréquence de la leptomyélite tuberculeuse dans

le cours de la tuberculose des divers organes, et rappelle que

l'on ne la recherche pas assidûment. Nous reviendrons au tra-

vail de Margerite dans un autre article, et ferons seulement

remarquer ici que l'on peut, en effet, rattacher aux lésions

anatomiques les diverses douleurs et paresthésies, déjà mention.-

nées par Valleix, Gunsburg et Valshe dans le cours de-la tuber-

culose pulmonaire et étudiées principalement par Beau, Leudet,

Guéneau de Mussy, Eder, Lebert, etc. L'explication que donne

à cet égard Weil dans la Revue de médecine, 1893, n° 6, et

d'après laquelle il faut rattacher ces douleurs et ces paresthé-

sies aux troubles fonctionnels cérébraux par suite de l'excitation

venue des nerfs bronchiques et pulmonaires, ne nous paraît pas

exacte.

Raymond range les myélites capables de se développer

dans le cours de la tuberculose en deux catégories distinctes,

savoir :

1° Myélites chroniques, caractérisées anatomiquement par

l'existence d'une ou de plusieurs tumeurs tuberculeuses d'assez

fort volume, avec dégénérescence secondaire esquissée ou

complète;

2° Myélites aiguës, qui se présentent sous deux formes

distinctes très voisines en apparence : a) les myélites diffuses

nodulaires; b) les myélites diffuses infiltrées. Ces deux formes

coexistent presque toujours ensemble et sont accompagnées de

lésions des méninges et d'une leptomyélite corticale et généra-

lisée. Leur symptomatologie est différente, mais il leur man-

que la dégénérescence secondaire.

1 A. Margerite. Elude sur les troubles sensitifs dans la tuberculose

aiguë (thèse de Paris, 1885).

2 Raymond. Des différentes formes de leptomyélites tuberculeuses.

(Revue de méd., 1886.)

182 CLINIQUE NERVEUSE.

Hellich' a décrit chez un homme de quarante-deux ans un

cas de tuberculose solitaire dans la région lombaire. Ce tuber-

cule est parti de ? vaisseaux centraux. Son travail est remar-

quable surtout par un examen microscopique très détaillé de

la structure de la tumeur et des lésions consécutives de la

moelle. Un nouveau cas de tubercule solitaire dans la région

cervicale a été décrit par Sachs 2.

Obolonskv3 relate un cas de tuberculose de la moelle dans

lequel on a pu constater la propagation du processus tuber-

culeux par la voie du canal central. Un bel exemple de tuber-

culose nodulaire de Raymond a été rapporté par Rendue Dans

sa thèse d'inauguration, Gunsserb mentionne un cas de tuber-

culose nodulaire de la moelle, présentant au point de vue

clinique les symptômes d'une myélite chronique. Dans son

index bibliographique, le même auteur cite encore les travaux

de Bideau, Green, Gendrin (1829); Holmess, Jaccoud,

Lacher (183`.3) et Lepelletier (1849).

Enfin Raymond communique dans la Rèvue neurologique

un cas de méningomyélite aiguë limitée à la partie inférieure

du renflement cervical dans le cours du mal de Pott.

Nous regrettons de n'avoir pu prendre connaissance du

travail de Cornil : Tuberculose méningo-cérébrale, Arch. de

physiol., 1868, ni de celui de Berthod sur la Méningite tuber-

culeuse dans la Gazette méd. de Paris, 1884.

Tels sont les principaux ouvrages que nous avons pu con-

sulter sur les diverses formes de la tuberculose de la moelle.

Dans le présent travail, je me propose de communiquer un

cas de tuberculose nodulaire et infiltrée, que j'ai eu l'occasion

1 B. Hellich. OzHtCHtfc/t v. misé pri solilar zich nadorech puvodu

infekëniho (Considérations sur les lésions de la moelle produites par

les tumeurs d'origine infectieuse). Sbornilc lelcarsky. (Archives bohèmes

de médecine, 11, 1, 1887.) .

2 B. Sachs. - Kurze Mittheilungen ueber einen Fall von solildren

Tuberk. des llalsrückenmarkes. (z\eurol. Centralblatt, 1887.) soMMrc ! :

7'M<'er/t. es //a : <srtfc/KmMtaWfes. (Neurot. Centratbtatt., 1887.)

3 Obolonsky aus Charkow. Ueber einen fait von Rieckenmarkstuber-

kulose mit Verbreitung des tuberkulosen Prozesses auf dem TVege des

Centralkanals. (Zeitschr. f. Heilkuude, 1888.) ,

Rendu.Afe' ! t ? oM ? e7 ! s tuberculeuses, (union médicale, 1889,26.)

6 E. Gunsser. - Beitrage zur ]{enntnis der Rückenmarkstuberkulose.

Tùbingen, 1890.

Mal de Pott cervical. Leploméningile chronique. Poussée de ménin-

gomyélite aiguë limitée à la partie inférieure du renflement cervical.

Hématomyélie. (Revue netirol., 1893, 5-6.)

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 183

d'examiner dans la clinique de notre maître très regretté et

très illustre, le professeur Charcot, auquel je ne puis malheu-

reusement plus faire parvenir mes sentiments de profonde

gratitude pour la bonté et l'extrême bienveillance qu'il nous a

témoignées à nous étrangers, venus de loin pour profiter de

ses admirables enseignements. Je remercie vivement mon

ami, M. le Dr Dutil, ancien chef de clinique, qui a bien

voulu mettre à ma disposition les pièces anatomiques et qui

m'a communiqué les résultats de l'examen clinique.

Observation. Mm. P..., vingt-six ans, sans profession, entre à la

Salpêtrière le 11 février 1892, salle Duchenne de Boulogne (service

de M. le professeur Charcot). M. Dutil a vu cette malade pour la

première fois, à son domicile, en février. Voici les renseignements

qui furent alors fournis par la malade et par son médecin : Pas

d'antécédents héréditaires. Aucune maladie antérieure grave.

Santé habituelle parfaite. Aucun indice de syphilis. AI-0 P..., s'est

mariée à vingt-trois ans. Elle n'a pas eu d'enfants, n'a pas fait de

fausses couches Elle est veuve depuis dix mois. Son mari est mort

phtisique; elle l'a soigné pendant tout le cours de sa maladie : elle

a dû se fatiguer beaucoup, passer des nuits près de lui, se surmener

durant les dernières semaines qui ont précédé sa mort. Deux mois

après la mort de son mari, M'n" V... a commencé à maigrir, à

tousser, à perdre ses forces. Elle alla alors sur le conseil de son

médecin passer un mois à la campagne. Là, sa santé se rétablit

rapidement, elle reprit ses forces et son embonpoint ordinaire et

revint à Paris.

Il y a trois mois environ, vers le 15 novembre 1891, elle ressentit

des fourmillements, des picotements dans les pieds, les jambes et

à la partie antérieure des cuisses. Cela s'accompagnait d'un certain

degré de faiblesse des membres inférieurs. Ces troubles persistèrent t

par la suite avec des périodes d'amélioration et des retours,

pendant tout le mois de décembre 1891 et de janvier 1892. Cela

ne l'empêchait pas de vaquer à ses occupations, elle allait, avançait

comme à l'ordinaire, mais ses jambes lui paraissaient lourdes; une

promenade un peu longue, le fait de monter l'escalier, etc., pro-

duisaient une fatigue excessive. Les choses étaient dans cet état

lorsque, le 26 janvier au matin, elle éprouva dans les membres

inférieurs et la partie inférieure du tronc, une sensation d'engour-

dissement et de froid très prononcée. En quelques heures ses

jambes s'affaiblirent au point qu'il lui fut impossible de se tenir

debout; elle se mit au lit; la paralysie s'accentua rapidement;

le 28, rétention d'urine.

Le 3 février, voici ce que M. Dutil a constaté : paralysie à peu

près complète des membres inférieurs. La malade est incapable de

184 CLINIQUE NERVEUSE.

soulever ses jambes au-dessus du plan du lit. Dans le membre

inférieur gauche quelques légers mouvements sont possibles; mou-

vements d'adduction de la cuisse, de flexion de la jambe sur la

cuisse. Mais ces mouvements sont lents, difficiles et ne s'accom-

plissent qu'avec un effort énergique de la part de la malade. La

paralysie est flasque; pas de trace de raideur; les réflexes rotuliens

sont abolis à gauche, très faibles à droite. Rétention d'urine complète

-.nécessitant l'emploi de la sonde. Rétention des matières fécales.

Anesthésie comprenant toute l'étendue des deux membres infé-

rieurs et la partie inférieure du tronc limitée en haut suivant une

ligne circulaire passant par la sixième ou septième vertèbre dorsale

en arrière, à peu près à égale distance de l'ombilic et de la pointe du

sternum en avant. Une particularité remarquable, c'est que cette

anesthésie est nettement dissociée. Le tact est partout bien con-

servé, sauf au niveau de la partie antérieure de la cuisse gauche

où il est un peu affaibli mais non aboli. Par contre la douleur

(piqûre, pincement), le contact d'un corps froid ou chaud. linge

mouillé, une légère brûlure même) ne sont pas du tout perçus dans

tout le territoire de l'anesthésie. Pas de douleurs spontanées mais

des picotements très marqués, insupportables en divers points des

membres inférieurs et une sensation de constriction enserrant

comme une ceinture la partie inférieure de l'abdomen et les flancs.

Pas de troubles trophiques. Pas d'oedème. Rien aux membres supé-

rieurs. Pas trace de fièvre. Rien à la face. Pas de troubles oculaires.

Facies pâle. La malade tousse un peu depuis quelques semaines.

Submatité et respiration très affaiblie sous la clavicule gauche.

Rien autre.

Le 14 février, la malade entre à la Salpêtrière. Le 20 février, elle

était dans l'état suivant : La paralysie est absolue. Le réflexe rotu-

lien du côté gauche est aboli, du côté droit un peu exagéré. Mais

pas de trépidation du pied. L'anesthésie persiste; son étendue et

sa limite ne semblent pas s'être modifiées. Mais il n'y a plus de

dissociation. Le tact est partout aboli. Rétention d'urine. Quelques

élancements douloureux dans les flancs. La malade se plaint de

fourmillements dans les doigts de la main droite.

Le 2 mars : L'atrophie des muscles, des jambes et des cuisses est

très apparente. Les autres syptômes précédemment cités persistent.

Cependant les réflexes rotuliens sont abolis des deux côtés. La

limite de l'anesthésie maintenant s'est élevée jusqu'au niveau des

reins. Les membres supérieurs sont notablement intéressés. La

malade peut à peine porter ses mains à la tête. 11 y a un peu

d'atrophie de l'éminence thénar et du premier interosseux de la

main droite, Fourmillements. Elancements douloureux, mais pas

de troubles bien nets de la sensibilité provoquée. Les lésions des

sommets ont fait des progrès. Craquements, respiration soufflante

aux deux sommets, sous les clavicules et jusque dans la fosse

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 1HPJ

.sous-épineuse en arrière. Depuis quelques jours la malade a de la

fièvre (38° à 39°). Elle vomit presque tous les aliments. Commen-

cement d'escarre au sacrum. Pas d'autres troubles trophiques.

L'amaigrissement fait des progrès rapides. Le 10 mars, la malade

succombe.

Autopsie. Tuberculose pulmonaire au troisième degré. La

moelle et le nerf sciatique gauche ont seuls été enlevés.

La moelle a été durcie dans le liquide de Müller. Sur la coupe,

à l'oeil nu, on trouve dans les cordons latéraux de toute l'étendue de

la moelle dorsale et de la partie inférieure de la moelle cervicale

des échancrures plus ou moins prononcées dont la coloration

grisâtre contraste clairement avec celle du tissu voisin (fig. 6). Les

faisceaux de Goll ont la périphérie de même coloration. Les contours

de la substance grise sont très nets, et sauf quelques fentes qui se

montrent principalement dans la partie inférieure de la moelle

cervicale, on ne trouve pas macroscopiquement d'autres lésions

visibles.

On a soumis à l'examen microscopique les pièces suivantes :

A. I. II. Deux portions prises dans la moelle cervicale de la

partie inférieure. III. Une portion prise sur la limite qui sépare la

F1g,6.

1 86 CLINIQUE NERVEUSE.

moelle cervicale de la moelle dorsale. 5.-Une portion de la par-

tie supérieure de la moelle dorsale. C. Une portion de la partie

inférieure de la moelle dorsale. D. Enfin une portion de la

moelle lombaire. Les coupes ont été colorées par l'hématoxyline

simple, par l'hémaloxyline de Pal et de Weigert, par le picrocar-

min, enfin par la méthode de Letulle, à cause de la coloration des

bacilles tuberculeux. .

Quoique les lésions trouvées dans la moelle ne diffèrent que par

l'intensité du processus morbide, nous allons décrire cependant les

lésions trouvées dans chaque portion nommée ci-dessus. Nous com-

mencerons par la moelle cervicale et nous finirons par la moelle

lombaire.

A. Moelle cervicale. - 1. La pie-mère est épaissie et infiltrée par

des leucocytes. L'infiltration est surtout marquée dans le voisinage

des vaisseaux qui sont dilatés et remplis de beaucoup de sang. Les

parois des vaisseaux sont de même infiltrées de leucocytes et de

grains un peu allongés. Dans quelques endroits les leucocytes for-

ment de petits îlots. Dans les endroits où les traclus conjonctifs et

vasculaires émanent des méninges et se propagent dans la subs-

tance nerveuse, on trouve l'infiltration de la pie-mère très abon-

dante et elle se continue dans la moelle le long de ces tractus.

L'arachnoïde est légèrement épaissie.

Dans les substances blanche et grise on trouve les noyaux de

névroglie multipliés. On observe régulièrement dans la gaine des

vaisseaux, dont les parois sont infiltrées, des agglomérations plus

ou moins intenses de leucocytes. Ces infiltrations, s'assemblant autour

des vaisseaux, prennent soit la forme d'un cylindre, soit celle d'un

anneau. Elles sont surtout marquées à la périphérie des' faisceaux

de Goll et de Burdach. Les deux racines postérieures sont infiltrées

de la même manière. On trouve encore, dans les racines antérieures

et postérieures, que leur péri et endonèvre est parsemé de noyaux

et de leucocytes. Dans les faisceaux latéraux on distingue une pro-

lifération de la névroglie dont les réseaux multipliés se propagent

dans quelques endroits jusque vers la substance grise. La prolifé-

ration de la névroglie est surtout plus prononcée du côté droit

dans les faisceaux cérébelleux et dans ceux de Gôwers. Elle se

trouve même dans le cordon antérieur et surtout dans le faisceau

pyramidal direct.

Le canal central est oblitéré et il en reste une petite cavité pavée

par l'épendyme. Dans quelques coupes, le canal central est entiè-

rement oblitéré; mais dans toutes, on trouve, à côté de la proliféra-

tion des cellules de l'épendyme, une prolifération abondante de la

névroglie autour du canal central.

A côté de ces lésions, on voit, dans le faisceau de Burdach, du

côté droit, à la périphérie, dans le voisinage de la corne postérieure,

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 187

un tubercule composé de cellules épithéloïdes et de leucocytes qui

se trouvent à la périphérie du tubercule. Dans le voisinage de la

corne postérieure gauche, on trouve, au côté interne près la péri-

phérie, un îlot de leucocytes qui s'amoindrit et finit même par dis-

paraître entièrement à mesure que l'on descend.

Sur les coupes colorées par la méthode de Pal, on remarque que

la dégénérescence de la substance blanche est en rapport direct

avec les infiltrations isolées que nous mentionnons ci-dessus. Ainsi,

elle est visible dans le cordon postérieur et dans le cordon latéral.

La commissure postérieure devient plus large. La dégénérescence

des tubes nerveux commence à apparaître même dans les racines

postérieures au point où l'on trouve l'infiltration surtout abon-

dante.

II. Les lésions de la moelle cervicale de la seconde portion, sont

plus intenses. L'infiltration de la pie-mère, qui adhère à la moelle,

surtout dans la partie postérieure, gagne encore en intensité. Dans

une des coupes, on y trouve, au côté interne des racines posté-

rieures, un tubercule composé de cellules épithéloïdes et de leuco-

cytes. Dans la série des coupes, on peut se convaincre que ce tuber-

cule se place sur la courbure d'un vaisseau dont les parois présentent

une infiltration intense.

Au côté externe des racines antérieures droites, on observe une

infiltration de leucocyles, isolée et allongée, qui représente sans

doute aussi un tubercule. Sur toute la surface des coupes, les noyaux

et les leucocytes augmentent beaucoup plus que nous ne l'avons

indiqué plus haut. Autour du canal central oblitéré partiellement,

on voit une riche prolifération de la névroglie. Dans quelques

coupes, on trouve à la place du canal, deux cavités qui peuvent

s'allonger en villosité. Dans la commissure antérieure d'une de ces

coupes (fig. 7), on trouve une agglomération allongée de leucocytes

que l'on peut voir même dans d'autres coupes, où elle est remplacée

par un vaisseau. Or, on peut bien supposer que dans ce dernier cas

le tubercule a été posé sur la paroi d'un vaisseau.

Dans le cordon latéral, on voit six agglomérations de leucocytes

d'assez grand volume réunies en partie. Quelques agglomérations,

sur des coupes provenant de la partie plus basse, disparaissent entiè-

rement, d'autres se présentent sous forme de nodules tuberculeux

typiques. C'est encore dans celte partie de la moelle que l'on voit à

la périphérie du cordon latéral, dans le voisinage des racines pos-

térieures, deux tubercules isolés contenant des cellules géantes. On

peut suivre ces deux tubercules encore plus bas, mais on ne voit

plus les cellules géantes.

Le processus de la prolifération de la névroglie s'accentue encore

surtout dans le cordon latéral droil. Nous apercevons sur quelques

coupes la surface entière du cordon latéral droit parsemée de petites

188 CLINIQUE NERVEUSE.

agglomérations de leucocytes qui sont plus ou moins isolées. Dans

le faisceau droit de Goll se trouve, à la périphérie, un tubercule

composé de leucocytes et, dans son voisinage, également une

agglomération de leucocytes que l'on peut suivre dans beaucoup de

coupes.

La dégénérescence des faisceaux de Gol estplus étendue que nous

ne l'avons vu plus haut, et c'est le faisceau gauche qui est plus

atteint que le faisceau droit.

La dégénérescence des fibres nerveuses dans les cordons laté-

raux marche parallèlement avec la propagation du processus tuber-

culeux.

Les cellules ganglionnaires ne sont pas visiblement altérées ; on

peut remarquer seulement que quelques-unes offrent une pigmen-

tation assez bien marquée.

Elles se colorent facilement avec le picrocarmin, ainsi que les

cylindres-axes dans les parties qui n'étaient pas envahies par les

infiltrations et les tubercules.

Nous n'avons pas pu colorer les bacilles tuberculeux. De même,

M. le Dr Metschnikofî1, qui a bien voulu faire colorer quelques

1 Nous prions M. le D' Metschnikotr de croire à toute notre reconnais-

sance pour la bienveillance qu'il nous a témoignée.

Fig. 7.

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 189

coupes, est parvenu au même résultat. Par la méthode de Gram

nous n'avons pu colorer ni les coccus, ni les autres microorga-

nismes.

La dure-mère présente seulement à la surface interne quelques

noyaux qui se sont multipliés.

III. Dans les coupes provenant de cette partie de la moelle,

on voit très distinctement la manière dont les infiltrations se pla-

cent sur les vaisseaux, dont elles les entourent et enfin comment

elles suivent leur cours.

Dans la série des coupes, on voit l'amoindrissement des infiltra-

tions isolées et conflueutes, qui se trouvent dans les cordons laté-

raux et dans le cordon gauche en particulier. Sur quelques coupes,

nous observons, au lieu d'infiltrations, une section transverse de

vaisseaux plus ou moins grands dont la gaine est remplie d'un

grand nombre de leucocytes.

A la périphérie des deux cordons de Goll commencent à appa-

raître de petits îlots de cellules rondes placées, en partie, autour

d'un vaisseau (fig. 8). Dans une coupe, on a pu observer, au côté

externe du cordon postérieur droit, un nodule tuberculeux périphé-

rique, dans une autre coupe, on trouve, sur le côté externe des

Fig. 8.

190 CLINIQUE NERVEUSE.

racines antérieures droites, un tubercule contenant deux cellules

géantes, situé directement sous la pie-mère. Le canal central est

obliléié et, dans le tissu périépendymaire, on observe une prolife-

ration abondante de la névroglie. Dans la pie-mère, qui nous offre

la même image que nous avons décrite plus haut, on voit un tuber-

cule sur le côté externe des racines postérieures droites.

Sur les coupes provenant de cette partie de la moelle l'infiltra-

tion des parois des vaisseaux est particulièrement abondante et

elle pénètre toutes les couches de ces mêmes parois.

Dans l'artère spinale antérieure, on observe une petite agglomé-

ration isolée et composée de cellules épithéliales.

B. Moelle dorsale : I (partie supérieure). C'est dans cette partie

que l'on rencontre les lésions les plus intenses.

Dans la pie-mère, les infiltrations sont abondantes, surtout dans

la région de l'émergence des racines spinales.

Les infiltrations isolées et les nodules tuberculeux, dont nous

avons parlé plus haut, se rencontrent aussi dans les cordons laté-

raux de la moelle dorsale. Ils y atteignent des dimensions plus

considérables et se trouvent même dans les faisceaux pyramidaux

des cordons extérieurs. Ils se présentent sous le même aspectcomme

nous l'avons vu plus haut.

On rencontre dans cette partie même de fines hémorragies capil-

laires dans les cordons latéraux. Dans les faisceaux de Goll et dans

ceux de Burdach, on observe un nombre considérable de vaisseaux

entourés de petits amas de leucocytes. Il y a aussi quelques amas

de leucocytes qui ne contiennent pas de vaisseau au centre.

. La surface entière de la moelle est riche en leucocytes et en

noyaux. Les vaisseaux autour du canal central oblitéré sont exces-

sivement dilatés. De même, laprolifération de la névroglie dans le

tissu périépendymaire est très abondante. Les racines spinales an-

térieures droites sont enflammées et en partie sclérosées. De même,

les racines postérieures, surtout du côté droit, sont infiltrées et on

trouve, dans une coupe, un tubercule composé de cellules épithé-

lioïdes.

Si nous envisageons quelques coupes en particulier, nous pou-

vons remarquer que, dans quelques-unes, les nombreux vaisseaux

entourés de petits amas de leucocytes, qui se trouvent dans le fais-

ceau pyramidal droit, sont remplacés par une agglomération de

leucocytes affectant la forme triangulaire, tandis que dans d'autres

on ne voit à la même place qu'un tubercule composé de leucocytes.

Les infiltrations trouvées dans les cordons latéraux, forment des

agglomérations nodulaires et deviennent plus nombreuses; c'est

ce qui se passe aussi dans les faisceaux de Goll ou de Burdach.

Dans le segment correspondant à la troisième vertèbre dorsale,

on constate que les petits amas de leucocytes se continuent dans les

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 191

cornes antérieures. Dans les coupes provenant de la même partie de

la moelle, les cornes postérieures et surtout la corne postérieure

gauche, sont parsemées d'un plus grand nombre de noyaux et de

leucocytes qui peuvent se grouper, dans quelques endroits, en petits

amas.

Dans ces coupes l'hypérémie de toute la surface de la moelle est

très apparente. Elle est surtout marquée autour des infiltrations

mentionnées.

Les racines postérieures sont atteintes d'une endonévrite remar-

quable.

Dans une coupe on voit se propager dans la substance nerveuse

une infiltration allongée, en connexion avec un tubercule muni de

cellules géantes. Ce tubercule se trouve sur le côté externe de la

racine postérieure gauche.

Sur les mêmes coupes nous voyons encore, dans le faisceau py-

ramidal croisé droit, deux nodules confluents placés tous deux sur

les vaisseaux.

Dans la corne postérieure gauche, vers la périphérie se rencon-

trent de petits nodules embryonnaires. La corne antérieure droite

renferme un très petit amas de leucocytes à forme triangulaire.

Au côté gauche du canal central, dans la commissure grise, il y a

également un petit groupe de leucocytes. Dans la corne postérieure

droite, le long d'un vaisseau, on remarque une infiltration très

dense et allongée, près de laquelle se trouve un nodule logé dans

le faisceau de Burdach.

Les endroits où nous avons vu les nodules ou les infiltrations

confluentes ne se colorent pas par la méthode de Pal, et dans leur

proximité, on voit les phénomènes typiques d'une inflammation.

Les coupes colorées par le picrocarmin ne nous offrent rien de

spécial.

L'examen bactériologique reste négatif.

C. Partie dorsale inférieure. En ce qui concerne les carac-

tères généraux, on constate dans cette partie de la moelle les

mêmes lésions que nous avons indiquées dans la partie supérieure.

Mais elles y sont beaucoup moins intenses. Ces lésions envahissent

surtout le cordon laléral et le cordon antérieur. Dans les cordons

latéraux, on trouve de nouveau des infiltrations plus ou moins

isolées ou plus ou moins diffuses, qui ont entraîné la dégénérescence

de la substance nerveuse. Dans le canal central et dans la pie-mère

nous avons remarqué les mêmes lésions que dans la partie supé-

rieure. Le cordon postérieur, sauf une légère infiltration le long

d'un vaisseau, reste intact. De plus, nous avons constaté une

légère inflammation du péri et endonèvre des deux racines anté-

rieures et postérieures.

D. Partie lombaire. On trouve seulement dans cette partie une

192 CLINIQUE NERVEUSE.

légère augmentation des noyaux et des leucocytes de la pie-mère

ainsi que de la surface de la moelle. Les parois des vaisseaux y

sont aussi légèrement infiltrées et le canal central est oblitéré. Dans

les cordons latéraux la dégénérescence corticale des tubes nerveux

est insignifiante.

Nous avons par conséquent constaté dans la pie-mère, dans les

racines spinales et dans la moelle, soit des lésions diffuses inflam-

matoires, soit des nodules tuberculeux typiques et isolés, plus ou

moins grands, des infiltrations qui se placent le plus souvent sur

les vaisseaux dont elles remplissent la gaine. Elles se propagent,

principalement à partir de la périphérie, le long des vaisseaux et

des tractus conjonctifs dans l'intérieur de la moelle où elles peu-

vent envahir la substance blanche et la substance grise.

On a pu trouver les cellules géantes non seulement dans les

nodules de la moelle dorsale, mais aussi dans ceux de la partie cer-

vicale. '

Le processus morbide a atteint son maximum d'étendue dans la

partie supérieure de la moelle dorsale.

Il s'agit donc d'une leptoméningite et de tuberculisation de la

moelle.

En récapitulant la marche des symptômes cliniques. et en

les comparant avec les résultats anatomiques, nous voyons

que l'hypérémie des méninges et une faible irritation des

racines postérieures expliquent les premiers symptômes, à

savoir : le fourmillement, les picotements dans les pieds, dans

les jambes et à la partie antérieure des cuisses, un certain

degré de faiblesse des membres inférieurs, etc. La sensation

subite d'engourdissement et de froid, très prononcée dans les

membres inférieurs et dans la partie inférieure du tronc, de

plus la paralysie subite des membres inférieurs nous indiquent

que les méninges et la moelle, ainsi que les racines de quelques

points, ontété envahies en même temps parle processus tuber-

culeux. Il est évident que, les douleurs n'étant pas présentes,

la pie-mère ne pouvait pas être atteinte plus tôt d'une manière

grave et la moelle être complètement libre de tuberculose. Au

contraire, il est très probable que des nodules tuberculeux

pouvaient déjà exister dans la moelle. Le processus morbide a

envahi d'abord la moelle dorsale où il s'est propagé irréguliè-

rement et dans toute sa longueur, et où il a causé de cette ma-

nière les symptômes d'une myélite transverse.

Nous voyons déjà, le 3 février, que le membre inférieur

droit est complètement paralysé tandis que, dans le membre

. LA. TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 193

inférieur gauche, persistent encore quelques légers mouve-

ments. L'anesthésie atteint les membres inférieurs et s'étend

dans le tronc jusqu'à la sixième et septième vertèbre dorsale et

en avant jusqu'à l'apophyse xyphoïde. Cette anesthésie est

nettement dissociée. Le tact est partout bien conservé. Par

contre la douleur (piqûre, pincement), le contact des corps

froids et chauds (légère brûlure) ne sont pas du tout perçus.

Il n'y a pas de douleurs spontanées mais seulement des pico-

tements très marqués dans les membres inférieurs avec sensa-

tion de constriction, serrant comme une ceinture la partie

inférieure de l'abdomen et les flancs.

L'explication de la dissociation mentionnée est assez difficile.

Pouvons-nous supposer que les lésions, trouvées dans les deux

commissures grises, ont existé avant que les cordons posté-

rieurs et les racines postérieures aient été atteints' ? Dans ce

cas on pourrait expliquer l'apparition et la disparition de la

dissociation. Elle a disparu, le 14 février, tandis que l'anes-

thésie a persisté. A cette époque on pouvait déjà remarquer

les douleurs, fait qui nous montre que les racines postérieures

étaient gravement atteintes.

Alors les fourmillements dans les doigts de la main droite

commencent à apparaître (le processus a franchi la moelle

dorsale) et, le 2 mars, on voit les deux membres supérieurs

atteints. Ensuite se développe l'atrophie; elle commence à

apparaître dans l'éminence thénar et dans le premier interos-

seux de la main droite (racines antérieures atteintes). La mort

a été causée par les troubles généraux provenant de la tuber-

culose pulmonaire et elle est survenue avant que le processus

qui se développait dans la moelle, eut envahi la partie supé-

rieure de la moelle cervicale.

Nous allons maintenant étudier tout spécialement la forme

nodulaire de la tuberculose de la moelle. Dans les travaux

publiés jusqu'à présent par Liouville', Hutinel, Raymond,

Rendu, Gunsser et nous-même, on a observé la tuberculose

1 Minor, Centrale Hxmatomyelie (Archiv. sur Psychiatrie und Nerven-

heilkunde, XXXV), a pu observer la dissociation de la sensibilité après

les hémorragies dans le voisinage du canal central et Rosenthal l'a pu

remarquer au cours d'une myélite consécutive à une carie des os. Voir

' Handbuch der Diagnostik und Thérapie der Nervenkmnkheiten, Er-

laugen, 1870. Dans le cas de M. Rosenthal, il y avait des lésions autour

du canal central.

Archives, t. XXX. 13

194 . CLINIQUE NERVEUSE.

nodulaire de la moelle, toujours coexistante avec la tuberculose

des autres organes. Elle a été liée régulièrement à la tuber-

culose des poumons dans le stade très avancé. C'est la partie

dorsale de la moelle qui est le plus souvent envahie. S'il s'agit

d'infection métastatique et généralisée, elle se propage gra-

duellement en causant le tableau de la myélite aiguë ou

subaiguë ou enfin de la myélite chronique. Cette forme de

tuberculose de la moelle est très rare.

Voici la statistique de l'institut pathologique tchèque' de

Prague, qui vient à l'appui de ce que nous avançons. Depuis le

mois de janvier 1884 jusqu'au mois de décembre 1891, on y a

fait 5,000 autopsies et l'on a constaté 2,090 cas de tuberculose

des divers organes, surtout des poumons. Avec ces cas de

tuberculose on a vu coexister :

A. Cerveau. a). 75 cas de méningite tuberculeuse mi-

liaire basale dans lesquels il y avait eu, en coexistence, 8 cas de

tubercules solitaires, un abcès, une fois le ramollissement, et

une fois la tuberculose de la protubérance; b). 2 cas de

leptoméningite purulente après la carie de l'os pétreux, dans

un cas il y avait en même temps abcès du cervelet ; c). On

a trouvé un nodule calcifié dans la capsule interne (1 cas) ;

d). La tuberculose de la dure-mère (2 cas) ; e). 17 cas de

tubercules solitaires ; f). 1 cas d'éruption miliaire des mé-

ninges du cervelet; y). 2 cas de méningite de la convexité

du cerveau. '

On a donc trouvé dans quelques cas la tuberculose du cer-

veau.

B. Cerveau et moelle. a). 6 cas de méningite cérébro-

spinale tuberculeuse, une fois compliquée de myélite et d'héma-

tomyélie, une fois de tubercule solitaire et de pachyméningite

spinale et enfin, dans un cas, il s'agissait de méningite puru-

lente ; - b). 3 cas de tubercules solitaires dans le cerveau et

dans la moelle.

Dans 9 cas, on a trouvé la tuberculose du cerveau et de la

moelle.

C. Moelle 2. La moelle n'a été atteinte que dans 12 cas,

1 Je remercie vivement M. le professeur Hlava qui a bien voulu mettre

à ma disposition ces travaux de statistique.

' Mais il faut tenir compte de ce fait que l'on n'a pas enlevé, dans tous

ces 2,090 cas, la moelle épinière. Cependant nous pouvons dire que nous

ne sommes pas très loin de la vérité.

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 195

savoir : a). 7 cas de méningite après carie des côtes ou des

vertèbres ; b). 1 cas de méningo-myélite après carie des

vertèbres; c). 1 cas de tuberculose de la dure-mère;

d). 2 cas de tubercules solitaires et enfin e). 1 cas où il s'agis-

sait de la tuberculose de la dure-mère, après carie des ver-

tèbres, combinée avec la myélite transverse.

196 CLINIQUE NERVEUSE.

La tuberculose peut envahir toutes les parties de la moelle.

Elle se propage ordinairement depuis la périphérie, le long des

tractus conjonctifs et des vaisseaux, mais on peut chercher aussi

son point de départ dans les vaisseaux centraux. Les nodules

tuberculeux ont le même caractère que dans les autres organes

et ils peuvent atteindre la grosseur d'un pois (Raymond).

~~ Ils peuvent se ramollir. Ils se placent sur les vaisseaux,

ainsi que les infiltrations isolées que l'on doit considérer

comme des nodules embryonnaires. Souvent quelques petites

infiltrations isolées se réunissent en une seule agglomération

plus grande.

Cornil et Ranvier décrivent la structure du nodule tuber-

culeux, dans leur Manuel d'histologie pathologique, t. ICI', 1881,

au chapitre de la tuberculose des méninges cérébrales, presque

de la même manière que nous le décrivons plus haut.

Outre les nodules et les infiltrations qui se trouvent dans la

moelle, la pie-mère et les racines, on observe encore des phé-

nomènes inflammatoires ; prolifération de la névroglie et lé-

sions des vaisseaux. Ces dernières se présentent comme endo-

périvasculite et peuvent amener des oblitérations dans les cas

chroniques (Gunsser). Partout l'on constate l'hypérémie,

qui est surtout marquée autour des endroits envahis par les

nodules et les infiltrations. Quelquefois dans les cas aigus, il y

a aussi de petites hémorragies. La dégénérescence de la

substance nerveuse reste localisée, en général, mais, dans le

cas de Gunsser, on a vu se développer la dégénérescence

secondaire. Le canal central est oblitéré par la prolifération

des cellules épendymaires; autour du canal central, il y a pro-

lifération abondante de la névroglie. La pie-mère est épais-

sie, congestionnée, infiltrée; elle adhère à la substance ner-

veuse. L'infiltration est surtout marquée dans le voisinage des

racines et aux endroits où s'étendent les tractus conjonctifs et

les vaisseaux dans la moelle. Toute la surface de la moelle est

plus ou moins enflammée.

S'il s'agit d'une forme plus infiltrée, on ne peut pas la dis-

tinguer de la myélite simple, suivant l'opinion de Raymond.

Cependant un examen très minutieux peut faire découvrir

quelques nodules qui nous révèlent la nature du processus.

Dans les cas que nous allons mentionner, on n'a pu jusqu'à

1 Pour les tubercules des enveloppes de la moelle, ces savants ren-

voient le lecteur au chapitre Cerveau.

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 197

présent, colorer les bacilles tuberculeux'. (Voir Voisenet, loc.

cit., et Raymond, loc. cil.)

Au point de vue clinique, la tuberculose nodulaire de la

moelle se présente, en général, dans les cas aigus, sous les

symptômes d'une myélite aiguë. Dans un cas chronique (cas

de Gunsser), elle s'est présentée sous les symptômes d'une

tumeur de la moelle à marche lente. Les cas subaigus seule-

ment se ressemblent au point de vue clinique.

Le malade qui est déjà atteint de tuberculose pulmonaire

est pris tout à coup de symptômes médullaires : paresthésies,

faiblesse des extrémités, douleurs, etc., qui durent pendant

quelque temps avec des rémissions, et cela, sans s'être aperçu

d'autres symptômes généraux ou locaux : fièvre, frissons,

nausées, maux de tête, dépression psychique, manque d'appé-

tit. Un jour, le malade est subitement atteint de paraplégie

complète ou incomplète. Cette paraplégie est accompagnée de

lésions de la sensibilité, de l'innervation de la vessie et du

rectum, de lésions trophiques, etc. La mort survient réguliè-

rement par suite de la maladie primitive. Il est évident que

tous les symptômes varient beaucoup suivant le siège et

l'étendue du processus tuberculeux. Ils ont, le plus souvent,

l'aspect d'une myélite transverse.

Le diagnostic d'une lésion organique de la moelle n'est point

difficile. Pour la diagnose différentielle, il faut bien examiner

l'organisme entier, afin de pouvoir exclure les myélites consé-

cutives à diverses tumeurs telles que sarcome, carcinome, etc.,

et les myélites syphilitiques, ainsi que celles qui surviennent

après le mal de Pott. Dans les cas suraigus (le cas de Raymond,

par exemple), le diagnostic d'une myélite tuberculeuse est des

plus difficiles. Nous ferons observer, tout particulièrement,

quelques phénomènes qui nous semblent avoir quelque impor-

tance au point de vue du diagnostic. Ce qui nous frappe dans

ces cas de myélites, c'est la variabilité de quelques symptômes :

les réflexes rotuliens, par exemple, et la sensibilité dissociée.

Les lésions isolées, ou même quelquefois les lésions plus dif-

fuses, qui se propagent graduellement ou le plus souvent subi-

tement, nous expliquent suffisamment pourquoi, d'une part,

1 De même dans le cas de Goldscheider. Voir Ueber 1lIyelomeningitis

cervicalis ant. bei Tuberculose (Berl. kl. Wochenschr., 1891, 88). On sait

qu'au contraire, dans les cas de tubercules solitaires, on a pu colorer les

bacilles tuberculeux en quantité considérable. Voir Hellich, loc. eti.

198 CLINIQUE NERVEUSE.

l'aspect clinique est si différent et, d'autre part, pourquoi il

est si-variable.

Nous mentionnons ci-dessus les cas de tuberculose de la

moelle, qui appartiennent à la forme nodulaire. Nous ajoutons

encore le cas de Hutinel ' (1874) et celui de Froisier 2. Dans ces

deux derniers cas, il s'agissait bien de tuberculose nodulaire

de la pie-mère, mais on n'a pas fait l'examen microscopique de

la moelle elle-même, quoiqu'on soit autorisé à supposer

qu'il s'agissait, même dans ces deux cas, de tuberculose de la

moelle.

Nous hésitons à penser, avec Hutinel, que dans son cas, les

lésions trouvées sur les méninges expliquent suffisamment

tous les symptômes cliniques. Les deux cas dont il est question

sont, au point de vue clinique, en accord très apparent avec

ceux de la tuberculose nodulaire de la moelle. On peut bien

accepter la division de la tuberculose de la moelle faite par

A1M. Liouville (1869) et Raymond (1886). Seulement, à notre

avis, ce groupe de formes nodulaires de la tuberculose de la

moelle doit être encore augmenté du cas chronique décrit par

Gunsser. Ainsi, la tuberculose nodulaire de la moelle peut

être aiguë, subaiguë et même chronique. Nous connaissons

les cas de transition entre les cas aigus (Raymond, Liouville)

et le cas chronique de Gunsser. Cette transition est formée par

les cas de Froisier, Hutinel, Voisenet, Rendu, et par celui que

nous avons décrit.

Vu l'intérêt pratique de cette étude, il faut faire l'examen

microscopique de la moelle, non seulement dans tous les cas

de tuberculose des méninges spinales et de ceux du cerveau,

mais aussi dans toutes les myélites survenant au cours de la

tuberculose d'un organe quelconque. De cette manière, on peut

espérer qu'à l'avenir l'étude clinique de la tuberculose nodu-

laire de la moelle sera plus satisfaisante qu'elle ne l'a été jus-

qu'à présent.

Les cas de tuberculose nodulaire de la moelle épinière, dont

nous ne citons in extenso que le cas de Gunsser, sont les sui-

vants : Trois cas de Liouville (voir Soc. de biologie), p. 3r7,

1869; Thèse de Châtaufort, p. Il et Raymond, loc. cit.). Un

cas de Voisenet (service de M. Hutinel, Thèse de Paris, 1885).

1 Société anatomique, 1874. Thèse de Châtaufort, p. 72, loc. cil.

' Thèse de Chàtaufort, loc. cit.

LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE EPINIÈRE. 199

Un cas de Raymond (loc. cit.) et un cas de Rendu (loc. cit.).

Gunsser (loc. cit.), 1890, communique le cas suivant :

Un mécanicien, âgé de quarante-trois ans, a souffert à l'âge

de vingt ans d'une maladie de poitrine. Depuis cette époque il

souffre de temps en temps de la diarrhée. Depuis 1882, respiration

gênée. Depuis 1884, il se plaint d'une certaine fatigue aux reins

après le travail. La marche devient un peu lourde. Au mois de

février 1886, reçu à l'hôpital de Stuttgart, où il a été atteint d'une

diarrhée opiniâtre. Il a quelque difficulté à uriner. L'urine ne

contient pas de matières pathologiques. Douleurs aux reins plus

apparentes, surtout après avoir monté les escaliers, etc. Le malade

dit lui-même que ces douleurs ne proviennent pas de l'os sacrum,

mais qu'elles proviennent des parties plus profondes encore.

Le malade se trouve de nouveau, le 14 juillet de la même année,

à l'hôpital de Stuttgart. Sa marche est encore plus difficile, les

jambes sont affaiblies. L'extrémité inférieure gauche est plus

atteinte que la droite. Quand il voulait marcher, il arrivait

quelquefois que la jambe gauche se détendait d'elle-même. La

marche du malade ressemble à celle d'un coq (Hahnentrill). En

marchant le malade a ressenti des pincements et des sensations

de brûlure aux jambes et sur la surface de la plante plus du

côté gauche que du côté droit. Les pieds sont légèrement oedéma-

teux. La difficulté d'uriner a disparu. Le malade a maigri

beaucoup.

A l'examen du malade, le 8 janvier 1887, on constata ce qui suit :

malade cachectique, amaigri, pâle. Extrémités inférieures légère-

ment oedémateuses. Sensibilité exagérée aux extrémités inférieures

et dans l'hypochondre gauche. Au contraire, tout léger attouche-

ment est à peine senti et mal localisé surtout à la plante des pieds.

Tous ces symptômes sont plus marqués du côté gauche que du

côté droit. Les réflexes de la plante des pieds sont exagérés, de

même les réflexes rotuliens. Il y a trépidation de pied. La force

surtout à gauche est diminuée. Quand le malade reste debout, il

oscille mais plus avec les yeux fermés qu'avec les yeux ouverts.

Pendant la marche, la jambe gauche reste étendue et traînante

sur le sol; du reste, la marche n'a pas le caractère spasmodique.

Il n'y a pas de vrais troubles de la coordination.

Le malade se plaint de sensations de lourdeur et de brûlure aux

jambes. La colonne vertébrale est normale; elle n'est pas doulou-

reuse. L'urine contient un peu d'albumine. Il n'y a rien du côté de

la tête; le fond de l'oeil est normal. Aux extrémités inférieures le

malade sent les objets chauds comme les froids. - 12. II. Eschare

sur l'os sacrum. Les réflexes s'exécutent après la moindre excita-

tion aux extrémités inférieures et sont très exagérés; ils se montrent 1

200 CLINIQUE NERVEUSE.

apparents même spontanément. - 17. Il. Le malade ne peut se

tenir debout. Incontinence d'urine. L'eschare devient plus grande.

La fièvre très grande. Le malade ne peut mouvoir la jambe gauche,

qui est un peu contractée dans le genou et à la fesse. Dans la jambe

droite il y a quelques mouvements possibles.

20. IL La peau de la partie inférieure du dos est oedémateuse;

l'oedème des pieds a disparu. - 24. II. Mort.

Diagnose : Paraplégie consécutive à des lésions en îlots dans la

partie inférieure de la moelle dorsale. - L'altération transverse de

la moelle est plus complète du côté gauche que du côté droit.

A l'autopsie, on a trouvé que la pie-mère de la moelle dorsale

était légèrement épaisse dans quelques endroits. A la hauteur du

septième nerf dorsal, la pie-mère adhère à la dure-mère sur le

côté antérieur. Les faisceaux de Goll dans la partie supérieure de

la moelle cervicale affectent une couleur blanche, tandis que l'autre

partie de la substance blanche a la couleur blanc grisâtre. La

substance grise est pâle. A l'endroit où la pie-mère adhère à la

dure-mère, la substance nerveuse de la moelle se ramollit; par

places se trouvent des points rouges et des îlots rouges grisâtres.

Au-dessus et au-dessous de cette partie, la moelle est tachetée.

Dans la partie lombaire, les faisceaux pyramidaux latéraux sont

plus pâles que les autres. Les glandes mésentériques sont tumé-

fiées ; la rate également. Les glandes rétropéritonéales sont

en partie caséeuses, en partie atteintes de dégénérescence amyloide.

A l'examen microscopique de la moelle, on a relevé dans la

partie supérieure de la moelle cervicale une sclérose des faisceaux de

Goll, dont il reste encoie à la périphérie quelques fibres nerveuses

intactes. La substance blanche, du reste est conservée. On trouve

pourtant, après un examen soigneux, dansles faisceaux cérébelleux

une partie sclérosée qui est nettement limitée du côté intérieur.

La substance grise est normale. Sur quelques coupes, on trouve,

dans les parois des vaisseaux, de petites agglomérations de leuco-

cytes. A côté de celles-ci on trouve encore des nodules tuberculeux,

typiques, avec des cellules géantes. La tuberculose y est caracté-

risée d'une part par l'infiltration diffuse ou isolée des membranes

des vaisseaux et, d'autre part, par les processus inflammatoires

dans les gaines des vaisseaux, les processus amènent l'épaissis-

sement des parois de vaisseaux ; et peuvent donner naissance même

aux tubercules contenant les cellules géantes.

- Outre ces lésions, on trouve une prolifération conjonctive dans

les tractus émanant de la pie-mère. Cette prolifération peut passer

même dans la névroglie. L'infiltration de leucocytes et les proces-

sus de néoformation peuvent se réunir pour faire naître les

tubercules mixtes. ,

Les processus des vaisseaux et de la névroglie produisent des

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 201

lésions très considérables de nutrition. Il s'ensuit une dégénéres-

cence des fibres nerveuses, sous forme d'îlots; ou bien qui atteint

seulement quelques fibres nerveuses. La dégénérescence en îlots

est causée visiblement par l'ischémie provenant d'une vasculite

tuberculeuse qui peut aboutir jusqu'à l'oblitéralion du vaisseau.

Il y a encore des dégénérescences secondaires dans la continuité,

et des scléroses secondaires causées par les lésions provenant de

l'interruption des cordons... En considérant les troubles trophiques,

il faut tenir compte encore des troubles des vaisseaux lymphatiques.

Dans la pie-mère, on n'a pas trouvé de tubercules, dispersés tout

à fait irrégulièrement dans la moelle. La partie dorsale de la

moelle a été plus atteinte. Presque dans tous les faisceaux, on voit,

à côté des processus anciens, des dégénérescences récentes. C'est

justement dans cette partie que l'on a trouvé le plus grand nombre

de nodules. Au-dessous de cette partie, la dégénérescence com-

. mence à disparaitre, sauf dans les cordons pyramidaux, et même

on n'y trouve point de nodules.

La structure des tubercules plaide pour la chronicité du proces-

sus morbide, comme le prouve aussi la marche clinique. La moelle

a été certainement atteinte en 1886, sinon en 1884. Quelque temps

avant la mort, la maladie a fait des progrès rapides, comme nous

pouvons en juger par les dégénérescences récentes. C'est seulement

l'examen microscopique qui nous peut amener à faire la diagnose.

L'auteur finit avec raison en ces termes : « Es ist bicht

môglich, dass manche solche Faite multiplerVlyelitis für nicht

tuberkulôs gehalten werden, wenn man sich auf die makros-

kopische Untersuchung beschrà,nkt. *

CLINIQUE MENTALE.

PSYCHOSES SUR UN FOND DE DÉGÉNÉRESCENCE

MENTALE CHEZ LE VIEILLARD;

Par le Dr TRÉNEL,

Médecin adjoint des Asiles de la région de Paris.

Les dégénérés peuvent, malgré leur prédisposition à délirer,

atteindre parfois un âge avancé sans qu'aucun accident men-

202 CLINIQUE MENTALE.

tal grave vienne attirer l'attention. Chez des malades qui ont

été considérés pendant une longue existence comme des indi-

vidus normaux, il faut rechercher avec soin les signes de désé-

quilibration et les stigmates mentaux qui ont pu passer ina-

perçus et qui, quelque atténués qu'ils soient parfois, n'en four-

nissent pas moins l'explication de certains troubles mentaux

chez le vieillard. C'est de cette façon que l'on peut expliquer

l'éclosion tardive des syndromes épisodiques, comme l'ont

prouvé il y a longtemps les observations deM. Magnan (folie du

doute à soixante-cinqans,onomatomanieàsoixante-troisansl).

Le syndrome épisodique, à lui seul en l'absence de tout autre

symptôme, suffit pour prouver l'existence de cette dégénéres-

cence : il n'appartient qu'à elle. Il est facilement reconnaissable,

même quand il n'apparaît qu'à l'état d'ébauche. Mais d'autres

états délirants qui doivent présenter dans leur mode de pro-

duction, dans leur évolution ou leurs combinaisons certains

caractères spéciaux (polymorphisme, délire d'emblée, etc.)

pour être valablement attribués à la dégénérescence mentale,

peuvent être assez défigurés par l'affaiblissement sénile des

facultés intellectuelles pour devenir difficiles à classer exacte-

ment, surtout si les données qu'on possède sur les antécédents

sont incomplètes. De plus, ces caractères peuvent être d'autant

plus effacés que, si les symptômes développés sur un fond de

dégénérescence n'éclatent qu'à un âge avancé, il est à sup-

poser qu'il existe seulement une base héréditaire peu char-

gée 2, une prédisposition faible, d'où netteté moins grande du

tableau clinique.

Les deux observations que nous rapporterons ici et que nous

avons recueillies à l'asile Sainte-Anne, dans le service de

notre maître M. Magnan, rentrent dans cette catégorie des

psychoses dégénératives chez le vieillard, question sur

laquelle on trouvera les renseignements bibliographiques et

cliniques les plus complets dans la thèse récente de notre col-

lègue, M. Pécharman (1893). Ces deux observations sont à

rapprocher l'une de l'autre à certains points de vue et

démontrent, nous semble-t-il, que les psychoses des dégéné-

rés naissent, marchent et évoluent d'une façon caractéris-

tique, quelque avancé que soit l'âge du sujet et sont facilement

reconnaissables cliniquement quand l'état intellectuel leur

' Magnan. -- Leçons cliniques et recherches sur les centres nerveux,

. 113 ? lIall et Dahove. - Les Dégénérés (tiiblioth. Cliarcot-Debove).

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 203

permet encore de se développer avec quelque ampleur. C'est

en effet moins le détail du délire, sa forme clinique, qui offre

ici de l'intérêt que l'âge auquel on le voit apparaître. L'une de

nos malades a présenté les premiers symptômes mentaux à

quatre-vingt-neuf ans, l'autre à quatre-vingt ans ; chez l'une

c'est d'un délire polymorphe qu'il s'agit, chez l'autre d'un

délire d'emblée des dégénérés.

OSERVATION I. - Femme de quatre-vingt-treize ans, sans affaiblis-

sement intellectuel; mais de tout temps superstitieuse, croyant aux

pressentiments. Hallucinations et illusions du sens du tact, de la

vue et de l'ouïe. Interprétations délirantes. Idées de persécution

systématisées ; mélancolie anxieuse. Double tentative de suicide.

Début de l'affection actuelle à quatre-vingt-neuf ans. Hérédité.

V... veuve P..., née en 1803, entre le 7 janvier 1893 à l'asile

Sainte-Anne, service de M. Magnan.

Antécédents héréditaires. - Les parents étaient des gens très

superstitieux, et sa famille racontait que la maison paternelle était

hantée ; on disait que, au jour anniversaire de la mort de son

père, des a invisibles » n'avaient cessé de monter et descendre

dans les escaliers « en faisant un bruit ressemblent à celui que

feraient des bottes de paille qu'on traînerait sur le sol ».

La malade elle-même a toujours été superstitieuse; elle croit

à l'influence des dates, du 13 ; son fils a été tué un 13, il est né

un 13. Les anniversaires de mort sont des jours néfastes, elle

mourra un de ces jours-là. Elle a souvent depuis des années des

rêves bizarres, où elle voit un homme avec une tête d'animal. Elle

a des pressentiments chaque fois qu'il doit survenir quelque

événement important. Elle n'a jamais fait d'excès de boisson;

actuellement elle boit un litre devin environ pour ses deux repas,

quelquefois un petit verre de vin vieux, ou de cognac.

Elle n'a jamais été malade; elle était même très récemment

encore assez valide, s'occupant un peu du ménage, lisant réguliè-

rement son livre de prières, etc. Elle est atteinte depuis dix ans

d'une légère surdité, qui s'est accentuée depuis deux ans.

L'intégrité de ses facultés intellectuelles est remarquable pour

une personne de cet âge ; en effet, en dehors de ses idées délirantes

et de ses hallucinations, elle raisonne parfaitement bien. Sa con-

versation est même vive, elle ne cherche pas ses mots et s'exprime

avec la plus grande netteté. La mémoire est intacte et on peut lui

faire conter avec les détails les plus précis certains événements

auxquels elle a assisté : elle nous décrit minutieusement les prison-

niers qu'elle a vus en 1809, dans son pays, les funérailles de

Louis AVIII, en donnant des dates exactes sans la moindre hésitation;

204 CLINIQUE MENTALE.

elle exprime les idées les plus sensées sur les malheurs dont ont

été cause les guerres du premier empire et maints autres événe-

ments historiques. D'ailleurs la mémoire des faits récents est aussi

sûre; là encore, elle cite des noms, des dates avec la plus

grande précision, et en particulier, pour tous les faits qui ont

déterminé son internement, les renseignements ont corroboré com-

plètement son dire. Autre exemple : trois semaines après son

entrée, elle sait qu'elle est arrivée à l'asile le lundi 7 janvier, et

nous indique cette date sans l'ombre d'hésitation.

Son caractère est très égal, gai même et aucun symptôme

intellectuel important n'avait attiré l'attention de son entourage

jusqu'en ces derniers temps. Cependant, depuis quatre ans, elle

prétend parfois qu'on lui tire le bas de sa robe (en réalité, il lui

est arrivé d'y poser Je pied en marchant ou en se levant) et elle

déclare que c'est un mauvais signe, parce qu'elle a remarqué cela,

pour la première fois, le jour anniversaire de la mort de son mari. »

.Cela veut dire qu'on l'appelle...

Ce fait ne s'est présenté qu'à de rares intervalles pendant plu-

sieurs années. Mais depuis trois mois cela se produit très fréquem-

ment, tous les jours même, et, finalement, à coté de ces illusions,

des hallucinations des sens du tact et de la vue apparaissent.

« C'est un véritable roman, dit-elle, on ne voudra pas me croire; o

et ce roman elle le raconte en excellents termes, et sans aucune

hésitation dans le choix des expressions. Tout ce qu'elle dit concorde

très exactement, quant à la chronologie des faits et à leurs détails

les plus minutieux, avec les renseignements donnés par sa famille,

on ne peut mieux faire que de reproduire son propre récit, en

faisant remarquer dès le début la précision des dates, qui n'ont

jamais varié dans des interrogatoires répétés.

c Il y a un an, dit-elle, le 3 janvier, jour de l'ouverture de la

neuveine de Sainte-Geneviève, j'étais assise seule dans ma chambre,

quand j'ai vu passer devant mes yeux des petits papiers, et en me

retournant je les ai vus, posés sur la table à côté de moi. C'était

des boulettes de papier froissées ; pour bien montrer que ces

boulettes avaient été faites à la maison, on en avait jeté des mor-

ceaux par terre ; j'en ai vu lancer trois au moment où je me levais ;

cela faisait comme un oiseau qui saute d'une branche. J'appelle ma

petite fille qui les brûle dans la cheminée après m'avoir dit : « C'est

une invention, c'est comme quand tu crois qu'on te tire ta robe. D

Au moment où elle se relève, je vois qu'on lui en jette deux autres,

mais alors je ne lui en dis rien. Le samedi suivant, "dans la nuit

vers deux heures du matin, on me jette un papier sur le visage ; -,

e me lève posément et je le mets sous mon oreiller. Quand je

raconte cela à ma petite fille, elle me répond : « Ça doit être un

papier qui était sur ton lit et qui est tombé. » Et elle ajoute, quand

je le lui montre, que c'est un bulletin de souscription, elle me le

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 205

lit et s'arrête au mot de « Balthazar s, puis me le fait mettre dans

mon porte-monnaie; le lendemain ce papier avait disparu. Dans

le courant .de juillet, on est venu encore en poser sur mon lit

pendant que j'étais à la cuisine.

a Le 7 septembre 1894, j'étais seule, il y avait une timbale

d'argent sur la table, je l'entends tomber à mes pieds, on fait aussi

tomber un pliant deux fois par terre, après que je l'eusse relevé.

Le soir, on m'a donné deux petits coups sur les doigts.

« Le 14, on faisait remuer quelque chose dans ma chambre,

chaque fois que j'allais à la table de nuit cela sautait comme une

balle élastique ; puis cela a passé le long du mur ; c'est quelque

chose d'invisible. Le lendemain le feu s'allume dans le chandelier

où il n'y avait pas de bougie ; c'est mon petit fils qui me dit :

« Tiens, regarde le chandelier s'allume. » Cela dura une minute,

la flamme courait sur le bord de la cheminée, par terre et sur la

boiserie. La chaise de paille était en flamme, et, quand ce fut fini,

la paille n'était pas chaude. La flamme est alors allée sur le christ

et le christ est tombé.

« Un jour on m'a serré la main ; puis on m'a frappé sur le dos

de la main, avec le bout des doigts. Une autre fois, on m'a lancé

deux petits bancs , et comme je voulais fermer la porte on l'a

poussée trois fois : j'avais alors l'esprit clair comme maintenant. Au

moment où je sortais de ma chambre on m'a marché sur le pied.

c Le jour de Noël, étant à table, tout le temps du dîner on me

tiraillait ma robe ; j'ai dit alors à la main invisible, en riant, parce

qu'elle fait cela pour plaisanter : « Mais vous êtes comme mon

petit-fils, vous êtes jeunes et vous voulez jouer. » Ce soir-là, à peine

couchée, je vois un homme qui vient à moi tendant les bras

comme un désespéré, il va à la porte, puis revient comme pour

m'exterminer : j'ai cru que c'était mon petit-fils, mais on m'a

répondu qu'il était à la messe, ça ne pouvait pas être lui.

« Le jour de l'an, dans la nuit, on est venu me frapper à deux

mains sur le pied. Le lendemain je trouve une étiquette collée par

un coin sur ma casaque. Il y avait dessus un zéro, et quatre lignes

d'écrit entourées d'un cadre bleu ou violet. Cela signifiait que « dans

quatre jours il allait venir » ; il avait laissé cela pour marquer sa

venue. C'est le diable qui a fait cela et qui va m'emporter. "

Depuis plusieurs semaines, elle devient triste, préoccupée, par-

fois anxieuse. Elle a quelques hallucinations de l'ouïe « On a

frappé un jour sur des casseroles dans la cuisine, on se serait cru

dans un atelier de chaudronnerie. * Elle entend des perroquets

faire « pic, pic D. Cela veut dire qu'on va venir la chercher cette nuit,

pour la mettre dans la fosse aux lions, parce qu'elle a offensé Dieu.

Une fois cette idée mélancolique apparue l'anxiété augmente, et

depuis le 3 janvier, elle ne veut plus rester seule. (Notons que le

le, janvier, il y eut chez elle un dîner de famille, et qu'elle y

206 CLINIQUE MENTALE.

a fait peut-être quelques excès de vin.) On va venir la ficeler pour

la jeter dans la fosse aux lions. Elle ne les voit pas, mais un esprit

doit venir la prendre pour la livrer à ces bêtes féroces.

Enfin le 3 janvier, on l'aperçoit tentant de se jeter par la fenêtre,

seule sa faiblesse musculaire, l'a empêchée d'accomplir ce suicide.

Elle raconte elle-même qu'elle a voulu mourir parce que le diable

allait venir le lendemain pour l'emporter.

. Elle fait immédiatement une nouvelle tentative : on avait retiré

tous les objets dangereux, elle saisit une boule d'acier, et s'en

frappe à la tempe, parce qu'elle savait que là, un seul coup suf-

fisait pour faire mourir. Elle dut y mettre toute sa force, car à son

entrée à l'asile tout le côté droit de la face était couvert d'une large

ecchymose, preuve de ses idées bien arrêtées de suicide.,Elle s'était

frappée six fois.

A son entrée à l'asile, elle est calme, raconte posément tous ces

faits, mais montre un peu d'anxiété quand on lui rappelle ses

idées délirantes. Elle n'a jamais eu ici d'hallucinations nettes de

l'ouïe; cependant « ça fait du bruit, un murmure dans son oreille, »

(peut-être réel étant donné sa surdité). D'ailleurs, elle ajoute

qu'elle n'entend rien quand elle est en compagnie de quelqu'un.

Elle dit qu'elle ne mourra pas dans son lit, et que le diable viendra

l'enlever. Elle a du reste absolument conscience de ses actes, sait

très bien qu'elle est dans un hospice et se montre très reconnais-

sante des soins qu'on lui donne. Elle semble se sentir plus en

sûreté à l'asile ; et, dans les premiers jours du mois, elle a

exprimé vivement le désir d'y rester.

Dans les derniers jours de janvier, elle raconte qu'on est venu

tirer sa serviette pendant qu'elle se débarbouillait : c'est toujours

la main invisible qui fait cela. Quelques semaines après, elle sortait

améliorée, mais cependant encore hallucinée.

En résumé, nous constatons chez une femme de quatre-

vingt-treize ans, conservant une intégrité remarquable des

facultés intellectuelles, des illusions et hallucinations tactiles,

visuelles et auditives, et en dernier lieu quelques idées de per-

sécution qui présentent une certaine systématisation. Elles ont

été suivies d'une dépression mélancolique assez grave pour

entraîner deux tentatives de suicide.

Par quel mécanisme se sont produits tous ces symptômes,

chez cette femme jouissant, peut-on dire, de toute son intelli-

gence et dont la longue existence n'a été traversée, semble-t-il

au premier abord, par aucun accident mental. Même, l'intégrité

actuelle des facultés paraît répondre de leur intégrité passée.

Cependant, en examinant plus attentivement le caractère de

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 207'

tous les symptômes accusés par la malade, on est frappé de la

niaiserie de certains faits qu'elle invente et de la facilité avec

laquelle elle interprète faussement des sensations vraies ou

accepte la réalité de ses hallucinations : elle met le pied sur

sa robe en se levant de chaise et croit qu'une main invisible la

lui tire ; elle trouve un papier quelconque, c'est un signe laissé

par le diable ; le vent pousse la porte, c'est quelque invisible

qui l'empêche de la fermer, etc. Chez un individu plus jeune,

on verrait là une marque d'une intelligence faible, mais on

est ici embarrassé en présence d'une femme qui dans l'inter-

rogatoire, et abstraction faite de ses idées délirantes, se montre

raisonnable en somme, malgré son âge, et dont la mémoire est

si présente, étant donné surtout que rien antérieurement ne

semblait pouvoir faire prévoir l'éclosion d'un délire quel-

conque. La conservation des facultés intellectuelles et l'activité

même, la cohérence relativement grande du délire doivent

faire éliminer du premier coup la démence sénile. L'état de la

mémoire en particulier est caractéristique. Notons en passant

que nous n'enregistrons aucun signe de lésion en foyer.

L'histoire antérieure de la malade éclaire ce que son cas

peut avoir de singulier ; nous avons vu en effet que, renseigne-

ments pris, on trouve une famille superstitieuse, croyant aux

revenants, aux hantises. La malade elle-même y croit, et est

très superstitieuse, elle cherche dans des faits indifférents un

présage, elle craint le chiffre 13, elle a des pressentiments ; il

y a donc ici une tare héréditaire et une certaine désharmonie

dans les facultés intellectuelles plus ou moins marquée au

premier abord, mais indiscutable en somme; et, si cette pré-

disposition n'a pas donné lieu à l'un des accidents souvent

fugaces, à un de ces orages si fréquents dans l'histoire des

dégénérés, c'est que peut-être l'occasion seule a manqué

jusque-là ; en particulier l'absence d'intoxication alcoolique a

permis à la malade d'atteindre un âge avancé sans qu'aucun

incident marquât sa vie.

Peut-être même quelques petits écarts de régime sont-ils

venus dans les jours qui ont précédé l'entrée à l'asile, amoin-

drir la résistance de ce cerveau de vieillard, et est-ce sous leur

influence que les tentatives de suicide ont été faites ? Nous

devons noter à ce propos la rapidité presque impulsive avec

laquelle l'idée de suicide fut suivie d'exécution, fait qui n'est

pas ici sans importance.

208 CLINIQUE MENTALE.

Si nous ne nous attachons qu'à l'évolution même du délire,

nous voyons que les premiers symptômes ont été des interpré-

tations délirantes, se rattachant à des impressions tactiles ;

plus tard sont survenus quelques illusions et hallucinations de

la vue, et des interprétations délirantes qui en dépendent ;

enfin des illusions et des hallucinations de l'ouïe sont appa-

- rues ; en dernier lieu, sous l'intluence de ces troubles multiples

se sont développées des idées de persécution, vagues d'abord,

mais qui ont reçu un commencement de systématisation ; des

idées mélancoliques s'étant entées sur les symptômes précé-

dents, les deux tentatives de suicide ont complété l'ensemble

clinique. Si l'on synthétise tous ces faits, on obtient en somme

un délire polymorphe qui rentre bien dans les formes se ratta-

chant à la dégénérescence mentale.

Nous ferons remarquer que ce sont les illusions et hallucina-

tions du sens du tact, très bien déterminées, qui ont long-

temps prédominé. Elles ont été d'une netteté telle que c'est

sur ces hallucinations tactiles, que s'établit au début la systé-

matisation : « J'ai bien senti cette main, nous dit un jour la

malade, comme je sens la vôtre en ce moment, je croyais

même d'abord que c'était la main de mon fils mort depuis plu-

sieurs années ; pour m'en assurer j'ai cherché à passer les

doigts sur son pouce. Je me suis bien convaincue que ce n'était

pas la main de mon fils, car il avait eu le pouce écrasé dans un

accident de machine, et j'aurais toujours reconnu la déforma-

tion de son ongle. C'est alors que je me suis dit que c'était la

main du diable ou d'un invisible. »

Nous compléterons ces quelques remarques par l'histoire

d'une deuxième malade, âgée aussi, chez qui la dégénérescence

mentale se traduit tardivement encore par un syndrome cli-

nique différent mais non moins caractéristique, le délire d'em-

blée.

Observation II. - Femme de quatre-vingt-un an, superstitieuse,

mystique. Dépression mélancolique, suivie d'affaiblissement intellec-

tuel. Délire hallucinatoire survenant subitement : hallucinations

de l'ouïe, et idées de persécution systématisées d'emblée, persistant

depuis dix-huit mois. Hallucinations de la vue transitoires.

G. Louise, veuve M..., âgée de quatre-vingt-un ans, entre le

19 janvier 1895 à l'asile Sainte-Anne, service de M. Magnan.

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 209

Antécédents héréditaires inconnus. - Une de ses filles est entrée

en religion ; la seconde fille est un peu bizarre et émotive.

La malade a toujours été superstitieuse; elle avait la crainte du

vendredi, du 13. D'une dévotion exagérée, elle se confessait tous

lesjours depuis des années. Mais en dehors de « ces petites manies »,

dit sa fille, jusqu'à l'âge de soixante-dix-huit ans, on n'avait cons-

taté aucun trouble mental, elle était intelligente, très sensée; sa

mémoire était intacte : elle n'oubliait rien des faits récents ou

anciens, se rappelait très bien les dates, celles des fêtes, par

exemple. Toujours active, elle passait sa journée à réparer ses

vêtements, il s'occuper des menus soins du ménage ou à lire des

livres' de piété.

Il y a quatre ans, son mari meurt subitement. Elle reste très

frappée de cette perte, très triste, mais sans que son état de tris-

tesse ait paru morbide aux personnes de son entourage. Cependant,

elle perd le sommeil, elle pense sans cesse à son mari, mais sans

avoir d'hallucinations d'aucune espèce, ni de rêves se rattachant

aux idées qui la préoccupent. Peu à peu son intelligence baisse, il

faut la soigner comme un enfant, elle fait des oublis, répète sou-

vent des choses qu'elle vient de dire. Mais elle reste calme, va,

vient très tranquillement, ne manquant jamais d'aller à la messe

quotidiennement.

Subitemeut, le 14 juillet 1893, étant inoccupée dans sa chambre

où sa fille lui tenait compagnie, elle lui dit à brûle-pourpoint

(c'est l'expression employée par sa fille dans le récit qu'elle nous a

fait) : « Tiens, il y a du bruit là-haut, on a donc fait monter des

machines là-haut. Us me parlent, ce sont des somnambules ; ils me

disent qu'ils connaissent les gens de mon pays, ils m'en donnent

des nouvelles ; un tel et un tel sont morts. »

Malgré les protestations de sa fille, elle croit dès cel instant qu'il y

a des somnambules au-dessus de chez elle, quoiqu'il ne se fût pro-

duit aucun bruit anormal qui pût l'effrayer ou prêter à quelque

interprétation que ce fût.

Ces voix, dès le premier moment, sont claires et nettes, et elle en

admet immédiatement la réalité sans la discuter. Elle les écoute

avec une telle attention que rien ne peut l'en distraire. Sa fille

reste des heures entières à la surveiller, cherchant à détourner son

esprit sans aucun résultat. Elle répond à des questions imaginaires

ou en pose à ses interlocuteurs supposés.

Ces interlocuteurs sont d'abord deux somnambules, et la fille de

l'une d'elles, auxquels s'adjoignent un certain nombre de vicaires

de la paroisse. Les somnambules sont deux soeurs et s'appellent

Félicité et Catherine. Au début elles se contentaient de causeravec

la malade, lui parlant de son pays. Mais bientôt l'une d'elles, Féli-

cité, commence à l'insulter, à lui dire des choses désagréables;

tandis que Catherine la défend un certain temps; la malade disait

Archives, t. XXX. 14

210 CLINIQUE MENTALE.

parfois : « Ah merci Catherine, Catherine est bien bonne. » Mais

plus tard Catherine fait chorus avec sa soeur. Il n'y a que la petite

Marie, fille de Félicité, qui a le courage de dire : « Pourquoi fais-

tu du mal it l\1me elle n'est pourtant pas méchante. » Félicité

dit par exemple à la malade : « Ton mari te trompait avec Mm0R. »

- La malade répondit : « Ah ! voilà pourquoi cette femme voulait

toujours revenir de la messe avec nous. » Parfois elle discute avec

ses voix : «Ah ! non, ça n'est pas possible vous mentez 1 » Au bout

de six mois le curé de la paroisse, M. P... intervient; bientôt le con-

fesseur de la malade, M. L... le rejoint, puis tous les vicaires,

MM. V..., G..., R... lis font un vacarme infernal; ils causent entre

eux et avec les somnambules, parlant toujours de la malade ou

bien lui adressant la parole pour lui dire des choses désagréables

ou lui donner des ordres qu'elle suivait passivement : tel que celui

d'aller de suite à l'église.

Irritée par ces persécutions, elle ne veut plus voir son confesseur

et demande à se confesser aux autres vicaires qui refusent; depuis

ce jour elle ne veut plus se confesser, malgré le chagrin qu'elle en

a. Elle s'étonnait de retrouver à l'église les prêtres qui un instant

auparavant étaient dans sa maison, et de les entendre dès son retour

chez elle : « Ils n'ont donc rien à faire, disait-elle, ils ont dû aller

bien vite; ils ne mangent donc pas. » Elle remarque que plusieurs

d'entre eux qui ont été nommés en province continuent à rester là,

leurs successeurs s'unissent à eux. Ils finissent par se trouver au

nombre de 32, et un jour elle leur prépare autant de petits verres

d'eau-de-vie, les invitant à venir la voir. Elle les attend jusqu'au

soir et refuse de déjeuner parce que ces Messieurs doivent venir.

Au bout de la journée elle finit par dire : « Puisqu'ils ne viennent

pas, ce n'est pas la peine de les attendre. Ils sont trop fiers pour

venir chez des pauvres gens. » Elle fit le même manège une deuxième

fois en septembre 1894.

Un autre jour, elle envoya ses enfants leur porter des châtaignes :

mais elle refusait toujours de monter les voir, quand on voulait l'y

obliger pour lui démontrer l'inanité de ses hallucinations. Elle ne

cessait de protester d'ailleurs de toutes ses forces contre les accu-

sations dont elle était l'objet : « Il n'y en a pas de mieux que moi

dans l'église. Je n'ai pas fait tout cela, demandez à Dieu. » Un jour

lans ses préoccupations mystiques elle s'écrie : c Salan, retire-toi

avec toute ta suite, je veux rester en Noire-Seigneur Jésus-Christ. »

Pendant longtemps elle n'a d'hallucinations que de l'ouïe. Les

hallucinations de la vue apparaissent plus tard, et, elles aussi, d'une

façon subite. Un soir de décembre 1894, elle fait cadeau sans rai-

son de sa robe à une amie, puis se couche comme à l'ordinaire

sans présenter aucun symptôme particulier; vers 11 heures, elle

vient subitement se mettre dans le lit de sa fille parce qu'elle a

peur. A 3 heures du matin, elle la réveille disant : a J'ai donné

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 211 1

ma robe à la petite, elle va nous perdre. Donne-moi son adresse,

les prêtres vont y aller. » Et elle leur crie l'adresse en question : -.

llile A... passage D.... Elle reste très agitée; une demi-heure après

elle s'écrie qu'il faut se lever, il y a le feu, elle veut appeler au

secours; elle tente de jeter par la fenêtre toute la literie pour l'em-

pêcher de brûler : «Mais tu ne vois pas le monde dans la rue; on va

tout brûler, on va me brûler dans mon lit, on sent la chaleur, il y a

de la fumée partout, Les voix lui crient : « Il y a le feu dans la

chambre. » On parvient à grand'peine à la calmer; cependant ces

hallucinations disparaissent dès le lendemain.

Elle reste pourtant très anxieuse, elle prétend qu'une nuit les

prêtres ont amené une machine pour la faire mourir. Enfin, depuis

huit jours, elle refuse de se coucher : ils font un vacarme, ils vont

la tuer ; elle met des armes (un couteau et des ciseaux) dans son lit

pour se défendre. Elle s'irrite parce qu'on refuse de la laisser

partir à Meaux, chez sa fille qui est religieuse, auprès de laquelle

elle veut se réfugier ; son excitation augmentant, on la place à

l'Asile clinique (Sainte-Anne), dans le service de M. Magnan.

Pendant les premiers jours elle raconte elle-même, d'une façon

un peu confuse, cette histoire dont sa fille nous a donné les détails

précédents. Elle se trouve tranquille ici, on ne l'ennuie pas; mais

au bout de trois jours, elle se plaint de nouveau que le vacarme

recommence, les machines, les somnambules, les prêtres sont là à

côté, ça l'a empêchée de dormir toute la nuit. Elle est toujours

anxieuse et aussi activement délirante, aussi vivement hallucinée

qu'aux premiers jours de sa maladie, quand elle sort une semaine

après son entrée sur la demande de la famille.

Au pointdevue psychique quoiquelamalade conserve une certaine

activité intellectuelle (elle sait son âge, son adresse, etc.), elle est

cependant notablement affaiblie, elle se rend peu compte de

l'endroit où elle se trouve, ignore depuis quand elle est arrivée, ne

s'étonne pas d'être séparée des siens. Elleneprésente aucun trouble

de la parole. La faiblesse musculaire est assez grande pour qu'on

soit obligé de la tenir au lit. Au point de vue physique, par sa

décrépitude, elle semble plus âgée que notre autre malade qui est

encore assez valide.

C'est encore là un véritable roman, pourrait-on dire, pour

employer une expression de notre première malade, et nous y

trouvons des faits bien particuliers. Le délire a débuté subite-

ment après une assez longue période de dépression mélanco-

lique ; l'affaiblissement intellectuel qui a assez rapidement fait

suite à cet état dépressif a préparé le terrain pour l'éclosion

du délire dans ce cerveau qui paraissait jusque-là solide.

Jusqu'en 1891, en effet, notre malade, comme la précédente,

z) 1 1 1) CLINIQUE MENTALE.

était restée saine d'esprit ; aucun incident n'avait marqué non

plus son existence. A cette époque, à la suite de la mort de

son mari, elle devient très triste, très préoccupée, mais sans

délirer ; seulement son esprit perd de sa vigueur, elle entre

progressivement dans l'affaiblissement sénile des facultés. Mais

ce délire si actif qui survient subitement un beau 'jour ne peut

pas être considéré comme dépendant de la démence. Les délires

démentiels n'ont pas cette cohérence, cette persistance ; ils ne

se perfectionnent pas, ils deviennent au contraire de plus en

plus effacés dans leurs contours. Il faut qu'un autre élément,

l'affaiblissement psychique, intervienne, et cet élément nepeut

être encore ici que la dégénérescence mentale.

En l'absence de tout autre renseignement, la façon brusque

dont les hallucinations ont débuté sans prodrome, sans prépa-

ration est un indice des plus importants. Cette forme suraiguë

n'appartient qu'aux intoxications d'une part (et on peut sans

aucun doute éliminer ici cette cause), d'autre part à la dégéné-

rescence mentale,c'est bien là le délire d'emblée dans sa forme

hallucinatoire. Dans le cours du délire on rencontre de plus

un incident qui donne la note exacte en l'espèce, c'est ce rap-

tus hallucinatoire visuel qui éclate une nuit d'une façon si

inattendue et qui s'efface de même, sans laisser de trace. ,

Enfin, nous avons à attirer l'attention sur le caractère de

systématisation du délire, systématisation qui se fait aussi d'em-

blée et qui reste limitée. Si d'autre part les hallucinations ont

ce caractère particulier de mysticisme et de religion, cette

couleur du délire est due évidemment aux préoccupations ordi-

naires de la malade.

Nous n'avons invoqué, pour attribuer les accidents à la dégé-

nérescence mentale, que la forme du délire, nous retrouvons

d'autres caractères importants dans l'histoire de la malade : ce

sont sa dévotion exagérée, ses craintes du vendredi, du 13,

tous ces faits qui sont l'expression de la débilité mentale, atté-

nuée il est vrai. - Ses antécédents héréditaires nous sont

inconnus. Il faut cependant remarquer que sa fille ne paraît

pas indemne au point de vue mental. -

En somme, les données que nous possédons suffisent, nous

semble-t-il, pour affirmer l'étiologie que nous invoquons dans

cette observation comme dans la précédente ; et ces faits, par

leur netteté, nous ont paru assez intéressants pour mériter

d'être ajoutés aux cas analogues déjà connus de psychoses

PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 213

séniles. C'est surtout en raison de l'âge avancé de nos malades,

de l'intégrité des facultés intellectuelles chez l'une et la systé-

matisation d'emblée du délire chez l'autre, que leur histoire

présente quelque intérêt, au moins clinique.

Enfin nous ferons remarquer que le trait le plus saillant

dans ces histoires cliniques est la forme hallucinatoire qu'a

revêtu le délire dans les deux cas. Si nous nous en rapportons

aux faits connus, nous constatons la rareté relative des hal-

lucinations ou leur peu de netteté chez le vieillard mélanco-

lique. Or, chez nos deux malades, les hallucinations viennent

au premier plan ; chez la seconde même, le délire est pure-

ment hallucinatoire. Il y a là une grande similitude avec les

délires de ce genre chez l'adulte. C'est sur ce mot que nous

conclurons en insistant sur ce fait que, dans les observations

précédentes, on trouve une preuve nouvelle de ce fait qu'un

vieillard pourra dans certains cas délirer de la même façon

qu'un adulte.

On conçoit facilement l'importance de ce fait au point de

vue du pronostic- On est toujours tenté en présence d'un vieil-

lard délirant de porter un pronostic grave ; cela est justifié dans

bien des cas, disons même dans la majorité ; mais il ne faut pas

généraliser. Aussi pour éviter de graves erreurs, aura-t-on soin

de faire largement entrer en ligne de compte la notion de l'hé-

rédité, l'état des facultés intellectuelles, au début de l'affection,

leur intégrité persistante malgré l'existence d'un délire, surtout

quand ce délire conserve certain caractère d'activité et de sys-

tématisation. Il faut prévoir aussi que certains accidents men-

taux peuvent être, même chez le vieillard, très fugaces et dis-

paraître sans laisser plus de trace que chez les dégénérés jeunes.

Il est cependant évident qu'à délire égal, si l'on peut s'expri-

mer ainsi, le pronostic sera plus sombre chez le vieillard ; chez

nos deux malades, en particulier, la guérison est sans doute

.problématique et l'affection chez l'un et l'autre a passé à l'état

chronique. -

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALOENISTES ET DES NEUROLOGISTES.

SIXIÈME SESSION : BORDEAUX.

La sixième session ' de ce Congrès a eu lieu le 1e'' août au

Dôme central de l'Exposition, dont le président et le secré-

taire général ont fait les honneurs en souhaitant la bienvenue

aux membres du Congrès. M. Berniquet, préfet de la Gironde,

a présidé la séance d'ouverture, assisté de MM. Drouineau,

inspecteur général des établissements de bienfaisance, délégué

du ministre de l'intérieur; Daney, maire de Bordeaux; pro-

fesseur Joffroy, président du Congrès; Delcurrou, premier

président; Calmon, président du tribunal civil; professeur

Pitres, doyen de la Faculté de médecine; Dr Régis, secrétaire

général du Congrès. Une nombreuse assistance, composée non

seulement des congressistes, mais encore des médecins de la

ville et du département, et d'étudiants en médecine remplis-

sait le bel amphithéàtre de la Faculté mis gracieusement, avec

les locaux environnants, à la disposition du Congrès par notre

ami le professeur Pitres.

M. BERNIQUET souhaite la bienvenue aux congressistes, il

résume les desiderata qui ont été émis dans les congrès précé-

dents. L'administration désire provoquer les critiques sur les

asiles, afin de tendre toujours vers le mieux. Le champ d'étude

est vaste, car la progression des aliénés est constante. L'alcoo-

lisme en est le principal facteur; cependant ce fléau sévit

moins dans la Gironde qu'ailleurs, car les alcools y sont purs,

il n'y a pas de cas d'intoxication alcoolique chez nos dégusta-

teurs de vins. En terminant, M. Berniquet parle des travaux de

la Faculté de médecine de Bordeaux et de son éminent doyen,

M. Pitres.

' Première session,' Rouen, 1890; puis, Lyon, 1891; Blois, 1892; La

Rochelle,1893; Clei rnond-Fei-raii(],. 1894.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 215

M. le P1' JOFrRoy a pris ensuite la parole en ces termes :

Messieurs, mes chers Collègues,

Je suis certain de traduire fidèlement les sentiments de tout le

congrès en adressant, dès l'abord, ses remerciements à M. le

Préfet de la Gironde, et pour la manière courtoise et flatteuse dont

il nous accueille, et pour les termes élevés dans lesquels il parle

d'une science que nous aimons passionnément. Et comme M. le

Préfet parle au nom de l'Administration, au nom des représentants

de la Ville de Bordeaux et au nom de la Ville elle-même, nous le

prions de reporter l'expression de notre gratitude à cette Adminis-

tration, qui se montre soucieuse de marcher dans la voie du pro-

grès, à ces représentants de la Ville qui ont déjà opéré tant de

réformes utiles et enfin à cette grande cité bordelaise qui, fidèle à

une ancienne tradition, se montre jalouse de conserver aujourd'hui,

comme au temps de Montesquieu, sa double réputation d'activité

scientifique et d'activité commerciale, réunissant en un seul faisceau

sa richesse matérielle et sa grandeur intellectuelle.

Puis, à mon tour, mes chers collègues, je vous souhaite la bien-

venue à tous, Français et étrangers. A vous, Français, dont

l'affluence montre bien que vous avez conscience qu'il vous faut

défendre et agrandir notre patrimoine scientifique. A vous, étran-

gers, qui, avec l'éclat de votre nom et le concours de votre travail,

nous apportez le témoignage précieux et apprécié de vos sympa-

thies. Soyez les bienvenus au milieu de nous.

Maintenant, il me reste un devoir bien doux à remplir. En

m'appelant à présider le congrès des Aliénistes et Neurologistes,

après d'éminents prédécesseurs, vous m'avez fait un honneur dont

je sens tout le prix et dont je ne saurais trop vous remercier. Je

n'ai garde de penser que c'est le plus digne que vous avez élevé à

ce poste d'honneur, mais vous ne pouviez nommer personne ayant

plus à coeur d'affermir le renom et le prestige de la science fran-

çaise, tel que l'ont établi Pinel et Eequirol, ces rénovateurs de

l'aliénation mentale et, plus récemment, Duclieune (de Boulogne)

et mon maître Charcot, ces deux génies créateurs de la neuro-

pathologie moderne. Mais il faut bien dire que maintenir à cette

hauteur le prestige de la science française n'est pas une tâche sans

difficultés, car les notions enseignées par ces maîtres se sont rapi-

dement vulgarisées et ont suscité dans tous les pays une émulation

et une activité qui sont tout à la fois pour nous une gloire et un

danger.

Oui, c'est une gloire pour nous d'avoir vu autrefois les aliénistes,

et de voir aujourd'hui les neuropathologistes de tous les pays tra-

vailler dans le sillon tracé par nos illustres compatriotes et je n'ai

pas à justifier plus longuement cette proposition, car j'ai senti vos

? 16 SOCIÉTÉS SAVANTES.

coeurs battre à l'unisson du mien quand je citais les noms des

grands médecins français qui ont illustré ce siècle et qui sont

l'orgueil de notre corporation.

Mais il ne faut pas s'arrêter, éblouis par le succès, car, comme

le dit Graves, « si l'individu peut se reposer, l'intelligence collec-

tive de l'espèce ne s'endort jamais » et, dans les sciences évolutives,

la gloire est d'un éclat bien, temporaire si l'on ne travaille cons-

tamment a la renouveler. Or, pour cela faire, l'ardeur et les

bonnes volontés isolées ne peuvent suffire, il faut encore et par-

dessus tout une direction réfléchie, une convergence des efforts de

chacun vers un but commun, une organisation appropriée, que

nous voyons peu à peu apparaître dans d'autres pays, alors que

chez nous les réformes et les perfectionnements ne répondent pas

toujours aux exigences de la science ou aux impatiences de nos

désirs patriotiques.

Sans doute, la volonté puissante et la sage prévoyance de

Charcot, en accumulant à la Salpêtrière tous les matériaux de

recherches et d'enseignement, en intéressant à son oeuvre les pou-

voirs publics, en groupant autour de lui toute une phalange de

jeunes travailleurs, qu'il savait animer de l'amour de la science

et du progrès, en fondant en un mot l'École de la Salpêtrière, a

assuré pour de longues années une situation enviable à la neuro-

pathologie en notre pays. La voie est déjà battue, la direction

a été nettement indiquée par le maître, il n'y a qu'à continuer il

aller de l'avant et nous pouvons compter pour cela sur l'activité de

son successeur.

Aujourd'hui donc, et ce résultat nous le devons à Charcot, la

neuropathologie est brillamment enseignée, soit dans les services

généraux, soit dans les services spéciaux, et, en arrivant au terme

de ses études, le médecin a pu acquérir dans cette partie des

sciences médicales les mêmes connaissances que dans les autres

branches de la médecine. Sans doute, il y a encore bien des deside-

rata, mais si les Facultés de province n'ont pas encore, comme

celle de Paris, une clinique spécialement consacrée à l'étude des

maladies nerveuses, elles comptent du moins dans leur corps

enseignant le nom de maîtres indiscutés en neuropathologie : à

Bordeaux, c'est Pitres; à Lyon, c'est Pierret; à Montpellier, c'est

Grasset; pour ne parler que des membres de ce congrès.

- Malheureusement, en même temps que nous constatons la

situation satisfaisante de la neuropathologie, il nous faut constater

qu'en aliénation mentale l'organisation n'existe qu'à l'état d'é-

bauche.

Ce n'est pas un réquisitoire que je veux faire, mais je veux

- joindre mes elforts aux efforts de ceux qui cherchent à remédier à

une situation péIilleuse; je veux profiter de ce que vous m'avez

aujourd'hui placé plus haut pour me faire entendre de plus loin;

SOCIÉTÉS SAVANTES. 217

je veux profiter de la présence d'un représentant de l'Adminis-

tration, dévoué aux intérêts de la science et à la grandeur du

pays, pour que nos voeux soient recueillis plus sûrement; je veux

profiter de la présence des membres de la Municipalité pour leur

dire que si la riche cité bordelaise a déjà beaucoup fait pour la

Faculté de Médecine, il lui reste encore à faire; je veux profiter de

la présence du jeune et distingué doyen, le professeur Pitres, qui

a su en quelques années donner à la Faculté naissante le lustre

des vieilles écoles, pour lui dire que sa tâche n'est pas terminée

puisqu'il y a encore une lacune à combler. Permettez-moi,

Messieurs, de vous exposer brièvement la question.

L'aliénation mentale n'est qu'une partie de la pathologie céré-

brale, et la psychologie n'est qu'une partie de la physiologie du

cerveau, comme l'admettent aujourd'hui les maîtres les plus émi-

nents et en particuler l'Ecole de Rihot, l'Ecole psychologique

anglaise, et comme le répétait volontiers Charcot. C'est pour avoir

un moment méconnu cette vérité fondamentale que l'aliénation

mentale a été en quelque sorte distraite de la médecine, de sorte

que les médecins ont délaissé la- médecine mentale comme chose

étrangère à leur art, et que, d'autre part, les aliénistes, loin de

récriminer, se sont complu dans cette sorte de séparation et d'iso-

lement. Aussi, à une époque qui n'est pas bien éloignée, on aurait

volontiers regardé la médecine générale comme s'adressant à la

matière, pendant que l'aliénation mentale était afférente à un

principe immatériel, suivant les idées théoriques d'Heinroth.

Ces idées surannées, ces fictions ont vécu, mais la scission

qu'elles avaient faite, entre la médecine et l'aliénation mentale,

n'a pas encore disparu. Et, cependant, il suffit de réfléchir un

instant pour comprendre combien il est illogique de ne pas incor-

porer complètement l'aliénation à la médecine. C'est ce que

réclame le simple bon sens. Qu'est-ce, en effet, que le cerveau ?

C'est le centre des mouvements, des sensations et des opérations

intellectuelles. Comment se traduisent les maladies, les lésions du

cerveau ? Elles se traduisent par des troubles du mouvement, des

troubles de la sensibilité et des troubles de l'intelligence, confondant

souvent en un même bloc la neuropathologie et l'aliénation men-

tale. Or, ne vous semble-t-il pas évident que tout médecin doit

connaître les symptômes des maladies du cerveau, y compris les

modifications de l'intelligence, à l'égal des symptômes des maladies

des autres organes, coeur, reins, poumons ou tube digestif. Evidem-

ment cela ne peut être contesté et cependant il n'est pas rare de

rencontrer des médecins complètement étrangers à l'aliénation

mentale et à la psychologie, c'est-à-dire à la partie essentielle de

la pathologie et de la physiologie cérébrales.

Ce résultat, Messieurs, est dû à une éducation médicale impar-

faite, incomplète; cela tient à ce que pendant trop longtemps

218 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'aliénation mentale n'a pas été enseignée officiellement, à ce que

l'Asile d'aliénés était presque aussi fermé à l'étudiant qu'au pro-

fane, et à ce que pendant longtemps, comme aujourd'hui encore,

les connaissances en aliénation mentale furent regardées comme

une instruction de luxe.

On n'exige, en effet, de l'étudiant aucun stage dans un Asile, il

n'a à subir aucun examen spécial, et, le plus souvent, il recevra son

1 diplôme de docteur sans avoir assisté à une seule leçon d'aliénation

mentale, sans avoir examiné un seul aliéné. Et, cependant, ce

médecin sera appelé à voir des aliénés; du jour où il a été reçu

docteur, il peut êlre appelé u décider de l'internement des malades

et à délivrer des certificats qui ont force de loi; il peut être appelé

devant les tribunaux à avoir à se prononcer sur la responsabilité

des accusés, disposant ainsi plus que de la vie des malades, de

l'honneur des familles.

Il y a trois ans, un des membres les plus estimés de ce Congrès, le

Dr Paul Garnier, et l'an dernier, au Congrès de Clermont-Ferrand,

M. Henry Monod montraient qu'il n'est pas extrêmement rare de

voir un tribunal condamner un aliéné, joignant ainsi au malheur

qui frappe une famille la flétrissure d'une condamnation judiciaire.

M. Garnier, pour une seule année, a recueilli lui-même une cin-

quantaine de ces cas; M. Monod a pu en réunir 271 et natu-

rellement il est amené à rechercher le remède à un tel état de

choses.

Pour ma part, je n'hésite pas à dire que c'est une utopie de

croire qu'on peut arriver à éviter complètement les erreurs de ce

genre et que, quand bien même on pourrait remplacer chaque

juge par un aliéniste consommé, ou n'arriverait qu'à diminuer,

mais non il écarter entièrement les causes d'erreur. La question

est des plus difficiles et des plus délicates, et c'est pourquoi aux

moyens indiqués par M. Monod, je demanderai la permission d'en

ajouter encore un.

Je suis, en effet, convaincu que si, comme je le réclame, chaque

médecin recevait en aliénation mentale la même instruction que

dans les autres branches de la médecine et étudiait la médecine

mentale, non pas de façon à être un aliéniste rompu à toutes les

difficultés de cette spécialité, mais seulement de manière à soup-

çonner la folie naissante, le nombre des erreurs judiciaires dimi-

nuerait, parce que souvent le médecin de la famille aurait observé

les premiers symptômes du mal et qu'il s'empresserait d'apporter

aux magistrats le témoignage de son observation et deviendrait

ainsi un auxiliaire précieux de la justice.

L'enseignement de l'aliénation s'impose donc avec les mêmes

garanties que l'enseignement des autres branches de la médecine,

avec stage dans les Asiles, avec examen spécial devant un jury

compétent. C'est là ce qu'exige le bon sens, c'est ce que réclament

SOCIÉTÉS SAVANTES. 219

les circonstances, c'est ce qui se fait dans d'autres pays, en Suisse,

en Russie, etc., c'est ce qui doit exister demain en France.

Je ne suis pas, du reste, le premier à élever la voix pour signaler

l'insuffisance de l'enseignement de l'aliénation mentale. Qu'il me

suffise de rappeler que le regretté professeur Bail l'a fait avant moi

en termes éloquents.

Je ne suis pas non plus seul à attacher à ce desideratum des études

médicales la plus grande importance et je crois pouvoir dire que

l'Administration de l'Instruction publique se préoccupe vivement

de cette lacune et qu'elle sera heureuse le jour où les moyens de la

combler lui seront fournis. Et je ne doute pas que, quand ce jour

sera venu, l'éminent Directeur de l'Enseignement supérieur,

ajoutant un nouveau titre à ceux qu'il a déjà à la reconnaissance

du monde savant, ne s'empresse d'accomplir cette nouvelle

réforme, rendant ainsi du même coup le plus utile des services aux

sciences médicales, aux sciences psychologiques, concourant ainsi

à l'élévation de l'esprit humain.

Si je ne doute pas de la bonne volonté de l'Administration et de

l'Etat, je ne doute pas davantage de la bonne volonté des Pouvoirs

locaux, gardiens vigilants de la réputation des cités. Car, si la

gloire d'une nation ne réside pas seulement dans sa force maté-

rielle, mais aussi dans sa grandeur morale et intellectuelle, l'éclat

et la splendeur d'une ville tiennent non seulement à son étendue et

à sa richesse, à son mouvement commercial et à son développement

industriel, mais encore à son activité et à sa valeur scientifiques.

Mettons-nous donc-tous à l'oeuvre et, suivant la devise de la

Faculté de Médecine de Bordeaux Pro scientix, zcrbe et pat1'iæ, tra-

vaillons, avec une inlassable ténacité, chacun dans notre sphère,

chacun dans la mesure de nos moyens, à l'accomplissement des

réformes et des progrès réalisables, faisons en particulier tout ce

que nous pouvons pour répandre plus largement l'instruction et

surtout l'instruction supérieure parmi la jeunesse studieuse,

sachant bien que ce que nous semons en peines et en sacrifices

viendra, au jour de la moisson, accroître notre patrimoine de

gloire nationale.

Ce discours a été souvent et vivement applaudi. - M. le

D'' DROUINEAU, délégué de M. le ministre de l'intérieur, a pré-

senté ensuite les regrets de M. Leygues et de M. Monod, direc-

teur de l'assistance publique, de n'avoir pu se rendre à Bor-

deaux pour assister à ce congrès et à celui de la protection de

l'enfance.

Il apporte en leur nom l'expression de leur vive sympathie.

L'aliéné doit bénéficier de tous les progrès des sciences médi-

cales et psychiques. La présence officielle d'un représentant

220 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'Assistance publique à de tels congrès prouve le souci qu'ils

prennent à l'étude des questions de la protection de la société

par celle de l'enfance et des aliénés. - La séance a ensuite été

levée sur ces mots, et les congressistes se sont répandus dans

l'exposition.

- Séance du leI' août (soir). - Présidence de M. JOFFROY.

Cette séance et les suivantes ont lieu à la Faculté de méde-

cine. Le doyen, M. le professeur Pitres, a bien fait les choses :

la grande porte de la Faculté est ornée de drapeaux ainsi que

le vestibule où abondent des plantes vertes, des palmiers, etc.

Le service du secrétariat de la Faculté, bien organisé et stylé,

facilite la tâche de tous. Des tables ont été réservées dans le

plain-pied de l'amphithéâtre à la presse médicale et politique.

M. RITTI, vice-président du congrès de Clermont-Ferrand,

transmet les pouvoirs à M. Joffroy, nommé président pour

1895.M. JOFFROY remercie et déclare la session ouverte. On pro-

cède alors à la nomination des présidents d'honneur : MM. Ber-

niquet, préfet de la Gironde ; Drouineau, délégué de M. le

ministre de l'intérieur; Delcurrou, premier président; profes-

seur Pitres, doyen de la Faculté de médecine; Th. Roussel,

sénateur; Pujol, Roth (de Moscou); Francotte (de Liège). -

MM. Paul Garnier, délégué du préfet de police, et Gilbert

Ballet, professeur à la Faculté de Paris, sont nommés vice-pré-

sidents. iMM. Sabrazès, agrégé à la Faculté de médecine; le

D''Tissié (de Bordeaux), et Roubinovitch, chef de clinique à la

Faculté de médecine de Paris, sont nommés secrétaires des

séances. - Le bureau étant définitivement constitué, la discus-

sion de la première question s'ouvre aussitôt.

Question 1. - Les psychoses de la vieillesse; rapporteur :

M. Ant. RITTI (de Paris).

On doit entendre, par psychoses de la vieillesse, les affections

mentales qui se développent chez des individus arrivés au dernier

âge de la vie et restés jusque-là indemnes de tout trouble psy-

chique. Les psychoses le plus souvent observées dans la vieillesse

'sont, par ordre de fréquence : la mélancolie sous ses diverses

formes : en particulier la mélancolie simple et la mélancolie

anxieuse; la confusion mentale; la manie; la folie morale; le

délire systématisé. La mélancolie anxieuse de la vieillesse est une

des formes les plus nettement définies par la constante agitation,

l'angoisse, les impulsions violentes, le refus d'alimentation sous

SOCIÉTÉS SAVANTES. 221

prétexte qu'on ne donne à manger que de la chair humaine, de la

pourriture; la tendance aux obscénités, l'insomnie, etc., cette forme

est très curable.

Le délire de persécution, qui débute à l'époque de la vieillesse,

présente aussi des caractères spéciaux. Il suit la même évolution

que celui de l'adulte, mais elle est plus rapide ; il présente, en

outre, des hallucinations de la vue, qui ne sont pas accidentelles,

mais font partie de la maladie et entrent en quelque sorte dans

la constitution du délire. Le délire systématisé, qu'il s'agisse du

délire de persécution ou du délire des grandeurs, peut se mani-

fester dans la vieillesse avec la même cohésion, la même activité,

la même tenue que dans l'âge adulte. D'où l'on peut conclure que

les psychoses se produisant dans les dernières phases de l'existence

ne sont pas nécessairement entachées de cette déchéance intellec-

tuelle, décrite sous le nom de démence sénile.

Une manifestation délirante qui s'observe dans presque toutes

les psychoses de la vieillesse est l'érotisme. Qu'il s'agisse de la

manie, de la mélancolie, du délire systématisé, on trouve chez

tous les malades une suractivité dans la sphère du sens génital, se

manifestant au dehors par des paroles, des gestes, des actes, sou-

vent de la plus grande obscénité.

L'étude des symptômes somatiques est de la plus grande impor-

tance dans les psychoses de la vieillesse. Les troubles de la

circulation, les lésions cardiaques, les lésions rénales sont très fré-

quents. Il est probable que la fréquence, chez les vieillards, de la

confusion mentale est due a une auto-intoxication (urémie) ( ? ).

Les causes de ces psychoses doivent être cherchées dans l'héré-

dité, dans les modifications organiques accompagnant la vieillesse,

dans la résistance moindre qu'oppose le cerveau sénile aux ictus'

moraux et autres. - Le pronostic de ces affections n'est pas

absolument défavorable. La guérison de certaines psychoses de la

vieillesse est presque aussi fréquente que celle des vésanies de

l'âge mur.

L'étude des psychoses dans la vieillesse est, en quelque sorte, le

complément de celle des psychoses de la vieillesse. Les aliénés, et

en particulier les circulaires et les persécutés, arrivent aux extrêmes

limites de la vieillesse sans tomber dans la démence. La plupart

du temps, ce n'est qu'à la suite d'un ictus cérébral qu'ils présentent

les premiers symptômes de cette déchéance de toutes les facultés;

mais alors ce ne sont pas des déments vésaniques, mais des déments

organiques. - La médecine légale des psychoses de la vieillesse

est soumise aux règles ordinaires de la médecine légale des

aliénés. Les cas relatifs à la capacité y sont peut-être plus nom-

breux que ceux concernant la responsabilité.

M. Vallon fait observer que la majorité des psychoses mélanco-

222 SOCIÉTÉS SAVANTES.

liques chez le vieillard est encore plus grande en réalité que cela

ne le semble à considérer la statistique des asiles. En effet, les

mélancoliques séniles non internés sont presque constamment ceux

des séniles aliénés qu'on observe dans la clientèle privée du

dehors.* M. Vallon, cherchant à déterminer quelques caractères

distinctifs entre la mélancolie ordinaire et celle des séniles, relève

la curabilité et la rapidité d'évolution de l'accès : il note la fré-

quente légitimité de l'accès mélancolique chez des vieillards misé-

rables dont l'existence devient avec l'âge particulièrement difficile.

Plus les causes matérielles de détresses ont été réelles, plus ces

causes supprimées permettent un complet et prompt rétablisse-

ment.

M. VERGELY (de Bordeaux) cite six observations personnelles de

mélancolie tardive chez des vieillards sans antécédents personnels

ou héréditaires. Ces cas étaient caractérisés par des hallucinations

visuelles érotiques et la plupart furent terminées par la mort à la

suite de complications broncho-pulmonaires. Les malades appar-

tenaient tous au sexe féminin, la plus jeune avait soixante ans, la

plus âgée quatre-vingt-dix. Elles avaient toujours joui d'un

esprit bien pondéré, aucune tare héréditaire nerveuse ni chez les

ascendants, ni chez les descendants. Pas de sénilité apparente pro-

noncée. Maladies antérieures : rhumatismes subaigu chronique

articulaire et musculaire, dyspepsie, artères scléreuses et athéro-

mateuse, affection vésicale, bronchite, artérite, intégrité du coeur.

Une impression morale chez trois, la masturbation chez la qua-

trième marque le début des accidents qui s'annoncent chez toutes

par une bronchite aiguë ou par une bronchite chronique repassant

à l'état aigu. Cette bronchite des grosses bronches n'a cessé qu'avec

la vie des malades. Pas de toxicité urinaire, ni gastro-hépatique.

Début : hallucination légère de la vue : lueurs, cercles brillants,

inquiétude, irritabilité puis vision de personnages assis, isolés, plus

tard en procession lugubre, costumes et postures indécentes. Dans

un autre cas, un fils est accusé de propos, de tentations obscènes,

une autre réclame dans son lit la compagnie d'un homme. Celle-ci

se livre à la masturbation, celle-là se contente de chanter des

chansons légères, enfin, l'une d'entre elles n'a eu que du délire

de persécution. Ce délire alterne et se mêle à un état de pleine

conscience, il diminue ou disparaît les derniers jours de la maladie.

Les malades ont conscience de la gravité de leur état, annoncent

leur fin prochaine et la désirent pour échapper à leurs pénibles

hallucinations. Tous les cas que j'ai observés se sont terminés par

la mort.

M. MABILLE, directeur-médecin de l'asile de Lafond, donne les

conclusions d'un travail publié en 1890 en collaboration avec

M. Lallemand. 1° Il n'y a pas une folie des vieillards, mais des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 223

formes diverses, des manières d'être de la folie chez les vieillards.

- 2° La manie franche est la forme la plus rare, elle surviendra

souvent par accès à l'occasion de la vieillesse, la plupart du temps

chez les prédisposés, elle se compliquera souvent d'idées de vols,

de troubles génitaux et d'idées ambitieuses. - 3° La mélancolie

qui revêt chez les vieillards presque toujours la forme anxieuse,

avec ou sans idées de doute ou de suicide, avec ou sans croyance

qu'on l'a volé, dépouillé, avec ou sans délire hypocondriaque

absurde, avec ou sans idées de négation, est la forme la plus fré-

quente ; elle aboutit souvent au suicide.

Cette forme de mélancolie survient le plus souvent chez les vieil-

lards qui ont eu des accès antérieurs de mélancolie, qui comptent

des aliénés dans leur famille, ou se manifeste au même âge que

chez les ascendants. L'hérédité peut alors être homochrone et

similaire.

4° Le délire des persécutions, pur de tous mélanges, est relative-

ment très rare chez le vieillard non dément; on y trouve généra-

lement un mélange d'hallucinations de l'ouïe, qui peuvent man-

quer, d'hallucinations de la vue si rares chez le persécuté adulte,

de troubles variés de la sensibilité générale, et en particulier des

troubles de la sensibilité génitale.

L'évolution du délire de persécution vers les idées de grandeur

parait souvent très rapide, mais parfois aussi le délire des gran-

deurs ne s'observe pas ou bien ne se déclare qu'à une époque

éloignée de la maladie; chez le persécuté sénile on retrouvera

souvent la croyance qu'on l'a volé, dépouillé, et l'anxiété des

mélancoliques. En sorte que le persécuté vieillard réagira particu-

lièrement contre ceux qui lui volent ses biens, tandis que le per-

sécuté adulte réagira surtout contre ceux qui l'hallucinent ou lui

prennent sa pensée; de plus, les actes du sénile persécuté seront

empreints très fréquemment d'une vraie puérilité qui le portera

quelquefois à éuumérer docilement ses griefs, sans réagir contre

ses persécuteurs.

5° Il en résulte, en outre, des idées de vol, de la défiance exa-

gérée, de l'anxiété, de l'aboulie, du délire hypochondriaque

absurde, des idées de négations plus fréquentes chez les vieillards

mélancoliques et de la marche irrégulière du délire sénile des

persécutions, des caractères particuliers : ceux-ci lorsqu'ils se ren-

contrent sont le fait d'un affaiblissement plus ou moins apparent

des facultés, bien que le malade ne soit pas en démence.

6° Cela paraît d'autant plus probable que chez les vieillards à

lésions circonscrites du cerveau ou atteints de démence sénile on

retrouvera les mêmes idées de vol, les mêmes actes avec une pué-

rilité plus accentuée, mais ses idées délirantes seront le plus sou-

vent incohérentes, diffuses, souvent transitoires, sans ressemblance

avec la folie proprement dite. ? Les lésions du coeur sont très

224 SOCIÉTÉS SAVANTES.

fréquentes chez les vieillards aliénés et le pronostic des formes

diverses de l'aliénation sera généralement grave, bien qu'un cer-

tain nombre d'accès aient été suivis de guérison.

M. CuLLKRBE(de la Roche-sur-Yon) communique une observation

de délire ambitieux systématisé primitif chez un vieillard de

soixante-douze ans n'offrant pas trace d'affaiblissement sénile de

-l'intelligence. Les faits de ce genre sont assez rares, et il serait dési-

rable d'en réunir un certain nombre, avant d'essayer de résoudre

les questions multiples de clinique et de doctrine qu'ils soulèvent.

Chez ce malade, on constate, en résumé, une sorte de dynamie

fonctionnelle qui rappelle absolument la phase d'excitation de

certains circulaires, ou l'accès maniaque de certains intermittents.

Ce qui caractérise cet état mental, c'est la surexcitation générale

de toutes les facultés. Au premier abord, ces malades font plutôt

penser à l'ivresse qu'à la folie. Malgré l'abondance de leurs idées

on ne constate chez eux aucune incohérence. Ils aiment à pérorer,

à, improviser des poésies, à écrire de longs mémoires. Leur per-

sonnalité s'entle jusqu'aux plus extravagantes proportions. Ils se

plaisent à s'attribuer une puissance extraordinaire, veulent entre-

prendre, réformer, édifier, fonder, et parfois se ruinent en spécu-

lations ridicules. Telle est la physionomie de l'état mental du

malade dont M. Cullerre rapporte l'observation ; l'excitation en est

un élément capital et établit une distinction tranchée entre cet

état et la folie chronique systématisée ambitieuse désignée autre-

fois sous le nom de mégalomanie.

. Les propensions orgueilleuses des déséquilibrés ne se manifestent

jamais seules, elles sont accompagnées de tout un cortège de per-

versions affectives et d'infirmités morales ; le malade dont il s'agit

répudiant sa femme, abandonnant ses enfants et déclarant adul-

térins ceux qui ne se montrent pas disposés à céder il ses caprices,

ne fait pas exception à la règle. L'explosion tardive des troubles

délirants chez les héréditaires et chez les déséquilibrés n'est pas

une chose rare tant s'en faut; More ! n'a pas manqué de le faire

remarquer.

M. Régis communique une observation de psychose sénile chez

un aveugle à hallucinations oniriques volontairement provoquables

que le malade appelle lui-même son sommeil éveillé. A côté

de la vie réelle et d'un raisonnement relativement bien conservé,

il s'est créé une vie seconde virtuelle qui tend à envahir la première

et à s'y substituer. Le malade est euphorique et concentré progres-

sivement dans sa vie intérieure fictive. Une autre sénile femme

avait des illusions hypnagogiques avec réaction'angoissante consé-

cutive de plus en plus prolongées, aujourd'hui disparues. Cette

genèse délirante chez les séniles n'a été jusqu'ici signalée que par

de Krafft-Ebing cité par M. Chaslin dans sa thèse.

, SOCIÉTÉS SAVANTES. 22o

M. CHRISTIAN tire ensuite d'une longue série d'observations de

psychoses séniles des déductions intéressantes qui peuvent se rame-

ner à la constance des préoccupations de jalousie fondées sur

l'érotisme psychique coexistant avec la perte des aptitudes fonc-

tionnelles génésiques.

Séance du 2 août (malin). - Présidence DE M. Joffroy.

Question II : Corps thyroïde et maladie de Basedow; rapporteur,

M. Brissaud.

M. BRHS4UO trace un rapide historique de cette intéressante

question. Puis, il montre l'évolution des idées pathologiques de-

puis la doctrine de Trousseau qui rapportait le goitre exophtal-

mique à une névrose sympathique, jusqu'à la théorie bulbo-protu-

bérantielle dont Ballet fut le protagoniste. Cette dernière théorie

était déjà inscrite dans tous les traités classiques lorsqu'un mémoire

de Moebius (188), important non par ses dimensions mais par ses

conclusions, fit s'opérer un revirement complet de l'opinion : la

glande thyroïde sécrète une substance toxique, et c'est cette subs--

tance qui exerce sur les centres nerveux les actions pathogènes

diverses qui se traduisent par la triade et les symptômes con-

nexes du goitre exophtalmique.

Les raisons de Moebius étaient les suivantes : a) Certains goitreux

des vallées profondes et humides où le goitre est endémique pré-

sentent des signes analogues et parfois même identiques à ceux de

la maladie de Basedow. - b) Dans la maladie de Basedow, si le

corps thyroïde n'est point volumineux, il n'en existe pas moinsdes

lésions constantes de la glande.

On venait d'ailleurs d'apprendre à connaître la cachexie strumi-

prive et le myxoedème lié à l'absence post-opératoire ou à l'atro-

phie partielle du corps thyroïde et il paraissait exister entre ces

deux états d'une part (ralentissement du pouls, torpeur physique

et intellectuelle) et le goitre exophtalmique (tachycardie, irrita-

bilité, etc.) un contraste saisissant. On se demanda si l'hypothyroï-

dalion, c'est-à-dire la diminution ou une suppression de la fonction

thyroïdienne, ne causait pas le myxoedème, tandis que l'hyper-

fonctionnement de la glande, l'lcypcrtlryt·oïdcztio>i, provoquait

l'éclosion'de la maladie de Basedow.

Mais le goitre exophtalmique, considéré par Charcot comme une

entité morbide, est plutôt envisagé actuellement comme un syn-

drome nerveux. De même l'épilepsie dont les anciens faisaient une

espèce nosographique n'est plus qu'un syndrome qui peut être mis

en jeu par des causes multiples. En matière de système nerveux, la

lésion n'est rien, la localisation est tout. Cette localisation peut

comporter plusieurs centres; s'ils sont tous actionnés les uns après

Archives, t. XXX. 15

226 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les autres, on aura une série de phénomènes identiques consécutifs;

si quelques-uns seulement de ces centres sont excités ou inhibés

le tableau clinique sera incomplet et fruste et de même qu'il existe

une épilepsie larvée, de même on connaît le goitre exophtalmique

fruste.

Dans tout syndrome, il est toujours un signe primordial. Dans

- l'épilepsie c'est l'absence; dans la maladie de Basedow c'est la ta-

chycardie perçue (palpitations) ou non perçue. L'hyperthyroïdation

ferait à la rigueur comprendre le cas insidieux de goitre exophtal-

mique, avec sa triade classique; mais elle permet difficilement

d'expliquer les cas suraigus après une émotion vive, un mouvement

de colère, une « peur figée (Po tain).

Ces considérations nous conduisent à examiner l'étiologie. Parmi

les causes générales, la plus constante est la prédisposition héré-

ditaire, parfois similaire (Mignon). Les causes spéciales sont les

causes nerveuses accidentelles, les chocs émotionnels, les maladies

thyroïdiennes. A la suite d'une thyroïdite subaiguë, d'origine grip-

pale par exemple, on a vu évoluer une maladie de Basedow mais

très incomplète dans son expression symptomatique. La pneumonie,

le mal de Bright, créent aussi le goitre exophtalmique; mais ce

sont le plus souvent des formes latentes, insoupçonnées et qu'il

faut savoir dépister. Tels sont, brièvement exposés, les éléments

étiologiques disparates.

Le chapitre le plus important vise les lésions du corps thyroïde

dans la maladie de Basedow. On pensa tout d'abord ¡que l'hyper-

trophie de cet organe résultait de troubles vaso-moteurs et de fait

il diminue toujours de volume post mortem, subissant une décon-

gestion subite.

De plus l'hypertrophie thyroïdienne n'est pas proportionnelle à

l'intensité de la maladie, ce qui militait en faveur d'une modifi-

cation secondaire d'ordre vaso-moteur. '

Plus tard MM. Joffroy et Achard insistent sur la constance des

lésions diverses (kystes, sclérose) du corps thyroïde chez les base-

dowiens ; mais ces lésions banales se retrouvent chez des sujets

indemnes de tout symptôme de goitre exophtalmique. S'agirait-il

d'une lésion spéciale, d'une hyperthyroïdite avec une augmentation

des surfaces sécrétantes d'une véritable cirrhose hypertrophique

(Letienne) ? Deux examens anatomo-pathologiques plaident dans

le sens de cette opinion.

Les auteurs qui invoquent l'action du processus infectieux sur le

corps thyroïde se heurtent à ce fait singulier que l'hypertrophie

thyroïdienne est généralement unilatérale ou du moins prédo-

mine d'un côté, surtout à droite. Cette dimidiation serait en faveur

plutôt d'une action nerveuse.

Les partisans de la théorie nerveuse placent dans le bulbe l'inci-

tation initiale qui entretient par un effet vaso-moteur, soit des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 227

deux côtés, soit d'un seul côté du corps thyroïde, un état d'irrita-

tion vaso-motrice etvaso-sécrétoirequicrée la lésion thyroïdienne.

La preuve de cette explication se fera peut-être physiologique-

ment. Mais la clinique et l'anatomie pathologique sont encore peu

explicites sur ce point.

La théorie la plus plausible est celle d'une irritation des centres

bulbaires avec, ultérieurement, transformation kystique et cirrhose

épithéliale du corps thyroïde. La physiologie expérimentale prête

main-forte à la théorie bulbo-prolubérantielle. Entre le bulbe et

la protubérance, à la partie externe du plancher du quatrième

ventricule, il est une région dont l'irritation ou la destruction en-

traine le syndrome basedowien. Filehne ayant sectionné les corps

restiformes sur de jeunes lapins vit survenir simultanément

l'exophtalmie, la tuméfaction du corps thyroïde et la tachycardie.

Durdouh a même indiqué avec une grande précision le niveau des

corps restiformes auquel il convient de pratiquer la section pour

provoquer cette maladie de Basedow expérimentale : c'est juste à

la hauteur du tubercule acoustique. Ce sont là des observations

physiologiques de haute portée que la clinique a pu corroborer

dans un petit nombre de cas. Quand le tabes, qui a une marche

ascendante, atteint les corps restiformes, il met en branle le syn-

drome de Basedow. La pachyméningite cervicale hypertrophique,

la syringomyélie, peuvent produire ce même résultat.

Ainsi, en faveur des théories nerveuses s'inscrit l'étiologie. Pour

la théorie thyroïdienne plaident la symptomatologie et aussi l'ana-

tomie pathologique. Mais, dans cette seconde hypothèse, si l'hyper-

thyroïdisation cause la maladie de Basedow, comment agit-elle sur

les centres nerveux ? Il faudrait ici céder la place aux physiolo-

gistes. Peut-être répondraient-ils que jamais l'injection à l'homme

ou à l'animal de suc thyroïdien, quels que fussent la dose et le

mode d'emploi, n'a réalisé un goitre exophtalmique typique.

M. Brissaud examine ensuite la sanction thérapeutique de la

théorie thyroïdienne. Des deux médications thyroïdiennes, l'une est

chirurgicale, l'autre médicale.

A. Traitement chi1' ! ll'gical. - S'il faut en croire les chirurgiens,

le seul traitement rationnel et efficace de la maladie de Basedow

est l'intervention chirurgicale. Ils peuvent discuter encore sur les

procédés opératoires; il n'en est que deux auxquels on doive

recourir : la thyroïdectomie partielle et la ligature des artères

thyroïdiennes. Kocher, partisan de la ligature, reproche à la

thyroïdectomie quelques morts subites; en raison de la friabilité

des vaisseaux dans la maladie de Basedow et vu la nécessité de

faire l'opération aussi rapidement que possible, la plupart des chi-

rurgiens préfèrent la thyroïdectomie.

A quel moment faut-il intervenir. Cette question est évidemment

228 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la plus grave, attendu que l'urgence de l'opération n'est jamais

immédiate, en dehors des cas de grande compression ou de cachexie

imminente. Le traitement médical, sur lequel nous n'avons point

à nous étendre, compte aussi ses succès et, en tout cas, la cachexie

ne survient, au pis aller, qu'une fois sur cinq dans le goitre exoph-

talmique vrai. Il est donc impossible d'établir une règle géné-

rale; ou, s'il en est une, on doit la formuler de la façon suivante :

l'opportunité de l'opération est déterminée par le danger ou même

par la menace du danger.

B. Médication thyroïdienne. S'il est un traitement illogique de

la maladie de Basedow, c'est bien à coup sûreeliti qui consiste dans

l'ingestion de lobes thyroïdiens ! Et cependant ce traitement a été

préconisé; qui plus est, il semble avoir donné quelques bons ré-

sultats ! Appliquer à deux maladies contraires la même méthode

thérapeutique, surtout lorsqu'il s'agit d'un médicament aussi éner-

gique que le corps thyroïde, c'est le comble du similia similibus, le

comble de l'homéopathie à haute dose. Voici, croyons-nous, dans

quelles conditions on en est venu à recourir à la médication thyroï-

dienne contre le goitre exophtalmique.

Les injections ou l'ingestion du suc thyroïdien (extrait ou pulpe)

avaient fait leurs preuves dans le traitementdu myxoedème acquis.

On les appliqua au myxoedème crétinoîde ou crétinisme myxoedé-

mateux et ce fut avec un succès presque égal. Rien n'était plus ten-

tant que de les employer contre le crétinisme goitreux, et le

nombre des cas heureux fut tel qu'on y vit un encouragement à

utiliser la même méthode dans le goitre simple. Du goitre simple

au goitre exophtalmique, il n'y avait qu'un pas, surtout depuis

qu'on faisait la part si belle aux faux goitres exophtalmiques.

Quelques physiologistes protestèrent au nom de la doctrine violée.

Ils n'avaient pas eu recours eux-mêmes à cette thérapeutique pa-

radoxale ; mais elle leur semblait tout à fait contre-indiquée. Les

faits ayant plus d'éloquence que la logique pure, on n'eut pas de

peine à mettre au jour un certain nombre de cas dans lesquels

l'administration du suc thyroïdien, non seulement avait été inu-

tile, mais encore avait exagéré considérablement les symptômes de

la maladie de Basedow (Horsley, Canter, Marie).

Nous n'avons pas d'opinion personnelle sur ce point. Il nous est

cependant difficile de mettre en doute l'authenticité des résultats

publiés par Jules Voisin, Bruns, Reinhold, Beclère, Bogrof. Ce der-

nier auteur aurait obtenu, dans douze cas de goitre exophtal-

mique, des améliorations tout à fait remarquables. Plusieurs ma-

lades auraient pu être considérés comme complètement guéris ! Ce

ne sont pas seulement les symptômes généraux qui, au dire de

l'auteur, auraient cédé à la médication, mais encore la tachycardie

et le goitre. Seule, l'exophtalmie aurait persisté. Nous attendrions

. SOCIETES SAVANTES. 229 9

volontiers, avant de recourir nous-même à cette méthode, que de

nouveaux succès l'eussent définitivement consacrée.

Le thymus est un organe qui passe, à tort ou à raison, pour

l'antagoniste du corps thyroïde. L'idée de traiter le goitre exophtal-

mique par l'ingestion de fragments de thymus (ris de veau) devait

venir à l'esprit. Toutes les tentatives sont permises dans cette voie

nouvelle. J. Mikulicz (de Breslau) se félicite de cette thérapeutique,

dix fois sur onze l'amélioration aurait été considérable et ra-

pide.

Nous terminerons en signalant un procédé sérothérapique mis à

l'essai depuis quelques mois par MM. Ballet et Enriquez. Les recher-

ches auxquelles nous faisons allusion sont trop peu avancées encore

pour qu'on puisse en tirer des conclusions définitives. Les auteurs

eux-mêmes se tiennent encore très prudemment sur la réserve;

mais l'idée directrice de leurs expériences est si ingénieuse que

nous aurions regretté de n'en pas dire au moins un mot. Ils ont eu

l'obligeance de mettre à ma disposition quelques notes très expli-

cites dans leur concision, et nous ne saurions mieux finir qu'en

leur cédant la parole :

« Nous avons cherché à réaliser expérimentalement l'liypertbyroi-

disation par différents procédés : l'ingestion, la greffe et les injec-

tions d'extrait thyroïdien glycérine, préparé selon la formule de

d'Arsonval. Sans entrer dans le détail de nos expériences, nous

dirons que l'ingestion, même de très fortes doses et prolongée pen-

dant plusieurs mois, n'a pas provoqué chez tous nos animaux des

phénomènes toxiques ; quelques-uns semblaient même jouir d'une

immunité complète à cet égard. 11 est intéressant d'opposer ce fait

expérimental aux résultats rapides et constants que provoque l'in-

gestion du corps thyroïde chez l'homme dans le cas de myxoedème.

« La greffe, que nous avons pratiquée avec succès, soit à distance

dans le péritoine, soit au niveau même du corps thyroïde, n'a pas

été suivie non plus de symptômes bien nets.

e Par contre, l'injection sous-cutanée d'extrait thyroïdien du

mouton a provoqué chez nos animaux et cela d'une façon cons-

tante, un tableau symptomatique, identique dans ses allures mais

variable dans son intensité et dans sa date d'apparition, suivant la

dose injectée et surtout suivant l'âge de l'animal en expérience; les

animaux jeunes se montrent beaucoup plus sensibles à l'intoxica-

tion thyroïdienne. Les phénomènes d'intoxication consistaient au

début en de la fièvre, de la tachycardie, des crises de tremblement

et, souvent aussi, en une agitation accompagnée d'un certain

éclat du regard. Nous n'osons affirmer qu'il y ait une exophtalmie

vraie, bien qu'elle aitparu exister dans deux cas et qu'elle aitétére-

levée par un observateur non prévenu. Si on poursuit l'intoxication,

l'amaigrissement survient très rapide (certains de nos animaux, les

plus jeunes, ont perdu le tiers de leur poids en moins de huit

230 SOCIÉTÉS SAVANTES.

jours), accompagné de crises, de diarrhée et de malaise ; l'agitation

fait place à la torpeur, les animaux se meuvent difficilement, quel-

ques-uns ne peuvent même plus se tenir sur leurs pattes ; ils suc-

combent dans le collapsus.

« Mais, en dehors de ces symptômes d'intoxication générale, les

injections sous-cutanées d'extrait thyroïdien, pratiquées en général

dans la paroi abdominale, ont provoqué chez nos animaux des mo-

ldifications importantes du corps thyroïde. Chez trois de nos chiens,

nous avons pu constater une tuméfaction très nette des lobes du

thyroïde, tuméfaction qui, dans un cas, atteignait le volume d'une

mandarine, véritable goitre expérimental. Cette tuméfaction s'est

amendée avec les autres symptômes d'intoxication, fièvre, ta-

chycardie, etc., quand on a cessé les injections, et a reparu aussitôt

qu'on les eut reprises.

« Sur un certain nombre de chiens soumis aux mêmes expé-

riences, nous n'avons pas constaté de tuméfaction appréciable des

lobes thyroïdes, mais par contre, chez la plupart, nous avons pu

constater des lésions histologiques importantes. Ces lésions histolo-

giques, qui souvent transforment la glande au point de la rendre

méconnaissable, consistent en une inflammation intense, à la fois

interstitielle et épithéliale, aboutissant en dernière analyse à sa

transformation scléreuse.

« Ainsi l'injection à distance d'extrait thyroïdien provoque dans

la glande même une réaction inflammatoire des plus vives : il y a

là une véritable élection. C'est un fait qu'il nous semble important

de souligner : on pourrait l'invoquer pour admettre que la fonction

physiologique antitoxique de la glande thyroïdienne telle qu'on la

conçoit à l'heure actuelle s'accomplit dans la glande elle-même et

non dans le courant sanguin ni dans les organes.

« De plus, cette transformation scléreuse de la glande avec des-

truction complète des alvéoles et des cellules épithéliales, à la suite

de l'hyperlhyroïdisation expérimentale, pourrait expliquer aussi

certains cas cliniques où l'on a vu les symptômes du myxoedème

succéder à ceux de la maladie de Basedow. Elle expliquerait aussi

comment, dans ces cas, certains symptômes relevant non plus

d'une hyperthyroïdisation, mais bien d'une hypothyroïdisation

secondaire, ont pu être améliorés par le traitement thyroïdien,

ingestion de lobes ou injections d'extrait.

« S'il est vrai que, chez l'homme, les symptômes observés dans

la maladie de Basedow relèvent également de l'liyperthyroïdisa-

tion, nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas là l'indication

d'un traitement particulier. A l'état normal, et c'est là l'hypothèse

la plus vraisemblable qui semble découler de très nombreuses

expériences, il se formerait dans l'organisme une substance toxique

qui neutraliserait la sécrétion thyroïdienne normale. L'extirpation

ou la destruction du corps thyroïde permet l'accumulation dans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 231

l'organisme de cette substance toxique non neutralisée : c'est la

condition pathogénique du myxoedème. Dans le cas d'hyperthyroï-

disation, il y a au contraire excès de sécrétion thyroïdienne neu-

tralisante, sans qu'il y ait suffisamment de substance toxique à

neutraliser. Dans ces conditions ne pourrait-on pas essayer de di-

minuer les effets de l'hyperthyroïdisation par l'injection d'une

certaine quantité de substance toxique à neutraliser ? C'est ce que

nous avons essayé de réaliser en injectant du sérum de chiens

éthyroïdés à un certain nombre de malades basedowiens.

« C'est là, nous le répétons, une idée théorique dont la démons-

tration nécessite des recherches longtemps poursuivies. Nous pou-

vons cependant dire d'ores et déjà que les résultats obtenus jusqu'à

présent, particulièrement chez une malade du service du Dr Bris-

saud, dont l'exophtalmie a diminué d'une façon très notable à la

suite de ce traitement sérothérapique, nous autorisent à poursuivre

nos recherches dans cette voie. »

M.RENAUT(deLyon). -Dans son rapport, M. Brissaud conclut avec

raison que l'hyperthyroïdisation expérimentale ne reproduit pas le

syndrome de Graves dans son entier et, d'autre part, que nous ne

connaissons pas le mécanisme que les centres nerveux mettent en

oeuvre pour créer les conditions anatomo-pathologiques spéciales

d'où procède Pliyperthyroidation. Nous ne savons pas, dit-il, si,

dans la maladie de Basedow, c'est le bulbe ou la glande thyroïde

qui commence; il incline plutôt à penser que c'est surtout le bulbe.

Bref, la discussion va s'engager encore une fois entre « bulbaires »

et « thyroïdiens». J'ai à vous faire connaître et à préciser mon senti-

ment sur la question, car je suis à vos yeux, je le pense du moins,

un « thyroïdien » par excellence; mais encore peut-il importer de

savoir sous quelle forme je le suis présentement.

La théorie thyroïdienne du goitre exophtalmique est issue de

deux travaux initiateurs : celui de Moebius et la thèse de mon élève

Bertoye (1888), dans laquelle j'ai montré l'existence d'un type de

fièvre liée au goitre exophtalmique et d'une lésion particulière

(sclérose intralobulaire effaçant les voies lymphatiques, sauf dans

les intervalles des lobules). De cette altération, il résulte que la

sécrétion interne de la glande, au lieu de se faire à l'intérieur du

lobule par les lymphatiques et par les veines, ne peut plus se débiter

que par voie veineuse en pénétrant directement dans le sang. Je

supposais, en outre, que le produit de la thyroïde, ne subissant plus

dans les voies de la lymphe ses transformations normales, créait

dans l'organisme un état d'intoxication dont la fièvre était un signe

révélateur. Le syndrome de Graves est, dans cette conception, la

réaction bulbo-protubérantielle suscitée par le poison thyroïdien ;

la cachexie basedowienne est le résultat de l'empoisonnement chro-

nique des tissus.

232 SOCIÉTÉS SAVANTES.

L'analyse histologique fut mon instrument d'investigation. J'ai

d'abord cherché une lésion en dehors du système nerveux central,

où rien de typique n'était relevable. En revanche, dans toute ma-

ladie de Basedow légitime, la thyroïde, hypertrophiée ou non, est

toujours malade. Les grains glandulaires et les boyaux épithéliaux

pleins qui les relient sont doublés d'une néoformation conjonctive

^ mince, d'une couche de cellules plates endothéliformes qu'on ne

retrouve pas à l'état sain. De plus, le stroma interacineux n'est

plus constitué par du tissu connectif lâche. On ne trouve plus, au

sein de ce dernier, les fentes lymphatiques normales plus ou moins

nettement injectées de matière colloïde identique à celle des grains.

Mais tout récemment j'ai pu pénétrer plus avant dans cette étude

histologique.

Sur une jeune fille de vingt ans, basedowienne type, mon collègue

et ami, le professeur agrégé Jaboulay, a enlevé un lobe de thyroïde

que j'ai injecté immédiatement avec le mélange osmio-picro-argen-

tique. Traité de la même façon et pris pour terme de comparaison,

un corps throïde de chien montre l'immense réseau des lympha-

tiques interlobulaires et intralobulai1'cs fixés, distendus et impré-

gnés de nitrate d'argent. Dans la thyroïde exophtalmique le dispo-

sitif est bien différent. Tous les lobules sont séparés les uns des

autres par de larges bandes de tissu conjonctif lâche où courent

les vaisseaux sanguins de distribution. Les veines sont gorgées de

sang. Les lymphatiques, avec leur endothélium festonné, sont im-

menses. Dans l'intérieur des lobules pas un lymphatique ne se

montre. Tout le système des lymphatiques intra-lobulaires est

annulé. Les grains thyroïdiens marginaux seuls débitent leur subs-

tance colloïde dans les lymphatiques interlobulaires, demeurés à

leur portée comme voie d'issue. Au centre, la voie sanguine sub-

siste seule et règne largement ; le débit de la sécrétion thyroïdienne

ne peut se faire là que par la voie veineuse directe.

Considérons maintenant les éléments de la glande elle-même.

Je suis d'accord avec Brissaud et Greenfield sur la réalité d'une

cirrhose hypertrophique thyroïdienne. Tout le parenchyme glan-

dulaire de nouvelle formation est intérieur au lobule, c'est-à-dire

en un point dépourvu de lymphatiques : ceux-ci constituent nor-

malement les voies d'élimination, les canaux excréteurs de la

glande thyroïde ; dans la maladie de Basedow, ils n'existent plus.

Les colorations électives àl'éosine hématoxylique colorent en rose

la matière colloïde des grands lymphatiques interlobulaires et des

grains marginaux du lobule. Dans les grains centraux cette réac-

tion colorante est faible ; dans les grains néoformés au centre des

lobules, elle est ordinairement nulle. Et cependant, la marge des

lobules, seule atteinte par l'acide osmique de l'injection, est, de ce

chef, bien plus difficile à colorer que le centre, où l'acide osmique

n'a pu pénétrer grâce à la sclérose.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ? 3

Quelle explication faut-il donner maintenant de ces faits d'ana-

lyse histologique précise ? Quelle en est au juste aussi la portée à

prévoir ? Ici, je vais être forcé de mêler à des faits quelques inter-

prétations. Sur un foetus humain de trois mois les grains glandu-

laires de la thyroïde ont un contenu d'aspect brillant, que l'éosine

ne'colore pas en rose. Ce contenu est représenté par une substance

que j'appellerai thyromucoïne. A l'état adulte, le corps thyroïde

sécrète par contre une autre substance que j'appellerai thyrocolloïne.

C'est la thyromucoïne qui est d'ailleurs le produit direct de l'acti-

vité sécrétoire de l'épithélium thyroïdien; elle forme des granu-

lations réfringentes à l'intérieur du protoplasma des cellules

épithéliales. ·

La thyrocolloïne est le résultat de réactions secondaires qui se

passent dans la petite cavité glandulaire réalisée par chaque grain

thyroïdien ; elle répond à l'état de maturité de la sécrétion thy-

roïdienne. Elle n'est nullement formée par des cellules particu-

lières, comme le croyait 0. Langendorff, ou ayant suivi une évo-

lution spéciale, comme le pense encore Iiürtlile. Elle se produit

naturellement dans tous les guains desservis normalement par leurs

canaux excréteurs lymphatiques.

En résumé, nous voyons que, dans la thyroïde des exophtalmi-

ques, la thyrocolloïne ne se forme régulièrement que dans les grains

marginaux, ceux qui débitent leur contenu dans les grands lym-

phatiques interlobulaires, développés au maximum pour vicarier la

fonction excrétoire annulée du centre du lobule. Au sein de ce

dernier, là où les lymphatiques manquent, les grains déjà formés

sont pauvres en thyrocolloïne : la maturation du produit de sécré-

tion ne se fait pas. Là où il y a des grains jeunes, néoformés, le

produit de sécrétion reste constitué par la thyromucoïne seule.

Dans les glandes dontle conduit excréteur s'atrésie progressivement,

le parenchyme prolifère suivant le type de la cirrhose hypertro-

phique ; ici, les lymphatiques excréteurs intra-lobulaires faisant

défaut, ces conditions se trouvent réalisées.

La sécrétion s'exerce normalement encore sur la marge du lobule,

subissant dans les voies lymphatiques l'action toxicophage des glo-

bules blancs, ce qui empêche la cachexie strumiprive. Mais, au

centre du lobule, c'est de la thyromucoïne qui s'éliminera et cela

directement paries veines. C'est dans la thyromucoïne que je suis

amené à reporter le poison basedowien ou plutôt thyroïdien. C'est

cette substance retirée du corps thyroïde foetal qui devrait servir

à des expériences d'hyperthyroïdisation sur l'animal. Mais ce poison

thyroïdien agit en retour sur la glande thyroïde qui tend à

revenir à l'état foetal, ainsi que l'ont démontré MM. Ballet et

Enriquez.

La sécrétion thyroïdienne est sous la dépendance du système

nerveux central et, dans l'espèce, d'un centre butbo-protubérantiel.

234 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Un p1'Ím1l1n movens à déterminer, peut-être variable (il pourrait

être microbien, résulter d'une auto-intoxication, d'une extension

des lésions neuraxiales préalables, ou se réduire à une action de

choc), met la glande thyroïde en hyperactivité par l'intermédiaire

du système nerveux. L'bypel'lhyroïdisation commence lentement,

sourdement d'abord. Il y aura dès lors trop de thyroprotéine à

détruire le long des voies lymphatiques. Alors apparaîtront aussi

'ces troubles fonctionnels précurseurs, émotivité, anxiété des choses

ambiantes, tremblements légers, éclat du regard, relevés dans '

l'hyperthyroïdisation expérimentale et qu'on ne manque guère de

constater au début de la maladie de Basedow. C'est la période fonc-

tionnelle.

L'hyperthyroïdisation crée une lésion de la glande. C'est alors la

thyromucoïne qui passe directement dans la circulation sanguine

et va impressionner les centres nerveux. Alors apparaissent les

symptômes majeurs basedowiens, ceux de la période d'intolérance

qui se termine par une cachexie mortelle ou par une période de

tolérance et d'effacement des symptômes morbides.

M. Jorr.noY. - Je suis heureux de voir M. Renaut se montrer

« thyroïdien », selon l'expression pittoresque de M. Brissaud.

Je profite de l'occasion pour lui demander quelques éclaircisse-

ments, car il y a loin, à ce qu'il semble, entre sa manière actuelle

d'envisager les choses et celle qui est exposée dans la thèse de

M. Bertoye, dont une partie est écrite de la main de M. Renaut.

Dans ce dernier travail, le goitre exophtalmique est considéré

comme une maladie infectieuse et la cause morhigbne de la ma-

ladie comme appartenant à l'ordre des agents infectieux, des fer-

ments figurés vivants.

D'autre part, la fièvre du goitre exophtalmique, dans cette pre-

mière conception pathologique de MM. Bertoye et Renaut, serait

produite « par la mise en jeu de deux facteurs combinés, une per-

turbation nerveuse et un agent infectieux, celui-ci devant peut-être

son existence au défaut de fonctionnement de la glande thyroïde ».

M. RENAUT. - Les doctrines médicales ont évolué depuis 1886 et

j'ai orienté mes recherches sur des bases nouvelles.

M. GLEY rappelle les données expérimentales acquises sur la

physiologie de la glande thyroïde.

Le mécanisme de cette fonction nous est inconnu. Comment

connaîtrions-nous le mécanisme du fonctionnement troublé ?

En fait, quelle est la valeur des explications proposées pour rendre

compte des symptômes de la maladie de Basedow ?

La théorie de la sécrétion exagérée de la glande thyroïde n'est

pas justifiée par les faits. Personne jusqu'à présent n'a reproduit

intégralement la maladie par les injections répétées de liquide

thyroïdien.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 235

D'autre part, les faits thérapeutiques ne sont pas plus démons-

tratifs. Dans certains cas la maladie parait avoir été aggravée par

l'extrait thyroïdien, mais il y a des cas où elle a été améliorée par

le même traitement. Même contradiction dans les effets du traite-

ment chirurgical.

Ainsi la maladie de Basedow ne peut actuellement s'expliquer par

l'exagération de la sécrétion thyroïdienne. Il y a plus : on pourrait

par des raisons aussi vraisemblables expliquer la maladie par une

insuffisance de cette sécrétion. En effet, tous les symptômes secon-

daires de la maladie, tremblements, contractures et convulsions,

paralysies, troubles respiratoires, digestifs, oculaires, etc., s'ob-

servent chez les chiens thyroidectomisés. Quant à l'exophtalmie et

à la tachycardie on pourrait en rendre compte par des phénomènes

de compression du sympathique cervical et du pneumogastrique,

d'autre part, résultant du goitre même. Le goitre s'accompagne-

rait des altérations plus ou moins profondes des éléments glandu-

laires, d'où l'insuffisance fonctionnelle de la thyroïde.

Une troisième théorie pourrait être soutenue, on peut penser

que les symptômes de la maladie dépendent de l'intoxication de

l'organisme par des produits anormaux formés par la glande

thyroïde altérée. Il conviendrait en tout cas d'entreprendre l'étude

systématique des extraits de glande altérée, comparativement à

l'étude de l'extrait de glande normale.

En définitive ce que nous pouvons, je crois, affirmer seulement dans

l'état actuel de nos connaissances, c'est qu'il existe un rapport de

cause à effeten treles altérations de la glande thyroïde etlamaladiede

Basedow. Les observations de M. Renaut cadrent avec cette opinion.

MM. Ballet et Enriquez (de Paris). Parmi les théories qui

essayent d'expliquer le mécanisme pathogénique de la maladie de

Basedow, il en est une qui est à l'ordre du jour, c'est celle de l'hyper-

thyroidisation. Nous avons pensé, il y a plus d'un an, qu'avant de

chercher à formuler une théorie, il était intéressant d'étudier chez

l'animal les effets de l'hyperthyroïdisation. La communication que z

nous avons l'honneur de faire vise surtout à vous exposer les résultats

des expériences poursuivies dans ce but (quelque parti d'ailleurs

qu'on en puisse tirer) pour l'interprétation de la maladie de Graves.

M. Gley a par avance fait la critique de la théorie de l'hyperthy-

roïdisation. On aura à apprécier dans quelle mesure les faits expé-

rimentaux que nous rapportons peuvent servir à étayer cette théorie.

Bien que, en l'état actuel des choses, elle nous paraisse la moins

inacceptable de toutes celles qui ont été proposées et que provi-

soirement nous ayons tendance à nous y rallier, nous tenons à

déclarer que nous faisons bon marché des interprétations pour nous

attacher exclusivement aux faits. Ceci dit, voici le résumé de nos

recherches sur l'hyperthyroïdisation expérimentale.

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Tout d'abord, nous devons rappeler que, chez l'homme, le trai-

tement thyroïdien intensif dirigé contre les accidents de myxoedème

a provoqué des symptômes analogues à ceux de la maladie de

Basedow, tachycardie, instabilité, du pouls, tremblement, éclat du

regard, exophtalmie (Béclère). Expérimentalement, nous avons

essayé de réaliser l'hyperlhyroïdisation par trois procédés : la greffe,

l'ingestion et les injections d'extrait thyroïdien. Ces divers procédés

'ont fourni des résultats différents. D'une façon générale, l'âge

semble être un des facteurs importants d'intoxication thyroïdienne,

quel que soit le procédé employé. C'est ainsi qu'un de nos chiens,

âgé de cinq mois environ, a succombé à des injections sous-cuta-

nées d'extrait au bout de sept jours, alors que les mêmes injections

pratiquées à des doses doubles ou triples, et cela pendant plus

longtemps, n'ont pas provoqué la mort de chiens âgés de plusieurs

années. Quant à la valeur relative des trois différents procédés

d'hyperthyroïdisation dans nos expériences, l'intoxication réalisée

par les injections d'extrait s'est montrée plus intense et plus cons-

tante.

Dans deux cas de greffe, celle-ci s'est résorbée. On a procédé par

ingestion sur six chiens. Dans aucun cas, même après intoxication

prolongée (800 lobes en quarante jours), nous n'avons provoqué la

mort. Ce fait est en contradiction apparente avec les cas où chez

l'homme on a provoqué par ingestion en excès de corps thyroïde

des accidents graves et même mortels. Du reste les résultats de

l'ingestion chez l'animal sont variables. Les doses massives provo-

quent des diarrhées qui, vraisemblablement, permettent l'élimina-

tion trop rapide du produit pour qu'il soit absorbé.

Il y avait donc intérêt à recourir à l'injection d'extrait glycérique

préparé suivant les procédés usuels. Disons cependant que l'inges-

tion détermine des symptômes immédiats et des symptômes tar-

difs. Les premiers s'observent déjà une demi-heure a deux heures

après l'ingestion (élévation de la température, fréquence plus

grande des battements de coeur). En dehors de ces deux symp-

tômes, on constatait une période d'excitation très manifeste (éclat

particulier de l'oeil, crises de tremblement et de dyspnée qui duraient

environ deux heures).

Les symptômes tardifs ont consisté en une conjonctivite cons-

tante, en un amaigrissement rapide et en des troubles digestifs

divers. La diarrhée, sanguinolente ou non, est un signe habituel.

L'un des chiens soumis à des doses relativement faibles au début

a présenté au maximum ces divers symptômes. Il a eu en outre de

l'exophtalmie. Ces symptômes rappellent le tableau clinique de la

maladie de Basedow sauf l'augmentation de volume du corps

thyroïde.

Sur douze chiens, on a pratiqué des injections sous-cutanées.

Dans presque tous les cas, le tableau symptomatique était ana-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1237 -j

logue à celui que nous venons de décrire, mais avec plus d'in-

tensité. L'âge de l'animal importe beaucoup plus que la dose

employée.

Quand on multiplie les injections, l'amaigrissement s'accentue,

les crises de diarrhée et de mélaena se répètent jusqu'à la mort. II

y a constamment de la polyurie et souvent de l'albuminurie. A

l'agitation succède la torpeur, voire même des phénomènes para-

lytiques, et enfin le collapsus terminal. De plus, fait intéressant,

les lobes thyroïdiens sont hypertrophiés parfois considérablement.

Les lésions histologiques, correspondant à cette hypertrophie, sont

superposables à celles que vient de nous décrire M. Renaut. Elles

sont même plus accusées puisqu'elles peuvent aboutir à une trans-

formation granuleuse et ultérieurement scléreuse du parenchyme.

Quelles conclusions doit-on tirer de ces expériences ? Il est évi-

dent que l'h5pertliyroïdisation a reproduit un bon nombre des symp-

tômes de la maladie de Basedow ; on ne peut dire qu'on détermine

l'affection elle-même dans son intégralité. En dehors de la repro-

duction de la plupart des symptômes du goitre exophtalmique, il

faut souligner la réaction inflammatoire produite dans la glande

elle-même par l'injection à distance d'extrait thyroïdien. On peut

invoquer ce fait pour admettre que la fonction physiologique anti-

toxique de la glande thyroïde s'accomplit dans la glande elle-

même et non dans le courant sanguin.

Les transformations scléreuses de la glande sont donc consécu-

tives : elles peuvent expliquer pourquoi une insuffisance thyroï-

dienne, se traduisant par quelques symptômes de myxoedème, peut

succéder à un goitre exophtalmique type; elles permettent aussi

de comprendre l'efficacité du traitement par le suc thyroïdien

dans certains cas de maladie de Basedow à la période secondaire

d'hypothyroïdisation.

Étant donnés ces faits expérimentaux, quelle est l'hypothèse la

plus vraisemblable ? M. le professeur Joffroy qui a mis en cause, il

y a quelques années, le corps thyroïde dans la genèse de la ma-

ladie de Basedow, a cherché à rattacher la maladie à des lésions

destructives du corps thyroïde (trouble de son fonctionnement).

Comme M. Renaut, comme nous-même, M. Joffroy modifierait

sans doute aujourd'hui sa manière de voir en tenant compte des

nouveaux faits acquis. Les lésions invoquées par M. Joffroy se

retrouvent (Brissaud) en dehors des goitres exophtalmiques et sont

de cause banale. D'autre part, la cirrhose hypertrophique (Bris-

saud) mérite confirmation. Quant aux lésions histologiques décrites

par M. Renaut, elles sont secondaires. Pour nous, le phénomène

initial, c'estle fonctionnement exagéré de la glande thyroïde, par

conséquent un trouble humoral. Cette sécrétion exagérée met en

branle dans le bulbe, ou accessoirement dans la moelle, les noyaux

qui président à la maladie de Basedow, et, secondairement, ,1'hy-

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

perthyroïdisation provoque dans la glande elle-même, chez l'homme,

les lésions de Renaut. Les causes morales, infectieuses ou toxi-

ques qui agissent sur le système nerveux, mettent en branle l'hy-

persécrétion.

Cette théorie justifie les tentatives thérapeutiques suivantes : à

l'état normal, et c'est l'hypothèse la plus vraisemblable, il se,for-

merait dans l'organisme une substance toxique neutralisée par le

corps thyroïde normal. L'extirpation ou la destruction de la glande

provoque l'accumulation de cette substance toxique non neutralisée

dans l'organisme : c'est le myxoedème. Dans le cas d'hyperthyroï-

disation, au contraire, il y a plus de sécrétion thyroïdienne neutra-

lisante que de substance toxique à neutraliser. Dans ces conditions,

on peut, pour diminuer les effets de l'hyperthyroïdisation, injecter

une certaine quantité de substance toxique à neutraliser. Le sérum

de chien éthyroïdé remplit ce but et nos tentatives thérapeutiques

sont jusqu'à présent favorables.

M. GLEY tient à faire remarquer de nouveau qu'il n'attaque

aucune théorie et ne soutient ni l'h3·perthyroïdisation ni l'hypothy-

roïdisation. Cette réserve faite, il importe de préciser les termes du

problème. Personne n'a reproduit intégralement la maladie en injec-

tant du liquide thyroïdien si j'en crois, du moins, les recherches et

statistiques publiées jusqu'à ce jour. Je persiste à croire que ni la

tachycardie, ni le goitre ne sont des caractères spécifiques.

Il y a des raisons aussi valables pour l'hypothyroïdisation que

pour l'hyperthyroïdisation. Il faut en ce cas mettre une sourdine

aux théories : encore une fois on ne peut connaître la fonction

troublée d'un organe quand on ne connaît pas sa fonction normale.

Si M. Ballet a des faits nouveaux confirmant sa manière de voir,

nous les attendons avec impatience et les lirons avec intérêt : tous

les travaux éclairant la question seront toujours les bienvenus qu'ils

viennent des histologistes, des physiologistes ou des cliniciens.

M. Verrier. - J'insiste sur l'incompatibilité notée par M. Bris-

saud entre le myxoedème et le goitre exophtalmique, puisque le

premier est l'atrophie, le second l'hypertrophie du corps thyroïde.

De cette opposition il résulte logiquement que le traitement qui

convient au myxoedème ne saurait convenir au goitre exophtal-

mique, malgré quelques observations de M. Jules Voisin qui

paraissent favorables à l'injection ou à l'ingestion du suc ou de la

pulpe thyroïdienne.

Je fais des réserves pour la sérothérapie encore en voie d'expé-

rimentation par MM. Ballet et Enriquez. Je crois à l'avenir de la

sérothérapie artificielle par le procédé de J. Chéron et en attendant

je recommande aux praticiens l'hydrothérapie et l'électrothérapie

galvanique ou statique.

llilVf : TATY et Guérit (de Lyon). - Nous avons employé chez un

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

malade du service de la Clinique des maladies mentales le trai-

tement préconisé par Mikulicz (de Breslau) dans la maladie de

Basedow, l'ingestion de thymus. Notre sujet, prédisposée hérédi-

taire, présentait outre les signes physiques de la maladie, des

troubles mentaux caractérisés par des idées vagues d'empoison-

nement et de persécution. Elle était toute la journée en mouvement

Mais tandis que la malade de M. Rubiez n'a pris que 375 grammes

de thymus en cinq semaines, la nôtre, grâce à sa boulimie, a pu

absorbersans troubles connus 1 kg, 500 de thymus crus en deux mois

environ. Nous avons employé le thymus de veau, comme l'indiquait

ce matin même M. le professeur Renaut, comme Mikulicz lui-

même avait conseillé de le faire, bien qu'il eût utilisé le thymus de

mouton dans son cas. Les résultats de ce traitement ont été faibles

au point de vue physique. La malade a seulement maigri de

3k6,400. Le tour du cou est resté le même, ainsi que le tremblement.

Quant J'état mental et à l'agitation, ils n'ont présenté aucune

modification. Après un repos de huit jours, cette malade a été

soumise au traitement par la thyroïdine de Merck à la dose de

40 centigrammes par jour, pendant dix jours. Nous n'avons observé

aucun des effets fâcheux relatés par divers auteurs à la suite de

l'emploi de la thyroïdine ou du corps thyroïde dans la maladie de

Basedow. Au contraire, l'agitation a paru diminuer, et même dans

les jours qui suivirent la suppression de la thyroïdine, la malade

passa plusieurs heures de la journée assise et tranquille. Mais le

délire était resté le même. Pendant le traitement la malade a

encore maigri de 3 kilogrammes.

M. Régis communique un nouveau cas de myxoedème infantile

notablement amélioré par le traitement thyroïdien. -J'ai eu l'honneur

de présenter par deux fois à la Société de Médecine de Bordeaux, il

y a quelques mois, une jeune fille de treize ans et demi atteinte de

rnyxoedème infantile type, très heureusement modifié par le trai-

tement thyroïdien. J'ai insisté particulièrement, à l'occasion de ce

cas, sur deux points : d'une part, sur l'activité extrême de la médi-

cation thyroïdienne, qui n'avait jamais pu dépasser chez la malade

la dose quotidienne de 10 centigrammes sans provoquer des acci-

dents d'excitation fébrile; d'autre part, sur l'efficacité prépondé-

rante de cette médication dans le domaine de la nutrition générale,

où elle se révélait par un accroissement rapide de la taille et une

poussée intense de la dentition.

M. J. Voisin (de Paris). - Depuis sa dernière communication à la

Société médicale des Hôpitaux en octobre 1894, il a soigné deux

autres malades atteints de goitre exophtalmique par l'alimentation

thyroïdienne, et il a obtenu des résultats satisfaisants. Les obser-

vations de M. Voisin le poussent à penser que la glande thyroïde

des malades sécrète un liquide anormal, vicié, et que l'alimenta-

240 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tion thyroïdienne diminue les effets de sécrétion anormale.La thy-

roïdisation ne serait donc pas la seule cause du goitre. Il faut

admettre une sécrétion anormale au point de vue de la qualité

aussi bien que de la quantité. L'alimentation thyroïdienne détruit

les toxiques que le corps thyroïde de l'individu a versés dans l'éco-

nomie, ou bien il faut admettre que cette alimentation supplée à

la sécrétion insuffisante du corps thyroïde malade.

M. Poxs (de Bordeaux) lit une observation relative à une femme

atteinte de maladie de Basedow typique. Cette femme était une

hystérique, dont les attaques cessèrent lorsque le syndrome base-

dowien apparut.

M. Poas termine sa communication par les considérations géné-

rales suivantes : Dans l'excellente page de critique que M. Brissaud

a écrite pour le Congrès, il fait un exposé magistral des doctrines

qui ont cours sur le goitre exophtalmique; il met, surtout, en pré-

sence les deux théories qui sont le plus en faveur auprès du monde

savant, la théorie thyroïdienne et la théorie nerveuse. La lecture

de ce rapport, très impartial, ne convertit à aucune de ces doctrines,

peut-être parce qu'elles sont également ingénieuses, défendues l'une

et l'autre par des hommes également éminent ? . Il y aurait donc

quelque témérité à vouloir formuler, à l'heure actuelle, une opinion

sur un sujet si obscur et si controversé. Il me sera permis de remar-

quer, toutefois, que l'observation qui précède est peu favorable à

l'hypothèse d'une infection thyroïdienne. Il est difficile, en effet,

d'attribuer un rôle capital dans la scène morbide à ce goitre qui

vient faire son apparition tardivement, qui disparaît pour se montrer

de nouveau. A moins qu'on ne suppose que le goitre existait dans

le principe, virtuellement, qu'il n'a jamais disparu en totalité et

qu il a pu exercer en tous temps l'action toxique que la théorie

thyroïdienne lui assigne. Si l'on suit attentivement l'histoire de la

maladie depuis son enfance, on est porté plutôt à chercher la

genèse de cet état morbide dans une intoxication initiale qui a fait

de bonne heure une hystérique de la femme E... Elle n'a jamais

cessé d'être en puissance d'hystérie et les signes cliniques qu'elle

présente encore aujourd'hui permettent de la considérer comme

une hystérique.

Lorsque les attaques l'ont quittée, une époque malheureusement t

indéterminée pour nous, pour faire place au syndrome basedowien,

ne pourrait-on voir, dans les nouveaux accidents qui ont apparu,

une modalité nouvelle d'un même trouble pathologique ? Le mal

de Graves serait alors une sorte d'hystérie larvée. C'est que nous

nous trouvons, en effet, avec cette malade, en plein domaine hysté-

rique. Le tremblement, les troubles sensoriels cutanés, la suppres-

sion de certains réflexes, le rétrécissement du champ visuel me

paraissent le démontrer. L'analyse de l'urine, qui a été faite plu-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

sieurs fois, fait voir une diminution notable de l'urée et des excréta.

La malade a présenté, comme beaucoup d'hystériques, un léger

état fébrile qui, à certaines époques, a été marqué par des recru-

descences et par une aggravation concomitante des troubles men-

taux. A ces crises correspondait un gonflement de la tumeur thy-

roïdienne.

Tous ces phénomènes ont paru connexes, l'évolution du goitre

semblait liée à la crise fébrile et aux manifestations délirantes. Il y

a là un groupement de faits cliniques où l'hystérie joue le rôle pré-

pondérant. On remarque encore que l'analyse de l'urine a fait

découvrir un changement bien connu dans les proportions des phos-

phates. Le dosage de ces sels a montré une augmentation notable

de l'élément terreux, auquel des idées modernes attribuent une

signification importante pour caractériser l'hystérie grave. Quelques

points méritent encore d'être relevés dans cette observation. Les

rapports entre la température, le pouls et la respiration semblent

se dérober à toute règle. Tandis que la température suit une courbe

régulière d'une interprétation facile, on peut voir que le pouls

tacbycardique ne suit pas les modifications thermiques. Au contraire

il s'en écarte formellement, diminuant de fréquence le soir, où se

produit une élévation de température.

La respiration a toujours été rapide et sa fréquence a augmenté

ces jours derniers, alors que les autres symptômes s'amendent et

que l'état général s'améliore. L'émotion parait exercer une influence

sur le nombre des respirations (qui a pu aller jusqu'à 76 et qui est

aujourd'hui de 58 à 60 le matin comme le soir). On a pu s'assurer

que lorsque la malade est seule, elle respire plus facilement. Chose

bien curieuse, la malade ne parait pas souffrir de la dyspnée. Si on

lui demande si sa respiration est gênée, elle répond négativement.

Cette dyspnée serait donc purement nerveuse, bien que l'état du

coeur puisse contribuer à sa production. Nous avons vu en effet que

l'organe cardiaque est le siège de lésions graves; une péricardite

ancienne et une hypertrophie ventriculaire.

Je voudrais, en terminant, appeler, sur un détail, l'attention de

mes savants collègues. La femme E... a été arrêtée à la suite d'une

inculpation d'attentat à la pudeur. L'enquête a donné des résultats

douteux et les protestations que la malade fait entendre dans la

demi-lucidité semblent sincères. La science n'est pas affirmative, si

je ne me trompe, au sujet de l'excitation génésique dans la maladie

de Basedow. Se produit-elle chez la femme et faut-il y attribuer

une importance en médecine légale ?

M. Trenel (de Vannes) communique une observation de paralysie

généraleavec maladie de Basedow et tabes combinés. Le goitre

exophtalmique semble lié au tabes qui paraît lui-même comme la

paralysie générale être d'origine spécifique.

. Archives, t. XXX. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES. '

M. MADiLLE(de la Rochelle) apporte une observation de maladie de

Graves guérie à la suite d'une grossesse normale.

M. Badinski signale dans sa pratique personnelle deux observa-

tions typiques de l'existence de la maladie de Basedow avec le

myxoedème. Ces faits semblent particulièrement embarassants

pour les théories en discussion fondées sur l'hypothèse de toxines ou

^d'antitoxines en excès ou déficit selon que l'on aurait atfaire à l'une

ou l'autre de ces affections, basedowienne ou myxoedémateuse. Il

est difficile de comprendre qu'un même produit puisse être à la

fois en excès et en défaut.

M. GLEY, à ce propos, vient confirmer les observations cliniques

de M. Babinski par des faits d'expérimentation physiologique. Des

chiens et autres animaux thyroidectomisés présentent parfois les

mêmes symptômes que l'on attribue à l'hyperthyroïdisation dont il

ne saurait être question en l'absence de corps thyroïde.

M. Matton (de Dax et Salies-de-Béarn). -Je crois devoir appeler

l'attention du Congrès sur un cas clinique que j'ai observé récem-

ment. 11 s'agit d'une malade qui a présenté à la fois une maladie

de Basedow, une cirrhose hypertrophique thyroïdienne chronique,

si l'on veut, et une cirrhose hypertrophique du foie avec ictère.

C'est une jeune fille de vingt-quatre ans, appartenant à une famille

de névropathes alcooliques, quelque peu alcoolique elle-même, et

dont une soeur est morte de goitre exophtalmique. Elle a le goitre,

l'exophtalmie, la tachycardie et le tremblement; elle présente, de

plus, les signes de la cirrhose hypertrophique du foie : ictère

chronique, troubles digestifs profonds, selles et urines bilieuses,

etc.; enfin un état mental particulier tout à fait anormal. Je

présente le fait sans me permettre de conclure : Je pense qu'il

est curieux de voir évoluer un même processus anatomique sur la

glande thyroïde et sur la glande hépatique d'un même sujet.

Après la séance, M. le professeur J. RENAUT a fait une très inté-

ressante conférence sur les neurones.

Séances du 3 août 1895. - PRÉSIDENCE DE M. Joffroy

' ET DE M. G. Ballet.

Le succès du Congrès est démontré par l'affluence des auditeurs.

L'amphithéâtre est comble. Avant la discussion générale, M. Regaud,

préparateur de M. Renaut, a donné la technique de l'emploi du

bleu de méthylène dont M. Renaut et lui se servent pour colorer les

éléments nerveux.

Question III : Des impulsions il'résistibles des épileptiques ;

rapporteur, M. V. Parant.

Les impulsions irrésistibles des épileptiques appartiennent au

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

groupe des délires de courte durée; elles le constituent même en

majeure partie, ce qui leur donne au point de vue médico-légal une

grande importance. Parmi les points qui me semblent devoir

solliciter l'attention d'une manière particulière, dit M. Parant, je

signalerai les suivants : 1° la détermination des manifestations

impulsives, auxquelles Morel donnait le nom d'épilepsie larvée;

2° la précision des symptômes, qui, en dehors de la connaissance

des accidents épileptiques convulsifs, permettent de rattacher à

l'épilepsie les impulsions qui lui sont propres; 3° la recherche des

faits où les impulsions épileptiques proprement dites surviennent

en dehors des accidents convulsifs; 4° l'examen des conditions où,

en dehors des impulsions proprement dites, les épileptiques doi-

vent être considérés comme irresponsables de leurs actes.

La première question est une de celles qui sont le plus contro-

versées. Il s'agit de savoir si des individus qui n'ont jamais présenté

aucune des manifestations habituelles de l'épilepsie convulsive

(absence, vertiges, attaques complètes ou incomplètes) peuvent

avoir des impulsions qui soient réellement de nature épileptique.

Ces impulsions, rappelons-le, ont été désignées par Morel sous le

nom d'épilepsie larvée.

Pendant longtemps, l'opinion de cet auteur fut admise sans con-

teste et ne rencontra aucun contradicteur. S'il n'a pas continué à

en être ainsi, cela lient, sans doute, à ce que des disciples trop fer-

vents ont voulu faire entrer, dans le cadre de l'épilepsie larvée, tout

délire transitoire à forme impulsive.

Aujourd'hui il existe, parmi les aliénistes, deux opinions contra-

dictoires relatives à l'épilepsie larvée : suivant les uns, cette sorte

de trouble mental dont l'impulsion irrésistible est le caractère pré-

dominant existe ou peut exister indépendamment de tout phéno-

mène convulsif, si fugace ou si léger soit-il, vertige ou simple

absence; suivant les autres, les impulsions ne sont jamais indépen-

dantes des troubles convulsifs.

La question ne pourra être tranchée que par des faits; mais

jusqu'à présent ceux-ci sont peu nombreux et je n'ai guère pu en

réunir que trois qui soient réellement propres à faire admettre

l'existence de l'épilepsie larvée.

A défaut des faits il y a quelques arguments qui, en dépit des

négations contraires, sont favorables à cette doctrine. Un des plus

formels est tiré des cas où il se produit ce qu'on a désigné sous le

nom de substitution et qui concernent des faits dans lesquels un

individu sujet à des troubles mentaux divers, ne fussent-ils d'ailleurs

pas impulsifs, voit ces troubles disparaître au moment où il pré-

sente des attaques d'épilepsie qu'il n'avait point éprouvées jusque-

là, et inversement les cas dans lesquels des attaques d'épilepsie

convulsive diminuent de fréquence ou même disparaissent lorsque

surviennent des perturbations mentales.

121l4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Un autre argument doit être tiré des similitudes plus ou moins

complètes que peuvent offrir entre elles deux manifestations mor-

bides dont l'une porte nettement l'estampille de ses attaches origi-

nelles, et dont l'autre, sans la présenter aussi clairement, sans

même la présenter du tout, ressemblera d'une manière frappante

à la première. Ainsi, par exemple, on a affaire à deux impulsifs,

qui tous deux offrent les mêmes symptômes, tous deux ont eu le

même délire, tous deux ont accompli les mêmes actes inconscients,

tous deux enfin sortent de leur crise d'une manière identique. L'un

a eu des attaques d'épilepsie convulsive, l'autre n'en a jamais pré-

senté. Peut-on ne pas reconnaître que tous deux sont atteints de

la même maladie ? Peut-on, dans le second cas, ne pas porter le

diagnostic d'épilepsie avant d'avoir vu les convulsions elles-mêmes ?

S'il en devait être ainsi, il vaudrait autant dire qu'aucun diagnostic

n'est possible. Nous sommes donc bien réellement en droit de con-

clure que la nature épileptique des impulsions peut être affirmée

même indépendamment de la constatation ou de la connaissance

des accidents convulsifs.

Arrivons maintenant aux caractères généraux des impulsions

épileptiques. D'une manière générale, l'impulsion est un phéno-

mène dans lequel l'individu est entraîné irrésistiblement, malgré

lui, à commettre un acte. Tantôt il en a conscience, tantôt il ne

s'en rend aucun compte. L'inconscience résulte de l'évolution

même de la crise et provient d'un autre phénomène bien plus

important, presque constant, sinon constant, et qui est l'amnésie,

la perte du souvenir des actes accomplis et des faits survenus pen-

dant la crise impulsive.

L'amnésie doit être considérée comme le signe le plus impor-

tant des impulsions irrésistibles des épileptiques. Bien qu'on la

rencontre dans d'autres états morbide=, dans d'autres formes

impulsives, notamment celles des hystériques, nulle part ailleurs

elle ne se présente avec les allures qu'elle prend dans l'épilepsie;

aussi lorsqu'elle peut être constatée avec certitude, permet-elle de

caractériser nettement le trouble morbide auquel elle se rattache.

Dans quelques cas cependant, le malade a une notion assez obs-

cure, assez vague de certains incidents de sa crise. Il ne se rappelle

pas tout, mais quelques particularités ont laissé leur empreinte

dans la mémoire et ne se sont point effacées.

Il est d'autres cas où le souvenir, également assez vague, ne

s'exerce pas spontanément, mais revient par une sorte de réflexion,

de retour sur lui-même que fait le malade, ou grâce aux indications

que lui donne son entourage. L'inconscience et l'amnésie des actes

ont une conséquence importante au point de vue de la médecine

légale : c'est que les épileptiques impulsifs, ayant accompli leurs

délits ou leurs crimes d'une manière ouverte, ne prennent ensuite

aucun soin pour les dissimuler, pour se sauver, pour se dérober

SOCIÉTÉS SAVANTES.. , 245

aux yeux de témoins importuns. Elles font encore que l'individu

montre une grande indifférence à l'égard de ce qu'il vient de faire

et que, même lorsqu'il est revenu à lui, il n'en manifeste souvent

aucun remords. Un autre caractère des actes impulsifs des épilep-

tiques est d'être toujours identiques les uns aux autres chez le

même individu.

A l'identité des attaques entre elles se rattache un autre carac-

tère qu'il est assez fréquent de rencontrer dans les impulsions épi-

leptiques, c'estqu'elles reviennent périodiquement avec une certaine

régularité. La constatation de l'impulsion elle-même est une simple

question de fait et la concordance des signes dont nous avons parlé

permet d'en faire le diagnostic.

Ce qui est plus important et souvent plus délicat, c'est de savoir,

abstraction faite des accidents convulsifs de l'épilepsie, si l'on a

affaire à une impulsion épileptique, et de ne point la confondre

avec les impulsions qui peuvent se présenter dans d'autres états

morbides. La connaissance des accidents convulsifs et des divers

signes de l'épilepsie proprement dite est assurément le meilleur

moyen d'établir la nature des troubles impulsifs qu'il s'agit de

juger; mais il peut se faire que cette notion fasse défaut, soit qu'on

ne puisse par soi-même constater les attaques, soit qu'il ne se

trouve personne ni rien pour dévoiler leur existence.

Les impulsions irrésistibles qui ressemblent le plus à celles des

épileptiques sont celles des hystériques, notamment celles qui se

présentent sous la forme de vagabondage, de fugues, etc.

Les dégénérés, eux aussi, ont parfois des impulsions au vagabon-

dage (dnontomanie de Régis et Dubourdieu); mais chez eux l'incons-

cience est tout à fait rare; le souvenir des crises persiste et, en tout

cas, leur manière d'être, dans l'intervalle des crises, est bien diffé-

rente de celle des épileptiques. Tout récemment, on a publié des

observations d'accès de vagabondage chez des individus atteints de

paralysie générale ; mais les caractères d'incohérence qui marquent

les actes des paralytiques, la semi-conscience qui persiste

empêchent qu'il ne puissey avoir confusion avec les impulsions des

épileptiques.

Il nous reste à rechercher maintenant ce qui, par rapport aux

impulsions ou à l'état impulsif, permet de déterminer l'irresponsa-

bilité des épileptiques. En ce qui concerne les impulsions irrésis-

tibles proprement dites, la difficulté réside surtout dans le dia-

gnostic qu'il s'agit d'en faire, diagnostic qui consiste non seulement

à constater l'impulsion, mais encore à éliminer toutes les particu-

larités qui seraient de nature à laisser planer un doute à son sujet.,

Ce diagnostic fait, les conséquences se déduisent presque d'elles-

mêmes : l'épileptique impulsif est un véritable aliéné et il doit être

traité comme tel.

La lâche du médecin en pareil cas n'en est pas moins très déli-

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cate. Il doit ne poser son diagnostic qu'après s'être entouré de tous

les éléments possibles de certitude; il doit se défier des renseigne-

ments qui lui sont donnés, d'autant plus que parfois c'est par eux,

plutôt que par ses constatations directes, qu'il devra juger la situa-

tion. Il ne doit pas s'en rapporter à quelques affirmations plus ou

moins intéressées, à des dires qui, émanant d'ordinaire de celui

qui est mis en cause, devront a priori être tenus pour suspects.

D'autre part, l'épilepsie en elle-même, il ne faut pas l'oublier,

n'est pas une cause d'irresponsabilité : elle peut fort bien laisser à

l'individu toute son intégrité mentale, la libre possession de lui-

même et, par conséquent, ne point le rendre irresponsable. Il y a

des états d'impulsion franche, irrésistible, où la volonté est tout à

fait annihilée et où, par conséquent, l'irresponsabilité est acquise;

cela peut même se pioduire dans quelques cas où il n'y a point

inconscience des acles. En dehors de cela, tout épileptique réputé

sain d'esprit et l'étant réellement, est responsable des délits qu'il a pu

commettre, sauf, s'il y a lieu, admission de circonstances atténuantes.

M. Jules Voisin (Paris) dit que la caractéristique du délire épi-

leptique et des impulsions est l'instantanéité dans l'acte, la perte

du souvenir et l'absence de motif de l'acte exécuté. Quand le sou-

venir d'un délire est très exact après un accès convulsif, il croit

qu'il faut faire intervenir dans un très grand nombre de cas la

dégénérescence mentale.

M. Voisin rapporte à l'appui de cette opinion une observation

d'une malade ayant parfois souvenir des actes qu'elle commet pen-

dant des impulsions, tandis qu'au contraire, à la suite d'un accès

complet ou incomplet, elle présente des hallucinations, puis reste

pendant un temps plus ou moins long en état de délire; dans ce

dernier cas, le souvenir fait défaut.

M. Jules Voisin aborde ensuite un nouveau point de la discussion ;

il prouve la possibilité du diagnostic entre les impulsions irrésis-

tibles dues à l'épilepsie et celles que l'on observe quelquefois dans

l'hystérie. Le diagnostic le plus difficile à faire est celui de la para-

lysie générale progressive avec l'épilepsie : mais les idées sont plus

niaises chez le paralytique général ; et, en fin de compte, la marche

de la maladie est bien différente dans les deux cas.

Quant à la responsabilité des épileptiques, il est certain qu'elle

est pleine et entière entre les crises ; mais cependant, après la

fugue, la responsabilité doit être nulle. La loi accorde trois jours ;

ce temps est beaucoup trop court. M. Jules Voisin a dans son service

une malade dont l'état mental reste quinze jours incompatible

avec toute responsabilité.

M. Verrier, après avoir apprécié les travaux faits sur la question,

rapporte, sous une forme humoristique, deux observations de fugues

d'hystérique et d'épileptique.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 7

M. Cn, Wallon s'attache à démontrer que l'examen de l'acte

même, présumé accompli sous l'influence de l'épilepsie, est le vrai

critérium médico-légal. La constatation ultérieure d'attaques d'é-

pilepsie laisse toujours la porte ouverte à un doute sur la nature

véritablement épileptique de l'acte délictuel incriminé. L'auteur

cite à ce propos une série d'observations dans lesquelles des épi-

leptiques incontestés ont accompli desactes criminels sans rapport

avec leur état maladif; l'un d'eux a même simulé une crise peu

après l'arrestation et prétendu ne se souvenir de rien.

M. CIIALLAnT DE BELLEVaL, médecin en chef de l'hôpital militaire de

Bordeaux, cite une statistique d'exemption dans les armées fran-

çaises et étrangères au sujet de l'épilepsie; la France a moins de

réformés pour épilepsie que l'Allemagne. La justice 'militaire, est

plus rigide que la justice civile, dont elle diffère beaucoup. On a

affaire à la simulation', et l'orateur en cite plusieurs cas. Il y a de

véritables artistes en la matière, mais on finit toujours par les

démasquer; à côté d'eux, il y a les vrais malades, dignes d'intérêt,

et qui, sotia l'impulsion, répondent mal à leurs chefs, les frappent,

déchirent les effets, s'enfuient de la caserne. Le Code militaire est

draconien : il doit l'être. M. Challan demande qu'un triage sérieux

soit fait aux conseils de revision afin qu'on n'envoie pas au régi-

ment des malades dont les manifestations nerveuses sont très pré-

judiciables à l'armée. «Ce n'est pas avec la quantité, dit-il en

terminant, qu'une armée est vraiment forte, mais avec la qualité. »

M. Régis insiste sur l'importance particulière de la médecine

légale au point de vue particulier de la loi militaire et de l'épilepsie

qui est trop souvent méconnue. Nombre de malades épileptiques

ou autres sont ainsi parfois condamnés par ces tribunaux spéciaux

trop fermés à l'intervention médicale.

M. P. Garnier, à propos des observations communiquées par

M. Vallon, insite sur la nécessité d'attirer l'attention des magistrats

sur l'atténuation constante de la responsabilité des épileptiques

qui même, en tant que simples vicieux et délinquants hors de

leurs crises, ne peuveut pas ne pas subir, à quelque degré, un

retentissement psychique de leur mal s'étendant dans la sphère

morale. M. Garnier adopte la théorie de l'épilepsie larvée; une étude

a été présentée en son nom à l'Académie de Médecine par M. Mesnet

en 1883. Au point de vue médico-légal, tout l'intérêt consiste dans

l'appréciation de l'épilepsie larvée. Il accepte avec tous les alié-

' L'un des meilleurs moyens de découvrir la simulation, dans ces cas,

c'est de prendre la température rectale, à la période de ronflement ou

terminale, un quart d'heure, une heure ou deux après l'accès. Il y a

toujours élévation de la température. Il va de soi qu'il ne faut pas se

contenter d'une seule observation. -..., (l3ouRNEVlLLE,)

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nistes la perle de mémoire comme le critérium le plus pur; la

triade épileptique est constituée par la perte de connaissance, l'au-

tomatisme, l'amnésie.

M. Vallon répond que l'on ne peut établir une règle trop géné-

rale ; la responsabilité variant selon les malades et selon l'époque

de l'acte chez un même malade. L'étude de l'acte et de ses carac-

tères peut donc seule éclairer dans certains cas le légiste. D'ailleurs,

soit sous forme de conclusion additionnelle, soit dans le corps

même du rapport, l'expert ne saurait manquer de signaler aux

juges l'étroite connexion qui relie l'attaque d'épilepsie aux pertur-

bations psychiques les plus diverses dont elle peut êlre le facteur

déterminant dans certains cas, mais non constamment.

M. Charpentier appelle l'attention du Congrès sur l'importance

de la simulation de l'épilepsie dans les asiles et l'absence de carac-

tères constants permettant d'établir cliniquement et irréfutable-

ment la nature .épileptique des troubles mentaux impulsifs ou

autres. Il ne faut pas oublier qu'à côté de l'aboulie morbide et

l'impossibilité d'inhiber une impulsion maladive, il y a des entraî-

nements passionnels et des tendances perverses que le malade

s'abstient de réfréner, confiant dans l'amnistie que lui assure sa

qualité d'épileptique.

M. Tissié (de Bordeaux) apporte un cas nouveau d'épilepsie

observé sur un jeune homme élève d'un lycée. L'attaque provenait

d'une idée qui, grossissant peu à peu, devenait énorme et déplaçait

toute autre idéal ion en sa faveur; le malade sentait à cela que la

crise était proche et il s'arrangeait de façcn à l'éviter. Alors il

cherchait à opposer une autre idée à la « mauvaise idée », il la

grossissait par la volonté, et si la lutte pouvait s'établir, la crise ne

survenait pas, l'idée thérapeutique combattait l'idée pathogène,

sinon la crise suivait son cours. La crise était aussi arrêtée par

un appel violent de l'attention du malade. C'est la première fois

qu'une telle observation est signalée, aussi la communication de

M. Tissié provoque-t-elle une discussion très intéressante puisque

le propre de l'épilepsie est l'abolition de la volonlé. Or, dans le cas

de M. Tissié, la volonté parait jouer un certain rôle, mais en appa-

rence cependant, car, d'après l'auteur, il ne s'agit là que d'une

illusion volitive.

M. Régis, à propos de l'observation précédente où le malade a

pu refréner ses attaques dans certains cas, cite un malade qui, par

un effort volontaire, a pu supprimer des attaques épileptiques

diurnes fréquentes.

M. GARNIEIi. Ces faits sont contraires à la doctrine classique

de l'inconscience et de la fatalité du mal sacré.

Il. Laroussime rappelle à son tour les cas d'attaque avortant par

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

ligature périphérique et où le mécanisme inhibitoire semble agir à

la façon d'une autre suggestion. Il ajoute qu'il hésite beaucoup à

admettre le qualificatif larvée ajouté dans certains cas à l'épilepsie.

Par exemple, les malades atteints d'automatisme ambulatoire.

Voilà un individu qui évite les obstacles, suit parfaitement une

route; est-ce que, dans ce ca, les centres psychiques n'agissent

pas ? ils sont excités. Les centres moteurs le sont aussi, puisqu'un

homme qui souvent, à l'état normal, se fatiguait très vite, parcourt

une route très longue sans fatigue. Ainsi, excitation des centres

psychiques et excitation des ceutres moteurs; cette épilepsie, loin

d'être larvée, est, si l'on peut s'exprimer ainsi, un « type d'épi-

lepsie psycho-motrice ?

M. le Dr Pitres. - Il y a quelques années, si un malade faisait

une fugue, si en même temps il présentait quelque stigmate de

dégénérescence, ce malade était immédiatement classé parmi les

épileptiques. Actuellement la question est beaucoup plus complexe.

Dans ce qu'on a décrit sous le nom de fugue, il y a trois séries de

faits :

1° Parmi ces sujets, les uns seront caractérisés par un besoin

physique pur et simple de marcher; 2° les seconds par un besoin

psychique; 3° les autres enfin ont des impulsions véritables.

1° Le besoin pur et simple de marcher, besoin uniquement phy-

sique, s'observe quelquefois comme seul symptôme (M. Pitres en

rapporte deux cas);

2° Le besoin psychique de la marche se rencontre chez les vaga-

bonds. Ces vagabonds ont une psychologie très intéressante. Une

première variété est représentée par les trimardeurs, ces derniers

ne travaillent jamais, ils sont toujours en tournée, ne commettent

guère que quelques atteintes contre la petite propriété et n'entrent

pas pour une grande part dans la criminalité. C'est la paresse

seule qui les engage à mener cette vie errante.

A côté des trimardeurs, il y a les ouvriers errants (M. Pitres

vient d'en observer un qui a fait quarante fois le tour de France;

il se grise, travaille en passant dans les villes jusqu'au jour où il

touche sa paye, puis se grise de nouveau et repart).

Une troisième variété est constituée par les /t)/poc/t0 ? 'ttt<j't<es

errants; ceux-ci courent les hôpitaux et même les villes pour se

faire débarrasser de maux imaginaires.

La quatrième variété comprend les aliénés divers qui se déplacent

sous l'influence d'une conception délirante. C'est ainsi qu'un para-

lytique général, par exemple, a pu faire 148 kilomètres en voiture

sans désemparer, forçant le cheval qui tomba mort et continua à

pied celte course effrénée, jusqu'à ce qu'on le ramenât de vive

force chez lui.

3° La troisième catégorie a trait aux impulsifs.

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Il faut faire trois subdivisions. a) Impulsifs conscients. - C'est le

sujet qui, à un moment donné, sans raison suffisante, sans délire,

sans perte de connaissance, part et fait une fugue de plusieurs

heures à plusieurs mois. Les faits de ce genre ont été rattachés à la

neurasthénie, il la dégénérescence mentale, et constituent ce que

M. Régis a appelé la dromomanie.

b) Impulsifs hystériques. - On peut distinguer deux ordres de

faits : il est des malades qui marchent au cours d'une crise hysté-

rique, sous l'influence de leur délire. Les seconds malades sont

plus intéressants, ils ont été étudiés dans la thèse de Tissier en

1886, où l'on trouve l'observation d'un hystérique, bien connu

(D...), qui à l'état de somnambulisme a fait des fugues multipliées,

dans tous les pays d'Europe. D'autres exemples ont été fournis par

Proust, Raymond, etc. Dans ces derniers cas, les malades sont en

état second, ne se souviennent de rien après la fugue; on peut

faire revivre leur souvenir par l'hypnose.

Les faits de ce genre sont nombreux. Tous ces malades sont des

gens qui aiment à marcher; qui ont un besoin impérieux de mar-

cher. Si on ne donne pas satisfaction à ce besoin impérieux les

malades se fixent un but, peuvent résister, mais s'ils passent à l'état

second, immédiatement ils partent.

c) Impulsifs épileptiques. - Dans tous les cas d'impulsion épilep-

tique, il existe bien des points inconnus. Les cas publiés jusqu'ici

prêtent le flanc à la critique. L'état de conscience du malade en état

de fugue n'a jamais été observé. Il est très difficile d'admettre,

dans l'hypothèse de mal comitial, cette conscience si lucide et si

raisonnable qui permet à ces malades de ne pas éveiller l'attention

publique, de satisfaire à tous les besoins de la vie, pendant leur fugue.

Cela cadre-t-il avec l'idée que nous nous faisons de l'état mental

des épileptiques ? Peut-être porte-t-on le diagnostic d'épilepsie par

ignorance; et l'examen plus approfondi du malade pourrait peut-

être autoriser le diagnostic d'hystérie. C'est là un point à débattre

dans l'avenir. L'hypnotisation pourra peut-être résoudre la question.

M. DouTREBENTE s'élève contre la confusion qui tend à s'établir

entre épileptiques et hystériques migrateurs si l'on applique aux

uns et aux autres la suggestion hypnotique, pour lui il y aurait

même une pierre de touche pour la distinction de la nature hysté-

rique des troubles mentaux et nerveux. Il estime, en effet, que les

seuls hystériques sont hypnotisables, jamais il n'a pu hypnotiser

de vrais aliénés et met en fait que tous les aliénés non hystériques

sont réfractaires absolument à l'hypnose.

M. Doutrebente cite un cas très typique de fugue chez un épilep-

tique. Il s'agit d'un jeune homme qui partit subitement de chez lui

avec 250 francs dans la poche ; on n'entendit plus parler de lui. Un

jour, en Belgique, on le trouve mort sur une route; il n'a pas été

SOCIÉTÉS SAVANTES. 251

tué pour être volé, car il possède les 250 francs; mais il est mort

de faim. L'acte impulsif avait été tellement violent, que le malade

en avait perdu la notion de vie organique. M. Doutrebente

demande pour terminer si l'hypnose de l'épileptique et de l'aliéné

est bien réalisable. Pour lui il n'a jamais pu la provoquer.

M. Jules Voisin déclare qu'il n'a jamais pu hypnotiser des épilep-

tiques. Il estime que ceux-ci ont conscience des actes qu'ils accom-

plissent pendant leur attaque d'épilepsie larvée, mais ils n'ont pas le

souvenir de ces actes. C'est là simplement un phénomène d'amnésie.

M. LARoussiNir (du Bouscat) fait allusion à un malade hystérique

atteint de délire hypocondriaque qui put être hypnotisé dans un

but criminel, et resta six mois dans un état second.

M. Régis. - Il faut poser la question en ces termes : un hysté-

rique atteint de vésanie est-il hypnotisable ?

M. Ballet. - Il y a cinq ans. M. Auguste Voisin porta devant la

Société médico-psychologique, des observations d'aliénés traités

et même guéris sous l'influence de la suggestion hypnotique. Une

commission fut nommée pour vérifier ces résultats. Les malades

de M. Voisin étaient des hystériques qui présentaient des manifes-

tations lypémaniaques plus ou moins accusées. L'hypnose était en

effet possible, parce que ces sujets étaient des hystériques.

M. Vallon a, systématiquement, pendant deux ans, à l'Asile

clinique, essayé d'endormir des aliénés, jamais il ne réussit. Cela

est évident, on ne peut en effet capter leur attention.

M. Tissié cite à l'appui de la communication de M. Pitres le cas

d'une jeune malade qui cherche la fatigue sans jamais la ressentir.

11 s'agit là d'un paradoxe de la fatigue.

M. B. PAILHS (de l'asile d'Albi). - Pour expliquer le besoin d'acti-

vité si particulière aux impulsifs et principalement aux impulsifs

épileptiques, je me suis demandé si ce fait n'était point en corré-

lation étiologique avec cet autre fait de la longévité anormale

constatée chez les ascendants d'épileptiques. Ne peut-on pas, en

effet, considérer la crise épileptique comme partout au moins favo-

risée, par une disproportion, d'une part, entre cette puissance

d'activité nerveuse transmise par l'ascendant et d'où dérivait pour

lui la longévité, et d'autre part, entre l'insuffisante utilisation de

cette même activité nerveuse imposée par l'hérédité à l'organisme

et bien au-dessus de ses besoins. Et de là, de ce défaut d'adapta-

tion d'un organisme mal préparé à s'assimiler avec avantage cette

surabondance d'influx nerveux, la nécessité, au contraire, de s'en

dégager, par ces décharges de l'ictus, justement rapprochées des

décharges de la bouteille de Leyde et qui semblent n'avoir d'autre

but que de rétablir un équilibre normal rompu, par intervalles,

au profit d'une activité nerveuse pathologiquement prépondérante.

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Banquet au Moulin-Rouge.

Une heure après, tous les congressistes se trouvaient réunis au

Moulin-Rouge où avait lieu le banquet du Congrès - dont l'orga-

nisation excellente est due à M. le D1' Régis, secrétaire général. -

Le menu est une oeuvre d'art, il représente les deux tableaux : Pinel,

délivrant des folles, et Charcot étudiant l'hystérie à la Salpêtrière,

phototypie de Panajou. Mais la surprise est grande, voici la gamme

des vins : Château-Désir Lafon, Sauternes (1890), château de Mar-

buzet (1881), château Pavie (1890), château Mouton-Rothschild (1878),

château Haut-Bailly (1878), château Laffitte (1870), cru Raymond

Lafon (181G),'0ll'erls gracieusement par leurs propriétaires MM. Désir

Lafon, Merman, F. Bouffard, Bellot des Minières, de Rothschild et

R. Lafon.

Une véritable symphonie gustative en mineur ! Au Champagne,

M. Berniquet se lève et, dans un toast très applaudi, il boit tout

d'abord à M. le Président de la République, aux vins de la Gironde

qui ne provoquent pas l'alcoolisme. M. Joffroy, président du Con-

grès, remercie les organisateurs ; boit au Préfet qui rend la tâche

difficile à ses collègues pour le prochain Congrès ; à la magistra-

ture qui, pour un mariage de raison, a tendu la main à la méde-

cine ; à M. Drouineau, délégué de M. le ministre de l'intérieur; à

M. Régis, etc. M. le professeur Roth (de Moscou) et M. Marinesco

(de Bucharest) lèvent leur verre à la|science française qui éclaire le

monde et aux savants français, leurs collègues. M. Marinesco rap-

pelle que M. Alfred Binet vient d'être appelé à Bucharest par le

gouvernement roumain poury fonder un enseignement de psycho-

logie expérimentale.

M. Régis remercie la presse du concours qu'elle accorde au Congrès.

M. le prince Galitzine, directeur des caves de S. M. l'Empereur

de Russie, a offert au banquet la dernière bouteille de vin de Tokay

existant dans les caves impériales. Du vin de Tokay à des aliénistes,

serait-ce une épigramme ?

Séance du dimanche 4 août.

Visite de l'asile des aliénés de C7tf ! <Mt<-Ptcon. Banquet.

A neuf heures et demie, les congressistes étaient rendus à l'Asile

des aliénées, chemin de la Béchade, où ils ont été reçus par l'excel-

lent directeur, M. le Décaties, ancien député de la Ilaute-Garonne

dont le nom est synonyme de dévouement à la République et le

médecin eu chef de l'asile, M. le D'' Pons. M. Campana, secrétaire

.général, avait bien fait les choses; le bâtiment pavoisé, les locaux

remplis de fleurs, on eût dit d'un mariage'. Les congressistes visi-

' Cette rédaction est faite en partie avec le compte rendu de M. le

D'Tissié, dans la Gironde.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

tent aussi les diverses dépendances de l'Asile : la lingerie aux ran-

gées symétriques et artistiques de piles de linge, les divers quar-

tiers d'aliénées, tranquilles, agitées, gâteuses, où se trouvent réunis

tous les types de déchéance de ce e moi » qui fait à la fois notre

orgueil et notre tristesse. Que de problèmes soulevés dans cette

courte visite !

La visite du pensionnat a beaucoup intéressé les congressistes

par son aménagement très confortable et presque luxueux. Moyen-

nant 15 francs par jour on peut avoir la nourriture et disposer du

pavillon isolé, composé de quatre pièces : une salle à manger, un

salon, une chambre, un cabinet. Toutefois, ce pensionnat comme

ceux d'un trop grand nombre d'asiles publics ou privés, se compose

de chambres ou d'appartements plus ou moins vastes, plus sem-

blables à ceux des hôtels qu'à des chambres ou des appartements

destinés à des malades aliénées. Le parc où les malades vont se

promener est bien entretenu. Après la visite, qui a duré une heure

et demie, l'artiste Arligue a braqué son appareil photographique

sur les congressistes qui pourront ainsi emporter un souvenir grou-

pai de leur réception au château Picon.

Le banquet, préparé par les soins du traiteur Lespagnol, a été

servi dans la grande salle des réceptions. Par une disposition heu-

reuse, trois grandes tables se prolongeant en diverti cula dans les

salons des pensionnaires aboutissaient perpendiculairement à la

table d'honneur, placée dans le parloir. Nous remarquons à la

table d'honneur, MM. Joffroy, président du Congrès; Callès, Berni-

quet, Delcurrou, Calmon, Gruet, Pons, Pitres, Clouzet, Lande,

Garnier, Lrancotte (de Liège); Roth (de Moscou); Vergely, Tissié,

Marinesco (de Bucharest); Giraud, Gilbert Ballet, F. Raymond,Deny,

Bourneville; le distingué successeur de Charcot à la Salpêtrière;

Bayssellance, Bourru, Picot, Parant, Challan, de Belleval, Babinski,

Roubinowitch, Bérillon, Ritti, Saignât, Nicolaï, Bergonié, Denucé,

Preller, Obissier-Saint-Martin, etc., etc.; Mmes Pitres, Joffroy,

Ritti, Régis, Delaye, Reynaud, Giraud et Belle assistaient au ban-

quet. - Menu exquis.

La carte des vins comprenait les crus suivants : château Lafon,

Sauternes, 1890, château llouton-Rotlischild, 1891, château Ilaut-

Brion, 1887, château IIaut-Bailly, 1880, château Pichon-Longue-

ville, 1878, château Palmer, 187 : i.

Au champagne, M. le Dr Callès remercie, en ces termes, les

congressistes d'être venus visiter l'asile.

Messieurs,

Avec la population bordelaise, sympathique à tout ce qui se

rattache au domaine de la Science, nous nous félicitons de la

bonne fortune qui nous advient de vous posséder au milieu de

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nous et de pouvoir vous exprimer combien votre présence nous est

un encouragement précieux pour accomplir, sans défaillance, les

devoirs qui nous sont imposés.

Après votre passage à Picon, cette tache nous sera d'autant plus

facile que le nom de chacun d'entre vous est une incitation à

rechercher, non seulement l'aide de vos conseils, mais, surtout, à

se conformer aux enseignements que vous nous prodiguez par la

parole, le livre, l'imprimé, afin de nous guider dans la voie ardue

que nous suivons.

Aujourd'hui, grâce à la presse, nul n'ignore que chacune de vos

assises a, comme but, la recherche de solutions physiologiques,

médicales, thérapeutiques, entourées de difficultés, et des études

minutieuses tendant à apporter la lumière dans les parties obscures

caractérisant la plupart des affections mentales.

Le monde savant applaudit à la conscience de vos travaux, à la

persévérance que vous ne cessez de déployer et le public, qui sent

l'importance du problème que vous avez à résoudre, ne vous mé-

nage point ses encouragements.

On sait aussi que si le succès ne répond pas toujours à l'intensité

de vos efforts, il est, cependant, un fait indéniable, c'est que c'est à

eux qu'il est dû de voir le traitement des aliénés devenir plus

rationnel et perdre la nature barbare qui lui était autrefois

particulière.

Si cette malheureuse catégorie de malades a subi, pendant des

siècles, l'exorcisme, la torture et, trop souvent hélas ! le bûcher,

maintenant, de par l'intervention de la science, il n'en est plus de

même. Les hommes de la génération de 1792 : Pinel, Esquirol,

illustres compatriotes dont le Midi peut s'enorgueillir à juste titre,

ont détruit ces coutumes tortionnaires et sanglantes.

A l'heure actuelle si l'aliéné doit être, généralement, écarté du

milieu social afin de sauvegarder la sécurité de ses semblables; si,'

parfois, il doit être étroitement surveillé pour que sa démence ne

soit pas nuisible à lui-même, il n'est plus, du moins, un paria en

butte aux violences, aux brutalités, croupissant dans l'abjection.

S'il ne compte pas au nombre des citoyens, n'en possède plus les

droits, il est protégé par les pouvoirs publics. La présence dans

cette enceinte du délégué de M. le ministre de l'intérieur, M. l'ins-

pecteur général Drouineau, le démontre, et ce que vous venez de

voir, en parcourant l'asile, vous donne l'assurance que les ma-

lades sont entourés de sollicitude, de soins que rien ne lasse et ne

rebute.

En outre, largement, sans hésitation, le pays s'impose des sacri-

fices pour édifier des asiles nouveaux, modifier ceux des asiles ne

répondant plus aux exigences de l'hygiène et améliorer la situation

des malades en leur procurant du bien-être, du luxe même, pour,

autant que possible, adoucir les tristesses de l'internement.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

Messieurs, tels sont, brièvement exposés, les résultats obtenus

par le développement des idées d'humanité, l'action des congrès,

la propagande des journaux.

Cet ensemble sera bientôt complété, espérons-le, par une législa-

lation plus en harmonie avec les besoins du moment, offrant

moins de lacunes que la loi édictée en 1838.

Aussi, messieurs, chois confrères, comme expression de recon-

naissance pour l'oeuvre accomplie, pour ce que l'avenir nous laisse

entrevoir comme progrès, pour tout ce que les sentiments de mi-

séricorde, de charité doivent à votre ligue, permettez-moi de lever

mon verre en l'honneur des médecins aliénistes et neurologistes,

membres de ce congrès, de son éminent président, de M. l'inspec-

teur général, ainsi que des inspirateurs ou collaborateurs dévoués

qui nous secondent, non seulement dans l'administration supé-

rieure, mais dans le département où, continuellement, nous avons

recours à leurs avis éclairés

Messieurs,

Par cette température torride, alors que le champagne est frais,

qu'il est agréable au goût, l'axiome de droit (non bis in idem) n'est

point à respecter. Aussi je vous invite à remplir vos coupes et à

porter avec moi un toast à M. le président de la République dont

l'attitude loyale, la droite raison, les qualités de coeur, ont su

réunir autour de son nom les sympathies populaires et conquérir

l'adhésion de tous ceux qui, sous le drapeau actuel de la France,

ont foi dans la grandeur et les destinées glorieuses de la patrie.

(Applaudissements répétés.)

M. Joffroy adresse des félicitations à l'administration de l'asile,

elle en est digne; elle renferme dans son sein des hommes qui

cherchent le mieux par la science. Pourtant il y a beaucoup à

faire non seulement à Bordeaux, mais partout, même à Paris, et

revenant sur le désir qu'il a déjà exprimé, il souhaite qu'un ensei-

gnement officiel des maladies mentales, avec stage scolaire des

étudiants, soit institué dans les Facultés de médecine. Bordeaux

voudra être la première ville de France où cette réforme nécessaire

doit être accomplie, car elle le peut. L'instruction doit être don-

née non seulement par les professeurs des Facultés, mais aussi

par tout médecin des hôpitaux spécialiste. M. Joffroy porte un

toast à M. Calmon, président de la commission de surveillance, et

à M. Callès, le directeur de l'Asile.

M. Drouineau, délégué de M. le Ministre de l'intérieur, répond à

M. Joffroy que son département et celui du ministère de l'instruc-

tion publique sont d'accord en principe pour la création de tels

cours, mais certains détails restent encore à régler; il espère qu'on

256 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trouvera un modus vivendi à établir entre l'administration et

l'Université. Les Congrès doivent servir à indiquer la voie à suivre

à l'administration. Il porte un toast à M. Pons, le distingué méde-

cin de l'Asile. - M. PoNs remercie.

Le banquet terminé, les congressistes se divisent : les uns vont

visiter l'établissement des sourdes-muettes, où ils sont reçus par

M. le directeur Cavé-Esgaris et la supérieure; les autres se rendent

à l'Athénée, où a lieu l'ouverture officielle du Congrès de l'Asso-

ciation française pour l'avancement des sciences.

Dans le prochain numéro, nous signalerons brièvement les cri-

tiques faites au cours de la visite. Nous devons dire que ces critiques

s'adressent aux plans adoptés et ne concernent en aucune façon

les administrateurs et le médecin en chef de l'asile dont tout le

--monde a pu constater la propreté et la bonne tenue. B.

t., .\

... ? # éanee du lundi 5 aoÛt. - PRÉSIDENCE DE M, GILBERT BOLET.

y* ïV 'Séance du lundi 5 août. Présidence DE M. GILIIERT Ballet.

, : } : ;11lesul'e de la toxicité des alcools par les injections ilztra-veineuses.

r M. le professeur Joffroy fait une communication sur un nouveau

. Il , le professeur JORFROY fait une communication sur un nouveau

procédé de mensuration de la toxicité des liquides par injection

intra-veineuse et l'application de cette méthode à la détermination

de la toxicité des alcools. Le premier point porte sur la mesure de

la toxicité de liquides quelconques.

La voie veineuse est adoptée, de propos délibéré. Comme appa-

reil d'injection, il emploie le siphon dans lequel le vase supérieur

est remplacé par un vase de Mariotte, ce qui assure un débit cons-

tant par une différence de pression déterminée entre la pression

intra-veineuse et la pression de liquide injecté. Comme la pression

intra-veineuse peut varier, ,1. Joffroy indique une disposition per-

mettant de placer très rapidement à la hauteur voulue le vase de

Mariotte afin d'assurer la constance du débit de l'appareil. Ce débit

est d'ailleurs mesuré très facilement en comptant le nombre des

bulles d'air qui entrent par minute dans le vase de Mariotte. Mais

l'injection directe des alcools dilués provoque des coagulations qui

se forment avec une rapidité plus ou moins variable suivant les cas

et entraînent mécaniquement la mort (obstruction des gros troncs

artériels de la crosse aortique). On ne peut donc par ce procédé

apprécier le degré de toxicité des alcools.

Si on emploie, comme véhicule, les sels anticoagulants (chlorure

de sodium, par exemple), on n'évite pas davantage les coagulations.

Mais en faisant l'application du résultat annoncé par Haycraft

en 1855, à savoir que le liquide buccal de la sangsue est anticoa-

gulant sans être toxique, M. Joffroy a pu réaliser des conditions

expérimentales précieuses. Il fait une macération à l'aide de sang-

sues dont on utilise le tiers antérieur du corps dans une solution

SOCIÉTÉS SAVANTES, 257

de chlorure de sodium à 8 p. 1000 (8 sangsues servent pour un

litre). Il ajoute à cette solution, après s'être assuré qu'elle n'est

point toxique et coagulante, une certaine quantité de l'alcool dont

on veut apprécier la dose mortelle. La solution qui sert de véhicule

n'est point toxique, puisqu'on a pu en injecter jusqu'à 1,200 gram-

mes à un lapin du poids de 2 kilogrammes, avant d'amener la

mort, cette injection étant faite avec une vitesse de 10 centimètres

cubes par minute et ayant duré deux heures.

Cette question de méthode si importante étant résolue, il était

facile de l'appliquer au cas particulier des alcools. Le lapin n'est

point un animal très sensible lorsque le manuel expérimental n'est

pas défectueux; il l'est cependant suffisamment pour permettre

d'arriver à des résultats rapides, précis et rigoureux.

M. Joffroy peut donner ainsi la mesure de la dose mortelle des

différents alcools et des corps que l'on rencontre communément

dans les alcools commerciaux. Il reconnaît que la loi de toxicité

indiquée par Rabuteau et par Dujardin-Beaumetz et Audigé est

exacte; il démontre que l'exception que ces auteurs admettaient ^

.pour l'alcool méthylique n'existe pas, cet alcool étant moins toxique ?

que l'alcool éthylique. La différence de toxicité entre les divers

alcools homologues est beaucoup plus grande que Dujardin-Beau-

metz et Audigé ne l'avaient indiqué. Ainsi, taudis que le moins

toxique, l'alcool méthylique, a pour équivalent toxique 25, l'équi-

valent toxique de l'alcool éthylique est 12, et celui de l'alcool amy-

lique 0,63. L'acétone possède aussi un haut degré de toxicité (5,25),

l'aldéhyde est encore plus toxique (1,14). Le furfurol est, de toutes

les substances expérimentées, le plus toxique; 24 centigrammes

pour 1 kilogramme d'animal tuent. '

M. Jolfroy décrit ensuite la physionomie clinique de l'action de

ces corps; les convulsions dues à l'alcool méthylique s'atténuent

avec l'alcool éthylique et disparaissent avec les alcools supérieurs

pour faire place à un état comateux subit; il insiste sur les phé-

nomènes dyspnéiques engendrés par le furfurol. Il termine enfin

par des remarques expérimentales sur la toxicité de l'essence

d'absinthe; son action diffère suivant l'alcool dans lequel elle est

dissoute (elle ne provoque plus d'attaques d'épilepsie si elle est

injectée en solution dans l'alcool éthylique).

Cette technique s'applique il la mesure de la toxicité des alcools

du commerce : cognac 1891 (11,41), armagnac vieux (11,10), eau-

de-vie de cidre 1894 (10,57), marc de Bourgogne (9,rJ5), eau-de'vie

de prunes 1894 (9,41), kirsch vieux (8,40), alcool de betteraves de

2° distillation (9,78). La toxicité paraît augmenter un peu avec le

vieillissement. Cette méthode pourra être utilisée dans le but de

mesurer la toxicité d'autres liquides; il est à prévoir qu'elle sera

féconde en résultats. (A suivre.)

Ancnmn l. l. \\\. 17

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ NIÉDICO-PSYCIIOLOCIQUE.

- Séance du 25 juillet 1895. - Présidence de M. PAUL Moreau.

Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.

Elections. - M. BRIAND donne lecture d'un rapport sur la candi-

dature de M. Trenel médecin-adjoint des asiles de la région de

Paris, qui sollicite le titre de membre correspondant.

M. Trenel est élu à l'unanimité. M. B.

CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ALLEMANDS'.

SESSION DE DRESDE.

Séance du 21 septembre 1894, - Présidence du professeur JOLLY.

Professeur BINSWANGER. La. délimitation de la paralysie générale.

Cette question, des plus difficiles à résoudre, est étroitement en

rapport avec cet autre problème : existe-t-il des caractères anato-

miques, étiologiques ou cliniques; qui permettent d'affirmer l'exis-

tence de la paralysie générale ? Parmi les signes anatomiques

microscopiques, les plus importants sont : la diminution du poids

du cerveau, les altérations des méninges, l'atrophie de l'écorce et

les granulations épendymaires. La diminution de poids du cerveau

peut manquer dans les cas récents ou être masquée par l'oedème

cérébral, mais elle ne manque pas dans les cas anciens. Les lésions

des méninges sont parfois bien peu accusées dans les cas récents;

en outre, elles peuvent être rencontrées en dehors de la paralysie

générale. De même pour l'atrophie de l'écorce qui peut faire défaut

dans les cas récents ou être masquée par l'oedème. Les granula-

tions épendymaires manquent rarement, mais elles peuvent être

observées chez des sujets non paralytiques. En résumé, aucun de

ces signes ne peut, à lui seul, faire affirmer la paralysie générale;

l'absence d'une quelconque de ces lésions ne peut pas davantage

1 Voir Archives de Neurologie, n° 101.

SOCIÉTÉS SAVANTES. zou

faire rejeter celte affection; mais la réunion de ces diverses altéra-

tions permet d'admettre l'existence de la paralysie générale.

Il en est de même pour les lésions microscopiques. L'atrophie

des fibres à myéline se rencontie dans d'autres psychopathies; on

peut en dire autant des altérations de la névroglie, des vaisseaux

et des cellules. La distinction avec la démence sénile et certaines

psychoses toxiques est parfois malaisée.

Au point de vue étiologique, les difficultés ne sont pas moins

grandes. On reconnaît de plus en plus le rôle important de la

syphilis que l'auteur a relevé dans la moitié des cas. Mais il y a

d'autres causes que la syphilis. Parmi les symptômes cliniques,

aucun n'est pathognomonique.

Il faut séparer de la paralysie générale typique deux formes qui

s'en distinguent au point de vue clinique et anatomique : 1° l'en-

céphalite sous-corticale, dans laquelle les lésions intéressent la subs-

tance des hémisphères plus que l'écorce. Au point de vue clinique,

symptômes de lésions en foyer (l'auteur a observé un cas d'atro-

phie de la substance blanche du lobe occipilal avec atrophie de la

corne ventriculaire correspondante); 2° la dégénérescence athéroma-

leuse du cerveau qui frappe en général des sujets d'un âge déjà

avancé. On note chez eux un athérome généralisé, de l'alhumi-

nuiie, et parfois une dégénérescence des reins. Au point de vue

clinique. on observe une variabilité des symptômes, un état parti-

culier d obnubilation intellectuelle passagère.

Discussion : 1\1. Siesierling insiste sur l'importance des altérations

médullaires (tabès, lésions des cordons pyramidaux). Dans l'encé-

phalite sous-corticale progressive, il y a vraisemblablement des

lésions vasculaires. Pour ce qui est de la folie présénile, ne peut-

on la considérer comme relevant d'un état d'infériorité intellec-

tuelle ?

M. ALZHEIMEA rappelle que Nissl et lui ont constaté, chez les para-

lytiques généraux, la karyokinèse dans les éléments de la névro-

glie. Dans deux cas aigus, ils ont observé une dégénérescence des

cellules ganglionnaires et une hypertrophie des éléments de la

névroglie; ces derniers présentaient un état de division du noyau.

Les vaisseaux étaient peu altérés à part ici et là de la karyokinèse

des noyaux de l'adventice et de la tunique interne. L'auteur admet,

avec M. Binswanger, qu'il y a lieu de distinguer de la paralysie

générale une dégénération du cerveau d'origine artério-scléreuse.

M. TuczEK. - La difficulté est de trouver une délimitation de la

paralysie générale au point de vue clinique. Parmi les formes qui

doivent être séparées de la paralysie progressive par le manque de

rapport entre l'intensité des troubles de la parole et de la coordi-

nation d'une part et le degré moins accentué, l'absence de marche

progressive des symptômes intellectuels d'une part, il faut citer les

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

psychoses toxiques. La sclérose épendymaire n'a pas grande im-

portance au point de vue de l'existence de la démence paralytique.

Plus caractéristique est la disparition des fibres à myéline, qui se

rencontre même dans les cas récents de paralysie générale. On l'a

signalée également dans les pseudo-paralysies, dans les formes

séniles, les intoxications, les arrêts du développement. Mais dans

la paralysie générale la disparition des fibres à myéline prédomine

dans la région antérieure du cerveau; en outre, on observe des

lésions de la moelle.

M. GAUSER accorde un rôle étiologique important à la syphilis;

celle-ci se rencontre dans plus de la moitié des cas. On ne peut

pas dire que les lésions vasculaires de la paralysie générale ne sont

pas des lésions syphilitiques. Ce qui est vrai, c'est qu'actuellement

l'anatomie pathologique ne sait pas distinguer les affections syphi-

litiques des vaisseaux (l'artérite gommeuse étant, bien entendu,

mise de côté) des altérations vasculaires de l'artério-sclérose ou de

l'alcoolisme. Quant à l'immobilité des pupilles, elle ne peut, à elle

seule, avoir grande importance. Parmi les formes qui simulent la

paralysie générale, il a observé un cas de folie alcoolique et un

- cas de névrite alcoolique.

« M. nIENDEL. - Dans bien des cas on peut distinguer 12s symp-

tômes provoqués par une lésion en foyer de ceux qui relèvent de

la paralysie générale. Les difficultés deviennent considérables

quand il s'agit de lésions en foyer multiples. Le diagnostic est

souvent impossible : chez un sujet diagnostiqué paralytique général

on a trouvé cinq hyphiiomes. M. Mendel rappelle qu'il a été le

premier en Allemagne à défendre l'origine syphilitique de la

^paralysie générale, thèse actuellement admise par la plupart des

médecins. La paralysie générale n'est pas pour cela une affection

syphilitique : l'infection ne fait que préparer le terrain. Les causes

psychiques ont un rôle important (soucis, surmenage). La perte

- des réflexes pupillaires est un symptôme de lésion en foyer. Chez

-l'animal ces réflexes peuvent être localisés au niveau des ganglions

de l'habénule (partie postérieure du troisième ventricule). M. Men-

del observe un sujet qui présente depuis quinze ans une immobilité

.des pupilles, sans qu'il soit atteint de tabès ou de paralysie

générale.

' M. Alzheimer. L'atrophie nrtério-scléreuse du cerveau. - Cette

forme doit être séparée de la paralysie générale. La maladie, due

'à des lésions athéromateuses des vaisseaux, débute de quarante-

'cinq à cinquante-cinq ans; elle est plus fréquente chez l'homme.

- Elle coïncide avec un athérome généralisé. La syphilis n'a pas été

rencontrée. Les excès de bière et de cidre paraissent jouer un

-certain rôle dans son développement. L'hérédité a été observée

(artério-sclérose, apoplexie). Douze cas ont été étudiés.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261

Les prodromes durent parfois plusieurs années : maux de tête,

vertiges, fatigue rapide, irascibilité. Puis survient une diminution

de la mémoire qui affecte vivement le patient. On observe des

accès d'obnubilation, d'anxiété, accompagnés de troubles circula-

toires. Dans un cas, le début a été subit, signalé par un ictus

apoplectique. A la période d'état on constate une augmentation

de la faiblesse de la mémoire ainsi que la diminution du juge-

ment. Les conceptions délirantes font habituellement défaut; on

note habituellement une certaine euphorie, ou des tendances

hypocondriaques. L'humeur est mobile. Ce qui distingue ces sujets

des paralytiques, c'est le calme, la conduite régulière, le pouvoir

de raisonner dont ils font preuve. Dans quelques cas on constate

un état de démence apathique, une amnésie notable coïncidant

avec une conduite normale pour le reste. On voit survenir parfois

des attaques apoplectiques. Au point de vue somatique, il faut

noter le tremblement, la parésie des membres inférieurs, l'exagé-

ration des réflexes patellaires, les troubles des réflexes pupillaires,

de l'embarras de la parole. Dans plus de la moitié des cas il y a

de l'hémiparésie.

A l'autopsie : arlério-sclérose généralisée : lésions rénales. Le

cerveau est peu atrophié. Les gaines lymphatiques des vaisseaux

sont agrandies; on constate l'existence de petits anévrysmes, de

petites hémorragies, des lésions en foyer (microscopiques), de la

névroglie au voisinage des vaisseaux dégénérés. Cette forme se

dislingue donc par le caractère de la dégénération qui se fait en

foyers microscopiques. Il y a lieu de la décrire isolément.

Discussion : M. Binswanger. - On peut observer dans cette

forme clinique des idées délirantes et des états hallucinatoires. La

mobilité des symptômes au début de la maladie est un signe im-

portant. Les accès d'obnubilation, les lacunes morales, la varia-

bilité de l'humeur, l'euphorie peuvent faire confondre cette affec-

tion avec la paralysie générale. L'encéphalite progressive sous-

corticale peut se développer à la faveur de l'altération vasculaire

qui caractérise la forme clinique qui vient d'être décrite. z

M. Siotr. - Ces malades sont assez rares dans les asiles, parce

que la démence est moins accusée chez eux, que ce sont surtout

les troubles de la mémoire qui prédominent. Les lacunes morales

fonl en outre souvent défaut.

M. MoeLi considère celle forme comme une variété des psychoses

séniles. Les malades se lamentent beaucoup sur leur situation, ont

des accès de confusion mentale; ils se rapprochent plus des

déments séniles que des paralytiques. On observe chez eux des

altérations médullaires ' qui expliquent la parésie des membres

inférieurs.

M. Jor.r.Y rapproche également ces cas de la démence sénile,

262 SOCIÉTÉS SAVANTES. .

dont ils constituent une forme précoce. La démence de la névrite

alcoolique présente avec cette forme de grandes analogies. Il est

probable que les lésions cérébrales sont les mêmes.

M. ALZHEI)fER fait observer que, si l'on peut constater chez les

malades qu'il a étudiés des états d'agitation, des accès hallucina-

toires, il s'agit de complications dues au diabète, à des néphrites,

à des cardiopathies non compensées. Sans doule il faut rapprocher

cette forme de la démence sénile et l'éloigner de la paralysie

générale. Mais la démence sénile est une affection diffuse, tandis

que l'atrophie artério-scléreuse présente des lésions en foyer.

M. VOGT lit un travail sur les faisceaux de fibres des corps

calleux.

Séance du 22 septembre.

M. MENDEL. Les aliénés dans le projet du Code civil de l'empire

allemand. - L'interdiction, d'après le projet en question, pourra

être prononcée, en cas de maladie mentale, quand le malade, par

suite de son affection, est incapable de surveiller ses intérêts.

1\1, Mendel a demandé depuis longtemps que les buveurs d'habitude

puissent également être interdits lorsqu'ils deviennent dangereux

pour la sécurité publique ou qu'ils sont incapables de veiller à

leurs affaires. Le projet de loi tient compte de cette réclamation

souvent reproduite par les médecins compétents : t L'ivrognerie, y

est-il dit, est une maladie sociale si grave, l'opinion publique s'est

prononcée si souvent en faveur de mesures légales contre le fléau,

que le législateur ne peut se soustraire au devoir d'entraver les

progrès de l'alcoolisme par tous les moyens qui sont en son pou-

voir... L'interdiction des buveurs d'habitude facilitera leur inter-

nement dans un établissement spécial de traitement. » L'interdic-

tion, dit le projet de loi, pourra êlre prononcée en cas d'habitudes

d'ivrognerie, si le buveur est devenu incapable d'accomplir ses

obligations habituelles, s'il fait courir à lui-même ou aux siens le

danger de la ruine ou s'il est dangereux pour la sécurité pu-

Ilique... -

Le premier projet de loi n'avait pas considéré la folie comme

pouvant être invoquée pour motiver la séparation de deux époux.

M. Mendel et Kralft-Ebing ont signalé la nécessité de classe la

folie parmi les faits'pouvant être invoqués en faveur d'une sépa-

ration. Le projet de loi actuel admet cette manière de voir, lorsque

la maladie mentale aura duré trois années depuis le mariage et

empêchera, par son degré, la vie commune ; lorsque le retour

à la raison et à la vie commune ne paraîtra pas possible. Le pa-

ragraphe 150 spécifie que les sujets en état d'inconscience ou dont le

libre arbitre aura été détruit par uue maladie mentale ne seront

pas considérés comme responsables. `

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

Le Congrès vote une résolution dans laquelle il exprime sa sa-

tisfaction de voir qu'il a été tenu compte dans la rédaction du

Code civil projeté des voeux des médecins aliénistes.

M. HITZIG. S ? le rapport de M. Tigges à propos de l'affaire Feld-

manne M. Hitzig soumet au Congrès les propositions suivantes :

1° Feldmann est atteint d'une affection mentale (paranoïa)

depuis 1881; 2° les affirmations des magistrats qui tendaient à

présenter Feldmann comme non dangereux et par suite comme ne

devant être ni interdit, ni interné, ces affirmations ne sauraient

être admises par les médecins compétents; 3° il est inexact que

Feldmann ait subi de mauvais traitements dans les asiles où il a

été interné; 4° le Congrès regrette la conduite du Dr Finkelnburg

qui a cru devoir, à propos de cette affaire, jeter le discrédit sur les

asiles de la province rhénane. Après une courte discussion dans

laquelle on donne des preuves convaincantes que Feldmann était

aliéné, le Congrès adopte les propositions de M. Hitzig.

Gconc ILDERG. Le délire hallucinatoire. - L'auteur fait une étude

du délire hallucinatoire basée sur quarante observations de malades

guéris. Il a éliminé les cas d'origine toxique (alcool, morphine,

cocaïne, plomb, maladies aiguës fébriles). Des hallucinations ou des

illusions de l'ouïe ont été constatées chez tous les malades; des

troubles sensoriels visuels dans la moitié des cas; des troubles de

la sensibilité générale dans un quart. Les hallucinations du goût

et de l'odorat ont été rarement observées. Les troubles auditifs

étaient de nature élémentaire ou consistaient en mots isolés, en

phrases courtes, en interpellations, en questions, en ordres, parfois

en conversations. Le contenu des hallucinations était flatteur,

religieux, effrayant, ou indifférent. Souvent le malade pouvait

spécifier qu'il entendait et d'où on lui parlait. La plupart des

troubles hallucinatoires ont provoqué des conceptions délirantes

telles que idées de persécution, de grandeur, d'empoisonnement,

de négation, idées érotiques, hypocondriaques.

Les idées de persécution étaient des plus fréquentes; celles de

grandeur, plus rares, ne se montraient que chez des héréditaires

et revêtaient le plus souvent une couleur religieuse. Les concep-

tions délirantes sont parfois assez complexes, mais leur systémati-

sation est lâche; leur contenu est sujet à se modifier. L'humeur

est habituellement liée à la nature des hallucinations et présente

les nuances les plus variées, avec prédominance de la forme

dépressive. La conscience est en général quelque peu troublée,

mais le malade peut s'orienter. La confusion n'est jamais primi-

tive ; ce n'est que consécutivement à la multiplicité des hallucina-

tions et à de graves modifications de l'humeur que l'on peut par-

fois constater un état accusé de confusion, d'ailleurs passager. Le

refus d'aliments, les tentatives d'évasion, les tentatives de suicide,-

64 . VARIA.

les actes de violence sont fréquents. On observe aussi des symptômes

somatiques. On constate chez certains malades de l'excitation

motrice, de la fuite des idées, des modifications de l'humeur, des

symptômes de paralysie psychique ou motrice. La catalepsie,

l'extase, l'immobilité sont des manifestations épisodiques. ,

Le début de la maladie est précédé d'un stade prodromique dont

la durée varie d'un jour à plusieurs semaines et que caractérisent

des anomalies psychiques ou somatiques peu accusées. La guérison

se produit après plusieurs semaines ou plusieurs mois. Pas de perte

du souvenir. On observe fréquemment des rémissions et des

rechutes. Le poids du corps diminue dans les premiers temps de

la maladie. La durée moyenne est de quatre mois et demi; les

durées extrêmes observées ont été de un mois et de quinze mois.

Les deux tiers des malades appartenaient au sexe masculin. L'âge

moyen était de trente-trois ans (âges extrêmes : vingt et dix-huit

ans). Un tiers des patients étaient des héréditaires; la maladie s'est

rencontrée chez des sujets jusque-là normaux. Parmi les facteurs

éliologiques, on note : un état physique défectueux (anémie,

embarras gastrique, maladies de l'oreille), des causes dépressives

(maladie ou mort de parents, soucis, chagrins, amour malheureux),

le smmenage, l'isolement (dans les prisons). Le délire hallucina-

toire a un rôle important dans la folie périodique et circulaire. Il

ne se termine'jamais par un délire systématisé, mais parfois par

un état de faiblesse psychique secondaire. P. Sérieux.

VARIA.

Traitement ET éducation des enfants IDIOTS. - Rapport

DE FERRUS SUR l'établissement privé D'EDOUARD Séguin.

Dans la préface que nous avons placée en tête du troisième

volume de notre Bibliothèque d'éducation spéciale, intitulé :

Rapport et mémoires sur l'éducation des enfants normaux et

anormaux, par E. SÉGuiN, nous avons reproduit une série de

documents qui marquaient les diverses phases de l'existence

si bien remplie de Séguin. Nous avons alors exprimé le regret

de n'avoir pu remettre la main sur un rapport fait par Ferrus,

inspecteur général des établissements de bienfaisance, rapport

varia. 265

relatif à l'école privée qu'avait fondée Séguin pour les enfants

idiots. Nous l'avons retrouvé et pour être sûr qu'il ne s'égare

pas de nouveau nous l'insérons dans les 1 w;hioes de Neurologie,

en attendant que nous puissions l'intercaler dans la préface

dont nous venons de parler. B.

Paris, le 21 juin 1810.

Monsieur le Ministre,

Par votre lettre du... ? vous m'avez ordonné de visiter rétablis-

sement fondé par M. Sénuiu, rue Pigale, n° 6, pour l'éducation des

jeunes idiots et de vous faire connaître les résultats qu'il avait obte-

nus de son entrepri.-e philanthropique.

Je me suis rendu à plusieurs reprises chez M. Séguin et avant

d'écrire ce rapport, j'ai voulu pouvoir juger les faits que M.Béguin a

déjà portés ou compte porter bientôt à la connaissance du public.

Premier fait. - En seize mois, M. Séguin a appris à lire, écrire,

compter, parler, s'habiller, etc., à un idiot de huit ans; ce fait est

de beaucoup antérieur à la mission que vous m'avez confiée, je n'ai

pu le vérifier par moi-même, mais l'authenticité en est certifiée par

MM. Guersent et Esquirol. Seulement il manque à celte vérification

et à l'alfirmation favorable de ces messieurs une pièce importante,

c'est un procès-verbal ou du moins un compte rendu fort exact de

l'état du jeune enfant au moment où M. Séguin s'est chargé de

l'instruire et une détermination précise du degré et de l'espèce

d'idiotisme dont il était atteint.

Second fait. - J'ai été témoin oculaire des progrès du jeune idiot

M... A ma première visite, dans laquelle j'étais accompagné par

M. Durieu, nous vîmes un jeune homme de vingt ans et demi qui

présentait tout l'aspect extérieur d'un enfant de douze ans.

Son corps grêle et sans soutien, supportait à grand'peine une fête

fort volumineuse ; celle-ci a 21 pouces de circonférence; je jugeai

tout d'abord, non seulement à son développement, mais encore à

sa forme, qu'elle appartenait à un hydrocéphale. Une observation

plus attentive a confirmé cette première pensée. Le poids de cette

tête accablait le corps de l'enfant, aussi sa démarche était on ne

peut pas plus chancelante et quoiqu'il eût déjà, sous ce rapport,

fait quelques progrès, il ne pouvait marcher sans appui qu'avec une

grande difficulté. Son corps penché à gauche manquait d'équi-

libre.

Il ne mâchait pas ses aliments ; n'exécutait de lui-même avec

les bras qu'un mouvement spasmodique de dedans en dehors.

Les moindres mouvements étaient marqués au coin de la plus

grande maladresse ou même d'une impuissance absolue.

166 VA'RIA.

Le maître et un gardien étaient alors occupés tous deux à obte-

nir de leur élève qu'il lançât une boule au milieu d'un jeu de quilles

placé à quelques pas de lui; l'idiot ne comprenait pas le but de cette

.action, n'y prenait aucun plaisir, de plus il était évident qu'une

volonté quelconque manquerait à l'exécution de cet acte comme à

l'exécution de tous ceux qu'on lui demandait. La débilité, l'imbé-

cillité des mouvements étaient extrêmes. Il manquait là un mobile

intérieur et en outre les agents d'exécution manquaient de déve-

loppement et d'activité.

La physionomie portait l'empreinte de la stupidité, les yeux et

l'ouïe seuls semblaient recevoir quelques impressions, ils étaient

inquiets plutôt qu'actifs et se dérobaient à toute action rationnelle

et continue. La lèvre inférieure était pendante, une salive visqueuse

découlait sans cesse de cette bouche hébétée.

Les notions de l'enfant se bornaient à des appétits ou à des habi-

tudes. Les sentiments affectueux, qui se bornaient à une certaine

connaissance des personnes qui lui donnaient des soin*, ne s'expri-

maient que par une forte contraction des muscles de la face et le

tremblement nerveux des bras. Sa voix était rauque, involontaire

et bornée à trois ou quatre sons d'une articulation inappréciable.

La maigreur et l'extrême faiblesse de l'enfant avaient été presque

uniquement l'objet de l'attention de M. Séguin, qui commençait

seulement depuis quelques jours à préparer son élève à l'étude de

l'alphabet. Depuis cette époque, 24 février, j'ai laissé s'écouler deux

mois pour apprécier l'influence du mode d'éducation appliqué,

dont vous m'avez chargé de vous rendre compte.

Le 25 avril, j'ai revu le jeune M..., marchant beaucoup mieux,

commençant à courir, monter et descendre, se tenir droit et se

mouvoir avec une aisance dont je ne l'aurais pas cru capable. Son

torse redresse, ses hanches presque également dessinées, l'inéga-

lité de ses épaules à peinp sensible, ses bras et ses mains as-ouplis

forts et adroits au point qu'il traîne de lourdes brouettes, arrose,

rabote, joue aux quilles et se livre à divers exercices mnastiqiies,

qui ne manquaient pas de difficulté. Il a grandi de plus d'un pouce,

il est propre la nuit, indique ses besoins le jour, ne bave presque

plus, mâche ses aliments, monte sur son lit et en descend seul ; sa

figure a pris de l'expression, le regard de la fixité, l'ouïe et la voix

du développement, tandis que l'articulation s'enrichissait de quel-

ques sons qui ne sont pas encore la parole, mais qui peuvent la

faire espérer.

L'enfant est sorti du cadre étroit des choses relatives à ses goûts

pour entrer dans celui des choses relatives à l'ordre intellectuel. Il

a discerné des objets qui n'avaient aucun rapport avec ses appé-

tits ; puis le rapport de ces objets avec leur représentation, et enfin

avec leur nom. Il a discerné des lettres et il a connu son alphabet

dans sa double expression graphique et verbale ; aujourd'hui il lit

varia. 267 Î

mentalement les syllabes ' qui lui sont présentées, car, dans une

collection de mots substantifs, tracés sur des cartons, il choisit le

mot relatif à l'objet qu'il désire ou qu'on lui présente.

Ses sentiments affectueux se sont développés et les caresses

spontanées qu'il fait à son professeur, mises en regard de son

obéissance, sont la meilleure preuve du bienveillant ascendant que

ce dernier exerce sur ses élèves.

Troisième fait. - L'élève A..., âgée de douze ans, suit seulement

quatre heures par jour, depuis le 1er février dernier, les cours de

M. Séguin, elle n'avait jamais pu apprendre une lettre; en moins

de trois mois elle a su l'alphabet el lit des syllabes; elle parlait, ou

du moins voulait parler, car les organes de la parole s'étaient tou-

jours refusés, chez elle, à l'émission des articulations, même les plus

simples; maintenant elle articule de suite plusieurs syllables sim-

ples, et, isolément, les plus difficiles. L'ouïe est encore peu active

et impressionnable au commandement, mais le regard a singuliè-

rement gagné en fixité et en précision. Les lèvres, qui pendaient,

ont perdu de leur ampleur maladive et s'habituent, à une attitude

plus normale. La physionomie échappe à la contraction nerveuse

qui en dominait toutes les expressions ; le corps tout entier a pris

des habitudes plus régulières de locomotion ou de station, il agrandi

sous l'influence de l'âge, secondée par des exercices raisonnés,

de près de trois pouces.

Méthode et marche suivies par 31. Séguin. Ce rapport acquerrait

trop d'étendue si j'entrais dans tous les développements dont la

méthode de M. Séguin est susceptible, si je décrivais tous les pro-

cédés dont il est obligé de faire usage, et d'ailleurs M. Séguin les a

presque tous indiqués dans quelques brochures que je joindrai à

ce travail.

Il a parfaitement senti à quel point il importait d'abord d'amé-

liorer l'état physique des idiots, avant de chercher à développer les

parcelles rudimentaires de leur intelligence. Ce n'est qu'après leur

avoir appliqué le genre d'éducation auquel tous les animaux sont-

plus ou moins accessibles, qu'il recherche en eux les débris de l'hu-

manité ; tous ses procédés sont rationnels, tous ses moyens sont

ingénieux. Il apporte à l'exécution de cette oeuvre difficile une

volonté de fer, une patience admirable et pleine d'humanité.

Je pense, monsieur le ministre, que de semblables efforts doivent

être encouragés et que l'éducation des idiots, oeuvre aussi ingrate

que difficile, mérite votre bienveillant appui. L'entreprise tentée

par M. Séguin est digne de votre sollicitude, je pense qu'un des

meilleurs moyens d'encourager son zèle, serait de l'utiliser et

1 Collection de mois substantifs tracés sur des cartons, il choisit le mot

relatif à l'objet qu'il désire ou qu'on lui présente.

268 varia.

qu'on pourrait lui donner une application large et facile, en per-

mettant à M. Séguin d'organiser un enseignement dans quelqu'un

des asiles publics destinés aux idiots dans le département de la

Seine.

J'indiquerai particulièrement les sections d'enfants idiois ou tout

au moins imbéciles, placés dans les hospices d'incurables de la rue

de Sèvres ou du faubourg Saint-Martin.

' Daignez agréer, je vous prie, monsieur le ministre, l'hommage

de ma respectueuse considération. Signé : FIRRUS.

Ce rapport, qui est inédit, provient des papiers, manuscrits

de Ferrus et nous a été donné par M. Delasiauve.

Nécessité DE l'assistance DES enfants IDIOTS.

Parmi les affaires soumises à la session d'août des assises

du Calvados, nous trouvons la suivante, dont nous empruntons

le résumé au 13ozzlaomznelVozvzzand du 22 août.

Attentats à la pudeur sur des filles. - Louis Delahayes, soixante-

trois ans, charron à Coulônees, passait dans le pays pour avoir

l'habitude de se livrer à des actes d'immoralité sur des tilles idiotes

ou sourdes-muettes. Nombre de faits criminels dont il aurait à

répondre sont couverts par la prescription. Toutefois, depuis le

mois de juillet 1890, la prévention lui reproche trois attentats

commis sur les jeunes Valentine et Emilia. Gaillard et sur Augustine

Huet, âgées de cinq à six ans. Delahaye a été condamné à cinq ans.

L'argent qu'il va falloir consacrer l'entretien du misérable

condamné aurait été mieux employé à l'hospitalisation, au

traitement et à l'éducation de ses victimes. Ce fait s'ajoute aux

faits analogues, que nous avons cités et démontre la nécessité

de la réforme que nous défendons depuis si longtemps. Un

autre fait tiré du même journal, et concernant une autre caté-

gorie d'enfants anormaux, mérite également d'être rapporté.

Horrible séquestration. - Samedi, la gendarmerie de Troarn a

arrêté le nommé Bosquet journalier à Sannerville, pour séques-

tration du nommé Eugène Bazain, vingt ans, sourd-muet et enfant

naturel. Sa mère l'avait confié aux époux Bosquet pour 25 francs

par mois. Mais depuis quatre ans elle ne donnait plus rien. Alors

ils l'avaient enfermé dans une boite placée dans une cave humide.

Il n'y avait même pas la liberté de ses mouvements. La gendar-

merie a trouvé Bazain assis sur un tas d'excréments et vêtu seu-

lement d'une misérable chemise tombant en loques. Il a été amené

a l'Hôtel-Dieu de Caen. Bazain était à peine nourri et dans un état

d'émaciation épouvantable. Les voisins connaissaient ces faits

varia. 269

depuis longtemps, mais n'osaient pas parler. C'est une lettre ano-

nyme qui les signalés à la justice.

Les séquestrations de ce genre, malheureusement trop

communes, s'appliquent en général aux enfants anormaux,

surtout aux idiots, aux épileptiques, quelquefois aux aliénés.

Tant qu'on enregistrera des faits analogues à ceux que nous

venons de citer, on pourra dire qu'il n'existe pas dans notre

pays une assistance publique vraiment républicaine. Les mu-

nicipalités sont les premières coupables. Elles connaissent

parfaitement l'existence, dans leur commune, de ces déshérités

de l'intelligence. Elles ferment les yeux parce que si elles

remplissaient les devoirs que l'humanité leur commande, il

en résulterait une charge pourla commune. Les conseils géné-

raux, les préfets ont aussi leur part de responsabilité. Eux

aussi font passer avant toute autre considération l'intérêt des

finances départementales. Tout cela ne pourra se modifier que

quand, du ministère de l'intérieur, on saura donner partout une

véritable impulsion aux réformes de l'assistance publique. B.

Incendie A l'asile du comté d'Oxford.

« Nous avons le regret d'annoncer qu'un incendie désastreux a eu

lieu à l'asile de LiLtlemore, le 15 avril dernier, causant la destruc-

lion d'un pâté de maisons contenant le quartier des femmes en

observation. On suppose que le feu a pris dans un tuyau de che-

minée mal construite. Heureusement le feu fut signalé au moment

même où une compagnie de pompiers se rendait dans le voisi-

nage et par une curieuse coïncidence, juste à l'instant où le direc-

teur donnait l'alarme à la brigade de l'asile afin de l'exercer. Sous

la direction de leurs surveillants, les malades furent rapidement

installées dans les autres parties de l'asile, et nous sommes heu-

reux d'annoncer qu'aucun d'eux n'eut à souffrir. Malheureusement

il n'en a pas été de même parmi les pompiers; un grand nombre

ont été blessés en combattant activement le feu qui menaçait de

prendre de grandes proportions il cause d'un vent violent. Nous

n'avons que des félicitations à adresser à M. Sankey pour la

sagesse de ses dispositions prises pour la sécurité des malades et

du personnel et le sauvetage de la plus grande partie de l'ameu-

blement, de sorte que la direction est capable d'assurer les amis

des malades que les occupants du quartier brûlé sont bien soignés

dans les bâtiments principaux. » (trie Journal of mental Science,

juillet.)

Depuis bien des années nous avons insisté sur la nécessité de

210 FAITS DIVERS.

pourvoir d'eau en abondance tous les établissements hospitaliers,

tant au point de vue de l'alimentation (eau de source) qu'au point

de vue des incendies. Dans la plupart des hôpitaux ou des asiles

cet approvisionnement est insuffisant, même à Paris. En dépit de

cet appel réitéré, la situation ne s'est que très peu modifiée, il est

si commode de demeurer indifférent jusqu'à ce qu'un désastre

vienne secouer l'inertie et faire craindre des responsabilités...

morales.

FAITS DIVERS.

Asile de Brème. - On écrit à l'Etoile belge les détails suivants

sur la plainte publique portée par un médecin contre le traitement

des aliénés dans un asile de Brème :

« Selon le Dr Scholz, les châtiments corporels sont la règle dans

cet établissement et ils sont appliqués avec brutalité. Une pauvre

femme atteinte de mélancolie, était prise d'attaques au cours des-

quelles elle ne savait plus ce qu'elle faisait. C'est ainsi qu'un jour

elle arracha le bonnet d'une infirmière. Celle-ci, furieuse, revint

avec deux compagnes et elles rouèrent de coups la malheureuse

folle. Le Dr Scholz produit le certificat du médecin qui craint que

la victime ne se ressente toute sa vie de ce traitement barbare. Le

Dr Scholz raconte qu'il essaya de faire honte aux infirmiers et

infirmières de leur conduite à l'égard de pauvres êtres sans défense ;

ce fut en vain, et le pasteur de Bodelschwingh prit prti pour son

personnel contre les médecins qui la plupart quittèrent alors l'éta-

blissement.

« Depuis, le Dr Scholz a réuni un dossier complet des brutalités

commises à l'asile de Brème ; il signale des faits absolument révol-

tants d'individus foulés aux pieds, de femmes tirées par les cheveux,

de coups de pieds dans le ventre donnés aux malades. Le personnel

de la maison a l'habitude, paraît-il, de prendre les fous à la gorge

dès qu'ils font du bruit ou refusent d'obéir, ils appellent ce système

« tourner le robinet ». Ils affectionnent également les coups de

poing dans l'épigastre; ils appellent cette brutalité a donner un

apéritif ». Il paraît que même le pasteur de Bodelschwing donnait

l'exemple en distribuant des gitles aux malades, disant c que les

gifles étaient le pain quotidien des fous ».

« Nous allons donc avoir le pendant du procès de Mariaberg.'Une

dépêche de Brème annonce que tous les médecins de l'asile d'alié-

FAITS DIVERS. 271

nés ont donné leur démission et que le Parlement brêmois a voté

hier à l'unanimité un ordre du jour invitant le Sénat à faire une

enquête sur la situation de l'asile de Brème. »

Les faits criminels relevés à Mariaberg et à Brame montrent les

inconvénients de la direction des asiles par des gens incompétents,

qu'il s'agisse de pasteurs, de pl'êtl'es ou d'administrateurs qui, à la

fin d'une carrière où ils n'ont pas réussi, sont envoyés comme direc-

teurs dans les asiles. Les établissements consacrés à des malades

doivent être dirigés par des médecins. Les a-iles, pour être bien

dirigés ne doivent pas avoir plus de cinq à six cents malades. Toute

autre organisation est plus coûteuse et pleine d'inconvénients de

tous genres.

Maisons d'aliénés en ALLEMAGNE.SM ! 'oetu) : M. La Chambre

des députés de Prusse a discuté récemment l'interpellation con-

cernant la surveillance exercée par l'Etat dans les maisons d'alié-

nés. M. Bosoe, ministre des cultes, de l'instruction publique et des

affaires médicales, a reconnu que des fautes ont été commises dans

la gestion de l'asile de lllariaberg. On s'est trompé, non pas en ce

qui concerne les aliénés, mais peut-être en ce qui touche les auto-

rités. Le ministre a déclaré qu'il faut avant tout que les personnes

qui soignent les malades et les malades eux-mêmes soient soumis a

une surveillance.rigoureuse. Il ne croit pas qu'il faille entièrement

interdire aux ecclésiastiques de soigner les malades; mais il pense

que les ecclésiastiques doivent être subordonnés aux médecins. Il

faut maintenant constituer une commission composée de repré-

sentants du gouvernement, qui sera chargée de visiter les établis-

sements d'aliénés. M. Bosse a terminé en déclarant qu'il regrette

profondément, au point de vue patriotique et au point de vue hu-

manitaire, ce qui s'est passé au cloître de Alariaberg et que le

gouvernement fera tout ce qu'il pourra pour empêcher le renou-

vellement de pareils faits.

L'association CONTRE l'abus DES boissons alcooliques (Société

française de Tempérance), fondée en 1872 et reconnue d'utilité pu-

blique en 1880 vient de tenir son assemblée genérale et de nommer

son bureau pour 1895, qui est composé de la façon suivante :

président : M. le Dr Semelaigne; vice-présidents : D1' Blanche,

M. Glandaz, D1' Motet, M Van den Dorpel; secrétaire général :

Dr E. Philbert; secrétaires généraux adjoints : Drs Bouchereau et

Charpentier; secrétaires des séances : Drs Audigé et Moreau (de

Tours); bibliothécaire-archiviste : Dr Cruet; trésorier : M. Jules

Robins. Parmi les présidents d'honneur, nous remarquons les

noms de MM. Jules Hergeron, Frédéric Passy, D1' Dujardin-Beau-

melz, Aluteau, Albert Desjardins, or Théophile Roussel, Bar-

thélémy Saint-Iliidire, professeur Bouchard, professeur Guyon,

professeur Polain, de Nervaux, Béranger, Dietz-Monin, D1' Hérard,

272 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 1

Siegfried, Yves Guyot, Cheysson, Dr Magnan, Decroix, Bertau-

mieux, Herscher, Jean Monnier, etc., etc.

Assistance DES enfants idiots. Un fonctionnaire de l'Assis-

tance publique nous a adressé, le 26 juin dernier, un enfant idiot

en invoquant l'impossibilité, en raison de son agitation, de le

placer dans un hôpital d'enfants, et il ajoute : « Le père, maître

d'hôtel chez un restaurateur, gagne peu, ne dispose que de quelques

heures chaque nuit, et à côté de son petit enfant sommeil est

devenu tout à fait impossible. » - D'où le devoir de la société de

prendre ces enfants pour permettre au père de vivre et aussi pour

améliorer, traiter, éduquer ces déshérités.

Alcoolisme A la Chambre DES députés. M. Ed. Vaillant a obtenu

l'introduction dans la loi d'un texte spécial défendant la fabrication

de toutes les essences de liqueurs déclarées dangereuses par l'Aca-

démie de Médecine.

BouR'<E\iLLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie. - (Compte rendu du service ries enfants idiots,

épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1894, t. XV, avec la

collaboration de M. Noir. - Volume in-8° de lmii-141 pages, avec 8 figures

et 4 planches. - Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 (r. 50. - Aux

bureau* du Progrès Médical.

CHARCOT (J.-B.). - Contribution a l'étude de l'atrophie musculaire

progressive. - (Type lMichenne-Aran.) Un volume in-8° de 176 pages

avec figures dans le texte et quatre planches en chromolithographie. -

Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 fr. 50. - Au Progrès Médical.

FLATAIJ (Ed.). - Allas du cerveau humain et du trajet des fibres ner-

l'p11SeS, avec une préface de M. le professeur 1\levoec. - Volume in-4° de

27 pages, avec 8 planches et leur explication. Paris, 1894. - Librairie

Carré.

IRviNG C. Rosse. - Some Medico-legal fealures of Ilte Schneidet''case.

- Brochure in-8° de 16 pages. - Chicago, 1893. American Médical

Association Press.

LAItROUSSIRIE (P.). - De la dissimulation chez les aliénés. - Volume

in-8° de 132 pages. - Paris, 1895. - Librairie Ollier-Ilenry. : PATALO¡¡I. Kyste hydatique du foie. Variété posléro-inférieure.

Laparalomie et résection partielle de la poche. Guérison. - 11° partie,

par Bounu,.A et fnsTnr.onu : pilepsie et folie épileptique due « un lrcttt-

111atisme crânien remontant à vingt-cinq ans et guéries par trépanation,

- Brochure in-8° de 17 pages, avec une figure. - Paris, 1895. - Institut

international de Biographie médicale.

, Le rédacteur-gérant : Boursnewcce.

1 ? rrew, f'I. HRl5SEY, imp. - 05.

Vol. XXX. Octobre 1895. N° 104

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

ÉTUDE SUR LA \fÉNI\GO-11YL,LITE DIFFUSE DANS LE TABES,

. LA PARALYSIE GÉNÉRALE ET LA SYPHILIS SPINALE ;

Par le Dur NAGEOTTE,

Chef des travaux d'anatomie pathologique de la Clinique des maladies nerveuses

à la Salpêtrière '.

Les faits sur lesquels le présent travail se fonde n'ont pas

trait.à la lésion que nous considérons comme la caractéris-

tique du tabes; ils ont d'ailleurs été recueillis, dans le service

de M. le professeur Raymond, à une époque où notre attention

n'avait pas encore été attirée de ce côté; ils sont par consé-

quent incomplets et ne comprennent pas l'étude des nerfs ra-

diculaires. Néanmoins nous avons cru devoir les publier à

cause de certains détails qui nous permettent de préciser plus

exactement, peut-être, les rapports qui unissent le tabes à la

paralysie générale et même aux affections syphilitiques loca-

lisées des centres nerveux. Nous n'avons pas la prétention de

décrire des lésions nouvelles, car les détails sur lesquels nous

voulons insister sont assez bien connus ; mais il nous a sem-

blé qu'il y aurait quelque utilité à tenter de les grouper un peu,

différemment qu'on a l'habitude de le faire. z

L'idée générale que nous voudrions voir se dégager de nos

descriptions histologiques est' que, dans un certain : groupe de

maladies nerveuses chroniques, dont la clinique. nous montre

Travail du laboratoire de M. le P' RAYMOND.

Archives, t. XXX. " 18

274 CLINIQUE NERVEUSE.

les rapports particulièrement étroits avec la syphilis, il existe

des lésions diffuses, portant sur les vaisseaux et le tissu con-

jonctif et étendues à une très grande partie de l'axe nerveux;

ces lésions diffuses, considérées indépendamment de leur élé-

ment causal, ont une physionomie très spéciale; enfin la

simple exagération de ce processus en des points spéciaux, va-

riables suivant les circonstances, suffit pour créer telle ou

telle espèce nosologique. En d'autres termes il nous semble

que les lésions vasculo-conjonctives caractéristiques de cha-

cune des maladies que nous avons en vue névrite trans-

verse pour le tabes, -méningo-encéphalite pour la paralysie

générale, méningo-myélite plus ou moins circonscrite pour

les différentes espèces de syphilis spinale - se mettent en

relief sur un fond commun d'inflammation diffuse qui est de

même nature dans chacune d'elles et qui leur sert, en quelque

sorte. de trait d'union.

En somme, nous ne faisons que marcher dans la voie qui a

été ouverte ici même par notre maître, M. le professeur Ray-

mond' : qu'il nous permette de lui exprimer toute notre recon-

naissance pour les précieux matériaux, la haute direction et

les bienveillants encouragements qu'il nous a prodigués. Les

observations qui suivent, et celles que nous rappelons, mon-

trent que notre travail n'est pas basé sur des faits excep-

tionnels. mais sur des cas absolument classiques; d'ailleurs

tous les cas de tabes et de paralysie générale, isolés ou unis,

qui ont passé sous nos yeux ont régulièrement présenté des

lésions diffuses faites exactement sur le même type. Nous

nous occuperons plus particulièrement de ce qui a trait à la

moelle épinière.

Observation I. - Paralysie générale, symptômes tabétiformes, mé-

ningo-myélite diffuse. - Wele,. quarante-un ans, marchand ambu-

lant. Consultation de l'hôpital Lariboisière, 7 décembre 1892. C'est

un israélite roumain, employé de chemin de fer dans son pays

qu'il a quitté croyant trouver une situation meilleure à Paris, mais

il y gagne à peine sa vie et se trouve dans la misère.

Antécédentshérélilcciresetpersotnels. - On ne découvre aucune tare

nerveuse dans ses antécédents. Lui-môme n'aurait fait aucune ma-

ladie grave; à dix-huit ans, après un coit suspect, il a eu mal à la

verge passagèrement. On ne peut lui faire préciser davantage la

1 F. Raymond. - Contribution à l'étude de la syphilis du système

nerveux. (Arcla. de Neurologie, 1894.)

ÉTUDE SUR LA lIfENINGO-llfY&LITE. 275

nature de cet accident, son peu de connaissance de là langue fran-

çaise et «on état mental rendant l'interrogatoire difficile. Il n'aurait

pas eu d'accidents secondaires ; il a deux enfants bien portants et sa

femme est acluellement enceinte.

Histoire de lu maladie . Depuis lontemps Wek.. se plaint de maux

de tête; aussi bien au physique qu'au moral il n'est plus le même

depuis des mois; il y a trois mois en se levant le malin il tombe,

pris d'un étourdissement, et se met à vomir, c'est tout ce qu'il sait

de cet accident, mais depuis la céphalalgie est continuelle, il y a

de la somnolence, de l'allaihlissement généra], de l'incontinence

d'urine parfois; le caractère devient violent, la mémoire faiblit, la

parole s'embarrasse, les mains tremblent et cet état affecte beaucoup

le malade, qui se sent incapable de travailler.

État actuel. - Wek... a un air niais et pleurnicheur, sa mémoire

des faits recents est fort altérée, tandi- qu'il a bien conservé les no-

tions acquises antérieurement, ses facultés intellectuelles sont consi-

dérablemeut affaissées.

Les muscles de la face, des lèvres et delà langue sont animés d'un

tremblement fibrillaire intense; la parole est hésitante, entrecou-

pée d'achoppements entre les syllabes difficiles ; les mains sont

maladroites et tremblent également.

Pas de troubles de la sensibilité ni des sens, sauf de l'odorat qui

paraît alfaibli. Les pupilles puncti former égaies, ne réagissent ni à la

lumière ni à l'accommodation. Les réflexes patellaires sont abolis;

le signe de Romberg est absent; il n'existe pas d'ataxie des membres

supérieurs.

En résumé les troubles somaliques et intellectuels permettent de

diagnostiquer la paralysie générale ; les symptômes médullaires par

contre laissent soupçonner le tabès, sans qu'on puisse rien affirmer ;

enfin la syphilis est considérée comme possible.

Évolution ultérieure de la maladie. L'état du malade reste à peu

près stationnaire pendant les mois de janvier, février et mars 1893.

Le 16 avril, après avoir passé la journée dans sa cour, la tête sur

son bras, sans rien dire, il tombe sans connaissance; on le relève

hémiplégique; le côté droit du corps est paralysé, la paupière

tombante, la bouche déviée à gauche. Apporté le lendemain dans la

salle J. Boulay, Wek... est dans un état comateux, les sphincters sont

paralysés; la température est de 38°, elle monte à 38°,9, puis à 40°

le jour suivant et la. mort survient dans la nuit du 18 au 19 avril.

Autopsie. - Le cadavre est très musclé, très vigoureux d'aspect;

l'embonpoint est conservé. La moelle ne présente pas de lésion

apparente, sauf un certain degré d'épaississement des méninges

molles. L'arachnoïde présente de nombreuses plaques calcaires

dans la région lombaire en arrière. Le plancher du quatrième ven-

tricule est couvert de granulations fines. Le cerveau est peu atrophié.

276 CLINIQUE NERVEUSE.

Les méninges molles, oedémateuses et blanchâtres à la convexité et

en avant, se décortiquent assez facilement, mais entraînent des

fragments de substance cérébrale, surtout sur le lobe temporo-

sphénoïdal qui présente une consistance assez molle. En outre

les ulcérations prédominent sur la circonvolution de Broca et la

partie inférieure des circonvolutions motrices. La pointe des lobes

frontaux est relativement intacte. Sur la coupe les deux hémis-

phères offrent un piqueté congestif très marqué, mais en aucun

point on ne trouve de lésion qui puisse expliquer l'ictus terminal.

Les ventricules latéraux sont peu dilatés; leur épendyme est gra-

nuleux, surtout au voisinage des trous de Monro. Les artères céré-

brales sont saines.

De nombreux points de l'écorce sont examinés à l'état frais; il

n'existe de corps granuleux nulle part. Les capillaires sont forte-

ment surchargés de noyaux arrondis en beaucoup de points; on

trouve aussi très fréquemment des gaines vasculaires remplies de

granulations de pigment sanguin, trace évidente de congestions sou-

vent répétées.

Les poumons sont légèrement adhérents sur une partie de leur

étendue; ils sont le siège, surtout à droite, d'un oedème congestif

très abondant. Il n'existe aucune trace de tuberculose. Le coeur est

volumineux, flasque, surchargé de graisse; il pèse 488 grammes.

L'endocarde est sain ; le myocarde est parsemé de plaques de sclérose.

L'aorte présente, dans toute son étendue de larges plaques molles,

un peu translucides, épaisses, arrondies, isolées ou agioméréos. Le

foie est volumineux, congestionné; il porte sur sa face convexe un

angiome du volume d'une noix, affleurant la surface. Les reins

sont très congestionnés, petits mais lisses et se décortiquent bien ;

ils pèsent ensemble 240 grammes. La rate est grosse, ferme, à glo-

mérules volumineux; elle pèse 270 grammes.

Examen histologigue. - Il n'existe pas de dégénérescence systé-

matisée ou diffuse de la moelle. Néanmoins les coupes colorées par

'la méthode de Pal paraissent moins foncées que des coupes de

moelle saine; certains tubes sont moins réguliers dans leurs con-

tours, un peu boursouflés; il est évident que les gaines de myéline

de tous les tubes ne sont pas absolument saines.

Les cellules nerveuses et les cylindres-axes n'ont pas souffert; les

tubes des racines antérieures et postérieures sont intacts. La névro-

glie n'a pas proliféré. Tout l'intérêt que présente cette moelle se

rapporte à l'état des vaisseaux et surtout des méninges.

La pie-mère, du haut en bas de la moelle et sur toute sa circon-

férence, est épaissie par l'adjonction, à sa surface externe, de

faisceaux conjonctifs longitudinaux pour la plupart; au-dessous

d'eux on reconnaît très bien les deux couches normales de la mé-

linge. Ces faisceauxsont disposés par groupes irréguliers, abondants

ÉTUDE SUR LA lIiÉNINGO-iYÉLITE. 277

surtout sur les parties latérales, au niveau de l'insertion du ligament

dentelé; ils sont de volume très inégal, très petits pour la plupart

et mélangés de fibres élastiques; leur groupement est assez lâche

et ils sont séparés, pour la plupart, par une substance que l'on croi-

rait amorphe au premier abord. En employant de plus forts grossis-

sements, on voit que cette substance qui forme des lignes ou de

petits lacs entre les fibres, est formée par de petits globes arrondis,

colorés à peine ou pas du tout par 1'liéniatoxylitie. Parmi eux il en

est qui se colorent un peu mieux et d'autres qui se colorent encore

fort bien; on voit alors qu'il «'agit de cellules embryonnaires qui

ont subi sur place une nécrose spéciale qui les empêche de se colo-

rer, sans avoir amené leur désagrégation. Quelques-uns de ces

globes sont un peu allongés, d'autres presque fusiformes; il semble

que les cellules embryonnaires qui leur ont donné naissance étaient

sur le point de s'organiser en tissu fibreux. Dans ces points les

faisceaux conjonctifs prennent un aspect réfringent spécial.

Au-dessous de cette couche adventice la pie-mère proprement dite

est pauvre en cellules colorées et les cellules qu'on aperçoit sont

toutes absolument rondes; on distingue également dans ses inters-

tices des cellules dégénérées.

Pourtant à la face profonde de la pie-mère, dans la région dor-

sale de préférence, on voit des amas de cellules à noyaux aplatis,

bien colorés, tous orientés parallèlement les uns aux autres. Ces

amas sont ordinairement triangulaires et embrassent l'origine

d'un vaisseau au niveau de son entrée dans la moelle. Il se forme

ainsi en plusieurs points des amas triangulaires de cellules fusi-

formes tellement serrées les unes contre les autres qu'à un faible

grossissement, sur les coupes colorées à l'hématoxyline, elles

forment une tache violette. Les cellules sont orientées parallèlement

au vaisseau et, sur la face externe, parallèlement à la méninge. Il

s'agit bien évidemment ici d'une évolution vers la sclérose du

même tissu embryonnaire qui, dans les courbes superficielles, a

subi une dégénérescence particulière; les amas triangulaires

résultent du tassement et de la transformation fibreuse de véri-

tables petits nodules périvasculaires tels que ceux qu'on voit dans

les méningo-myéliles syphilitiques en voie d'évolution (fig. 9).

Les vaisseaux qui cheminent à la surface de la pie-mère ont subi

des altérations de même nature. Les veines sont toutes atteintes;

elles ont des parois extrêmement épaissies, les petites surtout, dont

les tuniques peuvent atteindre une épaisseur de 5 à 10 fois plus

considérable que leur lumière. Cet épaississementest régulièrement

circulaire, ou bien au contraire excentrique, et rappelant par con-

séquent la disposition qu'affectent souvent les lésions syphilitiques

en évolution des veines.

La paroi de ces veines est formée de minces cercles onduleux

concentriques, dont les ondulations, loin d'être parallèles, circons-

278 CLINIQUE NERVEUSE.

crivent par leur juxtaposition, une série de petites logettes fusi-

Observation I. Coupe de la région dorsale supérieure ; méninge au

-niveau DU rAISCEAU LATCRAL. Méningite, infiltration embryonnaire,

dégénérescence des éléments; nodule formé, vpr- l'origine d'un vais-

seau médullaire, par clos cellules aplaties. Ilémaloxyline et éosine.

formes; ces logettes sont remplies chacune par un ou deux noyaux

Fig. 9.

ÉTUDE SUR LA MÉNINGO-MYÉLITE. · 279 9

extrêmement pâles; sur quelques veines ces noyaux se colorent

encore un peu et l'on voit très nettement qu'on est en face d'une

infiltration embryonnaire de la paroi qui a été surprise, en voie

Observation I. COUPE DE la région dorsale SUPÉRIEURE, méninge au

niveau du faisceau latéral. Lésion d'une veine, dégénérescence des

éléments morbides. Deux artérioles n'ont subi d'autre altération

qu'une dégénérescence hyaline de leur paroi. - Ilémaloxyline et éosine.

d'évolution fibreuse, par cette sorte de dégénérescence spéciale

dont il a été question plus haut (rtg. 10). ,

Quelques-unes de ces cellules ont pourtant gardé leur aspect

embryonnaire et restent bien colorées ; c'est ainsi qu'on peut voir

Fig. 10. ,

280 CLINIQUE NERVEUSE.

3, 4, 5 noyaux colorés sur une coupe de veine, mais souvent il n'y

en a pas du tout. Les noyaux de l'endolhélium eux-mêmes ne se

colorent plus pour la plupart. En outre, chaque veine est entourée

d'une couche plus ou moins épaisse de fibres conjonctives longi-

tudinales.

Les grosses artères présentent un revêtement extérieur assez épais

de fibres conjonctives 10ngitudinales',I'enlre lesquelles on aperçoit

des traces de noyaux. Leur tunique interne est tantôt mince, tantôt

épaissie en quelque point ou circulairement, mais la lésion la plus

remarquable est l'absence presque complète de tout noyau coloré

dans l'épaisseur des trois tuniques. La tunique musculaire prend,

par l'hématoxyline, une coloration bleu gris un peu trouble; on y

distingue encore assez bien les contours des fibres musculaires,

mais c'est à peine si de loin en loin on entrevoit encore vaguement

un noyau en bâtonnet. Le calibre de ces vaisseaux est parfaitement

conservé, il n'existe ni distension exagérée, ni rétrécissement, les

parois semblent avoir conservé, sinon leur élasticité normale, du

moins une consistance qui est compatible avec une circulation régu-

lière. En un mot il y a là un état tout spécial, qui n'est certaine-

ment pas artificiel, et qui rentre dans la classe si vaste et encore

si peu connue des dégénérescences ; ce n'est ni la dégénérescence

amyloïde, ni la dégénérescence colloïde; on peut lui donner le nom

de dégénérescence hyaline en raison de son aspect.

Les petites artères présentent une endartérite énorme, en plus de

l'état spécial des tuniques externes décrit plus haut.

Sur quelques-unes on voit que la couche fibreuse, développée aux

dépens de l'endartère, est comprise entre deux membranes élasti-

ques, dont l'interne est de nouvelle formation.

La moelle elle-même ne paraît pas avoir souffert de la lésion de

ses vaisseaux nourriciers. En aucun point ses éléments n'ont subi

de dégénérescence avancée. Les capillaires sont sains. Les vaisseaux

de moyen calibre ont leurs parois épaissies et garnies de cellules

fusiformes comme celles qui forment des amas à leur origine sous

la pie-mère.

En remontant au bulbe et à la protubérance, on constate sur les

artérioles et les veinules des lésions analogues ; leur tunique adven-

tice contient de nombreux dépôts de pigment sanguin, trace évi-

dente d'hémorragies anciennes et de congestions répétées.

Le tronc basilaire a des éléments bien colorés, sauf sa tunique

externe, épaissie, dont les éléments cellulaires, assez nombreux,

restent très pâles, surtout à mesure que l'on descend du côté de la

moelle. L'endartère est saine.

La pie-mère présente une infiltration des cellules embryonnaires

qui sont de mieux en mieux colorées à mesure que l'on remonte

du côté du cerveau. La pie-mère qui sépare le cervelet de la pro-

tubérance, au-dessus du pedoncule cérébelleux moyen, ainsi que

ÉTUDE SUR LA iÉNINGO-IiYÉLITE. 281

.

celle qui tapisse les tubercules quadrijumeaux et les pédoncules

cérébelleux supérieurs, offre un épaississement considérable et une

infiltration très dense de noyaux arrondis, serrés les uns contre les

autres, qui se colorent très vivement.

Les différents nerfs crâniens présentent des altérations intersti-

tielles de même nature, mais relativement assez minimes, les

tubes nerveux sont intacts, ainsi que les noyaux d'origine.

Quelques-uns des gros vaisseaux qui pénètrent dans la protubé-

rance présentent une infiltration abondante de leurs parois par

des éléments embryonnaires. Les capillaires sont intacts ; pourtant

les veinules et les capillaires qui cheminent sous le plancher du

quatrième ventricule ont leurs parois manifestement lésées et

dessinent un réseau très visible sous les granulations de l'épen-

dyme.

Cerveau. - La pie-mwe cérébrale, dans toute son étendue, même

sur les lobes occipitaux, est infiltrée de noyaux ronds. La lésion

est iufiniment plus intense sur les lobes frontaux et surtout à la face

inférieure; au niveau du gyrus rectus les prolongements de la pie-

mère qui pénètrent entre les circonvolutions sont tellement épaissis

et infiltrés qu'ils forment des taches violettes visibles à l'oeil nu sur

les coupes colorées à l'hématoxyline.

Les vaisseaux de la substance cérébrale sont extrêmement malades

particulièrement dans le gyrus rectus, les frontales, les motrices et

le lobe temporal. Cette altération est remarquable par sa disposi-

tion irrégulière et par l'intensité étonnante de l'infiltration des

parois des vaisseaux de moyen calibre.

Les capillaires sont relativement moins atteints que dans beau-

coup de cas de paralysie cérébrale.

Les fibres à myéline sont relativement peu touchées; elles n'ont

subi une diminution considérable que dans Je gyrus rectus. Les

cellules de l'écorce n'ont pas subi d'altération appréciable. La

névroglie est épaissie, surtout dans les couches superficielles des

circonvolutions frontales, où l'on voit un assez grand nombre de

cellules-araignées.

Les nerfs cutanés du pied et de la main, ain,i que les filets ter-

minaux des branches cutanées du crural ne présentent aucune

fibre en voie de dégénérescence (acide osmique) ; sur les coupes il

semble pourtant qu'un certain nombre de fibres ont disparu;

mais cette lésion est très peu importante. Un nerf musculaire pris

dans l'épaisseur du triceps ne présente aucune altération.

Nous nous trouvons en présence d'une altération intersti-

tielle et diffuse qui porte sur l'ensemble du système nerveux

central. Il est bien évident que les lésions décrites dans la

moelle et localisées à ce niveau presque exclusivement sur les

282 CLINIQUE NERVEUSE.

méninges, ne représentent qu'une évolution ultérieure peut-

être vers la guérison d'un processus morbide, dont la protubé-

rance et le cerveau nous représentent la phase active. Il est

dès lors facile de reconnaître l'identité histologique de ce pro-

cessus inflammatoire, qui frappe particulièrement l'élément

conjonctif, dans lequel les lésions spéciales des vaisseaux

jouent un rôle prépondérant, avec celui qui constitue la mé-

ningo-myélite syphilitique diffuse telle qu'elle est décrite par

les auteurs. A l'intensité près, cette méningite est exactement

comparable à celle qui sera décrite dans les observations sui-

vantes ; il est difficile de savoir si elle est plus ancienne que

dans ces trois cas; la dégénérescence qui a suivi l'arrêt dans

la marche du processus inflammatoire n'indique pas néces-

sairement que la lésion est très ancienne, car nous savons que

des lésions semblables, plus ou moins arrêtées dans leur

évolution, peuvent garder pendant des années un aspect très

analogue à celui qu'elles avaient dès le début. D'autre part

l'extension de la lésion au cerveau, où elle forme cette mé-

ningo-encéphalite vasculaire diffuse, qui est le substratum

anatomique de la paralysie générale, et l'absence de lésions

des cordons postérieurs donnent au cas actuel une ressem-

blance frappante avec une observation publiée par notre

maître M. le professeur Raymond. (Archives de Neurologie,

n° 1, 189r. OBS. 1.)

La dégénérescence toute particulière des éléments et des

vaisseaux de la pie-mère spinale, qui respectait pourtant la

fonction physiologique de ces organes et qui, par conséquent,

semble compatible avec une guérison définitive, n'est pas un

des points les moins intéressants de cette observation; elle ne

change d'ailleurs rien à l'interprétation qui vient d'être

donnée, car on sait que tous les éléments inflammatoires ou

néoplasiques sont susceptibles de subir des évolutions dégénéra-

tives variées ; la nature de la dégénérescence ne parait pas être

toujours subordonnée à la nature du processus primitif. Il

faudrait peut-être comparer cette dégénérescence, si régulière-

ment répartie sur un espace considérable, à la dégénérescence

colloïde des vaisseaux de l'écorce cérébrale , décrite par

M. Magnan dans quelques cas de paralysie générale, bien que

sa nature soit totalement différente.

L'observation est à peu près muette sur les symptômes qui

ont dû accompagner autrefois l'évolution de la méningite spi-

ÉTUDE SUR LA MÉNINGO-MYÉLITE. 283

nale observée ; il est infiniment probable pourtant que c'est

par la moelle que l'affection a débuté, pour envahir ultérieu-

rement le cerveau et causer la paralysie générale. Cette lacune

s'explique sans doute par l'état mental du sujet et la difficulté

qu'il éprouvait à s'exprimer au moment où il a été vu.

Les seuls symptômes qui aient attiré l'attention sur la

moelle, à part quelques douleurs anciennes qu'il accusait va-

guement, sont l'abolition des réflexes patellaires et quelques

mictions involontaires. On avait naturellement songé au tabes,

mais en l'absence de troubles de l'équilibre et de phénomènes

ataxiques, le diagnostic avait été réservé. Il est certain que

tous les paralytiques généraux qui présentent le signe de

Westphal sont fortement suspects de tabes, néanmoins l'ob-

servation présente et celle que M. le professeur Raymond a

publiée (loc. cit.), sont d'excellentes justifications de la pru-

dence qu'il faut apporter lorsqu'on veut porter un diagnostic

précis chez ces malades. Tous les paralytiques généraux qui

n'ont pas de réflexes ne sont donc certainement pas des tabé-

tiques, quelle que soit d'ailleurs l'intimité des liens qui unis-

sent le tabes et la paralysie générale.

Quant à la cause de l'abolition des réflexes dans le cas

actuel, il est certain qu'elle ne doit être rapportée ni à une

lésion des nerfs, ni à une altération des racines, ni à une

atteinte aux centres réflexes. 11 semble s'agir ici d'une action

purement dynamique de la méninge enflammée; d'ailleurs

les exemples d'abolition des réflexes au cours de la méningite

spinale ne sont pas exceptionnels. -

La cause de l'ictus terminal et de l'hémiplégie consécutive

n'a pu être déterminée, ainsi qu'il arrive le plus souvent dans

ces cas; il est probable qu'il s'est agi de phénomènes conges-

tifs plus ou moins localisés et qui avaient déjà disparu au

moment de la mort, laissant seulement une hyperhémie diffuse

du cerveau.

Observation II. - Tabes ; traces de méningo-encéphalite; méningo-

myéiite diffuse. - G... Auguste, quarante-six ans, coiffeur, salle

Boulay, n° 25, entré le 23 aval 1891.

Antécédents héréditaires. - Bisaieul mort à cent neuf ans, grand-

père à cent cinq ans, père à soixante-dix ans après avoir été

ataxique durant douze ans, six frères et soeurs morts jeunes.

Antécédents personnels. Blennorrhagie à dix-sept ans, pas

284 CLINIQUE NERVEUSE.

d'histoire de syphilis Marié en 1882, G... a eu trois enfants, dont

deux morts en bas âge. La sanlé générale avait toujours été excel-

lente, malgré plusieurs blessures de guerre, jusqu'en 1884,

époque à laquelle G... fut atteint d'une laryngite qui persista sept

mois.

Dès cette année aussi il eut des douleurs fulgurantes presque

continuellement dans les membres inférieurs; puis des douleurs en

ceinture, un affaiblissement passager des jambes qui l'obligea à

faire un séjour à l'hôpital, deux ans plus tard des paralysies ocu-

laires, de l'impuissance génitale; enfin en 1891 vinrent des dou-

leurs dans les membres supérieurs, de l'engourdissement et de l'in-

sensibilité des mains dans leur partie cubitale surtout, de l'incoor-

dination rapidement croissante dans les membres inférieurs; un

jour il ne put descendre l'escalier, le lendemain il fut obligé de

garder le lit et entra à l'hôpital.

Etat actuel. - Douleurs fulgurantes dans les quatre membres,

douleurs en ceinture, anesthésie cubitale et plantaire; démarche

ataxique des plus marquées, dérobement des jambes, mais pas

d'ataxie des membres supérieurs ; signe de Westphal et de Rom-

b'erg. Pupilles égales, rétrécies, signe d'Ar=yll-Roberlson. Ily aen

outre de la paralysie des troisième et sixième paires et une exoph-

talmie légère; l'ouïe est diminuée à gauche. En fait de symp-

tômes viscéraux on note de la paresse vésicale, des pertes séminales,

de l'impuissance complète ; rien de laryngé actuellement.

Quelques troubles trophiques existent aussi - de l'atrophie des

muscles du mollet, des éruptions zostériformes. Pas d'arthropathie;

le malade possède trente-deux dents saines.

Evolution ultérieure. - Après une certaine amélioration attri-

buable à la suspension, G voit son mal évoluer rapidement;

depuis mai 1891, il présente des attaques caractérisées par une

perte de connaissance complète, avec laideur de la nuque et des

membres, et grande gêne respiratoire ; après l'accès qui dure

depuis dix minutes jusqu'à une ou trois heures, G... est souvent

loquace et agité. Confiné au lit depuis la fin de 1891 il a des

eschares au sacrum, s'affaiblit et s'émacie; dans le courant de 1892

l'état général s'amende un peu, les eschares sacrées se cicatrisent,

mais bientôt il retombe dans un état de marasme profond. Les

pieds sont tombants, les orteils fléchis en griffe présentent des maux

perforants dorsaux qui ouvrent les articulations. *

Les membres supérieurs deviennent de plus en plus maladroits

et les doigts sont le siège de crampes douloureuses particulière-

ment dans le territoire du cubital. L'état mental est affaibli, la

crédulité est extrême, le caractère devenu irritable et coléreux; la

mémoire reste fidèle et le raisonnement correct. Au commence-

ment de 1893 la situation du malade est lamentable et il succombe

ÉTUDE SUR LA MÉNINGO-MYÉLITE. 288

le 21 janvier à un érysipèle phlegmoneux parti des ulcérations des

orteils.

Autopsie. - Le cadavre est dans un état d'émaciation extrême;

les muscles sont grêles, mais fermes et bien colorés. Les poumons,

dont les bases sont fortement congestionnées, ne présentent aucune

trace de tuberculose. Le coeur, flasque et dilaté, présente un endo-

carde sain. L'aorte est relativement saine pour un homme de cet

âge. - Les reins sont normaux (400 grammes). Le foie

(1,500 grammes) est tuméfié, mou, marbré de jaune à la surface.

La moelle présente une trainée grisâtre sur toute son étendue

dans l'espace qui est compris entre les racines postérieures. Celles-ci

sont grises, atrophiées depuis le bas jusqu'en haut. L'atrophie est

pourtant moins accentuée au niveau du renflement cervical. La

pie-mère et l'arachnoïde sont épaissies et blanchâtres. Sur une

coupe transversale de la moelle on constate une atrophie considé-

rable des cordons postérieurs qui sont gris et s'affaissent. Le plan-

cher du quatrième ventricule est un peu granuleux; le nerf moteur

oculaire commun gauche est grisâtre et fortement atrophié; le

droit a perdu son aspect nacré mais ne paraît pas sensiblement

'diminué de volume. - Les hémisphères cérébraux se laissent faci-

lement décortiquer, ils ne présentent pas d'autre lésion apparente

qu'une concestion marquée et un certain épaississement des mé-

ninges molles à la convexité, surtout en avant.

Examen histologique. - La moelle présente une dégénérescence

avancée des cordons postérieurs ; cette dégénérescence, qui est

parfaitement systématisée, respecte dans la région lombaire le petit

centre ovale de Flechsig et la zone marginale de Westphal. Les

zones de Lissauer sont fortement sclérosées. Dans la région cervicale

le cordon de Goll est complètement privé de fibres dans ses trois

quarts postérieurs : dans le quart antérieur il reste encore quelques

fibres plus abondantes le long de la commissure postérieure sur

une petite étendue. La bandelette externe, qui contient encore

quelques fibres, d'autant plus nombreuses qu'on se rapproche de la

corne, se distingue assez nettement du reste de la moelle; elle est

séparée du cordon de Goll par une traînée de fibres relativement

plus denses que celles'qu'elle contient elle-même. Le champ pos-

téro-externe présente une sclérose un peu moins avancée, ainsi que

la zone de Lissauer.

Dans le bulbe on observe une double zone de dégénérescence,

l'une autour du noyau de Goll, comprenant tout le faisceau grêle,

l'autre en croissant autour et à distance du noyau cunéiforme.

Les racines postérieures sont fortement atteintes à la région lom-

baire ; elles contiennent pourtant encore une assez grande quantité

de fibres très fines. Dans la région cervicale elles sont moins

malades.

286 CLINIQUE NERVEUSE.

Les cornes postérieures, bien que privées en grande partie de leur

réliculum nerveux, n'ont pas subi une grande réduction de volume.

Les cellules qu'elles contienne' t, étud'ée-' sur des coupes colorées

d'une façon très délicate par l'action longtemps prolongée du car-

min sur des rondelles de moelle, ne présentent pas la moindre

lésion; elles sont aussi nombreuses et aussi belles que dans une

moelle normale. - Il en est de même pour les cellules des

colonnes de Clurke, dont pourtant le réticulum nerveux a presque

entièrement disparu.

En résumé, il s'agit bien manifestement ici d'un tabes vulgaire,

arrivé à une période avancée de «on évolution. L'étude des coupes

colorées à rhématoxylinp va maintenant nous faire connaître des

lésions de la pie-mère et des vaisseaux médullaires, qui sont com-

plètement indépendantes des dégénérescences décrites plus haut.

La moelle présente dans sa hauteur une inflammation chronique

de la pie-mère, qui est très régulièrement répartie sur toule sa

circonférence, sans être plus intense au niveau des faisceaux lésés.

La pie-mère est épaissie; les faisceaux fibreux qui la forment, par-

ticulièrement dan, la couche longitudinale externe, sunt manifes-

tement plus nombreux et plus volumineux ,qu'à l'état normal.

Entre ces faisceaux on aperçoit une infiltration très régulière de

noyaux ronds; ces noyaux, qui forment tantôt des lignes, tantôt

des amas dans le- interstices des fibres, se rassemblent particuliè-

rement autour des capillaires. Le prolongement de pie-mère qui

pénètre dans le sillon antérieur de la moelle contient un grand

nombre de ces amas plus ou moins nettement limités. Jamais

aucun leucocyte ne se mêle à ces cellules embryonnaires. La pie-

mère qui tapisse les cordons postérieurs n'est pas plus altérée que

le reste; c'est même au niveau des faisceaux latéraux que la mé-

ninge offre la plus grande épaisseur. Néanmoins il se détache de

la pie-mère en arrière de fines taches qui vont rejoindre l'arach-

noïde, de telle sorte que l'ensemble parait, au premier abord, for-

mer un épaississement plus considérable en arrière. Un examen

plus attentif montre que cet épaississement appartient bien plutôt

à l'arachnoïde qu'à la pie-mère.

Les artères qui entourent la moelle sont absolument saines.

' Les veines, au contraire, sont toutes plus ou moins atteintes.

Tantôt elles ont leurs parois infilttées de noyaux ronds qui se dis-

posent en une couronne régulière, tellement tassés que la tunique

veineuse parait complètement violette à un faible grossissement

(fig. 11). Tantôt, les noyaux s'accumulent en un ou deux points,

laissant le reste de la circonférence à peu près intact. Cette ten-

dance à la disposition nodulaire est parfaitement nette en bien

des points.

L'arachnoide est également épaissie et infiltrée.

Les racines antérieures, sans présenter la moindre lésion de leurs

Fig. 11.

4j);¡¡j;ERVATlON II. Coupe DE la RÉGION dorsale; sillon antérieur. Méningite : phlébite; j7EL'ÎLLLI('I'1 ! 0. - lG'9Yt(C0.2,' ? lillB el éosine.

288 CLINIQUE NERVEUSE.

éléments nobles, sont le siège, surtout dans la région cervicale,

d'une infiltration embryonnaire interstitielle discrète qui accom-

pagne les vaisseaux. La membrane conjonctive qui entoure les

fascicules de ces racines est assez fortement épaissie et infiltrée.

Les vaisseaux de la moelle elle-même sont peu atteints par l'in-

filtration embryonnaire, sauf à la partie inférieure du renflement

cervical où, sur un espace assez limité, les cellules embryonnaires

accumulées autour des vaisseaux de la pie-mère, accompagnent

ceux-ci sur une certaine étendue et semblent envahir la substance

médullaire. Cette disposition ne s'observe qu'au niveau des cordons

postérieurs. ·

Outre ces lésions irritatives, les vaisseaux des régions dégénérées

présentent une sclérose assez modérée de leurs parois. Cette réac-

tion des vaisseaux vis-à-vis des processus morbides qui les entou-

rent, s'accompagne, vers la région cervicale, d'une certaine proli-

fération nucléaire.

Le bulbe et la protubérance présentent une méningite de même

nature que celle de la moelle; la pie-mère est farcie de noyaux

ronds, disséminés enlre les faisceaux conjonctifs et particulière-

ment autour des vaisseaux. Les veines sont extrêmement malades;

la paroi de certaines d'entre elles, infiltrée de noyaux arrondis,

offre une épaisseur considérable. Dans l'espace interpédonculaire

on voit, entre autres, une veinule de l'arachnoïde coupée en long,

qui présente sur son parcours trois épaississements annulaires

fusiformes, véritables granulations infectieuses, très comparables

à des granulations tuberculeuses (le malade n'était nullement tu-

berculeux) ; en un point on aperçoit même au centre du nodule un

début de casélfication.

Les artères, par contre, sont à peu près saines; le tronc basilaire

présente en un point une légère infiltration des vasa-vasorum de

sa tunique externe; au même niveau il existe deux petites plaques

d'endartérite fibreuse, sans qu'on puisse spécifier nettement si elles

répondent aux points les plus malades de la tunique externe. '

Les artères de l'espace perforé postérieur ont leur tunique ex-

terne légèrement infiltrée, mais sans trace d'endartérite.

Les vaisseaux de la substance du bulbe et de la protubérance

sont sains, sauf quelques veinules sous-jacentes au plancher du

quatrième ventricule, dont les parois sont infiltrées circulairement

ou latéralement. L'épendyme est légèrement granuleux.

Les nerfs moteurs oculaires communs présentent une légère infil-

tralion interstitielle, mais leurs tubes sont sains.

Les nerfs moteurs oculaires externes sont beaucoup plus atteints

et l'infiltration qui accompagne leurs vaisseaux évolue vers la

transformation fibreuse; les veines qui avoisinent leur émergence

sont fortement lésées, surtout à gauche, et ces altérations parais-

sent également anciennes. A droite le nombre des tubes est évi-

ÉTUDE SUR LA \IÉNINGO-\IYÉLITE. z) 89

dominent dimir.ué; il gauche la lésion parenchymaleuse est extrê-

mement considérable; il reste à peine une dizaine de tubes de

volume normal; le reste du tissu est fibreux et présente des tubes

extrêmement fins. Ces lésions se prononcent encore et les tubes

conservés diminuent à mesure qu'on s'éloigne de l'émergence.

Les pathétiques ne sont pas épargnés par l'altération intersti-

tielle, mais leurs tubes nerveux ne paraissent pas lésés. Sur leur

trajet les méninges sont fortement infiltrées.

Le facial, le trijumeau, l'acoustique sont moins lésés, mais la

pie-mère est assez fortement infiltrée autour de leur émergence.

Les nerfs du bulbe ont leur gaine épaissie et infiltrée, mais sans

autre lésion appréciable. Les noyaux d'origine de ces différents

nerfs sont absolument sains, do même que la portion des nerfs

moteurs oculaires externes qui traverse la protubérance.

Du côté du cerveau on observe une méningite de la même nature

que la méningite spinale, localisée surtout à la base, et bien

visible en particulier au niveau du gyrus rectum, mais également t

appréciable à la convexité, et surtout sur les ciiconvolulions fron-

tales. ' .

Les capillaires de l'écorce présentent des traces non douteuses

d'irritation dans toute l'étendue du cerveau, mais surtout au ni-

veau du gyrus rectus, des circonvolutions frontales et motrices et

de la pointe du lobe temporal. Pourtant il n'existe pas de lésions

des fibres tangentielles, sauf au niveau du gyrus rpctns, où elles

sont certainement moins nombreuses qu'à l'état normal. La né-

vroglie ne parait pas épaissie.

Les nerfs cutanés du pied ne présentent plus qu'un petit nombre

de fibres saines; ces lésions sont moins avancées au niveau de la

jambe. Les nerfs cutanés des doigts sont encore moins altérés,

quoique très notablement encore. Le sciatique et le crnral, étu-

diés sur des coupes colorées au carmin, contiennent un assez grand

nombre de tubes dégénérés. Les nerfs du membre supérieur sont t

à peu près sains, sauf le cubital.

Les muscles antérieurs de la jambe présentent une atrophie

simple de la plupart de leurs fibres. Un assez grand nombre pour-

tanl, disséminées dans l'épaisseur des muscle', sont complètement

atrophiées et réduites à l'état d'une gaine remplie de noyaux.

Quelques fibres isolées sont hypertrophiées et tranchent sur les

autres tant par leur volume 'que par leur forme régulièrement

arrondie.

Les nerfs intra-musculaires, étudiés sur les coupes des muscles,

présentent un grand nombre de leurs fibres dégénérées.

En résumé, il s'agit d'un cas de tabès ancien, très régulier

et très classique, avec adjonction de méningite spinale et traces

Archives, t. XXX. 19

290 CLINIQUE NERVEUSE.

manifestes de méningo-encéphalite . La méningite accompagnée

de lésions veineuses considérables, ne diffère en rien au point

de vue histologique de celles qu'on observe dans la syphilis

médullaire diffuse; sa disposition régulière sur toute la péri-

phérie de la moelle, la participation des veines antérieures

. au processus, la présence à la surface du bulbe, de la protu-

bérance et même des circonvolutions cérébrales d'une lésion

de même nature, montrent avec la dernière évidence que les

lésions systématisées des cordons postérieurs n'ont aucune

influence directe sur sa production. D'autre part, l'absence de

toute diapédèse de leucocytes polynucléaires, la riature et la

répartition très régulière de l'infiltration, son ancienneté prou-

vée par les lésions scléreuses de la base de l'encéphale montrent

bien qu'il ne s'agit pas d'une lésion infectieuse banale, évo-

luant sous la dépendance des accidents ultimes. Les capillaires

de la moelle elle-même ne participent que relativement peu à

la lésion inflammatoire. '

Nous ferons remarquer, sans vouloir en tirer de conclusion

ferme, que le malade, né d'un père ataxique, a constamment

nié la syphilis.

Observation III. Tabès; méningo-myélite diffuse. - Wei...

Joseph, quarante-sept ans, chaisier, hôpital Lariboisière, salle

J. Boulay, n° 16, entré le 9 avril 1892.

Antécédents héréditaires. - Parents morts âgés, frères et soeurs

bien portants, sauf un qui a été frappé d'hémiplégie à trente-huit

ans et est mort quelques années après.

Antécédents personnels. - Fièvre typhoïde à dix-huit ans. Le

malade a une fille unique bien portante; sa femme, morte de la

poitrine, n'a pas eu de fausse couche. Il nie toute maladie véné-

rienne, ne porte aucune trace suspecte et n'est pas alcoolique.

Histoire de la maladie. - En 1879, le malade commença à res-

sentir des douleurs abdominales qui revenaient par crises, duraient

quelques jours et se terminaient par une diarrhée abondante. En

1881, après quelques douleurs fulgurantes dans les membres infé-

rieurs, il fut subitement atteint de paraplégie et de parésie vési-

cale, garda le lit pendant trois mois environ, mais se remit ensuite

graduellement, tout en conservant de l'anesthésie plantaire, des

douleurs térébrantes, de plus en plus espacées et faibles, et de l'in-

certitude de la marche. Vers 1885, les douleurs cessèrent presque

complètement, sauf pourtant les crises entéralgiques, mais les

troubles de la marche ont continué à faire des progrès, si bien que

depuis un an le malade ne sort plus de chez lui. Il y a quelques

ÉTUDE SUR LA -,IÙNINGO ? IYÙLITP. : i9t

mois, les douleurs entéralgiques s'exagérèrent, puis changèrent de

caractère pour se transformer en crises rectales typiques, dont la

violence conduisit le malade à l'hôpital.

Etat actuel. - W... est de taille moyenne, maigre, pâle, très

souffrant. Les crises rectales se répètent tous les jours et même

deux fois par jour, elles sont terribles et durent plusieurs heures.

Dans l'intervalle des crises, W... marche un peu en poussant une

chaise devant lui, mais il menace de s'effondrer aussitôt qu'on

détourne ses regards du sol. Les membres inférieurs sont le siège

d'une incoordination motrice considérable, les réflexes rotuliens

sont abolis; la sensibilité est à peu près conservée, sauf à l'extré-

mité du membre; il se plaint d'avoir continuellement froid aux

pieds. La maladresse croissante des membres supérieurs empêche

le malade de se livrer à un travail quelconque depuis plusieurs

mois déjà. Il n'y a pas d'atrophie musculaire. Les pupilles, en état

de myosis, sont égales et présentent le signe d'lrgyll-Rohertson ;

il n'y a pas eu de paralysie oculaire. L'état mental et le caractère

ne paraissent pas altérés.

Evolution ultérieure. - Pendant tout le séjour du malade à l'hô-

pital, son affection évolue d'une façon lente, monotone; les crises

rectales s'atténuent et disparaissent vers le mois de juillet; les

troubles de la marche au contraire s'accentuent au point de con- *

finer le malade au lit. Au mois de janvier 1893, W... est arrivé

dans un état de cachexie profonde; il contracte, le 18 janvier, un

érysipèle phlegmoneux de la cuisse droite et succombe à cette

complication au bout de huit jours.

Autopsie. Le cadavre porte une escarre sacrée toute récente;

les muscles sont grêles, mais fermes et rouges; les pieds sont légè-

rement tombants.

La moelle présente une dégénération intense de ses cordons et

de ses racines postérieures. Les racines du renflement cervical sont

grisâtres, mais ne paraissent pas avoir bien notablement diminué

de volume. Les méninges molles sont épaissies et opalines;

l'arachnoïde porte en arrière, au niveau du renflement lombaire,

de nombreuses plaques calcaires. L'épendyme du quatrième ven-

tricule est finement granuleut, Les artères cérébrales sont saines.

Le cerveau ne présente' aucune lésion appréciable. Les autres

organes n'offrent aucune lésion intéressante; il n'existe aucune

trace de tuberculose.

Examen histologique. - Les lésions sont très exactement com-

parables à celles du cas précédent, quoiqu'un peu moins intenses.

Les cordons postérieurs sont le siège d'une dégénérescence éten-

due à toute leur hauteur. Au renflement lombaire, la petite zone de

Flechsig et les zones de Westphal sont épargnées. Au renflement

cervical, la dégénérescence est absolue dans la moitié postérieure

292 CLINIQUE NERVEUSE

du cordon de Goll; la moitié antérieure contient encore des tubes

disséminés. La zone radiculaire, moins fortement lésée que le cor-

don de Goll, a des limites moins tranchées que dans l'observation

précédente.

Les c"mes postérieures sont relativement peu atrophiées, malgré

.la disparition de leur réticulum nerveux normal. Leurs cellules

sont absolument intactes. Les colonnes de Clccrke présentent la dis-

parition classique de leur réticulum nerveux. Les racines posté-

1'ieu1'es, fortement lésées dans les régions inférieures, le sont beau-

coup moins dans le renflement cervical; elles redeviennent même

presque saines dans le tiers supérieur de ce renflement. Au niveau

du collet du bulbe, on observe la double dégénérescence tabétique

habituelle.

Comme dans le cas précédent, les coupes colorées à l'hémato-

xyline montrent l'existence d'une méningite vasculaire qui est un

peu moins intense. C'est le même épaississement des fibres con-

jonctives, la même infiltration par des noyaux arrondis; néan-

moins les fibres conjonctives sont moins fortes et moins denses.

L'arachnoïde est épaissie et infiltrée, surtout en arrière ; les tractus

qui relient celle membrane à la pie-mère participent à cette alté-

ration et, comme dans le cas précédent, donnent à première vue

J'impression que la pie-mère est plus altérée au niveau des cordons

postérieurs; mais un examen plus attentif montre que cette appa-

rence ne répond pas à la réalité des choses.

Les artères spinales sont complètement saines.

Les veines sont altérées pour la plupart; quelques-unes pourtant

sont saines. Les altérations, qui s'observent aussi bien sur la veine

antérieure que sur les veines radiculaires, consistent dans une infil- l-

tration embryonnaire de la zone externe ou de la paroi tout

entière, régulièrement étendue à toute la périphérie, ou condensée

en un ou plusieurs petits nodules très caractéristiques (fig. 12).

Les racines antérieures et postérieures sont le siège d'une infil-

tration interstitielle et d'une péri-radiculite beaucoup plus intense

que dans le cas précédent. Il n'existe d'ailleurs aucune lésion des

cellules de la moelle ni des fibres des racines antérieures.

Les vaisseaux médullaires proprement dits sont beaucoup plus

infiltrés que dans le cas précédent; cette lésion n'est pas limitée

aux cordons postérieurs, où les vaisseaux offrent en outre une

sclérose modérée de leurs parois; elle est plus intense dans les

régions cervicale et dorsale que dans le renflement lombaire.

Les méninges cérébrales et les capillaires de l'écorce ne présentent

pas de lésions appréciables.

La pie-rr.èae du bulbe et de la protubérance présente les mêmes

lésions que celles qui ont été décrites dans le cas précédent, mais

moins marquées.

Les grosses et les petites artères du bulbe sont saines. Les veinules

Fi ? I.

'OitSEHVAHUX III. - ,COUPE au niveau DE la III;(,I0 dorsale; méninge au ! \[VEAU DES cordons postérieurs vers LES racines. ,

Méningite; phlébite il tendance t ! Odulait'e.7f<;n)n<o.t ? i;;cc<(W)f.

294 CLINIQUE NERVEUSE.

ont leurs parois infiltrées; cette lésion est bien visible et facile à étu-

dier surtout sur les veinules qui cheminent dans le tissu conjonctif

lâche de l'espace perforé postérieur. On voit leurs tuniques parse-

mées de noyaux arrondis qui s'éparpillent en outre dans les espaces

ambiants; cette infiltration lâche se condense par places sous

forme d'anneaux fusiformes plus oumoins étendus, ou d'amas irré-

guliers situés au niveau des points de bifurcation. L'arachnoïde

.présente des épaississements considérables avec infiltration cellu-

laire plus ou moins serrée; çà et là les cellules embryonnaires se

tassent pour former des nodules arrondis, à limites plus ou moins

diffuses, qui mesurent environ 1/10 de millimètre.

Parmi les nerfs crâniens, l'hypoglosse et les nerfs mixtes sont les

plus atteints; un des fascicules supérieurs de l'hypoglosse, dont le

volume parait augmenté, contient une veinule à parois fortement

infiltrées; mais les tubes nerveux ne paraissent nullement atteints

par cette lésion purement interstitielle'.

Les moteurs oculaires externes, surtout le gauche, présentent une

infiltration analogue, quoique moins intense. Les moteurs oculaires

communs sont traversés, à leur origine, par des veinules malades

et émergent d'une méninge enflammée, mais ne sont pas autre-

ment altérés. Les noyaux d'origine de tous ces nerfs sont sains.

La protubérance et le bulbe contiennent quelques gros vaisseaux

infiltrés. Les veines et les capillaires sous-jacents au plancher du

quatrième ventricule sont également lésés, mais moins que dans

l'observation précédente. Les granulations épendymaires sont assez

marquées.

Les nerfs cutanés du pied présentent des lésions atrophiques

très marquées; on n'y voit point de fibres en boules. Les nerfs

cutanés de la main sont sains ou à peu près.

Les mêmes raisons que dans le cas précédent nous autori-

sent à admettre qu'ici encore il ne s'agit pas d'une infection

ultime de la moelle, contemporaine des accidents qui ont

amené la mort. L'aspect des lésions, leur tendance manifeste-

ment nodulaire, leur nature plastique et non pas suppurative,

leur prédilection pour les parois des veines font de ce cas la

répétition exacte du précédent.

. Observation IV. Tabès; paralysie générale; méningo-myélite

diffuse; plaque de myélite vasculaire dans le faisceau latéral. -

H... J., trente-sept ans, maître d'hôtel, entré le 2 avril 1891, salle

Boulay, n° 13, mort le 8 avril 1892.

Cette observation a été publiée dans tous ses détails par notre

maître, M. le professeur Raymond (Bull. Soc. méd. des Hop., 1892,

p. 836). Nous en extrayons les détails qui suivent :

ÉTUDE SUR LA rIÉNINGO-111YÉLITE. 29S

. Pas d'autre antécédent pathologique qu'une diarrhée intense

huit ans auparavant; la syphilis est niée. Fatigues et habitation

humide pendant quarante-cinq mois au moment de son service

militaire.

Début de la maladie au commencement de 1889, par une sensa-

tion de fatigue, puis par des douleurs fulgurantes dans les membres

inférieurs.

Diplopie. Crises de diarrhée avec coliques. En juillet, la marche

devient difficile; troubles urinaires. ,

En janvier 1891, dérobement des jambes. '

A son entrée dans le service, les douleurs fulgurantes sont vio-

lentes ; elles commencent à envahir les bras. Léger retard de la

perception aux membres inférieurs. Réflexes rotuliens abolis. Iné-

galité pupillaire; signe d'Argyll-Robertson; légère décoloration

des nerfs optiques. Vessie paresseuse; constipation. Incoordination

motrice; signe de Romberg.

Quelques signes de satisfaction attirent l'attention sur l'état

mental; on constate des lacunes dans sa mémoire, une légère hési-

tation de la parole lorsque le malade est fatigué, un léger trem-

blement des mains. Tous ces signes vont en s'accentuant rapidement;

l'état mental tourne à l'hypocondrie avec délire triste et niais :

estomac bouché, etc. La mort survient du fait d'une pyélo-néphrite

ascendante.

L'autopsie montre des lésions très avancées de tabes et des lésions

de paralysie générale à peine visibles à l'oeil nu, mais parfaitement

évidentes au microscope, sur lesquelles nous n'insisterons pas. Les

poumons contiennent aux sommets quelques traces de tuberculose

ancienne et guérie.

De l'examen histologique nous ne retiendrons que la présence, au

niveau de la moelle et du bulbe, d'une méningo-myélite vasculaire

assez intense, ainsi que le montre la figure 15, qui prédomine dans

la région dorsale supérieure. Les veines participent largement au

processus; les artères présentent de l'endartérite fibreuse. En somme

il s'agit d'une lésion qui ne diffère en rien de celle que nous avons

décrite plus haut.

Le point le plus remarquable est la présence, dans le faisceau

latéral gauche, à la hauteur de la quatrième paire dorsale, d'une

plaque de myélite localisée qui avait échappé au premier examen,

grâce àses dimensions minimes et à l'absence de dégénération secon-

daire. Cette plaque, que nous avons décrite à la Société anatomique,

avec la collaboration de notre excellent collègue et ami Lenoble,

occupe, ainsi que le montre la figure 13, une partie de la périphérie

de la moelle et semble répondre à l'extrémité antérieure du faisceau

cérébelleux direct et à la partie postérieure du faisceau de Gowers;

en réalité, elle ne répond à aucune systématisation. Il faut remar-

quer qu'elle est séparée de la méninge, dans presque toute son

296 CLINIQUE NERVEUSE.

étendue, par une mince couche de fibres saines. Toute sa partie

supérieure a été utilisée pour les coupes transversales; la figure 14

montre sa partie inférieure en coupe vertico-transversale et sa ter-

minaison par en bas. Sa hauteur ne dépassait certainement pas

7 millimètres. Au-dessus d'elle, il n'existe aucune trace de dégé-

nération.

L'étude des coupes colorées par le carmin montre la cause de

cette absence de dégénération; les cylindres-axes sont en effet

dénudés et altérés, mais non détruits. A un fort grossissement,

par la méthode d'Azoulay, on découvre, vers l'extrémité inférieure

de la plaque, des fibres où la myéline est en voie de fragmenta-

tion.

Les coupes colorées à l'hématoxyline montrent que cette zone

de destruction de la myéline est précisément en rapport avec des

altérations très intenses des capillaires, qui présentent une infiltra-

tion très abondante de leurs parois par des cellules rondes. En

somme, il s'agit là d'une sorte de foyer de condensation de lésions

vasculaires que l'on retrouve éparses dans tout le reste de la moelle

(fig. 15). Un de ces capillaires présente une thrombose leucocytique

Sur les coupes vertico-transversales, on voit que la plaque est tra-

versée par deux volumineuses artérioles dont les parois sont forte-

ment lésées au point de passage, sans que l'infiltration se propage

beaucoup sur leur trajet ultérieur.

Il est à noter que cette plaque de myélite n'est pas du tout en

rapport avec la méninge qui, à son niveau, ne présente ni plus ni

moins de lésions que partout ailleurs. La névroglie est en voie

d'épaississement; il existe déjà des cellules-araignées. "'

Pirl. 13.

Observation 1V. - COUI>E au

niveau de la quatrième DOR-

sale. Dégénérescence des cor-

dons postérieurs ; plaque de

myélite dansile faiscean latéral.

- Procédé cl'doulrr.

Fig. 14.

Observation IV. - Coupe vsaTco-

transversale de la même pla-

que de myélite; c, commissure

postérieure ; m, plaque de

myélite. - Procédé d'Azoll-

la ! }.

ÉTUDE SUR LA MENINGO-MYÉLITE. 297 I

Cette observation nous montre, outre les lésions diffuses

signalées plus haut, une complication anatomique que rien

dans l'observation ne laissait prévoir. La plaque de myélite,

qui est faite exactement sur le type de la méningo-encéphalite,

ressemble également il s'y méprendre à la myélite syphilitique

diffuse embryonnaire de 11\i. Gilbert et Lion ; il serait absolu-

ment impossible de l'en distinger au microscope ; faut-il con-

clure de l'absence d'antécédents connus qu'elle est d'une

autre nature ? En tout cas, il est certain qu'elle tait partie

. Fig. IJ.

Observation IV. - COI PC l'R.1\ : \GRS1LC de la même plaque de myélite,

à un plus foit grossissement. Méningite; lésions des capillaires. -

J/émaloxyline et éosine. '

298 CLINIQUE NERVEUSE.

intégrante du processus de méningo-myélite vasculaire diffuse,

dont elle n'est que l'exagération en un point limité. On peut

concevoir à priori qu'elle aurait pu amener des complications

cliniques très appréciables, si elle avait été autrement localisée

et si elle n'avait pas évolué sur un malade déjà confiné au lit.

Les quatre observations qui viennent d'être rapportées ne

forment pas, au premier abord, un groupe homogène; la pre-

mière appartient, en effet, à un paralytique général, tandis que

les trois autres ont trait à des tabétiques, dont un, au moins,

ne présente pas de lésions cérébrales. Néanmoins, si nous fai-

sons abstraction de la lésion tabétique chez les trois derniers,

nous nous trouvons en face, chez nos quatre malades, d'une

méningo-myélite peu intense, qui présente des caractères par-

ticuliers, accompagnée, chez trois d'entre eux, de méningo-

encéphalite de même nature. L'aspect de la lésion de la pie-

mère chez Wet..., pourrait induire en erreur, à cause de la

dégénérescence des éléments morbides ; mais il suffit d'étudier

la lésion au niveau de la protubérance et du cerveau, où elle

n'est pas encore défigurée, pour voir qu'il s'agit bien de la

même inflammation diffuse, caractérisée par les mêmes infil-

trations des cellules rondes.

D'ailleurs, ce n'est pas là une exception dans la paralysie

générale ; les descriptions des auteurs montrent que la méningo-

myélite est plutôt la règle et dans tous les cas de paralysie

générale. pure z cas) ou compliquée de tabes (6 cas) que nous

avons eu l'occasion d'étudier, nous l'avons rencontrée à des

degrés divers.

Dans le tabes ces lésions ont attiré l'attention depuis long-

temps ; elles ont même joué un grand rôle dans certaines théo-

ries anciennes et récentes ; l'impression que nous a laissée

l'étude de neuf cas de tabes, dont trois non compliqués de

paralysie, est que cette lésion est constante, à des degrés

variables ; les infiltrations embryonnaires prédominent tou-

jours sur la pie-mère et l'arachnoïde, mais les vaisseaux de la

substance médullaire elle-même sont plus ou moins atteints

suivant les cas ; tantôt cette lésion vasculaire, qu'il faut bien

distinguer de la sclérose consécutive à la destruction des élé-

ments nobles, prédomine sur les vaisseaux des cordons dégé-

ÉTUDE SUR LA. IBNINGO-NY&LITE. 299

nérés, comme l'a montré M. le professeur Raymond, tantôt

elle est également répartie dans tous les faisceaux ; enfin nous

avons vu que les lésions vasculaires peuvent se concentrer en

un point de myélite (OBs. IV) qui ne saurait se distinguer au

microscope d'un foyer de myélite syphilitique.

Contrairement à l'opinion généralement admise, nous n'avons

pas trouvé que les lésions de la pie-mère fussent beaucoup plus

avancées en arrière qu'en avant; nous avons toujours trouvé,

dans le tabes comme dans la paralysie générale, une réparti-

tion à peu près égale àtoute lapéripbérie. Cette constatation tient

probablement à la technique employée, ainsi que nous avons eu

l'occasion de le faire remarquer plus loin. Il faut ajouter aussi

que les tractus qui réunissent la pie-mère à l'arachnoïde sont

normalement plus nombreux en arrière et que l'ensemble de

ces tractus épaissis et de l'arachnoïde également altérée donne

au premier abord l'impression d'une lésion plus intense; mais

si l'on fait la part de ce qui revient à la pie-mère, on voit que

cette membrane n'est ni plus épaissie, ni plus infiltrée en

arrière qu'en avant.

Pour compléter la série des faits semblables, nous devons men-

tionner la présence de la même méningo-myélite diffuse dans des

affections qui sont bien différentes au premier abord, et qui pour-

tant sont unies au tabes et à la paralysie générale par des liens

étiologiques étroits; nous voulons parler, des formes variées de

la syphilis spinale. Ici nous n'avons pas de faits personnels à

fournir, mais nous avons eu l'occasion d'étudier, dans le labo-

ratoire de notre maître M. le professeur Raymond, les pièoes

de trois cas de syphilis spinale dont l'un, myélite chronique

diffuse évoluant sous les allures d'une atrophie musculaire,

n'était à proprement parler que l'exagération du processus que

nous venons de décrire (F. Raymond, Sur quelques cas d'atro-

phie musculaire à marche progressive chez des syphilitiques,

Soc. méd. des Hôp., 1893) ; il faut ajouter que le malade avait

présenté un symptôme de la série tabétique, une ophtalmo-

plégie transitoire. Les deux autres malades étaient atteints l'un

d'une myélite syphilitique transverse chronique (F. Raymond,

Contribution à l'étude de la syphilis du système nerveux, Arch.

de Neurol., lS9u, Obs. III), l'autre d'une myélite syphilitique

transverse aiguë; chez tous les deux il existe une lésion dif-

fuse étendue à toute la moelle, constituée comme chez nos

tabétiques.

300 . CLINIQUE NERVEUSE.

Si l'on rapproche dé ces faits la petite plaque de myélite de

l'observation IV, que l'absence d'antécédents connus nous em-

pêche seule d'attribuer fermement à la syphilis ; si, d'autre

'part, on se rappelle que dans nos observations le maximum

des lésions diffuses répond toujours à la région dorsale supé-

rieure ou cervicale inférieure, comme c'est la règle dans la

myélite syphilitique transverse, on voit qu'il s'agit là de

lésions singulièrement voisines.

Nous n'avons pas à insister sur la comparaison de ces lésions

avec celles qui, dans le cerveau, sont le substratum anatomique

de la paralysie générale; notre maître a traité ce point avec

une compétence et une autorité qui nous dispensent d'y revenir

(loc. cit.). D'autre part, il est évident que la lésion de névrite

transverse, que nous avons décrite comme étant la cause de

la dégénération tabétique, est encore un processus du même

ordre.

Nous sommes donc amenés à conclure, de tous les faits que

nous venons de passer en revue, que dans la paralysie géné-

rale, le tabes et les myélites syphilitiques, il existe des lésions

d'inflammation, diffuse étendues à tout le système nerveux

central, ou au moins à une grande partie de ce système, et en

particulier à la moelle tout entière. Ces lésions sont de même

nature, au point de vue histologique. dans ces différents cas,

et elles ne sont que l'expression atténuée de l'atteinte morbide

principale subie par l'organisme en des points d'élection qui

varient avec chacune des espèces nosologiques énumérées.

Il nous faut maintenant étudier le degré de spécificité de ce

processus et les conséquences qu'il peut avoir par lui-même.

Tout d'abord, il est un point de technique qui mérite une

mention spéciale; cette méningo-myélite, qui est caractérisée

par une infiltration de cellules rondes avec, le plus souvent,

peu d'épaississement des fibres conjonctives, et par la partici-

pation toute spéciale des veines à cette infiltration, n'est visible

qu'avec les colorants nucléaires électifs tels que l'hématoxy-

line ; il suffit de comparer une coupe colorée au carmin et une

coupe colorée à l'hématoxyline pour voir qu'on laissera forcé-

ment échapper les'détails les plus caractéristiques de la lésion,

et souvent la lésion elle-même, si l'on n'emploie pas le colo-

rant approprié.

La forme de la lésion est suffisamment montrée par nos

dessins pour qu'il soit utile d'insister; mais il est important

ÉTUDE SUR LA \IBNINGO-11YGLITE. 301 1

de préciser la nature du processus. Les lésions de la méninge

et des vaisseaux sont essentiellement différentes des altéra-

tions qui sont consécutives à la simple disparition des éléments

nerveux : on ne peut établir aucune parenté entre l'infiltration

embryonnaire que l'on voit dans la plaque de myélite de l'ob-

servation IV et la sclérose lente des vaisseaux d'un faisceau

pyramidal dégénéré à quelque période qu'on l'examine. Les

vaisseaux et le tissu connectif, en-un mot l'appareil mésoder-

mique de la moelle, sont donc pris en eux-mêmes et pour eux-

mêmes, indépendamment des atteintes portées aux éléments

nobles. Ceux-ci sont-ils pris en même temps ou seulement

consécutivement ? La question est plus difficile à résoudre;

d'ailleurs, sa solution n'a peut-être pas une importance pra;

tique bien considérable. Pour notre part, nous croyons que le

processus morbide.élit d'abord domicile sur l'élément vasculo-

conjonctif pour attaquer ensuite l'élément noble, tant par l'en-

trave qu'il apporte à sa nutrition que par la viciation du milieu

intérieur qu'il, est capable de produire ; mais il s'agit d'une

action purement locale, comme le montre bien la superposi-

tion exacte des lésions des éléments nobles avec les lésions

spécifiques du tissu conjonctif. Il nous a semblé, en effet, que

d'une part on ne trouvait aucune lésion des cellules ou des

tubes, qui ne soit en relation avec une lésion conjonctive spé-

cifique, ou qui ne puisse être rapportée à une dégénérescence

secondaire partant d'une lésion mésodermique; que d'autre

part les lésions vasculo-conjonctives étaient souvent plus mar-

quées et plus caractéristiques que les altérations des éléments

nobles; nous avons même pu montrer que, dans les tabes peu

avancés, la lésion conjonctive existe au niveau do nerfs radi-

culaires que nos moyens d'exploration nous montrent encore

sains. Nous nous croyons donc autorisés à qualifier cette lésion

de vasculaire ou de conjonctive suivant les cas, sans mécon-

naitre en rien l'atteinte portée à l'élément noble.

Outre sa forme, cette lésion semble encore caractérisée par

son allure. Dans tous les cas observés nous l'avons trouvée à

des degrés variables, mais toujours relativement peu intense,

quel que fut l'âge du tabes ou de la paralysie générale ; nous

croyons pouvoir en conclure qu'il s'agit d'une lésion très peu

active, susceptible de végéter fort longtemps sans amener une

formation bien abondante de tissu conjonctif, quoi que ce soit là

évidemment sa tendance. On pourrait s'étonner de voir une

302 CLINIQUE NERVEUSE.

inflammation garder si longtemps des caractères histologiques

si franchement embryonnaires, mais c'est un fait dont les lé-'

sions vasculaires du cerveau dans la paralysie générale dé-

montrent largement la réalité ; il est probable que les cellules

rondes ne sont pas là à poste fixe, mais qu'elles émigrent et

sont remplacées continuellement par de nouvelles. Pouvons-

nous préciser sa date d'apparition ? Précède-t-elle l'évolution

du tabes ou bien est-elle postérieure ? La préexistence de la

névrite transverse aux lésions tabétiques dans les ganglions

non encore atteints semblerait prouver que la méningite peut,

elle aussi, se déclarer avant la lésion spinale ; mais nous devons-

aussi dire que notre démonstration se fonde uniquement sur

des cas où la paralysie générale avait précédé le tabes. Il ne

faut d'ailleurs pas trop compter sur la clinique pour nous

aider sur ce point, car l'observation I, à défaut d'autres, nous

montre combien ces symptômes de la méningite se distinguent

difficilement de ceux du tabes confirmé.

La dernière marque de l'individualité absolue du processus

serait la notion d'une cause spécifique; mais ici nous sommes

tenus à des réserves. Sans doute la syphilis peut produire

cette lésion il serait oiseux d'en donner des preuves ;

mais elle ne produit pas seulement cette lésion, qui appartient

à une catégorie particulière des altérations méningées qu'elle

peut engendrer ; bien plus, il est actuellement impossible de

savoir si elle seule est capable de lui donner naissance. La

clinique nous montre bien que 90 p. 100 des tabétiques et des

paralytiques généraux sont syphilitiques, mais elle ne nous

dit pas si les z10 qui restent relèvent de la syphilis ignorée ou

de toute autre cause morbide ; il se trouve même que, par un

hasard singulier, nos trois tabétiques ont nié tout accident

suspect. D'un autre côté l'histologie ne nous fournit aucun

critérium sûr; il est souvent difficile de décider si telle ou telle

grosse lésion est due à telle ou telle cause, quelle ne sera pas

la difficulté lorsqu'il s'agira de juger un processus si peu mar-

qué ! De l'étude comparative à laquelle nous nous sommes livré

il résulte que l'on peut rencontrer, dans d'autres cas que ceux

que nous avons- en vue, quelques éléments épars de ce pro-

cessus morbide; certains vaisseaux de la sclérose en plaques

peuvent bien donner lieu à des apparences analogues ; cer-

taines moelles d'alcooliques peuvent bien présenter une cer-

taine irritation conjonctive, mais jamais nous n'avons retrouvé

ÉTUDE SUR LA. MÉNINGO-MYÉLITE. 303

l'ensemble caractéristique de lésions méningées, vasculaires

et veineuses que nous avons toujours rencontré dans le tabes

et la paralysie générale.

Dans un cas de méningite tuberculeuse de la moelle, la

ressemblance était certainement plus grande; l'intensité beau-

coup plus considérable du processus, la présence d'exsudats

fibrineux et de caséification en bien des points donnait, il

est vrai, une physionomie particulière à la lésion ; néanmoins

l'examen des préparations provenant de cette moelle nous a

laissé l'impression que la tuberculose, à un degré très atténué,

pourrait donner naissance à un processus histologiquement

semblable; toute la question est de savoir si la tuberculose est

capable d'évoluer avec une pareille discrétion. A ce propos

nous devons faire remarquer qu'aucun de nos malades n'était

tuberculeux, sauf le dernier, qui d'ailleurs ne présentait que

des lésions très anciennes et guéries.

Il est inutile d'ajouter que, dans tous nos cas, l'infiltration

par des cellules absolument rondes ne saurait être confondue

avec l'infiltration de leucocytes à noyau lobulé que l'on observe

dans les méningites consécutives à une infection banale

surajoutée.

De tout ceci nous tirons cette conclusion qu'il y a une espèce

de lésion diffuse qui répond à un type histologique spécial et

qui possède probablement une évolution particulière, sans

qu'il soit possible de pousser la spécificité jusqu'à l'absolu et

sans qu'on soit autorisé à affirmer l'unité de cause. Ce qui

semble légitime, c'est d'admettre que les agents morbides

capables de lui donner naissance peuvent en même temps

produire le tabes, la paralysie générale et, peut-être, des lé-

sions circonscrites de la moelle très semblables aux lésions

syphilitiques. Mais il reste possible que la syphilis soit la seule

cause de ce processus diffus et des lésions localisées qu'il

amène lorsqu'il se concentre en certains points d'élection;

aucun argument scientifique irréfutable ne peut être donné ni

pour ni contre cette supposition.

Il nous reste à étudier le rôle que cette méningo-myélite

vasculaire diffuse peut -jouer dans le tabes. Au point de vue

clinique, il ne nous est pas possible de distinguer les symp-

304 CLINIQUE NERVEUSE.

tomes qui lui appartiennent au milieu des manifestations tabé-

tques proprement dites, mais il est permis de supposer qu'elle

peut en simuler plusieurs. Il est également très possible que

certains symptômes médullaires du tabes et de la paralysie

générale relèvent exclusivement de cette lésion diffuse ou plus

ou moins inconscrite.

Dès le début de l'étude anatomique du tabes, on a voulu lui

faire jouer un rôle pathogénique ; à ce propos il nous suffira

de citer les noms d'Ordonez, d'Adamkiewics, de Rumpf, plus

tard, qui ont cherché à rattacher à des lésions vasculaires les

altérations des cordons postérieurs chez tous les tabétiques

ou chez quelques-uns d'entre eux seulement.

La méningite a également été incriminée, particulièrement

dans ces derniers temps. B. Sachs (Syphilis and tabès dorsalis,

N.-Y., Med. J., janvier or) a fort bien étudié cette lésion

dans un cas de tabes et a émis l'hypothèse qu'elle pouvait

atteindre les racines postérieures à leur entrée dans la moelle

pour amener leur destruction et consécutivement la dégéné-

rescence.des cordons postérieurs. Obersteiner et Redlich ont

cherché à préciser cette théorie en l'appuyant sur l'étude d'une

disposition anatomique qui nous a paru n'être qu'un artifice

de préparation. Mais nous avons discuté ailleurs cette opinion

et nous ne reviendrons pas sur les raisons qui nous font la

rejeter.

Mais si la méningo-myélite n'est par elle-même pour rien

dans la lésion qui fait du tabes une entité morbide, elle n'en

est pas moins très capable de la modifier en se superposant à

elle. Nous avons vu qu'elle entraîne des lésions vasculaires

spéciales qui se surajoutent en quelque sorte, ainsi que l'a

montré notre maître, M. le professeur Raymond, aux lésions

scléreuses banales consécutives à toute dégénérescence ; de telle

sorte que les lésions vasculaires des cordons postérieurs sont

constituées par deux éléments variables, l'un passif en quelque

sorte, la sclérose, l'autre actif, mais capable d'évoluer égale-

ment vers la sclérose; de là vient leur variabilité considérable.

Le processus histologique de la dégénérescence tabétique est

ainsi modifié, ce qui peut expliquer certaines différences d'as-

pect que l'on constate lorsqu'on le compare à celui d'autres

dégénérescences secondaires.

De plus, il est facile de concevoir qu'une plaque de myélite,

telle que celle de l'observation IV, peut, si elle est bien placée

ÉTUDE SUR LA. MÉNINGO-MYÉLITE. 305

et si elle persiste assez longtemps pour amener la destruction

définitive de l'élément noble, 'entraîner des complications ana-

tomiques et cliniques considérables. La preuve en est dans le

cas décrit par Westphal d'une myélite transverse diffuse qui

s'était surajoutée à un tabes chez un paralytique général et qui

avait entraîné les dégénérescences ascendantes et descendantes

habituelles.

Enfin, cette méningo-myélite amène par elle-même la dis-

parition d'un certain nombre de fibres, et à cet égard nous ne

saurions mieux faire que de renvoyer le lecteur à l'observation

de myélite vasculaire diffuse que M. Raymond a publiée en

1892 à la Société médicale des Hôpitaux, et aux dessins qui

l'accompagnent. Cette disparition a évidemment pour consé-

quence une atrophie générale de la moelle, atrophie poussée

très loin dans certains cas; de plus, elle est susceptible de

détruire certaines fibres des cordons postérieurs indépendantes

des racines, d'altérer ainsi la pureté de la systématisation et

de passer un coup d'estampe, si nous pouvons nous exprimer

ainsi, sur la lésion tabétique. Mais il est bien évident qu'il

s'agit là d'un processus diffus, et, de plus, commun à plusieurs

affections, qui ne saurait entrer en ligne de compte dans la

définition du tabes; il faut, pour amener la dégénérescence

systématique qui caractérise cette affection, une atteinte bien

autrement puissante portée sur les racines en un point où

elles sont encore isolées ;' cette atteinte 'relève bien aussi du

processus diffus que nous avons cherché à caractériser,' mais

elle en représente une localisation particulière au niveau de

laquelle l'inflammation conjonctive acquiert une telle inten-

sité qu'elle mérite une description et une dénomination spé-

ciales. C'est pourquoi nous avons cru devoir la désigner sous

le nom de névrite radiculaire interstitielle transverse.

CONCLUSIONS. -I. Il existe dans le tabes, la paralysie géné-

rale et les myélites syphilitiques, un processus d'inflammation

diffuse qui s'étend à toute la moelle. Cette lésion mérite le

nom de vasculaire ou de conjonctive en raison du tissu qu'elle

semble affecter en premier lieu; elle consiste essentiellement

en une infiltration de cellules rondes qui envahit la pie-mère,

l'arachnoïde, les capillaires de la moelle et qui a une prédilec-

tion toute particulière pour les tuniques des veines superfi-

cielles ; elle entraîne des altérations consécutives des éléments

Archives, t. XXX. 20

306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nobles. Elle parait constante si l'on emploie, pour la recher-

cher, des colorants muléaires électifs.

II. Les lésions de l'écorce cérébrale cause de la paralysie

générale, celles des nerfs radiculaires - cause du tabes, - les

plaques localisées de myélite syphilitique ne sont que l'exa-

gération de cette lésion diffuse en des points déterminés par

suite d'une élection qui est elle-même le fait de dispositions

anatomo-physiologiques encore mal connues.

III. Le processus présente un aspect très particulier qui

semble en faire une espèce distincte, sans qu'on puisse affir-

mer qu'une cause unique lui donne naissance ; en tout cas il

est certain, de par la clinique, que dans la grande majorité

des cas c'est de la syphilis qu'il relève.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

C0lfèfOTlON cérébrale, blessure DU cerveau ou névrose;

parTHOMSEN. (Allg. Zeitsch f.psychiat. Li, 4.)

Un homme de quarante-cinq ans chez lequel on n'a pu constater

ni syphilis, ni épilepsie, ni alcoolisme mais une prédisposition

névropathique qui s'était déjà manifestée par un accès mélancoli-

que, se tire, au cours d'un second accès de mélancolie, quatre coups

de revolver. Une seule balle l'atteint et vient s'aplatir sur le frontal,

sans fracturer cet os. Ce traumatisme n'est suivi que d'une obnu-

1»lation passagère : le soir même de l'accident, délire fugace qui

s'efface ensuite en même temps que disparaît l'accès mélancolique.

Cinq jours après, à la suite d'une nuit mauvaise, éclatent de violents

accès d'épilepsie (perte complète de connaissance, morsure de la

langue, sueurs profuses, suffocation, parésie du coeur, état de mal).

Ces accès ne présentent aucun des caractères de l'épilepsie par-

tielle. Le lendemain la température atteint 39°,4, puis redevient

normale : les autres symptômes s'amendent. Au dixième jour état

semi-comateux, suivi le lendemain de signes de compression céré-

brale : coma complet, pouls lent, phénomènes de paralysie et

d'excitation unilatéraux, parésie du facial, des extrémités du côté

gauche : le bras et la jambe sont agités de secousses et exécutent t

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307

parfois des mouvements coordonnés; les globes oculaires, tournés

à droite à l'état de repos, sont entraînés à gauche par des secousses

rappelant le nystagmus. Le douzième jour, au coma succède un

état de somnolence, de la tachycardie (80-100) ; des phénomènes

d'excitation'et de parésie se produisent dans la moitié droite du corps

ptosis double plus accentué à droite, parésie accentuée au facial

droit, secousses et mouvements des membres droits. Perte de con-

naissance le soir. Le treizième jour, amélioration : le malade

reprend conscience ; céphalée. Objectivement : parésie faciale

gauche, divergence des globes oculaires, grincement des dents,

qui disparaissent rapidement. Guérison complète en quatre semai-

nes ; deux ans après celle-ci se maintenait. ,

Le diagnostic et Je pronostic de ce cas ont présenté des difficul-

tés. Fallait-il incriminer la commotion cérébrale ? Mais les symp-

tômes de celle-ci suivent immédiatement le traumatisme; on

observe des vomissements (qui ont fait défaut dans le cas en ques-

tion) ; les convulsions sont rares; enfin le manque d'une période

secondaire d'excitation n'est pas en faveur de la commotion.

Y a-t-il eu un foyer hémorragique au niveau de la blessure, foyer

qui aurait comprimé le cerveau et dont l'extension graduelle aurait

provoqué les phénomènes convulsifs par suite d'une'excilation

généralisée de l'écorce (car le siège du trauma et la bilatéralité des

convulsions portent contre l'hypothèse d'un foyer localisé au niveau

de la zone excitable) ? L'apparition subite des accès épileptiques,

leur disparition non moins brusque, vont cependant contre l'hypo-

thèse d'une lésion organique. D'autre part, les accidents comateux

qui suivirent, à quelques jours de distance, les convulsions appuient

le diagnostic de compression cérébrale, que la fugacité des symp-

tômes, l'absence de vomissements et de ralentissement de la res-

piration ne permettent pas d'admettre sans réserve. Les mêmes

raisons doivent faire écarter l'hypothèse d'une méningite, celle

d'une encéphalite; il faut leur ajouter l'absence de fièvre. Y a-t-il

eu une lésion grave intéressant le lobe frontal, par- suite d'une

fracture de la table interne du frontal; mais comment expliquer

l'apparition tardive des symptômes ?

L'auteur admettrait plus volontiers que les troubles observés

ont été le mode de réaction d'un cerveau déjà malade (accès mé-

lancolique) à l'occasion d'un traumatisme crânien. N'y aurait-il

pas lieu d'appliquer la même interprétation à nombre de symp-

tômes attribués à la commotion cérébrale ou à la compression ? 2

P. SÉRIEUX.

XII. UN cas d'acromégalie ; par le Dr BRISSAUD.

(Revue neurologique, 1893.)

Observation d'un cas d'acromégalie conforme au type de la des-

308 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

cription de Marie, en ce qui concerne les extrémités. Ce cas réalise

la plupart des caractères permettant le diagnostic : hypertrophie

des extrémités, de la langue, des muscles des membres ; articula-

tions énormes. Il n'existe cependant ni lordose lombaire, ni sco-

liose, ni projection du thorax en avant; le cou n'est ni gros, ni

raccourci. -

** Comme dans la plupart des cas étudiés par Marie, les symp-

tômes de dépression sont intermittents. E. B.

XIII. DE LA-SUTURE OSSEUSE DANS LES FRACTURES FERMÉES DE LA CLA-

- VICULE avec LÉSION DU PLEXUS brachial; par les Drs CHII'AULT et

A. CHIPAULT. (Revue neurologique, juillet 1894.)

. Les deux observations publiées dans ce mémoire sont des

exemples très nets de lésion du plexus brachial par fracture de la

clavicule. Cette complication est rare puisque les auteurs n'ont pu

en réunir que 21 cas parmi lesquels on peut distinguer plusieurs

variétés pathogéniques : 1° lésions immédiates du plexus brachial

soit par contusion simple, soit par le fragment externe dans les

fractures simples, ou par les esquilles dans les fractures comminu-

tives ; 2° lésions secondaires précoces par excès d'épanchement

séro-sanguin dans le foyer de la fracture; 3° lésions secondaires

tardives par cal vicieux ou par pseudarthrose avec compression du

plexus par le fragment externe, lors des mouvements du bras.

Dans la première observation, il s'agissait de lésion immédiate

par esquille ; chez l'autre de lésion tardive par cal hypertro-

phique.

Le pronostic des lésions du plexus brachial par fracture fermée

de la clavicule est sérieux, car elles conduisent à l'impotence fonc-

tionnelle du membre, sans compter la possibilité de douleurs, de

névrite ascendante.

Ce pronostic ne peut être amélioré que par une intervention

chirurgicale ayant pour but d'enlever l'esquille ou de réséquer le

cal vicieux et se terminant par la suture des fragments.

Toutes les opérations de ce. genre faites jusqu'à ce jour ont

donné des résultats parfaits. Au début, on ne doit pas perdre son

temps avec un traitement électrique qui ne devient utile qu'après

l'ablation chirurgicale de la lésion. E. B.

XIV. CONTRIBUTION A la pathogénie DES ARTHROPATHIES NEURO-SPINALES;

par M. AIARINESCO. (Revue neurologique, juillet 1894.)

Les conclusions qui se dégagent de ce travail sont les suivantes :

10 le substratum anatomique 'des lésions nerveuses des arthropa-

thies neuro-spinales est l'altération des nerfs centripètes, sur quel-

que point de leur trajet que ce soit (filets articulaires, troncs ner-

veux, cordons postérieurs); 2° ce sont les fibres centripètes

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309

affectées à la transmission des sensations tactiles, douloureuses et

thermiques qui jouent le plus grand rôle dans ces troubles trophi-

ques articulaires; 3° le mécanisme par lequel ils se produisent

est un mécanisme réflexe ayant pour point de départ les nerfs

articulaires centripètes, qui agissent par l'intermédiaire des centres

vaso-moteurs et des fibres vaso-motrices sur la surface ostéo-arti-

culaire ; 4° s'il s'agit seulement d'une insuffisance d'excitation

sensitive, on aura plutôt la forme atrophique. S'il s'y ajoute un

mécanisme de compensation par les fibres restées intactes, on

aura en plus des phénomènes d'hypertrophie. Il est entendu que,

le siège des arthropathies et d'autres conditions anatomiques que

nous ignorons peuvent jouer un certain rôle dans leur production;

5° Les arthropathies des hémiplégiques ne sont pas, pour l'au-

teur, des arthropathies trophiques directes. Elles sont déterminées

par l'influence médiate du système nerveux central (troubles vaso-

moteurs, etc.) combinée à l'influence immédiate des agents patho-

gènes (microbes, etc.). Les symptômes et les lésions anatomiques

sont, du reste, différents de ceux des arthropathies neuro-spinales.

E. BLIN.

XV. Accidents cérébraux dans LE cours DE la BLE : VNGRRII1GIE; par

le professeur Pitres. (Bévue neurologique, août 189r.) z

L'auteur eut l'occasion de recueillir en 1886 deux observations

dans lesquelles des ictus apoplectiques suivis d'hémiplégies sont

survenus chez des sujets atteints de blennorrhagie aiguë. Il se

demanda s'il n'y avait pas eu, dans ces deux cas, un rapport de

cause à effet entre la blennorrhagie primitive et les accidents céré-

braux qui l'avaient suivie d'autant plus que l'un au moins des,

deux malades était à un âge et dans des conditions générales de

santé qui rendaient très difficile l'explication de son hémiplégie

par les causes habituelles de ce syndrome.

. Depuis ce temps, M. Pitres n'avait rencontré aucun fait nouveau

de nature à étayer cette' hypothèse. Or, dans une communication

faite le 21 janvier dernier à la Société de Neurologie de Moscou,

M. Tambourer vient de relater le cas d'un homme de vingt-cinq

ans qui, dans le cours d'une blennorrhagie chronique, durant

depuis trois ans, fut brusquement frappé d'une attaque d'apoplexie

mortelle : M. Tambourer attribue à une embolie gonococcique les

accidents cérébraux qui ont entraîné la mort de son malade.

. Si les observations d'hémiplégies co-blennorrhagiques venaient

à se multiplier, il faudrait bien en tenir compte. On sait depuis

quelque temps que la myélite doit figurer au nombre des compli-

cations éventuelles de la blennorrhagie : il n'y aurait rien de

surprenant à ce que le cerveau n'échappât pas à son influence

nocive. E. B. ,

310 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

XVI. POLYNÉVRITE récidivante, envahissement DES NERFS crâniens ET

diplégie faciale; par le Dr TARGOWLA. (Revue neurologique,

août 1894.)

L'intéressante observation publiée par l'auteur est un cas de

polynévrite à rechutes très espacées chez une femme de trente-

neuf ans dans les antécédents de laquelle aucune influence étiolo-

"gique n'a pu être relevée : ni alcoolisme, ni saturnisme, ni maladie

infectieuse. Les quatre symptômes cardinaux de la névrite se ren-

contrent chez la malade : douleur, paralysie, atrophie musculaire,

troubles trophiques. La première atteinte a eu lieu en 1874; la

seconde en 1882; la troisième en 1893. La malade a pu reprendre

le travail après chaque accès de névrite. Actuellement l'affection

est à l'état chronique : les symptômes moteurs prédominent; plu-

sieurs muscles présentent de la réaction de dégénérescence. Le

pronostic des polynévrites doit être réservé. En effet, dans le cas

de M. Targowla comme dans les deux observations de polynévrite

à rechutes citées par Eichhorst, la durée de la maladie a augmenté

avec la répétition des rechutes : la première atteinte occasionna

un arrêt de travail de cinq mois, la seconde de sept mois et la

troisième dure depuis dix mois; la malade ne recouvre ses mouve-

ments que très lentement, malgré le repos complet, le régime

tonique et le traitement électrique. E. B.

XVII. SUR deux cas familiaux D'UÉnÉDo-ATAXIE cérébelleuse ;

par M. P. LONDE. (Revue neurologique, sept. 1894.)

L'auteur rapporte deux nouveaux cas familiaux d'hérédo-ataxie

cérébelleuse, cas qui se rapprochent beaucoup de celui qu'il a déjà

publié avec M. Brissaud, dans la Revue neurologique (n"5, 1894).

Il s'agit du frère et de la soeur atteints de cette maladie exactement

au même âge, vingt-six ans, et de la même façon. Au point de vue

clinique, il y a une grande similitude de symptômes entre l'hérédo-

ataxie cérébelleuse et la maladie de Freidreich : l'une et l'autre

sont surtout une maladie de l'équilibration générale. Et cependant

la différence est capitale entre les deux, au point de vue des

lésions : alors qu'on trouve, dans toutes les autopsies de maladie

de Friedreich, des lésions dégénératives très étendues intéressant

le cordon de Burdach, le cordon de Goll, le faisceau cérébelleux

direct, le faisceau pyramidal croisé et les cellules de Clarke, on

n'a trouvé, dans les deux seules autopsies d'hérédo-ataxie cérébel-

leuse qui aient été faites, que de l'atrophie du cervelet, l'organe

de l'équilibration, et dans un cas seulement une atrophie de la

moelle sans lésions dégénératives.

Pourtant, comment expliquer l'analogie du tableau clinique ? le

cervelet est-il touché dans la maladie de Friedreich ? Ce qui est

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 311

certain, c'est qu'il n'est pas .toujours indemne et il est imsible

de se refuser à admettre que si le cervelet n'est pas toujours lésé,

du moins il est toujours troublé dans son fonctionnement. Cette

considération permet de comprendre dans leur ensemble la mala-

die de Friedreich et l'hérédo-ataxie cérébelleuse comme une mala-

die de la fonction de l'équilibration.

Les mêmes troubles de l'équilibration qui les caractérisent

seraient dus à la dégénérescence d'un système cérébello-médullaire

encore imparfaitement connu : dans la maladie de Friedreich, le

système cérébello-médullaire serait touché dans sa partie médul-

laire surtout ou exclusivement; dans l'hérédo-ataxie cérébelleuse,

le même système ne serait atteint que dans la portion cérébelleuse.

Il resterait à se demander pourquoi dans le même système orga-

nique c'est tantôt une partie, tantôt l'autre qui dégénère.

E. B.

XVIII. NÉVRITE périphérique consécutive A l'influenza ; par le Dr Ru- : THERFORD 1\I : 1CPHAIL. (Ame21ca71jourizal of insanity, 189.)

Les rapports de l'influenza avec les affections nerveuses ont été

l'objet, au cours de ces dernières années, de nombreuses commu-

nications et la névralgie du trijumeau, la céphalalgie, l'insomnie,

la perte de la mémoire, des crises épileptiformes, la folie, etc., ont

été signalées comme consécutives à l'influenza. Au cours d'une

épidémie d'influenza dans un asile, l'auteur a pu recueillir quatre

cas de névrite périphérique immédiatement consécutive à un accès

d'influenza. La névrite périphérique se développe fréquemment

après des maladies aiguës telles que la fièvre typhoïde, le typhus

exanthématique, la diphtérie : il n'y a donc rien d'irrationnel à

supposer, bien que ce fait n'ait pas été relaté jusqu'à présent, que

le poison de,l'influenza ait un pouvoir toxique suffisant pour déter-

miner de la névrite périphérique. l;. B.

XIX. NEURATROPHiE ET neurasthénie; par le Dr HUCHES.

(The alienist and neurologist, avril f 89.)

La neurasthénie n'est que l'expression fonctionnelle de la neu-

ratrophie générale, de la débilité générale du système nerveux

central. A cet égard, le mot de Cullen n'est pas très loin de la

vérité que c toute maladie est une sorte de maladie nerveuse ».

Et de fait, le système nerveux est plus ou moins atteint dans toutes

les maladies et en soignant les maladies du système nerveux, nous

recherchons et portons remède aux symptômes morbides géné-

raux, si bien qu'en ce sens tous les médecins sont des neurologistes

et en même temps des praticiens en général, quelque limité que

puisse être le champ de leurs travaux. E. B.

312 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

('XX. Contribution A L'ÉTUDE DE l'aphasie; par 0. HEBOLD.

(Allg. Zeitschr. f. Psychiat., L. 3. 4.)

L'auteur en distingue trois formes à localisation (Wernicke, 18 H) :

1° l'aphasie motrice, par la suppression d'images représentatives des

mouvements nécessaires à la parole (Broca) : lésion à la partie

-postérieure de la troisième frontale gauche; 2° l'aphasie sensorielle

impossibilité à comprendre ce qu'on entend, le malade ayant

encore à son service une assez riche provision de mots (Wernicke) :

lésion de la première temporale gauche; 3° l'aphasie de conduc-

tibilité dans laquelle le choix de mots propres est troublé mais le

malade comprend tout (Wernicke) : lésion de la région de l'insula.

Plus tard Wernicke et Lichthein ont imaginé un schéma d'après

lequel il y a sept formes d'aphasie, les deux espèces motrice et

sensorielle se décomposant en variétés subcorticale, corticale, trans-

corticale. Malheureusement pour chacune de ces formes théoriques

la localisation effective (anatomique) manque. -

Voici une observation caractérisée par l'absence totale d'aphasie :

la malade, droitière, a eu quelques attaques convulsives et épilep-

tiformes ; débile, elle a une élocution difficile mais n'est pas apha-

sique. A l'autopsie on trouve un gros foyer de ramollissement de la

substance blanche de la région de Broca (écorce indemne) et un

ramollissement du volume d'un pois dans le segment postérieur de

l'insula.

Voici une autre observation. Une lésion destructive occupe le

lobe temporal gauche; il y avait aphasie totale, surdité verbale,

une perte complète des conceptions représentatives de la parole,

chez un paralytique général ( ? ); le lobe temporal gauche est com-

plètement ramolli de même qu'une'petite partie de l'extrémité pos-

térieure de l'insula. L'étude critique des malades et des lésions

montre qu'il s'agit de cas non classés, nec plura. P. KERAVAL.

XXI. CONTRIBUTION casuistique au diagnostic d'affections CÉRÉDROSPI-

NALES A HÉSIIFARÉSIE SPASMODIQUE DES EXTRÉMITÉS; par G. HlI'SCh.

(Arch. de Psychiat., XXV, 3.)

Femme de cinquante-huit ans. Parésie spasmodique des extrémi-

tés avec rémission de deux ans. Pas d'atrophie musculaire; pas de

réaction dégénérative, pas de tremblement intentionnel. En juil-

let 1891 attaque apoplectiforme sans autre conséquence. Le 7 août,

accès de spasmes toniques dans les extrémités droites et le facial droit.

Troubles fréquents de la circulation et de la température. Affai-

blissement intellectuel. En décembre 1891 paralysie flasque, y

compris les membres du côté gauche. Elle meurt de pneumonie à

la fin de l'année. -Autopsie. Foyers de ramollissement anciens dans

le corps strié gauche et la capsule interne du même côté. Dans la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313

moelle, complète sclérose du cordon latéro-pyramidal gauche et des

cordons antérieurs et postérieurs. En résumé, lésions diffuses d'ori-

gine sénile ayant provoqué des syndromes mobiles et complexes.

P. K.

XXII. Présentation DE crânes montrant l'influence DU CRÉTINISME

sur la FORME DES cavités nasales; par Ilarrison -ALLEN. (The

. New-York Médical Journal, 2 février 1895.)

Le fait anatomique sur lequel l'auteur veut appeler l'attention

est l'élargissement des arrière-narines ; mais les crânes qu'il pré-

sente sont au nombre de deux seulement et l'influence qu'il

signale demanderait à être confirmée par des faits plus nom-

breux.. R. M. C.

XXIII. GLIO-SARCOME intéressant LES deux couches OPTIQUES; par

Charles-E. NAMMACK. (The New-York Médical Journal, 16 fé-

vrier 1895.)

Il s'agit d'un homme de vingt-trois ans, apporté à l'hôpital en

état de coma, et dont on ne sait rien si ce n'est que depuis trois

jours il a eu de la céphalalgie et de la diarrhée. -A son entrée,

il est pâle, émacié; la langue est brune, sèche, fendillée. Râles hu-

mides dans les poumons, rien au coeur. L'urine obtenue par le

cathétérisme contient un peu d'albumine. A droite, paralysie mo-

trice, sensibilité conservée. Mort au bout de six jours par pneu-

monie droite.

. L'examen du cerveau montre, une fois le corps calleux enlevé,

une tumeur grisâtre, molle, unie, qui remplit complètement le

troisième ventricule et l'aqueduc de Sylvius et qui fait corps, de

chaque côté, avec chacune des couches optiques de façon à jeter

entre elles un pont qui est de niveau avec leur surface supérieure.

La tumeur mesure 6 centimètres dans' le sens antéro-postérieur,

3 dans le sens transversal et 2 dans le sens vertical. Les coupes

pratiquées montrent que la tumeur est un glio-sarcome très vascu-

laire. Il a été impossible de déterminer le lieu initial du déve-

loppement de ce gliome. R. DE Musgrave CLAY.

XXIV. LES arthropathies DE l'ataxie locomotrice; par P ARIOER Syms.

(Tlce New-York Médical Journal, 19 janvier 1895.)

Parmi les diverses hypothèses proposées pour expliquer la pro-

duction des arthropathies d'origine nerveuse centrale, et particu-

lièrement des arthropathies de l'ataxie locomotrice, l'auteur admet

de préférence celle qui invoque un traumatisme portant sur une

articulation dont les nerfs sont déjà en état de dégénérescence.

L'observation de faits récents l'a conduit simplement à reproduire

314 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

et à maintenir les conclusions suivantes, formulées par lui il y a

six ans :

1° Les arthropathies qui surviennent au cours de l'ataxie locomo-

trice constituent 'une maladie spéciale placée sous la dépendance

du tabes dorsalis; 2° elles sont dues à des troubles trophiques ;

3° elles constituent des lésions de dégénérescence et non des lésions

inflammatoires; 4° la syphilis n'est pas un facteur nécessaire dans

la production de l'ataxie locomotrice; 5° dans certains cas, la résec-

tion de l'articulation malade peut être indiquée. R. M. C.

XXV. nIYRDÈ61E; par J.-A. `VESSINGER. (The New-York Médical

Journal, 28 juillet 1894.)

Observation d'un cas de myxoedème datant de cinq ans et sur-

venu chez une femme de quarante-cinq ans. Sous l'influence d'un

traitement tonique, et d'une dose de cinq grains (30 centigrammes)

de poudre desséchée de corps thyroïde administrée à chacun des

repas, une amélioration tellement notable qu'on pourrait presque

la qualifier de guérison a été obtenue dans un délai de six

semaines. L'auteur a fait suivre cette observation d'un résumé

historique du traitement du myxoedème, en s'attachant spéciale-

ment à l'histoire des divers modes sous lesquels on a employé les

préparations thyroïdiennes ou même la glande thyroïdienne en

nature. R. M. C.

XXVI. Névralgie DU grand nerf occipital accompagnée DE symptômes

D'UNE lésion DESTRUCTIVE DU sympathique cervical; par Alexander-

B. JoHNSON. (The New-York Médical humai, 5 mai 1894.)

L'observation de ce cas intéressant peut se résumer ainsi :

Homme de soixaate ans, conducteur de chemin de fer : pas de

syphilis, pas d'alcoolisme; paludisme il y a trente ans; pas de

rhumatismes, pas d'athérome artériel. Coeur et poumons sains.

Cet homme ressent depuis trois ans, au côté droit de la tête, des

souffrances qui l'empêchent de faire son service, et qui se sont

manifestées pour la première fois un jour qu'il avait pris froid dans

un train. Les douleurs sont vives, le plus souvent paroxystiques;

elle partent d'un point situé à environ deux pouces en arrière du

lobule de l'oreille droite, et s'irradient en haut et en arrière; elles

disparaissent quelquefois pendant quelques heures ou un jour,

pour reparaître ensuite pendant des semaines consécutives, la

région est en outre douloureuse à la pression. Le malade voit mal

de l'oeil droit, surtout si les objets qu'il regarde sont élevés ; l'oeil

droit pleure. La paupière supérieure droite tombe de façon à

recouvrir presque entièrement la pupille, tandis que la paupière

inférieure est relevée de façon à rétrécir symétriquement la fente

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3Hi JP

palpébrale. La pupille droite est contractée et ne réagit pas. Pas

de paralysie de la face. On diagnostique une lésion du sympa-

thique cervical, et une opération est proposée et acceptée par le

malade qu'aucun traitement n'a réussi à soulager. On fait une

incision de trois pouces et demi de longueur le long du bord pos-

térieur du sterno-mastoïdien droit et commençant juste au-dessous

de l'apophyse mastolde, on écarte le muscle et la jugulaire, on

soulève la carotide interne et on va à la recherche du ganglion

cervical supérieur; on le rencontre enfermé dans la gaine de la

carotide.interne à laquelle il paraît adhérer; on rompt les adhé-

rences et on met à nu le ganglion et le tronc nerveux sur une

étendue de deux pouces : ni l'un ni l'autre ne présentent de lésion

ni d'anomalie. On referme la plaie qui guérit parfaitement et

promptement. Immédiatement après l'opération les douleurs dis-

paraissent, ainsi que tous les autres symptômes qui ont été signalés

plus haut. Malheureusement cet état satisfaisant n'a duré que six

semaines, au bout desquelles les douleurs ont reparu avec la même

intensité qu'autrefois.

Dans ces conditions, l'auteur estime qu'on est autorisé à supposer

en s'appuyant sur les données de physiologie pathologique four-

nies par plusieurs auteurs que les symptômes observés se ratta-

chaient à une lésion peu étendue, mais destructive, de la moelle,

lésion dont il est, dans l'état actuel de la science, impossible de

préciser le siège. Il renonce à expliquer, autrement que par l'hy-

pothèse de l'intensité de l'impression périphérique opératoire,

l'amélioration d'un mois et demi qui a succédé à l'intervention

chirurgicale. R. DE MUSGRAVE CLAY.

XXVII. Paralysie bilatérale du NERF facial; par le Dr 1<foNaoosnao.

Dans un premier cas, la diplégie faciale paraît avoir eu une ori-

gine spécifique et céda à un traitement général accompagné d'un

traitement local de la paralysie.

Le second cas a trait à une paralysie bilatérale complète du facial

à forme douloureuse, due probablement à une périnévrite de

cause inconnue : pas d'antécédents héréditaires ou personnels.

(The alienist and neurologist, janvier 1895.) E. B.

XXVIII. SUR UNE variété particulière DE paralysie alterne;

par le professeur RAYMOND.

Parmi les nombreuses variétés de paralysies alternes, il en est

deux qui ont jusqu'ici attiré l'attention des observateurs. L'une,

connue sous le nom de syndrome Millard-Gûbler, est caractérisée

par une hémiplégie d'un côté du corps, coexistant avec une para-

lysie faciale périphérique de l'autre côté. Une seconde variété,

316 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

désignée sous le nom de syndrome de Weber, est caractérisée par

une hémiplégie commune, coexistant avec une paralysie de la

troisième paire, du côté opposé, c'est-à-dire du nerf moteur

oculaire commun.

. M. le professeur Raymond montre un exemple d'une variété rare

de paralysie alterne : il s'agit d'un cas d'hémiplégie droite,

coexistant avec une paralysie du moteur oculaire externe gauche.

- Pour qu'une lésion unilatérale produise une hémiplégie vulgaire,

coexistant avec la paralysie de l'abducens du côté opposé,' elle

doit répondre à l'une des deux localisations suivantes : ou bien

siéger en dehors du mésocéphale, à la base de l'isthme, de manière

à intéresser la sixième paire d'une part, et, d'autre part, le faisceau

pyramidal avant l'entre-croisement du faisceau géniculé ; ou bien

siéger dans l'épaisseur de la portion bulbo-protubérantielle du

mésocéphale. M. Raymond considère la première de ces hypo-

thèses comme plus vraisemblable.

Chez la malade qui fait l'objet de cette lecon, la lésion parait

devoir être due à la syphilis acquise. Or, comme la base de la pro-

tubérance est un lieu d'action des infiltrations gommeuses, il

suffirait qu'une pareille lésion entourât le tronc nerveux de la

sixième paire en comprimant ou altérant les faisceaux pyramidal

et géniculé avant leur entre-croisement, pour déterminer le syn- ? d ! 'on1 alterne en question. (Revue neurologique, avril 1895.)

.vîV-u ? E. B. ? ( ? 1

, ,r1>iIX. Hypertrophie DE la glande pituitaire ET acromégalie.

^y1 . Gygantisme ET acromégalie ; par le Dr nIASS.1LONG0. ? .

L'auteur rappelle qu'il a énoncé avant tout autre et trois ans

avant la communication du professeur Tamburini au Congrès

International de Rome, ainsi qu'avant l'article de MM. Brissaud et

Meige dans le Journal de Médecine et de chirurgie pratiques de

Paris, les conceptions nouvelles sur la pathogenèse delà maladie de

Marie de même que sur les relations nosographiques intimes entre

l'acromégalie et le gigantisme : la conclusion de ses publications

était la suivante : c l'acromégalie n'est autre chose qu'un gigantisme

tardif anormal. » (Revue neurologique, avril 1895.) E. B.

XXX. NOTE SUR UNE épidémie DE borborygmes ; par le Dr FËRÉ.

Dans le domaine de la neuropathologie, c'est surtout chez les

hystériques que les borborygmes sont communs. Le principal carac-

tère des borborygmes'hystériques est'd'être rythmiques, le rythme

étant en général sous la dépendance des mouvements respiratoires,

l'immobilité du thorax les suspend.

- La nature hystérique de ces borborygmes se déduit de leurs

associations symptomatiques.

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 317

Les faits sur lesquels l'auteur appelle l'attention semblent mettre

en lumière le rôle de la contagion dans leur étiologie.

En effet, sur neuf personnes travaillant dans un même atelier de

couture, cinq d'entre elles, présentant des phénomènes hystériques

plus ou moins marqués, sont atteintes de borborygmes hystériques ;

les quatre personnes qui ont échappé à la contagion sont exemptes

de troubles hystériques d'une autre forme. (Revue neurologique,

mai 1895.) E. B.

- XXXI. Hémianopsie avec hallucinations dans la partie abolie

DU champ DE la vision ; par le Dr LAME.

La superposition des hallucinations visuelles à certaines hémia-

nopsies est'un phénomène rare, car la littérature médicale n'en

renferme qu'un petit nombre de cas.

De l'observation intéressante qu'il en a recueillie et des quelques

cas publiés, l'auteur tire les conclusions suivantes : certaines hémia-

nopsies d'origine corticale s'accompagnent d'hallucinations visuelles

dans la partie du champ de la vision dont la fonction est abolie.

Ces hallucinations, ordinairement très précises et uniformes, ne

s'accompagnent.dans la règle, d'aucune idée délirante et consti-

tuent un trouble psychique isolé : elles peuvent se manifester sous

la forme clinique d'une épilepsie sensorielle surajoutée à'une ? '"

hémianopsie permanente. -'u ? -...

Il s'agit, sans nul doute, d'un phénomène d'excitation ayant *>,

pour siège la sphère visuelle du lobe occipital, comparable aux'plié- - -

nomènes d'excitation motrice de l'épilepsie jacksonienne, et'lià , .

la présence d'une altération localisée de la substance corticale, ?

(Revue neurologique, mars 1895.) E. B. -

XXXII. UN cas d'abcès DE la MOELLE ; par le professeur HoncEN.

A part les infiltrations purulentes de la moelle dues aux trau-

matismes, la littérature médicale ne contient que trois cas certains

d'abcès de la moelle, en dehors du cas très intéressant décrit par

l'auteur. - * ' '

Après deux jours de vives douleurs dans les jambes, la jambe

gauche du malade est subitement paralysée et insensible; le len-

demain c'est le tour de la jambe droite.

Anesthésie complète des membres inférieurs et de la moitié infé-

rieure du tronc ; un certain degré d'ataxie dans les mouvements

des membres supérieurs; troubles de la miction et de la défécation,

élévation de la température, foyer de broncho-pneumonie du côté

gauche. Mort six jours après le commencement de la paralysie du

côté gauche. '

L'abcès était complètement isolé à l'intérieur de la moelle dont

les enveloppes étaient intactes, à l'exception d'une légère- infiltra-

318 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

tion de la pie-mère et de l'arachnoïde aux endroits où le foyer

purulent touchait à la périphérie.

L'abcès s'étendait du quatrième segment cervical jusqu'au sixième

segment dorsal : il occupait en général les parties postérieures

centrales, et atteignait sa plus grande largeur dans la partie infé-

rieure du quatrième segment dorsal où il avait envahi aussi le

cordon latéral gauche presque tout entier et le cordon latéral droit.

(Revue neurologique, février 1895.) E. B.

XXXIII. Classification DES chorées arythmiques; par le D LANNOIS.

L'auteur divise les chorées arythmiques en trois groupes, laissant

de côté la chorée hystérique, qu'elle soit ou non rythmique : 1° la

chorée de Sydenham et ses formes ; a. chorée vulgaire ; 6. chorée

molle; c. chorée de la grossesse; d. chorée des vieillards. En

général dans ce groupe, la marche n'est pas progressive et la gué-

rison peut survenir. 2° Dans les faits qui constituent le second

groupe, la maladie est au contraire nettement progressive et incu-

rable, ce sont les chorées chroniques progressives : a, chorée

héréditaire ou de Huntington ; 6, chorée chronique progressive sans

hérédité similaire; 3° chorées symptomatiques de grosses lésions,

tumeurs, ramollissements, embolies, etc. : a. hémichorée et hémia-

théthose ; b. chorées généralisées, dans certains cas de lésions éten-

dues du cerveau, par exemple dans la paralysie générale ; c. chorée

congénitale et athétose double. (Revue neurologique, février 1895.)

E. B.

XXXIV. CONTRIBUTION A l'étude DE la FORME familiale

DE la paraplégie spasmodique spinale ; par le Dr Souques.

L'auteur a pu observer chez deux enfants, le frère et la soeur,

une paraplégie spasmodique typique caractérisée par une rigidité

pure et simple des membres inférieurs, accompagnée d'exaltation

des réflexes rotuliens et de clonus des pieds ; les troubles sensitivo-

sensoriels, trophiques, électriques, vésico-rectaux, cérébraux, etc.,

font défaut ; la motilité est intacte aux membres supérieurs et à

la face.

Après discussion des diverses hypothèses, l'auteur estime qu'il

s'agit ici de la paralysie spasmodique de Erb, c'est-à-dire du tabes

dorsal spasmodique de Charcot.

Les considérations cliniques et anatomiques tirées des cas de

Krafft Ebing et de Strumpell ainsi que de ces deux cas conduisent

à admettre l'existence d'une maladie caractérisée cliniquement

par une paraplégie spasmodique et anatomiquement par une sclé-

rose systématique primitive des faisceaux pyramidaux, soit isolée,

soit plutôt combinée avec la dégénération des cordons de Goll et des

faisceaux cérébelleux décrits : c'est l'ancien tabes dorsal spasmo-

REVUE DE pathologie nerveuse. 319

dique de Charcot, un instant condamné et auquel on tend à

revenir. Les travaux récents ont mis en lumière la fréquence de

son caractère familial ou héréditaire.

Quant à la cause de cette sclérose systématique, il est permis,

dans certains cas, de songer à une influence toxique ou infectieuse

et particulièrement à la syphilis. Mais cette influence pathogé-

nique de la syphilis ne suffit pas à l'interprétation des cas héré-

ditaires et familiaux : il semble dans ces cas indispensable de faire

intervenir la fragilité héréditaire d'un territoire nerveux et la

maladie infectieuse ne fait qu'accélérer la dégénération systéma-

tique. (Revue neurologique, janvier 1895.) E. B.

XXXV. Observation D'UN cas DE dualité cérébrale ;

. par Lewis BRUCE. (Brain, part. LXIX, 1895, p. 54.)

Homme de quarante-sept ans présentant des symptômes de

mélancolie avec stupeur, et périodes alternantes d'excitation et

d'abattement. On constate chez lui deux états, l'un dans lequel il

parle gallois et se souvient de ce qu'il faisait au pays de Galles,

l'autre où il parle anglais et ne se souvient que de ce qui se rap-

porte à ce qu'il a fait dans ce pays. Ecriture en miroir. Dans le

premier état il est gaucher, dans le second il est droitier. Varia-

tions du caractère et de la sensibilité générale et des sens spéciaux

dans les deux états. P. S.

XXXVI. SUR LES TROUBLES DE la sensation ET principalement la

DOULEUR dans LES affections viscérales; par Henry HEAD. (Brain,

part. LXVII, 1894, p. 339.)

Dans un article précédent l'auteur a établi que les affections

viscérales produisaient de la douleur dans certains points à la sur-

face du' corps et que cette douleur était fréquemment accompagnée

par des accès plus ou moins définis de sensibilité superficielle. Il

n'avait considéré ces phénomènes qu'au-dessous du cou. Aujour-

d'hui il les étudie dans la tête et le cou et montre les points sui-

vants : 1° chaque organe de la tête est en relation avec une ou

plusieurs zones superficielles, tels sont le nez, l'oeil, etc., etc., et

le cerveau lui-même; 2° les zones n'ont pas pour la plupart une

élendue qu'on puisse apprécier cliniquement ; 3° les résultats pro-

duits par la destruction des différentes branches du trijumeau

montrent que les zones de sensibilité ne correspondent pas à leur

distribution; 4° comme dans le reste du corps les cavités séreuses

et les tissus superficiels ne produisent pas une douleur réflexe à

distance, mais locale; 5° les phénomènes de vraie migraine sont

examinés et l'auteur démontre qu'il n'y a aucune relation entre

elle et les phénomènes de douleur réflexe; 6° l'auteur se propose

320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de montrer que les affections des viscères thoraciques et abdomi-

naux ne produisent pas seulement de la douleur et de la sensibilité

dans le corps, mais encore sur certaines parties du cuir chevelu ;

7° il cherche enfin à localiser les connexions centrales de ces zones

avec le système nerveux.

Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des nombreux cas

rapportés dans ce long travail. Le sujet est intéressant et parait

préoccuper assez les médecins anglais pour que de nouvelles

recherches soient faites, soit pour confirmer, soit pour infirmer les

faits avancés par l'auteur et en chercher le mécanisme.

. , P. SOLLIER.

XXXVII.. L'anesthésie localisée comme guide dans LE diagnostic DES

LÉSIONS DE la partie supérieure DE la MOELLE; par ALLEN STARR.

(Brain, part. LXVII, 1894, p. 481.)

L'auteur, s'appuyant sur neuf cas de lésions localisées à des

niveaux différents de la moelle, arrive a établir, en combinant les

différents diagrammes donnés par les auteurs pour lès zones anes-

thésiées dans des cas analogues, un diagramme schématique des

zones cutanées du bras qui sont en rapport avec les différents

segments de la moelle entre la seconde paire dorsale et la qua-

trième 'cervicale. Ces zones se présentent sous forme de bandes

longitudinales plus ou moins étroites de l'épaule au bout des

doigts et se différencient nettement des anesthésies hystériques

d'une part et de celles produites par des lésions des troncs ou

branches nerveux. D'accord avec Mme Déjerine Klumpke, il re-

marque que les lésions de la partie inférieure de la région cervi-

cale de la moelle produisent un certain nombre de symptômes dus

à une lésion du centre cilio-spinal. Ces faits servent en outre à

meltre en évidence la localisation des fonctions motrices de la

moelle. P. S.

XXXVIII. Traumatisme SUIVI DE phénomènes rares du côté

. DU SYSTÈME NERVEUX; par le D'' HARVEY. - ,

Cas d'hystéro-traumatisme chez un garçon de quatorze ans dont

la mère est hystérique, en même temps que le père et la mère sont

cousins germains. '

Ce garçon était placé sur un wagon chargé de tonneaux vides,

lorsque ce wagon fut bousculé par un train et l'enfant roula par

terre au milieu des tonneaux vides. Amené à l'hôpital, on ne lui

trouve aucune blessure du côté des membres ou de la poitrine,'

mais tout le côté gauche est contracturé, les membres étant en

flexion et la tête tournée fortement vers la gauche ; il existe une

aphasie complète et tout le côté gauche est hyperesthésié. Lé len-

demain, l'aphasie avait disparu et le malade commençait à-mou-

SOCIÉTÉS savantes. 321

voir légèrement la main gauche : l'amélioration s'accentue de jour

en jour, et un mois après l'accident le malade sortait, complètement

guéri, de l'hôpital. (Amerio. Journ. of insanity, oct. 1894.) E. BLIN.

XXXIX. Cas DE SCLÉROSE latérale AMYOTROPHIQOE AVEC dégénérescence

DU faisceau pyramidal DE l'écorce A la PÉRIPHÉRIE; par Fred..

Mort. (Brain, part. LXIX, 1895, p. 21.)

Il s'agit d'une femme de trente-neuf ans, qui fut prise un an avant

sa mort de faiblesse et d'engourdissement dans la jambe droite, qui

allèrent graduellement en augmentant et s'accompagnèrent d'a-

trophie des muscles et d'exagération des réflexes profonds. L'affec-

tion gagna le membre supérieur du même côté, avec atrophie

spéciale des éminences thénar et hypothénar et des interosseux.

Plus tard la jambe gauche fut atteinte comme la droite, puis le

bras gauche et le tronc. Des phénomènes bulbaires et probable-

ment une paralysie du diaphragme terminèrent la scène. L'exa-

men anatomique très soigné a été fait des pièces. Sur les planches

qui en sont données, on voit que le processus dégénératif sem-

blait avoir affecté simultanément et progressivement le tractus

moteur dans sa totalité, écorce, faisceau pyramidal, cornes anté-

rieures et fibres motrices avec état spasmodique et en même

temps atrophie progressive des muscles. Ce cas viendrait donc à

l'appui de l'opinion de Leyden et de Gowers opposée à celle de

Charcot, sur le rapport qui existe entre la sclérose latérale amyo-

trophique et l'atrophie musculaire progressive. P. S.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET DES NEUROLOGISTES ».

SIXIÈME SESSION : BORDEAUX.

Appendice ci la séance du 3 août.

Trois cas d'idiotie myæoedimateuse, traités par l'ingestion

thyroïdienne.

M. BOURNEVILLE (de Paris) fait une communication sur trois cas

types d'idiotie myxoedémateuse, c'est-à-dire présentant réunis tous

' Voir Archives de Neurologie, n° 103.

Archives, t. XXX. 21

J

322 SOCIÉTÉS savantes.

les symptômes qui caractérisent cette maladie : épaississement de

la peau, des mains, des pieds, de la langue; pseudo-lipomes; na-

nisme ; persistance de la fontanelle antérieure; absence de la

glande thyroïde; arrêt complet de la puberté, etc. Il montre les

photographies de ces malades prises d'année en année.

M. BOURNEVILLE rappelle qu'à la suite de sa communication, en

1889, à l'Association française, M. ARNAUD DE la JASSE lui adressa

une lettre dans laquelle il conseillait l'ingestion de la glande thy-

roïde. Après avoir constaté l'insuccès de la greffe thyroïdienne et

essayé en vain les injections sous-cutanées de liquide thyroïdien,

l'administration du suc thyroïdien en julep, il a eu recours à l'in-

gestion de la glande. C'est le résultat de ce mode de traitement

qu'il communique.

Les symptômes dus au médicament se sont succédés ainsi : dé-

gonflement des paupières, amaigrissement, élévation de la tempé-

rature rectale qui, au lieu de rester au-dessous de 37°, monte à

38° et au-dessus, tremblement, sueurs profuses remplaçant la séche-

resse habituelle de la peau, affaiblissement des jambes, augmenta-

tion du tremblement, tachycardie, vomissements, agitation, excita-

tion, diminution du volume de la langue et de la coloration vio-

lacée des lèvres, poussée plus rapide des ongles, disparition des

croûtes de la tête, desquamation des mains et des pieds, diarrhée

au lieu de constipation.

Au point de vue intellectuel, M. Bourneville relève l'excitation,

des accès de colère inhabituels, davantage de spontanéité, par pé-

riodes marche plus rapide. La voix s'est modifiée quant au timbre

et à la tonalité.

Il montre : 1° des photographies figurant les trois malades (deux

filles et un garçon) de semaine en semaine pendant les deux mois

de traitement; ils sont représentés ensemble et nus, ce qui permet

d'apprécier nettement les modifications; 2° des tracés indiquant :

a) la température rectale prise, matin et soir, pendant deux mois,

son élévation sous l'influence du traitement, son abaissement durant

les suspensions; indiquant : b) la diminution et le relèvement

du poids dans les mêmes conditions.

Tous les symptômes, en particulier la diminution du poids, l'élé-

vation de la température, la gravité des symptômes et partant la

nécessité de la suppression du médicament, ont été très accusés

chez la malade de trente ans, moins prononcés chez celle de vingt

ans et encore moins chez celle de quatorze ans. La dose a varié d'un

lobe à un demi-lobe de glande thyroïde. L'action de la glande thy-

roïde est donc évidente, et, en raison des accidents, il convient de

surveiller l'emploi avec soin afin d'éviter des accidents qui peuvent

devenir mortels'. 1.

1 Nous publierons ce travail complètement.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 323

M. Ballet fait remarquer qu'expérimentalement les jeunes

chiens sont plus sensibles à l'action du corps thyroïde, tandis que

les sujets dgés, dans les cas de M. Bourneville, paraissent avoir été

surtout influencés.

M. Bourneville répond qu'il n'a étudié que trois cas concernant

un garçon de trente ans, une fille de vingt ans, et une autre de

quatorze ans, et qu'il ne saurait avoir d'opinion ferme à cet

égard. Les tracés du poids et de la température montrent que la

diminution du poids, l'élévation theimique ont été très prononcés

chez le malade de trente ans, moyennement chez la fille de

vingt ans, et un peu moins chez la plus jeune. Parallèlement les

autres symptômes ont été plus ou moins accusés. Les trois malades

myxoedémateux continuent à suivre le traitement; d'autres ma-

lades, pour un état polysarcique,ont été mis au même traitement,

et bientôt, comme ils sont d'âge différent, nous verrons comment

ils se comportent.

Séance du lundi 5 août (matin et soir). - PUÉSIDENCE DE M. GILBERT,

Ballet ET GARNIER, vice-présidents, DE M. JOFFROY.

Mesure de la toxicité des alcools par les injections intm-veineuses,

M. Paul SOLLIER (de Paris) décrit une forme d'anorexie mentale,

primitive, spéciale, distincte de l'anorexie hystérique et de la dys-

pepsie nerveuse de Leube. Le pronostic en diffère ainsi que le trai-

tement bien plus délicat. Dans la moitié des cas, la mort survient

par cachexie ou tuberculose. L'étiologie est banale, peut-être y

a-t-il une influence dégénérative, dominante, initiale ? Le refus

d'aliment moins fort que dans l'hystérie est plus tenace, l'amal-

grissement rapide. L'état mental consiste en apathie aboulique et

dégoût de la vie, pas de délire proprement dit, ni de troubles neu-

rasthéniques, ni de troubles sensitivo-sensoriels. Constipation opi-

niâtre. Marche continue et progressive. Guérison rare.

M. Régis a remarqué plusieurs cas de ce genre qu'il se proposait

de réunir sous l'étiquette suivante : « Anorexie des jeunes filles à

la puberté. » La puberté serait une cause très importante pour la

production de ces états, en faisant intervenir des idées mystiques

génitales ou autres. Il cite l'exemple d'une jeune fille qui employa

tous les moyens possibles pour arrêter sa menstruation naissante

et l'augmentation de ses seins. M. Régis, tout en reconnaissant que

ces cas sont graves, ne considère pas le pronostic aussi sombre que

l'admet M. Sollier.

M. Charpentier croit voir dans ces cas l'anorexie des hypocon-

driaques décrite par les anciensauteurs.(

M. Tissié (de Bordeaux) présente une étude sur le traitement de

quelques phobies par la gymnastique médicale. Il s'agit de la peur

32ft, sociétés savantes.

qu'éprouvent certains malades à traverser une place, à passer sur

un pont, etc., etc. Ne pouvant user tout de suite de la gymnas-

tique, puisque les malades sont dans l'impossibilité de se rendre

au gymnase, il commence par les entraîner par la suggestion et

les rêves thérapeutiques qu'il provoque. Cette suggestion est ren-

forcée par un parfum qui agit sur l'odorat. Ce procédé nouveau est

basé sur la loi de l'association des mémoires. Quand le malade peut se

rendre au gymnase, il commence le traitement par la gymnastique.

La dose d'effort à produire doit être calculée sur le coefficient

de forces psycho-physiologiques de chaque sujet. Ce coefficient est

variable quotidiennement. L'application de la gymnastique chez

les nerveux est très délicate, aussi faut-il qu'elle soit appliquée

thérapeutiquement. - Discussion avec M. Doutrebente.

M. DE FLEURY. Pathogénie et traitement de la neurasthénie.

Pour l'auteur, la neurasthénie est caractérisée par une diminution

du tonus musculaire et de la sécrétion glandulaire. L'hypotonus se

révèle par l'amyosthénie, l'hypotension artérielle, la mollesse de

contraction 'du coeur, l'instabilité des jambes, la maladresse des

mains et les troubles digestifs (dilatation d'entéroptose, etc.). Ajou-

tons la sécheresse cutanée, les asthénies génitales, intestinales, etc.

La neurasthénie est donc une maladie du tonus. Le tonus est un

réflexe (Broudgeest), il faut donc provoquer ce réflexe par stimula-

tion méthodique, périphérique (frictions, douches, massages, élec-

tricité, etc.). La thérapeutique dynamique est donc le traitement le

plus rationnel et le plus efficace de l'épuisement nerveux.

M. DEVAY (de Lyon). De la mélancolie chez les syphilitiques.

Ce travail est basé sur quatre observations. Les malades ont pré-

senté de la mélancolie, soit avec stupeur, soit avec délire hypocon-

driaque, ou de négation, ils n'ont pas eu de troubles moteurs de

la paralysie générale. -

La première malade contracte la syphilis en juillet 1893, eu

mars 1894, elle est atteinte de mélancolie avec obnubilation intel-

lectuelle. Son état général est mauvais. Elle est soumise au traite-

ment mixte. L'amélioration, soit physique, soit intellectuelle,

se produit en quelques mois et se maintient. La deuxième ma-

lade contracte la syphilis et fait' plusieurs séjours à l'Antiquaille

pour les accidents de sa maladie. A son dernier séjour, en

février 1893, elle est atteinte de mélancolie anxieuse avec tendance

à la stupeur et pseudo-catalepsie. Son état s'est maintenu sans

modification aucune depuis son admission à l'asile. La troisième

malade contracte la syphilis à l'âge de dix-neuf ans. Les troubles

mentaux ont apparu vingt ans après et sont caractérisés par de la

mélancolie avec idées d'indignité et délire de négation. Elle prétend

qu'elle n'a pas de bouche, pas d'estomac, etc. Son état s'est aggravé

depuis quelque temps, il marche vers la démence.

sociétés savantes. 325

La quatrième malade a contracté la syphilis il y a dix ans, et

fut atteinte dès les premiers accidents d'hypocondrie, causée par

l'ennui d'être atteinte de syphilis. Cet état ne l'empêchait pas

d'exercer sa profession de chapelière : mais elle fut atteinte quelque

temps de métrite avec douleurs abdominales. Elle prit des injections

très chaudes et le délire commença, en même temps que le corps

thyroïde s'hypertrophiait légèrement. La malade disait que les

injections lui avaient brûlé les intestins, que son boyau était

remonté au cou, etc. Entrée en 1888, elle a eu des périodes de mé-

lancolie avec stupeur suivies de rémissions incomplètes de courte

durée. A partir de 1890, l'état mental s'est transformé, et actuelle-

ment la malade démente est devenue enfantine dans la parole,

les gestes, la démarche, etc.

Ces quatre observations se complètent les unes les autres et for-

ment une sorte de gradation dans l'état mélancolique qui aboutit

à la démence. Il se différencie de la mélancolie de ce qu'on a

appelé pseudo-paralysie générale, par l'absence de troubles mo-

teurs et se rapproche de l'obsurvation suivie d'autopsie et d'examen

microscopique publiée par M. le professeur Pierret et son élève

Paret. Ces auteurs ont montré que la mélancolie anxieuse peut

être infectieuse (dans un cas grippale) et due à la localisation dans

les cellules cérébrales et les espaces lymphatiques de l'écorce de

bacilles. Je considère cette mélancolie syphilitique comme de même

nature. Sa connaissance est utile, car le traitement spécifique

précoce peut être suivi de guérison, surtout lorsque le trouble

intellectuel est contemporain des poussées secondaires. Lorsque

la mélancolie apparaît à la période parasyphilitique, son résultat

est très douteux.

M. IIfARINESCO. La syringomyélie caractérisée par des troubles

de sensibilité et des amyotrophies du type Aran-Duchenne relève

de la prolifération progressive du canal épendymaire. A cette pro-

lifération s'ajoute un certain degré de tension dans le canal cen-

tral, ce qui explique sa dilatation. Le primum movens de cette affec-

tion n'est pas le bacille de la lèpre, ainsi que l'ont établi MM. Pitres

et Sahrazès et ainsi qu'il résulte aussi de nos examens : le bacille

de Hansen est absent de la gliose de la moelle. Le point de départ

de la syringomyélie secondaire est tantôt en dehors de la moelle,

tantôt en dedans de l'axe spinal lui-mênie, mais en dehors du canal

central.

Comme exemple de syringomélie du premier groupe, nous envi-

sagerons les cavités de la pachyméningite cervicale hypertrophique

décrite par Charcot et Joffroy. Dans ce cas, les cavités développées

dans la substance grise postérieure et antérieure sont secondaires

à la compression qu'exerce l'anneau fibreux pachyméningitique

sur la moelle épinière, Le tableau clinique diffère de celui de la

36 SOCIÉTÉS SAVANTES.

syringomyélie primitive, notamment par le fait que la dissociation

dite syringomyélique est précédée par des douleurs pseudo-névral-

giques. Enfin des tumeurs, ayant pris naissance dans la moelle

elle-même comme des sarcomes ou des glio-sarcomes, peuvent,

retentir par compression ou par tout autre mécanisme sur subs-

tance grise et sur le canal épendymaire et déterminer des cavités

.syringomyéliques secondaires. Mais, dans ces cas, aux symptômes

cliniques de la syringomyélie s'ajoutent des phénomènes insolites

comme des troubles paralytiques très intenses et la perversion de

la sensibilité tactile.

M. le professeur RoTa (de Moscou). Je tiens à faire deux

observations au sujet de la communication intéressante de M. Ma-

rinesco : 1° il me semble qu'au point de vue anatomo-patholo-

gique, ce serait faire une véritable confusion que d'appeler syrin-

gomyélie primitive les cavités produites par une distension du

canal central : il s'agit là d'hydromyélie et cela ne correspond nul-

lement aux faits cliniques que l'on s'accorde à classer sous le nom

de syringomyélie. Cette syringomyélie est d'ailleurs secondaire et

due au ramollissement de la névroglie néoplasiée; 2° quant à la

genèse des symptômes cliniques connus sous le nom de dissociation

syringomyélique de la sensibilité, elle n'a rien de commun avec la

cavité syringomyélique, ainsi que le démontrent les cas dans les-

quels on n'observe que de la gliose, sans cavité, des cornes posté-

rieures, et également des cas très nombreux où il y a participation

du trijumeau aux troubles de dissociation dite syringomyélique de

la sensibilité. Dans les cas de syringomyélie gliomateuse, c'est la

gliose de la racine ascendante du trijumeau et non la présence

d'une cavité dans le bulbe qui est le substratum anatomique de la

thermo-anesthésie et de l'analgésie.

Je dois encore faire remarquer que la dissociation dite syringo-

myélique, qui se voit souvent dans les autres processus provoquant

une compression de la moelle (dans l'hématomyélie de Minor, dans

la syringomyélie secondaire, dont les cavités sont creusées en

pleine substance blanche, indiquée par M. Marinesco, dans les

tumeurs d'ordres divers, dans la pachyméningite dont plusieurs

cas ont été rapportés, il y a plus de vingt ans, par M. Rosenthal),

dans tous ces faits, dis-je, les conditions anatomiques de la disso-

ciation dite syringomyélique de la sensibilité sont tout autres que

dans la gliomatose (avec ou sans cavité syringomyélique). Dans la

gliomatose, ce sont les fibres radiculaires qui sont atteintes dans

les cornes postérieures et les zones d'anesthésie se trouvent du

même côté que la lésion et correspondent aux racines dont les

prolongements intra-médullaires sont atteints. Au contraire, dans

les autres cas que j'ai énumérés l'anesthésie occupe le côté opposé

et se localise symptomatiquement dans la partie inférieure du

SOCIÉTÉS SAVANTES. 327 Î

corps. C'est l'ensemble des fibres conductrices sensitives de la

moelle qui est atteint, après leur entre-croisement, comme dans le

syndrome de Brown-Séquard.

M. A. GIRAUD, directeur-médecin de l'asile Saint-Yoii. De

l'appel des jugements correctionnels frappant des individus reconnus

aliénés seulement après leur condamnation, - Il n'est pas rare de

recevoir dans les asiles des aliénés transférés de la prison, et

dont l'état mental avait été méconnu au moment de leur con-

damnation. M. Paul Garnier pour la période quinquennale 1886

à 1890 en a relevé 255 cas à Paris ; M. H. Monod pour la même

période en a relevé 271 cas en province. Dans la grande majo-

rité des cas ces condamnations sont prononcées par les tribu-

naux correctionnels, et le plus souvent avec la procédure des

flagrants délits. Ces condamnations ne seraient pas prononcées

si l'état mental de l'aliéné était reconnu à temps et le malade

subit une flétrissure imméritée. On doit s'attacher à effacer cette

flétrissure et M. le Dr Giraud rapporte la procédure très simple

suivie à Rouen pour faire appel d'un jugement condamnant une

vieille démente de soixante-douze ans à trois mois de prison.

L'appel fut porté par le procureur général à qui le fait avait été

signalé, et la Cour réformant le jugement prononça l'acquit-

tement. Il est à désirer que, dans la nouvelle loi sur les aliénés,

des dispositions soient prises pour annuler toutes les condam-

nations dues à ce que l'état du malade a été méconnu. Ce serait

peut-être actuellement possible en vertu de la loi du 8 juin 1895

sur la revision des procès criminels et correctionnels, mais, en

tout cas, ce qui vient d'être fait à Rouen pourrait être généralisé

pour les condamnations par les tribunaux correctionnels pendant

les délais d'appel du procureur général, délais qui, aux termes

de l'article 205 du Code d'instruction criminelle, sont de deux

mois après la condamnation. Le plus habituellement les aliénés

victimes d'une erreur judiciaire sont transférés de la prison à

l'asile moins de deux mois après leur condamnation, et la con-

damnation n'est pas encore définitive, puisqu'elle est susceptible

d'appel. A la suite de sa communication, l'auteur émet le voeu

suivant, qui est adopté par le Congrès :

» Le Congrès des médecins aliénistes et neurologistes réuni à Bor-

deaux en 1893 émet le voeu que, par suite d'une entente entre le

ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice, les aliénés

subissant une condamnation et transférés de prison dans un asile

soient mis sous la protection des procureurs généraux qui peuvent,

pendant deux mois, déférer les jugements des tribunaux correc-

tionnels à la Cour d'appel.

« Le Congrès émet le voeu que la flétrissure imméritée subie

par les aliénés dont l'état menlal a été méconnu au moment de la

328 SOCIÉTÉS SAVANTES.

condamnation soit effacée par l'appel, ce qui parait possible dans

la majorité des cas. »

M. DOOTREBE1VTE croit que l'excellente mesure préconisée par

M. Giraud pourrait être facilement et rapidement appliquée dans

les chefs-lieux d'arrondissement au voisinage desquels existe

presque toujours un asile d'aliénés, dont le médecin pourrait faire

.les expertises hebdomadaires ou journalières réclamées par M. Gi-

raud.

De la paralysie vaso-motrice dans ses rapports avec l'état affectif

des paralytiques généraux, par MM. KLIPPEL et Damas. - 1. Les

recherches de Piégu (1846), de Chelins, de Buisson, de Fich, de

Mosso, de Meynert, de François Franck, de Haillon, etc., ont établi

le changement de volume des membres dans les troubles circula-

toires ainsi que de la manière d'enregistrer, à l'aide d'appareils

spéciaux, la circulation périphérique ;

1° Lorsque à l'aide de l'appareil de F. Franck et Haillon, on étudie

sur un tambour de Marrey la circulation capillaire normale d'un

doigt, on constate une ligne onduleuse qui répond à l'ondulation

physiologique de la circulation capillaire;

2° Si pendant cette pratique on détermine chez le sujet en expé-

rience une douleur (piqûre à la main avec une épingle), on cons-

tate la transformation de la ligne onduleuse en ligne droite. Ceci

veut dire que, par l'intermédiaire des vaso-moteurs, la circulation

périphérique est modifiée au point de suspendre le graphique cir-

culatoire normal.

II. Ces deux faits étant posés, il était intéressant de rechercher

ce qui se passe dans les mêmes conditions chez le paralytique gé-

néral. Or voici ce qu'on observe :

Sous l'influence de la douleur provoquée la ligne onduleuse du tracé

persiste et ne se transforme pas en ligne droite comme à l'état phy-

siologique. Ainsi donc, contrairement à ce qu'on voit chez un sujet

normal, la circulation périphérique enregistrée n'est pas modifiée

par la douleur.

De là résulte un fait important qui est la caractéristique psycho-

physique de l'état mental affectif du paralytique général : la dou-

leur ne provoque pas, chez lui, le réflexe périphérique vaso-moteur.

Contribution à l'étude du chlorhydrate d'apocodérzie; par M. le Dr

Toy, chef de clinique des maladies mentales à la Faculté de Lyon.

Il résulte de quarante-huit essais faits chez des malades en

pleine période d'excitation maniaque (à la dose de 0,02 à 0,06 par

les voies digestive et hypodermique) que : 10 l'administration du

médicament a toujours diminué l'excitation des malades; souvent

même elle leur a procuré quelques heures de sommeil; 2° l'inges-

tion ou l'injection excite le péristaltisme intestinal et a toujours

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

été suivie d'une selle au moins, souvent deux, quelquefois trois ;

3" dans aucun cas elle n'a été suivie de vomissements. Ces résultats

concordent de tous points avec ceux obtenus par M. Guinard chez

les animaux.

Myxoedème et goitre simple traités par la médication thyroïdienne,

par MM. TATY et Guérin (de Lyon). Nous avons traité par l'inges-

tion de lobes de corps thyroïde un myxoedémateux de trente-deux

ans et une imbécile goitreuse par la thyroïdine de Merck. Les

effets obtenus ont été satisfaisants et conformes à ceux décrits par

la plupart des auteurs et rappelés avant-hier par M. Bourneville.

En rapprochant ces deux cas de l'observation de maladie de Base-

dow traitée de la même façon et rapportée par nous vendredi, il

nous semble permis de penser que le volume du corps thyroïde ne

signifie rien au point de vue de la tolérance pour la médication

thyroïdienne et qu'il faut surtout tenir compte de sa valeur fonc-

tionnelle. C'est cette notion qui nous paraît expliquer les effets en

apparence contradictoires de cette médication chez les basedo-

wiens et aussi les effets très différents chez les myxoedémateux dont L

les uns supportent très bien le médicament tandis que les autres

présentent des accidents avec de petites doses.

M. Bérillon (de Paris), dans une communication sur l'action

complémentaire de la suggestion hypnotique dans le traitement de

l'ataxie locomotrice, montre que la suggestion hypnotique peut

jouer un rôle important en rompant des habitudes fonctionnelles,

en rétablissant des fonctions disparues par une véritable réédu-

cation et surtout en dépistant les syndromes simulateurs qui

viennent fréquemment se surajouter aux symptômes des lésions

organiques. Elle contribue ainsi à faciliter le traitement en éclai-

rant à la fois le diagnostic et le pronostic.

M. Rooatrtovtxca (de Paris). Sur un cas de démence juvénile

avec athétose double. Les observations relatives à l'athétose sont

encore peu nombreuses. Depuis le travail du neuropatlhologue

américain Hammond, qui a donné en 1871 à cette forme convul-

sive spéciale une place déterminée parmi les autres troubles mo-

teurs, des cas intéressants ont été publiés en Angleterre par Gowers,

en France par Charcot, Oulmont, Proust, Landouzy, Grasset, Brousse,

Bourneville et Pillet, Richardière, Bloch, Brissaud ét IIallion, Ma-

bille, Ballet; en Allemagne par Bernhardt, Leube, Berger, Gnauck,

Ewald, Goldstein, Boyer, Kurella; en Russie, par Greidenberg,

Konovaloffs, Simonovitch, Blumenan.

Vingt-quatre ans nous séparent de la première communication

de Hammond et le nombre total des observations publiées atteint à

peine deux cents. Peut-être, voit-on décrire moins souvent l'athé-

.tose parce qu'on la confond fréquemment avec la chorée à laquelle

elle ressemble un peu en effet. D'ailleurs, dans la plupart des

330 sociétés savantes.

observations il s'agit de l'hémiathétose consécutive généralement

à une hémiplégie.

L'athétose double, plus rare, se développe de préférence d'une

façon primitive; jusqu'à présent on l'a observée principalement

chez les idiots et les imbéciles. 11N. Bourneville t et Pillet en ont

publié deux exemples très frappants. Dans l'observation qui suit,

l'athétose double s'est manifestée chez un individu atteint de

démence précoce, à l'âge de quatorze ans.

Observation. - Il s'agit d'un jeune homme R..., âgé actuellement

de vingt-cinq ans, originaire de Levallois-Perret (Seine). Voici

d'abord quelques renseignements relatifs à l'hérédité. Ligne pater-

nelle : le grand-père est mort à soixante-dix-huit ans au cours d'une

hémiplégie avec aphasie; le père est mort subitement à cinquante-

six ans; c'était un débauché, un alcoolique qui a été traité pour

un accès de délire hypocondriaque. Ligne maternelle : la grand'-

mère, morte à quatre-vingt-deux ans d'une congestion cérébrale, a

souffert toute sa vie de migraines. Plusieurs grands-oncles sont

morts de congestion cérébrale.

Notre malade est né à terme. A sept mois la mère a été émo-

tionnée par un accès de délire de son mari, débauché et alcoolique

comme nous venons de le dire. Élevé au sein par une nourrice,

sevré à quatorze mois, il a parlé et marché de bonne heure, mais

dès les premières années de sa vie il semblait timide et sauvage.

Il apprit très facilement à lire et à écrire. A l'âge de neuf ans il

contracte la scarlatine et consécutivement une affection cardiaque.

Vers la même époque il s'adonne à l'onanisme. Il paraissait très

intelligent et donnait des espérances aux professeurs du collège

Chaptal à qui il était confié.

A quatorze ans, sans cause apparente, ses facultés intellectuelles

faiblissent, il devient, comme dit sa mère, « indolente, oublie tout

ce qu'il a appris à l'école. En même temps, on note des mouve-

ments des doigts des deux mains, des épaules et des muscles de la

face. La physionomie, d'intelligente qu'elle était, devient petit à

petit niaise, puis béate et stupide.

Depuis l'âge de quatorze ans, époque du début de son affection,

jusqu'à présent, son état n'a fait que s'affirmer et s'accentuer.

Actuellement, au point de vue psychique, il présente un affaiblis-

sement notable de la mémoire. Le brillant élève du collège Chaptal

d'autrefois déclare aujourd'hui que deux fois six font trente-six; de

plus, au mois de juin il croit être en avril. Il n'a pas de conceptions

délirantes. Il est indifférent à tout et il n'a aucune conscience de

sa situation.

1 Une dizaine de nos observations ont été publiées dans les thèses de

nos amis Oulmont et Raymond, et dans la thèse plus récente de M. Mi-

chalslci. Voir aussi l'Iconogl', photogr. de la Salpêta·ière (1876-1880). (13.)

sociétés savantes. 331

Physiquement, il se présente ainsi queles photographies ci-jointes

le montrent, avec une musculature assez bien développée. La tête

est plutôt forte. La région occipitale est aplatie. Les bosses parié-

tales sont moyennement prononcées. Le front est large, grand, ce

qu'on appelle un beau front. Les arcades sourcilières sont saillantes.

Voici quelques mesures prises sur le crâne et qui montrent qu'à ce

point de vue R... ne présente rien de bien particulier.

3o2 sociétés savantes.

pas inactifs : des rides profondes se forment tantôt à droite tantôt

à gauche du front, le sourcil gauche et le sourcil droit se relèvent,

de même, le pli naso-lalnal s'accentue d'un côté ou de l'autre,

ainsi que le montre très nettement une des photographies ci-jointes.

Pas de mouvement au niveau des orteils.

Quand R... marche, on constate que cet acte s'accomplit assez

difficilement : son tronc est courbé ; la tête est inclinée et le corps

dans son ensemble est comme tortillé; en même temps, il fait t

continuellement des mouvements avec les muscles de la face et les

mains. Quand le malade est debout, il conserve la même attitude.

Il est incapable dese tenir sur un seul pied, même les yeux ouverts;

à plusieurs reprises il essaie, mais sans pouvoir y parvenir. La fai-

blesse constatée aux bras existe également aux membres inférieurs.

Assis, il se tient penché sur ses cuisses. Dans cette attitude il lui

est impossible de mettre une jambe sur l'autre; si nous l'aidons

jusqu'à ce qu'il y parvienne, il éprouve une certaine difficulté à

remettre ensuite la jambe dans sa première situation. On dirait

que les muscles se trouvent figés dans la position qu'on leur donne.

Pendant le sommeil les mouvements cessent, mais le malade garde

souvent des attitudes athétosiques des mains et des doigts. Le

sens musculaire est conservé.

La sensibilité cutanée est altérée sur toute la surface du corps :

à la piqûre, pas de réaction ou réaction très faible; au contact du

doigt, la sensibilité paraît conservée; les objets froids (comme un

verre rempli d'eau glacée) sont ressentis sur toute la surface du

corps comme une sensation de chaleur (perversion de la sensibilité

thermique pour le froid); pour les objets chauds, sensibilité

émoussée. La vue, l'ouïe, l'odorat, le goût semblent bien con-

servés. Les réflexes accommodateurs etlumineuxsont normaux. Pas

d'inégalité pupillaire. Pas de strabisme, pas de nystagmus. La

parole est normale; toutefois il est assez difficile de causer avecR...;

sa voix est nasonnée, gutturale; avant de parler, il hésite, fait des

efforts très grands. La parole s'accompagne souvent de sifflements,

résultant sans doute des contractions violentes de la langue qui

éprouve quelques difficultés à se mettre en train , mais l'articulation

est nette. Pendant qu'il parle ses lèvres se contractent, ont des

contorsions, les muscles de la face et du front jouent d'une façon

bizarre ainsi que le montre une des photographies annexées à cette

communication.

Pas de tremblement de la langue, ni des lèvres. Les réflexes

rotuliens sont conservés; les réflexes cutanés sont modérément et

également prononcés des deux côtés du corps. Tel est le cas. Au

point de vue mental, le diagnostic de « démence juvénile » nous

semble assez indiqué. On pourrait songer à la paralysie générale

juvénile, mais bien des symptômes importants manquent : pas de

signes oculaires, pas d'embarras de la parole, et comme d'autre

sociétés savantes. 333

part l'affection a commencé à l'âge de quatorze ans et que le ma-

lade en a actuellement vingt-cinq nous nous demandons, si dans

l'espace de onze ans une véritable paralysie générale ne se serait

pas déjà manifestée par des symptômes plus décisifs. Toutefois

nous croyons prudent de faire toutes les réserves jusqu'au moment,

où il sera permis d'examiner les choses de plus près.

Quant aux phénomènes moteurs que nous venons de décrire

chez R..., leur ensemble est tellement caractéristique que le dia-

gnostic de l'athétose double ne me semble pas douteux. En effet,

nous ne croyons pas qu'on puisse considérer ces mouvements

comme étant ceux de la chorée vulgaire : dans cette affection, les

troubles moteurs sont d'abord limités à un côté du corps, il y a des

mouvements brusques de la tête, des flexions et extensions égale-

ment brusques des membres, en un mot tous les mouvements de

la chorée sont essentiellement brusques et étendus, tandis que les

troubles moteurs de notre malade se caractérisent avant tout par

la lenteur et par leur localisation bien précise au niveau des doigts

ou au niveau de certains muscles de la face, ce sont des mouve-

ments, non seulement lents, mais circonscrits.

Les mouvements décrits chez R... ne pourront pas non plus être

confondus avec la chorée rythmée liée d'ordinaire à l'hystérie et

dont les mouvements se reproduisent avec une très grande régu-

larité imitant certains actes professionnels. Remarquons en passant

qu'outre l'athétose le malade présente de temps à autre des tics,

des contractions brusques du frontal figurant un mouvement coor-

donné qu'on exécute quand on veut attirer l'attention de quelqu'un.

La face offre aussi chez R... deux espèces de troubles moteurs :

l'athétose avec ses contractions excessivement lentes, incoordonnées,

et le tic avec ses contractions coordonnées et très rapides. Mais ce

qui constitue en somme la particularité de notre cas, c'est l'appa-

rition de l'athétose double tout à fait au début d'une affection

démentielle chez un enfant de quatorze ans : c'est ce fait que nous

avons cru intéressant de rapporter au Congrès.

M. le Dr FovEAU DE COURMELLES (de Paris). La Neurasthénie et

son traitement électrique. A la franklinisation, par douche et bain

statique combinés traitement de choix de l'état général il

faut ajouter pour les symptômes locaux de dépression ou d'excita-

tion la galvanisation ascendante ou descendante.

La durée de l'électrisation statique doit être longue, trente

minutes, mais il y faut arriver progressivement, sinon on peut avoir

de l'excitation, de l'amnésie, du délire comme j'en ai eu notam-

ment un cas ayant duré vingt-quatre heures. D'autres malades

sont fatigués, ont des éblouissements. La neurasthénie cède ainsi

lentement, par transitions insensibles de l'état morbide à l'état

sain. La galvanisation est réservée aux sympômes locaux à amen-

334 SOCIÉTÉS savantes.

der. La franklinisation doit se faire par courant descendant, douche

cérébro-statique positive et bain négatif, et à travers des peignes

métalliques variés, aluminium, nickel, argent.

M. A. Marie. Remarques sur l'état mental de quelques séniles.

A propos de trois cents séniles évacués des asiles de la Seine, et

hospitalisés à la colonie familiale de Dun-sur-Auron, l'auteur

signale la fréquence des psychoses mélancoliques tardives avec

tendance au suicide (mélancolie ab miseria). Il s'attache à montrer

l'extrême diversité des états mentaux catégorisés démence sénile :

il étudie ainsi les pseudo-démences des délires chroniques systéma-

tisés et termine en signalant le rapport possible de cause à effet

entre certaines lésions circonscrites tardives et certaines particula-

rités hallucinatoires.

M. A. Vigouroux (d'Evreux). Contribution à l'étude de la cépha-

lométrie chez les aliénés. Les recherches ont porté sur 300 ma-

lades. Les diamètres antéro-postérieurs maximum, iniaque trans-

verse maximum, transverse sus-auriculaire vertical, auriculaire,

frontal minimum ont été mesurés avec le compas de Bertillon. Les

courbes horizontale maximum, iniofrontale, transverse ont été

mesurées avec le ruban métrique.

L'auteur présente les résultats de ses recherches en deux ordres

de tableaux : dans les premiers il donne les moyennes, les maxi-

mums et les minimums ; et dans les seconds plus intéressants il

étudie à la manière de Bénédikt, les principales de ces mesures.

M. Descu9urs (de Paris). Note sur un projet de création d'asile

spécial pour alcooliques. L'auteur après avoir résumé l'évolution

suivie depuis un an devant les corps élus par la question du projet

d'asile spécial pour alcooliques, fait en quelque sorte la synthèse

des propositions particulières relatives aux adaptations propres à

cet établissement. Il conclut à la reprise du projet d'essai d'hospi-

talisation à part des buveurs d'habitude, dans des limites restreintes

à 50 malades par section comme cela se fait en Suisse. Il propose

enfin, dans le cas où la spécialisation du nouvel asile serait rejetée,

de tenter l'essai sans érection préalable de constructions coûteuses,

par simple appropriation de locaux existants, en attendant que les

données pratiques tirées de la tentative permettent de poser des

règles précises et définitives '.

M. PAILLAS (d'Albi). - Etats mono1nmÛaques liés aune déviation

de l'instinct de conservation de la propriété, étudiés au point de vue

1 M. D... s'est enfin rendu à l'évidence. Il en vient aux conclusions

que nous avons fait prévaloir à la Commission de surveillance des asiles

de la Seine : Faire le cinquième asile pour les aliénés (programme pri-

mitif), suivant les plans primés de M. Morin-Goustiaux, modifiés, s'il y

a lieu, dans les détails; - étudier la création, à titre d'essai, d'un petit

asile pour les ivrognes d'habitude. (B.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 335

médico-légal. L'exaltation de l'instinct de conservation de la

propriété, distinct de la tendance à une excessive accumulation qui

est l'avarice, peut arriver à constituer des états morbides à la fois

embarrassants pour la justice et pour les médecins chargés d'en

apprécier la responsabilité.

Les hommes d'affaires, les magistrats, et parmi eux surtout les

juges de paix, sont fréquemment amenés à côtoyer cette série d'in-

firmes de l'esprit, recrutés particulièrement au sein des populations

rurales, chez les petits cultivateurs, amoureux jaloux de leurs

terres, et qui, en raison de cet attachement outré, se montrent t

récalcitrants devant la dépossession, révoltés contre la saisie, pro-

cessifs, réfractaires aux divers arrangements où leur sol est en jeu,

le disputant au voisin, au parent, avec une âpreté passionnelle,

parfois jusqu'au meurtre. Et dans l'espèce des cas auxquels il est

fait allusion n'intervient point ou n'intervient que très accessoire-

ment la pensée d'un accaparement illicite. Le besoin de donner

satisfaction à une propension impulsive semble peu à peu s'asso-

cier à la conviction d'un prétendu droit, et puis, à lasuite d'échecs

successifs subis à cette autre conviction « qu'on ne leur rend pas

justice » pour dominer et diriger des revendications tenaces qui,

si elles n'aboutissent qu'exceptionnellement au crime, entraînent

une série d'actes préjudiciables à autrui.

. Parmi ces actes, les uns, rentrant dans la catégorie ordinaire

des crimes et délits,'cèdent à la répression judiciaire. Les autres, au

contraire, sont entretenus, exaltés même, par la menace et l'ap-

plication des sévérités pénales, et la justice, après les avoir plus ou

moins longtemps poursuivis sans effets d'amendement, de guerre

lasse, les abandonne au médecin.

Sous la désignation de dégénérés conservateurs de la propriété,

le Dr Pailhas communique deux faits de ce genre, dont la longue

observation comprenant de multiples expertises médico-légales ne

saurait être rapportée ici. Il les fait suivre de la relation d'un cas

similaire, publié en 1841, dans les Annales médico-psychologiques,

par M. le Dr Girard de Cailleux.

En conclusion de son travail, le Dr Pailhas dit :

1° Il existe une variété de dégénérescence dont un syndrome

constitué par la déviation morbide de l'instinct de conservation de

la propriété est le caractère dominant sinon exclusif, 2° Cette

catégorie de monomanes conservateurs de la propriété, plutôt

défensifs qu'offensifs dans la revendication de leurs droits, semble

devoir être rapprochée d'une certaine autre variété de monomanes

processifs chez lesquels aussi est mis en jeu l'instinct de propriété,

mais où les revendications sont essentiellement offensives. 3° Il

est pratiquement important de différencier de bonne heure, parmi

cette classe de dégénérés, détenteurs du bien d'autrui :

336 SOCIÉTÉS savantes.

a) Ceux qui, irritables, insoumis et dotés d'une grande ténacité,

trouvent dans l'intervention de la justice, la persistance et surtout

l'aggravation de leur état morbide. 6) Ceux que l'appareil judi-

ciaire et les sanctions répressives amènent aux sages résolutions et

au redressement des actes incriminés. Aux premiers convient l'or-

ganisation des asiles, même dans son insuffisance actuelle. A la

deuxième catégorie doit être réservée la pénalité ordinaire.

4° C'est utilement que les magistrats connaîtront ces variétés

nosologiques. Loin de se mettre en lutte avec les obstinés irréduc-

tibles, ils sauront s'assurer à temps le concours du médecin alié-

niste, au bénéfice de ces mentalités défectueuses et aussi au béné-

fice personnel de leur tranquillité.

M. PAUL DELMAS. De l'intervention médicale en hydrothérapie

dans son application aux maladies nerveuses. Dans ce travail l'au-

teur, dont la compétence, reposant sur une longue pratique, est

incontestable, s'est proposé de démontrer les conditions essentielles

à la bonne application de l'hydrothérapie. Invoquant la nécessité

d'en diriger et surveiller les effets, surtout dans les maladies ner-

veuses, et rappelant combien l'eau froide a une action énergique

sur la tension artérielle et sur le rythme du coeur, il en arrive à la

conclusion générale suivante :

« En hydrothérapie, la direction doit toujours être médicale.

Son application est faite avec tout avantage par le médecin lui-

même. Mais ce dernier précepte ne saurait avoir rien d'absolu sauf

dans la thérapeutique des affections nerveuses, dans lesquelles le

traitement moral vient ajouter son action à celle d'une prescription

journalière soigneusement dosée. »

M. LARROUSSINIE (de Bordeaux) ? Communication sur la dissimu-

lation chez les aliénés. Il est de la plus grande importance, pour

les médecins et aussi pour les magistrats, de savoir que les aliénés

peuvent dissimuler, non seulement leurs idées délirantes, mais

encore leurs hallucinations.

Le plus souvent, cette dissimulation a pour but l'obtention de

l'exeat, dans les asiles. Il arrive aussi que des aliénés enfermés dans

des prisons cherchent à cacher leur mal pour ne pas être placés

dans des établissements spéciaux, dans lesquels ils pourraient res-

ter plus longtemps que dans les maisons pénitentiaires.

Il y a des femmes qui dissimulent par honte, ne voulant pas

avouer qu'elles se croient aimées d'un homme placé dans une

situation supérieure à celle qu'elles occupent, ou cherchant à

cacher des hallucinations de la sphère génitale.

Mais les dissimulateurs les plus dangereux sont lesaliénés atteints

du délire chronique de persécution à forme systématique.

En un mot les conclusions sont les suivantes : 1° La dissimula-

tion se rencontre fréquemment chez les aliénés. 2° Il est utile

sociétés savantes. 337

de diviser ces services, à ce point de vue, en malades non dange-

reux et en malades dangereux, tant à cause de là surveillance à

exercer sur eux dans les asiles, qu'à cause de leur mise en liberté,

ou de leur maintien dans un établissement. La plus grande cir-

conspection est imposée au sujet de la sortie des aliénés qui, par

leurs actes, leurs paroles ou leurs écrits, se sont montrés dange-

reux. Il ne saurait être apporté trop de prudence par les médecins

traitants et parles médecins légistes appelés à formuler une opinion

sur un aliéné de ce genre.

3° La dissimulation se voit surtout chez les persécutés; le plus

grand nombre de dissimulateurs se trouve chez les délirants systé-

matiques. Parmi les impulsifs, les pyromanes sont essentiellement

dissimulateurs. - 4° La dissimulation peut être partielle (c'est-à-

dire portant sur un ou quelques points seulement du délire), ou

totale, dans ce cas, tout est nié : conceptions délirantes, hallucina-

tions, etc...

5° La dissimulation reconnaît pour mobiles la honte et l'intérêt.

L'intérêt est de beaucoup le principal mobile (aliéné mentant pour

avoir sa sortie ; ou voulant se venger d'un persécuteur, et pour cela

désirant quitter l'asile ; enfin, pyromanes ne voulant pas avouer

leur crime).

6° Pour découvrir la dissimulation chez les aliénés, il est néces-

saire de capter leur confiance, et, si cela ne se peut, de les faire

surveiller par le personnel, et de les surveiller soi-même aussi

longtemps qu'on ne sera pas convaincu de l'existence ou de la

non-existence du mensonge. Dans beaucoup de cas, plusieurs mois

sont nécessaires au médecin expert appelé à juger de l'état mental

d'un individu. Il est aussi absolument utile d'avoir en mains soit

les lettres du malade, soit ce qu'il écrit en dehors de ses lettres,

quand ce dernier cas se présente. On ne saurait trop encourager

ces malades à écrire. '

7° En ce qui concerne les pyromanes, il faudra se préoccuper de

leur hérédité, savoir si l'accusé est un faible d'esprit, s'informer des

paroles qu'il a pu prononcer soit avant, soit après l'incendie, et voir

si ses paroles se rapportaient à l'acte dont il est soupçonné être

l'auteur. Enfin, il faut le presser de questions, et chercher ainsi (ce

qui est bieu difficile) à obtenir des aveux. » ,

8° Nous croyons qu'un médecin expert devrait être adjoint aux

juges quand ces derniers sont appelés à prononcer le maintien

d'un aliéné dans un établissement spécial ou sa sortie. Le médecin

traitant pourrait être entendu, et, en cas de dissentiment entre son

confrère et lui, un deuxième expert serait appelé à trancher la

question. C'est là, d'ailleurs, ce qui se fait souvent pour d'autres

questions de médecine légale.

M. BnnNnïs (de Bayonne). Un cas d'alhétose double débutant

Archives, t. XXX. 22

338, SOCIÉTÉS savantes.

chez l'adulte. La malade est une femme de trente-deux ans dont

le père était épileptique et la mère nerveuse. Elle a eu deux frères

morts d'affections cérébrales suspectes. Elle-même, à l'âge de dix-

neuf ans, contracte la syphilis avec son mari (1882) et, en 1886, à

la suite d'un avortement, elle voit apparaître des convulsions mus-

culaires de la face. Traitée sans résultat, nous la voyons pour la

première fois en 1895, et nous constatons les symptômes suivants :

contractions musculaires de la face exprimant les sentiments les

plus divers et les plus inattendus, nystagmus à oscillations lentes,

mouvements d'avant en arrière et de latéralité de la langue sans

hypertrophie.

Troubles de la parole, mouvements de rotation du cou, convul-

sions des doigts, des mains et des poignets, suivant la flexion, l'ex-

tension et le sens latéral, le tout sans rythme appréciable.

. Déformations phalango-phalangiennes simulant les nodosités

rhumatismales. Subluxation des articles métacarpo-phalangiens.

Aux mouvements désordonnés se joint une raideur notable dans

les actes volontaires. La maladresse augmente quand la malade se

sent observée. Aux pieds, mouvements de flexion et d'extension des

doigts et mouvements latéraux tibio-tarsiens. Toutes ces convul-

sions cessent pendant le sommeil. Elles sont plus marquées à droite

qu'à gauche.

Les facultés intellectuelles sont très médiocres, mais la malade a

toujours été de même; la maladie n'a donc aucune influence

fâcheuse sur elle au point de vue mental.

Comme cause déterminante de l'athétose, la multiplicité même

des faits qui ont pu présider à sa genèse rendent ce cas encore plus

embarrassant. L'hypnotisation a été tentée sans résultat; le traite-

mentspécifique n'a aucune action. On ne peut donc que constater

l'existence du syndrome athétose, sans en rapporter l'éclosion à

aucune lésion valable.

M. Verrier lit un travail sur l'aquapuncture dans le traitement

de l'anesthésie hystérique ou paralytique. `

M. LAGRANGE (de Poitiers) lit un travail sur l'étiologie de la para-

lysie générale progressive.

M. LANNOIS (de Lyon). Cécité verbale sans cécité littérale et sans

hémianopsie. Une femme de trente-deux ans, ayant contracté la

syphilis par allaitement et ayant^ présenté peu de temps après des

accidents cérébraux graves (apoplexie, hémiplégie droite, aphasie

motrice et cécité verbale), entre à l'hôpital avec une hémiplégie

droite accompagnée de contractures. Elle présente en outre une

cécité verbale très accusée, sans cécité pour les lettres ni pour les

objets et sans hémianopsie. Le champ visuel mesuré plusieurs fois

n'a jamais présenté ni rétrécissement du champ visuel ni hémia-

nopsie. C'est là un fait nouveau puisque la coexistence de ces

SOCIÉTÉS SAVANTES. '. 339

troubles oculaires a été signalée dans tous les cas où elle a été

recherchée jusqu'à présent.

M. LANNOIS (de Lyon). Hémianopsie hystérique chez un trépané

atteint de crises épileptiques jachsoniennes. Un homme frappé d'un

coup de canne plombée sur le côté droit de la tête deux ans aupa-

ravant et trépané pour l'ablation d'esquilles osseuses, présente dans

la suite des crises d'épilepsie jacksonienne. Après une série de ces

crises, on constate chez lui de l'hémianopsie et une anesthésie pro-

fonde avec perte du sens musculaire du côté gauche. Peu après,

l'anesthésie devient une anesthésie en segment qui disparaît brus-

quement après une séance d'électrisation, en même temps que

l'hémianopsie est remplacée par du rétrécissement concentrique

du champ visuel. :

Le malade est rentré récemment à l'hôpital avec les mêmes

symptômes d'anesthésie et d'hémianopsie qu'il y a probablement

lieu de rattacher à l'hystérie et de rapprocher des cas rapportés par

- Déjerine et Vialet (neurasthénie et névrose traumatique) et plus

récemment par P. Janet (hystérie). - ! II : CHARAN. Du traitement de l'épilepsie par l'opium et le bro-

mure (méthode de Flechsig).

Les indications données par l'auteur de cette méthode ont été

- exactement suivies : extrait d'opium à doses progressivement crois-

santes depuis 5 centigrammes jusqu'à un gramme, pendant six

semaines; suppression brusque de l'opium remplacé pendant deux

mois par le bromure de potassium à la dose de 7 grammes, pris à

doses décroissantes jusqu'à 2 grammes pendant deux autres mois.

L'action est beaucoup plus efficace que celle du bromure seul. Mais

ce traitement doit être indéfiniment continué.

- M. CHABBERT (de Bagnères-de-Bigorre.) Trois cas de chromi-

drose jaune chez trois membres d'une même famille (neurasthénie,

hystérie)... .

lli. MABILLE (de l'asile de Lafond). - Torticolis mental chez un

dégénéré héréditaire.

MM. BR1 ? ND et IscovEsco (de Paris). Sur le signe du cubital

(analgésie) dans la paralysie générale. Décrit par Biernacki, dans

le tabes, ce signe n'a qu'une importance diagnostique très relative

dans la méningo-encéphalite diffuse. On l'observe dans 50 p. 100

des cas.

M. A. REGNLER (de Paris). Traitement du goitre exophtalmique

par l'électricité.- Le courant galvanique est surtout actif. L'élec-

trisation du sympathique et du pneumogastrique du cou régularise

la sécrétion thyroïdienne. On observe à la suite une diminution

dans la toxicité des urines.

M. DUBREUILH (de Bordeaux), cite « un cas d'accidents hystéri-

340 « SOCIÉTÉS SAVANTES. : formes dans la paralysie générale ». C'est un cas assez rare d'asso-

ciation de la paralysie générale et de l'hystérie. Cette observation

' est intéressante à ce titre : il faut être très réservé à l'égard du pro-

,nostic. M. GARNIEIi dit que M. le Dl Rey a fait un travail sur

.cette question. M. Régis réclame la priorité; il a indiqué l'arrêt

de la paralysie générale par l'hystérie.

M. Piéchaud (de Bordeaux) cite à son tour quelques cas chirttrgi-

- caztx chez les aliénés. Il apporte des faits : il a opéré huit idiots par

Jaeraniectomie; il n'a eu qu'un mort. Les résultats n'ont pas été

excellents.Il a fait des trépanations du crâne dans l'épilepsiejackso-

'nienne, puis sur un enfant ayant reçu un choc sur le crâne : il

enlève le petit névrome sous-cutané. Il a opéré une aliénée atteinte

de manie chronique et de fibrome du sein : elle a guéri de sa

folie. '

Discussion avec 1\lI. Regnier, Laroussinie, Régis. On peut réveil-

ler des attaques d'hystérie chez les malades nerveux par les opéra-

tions chirurgicales. Les aliénés supportent très bien les opérations;

il y a des cas d'aliénation à la suite d'opérations chirurgicales..

A cinq heures et demie, la séance est levée pour que les congres-

sistes puissent assister à la conférence faite, avec projections de

coupes anatomo-pathologiques de la moelle épinière, par M. Mari-

nesco.

- t .

Le Congrès a voté la tenue de sa prochaine session (189G) à

Nancy. Notre ami, M. le professeur Pitres a été nommé président

.de cette session, M. LALLE ! 1ENT, l'un des médecins de l'asile de

Marévilie, a été désigné comme secrétaire général. La commission

chargée de préparer les questions au Congrès de 1896 a choisi les

questions suivantes : Des hallucinations auditives (M. Cliaslin,. rap-

porteur) ; Pathogénie du tremblement (M. Souques, rapporteur) ;

internement des aliénés, législation et thérapeutique (M. Garnier, rap-

porteur). B.

Mardi 6 août. Visite à l'asile de Cadillac.

Avant de se séparer, les membres du Congrès des aliénistes et

neurologistes étaient conviés à des excursions organisées en leur

honneur, et dont la première a eu lieu le 6 août. Le but était la

visite de l'asile public des aliénés de Cadillac.

Malheureusement un accident est venu attrister dès le matin cette

promenade. L'un des très sympathiques secrétaires du Congrès,

M. le docteur Tissié, voulant prendre place sur l'impériale d'un

omnibus, dans la cour de la gare de Cérons, a été, par suite d'un

mouvement des chevaux, précipité sur le sol, et dans sa chute s'est

fait des contusions qui, heureusement, n'ont pas eu de suites graves,

mais qui ont nécessité le transport immédiat de M. le IF Tissié à

sociétés savantes. 341

son domicile, après qu'il a eu reçu les soins empressés de ses con-

frères. ..

La visite de la colonie agricole de l'asile; où on s'est d'abord

rendu, a .été des plus intéressantes. Le directeur, M. Gauckler, a

reçu. des compliments bien mérités pour l'entretien des vignes et

des cultures maraîchères, dont sont exclusivement chargés des alié-

nés choisis parmi les convalescents et les chroniques.

A midi, un déjeuner de cent vingt couverts réunissait les invités

dans une des salles de l'Asile principal, coquettement décorée. <

M. Joffroy présidait, ayant à ses côtés, à la table d'honneur : .

MM. Berniquet, préfet de la Gironde ; Calmon, président du tribu-

nal civil ; Drouineau, inspecteur général de l'Assistance publique ;

Laffitte, professeur au collège de France, qui habite Cadillac pen-

dant les vacances; Gauckler, directeur de l'asile ; Dubourg, maire'

de Cadillac, président de la commission de surveillance; Guillemin

et Sauteyron, membres de la commission ; Caillau, médecin en'

chef de l'asile, et tous les délégués étrangers.

Le premier toast a été porté par M. Gauckler, qui a adressé la

bienvenue aux congressistes, et tout particulièrement aux dames

qui faisaient partie du voyage. En terminant, il a porlé la santé

des membres du congrès, de son président et enfin du président

de la République. ·

M. Joffroy a fait l'éloge de M. Berniquet, préfet de la Gironde, et

a adressé des compliments aux médecins des asiles. 11 a bu à la

santé du préfet, du directeur de l'asile, des membres de là com-

mission de surveillance et de M. le Dr Caillau.

A signaler le toast rempli de bonne humeur de M. Laffitte, pro-

fesseur au Collège de France, qui a porté la santé des dames.

M. Doutrebenle, médecin à Blois, a terminé la série en prononçant

un toast très applaudi.

Le déjeuner terminé, les invités se sont répandus dans les jardins

et ont visilé l'asile, dont ils ont constaté l'excellente tenue. ,

Avant de reprendre le train, les congressistes ont visité la

maison d'éducation pénitentiaire des jeunes filles, installée au' chii-.

teau du duc d'Eperon et où sont détenues en ce moment 133 jeunes

filles ayant moins de vingt ans, et envoyées là par décision de

justice. M. Pancrasie, directeur; M1™» Derué, inspectrice, et Lebel,

surveillante principale, ont dirigé cette visite, au cours de laquelle,

on a remarqué la construction du château et en particulier les.

cheminées monumentales, et' qui, aussi, a été d'un vif intérêt pour

tous les congressistes. -,Le retour à Bordeaux s'est effectué à six

heures'. ; ' '- , '

Ce compte rendu et le suivant sont faits d'après la Gironde des 8 et

9 août, avec quelques modifications. '. - i.' .

342 SOCIÉTÉS savantes.

Mercredi 7 août. Excursion de Royan.

C'est la municipalité de Royan qui avait frété le bateau de la com-

pagnie Gironde et Garonne, la France, qui a pris le matin, au pon-

ton des Quinconces, les congressistes pour les amener à Royan. Au

. départ, à 6 heures, le temps est brumeux ; mais, vers Pauillac,

les nuages se dissipent et le soleil brille, faisant miroiter les vagues,

jetant sa lumière d'or sur les rives, faisant resplendir les châteaux,

dont la blancheur éclate au' milieu des massifs de verdure. On

admire, et l'on arrive à Royan au milieu d'une allégresse générale.

Sur le quai, se trouvent : MM. Garnier, maire, MM. Barthe et

Rodanet, adjoints, de sympathiques connaissances que nous sommes

heureux de revoir, et le conseil municipal, venus pour recevoir les

congressistes. Les meilleurs souhaits de bienvenue sont échangés,

puis, aussitôt, prenant le tramway Decauville, retenu pour la cir-

constance, les voyageurs, accompagnés des édiles royannais, se

rendent à Pontaillac. La plage est splendide ; les étrangers qui

sont parmi nous sont fortement impressionnés. Après Pontaillac,

c'est le Casino, l'ancien on verra le nouveau bientôt qui

est visité. Les directeurs en font les l'honneurs. A midi, retour à

Royan et déjeuner à l'hôtel d'Orléans. Repas confortable, offert par

la municipalité.

Le moment des toasts arrive. ,

Aimable, prévenant, courtois exquisement, M. le maire de Royan,

se lève. Le plus affectueusement du monde, il remercie les congres-

sistes d'être venus à Royan. En paroles pleines d'autorité, il met

en relief les services que rend le congrès des aliénistes et neurolo-

gistes qui traitent de questions qui intéressent non seulement les

médecins, mais les législateurs, les conseils généraux et les adminis-

trateurs, puis il exprime l'espoir que les visiteurs emporteront de

Royan le meilleur souvenir. 11 termine en buvant galamment aux

dames présentes au banquet et en portant la santé du président du

congrès, M. Joffroy, et des autres notabilités qui l'entourent.

Au nom du congrès, M. Joffroy remercie la municipalité et la

ville de Royan. Dans un tableau habilement tracé, il peint la riche

station balnéaire, aux beautés naturelles complétées par les tra-

vaux de l'homme. Il boit à la prospérité de Royan, à son distingué

maire Garnier, et à tous les collaborateurs du congrès, sans

oublier le docteur Ph. Tissié, dont l'absence aujourd'hui a été tant

regrettée.

D'autres toasts sont ensuite portés à MM. le or Roux, au nom du

corps médical de Royan ; Drouineau, inspecteur de l'Assistance

publique ; Francotte (de Liège), buvant à la France en termes nobles

et élevés.

On part ensuite pour Saint-Georges. Promenade de nouveau char-

mante. Brise marine, senteur des-pins, se mélangent dans l'air pur.

bibliographie. 343

Mais une visite au nouveau Casino, le Casino municipal, est com-

prise dans le programme. Tout le monde veut le voir, d'ailleurs, ce

monument dont on parle déjà beaucoup. Il' est tout simplement

superbe. Et comme je comprends l'exclamation du Saintongeois qui,

derrière moi, s'écriait : Fi de madame, ol'ét une belle bâtisse !

Dans ce monument remarquable un concert est offert aux con-

gressistes. On l'a avancé d'une heure pour eux. Orchestre délicieux.

musique de choix, sous la direction de M. Ganne, l'auteur de cette

Marche lorraine qu'on applaudissait tant dans la revue d'Ernest

Laroche et de Victor l\1eusy : les Records de l'année. Comme à l'Olym-

pia, la Marche lorraine triomphe au Casino municipal. Son auteur

et elle ont été aujourd'hui acclamés. A 5 heures il a fallu repartir.

Au lunch qui a eu lieu après 6 heures, on a encore beaucoup toasté ;

du Bec-d'Ambès à Lormont, des flots d'éloquence ont coulé des

lèvres des orateurs.

Aussi le temps passe, les voyageurs devisant au milieu du silence,

devant la nuit qui vient assombrir le fleuve, tranquilles comme des

gens heureux. Ils justifient ainsi le mot d'un autre Saintongeois

qui, au moment où nous embarquions, demandait à un de ses

compatriotes : -

« Qu'étou qu'ol et, tout queu monde ! .

- In Congrès d'aliénés.

1 zavant l'air ben calme t

Tous les documents que nous avons mis sous les yeux de nos

lecteurs leur permettront d'avoir une idée exacte de la session

de Bordeaux, du Congrès des Aliénistes et Neurologistes de

langue française. Il a été très intéressant au point de vue des

discussions, des communications et des excursions. Ce succès

revient surtout au secrétaire général, notre collaborateur le

Dr Régis . BOURNEVILLE.

BIBLIOGRAPHIE.

Il. Contribution à l'étude de l'atrophie musculaire progressive (type

Duchenne-Aran); par J.-B. Charcot. In-8° de 159 pages, avec

4 planches en couleur. Bureaux du Progrès médical. Paris, 1895.

Dès les premières pages, M. J.-B. Charcot nous indique nettement

vers quel but ont tendu ses efforts. Ce n'est pas une monographie

344 bibliographie.

de l'atrophie musculaire type Duchenne-Aran qu'il a voulu écrire,

et de ce fait le lecteur ne trouvera dans son étude ni la bibliogra-

phie complète de cette question, ni l'analyse des principaux tra-

vaux sur la matière qu'il eût été en droit d'exiger. Sachant que,

dans ces dernières années, -l'affection qui porte le nom des deux

médecins français avait été fortement discutée en tant qu'entité

morbide, l'auteur a pensé qu'avant toutes choses il convenait d'éta-

blir si oui ou non la maladie de Duchenne-Aran devait être net-

tement différenciée des autres formes de l'atrophie des muscles.

. Dans ce but, M..J.-B. Charcot nous fait d'abord assister à l'évolu-

tion historique du type Duchenne-Aran. On lira avec fruit ce

çhapitre qui déroule devant nos yeux les étapes successives de nos

connaissances scientifiques dans la question des dystrophies mus-

culaires. Duchenne (1847), puis Aran (1850), décrivent l'affection

qui porte leur nom; Cruveilhier, Luys, en font l'anatomie patho-

logique que complètent Prévost et Vulpian, Charcot et Joffroy,

Duménil, Hayem, etc. Sous l'influence de ces divers travaux, l'atro-

phie musculaire type Duchenne-Aran règne en maîtresse, elle

régente pour ainsi dire les autres dystrophies myélopathiques.

Son domaine se trouve cependant diminué par la découverte de la

sclérose latérale amyotrophique. <" ' ' ) »

Mais si la maladie de Charcot, la pachyméningite cervicale

hypertrophique de Joffroy, étaient fautant de pierres enlevées à

l'édifice, celui-ci n'en restait pas moins solide. Le danger devait

venir d'ailleurs' : de là paralysie pseudo-hypertrophique dont les

formes ont été se multipliant jusqu'à ces dernières années; de la

syringomyélie dont alors on soupçonnait à peine l'existence et

qui a pris tant d'extension; enfin des névrites périphériques déjà

déplacées du rang qu'elles occupèrent momentanément.

Aussi lorsqu'en 1885, le professeur Charcot faisait une lumineuse

revision des atrophies musculaires, la maladie Duchenne-Aran ne

possédait-elle plus la première place qu'elle avait accoutumé

d'occuper jusqu'alors; toutefois elle existait encore à l'état indé-

pendant.

Si modeste qu'elle fût, cette place devait cependant lui être dis-

cutée. Gowers (1886) raye l'atrophie Duchenne-Aran de la noso-

graphie et l'identifie avec la sclérose latérale amyotrophique;

Hamond (1894) se range à son opinion; M. P. Marie ne la décrit

pas dans le Traité de médecine.

M. J.-B. Charcot s'inscrit en faux contre cette conception : l'atro-

phie musculaire type Duchenne-Aran ne reverra certainement plus

ses anciens jours de splendeur, elle, est beaucoup moins fréquente

qu'on'ne le pensait autrefois mais elle n'en existe pas moins. Cli-

chiquement, analomiquement, sa place est marquée à part dans le

cadre nosographique, soit que l'atrophie évolue chroniquement

(type Duchenne-Aran vrai), soit qu'elle marche avec plus de rapi-

bibliographie. 34b

dite (paralysie générale spinale antérieure subaiguë de Duchenne).

Et pour le démontrer l'auteur ne s'appuiera pas sur les cas anciens

qui pourraient être suspects, il publiera cinq observations recueillies

à la Clinique de la Salpêtrière dont deux furent suivies d'autopsies.

Il y joindra deux faits de M. Déjerine, aussi démonstratifs sous tous

les rapports que les siens propres.. -

C'est alors que l'on comprend combien l'entreprise tentée par

M. J.-B. Charcot aura été fructueuse, car non seulement le type

Duchenne-Aran va se trouver ^restauré, mais encore il surgira de

ses recherches une véritable découverte à la fois anatomo-patholo-

gique et physiologique.

En effet jusqu'à ces dernières années on pensait que dans l'alro-

phie musculaire progressive, les cellules des cornes antérieures et

les racines de même nom participaient seules au processus anato-

mique. Désormais à ces lésions il faudra ajouter la notion d'une

zone de sclérose occupant le pourtour de la corne antérieure dans

la région du faisceau fondamental. Cette zone dégénérée varie

d'aspect suivant les régions examinées, mais son étendue reste

proportionnelle à l'atrophie, des cellules de la substance grise. Elle

respecte les faisceaux avoisinants : pyramidaux, croisés et directs,

faisceaux de Gowers, cérébelleux directs, car elle est l'expression ana-

tomique de la dégénérescence des fibres des cellules de cordon

déjà décrites en 1866, par Charcot et son élève Bouchard, sous le

nom de fibres commissures courtes et longues.

Ce qui prouve bien que la dégénérescence est secondaire, qu'elle

est intimement liée à la disparition des cellules, c'est que non

seulement on l'observe dans le type Duchenne-Aran, mais encore

toutes les fois qu'il y a polyomyélite antérieure : dans la sclérose

latérale amyotrophique, la paralysie infantile, la syringomyélie. Les

coupes colorées au picro-carmin sont surtout favorables à sa cons-

tatation.

« Ainsi dit l'auteur (page 144), les lésions constatées dans la

substance blanche de nos cas de polyomyélite antérieure chronique

et subaiguë ne leur retirent absolument rien de leur valeur

.démonstrative pour la réhabilitation du type Duchenne-Aran; ces

lésions sont consécutives à la polyomyélite dont elles font pour

ainsi dire partie, elles ne ressemblent nullement aux lésions patho-

gnomoniques de la sclérose latérale amyotrophique. »

On voit par cet exposé rapide que non seulement M. J.-B. Charcot

a démontré, d'une façon irréfragable, que le type Duchenne-Aran

ne devait pas être rayé du cadre nosographique, mais qu'il a

apporté encore une contribution importante à l'étude des lésions

dégénératives des cordons blancs de la moelle épinière, nées sous

l'influence de l'atrophie des cellules ganglionnaires, de quelque

origine que soit cette dernière.

En écrivant sa thèse M. J.-B. Charcot, avait, obéi àun pieux

346 varia.

devoir. La question de l'atrophie musculaire, type Duchenne-Aran,

était une de celles que son illustre père avait le plus à coeur de voir

résolue, nous pouvons personnellement l'affirmer. Jamais il ne

laissait passer l'occasion de défendre cette entité, même contre

ceux qui voulaient en enrichir la sclérose latérale amyotrophique

qu'il avait le premier décrite. Son voeu se trouve' exaucé et s'il

pouvait lire le travail de son fils, il aurait tout lieu d'être satisfait,

car il y trouverait à chaque page la forte empreinte de son ensei-

gnement : la mise en oeuvre de cette méthode anatomo-clinique

qui le conduisit à tant de découvertes mémorables, jointe à la

clarté d'un style concis, et à cette interprétation des seuls faits

qu'il prisait si fort à rencontre du mirage trompeur des théories.

GILLES DE la TOUl\E1'f,

VARIA.

IMPULSIFS TRIMARDEURS.

Au cours de la discussion sur les impulsions des épileptiques,

au Congrès des aliénistes et neurologistes de Bordeaux, notre

ami, le professeur Pitres, a établi une sorte de classification

des individus qui font des fugues plus ou moins inconscientes.

Un certain Bort qui a été arrêté à propos de l'attentat anar-

chiste contre le banquier Rothschild, rentre dans la seconde caté-

gorie de M. Pitres Voici ce qu'ont publié sur lui les journaux

politiques :

Etienne Bort, qui vient d'être arrêté près de Saint-Flour, est

connu à la préfecture de police comme une espèce de déséqui-

libré, anarchiste à ses heures, capable, dans un moment d'exal-

tation, de commettre un mauvais coup. Cependant on ne croit pas

à la préfecture qu'il soit l'auteur de l'attentat contre M. de Roth-

schild. Il y a huit jours, il était encore à Paris, et il est venu boule-

vard du Palais demander un subside. Il était sans argent, mourant

presque de faim. On lui donna une petite somme.

Bort partit. C'est un individu qui constamment voyage. Il est

toujours par monts et par vaux et parcourt la France en tous sens,

allant à pied, un bâton à la main. : 1 Voir Archives de Neurologie, n° .103, p. 249.

VARIA. 347

Ces malheureux couchent tantôt dans les lits de voyageurs

qui existent encore dans un certain nombre de petits hospices

et qu'on fera bien de maintenir en améliorant leur installation;

ou bien dans les asiles de nuit; ou encore dans les postes ou les

violons. Ils servent naturellement de véhicules à la transmission

de toutes les maladies contagieuses. C'est en partie à eux qu'est

due la propagation de la dernière épidémie de typhus. L'étude

psychologique de ces impulsifs serait très intéressante.

UN simulateur : UN miracle A effacer..

Pierre Delanoy, que juge en ce moment la cour d'assises de la

Seine, n'est pas un type banal. Il a été, de 1877 à 1881, infirmier

dans différents hôpitaux parisiens, et là, au spectacle quotidien des

traitements qu'il voyait appliquer par les sommités médicales,

l'idée lui est venue de se procurer quelques années de repos en

simulant une bonne maladie. C'est ainsi qu'il s'est donné tous les

caractères de l'ataxie avec une perfection telle que les spécialistes

les plus renommés s'y sont mépris de 1883 à 1888, à la Salpêtrière,

à l'II8te1-Dieu, à Laënnec, à la Charité, à Necker, à Cochin, à

Lariboisière, à Beaujon, etc., à peu près partout, car il a fait des

stations plus ou moins prolongées dans la plupart des établisse-

ments hospitaliers de Paris.

Un des médecins qui le traitaient en dernier lieu lui ayant

appliqué nombre de cautérisations compliquées de « pendaisons »

prolongées, Delanoy finit par trouver trop dur le métier d'ataxique.

Un beau jour, il se déclara guéri et disparut.

On le retrouva il Lourdes, en 1889; il y arriva avec un pèle-

rinage national, se traînant .péniblement avec des béquilles. Il

paraissait dans l'impossibilité de se tenir debout. Mais, après avoir

communié et longuement prié à la grotte, devant l'image de la

Vierge, il se leva brusquement et, jetant ses béquilles, il marcha

avec une assurance qui arracha des cris d'admiration à la foule

des pèlerins.

C'était un miracle, bel et bien constaté ! Et le jour même,

l'archevêque de Cagliari, l'évêque d'Hébron,. auxquels se joignit le

médecin chargé de l'étude des guérisons, en dressèrent le procès-

verbal en bonne et due forme. Les annales de Notre-Dame de

Lourdes en firent mention avec enthousiasme, ainsi que des fêtes

d'actions de grâce qui suivirent.

Revenu à Paris, Delanoy émerveilla l'aumônier de la Charité, le

chanoine Petit, qui adressa aux pères de la Grotte ce télégramme :

« Médecins réunis pour examen de Delanoy. Je l'ai vu quatre fois

cette semaine. Marche comme un facteur rural. » . -

348 VARIA.

Le marquis de Villeneuve le prit à son service comme jardinier

et l'envoya dans une de ses propriétés du Var. Il adressait de là

aux pères de la Grotte des lettres édifiantes : « Je n'ai plus qu'une

chose en vue, écrivait-il : servir le bon Dieu, recourir à sa très

sainte Mère, qui m'a donné la santé. »

Les pères de la Grotte finirent par le prier d'accepter la garde

d'un chalet où sont soignés les pèlerins attendant leur guérison. Il

déguerpit moins d'un an après, nuitamment, après avoir fait main

basse sur 400 francs appartenant à ses protecteurs. C'est à Paris

qu'il revint encore. Cette fois, il se présenta à Sainte-Anne comme

atteint du délire des persécutions, puis à l'hôpital Broussais comme

alcoolique. " ' .

Il rentra finalement à Sainte-Anne avec un certificat de « débi-

lité mentale ». Il n'y resta que quelques jours. Une, nuit de

décembre, il s'en allait subrepticement, emportant 1,800 francs au

pharmacien en chef de l'asile, le Dr Quesneviile. Ce n'est que le

1°r mai 1894 qu'on parvint à l'arrêter. Il essaya bien de simuler la

folie. Mais, cette fois, personne ne s'y laissa prendre. Déclaré reis-

ponsable, il a été traduit devant le jury.

A l'audience, Delanoy proteste contre l'accusation de simulation

dont il est l'objet. Il affirme qu'il a été réellement alaxique et

qu'il doit sa guérison à la vierge. « Comment, s'écrie-t-il,

pourrait-on admettre qu'un ignorant comme moi ait pu tromper

si longtemps les princes de la science ? »

Pour les vols, il nie celui de Lourdes : « Je suis parti de Lourdes,

dit-il, parce qu'un père voulait absolument faire de moi un religieux

de la Grotte. Quant à la soustraction au préjudice de M. Quesne-

ville, voici ce qui s'est passé : Un matin en faisant la chambre de

M. Quesneville, j'ai trouvé une bouteille d'alcool, j'en ai bu plusieurs

verres, et sous l'empire de l'excitation alcoolique j'ai ouvert l'ar-

moire et j'ai pris un porte-monnaie. Le président. Combien

contenait-il ? R. Je n'en sais rien, je ne l'ai pas ouvert. »

Le président lui fait remarquer qu'il avait eu, cependant, le

temps de la réflexion, puisqu'il n'a élé arrêté que cinq mois après.

Il faut noter la déposition du D' Dubuisson, médecin en chef de

Sainte-Anne qui, malgré tous les certificats exhibés) n'a pas cru

à la réalité de la « folie » de Dalanoy et s'est refusé à l'admettre,

en fin de compte, dans son service, après quelques jours d'obser-

vation. On le garda comme domestique et il profita de cette

situation pour voler le pharmacien en chef. Delanoy est condamné

à quatre ans de prison. (Le Temps.)

Nous ne voulons pas insister sur le fameux miracle dont

Delanoy a été le héros. Il n'est pas le seul miraculé de son

genre, 11 appartient aune variété dont on pourrait citer d'autres

exemples. r ....

faits DIVERS. 349

THÈSES DE NEURO-P.1THGLOGIE ET DE Psychiatrie

DE la faculté DE Paris.

GAIINIER. Essai sur les écrits des aliénés. Jm. Contribution à

l'hystérie tardive (hystérie débutant chez le vieillard). HALl PRÉ.

La paralysie pseudo-bulbaire d'origine cérébrale. LEBL.is. De la

puberté dans l'hémiplégie spasmodique infantile. Mignon. Con-

tribution à l'étude de l'étiologie du syndrome de Basedow.

Vannier. Amyotrophie Charcot-Marie chez l'adulte. BOURGUI-

gnon. Des crises gastriques dans le tabes. l\IOUNDIC, Du délire

hypocondriaque chez les'épileptiques. GUERTIN. Essai sur le

rôle de l'infection dans les maladies du système nerveux central.-

BAU7.AN. Du traitement de l'alcoolisme et de la dipsomanie par la

strychnine : - BONNEMAISON. Contribution à l'étude du tatouage.

D'ANDRADE NEVES. Essai sur l'influence des états utérins sur le déve-

loppement de la folie. - MAUGUE. Contribution à l'étude de la

maladie de Raynaud. VAZELLE. Contribution à l'étude des frac-

tures chez les épileptiques. Marres. Les phobies. Etude de psy-

chologie pathologique. Bonnet. Le bilan de l'alcoolique. Etudes

sur les doses et les variétés individuelles dans l'intoxication par

l'alcool. Heroguelle. Contribution à l'étude du traitement de

l'état de mal épileptique. BÉZIAT. De la sciatique hystérique.

LE BECQ. Contribution à l'étude du traumatisme dans les attaques

d'épilepsie. Fayet. Les aponévroses cervicales. Amy. Essai sur

la maladie de Graves-Basedow. Ducroux. Contribution à l'étude

de la neurasthénie. Rapports de la maladie de Breard avec les mala-

dies infectieuses. LE Maître. Des états cataleptiques dans les

maladies mentales- Moricet. Contribution à l'étude des hyper-

trophies thyroïdiennes. - HODÉE. Contribution à l'étude des causes

de la prophylaxie etdu traitement de la morphinomanie.- CUARCOT.

Contribution à l'étude de l'atrophie musculaire progressive type

Duchenne-Aran ? AI"ILENOfF. Alauifestations oculaires de la syphi-

lis cérébrale.- M. LE FILLFATRE. Essai sur les troubles moteurs dans

l'alcoolisme aigu, subaigu et cérébro-spinal. - M. VIGNE. Relation

d'une épidémie de méningite cérébro-spinale. (Année scolaire 1894-

1895.)

FAITS DIVERS.

Hommage 9 la mémoire DE HACK 'I'UIE. Dans le but de perpé-

tuer le souvenir de HACK 'l'arc, le faire en conformité des idées

qui ont surgi toute sa vie, c'est-à-dire l'amélioration du sort des

350 faits DIVERS.

aliénés et les progrès de la neurologie et de la psycbiatrie, il a été

formé un comité, composé des aliénistes et des neurologistes les

plus distingués de la Grande-Bretagne. Ce comité a été d'avis que

le meilleur moyen d'honorer la mémoire de HACK TORE, était la

création d'un prix ou d'une médaille, destiné à encourager l'étude

de l'assistance des aliénés, de la psychiatrie ou de la neurologie.

Un appel est fait aux médecins de tous les pays. Les souscriptions

doivent être adressées au Irésorier du Comité le D'' Henry Rayner,

2, Harley Street, London, W. - ,

Alcoolisme. Le conseil général des Deux-Sèvres a adopté un

voeu déposé par M. Garran de Balsan, sénateur, demandant que le

.Parlement vote une loi rigoureuse contre les progrès de l'alcoolisme

et invitant les tribunaux à appliquer sévèrement les lois existantes

contre les falsifications ou altérations des boissons hygiéniques.

Asile d'aliénés DE la Roche-sur-Yon. Sur le rapport de

M. Albert Godet, différents devis supplémentaires, relatifs à l'asile

d'aliénés de la Roche-sur-Yon (Vendée); ont été approuvés au

conseil général de la Vendée; cependant le projet de' réfection

des bains de femmes a été ajourné à une date ultérieure.

Sorties prématurées DES aliénées. Le Petit Parisien du 15 sep-

tembre rapporte le fait suivant qui s'est produit à Agen : Une

femme âgée de quarante ans, nommée Zélie Delias, domestique

chez M. Soubirous, représentant de commerce rue Mirabeau, s'est

pendue hier soir dans sa chambre. La malheureuse était en proie

il une folie mystique intense; elle était sortie il y a quelques jours

de l'asile d'aliénés de Pulet.

- Souvent les journaux reprochent aux médecins aliénistes de

maintenir plus longtemps qu'ils ne le devraient les aliénés qui

sont confiés à leurs soins. Ce fait - et il serait bien facile d'en

citer d'autres montre que souvent, cédant aux instances des

familles, aux réclamations des conseils généraux qui trouvent

qu'on dépense trop pour les aliénés, et quelquefois par une

crainte exagérée des journaux, les médecins signent la sortie des

malades améliorés, mais dont l'amélioration estloindeserappro-

cher de la guérison. Les inconvénients de la sortie anticipée des

aliénés améliorés seraient considérablement atténués s'il exis-

tait des Sociétés de patronage ? Mais qui y songe maintenant ?

L'alcoolisme chez LES enfants. Les journaux politiques de

septembre ont rapporté le fait suivant : Le jeune Alphonse Ther-

rier, âgé de huit ans, demeurant à Verdigny (Cher), vient de

trouver la mort dans des circonstances singulières. Cet enfant, qui

avait un penchant pour l'alcool, se fit verser un demi-verre d'eau-

de-vie par un petit camarade. Therrier, l'ayant absorbé, rentra

. FAITS DIVERS. 351

ivre chez ses parents qui le couchèrent. Le lendemain matin, son

père trouva son fils inanimé. De l'avis du docteur, le malheureux

enfant a succombé à une congestion provoquée par l'ivresse. »

Plusieurs fois, nous avons noté dans l'histoire des enfants de

notre service des habitudes aussi déplorables qui, quelquefois,

ne sont point, par honte, signalées par les parents. Tous les ans

nous recevons des enfants ou des adolescents dont les troubles

intellectuels sont occasionnés par l'alcoolisme.

Assistance ET internement DES aliénés. Une vieille demoiselle

de soixante-dix ans, Jeanne Balangue, habitant Sauveterre (Pyré-

nées-Orientales), dont les facultés mentales laissaient beaucoup à

désirer, avait trompé la surveillance de sa famille et disparu de la

commune. Après de longues recherches, le cadavre de la pauvre

femme a été trouvé dans le gave d'Oloron, sur le territoire d'Oraas.

Toute idée de crime doit être écartée.

Une tentative de suicide, qui a failli coûter la vie à une mère

et à ses trois filleltes, a eu lieu hier soir, à 7 heures, dans le

faubourg du Pont-Neuf, à Poitiers. La dame C..., âgée de vingt-

huit ans, profitant de l'absence de son mari, a habillé de blanc ses

trois filles, âgées de sept, cinq et trois ans, puis, après avoir allumé

un réchaud garni de charbon et fermé sa porte à clef, elle fit cou-

cher ses enfants à ses côtés, sur le lit. L'asphyxie commençait à se

produire lorsque le mari arriva; trouvant la porte fermée, inquiet,

il s'informa. Rien, personne n'avait vu sa famille. Il enfonça une

vitre de la fenêtre et bientôt il pénétrait dans la chambre où le

terrible spectacle s'offrit à ses yeux. Il appela les voisins à son

secours ; les pauvres enfants et la mère, sans connaissance, furent

transportés dans une maison voisine où des soins énergiques leur

furent prodigués avec succès. Avant de mettre son funeste projet à

exécution, la femme C... avait laissé sur un meuble un billet annon-

çant sa fatale détermination. Cette malheureuse en est à sa troi-

sième tentative de suicide; elles sont attribuées à un trouble des

facultés mentales. (Petit Parisien, 31 août.)

La nuit dernière, vers deux heures du matin, la femme Jan-

vier, fermière aux Hautes-Brives, près de Mayenne, étant sortie

sans bruit du lit où elle se couchait avec sa fille, ses enfants se

mirent à sa recherche dès qu'ils s'aperçurent de sa disparition. Son

fils ayant eu l'idée de suivre la voie du chemin de fer voisine de la

ferme, ne tarda pas à découvrir le cadavre de sa mère en travers

des rails. La malheureuse avait été tuée par le train qui part de

Mayenne à quatre heures dix minutes ; les roues avaient passé sur

le cou et sur la face. La femme Janvier ne jouissait pas de toute sa

raison. On attribue sa mort à un suicide. (LePelit Parisien, 16 sept.)

3M faits divers.

La crainte de dépenser de l'argent pour se soigner, les résis-

tances des municipalités, des préfets qui. ajournent le plus

possible les placements, l'insuffisance des connaissances des

médecins en ce qui concerne l'étude la folie et qui leur fait trop

souvent croire à l'incurabilité, sont la cause des regrettables

accidents de ce genres Lorsque les aliénés sont traités comme

il convient, et l'un des meilleurs moyens de traitement est

l'isolement, c'est-à-dire le placement dans un asile, il y a sou-

vent de grandes chances, d'une amélioration sérieuse et même

d'une guérison, d'autant plus que le placement est fait à une

date plus rapprochée du début. On préfère dans notre pays

enregistrer des malheurs comme celui qui précède ou fabri-

quer des incurables.

- Le Petit Parisien du 15 septembre publie une dépêche en date

du 14 septembre, de Héricy ainsi conçue : M. Thierry Lemoine,

cultivateur, âgé de soixante-cinq ans, demeurant à Labrosse, com-

mune d'Héricy, s'est pendu hier dans sa grange, à la suite de pertes

d'argent. Ses facultés mentales s'étaient affaiblies et il avait déjà

tenté de mettre fin à ses jours par le même moyen :

Des faits de ce genre sont enregistrés quotidiennement par

les journaux politiques. Ils témoignent de l'insouciance des

familles, des administrations municipales et départementales

et même, hélas ! de l'ignorance des médecins. La grande majo-

rité de nos confrères ne sait rien ou à peu près rien des mala-

dies mentales. Sur quatre à cinq cents docteurs, reçus chaque

année il n'en est peut-être pas dix qui aient suivi durant

quelques semaines un service d'aliénés et ont pu acquérir

quelques notions sur la folie. ,

GARNIER (S.). Barbe Buvée. - En religion, soelll Sainte-Colombe et

la prétendue possession des Ursulines cl'rl u.a;otxe (1658-1663). Etude

historique et médicale d'après des manuscrits de la Bibliothèque natio-

nale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.' Préface de

M. Bourneville. - Volume in-8° carré de xvo-9G pages. - Papier vélin :

3 fr. ; pour nos abonnés, 2 fr. ; papier de Hollande : 5 fr. ; pour nos

abonnés, 3 fr. 75; papier Japon : 7 fr. ; pour nos abonnés, 5 fr.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

W reua, (;li. IIEwssev, imp. - 09 : i.

Vol. XXX. Novembre 1895. N° 105

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ASILES D'ALIÉNÉS.

NOTICE HISTORIQUE SUR LE DÉVELOPPEMENT

DE L'ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE;

, Par le D' PAUL SÉRIEUX,

Médecin adjoint à l'asile de Villejuif, chargé de mission en Allemagne.

On peut, pour en faciliter l'étude, distinguer dans l'histoire

du développement de l'assistance des aliénés en Allemagne

quatre périodes, sans prétendre d'ailleurs attacher à de pareilles

divisions, toujours plus ou moins arbitraires, une importance

qu'elles ne sauraient avoir. La première de ces périodes com-

prend le moyen âge : les fous sont justiciables des tribunaux,

de l'Église, et non de la science médicale. Dans la deuxième,

qui s'étend de la fin du xv° siècle aux premières années du

xix°, on ne voit dans les individus atteints de folie que des

sujets dangereux, et on les détient le plus souvent dans les pri-

sons. Les médecins commencent cependant à étudier les formes

diverses de la folie, mais l'assistance des aliénés reste encore

bien rudimentaire : c'est dans quelques villes seulement que

les hôpitaux ouvrent leurs portes à cette catégorie de malades.

Une troisième phase commence avec le début de ce siècle pour

finir vers l'an 1860 : les aliénés sont enfin considérés comme

des malades; on crée de tous côtés des établissements spéciaux

pour leur traitement et leur hospitalisation. La quatrième

période, qui se continue aujourd'hui, est caractérisée par le

développement et le perfectionnement de l'assistance des

aliénés. Celle-ci est complètement modifiée par l'application

Archives, t. XXX. 23

35 asiles d'aliénés.

des systèmes du non-restraint et de l'open-door, par l'exten-

sion donnée à la colonisation, à l'assistance familiale, etc., etc.

Nous ferons, au cours de cette brève étude, de nombreux em-

prunts aux travaux de M. Kirchhoff, de M. H. Laehr, de M. A.

Paetz, de M. Bothe1.

Pendant tout le cours du moyen àge, en Allemagne comme

ailleurs, les aliénés ne relèvent pas de l'art médical : il n'est

question ni d'assistance, ni de traitement. On laisse errer les

fous inoffensifs; ceux que les autorités estiment dangereux sont

jetés en prison. Le plus grand nombre, hallucinés, mélan-

coliques, hystériques, - considérés comme possédés du démon,

comme coupables de sorcellerie, sont livrés aux tribunaux.

Les exorcismes, les tortures, les flammes du bûcher, tel est

alors le sort de la plupart des aliénés. De pareils remèdes ne

font qu'activer le mal : de tous côtés éclatent de véritables épi-

démies de possession, de démonolàtrie, de démonopathie, de

sorcellerie. Les incubes, démons mâles, et les succubes, démons

femelles, jouent un rôle prépondérant dans le délire de ces

possédés. Vers la fin du xive siècle, dans le pays qui baigne le

Rhin, de Mayence à Cologne, quarante et une femmes, con-

vaincues d'être possédées du démon, sont condamnées au sup-

plice du fer 2. Dans le pays de Trèves, en quelques années, on

livre au supplice 6,500 fous3. Le contenu d'une bulle fulminée,

en 1484, par Innocent VIII, « indique que la démonolàtrie était

surtout enracinée alors à Cologne, Mayence, Trèves, Salzbourg,

Brème. Les frères de Saint-Dominique dressent des procédures

contre les hallucinées qui avouent se livrer à la copulation

avec des incubes, et les envoient au bûcher'' 1 i>.

1 Th. Kirchhoff. Grundniss einer Geschichle celer deulschezz Irren-

pflege. Hirschwald. Berlin, 1890.

IL Laehr. Gedenhlage der ]J,ychialrie, 4° éÙIt. Berlin, 1893.

Atbrticht Paetz. Die ]\olonisil'ltng der Geislesliranken in Verbizzdung

mit dem Offen-Thur System, Sprinter. Berlin, 1893.

Bothe. Die familiale Verpflegung Geislesliranken. Springer. Berlin,

1893.

' H. Dagonet. Traité des maladies mentales. Paris, 1894.

' V. Krafïl-Ebing. Lehrbztch der Psychiatrie, 3° édit. Stuttgart, 1888,

p. 42.

' Calmeil. De la folie considérée sous le point de vue pathologique,

philosophique, historique et judiciaire. Paris, 18î5.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 355

De 1484 à 1500, les a inquisiteurs d'rlllemaqne, dit Calmeil,

livrèrent au bras séculier une multitude d'indu indus qui avaient

la réputation de manger des enfants, et de rendre hommage

au prince des esprits nuisibles ». C'était chose rare de voir un

inquisiteur considérer un sujet inculpé de possession démo-

niaque comme en proie à des troubles cérébraux. Cependant

Nider (mort en 1440) est cité par Calmeil comme ayant admis

que certains individus, soumis à son examen, « étaient atteints

d'une manie provenant de l'état des instruments physiques ».

Dans ces cas exceptionnels, les fous échappaient au supplice ;

parfois ils trouvaient asile dans un couvent; on cite, entre

autres, le monastère des « Alexianer » , à Cologne, comme

ayant déjà recueilli quelques aliénés, dès la fin du xIn° siècle.

Les conceptions erronées sur la nature et les causes de la

folie se perpétuent encore au cours de la deuxième période;

mais déjà d'autres opinions commencent à se faire jour, et,

dans différentes villes, les aliénés échappent aux flammes plus

souvent que par le passé. Ils sont alors détenus dans les pri-

sons ; parfois même ils trouvent asile dans quelques établis-

sements hospitaliers. Au milieu du xvi° siècle, Jean de Wier

(1515-1588), célèbre médecin hollandais, adresse une requête

à l'Empereur pour lui demander qu'on cesse de répandre le

sang des ensorcelés et des possédés ; il défend la même thèse

dans son livre De proestigiis dsemonum et de lamiis. Ce n'est

pas cependant qu'il ose nier toute intervention diabolique dans

les manifestations de la folie. 11 fait, en effet, jouer un rôle aux

esprits dans la plupart des cas d'hallucinations, il croit encore

aux maléfices des démons ; mais il soutient que les fous, abusés

par Satan, ne doivent pas être crus quand ils s'accusent eux-

mêmes. Félix Plater (130-lGlr), qui a laissé d'importants tra-

vaux de pathologie mentale, qui a défini et décrit l'idiotie, le

crétinisme, les délires toxiques, la manie, la mélancolie, Félix

Plater admet cependant encore, en 1602, l'influence des démons

dans certains états de délire. Sennert (1572-1637), dont la

Pî,actica Medicina contient des vues exactes sur le pronostic

des maladies mentales, sur la manie et la mélancolie', dis-

' Laehr. Loc. cil. '

356 asiles d'aliénés.

tingue cependant, lui aussi, la folie ordinaire et la folie démo-

niaque. « Il reconnaît une variété d'extase provoquée par des

influences diaboliques, et croit que, grâce à l'intervention du

démon, les lycanthropes possèdent en réalité la forme d'un

loup » -

Si des médecins aussi distingués partageaient à ce point les

préjugés populaires, il n'y a pas lieu de s'étonner en voyant

encore instruire, jusqu'au xviu0 siècle, des procès de sorcel-

lerie.

Le sort des aliénés jetés dans les prisons n'était guère plus

enviable que celui des hallucinés, considérés comme possédés

du démon et livrés aux tribunaux. Confondus avec les crimi-

nels, entassés dans des loges étroites, dans de véritables

cachots, sans air, sans lumière, sans vêtements, parfois sans

nourriture suffisante, chargés de chaînes, les aliénés étaient

abandonnés à la brutalité de leurs geôliers. Souvent on les

enfermait dans des tours, faisant partie de l'enceinte fortifiée

des villes; on venait, à certains jours, visiter ces « tours des

fous » ( ? ari-enthii2,meîi) ; derrière leurs barreaux, ces malheu-

reux étaient livrés, comme les bêtes d'une ménagerie, à la

curiosité et aux risées de la foule.

Cependant, dans quelques villes, le sort des aliénés était

enfin devenu moins rigoureux. Déjà, en z1326, la ville d'Elbing

(Allemagne du Nord) aurait recueilli dans une section spéciale

d'une léproserie, quelques sujets atteints de folie; mais il faut t

arriver à la fin du xve siècle pour voir, en différentes villes, les

fous admis dans les hôpitaux. En 1460, à Nuremberg, on fonde

un bâtiment qui leur est spécialement consacré (Nal'ren/¡aÜs-

lein). En 1477, à Francfort-sur-le-Mein, un quartier spécial

leur est réservé dans l'hôpital. A Brunswick, en lëïi8, on

enferme quelques fous à l'hôpital Beatx illariæ Virginies; à

la fin du xvie siècle, on annexe à l'hôpital quelques cabanons

pour les aliénés agités ; ceux qui sont paisibles vivent en com-

mun. Il en est de même à Esslingen (·lG4lr), u Coblence, à

Lipplingen, où l'on réunit aliénés et incurables dans une

léproserie inoccupée par suite de la disparition de la lèpre

(Virchow). A Wurzbourg, le prince-évèque, fondateur de

l'hôpital Julius (1576), avait spécifié qu'aucune catégorie de

malades ne devait être exclue de cet établissement : aussi

1 Marcé. Traité pratique des maladies mentales. Paris, 1862.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 337 7

admet-on les aliénés au rez-de-chaussée d'un des bâtiments

de l'hôpital. On peut voir encore aujourd'hui les vastes salles

voûtées et solidement construites qui, depuis trois siècles,

servent de quartier d'aliénés pour une trentaine de malades :

c'est un des premiers établissements d'hospitalisation des

aliénés en Allemagne.

En z1608, à Hambourg, on garde les aliénés dans l'hospice

« Pesthof ». Au milieu du siècle, l'hôpital de Brunswick

est chargé, non seulement de recevoir les aliénés, mais de

subvenir aux besoins de ceux qui ne sont pas internés. En 1677,

dans la même ville, les fous sont soumis au travail comme les

détenus avec lesquels ils sont confondus.

Au cours du xvm° siècle, dans divers États allemands, des

règlements sont édictés en vue de pourvoir à l'hospitalisation

des sujets atteints de maladies mentales. En -170, d'après un

règlement d'assistance publique publié à Berlin, les aliénés

indigents doivent être gardés gratuitement; les fous non

furieux disposent d'un logement convenable; ils peuvent aller

et venir dans l'établissement. Le roi Frédéric 1er, en z1-109,

donne l'ordre d'interner les fous à l'hôpital Dorothée, mesure

qui fut appliquée en 1711. A Wurzbourg, le prince-évêque de

Schoenborn décrète (mai 1743) que les délirantes et simul

furiosi seront dorénavant internés dans un quartier spécial de

l'hôpital Julius, tandis que les placidi délirantes et non furiosi

resteront dans les hôpitaux des districts. Le sort des aliénés

s'améliore également dans le duché de Brunswick. A l'hôpital

Saint-Alexis de Brunswick, on semble s'être préoccupé de la

question du traitement. Les instructions de 1749 sont inspirées

'par des vues humanitaires, alors bien peu répandues : « Il y

a des exemples, y lit-on, qui montrent que par l'intervention

de la médecine et par d'autres mesures utiles, on est arrivé à

guérir des aliénés. » Le médecin est tenu de visiter les malades

deux fois par semaine; il lui est recommandé de consulter, en

cas de besoin, le Collège médical; il lui appartient de décider

si les aliénés sont ou non susceptibles de travailler. On recom-

mande la douceur aux gardiens,; des détenus sont employés à

habiller, à alimenter, à donner les soins de propreté aux

malades. Le médecin reçoit une gratification de 5 thalers par

guérison. Une fois celle-ci obtenue, le médecin délivre, sur la

demande du sujet guéri ou des parents de ce dernier, un certi-

ficat constatant l'absence de troubles intellectuels. Il rédige en

358 asiles d'aliénés.

outre un rapport qui est remis au directeur de l'établissement

afin d'être transmis, pour approbation, au gouvernement

ducal. A Rockwinkel, près Brème, des tentatives sont égale-

ment faites pour améliorer la situation des aliénés (1764). A

Halle, une instruction de 1787 défend aux gardiens de tour-

menter les mélancoliques, de les irriter ou de les frapper. A

Wurzbourg, on procède, de 1785 à 1790, à la séparation des

sujets curables et incurables. En 1798, un quartier spéciale-

ment consacré aux aliénés est organisé à l'hôpital de la Cha-

rité de Berlin.

Malgré ces tentatives, le sort de ces malades, à la fin du

siècle dernier, restait bien misérable, comme le révèlent les

protestations de Reil. La plupart étaient encore détenus dans

des établissements pénitentiaires. C'est alors que la réforme

opérée par Pinel en France, eut son écho dans tous les pays

civilisés et qu'un mouvement général se produisit en Alle-

,rniié : : eri faveur de l'assistance des aliénés.

'ï-'O'- \° \

. -\ ?

- ,./,% .-y â .

,,\-. `, 1 \) ? > * *

i· ? 1

J' .....

3's'qii'alors, les sujets atteints de folie avaient été générale-

" ment considérés comme incurables : sauf quelques exceptions,

on se contentait de les mettre hors d'état de nuire, de les

enfermer. La troisième période de l'histoire de l'assistance des

aliénés, période scientifique, ne commence qu'au début

du xixc siècle avec Langermann ('1768 ? 832) et Reil ('1759-1813).

C'est à ces deux médecins que l'on doit l'inauguration du trai-

tement rationnel des maladies mentales dans des asiles spé-

ciaux ; ils eurent aussi le mérite d'insister sur l'importance

thérapeutique du travail, si bien mise en évidence par Pinel

en 1801, dans son Traité médico-philosophique sur l'aliénation

mentale, traduit en allemand la même année par Wagner.

. Reil, en 1803, publie à Halle ses Rltapsodieen, travail

devenu classique, sur le traitement psychique des maladies

mentales. Il y trace une émouvante description de la condition

lamentable des aliénés et rapporte l'opinion de J. Franck :

'» Ceux qui ont visité les maisons d'aliénés en Allemagne, dit

Joseph Franck, se rappellent avec effroi ce qu'ils ont vu. On

'est saisi d'horreur en entrant dans ces asiles du malheur et de

l'affliction; on n'y entend que les cris du désespoir... C'est

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 359

une chose effroyable que de se voir assailli par des malheureux

couverts de haillons et dégoûtants de malpropreté, tandis

qu'il n'y a que les chaînes, les liens et la brutalité des gar-

diens qui empêchent les autres de s'approcher z maux

Andrée, ajoute Esquirol, dit la même chose, en 1810, des

aliénés et des établissements qui leur sont consacrés en Alle-

magne. »

Reil montre en outre l'importance du traitement moral, et

dès 1805, il entreprend avec Kaissler la publication d'une

Revue de thérapeutique des maladies mentales. Dans ses Iihap-

sodieen et dans son étude sur l'Organisation des établissements

destinés aux incurables (1811), Reil, alors professeur de clinique

interne à Berlin, déclare que ces asiles doivent posséder un

domaine agricole, des jardins, du bétail... : placés en dehors

des villes, ils seront organisés sous forme de fermes composées

d'un bâtiment principal et d'un certain nombre d'habitations

plus petites, disséminées dans le voisinage. Reil.recommande

pour les aliénés les occupations en plein air, les travaux agri-

coles : « le travail, dit-il, entretient la santé, favorise le som- ?

meil et amène l'oubli des idées délirantes 2. » Il est 'partisan de.,

faire bénéficier les malades de la plus grande liberlé : posiblè ?

de leur procurer des distractions par des concerts, dés rpré- . -' :

sentations théâtrales. Dans la deuxième édition de ses 7ajb-- '.

sodieen (1818), Reil crilique les murailles élevées dont on

entoure les asiles; il réclame des murs à hauteur de la poitrine,

surmontés d'une grille, afin que la vue ne soit point limitée.

A Langermann, déjà connu par sa thèse De methodo cognos-

cendi cli ? la71dique animi morbos stabilienda (Iéna, 1797), revient

l'honneur d'avoir le plus vigoureusement réagi contre le pré-

jugé de l'incurabilité de la folie, et d'avoir créé, en 1805, le

premier « établissement de traitement x (/7e</a) ! a/<) pour les

sujets atteints de maladies mentales curables. La renfermerie

de fous fondée en 1791, à Bayreuth, par le margrave Alexandre,

fut transformée par lui, de 1805 à 1810, en un véritable hôpital

d'aliénés. Tous les malades, sauf les agités, y furent occupés

à des travaux divers ; les moyens de contention, dont on avait

tant de tendance à abuser, ne furent plus employés qu'à titre

1 Esquirol. Des maladies mentales, t. II, p. 401.

1 En 1804, Glawnim directeur depuis 1784 de l'asile d'aliénés de

Brieg (Silésie), conseille d'installer les asilesNen pleine campagne, afin

de pouvoir employer les malades aux travaux agricoles.

360 asiles d'aliénés.

d'exception; un chirurgien résidait dans l'établissement; le

médecin y faisait une visite quotidienne; les bains, l'électricité

galvanique, la musique étaient parmi les procédés de traite-

ment. Les aliénés incurables furent hospitalisés dans un asile

spécial (P(legeal1stalt) à Schwabach. On avait enfin décou-

vert, comme le dit Griesinger, que les aliénés étaient curables.

Appelé en z1810 à Berlin, en qualité de directeur des affaires

médicales, Langermann usa de son influence auprès du

ministre du royaume de Prusse, pour organiser dans ce pays

l'assistance des aliénés. Il réclame, en 1812, la suppression du

quartier d'aliénés de la Charité, à Berlin, et son remplacement

par un asile de 120 malades, auquel seraient annexés un

domaine agricole et des jardins. On lui doit la fondation des

premiers asiles de traitement prussiens de Siegburg (182o);

dirigé par Jacobi ; et de Leubus (1830), dirigé par Martini. Des

asiles de traitement avaient déjà été créés en Saxe, à Sonnens-

tein (1811), et à Schleswij (1820). A Sonnenstein, Pienitz,

parent de Pinel, élève de ce maître et d'Esquirol, et partisan

convaincu de l'emploi du travail comme agent thérapeutique,

donnait tous ses soins à occuper le plus grand nombre possible

de ses malades.

L'exemple donné par Reil et Langermann fut suivi par un

certain nombre de médecins, entre autres par IIeinroth et par

IIorn. Ce dernier, médecin du quartier d'aliénés de la Charité

à Berlin, y enseigna la psychiatrie jusqu'en 1818. « Cette cli-

nique, dit J.-P. Falret, faite par ce médecin célèbre à une

époque où l'attention générale était encore si peu attirée sur

le sort des aliénés, servit puissamment la cause de ces infortu-

nés. » IIorn recommande le travail comme un des plus actifs

parmi les agents thérapeutiques à employer chez les malades

curables, et comme un moyen palliatif chez les incurables.

« Le travail, dit-il, doit être assidu, nécessiter toute l'atten-

tion du palient, être exécuté d'une façon régulière et sous une

surveillance constante ».

Heinroth, élève de Pinel, enseigna le premier la psychiatrie

en Allemagne (Leipzig, 1811-1843). Il fut le représentant le

plus célèbre de l'Ecole spiraYualiste ou psychologique pour

laquelle la folie n'était qu'une maladie de l'âme, engendrée

par le vice et la dépravation. Heinroth se montrait cependant

partisan de l'emploi du travail comme moyen thérapeutique.

« C'est, disait-il en 1825, la médication universelle des malades,

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 361

médication qui doit être instituée dès que l'agitation est cal-

mée. » Bergmann, en 1828, recommande également le travail

pour tous les aliénés quelles que soient leur situation sociale,

leurs habitudes antérieures. En même temps que s'organisait

à Leipzig et à Berlin l'enseignement clinique des maladies

mentales, Nasse fondait à Bonn en 1818, une Revue pour les

médecins aliénistes (Z eitsch1'1ft (UI' psychische Ael';le),

La grande réforme accomplie en France par Pinel, et en

Angleterre par Tuke, lorsqu'ils supprimèrent les chaînes des

aliénés, fut assez lente à se propager en Allemagne. L'influence

de conceptions erronées sur la nature de la folie se traduisit

pendant longtemps par l'emploi de moyens de contention, de

mesures de répression, de procédés d'intimidation. Les coups,

les douches, les machines rotatoires, les cages mobiles, ana-

logues à celles des écureils, les chaînes, les entraves, les col-

liers, les ceintures faisaient partie des moyens de traitement

et de l'arsenal de la plupart des asiles. Esquirol parle de la

i fécondité incroyable des Allemands, au point de vue de l'in-

vention d'instruments destinés à contenir les furieux* ». Dans

certains asiles (Sonnenstein) on se servait comme gardiens de

condamnés à de légères peines correctionnelles. 4 leil, Joseph

Franck, Andrée se plaignent de l'insuffisance et de la brutalité

des serviteurs » (Esquirol). Hayner, en 1S8 i, s'éleva énergi-

quement contre l'abus des moyens de contention et spéciale-

ment des chaînes et des fauteuils de force. Mais ce ne fut que

dans les établissements les mieux dirigés que ces moyens d'un

autre âge furent remplacés par l'emploi de la camisole.

De nouveaux asiles de traitement furent fondés en 1830, à

Sachsenberg (Mecklembourg), sous la direction de Flemming,

et en 1834 à Winnenthal (Wurtemberg) sous la direction de

Zeller.

En dehors des considérations théoriques qui présidèrent à la

création d'établissements spéciaux de traitement pour les alié-

nés curables, intervenaient des raisons d'un autre ordre.

Comme Griesinger le fait remarquer, on voulait n'appliquer,

les nouvelles tentatives de réforme, très coûteuses, que pour

les sujets curables : « on organisa donc pour eux des. asiles

1 Encoie au milieu du siècle, nous voyons le D' Picht, directeur de

l'asile de Stralsund, tout en réprouvant l'usage des coups, l'aire quelque-

fois appliquer en sa présence quelques coups d'une verge- de bouleau.

Ce châtiment produisait, païaîl-il, des miracles de propreté (Annal,

médico-psyciiol., 1817, p. 291).

362 asiles d'aliénés.

entièrement neufs, tandis que les asiles anciens qui parais-

saient tout à fait insuffisants pour que l'on pût y placer des

malades guérissables, furent transformés en hospices ou mai-

sons de refuge. On comprit que l'organisation des asiles où l'on

recoit des incurables doit être essentiellement différente sous

certains rapports de celle des établissements destinés au trai-

tement des cas récents... enfin c'est aussi dans le but d'ap-

prendre au public que l'on peut guérir la folie, que l'on créa

des hôpitaux actifs d'aliénés où l'on obtient des guérisons

relativement fréquentes et rapides. »

Bientôt l'augmentation du nombre des aliénés assistés ne

tarda point à rendre insuffisants, et les établissements récents

réservés aux cas aigus, et les anciens asiles transformés en

hospices pour les incurables. D'autre part, on s'aperçut de cer-

tains inconvénients résultant de l'existence de deux catégories

distinctes d'établissements, asiles de traitement et asiles d'hos-

pitalisation.

Roller et Damerow se prononcèrent catégoriquement contre

ce système, et luttèrent pour la réunion des hôpitaux de trai-

tement (Heilanstalt) aux asiles d'hospitalisation (Pflegeanstalt).

Les établissements d'aliénés mixtes prirent alors un nom

indiquant leur double destination, nom qu'ils portent encore

aujourd'hui : ce furent des Heil-und Pflegeanstalten, Ce n'est

pas à dire qu'on eût renoncé à la séparation des malades en

deux catégories distinctes : curables et incurables. Au con-

traire, l'asile d'aliénés, tel qu'on le concevait alors, était essen-

tiellement constitué par deux établissements plus ou moins

indépendants, mais situés sur le même terrain, possédant les

mêmes services économiques, la même direction médicale et

servant l'un d'hôpital pour les cas aigus, l'autre d'hospice pour

les chroniques. Les asiles deMarsberg(1835), d'Illenau (1842),

de Nietleben (1844), de Munich (lSÙ9) furent construits sur ce

plan.

Plus tard, une nouvelle transformation se produisit : la

séparation des deux parties de ces asiles devint plus fictive que

réelle (Griesinger), et par la force des choses, une association

plus étroite, la confusion même des deux éléments consti-

tuants de l'établissement finirent par se réaliser.

L'organisation matérielle des asiles était également en pro-

grès. Au début, on avait installé les aliénés dans de vieux cou-

vents, dans des châteaux adaptés tant bien que mal à leur

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 363

nouvelle destination. Puis on construisit de vastes bâtiments

de forme massive, se rapprochant plus des asiles anglais à

allures monumentales que des asiles français. Ces construc-

tions, rappelant en général la disposition d'une caserne à un,

deux ou trois étages, étaient plus ou moins étroitement réunies

les unes aux autres par des corridors fermés, des vérandas,

ou des galeries couvertes. « Au centre, dit Griesinger, se trou-

vent quelques bâtiments de deux ou trois étages, dans lesquels

sont réunis les parloirs, les bureaux, la chapelle, la cuisine,

la buanderie, les magasins, les logements des employés; de

chaque côté part une aile à deux étages, droite ou faisant

retour, contenant les différentes sections de convalescents, de

pensionnaires, de malades tranquilles... A l'extrémité de ces

ailes se trouvent de petits bâtiments à un seul étage, aussi

éloignés que possible du centre, qui renferment les cellules

pour les malades agités que l'on isole. »

Au point de vue du plan général de chaque quartier, un

vaste et large corridor, sur lequel s'ouvraient les chambres de

réunion et les dortoirs, occupait toute la longueur de chaque

bâtiment (Système du corridor).

Au milieu de ce siècle, l'assistance des aliénés avait donc

réalisé en Allemagne de réels progrès. La psychiatrie ne s'éga-

rait plus dans le domaine stérile des discussions philosophi-

ques. L'Ecole somatique s'élevait en face de l'école spiritua-

liste. Les travaux de Griesinger eurent, entre autres, un grand

retentissement. En 181, parut la première édition de son

Traité des maladies mentales, réédité ensuite en 1861'. Grie-

singer établit les conditions auxquelles doit satisfaire un éta-

blissement d'aliénés. Il veut que, dans la mesure où le permet

sa destination spéciale, l'aménagement intérieur de l'asile dans

son ensemble diffère aussi peu que possible d'une grande

maison particulière. C'est pour lui la loi fondamentale qui doit

présider à la création d'un établissement de ce genre. 11 recom-

mande d'éviter de prolonger l'isolement des malades ; il réclame

de grands ateliers, des jardins vastes, agréables, pourvus d'une

gymnastique, d'un jeu de quilles, etc.; il demande un infir-

mier pour six à dix aliénés. a On devra, dit-il, accorder aux

malades autant de liberté que leur état le permet..., on les

, 4

' Griesinger. Traité des maladies mentales. 1861. Trad. franc. Paris,

1865. .

364 asiles d'aliénés.

traitera avec bonté..., enfin on cherchera plutôt à les distraire

et à les égayer, en évitant avec soin les mesures trop sévères

ou les règlements qui rappellent la discipline de casernes. »

J. P. Falret, qui visita en 1845 l'asile d'Illenau dirigé alors

par Roller, un des représentants de l'école somatique, fait

ressortir dans sa description « l'excellence des principes qui

ont présidé à l'organisation de cet établissement ». Il loue la

façon dont sont organisés le service médical et le service admi-

nistratif ; il montre la part importante donnée aux travaux de

culture, aux exercices de l'intelligence, aux réunions hebdo-

madaires, à la musique, aux promenades dans les environs,

voire même à de véritables excursions. Il insiste sur le rôle

considérable accordé au traitement individuel, physique et

moral 1.

De même, Moreau (de Tours), à la suite d'un voyage en

Allemagne, en 1854, remarque « les soins éclairés, l'active

sollicitude dont les aliénés sont l'objet, l'émulation qui paraît

régner entre les divers États pour procurer à ces infortunés la

plus grande somme possible de bien-être 2. »

Depuis une trentaine d'années, grâce à une organisation

médico-administrative excellente, grâce à une connaissance

exacte des progrès réalisés à l'étranger, en France et en

Grande-Bretagne, grâce surtout à la vigoureuse impulsion

imprimée aux études de psychiatrie dans les nombreuses

Universités d'Allemagne, l'assistance des aliénés a subi dans

ce pays une transformation suffisante pour justifier la descrip-

tion d'une quatrième période. La conception de l'asile d'aliénés

s'est en effet modifiée à mesure que s'imposaient les systèmes

de l'open-door et du non-restraint, à mesure que se formu--

laient plus nettement les exigences, trop longtemps mécon-

nues du traitement rationnel des maladies mentales. Pour

donner satisfaction aux desiderata de la science psychiatrique

1 J.-P. Falret. Des maladies mentales et des Asiles d'aliénés. Paris,

186'r. ! Moreau de Tours. Réflexions sur la médecine psychiatrique en

Allemagne,. Annal, médico-psych., t85t, p. 'r28 et 615.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 365

moderne, pour appliquer ce traitement individuel que récla-

ment, au même titre que les autres malades, les sujets atteints

de psychoses,"d'importantes réformes furent réalisées ou sont

actuellement en voie de l'être. Citons rapidement la création

de petits hôpitaux de traitement et de vastes colonies agricoles,"

la grande extension donnée au traitement en liberté, à la colo-

nisation, à l'assistance familiale des aliénés, l'abandon presque

complet de tous les moyens de contention, la transformation

de la constitution matérielle des asiles, l'aménagement de

plus en plus perfectionné des pavillons de surveillance, la géné-

ralisation du traitement des psychoses aiguës par le lit, la

réaction contre l'isolement cellulaire, la création d'établisse-

ments spéciaux, sous forme de colonies, pour les épileptiques,

les buveurs, etc., etc.

En 1839, John Conolly, médecin anglais, donnant aux prin-

cipes émis par Pinel leur extension la plus large, supprima,

d'une façon systématique, tous les moyens de contention

(camisole de force, entraves), employés dans les asiles d'alié-

nés. Cette réforme mémorable connue sous le nom de système

du non-restraint, rompait trop ouvertement avec la routine

pour être acceptée d'emblée 'en Allemagne comme ailleurs'.

En 18o8, le D'' Brosius défendit la pratique du non-restraint

au Congrès de Carlsruhe; et il donna, en z1860, la traduction

de l'ouvrage de Conolly. Ludwig-Meyer appliqua le non-res-

traint d'une façon systématique à Hambourg, de 1861 à 1863.

Griesinger se prononça en sa faveur en 1861, l'adopta à l'asile

de Zurich en 1864 et l'introduisit, non sans difficulté, à la

Charité de Berlin (1867). Westphal, Gudden, Cramer, Zinn,

Koeppe, se déclarèrent également partisans de la suppression

des moyens de contention. Actuellement l'emploi de ces

derniers est tout à fait exceptionnel en Allemagne : on a même

cessé de discuter sur le non-restraint, partout mis en pratique.

Au cours de nos visites dans un grand nombre d'asiles publics,

nous n'avons point vu un seul malade qui fût revêtu de la

camisole de force.

A peu près vers la même époque (1861), Griesinger revenait

sur la question de la séparation des curables et des incurables.

On avait alors presque partout renoncé, en Allemagne, non

' llayner, en 1817, s'était déjà prononcé contre l'abus de la camisole

de force : il ne voulait pas qu'on l'employât plus de quelques heures.

366 asiles d'aliénés.

seulement aux asiles distincts pour ces deux catégories d'alié-

nés, mais encore à répartir les malades, dans chaque établis-

sement, d'après leur curabilité. Il existait en effet, en 1852, en

Allemagne et en Autriche, 47 asiles mixtes, 8 asiles de traite-

ment, et 27 hospices d'aliénés chroniques. Les établissements

de traitement contenaient d'ailleurs, et contiennent encore

maintenant, une forte proportion d'incurables 1. Les hospices

de chroniques ne servaient qu'à débarrasser les asiles mixtes

de l'excédent de leur population. Griesinger se déclara néan-

moins partisan d'établissements distincts pour les curables et

les incurables. D'après lui, « il était prématuré de vouloir

rejeter d'une manière absolue le système des hôpitaux actifs

proprement dits' ». « Un modo bien entendu d'assistance pu-

blique des aliénés, dit-il, doit satisfaire à deux conditions essen-

tielles ou, si l'on veut, doit comprendre deux espèces principales

d'asiles, qui doivent être absolument séparés parce qu'ils doi-

vent avoir une situation, une distribution et une organisation

complètement différentes, les malades devant faire dans les

uns un séjour exclusivement transitoire ; dans les autres, un

séjour prolongé3. »

Griesinger demandait en conséquence la création pour les

aliénés de trois catégories d'établissements : 1° un hôpital

urbain destiné à admettre le plus promptement possible les

cas aigus; 2" une colonie agricole pour les aliénés chroniques

capables de travailler et n'ayant pas besoin de soins médicaux

constants; 3° un hospice pour les aliénés infirmes.

L'hôpital de séjour transitoire pour les cas aigus devait,

d'après Griesinger, être situé aussi près que possible d'une

grande ville (Stadtasyl), n'avoir point l'aspect d'une caserne.

et pour cela être formé de pavillons détachés. Un grand

nombre d'aménagements indispensables aux asiles de chro-

niques, tels qu'ateliers, théâtre, salle de gymnastique, jeux

de boules, etc., étaient inutiles pour l'hôpital urbain. Le nom-

bre des lits, ne devait pas dépasser 100 à 120; et même, si le

mouvement était assez actif 60 à 80. « C'est en effet à peine,

' L'asile de traitement de Sonnenstein renfermait, en 1879, 48 p. 100

d'incurables.

' Griesinger. Loc. cit.

3 Griesinger. Uber J¡'l'enal/slatten und del'en 1Veite¡'-EntwicJ.'elung in

Deulschlancl. Arch. f. Psychiatrie 1, 18G7 (Annal, médic. psychol., 1868,

p. 45(;)..

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 367

dit Griesinger, si un seul médecin peut suivre exactement et

traiter activement d'une manière sérieuse un chiffre aussi

considérable ('100) d'aliénés. » (Traité des maladies mentales,

p. 578). Un pavillon spécial était réservé aux malades ayant

besoin d'une surveillance permanente, et aménagé en vue de

cette destination. Les autres pavillons devaient comprendre

des salles de réunion, des salles à manger gaies et bien déco-

rées, et un grand nombre de chambres à un lit. La durée du

séjour des aliénés dans l'asile urbain devait être courte, et-ne

pas dépasser un an. Dans les villes universitaires, cet hôpital

devait servir de clinique de psychiatrie '.

Les vues émises par Griesinger turent l'objet de nombreuses

critiques, de la part, entre autres, de M. H. Laehr. et de

M. Brosius. Dans ces derniers temps cependant, la thèse de

Griesinger a trouvé de nouveaux défenseurs. Le professeur

Kraepelin se base sur les exigences bien distinctes du traite-

ment médical des psychoses aiguës et de la colonisation des

formes chroniques, pour demander la création de deux sortes

d'établissements. Les uns, situés dans les villes, ne possédant

qu'un nombre de lits très restreint, serviraient de bureau

d'admission, d'hôpital de traitement, et, le cas échéant, de

clinique de psychiatrie. Les autres, plus vastes, installés en

vue d'un séjour prolongé, pourraient être placés à une cer-

taine distance des villes. L'asile urbain transférerait dans

rétablissement d'hospitalisation les malades pour lesquels le

séjour à l'hôpital de traitement ne serait pas, ou aurait cessé

d'être nécessaire.

Le professeur Meschede 3 est également partisan de la créa-

1 Le programme de Griesinger se rapproche sensiblement des concep-

tions formulées antérieurement par Esyuirol. « Peut-titre, dit Esquirol,

conviendrait-il de faire un petit nombre d'établissements dans chacun

desquels on pourrait téujir 150 il 200 aliénés mis en traitement; ces

établissements serviraient de modèle d'école d'instruction, et d'objet

d'émulation pour les autres maisons. On ne serait admis dans ces éta-

blissements qu'à des conditions particulières... : 1° l'aliéné, pour être

admis, ne devrait point avoir été traité ailleurs; 2° sa maladie ne devrait

dater que d'un an au plus; 3° aussitôt qu'il serait reconnu incurable, il

serait renvoyé; 4° il ne pourrait rester plus de deux ans dans l'hôpital

ou l'asile. Je dis deux ans, l'expérience m'ayant prouvé qu'il guérit

presque autant d'aliénés dans le cours de la seconde année depuis l'inva-

sion de la maladie, que dans la première. (Esquirol. Traité des maladies

mentales, t. il, p. 'r01. Paris, 1838.

2 Il. Laehr. Forlschril-Mcksclerill. Berlin, 1868. '

3 Meschede. Uber Errichlung gelrennler Anslallen sur heilbal'e und

unheilbare. Auget. Zeitsch. sur Psychiatrie, 1894, t. Ll, f. 1.

368 asiles d'aliénés.

tion dans les grandes villes de petits hôpitaux d'aliénés. Il

constate que dans les établissements de ce genre le nombre des

admissions de sujets curables est plus considérable que dans

les asiles ordinaires (59,79 d'aliénés curables à l'asile clinique

de Koenigsberg). Il en conclut que le public manifeste de la

répugnance à placer les aliénés dans les établissements ordi-

naires, encombrés d'incurables, tandis qu'il hésite moins long-

temps à les faire traiter dans une'clinique de malades curables.

Or on sait que ces atermoiements ont pour résultat d'entraîner

l'incurabilité. M. Meschede propose en conséquence la fonda-

tion d'établissements de traitement des maladies mentales.

Le principe des quartiers de surveillance continue, exposé

par Parchappe en '18531, ne fut appliqué que plus tard en

Allemagne. L'asile de Hambourg possédait en 1864 une sec-

tion de surveillance. Gudden, en 1867, fait allusion à la

nécessité de la surveillance continue des mélancoliques à idées

de suicide, ainsi que des sujets atteints de psychoses aiguës.

Griesinger, en 1868, déclare que 25 p. 100 des aliénés traités

dans l'hôpital urbain qu'il réclame auront besoin d'une sur-

veillance permanente et de locaux ad hoc.

Le pavillon d'admission et de surveillance devait comprendre,

d'après Griesinger, deux grandes salles (infirmerie et salle de

surveillance), des chambres d'isolement pourles agités, une cel-

lule matelassée, une salle de bains, une salle-lavabo. Chaque

malade nouvellement admis devait rester en observation dans

ce quartier spécial, au moins durant quelques jours. En 1869,

Gudden parle, dans son rapport annuel, de l'organisation

d'une salle de surveillance permanente où il réunit certaines

catégories de malades. Scholz installe, en 1876, un quartier de

surveillance continue à Brème, et L. Meyer organise en'1877,

à Marbourg, une section clinique de surveillance. Il en est de

même à l'asile de Nietleben, à la Charité de Berlin. En 1880-

1883, le Dr Paetz fait construire à Alt-Scherbitz le premier

pavillon de surveillance spécialement adapté à son but, avec

aménagement particulier en vue du traitement par le lit2 ; un

autre pavillon distinct est réservé aux aliénés atteints d'affec-

' Parchappe. Des principes à suivre dans la fondation et la construc--

tion des asiles d'aliénés. Paris, 1853.

z Nous avons donné une description de ce pavillon dans notre travail

sur l'Assistance des alcooliques en Suisse, en Allemagne et en Autriche.

àlontévraiii, 1894.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 309

tions somatiques (infirmerie). La question des pavillons d'ad-

mission et de surveillance fut étudiée de nouveau, en 1885, au

Congrès des médecins aliénistes de Baden-Baden par Gudden,

en z1887, par M. Paetz au Congrès de Wiesbaden, et tout

récemment par M. Kraepelin, qui a organisé à la clinique de

Heidelberg, une section de surveillance continue, comprenant

le tiers du chiffre total des lits, et affectée aux psychoses aiguës

nécessitant un traitement actif ou une surveillance perma-

nente (mélancoliques, malpropres, maladies incidentes). « C'est,

disait Parchappe en 1864, par le perfectionnement successif

du classement des aliénés et de l'appropriation des quartiers

de classement que s'exprime et se mesure le progrès '. Il faut

reconnaître que les asiles récemment construits en Allemagne

donnent une entière satisfaction aux desiderata formulés en

France par Parchappe. Ce ne sont plus les établissements de

rigoureuse détention, les « prisons médicales » (Pinel) de

jadis, mais bien des hôpitaux pour la guérison des maladies

mentales.

L'adoption du non-restraint, la réalisation des conditions

nécessairés au traitement méthodique des formes aiguës, furent

suivies de l'essai du traitement en liberté des malades chro-

niques ou convalescents.

Le traitement des aliénés en liberté, inauguré en Ecosse,

sous le nom de système de Yopen-door, ou des portes ouvertes,

eut en Allemagne un grand retentissement; mais on n'arriva

point du jour aulendemain à l'appliquer dans toute sa rigueur.

Les asiles construits d'après le système des pavillons servirent

de transition entre les anciens établissements fermés et les

colonies aménagées en vue du traitement en liberté. Par leur

segmentation en un grand nombre de pavillons détachés,

placés entre des jardins, on chercha à enlever aux établisse-

ments d'aliénés le fâcheux aspect de prison ou de caserne

qu'ils avaient encore conservé, à faire jouir les malades de

plus de liberté. Les asiles de Marburg (1876), de Dalldorf

(1880); la clinique de Halle (1891); l'asile de Herzberge (Ber-

lin, 1893) témoignent de cette préoccupation. Mais ces divers

établissements, qui présentent une certaine ressemblance

avec ceux du département de la Seine, ont encore tous, ou

presque tous, le caractère d'établissements « fermés ». Quel-

' Parchappe. Art. Aliénés. Dict. encycl. des scienc. méd.

Archives, t. XXX. 24

370 asiles d'aliénés.

ques-uns cependant, par certaines de leurs sections, peuvent

être considérés comme servant de transition avec les asiles-

colonies construits, sur un plan tout différent, en vue de

la pratique du traitement en liberté, de l'application des

systèmes de l'open-door et de la colonisation. Avant d'es-

quisser leur constitution matérielle donnons un historique

rapide de la question de la colonisation des aliénés en Alle-

magne.

C'est en France, comme le rappelle M. le Dr Paetz, qu'ont

été faites les premières tentatives de colonisation : en 1820 à

Bicêtre, en 1832 à la ferme Sainte-Anne, en aï à la colonie

de Fitz-James. Ces essais furent imités en Allemagne. Roller,

en 1858, déclare qu'un grand nombre de malades n'ont que

faire de séjourner dans un asile et qu'ils seraient susceptibles

de bénéficier de plus de liberté. En 1859, l'asile privé de Chris-

tophbad, à Goppingen (Wurtemberg), fonde le premier une

colonie d'aliénés à Freihof : quarante malades appartenant

aux classes travailleuses, et quelques-uns d'un milieu social

plus élevé, sont occupés à l'exploitation agricole d'un terrain

de 100 hectares. En 1862, Damerow défend aussi cette thèse,

qu'une forte proportion des sujets internés dans les asiles

seraient mieuxà leur place dans une colonie agricole. En 1864,

l'asile de Hildesheim, qui occupait depuis 1860 un certain

nombre de malades aux travaux des champs, loue un domaine

de 15 hectares qu'il fait exploiter par quarante aliénés. Les

résultatsfurent très satisfaisants, et actuellement quatre-vingts

malades, soit 19 p. 100 de l'effectif des hommes, sont em-

ployés à des travaux agricoles sur un domainedel73 hectares;

le rendement est de 310 francs à l'hectare. En 1865, l'asile

d'Iéna s'annexe la colonie de Kapellendorf, remplacée en 1880

par la colonie de Blankenhain : trente-six malades exploitent

un domaine de 42,7 hectares.

Griesinger, en 1868, se prononce en faveur du traitement

en liberté des aliénés et de la colonisation des chroniques.

« L'idée, dit-il, du traitement en masse, avec la discipline de

caserne, d'aliénés susceptibles encore d'une vie plus humaine,

a vécu et n'a plus d'avenir ». En 1868, l'asile de Colditz (Saxe)

emploie 329 malades hommes, soit 33 p. 100 de l'effectif de

la division des hommes, sur le domaine de Zchsadrass (91 hec-

tares) : le rendement est de 320 francs à l'hectare. Le Dl' Wah-

rendorf, crée en 1869 la colonie d'Ilten (Hanovre). L'asile'de

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 371

femmes de Ilubertusburg fonde en 1870 la colonie de Reil-

witz (90 hectares), où 104 femmes accomplissent tous les

travaux agricoles, sauf pour ce qui concerne la conduite des

attelages. En 1871, le D'' Snell se déclare aussi partisan de la

colonisation des aliénés.

Nous allons voir quelle vaste extension a reçue, dans ces

dernières années, le système de la colonisation, système que

Kraepelin considère comme excellent pour les invalides psy-

chiques incapables de se diriger eux-mêmes. « Ces sujets peu-

vent, gràce à l'influence favorable du travail, rester plusieurs

années dans un état de santé passable, alors que sans cette

mesure, ils seraient rapidement devenus déments. J'ai vu des

malades qui, après un séjour de nombre d'années dans un

asile fermé, ont pu, sous l'influence d'une liberté relative et

du travail dans une colonie, reprendre possession de leurs

facultés psychiques d'une façon surprenante 1. »

Ce fut seulement en 1876 que les systèmes de l'open-door

et de la colonisation des aliénés reçurent, grâce à Kceppe et

surtout à M. le D'' Paetz 2, tout le développement qu'ils méri-

taient. La création de l'asile-colonie d'Alt-Scherbitz, basée sur

ces principes, constitue un progrès considérable dans l'assis-

tance des aliénés en Allemagne ; une formule nouvelle y est

appliquée qui donne satisfaction aux exigences modernes de la

science et de l'humanité. Auparavant, on avait vu de grands

asiles s'annexer une petite colonie agricole. A Alt-Scherbitz

au contraire, les termes de la proposition furent pour ainsi

dire renversés : ce fut à une vaste colonie d'aliénés renfermant

près des deux tiers de la population totale de l'établissement,

qu'on adjoignit un hôpital pour le traitement des malades

atteints de psychoses aiguës, et pour l'isolement et la surveil-

lance de ceux auxquels leur état mental ne permettait pas de

bénéficier de la vie en liberté.

Les asiles-colonies construits sur le plan d'Alt-Scherbitz

sont donc essentiellement composés de deux parties bien dis-

tinctes : la colonie où l'on applique le système de l'open-door,

c'est-à-dire où les malades jouissent d'une certaine liberté, et

l'asile proprement dit, l'établissement central, où les aliénés

1 Kraepelin. Psychiatrie. Leipzig, 3'edit., p. 232.

* On doit à M. Paetz un important travail sur la colonisation des

aliénés dans ses rapports avec le système de l'open-door. (Berlin, 1893.)

La question y est traitée de la façon la plus complète.

372 1) asiles d'aliénés.

sont, non point, comme ailleurs, « détenus » derrière des murs

et des grilles, mais soumis à un traitement individuel sérieux,

et à une surveillance constante. Partout, aussi bien à la colo-

nie qu'à l'hôpital central, se manifeste la préoccupation d'écar-

ter ce qui pourrait rappeler une maison de détention, voire

même une caserne. On s'ingénie à procurer aux malades la

plus grande liberté possible : tout dans l'organisation maté-

rielle et morale de l'établissement tend à donner satisfaction

à ce principe. Point de ces quartiers, tous bâtis sur le même

modèle, symétriquement disposés, flanqués d'un préau rectan-

gulaire : rien de cette uniformité dont l'oeil se lasse et qui

donne à la plupart de nos asiles une physionomie si monotone;

point d'enceinte de clôture élevée; point de murs de séparation

entre les divers quartiers; point de galeries couvertes; point

de barreaux aux fenêtres, point de sauts de loup. Toutes ces

dispositions si pénibles, si inutiles aussi, des asiles fermés

sont remplacées par un classement soigneux des aliénés dans

des pavillons complètement isolés, ne renfermant que 25 à

40 malades, par une surveillance constante exercée à l'aide

d'un personnel nombreux et bien dressé, par un traitement

individuel que permettent d'instituer non seulement le nombre

des médecins, mais aussi l'utilisation intelligente de tout le

personnel médical.

Les pavillons composant l'asile central sont tous dissem-

blables, et cela se conçoit, puisqu'ils sont adaptés chacun à un

but différent : il y a des pavillons de surveillance, d'admission,

d'observation, deux pavillons d'agités, un pavillon d'infirmerie.

Les uns n'ont qu'un rez-de-chaussée (pavillons de surveillance);

la plupart possèdent un premier étage. Tous sont décorés de

vérandas, de balcons ; tous sont entourés de jardins clos par

une simple barrière de 1 ? 6 de hauteur (de 2 mètres dans

les pavillons de surveillance). Dans la colonie, ce sont de véri-

tables cottages disséminés en ordre dispersé dans un parc; la

façade de ces villas est ornée de vérandas que décorent des

plantes grimpantes; fenêtres et portes ne sont point fermées

à clef. Dans l'aspect extérieur, dans l'aménagement inté-

rieur, dans le mobilier même des divers pavillons et villas,

on cherche à se rapprocher autant que possible des habitations

ordinaires.

Nous n'avons pas le loisir d'insister ici sur cet établissement

modèle. Qu'il nous suffise de dire que l'asile-colonie d'Alt-

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 373

Scherbitz réalise à nos yeux, le type de l'établissement d'alié-

nés moderne : c'est la formule définitive, s'il est permis en

pareille matière, d'employer ce mot. D'autres asiles construits

sur le même plan existent en Allemagne : ceux de Zchsadrass,

d'Untergoltzsch, de Gabersee, de Nietleben, de Wuhlgarten.

Des asiles-colonies analogues sont en voie de construction ou

sont projetés en Norvège, en Russie, en Suède, en Hollande,

en Amérique.

Nous serons brefs sur le développement en Allemagne de

l'assistance familiale des aliénés. On sait que certains malades

chroniques, tranquilles, ne retirent aucun avantage d'un séjour

prolongé dans un asile : le traitement de ces sujets dans des

familles étrangères qui se chargent, moyennant une rétribu-

tion assez faible, de leur entretien, est avantageux en ce qu'il

permet aux malades de bénéficier de la vie en liberté et de la

vie de famille. Ce mode d'assistance, pratiqué à Gheel (Bel-

gique) depuis plusieurs siècles, a été appliqué pour la première

fois en Allemagne, à la fin du siècle dernier, par le D'' Engel-

ken, directeur de l'établissement privé de Rockwinkel, près

Brème. La ville de Brème confia plus tard une certaine caté-'

gorie de ses aliénés à l'assistance familiale. En 1861, Griesin-

ger déclare, en s'appuyant sur l'exemple de Gheel, qu'un

grand nombre de malades n'ont pas besoin de rester internés

dans les asiles, qu'on peut leur accorder plus de liberté qu'on

ne le fait habituellement, et même les laisser vivre dans les

familles. Roller propose d'installer une colonie familiale dans

les environs de l'asile d'Illenau'. En il 8-18, le service de l'assis-

tance familiale fut complètement réorganisé à Brême. La

province de Hanovre eut recours également, en 1880, à ce

mode d'assistance ; la colonie d'Ilten est fondée par le Dr Wah-

rendorff. En 1885, la ville de Berlin adopta, elle aussi, l'assis-

tance familiale pour un certain nombre d'aliénés chroniques :

en 1893, 209 de ces sujets étaient assistés dans leur propre

famille, ou dans des familles étrangères, tout en restant sou-

mis aune surveillance médicale périodique. L'asile de Bunzlau

(Silésie) place, depuis 1886, un certain nombre de malades

chez des nourriciers du village de Looswitz. Des essais ana-

logues ont été tentés dans la Prusse orientale, en 1890, à

Kortau et à Allenbergh.

1 J. Falret. Les Aliénés et asiles d'aliénés. Paris, 1890.

374 asiles d'aliénés.

Nous avons, aussi rapidement que possible, esquissé l'histoire

du développement de l'assistance des aliénés en Allemagne.

Grande est la part qui revient aux idées françaises et anglaises

dans les progrès considérables qui ont été réalisés. L'influence

française est prépondérante dans la première moitié du siècle,

l'influence anglaise domine dans la seconde. Actuellement, par

l'application rigoureuse du non-restraint, par l'extension

de jour en jour plus généralisée de l'open-door, par la subor-

dination étroite du plan général et de l'organisation matérielle

des établissements aux exigences du traitement, par la segmen-

tation des asiles en un grand nombre de pavillons complète-

ment indépendants, ne renfermant chacun qu'un nombre très

restreint de malades, ayant chacun une organisation maté-

rielle et morale spécialement adaptées à leur destination ; par

le grand développement donné à la colonisation des aliénés

chroniques : par le traitement individuel des psychoses cura-

bles ; par le nombre, relativement considérable, des méde-

cins ainsi que du personnel de surveillance, par l'excellente

organisation du service médical, nombre d'asiles ont cessé

d'être des maisons de détention, pour devenir à la fois de véri-

tables hôpitaux pour le traitement des maladies mentales, et

des colonies pour la vie en liberté des sujets convalescents et

incurables 1.

Une question se présente maintenant à l'esprit, question

qu'il n'est point possible d'éluder. L'assistance des aliénés,

créée en France, a-t-elle, dans notre pays, et plus particuliè-

1 L'Allemagne possédait en 1890, pour une population de 40,855,701 ha-

bitants, 122 asiles publics d'aliénés avec 43,251 malades et 370 méde-

cins. Le nombre des établissements consacrés aux idiots était de 7;

celui des asiles et des colonies destinés aux épileptiques de 19, parmi

lesquels des établissements modèles (Iiielefeld, \ulilgarten, liocli-

weitschen). Les colonies d'alcooliques étaient au nombre de 8. Trois

quartiers étaient spécialement réservés dans les établissements péniten-

tiaires aux criminels devenus aliénés. L'enseignement des maladies

mentales est actuellement assuré dans 19 universités par autant de

chaires de psychiatrie. Treize sociétés de patronage s'occupent de procurer

du travail ot de recourir les aliénés guéris à leur sortie des asiles. Plu-

sieurs écoles spéciales sont chargées de l'instruction professionnelle du

personnel de surveillance. Il existe 6 revues spéciales des maladies

mentales et dix sociétés de psychiatrie. (Il. Laehr. nie lleil-uncl

]'(ter;ealls/allell {'iil' l'sychisch-]'l'al1{;e des (leiitscheii Sp¡' ! lc ! tgebie/es in

J. 1890. Berlin, 1891.) .)

REVUE DE thérapeutique. 375

rement dans le département de la Seine, suivi toujours une

marche parallèle à celle dont nous avons tracé les progrès en

Allemagne ? N'avons-nous rien à envier, pour ce qui est de la

constitution matérielle et morale de nos établissements, de

l'organisation du service médical, n'avons-nous rien à envier

à l'étranger ? Bref, possédons-nous dans nos asiles actuels ces

« instruments de guérison », que réclamait Esquirol au début

de ce siècle ?

Nous sommes trop respectueux de la vérité pour dissimuler

qu'il est loin d'en être,ainsi. C'est là, certes, un aveu pénible,

mais celer un état d'infériorité n'est point le faire disparaître,

c'est l'aggraver. Il n'est que temps d'aviser, il n'est que temps

de procéder et à une réforme radicale de la constitution maté-

rielle de nos asiles, et à une réorganisation sérieuse du service

médical, si nous voulons, pour ce qui est de l'assistance des

aliénés, reconquérir la place que nous n'aurions jamais dû

perdre.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Sur l'effet hypnotique DU chloralose; parle Dr f3ascovEC.

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : 1° le chloralose

à la dose de 0 gr. 2 à 0 gr.4 agit dans les maladies mentales et

nerveuses comme sédatif; à dose plus forte, 0 gaz à 1 gramme,

comme hypnotique. Il se recommande à ce titre chez les ma-

niaques, surtout jeunes, chez les épileptiques et chez les alcoo-

liques. On ne saurait l'employer sous peine de voir apparaître les

symptômes d'intoxication sous forme de convulsions, chez les

sujets âgés ou atteints d'une maladie organique du cerveau; 2° Les

malades s'accoutument au chloralose et celui-ci s'accumule; 3° La

marche de la maladie n'est pas influencée par le chloralose ; 4° Les

malades prennent très facilement le chloralose dissous. (Revue neu-

rologique, oct. 1894.) E. B.

Il. Note SUR un cas DE L.aII\ECT03f1E POUR paraplégie congénitale;

par le D' A. CIIIIIAULT.

Il s'agit d'un petit malade atteint de paraplégie congénitale

flasque sans atrophie, avec incontinence absolue de l'urine et des

376 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

matières fécales et anesthésie complète pour tous les modes de

sensibilité.

Pensant qu'il s'agissait d'une hydrorachis sans spina-bifida, le

diagnostic de tumeur congénitale des méninges, possible aussi,

rendant utile une intervention exploratrice, l'auteur enleva le

douzième arc dorsal, premier et deuxième lombaire, tout à fait

normaux. Une dissection attentive du contenu du canal rachidien

lui permit de constater, à sa grande surprise, qu'il ne renfermait

ni méninges, ni moelle, ni racines, mais seulement du tissu adi-

peux léger, analogue comme aspect et consistance au tissu grais-

seux normal de l'espace épidural. Le petit doigt, introduit sur une

longueur de plus de trois centimètres dans le bout supérieur du

canal rachidien, constata que, sur cette étendue, le canal ne con-

tenait aucun organe d'une consistance ou d'une résistance supé-

rieures à celles du tissu graisseux précité.

Naturellement, l'intervention n'eut aucun résultat thérapeutique.

(Revue neurologique, sept. 189.) E. 13.

III. Du traitement DE L'ACCOOLISME; par le Dr REED.

L'alcoolisme, en étendant de plus en plus ses ravages, attire en

tous pays l'attention 'du médecin et du législateur. Après avoir

énuméré les causes et les formes diverses de l'alcoolisme, l'auteur

indique quelles seraient les mesures à prendre contre les alcoo-

liques. Tout d'abord, lorsqu'un traitement dans une maison parti-

culière ou à domicile, serait incapable de réfréner les habitudes

de l'alcoolique, il faudrait mettre ce dernier, sur la demande d'un

parent responsable, accompagné de témoins dignes de foi, dans

une école militaire et industrielle dépendant de l'Etat. Quant aux

alcooliques incorrigibles, il faudrait les envoyer aussitôt que pos-

sible, par un jugement du tribunal, dans un asile d'aliénés crimi-

nels et d'ivrognes, leur faisant ainsi subir une sorte d'incarcération

préventive pour les conséquences criminelles qu'aurait plus tard

chez eux le développement de leur déplorable habitude. ( 1'he ccfie-

nist and neurologist., avril 1894.) E. B.

IV. Remarques SUR LE traitement médical DE l'épilepsie

chronique; par le D' ROUDURANT.

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

1° Le borate de soude, l'antipyrine, l'acélanilide, la phénacétine

et plusieurs autres corps présentés comme des agents antiépilep-

tiques sont, sauf de rares exceptions, sans influence sur la marche

de l'épilepsie chronique vers la folie;

2° Le naphtol peut rendre quelques services, mais pas beaucoup

plus que les purgatifs;

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 377

3° Les bromures retardent l'apparition des crises, mais dans la

plupart des cas font plus de mal que de bien;

4° En cas d'agitation maniaque, l'isolement peut être nécessaire :

peu ou point de sédatifs du système nerveux;

5° Le meilleur remède dans l'état de mal épileptique est la sai-

gnée. Comme médicament, le plus recommandable est le chloral.

(Amel'ican journal ofinsanity, 1894.) E. B.

V. Expériences A l'aide DE la CURAItINE (DE BOEHll) dans la

tétanie; par A. Hoche. (Neurolog. CeaztraL6l., Xllt, 1894.)

Observation de tétanie grave; jusqu'à trois accès de contracture

par jour, durant chacun près d'une heure, et s'étendant aux exten-

seurs des jambes, au dos, au larynx, au pharynx, aux muscles des

yeux, aux intercostaux. Dyspnée, stridor laryngien, atteinte pro-

bable du diaphragme. En présence de la gravité de ces accidents,

on a recours à la curarine, d'abord à doses minimes, en injections

hypodermiques de Om ? 25. Aux doses de 0mm,7 on obtient déjà de

la paralysie motrice des deux jambes, de l'affaissement des muscles

abdominaux, sans que disparaisse la contracture des mains. Mais

il y a amélioration générale, le pouls et la respiration sont moins

fréquents; il est évident que la résolution des contractures des

muscles respiratoires et la disparition des douleurs provoquées

par les contractures doivent être attribuées à la curarine P. K.

VI. Traitement DE L'ACROMÉGALIE par la POUDRE DE glande thyroïde;

par le D1' Salomon SOLIE-t.OIIEN

Chez un acromégalique cachectique et souffrant de violents

maux de tête, le traitement par la poudre de glande thyroïde amena

la cessation des maux de tête en même temps que la diminution

de la polyurie et l'augmentation du taux de l'urée.

De nouveau, la médication thyroïdienne amena chez le même

malade, quelque temps après, la disparition d'une sciatique très

douloureuse.

La poudre de corps thyroïde de mouton était donnée à la dose

de Os,25 chaque matin. L'auteur estime que le traitement précoce

de l'acromégalie, par la médication thyroïdienne s'opposerait à

l'hypertrophie du corps piluitaire. (The alienist and neurclogist,

juillet 1894.) E. B.

VII. LE CHLOItOBR03tE COMME hypnotique chez LES aliénés;

par le D1' PERCY WADE.

Le chlorobrome n'est pas un corps défini; c'est un mélange, à

parties égales, de bromure de potassium et de solution aqueuse

378 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

de chloramide. Donné à la dose de 30 grammes de la solution,

une heure avant le coucher, cet hypnotique donne un sommeil

tranquille, de cinq heures de durée en moyenne.

L'auteur estime que cette préparation représente, en somme, un

bon hypnotique, surtout recommandable dans la mélancolie : dans

la manie, son actionnerait aussi durable que celle de n'importe

quel autre hypnotique. (Ame1'ican journal of insanity, avril 1895.)

E. B.

VIII. SUR la chirurgie cérébrale dans LES aliénations mentales;

par le Il René Semelaigne.

Dans une étude d'ensemble aussi complète qu'intéressante, l'au-

teur passe en revue les divers cas d'intervenlion chirurgicale dans

les aliénations mentales à l'étranger, car, en France, sauf excep-

tions assez rares, on reste sur l'expectative. Et d'abord, quelles sont,

chez les aliénés, les indications de la trépanation ?

Les opérations ont été surtout préconisées dans les cas de folie

traumatique ou de pression intracrânienne, et ce sont, en effet, les

seules circonstances où l'intervention chirurgicale puisse être dis-

cutée.

D'après les partisans de la chirurgie cérébrale chez les aliénés,

on peut toujours, dans les cas désespérés, tenter une opération qui,

bien pratiquée, est absolument inoffensive. Négligeant les quelques

accidents qui se sont produits, et admettant, avec M. Lucas-Cham-

pionnière, que le danger ne provient pas de la trépanation, mais

de la lésion, il reste à savoir si l'opération présente quelque utililé.

Dans le cas de traumatisme récent, avec délire consécutif, elle peut

être indiquée, toutes circonstances dûment considérées et après

mûres réflexions.

Sur la question de l'opération dans le cas de pression intracrâ-

nienne, l'accord est loin d'être fait, même en Angleterre, et le

temps n'est pas encore venu de classer le trépan parmi les modes

de traitement de la paralysie générale.

Quant au grattage des circonvolutions, à l'excision plus ou moins

complète de telle ou telle partie de l'écorce cérébrale, cette pra-

tique parait inacceptable. (Annales médico -psychologiques , mai

1895.) E. B.

IX. Contribution a l'étude DE l'action sédative DU chloralose; '

par le Dr 1\IA RANDON deMontyel.

Si l'on s'est déjà beaucoup occupé du chloralose en tant qu'hyno-

tique, on n'a accordé qu'une attention dis frai te à sa vertu calmante, et

c'est précisément pour l'étude de ce point d'histoire que l'auteur

présente une série de vingt-trois observations personnelles. La cou-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 379

clusion qui découle de ces observations, c'est que le chloralose, en

dehors même des accidents d'hyperexcitabilité musculaire qu'il est

susceptible de déterminer, surtout chez les paralytiques, n'est à

conseiller ni dans la vésanie, ni dans la paralysie générale comme

calmant diurne. En effet, si son influence sédative est incontes-

table dans l'immense majorité des cas, elle est malheureusement

éphémère et ne se retrouve que difficilement, malgré l'élévation

des doses. C'est, du reste, la conclusion à laquelle M. Marandon de

Montyel, dans un précédent travail, était arrivé relativement à

l'emploi du chloralose comme hypnotique chez les aliénés.

Il faut ajouter que, sous son influence, les hallucinés auxquels le

chloralose a été prescrit, ont souffert d'une aggravation notable de

leurs troubles sensoriels, même visuels, malgré la propriété dont

est douée la substance de déterminer la cécité psychologique. (An-

nales médico-psychologiques, mai 189b.) E. B.

X. LES paralysies faciales OTITIQUES : UN cas traité par résection

DES PAROIS DU CANAL DE P.1LLUPE DANS SON TRAJET PÉTREUX; par les

Drs A. CHIPAULT et DALEINE.

La lésion otitique provocatrice d'une paralysie faciale, peut agir

sur le nerf en des points les plusdivers de son trajet pétreux et déter-

miner diverses variétés anatomiques de paralysie faciale otitique qui

sont parfois possibles à distinguer cliniquement les unes des autres,

comme les auteurs nous l'indiquent, soit par l'étude de la para-

lysie même, soit par l'examen de l'otite causale. La recherche de

la cause de la paralysie permet d'établir parmi les formes de la

paralysie faciale une véritable échelle de gravité ascendante : a. la

forme congestive bénigne et transitoire, due à une otite légère;

b. les formes dues au contact du nerf avec le pus, plus sérieuses

et de gravité variable suivant le point où se fait ce contact;

c. les formes dues à la nécrose d'une partie du canal de Fallope,

plus sérieuses encore, en général, que les formes dues au contact

du nerf avec le pus.

Le pronostic spontané des diverses variétés de paralysie otitique,

peut être notablement amélioré par un traitement méthodique,

ordinairement discret, parfois conduit avec une hardiesse néces-

saire. C'est ainsi que les auteurs ont eu l'occasion, récemment, de

pratiquer le dégagement du nerf facial dans toute l'étendue de la

traversée pétreuse, chez un malade atteint de nécrose labyrinthique

et mastoïdienne avec paralysie faciale complète. Le nerf ne fut nul-

lement. lésé au cours de l'intervention, que suivit une diminution

marquée de la paralysie. A propos de la relation de ce cas, MM. Chi-

pault et Daleine donnent une description précise du manuel opé-

ratoire délicat du dégagement du facial dans son trajet pétreux.

(Revue neurologique, mai 1893.) E. il.

380 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XI. Chirurgie DE la capsule INTERNE; par les Drs A. CHIPAULT

et A. DEmouLiN.

A propos d'une malade chez qui le diagnostic hypothétique

d'abcès de la capsule interne droite avait été porté, diagnostic non

justifié d'abord au moment d'une intervention chirurgicale, ensuite

à l'autopsie, les auteurs montrent qu'on peut, en se guidant sur

des points corticaux bien déterminés, atteindre la capsule interne.

Le rapport avec la surface cranienne de ces points corticaux est

bien connu : il sera donc facile, dans un cas donné, de les mettre

à découvert et d'introduire en se guidant sur eux le bistouri puis le

doigt jusqu'à la région cherchée; et de fait, dans le cas présent,

trois incisions faites s'étaient rencontrées au point voulu, à la partie

antérieure du bras postérieur de la capsule interne et si, au lieu

d'un foyer de ramollissement, il y avait eu un abcès, cet abcès eut

pu être évacué. (Revue neurologique, mars 1895.) E. B.

XII. Cas DE MYXOEDÈME traité avec succès par l'extrait thyroïdien;

par le Dr J. HAROLD.

Il s'agit d'un homme de cinquante et un ans, sans antécédents

héréditaires ou personnels chez qui un état myxoedémateux s'était

peu à peu développé : lorsqu'il entra à l'hôpital, il présentait l'ap-

parence caractéristique d'un cas avancé de my aoedème. Un premier

mode de traitement par des injections sous-cutanées extrait glycé-

riné de la glande thyroïde, ne donna pas de résultats et fut aban-

donné pour faire place à l'administration par voie stomacale de

tablettes contenant chacune 0 gr. 25 d'extrait sec de la glande. On

donna par jour de une à trois tablettes.

Bientôt se manifestèrent les effets favorables du traitement, tant

du côté de la peau, du tissu cellulaire, de la température, que de

l'état général et dans la sphère intellectuelle. Au cours du traitement

survinrent quelques névralgies de la face et quelques palpitations

de peu de durée, la guérison fut complète et le malade, revu par

l'auteur un an après sa sortie de l'hôpital, ne présentait aucun

signe de rechute. (The alienist and neurologist, octobre 1894.)

E. B.

XIII. Recherches PIIYSIOLOGIQUES ET thérapeutiques

SUR la pseudohyosciamine DE MEKCK; par le Dr GUICCI1RD1.

La pseudohyosciamine est un alcaloïde extrait par Merci : , de la

duboisia myoporoïdes, plante de la famille des solanées : il appar-

tient au groupe des poisons mydriatiques dont le prototype est

l'atropine. »

Les idiots et les déments résistent assez bien aux effets de cet

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 381

alcaloïde : alors qu'un jeune idiot supporte sans effets appréciables

une dose de il à 6 milligrammes, les autres aliénés sont sensibles

aux doses de 2 à 3 milligrammes et un homme actif et intelligent

à la dose de un milligramme.

Les phénomènes généraux déterminés par la pseudohyosciamine

sont semblables à ceux de l'atropine. A dose légère, elle donne de

l'ivresse gaie; à dose plus forte, surviennent de la faiblesse, de la

torpeur physique et intellectuelle, de la somnolence et rarement du

sommeil.

L'auteur a essayé la pseudohyosciamine chez certains maniaques,

dans quelques formes d'imbécillité et dans l'hystérie.

Il est encore difficile de se prononcer sur les effets curatifs de cet

alcoloïde, mais il paraît présenter des qualités sédatives. Il a paru

modifier avantageusement les convulsions hystériques. (The alienist

and neurologist, janvier 1895.) E. B.

XIV. Emploi thérapeutique DE l'extrait THYROïDIEN.

L'un des auteurs, M. Auld, l'a appliqué au traitement du psoriasis

et du goitre exophtalmique, il déclare s'en être bien trouvé (une

lettre ultérieure de H.-W. Mackenzie combat d'ailleurs ses conclu-

sions en ce qui concerne la maladie de Graves). M. Duncan Menzils

préconise le même médicament pour la cure de la syphilis maligne

des Indes, concurremment d'ailleurs avec le traitement mercuriel

ordinaire. (British Médical Journal, 7 juillet 1894.) A. M.

XV. L'épilepsie ET son traitement; par CROWLEY et HOI3HOLT.

(Occidental Médical Times; mars et avril 1894.)

I. Observation d'épilepsie idiopathique - datant de l'enfance chez

une femme de vingt-six ans. La plus grande fréquence des

attaques et un embarras croissant de la parole déterminèrent

l'auteur, D. Crowley, a faire la trépanation au niveau de la circonvo-

lution de Broca.

Le crâne épais fut perforé et la dure-mère adhérente dilacérée

au cours de l'opération, puis la plaie pansée et guérie en peu de

jours. La parole redevient facile peu à peu et trois mois après elle

n'avait encore eu aucune nouvelle attaque.

II. Observation d'épilepsie procursive type à propos de laquelle

l'auteur, P. Hoisholt, rappelle le cas de Bodius (1649) et ceux de

Bourneville et Bricon (Arch. neurol., 1887). Le malade était âgé de

dix-huit ans et malade depuis un an; le traitement bromure échoua

et une amélioration marquée sembla résulter de l'emploi du borax

et du chanvre indien. A. M.

382 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XVI. LE chloralose ET SES propriétés hypnotiques;

par le professeur R1CIlET. '

L'effet physiologique caractéristique du chloralose, c'est le

sommeil, mais ce n'est pas un sommeil analogue à celui que pro-

duisent les autres substances hypnotiques : c'est un poison psy-

chique, portant son action sur les parties de l'encéphale où siègent

la conscience et l'idéation et respectant les autres centres nerveux,

spécialement la moelle et le bulbe. Le chloralose respecte les fonc-

tions du coeur et les propriétés physiologiques du sang; son pouvoir

toxique est faible.

Après ingestion d'une dose moyenne de chloralose, soit Os ? 40,

nul phénomène apparent ne se montre pendant une demi-heure;

puis très brusquement survient un sommeil sans rêves qui dure

toute la nuit. Le réveil est facile et subit, sans nausées, sans pesan-

teur de tête, l'appétit n'est pas diminué. A côté de ces avantages,

le chloralose a des inconvénients.

Tout d'abord il ne produit pas l'analgésie; par conséquent il est

inefficace contre les névralgies. Mais le principal inconvénient

du chloralose est d'avoir une action variable. -

La dose moyenne de 06,40, donnée à une jeune femme ner-

veuse ou à un alcoolique font provoquer une série d'accidents peu

graves, mais désagréables. Il y a d'abord une sorte d'ivresse, puis

le sommeil est agité, presque convulsif; il existe une sorte de délire

musculaire se rapprochant plus ou moins d'une franche attaque

d'hystérie. Aussi devra-t-on prendre la précaution si on administre

pour la première fois le chloralose à une hystérique ou à un alcoo-

lique, de commencer par de faibles doses, 06,10 par exemple.

Le chloralose, à côté d'inconvénients, a donc deux avantages

sérieux : il ne trouble pas lqs facultés digestives et n'a pas d'action

sur l'appareil de la circulation : aussi constitue-t-il un bon médi-

cament en cas d'angoisse cardiaque, d'insomnie asystolique. Chez

les aliénés, les résultats n'ont pas été conformes aux espérances

qu'on avait pu fonder sur son emploi : il faut des doses de chlora-

lose un peu fortes pour amener le sommeil et, de plus, il n'agit

que comme hypnotique, sans aucune action spécifique sur le délire.

En résumé, le seul effet incontestable du chloralose, c'est son

effet hypnotique et c'est un excellent hypnotique donnant un

un sommeil qui ressemble au sommeil normal. (Revue neurologique,

1894.) E. BLIN.

XVII. LES bains EN PLUIE. UNE NOUVELLE méthode DE balnéation

POUR LES aliénés; par le Di' P. GEItH<111D.

Les avantages du bain en pluie sont nombreux : 1° la construc-

tion et l'installation sont beaucoup moins coûteuses en même

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 383

temps que l'entretien plus facile; 2° le bam en pluie est toujours

prêt à servir : il n'y a pas à remplir de baignoire, à nettoyer la

baignoire après chaque bain; 3° un plus grand nombre de per-

sonnes ne peuvent être baignées qu'avec des baignoires; 4° un des

principaux avantages du système est que le corps de la personne

baignée n'est pas en contact avec l'eau souillée du bain, comme

dans une baignoire.

5° Le bain en pluie possède une action mécanique et tonique ;

6° il y a, avec ce système, une déperdition bien moins grande

d'eau chaude; 7° il n'y a pas à craindre de transmission d'une

maladie contagieuse, comme avec une baignoire; le malade ne

peut être brûlé ou ne peut recevoir de contusions comme il peut

en recevoir en luttant pour ne pas entrer dans la baignoire. Enfin

il ne peut se noyer comme dans une baignoire. L'auteur donne

ensuite une bonne description avec gravures, de l'installation des

bains en pluie, telle qu'elle vient d'être faite à l'hôpital d'Etat

d'Ulica. (Amel'icanjou1'nal ofinsanity, juillet 1895.) E. B.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXVI. Contribution A la CONNAISSANCE plU COMPLEXUS symptomatique

13ULBIRE. Type Erb Goldflam; par Fr. PINELES. (Iah1'bÜchel' fier

Psychiatrie und Neurologie, XIII, 2, 3.)

Décrite pour la première fois par Duchenne, 18GO, la paralysie,

labio-glosso-laryngée fut étudiée analomiquement par Leyden,

Charcot et Joffroy. Erb en 1879, décrivit une forme qui tout en res-

semblant beaucoup à la maladie de Duchenne s'en distinguait par

d'autres côtés et surtout par le résultat négatif des autopsies.

Goldflam, 1893, par plusieurs observations donne la description de

cette entité symptomatique caractérisée généralement par le tableau

suivant : des individus de vingt à quarante ans sont pris subitement

de paralysie dans le domaine des nerfs craniens ou de grandes fai-

blesses dans les extrémités. Rapidement et successivement appa-

raissent du ptosis, de la diplopie et des difficultés dans la mastication

et de la déglutition, ainsi que des troubles de l'articulation des

mots, donnant à la maladie une grande ressemblance avec la para-

384 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

lysie bulbaire progressive. Le signe le plus important est constitué

par les variations de l'intensité des symptômes paralytiques. Ainsi,

le malade est le matin bien mieux que le soir. De légères parésies

peuvent à la suite d'un certain exercice musculaire, arriver à cons-

tituer de véritables paralysies généralement passagères.

Dans un certain nombre de cas, les symptômes rétrocèdent en

totalité ou en grande partie pour reparaître ensuite de nouveau;

dans d'autres la mort est causée par des troubles respiratoires

subits.

Les autopsies qui ont pu être pratiquées n'ont douné aucune lésion

du système nerveux central ou périphérique.

Pineles donne quatre observations nouvelles prises à la clinique

de la faculté de médecine de Vienne. Les deux premiers cas pré-

sentent comme signes particuliers : le jeune âge des malades, le

développement rapide et progressif des symptômes, le caractère

particulier des paralysies, la faiblesse des extrémités, la variation

fréquente des symptômes, le ptosis, l'absence d'atrophie musculaire

et le dénouement fatal. L'ordre de l'apparition des signes paralyti-

ques était différent dans les deux cas. Dans le second les troubles

fonctionnels des nerfs crâniens avaient ouvert la scène, dans le pre-

mier le début eut lieu par une faiblesse particulière des membres.

Le cachet particulier, des paralysies si bien décrit par Goldflam se

retrouvait surtout dans le second cas. Chaque muscle qui se con-

tractait plusieurs fois fournissaient progressivement moins de travail

et il y avait un moment où il n'en fournissait plus du tout. C'est

ainsi que s'expliquaient les améliorations et même la disparition

complète des parésies après le repos de la nuit et leur aggravation

le soir. On notait un affaiblissement progressif des muscles, des

lèvres, de la mastication et de la déglutition allant jusqu'à empêcher

le malade de manger. Daps le premier il y eut une amélioration

notable pendant six mois suivie de récidive. De même que dans les

observations d'Erb les attaques dyspnéiques apparurent subitement

au milieu d'un bien-être 1 elatif. La troisième observation de Pineles

se rapporte à une malade de vingt-sept ans qui à l'âge de neuf ans

présenta à la suite d'une angine, de la diplopie et des troubles de

la déglutition et de l'articulation; depuis deux ans ptosis droit. Un

an après on constate des troubles de la parole, de la déglutition et

de la mastication, une faiblesse généralisée. Des rémissions plus ou

moins accentuées aboutissent à une amélioration qui dure jusqu'au-

jourd'hui. Dans le quatrième cas il s'agit d'une malade un peu ner-

veuse qui présenta en 1887, à la suite d'un typhus, des troubles de

la déglutition et de la parole qui rétrocédèrent complètement après

dix semaines. En 1890, second accès caractérisé par les mêmes signes

et d'une durée de quatre semaines. En 1892, troisième accès pendant t

lequel on nota des troubles de la parole et une faiblesse généralisée

le rétablissement du malade eut lieu après 3 mois. En octobre 1793,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 385

parole nasonnée. En 1894, maux dé tête, grande faiblesse, insomnie.

- Février 1891, troubles de la déglutition, parésie des muscles

labiaux, ptosis double. Depuis avril amélioration persistante.

Paul Sérieux.

Xi\11. Contribution A l'anatomie du ruban DE REIL; par HOESEr ? i

(NelU'olog, Canlra6l., XIII, 1894.) ... '(

Étude minutieuse des altérations déterminées dans l'encéphale

par deux foyers hémorragiques; l'un sis dans la substance blanche

profonde de l'insula du côté gauche; l'autre, dans le segment pos-

térieur de la couche optique du même côté. z

Conclusion. 1. Le ruban de Reil de l'étage inférieur du pédon-

cule cérébral a bien le trajet que lui a assigné Flechisg à la suite de

ses recherches embryogéniques, mais il est très probable qu'il ne

se termine pas directement dansl'insula, qu'il ne s'y termine qu'après

passage dans les deux segments internes (globus pallidus) du noyau

lenticulaire qui, par suite, interrompent son trajet. 2. L'ana-

tomie pathologique confirme le trajet et la terminaison corticale

du ruban de Reil médiane, établis par l'embryogénie. -3. Le ruban

de Reil cortical a bien le trajet direct et ininterrompu que nous lui

avons décrit (Hoesel). - 4. Il existe avec les fibres déjà décrites une

quatrième partie constitutive des fibres du ruban de Reil de la

calotte, qui se termine dans la couche optique (ruban de Reilthala-

mique). ' P. Tli. - - z

XXVIII. De la situation du noyau du nerf pathétique;

par W. KAuscH. (Neztrolog. Centralbl., XIII, 189L)'

(Voyez le XIX. Congrès des neurologues et aliénistes de l'Alle-

magne du Sud-Ouést. Session de Bade-les-Bains, 2 juin 1891, in

Archives de Neurologie.) P. K.

XXIX. DE la transmission DU SON par LES os DU crâne ET DE la colonne

VERTÉBRALE ET DE LEUR PERCUSSION; NOUVELLE MÉTHOEE D'EXAMEN DANS

LES maladies nerveuses; par.\V. de Bechterew. (Nell1'olog. Cen-

trnl6l., XIII, 1894.)

D'après M. Okunew, les vibrations d'un diapason ; sont moins

intenses ou assourdies dans leur transmission à travers les parois

craniennes ou les os, si ces parois sont altérées; cette modification

des transmissions sonores indique un foyer de pus ou de carie, ou

bien un néoplasme; elle indique notamment la nécessité de tré-

paner l'apophyse mastoïde - A cette recherche, \t. Gal>rilschew ?

lova applique son pneumatoscope (1VI'a(sh, 1893, nO o2) et le sté-

thoscope américain biauriculaire.

ARCJ ! lVr.S, t. XXX. 25

386 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Or, en neuropathologie, voici ce que l'on remarque. Dans les

affections du cerveau, quand les méninges sont prises, la transmis-

sion du son par les endroits lésés est assourdie, moins claire que dans

les endroits sains. Dans un cas de maladie de 1\Iénière, il y avait

complète obnubilation au niveau de l'apophyse mastoïde affectée.

M. Bechterew a fait construire un diapason que l'électricité fait

vibrer et dont on ausculte les vibrations du côté opposé du crâne à

celui sur lequel il est appliqué, au moyen d'un stéthoscope ordi-

naire ou biauriculaire.

Il étudie parallèlement chez ses malades la percussion afin de

déterminer le degré de sensibilité locale delà tête et de la colonne

vertébrale. Il emploie la percussion faible, superficielle, au doigt ou

à de légers coups de marteau (de Skoda), la percussion forte ou pro-

fonde à l'aide du plessimètre. La percussion faible permet de

découvrir les lésions locales des vertèbres (tubercules, périostite,

sclérose osseuse syphilitique); la seconde révèle des lésions pro-

fondes (sensibilité pariétale des épileptiques, sensibilité occipitale

de certaines affections cérébrales), les syphilis locales anciennes de

la moelle et de ses enveloppes, des foyers myélitiques.

P.I{¡;;RAVAL.

XXX. Contribution A l'étude DE la dégénérescence descendante dans

LE CERVEAU ET LA MOELLE, AVEC REMARQUES SUR LA LOCALISATION ET

LES FAISCEAUX DE TRANSMISSION DES CONVULSIONS DE L'ÉPILEPSIE ABSIN-

TBIQUE; par R. BoYCE. (Neurolog. Cei7ti-albl., XIII, 1894.)

Expérimentation chez les chats. L'excitation produite par l'ab-

sinthe produit son maximum d'effet quand la zone motrice est

intacte, la décharge se fait par cette zone et est transmise par les

faisceaux pyramidaux. Quand l'irritation est extrême, il y a aussi

transmission du côté opposé à la zone excitée; l'uni ou la hilalé-

ratité des convulsions n'est donc que le résultat de la force de l'exci-

tation. Il en résulte que chez l'homme, un très petit nombre

d'attaques épileptiformes tiennent à une intoxication de ce genre.

P. K.

XXXI. LE COMPLEXUS symptomatique DE la paralysie spinale spasmodique

COMME ÉPIPHÉNOMÈNE D'UNE LÉSION SYPHILITIQUE HÉRÉDITAIRE DU SYS-

TÈME NERVEUX central; par J. HOFFMANN. (Neurolog. Centmlbl.,

XIII, 1894.)

Jeune homme de quatorze ans, ayant été atteint de syphilis héré-

ditaire dans les premiers mois de son existence. Il se développe

cependant bien; dans la seconde enfance, il apprend de moins en

moins bien et ne se développe plus avec la rapidité accoutumée. A

l'âge de douze ans, raideur et paresthésie dans les jambes. A treize

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 387 Î

ans et demi, parésie probable de l'accommodation. A quatorze ans,

immobilité réflexe des pupilles, mydriase, disparition de la réaction

des pupilles à laconvergence, parésie de l'accommodation, démarche

spasmodique avec exagération des réflexes tendineux malgré la

bonne conservation de la force des mouvements, pas de troubles

de la sensibilité, conservation des sphincters, anomalies psychiques,

ralentissement de l'accroissement physique. L'auteur conclut à

l'existence probable d'une sclérose méta ou para-syphilitique de

l'écorce du cerveau (toxine syphilitique), des tractus présidant à

la réaction des pupilles ou de leurs noyaux, des fibres de transmis-

sion motrices, des faisceaux pyramidaux ou des cordons latéraux.

En d'autres termes, fonds de syphilis héréditaire, arrêt de dévelop-

pement cérébral, affection spinale semblable à celle des observations

de Minkowsky ou de Strumpell (paralysie spinale spasmodique ou

forme spasmodique de la démence paralytique). P. X.

XXXII. Contribution A l'histologie DE la sclérose EN plaques

cérébro-spinale ; par M. PopOrr. (Neurolog. Centrabl., XIII,

1894.) -

D'après les recherches personnelles de l'auteur il y en a deux

formes : une forme subaiguu et une forme chronique. En tout cas

il ne s'agit pas du tout de la prolifération du tissu conjonctif

étouffant les fibres nerveuses. Ce que les auteurs ont pris pour des

travées du tissu conjonctif entre les fibres nerveuses, ce sont des

produits d'ulcération des fibres nerveuses mêmes. Cette erreur est

due à l'insuffisance des méthodes de coloration. Quand on soumet

les préparations à la triple action de la rubine, de l'orange et de

l'hématoxyline, on obtient une coloration : rouge des cylindraxes

dans les fibres à myéline, -jaune intense de la substance blanche,

- -violette tirant sur le rouge de la névroglie et des produits de

destruction inflammatoire.

.Ce sont les vaisseaux qui débutent. Ils forment le centre de

chaque foyer : la lésion marche ainsi pas à pas du centre à la péri-

phérie. Cette progression graduelle est remarquable dans la forme

chronique.

Voici comment dans l'ordre suivant les tissus se transforment.

D'abord les manchons de myéline : les contours perdent leur poli,

se tuméfient en certains points, et arrivent graduellement à se

laisser colorer par la rubine (en ce moment les manchons sont

comme saupoudrés de points et de raies rouges). Partie d'entre

eux subissent la dégénérescence graisseuse, les lavages enlèvent la

graisse, et à sa place il reste des crevasses; une autre partie des

gaines myéliniques prend un aspect finement grenu et est coloré

en violet intense par la rubine. C'est alors le tour des cylin-

draxes ; on y voit des gauchissements ronds ou fusiformes, plus

388 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tard ils se dissocient en un détritus finement grenu, résorbé avec

les autres produits de décomposition. En quelques endroits au-

devant'de ces gauchissements il y a plusieurs replis serpenti-

formes d'une excessive minceur; en d'autres points le cylindraxe

d'une largeur anormale a perdu ses contours lisses; dépourvu

d'éclat, il subit graduellement la dissociation en une matière fine-

ment grenue.

Non seulement les cellules de la névroglie ne sont pas multi-

pliées mais elles se décomposent. S'agit-il d'une cellule actini-

forme, elle devient malle et prend un aspect grenu, ses prolon-

gements tombent et la voilà à l'état de cellule nue. Puis c'est

le noyau qui se liquéfie au sein du corps protoplasmique (l'hé-

matoxyline ne le colore plus) et n'est plus coloré que par la rubine,

finalement, à la place de la cellule, on ne trouve plus qu'un magma

composé d'un détritus finement grenu, sorte de grumeau à colo-

ration plus ou moins vive. Sur le tard, la partie fibrillaire de

la névroglie s'altère à son tour.

Quant aux lésions des parois des vaisseaux qui ouvrent la scène,

elles consistent en une infiltration de celles-ci par des cellules, avec

épaississement et, parfois, rétrécissement concentrique de la lu-

mière. Forte émigration de leucocytes dans le tissu circonvoisin ;

mais ces leucocytes n'augmentent pas de volume, ne se multiplient

pas, ne se transforment' pas en fibres du tissu conjonctif, ils dégé-

nèrent. Il est probable que leur présence entre les fibres nerveuses

exerce une influence nuisible sur les fonctions vitales de celles-ci,

mais ils ne sont pas la cause fondamentale de leur métamorphose.

. ! Ce qui distinguera forme subaiguë, de la forme chronique,

c'est que dans la première l'infiltration des parois vasculaires par

des cellules est plus dissymétrique que dans la seconde, les couches

des parois sont plus lâches, le nombre des leucocytes est plus

grand, les fibres et les cylindraxes présentent de plus grosses tumé-

factions, la marche du processus est .moins graduelle. Dans la

forme' subaiguë> la lésion s'étend uniformément à une distance

assez grande du vaisseau, la substance blanche est plus grenue, les

cylindraxes forment une série de renflements volumineux, ronds

ou fusiformes et se décomposent en un globule étrange,. le globule

conserve parfois à l'une de ses extrémités, voire aux deux, des

résidus de fibres qui ressemblent à de petites queues représentant

les deux pôles : lés foyers présentent, par suite, un dessin bizarre.

A côté de l'ensemble des décompositions de la substance ner-

veuse ; il y a aussi une régénération des fi6·cs nerveuses. En quel-

ques endroits de la préparation, on voit des trousseaux spéciaux

composés de fines fibres parallèles qu'il n'est guère possible de con-

sidérer comme autre chose que des cylindraxes régénérés. Ces

cylindraxes sans gaines sont des cylindraxes de nouvelle forma-'

tion. Celte régénération est due à ce fait qu'à la périphérie de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 389

foyers il y a néoformation de vaisseaux sanguins, tandis qu'autour

du vaisseau lésé là destruction des tissus nerveux suit son cours

graduel. Mais on n'a pas vu la régénération totale, c'est-à-dire

jusqu'à formation de manchons myéliniques. Les cylindraxes nou-

veaux sortent des extrémités des nerfs à myéline, on les voit par-

fois très nettement se diviser eux-mêmes à leurs extrémités en

fibres fines (cinq à six), et ces fibres fines s'allongeant s'accolent

intimement pour former des trousseaux qui parcourent le foyer.

11l somme : 1° pas de prolifération du tissu conjonctif; 2° dé-

chéance et mort des fibres myéliniques et des cylindraxes; 3° des-

truction lente et progressive de tous les éléments du tissu qui

entoure le vaisseaù lésé; 4° simultanément et parallèlement au

processus dégénératif, régénération des cylindraxes, surtout dans

les pyramides ,et les cordons de Goll. P. KÉRAVAL.

XXXIII. Relevé statistique DES modifications .macroscopiques du SYS-

'l'i3lIE NERVWX CENTRAL DES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX; par Th. KAS

(de Hambourg). (Allg. Zeitsch. f. Psych., LI, f. 5, 1895.)

Les recherches de l'auteur portent sur 830 autopsies, dont

656 hommes el 174 femmes. Kroemer, sur 196 cas, n'en a trouvé

que 30 avec diminution de poids de la calotte crânienne. -L'auteur

l'a trouvée augmentée de poids dans 192 cas (140 hommes,

52 femmes), ce qui donne un total de 21,3 p. 100. Une diminution

de poids n'a été trouvée que dans 28 cas, ce qui donne une pro-

portion de 3,3 p. 100. La plupart des hommes étaient des alcooli-

ques. Le diploe a été examiné chez 31G sujets. Il était bien déve-

loppé dans 78 cas, complètement disparu dans 43 cas, ce qui

indiquerait que le diploe n'est normal que dans le quart des cas.

Pour les sutures, les résultats se rapprochent de ceux de Kroemer

qui, sur 104 cas, les constata complètement disparues dans 27,8

p. 100 et partiellement dans 35,5 p. 100. Dans 110 cas on trouva

des exosloses.

La dure-mère ne présenta des modifications macroscopiques que

dans la moitié des cas. La plus importante est la pachyméningite

interne.

L'oedème de la pie-mère a été trouvé dans une proportion de

28,1 p. 100 ; les femmes le présentaient plus fréquemment que les

hommes. La méningite chronique simple existait dans 85,9 p. 100-

des cas.

La lept01¡léningite purulente donne une proportion de 3,1 p.. 100.

Les adhérences généralisées des méninges à l'écorce furent trou=

vées dans 26,6 p. 100 des cas; les adhérences localisées dans 14,9

p. 100. La sclérose des vaisseaux de la base existait dans une pro-

portion de 12,6. p. 100. L'atrophie générale du cerveau dans 65,9

p. 10.0. L'épendyme put fournir des données positives dans 88,5 p. 100

390 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

des cas. Il était normal dans 23,6 p. 100 des cas; moyennement

granulé dans 20,3 p. 100; très granulé dans 24,4 p. 100. Les gra-

nulations étaient bornées au quatrième ventricule dans 0,2p. 100.

Les ventricules étaient très étroits chez 4 hommes, donc dans une

proportion de 0,4 p. 100, dilatés dans une proportion de 25,2 p. 100.

L'hydrocéphalie interne existait dans une proportion de 14,3 p. 100.

Des lésions localisées ont été trouvées dans 70 cas dont 54 hommes

et 16 femmes, dans une proportion ainsi de 8,2 p. 100 pour les pre-

miers et de 9,2 p. 100 pour les secondes.

- Au point de vue de la nature de la lésion, le ramollissement jaune

occupe la première place avec une proportion de 36,9 p. 100. Les

lésions sont plus souvent localisées chez les hommes dans les cir-

convolutions de la convexité droite que gauche. La localisation la

plus fréquente est celle du corps strié droit, qui présente une pro-

portion de 11,7 p. 100; viennent ensuite le corps strié gauche, la

protubérance et la moelle (10,8 p. 100), le noyau lenticulaire et le

cervelet (6,3 p. 100), le centre ovale, etc. Les tumeurs n'existaient

que chez 5 hommes, les cysticerques chez 14.

Le poids du cerveau a été examiné comparativement dans les

asiles de Friedrichsberg et de Stephansfeld. Le poids minimum à

Friedrichsberg a été de 842 grammes, le poids maximum de

1,765 grammes. Ceux de Stephansfeld étaient plus lourds. Par

rapport à celui des aliénés épileptiques, le poids du cerveau des

paralytiques généraux serait en moyenne inférieur de 84 gr. 65.

' La conclusion qu'on peut tirer des relevés statistiques des poids

est qu'en moyenne celui des aliénés atteint le poids normal s'il ne

le dépasse pas.

Les lésions des nerfs craniens sont relevées pour l'olfactif dans le

travail de Reinhard qui trouva une dégénérescence grise dans cinq

cas. La dégénérescence et l'atrophie du nerf optique sont une lésion

relativement fréquente, Kaes l'a trouvée dans 41 cas dont36hommes

et 5 femmes. La dégénérescence et l'atrophie du moteur oculaire

cranien ont été trouvées dans 8 cas.

L'atrophie du nerf acoustique dans 3 cas.

Les méninges rachidiennes ont été trouvées modifiées macrosco-

piquement dans une proportion de 38,5 p. 100, dont zip. 100

hommes et 36,2 p. 100 femmes.

Les pachyméningites spinales hémorragiques sont de beaucoup

moins fréquentes que les cérébrales, l'auteur ne les a vues que dans

une proportion de 0,7 p. 100. Kroemer a trouvé des lamelles

osseuses de l'arachnoïde dans une proportion de z8 p. 100, Kaes

dans une proportion de 10,2 p. 100. Les troubles et les épaississe-

ments des méninges existèrent dans 25,7 p. 100 des cas, la lepto-

méningite spinale purulente dans 0,7 p. 100. Hématomyélie dans

1 cas, dilatation du canal central chez 3 hommes.

' Paul SÉRIEUX.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 391

XXXIV. DE la structure DES artères cérébrales; par les Drs 111,,CER

et de 13OEK. (Bull. de la Soc.de Méd. ment. de Belgique, sept. 1891.)

- Les conclusions tirées par les auteurs, de leurs recherches

peuvent être formulées de la façon suivante :

11 existe dans les réseaux vasculaires des dispositions anato-

miques spéciales et caractéristiques qui leur donnent une certaine

autonomie. Souvent, et surtout dans les organes à fonctionnement

intermittent, le mode de ramescence des artères se trouve être tel

que des voies multiples sont offertes au sang arrivant par l'artère;

la résistance au passage du sang par ces différentes voies varie

selon le degré de contraction ou de béance des vaisseaux; la

distribution du sang dans les différentes parties de l'organe subit

des variations correspondantes.

Cette disposition anatomique est surtout manifeste dans le

cerveau; les artères cérébrales ne fournissent pas de branches

corticales distinctes, de telle sorte que la circulation dans l'écorce

est constamment placée sous la dépendance de la circulation dans

le mésocéphale.

La structure et le mode de distribution des artères cérébrales

ont pour conséquence d'assurer une circulation corticale continue

et régulière, tant que la pression carotidienne est suffisante et

que le tonus vasculaire se maintient : tel est le cas pendant l'état

de veille ou d'activité intellectuelle; au contraire, pendant le

sommeil, l'ischémie corticale existe et reconnaît pour causes

l'abaissement de la pression du sang et la dilatation des artères

dans tout le système vasculaire. '

Il n'existe pas de sphincters ou de disposition histologique

spéciale dans la musculature des artères cérébrales; l'allure

spéciale de la circulation encéphalique et les particularités de son

fonctionnement sont dues avant tout à la disposition des cerceaux

superposés non anastomosés entre eux. G. D.

XXXV. CONTRIBUTION A l'étude DE la DISPOSITION ET DES fonctions DES

CELLULES DE la MOELLE cervicale, avec UNE NOTE SUR LES altéra-

'l'IONS CENTRALES CONSÉCUTIVES AU NON FONCTIONNEMENT PROLONGÉ

D'UN MEMBRE; par Joseph CoLLINS. (The New-York Médical journal,

27 janvier 1894.) ,

Les conclusions des recherches de l'auteur et de son mémoire

sont les suivantes :

1° La grande majorité des cellules motrices de la moelle cervi-

cale présente une disposition bien définie;

2° Certaines de ces cellules sont disposées en colonne qui tra-

versent plusieurs segments de la moelle;

3° Des fonctions définies peuvent être assignées à certains

'392 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

groupes ou à une succession de groupes cellulaires formant une

colonne cellulaire.

4° Les groupes cellulaires qui donnent naissance au plexus bra-

chial sont au nombre de trois, et s'étendent de la portion supé-

rieure du quatrième segment cervical à la partie inférieure du pre-

mier segment dorsal. Les cellules de la portion supérieure de ce

territoire fournissent aux muscles de l'épaule et de la partie supé-

rieure du bras. Les cellules de la portion inférieure fournissent à

l'avant-bras et à la main. Le noyau qui fournit aux extenseurs est

en dehors et au-dessous de celui qui fournit aux fléchisseurs;

,5° Les cellules qui donnent naissance aux nerfs qui innervent les

muscles extenseurs sont situées plus près de la ligne médiane que

celles qui innervent les muscles fléchisseurs;

6° Le groupe des cellules qui innervent les muscles du dos est

situé à la partie interne des cornes antérieures;

7° La fonction motrice d'une partie ou d'une extrémité quel-

conque du corps est en rapport direct avec le nombre et l'état plus

ou moins sain des cellules ganglionnaires du segment médullaire

d'où part le nerf qui aboutit à cette partie ou à cette extrémité :

8° Dans les cas de non-fonctionnement prolongé ou d'impotence

ancienne d'une des extrémités, il se produit du côté opposé du

cerveau, au lieu qui correspond à la région corticale spéciale à

celte extrémité une atrophie .qui porte à la fois sur le volume et

sur les éléments constitutifs de cette zone. R. M. C.

XXXVI. LÉSIONS MAL DÉFINIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE, SUIVIES DE

PARALYSIE DE LONGUE DURÉE; AMÉLIORATION PAR LA SUSPENSION ET LE

CORSET DE plâtre; par l,eN is-A..5,yitu. (New-York Médical journal,

20 janvier 1894.) ,

L'auteur rapporte l'observation de quatre cas intéressants et

présentant entre eux des analogies sur lesquelles il désire insister

d'une manière spéciale : c'est ainsi que tous les malades dont il

s'agit étaient restés plus ou moins complètement paralysés très

longtemps après le traumatisme (plus de deux ans dans l'un des

cas) et qu'une amélioration un peu nette n'a commencé à se mani-

fester que lorsqu'on a eu recours à une traction sur la colonne

vertébrale. Dans tous les cas les malades'se sont trouvés mieux

pendant l'élongation de la colonne vertébrale ; ils commandaient

mieux à leurs membres, et leur sensibilité était moins obtuse.

Dans un des cas rapportés le malade ne pouvait; vider son intestin

et sa vessie que'lorsque les membres inférieurs n'avaient plus à

supporter le poids de son corps. Tous ces malades ont continué à

se trouver mieux tant qu'ils ont été convenablement soutenus par

le corset de plâtre convenablement adapté. Au contraire, lorsque

l'appareil de soutien venait à flécliir ou à se relâcher et n'assurait

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 393

plus l'élongation de la colonne vertébrale, l'amélioration disparais-

sait, pour reparaître avec une plus exacte adaptation de l'appareil.

R. M. C.

XXXVII. KYSTE cérébral D'ORIGINE traumatique, ayant provoqué DE

l'aphasie, DE l'hémiplégie, ETC. Évacuation, guérison complète ;

par C.-II. maya. (The 11-eIO-ï'orlc Médical journal, 7 août 1894.)

L'observation peut se résumer ainsi : Une enfant de onze ans est

précipitée hors d'une voiture au galop ; on la relève sans connais-

sance ; elle vomit pendant le transport chez ses parents. Petite

plaie du cuir chevelu à la partie antérieure du pariétal gauche.

Elle ne reprend pas connaissance. Alimentation par la voie rectale

durant une semaine; la semaine suivante, possibilité d'avaler des

aliments liquides. Hémiplégie droite complète, regard fixe dirigé

en haut; dilatation pupillaire surtout il gauche. Le cinquième

jour vingt-cinq attaques convulsives, qui persislent pendant une

semaine, mais en diminuant chaque jour de fréquence. Etat coma-

teux pendant environ six semaines : miction et défécation invo-

lontaires. Amaigrissement squelettique. Tout indique une lésion

grave à gauche, au niveau du sillon de Rolando, s'étendant jus-

qu'au centre du langage. On a recours à la trépanation et on met

il nu une surface de deux pouces sur un pouce. La dure-mère fait

hernie dans l'ouverture : on l'incise, et on donne issue à quatre

onces d'un liquide clair et aqueux; on l'ouvre plus largement et

on constate une dépression de tout le lobe frontal gauche : au ni-

veau du territoire rolandique, l'espace qui sépare le crâne du

cerveau dépasse un pouce. Le liquide était contenu entre l'arach-

noïde et la dure-mère. L'amélioration commença le lendemain

de l'opération, la guérison fut rapide. Au bout d'une semaine

l'enfant peut dire oui et non et elle remue le bras et la jambe du

côté droit. Au bout d'un mois elle quitte l'hôpital, et une lettre de

sa mère datée de six mois après l'accident la représente comme

parfaitement guérie. Elle ne se souvient absolument de rien de ce

qui s'est passé entre l'accident et l'opération et ses souvenirs rela-

tivement à la semaine qui a suivi la trépanation sont très indistincts.

R. M. C.

XXXVIII. Observations SUR LE développement IIISTOLOGIQUE DE

l'écorce cérébelleuse; par le D1' Aurelio Lui.

Les conclusions de l'auteur sont que chez les mammifères

l'écorce cérébelleuse n'acquiert son développement complet qu'au

moment où la station debout et la marche deviennent possibles.

Chez les oiseaux, qui marchent dès la naissance, dès la naissance

aussi l'écorce cérébelleuse est complètement développée.

394 REVUE d'anatomie ET DE physiologie PATHOLOGIQUES.

Le mode de développement des éléments moléculaires de

l'écorce est très complexe : les éléments qui se développent gra-

duellement au sur et à mesure que l'animal commence à marcher,

sont les cellules de Purkinje et les petites étoilées de la zone molé-

culaire : ces cellules ont donc bien la signification de cellules mo-

trices. Quant aux grains, leur degré de développement est déjà très

avancé à la naissance, que l'animal marche ou ne marche pas en

naissant. (The alienist and l1eUl'ologist, janvier 1895.) E. B.

XXXIX. ETUDE SUR la dégénérescence DES CELLULES NERVEUSES dans

UN cas d'atrophie cérébrale localisée; par le Dr PROUT.

Chez un épileptique de onze ans, mort en état de mal, l'auteur

trouva une atrophie marquée des circonvolutions frontales des

deux côtés. L'étude des cellules corticales des parties atrophiées,

faite par la méthode de coloration de Nissl, lui a permis d'étudier

les divers stades de la dégénérescence des cellules nerveuses. Tout

d'abord, les granulations de chromatine se répandent à la péri-

phérie du corps cellulaire, quittant la portion centrale qui reste

claire; puis ces granulations éclatent et répandent une coloration

homogène dans tout le corps cellulaire, le noyau se colore ensuite.

A un stade plus avancé, la coloration du corps cellulaire disparait,

îe noyau, toujours coloré, devient irrégulier dans ses contours :

puis la coloration disparait à son centre en même temps que le

nucléole devient lui-même irrégulier et se désagrège.

A la dernière période le noyau, complètement décoloré, ne se

distingue plus du restant du corps cellulaire. (American journal

of insanity, avril 1895). E. BLIN.

XL. Méthodes DE laboratoire; par le D'' COOK.

Exposé des divers procédés classiques de conservation et de pré-

paration des centres nerveux et des nouvelles méthodes de colo-

ration des cellules et des nerfs : méthode de Nissl, de Golgi-Cajal,

de Pal. (Amel'ican journal of insanily, avril 1895.)

XLI. DES relations DE l'urée avec l'épilepsie ;

par le D'' Nelson TEETER.

L'épilepsie idiopathique est-elle une auto-intoxication ou une

affection d'origine purement centrale ? N'est-elle pas plutôt une

auto-intoxication par un poison ayant une affinité élective parti-

culière sur la substance cérébrale, dont il déterminerait peu à peu

l'altération et l'atrophie ?

Les deux observations relatées par l'auteur paraissent en faveur

de celte hypothèse rationnelle, la quantité d'urée éliminée ayant

constamment été plus grande après la crise qu'avant.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 395

L'urée a-t-elle eu pour influence spéciale de produire cette auto-

intoxication ? Il est difficile de l'affirmer avant de nouvelles

recherches, mais un fait est certain c'est qu'avant les attaques l'urée

était éliminée en quantité insuffisante. (Ame1'ican journal of insa-

nul, janv. 1895.) E. B.

XLII. Anatomie pathologique DE la démence paralytique;

par le Dr BERKLEY.

Les recherches de l'auteur l'ont amené à établir les trois périodes

suivantes dans l'histoire anatomo-pathologique de la démence

paralytique : 1° les éléments nerveux reçoivent du sang un apport

insuffisant de matériaux nutritifs : les fonctions mentales com-

mencent, en conséquence, à faiblir en même temps qu'on constate

un certain degré d'irritation aussi bien musculaire que mentale;

2° à une seconde période, l'apport des matériaux de nutrition est

si faible que l'on constate du côté des cellules une sorte d'autopha-

gisme ; à cette période correspondent l'excitation motrice et les

idées de grandeur; 3° les matériaux de nutrition sont à ce point

diminués que l'on constate une désintégration de la cellule ner-

veuse, accompagnée d'accroissement des tissus de soutènement :

à cette période correspondent la démence terminale et la parésie

musculaire. Reste il déterminer la cause primitive des troubles

circulatoires du début : dans l'état actuel de nos connaissances, il

est difficile de démontrer qu'ils débutent par une perle du tonus

nerveux des artères. (Amer. joum. of insanity, janv. 1895.) E. B.

XLUI. QUELQUES observations SUR la préparation DU cerveau;

par la MÉTHODE DE BÉVAN LEWIS; par le Dr P. Clark.

Les coupes du cerveau faites sur des tissus congelés permettent t

un examen des pièces anatomiques aussitôt après l'autopsie.

L'auteur donne la description classique de cette méthode et

remarque qu'elle ne laisse pas que d'être délicate et de détruire

parfois les relations des cellules entre elles.

Néanmoins, lorsque cette méthode aura été perfectionnée, il est

probable que beaucoup de pi étendus désordres fonctionnels de

l'intelligence seront trouvés sous la dépendance d'une lésion orga-

nique et qu'une classification des maladies mentales pourra être

établie sur une base pathologique sérieuse. (rimericcclz journal of

insanity, oct. 1894.) E. B.

XLIV. DE la nomenclature anatomique DES CELLULES NERVEUSES ET DE

son but immédiat; par F. NISSL. (Neu1'olog. Cezlt·al6l., \IV, 1895.)

Les cellules nerveuses centrales se décomposent en :

a. Cellules nerveuses cytochromes. Grains. Le corps cellulaire

396 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

n'est qu'indiqué. Le noyau' coloré atteint le volume des noyaux

ordinaires des leucocytes, exemple ceux que l'on rencontre dans la

couche des noyaux du cervelet :

Type CI. , Cellules de la couche nucléaire.

Cellules périphériques de la couche nucléaire, presque

au niveau des cellules de Purkinje.

y. Noyaux du bulbe olfactif (renflement olfactif).

b. Cellules nerveuses kàryochromes. - Cellules noyaux. Le corps

cellulaire n'est qu'indiqué. Le noyau'coloré atteint le volume des

noyaux des cellules nerveuses, volume toujours supérieur à celui

des noyaux de la névroglie, exemple les cellules de la substance

gélatineuse de Rolando : :

Type a. Couche de Rolando.

Cellules du ganglion de l'habenula.

c. Cellules nerveuses somaiochromes. Cellules à corps cellulaire.

Le corps de la cellule entoure complètement le noyau de la cellule

et possède un contour net.

a. Arkyochromes. La partie constituante colorée de la cellule

est disposée en réseau («pxuç).

1. Type enarkyochrome ;

2. Type ampharkyochrome;

3. Type des cellules olfactives. :

j3. Sléchochromes. La partie constituante colorée de la cel-

lule a la forme de raies ayant 'la même direction.

1. Type des cellules nerveuses motrices ;

. 2. Type des grandes cellules de la corne d'Ammon ;

3. Type des cellules de l'écorce ;

i. Type des cellules nerveuses spinales.

(. Arl¡yostichoch1'omes. Un seul type, celles de Purkinje.

, Gl' ! Joclt1'01nes, La partie constitutive de la cellule colorée

se compose de petites granulations Nous n'en

. connaissons pas.

XLV. SUR UN nouveau principe DE DIVISION DE la surface DU CER-

veau; par P. FLECIISIG. CRITIQUES DE CETTE proposition; par

AD.1Vh11'sWICZ.- RÉPLIQUES; par P. FLECIISIG. (IYc2v'olor. Centt'albl.,

XHL 1894.)

M. Flechsig propose de distinguer : 1° des centres sensoriels;

2° des centres d'association.

. Les centres sensoriels sont ceux qui, outre des fibres d'association,

contiennent des faisceaux de la couronne rayonnante composés

de fibres sensitives, motrices et de fibres de la couche optique, et

qui paraissent avoir leur appareil moteur propre. Tels le centre

. REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 397 î

visuel (fissure calcarine), le centre auditif (partie postérieure de la

lro temporale, le centre olfactif (circonvolution de l'hippocampe

et partie postéro-inférieure du lobe frontal), les circonvolutions

frontales et ascendantes.

Les centres d'association ne possèdent pas du tout de fibres de la

couronne rayonnante ; on n'y trouve que des fibres d'association.

Ce sont : le lobe frontal antérieur, le lobe temporal, l'insula, le

lobe pariétal postérieur. Ils n'ont sur les mouvements qu'une action

indirecte.

La cerveau. de l'homme l'emporte sur celui de l'animal par

l'extrême développement des centres d'association qui constituent

finalement l'acquisition spéciale de l'homme et affluent de toutes

les parties du- cerveau. Les centres de la parole occupent, dans leur

ensemble, le territoire intermédiaire entre les centres sensoriels et

les .centres d'association.

Objections physiologiques d'Adamkiewicz : les centres sensoriels

de l'écorce sont, quant aux mouvements des appareils sensoriels,

dans le même rapport que les centres moteurs quant aux sensa-

tions des organes moteurs, et, par suite, des centres corticaux ne

sont pas des districts à fonctions abstraites. « Cela, réplique

M. Flechsig, n'exclut pas les divisions anatomiques, en attendant

des démonstrations physiologiques plus exactes et plus sûres. »

P. K.

XLVI. UNE TUMEUR dans la région DES TUBERCULES quadrijumeaux.

Relations DES TUBERCULES quadrijumeaux postérieurs avec LES

TROUBLES DE l'ouïe; par E. `ŸEINLAND. (A1'chiv. f. Psychiat.,

XXVI, 2.)' .

On 'constatait cliniquement : de la mydriase avec inégalité

pupillaire, des troubles de l'accommodation à la convergence du

côté droit avec conservation symétrique de la réaction à la lumière,

un affaiblissement de la motilité de la main gauche avec léger

tremblement aux mouvements intentionnels, une petite augmen-

tation des réflexes patellaires avec hyperexcitabilité idiomusculaire,

une légère diminution de la sensibilité à la douleur; en outre, signe

de Romberg, démarche ataxique, parole lente et embarrassée.

A l'autopsie, un gliome du volume d'une noix occupe le plan des

tubercules quadrijumeaux du côté fauche et la partie supérieure

des veines avec la commissure cérébelleuse antérieure; il y a alté-

ration du segment postérieur, du pédoncule cérébelleux supérieur

gauche, 'du ruban de Reil latéral de ce côté en rapport avec ces

tubercules quadrijumeaux, des fibres radiaires unissant les tuber-

cules quadrijumeaux du côté gauche à la substance grise centrale;

il y a deslructioll'parlielle du faisceau longitudinal postérieur et

des bras des tubercules quadrijumeaux du côté gauche.

398 REVUE d'anatomie ET DE physiologie PATHOLOGIQUES.

Cette observation, rapprochée de celles de Ferrier et des études

de Flechsig, Monakow, Bechterew, permet de rattacher l'ataxie à la

destruction des veines supérieures et de la commissure cérébelleuse,

la perte de l'accommodation à la convergence du côté droit, à la

destruction du tubercule quadrijumeau antérieur, la dysacousie

à la destruction du- tubercule quadrijumeau postérieur du côté

opposé; cet organe aurait pour fonctions d'établir une association

entre l'impression auditive et les mouvements des yeux, tandis que

le tubercule quadrijumeau antérieur permettrait une synergie

entre la convergence et les mouvements des pupilles. P. K.

XLVII. Contribution A l'anatomie pathologique DES cordons posté-

rieurs DE la MOELLE; par C. MAYER. (J'i/t)'6t<C/t ? Psychiat.,

XIII, 1.)

Dans la zone d'entrée radiculaire postérieure de Westpllal, il y

a des fibres ascendantes. Il faut donc dans les altérations avoir

soin de bien distinguer le point où la racine pénètre dans la

moelle, c'est-à-dire la vraie racine postérieure, et la fibre qui,

accolée contre la racine postérieure, se dirige en montant, par

exemple, vers les colonnes de Clarke. Tel ce cas de tumeur de la

base du cerveau caractérisé en particulier par la disparition des

réflexes patellaires. La moelle paraissait normale et cependant, par

la méthode de coloration de Marchi, on trouvait une dégénéres-

cence des racines postérieures lombaires et sacrées, et les fibres

ascendantes, dégénérées, présentaient une réduction considérable.

Dans la paralysie générale, l'étude des lésions des cordons posté-

rieurs confirme les vues de Flechsig (dix observations). Les fibres

de la zone radiculaire moyenne de la moelle lombaire et de la

moelle sacrée pénètrent surtout dans les colonnes de Clarke. Cette

zone radiculaire moyenne contient aussi des fibres longues qui

gagnent le bulbe, et aussi des fibres qui, après un court trajet, se

rendent dans la zone radiculaire postéro-médiane. Dans la moelle

dorsale, le segment externe des cordons postérieurs contient une

aire striée composée de fibres à court trajet qui ne tardent pas à

pénétrer dans la substance grise. Or, les altérations des cordons

postérieurs chez les paralytiques généraux sont une combinaison

du tabes classique et d'une dégénérescence précoce des fibres à

court trajet. Quant au tabes lui-même, il est la résultante de

troubles de la nutrition exerçant une action élective sur certaines

aires des racines postérieures de la moelle.

Telle est la manière de voir de l'auteur. P. K.

XLVIII. Contribution A L'ÉTUDE anatomo-clinique DES localisations

cérébrales; par James SHAW, (bain, part. LX1X, 1895, p. 74.)

L'auteur examine trente cas observés par lui de 1879 à 1880,

, REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 399

dans chacun desquels il y avait de la débilité mentale à des

degrés divers. Il se borne à indiquer aussi exactement que pos-

sible et, pour un certain nombre d'entre eux, à figurer les lésions

trouvées à l'autopsie du cerveau, sans préjuger d'aucune idée

théorique sur les localisalions. De l'examen comparé des symp-

tômes cliniques et des lésions, il tire les conclusions qui paraissent

s'en dégager tout naturellement. Nous ne pouvons que signaler

ce travail qui ne saurait être résumé, étant présenté sous une

forme déjà très concise et ne contenant que des faits précis qui

doivent être examinés un à un. P. S.

XLIX. SUR l'état DES réflexes dans la section TRANSVERSE totale DE

la MOELLE; par Ernest RENOLDS. (Drain, part. LXIX, 1895, p. 148.)

Revue critique très bien faite qui amène l'auteur à cette conclu-

sion : D'après les observations on peut voir qu'après une section

totale transverse de la région cervicale ou dorsale supérieure de la

moelle, il y a presque toujours une perte définitive des réflexes

profonds des jambes avec paralysie flasque, et quelquefois atrophie

peu marquée des muscles, peu d'altérations de la réaction élec-

trique, et pas d'altération de la substance grise dans les régions

inférieures de la moelle. On n'a pas encore d'explication satisfai-

sante de ces phénomènes, la théorie cérébelleuse de Bostian étant

peut-être la plus plausible. Un plus grand nombre d'observations

sont nécessaires sur cette question, qui touche à l'un des prin-

cipes les plus fondamentaux en neurologie. P. S.

L. Diagnose pupillaire; par le D1' Muni.

L'auteur estime avec raison que l'état de la pupille peut, dans

certains cas, donner des indications précieuses pour le diagnostic

et, dans un article intéressant, il passe en revue les diverses affec-

tions, tant locales que générales qui peuvent avoir leur retentisse-

ment sur la pupille. (1'lve, alienist and 71eurologist, avril 1895.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XXXVIII. CARL WiLHELM IDELER ET SON rôle dans le PROGRÈS DE la

psychiatrie; par KARL LuDWIG IDELER. (Allgemeine Zeitseh1'i(t (Iii'

Psychiatrie, 1890, LI, 5.)

L'auteur veut défendre la mémoire de son père contre les

400 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

reproches que Siemens adressait à sa doctrine, l'accusant d'avoir

introduit en psychiatrie un traitement qui rappelle celui des sor-

ciers au moyen âge. 11 veut aussi rectifier l'opinion de Siemesling

qui voitdans Ideler un partisan de la théorie d'lleinrolh, la fameuse

doctrine du péché, cause de la folie. Ideler montre que son père

n'était pas, ainsi que le lui a reproché Leidesdorf, un idéaliste etun

ennemi de la médecine exacte, qu'il était au contraire au courant

de tous les travaux même étrangers. Il explique le maintien des

anciens moyens de coercition par le fait qu'en ce temps les idées de

John Conolly étaient très discutées et rappelle qu'Ideler plaçait au

premier rang parmi les moyens de traitement des psychoses, le

travail. " " P. S.

XXXIX. SUR l'augmentation de fréquence de la paralysie générale,

SES RAPPORTS AVEC LES FACTEURS SOCIOLOGIQUES. 111'Q't-F.b212g,

Jah1'blichel' fUI' Psychiatrie und Neurologie, 1895, XIII, 2, 3.)

L'augmentation de fréquence de la paralysie générale, quoique

indiscutable d'après l'opinion générale doit cependant être provo-

quée scientifiquement. Certains auteurs, comme Mendel, sont, en

effet, d'un avis opposé et pensent que les statistiques régionales

indiquent plutôt une diminution du nombre des cas. Les statis-

tiques ne sont pas faciles. La comparaison entre les cas anciens

et récents ne peut porter que sur un petit nombre d'années. Le nom

de la maladie dans les tableaux de morbidité générale manque sou-

vent par suite de la difficulté du diagnostic au début et du décès

dans une bonne partie des cas, tout au commencement de l'affec-

tion. On est donc réduit.aux statistiques des asiles d'aliénés : on

se base soit sur le nombre des admissions ou des décès de para-

lysie générale par rapport à l'augmentation de la population dans la

région de l'asile, soit sur l'augmentation du nombre des paralysies

générales, par rapport aux sujets atteints d'autres maladies men-

tales. C'est à cette seconde manière d'évaluation qu'il faut s'arrêter

quoiqu'elle ne soit pas à l'abri de l'erreur. Les formes calmes de la

maladie peuvent, en effet, parfaitement échapper à l'asile public.

Dans une statistique d'Allhaus, de Londres, de 1838 à 1850, le

nombre des paralysies générales dans les asiles d'aliénés anglais

s'élevait à une proportion de 12,61 p. 100 de la population totale

alors que ce taux était de 18,11 p. 100 de 1867 à 1871. Cette aug-

mentation de 6 p. 100 est d'autant plus remarquable que pendant

le même temps le total des malades n'avait augmenté que

de 14 p. 100. D'après Mendel, on pouvait, en 1870, évaluer ainsi la

proportion des paralysies générales dans les asiles d'aliénés.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 401

Les recherches antérieures de Baillarger donnent pour les asiles

de France une proportion de 12,5 p. 100.

Krafft-Ebing donne la proportion suivante du nombre de para-

lysies générales pour cent admissions :

TABLEAU I

402 '1) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

. En 1860 le rapport entre le nombre des paralysies générales

hommes et femmes était dans les asiles d'aliénés de 8 contre 1.

Schüle l'estimait en 1880 à 7 contre 1. Depuis, cette proportion a

de beaucoup augmenté. ;

Récemment, Ivanoff (94), a donné les proportions suivantes :

Danemark, 3,41 pour 1. Italie 3,22 : 1. Russie 3,15 : 1. Angleterre

2,85 : 1. Betgique 2,77 : 1. France 2, 40 : 1.

Cette augmentation de fréquence indiquée par les statistiques

une fois établie, il faut en chercher les causes. Celles-ci sont mul-

tiples. Les changements économiques et sociaux de notre époque,

les inventions du siècle sont parmi les plus importantes. Moreau,

en 1850, constatait déjà la progression de la paralysie générale et

en rendait coupable le progrès de la civilisation. On ne peut signa-

ler toutes les différences entre l'état actuel de la civilisation et

celui du passé. Il faut tenir compte de l'état d'infériorité au point

de vue neurologique d'une bonne partie de la population par suite

de l'influence des fabriques, de la vapeur et de l'électricité.

L'abandon des professions agricoles par suite du développement

du commerce, l'augmentation de la population des villes, la con-

currence rendant plus difficile la vie matérielle, les exigences de

la vie augmentées par les progrès de la civilisation, un plus grand

désir de jouissances, le travail supplémentaire du cerveau comme

conséquence nécessaire de la satisfaction de ce besoin, l'usage crois-

sant des stimulants du système nerveux, l'abus surtout en fait

d'alcool, la nervosité héréditaire causée en partie par le surmenage

du cerveau, tous ces facteurs doivent entrer en ligne de compte

pour expliquer cette progression. Dans les classes élevées les causes

d'excitation et de dépense nerveuse sont encore plus actives. Enfin,

alors que jadis l'homme travaillait seul et la femme ne vaquait

qu'aux besoins du ménage, aujourd'hui ce rapport social des

sexes a beaucoup changé, les femmes se livrent en grand nombre à

des travaux intellectuels et corporels. Ce fait explique déjà pour-

quoi la femme de la société actuelleaperdu son immunité relative

pour la paralysie générale. Le même fait explique la différence de

fréquence de la maladie dans les classes élevéespour les deux sexes.

Alors que dans ces classes un fort contingent de paralytiques est

fourni pour les hommes par les officiers, les médecins, les ban-

quiers, celui que fournit la femme est très minime tant que la sy-

philis n'est pas en cause : cela se conçoit quand on réfléchit à la

vie facile et inactive de la femme dans la société élevée, par rap-

port à l'existence remplie d'activité de l'homme.

Il faut aussi tenir compte au point de vue de la paralysie géné-

rale de l'influence de la civilisalion européenne sur des peuples en-

core non civilisés. D'après Meilhon, médecin de l'asile d'Aix, sur

498 entrées d'Arabes de 1860 à 1890 il n'y eut jusqu'en 1877 au-

cun cas de paralysie générale. De 1877, sur 253 admissions il y eut

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 403

13 cas, soit une proportion de 5,13 p. 100. Il s'agissait dans ces

cas de malades qui avaient changé leurs occupations habituelles,

s'étaient portes vers la ville et avaient pris des métiers européens.

Ils présentaient presque tous la forme classique de la paralysie

générale, la forme maniaque. L'origine urbaine ou rurale des ma-

lades présente une certaine importance. Mendel a montré que dans

les asiles des provinces agricoles du Schlewig-Holstein et de Hanovre

la proportion des paralysies générales était de 4,56 p. 100 alors

que dans le Brandebourg elle était de 19,7 p. 100 et à Berlin de

26 p. 100. La syphilis étant parmi les causes les plus importantes

qui agissent dans les grandes villes, doit attirer particulièrement

l'attention. Une statistique de Rieger (VÜrzbourg) montre que sur

1000 aliénés non paralytiques généraux la syphilis peut être incri-

minée 39 fois alors que sur le même nombre de paralytiques géné-

raux, la syphilis se trouve 400 fois. Chez les paralytiques généraux

des classes élevées, il y a, d'après différents auteurs, une proportion

de 75 p. 100 pour la syphilis. Comme l'apparition de la paralysie

générale, dans la majorité des cas, a lieu cinq à quinze ans après

l'infection syphilitique et comme la majeure partie des hommes

contracte la syphilis de vingt à trente ans, on s'explique facilement

l'époque ordinaire du début de la paralysie générale. La syphilis,

en règle générale, étant contractée dans les rapports extra-conju-

gaux, tout ce. qui au point de vue sociologique augmentera les

difficultés du mariage contribuera à sa progression et, en consé-

quence, à celle de la paralysie générale. Dans sa statistique,OEbecke

trouve chez les paralytiques généraux des classes élevées, où les

mariages sont moins fréquents et plus tardifs, une proportion de

73,7 p. 100 alors que dans les basses classes la proportion n'est que

de iG,7 p. 100. De même pour les officiers qui se marient rare-

ment avant trente-cinq ans. Les données fournies par les prêtres

catholiques sont assez intéressantes. Sur 2,000 paralysies générales

observées par Iirafit-);bin, il n'y eut aucun prêtre catholique alors

que de nombreuses recherches sur la proportion des cas de paralysie

générale chez les officiers par rapport aux autres psychoses lui ont

donné 90 p. 100. Kundt (de Degendorf) eut sur 1,090 admissions

16 prêtres catholiques, dont aucun paralytique général et 13 mili-

taires dont 8 paralytiques généraux. L'immunité relative des prêtres

s'explique parla rareté de l'alcoolisme et de la syphilis.

L'alcoolisme mérite d'être aussi examiné. Il donne naissance à

un tableau qui rappelle souvent celui de la paralysie générale

dont elle est quelquefois plutôt le signe que la cause. Les auteurs

français exagèrent l'influence de l'alcool sur l'origine de la para-

lysie générale et ne tiennent pas assez compte de la syphilis.

OEbecke donne pour l'alcool une proportion de 44 p. 100. D'après

Stark, sur 185 paralytiques généraux on ne trouva que chez 42 des

excès d'alcool, donc une proportion de 22,70 p. 100. P. Sérieux.

404 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XL. Jean Wasilewttsch IV, surnommé LE Cruel. Étude psychiatrique ;

- par A. V. Rothe. (Jahi,b. f. Psych. u. Neurol., 1895, XIII, 2, 3.)

Les jugements des historiens russes sont partagés sur la person-

nalité de ce czar. Pour les uns, avec Solowief en tête, ce prince

réaliserait le modèle d'un roi de l'époque et serait un prédécesseur

de Pierre le Grand; pour les autres avec Karamsin, Jean ne serait

qu'un de ces tyrans sanguinaires qu'on voit quelquefois dans l'his-

toire des peuples. Dans cette étude documentée, Rothe cherche à

établir que ce prince, à hérédité chargée, présenta dans l'enfance

une neurasthénie marquée. Celle-ci dégénéra rapidement dans une

psychose proprement dite, une primxre Verrüclitheit qui dura jus-

qu'à sa mort. P. S.

XLI. DEL'AUGE; par Chr. HASCH. (Neurolog. Cent2,albl , XIII, 1894.)

C'est un trouble psychique propre à la race malaise de Sumatra,

Java, Bornéo, des Célèbes et de la péninsule, particulièrement fré-

quent à Macassar. Il s'en produit un à deux cas par mois, qui

coûtent la vie à une quinzaine de personnes chaque fois ou tout au

moins entraînent de graves blessures. Généralement c'est à la suite

de pertes faites au jeu que les indigènes sont brusquement pris

d'un accès de manie furieuse pendant lequel le malade, muni de

ses armes, frappe tout ce qui se présente. Puis, ou bien il se tue

lui-même, ou bien il est tué par la population comme un chien *

enragé, ou bien il tombe dans la stupeur. L'étiologie n'est guère

connue; on accuse les abus d'opium. En tout cas cette maladie n'a

été observée que chez les hommes. Amnésie consécutive. Durée :

quelques heures à quelques jours. Cette maladie ne saurait être

simulée, ni contagieuse en raison du fait que les Malais courent

sus au furieux et le tuent. P. K.

XLII. ETUDES statistiques ET CLINIQUES POUR SERVIR A la connaissance

DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ LA FEMME; par R. \VOLLEBEnG.

(Archiv f. Psychiat., XXVI, 2.)

Années 1881-1892, à la Charité de Berlin. Il est entré une para-

lytique femme pour 3,5 hommes atteints de la même maladie. En

quinze ans le nombre des femmes paralytiques a doublé, et cepen-

dant, le nombre des femmes mariées l'emporte; très peu de pros-

tituées.Age moyen de trente-six à quarante ans. Evolution analogue

à celle de la paralysie générale chez l'homme; la démence cepen-

dant domine. Durée moyenne deux ans. La syphilis est un prédis-

posant, elle a. été relevée chez 51 p. 100 des malades. L'hérédité

semble rendre la paralysie générale plus précoce, 50 p. 100 avaient

de l'immobilité réflexe des pupilles. P. K.

406 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

40 p. 100 d'entre eux mouraient après un séjour de 6 mois à

l'asile et 73,9 à la fin de la deuxième année de leur internement.

Sur un total de 892 décès, on put pratiquer 830 autopsies.

LÉSIONS CONSTATÉES

SOCIÉTÉS SAVANTES. 407

restreignant la durée, et prédisposant à des attaques congestives;

celles-ci ont été observées dans 59,33 p. 100 de cas chez l'homme

et 60,38 p. 100 des femmes. P. K.

XLVI. DE LA MANIÈRE D'ÊTRE DE LA CONSCIENCE DE LA MALADIE DANS LA

PARANOI ; par A. Mercklin. (Allg. Zeitschr. f. Psychiul., LI, 3.)

Au début de la folie systématique chronique, le malade peut

regarder ses conceptions délirantes comme des idées maladives; ce

sont alors des conceptions délirantes mobiles; il en est de même pour

les sensations somatiques et les phénomènes anxieux. Plus lard il

n'en sera plus ainsi; mais on pourra voir le délirant admettre que

les épisodes de confusion mentale qui le prennent de temps à autre

sont de la maladie, tandis qu'il ne conviendra pas de l'inanité de

ses idées fixes de grandeurs et de persécutions. P. Keraval.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXVIe RÉUNION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

ALLEMANDE DU SUD-OUEST.

SESSION DE CARLSRUHE.

Séances des 3 et 4 novembre 1894. Présidence du PROFESSEUR

tUBSTNE11 (de Strasbourg).

M. Sommer. Rapport sur la question de l'alcool. L'auteur se

place sur le terrain de la physiologie et de la clinique. C'est bien

la question de l'alcool qu'il entend étudier, et non celle des impu-

retés de l'alcool, car il'n'y a pas en réalité de différence entre

l'action de l'alcool éthylique pur et celle de l'alcool impur. Quel

est le rôle physiologique de l'alcool ? C'est un combustible qui se

transforme rapidement, dans l'organisme, en. acide carbonique et

en eau. Mais la production de chaleur due à celte combustion ne

détermine pas une épargne des éléments des corps combustibles :

elle est en effet compensée par une déperdition plus considérable

408 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de calorique due à la dilatation des vaisseaux cutanés, cette der-

nière étant elle-même sous la dépendance de la paralysie des vaso-

moteurs. L'alcool n'est donc ni un aliment d'épargne, ni un tonique

du système nerveux. Il détermine au contraire un cortège de

troubles nerveux par son action sur les nerfs périphériques. Il agit

de deux façons : 1°- par son action toxique sur le protoplasma

nerveux; 2 par l'inflammation qu'il produit dans les tissus voisins

de l'élément nerveux.

Pour ce qui est de l'influence de l'alcool sur le cerveau, Kraepelin

a montré qu'à la dose de 30 à 40 grammes les fonctions psychiques

s'accomplissent plus péniblement (lecture, calcul, association des

idées, etc.); chez certains sujets, cette action de ralentissement est

parfois précédée d'une phase d'allégement, surtout pour les fonc-

tions motrices. Ajoutons à cette double influence de l'alcool la

production d'un sentiment d'euphorie. Par l'action physiologique

de l'alcool s'expliquent une série de phénomènes cliniques : l'ivresse,

la fureur alcoolique, les actes criminels des alcoolisés, leur affai-

blissement intellectuel. Le delirium tremens est beaucoup plus rare

dans les pays à bière que dans les contrées où l'on boit le vin et

l'eau-de-vie.

Il faut distinguer les buveurs qui s'alcoolisent par suite de pré-

jugés, de leur profession (buveurs conventionnels), et les buveurs

psychopathes qui, en dehors des circonstances précédentes, ne

peuvent résister au besoin d'augmenter leur ration habituelle

d'alcool. Les buveurs conventionnels peuvent être guéris par l'abs-

tinence totale, mais non par la « tempérance ». L'action dégénéra-

tive de l'alcool sur la descendance n'est pas suffisamment prouvée.

Il faut limiter 'l'usage de l'alcool en thérapeutique aux cas dans

lesquels son action physiologique peut être utile (engourdissement

des fonctions psychiques, excitation des fonctions motrices, eu-

phorie). L'incurabilité des buveurs tient en général non pas à la

nature même de la maladie, mais à l'alcoolisation obligatoire qui

sévit dans le milieu social où ils vivent. -

Au. SMITII (Schloss-Marbach), Rapport sur la question de l'alcool.

- Grande est l'importance de la campagne menée par les aliénistes

suisses en faveur de l'abstinence totale de l'alcool. C'est la première

fois que celte dernière question fait l'objet d'une discussion scien-

tifique en Allemagne. L'alcool est un fléau social. Par suite du

préjugé qu'il nourrit, qu'il fortifie, qu'il réchauffe, la classe des

travailleurs dépense des sommes considérables sans augmenter sa

puissance de travail. De vastes étendues de terrain sont perdues

qui pourraient servir à l'alimentation du peuple. La criminalité est

augmentée de 100 p. 100 par suite de l'usage des boissons alcoo-

liques. Il meurt, dans certains pays, un habitant sur neuf, par l'abus

de l'alcool. La mortalité des sections d'abstinents des compagnies

anglaises d'assurance est moindre de.30 p. 100 que celle des non-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 409 19

abstinents. 25 à 30 p. 100 des cas d'aliénation mentale sont pro-

voqués par l'alcool. Le traitement des alcoolisés ne peut se faire

que dans des asiles spéciaux : la durée du séjour doit varier entre

six et douze mois. Il serait possible d'interner les buveurs contre

leur volonté, mais leur maintien, malgré eux, ne devrait pas être

autorisé. Une période d'observation de quinze jours suffit pour dé-

cider si le malade restera à l'asile : la plupart y séjourneront de

leur plein gré; les autres devront être traités dans un établissement

ouvert. L'abstinence totale est la règle. L'alcool doit être supprimé

brusquement.

L'auteur se déclare partisan de l'abstinence totale des boissons

alcooliques, non seulement pour les buveurs, mais pour tous. Il

s'appuie sur l'inutilité de l'usage de l'alcool - sur ses dangers -

sur la transition insensible qui mène le buveur, sans qu'il en ait

conscience, de l'usage modéré à l'abus, sur l'impossibilité où l'on

est de pronostiquer si tel sujet deviendra ou non un buveur d'habi-

tude.

Discussion. M. Furstner. L'admission dans les asiles d'aliénés

des sujets alcoolisés augmentera les difficultés déjà considérables

de la tâche des médecins aliénistes. En vertu de quelle loi main-

tiendra-t-on les nombreux psychopathes alcoolisés dans les'asiles ?

On a proposé d'interdire les alcooliques quand leur incurabilité sera

évidente. C'est imposer aux médecins une tâche très ardue et très

ingrate. L'opinion publique s'insurgera contre de pareilles mesures.

N'a-t-on pas actuellement de grandes difficultés à maintenir en

traitement de véritables aliénés ? La création d'asiles spéciaux d'al-

cooliques pour les indigents exigera en outre des sommes considé-

rables. -

L'épilepsie ne parait pas être, chez les buveurs, aussi fréquente

qu'on l'a dit. L'augmentation du nombre des alcooliques n'est pas

générale : à Strasbourg le nombre des psychoses alcooliques va en

diminuant, ce qui tient à ce que la bière prend la place de l'eau-

de-vie et des liqueurs. Il n'y a pas une forme unique de delirium tre-

mens. Il existe des variétés fort différentes, entre autres certaines

dans lesquelles les visions d'animaux, le tremblement, et d'autres

symptômes caractéristiques font défaut.

Au point de vue de l'usage de l'alcool en thérapeutique, on en

obtient des résultats très favorables pour combattre l'insomnie des

sujets chez lesquels les bains et les narcotiques sont contre-indiqués.

L'agitation des malades épuisés par l'inanition est rapidement

calmée par l'alcool, dont l'absorption est suivie d'un profond som-

meil.

M. KR,EPELlN. - Les dangers de l'alcoolisme sont moins pres-

sants dans l'Allemagne du Sud : le delirium tremens y est une

rareté. Il n'en est pas de même dans l'Allemagne du Nord. Berlin

410 SOCIÉTÉS SAVANTES.

est un foyer d'alcoolisation ; dans l'asile berlinois de IIerzberge

la proportion des alcooliques hommes s'est élevée à 70 p. 100. Au

point de vue thérapeutique, il est vrai que l'alcool est un excellent

hypnotique dans certains cas.

Il faut bannir complètement des asiles d'aliénés l'usage, même

modéré, des boissons alcooliques. La suppression de ces boissons a

donné d'excellents résultats à la clinique de Heidelberg, non seule-

ment dans l'épilepsie alcoolique, mais chez les dipsomanes, les

épileptiques. 11 est à désirer que tous les médecins aliénistes éclai-

rent l'opinion publique, et insistent sur ce point que. l'alcool, loin

d'être un agent inoffensif, est beaucoup plus dangereux que

l'opium.

M. Wildermuth ne croit pas que l'alcoolisme joue un rôle impor-

tant dans l'étiologie de l'épilepsie. Il est cependant d'avis de sou-

mettre les épileptiques au régime abstinent.

M. Sommer. - L'alcool doit être considéré comme un agent

provocateur des manifestations épileptiques.

M. BLEULER. - La suppression des boissons alcooliques a été des

plus favorables aux épileptiques. L'épilepsie alcoolique est rare,

mais beaucoup d'épileptiques sont fils de buveurs. Au point de vue

thérapeutique, l'alcool est un médicament très dangereux. Il ag-

grave nombre d'affections aiguës, telles que le typhus et la pneu-

monie. 11 n'est pas démontré qu'il soit un bon agent hypnotique

dans le delirium tremens.

M. Smith. - L'alcoolisme n'est pas moins répandu dans l'Alle-

magne du Sud que dans l'Allemagne du Nord, mais on y boit plus

de bière que d'eau-de-vie. Le delirium tremens est certes plus rare ;

mais il n'en est pas de même des maladies du coeur et du rein.

.

Séance du 4 novembre. - Présidence du Professeur KR.EPFLIN.

M. NISSL (rrancfort-sur-le-llfein). L'état actuel de l'anatomie et de

la pathologie des cellules nerveuses. - Les cellules nerveuses ne sont

pas toutes construites sur le même plan : il y a de nombreux types

de cellules nerveuses, bien caractérisés au point de vue morpho-

logique et en rapport avec des fonctions nerveuses spéciales. Grâce

à la méthode spéciale qu'il emploie, l'auteur a pu se convaincre de

l'inexactitude du schéma de Max Schullze sur la structure de la cellule

nerveuse et de l'existence de types variés d'éléments nerveux. L'ab-

sence de connaissances positives sur le rôle fonctionnel des diffé-

rents territoires du système nerveux est cause de notre ignorance

touchant les fonctions de tel ou tel type de cellules nerveuses. Dans

toute la série des vertébrés chaque territoire du système nerveux

renferme des cellules du même type. Si donc on arrive à connaître

SOCIÉTÉS SAVANTES. 411

les fonctions de ces territoires, on saura par là même quelles sont

les fonctions de tel type de cellules.

Le rapport qui existe entre la structure des éléments nerveux et

' leur fonction est bien établi pour les cellules qui, dans la série

entière des vertébrés, occupent des territoires dont les fonctions

motrices sont démontrées. Ces éléments sont nettement différenciés

des autres cellules nerveuses, et il est aisé d'en donner les carac-

tères anatomiques. Quand on les rencontre dans un point de

l'écorce, on peut admettre le rôle moteur de ce dernier. Nous ne

savons rien de précis sur les fonctions des cellules des ganglions

spinaux : mais nous savons que les cellules du noyau de la racine

descendante du trijumeau ont la même fonction que les éléments

des ganglions spinaux.

Les cellules nerveuses d'un même type, par exemple les cellules

motrices, peuvent se présenter sous différents aspectssuivant qu'elles

prennent plus ou moins la matière colorante : elles peuvent être

très colorées, très peu ou moyennement colorées. Ces différences

ne paraissent pas tenir seulement au rapport qui existe entre les

quantités des substances nerveuses colorée et non colorée de la

cellule. La dimension de celle-ci joue un rôle, car la coloration la

plus légère se rencontre dans les cellules les plus volumineuses et

vice versa. La différence de coloration des cellules nerveuses n'est

pas artificiellement produite : elle correspond à des modifications

de la nutrition de la cellule vivante, modifications encore inconnues,

et dont nous ignorons la permanence pour un même élément ner-

veux. Les différences constatées dans la coloration des cellules

nerveuses tiennent probablement à des états fonctionnels différents

de ces cellules (repos, activité); c'est ce que confirmerait l'examen

d'éléments nerveux excités faradiquement.

En outre des signes caractéristiques fournis par l'imprégnation

des matières colorantes, il faut noter la chromophilie. On rencontre

des cellules chromophiles dans les divers types de cellules. Elles se

distinguent par leur apparence homogène, la disparition des dé-

tails de structure, leur coloration intense par les matières colo-

rantes, et leur faible volume. La chromophilie est une manifestation

artificielle, plus rare sur les pièces traitées par l'alcool. L'auteur

insiste sur la nécessité de fixer d'une façon précise les types nor-

maux- des différents éléments nerveux (Aequivalent formen), en

tenant compte des altérations cadavériques, des modifications mé-

caniques et de la chromophilie. L'examen des éléments nerveux des

animaux pourra fournir d'utiles indications.

M. DEiIlO (de Ileidelberg). Démonstrations microphotographiques.

- Des expériences ont été faites sur des lapins afin de déterminer

les altérations des cellules ganglionnaires consécutives à l'intoxi-

cation alcoolique aiguë. Les recherches ont porté surtout sur les

cellules de Purkinje du cervelet. Dans l'empoisonnement aigu par

412 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'alcool, suivi de mort en quelques heures, on n'a pu observer des

lésions bien caractérisées. Lorsque la mort n'est survenue qu'après

six à trente-quatre heures, on a constaté des altérations des rami-

fications des cellules, des modifications dans la répartition de la '

matière colorante. Le noyau et les nucléoles traités par le bleu de

méthylène n'ont pas présenté de lésions. Ces altérations ne frap-

pent qu'un certain nombre des cellules de Purkinje. Chez un

chien, mort en trente heures, des lésions analogues, mais plus

accentuées, ont été constatées.

M. NISSL fait l'éloge des microphotographies de M. Dehio et

signale les services importants que la technique microphotogra-

phique a rendus et est appelée à rendre dans l'avenir quand elle sera

encore plus perfectionnée. '

M. Kreuser (de Schussenried). Des mesures disciplinaires dans les

asiles d'aliénés. - Il existe des malades, lucides le plus souvent, qui

sont de véritables fléaux pour les services d'aliénés, par leur tur-

bulence, leur méchanceté, leur indiscipline, leurs tentatives d'éva-

sion. La thérapeutique est désarmée en présence de ces sujets à

mauvais instincts : leur excitation ps3cho-motrice doit être autre-

ment réprimée. Ils doivent être placés dans des sections spéciales

et soumis à des mesures disciplinaires dont la plus énergique est

l'isolement. ,

M. SIOLI fait remarquer que les tentatives d'évasion d'un malade

ne doivent pas toujours être considérées comme un acte patholo-

gique. Bien souvent l'évasion d'un aliéné a montré que celui-ci.était

capable de vivre en libertés Les mesures disciplinaires dont on

parle doivent être employées aussi rarement que possible.

M. WILDERMUTIl. La presse réclame la création de commissions

analogues à celles qui fonctionnent en Angleterre. Celles-ci cons-

tituent une sauvegarde pour le médecin, dont la responsabilité est

ainsi à couvert.

M. Kreuser avoue que la durée de l'internement a peut-être jadis

été prolongée au delà du temps nécessaire. Il convient de faire

sortir les malades à titre d'essai. La création de commissions spé-

ciales est à désirer.

M. KRÆPELIN pense avec M. Sioli, qu'il faut être moins rigoureux

dans la prolongation de l'internement des aliénés. Les malades se

conduisent souvent au dehors bien mieux qu'on ne l'aurait cru. Il

faut tenir grand compte des conditions dans lesquelles se trouvera

le malade à sa sortie; or le médecin ne les connaît pas toujours

suffisamment.

M. Furer. Des cures d'abstinence. Les établissements destinés

au traitement des morphinomanes, buveurs et autres intoxiqués

doivent appliquer le principe de l'abstinence totale. La durée du

SOCIÉTÉS SAVANTES. 413 il

traitement doit être de six à neuf mois. Ces établissements peuvent

être « ouverts », pour la majorité des alcooliques; mais pour les

morphinomanes, les cocaïnomanes, ils doivent être fermés, et soi-

gneusement isolés. La prophylaxie de ces diverses intoxications

peut être très efficace. L'administration doit activement surveiller

les pharmacies pour ce qui est de la vente des médicaments nar-

cotiques, interdire les réclames de la presse en faveur des mêmes

toxiques (solutions bromurées, eau de Levinstein, etc.). Les méde-

cins doivent être éclairés sur le danger des poisons narcotiques.

L'auteur signale le danger que les médecins morphinomanes font

courir à ceux qui les approchent. P. Sérieux.

CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNÂTES ALLEMANDS.

SESSION DE DRESDE.

Séance du 22 septembre 1894.

M. IIIEYER, Sur l'atrophie des fibres corticales chez les aliénés. -

Depuis les travaux de Tuczek sur l'atrophie des fibres à myéline

intra-corticales dans la paralysie générale (1884), cette lésion a été

constatée chez les épileptiques, les déments, les idiots. L'auteur l'a

rencontrée chez des sujets atteints de confusion, de mélancolie

chronique et de paranoïa hallucinatoire. Ses recherches ont porté

surtout sur les fibres corticales du lobe frontal. On sait que ces

fibres constituent trois couches : l'une externe, située sous la pie-mère,

composée de fibres tangentielles; l'autre moyenne, plus épaisse

formée de fibres rayonnantes et tangentielles; la troisième, corres-

pondant aux cellules ganglionnaires. C'est la couche moyenne qui

parait atteinte la première; puis viennent les fibres tangentielles

et enfin celles de la troisième couche. Parfois, surtout chez les

paralytiques généraux, les fibres intra-corticales ont totalement

disparu. L'atrophie des fibres externes et moyennes se rencontre

dans les psychoses chroniques avec terminaison par la démence

(mélancolie, délire de persécution). Jusqu'alors on avait mis les

lacunes de l'association des idées observées dans les psychoses chro-

niques sur le compte de troubles fonctionnels; il est probable que

souvent il s'agit en réalité de lésions dégénératives des fibres d'as-

sociation. Le groupe de symptômes qui constituent les démences

doit être considéré comme l'expression d'une atrophie diffuse des

414 r SOCIÉTÉS SAVANTES.

fibres d'association. Chez les idiots il s'agit d'un arrêt de dévelop-

pement de ces fibres. Les idées délirantes de la paranoïa peuvent

également être mises sur le compte de troubles dans l'association

des idées provoqués eux-mêmes par une dégénération partielle des

fibres d'association. De même cette lésion peut expliquer les hallu-

cinatiuns des persécutés.

En résumé un vaste groupe de psychoses, - les affections psy-

chiques secondaires, y compris l'idiotie - paraissent être sous la

dépendance d'une atrophie des fibres corticales. Pour ce qui est

des affections mentales primaires, l'apparition des symptômes dits

secondaires parait lié à la même lésion atrophique, quelque ait été

le processus initial de la maladie. L'atrophie des fibres corticales

n'est donc pas une lésion appartenant en propre à la démence

paralytique. Cependant cette dernière affection serait caractéri-

sée par la prédominance de la lésion dans les circonvolutions

rolandiques.

Discussion : M. TuczEK. La localisation de l'atrophie des fibres

corticales chez les paralytiques généraux est très variable; il en

est de même de la région primitivement intéressée par le processus

atrophique. Peut-être ces faits sont-ils en rapport avec certaines

variétés cliniques de la maladie. Si le fait se confirme de l'atrophie

des fibres dans les psychoses chroniques évoluant vers la démence,

il reste, comme caractérisant la paralysie générale, l'existence cons-

tante de la lésion et sa localisation habituelle aux régions anté-

rieures des hémisphères. Je n'ai jamais rencontré l'atrophie des

fibres de l'écorce en dehors de la paralysie générale, sinon dans

les intoxications, les arrêts de développement et peut-être les psy-

choses séniles. Les cas de paranoïa avec atrophie des fibres d'asso-

ciation ont besoin d'être confirmés. Il est prématuré de vouloir

rapporter un grand nombre de troubles psychiques à la lésion des

fibres corticales. Par exemple dans les pseudo-paralysies générales

qui simulent si complètement la démence paralytique, il n'y a pas

d'atrophie des fibres.

M. Iïa.> : eEtrar émet l'avis que les recherches anatomiques

devraient porter non seulement sur les fibres, mais sur les cellules

ganglionnaires.

M. ALZfait observer qu'il n'a pu, à l'aide des méthodes

d'Exner et de \issl, déceler aucune altération cellulaire chez des

sujets atteints de démence secondaire consécutive à la paranoïa.

M. MEYER a constaté dans un cas de paranoïa une atrophie des

fibres dans les couches externe et moyenne (méthode de Weigert).

Il est d'accord avec M. Tuczek : dans le cas qu'il a observé l'atrophie

était prédominante dans la région antérieure des hémisphères; la

lésion est plus accentuée, chez les paralytiques, dans les circonvo-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4t5

lutions rolandiques; chez les sujets non paralytiques, l'atrophie des

fibres de cette région est moins avancée.

M. LÜHRMANN (de Dresde). Rapports de l'alcoolisme et de l'hystérie.

L'Auteur rappelle les travaux de Dagonet et Magnan (1873-1874),

ceux de Charcot, qui ont montré que certains symptômes observés

chez des alcooliques (hémianesthésie, mutisme, contractures, etc.)

devaient être mis sur le compte de l'hystérie. L'hystérie toxique est

moins rare qu'on le pense, mais souvent ellen'estpas diagnostiquée,

ses stigmates pouvant rester dissimulés sous les symptômes de

l'alcoolisme ou du saturnisme. Sur 60 hommes hystériques, l'alcoo-

lisme a joué chez 18 d'entre eux, le rôle d'un agent provocateur.

L'hystérie se rencontre chez des alcooliques sous le coup d'une

intoxication chronique qui a déterminé des troubles graves de la

nutrition. L'hystérie alcoolique ressemble de tous points à l'hys-

térie ordinaire ; seuls certains troubles moteurs, sensitifs, visuels,

nécessitent quelques remarques. L'hémianesthésie alcoolique a été

fréquemment observée par Magnan. Parmi les troubles visuels, il

faute noter le rétrécissement concentrique du champ visuel, l'achro-

matopsie, le scotome. Au point de vue des accidents convulsifs

l'auteur a observé la combinaison des convulsions épileptiques dues

à l'alcool et d'attaques hystériques. Les premières disparaissent par

l'abstinence, tandis que les seconds persistent. Les crises hystériques

peuvent d'ailleurs être provoquées par l'intoxication alcoolique,

surtout chez les buveurs d'habitude. Des faits analogues se rencon-

trent dans la narcose provoquée par le chloroforme, dans l'intoxi-

cation par la morphine. L'auteur donne des exemples très nets de

l'influence provocatrice de l'alcool sur la production d'accès convul-

sifs hystériques.

L'hystérie traumatique paraît plus fréquente chez les' buveurs.

Chez les alcooliques chroniques atteints d'hystérie traumatique une

dose minime d'alcool parait faire avorter les attaques hystériques.

Au point de vue du traitement, on obtient parfois d'heureux

résultats par l'abstinence totale des boissons alcooliques : de graves

symptômes hystériques peuvent complètement disparaître.

Discussion : 111. H1TZIG demande si les malades observés par

l'auteur, souffraient d'un catarrhe chronique de l'estomac. Dans

ce cas il faudrait attribuer un rôle important aux troubles caslri-

ques dans l'étiologie des manifestations hystériques.

M. LuumiANN répond que nombre de ses malades étaient atteints

de gastrite chronique.

M. BuscHAu (de Stettin). De l'influence de la race sur la fréquence

cl la forme des maladies mentales et nerveuses. 4 Dans le groupe

de la race européenne, ce sont les éléments scandinaves et germains,

c'est-à-dire les représentants du type blond du nord, qui ont la plus

grande tendance aux psychoses dépressives et au suicide. Les Celles,

416 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les Ibères, les Ligures, les représentants du type brun de l'Alle-

magne du Sud, sont plus sujets aux états maniaques. L'auteur donne

sur ce sujet une statistique documentée; il rappelle l'observation de

Lusche sur la fréquence plus considérable, en France, des hommes

de génie dans les régions peuplées par la race germanique, par

rapport aux contrées où prédomine l'élément celtique. Les Celtes

(Français) sont très prédisposés à l'hystérie et à l'ataxie hérédi-

taire.

2° Le groupe sémitique se distingue par la prédisposition de ses

membres aux maladies mentales; cette prédisposition ne peut s'ex-

pliquer suffisamment par les facteurs sociaux; il faut admettre

l'intervention de l'influence ethnique. La fréquence des psychoses

a en effet été observée non seulement chez les Juifs modernes, mais

chez les anciens Hébreux, les Phéniciens, les Egyptiens, les Arabes

en un mot chez tous les représentants des races sémitique ethami-

tique. Les femmes sont plus souvent frappées que les hommes. Le

diabète est fréquent chez les Israélites; le tabes est rare.

3° La race mongole se distingue surtout par la fréquence des

psychoses à forme d'exaltation : accès de fureur chez les Sa-

moyèdes, les Ostjakes, Jakoutes, etc. L'épilepsie est fréquente dans

la race malaise.

4° Les races rougea sont peu exposées à la folie. L'alcoolisme y

détermine plus souvent l'épilepsie que le délire.

5° Dans les races noires psychoses et névroses sont rares, sauf

l'idiotie et l'hystérie. La manie est fréquente chez le nègre civi-

lisé.

M. NÆCJ(E (de Hubertusburg). La menstruation et son influence

sur les psychoses chroniques. - Les recherches de l'auteur ont porté

sur 99 femmes atteintes d'affections mentales chroniques, dont l'âge

variait pour la plupart entre trente et un et quarante-cinq ans. Les

psychoses observées chez les femmes étaient la paranoïa chronique

(17 cas), la même forme avec affaiblissement intellectuel (40), la

démence secondaire (10), la confusion chronique (23); il faut y

ajouter quelques cas d'idiotie, de' manie périodique. La durée

moyenne de la période mensuelle a varié entre 4 jours 1/2 et

5 jours 1/2. Les règles paraissent avoir une influence dans environ

20 ou 25 cas p. 100, et agissent en déterminant habituellement un

état d'excitation motrice ou psychique, accompagné de congestion

de la face, d'hallucinations de la vue. Les idées érotiques sont très

rares. En général la menstruation est normale. Dans les psychoses

aiguës, l'influence de la menstruation est plus considérable.

Paul SÉRIEUX.

SOCIÉTÉS SAVANTES. - 417 "1

Live RÉUNION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

' DE LA PROVINCE RHÉNANE.

. 10 novembl'e 1894, - BONN,

,NI. le Président, le professeur Pelman, ouvre la séance et résume

les travaux du Congrès des médecins aliénistes allemands' de.

Dresde (septembre 1894), ceux du Congrès pénitentiaire de Dus-

seldorf (octobre 1894) et en particulier la question des pénalités

applicables aux délits et crimes accomplis en état d'ivresse.

M. L ! EB6fANN. Une famille de quérulents. - Il s'agit d'une famille '

d'aliénés dont trois membres sont actuellement à l'asile de Bonn.

Cette famille, qui appartient à la classe des cultivateurs,-a, à l'oc-

casion d'un prétendu préjudice, épuisé toute la série des juridic-

tions : déboutée de ses revendications elle a réagi comme le font

les quérulents : requêtes, dénonciations, injures, actes de violence,

elle a tout employé. Déjà cinq ans auparavant le père, la mère et

une des filles. avaient dû être interdits. Devenus dangereux pour

la sécurité publique, ils furent internés. Chacun d'eux présente

une variété psychopathique spéciale ? '

L'un, Hubert G..., âgé de soixante-deux ans, sans stigmates de

dégénérescence, est un débile qui récite d'une façon pour ainsi

dire mécanique, ses récriminations contre les autorités-adminis-

tratives et'judiciaires. Le séjour à l'asile finit par amener le calme

et il se laisse, sinon convaincre de l'inanité de ses réclamations,

du moins persuader que son activité processive n'a fait que lui

porter le plus grand tort à lui et aux siens. Il est mis en liberté

après trois mois dé séjour et jusqu'ici s'est conduit convenable-,

ment au dehors.

Sa femme, âgée de'sbixanLe-six ans, passait pour intelligente et

active, mais d'un caractère très autoritaire. Sa mémoire est très t

développée. Elle développe son histoire avec une grande adresse

de dialectique; parrois.elle relève le réci't des persécutions qu'elle a

subies d'une note plaisante.. Elle est convaincue que toutes les

autorités y compris l'Empereur s'occupent 'de son affaire. Elle

considère son mari comme un homme borné qui doit lui obéir

en tout. Elle se reconnaît l'inspiratrice de toutes les requêtes et

- dénonciations. ' ' j `

La fille alliée, âgée de'.trente-cinq ans, reproduit d'une façon

quasi photographique, 'les idées délirantes de la mère. Mais- en

outre elle manifeste des idées de grandeur et a, de sa supériorité

une conviction profonde. Tout entière possédée par son délire elle

Archives, t. XXX. 27

418 SOCIÉTÉS SAVANTES.

le traduit dans ses écrits d'une façon qui révèle un état de débilité

mentale. -

Enfin deux autres enfants partageaient le délire des parents.

mais n'avaient point réagi, comme eux, en quérulents. C'est la

mère qui a été l'agent actif dans l'élaboration des idées délirantes;

c'est elle qui les a communiquées à toute la famille. Chez le mari

il s'agit de folie imposée : le délire s'est évanoui dès qu'il a été

éloigné de sa femme. Chez la fille c'est à proprement parler la

folie communiquée : en raison de sa prédisposition héréditaire cette

forme psychopathique a rapidement évolué vers l'affaiblissement

intellectuel et s'est accompagnée d'idées de grandeur.

L'auteur croit devoir admettre trois formes spéciales du délire

des persécutés-persécuteurs : 1° forme typique (chez la femme) :

apparition du délire sur le terrain d'anomalies du caractère, sans

faiblesse intellectuelle. Pas d'évolution vers les idées de grandeur

et la démence. Immobilité.

2° Débilité mentale avec délire des perséculés-perséculeurs (le

mari). L'apparition et l'évolution des idées délirantes, l'absence

d'esprit critique chez un sujet borné. Amélioration possible par le

changement d'entourage.

3° Délire des persécutés-persécuteurs comme symptôme se mon-

trant au cours d'une paranoïa chronique (la fille). Apparition

d'idées de grandeur. Terminaison par un état d'affaiblissement

intellectuel.

Discussion : M. Pelman considère ces observations comme fort

intéressantes, moins par la nature des idées délirantes que par

leur coexistence chez tous les membres d'une famille. C'est la

femme G... qui crée le délire, le systématise jusqu'au jour où la

fille prend la direction. Le mari subit les idées délirantes qui lui

sont imposées et les abandonne, une fois séparé de sa femme (folie

imposée des Français). La fille, une héréditaire, collabore active-

ment au délire de la mère, le développe : chez elle se produisent

des hallucinations (fait exceptionnel dans cette psychose) et de

véritables conceptions délirantes. Les autres enfants montrent

combien chez les quérulents symptômes maladifs et réactions nor-

males peuvent s'entremêler. Les tendances processive» ne sont pas

en elles-mêmes une manifestation maladive : on les constate chez

des sujets sains comme chez des aliénés. Parfois on les voit se

développer chez des malades atteints de paranoïa, à propos de

leur interdiction. D'autres circonstances sont nécessaires pour

qu'on puisse déclarer qu'il s'agit du délire des persécutés-persécu-

teurs. Le diagnostic est d'ailleurs toujours très délicat.

M. OEI3EKG cherche à fixer les signes qui permettent de distinguer

les persécuteurs et les processifs véritablement délirants des sujets

qui poursuivent des revendications légitimes quand bien même

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4l\ !

ceux-ci mettent dans leurs poursuites une obstination exagérée.

M. Nortel admet que chez les persécutés-persécuteurs réellement

aliénés on constate toujours un arrêt de développement intellectuel

et moral. Kroepelin, dans la première édition de son traité, avait

placé le délire des quérulents à côté de la folie morale. Dans les

éditions ultérieures il le range dans le groupe des paranoïa.

M. Thomsen insiste sur les rapports qui existent entre les inter-

mittents atteints de manie périodique et les persécutés-persécu-

teurs.

M. Hoestermann rapporte brièvement un cas de folie à deux dans

lequel la psychose se montrait chez le sujet contagionné sous une

forme différente de celle observée chez le délirant actif. L'évolution,

elle aussi, ne fut pas la même.

M. Longard : Sur une affaire criminelle intéressante. Le Dl' W...,

professeur à Cologne, vivait depuis longtemps en concubinage

avec sa domestique. Celle-ci étant devenue enceinte il lui conseilla

de se rendre à Amsterdam chezune femme X... Le jour du départ,

W... accompagne sa domestique à la gare et en route il lui fait

prendre un breuvage que celle-ci crache à caus e de sa saveur caus-

tique (sel d'oseille). Alors W... cherche à l'étrangler : sa victime

s'étant mis à pousser des cris, il lui introduit la main dans la

bouche, après l'avoir jetée à terre; puis il lui tire. quatre coups de

revolver, et convaincu qu'il l'a tuée se hâte de se rendre chez le

commissaire de police, afin de se créer un alibi et s'informe après

sa domestique. Celle-ci, transportée à l'hôpital, dénonce l'auteur du

crime qui est emprisonné.

La femme de l'inculpé ayant prétendu que celui-ci était atteint

d'une maladie mentale, M. Longard fut chargé de l'expertise.

L'accusé dit ne pas savoir ce que faisaient ses parents, ni où il avait

passé sa jeunesse, ni combien de temps il avait passé au service

militaire. Il se souvient cependant de tous les épisodes de sa vie

qui peuvent lui faire honneur, bien qu'il prétende avoir perdu la

mémoire depuis une maladie qu'il a eue au service et surtout

depuis un traumatisme crânien. W... est un homme intelligent, vif,

d'une grande mobilité : il se conduit normalement en prison et se

plie à la discipline de la maison. Il a conscience de sa situation.

Il ne présente pas d'idées délirantes, ni d'hallucinations. Il est

quelque peu déprimé. Dans tout le cours de son existence anté-

rieure, W... a fait preuve d'une méchanceté infernale, d'un besoin

de nuire à autrui qui s'est manifesté par des actes tout à fait

exceptionnels. Né en 18 ! il, W... dont on ne connaît pas la famille,

fut réformé, étant au service militaire comme atteint d'épilepsie.

Le médecin-major dans son rapport certifiait l'existence d'attaques

graves et fréquentes suivies d'une longue période d'obnubilation.

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

En 1883, après s'être procuré à'l'aide de faux, un diplôme de doc-

teur,W... fonde un Institut poui-l'enseignement des langues, autour

duquel il fait beaucoup de réclame, se donnant comme professeur

de onze langues. Ensuite il se marie et n'épargne pas rasa femme

les injures et les coups ; il entretient des relations avec sa domes-

tique pendant les couches de sa femme. Il enferme celle-ci et la

soumet à une surveillance étroite. Sa femme s'étant réfugiée chez

ses parents, W...va chez ces derniers, se répand en menaces, on est

force de recourir à l'intervention de la police. Plus tard, au cours

d'une discussion, W... est frappé à la tête par son beau-père et ce

traumatisme est exploité par l'accusé qui lui attribue l'apparition

de manifestations maladives et avant tout de vertiges. Sa femme

qui obtint la séparation, le considère comme un simulateur.

Plus lard, en 1889, W... a changé de résidence : il se fait passer

pour privai docent et officier du génie et poursuit une jeune fille 'de

famille honorable de ses obsessions ; il agit en persécuteur-amou-

reux et devient si compromettant que-la police dût intervenir. Il se

remarie en 1892. Sa principale préoccupation semble avoir été de

faire naître des discussions, de provoquer mille affaires pénibles

pour tous ceux qui l'entourent. Il dénonce les locataires de la mai-

son qu'il habite,'excite les gens les uns contre les autres, et n'est

jamais plus heureux que lorsque ses excitations les amènent devant

le commissaire de police ou devant la justice. Par exemple, le

samedi soir, quand tout a été nettoyé à fond, il répand des ordures

dans les escaliers de la maison, y compris celui qui dessert son

appartement, Le dimanche matin il fait venir la police et accuse

ses voisins de l'acte qn'il a commis. D'autres fois il cherche à frap-

per d'épouvante ses voisins : il se glisse dans les corridors, chaussé

seulement de ses bas, affuble de lunettes bleues et va écouter aux

portes. Un jour il met en pièces un vêtement de dames qui appar-

' tenait à une voisine et l'enduit de pétrole. Il persécute plus parti-

culièrement les bonnes; il les poursuit, leur lance de l'eau, met

des ordures à la porte de leur chambre, grimpe la nuit sur le toit

pour assister par la fenêtre à leur coucher. Ayant appris que la

fille des locataires de l'appartement situé au-dessous du sien était

malade, il se met à danser et à.sauter pendant plusieurs jours au-

dessus de sa chambre. :

W... est évidemment un sujet névropathe, facilement irritable.

Mais rien ne montre l'existence d'une affection mentale. L'absence

de mémoire constatée chez lui est simulée et contraste avec l'inté-

grité de toutes les autres facultés, et en particulier avec sa connais-

sance des langues étrangères. L'épilepsie qui a entraîné la réforme

de W..., alors qu'il était sous les drapeaux a été sans doute égale-

ment simulée. Le crime qui lui est imputé n'est pas l'acte d'un

épileptique, mais bien une tentative préméditée et accomplie avec

réflexion.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 421 1

W... est sans doute un être anormal, mais comme il ne présente

pas de troubles psychiques, comme il est intelligent et a la notion

du bien et du mal, il doit être déclaré responsable. Les Drs Pel-

man et Umpfenbach qui ont examiné l'inculpé sont arrivés à la

même conclusion. Il fut condamné à quinze ans de détention.

Discussion. M. PELMAM considère W... comme un simulateur.

L'amnésie toute particulière qu'il présentait ne peut s'expliquer

autrement. Rien ne peut faire penser à l'épilepsie ; les circons-

tances qui ont accompagné le crime doivent faire écarter l'hypo-

thèse d'un acte commis sous l'influence d'un état comitial.

M. STEINER a vu le sujet deux fois en 1892. Celui-ci était venu

le consulter pour des maux de tête et des vertiges; il présentait

au niveau de la tempe gauche une cicatrice qu'il attribuait à un

traumatisme. ' -

M. SCHULTZE se demande si certains aliénistes n'auraient pas été

d'avis de considérer W... comme atteint de moral insanity. Si pour

accepter la réalité de cette forme, l'existence d'un certain degré

de faiblesse intellectuelle parait nécessaire, ne peut-on voir dans

la simulation bizarre inventée par W....l'indice d'un état de débilité

mentale.

M. PELSIA1V.- Sans doute la vie deW... est riche en épisodes qui

sortent de l'ordinaire et qui doivent faire penser à une constitution

psychique anormale, mais que cet étal anormal soit nécessaire-

ment d'ordre pathologique; c'est ce qui n'est pas prouvé. Le con-

cept un peu mystique de la folie morale est loin d'apporler la

lumière dans l'interprétation de ce fait. t.

M. OEBEKE voit dans certains actes de l'accusé quelques traits

particuliers qui peuvent être rapportés à l'épilepsie. Il ne faut pas

oublier que celle-ci a été constatée alors que W... était au service

militaire.

M. FLUGGE. Sur certains états spéciaux d'affaiblissement intellec-

tuel (KR.EPGLIN) comme terminaison de la paranoia. - Le professeur

Kraipelin a décrit une forme particulière d'affaiblissement intel-

lectuel dans laquelle une incohérence très accusée du langage

s'accompagne d'un certain degré de cohérence dans la pensée. Les

malades ont la notion exacte du lieu, du temps, de l'entourage,

ils ont conservé la mémoice et un certain degré de jugement,

mais leur langage est dénué de tout sens et dans leurs discours

c'est à peine si certaines phrases sont compréhensibles. Nombreux

sont les néologismes, les mots étrangers, les tournures stéréotypées.

On ne constate point d'hallucinations, ni d'idées délirantes. Les

malades font volontiers des conversations longues et fréquentes,

ils écrivent dans un style ampoulé. Dans leurs actes- on ne relève

aucun trouble notable : ils se montrent laborieux, mais bizarres

422 SOCIÉTÉS SAVANTES.

parfois dans l'exécution de leurs travaux. D'après Kroepelin, cet

état psychopathique se développerait parfois dès la jeunesse, con-

sécutivement à une forme de dépression accompagnée d'idées de

persécution et suivie plus tard d'un état d'excitation avec idées de

grandeur. Les conceptions délirantes ne tardent pas à rétrocéder ;

alors se manifeste la forme spéciale précédemment décrite carac-

térisée par un certain degré d'affaiblissement intellectuel avec une

incohérence très accusée dans le langage. Cet état dure pendant

des dizaines d'années sans modifications.

L'auteur en a observé qui paraissent devoir rentrer dans la

forme décrite par Krajpelin. Chez quelques-uns cependant on a

pu noter la persistance de quelques idées délirantes etd'halluci-

nations, bien que peu actives. M. Flûgge laisse ces cas de côté et

donne deux observations qui présentent l'ensemble symptomatique

décrit plus haut.

Dans le premier cas il s'agit d'un malade, âgé de quarante-cinq

ans, ayant des tares héréditaires, et dont la vie, antérieurement à

son internement, a été celle d'un déséquilibré. A la suite de nom-

breux déboires il est pris d'excitation, se croit persécuté, accumule

les interprétations délirantes, s'imagine qu'il est marié avec une

personne très riche qu'il n'a d'ailleurs jamais vue. A l'asile, il croit

voir partout sa bien-aimée; il l'entend, il la sent : il reste toute la

journée assis près d'un mur qu'il couvre de baisers, il s'entretient

avec sa femme qui lui parle dans la langue universelle. Onanisme.

Ce délire ne tarde pas à disparaître et en 1877 les hallucinations

et les idées délirantes s'étaient effacées, et n'ont point reparu. Il

est employé aux bureaux de l'asile, il fait preuve de zèle et accom-

plit son travail avec exactitude. Il se distrait par la lecture, la mu-

musique, le théâtre. A ne considérer que sa façon de se conduire,

de travailler, il fait l'effet d'un sujet normal. Mais qu'on vienne à

lui demander son opinion sur des questions scientifiques ou poli-

tiques et l'on reste étonné de l'incohérence de ses discours, du

manque d'enchaînement de ses pensées, de l'illogisme de ses idées

(associations par assonnance). Il parle de centaines et de milles,

de la' quadrature du cercle, de l'unité allemande, des organes

génito-urinaires et mélange tous ces sujets différents. IL s'occupe

de la question de l'unification de l'heure. Dans ses écrits très pro-

lixes, même incohérence : de la question précédente il passe au

projet de monument commémoratif de l'empereur, à la Révolution

française, au service militaire de deux ans, à la question juive, au

volapuk, etc., etc. On le voit, ce malade présente les signes décrits

plus haut : absence d'idées délirantes, faculté d'orientation conser-

vée, ardeur au travail, exécution correcte de la lâche accoutumée,

conservation de la mémoire, incohérence énorme dans le langage

parlé ou écrit. Il est intéressant, d'ajouter que le malade peut con-

verser longuement d'une façon correcte sur ce qui a trait à sou

SOCIÉTÉS SAVANTES. 423

travail dans l'asile. La confusion n'apparaît que lorsqu'il aborde

ses thèmes favoris : politique, unification de l'heure, etc.

Au point de vue de leur contenu les discours et les écrits

du malade représentent un mélange d'hypologie et d'hgperlogie

(Arndt) : l'hypologie se caractérisant par l'impossibilité où est le

patient de se débarrasser d'une idée donnée, c'est-à-dire par une

indigence de pensées,- l'hyperlogie se traduisant par une pro-

duction exagérée de conceptions : une première idée provoquant

l'apparition d'une seconde, celle-ci d'une troisième; c'est une véri-

table chasse d'idées. L'incohérence, d'après Arndt, tient à la pro-

duction exagérée des idées mais peut aussi tenir à la lenteur

excessive et à l'indigence dans la formation des idées. '

Dans le second cas, il s'agit d'un sujet antérieurement condamné

pour escroquerie. En 1869, début d'un délire de persécution : on le

torture la nuit, ses parents se servent de lui comme d'un medium,

l'Empereur le tourmente, etc. Plus tard, le malade, qui faisait son

service militaire, déserte, est condamné et enfin reconnu comme

aliéné. A l'asile, il tient de longs discours, protestant contre ses

persécuteurs et parlant de la vengeance qu'il tirera d'eux ; il est

en proie à des hallucinations et à une foule de sensations pénibles,

qui entretiennent un état d'excitation. En 1876, les troubles sen-

soriels deviennent rares et faibles; le symptôme prédominant

consiste dans une incohérence très marquée du langage. Il parle

pendant des heures entières, sans se lasser, et son langage est

celui d'un dément. Actuellement, ce malade est tranquille, gai,

sans hallucinations,- ni conceptions délirantes; la mémoire est

bonne; l'aptitude à faire de petites opérations d'arithmétique con-

servée ; de même la lecture. Mais quand on l'interroge il répond

par des phrases complètement .incohérentes. C'est un exemple de

cette forme de confusion verbale que Fovel a appelée « salade de

mois » : chaque fois que le malade ouvre la bouche c'est pour

proférer, sans aucun ordre logique, des termes techniques, des

mots latins, allemands; malgré l'absence complète de sens du

discours, ce dernier est prononcé avec un grand sérieux et sur un

ton solennel. Pas trace dans les réponses de rapport avec les

questions, pas d'association d'idées dont on puisse retrouver le fil.

L'auteur admet que ces états d'affaiblissement psychique dans

lesquels il y a rupture des associations étroites qui unissent le con-

tenu des conceptions à l'expression verbale, agrammatisme et

paraphasie, se developpent sur un terrain de dégénérescence

psychique. Il n'est pas encore possible de dire si ces états sont

toujours secondaires à la paranoïa. Paul Sérieux.

- ? \ ? . ? . :

- y' ">'r' BIBLIOGRAPHIE. , , ? . - ? ' '

r ? c. ' ( -

III. Les maladies de la moelle èpiÎ71èl'c et du bulbe. Die Erkrankungene

- Goldscheider (t. X. fasc. 1 du Traité de pathologie et de thérapeu-

tique). -

Le livre très remarquable que MM. Leyden et Goldscheider pré-

sentent au public médical constitue la première partie d'un ouvrage

ayant.pour sujet les maladies de la moelle épinière et du bulbe. 11

renferme cinq chapitres qui sont une introduction générale aux

affections de l'axe bulbo-spinal. Le premier chapitre est consacré à

l'auatomie de la moelle et du bulbe. La structure fine de la.moelle

épinière y est traitée avec tous les détails que comporte cet organe

important. Chaque donnée nouvelle et qui présente un intérêt par-

ticulier au point de vue de. la neuropathologie y est exposée d'une

manière précise.- Plusieurs figures facilitent la compréhension du

texte.' , '

Le deuxième chapitre est un exposé complet de nos connaissances

actuelles sur la physiologie de la moelle. On y.trouvera traitée la

question de la transmission des impressions sensibles et motrices.

A propos de la transmission de la douleur, ils considèrent la subs-

tance grise comme un organe de summation plutôt que comme un

organe destiné à la conductibilité des impressions douloureuses.

Le croisement des voies conductrices de la moelle, l'hyperesthésie

et la conductibilité du sens musculaire sont exposés avec beaucoup

de sens critique. Le troisième chapitre renferme l'anatomie patho-

logique de la moelle épinière. Les diverses lésions de substance

blanche, de la substance grise et de la névroglie sont indiquées. Les

auteurs entrent dans des considérations intéressantes au sujet des

lésions de la moelle consécutives 'aux amputations, de la, régénéra-

tion de la moelle épinière et des scléroses systématisées et coni-

.binées. A noter que les auteurs nient l'existence de scléroses sys-

tématisées dans le sens que leur donne Flechsig. Us ont introduit

dans leur livre, avec beaucoup de raison d'ailleurs, la conception

du neurone comme base de la pathologie nerveuse, ,

La symptomatologie générale (quatrième chapitre) représente

une véritable monographie sur la séméiologie du système nerveux.

A signaler particulièrement la contracture, les troubles du sens

musculaire et l'ataxie qui permettent aux auteurs de développer

des vues originales et intéressantes.

BIBLIOGRAPHIE. , 425

- Le cinquième chapitre relatif à l'étiologie est peut-être un peu

court; on y trouvera le rôle du traumatisme, des infections et des

intoxications dans la production des maladies de la. moelle épi- J

nier.' . .1

. Le dernier chapitre, consacré à la thérapeutique générale. des

maladies de la moelle épinière, est fort instructif. La questionJili\;.

l'électrothérapie se recommande tout particulièrement par la jus

tesse de leurs vues et par les idées nouvelles qu'ils développent. Sans

nier le rôle de la suggestion dans l'électrothérapie, les auteurs

montrent que le courant électrique modifie l'excitabilité du nerf en

plus ou en moins. Toutefois, il ne faut pas penser que l'électricité

ait une action curative sur les processus anatomiques de la moelle

épinière.

. Le courant nerveux n'influence d'une façon favorable que les

troubles fonctionnels qui accompagnent ce processus. Une analyse

aussi courte que celle que nous venons de faire ne peut donner

qu'une idée incomplète de la valeur du contenu de cet important

ouvrage G. MARINESCO.

IV. Symptômes spasmodiques et contractures permanentes dans la

varalysie générale; par le D'' M. Tm ? OEL, (Th. P. 1891, Steinheil.)

C'est un travail de recherches, à la fois' cliniques et anatomo-

pathologiques. Etudiant la fréquence des symptômes spasmodiques

et contractures dans la paralysie générale, l'auteur les rapproche

des tremblements divers.- des mouvements choréoïdes et des acci-

dents analogues qu'on rencontre dans les paralysies spinales spas-

modiques, les scléroses et la syringomyélie. Il met en parallèle les

lésions nécroscopiques et l'étude histologique du centre nerveux,

de= paralytiques ayant présentés de tels symptômes.

La méthode analomo-clinique amène ainsi l'auteur à conclure à

la combinaison possible de la paralysie générale avec ces affections

spinales diverses et à l'existence fréquente de lésions centrales variées

variables réalisant le substratun organiqne de tel ou tel symp-

tôme, spasme ou contracture, commun aux affections spinales et à

la méninge-encéphalite - A. M.

V. Contribution à l'étude des caractères du délire dans leurs 1'Up-

ports avec l'intelligence du délirant; par le W Giroùdon. (Thèse

de Lyon, 1895.)

En 1890, la Société médico-psychologique mettait au concours la

question suivante : De l'état mental et du délire chez les imbéciles et

les idiots. 1\1. Legrain, analysant le mémoire de M. Sérieux émettait

cette proposition : le pouvoir délirant d'un aliéné est en raison

directe de ses moyens intellectuels. M. Giroudon développe cette

idée et apporte quelques faits d'observation à son appui ; mais il

426 BIBLIOGRAPHIE.

limite son travail à l'étude du délire chez les faibles d'esprit.

M. P. Sérieux a fourni à l'auteur quelques observations intéres-

santes de son mémoire encore inédit.

Les conclusions de ce travail sont les suivantes : le pouvoir déli-

rant d'un aliéné est en raison directe de ses moyens intellectuels ;

- pour faire les frais d'un délire aux idées larges et nombreuses,

il faut un cerveau suffisamment organisé; - les faibles d'esprit

auront toujours des troubles délirants élémentaires et peu compli-

qués, formés d'un nombre restreint d'idées niaises tournant dans

un cercle étroit et toujours exprimées de la même façon terne et

monotone.

La puissance de l'activité psychique supérieure chez certains

aliénés intelligents se traduit par une tendance à lancer des accu-

sations calomnieuses entourées d'une multitude de détails circons-

tanciés dont la correction apparente peut égarer la justice.

La diminution de l'activité psychique chez les faibles d'esprit,

entraîne une union plus étroite de l'idée et de l'acte, une tendance

toute particulière à réagir sous l'influence des conceptions dé-

lirantes par des actes violents, impulsifs. Dans tous les cas, il sera

possible et utile à l'aliéniste, au médecin légiste, de rechercher le

substratum intellectuel d'un délire pour mieux en apprécier les

dangers et Ja guérison. ' Dr DEVAY.

VI. Glycosurie et psychoses. Contribution à l'étude de la glycosurie

transitoire chez les aliénés; par le Dr Toy. (Thèse de Lyon, 1895.)

Guidé par l'enseignement de M. le professeur Pierret, l'auteur a

fait une étude, basée sur sept observations, des troubles de lasécré-

tion urinaire chez les aliénés, ou mieux chez un groupe d'aliénés,

les mélancoliques. En effet, toutes les observations apportées par

M. Toy intéressent cette maladie.

La glycosurie passagère non accompagnée de diabète se ren-

contre dans certaines formes d'aliénation mentale. Sa présence

précède ou accompagne des accès de délire; d'autres fois, etc'estle

cas le plus fréquent, elle n'apporte aucune modification dans l'état

physique ou mental du malade. La durée de cette glycosurie est

très variable, de quelques jours à un ou deux mois.

L'auteur a abordé un point très intéressant de la question, la

toxicité urinaire; malheureusement ses recherches n'ont porté que

sur un cas. Il a trouvé que les urines non sucrées étaient fortement

hypertoxiques, alors que les urines sucrées du même malade

étaient hypotoxiques. Cette hypotoxicilé coïncidant avec une amé-

lioration de l'état mental, l'auteur pense à une corrélation. Il

s'appuie sur les expériences de Roger qui admet que le glucose

diminue l'activité des substances toxiques.

Les malades qui font le sujet de cette étude doivent être rangés

BIBLIOGRAPHIE. 427 7

dans la classe des neuro-arthritiques, et la glycosurie qu'ils ont

présentée doit être rapportée à une excitation du système nerveux

par suite d'un vice de la nutrition, absolument comparable à une

intoxication. -

M. Toy conclut : aux troubles urinaires si fréquents chez les

aliénés, on doit ajouter la glycosurie transitoire.

Ce phénomène essentiellement passager ne s'accompagne d'aucun

autre signe de diabète. '

La glycosurie transitoire se voit de préférence chez les mélanco-

li'Iues à constitution neuro-artbritique. Elle n'aggrave nullement le

pronostic de la mélancolie. Elle ne se transforme pas en délire vrai

et n'amène à sa suite aucune des complications viscérales si fré-

quentes chez les diabétiques. Elle cède rapidement iL l'antipyrine.

or DEV.4Y.

VII. Fragments de pathologie rte·ue2cse (Frammenli di patologia

nervosa), par R. Mapsalongo. (Extrait du Traité italien de patho-

logie et thérapeutique médicales, 1895.)

Ce volume de plus de 400 pages est formé par la réunion d'articles

écrits par Massalongo pout le T1aité de médecine italien. Il s'agit

donc d'une oeuvre essentiellement didactique composée d'une

série de monographies, ayant chacune un développement aussi

ample que le cadre général de l'ouvrage le permettait. Les sujets

traités par l'auteur sont les suivants :

1° Tremblement. Ce symptôme est étudié d'une part dans son

ensemble, d'autre part dans les particularités diverses qu'il pré-

sente suivant les maladies dans lesquelles il se montre. On consultera

notamment avec intérêt les classifications auxquelles l'élude du

tremblement a donné lieu, ainsi que les pages consacrées à la

physiologie pathologique.

2° Pl ! 1'l ! l¡}sie'agitante. -l\Iassalongo, après en avoir tracé un tableau

très fidèle et très détaillé, émet des doutes sur les relations qu'on a

voulu établir entre cette affection et les lésions de sénilité du

système nerveux. Il déclare d'une façon très catégorique que ce

n'est pas une névrose, et émet l'opinion que des recherches chi-

miques donneront un jour la clef des difficultés en présence des-

quelles on se trouve pour en expliquer la physiologie pathologique.

3° Maladie de Thomsen. - Les pages consacrées à la symptoma-

tologie et au diagnostic sont particulièrement à signaler. L'ana-

tomie-patliologique est exposée d'une façon complète.

4° Paramyoclonus et myoclonies. - L'auteur fait la part qui

convient aux auto-intoxications. 11 pense qu'un certain nombre de

myoclonies sont en rapport avec des altérations minimes et fugaces

des cellules nerveuses.

428 BIBLIOGRAPHIE.

5° Maladie des tics convulsifs, - Cette maladie est traitée surtout

d'après les travaux dus à l'Ecole de la Salpêtrière, notamment

pour ce qui concerne les troubles mentaux multiples si singuliers

qui accompagnent celte affection, ,

6° Acromégalie. A propos de la nature et de la pathogénie de

cette maladie, Massalongo émet l'opinion qu'elle est « une variété

ou mieux une anomalie du gigantisme». L'hypertrophie constante

du corps pituaire, celle fréquente aussi du thymus, organes de

fonction foetale importante, nécessaires au développement de

l'organisme, lui font penser qu'il s'agit de la persistance dans la vie

extra-utérine de la fonction de ces glandes foetales. Tant que le

corps est en voie de développement les déformations ne se mon-

trent pas, mais lorsque la croissance 'est arrivée à son terme, la

fonction de ces glandes persistant, on voit survenir les déformations

de l'acromégalie.

. 7° Athétose double. On consultera avec profit la monographie

consacrée à cette affection qui a déjà fait l'objet de plusieurs con-

tributions importantes de la part de l'auteur. Il la considère moins

comme une entité morbide que comme un syndrome se montrant

dans diverses maladies cérébro-spinales, et surtout en rapport avec

des altérations des circonvolutions cérébrales. Elle n'est pour lui,

en résumé, « qu'une alhétose bilatérale ».

8° Névroses traumaliques. Dans cette étude, Massalongo fait

deux chapitres distincts, l'un consacré à 1'liysLéro-ti-aLtitialisiiie,

l'autre aux névroses traumatiques, adoptant ainsi une position

mixte entre les idées de Charcot et celles d'Oppenhein et autres

auteurs qui soutiennent ou ont soutenu l'autonomie du groupe des

névroses traumatiques.

9" Tétanie. L'auteur a mis à profit les notions actuellement en

cours sur les auto-intoxicalions et s'est également inspiré des

récents et importants travaux publiés sur ce sujet par les médecins

autrichiens, travaux grâce auxquels l'ancienne tétanie de Trousseau

s'est trouvée notablement modifiée.

Ces différentes monographies très remarquables à tous les points

de vue contiennent une bibliographie très étendue, ainsi qu'une

quantité de figures dont un bon nombre appartiennent à l'auteur.

- - Pierre Marie.

VARIA.

Séances publiques d'hypnotisme. Une interdiction

qui s'impose.

Nous empruntons au Républicain Orléanais du 4 octobre,

l'article suivant qui nous parait curieux à divers titres : !

Nous avons dit ce que nous pensions des séances' de M. Pickman

et autres hypnotiseurs, séances qualifiées d'essentiellement imino-

l'ales et dangereuses par M. le D' Gilbert Ballet, professeur agrégé

de la Faculté de médecine de Paris, un des maîtres les plus émi-

nents et les plus écoutés en matière d'hypnotisme et d'affections

nerveuses. '

La municipalité d'Orléans n'en a pas moins cru devoir autoriser

les séances de M. Pickman que celui-ci a représentées, à coup sûr,

comme absolument inoffensives, comme de simples exercices de

prestidigitation et de trucs plus, ou moins habiles. La représenta-

tion a eu lieu lundi soir - devant un public assez rare, d'ailleurs.

Or, on lisait hier dans,le Patriote Orléanais qui avait prêté sa publi-

cité à M. Pickman : -.

« Il y a quelques jours, nous insérions une réclame qui nous

avait été apportée par M. Pickman,. en ce moment de passage à

Orléans. Il devait, nous a-t-il dit, donner deux soirées dans les-

quelles il ferait de la prestidigitation et quelques expériences très

anodines de seconde vue, divination, etc.

« La première de ces soirées a eu lieu et les expériences préten-

dues anodines sont en réalité des scènes d'hypnotisme très trou-

blantes et qui peuvent devenir très dangereuses pour certaines

personnes.. , .

« Par exemple, M. Pickman avait suggéré à deux de ses specta-

teurs de se rendre aujourd'hui à midi chez M. Cribier, pliarnia-,

cien, place du nfartroi. Ils ont obéi tous les deux à la suggestion.

Sur leur passage, une foule énorme que leur allure, leurs gestes,

leur physionomie d'hallucinés et leurs yeux hagards ont pénible-

ment impressionnée. Pour l'un d'eux l'accomplissement de cette

suggestion a semblé constituer une véritable torture, une sorte de'

crise épileptique. L'un d'eux était tellement fatigué qu'il a dû aller

se mettre au lit.

« Il y a un danger public il laisser s'organiser de telles exhibi-

tions, et nous croyons que la municipalité agirait sagement en

L . l l..

430 VARIA.

retirant à M. Pickman l'autorisation de se servir, pour un pareil

spectacle, de la salle de l'Institut. Cette mesure serait unanimement

approuvée à Orléans. Les sévères critiques que M. Pickman a pu

entendre de la part de tous, s'il s'est trouvé sur la place du Mar-

troi au passage de ses suggestionnés, en sont une preuve cer-

taine. » -

Le Patriote Orléanais après avoir vu partage donc à présent

notre avis, qui est d'ailleurs celui de tous les médecins et de toutes

les personnes sensées. Il n'y a que le Journal du Loiret qui reste

fidèle à la cause ou plutôt à la réclame pickmanesque. Mais les

raisons qu'il donne pour vanter et justifier de telles exhibitions

nous paraissent au contraire constituer d'excellentes raisons pour

leur interdiction.

« Au regard de cette puissance de l'imagination, dit-il, l'homme

n'est plus qu'un automate, un pantin, dont la volonté tient les fils.

La science, encore une fois, ne saurait se désintéresser de pareille

question; à elle de contrôler les expériences pour en tirer telle

conclusion qu'elles comportent. »

Voyez-vous la science - c'est-à-dire des hommes de savoir, de

haute probité, de conscience élevée et de situations connues ?

allant « contrôler » les faits et'gestes d'un charlatan qui commence

par faire des tours de cartes et des escamotages ! ... Non, confrère,

la science n'a rien à voir là-dedans. Elle vit dans un autre milieu

et dans une autre atmosphère. Elle n'a pas besoin des tréteaux ;

ses laboratoires et ses hôpitaux lui suffisent. Elle n'a pas à corser

la figuration et la recette d'un industriel plus ou moins... indus-

trieux, qui mêle à dose inégale, pour intriguer et passionner le

public, les trucs et la réalité.

Le Journal du Loiret continue, en essayant de combattre l'idée

que de telles expériences sont dangereuses. Il croit s'en tirer ainsi :

« L'hypnotisme ne crée pas la névrose; il la révèle : ce n'est pas

du tout la même chose. »

Si l'auteur de l'article était atteint de névrose latente, de névrose

« larvée » connue disent les médecins, ou si l'un des siens en était

atteint - une femme ou un enfant - je me demande s'il serait

satisfait que les expériences de Pickman, dans la salle de l'Institut,

viennent révéler cette affection. D'autant plus que non seulement

l'hypnotisme la révèle, mais que manié par un empirique, sans

notions et sans souci de la thérapeutique, il l'aggrave - comme on

augmente la fêlure d'un vase, en le sondant du doigt, mal il pro-

pos ou maladroitement.

Nous réclamons donc à nouveau et énergiquement l'interdiction

de tels spectacles. Nous ne savons si nous serons entendus cette

fois et à temps par la municipalité. Mais il y a une autre interdic-

tion qui est toujours possible et non moins efficace que les actes

officiels : celle du public.

FAITS DIVERS. 431

Que le public reste chez lui et n'aille pas porter son argent à un

charlatanisme aussi prétentieux que dangereux et à des pratiques

ou dérisoires ou malsaines. L'abstention du public- qui doit être

aujourd'hui complètement édifié - sera une leçon bien placée. -

Mais il faut bien que je mange, dira l'autre, le « commandeur »

qui s'exhibe avec de pharamineuses rosettes à la boutonnière. Nous

répondrons comme le lieutenant de police de Louis XV à un folli-

culaire : Je n'eu vois pas la nécessité.

P.-S. - Dans les affiches d'un puffisme indécent de M. Pickman,

après les citations des noms des D™ Bernheim, Liébault, Lié-

geois, Engel, etc., qui ne se savent certainement pas invoqués à cet

effet, on lit les noms de M. le procureur de la RépubliqLe de Be-

sançon et d'un conseiller de préfecture, M. Gallois. Ils servent de

réclame ! Enfin, l'affiche ajoute : « A l3aume-les-Danies, M. Farre,

procureur de la République; M. Billard, juge'd'instruction, et M. le

Dl' Boiteux, de la Faculté de Paris, ont bien voulu servir de sujets

à M. Pickman. » - Ces messieurs seront évidemment flattés de

figurer sur ces affiches ! Enfin, M. Pickman se vante d'avoir fait

des expériences avec le concours de MM. Charcot, Luys, Iticliet,

Gilles de la Tourelle, etc. Nous signalons i'usage ou plutôt l'abus

fait ainsi de noms connus et nous demandons à nouveau si l'on ne

trouve pas qu'en voilà assez en fait d'exploitation de la crédulité

publique.

FAITS DIVERS.

ASILES d'aliénés. Nominations et promotions : M. le D'' Cue-

VALIER-LAVAURE, médecin-adjoint de l'asile d'aliénés d'Aix, est

promu à la classe exceptionnelle; M. le or GALLOPAIN, directeur

de l'asile public d'aliénés de Fains, est promu à la classe excep-

tonnelle ; - M. le D'' BILLOT est nommé directeur-médecin de

l'asile de 13reuly (Charente); - M. le D'' Chaussinaud est nommé

directeur-médecin de l'asile de Saint-Dizier; M. le Dol GARMER,

directeur-médecin de l'asile de Dijon, est nommé médecin-direc-

teur de l'asile de Dôle; M. le D'' MONESTlER est nommé médecin-

adjoint de l'asile de Lafoud; -11. le D'' Berbey est nommé médecin-

adjoint de l'asile de Uury (Somme) ; - M. le Dr Paris, médecin en

chef de l'asille de Mareville, est nommé à la il" classe du grade;

M. le D'' CamanT est nommé médecin-adjoint de l'asile de Saint-

Méens ; ;- Ai. le Dr C.11LL.1U, médecin en chef à Cadillac, est nommé

à la ils classe du grade; M. le D'' Ramadier, directeur-médecin

de l'asile de Rodez, est nommé à la 2° classe du cadre.

432 bulletin bibliographique.

LS sorcellerie aux te siècle. Sous le titre : Une tueuse d'en-

fants, 23 victimes, le Républicain Orléanais publie une dépêche de

Catane ainsi conçue : -

- « Une femme du nom de Gaëtana Stimoli attirait, en leur promet-

tant des bonbons et des jouets, les enfants qu'elle rencontrait et

leur faisait boire ensuite du vin mélangé à du phosphore. Les mal-

heureuses victimes mouraient dans d'atroces douleurs. Vingt-trois

enfants auraient été empoisonnés de cette façon. La femme Sti-

moli a été arrêtée ; elle a avoué ses crimes, disant qu'elle voulait

se venger, parce que deux de ses enfants, qui avaient été ensorce-

lés, étaient morts. La foule, indignée, voulait mettre la mégère à

mort. » .

\

Les aliénés. - Les journaux politiques ont publié le récit d'une

« horrible tragédie » qui s'est passée à Alllbersby (Angleterre.).

« Thomas Harfland, récemment interné dans un asile d'aliénés, a

parcouru le bourg armé d'un revolver. Rencontrant un ouvrier, il

l'a tué d'une balle dans la tête ; un peu plus loin, il a tué un men-

diant. Puis il s'est introduit dans une auberge, a tué l'aubergiste et

s'est ensuite brûlé la cervelle. » D'où la nécessité d'interner les

aliénés.

BARR (M. W.). The Influence of' lleneclily on Idiocy. Brochure in-8°

de 12 pages. l'ensylvanie, 1895. Chez l'auteur. School for fublemin-

dord.

BOURF.vILLF., Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie. (Compte rendu du service des enfants idiots,'

épileptiques et arriérés de Uicetre pendant l'année 1891, t. XV, avec la

collaboration de M. Noir. Volume in-8° de lmii-141 pages, avec 8 figures

et i planches. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 fr. 50. Aux

bureaux du Progrès Médical.

Chajicot (J.-li.). Contribution ci l'élude de l'atrophie musculaire

prollressiue. (Type 1W chenne-Aran.) - Un volume in-8° de 176 pages

aveu figures dans le texte et quatre planches en chromolithographie.

Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 fr. ou. Au Progrès Médical.

' FrAnkl-Hochwart. « lier Meniere'sche Symplomerz comple.LOlie el'/u'an.,

kuuqen cler ! '))) ! e)'e)to/))'c ? Voinme in-8°de VI-122pages.- Wten, 1895.

Librairie A. Hallier.

- Garmer (P.) Les fétichistes pervertis et invertis se.ruels. (Observa-

tions médico-légales.) Volume m-16 de 192 pages. Prix : 2 fr.

Paris, 189j. Librairie J.-B. l3aUlière et fils.

- - Le rédacteur-gérant : l3ouasevn ? a.

Evrew. Gli. IlémssR, il1lp. - 1193.

Vol. XXX. Décembre 1895. N° 106

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ASILES D'ALIÉNÉS.

DES QUARTIERS SPÉCIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS;

Par le D' E. MARANDON DE MONTYEL,

Médecin en chef 'illc-Evrard.

Dans un précédent mémoire j'ai étudié les éléments consti-

tutifs communs à tous les quartiers d'un asile d'aliénés, c'est-

à-dire ceux qui entrent de toute nécessité dans leur composi-

tion, quelle que soit la catégorie de malades qu'ils sont destinés

à hospitaliser et j'ai montré que ces éléments communs étaient

au nombre de seize. Nous allons aborder aujourd'hui l'étude

des éléments spéciaux, c'est-à-dire des dispositions particu-

lières que doivent présenter les quartiers selon le genre d'alié-

nés qu'ils hospitalisent, dispositions à ce point caractéristiques

qu'un homme du métier en les parcourant dira avec certitude :

ici sont soignés les agités, là les malpropres, de ce côté les ma-

ladies incidentes, de cet autre les suicidiques et les dangereux

paisibles, par ici les tranquilles et par là les semi-tranquilles.

Or, comment a-t-on procédé pour Ville-Evrard ? On a imaginé

un quartier type de cinquante malades et ayant trouvé qu'il

réalisait la perfection, nous avons montré dans notre premier

travail ce qu'il fallait en penser, on l'a répété douze fois, six

fois à droite et six fois à gauche. De cette façon le jour où on a

pris possession de l'établissement il n'y avait qu'à tirer au sort de

quel. côté seraient les femmes et de quel côté les hommes, qu'à

tirer également au sort les quartiers à affecter au diverses caté-

gories d'aliénés, tous les douze étant pareils.

Archives, t. XXX. 28

434 asiles d'aliénés.

Eh bien ! il est à souhaiter que de pareilles fautes soient

évitées dans le nouvel établissement. Un asile d'aliénés propre-

ment dit comprend de toute nécessité six sections différentes.

Ces six sections se rangent naturellement en deux groupes que

différencie ce fait capital de la présence ou non d'un premier

étage. En effet, les habitations de jour et-de nuit des agités et

des malpropres doivent être situées au rez-de-chaussée avec,

bien entendu, toutes les dispositions requises pour éviter l'hu- '

midité; de plus toutes les pièces doivent être de plain-pied.

Pour se convaincre de cette nécessité, il suffirait d'assister un

soir au coucher de ces malades à Ville-Evrard. Beaucoup d'agités

refusent énergiquement de monter à l'étage, il faut lutter et les

contraindre à gravir l'escalier de force. Avec les gâteux la scène

change : nombreux parmi ces infortunés sont les impotents

incapables de lever la jambe; ceux-là, il faut les porter à dos

d'homme et, comme ils sortent de table, cette opération, par

les secousses qu'elle détermine, a souvent pour effet d'amener

l'ouverture des sphincters de leur vessie et de leur rectum;

porteurs et parquets sont maculés ou arrosés quand ils ne le

sont pas l'un et l'autre à la fois.

Si les quartiers des agités et des gâteux offrent ce caractère

commun de n'être constitué que par un rez-de-chaussée et quel-

ques autres que nous signalerons plus loin, ils diffèrent sensi-

blement à d'autres égards au point que leur destination spé-

ciale saute aux yeux de qui les visite. Nous commencerons par

les premiers.

Les particularités qui font d'une division une section d'agi-

tés portent tout à la fois sur les dimensions des éléments

communs que nous avons étudiés précédemment et sur l'ad-

jonction de certains éléments spéciaux. Ceux-ci sont au

nombre de deux : une annexe cellulaire et une salle de bains.

La question de l'annexe cellulaire, malgré son importance

de premier ordre, ne nous arrêtera pas très longtemps, car elle

se trouve traitée avec une haute compétence et tous les déve-

loppements nécessaires dans la première partie du rapport de

M. Bourneville, De nos jours, la cellule n'est le plus souvent

qu'une habitation de nuit, et dans ces conditions elle rend des

services si précieux qu'à mon avis on n'en saurait trop avoir.

L'isolement nocturne est, en effet, un bienfait pour l'agité

qui, ainsi, n'est pas troublé par ses voisins qu'à son tour il ne

trouble pas. Mais, par contre, je la condamne absolument t

QUARTIERS SPECIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS. 435

comme habitation diurne. Voilà pourquoi j'estime qu'il doit

être possible de faire dormir dans des cellules ou des cham-

bres d'isolement un agité sur deux et qu'en conséquence l'an-

nexe cellulaire doit correspondre à la moitié de la population

du quartier.

Pourles dispositions et l'organisation de cette annexé, je ren-

voie au rapport du Dr Bourneville dont je partage les idées

sauf sur deux points de détail. Mon éminent confrère place

l'annexe cellulaire à proximité du quartier des agités, mieux

vaut qu'il y soit contigu, étant donné surtout que nous con-

damnons d'une manière générale la cellule comme habitation

de jour; il convient dès lors que les malades puissent s'y

rendre le soir et en revenir le matin sans avoir à sortir. Ensuite

pour la salle de bains, M. Bourneville indique 3 baignoires

pour une population générale de 700 femmes aliénées. C'est,

je le crains, insuffisant; j'estime que pour bien assurer-le ser-

vice des bains dans une section d'agités il faut au moins

1 baignoire par '8 malades; différemment on sera contraint

d'en amener chaque jour un certain nombre aux bains géné-

raux, ainsi que cela se pratique à Ville-Evrard. Or, il en résulte

les plus graves inconvénients, l'agité ne doit pas avoir à sortir

de sa section.

Ce quartier comporte en outre quelques particularités dignes

d'être signalées en ce qui concerne les éléments communs pré-

cédemment établis et que nous allons successivement passer

en revue; tous, sauf l'office et les cabinets d'aisance présen-

tant des modifications ou des cubages spéciaux. L'entrée,

avons-nous déjà indiqué, sera de plain-pied; le vestibule sera

dépourvu d'escalier puisque la section ne sera qu'un rez-de-

chaussée ; il conviendra dès lors de prendre certaines disposi-

tions pour masquer la vue du cabinet du soir que nous avons

placé sous celui-ci. Ce vestibule donnera accès, comme dans

les autres sections, d'un côté à la salle de réunion et de l'autre

au réfectoire et c'est à la suite de ces deux pièces que seront

placés à chaque extrémité les dortoirs qui se trouveront ainsi

très éloignés les uns des autres, disposition excellente à mon

avis pour mieux assurer le repos de la nuit. Ainsi une moitié

de la population couchera en des chambres d'isolement ou

cellules et l'autre moitié en commun, et cette deuxième moitié

sera elle-même partagée en deux, l'une à un bout de la sec-

tion et l'autre à l'autre bout, et encore, le dortoir de chacune

436 asiles d'aliénés.

de ces extrémités sera lui-même divisé par des chambres de

gardiens en sections de 10 lits au maximum. En adoptant cette

disposition fragmentée on entravera le plus possible la propa-

gation de l'agitation nocturne par excitation réciproque et on

diminuera dans de grandes proportions les chances d'insomnie.

Les agités n'ont pas besoin, la nuit, d'un cubage d'air plus

élevé que les tranquilles, car comme eux ils jouissent d'une

bonne santé et ne salissent pas, ceux qui salissent devront être

mis dans des chambres d'isolement, mais l'espace entre les lits

sera supérieur, un mètre au minimum est nécessaire entre les

lits, à cause de l'agitation des sujets.

La literie n'offrira rien de spécial et des objets de toilette

seront mis à la disposition de tous ceux qui en voudront, et ils

seront plus nombreux qu'on ne croit. Ceux qui se négligent

seront appropriés par les gardiens qui les laveront dans le

lavabo.

Le préau d'une section d'agités doit être bien plus vaste que

tout autre, par suite des allées et venues de ces malades, de

leurs grands mouvements et de leurs gesticulations continues.

La superficie sera calculée à raison de 35 mètres carrés par

aliéné au minimum. La galerie couverte sera aussi plus large

qu'aux tranquilles, elle mesurera 5 mètres de largeur et s'étendra

tout le long du bâtiment d'un bout à l'autre, ce qui permettra

aux malades de s'y tenir malgré leur excitation les jours de

mauvais temps. Au réfectoire, il convient de donner par agité

2 mètres carrés et un cubage de 6 mètres. Ici, les tables et la

vaisselle sont spéciales. Celles-là fixées sur des pieds en fer

scellés eux-mêmes dans le plancher seront disposées tout

autour de la pièce et les malades ne seront placés pour man-

ger que d'un côté, celui correspondant aux murs. Avec des

agités, cette mesure de précaution est bonne pour empêcher

les discussions avec les vis-à-vis, pour assurer le service au

milieu de cette population turbulente et en même temps pour

obliger les sujets à rester à table, mis qu'ils seront dans l'im-

possibilité de sortir facilement. Les bancs seront également

fixes. Les couverts et les verres seront en fer-blanc étamé,

tout à la fois solides pour n'être pas brisés et légers pour

n'être pas une arme; la viande sera servie coupée, car les

couteaux seront interdits ainsi que les fourchettes. L'espace

accordé à chaque malade sera de 80 centimètres au moins. La-

salle de réunion aura une étendue triple du réfectoire, en con-

QUARTIERS SPÉCIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS. 437

séquence chaque agité doit avoir là à sa disposition 6 mètres

carrés et '18 mètres cubes, avec seulement autour des bancs

fixés. Une autre pièce à laquelle il convient de donner, pour

une population identique, un développement plus considérable

qu'aux tranquilles, c'est le parloir, car si la presque totalité

de ceux-ci sortent avec leurs parents, il n'en est plus de même

des agités qui sont forcés de recevoir là leur famille et qui,

pour évoluer, ont besoin de plus d'espace. Il serait prudent

que la superficie de la pièce par rapport à la population du

quartier fût de 1 mètre carré par malade; ces dimensions suffi-

raient, car tous ne sont pas visités le même jour. En outre il

est indispensable que les meubles, bancs et tables tiennent au

parquet.

Beaucoup d'agités salissent énormément leur linge. En con-

séquence, la lingerie et la décharge du quartier auront là une

certaine importance, plus que dans les divisions de tranquilles,

c'est pourquoi celle-ci aura une superficie de 24 mètres carrés

environ et celle-là une de 16 mètres carrés. Enfin, là, il est

nécessaire que la fontaine soit solidement fermée.

Mais il ne suffit pas de savoir de quels éléments se compose

un quartier, ni même quelles sont les dimensions par aliéné

qu'il convient d'attribuer à chacun d'eux, il est indispensable

de connaître dans quelles limites variera sa population. A cet

égard il est bon de déclarer que la façon dont se répartit un

nombre donné d'aliénés, - nous n'avons à nous occuper ici ni

des épileptiques, ni des alcooliques, - varie d'après le milieu

qui le fournit, le sexe auquel il appartient et les conditions

hygiéniques de l'asile qui l'hospitalise. Dès lors, puisque nous

sommes dans la Seine et qu'il s'agit d'un établissement à

construire pour les aliénés de ce département, nous prendrons

pour terme de comparaison et fixer la population des quartiers

spéciaux les moyennes des deux services actuels d'indigents de

Ville-Evrard, mon collègue, le D'' Febvré, ayant eu l'obligeance

de me communiquer celles de sa section de femmes. Eh bien !

en ce qui concerne les agités, tandis que le sexe masculin

fournit une proportion d'environ 13 p. 100 (52 agités sur

395 vésaniqnes), le sexe féminin en fournit une de près da

1S p. 100 (85 agitées sur 446 vésaniqnes). Enfin, nous finirons

avec cette section en disant qu'elle sera placée au point le plus

éloigné; elle doit être la dernière sur la ligne des quartiers

afin que les autres malades soient le moins possible incommo-

438 asiles d'aliénés.

dés par les cris et les vociférations dont elle ne cesse guère de

retentir.

Après les agités, nous nous occuperons des gâteux ou mal-

propres qui sont avec ceux-ci les deux variétés d'aliénés dont

les habitations, tant de nuit que de jour, doivent être situées

au rez-de-chaussée et de plain-pied. Si tout à l'heure c'était

l'agitation des habitants de la section qui justifiait certaines

dispositions spéciales, maintenant ce sera la malpropreté qui

les commandera. Or, ces deux causes très dissemblables ont

pour effet d'entraîner certaines dispositions absolument iden-

tiques. Déjà nous savons que les deux quartiers n'ont pas

d'étage et sont de plain-pied, là c'était parce que les agités

opposaient souvent une résistance désespérée à gravir les

marches, ici ce sera à cause de la faiblesse des jambes. L'entrée

et le vestibule seront aux gâteux ce qu'ils sont aux agités ; les

dortoirs seront disposés de la même manière. Les précautions

prises contre le bruit peuvent être utilisées contre la mauvaise

odeur, seulement le cubage des salles de nuit sera très supé-

rieur ; il doit être au minimum de 35 mètres cubes par mal-

propre ; la distance de 1 mètre entre les lits sera la même que

pour le quartier précédent, afin d'aérer le plus possible en

éloignant les sources d'infection. ,

La literie des gâteux diffère, elle, du tout au tout de celle

des agités, et elle constitue un des problèmes les plus ardus de

l'assistance des aliénés. Le grand rapport de l'inspection

générale, sans se prononcer sur le meilleur mode de couchage,

en énumère cinq. En outre, ces temps derniers, M. leur Lhos-

pital (de Clermont-Ferrand) a préconisé la fibre de coco pour

le couchage des malpropres; on en remplit une caisse et on

étend dessus le malade. A Ville-Evrard, le coucher des gâteux

est le système n° 3 de l'Inspection générale, avec cette variante

que le lit a ses parois latérales constituées par des barres de

fer légères qui sont mobiles, ce qui permet de les abaisser pour

coucher le sujet, puis de les relever pour l'empêcher de tom-

berdurant la nuit. Je n'ai pas d'escarre dans mon service avec

ce système, mais aux trois conditions suivantes : 1° il n'y a pas

de chaise percée dans le quartier; cette condition est à mon

avis d'une importance capitale; on place les malades sur ces

chaises et on les y laisse pour n'avoir pas à les nettoyer et c'est

ainsi qu'ils s'entament. Le gâteux doit être libre de faire dans

son pantalon comme bon lui semble, seulement, et nous pas-

quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 439

sons au 2°, tout malade qui s'est mouillé ou maculé doit être

immédiatement changé et lavé; enfin, 3° le matelas du milieu

doit être rigoureusement enlevé tous les matins et la paille

jetée.

Je le répète, en procédant ainsi, je n'ai jamais d'escarre

dans mon service, même chez des paralytiques alités plus d'un

an, seulement ces précautions exigent un personnel dévoué et

en outre une consommation considérable de linge. Aussi est-il

indispensable d'avoir aux gâteux une lingerie et une décharge

encore plus importantes qu'aux agités. La première aura une

superficie minimum de 20 mètres carrés et la seconde de 25.

Néanmoins il est de toute rigueur que le linge sale soit enlevé

du quartier tous les matins; cette mesure doit s'appliquer sans

exception à toutes les sections, mais elle est plus indispensable

encore aux malpropres que partout ailleurs.

D'ordinaire, les gâteux ne prennent aucun soin de propreté;

il faut les laver et les habiller comme des enfants ; cependant il

en est quelques-uns chez lesquels l'affaiblissement physique

déterminant le relâchement des sphincters a marché plus vite

que l'affaiblissement psychique; au milieu de leur gâtisme ils

conservent encore quelques instincts de propreté. Pour cela il

serait bon qu'un ou deux des petits dortoirs fussent munis de

lavabos et des 'objets de toilette mis à la disposition de ces

infortunés tant que brillera en eux cette dernière lueur.

Pour les cabinets et les urinoirs de jour et de nuit, nous

répéterons ce que nous venons de dire à propos des lavabos.

En mettre dans la section réservée àceux qui lâchent tout dans

leur pantalon semble une inutilité, mais il y a gâteux et

gâteux comme il y a fagot et fagot; tel, qui salit la nuit, ne

salit pas le jour, et tel qui lâche sous lui ses urines, comman-

dera encore à son sphincter anal ; enfin, il en est d'autres qui

sont des irréguliers, malpropres un jour et propres un autre.

Donc, il faut des cabinets et des urinoirs de jour et de nuit aux

malpropres comme ailleurs, seulement on peut en réduire

considérablement le nombre et ne pas en mettre dans tous les

petits dortoirs. Un seul cabinet et deux urinoirs suffiront lar-

gement avec une population de 50 sujets et un cabinet dans

deux dortoirs seulement sur les cinq que comporte ce chiffre de

malades.

Sans être aussi vaste que le préau des agités, celui des mal-

propres sera plus grand qu'aux tranquilles. Ces malades, en

440 asiles d'aliénés.

effet, ne sortent guère et salissent beaucoup, double raison de

leur fournir plus d'espace qu'à ceux qui circulent au dehors et

ne dégagent pas de mauvaise odeur. La superficie de la cour

aura donc une trentaine de mètres carrés par gâteux.

Le réfectoire sera identique à celui des agités ainsi que la

vaisselle et l'espace à accorder à table à chaque individu ; la

malpropreté et l'inconscience justifiant ici les mêmes mesures

que l'agitation. Seulement loin d'être fixées les tables seront

mobiles, car c'est surtout aux gâteux qu'il est utile de faire

prendre les repas au grand air sous la galerie couverte ou à

l'ombre des grands arbres du préau toutes les fois que le temps

le permet. Quant à la salle de réunion et au parloir, ils auront

les mêmes développements que dans la section précédente avec

cette différence encore que les bancs fixes seront remplacés par

des fauteuils mobiles facilement portatifs comme les tables pour

être, eux aussi, placés le plus souvent possible sous la galerie

couverte et dans le jardin de la section; chaque gâteux devrait

avoir le sien; ces aliénés toujours affaiblis se tiennent mal sur

les bancs; ils ont besoin d'appuyer leurs bras, mais à la condi-

tion formelle que ces fauteuils ne seront pas percés.

Chez ces malades, comme ailleurs, sauf dans le vestibule et

l'office, tous les parquets seront en chêne ciré. Le carrelage des

pièces demandé par certains, comme plus facile à tenir propre,

est à repousser à cause de l'humidité. La galerie couverte aura

la même largeur que celle de la précédente section, et la fon-

taine sera soigneusement fermée à cause de l'inconscience des

habitants du quartier.

Telles sont les principales particularités à signaler relative-

ment aux éléments communs à toutes les divisions en ce qui

concerne celle destinée aux malpropres. Mais cette section se

distingue des centres par des éléments spéciaux. Elle a une pièce

exclusive à elle, qui la désigne comme l'habitation de ce groupe

d'aliénés, la chambre de lavage, ressource contre la malpro-

preté.

Cette chambre de lavage comprendra deux parties : un

déshabilloir où le gâteux sera dépouillé de ses vêtements sales

et qui seront immédiatement emportés à la décharge et la salle

de lavage proprement dite où il sera conduit nu. La disposition

doit être telle.que le malade soit rapidement lavé malgré lui.

A Ville-Evrard, rien n'a été prévu pour ces soins spéciaux.

La pièce de lavage dont le parquet à claire-voie laissera

quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 441

s'écouler l'eau sera munie d'un jet mitigé et mobile de telle

sorte qu'elle atteigne partout où il se réfugiera le gâteux qui

sera poussé nu du déshabilloir dans ce local. Les deux pièces

seront chauffées et le déshabilloir pourvu d'un chauffe-linge.

Enfin il sera utile d'annexer à celle-ci une petite salle de bains

de deux ou trois baignoires pour une population de cinquante

malades, un certain nombre d'entre eux étant trop faibles pour

se rendre aux bains généraux.

Un autre élément spécial à la section des malpropres per-

mettant immédiatement de la reconnaître est la disposition en

véranda, pour les grabataires, d'un des dortoirs, afin qu'ils

ne soient pas toujours privés de la vue de la campagne et du

soleil. A Ville-Evrard j'ai obtenu de vitrer une partie de la

galerie couverte; mais j'ai dû sacrifier ainsi une moitié de cette

galerie. Dans le nouvel asile il conviendrait qu'un des dortoirs

de dix lits fùt disposé de façon à permettre aux pauvres alités

de voir le ciel et les champs.

Quant à l'emplacement, il sera très éloigné, les mauvaises

odeurs comme les cris devant être relégués le plus loin possible.

Et quant à la proportion de malpropres par rapport au chiffre

total de la population; elle est comme il suit à Ville-Evrard

en ce moment : aux hommes de 13 p. 100 (tJ : 2 sur 395) faux

femmes de 16,5 p. 100 (77 sur 466).

Nous avons fini avec les deux quartiers constituant le premier

groupe, le groupe des quartiers à rez-de-chaussée, nous allons

aborder maintenant l'examen du second groupe, le groupe des

quartiers à un étage, plus nombreux puisqu'il comprend l'in-

firmerie, l'observation, les tranquilles, les semi-tranquilles ou

semi-agités. Nous commencerons leur étude par celle de l'infir-

merie, la plus spéciale de ces quatre sections.

Il importe de déclarer tout de suite que l'infirmerie comporte

tout comme les autres quartiers les éléments communs au

complet qui ont fourni l'objet de notre premier mémoire, car

elle n'hospitalise pas seulement les aliénés atteints de maladies

incidentes tandis qu'ils sont contraints de garder le lit, mais

encore durant leur convalescence et aussi ceux dont l'état de

faiblesse sans exiger un repos absolu nécessite néanmoins des

soins particuliers.

Des quatre quartiers à un étage, l'infirmerie est le seul dont

Ventrée doit être forcément de plain-pied et le seul qui peut et

doit même avoir un dortoir au rez-de-chaussée. Ces deux dis-

442 asiles d'aliénés. -

positions sont imposées par l'état maladif des gens qui y sont

conduits, le plus souvent couchés sur un brancard et auxquels

il ne serait pas prudent de faire gravir des marches d'entrée ou

d'escalier. Bien que le quartier soit muni d'un ascenseur ainsi

que nous le dirons plus loin, un dortoir en bas s'impose pour

des cas médicaux ou chirurgicaux où l'immobilité la plus grande

est de rigueur. L'inconvénient que nous avons signalé précé-

demment quand nous nous sommes inscrit contre les dortoirs

au rez-de-chaussée dans les quartiers à un étage, perd à l'infir-

merie presque toute son importance. En effet là un tiers

environ de l'effectif du quartier garde le lit et par conséquent

n'occupe pas les habitations de jour, il s'ensuit que la super-

ficie du réfectoire et du chauffoir peut être réduite d'un tiers de

la population totale.

Le vestibule, comme dans les autres quartiers à un étage,

aura l'escalier au fond et en face de l'entrée; d'un côté il

donnera accès à la salle à manger à la suite de laquelle sera

placée la salle de réunion ; de l'autre côté se trouvera le dortoir

du rez-de-chaussée. C'est en avant de ce dortoir, communiqua nt

directement avec le vestibule, qu'il conviendrait de placer le

parloir de la section, qui serait aussi en communication avec

celui-ci. Une superficie de 30 mètres carrés suffirait à ce parloir

pour une population de cinquante malades dont un tiers sera

alité. Pour cette dernière raison encore on pourra se contenter

de 4 mètres de largeur pour la galerie couverte. Le préau, moins

vaste sans doute que celui des agités, le sera autant que celui

des gâteux; il sera donc de trente mètres carrés par malade

levé, et par conséquent son étendue correspondra aux deux

tiers seulement de la population totale. Le réfectoire et la

salle de réunion seront calculés également par rapport aux

seuls aliénés levés; il conviendrait de donner à ces deux pièces,

à la salle de réunion surtout, les dimensions que nous avons

indiquées pour les agités et les gâteux; les malades de l'infir-

merie, tous affaiblis, ont besoin d'une grande quantité d'air

pur. L'office sera muni d'un réchaud, indispensable dans ce

quartier pour chauffer les tisanes et les potions; ce réchaud

n'est utile que là et encore aux malpropres, partout ailleurs

il doit être sévèrement proscrit pour les raisons que j'ai déjà

fournies dans mon précédent mémoire.

Lalingerie et 1 a décharge auront ici les mêmes développements

qu'aux malpropres. Il importe que cette section soit abondam-

quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 443

ment pourvue de linge de toute nature et que le dépôt des

pièces souillées soit largement aéré, précautions hygiéniques

sur lesquelles il est inutile d'insister. Le cubage d'air des dor-

toirs sera d'au moins 35 mètres par individu, quantité égale à

celle des gâteux. Il est bon d'avoir à l'infirmerie deux matelas

et un édredon; un seul matelas est insuffisant quand nuit et

jour il supporte et cela parfois durant des semaines le poids du

corps; l'édredon aura son utilité par les grands froids pour ces

malades affaiblis et frileux. Jadis il était d'usage de munir les

lits de rideaux blancs, coquets et gracieux, qui permettaient en

outre de soustraire les agonisants à la vue de leurs voisins. Ils

sont condamnés aujourd'hui comme nids à microbes. Pour

isoler le moribond, dans quelques établissements on entoure

le lit d'un immense paravent; malheureusement la plupart des

malades connaissent fort bien sa signification et en sont très

péniblement impressionnés. Il convient donc de ne se servir de

ce cache-agonie qu'avec précaution et discernement. Dans les

dortoirs de l'infirmerie la distance entre les lits devrait être

d'un mètre. Sauf la fontaine de la cour qui sera soigneusement

fermée, pour empêcher les aliénés relevant de maladie de se

mouiller ou de boire inconsidérément de l'eau, les autres élé-

ments communs ne présentent rien de spécial à relever.

Mais il est un certain nombre d'éléments spéciaux qui, dans

un asile bien organisé, permettent de reconnaître immédia-

tement l'infirmerie en dehors même du dortoir du rez-de-

chaussée. Ce quartier est, en effet, le seul où au premier étage

on trouve des chambres d'isolement, chambres d'isolement qui

n'ont rien de commun avec les cellules d'isolement des agités

mais qui sont de vraies chambres de malades. Il n'y aura donc

au premier étage qu'un seul dortoir d'un côté, l'autre étant

réservé tout entier à ces chambres. Elles mesureront un cubage

d'air d'au moins 40 mètres et ne recevront jamais qu'un seul

malade. Elles auront pour mobilier un lit complet avec deux

matelas comme tous ceux de la section, une descente de lit,

une table de nuit, une petite table pour recevoir les potions et

les tisanes et sur laquelle le malade pourra prendre ses repas

quand, trop faible encore pour descendre, il sera néanmoins en

état de se lever, un fauteuil confortable et une cuvette fixe en

faïence avec un robinet d'alimentation fermant à clef, précau-

tion nécessaire. Ces chambres seront destinées à recevoir les

aliénés atteints d'affections incidentes graves, quoique non

444 asiles d'aliénés.

contagieuses, susceptibles d'entraîner la mort. Leur nombre à

Ville-Evrard est de 7 pour une population de cinquante malades;

deux sont à un lit qui mesurent un cubage de 45 mètres, plus

que suffisant, Ces deux chambres sont une des meilleures ins-

tallations de l'asile. Les cinq chambres à deux lits n'ont qu'un

cubage de 51 mètres,-très insuffisant.

Pour une population de cinquante malades, huit chambres

individuelles suffiraient, soit environ la proportion d'une pour

six aliénés, plus une chambre de gardien et un petit laboratoire

où se feraient les analyses chimiques de la clinique courante et

où seraient déposés les appareils du service ainsi que les médi-

caments dangereux.

Une infirmerie comporte en outre une petite salle de bains de

deux baignoires, une salle d'opération, et aussi un ascenseur

pour monter du rez-de-chaussée au premier étage les malades

trop faibles pour gravir l'escalier. Enfin une annexe indispen-

sable de cette section est un pavillon de contagieux placé le

plus loin possible de toute agglomération. Cette annexe, d'une

importance capitale, aurait nécessité de très longs développe-

ments, si M. Bourneville ne s'était acquitté de ce soin dans la

première partie de son rapport avecune haute compétence. Notre

éminent confrère a traité la question avec toute l'ampleur

qu'elle demandait et a rapporté de nombreux spécimens de

pavillons de contagieux. A mon avis le meilleur de tous est

sans conteste celui qu'il a fait construire dans son service de

Bicêtre de concert avec M. Gallois, architecte, et M. Imard,

inspecteur général ; il est très simple, pas très coûteux et remar-

quablement bien aménagé. Je m'en rapporterai donc entiè-

remcnt sur ce point au travail de M. Bourneville, auquel je

renvoie le lecteur.

On est assez divisé, dans la spécialité, sur l'emplacement

qui convient le mieux à l'infirmerie. Dans tous les asiles que

j'ai visités elle était double, il en est ainsi à Ville-Évrard où il

n'y a pas de pavillon de contagieux. A Villejuif les deux infir-

meries réunies, sont placées sur la ligne centrale de l'asile et

font en quelque sorte partie des services généraux. C'est ce der-

nier système que propose M. Bourneville.

Il va même plus loin ; pour lui les deux infirmeries réunies,

les deux quartiers des agités placés en avant, le pavillon des

maladies infectieuses placé en arrière, ceux-là et celui-ci à une

distance suffisante pour éviter le bruit des agités et la contami-

quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 445

nation des infectieux constitueraient en quelque sorte l'hôpital

de l'asile, c'est-à-dire le centre principal de l'action médicale.

Je ne vois pas bien comment on réunirait deux sections dont

l'emplacement est réglé par des lois contraires; en principe le

quartier des agités doit être le plus' éloigné à cause du bruit

fait par ces malades et celui de l'infirmerie doit être le plus

central afin d'égaliser dans la limite du possible les distances

à parcourir pour s'y rendre des diverses divisions.

L'idée de réunir les deux infirmeries a moins d'inconvénient,

elle a même cet avantage que cette réunion permettrait d'avoir

un établissement hospitalier qui serait comme l'hospice de

l'asile.

Cependant tout compte fait, je me demande si les avantages

de leur réunion en compensent les inconvénients. M. Bourne-

ville croit que ce voisinage permettra aux médecins, aux sur-

veillants et surveillantes de se consulter et de s'aider facile-

ment ; le voisinage est une arme à deux tranchants, dont le

plus aiguisé n'est pas toujours le meilleur, il permet aussi, le

plus souvent, de se disputer et de se jalouser. En ce qui con-

cerne les appareils, l'expérience m'a démontré que dans les

services mixtes, il est bon que chacun ait les siens, du

moins en ce qui concerne ceux d'un usage un peu courant;

ne sauraient être communs que les appareils d'un emploi

exceptionnel. Le seul avantage sérieux et indéniable que pré-

senterait la réunion des infirmeries, serait de faciliter le ser-

vice de l'interne de garde qui pourrait avoir là une salle spé-

ciale, confortablement aménagée à sa disposition. Néanmoins,

je ne cacherai pas que mes préférences sont pour les infirme-

ries séparées, d'autant plus qu'il est prudent, je crois, de ne

pas trop rapprocher le personnel féminin du masculin ; fatale-

ment, ils arrivent à trop s'aimer ou à trop se détester; en ma-

tière de sexe, compter sur l'indifférence est une chimère.

Mais je suis, au contraire, un partisan convaincu de la réu-

nion sur un même point des pavillons de contagieux, car il est

indispensable de n'avoir qu'un seul foyer d'infection. M. Bour-

neville dit que la solution de l'emplacement double ou unique

est liée à celle de la question de l'infirmerie. Pour ma part, je

ne vois pas du tout de relation nécessaire entre les deux choses.

'La dualité des infirmeries est parfaitement compatible avec

l'unité des pavillons de contagieux; s'il en était différemment,

il faudrait vite réunir les infirmeries, car, je le répète, il est de

446 asiles d'aliénés.

toute nécessité, de mettre ceux-ci sur un point unique. Mais

puisque les infirmeries doivent être centrales, et le pavillon de

contagieux, au contraire, porté au loin dans la campagne, leur

réunion est parfaitement réalisable malgré la dualité des pre-

mières.

La population des infirmeries est très variable et cela pour

un même établissement. En ce moment, à Ville-Evrard, elle

est aux hommes de 6 p. 100 (24 sur 395), et aux femmes de

8 p. 100 (38 sur 466).

Parmi les quartiers à un étage, après l'infirmerie, la section

des tranquilles appelle notre examen. Cette section a ceci de

particulier qu'elle est munie de lavabos au rez-de-chaussée,

bien que celui-ci ne contienne que des habitations de jour. Ces

lavabos sont indispensables pour permettre un brin de toilette

aux aliénés, qui tous, dans cette catégorie, sont occupés au

dehors à des travaux plus ou moins propres. En rentrant du

travail, ces malades doivent pouvoir se laver les mains et s'ap-

proprier un peu avant de se mettre à table. Comme ce sont

tous des gens valides, occupés pour la plupart au grand air, les

pièces qu'ils habitent ne nécessitent pas les cubagea élevés, et

la superficie étendue des trois quartiers précédents. Par malade,

un mètre carré suffit au réfectoire et 60 centimètres de table;

à la salle de réunion, 3 mètres carrés sont largement suffi-

sants, de même que 16 mètres carrés pour la décharge et 9

pour la lingerie. La largeur de la galerie couverte peut être de

4 mètres et le préau n'aura par malade qu'une superficie de

25 mètres carrés. L'entrée, l'escalier, le vestibule, la clôture, le

parloir, l'office, les cabinets, n'offrent rien de spécial et seront

tels que nous les avons décrits dans notre précédent travail.

Pour les dortoirs 25 mètres cubes par individu seront suffisants

avec un intervalle de 80 centimètres entre les lits et la fontaine

de la cour pourra n'être pas fermée à clef. Ce quartier en réa-

lité n'a de spécial que ses lavabos au rez-de-chaussée.

Pour avoir dans un asile la proportion des tranquilles, il faut t

faire la somme des populations des cinq autres quartiers spé-

ciaux, la différence entre ce total et celui de la population géné-

rale hospitalisée la fournit. L'emplacement nous arrêtera un peu

plus longtemps. Si l'asile est un asile-caserne clôturé du genre

de ceux actuellement existants, il est de toute nécessité que le

quartier des tranquilles soit indépendant de l'asile fermé et

situé en pleine campagne afin que là au moins les malades

QUARTIERS SPÉCIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS. 447

aient l'illusion de la vie libre. Ils pourront tenter ainsi une

première épreuve d'une liberté au moins relative avant de

quitter définitivement la maison. Dans le principe, il n'en était

pas ainsi à Ville-Evrard, un des six quartiers de l'établissement

était affecté à cette catégorie d'aliénés. En 1880, on eut l'ex-

cellente idée de les en détacher et de construire pour eux une

section en dehors de l'asile munie d'ateliers et dite section des

travailleurs, malheureusement on la mit assez mal à exécution

et il est indispensable que sur ce point encore Ville-Evrard ne

serve pas de modèle pour le nouvel asile. En effet, on a eu

l'idée impardonnable de construire deux quartiers de 150 ma-

lades chacun ! et de réaliser ainsi l'idéal de la caserne au point

que quand on passe devant Pinel et Esquirol on est surpris de

ne pas voir un factionnaire à la porte et de ne pas entendre

résonner le clairon à l'intérieur ! Si encore cet intérieur avait

été convenablement aménagé, mais non, car ces immenses sec-

tions n'ont pas de salle de réunion, tous les lavabos sont au

rez-de-chaussée, il n'y en a pas dans les dortoirs, les cabinets

et les urinoirs sont situés au point le plus éloigné de la cour et

échappent complètement à la surveillance, il n'y a ni décharge,

ni lingerie, les chambres d'infirmiers sont au fond des dortoirs

dont toutes les portes s'ouvrent en dedans, que sais-je encore !

le préau est disposé de telle sorte que quand le gardien est

d'un côté il lui est impossible de voir ce qui se passe de l'autre

côté. Bref, l'intérieur est aussi défectueux que l'extérieur, mais

l'ensemble est d'un aspect monumental, on dirait une cita-

delle.

Quelques mots suffiront à caractériser le quartier des semi-

tranquilles ou semi-agités : sauf en moins les lavabos du rez--

de-chaussée, cette section comporte les mêmes dispositions

que celles des tranquilles. Les malades qui l'habitent, en effet,

sont dans un état intermédiaire qui ne comporte rien de spé-

cial. L'emplacement de ce quartier est à côté de celui des

agités avec lequel il a de fréquentes occasions d'échanger des

sujets selon les dispositions plus ou moins exaltées dans les-

quelles ils se trouvent. Sa population à Ville-Evrard repré-

sente en ce moment pour les hommes la proportion par rap-

port au chiffre total des vésaniques de 10 p. 100 (40 sur 395) et

pour les femmes de 11,8 p. 100 (55 sur 466).

Reste le quartier d'observation. Et tout d'abord quels sont

les malades à y mettre ? Ils appartiennent à trois groupes diffé-

448 . , asiles d'aliénés.

rents et offrent tous néanmoins ce caractère commun d'être des

tranquilles. Le quartier d'observation est destiné à recevoir les

arrivants paisibles, et en bonne santé, ceux dont les disposi-

tions psychiques peuvent prêter à contestation. Un second

groupe de ce quartier d'observation sera constitué par les ma-

lades qui demandent une surveillance spéciale parce que, sous

des apparences calmes, ils cachent des instincts pervers, le

désir bien arrêté de s'évader ou des intentions criminelles. A

Ville-Evrard où nous n'avons pas de quartier d'observation, je

suis obligé de placer ces deux catégories d'aliénés aux semi-

tranquilles où ils ne. sont pas à leur place. Enfin le quartier

d'observation recevra aussi les suicidiques.

Dans beaucoup d'établissements les aliénés à idées de sui-

cide sont hospitalisés à l'infirmerie ; il en est ainsi à Ville-

Evrard où il n'y a pas de quartier d'observation, comme nous

venons de le dire et partout où existe cette lacune on devrait

agir ainsi. Mais quand ce quartier existe je suis d'avis que là

est la place de ces malades. En effet ils nécessitent une sur-

veillance absolument continue de même que les aliénés atteints

de maladies incidentes réclament des soins de tous les instants;

il est bien difficile au personnel de faire face à la fois aux

besoins des uns et des autres. Je trouve qu'à l'infirmerie les

suicidiques absorbent trop les gardiens qui pour eux sont d'au-

tant plus portés à négliger les malades alités que la responsa--

bilité est plus lourde et plus directement engagée vis-à-vis de

ceux-là que vis-à-vis de ceux-ci.

Dans le quartier d'observation il n'y aura que des dortoirs et

au premier étage. Je ne saurais trop m'élever contre la coutume

de certains collègues de mettre en chambre d'isolement les

suicidiques. Que ces confrères dressent une statistique des

morts volontaires survenues dans les asiles et ils constateront

que ce grave accident s'est produit dans une chambre d'isole-

ment deux fois environ sur trois. Jamais, ni jour, ni nuit, un

aliéné qui attente à ses jours ne doit être laissé seul ; c'est

pourquoi il est indispensable qu'il couche en commun au milieu

d'autres malades qui n'ont pas comme lui le dégoût de la vie

et qui pourront à l'occasion soit l'arrêter dans une tentative,

soit donner l'éveil aux gardiens. Ils doivent donc être dissé-

minés au milieu des autres aliénés du quartier dans les dor-

toirs. Le seul suicide que j'ai à regretter depuis sept ans que

je dirige le service des hommes à Ville-Evrard s'est produit

quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 44

dans une chambre d'isolement où le malade avait été placé

parce que j'ignorais absolument qu'il voulait se détruire.

C'est la présence des suicidiques dans le quartier d'observa-

tion qui lui donne son cachet, si on peut ainsi dire car, là, tout

doit être combiné en vue d'enlever à ces malades toute facilité

d'exécuter leurs sinistres projets. Les dispositions générales

sauf les lavabos du rez-de-chaussée et la fermeture dela borne-

fontaine seront absolument les mêmes qu'aux tranquilles, seu-

lement au réfectoire la vaisselle sera celle des agités et des

gâteux, sans fourchettes ni couteaux. La strangulation et la

pendaison sont les deux genres de mort volontaire auxquels ont

recours les aliénés, privés qu'ils sont de tout autre moyen. En

çonséquence, onne laisseraà leur disposition ni longue cravate,

ni couteau, ni ceinture, ni bretelle et dans la disposition des

locaux on évitera toute saillie susceptible de servir de point

d'attache ou de support. Sans renoncer à clôturer la division

par une grille, il conviendra de la choisir telle qu'elle ne se

prête à aucune tentative de pendaison ou de strangulation.

Enfin, les lits des dortoirs où couchent ces malades sont pleins

dans certains établissements, et c'est là peut-être une bonne

précaution; sans doute ils sont plus difficiles à tenir propres

et demandent plus de soin, mais ils ont cet avantage de ne per-

mettre le passage d'aucun lien.

Le nombre des aliénés à idées de suicide est bien plus con-

sidérable du côté des femmes que du côté des hommes.. Ainsi,

en ce moment, à Ville-Evrard, la proportion de ces malades

pour le sexe masculin est de près de 4. p. 100 (15 sur 395) et

pour le sexe féminin de 8 p. 100, le double (40 sur 466). Mais

il est à noter que le nombre des dangereux paisibles, nécessi-

tant une surveillance continue, est bien plus considérable du

côté des hommes. Je crois donc qu'en comptant pour les deux

sexes une proportion de 10 p. '100 au minimum et de 12 p. 100

au maximum, on aura un quartier largement suffisant. Son

emplacement sera central, dans le voisinage de l'infirmerie ou

en face d'elle.

Un dernier mot. Si nous avons indiqué pour chacun des six

quartiers spéciaux le chiffre de la population qu'approximati-

vement ils comportaient soit pour les femmes, soit pour les

hommes, nous avons omis d'indiquer le nombre de chambres

d'infirmiers à prévoir. Actuellement il est d'usage d'accorder

un gardien par 10 malades aux agités, aux gâteux, à l'infirme-

ARCHIVES, t. XXX. 29

450 thérapeutique 111ÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

rie et au quartier d'observation; un par 15 aux semi-agités et

un par 20 aux travailleurs. La proportion d'un serviteur par

'10 aux gâteux, à l'infirmerie et au quartier d'observation,

ainsi que celle d'un par 15 aux semi-agités est très suffi-

sante, c'est donc d'après cela que sera calculé le nombre de

chambres à affecter aux gardiens dans ces quatre sections.

Celle d'un par '10 aux agités ne l'est en aucune façon pour

l'application du non-restraint absolu, système très utile à

la guérison de l'aliéné. Pour l'appliquer dans toute sa rigueur

et en obtenir tous les bons effets, il faut au minimum un gar-

dien par 5 agités. Enfin il est impossible à un seul serviteur

de surveiller efficacement 20 malades dispersés çà et là dans

un champ; le maximum à lui confier est de 12. En consé-

quence, nous estimons qu'à la section des agités le nombre de

chambres de gardiens doit être calculé en raison d'un serviteur

par 5 malades et aux tranquilles d'un par 12.

THÉRAPEUTIQUE 31ÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE PROBABLEMENT CONGÉNITALE ;

SPASMES MUSCULAIRES ET COPROLALIE;

PAR ft .

' BOURNEVILLE, et T J. BOYER,

Médecin de la section des Professeur à l'Institut médico-

enfants de Bicètre.. pédagogique.

Sommaire : Père, céphalalgies. Grand'mère paternelle migraineuse.

- Grand-oncle et grand'tante paternels atteints de débilité men-

tale. Mère, rien de particulier ; modification de la coulcw des che-

veux à chaque grossesse. - Tante maternelle morte d'un cancer du

sein. Pas de consanguinité. - Inégalité d'Age de six mois.

Gémella1'ilé. '

Émotion vive au cinquième mois de la grossesse : tremblement,

douleurs abdominales pendant huit jours. Première dent ci six

mois; dentition complète à vingt-huit mois; marche à seize mois ?

IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE; SPASMES MUSCULAIRES, ETC. 4SI l

Propre à deux ans. Début de la parole à dix-huit mois ? Jamais

de convulsions. - Constatation de l'arriération entre quatre à cinq

ans : défaut d'attention, etc. A sept ans, irritabilité creusante,

augmentée encore par les moqueries de ses camarades. - Début des

spasmes et des tics ci on : e ans. - Tendance à se l'approcher des

garçons.

Etat de la malade en février 1893.

Traitement médico-2)édagogique. Description des spasmes mus-

culczires, leur variété. - Evolution de la puberté; apparition des

règles en mai 1894. Début de la coprolalie (juin 189. - Limé-

lioration progressive : disparition des spasmes et de la coprolalie,

développement intellectuel progressif. - Amélioration remarquable.

Marie-Louise Tif ? née le 16 octobre 1879 dans la Loire, est

entrée à l'Institut médico-pédagogique le 11 février 1893.

Antécédents. (Renseignements fournis par le père et la mère le

23 avril 1893.) -Père bien portant, quarante-huit ans; assez grand,

fort; parfois céphalalgie; pas de maladie de peau; pas de rhu-

matismes ; marié à vingt-sept ans; pas de maladies vénériennes.

[Famille du père. Père. Mort d'une fluxion de poitrine à cin-

quante-sept ans, sobre, pas d'accidents nerveux. Mère. Migrai-

neuse, morte à cinquante-cinq ans de refroidissement; rien à signaler

dans la famille du père, sinon un oncle et une tante parternels peu

intelligents qui ont servi chez leurs frères et soeur, pas d'enfant.]

Mère, quarante-huit ans, bien portante, pas d'accidents nerveux,

physionomie intelligente. A son mariage, nous dit-elle, elle était

très blonde, à chaque couche, ses cheveux tombaient en abondance

et repoussaient vite et de plus en plus en plus bruns. [Famille de

la mère. Père. Mort écrasé par un mur, sobre, très intelligent;

pas d'accidents nerveux. Mère, soixante-douze ans, bien portante

pas d'accidents nervenx; deux frères : un mort de l'influeuza, a un

fils en bonne santé; l'autre, bien portant a un fils de même; deux

soeurs : une morte d'un cancer du sein, très intelligente, pas d'acci-

dents nerveux, pas d'enfants quoique mariée; l'autre soeur céliba

taire. Dans la famille de la mère, ils sont tous nerveux, mais ni

paralytiques, ni aliénés.]

Pas de consanguinité ; inégalité d'âge de six mois.

Six enfants et deux fausses couches : 1° et 2° jumeaux (garçon

qui mourut à trois mois faute de soins, fille morte à quinze jours;

était restée longtemps au passage; nés à sept mois ou sept mois et

demi); 3° et 4° deux fausses couches; 5° une fille qui a dix-

sept ans, pas de convulsions, très intelligente; G° une fille qui

a quinze an, boiteuse à la suite d'une chute dans l'escalier, bien

portante, intelligente, pas de convulsions; - 7° notre malade;

8° un garçon qui a neuf ans, bien portant, a perdu un oeil par

l'éclat d'une capsule, intelligent, pas de convulsions.

Il, 5 1- thérapeutique 111ÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

Notre malade. - Conception, rien de particulier. Grossesse,

forte émotion au cinquième mois : on vint annoncer à la mère que

son mari était écrasé, elle a tremblé dix minutes, elle a dû s'asseoir,

mais elle n'a pas perdu connaissance, fortes douleurs abdominales

qui ont duré huit jour ? Accouchement à terme, naturel, sans

chloroforme. ? 1. la naissance, belle enfant, pas d'asphyxie, a crié

de suite. Elevée au sein par sa mère, sevrée à treize mois, première

dent à six mois, dentition complète à vingt-huit mois sans acci-

dents, marche à seize mois (plus tard que ses frères et soeurs),

propre à deux ans, début de la parole à dix-huit mois. - Jamais de

convulsions. - C'est vers quatre ou cinq ans qu'on s'aperçut qu'elle

n'était pas comme les autres : c elle répétait souvent la même

chose et on ne pouvait pas la fixer ». Mise en pension vers l'âge

de sept ans, elle fut l'objet des moqueries de ses compagnes.

Elle devint de plus en plus nerveuse, « méchante », désobéissante,

paresseuse. C'est vers onze ans que les spasmes firent leur appari-

lion; l'enfant prenait à chaque instant un nouveau tic. - Pas de

bave, pas de succion, pas de grincement de dents, pas de balan-

cement. Elle aurait eu des vers (oxyures) à différentes reprises ;

pas de céphalalgie; sommeil bon, pas de cauchemars; pas d'ona-

nisme ; tendance à jouer avec les petits garçons. Rougeole à

sept mois, légère scarlatine, coqueluche à un an ; pas de bronchite,

pas d'ophtalmie, pas d'otite, pas d'adénites, pas d'abcès. Le père

attribue la maladie à la forte émotion de la mère durant la gros-

sesse : « Ça lui vient de naissance, dit-il, elle a toujours laissé à

désirer. »

Etat de la malade à son entrée le Il février 1893 à l'Institut

médico-pédagogique. a) Etat physique. - Physionomie peu

éclairée, les yeux, d'un gris bleu, ne sont pas vifs; les cheveux mal

plantés, grossiers, de diverses nuances, laissent le front découvert;

les sourcils sont abondants, sans solution de continuité, en ailes

de chauves-souris, comme les cheveux blonds et châtains. Le visage

est fatigué, vieillot; le front est presque toujours ridé, les sourcils

froncés, l'arcade sourcilière est saillante, le nez aquilin très fort,

les lèvres toujours closes sont minces, le menton est proéminent.

La peau est rude, d'un teint jaunâtre, desquamation.

L'habitude générale du corps ne présente rien de particulier, pas

d'asymétrie des membres; les seins ne sont .pas saillants, aisselles

et pénil glabres. Le buste est épais, les membres inférieurs sont

courts.

b) Etat physiologique. - Marie-Louise est d'une grande activité,

elle court sans cesse, bavarde continuellement en faisant de grands

gestes; très irritable; le moindre travail appliqué, la moindre ten-

sion de l'esprit l'énervent ; elle frappe du pied, elle pousse des cris

inarticulés; les mouvements des jointures se produisent normale-

IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE; SPASMES MUSCULAIRES, ETC. 453

ment. Organes des sens : vue, assez bonne, distingue les princi-

pales couleurs du spectre, ne confond que les tons neutres; ouïe,

ne présente rien de particulier, préfère les sons doux et traînants

aux sons éclatants et saccadés; toucher, assez délicat, aime beaucoup

à passer les mains sur tout ce qui est soyeux; odorat, normal,

flaire presque tout ce qu'elle mange; goût légèrement perverti, aime

les saveurs fortes, mettrait du sel partout; parole, léger défaut de

prononciation, zoli pour joli; sose pour chose. Spasmes fréquents :

lorsqu'elle cause, elle parle avec une volubilité extraordinaire; elle

s'arrête brusquement par moments pour lancer des éclats de voix

qui paraissent la fatiguer. Il semble que ces spasmes se produisent

surtout aux mots commençant par une dentale ou une labiale. Il

lui arrive même souvent d'intercaler dans ses phrases une expres-

sion à elle que l'on pourrait écrire tout en plein. Ces trois mots

paraissent lui servir à donner plus de foi ce à son idée et à faire plus

facilement des éclats de voix, elle les répète'jusqu'à trois fois et

toujours crescendo. C'est d'une voix sourde et fatiguée qu'elle pro-

nonce la deuxième partie (en plein). Lorsque ces spasmes se pro-

duisent au commencement d'une phrase ou d'un mot quelconque,

ils ne sont pas auszi accentués. A chacun de ces spasmes la physio-

nomie change : l'enfant baisse la tête, fronce les sourcils et

projette sa tête en avant en faisant éclater sa voix. A table les

spasmes se traduisent par des raclements dans le gosier accom-

pagnés de haussements d'épaules et de sourds aboiements de gros

chien.

Les fonctions digestives s'accomplissent régulièrement; selles quo-

tidiennes, tendance à la constipation. - Respiration, rien deparli-

culier.Contrairement aux renseignements fournis par les parents,

le sommeil n'est pas toujours tranquille. Il arrive à l'enfant, la

nuit, de bavarder sans qu'on puisse comprendre ce qu'elle dit.

c) Etat psychologique. - L'intelligence est peu développée.

Maiie-Louise ne parait pas être mailresse des idées, - Parfois, elle a

de véritables idées fixes. Quand elle entend parler d'un accident ou

de quelque chose qui l'impressionne, elle y revient à chaque ins-

tant, insiste, fait des questions de détail, demande si cela ne pour-

rait pas lui arriver. Voit-elle une voiture, par exemple, elle veut,

dit-elle, se faire écraser et lorsque la voiture passe près d'elle, elle

fait un mouvement, aussitôt réprimé, pour se précipiter sous les

roues. Elle s'est un jour coupée le doigt en mangeant une pomme;

elle demande aussitôt si le sang coulerait b en fort en se faisant au

cou la même blessure. On parle d'autre chose, mais Marie-

Louise Th... relient son idée et fait avec le couteau le simulacre

de se couper le cou. De peur d'accident on lui retire le couteau.

L'attention, bien que possible, est de très courte durée, la ré-

llexion est impossible. - Jugement naïf; dans la conversation, coq-

454 Il. THÉRAPEUTIQUE Mú : DICO-PÉDAGOGIQUE,

à-l'âne perpétuels; une véritable confusion préside à tous ses rai-

sonnements. Mémoire assez développée, récite sans y rien com-

prendre de petites fables apprises à la pension.

Ses parents prétendent qu'elle connaît ses lettres, mais nous

constatons bientôt qu'elle n'en connaît que les noms par ordre, mais

les confond toutes. Connaît imparfaitement les chiffres qu'elle

confond souvent encore. A la notion d'unité et de pluralité, ne sait

compter que jusqu'à dix.

d) Etat instinctif et moral.- Marie-Louise Th... a l'instinct de la

conservation personnelle; peureuse en gymnastique; ordonnée et

soigneuse; taquine et pas méchante; n'aime pas être grondée, ou

entendre gronder quelqu'un. A la notion de la propriété; très co-

quette; n'est pas égoïste; assez docile, ne désobéit qu'en parole;

très allectueusc; n'a pas la notion du bien et du mal. Volonté

active, veut toujours produire quelque chose. Aime la société, surtout

celle des petits garçons.

1'n.iTruwT.-l3ain d'un quart d'heure tous les huit jours; douche

complète en jet en éventail tous les jours; petite et grande gym-

nastique, exercice des aiguilles pour la préparer à la couture, tra-

vaux scolaires (lecture, écriture, calcul).

1893. Juillet. Les spasmes ont diminué, à table surtout ils ne

se produisent jamais devant un étranger. M. L. n'aime pas la gym-

nastique, fait bien cependant le mouvement des échelles jumelles

(système Pichery) et de l'échelle convexe; distingue toutes les

lettres, lit sans épeler (d'après la méthode Regimbaud) les mots

composés de syllabes simples (une consonne, une voyelle). Ecrit les

mots qu'elle lit. Imite de petits dessins sur papier quadrillé. Pas

de progrès ;en calcul, pourtant elle commence à compter sans se

tromper jusqu'à vingt; ne peut arriver à acquérir la notion du

temps, commence néanmoins à faire une différence entre hier et

domain. A la couture, elle travaille au canevas; fait des ourlels

ii réguliers.

Août. - Traitement. Deux douches par jour, élixir polybro-

muré d'Yvon. - L'éiixir est prescrit pour atténuer les bpasmes et

les périodes d'irritation. Les progrès continuent en lecture et en

écriture; écrit a ses parents des lettres qu'elle sait lire; les spasmes

persistent.

Octobre. Suspension de l'élixir. - Les spasmes paraissent avoir

pris une nouvelle expression. A tout bout de champ, l'enfant

pousse un cri que l'on pourrait écrire « péan » ; elle appuie sur-

tout sur la première syllabe.- Les progrès continuent en classe au

point de vue de la lecture et de l'éc1ÍlUl'e. Toujours en retard pour

le calcul.

11'ouemGre.- Au cri « péan » s'est substitué le cri « hirch » pré-

cédé d'une forte aspiration.

IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE; SPASMES MUSCULAIRES, ETC. 4te5

1894. Janvier. L'enfant se développe, elle épaissit, mais

ne grandit pas. La région pectorale devient saillante, les

seins commencent à se dessiner mais leur limitation est encore

difficile, l'aréole est rosée, le mamelon a quatre ou cinq milli-

mètres de diamètre. Sous les aisselles, bandes de poils de sept centi-

mètres sur un à deux centimètres. Au pénil, dans sa moitié infé-

rieure et dans la partie médiane, poils châtain foncé de quatre à

cinq centimètres de long, se prolongeant sur les grandes lèvres

dans leur moitié supérieure; poils blonds assez nombreux sur la

moitié inférieure des grandes lèvres. Les petites lèvres sont très

développées (plus d'un centimètre de large), le capuchon fait saillie

à la partie supérieure de la vulve. L'activité de Marie-Louise n'est

pas aussi débordante; elle est heureuse de s'occuper aux travaux

du ménage. Son jugement ne parait pas aussi naïf; par moments

on s'aperçoit qu'elle raisonne mieux.

En classe, elle lit mieux et copie mieux, pas de progrès en cal-

cul. - Les dessins d'après modèle sont plus réguliers, ne peut

encore reproduire un objet usuel d'après nature. En gymnas-

tique, ses mouvements sont réguliers, elle travaille au commande-

ment et commande elle-même.

Mars. - Même traitement, reprise de l'élixir polybromuré en rai-

son des retours des périodes d'excitation. Le développement de

la puberté continue : le sens génésique s'éveille; M.-L. préfère de

plus en plus la compagnie des petils garçons à celle de ses cama-

rades ; par moments, expressions risquées dont le sens paraît lui

échapper.- Très capricieuse à l'atelier de couture où l'on constate

cependant des progrès réels : fait sur son canevas, d'après modèles,

toutes les lettres de l'alphabet.

Progrès en lecture et en écriture, fait les lettres majuscules,

compte sans se tromper jusqu'à cinquante; ne peut encore com-

prendre l'addilion.

Avril. - Même traitement, élixir polybromuré, suspendu et

repris alternativement.

Nouveau tic singulier : elle lève successivement les deux bras,

l'avant-bras replié sur le bras et se frappe le nez de ses deux coudes;

elle accompagne ce mouvement d'un nouveau cri ouègne D, la

première partie est toujours plus accentuée. Elle s'amuse aussi

quelquefois à faire venir la salive en abondance entre les dents et

les lèvres, à la faire mousser et à s'en barbouiller toute la figure.

Durant ce mois, l'enfant a été très excitée, les spasmes sont fré-

quents, elle est jalouse des fillettes de son âge, effrontée avec les

infirmières. En classe, pas de progrès.

Mai. Même traitement. L'enfant se plaint de douleurs lom-

baires, de la sensibilité de ses seins, de lassitude dans les jambes.-

Caractère insupportable, on est même obligé de l'isoler à plusieurs

reprises.

- 456 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

Premières règles, le 9 mai, assez abondantes; durée, quatre jours.

La seconde moitié du mois a été beaucoup meilleure; Marie-

Louise compte, lit les nombres jusqu'à cent; commence l'addition.

J2cén.- Même traitement. Les spasmes se produisent sous la

forme d'un nouveau cri c pia D qu'elle accompagne d'un mouve-

ment particulier : elle projette brusquement le ventre en avant en

ramenant en arrière les bras et la jambe gauche.

Début de la coprolalie. - Les spasmes musculaires sont remplacés

par la coprolalie : M.-L. prononce tantôt à pleine voix, tantôt à demi-

voix dans le courant de la conversation le mot de Cambronne. Elle

sait qu'elle fait mal en disant des paroles grossières; quand elle

arrive à se retenir, sa conversation est hachée, saccadée, il lui

tarde d'être seule pour donner cours à la coprolalie. Si elle laisse

échapper une grossièreté, on s'aperçoit aussitôt qu'une détente

s'est produite, et que sa conversation est normale.

l8 juin, - Règles, durée cinq jours. Préférence marquée pour

les corvées dégoûtantes, par exemple vider et rincer en se cachant

les vases de nuit des gâteuses; elle comprend en effet qu'elle ne

doit pas faire celte besogne.

En classe, progrès à constater. Commence à mettre l'ortho-

graphe, comptejusqu'à mille.

Parait avoir le sentiment de la justice, reconnaît facilement

quand elle a tort.

YtM'Me ? Traitement douches, élixir polybromuré de une à deux

cuillerées avec suspension.- Le 10, règles, durée quatre jours.

On remarque qu'il y a rdterraunce entre la coprolalie et les

spasmes musculaires; lorsque la première s'atténue, les seconds

redoublent et réciproquement. Véritables poussées génitales qui

paraissent inconscientes. Elle nous appelle « son amoureux » et

voudrait que nous l'embrassions au lit.

Août. Traitement : douches, suspension de bromure, gymnas-

tique, etc. L'enfaut est réglée régulièrement. - Les spasmes

musculaires sont de moins en moins fréquents, mais la coprolalie

persiste.

Septembre. - fait très régulièrement tous les exercices

de la grande etde lâ petite gymnastique. Elle écrit sans faute etsous

la dictée les cent premiers nombres, fait des additions sans re-

tenue ; son écriture est régulière, mais elle écrit très gros, car elle

appuie trop sur sa plume; la mémoire scolaire parait se développer;

elle connaît la valeur de tous les termes géographiques, l'histoire

élémentaire des temps primitifs de la France, elle acquiert de

petites connaissances usuelles (aliments, tissus, éclairage et chauf-

fage) ; en grammaire, distingue le nom, l'adjectif et le verbe, sait

mettre au pluriel les noms et les adjectifs, les notions de forme se

précisent dans son esprit; dans les travaux manuels elle progresse :

IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE ; SPASMES PSYCHIQUES, ETC. 457

elle fait bien le point de tricot et commence à raccommoder des bas.

Octobre. - Les cris redeviennent fréquents; ce sont des gnas

saccadés qu'elle accompagne de coups de poings sur sa poitrine; elle

fait aussi à chaque instant le simulacre de s'élancer sur quelqu'un

en inclinant le corps en arrière et projetant le corps en avant (arc

de cercle vertical).

Vouemrc.Recrudescence de la coprolalie, mots très grossiers

à l'adresse de ses parents. Les progrès se sont arrêtés en classe.

Décembre. - La coprolalie diminue, les cris se font entendre

rarement, les mouvements spasmodiques sont encore plus rares.

L'arrêt persiste dans les progrès scolaires.

1895. Janui'e) ? Marie-Louise devient de plus en plus calme, les

mouvements spasmodiques semblent avoir disparu. A l'école le

travail est plus assidu : elle connaît l'orthographe de tous les mots

usuels, fait des copies sans faute, conjugue à l'aide de la gram-

maire les temps principaux des verbes réguliers, fait de petites

additions avec retenue.

Février. L'enfant ne crie plus, les mois grossiers sont de plus

en plus rares; Marie-Louise aime la société de ses petites com-

pagnes auxquelles elle se plaît à rendre service. A l'école, progrès

dans l'orthographe d'usage, mais grande difficulté dans l'applica-

tion des règles grammaticales.

Mars. Les cris et les mots grossiers n'ont pas reparu. En classe,

bonne volonté à laquelle elle ne nous avait pas habitué.

Dura : iL ce mois on a constaté quelques mots grossiers.

Marie-Louise fait bien les ourlets des serviettes et des draps.

Mai, - Ni cris ni mots grossiers. L'enfant devient raisonnable et

même prévenante; ses manières sont beaucoup plus douces. Les

progrès à l'école et à la couture continuent; il n'y a que la gym-

nastique qu'elle ne fait pas avec plaisir.

Juin. - L'enfant est de plus en plus gentille, elle est sensible

aux reproches qu'on lui fait de plus en plus rarement. En classe

l'écriture est meilleure, l'enfant lit couramment, fait seule des

lettres à sa famille, l'orthographe est meilleure, elle fait de petites

soustractions, sait écrire les nombres de quatre chiffres. A la cou-

ture, fait les petites réparations d'entretien. C'et elle qui fait le

ménage de sa chambre qu'elle lient très propre.

Juillet. - Marie-Louise sort en congé avec ses parents le 1er juil-

let. Au bout de quelques jours d'observation et de promenades

en ville, ils la trouvent très améliorée, la considèrent comme

guérie et se décident à ramener chez eux (10 juillet).

Octobre, - Une lettre à nous adressée par les parents de Marie-

Louise, en octobre 1895, nous annonce que l'enfant « va de mieux

en mieux, et contente tout le monde. Ses parents et ses amis l'ont

trouvée bien changée».

458 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

APHASIE ET TROUBLES CIRCULATOIRES. 459

caractérisés par de la coprolalie et des impulsions à accomplir,

malgré la défense, les besognes les plus répugnantes. Pendant

plusieurs mois, on a observé une alternance curieuse entre les

spasmes musculaires et les spasmes psychiques.

V. A partir du mois de décembre 1894, sous l'influence per-

sistante du traitement iiiédico-pédaqogiqtie, on note une amélio-

ration croissante de l'état général de la malade : les spasmes

musculaires et les spasmes psychiques s'éloignent de plus en

plus et cessent définitivement; l'intelligence se développe, l'en-

faut arrive à lire et écrire couramment, à compter jusqu'aux

nombres de quatre chiffres, qu'elle écrit et lit, à faire des addi-

tions et des soustractions, à acquérir des notions sur tout ce

qui l'entoure; le raisonnement n'est plus aussi naif; l'attention

et la réflexion sont possibles, ce qui lui permet d'apprendre et

de connaître l'orthographe, de rédiger elle-même des lettres

pour ses parents. Marie-Louise devient, en un mot, une enfant

presque ordinaire, se plaisant aux occupations de son sexe et

de son âge (travaux de ménage et de couture). Personnelle-

ment, nous estimons que la famille aurait mieux fait de laisser

cette jeune fille en traitement pendant plusieurs mois encore,

afin de consolider les résultats obtenus et d'en provoquer cer-

tainement de nouveaux.

RECUEIL DE FAITS.

CAS DE MALADIE DE LANDRY

D'ORIGINE INTLUENZIQUE SUIVI DE GUÉRISON.

APHASIE ET TROUBLES CIRCULATOIRES, LÉGÈRE RECHUTE;

Par le D' PAILHAS (d'Albi).

Tr..., vingt-quatre ans, militaire. Constitution sèche, nerveuse.

Père bien portant; mère impressionnable, sujette depuis quelque

temps à des douleurs articulaires siégeant de préférence aux doigts

des mains. .

Vers la fin de février iS95, Tr..., tout en faisant son service, est

460 RECUEIL DE FAITS.

pris de toux, de céphalalgie localisée surtout à la nuque, de sensa-

tions erratiques de froid dominant entre les épaules. Les jours

suivants, il sent ses jambes s'affaiblir, en même temps que sur-

viennent bientôt des impressions pénibles « du côté de l'estomac»,

lesquelles sont comparées par le malade à une piqûre et s'accom-

pagnent de défaillances. - En cet état, il entre au bout de quatre

ou cinq jours à l'infirmerie du régiment. - l'lois jours après, à la

faiblesse des jambes s'ajoutaient des douleurs articulaires particu- -

lièrement ressenties aux membres inférieurs et d'abord attribuées

à du rhumatisme. De plus, on remarquait dès ce moment une

difficulté notable de la parole.- Le malade pariait en scandantles

syllabes avec pauses entre les divers mots. - La langue ne parais-

sait pas déviée. - Le 9 mars, le malade entre à l'hôpital, et là, le '

voyant pour la première fois, nous constatons avec les symptômes

aphasiques déjà signalés, une très grande faiblesse de tout le corps

et principalement des jambes qui ne peuvent plus le supporter. -

En outre les réflexes rotuliens sont complètement abolis. Le coeur

participe à cette inertie motrice : ses battements sont, en effet.

ralentis au point de ne battre que de quarante-cinq à cinquante fois

par minute; les bruits cardiaques s'entendent affaiblis, mais sans

altération du rythme. Les mains sont violacées et chaudes. Les

pupilles largement dilatées réagissent mollement à la lumière. -

Douleurs ressenties dans les deux oreilles.

Le lendemain, il mars, le malade se sent plus dispos; il est

néanmoins très faible; toutefois les battements du coeur sont plus

fréquents (de cinquante-cinq à soixante environ).

Le 12 mars, l'état général parait s'améliorer; l'appétit renaît;

les impressions de défaillance liées, sans doute, à l'asthénie car-

diaque, sont moindres. Quant aux troubles de l'articulation et à la

parésie des membres inférieurs, peu de modifications.

Le 15, état général satisfaisant; mais le malade essaie vaine-

ment de marcher. Même état des réflexes tendineux. Les mains

restent violacées. - Mydriase. Intégrité des fonctions du rectum

et de la vessie. La sensibilité cutanée ne parait pas modifiée. -

L'articulation des mots devient plus aisée.

Le 17, faiblesse moindre, bien que le malade ait beaucoup de

peine à se tenir debout. Les muscles des jambes ne réagissent point

sous l'influence des excitations électriques.

Le 25, retour très marqué des forces dans les membres inférieurs,

permettant la marche. Absence totale du réllexe rotulien. Les

troubles de la parole ont à peu près disparu. - En cette voie

d'amélioration, le malade ne tarde pas à partir en congé. Chez

lui, il se rétablit assez promptement; néanmoins, dans les travaux

des champs qu'il partage avec les siens, il se sent inférieur en

vigueur à ce qu'il était avant sa maladie. Souvent les épaules et

les genoux sont le siège de douleurs.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 461

De retour au régiment, au commencement de juin 1893, notre

malade prend froid un jour qu'il est en sueur; dès lors réappa-

raissent des douleurs aiguës en différentes articulations, sans tumé-

faction ni rougeur. De nouveau il sent ses jambes s'affaiblir et sa

parole s'embarrasser. - De l'infirmerie Tr... passe le 16 juin à

l'hôpital où cet état, ébauche de sa précédente atteinte du mois

de février, s'améliore rapidement.

Le 24 juin, nous le voyons à peu près complètement rétabli. Il

est à remarquer cependant que les réflexes rotuliens restent abolis;

que la pression des mains traduit un amoindrissement de l'énergie

musculaire. Point d'atrophie.

Ce fait, survenu en pleine épidémie d'influenza, nous a

paru, en raison des premières manifestations du début (toux,

céphalalgie, froid entre les épaules), trouver là sa cause prin-

cipale. De sorte qu'à l'intérêt offert par la relative bénignité

de cette affection, rangeable parmi les cas de la maladie de

Landry, s'ajoute celui du rôle étiologique déjà signalé de la

grippe. Ajoutons que les douleurs articulaires observées ici

au début de la maladie, et volontiers attribuées par de nos

confrères à du simple rhumatisme,'ont été constatés aussi par

M. Mossé dans le premier des cas de maladie de Landry

d'origine influenzique que naguère il communiqua au Congrès

de médecine mentale et de neurologie de Bordeaux.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XL VII. La psychose POJ.Y ? ÉVRITIQUE; par R. COLETTA. (Annale di

neurologia, t89t, fasc. I, Il, III, IV, V, VI.)

Au cours de certaines intoxications, principalement l'alcoolisme

chronique, comme aussi dans le cours ou la convalescence des ma-

ladies infectieuses, on peut voir se développer des désordres psy-

chiques, associés aux symptômes de la névrite multiple. - Ce

syndrome neuro-psychopathique démontre non seulement que les

nerfs périphériques et la subtance cérébrale sont altérés en même

temps, mais permet encore d'expliquer, selon toutes probabilités,

l'origine du désordre psychique par l'influence des mêmes condi-

tions morbides ayant provoqué la polynévrite.

4G REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Ces conditions morbides sont représentées par des agents

toxiques ou infectieux. Il est difficile de déterminer le mécanisme

intérieur de leur action. Cependant en se fondant sur certaines

données, surtout de pathologie expérimentale, il est à retenir que

les substances toxiques exercent une action directe sur les éléments

nerveux, et que les agents infectieux, dans le plus grand nombre

-des cas n'agissent pas par influence directe, locale, du micro-

organisme sur le système nerveux, mais par une action chimique,

générale de produits solubles d'origine microbienne : les agents

infectieux fabriquent un poison et l'infection aboutit ainsi à l'in-

toxication.

Selon foute probabilité, les substances toxiques qui empoisonnent

le sang et le système nerveux, agissent de préférence sur les

diverses parties de l'arc neuro-musculaire : tantôt sur les fibres

périphériques (polynévrite), tantôt sur la substance cérébrale

(symptômes psychiques); quelquefois en lésant en même temps

l'un et l'autre système (psychose polynévritique), D'autres organes

centraux peuvent être simultanément atteints (moelle épinière,

bulbe, etc.) et aussi le système musculaire (polymyosite). Toutefois

pour que ces agents pathogènes s'attaquent ainsi aux éléments

nerveux, il est nécessaire que.d'autres facteurs (hérédité, antécé-

dents neuro et psychopathiques) aient préparé le terrain.

Les substances toxiques sont représentées soit par des pto-

maïnes ou des leucomaïnes venues du dehors ou développées dans

l'organisme même, soit par un métal, par l'alcool ou quelque autre

poison. Il semble que toutes les causes qui provoquent la névrite

n'aient pas la même tendance à déterminer la maladie mentale

en question.

Le syndrome psychique, indépendamment de sa combinaison avec

les phénomènes de la névrite multiple (paralysies, amyotrophies,

troubles de la sensibilité), présente une forme clinique bien définie.

Il est essentiellement caractérisé par un état menlal particulier, où

domine l'amnésie, accompagnée d'ordinaire, à différents degrés,

de désordres de la conscience et de l'association des idées, parfois

d'agitation, de délire. Dans une catégorie de cas le trouble de la

mémoire apparaît presque d'une façon aiguë : il peut être plus ou

moins profond, intéressant surtout les événements les plus récents ;

il peut se présenter presque à l'état isolé. Dans d'autres cas, en même

temps que l'amnésie grave, prédominent pour un temps des troubles

de la conscience, de l'incohérence, un rétrécissement du champ de

l'idéation. Enfin, chez une troisième catégorie de malades, sur les

troubles de la mémoire, de l'idéation et de la conscience prédo-

minent les symptômes d'une irritabilité psychique exagérée.

L'altération de la mémoire présente dans beaucoup de cas et

lorsqu'elle est bien prononcée, les caraclèies suivants : C'est une

amnésie quelquefois presque instantanée, étendue à toutes les caté-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 463

gories de souvenirs, circonscrite aux actes et aux impressions

récentes. C'est une amnésie ordinairement temporaire, inclure

entre deux périodes de mémoire normale, limitée aux faits récents

aussi bien antérieurs que postérieurs au début de l'affection. C'est

une amnésie isolée, parfois indépendante de tout autre trouble

intellectuel et déterminée par la perte de la faculté d'évocation des

souvenirs (amnésie d'évocation). Ces derniers sont toutefois fixés

et conservés dans l'inconscient et reparaissent au moment de la

guérison à mesure que se reconstitue la personnalité consciente.

Celte amnésie est conforme aux lois de régression de la mémoire.

La guérison, lorsqu'elle survient, s'accomplit aussi d'une façon

conforme aux lois de restauration des souvenirs. On peut admettre

que le complexus des symptômes psychiques dépend principale-

ment de troubles fonctionnels du système de fibres nerveuses

destinées à relier entre elles les cellules de la substance corticale

du cerveau.

Parallèlement aux troubles cérébraux se montrent les symptômes

de la névrite multiple. a). Paralysie amyotrophique des membres

inférieurs, plus ou moins grave et généralisée, suivie souvent de

celle des membres supérieurs. Dans les cas très graves peuvent

s'ajouter des paralysies des muscles du tronc, du diaphragme, des

muscles oculomoteurs, des troubles de la miction, de la tachycardie,

de la paralysie du coeur. L'évolution de la paralysie est variable,

tantôt lente, chronique; tantôt généralisée très rapidement en

revêtant l'apparence d'une affection spéciale aiguë, b). Désordres

de la sensibilité (fourmillements, hypoesthésie ou anesthésie,

hyperesthésie, hyperalgésie, retard dans la transmission des im-

pressions) ; d'ordinaire, abolition des réflexes. c). Troubles vaso-

moteurs et trophiques (cyanose, oedème, altération de la peau et

des ongles, escarres au sacrum, aux talons, etc.). d). Symptômes

généraux (troubles dyspeptiques, vomissements répétés, troubles de

la sécrétion urinaire, inappétence sexuelle, troubles menstruels,

amaigrissement excessif, e). Tout le syndrome neuro-psychopa-

thique est ordinairament précédé de vomissements, d'anorexie,

d'une faiblesse générale nolable, de symptômes sensilifs, sensibilité

des nerfs à la pression, hypereslhésie cutanée.

Les troubles cérébraux et les symptômes de la polynévrite

peuvent se trouver associés entre eux avec le même caractère de

gravité, ou prédominer les uns sur les autres.

Le début, la marche,, la durée et la terminaison de la psychose

polynévritique sont éminemment variables. Ils dépendent de l'inten-

sité de la maladie, des conditions dans lesquelles elle s'est déve-

loppée, de son étiologie.

Les éléments de diagnostic caractéristiques sont : le début la

plupart du temps aigu, avec des troubles de la sensibilité, désordres

de la mémoire, agitation, délire; l'apparition d'une paralysie

4G'l- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

amyotrophique plus ou moins diffuse. Dans les cas difficiles, il est

toujours possible de découvrir quelques symptômes de la polyné-

vrite et de l'amnésie, qui aideront utilement à établir le diagnostic.

La psychose polynévritique se montre presque toujours à la suite

de l'intoxication alcoolique, dans laquelle elle débute souvent par

des symptômes ressemblant au delirium tremens, suivis de para-

lysie et de troubles caractéristiques de la mémoire. Il est possible

que l'action toxique de l'alcool, prolongée ou intense, arrive à

donner à toute la symptomatologie un cachet assez caractéristique

pour permettre parfois d'établir un diagnostic étiologique.

Le pronostic des différentes variétés de psychose polynévritique

dépend, de l'intensité de la maladie, des conditions dans lesquelles

elle s'est développée, de son éliologie. Il est douteux mais pas

funeste d'ordinaire. Il est grave et fatal dans les formes plus

rapides et intenses, si la cause de la maladie ne peut être suppri-

mée si les phénomènes morbides se développent sur un organisme

profondément débilité. Il est, au contraire, généralement favorable

dans les formes chroniques alors que l'état général du patient est

relativement satisfaisant, et que la cause de la maladie peut être

éloignée. La guérison n'a lieu qu'après des mois et parfois des années.

Le traitement est, lui aussi, principalement déterminé par les

conditions étiologiques. C'est d'abord celui de toute infection ou

intoxication, et par la suite celui de toute atrophie musculaire.

L'anatomie pathologique de la psychose polynévritique n'a été

étudiée qu'incomplètement. La cause morbide agit non seulement

sur les fibres périphériques, mais aussi sur les centres. On rencontre

des lésions dégénératives des nerfs périphériques (névrite paren-

chymateuse), atrophie dégénérative des muscles, altérations du

cordon de Goll, vacuolisation des cellules ganglionnaires de la corne

antérieure de la moelle, ramollissement superficiel de l'écorce

cérébrale, et enfin dégénérescence colloïde de la glande thyroïde.

On peut admettre que les altérations de cette glande sont en corré-

lation avec des maladies dont le fondement est une toxémie.

Néanmoins les altérations matérielles profondes de l'arc ueuro-

musculaire appartiennent, sans ou presque sans exception, aux

formes subaiguës au chroniques des maladies infectieuses ou

toxiques.

Les lésions dégénératives des nerfs périphériques nous donnent

une explication de tous les symptômes physiques. En se fondant

d'autre part sur nos connaissances histotogiques ou de pathologie

expérimentale, et aussi sur les observations anatomo-cliniques et

les lésions de l'écorce cérébrale décrites dans certains cas d'intoxi-

cation grave chronique, il est probable que les différents degrés

d'altération des fibres nerveuses constituant le système d'associa-

tion de l'écorce, peuvent donner une explication suffisante des

différents degrés des désordres psychiques. J. SLGL.U.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 465

1LVIIf. Un cas d'amnésie partielle continue; par FER.RARI.

(rie. sp. di (l'en : , fase. 111-IV, 1891.)

Amnésie partielle, continue, des nombres, attribuable vraisembla-

blement à un trouble circulatoire de l'écorce chez un individu de

vingt-sept ans, porteur d'un arc sénile bilatéral, ayant des arlères

sinueuses et dilatée ? , fils et frère d'artério-scléreux, et comptant

dans sa famille plusieurs ascendants paternels et maternels morts

d'apoplexie cérébrale. J. SÉGL.as.

XLIX. Nouvelle contribution A la DOCTRINE DE l'origine INFEC-

TIEUSE du délire aigu; par Bianchi et PICCINI\0. (annale di neu-

1'olo(jia, fasc. VI, 1894.)

Parmi les formes psychopathiques qui simulent le délire aigu et

qui ont été jusqu'ici décrites comme délire aigu, il en est une à

laquelle on pourrait donner le nom de délire aigu bacillaire. Elle

se distingue de toutes les autres, cliniquement par une intensité

plus grande des symptômes, par la phase adynanuquequi succède

promptement à la phase d'excitation, par la durée plus courte et

l'issue fatale; bactériologiquement par la présence dans le sang et

les centres nerveux d'un bacille particulier que les auteurs ont

toujours rencontré dans les cas observés jusqu'ici.

Il y a des formes de délire sensoriel aigu qui peuvent s'accom-

pagner de fièvre, sans que celle-ci puisse reconnaître une autre

cause (pneumonie, bronchite, catarrhe intestinal...) que celle qui a

déterminé l'explosion du délire aigu. En d'autres termes : la fièvre

ne caractérise pas la nature bacillaire d'un délire aigu.

Le délire aigu bacillaire doit être considéré comme une maladie

infectieuse grave dans laquelle les symptômes d'excitation et de

trouble profond de la conscience sont suivis de symptômes de

dépression et d'un véritable état typhique grave. Il n'est vraiment

reconnaissable qu'au moyen de l'examen bactériologique du sang.

Dans les autres formes de délire aigu et de manie grave, l'examen

bactériologique donne également des résultats positifs. Mais si la

constatation de microorganismes presque toujours isolés et en

grande abondance révèle un rapport biologiqne entre la forme

clinique et leur présence dans le sang, en ce sens qu'ils disparaissent

ou diminuent beaucoup avec la chute de la maladie; cela ne nous

autorise pas encore à conclure à un rapport immédiat, de cause à

effet. Cetle constatation témoigne seulement à coup sûr d'un trouble

grave et profond de la nutrition, constituant un terrain propice au

développement des microorganismes, amenant comme consé-

quence une détérioration de tout l'organisme, avec déchéance

rapide de la nutrition, fièvre, et autres effets toxiques sur les fonc-

Arciiives, t. XXX. 30

466 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tions du système nerveux, dont le trouble maximum est le délire

hallucinatoire.

Les résultats bactériologiques, trouvés dans toutes les autres

formes de délire sensoriel qui ressemblent au véritable délire aigu

'sans en être, justifient les critiques de certains auteurs qui n'ont

pu trouver le bacille décrit par Hianchi, mais d'autres variétés de

microorgauismes; car ces formes de délire aigu sensoriel et de

manie grave sont beaucoup plus fréquentes que le véritable délire

aigu qui est très rare.

La stupeur organique doit être considérée presque toujours

comme une phase secondaire du délire hallucinatoire, même quand

il est de courte durée, non seulement parce que l'observation

clinique attentive montre toujours la préexistence d'une phase

hallucinatoire; mais aussi à cause des résultats de l'examen bacté-

riologique qui restent identiques soit dans la phase d'agitation

hallucinatoire, soit dans celle de stupeur. J. Séglas.

L. La SUGGESTION A l'état DE veille dans QUELQUES affections

oculaires; par P. SGROSSO. (Aîii2ali di rzevrologiv, fasc. Vl, 1891.)

LI. DE QUELQUES anomalies importantes dans LES mains ET les

PIEDS des DÉLINQUAN1'S ET DE LEUR signification réversive; par

PENTA. (Anrzali di nevrologia, fasc. VI, 189'r.)

LU. SUR LES PHÉNOMÈNES circumcursifs ET rotatoires DE l'épilepsie;

par Mingazzini. (Riv. sp. di fren., t. XX, fasc. III-IV.)

Les phénomènes circumcursifs de l'épilepsie peuvent se réduire

à deux catégories : ceux dans lesquels le phénomène circumcursif

précède l'accès convulsif (aura circumcursive); ceux dans lesquels

ce phénomène constitue tout ou partie de l'accès (accès circum-

cursifs).

Dans l'aura circumcursive, le nombre des tours est généralement

considérable; elle peut être remplacée quelquefois par d'autres

phénomènes; elle ne donne pas d'indicalion précise sur la gravité

ou la durée de l'accès convulsif.

La durée de l'accès circumcursif est en général de quelques mi-

nutes ; il est précédé souvent de phénomènes prodromiques variés.

La direction des tours a lieu de préférence de droite à gauche.

L'accès circumcursif est souvent accompagné d'actes variés tantôt

automatiques, tantôt conscients. Il ne semble pas que ce phéno-

mène, particulier influe sur la genèse de phénomènes post-pa-

roxystiques. Les accès circumcursifs ne conservent pas toujours cette

forme; on ne peut savoir s'ils provoquent plus tôt que d'autres

l'apparition de la démence. Les phénomènes rotaloires peuvent

aussi se présenter sous forme d'aura ou d'accès.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 467

L'aura rotatoire est presque toujours précédée ou accompagnée

d'autres phénomènes sensitissousensitivo-moteursqui transforment

l'aura motrice en une aura complexe. La direction de la rota-

tion va dans la plupart des cas de droite à gauche. La durée et la

gravité de l'accès convulsif n'ont aucun rapport avec la présence de

l'aura rotatoire, qui souvent peut être remplacée par d'autres

phénomènes. Les auras rotatoires nocturnes ne sont pas toujours

identiques aux diurnes. Comme pour l'épilepsie circumcursive, on

est fort embarrassé de savoir s'il existe quelque rapport entre les

accès précédés d'aura rotatoire et les altérations de la sphère psy-

chique. Les malades atteints d'accès avec aura rotatoire ne pré-

sentent aucun caractère spécial relativement aux tares dégénéra-

tives ou à des troubles nerveux spéciaux.

L'accès rotatoire est parfois précédé de phénomènes précurseurs.

Le sens de la rotation est très variable. Les accès ne gardent pas

toujours la même forme et sont souvent remplacés par des accès

de forme équivalente. Rien de précis sur leur influence au point de

vue de la démence. J. SÉGLAS.

LUI. SUR LES connexions DES éléments nerveux DE l'écorce

cérébelleuse; par E. LuGARO. (Riv. sp. di fi·e72., t. XX, fasc 11l-IV.)

LIV. La GLIOSE cérébrale chez les épileptiques; par TDESCI ! 1,

(Riv. sp. di f1'en" t. XX, fasc. 111-IV.)

Confirmation des recherches de M. Chaslin sur la gliose céré-

brale. J. S.

LV. Sur un phénomène d'automatisme chez LES aliénés qui rechutent;

par CRISELAN1. (Rev. sp. di (1'en" t. XX, fasc. IlI-IV.)

Certains aliénés, au moment d'une rechute, quelle que soit d'ail-

leurs la forme clinique de la psychose, seuls, à l'insu de tous, sans

aucun but même délirant, tantôt plusieurs fois correspondant à

plusieurs rechutes, tantôt plusieurs fois dans une seule et même

rechute, parfois en s'en rendant compte, d'autres fois dans un état

d'abolition complète de la conscience, mais toujours sans dévier de

leur chemin, retournent d'eux-mêmes directement à l'asile où ils

ont été internés dans leurs précédents accès. Alors même que ce

singulier retour aurait été suivi d'un internement d'urgence, cela

ne les empêche pas de recommencer à l'occasion. Lorsqu'une sur-

veillance assidue s'oppose à ce retour irrésistible à l'asile, on ren-

contre souvent comme un équivalent de l'acte empêché dans l'envoi

d'une lettre intempestive, sans but, sinon incohérente.

, L'auteur trouve l'explication psychologique de ce fait dans le

changement de la personnalité qui se produit dans tout accès de

468 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

folie. Alors que les malades, guéris d'un accès, sortent de l'asile,

ils ne manquent pas de manifester une horreur bien connue pour

les médecins, le directeur et tout ce qui, même de loin, leur rappelle

l'asile. Survient un nouvel accès, alors la personnalité change.

Dans le nouvel état morbide, le malade oublie la vie normale et

les sentiments, les idées, les actes qui l'éloignaient de ses souvenirs

d'internement, il reprend la personnalité qui s'était manifestée

dans les accès antérieurs, ayant déterminé le placement, et il tend

à continuer l'existence pathologique du premier accès. Ainsi fût-il

même matériellement au dehors et, loin de l'asile, il revit menta-

lement pour ainsi dire l'existence qu'il y avait menée précédem-

ment. Des séries de souvenirs se présentent il sa conscience plus

ou moins obnubilée, aboutissant en dernier terme au retour à

l'asile. J. Séglas.

LVI. Les réflexes superficiels ET PROFONDS comme moyen DE D1.\-

gnostic dans LES maladies mentales; par AGOS'rlNl. (Riv. sp. di

frein., t. 1, fasc. 111-1V.)

Dans la folie épileptique, la sensibilité à la douleur est la plupart

du temps diminuée, les réflexes cutanés et muqueux faibles, les

idio-musculaires et les tendineux accentués, le plantaire souvent t

marqué. Après l'accès, le réflexe plantaire est encore plus éner-

gique avec tremblement et trépidation épileptoïde; les tendineux

et idio-musculaires sont plus intenses; les cutanés et les muqueux

faibles ou nuls, la sensibilité à la douleur moindre.

Dans la folie paralytique, à la période initiale, la sensibilité à la

douleur est quelquefois abolie, les réflexes culanés sont affaiblis

ou font défaut; le plantaire l'est moins; les tendineux et idio-mus-

culaires sont exagérés, - A la seconde période, exagération du plan-

taire, affaiblissement de la sensibilité à la douleur. - A la troisième

période, la sensibilité à la douleur devient très faible, les réflexes

cutanés et muqueux nuls, les tendineux faibles ou absents, les idio-

musculaires énergiques.

Dans les accès épileptiques ou congestifs, la sensibilité à la dou-

leur est faible ou nulle, les réflexes cutanés ou muqueux manquent,

les tendineux et idio-musculaires exagérés, plus du côté intéressé.

En répétant les percussions, on obtient des tremblements fibril-

laires spasmodiques qui passent du membre au tronc et se diffusent

dans le membre de l'autre côté.

Dans la folie alcoolique, exagération fréquente de la sensibilité à

la douleur, des réflexes plantaire, idio-musculaire, tendineux; les

autres, culanés et muqueux, sont faibles. - Dans la folie pella-

greuse, hypoalgésie : atténuation des réflexes culanés ou muqueux,

exagération des tendineux, des idio-musculaires et souvent du

plantaire.-Dans la folie hypocondriaque, hyperalgésie; rapidité

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 469

des réflexes cutanés et muqueux, exagération des tendineux et

idio-musculaires. Dans la folie hystérique, faiblesse de la sensi-

bilité à la douleur, des réflexes cutanés ; les muqueux et idio-mus-

culaires sont normaux, le patellaire rapide.

Dans la manie, sensibilité à la douleur vive; réflexes cutanés et

muqueux normaux, ainsi que les idio-musculaires et tendineux.-

Dans la mélancolie, la sensibilité à la douleur est normale, ou

exagérée; les réflexes culanés et muqueux normaux, les tendineux

et idio-musculaires plus vifs. Dans la stupeur, les cutanés et mu-

queux s'affaiblissent : la réaction à la douleur, faible en apparence,

est bien conservée; les réflexes tendineux et musculaires sont

exagères. Dans la neurasthénie, hyperalgésie, exagération de

tous les réflexes.

Dans la paranoïa, les réflexes restent normaux, la sensibilité à la

douleur est parfois diminuée.-Dans l'imbécillité, la sensibilité à

la douleur est au-dessous de la normale; les autres réflexes ra-

pides, les tendineux vifs. - Dans l'idiotie, la sensibilité à la douleur

est faible, de même que les réflexes cutanés et muqueux; les idio-

musculaires et les tendineux rapides. Dans les démences secon-

daires, hypoalgésie, faiblesse ou absence des réflexes cutanés,

faiblesse des muqueux : les tendineux et idio-musculaires sont

normaux ou exagérés. ,

A remarquer la façon différente dont se comportent les réflexes

cutanés et tendineux représentés évidemment dans la substance

grise spinale par deux systèmes diastaltiques différents, si bien

que les uns peuvent être atteints, sans que les autres soient

troublés.

Dans les affections de l'écorce, les troubles de la sensibilité gé-

nérale confirment la théorie qui y fait résider, unis aux centres

moteurs, des centres pour la sensibilité générale : la diminution ou

l'abolition des réflexes cutanés prouve qu'il s'y trouve des centres

coordinateurs ou excitateurs correspondants; l'exagération des

réflexes tendineux, qu'il existe des fibres psychomotrices inhibi-

toires. J. Ségus.

LVII. UN cas DE démonopathie; par BONFIGLI, (Riv. sp, di, fl'8l2.,

t. XX, fasc. III IV.)

Il s'agit d'un fait de démonopathie rentrant dans le cadre des

idées fixes ou paranoïa rudimentaire L'auteur émet à ce propos les

considérations suivantes : les idées fixes ou paranoïa rudimentaire

naissent dans des cerveaux faibles originairement ou d'une façon

acquise, à la suite de sensations violentes, nouvelles ou adéquales

aux tendances de l'individu, agissant comme suggestion directe et

provoquant des processus d'autosuggestion. - Le même méca-

nisme psycho-pathologique s'applique en grande partie à l'origine

470 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

de la paranoïa; mais alors le cerveau des malades est encore plus

atteint.

Les choréiques du moyen âge, les démoniaques du XVIIe siècle et

des suivants, les convulsionnaires, les extatiques, les premiers

adeptes de presque toutes les sectes religieuses, et peut-être aussi

politico-sociales, n'étaient pas essentiellement et nécessairement

.des malades atteints de grande hystérie ou d'une autre névrose

mais étaient bien des individus énormément suggestibles, qui

selon les conditions originelles ou acquises de leur cerveau, à force

de suggestions intenses étaient devenus ou paranoïaques rudi-

mentairta ou paranoïaques vrais.

Parmi eux pouvaient certainement se rencontrer des hystériques

ou autres névropathes, aussi facilement suggestibles : et même les

paranoïaques hystériques devaient ainsi être ceux qui frappaient

le plus les observateurs et renforçaient les suggestions pour les

autres encore indemnes; mais la grande masse était des faibles

d'esprit sans trace aucune d'hystérie ou d'autres états voisins.

Le traitement de la démonopathie, lorsqu'elle n'a pas atteint le

degré de paranoïa proprement dite, et représente seulement une

idée fixe, une paranoïa rudimentaire, doit consister essentiellement

dans l'emploi des moyens hygiéniques et thérapeutiques qui peu-

vent raffermir l'organisme, en même temps que le cerveau ; et aussi

dans le traitement moral, visant à mettre un terme à la suggestion

point de départ de l'idée fixe (isolement) et à lui opposer de nou-

velles suggestions en opposition avec elle. J. Ségalas.

LVIII. MAL DE BRiGIIT ET folie; par le D'' BO : \DUIIANT.

Au cours des recherches faites depuis plusieurs années à l'asile

d'aliénés de l'Alabama, l'auteur a trouvé des signes de lésions

chroniques du rein chez 50 p. 100 des malades atteints de folie

chronique. Les faits recueillis lui permettent de soutenir cette opi-

nion que chez la plupart des malades atteints en même temps de

néphrite et de folie, c'est la néphrite qui est la cause de la folie,

cette dernière n'étant qu'un symptôme mental de l'intoxication

,rémique aiguë ou chronique. (American journal of insanily,

uillet 4895.) E. B.

LIX. CONTRIBUTION A la CRANIOLOGIE des aliénés; par IIIBTO,

(Annali di Nevrologia, III, IV, V, 1894.)

LX. SUR la rétinite DES paralytiques, NOTES lIlSl'OLOGlQUC5;

par CoLucci. (Annali di Nevrologia, 111, IV, V, 1894.)

LXI. Nouvelles recherches ET considérations sur LE champ visuel

DES fous moraux; par de Sanenis. (Riv. sp. di fi-ci ? t. XX,

fasc. Ill-IV.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 471 L

LXII. Les arcades SOUBCILIi : ftES ET LES sinus frontaux chez les

aliénés; par GL11\1SLLL(l3ev. sp. di (l'en, V. XX., fasc. III1V.)

LtIII. Craniouétrie ET CÉPIL1L011CTBTE dans L'IDIOTIE

ET l'imbécillité ; par le Dr F. PETEIt50`I.

De nombreuses mensurations faites par l'auteur lui ont donné

les résultats suivants :

Dans tous les cas d'hémiplégie spasmodique infantile, le crâne

est plus ou moins diminué en volume du côté opposé à la para-

lysie. Il existe une tendance prononcée à la diminution de tous les

diamètres crâniens : elle est si marquée en général pour les dia-

' mètres transverses qu'elle permet de ranger ces crânes parmi les

leptocéphales. Alors que tous les crânes sont au-dessous des dimen-

sions moyennes, plus de -il p. 100 sont au-dessous des plus basses

limites des variations physiologiques, dans quelques-unes de leurs

dimensions. L'lI1té ! êt anthropologique de ces recherches est de

montrer les rapports de développement qu'il y a entre les diverses

portions du cerveau et les parois crâniennes adjacentes. (Aine-

rican journal of insanil, juillet 1895.) E. B.

LXIV. Paranoïa avec impuissance psychique ; par le Dr IIUGaES.

Intéressante observation d'un malheureux persécuté à qui «des

ennemis mystérieux et inconnus viennent, pendant le sommeil,

déloberson sperme », d'où la raison de son impuissance absolue.

11 n'existe, du reste, aucune malformation du côté des organes

génitaux. (The alienist and neurologist., juillet 1895.) E. B.

LXV. Paranoïa morale ; par le Dr W. BARR.

L'auteur divise la paranoïa en deux sortes : la paranoïa men-

tale dans laquelle l'intelligence est dominée par une ou plusieurs

idées fixes ou par des idées délirantes, sans que le sens moral soit

forcément atteint et la paranoïa morale dans laquelle le sens

moral est seul atteint, l'intelligence restant le plus souvent

indemne, quelquefois même étant très développée. Ces deux

variétés de paranoïa ont pour caractère commun une sorte d'exal-

tation', d'hypertrophie du « moi ».

Dans une première série la paranoïa morale, autrement dit la

folie morale, comprend ceux chez qui de mauvaises conditions

d'entourage, de développement, quelquefois un accident ou une

maladie, ont affaibli le sens moral, ce dernier restant encore

capable d'un certain développement.

.Une seconde série comprend ceux chez qui des tendances dégé-

nératives accumulées par plusieurs générations ont déterminé une

472 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

atrophie complète du sens moral : cet état de perle complète du

sens moral n'est pas sans être compatible avec une grande intelli-

gence, ce qui rend ces malades doublement dangereux.

Quelles sont les mesures à prendre pour sauvegarder la société ?

Tout d'abord, dès l'enfance les enfants devraient, aussitôt que

faire se peut, être divisés en différentes classes correspondant à

leur niveau moral. Les avantages de ce système seraient doubles :

'en effet, d'une part les enfants normaux ne seraient pas conta-

minés et d'autre part, chez les enfants atteints d'imbécillité morale,

l'émulation, le travail intellectuel poussé trop loin ne peuvent

qu'être nuisibles.

Pourquoi n'exigerait-on pas, pour accepter les enfants à l'école,

un certificat constatant l'absence de troubles nerveux ou moraux,

tout aussi bien qu'un certificat de vaccination ?

Quant aux mesures de défense à prendre contre des malheureux

chez qui le sens moral est totalement absent, elles sont aussi

nécessaires pour la société que délicates et difficiles à indiquer.

Isolera-t-on' rigoureusement dans quelque asile ou dans quelque

région perdue ces malheureux ou ulilisera-t-on l'innocuité relative

des opérations chirurgicales pour les empêcher de procréer ? L'au-

teurne se prononce pas. (The alienist and neztaoloist.; juillet 1893.)

LXVI. UN cas DE psychose polynévritique; par le Dr P. SOLLIER.

- Intéressante observation du syndrome clinique décrit par Kor-

sakoff sous le nom de psychose polynévritique.

Il s'agit d'une malade alcoolique. Les troubles psychiques furent

les premiers en date, sous forme d'affaiblissement de l'activité

intellectuelle, d'idées hypocondriaques, d'irritabilité, de con-

fusion mentale, d'amnésie, de cauchemars puis se développa brus-

quement une polynévrite très accentuée avec paralysie complète

des muscles des membres, du tronc et de la nuque et atrophie

seulement bien nette aux mains.

Les troubles délirants disparurent les premiers, mais l'amnésie et

les troubles névritiques ne disparurent que lentement et dans une

évolution parallèle qui montre qu'il y a entre ces deux phéno-

mènes primordiaux autre chose qu'une simple coïncidence mais

bien un rapport étroit dû vraisemblablement à une lésion unique

affectant l'ensemble du système nerveux. (Revue neurologique,

août 1895.) E. B.

LXVII. ETUDE sur un cas DE tabès U1>IRADICULAIRE CHEZ un

paralytique général ; par le D1' Nageotte

L'auteur a déjà attiré l'attention sur une lésion de névrite inters-

titielle transverse qui siège, chez les tabéliques, sur le nerf radie

culaire, au voisinage du ganglion et qui lui a paru être la caus-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 473

immédiate de la dégénérescence secondaire du système radicu-

laire extérieur, en un mot de la lésion essentielle du tabes. Le

nouveau cas dont il donne la description complète, met bien en

relief le rôle et le mode d'action de la névrite radiculaire trans-

verse et montre bien l'origine radiculaire, exogène par consé-

quent, du tabes qui complique si souvent la paralysie généralepro-

gressive. Dans une moelle de paralytique général quelques filets

radiculaires ont subi une dégénérescence ascendante; puis, dans

les nerfs radiculaires, on trouve du haut en bas une lésion légère-

ment ébauchée qui subitement s'exagère au niveau des racines

précisément qui contiennent ces filets : cette névrite radiculaire

transverse atteint les deux racines antérieure et postérieure.

En résumé, il paraît exister, dans les portions de racines com-

prises entre la sortie du canal durai et le ganglion, une sorte de

point faible où, en vertu de dispositions physiologiques que nous

ignorons encore, se développerait une lésion spéciale, névrite

radiculaire transverse, antérieure à toute dégénérescence paren-

chymateuse et constituant la première étape du processus tabé-

tique. (Revue neurologique, juillet 1895.) E. B.

LXVIII. LES sentiments ET LES passions dans LEURS rapports avec

l'aliénation mentale; par le Dr H. Dagonet.

Ramenant avec Henaudin les divers sentiments à trois chefs

principaux, le sentiment de la personnalité, les sentiments affectifs

et le sentiment religieux, l'auteur montre, avec des exemples à

l'appui, l'influence que les sentiments et les passions viennent

exercer non seulement pour développer l'aliénation mentale mais

encore pour en déterminer la forme particulière, suivant qu'ils

sont exagérés, affaiblis ou pervertis.

Aussi, pour être rationnelle, la classification des maladies men-

tales, envisageant J'individu atteint d'aliénation mentale et au

point de vue de l'altération de l'intelligence, et à celui îles facultés

morales, devrait comprendre tous les éléments pathologiques qui

caractérisent non seulement la folie mais aussi la forme spéciale

du délire.

C'est ainsi qu'à côté des folies mentales et impulsives et de cer-

taines formes de délire systématisé à caractère affectif, les troubles

de la personnalité pourraient de leur côté constituer une forme

principale d'aliénation mentale.

Si la classification des maladies mentales semble difficile à mo-

difier dans l'état actuel de la science, il ressort nettement du tra-

vail de l'auteur que l'élément passionnel est un signe clinique dont

il faut tenir plus grand compte, lorsqu'il s'agit de déterminer

nettement la forme particulière que revêt l'affection mentale.

(Annales médico-psychologiques, août 1893.) E. B.

474 l1 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

LTI1. Considérations cliniques SUR l'étiologie ET la nature

DE l'épilepsie tardive chez l'homme; par le D"' nlAU1'.1TÉ.

L'auteur considère comme tardive l'épilepsie qui débute après

trente ans : sur 120 épileptiques il n'en a rencontré que 20 pouvant

rentrer dans cette catégorie. L'épilepsie tardive n'est qu'une simple

; variété de la grande épilepsie qui emprunte à l'âge auquel elle

survient et aux causes qui la provoquent, quelques caractères spé-

ciaux. Elle ne se manifeste pas en dehors d'une prédisposition

héréditaire, toujours dégénérative; mais elle est néanmoins symp

tomatique, si on entend par là qu'elle est consécutive à une désor-

ganisation du cerveau par des agents bien connus, et liée dans

une certaine mesure à l'évolution de ces agents.

Les manifestations sont sensiblement celles de l'épilepsie vul-

gaire : une fois déclarée, elle peut, soit s'améliorer rapidement,

quand disparaissent ses agents producteurs, soit rester station-

naire : dans ce cas, la démence précoce qui est la règle, semble,

comme les troubles mentaux surajoutés, devoir être attribuée

moins à l'épilepsie qu'à ses agents producteurs. Le traitement

sera celui de l'épilepsie en général, combiné avec la suppression

ou la guérison des causes. (Annales médico- psychologiques,

août 1895.) E. BtIN.

LXX. L'inversion sexuelle; par )-L1VELOCIC ELUS.

(iliedico-lpgitl journal, septembre 189r.)

C'est une revue de la question où l'auteur rappelle sommai-

rement les travaux allemands de lVestplal, Casper, Ulrichs, Krafi't

Ebing, illoll, Moritz, ceux de Ritti, Tomassio, Lombroso, Moreau,

Magnan, Charcot, 1'arnowsh;y, Lacassagne et ses élèves. Il rappelle

es procès américains récents d'Alice Milchell et Guy Olmstead.

A. Marie.

LXXI. Folie dlennorriiagique ET PYOPIIRÉNOES ; par le professeur

S. Venturi.

Dans la première partie de son travail, l'auteur apporte de nou-

veaux faits cliniques à l'appui de ses idées sur la folie blennorrha-

gique. Les malades dont l'histoire est rapportée n'appartiennent

plus à la catégorie des hébéphréniques, .parmi lesquels se recru-

taient les dix-sept observations relatées dans une première publi-

cation, d'où la déduction que, quoique la blennorrhagie soit plus

fréquemment en raprort avec la folie hébéphrénique, elle est

capable aussi de provoquer des troubles mentaux chez des sujets

adultes.

La forme de folie observée a élé dans un cas un délire mélan-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. j5 5

colique ; dans un autre un état d'excitation maniaque : dans ces

deux cas, la blennorrhagie a servi peut-être seulement de cause

occasionnelle au développement de la maladie mentale préparée

déjà par l'hérédité ou la dégénérescence. Dans un troisième cas,

l'infection blennorrhagique a déterminé une véritable démence

paralytique, faisant ainsi faire un pas de plus à cette idée que la

paralysie générale n'est qu'une maladie d'origine infectieuse.

Si de la blennorrhagie ordinaire il peut résulter des arthrites,

péricardites, névrites, méningites par migration de l'élément infec-

tieux spécifique, y a-t-il quelque fondement à accepter que cela

peut arriver aussi par suite de la migration de l'élément infectieux

des écoulements purulents non gonococciques ? La clinique répond

affirmativement, car elle est bien connue, la migration des cocci

en général et, en particulier, celle des staphylocoques pyogènes

et des streptocoques. Dans cet ordre d'idées, l'auteur rapporte deux

cas démonstratifs comme preuve de l'existence d'une folie consé-

cutive à des écoulements vaginaux purulents et contagieux, bien

quc n'élant pas liés au gonocoque de Neisser, et propose, en con-

séquence, d'accepter dorénavant l'existence non seulement de la

folie blennorrhagique, mais d'une classe de folies, que l'on pour-

rait appeler pyophrémes, dont la folie bJennol'l'hagique serait une

espèce, en rapport direct avec un élément infectieux spécifique ;

les folies puerpérales, celles qui sont dues à des écoulents puru-

lents des intestins, des bronches, des poumons, du nez, etc., cons-

titueraient autant d'espèces différentes, en rapport avec d'autres

cocci pathogènes. (Annales médico-psychologiques, oct. 1895.) E. B. ,

LXXII. GLIOS.1BCOIE du CERVRLET ; par PASQUALE de MICHELE,

(Annali di Nevrologia, fasc. III, IV, V, 1894.)

Les gliosarcomes peuvent réellement quelquefois, revêtir l'allure

d'un processus inflammatoire chronique. Ils ont alors plutôt l'aspect

de foyers multiples, comme la syphilis et la tuberculose des centres

nerveux, que de véritables néoplasmes. Leur allure clinique, leur

structure histologique font soupçonner une origine infectieuse. Les

symptômes les plus importants pour le diagnostic de siège des

processus intéressant le vermis inferior sont l'incurvation latérale

de la colonne vertébrale, l'allaiblissement progressif des membres

jusqu'à la paralysie, l'hypotrophie générale, l'émission de cris

inconscients. Les données anatomo-cliniques sont en accord com-

plet avec les résultats obtenus par l'expérimentation physiologique.

J. SÉGLA.

LXXIII. Sur L4 topographie DU LOBULE DE BROC\. Contribution A

la topographie CR 1,N[O-CLRÉ13R.Lr; par FALCOXE, (Annali di Ne¡;"o-

logia, III, IV, V, 1891.)

476 sociétés savantes.

LXX1V. L'ataxie héréditaire; par G. Fornario.

(Annali di nevrologia, fasc. VI, 1894.)

Observations d'ataxie héréditaire chez trois individus d'une même

famille. La discussion de ces observations amène l'auteur à conclure

qu'il n'est pas possible cliniquement de différencier d'une façon

cerlaine l'ataxie héréditaire spinale ou simplement cérébelleuse

de l'ataxie cérébelleuse et spinale; que l'absence du réflexe rotulien

peut être un signe important en faveur de l'affection spinale sans

en être toutefois exclusive; que de légers troubles psychiques ne

sont pas incompatibles avec le tableau typique deFriedreich; que ce

tableau de la maladie de Friedreich même circonscrit aux formes

absolument spinales, correspond précisément au tableau des expé-

rimentations sur les ablationsdu cervelet; qu'anatomiquement on ne

peut méconnaître l'existence de formes essentiellement spinales et

de formes cérébelleuses et spinales. J. SGL.15.

L1V.SUR LA SIGNIFICATION ONTO-PH7LOGÉNIQL : E DU PROCESSUS FRONTAL

chez l'homme; par pE\T.1. (Annali di nevl'ologia, fasc. I, 189L)

LXXV1. Sur LE tabès traumatique Er la pathogénie du TADES EN

général; par Hitzig. (Annali di nevrologia, fasc. I, 1891.)

LXXV11. SUR LES lésions DE L4 base DE l'encéphale D4NS LE tabès;

par l'ACEf11. (Riv. sp. di flein., t. XX, fasc. Ill-IV,)

LXXVIII. RECHERCHES expérimentales SUR la fatigue des muscles

de l'homme sous l'action des poisons nerveux, par Rossi. (Riv. sp.

di '7'e72., t. XX, fasc. 111-IV.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

LXIH<= SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES

DE L'ALLEMAGNE ORIENTALE.

Breslau, 25 novembre 1893.

M. FUEUND (de 13reslau). Sur les troubles psychiques de la névrose

traumatique (avec présentation de malades). - Cette communica-

tion sera publiée ultérieurement in extenso.

SOCIÉTÉS savantes. 477

Discussion : M. PICK (de Prague) fait remarquer que l'on connaît

depuis longtemps des cas d'hallucinations se produisant par accès

et d'une façon toujours identique : Baillarger a rapporté l'histoire

d'une femme qui, ayant été blessée au crâne par la chute d'un pot

de fleurs, voyait se produire par accès une hallucination reprodui-

sant la scène de l'accident. On connaît bien également les obser-

vations de filles hystériques qui,à lasuite d'un viol, voient au cours

de leurs attaques se dérouler la scène du viol.

M. Pick rappelle qu'à une époque où la névrose traumatique

n'avait pas encore attiré l'attention générale, ni été l'objet d'une

étude particulière, il avait déjà publié un grand nombie de cas de

folie traumatique. (Prager JIedie. Wochensch¡ ? 187\), 1880.) 11 a

insisté sur ce fait que dans ces cas l'affaiblissement intellectuel

s'accompagne de la conscience de l'état maladif. On voit les sujets

atteints de névrose traumatique conserver, même dans les stades

avancés de l'affection, la conscience de leurs défectuosités psy-

chiques, tandis qu'au contraire, dans la paralysie générale, la perte

de la conscience de l'état maladif est caractéristique, dès la période

de début.

M. H.411N (de Breslau). Examen anatomo- pathologique du cas de

cécité corticale, publié par Lissauer dans le tome XXI des Archiv

f. Psychiatrie. Le malade est mort de pneumonie deux ans après

l'examen clinique de Lissauer. Aucune modification ne s'était pro-

duite dans les symptômes de cécité.

Autopsie. Hémisphère gauche. Oblitération par embolie de

l'artère cérébrale postérieure, au niveau des tubercules quadriju-

meaux ; ramollissement consécutif du cunéus, du précunéus et du

lobule lingual. La lésion s'étend jusqu'au ventricule largement

dilaté, et en avant gagne, en diminuant d'étendue, le bourrelet du

corps calleux. Le bourrelet est intéressé, surtout dans sa partie

inférieure et a perdu les deux tiers de son volume; on y trouve des

corps granuleux en quantité. Atrophie des circonvolutions voisines

des lobes occipital, temporal et pariétal.

Hémisphère droit. Pas de lésions en foyer, mais une atrophie

manifeste du lobe occipital.

Les coupes des deux hémisphères ont montré les lésions suivantes

des faisceaux d'association (méthode de Pal) : à gauche, dégéné-

rescence des fibres du corps calleux, diminution notable des fibres

du faisceau sagittal interne, dégénérescence complète du faisceau

sagittal externe, disparition du faisceau transverse du cunéus.

A droite, dégénérescence presque totale des fibres du corps calleux

dans le lobe occipital; tapetum droit plus pauvre en fibres que le

gauche.

En résumé : lésion en foyer du centre visuel du côté gauche et

rupture des faisceaux d'association des deux lobes occipitaux; dégé-

478 sociétés savantes.

nérescence des faisceaux optiques du côté gauche, des voies reliant

le centre visuel au centre acoustique du côté gauche, et de celles

unissant le centre visuel droit intact au centre acoustique gauche.

De telles lésions sembleraient n'avoir dû déterminer que de l'a-

phasie optique : (perte de la possibilité de dénommer les objets

vus, tout en les reconnaissant). Aussi Lissauer dans son étude cri-

tique sur la lésion qui pouvait être admise comme cause du syn-

drome clinique, avait-il supposé l'existence d'un foyer situé à la

face interne du lobe occipital de l'hémisphère gauche et celle

d'un second foyer dans la substance blanche de l'hémisphère

droit. On peut expliquer le désaccord apparent entre les lésions et

les symptômes observés par les altérations profondes du bourrelet

du corps calleux. Le bourrelet renferme probablement les fibres

commissurales qui relient la surface interne et la convexité des

lobes occipitaux, les deux circonvolutions temporales, les deux lobes

occipitaux. De ces faisceaux un grand nombre ont été détruits par

la dégénérescence primitive du bourrelet. Consécutivement à l'alté-

ration des fibres d'association, les cellules qui leur correspondent

ont dû dégénérer, comme le prouve l'atrophie des circonvolutions

des deux lobes occipitaux. La dégénérescence accusée du bourrelet

du corps calleux paraît correspondre à la cécité corticale observée

en même temps qu'à l'aphasie optique.

Lxn° SÉII\CE - Breslau, 3 mars 18894.

1\1. HAH11 (de Breslau). Recherches anatomo-pat1wlogiq¡¡es sur un

cas d'absence d'un hémisphère cérébelleux. - Il s'agit d'un idiot âgé

de dix-sept ans, fils de buveurs. Convulsions trois jours après la

naissance. Au onzième jour, attaque apoplectiforme avec paralysie

du côté droit. Les convulsions continuent ensuite à se manifester.

Contracture et atrophie des muscles des extrémités droites. Niveau

mental d'un enfant de deux ans. A seize ans on constate les sienes

suivants : à gauche, ptosis de moyenne intensité, obtusion de la

sensibilité à la douleur dans la pallie supérieure du territoire

innervé par le trijumeau, légère parésie du facial, déviation de la

langue à droite. A droite, atrophie musculaire et contracture des

extrémités, légère obtusion de la sensibilité. Les mouvements du

globe de l'oeil gauche sont limités, surtout en dehors. Troubles de

la convergence.

Autopsie. L'hémisphère gauche du cervelet est réduit au quart

de son volume ordinaire; il renferme deux foyers de dégénéres-

cence : l'un, gros comme un noyau de prune, dans la substance blan-

che ; l'autre situé dans la partie sensitive de la moitié gauche du pont.

La pyramide gauche et le faisceau pyramidal du côté droit sont

moins volumineux, mais ne contiennent pas de fibres dégénérées

L'olive droite est atiophiée; les cellules en sont en majeure partie

SOCIÉTÉS savantes. 479

dégénérées. Les fibres arciformes externes gauches sont plus

rares qu'à droite; il en est de même des faisceaux du pont. Un des

foyers de ramollissement s'étend jusqu'au noyau de l'oculo-moteur

commun. L'auteur pense que les troubles de coordination des mus-

cles de l'oeil peuvent s'expliquer par la rupture des voies d'associa-

tion entre le cervelet et les noyaux des muscles des yeux.

M. VERNICâE, est d'avis de rattacher les troubles des mouvements

volontaires des globes oculaires aux lésions intéressant le raphé.

Il a observé un cas dans lequel une altération du raphé a déterminé

des troubles dans les mouvements des yeux.

M. FREUND (de Breslau). Démol1st ! o.tion d'un cas de surdité cor-

ticale (aphasie sensorielle sous-coilicale ? ) Sera publié in extenso

dans les Arcle. f. Psychiat.

M. ADLER (de Breslau) fait connaître un cas de vertige unilatéral. Le

malade, un homme de trente-un ans, est devenu dur d'oreilles à la

suite d'une chute sur la tête, et éprouve en outre des phénomènes

vertigineux d'une nature spéciale. Lorsqu'il tourne la tête ou qu'il

penche le corps du côté de la blessure, il chancelle, il croit voir

tourner les objets qui l'entourent du même côté et éprouve une

sensation de vertige. L'auteur cherche à donner l'explication de ce

cas par la théorie d'Ewald sur les fonctions du labyrinthe.

LXv° séance. - Breslau, 1er juillet 1894.

M. Pieu (de Prague). Communication sur la pathologie du système

nerveux central. L'auteur communique d'abord un cas de

tumeur des nerfs optiques dans lequel, à part un oedème double

des papilles suivi d'atrophie, aucun autre symptôme ne pouvait

faire supposer l'existence de la lésion trouvée à l'autopsie (il n'y

avait pas d'exophtalmie). Les nerfs optiques étaient infiltrés d'une

production myxo-sarcomateuse qui les avait englobés depuis les

globes oculaires jusqu'au chiasma, sans déterminer la formation

d'une tumeur proprement dite.

M. Pick montre des préparations d'un myome développé à la

partie postérieure de la moelle lombaire. Cette néoplasie avait

pris naissance aux dépens des fibres lisses des tuniques moyenne

et adventice des artérioles. Dans un autre cas, M. Pick a montré de

semblables myomes dans les parois musculaires des artérioles

médullaires d'un sujet atteint de démence sénite.

M. NEISSER (de Leubus). Paralysie progressive avec atrophie muscu-

laire, spinale progressive. L'auteur a déjà publié un cas de ce genre

(Allg. Zeilsch. f. Psychitit., t. XLIX). Dans l'observation qu'il commu-

nique actuellement il s'agit d'un homme de trente-huit ans, sans

antécédents syphilitiques, qui a présenté des troubles psychiques

depuis février 1893 : insomnie, incohérence, inertie, irascibilité,

480 sociétés savantes.

hypochondrie. Il entre à l'asile cinq mois après : on ne constate pas

d'atrophie musculaire. Les symptômes intellectuels consistent en

une perte très accusée de la mémoire, des alternatives d'hypochon-

diie et d'euphorie, des hallucinations de tous les sens survenant

par intervalles. Inégalité pupillaire, abolition du réflexe pupillaire

à droite, parésie faciale, troubles de la parole, tremblement] des

- lèvres et de la langue, exagération des réflexes rotuliens, démarche

à la fois spastique et parétique, A la fin de 1893, le malade entre en

rémission. En janvier suivant on constate une atrophie de l'émi-

nence thénar de la main gauche. Depuis lors l'atrophie muscu-

laire a suivi une marche progressive. Les interosseux, les muscles

de l'éminence thénar de la main droite, les muscles du pouce, le

triceps du côté gauche sont intéressés, ainsi que le deltoïde droit.

Les muscles atrophiés ne réagissent pas sous l'influence des cou-

rants faradiques ou réagissent faiblement. L'examen avec le

courant galvanique a fourni la réaction de dégénérescence pour

un certain nombre de muscles. Pas de tremblements fibrillaires.

Pas de troubles de la sensibilité aux membres supérieurs. Dans ce

cas, contrairement aux faits connus actuellement, la paralysie

progressive a précédé l'apparition de J'atrophie musculaire pro-

gressive.

M. Bonhoffer (de Breslau) veut prouver en s'appuyant sur un

cas de psychose aiguë qu'il a observée, qu'il n'est pas rare de

constater dans certaines psychoses, à forme de confusion et de per-

plexité, des manifestations qui se rapprochent de la cécité corticale

et de l'asymbolie et qui seraient le substratum de l'affection.

La malade dont il s'agit, après une période prodromique de

mélancolie anxieuse ayant duré un mois se trouvait depuis quel-

ques jours dans un état de profonde confusion. Elle ne s'orientait

plus dans sa chambre, ne retrouvait plus son lit, ne savait plus se

servir des objets usuels, se servait de sa chaise comme cabinet

d'aisances, se coiffait de sa robe, mordait à même un morceau de

savon et ne crachait ce qu'elle en avait pris qu'avertie par la sen-

sation gustalive.

La lecture et l'écriture étaient devenues impossibles. La malade

comprenait les paroles qui Lui étaient adressées. Tandis que les

troubles de nature sensitive s'amendèrent rapidement, les symp-

tômes moteurs persistèrent plus longlemps. Tous les mouvements

des extrémités, de la langue, etc., étaient exécutés à faux. La déglu-

tition était entravée, la parole embarrassée. Par intervalles un

élat de légère confusion se surajoutait à ces manifestations d'asym-

bolie motrice.

M. Heilbronner (de Breslau). Un cas d'asymbolie. - Il s'agit

d'un homme de quarante-trois ans, buveur. Le début de la maladie

est brusque : maux de têle, impossibilité de se tenir debout; puis

sociétés savantes. 481

paralysie du moteur oculaire externe droit, ptosis bilatéral, inéga-

lité pnpillaire (pupille droite plus large), léger degré de paralysie

du facial droit. Au point de vue psychique : état de confusion;

la station et la marche sont possibles; mouvements compliqués

des mains, pas de signes d'hémiplégie, ni d'aphasie, mais symp-

tômes très nets d'asymbolie : ce malade tient énergiquement

ce qui lui est donné, sans paraître avoir notion de l'usage de

l'objet. Avec la disparition de la confusion, les symptômes d'asym-

bolie deviennent plus nets; on constate des réactions erronées;

parfois il semble que le patient ait d'abord l'intention d'exécuter

un mouvement normal, puis une erreur se produit secondairement,

au cours de l'exécution de l'acte. A diverses reprises les objets

présentés furent correctement dénommés, mais le patient n'en

comprenait pas l'usage ou se méprenait sur la façon de s'en servir.

A ce moment on put constater des symptômes d'aphasie de con-

duclibilité. L'auteur rejette l'hypothèse soit d'une asymbolie sensi-

tive, soit d'une asymbolie motrice; il admet l'existence d'une

asymbolie de conductibilité.

Discussion. lI. Pick. Il parait vraisemblable que ce malade

doit avoir des lacunes dn champ visuel. La façon dont il écrit

tendrait à le faire croire.

M. HEILBRO : '1NER, - On n'a pu pratiquer un examen complet du

champ visuel, mais il est possible d'affirmer qu'il n'y a pas d'hé-

miopie.

L'VIO SCANCE. - Breslau, 24 nOI'em ? 'e 1891..

M. Petersen (de Brieg) donne l'observation du malade qui a

récemment commis sur lui un attentat. C'est un homme de vingt-

huit ans qui, employé dans le bureau de la direction de l'asile, s'élança

sur M. Petersen, et lui porta un coup de canif dans le dos « afin

de maître un terme à l'hypnotisme que l'on pratiquait sur lui ».

Ce malade a des antécédents héréditaires : mère nerveuse, père

morphinomane. Rachitisme dans l'enfance. Instabilité et déséqui-

libralion mentales; onanisme. Il y a trois ans, début des idées de

persécution : la police le fait surveiller ; on le regarde, dans la rue,

comme un voleur.

Il en vint enfin à considérer sa mère comme associée à la bande

de ses persécuteurs, et son attitude envers elle devint si menaçante

qu'elle dut renoncer à la vie commune. Le malade fut interné en

juillet 1892. Il est hydrocéphale : son intelligence est normalement

développée; il présente les symptômes habituels de la paranoïa.

En outre il a manifesté à diverses reprises du refus d'aliments; des

états cataleptiformes furent constatés; plus tard il prétendit que

diverses personnes, entre autres le directeur de l'asile, l'hypnoti-

saient, qu'on l'accusait d'avoir commis un crime. A côté de ces

Archives, t. XXX. 31

482 SOCIÉTÉS savantes.

manifestations délirantes se montraient des lacunes morales pro-

fondes. C'est à celles-ci, aussi bien qu'aux conceptions délirantes

proprement dites du malade, qu'il convient de rattacher la tentative

de meurtre commise par ce dernier à la suite d'une longue prémé-

ditation. Cette observation met en évidence combien sont dange-

.reux les aliénés et en particulier les délirants syslémaliques, qui

ont, depuis l'enfance, présenté des défectuosités du sens moral :

ces dernières s'ajoutent en effet plus tard aux idées délirantes.

M. Heilbronner (de Breslau) fait une communication sur la

méthode de Nissl, appliquée à la coloration des cellules des cornes

antérieures de la moelle et des cellules de Purlcinja du lapin et de

l'homme. Présentation de préparations : chez un alcoolique chro-

nique qui avait présenté des symptômes de névrite multiple,

l'examen des cornes antérieures a montré, à côté d'un grand

nombre de cellules normales, d'autres éléments présentant diffé-

rents états de dégénération. Dans les premiers stade5, les altéra-

tions ne se révélaient que dans les parties centrales de la cellule :

au lieu des corpuscules bleu foncé caractéristiques qui se ren-

contrent à l'état normal, on voyait les parties entourant le noyau

présenter un aspect terne. Dans les stades plus avancés la lésion,

au lieu de se limiter à la partie de la cellule entourant le noyau,

s'étendait aux régions périphériques, et certaines cellules parais-

saient remplies d'une masse poussiéreuse. Au stade terminal les

éléments cellulaires avaient perdu leur forme extérieure normale et

se présentaient sous la forme de corps polygonaux ou arrondis. Le

noyau n'avait plus sa situation centrale, mais avait gagné la zone

périphérique. La présence d'altérations des cellules ganglionnaires

de la moelle dans les cas de névrites est d'accord avec ce que nous

savons aujourd'hui de la constitution histologique des névroses.

Si différents observateurs sont arrivés à des résultats négatifs, la

faute en est aux méthodes dont ils disposaient. De nouvelles

recherches doivent être entreprises à l'aide des méthodes d'examen

modernes.

M. Sacns (de Breslau). Observation de ramollissement dans les

deux hémisphères. - Sera publiée ultérieurement in extenso.

M. Wernicke (de Breslau). Sur les psychoses à forme anxieuse. z

La clinique exisie la description d'un groupe spécial de psychoses

à forme anxieuse : dans ce cas le symptôme dominant est l'anxiété,

et c'est lui qui donne la clé de tout l'ensemble symptomatique. Les

idées délirantes associées sont tantôt de simples conceptions,

tantôt elles se manifestent sous la forme d'hallucinations auditives.

Le contenu de ces dernières a trait soit à des dangers qui menacent

l'existence, soit à des attaques contre l'honneur du patient, soit à

des idées d'infériorité, d'auto-accusation, de désespoir. Toutes ces

manifestations sont caractérisées par l'anxiété qui tourmente le

SOCIÉTÉS SAVANTES. 483

patient, que cet état d'anxiété ne survienne que par accès ou

qu'il s'exagère au cours de paroxysmes. La mélancolie avec agita-

tion doit rentrer dans le groupe des psychoses à forme anxieuse,

et n'a rien à voir avec la mélancolie. Les cas nets de psychose

anxieuse non compliquée ont un pronostic favorable.

Les cas compliqués sont plus fréquents, tantôt ce sont les mani-

festations motrices qui s'exagèrent; tantôt la psychose à forme

anxieuse n'est que le premier stade d'une autre forme clinique

qui se greffe sur la première au cours de la convalescence. La

durée de ces psychoses anxieuses est en général brève. L'auteur a

observé un cas qui n'a pas duré plus de quatre jours. Le diagnostic

différentiel doit être fait avec : 1° l'hallucinose aiguë, forme assez

vosine de la psychose anxieuse et ayant également un pronostic

favorable. Les hallucinations et l'anxiété paraissent, dans cette

forme clinique, être dans un rapport de dépendance inverse par

rapport à celui observé dans la psychose anxieuse ; 2 la mé-

lancolie affective ; 3° les psychoses aiguës avec confusion (Allg.

Zeitschr. f. Psychiat., t. LI, fasc. 5, 1895). P. Sérieux.

LE Ve CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE L'ABUS

DES BOISSONS ALCOOLIQUES.

Session de Baie : les 20, 21, 22 août 1895.

Le Congrès a été inauguré lu lundi 19 août, par une réunion

familière des adhérents dans la belle salle de l'Abbaye de la Clef.

Un grand nombre d'étrangers s'y sont déjà trouvés, nous y avons

rencontré plus d'une figure connue; nommons entre autres d'An-

gleterre, MM. Wakely, Fielden, Thorp, Gl'1lnt-Mtlls, Malins, chanoine

Leigh et l'infatigable Miss Gray ; de France, MM. les Drs Magnan,

Legrain, Lucien Puteaux; de Hollande, le ministre d'État

de Heemskerke, Ruysch, Goeman Borgesius, etc. ; de Suède,

M. Kiaer; du Danemark, Mad Selmer; d'Allemagne, MM. Bode,

Tienken, Cirer, Brendel, etc. Nous reçûmes un chaleureux accueil

de la part de nombreux Suisses, parmi lesquels nous avons été

heureux de retrouver le Dr Forci, \111. Bovet, Rochat, Byse, Jules

Denis, llitliet, Naef, etc.

Un abondant buffet était dressé dans la salle, il est à peine

nécessaire de dire que toute boisson enivrante en était strictement

exclue. La réunion se prolongea jusque fort tard dans la soirée.

484 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La première séance s'ouvrit le mardi 20 août à 8 heures du matin a

dans la belle et vaste salle de concerts du Casino. Plusieurs cen-

taines d'auditeurs y étaient réunis. M. Burckhardt (do Bâle) prési-

dait ; à ses côtés siégeaient au bureau le vénérable ministre d'Etat

hollandais, M. de Heemskerke, puis MM. Martin, pasteur à Genève,

miss Charlotte Gray,111. le.D1' Ruysch, tll. Goeman Borgesius, etc.

- Le Président ouvre la séance en souhaitant la bienvenue aux

nombreuses personnes qui assistent au Congrès et notamment aux

étrangers venus de tous les coins du monde. Il montre que toutes

les opinions, politiques, philosophiques et religieuses, sont repré-

sentées dans l'assemblée. Il souhaite que cette union persiste pour

le plus grand bien de la cause de Ja tempérance et il formule le

voeu que les travaux du Congrès de Bâle aient un grand retentis-

sement au dehors et qu'ils exercent une puissante influence sur

la marche de la lutte contre le fléau de l'alcoolisme. Il annonce

que quatre cent soixante personnes ont adhéré au Congrès et que

plusieurs gouvernements ont envoyé des délégués officiels. L'admi-

nistration fédérale des alcools est représentée par 1V711. Milliet,

Cuttat, De Lang; le gouvernement de Bàle-Ville par son représen-

tant, M. Iselin; celui de Lucerne, par M. Virieux ; celui de Fribourg,

par M. Bise, président du tribunal, et le Dr Engelhard. Le Saint-

Siège s'est fait représenter par monseigneur Egger, évêque de

Saint-Gall; le Ministère de l'Instruction publique de France, par le

I)r Lancereaux, membre de l'Académie de médecine; la Ilollande,

par MM. de Heemskerke et Ruysch; la Norwège, par M. Kiaer; la

Russie, par M. Minzlolf, conseiller d'État. Enfin un très grand

nombre de sociétés engagées dans le combat antialcoolique ont

envoyé des délégués; la Ligue patriotique belge contre l'alcoo-

lisme était représentée par MM. Frank, Merzbach, Castiaux, et le

D Moeller.

M. de ICEE31S&ER6C, à qui l'assemblée donne, par acclamation, la

présidence de la première séance, lit un long rapport sur l'histoire

de la lutte contre l'alcoolisme depuis le dernier congrès (La

Haye, 1893). Son discours fut malheureusement peu compris, par

suite de la faiblesse de la voix du vénérable orateur. Résumons,

pays par pays, les faits saillants que nous avons pu saisir : Amérique

maintien des lois prohibitives dans plusieurs États; vaste pétition

pour la prohibition au Canada; Angleterre, présentation du projet

de loi sur l'option locale; chute du ministère libéral qui l'a pré-

senté ; Norwège, attribution au vote populaire (hommes et femmes)

dans chaque commune du droit de supprimer tout débit de bois-

son ; Finlande, disposition analogue; Suède, loi refusant l'action en

paiement des dettes de cabaret; Daraemcrls, vaste pétitionnement

en faveur de l'option locale et de la prohibition de la vente des

spiritueux le samedi soir et le dimanche; Allemagne, proposition

d'un projet de loi sur l'ivresse; France, élévation des droits d'ac-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 485

cise, abolition du privilège des bouilleurs de cru; Belgique, nomi-

nation d'une commission officielle chargée d'élaborer un projet de

loi contre l'alcoolisme; Pays-Bas, activité des sociétés de tempé-

rance ; appui du gouvernement à la lutte contre l'abus des boissons

alcooliques.

Après cette lecture et quelques formalités usuelles, telles que la

nomination des vice-présidents d'honneur, le Congrès aborde son

ordre du jour. En tête figuraient trois communications d'un carac-

tère éminemment scientifique qui ont causé une vive impression et

ont été le vrai clou du Congrès. Nous regrettons de ne pouvoir les

analyser que très sommairement.

M. le Dr Gaule, professeur de physiologie à l'Université de

Zurich, parle de l'usage de l'alcool au point de vue de la physiologie.

Il esquisse l'histoire de l'évolution du mouvement de réaction qui

s'est manifesté contre l'alcoolisme. Au début, dit-il, on considérait

l'alcool comme une boisson inutile ou tout au moins inoffensive.

Si elle produisait des inconvénients, c'est que l'homme en abusait.

De là est venue la doctrine de la modération dans l'usage des

boissons enivrantes. Mais plus tard la science a montré que l'alcool

est toxique en lui-même, qu'il exerce une action délétère sur les

éléments organiques du corps humain et que l'usage, même mo-

déré, était nuisible. De là, la doctrine de l'abstinence totale de

toute boisson forte, doctrine dont les progrès sont très remar-

quables.

L'orateur entre dans des détails anatomiques pour prouver

comment l'alcool exerce une action fâcheuse sur l'organisme vivant.

Il faudrait, conclut-il, que chaque homme se convainquit person-

nellement des dangers de la consommation de l'alcool pour sa

propre individualité; le problème de l'alcoolisme sera vite résolu.

Deux autres communications très remarquables furent présentées

ensuite par le Dr Smith, directeur d'un asile pour buveurs sur le lac

de Constance, et par le Dr Fùrer, assistant à la clinique psychia-

trique de Heidelherg. Ces deux travaux roulaient sur le même

sujet, à savoir l'action de l'alcool sur les phénomènes psychiques.

Nous pouvons les résumer ensemble. Ces deux orateurs ont institué

des expériences psychologiques tout à fait nouvelles.

Ils ont observé les effets de l'alcool sur eux-mêmes, sur un ad-

versaire de l'abstinence et sur d'autres personnes indifférentes. Ils

ont mesuré l'activité cérébrale et la force musculaire de l'individu

à l'aide des méthodes si ingénieuses actuellement en usage (psycho-

physiologie); ils ont traduit graphiquement le résultat de ces

observations au moyen de courbes dessinées sur des planches,

qu'ils ont exhibées au Congrès. Le premier enseignement de ces

expériences c'est que l'alcool peut diminuer à l'insu de celui qui

l'absorbe la capacité de travail de l'homme; deux décilitres de bière

suffisent déjà pour déprécier l'effort intellectuel de l'individu qui a

486 SOCIÉTÉS SAVANTES.

commencé à travailler en dehors de toute influence alcoolique. Des

doses plus fortes agissent encore sur le sujet à un moment où rien

ne lui en révèle les effets. La chute des courbes accuse la chope du

malin ou du soir pendant plus de vingt-quatre heures après son

ingestion. Le dynamomètre enregistre aussi la diminution de force

qui suit infailliblement toute absorption d'alcool. Ici, toutefois, une

- courte augmentation de l'activité physique en précède le ralentis-

sement, mais cette excitation, dont la durée ne dépasse pas vingt

minutes, trahit sa nature anormale par une application plus mala-

droite de l'effort. Les opérations intellectuelles purement machi-

nales présentent aussi, sous l'influence de l'alcool, une recrudes-

cence passagère de rapidité.

Après que les physiologistes eurent décrit les troubles fonction-

nels produits par l'alcool dans le corps humain, il restait à montrer

les conséquences pathologiques de ces troubles, c'est-à-dire à faire

connaître les maladies qui ont l'alcool pour cause. Trois médecins

ont traité cette question : le D'' LEGRAIN, médecin en chef de l'asile

de Ville-Evrard à Paris, le Dr FOREL, médecin-directeur de l'asile

de Burghoelzli en Suisse, et le Dr LANCER EAUX, médecin à l'ilâtel-

Dieu de Paris.

. L'ivresse est une folie passagère; aussi l'alcool est-il le grand

pourvoyeur du groupe des affections mentales. D'après M. Legrain,

le tiers à peu près des cas d'aliénation mentale survenant à Paris

est imputable à l'alcool. Celui-ci est actuellement la principale des

causes qui font sombrer l'intelligence. Quand il ne produit pas

diieclenient la folie, il en prépare et facilite l'éclosion par l'état

d'excitation dans lequel il entretient l'écorce cérébrale. Les descen-

dants d'alcoolisés sont des candidats à la folie, et c'est parmi ces

malheureux que la faute des pères se manifeste le plus lamenta-

blement. Clémente jusque dans ses répressions, la nature limite

cependant elle-même le nombre des victimes en refusant aux pires

alcoolisés la faculté d'avoir des enfants. L'accroissement des cas

d'aliénation mentale a souvent été mis sur le compte de la fiévreuse

activité imposée à tant de cerveaux par la vie moderne. Ce qu'il y

a de vrai, c'est que, travaillant davantage, le cerveau doit être

ménagé et préservé encore plus soigneusement qu'autrefois contre

l'action néfaste de l'alcool. Le Dr Legrain dessine la silhouette du

buveur; il le montre envahi d'abord par l'obésité, passant ensuite

à la maigreur qui présage la fin prochaine d'une vie mal dirigée.

L'autopsie révèle des faits plus instructifs encore. Qu'on vienne à

disséquer le corps d'un de ces hommes jeunes, auxquels l'alcool

donne les apparences d'une surabondance de santé, on ne trouve,

sous cette peau colorée et cette graisse accumulée, que des organes

de vieillard. Un buveur de trente ans a déjà affaibli, modifié son

corps autant que pourrait le faire une vie double de longueur.

C'est M. 1\ ! ILLrET, le directeur de la régie fédérale des alcools,

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 487

qui a attaché le grelot en se déclarant sceptique à l'endroit des

arguments invoqués en faveur de l'abstinence. Reprenant une sta-

tistique américaine, qui a fait beaucoup de bruit, mais qui n'a

jamais été contrôlée, l'orateur prétend que les Etals américains

vivant sous le régime de la prohibition absolue de l'alcool, ont plus

de crimes que les autres. En outre, la population des prisons des

Etats-Unis compterait autant d'abstinents que de buveurs. Les Chi-

nois remplissent l'idéal des conditions rêvées par les abstinents,

car ils se privent de viandes comme d'alcool; et cependant ils vien-

nent encore de se livrer à des massacres qui prouvent leurs ins-

tincts criminels. Qu'on ne parle pas non plus, ajoute l'orateur, de

la supériorité intellectuelle des peuples abstinents. Les anciens

Grecs buvaient, les Américains sont abstinents ; comparez leurs

littératures. Enfin les Grecs ont été battus et asservis par les Macé-

doniens qui buvaient plus encore.

Comme on le comprend, ce plaidoyer en ;faveur de l'alcool sus-

cita de vives protestations et de nombreux orateurs ont répondu à

M. llrlliet. Les Drs Forci, f ürer, Gaule et Smith insistèrent pour

maintenir les conclusions que l'on peut déduire des travaux com-

muniqués le matin. Ils ont un caractère de précision impossible à

contester; ils ont été faits avec toute l'objectivité désirable; on peut

affirmer que le mouvement d'abstinence a désormais'une base

scientifique qu'on ne lui enlèvera plus; ce n'est plus une doctrine

de fantaisie, due à l'empirisme et au fanatisme; c'est une pratique

qui s'appuie sur la physiologie la plus moderne.

D'autres orateurs encore prirent la parole pour répondre à

M. Millietque les comparaisons n'étaient concluantes qu'entre pays

placés dans les mêmes conditions ou entre les diverses phases tra-

versées par un même pays. Ainsi il est prouvé que l'aliénation

mentale est en forte diminution en Norwège depuis que la con-

sommation de l'alcool y est notablement réduite. Voilà un fait pa-

tent vérifié et concluant, qui l'emporte de beaucoup sur les slatis-

tiques tirées de l'Amérique. 11 est vrai que les Chinois ne s'enivrent

pas; mais ils s'adonnent à l'opium; et d'ailleurs les massacres dont

on a parlé ne constituent pas à leurs yeux des actes criminels,

puisque les chrétiens seuls en sont victimes dans la circonstance

que l'on sait. Enfin les Grecs ont pu s'enivrer; mais ils n'ont pas

l'alcoolisme sou= sa forme moderne, la plus pernicieuse de toutes.

En somme ce débat tourna complètement en faveur des absti-

nents qui ont, il faut bien le dire, la logique pour eux. Ce n'est

pas que quelques-uns d'entre eux ne poussent les choses trop loin;

mais quelle est la doctrine qui n'ait pas ses exagérés ? Quel est

le parti qui n'ait pas ses avancés ? La conclusion de cette pre-

mière séance du Congrès de Baie fut, de l'avis de tous, que l'abs-

tinence totale est en voie de faire des progrès rapides et consi-

dérables. Ses partisans deviennent de plus en plus nombreux et

488 SOCIÉTÉS SAVANTES.

on en trouve dans toutes les classes de la société, même parmi

les hommes de science et de haute culture intellectuelle.

La seconde journée était principalement consacrée à l'exposé de

l'activité des associations anti-alcooliques. Mais avant d'aborder

l'ordre du jour, le Président donne la parole au représentant du

pape Léon XIII, Mr Egger, évêque de Saint-Gall, dont l'apparition

a-la tribune et le discours ont été accueillis par des applaudisse-

ments prolongés, « J'étais venu, dit le vénérable prélat, dans l'in-

tention d'écouter. Mais je dois me faire l'interprète des sentiments

de Sa Sainteté Léou XIII, qui m'a chargé de vous exprimer l'inté-

rêt qu'il porte à la lutte contre l'alcoolisme. On peut se demander

ce qu'il y a de commun entre cette lutte et le pape; le trait qui

nous unit est la protection de la société et la résistance à un

même ennemi : l'alcool. On peut étudier la question à des points

de vue bien différents; on aboutit toujours à conclure que l'alcoo-

lisme est l'ennemi qu'il faut terrasser. Le pape vous ofire sa coopé-

ration, en sa qualité de chef de l'Eglise catholique et de gardien

des intérêts moraux de ses fidèles. Léon XIII est d'accord avec

vous sur les moyens à employer; déjà en 1887, dans une lettre

qu'il écrivait à Mgr Irelan, évêque de Saint-Paul, il recommandait

l'abstinence totale, dont il reconnaissait tous les avantages. Votre

congrès, ajoute Mgr Egger, fait abstraction de toute propagande

religieuse. Ce n'est certes pas là mon point de vue ; mais je dois

reconnaître la stricte neutralité confessionnelle que vous observez

et le soin que vous mettez à écarter de vos publications tout ce qui

pourrait en restreindre la diffusion. Sur notre champ de bataille

il y a place pour tous, pour le bon templier comme pour le catho-

lique, pour la croix bleue comme pour les sociétés de modération.

L'entente s'impose entre nous tous en vue du but à atteindre.

Vous ne vous découragez pas malgré la lenteur du succès que

vous espérez, vous faites preuve de persévérance et je vous en féli-

cite. Nous avons deux grands obstacles à surmonter : les préjugés

et les moeurs (die T211zksille).

« Le peuple est encore la victime de préjugés, qui lui font croire

à l'action fortifiante et salutaire des boissons alcooliques. Cette

erreur, réfutée d'une manière magistrale par la science, est par-

tagée même par les classes éclairées. Le second obstacle réside

dans les moeurs, qui rendent la tempérance si difficile ; il faudra

les modifier, secouer leur joug. Les abstinents ne doivent pas fuir

les réunions où leur place est marquée ; ils doivent s'y rendre en

s'émancipant de la coutume en vogue. Les cafés de tempérance

sont un excellent refuge pour les faibles, mais les forts ne doivent

pas se retirer dans leur intérieur ; il leur incombe de modifier le

caractère actuel de l'auberge, d'obtenir qu'elle devienne un lieu

de réunion où l'abstinent soit aussi bien accueilli que les autres

clients.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 489

Dans tous les cas, l'abstinent, doit avoir le courage de s'afficher

comme tel. Son exemple hâtera le dénouement de la crise 1. »

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.

Séance du 2 février 1895.' - PRÉSIDENCE DE M. Laiir.

MM. Boedeker et FALKENBERG, Note sur le signe du cubital (131C1'-

nacki) dans lu parulysie générale. - Cramer a récemment attiré

l'attention (Munchener Aled. Wochenscïzrifl, 1894, nos 28 et 29) sur

un signe observé pour la première fois par Biernacki dans le tabes

et qu'il a étudié chez les paralytiques généraux. Ce signe consiste

dans l'analgésie du tronc du cubital à la pression. Cramer pensait

que ce symptôme se rencontrait chez les trois quarts des paraly-

tiques et manquait presque constamment chez les non paraly-

tiques. Pour vérifier l'assertion de Cramer,les auteurs ont entrepris

des recherches sur 100 paralytiques hommes, et 25 paralytiques

femmes, d'une part, et sur 300 aliénés non paralytiques, d'autre

part. Sur les 100 paralytiques hommes, la réaction à la douleur a

suivi la pression du cubital chez 35 sujets ; elle a fait défaut dans

58 cas. Résultat douteux dans 7 cas. Pour les paralytiques femmes

on a obtenu les chiffres suivants :

490 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sujet chez lequel il avait constaté l'existence, d'un seul côté, du

signe de Biernacki. Le tronc nerveux était intact ce qui prouve que

l'analgésie du cubital peut exister sans lésions des nerfs périphé-

riques (et aussi sans lésions de la moelle).

Il n'a jamais présenté l'analgésie du cubital comme un signe

caractéristique pouvant servir au diagnostic dillérentiel, mais il a

"au contraire spécifié que son expérience était encore trop courte

pour lui permettre d'affirmer aussi nettement la valeur du signe

en question.

MM. BOEDEKCR et F.1L6ENBEAG ont à la vérité trouvé que l'anal-

gésie du cubital était moins fréquente chez les paralytiques et

moins rare chez les non paralytiques qu'il ne résultait des propres

recherches de l'auteur. Mais il n'en résulte pas moins de leurs

examens que l'analgésie du cubital se rencontre dans plus de la

moitié des cas (58 p. 100) chez les paralytiques, tandis que chez les

non paralytiques on constate la rection douloureuse dans 64 cas

p. 100. Pour expliquer les différences entre les résultats obtenus

par MM. Boedeker et Falkenberg et ceux auxquels il a abouti lui-

même, l'auteur fait remarquer que les cas de paralysie générale

qui lui ont servi étaient des cas anciens, contrairement à ce qui

a eu lieu pour Boedeker et Falkenberg. Parmi les sujets non para-

lytiques qui ont été examinés par ces derniers auteurs se trouvaient

en proportion assez considérable des idiots, des épileptiques et

d'autres individus chez lesquels les troubles psychiques n'étaient

que l'expression d'une maladie organique des centres ne) veux. Il

n'en était pas de même à l'asile où M. Cramer a fait ses observations.

Quoi qu'il en soit, le signe de Biernacki n'est pas dénué de valeur,

malgré son inconstance. L'absence du phénomène du genou n'a-

t-elle pas une signification importante dans le diagnostic de la

paralysie générale, bien que ce signe ne se rencontre chez les

paralytiques que dans 20 cas p. 100 et que d'autre part j'ai pu le

rencontrer douze fois sur cent aliénés non paralytiques. Associé

aux autres symptômes de la paralysie progressive, le signe du

cubital aura donc une certaine signification, puisqu'il se rencontre

dans plus de la moitié des cas chez les paralytiques et qu'il fait

défaut dans plus de la moitié des cas chez les non paralytiques. Sans

doute ce n'est pas un symptôme pathognomonique, mais combien

y a-t-il de symptômes pathognomoniques ? Enfin le signe du

cubital permet de mettre en évidence d'une façon rapide et sûre

l'analgésie des paralytiques.

M. Mendel a fait faire, dans sa polyclinique, des recherches sur

le signe de Biernacki dans le tabes, la paralysie générale et diverses

névroses. L'importance de ce signe ne lui semble pas démontrée.

Sa valeur sera d'ailleurs étudiée prochainement dans une thèse.

Il convient de signaler ici un autre symptôme de la paralysie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 491

générale au début : l'analgésie des jambes. Dans les cas étudiés il

s'agissait de paralytiques qui n'étaient ni tabétiques, ni déments,

mais chez lesquels l'analgésie par son degré accentué ne paraissait

pas en rapport avec l'étal psychique, les troubles moteurs et les

auties modifications de la sensibilité.

M. M\x LAEHR a recherché le signe du cubital chez trente tabé-

tiques de la clinique de la Charité. Il ne l'a constaté que dans la

moitié des cas. Il est à noter que dans ces cas, il existait en outre

des troubles de la sensibilité dans le territoire du cubital ; chez

quelques-uns il y avait perte de la notion de situation.

M. BOEDEKER. Sur un cas de polioencéphalite hémorragique aiguë

d'origine alcoolique (avec présentation de préparation,,), - Il s'agit

d'un homme âgé de cinquante-deux ans, buveur, qu'un état de

« faiblesse » générale rendait depuis deux années incapable de

travailler. Peu de jours avant son admission à l'asile il est pris de

maux de tête, de tremblement et de délire. Tout en se présentant

avec les dehors d'un état d'euphorie, il se plaint de céphalée, de

vertiges, de crampes dans les extrémités. Paralysie survenue brus-

quement des deux moteurs oculaires externes et parésie mani-

feste, mais d'intensité variable, des deux oculo-moteurs communs

(pas de ptosis) ; signe d'Ai,g,1 : -Robeitsoi), tremblement des extré-

mités supérieures, démarche incertaine. Mort le trente-deuxième

jour après une période de stupeur. L'examen microscopique a

porté sur les muscles des yeux, les nerfs périphériques des yeux

et des extiémités, la moelle, le bulbe et le cerveau moyen. Hémor-

ragies dans le voisinage du troisième ventricule (ces foyers peu-

vent être suivis jusque dans les ganglions de la base) ; dans le

domaine de la commissure antérieure, dans le voisinage de l'aque-

duc et du quatrième ventricule. Les lésions maxima siègent au

niveau de la partie antérieure du noyau de l'oculo-moteur com-

mun. Des foyers hémorragiques récents existent en outre dans la

moelle lombaire, dans la pie-mère, dans le tissu conjonctif des

nerfs cruraux. Ce processus hémorragique était partout en rapport

avec des altérations importantes des parois vasculaires (épaississe-

ment, infiltration calcaire) ; il existait en outre des foyers d'hyper-

hémie, des thromboses, etc.

M. Boedeker. Sur un cas d ophtalmoplégie chronique (avec présen-

tation de préparations). Un paralytique général tabétique pré-

sentait une paralysie du moteur oculaire commnn droit coïnci-

dant avec la perte du réflexe pupillaire du côté gauche. A l'au-

topsie on trouva une dégénérescence accusée du tronc du moteur

oculaire commun droit. Des coupes en série de la région des noyaux

du pathétique et du nerf moteur oculaire montrèrent l'intégrité

des fibres et du noyau du pathétique et la dégénérescence des

noyaux, des nerfs de la troisième paire, plus accentuée au niveau

492 BIBLIOGRAPHIE.

du noyau du côté droit. Les fibres émanées de ce dernier sont t

complètement atrophiées; celles du noyau gauche sont saines.

L'examen de la moelle a révélé l'existence des lésions typiques du

tabes (lesions asymétriques). .

Discussion. -11. ICorrEN présente des préparations d'un cas de

Rolioencéphalite observé à la clinique de la Charité. En outre des

hémorragies habituellement observée dans la substance grise cen-

trale, il existait un foyer de ramollissement dans la région de

l'oculo-moteur droit. Les vaisseaux grands et petits présentaient

partout des altérations (artérile déformante). De nombreux foyers

de ramollissement existaient dans le ce; veau. Ce cas montre comme

les observations rapportées par Thomsen, Eisenlohr et Boedeker que

la polioencéphalite peut être étroitement en rapport avec des alté-

rations vasculaires. Ces dernières paraissent provoquées par l'alcool.

M. 1\oNIG. - Quelques réflexions sur l'état actuel de l'assistance des

aliénés en Angleterre et en Ecosse. (Sera publié ultérieurement.)

(Allg. Zeitschrift sur Psychiatrie, t. 52, f. 1, 1895.) Paul Sérieux.

BIBLIOGRAPHIE.

VIII. Les causes de la folie. Prophylaxie et assistance; par Edouard

TOULOUSE. (Société d'édit. scientif., 1890.)

M. Ed. Toulouse, chef de clinique des maladies mentales de la

Faculté de médecine, chargé par M. le professeur Joffroy de faire

une série de conférences sur l'étiologie de la folie, a réuni ces der-

nières et les a complétées dans un ouvrage important qui fait

honneur à l'érudition et à l'excellente méthode de l'auteur.

Le livre I étudie surtout la question de l'hérédité. Certes on ne

saurait nier l'importance de ce facteur étiologique surtout dans les

maladies mentales, mais il est essentiel de ne pas tout rejeter sur

lui et de ne pas le donner comme explication trop facile à toute

maladie. Il faut songer qu'un grand nombre de causes congéni-

tales telles que les troubles de nutrition durant la grossesse, les

émotions, les intoxications de la mère pendant la gestation, etc.,

peuvent prédisposer aux troubles mentaux; que l'enfant, par l'édu-

cation, les habitudes que lui font prendre les parents, se trouve

dans un milieu identique à celui de ses ascendants et que par con-

séquent il doit fatalement en subir la funeste influence. Un cha-

pitre expose les théories de la dégénérescence telle que la comprend

BIBLIOGRAPHIE. 493

M. Magnan, l'auteur montre combien il est difficile de définir net-

tement cette tare profonde pour laquelle on n'a pas de mesure; il

avoue néanmoins qu'au point de vue clinique les types de

M. Magnan diffèrent nettement des autres types d'aliénation et

qu'ils méritent d'être conservés.

Le livre II étudie les causes directes de la folie. Les causes

sociales comprennent : 1° la civilisation, qui, si elle produit de salu-

taires modifications par l'hygiène et le bien-être, a une influence

nocive par le surmenage intellectuel et les excès qu'elle excite;

2° le régime politique, qui peul, en provoquant de violentes émo-

tions, ébranler la raison des prédisposés; 3° la religion, dont les

pratiques poussées à l'excès, conduisent au mysticisme et à la

folie ; 4° l'état civil (mariage, célibat, veuvage, etc.) qui modifie

le genre de vie des individus; 5° la profession, dont l'action étio-

logique est en rapport aves les fatigues et les secousses morales

qu'elle détermine; 6° enfin le régime pénitentiaire que l'auteur

aurait pu ranger dans les causes dues aux modifications de l'état

civil.

Les causes biologiques : longévité, natalité, vitalité, morbidité,

âge, sexe, donnent lieu à d'intéressantes constatations. Les causes

physiologiques comptent d'abord les excès et défaut d'exercice, les

fonctions sexuelles dont le rôle a peut-être été exagéré. Le sur-

menage de ces fonctions est souvent l'effet et non la cause d'une

maladie mentale. On pourrait faire la même remarque sur le som-

meil et les rêves. La menstruation, la grossesse et la ménopause

mettent aussi indiscutablement la femme dans un état psychique

anormal. Les causas morales ont été considérées comme les plus

importantes et on classe parmi elles les passions et les émotions.

La contagion mentale doit être rattachée à ce genre de causes et

M. Toulouse cite des cas de contagion tels que les épidémies, le

suicide, les imitations de crimes, la propagation des idées et l'en-

gouement en politique, enfin les cas intéressants de folie imposée,

de folie simultanée et de folie communiquée. Les causes physiques

ont un rôle plus restreint. L'influence du pays, du climat, de la

lune, des saisons, de la température, de la lumière et des couleurs,

de la nuit a été constatée plus qu'expliquée jusqu'alors. Les

influences traumatiques sont mieux connues et outre les lésions

des centres nerveux eux-mêmes, le shock émotif produit fréquem-

ment des troubles psychiques. Les causes pathologiques compren-

nent d'abord les intoxications. Parmi ces dernières les unes sont

volontaires (intoxications par l'alcool, le thé, le haschisch, le tabac,

la morphine, la cocaïne, le chloral, l'éther, etc.); les autres sont

médicamenteuses (intoxication par la digitale, l'arsenic, la qui-

nine, l'iodoforme, l'atropine, etc.), d'autres sont professionnelles

(intoxication par le plomb ou saturnisme, par le mercure, le sul-

fure de carbone, l'acide carbonique. l'oxyde de carbone, la nitro-

494 BIBLIOGRAPHIE.

benzine), d'autres encore sont alimentaires (pellagre, botulisme,

etc.). Les maladies infectieuses (fièvres éruptives, érysipèle, oreil-

lons, fièvre typhoïde, influenza, impaludisme, choléra, rage, tu-

berculose, syphilis, blennorrhagie, rhumatisme, etc.) provoquent

des troubles psychiques qui rentrent dans les cadres ordinaires;

les maladies générales et cutanées, les diathèses (rachitisme, gra-

velle, diabète, goutte, obésité, scrofule, cancer, etc.) sont encore

parmi les causes pathologiques les plus fréquentes. En somme,

toutes ces causes sont assimilables et se réduisent à des empoison-

nements qui sont bactériens dans les maladies infectieuses et pro-

viennent d'auto-intoxication dans les diathèses. Les maladies vis-

cérales forment une classe de causes très artificielles. Ces maladies

entrent soit dans les infections, soit dans les auto-intoxications,

quand le viscère malade ne remplissant plus ses fonctions ordi-

naires ne transforme plus les poisons ou ne permet plus leur ex-

crétion (urémie, etc.). Un dernier article sur les causes patholo-

giques a trait aux maladies nerveuses donnant lieu dans leur cours

à des troubles mentaux (goitre exoplUalmique, tabès, chorée, épi-

lepsie, hystérie, etc.). '

Le livre 111 traite de la prédisposition vésanique et des causes

directes ou occasionnelles dans leurs rapports et donne à chacune la

part qui lui revient en pareil cas. La folie est le plus souvent le

produit de facteurs nombreux et complexes.

Le livre IV est intitulé : prophylaxie et assistance Les mesures

prophylactiques consisteraient à mettre une entrave à l'hérédité en

empêchant les mariages des aliénés et des dégénérés. M. Toulouse

propose la création d'un livret sanitaire pour chaque individu. Il

considère ce désir comme « bien loin d'être réalisé ». Nous croyons

en effet que cette mesure draconienne est logique, mais aussi inap-

plicable que la ca,tration proposée par quelques psychiatres pour

les criminels. La bonne direction de l'éducation, l'extinction du

paupérisme, la lutte contre les intoxications volontaires, l'amélio-

ration de l'hygiène seront aussi utiles et plus réalisables.

Les mesures d'assistance forment le dermier chapitre. L'auteur,

imbu des idées qui, depuis Pinel, ont fait de rapides progrès en

Europe, fait l'éloge du système du no-restraiut et préconise le

placement des aliénés dans les familles autant que possible.

En résumé, le livre de M. Toulouse sur les causes de la folie, la

prophylaxie et l'assistance des aliénés est un ouvrage d'érudition

dont une analyse même détaillée ne peut donner qu'une faible

idée. Ce sujet difficile et complexe a dû nécessiter de la part de

l'auteur un travail considérable. -.\1. Toulouse a réussi à donner

à son livre, avec une netteté et une précision scientifiques, toute

la clarté nécessaire pour en rendre la lecture agréable. J. Nom.

VARIA.

L'enseignement DE LI psychiatrie.

Sur le développement de la psychiatrie et sur l'importance de connais-

sances psychiatriques pour l'éducation scientifique et professionnelle

des médecins. (Dr F. Meschlde. Leçon d'ouverture faite ci la clinique

psychiatrique de l'Université de Konigsberg, 29 octobre 1892. Ana-

lysé par Baostus. Allg. Zeitsclc. f. Pyc7ai«7., t. Lll, fol. 1.)

L'auteur étudie de près la question trop controversée de l'intro-

duction de la psychiatrie dans le programme des examens d'Etat

que doivent subir les médecins pour obtenir-le droit d'exercer.

Il se déclare partisan d'un examen obligatoire portant sur les

maladies mentales. Déjà dans les temps les plus reculés, Pythagore

et llippocrate peuvent être invoqués comme démontrant la néces-

sité pour les médecins de posséder des notions de psychiatrie; ils

se sont occupés, en effet, de questions qui relèvent de cette science

et font enseignée. Au moyen âge, la décadence de la psychiatrie,

l'ignorance où l'on était des maladies mentales, ont conduit aux

pires errements et aux condamnations pour sorcellerie. De nos

jours encore, dans les domaines juridique et pédagogique et aussi

dans le domaine médical, nombre d'erreurs sont commises qui

tiennent aux notions imparfaites que l'on a des choses de la psy-

chiatrie.

En faveur de l'enseignement obligatoire des maladies mentales,

on peut encore invoquer les projets considérables qu'a réalisés l'as-

sistance des aliénés, la notion aujourd'hui parlout admise de la

nature organique des psychoses, l'importance de la question de la

dégénérescence qui ne peut être résolue sans le concours de la

psychiatrie, etc. En terminant, Fauteur critique l'opinion du pro-

fesseur Schullze (d'Iéna), qui s'est élevé contre l'utilité d'un examen

spécial de psychiatrie. P. Sérieux.

LE MAL DU S1'ÉCL1L1S31Ej

Par le Dr IIUGIlES.

L'auteur s'élève contre la tendance que présentent certains mé-

decins à concentrer leur attention sur un organe ou un groupe

496 VARIA.

d'organes, sans tenir assez compte des relalions étroites, des in-

fluences exercées par la maladie locale sur l'organisme et récipro-

quement.

En particulier, on ne saurait, en aucun cas, laisser de côté l'in-

fluence du système nerveux, car le système nerveux est partout :

son étude permet à l'oculiste de voir, dans bien des cas, au delà

.de toit le p1 onostic de l'affection, comme un gynécologiste de

soigner la femme en même temps que l'utérus.

De même, le neuro-pathologiste ou le praticien en général de-

mont rechercher dans chaque maladie, s'il n'y a pas un facteur

toxique quelconque, albumatisme, intoxication, syphilis, malaria

ou autre. (The ulienist and neurologist, juillet 1895.) E. B.

LE SERVICE DES aliénés EN hollande.

Mouvement de la population des asiles d'aliénés des Pays-Bas dans

l'année 1893; par le Dr voN ANDEL, inspecteur général des asiles

d'aliénés des Pays-Bas.

Le 1er janvier 1893, il existait, dans les asiles d'aliénés néerlan-

dais, G,SS` ? malades (3,269 hommes et 3,313 femmes). Le nombre

des admissions s'est élevé à 1,444 (741 hommes et 703 femmes).

Le chiffre des guérisonsa été de 504 (hommes : 260; femmes : 30r).

La proportion des guérisons, par rapport au nombre des admis-

sions, a été de 39 p. 100 (hommes : 35 ; femmes : 43,2).

Total des malades soignés : 8,026 (hommes : 4,010 ; femmes :

4,016).

Décès : 519 (hommes : 272; femmes : 247). Proportion des décès,

sur lOD malades traités : 6,4 (hommes : 6,7; femmes : 6,1). Sorties

de malades non guéris : 210 (hommes : 10'r; femmes : 106).

Etat de la population le 1er janvier 1894 : 6,733 (homm es : 3,374 ;

femmes : 3,359). (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., t. LU, fol. 1.)

P. sérieux.

Création d'une colonie d'épileptiques EN ANGLETERRE. z

Le 14 novembre 1894 a été posée la première pierre d'un bâti-

ment, destiné à recevoir des épileptiques, et qui sera le centre

d'une colonie de plusieurs centaines de ces malades. Un comité

s'occupe de recueillir des fonds pour mener cette oeuvre à bien. Il

existe, à Londres, dans les dépôts de mendicité, plus de 600 épilep-

tiques valides et non aliénés qui, pour la plupart, ont dû y être

internés, faute de pouvoir trouver du travail à cause de leurs accès.

(Allg. Zeistch. f. Psych., t. LU, fol. 1.) P. S.

varia. 497 Î

Des MOYENS A EMPLOYER POUR s'emparer des aliénés dangereux.

Sous le titre : La Folle et les Pompiers, le Petit Troyen

du 27 septembre publie le fait ci-après :

Hier, vers trois heures, les habitants de la rue Pierre-Levée

étaient mis en émoi par l'arrivée des pompiers. Ils crurent un ins-

tant leur rue en flammes. Il s'agissait simplement de maîtriser

une folle. Une dame V... habitant au numéro 10 de cette rue, en

face le commissariat de police, atteinte depuis plusieurs jours d'une

fièvre de lait, s'était enfermée chez elle et jetait son mobilier par

la fenêtre. M. Dnltroff, commissaire de police, avait essayé vaine-

ment de pénétrer chez elle. Force lui avait été de requérir les

pompiers de l'avenue Parmentier. Et ce n'est pas sans mal que les

braves sapeurs parvinrent à se rendre maîtres de 111 ? V... Elle les

reçut à coups de projectiles, leur lançant à la tête tout ce qui lui

tombait sous la main. Enfin, on put l'entraîner au commissariat,

d'où elle a été envoyée à l'infirmerie spéciale du Dépôt.

Le même journal, dans son numéro du 8 octobre, relate un

autre fait analogue :

111 ? veuve Marie Guéry, âgée de trente-quatre ans, demeurant

rue Thiers, qui donnait depuis quelque temps des signes d'aliéna-

tion mentale, était prise, samedi, vers onze heures du soir, d'un

accès de folie furieuse. Armée d'une broche à rôtir, elle se mettait

en chemise à parcourir la maison', s'arrêtant à chaque porte

qu'elle criblait de coups avec la pointe de son arme improvisée,

menaçant de tuer qui l'approcherait.

Quelques locataires tentèrent de s'approcher de la malheureuse

pour la désarmer; mais celle-ci se réfugia chez elle, s'y barricada,

puis, ouvrant sa fenêtre, se mit à jeter son mobilier dans la rue.

M. Rémougin, commissaire de police, aussitôt prévenu, accourut

avec des agents, qui enfonçaient la porte et s'emparaient de l'alié-

née qui fut immédiatement dirigée sur l'infirmerie spéciale du

Dépôt.

Les faits de ce genre sont très communs. Souvent, la police

est très embarrassée pour savoir comment elle doit s'y prendre

pour s'emparer des aliénés dangereux qui se livrent à des actes

de violence comme ceux que nous venons de relater. L'utilisa-

tion des pompiers en pareille circonstance est certainement

préférable à celle des agents de police. A notre avis, il y aurait

mieux à faire : c'est de cerner la maison habitée par l'aliéné,

de garder sa porte et de patienter. Il arrivera presque toujours,

qu'au bout de quelques heures l'accès de fureur aura diminué.

Archives, t. XXX. 32

498 FAITS DIVERS.

Que la nuit et.la faim, faisant leur oeuvre, l'aliéné deviendra

moins violent et qu'il sera facile de s'en emparer sans danger,

on éviterait ainsi les scènes de violence toujours pénibles et

surtout on éviterait de voir les agents blessés ou tués.

FAITS DIVERS.

Les aliénés EN Russie. - D'après une dépêche de Saint-Péters-

bourg, 16 octobre, une enquête ordonnée par le gouvernement a

amené la découverte de faits scandaleux qui s'étaient passés dans

l'asile des aliénés de Bourachevo, gouvernement de Tver. Les pen-

sionnaires étaient soumis à un véritable régime de tortures, et plu-

sieurs d'entre eux se sont suicidés. Ayant appris qu'un malade

avait été trop hâtivement enterré, les autorités ont ordonné son

exhumation. Il a été alors constaté que la mort était due à la vio-

lence. Le corps du malheureux était couvert de meurtrissures et

portait dix-sept fractures de côtes et plusieurs fractures du crâne.

On s'attend à d'autres révélations retentissantes. (Le Républicain

Orléanais, 21 octobre.)

La PSYCHOLOGIE des FOULES. - « La foule, dit Louis Desnoyers l,

s'était attendue à un pugilat : elle fut déçue et mécontente. C'est

toujours ainsi. Quand deux hommes se menacent du geste, de la

parole ou de la plume, la foule s'amasse autour d'eux, les agace,

les pousse, et trouve qu'ils mettent trop de lenteur à passer à

l'action; puis quand l'action est faite, la foule les blâme énergi-

quement d'avoir cédé à ses instigations. Il est difficile, comme on

le voit, de satisfaire ses mobiles caprices. Le mieux est de n'y pas

prétendre. »

Les aliénés. - Sous le litre : une Disparition, le Républicain

Orléanais du 25 août, relate le fait suivant : Dans la nuit du 22 au

23 courant, vers 2 heures, Madame veuve Poignard, domiciliée rue

de l'Empereur, a quitté son domicile. Elle est parlie à peu près

nue ; tous les effets qu'elle portait habituellement ont été relrouvés

chez elle. Elle est âgée de 60 à 65 ans. Depuis quelque temps,

paraît-il, elle donnait des signes d'aliénation mentale. Cette femme

vivait seule; elle paraissait être dans une certaine aisance.

' It. Chaparte. Les Mésaventures de Jean Paul, p. 692

FAITS DIVERS. 499

Un ouvrier peintre, âgé de trente-deux ans, nommé Théodore

Fort, qui déjà a été plusieurs fois interné dans divers asiles d'alié-

nés d'où il a toujours réussi à s'échapper, est entré, hier, dans la

cour de la maison qu'habite le docteur Chaulet, médecin municipal,

à Agen et, armé d'un énorme couteau de cuisine, ne parlait rien

moins que de l'éventrer. On a eu beaucoup de peine à le désarmer

et à le conduire au poste de la mairie. Ce n'est pas la première

fois que Fort cherche à frapper le docteur Chaulet, coupable

d'avoir signé un certificat constatant le dérangement de ses facultés

mentales et concluant à son internement dans un asile d'aliénés.

On s'étonne qu'aucune mesure ne soit prise pour mettre ce fou

dangereux hors d'état de nuire. (Le Petit Parisien, 19 septembre.)

Dans un accès d'aliénation mentale, le premier-maître du tor-

pilleur embarqué sur l'Iphigénie, a tiré avant-hier, heureusement

sans l'atteindre, sur un gendarme maritime qui voulait s'assurer

de sa personne. Depuis quelque temps, en raison de troubles céré-

braux, le premier-maître avait été gardé à vue dans une chambre ;

mais, profitant d'un moment où son gardien élait occupé, il réussit

à quitter le bord et alla se réfugier dans une chambre meublée, où

il s'enferma. La gendarmerie, aussitôt prévenue, se rendit sur les

lieux afin d'arrêter le maître, et c'est au moment où le gendarme

ouvrait la porte que le coup de revolver fut tiré par le fou. Par un

hasard providentiel, la balle rasa la tempe gauche du gendarme.

A peine le coup était-il parti que le premier-maître fut terrassé,

ligoté et transporté à l'hôpital maritime, où il a été placé dans un

cabanon. (Le Petit Parisien, 19 septembre.)

Suicide D'UN enfant. Le Journal de Rouen dit qu'un enfant de

treize ans, le jeune Albert Bailleul, demeurant chez ses parents au

hameau de Beausoleil, s'est suicidé ces jours-ci en se pendant au

domicile de ses parents. D'une intelligence faible et d'un caractère

sombre, cet enfant avait déjà tenté de se suicider. (A7A'° Siècle,

9 septembre.)

Ces faits montrent, la nécessité d'interner les aliénés dès

le début de la maladie : 10 dans l'intérêt de la sécurité publique;

2° dans l'intérêt des malades eux-mêmes qui ont aussi plus

de chance de guérison. Ils montrent aussi dans quelle situation

difficile se trouve le médecin qui signe la sortie des malades

aliénés.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

LADAME (P.). - Le nouvel asile des aliénés 1a Genève et les questions

qui s'y rattachent. (Historique de la création de l'asile de Bel-Air). -

Brochure m-8° de 110 pages. Genève, 1895. Librairie Georg et CI*.

Lçl'DEY und G01.DSCfIEIDBR. - Die kl'(wklll1,gen des RÜckel1mw'ks und

der Medulla oblongata. Volume 111-8" de 212 pages. Wiener, 189. -

Librairie A. Halder.

HABREL (P.). Les phobies. Essai sur la psychologie pathologique

de la peur. Volume in-8o de 72 pages. - Paris, 1895.-Librairie F. Alcan.

AVIS A NOS ABONNÉS.-L'échéance du 1er JJNYIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera

à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

20 janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer de

suite leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations, la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : BOU11EVtLLE.

TABLE DES MATIÈRES

AilSINTIIIQUE. Transmission des con-

vulsions de l'épilepsie -, par

Royce, 386.

Abstinence. Cure d' -, par Furer,

412.

Accessoire. Relations centrales du

glosso-pharyngien, de l ? et de

l'hypoglosse, par Turner et Bul-

loch, 154.

Accidents. Troubles morbides consé-

cutifs il des -, par S. \Ieyer 59.

Accroissement. Sur le prétendu

- des cas de folie, par H. Tul : e, 87.

Acoustique. Trajet central du nerf

- , par Kwilizew, 141.

Acromégalie par Brissaud, 307.

Hypertrophie de la glande pi-

tuitaire ; et gigantisme par

Massalongo, 316. Traitement de

Il-, par la poudre de glande thy-

roide, par Solie Cohen 377.

Affaire Feldmann, par Ilitzig, 263.

Agoraphobie, par M. Tavlor, 157.

Alcool. Mesure de la toxicité de

par les injections intravei-

neuses, par Jotfroy, 256. han-

port de la question de l ? par

Sommer, 407.

Alcoolique. Troubles délirants de

nature - chez deux soeurs par

Zenner 164. Asile pour les , par

Deschamps,331.

Alcoolisme. Campagne contre Il-,

91. chez les enfants par Mo-

reau , 162. Lutte contre l'-

176. Traitement de l ? par lleed,

376. Rapports de Il-, et de l'hys-

térie, par Luhrmann, 415.

Alexie avec hémianopsie homo-

nyme, par Bruno, 60.

Aliénation. Les sentiments et les

passions dans leurs rapports avec

1 ? par Dagonct, 473.

Aliénés. Etudes anatomiques sur

les cerveaux d ? par Scliloess,

138. - criminels par Falret, 170.

dans le projet du Code civil de

l'empire allemand par Mendie),

262. Maisons d ? en Allemagne,

271. Appel des jugements frap-

pant les -, par Giraud, 327.

MOlens il employer pour s'emparer

des- dangereux, ! ¡(J8. -en Hussie,

499. Les - , 500.

Amnésie partielle et continue par

Ferrari, 465.

Aalol : . De l ? par Rasch, 104.

A111'OTIiOPIIIC primitive avec réac-

tions électriques anormales et

troubles de la sensibilité par Sa-

ville, 67.

Analgésie du tronc cubital cons-

tituant un symptôme de tabes

par llel'l1acki, 62.

Anesthésie. Rapports réciproques

de l ? ordinaire et de l'-

sensorielle, par Bechterew, 143.

localisée dans les lésions de

la moelle par Starr, 320.

Anomalies. Rapports des mor-

phologiques avec les maladies

nerveuses et mentales endogènes

par Sommer, 40.

Anorexie hystérique, par Sollier,

323. par Régis, 323.

Aphasie. Migraine ophtalmique et

- par J.-M. Charcot,71. Contri-

bution à l'étude de l'- par He-

bold, 312.

Apocodeïne. Du 'chlorhydrate d'

par Toy, 328.

Artères. Structure des- cérébrales

par Heger et Boek, 391.

A RTII RO P,\TIII ES tabéliqnes, bilatérales

et symétriques, par Souques et

Charcot, 71. - syrmgomyéliques,

par Londe et Serrez, 71. - trio-

phiques au point de vue chirur-

gical par Cllipatilt, 73. Pathogénie

des - neurospinales, par .Mari-

nesco, sous. de l'ataxie, par

Syms, 313.

Asile de Ledenhof par Pierson, 85.

Des quartiers spéciaux d'un -

d'aliénés par Marandon de Mon-

tyel, 43S. Tncendie de l ? du comté

d'Oxford 269. de Brème, 270.

Assistance des épilepliques, S9.

des aliénés en Allemagne, par

' Sérieux, n3.

Asimbolie motrice, par Bonhoffer et

lleilbronner, 4S0.

Atwie héréditaire, par Fornario 1-16.

Athétose. Un cas de démence juve-

nile avec - double, par Roubino-

witch, 329. - double débutant

chez l'adulte pat Brandeis, 337.

Atrophie infantile unilatérale des

502 TABLE DES MATIÈRES.

muscles de laface, par Bernhardt

59. - nerveuses et troubles de la

sensibilité, par Brissaud, 68. -

musculaire progressive, type Aran-

Duchenne, par ,T.-B. Clarcot, 313.

- artérioscléreuse du cerveau par

Alzheimer , 260. Dégénérescence

des cellules nerveuses dans l ?

-.cérébrale localisée par Prout, 39t.

des fibres corticales chez les

aliénés par Ieyer, 413. - muscu-

laire spinale progressive par

Neisser, 479.

Automatisme chez les aliénés qui

rechutent, par Cristiani. 467.

BiiNs en pluie par Gerhard, 382.

Basedow. Contribution il la maladie

de -, par Grube, 61. Corps thy-

roide et maladie de -, par Bris-

saud, 225; Renaut, 231 ; Joffroy,

234; Gley, 234; Ballet et Lnnquez

235; Verrier, 238; Tatv et Guérin

238; J. Voisin, 239; Pons, z0 ;

Trenel, 241 ; Habille, 242 ; Ba-

binsky, 242 ; Maillon, 242.

Bestialité. Zoophilie érotique, et

zoérastie par Krafft Ebing, 44.

Bidactylie de la main droite par

amputation congénitale par Le-

clerc, 152.

B.cwoaea.uae. Accidents cérébraux

dans la , par Pitres 209.

Blennorriugique. Folie -, et pyo-

phrémes par Venturi, 47>. i.

BLÉI'H.1ROPTOSE. Mouvement associé

particulier de la paupière supé-

rieure dans la-, unilatérale con-

génitale par Bernhardt, 144.

Borborygmes. Note sur une épidémie

de , par Féré, 316.

Brsu.ur. Mal de - et folie, par Bon-

durant, 470.

Bulbaire. Complexus symptomatique

- , par Pineles, 383.

Bulbe. Les maladies de la moelle

et du -, par Leyden et Golds-

chelder, 424.

Causes. Prédispositions et - occa-

sionnelles par Toulouse, 168.

CAPSLLE interne. Chirurgie de la ,

par Chipault et Detnoulin, 480.

Cécité verbale sans - littérale ,

par Lannois, 358. corticale ;

anatomie pathologique par Hahn,

477. corticale par Bonhoffer,

480.

Cellules nerveuses. De la nomen-

clature anatomique des -, par

Nissl, 395, 410.

CÉPII \LALGlf- dans les maladies men-

tales par Cullerre, 37.

CÉI'II.\L011É1 RIf- chez les aliénés par

Vigouroux, 331.

Cérébelleuse. Développement histo-

logique de l'écorce -, par Lui,

393. Sur les connexions des élé-

ments nouveaux de l'écorce -,

par E. Lugaro, 467..

Cérébelleux. Absence d'un hémis-

phère -, par Hahn. 478.

CI : RCnao-srmel.ES. Affections -, à

hémiparésie spasmodique des ex-

trémités par Hirsch, 312.

Cerveau. Sarcome volumineux du

, par Galavielle et Villard, 1.

Considérations médico-légales sur

les traumatismes du -, par

Schoefer, 54. Préparation du -,

par la méthode de Bewan Lewis,

par Clark, 395.

Cervelet. Dégénérations consécuti-

ves à la lésion expérimentale du-

par Russel et Campell, 155. Gliosar-

come du -, par de Michèle, 475.

Chirurgie cérébrale dans les aliéna-

tions mentales par Semelaigne,

379.

CIII.OR,\LOSf-. Effets hypnotiques du

- , par Hascovec, 375. et ses

propriétés hypnotiques par Ri-

chet, 382.

CIiLORODR011E. Le -, comme hyp-

notique chez les aliénés par P.

Wade, 377.

Chorées. Classification des ary-

thmiques par Lannois, 318.

Colonne vertébrale. Lésions mal

définies de la traitées par la

suspension et le corset de plâtre

par Sayre, 392.

Coloration. Nouvelle méthode de

de l'ensemble du système

nerveux par Nissl et Rosin, Hl.

Commotion cérébrale, blessure du

cerveau ou névrose, par Thomsen

306.

Congrès annuel des médecins alié-

nistes allemands par Kéraval, 78;

par Sérieux, 258, 413. de Bor-

deaux, 171, 2l l, 321. interna-

tional contre l'abus des boissons

alcooliques. 483. - psychiatrique

de Berlin, par Sérieux, 489.

Conscience dans les crises épilepti-

ques, par Rombarda, 38.

CItA-,10.IÉTRIE et céphalométrie dans

l'idiotie et l'imbécillité par Peterson

471.

TABLE DES MATIÈRES. §03

Craniologie des aliénés, par Mirto,

470.

Crétinisme. Influence du - sur la

forme des cavités nasales par

Allen, 313.

Criminelle. Affaire - intéressante

par Uongard, 419.

GUItARIriE dans la tétanie par Hoche,

377.

DécÉW nés. Troubles mentaux chez

les ? par Dombluth, 42.

Dégénérescence. Difformités os-

seuses de la tête et la -, par

Cullerre, 39.

DÉLINOUAXTS. Anomalies des mains

et des pieds chez les -, par Penta

466.

Délires associés et transformation

du -, par Il. Dagonet, 38. - de

maigreur chez une hystérique par

Brissaud et Souques, 48. Sur le

aigu, par SouchanofT, 165.

hallucinatoire par llberg, 263. Ca-

ractères du dans leurs rapports

avec l'intelligence, par Giroudon,

425. Doctrine de l'origine infec-

tieuse du aigu par Bianchi et

I'iccinino, 465.

DBLIfIU\f TIlI : \IEKS, Une modalité de

tremblement dans le -, par Os-

termayer, 43.

Démence juvénile avec athétose dou-

ble par Iloubmowitch, 329. Ana-

tomie pathologique de la para-

lytique, par Berkley, 395.

DÉVOVOe.tTtua. Un cas de -, par

Bonfigli, 469,

Diagnostic à faire par Moott, 162.

Dissimulation chez les aliénés par

Larroussinie, 336.

Dualité. Deux cas de cérébrale

par Bruce, 319.

Ecorce. Fibres nerveuses à myé-

linedel'-du cerveau de l'homme,

par Kaes, 144.

Electrique. Excitabilité - du sys-

tème nerveux périphérique par

Westphall, 135.

Encéphale. Affections multiloculaires

de l ? par Koeppen, 137.

Epelage. Théorie de 1·- pour la lec-

ture et l'écriture par Sommer, 40.

Epilepsie. De l'intoxication dans

l ? par J. Voisin et Il. Petit, 14,

120. Un cas ci'- alléguée et si-

mulée par S. Garnier, 57. 250 cas

d ? par Macalester, 156. Traite-

ment médical de l'- chronique,

par Bondurant, 376. et son

traitement par Crowlev et Hois-

holt, 381. Relations de l'urée avec

l ? par Teeter, 394. Phénomènes

circumcursifs et rotatoires de l'-

par Mingazzini, 466. tardive

chez l'homme par Maupâté, 474.

Epileptiques. La conscience dans

les crises -, par Bombarda, 38.

Gliose cérébrale chez les par

Tedeschi, 467.

Etat mental de S... Clément par

Sieraccmi, 51 .

Faisceau OLIVIIRE de la portion cer-

vicale de la moelle par Bechterew,

144.

FA 1 IGur; des muscles sous l'action des

poisons nerveux parRossi,466.

Folie. De la induite par Roller,

44. La augmente-t-elle en

Amérique ? par Sanborn, 88.

mystique, 89. Drame de la , 92.

Causes de la -, prophylaxie et

assistance par Toulouse, 492,

Fou assommé, 90.

Frontal. Processus -- chezl'homme

par Penta, 476,

Génital. Inversion du sens , par

Kraft Ebing, 'r3.

Genou. Phénomène du et équili-

bration de la jambe par Sommer,

' 135.

GLOSSO-PII \P.YliGOEN. Relations cen-

trales du , de l'accessoire et de

l'hypoglosse, par Turner et Bul-

loch, 154.

Glycosurie et psychoses,parToy,i2G,

Goitre. Myxoedème et traites par

la médication thyroïdienne par

Taty et Guérin, 329. Traitement

du exophtalmique par l'élec-

tricité par Régnier, 339.

IIÉBÉPI113É';IE. Observation il ? par

Lane, 165.

Hémianopsie. Méthode simple de

constater 1 ? par Axenfeld 145.

avec hallucinations dans la partie

abolie du champ de la' vision par

Lamy, 317. hystérique chez un

trépané, par Lannois, 339.

III : w ? rs.rÉGlc spinale avec anes-

thésie croisée par Jorand, 65.

IIÉRÉDG-.1T.lSfE. Sur deux cas fami-

liaux il'- cérébelleuse, par Londe

310.

HÉREUO-Sl'PIIILIS dans la maladie de

Littl, par Fournier et Gilles de la

Tourette, 76.

D04 TABLE DES MATIÈRES.

Hermaphrodisme. Deux cas d'- anti-

- que par 11leige, 153. 1

HYDROTHÉRAPIE De l'intervention mé- I

dicale en -, par Delmas, 336.

Hypnotisme et troubles mentaux

par Jolly, 45. Séances publiques

d ? 429.

HYPOGLOSSE. Relations centrales du 1

glosso-pharyngien, de l'accessoire

et de l ? par Turner et Bulloch,

154.

HYSTÉRIE. Traité clinique et théra-

peutique de l ? par Gilles de la

Tourette, 81. Infanticide et- par

Cullerre, 97.

IDELER. Carl Wilheim , par L. Ide-

ler, 399.

Idiots. Traitement et éducation des

z. Rapports de Ferius sur l'éta-

blissement privé d'Ed. Séguin 261.

Nécessité de l'assistance des -,

par Bourneville, 268.

Imbécillité prononcée probablement

congénitale, spasmes musculaires

et coprolalie, par Bourneville et

Boyer, 450.

Impulsifs trimardeurs, 346.

Impulsions chez les épileptiques par

Parant, 242; J. Voisin, 216; Ver-

rier, 246; Vallon, 247; Challan de

Belleval, 247; Régis, 247; P. Gar-

nier, 247 ; Charpentier, 248 ; Tissié,

218; Larroussinie,2.i8; Pitres, 249;

Doutrebente, 250; Pailhas, 251.

Infanticide et hystérie, par Cullerre,

97.

Inversion du sens génital, par Kraffl

Ebing, 43. - sexuelle chez la

femme, par Ellis, 163, 474.

Kleptomanie chez une choréique, par

Kurella, 58.

KYSTE cérébral d'origine trauma-

tique, par Mayo, 393.

Laboratoire de l'hôpital Mac Lean,

il Sommerville par Stanley Hall, 87.

Méthodes de-, par Cook, 391.

Labyrintiiique . Le nerf -, par

Bounier, 151.

L.1\f\ECTOIIE pour paralysie congé-

nitale, par Chipault, 375.

LAUDHY : Maladie de , d'origine

influenzique avec aphasie, par

Pailhas, 459.

Lèpre. Maladie de Morvan et -,

par Fraenkel, 62.

Localisations. Contribution à l'étude

des cérébrales, par Shaw, 398

Médecine mentale. Origine et pro-

grès de la -, par Régis, 87.

Mélancolie sur la -, par Fargu-

harson, 158. - chez les sypl1l11-

tiques, par Davay, 321.

MÉNING011YÉLlTG. Etude sur la z

diffuse dans le tabes, la paralysie

générale et la syphilis spinale par

Nageotte, 273. "

Ménopause. Folie de la -, par

Goodhall et Crain, 159. ,

Menstruation et son influence sur

les phychoses chroniques, par

Noecke, 416.

Migraine ophtalmique et aphasie,

par J.-Di. Charcot, 74.

Moelle épinière. Tubercule di, la -

par Hascovec, 177. Un cas d'abcès

de la , par llomen, 317. Dispo-

sitions et fonctions des cellules

de la cervicale, par Collins,

391. Cordons postérieurs de la-,

par C. illayer, 398. Etat des réflexes

dans la section transversale totale

de la -, par Renolds, 399. Les

maladies de la - et du bulbe par

Leyden et Goldscheider, 424.

Monomames liées à une déviation de

l'instinct de conservation de la

propriété, par Pailhas, 334.

IORPIIIN0 : 11AN1E. Un cas de , par

Seulecq, 39.

Morvan. Maladie de et lèpre, par

Frenkel, 02.

Myopathie primitive généralisée, par

Londe et 61. - primitive

progressive, par Souques, 66.

NYOP.1T111QUE5. De la station et de

la marche chez les -, par P. ni-

cher, 148.

Myxoedème infantile amélioré par le

traitement thyroïdien, par Régis,

239. par Wessiuger, 311, - et

goitre exophtalmique traités par

la médication thyroïdienne, par

Taty et Guérin, 329. traité par

l'extrait thyroïde, par Harold, 380.

Myxoedémateuse . Trois cas d'idio-

tie -, traités par l'ingestion thy-

roïdienne, par Bourneville, 321.

Nerfs crvniens. Connexions centra-

les des -, par 'fumer, 155.

Nerfs rs.lcmness. Rapports de l'ori-

gine des -, avec les apophyses

épineuses, par Chipault, 150.

Neurasthénie. Pathogénie et traite-

ment de la -, par de Fleury,

32f, -, et son traitement élec-

trique, par Foveau de C., 333.

Nruelamomur et neurasthénie, par

Huâlles, 311.

TABLE DES MATIÈRES. sous

Nelropsychoses, par Prend,45.

Névralgie du grand nerf occipital,

par Johnson, 314.

Névrite périphérique consécutive il

l'influenza, par Macphail, 311.

Névrose traumatique troubles psy-

chiques de la -, par Freud, 476.

Obsessions et phobies, par Freud, 46.

Opiitalmoplégie chronique, par Boe-

deker, 491.

Onc. Sur une sensation subjective

de l ? dans l'état hypnogogique

par Daraskewicz, 45.

Pachyméningite cervicale syphilitique

par Lamy, G3.

Paralysie AGITA : 1TE et ses rapports

avec certaines maladies nerveuses

de vieillesse par liedlich, 139.

Paralysie générale. Statistiques sur

les anomalies somatiques les plus

importantes dans la-, par Kaes,

35. -, à forme tabétique par

Jo11roy, 46. Sur la période de

développement physique de la -,

par Middlemass, 161. Syphilis et

- , par Kovatewsky, 163 Symp-

tômes oculaires pl écoces dans la

- , par Hepburn, 164. Délimita-

tion de la -, par Binswanger,

258. Paralysie vaso-motrlce dans

' ses rapports avec l'état affectif de

la -, par Klippel et Dumas, 328.

Modifications macroscopiques du

système nerveux dans la -, par

Kaes, 389. Sur l'augmentation de

fréquence de la , par Kraft

Ebing, 400. , chez la femme par

YVollenberg, 404. Etiologie et

svmptômes de la-, par Gudden,

405. Explosion , marche, durée,

terminaison de la , par Kaes,

405. Durée de la maladie et

causes de la mort dans la -, par

Heilbronner, 406. Symptômes

spasmodiques et contractures

permanentes dans la , par

Trenel, 425. Signe du cubital

dans la , par lloedeker et Fal-

kenberg, 189.

PARALYSIE bilatérale du deltoïde

par élongation des deux neifs

circonflexes, par Raymond, 75.

bilatérale du facial, par Mon-

joushko,315,sur une variété parti-

culière de-alterne, par tlaymond,

315. - faciales otitiques, par Chi-

pault et Dalerne, 3î9 ? spinale,

épiphénomène de syphilis hérédi-

taire, par Hoflmann, 386.

Paranoïa . Manière d'être de la

conscience de la maladie dans

la -, par Mercklin, 407. Affai-

blissement intellectuel dans la

, par Flugge, 421. -, avec im-

puissance psychique par Hughes,

471, -, morale, par Barr, 471.

Paraplégie spinale spalmodique par

Souques, 318.

Parole. Traitement et éducation de

la -, chez les enfants idiots, par

Bourneville et Boyer, 108.

Pathétique. Situation du noyau du

nerf -, par Kaush, 385.

Pathologie. Fragments de ner-

veuse, par ilassalono, 427.

Peaucier. Un cas de défectuosité

congénitale du du cou, par

Remak, tî3.

Pédoncule. Un tubercule solitaire

dans le -, cérébral droit par

Grelwe, 141.

Percussion du crâne et de la

colonne vertébrale, par Betche-

rew, 385.

Phobies. Obsessions et -, par

Freud, 46. dans un cas d'in-

suffisance mitrale, par Boubi-

nowitch. 166. Traitement des -

par la gymnastique médicale, par

Tissié, 323.

Pituitaire. Anatomie fine de la ré-

gion mfundibulaire du cerveau

comprenant la glande ? par

l3erl;ley, 154.

Plexus brachial . Suture osseuse

dans les fractures fermées de la

clavicule avec lésions du , par

Chipault, 308.

POLIOE\C5Pn.ILITE hémorragique aï-

gué d'origine alcoolique, par

Bcelie6er, 491.

Polynévrite récidivante et diplégie

faciale par Targowla, 310.

POLYNÉVRITIQ1;E. La psychose -,

par Coletta, 461. Un cas de psy-

chose , par Sollier, 472.

Possédés. Les de P. Brouzet,

par Richer et Meige, 91.

PRÉDISPOSITIONS et causes occasion-

nelles des maladies mentales par

Toulouse, 168.

Processus. Parallélisme des -,

psychiques et somatiques, par

Bernhardt, 49.

PSEUDO-IIYOSCIAMINE de nlerch, par

Guicciardi, 380.

Psychiatrie et localisations céré-

brales par Mini, 163.

1 - (,ï 1 TABLE DES MATIÈRES.

. ? V.I

'PSYCIl : 'i1"é.1E criminelle, -par Som- ? 78,

ose sur un fond de dégéné-

/tescence mentale chez le vieillard

- par Trenel, 201 ? de la vieillesse

par Ritti, Vallon, Vergely, Ma-

belle, Cnllerre, Régis, Gliristian,

- 220. Glycosurie et -, par Toy,

426. - à forme anxieuse, par

Wernicke, 482.

J'L PILLAIRE. Diagnose -, par Munk,

399.

PyopiiÉ,;iEs. Folie blennorrhagique

et -, par Venturi, 474.

Quérulants. Une famille de -, par

Liebmann, 417.

Race. Influence de la . sur les 1

maladies mentales et nerveuses,

par Buschan, il5.

Raretés d'un asile d'aliénés, par

>'oecke, 41.

Rétlexes superficiels et profonds

comme moyens de diagnostic,

' par Agostini, 468.

Responsabilité. Critérium de la -

dans la folie, par Brainerd, 58.

Rétinite des paralytiques, par Co-

Iticci, 170.

Ruban de HEIL, Anatomie du -, par

Iloesel, 385.

Sang chez les aliénés, par Vorster,

43 ; par Burton, 164.

Sarcome volumineux du cerveau,

ayant débuté dans la substance

blanche de la région frontale gau-

che par Galavielle et Villard, 1.

Sclérose latérale amyotrophique

avec de générescence d faisceau

pyramidal, par Mott, 321. ilisto-

logie de la en plaques céré-

bro-spinale, par Popoff, 387.

Séniles. Etat mental de quelques

par A. Marie, 334.

Sensation. Troubles de la-et prin-

cipalement de la douleur dans

les affections viscérales, parllead,

319.. .

SI31LLATCU11. Un ; un miracle à

effacer, 347.

Sinus frontaux chez les aliénés, par

Gianeli, 471. 1

Société medico-psycbologique, par

Briand, 81,166,258. - de patro-

nage pour les aliénés et le doc-

teur Ilaok Tuke, 172. contre

l'abus des boissons alcooliques.

175. psychiatrique de la pro-

vince rliénane, par Serieux, 417.-

des médecins aliénistes de l'Alle-

magne orientale, 476.

Sourcilières. Les arcades , et les

sinus frontaux chez les aliénés

par Gianeli, 471.

Station. Des différ. modes de chez

l'homme sain, par P. Bicher, 146.

SUGGESTION à l'état de veille dans

quelques affections oculaires, par

Sgross, 466.

Suicide d'un aliéné, 175. - d'un

enfant, 501. 1.

Surdité corticale, par Freund, 479.

Syndrome de Weber, par Souques

et Londe, 77.

Syphilis et paralysie générale, par

Kovalewsky, 163.

Syphilitiques. Mélancolie chez les-,

par Devay, 324,

Syringomyélie Un cas de - aty-

pique par Targowla, 73. -, par

Marinesco, 325 ; par Both, 326.

Syringomylliques. Arthropathies -,

par Londe et Serrey, 71.

Tabès. Analgésie du tronc du cubi-

tal constituant un symptôme de

- , par Biernacki, 62, -, unira-

diculaire chez un paralytique

général, par Nageotle, 47`3. -

traumatique, par llitzig, 476.

Lésions de la base de l'encé-

phale dans le -, par Pacetti,

476.

TAiOETtQUE. Arthropathie -, bilaté-

rale et symétrique, par Souques

et Charcot, 71.

Thyroïde. Corps - et maladie de

Basedow, par Brissaud, 225 ; Re-

naut, 231 ; JofTrov 234 ; Gley,

234, Ballet et Enriquez, 235;

Verrier, 238 ; Taty et Guérin, 238.

Thyroïdien. Emploi thérapeutique

de l'extrait , 381.

Topographie cranio-cérébrale par

Falcone, 475.

Traumatismes suivis d'accidents ner-

veux rares, par llarvey, 320.

Tremblement. Une modalité du ,

dans le delirum tremens par Os-

termayer, 43.

Tubercules quadrijumeaux. Une

tumeur dans la région des ,

par Weinland, 397.

Tumeur cérébrale. Lésions anato-

miques de la moelle dans les cas

de -, par Mayer, 1 10.

Vertébrale . Commotion de la

colonne - par Freuud, 62.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 507 li

VIol CI. champ. -, des fous moraux,

par Saneiiis, 470.

Wassiliewitch. Jean , surnommé

le Cruel, par Rothe, 40L

' ZoH : a.asTe Zoopnlie érolique, Bes-

tialité et -, pal' KI'afI'L Euing, 44.

ZoopHt ! .n;ërotiqnc-bfSUat ! )Éetzo6-

rastie, par Krafl't Ebing, 44.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Agoslini, 468.

Allen, 313.

Alzheimer, 260.

Axenfeld, 1SD.

13abimky, 242.

Ballet, 235.

Barr, 471 t

Bechterew, 143, la,

385. -

Berkley, 154, 395.

Bernhardt, 49, 59, 144.

llerniqiiet, 214.

Blanchi, 405.

Itierltachl, 62.

Binsvvanger, 258.

Boek (de), 391.

Bombai da, 38.

l3onduraut, 376,470.

13on(ighi, iG5.

Bonholler, 480.

Bonnier, 151.

Bourneville, 108, 368,

321, fez0.

Boyce, 386.

Boyer, 108, 450.

Brainerd, 58.

BI'andeY, 337.

Briand, 81, 166.

Brissaud, 48, 68, 225,

307.

Bruce, 319.

Bruno, 60.

Bulloch, 154.

Burtoii, 161.

Buscliau, 415.

Campell, 155.

Challan de Belleval,

247.

Charcot (J.-B.), 71, rf3.

Charcot (J ? 11.), 74.

Charpentier, 248.

Chipault, 73, 150, 308,

Christian, 225.

Clark, 395..

Coletta, 461.

Collius, 391. ,

Collucci, 470.

Cools, 394.

Craie, 159.

Cristiani, 4G7.

Crowley, 381.

Cullierre, z7, 39,97,224.

Dagonet, 38, 473.

Daleine, 379.

Daraskiewicz, 45.

Dehio, 411.

Uelmas, 336.

Demoulm, 380.

Deschamps, 33L

Devay, 321.

Uornbluth, 12.

Doutrebente, 250.

Dumas, 328.

Ellis, 163, 47l.

Enriquez, 235.

Falcone, 175.

Falret, 170.

liai-guharson, 158.

Férié, 316.

Ferrari, 465.

Fleury (de), 324.

Flugge, 421.

Coruario, 476.

Fournier, 76.

Foveau de Courmelles,

333.

Freud, 45, 46.

Frenl.el, 62.

Freund, 62, 476, 479.

Furer, 412.

Flll'stner, 409.

Galavielle, 1.

Garnier (P.), 247.

Garnier (S.), 57.

Getltard, 382.

Gianelli, 471.

Gilles de la Tourette,

76, SI.

Giraud, 327.

Giroudon, 425.

Gloy, 234.

Goldscheider, 424.

Goodhall, 159.

Greave, 1 il.

Griibp, 61.

Gulden, 405.

Guérm,.238, 329.

Guicciardi, 380.

Hahn, 477, 478.

Hall, 87. '

II arold, 380.

llarvey, 320.

Iliscovec, 177, 375.

flead,, 319.

Hebold, 312.

Heger, 391.

Ileilbronner, 406, 480.

Hephurii, 164.

Hirsch, 312.

Hitzig, 263, 476.

Hoche, 377.

lloesel, 385.

Hoffmann, 386.

Hoisholt, 381.

Homen, 317.

1 311, 471.

Ideler, 399.

Hem,263.

JolTroy, 47, 215, 234,

256.

Johnson, 314.

Jolly, 45.

.IOI'and, 65.

[%,ils, 35, 1 FL, 389, 405.

Kausch, 385.

1{PI'aVal, 78, 407.

Kirilizeff, 141.

Klippel,328.

508 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Koepen, 137.

Kovalewsky, 163.

Krafft-Ebing, 43,44,400.

Creuser, 412.

Kroepelin, 409.

Ku relia, 58.

Lamy, 63, 317.

Lane, 165.

Lannois, 318, 338, 339.

Larroussinie, 336.

Leclerc, 152.

Liebmann. 417.

Londe, 61, 71, 77, 310.

Longard, 419.

Lugaro, 467.

Luhrmann, 115.

Lui, 393.

Mabille, 222, 242.

Macalester, 156.

Macphail, 310.

Marandon de Montyel,

378, 433.

Marie (A.), 33L

Marll1esco, 308, 325.

llassalono,316, 42î.

]\]atton,242.

1\Iallpâté, 474.

Mayer, 140, 398.

maya, 393.

lleiâe, 6=, 91, 153.

11lendel, 262.

hlerclclin, 407.

Meyer, 59, 413.

Michele (de), 475.

Aliddlemass, 161.

Mingazzmi, 4G6.

mins, 163.

Mirto. 470.

Monousblto, 315.

Moott, 162.

Moreau de Tours, 162.

Motet, 321.

blunh, 399.

Nageotte, 273, 472.

Neisser, 479.

Nissl, 141, 393, 4l0.

Noecke, 41, 416.

OEbecke, 418.

Ostermayer, 43.

Pacetti, 476.

Pailhas, 251, 334,459.

Parant, 212.

Pelman, 418.

Penta, 466,'rî6.

Peterson, 471.

Petit (R.), 14, 120.

Piccinino, 465.

Pick, 479.

Pierson, 85.

Pineles, 383.

Pitres, 219, 309.

Pons, 2 ÍÜ.

Potoir. 387.

Prou t, 39 Í.

Rase ! ), 404.

Raymond, 75,315.

Redlich, 139.

Beed, 376.

Régis, 87, 224, 239, 247,

323.

Régnier, 339.

Remak, 143.

Renaul, 231.

Renolds, 399.

Richer (l'.), 91, 14G,1 18.

Richet, 382,

Bittai, 2'20.

RoUet,4t.

Rosin, 141.

Rossi, 476.

Roth, 326.

Rothe, 401.

Rotibiiiowitcli, 166, 329.

Russel, 155.

Sanborn, 88.

Sanenis, 470.

Saville, 67.

Sayre, 392.

Schoefer, 54.

Schloess, 138.

Sémelaigne, 378.

Sérieux, 258.

Serrey, 71. 1.

Seulecq, 39.

Sgrosso, 406.

Shaw, 398.

Sieraccini, 51.

Smith, 408.

Solie Cohen, 377.

Solller, 323, 472.

Sommer, 40, 78, 138,

407.

Souchanow, 165.

Souques, 48, 66, 71, 77,

318.

Starr, 320.

Svms, 313.

'l'arnowla, 73, 310.

Taty, 238, 329.

Taylor, 157.

Tedeschi, 467.

Teeter, 391.

Thomsen, 306.

Tissié, 248, 323.

Toulouse, 168,492.

Toy, 328, 426.

Trenel, 201, 2'rl, 423.

Tllke (IL), 87.

Turner, 154,155

Valon, 221.

Venturi, 474.

Vergely, 222.

Verrier, 238, 216.

Vigouroux (A.), 33t.

Villard, 9.

Voisin (J.), 14,120,239,

246.

Vorster, 43.

Wade, 377.

Wallon, 247.

lVeinland, 397.

Wessinger, 314.

Westphall, 135.

Wollenberg, 404.

Zenner, 164.

Éucu : \, Cit. Ilémssr.r, imp. - 1 9à