ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
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NEUROLOGIE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
Fondée par J.-M. CIIARCOT
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MJI.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
à la Faculté de médecine
de Paris.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Sie-Anne).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
du système nerveux
à la Faculté de médecine
de Paris.
COLLABORATEURS PRINCIPAUX
MM. BAB1NSICI, BALLET, ISLANCHABU(I1.), BLIN(E.),
BOUCIIEREAU, BOYEIl (J.), BILIANI) (M.), ItItISSAUU (E.), BHOUARDEL (P.),
CAMUSET, GATSAItAS, CIIABBERT, CHAItPENTIEIi, CIIIiISTIAN,
CULLEIiIiE, DEBOVE (M.). DENY, DEVAY, DUCAMP, t)UVAL(MiTmAs), FERMER,
IIiANCOTTE, GAL VIELLE, GILLES DE LA TOURETTE, GOMI1AULT,
GRASSET, IIALLION, HASKOVEC, JANET (l'.), KERAVAL (P.),
KLIPPEL, LANDOUZY, MARANDON DE 1VIOTYEL, 9)A)UE, H;E))ZEJEWSKY,
SIUSGIIAVE-CLAY, NAGEOTTE, NOIR, PAILII : 1S, PETIT (R.), P1EIIItn ? PITRES,
POPOFF, RÉGIS, REGNAlI ! > (l'.), Rf;G : ilpl (P.), ItICIIEIt (P.), BOJ1JI1NOVITCIi,
HOTH (\V.), SÉGLAS, SCGUIN SCIIIEUX, SCLUEK. SOUQUES, SOUI1Y (J.)'
TEINTURIER (E.), TIIULIE (II.), TlIE11CL, Y1LLA11D, VOISIN (J.), YVON (P.).
Rédacteur en chef : BOUItNLVILLE
Secrétaires de la rédaction : J.-n. CIIARCOT et G. GUINON
Dessinateur : LEUBA
Tome XXX. 1895.
Avec ¡¡¡ figures dans le texte. ?
- t
PARIS
BUREAUX DU PIi0GIilsS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
1895
Vol. XXX. Juillet 1895. N° 101
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE.
CLINIQUE médicale DE l'Hôpital SAINT-ÉLOI DE VIONTPELLIER.
UN CAS DE SARCOME VOLUMINEUX DU CERVEAU
AYANT DÉBUTÉ DANS LA SUBSTANCE BLANCHE
DE LA RÉGION FRONTALE GAUCHE;
OBSERVATION ET AUTOPSIE;
PAR
L. GALA. VIELLE, et H. VILLARD,
Chef de clinique intérimaire Interne des hôpitaux
à la Faculté de médecine
de Montpellier.
Nous avons eu l'occasion de suivre, dans le service de notre
excellent maitre, M. le professeur Grasset, un malade atteint z
d'une tumeur cérébrale dont l'observation offre un certain inté-
rêt, et mérite, croyons-nous, d'être publiée comme document
anatomique. Il s'agit d'un homme de trente-deux ans, à l'au-
topsie duquel nous avons trouvé un volumineux sarcome du
cerveau développé primitivement dans la substance blanche
de la corne antérieure de l'hémisphère gauche. Ce sarcome, à
début intra-cérébral, a rapidement augmenté de volume, a
occupé toute la portion du cerveau gauche, située au-devant du
sillon de Rolando, en déterminant une déformation très pro-
noncée et fort remarquable des circonvolutions sur laquelle
Archives, t. XXX. , 1
2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
nous insisterons dans le cours de l'observation. Mais ce n'est
que tardivement qu'il a envahi la substance grise centrale,
quoi qu'il fût sous-jacent à cette même substance grise sur
une assez grande étendue.
Les phénomènes cliniques qui ont révélé la présence de cette
production morbide ont été peu accentués et peu nets au
début. Ils ont consisté principalement en phénomènes doulou-
reux (céphalalgie), en phénomènes d'irritation réflexe (vomis-
sements), et en phénomènes sensoriels (troubles oculaires et
auriculaires). Les troubles intellectuels ont été précoces, ce
qui n'a pas lieu de surprendre, étant donné le siège de la lésion
dans la zone psychique du cerveau. Mais ce n'est que tardive-
ment que les troubles moteurs ont apparu : d'abord intermit-
tents, ils sont devenus permanents, et ont été constitués par
une parésie d'abord, par une hémiplégie droite ensuite. Cette
hémiplégie a présenté ce caractère intéressant de survenir brus-
quement, fait sur lequel plusieurs auteurs, Gowers' entre
autres, ont attiré l'attention. Elle a précédé la mort de quelques
jours seulement.
On voit, par ce rapide résumé, quels sont les symptômes
principaux qu'a présentés notre malade. Ils n'offrent , en
somme, rien de bien particulier, et sont assez classiques. Mais
ce qui présente un peu plus d'intérêt, c'est la nature de la
lésion que nous avons observée bien plutôt que la symptoma-
tologie à laquelle elle a donné lieu. Aussi est-ce sur les parti-
cularités anatomo-pathologiques, bien plus que sur les carac-
tères cliniques que nous insisterons, soit dans l'observation
elle-même que nous allons rapporter maintenant, soit dans
quelques considérations rapides dont nous la ferons suivre.
Pour rendre cette description anatomique plus claire et plus
saisissante, nous avons cru utile de rapporter quatre figures
qui, quoique fort schématiques, n'en donnent pas moins une
idée exacte des dimensions et des rapports de la tumeur.
Le nommé G..., âgé de trente-deux ans, exerçant la profession
de cultivateur, est entré le 4 février 1894, à l'HOtel-Dieu Saint-Eloi
de Montpellier, salle Fouquet, n° 5, service de M. le professeur
Grasset.
Rien à noter du côté des antécédents héréditaires ou personnels.
Pas de syphilis, pas d'alcoolisme.
1 Gowers. - Drain, t. I, p. 48.
UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 3
L'affection qui amène ce malade dans nos salles parait avoir net-
tement débuté le 8 septembre 1893, par des vomissements, survenus
sans cause appréciable. Quelques jours après il commença à souf-
frir de la tête, et cette douleur fut localisée d'emblée, dans la partie
gauche et antérieure du crâne. En même temps, il fut pris d'une
faiblesse assez marquée ; il n'avait plus ni volonté, ni énergie. Il
dut bientôt cesser son travail, se désintéressant de tout ce qui
était extérieur, il restait couché presque toute la journée, n'aspi-
rant qu'après le repos. Ce changement dans son caractère frappa
fort l'entourage du malade, qui était auparavant travailleur et dur
à la peine.
Des troubles oculaires et auriculaires, siégeant du côté gauche,
ne tardèrent pas à apparaître. Ces troubles oculaires étaient carac-
térisés par une diminution de l'acuité visuelle, une sensation « de
tremblement et de fourmillement » de l'oeil gauche, et une photo-
phobie assez intense avec larmoiement passager, sans que cepen-
dant l'oeil fût rouge ou injecté. Les troubles auriculaires, qui sié-
geaient exclusivement à gauche au début, se traduisirent par une
sensation de sifflement et de bourdonnement, sans diminution de
l'acuité auditive. Le malade resta dans cet état, pendant les mois
de septembre et d'octobre.
Au mois de novembre, la maladie s'accentua : les phénomènes
anciens devinrent plus intenses, et des phénomènes nouveaux
apparurent. La céphalalgie devint beaucoup plus violente et
présenta, pour la première fois, le caractère d'être accrue
par la compression du côté gauche du crâne. De plus notre
homme commença à ressentir dans l'oeil droit les mêmes sensations
de fourmillement et de tremblement qu'il accusait depuis deux
mois dans l'oeil gauche ; mais cependant l'acuité visuelle ne parais-
sait pas diminuée. Les vomissements qui n'avaient pas cessé pen-
dant les mois de septembre et d'octobre, continuèrent et s'accen-
tuèrent en novembre. Malgré cela, l'appétit, loin de diminuer,
augmenta beaucoup, et le malade qui, d'ordinaire, mangeait fort
peu, fut pris d'une véritable boulimie.
Dans le courant du même mois, apparurent par intermittences
des vertiges qui étaient surtout prononcés après les vomissements.
A la même époque, assez exactement entre le 10 et le 20 no-
vembre, l'intelligence du malade commença à baisser ; la mémoire
s'affaiblit, ses paroles étaient incohérentes, ses raisonnements
décousus, et selon les propres expressions de son entourage « il ne
disait que des bêtises D. Il eut cependant quelques rares intervalles
de lucidité qui parfois durèrent un ou deux jours. Vers le milieu
du mois de novembre, il fut examiné au point de vue oculaire,
par M. le professeur Truc, qui diagnostiqua une tumeur probable
du cerveau et ordonna un traitement approprié.
Depuis lors l'état du malade alla toujours en s'aggravant. La
4 PATHOLOGIE NERVEUSE.
céphalalgie, excessivement intense se généralisa des deux côtés du
crâne, mais ce n'est que du côté gauche que la pression détermi-
nait une exagération de la douleur. De même les bourdonnements
et les sifflements d'oreilles qui jusque là n'avaient siégé qu'à
gauche envahirent l'oreille droite; ils se produisaient tantôt à
droite, tantôt à gauche, mais jamais simultanément des deux
côtés.
En décembre apparut un léger strabisme intermittent, en même
temps que quelques crises convulsives se montraient du côté droit
mais nous n'avons pu avoir sur ces deux phénomènes aucun ren-
seignement précis. Nous avons appris, cependant, que ces crises
convulsives s'accompagnèrent d'un affaiblissement du côté droit
du corps, mais trop peu prononcé pour rendre la marche impos-
sible.
' La marche était assez facile, en effet, mais elle s'accompagnait
rapidement de fatigue ; de plus, le malade avait tendance à perdre
l'équilibre et à tituber surtout quand il venait d'avoir des vomisse-
ments. Les troubles intellectuels' s'accentuèrent progressivement
et devinrent excessivement prononcés à partir du 10 au 15 dé-
cembre.
Le mois de janvier se passa sans incident notable, mais les
symptômes que nous avons déjà rapportés, s'aggravèrent de jour
en jour. Lors de son entrée, le 4 février, nous notâmes l'état
suivant : '
Etat actuel. C'est un homme dans la force de l'âge, qui frappe
de suite, par son regard vague et hébété. Il ne peut fournir aucun
renseignement exact, ni sur la marche de sa maladie, ni sur les
sensations qu'il éprouve actuellement. Une se rappelle de rien, ne
peut rien dire de sensé. Il se plaint surtout d'une céphalalgie
intense, constante, mais présentant cependant des moments d'exa-
cerbation. Elle siège au niveau des régions frontales et pariétales
des deux côtés, mais elle est beaucoup plus prononcée à gauche.
La pression augmente cette douleur.
La vision du côté gauche parait diminuée ; mais nous ne pou-
vons fournir de renseignements précis à ce sujet, l'acuité visuelle
n'ayant pu être mesurée. L'oeil gauche, à l'inspection, n'est le siège
'd'aucune altération extérieure. La pupille est un peu paresseuse;
l'iris n'est ni terne, ni décoloré. La tension de l'oeil est normale. La
malade a une acuité auditive à peu près normale, mais il perçoit
constamment des bruits dans les oreilles, surtout du côté gauche.
Il accuse aussi une sensation vertigineuse qui n'est pas constante
et survient par intermittences. Il n'a pas de crises convulsives, soit
généralisées, soit localisées à une moitié du corps ou à un membre
Quand on lui fait étendre la main droite et écarter les doigts, on
perçoit un léger tremblement se rapprochant assez du tremblement
alcoolique.
UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 5
La sensibilité parait normale des deux côtés, mais cette recherche
est rendue incertaine par le peu de réaction du malade, et surtout
par le peu de précision de ses réponses qui sont souvent contradic-
toires. Il n'y a pas d'hémiplégie. Cependant le côté droit parait
légèrement parésié; cette diminution relative des forces est très
nette au membre supérieur droit. Il n'y a pas de paralysie faciale.
Les divers sphincters fonctionnent bien.
La marche est mal assurée ; le malade s'en va un peu voûté ;
traînant les jambes et titubant par moments. Cependant il n'a
jamais fait de chutes. Le réflexe rotulien est normal des deux
côtés. Il n'y a pas de trépidation épileptoide.
La parole est lente; les réponses ne viennent que lentement.
Les mots sont émis avec peine, le malade bredouille et ne peut pas
toujours être compris.
Les troubles intellectuels sont des plus marqués. Ils sont carac-
térisés par un affaiblissement progressif et continu des facultés
mentales. La mémoire a beaucoup diminué, elle a même presque
disparu. Les conceptions sont lentes ; les réponses sont le plus sou-
vent incohérentes. Le malade n'a plus ce besoin de repos, cette
torpeur musculaire, que nous avons signalés comme un des symp-
tômes du début; il est rarement couché, il se promène partout dans
l'hôpital sans savoir où il va, et on est obligé de le surveiller de très
près. Quelques jours après son admission il se dirigea dans un coin
du jardin où se trouvent des serres et là cassa plusieurs vitrages.
A plusieurs reprises il a jeté dans la salle son assiette, son verre,
et n'en a pas moins continué malgré les admonestations des gens
de service.
Les fonctions digestives se font bien. Il n'y a ni constipation, ni
diarrhée. L'appétit est exagéré, le malade mange tout ce qu'on lui
donne, avec voracité, gloutonnerie et sans aucune mesure. Il a
parfois des vomissements, mais ils sont assez rares actuellement.
Durant les premiers jours de son séjour à l'hôpital, les symptômes
que nous venons de rapporter persistèrent avec ces mêmes carac-
tères. Mais vers le 15 février, on vit survenir une aggravation dans
l'état du malade. En effet, dès ce moment les forces diminuèrent
rapidement. Il restait couché la plus grande partie de la journée,
il fallait l'exciter à se lever, de plus il fallait le faire manger. L'ap-
pétit, jusque-là augmenté, commença à diminuer; de temps en
temps il allait sous lui. Enfin les troubles de la parole augmentè-
rent encore ; le malade répondait par quelques mots, quand on le
pressait vivement, et les paroles qu'il prononçait étaient le plus
souvent un vague bredouillement inintelligible.
A partir, du 1 ? mars il resta constamment couché, ne faisant
aucun mouvement et allant constamment sous lui.
Le 12 mars, survint une brusque aggravation dans son état. On
constata ce jour là que tout le côté droit était paralysé et dans la
6 PATHOLOGIE NERVEUSE. ,
résolution complète; de plus, il paraissait y avoir une légère dimi-
nution de la sensibilité du même côté. La face ne présentait aucune
paralysie, mais la tête était non pas déviée, mais portée latérale-
ment à gauche et restait toujours dans cette position. Le-regard
était très vague et la perte de connaissance absolue. On lui donna
de suite un lavement purgatif, et on lui mit un vésicatoire à chaque
mollet, mais son état, au lieu de s'améliorer, alla en s'aggravant,
et il mourut dans la nuit du 14 au 15 mars.
Autopsie.
L'autopsie pratiquée le 16 mars a donné les renseignements sui-
vants. L'incision des parties molles du crâne ne présente rien de
particulier. La section du crâne est excessivement facile et très
rapidement faite, ce qui tient à un amincissement excessif des
parois crâniennes et à la diminution de leur consistance.
La dure-mère vue extérieurement parait normale. Quand on l'a
incisée on constate qu'elle présente quelques adhérences avec la
pie-mère, assez lâches, siégeant principalement au niveau du lobe
frontal et de la partie antérieure du lobe pariétal du côté gauche.
Quelques rares adhérences disséminées du côté droit. La pie-
mère est congestionnée, mais ce qui domine, c'est la stase nerveuse
qui est bilatérale. Elle présente des adhérences avec la substance
cérébrale. Ces adhérences siègent dans toute l'étendue des circon-
volutions ; elles sont assez lâches sauf au niveau des circonvolutions
frontales gauches où elles sont très serrées : on ne peut pas déta-
cher la pie-mère en ce point, sans entraîner en même. temps de
petits fragments de substance cérébrale.
Le cerveau enlevé et dépouillé de ses enveloppes autant que cela
a été possible est alors examiné. Ce qui frappe au premier abord,
c'est une déformation excessivement prononcée de l'hémisphère
gauche. Quant à l'hémisphère droit, nous tenons à dire de suite
qu'il ne présente rien d'anormal, ni extérieurement, ni à la coupe.
Nous allons décrire longuement l'hémisphère gauche.
La région frontale gauche qui normalement occupe le tiers envi-
ron de l'hémisphère a acquis un développement considérable et
occupe presque les deux tiers de cet hémisphère, autrement dit, le
sillon de Rolando qui sépare les zones frontale et pariétale est rejeté
en arrière, et situé beaucoup plus près de la corne occipitale que
de la corne frontale. En outre les circonvolutions de ce lobe fron-
tal sont étalées, élargies : les sillons qui les déterminent manquent
de profondeur de telle façon que cette portion du cerveau se rap-
proche jusqu'à un certain point d'un cerveau d'animal. La parié-
tale ascendante*participe un peu à cet élargissement.
Au niveau du pied de la troisième circonvolution frontale gauche,
on voit une légère élevure présentant les dimensions d'une pièce
UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 7
de un franc environ, et offrant une coloration lie de vin très nette,
tranchant fortement sur la teinte grisâtre des circonvolutions envi-
ronnantes. La palpation de la zone frontale permet de constater
une augmentation de consistance du tissu cérébral, dont le maxi-
mum se trouve au niveau de la portion eccliymolique dont nous
venons de parler (pg. 1).
On pratique alors, à un centimètre de distance l'une de l'autre,
une série de huit coupes allant depuis la corne frontale jusqu'au
sillon de Rolando et parallèles à ce sillon. Voici ce que nous avons
constaté. La première coupe qui porte sur la portion tout à fait
antérieure du lobe frontal gauche nous montre le commencement
de la lésion, constituée par une tumeur, demi-dure, d'aspect aréo-
laire, blanchâtre, et occupant la portion centrale de la substance
blanche. Tout autour du tissu néoplasique, on observe une zone de
ramollissement. t.
Dans la deuxième coupe, la portion indurée s'est accrue princi-
palement du côté de la convexité, et atteint la substance grise
périphérique, sans l'intéresser cependant. Cette tumeur blanc gri-
sâtre, est limitée du côté interne par une zone de ramollissement
beaucoup plus nette que dans la première coupe.
Dans la troisième coupe, la tumeur s'est encore fortement accrue.
Elle est devenue plus dure, et a pris une teinte rougeâtre, elle est
toujours située contre la substance grise. Du côté interne on voit
à côté de la tumeur une zone d'infiltration, d'envahissement et en
dedans de celle-ci une nouvelle zone de ramollissement.
La quatrième coupe nous montre que la tumeur s'élargit encore
dans tous les sens, et principalement par sa base qui est interne.
Fig. 1. Configuration extérieure de l'hémisphère gauche.
0 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Elle est devenue plus molle et plus rosée. Elle présente en haut et
en dedans une production secondaire, formant un nodule dur,
rosé, séparé du noyau principal par la zone ramollie qui fait le
tour presque complet de la tumeur primitive (fig. 2).
La cinquième coupe est faite à 6 ou 7 centimètres de la corne
frontale, et n'atteint pas encore le point où porte la coupe pédi-
culo-frontale de Pitres..
La tumeur est encore augmentée, et elle occupe les deux tiers
supérieurs et externes du centre ovale. Elle est de plus en plus
rosée, un peu moins dure qu'au début. La zone de ramollissement
englobe complètement le néoplasme. En haut et en dedans du
noyau principal on voit le noyau secondaire que nous avons déjà
signalé et dont les dimensions ont augmenté.
La sixième coupe nous montre la tumeur au point où elle est le
plus développée. Elle occupe près des deux tiers de la substance
blanche, et à la partie inférieure et externe arrive jusqu'aux mé-
ninges, constituant là cette saillie rougeâtre que nous avons signa-
lée à l'inspection de la face convexe du cerveau gauche, elle refoule
le noyau secondaire en haut et en dedans. Elle présente à sa base
deux échancrures qui la divisent en trois lobes assez nets. Sa consis-
tance n'est pas complètement uniforme; à côté de points relative-
ment ramollis se trouvent des parties indurées, lardacées, en bien
plus grand nombre. Elle est, en quelque sorte, isolée du restant de
la substance cérébrale par une zone assez large de ramollisse-
ment (fig. 3).
1% i,g. 2. Quatrième coupe passant à 5 centimètres environ de la
corne frontale gauche.
UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. V
La septième coupe portant dans la région 'pédiculo-frontale de
Pitres, nous permet d'observer une diminution dans les dimensions
de la tumeur. Elle gagne la partie inférieure et se dégage de la
partie supérieure, le noyau secondaire a disparu. Quant au noyau
principal il présente les mêmes caractères macroscopiques et est
toujours entouré de la même zone de ramollissement, qui n'est
très prononcée cependant qu'à la partie supérieure.
Enfin la huitième et dernière coupe porte un peu en avant du
sillon de Rolando. Nous arrivons là à la limite postérieure de la
tumeur qui n'occupe que la partie inférieure et externe de l'hé-
misphère. Elle est encore circonscrite par une zone de ramollisse-
sement.
Les diverses coupes que nous avons pratiquées, et dont nous
venons de rapporter la description, nous permettent de déterminer
assez exactement la forme et les dimensions qu'affectait la tumeur
à l'intérieur de l'hémisphère gauche. On peut en somme la com-
parer à un ovoïde à grand axe dirigé d'avant en arrière et un peu
de dedans en dehors, la grosse extrémité de cet ovoïde étant pos-
térieure. Cette tumeur ne siégeait que dans la substance blanche
de la partie antérieure du cerveau gauche; dans une grande par-
tie de son étendue elle était sous-jacente à la substance grise,
Fig. 3. Sixième coupe passant à 7 à 8 centimètres environ de
. la corne frontale gauche.
10 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
mais le processus néoplasique n'avait envahie l'écorce qu'au niveau
du pied de la cicronvolution de Broca. En un point elle présentait
noyau secondaire qui n'avait pas encore acquis un grand dévelop-
pement. Enfin une zone de ramollissement la séparait du restant
de la substance blanche.
Pour donner une meilleure idée de la disposition. générale de
la tumeur, nous avons rapproché les diverses coupes de Pitres,
reconstitué ainsi en quelque sorte le cerveau, et nous avons fait
alors une coupe de Flescliig que nous rapportons : on peut voir
aussi la tumeur sous ses deux principaux diamètres, et de plus bien
juger des dimensions vraiment énormes qu'elle présentait (fig. 4).
Voici maintenant l'examen histologique d'après la note que nous
a remise M. le professeur Kiener. La tumeur a été étudiée sur des
coupes provenant de fragments durcis dans l'alcool. La structure
Fig. 4. Coupe schématique de Flechsig montrant la tumeur sectionnée
horizontalement, au point où elle a atteint son maximum de dévelop-
pement.
UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 11
est celle d'un sarcome fasciculé dont les faisceaux sont enchevêtrés
dans toutes les directions. Les cellules appartiennent au type fusi-
forme. Dans certains faisceaux elles sont fibro-plastiques et l'on voit
interposées entre elles des fibres conjonctives plus ou moins grêles
ou larges. Mais dans d'autres faisceaux les cellules extrêmement
grosses et nombreuses se touchent presque immédiatement sans
interposition de fibres conjonctives. La plupart de ces cellules pré-
sentent des noyaux volumineux de forme très irrégulière, vivement
colorés, qui se rapportent évidemment aux différentes phases de la
karyokinèse, bien que les formes typiques soient un peu effacées
dans cette pièce cadavérique.
En même temps le protoplasma des cellules subit une transfor-
mation colloïde; il devient réfringent, et refoule le noyau à la péri-
phérie. Les cellules ainsi modifiées ont tendance à se fusionner et
donnent naissance parfois à des cellules géantes à noyaux mul-
tiples. Dans les parties où cette dégénération colloïde du proto-
plasma cellulaire est très prononcée, les fibres conjonctives devien-
nent elles-mêmes tuméfiées réfringentes et semblent annoncer une
fonte prochaine. Cependant on ne trouve pas de foyer de ramollis-
sement dans le fragment examiné.
Telle est, rapportée dans tous ses détails, l'observation qui
fait la base de ce travail. Nous allons maintenant tâcher de
faire ressortir, en quelques lignes, les quelques points qui nous
paraissent dignes d'intérêt.
La tumeur que nous avons observée est intéressante par sa
nature histologique, par son siège, par son volume, par les
modifications de voisinage qu'elle a déterminées soit dans le
cerveau lui-même, soit dans la cavité cranienne. Quant à la
marche clinique, elle nous paraît trop classique pour que nous
la reprenions ici; nous avons, d'ailleurs, suffisamment insisté
sur cette étude sympathique dans le cours de l'observation,
aussi nous n'y revenons pas.
a. Les caractères macroscopiques, sur lesquels nous nous
sommes longuement étendus, nous permettaient, à eux seuls,
de poser le diagnostic de sarcome; nous avons vu que l'élude
histologique, faite par M. le professeur Kiener, dont on con-
naît la grande compétence, a confirmé ce premier diagnostic,
établi à la table d'autopsie, et a levé tous les doutes. Cet
examen microscopique a de plus démontré que nous avions
affaire à un sarcome pur, sans aucun mélange de tissu ner-
veux. '
Or, les sarcomes du cerveau sont relativement rares, surtout
12 PATHOLOGIE NERVEUSE.
si l'on tient compte de ce fait que la plupart de ceux qui ont
été observés, l'ont été chez des enfants ou des adolescents
ayant rarement dépassé l'âge de dix-neuf ans, et de cet autre
fait que bien des fois ces sarcomes ont eu un début primitive-
ment dure-mérien. Quoi qu'il en soit, nous voyons que tous les
sarcomes, pris en. bloc, n'ont été constatés que 34 fois sur
300 cas de tumeurs des centres nerveux, si nous en croyons la
statistique fort remarquable de Allen Starr'. 1.
Ces seuls chiffres nous dispensent de longues dissertations,
en nous montrant que les sarcomes constituent une variété
exceptionnelle de tumeurs cérébrales, ces tumeurs étant elles-
mêmes fort rares.
b. Au point de vue du siège, cette même statistique de Allen
Starr nous montre que les localisations exclusives des tumeurs
cérébrales dans la substance blanche sont rares, puisqu'elles
ont été observées 35 fois seulement dans le centre ovale ou le
corps calleux. Cette localisation de la tumeur dans la subs-
tance blanche de la corne frontale, nous rend compte de l'ap-
parition précoce des troubles psychiques, et de l'installation
tardive d'une hémiparésie, puis d'une hémiplégie droite.
c. Mais ce qui est réellement remarquable dans notre cas,
c'est le volume énorme de la tumeur, dont les dimensions
peuvent être comparées à celles d'un oeuf de dinde environ.
Et cependant cette production morbide si volumineuse n'avait
déterminé, pendant longtemps, que des troubles symptoma-
tiques relativement légers; le cerveau a donc fait preuve d'une
tolérance relative, tolérance que l'on peut rapprocher de celle
bien connue qu'il a présentée, dans certains cas, pour des
corps étrangers volumineux.
d. La présence de cette tumeur volumineuse a déterminé,
par action mécanique, une déformation remarquable de l'hé-
misphère atteint. Cet hémisphère, augmenté de volume dans
son ensemble, était avant tout déformé. Cette déformation
était double. Elle consistait tout d'abord en une augmenta-
tion des dimensions du lobe frontal, si volumineux que le sillon
de Rolando, qui le limite en arrière, était beaucoup plus près
de la corne occipitale que de la corne frontale ; elle consistait,
en outre, en un aplatissement et un élargissement des circon-
1 Allen Starr. Aled. News., 12 janvier 1889.
UN CAS DE SARCOME DU CERVEAU. 13
volutions de ce même lobe frontal, de telle sorte que les cir-
convolutions étaient beaucoup plus larges, et que les sillons qui
les séparent étaient moins sinueux et surtout moins profonds
qu'à l'état normal; nous avons cherché à représenter cette dis-
position dans les figures schématiques que nous rapportons.
C'est là, d'ailleurs, une déformation que l'on voit suivant la
juste remarque de MM. Grasset et Rauzier', dans tous les cas
de tumeur cérébrale volumineuse siégeant à l'intérieur de l'en-
céphale, et qui est indépendante de la nature du néoplasme.
e. Une autre conséquence de la présence de cette volumi-
neuse tumeur cérébrale a été un agrandissement de la cavité
cranienne. Mais cet agrandissement de la cavité, assez peu pro-
noncé du reste, s'est fait principalement aux dépens de l'épais-
seur des os du crâne qui étaient remarquablement minces et
diaphanes. Cependant il n'y avait pas de perte de substance
osseuse.
f. Enfin, et pour terminer, nous voulons attirer l'attention
sur la zone de ramollissement que nous avons signalée autour
de la tumeur, sur toutes nos coupes. Cette zone était très nette,
et en certains points mesurait plusieurs millimètres, mais elle
n'était pas assez prononcée pour que la tumeur fût énucléable.
Nous n'avons pas fait d'étude histologique de cette zone inté-
ressante ; nous ne pouvons donc émettre aucune opinion per-
sonnelle sur la pathogénie de ce ramollissement; nous rap-
pellerons simplement que, pour Friedlander, il s'agit là d'un
ramollissement ischémique produit par une artérite oblité-
rante.
' Traité pratique des maladies du système nerveux, t. I, p. 424,
il édition, 1891. '
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE ' ;
Par le D' J. VOISIN, médecin de la Salpètrière; et Raymond PETIT,
interne des hôpitaux.
DU SANG.
L'état du sang a déjà été l'objet de plusieurs recherches;
nous y avons fait allusion en parlant des troubles de nutrition
dans l'épilepsie. Hénocque avait remarqué qu'à la suite des
accès épileptiques, l'activité de réduction de l'oxyhémoglobine
était diminuée. Cette diminution de l'activité de réduction coïn-
cide avec la disparition d'une certaine quantité d'oxyhémoglo-
globine comme l'a constaté M. Féré, et pour lui elle est sous
la dépendance de la décharge nerveuse. On signale aussi une
diminution du nombre des globules rouges qui n'est pas paral-
lèle à celle de la quantité d'oxyhémoglobine. Ce défaut de
parallélisme n'est pas propre à l'épilepsie. On le remarque dans
d'autres maladies. Ainsi Otto a vu que la saignée diminuait le
nombre des globubes et plus encore la quantité d'hémoglobine.
Seppeli, d'autre part, a constaté que chez les pellagreux l'hé-
moglobine diminue dans une plus forte proportion que le
nombre des globules. Enfin, à la suite des accès, on trouve
dans le sang un certain nombre de globules rouges, sphériques,
paraissant plus petits que les globules discoïdes ordinaires ; en
même temps on signale aussi l'apparition de globulins ou
hématoblastes.
Chez plusieurs malades en état de mal, nous avons voulu
remplir l'indication de la saignée. Chaque fois que nous avons
tenté cette intervention, nous avons échoué à cause de l'état
tout particulier du sang. Les veines sont assez apparentes au
pli du coude, maisleur ouverture ne présente pas un écoulement
1 Voir Archives de Neurologie, n°' 98, 99, 100.
DE L'INTOXICATION DANS l'ÉPILEPSIE. 15
de sang suffisant quelles que soient d'ailleurs les dimensions
de la plaie veineuse ; à peine quelques gouttes apparaissent-
elles à l'orifice cutané, elles se coagulent aussitôt, et quoi que
l'on fasse l'écoulement est faible ou ne se fait pas. Le sang a
un aspect particulier, il est noir, épais et très visqueux, il se
coagule presque immédiatement au contact de l'air en donnant
un caillot noir parfois différent et une quantité de sérum assez
minime comme nous avons pu le voir en recueillant du sang à
l'aide de ventouses scarifiées. Cette modification du sang rap-
pelle celle que l'on attribue généralement à diverses intoxi-
cations et à certaines maladies infectieuses. Nous en avons été
frappés et cela nous a suggéré l'idée d'en faire l'examen bac-
tériologique. Malheureusement, ces recherches nécessitent un
temps considérable et ne peuvent devenir concluantes que par
leur grand nombre. Aussi, nous nous contenteronsderapporter
ici quelques-unes de nos expériences sans vouloir encore géné-
raliser, ni donner à ces résultats un caractère de constance
absolu. Peut-être que ces recherches que nous continuons,
nous permettront-elles un jour d'être plus affirmatifs.
Dans tous ces essais bactériologiques, nous avons opéré que
sur des malades qui avaient des accès en série ou du délire,
nous avons suivi la méthode que voici et qui nous a paru la
plus certaine. Le choix de la veine étant fait et un lac posé
au-dessus de la région, on lave celle-ci avec une brosse ou
une compresse rude, de l'eau et du savon. Ce lavage doit être
un peu prolongé. Il faut ensuite faire un second lavage iL
l'éther, suivi d'un troisième à l'alcool à 90°. Ces deux derniers
se font en frottant avec du coton hydrophile. On prend ensuite
du coton stérilisé si possible avec lequel on lave une quatrième
fois au sublimé; cela fait, on laisse le tampon au sublimé sur
le point que l'on va piquer. Parfois même nous avons laissé
un pansement au sublimé en place pendant une heure ou deux.
A l'aide d'une seringue à aiguille capillaire stérilisée à l'auto-
clave et gardée jusque-là dans un tube bouché avec de l'ouate
et parfaitement stérilisée, on pique ensuite la veine, entrant
autant que possible d'emblée et franchement dans sa cavité;
puis on fait l'aspiration. Les seringues de choix sont celle de
Roux ou celle de Strauss dont le piston est stérilisable. Quand
on a une quantité de sang suffisante, on retire brusquement
l'aiguille et le moment est venu d'ensemencer. On incline le
tube à culture, on le débouche tout juste assez pour laisser
16 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
passer l'extrémité de l'aiguille ou de la seringue et on laisser
tomber quelques gouttes du sang recueilli. Cet ensemencement
doit être fait sur place et rapidement afin d'éviter autant que
possible toute cause de contamination extérieure. Dans quel-
ques cas même, pour éviter les causes d'erreur qui pourraient
venir de la peau, nous avons commencé par faire une dénu-
dation de la veine avec les précautions antiseptiques les plus
minutieuses. Ces piqûres ou ces dénudations sont insensibles.
Nous nous sommes servi du bouillon de boeuf peptonisé, de
milieux peptonisés simples à divers titres et de gélatine et de
gélose nutritives.
I. SOLIv'... Premier examen. Les lamelles de sang examinées
au microscope, ne laissent voir aucun microbe d'une façon nette
et certaine. Deux tubes de gélatine ne paraissent pas avoir poussé
malgré l'aspect trouble et louche du point d'ensemencement que
nous pensons devoir être attribué au sang lui-même ou à son albu-
mine. Deux tubes d'agar ne semblent pas avoir poussé non plus.
Trois centimètres cubes de sang inoculés dans le péritoine d'un
cochon d'Inde entraînent une élévation de température pendant
les vingt-quatre heures suivantes.
2° Examen. - Les lamelles de sang restent négatives tout au moins
incertaines à l'exposition microscopique. Deux tubes de gélatine
n'ont pas poussé.
Deux tubes de bouillon à 39°. Au bout de deux jours, ces bouil-
lons se troubleut. On ensemence avec eux deux tubes de gélatine.
Quarante-huit heures après, ceux-ci commencent à cultiver. On
voit de nombreux grains très petits en chapelet le long de la piqûre
et sur la traînée superficielle. Ces gélatines se liquéfient assez rapi-
dement sur toute la largeur du tube en donnant un fond plat
d'un dépôt blanchâtre. Au microscope, on voit dans toutes ces cul-
tures un grand nombre de petits coccus prenant le Gram. Ils se
disposent en zooglées, quelques-uns sont isolés, d'autres en diplo-
coques ou en courtes chaînettes irrégulières de quatre ou cinq élé-
ments.
Un tube de bouillon à la température de 22°. Trois jours après
l'ensemencement, ce bouillon est nettement troublé ; on y voit
nager d'épais grumeaux blanchâtres qui déposent au fond du
tube.
Avec ce même bouillon, on ensemence un tube de gélatine qui
présente au bout de deux jours des grains arrondis, translucides à
la surface et sur tout le trajet de la piqûre, ces derniers beaucoup
plus petits ; la liquéfaction de la gélatine ne se fait qu'au bout de
cinq jours. Ces deux cultures laissent voir au microscope des
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. tri 7
bacilles assez courts et trapus, à bouts arrondis et isolés, et par
chaînettes de deux éléments. Deux tubes de gélose n'ont pas poussé.
Le 13 novembre 1893, on injecte dans la veine marginale de
l'oreille droite d'un lapin un mélange à parties égales du bouillon
à 22° et du bouillon à 39°. L'injection est de 10 centimètres cubes
et poussée lentement.
18 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
laisser voir au microscope un assez grand nombre de coccus pre-
nant le Gram et du même volume que ceux de la gélatine ci-des-
sus.
4e Examen. - Les lamelles de sang examinées immédiatement
restent négatives. Un tube de bouillon. Température, 39°, se trouble
nettement au-bout de trois jours; on y voit de fins grumeaux
blanc sale, déposant au fond du tube. Les préparations microsco-
piques colorées par la méthode de Gram laissent voir une culture
pure de coccus arrondis, d'un volume moyen, ordinairement grou-
pés en zooglées, quelquefois isolés ou en chaînettes irrégulières de
quatre à cinq éléments.
Un tube de bouillon (22°) a commencé à se troubler vers le troi-
sième jour, mais il a été contaminé par une levûre rose et ne peut
entrer en ligne de compte.
Un tube de gélatine a été également contaminé par une levûre
rose.
De deux tubes d'agar, l'un a été également contaminé par la
levure rose, l'autre a poussé faiblement, montrant au microscope
de petits coccus en zooglées, qui prennent le Gram.
LEP... Premier examen. Les lamelles de sang, examinées
immédiatement, restent négatives ou incertaines. Deux tubes de
bouillon (température, 39°). Au bout de deux jours, ces tubes sont
troubles et contiennent d'abondants flocons granuleux qui nagent
dans le liquide et déposent au fond. Au microscope, on voit des
coccus de volume moyen, isolés et le plus souvent groupés en
amas.
Deux tubes de gélatine sont ensemencés avec ces deux bouillons ;
au bout de trois jours, on y voit paraître des grains arrondis, jau-
nâtres le long de la piqûre et sur la traînée de la surface. Le
sixième jour, la liquéfaction commence et se fait rapidement sur
toute la largeur du tube; elle est limitée par un fond plat sur
lequel se fait un dépôt jaune pâle. Au microscope, ces deux géla-
tines donnent, par la méthode de Gram le même résultat que les
deux bouillons précédents.
Un tube de bouillon à 2a°. Au bout de trois jours, il est troublé et
contient des flocons louches qui déposent au fond. Les préparations
microscopiques faites par la méthode de Gram contiennent des
coccus assez gros en zooglées et souvent disposés par quatre.
Un tube de gélatine est ensemencé avec ce bouillon; il commence
à pousser le troisième jour sous forme de nombreux points arron-
dis, blanchâtres et très petits, aussi bien sur le trajet de la piqûre
que sur la traînée d'ensemencement; puis la gélatine se liquéfie de
la même façon que précédemment. Au microscope, on voit des
coccus assez gros en culture pure, isolés par quatre, ou le plus sou-
vent en zooglées.
DE L'INTOXICATION DANS l'ÉPILEPSIE. 'J9
On injecte 10 centimètres cubes de bouillon à 22& dans la veine
marginale de l'oreille gauche d'un lapin (injection lente) ; pendan-
l'opération, l'animal est pris d'une oppression très vive. Après l'int
jection, il reste immobile dans un coin, les oreilles basses. Pendant
les deux jours suivants, ce lapin a présenté une élévation de tem-
pérature de 4°,4, puis il est redescendu à la température normale
et a guéri.
2e examen. - Les lamelles de sang restent négatives.
Un tube de bouillon (température, 39°), se trouble le troisième
jour, puis donne un dépôt blanc sale au fond du tube. Au micros-
cope, on voit des coccus isolés ou plus souvent en zooglées, très
petits et prenant le Gram.
Un tube de bouillon (température, 22°), se trouble le quatrième
jour, puis dépose au fond, comme le précédent. L'examen micros-
copique (Gram),donne le même résultat.
Deux tubes de gélatine ont poussé le troisième jour. On y voit
des points jaune pâle arrondis le long de la piqûre et sur la traînée.
Les plus gros atteignent le volume d'un grain de chènevis; la géla-
tine se liquéfie rapidement. Au microscope, on voit de petits coc-
cus prenant le Gram, disposés en zooglées.
JAcQ... Lamelles de sang. En quelques points, il semble y
avoir sur ces préparations colorées par la méthode de Gram quel-
ques coccus isolés ou en diplocoques.
Un tube de bouillon (température, 39°) a poussé le quatrième
jour. Il est trouble et un dépôt sale se fait au fond du tube. Au
microscope, on voit de petits coccus en zooglées, prenant le Gram.
Un tube de bouillon (température, 22°). Ce bouillon se trouble le
cinquième jour et dépose un peu au fond.
Au microscope, on voit quelques coccus isolés ou disposés par
deux et quelques rares bacilles comme ceux que nous avons déjà
signalés précédemment.
Deux tubes de gélatine n'ont pas poussé.
Deux tubes d'agar n'ont pas poussé non plus.
DuaAi3... Premier examen. - Lamelles de sang. L'examen de
ces lamelles reste négatif.
Un tube de bouillon (température, 39°) a poussé le troisième jour
et dépose au fond du tube.
Au microscope, on voit des coccus de dimensions moyennes,
isolés en petits amas, parfois en courtes chaînettes. Ils prennent le
Gram.
Un tube de bouillon (température, 22°) se trouble le troisième
jour et montre un dépôt sale et granuleux au fond du tube.
Au microscope, on voit des coccus en petits amas par deux et
souvent par quatre ; ils prennent le Gram.
20 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Deux tubes de gélatine ontpoussé le cinquième jour sous la forme
de grains arrondis liquéfiant la gélatine comme les précédents.
Au microscope, on voit de petits coccus en zooglées ou isolés.
2e Examen. (Sang pris immédiatement après la mort dans la
veine fémorale.)
Deux tubes de gélatine ont poussé le sixième jour; ces cultures
contiennent de petits points blancs et d'autres plus foncés, bru-
nâtres. 'Elles ne sont donc pas pures. Au microscope, on voit en
effet, par la mélhode de Gram, des coccus très abondants en amas
volumineux et des bàtonnets courts à bouts arrondis qui rappellent
ceux que nous avons déjà mentionnés plus haut.
Un troisième tube de gélatine commençait à pousser de la même
façon que les deux premiers ; nous l'avons mis à la température
de 39°.
La gélatine fondue à cette température s'est troublée, et au mi-
croscope, par la méthode de Gram, on y voit de nombreux coccus
et seulement un ou deux bacilles.
Un flacon d'Erlenmeyc1' contenant de l'agar est ensemencé avec le
sang. Trois jours après, il a poussé abondamment en îlots arron-
dis et tomenteux. Au microscope, par la méthode de Gram, on voit
des coccus petits en culture pure et groupés en zooglées.
ARN.... vingt-deux ans, épileptique. Les lamelles de sang exa-
minées directement, ne laissent voir aucun microbe.
Trois tubes de bouillon à 39°. Deux de ces tubes sont troublés le
cinquième jour; le troisième, le septième jour seulement. Tous
déposent plus ou moins au fond.
Au microscope, on voit des coccus moyens, isolés, quelquefois
par deux ou par quatre, ou bien encore en petites zooglées. Ils sont
peu abondants, dans la préparation faite avec le dernier tube ;
plus nombreux dans les deux autres qui ont poussé mieux et plus
vite. Ces coccus prennent le Gram.
Deux tubes de bouillon à 22°. Ces deux tubes se sont à peine trou-
blés et ont un peu déposé au fond.
Au microscope, on y voit de petits coccus prenant le Gram, pas
nombreux, isolés, par quatre et plus rarement en petits amas.
Evidemment ces recherches sont insuffisantes et demandent
à être continuées ; c'est du reste notre intention. Mais nous
pouvons néanmoins essayer d'interpréter ces faits.
On sait quelles analogies existent entre les crises convul-
sives de l'éclampsie puerpérale et celles de l'épilepsie.
Plusieurs fois déjà ce rapprochement a été fait par les
auteurs, si bien qu'on est allé jusqu'à dire que les convulsions
éclamptiques des femmes en couches méritaient le nom d'épi-
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 21
lepsie aiguë. Or l'éclampsie puerpérale a été le sujet de très
intéressantes recherches.
Le professeur Depaul range sous quatre chefs les hypothèses
tendant à expliquer cet état : 1° congestion cérébrale ;
2° névrose; 3° lésion rénale; 4° altération du sang. Il semble
donner la préférence à cette dernière explication, mais se
demande quelle en est la cause.
M. Delore (de Lyon) 1 invoque la théorie bactérienne et pense
que l'altération du filtre rénal empêche l'élimination d'un
produit toxique accumulé dans le sang. M. Doléris dans une
série de communications faites à la société de biologie en 1883,
1885 et 1886 admet aussi la présence d'une substance toxique.
Dans les cultures d'urine, il a pu isoler des microbes et surtout
des streptocoques.
MM. Tarnier et Chambrelent sont venus démontrer à leur
tour (Société de biologie 1892, février) le rapport inversement pro-
proportionnel qui existe entre la toxicité du germe sanguin et
de l'urine chez les éclamptiques. Les expériences de M. Bar
le conduisent aux mêmes conditions. Neumann de Berlin 2
considère que l'origine infectieuse de l'éclampsie n'est pas dou-
teuse.
Enfin les recherches de M. Emile Blanc lui ont permis
d'isoler un microbe pathogène dans les urines ainsi que dans
le sang de ces malades. M. h'avre en étudiant le même sujet
trouva un micro organisme qu'il appela « micrococcus éclamp-
siæ D. M M. Comberale et V. Bué en mars 1892 présentent à
la Société de biologie les résultats de leurs expériences et con-
cluent à la présence dans le sang de staphilocoques aureus et
albus surtout, et ils considèrent leurs toxines comme des subs-
tances éclamptisantes.
M. Hergott (de Nancy), dans une très intéressante revue
générale (Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie,
11 mars 1893), admet deux ordres de causes à l'éclampsie puer-
pérale : 1° l'auto-intoxication; 2° l'hétéro-intoxication due aux
toxines des staphilocoques. Il montre que c'est surtout la
toxine qui agit, ce qui explique très bien qu'on ne retrouveras
le microbe dans le sang d'une façon constante.
' Delore. Congrès de Blois, sept. 1884.
* Neumann. Société de méd. de Berlin, janvier 1892.
3 Favre. Arch. de Virchow 1891 et Gaz. hebd. de médecine et chirur-
gie, mai 1891. 1
22 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
On nous pardonnera cette digression un peu longue peut-être,
' mais elle a son intérêt. En effet dans nos expériences .nous
avons -retrouvé deux fois un petit bacille court à bouts arrondis
' analogue à celui que décrit M. Emile Blanc et presque toujours
s des- edccus qui semblent être des staphilocoques du genre
- . albus le plus souvent comme dans les expériences de 1'1 \1. Com-
berale et V. Bué sur les éclamptiques. L'analogie dans les
résultats expérimentaux vient donc s'ajouter à l'analogie
clinique.
Ici comme dans l'éclampsie puerpérale n'est-il pas possible
que les accidents soient dus tantôt à une auto-intoxication,
tantôt aux produits solubles des staphilocoques qui ne sont
pas suffisamment éliminés et qui s'accumulent dans le sang
pour y déterminer les altérations que nous avons signalées ! Si
dans quelques cas les cultures de sang restent négatives, si les
lamelles le sont aussi, il ne faut pas s'en étonner. On sait que
très rarement l'examen direct du sang peut révéler la présence
de microorganismes. Il faut faire des cultures et celles-ci ne
donneront pas toujours de résultats. Dans l'espèce pour le
staphilocoque cela se comprend facilement, car la bactériologie
nous enseigne qu'il n'est pas dans les moeurs de ce microbe de
passer dans le torrent circulatoire comme le fait si volontiers
le streptocoque. Mais nous le répétons, nous ne pensons pas
que les microbes agissent ici par leur présence directement.
Nous croyons bien plutôt qu'il faut incriminer leurs produits
de sécrétion, leurs toxines. Nous espérons que par la suite, ces
recherches que nous continuons apporteront des résultats plus
probants et nous permettront alors d'être nettement affir-
matifs.
INTERPRÉTATION PATHOGENIQUE GÉNÉRALE.
Nous croyons donc pouvoir conclure que dans les cas qui
nous occupent ici, c'est-à-dire dans l'épilepsie générale sim-
ple, il faut incriminer le plus souvent l'intoxication; que le
poison soit formé de toutes pièces dans l'organisme ou sécrété
par un microbe dont la toxine s'accumule dans le sang, ce
n'en est pas moins l'action toxique qui entre en jeu. Nous
n'avons pas encore conclu fermement à l'hétéro-intoxication,
nos expériences n'étant pas assez nombreuses. Cependant
il est possible que nous ne soyons pas obligés de choisir
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 23
entre l'auto et l'hétéro-infection; n'est-il pas admissible en--
effet que l'une et l'autre puissent donnner lés mêmes ,1`c
tats, et entrer alternativement en jeu suivant les cas. Les i-,Zi 1
crobes sont en tout analogues à nos éléments cellula\res"et"
la différence en apparence énorme qui semble sépar
êtres organisés supérieurs des êtres infiniment petits et mot
nocellulaires n'est pas si grande qu'elle le parait à première
vue, comme l'a montré M. Duclaux'. Les cellules qui cons-
tituent autant de microbes ont leur vie propre, leurs besoins,
leurs exigences, tout comme chaque cellule de l'organisme.
Les uns se nourrissent , absorbent et sécrètent absolument
comme les autres, et l'on peut très bien concevoir que nos
cellules puissent sécréter des substances toxiques dans cer-
taines conditions tout comme les microbes sécrètent des
toxines variables suivant leurs conditions d'existence.
Ce poison, quelle que soit sa provenance, aurait donc un pou-
voir convulsivant. Introduit dans le torrent circulatoire et dif-
fusé par lui dans l'organisme entier, il viendrait irriter les
cellules nerveuses de l'encéphale et de la moelle et détermi-
nerait l'ensemble d'actions réflexes qui constituent les accidents
épileptiques. Ceux qui n'admettent pas la théorie de l'intoxi-
cation sont réduits à invoquer ce qu'ils appellent la décharge
nerveuse. Il est évident que ce n'est là qu'un mot, il n'explique
rien d'ailleurs et n'indique point la cause mystérieuse de l'épi-
lepsie.
Ce poison agirait spécialement sur les centres vaso-moteurs,
soit en paralysant les vaso-dilatateurs, soit en excitant les
vaso-constricteurs, ce qui est le plus probable.
Plusieurs objections peuvent nous être posées, et d'abord on
nous fera observer qu'on peut avoir des troubles vaso-moteurs
sans être épileptique. D'accord, mais c'est qu'alors la prédispo-
sition n'existe pas et n'a pas préparé le système nerveux à
réagir dans un sens donné.
On nous opposera peut-être aussi l'épilepsie traumatique et
l'épilepsie locale, enfin même les cas où l'épilepsie générale
peut être provoquée d'une façon ou d'une autre sans qu'il y ait
des troubles digestifs sur lesquels nous avons tant tenu à
insister. Nous ne voyons rien de surprenant dans ces cas et
nous ne croyons pas que ce soit des arguments solides contre
1 Duclaw. - Le microbe et la maladie.
24 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
notre théorie pathogénique. Nous l'avons dit, nous ne nous
sommes occupés ici que de l'épilepsie générale d'emblée, l'épi-
lepsie dite idiopathique précédée et accompagnée de troubles
digestifs ; mais nous avons fait remarquer que chez ces ma-
lades comme chez tous les épileptiques quels qu'ils soient, il y
a une question de prédisposition héréditaire le plus souvent et
qui domine toute la scène.
L'individu dont le système nerveux normal a tendance à
réagir par des convulsions épileptiques verra sa prédisposition
entrer en acte à toute occasion capable de la réveiller. Chez
celui-ci ce sera à l'occasion d'un traumatisme, chez celui-là
par la compression d'une cicatrice ; chez les uns ce sera sous
l'influence d'une lésion cérébrale ou d'une irritation quelconque
des terminaisons nerveuses (vers intestinaux par exemple).
Chez les autres ce sera sous une influence morale et physique.
Enfin dans un grand nombre de cas, nous croyons même pou-
voir dire dans la majorité des cas d'épilepsie générale d'em-
blée, ce sera l'intoxication qu'il faudra mettre en avant.
Un rapide coup d'oeil sur la marche des accidents et l'évo-
lution de la maladie, nous fera mieux comprendre encore.
Nous avons distingué deux genres d'épileptiques : ceux chez
lesquels il n'y a pas de troubles gastro-intestinaux, ni d'état
saburral de la langue, et ceux chez lesquels ces phénomènes
existent et sont très marqués. Dans le premier cas on a affaire
à l'épilepsie réflexe, dans le second à une intoxication, sans
préjuger du reste de l'origine du poison. Or, la marche des
accidents est très différente dans ces deux espèces d'épi-
lepsie.
Dans l'épilepsie réflexe l'état de l'intelligence reste très
longtemps normal, les facultés intellectuelles peuvent n'être
pas touchées et on ne constate pas cette hébétude prolongée
cette déchéance progressive de l'intelligence qui conduit à
l'abrutissement complet et à la démence. C'est qn'en effet,
dans l'épilepsie réflexe, qu'elle soit locale, généralisée ou même
générale d'emblée, les accès sont le résultat d'une excitation
brusque et passagère dont la cause déterminante rapide et
fugace n'agit qu'un moment.
Au contraire, dans l'épilepsie générale qui s'accompagne de
l'état gastrique sur lequel nous avons tenu à insister, l'hébétude
postparoxystique est de règle, elle dure même parfois assez
longtemps et enfin les malades arrivent à la démence. C'est
DE L'INTOXICATION DANS L'EPILEPSIE. 25
qu'ici l'épilepsie a pour cause déterminante une intoxication;
cette cause n'agit plus brusquement comme tout à l'heure.
Le poison s'accumule progressivement, partant de zéro il passe
par un maximum qui répond aux accès pour décroître ensuite.
Il y a donc là une irritation prolongée par inhibition des cen-
tres nerveux ou altération cellulaire, d'où la déchéance plus
complète et plus rapide de l'intelligence. Ceci nous explique
même certains cas que nous avons signalés à propos de la
démence épileptique. Nous avons dit que celle-ci pouvait avoir
une marche progressivement croissante dans certains cas, au
lieu que dans les autres elle marche par poussées successives
avec des rémissions. Eh bien ces poussées successives répon-
dent aux accès accompagnés de troubles gastriques, tandis que
les rémissions surviennent quand ces mêmes troubles font
défaut. On peut donc voir chez un même malade les deux ordres
de causes entrer en jeu alternativement pour produire les acci-
dents épileptiques.
En résumé nous concluons donc de cet essai pathogénique :
1° Que la prédisposition du système nerveux, prédisposition
presque toujours héréditaire est la première condition, capitale,
indispensable pour que les accidents épileptiques puissent
apparaître ; 2° que l'épilepsie générale peut être sous la dépen-
dance de deux causes déterminantes distinctes; ce qui permet
d'admettre une épilepsie réflexe et une épilepsie par intoxica-
tion, celle-ci plus grave que l'autre ; 3° que ces deux genres
d'épilepsie peuvent alterner chez un même sujet ; 4° que l'in-
toxication peut, suivant les cas, venir de l'organisme lui-même
ou du dehors, auto-infection et hétéro-infection.
TRAITEMENT T
Il n'y a peut-être pas de maladie où le traitement soit aussi
varié que dans l'épilepsie. Chacun a voulu apporter son remède
à une affection aussi redoutable, et cette profusion de médica-
ments ou de méthodes prescrits est une preuve de la non-effi-
cacité de tous ces moyens etdel'incurabilité de la maladie dans
la plupart des cas. Dans ces derniers temps avec le bromure de
potassium, ou croyait avoir le médicament par excellence, la pa-
nacée de l'épilepsie. Legrand du Saulle l'appelle la muselière
Legrand du Saulle. Étude médico-légale sur les épileptiques, 1877.
26 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
de l'épilepsie, mais il fait bien ressortir comme A. Voisin ' que
le médicament une fois adopté doit être continué pendant t
longtemps; il est nécesaira au malade comme la nourriture.
Il devient donc pour lui une sorte d'aliment et quand on le
néglige le malade alors peut-être appelé à liquider son arriéré» .
Depuis un certain temps on est revenu à des opinions plus mo-
dérées sur ce médicament et tout en lui reconnissant des pro-
priétés hyposthénisantes nerveuses et vasculaires, on est loin
de lui accorder pleine propriété curative. Nous en reparlerons
tout à l'heure quand nous passerons en revue les différents
médicaments que l'on doit recommander dans cette maladie.
Nous avons établi que l'épilepsie générale, appelé encore épi-
lepsie idiopathique ou épilepsie névrose, est dans la presque
totalité des cas ou sinon dans tous les cas, d'origine infectieuse.
Les symptômes précurseurs de l'accès que nous avons tâché de
mettre en évidence, ainsi que les symptômes concomitants
d'une part, et d'autre part les expériences que nous avons en-
treprises sur les urines et sur le sang de ces malades, nous pa-
raissent péremptoires contre cette auto ou hétéro-intoxication
de l'économie et contre l'irritabilité du système nerveux.
Nous laisserons de coté la thérapeutique des épilepsies
traumatiques. Elle est souvent du ressort de la chirurgie.
Nous ferons seulement observer que lorsque les épileptiques
de cette catégorie présenteront des symptômes d'épilepsie gé-
nérale, ils devront être soumis à la médication que nous pré-
conisons tout en ne négligeant pas les moyens chirurgicaux.
Les épilepsies symptomatiques de la syphilis, du saturnisme,
de l'alcoolisme, ne nous occuperont pas non plus, nous limite-
rons notre travail à l'épilepsie vraie.
Le traitement de l'épilepsie comprend deux indications : la
première s'applique à l'accès paroxystique et la deuxième vise
les causes qui déterminent la maladie. La conception pathogé-
génique de cette affection ayant été variable et même dissem-
blable selon les auteurs, il s'en est suivi une foule de moyens
thérapeutiques. Nous n'en parlerons que très brièvement et
pour mémoire mais nous ne les décrirons pas; mais nous nous
appliquerons surtout à décrire ceux que nous avons employés
et à fournir les résultats de nos observations.
Nous savons que l'accès paroxystique est généralement pré-
' A. Voisin. Recherche clinique sur le bromure de potassium, 18G6.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 27 -i
cédé de symptômes précurseurs éloignés ou immédiats. Eh bien
c'est au médecin à soigner ces symptômes précurseurs. Pour
nous les symptômes précurseurs que décrivent tous les auteurs
sont toujours accompagnés d'état gastrique, d'état saburral de
la langue. Nous devons soigner cet état gastrique par des laxa-
tifs et par une hygiène appropriée; nous verrons souvent ces
symptômes précurseurs disparaître et l'accès avorter.
Mais quand on est en présence de symptômes immédiats,
d'accès, d'auras, il faut diriger tous nos soins contre eux; quand
l'aura est d'origine sensitive ou motrice du côté d'un membre
par exemple, on frictionnera ce membre ou bien on le compri-
mera. C'est Odier qui a surtout préconisé la ligature des mem-
bres au-dessus des auras. Quelquefois la flexion exagérée ou
l'extension forcée d'un orteil ou d'un doigt arrête une attaque
comme Bravais l'a montré. Il en est de môme de la traction
violente sur les parties du membre qui sont le siège de l'aura.
Une douleur vive déterminée dans un point quelconquedu'corps
peut aussi produire le même résultat. Brown-Séquard a
montré que la trépidation électrique du membre inférieur peut
être arrêtée par la flexion du pied dans l'épilepsie partielle.
Quand il existe une aura gastrique, on donnera à boire au
malade quelques gouttes d'eau chloroformée, de fleurs d'oran-
ger ou de mélisse. Cette simple ingestion pourra amener la
suspension de l'attaque. Nothnagel et Schultz ont arrêté une
attaque en ingurgitant du sel marin dans la bouche d'un ma-
' lade. Nous-mêmes nous avons obtenu ce même résultat chez
une de nos malades. Mais dans tous ses cas à aura, nous ne
parvenons à un heureux résultat que si la maladie est d'ori-
gine réflexe et non d'origine symptomatique d'empoisonne-
ment. Si cette épilepsie réflexe revêt à un certain moment
donné la forme d'épilepsie générale, nous ne pourrons pro-
voquer aucun soulagement par ces moyens. L'accès aura lieu
quand même ; il sera peut être retardé, mais il évoluera à
un moment donné.
Nous ne parviendrons à l'empêcher que si nous dirigons
nos moyens sur l'état général du malade, sur son état gastri-
que d'abord.
Cette distinction de l'épilepsie réflexe à aura, ne s'accompa-
gnant pas d'état gastrique et de l'épilepsie réflexe à aura s'ac-
compagnant d'état gastrique, par conséquentdevenant épilepsie
ordinaire, est très importante à connaître, .car l'une est gué-
28 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
rissableet bénigue et l'autre est généralement incurable et des
plus graves.
C'est cette distinction que Lasègne a voulu faire, en nous
disant que les épileptiques à aura, sont des épileptoïdes et non
des épileptiques vrais. La marche de la maladie en effet n'est
pas la même et la terminaison en est différente aussi. Mais cet
homme distingué n'avait pas attiré l'attention des praticiens
sur cet état saburral concommitant des voies disgestives. Pour
lui l'épileptique vrai tombait tout d'un coup sans prodrôme et
sans aura; l'état gastrique pour lui passait inaperçu et il s'ap-
puyait seulement sur cette brusquerie des accidents et sur les
asymétries faciales pour porter son diagnostic. Comme nous le
disons plus haut, pour nous le signe capital différentiel est
l'état gastrique du sujet accompagnant généralement les stig-
mates de la face, puisque l'épilepsie est essentiellement héré-
ditaire et d'origine dégénérative.
En présence de l'iniminence d'un accès épileptique, nous
devons protéger le malade autant que possible contre le choc
et éviter la suffocation. Certains malades tombent toujours
en avant, d'autres en arrière, d'autres enfin sur le côté. Quel-
ques-uns s'affaissent sur eux-mêmes.
Ceux qui tombent lourdement en avant ou en arrière doi-
vent porter un bourrelet autour de la tête pour se préserver
d'une fracture du crâne ; malgré cela cependant il arrive quel-
quefoisqu'ils se brisentla tète contre l'encognure d'un mur ou
d'un meuble. Nous devons autant que possible faire en sortequ'ils
ne restent pas seuls dans un appartement où il y a du feu,
car ils peuvent se bruler cruellement ou mettre le feu à l'ap-
partement. Les cas de mort par brûlure ou incendie ne sont
pas rares. On doit aussi recommander à ces malades de prendre
des métiers qui no les exposent pas à des morts certaines dans
leur chute, comme celui de couvreur, de laveur, de matelot, etc.
Enfin aussitôt qu'un malade est à terre, il faut l'étendre ho-
rizontalement, lui relever très légèrement la tête, la poser de
côté, déboutonner ses vêtements et lui tirer la langue hors la
bouche si par hasard elle tendait à être avalée.
Quand un malade est exposé à des accès nocturnes fréquents,
on devra le surveiller la nuit, car il peut, dans ses mouvements
convulsifs, se retourner la face contre l'oreiller et mourir
étouffé. Il peut s'enrouler aussi sous ses couvertures ou s'étran-
gler avec ses vêtements. Il faut en outre faire coucher le
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 29
malade sur un lit bas ayant des balustrades et contenant des
oreillers en crin ou en varech, plutôt que des oreillers en plume,
qui sont trop mous et qui remontent par ce fait trop facilement
autour de la face.
Mais ce qui doit surtout occuper le médecin dans le traite-
ment de l'épilepsie, c'est l'hygiène de son malade. Avec une
bonne hygiène, on peut éviter beaucoup d'accidents. Le méde-
cin, en effet, est en présence d'un tempérament à système
nerveux défectueux, à impressionnabilité plus ou moins grande
et à tendances convulsives et impulsives. Il faut que par la
direction qu'il va donner à l'enfant atteint de cette maladie, il
lui évite des excitations funestes. Il doit donc veiller à son
éducation, à son instruction, à son alimentation et à son habi-
tation. Parmi les enfants atteints de cette terrible maladie, les
uns sont intelligents, les autres sont débiles et présentent de
la dégénérescence mentale. Les enfants intelligents ne seront
pas poussés vers des travaux intellectuels demandant une grande
tension d'esprit. L'assiduité au travail leur est funeste et pro-
voque des convulsions. Les exercices violents amènent le même
résultat. La vie à la ville, au milieu des excitations physiques
et intellectuelles, leur est nuisible. Il leur faut une vie calme
à la campagne, et un travail manuel aux champs leur est des
plus favorables. Le jardinage est le but que l'on doit se pro-
poser dans beaucoup de cas. Le professeur chargé de l'éduca-
tion d'un enfant épileptique doit avoir une grande fermeté en
même temps qu'une grande douceur. Il doit sans cesse se rap-
peler qu'il a devant lui un être éminemment excitable et
impulsif.
L'alimentation doit être surveillée avec soin. Nous avons vu
que des troubles digestifs sont presque toujours l'indice d'un
accès et que sous l'inflence d'un écart de régime, l'épileptique
est sujet à des accès convulsifs. Le vin pur, l'alcool sous toutes
ses formes (eau-de-vie, absinthe, cassis, chartreuse, madère,
bitter, etc.) doivent être bannis. Nos malades, les jours de
sortie, sont presque toujours pris d'accès, soit chez eux, soit en
rentrant à l'hospice. Cela tient soit aux excès de table qu'ils
font, soit aux excès génésiques auxquels ils se livrent pendant
leur sortie. L'onanisme, de même que l'excès génésique, est
très défavorable à l'épileptique, aussi devrons-nous surveiller
avec soin les fonctions sexuelles chez les jeunes gens au moment
de la puberté. A cette époque de la vie, beaucoup d'enfants
30 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
voient leurs accès convulsifs augmenter et leur intelligence
s'arrêter dans son évolution et même rétrograder.
Huglings Jacksun recommande une nourriture variée et
substantielle, mais comme il croit que l'épilepsie résulte de
modifications de nutrition de la substance nerveuse, et comme
d'autre part il sait que les épileptiques, dans leurs accès, éli-
minent par leurs urines un excès d'acide phosphorique uni
aux terres, il préconise l'usage d'huile phosphorée pour sup-
pléer à cet excès d'élimination de phosphore. Pour lui, le phos-
phore est un principe tempérant du système nerveux, et dans
l'épilepsie, il serait remplacé par des substances azotées. Nous
avons employé ce moyen chez plusieurs malades et nous
n'avons pas retiré de cette médication tout le bien que nous
en espérions. La balnéation et l'hydrothérapie doivent être
recommandees et prescrites avec méthode. C'est un moyen
excellent pour obtenir la sédation et en même temps la tonifi-
cation du système nerveux. De plus, il favorise les fonctions
de la peau et par suite l'élimination des toxines de l'écono-
mie. Il doit être prescrit en même temps qu'une médication
interne.
L'habitation doit être bien exposée au soleil levant. Un grand
jardin doit, autant que possible, l'entourer. Enfin les chambres
de ces malades doivent être au rez-de-chaussée pour éviter,
dans les escaliers, des chutes qui pourraient être mortelles.
C'est pour cette raison que les quartiers des épileptiques,
dans les hospices, ne comprennent pas de bâtiments à étages.
Un homme épileptique, ayant des accès fréquents, ne peut
trouver de travail dans les ateliers; il est renvoyé par ses
patrons. De là, la misère et l'impossibilité absolue de la com-
battre, puisque le pauvre ouvrier est repoussé de tout le monde.
On devrait l'hospitaliser; mais la loi de 1838 ne permet d'hos-
pitaliser que les aliénés ou les impulsifs dangereux, et l'État
n'a pas encore pris les mesures nécessaires pour subvenir aux
besoins de ces pauvres infirmes. Des colonies agricoles devraient
être instituées pour recevoir ces pauvres déshérités de la nature
humaine, ou bien on devrait les placer dans des familles de
cultivateurs où ils pourraient gagner leur vie, c'est-à-dire
payer leurs dépenses par les services qu'ils rendraient. En
Westphalie, à Bielefeld, une colonie de ce genre est ins-
tituée sous la direction d'un médecin, et donne de bons résul-
tats.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 3t
Un épileptique dangereux, c'est-à-dire un malade qui a com-
mis des actes nuisibles ou qui a montré une conduite violente
et n'a été empêché que par la force de produire des effets nui-
sibles, doit être séquestré dans une maison de santé et ce
malade même ne devra jamais en sortir s'il a commis un crime
sous l'influence des accès paroxystiques.
Nous venons de passer en revue les mesures hygiéniques
que l'on doit prendre pour un épileptique; voyons maintenant
quel traitement interne nous devons lui donner. Beaucoup de
médicaments ont été proposés et essayés et aucun, malheureu-
sement n'a été reconnu infaillible. Nous ne les passerons pas
tous en revue, mais nous attirerons l'attention sur ceux que
l'on préconise le plus souvent.
Les antispasmodiques et les calmants sont les médicaments
qui ont tenu et qui tiennent encore la plus grande place dans
la thérapeutique de l'épilepsie; nous citerons le camphre, les
fleurs de tilleul et d'oranger, le gallicum, l'éther, le nitrite
d'amyle, la valériane, l'assa-foetida, la belladone, l'opium,
l'oxyde de zinc, la coque du Levant, la digitale, la jusquiame
et l'hyoscyamine, etc. Ces médicaments se donnent à des doses
variables, et le plus souvent ils sont associés entre eux pour
la composition de pilules. C'est ainsi que l'oxyde de zinc est
associé à la valériane et à la jusquiame dans les pilules de
Méglin. Herpin prescrivait l'oxyde de zinc seul jusqu'à la dose
de G grammes par jour et prétendait en avoir de bons résultats.
D'autres auteurs l'employèrent et n'eurent pas le même bon-
heur. On donne généralement maintenant ce médicament en
même temps que le bromure de potassium, et on pense que
cette association produit de meilleurs résultats. Le camphre a
été recommandé surtout chez les épileptiques comme anaphro-
disiaque. Son action curative n'est pas démontrée. Le D1' Clin a
fabriqué des capsules de bromure de camphre, qu'il donne à la
dose de 10 à 12 par jour; elles amèneraient, d'après le Dl' Bour-
neville, un effet sédatif, surtout chez les épileptiques verti-
gineux.
Le nitrite d'amyle a été employé en inhalations par le même
auteur, et M. Bourneville prétend avoir ainsi provoqué des
avortements d'accès. Weir Mitchell l'introduisit le premier
dans la thérapeutique de l'épilepsie, en z. Ce médicament
a la propriété d'amener une congestion de la face et du cer-
veau, par conséquent il devrait guérir l'épilepsie si cette mala-
32 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
die était due à l'anémie cérébrale, comme l'ont voulu certains
auteurs'. -
'L'opium et ses dérivés, surtout la morphine, paraissent cal-
mer pour un moment les accès. Mais le morphinisme arrive
bien vite sous l'influence de la médication et le remède est
bientôt pire que le mal. Aussi ne doit-on pas en faire usage.
La belladone ou son alcaloïde, l'atropine, paraît surtout être
efficace dans une manifestation épileptiforme, l'incontinence
nocturne d'urine. C'est Trousseau qui a remis en honneur cette
médication.
Les valérianates d'ammoniaque, de zinc ou de fer, ou encore
la valériane en poudre, l'acide valérianique, ont leurs par-
tisans, mais on ne peut mettre à leur actif aucun cas de gué-
rison. Il en est de même des médicaments suivants : l'assa
foetida, la jusquiame, le datura stramonium, l'aconit, le musc,
le castoreum, etc.
Gowers conseille le borax. 11 le donne à la dose de 2 à
5 grammes en commençant par 0,75 à gramme et prétend
avoir quelques succès. Son administration peut produire une
éruption cutanée, du psoriasis ou de l'eczéma. Féré l'a employé
à la dose de il à 3 grammes etn'a pas obtenu de bons résultats.
Pour combattre le psoriasis Gowers donne de l'arsenic.
Couyba, Hambrusier2 eurent des résultats heureux avec la
coque du Levant et son alcaloïde, la picrotoxine. La teinture
de la coque du Levant se prescrit à la dose de 20 à 50 goutes et
la picrotoxine à la dose de 1 à 6 milligrammes. Nous l'em-
ployâmes en 1880-1881 et voici les quelques observations elle
tableau comparatif des accès chez les mêmes malades traités
par le bromure de potassium seul ou les bromures de potas-
sium et de sodium réunis ensemble. Nous avons constaté que
lorsque l'on donnait la picrotoxine à la dose de 1 à 2 milli-
grammes, le pouls était légèrement accéléré. Il montait à
92 et 100. Les urines étaient augmentées de volume 1,800 à
1 Nous avons également employé le sulfate de cuivre, l'oxyde de zinc,
la glace (Recherches sur l'épilepsie et l'hystérie, 1876). Le bromure
d'éthyle (Compte rendu de l31cêtre,1880); -- le bromure d'or, les aimants,
l'hydrothérapie (id.,1883);-le curare, l'acide sclérotinique (lbid.,1884).
La picrotoxine (Ibid., 1889); - les injections sous- cutanées de liquide
testiculaÍ1'e (Ibid., 1895) ; enfin, le bromure de zinc et le bromure de
nickel. Tous les ans, dans nos Comptes rendus de Bicêtre, nous sommes
revenus sur l'emploi prolongé de l'hydrothérapie. (B.).
2 Hambrusier. Traitement de l'épilepsie, 1880. Bulletin de l'Aca-
démie de Médecine. Belgique.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 33
2,000 grammes et enfin l'appétit au début était exagéré. Nous
avons donné ce médicament pendant deux ou trois mois. de
suite chez des sujets qui prenaient depuis plusieurs années
déjà du bromure de potassium; puis après la picrotoxine nous
avons repris le bromure de potassium ou le sel double de.bro-
mure de potassium et de sodium. Enfin dans quelques cas, à
la suite d'un de ces traitements, nous avons laissé -le malade
sans aucune médication pendant un mois ou deux, quelquefois
trois mois pour reprendre ensuite le traitement bromuré. Si
nous jetons un coup d'oeil sur les tableaux, nous ne voyons
pas de grandes différences dans le nombre des accès et nous
ne constatons pas d'état de mal produit par la suppression d'un
de ces traitements. Ce qui attire surtout notre attention dans
tous ces relevés et dans ces observations, c'est ce fait : chaque
fois que l'on change un traitement, on voit dans les quinze
jours qui suivent, le nombre des accès diminuer soît qu'il
s'agisse de substituer un traitement à un autre, soit qu'il
s'agisse de le supprimer seulement sans le remplacer. Mais
dans la majorité de nos observations la picrotoxine n'a paru
amener aucune amélioration. Dans quelques cas même le
nombre des accès parait augmenter. .
KnOEscH...., trente-six ans. Epileptique.
Aucune médication pendant soixante-douze jours. Trois accès.
34 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. '
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 35
36 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
rose double. Les troubles pupillaires ont été notés dans 82 cas
sur 100; l'inégalité des pupilles 62,7 ; le myosis double, 7,2;
la mydriase double, 3,6; immobilité des pupilles avec lar-
ger moyenne, 2; - déformation pupillaire (synéchies). 4,2 p. 100.
Sur 100 paralytiques des deux sexes on ne note l'absence de
troubles pupillaires que chez 17 (hommes 13,4; femmes 33,9
p. 100). Ces troubles sont moins fréquents chez les paralytiques
syphilitiques. Le strabisme a été relevé dans 3,3 cas p. 100; le
ptosis dans 12,3 p. 100; - le le nystagmus est rare. Les troubles
auditifs ne sont pas fréquents (1,3 p. 100). La voracité a été notée
dans 2,1 p. 100. '
Le- troubles de la sensibilité générale se rencontrent dans 43,3 cas
p. 100; ils peuvent se répartir ainsi :
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 37
Les autres troubles de la motilité ont été observés dans la pro-
portion suivante :
38 ' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
un phénomène habituel et il n'a peut-être d'autre signification que
d'être le signe banal d'une constitution névropathique : c'est à ce
titre que la céphalalgie se rencontre fréquemment dans les anté-
cédents morbides des aliénés. Dans certains cas, la céphalalgie,
survenue comme phénomème prodromique peut acquérir une
certaine valeur en mettant sur la voie du diagnostic, si l'on se rap-
pelle la place que prend la céphalalgie parmi les symptômes des
auto-intoxications en particulier de l'urémie. On commence en
effet à se rendre compte que les auto-intoxications ne sont pas sans
jouer un cet tain rôle dans la genèse de la folie et, parmi ces
auto-intoxications, l'urémie occupe probablement une place prédo-
minante. E. B.
III. La conscience dans LES crises épileptiques; par le DI" Bombarda.
. (Revue neurologique, déc. 1894.)
Les faits d'épilepsie partielle où la conscience persiste intacte
pendant l'accès ne sont plus à démontrer.
A côté de cas de transition entre l'inconscience absolue qui ac-
compagne d'ordinaire la crise d'épilepsie généralisée et le maintien
de la conscience au cours de ces crises, l'auteur cite deux cas qui
lui paraissent probants, destinés à démontrer qu'une attaque épi-
leptique peut se derouler dans un état de conscience plus ou moins
parfait. E. B.
IV. Observations SUR LES délires associés ET LES transformations
du délire; par le Dr I. DAGONET. (Annales médico-psychologiques.
janvier 1895.) -
On observe assez fréquemment la transformation d'un délire
dans un autre ou l'association chez un même individu des délires
les plus différents et les plus contradictoires par exemple l'asso-
ciation du délire dépressif, d'idées ambitieuses et d'idées hypo-
condriaques, de persécution, etc. L'auteur a réuni une série d'ob-
servations intéressantes de ces formes complexes de l'aliénation
mentale. En tête des transformations du délire observées chez cer-
tains aliénés se place la folie circulaire. Les formes les plus diverses
d'aliénation donnent à l'auteur l'occasion de citer des observations
de délires combinés : paralysie générale, alcoolisme, délire des
négations, délire systématisé des persécutions auquel vient se
joindre parfois du délire ambitieux sans que l'on puisse, suivantl'au-
teur, considérer ce délire ambitieux comme une transformation
du délire de persécution.
A part les délires alcooliques plus ou moins aigus, l'association
la transformation de différents délires parait augmenter la gravité
du pronostic du délire primitif. E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 39
V. Un cas DE MOIIPIW¡OMA7'1]E; par M. Seiilecq. (Annales
médico-psychologiques, janv. 1894.)
L'intéressante observation relatée par l'auteur présente plusieurs
particularités peu fréquentes montre toute l'importance de l'état
névropathique, héréditaire ou acquis, dans le développement de la
morphinomanie.
Un sujet non névropathe, après un an d'usage de la morphine,
. cesse brusquement les injections sans éprouver aucun phénomène
autre qu'un certain degré de nervosisme. Lorsque le malade,
devenu ainsi névropathe, reprend, un an après, l'usage de la mor-
phine, l'appétence apparait avec accoutumance rapide et besoins
impérieux d'augmenter sans cesse.
Le malade n'est pas sans lutter et, chose assez rare, essaye de
lui-même, par deux fois, à supprimer la morphine.
Chose peu commune aussi, le malade a présenté pendant cinq
ans une certaine immunité, l'usage de la morphine n'ayant donné
lieu à aucun phénomène spécial. E. B.
VI. LES difformités OSSEUSES DE la tète ET la dégénérescence ;
par le Dr CULLEIiRE. (Annales méllico-psychologiçues.)
Les aliénistes sont loin de s'entendre sur la nature de la dégé-
nérescence et sur son importance. A propos d'un livre récent du
Dr Talbot, l'auteur fait une étude critique de la valeur des malfor-
mations osseuses de la tête et de la face en tant que stigmates de
dégénérescence.
Dans la production des anomalies dites de dégénérescence, cer-
taines causes générales comme le climat, l'habitat, le mélange des
races et de l'hérédité physiologique jouent un rôle de premier
ordre, sans compter ce que M. Talbot appelle les névroses de déve-
loppement, provoquant des perturbations nutritives pendant la
croissance des individus à lourdes tares héridilaires.
Si ces anomalies de développement présentent souvent un ca-
ractére banal, se présentant avec une extrême fréquence dans la
masse de la population réputée saine, il ne s'ensuit pas cependant
que la dégénérescence soit un vain mot, ni que ce soit une notion
superflue pour la connaissance des maladies mentales. Il est des
incorrections physiques, sans parler des psychiques, qui, accu-
mulées chez le même aliéné, lui con-tituent un faciès spécial qui
porte avec lui son diagnostic; mais il y a loin de là à confondre
toutes les manifestations de la folie dans le vaste sein de la dégé-
nérescence et à faire de ce fait biologique la base même de la con-
naissance des malades de l'esprit. E. B.
40 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
VII. Rapport des anomalies morphologiques avec LES maladies NER-
YEUSES ET MENTALES ENDOGÈNES; par SOMMER. (Ceiltralbl. f. Ner-
venheilk. N. F., IV, 1893, N. F., V, 189t.)
Y a-t-il entre les déviations morphologiques de la construction du
crâne et les maladies neuropsychopathiques endogènes un rapport
ou non ? ·
Commençons par étudier l'arrêt de développement intellectuel con-
génital. Le lype des troubles intellectuels fonctionnels endo-
gènes eslla débilité mentale sans substratumanatomo-pathologique. -
Mais on peut y rencontrer des anomalies morphologiques géné-
ralés ou spéciales du crâne dont il s'agit d'établir les relations-avec
les troubles intellectuels. Voici par exemple une observation de ce
genre concernant trois frères présentant des degrés divers des
troubles psychiques qui nous occupent. L'affaiblissement psychique
est ici congénital. A côté de cela, il y a chez eux une ensellure cra-
nienne. Ils tiennent évidemment la dégénérescence psychique du
côté paternel tandis que le côté maternel, indemne de toute ano-
malie mentale, leur a transmis l'anomalie morphologique; celle-ci
n'a évidemment dans l'espèce rien avoir avec celle-là.
- - P. IER.1VAL.
VIII. Nouvel examen DU malade DONT l'observation A SERVI de base A
. LA THÉORIE DE L'LPELAGE POUR LA LECTURE ET L'ÉCRITURE ; par
Sommer. (Centmlbl. f. Nenenheilk., N.F., V, 1894.)
Il s'agit du malade de M. Grashey qui, tombé d'une échelle en
novembre 1893, a présenté les symptômes d'une fracture de la base
avec troubles intellectuels d'origine cérébrale, et au sujet duquel on
asuccessivement diagnostiqué diverses localisations. Il s'agit, d'après
M. Sommer, d'une lésion en foyer à troubles périodiques.
. L'auteur fait sontourune nouvelle hypothèse; puis dans une note
il ajoute que depuis qu'il a rédigé cette analyse, clinique et ses con-
clusions anatomiques, certains symptômes se sont modifiés et ne
justifient pas la théorie tout enlière qu'il a émise, de sorte que les
conclusions suivantes ne sont plus vraies que partiellement.
1° En réalité, le malade, à l'aspect seul des objets, n'en peut
trouver le nom ; c'est le symptôme, non d'un affaiblissement général
de la mémoire, mais d'une lésion en foyer ; 2° il trouve en écri-
vant les noms des objets qu'il voit. Ceci ne peut pas s'expliquer
par la théorie du syllabage de la lecture et de l'écriture. Il faut
admettre qu'il y a une union directe entre le centre des concep-
tions représentatives des objets et le centre des conceptions repré-
sentative des mouvements de l'écriture; 3° au moment où le
. ¡
1 Archives de neurologie, t. XII, p. 88. z
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - 41
malade écrit, il n'a ni images phonétiques, ni conceptions représen-
tatives imagées des lettres, il n'a cependant pas de la paragraphie.
Par conséquent dans ce cornplexus représentatif formé par l'image
de l'objet, le nom correspondant, la conception représentative
des images des lettres, et les sensations des mouvements propres
à l'écriture, une partie de cet ensemble peut manquer sans qu'il y
ait destruction des connexions entre les autres parties ; 4° le malade
peut avoir des idées sans avoir en lui les mots correspondant à ces
idées ces deux dernières constatations prouvent que dans un
ensemble représentatif constitué par des idées, des images articu-
lées, des conceptions représentatives des mouvements propres à la
parole, certaines parties peuvent manquer sans que l'essentiel en
shuffre ; 5° des recherches faites chez ce malade sur les associations
des idée ? , il découle qu'il y a une pensée sans mots non seule-
ment dans le domaine sensoriel mais aussi dans le domaine de
l'idéation pure; 6° ce malade présente une perte de l'association
des éléments acoustiques dans le centre même de la zone acous-
tique, ce qui renverse la théorie de la paraphasie; 7° Les grandes
difficultés que l'on éprouve chez lui à une explication univoque
conforme à la théorie des localisations servent de leçon au psy-
chiatre qui voudrait s'appuyer sur l'interprétation schématique des
phénomènes cérébraux pour intervenir chirurgicalement.
Tout intéressants que soient ces phénomènes, leur mobilité, et
les théories avec les schémas correspondants, leur constatation ne
servira que le jour où l'on pourra constater les lésions cérébrales.
- P. KERAVAL.
IX. Raretés d'un asile d'aliénés; par P. NOECKE. (Allg. ZeilSChr'.
f. Psychiut., L, 3, 4.)
{.Influence de la grossesse, de l'accouchement et des suites de cou-
ches sur la marche d'une psychose chronique antérieure. Cinq
observations dont deux de folie systématique (avec et sans halluci-
nation'-), une de paralysie générale, une de démence secondaire.
La puerpéralité n'exercerait d'après l'auteur pas la moindre
influence sur la marche ultérieure des psychoses chroniques. Il n'a
vu d'ailleurs que très rarement survenir une rémission courte,
jamais d'aggravation, encore moins de guérison. La grossesse et
l'accouchement altèrent à peine le pronostic des psychoses chro-
niques, quant aux symptômes psychiques. L'observation A montre
que les allures de la mère aliénée peuvent faire courir un danger
immédiat à l'enfant, et qu'il faut la surveiller étroitement. Si
l'aliénée est bien portante, affectueuse, et a du lait en quantité, on
peut la laisser nourrir, car il n'est pas à penser que la lactation
puisse renforcer l'hérédité probable du petit être, seulement c'est
impossible dans une maison d'aliénés.
42 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Observation D. Pendant un congé une femme a pu accoucher ou
faire une fausse couche; elle était d'ailleurs enceinte au moment
de son admission à l'asile. Ici se place la grave question de la surveil-
lance de cette aliénée-mère; et la question des congés à des
femmes aliénées non encore enceintes (le mari se hâte décoller); et
celle, non moins épineuse, des hommes aliénés en congé qui ont
immédiatement des rapports avec leurs femmes. Et l'hérédité !
2. Un cas de folie à deux. - Ou plutôt belle observation de folie
à trois (trois soeurs). Tare héréditaire paternelle. Seconde soeur
hystérique. Vie en commun complète, avec suprématie psychique
de l'aînée. Perte brusque de leur fortune précédée de dissensions
familiales. Il estprobable que ces commotions moralesont engendré
chez l'aînée, la plus intelligente, un délire des persécutions. Elle
impo-a inconsciemment son délire aux deux autres.
3. Cas de catatonie alterne. Folie circulaire à succession régu-
lière des deux phases, dépressive et maniaque, dans lesquelles on
constate des poses plastiques, du grimacement, de la verbigération
incohérente, un certain degré de tension musculaire, des troubles
vasomoteurs.
4. Deux cas de parole double. Délire chronique hallucinatoire.
Les deux malades entendent deux voix différentes qui procèdent de
deux mécanismes distincts : chez la première, il s'agit d'une impul-
sion automatique; chez la seconde, y a division de la personnalité.
- 5. Observation de folie obsédante.
6. Observation de délire du toucher dans le cours d'une confu-
sion mentale secondaire. - Il est souvent difficile, dit M. Næcke, de
distinguer une obsession véritable d'une idée délirante. Il est
évident que bien des observations d'obsessions présentées par
les Français témoignent en réalité d'idées délirantes et non d'ob-
sessions. P. K.
X. Contribution A l'étude DES TROUBLES mentaux CHEZ LES dégénérés ;
par 0. DORN13LUTII. (Allg. Zeitscisr. f. Psychiut., L, 3,4.)
Rapport sur un délire de chicane. Il y a beaucoup de ces malades
qui ne deviennent pas des fous systématiques, sont de pursdégénérés
ou des hy popsychopathes. Leur histoire, le développement du trouble
mental, le texte de leurs conceptions délirantes et leur manifesta-
tion, leur degré d'infériorité morale, les font rentrer dans ce der-
nier groupe. Le médecin doit donc décrire au juge la personnalité
du malade, et tracer les limites exactes de sa responsabilité qui le
séparent des fous proprement dits. Il convient surtout que les alié-
nistes ne porle pas de diagnostics différents.
Voici, d'après, l'auteur, la meilleure classification des psychoses
dégénératives; 10 l'idiotie; 2° l'imbécillité; 3° la démence consti-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 43
tutionnelle primitive, à laquelle il faut rattacher l'hébéphrénie;
4° la neurasthénie constitutionnelle avec les états anxieux et les
ob.-essions ou impulsions; 5° les parapsychies (folies héréditaires);
6° la folie périodique.
Dans le cinquième groupe, l'auteur range les psychopathies
sexuelles la folie raisonnante- le délire de chicane les con-
ceptions délirantes non systématiques des anormaux héréditaires
Les idées fixes ou exagérées de Wernicke. P. K.
XI. UNE modalité particulière du tremblement dans LE DELIRIUM
THEMENS DES alcooliques; par N. OSTERllAYER. (Allg. Zeitsch. f.
Psych., L, 3, 4.)
Observation. Tandis que le tremblement généralisé ordinaire
est modéré, le côté droit du corps est secoué d'un tremblement
continu si violent que le tremblement général, relégué au second
plan, devient à peine perceptible. Il y a en outre, toujours à droite,
paralysie du sphincter irien, parésie du facial, parésie des membres
supérieur et inférieur, exagération extrême des réflexes tendineux,
patellaire et clonus podaliques,hyperexcitabilité mécanique neuro-
musculaire.
Ceci ne dura que quelques jours pendant la durée même de
l'état délirant et rétrocéda sans laisser de traces. Il est impossible
d'y trouver d'explication, à moins qu'on ne veuille faire jouer un
rôle, dans l'espèce, au développement plus accentué des muscles du
côté droit de cet homme qui est chaudronnier. P. K.
XII. CONTRIBUTION A l'étude DE l'inversion DU SENS génital;
par R. DE KII.4FFT-EDiNG. (Julcrbfieh, f. Psychiat., Xll, 3.)
C'est le plus souvent un symptôme de dégénérescence : lacune
morale, trouble psychique spécial, construction psychosexuelle
anormale, en tout cas congénitale. Voici vingt nouvelles observations
confirmatives. P. K.
XIII. DE la TENEUR DU sang EN hémoglobine ET DE SON POIDS
SPÉCIFIQUE CHEZ LES aliénés; par VOttSTLR. (Allg. Zeitsch. f.
Psychiut., L, 3, 4.)
Hémomètre de Fleischl. Pyknomètre capillaire de Schmalz.
138 malades (104 hommes, 24 femmes). Cinq observations dans le
texte.
Conclusions. 1° L'agitation psychique avec agitation motrice
vive et continue; détermine une diminution de la densité et de
l'hémoglobine; 2° si dans le cours d'une psychose (mélancolie ou
démence apathique) il se présente des signes de stase veineuse,
44 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
.d'ordinaire il y a augmentation de la densité et de l'hémoglobine.
Dans ces conditions, même si les malades sont anémiques, le sang
reste dans les conditions normales ou présente une augmentation
de la densité et de l'hémoglobine; 3° si .dans le cours d'une
période d'exaltation, ou de dépression, le poids spécifique et la
teneur en hémoglobine sont diminués, on les voit d'ordinaire
remonter en même temps que le poids du corps, quand survient
la guérison; 4° les attaques congestives épileptiformes ou apoplec-
tiformes sont parfois suivies d'une augmentation de la densité on
de la teneur en hémoglobine; 5° les épileptiques soumis depuis
des années à l'action du bromure de potassium présentent en
moyenne un poids spécifique et une proportion d'hémoglobine
plus élevés que ceux qui ne sont pas soumis ou qui ne sont soumis
que depuis peu au bromure. '
Voilà un premier élément de recherches qu'il serait bon de géné-
raliser et de compléter. P. K.
XIV. DE la folie INDUITE ET DE quelques phénomènes contagieux
ou transmis chez LES aliénés; par ROLLER. (Allg. Zeistch. /.
- Psychiat., L, 3, 4.)
10 Observation de folie à deux. Deux soeurs, dont l'une est un
élément plutôt passif. Un frère est également atteint de concep-
tions délirantes; mais il n'est pas séquestré, il a évidemment adopté
plusieurs idées délirantes de ses soeurs tout en louvoyant, quant à
son appréciation de leur état mental : 2° exemples de transmission
de conceptions délirantes de certains aliénés il d'autres malades
de l'établissement; 3° exemple d'imitation mécanique de l'écho-
ialie par répétition ; 4° exemples de transmission de sensations mor-
bides provenant de gens sains ou de malades par une sorte de
suggestion. P. K.
XV. ZOOPHILIE ÉROTIQUE, bestialité ET zooérastie ; par DE
. 11RAFT-EBING. (Allg. Zeilsch. f. P,y-hitit., L, 3, 4.)
La première expression signifie que le coït des animaux entre eux
provoque chez l'homme le désir de coïter avec une personne d'un
autre sexe mais de même espèce (perversion), sorte de fétichisme;
la sensation spéciale que produit le contact de la fourrure morte
ou vivante, toute libidineuse, peut en être rapprochée. Mainls per-
vertis sexuels adorent chiens et chats {une observation). Il n'eu est
plus de même de la zooérastie qui est une perversité, témoin la
bestialité, coït avec des animaux, généralement faute de mieux.
Voici maintenant l'observation d'un homme qui éprouve la
jouissance génésique quand il est à cheval. La vue des chevaux et
des chiens produit chez lui des érections, mais il ne peut coïter
avec une femme. Cet homme a guéri.. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 45
XVI. SUR UNE sensation SUBJECTIVE de l'ouïe dans l'état HYPNAGO-
GIUE; par L. Daraskiewicz. (Ne1l1'olúg. Ceret·albl., XIII, 1894.)
Ayant travaillé tard dans la nuit (c'était dans l'hiver), l'auteur,
surpris par le sommeil, entend tout à coup une détonation qui le
réveille en sursaut, c'était une fausse sensation produite par les
craquements des arbres qu'il avait entendus en travaillant. Peut-être
le tympan agit-il là comme une corde tendue qui se détend et
vibre au moment où il entre en repos; les muscles perdent leur
tonicité, les osselets s'entre-choquent comme une masse inerte.
P. K.
XVII. LES NEUROPSYCHOSES de REJET; par S. CREND.
(Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)
L'auteur essaie, ainsi qu'il le dit dans un sous-titre, d'établir une
théorie psychologique de l'hystérie acquise, de beaucoup de phobies
et d'obsessions, et de certaines folies hallucinatoires. Il prétend
que ces névroses sont la résultante en certains cas d'un effort de la
volonté impuissant à chasser du cerveau certaines idées qui
semblent au malade condamnables. Voici par exemple une jeune
fille qui, pendant qu'elle soigne son père, se met à penser à un
jeune homme qui a fait sur elle une impression érotique. Cette
pensée lui semble incompatible avec la dignité de sa situation
actuelle. Elle veut la rejeter de son cerveau. Elle n'y réussit que
partiellement. Il y a conversion totale ou partielle de l'irritation
mentale, du traumatisme psychique, sur l'innervation motrice ou
sensorielle. Ainsi apparaît l'hystérie, l'obsession, l'hallucination.
C'est le plus ordinairement un élément sexuel qui donne naissance
à ces idées insupportables, à ces cas de conscience perpétuellement
insolubles et perpétuellement excitants malgré l'apparence heu-
reuse du résultat psychique obtenu. Le rejet mental ou la défense
mentale entraine des conséquences névropathiques, mais à la condi-
tion qu'il y ait une prédisposition préalable. P. K.
XVIII. DE l'hypnotisme ET DES troubles mentaux; par F. JOLLY.
(Archiv. f. Psychiat., XXV, 3)
Observation I. Hystérique, atteinte de délire systématique,
n'ayant jamais été hypnotisée que dans son imagination (concep-
tions délirantes).
Observation II. Hystérique atteinte d'hypocondrie en rapport
avec la ménopause, avec affaiblissement intellectuel progressif et
finalement folie systématique aiguë. Elle a été hypnotisée jadis
dans un but thérapeutique, et c'est alors le thème que son délire,
qui n'a rien à voir avec cet hypnotisme, a enfourché. z
46 REVUE DE pathologie mentale.
Voici maintenant un autre point de vue :
Vous croyez bien faire en hypnotisant certains individus. Or, ils
ont une prédisposition nerveuse; l'hyp' otisme développe, par suite,
chez eux la prédisposition hystérique latente et voilàqu'apparaissent
des attaques convulsives (observations) ou des syndromes de folie
aiguë (observations
L'auteur discute enfin l'utilité ou la nocuité des pratiques hypno-
tiques et suggestives, combat leur application à la psychologie expé-
rimentale, et pense, en touchant de près la question de l'abus des
hypnoti,ables et des hypnotisés (criminalité suggérée), qu'après
tout, il ne faut pas encourir le reproche de prendre des observations
intéressantes mais auxquelles il manque avant tout le mérite de
l'exactitude (mensonges, rêves éveillés des hystériques). Au surplus
ces hypnotisâmes sont rares, et ce sont en réalité des êtres patho-
logiques. Est-on bien sûr que les hypnotisés ne se souviennent que
partiellement et d'une façon controuvée des phases de l'opération ;
Il y a plutôt lieu de penser que ces hypnotisés d'hahitude ne
diffèrent pas essentiellement des hystériques. P. K.
XIX. OBSESSIONS ET PHOBIES. LEUR mécanisme PHYSIQUE ET LEUR
étiologie; par le Dr IREND.
L'auteur commence par déclarer qu'il ne lui paraît pas justifié
de faire dépendre les obsessions et les phobies de la dégénéres-
cence menlale. Les obsessions et les phobies sont des névroses à
part et dans ce groupe il y a lieu de distinguer : 1° les obsessions
vraies, 2° les phobies.
Dans toute obsession il y a d'une part une idée qui s'impose au
malade et d'autre part un état émotif associé, que ce soit l'anxiété,
le doute, le remords, la colère; l'état émotif est la chose principale
et persiste inaltéré, alors que l'idée associée varie.
Une analyse psychologique des différents cas montre que l'état
émotif, comme tel, est toujours justifié. Seulement, et c'est dans
ces deux caractères que consiste l'empreinte pathologique : l'état
émolif s'est éternisé, alors que l'idée associée n'est plus l'idée juste,
l'idée originale, en rapport avec l'étiologie de l'obsession, elle en
est un remplaçant, une substitution. La preuve en est qu'on peut
toujours trouver dans les antécédents du malade, à l'origine de
l'obsession, l'idée originale remplacée. Ses idées remplacées ont
des caractères communs, elles correspondent à des impressions
vraiment pénibles de la vie sexuelle de l'individu que celui-ci s'est
efforcé d'oublier; il a réussi seulement à remplacer l'idee incon-
ciliable par une autre idée mal appropriée à s'associer à l'état
émotif qui, de son côté, est resté le même. C'est cette mésalliance
de l'élat émolif et de l'idée associée qui rend compte du caractère
d'absurdité propre aux obsessions. Dans certains cas, l'idée origi-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 47
nale au lieu d'être remplacée par une idée, est remplacée par des
actes ou impulsions qui ont servi à l'origine comme soulagements
ou procédés protecteurs et qui maintenant se trouvent en associa-
tion grotesque avec un état émotif qui ne leur convient pas, mais
qui est resté le même et aussi justifié qu'à l'origine.
Mais comment cette substitution peut-elle se faire ? l'auteur
pense qu'elle est l'expression d'une disposition psychique spéciale
et l'on rencontrerait souvent l'hérédité similaire dans les obses-
sions. Quant au motif de cette substitution, ce serait un acte de
défense du moi contre l'idée inconciliable. La grande différence
entre les obsessions et les phobies est que dans ces dernières, l'état
émotif est toujours l'anxiété, la peur.
Il y a deux groupes de phobies, suivant l'objet de la peur : 1° peur
exagérée des choses que tout le monde abhorre ou craint un peu,
comme la nuit, la mort, les maladies, les serpents, etc.; 2" peur
de conditions spéciales qui n'inspirent pas la crainte à l'homme
sain, comme les phobies de la locomotion.
Le mécanisme des phobies est tout à fait différent de celui des
obsessions : il n'y a plus d'idée inconciliable remplacée; on ne
trouve jamais autre chose que l'état émotif anxieux qui, par une
sorte d'élection a fait ressortir toutes les idées propres à devenir
l'objet d'une phobie. L'auteur se propose, dans un prochain travail
de démontrer qu'il existe une névrose spéciale, la névrose anxieuse,
névro-e d'origine sexuelle et dont les phobies font partie. (Revue
neurologique, janv. 1895.) E. B.
XX. Delà paralysie générale A FORME tabétique; par M. 1l' Dr JOFFIIOY.
(Nouvelle lconog.de luSvlpétrière, 1895, n° 1. Communication faite
au Congrès de médecine mentale de Clermont-Ferrand, 1894.
L'auteur rappelle d'abord les principales opinions qui ont et ont
eu cours sur les rapports qui existent entre le tabes et la paralysie
générale, car, dès f,almil, on avait déjà noté l'association assez
fréquente des symptômes de l'ataxie locomotrice et de ceux de la
paralysie générale. La paralysie générale, dans le cas d'association,
est la conséquence de la propagation au cerveau du processus patho-
logique établi dans la moelle (Jaccoud). Le tabes et la paralysie
générale sont deux affections qui s'as-ocient fréquemment, elles
ne constituent en réalité qu'une maladie unique (Raymond). Le
tabes et la paralysie générale sont deux affections différentes, elles
peuvent coexister chez le même sujet, ce qui arrive rarement, mais
c'est là une association nosoiogique comme on en observe souvent
en pathologie nerveuse (Ballet et Joffroy). Le tabès se rencontre
combiné à la paralysie générale dans la proportion de 3 p. 100,
c'est une dualité pathologique (Renaut). Le tabes associé à la
paralysie générale constitue une maladie systématique affectant
48 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.'
tout le système sensitif cérébro-spinal, c'est un tabes psycho-sen-
soriel (Pierret). Les deux maladies n'en font qu'une capable de se
localiser diversement, quelle que soit la localisation, la syphilis
domine l'étiologie des lésions, lesquelles sont de nature parasyphi-
litique (Fournier), etc.
L'auteur modifie aujourd'hui,' ou plutôt étend davantage ses
conclusions d'autrefois. Il admet toujours que le tabes et la para-
lysie générale véritable sont capables de s'associer, mais il pense
que la plupart des cas présentés comme des associations des deux
affections ne sont en réalité que des cas de paralysie générale à
forme tabétique. La paralysie générale débute alors par des
symptômes spinaux à forme tabétique, lesquels symptômes dispa-
raissent ou s'effacent à mesure que les symptômes paralytiques
s'établissent. Aux autopsies on trouve de la sclérose médullaire,
mais sans la localisation systématique caractéristique du tabes.
Exemple : Homme syphilitique depuis douze ans. L'affection
débute par des symptômes nettement tabétiques, l'erreur de diag-
nostic est commise. Quelques années après, les signes physiques et
psychiques de la paralysie générale apparaissent et s'accentuent
de plus en plus, les symptômes du tabes, l'incoordination motrice,
comme les autres, s'affaiblissent et s'effacent. A l'autopsie : lésions
macroscopiques cérébralesclassiques de la paralysie générale. A la
moelle, lésions histologiques multiples et prononcées, dont les prin-
cipales sont : une sclérose irrégulièrement disposée des cordons
latéraux et l'atrophie des cellules des cornes antérieures à la région
dorsale. M. Joifroy possède plusieurs observations analogues, ce qui
l'aulorise à poser les conclusions sus énoncées. - CauUSET.
XXI. Délire DE maigreur chez une hystérique; par MM. Brissaud
, et Souques. (Nouv. konogr. de la Salpétrière, 1894, n° 6.) .
L'expression «anorexie hystérique» n'est pas très exacte, la
perte de l'appétit n'existe pas nécessairement. Ce phénomène est
la conséquence d'une idée fixe consciente ou inconsciente. Il fau-
drait mieux dire « inanition hystérique ». Voici un exemple de cette
sorte d'inanition due incontestablement à l'influence d'une idée
fixe successivement consciente et inconsciente.
Jeune fille, hérédité névropathique. A neuf ans, à la suite d'une
chute, coxalgie hystérique et consécutivement hyperesthésie loca-
lisée à la hanche gauche qui dure dix ans. Au moindre attouche-
ment, douleur angoissante presque syncopale, alors que le frotte-
ment des vêtements n'est pas perçu. Jeune fille intelligente, un
peu mystique par intervalles, très émotive, syncopes aux moindres
contrariétés. A l'âge de seize ans, elle était un peu forte, elle pesait
60 kilogrammes, ses compagnes la raillaient de son embonpoint,
c'est alors qu'elle fut prise de l'idée fixe de maigrir. Elle passait
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 49
des journées sans manger et avait des vomissements dès qu'elle
recommençait à ingérer des aliments. 11 arriva un moment où son
estomac ne put plus rien supporter, vomissements incoercibles.
« C'est devenu une habitude, au commencement c'était exprès,
j'aurais pu me retenir, » disait-elle à la Salpêtrière. La maigreur
augmenta de plus en plus et la malade tomba dans un état
lamentable.
A son arrivée dans le service, maigreur extrême, plus de tissu
adipeux, c'est la morphologie du squelette. Les principaux viscères
sont normaux. Le poids égale 29 kilogrammes. Il existe un délire
mélancolique avec dépression, idées de remords, de culpabilité, de
damnalion. Tendance au suicide. Traitement : Isolement absolu,
pas même de communications écrites avec sa famille, repos au
lit, alimentation ordonnée sévèrement avec menace de la sonde
oesophagienne en cas de refus. Dès le début de ce traitement, la
malade mange et ne vomit plus. Trois mois après elle pesait
59 kilog., la température qui était de 35° était remontée à 37*. La
guérison s'est maintenue depuis.
C'est l'idée fixe de maigrir qui domine toute l'histoire de cette
malade. Celle-ci a doublé son poids en trois mois, ce que seuls les
hystériques sont capables de faire, chez eux l'influence trophique
du système nerveux est activée par l'idée de grossir. Il arrive un
moment où les hystériques, atteints ainsi d'inanition, ne peuvent
plus maigrir sans succomber, il existe une limite qu'ils ne peuvent
pas dépasser. Quand l'émaciation progressive dépasse les six
dixièmes du poids initial, la mort est certaine (expériences sur les
animaux), il est probable qu'il en est de même chez l'homme. On
sait que Charcot a relaté d'assez nombreux cas de mort par inani-
tion hystérique. C.2 £ M USET.
XXII. Parallélisme entre LES PROCESSUS psychiques ET somatiques;
par BERl'OEART. (Centi,albl. f. Ner·uenheilk., N, F. V., 1894.)
La chimie a réussi à mettre en évidence les atomes et les molé-
cules par des procédés d'études physiques; elle a réussi aussi à
isoler et à présenter les éléments chimiques sous une forme pal-
pable. La psychologie physiologique a déterminé les sensations
élémentaires, mais ces éléments-là ne nous sont connus que par les
connexions qu'ils ont entre eux.
11 lui faut donc trouver un témoin indicateur de la sensation
simple de même que la chimie a, à l'appui de ses éléments chi-
miques, l'indiscutable poids atomique, l'analyse (séparation) et la
synthèse (reconstitution). Ce témoin indicateur, cet index, il faut
le chercher dans certains processus qui se mettent, en mouvement
quand se produit une sensation.
C'est l'excitant et l'irritation d'un des organes du système ner-
Archives, t. XXX. 4
50 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
veux dont la modalité arrive à la connaissance, qui est l'élément
psychique de la sensation. Etude des conditions de la sollicitation
des éléments nerveux et de l'irritation des centres engendrant des
modalités sensationnelles diverses (résumé des notions psycho-
physiques). Nos sensations résultent de l'excitation cérébrale poly-
morphe. La perception d'un mouvement est en quelque sorte
l'image microscopique de la genèse (vibration) d'une sensation. Un
corps paraît à l'oeil être en mouvement quand son image couvre
successivement plusieurs places de la rétine successivement décou-
vertes. De sorte que l'impression du mouvement est la résultante
de l'excitation d'une série d'endroits voisins de la rétine par les
rayons lumineux qu'envoie le corps en mouvement et inverse-
ment de l'alternance des rayons lumineux du fond de l'oeil où ce
corps se meut. Elude des différences de l'irritation nerveuse
produite par l'excitation. Qualités physiques.
La sensation est donc tout à fait en harmonie avec les autres
phénomènes naturels. Equilibre des forces cachées dans les corps.
Les diverses manifestations des forces se mesurent et à la quantité
de la force dont est chargé le corps actif et à la quantité de la
force emmagasinée par le corps actionné. Un corps ne manifeste de
force que quand il est entré en équilibre de forces avec un autre.
Une cellule nerveuse n'a de sensation que quand elle a l'occasion
d'échanger avec une autre un certain degré d'irritation (force vitale).
Ainsi les processus psychiques s'évaluent par des processus phy-
siques et la loi psychophysique devient une loi. mathématique. La
force des excitations doit croître dans un rapport géométrique
pour que la force des sensations croisse dans un rapport arithmé-
tique ; de même l'effet d'un moteur ne croit que dans un rapport
arithmétique quand la charge et la force croissent.simultanément
dans un rapport géométrique.
Pour qu'une sensation ait lieu, il faut que deux endroits du cer-
veau soient irrités par des excitations identiques.- Et par suite,
notre appareil nerveux doit être construit comme la machine élec-
trique par influence. '
Il faut que de deux côtés opposés du champ de la conscience les
cellules soient sollicitées pour qu'il y ait complexus psychique : Et
ce processus a dans toute circonstance pour substratum des images
commémoratives. Ce sont elles qui constituent, comme autant d'in-
grédients, les éléments de l'association par ressemblance, contraste
coexistence locale, succession temporelle.
L'attention est cette faculté que nous avons de dégager d'un
centre une irritation sur un autre centre également sollicité soit
par la périphérie, soit par le centre préalablement mis en activité.
Ce sont les mêmes lois d'équilibre dynamique. Il y a toujours un
processus moléculaire entre deux, cellules qui s'influencent réci-
proquement. u .
REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 51
Cet exposé raccourci montre la parenté la plus intime entre les
processus psychiques et les processus du monde physique, c'est
pourquoi dans notre intérieur le monde extérieur peut se symboliser
et nous pouvons pénétrer avec notre esprit dans les rouages de ce
dernier. , P. KEnavaL.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
I. Etat mental DE S... Clément, accusé DE VOL ET DE VIOL. Etude
MÉDICO-LÉGALE, par le Dr Arnoldo SiERACCtNi, vice-directeur du
manicome de Macerata. (ESI1'atto dal Roccoglitoue medico,
vol. XVII, 1894.)
Rapport médico-légal très détaillé, très documenté et très riche
en considérations psychiatriques.
Le nommé S... Clément était convaincu d'avoir commis deux
crimes. Le 24 juillet 1892, il avait volé des objets sans valeur
abandonnés devant une maison, quelques fagots de bois et de la
chaux; le 10 août suivant, chose autrement grave, il avait violé
une jeune fille de vingt-cinq ans. Il niait tout, du reste. Mais
comme il passait dans son village pour n'avoir pas la tête bien
solide et qu'il avait été placé antérieurement, à deux reprises diffé-
rentes, au manicome de Macerata, la Chambre du conseil du
tribunal civil et criminel de Macerata décida qu'il serait examiné
au point de vue médical. En conséquence, le juge d'instruction
commit le Dr Sieraccini comme expert et le chargea principale-
ment de répondre à ces deux questions : 1° S... était-il aliéné dans
les journées du 24 juillet et du 10 août 1892 ? 2° Est-il aliéné
actuellement ?
Examen des faits. S... âgé de trente-huit ans est un malheu-
reux journalier marié et père d'une petite fille. ' Aucune tare
névropathique, ni chez ses ascendants, ni chez les membres de sa
famille. Un de ses frères pourtant passe pour être très irritable, il
aurait été condamné deux fois à la prison, on ne sait pour quel
motif. Malgré cette absence d'hérédité, S... est cependant venu
au monde avec quelque chose de défectueux dans le système ner-
veux central, il a une atrophie congénitale du membre supérieur
droit et de la moitié correspondante du thorax. Cette infirmité en
le rendant peu apte au travail manuel, lui qui ne possédait rien, le
52 REVUE DE MEDECINE LEGALE.
condamnait d'avance à une vie misérable. Il fut traité deux fois
au manicome, une première fois en ! 885, pendant trois mois, et
une seconde fois, en 1891, pendant trois mois et quelques jours.
Dès avant ces placements au manicome, il avait subi deux con-
damnations, l'une à deux mois de prison, en 1877, pour port
d'armes prohibées, l'autre à quatre mois en 1880 pour menaces et
coups. '
Les certificats d'admission au manicome portent qu'il est dange-
reux pour les personnes et les propriétés, qu'il est très irritable, qu'il
entre en fureur pour un rien, qu'il menace de tuer et d'incendier,
qu'il erre la nuit dans la campagne, qu'il se querelle avec tout le
monde. Les notes médicales relevées sur les registres du manicome
indiquent, pour chaque admission, le même accès maniaque carac-
térisé exactement chaque fois par des symptômes identiques :
Fureur, cris, récriminations. Il est séquestré injustement. Loqua-
cité intaiissable, les phrases sont projetées pâle-rnêle, les halluci-
nations et les illusions font naître les idées les plus diverses.
Prédominance cependant d'idées de persécution rapportées à
sa femme qui, aidée de ses complices, a a toujours fait son
malheur ».
L'auteur établit qu'en outre de ces accès vésaniques, S... en a
éprouvé d'autres pour lesquels il n'a pas été placé au manicome, et
que ces accès ont toujours eu les mêmes caractères que ceux qui
ont été observés officiellement, pour ainsi dire, au manicome. Ils
ne diffèrent d'eux que par une intensité moindre. C'est ainsi que
la femme de S... raconte que son mari, il y a deux ans et demi, a
été un certain temps violent, querelleur, qu'il la battait, qu'il
buvait et qu'un rien l'enivrait, qu'il ne dormait plus et errait dans
la campagne, qu'il était d'une lubricité extraordinaire et n'avait
aucune retenue, il voulait la posséder en présence de sa fillette
âgée de six ans. Cet accès se dissipa vite. Une autre fois, il a eu
une « bouffée de folie », dont il avait conscience; il s'est présenté
de lui-même au manicome pour demander son admission.
S..., en dehors de ses accès est un homme « comme tout le
monde, affectueux pour les siens ». Quand sa tête est perdue, c'est,
dit sa femme, un démon; il boit, il vole, il menace tout le monde,
etc., etc. Arrivant à l'époque des crimes reprochés à S..., le D1' Sie-
raccini prouve d'abord que ceux-ci sont certains. S... ne cachait
pas ses larcins. Quant au viol, voici comment il fut consommé : La
jeune X... soignait ses bêtes dans l'étable, S... entra et lui repro-
cha de l'avoir accusé de voler les voisins. Une discussion s'ensuivit
et S... se jeta sur la jeune fille, la fit tomber, la frappa, puis lui
releva les jupes par-dessus la tête et abusa d'elle. L'examen médical
pratiqué peu après fit constater les traces d'une lutte et la déchi-
rure récente de l'hymen. S... nia quand même : « Si elle est
déflorée, elle l'a été par d'autres, » disait-il.
REVUE DE MEDECINE LEGALE. 53
L'enquête démontre que précisément vers cette époque S...
n'avait pas sa tête à lui ». Toutes les personnes qui l'ont vu alors "
sont unanimes sur ce point. Sa femme exposant son état mental
pendant les mois de juillet et d'août 1892, au Tribunal, fait en
réalité le tableau symptomatique le plus exact de l'excitation ma-
niaque.
Examen de l'accusé. L'auteur donne en détail l'anthropométrie
de S... Il est certainement de l'école de Lombroso, car il énu-
mère avec satisfaction les principaux stigmates de la criminalité
qu'il a constatés chez l'accusé : zygomes écartés, mandibule très
développée, dolichocéphalie, etc. Chez nous, on néglige en général
ces recherches spéciales, à tort selon moi, mais ce n'est pas ici le
lieu de disserter sur la criminalité ou sur l'homme criminel. Au
point de vue psychique, S... ne présente aucun symptôme morbide,
ni hallucination, ni conception délirante, ni impulsion, etc. Mais
en l'étudiant attentivement on s'aperçoit que ses facultés mentales
n'arrivent qu'à un niveau peu élevé. Notez qu'il continue à nier
tous les faits qu'on lui reproche, il n'a, du reste, pas cessé de
prendre le médecin expert pour un juge d'instruction. « Rien de
tout cela n'est vrai, répète-t-il sans cesse, je ne me souviens de
rien, » formule commode pour qui craint de se compromettre, et
n'a pas l'intelligence suffisante pour trouver d'autres moyens de
défense.
De tout ce qui précède, l'auteur conclut : S... est un faible
d'esprit, ses conceptions sont pauvres, lentes sont ses associations
d'idées, sa mémoire est bornée, sa volonté insuffisante, mais sur
l'échelle de la faiblesse intellectuelle il faut reconnaître qu'il se
tient sur le premier échelon. Chez nous, nous dirions qu'il est
atteint d'une certaine débilité mentale.
Si S..., poursuit le Dr Sieraccini, était simplement un débile
au mental, nous le considérerions comme un individu à responsa-
bilité pénale limitée, mais il est en outre atteint de manie pério-
dique, et cela nous oblige à envisager sa responsabilité d'une
toute autre manière. Dans plusieurs écoles psychiatriques, dans
l'école allemande principalement, on admet que les fous pério-
diques sont complètement irresponsables des crimes qu'ils peuvent
commettre, même quand ces crimes sont commis en dehors des
périodes aiguës de leur affection. Krafft-Ebing a fait voir, par la
seule observation clinique, que chez les fous périodiques la maladie
est permanente : même dans les intervalles, pendant lesquels tout
symptôme psychopathique semble avoir disparu, elle persiste
latente. Il reste toujours, du fait des accès antérieurs, plus ou
moins d'affaiblissement mental et d'irritabilité anormale. C'est le
cas de S..., lequel est un aliéné complètement irresponsable.
On ne peut, en effet, douter que cet individu ne soit atteint de
folie périodique, il offre tous les symptômes classiques d'une manie
54 REVUE DE MÉDECINE LEGALE
périodique, et non ceux d'une simple manie ayant récidivé. La res-
semblance complète de tous les accès qui sont copiés les uns sur
les autres, la fréquence et le peu de durée de ces accès, la nature
des symptômes intercurrents, la perversité des instincts; au début
de l'accès l'érotisme, la méchanceté, les agressions, la tendance à
boire, à voler; ce contraste bizarre enfin, dans le même moment,
entre des paroles raisonnables et des actes les plus insensés. Tout
cela indique, d'une façon irréfutable, la folie périodique.
Enfin, les actes incriminés ont été perpétrés, non dans un inter-
valle raisonnant, mais dans le cours même d'un accès aigu. Cela
ressort de l'enquête.
Conclusions. 1° S..., atteint de manie périodique, n'est pas
aujourd'hui dans un accès aigu de son affection, il est dans un état
raisonnant qui, pour lui, représente l'état d'équilibre mental.
2° S... était dans un accès aigu de sa manie périodique à l'époque
où il a commis le vol et le viol qui lui sont reprochés; 3° il était, à
ce moment, dans un état pathologique qui le privait complètement
de son libre arbitre. Il est par suite absolument irresponsable.
Quelques jours après le dépôt de ce rapport, dont les conclusions
ont été adoptées intégralement par la Chambre du conseil du
tribunal de Macerata, S... fut pris d'un nouvel accès maniaque
d'une violence extrême. A un moment donné sa vie fut en danger,
mais il finit cependant par se calmer. Il est actuellement calme et
raisonnable, il travaille régulièrement à la ferme du manicome, et
il demande avec instance sa sortie. Le Dr Sieraccini pense qu'on ne
doit pas lui permettre de vivre en liberté à cause des dangers qu'il
ferait courir à son entourage. Il termine par cette judicieuse
remarque : Les accès aigus des aliénés périodiques sont calqués
les uns sur les autres, on ne doit, par suite, rendre à la vie com-
mune, pendant leurs intervalles raisonnants, que les seuls pério-
diques qui ne commettent pendant les accès aigus de leur maladie
aucun acte nuisible. CAMUSET.
II. Considérations médico-légales SUR LES traumatismes DU CER-
vEao; par ScuAECEe. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, LI, 4.)
La commotion cérébrale (ébranlement du cerveau) est une affec-
tion diffuse de l'organe qui n'est point révélée par l'examen
analomo-pathologique. Dans les cas de mort par traumatisme
cranien, le médecin-expert conclura à l'ébranlement cérébral si
le traumatisme est démontré, si la mort a suivi ce dernier de près,
si les circonstances de l'accident parlent en faveur de ce diagnos-
tic, enfin si l'autopsie ne fait constater aucune autre cause de
mort. En présence d'un malade, l'expert, avant de poser le
diagnostic de commotion cérébrale, s'enquerra des circonstances
au cours desquelles s'est produit le traumatisme, ainsi que des
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 55
suites immédiates de l'accident; il tiendra compte de la limitation
exacte de l'amnésie à la période de la perte de connaissance.
Parmi les causes prédisposantes individuelles il faut citer l'alcoo-
lisme. Une enquête minutieuse évitera la confusion de la commo-
tion cérébrale avec l'ivresse grave. L'évolution des symptômes de
la commotion cérébrale serait-elle favorable, l'expert devra néan-
moins faire des résen es sur la possibilité de complications tar-
dives : la résistance cérébrale est d'ailleurs toujours diminuée.
En cas de mort, l'existence d'une hémorragie méningée récente
sera considérée comme la cause de la mort, s'il existe en même
temps une blessure de l'écorce et quand bien même on consta-
terait de l'artérite cérébrale ou une pachyméningite hémorragique.
Observe-t-on un intervalle entre le traumatisme et l'apparition
de symptômes de compression cérébrale, on sera autorisé à
admettre l'existence d'un foyer d'hémorragie méningée. Un
foyer de ramollissement récent peut être considéré comme d'ori-
gine traumatique, lorsqu'il siège dans l'écorce et lorsqu'il est '
accompagné d'une hémorragie méningée. C'est dans les ganglions
de la base et dans la capsule interne que l'on rencontre les foyers
hémorragiques non traumatiques; ils s'accompagnent d'altérations
vasculaires. Un foyer de ramollissement jaune de l'écorce peut
être considéré comme secondaire à une lésion traumatique du
cerveau, si l'on ne constate pas de lésion dégénérative des artères.
On sera très réservé sur le pronostic des blessures du cerveau; des
plaies très étendues peuvent en effet guérir; et d'autre part, des
traumatismes légers de l'écorce amènent parfois rapidement la
mort (abcès). Un abcès chronique du cerveau, terminé par la
mort, doit être considéré comme causé par un traumatisme déter-
miné, quand rien dans les autres organes ne peut en expliquer
l'apparition, quand l'âge qu'on est autorisé à lui attribuer con-
corde avec la date du traumatisme, enfin quand les symptômes
sont en rapport avec le processus anatomique. - Le rapport de
cause à effet entre le développement d'une tumeur cérébrale et un
traumatisme crânien ne peut être admis que dans des cas excep-
tionnels.
Les troubles nerveux et psychiques consécutifs aux traumatismes
crâniens sont dus soit à l'ébranlement du cerveau, soit à des
lésions cérébrales variées (cicatrices, abcès, kystes, foyers de
ramollissement, méningites, exostoses, corps étrangers, etc.), soit
enfin au choc psychique provoqué par la blessure ou par l'émo-
tion. Les troubles nerveux sont très variés et ne réalisent que rare-
ment l'aspect clinique d'une maladie déterminée (neurasthénie,
hystérie, épilepsie). On observe cependant des groupements de
symptômes caractéristiques, dont quelques-uns de nature objective,
qui doivent faire supposer l'origine traumatique de l'affection.
Les troubles nerveux tantôt se développent immédiatement après
56 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
le traumatisme, tantôt ils en sont séparés par une période variable.
La neurasthénie revêt le plus souvent la forme hypocondriaque;
le tableau clinique est parfois modifié par l'existence de troubles
neurasthéniques locaux, périphériques, provoqués par l'action
locale du traumatisme. L'insomnie, les douleurs dans les diverses
parties du corps sont des phénomènes presque constants dans la
neurasthénie traumatique. Parmi les symptômes somatiques les
plus fréquents sont les troubles de la nutrition, les désordres gas-
triques et intestinaux, les vertiges, les paresthésies, les phéno-
mènes d'excitation et de parésie de nature motrice, sensitive, sen-
sorielle, vaso-motrice. Au point de vue psychique, ces neurasthé-
niques présentent de l'excitabilité, de la diminution de l'attention,
de l'émotivité. Ces névroses traumatiques sont très tenaces et
offrent en général peu de chances d'une guérison complète et
durable. Lorsqu'elles ne se terminent pas par la guérison, elles
passent à l'état chronique et aboutissent même à de véritables
psychoses (idées délirantes hypocondriaques, obsessions, etc.). En
présence d'un cas de neurasthénie traumatique, l'expert, lorsque
le sujet exagère l'intensité de ses troubles morbides ou même en
invente d'imaginaires, doit se garder de considérer des symptômes
réels comme étant eux aussi simulés. Le médecin n'affirmera
l'existence de manifestations épileptiques que s'il a constaté, lui-
même, un accès épileptique. (Importance des morsures de la
langue, des ecchymoses, des cicatrices.)
Les traumatismes craniens peuvent affecter avec les psychoses
différents rapports : tantôt ils les provoquent directement, tantôt
ils agissent en qualité de facteurs prédisposants; dans certains cas
enfin, ils interviennent, comme cause occasionnelle, pour déter-
miner l'apparition d'une psychose chez un sujet déjà prédisposé.
Il n'existe pas de psychose traumatique ayant des caractères spé-
ciaux : les formes les plus variées peuvent être observées. Certains
symptômes sont assez fréquents dans les psychoses d'origine trau-
matique : citons la diminution de l'intelligence, les maux de tête,
les vertiges, les troubles de l'émotivité, les tendances aux actes de
violence. Schuie distingue des psychoses traumatiques primain et
secondaires suivant leur apparition immédiate ou tardive. Wille,
parmi les psychoses primaires, a observé le délire hallucinatoire
aigu avec les hallucinations terrifiantes, la désorientation, la con-
fusion psychique, l'amnésie qui le caractérisent. On a noté aussi
des cas de stupidité, de démence aiguë curable, d'un pronostic
favorable. Plus graves sont les cas d'affaiblissement intellectuel
progressif, qui simulent parfois la démence paralytique (une obser-
vation), ceux de paranoïa chronique.
Au point de vue médico-légal, les psychoses traumatiques
primaires ne présentent pas de difficultés. Leur évolution est-elle
rapide et favorable ? elles ne donnent point lieu à une expertise.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 57
Leur marche est-elle chronique ? le rapport de cause à effet entre
le traumatisme et la psychose qui l'a suivi apparaît évident. Les
psychoses traumatiques secondaires ne se montrent qu'après un
intervalle de durée variable, au cours duquel ne s'observent que
des modifications de l'humeur (irascibilité, etc.).
Le plus souvent la psychose confirmée se traduit par un état
d'affaiblissement intellectuel progressif avec parésie et troubles de
la coordination, ou par un accès maniaque que termine la dé-
mence. La marche de ces psychoses est chronique. Au cours de la
période latente il arrive que les malades commettent des actes
délictueux par suite de leur moindre résistance aux incitations
passionnelles et à l'alcool. z
Pour qu'un traumatisme déterminé puisse être considéré comme
la cause d'une psychose ultérieurement développée, il faut que la
nature de ce traumatisme soit précisée, ainsi que ses conséquences
immédiates et éloignées ; il faut démontrer qu'avant l'accident
aucun symptôme morbide ne s'était produit, et que d'autres facteurs
étiologiques ne sont pas intervenus. P. Sérieux.
III. Un cas d'épilepsie alléguée ET simulée ; par le Dr Samuel
Garnier. (Annales métlico-psychologiliies, août 1894.)
Avocats ou délinquants, instruits de ce fait que beaucoup de ma-
ladies mentales ou nerveuses peuvent ne pas se traduire au dehors
par des raisonnements étranges et présenter des périodes d'accal-
mie, ne manquent plus d'invoquer, les uns et les autres, l'excuse
d'une maladie susceptible, ou de jeter un doute dans l'esprit des
jurés, ou de leur faciliter la revendication du bénéfice de l'article 64
du code pénal. L'épilepsie, surtout quand elle n'est pas de notoriété
publique ou facile à établir par preuves testimoniales et médicales
antérieures à un crime, n'avait pas figuré, jusqu'à présent, dans la
nomenclature des maladies auxquelles on pouvait recourir, à l'oc-
casion, comme excuse légale devant la justice. Il faut croire que la
notion scientifique de la substitution possible, à une crise convul-
sive, d'une crise de l'intelligence pouvant amener une impulsion
irrésistible criminelle, a fini par se faire jour dans le public extra-
médical car l'auteur vient d'observer un cas où l'épilepsie fut
d'abord alléguée et ensuite simulée par le prévenu dans le cours de
sa détention, pour s'excuser d'un meurtre suivi d'une tentation de
viol.
M. S. Garnier fut commis comme expert dans cetle affaire et la
mission ne manquait pas d'être assez délicate, un premier expert
ayant écarté l'épilepsie, alors qu'un second expert l'avait admise
et conclu à une impulsion possible qui aurait rendu l'inculpé
inconscient.
Le rapport de M. Garnier, des plus intéressants et publié in ex-
58 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
tenso, montre bien comment l'auteur put reconnaître la simulation ;
par l'accusé, de la crise postérieure au crime et l'absence de rela-
tion de causalité entre une épilepsie antérieure presque douteuse et
les faits criminels dont il s'agissait. E. B.
IV. Kleptomanie chez une chobéique. Rapport médico-légal ;
- ! par II. IUIrELLA. (Allg. Zeilschr. f. Psychiatrie, LI, 4.)
Une fillette de quinze ans est inculpé d'avoir dérobé cent francs.
On constate chez elle un certain nombre de stigmates de dégéné-
rescence (malformations du crâne, de la face, etc.), de la dermogra-
phie, des mouvements choréiformes dans la moitié droite du corps,
symptômes révélateurs d'un état de dégénérescence, sur lequel
viennent en outre se greffer des désordres cérébraux périodiques
(obnubilation passagère avec troubles vaso-moteurs).
Les facultés psychiques ne présentent pas d'arrêt de dévelop-
pement : l'intelligence et la mémoire sont normalement dévelop
pées, il n'y a pas de mauvais instincts, pas de signes de folie
morale. L'émotivité est extrême et se manifeste par des troubles
vaso-moteurs de la face, un état d'obnubilation psychique qui empê-
che la malade de répondre aux questions, et une exagération des
mouvements choréiformes. Les renseignements apprennent que
peu après le vol, les règles firent leur apparition pour la première
fois. L'inculpée, au moment de l'acte incriminé, se trouvait donc
au cours d'une des dernières phases de la puberté et d'une période
prémenstruelle. Or on sait que la puberté est un puissant agent
provocateur d'actes impulsifs, même chez les sujets normaux, et
a fortiori chez les dégénérés : il en est de même de la chorée et de
la période prémenstruelle. Il faut tenir compte aussi des fréquents
états vertigineux, présentés par l'inculpée, états qu'accompa-
gnaient des troubles visuels et une paralysie de toutes les fonctions
psychiques. L'auteur termine en constatant chez l'inculpée un état
de dégénérescence héréditaire, accompagné de chorée et de
troubles périodiques de la conscience et de l'activité cérébrale. Il
conclut à l'irresponsabilité. P. S.
V. LE CRITERIUM DE LA RESPONSABILITÉ DANS LA FOLIE; par le
Dr Brainerd. (The cclienist and neiii-ologist, avril 1891.)
- Le criterium de la responsabilité, dans les cours de justice, con-
siste ordinairement dans la faculté pour l'individu de discerner le
bien du mal, en ce qui concerne un acte donné, et dans l'absence
d'impulsion irrésistible le poussant à accomplir cet acte. L'auteur
estime que ce criterium de la responsabilité est suffisant; il est pour
lui dans la réponse négative à la question suivante : « L'inculpé
était-il fou au moment de l'accomplissement de l'acte et quel a pu
être le résultat de sa folie, soit par rapport à son inaptitude à dis-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 59
tinpuer le bien et le mal dans l'acte accompli, soit par rapport iL
l'affaiblissement du contrôle de ses actes, soit par rapport à un
besoin irrésistible d'accomplir l'acte, sous l'influence d'une impul-
sion morbide ou d'une hallucination ? E. B.
VI. TROIS rapports SUR LES TROUBLES morbides consécutifs .1 DES
accidents; par S. MENER. (Archiv. f. Psychiat., XXVI, 1.)
C'est toujours la question de l'hystérie traumatique (Charcot) qui
est en jeu; étude minutieuse des symptômes dans leurs rapports avec
la démonstration objective de leur réalité, pour déjouer la simula-
tion. Ce mémoire confirme les idées de Charcot et traite de la super-
position possible de névropathies fonctionnelles et de névropathies
à lésions. Ce n'est au surplus, pas une rareté. Cette simultanéité
éclate souvent en dehors de tout accident. L'hystérie ou les troubles
fonctionnels nerveux s'ajoutent fréquemment à des affections
graves du cerveau et de la moelle (paralysie générale, apoplexie,
tabes, sclérose en plaques). P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. Cas d'atrophie infantile unilatérale DES muscles DE la face,
probablement congénitale : par IJEIINHARDT, (Neurolog. Centralbl.,
Xlll, 1894.)
Homme de vingt-quatre ans. C'est deux semaines a près sa naissance
(accouchement naturel) que sa mère s'est aperçue de cette paralysie
faciale du côté droit, avec atrophie des muscles de la face. Il ne
peut fermer l'oeil droit, toujours largement ouvert; épipuora sans
accidents inflammatoires.' Côté droit du front implissable, lisse.
Emaciation extrême de la région située au-dessous de l'arcade zygo-
matique ; main droite immobile; les deux lèvres paraissent plus
volumineuses que normalement; à droite la lèvre inférieure et le
menton sont plus aplatis qu'à gauche. Il y a là cependant une sorte
de suppléance fonctionnelle du peaucier du cou. Intégrité du voile
du palais, de la luette, de la sensibilité, des fonctions sudorales, de
la coloration, de l'oreille, de la mastication, des muscles de l'oeil,
des pupilles. Toutefois l'exagération de la rotation des yeux à
gauche ou à droite, et en dehors, produit un léger nystagmus. Il
60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
peut siffler et former le groin. L'électrisation au niveau de la
base du crâne, de l'angle du maxillaire inférieur, du milieu de la
branche horizontale du maxillaire inférieur, nécessite l'intervention
de plus forts courants à droite qu'à gauche, pour produire les
mêmes résultats, et encore, en agissant à droite, n'obtient-on que
des contractions courtes et rapides et seulement des muscles labiaux
ou sous-labiaux et mentonniers, quel que soit le courant, fara-
dique ou galvanique, qu'on emploie. Les plus forts courants d'une
batterie, d'un appareil d'induction, d'une décharge d'étincelles de
la machine statique, ne provoquent pas de contractions sur le
frontal, l'orbiculaire des paupières, le sourcilier, les zygomatiques
les muscles naso-labiaux, le buccinateur; résultats aussi nuls quand
on agit sur le tronc du facial ou sur ses branches. Mais on peut faire
contracter par excitation directe ou indirecte (surtout intrabuccale),
la partie droite de l'orbiculaire des lèvres, le triangulaire du
menton (à droite), le carré du menton, etc. Suit une étude
analytique. L'auteur croit difficilement à raison de ces détails à
l'origine périphérique de la lésion pathogénetique. P. K.
II. NOUVELLE observation d'alexie avec hémianopsie homonyme DU
côté DROIT (Alexie SrlhC09'GtCQIC de Wernicke). Autopsie ; par
L. Bruns. (Neurolog. Cenlratbl., XIII, 1894.)
L'oeil de la malade reconnaît sûrement les lettres et les images
des objets, sans pouvoir les nommer. 11 n'y a donc pas d'alexie
littérale à proprement parler. Pour les mots, à part certains mots
très courts, il y a pour elle impossibilité de reconnaître et saisir le
sens de ces mots, et non pas seulement impossibilité de lire à
haute voix; c'est là de l'alexie verbale. Disparition des substantifs,
surtout de ceux qui désignent des objets concrets, la parole spon-
tanée restant en dehors de la normale et ne présentant qu'une
paraphasie légère. Celle-ci ne porte généralement que sur quelques
lettres ou syllabes, rarement sur des mots entiers. Elle comprend
parfaitement la parole, saisit bien la musique, répète très bien ce
que l'on dit. Hémianopsie droite. Elle reconnaît les objets qu'on
lui présente, mais ne les nomme pas d'emblée; ce nom ne vient
même pas quand elle s'aide des autres sens, tels que le toucher et.
l'odorat. La malade reconnaît aussi les lettres imprimées mais n'en
trouve pas le son; il en est de même pour les lettres et les mots
écrits; elle ne les reconnaît pas davantage en les copiant ni quand
l'examinateur les lui trace dans le vide ou sur une table en se
servant de la main droite de la malade. Quelques nombres sont
reconnus ou nommés immédiatement, ou bien quand la malade en
comptant en elle-même ou à haute voix arrive en partant de un
au nombre proposé. Il lui est impossible de lire de longues
séries de nombres. Elle calcule très mal. Au début, l'écri-
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 61
ture spontanée et l'écriture sous la dictée étaient conservées. Puis
elle ne put copier; son état général ne lui permettait du reste que
difficilement de pratiquer les mouvements de l'écriture. Enfin, les
deux modes de l'écriture (spontanée et dictée) subirent des troubles
graves. La surdité verbale termine la scène; coma, mort. On
trouve une tumeur plate et lobulée, rouge, à la base de l'extré-
mité antérieure de la circonvolution occipito-temporale médiane
gauche (circonvolution de l'hippocampe et uncus); elle vient
recouvrir un peu, en avant, la bandelelle optique, couvre toute la
région du gyrus hippocampi et du lobule lingual jusqu'à la pointe
du lobe occipital. Intégrité du gyrus fusiforme. A la convexité il y
a une sorte de châtaigne à l'extrémité postérieure des première
et deuxième temporales gauches, tout contre le pli courbe, qui
plonge d'un centimètre et demi dans la substance blanche. Enfin
dans le lobe occipital gauche une tumeur vasculaire sans limites
précises, distante partout de 2 centimètres de la convexité,
occupe la profondeur de la pointe du lobe en question, gagne en
se rapprochant de l'écorce, vers la base, les circonvolutions occipito-
temporales et en avant, dans la substance blanche des pariétales,
vient détruire le pulvinar gauche. Intégrité des deux tiers anté-
rieurs de la couche optique. On voit qu'il ne s'agit pas d'une lésion
en foyer bien limitée, mais d'une lésion des plus complexes.
L'auteur en rapproche l'observation qu'il a publiée en 1888
f,Nezcrolog. Centralbl.) et dont il raconte les aléas depuis cette époque
qui n'a pas encore reçu de sanction anatomique, puis passant
comparativement en revue les faits semblables de la bibliographie,
il résume la classification des alexies.
Il existe, dit-il, deux formes d'alexies sous-corticales présentant
les mêmes allures à l'égard des objets concrets :
62 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Voici tout au moins une observation à marche' extrêmement
rapide (six semaines) en faveur de cette opinion. 11 s'agit d'une
asthmatique de cinquante ans qui fut profondément affectée
d'apprendre qu'elle avait du sucre dans les urines. Dès lors les
accès d'asthme s'accroissent et le cou commence à se tuméfier;
accidents typiques du goitre exophthalmique; dyspnée (bronchite) ;
. albuminurie; glycosurie; fièvre le soir. Mort. P. K.
IV. Analgésie DU tronc du cubital constituant un SYMPTÔME DE
tabès; par E. Bn : RN.IC¡(1. (Neurolog. Centmlbl., XIII, 1894.)
L'examen de la sensibilité à la pression du nerf cubital entre
l'olécrâne et le condyle interne de l'humérus, endroit si sensible
quand on se cogne le coude, révèle précisément l'insensibilité de
ce nerf, même aux plus fortes pressions, chez les tabéliques les
mieux caractérisés, quoique cette compression détermine chez eux
la sensation d'engourdissement des deux derniers doigts. z
Elle fut de règle dans 14 cas sur 20 malades. Elle paraît propre
. à la sclérose des cordons postérieurs. Etudes comparatives à ce
point de vue d'autres affections y compris les troubles et névrites
du nerf cubital. 11 est à supposer que, quand cette analgésie existe,
la moelle cervicale inférieure est déjà prise, mais sans qu'on puisse
plus spécialement localiser l'altération, et bien que, d'après Schiff,
les cornes grises postérieures soient le territoire par lequel passent
les faisceaux conducteurs des sensations douloureuses. La moitié
de nos tabétiques, qui étaient atteints d'analgésie du cubital, pré-
sentaient également une analgésie cutanée diffuse du même degré
dans le domaine du cubital ainsi que suivant le trajet d'autres
nerfs du bras et du dos, analgésie latente et isolée, qui ne portait
point sur les autres qualités de la sensation telles que le sens de la
température. P. KERAVAL.
V. Maladie DE ET lèpre; par Frenkel. (821TO10(J.
- Centralbl., XIII, 1894.)
Résumé critique de l'étude de Zambaco-Pacha sur la lèpre :
identité de la syringomyélie, de la maladie de Morvan, de l'asphyxie
locale, de la gangrène symétrique, avec la lèpre. (Semaine médicale,
1893, n° 37, 15 juin.) , P. K.
VI. DES phénomènes nerveux consécutifs UNE COMMOTION de La
colonne vertébrale ; par C.-S. FBEUND. (Neurolog. Centralbl.,
XIII., 1894.). ,
. Ce sont : la sensibilité à la pression des vertèbres dorsales supé-
rieures (surtout au niveau des apophyses épineuses du côté gauche)
avec irradiations dans le domaine des rameaux cutanés du nerf
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. G3
cubital et du médian ; l'atrophie évidente, quoique incomplète, des
segments inférieurs du trapèze gauche (peut-être combinée à un
affaiblissement purement fonctionnel du grand dentelé du même
côté), .enfin des phénomènes d'irritation dans le grand sympa-
thique oculaire (phénomènes oculo-pupillaires). Cette localisation
indique d'après l'auteur, qu'il y a eu, du fait du choc spinal, une
commotion ou un tiraillement des racines des nerfs dorsaux, au
niveau des vertèbres dorsales supérieures. Au même niveau; il
pourrait bien y avoir un ramollissement circonscrit des cellules
appartenant à l'accessoire (atrophie du trapèze); c'est ce qui ressort
des avis de Gaupp, L. Mann, E. Reuiak, Gowers. On pourrait
également songer aux foyers de dégénérescence traumatique diffus
par trouble direct de L. Bruns, siégeant comme il vient d'être dit.
Quant aux phénomènes d'excitation les uns sont en rapport avec
des processus de régénération des nerfs, les autres émanent de
l'impression terrifiante et expliquent la conclusion d'un des
experts (névrose traumatique). P. K.
VU. UN cas DE pachyméningite cervicale syphilitique avec para-
LYSIE DOUBLE DE la SIXIÈME paire; par le Dr H. Lamy, ancien in-
terne DES hôpitaux. 1V021U. Iconographie de la Salpêtl'iè1-e, 1894,
n° 2.)
Cette observation de M. Lamy est intéressante surtout parce
qu'elle démontre la nature certainement syphilitique d'une ménin-
gite cervicale, laquelle a la plus grande analogie clinique avec la
pachyméningite cervicale hypertrophique de Charcot et de
Joffi oy.
Homme de trente-neuf ans, hérédité nerveuse assez lourde, entre
à la Salpêtrière en 1892. Syphilis douze ans auparavant, accidents
secondaires, pas de traitement sérieux. Début de la maladie il
y a deux ans par de la céphalée, des vertiges, de la diplopie, de
la perte de la mémoire et enfin par un embarras assez pro-
noncé de la parole. Un peu plus tard, violentes douleurs muscu-
laires dans les membres supérieurs, surtout aux avant-bras et aux
mains, et dans les muscles du thorax. Réaction de dégénérescence
dans un grand nombre de muscles. Paralysie des deux sixièmes
paires. Etat général mauvais, le malade se tient voûté et il marche
mal, sans que, pourtant, les muscles des membres inférieurs
soient paralysés ou atrophiés. Traitement spécifique : iodure de
potassium 6 grammes par jour et frictions mercurielles. En peu de
temps amélioration notable : les vertiges disparaissent, la diplopie
disparaît, plus de céphalée et la mémoire redevient normale. L'état
général est bon, les douleurs ne se font plus sentir, tous les symp-
tômes enfin se dissipent, sauf l'atrophie musculaire qui, elle, resle
aussi prononcée qu'avant le traitement.
64 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
En somme donc, l'affection répond au diagnostic de pachymé-
ningite cervicale avec paralysie atrophique des membres supérieurs,
avec des symptômes cérébraux en plus, et elle est certainement
sous la dépendance de la syphilis. C.
VIII. Myopathie primitive généralisée; par MM. Paul LoNDE et
- Henry MEIGE. (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 3.)
L'existence des myopathies primitives, c'est-à-dire des myopa-
thies sans lésion médullaire ni nerveuse, le muscle lui-même étant
primitivement atteint, est mise hors de doute aujourd'hui. On
s'était ingénié, ces temps derniers, à multiplier les formes de ces
myopathies primitives, chaque auteur donnant son nom au type
qu'il observait pour la première fois. C'est ainsi qu'on a créé le
type Landouzy-Déjerine, le type Zimmerlin, le type juvénile d'Erh
et le type Leyden-Moebius. Mais on s'est aperçu que la variété des
groupements musculaires primitivement atteints était infinie, et que
chaque variété limitée au début se généralisait le plus souvent par
la suite et perdait ses caractères distinctifs. Aussi tend-on aujour-
d'hui à englober tous ces différents termes sous la dénomination
générale de myopathie primitive et progressive ; en Allemagne, on
dit : dystrophie musculaire progressive. Cette nouvelle concep-
tion synthétique est due à Charcot. C'est, en effet, le grand neu-
ropathologiste français qui a reconnu la coexistence, chez le même
sujet, des atrophies avec des pseudo-hypertrophies musculaires,
qui en outre a fait voir que les muscles en pseudo-hypertrophie
étaient cependant paralysés, qu'ils avaient perdu leur propriété
fonctionnelle, et enfin que, dans toutes les myopathies primitives
généralisées, les réactions électriques étaient similaires, que les
contractures fibrillaires faisaient défaut et que ce caractère familial
était commun à tous les types.
Voici un cas qui , précisément, ne correspond exactement à
aucune des formes qu'on a cherché à différencier autrefois, il n'y a
cependant aucun doute qu'il ne rentre dans la grande classe des
myopathies primitives progressives.
Femme, vingt-sept ans, lourde hérédité neuropathique, une
soeur a été myopathique. A quinze ans, la marche commence à
devenir défectueuse, la malade s'affaisse parfois brusquement par
suite d'une grande faiblesse des jambes, elle court d'une façon ridi-
cule qui fait rire. Les troubles de la marche vont en s'accentuant,
à dix-huit ans elle n'est plus capable de se relever seule quand elle
est tombée. C'est à ce moment que les membres supérieurs se
prennent à leur tour; enfin depuis dix aus, la malade ne peut plus
quitter sa chambre. A signaler, dès le début, de violents maux de
tête et d'estomac qui n'ont pas cessé.
Actuellement, le faciès quelque chose de spécial, les traits sont
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65
épaissis, flasques, pas ou peu de rides, l'occlusion forcée des pau-
pières est difficile, la bouche est large, les lèvres sont projetées en
avant. La malade ne. peut siffler ni souffler un peu fort. Au tronc :
Tous les muscles sont plus ou moins atteints. La tête est fortement
inclinée en avant. Lordose lombaire légère et cyphose cervico-
dorsale légère également. Aux membres supérieurs : atrophie des
deltoïdes et impossibilité d'étendre horizontalement les bras. D'une
façon générale, les divers mouvements des bras sont, ou impos-
sibles, ou très difficiles et alors très peu étendus. Aux membres
inférieurs : les grands fessiers sont atrophiés, mais l'atrophie est
dissimulée par une forte masse graisseuse. Les mouvements diffi-
ciles et limités. Assise, la malade ne peut se lever sans un point
d'appui le long duquel elle se hisse. Mouvements des pieds très
faibles, chute des pieds pendant la marche, les extenseurs étant
surtout atteints. Rétraction des gastro-cnémiens. Démarche « en
canard », le bassin s'inclinant du côté de la jambe oscillante.
L'examen de la sensibilité électrique démontre, d'une façon géné-
rale, une diminution simplement quantitative, mais ne démontre
rien qui rappelle la réaction de dégénérescence.
Il y a surtout à retenir de cette observation : le début de la
maladie seulement à l'âge de quinze ans; l'envahissement rapide
de l'impotence fonctionnelle et la localisation prédominant à
gauche; la conservation apparente des formes extérieures, surtout
aux membres inférieurs (pseudo-hypertrophie sans hypertrophie);
les modifications survenues dans la station et dans la marche;
enfin l'hérédité de la malade. - Cvmuset.
IX. Un cas D'IIÉIIP.41tAPLÉG1E spinale avec anesthésie croisée
d'origine SYPHILITIQUE ; par M. Jon.aND, interne des hôpitaux.
- (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, t89L, n° 2.)
Le syndrome de Brown-Séquard (hémiparaplégie et anesthésie
croisées) est ordinairement dû à une lésion unilatérale de la moelle
par un instrument tranchant ou par une balle de revolver, mais il
peut aussi être sous la dépendance d'une affection organique du
rachis, des méninges ou de la moelle.
L'hystérie peut également le provoquer, mais après les trauma-
tismes, c'est la syphilis qui est son facteur étiologique le plus ordi-
naire et il existe une myélite sytématisée syphilitique spéciale qui
a, comme symptôme constant, l'hémiparaplégie avec anesthésie
croisées.
Voici un cas de ce genre :
Une femme de quarante et un ans, sans tare névropathique hérédi-
taire, chétive, misérable et d'une débilité mentale assez prononcée,
contracte la syphilis huit ans avant le début de l'affection. Aucun
traitement. L'alfeclion débute par de l'engourdissement dans le
Archives, t. XXX. a
.66 .REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
- membre pelvien gauche qui s'affaiblit progressivement;' au point
de devenir complètement impotent.
A la Salpêtrière on constate : paralysie presque complète du
membre inférieur gauche, légères douleurs spontanées, surtout
la nuit, dans ce même membre.. 1
Le membre, inférieur droit n'est pas du tout paralysé, mais la
sensibilité y est fortement lésée : anesthésie à la douleur, à la
chaleur et au froid, les sensations de contact et de pression
sont conservées.
Ces troubles de la sensibilité dépassent le membre et on les
retrouve à la moitié droitedu tronc, jusqu'au niveau de la deuxième
vertèbre lombaire. Les réflexes rotuliens sont normaux des deux
côtés, il n'y a pas d'atrophie musculaire, ni de trouble trophique,
pas plus à gauche qu'à droite. Pas de symptômes céphaliques, pas
de troubles oculaires, on note seulement quelques vertiges et des
palpitations assez violentes. Le traitement spécifique n'amène
aucune amélioration, et même les symptômes se prononcent de
plus en plus, en même temps qu'apparaissent des troubles vési-
caux, du gâtisme et une eschare au sacrum. La malade exige sa
sortie et est perdue de vue. ' C.
X. UN cas DE myopathie primitive PROGRESSIVE avec attitudes
vicieuses extraordinaires; par M. A. Souques. (Nouvelle Iconogra-
phie de la Salpêtrière, 1894, n° 3.)
Observation. Homme, vingt-sept ans, tare héréditaire légère,
mais six frères ou soeurs morts en bas âge ou tuberculeux. A dix-
.sept ans les bras deviennent faibles et les épaules saillantes, c'est
le début de l'affection qui, depuis, n'a fait que progresser. A
vingt-cinq ans, le sujet ne pouvait plus se livrer à aucune occu-
pation.
Etat actuel. - Faciès myopalhique très accusé, surtout vu de
profil (traits flasques, peu de rides, occlusion normale des pau-
pières incomplèle, la fente palpébrale reste large de 3 ou 4 milli-
'mètres, lèvres grosses, proéminentes, impossibilité de siffler);
crâne plus développé proportionnellement que la face; région
occipitale aplatie. Au cou, les sterno-mastoïdiens très atrophiés.
Aux membres supérieurs : morphologie des épaules normale; les
trapèzes ont disparu; les omoplates sont d'une mobilité excessive;
les avant-bras ont à peu près conservé leur forme et leur volume.
Au tronc : thorax rectangulaire; grand relief des côtes; muscles
pectoraux et dentelés disparus, abdomen proéminent, lordose
dorso-lombaire monstrueuse, dont les photographies et les dessins
.qui accompagnent le texte sont seuls capables de donner une
idée. Il est incroyable qu'avec une telle conformation un homme
.puisse se tenir debout et marcher. Bassin fléchi sur les cuisses et ne
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 67
pouvant se relever. Cuisses maigres, jambes et pieds d'aspect nor-
mal, simple diminution quantitative de l'excitabilité électrique,
en rapport avec le degré d'atrophie des muscles ou avec les altéra-
tions de leur contractilité.
.. L'intérêt de cette observation réside dans l'attitude vicieuse
extraordinairement prononcée. Pour se mettre debout, quand il est
assis, le malade pend son appui sur ses genoux avec ses mains, il
incline le tronc eu avant et le soulève légèrement, il descend ensuite
sa main gauche au-iessous du genou et étend en arrière le bras
droit, il grimpe avec la main gauche le long de la cuisse et place
le poing droit sur la fesse droite. Il redresse alors le tronc et
applique le poing gauche sur la fesse gauche. Debout alors, la face
antérieure du tronc formant une courbe convexe qui équivaut
presque à une demi-circonférence, les avant-bras appliqués sur les
fesses, il peut avec sa' lordose inimaginable progresser et même
monter des escaliers, marchant fortement « en canard » et les
jambes très écartées. C. >
.
XI. Un cas d'amyotrophie primitive accompagnée DE réactions
ÉLECTRIQUES ANORMALES ET DE TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ; par
- M. Thomas-D. SA VILLE (de Londres). Traduction de M. le
' Dr Henry Meige. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894,
n° 3.) ,
- Les amyotrophies forment deux grands groupes, le premier
comprend les cas où les muscles présentent des réactions électriques
anormales, le second ceux où les muscles présentent des réactions
électriques normales plus ou moins intenses. A cette division répond
analomiquemenl cette autre division : 1° amyotrophies de cause
médullaire ou par lésion des nerfs périphériques; 2° myopa-
thies primitives progressives, la lésion ne porte que sur la fibre
musculaire.
Dans le premier groupe on trouve la paralysie spinale infantile,
l'atrophie musculaire progressive, les atrophies avec paralysies
dues à des uévrites périphériques multiples ou localisées, les
atrophies liées à des poliomyélites antérieures secondaires, c'est-
à-dire consécutives à d'autres lésions spinales, par exemple les
atrophies syringomyéliques, et enfin les atrophies musculaires
articulaires.
Dans le second groupe, dans les myopathies primitives, il n'y a
pas de réactions électriques anormales. A ce groupe appartiennent :
la paralysie pseudo-hypertrophique et ces nombreuses variétés de
myopathies primitives généralisées,qui neformenten réalité qu'une
seule classe, comme l'a démontré Charcot. C'est dans le second
groupe qu'on doit faire entrer le cas suivant, bien que les muscles
réagissent à l'électricité d'une façon anormale. '
68 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Observation. Femme, vingt-sept ans à l'époque de l'examen.
Début de l'affection de très bonne heure par l'orbiculaire des pau-
pières, puis successivement : déformation vertébrale, déformation
des pieds, altération de la parole, faiblesse musculaire très grande,
lordose considérable, tous les muscles volontaires sont altérés...
Faciès myopathique : non fermeture des paupières, lèvres épaisses
projetées en avant, absence de rides, etc... L'atrophie musculaire
est si intense que l'on ne peut sentir par la palpation la moindre
masse musculaire au deltoïde ou au trapèze. La force musculaire
est diminuée en raison de l'atrophie. Les fléchisseurs sont toujours
restés plus gros et par suite plus forts que les extenseurs, ce qui
explique les déformations des extrémités et l'ensellure.
Jamais on n'a observé de tremblements fibrillaires. Il existe con-
tinuellement, sauf pendant le sommeil, des mouvements choréi-
formes. Il y eut des symptômes douloureux; une hyperesthésie
cutanée et des douleurs sur le trajet de certains troncs nerveux,
ces symptômes ne furent que transitoires. Enfin l'examen électrique
peut se résumer ainsi : diminution générale de tous les modes
d'excitabilité électrique avec quelques changements qualificatifs.
Comme on le voit, le cas serait classique, sans les symptômes
douloureux qui, du reste, n'existaient plus au moment de l'obser-
vation, et surtout sans les modifications de la réaction électrique.
Tous les autres caractères sont les caractères de la myopathie
primitive, et c'est pourquoi on doit considérer le cas comme un
véritable cas de myopathie primitive progressive, malgré les anomc-
lies en question.
Mais les modifications de réaction électrique n'en sont pas moins
l'indice d'une lésion profonde, d'une lésion de la moelle ou des
nerfs. L'auteur, devant celte considération, se demande si les deux
, grandes variétés d'amyotrophies ne seraient pas toutes deux, au
début, sous la dépendance de lésions médullaires ou nerveuses,
et il propose l'hypothèse suivante : dans les myopathies dites pri-
mitives, les lésions nerveuses profondes survenues dans les premiers
temps de la vie disparaissent ensuite, alors que le processus patho-
logique dont elles ont été le point de départ continue à évoluer
dans les muscles. Dans l'observation qui précède, les lésions ner-
veuses, au lieu de disparaitre, sont devenues chroniques en restant
très légères. D'où les signes de réaction de dégénérescence qui sont
leurs manifestations cliniques et qui rendent le cas anormal. C.
XII. ARTHROPATHIES NERVEUSES ET TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ; par
M. E. Brissaud. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894,
nos 4 et 5.)
Leçon de M. Brissaud faite à la Salpêtrière. Les arthropathies
d'origine nerveuse ont une allure caractéristique. Ainsi les arthrites
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69
du tabes qui sont typiques de ces athropathies sont des arthrites
tout à fait spéciales : hydarthroses énormes, athrophies ou hyper-
trophies tendineuses, cartilagineuses, osseuses alleignan t des propor-
tions extraordinaires, dislocations articulaires des plus complexes,
et avec tout cela, absence complète de phénomènes douloureux. La
douleur, si elle existe, est passagère et extra-articulaire, elle est due
à la distension rapide de la peau et des tissus voisins de l'articula-
tion malade. En effet, l'accident se produit d'un coup. Il est extra-
ordinaire que ces arthropathies si remarquables n'aient pas été
reconnues plus tôt, car c'est Charcot qui les a décrites le premier.
Toutes les articulations peuvent être atteintes, et dans l'ordre de
fréquence suivant : genou, hanche, épaule, articulation tibio-tar-
sienne, poignet, articulation du tarse, mâchoire. Ce qui frappe
tout d'abord, c'est le gonflement énorme de l'article, et il est dû à
un épanchement sanguin, la synoviale serait incapable de fournir
une aussi grande quantité de liquide en aussi peu de temps. Le
gonflement envahit tout le membre qui devient oedématié, élé-
phantiasique. Mais si le début de telles arthrites est soudain, la
résorption, au contraire, est lente à s'effectuer. Quand elle est
accomplie, on se rend compte de la gravité des désordres articu-
laires. L'article est informe, il y a des cavités là où devraient exister
des saillies, on ne retrouve plus aucun rapport, les mouvements
sont devenus indifférents, tous les éléments constitutifs de l'articu-
lation sont détruits ou lésés, surtout atrophiés, mais quelques-uns
aussi hypertrophiés.
Il arrive parfois que ces dislocations s'établissent sans fracas, peu
à peu, insidieusement, mais toujours sans douleur. Le résultat est,
du reste, le même. Dans tous les cas l'impotence fonctionnelle.
demeure plus ou moins marquée, elle est souvent absolue. Il faut
noter que ces lésions articulaires commencent par des troubles
trophiques osseux périostiques ou médullaires.
Les altérations articulaires trophiques du tabes se produisent
particulièrement dans les tabes dits sensitifs. M. Brissaud en
donne des preuves cliniques, en présentant plusieurs malades dont
les observations corroborent sa proposition. Mais d'autres myé-
lopathies que le tabes provoquent des arthropathies; la syringo-
myélie, par exemple, donne des dystrophies articulaires identiques
à celles de l'ataxie, or, la syringomyélie est d'autant plus apte à
produire ces accidents qu'elle est plus douloureuse. Il en résulte
que si les arthropathies myélopathiques ne sont pas le propre du
tabes, elles sont toujours caractérisées par un ensemble de phéno-
mènes et par une évolution que le tabès réalise sous la forme
typique. Elles figurent avec leur maximum de netteté dans le tabes
sensitif. Elles accusent une réaction spéciale des éléments anato-
' miques, en présence de certaines excitations des nerfs sensitifs.
Les troubles trophiques ne sont donc pas primitifs, ils sont secon-
70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
daires, les troubles sensitifs sont toujours les premiers en date.
- Voici les arguments physiologiques que M. Brissaud expose pour
confirmer cette conclusion. Les centres de coordination de la
moelle président, non seulement aux mouvements, mais aussi à la
nutrition intime des tissus. Les' organes de la vie végétative exigent
pour le maintien des échanges nutritifs réguliers à leur intérieur
le fonctionnement régulier de ces centres. A une stimulation péri-
phérique anormale, la moelle répondra par un mode d'activité
plus grande ou plus faible de ses centres organiques, les échanges
organiques subiront de ce fait, une perturbation qui se traduira
par des hypertrophies, des atrophies, des congestions, des isché-
mies, etc. Or, tous ces phénomènes pathologiques appartiennent
au labes et on peut déjà saisir la raison des troubles trophiques dans
cette affection. Du reste le tabes est loin d'être la seule maladie
nerveuse qui justifie la loi de corrélation entre les troubles trio-
phiques et les conducteurs nerveux centripètes : se rappeler l'hé-
miatrophie faciale qui s'établit à la suite de la névralgie du triju-
meau, l'atrophie musculaire des arthrites douloureuses, etc.
^Remarquons maintenant que si la lésion du tabes est unique
quelle que soit la forme du tabès, il ne s'ensuit pas que les mêmes
éléments nerveux soient lésés dans toutes les formes, on sait que
de nombreux cylindre-axe échappent à la dégénérescence bien que
plongés dans une zone sclérosée; l'identité de la lésion ne comporte
que l'identité de la région médullaire atteinte. On peut donc très
logiquement admettre que, dans le tabes sensitif, les fibres ner-
veuses centripètes de toutes les sensibilités subissent la dégénéres-
cence, et que dans le tabes moteur, les seules fibres de la sensibilité
réflexe sont atteintes.
Comment, avec cette théorie, expliquer le fait de la non-atrophie
des muscles volontaires dans le tabes. On sait que quand l'atrophie
musculaire existe, elle est due à des complications ? Par les
arcs diastaltiques réflexes. La voie réflexe n'est pas unique, il existe
une voie simple et des voies complexes. Si du lieu d'entrée des
racines postérieures aux racines antérieures il existe un arc réflexe
simple, il en existe d'autres qui parcourent un chemin bien plus
long. Un de ces arcs va jusqu'à l'écorce cérébrale d'où il repart
pour aboutir aux racines antérieures. Cet arc diaslaltique réflexe
constitue le système pyramidal. Si dans le tabes les fibres centri-
fuges de ce grand arc sont respectées, la nutrition des muscles
striés est maintenue normale, car il subsiste assez de « sensations-
souvenirs » dans l'écorce pour entretenir la fonction trophique des
muscles, alors même que l'arc réflexe direct est interrompu. Un
malade atteint, au contraire, de tabes sensitif a des troubles tro-
phiques articulaires etsurtout osseux, parce que les centres spinaux
de réaction nutritive des os et des cartilages ne connaissent rien
de l'écorce cérébrale. - - Camuset.
REVUE.DE pathologie NERVEUSE. 71 L
XIII. TROIS CAS D'ARTHROPATHIE TABÉTIQUE BILATÉRALE ET SYMETRIQUE;
par MM. A. Souques et J.-B. CHARCOT. (Nouvelle Iconographie
de la Salpêtrière, 4.)
Première observation. Femme, cinquante-quatre ans, sans
tare héréditaire, nerveuse dans son enfance, syphilisée par son
mari. Début du tabes trois ans après le mariage. Symptômes ordi-
naires du tabes. Vingt ans après le début, arthropathie tabétique
classique à l'épaule gauche. Un an après, arthrite du pied gauche.
Cinq ans après, arthropathie tabétique classique à l'épaule droite.
. Dans les deux épaules les lésions sont identiques. La face latérale
de l'épaule est aplatie, l'extrémité claviculaire et l'acromion for-
ment une saillie au-dessous de laquelle on peut, en déprimant,
toucher le fond de la cavité glénoïde. La tête humérale et les par-
ties voisines de la diaphyse de l'humérus ont disparu. Il en résulte
une mobilité invraisemblable des deux articulations, on peut faire
faire aux membres deux ou trois tours autour de leur axe longitu-
dinal. Pas de douleurs en dehors des douleurs fulgurantes.
' Deuxième observation. Femme, quarante-cinq ans, tare héré-
ditaire, pas de syphilis, excès vénériens de toutes sortes depuis
l'enfance. Début du tabes à vingt-six ans par des douleurs fulgu-
rantes aux membres inférieurs. La maladie se manifeste sous une
forme remarquablement sensitive. Douze ans environ après le
début, arthrite du genou gauche et deux mois après arthrite du
genou droit. Ces deux arthropathies tabétiques sont classiques, les
membres inférieurs sont éléphantiasiques.
Troisième observation. Homme, quarante-six ans, hérédité
névropathique, syphilis. Début du tabes à trente-six ans par des
douleurs fulgurantes. Le tabes reste presque exclusivement sensitif.
Neuf ans après le début, arthrite du genou droit et un mois après
arthrite du genou gauche. Ces deux arthropathies sont caractéris-
tiques, la gauche est moins grave que la droite.
A noter chez ces trois malades une anesthésie profonde des arti-
culations malades et l'intensité des douleurs fulgurantes, lesquelles
douleurs ont précédé les arthrites de plusieurs années; elles ont
siégé, non dans les articulations atteintes, mais dans les régions
situées au-dessous d'elles. C.
XIV. Arthropathies SYRI-.qGOMYÉLIQUES; par MM. Paul LoNDE
et J. SERREY. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894, nos 4 et 5.)
Leur connaissance est récente, elle est due à M. Debove (1889).
La scoliose etles arthrites des petites articulations, les panaris, sont
bien des troubles trophiques, mais les auteurs ne s'occupent ici
que des arthropathies des grandes articulations.
Toutes les grandes articulations peuvent devenir le siège d'une
72 2 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
arthrite syringomyélique. Voici par ordre de fréquence celles qui
sont le plus ordinairement prises : épaule, coude, poignet, hanche,
genou, pied, tarse, mais celles des membres inférieurs, sauf la
hanche, sont très rarement atteintes.
Ces arthrites surviennent à des époques variables, souvent au
début de l'affection, elles peuvent être multiples et bilatérales, les
hommes y sont plus sujets que les femmes. Leur apparition est
souvent précédée de douleurs lancinantes ou de troubles trophiques
cutanés, qui siègent parfois au niveau même de l'articulation qui
va devenir malade.
Les arthropathies syringomyéliques affectent plusieurs formes.
D'abord la forme d'hydarthrose, laquelle est rapide ou progressive.
Dans le premier cas la tuméfaction est intra ou extra-articulaire,
forte, elle peut exiger la ponction. Le plus souvent il n'y a pas de
douleuf. Dans le second cas, la ressemblance avec une hydarthrose
ordinaire est complète. Ces hydarthroses guérissent lentement,
sont sujettes à revenir, et après chaque rechute l'impotence fonc-
tionnelle se prononce davantage. Après la résorption du liquide,
on constate des désordres plus ou moins graves dans l'articulation :
craquements, laxicité des ligaments, luxation. Il arrive souvent
que l'articulation est complètement disloquée et qu'il existe des
exostoses épiphysaires et même des productions osseuses extra-
capsulaires. La caractéristique de l'arthropathie est l'hyperostose,
cependant on trouve aussi des atrophies osseuses et souvent la
coexistence des deux dystrophies. Enfin ces arthrites le plus souvent
indolores sont parfois excessivement douloureuses; mais elles ont
alors toujours subi un traumatisme. -
La peau qui recouvre la lésion, excepté dans les cas exception-
nels, est atteinte d'analgésie et de thermo-anesthésie. Les parties
profondes sous-jacentes sont également indolores, ce qui est
démontré par les interventions chirurgicales.
L'évolution de ces arthrites est essentiellement chronique mais
coupée de poussées aiguës. Il arrive que, par suite d'une infection
accidentelle secondaire, l'articulation suppure, il y a alors des dan-
gers graves, la pyohémie même est à redouter. Ne pas confondre
ces suppurations secondaires avec les arthrites suppurées d'emblée,
lesquelles n'ont pas de gravité et évoluent sans réaction.
Les arthropathies syringomyéliques dépendent de lésions médul-
laires, on ignore encore quelles sont ces lésions, on sait seulement
qu'il y a corrélation entre les troubles sensitifs et trophiques.
Quand on sait que le sujet est syringomyélique, le diagnostic de
ces arthrites est facile, sinon les erreurs sont fréquentes surtout
quand la lésion articulaire apparaît tout à fait au début de l'affec-
tion. On doit différencier les arthropathies syringomyéliques des
arthrites traumatiques ordinaires, des arthrites tabétiques, des
arthrites déformantes, des arthrites de la lèpre. C. -
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 73
XV. Un cas DE syringomyélie atypique; par M. J. TARGOVrLA.
(Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1894, n° 5.)
La triade symptomatique de la syringomyélie comprend : l'atro-
phie musculaire, la dissociation de la sensibilité et les troubles
trophiques. Chaque symptôme peut prendre une importance parti-
culière, d'où variété des types et aussi difficulté parfois du diagnos-
tic. Exemple : .
Observation. Monoplégie brachiale droite. Dissociation de la
sensibilité, arthropathies multiples. Luxation spontanée de l'épaule
droite. Cypho-scoliose, Déformations cicatricielles des doigts. Der-
mographisme. Trouble de la sécrétion sudorale. Pas d'atrophie
musculaire, sauf un léger aplatissement de l'éminence thénar
droite. Tremblement fibrillaire dans les muscles de l'avant-bras
droit.
Donc, plusieurs des symptômes de la syringomyélie, mais pas'
tous. En outre il existe des symptômes d'amyotrophie : contraction
lente des muscles à la suite d'une excitation mécanique ou élec-
trique. Abaissement considérable de l'excitabilité électrique. Trem-
blement fibrillaire de certains groupes de muscles. On sait aussi
que dans les névrites périphériques il peut y avoir de la dissocia-
tion de la sensibilité.
En réalité, cependant, et la chose n'est pas douteuse, il s'agit
d'un cas de syringomyélie, mais d'une syringomyélie à forme
mixte, la syringomyélie type Morvan, décrite par Charcot. La
lésion doit être localisée plutôt vers les cornes postérieures puis-
qu'il n'y a qu'à peine un peu d'atrophie musculaire, elle doit sié-
ger surtout à droite et enfin se trouver au niveau du renflement
cervical. Ce serait le type médian postérieur de la classification
anatomo-physiologique de Charcot. CAMUSET.
XVI. LES arthropathies TROPHIQUES au POINT DE VUE chirurgical;
par M. CHIPAULT. (Nouvelle Iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 5.)
Dans ce travail, l'auteur n'étudie pas le diagnostic des arthrites
neuropathiques, il se borne à l'examen des cas où l'articulation
trophique c'est ainsi qu'il désigne les arthropathies d'origine
nerveuse acquiert une occasion chirurgicale par l'adjonction de
quelque élément connexe. Il classe ainsi ces éléments connexes L
traumatisme au début ou pendant l'évolution de l'affection ner-
veuse, infection surajoutée, troubles trophiques graves, nature.
chirurgicale de l'affection nerveuse causale..
Viennent d'abord quelques observations de traumatisme au début
de l'affection nerveuse, ou pendant le cours de celle-ci. Suit l'étude
des infections secondaires, l'articulation devient alors tropho-infec-
tieuse. L'inflammation infectieuse peut se propager aux nerfs péri-
7,1, REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
articulaires. Les articulations tropho-infectienses comprennent les
trop'ho-tuberculeuses, les tropho-suppurécs, les tropho-névrotiques.
Il y a lieu de décrire à part l'ensemble des lésions articulaires qui
peuvent.faire partie des symptômes du mal perforant.
Les arthrites consécutives aux affections chirurgicales de la
moelle et des nerfs comprennent des types importants. A la suite
du traumatisme des nerfs périphériques on note des arthrites
ânkylosantes, le plus ordinairement des petites articulations. Le
début en est indolore et progressif. Les arthrites consécutives aux
lésions chirurgicales de la moelle constituent de simples curiosités
pathologiques, ainsi l'hydarthrose du genou provoquée par une
tumeur médullaire.
Au point de vue de l'intervention chirurgicale, on doit admettre
deux grandes classes : celle des arthropathies trophiques pures et
celle des tropho-infectieuses. Presque toujours, sinon toujours, l'in-
tervention est locale, cependant la lamnectomie a parfois amené
des guérisons. radicales. Si l'arthrite est simple, on n'a que rarement'
.il intervenir, et seulement dans un but orthopédique et non cura-
I if. Toutes les arthrites tropho-infectieuses, elles, sont chirurgicales ;
la discussion ne porte que sur le choix des moyens à employer.
Notez que les tissus périarticulaires saignent beaucoup et qu'ils
constituent un mauvais terrain chirurgical. En revanche, ils sont
ordinairement analgésiques, ce qui permet de ne pas employer le
chloroforme. C.
- XVII. Migraine ophtalmique EU aphasie; par J. M. Charcot.
(Nouvelle lnonog. de la Salpêtrière, 1895, n° 1.)
Leçon inédite publiée intégralement d'après le texte du manus-
crit original du professeur Charcot,.
Exemple d'un cas d'aphasie transitoire, à répétition survenant par
.accès, et qui se rattache à la migraine ophtalmique. Homme,
trente ans, père tabétique. Début de l'affection il y a quinze ans
par de fréquentes céphalalgies. A vingt ans, la douleur se com-
plique de troubles visuels, hémiopie et ensuite des vomissements.
Plus tard les accès s'accompagnent d'un autre phénomène encore,
un scotome scintillant, et après engourdissement dans le membre
supérieur droit. Enfin, dans ces derniers temps, un dernier syn-
drome vient encore compliquer les accès déjà très complexes, une
aphasie complète portant sur tous les modes de réception et d'ex-
pression du langage.
Ce cas est un exemple de migraine ophtalmique accompagnée, ainsi
nomnïée parce qu'elle est accompagnée de plusieurs phénomènes
qui pourraient manquer, sans que la maladie cessât d'être une
véritable migraine ophalmique, dont les éléments essentiels sont :
la céphalée frontale, l'hémiopie et le scotome scintillant. Il arrive
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 75 5
que les accès de cette migraine soient frustes et réduits à quelques-
uns seulement de ces éléments, ou bien les symptômes anormaux
(non essentiels) prédominent tellement qu'on ne voit qu'eux et
qu'on méconnaît l'affection véritable. C'est ainsi qu'on a diagnosti-
qué des aphasies transitoires à répétition, qui n'étaient que des
migraines ophtalmiques frustes. De même des accès d'épilepsie
intermittents, qui disparaissaient à un moment donné, et qui se
rattachaient eux aussi à la migraine ophtalmique.
La migraine ophtalmique guérit ordinairement ; en tout cas,
les symptômes les plus alarmants, comme l'aphasie, finissent par
disparaître. Il y a des exceptions à cette règle, l'aphasie s'établit
parfois définitivement, aussi faut-il traiter cet accident dès qu'il se
manifeste. Les bromures réussissent très bien alors. On doit noter
aussi que la migraine ophtalmique peut être symptomatique
d'autres affections protopathiques, la paralysie générale, par exem-
ple..Toutes ces considérations ne permettent pas de donner toujours
un pronostic favorable. C.
XVIII. Paralysie bilatérale DU DELTO1DE par élongation DES deux
NERFS circonflexes ; par. M. RA1'MOND. Leçon recueillie par
M. A. Souques. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 1.)
Observation. - Homme, vingt-quatre ans, très fortement musclé,
non héréditaire. Cet homme a, depuis quelque temps, l'habitude
de dormir dans une attitude peu ordinaire. Couché sur le dos, les
bras relevés et les mains jointes derrière la nuque. Un matin il
se réveille ne pouvant plus lever les bras. Il existait une paralysie
deltoïdienne double.
Le sujet peut à peine esquisser le mouvement d'écartement des
bras, réflexes conservés aux coudes et aux poignets. Engourdisse-
ment vague dans les deux régions deltoïdiennes qui s'exaspère la
la nuit. Hypoesthésie double dans la zone d'innervation des deux
nerfs circonflexes. Excitabilité voltaïque et faradique affaiblie dans
les diverses parties des deltoïdes, réaction partielle de dégénéres-
cence dans les mêmes muscles. Il y a doue bien paralysie des del-
toïdes. D'autres muscles sont-ils paralysés ? Non, la preuve en est
donnée par des considérations physiologiques démontrant que les
dentelés et les sous-épineux fonctionnent normalement.
La cause de cette double paralysie réside dans la distension et
la, compression des nerfs circonflexes. On sait que ces nerfs con-
tournent le col chirurgical de l'humérus et qu'en outre de leurs
branches motrices, ils émettent une branche sensitive qui s'épuise
danslapeau de l'épaule, précisément dans la région sur laquelle, chez
le sujet, on constate de J'hypoesthésie. Sur une préparation anato-
mique, en donnant aux membres supérieurs la même position que
celle que le malade prenait endormant, on- constate que les circon-
76 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
flexes sont tiraillés quand ils ne sont pas flexueux. La sinuosité de ces
nerfs est du reste la règle, et c'est ce qui explique pourquoi, alors
que beaucoup de personnes prennent en dormant la posture du
malade, elles n'éprouvent pas l'accident qui a frappé celui-ci, dont
les nerfs circonflexes ne sont certainement pas sinueux.
On voit que, comme le professeur Raymond l'annonce en com-
mençant, ceci est bien un cas d'étude. Pour être complet il discute
à la fin le diagnostic. L'hypothèse d'une lésion médullaire comme
facteur étiologique est à rejeter, parce qu'il faudrait une lésion
parfaitement homologue des parties antérieures des deux moitiés
delà moelle, et surtout parce qu'il n'y a pas d'atrophie musculaire.
L'hypolhèse d'une paralysie hystéro-lraumalique ne convient pas
non plus, parce que l'anesthésie serait plus franche, autrement
limitée, et parce qu'il n'existe pas, chez le sujet, de stigmate d'hys-
térie. Traitement : courants faradiques. Amélioration progressive
qui fait espérer une guérison complète prochaine. CAMUSET.
XIX. La NOTION étiologique DE L'IlRDO-SYPEIILIS dans la maladie
DE LITTLE; par MM. les D"S Fournier et Gilles DE la TOUItETTE.
(Noua. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 1.)
Deux cas de maladie de Little, dans lesquels l'hérédo-syphilis
semble être un des éléments étiulogiques de l'affection.
Première observation. L'enfant, un petit garçon, a quatre ans
actuellement. Il est né à six mois et demi, son père était syphili-
tique. On s'aperçut qu'il était paralysé des quatre membres dans
les premiers temps de son existence, surtout des membres infé-
rieurs. Ses reins ne le soutenaient pas. Puis les membres supérieurs
devinrent progressivement normaux quoique l'un resta toujours
plus faible que l'autre. Les membres inférieurs s'améliorèrent
également, mais s'ils devinrent mobiles ils demeurèrent raides, et
cette roideur ne fit que s'accentuer avec le temps. A quatre ans,
l'enfant ne peut marcher, il est incapable de se tenir debout, ses
membres inférieurs très raides ne le soutiennent pas. Couché, on
constate que les cuisses sont fortement accolées l'une à l'autre, on
a peine à les séparer. Trépidation spinale, exagération des réflexes,
les pieds sont en équin direct, le tendon d'Achille est raccourci.
Il existe des signes de syphilis héréditaire. Intelligence très déve-
loppée. Le diagnostic est évident : Tabes spasmodique infantile.
Le traitement consiste en légères frictions mercurielles et en l'ad-
ministration d'iodure de potassium 30 à 50 centigrammes par jour.
Amélioration. '
-Deuxième observation. Le père syphilitique est en outre por-
teur d'une tare héréditaire névropathique lourde. Un premier enfant
mort en bas âge était atteint de la maladie de Little. Le second, ,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 77
une fille, née à terme, bien conformée, intelligente, ne peut main-
tenir la tête droite sans appui. Assise, le tronc se fléchit à droite
ou à gauche. Elle lève difficilement les bras, surtout le gauche.
Les membres inférieurs sont raides, en extension constante. La
sensibilité est conservée, les réflexes sont normaux. Même traite-
ment que dans le cas précédent. Amélioration.
Dans ces deux cas, le diagnostic s'impose, il s'agit évidemment
de deux cas de maladie de Little. Sans préjuger de la nature intime
de cetle affection, ni de ses lésions cérébrales ou médullaires, sans
rechercher non plus si la maladie de Little n'est qu'une variété
d'une grande classe nosologique, les diplégies d'origine cérébrale,
les auteurs croient pouvoir avancer que la syphilis n'est pas tou-
jours innocente de ce tabes spasmodique infantile. C.
XX. Deux cas DE SYNDROME DE Weber ; par MM. Souques
et Paul L011DE. (Nouvelle Iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 6.)
On désigne sous le nom de signe de Weber une paralysie croisée
comprenant le moteur oculaire d'un côté et le facial inférieur ainsi
que la moitié du corps du,côté opposé. La cause de cette paralysie
croisée consiste en une lésion de la troisième paire et du pédoncule
cérébral d'un même côté. Deux observations.
Première observation. Femme, vingt-sept ans. II y a deux ans
céphalée, puis névralgie du trijumeau droit, amblyopie des deux
yeux. Il y a deux mois, hémiplégie gauche qui se localise au membre
supérieur et en même temps, paralysie, de la troisième paire droite.
Le traitement antisyphilitique ne produit aucun résultat. 11 est pro-
bable qu'il s'agit de tuberculose.
Deuxième observation. - Homme, vingt et un ans. Hémiphégie com-
plète droite respectant le facial supérieur et paralysie de la troisième
paire gauche. Embarras de la parole comme dans la paralysie gé-
nérale, la motilité de la langue est demeurée intaete. Quelques
troubles mentaux. Plus tard aphasie. Gâtisme. La nature de la
lésion est sans doute tuberculeuse.
Noter que quand l'aphasie accompagne de signe de Weber, la
lésion siège toujours dans le pédoncule gauche, ce qui tend à con-
firmer la réalité de l'existence du faisceau de l'aphasie.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ALLEMANDS.
' SESSION DE DRESDE.
Séance du 21 septembre 1894. Présidence du professeur .IOLLY.
M. Sommer. La psychologie criminelle. Dans son important rap-
port sur cette question, l'auteur examine d'abord les conséquences
que l'on peut être amené à déduire des idées de Lombroso, au
point de vue de la responsabilité, du libre-arbitre et du droit
pénal. Lombroso, on le sait, affirme qu'une partie des sujets con-
sidérés comme criminels par la justice, et condamnés comme res-
ponsables de leurs actes, présentent des anomalies morphologiques,
anatomiques, qui sont les stigmates congénitaux d'un étal psychi-
que anormal, également congénital (stigmates de dégénérescence).
Nombre de criminels seraient donc des criminels endogènes, c'est-
à-dire qu'ils seraient devenus tels, nécessairement, en vertu de leur
organisation. Y a-t-il réellement un critérium morphologique de
la criminalité endogène ? Non : il n'existe pas de type criminel.
Une autre question se pose maintenant : Existe-t-il des criminels-
'nés ? La solution de cette seconde question reste complètement
indépendante de celle de la première. Oui, il existe des sujets qui
présentent, dès le plus jeune âge, des tendances impulsives aux
actes criminels : faut-il les considérer comme atteints d'idiotie
morale congénitale, de maladie psychique endogène. Cette idiotie
'morale doit-elle être nettement distinguée des tendances crimi-
nelles justiciables du Code pénal.
La ruine de l'hypothèse du type anatomique du criminel ne
préjuge en rien de la solution du problème du crime endogène.
Les sujets atteints d'idiotie morale sont-ils bien réellement des
malades et doivent-ils par suite être justiciables du médecin ?
Il convient d'abord de faire remarquer que l'expression de débi-
lité ou d'idiotie morale ne peut être employée qu'après élimination
de toutes les maladies qui ont parmi leurs symptômes un arrêt de
développement congénital du sens moral. Les sujets qui, au cours
SOCIÉTÉS SAVANTES. 7 \}
de la vie foetale »ou de l'enfance, ont été atteints d'une affection
du cerveau ayant eu pour conséquence l'arrêt de développement du
sens moral, les sujets atteints de faiblesse psychique généralisée
congénitale, appartiennent tous à l'asile d'aliénés et non à la pri-
son. Nous n'envisageons ici que les cas dans lesquels le manque de
sentiments moraux et les impulsions criminelles existent à l'étal
isolé, sans trouble de l'intelligence et sans qu'on puisse les consi-
dérer comme les symptômes d'une maladie psychique. Est-il pos-
sible de séparer ces cas, en dépit de leur parenté phylogénétique
avec la dégénérescence, des affections mentales ? La réponse doit
être affirmative. La caractéristique de l'acte criminel est la satis-
faction de l'individu au détriment de l'intérêt, ou contre la volonté
de la communauté. Dans les cas que nous envisageons, manque le
critérium de la maladie, à savoir le dommage infligé directement
à l'individu par suite de l'état psychique qui a présidé chez lui à
l'acte criminel. Il en résulte que la répétition même d'actes crimi-
nels et l'absence totale de sentiments moraux grâce à laquelle ils
se produisent, ne sont jamais suffisantes par elles-mêmes pour
permettre d'affirmer un état maladif. Ces criminels endogènes
doivent être enfermés dans des établissements pénitentiaires.
Quand bien même on ferait des criminels endogènes un groupe
spécial et que la société réclamerait le droit de les soumettre à une
détention perpétuelle; ces sujets n'en devraient pas moins être
séquestrés dans des établissements pour les criminels incorrigibles
et non dans des asiles d'aliénés. L'auteur s'élève contre les consé-
quences erronées qui ont été déduites de la théorie des tempéra-
ments criminels endogènes, au point de vue du traitement de ces
individus. Kirn, par exemple, déclare que si les criminels d'habitude
ont, sans exception, un niveau intellectuel faible, s'ils sont poussés
au crime d'une façon fatale par un besoin maladif, il faut les in-
terner dans un asile dirigé par un médecin. Sommer fait observer
qu'il n'envisage que les sujets atteints d'un arrêt de développement
psychique partiel portant sur la sphère morale, avec conservation
de l'intelligence, et il insiste sur ce point, que ces individus, malgré
la nature endogène et congénitale de leur caractère, n'appartien-
nent nullement à l'asile d'aliénés, mais sont réclamés par les
établissements de détention. Est-on cependant décidé à considérer
les sujets chez lesquels des instincts antisociaux apparaissent d'une
façon endogène, comme non responsables ? Que l'on n'aille pas
alors invoquer une maladie mentale, mais que l'on spécifie qu'ils
sont irresponsables, par suite d'instincts endogènes, sans cependant
être atteints d'une affection mentale.
Caractère criminel endogène et maladie psychique 'sont deux
concepts différents. La folie morale à l'état isolé doit être rejetéé.
C'est, ajoute Sommer, dans l'identification de la perte du libre-
arbitre avec une maladie mentale qu'est-la source d'erreurs
80 SOCIÉTÉS SAVANTES.
multiples : le fait de la nature endogène d'un état psychique ne
suffit pas pour démontrer qu'il s'agit d'une manifestation mala-
dive.
Discussion : M. PELMAN n'adopte pas la manière de voir du rap-
porteur. Les résultats des recherches modernes sur l'anthropologie
criminelle ne sauraient être condamnés par les conséquences pra-
tiques qui peuvent en découler. C'est à la Société à conformer ses
mesures pénales aux notions scientifiques actuelles.
, M ? KURELLA n'est point d'avis de faire reposer la distinction entre
le tempérament criminel et les psychopathies sur l'avantage ou
le dommage qui résulte pour le sujet de son acte. Le fait que
M.' Sommer reconnaît l'existence du caractère endogène de nombre
- dépendances criminelles est un résultat des travaux de l'école de
- Lombrosu. Sans doute les stigmates morphologiques de cette pré-
disposition criminelle ne sont pas connus avec précision, mais
peut-on affirmer qu'ils n'existent pas ? Je pense avec M. Sommer
qu'il existe une prédisposition criminelle congénitale qui, par sa
nature, doit rester en dehors de la pathologie et n'est qu'une
variété anthropologique. Avec lui je considère les natures pure-
ment asociales comme devant entrer dans la catégorie des crimi-
minels et comme échappant à l'aliéniste.
M. LEPPMANN s'élève contre les idées émises par M. Kurella; il
critique également les conceptions exposées dans le manuel d'an-
thropologie criminelle de ce dernier. Il se félicite que M. Sommer
ait reconnu la nécessité d'une délimitation entre le crime et la
folie, et en ait tenté l'esquisse. Mais il considère qu'il est bien
difficile de faire le départ des causes endogènes et exogènes du
crime; des recherches patiemment poursuivies sont nécessaires.
Il conclut que le crime n'est pas en lui-même une manifestation
pathologique; c'est une manifestation vitale de l'organisme social,
c'est une conséquence inévitable de tout groupement social.
M. MENDEL se rallie aux idées exprimées par le précédent ora-
teur.
M. NAECKE reproche au rapporteur de n'avoir pas insisté sur la
question importante, la psychologie du criminel. Il montre que
les tendances criminelles sont déjà contenues à l'état embryonnaire
(mensonge, cruauté) chez les individus appartenant aux classes
inférieures de la société. Il n'y a donc entre ces derniers et les cri-
minels qu'une différence quantitative et non qualitative. La fré-
quence ues signes de dégénérescence doit faire penser, chez les
criminels, à une cause endogène. Cette dernière est jusqu'à un
certain point d'ordre pathologique. Naecke n'est point convaincu
qu'un criminel dont la nature endogène est bien démontrée ne
doive pas être considéré comme un malade. Au point de vue pra-
BIBLIOGRAPHIE. 81
tique des réformes du droit pénal sont déjà appliquées dans diffé-
rents pays.
M. KURELLA proteste contre le rapprochement fait par M. Naecke
entre les criminels et les classes inférieures de la société.
1 1 P. Sérieux.
SOCIÉTÉ MÉO 1 CO- P S y C H 0 LO G lQ DE.
\ a.. .
Séance du 29 avril 1893. Présidence DE M. Paul MoR&A,«;.r ? i\E
distribution DES RÉCOMPENSES.
Prix Moreau (de Tours). Sur le rapport de M. SRJ1ELUGl'iE fils,
le prix Moreau (de Tours) est décerné à M. HaNNION pour sa thèse
sur la Confusion mentale. Une mention honorable est acc'ordée à la
thèse de M. Maupalé, médecin-adjoint de l'asile d'Armentières,
intitulée Recherche d' anthropologie criminelle chez l'enfant.
Prix Bellzonzme. - Sur le rapport de M. SOLDER, le prix Bel-
homme est accordé à M. BoYER professeur à l'Institut médico-péda- ! logique de Vitry (Seine). Une mention honorable est décernée à
M. le Dr Bonnet, médecin-adjoint à l'asile de Saint-Robert.
Prix Esquirol. - 111. Sérieux, donne lecture de son rapport dé-
cernant le prix Esquirol à MM. Antheaume et Iscovesco, internes
du survice des femmes de l'asile de Villejuif pour leur mémoire
sur les Rapports du tabès avec la paralysie générale. 91. B.
BIBLIOGRAPHIE.
I. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie; par le Dr Gilles
DE la TOURNETTE (Paris, 1895). Seconde partie hystérie paroxystique
et traitement, 2 volumes. PLOrr et Ci., éditeurs.
Dans la préface que le professeur Charcot a consacrée au Traité
clinique et Thérapeutique de 1'11ystél'ie, par le Dr Gilles de la Tourelle
Archives, t. XXX. 6
82 BIBLIOGRAPHIE.
le maître constate que ce premier volume « dû à un des meilleurs
parmi ses élèves », et qu'il a lu « avant l'imprimeur » est la repro-
duction aussi sincère que possible de son enseignement et des travaux
qu'il a inspirés à ses élèves. Si le professeur Charcot avait pu lire
la seconde partie de ce traité, il n'aurait eu à regretter en rien son
opinion, et pas un mot ne serait changé dans cette préface.
Tout comme le premier volume, les deux derniers sont l'inter-
prétation fidèle des opinions du professeur Charcot et des travaux
de l'école de la Salpêtrière. Ceux qui ont suivi un peu assidûment
cet enseignement retrouveront dans ce traité, entourées d'une pro-
fusion de documents, d'analyses de travaux et d'observations, les
idées si fréquemment émises par le maître, et ils jugeront comme
nous cet ouvrage tel que le professeur Charcot l'aurait voulu. Fidèle
aux traditions de l'école, M. Gillesde la Tourette cite de nombreux
exemples empruntés à l'art et à la littérature religieuse si féconds
en reproductions et en descriptions de cas d'hystérie.
La première partie de ce traité est consacrée à l'Hystérie normale
ou interpaa·oxystique, la seconde partie traite de l'hystérie paroxys-
tique et du traitement. Après avoir décrit la grande attaque d'hysté-
rie avec la régularité de ses phases successives, l'auteur démontre
avec documents à l'appui ce qu'a d'erroné la théôrie de M. Bern-
heim qui veut qu'en dehors de la Salpêtrière on n'ait pu observer
la régularité de ces phases dont Charcot a donné la description.
Cette succession des trois périodes épileptoïde, cloniques et des
attitudes passionnelles ne se pésente pas toujours avec la régula-
rité qu'on retrouve dans les cas typiques et qui ont servi de base
aux descriptions. Mais l'esquisse en existe toujours; la variélé des
combinaisons dues à la durée insolite d'une phase, a son impor-
tance prédominante, à la variabilité dans l'intensité d'une d'elles
au détriment des autres constitue justement les formes si nombreuses
de l'attaque d'hystérie.
Ces attaques d'hystérie si souvent remarquables par leur vio-
lence et leur durée n'ont pas été sans attirer rapidement l'attention
sur l'état de la nutrition dans les paroxysmes; les recherches de
MM. G. de la Tourette et de Cathelineau constituent, comme l'a dit
M. Charcot, une « véritable découverte ».
Ce sont ces recherches basées sur l'examen des urines qui ont
permis à l'auteur de diviser l'hystérie en paroxystique et interpa-
roxystique ; il les résume ainsi lui-même.
« L'attaque convulsive d'hystérie comprenant une période d'ana-
lyse des vingt-quatre heures à dater de son début, se caractérise
par une polyurie relative due à la première sécrétion, le total de
l'urine des vingt-quatre heures étant généralement au-dessous de
la normale. Le résidu fixe, l'urée, les phosphates, les chlorures,
les sulfates sont diminués d'un tiers par rapport l'état normal. Le
rapport de l'acide phosphorique terreux à l'acide phosphorique
BIBLIOGRAPHIE. 83
alcalin (les deux formant l'acide phosphorique total) qui, à l'état
normal, est en chiffres ronds comme 1 est à 3 tend à devenir,
comme 2 est à 3 sinon plus...
La longueur et l'intensité de l'attaque accentuent les modifica-
tions nutritives qui sont parfaitement perceptibles par l'analyse chi-
mique pour une simple attaque d'un quart d'heure de durée. »
Elles débutent avec l'attaque. La nutrition reste normale dans l'in-
tervalle des paroxysmes. -
Cette formule chimique est applicable aux autres paroxysmes hys-
tériques survenant sous forme d'accès, soit simples, soit prolongés
ou états de mal. Ces faits consacrent d'une façon irréfragable la
merveilleuse intuition qui avait poussé M. Charcot à faire partie du
même tout des phénomènes cliniques aussi différents les uns des
autres que les convulsions épileptoïdes d'une part.1, et les attitudes
passionnelles de l'autre. L'analyse des urines des vingt-quatre
heures peut en outre trancher la question souvent si difficile de
l'attaque de l'hystérie ou de l'accès d'épilepsie.
Après avoir décrit les formes si nombreuses qui, par prédomi-
nance d'un des phénomènes, prennent un aspect auquel il est
souvent si difficile d'attribuer sa véritable cause (vertiges hysté-
riques, attaques avec syncopes, absences, pseudo-méningite hys-
térique, pseudo-angine de poitrine, etc...), M. G. de la Tourette
s'occupe des cas où la mort a été attribuée à l'attaque; il résume
le point important en constatant « combien sont rares les cas de
mort au cours du paroxysme hystérique simple ou prolongé sous
forme d'état de mal ; l'attaque de spasme paraît avoir surtout le
privilège. Encore, semble-t-il, pour qu'elle agisse dans le sens
fatal, qu'il faille la coexistence d'altérations organiques auxquelles
elle apporte, dans la circonstance, son funeste concours ». L'auteur
s'occupe ensuite de quelques variétés de l'attaque et de l'état de
mal hystérique revêtant plus particulièrement le type convulsif;
puis de la chorée rythmée et des spasmes rythmiques hysté-
riques. Il met bien en évidence que, comme l'enseigne Charcot, la
chorée rythmée n'est qu'une attaque hystérique transformée. Dans
l'attaque et dans l'état de mal du sommeil hystérique, il ne s'agit
en réalité que d'une grande attaque modifiée par l'immixtion des
phénomènes léthargiques occupant une place prépondérante. Il
insiste longuement sur ie diagnostic si important dans l'espèce et
démontre un fait d'un intérêt médico-légal considérable, que le
viol peut être perpétré pendant la léthargie hystérique le plus
souvent à ce qu'il semble sans que la malade en ait conscience.
S'occupant ensuite de l'attaque cataleptique, de l'attaque des
délires et des étals délirants, l'auteur arrive aux formes somnam.
1 Voir l'obs. de Geneviève et surtout celle de Parm... dans le tome III
de l'Iconographie de la Salpêtrière, p. 58-78. (B.)
84 bibliographie.
buliques de l'hystérie, aux états seconds de l'amnésie rétro-
antérograde et à l'automatisme hystérique ambulatoire. Ce cha-
pitre mérite une attention toute particulière; on y trouve en effet
des preuves qui paraissent indiscutables de l'identité de l'hystérie
et de l'hypnotisme; les recherches de MM. G. de la Tourette et de
Catheliueau ne sont point parmi les moindres. Il n'y a aucune diffé-
rence de nature entre l'hypnose provoquée et l'hypnose spontanée.
De même, il faut faire Tentrer le somnambulisme dit naturel dans
le cadre de l'hystérie.
Tous les états décrits dans ce chapitre ne sont en somme que les
maillons d'une même chaîne qui commence au délire hallucina-
toire de l'attaque pour se terminer au vigilambulisme ; il en est de
même de la folie hystérique, sujet si controversé qui, à aucun prix,
ne doit être confondu avec les maladies mentales auxquelles
l'hystérie peut s'associer mais sans jamais se fusionner. Les troubles
trophiques sont traités avec la profusion de détails qu'ils méritent;
M. Gilles de la Tourette décrit d'abord les troubles trophiques
cutanés puis les hémorragies de la peau, des muqueuses et des
organes des sens; l'auteur donne l'interprétation de ces faits si
curieux à l'aide de la diathèse vaso-motrice; qu'il s'agisse d'éruptions
vésiculeuses de zona, d'urticaire bulbeuse, de pemphigus ou de
gangrène, le processus semble identique et il y a comme un air
de famille entre tous ces cas; un des caractères principaux de ces
phénomènes est la ténacité, et ce caractère est celui de tous les
stigmates hystériques ; aussi, faut-il faire rentrer la diathèse
vaso-motrice cause de tous ces troubles trophiques dans le fond
commun de la névrose tout comme on y a admis la diathèse de
contracture. Cette diathèse vaso-motrice évolue en somme avec des
paroxysmes qui vont de la rougeur à la gangrène en passant par
l'oedème et les hémorragies, ne se localisant pas uniquement au
tégument externe, les hémorragies gastriques et pulmonaires étant
encore assez fréquentes. L'auteur s'occupe ensuite des troubles
trophiques des annexes de la peau et des tissus profonds et enfin
de la fièvre hystérique qui doit être assimilée à un paroxysme
ordinaire, à sa forme prolongée ou état du mal.
Le second volume de la seconde partie du Traité de l'hystérie est
consacré aux paralysies et contractures hystériques, aux manifes-
tations viscérales de l'hystérie et au traitement. Dans le chapitre trai-
tant des paralysies et contractures des muscles de la tête et du tronc,
on trouve une intéressante discussion sur l'existence longtemps
contestée de la paralysie faciale hystérique qui définitivement doit
être admise et qu'on peut considérer comme une paralysie faciale
systématique depuis le mémoire de M. Babinski sur ce sujet. Le
pseudo-tabes hystérique, les associations h3·stéro-tabétiques, la
tétanie hystérique, l'astasie-abasie, toutes questions d'un intérêt si
considérable, sont traitées avec détail, et à propos de la tétanie hys-
asiles d'aliénés. 85
térique l'auteur conclut que : « 1° l'hystérie revendique une grande
partie des contractures dites essentielles des extrémités ou tétanie
dans leurs formes les plus graves; 2° que la tétanie hystérique
peut sévir de façon épidémique chez les enfants en particulier.
Les manifestations viscérales de l'hystérie, d'une importance si
capitale et qui ont été la cause de tant d'erreurs de diagnostic d'in-
terprétation et de traitement, tiennent une grande place dans ce
volume. A propos des troubles gastriques nous signalerons les travaux
de l'auteur et de M. Calhelinau sur les vomissements hystériques
et les recherches de M. G. de la Tourette faites dans les hôpitaux
de Paris et qui tendent à prouver que l'influence trophique de
l'hystérie dans la production de l'ulcère rond semble indiscutable.
Un bon tiers du volume est consacré au traitement, et ces cha-
pitres méritent une attention particulière. M. Gilles de la Tourette
y a mis tout le fruit que le professeur Charcot avait patiemment
recueilli à ce sujet dans sa longue pratique. Outre les renseigne-
ments si importants que l'on peut y trouver pour la guérison et le
soulagement des malades atteints de cette affection tenace devant
laquelle on est souvent désarmé, on y trouvera encore la des.-
truction d'idées fausses engendrées par l'amour du surnaturel, et
la mise en garde contre cértaines pratiques d'un danger trop fré-
quemment méconnu. Ces pages sont utiles à la science et à l'huma-
nité. Dr J.-B. CHARCOT.
ASILES D'ALIÉNÉS.
I. Rapport sur l'asile DE LINDENHOP; par le Dr PIfiRSON. (Bericht
uber die P1'ivat-Heilanstalt fil/' Gemüths und Nervenkranke, Lin-
denhof beï Coszvig, Dresde, 1893.)
Les statistiques des établissements d'aliénés privés peuvent four-
nir des résultats d'autant plus utiles qu'elles présentent des garan-
ties d'exactitude, de précision, qu'il est difficile, pour ne pas dire
impossible, de réaliser dans les asiles publics Le nombre des ma-
lades admis en sept ans dans l'établissement de Lindenhof a été
de 445, celui des pensionnaires traités a atteint 496; le chiffre des
guérisons s'est élevé à 85, celui des améliorations à 74, celui des
morts à 83.
1 Au moins dans certains cas où l'on ne fait aucun compte rendu annuel,
comme cela devrait être la règle- (B.) ,
86 asiles d'aliénés.
La plupart des sujets signalés comme guéris ont pu être suivis
pendant un temps assez prolongé. Un certain nombre des malades
sortis «améliorés» ont guéri après leur sortie de l'établissement.
Le nombre des paralytiques a été de 126 (119 hommes et 7 femmes),
c'est-à-dire du quart des entrées. Les sujets atteints de psychoses
simples ont été au nombre de 342 (175 hommes, 154 femmes). La
plus grande partie des hommes rangés dans cette catégorie étaient
atteints de délires systématisés chroniques ou de confusion hallu-
cinatoire ; les cas de folie intermittente ont été assez nombreux.
Rarement la mélancolie a été observée dans le sexe masculin;
quant à la manie, M. Pierson la considère comme une forme excep-
' tionnelle. Chez la femme, c'est la mélancolie qui a été la psychose
la plus fréquemment relevée; puis viennent la confusion hallucina-
toire, les délires systématisés chroniques; enfin les folies inter-
mittentes.
L'hérédité a été notée dans 50 p. 100 des cas pris en bloc. Pour
les paralytiques la prédisposition héréditaire a été relevée dans
17 cas p. 100. M. Pierson a utilisé les matériaux cliniques de son
établissement pour apporter sa contribution à l'étude des rapports
entre la syphilis et la paralysie générale. L'auteur fait observer avec
raison que les recherches de cette nature ne peuvent nulle part
être entreprises dans des conditions d'exactitude aussi favorables
que dans les établissements privés. Il insiste sur les difficultés
qu'offre une enquête de ce genre et fait ressortir que les résultats
négatifs en sont par cela même infirmés. Souvent chez des paraly-
tiques généraux considérés comme absolument indemnes de syphi-
lis, M. Pierson a pu se convaincre de la réalité d'une infection syphi-
litique antérieure, grâce aux renseignements fournis par le médecin
traitant, par des camarades d'étude du malade, renseignements
obtenus parfois seulement après la mort du patient. Il est évident
que dans les grands services des asiles publics, les difficultés sont
encore bien plus considérables. Le nombre des paralytiques chez
lesquels une enquête patiemment poursuivie a démontré à
M. Pierson l'existence de la syphilis est suffisant, lui parait l'auto-
riser à ranger cette infection au premier rang des facteurs de la
paralysie générale. Voici d'ailleurs un tableau assez démonstratif :
TOTAL DES CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE 126
asiles d'aliénés. 87
de l'encéphalite interstitielle chez l'homme que chez la femme,
rareté de la maladie chez les femmes des classes riches (4 ou
5 p. 100, au lieu de 10 à 15 dans les classes pauvres), cas de para-
lysie générale conjugale. Parmi les autres facteurs de la maladie,
M. Pierson range l'hérédité, les traumatismes anciens, les excès
alcooliques, les chagrins, mais il considère ces différentes causes
comme n'ayant qu'une action prédisposante à côté de la syphilis.
Quant au surmenage intellectuel son rôle serait plus important.
Le traitement spécifique n'a jamais donné de résultats satisfaisants,
parfois il a même amené une aggravation de la maladie.
Paul Sérieux.
II. ORIGINE ET progrès DE la médecine mentale; par le D' Régis.
(The Alienist and Neurologist. Octobre 1894.) ,
Historiqne intéressant des progrès accomplis par la médecine
mentale depuis Hippocrate, son fondateur, jusqu'à la réforme mé-
morable de Piuel. E. B.
III. Laboratoire DE l'hôpital ifac LEAN A S011ERVILLE (Massachusets) ;
par le D' STANLEY Hall. (Amer. jour, ofinsanity. Janv. 1795.) 1
Il n'est pas sans intérêt de signaler l'inauguration dans un asile
d'aliénés d'un laboratoire médico-psychologique.
Ce laboratoire a été installé de façon à combiner les études de
neurologie et de psysiologique avec les études de chimie et d'ana-
tomie pathologique. '
A ce laboratoire est attaché le personnel médical de l'asile qui
comprend cinq médecins et trois internes en médecine. La distri-
bution de ce laboratoire parait des mieux comprises : il contient
en effet : Tune chambre pour l'examen des malades, 2° un labora-
toire de chimie avec les étuves à température constante, 3° une
chambre pour les appareils de psychologie pathologique, 4° un labo-
ratoire de photographie en même temps que d'études microsco-
piques ; 5° une chambre obscure pour les travaux photographiques;
6° une chambre pour recevoir les visiteurs. Enfin, dépendant du
laboratoire mais situées au rez-de-chaussée, la chambre des morts
et la salle d'autopsie 1. E. B.
IV. SUR LE prétendu accroissement DES cas DE folie;
par D. HACK TUKE. (The Journal of Mental Science. Avril 1894.)
L'auteur a fait sur ce point une enquête très soigneuse et très
documentée, et il est arrivé aux conclusions suivantes : Il est incon-
1 Voir les articles de M. Baudouin, Archives de Neurologie, t. XXVIII,
p. 11 et 380.
88 asiles d'aliénés.
testable que, depuis 1890, on constate une -augmentation considé-
rable du nombre des aliénés dans les asiles et dans les « Work-
houses », mais surtout dans les asiles. Il y a un accroissement
considérable aussi, mais pas aussi grand dans le nombre des
malades admis dans les asiles pendant la même période, déduc-
tion faite des transferts et des réadmissions.
L'augmentation du nombre des malades internés, bien qu'elle
demeure réelle alors même que l'on tient compte de l'accroisse-
ment de la population, ne prouve pas que le nombre des cas de
folie tende d'une manière générale à s'élever, car il y a lieu de
faire entrer en ligne de compte la diminution (même depuis 1870)
du taux de la mortalité, le caractère chronique de la maladie, et
la fâcheuse fréquence des rechutes.
L'augmentation du nombre des admissions dans les asiles ne
prouve pas non plus que la folie soit devenue plus fréquente, car
il faut tenir compte : 1° de la façon dont les familles apprécient
mieux de jour en jour la valeur et le confort du traitement des
aliénés dans les asiles; 2° du grand nombre des malades qui sont
passés des « workhouses » dans les asiles; 3° enfin de la diminution
du nombre des aliénés non déclarés et que révèlent les recensements.
L'augmentation du nombre des aliénés a porté surtout sur les
classes les plus pauvres de la société. L'augmentation de la propor-
tion des aliénés durant la période de vingt années qui va de 1871 1
à 1891, a porté sur des sujets âgés de plus de quarante-cinq ans,
ce qui indique clairement qu'il s'agit d'une accumulation de cas
chroniques. D'autre part, il y a eu pour la même période une
diminulion dans la proportion qui existe entre les cas de faiblesse
mentale chez les sujets au-dessous de vingt-cinq ans et le chiffre
total de la population au même âge : c'est là un fait très important.
Si considérable qu'ait été l'accroissement du nombre des aliénés
tel qu'il résulte des recensements de 1871, 1881 et 1891, la propor-
tion de cet accroissement a été en diminuant, car si, pendant la
période décennale 1871-1881 l'accroissement de la proportion par
rapport au chiffre de la population a été de 7,04 p. 100, il n'a
atteint que 3,23 p. 100 pendant la période décennale 1881-1891.
Si ces conclusions sont, en somme, rassurantes, elles ne sont pour-
tant pas de celles dont on peut légitimement tirer vanité, car on
aurait pu espérer mieux du progrès social aussi bien que du pro-,
grès de nos connaissances médicales. R. DE Murgrave CLAY.
V. La FOLIE AUGMENTE-T-ELLE EN Amérique (Etats-Unis);
par F.-B. SANEOItN. (The Journal of Mental Science. Avril 1894.)
En s'appuyant sur des statistiques bien faites, et sur des inter-
prétations qui paraissent légitimes, l'auteur conclut dans le sens
de l'affirmative. R. Al. C. , ,.
VARIA.
Folie MYSTIQUE.
Il existe actuellement à Echternach, dans le grand-duché de
Luxembourg, une procession d'un genre particulier dont l'origine
remonte au xivc siècle et qui conslitue un des numéros les plus
extraordinaires des fêtes de la Pentecôte : c'est la procession dan-
sante des « Saints-Sautants », qui s'exécute aux sons d'un haut-
bois, de musettes, de violons et d'autres instruments de diverses
espèces. Celte danse consiste à faire trois sauts en avant et un en
arrière, ou cinq en avant et deux à reculons.
Dans des conditions pareilles, on n'avance pas vite, et la montée
seule des 60 marches qui conduisent au parvis de l'église de Saint-
Willibrord, prend déjà un' temps considérable. Une fois arrivé, le
cortège toujours bondissant, fait le tour de l'autel et se disloque
près de la croix du cimetière.
Les personnes pieuses qui se livrent à cette gymnastique bizarre
généralement plus ou moins épileptiques ou hystériques, viennent
demander leur propre guérison, à moins que ce ne soit celle de
leurs parents, de leurs amis ou même de leurs bestiaux. Les gens
trop malades peuvent payer un remplaçant qui saute à leur inten-
tion ; un seul homme a le droit de remplacer plusieurs malades à
la fois et parvient ainsi à se faire des bénéfices assez sérieux. (Petit
Var du 8 juin.)
Assistance, des épileptiques.
Vendredi dernier, vers deux heures de l'après-midi, des voisins
de la nommée Pauline Lerendu, tricoteuse à Belval, village de
l'Hôlel-aux-Moines, aperçurent celle fille tombée dans sa maison.
Ils s'empressèrent auprès d'elle, mais tout secours fut inutile. Elle
était épileptique et tombait fréquemment, même plusieurs fois par
jour; sa mort est certainement due à une chute qu'elle a faite ce
jour-là. (Union Normande.)
- A la suite d'attaques'd'épilepsie, auxquelles il était sujet depuis
quelque temps, un nommé Isidore Frère, âgé de soixante-neuf ans,
demeurant à Bailleui-Neuville, près Londinières, s'est pendu à une
échelle à l'aide d'une longe. Quand on est arrivé, cet infortuné
vieillard avait cessé de vivre. (Union Normande, 19 avril.)
90 VARIA.
On écrit de Courtenay, 21 mai, au Républicain Orléanais que
« la femme Merlin, âgée de vingt-deux ans, manouvrière à Saint-
Hilaire-les-Andrésis, sujette à des attaques d'épilepsie, a été trouvée
noyée dans un lavoir situé sur un petit ruisseau, dans un pré, au
climat dit La Grosse-Planche ».
Ces nouveaux faits montrent la nécessité d'hospitaliser les épilep-
tiques. Il y a là une question d'humanité devant laquelle toute
considération financière devrait s'incliner.
Assistance DES aliénés.
MORTAIN. A la suite du terrible drame dont nous avons publié
les détails dans notre dernier numéro, la femme Lejemble avait
été conduite à l'hospice de Mortain en attendant son transfert dans
un asile d'aliénés. Vendredi matin on l'a trouvée pendue dans
sa cellule. Le médecin de l'hospice n'a pu que constater le décès.
(Union Normande, 19 avril.)
Ce suicide s'est produit dans un hospice confié à des reli-
gieuses. S'il était survenu dans un établissement confié à des
laïques, toute la presse réactionnaire aurait, avec sa bonne
foi habituelle, incriminé la laïcisation. En tout cas, étant
connues les conditions déplorables dans lesquelles sont en
général installés dans les hospices les cabanons, ou plutôt les
cachots dans lesquels on place les aliénés, c'est-à-dire loin
de toute surveillance et il est probable que l'hospice de
Mortain n'est pas mieux doté que les autres il n'y a rien
d'étonnant à ce qu'il survienne de graves accidents comme
celui que nous venons de relater. Nous avons insisté bien
des fois sur cette déplorable situation. M. Napias, M. H. Monod
ont corroboré et complété tout ce que nous avons dit. C'est
au ministre de l'intérieur qu'il appartient de donner des
instructions formelles pour remédier à une situation vraiment.
barbare. B.
Asile DE CLERMONT (OISE).
UN FOU assommé. Brutalités d'infirmiers. La MORT d'un 'prison-
NIER. Le Radical du 7 juin a publié le fait ci-après : .
Un fait d'une gravité exceptionnelle s'est passé à l'asile d'aliénés
de Clermont, dans le déparlement de l'Oise. Un malade, pension-
naire de cinquième classe, nommé Jean Maître, est mort dans des
circonstances telles que le médecin chargé de l'autopsie a refusé la
permis d'inhumer et averti le parquet.
, VARIA. 91
Voici le résumé de cette affaire. Le défunt, depuis quelque temps
s'était montré plus agité que de coutume, et le médecin de service
avait jugé nécessaire de lui administrer une potion de bromure de
potassium. Comme l'aliéné refusait de boire, les infirmiers le frap-
pèrent, parait-il, avec la dernière brutalité, et le malheureux ne
tardait pas de rendre le dernier soupir. On rapporte qu'il a eu
plusieurs cotes brisées, des lésions abdominales et qu'il portait des
ecchymoses sur tout le corps. Une enquête est ouverte et si la res-
ponsabilité des infirmiers est établie, nous pensons que la justice
saura punir avec la rigueur qui convient de pareilles atrocités.
UNE campagne CONTRE l'alcoolisme.
Le ministre de l'instruction publique vient d'autoriser le Dr Rou-
hinovitch, chef de clinique à Sainte-Anne, à faire des conférences
sur l'alcoolisme dans les écoles primaires supérieures de Paris et à
l'École normale des instituteurs de la Seine.
C'est là un fait intéressant, point de départ, selon toute appa-
rence, d'une véritable campagne pédagogique contre l'alcool.
Voici du moins ce que rêve M. Roubinovitch : tous les instituteurs
de France seraient chargés, chacun dans sa sphère d'action, de
mener la bataille, contre ce pire agent de la dégénérescence
humaine, car non seulement ils auraient à profiter de toutes les
occasions pour signaler aux enfants les dangers de l'alcoolisme,
mais ils fonderaient autour d'eux des sociétés enfantines de tempé-
rance et les dirigeraient.
Tel est le plan soumis d'ailleurs au ministre et dont l'examen a
eu ce premier résultat de faire autoriser les conférences qui vont t
avoir lieu. (Le Figaro.)
LES possédés de P. BROUZET; par MM. Paul RICHER et Henri 111EIGE.
(Nouvelle iconographie de la Salpêtrière. 1894, n° 4.)
Très souvent les artistes ont représenté des possédés, mais les
uns ont copié la nature, les autres, répugnant d'instinct à repro-
duire des gestes désordonnés et des faces grimaçantes, ont fait des
peintures conventionnelles, tel Raphaël. Nubiens, en revanche, a
figuré des possédés, véritables reproduction de la nature, où l'on
retrouve les vrais caractères de l'hystérie. Pierre Brouzet, artiste
marseillais, un peu mystique, et mort il y a quelques années,
appartient sous ce rapport, à l'école de Raphaël. Aussi dans un
tableau de lui, que l'on voit à Marseille, et qui représente Jésus
guérissant un possédé, le possédé n'a absolument rien de l'hysté-
rique. Il a les jambes tendues et non roidies, le poing fermé natu-
rellement, la langue rentrée, le pied reposant mollement sur un
rocher, etc... En somme, l'article de MM. Richer et Meige est un
92 VARIA. %
article de critique d'art avec des considérations spéciales d'ordre
médical, qui le rendent particulièrement intéressant. A noter les
figures qui l'accompagnent. C.
Drame DE la folie.
Depuis quelque temps, M. Maximilien Borche, ouvrier tailleur à
façon, âgé de quarante-trois ans, donnait des signes non équi-
voques de dérangement cérébral.
Hier matin, un apprenti, Emile Bachan, se présentait chez lui
vers dix heures, rue d'Odessa, lui apportant de l'ouvrage de la part
de son patron, mais il recula effrayé en apercevant Borche debout
au milieu de sa chambre, les yeux hagards, brandissant une paire
d'énormes ciseaux et tenant des propos incohérents. L'apprenti fit
part au concierge de ce qu'il venait de voir et celui-ci alla prévenir
M. Chevalier, commissaire de police, qui ne tarda pas à arriver
accompagné d'un médecin et d'un inspecteur.
A ce moment, l'ouvrier tailleur descendait l'escalier en poussant
des cris inarticulés. Comme il arrivait au premier étage, deux
petits garçons, les frères F..., âgés de six et huit ans, sortaient sur
le carré en compagnie de leur tante, M'le Bachelier, âgée de cin-
quante et un ans. Le fou se précipita aussitôt sur eux, armé de ses
ciseaux. Un drame était inévitable, sans l'intervention de Mrl° Ba-
chelier qui se jeta sur l'aliéné. La pauvre femme fut terrassée et
piétinée par le fou qui cherchait toujours à atteindre les deux
enfants, paralysés par la frayeur. Enfin, le concierge et l'inspec-
teur de police s'emparèrent de Maximilien Borche, et, après une
lutte violente, le ligotèrent. Mlle Bachelier, qui avait perdu con-
naissance et qui a reçu de graves contusions, a dû s'aliter. (Paris,
8 fév.) -
. Congrès français DE MÉDECINE.
Le Congrès français de Médecine doit tenir à Bordeaux sa seconde
session sous la présidence du Dr Ch. Bouchard, membre de l'Ins-
titut, professeur à la Faculté de Médecine de Paris. Elle s'ouvrira
le 8 août 1895, pendant la période de l'Exposition, deux jours avant
la clôture du Congrès annuel de l'Association française pour l'avan-
cement des sciences. Des trois questions, mises à l'ordre du jour
par le .Congrès de Lyon, et qui feront l'objet de rapport préalables,
nous citerons les suivantes :
1° Des myélites infectieuses. Rapporteurs : M. le Dr Grasset,
professeur à la Faculté de Montpellier; M. le Dr Vaillard, profes-
seur au Val-de-Grâce.
2° DES antithermiques analgésiques. Rapporteurs : M. le
or Schmitt, professeur à la Faculté de Nancy; M. le Dl' Laborde
membre de l'Académie de médecine.
FAITS DIVERS. 93
Les communications personnelles des membres du Congrès
devront être inscrites avant le 14 juillet prochain, au secrétariat
général (Dr X. Arnozan, 27 bis, pavé des Chartrons, Bordeaux). Les
adhésions peuvent être envoyées soit chez le secrétaire général,
soit chez le trésorier (Dr Moure, 25 bis, cours du Jardin-Public,
Bordeaux). La cotisation de membre titulaire est fixée à 20 francs.
Les étudiants en médecine peuvent être admis comme membres
associés, moyennant une cotisation de 10 francs.
FAITS DIVERS.
Académie DE MÉDECINE. Nous annonçons avec plaisir la nomi-
nation à l'Académie de médecine de notre excellent ami M. le
Dr P. Regnard, professeur de physiologie à l'Institut agronomique,
avec lequel nous avons publié l'Iconographie photographique de la
Salpêtrière (1876-1880), auteur d'un beau livre intitulé Les mala-
dies épidémiques de l'esprit.
Asiles d'aliénés. Nominations : M. le Dr Bresson est nommé
médecin-directeur de l'asile de Marseille. M. le Dr Legrain,
médecin en chef de Ville-Evrard, est promu à la deuxième classe
(14 mai 1895).
Asile d'aliénés DE VAUCLUS : Epuration des eaux vannes et irai-
gation des prairies. Par délibération, en date du 27 mai, le Con-
seil général de la Seine a voté un crédit de 20,194 francs, pour le
projet d'épuralion des eaux vannes de l'asile et de la colonie de
Vaucluse par l'irrigation des prairies.
Asile d'aliénés DE France. Hérault. Le Conseil général de
l'Hérault a tenu une session extraordinaire pour prendre une déci-
sion définitive sur la question de création d'un asile départemental
des aliénés, pendante depuis plusieurs années. Le Conseil a voté
un emprunt de deux millions pour l'achat des terrains et les pre-
miers travaux, a décidé qu'un concours serait ouvert auquel pren-
draient part tous les architectes français pour l'établissement des
plans et devis, et invité le Conseil municipal de Montpellier, au cas
où l'asile serait englobé dans le périmètie d'octroi, à examiner les
droits d'entrée.
94 FAITS DIVERS.
L'Alcoolisme devant LE Palais-Bourbon. Les honneurs de la
discussion de la Chambre des Députés, à propos de l'alcoolisme,
ont été pour M. le professeur Lannelongne qui, laissant de côté le
problème fiscal et se plaçant au point de vue de la science hygié-
nique, a fait le procès de l'alcoolisme, péril sans cesse grandissant
qui menace l'espèce humaine-dans le présent et dans l'avenir, qui
atteint la race et sa descendance.
V° CONGRÈS international CONTRE L'ABUS DES boissons ALCOO-
LIQUES. Dans sa séance du 18 août 1893, le quatrième Congrès
international contre l'Abus des Boissons alcooliques, à la Haye, sur
la proposition de M. Berner, accepta l'invitation de la Société
d'Abstinence à Bâle, de recevoir le cinquième Congrès dans cette
ville. Le comité permanent des Congrès fait savoir, qu'une commis-
sion d'organisation du cinquième Congrès s'est formée parmi les
principaux adversaires de l'alcoolisme en Suisse et qu'elle se
propose de réunir ce Congrès à Bâle le 20 août 1895 et les deux
jours suivants. Cette commission désire classer les discussions du
Congrès sous deux rubriques : 1° l'alcoolisme sous les rapports
moral, hygiénique, social et médical; 2° les moyens préventifs,
persuasifs et coercitifs, mis en usage pour com6attrr, l'alcoolisme.
On compte présenter au Congrès un projet de règlement sur
une organisation permanente des Congrès internationaux contre
l'alcoolisme.
Congrès DES aliénistes ET NEUROLOGISTES : session de Bordeaux.
Nous rappelons à nos lecteurs que ce Congrès s'ouvrira à Bor-
deaux le jeudi ler août, sous la présidence de M. le professeur
Jor.FROV. Adresser, dès maintenant, les inscriptions (20 fr.) et
toutes les communications à M. le Dr E. Régis, 54, rue Huguerie,
à Bordeaux, secrétaire général du Congrès.
L'HoMME-PARATONNERRE. - Le temps orageux que nous subissons,
en ce moment, influence certains cerveaux ! Témoin un nommé
Ernest Clébaut, âgé de quarante-cinq ans, haleur de bateaux,
demeurant 118, faubourg du Temple, qui gesticulait hier, boulevard
Richard-Lenoir, et s'efforçait de démontrer à cinq ou six cents
personnes amassées qu'il était l'homme-paratonnerre et que tous
ceux qui craignaient la foudre devaient se réfugier autour de lui ! i
Il accompagnait ses paroles de gestes et prouvait, à ses auditeurs,
qu'il était armé de fluide et en distribuait à qui voulait...
Des gardiens de la paix, n'ayant pas voulu se laisser électriser,
ont conduit le pauvre fou au commissariat de police, d'où on l'a
envoyé à l'infirmerie spéciale du Dépôt.
Un mauvais PETIT-FILS. Imbécillité morale. Le jeune Timpagnon
Louis, âgé de seize ans, peintre à Troyes, sans travail, a été
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95
recueilli par sa grand'mère, une bonne vieille rentière de quatre-
vingt-trois ans, à qui il fait endurer tant de misères que les voisins
ont fini par avertir le commissaire de police. Dernièrement, l'in-
culpé se trouvait dans son lit lorsque sa grand'mère lui apporta
un bol de bouillon qu'il ne voulut point d'abord accepter, qu'il
réclama ensuite, qu'il repoussa encore. Finalement, il se leva, se
saisit d'un bâlon déposé dans un coin et frappa brutalement la
pauvre vieille grand'mère sur le dos et sur les bras.
A l'audience, la veuve Timpagnon cherche à atténuer les faits :
« Je l'ai eu tout pelit, dit-elle, je l'ai recueilli et je l'ai soigné,
il est malade. » Il n'en a pas l'air, dit M. le président, pas assez
malade, en tout cas, puisqu'il vous injurie, vous brutalise et vous
frappe journellement, surtout quand vous lui refusez de l'argent.
Le prévenu allègue pour sa défense qu'il a frappé sa grand'mère
dans un accès de fièvre. Un mois de prison. (Le Pelit Troyen.)
L'hystérie. Une jeune fille, âgée de dix-huit ans, Julia Mar-
tin, ouvrière brocheuse, avait depuis quelque temps des accès de
colère et de nervosité dans lesquels les médecins diagnostiquaient
des symptômes d'hystérie. Au cours de ces crises, il lui arrivait de
frapper ses grands-parents, chez lesquels elle habitait, 98, rue
Lecourbe.
Hier malin, plus agitée que de coutume, elle s'arma d'une
cruche en grès et en porta des coups si violents à sa grand'mère
que la vieille femme expira dans la soirée. Son corps a été trans-
porté à la Morgue aux fins d'autopsie. Quant à Julia Martin, son
état mental va être soumis à l'examen de médecins aliénistes. (Le
Journal, 19 juin.) On aurait mieux fait de la soigner auparavant.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Asile PUBLIC d'aliénés DE QUd'l'RC-IdRE9 (Rapport médical pour l'an-
née 1894). Brochure in-4 de 25 pages, avec nombreux tableaux. a
Rouen, 1895. - Imprimerie Cagniard.
Asile public d'aliénés de Samr-Yon (Rapport médicalpour l'année 1894).
Brochure in-4 de 34 pages. Rouen, 1895. Imprimerie Cagniard.
BULLAHD (W.-N.), f3aaDFOnD (P.-R ? Cerebellar tumor. Opération- ·
Jloemorrhagi from defect of occipital Bone; Death, gênerai Remarks. -
Brochure in-18 de 20 pages. Boston, 1891. -Danviell and Upham.
BULLARD (W.-N.). Considération of some of the indications for ope-
ration in head injuries. - Brochure in-18 de 9 pages. - Boston, 1895.
Danviell and Upham.
96 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Porm (A.). Die /mmum<7<i<s und Immunisations theol'icen vom bio-
logisch chemischen Standpunkt Mtrachtet, Brochure IIl-8o de 12 pages.
Leipzig, 1895. Verlag von G. Thierne.
POEHL (A.). L'inwirlcung des Spermins au/ den stoff 'umsalz bei Au-
tointoxicationen im 4H) ? tC : en Ulld bei harnsaurer Diathèse im Spe-
ciellen. Brochure in-8° de 40 pages. Berlin, 1894. Gedrukt bei i
L. Schumacher.
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Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Evrcux, (;h. Hébissey, imp. -ï9$.
Vol. XXX. Août 1895. N° 102
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
MÉDECINE LÉGALE.
INFANTICIDE ET HYSTÉRIE;
Par le D'A. CULLERRE,
Directeur-médecin de l'asile d'aliénés de la Roclie-sur-Yon,
L'appréciation de l'état mental des femmes qui commettent
un crime au moment de l'accouchement est un des plus déli-
cats problèmes qui puissent être posés au médecin légiste. Cer-
tains infanticides sont commis dans des circonstances bizarres
où dominent une imprévoyance déconcertante et une dépra-
vation morale monstrueuse. Quand l'expert en examine les
auteurs, il se trouve parfois en présence de sujets lucides,
d'apparence normale et présentant tout au plus quelques
signes vagues d'un état mental peu caractérisé. En pareille
occurrence certains aliénistes, et non des moindres, Esquirol
et Marcé, entre autres, n'en ont pas moins été portés à
admettre l'irresponsabilité, plutôt par une sorte d'intuition
de clinicien que par des raisons péremptoires tirées de l'exa-
men direct.
1 Tardieu, qui en sa qualité d'expert professionnel près les
juridictions de Paris, avait acquis une grande expérience des
cas médico-judiciaires, le prend d'un peu haut avec ces spécia-
listes : « Il n'est pas, dit-il, à ma connaissance un seul cas
probant et authentique, qui démontre que sous l'influence des
douleurs de l'enfantement une femme ait été saisie d'une
fureur homicide transitoire, non plus que d'une impulsion
Archives, t. a\1. 7
98 MÉDECINE LÉGALE.
instinctive qui l'ait conduite, sans qu'elle en ait conscience, à
tuer son enfant '. »
Il faut convenir que la question est assez mal posée. Qu'est-
ce que cette fureur homicide transitoire et où la classer dans
le cadre des maladies mentales ? Nous ne connaissons aucun
aliéniste ancien qui se soit rendu coupable d'un diagnostic
aussi fantaisiste. Et de ce que Tardieu n'a jamais vu une nou-
velle accouchée poussée par une impulsion instinctive, cons-
ciente ou non, à tuer son enfant, il n'en résulte pas que le cas
ne se soit jamais présenté ni surtout qu'il ne puisse se pré-
senter jamais. Serait-il à ce point étonnant et impossible
qu'une héréditaire poursuivie pendant sa grossesse par l'ob-
session du meurtre de son enfant en vint précisément à suc-
comber à l'impulsion obsédante dans ce moment de désorien-
tation mentale, de véritable affolement, qui accompagne chez
certaines femmes l'acte de la parturition; ou encore qu'une
épileptique ou une hystérique, dans un accès de délire, accom-
plît le même crime sur son enfant nouveau-né ? Mais Tardieu
ne connaissait pas les troubles mentaux de l'hystérie. Le terme
de folie hystérique était pour lui, comme pour tous les méde-
cins de son temps, synonyme de folie raisonnante ou de folie
morale.
Poursuivons : Les seuls faits que donnent en exemples les
écrivains aliénistes il qui il a manqué pour les bien juger
l'expérience que donne seule la pratique de la médecine
légale et des débats criminels en matière d'infanticide, ces
.faits sont relatifs au meurtre d'enfants nouveau-nés tués dans
les conditions ordinaires, c'est-à-dire peu de temps après la
naissance, par des femmes pour lesquelles on invoque l'excuse
banale de la folie. Je prends les cas eux-mêmes que citeMarcé
et sur lesquels il s'appuie pour soutenir la doctrine erronée
que je combats surtout à cause des conséquences funestes
qu'elle pourrait avoir dans les expertises médico-légales.
« Esquirol rapporte le fait suivant : Une fille accouche pen-
dant la nuit, et le lendemain le corps de l'enfant est trouvé
dans les latrines mutilé de coups de ciseaux. Cette fille avoue
son crime et n'en témoigne aucun regret. Quelques jours
apiès, elle confirme ses aveux et refuse de manger. N'avait-
elle pas eu un accès de délire ? se demande le savant aliéniste.
1 Tardieu. Étude médico-légale sur la folie. Paris, 1872.
INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 99
On avouera qu'il faudrait d'autres preuves pour le faire
croire. »
Soit. Les raisons d'Esquirol ne suffisent pas à justifier son
diagnostic pourtant très vraisemblable. Mais est-ce là un
meurtre d'enfant nouveau-né tué dans les conditions ordinaires
comme le prétend Tardieu ? et le fait d'avoir déchiqueté le
corps à coups de ciseaux ne mérite-t-il aucune importance ? On
a vu des femmes découper leur foetus en morceaux, d'autres le
saler ou le faire cuire. Ce ne sont pas là vraiment des circons-
tances banales et dont l'expert aliéniste ne doive tenir aucun
compte, et nous penserons toujours, avec Legrand du Saulle', l,
qu'en pareil cas, on est en droit de soupçonner l'état mental.
En admettant avec l'auteur que nous venons de citer que cet
état d'excitation nerveuse quasi délirante qui s'empare de cer-
taines femmes pendant le travail ne soit pas de la folie et ne
puisse excuser de piano le crime commis à ce moment même,
il est du devoir de l'expert de remonter à la cause de cette
excitation nerveuse et cette recherche pourra l'amener à d'in-
téressantes découvertes. Il pourra rencontrer l'hérédité psycho-
pathique accumulée et la dégénérescence mentale, véritable
origine de cette bouffée délirante de la femme qui accouche
et il pourra poser, en dépit de Tardieu, un diagnostic de folie
transitoire solidement établi. Qu'on interroge les familles de
certaines femmes devenues tardivement aliénées, et l'on
apprendra qu'à plusieurs, sinon à chacune de leurs couches,
elles ont déliré bruyamment pendant quelques heures ou quel-
ques jours, et d'un délire parfaitement distinct de la folie puer-
pérale infectieuse.
Il pourra dépister encore une hystérie jusqu'alors mécon-
nue, soit qu'elle ne se soit jamais révélée par le cortège bruyant
des phénomènes convulsifs, soit qu'elle ait échappé aux inves-
tigations de praticiens insuffisamment préparés à sa recherche.
Et l'hystérie, nul ne l'ignore aujourd'hui, est une véritable
maladie mentale qui, en dehors de toute complication déli-
rante, rétrécit l'activité intellectuelle et le champ de la cons-
cience, déchaîne les instincts et oblitère la sensibilité morale.
Nous avons été chargés récemment, le D'' Blé, de la Roche-
sur-Yon, et moi, d'examiner une fille qui, accouchée clandes-
tinement, avait fait disparaître son enfant. Elle avait été
' Legrand du Saulle. Traité de médecine légale. Paris, 1886.
100 MÉDECINE LÉGALE.
dénoncée par la rumeur publique. L'attitude bizarre de cette
fille pendant l'instruction éveilla l'attention du juge expéri-
menté chargé de l'interroger. C'est alors qu'il nous commit
pour procéder à l'examen de son état mental et dire si elle
devait être considérés comme responsable. Le résultat de nos
recherches a été consigné dans un rapport dont nous allons
donner la partie clinique et les conclusions. Ce n'est pas,
disons-le tout de suite, un cas susceptible de confirmer l'une
des hypothèses que nous venons d'émettre ; il ne s'agit pas
d'un infanticide commis soit sous l'influence d'une impulsion
irrésistible, soit dans un excès de délire transitoire de nature
hystérique. Cette observation tend toutefois à démontrer que
la grande névrose n'est pas sans pouvoir jouer un rôle dans
l'exécution d'un crime de cette espèce.
Marie C... est une grande et forte tille de vingt-cinq ans, qui
présente toutes les apparences d'une robuste santé et chez laquelle
on ne relève aucune lare physique congénitale. Comme antécédents
de famille on relate que la mère est morte d'une maladie de coeur,
que le père qui est sourd, passe pour chicanier, et d'une probité
douteuse et qu'il a deux- frères, l'un idiot et l'antre imbécile. Elle
est sourde depuis quelques années, et elle prétend que sa surdité a
sensiblement augmenté surtout à gauche, depuis un terrible acci-
dent qui lui est arrivé au mois de juillet dernier et qui a eu pour
conséquence un traumatisme du crâne dont les traces sont encore
visibles sous la forme d'une vaste cicatrice dont pour le moment
nous ne ferons que signaler l'existence. Au moral, Marie C..., est
unanimement considérée comme une fille d'une intelligence ordi-
naire, laborieuse, mais de moeurs peu recommandables. « Ma fille,
dit lui-même le père, est une bonne travailleuse ; malheureusement
sa conduite n'ajamais été bonne. » Elle travaillait comme un homme
et en avait la liberté de propos et d'allures. Elle se plaisait aux con-
versations grossières et érotiques et bien qu'on n'ait relevé à son actif
aucun acte d'immoralité publique, il est constant qu'elle a fait à
un jeune homme des propositions obscènes. Comme conséquence
de sa mauvaise conduite, elle a déjà eu un enfant il y a six ans.
Elle a d'ailleurs élevé cet enfant d'une façon maternelle et dans
les meilleures conditions, ainsi que le constate M. le Maire de sa
commune.
Dans le courant de l'année 1894, les voisins et les membres de sa
propre famille reconnurent chez Marie C... les signes d'une nouvelle
grossesse. Cependant elle nia toujours et jusqu'au dernier moment t
qu'elle fût enceinte. Son père en présence de ses dénégations per-
sistantes, avait voulu la faire examiner par un médecin, mais,
INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 101
devant l'attitude de l'intéressée, ce praticien avait-, comme de juste,
refusé de se livrer à un examen qu'elle déclarait d'avance sans
objet. Cependant au mois d'août, la soeur de Marie C... était allée
trouver le maire et lui avait formellement fait part de la grossesse
de cette dernière.
Vers le 15 novembre, une voisine, s'aperçut que l'embonpoint de
Marie C... avait subitement disparu et qu'elle marchait péniblement
les jambes écartées. Elle lui en fit la remarque, et lui fit entendre
qu'elle la soupçonnait d'avoir accouché clandestinement, mais
Marie C... protesta en termes énergiques, et levant sa robe, mon-
tra sa chemise ensanglantée, pour faire croire qu'elle avait ses
règles. A partir de ce moment elle se garnit de façon à grossir sa
taille : on a découvert plus tard chez elle un jupon sur le devant
duquel elle avait, pour obtenir ce résultat, cousu un morceau de
sac à phosphate.
Cependant le maire, avisé de ce qui se passe, avertit à son tour
la justice. Mandée auprès du procureur de la République, Marie C...
continue à nier d'une façon énergique : « Je n'ai pas accouché, dit-
elle, et je suis désireuse d'être visitée par un médecin pour répondre
aux calomnies dont j'ai été l'objet. » Le même jour, le médecin,
expert, chargé de l'examiner, constate les signes indubitables d'un
accouchement récent remontant à trois ou quatre semaines au
plus.
Arrêtée aussitôt, elle avouait le lendemain le crime de suppres-
sion d'enfant dans les termes suivants : « Je reconnais que le
11 novembre j'ai mis au monde un enfant que je n'ai vu ni remuer,
ni crier. Je l'ai cru mort. J'ai eu l'idée de le cacher dans ma pail--
lasse, ne sachant où le mettre. Je. ne croyais pas accoucher sitôt,
car mes dernières règles sont du mois d'avril. J'étais au lit quand
j'ai senti un malaise... ça n'a pas duré plus de dix minutes. L'en-
fant ne bougeant pas, je l'ai mis à côté de moi; j'avais'd'ailleurs
tout préparé pour le recevoir. Le voyant mort je l'ai enveloppé
dans un tablier et l'ai mis sous mon traversin » D
Et effectivement ce même jour les gendarmes avertis découvrent
sous le traversin du lit de Marie C... un enfant mâle dans un état
de décomposition avancé.
L'autopsie du foetus montra que les aveux de l'inculpée étaient
contraires à la réalité des faits, car d'après l'expert commis,
l'enfant était à terme, viable, bien conformé; il avait respiré et
était mort d'asphyxie par suffocation. La bouche, le nez et la
figure portaient les traces d'une compression énergique. Malgré
l'évidence, Marie C..., persiste à nier l'infanticide, et par d'aulre'
1 Marie. C .. couchait dans la même chambre que son père et son pre-
mier enfant. Le père qui, à la vérité est sourd, a déclaré n'avoir rien
entendu et ne s'être aperçu de rien.
'102 MÉDECINE LÉGALE.
allégations fausses sur lesquelles il est inutile d'insister, cherche à
se disculper de tout acte et de toute intention criminels.
Jusqu'ici tout parait fort simple et ressemble à un infanticide
vulgaire, mais quelques circonstances omises à dessein dans l'exposé
qui précède et sur lesquelles il nous faut maintenant revenir,
viennent compliquer les choses et faire naitre des doutes sur la
responsabilité morale de l'inculpée. En effet, le 13 décembre, le
gardien chef de la prison signale que cette fille depuis son arres-
tation « parait avoir des instants bizarres. Elle chante, elle rit par
moments avec paroles peu sensées et se plaint constamment de sa
tête, surtout le soir... Lors de son avant-dernière instruction, elle
est revenue dans un grand état de surexcitation et toute boule-
versée... Dans la nuit elle n'a cessé de chanter et de pleurer jusqu'à
cinq heures du malin. « Cette agitation s'est renouvelée à diverses
reprises, tout en changeant parfois de forme. Ainsi, un jour, on
remarque chez elle des tendances érotiques très surexcitées; elle
tient des propos obscènes à ses compagnes et se jette sur tous les
hommes, même les détenus. Une autre fois elle menace subite-
ment, sous un prétexte futile, de frapper ses compagnes à coups
de couteau. Elle est tellement irritable qu'elle fait aussitôt du
tapage si on ne donne immédiatement satisfaction à ses désirs.
Ses nuits sont mauvaises. Elles a des cauchemars pendant lesquels
elle se dresse sur son lit, gesticule, pousse des cris, et semble
assister toujours à la même scène terrifiante : elle voit son fils,
âgé de six ans, tomber dans une mare et s'écrie qu'il va se noyer;
elle le gourmande, lui donne des ordres. Parfois, mais plus rare-
ment elle rêve à ce qui s'est passé dans la journée et interpelle
la gardienne ou ses codétenues. Une seule fois on a constaté chez
elle un rêve ayant trait à son affaire; elle protestait de son inno-
cence, disant qu'elle avait avorté, qu'elle n'avait pas tué son
enfant.
Cette exaltation maladive du système nerveux avait déjà été
remarquée dès le début de l'instruclion par l'expert chargé de faire
l'examen de ses organes génitaux. L'inculpée, dans son cabinet,
s'était livrée à des actes étranges et désordonnés, frappant des coups
sur les meubles, et tournant en tous sens autour de l'appartement
tout en protestant de son innocence dans un langage exalté et
excessif. Cette circonstance avait assez frappé son attention pour
qu'il en fit part immédiatement au juge d'instruction dans une note
qui se trouve au dossier.
Enfin, Marie C... se plaint énormément de la tête. Elle éprouve
dans la partie droite du crâne des douleurs telles qu'elle ne peut se
se coucher comme tout le monde, et qu'elle ne peut reposer que
la tête très soulevée par des oreillers dans une position presque
verticale. Elle dit entendre des roulements, des sifflements, des
bruits qu'elle ne sait définir et dont elle n'arrive à rendre compte
INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 103
qu'en disant que ça lui chambarde partout dans la tête, surtout du
côté gauche.
Dans cette région du crâne, il existe en effet une vaste cicatrice
commençant à l'angle externe de l'oeil gauche, coupant oblique-
ment la paupière et le sourcil pour gagner le milieu du front, où
elle décrit un demi-cercle pour revenir en dehors et. en haut se
perdre dans la région pariétale gauche.
Toute la partie frontale de cette cicatrice est rouge, dentelée,
adhérente à l'os et très douloureuse au toucher; au centre de la
boucle qu'elle décrit sur le front se trouve encore une cicatrice
isolée, ronde, déprimée, très adhérente à l'os et très douloureuse,
des dimensions d'une pièce de vingt centimes. On dirait qu'en ce
point la table externe de l'os frontal a été intéressée par la bles-
sure.
Voici, d'après le récit de l'inculpée, confirmé d'ailleurs par la noto-
riété publique et le témoignage d'un médecin, dans quelles circons-
tances cette blessure a été produite. Le 7 juillet 1894, Marie C... con-
duisaitune charrette altelée de deux vaches et contenant du fourrage.
A un moment donné, l'inculpée tomba si malheureusement qu'une
des roues lui laboura le crâne depuis l'oeil gauche jusqu'au sommet
de la tête ; elle fut étourdie sur le coup, la peau détachée pendait et
saignait abondamment; cependant se rappelant tout à coup que
les vaches n'étaient plus dirigées, qu'une mare se trouvait au bord
du chemin à quelques pas et que son enfant était sur la charrette(
elle fut prise d'une grande frayeur à la pensée du danger qu'il cour-
rait ; elle poussa des cris de détresse et parvenant à se relever,
arriva auprès de l'attelage juste au moment où des gens accourus
à ses cris l'arrêtaient sur le bord de la mare. A ce moment elle
perdi t connaissance.
L'inculpée prétend que la guérison de sa plaie a demandé deux
mois; que pendant une partie de ce temps, elle troublait, selon
son expression, ne sachant plus ce qu'elle disait, ni ce qu'elle faisait,
qu'elle cherchait constamment à sortir et qu'on avait toutes les
peines du monde à la retenir.
Voici ce qu'a bien voulu nous apprendre à ce sujet, le médecin
qui l'a soignée : les os ne lui parurent pas intéressés par la bles-
sure ; les lèvres de la plaie étaient nettes dans la partie du cuir
chevelu, et au contraire déchiquetées dans la portion frontale qui
n'a guéri qu'après suppuration. Le lendemain de l'accident et les
jours suivants, il y eut du trismus et du délire. Ce délire, tantôt
calme, tantôt violent et discontinu a pu durer une huitaine de
jours, le trismus également et la plaie mit au moins un mois à
guérir.
Ainsi il est constant qu'au mois de juillet dernier la fille Marie C...
a subi un traumatisme du crâne qui sans avoir causé de lésions
internes a déterminé de graves accidents nerveux. Lanature deces
104 MÉDECINE LÉGALE.
accidents ainsi que de l'exaltation cérébrale constatée chez elle
depuis sa détention ont un caractère assez particulier pour que
nous ayons cru devoir procéder à un examen direct très méticuleux
et très complet de l'inculpée, tant au point de vue physique que
mental. Et d'abord Marie C..., bien que vivement émue et s'exprimant
au mileu des sanglots, répond d'une façon lucide et correcte à
toutes nos questions, ce qui exclut toute idée de délire actuel. Elle
fait preuve de présence d'esprit et de suite dans les idées en ne
variant pas dans ses dires, qui cependant, nous l'avons vu, ne sont
pas conformes à la vérité. Nous croyons pouvoir affirmer qu'elle a
conscience de la gravité de l'acte qu'elle a commis ainsi que de
ses. conséquences judiciaires.
Passons à l'examen physique. Nous avons commencé par chercher
à nous rendre compte de la surdité de l'inculpée.
L'examen otologique nous a révélé que cette surdité était due à
une double sclérose du tympan. Il e=.t possible que peu accentuée
avant l'accident, elle se soit accrue depuis par la superposition
d'un trouble d'autre nature, car, en effet, l'inculpée accuse une
aggravation de son infirmité surtout du côté gauche et nous
allons voir qu'elle est hystérique avec hémianesthésie accentuée
surtout à gauche. '
Le pharynx et l'arrière-gorge sont absolument insensibles à tous
les excitants. La peau presque insensible à droite, est complètement
anesthésique dans tout le côté gauche du corps, de telle sorte qu'on
peut traverser ou piquer profondément les tissus avec une longue
épingle non seulement sans provoquer de la douleur, mais même
sans écoulement de sang. De ce même côlé le froid n'est plus senti
et le chaud à peine distingué. La peau de la face et des conjonc-
tives est tout à fait insensible et le chatouillement ne provoque aucun
réflexe. Au dynamomètre la main droite ne donne qu'une pression
de 2S°, et la main gauche de 13° seulement, ce qui indique non seu-
lement une faiblesse parétique du côté gauche, mais encore
affaiblissement en masse de la puissance musculaire.
L'examen des sens n'est pas moins significatif; le goût est très
obtus, et parmi les saveurs accentuées, seul le sel marin est reconnu.
L'atroce amertume du sulfate de quinine n'est pas perçue. Le
champ visuel, pris avec soin, est diminué de moitié à droite et des
trois quarts à gauche. Bien que l'ophtalmoscope ne révèle aucune
lésion du fond de chacun des yeux, l'oeil gauche est presque
amblyopique (fig. 5).
Le sens des couleurs est aussi altéré; à droite le violet n'est pas
reconnu, et les diverses nuances du jaune ne sont pas distinguées :
à gauche le vert et le jaune ne sont pas reconnus, et la perception
du rouge est altérée.
Tous-ces symptômes et quelques autres moins importants que
INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. '105
nous négligeons pour ne pas allonger ce rapport établissent nette-
ment l'existence de l'hystérie et d'une hystérie grave, préparée par
la prédisposition héréditaire et déterminée selon toute probabilité
par l'accident du mois de juillet dernier. C'est également à l'hys-
térie qu'il faut rattacher le délire et le trismus des mâchoires con-
sécutifs au traumatisme, car pour le premier il ne peut s'agir de
délire fébrile puisqu'il a débuté avant toute suppuration, pas plus
qu'il ne peut s'agir de tétanos pour le second, cette maladie néces-
sitant une incubation d'une certaine durée : c'était donc bien une
contracture hystérique.
On saisit maintenant la nature de cette excitation psychique et
de ce délire observés chez Marie C... depuis sa détention. Ce sont
aussi des accidents hystériques, des manifestations de la déséquili-
bration mentale dont l'hystérie se complique d'une façon si fré-
quente.
Nous avons nettement établi l'existence de l'hystérie avant
l'époque où a été commis le crime dont Marie C... s'est rendue cou-
pable. Cette maladie a-t-elle pu influer sur les déterminations de
l'inculpée et est-elle pour quelque chose dans l'accomplissement de
ce crime ? Nous touchons ici au point le plus délicat de notre tâche.
Certes, la conception même du crime n'est pas imputable à l'hys-
térie ; elle doit naître chez bien des filles de santé régulière en
pareil cas et cette idée a dû d'autant plus venir à l'esprit de l'in-
culpée qu'elle avait eu plus à souffrir des reproches que ne lui
ménageaient pas certains membres de sa famille tant pour les
charges occasionnées par son premier enfant que pour celles qui
Fig. 5.
106 MÉDECINE LÉGALE.
devaient résulter du second. Mais de la conception à l'acte il y a un
abîme et il est permis de se demander si, en bonne santé,
Marie C... l'eût délibérément franchi. Remarquons combien étaient
développés chez elle les sentiments maternels : non seulement elle
a élevé convenablement son premier enfant, mais elle l'entourait
d'une affection si réelle que le danger couru par cet enfant lors de
son* accident a puissamment contribué à faire naître chez elle
l'hystérie dont elle souffre aujourd'hui. En tombant sous les roues
de sa charrette, elle a eu peur surtout pour son enfant; la preuve
en est dans la fixité de ses rêves pendant lesquels se déroule non
pas le danger qu'elle a elle-même couru, mais celui de l'enfant
qu'elle voit tomber dans la mare et se noyant.
Un des symptômes de l'hystérie psychique, c'est l'affaiblissement
des sentiments moraux de telle sorte que beaucoup de ces malades
offrent une véritable anesthésie morale. Un autre effet encore plus
certain de celte maladie, c'est un amoindrissement notable de
l'énergie intellectuelle, principalement en ce qui concerne l'alteu-
tion et la volonté; en même temps les phénomènes d'automatisme
psychique s'exagèrent; les idées fixes et les impulsions naissent
avec la plus déplorable facilité et s'imposent d'autant plus à l'esprit
du malade qu'il est devenu moins capable de réfléchir et de diriger
ses pensées. Il est donc possible, et notie devoir était de le signaler,
que la détermination de la fille C... ait été influencée par la grave
maladie survenue chez elle avant l'accouchement, ou tout au moins
que sa force de résistance morale contre l'impulsion criminelle ait
été sensiblement diminuée.
En résumé' : 1° Marie C..., n'est pas aliénée et il ne nous semble
pas qu'elle le fût au moment où elle a commis le crime qui lui est
reproché ;
2° Elle est atteinte d'hystérie traumatique grave depuis le mois
de juillet 1894;
3° Celte maladie a déterminé chez elle une déséquilibration
mentale réelle dont il doit être tenu compte dans l'appréciation de
sa responsabilité morale. ' ' z
Après avoir pris connaissance de ce rapport, et malgré nos
conclusions admettant la responsabilité réelle, mais atténuée
de la prévenue, le ministère public abandonna l'accusation,
estimant sans doute qu'elle ne pouvait aboutir devant le jury(
qu'à un acquittement pur et simple, et la fille C... fut mise en
liberté.
Les développements étendus de l'observation précédente
permettront au lecteur de se faire une opinion personnelle sur
la valeur de nos conclusions et nous n'entendons pas les dis-
cuter de point en point. Nous dirons seulement en quelques
INFANTICIDE ET HYSTÉRIE. 107
mots pourquoi nous ne nous sommes pas prononcé pour
l'irresponsabilité sans restriction. Nous ferons remarquer
d'abord que Marie C..., même avant l'accident qui parait avoir
été chez elle le point de départ des troubles hystériques, avait
toujours nié la grossesse et cherché à la dissimuler; peut-être
à ce moment déjà était-elle hantée par de mauvais desseins.
Nous voyons ensuite qu'elle a essayé de cacher son crime
par des moyens très prémédités, se livrant le lendemain de ses
couches à ses travaux habituels, soignant son bétail, char-
geant des voitures de fumier, se garnissant l'abdomen de
linges destinés à grossir sa taille et cherchant à faire prendre
l'hémorragie post-puerpérale pour le sang de ses règles. Nous
observerons enfin que rien dans l'examen mental de l'inculpée
ne nous a conduit à examiner l'hypothèse d'une impulsion
irrésistible et qu'elle-même, loin de s'excuser de son crime, a
persisté, malgré l'évidence, à le nier jusqu'à la fin. Mais si
l'hystérie ne nous a pas paru avoir joué un rôle direct et pré-
pondérant dans la genèse de l'infanticide, il n'en était pas
moins évident pour nous qu'elle avait sérieusement atteint les
facultés de l'inculpée peu de temps avant l'acte incriminé; que
ces troubles retentissaient encore quelques jours avant notre
examen sous forme de légers accès de manie hystérique et que
dans ces conditions la prévenue devait bénéficier d'une cer-
taine indulgence. Qui nous dit, répéterons-nous ici en
terminant, que sans l'accident provocateur de l'hystéro-trau-
matisme dont elle a été victime peu de temps avant l'accouche-
ment, elle n'eût pas trouvé en elle-même la force de résister aux
suggestions mauvaises que lui inspiraient les circonstances ?
Des études récentes ont bien mis en évidence cette indigence
mentale des hystériques à stigmates. L'existence de l'anesthé-
sie cutanée et tel est le cas de notre malade entraine
une véritable apathie psychologique. Les sentiments affectifs
disparaissent en même temps que se rétrécit le champ de la
conscience. La femme, autrefois pleine d'affection et de solli-
citude pour ses enfants, les délaisse et ne se préoccupe plus
d'eux'. Il y a peut-être là une voie nouvelle à explorer pour
les médecins experts en matière d'infanticide et nous tenions
à l'indiquer.
1 Pierre Janet. Étal mental des hystériques ; les stigmates mentaux.
Paris, 1892.
THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE .
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE
CHEZ LES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS ;
PAR
BOURNEVILLE, ET T J. BOYER,
Médecin de Bicètre. Professeur à l'Institut médico-
pédagogique de Vriry.
La parole étant une fonction très complexe exigeant pour
répondre à son but le concours de plusieurs organes préala-
blement exercés, nous n'étonnerons personne en disant que de
toutes les fonctions c'est celle qui présente chez l'idiot les
troubles les plus nombreux comme les plus profonds. Elle est
avant tout un art d'imitation, né, pour ainsi dire.-de ce besoin
instinctif qui poussa les premiers hommes à se constituer en
société. Sous l'influence de la civilisation, cet art a suivi le
progrès intellectuel, et de simple et naturelle qu'elle était au
début, la parole est devenue de plus en plus conventionnelle
et compliquée. Comment un idiot, qui, comme son nom l'in-
dique, a horreur de toute société, comment l'idiot pourrait-il
être maître de cet art, lui qui peut à peine, lorsqu'il le peut.
guider un organe dans l'accomplissement de la plus naturelle
de ses fonctions ? Comment pourrait-il imiter et comprendre
ses modulations aussi complexes que variées, lui dont l'intelli-
gence n'est pas suffisante pour diriger les instincts, et dont
l'attention est difficile ou même impossible pour ceux qui ne
se sont jamais occupés du traitement de ces enfants et qui
sourient dédaigneusement lorsqu'on émet devant eux la possi-
bilité de les faire parler ?
Nous étudierons d'abord les idiots qui ne parlent pas, nous
nous occuperons ensuite de ceux qui parlent mal.
Idiots qui ne parlent pas. Les idiots qui ne parlent pas
sont très nombreux S'enferment-ils dans le mutisme le plus
complet, parce que, comme dit Itard, n'ayant aucune idée, ils
n'ont rien à dire; ou bien est-ce, comme le dit Séguin, parce
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 109
qu'ils ne savent pas se servir de leurs organes ? Il y a du vrai
dans ces deux raisons, on pourrait même dire que c'est pour
ces deux raisons que nos malades ne parlent pas. En effet, si
les idiots sont muets n'est-ce pas parce qu'ils n'ont pas d'idées,
et s'ils n'ont pas d'idées n'est-ce pas parce que n'étant pas
maîtres de leurs organes, ils n'ont pu en acquérir et les emma-
gasiner dans leur souvenir faute de mots pour les repré-
senter ? Que si les muets intelligents ont des idées sans parole,
n'est-ce pas parce qu'ils ont à la place de ces signes oraux,
pour ainsi dire, d'autres signes visibles qui en tiennent lieu ?
Du reste cette question, à reprendre au point de vue clinique
et physiologique, est toute secondaire, pour le but qui nous
occupe. Les idiots ne parlent pas, comment peut-on faire pour
provoquer en eux l'émission d'un son articulé, voilà, aujour-
d'hui, la question importante.
Avant d'aborder la pratique il est nécessaire d'établir une
distinction. Il va de soi que si les lésions qui ont occasionné
l'idiotie ont détruit plus ou moins complètement les circonvo-
lutions qui président à la fonction du langage, les moyens
thérapeutiques et pédagogiques demeurent stériles, mais, et
c'est la grande majorité des cas, chez les idiots qui ne parlent
pas, ces lésions localisées n'existent pas, et c'est précisément
pour cela, qu'il est possible d'arriver à créer en quelque sorte
et à développer la faculté du langage
Pour apprendre à parler, il faut d'abord savoir écouter, d'où
nécessité de s'assurer de l'intégrité de l'organe de l'ouïe, et d'en
faire ensuite l'éducation. L'attention auditive, c'est par là que
nous débuterons. Si l'enfant n'est pas atteint de surdité com-
plète 1, nous essaierons de faire entrer en exercice l'organe de
l'ouïe, de le développer afin de l'amener insensiblement à la
perception de la voix. Un jeu de timbres ou de sonnettes, com-
prenant les huit notes de l'octave, rendra beaucoup de services
dans ce cas. Nous prendrons d'abord le timbre qui donne la
note la plus grave et, nous plaçant à une certaine distance de
notre élève, derrière lui de préférence, nous frapperons sur le
timbre au moment où le silence ménagé' dans la classe sera
le plus complet.
' Les cas de ce genre sont relativement rares, souvent on nous envoie
des idiots réputés sourds et muets et chez lesquels l'audition est cons-
tatée quand on la recherche avec soin.
2 Dans ces sortes d'exercices le maître doit toujours être seul avec son
élève.
110 THÉRAPEUTIQUE l4fÉDICO-PEDAGOGIQUE.
L'enfant tressaille aussitôt sans se rendre compte de ce qu'il
éprouve. Répétons l'expérience, et l'enfant redresse la tête, et
quelquefois même cherche l'endroit d'où vient ce bruit qu'il
ne s'explique pas. Progressivement, on s'éloignera et on arri-
vera ainsi avec beaucoup de patience à faire percevoir un son
de plus en plus éloigné. Répétant ce qu'ltard a fait pour le
sauvage de l'Aveyron, nous pourrons passer des sons graves
aux sons aigus, de la cloche à la flûte en passant par le piano
et l'harmonium, de la flûte à la voix humaine.
Comme on courrait le risque de tomber dans la monotonie,
on peut et on doit en même temps s'occuper de provoquer
l'attention visuelle. Se plaçant en face de l'enfant, de façon à
avoir le corps bien éclairé, on tâche d'attirer l'attention de
l'idiot en le poursuivant d'un regard tenace et en le forçant,
pour ainsi dire, à avoir toujours le visage tourné de notre côté.
On tâche d'attirer son attention sur les changements que l'on
fait subir à la face, que ce soit des flexions de la tête, ou même
des grimaces.
Tout en s'occupant de l'ouïe et de la vue, on fera faire à
l'élève des exercices d'imitation. C'est encore là un moven de
varier le travail et de prévenir la lassitude chez le sujet. Ces
exercices d'imitation porteront d'abord sur les membres supé-
rieurs. On élève et on abaisse simultanément les bras, et afin
que le maître n'ait pas à quitter sa position pour aider à recti-
fier les mouvements de l'enfant, il est bon qu'une deuxième
personne, placée derrière l'idiot, le guide dans l'exécution de
ces mouvements. Des mouvements des bras on passera aux mou-
vements de la tête et on procédera de la même façon. Puis on
fera exécuter les mouvements du visage : ouvrir et fermer la
bouche, tirer la langue, rapprocher et éloigner les commissures
des lèvres. On pourra avec quelque avantage exécuter et faire
exécuter ces divers exercices préliminaires devant une glace,
afin que l'enfant juge par lui-même de la faiblesse de son
imitation et puisse la rectifier, comme cela se pratique à l'Ins-
titution nationale des sourds-muets de Paris.
Lorsque l'enfant sera arrivé à imiter d'une manière aussi
parfaite que possible, on s'occupera de l'émission d'un son. Par
quoi commencerons-nous ? Sera-ce par les voyelles comme
avec les sourds-muets, sera-ce par les consonnes comme le re-
commande Séguin. Nous suivrons noire maître à tous, Séguin,
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 111
et avec lui nous dirons que l'enfant normal, débutant par les
syllabes simples composées d'une consonne et d'une voyelle,
il n'y a pas de raison pour que nous changions avec des enfants
anormaux la marche indiquée par la nature elle-même.
Les labiales (b, p, f,) paraissent tout indiquées pour com-
mencer la série, leur émission étant, pour ainsi dire, plus
visible et plus extérieure sera par conséquent plus facilement
imitable. Cependant ici, comme ailleurs, les contrastes peuvent
être d'un grand secours, et nous nous sommes souvent bien
trouvé en suivant l'ordre suivant :
112 Z THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE. ·
servîmes de leurs goûts. Au moyen de rondes au rythme facile,
qu'elles aimaient à danser avec nous, nous parvînmes à leur
faire répéter non pas seulement l'air, mais encore les paroles,
ce qui avait pour nous un autre intérêt. Nous leur apprîmes
ainsi une foule de mots que nous leur disions en les faisant
danser et ces mots qu'elles dirent d'abord au hasard, finirent
par être placés fort à propos. Et de ces deux enfants, la pre-
mière ne disait que papa, maman, sans en comprendre le sens,
la seconde n'avait encore émis aucun son.
Une fois le premier mot obtenu, la voie est ouverte, il ne
faudra plus qu'une patience persévérante, pour augmenter le
vocabulaire de l'enfant. Faisant asseoir devant nous le malade
dont nous nous occupons, et chez lequel nous avons pu obtenir
un certain degré d'attention, nous lui montrons un objet usuel,
son chapeau par exemple, et, en considérant l'objet avec intérêt,
nous répétons sans cesse le mot qui sert à le désigner. Si c'est
un enfant qui aime la promenade, ce sera surtout au moment
de sortir, au moment de l'habiller, que nous ferons cet exercice.
Le désir de sortir sera un stimulant de plus pour provoquer
la parole. On se butte souvent à une obstination aussi bizarre
qu'insurmontable. L'enfant sait et peut dire un mot puisqu'on
a réussi à le lui faire dire déjà, et par entêtement il refuse quel-
quefois de le répéter. Bien plus, nous avons souvent aperçu sur
les lèvres de l'idiot un véritable sourire moqueur, qui semble-
rait prouver chez lui le désir de taquiner son maître. C'est alors
qu'il ne faut pas céder. « Vous ne voulez pas dire chapeau,
nous ne sortirons pas. » Si la menace est suivie d'exécution et
si le lendemain le même fait se produisant, on fait preuve de
la même énergie, l'enfant finira par céder et par répéter le
mot. Aussitôt il est bon de prodiguer des caresses à l'enfant,
de lui manifester le contentement qu'on éprouve, mais il faut
bien se garder de dire, comme font certaines personnes : p Ah 1
il a cédé ; c'est bien fait ! » L'idiot est souvent très susceptible
il comprendra la plupart du temps que l'on se moque de lui,
et on risque de le repousser dans l'inactivité, dont on a eu tant
de peine à le tirer.
Il serait inutile de chercher à corriger de suite les défauts de
prononciation ou les fautes d'imitation que peuvent présenter
les premiers mots de l'idiot. L'essentiel c'est de s'assurer si tel
mot bien ou mal prononcé correspond exactement à l'idée que
nous avons voulu provoquer. Petit à petit à force d'entendre le
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 113
mot l'enfant le corrigera de lui-même, à mesure que se déve-
loppera en lui la puissance d'imitation.
Nous plaçons dans la même catégorie d'idiots ne parlant pas
ceux qui ont à leur disposition un certain nombre de syllabes,
dont le sens échappe aux personnes qui n'ont pas l'habitude de
vivre avec eux. Du reste le nombre de ces syllabes étant très
restreint, on ne peut pas les considérer comme constituant un
vocabulaire. Ces malades formeront si l'on veut la transition
entre ceux qui ne parlent pas, et ceux qui parlent mal.
Edmond B... appartient à cette catégorie. Il dit : papapa,
mamama, gaga (gâteau, et en général tout ce qui se mange),
apia (papier qu'il aime beaucoup à déchirer), coucou (boule
d'eau chaude que l'on place dans son berceau), et puis c'est
tout ; soit en tout cinq vocables. Nous ne chercherons pas
tout d'abord à modifier ces signes vocaux plus ou moins
altérés ; au contraire nous nous en servirons pour désigner les
mêmes objets ou les mêmes personnes que lui, nous les répé-
terons sans cesse, mais toujours à propos, pour montrer à l'en-
fant que nous les comprenons, et pour établir entre lui et nous
un moyen de communication. Respectant les mots qu'il a pour
ainsi dire lui-même acquis, nous les accepterons tels qu'ils sont
et nous ne chercherons qu'à en provoquer de nouveaux, en
suivant la méthode indiquée plus haut. Par ce procédé et en
quelques mois, Edmond B... a appris à dire à boi (à boire),
ava (au revoir), caca (quand il veut aller au siège), coco (quand
il demande un oeuf), et certainement là ne s'arrêteront pas les
progrès de la parole chez cet enfant.
Séguin a fait remarquer avec beaucoup de raison que l'idiot
comme l'enfant en général, a une plus grande facilité pour
prononcer les syllabes redoublées, que les syllabes isolées.
Quand il reproduit un refrain quelconque, dont il est incapable
de redire les paroles, c'est une suite de syllabes redoublées
qu'il fait entendre, le plus souvent la la la. Nous basant sur
cette observation, il nous est souvent arrivé de désigner un
animal sous la forme d'un redoublement rappelant le plus pos-
sible le cri de l'animal. L'enfant répétait après nous sans
tarder, surtout s'il avait entendu lui-même crier l'animal. Oua-
oua voulait dire chien, bé bê voulait dire mouton, marna vou-
lait dire vache, cot-cot, poule, etc. Du reste n'est-ce pas là le
langage primitif, et nos ancêtres désignaient-ils autrement les
animaux dont ils voulaient parler ? A mesure que les progrès
Archives, t. XXX. 8
1 il. THÉRAPEUTIQUE 11EDIC0-PEDAGOG1QUE.
s'effectueront, que l'enfant s'habituera à répéter les sons émis
devant lui, il ne lui sera pas aussi difficile qu'on le croirait de
substituer au nom provisoire le nom définitif ; c'est du reste ce
que l'expérience nous a plusieurs fois prouvé. Est-il nécessaire
de nous appesantir sur les difficultés en présence desquelles se
trouverait celui qui voudrait faire prononcer à l'idiot, sans exer-
cice préalable, chien, vache, brebis, ou tout autre mot composé
de syllabes les unes plus complexes que les autres, et que l'en-
fant normal lui-même a tant de peine à acquérir ?
Si l'on se reporte au cahier d'articulation que nous avons
établi on remarquera qu'après chaque leçon nous avons placé
une sorte d'exercice pratique dans lequel se trouve des noms
uniquement composés des sons qui ont fait l'objet de la leçon.
Si l'on a le soin de montrer à l'enfant l'objet dont on lui fait
énoncer le nom, non seulement notre élève apprend à parler,
mais encore il s'habitue à n'employer que des mots dont il con-
naît le sens. Ce sera au maître de s'ingénier à amuser l'élève
de manière à maintenir son attention.
Donnons un exemple, Henri D... ne parlait pas ; il disait à
peine et rarement à propos papa, marna, mossau ( ? ), boulou ( ? ),
messi (merci). En le soumettant à la méthode dontnous venons
de parler, il est arrivé à prononcer le mot bouton. Nous lui
avions souvent montré l'objet en en prononçant le nom, et
nous avions réussi à le lui faire dire. Pour bien nous assurer
qu'il comprenait bien le sens du mot, nous le faisions jouer
avec des boutons, nous lui en faisions chercher, et dès qu'il
nous en apportait un, nous lui demandions : « Qu'est-ce que
c'est ? » Il répondait aussitôt bouton en souriant, et dès qu'en
promenade il en rencontrait un à terre, il nous l'apportait en
le nommant. Ce n'est pas là le langage du perroquet.
Nous passerons ainsi en revue tous les objets, toutes les per-
sonnes, tous les animaux même qui entourent quotidienne-
ment l'enfant. C'est par le nom des diverses parties de son
corps que nous commencerons, c'est-à-dire par ce qui est en
contact le plus immédiat avec notre élève. L'enfant est d'abord
habitué à désigner, sur ordre, telle ou telle partie de son corps ;
on guide d'abord sa main et on ne tarde pas à s'apercevoir que
son bras est de plus en plus docile, et qu'un jour même il n'a
besoin d'aucune direction pour montrer le nez, les yeux ou la
bouche. Après quelques semaines de cet exercice l'enfant non
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. H5
seulement comprend le sens de ces divers noms, mais encore
les répète avec nous.
Après la partie du corps, nous nommerons les vêlements,
après les vêtements, les objets qui lui servent, tels que le cou-
vert, la boisson qu'il préfère, le mets dont il est friand. Puis
ses jouets et parmi ces derniers, les divers animaux qu'il peut
aimer à caresser, enfin le nom des personnes qui l'entourent,
surtout de celles pour lesquelles il parait avoir une préférence
marquée. Cet ordre là est-il rigoureux ? Est-il besoin de dire,
que c'est l'idiot lui-même qui devra nous diriger, et qu'on
devra chercher à lui apprendre d'abord le nom de ce qui parait
l'intéresser avant de s'occuper de ce qui lui est indifférent.
Jusqu'ici nous n'avons fait acquérir que des noms, et même
des noms concrets, nous allons maintenant essayer des adjec-
tifs, c'est-à-dire des abstractions. Nous suivrons la même
méthode que nous venons d'indiquer. Louis B..., aime les
chevaux, et le seul mot qu'il ait encore pu prononcer est dada.
Il aime tirer à lui un cheval à roulette, manier un fouet, c'est
sur ces objets que nous maintiendrons son attention. Nous lui
ferons voir, toucher, porter, traîner successivement un grand
et un petit dada, et nous lui enseignerons à présenter ou à
montrer le plus grand et le plus petit. Comme c'est en jouant
que se font ces divers exercices, l'enfant ne tarde pas à faire
la différence en attendant qu'il applique lui-même le mot nou-
veau. Avec une petite fille, les poupées sont d'un grand
secours. Avec tel autre enfant amateur de bruit, les son-
nettes nous servent d'instruments. Nous avons eu à nous
servir de ballons, de cerceaux, de fleurs, de tambours, de
robinets même, etc. C'est toujours l'enfant qui nous a guidé
dans le choix.
C'est ainsi que nous apprenons le nom des couleurs, des
formes, des odeurs (bon, mauvais), que nous donnons la notion
de poids (léger, lourd), toujours en ayant soin de procéder par
contraste en choisissant les extrêmes, afin de mieux faire la
distinction. Ces exercices que nous signalons se retrouvent
dans l'éducation de la vue, du toucher, etc., mais est-il pos-
sible de n'exercer qu'un organe à la fois, et les diverses fonc-
tions ne sont-elles pas tellement solidaires qu'on ne peut en
exercer une sans en mettre une autre en mouvement ?
Bien que cela paraisse prétentieux, après l'adjectif nous pas-
ho THÉRAPEUTIQUE : m';D1CO-PÉDAGOGIQUE.
sons au verbe. Il n'est pas ici question de conjugaison, pas plus
que de règles et d'exceptions. Notre ambition se borne aux
verbes qui expriment la manière d'être des objets que notre
élève connaît déjà. Ni temps, ni mode, l'infinitif, cela nous
suffit. Cerceau rouler, poupée tomber, soupe brûler, Julie
manger, voilà les phrases que nous tâchons de provoquer,
phrases qui se compliquent quelquefois d'un adjectif comme :
dada noir partir, etc. Lorsque l'enfant en est arrivé là, ne
peut-il pas se faire comprendre, exprimer ses besoins, en un
mot communiquer avec ceux qui l'entourent.
Il existe un certain nombre d'idiots qui semblent ne pouvoir
aller plus loin au point de vue de la parole. Ils continuent à
acquérir de nouveaux mots, et cela par le seul commerce avec
leurs semblables, mais ils paraissent ne pouvoir construire
une phrase si courte soit-elle; et la syntaxe qu'ils emploient
a beaucoup de rapport avec celle des sourds-muets parlants. Ils
énoncent leurs idées par ordre d'importance, et dans leur lan-
gage, ils font des inversions qui déroutent. Ils ne demanderont
pas : Est-ce que je sortirai samedi ? Mais : sortir André samedi ?
Il est évident que dans cet exemple c'est l'idée de sortir qui
est la plus importante, aussi sera-t-elle énoncée la première ;
après vient le nom de la personne, idée pour ainsi dire secon-
daire, car l'idiot ne peut que parler de lui-même, et enfin le
temps, qui est aussi quelque chose d'accessoire, puisque ce
qu'il importe le plus de savoir pour André, c'est s'il sortira ou
non. On pourrait citer mille exemples semblables.
Le moyen de corriger cette façon de parler exige encore des
exercices spéciaux. 11 faudra faire répéter à l'enfant à chaque
instant du jour les phrases usuelles qu'il a l'occasion de dire à
tout moment ; faisons même semblant de ne pas le com-
prendre s'il persiste à les mal donner, et nous arriverons en
peu de temps à de grands changements.
Idiots qui parlent mal. Les idiots, dont nous allons main-
tenant nous occuper, savent parler. Ils peuvent exprimer leurs
besoins, leurs passions, poser des questions, y répondre, mais
il est certains sons qu'ils n'émettent pas franchement, cer-
taines consonnes qu'ils prononcent d'une façon défectueuse.
Ces divers défauts de prononciation peuvent tenir à des causes
multiples qu'il est indispensable de connaître avant d'en tenter
la suppression. Quelquefois ces défauts de prononciation ont t
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 117
une cause physiologique, paralysie, atrophie de tel ou tel élé-
ment d'organe. La langue trop épaisse, emprisonnée dans une
mâchoire trop étroite que surmonte un palais en ogive, se
meut difficilement et arrête les sons au passage; l'enfant fait
des efforts pour parler correctement, projette de la salive et
fait entendre presque continuellement le son ch pour s, j, z,
tel Henri de la C... D'autres, comme Georges T..., par suite
de la malformation de la mâchoire supérieure et d'une denti-
tion anormale frappent à tout instant les incisives supérieures
trop développées, de la pointe de la langue et semblent tou-
jours prononcer des dentales, ce qui donne à leur conversation
un ton dur et discordant où domine le son t ou d. D'autres
enfants, comme Henri R..., possèdent une langue toujours en
retrait dans la bouche, ne savent émettre que des sons guttu-
raux et sont incapables de donner le l le 2, et les dentales.
Les exercices à faire suivre en pareil cas varient avec la
cause même du défaut de prononciation. Si l'on est familier
avec le mécanisme de l'articulation, on saisira facilement le
point faible à exercer, à développer. Nous reviendrons encore
ici à l'attention dont il faudra d'abord s'assurer avant d'entre-
prendre toute tentative d'amélioration. Si l'enfant est attentif,
et qu'on ait su provoquer en lui l'imitation, il suffira de lui
faire faire par imitation les exercices ayant pour but de mettre
en jeu la partie faible de l'organe. Si les sons gutturaux ne
sont pas correctement donnés, nous ferons venir à notre aide
le toucher, et, plaçant la main de l'enfant sur notre gorge,
nous appellerons son attention sur les vibrations qui se pro-
duisent à cet endroit lors de l'émission d'un k ou d'un y, puis,
lui faisant placer la main sur sa gorge à lui, nous l'inviterons
à fournir ce son, jusqu'à ce que les vibrations qu'il sentira
soient identiques à celles qu'il ressentait quand nous par-
lions.
Si la langue est paresseuse, c'est d'elle que nous nous occu-
perons. Nous la ferons tirer le plus possible, ramener à droite,
à gauche, nous lui apprendrons à toucher le palais, à se
mettre en gouttière, à frapper les dents, à faire en un mot
tous les mouvements nécessités par l'émission des sons lin-
guaux
L'éducation des lèvres est relativement plus facile, car ici
nous nous adressons uniquement à la vue. Disons aussi que
les labiales sont les plus faciles à prononcer et que nous
118 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
n'avons la plupart du temps à remédier qu'à la faiblesse de
l'émission plutôt qu'à l'incorrection. Il faudra alors apprendre
à l'enfant à faire vibrer les lèvres en projetant violemment, les
dents serrées, de l'air au dehors, en produisant le bruit que
fait un cheval qui renâcle.
Lorsque l'idiot ne donne pas le son r, il ne faut pas songer
à lui faire émettre le r lingual, si facile pour les gens du midi,
si difficile pour un grand nombre de personnes. Nous nous
contenterons du r guttural que nous provoquerons comme les
autres sons gutturaux au moyen du toucher, et encore en appre-
nant à l'enfant à se gargariser.
Le son k est aussi un de ceux qui font le plus souvent défaut.
Si l'on se reporte au mécanisme de l'articulation, on sait que
pour produire ce son « la base de la langue se relève, entre en
contact avec le voile du palais; celui-ci se trouve pressé entre la
langue et la paroi pharyngienne et tout passage de souffle est
interrompu ; puis la langue se détache vivement et une explo-
sion se produit ' ».
La plupart du temps l'enfant ne sait pas relever la langue,
et donne t pour k; le maître, alors avec son doigt, repoussera la
pointe de la langue le plus possible, afin de lui faire occuper
la position normale, et fera prononcer à l'enfant le seul son
possible dans cette position, ka. Puis on habituera l'enfant à
maintenir lui-même la langue avec son propre doigt, et peu à
peu la langue s'habituant à cet exercice finira par ne plus avoir
besoin d'aide pour se relever. Passer en revue tous les défauts
de prononciation nous entraînerait trop loin, et nous n'avons
pas la prétention d'écrire ici un traité d'orthophonie, mais pour
dessein de fournir les principes généraux qui doivent guider
les auxiliaires des médecins, instituteurs et surveillantes.
Certains idiots ne présentent pas à proprement parler de
défauts de prononciation. Ils émettent à peu près bien tous
les sons, mais comme ils semblent avoir peur de desserrer les
dents, ils déforment légèrement l'émission des voyelles. À
moins de les écouter attentivement, les sons a, e, i, o, u sem-
blent confondus et prononcés de la même façon, de même les
sons nasaux an, on, zn. Il est facile de faire disparaître cette
confusion. Il suffit de les soumettre régulièrement plusieurs
fois par jour à la gymnastique des lèvres et des mâchoires,
1 Goguillot. - Comment on fait parler les sourds-muets.
TRAITEMENT ET ÉDUCATION DE LA PAROLE. 119
qu'ils semblent ne pouvoir mouvoir qu'avec une extrême len-
teur. Ne craignons pas d'exagérer l'ouverture de la bouche
pour le son a, par exemple; l'idiot ne voit jamais trop. Cette
méthode a parfaitement réussi avec Maurice J..., qui avait,
au début, un langage incompréhensible pour les personnes'qui
ne vivaient pas avec lui, et quelques semaines ont suffi.
D'autres idiots paraissent ne pas avoir de souffle. Ils hachent
leur conversation, semblent perdre haleine à chaque instant,
et ne peuvent prononcer dans la même expiration qu'un mot
de deux ou trois syllabes. Pour ceux-là, on se trouvera bien des
exercices suivants : faire soutenir un son le plus longtemps
possible, puis faire émettre dans la même expiration deux
sons opposés comme a et i, en ne donnant le signal du second
que lorsqu'on sent être arrivé à peu près à la moitié de l'expi-
ration. Après quelques semaines de ces exercices, on fait pro-
noncer un mot de plusieurs syllabes en habituant l'enfant à
ne passer d'une syllabe à l'autre qu'au commandement, afin
que le maître puisse lui-même guider la durée d'émission de
chaque syllabe. On fait ensuite dire, toujours lentement, des
phrases entières mais courtes, pour arriver progressivement
à des phrases plus ou moins longues dans lesquelles le maître
lui-même désigne le point logique où doit avoir lieu une nou-
velle inspiration. Lorsque l'on aura affaire à des idiots de cette
catégorie, il sera bon au préalable, pour tâcher d'augmenter
la capacité de leurs poumons et de leur permettre par consé-
quent de pouvoir émettre un son plus prolongé, de faire les
exercices du souffle, exercices qui amusent l'enfant et qui l'in-
téressent. Parmi ces exercices nous pouvons signaler celui qui
consiste à faire souffler une bougie à une distance de plus en
plus éloignée, à souffler dans un sifflet, à faire gonfler un
ballon de caoutchouc ou une simple vessie d'animal, à faire
tourner un moulin à vent, à gonfler un sans-gène, à lancer
un pois dans un tube de sureau, à faire avancer une bille sur
une longue planche à rainure, bille que l'on pourra prendre
d'abord en moelle de sureau, puis en liège, enfin en bois.
Pour augmenter progressivement la difficulté de ce dernier
exercice, on pourra mettre la planche sur un plan incliné de
façon à ce que le souffle de l'enfant ait non seulement à
lutter contre la force d'inertie de la bille, mais encore contre
l'action de la pesanteur, de même que pour amuser et inté-
resser l'enfant, on suspendra au-dessus de la rainure un grelot
120 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
ou un timbre quelconque, que l'on pourra avancer et reculer,
et que la bille fera résonner en passant. On ne doit jamais
laisser échapper l'occasion d'amuser notre idiot, qui suit sou-
vent avec tant d'indifférence un travail qui lui semble inutile.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE ' ;
Par le D' J. VOISIN, médecin de la Salpètrière; et Raymond PETIT,
interne des hôpitaux.
Bromure de potassium. - Le bromure de potassium a été
introduit dans la thérapeutique de l'épilepsie en 1851 par
Ch. Locack. C'est le médicament qui parait rendre le plus de
service jusqu'à ce moment dans cette terrible maladie.
Son action physiologique a été parfaitement étudiée par
Martin Damourette et Pelvet et par G. Sée. Ces auteurs ont
montré que l'action du bromure de potassium est générale et
qu'elle atteint partout les systèmes nerveux et musculaire.
« C'est un anesthésique aussi bien des centres et des cordons
nerveux que des surfaces muqueuses et tégumentaires. C'est
un acynésique aussi bien des plans musculeux digestifs uri-
naires et respiratoires que des muscles striés. Cette'double
propriété anesthésique et amyosthénique rapprochée de l'effet
sédatif sur la circulation, la chaleur et les sécrétions explique
les applications faites du bromure dans l'épilepsie. »
D'après M. Germain Sée, le bromure de potassium diminue
l'excitabilité réflexe de la moelle sans la détruire ; il diminue
les fonctions de la moelle en produisant l'olighémie et non pas
une action spéciale élective sur les tissus nerveux; en outre il
excite les centres modérateurs. Pour Aug. Voisin et Legrand
du Saulle c'est le médicament indispensable de l'épilepsie.
Grâce à lui les accès sont reculés et quelquefois supprimés,
' Voir Archives de Neurologie, 11" 98, 99, 100, 101.
DE l'intoxication dans l'épilepsie. 121
mais son administration doit être continuelle une fois qu'on l'a
commencée. Il est, disent-ils, aussi indispensable à l'économie
qu'un aliment. Si on le supprime, les accès reviennent plus
forts et le malade est enlevé par un état de mal. Le patient, dit
Legrand du Saulle, paie son « arriéré ». Il est reconnu que
dans beaucoup de cas ce médicament arrête ou diminue nota-
blement les accès convulsifs ; mais en revanche les vertiges
deviennent plus nombreux et l'intelligence baisse rapidement,
et quand son administration est par trop prolongée nous avons
remarqué que l'état saburral de la langue ne peut plus dis-
paraitre malgré les purgatifs. Il entretient donc cet état quand
les individus sont arrivés à saturation et les malades ont une
haleine des plus fétides. Il est nécessaire à ce moment de le
supprimer et de le remplacer par .les purgatifs et par les
moyens que nous préconisons. Nous n'avons jamais vu sa
suppression amener à ce moment un état de mal et la mort du
malade. Cet état de torpeur accompagné de vertiges incessants
a été mis sur le compte du bromisme qui, d'après les auteurs,
peut se manifester de deux manières différentes : la torpeur ou
l'excitation.
Nous nous demandons si cette torpeur ou cette excitation ne
sont pas dues plutôt à cet empoisonnement que décèle l'état
gastrique concomitant signalé plus haut. L'individu est saturé,
tous ses organes sont imprégnés de bromure. Le médicament
n'agit plus sur les vaisseaux et l'infection prend le dessus.
Quand nous supprimons le bromure de potassium dans ces cas,
on voit peu à peu sous l'influence des purgatifs la langue se
nettoyer, l'haleine devenir meilleure et aux vertiges faire
suite les attaques convulsives. Celles-ci se renouvellent cinq à
six fois, mais les vertiges disparaissent ainsi que la torpeur
pour faire place à l'intelligence. Nous avions une malade qui,
sous l'influence de cette saturation chronique, présentait indé-
pendamment de cet état gastrique des vertiges et de la folie
furieuse avec hallucinations terrifiantes. Nous supprimions le
bromure à ce moment et aussitôt un ou deux accès convulsifs
se produisaient et l'excitation disparaissait ainsi que les vertiges
et l'état gastrique. Nous avons pu constater quatre ou cinq fois
de suite ces mêmes phénomènes chez ce même malade à cinq
ou six mois d'intervalle. Avec la saturation bromique arrivaient
ces accidents vertigineux et de folie furieuse. Chez ce même
malade ainsi que chez un autre homme ces mêmes phéno-
122 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
mènes se présentaient avec des manifestations hystériformes.
Ainsi donc le bromure de potassium transforme les accès
convulsifs en vertiges, en accès incomplets en attaques hysté-
riformes et en excitation cérébrale, mais cela plus rarement.
Pour faire cesser ces manifestations, il suffit de suspendre
complètement le médicament et de purger le malade; on le
voit alors revenir à son état habituel. La guérison n'est donc
pas complète sous l'influence du bromure de potassium. Il y a
dans tous ces cas, des modifications des accès convulsifs d'une
manière manifeste, mais malheureusement les accès convulsifs
sont transformés le plus souvent en vertiges et en trouble
mental avec obtusion intellectuelle profonde.
On peut reprocher à ce médicament aussi d'entretenir l'état
gastrique. M. Féré pour obvier cet inconvénient a préconisé
l'usage simultané du naphtol et il en a obtenu de bons résul-
tats. Nous-mêmes nous l'employons et nous en sommes satis-
faits. Dans certains cas nous avons supprimé le bromure de
potassium et donné le naphtol et nous avons vu les accès être
moins nombreux que lorsque nous donnions les deux médica-
ments. Nous en reparlerons tout à l'heure.
La dose de bromure employée ordinairement est de 4 à
6 grammes par jour. Dans ces derniers temps, Ferél a porté la
dose jusqu'à 16 et 20 grammes chez des sujets où la moyenne
de 4 à 6 grammes ne réussit pas, et il a vu que les accès dimi-
nuaient un peu de nombre et que la nutrition n'était pas
altérée. Mais l'usage de cette médication doit être surveillé
avec soin. Ondoit la suspendre aussitôt que le bromisme appa-
rait, c'est-à-dire aussitôt que les éruptions bromiques et la tor-
peur intellectuelle arrivent et, dans ces cas, cet auteur recom-
mande en même temps des purgatifs ,
L'association du bromure de potassium avec le bromure
d'ammonium et de sodium a paru à M. Ball et à Charcot
produire de meilleurs effets que le bromure de potassium seul.
On les donne à la dose de 4 à 8 grammes par jour, c'est-à-dire
'1 ou 2 grammes de chaque par jour. Voici d'ailleurs la formule
employée par Charcot à la Salpêtrière :
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 123
124 4 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Calcul ? soixante-huit ans. Épileptique.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. l '2 ? \
126 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
LECOM..., trente-sept ans. Epileptique.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. '127 Î
128 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
leptique et nos malades s'en trouvent si bien qu'elles viennent
d'elles-mêmes nous montrer leur langue et réclamer le médi-
cament. On n'oubliera donc pas ce moyen thérapeutique, se
rappelant qu'il doit ici être administré de bonne heure, dès le
début de l'état gastrique. Quand une série d'accès est com-
mencée, les purgatifs sont encore utiles ; nous avons vu, dans
plusieurs cas, la série prendre rapidement fin sous leur
influence, mais ici ils ne sont pas suffisants.
Antisepsie intestinale. Depuis les travaux du professeur
Bouchard, sur les auto-intoxications, la thérapeutique s'est
enrichie d'une arme nouvelle. L'administration de naphtol ou
de bétol à la dose de 0 gr. 80 à 1 gramme permet de faire de
l'antisepsie, au moins relative du tube digestif. On a pu voir
dans les tableaux précédents les résultats assez bons que nous
a fournis son emploi. C'est un adjuvant puissant, mais seule-
ment un adjuvant.
Lavages de l'estomac. A côté de ces moyens d'action sur
le tube digestif, il convient de placer les lavages d'estomac.
Nous les avons essayés dans plusieurs cas et spécialement dans
des états de mal ou dans des périodes d'excitation ou de trouble
mental consécutifs aux accès. Ces lavages ont paru produire
d'heureux effets chez Soliv... en particulier, à qui nous en
avons fait pendant le trouble mental. Ce trouble a rapidement t
disparu en quelques jours au lieu de persister dix à quinze
jours, comme c'est l'ordinaire chez elle. Chez les malades
Curv... et Lep..., ces lavages ont contribué, une fois chez la
première, deux fois chez la seconde, à arrêter l'état de mal.
Tous ces moyens d'action sur le tube digestif sont bons en ce
sens qu'ils empêchent l'intoxication de s'accroître, mais ils ne
font pas éliminer à proprement parler. Les deux grandes voies
d'élimination : c'est l'émonctoire urinaire et la peau.
Diurétiques. L'emploi du régime lacté nous a déjà donné
quelques résultats comme nous l'avons vu ; mais l'administra-
tion de tisanes diurétiques en assez grande abondance et de la
lactose ont un effet plus puissant que le régime du lait exclu-
sif. Le Dr Dujardin-Beaumetz a attiré l'attention sur le pouvoir
diurétique de la lactose employée à des doses qui varient
de 40 et 80 grammes jusqu'à 100 grammes et plus. Nous l'em-
ployons journellement et nous avons plusieurs fois constaté
ses bons effets, ainsi que ceux des tisanes diurétiques. C'est
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 129
surtout lorsque l'état saburral de la langue est très accentué
avant les accès, ou bien lorsque les accidents sont déjà com-
mencés et dans l'état de mal que cette médication nous paraît
devoir être employée.
Hydrothérapie el frictions. L'hydrothérapie est un pré-
cieux agent dont l'utilité est incontestable dans les cas qui
nous intéressent. En même temps qu'elle agit sur l'état géné-
ral, elle est un bon moyen de sédation quand elle est bien
comprise et agit localement sur les fonctions de la peau. Dans
beaucoup de circonstances, les douches brisées, prises d'une
façon habituelle, nous ont donné de bons résultats, mais à la
condition d'être courtes (20 secondes environ) et jamais admi
nistrées à plein jet sur la tête '.
Chez les malades qui sont en état de mal épileptique avec
élévation croissante de la température, les bains prolongés de
deux à trois heures à la température de 32° à 34° ont été d'un
heureux effet; de même dans les périodes d'excitation. La
malade Lep... que nous avons soumise à ce traitement dans
deux états de mal et une période d'excitation, a pu échapper à
ces états graves qui entraînent si fréquemment la mort. Nous
pensons donc que l'hydrothérapie mérite, à tous points de vue,
d'attirer l'attention. Il en est de même du drap mouillé, des
frictions sèches et des lotions alcoolisées qui ont pour résultat
de stimuler la peau et d'activer ses fonctions éliminatrices.
Injection de sérum artificiel. Nous avons essayé les injec-
tions sous-cutanées de sérums artificiels (formules de Hayem
et formule de sérum concentré de Chéron). Chez plusieurs
malades nous les avons employées avec succès dans l'état de
mal, dans les accès sériels et lorsque les symptômes prémoni-
toires font leur apparition. L'indication de cette méthode est
bien nette dans ces cas. Nous avons vu, en effet, que la tension
artérielle s'abaisse avant l'accès et qu'en même temps le pouls
devient souvent irrégulier. Or, les injections de sérum artifi-
ciel relèvent la tension vasculaire en même temps qu'elles
poussent à l'élimination et stimulent l'organisme tout entier.
C'est en nous basant sur ces données physiologiques que
nous avons été conduits à nous servir de ce moyen thérapeu-
1 Nous nous permettrons de rappeler que tous les ans, depuis 1880,
nous publions dans notre compe rendu de Bicètre, des renseignements
sur l'hydrothérapie. Voir aussi la thèse de Bricou. (B.j
Archives, t. XXX. 9
130 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
tique. Les injections doivent être lentes et faites avec une
seringue parfaitement stérilisée. Les doses que nous avons
employées ont varié de 112 à 100 grammes par séance. Il va
sans dire que le liquide doit être stérilisé en le portant à 1 ? â°
dans une étuve et que toutes les précautions antiseptiques
doivent être minutieusement prises du côté de la peau avant et
après les injections. On recouvre ensuite le point piqué et
toute la région d'une couche de collodion élastique. Lorsqu'on
arrive aux doses de 40 et GO grammes, il nous a semblé pré-
férable de multiplier les points d'injections. Le massage un
peu prolongé, qui facilite la résorption rapide du liquide, doit
être fait après l'opération.
Seigle ergoté. Nous devons ajouter ici le seigle ergoté en
teinture alcoolique, dont l'effet n'est d'ailleurs pas bien expli-
qué. Déjà employé en Angleterre, il y était donné à des doses
beaucoup plus fortes que celles que nous avons prescrites. Nos
malades Soliv... etHug... en ont pris, ces deux derniers mois,
à la dose de 4 gouttes par jour en l'absence de tout autre
traitement. Toutes deux sont restées pendant ces deux mois
sans avoir d'agitation et de trouble mental, alors que la pre-
mière était troublée d'ordinaire tous les mois, et la seconde
plus souvent encore. Elles ont cependant eu des accès comme
par le passé. En ce moment l'une et l'autre viennent d'avoir
quelques attaques et sont dans une période d'agitation légère.
Ce ne sont là que deux essais récents et dont nous ne cherche-
rons pas à tirer encore de conclusion.
Depuis six mois nous employons en ce moment chez quatre
de nos malades le bromure de potassium associé à la pilocar-
pine et nous obtenons une grande amélioration au point de
vue de l'excitation maniaque. Les accès convulsifs sont à peu
près aussi fréquents, ils ont lieu tous les mois, mais ils ne
sont pas suivis de délire et d'agitation comme autrefois. Nous
donnons à ces malades 6 à 7 grammes de bromure de potas-
sium et 6 à 7 milligrammes de pilocarpine. Il y a un gramme
de bromure et un milligramme de pilocarpine par cuillerée à
soupe. A l'aide de ce médicament nous obtenons une diurèse
plus abondante, mais pas de sueur et nous estimons que cette
diurèse est la cause de l'amélioration que nous constatons.
Nous avons passé en revue les moyens thérapeutiques qui
nous semblent devoir être utilisés chez les épileptiques vrais.
Il nous reste à dire quand et comment nous les emploierons.
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 131
A notre avis ce n'est pas à l'un d'eux exclusivement qu'il
faut avoir recours, on doit les combiner. Nous ne pensons pas
non plus qu'il faille les continuer constamment chez un même
malade. Lorsque l'épileptique commence à présenter les symp-
tômes prémonitoires avec état saburral des voies digestives,
nous le faisons immédiatement purger et nous lui prescrivons
le naphtol pendant quelques jours. Le lendemain nous faisons
prendre de la lactose (40 ou 60 grammes par jour), puis davan-
tage, et des tisanes diurétiques. Quand les malades entrent
malgré cela dans une série d'accès il faut alors faire des injec-
tions de sérum artificiel à doses progressivement croissantes
chaque jour, et si l'état saburral persiste très accentué, laver
l'estomac plusieurs jours de suite. Enfin dans l'état de mal et
dans l'agitation, nous joignons à tous ces moyens thérapeu-
tiques les bains prolongés et les frictions sèches ou alcoolisées.
Nous ne pensons pas, nous l'avons dit déjà, que ces médi-
cations soient à employer d'une façon continuelle entre les
périodes d'accès. Il faut étudier les malades et les suivre,
tâcher de découvrir quelle est la marche que suivent chez eux
les accidents (accès isolés, en série, survenant régulièrement
ou irrégulièrement) et instituer ce traitement complexe dès que
les symptômes prémonitoires font leur apparition. On les
continue tout le temps que dure l'état gastrique. Les douches
seules peuvent être continuées et doivent être prises de la façon
que nous avons dite précédemment. Quand les voies digestives
sont nettoyées, nous administrons ensuite un des médicaments
internes dont nous avons parlé plus haut, et plus spécialement
le bromure de potassium seul ou associé aux autres bromures
ou encore aux antiseptiques intestinaux. Son administration
est interrompue de temps en temps.
Appendice. Au moment de terminer ce mémoire, nous
devons ajouter l'observation suivante que le hasard nous a
fournie et qui viendra à l'appui de ce que nous avons avancé,
aussi bien dans la pathogénie que dans le traitement de l'épi-
lepsie générale.
Cunv..., vingt-trois ans. Epilepsie. Antécédents héréditaires : .'
père bien portant, mère hystérique, migraineuse, aurait eu la
fièvre typhoïde en 1870.
Grossesse bonne mais accompagnée de chagrins; accouchement t
à terme normal.
132 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Antécédents personnels : a parlé et marché de bonne heure. Con-
vulsions pendant la dentition jusqu'à cinq ans; elle avait des petits
vertiges. A huit ans elle fit une chute dans une cave. Depuis ce
moment elle eut de nombreux vertiges et. des fugues inconscientes.
A partir de dix ans, elle présente des accès épileptiques fréquents,
souvent suivis de grand et de petit mal intellectuel. Son intelli-
gence a baissé beaucoup : elle a perdu la mémoire. Le 3 août 1893
elle entre dans une série d'accès, dans un véritable état de mal
avec une température élevée, 40°. Hébétude, état saburral des
voies digestives très prononcé; on la purge et on supprime le bro-
mure. Le 7 août nouvelle purgation.
Le 11 août lavage de l'estomac; abaissement de la température.
Le 13 et le 14 août injection de 24 et 80 grammes de sérum arti-
ficiel, la tension artérielle restant basse, le pouls étant faible et les
bruits du coeur un peu sourds on lui fait prendre de la caféine. Le
17 août les accès ont disparu, l'intelligence revient progressive-
ment, la température est normale. En janvier 1894 elle prend
4 grammes de bromure par jour depuis longtemps. Le malade pré-
sente :
DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 133
2° Lavements froids avec 0,50 de bétol, à li heures et demie du
soir et à 5 heures du matin.
3° Pendant toute la nuit faire boire le plus possible de la prépa-
ration suivante :
134 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
CONCLUSIONS :
1° L'épilepsie générale est une maladie héréditaire et
ses manifestations sous la dépendance d'une disposition
particulière du système nerveux;
2° L'épilepsie générale, suivant les causes détermi-
nantes, peut être divisée en deux classes : épilepsie
réflexe, épilepsie par intoxication;
3° L'épilepsie réflexe ne s'accompagne pas de troubles
gastro-intestinaux, ni d'état saburral. Elle est moins
grave;
4° L'épilepsie par intoxication est toujours précédée
et accompagnée de symptômes gastro-intestinaux. Elle
est plus grave;
5° L'épilepsie par intoxication peut relever d'une auto
ou d'une hétéro-infection; .
6° L'épilepsie réflexe peut se transformer en épilepsie
infectieuse et prendre ses symptômes, sa marche et sa
terminaison ;
7° Dans l'épilepsie par intoxication, lorsqu'un état de
mal s'accompagne d'hémiplégie corticale, on voit sou-
vent ensuite, avec la démence épileptique ordinaire, une
sorte de tabes spasmodique ou diplégie cérébrale;
8° Le traitement doit viser deux points : 1° la prédis-
position ; 2° les accidents de l'épilepsie;
9° Les bromures agissent sur la prédisposition du sys-
tème nerveux, mais ces médicaments doivent être
employés à des doses variées et suspendus quand parais-
sent les troubles gastriques. Il faut y joindre une
hygiène et une alimentation convenables ;
10° Les médications visant les accidents épileptiques
ne doivent pas être continuées entre les périodes d'accès ;
11° Les accidents de l'épilepsie par intoxication peu-
vent être prévus et doivent être combattus dès que les
symptômes prémonitoires apparaissent;
12° Dans l'épilepsie générale vraie, par intoxication,
REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 138
on devra enrayer l'empoisonnement et favoriser l'élimi-
nation des produits toxiques par : 1° les purgatifs;
2° l'antisepsie intestinale; 3° les lavages de l'estomac;
4° les diurétiques; 5° les injections de sérum artificiel;
6° l'hydrothérapie, les bains prolongés, les frictions
sèches et les lotions alcoolisées.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
' PATHOLOGIQUES.
I. Les conditions DE l'excitabilité électrique du système nerveux
PÉRIPHÉRIQUE DE L'HOMME DANS LE JEUNE AGE ET SES RAPPORTS AVEC
LA STRUCTURE ANATOMIQUE DU )IÉME SYSTÈME; par A. `VESTPH.1L.
(Archiv. f. Psychiat., XXVI, 1.)
1. Dans les premières semaines de la vie, jusqu'à une certaine
période qui n'est pas la même dans tous les cas, les nerfs et les
muscles sont bien plus difficiles à exciter que les nerfs et les muscles
des adultes (XI tableaux résumant les examens électriques). A quoi
cela tient-il ?
B. Les recherches anatomiques suivantes vont nous le dire.
Vingt-six analyses ont été pratiquées chez le nouveau-né et
l'adulte jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Elles ont démontré que :
1° Chez le nouveau-né les gaines de myéline des nerfs périphériques
sont bien différentes de celles de l'adulte. Les manchons en question,
bien plus minces, présentent souvent des interruptions sur une étendue
considérable; le dépôt de myéline est irrégulier. L'acide osmique colore
la myéline des nerfs périphériques du nouveau-né en vert ou en gris
jaunâtre et non en noir; les quelques fibres du nouveau-né colorées en
noir n'ont pas le ton noir foncé saturé des libres de l'adulte. L'acide
chromique ne les colore pas en jaune ou en jaunâtre; elles deviennent
rougeàtres sous l'action du carmin, bleuâtres, sous l'action de la nigro-
sine. On n'y constate point la structure concentrique. Les liquides déco-
lorants agissent bien plus vite et bien plus activement que chez l'a-
dulte (méthode de Weigert et de Pal); 2° il certaines périodes post-
embryonnaires précoces, un certain nombre de cylindraxes prennent
par l'acide osmique un ton verdâtre et non blanchâtre ou gris blanchâtre,
et encore souvent notable quantité de cylindraxes d'ailleurs très voluml-
136 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
neux demeurent-ils indemnes de toute couleur. On voit parfois un com-
mencement de dépôt de myéline sur les cylindraxes à leur périphérie
cela notamment aux troisième et sixième semaines de la naissance; 3° Les
fibres périphériques des nouveau-nés qui n'ont pas encore de manchons
de myéline sont dépourvues des étranglements de Ranvier; 4° Les gaines
de Schwann des nouveau-nés ont des noyaux très volumineux surtout
si on les compare à la largeur des fibres. Ces noyaux sont fréquemment
entourés de masses protoplasmiques granuleuses et étendues ; ils par-
raissent plus nombreux que chez l'adulte; 5° Les fibres nerveuses périphé-
riques du nouveau-né sont considérablement plus étroites que celles des
adultes. Leur largeur moyenne est à peu près le cinquième du diamètre
des fibres adultes. Jamais elles n'atteignent le maximum de largeur des
fibres adultes. Les minima des diamètres des fibres sont les mêmes
chez l'adulte et le nouveau-né, mais on trouve chez le nouveau-né beau-
coup plus de fibres à minimas. Fréquence caractéristique de libres très
fines variqueuses chez le nouveau-né; 6° L'endonerf et le périnerf, très
développés chez le nouveau-né, se distinguent du tissu interstitiel du
nerf de l'adulte par une grande richesse de noyaux; 7° A partir de la
naissance la structure des fibres nerveuses périphériques se développe; les
manchons de myéline se forment progressivement et alors se développent
tous les autres éléments des fibres nerveuses; 8° Dans la deuxième
et la troisième année de la vie le développement des manchons de
myéline et de toutes les fibres périphériques est très voisin de l'état
parfait des fibres de l'adulte, mais il ne l'a pas encore complètement
atteint; 9° La période des troisième à sixième semaines de la vie est un
stade important du développement des manchons de myéline. A cette
époque, la formation myélinique s'est notablement accrue par rapport à
l'état postembryonnaire du premier âge. Aussi voit-on le long de nombreux
cylindraxes volumineux nus apparaître de la myéline dont on suit toutes
les phases; 10° Mais le développement des manchons de myéline et celui
de toutes les fibres nerveuses périphériques est irrégulier. Il y a souvent
des différences considérables chez le même individu dans ses divers nerfs
ou dans chacun des trousseaux nerveux à la même époque du même
enfant; il Il est impossible de déterminer la loi de formation des
manchons de myéline aux divers endroits de développement d'un nerf.
Quant aux muscles, les fibres musculaires des nouveau-nés presque
absolument rondes, ou partiellement circulaires, sont déjà, à
la troisième semaine de la vie, en partie polygonales. Chez un
enfant d'un an on a constaté un nombre imposant de grandes fibres
rondes et cylindriques entre d'autres petites fibres polygonales.
Largeur bien moindre que de celles de l'adulte ; les plus larges
mesurent 28 p, c'est-à-dire moins que les fibres les plus étroites
de l'adulte (30 ); aux époques postembryonnaires on trouve des
fibres très étroites de 5 à 10 li, ces dimensions progressent très
irrégulièrement. La longueur des bourgeons musculaires de l'enfance
est de 40 à 70 p. ; les fibres, contenues dans l'enveloppe, stratifiées,
au nombre de 4 à 14, rondes ou cylindriques, ont un diamètre
moyen de 7 p : une partie d'entre elles possèdent un noyau collé
contre la paroi ou un noyau central : des nerfs et des vaisseaux
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 137 î
rampent tout près du germe musculaire sans encore le pénétrer.
La caractéristique du muscle infantile est dans sa richesse en noyaux
et dans leur disposition. Très nombreux dans le sarcolemme, ils
sont en séries linéaires ou en tas, accolés à cette enveloppe. Parfois
cependant ils sont centraux, surtout dans les fibres qui occupent
l'intérieur du bourgeon musculaire. En tout cas leur volume est
souvent très considérable, et le tissu interstitiel est aussi très riche
en noyaux. En conséquence :
La bien moindre largeur des fibres nerveuses et musculaires, l'absence
d'étranglements des fibres nerveuses, la richesse en gros noyaux du
parenchyme et du tissu interstitiel, l'allure des cylindraxes pendant les
stades postembryonnaires précoces, le non-développement des manchons
de myéline expliquent, sans qu'on puisse assigner le rôle joué par cha-
cun de ces facteurs, les différences d'excitabilité fonctionnelle entre le nou-
veau-né et l'adulte. Il est fort probable que le développement des man-
chons de myéline est particulièrement coupable.
Suit une intéressante application des études embryogéniques
(C.) et anatamopathologiques (D.) à ces données-là. La progression
précédemment établie n'a malheureusement pas encore puisé de
sanction réciproque dans la détermination exacte de la régression
des nerfs normaux infantiles ou adultes. Ce qui est, quoique cela,
extrêmement probable, c'est que la fibre normale doit être tenue
pour le prolongement cylindraxile protoplasmique de la cellule
nerveuse ganglionnaire centrale et que la formation ou la diffé-
renciation du cylindraxe est parallèle à la production de la myé-
line. P. KERAVAL,
II. Contribution A l'anatomie pathologique ET au COMPLEXES SYMP-
TOMATIQUE CLINIQUE DES AFFECTIONS AtULTILOCDLA1RES DE L'ENCÉ-
PHALE; par M. KOEPPEN. (drchiv. f. Psychiat., XXVI, 1.)
Observation I. Troubles de la parole. Attaques congestives;
réaction pupillaire défectueuse; nystagmus; strabisme divergent.
Pseudosymplôme de de Groefe. Périencéphalite angiomateuse, Arté-
rio-sclérose. -
C'est une démence paralytique avec excessive vascularisation, en
foyers occupant l'écorce du lobe frontal, des ascendantes, du lobe
temporal et de l'insula. Çà et là atteinte de la substance blanche-
et des cavités grises centrales jusqu'au début du quatrième ventri-
cule. Atrophie complète des éléments nerveux, fibres et cellules.
Extrême altération des vaisseaux. Syphilis probable, mais les vais-
seaux n'en présentent pas traces.
Cas. II. Démence; hypocondrie; hémiplégie gauche; hémi-
parésie droite. Atrophie des extenseurs de l'avanl-bras. Réaction
pupillaire conservée. Intégrité de la parole. Dans l'écorce de l'hé-
misphère droit, atrophie avec cavités et cicatrices.
138 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Il s'agit d'une paralysie générale traumatique consécutive à une
lésion en foyer (hémorragie pie-mérienne et corticale) déterminée
par une contusion de la tête. Les lésions diffuses généralisées en
ont été -la conséquence; puis s'est produite la dégénérescence
secondaire unilatérale et de la poliomyélite cervicale.
OBs. III. Démence; accès vertigineux; raideur musculaire et
attitude de la paralysie agitante; rélropulsion. Arlério-sclérose. Mort
consécutive à une apoplexie. Foyers multiples de ramollissement.
Ramollissement chronique du cerveau par artério-sclérose ayant
détruit la substance blanche avec dégénérescence des faisceaux
postérieurs, antérieurs et latéraux de la moelle par altération des
faisceaux antérieurs dans les pyramides. P. K.
III. ETUDES anatomiques sur DES cerveaux d'aliénés ;
par ScHLOESS. (Jahrbüch. f. Psychiat., XII, 3.)
Examen de la surface cérébrale de cinquante-deux aliénés héré-
ditaires dont sept idiots (nombreuses planches). Ces cerveaux res-
sembleraient aux cerveaux de criminels de Benedikt (anaslomose
fréquente des sillons, présence de sillons accessoires). Il arrive
assez souvent que le cerveau laisse plus ou moins à découvert le
cervelet. Les anomalies des circonvolutions témoignent de types
rétrocédant ou de formations atavique»; exemples : quatre circon-
volutions frontales latérales comme dans les cerveaux de carnas-
siers, anomalies du sillon calloso-marginal, présence du sillon
orbitaire externe.
Il y aurait donc une parenté entre l'homme né pour le crime et
celui qui en naissant présente une prédisposition à la folie; le sub-
stratum organique de l'anomalie psychique réside dans les ano-
malies cérébrales.
Comparant les cerveaux d'individus dont le développement psy-
chique est très élevé avec ceux des criminels et avec les siens,
M. Schloess trouve que, * en général, on ne saurait nier qu'il n'y ait
un accord remarquable entre les états anatomiques des cerveaux
de personnes très intelligentes, et ceux des cerveaux de criminels
et d'aliénés héréditairement prédisposés ', mais « il n'existe pas
encore assez de matériaux pour qu'on puisse conclure avec certi-
tude D ; « l'homme de génie est-il, tout comme le criminel et l'aliéné
héréditaires, un individu taré ? c'est une question insoluble,jusqu'ici
du moins, par l'étude de l'anatomie cérébrale. » P. 1(EllnvaL.
IV. LE phénomène du genou ET l'équilibration DE la jambe ;
par Sommer. (Jah1'bÜch. f. Psychiat., XI ! , 3.)
On place le sujet à examiner sur un banc bien plan; le genou
dépasse le bord de ce-banc. Le jarret repose sur un appui en collier
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 139
moelleux qui soutient ainsi la cuisse et l'immobilise; la jambe
de tout son poids, pend en dehors du collier. On la charge de
faire équilibre à un poids suspendu à une corde qui se réfléchit au
plafond sur une poulie et vient s'attacher au-dessus des malléoles
par un manchette de crin; la jambe ainsi suspendue en équilibre
n'a donc plus de poids. On la fléchit sur la cuisse à un angle de 45
de sorte que les contractions produites sur elle par le choc du
tendon rotulien se transmettront à la corde qui agira sur un
levier; celui-ci inscrira ces contractions sur un tambour en rota-
tion.
On a vu par cet appareil que, en frappant le tendon tricipital, on
obtient non un simple réflexe, mais une alternative de tensions
dans les muscles antagonistes, comme dans le clonus podalique.
La courbe d'enregistrement est dite courbe pendulaire physiolo-
gique. Par ce procédé on constate aussi d'une manière frappante
l'existence du réflexe croisé dans l'exagération de l'excitabilité ré-
flexe, ainsi que l'existence du réflexe tendineux dans certains
cas où par la méthode ordinaire, ce dernier parait manquer.
P. K.
V. Contribution A la connaissance : DE l'anatomie pathologique DE
la paralysie AGIT.1NTE ET DE SES rapports avec certaines MALA-
DIES nerveuses DE la vieillesse; par E. REDLICH. (Jahrbùch. f.
Psychiat., XII, 3.)
Il y a, dit M. Redlich, une lésion anatomique fixe qui est la cause
de la maladie de Parkinson. L'auteur en possède sept observations
dont deux dans ce mémoire. On constatait ce qui suit dans l'es-
pèce.
C'était dans la moelle, surtout dans les cordons postérieurs et
latéraux, une sclérose périvasculaire, moins prononcée dans les
autres parties de la substance blanche, affectant la forme d'ilôts
petits. La lésion, d'une netteté très grande dans les cordons posté-
rieurs, était constituée par de nombreux vaisseaux, à lumière très
rétrécie, à tunique interne légèrement proliférante, à tunique
moyenne fort épaissie. En dehors de cette dernière, tissu grenu
très épais qui avait donné naissance à la condensation scléreuse.
Par confluence, se forment de gros foyers avec altérations des fibres
nerveuses; dans les petits foyers scléreux, les fibres nerveuses
conservent leur aspect normal. Les parties internes et antérieures
des cordons postérieurs sont la plupart du temps le plus gra-
vement atteintes; dans les cordons latéraux, les altérations ont
leur maximum de netteté dans la zone qui correspond à peu près
aux faisceaux latéraux des pyramides. Suivant la hauteur de la
moelle, il y a des différences dans l'intensité de la lésion; on peut
presque en désigner deux centres : l'un qui occupe la moelle lom-
140 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
baire, l'autre, le renflement cervical. En somme il s'agit d'une
endo et périartérite avec propagation du processus inflammatoire
aux alentours des vaisseaux.
Il convient d'en rapprocher les altérations séniles de la moelle
(observation), car alors c'est à ces altérations qu'on peut rattacher-
l'oblitération du canal central, la pigmentation des cellules ner-
veuses, l'abondance des corps amyloïdes, que l'on trouve aussi dans la
paralysie agitante. Quant à l'épaississement des vaisseaux, il n'at-
teint jamais dans la moelle de vieillards autrement bien portants le
haut degré qu'il atteint dans la paralysie agitante; chez le vieillard,
on ne rencontre pas la couche grenue externe des vaisseaux, ni la
sclérose périvasculaire.
Ces lésions anatomiques expliquent la contracture de la paralysie
agitante. (Voy. Démange, Contracture tabétique.)
La plus forte atteinte de la moelle cervicale explique la rigidité
des extrémités supérieures et celle des muscles du cou. L'atteinte
du bulbe est en rapport avec les symptômes des nerfs crâniens,
le masque de la physionomie, le trouble spécial de la parole.
Quant au tremblement, symptôme le plus important et le plus
précoce, de la paralysie agitante, il n'a pas de substratum anatamo-
pathologique. P. K.
VI. DES lésions anatomiques DE la MOELLE dans LES cas DE TUMEURS
cérébrales; par C. MAYER. (Jahrbuch. f. Psychiat., Yll, 3.)
Deux observations de tumeurs cérébrales avec absences partielles
de réflexes, lésion récente des cordons postérieurs qui paraît
plutôt purement fortuite :
Observation I. Gliôme du volume d'un oeuf de poule implanté
dans la couche blanche sous-corticale correspondant au rameau
antérieur de la sylvienne, ayant absorbé l'écorce et repoussant à la
périphérie l'opercule et le pied de la troisième frontale gauche
comprimés. La parésie des extrémités droites tenait à l'atteinte
indirecte de la capsule interne. L'absence des réflexes patellaires
pourrait s'expliquer par la lésion de la zone d'entrée radiculaire de
la moelle lombaire et dorsale inférieure.
Observation II. Endothéliome; gros comme une petite pomme
originaire de l'extrémité antérieure de la grande faux du cerveau,
ayant usé l'os frontal, comprimé et déplacé les lobes frontaux.
Ramollissement jaune citron de ces deux lobes. Quelques altérations
dans la moelle lombaire supérieure et dans la partie de ce segment
qui confine à la moelle dorsale, mais elles sont trop minimes pour
qu'on y puisse rattacher l'abolition des réflexes patellaires; cette
abolition résulte plutôt de processus d'arrêt cérébral dus à la
tumeur. P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 141
VII. SUR la NOUVELLE méthode DE coloration DE l'ensemble DU système
NERVEUX DE ROSIN ET SES REMARQUES SUR LES CELLULES NERVEUSES;
par F. NissL. (Neurolog. Ceratralbl., XIII, 1894.) - Réplique aux
CRITIQUES DE NISSL; par H. ROSIN. (Ibid.)
Polémique engagée entre les deux histologistes, aussi délicate
que leurs études, ainsi qu'on peut s'en rendre compte en lisant
l'exposé des faits qu'ils ont avancés et des interprétations minu-
tieuses (chimie microscopique) qu'ils proposent. Ces mémoires ont
été analysés en leur temps. Rien de nouveau dans la polémique.
Aux micrographes à colorer et à juger. P. K.
VIII. Un TUBERCULE solitaire dans LE pédoncule cérébral DROIT ou
DANS LA CALOTTE, AVEC DÉGÉNÉRESCENCE DU RUBAN DE REIL ; par
J. E. GREIwE. (Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)
Tubercule siégeant dans la région de la calotte du pédoncule;
dégénérescence des tubercules quadrijumeaux antérieur et posté-
rieur droits, dégénérescence de la formation réticulaire, du pédon-
cule cérébelleux supérieur, du ruban de Reil latéral et médian,
légère dégénérescence' du ruban de Reil médian du côté gauche.
La dégénérescence décroit en descendant, si bien que, dans la
protubérance, il n'y a que la portion interne du ruban de Reil
médian à droite, et la formation réticulaire, qui soient encore
atteints. A l'extrémité la plus inférieure de la. protubérance, la
dégénérescence du ruban de Reil médian n'est que très minime,
mais on la voit encore nette en bas sur le côté droit dans le terri-
toire de la couche intermédiaire des olives. Au niveau du champ
moyen de celte couche, il y a une légère déchéance des fibres
transverses, et, à côté, une dégénérescence circonscrite dans le corps
restiforme, dans la zone où émergent les racines de l'acoustique.
Pas de dégénérescence dans les noyaux des cordons grêles et
cunéiformes. La moelle présente une altération douteuse au
niveau du cinquième postérieur des cordons postérieurs. Dégéné-
rescence très accentuée dans la couche optique et dans les deux
nerfs optiques sans lésion de la bandelette optique. Pas d'altération
dans les nerfs périphériques. P. K.
IX. Nouvelle communication relative A L'ÉTUDE DU trajet central
DE l'acoustique; par S. KIRILZEW. (Neurolog. Centralbl., XIII,
1894.)
Recherches expérimentales. L'auteur en déduit ce qui suit :
1. Ni le noyau interne de l'acoustique, ni le noyau de Deiters ne
sont les lieux de terminaison de la racine postérieure de l'auditif.
2. Les fibres de la racine postérieure en question se terminent
142 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
dans le noyau antérieur, dans le tubercule acoustique, dans les
deux olives supérieures, dans le tubercule quadrijumeau postérieur
du côté opposé. Une insignifiante fraction de fibres se termine
peut-être aussi dans le tubercule quadrijumeau postérieur du même
côté. Donc tous les organes suprà dénommés sont des centres pri-
maires des racines postérieures de l'auditif, c'est-à-dire du nerf
cochléaire. 3. Les fibres des racines postérieures qui se termi-
nent dans les olives supérieures, et dans le tubercule quadrijumeau
postérieur, vont par les olives, dans le corps trapézoïde, et par le
tubercule quadrijumeau, dans le corps trapézoïde et le ruban de
Reil inférieur. 4. Les stries médullaires ou acoustiques (barbes
du calamus) se composent de deux faisceaux : un gros faisceau
appartenant à la région cérébrale, un faisceau plus petit apparte-
tenant au plan inférieur (caudal). A. Le gros faisceau vient du
tubel cule acoustique, contourne le corps restiforme de dehors en
dedans et de haut en bas, et, par une trajectoire oblique et anté-
rieure (ventrale), va au raphé où. il s'entre-croise en arrière du corps
trapézoïde avec celui du côté opposé, puis se termine en partie
dans l'olive supérieure opposée; mais sa plus grande portion, en
s'ajoutant au ruban de Reil inférieur, va au tubercule quadrijumeau
postérieur dans lequel elle se termine probablement. Une fraction
insignifiante des fibres de ce trousseau va, en apparence du moins,
à l'olive supérieure du même côté, et aussi au tubercule quadriju-
meau inférieur du même côté. B. Le petit faisceau vient du noyau
antérieur. Il commence, comme le gros, à contourner le corps
restiforme, descend directement entre la partie externe et la partie
interne de ce dernier, dans une direction antérieure, se dirige sur
le côté médian de la racine ascendante du trijumeau et va, incli-
nant sur la ligne médiane, à l'olive supérieure du même côté et du
côté opposé, formant entre-croisement dans le raphé en arrière du
corps trapézoïde. Quelques-unes de ses fibres, plus inférieures,
passent dans le noyau du facial du même côté. Le trajet et les
connexions anatomiques des stries acoustiques (barbes du calamus)
imposent l'idée qu'elles constituent un faisceau d'association cen-
tral, affectant des rapports intimes avec les centres primaires de la
racine postérieure de l'acoustique. 5. Le ruban de Reil inférieur
contient les fibres qui vont à l'olive supérieure du même côté,
et qui unissent celle-ci avec le tubercule quadrijumeau postérieur.
Il n'y a pas de raison de douter de l'existence de fibres analogues
allant à l'olive supérieure du côté opposé. 6. Dans le corps trapé-
zoïde passent les fibres du ruban de Reil inférieur qui vont au
noyau antérieur et unissent ce noyau avec le tubercule quadriju-
meau inférieur du côté opposé. 7. La racine antérieure du nerf
acoustique (d'après nos recherches sous ce rapport d'ailleurs infruc-
tueuses) passe en bas en partie dans le noyau de Bechterew, en
partie dans la racine ascendante de l'acoustique de Roller. P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143
UN cas de défectuosité congénitale DU peaucier DU COU;
par E. REYIK. (Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)
Individu bien portant, présentant une espèce de paralysie par-
tielle du facial localisée dans les muscles mentonniers du côté
gauche semblable à celle que C. Fuerst a décrile à la suite de l'extir-
pation des tumeurs ganglionnaires sous et rétro-maxillaires. Chez
ce malade l'insuffisance du carré et du triangulaire du menton
marche avec celle du peaucier du cou du côté gauche : intégrité
de l'élévateur du menton. Le courant faradique ne fait contracter
ni le carré, ni le triangulaire du menton, ni le peaucier du cou du
côté gauche tandis qu'à droite, l'application du courant au point
moteur symétrique, produit la contraction normale du triangulaire
et du carré du menton, ainsi que de l'élévation du menton. Cette
simultanéité de la difformité et de l'anomalie fonctionnelle indique
une relation anatomique entre les muscles du menton et le peau-
cier du cou. Comme il n'y a point eu de traumatisme, par exemple,
par application de forceps, il y a lieu de penser à une anomalie de
formation congénitale. P. K.
XI. DES rapports réciproques DE L'ANESTHÉSIE ordinaire ET DE L'ANES-
THli3lE sensorielle (diminution DE fonction DES organes DES SENS)
A la lumière DES études CLINIQUES ET expérimentales; par W. DE
B8CHTEREW. (Neurolog. Centralbl., XIII, 189t.)
L'auteur montre l'insuffisance de la théorie du carrefour sensitif
pour expliquer l'anesthésie sensorielle qui accompagne l'hémia-
neslhésie du corps. L'amblyopie qui accompagne toujours l'hémia-
nesthésie organique ou fonctionnelle et siège du même côté que
cette hémianesthésie (Féré, Lannegrâce, Bechterew) résulte de la
diminution de la sensibilité générale du globe de l'oeil qui fait
partie intégrante de 1'tiéiiiiaiiestliésie (Laiinegrâce).il. Kuprewitsch a
réalisé dans le laboratoire de III. de Bechterew une expérience confir-
mative. Il a réussi à détruire dans le bulbe la racine ascendante (sen-
sitive) du trijumeau ; il a ainsi obtenu une hémianesthésie faciale
et céphalique de la sensibilité tactile et douloureuse ; avec elle est
survenue de l'amblyopie du côté anesthésique et de l'affaiblisse-
ment de la fonction des autres sens du même côlé. L'affaiblisse-
ment des sens spéciaux est donc bien la résultante de la suppres-
sion de leur sensibilité générale. Quel en est le mécanisme ? Est-ce
par un trouble de nutrition des éléments sensoriels ? On n'en constate
pas. Il vaut mieux l'attribuer à des troubles vaso-moteurs. L'auteur
a constaté un rétrécissement (spasmodique) des artères rétiniennes;
il doit donc y avoir ischémie de l'ensemble des appareils consti-
tuant l'organe visuel, olfactif, gustatif, auditif; cette ischémie
explique l'affaiblissement des fonctions de la vue, etc. P. K. '
144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XII. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MOUVEMENTS associés particuliers
DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE PARÉSIÉE DANS LA DLÉPHAROPTOSE UNILA-
TÉRALE congénitale ; par M. BERNHARDT. (Neurolog. Gent1'albl., XIII,
1894.)
Celte infirmité porte sur la paupière supérieure droite, le malade,
un jeune homme de dix-neuf ans ne peut ouvrir cet oeil ni seul, ni
en commun avec l'oeil gauche. Mais s'il ouvre largement la bouche
(abaissement du maxillaire inférieur) voici que la paupière supé-
rieure droite se lève et reste levée tant que la mâchoire reste bée. Il
obtient le même résultat en déplaçant le maxillaire inférieur à
gauche, en criant et chantant; la paupière s'élève plus ou moins
suivant le degré d'ouverture de l'orifice buccal. Pendant la masti-
cation, la paupière s'élève et s'abaisse en même temps que les
mouvements de mastication. Or, la contraction des masséters et
des temporaux n'influence point la paupière en question, tant que
la bouche reste fermée. Ajoutons que quand la bouche est large-
ment ouverte le malade peut non seulement ouvrir l'oeil droit com-
plètement, mais le fermer aussi complètement indépendamment
de l'oeil gauche.
Evidemment c'est le ventre antérieur du digastrique et le mylo-
hyoïdien qui exercent cette influence sur l'élévateur de la paupière
supérieure droite; dans le mouvement de rotation du maxillaire
inférieur à gauche, c'est l'action des ptérygoïdiens du même côté
que la blépharoptose qui se réfléchit sur la paupière supérieure. Il
y a restitution du mouvement volontaire par action réflexe, par
suite du voisinage des noyaux moteurs du trijumeau et de l'oculo-
moteur. C'est l'histoire des mouvements associés dans les membres
paralysés. Le bâillement ne s'accompagne-t-il pas en pareil cas de
mouvements dans le bras hémiplégique seul ou de concert avec le
membre du côté non paralysé. P. K.
XIII. DES FIBRES NERVEUSES A myéline DE L'ÉCORCE DU cerveau
de l'homme; par Th. KAES. (Neurolog. Cent1'ltlbl" XIll, 1894.)
Nouvelle numération des fibres sur 3 cerveaux d'hommes de
quarante-deux, quarante-cinq, cinquante-trois ans. Il semble qu'à à
l'âge de quarante ans, graduellement, il se fasse une pause dans le
développement; à ce moment les couches II et III atteignent la
largeur du ruban des fibres d'association externes y compris la raie
de Baillarger. P. K.
XIV. DU FAISCEAU OLIVAIRE DE LA PORTION CERVICALE DE LA MOELLE
ÉPINIERE; part. DE BECHTEREW. (Neurolog. CeH< ! 'a/6<., XIII, 1894.)
Le faisceau central de la calotte de l'auteur (1885), qui part des
olives inférieures et va au cerveau, est bien le faisceau triangulaire
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145
d'Helweg au moins dans ses traits essentiels. Il appartient aux sys-
tèmes de la moelle à développement tardif, car la plupart de ces
'fibres ne prennent leurs manchons de myéline qu'après le faisceau
pyramidal. Il appartient à la moelle cervicale et, pour une part
aussi, à la portion inférieure du bulbe. Au niveau de la partie
supérieure du renflement cervical, entre les racines antérieures, il
affecte la forme d'un petit ménisque qui disparait à l'extrémité
inférieure de la grosse olive. Le segment inférieur de ce faisceau se
trouve entre le cordon antérieur et le cordon latéral, au point
d'émergence des racines antérieures. Il monte en grossissant rapi-
dement, se dirige de plus en plus en avant, et va, au lieu de pas-
sage dans le bulbe, jusqu'à la région des voies pyramidales anté-
rieures. Sur une coupe transverse, il est bien triangulaire mais
rien que dans la portion moyenne de la moelle cervicale; plus bas
près de son origine, il a plutôt la forme d'un petit ménisque; il est
tout à fait triangulaire quand il passe dans le bulbe. Se dirigeant
donc de plus en plus en avant, au point de passage de la moelle
dans le bulbe, il touche finalement, dans la partie inférieure du
bulbe, les voies pyramidales, où il disparait au point où apparait
la grosse olive; il se rend dans le segment antéro-externe de celle-ci.
Ses fibres, fines, prennent leur origine dans la corne antérieure.
Les rapports avec les grosses olives ou olives inférieures indiquent
la légitimité de sa désignation : faisceau olivaire de la moelle cer-
vicale. Comme de l'autre côté de ces olives part, dans la direction
du cerveau, le faisceau central de la calotte, il est évident que
celui-ci et celui-là appartiennent à un seul système de fibres inter-
rompu, dans son trajet, par les olives inférieures. On sait aussi
que celles-ci donnent naissance à de nombreuses fibres qui vont
au corps restiforme du côté opposé, et de là au cervelet.
Son développement, relativement tardif chez le nouveau-né,
permet de le voir très nettement dans le faisceau antéro-externe
de Gowers et Bechterew. Ce dernier, placé par Gowers à la partie
supérieure de la région cervicale, au niveau de la troisième paire,
se dirigerait, sous la forme d'un trousseau mince, entre les voies
pyramidales et cérébelleuses. On pourrait le suivre, dans les plans
inférieurs à la périphérie de la moelle, jusque près des voies
pyramidales antérieures, ce qui, d'après nous, n'est pas tout à fait
exact, car nous n'avons jamais pu le suivre chez les embryons au
delà de la région des racines antérieures. P. K.
XV. Méthode SIMPLE DE constater l'hémianopsie ; par D. AXENFELD.
(Neurolog. Centralbl., XIII, 1894.)
Quand un individu, invité à partager en deux parties égales une
ligne horizontale, en ne la regardant que d'un oeil, commet avec
cet oeil toujours la même erreur, c'est-à-dire quand il en apprécie
Archives, t. XXX. 10
146 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
invariablement la même moitié trop petite, et quand, à la vision
binoculaire, il commet la même erreur, mais dans des proportions
encore plus grandes, on est en présence d'une hémianopsie homo-
nyme latérale qui siège du même côté que la moitié trop petite
à la ligne horizontale partagée en deux. Ceci permet de se passer
de périmètre et de découvrir la simulation. P. K.
XVI. DES différents modes DE station chez l'homme sain ; par
M. Paul Richer. (Nouv. iconog. de la Salpétrière, 1894, u° 2.)
Elude à la fois anatomique, physiologique et artistique. D'abord
une définition générale des stations du corps. Ce sont les manières
les plus simples de se tenir au repos sans que le corps soit complè-
tement abandonné à l'action de la pesanteur. Toute station donc
est un acte de résistance aux lois de la pesanteur.
Les modes de station qu'il importe surtout d'analyser avec soin
sont : le mode de station verticale droite ou symétrique, celui de
cette même station sur la pointe des pieds, celui de la station
verticale hanchée ou asymétrique. Les autres stations ne sont que
des modifications ou des combinaisons de celles-ci; ainsi la station
sur un pied, la station à genoux, la station assise.
Dans toutes ces stations, les différents segments du corps, plus
ou moins mobiles naturellement les uns sur les autres, doivent
cependant être maintenus dans un état d'extension réciproque.
On a fait plusieurs théories, quant à la cause qui maintient
ainsi cette extension réciproque des différents segments du
corps. La théorie purement musculaire est la plus ancienne,
puis la théorie mécanique qui fait uniquement intervenir l'exten-
sion des ligaments articulaires, enfin la théorie de Giraud-Teulon
basée sur la tonicité musculaire. Pour M. Paul Richer, la contrac-
tion musculaire, la distension des ligaments et la tonicité mus-
culaire, ces trois éléments interviennent tous, concurremment ou
isolément, selon les articulations considérées. Sa théorie est
éclectique et il en prouve le bien fondé.
Voici un aperçu de l'élude de la station verticale symétrique, il
suffit pour donner une idée du très intéressant travail de M. Paul
Richer. Dans ce mode de station, le corps est droit, vertical, les
pieds se touchent par les talons et font ensuite l'un avec l'autre un
angle de 35°. Le poids de la tête et du tronc est transmis aux
membres inférieurs par l'intermédiaire de la ceinture, du sacrum
et des os iliaques. La ligne de gravité, c'esl-à-dire la ligne qui
passe par le centre de gravité du corps, arrive en bas, en avant de
l'articulation libio-tarsienne, dans un plan transversal situé en
avant de l'apophyse du cinquième métatarsien. Prolongée par en
haut, cette ligne passe en avant du moignon de l'épaule et traverse
le pavillon de l'oreille vers son milieu. Il serait trop long de relater
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 147
ici le procédé inïénieux employé par l'auteur pour déterminer le
lieu précis du centre de gravité chez l'homme en station verticale.
La tête en' station sur la colonne vertébrale, la ligne de gravité
passe un peu en avant de l'articulation occipito-atloïdienne. La
tête tomberait donc en avant si elle n'était pas maintenue par les
muscles de la nuque en contraction légère. C'est un levier du pre-
mier genre. La théorie musculaire trouve là une confirmation
complète, c'est la contraction musculaire qui maintientl'extension
de la tête, mais elle est très peu forte, les muscles ne font pas
de saillie.
L'équilibre des diverses pièces du rachis s'établit aussi par un
levier du premier genre, le point d'appui est au centre du corps de
la vertèbre, la résistance est un peu eu avant de lui, à la ligne de
gravité, et la puissance est représentée par les muscles du dos et
du cou. Aux lombes, la ligne de gravité passe en arrière des ver-
tèbres, la puissance alors est aux muscles de l'abdomen, les muscles
lombaires n'agissent pas.
Dans la station du tronc sur les cuisses, l'équilibre est instable
par suite de la conformation de l'articulation de la hanche, tout
le corps appuyant sur la tête du fémur libre dans la cavité cotyloïde.
Or, les fesses sont en relâchement, l'observation le démontre; les
muscles fessiers n'interviennent donc pas, contrairement à ce qu'on
pourrait croire de prime abord, pour maintenir la station du
tronc sur les cuisses. La ligne de gravité passe en arrière de l'axe
transversal qui joindrait le centre des deux articulations de la
hanche, la puissance doit par conséquent se trouver en avant de
cet axe, et elle est réalisée par la distension du ligament de Bertin
situé à la partie antérieure de l'articulation, et en même temps par
quelques muscles de cette région. Les fessiers n'agissent, en réalité,
que pour rectifier l'équilibre quand le tronc penche en avant.
Quant à la station des cuisses sur le tibia, la ligne de gravité
passant en avant de l'articulation du genou, cette articulation est
maintenue en extension par la pesanteur et par la distension des
ligaments articulaires, principalement par la distension du ligament
croisé. Il faut aussi faire intervenir la distension des muscles
jumeaux.
Dans la station des jambes sur les pieds, la ligne de gravité
passant en avant de l'articulation, laquelle ne possède pas de liga-
ments capables de limiter les mouvements en avant ou en arrière,
la puissance qui empêche le corps de tomber en avant est le
muscle gastro-cnémien. Il est distendu et non contracté, sinon la
pointe du pied s'abaisserait.
Dans la station enfin des pieds sur le sol, le pied repose sur le
talon, par son bord externe et par sa partie antérieure.
Ces considérations exposées vient la description des formes exté-
rieures dans la station verticale symétrique. Les deux moitiés du
148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
corps sont symétriques. L'axe des épaules est dans un plan hori-
zontal qui passe par la deuxième pièce du sternum. Les différents
segments du corps forment une ligne brisée dont les angles sont
très ouverts. L'axe des hanches est toujours en avant de l'axe des
épaules. La distance qui sépare les deux verticales passant par les
axes des épaules et des hanches égale 7 à 8 centimètres. Cette
mesure est très importante, elle varie avec la courbure des reins,
etc., etc. Quant aux caractères morphologiques, le ventre est légère-
ment tendu, les muscles spinaux, aux reins, forment un relief mou
et arrondi. Les fesses sont aplaties, de forme quadrilatère, à
angles arrondis. Le pli fessier est profond. Les cuisses sont bridées
latéralement par l'aponévrose. En bas et en avant on voit le relief
caractéristique du relâchement du triceps. La rotule est descendue
et saillante. Le jarret est tendu, les muscles du mollet sont nette-
ment marqués. La ligne de gravité tombe dans l'espace recouvert
par les deux pieds et le triangle qui les sépare, ce qui permet au
corps de s'incliner en tous sens d'une certaine quantité. Avec des
souliers rigides, très longs, il est remarquable combien le corps
peut, sans tomber, s'incliner en avant. Attitudes que le corps prend
quand il supporte des fardeaux, etc.
Ces quelques lignes suffiront, je l'espère, pour faire saisir l'im-
portance du travail de M. Paul Richer. Au point de vue purement
artistique, ce travail constitue une sorte d'anatomie raisonnée des
formes extérieures du corps humain, avec les modifications que,
physiologiquement, les changements d'attitudes entraînent dans
cette morphologie. Au point de vue médical, son importance est
plus grande encore, il est le préliminaire nécessaire de toutes les
recherches sur les affections générales du squelette, des articulations
et des muscles ; et de fait, il constitue, dans la Nouvelle iconographie
de la Salpêtrière, le premier chapitre d'une série d'articles sur les
myopathies et sur les athropathies nerveuses. CAMUSET.
XVII. DE la station ET delà marche chez LES 3rYOPATHIQUES;
par M. Paul RICaEa. (Nouvelle iconogr. de la Salpêtrière, 1894, n° 3.)
Considérations cliniques et physiologiques sur la station et la
marche chez les myopathiques, à propos d'une femme myopathique
de la Salpêtrière dont les muscles, tout en ayant à peu près con-
servé leurs reliefs ordinaires, sont excessivement faibles. Malgré
cette impuissance fonctionnelle presque absolue, la malade se tient
debout en équilibre stable et elle peut marcher.
La raison en est que la station debout exige que les différents
axes du corps soient maintenus en extension les uns sur les autres
et fixés ainsi, et que pour réaliser cette disposition, le système
musculaire n'a pas, comme on le croyait autrefois, un rôle pré-
pondérant. Rappelant les propositions établies par lui dans un
REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149
précédent travail analysé dans ce journal : Des différents modes de
station chez l'homme sain, M. Paul Richer fait voir successivement :
qu'une légère contraction des muscles de la nuque suffit pour
maintenir la tête droite sur le cou. Chez la malade, la tête est
précisément un peu inclinée en avant par suite de la faiblesse de
ces muscles. Que l'équilibre du bassin sur les cuisses est main-
tenu, non par les contractions des fessiers, mais par la pesanteur et
l'extension des ligaments antérieurs de l'articulation de la hanche.
Que les genoux sont maintenus en extension par le fait des liga-
ments croisés. Que l'articulation de la jambe avec le pied enfin est
fixée par le muscle gastro-cnémien qui, dans ce cas, agit comme un
ligament; il est tendu et non contracté. Les muscles du mollet
deviennent, du reste, parfois trop courts, il en résulte le pied équin
qui n'est pas rare chez les myopathiques.
Quelles que soient les déformations du tronc dépendant d'une
atrophie oud'une rétraction musculaires, l'attitude des arthropa-
thiques a toujours les mêmes caractères que l'attitude physiolo-
gique. Tout dépend des lois mécaniques connues maintenant, et
en particulier du passage de la ligne de gravité en arrière de l'ar-
ticulation de la hanche et en avant de celle du genou. L'obliquité
physiologique des axes les uns sur les autres augmente même chez
les atrophiés dans le but d'assurer une stabilité plus grande; la
base de sustentation se trouve ainsi augmentée dans le sens antéro-
postérieur.
On a établi deux types selon que la ligne de gravité passe très
en arrière du centre articulaire de la hanche, ou au contraire qu'elle
passe en avant de lui. Dans ce dernier cas, le plan des épaules est
antérieur à celui des hanches, et le tronc est incliné en avant.
Dans le premier la disposition est inverse, et le tronc est plus ou
moins fortement incliné en arrière. C'est à ce type d'inclinaison en
arrière que se rattache d'une manière générale la station des
myopathiques et des atrophiques.
L'étude de la marche des myopathiques est précédée d'une étude
physiologique de la marche, laquelle n'est pas la reproduction
simple des doctrines classiques sur le sujet, elle est au contraire
remplie d'aperçus personnels à l'auteur qu'on ne peut que signaler
seulement ici. A relever cependant que le grand fessier a un rôle
très restreint dans la marche. Les moyens fessiers entrent au con-
traire en contraction à chaque pas du côté de la jambe portante,
et cette contraction dure tout le temps de l'appui unilatéral. Elle
s'oppose ainsi à la chute latérale du bassin entraîné par le poids
du membre oscillant, et cependant le bassin incline un petit peu
de ce côté.
Les myopathiques marchent en canard, terme vulgaire mais très
juste. Cela tient à une inclinaison exagérée latérale du bassin du
côté de la jambe oscillante, et ensuite à une inclinaison du tronc
1ôO REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
rejeté en son entier du côté opposé, c'est-à-dire du côté de la
jambe portante. La cause en est dans la faiblesse du moyen fessier.
L'action du torse, elle, est une action de compensation pour main-
tenir la ligne de gravité dans le pied portant. Ces explications
physiologiques sont très justes, la preuve en est par exemple dans
le fait d'un autre malade du service. Ce sujet n'a qu'un seul moyen
fessier atrophié, celui du côté droit. La chute latérale du bassin
ne'se produit que dans l'appui latéral de la jambe droite, c'est-à-
dire qu'il se produit à gauche. Par suite, le tronc s'incline à
droite.
En terminant son travail, l'auteur rappelle ce que disait Charcot
de l'importance des études morphologiques humaines si utile aux
nosographes et aux cliniciens. A noter enfin que ce qu'il peuty avoir
d'un peu abstrait dans l'étude de M. Paul Richer est rendu clair et
facile par les nombreuses figures et photographies intercalées dans
le texte. CAMUSE.
XVIII. Rapport DE L'ORIGINE DES NERFS rachidiens avec LES apophyses
épineuses; par M. A. CHIPAULT. (Nouvelle iconographie de la Sal-
pêtrière, 1894, n° 4.)
Pour trouver les rapports cherchés rapports donton comprend l'uti-
lité au point de vue de la médecine opératoire, l'auteur aemployé un
procédé inédit. Ce procédé est basé sur l'emploi de dessins juxtapo-
sés et représentant très exactement les régions diverses du rachis,
du rachis ouvert, du rachis et de la dure-mère ouverts. La moelle
a sa limite inférieure aux environs de la première apophyse épi-
neuse lombaire, elle descend un peu plus bas chez la femme adulte,
ce qui tient à la plus grande courbure lombaire chez elle. Chez
l'enfant, elle descend au même niveau que chez l'homme adulte,
sans différence sexuelle. Chez le nouveau-né, elle va jusqu'à la partie
inférieure de la deuxième apophyse épineuse lombaire. Les trous
de conjugaison ne s'élèvent que fort peu au-dessus des apophyses
épineuses de leurs vertèbres correspondantes. Les paires ner-
veuses ne sortent pas de suite du rachis, elles suivent un trajet
intra-rachidien oblique de haut en bas et en dehors, avant d'arri-
ver à leurs trous de sortie. La question intéressante, pour le chi-
rurgien, est de savoir à quelle apophyse épineuse correspond, pour
une racine donnée, le point de départ médullaire de ce trajet. Ce
qui simplifie la recherche, c'est que les quatre racines homologues
naissent au même niveau. La longueur de ce trajet présente de
nombreuses variations individuelles, mais l'auteur a quand même
trouvé une formule dont l'application donne des résultats suffisam-
ment exacts pour la pratique.
A la région cervicale, il faut ajouter 1 au numéro d'une apophyse
déterminée par le palper, pour avoir le numéro de la racine qui
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 181
nalt à ce niveau. A la région dorsale supérieure, il faut ajouter 2.
A partir de la sixième apophyse épineuse jusqu'à la onzième, ajou-
ter 3. La partie inférieure de la onzième apophyse dorsale et l'es-
pace interépineux sous-jacent répondent aux trois dernières paires
lombaires. La douzième dorsale et l'espace sous-jacent, aux paires
sacrées.
Il faut modifier légèrement ces formules pour les enfants, chez
eux les paires des nerfs vertébraux naissent un peu plus haut que
chez les adultes, ce qui tient au développement de la moelle dor-
sale qui, vers six ou sept ans, s'allonge proportionnellement plus
que le rachis dans lequel elle est contenue. C.
XIX. LE NERF labyrinthique; par M. Pierre Bonnier.
(Nouvelle iconog. de la Salpêtrière, 1894, n° 6.)
M. Bonnier expose d'une façon très précise, en s'étayant sur
l'anatomie, l'embryogénie et l'anatomie pathologique, les origines
et les connexions du nerf auditif. Il établit, et c'est un des points
les plus importants de son étude, l'homologation du nerf labyrin-
thique et des faisceaux nerveux divers qui le composent. C'est ainsi
qu'il fait voir que le nerf labyrinthique est l'homologue d'une racine
spinale postérieure, et qu'il démontre que le nerf vestibulaire est
avant tout cérébelleux, alors que le nerf cochléaire est plutôt céré-
bral. Les fibres d'origine de ce dernier arrivent aux régions
corticales, temporales et pariétales. L'étude du cerveau d'un sourd-
muet permet même de localiser à la pariétale ascendante le lieu
exact d'origine. Comme c'est là également qu'aboutissent les fibres
originaires du faisceau de Goll, il est facile de déduire le rôle de
ces conducteurs vestibulaires et médullaires vis-à-vis de la motricité
volontaire appliquée à l'équilibration.
La seconde partie de ce travail est consacrée à l'interprétation,
par les données anatomiques susindiquées, de la physiologie du
nerf auditif. Tout d'abord l'auteur énumère toutes les fonctions
qu'il attribue aux papilles de l'oreille interne. L'audition est la plus
consciente des fonctions auriculaires, mais c'est la plus récemment
acquise, l'immense majorité des êtres pourvus d'oreilles ou d'appa-
riels analogues n'entend pas. En réalité ces appareils ont une
double fonction : 1° ils servent à renseigner l'animal sur les atti-
tudes et variations d'attitude des segments qui portent l'appareil
de signification auriculaire, c'est l'orientation subjective directe;
2° ils le renseignent sur la pression et les variations de pression du
milieu qui le baigne. L'audition n'est que la perception de varia-
tions très légères et très rapides de la pression ambiante, dues à la
propagation d'ondes alternativement dilatantes et condensantes.
Voici selon l'auteur les diverses formes des deux grandes fonc-
tions :
152 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
1° Les crêtes âmpullaires nous fournissent les notions d'attitude
et de variations d'attitude du segment céphalique, avec le sens, la
durée et la vitesse de ces variations. C'est l'orientation subjective
directe. 2° La macule utriculaire renseigne sur la tension et les
variations de tension des liquides labyrinthiques et endocrâniens.
- 3° Elle indique aussi les variations de tension dues aux variations
lentes du milieu ambiant. 4° La macule sacculaire nous permet
d'apprécier l'incidence des ébranlements communiqués. - 5° Le
tympan sphérique, qui la recouvre, la rend accessible aux varia-
tions rapides de pression extérieure. 6° La papille cochléaire per-
çoit les mêmes ébranlements et les classe selon l'acuité (fonctions
auditives). 7° Toutes les papilles recouvertes de formations
inertes sont sensibles aux trépidations communiquées à celles-ci
par la paroi osseuse sous-jacente. 8° Enfin, à l'orientation objec-
tive correspond l'orientation subjective directe qui nous permet de
définir notre position dans un espace objectivement connu.
M. Ponnier termine en recherchant pour chacune de ces fonctions,
les centres et les conducteurs utilisés. Notons seulement une de
ces études, celles du signe de Romberg, parce qu'elle nous intéresse
particulièrement.
L'équilibration consciente ou non est étayée sur trois sources
d'informations périphériques : la vue, laquelle est supprimée dans
la recherche du signe de Romberg; il reste l'orientation subjective
directe et le sens des attitudes segmentaires (sens musculaire).
L'orientation exige l'intégrité des conducteurs et noyaux des nerfs
ampullaires, le sens des attitudes dépend de celle des cordons pos-
térieurs de la moelle et des noyaux correspondants. Suivant que
l'un ou l'autre ou l'un et l'autre de ces appareils est lésé, le signe
' de Romberg prend des caractères différents. Dans le tabes, les cor-
dons postérieurs, seuls atteints, le sujet sent parfaitement les oscil-
lations et cherche à rectifier l'attitude, mais il ne peut y arriver et
ne fait que des gestes incohérents, non parce qu'il y a trouble de la
motricité, mais parce qu'il ne sait où prendre les mouvements con-
venables, les images d'attitudes segmentaires étant viciées ou
absentes. Quand, dans le tabes, le nerf labyrinthique est aussi
envahi par la sclérose, le sujet tombe sans même s'en douter, il n'a
pas besoin de rectifier une attitude qu'il n'a pas même senti se
fausser. C'est le signe de Romberg complet. C. ,
XX. Un cas DE BIDACTYLIE DE la main DROITE par amputation congé-
NITALE ; par M. LECLERC., (Nouvelle iconog. de la Salpêtrière, 1894,
. n° 4.)
Le sujet est une femme appartenant à une famille nombreuse
dont aucun des membres n'a présenté d'arrêt de développement.
La main droite est bidactyle, il ne reste que le pouce et l'auri-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 153
culaire, tous deux atrophiés. Pas la moindre cicatrice sur les moi-
gnons dont la peau est très lisse. Le membre supérieur droit est
légèrement atrophié Y a-t-il eu arrêt de développement ou am-
putation intra-utérine ? Il est difficile d'être affirmatif à cet égard;
mais l'auteur, tenant compte de la belle constitution du sujet, de
l'absence de tout arrêt de développement et de tout signe de dégé-
nérescence dans la famille, croit, malgré l'absence de cicatrice, qu'il
s'agit d'un cas d'amputation intra-utérine; la cicatrice aurait dis-
paru avec le temps ( ? ). - C.
XXI. Deux cas d'hermaphrodisme antique; par M. DIRIGE.
- (Nouv. iconog. de la Salpêtrière, 1895, no 1.)
On a pensé que l'hermaphrodisme antique était purement con-
ventionnel. t L'art, a-t-on dit, peut être considéré comme le créa-
teur du type hermaphrodique. » La proposition est trop absolue ;
le type idéalisé par les Grecs n'est pas en contradiction avec toutes
les données de la nature.
Les hermaphrodites anciens, au point de vue esthétique, sont
beaux. Or, que présente la nature ? D'abord on n'a pas d'exemple
authentique d'un hermaprodile véritable, c'est-à-dire d'un être
qui serait à la fois, anatomiquement ou physiologiquement, homme
et femme. En revanche, on rencontre des individus qui ont leurs
organes sexuels atrophiés, déformés au point qu'il est parfois dif-
ficile de reconnaître leur véritable sexe. De tels sujets, ordinaire-
ment porteurs d'autres tares physiques, n'ont guère dû tenter le
pinceau ou le ciseau des artistes. Mais il n'est pas rare de voir
d'autres personnages qui ont avec des organes sexuels simplement
arrêtés dans leur développement et non déformés, les attributs
sexuels secondaires du sexe opposé. Ce sont ceux-là qui, idéalisés
par les artistes grecs, sont devenues les Eros, les Ganymèdes, les
Bacchus.
Ces hermaphrodites antiques existent donc encore de nos jours,
ce sont ces sujets que nous diagnostiquons atteints d'infantilisme
ou de féminisme.
Et l'auteur donne deux observations détaillées, l'une d'infanti-
lisme, l'autre de féminisme, mais aucune description ne peut rem-
placer les photographies des sujets jointes à son texte.
Il existe des collections nombreuses d'hermaphrodites antiques,
quelques-uns sont célèbres dans le monde artistique. On peut les
diviser en deux groupes. Le premier comprend des personnages
conventionnels qui renferment réunis les caractères de. la beauté
pris dans l'un et l'autre sexe, c'est l'art idéal, aucun exemple n'est
l'expression d'une vérité morphologique. Ainsi une statue figure un
corps de femme très bien modelé avec les organes génitaux mâles
très développés. - Le second groupe est naturel, c'est la copie de
154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
la nature idéalisée. Ce sont les hermaphrodites dont Platon admi-
rait la beauté hybride. Les lignes du corps tiennent à la fois de
celles de l'homme, de la femme et de l'enfant. Les deux sexes sont
représentés par leurs attributs, mais peu accentués. Les seins sont
petits mais bien' faits, les organes mâles sont ceux d'un enfant de
six ans, la figure est celle d'un éphèbe. CAMUSET.
XXII. L'anatomie FINE DE la région INFUNDIBULAIRE DU cerveau
comprenant la glande pituitaire; par Henry BERKLEY. (BI't2t22,
part. IV, 1894.)
L'auteur a fait ses recherches chez douze chiens de races
diverses et chez six souris. Il a étudié successivement la glande
pituitaire, la région infundibul'aire, la névroglie des parois ventri-
culaires, les éléments nerveux du tuber cinereum et enfin des
corps mamillaires. Neuf planches hors texte renfermant trente
figures représentant des préparations faites avec la méthode de
Golgi, avec cette méthode modifiée par l'auteur avec l'acide picri-
que, et avec la méthode de Nissl. Il nous est impossible de donner
l'analyse de ce travail important qui est essentiellement descriptif
et ne comporte point de conclusion. P. S.
XXIII. ORSERVAT10NS'SUR LES relations centrales DU GLOSSO·PHARYN-
GIEN, DE L'ACCESSOIRE ET DE L'HYPOGLOSSE A PROPOS D'UN CAS DE
paralysie BULBKIRE; par W. Adrien TUANEA et W. BULLOCH. (Brain,
part. IV, 1894.) ,
Il s'agit d'une femme de soixante-six ans présentant de la para-
lysie des lèvres, de la langue et du voile du palais; un défaut d'ar-
ticulation et de déglutition; puis elle présenta de la paralysie des
cordes vocales et une atrophie des interosseux des mains; pas
d'affection des muscles de l'oeil, ni de ceux de la mastication.
Durée d'environ deux ans et demi. A l'autopsie, dégénération des
cellules ganglionnaires du noyau de l'hypoglosse, du noyau ambi-
guis (noyau moteur du nerf vague et du -losso-pharyn-ien), du
noyau facial, et des cornes antérieures de la moelle dans les régions
cervicale et dorsale. Légère sclérose des cordons pyramidaux croi-
sés. Les conclusions de ce travail sont que le noyau principal de
l'hypoglosse est la seule source des racines du nerf hypoglosse. Les
fibres propres du noyau proviennent pour une grande part des
pyramides. Les autres fibres afférentes viennent de la formation
réticulaire. Le nucléus ambiguus est le noyau d'origine des fibres
motrices du glosso-pharyngien et du spinal, et la source d'inner-
vatiou du muscle releveur du voile du palais, des muscles thyro-
aryténoïdiens et probablement aussi des muscles du pharynx. Le
noyau postérieur du glosso-pharyngien est le noyau terminal des
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155
processus cylindraxiles des cellules ganglionnaires au-dessus du
tronc des nerfs glosso-pharyngien et pneumogastrique.
Le tronc du facial reçoit un large apport de fibres du faisceau
longitudinal postérieur du côté opposé, qui vient probablement du
noyau du moteur oculaire commun. Le groupe de cellules postéro-
latéral de la corne antérieure de la moelle est le moins affecté et le
dernier dans la polyomyélite progressive chronique, et, comme
l'a montré hünrazzini; est probablement en rapport avec les
mécanismes réflexes de la moelle. P. S.
XXIV. CONNEXIONS centrales DE certains NERFS crâniens ;
par Aldren TURNER.
L'auteur signale quelques points spéciaux des connexions fibril-
laires d'origine de la cinquième paire et des nerfs hypoglosse, vague
et glosso-pharyngien. -
Il tire ses arguments de plusieurs observations de paralysie bul-
baire et delà section expérimentale du glosso-pharyngien. (British
Médical Journal, 22 septembre 1894.) A. Marie.
XXV. Dégénérations CONSÉCUTIVES A la LÉSION expérimentale
du CERVELET; par RSlel1 RUSSEL et AIL CAMPELL.
Ces auteurs par des expériences sur les animaux d'une part, cor-
roborées par cinq observations cliniques suivies d'examen histo-
logiques complets concluent à la dégénération du tractus cérébel-
leux direct, consécutivement à l'altération de l'hémisphère céré-
belleux correspondant du même côté. La dégénération secondaire
s'étend d'une part jusqu'aux colonnes postéro-exlernes de la moelle
jusqu'à la région dorsale. Le corps dentelé détruit dans le cervelet
amène une atrophie contra-latérale. Ces faits sembleraient venir
à l'encontre de ceux de Flechsig, Mott, Tooth et autres d'après les-
quels les faisceaux cérébelleux directs étaient considérés comme
centripètes. (British Médical Journal, 22 septembre 1894.)
1 A. Marie.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XXIII. Remarques sur deux cent cinquante cas d'épilepsie ; par
R.-K. MACALESTER. (New-York Médical Journal, 27 janvier et
24 février 1894.) .
L'auteur étudie les données fournies par ces 250 cas au double
point de vue de l'étiologie et de la symptomatologie.
A. Étiologie. 1° Hérédité. On a recherché les antécédents
névropathiques dans 169 de ces cas, et on les a rencontrés dans 52.
Les causes prédisposantes ou provocatrices sont ensuite indiquées
par ordre de fréquence 2° Excès. On les a constatés 44 fois :
l'alcoolisme des parents (avec ou sans excès de tabac) est noté
10 fois, celui des malades eux-mêmes 14 fois; l'abus du tabac seul
2 fois; les excès vénériens 9 fois; le surmenage physique ou mental,
9 fois. 3° Convulsions infantiles : notées 29 fois. 4° Trauma-
tisme suivi d'épilepsie vraie et persistante a été noté 24 fois; dans
23 cas la lésion portait sur la tête ou le corps, et dans un seul
cas sur les nerfs périphériques. 5° Phtisie : notée 17 fois chez
les ascendants, 3 fois chez les malades eux-mêmes. - 6° Affections
fébriles aiguës : notées 17 fois. 7° Hémiplégie infantile : notée
16 fois. 8° Frayeur et émotions : 11 fois. 9° Longueur de l'ac-
couchement, dystocie : 10 fois. - 10° Affections ycestro-intestinales :
4 fois. 11° Action des hautes températures (naturelles ou artifi-
cielles) : 4 fois. 12° Cho ? ,ée : 3 fois. -13° Syphilis : congénitale,
1 fois; acquise, 2 fois. 94 Grossesse : 2 fois, et avortement : .'
1 fois. 15° Ménopause : 3 fois. 16° Rachitisme : ' 2 fois.
17° Vaccination toxique ; 1 fois. 18° Mauvaise nourriture : 1 fois.
Enfin, on a noté comme précédant ou accompagnant assez sou-
vent le début de la maladie, la menstruation, le mariage, la mas-
turbation et la dépression mentale.
Sur les 250 malades observés, on trouve 138 hommes et
112 femmes.- En ce qui touche l'âge auquel l'épilepsie est apparue,
les chiffres de l'auteur sont les suivants, sur 197 cas : de zéro à cinq
ans, 51 cas; de cinq à dix ans, 26 cas; de dix à vingt ans, 65 cas;
de vingt à quarante ans, 48 cas; au-dessus de quarante ans, 7 cas.
B. Symptomatologie. 1° Aura, observée seulement 42 fois.
2° Nature de l'attaque, constatée 212 fois, qui se répartissent
ainsi : haut mal, 87 fois; forme mixte, 69 fois; petit mal, 34 fois;
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 157
haut mal avec épilepsie jacksonienne, 14 fois; épilepsie rotatoire,
2 fois, et épilepsie psychique, 6 fois. 3° Fréquence des attaques,
notée 167 fois : une ou deux attaques par mois dans 44 cas; attaques
irrégulières ou groupes irréguliers d'attaques dans 41 cas; une ou
plusieurs attaques quotidiennes dans 29 cas; une ou deux attaques
par semaine dans 28 cas; une ou deux attaques par an dans 25 cas.
4a Heures des attaques, notées dans 126 cas : dans 59 cas, les
attaques se montraient indifféremment le jour et la nuit; dans
47 cas, le jour exclusivement, et dans 20 cas exclusivement la nuit.
5° Etat mental : on a constaté dans 36 cas des troubles mentaux
caractérisés par de l'affaiblissement des facultés intellectuelles ou
de la mélancolie; dans 10 cas, de l'irritabilité et une humeur que-
relleuse ; dans 5 cas, l'idiotie. 6° Stigmates, constatés 29 fois, et
pouvant se ramener aux quelques vices de conformation suivants :
arrêt de développement de la tête et du corps, oreilles irrégulières,
de dimensions anormales ou non lobulées, saillie du front en
avant, inégalité pupillaire, élévation et voussure anormales de la
voûte palatine, dents inégales, mal développées, chevauchant les
unes sur les autres, tête difforme ou bizarrement conformée, asy-
métrie du visage ou du crâne, occlusion prématurée ou ouverture
persistante des fontanelles, etc. 7° Hémiplégie. L'hémiplégie
infantile a été indiquée au paragraphe de l'étiologie, l'hémiplégie
transitoire qui survient après l'attaque d'épilepsie, ou en d'autres
termes l'hémiplégie dite post-épileptique a été rencontrée six fois.
8° Epilepsie psychique. Dans ce paragraphe, l'auteur donne
"l'observation résumée de quatre cas intéressants, deux cas d'épi-
lepsie avec automatisme, un cas d'épilepsie rotatoire, et un cas
d'épilepsie psychique (petit mal) ; ces quatre cas montrent com-
bien divers et multiples peuvent être les équivalents psychiques de.
l'épilepsie; l'auteur insiste sur l'utilité médico-légale du diagnostic
de l'épilepsie psychique. - Il termine par quelques considérations
sur le traitement, et constate que c'est encore la vieille médication
bromurée qui tient et garde le premier rang; il y a lieu de croire.
toutefois, d'après les résultats déjà obtenus, que, judicieusement
employée dans certains cas déterminés, la médication opiacée pré-
conisée par Flechsig donnera de réels avantages et constituera une
précieuse addition à l'arsenal de la thérapeutique anti-épileptique.
R. DE Musgrave CLAY.
XXIV. Un cas d'agoraphobie; par NEVILLE TAYLOR. (The New-York
' Médical Journal, 30 mars 1895.)
Il s'agit d'un cas d'agoraphophie vulgaire, et le seul point remar-
quable de l'observation est l'absence de toute hérédité névropa-
thique, et de toute autre étiologie vraisemblable, à moins qu'on ne
veuille incriminer l'abus que fait le malade de la cigarette.
R. M.-C.
158 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. -
XXV. Sur la mélancolie : analyse DE 730 cas; parW.-F.FARQUIIARSON.
(The Journal of Mental Science, avril 1894.)
Les conclusions de cet important travail sont les suivantes :
1° parmi les cas de folie observés dans les asiles, la mélancolie est
à peu près moitié moins fréquente que la manie; 2° les fluctua-
tions qui surviennent dans l'état des affaires, les grèves, etc., l'ap-
pdrition de maladies épidémiques comme l'influenza, ou l'existence
de tout autre facteur capable de modifier d'une façon générale la
santé publique, exercent une influence appréciable sur la fréquence
de la mélancolie dans une région donnée ; 3° dans les comtés où
Tailleur a fait ses observations (comtés de Cumberland et deWest-
morland), la mélancolie a paru plus fréquente chez les femmes
que chez les hommes; 4° dans les cas de mélancolie traités à l'asile
de Garlands, la proportion des guérisons a été plus élevée chez les
hommes que chez les femmes, et la proportion totale des guérisons
a été beaucoup plus élevée pour les cas de mélancolie que pour les
cas de manie observés pendant la même période; 5 dans la majo-
rité des cas, la dépression mentale s'accompagne tôt ou tard de
délusions; les cas de dépression simple, sans délusions, sont ceux
dont le pronostic est le plus favorable; 6° dans les cas observés à
l'asile de Garlands, la tendance au suicide existait dans la propor-
tion de plus de 65 p. 100, et dans plus de la moitié des cas où se
rencontrait cette impulsion au suicide, il y avait eu au moins une
tentative; 7° dans un grand nombre de cas, la dépression mentale
est associée à des lésions organiques bien nettes : à l'asile de Gar-
lands, c'est surtout la phtisie pulmonaire qui a été observée dans
ces conditions; 8° le taux de la mortalité dans la mélancolie a été
un peu plus élevé chez les hommes que chez les femmes : la cause
de mort la plus commune a été la phtisie pulmonaire, et, en
seconde ligne, l'épuisement résultant de la mélancolie elle-même;
9° la mélancolie apparaît le plus communément entre trente et
soixante ans; elle est proportionnellement moins fréquente que la
manie durant les premières périodes de la vie; elle l'est davantage,
au contraire, à un âge avancé. Les chances de guérison sont d'au-
tant plus grandes, que la mélancolie a fait son apparition chez un
sujet plus jeune, et, en règle générale, ces chances décroissent
dans la même proportion que s'accroit l'âge du sujet à l'apparition
du trouble mental : toutefois, la guérison peut être obtenue, même
à un âge avancé; 10° la durée d'une crise de mélancolie avant
l'internement du malade dans un asile a une grande influence sur
la terminaison de l'affection mentale : plus on met de promptitude
à interner le malade, plus il a de chances de guérir. Le taux des
guérisons dans les rechutes de courte durée est supérieur au taux
fourni par les premières crises d'égale durée; 11° la durée du trai-
tement à l'asile est extrêmement variable : dans un très grand
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 159
nombre de cas, la guérison est obtenue en quelques mois; d'autre
part, la mélancolie peut guérir même après un séjour de plusieurs
années dans un asile; 12° la proportion des mélancoliques sortis
de l'asile guéris et qui y sont rentrés pour des rechutes a été de
15 p. 100; 13° la mélancolie est une des formes de l'aliénation dans
lesquelles l'influence de la prédisposition héréditaire est le plus
nettement apparente : dans les cas héréditaires, l'apparition du
trouble mental est ordinairement plus précoce, les rechutes sont
plus fréquentes, le taux des guérisons est plus élevé et le taux
mortuaire est plus faible que dans les cas qui ne relèvent pas de
l'hérédité; 14° le plus ordinairement, la crise de mélancolie a une
cause physique; il est moins commun de lui trouver une origine
morale ou mentale; 15° les indications essentielles du traitement
consistent à ramener l'organisme physique à l'état normal, et à
substituer aux conceptions morbides de l'imagination, qui rendent
la vie insupportable au malade, un retour à la régularité du fonc-
tionnement intellectuel. R. DE Musgrave CLAY.
XXVI. La folie DE la ménopause; par E. GooDUaLL et M. CRAIG.
(The Journal of Mental Science, avril 1894.)
La folie apparaissant d'ordinaire chez la femme à un âge plus
avancé que chez l'homme, il en résulte naturellement que, dans un
grand nombre de cas, les premières manifestations coïncident avec
la période de la ménopause. Sauf Krafft-Ebing qui accorde la
prééminence au délire de persécution, tous les auteurs sont d'ac-
cord pour admettre que la forme ordinaire de la folie de la méno-
pause est la mélancolie : bien que moins fréquentes, la manie et la
folie avec délusions ne sont pas rares et revêtent l'allure subaiguë.
La démence d'emblée est tout à fait rare. La paralysie générale
figure pour environ 3,5 p. 100 (20 p. 100 pour Krafft-Ebing).
Les modifications mentales et les troubles somatiques qui accom-
pagnent chez les femmes bien portantes la cessation des règles
peuvent être les prodromes de la folie et doivent par conséquent
être prises en sérieuse considération lorsqu'il existe de l'hérédité
névropathique. Nous n'insisterons pas sur les troubles somatiques,
qui sont bien connus, mais les modifications mentales peuvent se
présenter sous des formes très diverses : insomnie, changement de
caractère, névroses, bruits dans les oreilles et surdité, hallucina-
tions, soupçons, jalousie, accusations fausses, diminution de l'at-
tention, de la mémoire, perversions sexuelles (érotisme, frigidité,
masturbation) ; apparition d'habitudes d'intempérance, ou d'habi-
tudes toxiques (morphinomanie, cocaïnomanie).
Les symptômes de la folie, confirmée à la ménopause, ne sont
que la continuation et le développement des phénomènes prodro-
miques ; ils sont d'ailleurs très variables. Sauf pour Krafft-Ebing qui
160 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
donne le premier rang aux hallucinations de l'odorat, les halluci-
nations de l'ouïe sont considérées comme de beaucoup les plus
communes; celles de la vue viennent ensuite. Parmi les autres
symptômes, on peut citer : les troubles gastro-intestinaux (pouvant
donner lieu à des idées d'empoisonnement), les sensations abdo-
minales éveillant l'idée de grossesse, les sensations anormales du
côté de la peau (souvent attribuées à l'électricité, etc.), la sensation
de compression de la tête, les idées de persécution, la modification
des sentiments affectifs (hostilité à l'égard de la famille), la perver-
sion morale aboutissant à la tromperie et à des accusations fausses
se rattachant, le plus souvent, aux choses sexuelles, l'érotisme,
l'enthousiasme religieux et la religiosité, enfin l'insomnie et le
refus de toute nourriture. On peut ajouter que la tendance au sui-
cide est surtout fréquente chez la femme à l'époque de la vie qui
nous occupe. '
Le pronostic est immédiat ou définitif, et il est influencé par des
facteurs très divers, tels que l'hérédité, les attaques antérieures, la
cause déterminante, la précocité du traitement, la forme du délire,
l'état physique de la malade. Dans les cas héréditaires, les rémis-
sions, les guérisons temporaires ne sont pas rares, mais le pronostic
définitif est défavorable. Le pronostic, d'ailleurs immédiat ou défi-
nitif, est d'autant plus grave que le nombre des attaques anté-
rieures est plus grand. Il est, d'autre part, d'autant plus favorable
que la cause déterminante est mieux précisée et plus facile à
écarter (par exemple dans l'alcoolisme sans délire systématisé).
Le pronostic de la forme affective est meilleur que celui de la forme
délirante.
La durée de la maladie, pour les cas traités dans les asiles, peut
être environ de neuf à dix-huit mois : beaucoup de malades gué-
rissent dans le cours de la première année. Les terminaisons pos-
sibles sont la guérison, l'amélioration, le passage à l'état chronique
et la mort; les chiffres recueillis à l'asile de Wakefield sont les
suivants : sur 120 cas, on compte 49 guérisons (40,8 p. 100), 41 pas-
sages à l'état chronique (34,1 p. 100), 14 améliorations (11,6 p. 100),
16 morls (13,4 p. 100).
Le traitement varie naturellement suivant la forme de folie et
suivant l'état de santé de la malade; mais il a pour base et pour
condition de succès l'isolement de la malade qui doit être aussi
promptement que possible séparée de sa famille et internée dans
un asile. Il est à noter, toutefois, que dans la folie de la méno-
pause comme d'ailleurs dans la folie puerpérale, lorsque la malade
a atteint un certain degré d'amélioration, on peut souvent, en auto-
risant son retour précoce dans sa famille, hâter une guérison traî-
narde. Dans les cas observés par les auteurs, l'hérédité a été cons-
tatée dans 57 cas sur 102, ce qui donne une proportion de
55,8 p. 100.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 161
Au point de vue de l'état civil, les chiffres sont les suivants : pour
une première série de 102 cas, on trouve 59 femmes mariées
(y compris un petit nombre de veuves), soit 57,9 p. 100, et 43 céli-
bataires, soit 42,1 p. 100. Sur une seconde série de 120 cas, on
trouve 94 femmes mariées, soit 78,5 p. 100 et 26 célibataires, soit
21,5 p. 100. Si l'on recherche l'influence de la ménopause sur les
psychoses déjà existantes, on constate que cette influence est très
rarement heureuse. Presque toujours, la psychose existante suit sa
marche ordinaire et si la ménopause agit sur elle, c'est d'une
manière nettement défavorable. Quant à la pathogénie de la folie
de la ménopause, on n'a guère avancé jusqu'ici que des hypothèses
plus ou moins rationnelles : on est contraint de reconnaître que,
dans l'état actuel de la science, la relation pathologique qui unit
les modifications de l'appareil génital de la femme aux troubles
intellectuels de la ménopause demeure inconnue dans son méca-
nisme et dans ses véritables causes. R. DE l\ ! USGRAVE CLAY.
XXVII. SUR la paralysie générale A la PÉRIODE DU DÉVELOPPEMENT
PHYSIQUE; par James Middlemiss. (The Journal of Mental Science,
janvier 1893.)
Les cas de paralysie générale à la période de l'adolescence ou de
la puberté ne sont pas communs : l'auteur en a rassemblé sept cas
nouveaux dont il publie l'observation en l'accompagnant de quelques
commentaires intéressants que nous résumons brièvement. Les
observations dont il s'agit viennent presque toutes à l'appui de
l'opinion de M. Clouston qui attribue à la syphilis héréditaire un
rôle important, sinon prépondérant. Les autres causes (trauma-
tisme, hérédité névropathique) ne paraissent avoir joué qu'un rôle
secondaire ou incertain. L'âge des malades oscillait entre onze
ans et demi et seize ans. Il est à remarquer que les sept cas
observés appartenaient tous au sexe féminin, et que, dans tous les
cas où ces constatations ont pu être faites, on a trouvé que l'utérus
et les ovaires n'avaient pas dépassé, au point de vue du développe-
ment, la période infantile, et que les règles n'avaient pas encore
paru, ou n'avaient paru qu'une ou deux fois. La durée de la mélan-
colie est généralement plus longue que chez les adultes; dans les
quatre cas qui se sont actuellement terminés par la mort, elle n'a
guère été inférieure à cinq ans. Les caractères cliniques de la
maladie ont été tels qu'on les a décrits à cette période de la vie :
le trait le plus caractéristique a été l'affaiblissement mental à début
insidieux et à progrès réguliers. L'état émotif des périodes de début
était généralement un état de douce satisfaclion, modérément
accusé. Les troubles moteurs existaient dans tous les cas, mais à
un degré moindre que chez l'adulte. 1
Au point de vue anatomo-pathologique, il existait dans tous les
Archives, t. XXX. il
162 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
cas une atrophie cérébrale très marquée. L'adhérence des mem-
branes existait aussi, mais à un degré très variable. Au point de
vue histologique, on a surtout noté la dégénérescence des cellules
nerveuses, l'augmentation des éléments lymphatiques et la présence
de noyaux adventices sur les vaisseaux sanguins. Ces altérations
sont, en somme, celles que l'on a coutume de rencontrer dans les
cas de paralysie générale à forme lente avec excitation mentale
modérée. R. DE MUSGRAVE CLAY.
XXVIII. Un diagnostic A faire; par REGINALD H. l\100TT.
(The Journal of mental Science, janvier 1894.)
Il s'agit d'un aliéné calme et doux en apparence, qui le premier
soir de son entrée dans un asile assassina deux de ses compagnons
de dortoir : interrogé peu de temps après ce double meurtre, il
déclara avoir obéi à la voix de Dieu. Transféré à l'asile de Broad-
moor (asile des aliénés criminels), il déclara ne se souvenir de rien
et persista depuis dans cette déclaration qui parait avoir été sin-
cère. A son entrée à Broadmoor, il présenta des signes évidents de
trouble mental, des idées de richesse et plus tard de persécution,
qui firent penser à la paralysie générale ; mais en présence des
alternatives de calme et d'agitation physique et intellectuelle par
où il passa, il faudrait admettre des rémissions peu probables. Le
rapport qui avait motivé son internement dans le premier asile le
signalait comme épileptique, mais on n'a jamais constaté d'attaques
pendant son internement.
Cependant, dans l'hypothèse d'une paralysie générale, on aurait
pu penser que les crises épileptiformes avaient été prises pour de
l'épilepsie vraie : mais tous les signes somatiques de la paralysie
générale faisaient absolument défaut. L'état du malade s'aggrava
subitement, la prostration devint complèle et la mort survint en
dix-huit heures. A l'autopsie on trouva une congestion intense des
méninges et une inflammation de la pie-mère.
L'auteur estime qu'il s'agit là d'un cas d'épilepsie larvée, et que
la dernière crise, qui a été plus longue et plus violente que les
autres et qui a abouti à une méningite aiguë et à la mort était un
état analogue au status epilepticus qui se termine si souvent par
une méningite. R. DE AIUSGRAVE Ctay.
XXIX. L'alcoolisme chez LES enfants; par le Dr Pal morceau
(de Tours).
Depuis quelques années ce n'est plus seulement chez l'adulte que
l'alcoolisme exerce ses ravages et un chapitre spécial a été ouvert
pour l'alcoolisme chez l'enfant.
L'ivresse existe chez les enfants et elle est plus fréquente qu'on
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 163
se l'imagine : dans la majorité des cas, elle se produit chez des
prédisposés, des héréditaires, des dégénérés.
On trouve chez l'enfant à peu près toutes les formes d'ivresse que
l'on observe chez l'adulte, Le pronostic est des plus graves, vu l'hé-
rédité et l'incertitude du traitement : ce dernier doit être principa-
lement et surtout prophylaclique, tout en ne négligeant pas le
traitement des symptômes et des complications.
Dans le cas de délit commis sous l'influence de l'ivresse, il faut
se montrer inexorable et ne pas admettre chez les enfants les cir-
constances atténuantes, trop souvent invoquées chez les adultes.
En agissant de la sorte, le magistrat atteindra un double but :
d'abord il punira la faute commise, en second lieu il fera de la
bonne thérapeutique en mettant l'enfant hors d'état de se livrer
à ses excès, soit en frappant sa jeune imagination, soit qu'en le
condamnant à une réclusion, il le mette dans l'impossibilité maté-
rielle de recommencer, au moins pendant un certain temps.
(Annales médico-psychologiques, mai 1895.) E. BLIN.
XXX. Inversion sexuelle CHEZ la FEMME; par le D Havelock ELUS.
Intéressante étude sur l'inversion sexuelle chez la femme, sur les
causes qui peuvent la déterminer, sur sa fréquence, sur les caractères
physiques particuliers des femmes atteintes de ce trouble moral. Les
femmes qui présentent de l'inversion sexuelle n'ont pas la même
horreur du coit normal que les hommes atteints de ce même vice et
sont assez fréquemment mariées, ce qui tient probablement à ce que
la femme peut garder un certain degré de passivité. Il paraît certain
que l'inversion sexuelle fait de nombreux progrès chez la femme :
chez la plupart de celles qui sont atteintes on retrouve des antécé-
dents nerveux personnels ou héréditaires. L'auteur termine son tra-
vail par une observation typique d'inversion sexuelle chez la femme.
(The alienist and neurologist, avril 1895.) E. B.
XXXI. Psychiatrie ET localisations cérébrales; par le DI' MINK,
L'auteur estime que la doctrine des localisations corticales est
dans les mêmes relations avec les maladies du cerveau que l'aus-
cullalion et la percussion le sont avec celles de la poitrine. Comme
exemple il montre que la plupart des troubles psychiques de la
démence paralytique peuvent recevoir leur explication par Jalésion
de telle ou telle région de l'écorce cérébrale. (The alienist and neu-
rologist, octobre 1894.) E. B.
XXXII. Rectification historique DE L'ÉTUDE DES rapports ENTRE la
SYPHILIS ET la PARALYSIE générale progressive ; par le professeur
P. KOVALEVSKY.
Tous les auleurs qui donnent un aperçu historique de l'étude de
la paralysie générale aff1l'men l Il Il' ESl1lal'ch elE-seu furent tespre-
164 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
miers à attirer l'attention sur les rapports de la syphilis avec la
paralysie et à avancer que la syphilis est une des graves causes de
la paralysie. Ce dernier fait est juste, mais les recherches de l'au-
teur montrent que le fait de la fréquente coexistence de la para-
lysie avec la syphilis fut indiqué pour la première fois par Bayle,
qui attira l'attention sur ce point trente ans avant que le travail
d'Esmarch et de Jessen ne parût. (Revue neurologique, mars 1895.)
E.B.
XXXIII. SYMPTÔMES oculaires précoces dans la paralysie générale;
par le Dr Jameson HEPBURN.
D'après huit cas qu'il a observés, l'auteur estime que dans la para-
lysie générale se rencontrent très fréquemment des signes précoces
du côté des yeux et que ces signes pouvant survenir de un à trois
ans avant l'apparition des symptômes classiques de l'affection pour-
raient permettre, s'ils étaient confirmés, un diagnostic précoce et
par conséquent une intervention thérapeutique plus efficace.
Ces signes seraient une décoloration de la papille qui, d'abord
couleur cuir, devient de plus en plus blanche en même temps que
les vaisseaux sont beaucoup moins visibles que dans l'atrophie
ordinaire. Sur la rétine on voit, entre les fibres nerveuses, des
stries ou petites plaques de tissu conjonctif, localisées du côté
nasal jusqu'à une période avancée de la maladie, et envahissant
plus tard le côté temporal. Le rétrécissement du côté temporal du
champ visuel serait un symptôme presque constant et l'accroisse-
ment de ce symptôme pourrait servir de mesure aux progrès de
la maladie. (American journal ofinsanity, janvier 1895.) E. B.
XXXIV. LE sang CHEZ LES aliénés; par le Dr BURTON.
De l'examen du sang au microscope, dans diverses formes men-
tales, l'auteur tire les conclusions suivantes :
Dans la démence sénile, l'augmentation des globules blancs est
presque de règle, alors que leur diminution se rencontre dans la
plupart des cas de paralysie générale. Lorsqu'il y a tendance à
l'excitation maniaque, le nombre des leucocytes s'accroit dans de
notables proportions. (American journal of insanity, avril 1895.)
E. B.
XXXV. TROUBLES délirants DE nature alcoolique, chez DEUX SOEURS;
. par le Dr ZENNER.
Il s'agit chez l'une des soeurs, âgée*de trente et un ans, d'idées de
persécution avec troubles de la sensibilité générale et chez la
seconde, âgée de quarante-six ans, de délire alcoolique aigu.
Chez les deux soeurs, les accidents ont disparu après la suppres-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 165
sion de toute boisson alcoolique. L'intérêt de ces observations
réside moins dans les détails d'ordre banal, de chaque observation
prise à part, que dans la coïncidence peu ordinaire de deux soeurs,
sans antécédents héréditaires, et se livrant en secret, à l'insu l'une
de l'autre, à leur passion pour les boissons alcooliques. (American
journal of insanity, avril 1895.) E. B.
XXXVI. Observation d'hébéphrénie ; par le D LANE.
En une période de dix ans, l'auteur a observé à l'asile de
Boston 63 cas d'hébéphrénie. L'hébéphrénie ne doit pas être con-
fondue avec la folie de la puberté ou la folie de l'adolescence. Ces
dernières sont des cas de folie survenant chez des enfants ou des
adolescents et peuvent guérir; au contraire, dans l'hébéphrénie,
l'âge n'est plus une condition occasionnelle mais une cause déter-
minante et le pronostic est sombre.
On doit considérer l'hébéphrénie comme un arrêt du développe-
ment mental survenant au moment critique où l'individu commence
à prendre les caractères sexuels de l'état adulte. Une des caracté-
ristiques de l'hébéphrénie est la variabilité des aspects qu'elle revêt
successivement; manie puis mélancolie et démence. La démence
est le terme presque fatal et arrive vite, en moins d'une année.
L'hébéphrénie se confond en partie avec les cas décrits sous le
nom de démence prirnitive.(Anaerican joul·nal of insanity, janv.1895.)
E. B.
XXXVII. Sur LE délire aigu; par M. S. SOUCHANOFF.
(Arhiv. Psychiatrii, 1894, t. XXIV, n° 2.)
L'auteur cite trois observations dans lesquelles le diagnostic
porté a été : « délire aigu ». Le premier cas est très typique] pour
la confusion mentale : fièvre très légère (37,7 a 38°,2), incohérence
dans les idées, association par consonnances, hallucinations nom-
breuses, insomnie, amaigrissement rapide, guérison au bout de
six mois. Le second cas ressemble assez à de la paralysie générale
au début chez une femme prédisposée par une lourde hérédité
- alcoolique et vésanique ; l'auteur note chez elle une période pré-
monitoire caractérisée par un délire de persécution avec halluci-
nations ; vient ensuite un vif accès d'excitation avec inégalité
pupillaire, grincement des dents, incohérence dans les idées, tem-
pérature à grandes oscillations allant certains jours jusqu'à 40,1 ;
deux mois et demi après le début de la maladie elle meurt, et à
l'autopsie on trouve entre autres lésions de l'oedème avec hypérémie
du cerveau et des méninges. C'est plutôt le troisième cas qui méri-
terait le nom de délire aigu. Là, en effet, tout a évolué en trois
ours et dès le premier jour la température s'est élevée à 40°.
'166 SOCIÉTÉS SAVANTES.
L'agitation motrice est extrême. La parole faible, incohérente. Les
pupilles sont rétrécies. A l'autopsie : adhérence de la dure-mère
à la boite cranienne, épaississement de cette membrane, la pie-
mère présente un aspect louche, les sinus sont gorgés de sang, la
substance cérébrale est dissociée et fortement injectée.
J. Roubinovitch.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ IÉ DI CO- P SYC Il 0 LO G lQ UE.
Séance du 27 Mai 1895. Présidence DE M. P. Moreau.
M. JOFFROY demande au nom de M. Régis, secrétaire général du
Congrès des aliénistes de langue française, que la Société accorde
une subvention au Congrès. Il expose qu'au lieu de limiter l'im-
pression des discussions, comme on sera peut-être tenu de le faire
faute de ressources suffisantes, on pourrait publier in extenso
mémoires et discussions si la société voulait faire un léger sacrifice
d'argent.
M. BRIAND serait d'avis de demander à lous les asiles de France
de s'inscrire au Congrès.
M. Charpentier. M. Régis a lui-même critiqué l'ingérence de
notre société dans l'organisation du Congrès, je ne sais pas pour-
quoi il vient aujourd'hui faire appel à notre caisse.
LE secrétaire général propose de renvoyer la question à une
commission.
Le renvoi à une commission, composée de MM. Joffroy, J. Voisin,
Charpentier, Falret et Vallon, est prononcée.
A propos des phobies dans un cas d'insuffisance mitrale.
M. Roubinovitcii. - Il s'agit d'une femme âgée de quarante-six
ans, atteinte d'une insuffisance mitrale typique avec un souffle
assez rude à la pointe et au premier temps, légère augmentation
de la malité, battements irréguliers, pouls petit. Pendant les accès
SOCIÉTÉS SAVANTES. 167
de dyspnée la malade manifeste des phobies : si elle se trouve à ce ..
moment dehors, la vue de la rue lui fait peur, elle n'est plus sûre
d'elle, etc.; étant chez elle l'essoufflement résultant, par exemple,
du fait de se lever d'une chaise pour traverser la chambre, provoque
une peur invincible de se servir des couteaux ou des fourchettes
dans une mauvaise intention vis-à-vis de son fils et de son mari.
Jusqu'à présent l'histoire ressemble singulièrement aux faits
cités dans la thèse de M. Fauconneau, comme exemple de ce que
certains auteurs appellent la folie cardiaque. En effet, à première
vue, l'affection cardiaque parait bien antérieure à l'apparition des
phobies, et il ya là en outre l'exacerbation des troubles intellectuels
au moment des accès de dyspnée cardiaque, ce grand symptôme
sur lequel est bâti le diagnostic différentiel de la folie cardiaque.
Or, en reprenant les antécédents personnels et héréditaires on voit
qu'on est présence d'une personne atteinte de surdité congénitale,
de blésité, qui à l'âge de cinq ans a eu des tics dans les paupières,
les épaules et les bras, qui un peu plus tard a eu des impulsions et
qui a toujours présenté une exlrême émotivité. C'est d'ailleurs la
fille d'un alcoolique et la petite-fille d'une femme qui a eu un
accès de folie puerpérale.
Ce fait vient corroborer l'opinion de certains auteurs qui pensent
que la condition dominante des troubles intellectuels chez les car-
diaques est la prédisposition héréditaire ou acquise. Mais M. Rou-
binovitch expose que la constatalion de celte prédisposition ne
suffit pas pour expliquer l'apparition des phobies au cours d'une
affection cardiaque ; en d'autres termes, on peut être un prédisposé
vésanique et en même temps porteur d'une affection du coeur sans
avoir pour cela des phobies pendant les attaques d'asystolie. Il
cite une observation à l'appui de cette opinion. -
Aussi, en présence des faits de ce genre on se trouve obligé de
supposer que la prédisposition héréditaire vésanique n'est pas par-
tout la même, qu'elle localise son action dégénérative tantôt sur
les centres purement intellectuels, tantôt enfin sur les centres
moteurs.
Mais tout en attribuant à la prédisposition héréditaire un rôle
prépondérant dans l'apparition des obsessions chez sa cardiaque.
l'auteur exprime avec le plus grand soin la part qui revient à la
cardiopathie, non pas dans la production de ces troubles intellec-
tuels, mais dans leur entretien.
Il ne faut pas s'exagérer, d'après lui, l'efficacité du traitement
cardiaque, contre les accidents mentaux et tout en l'employant,
ne pas formuler des pronostics favorables même en ce qui con-
cerne un avenir prochain, car on s'exposerait trop souvent à-être
démenti par la persistance de l'affection psychique.
M. Charpentier pense que les troubles mentaux liés aux affections
168 SOCIÉTÉS SAVANTES.
du coeur sont rares. Ce qu'on observe plutôt c'est une gêne dans la
circulation du sang et pas autre chose. Il reproche à M. Roubino-
vitch de ne pas faire la preuve de la tare dégénérative qu'il attri-
bue à sa malade. Pour lui les troubles décrits relèvent de l'arthritis
et non de la dégénérescence mentale.
M. Voisin. Peut-être faut-il aussi faire intervenir la sclérose
des artères du cerveau ? -
De la valeur respective de la prédisposition et des causes dites
occasionnelles, dans les maladies mentales .
M. ToULOuzr étudie d'abord la prédisposition, qui est une con-
dition étiologique générale que l'on ne retrouve pas seulement
dans la pathologie mentale, mais dans toute biologie et, on pour-
rait dire, dans tous les phénomènes naturels.
Tout le monde, en effet, n'est pas également prédisposé aux
maladies infectieuses, et il est des tempéraments réfractaires à la
variole. D'autre part, on peut dire encore que si un corps en verre
se brise dans un choc, c'est que sa constitution moléculaire le pré-
disposait à cet accident. ,
La notion de prédisposition doit donc être complétée par des
recherches propres à préciser ce qui est cette condition générale
des organismes. Les aliénistes disent qu'elle est le plus souvent
héréditaire; or, l'hérédité- morbide est d'une interprétation assez
obscure. Tantôt il s'agit de troubles dystrophiques frappant à la
fois le générateur et son produit; tantôt il s'agit de contagion
foetale, comme dans les cas d'hérédo-infection; tantôt, même, il
s'agit de contagion ultérieure à la naissance, physique ou men-
tale. L'hérédité similaire est en résumé exceptionnelle, et il est
plus conforme aux faits de dire avec M. Féré, développant une
idée de M. Morel, que l'hérédité morbide est surtout caractérisée
par l'interruption de la transmission héréditaire des caractères nor-
maux. Tous les individus, nés de parents malades, présentent donc,
à des degrés divers, des signes qui les différencient de leurs ancê-
tres, mais qui les rapprochent tous, et en forment une famille
pathologique les dégénérés si l'on veut.
Peut-être la prédisposition de ces individus à une maladie par-
ticulière pourra un jour être décelée par les recherches où la téra-
togénie aura une grande part : la maladie de Lillle ne frappe-t-elle
pas les individus dont les cordons pyramidaux sont primitivement
faibles ? M. Joffroy a fait aussi l'hypothèse que la chorée ne sur-
viendrait que chez ceux dont le système moteur est cungénitale-
ment débile. On peut donc arriver ainsi à donner une signification
concrète à cette notion encore vague de prédisposition.
Mais allons plus loin. Cette prédisposition existe; ne faut-il pas
qu'elle soit actionnée ? C'est là qu'intervient la cause directe :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 169
l'alcool, l'infection, le traumatisme. M. Toulouze, insiste pour qu'on
ne délaisse pas l'étude de ces facteurs, tout en se gardant de leur
faire jouer un rôle illégitime.
Il règne une opinion assez courante en psychiatrie, que les
causes dites directes ne sont que des occasions banales des délires,
qui ne se ressentent pas de la cause qui les a éveillés. Or, c'est là
une doctrine en opposition formelle avec cette loi générale de bio-
logie et de physique qu'aucune force ne se perd. En fait, l'alcool,
un traumatisme, une maladie infectieuse, une émotion n'agissent
pas toujours de la même manière. Pour l'alcool, l'accord est una-
nime et l'on donne aux délires qu'il provoque une dénomination
étiologique. Et cependant tous les toxiques paraissent agir un peu
comme l'alcool. Si, dans les autres cas, les psychoses éveillées
paraissent les mêmes, c'est qu'on n'a pas encore différencié les unes
des autres bien des formes cliniques vésaniques illégitimement
réunies. Et puis l'on s'est engagé dans une mauvaise voie quand on
a voulu décrire des folies spéciales à chaque maladie, à la puer-
péralité, au cancer, à l'anémie, etc.
Dans chacun de ces vastes syndromes morbides se placent des
processus .pathogéniques bien différents. Ainsi, dans la puerpéra-
lité, à chaque période correspond un élément pathogénique un peu
spécial; à la grossesse, l'auto-intoxication qui se manifeste notam-
ment par l'urémie, à l'accouchement. D'où vient que dans cha-
cune de ces deux circonstances, c'est l'une ou l'autre de ces formes
cliniques qui se montre le plus souvent ? C'est que le facteur qui a
éveillé les troubles psychiques porte son influence sur eux. Mais .
cette manie transitoire de la parturition peut se rencontrer dans
d'autres circonstances; par exemple, à la suite d'un traumatisme;
c'est en somme le délire nerveux des chirurgiens. L'étlquelle' étio-
logique de puerpéral ne lui convient donc pas, et il serait plus
exact de lui donner l'étiquette pathogénique de traumatique.
Il n'y a donc pas des psychoses étiologiques, mais des psychoses patho-
géniques.
Certes la question est des plus complexes, car la réaction parti-
culière à chaque individu embrouille les aspects cliniques. Tel
supportera bien l'alcool, qui sombrera à la suite d'un traumatisme.
Quoi qu'il en soit, il était nécessaire de poser les principaux termes
du problème, qui comporte deux questions : à quoi répond la pré-
disposition vésanique et quelle est la manière dont elle est action-
née par les différentes causes directes ? ,
M. SEÙfELAIGNE reproche à M. Toulouze de sembler croire qu'on
considère la prédisposition héréditaire comme une cause de folie.
M. TOULOUZE. Si les auteurs ne le disent pas d'une façon très
réelle, ils le laissent au moins entendre.
170 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 24 juin 1895. - Présidence DE 11. Moreau (de Tours).
Prix BELHOMSE. - La Société décide de donner comme sujet à
traiter pour le prix Belhomme, 1896 : Du langage chez les idiots.
Subvention au Congrès de Bordeaux au nom de la commission
nommée à cet effet. M. Charpentier propose d'accorder au con-
grès de Bordeaux une subvention de 300 francs en vue de contribuer
aux frais d'impression du compte rendu des séances du congrès.
Les aliénés criminels.
M. FALRET fait une communication sur les mesures à pren-
dre à l'égard, des aliénés criminels. Il expose que la commis-
sion de la Société de médecine légale chargée d'étudier cette
question a reproduit les voeux déjà formulés au congrès de 1878.
Pour l'entrée des aliénés criminels dans l'asile, rien ne serait
changé à l'état de choses actuelles; c'est-à-dire que c'est l'admi-
nistration qui serait chargée comme aujourd'hui de provoquer le
placement de l'aliéné. Pour la sortie, on a proposé de la subor-
donner à une décision prise par une commission mixte composée
du médecin traitant, du procureur de la République et du Préfet.
Chaque année cette commission aurait à se prononcer sur le main-
tien de l'aliéné.
M. RûUSSEL est partisan d'un asile spécial pour les aliénés crimi-
nels, comme en Angleterre, sans qu'il soit nécessaire d'admettre
le principe de l'internement perpétuel.
M. Charpentier. Cet asile devrait admettre non seulement
les aliénés criminels, mais encore les aliénés dangereux, non cri-
minels. Le projet d'une commission mixte appelée à statuer sur la
sortie de l'aliéné me parait excellent.
M. ROUSSEL. L'admission dans l'asile spécial des aliénés dan-
gereux non criminels a été prise en considération par le Sénat.
Sur la réquisition du médecin de l'asile constatant qu'un aliéné
est dangereux et exige une surveillance spéciale, il poura être
transféré dans l'asile d'aliénés criminels.
M. Vallon. C'est le tribunal et non l'administration qui de-
vrait être chargé de' provoquer le placement et la sortie de
l'aliéné criminel. Lorsque à la suite d'une expertise médico-légale
un prévenu a été l'objet d'une ordonnance de non-lieu, pourquoi
le remettre, avant de le faire entrer dans un asile, à l'examen
d'un médecin de l'administration.
M. ARNAUD voudrait qu'on acceptât te principe des sorties condi-
tionnelles comme en Angleterre. L'aliéné criminel serait ainsi
soumis à une sorte de surveillance; la responsabilité de la per-
VARIA. ' 171 L
sonne qui réclame la sortie serait engagée par une amende, en cas
de surveillance inefficace.
M. Auguste Voisin est partisan d'une commission mixte pour
statuer sur le maintien de la sortie des aliénés criminels. Cette
commission renforcerait l'autorité du médecin et lui permettrait
de résister aux sollicitations dont il est souvent l'objet de la part de
personnages influents qui réclament la sortie d'un aliéné dan-
gereux.
M. CHRISTIAN demande la séquestration perpétuelle des aliénés
criminels. Il n'est pas éloigné d'être partisan de la condamnation
de certains persécutés. Marcel BR1AND.
VARIA.
Sixième CONGRÈS DES aliénistes ET NEUROLOGloTEb DE France
ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE.
Session de Bordeaux, 1895.
PROGRAMME. - Le sixième Congrès des aliénistes et neurologistes
de France el des pays de langue française se tiendra à Bordeaux,
du 1er au 7 août 1895, dans un des amphithéâtres de la Faculté de
médecine, place d'Aquitaine, où le secrétariat se trouvera égale-
ment transporté pendant la durée du Congrès. Le programme est
ainsi composé : - ,
Jeudi 1er août : matin, 9 heures. - Séance solennelle d'ouver-
ture, salle du Dôme de l'Exposition. A l'issue de la séance, visite
générale de l'Exposition, sous la direction de délégués de la Société
philomatique Soir, 2 heures (Faculté de médecine). Pre-
mière question du programme : Les psychoses de la vieillesse; rap-
porteur, M. le Dr Ant. RITTI. Discussion. Séance dans la soirée,
s'il est nécessaire.
Vendredi 2 août : matin, 9 heures. Deuxième question du pro-
gramme : Corps thyroïde et maladie de Basedow ; rapporteur, M. le
En dehors de cette visite collective gracieusement offerte par elle, la
Société philomatique a décidé que les membres des congrès de Bordeaux
ne paieraient, sur la présentation de leur carte, que moitié prix (0 fr. 50)
à l'entrée de l'Exposition.
172 varia.
Dr E. BRISSAUD. Discussion. Soir, 2 heures. Même question.
Suite et fin de la discussion.
Samedi 3 août : matin, 9 heures. Troisième question du pro-
gramme : Les impulsions irrésistibles des épileptiques, envisagées sur-
tout au point de vue médico-légal; rapporteur, M. le Dr V. Parant.
Discussion. Soir, 2 heures. Même question. Suite et fin de la
discussion. A 7 h. 1/2. Banquet par souscription du Congrès.
Dimanche 4 août : malin, 9 h. 1/2. Visite de l'asile des aliénés
de Château-Picon (Bordeaux). -A midi, banquet offert au Congrès
par l'administration de l'asile.
Lundi 5 août : matin; 9 heures. Communications diverses.
Soir, 2 heures. Communications diverses.
Mardi 6 août : Excursion à Cadillac (Gironde). Départ de Bor-
deaux le matin à 8 heures. A 10 heures, visite à l'asile des
aliénés de Cadillac. A midi, banquet offert par l'administration
de l'asile. Dans l'après-midi, visite de la colonie agricole, annexe
de l'asile et du château du duc d'Epernon (maison pénitentiaire
correctionnelle de jeunes filles). Rentrée à Bordeaux à 6 heures du
soir.
Mercredi 7 août : Excursion à Royan (Charente-Inférieure). Dé-
part de Bordeaux à 7 heures par bateau spécial de la compagnie
Gironde-et-Garonne. Arrivée à Royan vers 11 heures. Réception
par la municipalité et le corps médical. A 11 h. 1/2, banquet offert
par la ville de Royan. A 2 heures, promenade sur la côte (Pon-
taillac Saint-Palais). A 4 h. 1/2, départ de Royan. Lunch en
bateau. Arrivée à Bordeaux vers 8 h. 1/2. - Fin du Congrès 1.
LE Dr HACK TUEE ET la Société DE patronage POUR LES aliénés
SORTIS DES asiles.
Il était naturel qu'un médecin que les traditions de famille -
^on trisaïeul avait fondé en 1792 la fameuse maison de ` Retraite »
d'York et la spécialité elle-même avaient amené à s'occuper avec
une réelle sympathie des faits concernant les aliénés, ressentirait
un vif intérêt pour leur « soin ultérieur ».
Dans une lettre du D'' Hack Tuke, écrite en mai 1879, se trouvent
ces mots : « Le sujet a ma sympathie ardente et mon approbation
Les membres du Congrès qui voudraient prolonger leur séjour à Bor-
deaux pourront assister le jeudi soir, 8 août, à la réception de l'hôtel
de ville offerte par la municipalité au Congrès de l'Association française
pour l'avancement des sciences, ainsi qu'aux congrès médicaux à ce
moment à Bordeaux. Ils pourront également, s'ils sont adhérents, parti-
ciper aux travaux et aux excursions du Congrès de l'avancement des
sciences et du Congrès de médecine interne. (Voir les programmes spé-
ciaux.)
VARIA. 173
entière, et si le journal peut devenir l'agent de n'importe quelle
communication ou appel sur ce sujet, je suis sûr que collabora-
teurs, comme moi-même, seront heureux de saisir l'occasion.
A moins d'empêchement inévitable, je serai certainement au
meeting ».
Le meeting en question eut lieu le 15 juin, de la même année,
chez le Dr Bucknill dont la maison fut le lieu de naissance de'
l'Association 39, rue Wimpole. A cette occasion la résolution
« que ce metting se forme lui-même en Association » fut proposée
par le Dr Lockhart Robertson, et secondée par le Dr Hack Tuke.
Le Dr Bucknill fut invité à prendre la place de président, et le
Rev. H. Ilawkins celle de secrétaire honoraire. Le 27 novembre,
un autre meeting eut lieu à la maison du Dr Bucknill, dans lequel
le Dr Hack Tuke appuya la proposition a que le comte de Shaftes-
bury serait invité à agir comme patron de l'Association « du soin
ultérieur ». A la même époque une résolution fut proposée par
le Dr Savage, et appuyée par le D Claye Shaw, « que l'objet de
cette Association est de faciliter la réadmission dans la vie sociale
et domestique des femmes convalescentes se trouvant dans les
asiles d'aliénées. » Et d'après la proposition du Dr Lockhart Ro-
bertson, secondé par le Dr Hack Tuke, il fut décidé « qu'il n'était
pas désirable à présent de faire une maison distincte, mais seule-
ment d'arriver au but ci-dessus, en essayant de traiter les malades
convalescents dans des cottages ou autres maisons ».
Bientôt par la suite, le Dr Tuke fut attentif à noter que la forma-
tion d'une « Maison » ne devait pas être considérée comme une
chose refusée, mais seulement en suspens. Il écrivit : « Jeun'aurait
pas appuyé cette proposition si les mots c à présent avaient été
omis. La proposilion signifie que nous devons avancer pas à pas
et que nous ne devons, par aucun moyen, empêcher la création
d'une maison distincte quand la majorité pensera que le moment
est arrivé d'en fonder une. » Il avait préalablement remarqué, je
crois, que le « festina lente » serait pour quelque temps la devise
de notre Association, et définitivement que nous devions pour
arriver à notre but prendre des mesures plus héroïques. »
Au commencement de décembre 1879, le comte de Shaftesbury
accepta la présidence de l'Association. Dans une communication
reçue de lui, se trouvent les mots : « Votre lettre intitulée Soin
ultérieur, m'a profondément intéressé. Le sujet a beaucoup occupé
mon esprit. » Au premier anniversaire, en 1880, qui se célébra
encore dans la rue Wimpole, le Dr Tuke était-présent. Une lettre
antérieure émanant de lui, avait trait à un « prognosis » défavo-
rable de la Société. « Je regrette beaucoup d'entendre un rapport
aussi décourageant de l'état de santé de notre bambin, et quand
son excellente et sensible nourrice... se sent découragée, je confesse
que cela est sérieux. Il exprima son intention d'attendre la réunion
174 VARIA.
anniversaire, en 1881, si elle avait lieu chez le Dr Andrew Clark, et il
était présent l'année suivante à celle tenue chez le Dr Opte. A cette
occasion, de concert avec Lord Shaftesbury, il appela l'attention
sur la nécessité d'avoir une maison ou une salle dans laquelle
l'Association pourrait s'occuper de ses travaux. Une question plus
avancée se trouve dans une des dernières lettres du président. « Le
temps n'est-il pas arrivé pour nommer un fonctionnaire payé ? »
Lord Cottesloe accueillit avec bienveillance l'Association dans sa
maison de Eaton-Place, en 1883. A cette occasion le D Hack Tuke
remarqua qu'aucun progrès n'était fait, et appuya la proposition
qu'une personne soit nommée pour faire avancer le travail de
l'Association. La réunion de 1884 fut tenue chez Lord Brabazon
(devenu peu après comte de Meath),83, Lancaster Gâte, et pour la
dernière fois, le comte de Shaftesbury accepte la présidence. Le
Dr Tuke proposa de référer la question d'une c Maison à à un
comité spécial. En mai 1885, un bazar destiné à augmenter les
fonds de l'Association était installé à l'hôtel de ville de Kensington,
et le Dr Tuke fut uu de ceux qui s'adressèrent à la compagnie.
Plus tard, dans la même année il parla à une réunion tenue à
l'hôpital royal de Bethléem, où aussi un second meeting fut tenu
en automne, dans lequel le Dr Tuke fit allusion au système de
pension extérieure, qu'il pensait devenir désirable d'utiliser. Il est
à noter qu'à cette réunion une proposition fut faite par le Dr Nor-
man Kerr, et appuyée par le Dr Hack Tuke : « Que Lord Brabazon
serait prié d'accepter le poste de président. » Il accepta définiti-
vement. t.
Dans une assemblée tenue à l'automne de 1886, le Dr Hack Tuke
étant présent, M. H. Thornhill Koxby fut élu secrétaire à l'unani-
mité. A partir de cette date, l'Association entra dans une période
plus active et plus fertile. La maison située dans Lancaster Gale
devint par la bonne faveur du comte et de la comtesse de Math,
le siège de la Société, et le D''Tuke, le président permanent des
réunions mensuelles. Il possédait pour cet emploi d'excellentes
qualités : tact, patience, courtoisie, déférence pour les opinions des
autres tout en gardant la sienne, et sagesse dans le choix du sujet
avant la réunion. On se souviendra longtemps de la présence
ponctuelle, de la gravité pleine d'indulgence et des remarques faites
à propos de notre dernier président. Il rendit aussi de grands ser-
vices à l'Association dans des occasions exceptionnelles, par exem-
ple, lorsqu'il envoya une députation au dernier cardinal Manning
afin d'obtenir ses sympathies et son secours pour la Société de
patronage, spécialement pour les convalescents de la Roman Catho-
lic Faith (la foi catholique romaine), ou lorsqu'il se rendit à une
réunion de visiteurs de Londres et des environs tenue à l'asile de
Colwey-Hatch ; de temps en temps il visitait la maison temporaire
de la Société à Red Hill qui l'intéressait beaucoup.
FAITS DIVERS. 175
Les rapports importants du Dr Tuke avec le Journal of Mental
Science, le rendirent capable de grands services en lui faisant mieux
connaître les exigences de la Société de patronage (aster Carre).
Non seulement il obtint des éditeurs (dont il faisait partie) l'auto-
risation de mettre dans ses colonnes, une note ayant ce titre, mais
il ajouta à l'article une note spéciale appelant l'attention de tous
ceux qui avaient accepté son idée. Dans d'autres occasions aussi, le
journal contribua à l'avancement du projet. Sa correspondance
doit avoir été volumineuse, cependant ses communications quoique
nécessairement brèves quelquefois furent pleines d'urbanité-et faites
en temps voulu. Il présida pour la dernière fois les réunions men-
suelles de l'Association le mardi 14 février 1895.
Ces détails un peu minutieux montrent comment est née la
Société de patronage anglaise pour aider les aliénés qui sortent
des asiles. Les rapports que nous avons faits au Conseil supé-
rieur de l'assistance publique et à la Commission de surveillance
des asiles, bien que les conclusions en aient été adoptées, n'ont
pas encore été suivis d'effet. Relativement au département
de la Seine, il est cependant du devoir du Conseil général
d'agir vite pour alléger le budget croissant du service des
aliénés. B.
FAITS DIVERS.
Suicide d'un aliéné. M. Pierre Cevray, âgé de soixante-neuf
ans, demeurant à la Roussière, dit le Rappel de l'Ettre, avait perdu
la raison à la suite d'une grave maladie de sa femme, et par un
singulier revirement, depuis qu'elle était guérie, il ne pouvait plus
souffrir sa présence ni celle de ses enfants. Un matin de la semaine
dernière, sa bru, étant venue voir s'il n'avait besoin de rien, a
trouvé le malheureux pendu dans sa chambre.
SOCIÉTÉ contre l'usage DES boissons alcooliques. Une nou-
velle société, la « Société contre l'usage des boissons alcooliques »,
a tenu la semaine dernière, à la mairie du 6° arrondissement, sa
première séance. Le comité se compose de MM. le Dr Legrain, mé-
decin des asiles d'aliénés de la Seine, président de la Société; de
M. Hazemann, interne à l'asile de Ville-Evrard, secrétaire; des
DI" Camille Chabrié, François Boissier, Henri Triboulet, Paul
176 FAITS DIVERS.
Sérieux, etc. Dans un manifeste qui sera répandu dans toute la
France, les fondateurs de la nouvelle société déclarent que « le
moment est venu pour tous les bons citoyens d'entrer en cam-
pagne contre un fléau qui nous déshonore et nous ruine ». Ils
ajoutent qu'ils se proposent d'étudier les moyens d'extirper l'al-
coolisme, d'en atténuer les effets, de propager la connaissance du
mal dans tous les milieux sociaux, de grouper le plus grand
- nombre possible de citoyens qui souhaitent sa disparition, de sou-
lever un mouvement d'opinion contre lui, de donner l'exemple de
la tempérance en s'abstenant de consommer des boissons alcoo-
liques, d'enseigner à l'enfance les principes de la tempérance par
une intervention directe dans les milieux scolaires, de réunir les
écoliers en groupes de tempérance, etc. Cotisation de 1 franc,
exigible seulement des adhérents âgés de seize ans. La nouvelle
société, dont le siège est provisoirement rue de Vaugirard, 46, a
en outre décidé de distribuer à ses adhérents des cartes sur les-
quelles on lit au recto : « Je promets : 1° de m'abstenir entière-
ment, sauf prescription médicale, d'eau-de-vie et de liqueurs; 2° de
ne faire qu'un usage modéré de vin, de bière ou de cidre. » Et
au verso : « La force d'un peuple réside dans la vigueur intellec-
tuelle, morale et physique de ses enfants. L'alcoolisme affaiblit un
peuple et le conduit à sa perte. Etre tempérant, c'est être pa-
triote. » N'entrez dans un débit de boissons qu'en cas d'absolue
nécessité.
Lutte contre L'ALCOOLISME.- L'administration supérieure a en-
tendu l'appel fait dans la lutte contre l'alcoolisme. Elle a fait bon
accueil à la proposition de M. le D Roubinovilch d'organiser des
conférences scolaires sur les funestes effets de l'intempérance.
M. le Dr Roubinovitch, qui, l'on s'en souvient, a pris l'initiative de
cette campagne, a soumis au Ministre de l'instruction publique un
programme de conférences sur la question. Ce programme a été
approuvé et M. Poincarré, que cette décision honore, a autorisé
M. Roubinovitch à faire ces conférences à l'Ecole normale d'insti-
tuteurs d'Auteuil et dans les écoles primaires supérieures de gar-
çons Turgot, Colbert, Arago, etc. La première conférence a eu
lieu lundi dernier à l'école Turgot, devant les élèves des deuxième,
troisième et quatrième années, au nombre de 250 environ. Les
professeurs de ces classes assistaient à la leçon et, à leur tête, le
directeur de l'école. Tous les ans, quelques-uns des professeurs
des Écoles d'infirmières et, en particulier, notre ami Isch Wall,
insistent sur les dangers de l'alcoolisme. B.
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
lsvreua, CI,. HÉRISSBY, imp. - 795.
Vol. XXX. Septembre 1895. N° 103
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA TUBERCULOSE
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE;
Par le D' L. HASKOVEC,
Assistant à la Clinique psychiatrique tchèque de Prague.
La tuberculose de la moelle épinière n'a été que dans ces
derniers temps l'objet d'études approfondies, lorsqu'on a fait
de fréquents examens microscopiques de la moelle atteinte ou
suspectée d'une affection tuberculeuse.
La tuberculose de la moelle épinière a été connue plus tard
que celle du cerveau. Les' anciens travaux ne citent que des
tubercules solitaires et ne communiquent que les résultats
d'examens macroscopiques. Bayle' cite un cas de tuberculose
du cerveau et du bulbe durant le cours d'une phtisie pulmonaire
et rappelle que l'on a diagnostiqué diverses maladies du cerveau :
apoplexies, etc., là où il s'agissait de la tuberculose. Olivier 2,
dans son ouvrage classique, mentionne deux cas de tubercules
de la moelle et du bulbe et cite aussi les scrofules parmi les
causes de la myélite. Ce savant parle en ces termes des nodules
tuberculeux dans les enveloppes médullaires : « Il n'est pas
rare de trouver de la matière tuberculeuse dans l'épaisseur
des membranes rachidiennes, lorsqu'il existe une carie scro-
' G.-L. Bayle. Recherches sur la phtisie pulmonaire, 1810.
' P. Olivier d'Angers. Traité de la moelle épinière et de ses mala-
dies, Paris, 1827.
Archives, t. XXX. 12
178 CLINIQUE NERVEUSE.
fuleuse du rachis. » Olivier dit que Lapeyre a déjà décrit dans
le Journal de médecine, LXV, un tubercule dans la région de
l'olive et Lepelletier dans la protubérance (pons Varoli). Olivier
pense encore que peut-être les tubercules de la moelle causent
assez souvent des symptômes épileptiques. Cruveilhier', dans
son atlas, remarque que les tubercules peuvent envahir le
cerveau, le cervelet et la moelle, et il admet même que ces
tubercules peuvent être primitifs. Rokitansky 2 dit que les
tubercules de la moelle sont rares; il les a trouvés principale-
ment dans la partie lombaire et cervicale. Il décrit des tuber-
cules de grandeur différente, dans lesquels il n'a jamais
remarqué de ramollissement. Lebert dit de même que la tuber-
culose envahit le plus souvent la partie lombaire et il en pré-
sente une symptomatologie très détaillée. Virchow'' déclare
que les tubercules spinaux peuvent se multiplier et il cite non
seulement l'opinion de Rokitansky mais encore celle d'Ogle,
Rilliet et Barthez; il admet que ces tubercules peuvent se ra-
mollir.
Il admet les tubercules primitifs du cerveau mais ne tranche
pas l'origine des tubercules médullaires. Virchow affirme que
le système nerveux est réfractaire à l'invasion tuberculeuse et
parle d'une prédisposition locale dont le traumatisme cons-
titue un rôle important. Le processus tuberculeux part de la
névroglie dans laquelle existe justement cette prédisposition.
Hasse se borne de même à décrire les tubercules solitaires de
la moelle et fait observer que ceux des enveloppes pro-
viennent le plus souvent du voisinage : carie des vertèbres,
méningite basilaire; il écrit à ce propos : « Ich habe mehrere
Mal eine Miliartuberculose der cerebralen Pia Mater auf die
spinale ubergehen ;;esehen, und zwar in verschiedener Aus-
delmung, selbst bis zur Cauda equina. »
En 1869, Liouville a montré à la Société de Biologie que
J. Cruveilhier. Anatomie pathologique du corps humain, etc.,
t. I, 1. \Vlll, 1829-1835.
' Carl Bulcitausky. lIandbuch der spec. path. Anatomie, I, Bd., l8ff.
3 H. Lebert, //M(MMe/K')'pt'aA<. J/eM ! K, 1859.
Il. Virchow. Die hranhhaflen Gescle2oulste, 1861-1865, 11, Bd.,
p. 656-666.
8 K.-E. Hasse. llandbuch der spec. Pathologie und Thérapie der
Krankheilen des Nervensyslems, 1869.
i II. Liouville. - Contribution à l'élude anatomo-pathol. de la menin-
gite cérébrospinale tuberculeuse (Archives de physiologie, 1870, 490).
, LA. TUBERCULOSE DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. 179
les tubercules ne se trouvent pas seulement dans les mé-
ninges, mais aussi dans le tissu conjonctif de la moelle où ils
peuvent occasionner une inflammation subaiguë et parle d'une
méningomyélite tuberculeuse. Dans son travail, publié dans
les Archives de physiologie, Liouville distingue les trois formes
suivantes de la tuberculose de la moelle : a) l'inflammation
tuberculeuse des enveloppes ; b) l'inflammation tuberculeuse
des enveloppes et de la moelle; c) la tuberculisation de la
moelle.
Le mémoire de Liouville indique un progrès important dans
nos connaissances sur ce sujet et Dujardin-Beaumetz a pu
dire avec raison, dans sa thèse d'agrégation : De la myélite
aiguë, que Liouville par ses travaux sur les anévrysmes mi-
liaires et sur la méningomyélite tuberculeuse « ouvrait
encore des aperçus nouveaux à la science ». En 1874, Liou-
ville communique dans le Progrès médical, p. 709 (Nouveaux
exemples de lésions tuberculeuses dans la moelle épinière)
un nouveau cas de tubercule solitaire et, revenant de nou-
veau sur les cas qu'il a présentés quelques années auparavant,
s'étend tout particulièrement sur l'anatomie pathologique.
Hayem * cite chez un homme de trente-sept ans un cas de
tubercule solitaire dans la région lombaire, région qui, d'après
cet auteur, serait prédisposée à la tuberculose. Il démontre
que les tubercules de la moelle peuvent être primitifs sans
trace de tuberculose dans les autres organes. Chvosteli cite
deux cas de tubercules solitaires, assez petits, avec une myé-
lite consécutive de voisinage; le premier s'est manifesté sous
les symptômes d'une myélite aiguë. Leyden 3 fait voir que la
tuberculose de la moelle est rare, et il ajoute qu'on peut trou-
ver relativement encore plus souvent des tubercules solitaires.
Il n'a pas vu de cas avérés de tuberculose nodulaire dans les
méninges spinales. Il cite encore, outre Ollivier et Lebert, les
auteurs suivants : Abercrombie, Guersant, Gerdon, Andral,
Laurance, Eager, Gull et Eisenschütz. D'après cet auteur, la
tuberculose envahit plus souvent la partie supérieure que la
partie inférieure de la moelle lombaire. Au point de vue cli-
' G. Hayem. 0&set'us< ! OK pour servir à l'histoire des tubercules de
la moelle épinière. Arch. de phys., 1873.
2 Chvostek. Zicei Faite Non Tube,lit des Rûckenmarkes (Wien.
med. Presse, 1873, p. 810).
3 Leyden. Klinik der Rüclcezzmarlcslcranlcheitezz, 1874,1, Dd., p. 473.
180 . CLINIQUE NERVEUSE.
nique, elle se manifeste soit sous les symptômes d'une tumeur
de la moelle, soit sous ceux d'une myélite aiguë (akute Erwei-
chung). On peut supposer l'existence de la tuberculose dans la
moelle, mais on ne saurait en certifier le diagnostic. Enfin cet
auteur déclare que la méningite spinale se joint plus souvent
.que l'on ne croit à la méningite basale.
Erbl cite dans son livre, Leyden, Weber (Deutsche Klinik,
1852), Bierbaum et Kôhler (Journal sur Kinde1'heilkunde 189),
qui mentionnent la méningite spinale à côté de la méningite
basale. Dès lors, la méningite spinale tuberculeuse dont
Hasse et Leyden ont déjà fait mention attire l'attention de plu-
sieurs auteurs. Schultze' (1876) communique un cas de lepto-
méningite tuberculeuse aiguë avec examen de la moelle. Un
peu plus tard, en 1879, le même auteur3 communique un cas
de tuberculose dans les faisceaux pyramidaux et, discutant de
nouveau son premier cas, montre que les affections de la base
du cerveau se compliquent presque toujours de lésions spinales.
Dans la thèse de Châteaufort 1878, on trouve un chapitre
étendu et précis sur la méningite et méningomyélite tubercu-
leuse, tant au point de vue clinique qu'au point de vue anato-
mique. Williams s rapporte trois cas de méningite compliquée de
méningite basale et, jugeant d'après les symptômes cliniques,
croit que les enveloppes rachidiennes sont plutôt attaquées que
les méninges du cerveau. Charcot, dans ses Leçons sur les
maladies du système nerveux, tome II, 1880, dit qu'on peut
considérer la tuberculose solitaire, après le gliome, comme une
des tumeurs intraspinales les plus fréquentes et qu'elle coïncide
en général avec des tuberculoses développées dans d'autres
organes.
Kohts (1883) étudie la casuistique et la symptomatologie
i Erb ? HaKd&uc/t der Krankheitendes Nel'vensystems, II,1876, p. 229.
' Fr. Schultze. Leplomeningitis acuta luberculosa cerebrospizcalis,
vulgo meningilis basilaris. (Virchow. Archiv., 1876.)
3 F. Schultze. - Zur Symptomatologie 11. patitoi. Anatomie der tuber-
kulosen u. e)tM ! ttM ! 'cA6 ? t jE ? [ ! 'SK/tH ! ! $'en und der Tubera. des cerebro-
spinalen Nervensyslems. (Deut. Arch. 1'. klJl1, Med., 1879, p. 297.)
4 De Châteaufort. Contribution ci l'étude de la méningite spinale
tuberculeuse, 1878.
* A.-C. WIlliams. - Das Vedtallen des 7 ! MC/M)M ! a ? '/{s u. seiner Haute
bei luberkuloser und eitriger liasilarmeningilis. (Deut. Arch. f. klin.
Merl., 1879, p. 292.)
1 Kohts. 6Me)*.nt<c/MKHMH'/M<u))t(M'e)t ! ? tA'M ! t's ? (Wien. med.,
Bit., 1885, p. 41-43.)
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 181
des tuberculoses solitaires dans l'enfance. La même année,
Margerite', un des élèves de Raymond, s'étend en particulier
sur les troubles sensitifs dans la tuberculose aiguë et les rat-
tache à des lésions anatomiques nerveuses. Cette même année
encore, Voisenet, également élève de Raymond, exprime dans
sa thèse concernant les différentes formes de myélites tubercu-
leuses l'opinion de son maître. Il classifie les tuberculoses de
la moelle de la même manière que Raymond2 dans un article
publié en 1886, dans la Revue de médecine. Cet auteur insiste
surtout sur la fréquence de la leptomyélite tuberculeuse dans
le cours de la tuberculose des divers organes, et rappelle que
l'on ne la recherche pas assidûment. Nous reviendrons au tra-
vail de Margerite dans un autre article, et ferons seulement
remarquer ici que l'on peut, en effet, rattacher aux lésions
anatomiques les diverses douleurs et paresthésies, déjà mention.-
nées par Valleix, Gunsburg et Valshe dans le cours de-la tuber-
culose pulmonaire et étudiées principalement par Beau, Leudet,
Guéneau de Mussy, Eder, Lebert, etc. L'explication que donne
à cet égard Weil dans la Revue de médecine, 1893, n° 6, et
d'après laquelle il faut rattacher ces douleurs et ces paresthé-
sies aux troubles fonctionnels cérébraux par suite de l'excitation
venue des nerfs bronchiques et pulmonaires, ne nous paraît pas
exacte.
Raymond range les myélites capables de se développer
dans le cours de la tuberculose en deux catégories distinctes,
savoir :
1° Myélites chroniques, caractérisées anatomiquement par
l'existence d'une ou de plusieurs tumeurs tuberculeuses d'assez
fort volume, avec dégénérescence secondaire esquissée ou
complète;
2° Myélites aiguës, qui se présentent sous deux formes
distinctes très voisines en apparence : a) les myélites diffuses
nodulaires; b) les myélites diffuses infiltrées. Ces deux formes
coexistent presque toujours ensemble et sont accompagnées de
lésions des méninges et d'une leptomyélite corticale et généra-
lisée. Leur symptomatologie est différente, mais il leur man-
que la dégénérescence secondaire.
1 A. Margerite. Elude sur les troubles sensitifs dans la tuberculose
aiguë (thèse de Paris, 1885).
2 Raymond. Des différentes formes de leptomyélites tuberculeuses.
(Revue de méd., 1886.)
182 CLINIQUE NERVEUSE.
Hellich' a décrit chez un homme de quarante-deux ans un
cas de tuberculose solitaire dans la région lombaire. Ce tuber-
cule est parti de ? vaisseaux centraux. Son travail est remar-
quable surtout par un examen microscopique très détaillé de
la structure de la tumeur et des lésions consécutives de la
moelle. Un nouveau cas de tubercule solitaire dans la région
cervicale a été décrit par Sachs 2.
Obolonskv3 relate un cas de tuberculose de la moelle dans
lequel on a pu constater la propagation du processus tuber-
culeux par la voie du canal central. Un bel exemple de tuber-
culose nodulaire de Raymond a été rapporté par Rendue Dans
sa thèse d'inauguration, Gunsserb mentionne un cas de tuber-
culose nodulaire de la moelle, présentant au point de vue
clinique les symptômes d'une myélite chronique. Dans son
index bibliographique, le même auteur cite encore les travaux
de Bideau, Green, Gendrin (1829); Holmess, Jaccoud,
Lacher (183`.3) et Lepelletier (1849).
Enfin Raymond communique dans la Rèvue neurologique
un cas de méningomyélite aiguë limitée à la partie inférieure
du renflement cervical dans le cours du mal de Pott.
Nous regrettons de n'avoir pu prendre connaissance du
travail de Cornil : Tuberculose méningo-cérébrale, Arch. de
physiol., 1868, ni de celui de Berthod sur la Méningite tuber-
culeuse dans la Gazette méd. de Paris, 1884.
Tels sont les principaux ouvrages que nous avons pu con-
sulter sur les diverses formes de la tuberculose de la moelle.
Dans le présent travail, je me propose de communiquer un
cas de tuberculose nodulaire et infiltrée, que j'ai eu l'occasion
1 B. Hellich. OzHtCHtfc/t v. misé pri solilar zich nadorech puvodu
infekëniho (Considérations sur les lésions de la moelle produites par
les tumeurs d'origine infectieuse). Sbornilc lelcarsky. (Archives bohèmes
de médecine, 11, 1, 1887.) .
2 B. Sachs. - Kurze Mittheilungen ueber einen Fall von solildren
Tuberk. des llalsrückenmarkes. (z\eurol. Centralblatt, 1887.) soMMrc ! :
7'M<'er/t. es //a : <srtfc/KmMtaWfes. (Neurot. Centratbtatt., 1887.)
3 Obolonsky aus Charkow. Ueber einen fait von Rieckenmarkstuber-
kulose mit Verbreitung des tuberkulosen Prozesses auf dem TVege des
Centralkanals. (Zeitschr. f. Heilkuude, 1888.) ,
Rendu.Afe' ! t ? oM ? e7 ! s tuberculeuses, (union médicale, 1889,26.)
6 E. Gunsser. - Beitrage zur ]{enntnis der Rückenmarkstuberkulose.
Tùbingen, 1890.
Mal de Pott cervical. Leploméningile chronique. Poussée de ménin-
gomyélite aiguë limitée à la partie inférieure du renflement cervical.
Hématomyélie. (Revue netirol., 1893, 5-6.)
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 183
d'examiner dans la clinique de notre maître très regretté et
très illustre, le professeur Charcot, auquel je ne puis malheu-
reusement plus faire parvenir mes sentiments de profonde
gratitude pour la bonté et l'extrême bienveillance qu'il nous a
témoignées à nous étrangers, venus de loin pour profiter de
ses admirables enseignements. Je remercie vivement mon
ami, M. le Dr Dutil, ancien chef de clinique, qui a bien
voulu mettre à ma disposition les pièces anatomiques et qui
m'a communiqué les résultats de l'examen clinique.
Observation. Mm. P..., vingt-six ans, sans profession, entre à la
Salpêtrière le 11 février 1892, salle Duchenne de Boulogne (service
de M. le professeur Charcot). M. Dutil a vu cette malade pour la
première fois, à son domicile, en février. Voici les renseignements
qui furent alors fournis par la malade et par son médecin : Pas
d'antécédents héréditaires. Aucune maladie antérieure grave.
Santé habituelle parfaite. Aucun indice de syphilis. AI-0 P..., s'est
mariée à vingt-trois ans. Elle n'a pas eu d'enfants, n'a pas fait de
fausses couches Elle est veuve depuis dix mois. Son mari est mort
phtisique; elle l'a soigné pendant tout le cours de sa maladie : elle
a dû se fatiguer beaucoup, passer des nuits près de lui, se surmener
durant les dernières semaines qui ont précédé sa mort. Deux mois
après la mort de son mari, M'n" V... a commencé à maigrir, à
tousser, à perdre ses forces. Elle alla alors sur le conseil de son
médecin passer un mois à la campagne. Là, sa santé se rétablit
rapidement, elle reprit ses forces et son embonpoint ordinaire et
revint à Paris.
Il y a trois mois environ, vers le 15 novembre 1891, elle ressentit
des fourmillements, des picotements dans les pieds, les jambes et
à la partie antérieure des cuisses. Cela s'accompagnait d'un certain
degré de faiblesse des membres inférieurs. Ces troubles persistèrent t
par la suite avec des périodes d'amélioration et des retours,
pendant tout le mois de décembre 1891 et de janvier 1892. Cela
ne l'empêchait pas de vaquer à ses occupations, elle allait, avançait
comme à l'ordinaire, mais ses jambes lui paraissaient lourdes; une
promenade un peu longue, le fait de monter l'escalier, etc., pro-
duisaient une fatigue excessive. Les choses étaient dans cet état
lorsque, le 26 janvier au matin, elle éprouva dans les membres
inférieurs et la partie inférieure du tronc, une sensation d'engour-
dissement et de froid très prononcée. En quelques heures ses
jambes s'affaiblirent au point qu'il lui fut impossible de se tenir
debout; elle se mit au lit; la paralysie s'accentua rapidement;
le 28, rétention d'urine.
Le 3 février, voici ce que M. Dutil a constaté : paralysie à peu
près complète des membres inférieurs. La malade est incapable de
184 CLINIQUE NERVEUSE.
soulever ses jambes au-dessus du plan du lit. Dans le membre
inférieur gauche quelques légers mouvements sont possibles; mou-
vements d'adduction de la cuisse, de flexion de la jambe sur la
cuisse. Mais ces mouvements sont lents, difficiles et ne s'accom-
plissent qu'avec un effort énergique de la part de la malade. La
paralysie est flasque; pas de trace de raideur; les réflexes rotuliens
sont abolis à gauche, très faibles à droite. Rétention d'urine complète
-.nécessitant l'emploi de la sonde. Rétention des matières fécales.
Anesthésie comprenant toute l'étendue des deux membres infé-
rieurs et la partie inférieure du tronc limitée en haut suivant une
ligne circulaire passant par la sixième ou septième vertèbre dorsale
en arrière, à peu près à égale distance de l'ombilic et de la pointe du
sternum en avant. Une particularité remarquable, c'est que cette
anesthésie est nettement dissociée. Le tact est partout bien con-
servé, sauf au niveau de la partie antérieure de la cuisse gauche
où il est un peu affaibli mais non aboli. Par contre la douleur
(piqûre, pincement), le contact d'un corps froid ou chaud. linge
mouillé, une légère brûlure même) ne sont pas du tout perçus dans
tout le territoire de l'anesthésie. Pas de douleurs spontanées mais
des picotements très marqués, insupportables en divers points des
membres inférieurs et une sensation de constriction enserrant
comme une ceinture la partie inférieure de l'abdomen et les flancs.
Pas de troubles trophiques. Pas d'oedème. Rien aux membres supé-
rieurs. Pas trace de fièvre. Rien à la face. Pas de troubles oculaires.
Facies pâle. La malade tousse un peu depuis quelques semaines.
Submatité et respiration très affaiblie sous la clavicule gauche.
Rien autre.
Le 14 février, la malade entre à la Salpêtrière. Le 20 février, elle
était dans l'état suivant : La paralysie est absolue. Le réflexe rotu-
lien du côté gauche est aboli, du côté droit un peu exagéré. Mais
pas de trépidation du pied. L'anesthésie persiste; son étendue et
sa limite ne semblent pas s'être modifiées. Mais il n'y a plus de
dissociation. Le tact est partout aboli. Rétention d'urine. Quelques
élancements douloureux dans les flancs. La malade se plaint de
fourmillements dans les doigts de la main droite.
Le 2 mars : L'atrophie des muscles, des jambes et des cuisses est
très apparente. Les autres syptômes précédemment cités persistent.
Cependant les réflexes rotuliens sont abolis des deux côtés. La
limite de l'anesthésie maintenant s'est élevée jusqu'au niveau des
reins. Les membres supérieurs sont notablement intéressés. La
malade peut à peine porter ses mains à la tête. 11 y a un peu
d'atrophie de l'éminence thénar et du premier interosseux de la
main droite, Fourmillements. Elancements douloureux, mais pas
de troubles bien nets de la sensibilité provoquée. Les lésions des
sommets ont fait des progrès. Craquements, respiration soufflante
aux deux sommets, sous les clavicules et jusque dans la fosse
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 1HPJ
.sous-épineuse en arrière. Depuis quelques jours la malade a de la
fièvre (38° à 39°). Elle vomit presque tous les aliments. Commen-
cement d'escarre au sacrum. Pas d'autres troubles trophiques.
L'amaigrissement fait des progrès rapides. Le 10 mars, la malade
succombe.
Autopsie. Tuberculose pulmonaire au troisième degré. La
moelle et le nerf sciatique gauche ont seuls été enlevés.
La moelle a été durcie dans le liquide de Müller. Sur la coupe,
à l'oeil nu, on trouve dans les cordons latéraux de toute l'étendue de
la moelle dorsale et de la partie inférieure de la moelle cervicale
des échancrures plus ou moins prononcées dont la coloration
grisâtre contraste clairement avec celle du tissu voisin (fig. 6). Les
faisceaux de Goll ont la périphérie de même coloration. Les contours
de la substance grise sont très nets, et sauf quelques fentes qui se
montrent principalement dans la partie inférieure de la moelle
cervicale, on ne trouve pas macroscopiquement d'autres lésions
visibles.
On a soumis à l'examen microscopique les pièces suivantes :
A. I. II. Deux portions prises dans la moelle cervicale de la
partie inférieure. III. Une portion prise sur la limite qui sépare la
F1g,6.
1 86 CLINIQUE NERVEUSE.
moelle cervicale de la moelle dorsale. 5.-Une portion de la par-
tie supérieure de la moelle dorsale. C. Une portion de la partie
inférieure de la moelle dorsale. D. Enfin une portion de la
moelle lombaire. Les coupes ont été colorées par l'hématoxyline
simple, par l'hémaloxyline de Pal et de Weigert, par le picrocar-
min, enfin par la méthode de Letulle, à cause de la coloration des
bacilles tuberculeux. .
Quoique les lésions trouvées dans la moelle ne diffèrent que par
l'intensité du processus morbide, nous allons décrire cependant les
lésions trouvées dans chaque portion nommée ci-dessus. Nous com-
mencerons par la moelle cervicale et nous finirons par la moelle
lombaire.
A. Moelle cervicale. - 1. La pie-mère est épaissie et infiltrée par
des leucocytes. L'infiltration est surtout marquée dans le voisinage
des vaisseaux qui sont dilatés et remplis de beaucoup de sang. Les
parois des vaisseaux sont de même infiltrées de leucocytes et de
grains un peu allongés. Dans quelques endroits les leucocytes for-
ment de petits îlots. Dans les endroits où les traclus conjonctifs et
vasculaires émanent des méninges et se propagent dans la subs-
tance nerveuse, on trouve l'infiltration de la pie-mère très abon-
dante et elle se continue dans la moelle le long de ces tractus.
L'arachnoïde est légèrement épaissie.
Dans les substances blanche et grise on trouve les noyaux de
névroglie multipliés. On observe régulièrement dans la gaine des
vaisseaux, dont les parois sont infiltrées, des agglomérations plus
ou moins intenses de leucocytes. Ces infiltrations, s'assemblant autour
des vaisseaux, prennent soit la forme d'un cylindre, soit celle d'un
anneau. Elles sont surtout marquées à la périphérie des' faisceaux
de Goll et de Burdach. Les deux racines postérieures sont infiltrées
de la même manière. On trouve encore, dans les racines antérieures
et postérieures, que leur péri et endonèvre est parsemé de noyaux
et de leucocytes. Dans les faisceaux latéraux on distingue une pro-
lifération de la névroglie dont les réseaux multipliés se propagent
dans quelques endroits jusque vers la substance grise. La prolifé-
ration de la névroglie est surtout plus prononcée du côté droit
dans les faisceaux cérébelleux et dans ceux de Gôwers. Elle se
trouve même dans le cordon antérieur et surtout dans le faisceau
pyramidal direct.
Le canal central est oblitéré et il en reste une petite cavité pavée
par l'épendyme. Dans quelques coupes, le canal central est entiè-
rement oblitéré; mais dans toutes, on trouve, à côté de la proliféra-
tion des cellules de l'épendyme, une prolifération abondante de la
névroglie autour du canal central.
A côté de ces lésions, on voit, dans le faisceau de Burdach, du
côté droit, à la périphérie, dans le voisinage de la corne postérieure,
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 187
un tubercule composé de cellules épithéloïdes et de leucocytes qui
se trouvent à la périphérie du tubercule. Dans le voisinage de la
corne postérieure gauche, on trouve, au côté interne près la péri-
phérie, un îlot de leucocytes qui s'amoindrit et finit même par dis-
paraître entièrement à mesure que l'on descend.
Sur les coupes colorées par la méthode de Pal, on remarque que
la dégénérescence de la substance blanche est en rapport direct
avec les infiltrations isolées que nous mentionnons ci-dessus. Ainsi,
elle est visible dans le cordon postérieur et dans le cordon latéral.
La commissure postérieure devient plus large. La dégénérescence
des tubes nerveux commence à apparaître même dans les racines
postérieures au point où l'on trouve l'infiltration surtout abon-
dante.
II. Les lésions de la moelle cervicale de la seconde portion, sont
plus intenses. L'infiltration de la pie-mère, qui adhère à la moelle,
surtout dans la partie postérieure, gagne encore en intensité. Dans
une des coupes, on y trouve, au côté interne des racines posté-
rieures, un tubercule composé de cellules épithéloïdes et de leuco-
cytes. Dans la série des coupes, on peut se convaincre que ce tuber-
cule se place sur la courbure d'un vaisseau dont les parois présentent
une infiltration intense.
Au côté externe des racines antérieures droites, on observe une
infiltration de leucocyles, isolée et allongée, qui représente sans
doute aussi un tubercule. Sur toute la surface des coupes, les noyaux
et les leucocytes augmentent beaucoup plus que nous ne l'avons
indiqué plus haut. Autour du canal central oblitéré partiellement,
on voit une riche prolifération de la névroglie. Dans quelques
coupes, on trouve à la place du canal, deux cavités qui peuvent
s'allonger en villosité. Dans la commissure antérieure d'une de ces
coupes (fig. 7), on trouve une agglomération allongée de leucocytes
que l'on peut voir même dans d'autres coupes, où elle est remplacée
par un vaisseau. Or, on peut bien supposer que dans ce dernier cas
le tubercule a été posé sur la paroi d'un vaisseau.
Dans le cordon latéral, on voit six agglomérations de leucocytes
d'assez grand volume réunies en partie. Quelques agglomérations,
sur des coupes provenant de la partie plus basse, disparaissent entiè-
rement, d'autres se présentent sous forme de nodules tuberculeux
typiques. C'est encore dans celte partie de la moelle que l'on voit à
la périphérie du cordon latéral, dans le voisinage des racines pos-
térieures, deux tubercules isolés contenant des cellules géantes. On
peut suivre ces deux tubercules encore plus bas, mais on ne voit
plus les cellules géantes.
Le processus de la prolifération de la névroglie s'accentue encore
surtout dans le cordon latéral droil. Nous apercevons sur quelques
coupes la surface entière du cordon latéral droit parsemée de petites
188 CLINIQUE NERVEUSE.
agglomérations de leucocytes qui sont plus ou moins isolées. Dans
le faisceau droit de Goll se trouve, à la périphérie, un tubercule
composé de leucocytes et, dans son voisinage, également une
agglomération de leucocytes que l'on peut suivre dans beaucoup de
coupes.
La dégénérescence des faisceaux de Gol estplus étendue que nous
ne l'avons vu plus haut, et c'est le faisceau gauche qui est plus
atteint que le faisceau droit.
La dégénérescence des fibres nerveuses dans les cordons laté-
raux marche parallèlement avec la propagation du processus tuber-
culeux.
Les cellules ganglionnaires ne sont pas visiblement altérées ; on
peut remarquer seulement que quelques-unes offrent une pigmen-
tation assez bien marquée.
Elles se colorent facilement avec le picrocarmin, ainsi que les
cylindres-axes dans les parties qui n'étaient pas envahies par les
infiltrations et les tubercules.
Nous n'avons pas pu colorer les bacilles tuberculeux. De même,
M. le Dr Metschnikofî1, qui a bien voulu faire colorer quelques
1 Nous prions M. le D' Metschnikotr de croire à toute notre reconnais-
sance pour la bienveillance qu'il nous a témoignée.
Fig. 7.
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 189
coupes, est parvenu au même résultat. Par la méthode de Gram
nous n'avons pu colorer ni les coccus, ni les autres microorga-
nismes.
La dure-mère présente seulement à la surface interne quelques
noyaux qui se sont multipliés.
III. Dans les coupes provenant de cette partie de la moelle,
on voit très distinctement la manière dont les infiltrations se pla-
cent sur les vaisseaux, dont elles les entourent et enfin comment
elles suivent leur cours.
Dans la série des coupes, on voit l'amoindrissement des infiltra-
tions isolées et conflueutes, qui se trouvent dans les cordons laté-
raux et dans le cordon gauche en particulier. Sur quelques coupes,
nous observons, au lieu d'infiltrations, une section transverse de
vaisseaux plus ou moins grands dont la gaine est remplie d'un
grand nombre de leucocytes.
A la périphérie des deux cordons de Goll commencent à appa-
raître de petits îlots de cellules rondes placées, en partie, autour
d'un vaisseau (fig. 8). Dans une coupe, on a pu observer, au côté
externe du cordon postérieur droit, un nodule tuberculeux périphé-
rique, dans une autre coupe, on trouve, sur le côté externe des
Fig. 8.
190 CLINIQUE NERVEUSE.
racines antérieures droites, un tubercule contenant deux cellules
géantes, situé directement sous la pie-mère. Le canal central est
obliléié et, dans le tissu périépendymaire, on observe une prolife-
ration abondante de la névroglie. Dans la pie-mère, qui nous offre
la même image que nous avons décrite plus haut, on voit un tuber-
cule sur le côté externe des racines postérieures droites.
Sur les coupes provenant de cette partie de la moelle l'infiltra-
tion des parois des vaisseaux est particulièrement abondante et
elle pénètre toutes les couches de ces mêmes parois.
Dans l'artère spinale antérieure, on observe une petite agglomé-
ration isolée et composée de cellules épithéliales.
B. Moelle dorsale : I (partie supérieure). C'est dans cette partie
que l'on rencontre les lésions les plus intenses.
Dans la pie-mère, les infiltrations sont abondantes, surtout dans
la région de l'émergence des racines spinales.
Les infiltrations isolées et les nodules tuberculeux, dont nous
avons parlé plus haut, se rencontrent aussi dans les cordons laté-
raux de la moelle dorsale. Ils y atteignent des dimensions plus
considérables et se trouvent même dans les faisceaux pyramidaux
des cordons extérieurs. Ils se présentent sous le même aspectcomme
nous l'avons vu plus haut.
On rencontre dans cette partie même de fines hémorragies capil-
laires dans les cordons latéraux. Dans les faisceaux de Goll et dans
ceux de Burdach, on observe un nombre considérable de vaisseaux
entourés de petits amas de leucocytes. Il y a aussi quelques amas
de leucocytes qui ne contiennent pas de vaisseau au centre.
. La surface entière de la moelle est riche en leucocytes et en
noyaux. Les vaisseaux autour du canal central oblitéré sont exces-
sivement dilatés. De même, laprolifération de la névroglie dans le
tissu périépendymaire est très abondante. Les racines spinales an-
térieures droites sont enflammées et en partie sclérosées. De même,
les racines postérieures, surtout du côté droit, sont infiltrées et on
trouve, dans une coupe, un tubercule composé de cellules épithé-
lioïdes.
Si nous envisageons quelques coupes en particulier, nous pou-
vons remarquer que, dans quelques-unes, les nombreux vaisseaux
entourés de petits amas de leucocytes, qui se trouvent dans le fais-
ceau pyramidal droit, sont remplacés par une agglomération de
leucocytes affectant la forme triangulaire, tandis que dans d'autres
on ne voit à la même place qu'un tubercule composé de leucocytes.
Les infiltrations trouvées dans les cordons latéraux, forment des
agglomérations nodulaires et deviennent plus nombreuses; c'est
ce qui se passe aussi dans les faisceaux de Goll ou de Burdach.
Dans le segment correspondant à la troisième vertèbre dorsale,
on constate que les petits amas de leucocytes se continuent dans les
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 191
cornes antérieures. Dans les coupes provenant de la même partie de
la moelle, les cornes postérieures et surtout la corne postérieure
gauche, sont parsemées d'un plus grand nombre de noyaux et de
leucocytes qui peuvent se grouper, dans quelques endroits, en petits
amas.
Dans ces coupes l'hypérémie de toute la surface de la moelle est
très apparente. Elle est surtout marquée autour des infiltrations
mentionnées.
Les racines postérieures sont atteintes d'une endonévrite remar-
quable.
Dans une coupe on voit se propager dans la substance nerveuse
une infiltration allongée, en connexion avec un tubercule muni de
cellules géantes. Ce tubercule se trouve sur le côté externe de la
racine postérieure gauche.
Sur les mêmes coupes nous voyons encore, dans le faisceau py-
ramidal croisé droit, deux nodules confluents placés tous deux sur
les vaisseaux.
Dans la corne postérieure gauche, vers la périphérie se rencon-
trent de petits nodules embryonnaires. La corne antérieure droite
renferme un très petit amas de leucocytes à forme triangulaire.
Au côté gauche du canal central, dans la commissure grise, il y a
également un petit groupe de leucocytes. Dans la corne postérieure
droite, le long d'un vaisseau, on remarque une infiltration très
dense et allongée, près de laquelle se trouve un nodule logé dans
le faisceau de Burdach.
Les endroits où nous avons vu les nodules ou les infiltrations
confluentes ne se colorent pas par la méthode de Pal, et dans leur
proximité, on voit les phénomènes typiques d'une inflammation.
Les coupes colorées par le picrocarmin ne nous offrent rien de
spécial.
L'examen bactériologique reste négatif.
C. Partie dorsale inférieure. En ce qui concerne les carac-
tères généraux, on constate dans cette partie de la moelle les
mêmes lésions que nous avons indiquées dans la partie supérieure.
Mais elles y sont beaucoup moins intenses. Ces lésions envahissent
surtout le cordon laléral et le cordon antérieur. Dans les cordons
latéraux, on trouve de nouveau des infiltrations plus ou moins
isolées ou plus ou moins diffuses, qui ont entraîné la dégénérescence
de la substance nerveuse. Dans le canal central et dans la pie-mère
nous avons remarqué les mêmes lésions que dans la partie supé-
rieure. Le cordon postérieur, sauf une légère infiltration le long
d'un vaisseau, reste intact. De plus, nous avons constaté une
légère inflammation du péri et endonèvre des deux racines anté-
rieures et postérieures.
D. Partie lombaire. On trouve seulement dans cette partie une
192 CLINIQUE NERVEUSE.
légère augmentation des noyaux et des leucocytes de la pie-mère
ainsi que de la surface de la moelle. Les parois des vaisseaux y
sont aussi légèrement infiltrées et le canal central est oblitéré. Dans
les cordons latéraux la dégénérescence corticale des tubes nerveux
est insignifiante.
Nous avons par conséquent constaté dans la pie-mère, dans les
racines spinales et dans la moelle, soit des lésions diffuses inflam-
matoires, soit des nodules tuberculeux typiques et isolés, plus ou
moins grands, des infiltrations qui se placent le plus souvent sur
les vaisseaux dont elles remplissent la gaine. Elles se propagent,
principalement à partir de la périphérie, le long des vaisseaux et
des tractus conjonctifs dans l'intérieur de la moelle où elles peu-
vent envahir la substance blanche et la substance grise.
On a pu trouver les cellules géantes non seulement dans les
nodules de la moelle dorsale, mais aussi dans ceux de la partie cer-
vicale. '
Le processus morbide a atteint son maximum d'étendue dans la
partie supérieure de la moelle dorsale.
Il s'agit donc d'une leptoméningite et de tuberculisation de la
moelle.
En récapitulant la marche des symptômes cliniques. et en
les comparant avec les résultats anatomiques, nous voyons
que l'hypérémie des méninges et une faible irritation des
racines postérieures expliquent les premiers symptômes, à
savoir : le fourmillement, les picotements dans les pieds, dans
les jambes et à la partie antérieure des cuisses, un certain
degré de faiblesse des membres inférieurs, etc. La sensation
subite d'engourdissement et de froid, très prononcée dans les
membres inférieurs et dans la partie inférieure du tronc, de
plus la paralysie subite des membres inférieurs nous indiquent
que les méninges et la moelle, ainsi que les racines de quelques
points, ontété envahies en même temps parle processus tuber-
culeux. Il est évident que, les douleurs n'étant pas présentes,
la pie-mère ne pouvait pas être atteinte plus tôt d'une manière
grave et la moelle être complètement libre de tuberculose. Au
contraire, il est très probable que des nodules tuberculeux
pouvaient déjà exister dans la moelle. Le processus morbide a
envahi d'abord la moelle dorsale où il s'est propagé irréguliè-
rement et dans toute sa longueur, et où il a causé de cette ma-
nière les symptômes d'une myélite transverse.
Nous voyons déjà, le 3 février, que le membre inférieur
droit est complètement paralysé tandis que, dans le membre
. LA. TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 193
inférieur gauche, persistent encore quelques légers mouve-
ments. L'anesthésie atteint les membres inférieurs et s'étend
dans le tronc jusqu'à la sixième et septième vertèbre dorsale et
en avant jusqu'à l'apophyse xyphoïde. Cette anesthésie est
nettement dissociée. Le tact est partout bien conservé. Par
contre la douleur (piqûre, pincement), le contact des corps
froids et chauds (légère brûlure) ne sont pas du tout perçus.
Il n'y a pas de douleurs spontanées mais seulement des pico-
tements très marqués dans les membres inférieurs avec sensa-
tion de constriction, serrant comme une ceinture la partie
inférieure de l'abdomen et les flancs.
L'explication de la dissociation mentionnée est assez difficile.
Pouvons-nous supposer que les lésions, trouvées dans les deux
commissures grises, ont existé avant que les cordons posté-
rieurs et les racines postérieures aient été atteints' ? Dans ce
cas on pourrait expliquer l'apparition et la disparition de la
dissociation. Elle a disparu, le 14 février, tandis que l'anes-
thésie a persisté. A cette époque on pouvait déjà remarquer
les douleurs, fait qui nous montre que les racines postérieures
étaient gravement atteintes.
Alors les fourmillements dans les doigts de la main droite
commencent à apparaître (le processus a franchi la moelle
dorsale) et, le 2 mars, on voit les deux membres supérieurs
atteints. Ensuite se développe l'atrophie; elle commence à
apparaître dans l'éminence thénar et dans le premier interos-
seux de la main droite (racines antérieures atteintes). La mort
a été causée par les troubles généraux provenant de la tuber-
culose pulmonaire et elle est survenue avant que le processus
qui se développait dans la moelle, eut envahi la partie supé-
rieure de la moelle cervicale.
Nous allons maintenant étudier tout spécialement la forme
nodulaire de la tuberculose de la moelle. Dans les travaux
publiés jusqu'à présent par Liouville', Hutinel, Raymond,
Rendu, Gunsser et nous-même, on a observé la tuberculose
1 Minor, Centrale Hxmatomyelie (Archiv. sur Psychiatrie und Nerven-
heilkunde, XXXV), a pu observer la dissociation de la sensibilité après
les hémorragies dans le voisinage du canal central et Rosenthal l'a pu
remarquer au cours d'une myélite consécutive à une carie des os. Voir
' Handbuch der Diagnostik und Thérapie der Nervenkmnkheiten, Er-
laugen, 1870. Dans le cas de M. Rosenthal, il y avait des lésions autour
du canal central.
Archives, t. XXX. 13
194 . CLINIQUE NERVEUSE.
nodulaire de la moelle, toujours coexistante avec la tuberculose
des autres organes. Elle a été liée régulièrement à la tuber-
culose des poumons dans le stade très avancé. C'est la partie
dorsale de la moelle qui est le plus souvent envahie. S'il s'agit
d'infection métastatique et généralisée, elle se propage gra-
duellement en causant le tableau de la myélite aiguë ou
subaiguë ou enfin de la myélite chronique. Cette forme de
tuberculose de la moelle est très rare.
Voici la statistique de l'institut pathologique tchèque' de
Prague, qui vient à l'appui de ce que nous avançons. Depuis le
mois de janvier 1884 jusqu'au mois de décembre 1891, on y a
fait 5,000 autopsies et l'on a constaté 2,090 cas de tuberculose
des divers organes, surtout des poumons. Avec ces cas de
tuberculose on a vu coexister :
A. Cerveau. a). 75 cas de méningite tuberculeuse mi-
liaire basale dans lesquels il y avait eu, en coexistence, 8 cas de
tubercules solitaires, un abcès, une fois le ramollissement, et
une fois la tuberculose de la protubérance; b). 2 cas de
leptoméningite purulente après la carie de l'os pétreux, dans
un cas il y avait en même temps abcès du cervelet ; c). On
a trouvé un nodule calcifié dans la capsule interne (1 cas) ;
d). La tuberculose de la dure-mère (2 cas) ; e). 17 cas de
tubercules solitaires ; f). 1 cas d'éruption miliaire des mé-
ninges du cervelet; y). 2 cas de méningite de la convexité
du cerveau. '
On a donc trouvé dans quelques cas la tuberculose du cer-
veau.
B. Cerveau et moelle. a). 6 cas de méningite cérébro-
spinale tuberculeuse, une fois compliquée de myélite et d'héma-
tomyélie, une fois de tubercule solitaire et de pachyméningite
spinale et enfin, dans un cas, il s'agissait de méningite puru-
lente ; - b). 3 cas de tubercules solitaires dans le cerveau et
dans la moelle.
Dans 9 cas, on a trouvé la tuberculose du cerveau et de la
moelle.
C. Moelle 2. La moelle n'a été atteinte que dans 12 cas,
1 Je remercie vivement M. le professeur Hlava qui a bien voulu mettre
à ma disposition ces travaux de statistique.
' Mais il faut tenir compte de ce fait que l'on n'a pas enlevé, dans tous
ces 2,090 cas, la moelle épinière. Cependant nous pouvons dire que nous
ne sommes pas très loin de la vérité.
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 195
savoir : a). 7 cas de méningite après carie des côtes ou des
vertèbres ; b). 1 cas de méningo-myélite après carie des
vertèbres; c). 1 cas de tuberculose de la dure-mère;
d). 2 cas de tubercules solitaires et enfin e). 1 cas où il s'agis-
sait de la tuberculose de la dure-mère, après carie des ver-
tèbres, combinée avec la myélite transverse.
196 CLINIQUE NERVEUSE.
La tuberculose peut envahir toutes les parties de la moelle.
Elle se propage ordinairement depuis la périphérie, le long des
tractus conjonctifs et des vaisseaux, mais on peut chercher aussi
son point de départ dans les vaisseaux centraux. Les nodules
tuberculeux ont le même caractère que dans les autres organes
et ils peuvent atteindre la grosseur d'un pois (Raymond).
~~ Ils peuvent se ramollir. Ils se placent sur les vaisseaux,
ainsi que les infiltrations isolées que l'on doit considérer
comme des nodules embryonnaires. Souvent quelques petites
infiltrations isolées se réunissent en une seule agglomération
plus grande.
Cornil et Ranvier décrivent la structure du nodule tuber-
culeux, dans leur Manuel d'histologie pathologique, t. ICI', 1881,
au chapitre de la tuberculose des méninges cérébrales, presque
de la même manière que nous le décrivons plus haut.
Outre les nodules et les infiltrations qui se trouvent dans la
moelle, la pie-mère et les racines, on observe encore des phé-
nomènes inflammatoires ; prolifération de la névroglie et lé-
sions des vaisseaux. Ces dernières se présentent comme endo-
périvasculite et peuvent amener des oblitérations dans les cas
chroniques (Gunsser). Partout l'on constate l'hypérémie,
qui est surtout marquée autour des endroits envahis par les
nodules et les infiltrations. Quelquefois dans les cas aigus, il y
a aussi de petites hémorragies. La dégénérescence de la
substance nerveuse reste localisée, en général, mais, dans le
cas de Gunsser, on a vu se développer la dégénérescence
secondaire. Le canal central est oblitéré par la prolifération
des cellules épendymaires; autour du canal central, il y a pro-
lifération abondante de la névroglie. La pie-mère est épais-
sie, congestionnée, infiltrée; elle adhère à la substance ner-
veuse. L'infiltration est surtout marquée dans le voisinage des
racines et aux endroits où s'étendent les tractus conjonctifs et
les vaisseaux dans la moelle. Toute la surface de la moelle est
plus ou moins enflammée.
S'il s'agit d'une forme plus infiltrée, on ne peut pas la dis-
tinguer de la myélite simple, suivant l'opinion de Raymond.
Cependant un examen très minutieux peut faire découvrir
quelques nodules qui nous révèlent la nature du processus.
Dans les cas que nous allons mentionner, on n'a pu jusqu'à
1 Pour les tubercules des enveloppes de la moelle, ces savants ren-
voient le lecteur au chapitre Cerveau.
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 197
présent, colorer les bacilles tuberculeux'. (Voir Voisenet, loc.
cit., et Raymond, loc. cil.)
Au point de vue clinique, la tuberculose nodulaire de la
moelle se présente, en général, dans les cas aigus, sous les
symptômes d'une myélite aiguë. Dans un cas chronique (cas
de Gunsser), elle s'est présentée sous les symptômes d'une
tumeur de la moelle à marche lente. Les cas subaigus seule-
ment se ressemblent au point de vue clinique.
Le malade qui est déjà atteint de tuberculose pulmonaire
est pris tout à coup de symptômes médullaires : paresthésies,
faiblesse des extrémités, douleurs, etc., qui durent pendant
quelque temps avec des rémissions, et cela, sans s'être aperçu
d'autres symptômes généraux ou locaux : fièvre, frissons,
nausées, maux de tête, dépression psychique, manque d'appé-
tit. Un jour, le malade est subitement atteint de paraplégie
complète ou incomplète. Cette paraplégie est accompagnée de
lésions de la sensibilité, de l'innervation de la vessie et du
rectum, de lésions trophiques, etc. La mort survient réguliè-
rement par suite de la maladie primitive. Il est évident que
tous les symptômes varient beaucoup suivant le siège et
l'étendue du processus tuberculeux. Ils ont, le plus souvent,
l'aspect d'une myélite transverse.
Le diagnostic d'une lésion organique de la moelle n'est point
difficile. Pour la diagnose différentielle, il faut bien examiner
l'organisme entier, afin de pouvoir exclure les myélites consé-
cutives à diverses tumeurs telles que sarcome, carcinome, etc.,
et les myélites syphilitiques, ainsi que celles qui surviennent
après le mal de Pott. Dans les cas suraigus (le cas de Raymond,
par exemple), le diagnostic d'une myélite tuberculeuse est des
plus difficiles. Nous ferons observer, tout particulièrement,
quelques phénomènes qui nous semblent avoir quelque impor-
tance au point de vue du diagnostic. Ce qui nous frappe dans
ces cas de myélites, c'est la variabilité de quelques symptômes :
les réflexes rotuliens, par exemple, et la sensibilité dissociée.
Les lésions isolées, ou même quelquefois les lésions plus dif-
fuses, qui se propagent graduellement ou le plus souvent subi-
tement, nous expliquent suffisamment pourquoi, d'une part,
1 De même dans le cas de Goldscheider. Voir Ueber 1lIyelomeningitis
cervicalis ant. bei Tuberculose (Berl. kl. Wochenschr., 1891, 88). On sait
qu'au contraire, dans les cas de tubercules solitaires, on a pu colorer les
bacilles tuberculeux en quantité considérable. Voir Hellich, loc. eti.
198 CLINIQUE NERVEUSE.
l'aspect clinique est si différent et, d'autre part, pourquoi il
est si-variable.
Nous mentionnons ci-dessus les cas de tuberculose de la
moelle, qui appartiennent à la forme nodulaire. Nous ajoutons
encore le cas de Hutinel ' (1874) et celui de Froisier 2. Dans ces
deux derniers cas, il s'agissait bien de tuberculose nodulaire
de la pie-mère, mais on n'a pas fait l'examen microscopique de
la moelle elle-même, quoiqu'on soit autorisé à supposer
qu'il s'agissait, même dans ces deux cas, de tuberculose de la
moelle.
Nous hésitons à penser, avec Hutinel, que dans son cas, les
lésions trouvées sur les méninges expliquent suffisamment
tous les symptômes cliniques. Les deux cas dont il est question
sont, au point de vue clinique, en accord très apparent avec
ceux de la tuberculose nodulaire de la moelle. On peut bien
accepter la division de la tuberculose de la moelle faite par
A1M. Liouville (1869) et Raymond (1886). Seulement, à notre
avis, ce groupe de formes nodulaires de la tuberculose de la
moelle doit être encore augmenté du cas chronique décrit par
Gunsser. Ainsi, la tuberculose nodulaire de la moelle peut
être aiguë, subaiguë et même chronique. Nous connaissons
les cas de transition entre les cas aigus (Raymond, Liouville)
et le cas chronique de Gunsser. Cette transition est formée par
les cas de Froisier, Hutinel, Voisenet, Rendu, et par celui que
nous avons décrit.
Vu l'intérêt pratique de cette étude, il faut faire l'examen
microscopique de la moelle, non seulement dans tous les cas
de tuberculose des méninges spinales et de ceux du cerveau,
mais aussi dans toutes les myélites survenant au cours de la
tuberculose d'un organe quelconque. De cette manière, on peut
espérer qu'à l'avenir l'étude clinique de la tuberculose nodu-
laire de la moelle sera plus satisfaisante qu'elle ne l'a été jus-
qu'à présent.
Les cas de tuberculose nodulaire de la moelle épinière, dont
nous ne citons in extenso que le cas de Gunsser, sont les sui-
vants : Trois cas de Liouville (voir Soc. de biologie), p. 3r7,
1869; Thèse de Châtaufort, p. Il et Raymond, loc. cit.). Un
cas de Voisenet (service de M. Hutinel, Thèse de Paris, 1885).
1 Société anatomique, 1874. Thèse de Châtaufort, p. 72, loc. cil.
' Thèse de Chàtaufort, loc. cit.
LA TUBERCULOSE DE LA MOELLE EPINIÈRE. 199
Un cas de Raymond (loc. cit.) et un cas de Rendu (loc. cit.).
Gunsser (loc. cit.), 1890, communique le cas suivant :
Un mécanicien, âgé de quarante-trois ans, a souffert à l'âge
de vingt ans d'une maladie de poitrine. Depuis cette époque il
souffre de temps en temps de la diarrhée. Depuis 1882, respiration
gênée. Depuis 1884, il se plaint d'une certaine fatigue aux reins
après le travail. La marche devient un peu lourde. Au mois de
février 1886, reçu à l'hôpital de Stuttgart, où il a été atteint d'une
diarrhée opiniâtre. Il a quelque difficulté à uriner. L'urine ne
contient pas de matières pathologiques. Douleurs aux reins plus
apparentes, surtout après avoir monté les escaliers, etc. Le malade
dit lui-même que ces douleurs ne proviennent pas de l'os sacrum,
mais qu'elles proviennent des parties plus profondes encore.
Le malade se trouve de nouveau, le 14 juillet de la même année,
à l'hôpital de Stuttgart. Sa marche est encore plus difficile, les
jambes sont affaiblies. L'extrémité inférieure gauche est plus
atteinte que la droite. Quand il voulait marcher, il arrivait
quelquefois que la jambe gauche se détendait d'elle-même. La
marche du malade ressemble à celle d'un coq (Hahnentrill). En
marchant le malade a ressenti des pincements et des sensations
de brûlure aux jambes et sur la surface de la plante plus du
côté gauche que du côté droit. Les pieds sont légèrement oedéma-
teux. La difficulté d'uriner a disparu. Le malade a maigri
beaucoup.
A l'examen du malade, le 8 janvier 1887, on constata ce qui suit :
malade cachectique, amaigri, pâle. Extrémités inférieures légère-
ment oedémateuses. Sensibilité exagérée aux extrémités inférieures
et dans l'hypochondre gauche. Au contraire, tout léger attouche-
ment est à peine senti et mal localisé surtout à la plante des pieds.
Tous ces symptômes sont plus marqués du côté gauche que du
côté droit. Les réflexes de la plante des pieds sont exagérés, de
même les réflexes rotuliens. Il y a trépidation de pied. La force
surtout à gauche est diminuée. Quand le malade reste debout, il
oscille mais plus avec les yeux fermés qu'avec les yeux ouverts.
Pendant la marche, la jambe gauche reste étendue et traînante
sur le sol; du reste, la marche n'a pas le caractère spasmodique.
Il n'y a pas de vrais troubles de la coordination.
Le malade se plaint de sensations de lourdeur et de brûlure aux
jambes. La colonne vertébrale est normale; elle n'est pas doulou-
reuse. L'urine contient un peu d'albumine. Il n'y a rien du côté de
la tête; le fond de l'oeil est normal. Aux extrémités inférieures le
malade sent les objets chauds comme les froids. - 12. II. Eschare
sur l'os sacrum. Les réflexes s'exécutent après la moindre excita-
tion aux extrémités inférieures et sont très exagérés; ils se montrent 1
200 CLINIQUE NERVEUSE.
apparents même spontanément. - 17. Il. Le malade ne peut se
tenir debout. Incontinence d'urine. L'eschare devient plus grande.
La fièvre très grande. Le malade ne peut mouvoir la jambe gauche,
qui est un peu contractée dans le genou et à la fesse. Dans la jambe
droite il y a quelques mouvements possibles.
20. IL La peau de la partie inférieure du dos est oedémateuse;
l'oedème des pieds a disparu. - 24. II. Mort.
Diagnose : Paraplégie consécutive à des lésions en îlots dans la
partie inférieure de la moelle dorsale. - L'altération transverse de
la moelle est plus complète du côté gauche que du côté droit.
A l'autopsie, on a trouvé que la pie-mère de la moelle dorsale
était légèrement épaisse dans quelques endroits. A la hauteur du
septième nerf dorsal, la pie-mère adhère à la dure-mère sur le
côté antérieur. Les faisceaux de Goll dans la partie supérieure de
la moelle cervicale affectent une couleur blanche, tandis que l'autre
partie de la substance blanche a la couleur blanc grisâtre. La
substance grise est pâle. A l'endroit où la pie-mère adhère à la
dure-mère, la substance nerveuse de la moelle se ramollit; par
places se trouvent des points rouges et des îlots rouges grisâtres.
Au-dessus et au-dessous de cette partie, la moelle est tachetée.
Dans la partie lombaire, les faisceaux pyramidaux latéraux sont
plus pâles que les autres. Les glandes mésentériques sont tumé-
fiées ; la rate également. Les glandes rétropéritonéales sont
en partie caséeuses, en partie atteintes de dégénérescence amyloide.
A l'examen microscopique de la moelle, on a relevé dans la
partie supérieure de la moelle cervicale une sclérose des faisceaux de
Goll, dont il reste encoie à la périphérie quelques fibres nerveuses
intactes. La substance blanche, du reste est conservée. On trouve
pourtant, après un examen soigneux, dansles faisceaux cérébelleux
une partie sclérosée qui est nettement limitée du côté intérieur.
La substance grise est normale. Sur quelques coupes, on trouve,
dans les parois des vaisseaux, de petites agglomérations de leuco-
cytes. A côté de celles-ci on trouve encore des nodules tuberculeux,
typiques, avec des cellules géantes. La tuberculose y est caracté-
risée d'une part par l'infiltration diffuse ou isolée des membranes
des vaisseaux et, d'autre part, par les processus inflammatoires
dans les gaines des vaisseaux, les processus amènent l'épaissis-
sement des parois de vaisseaux ; et peuvent donner naissance même
aux tubercules contenant les cellules géantes.
- Outre ces lésions, on trouve une prolifération conjonctive dans
les tractus émanant de la pie-mère. Cette prolifération peut passer
même dans la névroglie. L'infiltration de leucocytes et les proces-
sus de néoformation peuvent se réunir pour faire naître les
tubercules mixtes. ,
Les processus des vaisseaux et de la névroglie produisent des
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 201
lésions très considérables de nutrition. Il s'ensuit une dégénéres-
cence des fibres nerveuses, sous forme d'îlots; ou bien qui atteint
seulement quelques fibres nerveuses. La dégénérescence en îlots
est causée visiblement par l'ischémie provenant d'une vasculite
tuberculeuse qui peut aboutir jusqu'à l'oblitéralion du vaisseau.
Il y a encore des dégénérescences secondaires dans la continuité,
et des scléroses secondaires causées par les lésions provenant de
l'interruption des cordons... En considérant les troubles trophiques,
il faut tenir compte encore des troubles des vaisseaux lymphatiques.
Dans la pie-mère, on n'a pas trouvé de tubercules, dispersés tout
à fait irrégulièrement dans la moelle. La partie dorsale de la
moelle a été plus atteinte. Presque dans tous les faisceaux, on voit,
à côté des processus anciens, des dégénérescences récentes. C'est
justement dans cette partie que l'on a trouvé le plus grand nombre
de nodules. Au-dessous de cette partie, la dégénérescence com-
. mence à disparaitre, sauf dans les cordons pyramidaux, et même
on n'y trouve point de nodules.
La structure des tubercules plaide pour la chronicité du proces-
sus morbide, comme le prouve aussi la marche clinique. La moelle
a été certainement atteinte en 1886, sinon en 1884. Quelque temps
avant la mort, la maladie a fait des progrès rapides, comme nous
pouvons en juger par les dégénérescences récentes. C'est seulement
l'examen microscopique qui nous peut amener à faire la diagnose.
L'auteur finit avec raison en ces termes : « Es ist bicht
môglich, dass manche solche Faite multiplerVlyelitis für nicht
tuberkulôs gehalten werden, wenn man sich auf die makros-
kopische Untersuchung beschrà,nkt. *
CLINIQUE MENTALE.
PSYCHOSES SUR UN FOND DE DÉGÉNÉRESCENCE
MENTALE CHEZ LE VIEILLARD;
Par le Dr TRÉNEL,
Médecin adjoint des Asiles de la région de Paris.
Les dégénérés peuvent, malgré leur prédisposition à délirer,
atteindre parfois un âge avancé sans qu'aucun accident men-
202 CLINIQUE MENTALE.
tal grave vienne attirer l'attention. Chez des malades qui ont
été considérés pendant une longue existence comme des indi-
vidus normaux, il faut rechercher avec soin les signes de désé-
quilibration et les stigmates mentaux qui ont pu passer ina-
perçus et qui, quelque atténués qu'ils soient parfois, n'en four-
nissent pas moins l'explication de certains troubles mentaux
chez le vieillard. C'est de cette façon que l'on peut expliquer
l'éclosion tardive des syndromes épisodiques, comme l'ont
prouvé il y a longtemps les observations deM. Magnan (folie du
doute à soixante-cinqans,onomatomanieàsoixante-troisansl).
Le syndrome épisodique, à lui seul en l'absence de tout autre
symptôme, suffit pour prouver l'existence de cette dégénéres-
cence : il n'appartient qu'à elle. Il est facilement reconnaissable,
même quand il n'apparaît qu'à l'état d'ébauche. Mais d'autres
états délirants qui doivent présenter dans leur mode de pro-
duction, dans leur évolution ou leurs combinaisons certains
caractères spéciaux (polymorphisme, délire d'emblée, etc.)
pour être valablement attribués à la dégénérescence mentale,
peuvent être assez défigurés par l'affaiblissement sénile des
facultés intellectuelles pour devenir difficiles à classer exacte-
ment, surtout si les données qu'on possède sur les antécédents
sont incomplètes. De plus, ces caractères peuvent être d'autant
plus effacés que, si les symptômes développés sur un fond de
dégénérescence n'éclatent qu'à un âge avancé, il est à sup-
poser qu'il existe seulement une base héréditaire peu char-
gée 2, une prédisposition faible, d'où netteté moins grande du
tableau clinique.
Les deux observations que nous rapporterons ici et que nous
avons recueillies à l'asile Sainte-Anne, dans le service de
notre maître M. Magnan, rentrent dans cette catégorie des
psychoses dégénératives chez le vieillard, question sur
laquelle on trouvera les renseignements bibliographiques et
cliniques les plus complets dans la thèse récente de notre col-
lègue, M. Pécharman (1893). Ces deux observations sont à
rapprocher l'une de l'autre à certains points de vue et
démontrent, nous semble-t-il, que les psychoses des dégéné-
rés naissent, marchent et évoluent d'une façon caractéris-
tique, quelque avancé que soit l'âge du sujet et sont facilement
reconnaissables cliniquement quand l'état intellectuel leur
' Magnan. -- Leçons cliniques et recherches sur les centres nerveux,
. 113 ? lIall et Dahove. - Les Dégénérés (tiiblioth. Cliarcot-Debove).
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 203
permet encore de se développer avec quelque ampleur. C'est
en effet moins le détail du délire, sa forme clinique, qui offre
ici de l'intérêt que l'âge auquel on le voit apparaître. L'une de
nos malades a présenté les premiers symptômes mentaux à
quatre-vingt-neuf ans, l'autre à quatre-vingt ans ; chez l'une
c'est d'un délire polymorphe qu'il s'agit, chez l'autre d'un
délire d'emblée des dégénérés.
OSERVATION I. - Femme de quatre-vingt-treize ans, sans affaiblis-
sement intellectuel; mais de tout temps superstitieuse, croyant aux
pressentiments. Hallucinations et illusions du sens du tact, de la
vue et de l'ouïe. Interprétations délirantes. Idées de persécution
systématisées ; mélancolie anxieuse. Double tentative de suicide.
Début de l'affection actuelle à quatre-vingt-neuf ans. Hérédité.
V... veuve P..., née en 1803, entre le 7 janvier 1893 à l'asile
Sainte-Anne, service de M. Magnan.
Antécédents héréditaires. - Les parents étaient des gens très
superstitieux, et sa famille racontait que la maison paternelle était
hantée ; on disait que, au jour anniversaire de la mort de son
père, des a invisibles » n'avaient cessé de monter et descendre
dans les escaliers « en faisant un bruit ressemblent à celui que
feraient des bottes de paille qu'on traînerait sur le sol ».
La malade elle-même a toujours été superstitieuse; elle croit
à l'influence des dates, du 13 ; son fils a été tué un 13, il est né
un 13. Les anniversaires de mort sont des jours néfastes, elle
mourra un de ces jours-là. Elle a souvent depuis des années des
rêves bizarres, où elle voit un homme avec une tête d'animal. Elle
a des pressentiments chaque fois qu'il doit survenir quelque
événement important. Elle n'a jamais fait d'excès de boisson;
actuellement elle boit un litre devin environ pour ses deux repas,
quelquefois un petit verre de vin vieux, ou de cognac.
Elle n'a jamais été malade; elle était même très récemment
encore assez valide, s'occupant un peu du ménage, lisant réguliè-
rement son livre de prières, etc. Elle est atteinte depuis dix ans
d'une légère surdité, qui s'est accentuée depuis deux ans.
L'intégrité de ses facultés intellectuelles est remarquable pour
une personne de cet âge ; en effet, en dehors de ses idées délirantes
et de ses hallucinations, elle raisonne parfaitement bien. Sa con-
versation est même vive, elle ne cherche pas ses mots et s'exprime
avec la plus grande netteté. La mémoire est intacte et on peut lui
faire conter avec les détails les plus précis certains événements
auxquels elle a assisté : elle nous décrit minutieusement les prison-
niers qu'elle a vus en 1809, dans son pays, les funérailles de
Louis AVIII, en donnant des dates exactes sans la moindre hésitation;
204 CLINIQUE MENTALE.
elle exprime les idées les plus sensées sur les malheurs dont ont
été cause les guerres du premier empire et maints autres événe-
ments historiques. D'ailleurs la mémoire des faits récents est aussi
sûre; là encore, elle cite des noms, des dates avec la plus
grande précision, et en particulier, pour tous les faits qui ont
déterminé son internement, les renseignements ont corroboré com-
plètement son dire. Autre exemple : trois semaines après son
entrée, elle sait qu'elle est arrivée à l'asile le lundi 7 janvier, et
nous indique cette date sans l'ombre d'hésitation.
Son caractère est très égal, gai même et aucun symptôme
intellectuel important n'avait attiré l'attention de son entourage
jusqu'en ces derniers temps. Cependant, depuis quatre ans, elle
prétend parfois qu'on lui tire le bas de sa robe (en réalité, il lui
est arrivé d'y poser Je pied en marchant ou en se levant) et elle
déclare que c'est un mauvais signe, parce qu'elle a remarqué cela,
pour la première fois, le jour anniversaire de la mort de son mari. »
.Cela veut dire qu'on l'appelle...
Ce fait ne s'est présenté qu'à de rares intervalles pendant plu-
sieurs années. Mais depuis trois mois cela se produit très fréquem-
ment, tous les jours même, et, finalement, à coté de ces illusions,
des hallucinations des sens du tact et de la vue apparaissent.
« C'est un véritable roman, dit-elle, on ne voudra pas me croire; o
et ce roman elle le raconte en excellents termes, et sans aucune
hésitation dans le choix des expressions. Tout ce qu'elle dit concorde
très exactement, quant à la chronologie des faits et à leurs détails
les plus minutieux, avec les renseignements donnés par sa famille,
on ne peut mieux faire que de reproduire son propre récit, en
faisant remarquer dès le début la précision des dates, qui n'ont
jamais varié dans des interrogatoires répétés.
c Il y a un an, dit-elle, le 3 janvier, jour de l'ouverture de la
neuveine de Sainte-Geneviève, j'étais assise seule dans ma chambre,
quand j'ai vu passer devant mes yeux des petits papiers, et en me
retournant je les ai vus, posés sur la table à côté de moi. C'était
des boulettes de papier froissées ; pour bien montrer que ces
boulettes avaient été faites à la maison, on en avait jeté des mor-
ceaux par terre ; j'en ai vu lancer trois au moment où je me levais ;
cela faisait comme un oiseau qui saute d'une branche. J'appelle ma
petite fille qui les brûle dans la cheminée après m'avoir dit : « C'est
une invention, c'est comme quand tu crois qu'on te tire ta robe. D
Au moment où elle se relève, je vois qu'on lui en jette deux autres,
mais alors je ne lui en dis rien. Le samedi suivant, "dans la nuit
vers deux heures du matin, on me jette un papier sur le visage ; -,
e me lève posément et je le mets sous mon oreiller. Quand je
raconte cela à ma petite fille, elle me répond : « Ça doit être un
papier qui était sur ton lit et qui est tombé. » Et elle ajoute, quand
je le lui montre, que c'est un bulletin de souscription, elle me le
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 205
lit et s'arrête au mot de « Balthazar s, puis me le fait mettre dans
mon porte-monnaie; le lendemain ce papier avait disparu. Dans
le courant .de juillet, on est venu encore en poser sur mon lit
pendant que j'étais à la cuisine.
a Le 7 septembre 1894, j'étais seule, il y avait une timbale
d'argent sur la table, je l'entends tomber à mes pieds, on fait aussi
tomber un pliant deux fois par terre, après que je l'eusse relevé.
Le soir, on m'a donné deux petits coups sur les doigts.
« Le 14, on faisait remuer quelque chose dans ma chambre,
chaque fois que j'allais à la table de nuit cela sautait comme une
balle élastique ; puis cela a passé le long du mur ; c'est quelque
chose d'invisible. Le lendemain le feu s'allume dans le chandelier
où il n'y avait pas de bougie ; c'est mon petit fils qui me dit :
« Tiens, regarde le chandelier s'allume. » Cela dura une minute,
la flamme courait sur le bord de la cheminée, par terre et sur la
boiserie. La chaise de paille était en flamme, et, quand ce fut fini,
la paille n'était pas chaude. La flamme est alors allée sur le christ
et le christ est tombé.
« Un jour on m'a serré la main ; puis on m'a frappé sur le dos
de la main, avec le bout des doigts. Une autre fois, on m'a lancé
deux petits bancs , et comme je voulais fermer la porte on l'a
poussée trois fois : j'avais alors l'esprit clair comme maintenant. Au
moment où je sortais de ma chambre on m'a marché sur le pied.
c Le jour de Noël, étant à table, tout le temps du dîner on me
tiraillait ma robe ; j'ai dit alors à la main invisible, en riant, parce
qu'elle fait cela pour plaisanter : « Mais vous êtes comme mon
petit-fils, vous êtes jeunes et vous voulez jouer. » Ce soir-là, à peine
couchée, je vois un homme qui vient à moi tendant les bras
comme un désespéré, il va à la porte, puis revient comme pour
m'exterminer : j'ai cru que c'était mon petit-fils, mais on m'a
répondu qu'il était à la messe, ça ne pouvait pas être lui.
« Le jour de l'an, dans la nuit, on est venu me frapper à deux
mains sur le pied. Le lendemain je trouve une étiquette collée par
un coin sur ma casaque. Il y avait dessus un zéro, et quatre lignes
d'écrit entourées d'un cadre bleu ou violet. Cela signifiait que « dans
quatre jours il allait venir » ; il avait laissé cela pour marquer sa
venue. C'est le diable qui a fait cela et qui va m'emporter. "
Depuis plusieurs semaines, elle devient triste, préoccupée, par-
fois anxieuse. Elle a quelques hallucinations de l'ouïe « On a
frappé un jour sur des casseroles dans la cuisine, on se serait cru
dans un atelier de chaudronnerie. * Elle entend des perroquets
faire « pic, pic D. Cela veut dire qu'on va venir la chercher cette nuit,
pour la mettre dans la fosse aux lions, parce qu'elle a offensé Dieu.
Une fois cette idée mélancolique apparue l'anxiété augmente, et
depuis le 3 janvier, elle ne veut plus rester seule. (Notons que le
le, janvier, il y eut chez elle un dîner de famille, et qu'elle y
206 CLINIQUE MENTALE.
a fait peut-être quelques excès de vin.) On va venir la ficeler pour
la jeter dans la fosse aux lions. Elle ne les voit pas, mais un esprit
doit venir la prendre pour la livrer à ces bêtes féroces.
Enfin le 3 janvier, on l'aperçoit tentant de se jeter par la fenêtre,
seule sa faiblesse musculaire, l'a empêchée d'accomplir ce suicide.
Elle raconte elle-même qu'elle a voulu mourir parce que le diable
allait venir le lendemain pour l'emporter.
. Elle fait immédiatement une nouvelle tentative : on avait retiré
tous les objets dangereux, elle saisit une boule d'acier, et s'en
frappe à la tempe, parce qu'elle savait que là, un seul coup suf-
fisait pour faire mourir. Elle dut y mettre toute sa force, car à son
entrée à l'asile tout le côté droit de la face était couvert d'une large
ecchymose, preuve de ses idées bien arrêtées de suicide.,Elle s'était
frappée six fois.
A son entrée à l'asile, elle est calme, raconte posément tous ces
faits, mais montre un peu d'anxiété quand on lui rappelle ses
idées délirantes. Elle n'a jamais eu ici d'hallucinations nettes de
l'ouïe; cependant « ça fait du bruit, un murmure dans son oreille, »
(peut-être réel étant donné sa surdité). D'ailleurs, elle ajoute
qu'elle n'entend rien quand elle est en compagnie de quelqu'un.
Elle dit qu'elle ne mourra pas dans son lit, et que le diable viendra
l'enlever. Elle a du reste absolument conscience de ses actes, sait
très bien qu'elle est dans un hospice et se montre très reconnais-
sante des soins qu'on lui donne. Elle semble se sentir plus en
sûreté à l'asile ; et, dans les premiers jours du mois, elle a
exprimé vivement le désir d'y rester.
Dans les derniers jours de janvier, elle raconte qu'on est venu
tirer sa serviette pendant qu'elle se débarbouillait : c'est toujours
la main invisible qui fait cela. Quelques semaines après, elle sortait
améliorée, mais cependant encore hallucinée.
En résumé, nous constatons chez une femme de quatre-
vingt-treize ans, conservant une intégrité remarquable des
facultés intellectuelles, des illusions et hallucinations tactiles,
visuelles et auditives, et en dernier lieu quelques idées de per-
sécution qui présentent une certaine systématisation. Elles ont
été suivies d'une dépression mélancolique assez grave pour
entraîner deux tentatives de suicide.
Par quel mécanisme se sont produits tous ces symptômes,
chez cette femme jouissant, peut-on dire, de toute son intelli-
gence et dont la longue existence n'a été traversée, semble-t-il
au premier abord, par aucun accident mental. Même, l'intégrité
actuelle des facultés paraît répondre de leur intégrité passée.
Cependant, en examinant plus attentivement le caractère de
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 207'
tous les symptômes accusés par la malade, on est frappé de la
niaiserie de certains faits qu'elle invente et de la facilité avec
laquelle elle interprète faussement des sensations vraies ou
accepte la réalité de ses hallucinations : elle met le pied sur
sa robe en se levant de chaise et croit qu'une main invisible la
lui tire ; elle trouve un papier quelconque, c'est un signe laissé
par le diable ; le vent pousse la porte, c'est quelque invisible
qui l'empêche de la fermer, etc. Chez un individu plus jeune,
on verrait là une marque d'une intelligence faible, mais on
est ici embarrassé en présence d'une femme qui dans l'inter-
rogatoire, et abstraction faite de ses idées délirantes, se montre
raisonnable en somme, malgré son âge, et dont la mémoire est
si présente, étant donné surtout que rien antérieurement ne
semblait pouvoir faire prévoir l'éclosion d'un délire quel-
conque. La conservation des facultés intellectuelles et l'activité
même, la cohérence relativement grande du délire doivent
faire éliminer du premier coup la démence sénile. L'état de la
mémoire en particulier est caractéristique. Notons en passant
que nous n'enregistrons aucun signe de lésion en foyer.
L'histoire antérieure de la malade éclaire ce que son cas
peut avoir de singulier ; nous avons vu en effet que, renseigne-
ments pris, on trouve une famille superstitieuse, croyant aux
revenants, aux hantises. La malade elle-même y croit, et est
très superstitieuse, elle cherche dans des faits indifférents un
présage, elle craint le chiffre 13, elle a des pressentiments ; il
y a donc ici une tare héréditaire et une certaine désharmonie
dans les facultés intellectuelles plus ou moins marquée au
premier abord, mais indiscutable en somme; et, si cette pré-
disposition n'a pas donné lieu à l'un des accidents souvent
fugaces, à un de ces orages si fréquents dans l'histoire des
dégénérés, c'est que peut-être l'occasion seule a manqué
jusque-là ; en particulier l'absence d'intoxication alcoolique a
permis à la malade d'atteindre un âge avancé sans qu'aucun
incident marquât sa vie.
Peut-être même quelques petits écarts de régime sont-ils
venus dans les jours qui ont précédé l'entrée à l'asile, amoin-
drir la résistance de ce cerveau de vieillard, et est-ce sous leur
influence que les tentatives de suicide ont été faites ? Nous
devons noter à ce propos la rapidité presque impulsive avec
laquelle l'idée de suicide fut suivie d'exécution, fait qui n'est
pas ici sans importance.
208 CLINIQUE MENTALE.
Si nous ne nous attachons qu'à l'évolution même du délire,
nous voyons que les premiers symptômes ont été des interpré-
tations délirantes, se rattachant à des impressions tactiles ;
plus tard sont survenus quelques illusions et hallucinations de
la vue, et des interprétations délirantes qui en dépendent ;
enfin des illusions et des hallucinations de l'ouïe sont appa-
- rues ; en dernier lieu, sous l'intluence de ces troubles multiples
se sont développées des idées de persécution, vagues d'abord,
mais qui ont reçu un commencement de systématisation ; des
idées mélancoliques s'étant entées sur les symptômes précé-
dents, les deux tentatives de suicide ont complété l'ensemble
clinique. Si l'on synthétise tous ces faits, on obtient en somme
un délire polymorphe qui rentre bien dans les formes se ratta-
chant à la dégénérescence mentale.
Nous ferons remarquer que ce sont les illusions et hallucina-
tions du sens du tact, très bien déterminées, qui ont long-
temps prédominé. Elles ont été d'une netteté telle que c'est
sur ces hallucinations tactiles, que s'établit au début la systé-
matisation : « J'ai bien senti cette main, nous dit un jour la
malade, comme je sens la vôtre en ce moment, je croyais
même d'abord que c'était la main de mon fils mort depuis plu-
sieurs années ; pour m'en assurer j'ai cherché à passer les
doigts sur son pouce. Je me suis bien convaincue que ce n'était
pas la main de mon fils, car il avait eu le pouce écrasé dans un
accident de machine, et j'aurais toujours reconnu la déforma-
tion de son ongle. C'est alors que je me suis dit que c'était la
main du diable ou d'un invisible. »
Nous compléterons ces quelques remarques par l'histoire
d'une deuxième malade, âgée aussi, chez qui la dégénérescence
mentale se traduit tardivement encore par un syndrome cli-
nique différent mais non moins caractéristique, le délire d'em-
blée.
Observation II. - Femme de quatre-vingt-un an, superstitieuse,
mystique. Dépression mélancolique, suivie d'affaiblissement intellec-
tuel. Délire hallucinatoire survenant subitement : hallucinations
de l'ouïe, et idées de persécution systématisées d'emblée, persistant
depuis dix-huit mois. Hallucinations de la vue transitoires.
G. Louise, veuve M..., âgée de quatre-vingt-un ans, entre le
19 janvier 1895 à l'asile Sainte-Anne, service de M. Magnan.
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 209
Antécédents héréditaires inconnus. - Une de ses filles est entrée
en religion ; la seconde fille est un peu bizarre et émotive.
La malade a toujours été superstitieuse; elle avait la crainte du
vendredi, du 13. D'une dévotion exagérée, elle se confessait tous
lesjours depuis des années. Mais en dehors de « ces petites manies »,
dit sa fille, jusqu'à l'âge de soixante-dix-huit ans, on n'avait cons-
taté aucun trouble mental, elle était intelligente, très sensée; sa
mémoire était intacte : elle n'oubliait rien des faits récents ou
anciens, se rappelait très bien les dates, celles des fêtes, par
exemple. Toujours active, elle passait sa journée à réparer ses
vêtements, il s'occuper des menus soins du ménage ou à lire des
livres' de piété.
Il y a quatre ans, son mari meurt subitement. Elle reste très
frappée de cette perte, très triste, mais sans que son état de tris-
tesse ait paru morbide aux personnes de son entourage. Cependant,
elle perd le sommeil, elle pense sans cesse à son mari, mais sans
avoir d'hallucinations d'aucune espèce, ni de rêves se rattachant
aux idées qui la préoccupent. Peu à peu son intelligence baisse, il
faut la soigner comme un enfant, elle fait des oublis, répète sou-
vent des choses qu'elle vient de dire. Mais elle reste calme, va,
vient très tranquillement, ne manquant jamais d'aller à la messe
quotidiennement.
Subitemeut, le 14 juillet 1893, étant inoccupée dans sa chambre
où sa fille lui tenait compagnie, elle lui dit à brûle-pourpoint
(c'est l'expression employée par sa fille dans le récit qu'elle nous a
fait) : « Tiens, il y a du bruit là-haut, on a donc fait monter des
machines là-haut. Us me parlent, ce sont des somnambules ; ils me
disent qu'ils connaissent les gens de mon pays, ils m'en donnent
des nouvelles ; un tel et un tel sont morts. »
Malgré les protestations de sa fille, elle croit dès cel instant qu'il y
a des somnambules au-dessus de chez elle, quoiqu'il ne se fût pro-
duit aucun bruit anormal qui pût l'effrayer ou prêter à quelque
interprétation que ce fût.
Ces voix, dès le premier moment, sont claires et nettes, et elle en
admet immédiatement la réalité sans la discuter. Elle les écoute
avec une telle attention que rien ne peut l'en distraire. Sa fille
reste des heures entières à la surveiller, cherchant à détourner son
esprit sans aucun résultat. Elle répond à des questions imaginaires
ou en pose à ses interlocuteurs supposés.
Ces interlocuteurs sont d'abord deux somnambules, et la fille de
l'une d'elles, auxquels s'adjoignent un certain nombre de vicaires
de la paroisse. Les somnambules sont deux soeurs et s'appellent
Félicité et Catherine. Au début elles se contentaient de causeravec
la malade, lui parlant de son pays. Mais bientôt l'une d'elles, Féli-
cité, commence à l'insulter, à lui dire des choses désagréables;
tandis que Catherine la défend un certain temps; la malade disait
Archives, t. XXX. 14
210 CLINIQUE MENTALE.
parfois : « Ah merci Catherine, Catherine est bien bonne. » Mais
plus tard Catherine fait chorus avec sa soeur. Il n'y a que la petite
Marie, fille de Félicité, qui a le courage de dire : « Pourquoi fais-
tu du mal it l\1me elle n'est pourtant pas méchante. » Félicité
dit par exemple à la malade : « Ton mari te trompait avec Mm0R. »
- La malade répondit : « Ah ! voilà pourquoi cette femme voulait
toujours revenir de la messe avec nous. » Parfois elle discute avec
ses voix : «Ah ! non, ça n'est pas possible vous mentez 1 » Au bout
de six mois le curé de la paroisse, M. P... intervient; bientôt le con-
fesseur de la malade, M. L... le rejoint, puis tous les vicaires,
MM. V..., G..., R... lis font un vacarme infernal; ils causent entre
eux et avec les somnambules, parlant toujours de la malade ou
bien lui adressant la parole pour lui dire des choses désagréables
ou lui donner des ordres qu'elle suivait passivement : tel que celui
d'aller de suite à l'église.
Irritée par ces persécutions, elle ne veut plus voir son confesseur
et demande à se confesser aux autres vicaires qui refusent; depuis
ce jour elle ne veut plus se confesser, malgré le chagrin qu'elle en
a. Elle s'étonnait de retrouver à l'église les prêtres qui un instant
auparavant étaient dans sa maison, et de les entendre dès son retour
chez elle : « Ils n'ont donc rien à faire, disait-elle, ils ont dû aller
bien vite; ils ne mangent donc pas. » Elle remarque que plusieurs
d'entre eux qui ont été nommés en province continuent à rester là,
leurs successeurs s'unissent à eux. Ils finissent par se trouver au
nombre de 32, et un jour elle leur prépare autant de petits verres
d'eau-de-vie, les invitant à venir la voir. Elle les attend jusqu'au
soir et refuse de déjeuner parce que ces Messieurs doivent venir.
Au bout de la journée elle finit par dire : « Puisqu'ils ne viennent
pas, ce n'est pas la peine de les attendre. Ils sont trop fiers pour
venir chez des pauvres gens. » Elle fit le même manège une deuxième
fois en septembre 1894.
Un autre jour, elle envoya ses enfants leur porter des châtaignes :
mais elle refusait toujours de monter les voir, quand on voulait l'y
obliger pour lui démontrer l'inanité de ses hallucinations. Elle ne
cessait de protester d'ailleurs de toutes ses forces contre les accu-
sations dont elle était l'objet : « Il n'y en a pas de mieux que moi
dans l'église. Je n'ai pas fait tout cela, demandez à Dieu. » Un jour
lans ses préoccupations mystiques elle s'écrie : c Salan, retire-toi
avec toute ta suite, je veux rester en Noire-Seigneur Jésus-Christ. »
Pendant longtemps elle n'a d'hallucinations que de l'ouïe. Les
hallucinations de la vue apparaissent plus tard, et, elles aussi, d'une
façon subite. Un soir de décembre 1894, elle fait cadeau sans rai-
son de sa robe à une amie, puis se couche comme à l'ordinaire
sans présenter aucun symptôme particulier; vers 11 heures, elle
vient subitement se mettre dans le lit de sa fille parce qu'elle a
peur. A 3 heures du matin, elle la réveille disant : a J'ai donné
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 211 1
ma robe à la petite, elle va nous perdre. Donne-moi son adresse,
les prêtres vont y aller. » Et elle leur crie l'adresse en question : -.
llile A... passage D.... Elle reste très agitée; une demi-heure après
elle s'écrie qu'il faut se lever, il y a le feu, elle veut appeler au
secours; elle tente de jeter par la fenêtre toute la literie pour l'em-
pêcher de brûler : «Mais tu ne vois pas le monde dans la rue; on va
tout brûler, on va me brûler dans mon lit, on sent la chaleur, il y a
de la fumée partout, Les voix lui crient : « Il y a le feu dans la
chambre. » On parvient à grand'peine à la calmer; cependant ces
hallucinations disparaissent dès le lendemain.
Elle reste pourtant très anxieuse, elle prétend qu'une nuit les
prêtres ont amené une machine pour la faire mourir. Enfin, depuis
huit jours, elle refuse de se coucher : ils font un vacarme, ils vont
la tuer ; elle met des armes (un couteau et des ciseaux) dans son lit
pour se défendre. Elle s'irrite parce qu'on refuse de la laisser
partir à Meaux, chez sa fille qui est religieuse, auprès de laquelle
elle veut se réfugier ; son excitation augmentant, on la place à
l'Asile clinique (Sainte-Anne), dans le service de M. Magnan.
Pendant les premiers jours elle raconte elle-même, d'une façon
un peu confuse, cette histoire dont sa fille nous a donné les détails
précédents. Elle se trouve tranquille ici, on ne l'ennuie pas; mais
au bout de trois jours, elle se plaint de nouveau que le vacarme
recommence, les machines, les somnambules, les prêtres sont là à
côté, ça l'a empêchée de dormir toute la nuit. Elle est toujours
anxieuse et aussi activement délirante, aussi vivement hallucinée
qu'aux premiers jours de sa maladie, quand elle sort une semaine
après son entrée sur la demande de la famille.
Au pointdevue psychique quoiquelamalade conserve une certaine
activité intellectuelle (elle sait son âge, son adresse, etc.), elle est
cependant notablement affaiblie, elle se rend peu compte de
l'endroit où elle se trouve, ignore depuis quand elle est arrivée, ne
s'étonne pas d'être séparée des siens. Elleneprésente aucun trouble
de la parole. La faiblesse musculaire est assez grande pour qu'on
soit obligé de la tenir au lit. Au point de vue physique, par sa
décrépitude, elle semble plus âgée que notre autre malade qui est
encore assez valide.
C'est encore là un véritable roman, pourrait-on dire, pour
employer une expression de notre première malade, et nous y
trouvons des faits bien particuliers. Le délire a débuté subite-
ment après une assez longue période de dépression mélanco-
lique ; l'affaiblissement intellectuel qui a assez rapidement fait
suite à cet état dépressif a préparé le terrain pour l'éclosion
du délire dans ce cerveau qui paraissait jusque-là solide.
Jusqu'en 1891, en effet, notre malade, comme la précédente,
z) 1 1 1) CLINIQUE MENTALE.
était restée saine d'esprit ; aucun incident n'avait marqué non
plus son existence. A cette époque, à la suite de la mort de
son mari, elle devient très triste, très préoccupée, mais sans
délirer ; seulement son esprit perd de sa vigueur, elle entre
progressivement dans l'affaiblissement sénile des facultés. Mais
ce délire si actif qui survient subitement un beau 'jour ne peut
pas être considéré comme dépendant de la démence. Les délires
démentiels n'ont pas cette cohérence, cette persistance ; ils ne
se perfectionnent pas, ils deviennent au contraire de plus en
plus effacés dans leurs contours. Il faut qu'un autre élément,
l'affaiblissement psychique, intervienne, et cet élément nepeut
être encore ici que la dégénérescence mentale.
En l'absence de tout autre renseignement, la façon brusque
dont les hallucinations ont débuté sans prodrome, sans prépa-
ration est un indice des plus importants. Cette forme suraiguë
n'appartient qu'aux intoxications d'une part (et on peut sans
aucun doute éliminer ici cette cause), d'autre part à la dégéné-
rescence mentale,c'est bien là le délire d'emblée dans sa forme
hallucinatoire. Dans le cours du délire on rencontre de plus
un incident qui donne la note exacte en l'espèce, c'est ce rap-
tus hallucinatoire visuel qui éclate une nuit d'une façon si
inattendue et qui s'efface de même, sans laisser de trace. ,
Enfin, nous avons à attirer l'attention sur le caractère de
systématisation du délire, systématisation qui se fait aussi d'em-
blée et qui reste limitée. Si d'autre part les hallucinations ont
ce caractère particulier de mysticisme et de religion, cette
couleur du délire est due évidemment aux préoccupations ordi-
naires de la malade.
Nous n'avons invoqué, pour attribuer les accidents à la dégé-
nérescence mentale, que la forme du délire, nous retrouvons
d'autres caractères importants dans l'histoire de la malade : ce
sont sa dévotion exagérée, ses craintes du vendredi, du 13,
tous ces faits qui sont l'expression de la débilité mentale, atté-
nuée il est vrai. - Ses antécédents héréditaires nous sont
inconnus. Il faut cependant remarquer que sa fille ne paraît
pas indemne au point de vue mental. -
En somme, les données que nous possédons suffisent, nous
semble-t-il, pour affirmer l'étiologie que nous invoquons dans
cette observation comme dans la précédente ; et ces faits, par
leur netteté, nous ont paru assez intéressants pour mériter
d'être ajoutés aux cas analogues déjà connus de psychoses
PSYCHOSES DE DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. 213
séniles. C'est surtout en raison de l'âge avancé de nos malades,
de l'intégrité des facultés intellectuelles chez l'une et la systé-
matisation d'emblée du délire chez l'autre, que leur histoire
présente quelque intérêt, au moins clinique.
Enfin nous ferons remarquer que le trait le plus saillant
dans ces histoires cliniques est la forme hallucinatoire qu'a
revêtu le délire dans les deux cas. Si nous nous en rapportons
aux faits connus, nous constatons la rareté relative des hal-
lucinations ou leur peu de netteté chez le vieillard mélanco-
lique. Or, chez nos deux malades, les hallucinations viennent
au premier plan ; chez la seconde même, le délire est pure-
ment hallucinatoire. Il y a là une grande similitude avec les
délires de ce genre chez l'adulte. C'est sur ce mot que nous
conclurons en insistant sur ce fait que, dans les observations
précédentes, on trouve une preuve nouvelle de ce fait qu'un
vieillard pourra dans certains cas délirer de la même façon
qu'un adulte.
On conçoit facilement l'importance de ce fait au point de
vue du pronostic- On est toujours tenté en présence d'un vieil-
lard délirant de porter un pronostic grave ; cela est justifié dans
bien des cas, disons même dans la majorité ; mais il ne faut pas
généraliser. Aussi pour éviter de graves erreurs, aura-t-on soin
de faire largement entrer en ligne de compte la notion de l'hé-
rédité, l'état des facultés intellectuelles, au début de l'affection,
leur intégrité persistante malgré l'existence d'un délire, surtout
quand ce délire conserve certain caractère d'activité et de sys-
tématisation. Il faut prévoir aussi que certains accidents men-
taux peuvent être, même chez le vieillard, très fugaces et dis-
paraître sans laisser plus de trace que chez les dégénérés jeunes.
Il est cependant évident qu'à délire égal, si l'on peut s'expri-
mer ainsi, le pronostic sera plus sombre chez le vieillard ; chez
nos deux malades, en particulier, la guérison est sans doute
.problématique et l'affection chez l'un et l'autre a passé à l'état
chronique. -
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS DES ALOENISTES ET DES NEUROLOGISTES.
SIXIÈME SESSION : BORDEAUX.
La sixième session ' de ce Congrès a eu lieu le 1e'' août au
Dôme central de l'Exposition, dont le président et le secré-
taire général ont fait les honneurs en souhaitant la bienvenue
aux membres du Congrès. M. Berniquet, préfet de la Gironde,
a présidé la séance d'ouverture, assisté de MM. Drouineau,
inspecteur général des établissements de bienfaisance, délégué
du ministre de l'intérieur; Daney, maire de Bordeaux; pro-
fesseur Joffroy, président du Congrès; Delcurrou, premier
président; Calmon, président du tribunal civil; professeur
Pitres, doyen de la Faculté de médecine; Dr Régis, secrétaire
général du Congrès. Une nombreuse assistance, composée non
seulement des congressistes, mais encore des médecins de la
ville et du département, et d'étudiants en médecine remplis-
sait le bel amphithéàtre de la Faculté mis gracieusement, avec
les locaux environnants, à la disposition du Congrès par notre
ami le professeur Pitres.
M. BERNIQUET souhaite la bienvenue aux congressistes, il
résume les desiderata qui ont été émis dans les congrès précé-
dents. L'administration désire provoquer les critiques sur les
asiles, afin de tendre toujours vers le mieux. Le champ d'étude
est vaste, car la progression des aliénés est constante. L'alcoo-
lisme en est le principal facteur; cependant ce fléau sévit
moins dans la Gironde qu'ailleurs, car les alcools y sont purs,
il n'y a pas de cas d'intoxication alcoolique chez nos dégusta-
teurs de vins. En terminant, M. Berniquet parle des travaux de
la Faculté de médecine de Bordeaux et de son éminent doyen,
M. Pitres.
' Première session,' Rouen, 1890; puis, Lyon, 1891; Blois, 1892; La
Rochelle,1893; Clei rnond-Fei-raii(],. 1894.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 215
M. le P1' JOFrRoy a pris ensuite la parole en ces termes :
Messieurs, mes chers Collègues,
Je suis certain de traduire fidèlement les sentiments de tout le
congrès en adressant, dès l'abord, ses remerciements à M. le
Préfet de la Gironde, et pour la manière courtoise et flatteuse dont
il nous accueille, et pour les termes élevés dans lesquels il parle
d'une science que nous aimons passionnément. Et comme M. le
Préfet parle au nom de l'Administration, au nom des représentants
de la Ville de Bordeaux et au nom de la Ville elle-même, nous le
prions de reporter l'expression de notre gratitude à cette Adminis-
tration, qui se montre soucieuse de marcher dans la voie du pro-
grès, à ces représentants de la Ville qui ont déjà opéré tant de
réformes utiles et enfin à cette grande cité bordelaise qui, fidèle à
une ancienne tradition, se montre jalouse de conserver aujourd'hui,
comme au temps de Montesquieu, sa double réputation d'activité
scientifique et d'activité commerciale, réunissant en un seul faisceau
sa richesse matérielle et sa grandeur intellectuelle.
Puis, à mon tour, mes chers collègues, je vous souhaite la bien-
venue à tous, Français et étrangers. A vous, Français, dont
l'affluence montre bien que vous avez conscience qu'il vous faut
défendre et agrandir notre patrimoine scientifique. A vous, étran-
gers, qui, avec l'éclat de votre nom et le concours de votre travail,
nous apportez le témoignage précieux et apprécié de vos sympa-
thies. Soyez les bienvenus au milieu de nous.
Maintenant, il me reste un devoir bien doux à remplir. En
m'appelant à présider le congrès des Aliénistes et Neurologistes,
après d'éminents prédécesseurs, vous m'avez fait un honneur dont
je sens tout le prix et dont je ne saurais trop vous remercier. Je
n'ai garde de penser que c'est le plus digne que vous avez élevé à
ce poste d'honneur, mais vous ne pouviez nommer personne ayant
plus à coeur d'affermir le renom et le prestige de la science fran-
çaise, tel que l'ont établi Pinel et Eequirol, ces rénovateurs de
l'aliénation mentale et, plus récemment, Duclieune (de Boulogne)
et mon maître Charcot, ces deux génies créateurs de la neuro-
pathologie moderne. Mais il faut bien dire que maintenir à cette
hauteur le prestige de la science française n'est pas une tâche sans
difficultés, car les notions enseignées par ces maîtres se sont rapi-
dement vulgarisées et ont suscité dans tous les pays une émulation
et une activité qui sont tout à la fois pour nous une gloire et un
danger.
Oui, c'est une gloire pour nous d'avoir vu autrefois les aliénistes,
et de voir aujourd'hui les neuropathologistes de tous les pays tra-
vailler dans le sillon tracé par nos illustres compatriotes et je n'ai
pas à justifier plus longuement cette proposition, car j'ai senti vos
? 16 SOCIÉTÉS SAVANTES.
coeurs battre à l'unisson du mien quand je citais les noms des
grands médecins français qui ont illustré ce siècle et qui sont
l'orgueil de notre corporation.
Mais il ne faut pas s'arrêter, éblouis par le succès, car, comme
le dit Graves, « si l'individu peut se reposer, l'intelligence collec-
tive de l'espèce ne s'endort jamais » et, dans les sciences évolutives,
la gloire est d'un éclat bien, temporaire si l'on ne travaille cons-
tamment a la renouveler. Or, pour cela faire, l'ardeur et les
bonnes volontés isolées ne peuvent suffire, il faut encore et par-
dessus tout une direction réfléchie, une convergence des efforts de
chacun vers un but commun, une organisation appropriée, que
nous voyons peu à peu apparaître dans d'autres pays, alors que
chez nous les réformes et les perfectionnements ne répondent pas
toujours aux exigences de la science ou aux impatiences de nos
désirs patriotiques.
Sans doute, la volonté puissante et la sage prévoyance de
Charcot, en accumulant à la Salpêtrière tous les matériaux de
recherches et d'enseignement, en intéressant à son oeuvre les pou-
voirs publics, en groupant autour de lui toute une phalange de
jeunes travailleurs, qu'il savait animer de l'amour de la science
et du progrès, en fondant en un mot l'École de la Salpêtrière, a
assuré pour de longues années une situation enviable à la neuro-
pathologie en notre pays. La voie est déjà battue, la direction
a été nettement indiquée par le maître, il n'y a qu'à continuer il
aller de l'avant et nous pouvons compter pour cela sur l'activité de
son successeur.
Aujourd'hui donc, et ce résultat nous le devons à Charcot, la
neuropathologie est brillamment enseignée, soit dans les services
généraux, soit dans les services spéciaux, et, en arrivant au terme
de ses études, le médecin a pu acquérir dans cette partie des
sciences médicales les mêmes connaissances que dans les autres
branches de la médecine. Sans doute, il y a encore bien des deside-
rata, mais si les Facultés de province n'ont pas encore, comme
celle de Paris, une clinique spécialement consacrée à l'étude des
maladies nerveuses, elles comptent du moins dans leur corps
enseignant le nom de maîtres indiscutés en neuropathologie : à
Bordeaux, c'est Pitres; à Lyon, c'est Pierret; à Montpellier, c'est
Grasset; pour ne parler que des membres de ce congrès.
- Malheureusement, en même temps que nous constatons la
situation satisfaisante de la neuropathologie, il nous faut constater
qu'en aliénation mentale l'organisation n'existe qu'à l'état d'é-
bauche.
Ce n'est pas un réquisitoire que je veux faire, mais je veux
- joindre mes elforts aux efforts de ceux qui cherchent à remédier à
une situation péIilleuse; je veux profiter de ce que vous m'avez
aujourd'hui placé plus haut pour me faire entendre de plus loin;
SOCIÉTÉS SAVANTES. 217
je veux profiter de la présence d'un représentant de l'Adminis-
tration, dévoué aux intérêts de la science et à la grandeur du
pays, pour que nos voeux soient recueillis plus sûrement; je veux
profiter de la présence des membres de la Municipalité pour leur
dire que si la riche cité bordelaise a déjà beaucoup fait pour la
Faculté de Médecine, il lui reste encore à faire; je veux profiter de
la présence du jeune et distingué doyen, le professeur Pitres, qui
a su en quelques années donner à la Faculté naissante le lustre
des vieilles écoles, pour lui dire que sa tâche n'est pas terminée
puisqu'il y a encore une lacune à combler. Permettez-moi,
Messieurs, de vous exposer brièvement la question.
L'aliénation mentale n'est qu'une partie de la pathologie céré-
brale, et la psychologie n'est qu'une partie de la physiologie du
cerveau, comme l'admettent aujourd'hui les maîtres les plus émi-
nents et en particuler l'Ecole de Rihot, l'Ecole psychologique
anglaise, et comme le répétait volontiers Charcot. C'est pour avoir
un moment méconnu cette vérité fondamentale que l'aliénation
mentale a été en quelque sorte distraite de la médecine, de sorte
que les médecins ont délaissé la- médecine mentale comme chose
étrangère à leur art, et que, d'autre part, les aliénistes, loin de
récriminer, se sont complu dans cette sorte de séparation et d'iso-
lement. Aussi, à une époque qui n'est pas bien éloignée, on aurait
volontiers regardé la médecine générale comme s'adressant à la
matière, pendant que l'aliénation mentale était afférente à un
principe immatériel, suivant les idées théoriques d'Heinroth.
Ces idées surannées, ces fictions ont vécu, mais la scission
qu'elles avaient faite, entre la médecine et l'aliénation mentale,
n'a pas encore disparu. Et, cependant, il suffit de réfléchir un
instant pour comprendre combien il est illogique de ne pas incor-
porer complètement l'aliénation à la médecine. C'est ce que
réclame le simple bon sens. Qu'est-ce, en effet, que le cerveau ?
C'est le centre des mouvements, des sensations et des opérations
intellectuelles. Comment se traduisent les maladies, les lésions du
cerveau ? Elles se traduisent par des troubles du mouvement, des
troubles de la sensibilité et des troubles de l'intelligence, confondant
souvent en un même bloc la neuropathologie et l'aliénation men-
tale. Or, ne vous semble-t-il pas évident que tout médecin doit
connaître les symptômes des maladies du cerveau, y compris les
modifications de l'intelligence, à l'égal des symptômes des maladies
des autres organes, coeur, reins, poumons ou tube digestif. Evidem-
ment cela ne peut être contesté et cependant il n'est pas rare de
rencontrer des médecins complètement étrangers à l'aliénation
mentale et à la psychologie, c'est-à-dire à la partie essentielle de
la pathologie et de la physiologie cérébrales.
Ce résultat, Messieurs, est dû à une éducation médicale impar-
faite, incomplète; cela tient à ce que pendant trop longtemps
218 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'aliénation mentale n'a pas été enseignée officiellement, à ce que
l'Asile d'aliénés était presque aussi fermé à l'étudiant qu'au pro-
fane, et à ce que pendant longtemps, comme aujourd'hui encore,
les connaissances en aliénation mentale furent regardées comme
une instruction de luxe.
On n'exige, en effet, de l'étudiant aucun stage dans un Asile, il
n'a à subir aucun examen spécial, et, le plus souvent, il recevra son
1 diplôme de docteur sans avoir assisté à une seule leçon d'aliénation
mentale, sans avoir examiné un seul aliéné. Et, cependant, ce
médecin sera appelé à voir des aliénés; du jour où il a été reçu
docteur, il peut êlre appelé u décider de l'internement des malades
et à délivrer des certificats qui ont force de loi; il peut être appelé
devant les tribunaux à avoir à se prononcer sur la responsabilité
des accusés, disposant ainsi plus que de la vie des malades, de
l'honneur des familles.
Il y a trois ans, un des membres les plus estimés de ce Congrès, le
Dr Paul Garnier, et l'an dernier, au Congrès de Clermont-Ferrand,
M. Henry Monod montraient qu'il n'est pas extrêmement rare de
voir un tribunal condamner un aliéné, joignant ainsi au malheur
qui frappe une famille la flétrissure d'une condamnation judiciaire.
M. Garnier, pour une seule année, a recueilli lui-même une cin-
quantaine de ces cas; M. Monod a pu en réunir 271 et natu-
rellement il est amené à rechercher le remède à un tel état de
choses.
Pour ma part, je n'hésite pas à dire que c'est une utopie de
croire qu'on peut arriver à éviter complètement les erreurs de ce
genre et que, quand bien même on pourrait remplacer chaque
juge par un aliéniste consommé, ou n'arriverait qu'à diminuer,
mais non il écarter entièrement les causes d'erreur. La question
est des plus difficiles et des plus délicates, et c'est pourquoi aux
moyens indiqués par M. Monod, je demanderai la permission d'en
ajouter encore un.
Je suis, en effet, convaincu que si, comme je le réclame, chaque
médecin recevait en aliénation mentale la même instruction que
dans les autres branches de la médecine et étudiait la médecine
mentale, non pas de façon à être un aliéniste rompu à toutes les
difficultés de cette spécialité, mais seulement de manière à soup-
çonner la folie naissante, le nombre des erreurs judiciaires dimi-
nuerait, parce que souvent le médecin de la famille aurait observé
les premiers symptômes du mal et qu'il s'empresserait d'apporter
aux magistrats le témoignage de son observation et deviendrait
ainsi un auxiliaire précieux de la justice.
L'enseignement de l'aliénation s'impose donc avec les mêmes
garanties que l'enseignement des autres branches de la médecine,
avec stage dans les Asiles, avec examen spécial devant un jury
compétent. C'est là ce qu'exige le bon sens, c'est ce que réclament
SOCIÉTÉS SAVANTES. 219
les circonstances, c'est ce qui se fait dans d'autres pays, en Suisse,
en Russie, etc., c'est ce qui doit exister demain en France.
Je ne suis pas, du reste, le premier à élever la voix pour signaler
l'insuffisance de l'enseignement de l'aliénation mentale. Qu'il me
suffise de rappeler que le regretté professeur Bail l'a fait avant moi
en termes éloquents.
Je ne suis pas non plus seul à attacher à ce desideratum des études
médicales la plus grande importance et je crois pouvoir dire que
l'Administration de l'Instruction publique se préoccupe vivement
de cette lacune et qu'elle sera heureuse le jour où les moyens de la
combler lui seront fournis. Et je ne doute pas que, quand ce jour
sera venu, l'éminent Directeur de l'Enseignement supérieur,
ajoutant un nouveau titre à ceux qu'il a déjà à la reconnaissance
du monde savant, ne s'empresse d'accomplir cette nouvelle
réforme, rendant ainsi du même coup le plus utile des services aux
sciences médicales, aux sciences psychologiques, concourant ainsi
à l'élévation de l'esprit humain.
Si je ne doute pas de la bonne volonté de l'Administration et de
l'Etat, je ne doute pas davantage de la bonne volonté des Pouvoirs
locaux, gardiens vigilants de la réputation des cités. Car, si la
gloire d'une nation ne réside pas seulement dans sa force maté-
rielle, mais aussi dans sa grandeur morale et intellectuelle, l'éclat
et la splendeur d'une ville tiennent non seulement à son étendue et
à sa richesse, à son mouvement commercial et à son développement
industriel, mais encore à son activité et à sa valeur scientifiques.
Mettons-nous donc-tous à l'oeuvre et, suivant la devise de la
Faculté de Médecine de Bordeaux Pro scientix, zcrbe et pat1'iæ, tra-
vaillons, avec une inlassable ténacité, chacun dans notre sphère,
chacun dans la mesure de nos moyens, à l'accomplissement des
réformes et des progrès réalisables, faisons en particulier tout ce
que nous pouvons pour répandre plus largement l'instruction et
surtout l'instruction supérieure parmi la jeunesse studieuse,
sachant bien que ce que nous semons en peines et en sacrifices
viendra, au jour de la moisson, accroître notre patrimoine de
gloire nationale.
Ce discours a été souvent et vivement applaudi. - M. le
D'' DROUINEAU, délégué de M. le ministre de l'intérieur, a pré-
senté ensuite les regrets de M. Leygues et de M. Monod, direc-
teur de l'assistance publique, de n'avoir pu se rendre à Bor-
deaux pour assister à ce congrès et à celui de la protection de
l'enfance.
Il apporte en leur nom l'expression de leur vive sympathie.
L'aliéné doit bénéficier de tous les progrès des sciences médi-
cales et psychiques. La présence officielle d'un représentant
220 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de l'Assistance publique à de tels congrès prouve le souci qu'ils
prennent à l'étude des questions de la protection de la société
par celle de l'enfance et des aliénés. - La séance a ensuite été
levée sur ces mots, et les congressistes se sont répandus dans
l'exposition.
- Séance du leI' août (soir). - Présidence de M. JOFFROY.
Cette séance et les suivantes ont lieu à la Faculté de méde-
cine. Le doyen, M. le professeur Pitres, a bien fait les choses :
la grande porte de la Faculté est ornée de drapeaux ainsi que
le vestibule où abondent des plantes vertes, des palmiers, etc.
Le service du secrétariat de la Faculté, bien organisé et stylé,
facilite la tâche de tous. Des tables ont été réservées dans le
plain-pied de l'amphithéâtre à la presse médicale et politique.
M. RITTI, vice-président du congrès de Clermont-Ferrand,
transmet les pouvoirs à M. Joffroy, nommé président pour
1895.M. JOFFROY remercie et déclare la session ouverte. On pro-
cède alors à la nomination des présidents d'honneur : MM. Ber-
niquet, préfet de la Gironde ; Drouineau, délégué de M. le
ministre de l'intérieur; Delcurrou, premier président; profes-
seur Pitres, doyen de la Faculté de médecine; Th. Roussel,
sénateur; Pujol, Roth (de Moscou); Francotte (de Liège). -
MM. Paul Garnier, délégué du préfet de police, et Gilbert
Ballet, professeur à la Faculté de Paris, sont nommés vice-pré-
sidents. iMM. Sabrazès, agrégé à la Faculté de médecine; le
D''Tissié (de Bordeaux), et Roubinovitch, chef de clinique à la
Faculté de médecine de Paris, sont nommés secrétaires des
séances. - Le bureau étant définitivement constitué, la discus-
sion de la première question s'ouvre aussitôt.
Question 1. - Les psychoses de la vieillesse; rapporteur :
M. Ant. RITTI (de Paris).
On doit entendre, par psychoses de la vieillesse, les affections
mentales qui se développent chez des individus arrivés au dernier
âge de la vie et restés jusque-là indemnes de tout trouble psy-
chique. Les psychoses le plus souvent observées dans la vieillesse
'sont, par ordre de fréquence : la mélancolie sous ses diverses
formes : en particulier la mélancolie simple et la mélancolie
anxieuse; la confusion mentale; la manie; la folie morale; le
délire systématisé. La mélancolie anxieuse de la vieillesse est une
des formes les plus nettement définies par la constante agitation,
l'angoisse, les impulsions violentes, le refus d'alimentation sous
SOCIÉTÉS SAVANTES. 221
prétexte qu'on ne donne à manger que de la chair humaine, de la
pourriture; la tendance aux obscénités, l'insomnie, etc., cette forme
est très curable.
Le délire de persécution, qui débute à l'époque de la vieillesse,
présente aussi des caractères spéciaux. Il suit la même évolution
que celui de l'adulte, mais elle est plus rapide ; il présente, en
outre, des hallucinations de la vue, qui ne sont pas accidentelles,
mais font partie de la maladie et entrent en quelque sorte dans
la constitution du délire. Le délire systématisé, qu'il s'agisse du
délire de persécution ou du délire des grandeurs, peut se mani-
fester dans la vieillesse avec la même cohésion, la même activité,
la même tenue que dans l'âge adulte. D'où l'on peut conclure que
les psychoses se produisant dans les dernières phases de l'existence
ne sont pas nécessairement entachées de cette déchéance intellec-
tuelle, décrite sous le nom de démence sénile.
Une manifestation délirante qui s'observe dans presque toutes
les psychoses de la vieillesse est l'érotisme. Qu'il s'agisse de la
manie, de la mélancolie, du délire systématisé, on trouve chez
tous les malades une suractivité dans la sphère du sens génital, se
manifestant au dehors par des paroles, des gestes, des actes, sou-
vent de la plus grande obscénité.
L'étude des symptômes somatiques est de la plus grande impor-
tance dans les psychoses de la vieillesse. Les troubles de la
circulation, les lésions cardiaques, les lésions rénales sont très fré-
quents. Il est probable que la fréquence, chez les vieillards, de la
confusion mentale est due a une auto-intoxication (urémie) ( ? ).
Les causes de ces psychoses doivent être cherchées dans l'héré-
dité, dans les modifications organiques accompagnant la vieillesse,
dans la résistance moindre qu'oppose le cerveau sénile aux ictus'
moraux et autres. - Le pronostic de ces affections n'est pas
absolument défavorable. La guérison de certaines psychoses de la
vieillesse est presque aussi fréquente que celle des vésanies de
l'âge mur.
L'étude des psychoses dans la vieillesse est, en quelque sorte, le
complément de celle des psychoses de la vieillesse. Les aliénés, et
en particulier les circulaires et les persécutés, arrivent aux extrêmes
limites de la vieillesse sans tomber dans la démence. La plupart
du temps, ce n'est qu'à la suite d'un ictus cérébral qu'ils présentent
les premiers symptômes de cette déchéance de toutes les facultés;
mais alors ce ne sont pas des déments vésaniques, mais des déments
organiques. - La médecine légale des psychoses de la vieillesse
est soumise aux règles ordinaires de la médecine légale des
aliénés. Les cas relatifs à la capacité y sont peut-être plus nom-
breux que ceux concernant la responsabilité.
M. Vallon fait observer que la majorité des psychoses mélanco-
222 SOCIÉTÉS SAVANTES.
liques chez le vieillard est encore plus grande en réalité que cela
ne le semble à considérer la statistique des asiles. En effet, les
mélancoliques séniles non internés sont presque constamment ceux
des séniles aliénés qu'on observe dans la clientèle privée du
dehors.* M. Vallon, cherchant à déterminer quelques caractères
distinctifs entre la mélancolie ordinaire et celle des séniles, relève
la curabilité et la rapidité d'évolution de l'accès : il note la fré-
quente légitimité de l'accès mélancolique chez des vieillards misé-
rables dont l'existence devient avec l'âge particulièrement difficile.
Plus les causes matérielles de détresses ont été réelles, plus ces
causes supprimées permettent un complet et prompt rétablisse-
ment.
M. VERGELY (de Bordeaux) cite six observations personnelles de
mélancolie tardive chez des vieillards sans antécédents personnels
ou héréditaires. Ces cas étaient caractérisés par des hallucinations
visuelles érotiques et la plupart furent terminées par la mort à la
suite de complications broncho-pulmonaires. Les malades appar-
tenaient tous au sexe féminin, la plus jeune avait soixante ans, la
plus âgée quatre-vingt-dix. Elles avaient toujours joui d'un
esprit bien pondéré, aucune tare héréditaire nerveuse ni chez les
ascendants, ni chez les descendants. Pas de sénilité apparente pro-
noncée. Maladies antérieures : rhumatismes subaigu chronique
articulaire et musculaire, dyspepsie, artères scléreuses et athéro-
mateuse, affection vésicale, bronchite, artérite, intégrité du coeur.
Une impression morale chez trois, la masturbation chez la qua-
trième marque le début des accidents qui s'annoncent chez toutes
par une bronchite aiguë ou par une bronchite chronique repassant
à l'état aigu. Cette bronchite des grosses bronches n'a cessé qu'avec
la vie des malades. Pas de toxicité urinaire, ni gastro-hépatique.
Début : hallucination légère de la vue : lueurs, cercles brillants,
inquiétude, irritabilité puis vision de personnages assis, isolés, plus
tard en procession lugubre, costumes et postures indécentes. Dans
un autre cas, un fils est accusé de propos, de tentations obscènes,
une autre réclame dans son lit la compagnie d'un homme. Celle-ci
se livre à la masturbation, celle-là se contente de chanter des
chansons légères, enfin, l'une d'entre elles n'a eu que du délire
de persécution. Ce délire alterne et se mêle à un état de pleine
conscience, il diminue ou disparaît les derniers jours de la maladie.
Les malades ont conscience de la gravité de leur état, annoncent
leur fin prochaine et la désirent pour échapper à leurs pénibles
hallucinations. Tous les cas que j'ai observés se sont terminés par
la mort.
M. MABILLE, directeur-médecin de l'asile de Lafond, donne les
conclusions d'un travail publié en 1890 en collaboration avec
M. Lallemand. 1° Il n'y a pas une folie des vieillards, mais des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 223
formes diverses, des manières d'être de la folie chez les vieillards.
- 2° La manie franche est la forme la plus rare, elle surviendra
souvent par accès à l'occasion de la vieillesse, la plupart du temps
chez les prédisposés, elle se compliquera souvent d'idées de vols,
de troubles génitaux et d'idées ambitieuses. - 3° La mélancolie
qui revêt chez les vieillards presque toujours la forme anxieuse,
avec ou sans idées de doute ou de suicide, avec ou sans croyance
qu'on l'a volé, dépouillé, avec ou sans délire hypocondriaque
absurde, avec ou sans idées de négation, est la forme la plus fré-
quente ; elle aboutit souvent au suicide.
Cette forme de mélancolie survient le plus souvent chez les vieil-
lards qui ont eu des accès antérieurs de mélancolie, qui comptent
des aliénés dans leur famille, ou se manifeste au même âge que
chez les ascendants. L'hérédité peut alors être homochrone et
similaire.
4° Le délire des persécutions, pur de tous mélanges, est relative-
ment très rare chez le vieillard non dément; on y trouve généra-
lement un mélange d'hallucinations de l'ouïe, qui peuvent man-
quer, d'hallucinations de la vue si rares chez le persécuté adulte,
de troubles variés de la sensibilité générale, et en particulier des
troubles de la sensibilité génitale.
L'évolution du délire de persécution vers les idées de grandeur
parait souvent très rapide, mais parfois aussi le délire des gran-
deurs ne s'observe pas ou bien ne se déclare qu'à une époque
éloignée de la maladie; chez le persécuté sénile on retrouvera
souvent la croyance qu'on l'a volé, dépouillé, et l'anxiété des
mélancoliques. En sorte que le persécuté vieillard réagira particu-
lièrement contre ceux qui lui volent ses biens, tandis que le per-
sécuté adulte réagira surtout contre ceux qui l'hallucinent ou lui
prennent sa pensée; de plus, les actes du sénile persécuté seront
empreints très fréquemment d'une vraie puérilité qui le portera
quelquefois à éuumérer docilement ses griefs, sans réagir contre
ses persécuteurs.
5° Il en résulte, en outre, des idées de vol, de la défiance exa-
gérée, de l'anxiété, de l'aboulie, du délire hypochondriaque
absurde, des idées de négations plus fréquentes chez les vieillards
mélancoliques et de la marche irrégulière du délire sénile des
persécutions, des caractères particuliers : ceux-ci lorsqu'ils se ren-
contrent sont le fait d'un affaiblissement plus ou moins apparent
des facultés, bien que le malade ne soit pas en démence.
6° Cela paraît d'autant plus probable que chez les vieillards à
lésions circonscrites du cerveau ou atteints de démence sénile on
retrouvera les mêmes idées de vol, les mêmes actes avec une pué-
rilité plus accentuée, mais ses idées délirantes seront le plus sou-
vent incohérentes, diffuses, souvent transitoires, sans ressemblance
avec la folie proprement dite. ? Les lésions du coeur sont très
224 SOCIÉTÉS SAVANTES.
fréquentes chez les vieillards aliénés et le pronostic des formes
diverses de l'aliénation sera généralement grave, bien qu'un cer-
tain nombre d'accès aient été suivis de guérison.
M. CuLLKRBE(de la Roche-sur-Yon) communique une observation
de délire ambitieux systématisé primitif chez un vieillard de
soixante-douze ans n'offrant pas trace d'affaiblissement sénile de
-l'intelligence. Les faits de ce genre sont assez rares, et il serait dési-
rable d'en réunir un certain nombre, avant d'essayer de résoudre
les questions multiples de clinique et de doctrine qu'ils soulèvent.
Chez ce malade, on constate, en résumé, une sorte de dynamie
fonctionnelle qui rappelle absolument la phase d'excitation de
certains circulaires, ou l'accès maniaque de certains intermittents.
Ce qui caractérise cet état mental, c'est la surexcitation générale
de toutes les facultés. Au premier abord, ces malades font plutôt
penser à l'ivresse qu'à la folie. Malgré l'abondance de leurs idées
on ne constate chez eux aucune incohérence. Ils aiment à pérorer,
à, improviser des poésies, à écrire de longs mémoires. Leur per-
sonnalité s'entle jusqu'aux plus extravagantes proportions. Ils se
plaisent à s'attribuer une puissance extraordinaire, veulent entre-
prendre, réformer, édifier, fonder, et parfois se ruinent en spécu-
lations ridicules. Telle est la physionomie de l'état mental du
malade dont M. Cullerre rapporte l'observation ; l'excitation en est
un élément capital et établit une distinction tranchée entre cet
état et la folie chronique systématisée ambitieuse désignée autre-
fois sous le nom de mégalomanie.
. Les propensions orgueilleuses des déséquilibrés ne se manifestent
jamais seules, elles sont accompagnées de tout un cortège de per-
versions affectives et d'infirmités morales ; le malade dont il s'agit
répudiant sa femme, abandonnant ses enfants et déclarant adul-
térins ceux qui ne se montrent pas disposés à céder il ses caprices,
ne fait pas exception à la règle. L'explosion tardive des troubles
délirants chez les héréditaires et chez les déséquilibrés n'est pas
une chose rare tant s'en faut; More ! n'a pas manqué de le faire
remarquer.
M. Régis communique une observation de psychose sénile chez
un aveugle à hallucinations oniriques volontairement provoquables
que le malade appelle lui-même son sommeil éveillé. A côté
de la vie réelle et d'un raisonnement relativement bien conservé,
il s'est créé une vie seconde virtuelle qui tend à envahir la première
et à s'y substituer. Le malade est euphorique et concentré progres-
sivement dans sa vie intérieure fictive. Une autre sénile femme
avait des illusions hypnagogiques avec réaction'angoissante consé-
cutive de plus en plus prolongées, aujourd'hui disparues. Cette
genèse délirante chez les séniles n'a été jusqu'ici signalée que par
de Krafft-Ebing cité par M. Chaslin dans sa thèse.
, SOCIÉTÉS SAVANTES. 22o
M. CHRISTIAN tire ensuite d'une longue série d'observations de
psychoses séniles des déductions intéressantes qui peuvent se rame-
ner à la constance des préoccupations de jalousie fondées sur
l'érotisme psychique coexistant avec la perte des aptitudes fonc-
tionnelles génésiques.
Séance du 2 août (malin). - Présidence DE M. Joffroy.
Question II : Corps thyroïde et maladie de Basedow; rapporteur,
M. Brissaud.
M. BRHS4UO trace un rapide historique de cette intéressante
question. Puis, il montre l'évolution des idées pathologiques de-
puis la doctrine de Trousseau qui rapportait le goitre exophtal-
mique à une névrose sympathique, jusqu'à la théorie bulbo-protu-
bérantielle dont Ballet fut le protagoniste. Cette dernière théorie
était déjà inscrite dans tous les traités classiques lorsqu'un mémoire
de Moebius (188), important non par ses dimensions mais par ses
conclusions, fit s'opérer un revirement complet de l'opinion : la
glande thyroïde sécrète une substance toxique, et c'est cette subs--
tance qui exerce sur les centres nerveux les actions pathogènes
diverses qui se traduisent par la triade et les symptômes con-
nexes du goitre exophtalmique.
Les raisons de Moebius étaient les suivantes : a) Certains goitreux
des vallées profondes et humides où le goitre est endémique pré-
sentent des signes analogues et parfois même identiques à ceux de
la maladie de Basedow. - b) Dans la maladie de Basedow, si le
corps thyroïde n'est point volumineux, il n'en existe pas moinsdes
lésions constantes de la glande.
On venait d'ailleurs d'apprendre à connaître la cachexie strumi-
prive et le myxoedème lié à l'absence post-opératoire ou à l'atro-
phie partielle du corps thyroïde et il paraissait exister entre ces
deux états d'une part (ralentissement du pouls, torpeur physique
et intellectuelle) et le goitre exophtalmique (tachycardie, irrita-
bilité, etc.) un contraste saisissant. On se demanda si l'hypothyroï-
dalion, c'est-à-dire la diminution ou une suppression de la fonction
thyroïdienne, ne causait pas le myxoedème, tandis que l'hyper-
fonctionnement de la glande, l'lcypcrtlryt·oïdcztio>i, provoquait
l'éclosion'de la maladie de Basedow.
Mais le goitre exophtalmique, considéré par Charcot comme une
entité morbide, est plutôt envisagé actuellement comme un syn-
drome nerveux. De même l'épilepsie dont les anciens faisaient une
espèce nosographique n'est plus qu'un syndrome qui peut être mis
en jeu par des causes multiples. En matière de système nerveux, la
lésion n'est rien, la localisation est tout. Cette localisation peut
comporter plusieurs centres; s'ils sont tous actionnés les uns après
Archives, t. XXX. 15
226 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les autres, on aura une série de phénomènes identiques consécutifs;
si quelques-uns seulement de ces centres sont excités ou inhibés
le tableau clinique sera incomplet et fruste et de même qu'il existe
une épilepsie larvée, de même on connaît le goitre exophtalmique
fruste.
Dans tout syndrome, il est toujours un signe primordial. Dans
- l'épilepsie c'est l'absence; dans la maladie de Basedow c'est la ta-
chycardie perçue (palpitations) ou non perçue. L'hyperthyroïdation
ferait à la rigueur comprendre le cas insidieux de goitre exophtal-
mique, avec sa triade classique; mais elle permet difficilement
d'expliquer les cas suraigus après une émotion vive, un mouvement
de colère, une « peur figée (Po tain).
Ces considérations nous conduisent à examiner l'étiologie. Parmi
les causes générales, la plus constante est la prédisposition héré-
ditaire, parfois similaire (Mignon). Les causes spéciales sont les
causes nerveuses accidentelles, les chocs émotionnels, les maladies
thyroïdiennes. A la suite d'une thyroïdite subaiguë, d'origine grip-
pale par exemple, on a vu évoluer une maladie de Basedow mais
très incomplète dans son expression symptomatique. La pneumonie,
le mal de Bright, créent aussi le goitre exophtalmique; mais ce
sont le plus souvent des formes latentes, insoupçonnées et qu'il
faut savoir dépister. Tels sont, brièvement exposés, les éléments
étiologiques disparates.
Le chapitre le plus important vise les lésions du corps thyroïde
dans la maladie de Basedow. On pensa tout d'abord ¡que l'hyper-
trophie de cet organe résultait de troubles vaso-moteurs et de fait
il diminue toujours de volume post mortem, subissant une décon-
gestion subite.
De plus l'hypertrophie thyroïdienne n'est pas proportionnelle à
l'intensité de la maladie, ce qui militait en faveur d'une modifi-
cation secondaire d'ordre vaso-moteur. '
Plus tard MM. Joffroy et Achard insistent sur la constance des
lésions diverses (kystes, sclérose) du corps thyroïde chez les base-
dowiens ; mais ces lésions banales se retrouvent chez des sujets
indemnes de tout symptôme de goitre exophtalmique. S'agirait-il
d'une lésion spéciale, d'une hyperthyroïdite avec une augmentation
des surfaces sécrétantes d'une véritable cirrhose hypertrophique
(Letienne) ? Deux examens anatomo-pathologiques plaident dans
le sens de cette opinion.
Les auteurs qui invoquent l'action du processus infectieux sur le
corps thyroïde se heurtent à ce fait singulier que l'hypertrophie
thyroïdienne est généralement unilatérale ou du moins prédo-
mine d'un côté, surtout à droite. Cette dimidiation serait en faveur
plutôt d'une action nerveuse.
Les partisans de la théorie nerveuse placent dans le bulbe l'inci-
tation initiale qui entretient par un effet vaso-moteur, soit des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 227
deux côtés, soit d'un seul côté du corps thyroïde, un état d'irrita-
tion vaso-motrice etvaso-sécrétoirequicrée la lésion thyroïdienne.
La preuve de cette explication se fera peut-être physiologique-
ment. Mais la clinique et l'anatomie pathologique sont encore peu
explicites sur ce point.
La théorie la plus plausible est celle d'une irritation des centres
bulbaires avec, ultérieurement, transformation kystique et cirrhose
épithéliale du corps thyroïde. La physiologie expérimentale prête
main-forte à la théorie bulbo-prolubérantielle. Entre le bulbe et
la protubérance, à la partie externe du plancher du quatrième
ventricule, il est une région dont l'irritation ou la destruction en-
traine le syndrome basedowien. Filehne ayant sectionné les corps
restiformes sur de jeunes lapins vit survenir simultanément
l'exophtalmie, la tuméfaction du corps thyroïde et la tachycardie.
Durdouh a même indiqué avec une grande précision le niveau des
corps restiformes auquel il convient de pratiquer la section pour
provoquer cette maladie de Basedow expérimentale : c'est juste à
la hauteur du tubercule acoustique. Ce sont là des observations
physiologiques de haute portée que la clinique a pu corroborer
dans un petit nombre de cas. Quand le tabes, qui a une marche
ascendante, atteint les corps restiformes, il met en branle le syn-
drome de Basedow. La pachyméningite cervicale hypertrophique,
la syringomyélie, peuvent produire ce même résultat.
Ainsi, en faveur des théories nerveuses s'inscrit l'étiologie. Pour
la théorie thyroïdienne plaident la symptomatologie et aussi l'ana-
tomie pathologique. Mais, dans cette seconde hypothèse, si l'hyper-
thyroïdisation cause la maladie de Basedow, comment agit-elle sur
les centres nerveux ? Il faudrait ici céder la place aux physiolo-
gistes. Peut-être répondraient-ils que jamais l'injection à l'homme
ou à l'animal de suc thyroïdien, quels que fussent la dose et le
mode d'emploi, n'a réalisé un goitre exophtalmique typique.
M. Brissaud examine ensuite la sanction thérapeutique de la
théorie thyroïdienne. Des deux médications thyroïdiennes, l'une est
chirurgicale, l'autre médicale.
A. Traitement chi1' ! ll'gical. - S'il faut en croire les chirurgiens,
le seul traitement rationnel et efficace de la maladie de Basedow
est l'intervention chirurgicale. Ils peuvent discuter encore sur les
procédés opératoires; il n'en est que deux auxquels on doive
recourir : la thyroïdectomie partielle et la ligature des artères
thyroïdiennes. Kocher, partisan de la ligature, reproche à la
thyroïdectomie quelques morts subites; en raison de la friabilité
des vaisseaux dans la maladie de Basedow et vu la nécessité de
faire l'opération aussi rapidement que possible, la plupart des chi-
rurgiens préfèrent la thyroïdectomie.
A quel moment faut-il intervenir. Cette question est évidemment
228 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la plus grave, attendu que l'urgence de l'opération n'est jamais
immédiate, en dehors des cas de grande compression ou de cachexie
imminente. Le traitement médical, sur lequel nous n'avons point
à nous étendre, compte aussi ses succès et, en tout cas, la cachexie
ne survient, au pis aller, qu'une fois sur cinq dans le goitre exoph-
talmique vrai. Il est donc impossible d'établir une règle géné-
rale; ou, s'il en est une, on doit la formuler de la façon suivante :
l'opportunité de l'opération est déterminée par le danger ou même
par la menace du danger.
B. Médication thyroïdienne. S'il est un traitement illogique de
la maladie de Basedow, c'est bien à coup sûreeliti qui consiste dans
l'ingestion de lobes thyroïdiens ! Et cependant ce traitement a été
préconisé; qui plus est, il semble avoir donné quelques bons ré-
sultats ! Appliquer à deux maladies contraires la même méthode
thérapeutique, surtout lorsqu'il s'agit d'un médicament aussi éner-
gique que le corps thyroïde, c'est le comble du similia similibus, le
comble de l'homéopathie à haute dose. Voici, croyons-nous, dans
quelles conditions on en est venu à recourir à la médication thyroï-
dienne contre le goitre exophtalmique.
Les injections ou l'ingestion du suc thyroïdien (extrait ou pulpe)
avaient fait leurs preuves dans le traitementdu myxoedème acquis.
On les appliqua au myxoedème crétinoîde ou crétinisme myxoedé-
mateux et ce fut avec un succès presque égal. Rien n'était plus ten-
tant que de les employer contre le crétinisme goitreux, et le
nombre des cas heureux fut tel qu'on y vit un encouragement à
utiliser la même méthode dans le goitre simple. Du goitre simple
au goitre exophtalmique, il n'y avait qu'un pas, surtout depuis
qu'on faisait la part si belle aux faux goitres exophtalmiques.
Quelques physiologistes protestèrent au nom de la doctrine violée.
Ils n'avaient pas eu recours eux-mêmes à cette thérapeutique pa-
radoxale ; mais elle leur semblait tout à fait contre-indiquée. Les
faits ayant plus d'éloquence que la logique pure, on n'eut pas de
peine à mettre au jour un certain nombre de cas dans lesquels
l'administration du suc thyroïdien, non seulement avait été inu-
tile, mais encore avait exagéré considérablement les symptômes de
la maladie de Basedow (Horsley, Canter, Marie).
Nous n'avons pas d'opinion personnelle sur ce point. Il nous est
cependant difficile de mettre en doute l'authenticité des résultats
publiés par Jules Voisin, Bruns, Reinhold, Beclère, Bogrof. Ce der-
nier auteur aurait obtenu, dans douze cas de goitre exophtal-
mique, des améliorations tout à fait remarquables. Plusieurs ma-
lades auraient pu être considérés comme complètement guéris ! Ce
ne sont pas seulement les symptômes généraux qui, au dire de
l'auteur, auraient cédé à la médication, mais encore la tachycardie
et le goitre. Seule, l'exophtalmie aurait persisté. Nous attendrions
. SOCIETES SAVANTES. 229 9
volontiers, avant de recourir nous-même à cette méthode, que de
nouveaux succès l'eussent définitivement consacrée.
Le thymus est un organe qui passe, à tort ou à raison, pour
l'antagoniste du corps thyroïde. L'idée de traiter le goitre exophtal-
mique par l'ingestion de fragments de thymus (ris de veau) devait
venir à l'esprit. Toutes les tentatives sont permises dans cette voie
nouvelle. J. Mikulicz (de Breslau) se félicite de cette thérapeutique,
dix fois sur onze l'amélioration aurait été considérable et ra-
pide.
Nous terminerons en signalant un procédé sérothérapique mis à
l'essai depuis quelques mois par MM. Ballet et Enriquez. Les recher-
ches auxquelles nous faisons allusion sont trop peu avancées encore
pour qu'on puisse en tirer des conclusions définitives. Les auteurs
eux-mêmes se tiennent encore très prudemment sur la réserve;
mais l'idée directrice de leurs expériences est si ingénieuse que
nous aurions regretté de n'en pas dire au moins un mot. Ils ont eu
l'obligeance de mettre à ma disposition quelques notes très expli-
cites dans leur concision, et nous ne saurions mieux finir qu'en
leur cédant la parole :
« Nous avons cherché à réaliser expérimentalement l'liypertbyroi-
disation par différents procédés : l'ingestion, la greffe et les injec-
tions d'extrait thyroïdien glycérine, préparé selon la formule de
d'Arsonval. Sans entrer dans le détail de nos expériences, nous
dirons que l'ingestion, même de très fortes doses et prolongée pen-
dant plusieurs mois, n'a pas provoqué chez tous nos animaux des
phénomènes toxiques ; quelques-uns semblaient même jouir d'une
immunité complète à cet égard. 11 est intéressant d'opposer ce fait
expérimental aux résultats rapides et constants que provoque l'in-
gestion du corps thyroïde chez l'homme dans le cas de myxoedème.
« La greffe, que nous avons pratiquée avec succès, soit à distance
dans le péritoine, soit au niveau même du corps thyroïde, n'a pas
été suivie non plus de symptômes bien nets.
e Par contre, l'injection sous-cutanée d'extrait thyroïdien du
mouton a provoqué chez nos animaux et cela d'une façon cons-
tante, un tableau symptomatique, identique dans ses allures mais
variable dans son intensité et dans sa date d'apparition, suivant la
dose injectée et surtout suivant l'âge de l'animal en expérience; les
animaux jeunes se montrent beaucoup plus sensibles à l'intoxica-
tion thyroïdienne. Les phénomènes d'intoxication consistaient au
début en de la fièvre, de la tachycardie, des crises de tremblement
et, souvent aussi, en une agitation accompagnée d'un certain
éclat du regard. Nous n'osons affirmer qu'il y ait une exophtalmie
vraie, bien qu'elle aitparu exister dans deux cas et qu'elle aitétére-
levée par un observateur non prévenu. Si on poursuit l'intoxication,
l'amaigrissement survient très rapide (certains de nos animaux, les
plus jeunes, ont perdu le tiers de leur poids en moins de huit
230 SOCIÉTÉS SAVANTES.
jours), accompagné de crises, de diarrhée et de malaise ; l'agitation
fait place à la torpeur, les animaux se meuvent difficilement, quel-
ques-uns ne peuvent même plus se tenir sur leurs pattes ; ils suc-
combent dans le collapsus.
« Mais, en dehors de ces symptômes d'intoxication générale, les
injections sous-cutanées d'extrait thyroïdien, pratiquées en général
dans la paroi abdominale, ont provoqué chez nos animaux des mo-
ldifications importantes du corps thyroïde. Chez trois de nos chiens,
nous avons pu constater une tuméfaction très nette des lobes du
thyroïde, tuméfaction qui, dans un cas, atteignait le volume d'une
mandarine, véritable goitre expérimental. Cette tuméfaction s'est
amendée avec les autres symptômes d'intoxication, fièvre, ta-
chycardie, etc., quand on a cessé les injections, et a reparu aussitôt
qu'on les eut reprises.
« Sur un certain nombre de chiens soumis aux mêmes expé-
riences, nous n'avons pas constaté de tuméfaction appréciable des
lobes thyroïdes, mais par contre, chez la plupart, nous avons pu
constater des lésions histologiques importantes. Ces lésions histolo-
giques, qui souvent transforment la glande au point de la rendre
méconnaissable, consistent en une inflammation intense, à la fois
interstitielle et épithéliale, aboutissant en dernière analyse à sa
transformation scléreuse.
« Ainsi l'injection à distance d'extrait thyroïdien provoque dans
la glande même une réaction inflammatoire des plus vives : il y a
là une véritable élection. C'est un fait qu'il nous semble important
de souligner : on pourrait l'invoquer pour admettre que la fonction
physiologique antitoxique de la glande thyroïdienne telle qu'on la
conçoit à l'heure actuelle s'accomplit dans la glande elle-même et
non dans le courant sanguin ni dans les organes.
« De plus, cette transformation scléreuse de la glande avec des-
truction complète des alvéoles et des cellules épithéliales, à la suite
de l'hyperlhyroïdisation expérimentale, pourrait expliquer aussi
certains cas cliniques où l'on a vu les symptômes du myxoedème
succéder à ceux de la maladie de Basedow. Elle expliquerait aussi
comment, dans ces cas, certains symptômes relevant non plus
d'une hyperthyroïdisation, mais bien d'une hypothyroïdisation
secondaire, ont pu être améliorés par le traitement thyroïdien,
ingestion de lobes ou injections d'extrait.
« S'il est vrai que, chez l'homme, les symptômes observés dans
la maladie de Basedow relèvent également de l'liyperthyroïdisa-
tion, nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas là l'indication
d'un traitement particulier. A l'état normal, et c'est là l'hypothèse
la plus vraisemblable qui semble découler de très nombreuses
expériences, il se formerait dans l'organisme une substance toxique
qui neutraliserait la sécrétion thyroïdienne normale. L'extirpation
ou la destruction du corps thyroïde permet l'accumulation dans
SOCIÉTÉS SAVANTES. 231
l'organisme de cette substance toxique non neutralisée : c'est la
condition pathogénique du myxoedème. Dans le cas d'hyperthyroï-
disation, il y a au contraire excès de sécrétion thyroïdienne neu-
tralisante, sans qu'il y ait suffisamment de substance toxique à
neutraliser. Dans ces conditions ne pourrait-on pas essayer de di-
minuer les effets de l'hyperthyroïdisation par l'injection d'une
certaine quantité de substance toxique à neutraliser ? C'est ce que
nous avons essayé de réaliser en injectant du sérum de chiens
éthyroïdés à un certain nombre de malades basedowiens.
« C'est là, nous le répétons, une idée théorique dont la démons-
tration nécessite des recherches longtemps poursuivies. Nous pou-
vons cependant dire d'ores et déjà que les résultats obtenus jusqu'à
présent, particulièrement chez une malade du service du Dr Bris-
saud, dont l'exophtalmie a diminué d'une façon très notable à la
suite de ce traitement sérothérapique, nous autorisent à poursuivre
nos recherches dans cette voie. »
M.RENAUT(deLyon). -Dans son rapport, M. Brissaud conclut avec
raison que l'hyperthyroïdisation expérimentale ne reproduit pas le
syndrome de Graves dans son entier et, d'autre part, que nous ne
connaissons pas le mécanisme que les centres nerveux mettent en
oeuvre pour créer les conditions anatomo-pathologiques spéciales
d'où procède Pliyperthyroidation. Nous ne savons pas, dit-il, si,
dans la maladie de Basedow, c'est le bulbe ou la glande thyroïde
qui commence; il incline plutôt à penser que c'est surtout le bulbe.
Bref, la discussion va s'engager encore une fois entre « bulbaires »
et « thyroïdiens». J'ai à vous faire connaître et à préciser mon senti-
ment sur la question, car je suis à vos yeux, je le pense du moins,
un « thyroïdien » par excellence; mais encore peut-il importer de
savoir sous quelle forme je le suis présentement.
La théorie thyroïdienne du goitre exophtalmique est issue de
deux travaux initiateurs : celui de Moebius et la thèse de mon élève
Bertoye (1888), dans laquelle j'ai montré l'existence d'un type de
fièvre liée au goitre exophtalmique et d'une lésion particulière
(sclérose intralobulaire effaçant les voies lymphatiques, sauf dans
les intervalles des lobules). De cette altération, il résulte que la
sécrétion interne de la glande, au lieu de se faire à l'intérieur du
lobule par les lymphatiques et par les veines, ne peut plus se débiter
que par voie veineuse en pénétrant directement dans le sang. Je
supposais, en outre, que le produit de la thyroïde, ne subissant plus
dans les voies de la lymphe ses transformations normales, créait
dans l'organisme un état d'intoxication dont la fièvre était un signe
révélateur. Le syndrome de Graves est, dans cette conception, la
réaction bulbo-protubérantielle suscitée par le poison thyroïdien ;
la cachexie basedowienne est le résultat de l'empoisonnement chro-
nique des tissus.
232 SOCIÉTÉS SAVANTES.
L'analyse histologique fut mon instrument d'investigation. J'ai
d'abord cherché une lésion en dehors du système nerveux central,
où rien de typique n'était relevable. En revanche, dans toute ma-
ladie de Basedow légitime, la thyroïde, hypertrophiée ou non, est
toujours malade. Les grains glandulaires et les boyaux épithéliaux
pleins qui les relient sont doublés d'une néoformation conjonctive
^ mince, d'une couche de cellules plates endothéliformes qu'on ne
retrouve pas à l'état sain. De plus, le stroma interacineux n'est
plus constitué par du tissu connectif lâche. On ne trouve plus, au
sein de ce dernier, les fentes lymphatiques normales plus ou moins
nettement injectées de matière colloïde identique à celle des grains.
Mais tout récemment j'ai pu pénétrer plus avant dans cette étude
histologique.
Sur une jeune fille de vingt ans, basedowienne type, mon collègue
et ami, le professeur agrégé Jaboulay, a enlevé un lobe de thyroïde
que j'ai injecté immédiatement avec le mélange osmio-picro-argen-
tique. Traité de la même façon et pris pour terme de comparaison,
un corps throïde de chien montre l'immense réseau des lympha-
tiques interlobulaires et intralobulai1'cs fixés, distendus et impré-
gnés de nitrate d'argent. Dans la thyroïde exophtalmique le dispo-
sitif est bien différent. Tous les lobules sont séparés les uns des
autres par de larges bandes de tissu conjonctif lâche où courent
les vaisseaux sanguins de distribution. Les veines sont gorgées de
sang. Les lymphatiques, avec leur endothélium festonné, sont im-
menses. Dans l'intérieur des lobules pas un lymphatique ne se
montre. Tout le système des lymphatiques intra-lobulaires est
annulé. Les grains thyroïdiens marginaux seuls débitent leur subs-
tance colloïde dans les lymphatiques interlobulaires, demeurés à
leur portée comme voie d'issue. Au centre, la voie sanguine sub-
siste seule et règne largement ; le débit de la sécrétion thyroïdienne
ne peut se faire là que par la voie veineuse directe.
Considérons maintenant les éléments de la glande elle-même.
Je suis d'accord avec Brissaud et Greenfield sur la réalité d'une
cirrhose hypertrophique thyroïdienne. Tout le parenchyme glan-
dulaire de nouvelle formation est intérieur au lobule, c'est-à-dire
en un point dépourvu de lymphatiques : ceux-ci constituent nor-
malement les voies d'élimination, les canaux excréteurs de la
glande thyroïde ; dans la maladie de Basedow, ils n'existent plus.
Les colorations électives àl'éosine hématoxylique colorent en rose
la matière colloïde des grands lymphatiques interlobulaires et des
grains marginaux du lobule. Dans les grains centraux cette réac-
tion colorante est faible ; dans les grains néoformés au centre des
lobules, elle est ordinairement nulle. Et cependant, la marge des
lobules, seule atteinte par l'acide osmique de l'injection, est, de ce
chef, bien plus difficile à colorer que le centre, où l'acide osmique
n'a pu pénétrer grâce à la sclérose.
SOCIÉTÉS SAVANTES. ? 3
Quelle explication faut-il donner maintenant de ces faits d'ana-
lyse histologique précise ? Quelle en est au juste aussi la portée à
prévoir ? Ici, je vais être forcé de mêler à des faits quelques inter-
prétations. Sur un foetus humain de trois mois les grains glandu-
laires de la thyroïde ont un contenu d'aspect brillant, que l'éosine
ne'colore pas en rose. Ce contenu est représenté par une substance
que j'appellerai thyromucoïne. A l'état adulte, le corps thyroïde
sécrète par contre une autre substance que j'appellerai thyrocolloïne.
C'est la thyromucoïne qui est d'ailleurs le produit direct de l'acti-
vité sécrétoire de l'épithélium thyroïdien; elle forme des granu-
lations réfringentes à l'intérieur du protoplasma des cellules
épithéliales. ·
La thyrocolloïne est le résultat de réactions secondaires qui se
passent dans la petite cavité glandulaire réalisée par chaque grain
thyroïdien ; elle répond à l'état de maturité de la sécrétion thy-
roïdienne. Elle n'est nullement formée par des cellules particu-
lières, comme le croyait 0. Langendorff, ou ayant suivi une évo-
lution spéciale, comme le pense encore Iiürtlile. Elle se produit
naturellement dans tous les guains desservis normalement par leurs
canaux excréteurs lymphatiques.
En résumé, nous voyons que, dans la thyroïde des exophtalmi-
ques, la thyrocolloïne ne se forme régulièrement que dans les grains
marginaux, ceux qui débitent leur contenu dans les grands lym-
phatiques interlobulaires, développés au maximum pour vicarier la
fonction excrétoire annulée du centre du lobule. Au sein de ce
dernier, là où les lymphatiques manquent, les grains déjà formés
sont pauvres en thyrocolloïne : la maturation du produit de sécré-
tion ne se fait pas. Là où il y a des grains jeunes, néoformés, le
produit de sécrétion reste constitué par la thyromucoïne seule.
Dans les glandes dontle conduit excréteur s'atrésie progressivement,
le parenchyme prolifère suivant le type de la cirrhose hypertro-
phique ; ici, les lymphatiques excréteurs intra-lobulaires faisant
défaut, ces conditions se trouvent réalisées.
La sécrétion s'exerce normalement encore sur la marge du lobule,
subissant dans les voies lymphatiques l'action toxicophage des glo-
bules blancs, ce qui empêche la cachexie strumiprive. Mais, au
centre du lobule, c'est de la thyromucoïne qui s'éliminera et cela
directement paries veines. C'est dans la thyromucoïne que je suis
amené à reporter le poison basedowien ou plutôt thyroïdien. C'est
cette substance retirée du corps thyroïde foetal qui devrait servir
à des expériences d'hyperthyroïdisation sur l'animal. Mais ce poison
thyroïdien agit en retour sur la glande thyroïde qui tend à
revenir à l'état foetal, ainsi que l'ont démontré MM. Ballet et
Enriquez.
La sécrétion thyroïdienne est sous la dépendance du système
nerveux central et, dans l'espèce, d'un centre butbo-protubérantiel.
234 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Un p1'Ím1l1n movens à déterminer, peut-être variable (il pourrait
être microbien, résulter d'une auto-intoxication, d'une extension
des lésions neuraxiales préalables, ou se réduire à une action de
choc), met la glande thyroïde en hyperactivité par l'intermédiaire
du système nerveux. L'bypel'lhyroïdisation commence lentement,
sourdement d'abord. Il y aura dès lors trop de thyroprotéine à
détruire le long des voies lymphatiques. Alors apparaîtront aussi
'ces troubles fonctionnels précurseurs, émotivité, anxiété des choses
ambiantes, tremblements légers, éclat du regard, relevés dans '
l'hyperthyroïdisation expérimentale et qu'on ne manque guère de
constater au début de la maladie de Basedow. C'est la période fonc-
tionnelle.
L'hyperthyroïdisation crée une lésion de la glande. C'est alors la
thyromucoïne qui passe directement dans la circulation sanguine
et va impressionner les centres nerveux. Alors apparaissent les
symptômes majeurs basedowiens, ceux de la période d'intolérance
qui se termine par une cachexie mortelle ou par une période de
tolérance et d'effacement des symptômes morbides.
M. Jorr.noY. - Je suis heureux de voir M. Renaut se montrer
« thyroïdien », selon l'expression pittoresque de M. Brissaud.
Je profite de l'occasion pour lui demander quelques éclaircisse-
ments, car il y a loin, à ce qu'il semble, entre sa manière actuelle
d'envisager les choses et celle qui est exposée dans la thèse de
M. Bertoye, dont une partie est écrite de la main de M. Renaut.
Dans ce dernier travail, le goitre exophtalmique est considéré
comme une maladie infectieuse et la cause morhigbne de la ma-
ladie comme appartenant à l'ordre des agents infectieux, des fer-
ments figurés vivants.
D'autre part, la fièvre du goitre exophtalmique, dans cette pre-
mière conception pathologique de MM. Bertoye et Renaut, serait
produite « par la mise en jeu de deux facteurs combinés, une per-
turbation nerveuse et un agent infectieux, celui-ci devant peut-être
son existence au défaut de fonctionnement de la glande thyroïde ».
M. RENAUT. - Les doctrines médicales ont évolué depuis 1886 et
j'ai orienté mes recherches sur des bases nouvelles.
M. GLEY rappelle les données expérimentales acquises sur la
physiologie de la glande thyroïde.
Le mécanisme de cette fonction nous est inconnu. Comment
connaîtrions-nous le mécanisme du fonctionnement troublé ?
En fait, quelle est la valeur des explications proposées pour rendre
compte des symptômes de la maladie de Basedow ?
La théorie de la sécrétion exagérée de la glande thyroïde n'est
pas justifiée par les faits. Personne jusqu'à présent n'a reproduit
intégralement la maladie par les injections répétées de liquide
thyroïdien.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 235
D'autre part, les faits thérapeutiques ne sont pas plus démons-
tratifs. Dans certains cas la maladie parait avoir été aggravée par
l'extrait thyroïdien, mais il y a des cas où elle a été améliorée par
le même traitement. Même contradiction dans les effets du traite-
ment chirurgical.
Ainsi la maladie de Basedow ne peut actuellement s'expliquer par
l'exagération de la sécrétion thyroïdienne. Il y a plus : on pourrait
par des raisons aussi vraisemblables expliquer la maladie par une
insuffisance de cette sécrétion. En effet, tous les symptômes secon-
daires de la maladie, tremblements, contractures et convulsions,
paralysies, troubles respiratoires, digestifs, oculaires, etc., s'ob-
servent chez les chiens thyroidectomisés. Quant à l'exophtalmie et
à la tachycardie on pourrait en rendre compte par des phénomènes
de compression du sympathique cervical et du pneumogastrique,
d'autre part, résultant du goitre même. Le goitre s'accompagne-
rait des altérations plus ou moins profondes des éléments glandu-
laires, d'où l'insuffisance fonctionnelle de la thyroïde.
Une troisième théorie pourrait être soutenue, on peut penser
que les symptômes de la maladie dépendent de l'intoxication de
l'organisme par des produits anormaux formés par la glande
thyroïde altérée. Il conviendrait en tout cas d'entreprendre l'étude
systématique des extraits de glande altérée, comparativement à
l'étude de l'extrait de glande normale.
En définitive ce que nous pouvons, je crois, affirmer seulement dans
l'état actuel de nos connaissances, c'est qu'il existe un rapport de
cause à effeten treles altérations de la glande thyroïde etlamaladiede
Basedow. Les observations de M. Renaut cadrent avec cette opinion.
MM. Ballet et Enriquez (de Paris). Parmi les théories qui
essayent d'expliquer le mécanisme pathogénique de la maladie de
Basedow, il en est une qui est à l'ordre du jour, c'est celle de l'hyper-
thyroidisation. Nous avons pensé, il y a plus d'un an, qu'avant de
chercher à formuler une théorie, il était intéressant d'étudier chez
l'animal les effets de l'hyperthyroïdisation. La communication que z
nous avons l'honneur de faire vise surtout à vous exposer les résultats
des expériences poursuivies dans ce but (quelque parti d'ailleurs
qu'on en puisse tirer) pour l'interprétation de la maladie de Graves.
M. Gley a par avance fait la critique de la théorie de l'hyperthy-
roïdisation. On aura à apprécier dans quelle mesure les faits expé-
rimentaux que nous rapportons peuvent servir à étayer cette théorie.
Bien que, en l'état actuel des choses, elle nous paraisse la moins
inacceptable de toutes celles qui ont été proposées et que provi-
soirement nous ayons tendance à nous y rallier, nous tenons à
déclarer que nous faisons bon marché des interprétations pour nous
attacher exclusivement aux faits. Ceci dit, voici le résumé de nos
recherches sur l'hyperthyroïdisation expérimentale.
236 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Tout d'abord, nous devons rappeler que, chez l'homme, le trai-
tement thyroïdien intensif dirigé contre les accidents de myxoedème
a provoqué des symptômes analogues à ceux de la maladie de
Basedow, tachycardie, instabilité, du pouls, tremblement, éclat du
regard, exophtalmie (Béclère). Expérimentalement, nous avons
essayé de réaliser l'hyperlhyroïdisation par trois procédés : la greffe,
l'ingestion et les injections d'extrait thyroïdien. Ces divers procédés
'ont fourni des résultats différents. D'une façon générale, l'âge
semble être un des facteurs importants d'intoxication thyroïdienne,
quel que soit le procédé employé. C'est ainsi qu'un de nos chiens,
âgé de cinq mois environ, a succombé à des injections sous-cuta-
nées d'extrait au bout de sept jours, alors que les mêmes injections
pratiquées à des doses doubles ou triples, et cela pendant plus
longtemps, n'ont pas provoqué la mort de chiens âgés de plusieurs
années. Quant à la valeur relative des trois différents procédés
d'hyperthyroïdisation dans nos expériences, l'intoxication réalisée
par les injections d'extrait s'est montrée plus intense et plus cons-
tante.
Dans deux cas de greffe, celle-ci s'est résorbée. On a procédé par
ingestion sur six chiens. Dans aucun cas, même après intoxication
prolongée (800 lobes en quarante jours), nous n'avons provoqué la
mort. Ce fait est en contradiction apparente avec les cas où chez
l'homme on a provoqué par ingestion en excès de corps thyroïde
des accidents graves et même mortels. Du reste les résultats de
l'ingestion chez l'animal sont variables. Les doses massives provo-
quent des diarrhées qui, vraisemblablement, permettent l'élimina-
tion trop rapide du produit pour qu'il soit absorbé.
Il y avait donc intérêt à recourir à l'injection d'extrait glycérique
préparé suivant les procédés usuels. Disons cependant que l'inges-
tion détermine des symptômes immédiats et des symptômes tar-
difs. Les premiers s'observent déjà une demi-heure a deux heures
après l'ingestion (élévation de la température, fréquence plus
grande des battements de coeur). En dehors de ces deux symp-
tômes, on constatait une période d'excitation très manifeste (éclat
particulier de l'oeil, crises de tremblement et de dyspnée qui duraient
environ deux heures).
Les symptômes tardifs ont consisté en une conjonctivite cons-
tante, en un amaigrissement rapide et en des troubles digestifs
divers. La diarrhée, sanguinolente ou non, est un signe habituel.
L'un des chiens soumis à des doses relativement faibles au début
a présenté au maximum ces divers symptômes. Il a eu en outre de
l'exophtalmie. Ces symptômes rappellent le tableau clinique de la
maladie de Basedow sauf l'augmentation de volume du corps
thyroïde.
Sur douze chiens, on a pratiqué des injections sous-cutanées.
Dans presque tous les cas, le tableau symptomatique était ana-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 1237 -j
logue à celui que nous venons de décrire, mais avec plus d'in-
tensité. L'âge de l'animal importe beaucoup plus que la dose
employée.
Quand on multiplie les injections, l'amaigrissement s'accentue,
les crises de diarrhée et de mélaena se répètent jusqu'à la mort. II
y a constamment de la polyurie et souvent de l'albuminurie. A
l'agitation succède la torpeur, voire même des phénomènes para-
lytiques, et enfin le collapsus terminal. De plus, fait intéressant,
les lobes thyroïdiens sont hypertrophiés parfois considérablement.
Les lésions histologiques, correspondant à cette hypertrophie, sont
superposables à celles que vient de nous décrire M. Renaut. Elles
sont même plus accusées puisqu'elles peuvent aboutir à une trans-
formation granuleuse et ultérieurement scléreuse du parenchyme.
Quelles conclusions doit-on tirer de ces expériences ? Il est évi-
dent que l'h5pertliyroïdisation a reproduit un bon nombre des symp-
tômes de la maladie de Basedow ; on ne peut dire qu'on détermine
l'affection elle-même dans son intégralité. En dehors de la repro-
duction de la plupart des symptômes du goitre exophtalmique, il
faut souligner la réaction inflammatoire produite dans la glande
elle-même par l'injection à distance d'extrait thyroïdien. On peut
invoquer ce fait pour admettre que la fonction physiologique anti-
toxique de la glande thyroïde s'accomplit dans la glande elle-
même et non dans le courant sanguin.
Les transformations scléreuses de la glande sont donc consécu-
tives : elles peuvent expliquer pourquoi une insuffisance thyroï-
dienne, se traduisant par quelques symptômes de myxoedème, peut
succéder à un goitre exophtalmique type; elles permettent aussi
de comprendre l'efficacité du traitement par le suc thyroïdien
dans certains cas de maladie de Basedow à la période secondaire
d'hypothyroïdisation.
Étant donnés ces faits expérimentaux, quelle est l'hypothèse la
plus vraisemblable ? M. le professeur Joffroy qui a mis en cause, il
y a quelques années, le corps thyroïde dans la genèse de la ma-
ladie de Basedow, a cherché à rattacher la maladie à des lésions
destructives du corps thyroïde (trouble de son fonctionnement).
Comme M. Renaut, comme nous-même, M. Joffroy modifierait
sans doute aujourd'hui sa manière de voir en tenant compte des
nouveaux faits acquis. Les lésions invoquées par M. Joffroy se
retrouvent (Brissaud) en dehors des goitres exophtalmiques et sont
de cause banale. D'autre part, la cirrhose hypertrophique (Bris-
saud) mérite confirmation. Quant aux lésions histologiques décrites
par M. Renaut, elles sont secondaires. Pour nous, le phénomène
initial, c'estle fonctionnement exagéré de la glande thyroïde, par
conséquent un trouble humoral. Cette sécrétion exagérée met en
branle dans le bulbe, ou accessoirement dans la moelle, les noyaux
qui président à la maladie de Basedow, et, secondairement, ,1'hy-
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
perthyroïdisation provoque dans la glande elle-même, chez l'homme,
les lésions de Renaut. Les causes morales, infectieuses ou toxi-
ques qui agissent sur le système nerveux, mettent en branle l'hy-
persécrétion.
Cette théorie justifie les tentatives thérapeutiques suivantes : à
l'état normal, et c'est l'hypothèse la plus vraisemblable, il se,for-
merait dans l'organisme une substance toxique neutralisée par le
corps thyroïde normal. L'extirpation ou la destruction de la glande
provoque l'accumulation de cette substance toxique non neutralisée
dans l'organisme : c'est le myxoedème. Dans le cas d'hyperthyroï-
disation, au contraire, il y a plus de sécrétion thyroïdienne neutra-
lisante que de substance toxique à neutraliser. Dans ces conditions,
on peut, pour diminuer les effets de l'hyperthyroïdisation, injecter
une certaine quantité de substance toxique à neutraliser. Le sérum
de chien éthyroïdé remplit ce but et nos tentatives thérapeutiques
sont jusqu'à présent favorables.
M. GLEY tient à faire remarquer de nouveau qu'il n'attaque
aucune théorie et ne soutient ni l'h3·perthyroïdisation ni l'hypothy-
roïdisation. Cette réserve faite, il importe de préciser les termes du
problème. Personne n'a reproduit intégralement la maladie en injec-
tant du liquide thyroïdien si j'en crois, du moins, les recherches et
statistiques publiées jusqu'à ce jour. Je persiste à croire que ni la
tachycardie, ni le goitre ne sont des caractères spécifiques.
Il y a des raisons aussi valables pour l'hypothyroïdisation que
pour l'hyperthyroïdisation. Il faut en ce cas mettre une sourdine
aux théories : encore une fois on ne peut connaître la fonction
troublée d'un organe quand on ne connaît pas sa fonction normale.
Si M. Ballet a des faits nouveaux confirmant sa manière de voir,
nous les attendons avec impatience et les lirons avec intérêt : tous
les travaux éclairant la question seront toujours les bienvenus qu'ils
viennent des histologistes, des physiologistes ou des cliniciens.
M. Verrier. - J'insiste sur l'incompatibilité notée par M. Bris-
saud entre le myxoedème et le goitre exophtalmique, puisque le
premier est l'atrophie, le second l'hypertrophie du corps thyroïde.
De cette opposition il résulte logiquement que le traitement qui
convient au myxoedème ne saurait convenir au goitre exophtal-
mique, malgré quelques observations de M. Jules Voisin qui
paraissent favorables à l'injection ou à l'ingestion du suc ou de la
pulpe thyroïdienne.
Je fais des réserves pour la sérothérapie encore en voie d'expé-
rimentation par MM. Ballet et Enriquez. Je crois à l'avenir de la
sérothérapie artificielle par le procédé de J. Chéron et en attendant
je recommande aux praticiens l'hydrothérapie et l'électrothérapie
galvanique ou statique.
llilVf : TATY et Guérit (de Lyon). - Nous avons employé chez un
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
malade du service de la Clinique des maladies mentales le trai-
tement préconisé par Mikulicz (de Breslau) dans la maladie de
Basedow, l'ingestion de thymus. Notre sujet, prédisposée hérédi-
taire, présentait outre les signes physiques de la maladie, des
troubles mentaux caractérisés par des idées vagues d'empoison-
nement et de persécution. Elle était toute la journée en mouvement
Mais tandis que la malade de M. Rubiez n'a pris que 375 grammes
de thymus en cinq semaines, la nôtre, grâce à sa boulimie, a pu
absorbersans troubles connus 1 kg, 500 de thymus crus en deux mois
environ. Nous avons employé le thymus de veau, comme l'indiquait
ce matin même M. le professeur Renaut, comme Mikulicz lui-
même avait conseillé de le faire, bien qu'il eût utilisé le thymus de
mouton dans son cas. Les résultats de ce traitement ont été faibles
au point de vue physique. La malade a seulement maigri de
3k6,400. Le tour du cou est resté le même, ainsi que le tremblement.
Quant J'état mental et à l'agitation, ils n'ont présenté aucune
modification. Après un repos de huit jours, cette malade a été
soumise au traitement par la thyroïdine de Merck à la dose de
40 centigrammes par jour, pendant dix jours. Nous n'avons observé
aucun des effets fâcheux relatés par divers auteurs à la suite de
l'emploi de la thyroïdine ou du corps thyroïde dans la maladie de
Basedow. Au contraire, l'agitation a paru diminuer, et même dans
les jours qui suivirent la suppression de la thyroïdine, la malade
passa plusieurs heures de la journée assise et tranquille. Mais le
délire était resté le même. Pendant le traitement la malade a
encore maigri de 3 kilogrammes.
M. Régis communique un nouveau cas de myxoedème infantile
notablement amélioré par le traitement thyroïdien. -J'ai eu l'honneur
de présenter par deux fois à la Société de Médecine de Bordeaux, il
y a quelques mois, une jeune fille de treize ans et demi atteinte de
rnyxoedème infantile type, très heureusement modifié par le trai-
tement thyroïdien. J'ai insisté particulièrement, à l'occasion de ce
cas, sur deux points : d'une part, sur l'activité extrême de la médi-
cation thyroïdienne, qui n'avait jamais pu dépasser chez la malade
la dose quotidienne de 10 centigrammes sans provoquer des acci-
dents d'excitation fébrile; d'autre part, sur l'efficacité prépondé-
rante de cette médication dans le domaine de la nutrition générale,
où elle se révélait par un accroissement rapide de la taille et une
poussée intense de la dentition.
M. J. Voisin (de Paris). - Depuis sa dernière communication à la
Société médicale des Hôpitaux en octobre 1894, il a soigné deux
autres malades atteints de goitre exophtalmique par l'alimentation
thyroïdienne, et il a obtenu des résultats satisfaisants. Les obser-
vations de M. Voisin le poussent à penser que la glande thyroïde
des malades sécrète un liquide anormal, vicié, et que l'alimenta-
240 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tion thyroïdienne diminue les effets de sécrétion anormale.La thy-
roïdisation ne serait donc pas la seule cause du goitre. Il faut
admettre une sécrétion anormale au point de vue de la qualité
aussi bien que de la quantité. L'alimentation thyroïdienne détruit
les toxiques que le corps thyroïde de l'individu a versés dans l'éco-
nomie, ou bien il faut admettre que cette alimentation supplée à
la sécrétion insuffisante du corps thyroïde malade.
M. Poxs (de Bordeaux) lit une observation relative à une femme
atteinte de maladie de Basedow typique. Cette femme était une
hystérique, dont les attaques cessèrent lorsque le syndrome base-
dowien apparut.
M. Poas termine sa communication par les considérations géné-
rales suivantes : Dans l'excellente page de critique que M. Brissaud
a écrite pour le Congrès, il fait un exposé magistral des doctrines
qui ont cours sur le goitre exophtalmique; il met, surtout, en pré-
sence les deux théories qui sont le plus en faveur auprès du monde
savant, la théorie thyroïdienne et la théorie nerveuse. La lecture
de ce rapport, très impartial, ne convertit à aucune de ces doctrines,
peut-être parce qu'elles sont également ingénieuses, défendues l'une
et l'autre par des hommes également éminent ? . Il y aurait donc
quelque témérité à vouloir formuler, à l'heure actuelle, une opinion
sur un sujet si obscur et si controversé. Il me sera permis de remar-
quer, toutefois, que l'observation qui précède est peu favorable à
l'hypothèse d'une infection thyroïdienne. Il est difficile, en effet,
d'attribuer un rôle capital dans la scène morbide à ce goitre qui
vient faire son apparition tardivement, qui disparaît pour se montrer
de nouveau. A moins qu'on ne suppose que le goitre existait dans
le principe, virtuellement, qu'il n'a jamais disparu en totalité et
qu il a pu exercer en tous temps l'action toxique que la théorie
thyroïdienne lui assigne. Si l'on suit attentivement l'histoire de la
maladie depuis son enfance, on est porté plutôt à chercher la
genèse de cet état morbide dans une intoxication initiale qui a fait
de bonne heure une hystérique de la femme E... Elle n'a jamais
cessé d'être en puissance d'hystérie et les signes cliniques qu'elle
présente encore aujourd'hui permettent de la considérer comme
une hystérique.
Lorsque les attaques l'ont quittée, une époque malheureusement t
indéterminée pour nous, pour faire place au syndrome basedowien,
ne pourrait-on voir, dans les nouveaux accidents qui ont apparu,
une modalité nouvelle d'un même trouble pathologique ? Le mal
de Graves serait alors une sorte d'hystérie larvée. C'est que nous
nous trouvons, en effet, avec cette malade, en plein domaine hysté-
rique. Le tremblement, les troubles sensoriels cutanés, la suppres-
sion de certains réflexes, le rétrécissement du champ visuel me
paraissent le démontrer. L'analyse de l'urine, qui a été faite plu-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241
sieurs fois, fait voir une diminution notable de l'urée et des excréta.
La malade a présenté, comme beaucoup d'hystériques, un léger
état fébrile qui, à certaines époques, a été marqué par des recru-
descences et par une aggravation concomitante des troubles men-
taux. A ces crises correspondait un gonflement de la tumeur thy-
roïdienne.
Tous ces phénomènes ont paru connexes, l'évolution du goitre
semblait liée à la crise fébrile et aux manifestations délirantes. Il y
a là un groupement de faits cliniques où l'hystérie joue le rôle pré-
pondérant. On remarque encore que l'analyse de l'urine a fait
découvrir un changement bien connu dans les proportions des phos-
phates. Le dosage de ces sels a montré une augmentation notable
de l'élément terreux, auquel des idées modernes attribuent une
signification importante pour caractériser l'hystérie grave. Quelques
points méritent encore d'être relevés dans cette observation. Les
rapports entre la température, le pouls et la respiration semblent
se dérober à toute règle. Tandis que la température suit une courbe
régulière d'une interprétation facile, on peut voir que le pouls
tacbycardique ne suit pas les modifications thermiques. Au contraire
il s'en écarte formellement, diminuant de fréquence le soir, où se
produit une élévation de température.
La respiration a toujours été rapide et sa fréquence a augmenté
ces jours derniers, alors que les autres symptômes s'amendent et
que l'état général s'améliore. L'émotion parait exercer une influence
sur le nombre des respirations (qui a pu aller jusqu'à 76 et qui est
aujourd'hui de 58 à 60 le matin comme le soir). On a pu s'assurer
que lorsque la malade est seule, elle respire plus facilement. Chose
bien curieuse, la malade ne parait pas souffrir de la dyspnée. Si on
lui demande si sa respiration est gênée, elle répond négativement.
Cette dyspnée serait donc purement nerveuse, bien que l'état du
coeur puisse contribuer à sa production. Nous avons vu en effet que
l'organe cardiaque est le siège de lésions graves; une péricardite
ancienne et une hypertrophie ventriculaire.
Je voudrais, en terminant, appeler, sur un détail, l'attention de
mes savants collègues. La femme E... a été arrêtée à la suite d'une
inculpation d'attentat à la pudeur. L'enquête a donné des résultats
douteux et les protestations que la malade fait entendre dans la
demi-lucidité semblent sincères. La science n'est pas affirmative, si
je ne me trompe, au sujet de l'excitation génésique dans la maladie
de Basedow. Se produit-elle chez la femme et faut-il y attribuer
une importance en médecine légale ?
M. Trenel (de Vannes) communique une observation de paralysie
généraleavec maladie de Basedow et tabes combinés. Le goitre
exophtalmique semble lié au tabes qui paraît lui-même comme la
paralysie générale être d'origine spécifique.
. Archives, t. XXX. 16
242 SOCIÉTÉS SAVANTES. '
M. MADiLLE(de la Rochelle) apporte une observation de maladie de
Graves guérie à la suite d'une grossesse normale.
M. Badinski signale dans sa pratique personnelle deux observa-
tions typiques de l'existence de la maladie de Basedow avec le
myxoedème. Ces faits semblent particulièrement embarassants
pour les théories en discussion fondées sur l'hypothèse de toxines ou
^d'antitoxines en excès ou déficit selon que l'on aurait atfaire à l'une
ou l'autre de ces affections, basedowienne ou myxoedémateuse. Il
est difficile de comprendre qu'un même produit puisse être à la
fois en excès et en défaut.
M. GLEY, à ce propos, vient confirmer les observations cliniques
de M. Babinski par des faits d'expérimentation physiologique. Des
chiens et autres animaux thyroidectomisés présentent parfois les
mêmes symptômes que l'on attribue à l'hyperthyroïdisation dont il
ne saurait être question en l'absence de corps thyroïde.
M. Matton (de Dax et Salies-de-Béarn). -Je crois devoir appeler
l'attention du Congrès sur un cas clinique que j'ai observé récem-
ment. 11 s'agit d'une malade qui a présenté à la fois une maladie
de Basedow, une cirrhose hypertrophique thyroïdienne chronique,
si l'on veut, et une cirrhose hypertrophique du foie avec ictère.
C'est une jeune fille de vingt-quatre ans, appartenant à une famille
de névropathes alcooliques, quelque peu alcoolique elle-même, et
dont une soeur est morte de goitre exophtalmique. Elle a le goitre,
l'exophtalmie, la tachycardie et le tremblement; elle présente, de
plus, les signes de la cirrhose hypertrophique du foie : ictère
chronique, troubles digestifs profonds, selles et urines bilieuses,
etc.; enfin un état mental particulier tout à fait anormal. Je
présente le fait sans me permettre de conclure : Je pense qu'il
est curieux de voir évoluer un même processus anatomique sur la
glande thyroïde et sur la glande hépatique d'un même sujet.
Après la séance, M. le professeur J. RENAUT a fait une très inté-
ressante conférence sur les neurones.
Séances du 3 août 1895. - PRÉSIDENCE DE M. Joffroy
' ET DE M. G. Ballet.
Le succès du Congrès est démontré par l'affluence des auditeurs.
L'amphithéâtre est comble. Avant la discussion générale, M. Regaud,
préparateur de M. Renaut, a donné la technique de l'emploi du
bleu de méthylène dont M. Renaut et lui se servent pour colorer les
éléments nerveux.
Question III : Des impulsions il'résistibles des épileptiques ;
rapporteur, M. V. Parant.
Les impulsions irrésistibles des épileptiques appartiennent au
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
groupe des délires de courte durée; elles le constituent même en
majeure partie, ce qui leur donne au point de vue médico-légal une
grande importance. Parmi les points qui me semblent devoir
solliciter l'attention d'une manière particulière, dit M. Parant, je
signalerai les suivants : 1° la détermination des manifestations
impulsives, auxquelles Morel donnait le nom d'épilepsie larvée;
2° la précision des symptômes, qui, en dehors de la connaissance
des accidents épileptiques convulsifs, permettent de rattacher à
l'épilepsie les impulsions qui lui sont propres; 3° la recherche des
faits où les impulsions épileptiques proprement dites surviennent
en dehors des accidents convulsifs; 4° l'examen des conditions où,
en dehors des impulsions proprement dites, les épileptiques doi-
vent être considérés comme irresponsables de leurs actes.
La première question est une de celles qui sont le plus contro-
versées. Il s'agit de savoir si des individus qui n'ont jamais présenté
aucune des manifestations habituelles de l'épilepsie convulsive
(absence, vertiges, attaques complètes ou incomplètes) peuvent
avoir des impulsions qui soient réellement de nature épileptique.
Ces impulsions, rappelons-le, ont été désignées par Morel sous le
nom d'épilepsie larvée.
Pendant longtemps, l'opinion de cet auteur fut admise sans con-
teste et ne rencontra aucun contradicteur. S'il n'a pas continué à
en être ainsi, cela lient, sans doute, à ce que des disciples trop fer-
vents ont voulu faire entrer, dans le cadre de l'épilepsie larvée, tout
délire transitoire à forme impulsive.
Aujourd'hui il existe, parmi les aliénistes, deux opinions contra-
dictoires relatives à l'épilepsie larvée : suivant les uns, cette sorte
de trouble mental dont l'impulsion irrésistible est le caractère pré-
dominant existe ou peut exister indépendamment de tout phéno-
mène convulsif, si fugace ou si léger soit-il, vertige ou simple
absence; suivant les autres, les impulsions ne sont jamais indépen-
dantes des troubles convulsifs.
La question ne pourra être tranchée que par des faits; mais
jusqu'à présent ceux-ci sont peu nombreux et je n'ai guère pu en
réunir que trois qui soient réellement propres à faire admettre
l'existence de l'épilepsie larvée.
A défaut des faits il y a quelques arguments qui, en dépit des
négations contraires, sont favorables à cette doctrine. Un des plus
formels est tiré des cas où il se produit ce qu'on a désigné sous le
nom de substitution et qui concernent des faits dans lesquels un
individu sujet à des troubles mentaux divers, ne fussent-ils d'ailleurs
pas impulsifs, voit ces troubles disparaître au moment où il pré-
sente des attaques d'épilepsie qu'il n'avait point éprouvées jusque-
là, et inversement les cas dans lesquels des attaques d'épilepsie
convulsive diminuent de fréquence ou même disparaissent lorsque
surviennent des perturbations mentales.
121l4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Un autre argument doit être tiré des similitudes plus ou moins
complètes que peuvent offrir entre elles deux manifestations mor-
bides dont l'une porte nettement l'estampille de ses attaches origi-
nelles, et dont l'autre, sans la présenter aussi clairement, sans
même la présenter du tout, ressemblera d'une manière frappante
à la première. Ainsi, par exemple, on a affaire à deux impulsifs,
qui tous deux offrent les mêmes symptômes, tous deux ont eu le
même délire, tous deux ont accompli les mêmes actes inconscients,
tous deux enfin sortent de leur crise d'une manière identique. L'un
a eu des attaques d'épilepsie convulsive, l'autre n'en a jamais pré-
senté. Peut-on ne pas reconnaître que tous deux sont atteints de
la même maladie ? Peut-on, dans le second cas, ne pas porter le
diagnostic d'épilepsie avant d'avoir vu les convulsions elles-mêmes ?
S'il en devait être ainsi, il vaudrait autant dire qu'aucun diagnostic
n'est possible. Nous sommes donc bien réellement en droit de con-
clure que la nature épileptique des impulsions peut être affirmée
même indépendamment de la constatation ou de la connaissance
des accidents convulsifs.
Arrivons maintenant aux caractères généraux des impulsions
épileptiques. D'une manière générale, l'impulsion est un phéno-
mène dans lequel l'individu est entraîné irrésistiblement, malgré
lui, à commettre un acte. Tantôt il en a conscience, tantôt il ne
s'en rend aucun compte. L'inconscience résulte de l'évolution
même de la crise et provient d'un autre phénomène bien plus
important, presque constant, sinon constant, et qui est l'amnésie,
la perte du souvenir des actes accomplis et des faits survenus pen-
dant la crise impulsive.
L'amnésie doit être considérée comme le signe le plus impor-
tant des impulsions irrésistibles des épileptiques. Bien qu'on la
rencontre dans d'autres états morbide=, dans d'autres formes
impulsives, notamment celles des hystériques, nulle part ailleurs
elle ne se présente avec les allures qu'elle prend dans l'épilepsie;
aussi lorsqu'elle peut être constatée avec certitude, permet-elle de
caractériser nettement le trouble morbide auquel elle se rattache.
Dans quelques cas cependant, le malade a une notion assez obs-
cure, assez vague de certains incidents de sa crise. Il ne se rappelle
pas tout, mais quelques particularités ont laissé leur empreinte
dans la mémoire et ne se sont point effacées.
Il est d'autres cas où le souvenir, également assez vague, ne
s'exerce pas spontanément, mais revient par une sorte de réflexion,
de retour sur lui-même que fait le malade, ou grâce aux indications
que lui donne son entourage. L'inconscience et l'amnésie des actes
ont une conséquence importante au point de vue de la médecine
légale : c'est que les épileptiques impulsifs, ayant accompli leurs
délits ou leurs crimes d'une manière ouverte, ne prennent ensuite
aucun soin pour les dissimuler, pour se sauver, pour se dérober
SOCIÉTÉS SAVANTES.. , 245
aux yeux de témoins importuns. Elles font encore que l'individu
montre une grande indifférence à l'égard de ce qu'il vient de faire
et que, même lorsqu'il est revenu à lui, il n'en manifeste souvent
aucun remords. Un autre caractère des actes impulsifs des épilep-
tiques est d'être toujours identiques les uns aux autres chez le
même individu.
A l'identité des attaques entre elles se rattache un autre carac-
tère qu'il est assez fréquent de rencontrer dans les impulsions épi-
leptiques, c'estqu'elles reviennent périodiquement avec une certaine
régularité. La constatation de l'impulsion elle-même est une simple
question de fait et la concordance des signes dont nous avons parlé
permet d'en faire le diagnostic.
Ce qui est plus important et souvent plus délicat, c'est de savoir,
abstraction faite des accidents convulsifs de l'épilepsie, si l'on a
affaire à une impulsion épileptique, et de ne point la confondre
avec les impulsions qui peuvent se présenter dans d'autres états
morbides. La connaissance des accidents convulsifs et des divers
signes de l'épilepsie proprement dite est assurément le meilleur
moyen d'établir la nature des troubles impulsifs qu'il s'agit de
juger; mais il peut se faire que cette notion fasse défaut, soit qu'on
ne puisse par soi-même constater les attaques, soit qu'il ne se
trouve personne ni rien pour dévoiler leur existence.
Les impulsions irrésistibles qui ressemblent le plus à celles des
épileptiques sont celles des hystériques, notamment celles qui se
présentent sous la forme de vagabondage, de fugues, etc.
Les dégénérés, eux aussi, ont parfois des impulsions au vagabon-
dage (dnontomanie de Régis et Dubourdieu); mais chez eux l'incons-
cience est tout à fait rare; le souvenir des crises persiste et, en tout
cas, leur manière d'être, dans l'intervalle des crises, est bien diffé-
rente de celle des épileptiques. Tout récemment, on a publié des
observations d'accès de vagabondage chez des individus atteints de
paralysie générale ; mais les caractères d'incohérence qui marquent
les actes des paralytiques, la semi-conscience qui persiste
empêchent qu'il ne puissey avoir confusion avec les impulsions des
épileptiques.
Il nous reste à rechercher maintenant ce qui, par rapport aux
impulsions ou à l'état impulsif, permet de déterminer l'irresponsa-
bilité des épileptiques. En ce qui concerne les impulsions irrésis-
tibles proprement dites, la difficulté réside surtout dans le dia-
gnostic qu'il s'agit d'en faire, diagnostic qui consiste non seulement
à constater l'impulsion, mais encore à éliminer toutes les particu-
larités qui seraient de nature à laisser planer un doute à son sujet.,
Ce diagnostic fait, les conséquences se déduisent presque d'elles-
mêmes : l'épileptique impulsif est un véritable aliéné et il doit être
traité comme tel.
La lâche du médecin en pareil cas n'en est pas moins très déli-
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cate. Il doit ne poser son diagnostic qu'après s'être entouré de tous
les éléments possibles de certitude; il doit se défier des renseigne-
ments qui lui sont donnés, d'autant plus que parfois c'est par eux,
plutôt que par ses constatations directes, qu'il devra juger la situa-
tion. Il ne doit pas s'en rapporter à quelques affirmations plus ou
moins intéressées, à des dires qui, émanant d'ordinaire de celui
qui est mis en cause, devront a priori être tenus pour suspects.
D'autre part, l'épilepsie en elle-même, il ne faut pas l'oublier,
n'est pas une cause d'irresponsabilité : elle peut fort bien laisser à
l'individu toute son intégrité mentale, la libre possession de lui-
même et, par conséquent, ne point le rendre irresponsable. Il y a
des états d'impulsion franche, irrésistible, où la volonté est tout à
fait annihilée et où, par conséquent, l'irresponsabilité est acquise;
cela peut même se pioduire dans quelques cas où il n'y a point
inconscience des acles. En dehors de cela, tout épileptique réputé
sain d'esprit et l'étant réellement, est responsable des délits qu'il a pu
commettre, sauf, s'il y a lieu, admission de circonstances atténuantes.
M. Jules Voisin (Paris) dit que la caractéristique du délire épi-
leptique et des impulsions est l'instantanéité dans l'acte, la perte
du souvenir et l'absence de motif de l'acte exécuté. Quand le sou-
venir d'un délire est très exact après un accès convulsif, il croit
qu'il faut faire intervenir dans un très grand nombre de cas la
dégénérescence mentale.
M. Voisin rapporte à l'appui de cette opinion une observation
d'une malade ayant parfois souvenir des actes qu'elle commet pen-
dant des impulsions, tandis qu'au contraire, à la suite d'un accès
complet ou incomplet, elle présente des hallucinations, puis reste
pendant un temps plus ou moins long en état de délire; dans ce
dernier cas, le souvenir fait défaut.
M. Jules Voisin aborde ensuite un nouveau point de la discussion ;
il prouve la possibilité du diagnostic entre les impulsions irrésis-
tibles dues à l'épilepsie et celles que l'on observe quelquefois dans
l'hystérie. Le diagnostic le plus difficile à faire est celui de la para-
lysie générale progressive avec l'épilepsie : mais les idées sont plus
niaises chez le paralytique général ; et, en fin de compte, la marche
de la maladie est bien différente dans les deux cas.
Quant à la responsabilité des épileptiques, il est certain qu'elle
est pleine et entière entre les crises ; mais cependant, après la
fugue, la responsabilité doit être nulle. La loi accorde trois jours ;
ce temps est beaucoup trop court. M. Jules Voisin a dans son service
une malade dont l'état mental reste quinze jours incompatible
avec toute responsabilité.
M. Verrier, après avoir apprécié les travaux faits sur la question,
rapporte, sous une forme humoristique, deux observations de fugues
d'hystérique et d'épileptique.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 7
M. Cn, Wallon s'attache à démontrer que l'examen de l'acte
même, présumé accompli sous l'influence de l'épilepsie, est le vrai
critérium médico-légal. La constatation ultérieure d'attaques d'é-
pilepsie laisse toujours la porte ouverte à un doute sur la nature
véritablement épileptique de l'acte délictuel incriminé. L'auteur
cite à ce propos une série d'observations dans lesquelles des épi-
leptiques incontestés ont accompli desactes criminels sans rapport
avec leur état maladif; l'un d'eux a même simulé une crise peu
après l'arrestation et prétendu ne se souvenir de rien.
M. CIIALLAnT DE BELLEVaL, médecin en chef de l'hôpital militaire de
Bordeaux, cite une statistique d'exemption dans les armées fran-
çaises et étrangères au sujet de l'épilepsie; la France a moins de
réformés pour épilepsie que l'Allemagne. La justice 'militaire, est
plus rigide que la justice civile, dont elle diffère beaucoup. On a
affaire à la simulation', et l'orateur en cite plusieurs cas. Il y a de
véritables artistes en la matière, mais on finit toujours par les
démasquer; à côté d'eux, il y a les vrais malades, dignes d'intérêt,
et qui, sotia l'impulsion, répondent mal à leurs chefs, les frappent,
déchirent les effets, s'enfuient de la caserne. Le Code militaire est
draconien : il doit l'être. M. Challan demande qu'un triage sérieux
soit fait aux conseils de revision afin qu'on n'envoie pas au régi-
ment des malades dont les manifestations nerveuses sont très pré-
judiciables à l'armée. «Ce n'est pas avec la quantité, dit-il en
terminant, qu'une armée est vraiment forte, mais avec la qualité. »
M. Régis insiste sur l'importance particulière de la médecine
légale au point de vue particulier de la loi militaire et de l'épilepsie
qui est trop souvent méconnue. Nombre de malades épileptiques
ou autres sont ainsi parfois condamnés par ces tribunaux spéciaux
trop fermés à l'intervention médicale.
M. P. Garnier, à propos des observations communiquées par
M. Vallon, insite sur la nécessité d'attirer l'attention des magistrats
sur l'atténuation constante de la responsabilité des épileptiques
qui même, en tant que simples vicieux et délinquants hors de
leurs crises, ne peuveut pas ne pas subir, à quelque degré, un
retentissement psychique de leur mal s'étendant dans la sphère
morale. M. Garnier adopte la théorie de l'épilepsie larvée; une étude
a été présentée en son nom à l'Académie de Médecine par M. Mesnet
en 1883. Au point de vue médico-légal, tout l'intérêt consiste dans
l'appréciation de l'épilepsie larvée. Il accepte avec tous les alié-
' L'un des meilleurs moyens de découvrir la simulation, dans ces cas,
c'est de prendre la température rectale, à la période de ronflement ou
terminale, un quart d'heure, une heure ou deux après l'accès. Il y a
toujours élévation de la température. Il va de soi qu'il ne faut pas se
contenter d'une seule observation. -..., (l3ouRNEVlLLE,)
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nistes la perle de mémoire comme le critérium le plus pur; la
triade épileptique est constituée par la perte de connaissance, l'au-
tomatisme, l'amnésie.
M. Vallon répond que l'on ne peut établir une règle trop géné-
rale ; la responsabilité variant selon les malades et selon l'époque
de l'acte chez un même malade. L'étude de l'acte et de ses carac-
tères peut donc seule éclairer dans certains cas le légiste. D'ailleurs,
soit sous forme de conclusion additionnelle, soit dans le corps
même du rapport, l'expert ne saurait manquer de signaler aux
juges l'étroite connexion qui relie l'attaque d'épilepsie aux pertur-
bations psychiques les plus diverses dont elle peut êlre le facteur
déterminant dans certains cas, mais non constamment.
M. Charpentier appelle l'attention du Congrès sur l'importance
de la simulation de l'épilepsie dans les asiles et l'absence de carac-
tères constants permettant d'établir cliniquement et irréfutable-
ment la nature .épileptique des troubles mentaux impulsifs ou
autres. Il ne faut pas oublier qu'à côté de l'aboulie morbide et
l'impossibilité d'inhiber une impulsion maladive, il y a des entraî-
nements passionnels et des tendances perverses que le malade
s'abstient de réfréner, confiant dans l'amnistie que lui assure sa
qualité d'épileptique.
M. Tissié (de Bordeaux) apporte un cas nouveau d'épilepsie
observé sur un jeune homme élève d'un lycée. L'attaque provenait
d'une idée qui, grossissant peu à peu, devenait énorme et déplaçait
toute autre idéal ion en sa faveur; le malade sentait à cela que la
crise était proche et il s'arrangeait de façcn à l'éviter. Alors il
cherchait à opposer une autre idée à la « mauvaise idée », il la
grossissait par la volonté, et si la lutte pouvait s'établir, la crise ne
survenait pas, l'idée thérapeutique combattait l'idée pathogène,
sinon la crise suivait son cours. La crise était aussi arrêtée par
un appel violent de l'attention du malade. C'est la première fois
qu'une telle observation est signalée, aussi la communication de
M. Tissié provoque-t-elle une discussion très intéressante puisque
le propre de l'épilepsie est l'abolition de la volonlé. Or, dans le cas
de M. Tissié, la volonté parait jouer un certain rôle, mais en appa-
rence cependant, car, d'après l'auteur, il ne s'agit là que d'une
illusion volitive.
M. Régis, à propos de l'observation précédente où le malade a
pu refréner ses attaques dans certains cas, cite un malade qui, par
un effort volontaire, a pu supprimer des attaques épileptiques
diurnes fréquentes.
M. GARNIEIi. Ces faits sont contraires à la doctrine classique
de l'inconscience et de la fatalité du mal sacré.
Il. Laroussime rappelle à son tour les cas d'attaque avortant par
SOCIÉTÉS SAVANTES. 249
ligature périphérique et où le mécanisme inhibitoire semble agir à
la façon d'une autre suggestion. Il ajoute qu'il hésite beaucoup à
admettre le qualificatif larvée ajouté dans certains cas à l'épilepsie.
Par exemple, les malades atteints d'automatisme ambulatoire.
Voilà un individu qui évite les obstacles, suit parfaitement une
route; est-ce que, dans ce ca, les centres psychiques n'agissent
pas ? ils sont excités. Les centres moteurs le sont aussi, puisqu'un
homme qui souvent, à l'état normal, se fatiguait très vite, parcourt
une route très longue sans fatigue. Ainsi, excitation des centres
psychiques et excitation des ceutres moteurs; cette épilepsie, loin
d'être larvée, est, si l'on peut s'exprimer ainsi, un « type d'épi-
lepsie psycho-motrice ?
M. le Dr Pitres. - Il y a quelques années, si un malade faisait
une fugue, si en même temps il présentait quelque stigmate de
dégénérescence, ce malade était immédiatement classé parmi les
épileptiques. Actuellement la question est beaucoup plus complexe.
Dans ce qu'on a décrit sous le nom de fugue, il y a trois séries de
faits :
1° Parmi ces sujets, les uns seront caractérisés par un besoin
physique pur et simple de marcher; 2° les seconds par un besoin
psychique; 3° les autres enfin ont des impulsions véritables.
1° Le besoin pur et simple de marcher, besoin uniquement phy-
sique, s'observe quelquefois comme seul symptôme (M. Pitres en
rapporte deux cas);
2° Le besoin psychique de la marche se rencontre chez les vaga-
bonds. Ces vagabonds ont une psychologie très intéressante. Une
première variété est représentée par les trimardeurs, ces derniers
ne travaillent jamais, ils sont toujours en tournée, ne commettent
guère que quelques atteintes contre la petite propriété et n'entrent
pas pour une grande part dans la criminalité. C'est la paresse
seule qui les engage à mener cette vie errante.
A côté des trimardeurs, il y a les ouvriers errants (M. Pitres
vient d'en observer un qui a fait quarante fois le tour de France;
il se grise, travaille en passant dans les villes jusqu'au jour où il
touche sa paye, puis se grise de nouveau et repart).
Une troisième variété est constituée par les /t)/poc/t0 ? 'ttt<j't<es
errants; ceux-ci courent les hôpitaux et même les villes pour se
faire débarrasser de maux imaginaires.
La quatrième variété comprend les aliénés divers qui se déplacent
sous l'influence d'une conception délirante. C'est ainsi qu'un para-
lytique général, par exemple, a pu faire 148 kilomètres en voiture
sans désemparer, forçant le cheval qui tomba mort et continua à
pied celte course effrénée, jusqu'à ce qu'on le ramenât de vive
force chez lui.
3° La troisième catégorie a trait aux impulsifs.
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Il faut faire trois subdivisions. a) Impulsifs conscients. - C'est le
sujet qui, à un moment donné, sans raison suffisante, sans délire,
sans perte de connaissance, part et fait une fugue de plusieurs
heures à plusieurs mois. Les faits de ce genre ont été rattachés à la
neurasthénie, il la dégénérescence mentale, et constituent ce que
M. Régis a appelé la dromomanie.
b) Impulsifs hystériques. - On peut distinguer deux ordres de
faits : il est des malades qui marchent au cours d'une crise hysté-
rique, sous l'influence de leur délire. Les seconds malades sont
plus intéressants, ils ont été étudiés dans la thèse de Tissier en
1886, où l'on trouve l'observation d'un hystérique, bien connu
(D...), qui à l'état de somnambulisme a fait des fugues multipliées,
dans tous les pays d'Europe. D'autres exemples ont été fournis par
Proust, Raymond, etc. Dans ces derniers cas, les malades sont en
état second, ne se souviennent de rien après la fugue; on peut
faire revivre leur souvenir par l'hypnose.
Les faits de ce genre sont nombreux. Tous ces malades sont des
gens qui aiment à marcher; qui ont un besoin impérieux de mar-
cher. Si on ne donne pas satisfaction à ce besoin impérieux les
malades se fixent un but, peuvent résister, mais s'ils passent à l'état
second, immédiatement ils partent.
c) Impulsifs épileptiques. - Dans tous les cas d'impulsion épilep-
tique, il existe bien des points inconnus. Les cas publiés jusqu'ici
prêtent le flanc à la critique. L'état de conscience du malade en état
de fugue n'a jamais été observé. Il est très difficile d'admettre,
dans l'hypothèse de mal comitial, cette conscience si lucide et si
raisonnable qui permet à ces malades de ne pas éveiller l'attention
publique, de satisfaire à tous les besoins de la vie, pendant leur fugue.
Cela cadre-t-il avec l'idée que nous nous faisons de l'état mental
des épileptiques ? Peut-être porte-t-on le diagnostic d'épilepsie par
ignorance; et l'examen plus approfondi du malade pourrait peut-
être autoriser le diagnostic d'hystérie. C'est là un point à débattre
dans l'avenir. L'hypnotisation pourra peut-être résoudre la question.
M. DouTREBENTE s'élève contre la confusion qui tend à s'établir
entre épileptiques et hystériques migrateurs si l'on applique aux
uns et aux autres la suggestion hypnotique, pour lui il y aurait
même une pierre de touche pour la distinction de la nature hysté-
rique des troubles mentaux et nerveux. Il estime, en effet, que les
seuls hystériques sont hypnotisables, jamais il n'a pu hypnotiser
de vrais aliénés et met en fait que tous les aliénés non hystériques
sont réfractaires absolument à l'hypnose.
M. Doutrebente cite un cas très typique de fugue chez un épilep-
tique. Il s'agit d'un jeune homme qui partit subitement de chez lui
avec 250 francs dans la poche ; on n'entendit plus parler de lui. Un
jour, en Belgique, on le trouve mort sur une route; il n'a pas été
SOCIÉTÉS SAVANTES. 251
tué pour être volé, car il possède les 250 francs; mais il est mort
de faim. L'acte impulsif avait été tellement violent, que le malade
en avait perdu la notion de vie organique. M. Doutrebente
demande pour terminer si l'hypnose de l'épileptique et de l'aliéné
est bien réalisable. Pour lui il n'a jamais pu la provoquer.
M. Jules Voisin déclare qu'il n'a jamais pu hypnotiser des épilep-
tiques. Il estime que ceux-ci ont conscience des actes qu'ils accom-
plissent pendant leur attaque d'épilepsie larvée, mais ils n'ont pas le
souvenir de ces actes. C'est là simplement un phénomène d'amnésie.
M. LARoussiNir (du Bouscat) fait allusion à un malade hystérique
atteint de délire hypocondriaque qui put être hypnotisé dans un
but criminel, et resta six mois dans un état second.
M. Régis. - Il faut poser la question en ces termes : un hysté-
rique atteint de vésanie est-il hypnotisable ?
M. Ballet. - Il y a cinq ans. M. Auguste Voisin porta devant la
Société médico-psychologique, des observations d'aliénés traités
et même guéris sous l'influence de la suggestion hypnotique. Une
commission fut nommée pour vérifier ces résultats. Les malades
de M. Voisin étaient des hystériques qui présentaient des manifes-
tations lypémaniaques plus ou moins accusées. L'hypnose était en
effet possible, parce que ces sujets étaient des hystériques.
M. Vallon a, systématiquement, pendant deux ans, à l'Asile
clinique, essayé d'endormir des aliénés, jamais il ne réussit. Cela
est évident, on ne peut en effet capter leur attention.
M. Tissié cite à l'appui de la communication de M. Pitres le cas
d'une jeune malade qui cherche la fatigue sans jamais la ressentir.
11 s'agit là d'un paradoxe de la fatigue.
M. B. PAILHS (de l'asile d'Albi). - Pour expliquer le besoin d'acti-
vité si particulière aux impulsifs et principalement aux impulsifs
épileptiques, je me suis demandé si ce fait n'était point en corré-
lation étiologique avec cet autre fait de la longévité anormale
constatée chez les ascendants d'épileptiques. Ne peut-on pas, en
effet, considérer la crise épileptique comme partout au moins favo-
risée, par une disproportion, d'une part, entre cette puissance
d'activité nerveuse transmise par l'ascendant et d'où dérivait pour
lui la longévité, et d'autre part, entre l'insuffisante utilisation de
cette même activité nerveuse imposée par l'hérédité à l'organisme
et bien au-dessus de ses besoins. Et de là, de ce défaut d'adapta-
tion d'un organisme mal préparé à s'assimiler avec avantage cette
surabondance d'influx nerveux, la nécessité, au contraire, de s'en
dégager, par ces décharges de l'ictus, justement rapprochées des
décharges de la bouteille de Leyde et qui semblent n'avoir d'autre
but que de rétablir un équilibre normal rompu, par intervalles,
au profit d'une activité nerveuse pathologiquement prépondérante.
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Banquet au Moulin-Rouge.
Une heure après, tous les congressistes se trouvaient réunis au
Moulin-Rouge où avait lieu le banquet du Congrès - dont l'orga-
nisation excellente est due à M. le D1' Régis, secrétaire général. -
Le menu est une oeuvre d'art, il représente les deux tableaux : Pinel,
délivrant des folles, et Charcot étudiant l'hystérie à la Salpêtrière,
phototypie de Panajou. Mais la surprise est grande, voici la gamme
des vins : Château-Désir Lafon, Sauternes (1890), château de Mar-
buzet (1881), château Pavie (1890), château Mouton-Rothschild (1878),
château Haut-Bailly (1878), château Laffitte (1870), cru Raymond
Lafon (181G),'0ll'erls gracieusement par leurs propriétaires MM. Désir
Lafon, Merman, F. Bouffard, Bellot des Minières, de Rothschild et
R. Lafon.
Une véritable symphonie gustative en mineur ! Au Champagne,
M. Berniquet se lève et, dans un toast très applaudi, il boit tout
d'abord à M. le Président de la République, aux vins de la Gironde
qui ne provoquent pas l'alcoolisme. M. Joffroy, président du Con-
grès, remercie les organisateurs ; boit au Préfet qui rend la tâche
difficile à ses collègues pour le prochain Congrès ; à la magistra-
ture qui, pour un mariage de raison, a tendu la main à la méde-
cine ; à M. Drouineau, délégué de M. le ministre de l'intérieur; à
M. Régis, etc. M. le professeur Roth (de Moscou) et M. Marinesco
(de Bucharest) lèvent leur verre à la|science française qui éclaire le
monde et aux savants français, leurs collègues. M. Marinesco rap-
pelle que M. Alfred Binet vient d'être appelé à Bucharest par le
gouvernement roumain poury fonder un enseignement de psycho-
logie expérimentale.
M. Régis remercie la presse du concours qu'elle accorde au Congrès.
M. le prince Galitzine, directeur des caves de S. M. l'Empereur
de Russie, a offert au banquet la dernière bouteille de vin de Tokay
existant dans les caves impériales. Du vin de Tokay à des aliénistes,
serait-ce une épigramme ?
Séance du dimanche 4 août.
Visite de l'asile des aliénés de C7tf ! <Mt<-Ptcon. Banquet.
A neuf heures et demie, les congressistes étaient rendus à l'Asile
des aliénées, chemin de la Béchade, où ils ont été reçus par l'excel-
lent directeur, M. le Décaties, ancien député de la Ilaute-Garonne
dont le nom est synonyme de dévouement à la République et le
médecin eu chef de l'asile, M. le D'' Pons. M. Campana, secrétaire
.général, avait bien fait les choses; le bâtiment pavoisé, les locaux
remplis de fleurs, on eût dit d'un mariage'. Les congressistes visi-
' Cette rédaction est faite en partie avec le compte rendu de M. le
D'Tissié, dans la Gironde.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
tent aussi les diverses dépendances de l'Asile : la lingerie aux ran-
gées symétriques et artistiques de piles de linge, les divers quar-
tiers d'aliénées, tranquilles, agitées, gâteuses, où se trouvent réunis
tous les types de déchéance de ce e moi » qui fait à la fois notre
orgueil et notre tristesse. Que de problèmes soulevés dans cette
courte visite !
La visite du pensionnat a beaucoup intéressé les congressistes
par son aménagement très confortable et presque luxueux. Moyen-
nant 15 francs par jour on peut avoir la nourriture et disposer du
pavillon isolé, composé de quatre pièces : une salle à manger, un
salon, une chambre, un cabinet. Toutefois, ce pensionnat comme
ceux d'un trop grand nombre d'asiles publics ou privés, se compose
de chambres ou d'appartements plus ou moins vastes, plus sem-
blables à ceux des hôtels qu'à des chambres ou des appartements
destinés à des malades aliénées. Le parc où les malades vont se
promener est bien entretenu. Après la visite, qui a duré une heure
et demie, l'artiste Arligue a braqué son appareil photographique
sur les congressistes qui pourront ainsi emporter un souvenir grou-
pai de leur réception au château Picon.
Le banquet, préparé par les soins du traiteur Lespagnol, a été
servi dans la grande salle des réceptions. Par une disposition heu-
reuse, trois grandes tables se prolongeant en diverti cula dans les
salons des pensionnaires aboutissaient perpendiculairement à la
table d'honneur, placée dans le parloir. Nous remarquons à la
table d'honneur, MM. Joffroy, président du Congrès; Callès, Berni-
quet, Delcurrou, Calmon, Gruet, Pons, Pitres, Clouzet, Lande,
Garnier, Lrancotte (de Liège); Roth (de Moscou); Vergely, Tissié,
Marinesco (de Bucharest); Giraud, Gilbert Ballet, F. Raymond,Deny,
Bourneville; le distingué successeur de Charcot à la Salpêtrière;
Bayssellance, Bourru, Picot, Parant, Challan, de Belleval, Babinski,
Roubinowitch, Bérillon, Ritti, Saignât, Nicolaï, Bergonié, Denucé,
Preller, Obissier-Saint-Martin, etc., etc.; Mmes Pitres, Joffroy,
Ritti, Régis, Delaye, Reynaud, Giraud et Belle assistaient au ban-
quet. - Menu exquis.
La carte des vins comprenait les crus suivants : château Lafon,
Sauternes, 1890, château llouton-Rotlischild, 1891, château Ilaut-
Brion, 1887, château IIaut-Bailly, 1880, château Pichon-Longue-
ville, 1878, château Palmer, 187 : i.
Au champagne, M. le Dr Callès remercie, en ces termes, les
congressistes d'être venus visiter l'asile.
Messieurs,
Avec la population bordelaise, sympathique à tout ce qui se
rattache au domaine de la Science, nous nous félicitons de la
bonne fortune qui nous advient de vous posséder au milieu de
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nous et de pouvoir vous exprimer combien votre présence nous est
un encouragement précieux pour accomplir, sans défaillance, les
devoirs qui nous sont imposés.
Après votre passage à Picon, cette tache nous sera d'autant plus
facile que le nom de chacun d'entre vous est une incitation à
rechercher, non seulement l'aide de vos conseils, mais, surtout, à
se conformer aux enseignements que vous nous prodiguez par la
parole, le livre, l'imprimé, afin de nous guider dans la voie ardue
que nous suivons.
Aujourd'hui, grâce à la presse, nul n'ignore que chacune de vos
assises a, comme but, la recherche de solutions physiologiques,
médicales, thérapeutiques, entourées de difficultés, et des études
minutieuses tendant à apporter la lumière dans les parties obscures
caractérisant la plupart des affections mentales.
Le monde savant applaudit à la conscience de vos travaux, à la
persévérance que vous ne cessez de déployer et le public, qui sent
l'importance du problème que vous avez à résoudre, ne vous mé-
nage point ses encouragements.
On sait aussi que si le succès ne répond pas toujours à l'intensité
de vos efforts, il est, cependant, un fait indéniable, c'est que c'est à
eux qu'il est dû de voir le traitement des aliénés devenir plus
rationnel et perdre la nature barbare qui lui était autrefois
particulière.
Si cette malheureuse catégorie de malades a subi, pendant des
siècles, l'exorcisme, la torture et, trop souvent hélas ! le bûcher,
maintenant, de par l'intervention de la science, il n'en est plus de
même. Les hommes de la génération de 1792 : Pinel, Esquirol,
illustres compatriotes dont le Midi peut s'enorgueillir à juste titre,
ont détruit ces coutumes tortionnaires et sanglantes.
A l'heure actuelle si l'aliéné doit être, généralement, écarté du
milieu social afin de sauvegarder la sécurité de ses semblables; si,'
parfois, il doit être étroitement surveillé pour que sa démence ne
soit pas nuisible à lui-même, il n'est plus, du moins, un paria en
butte aux violences, aux brutalités, croupissant dans l'abjection.
S'il ne compte pas au nombre des citoyens, n'en possède plus les
droits, il est protégé par les pouvoirs publics. La présence dans
cette enceinte du délégué de M. le ministre de l'intérieur, M. l'ins-
pecteur général Drouineau, le démontre, et ce que vous venez de
voir, en parcourant l'asile, vous donne l'assurance que les ma-
lades sont entourés de sollicitude, de soins que rien ne lasse et ne
rebute.
En outre, largement, sans hésitation, le pays s'impose des sacri-
fices pour édifier des asiles nouveaux, modifier ceux des asiles ne
répondant plus aux exigences de l'hygiène et améliorer la situation
des malades en leur procurant du bien-être, du luxe même, pour,
autant que possible, adoucir les tristesses de l'internement.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
Messieurs, tels sont, brièvement exposés, les résultats obtenus
par le développement des idées d'humanité, l'action des congrès,
la propagande des journaux.
Cet ensemble sera bientôt complété, espérons-le, par une législa-
lation plus en harmonie avec les besoins du moment, offrant
moins de lacunes que la loi édictée en 1838.
Aussi, messieurs, chois confrères, comme expression de recon-
naissance pour l'oeuvre accomplie, pour ce que l'avenir nous laisse
entrevoir comme progrès, pour tout ce que les sentiments de mi-
séricorde, de charité doivent à votre ligue, permettez-moi de lever
mon verre en l'honneur des médecins aliénistes et neurologistes,
membres de ce congrès, de son éminent président, de M. l'inspec-
teur général, ainsi que des inspirateurs ou collaborateurs dévoués
qui nous secondent, non seulement dans l'administration supé-
rieure, mais dans le département où, continuellement, nous avons
recours à leurs avis éclairés
Messieurs,
Par cette température torride, alors que le champagne est frais,
qu'il est agréable au goût, l'axiome de droit (non bis in idem) n'est
point à respecter. Aussi je vous invite à remplir vos coupes et à
porter avec moi un toast à M. le président de la République dont
l'attitude loyale, la droite raison, les qualités de coeur, ont su
réunir autour de son nom les sympathies populaires et conquérir
l'adhésion de tous ceux qui, sous le drapeau actuel de la France,
ont foi dans la grandeur et les destinées glorieuses de la patrie.
(Applaudissements répétés.)
M. Joffroy adresse des félicitations à l'administration de l'asile,
elle en est digne; elle renferme dans son sein des hommes qui
cherchent le mieux par la science. Pourtant il y a beaucoup à
faire non seulement à Bordeaux, mais partout, même à Paris, et
revenant sur le désir qu'il a déjà exprimé, il souhaite qu'un ensei-
gnement officiel des maladies mentales, avec stage scolaire des
étudiants, soit institué dans les Facultés de médecine. Bordeaux
voudra être la première ville de France où cette réforme nécessaire
doit être accomplie, car elle le peut. L'instruction doit être don-
née non seulement par les professeurs des Facultés, mais aussi
par tout médecin des hôpitaux spécialiste. M. Joffroy porte un
toast à M. Calmon, président de la commission de surveillance, et
à M. Callès, le directeur de l'Asile.
M. Drouineau, délégué de M. le Ministre de l'intérieur, répond à
M. Joffroy que son département et celui du ministère de l'instruc-
tion publique sont d'accord en principe pour la création de tels
cours, mais certains détails restent encore à régler; il espère qu'on
256 SOCIÉTÉS SAVANTES.
trouvera un modus vivendi à établir entre l'administration et
l'Université. Les Congrès doivent servir à indiquer la voie à suivre
à l'administration. Il porte un toast à M. Pons, le distingué méde-
cin de l'Asile. - M. PoNs remercie.
Le banquet terminé, les congressistes se divisent : les uns vont
visiter l'établissement des sourdes-muettes, où ils sont reçus par
M. le directeur Cavé-Esgaris et la supérieure; les autres se rendent
à l'Athénée, où a lieu l'ouverture officielle du Congrès de l'Asso-
ciation française pour l'avancement des sciences.
Dans le prochain numéro, nous signalerons brièvement les cri-
tiques faites au cours de la visite. Nous devons dire que ces critiques
s'adressent aux plans adoptés et ne concernent en aucune façon
les administrateurs et le médecin en chef de l'asile dont tout le
--monde a pu constater la propreté et la bonne tenue. B.
t., .\
... ? # éanee du lundi 5 aoÛt. - PRÉSIDENCE DE M, GILBERT BOLET.
y* ïV 'Séance du lundi 5 août. Présidence DE M. GILIIERT Ballet.
, : } : ;11lesul'e de la toxicité des alcools par les injections ilztra-veineuses.
r M. le professeur Joffroy fait une communication sur un nouveau
. Il , le professeur JORFROY fait une communication sur un nouveau
procédé de mensuration de la toxicité des liquides par injection
intra-veineuse et l'application de cette méthode à la détermination
de la toxicité des alcools. Le premier point porte sur la mesure de
la toxicité de liquides quelconques.
La voie veineuse est adoptée, de propos délibéré. Comme appa-
reil d'injection, il emploie le siphon dans lequel le vase supérieur
est remplacé par un vase de Mariotte, ce qui assure un débit cons-
tant par une différence de pression déterminée entre la pression
intra-veineuse et la pression de liquide injecté. Comme la pression
intra-veineuse peut varier, ,1. Joffroy indique une disposition per-
mettant de placer très rapidement à la hauteur voulue le vase de
Mariotte afin d'assurer la constance du débit de l'appareil. Ce débit
est d'ailleurs mesuré très facilement en comptant le nombre des
bulles d'air qui entrent par minute dans le vase de Mariotte. Mais
l'injection directe des alcools dilués provoque des coagulations qui
se forment avec une rapidité plus ou moins variable suivant les cas
et entraînent mécaniquement la mort (obstruction des gros troncs
artériels de la crosse aortique). On ne peut donc par ce procédé
apprécier le degré de toxicité des alcools.
Si on emploie, comme véhicule, les sels anticoagulants (chlorure
de sodium, par exemple), on n'évite pas davantage les coagulations.
Mais en faisant l'application du résultat annoncé par Haycraft
en 1855, à savoir que le liquide buccal de la sangsue est anticoa-
gulant sans être toxique, M. Joffroy a pu réaliser des conditions
expérimentales précieuses. Il fait une macération à l'aide de sang-
sues dont on utilise le tiers antérieur du corps dans une solution
SOCIÉTÉS SAVANTES, 257
de chlorure de sodium à 8 p. 1000 (8 sangsues servent pour un
litre). Il ajoute à cette solution, après s'être assuré qu'elle n'est
point toxique et coagulante, une certaine quantité de l'alcool dont
on veut apprécier la dose mortelle. La solution qui sert de véhicule
n'est point toxique, puisqu'on a pu en injecter jusqu'à 1,200 gram-
mes à un lapin du poids de 2 kilogrammes, avant d'amener la
mort, cette injection étant faite avec une vitesse de 10 centimètres
cubes par minute et ayant duré deux heures.
Cette question de méthode si importante étant résolue, il était
facile de l'appliquer au cas particulier des alcools. Le lapin n'est
point un animal très sensible lorsque le manuel expérimental n'est
pas défectueux; il l'est cependant suffisamment pour permettre
d'arriver à des résultats rapides, précis et rigoureux.
M. Joffroy peut donner ainsi la mesure de la dose mortelle des
différents alcools et des corps que l'on rencontre communément
dans les alcools commerciaux. Il reconnaît que la loi de toxicité
indiquée par Rabuteau et par Dujardin-Beaumetz et Audigé est
exacte; il démontre que l'exception que ces auteurs admettaient ^
.pour l'alcool méthylique n'existe pas, cet alcool étant moins toxique ?
que l'alcool éthylique. La différence de toxicité entre les divers
alcools homologues est beaucoup plus grande que Dujardin-Beau-
metz et Audigé ne l'avaient indiqué. Ainsi, taudis que le moins
toxique, l'alcool méthylique, a pour équivalent toxique 25, l'équi-
valent toxique de l'alcool éthylique est 12, et celui de l'alcool amy-
lique 0,63. L'acétone possède aussi un haut degré de toxicité (5,25),
l'aldéhyde est encore plus toxique (1,14). Le furfurol est, de toutes
les substances expérimentées, le plus toxique; 24 centigrammes
pour 1 kilogramme d'animal tuent. '
M. Jolfroy décrit ensuite la physionomie clinique de l'action de
ces corps; les convulsions dues à l'alcool méthylique s'atténuent
avec l'alcool éthylique et disparaissent avec les alcools supérieurs
pour faire place à un état comateux subit; il insiste sur les phé-
nomènes dyspnéiques engendrés par le furfurol. Il termine enfin
par des remarques expérimentales sur la toxicité de l'essence
d'absinthe; son action diffère suivant l'alcool dans lequel elle est
dissoute (elle ne provoque plus d'attaques d'épilepsie si elle est
injectée en solution dans l'alcool éthylique).
Cette technique s'applique il la mesure de la toxicité des alcools
du commerce : cognac 1891 (11,41), armagnac vieux (11,10), eau-
de-vie de cidre 1894 (10,57), marc de Bourgogne (9,rJ5), eau-de'vie
de prunes 1894 (9,41), kirsch vieux (8,40), alcool de betteraves de
2° distillation (9,78). La toxicité paraît augmenter un peu avec le
vieillissement. Cette méthode pourra être utilisée dans le but de
mesurer la toxicité d'autres liquides; il est à prévoir qu'elle sera
féconde en résultats. (A suivre.)
Ancnmn l. l. \\\. 17
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ NIÉDICO-PSYCIIOLOCIQUE.
- Séance du 25 juillet 1895. - Présidence de M. PAUL Moreau.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Elections. - M. BRIAND donne lecture d'un rapport sur la candi-
dature de M. Trenel médecin-adjoint des asiles de la région de
Paris, qui sollicite le titre de membre correspondant.
M. Trenel est élu à l'unanimité. M. B.
CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ALLEMANDS'.
SESSION DE DRESDE.
Séance du 21 septembre 1894, - Présidence du professeur JOLLY.
Professeur BINSWANGER. La. délimitation de la paralysie générale.
Cette question, des plus difficiles à résoudre, est étroitement en
rapport avec cet autre problème : existe-t-il des caractères anato-
miques, étiologiques ou cliniques; qui permettent d'affirmer l'exis-
tence de la paralysie générale ? Parmi les signes anatomiques
microscopiques, les plus importants sont : la diminution du poids
du cerveau, les altérations des méninges, l'atrophie de l'écorce et
les granulations épendymaires. La diminution de poids du cerveau
peut manquer dans les cas récents ou être masquée par l'oedème
cérébral, mais elle ne manque pas dans les cas anciens. Les lésions
des méninges sont parfois bien peu accusées dans les cas récents;
en outre, elles peuvent être rencontrées en dehors de la paralysie
générale. De même pour l'atrophie de l'écorce qui peut faire défaut
dans les cas récents ou être masquée par l'oedème. Les granula-
tions épendymaires manquent rarement, mais elles peuvent être
observées chez des sujets non paralytiques. En résumé, aucun de
ces signes ne peut, à lui seul, faire affirmer la paralysie générale;
l'absence d'une quelconque de ces lésions ne peut pas davantage
1 Voir Archives de Neurologie, n° 101.
SOCIÉTÉS SAVANTES. zou
faire rejeter celte affection; mais la réunion de ces diverses altéra-
tions permet d'admettre l'existence de la paralysie générale.
Il en est de même pour les lésions microscopiques. L'atrophie
des fibres à myéline se rencontie dans d'autres psychopathies; on
peut en dire autant des altérations de la névroglie, des vaisseaux
et des cellules. La distinction avec la démence sénile et certaines
psychoses toxiques est parfois malaisée.
Au point de vue étiologique, les difficultés ne sont pas moins
grandes. On reconnaît de plus en plus le rôle important de la
syphilis que l'auteur a relevé dans la moitié des cas. Mais il y a
d'autres causes que la syphilis. Parmi les symptômes cliniques,
aucun n'est pathognomonique.
Il faut séparer de la paralysie générale typique deux formes qui
s'en distinguent au point de vue clinique et anatomique : 1° l'en-
céphalite sous-corticale, dans laquelle les lésions intéressent la subs-
tance des hémisphères plus que l'écorce. Au point de vue clinique,
symptômes de lésions en foyer (l'auteur a observé un cas d'atro-
phie de la substance blanche du lobe occipilal avec atrophie de la
corne ventriculaire correspondante); 2° la dégénérescence athéroma-
leuse du cerveau qui frappe en général des sujets d'un âge déjà
avancé. On note chez eux un athérome généralisé, de l'alhumi-
nuiie, et parfois une dégénérescence des reins. Au point de vue
clinique. on observe une variabilité des symptômes, un état parti-
culier d obnubilation intellectuelle passagère.
Discussion : 1\1. Siesierling insiste sur l'importance des altérations
médullaires (tabès, lésions des cordons pyramidaux). Dans l'encé-
phalite sous-corticale progressive, il y a vraisemblablement des
lésions vasculaires. Pour ce qui est de la folie présénile, ne peut-
on la considérer comme relevant d'un état d'infériorité intellec-
tuelle ?
M. ALZHEIMEA rappelle que Nissl et lui ont constaté, chez les para-
lytiques généraux, la karyokinèse dans les éléments de la névro-
glie. Dans deux cas aigus, ils ont observé une dégénérescence des
cellules ganglionnaires et une hypertrophie des éléments de la
névroglie; ces derniers présentaient un état de division du noyau.
Les vaisseaux étaient peu altérés à part ici et là de la karyokinèse
des noyaux de l'adventice et de la tunique interne. L'auteur admet,
avec M. Binswanger, qu'il y a lieu de distinguer de la paralysie
générale une dégénération du cerveau d'origine artério-scléreuse.
M. TuczEK. - La difficulté est de trouver une délimitation de la
paralysie générale au point de vue clinique. Parmi les formes qui
doivent être séparées de la paralysie progressive par le manque de
rapport entre l'intensité des troubles de la parole et de la coordi-
nation d'une part et le degré moins accentué, l'absence de marche
progressive des symptômes intellectuels d'une part, il faut citer les
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
psychoses toxiques. La sclérose épendymaire n'a pas grande im-
portance au point de vue de l'existence de la démence paralytique.
Plus caractéristique est la disparition des fibres à myéline, qui se
rencontre même dans les cas récents de paralysie générale. On l'a
signalée également dans les pseudo-paralysies, dans les formes
séniles, les intoxications, les arrêts du développement. Mais dans
la paralysie générale la disparition des fibres à myéline prédomine
dans la région antérieure du cerveau; en outre, on observe des
lésions de la moelle.
M. GAUSER accorde un rôle étiologique important à la syphilis;
celle-ci se rencontre dans plus de la moitié des cas. On ne peut
pas dire que les lésions vasculaires de la paralysie générale ne sont
pas des lésions syphilitiques. Ce qui est vrai, c'est qu'actuellement
l'anatomie pathologique ne sait pas distinguer les affections syphi-
litiques des vaisseaux (l'artérite gommeuse étant, bien entendu,
mise de côté) des altérations vasculaires de l'artério-sclérose ou de
l'alcoolisme. Quant à l'immobilité des pupilles, elle ne peut, à elle
seule, avoir grande importance. Parmi les formes qui simulent la
paralysie générale, il a observé un cas de folie alcoolique et un
- cas de névrite alcoolique.
« M. nIENDEL. - Dans bien des cas on peut distinguer 12s symp-
tômes provoqués par une lésion en foyer de ceux qui relèvent de
la paralysie générale. Les difficultés deviennent considérables
quand il s'agit de lésions en foyer multiples. Le diagnostic est
souvent impossible : chez un sujet diagnostiqué paralytique général
on a trouvé cinq hyphiiomes. M. Mendel rappelle qu'il a été le
premier en Allemagne à défendre l'origine syphilitique de la
^paralysie générale, thèse actuellement admise par la plupart des
médecins. La paralysie générale n'est pas pour cela une affection
syphilitique : l'infection ne fait que préparer le terrain. Les causes
psychiques ont un rôle important (soucis, surmenage). La perte
- des réflexes pupillaires est un symptôme de lésion en foyer. Chez
-l'animal ces réflexes peuvent être localisés au niveau des ganglions
de l'habénule (partie postérieure du troisième ventricule). M. Men-
del observe un sujet qui présente depuis quinze ans une immobilité
.des pupilles, sans qu'il soit atteint de tabès ou de paralysie
générale.
' M. Alzheimer. L'atrophie nrtério-scléreuse du cerveau. - Cette
forme doit être séparée de la paralysie générale. La maladie, due
'à des lésions athéromateuses des vaisseaux, débute de quarante-
'cinq à cinquante-cinq ans; elle est plus fréquente chez l'homme.
- Elle coïncide avec un athérome généralisé. La syphilis n'a pas été
rencontrée. Les excès de bière et de cidre paraissent jouer un
-certain rôle dans son développement. L'hérédité a été observée
(artério-sclérose, apoplexie). Douze cas ont été étudiés.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261
Les prodromes durent parfois plusieurs années : maux de tête,
vertiges, fatigue rapide, irascibilité. Puis survient une diminution
de la mémoire qui affecte vivement le patient. On observe des
accès d'obnubilation, d'anxiété, accompagnés de troubles circula-
toires. Dans un cas, le début a été subit, signalé par un ictus
apoplectique. A la période d'état on constate une augmentation
de la faiblesse de la mémoire ainsi que la diminution du juge-
ment. Les conceptions délirantes font habituellement défaut; on
note habituellement une certaine euphorie, ou des tendances
hypocondriaques. L'humeur est mobile. Ce qui distingue ces sujets
des paralytiques, c'est le calme, la conduite régulière, le pouvoir
de raisonner dont ils font preuve. Dans quelques cas on constate
un état de démence apathique, une amnésie notable coïncidant
avec une conduite normale pour le reste. On voit survenir parfois
des attaques apoplectiques. Au point de vue somatique, il faut
noter le tremblement, la parésie des membres inférieurs, l'exagé-
ration des réflexes patellaires, les troubles des réflexes pupillaires,
de l'embarras de la parole. Dans plus de la moitié des cas il y a
de l'hémiparésie.
A l'autopsie : arlério-sclérose généralisée : lésions rénales. Le
cerveau est peu atrophié. Les gaines lymphatiques des vaisseaux
sont agrandies; on constate l'existence de petits anévrysmes, de
petites hémorragies, des lésions en foyer (microscopiques), de la
névroglie au voisinage des vaisseaux dégénérés. Cette forme se
dislingue donc par le caractère de la dégénération qui se fait en
foyers microscopiques. Il y a lieu de la décrire isolément.
Discussion : M. Binswanger. - On peut observer dans cette
forme clinique des idées délirantes et des états hallucinatoires. La
mobilité des symptômes au début de la maladie est un signe im-
portant. Les accès d'obnubilation, les lacunes morales, la varia-
bilité de l'humeur, l'euphorie peuvent faire confondre cette affec-
tion avec la paralysie générale. L'encéphalite progressive sous-
corticale peut se développer à la faveur de l'altération vasculaire
qui caractérise la forme clinique qui vient d'être décrite. z
M. Siotr. - Ces malades sont assez rares dans les asiles, parce
que la démence est moins accusée chez eux, que ce sont surtout
les troubles de la mémoire qui prédominent. Les lacunes morales
fonl en outre souvent défaut.
M. MoeLi considère celle forme comme une variété des psychoses
séniles. Les malades se lamentent beaucoup sur leur situation, ont
des accès de confusion mentale; ils se rapprochent plus des
déments séniles que des paralytiques. On observe chez eux des
altérations médullaires ' qui expliquent la parésie des membres
inférieurs.
M. Jor.r.Y rapproche également ces cas de la démence sénile,
262 SOCIÉTÉS SAVANTES. .
dont ils constituent une forme précoce. La démence de la névrite
alcoolique présente avec cette forme de grandes analogies. Il est
probable que les lésions cérébrales sont les mêmes.
M. ALZHEI)fER fait observer que, si l'on peut constater chez les
malades qu'il a étudiés des états d'agitation, des accès hallucina-
toires, il s'agit de complications dues au diabète, à des néphrites,
à des cardiopathies non compensées. Sans doule il faut rapprocher
cette forme de la démence sénile et l'éloigner de la paralysie
générale. Mais la démence sénile est une affection diffuse, tandis
que l'atrophie artério-scléreuse présente des lésions en foyer.
M. VOGT lit un travail sur les faisceaux de fibres des corps
calleux.
Séance du 22 septembre.
M. MENDEL. Les aliénés dans le projet du Code civil de l'empire
allemand. - L'interdiction, d'après le projet en question, pourra
être prononcée, en cas de maladie mentale, quand le malade, par
suite de son affection, est incapable de surveiller ses intérêts.
1\1, Mendel a demandé depuis longtemps que les buveurs d'habitude
puissent également être interdits lorsqu'ils deviennent dangereux
pour la sécurité publique ou qu'ils sont incapables de veiller à
leurs affaires. Le projet de loi tient compte de cette réclamation
souvent reproduite par les médecins compétents : t L'ivrognerie, y
est-il dit, est une maladie sociale si grave, l'opinion publique s'est
prononcée si souvent en faveur de mesures légales contre le fléau,
que le législateur ne peut se soustraire au devoir d'entraver les
progrès de l'alcoolisme par tous les moyens qui sont en son pou-
voir... L'interdiction des buveurs d'habitude facilitera leur inter-
nement dans un établissement spécial de traitement. » L'interdic-
tion, dit le projet de loi, pourra êlre prononcée en cas d'habitudes
d'ivrognerie, si le buveur est devenu incapable d'accomplir ses
obligations habituelles, s'il fait courir à lui-même ou aux siens le
danger de la ruine ou s'il est dangereux pour la sécurité pu-
Ilique... -
Le premier projet de loi n'avait pas considéré la folie comme
pouvant être invoquée pour motiver la séparation de deux époux.
M. Mendel et Kralft-Ebing ont signalé la nécessité de classe la
folie parmi les faits'pouvant être invoqués en faveur d'une sépa-
ration. Le projet de loi actuel admet cette manière de voir, lorsque
la maladie mentale aura duré trois années depuis le mariage et
empêchera, par son degré, la vie commune ; lorsque le retour
à la raison et à la vie commune ne paraîtra pas possible. Le pa-
ragraphe 150 spécifie que les sujets en état d'inconscience ou dont le
libre arbitre aura été détruit par uue maladie mentale ne seront
pas considérés comme responsables. `
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
Le Congrès vote une résolution dans laquelle il exprime sa sa-
tisfaction de voir qu'il a été tenu compte dans la rédaction du
Code civil projeté des voeux des médecins aliénistes.
M. HITZIG. S ? le rapport de M. Tigges à propos de l'affaire Feld-
manne M. Hitzig soumet au Congrès les propositions suivantes :
1° Feldmann est atteint d'une affection mentale (paranoïa)
depuis 1881; 2° les affirmations des magistrats qui tendaient à
présenter Feldmann comme non dangereux et par suite comme ne
devant être ni interdit, ni interné, ces affirmations ne sauraient
être admises par les médecins compétents; 3° il est inexact que
Feldmann ait subi de mauvais traitements dans les asiles où il a
été interné; 4° le Congrès regrette la conduite du Dr Finkelnburg
qui a cru devoir, à propos de cette affaire, jeter le discrédit sur les
asiles de la province rhénane. Après une courte discussion dans
laquelle on donne des preuves convaincantes que Feldmann était
aliéné, le Congrès adopte les propositions de M. Hitzig.
Gconc ILDERG. Le délire hallucinatoire. - L'auteur fait une étude
du délire hallucinatoire basée sur quarante observations de malades
guéris. Il a éliminé les cas d'origine toxique (alcool, morphine,
cocaïne, plomb, maladies aiguës fébriles). Des hallucinations ou des
illusions de l'ouïe ont été constatées chez tous les malades; des
troubles sensoriels visuels dans la moitié des cas; des troubles de
la sensibilité générale dans un quart. Les hallucinations du goût
et de l'odorat ont été rarement observées. Les troubles auditifs
étaient de nature élémentaire ou consistaient en mots isolés, en
phrases courtes, en interpellations, en questions, en ordres, parfois
en conversations. Le contenu des hallucinations était flatteur,
religieux, effrayant, ou indifférent. Souvent le malade pouvait
spécifier qu'il entendait et d'où on lui parlait. La plupart des
troubles hallucinatoires ont provoqué des conceptions délirantes
telles que idées de persécution, de grandeur, d'empoisonnement,
de négation, idées érotiques, hypocondriaques.
Les idées de persécution étaient des plus fréquentes; celles de
grandeur, plus rares, ne se montraient que chez des héréditaires
et revêtaient le plus souvent une couleur religieuse. Les concep-
tions délirantes sont parfois assez complexes, mais leur systémati-
sation est lâche; leur contenu est sujet à se modifier. L'humeur
est habituellement liée à la nature des hallucinations et présente
les nuances les plus variées, avec prédominance de la forme
dépressive. La conscience est en général quelque peu troublée,
mais le malade peut s'orienter. La confusion n'est jamais primi-
tive ; ce n'est que consécutivement à la multiplicité des hallucina-
tions et à de graves modifications de l'humeur que l'on peut par-
fois constater un état accusé de confusion, d'ailleurs passager. Le
refus d'aliments, les tentatives d'évasion, les tentatives de suicide,-
64 . VARIA.
les actes de violence sont fréquents. On observe aussi des symptômes
somatiques. On constate chez certains malades de l'excitation
motrice, de la fuite des idées, des modifications de l'humeur, des
symptômes de paralysie psychique ou motrice. La catalepsie,
l'extase, l'immobilité sont des manifestations épisodiques. ,
Le début de la maladie est précédé d'un stade prodromique dont
la durée varie d'un jour à plusieurs semaines et que caractérisent
des anomalies psychiques ou somatiques peu accusées. La guérison
se produit après plusieurs semaines ou plusieurs mois. Pas de perte
du souvenir. On observe fréquemment des rémissions et des
rechutes. Le poids du corps diminue dans les premiers temps de
la maladie. La durée moyenne est de quatre mois et demi; les
durées extrêmes observées ont été de un mois et de quinze mois.
Les deux tiers des malades appartenaient au sexe masculin. L'âge
moyen était de trente-trois ans (âges extrêmes : vingt et dix-huit
ans). Un tiers des patients étaient des héréditaires; la maladie s'est
rencontrée chez des sujets jusque-là normaux. Parmi les facteurs
éliologiques, on note : un état physique défectueux (anémie,
embarras gastrique, maladies de l'oreille), des causes dépressives
(maladie ou mort de parents, soucis, chagrins, amour malheureux),
le smmenage, l'isolement (dans les prisons). Le délire hallucina-
toire a un rôle important dans la folie périodique et circulaire. Il
ne se termine'jamais par un délire systématisé, mais parfois par
un état de faiblesse psychique secondaire. P. Sérieux.
VARIA.
Traitement ET éducation des enfants IDIOTS. - Rapport
DE FERRUS SUR l'établissement privé D'EDOUARD Séguin.
Dans la préface que nous avons placée en tête du troisième
volume de notre Bibliothèque d'éducation spéciale, intitulé :
Rapport et mémoires sur l'éducation des enfants normaux et
anormaux, par E. SÉGuiN, nous avons reproduit une série de
documents qui marquaient les diverses phases de l'existence
si bien remplie de Séguin. Nous avons alors exprimé le regret
de n'avoir pu remettre la main sur un rapport fait par Ferrus,
inspecteur général des établissements de bienfaisance, rapport
varia. 265
relatif à l'école privée qu'avait fondée Séguin pour les enfants
idiots. Nous l'avons retrouvé et pour être sûr qu'il ne s'égare
pas de nouveau nous l'insérons dans les 1 w;hioes de Neurologie,
en attendant que nous puissions l'intercaler dans la préface
dont nous venons de parler. B.
Paris, le 21 juin 1810.
Monsieur le Ministre,
Par votre lettre du... ? vous m'avez ordonné de visiter rétablis-
sement fondé par M. Sénuiu, rue Pigale, n° 6, pour l'éducation des
jeunes idiots et de vous faire connaître les résultats qu'il avait obte-
nus de son entrepri.-e philanthropique.
Je me suis rendu à plusieurs reprises chez M. Séguin et avant
d'écrire ce rapport, j'ai voulu pouvoir juger les faits que M.Béguin a
déjà portés ou compte porter bientôt à la connaissance du public.
Premier fait. - En seize mois, M. Séguin a appris à lire, écrire,
compter, parler, s'habiller, etc., à un idiot de huit ans; ce fait est
de beaucoup antérieur à la mission que vous m'avez confiée, je n'ai
pu le vérifier par moi-même, mais l'authenticité en est certifiée par
MM. Guersent et Esquirol. Seulement il manque à celte vérification
et à l'alfirmation favorable de ces messieurs une pièce importante,
c'est un procès-verbal ou du moins un compte rendu fort exact de
l'état du jeune enfant au moment où M. Séguin s'est chargé de
l'instruire et une détermination précise du degré et de l'espèce
d'idiotisme dont il était atteint.
Second fait. - J'ai été témoin oculaire des progrès du jeune idiot
M... A ma première visite, dans laquelle j'étais accompagné par
M. Durieu, nous vîmes un jeune homme de vingt ans et demi qui
présentait tout l'aspect extérieur d'un enfant de douze ans.
Son corps grêle et sans soutien, supportait à grand'peine une fête
fort volumineuse ; celle-ci a 21 pouces de circonférence; je jugeai
tout d'abord, non seulement à son développement, mais encore à
sa forme, qu'elle appartenait à un hydrocéphale. Une observation
plus attentive a confirmé cette première pensée. Le poids de cette
tête accablait le corps de l'enfant, aussi sa démarche était on ne
peut pas plus chancelante et quoiqu'il eût déjà, sous ce rapport,
fait quelques progrès, il ne pouvait marcher sans appui qu'avec une
grande difficulté. Son corps penché à gauche manquait d'équi-
libre.
Il ne mâchait pas ses aliments ; n'exécutait de lui-même avec
les bras qu'un mouvement spasmodique de dedans en dehors.
Les moindres mouvements étaient marqués au coin de la plus
grande maladresse ou même d'une impuissance absolue.
166 VA'RIA.
Le maître et un gardien étaient alors occupés tous deux à obte-
nir de leur élève qu'il lançât une boule au milieu d'un jeu de quilles
placé à quelques pas de lui; l'idiot ne comprenait pas le but de cette
.action, n'y prenait aucun plaisir, de plus il était évident qu'une
volonté quelconque manquerait à l'exécution de cet acte comme à
l'exécution de tous ceux qu'on lui demandait. La débilité, l'imbé-
cillité des mouvements étaient extrêmes. Il manquait là un mobile
intérieur et en outre les agents d'exécution manquaient de déve-
loppement et d'activité.
La physionomie portait l'empreinte de la stupidité, les yeux et
l'ouïe seuls semblaient recevoir quelques impressions, ils étaient
inquiets plutôt qu'actifs et se dérobaient à toute action rationnelle
et continue. La lèvre inférieure était pendante, une salive visqueuse
découlait sans cesse de cette bouche hébétée.
Les notions de l'enfant se bornaient à des appétits ou à des habi-
tudes. Les sentiments affectueux, qui se bornaient à une certaine
connaissance des personnes qui lui donnaient des soin*, ne s'expri-
maient que par une forte contraction des muscles de la face et le
tremblement nerveux des bras. Sa voix était rauque, involontaire
et bornée à trois ou quatre sons d'une articulation inappréciable.
La maigreur et l'extrême faiblesse de l'enfant avaient été presque
uniquement l'objet de l'attention de M. Séguin, qui commençait
seulement depuis quelques jours à préparer son élève à l'étude de
l'alphabet. Depuis cette époque, 24 février, j'ai laissé s'écouler deux
mois pour apprécier l'influence du mode d'éducation appliqué,
dont vous m'avez chargé de vous rendre compte.
Le 25 avril, j'ai revu le jeune M..., marchant beaucoup mieux,
commençant à courir, monter et descendre, se tenir droit et se
mouvoir avec une aisance dont je ne l'aurais pas cru capable. Son
torse redresse, ses hanches presque également dessinées, l'inéga-
lité de ses épaules à peinp sensible, ses bras et ses mains as-ouplis
forts et adroits au point qu'il traîne de lourdes brouettes, arrose,
rabote, joue aux quilles et se livre à divers exercices mnastiqiies,
qui ne manquaient pas de difficulté. Il a grandi de plus d'un pouce,
il est propre la nuit, indique ses besoins le jour, ne bave presque
plus, mâche ses aliments, monte sur son lit et en descend seul ; sa
figure a pris de l'expression, le regard de la fixité, l'ouïe et la voix
du développement, tandis que l'articulation s'enrichissait de quel-
ques sons qui ne sont pas encore la parole, mais qui peuvent la
faire espérer.
L'enfant est sorti du cadre étroit des choses relatives à ses goûts
pour entrer dans celui des choses relatives à l'ordre intellectuel. Il
a discerné des objets qui n'avaient aucun rapport avec ses appé-
tits ; puis le rapport de ces objets avec leur représentation, et enfin
avec leur nom. Il a discerné des lettres et il a connu son alphabet
dans sa double expression graphique et verbale ; aujourd'hui il lit
varia. 267 Î
mentalement les syllabes ' qui lui sont présentées, car, dans une
collection de mots substantifs, tracés sur des cartons, il choisit le
mot relatif à l'objet qu'il désire ou qu'on lui présente.
Ses sentiments affectueux se sont développés et les caresses
spontanées qu'il fait à son professeur, mises en regard de son
obéissance, sont la meilleure preuve du bienveillant ascendant que
ce dernier exerce sur ses élèves.
Troisième fait. - L'élève A..., âgée de douze ans, suit seulement
quatre heures par jour, depuis le 1er février dernier, les cours de
M. Séguin, elle n'avait jamais pu apprendre une lettre; en moins
de trois mois elle a su l'alphabet el lit des syllabes; elle parlait, ou
du moins voulait parler, car les organes de la parole s'étaient tou-
jours refusés, chez elle, à l'émission des articulations, même les plus
simples; maintenant elle articule de suite plusieurs syllables sim-
ples, et, isolément, les plus difficiles. L'ouïe est encore peu active
et impressionnable au commandement, mais le regard a singuliè-
rement gagné en fixité et en précision. Les lèvres, qui pendaient,
ont perdu de leur ampleur maladive et s'habituent, à une attitude
plus normale. La physionomie échappe à la contraction nerveuse
qui en dominait toutes les expressions ; le corps tout entier a pris
des habitudes plus régulières de locomotion ou de station, il agrandi
sous l'influence de l'âge, secondée par des exercices raisonnés,
de près de trois pouces.
Méthode et marche suivies par 31. Séguin. Ce rapport acquerrait
trop d'étendue si j'entrais dans tous les développements dont la
méthode de M. Séguin est susceptible, si je décrivais tous les pro-
cédés dont il est obligé de faire usage, et d'ailleurs M. Séguin les a
presque tous indiqués dans quelques brochures que je joindrai à
ce travail.
Il a parfaitement senti à quel point il importait d'abord d'amé-
liorer l'état physique des idiots, avant de chercher à développer les
parcelles rudimentaires de leur intelligence. Ce n'est qu'après leur
avoir appliqué le genre d'éducation auquel tous les animaux sont-
plus ou moins accessibles, qu'il recherche en eux les débris de l'hu-
manité ; tous ses procédés sont rationnels, tous ses moyens sont
ingénieux. Il apporte à l'exécution de cette oeuvre difficile une
volonté de fer, une patience admirable et pleine d'humanité.
Je pense, monsieur le ministre, que de semblables efforts doivent
être encouragés et que l'éducation des idiots, oeuvre aussi ingrate
que difficile, mérite votre bienveillant appui. L'entreprise tentée
par M. Séguin est digne de votre sollicitude, je pense qu'un des
meilleurs moyens d'encourager son zèle, serait de l'utiliser et
1 Collection de mois substantifs tracés sur des cartons, il choisit le mot
relatif à l'objet qu'il désire ou qu'on lui présente.
268 varia.
qu'on pourrait lui donner une application large et facile, en per-
mettant à M. Séguin d'organiser un enseignement dans quelqu'un
des asiles publics destinés aux idiots dans le département de la
Seine.
J'indiquerai particulièrement les sections d'enfants idiois ou tout
au moins imbéciles, placés dans les hospices d'incurables de la rue
de Sèvres ou du faubourg Saint-Martin.
' Daignez agréer, je vous prie, monsieur le ministre, l'hommage
de ma respectueuse considération. Signé : FIRRUS.
Ce rapport, qui est inédit, provient des papiers, manuscrits
de Ferrus et nous a été donné par M. Delasiauve.
Nécessité DE l'assistance DES enfants IDIOTS.
Parmi les affaires soumises à la session d'août des assises
du Calvados, nous trouvons la suivante, dont nous empruntons
le résumé au 13ozzlaomznelVozvzzand du 22 août.
Attentats à la pudeur sur des filles. - Louis Delahayes, soixante-
trois ans, charron à Coulônees, passait dans le pays pour avoir
l'habitude de se livrer à des actes d'immoralité sur des tilles idiotes
ou sourdes-muettes. Nombre de faits criminels dont il aurait à
répondre sont couverts par la prescription. Toutefois, depuis le
mois de juillet 1890, la prévention lui reproche trois attentats
commis sur les jeunes Valentine et Emilia. Gaillard et sur Augustine
Huet, âgées de cinq à six ans. Delahaye a été condamné à cinq ans.
L'argent qu'il va falloir consacrer l'entretien du misérable
condamné aurait été mieux employé à l'hospitalisation, au
traitement et à l'éducation de ses victimes. Ce fait s'ajoute aux
faits analogues, que nous avons cités et démontre la nécessité
de la réforme que nous défendons depuis si longtemps. Un
autre fait tiré du même journal, et concernant une autre caté-
gorie d'enfants anormaux, mérite également d'être rapporté.
Horrible séquestration. - Samedi, la gendarmerie de Troarn a
arrêté le nommé Bosquet journalier à Sannerville, pour séques-
tration du nommé Eugène Bazain, vingt ans, sourd-muet et enfant
naturel. Sa mère l'avait confié aux époux Bosquet pour 25 francs
par mois. Mais depuis quatre ans elle ne donnait plus rien. Alors
ils l'avaient enfermé dans une boite placée dans une cave humide.
Il n'y avait même pas la liberté de ses mouvements. La gendar-
merie a trouvé Bazain assis sur un tas d'excréments et vêtu seu-
lement d'une misérable chemise tombant en loques. Il a été amené
a l'Hôtel-Dieu de Caen. Bazain était à peine nourri et dans un état
d'émaciation épouvantable. Les voisins connaissaient ces faits
varia. 269
depuis longtemps, mais n'osaient pas parler. C'est une lettre ano-
nyme qui les signalés à la justice.
Les séquestrations de ce genre, malheureusement trop
communes, s'appliquent en général aux enfants anormaux,
surtout aux idiots, aux épileptiques, quelquefois aux aliénés.
Tant qu'on enregistrera des faits analogues à ceux que nous
venons de citer, on pourra dire qu'il n'existe pas dans notre
pays une assistance publique vraiment républicaine. Les mu-
nicipalités sont les premières coupables. Elles connaissent
parfaitement l'existence, dans leur commune, de ces déshérités
de l'intelligence. Elles ferment les yeux parce que si elles
remplissaient les devoirs que l'humanité leur commande, il
en résulterait une charge pourla commune. Les conseils géné-
raux, les préfets ont aussi leur part de responsabilité. Eux
aussi font passer avant toute autre considération l'intérêt des
finances départementales. Tout cela ne pourra se modifier que
quand, du ministère de l'intérieur, on saura donner partout une
véritable impulsion aux réformes de l'assistance publique. B.
Incendie A l'asile du comté d'Oxford.
« Nous avons le regret d'annoncer qu'un incendie désastreux a eu
lieu à l'asile de LiLtlemore, le 15 avril dernier, causant la destruc-
lion d'un pâté de maisons contenant le quartier des femmes en
observation. On suppose que le feu a pris dans un tuyau de che-
minée mal construite. Heureusement le feu fut signalé au moment
même où une compagnie de pompiers se rendait dans le voisi-
nage et par une curieuse coïncidence, juste à l'instant où le direc-
teur donnait l'alarme à la brigade de l'asile afin de l'exercer. Sous
la direction de leurs surveillants, les malades furent rapidement
installées dans les autres parties de l'asile, et nous sommes heu-
reux d'annoncer qu'aucun d'eux n'eut à souffrir. Malheureusement
il n'en a pas été de même parmi les pompiers; un grand nombre
ont été blessés en combattant activement le feu qui menaçait de
prendre de grandes proportions il cause d'un vent violent. Nous
n'avons que des félicitations à adresser à M. Sankey pour la
sagesse de ses dispositions prises pour la sécurité des malades et
du personnel et le sauvetage de la plus grande partie de l'ameu-
blement, de sorte que la direction est capable d'assurer les amis
des malades que les occupants du quartier brûlé sont bien soignés
dans les bâtiments principaux. » (trie Journal of mental Science,
juillet.)
Depuis bien des années nous avons insisté sur la nécessité de
210 FAITS DIVERS.
pourvoir d'eau en abondance tous les établissements hospitaliers,
tant au point de vue de l'alimentation (eau de source) qu'au point
de vue des incendies. Dans la plupart des hôpitaux ou des asiles
cet approvisionnement est insuffisant, même à Paris. En dépit de
cet appel réitéré, la situation ne s'est que très peu modifiée, il est
si commode de demeurer indifférent jusqu'à ce qu'un désastre
vienne secouer l'inertie et faire craindre des responsabilités...
morales.
FAITS DIVERS.
Asile de Brème. - On écrit à l'Etoile belge les détails suivants
sur la plainte publique portée par un médecin contre le traitement
des aliénés dans un asile de Brème :
« Selon le Dr Scholz, les châtiments corporels sont la règle dans
cet établissement et ils sont appliqués avec brutalité. Une pauvre
femme atteinte de mélancolie, était prise d'attaques au cours des-
quelles elle ne savait plus ce qu'elle faisait. C'est ainsi qu'un jour
elle arracha le bonnet d'une infirmière. Celle-ci, furieuse, revint
avec deux compagnes et elles rouèrent de coups la malheureuse
folle. Le Dr Scholz produit le certificat du médecin qui craint que
la victime ne se ressente toute sa vie de ce traitement barbare. Le
Dr Scholz raconte qu'il essaya de faire honte aux infirmiers et
infirmières de leur conduite à l'égard de pauvres êtres sans défense ;
ce fut en vain, et le pasteur de Bodelschwingh prit prti pour son
personnel contre les médecins qui la plupart quittèrent alors l'éta-
blissement.
« Depuis, le Dr Scholz a réuni un dossier complet des brutalités
commises à l'asile de Brème ; il signale des faits absolument révol-
tants d'individus foulés aux pieds, de femmes tirées par les cheveux,
de coups de pieds dans le ventre donnés aux malades. Le personnel
de la maison a l'habitude, paraît-il, de prendre les fous à la gorge
dès qu'ils font du bruit ou refusent d'obéir, ils appellent ce système
« tourner le robinet ». Ils affectionnent également les coups de
poing dans l'épigastre; ils appellent cette brutalité a donner un
apéritif ». Il paraît que même le pasteur de Bodelschwing donnait
l'exemple en distribuant des gitles aux malades, disant c que les
gifles étaient le pain quotidien des fous ».
« Nous allons donc avoir le pendant du procès de Mariaberg.'Une
dépêche de Brème annonce que tous les médecins de l'asile d'alié-
FAITS DIVERS. 271
nés ont donné leur démission et que le Parlement brêmois a voté
hier à l'unanimité un ordre du jour invitant le Sénat à faire une
enquête sur la situation de l'asile de Brème. »
Les faits criminels relevés à Mariaberg et à Brame montrent les
inconvénients de la direction des asiles par des gens incompétents,
qu'il s'agisse de pasteurs, de pl'êtl'es ou d'administrateurs qui, à la
fin d'une carrière où ils n'ont pas réussi, sont envoyés comme direc-
teurs dans les asiles. Les établissements consacrés à des malades
doivent être dirigés par des médecins. Les a-iles, pour être bien
dirigés ne doivent pas avoir plus de cinq à six cents malades. Toute
autre organisation est plus coûteuse et pleine d'inconvénients de
tous genres.
Maisons d'aliénés en ALLEMAGNE.SM ! 'oetu) : M. La Chambre
des députés de Prusse a discuté récemment l'interpellation con-
cernant la surveillance exercée par l'Etat dans les maisons d'alié-
nés. M. Bosoe, ministre des cultes, de l'instruction publique et des
affaires médicales, a reconnu que des fautes ont été commises dans
la gestion de l'asile de lllariaberg. On s'est trompé, non pas en ce
qui concerne les aliénés, mais peut-être en ce qui touche les auto-
rités. Le ministre a déclaré qu'il faut avant tout que les personnes
qui soignent les malades et les malades eux-mêmes soient soumis a
une surveillance.rigoureuse. Il ne croit pas qu'il faille entièrement
interdire aux ecclésiastiques de soigner les malades; mais il pense
que les ecclésiastiques doivent être subordonnés aux médecins. Il
faut maintenant constituer une commission composée de repré-
sentants du gouvernement, qui sera chargée de visiter les établis-
sements d'aliénés. M. Bosse a terminé en déclarant qu'il regrette
profondément, au point de vue patriotique et au point de vue hu-
manitaire, ce qui s'est passé au cloître de Alariaberg et que le
gouvernement fera tout ce qu'il pourra pour empêcher le renou-
vellement de pareils faits.
L'association CONTRE l'abus DES boissons alcooliques (Société
française de Tempérance), fondée en 1872 et reconnue d'utilité pu-
blique en 1880 vient de tenir son assemblée genérale et de nommer
son bureau pour 1895, qui est composé de la façon suivante :
président : M. le Dr Semelaigne; vice-présidents : D1' Blanche,
M. Glandaz, D1' Motet, M Van den Dorpel; secrétaire général :
Dr E. Philbert; secrétaires généraux adjoints : Drs Bouchereau et
Charpentier; secrétaires des séances : Drs Audigé et Moreau (de
Tours); bibliothécaire-archiviste : Dr Cruet; trésorier : M. Jules
Robins. Parmi les présidents d'honneur, nous remarquons les
noms de MM. Jules Hergeron, Frédéric Passy, D1' Dujardin-Beau-
melz, Aluteau, Albert Desjardins, or Théophile Roussel, Bar-
thélémy Saint-Iliidire, professeur Bouchard, professeur Guyon,
professeur Polain, de Nervaux, Béranger, Dietz-Monin, D1' Hérard,
272 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 1
Siegfried, Yves Guyot, Cheysson, Dr Magnan, Decroix, Bertau-
mieux, Herscher, Jean Monnier, etc., etc.
Assistance DES enfants idiots. Un fonctionnaire de l'Assis-
tance publique nous a adressé, le 26 juin dernier, un enfant idiot
en invoquant l'impossibilité, en raison de son agitation, de le
placer dans un hôpital d'enfants, et il ajoute : « Le père, maître
d'hôtel chez un restaurateur, gagne peu, ne dispose que de quelques
heures chaque nuit, et à côté de son petit enfant sommeil est
devenu tout à fait impossible. » - D'où le devoir de la société de
prendre ces enfants pour permettre au père de vivre et aussi pour
améliorer, traiter, éduquer ces déshérités.
Alcoolisme A la Chambre DES députés. M. Ed. Vaillant a obtenu
l'introduction dans la loi d'un texte spécial défendant la fabrication
de toutes les essences de liqueurs déclarées dangereuses par l'Aca-
démie de Médecine.
BouR'<E\iLLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie. - (Compte rendu du service ries enfants idiots,
épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1894, t. XV, avec la
collaboration de M. Noir. - Volume in-8° de lmii-141 pages, avec 8 figures
et 4 planches. - Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 (r. 50. - Aux
bureau* du Progrès Médical.
CHARCOT (J.-B.). - Contribution a l'étude de l'atrophie musculaire
progressive. - (Type lMichenne-Aran.) Un volume in-8° de 176 pages
avec figures dans le texte et quatre planches en chromolithographie. -
Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 fr. 50. - Au Progrès Médical.
FLATAIJ (Ed.). - Allas du cerveau humain et du trajet des fibres ner-
l'p11SeS, avec une préface de M. le professeur 1\levoec. - Volume in-4° de
27 pages, avec 8 planches et leur explication. Paris, 1894. - Librairie
Carré.
IRviNG C. Rosse. - Some Medico-legal fealures of Ilte Schneidet''case.
- Brochure in-8° de 16 pages. - Chicago, 1893. American Médical
Association Press.
LAItROUSSIRIE (P.). - De la dissimulation chez les aliénés. - Volume
in-8° de 132 pages. - Paris, 1895. - Librairie Ollier-Ilenry. : PATALO¡¡I. Kyste hydatique du foie. Variété posléro-inférieure.
Laparalomie et résection partielle de la poche. Guérison. - 11° partie,
par Bounu,.A et fnsTnr.onu : pilepsie et folie épileptique due « un lrcttt-
111atisme crânien remontant à vingt-cinq ans et guéries par trépanation,
- Brochure in-8° de 17 pages, avec une figure. - Paris, 1895. - Institut
international de Biographie médicale.
, Le rédacteur-gérant : Boursnewcce.
1 ? rrew, f'I. HRl5SEY, imp. - 05.
Vol. XXX. Octobre 1895. N° 104
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
ÉTUDE SUR LA \fÉNI\GO-11YL,LITE DIFFUSE DANS LE TABES,
. LA PARALYSIE GÉNÉRALE ET LA SYPHILIS SPINALE ;
Par le Dur NAGEOTTE,
Chef des travaux d'anatomie pathologique de la Clinique des maladies nerveuses
à la Salpêtrière '.
Les faits sur lesquels le présent travail se fonde n'ont pas
trait.à la lésion que nous considérons comme la caractéris-
tique du tabes; ils ont d'ailleurs été recueillis, dans le service
de M. le professeur Raymond, à une époque où notre attention
n'avait pas encore été attirée de ce côté; ils sont par consé-
quent incomplets et ne comprennent pas l'étude des nerfs ra-
diculaires. Néanmoins nous avons cru devoir les publier à
cause de certains détails qui nous permettent de préciser plus
exactement, peut-être, les rapports qui unissent le tabes à la
paralysie générale et même aux affections syphilitiques loca-
lisées des centres nerveux. Nous n'avons pas la prétention de
décrire des lésions nouvelles, car les détails sur lesquels nous
voulons insister sont assez bien connus ; mais il nous a sem-
blé qu'il y aurait quelque utilité à tenter de les grouper un peu,
différemment qu'on a l'habitude de le faire. z
L'idée générale que nous voudrions voir se dégager de nos
descriptions histologiques est' que, dans un certain : groupe de
maladies nerveuses chroniques, dont la clinique. nous montre
Travail du laboratoire de M. le P' RAYMOND.
Archives, t. XXX. " 18
274 CLINIQUE NERVEUSE.
les rapports particulièrement étroits avec la syphilis, il existe
des lésions diffuses, portant sur les vaisseaux et le tissu con-
jonctif et étendues à une très grande partie de l'axe nerveux;
ces lésions diffuses, considérées indépendamment de leur élé-
ment causal, ont une physionomie très spéciale; enfin la
simple exagération de ce processus en des points spéciaux, va-
riables suivant les circonstances, suffit pour créer telle ou
telle espèce nosologique. En d'autres termes il nous semble
que les lésions vasculo-conjonctives caractéristiques de cha-
cune des maladies que nous avons en vue névrite trans-
verse pour le tabes, -méningo-encéphalite pour la paralysie
générale, méningo-myélite plus ou moins circonscrite pour
les différentes espèces de syphilis spinale - se mettent en
relief sur un fond commun d'inflammation diffuse qui est de
même nature dans chacune d'elles et qui leur sert, en quelque
sorte. de trait d'union.
En somme, nous ne faisons que marcher dans la voie qui a
été ouverte ici même par notre maître, M. le professeur Ray-
mond' : qu'il nous permette de lui exprimer toute notre recon-
naissance pour les précieux matériaux, la haute direction et
les bienveillants encouragements qu'il nous a prodigués. Les
observations qui suivent, et celles que nous rappelons, mon-
trent que notre travail n'est pas basé sur des faits excep-
tionnels. mais sur des cas absolument classiques; d'ailleurs
tous les cas de tabes et de paralysie générale, isolés ou unis,
qui ont passé sous nos yeux ont régulièrement présenté des
lésions diffuses faites exactement sur le même type. Nous
nous occuperons plus particulièrement de ce qui a trait à la
moelle épinière.
Observation I. - Paralysie générale, symptômes tabétiformes, mé-
ningo-myélite diffuse. - Wele,. quarante-un ans, marchand ambu-
lant. Consultation de l'hôpital Lariboisière, 7 décembre 1892. C'est
un israélite roumain, employé de chemin de fer dans son pays
qu'il a quitté croyant trouver une situation meilleure à Paris, mais
il y gagne à peine sa vie et se trouve dans la misère.
Antécédentshérélilcciresetpersotnels. - On ne découvre aucune tare
nerveuse dans ses antécédents. Lui-môme n'aurait fait aucune ma-
ladie grave; à dix-huit ans, après un coit suspect, il a eu mal à la
verge passagèrement. On ne peut lui faire préciser davantage la
1 F. Raymond. - Contribution à l'étude de la syphilis du système
nerveux. (Arcla. de Neurologie, 1894.)
ÉTUDE SUR LA lIfENINGO-llfY&LITE. 275
nature de cet accident, son peu de connaissance de là langue fran-
çaise et «on état mental rendant l'interrogatoire difficile. Il n'aurait
pas eu d'accidents secondaires ; il a deux enfants bien portants et sa
femme est acluellement enceinte.
Histoire de lu maladie . Depuis lontemps Wek.. se plaint de maux
de tête; aussi bien au physique qu'au moral il n'est plus le même
depuis des mois; il y a trois mois en se levant le malin il tombe,
pris d'un étourdissement, et se met à vomir, c'est tout ce qu'il sait
de cet accident, mais depuis la céphalalgie est continuelle, il y a
de la somnolence, de l'allaihlissement généra], de l'incontinence
d'urine parfois; le caractère devient violent, la mémoire faiblit, la
parole s'embarrasse, les mains tremblent et cet état affecte beaucoup
le malade, qui se sent incapable de travailler.
État actuel. - Wek... a un air niais et pleurnicheur, sa mémoire
des faits recents est fort altérée, tandi- qu'il a bien conservé les no-
tions acquises antérieurement, ses facultés intellectuelles sont consi-
dérablemeut affaissées.
Les muscles de la face, des lèvres et delà langue sont animés d'un
tremblement fibrillaire intense; la parole est hésitante, entrecou-
pée d'achoppements entre les syllabes difficiles ; les mains sont
maladroites et tremblent également.
Pas de troubles de la sensibilité ni des sens, sauf de l'odorat qui
paraît alfaibli. Les pupilles puncti former égaies, ne réagissent ni à la
lumière ni à l'accommodation. Les réflexes patellaires sont abolis;
le signe de Romberg est absent; il n'existe pas d'ataxie des membres
supérieurs.
En résumé les troubles somaliques et intellectuels permettent de
diagnostiquer la paralysie générale ; les symptômes médullaires par
contre laissent soupçonner le tabès, sans qu'on puisse rien affirmer ;
enfin la syphilis est considérée comme possible.
Évolution ultérieure de la maladie. L'état du malade reste à peu
près stationnaire pendant les mois de janvier, février et mars 1893.
Le 16 avril, après avoir passé la journée dans sa cour, la tête sur
son bras, sans rien dire, il tombe sans connaissance; on le relève
hémiplégique; le côté droit du corps est paralysé, la paupière
tombante, la bouche déviée à gauche. Apporté le lendemain dans la
salle J. Boulay, Wek... est dans un état comateux, les sphincters sont
paralysés; la température est de 38°, elle monte à 38°,9, puis à 40°
le jour suivant et la. mort survient dans la nuit du 18 au 19 avril.
Autopsie. - Le cadavre est très musclé, très vigoureux d'aspect;
l'embonpoint est conservé. La moelle ne présente pas de lésion
apparente, sauf un certain degré d'épaississement des méninges
molles. L'arachnoïde présente de nombreuses plaques calcaires
dans la région lombaire en arrière. Le plancher du quatrième ven-
tricule est couvert de granulations fines. Le cerveau est peu atrophié.
276 CLINIQUE NERVEUSE.
Les méninges molles, oedémateuses et blanchâtres à la convexité et
en avant, se décortiquent assez facilement, mais entraînent des
fragments de substance cérébrale, surtout sur le lobe temporo-
sphénoïdal qui présente une consistance assez molle. En outre
les ulcérations prédominent sur la circonvolution de Broca et la
partie inférieure des circonvolutions motrices. La pointe des lobes
frontaux est relativement intacte. Sur la coupe les deux hémis-
phères offrent un piqueté congestif très marqué, mais en aucun
point on ne trouve de lésion qui puisse expliquer l'ictus terminal.
Les ventricules latéraux sont peu dilatés; leur épendyme est gra-
nuleux, surtout au voisinage des trous de Monro. Les artères céré-
brales sont saines.
De nombreux points de l'écorce sont examinés à l'état frais; il
n'existe de corps granuleux nulle part. Les capillaires sont forte-
ment surchargés de noyaux arrondis en beaucoup de points; on
trouve aussi très fréquemment des gaines vasculaires remplies de
granulations de pigment sanguin, trace évidente de congestions sou-
vent répétées.
Les poumons sont légèrement adhérents sur une partie de leur
étendue; ils sont le siège, surtout à droite, d'un oedème congestif
très abondant. Il n'existe aucune trace de tuberculose. Le coeur est
volumineux, flasque, surchargé de graisse; il pèse 488 grammes.
L'endocarde est sain ; le myocarde est parsemé de plaques de sclérose.
L'aorte présente, dans toute son étendue de larges plaques molles,
un peu translucides, épaisses, arrondies, isolées ou agioméréos. Le
foie est volumineux, congestionné; il porte sur sa face convexe un
angiome du volume d'une noix, affleurant la surface. Les reins
sont très congestionnés, petits mais lisses et se décortiquent bien ;
ils pèsent ensemble 240 grammes. La rate est grosse, ferme, à glo-
mérules volumineux; elle pèse 270 grammes.
Examen histologigue. - Il n'existe pas de dégénérescence systé-
matisée ou diffuse de la moelle. Néanmoins les coupes colorées par
'la méthode de Pal paraissent moins foncées que des coupes de
moelle saine; certains tubes sont moins réguliers dans leurs con-
tours, un peu boursouflés; il est évident que les gaines de myéline
de tous les tubes ne sont pas absolument saines.
Les cellules nerveuses et les cylindres-axes n'ont pas souffert; les
tubes des racines antérieures et postérieures sont intacts. La névro-
glie n'a pas proliféré. Tout l'intérêt que présente cette moelle se
rapporte à l'état des vaisseaux et surtout des méninges.
La pie-mère, du haut en bas de la moelle et sur toute sa circon-
férence, est épaissie par l'adjonction, à sa surface externe, de
faisceaux conjonctifs longitudinaux pour la plupart; au-dessous
d'eux on reconnaît très bien les deux couches normales de la mé-
linge. Ces faisceauxsont disposés par groupes irréguliers, abondants
ÉTUDE SUR LA lIiÉNINGO-iYÉLITE. 277
surtout sur les parties latérales, au niveau de l'insertion du ligament
dentelé; ils sont de volume très inégal, très petits pour la plupart
et mélangés de fibres élastiques; leur groupement est assez lâche
et ils sont séparés, pour la plupart, par une substance que l'on croi-
rait amorphe au premier abord. En employant de plus forts grossis-
sements, on voit que cette substance qui forme des lignes ou de
petits lacs entre les fibres, est formée par de petits globes arrondis,
colorés à peine ou pas du tout par 1'liéniatoxylitie. Parmi eux il en
est qui se colorent un peu mieux et d'autres qui se colorent encore
fort bien; on voit alors qu'il «'agit de cellules embryonnaires qui
ont subi sur place une nécrose spéciale qui les empêche de se colo-
rer, sans avoir amené leur désagrégation. Quelques-uns de ces
globes sont un peu allongés, d'autres presque fusiformes; il semble
que les cellules embryonnaires qui leur ont donné naissance étaient
sur le point de s'organiser en tissu fibreux. Dans ces points les
faisceaux conjonctifs prennent un aspect réfringent spécial.
Au-dessous de cette couche adventice la pie-mère proprement dite
est pauvre en cellules colorées et les cellules qu'on aperçoit sont
toutes absolument rondes; on distingue également dans ses inters-
tices des cellules dégénérées.
Pourtant à la face profonde de la pie-mère, dans la région dor-
sale de préférence, on voit des amas de cellules à noyaux aplatis,
bien colorés, tous orientés parallèlement les uns aux autres. Ces
amas sont ordinairement triangulaires et embrassent l'origine
d'un vaisseau au niveau de son entrée dans la moelle. Il se forme
ainsi en plusieurs points des amas triangulaires de cellules fusi-
formes tellement serrées les unes contre les autres qu'à un faible
grossissement, sur les coupes colorées à l'hématoxyline, elles
forment une tache violette. Les cellules sont orientées parallèlement
au vaisseau et, sur la face externe, parallèlement à la méninge. Il
s'agit bien évidemment ici d'une évolution vers la sclérose du
même tissu embryonnaire qui, dans les courbes superficielles, a
subi une dégénérescence particulière; les amas triangulaires
résultent du tassement et de la transformation fibreuse de véri-
tables petits nodules périvasculaires tels que ceux qu'on voit dans
les méningo-myéliles syphilitiques en voie d'évolution (fig. 9).
Les vaisseaux qui cheminent à la surface de la pie-mère ont subi
des altérations de même nature. Les veines sont toutes atteintes;
elles ont des parois extrêmement épaissies, les petites surtout, dont
les tuniques peuvent atteindre une épaisseur de 5 à 10 fois plus
considérable que leur lumière. Cet épaississementest régulièrement
circulaire, ou bien au contraire excentrique, et rappelant par con-
séquent la disposition qu'affectent souvent les lésions syphilitiques
en évolution des veines.
La paroi de ces veines est formée de minces cercles onduleux
concentriques, dont les ondulations, loin d'être parallèles, circons-
278 CLINIQUE NERVEUSE.
crivent par leur juxtaposition, une série de petites logettes fusi-
Observation I. Coupe de la région dorsale supérieure ; méninge au
-niveau DU rAISCEAU LATCRAL. Méningite, infiltration embryonnaire,
dégénérescence des éléments; nodule formé, vpr- l'origine d'un vais-
seau médullaire, par clos cellules aplaties. Ilémaloxyline et éosine.
formes; ces logettes sont remplies chacune par un ou deux noyaux
Fig. 9.
ÉTUDE SUR LA MÉNINGO-MYÉLITE. · 279 9
extrêmement pâles; sur quelques veines ces noyaux se colorent
encore un peu et l'on voit très nettement qu'on est en face d'une
infiltration embryonnaire de la paroi qui a été surprise, en voie
Observation I. COUPE DE la région dorsale SUPÉRIEURE, méninge au
niveau du faisceau latéral. Lésion d'une veine, dégénérescence des
éléments morbides. Deux artérioles n'ont subi d'autre altération
qu'une dégénérescence hyaline de leur paroi. - Ilémaloxyline et éosine.
d'évolution fibreuse, par cette sorte de dégénérescence spéciale
dont il a été question plus haut (rtg. 10). ,
Quelques-unes de ces cellules ont pourtant gardé leur aspect
embryonnaire et restent bien colorées ; c'est ainsi qu'on peut voir
Fig. 10. ,
280 CLINIQUE NERVEUSE.
3, 4, 5 noyaux colorés sur une coupe de veine, mais souvent il n'y
en a pas du tout. Les noyaux de l'endolhélium eux-mêmes ne se
colorent plus pour la plupart. En outre, chaque veine est entourée
d'une couche plus ou moins épaisse de fibres conjonctives longi-
tudinales.
Les grosses artères présentent un revêtement extérieur assez épais
de fibres conjonctives 10ngitudinales',I'enlre lesquelles on aperçoit
des traces de noyaux. Leur tunique interne est tantôt mince, tantôt
épaissie en quelque point ou circulairement, mais la lésion la plus
remarquable est l'absence presque complète de tout noyau coloré
dans l'épaisseur des trois tuniques. La tunique musculaire prend,
par l'hématoxyline, une coloration bleu gris un peu trouble; on y
distingue encore assez bien les contours des fibres musculaires,
mais c'est à peine si de loin en loin on entrevoit encore vaguement
un noyau en bâtonnet. Le calibre de ces vaisseaux est parfaitement
conservé, il n'existe ni distension exagérée, ni rétrécissement, les
parois semblent avoir conservé, sinon leur élasticité normale, du
moins une consistance qui est compatible avec une circulation régu-
lière. En un mot il y a là un état tout spécial, qui n'est certaine-
ment pas artificiel, et qui rentre dans la classe si vaste et encore
si peu connue des dégénérescences ; ce n'est ni la dégénérescence
amyloïde, ni la dégénérescence colloïde; on peut lui donner le nom
de dégénérescence hyaline en raison de son aspect.
Les petites artères présentent une endartérite énorme, en plus de
l'état spécial des tuniques externes décrit plus haut.
Sur quelques-unes on voit que la couche fibreuse, développée aux
dépens de l'endartère, est comprise entre deux membranes élasti-
ques, dont l'interne est de nouvelle formation.
La moelle elle-même ne paraît pas avoir souffert de la lésion de
ses vaisseaux nourriciers. En aucun point ses éléments n'ont subi
de dégénérescence avancée. Les capillaires sont sains. Les vaisseaux
de moyen calibre ont leurs parois épaissies et garnies de cellules
fusiformes comme celles qui forment des amas à leur origine sous
la pie-mère.
En remontant au bulbe et à la protubérance, on constate sur les
artérioles et les veinules des lésions analogues ; leur tunique adven-
tice contient de nombreux dépôts de pigment sanguin, trace évi-
dente d'hémorragies anciennes et de congestions répétées.
Le tronc basilaire a des éléments bien colorés, sauf sa tunique
externe, épaissie, dont les éléments cellulaires, assez nombreux,
restent très pâles, surtout à mesure que l'on descend du côté de la
moelle. L'endartère est saine.
La pie-mère présente une infiltration des cellules embryonnaires
qui sont de mieux en mieux colorées à mesure que l'on remonte
du côté du cerveau. La pie-mère qui sépare le cervelet de la pro-
tubérance, au-dessus du pedoncule cérébelleux moyen, ainsi que
ÉTUDE SUR LA iÉNINGO-IiYÉLITE. 281
.
celle qui tapisse les tubercules quadrijumeaux et les pédoncules
cérébelleux supérieurs, offre un épaississement considérable et une
infiltration très dense de noyaux arrondis, serrés les uns contre les
autres, qui se colorent très vivement.
Les différents nerfs crâniens présentent des altérations intersti-
tielles de même nature, mais relativement assez minimes, les
tubes nerveux sont intacts, ainsi que les noyaux d'origine.
Quelques-uns des gros vaisseaux qui pénètrent dans la protubé-
rance présentent une infiltration abondante de leurs parois par
des éléments embryonnaires. Les capillaires sont intacts ; pourtant
les veinules et les capillaires qui cheminent sous le plancher du
quatrième ventricule ont leurs parois manifestement lésées et
dessinent un réseau très visible sous les granulations de l'épen-
dyme.
Cerveau. - La pie-mwe cérébrale, dans toute son étendue, même
sur les lobes occipitaux, est infiltrée de noyaux ronds. La lésion
est iufiniment plus intense sur les lobes frontaux et surtout à la face
inférieure; au niveau du gyrus rectus les prolongements de la pie-
mère qui pénètrent entre les circonvolutions sont tellement épaissis
et infiltrés qu'ils forment des taches violettes visibles à l'oeil nu sur
les coupes colorées à l'hématoxyline.
Les vaisseaux de la substance cérébrale sont extrêmement malades
particulièrement dans le gyrus rectus, les frontales, les motrices et
le lobe temporal. Cette altération est remarquable par sa disposi-
tion irrégulière et par l'intensité étonnante de l'infiltration des
parois des vaisseaux de moyen calibre.
Les capillaires sont relativement moins atteints que dans beau-
coup de cas de paralysie cérébrale.
Les fibres à myéline sont relativement peu touchées; elles n'ont
subi une diminution considérable que dans Je gyrus rectus. Les
cellules de l'écorce n'ont pas subi d'altération appréciable. La
névroglie est épaissie, surtout dans les couches superficielles des
circonvolutions frontales, où l'on voit un assez grand nombre de
cellules-araignées.
Les nerfs cutanés du pied et de la main, ain,i que les filets ter-
minaux des branches cutanées du crural ne présentent aucune
fibre en voie de dégénérescence (acide osmique) ; sur les coupes il
semble pourtant qu'un certain nombre de fibres ont disparu;
mais cette lésion est très peu importante. Un nerf musculaire pris
dans l'épaisseur du triceps ne présente aucune altération.
Nous nous trouvons en présence d'une altération intersti-
tielle et diffuse qui porte sur l'ensemble du système nerveux
central. Il est bien évident que les lésions décrites dans la
moelle et localisées à ce niveau presque exclusivement sur les
282 CLINIQUE NERVEUSE.
méninges, ne représentent qu'une évolution ultérieure peut-
être vers la guérison d'un processus morbide, dont la protubé-
rance et le cerveau nous représentent la phase active. Il est
dès lors facile de reconnaître l'identité histologique de ce pro-
cessus inflammatoire, qui frappe particulièrement l'élément
conjonctif, dans lequel les lésions spéciales des vaisseaux
jouent un rôle prépondérant, avec celui qui constitue la mé-
ningo-myélite syphilitique diffuse telle qu'elle est décrite par
les auteurs. A l'intensité près, cette méningite est exactement
comparable à celle qui sera décrite dans les observations sui-
vantes ; il est difficile de savoir si elle est plus ancienne que
dans ces trois cas; la dégénérescence qui a suivi l'arrêt dans
la marche du processus inflammatoire n'indique pas néces-
sairement que la lésion est très ancienne, car nous savons que
des lésions semblables, plus ou moins arrêtées dans leur
évolution, peuvent garder pendant des années un aspect très
analogue à celui qu'elles avaient dès le début. D'autre part
l'extension de la lésion au cerveau, où elle forme cette mé-
ningo-encéphalite vasculaire diffuse, qui est le substratum
anatomique de la paralysie générale, et l'absence de lésions
des cordons postérieurs donnent au cas actuel une ressem-
blance frappante avec une observation publiée par notre
maître M. le professeur Raymond. (Archives de Neurologie,
n° 1, 189r. OBS. 1.)
La dégénérescence toute particulière des éléments et des
vaisseaux de la pie-mère spinale, qui respectait pourtant la
fonction physiologique de ces organes et qui, par conséquent,
semble compatible avec une guérison définitive, n'est pas un
des points les moins intéressants de cette observation; elle ne
change d'ailleurs rien à l'interprétation qui vient d'être
donnée, car on sait que tous les éléments inflammatoires ou
néoplasiques sont susceptibles de subir des évolutions dégénéra-
tives variées ; la nature de la dégénérescence ne parait pas être
toujours subordonnée à la nature du processus primitif. Il
faudrait peut-être comparer cette dégénérescence, si régulière-
ment répartie sur un espace considérable, à la dégénérescence
colloïde des vaisseaux de l'écorce cérébrale , décrite par
M. Magnan dans quelques cas de paralysie générale, bien que
sa nature soit totalement différente.
L'observation est à peu près muette sur les symptômes qui
ont dû accompagner autrefois l'évolution de la méningite spi-
ÉTUDE SUR LA MÉNINGO-MYÉLITE. 283
nale observée ; il est infiniment probable pourtant que c'est
par la moelle que l'affection a débuté, pour envahir ultérieu-
rement le cerveau et causer la paralysie générale. Cette lacune
s'explique sans doute par l'état mental du sujet et la difficulté
qu'il éprouvait à s'exprimer au moment où il a été vu.
Les seuls symptômes qui aient attiré l'attention sur la
moelle, à part quelques douleurs anciennes qu'il accusait va-
guement, sont l'abolition des réflexes patellaires et quelques
mictions involontaires. On avait naturellement songé au tabes,
mais en l'absence de troubles de l'équilibre et de phénomènes
ataxiques, le diagnostic avait été réservé. Il est certain que
tous les paralytiques généraux qui présentent le signe de
Westphal sont fortement suspects de tabes, néanmoins l'ob-
servation présente et celle que M. le professeur Raymond a
publiée (loc. cit.), sont d'excellentes justifications de la pru-
dence qu'il faut apporter lorsqu'on veut porter un diagnostic
précis chez ces malades. Tous les paralytiques généraux qui
n'ont pas de réflexes ne sont donc certainement pas des tabé-
tiques, quelle que soit d'ailleurs l'intimité des liens qui unis-
sent le tabes et la paralysie générale.
Quant à la cause de l'abolition des réflexes dans le cas
actuel, il est certain qu'elle ne doit être rapportée ni à une
lésion des nerfs, ni à une altération des racines, ni à une
atteinte aux centres réflexes. 11 semble s'agir ici d'une action
purement dynamique de la méninge enflammée; d'ailleurs
les exemples d'abolition des réflexes au cours de la méningite
spinale ne sont pas exceptionnels. -
La cause de l'ictus terminal et de l'hémiplégie consécutive
n'a pu être déterminée, ainsi qu'il arrive le plus souvent dans
ces cas; il est probable qu'il s'est agi de phénomènes conges-
tifs plus ou moins localisés et qui avaient déjà disparu au
moment de la mort, laissant seulement une hyperhémie diffuse
du cerveau.
Observation II. - Tabes ; traces de méningo-encéphalite; méningo-
myéiite diffuse. - G... Auguste, quarante-six ans, coiffeur, salle
Boulay, n° 25, entré le 23 aval 1891.
Antécédents héréditaires. - Bisaieul mort à cent neuf ans, grand-
père à cent cinq ans, père à soixante-dix ans après avoir été
ataxique durant douze ans, six frères et soeurs morts jeunes.
Antécédents personnels. Blennorrhagie à dix-sept ans, pas
284 CLINIQUE NERVEUSE.
d'histoire de syphilis Marié en 1882, G... a eu trois enfants, dont
deux morts en bas âge. La sanlé générale avait toujours été excel-
lente, malgré plusieurs blessures de guerre, jusqu'en 1884,
époque à laquelle G... fut atteint d'une laryngite qui persista sept
mois.
Dès cette année aussi il eut des douleurs fulgurantes presque
continuellement dans les membres inférieurs; puis des douleurs en
ceinture, un affaiblissement passager des jambes qui l'obligea à
faire un séjour à l'hôpital, deux ans plus tard des paralysies ocu-
laires, de l'impuissance génitale; enfin en 1891 vinrent des dou-
leurs dans les membres supérieurs, de l'engourdissement et de l'in-
sensibilité des mains dans leur partie cubitale surtout, de l'incoor-
dination rapidement croissante dans les membres inférieurs; un
jour il ne put descendre l'escalier, le lendemain il fut obligé de
garder le lit et entra à l'hôpital.
Etat actuel. - Douleurs fulgurantes dans les quatre membres,
douleurs en ceinture, anesthésie cubitale et plantaire; démarche
ataxique des plus marquées, dérobement des jambes, mais pas
d'ataxie des membres supérieurs ; signe de Westphal et de Rom-
b'erg. Pupilles égales, rétrécies, signe d'Ar=yll-Roberlson. Ily aen
outre de la paralysie des troisième et sixième paires et une exoph-
talmie légère; l'ouïe est diminuée à gauche. En fait de symp-
tômes viscéraux on note de la paresse vésicale, des pertes séminales,
de l'impuissance complète ; rien de laryngé actuellement.
Quelques troubles trophiques existent aussi - de l'atrophie des
muscles du mollet, des éruptions zostériformes. Pas d'arthropathie;
le malade possède trente-deux dents saines.
Evolution ultérieure. - Après une certaine amélioration attri-
buable à la suspension, G voit son mal évoluer rapidement;
depuis mai 1891, il présente des attaques caractérisées par une
perte de connaissance complète, avec laideur de la nuque et des
membres, et grande gêne respiratoire ; après l'accès qui dure
depuis dix minutes jusqu'à une ou trois heures, G... est souvent
loquace et agité. Confiné au lit depuis la fin de 1891 il a des
eschares au sacrum, s'affaiblit et s'émacie; dans le courant de 1892
l'état général s'amende un peu, les eschares sacrées se cicatrisent,
mais bientôt il retombe dans un état de marasme profond. Les
pieds sont tombants, les orteils fléchis en griffe présentent des maux
perforants dorsaux qui ouvrent les articulations. *
Les membres supérieurs deviennent de plus en plus maladroits
et les doigts sont le siège de crampes douloureuses particulière-
ment dans le territoire du cubital. L'état mental est affaibli, la
crédulité est extrême, le caractère devenu irritable et coléreux; la
mémoire reste fidèle et le raisonnement correct. Au commence-
ment de 1893 la situation du malade est lamentable et il succombe
ÉTUDE SUR LA MÉNINGO-MYÉLITE. 288
le 21 janvier à un érysipèle phlegmoneux parti des ulcérations des
orteils.
Autopsie. - Le cadavre est dans un état d'émaciation extrême;
les muscles sont grêles, mais fermes et bien colorés. Les poumons,
dont les bases sont fortement congestionnées, ne présentent aucune
trace de tuberculose. Le coeur, flasque et dilaté, présente un endo-
carde sain. L'aorte est relativement saine pour un homme de cet
âge. - Les reins sont normaux (400 grammes). Le foie
(1,500 grammes) est tuméfié, mou, marbré de jaune à la surface.
La moelle présente une trainée grisâtre sur toute son étendue
dans l'espace qui est compris entre les racines postérieures. Celles-ci
sont grises, atrophiées depuis le bas jusqu'en haut. L'atrophie est
pourtant moins accentuée au niveau du renflement cervical. La
pie-mère et l'arachnoïde sont épaissies et blanchâtres. Sur une
coupe transversale de la moelle on constate une atrophie considé-
rable des cordons postérieurs qui sont gris et s'affaissent. Le plan-
cher du quatrième ventricule est un peu granuleux; le nerf moteur
oculaire commun gauche est grisâtre et fortement atrophié; le
droit a perdu son aspect nacré mais ne paraît pas sensiblement
'diminué de volume. - Les hémisphères cérébraux se laissent faci-
lement décortiquer, ils ne présentent pas d'autre lésion apparente
qu'une concestion marquée et un certain épaississement des mé-
ninges molles à la convexité, surtout en avant.
Examen histologique. - La moelle présente une dégénérescence
avancée des cordons postérieurs ; cette dégénérescence, qui est
parfaitement systématisée, respecte dans la région lombaire le petit
centre ovale de Flechsig et la zone marginale de Westphal. Les
zones de Lissauer sont fortement sclérosées. Dans la région cervicale
le cordon de Goll est complètement privé de fibres dans ses trois
quarts postérieurs : dans le quart antérieur il reste encore quelques
fibres plus abondantes le long de la commissure postérieure sur
une petite étendue. La bandelette externe, qui contient encore
quelques fibres, d'autant plus nombreuses qu'on se rapproche de la
corne, se distingue assez nettement du reste de la moelle; elle est
séparée du cordon de Goll par une traînée de fibres relativement
plus denses que celles'qu'elle contient elle-même. Le champ pos-
téro-externe présente une sclérose un peu moins avancée, ainsi que
la zone de Lissauer.
Dans le bulbe on observe une double zone de dégénérescence,
l'une autour du noyau de Goll, comprenant tout le faisceau grêle,
l'autre en croissant autour et à distance du noyau cunéiforme.
Les racines postérieures sont fortement atteintes à la région lom-
baire ; elles contiennent pourtant encore une assez grande quantité
de fibres très fines. Dans la région cervicale elles sont moins
malades.
286 CLINIQUE NERVEUSE.
Les cornes postérieures, bien que privées en grande partie de leur
réliculum nerveux, n'ont pas subi une grande réduction de volume.
Les cellules qu'elles contienne' t, étud'ée-' sur des coupes colorées
d'une façon très délicate par l'action longtemps prolongée du car-
min sur des rondelles de moelle, ne présentent pas la moindre
lésion; elles sont aussi nombreuses et aussi belles que dans une
moelle normale. - Il en est de même pour les cellules des
colonnes de Clurke, dont pourtant le réticulum nerveux a presque
entièrement disparu.
En résumé, il s'agit bien manifestement ici d'un tabes vulgaire,
arrivé à une période avancée de «on évolution. L'étude des coupes
colorées à rhématoxylinp va maintenant nous faire connaître des
lésions de la pie-mère et des vaisseaux médullaires, qui sont com-
plètement indépendantes des dégénérescences décrites plus haut.
La moelle présente dans sa hauteur une inflammation chronique
de la pie-mère, qui est très régulièrement répartie sur toule sa
circonférence, sans être plus intense au niveau des faisceaux lésés.
La pie-mère est épaissie; les faisceaux fibreux qui la forment, par-
ticulièrement dan, la couche longitudinale externe, sunt manifes-
tement plus nombreux et plus volumineux ,qu'à l'état normal.
Entre ces faisceaux on aperçoit une infiltration très régulière de
noyaux ronds; ces noyaux, qui forment tantôt des lignes, tantôt
des amas dans le- interstices des fibres, se rassemblent particuliè-
rement autour des capillaires. Le prolongement de pie-mère qui
pénètre dans le sillon antérieur de la moelle contient un grand
nombre de ces amas plus ou moins nettement limités. Jamais
aucun leucocyte ne se mêle à ces cellules embryonnaires. La pie-
mère qui tapisse les cordons postérieurs n'est pas plus altérée que
le reste; c'est même au niveau des faisceaux latéraux que la mé-
ninge offre la plus grande épaisseur. Néanmoins il se détache de
la pie-mère en arrière de fines taches qui vont rejoindre l'arach-
noïde, de telle sorte que l'ensemble parait, au premier abord, for-
mer un épaississement plus considérable en arrière. Un examen
plus attentif montre que cet épaississement appartient bien plutôt
à l'arachnoïde qu'à la pie-mère.
Les artères qui entourent la moelle sont absolument saines.
' Les veines, au contraire, sont toutes plus ou moins atteintes.
Tantôt elles ont leurs parois infilttées de noyaux ronds qui se dis-
posent en une couronne régulière, tellement tassés que la tunique
veineuse parait complètement violette à un faible grossissement
(fig. 11). Tantôt, les noyaux s'accumulent en un ou deux points,
laissant le reste de la circonférence à peu près intact. Cette ten-
dance à la disposition nodulaire est parfaitement nette en bien
des points.
L'arachnoide est également épaissie et infiltrée.
Les racines antérieures, sans présenter la moindre lésion de leurs
Fig. 11.
4j);¡¡j;ERVATlON II. Coupe DE la RÉGION dorsale; sillon antérieur. Méningite : phlébite; j7EL'ÎLLLI('I'1 ! 0. - lG'9Yt(C0.2,' ? lillB el éosine.
288 CLINIQUE NERVEUSE.
éléments nobles, sont le siège, surtout dans la région cervicale,
d'une infiltration embryonnaire interstitielle discrète qui accom-
pagne les vaisseaux. La membrane conjonctive qui entoure les
fascicules de ces racines est assez fortement épaissie et infiltrée.
Les vaisseaux de la moelle elle-même sont peu atteints par l'in-
filtration embryonnaire, sauf à la partie inférieure du renflement
cervical où, sur un espace assez limité, les cellules embryonnaires
accumulées autour des vaisseaux de la pie-mère, accompagnent
ceux-ci sur une certaine étendue et semblent envahir la substance
médullaire. Cette disposition ne s'observe qu'au niveau des cordons
postérieurs. ·
Outre ces lésions irritatives, les vaisseaux des régions dégénérées
présentent une sclérose assez modérée de leurs parois. Cette réac-
tion des vaisseaux vis-à-vis des processus morbides qui les entou-
rent, s'accompagne, vers la région cervicale, d'une certaine proli-
fération nucléaire.
Le bulbe et la protubérance présentent une méningite de même
nature que celle de la moelle; la pie-mère est farcie de noyaux
ronds, disséminés enlre les faisceaux conjonctifs et particulière-
ment autour des vaisseaux. Les veines sont extrêmement malades;
la paroi de certaines d'entre elles, infiltrée de noyaux arrondis,
offre une épaisseur considérable. Dans l'espace interpédonculaire
on voit, entre autres, une veinule de l'arachnoïde coupée en long,
qui présente sur son parcours trois épaississements annulaires
fusiformes, véritables granulations infectieuses, très comparables
à des granulations tuberculeuses (le malade n'était nullement tu-
berculeux) ; en un point on aperçoit même au centre du nodule un
début de casélfication.
Les artères, par contre, sont à peu près saines; le tronc basilaire
présente en un point une légère infiltration des vasa-vasorum de
sa tunique externe; au même niveau il existe deux petites plaques
d'endartérite fibreuse, sans qu'on puisse spécifier nettement si elles
répondent aux points les plus malades de la tunique externe. '
Les artères de l'espace perforé postérieur ont leur tunique ex-
terne légèrement infiltrée, mais sans trace d'endartérite.
Les vaisseaux de la substance du bulbe et de la protubérance
sont sains, sauf quelques veinules sous-jacentes au plancher du
quatrième ventricule, dont les parois sont infiltrées circulairement
ou latéralement. L'épendyme est légèrement granuleux.
Les nerfs moteurs oculaires communs présentent une légère infil-
tralion interstitielle, mais leurs tubes sont sains.
Les nerfs moteurs oculaires externes sont beaucoup plus atteints
et l'infiltration qui accompagne leurs vaisseaux évolue vers la
transformation fibreuse; les veines qui avoisinent leur émergence
sont fortement lésées, surtout à gauche, et ces altérations parais-
sent également anciennes. A droite le nombre des tubes est évi-
ÉTUDE SUR LA \IÉNINGO-\IYÉLITE. z) 89
dominent dimir.ué; il gauche la lésion parenchymaleuse est extrê-
mement considérable; il reste à peine une dizaine de tubes de
volume normal; le reste du tissu est fibreux et présente des tubes
extrêmement fins. Ces lésions se prononcent encore et les tubes
conservés diminuent à mesure qu'on s'éloigne de l'émergence.
Les pathétiques ne sont pas épargnés par l'altération intersti-
tielle, mais leurs tubes nerveux ne paraissent pas lésés. Sur leur
trajet les méninges sont fortement infiltrées.
Le facial, le trijumeau, l'acoustique sont moins lésés, mais la
pie-mère est assez fortement infiltrée autour de leur émergence.
Les nerfs du bulbe ont leur gaine épaissie et infiltrée, mais sans
autre lésion appréciable. Les noyaux d'origine de ces différents
nerfs sont absolument sains, do même que la portion des nerfs
moteurs oculaires externes qui traverse la protubérance.
Du côté du cerveau on observe une méningite de la même nature
que la méningite spinale, localisée surtout à la base, et bien
visible en particulier au niveau du gyrus rectum, mais également t
appréciable à la convexité, et surtout sur les ciiconvolulions fron-
tales. ' .
Les capillaires de l'écorce présentent des traces non douteuses
d'irritation dans toute l'étendue du cerveau, mais surtout au ni-
veau du gyrus rectus, des circonvolutions frontales et motrices et
de la pointe du lobe temporal. Pourtant il n'existe pas de lésions
des fibres tangentielles, sauf au niveau du gyrus rpctns, où elles
sont certainement moins nombreuses qu'à l'état normal. La né-
vroglie ne parait pas épaissie.
Les nerfs cutanés du pied ne présentent plus qu'un petit nombre
de fibres saines; ces lésions sont moins avancées au niveau de la
jambe. Les nerfs cutanés des doigts sont encore moins altérés,
quoique très notablement encore. Le sciatique et le crnral, étu-
diés sur des coupes colorées au carmin, contiennent un assez grand
nombre de tubes dégénérés. Les nerfs du membre supérieur sont t
à peu près sains, sauf le cubital.
Les muscles antérieurs de la jambe présentent une atrophie
simple de la plupart de leurs fibres. Un assez grand nombre pour-
tanl, disséminées dans l'épaisseur des muscle', sont complètement
atrophiées et réduites à l'état d'une gaine remplie de noyaux.
Quelques fibres isolées sont hypertrophiées et tranchent sur les
autres tant par leur volume 'que par leur forme régulièrement
arrondie.
Les nerfs intra-musculaires, étudiés sur les coupes des muscles,
présentent un grand nombre de leurs fibres dégénérées.
En résumé, il s'agit d'un cas de tabès ancien, très régulier
et très classique, avec adjonction de méningite spinale et traces
Archives, t. XXX. 19
290 CLINIQUE NERVEUSE.
manifestes de méningo-encéphalite . La méningite accompagnée
de lésions veineuses considérables, ne diffère en rien au point
de vue histologique de celles qu'on observe dans la syphilis
médullaire diffuse; sa disposition régulière sur toute la péri-
phérie de la moelle, la participation des veines antérieures
. au processus, la présence à la surface du bulbe, de la protu-
bérance et même des circonvolutions cérébrales d'une lésion
de même nature, montrent avec la dernière évidence que les
lésions systématisées des cordons postérieurs n'ont aucune
influence directe sur sa production. D'autre part, l'absence de
toute diapédèse de leucocytes polynucléaires, la riature et la
répartition très régulière de l'infiltration, son ancienneté prou-
vée par les lésions scléreuses de la base de l'encéphale montrent
bien qu'il ne s'agit pas d'une lésion infectieuse banale, évo-
luant sous la dépendance des accidents ultimes. Les capillaires
de la moelle elle-même ne participent que relativement peu à
la lésion inflammatoire. '
Nous ferons remarquer, sans vouloir en tirer de conclusion
ferme, que le malade, né d'un père ataxique, a constamment
nié la syphilis.
Observation III. Tabès; méningo-myélite diffuse. - Wei...
Joseph, quarante-sept ans, chaisier, hôpital Lariboisière, salle
J. Boulay, n° 16, entré le 9 avril 1892.
Antécédents héréditaires. - Parents morts âgés, frères et soeurs
bien portants, sauf un qui a été frappé d'hémiplégie à trente-huit
ans et est mort quelques années après.
Antécédents personnels. - Fièvre typhoïde à dix-huit ans. Le
malade a une fille unique bien portante; sa femme, morte de la
poitrine, n'a pas eu de fausse couche. Il nie toute maladie véné-
rienne, ne porte aucune trace suspecte et n'est pas alcoolique.
Histoire de la maladie. - En 1879, le malade commença à res-
sentir des douleurs abdominales qui revenaient par crises, duraient
quelques jours et se terminaient par une diarrhée abondante. En
1881, après quelques douleurs fulgurantes dans les membres infé-
rieurs, il fut subitement atteint de paraplégie et de parésie vési-
cale, garda le lit pendant trois mois environ, mais se remit ensuite
graduellement, tout en conservant de l'anesthésie plantaire, des
douleurs térébrantes, de plus en plus espacées et faibles, et de l'in-
certitude de la marche. Vers 1885, les douleurs cessèrent presque
complètement, sauf pourtant les crises entéralgiques, mais les
troubles de la marche ont continué à faire des progrès, si bien que
depuis un an le malade ne sort plus de chez lui. Il y a quelques
ÉTUDE SUR LA -,IÙNINGO ? IYÙLITP. : i9t
mois, les douleurs entéralgiques s'exagérèrent, puis changèrent de
caractère pour se transformer en crises rectales typiques, dont la
violence conduisit le malade à l'hôpital.
Etat actuel. - W... est de taille moyenne, maigre, pâle, très
souffrant. Les crises rectales se répètent tous les jours et même
deux fois par jour, elles sont terribles et durent plusieurs heures.
Dans l'intervalle des crises, W... marche un peu en poussant une
chaise devant lui, mais il menace de s'effondrer aussitôt qu'on
détourne ses regards du sol. Les membres inférieurs sont le siège
d'une incoordination motrice considérable, les réflexes rotuliens
sont abolis; la sensibilité est à peu près conservée, sauf à l'extré-
mité du membre; il se plaint d'avoir continuellement froid aux
pieds. La maladresse croissante des membres supérieurs empêche
le malade de se livrer à un travail quelconque depuis plusieurs
mois déjà. Il n'y a pas d'atrophie musculaire. Les pupilles, en état
de myosis, sont égales et présentent le signe d'lrgyll-Rohertson ;
il n'y a pas eu de paralysie oculaire. L'état mental et le caractère
ne paraissent pas altérés.
Evolution ultérieure. - Pendant tout le séjour du malade à l'hô-
pital, son affection évolue d'une façon lente, monotone; les crises
rectales s'atténuent et disparaissent vers le mois de juillet; les
troubles de la marche au contraire s'accentuent au point de con- *
finer le malade au lit. Au mois de janvier 1893, W... est arrivé
dans un état de cachexie profonde; il contracte, le 18 janvier, un
érysipèle phlegmoneux de la cuisse droite et succombe à cette
complication au bout de huit jours.
Autopsie. Le cadavre porte une escarre sacrée toute récente;
les muscles sont grêles, mais fermes et rouges; les pieds sont légè-
rement tombants.
La moelle présente une dégénération intense de ses cordons et
de ses racines postérieures. Les racines du renflement cervical sont
grisâtres, mais ne paraissent pas avoir bien notablement diminué
de volume. Les méninges molles sont épaissies et opalines;
l'arachnoïde porte en arrière, au niveau du renflement lombaire,
de nombreuses plaques calcaires. L'épendyme du quatrième ven-
tricule est finement granuleut, Les artères cérébrales sont saines.
Le cerveau ne présente' aucune lésion appréciable. Les autres
organes n'offrent aucune lésion intéressante; il n'existe aucune
trace de tuberculose.
Examen histologique. - Les lésions sont très exactement com-
parables à celles du cas précédent, quoiqu'un peu moins intenses.
Les cordons postérieurs sont le siège d'une dégénérescence éten-
due à toute leur hauteur. Au renflement lombaire, la petite zone de
Flechsig et les zones de Westphal sont épargnées. Au renflement
cervical, la dégénérescence est absolue dans la moitié postérieure
292 CLINIQUE NERVEUSE
du cordon de Goll; la moitié antérieure contient encore des tubes
disséminés. La zone radiculaire, moins fortement lésée que le cor-
don de Goll, a des limites moins tranchées que dans l'observation
précédente.
Les c"mes postérieures sont relativement peu atrophiées, malgré
.la disparition de leur réticulum nerveux normal. Leurs cellules
sont absolument intactes. Les colonnes de Clccrke présentent la dis-
parition classique de leur réticulum nerveux. Les racines posté-
1'ieu1'es, fortement lésées dans les régions inférieures, le sont beau-
coup moins dans le renflement cervical; elles redeviennent même
presque saines dans le tiers supérieur de ce renflement. Au niveau
du collet du bulbe, on observe la double dégénérescence tabétique
habituelle.
Comme dans le cas précédent, les coupes colorées à l'hémato-
xyline montrent l'existence d'une méningite vasculaire qui est un
peu moins intense. C'est le même épaississement des fibres con-
jonctives, la même infiltration par des noyaux arrondis; néan-
moins les fibres conjonctives sont moins fortes et moins denses.
L'arachnoïde est épaissie et infiltrée, surtout en arrière ; les tractus
qui relient celle membrane à la pie-mère participent à cette alté-
ration et, comme dans le cas précédent, donnent à première vue
J'impression que la pie-mère est plus altérée au niveau des cordons
postérieurs; mais un examen plus attentif montre que cette appa-
rence ne répond pas à la réalité des choses.
Les artères spinales sont complètement saines.
Les veines sont altérées pour la plupart; quelques-unes pourtant
sont saines. Les altérations, qui s'observent aussi bien sur la veine
antérieure que sur les veines radiculaires, consistent dans une infil- l-
tration embryonnaire de la zone externe ou de la paroi tout
entière, régulièrement étendue à toute la périphérie, ou condensée
en un ou plusieurs petits nodules très caractéristiques (fig. 12).
Les racines antérieures et postérieures sont le siège d'une infil-
tration interstitielle et d'une péri-radiculite beaucoup plus intense
que dans le cas précédent. Il n'existe d'ailleurs aucune lésion des
cellules de la moelle ni des fibres des racines antérieures.
Les vaisseaux médullaires proprement dits sont beaucoup plus
infiltrés que dans le cas précédent; cette lésion n'est pas limitée
aux cordons postérieurs, où les vaisseaux offrent en outre une
sclérose modérée de leurs parois; elle est plus intense dans les
régions cervicale et dorsale que dans le renflement lombaire.
Les méninges cérébrales et les capillaires de l'écorce ne présentent
pas de lésions appréciables.
La pie-rr.èae du bulbe et de la protubérance présente les mêmes
lésions que celles qui ont été décrites dans le cas précédent, mais
moins marquées.
Les grosses et les petites artères du bulbe sont saines. Les veinules
Fi ? I.
'OitSEHVAHUX III. - ,COUPE au niveau DE la III;(,I0 dorsale; méninge au ! \[VEAU DES cordons postérieurs vers LES racines. ,
Méningite; phlébite il tendance t ! Odulait'e.7f<;n)n<o.t ? i;;cc<(W)f.
294 CLINIQUE NERVEUSE.
ont leurs parois infiltrées; cette lésion est bien visible et facile à étu-
dier surtout sur les veinules qui cheminent dans le tissu conjonctif
lâche de l'espace perforé postérieur. On voit leurs tuniques parse-
mées de noyaux arrondis qui s'éparpillent en outre dans les espaces
ambiants; cette infiltration lâche se condense par places sous
forme d'anneaux fusiformes plus oumoins étendus, ou d'amas irré-
guliers situés au niveau des points de bifurcation. L'arachnoïde
.présente des épaississements considérables avec infiltration cellu-
laire plus ou moins serrée; çà et là les cellules embryonnaires se
tassent pour former des nodules arrondis, à limites plus ou moins
diffuses, qui mesurent environ 1/10 de millimètre.
Parmi les nerfs crâniens, l'hypoglosse et les nerfs mixtes sont les
plus atteints; un des fascicules supérieurs de l'hypoglosse, dont le
volume parait augmenté, contient une veinule à parois fortement
infiltrées; mais les tubes nerveux ne paraissent nullement atteints
par cette lésion purement interstitielle'.
Les moteurs oculaires externes, surtout le gauche, présentent une
infiltration analogue, quoique moins intense. Les moteurs oculaires
communs sont traversés, à leur origine, par des veinules malades
et émergent d'une méninge enflammée, mais ne sont pas autre-
ment altérés. Les noyaux d'origine de tous ces nerfs sont sains.
La protubérance et le bulbe contiennent quelques gros vaisseaux
infiltrés. Les veines et les capillaires sous-jacents au plancher du
quatrième ventricule sont également lésés, mais moins que dans
l'observation précédente. Les granulations épendymaires sont assez
marquées.
Les nerfs cutanés du pied présentent des lésions atrophiques
très marquées; on n'y voit point de fibres en boules. Les nerfs
cutanés de la main sont sains ou à peu près.
Les mêmes raisons que dans le cas précédent nous autori-
sent à admettre qu'ici encore il ne s'agit pas d'une infection
ultime de la moelle, contemporaine des accidents qui ont
amené la mort. L'aspect des lésions, leur tendance manifeste-
ment nodulaire, leur nature plastique et non pas suppurative,
leur prédilection pour les parois des veines font de ce cas la
répétition exacte du précédent.
. Observation IV. Tabès; paralysie générale; méningo-myélite
diffuse; plaque de myélite vasculaire dans le faisceau latéral. -
H... J., trente-sept ans, maître d'hôtel, entré le 2 avril 1891, salle
Boulay, n° 13, mort le 8 avril 1892.
Cette observation a été publiée dans tous ses détails par notre
maître, M. le professeur Raymond (Bull. Soc. méd. des Hop., 1892,
p. 836). Nous en extrayons les détails qui suivent :
ÉTUDE SUR LA rIÉNINGO-111YÉLITE. 29S
. Pas d'autre antécédent pathologique qu'une diarrhée intense
huit ans auparavant; la syphilis est niée. Fatigues et habitation
humide pendant quarante-cinq mois au moment de son service
militaire.
Début de la maladie au commencement de 1889, par une sensa-
tion de fatigue, puis par des douleurs fulgurantes dans les membres
inférieurs.
Diplopie. Crises de diarrhée avec coliques. En juillet, la marche
devient difficile; troubles urinaires. ,
En janvier 1891, dérobement des jambes. '
A son entrée dans le service, les douleurs fulgurantes sont vio-
lentes ; elles commencent à envahir les bras. Léger retard de la
perception aux membres inférieurs. Réflexes rotuliens abolis. Iné-
galité pupillaire; signe d'Argyll-Robertson; légère décoloration
des nerfs optiques. Vessie paresseuse; constipation. Incoordination
motrice; signe de Romberg.
Quelques signes de satisfaction attirent l'attention sur l'état
mental; on constate des lacunes dans sa mémoire, une légère hési-
tation de la parole lorsque le malade est fatigué, un léger trem-
blement des mains. Tous ces signes vont en s'accentuant rapidement;
l'état mental tourne à l'hypocondrie avec délire triste et niais :
estomac bouché, etc. La mort survient du fait d'une pyélo-néphrite
ascendante.
L'autopsie montre des lésions très avancées de tabes et des lésions
de paralysie générale à peine visibles à l'oeil nu, mais parfaitement
évidentes au microscope, sur lesquelles nous n'insisterons pas. Les
poumons contiennent aux sommets quelques traces de tuberculose
ancienne et guérie.
De l'examen histologique nous ne retiendrons que la présence, au
niveau de la moelle et du bulbe, d'une méningo-myélite vasculaire
assez intense, ainsi que le montre la figure 15, qui prédomine dans
la région dorsale supérieure. Les veines participent largement au
processus; les artères présentent de l'endartérite fibreuse. En somme
il s'agit d'une lésion qui ne diffère en rien de celle que nous avons
décrite plus haut.
Le point le plus remarquable est la présence, dans le faisceau
latéral gauche, à la hauteur de la quatrième paire dorsale, d'une
plaque de myélite localisée qui avait échappé au premier examen,
grâce àses dimensions minimes et à l'absence de dégénération secon-
daire. Cette plaque, que nous avons décrite à la Société anatomique,
avec la collaboration de notre excellent collègue et ami Lenoble,
occupe, ainsi que le montre la figure 13, une partie de la périphérie
de la moelle et semble répondre à l'extrémité antérieure du faisceau
cérébelleux direct et à la partie postérieure du faisceau de Gowers;
en réalité, elle ne répond à aucune systématisation. Il faut remar-
quer qu'elle est séparée de la méninge, dans presque toute son
296 CLINIQUE NERVEUSE.
étendue, par une mince couche de fibres saines. Toute sa partie
supérieure a été utilisée pour les coupes transversales; la figure 14
montre sa partie inférieure en coupe vertico-transversale et sa ter-
minaison par en bas. Sa hauteur ne dépassait certainement pas
7 millimètres. Au-dessus d'elle, il n'existe aucune trace de dégé-
nération.
L'étude des coupes colorées par le carmin montre la cause de
cette absence de dégénération; les cylindres-axes sont en effet
dénudés et altérés, mais non détruits. A un fort grossissement,
par la méthode d'Azoulay, on découvre, vers l'extrémité inférieure
de la plaque, des fibres où la myéline est en voie de fragmenta-
tion.
Les coupes colorées à l'hématoxyline montrent que cette zone
de destruction de la myéline est précisément en rapport avec des
altérations très intenses des capillaires, qui présentent une infiltra-
tion très abondante de leurs parois par des cellules rondes. En
somme, il s'agit là d'une sorte de foyer de condensation de lésions
vasculaires que l'on retrouve éparses dans tout le reste de la moelle
(fig. 15). Un de ces capillaires présente une thrombose leucocytique
Sur les coupes vertico-transversales, on voit que la plaque est tra-
versée par deux volumineuses artérioles dont les parois sont forte-
ment lésées au point de passage, sans que l'infiltration se propage
beaucoup sur leur trajet ultérieur.
Il est à noter que cette plaque de myélite n'est pas du tout en
rapport avec la méninge qui, à son niveau, ne présente ni plus ni
moins de lésions que partout ailleurs. La névroglie est en voie
d'épaississement; il existe déjà des cellules-araignées. "'
Pirl. 13.
Observation 1V. - COUI>E au
niveau de la quatrième DOR-
sale. Dégénérescence des cor-
dons postérieurs ; plaque de
myélite dansile faiscean latéral.
- Procédé cl'doulrr.
Fig. 14.
Observation IV. - Coupe vsaTco-
transversale de la même pla-
que de myélite; c, commissure
postérieure ; m, plaque de
myélite. - Procédé d'Azoll-
la ! }.
ÉTUDE SUR LA MENINGO-MYÉLITE. 297 I
Cette observation nous montre, outre les lésions diffuses
signalées plus haut, une complication anatomique que rien
dans l'observation ne laissait prévoir. La plaque de myélite,
qui est faite exactement sur le type de la méningo-encéphalite,
ressemble également il s'y méprendre à la myélite syphilitique
diffuse embryonnaire de 11\i. Gilbert et Lion ; il serait absolu-
ment impossible de l'en distinger au microscope ; faut-il con-
clure de l'absence d'antécédents connus qu'elle est d'une
autre nature ? En tout cas, il est certain qu'elle tait partie
. Fig. IJ.
Observation IV. - COI PC l'R.1\ : \GRS1LC de la même plaque de myélite,
à un plus foit grossissement. Méningite; lésions des capillaires. -
J/émaloxyline et éosine. '
298 CLINIQUE NERVEUSE.
intégrante du processus de méningo-myélite vasculaire diffuse,
dont elle n'est que l'exagération en un point limité. On peut
concevoir à priori qu'elle aurait pu amener des complications
cliniques très appréciables, si elle avait été autrement localisée
et si elle n'avait pas évolué sur un malade déjà confiné au lit.
Les quatre observations qui viennent d'être rapportées ne
forment pas, au premier abord, un groupe homogène; la pre-
mière appartient, en effet, à un paralytique général, tandis que
les trois autres ont trait à des tabétiques, dont un, au moins,
ne présente pas de lésions cérébrales. Néanmoins, si nous fai-
sons abstraction de la lésion tabétique chez les trois derniers,
nous nous trouvons en face, chez nos quatre malades, d'une
méningo-myélite peu intense, qui présente des caractères par-
ticuliers, accompagnée, chez trois d'entre eux, de méningo-
encéphalite de même nature. L'aspect de la lésion de la pie-
mère chez Wet..., pourrait induire en erreur, à cause de la
dégénérescence des éléments morbides ; mais il suffit d'étudier
la lésion au niveau de la protubérance et du cerveau, où elle
n'est pas encore défigurée, pour voir qu'il s'agit bien de la
même inflammation diffuse, caractérisée par les mêmes infil-
trations des cellules rondes.
D'ailleurs, ce n'est pas là une exception dans la paralysie
générale ; les descriptions des auteurs montrent que la méningo-
myélite est plutôt la règle et dans tous les cas de paralysie
générale. pure z cas) ou compliquée de tabes (6 cas) que nous
avons eu l'occasion d'étudier, nous l'avons rencontrée à des
degrés divers.
Dans le tabes ces lésions ont attiré l'attention depuis long-
temps ; elles ont même joué un grand rôle dans certaines théo-
ries anciennes et récentes ; l'impression que nous a laissée
l'étude de neuf cas de tabes, dont trois non compliqués de
paralysie, est que cette lésion est constante, à des degrés
variables ; les infiltrations embryonnaires prédominent tou-
jours sur la pie-mère et l'arachnoïde, mais les vaisseaux de la
substance médullaire elle-même sont plus ou moins atteints
suivant les cas ; tantôt cette lésion vasculaire, qu'il faut bien
distinguer de la sclérose consécutive à la destruction des élé-
ments nobles, prédomine sur les vaisseaux des cordons dégé-
ÉTUDE SUR LA. IBNINGO-NY&LITE. 299
nérés, comme l'a montré M. le professeur Raymond, tantôt
elle est également répartie dans tous les faisceaux ; enfin nous
avons vu que les lésions vasculaires peuvent se concentrer en
un point de myélite (OBs. IV) qui ne saurait se distinguer au
microscope d'un foyer de myélite syphilitique.
Contrairement à l'opinion généralement admise, nous n'avons
pas trouvé que les lésions de la pie-mère fussent beaucoup plus
avancées en arrière qu'en avant; nous avons toujours trouvé,
dans le tabes comme dans la paralysie générale, une réparti-
tion à peu près égale àtoute lapéripbérie. Cette constatation tient
probablement à la technique employée, ainsi que nous avons eu
l'occasion de le faire remarquer plus loin. Il faut ajouter aussi
que les tractus qui réunissent la pie-mère à l'arachnoïde sont
normalement plus nombreux en arrière et que l'ensemble de
ces tractus épaissis et de l'arachnoïde également altérée donne
au premier abord l'impression d'une lésion plus intense; mais
si l'on fait la part de ce qui revient à la pie-mère, on voit que
cette membrane n'est ni plus épaissie, ni plus infiltrée en
arrière qu'en avant.
Pour compléter la série des faits semblables, nous devons men-
tionner la présence de la même méningo-myélite diffuse dans des
affections qui sont bien différentes au premier abord, et qui pour-
tant sont unies au tabes et à la paralysie générale par des liens
étiologiques étroits; nous voulons parler, des formes variées de
la syphilis spinale. Ici nous n'avons pas de faits personnels à
fournir, mais nous avons eu l'occasion d'étudier, dans le labo-
ratoire de notre maître M. le professeur Raymond, les pièoes
de trois cas de syphilis spinale dont l'un, myélite chronique
diffuse évoluant sous les allures d'une atrophie musculaire,
n'était à proprement parler que l'exagération du processus que
nous venons de décrire (F. Raymond, Sur quelques cas d'atro-
phie musculaire à marche progressive chez des syphilitiques,
Soc. méd. des Hôp., 1893) ; il faut ajouter que le malade avait
présenté un symptôme de la série tabétique, une ophtalmo-
plégie transitoire. Les deux autres malades étaient atteints l'un
d'une myélite syphilitique transverse chronique (F. Raymond,
Contribution à l'étude de la syphilis du système nerveux, Arch.
de Neurol., lS9u, Obs. III), l'autre d'une myélite syphilitique
transverse aiguë; chez tous les deux il existe une lésion dif-
fuse étendue à toute la moelle, constituée comme chez nos
tabétiques.
300 . CLINIQUE NERVEUSE.
Si l'on rapproche dé ces faits la petite plaque de myélite de
l'observation IV, que l'absence d'antécédents connus nous em-
pêche seule d'attribuer fermement à la syphilis ; si, d'autre
'part, on se rappelle que dans nos observations le maximum
des lésions diffuses répond toujours à la région dorsale supé-
rieure ou cervicale inférieure, comme c'est la règle dans la
myélite syphilitique transverse, on voit qu'il s'agit là de
lésions singulièrement voisines.
Nous n'avons pas à insister sur la comparaison de ces lésions
avec celles qui, dans le cerveau, sont le substratum anatomique
de la paralysie générale; notre maître a traité ce point avec
une compétence et une autorité qui nous dispensent d'y revenir
(loc. cit.). D'autre part, il est évident que la lésion de névrite
transverse, que nous avons décrite comme étant la cause de
la dégénération tabétique, est encore un processus du même
ordre.
Nous sommes donc amenés à conclure, de tous les faits que
nous venons de passer en revue, que dans la paralysie géné-
rale, le tabes et les myélites syphilitiques, il existe des lésions
d'inflammation, diffuse étendues à tout le système nerveux
central, ou au moins à une grande partie de ce système, et en
particulier à la moelle tout entière. Ces lésions sont de même
nature, au point de vue histologique. dans ces différents cas,
et elles ne sont que l'expression atténuée de l'atteinte morbide
principale subie par l'organisme en des points d'élection qui
varient avec chacune des espèces nosologiques énumérées.
Il nous faut maintenant étudier le degré de spécificité de ce
processus et les conséquences qu'il peut avoir par lui-même.
Tout d'abord, il est un point de technique qui mérite une
mention spéciale; cette méningo-myélite, qui est caractérisée
par une infiltration de cellules rondes avec, le plus souvent,
peu d'épaississement des fibres conjonctives, et par la partici-
pation toute spéciale des veines à cette infiltration, n'est visible
qu'avec les colorants nucléaires électifs tels que l'hématoxy-
line ; il suffit de comparer une coupe colorée au carmin et une
coupe colorée à l'hématoxyline pour voir qu'on laissera forcé-
ment échapper les'détails les plus caractéristiques de la lésion,
et souvent la lésion elle-même, si l'on n'emploie pas le colo-
rant approprié.
La forme de la lésion est suffisamment montrée par nos
dessins pour qu'il soit utile d'insister; mais il est important
ÉTUDE SUR LA \IBNINGO-11YGLITE. 301 1
de préciser la nature du processus. Les lésions de la méninge
et des vaisseaux sont essentiellement différentes des altéra-
tions qui sont consécutives à la simple disparition des éléments
nerveux : on ne peut établir aucune parenté entre l'infiltration
embryonnaire que l'on voit dans la plaque de myélite de l'ob-
servation IV et la sclérose lente des vaisseaux d'un faisceau
pyramidal dégénéré à quelque période qu'on l'examine. Les
vaisseaux et le tissu connectif, en-un mot l'appareil mésoder-
mique de la moelle, sont donc pris en eux-mêmes et pour eux-
mêmes, indépendamment des atteintes portées aux éléments
nobles. Ceux-ci sont-ils pris en même temps ou seulement
consécutivement ? La question est plus difficile à résoudre;
d'ailleurs, sa solution n'a peut-être pas une importance pra;
tique bien considérable. Pour notre part, nous croyons que le
processus morbide.élit d'abord domicile sur l'élément vasculo-
conjonctif pour attaquer ensuite l'élément noble, tant par l'en-
trave qu'il apporte à sa nutrition que par la viciation du milieu
intérieur qu'il, est capable de produire ; mais il s'agit d'une
action purement locale, comme le montre bien la superposi-
tion exacte des lésions des éléments nobles avec les lésions
spécifiques du tissu conjonctif. Il nous a semblé, en effet, que
d'une part on ne trouvait aucune lésion des cellules ou des
tubes, qui ne soit en relation avec une lésion conjonctive spé-
cifique, ou qui ne puisse être rapportée à une dégénérescence
secondaire partant d'une lésion mésodermique; que d'autre
part les lésions vasculo-conjonctives étaient souvent plus mar-
quées et plus caractéristiques que les altérations des éléments
nobles; nous avons même pu montrer que, dans les tabes peu
avancés, la lésion conjonctive existe au niveau do nerfs radi-
culaires que nos moyens d'exploration nous montrent encore
sains. Nous nous croyons donc autorisés à qualifier cette lésion
de vasculaire ou de conjonctive suivant les cas, sans mécon-
naitre en rien l'atteinte portée à l'élément noble.
Outre sa forme, cette lésion semble encore caractérisée par
son allure. Dans tous les cas observés nous l'avons trouvée à
des degrés variables, mais toujours relativement peu intense,
quel que fut l'âge du tabes ou de la paralysie générale ; nous
croyons pouvoir en conclure qu'il s'agit d'une lésion très peu
active, susceptible de végéter fort longtemps sans amener une
formation bien abondante de tissu conjonctif, quoi que ce soit là
évidemment sa tendance. On pourrait s'étonner de voir une
302 CLINIQUE NERVEUSE.
inflammation garder si longtemps des caractères histologiques
si franchement embryonnaires, mais c'est un fait dont les lé-'
sions vasculaires du cerveau dans la paralysie générale dé-
montrent largement la réalité ; il est probable que les cellules
rondes ne sont pas là à poste fixe, mais qu'elles émigrent et
sont remplacées continuellement par de nouvelles. Pouvons-
nous préciser sa date d'apparition ? Précède-t-elle l'évolution
du tabes ou bien est-elle postérieure ? La préexistence de la
névrite transverse aux lésions tabétiques dans les ganglions
non encore atteints semblerait prouver que la méningite peut,
elle aussi, se déclarer avant la lésion spinale ; mais nous devons-
aussi dire que notre démonstration se fonde uniquement sur
des cas où la paralysie générale avait précédé le tabes. Il ne
faut d'ailleurs pas trop compter sur la clinique pour nous
aider sur ce point, car l'observation I, à défaut d'autres, nous
montre combien ces symptômes de la méningite se distinguent
difficilement de ceux du tabes confirmé.
La dernière marque de l'individualité absolue du processus
serait la notion d'une cause spécifique; mais ici nous sommes
tenus à des réserves. Sans doute la syphilis peut produire
cette lésion il serait oiseux d'en donner des preuves ;
mais elle ne produit pas seulement cette lésion, qui appartient
à une catégorie particulière des altérations méningées qu'elle
peut engendrer ; bien plus, il est actuellement impossible de
savoir si elle seule est capable de lui donner naissance. La
clinique nous montre bien que 90 p. 100 des tabétiques et des
paralytiques généraux sont syphilitiques, mais elle ne nous
dit pas si les z10 qui restent relèvent de la syphilis ignorée ou
de toute autre cause morbide ; il se trouve même que, par un
hasard singulier, nos trois tabétiques ont nié tout accident
suspect. D'un autre côté l'histologie ne nous fournit aucun
critérium sûr; il est souvent difficile de décider si telle ou telle
grosse lésion est due à telle ou telle cause, quelle ne sera pas
la difficulté lorsqu'il s'agira de juger un processus si peu mar-
qué ! De l'étude comparative à laquelle nous nous sommes livré
il résulte que l'on peut rencontrer, dans d'autres cas que ceux
que nous avons- en vue, quelques éléments épars de ce pro-
cessus morbide; certains vaisseaux de la sclérose en plaques
peuvent bien donner lieu à des apparences analogues ; cer-
taines moelles d'alcooliques peuvent bien présenter une cer-
taine irritation conjonctive, mais jamais nous n'avons retrouvé
ÉTUDE SUR LA. MÉNINGO-MYÉLITE. 303
l'ensemble caractéristique de lésions méningées, vasculaires
et veineuses que nous avons toujours rencontré dans le tabes
et la paralysie générale.
Dans un cas de méningite tuberculeuse de la moelle, la
ressemblance était certainement plus grande; l'intensité beau-
coup plus considérable du processus, la présence d'exsudats
fibrineux et de caséification en bien des points donnait, il
est vrai, une physionomie particulière à la lésion ; néanmoins
l'examen des préparations provenant de cette moelle nous a
laissé l'impression que la tuberculose, à un degré très atténué,
pourrait donner naissance à un processus histologiquement
semblable; toute la question est de savoir si la tuberculose est
capable d'évoluer avec une pareille discrétion. A ce propos
nous devons faire remarquer qu'aucun de nos malades n'était
tuberculeux, sauf le dernier, qui d'ailleurs ne présentait que
des lésions très anciennes et guéries.
Il est inutile d'ajouter que, dans tous nos cas, l'infiltration
par des cellules absolument rondes ne saurait être confondue
avec l'infiltration de leucocytes à noyau lobulé que l'on observe
dans les méningites consécutives à une infection banale
surajoutée.
De tout ceci nous tirons cette conclusion qu'il y a une espèce
de lésion diffuse qui répond à un type histologique spécial et
qui possède probablement une évolution particulière, sans
qu'il soit possible de pousser la spécificité jusqu'à l'absolu et
sans qu'on soit autorisé à affirmer l'unité de cause. Ce qui
semble légitime, c'est d'admettre que les agents morbides
capables de lui donner naissance peuvent en même temps
produire le tabes, la paralysie générale et, peut-être, des lé-
sions circonscrites de la moelle très semblables aux lésions
syphilitiques. Mais il reste possible que la syphilis soit la seule
cause de ce processus diffus et des lésions localisées qu'il
amène lorsqu'il se concentre en certains points d'élection;
aucun argument scientifique irréfutable ne peut être donné ni
pour ni contre cette supposition.
Il nous reste à étudier le rôle que cette méningo-myélite
vasculaire diffuse peut -jouer dans le tabes. Au point de vue
clinique, il ne nous est pas possible de distinguer les symp-
304 CLINIQUE NERVEUSE.
tomes qui lui appartiennent au milieu des manifestations tabé-
tques proprement dites, mais il est permis de supposer qu'elle
peut en simuler plusieurs. Il est également très possible que
certains symptômes médullaires du tabes et de la paralysie
générale relèvent exclusivement de cette lésion diffuse ou plus
ou moins inconscrite.
Dès le début de l'étude anatomique du tabes, on a voulu lui
faire jouer un rôle pathogénique ; à ce propos il nous suffira
de citer les noms d'Ordonez, d'Adamkiewics, de Rumpf, plus
tard, qui ont cherché à rattacher à des lésions vasculaires les
altérations des cordons postérieurs chez tous les tabétiques
ou chez quelques-uns d'entre eux seulement.
La méningite a également été incriminée, particulièrement
dans ces derniers temps. B. Sachs (Syphilis and tabès dorsalis,
N.-Y., Med. J., janvier or) a fort bien étudié cette lésion
dans un cas de tabes et a émis l'hypothèse qu'elle pouvait
atteindre les racines postérieures à leur entrée dans la moelle
pour amener leur destruction et consécutivement la dégéné-
rescence.des cordons postérieurs. Obersteiner et Redlich ont
cherché à préciser cette théorie en l'appuyant sur l'étude d'une
disposition anatomique qui nous a paru n'être qu'un artifice
de préparation. Mais nous avons discuté ailleurs cette opinion
et nous ne reviendrons pas sur les raisons qui nous font la
rejeter.
Mais si la méningo-myélite n'est par elle-même pour rien
dans la lésion qui fait du tabes une entité morbide, elle n'en
est pas moins très capable de la modifier en se superposant à
elle. Nous avons vu qu'elle entraîne des lésions vasculaires
spéciales qui se surajoutent en quelque sorte, ainsi que l'a
montré notre maître, M. le professeur Raymond, aux lésions
scléreuses banales consécutives à toute dégénérescence ; de telle
sorte que les lésions vasculaires des cordons postérieurs sont
constituées par deux éléments variables, l'un passif en quelque
sorte, la sclérose, l'autre actif, mais capable d'évoluer égale-
ment vers la sclérose; de là vient leur variabilité considérable.
Le processus histologique de la dégénérescence tabétique est
ainsi modifié, ce qui peut expliquer certaines différences d'as-
pect que l'on constate lorsqu'on le compare à celui d'autres
dégénérescences secondaires.
De plus, il est facile de concevoir qu'une plaque de myélite,
telle que celle de l'observation IV, peut, si elle est bien placée
ÉTUDE SUR LA. MÉNINGO-MYÉLITE. 305
et si elle persiste assez longtemps pour amener la destruction
définitive de l'élément noble, 'entraîner des complications ana-
tomiques et cliniques considérables. La preuve en est dans le
cas décrit par Westphal d'une myélite transverse diffuse qui
s'était surajoutée à un tabes chez un paralytique général et qui
avait entraîné les dégénérescences ascendantes et descendantes
habituelles.
Enfin, cette méningo-myélite amène par elle-même la dis-
parition d'un certain nombre de fibres, et à cet égard nous ne
saurions mieux faire que de renvoyer le lecteur à l'observation
de myélite vasculaire diffuse que M. Raymond a publiée en
1892 à la Société médicale des Hôpitaux, et aux dessins qui
l'accompagnent. Cette disparition a évidemment pour consé-
quence une atrophie générale de la moelle, atrophie poussée
très loin dans certains cas; de plus, elle est susceptible de
détruire certaines fibres des cordons postérieurs indépendantes
des racines, d'altérer ainsi la pureté de la systématisation et
de passer un coup d'estampe, si nous pouvons nous exprimer
ainsi, sur la lésion tabétique. Mais il est bien évident qu'il
s'agit là d'un processus diffus, et, de plus, commun à plusieurs
affections, qui ne saurait entrer en ligne de compte dans la
définition du tabes; il faut, pour amener la dégénérescence
systématique qui caractérise cette affection, une atteinte bien
autrement puissante portée sur les racines en un point où
elles sont encore isolées ;' cette atteinte 'relève bien aussi du
processus diffus que nous avons cherché à caractériser,' mais
elle en représente une localisation particulière au niveau de
laquelle l'inflammation conjonctive acquiert une telle inten-
sité qu'elle mérite une description et une dénomination spé-
ciales. C'est pourquoi nous avons cru devoir la désigner sous
le nom de névrite radiculaire interstitielle transverse.
CONCLUSIONS. -I. Il existe dans le tabes, la paralysie géné-
rale et les myélites syphilitiques, un processus d'inflammation
diffuse qui s'étend à toute la moelle. Cette lésion mérite le
nom de vasculaire ou de conjonctive en raison du tissu qu'elle
semble affecter en premier lieu; elle consiste essentiellement
en une infiltration de cellules rondes qui envahit la pie-mère,
l'arachnoïde, les capillaires de la moelle et qui a une prédilec-
tion toute particulière pour les tuniques des veines superfi-
cielles ; elle entraîne des altérations consécutives des éléments
Archives, t. XXX. 20
306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
nobles. Elle parait constante si l'on emploie, pour la recher-
cher, des colorants muléaires électifs.
II. Les lésions de l'écorce cérébrale cause de la paralysie
générale, celles des nerfs radiculaires - cause du tabes, - les
plaques localisées de myélite syphilitique ne sont que l'exa-
gération de cette lésion diffuse en des points déterminés par
suite d'une élection qui est elle-même le fait de dispositions
anatomo-physiologiques encore mal connues.
III. Le processus présente un aspect très particulier qui
semble en faire une espèce distincte, sans qu'on puisse affir-
mer qu'une cause unique lui donne naissance ; en tout cas il
est certain, de par la clinique, que dans la grande majorité
des cas c'est de la syphilis qu'il relève.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
C0lfèfOTlON cérébrale, blessure DU cerveau ou névrose;
parTHOMSEN. (Allg. Zeitsch f.psychiat. Li, 4.)
Un homme de quarante-cinq ans chez lequel on n'a pu constater
ni syphilis, ni épilepsie, ni alcoolisme mais une prédisposition
névropathique qui s'était déjà manifestée par un accès mélancoli-
que, se tire, au cours d'un second accès de mélancolie, quatre coups
de revolver. Une seule balle l'atteint et vient s'aplatir sur le frontal,
sans fracturer cet os. Ce traumatisme n'est suivi que d'une obnu-
1»lation passagère : le soir même de l'accident, délire fugace qui
s'efface ensuite en même temps que disparaît l'accès mélancolique.
Cinq jours après, à la suite d'une nuit mauvaise, éclatent de violents
accès d'épilepsie (perte complète de connaissance, morsure de la
langue, sueurs profuses, suffocation, parésie du coeur, état de mal).
Ces accès ne présentent aucun des caractères de l'épilepsie par-
tielle. Le lendemain la température atteint 39°,4, puis redevient
normale : les autres symptômes s'amendent. Au dixième jour état
semi-comateux, suivi le lendemain de signes de compression céré-
brale : coma complet, pouls lent, phénomènes de paralysie et
d'excitation unilatéraux, parésie du facial, des extrémités du côté
gauche : le bras et la jambe sont agités de secousses et exécutent t
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307
parfois des mouvements coordonnés; les globes oculaires, tournés
à droite à l'état de repos, sont entraînés à gauche par des secousses
rappelant le nystagmus. Le douzième jour, au coma succède un
état de somnolence, de la tachycardie (80-100) ; des phénomènes
d'excitation'et de parésie se produisent dans la moitié droite du corps
ptosis double plus accentué à droite, parésie accentuée au facial
droit, secousses et mouvements des membres droits. Perte de con-
naissance le soir. Le treizième jour, amélioration : le malade
reprend conscience ; céphalée. Objectivement : parésie faciale
gauche, divergence des globes oculaires, grincement des dents,
qui disparaissent rapidement. Guérison complète en quatre semai-
nes ; deux ans après celle-ci se maintenait. ,
Le diagnostic et Je pronostic de ce cas ont présenté des difficul-
tés. Fallait-il incriminer la commotion cérébrale ? Mais les symp-
tômes de celle-ci suivent immédiatement le traumatisme; on
observe des vomissements (qui ont fait défaut dans le cas en ques-
tion) ; les convulsions sont rares; enfin le manque d'une période
secondaire d'excitation n'est pas en faveur de la commotion.
Y a-t-il eu un foyer hémorragique au niveau de la blessure, foyer
qui aurait comprimé le cerveau et dont l'extension graduelle aurait
provoqué les phénomènes convulsifs par suite d'une'excilation
généralisée de l'écorce (car le siège du trauma et la bilatéralité des
convulsions portent contre l'hypothèse d'un foyer localisé au niveau
de la zone excitable) ? L'apparition subite des accès épileptiques,
leur disparition non moins brusque, vont cependant contre l'hypo-
thèse d'une lésion organique. D'autre part, les accidents comateux
qui suivirent, à quelques jours de distance, les convulsions appuient
le diagnostic de compression cérébrale, que la fugacité des symp-
tômes, l'absence de vomissements et de ralentissement de la res-
piration ne permettent pas d'admettre sans réserve. Les mêmes
raisons doivent faire écarter l'hypothèse d'une méningite, celle
d'une encéphalite; il faut leur ajouter l'absence de fièvre. Y a-t-il
eu une lésion grave intéressant le lobe frontal, par- suite d'une
fracture de la table interne du frontal; mais comment expliquer
l'apparition tardive des symptômes ?
L'auteur admettrait plus volontiers que les troubles observés
ont été le mode de réaction d'un cerveau déjà malade (accès mé-
lancolique) à l'occasion d'un traumatisme crânien. N'y aurait-il
pas lieu d'appliquer la même interprétation à nombre de symp-
tômes attribués à la commotion cérébrale ou à la compression ? 2
P. SÉRIEUX.
XII. UN cas d'acromégalie ; par le Dr BRISSAUD.
(Revue neurologique, 1893.)
Observation d'un cas d'acromégalie conforme au type de la des-
308 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
cription de Marie, en ce qui concerne les extrémités. Ce cas réalise
la plupart des caractères permettant le diagnostic : hypertrophie
des extrémités, de la langue, des muscles des membres ; articula-
tions énormes. Il n'existe cependant ni lordose lombaire, ni sco-
liose, ni projection du thorax en avant; le cou n'est ni gros, ni
raccourci. -
** Comme dans la plupart des cas étudiés par Marie, les symp-
tômes de dépression sont intermittents. E. B.
XIII. DE LA-SUTURE OSSEUSE DANS LES FRACTURES FERMÉES DE LA CLA-
- VICULE avec LÉSION DU PLEXUS brachial; par les Drs CHII'AULT et
A. CHIPAULT. (Revue neurologique, juillet 1894.)
. Les deux observations publiées dans ce mémoire sont des
exemples très nets de lésion du plexus brachial par fracture de la
clavicule. Cette complication est rare puisque les auteurs n'ont pu
en réunir que 21 cas parmi lesquels on peut distinguer plusieurs
variétés pathogéniques : 1° lésions immédiates du plexus brachial
soit par contusion simple, soit par le fragment externe dans les
fractures simples, ou par les esquilles dans les fractures comminu-
tives ; 2° lésions secondaires précoces par excès d'épanchement
séro-sanguin dans le foyer de la fracture; 3° lésions secondaires
tardives par cal vicieux ou par pseudarthrose avec compression du
plexus par le fragment externe, lors des mouvements du bras.
Dans la première observation, il s'agissait de lésion immédiate
par esquille ; chez l'autre de lésion tardive par cal hypertro-
phique.
Le pronostic des lésions du plexus brachial par fracture fermée
de la clavicule est sérieux, car elles conduisent à l'impotence fonc-
tionnelle du membre, sans compter la possibilité de douleurs, de
névrite ascendante.
Ce pronostic ne peut être amélioré que par une intervention
chirurgicale ayant pour but d'enlever l'esquille ou de réséquer le
cal vicieux et se terminant par la suture des fragments.
Toutes les opérations de ce. genre faites jusqu'à ce jour ont
donné des résultats parfaits. Au début, on ne doit pas perdre son
temps avec un traitement électrique qui ne devient utile qu'après
l'ablation chirurgicale de la lésion. E. B.
XIV. CONTRIBUTION A la pathogénie DES ARTHROPATHIES NEURO-SPINALES;
par M. AIARINESCO. (Revue neurologique, juillet 1894.)
Les conclusions qui se dégagent de ce travail sont les suivantes :
10 le substratum anatomique 'des lésions nerveuses des arthropa-
thies neuro-spinales est l'altération des nerfs centripètes, sur quel-
que point de leur trajet que ce soit (filets articulaires, troncs ner-
veux, cordons postérieurs); 2° ce sont les fibres centripètes
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309
affectées à la transmission des sensations tactiles, douloureuses et
thermiques qui jouent le plus grand rôle dans ces troubles trophi-
ques articulaires; 3° le mécanisme par lequel ils se produisent
est un mécanisme réflexe ayant pour point de départ les nerfs
articulaires centripètes, qui agissent par l'intermédiaire des centres
vaso-moteurs et des fibres vaso-motrices sur la surface ostéo-arti-
culaire ; 4° s'il s'agit seulement d'une insuffisance d'excitation
sensitive, on aura plutôt la forme atrophique. S'il s'y ajoute un
mécanisme de compensation par les fibres restées intactes, on
aura en plus des phénomènes d'hypertrophie. Il est entendu que,
le siège des arthropathies et d'autres conditions anatomiques que
nous ignorons peuvent jouer un certain rôle dans leur production;
5° Les arthropathies des hémiplégiques ne sont pas, pour l'au-
teur, des arthropathies trophiques directes. Elles sont déterminées
par l'influence médiate du système nerveux central (troubles vaso-
moteurs, etc.) combinée à l'influence immédiate des agents patho-
gènes (microbes, etc.). Les symptômes et les lésions anatomiques
sont, du reste, différents de ceux des arthropathies neuro-spinales.
E. BLIN.
XV. Accidents cérébraux dans LE cours DE la BLE : VNGRRII1GIE; par
le professeur Pitres. (Bévue neurologique, août 189r.) z
L'auteur eut l'occasion de recueillir en 1886 deux observations
dans lesquelles des ictus apoplectiques suivis d'hémiplégies sont
survenus chez des sujets atteints de blennorrhagie aiguë. Il se
demanda s'il n'y avait pas eu, dans ces deux cas, un rapport de
cause à effet entre la blennorrhagie primitive et les accidents céré-
braux qui l'avaient suivie d'autant plus que l'un au moins des,
deux malades était à un âge et dans des conditions générales de
santé qui rendaient très difficile l'explication de son hémiplégie
par les causes habituelles de ce syndrome.
. Depuis ce temps, M. Pitres n'avait rencontré aucun fait nouveau
de nature à étayer cette' hypothèse. Or, dans une communication
faite le 21 janvier dernier à la Société de Neurologie de Moscou,
M. Tambourer vient de relater le cas d'un homme de vingt-cinq
ans qui, dans le cours d'une blennorrhagie chronique, durant
depuis trois ans, fut brusquement frappé d'une attaque d'apoplexie
mortelle : M. Tambourer attribue à une embolie gonococcique les
accidents cérébraux qui ont entraîné la mort de son malade.
. Si les observations d'hémiplégies co-blennorrhagiques venaient
à se multiplier, il faudrait bien en tenir compte. On sait depuis
quelque temps que la myélite doit figurer au nombre des compli-
cations éventuelles de la blennorrhagie : il n'y aurait rien de
surprenant à ce que le cerveau n'échappât pas à son influence
nocive. E. B. ,
310 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
XVI. POLYNÉVRITE récidivante, envahissement DES NERFS crâniens ET
diplégie faciale; par le Dr TARGOWLA. (Revue neurologique,
août 1894.)
L'intéressante observation publiée par l'auteur est un cas de
polynévrite à rechutes très espacées chez une femme de trente-
neuf ans dans les antécédents de laquelle aucune influence étiolo-
"gique n'a pu être relevée : ni alcoolisme, ni saturnisme, ni maladie
infectieuse. Les quatre symptômes cardinaux de la névrite se ren-
contrent chez la malade : douleur, paralysie, atrophie musculaire,
troubles trophiques. La première atteinte a eu lieu en 1874; la
seconde en 1882; la troisième en 1893. La malade a pu reprendre
le travail après chaque accès de névrite. Actuellement l'affection
est à l'état chronique : les symptômes moteurs prédominent; plu-
sieurs muscles présentent de la réaction de dégénérescence. Le
pronostic des polynévrites doit être réservé. En effet, dans le cas
de M. Targowla comme dans les deux observations de polynévrite
à rechutes citées par Eichhorst, la durée de la maladie a augmenté
avec la répétition des rechutes : la première atteinte occasionna
un arrêt de travail de cinq mois, la seconde de sept mois et la
troisième dure depuis dix mois; la malade ne recouvre ses mouve-
ments que très lentement, malgré le repos complet, le régime
tonique et le traitement électrique. E. B.
XVII. SUR deux cas familiaux D'UÉnÉDo-ATAXIE cérébelleuse ;
par M. P. LONDE. (Revue neurologique, sept. 1894.)
L'auteur rapporte deux nouveaux cas familiaux d'hérédo-ataxie
cérébelleuse, cas qui se rapprochent beaucoup de celui qu'il a déjà
publié avec M. Brissaud, dans la Revue neurologique (n"5, 1894).
Il s'agit du frère et de la soeur atteints de cette maladie exactement
au même âge, vingt-six ans, et de la même façon. Au point de vue
clinique, il y a une grande similitude de symptômes entre l'hérédo-
ataxie cérébelleuse et la maladie de Freidreich : l'une et l'autre
sont surtout une maladie de l'équilibration générale. Et cependant
la différence est capitale entre les deux, au point de vue des
lésions : alors qu'on trouve, dans toutes les autopsies de maladie
de Friedreich, des lésions dégénératives très étendues intéressant
le cordon de Burdach, le cordon de Goll, le faisceau cérébelleux
direct, le faisceau pyramidal croisé et les cellules de Clarke, on
n'a trouvé, dans les deux seules autopsies d'hérédo-ataxie cérébel-
leuse qui aient été faites, que de l'atrophie du cervelet, l'organe
de l'équilibration, et dans un cas seulement une atrophie de la
moelle sans lésions dégénératives.
Pourtant, comment expliquer l'analogie du tableau clinique ? le
cervelet est-il touché dans la maladie de Friedreich ? Ce qui est
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 311
certain, c'est qu'il n'est pas .toujours indemne et il est imsible
de se refuser à admettre que si le cervelet n'est pas toujours lésé,
du moins il est toujours troublé dans son fonctionnement. Cette
considération permet de comprendre dans leur ensemble la mala-
die de Friedreich et l'hérédo-ataxie cérébelleuse comme une mala-
die de la fonction de l'équilibration.
Les mêmes troubles de l'équilibration qui les caractérisent
seraient dus à la dégénérescence d'un système cérébello-médullaire
encore imparfaitement connu : dans la maladie de Friedreich, le
système cérébello-médullaire serait touché dans sa partie médul-
laire surtout ou exclusivement; dans l'hérédo-ataxie cérébelleuse,
le même système ne serait atteint que dans la portion cérébelleuse.
Il resterait à se demander pourquoi dans le même système orga-
nique c'est tantôt une partie, tantôt l'autre qui dégénère.
E. B.
XVIII. NÉVRITE périphérique consécutive A l'influenza ; par le Dr Ru- : THERFORD 1\I : 1CPHAIL. (Ame21ca71jourizal of insanity, 189.)
Les rapports de l'influenza avec les affections nerveuses ont été
l'objet, au cours de ces dernières années, de nombreuses commu-
nications et la névralgie du trijumeau, la céphalalgie, l'insomnie,
la perte de la mémoire, des crises épileptiformes, la folie, etc., ont
été signalées comme consécutives à l'influenza. Au cours d'une
épidémie d'influenza dans un asile, l'auteur a pu recueillir quatre
cas de névrite périphérique immédiatement consécutive à un accès
d'influenza. La névrite périphérique se développe fréquemment
après des maladies aiguës telles que la fièvre typhoïde, le typhus
exanthématique, la diphtérie : il n'y a donc rien d'irrationnel à
supposer, bien que ce fait n'ait pas été relaté jusqu'à présent, que
le poison de,l'influenza ait un pouvoir toxique suffisant pour déter-
miner de la névrite périphérique. l;. B.
XIX. NEURATROPHiE ET neurasthénie; par le Dr HUCHES.
(The alienist and neurologist, avril f 89.)
La neurasthénie n'est que l'expression fonctionnelle de la neu-
ratrophie générale, de la débilité générale du système nerveux
central. A cet égard, le mot de Cullen n'est pas très loin de la
vérité que c toute maladie est une sorte de maladie nerveuse ».
Et de fait, le système nerveux est plus ou moins atteint dans toutes
les maladies et en soignant les maladies du système nerveux, nous
recherchons et portons remède aux symptômes morbides géné-
raux, si bien qu'en ce sens tous les médecins sont des neurologistes
et en même temps des praticiens en général, quelque limité que
puisse être le champ de leurs travaux. E. B.
312 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
('XX. Contribution A L'ÉTUDE DE l'aphasie; par 0. HEBOLD.
(Allg. Zeitschr. f. Psychiat., L. 3. 4.)
L'auteur en distingue trois formes à localisation (Wernicke, 18 H) :
1° l'aphasie motrice, par la suppression d'images représentatives des
mouvements nécessaires à la parole (Broca) : lésion à la partie
-postérieure de la troisième frontale gauche; 2° l'aphasie sensorielle
impossibilité à comprendre ce qu'on entend, le malade ayant
encore à son service une assez riche provision de mots (Wernicke) :
lésion de la première temporale gauche; 3° l'aphasie de conduc-
tibilité dans laquelle le choix de mots propres est troublé mais le
malade comprend tout (Wernicke) : lésion de la région de l'insula.
Plus tard Wernicke et Lichthein ont imaginé un schéma d'après
lequel il y a sept formes d'aphasie, les deux espèces motrice et
sensorielle se décomposant en variétés subcorticale, corticale, trans-
corticale. Malheureusement pour chacune de ces formes théoriques
la localisation effective (anatomique) manque. -
Voici une observation caractérisée par l'absence totale d'aphasie :
la malade, droitière, a eu quelques attaques convulsives et épilep-
tiformes ; débile, elle a une élocution difficile mais n'est pas apha-
sique. A l'autopsie on trouve un gros foyer de ramollissement de la
substance blanche de la région de Broca (écorce indemne) et un
ramollissement du volume d'un pois dans le segment postérieur de
l'insula.
Voici une autre observation. Une lésion destructive occupe le
lobe temporal gauche; il y avait aphasie totale, surdité verbale,
une perte complète des conceptions représentatives de la parole,
chez un paralytique général ( ? ); le lobe temporal gauche est com-
plètement ramolli de même qu'une'petite partie de l'extrémité pos-
térieure de l'insula. L'étude critique des malades et des lésions
montre qu'il s'agit de cas non classés, nec plura. P. KERAVAL.
XXI. CONTRIBUTION casuistique au diagnostic d'affections CÉRÉDROSPI-
NALES A HÉSIIFARÉSIE SPASMODIQUE DES EXTRÉMITÉS; par G. HlI'SCh.
(Arch. de Psychiat., XXV, 3.)
Femme de cinquante-huit ans. Parésie spasmodique des extrémi-
tés avec rémission de deux ans. Pas d'atrophie musculaire; pas de
réaction dégénérative, pas de tremblement intentionnel. En juil-
let 1891 attaque apoplectiforme sans autre conséquence. Le 7 août,
accès de spasmes toniques dans les extrémités droites et le facial droit.
Troubles fréquents de la circulation et de la température. Affai-
blissement intellectuel. En décembre 1891 paralysie flasque, y
compris les membres du côté gauche. Elle meurt de pneumonie à
la fin de l'année. -Autopsie. Foyers de ramollissement anciens dans
le corps strié gauche et la capsule interne du même côté. Dans la
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313
moelle, complète sclérose du cordon latéro-pyramidal gauche et des
cordons antérieurs et postérieurs. En résumé, lésions diffuses d'ori-
gine sénile ayant provoqué des syndromes mobiles et complexes.
P. K.
XXII. Présentation DE crânes montrant l'influence DU CRÉTINISME
sur la FORME DES cavités nasales; par Ilarrison -ALLEN. (The
. New-York Médical Journal, 2 février 1895.)
Le fait anatomique sur lequel l'auteur veut appeler l'attention
est l'élargissement des arrière-narines ; mais les crânes qu'il pré-
sente sont au nombre de deux seulement et l'influence qu'il
signale demanderait à être confirmée par des faits plus nom-
breux.. R. M. C.
XXIII. GLIO-SARCOME intéressant LES deux couches OPTIQUES; par
Charles-E. NAMMACK. (The New-York Médical Journal, 16 fé-
vrier 1895.)
Il s'agit d'un homme de vingt-trois ans, apporté à l'hôpital en
état de coma, et dont on ne sait rien si ce n'est que depuis trois
jours il a eu de la céphalalgie et de la diarrhée. -A son entrée,
il est pâle, émacié; la langue est brune, sèche, fendillée. Râles hu-
mides dans les poumons, rien au coeur. L'urine obtenue par le
cathétérisme contient un peu d'albumine. A droite, paralysie mo-
trice, sensibilité conservée. Mort au bout de six jours par pneu-
monie droite.
. L'examen du cerveau montre, une fois le corps calleux enlevé,
une tumeur grisâtre, molle, unie, qui remplit complètement le
troisième ventricule et l'aqueduc de Sylvius et qui fait corps, de
chaque côté, avec chacune des couches optiques de façon à jeter
entre elles un pont qui est de niveau avec leur surface supérieure.
La tumeur mesure 6 centimètres dans' le sens antéro-postérieur,
3 dans le sens transversal et 2 dans le sens vertical. Les coupes
pratiquées montrent que la tumeur est un glio-sarcome très vascu-
laire. Il a été impossible de déterminer le lieu initial du déve-
loppement de ce gliome. R. DE Musgrave CLAY.
XXIV. LES arthropathies DE l'ataxie locomotrice; par P ARIOER Syms.
(Tlce New-York Médical Journal, 19 janvier 1895.)
Parmi les diverses hypothèses proposées pour expliquer la pro-
duction des arthropathies d'origine nerveuse centrale, et particu-
lièrement des arthropathies de l'ataxie locomotrice, l'auteur admet
de préférence celle qui invoque un traumatisme portant sur une
articulation dont les nerfs sont déjà en état de dégénérescence.
L'observation de faits récents l'a conduit simplement à reproduire
314 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
et à maintenir les conclusions suivantes, formulées par lui il y a
six ans :
1° Les arthropathies qui surviennent au cours de l'ataxie locomo-
trice constituent 'une maladie spéciale placée sous la dépendance
du tabes dorsalis; 2° elles sont dues à des troubles trophiques ;
3° elles constituent des lésions de dégénérescence et non des lésions
inflammatoires; 4° la syphilis n'est pas un facteur nécessaire dans
la production de l'ataxie locomotrice; 5° dans certains cas, la résec-
tion de l'articulation malade peut être indiquée. R. M. C.
XXV. nIYRDÈ61E; par J.-A. `VESSINGER. (The New-York Médical
Journal, 28 juillet 1894.)
Observation d'un cas de myxoedème datant de cinq ans et sur-
venu chez une femme de quarante-cinq ans. Sous l'influence d'un
traitement tonique, et d'une dose de cinq grains (30 centigrammes)
de poudre desséchée de corps thyroïde administrée à chacun des
repas, une amélioration tellement notable qu'on pourrait presque
la qualifier de guérison a été obtenue dans un délai de six
semaines. L'auteur a fait suivre cette observation d'un résumé
historique du traitement du myxoedème, en s'attachant spéciale-
ment à l'histoire des divers modes sous lesquels on a employé les
préparations thyroïdiennes ou même la glande thyroïdienne en
nature. R. M. C.
XXVI. Névralgie DU grand nerf occipital accompagnée DE symptômes
D'UNE lésion DESTRUCTIVE DU sympathique cervical; par Alexander-
B. JoHNSON. (The New-York Médical humai, 5 mai 1894.)
L'observation de ce cas intéressant peut se résumer ainsi :
Homme de soixaate ans, conducteur de chemin de fer : pas de
syphilis, pas d'alcoolisme; paludisme il y a trente ans; pas de
rhumatismes, pas d'athérome artériel. Coeur et poumons sains.
Cet homme ressent depuis trois ans, au côté droit de la tête, des
souffrances qui l'empêchent de faire son service, et qui se sont
manifestées pour la première fois un jour qu'il avait pris froid dans
un train. Les douleurs sont vives, le plus souvent paroxystiques;
elle partent d'un point situé à environ deux pouces en arrière du
lobule de l'oreille droite, et s'irradient en haut et en arrière; elles
disparaissent quelquefois pendant quelques heures ou un jour,
pour reparaître ensuite pendant des semaines consécutives, la
région est en outre douloureuse à la pression. Le malade voit mal
de l'oeil droit, surtout si les objets qu'il regarde sont élevés ; l'oeil
droit pleure. La paupière supérieure droite tombe de façon à
recouvrir presque entièrement la pupille, tandis que la paupière
inférieure est relevée de façon à rétrécir symétriquement la fente
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3Hi JP
palpébrale. La pupille droite est contractée et ne réagit pas. Pas
de paralysie de la face. On diagnostique une lésion du sympa-
thique cervical, et une opération est proposée et acceptée par le
malade qu'aucun traitement n'a réussi à soulager. On fait une
incision de trois pouces et demi de longueur le long du bord pos-
térieur du sterno-mastoïdien droit et commençant juste au-dessous
de l'apophyse mastolde, on écarte le muscle et la jugulaire, on
soulève la carotide interne et on va à la recherche du ganglion
cervical supérieur; on le rencontre enfermé dans la gaine de la
carotide.interne à laquelle il paraît adhérer; on rompt les adhé-
rences et on met à nu le ganglion et le tronc nerveux sur une
étendue de deux pouces : ni l'un ni l'autre ne présentent de lésion
ni d'anomalie. On referme la plaie qui guérit parfaitement et
promptement. Immédiatement après l'opération les douleurs dis-
paraissent, ainsi que tous les autres symptômes qui ont été signalés
plus haut. Malheureusement cet état satisfaisant n'a duré que six
semaines, au bout desquelles les douleurs ont reparu avec la même
intensité qu'autrefois.
Dans ces conditions, l'auteur estime qu'on est autorisé à supposer
en s'appuyant sur les données de physiologie pathologique four-
nies par plusieurs auteurs que les symptômes observés se ratta-
chaient à une lésion peu étendue, mais destructive, de la moelle,
lésion dont il est, dans l'état actuel de la science, impossible de
préciser le siège. Il renonce à expliquer, autrement que par l'hy-
pothèse de l'intensité de l'impression périphérique opératoire,
l'amélioration d'un mois et demi qui a succédé à l'intervention
chirurgicale. R. DE MUSGRAVE CLAY.
XXVII. Paralysie bilatérale du NERF facial; par le Dr 1<foNaoosnao.
Dans un premier cas, la diplégie faciale paraît avoir eu une ori-
gine spécifique et céda à un traitement général accompagné d'un
traitement local de la paralysie.
Le second cas a trait à une paralysie bilatérale complète du facial
à forme douloureuse, due probablement à une périnévrite de
cause inconnue : pas d'antécédents héréditaires ou personnels.
(The alienist and neurologist, janvier 1895.) E. B.
XXVIII. SUR UNE variété particulière DE paralysie alterne;
par le professeur RAYMOND.
Parmi les nombreuses variétés de paralysies alternes, il en est
deux qui ont jusqu'ici attiré l'attention des observateurs. L'une,
connue sous le nom de syndrome Millard-Gûbler, est caractérisée
par une hémiplégie d'un côté du corps, coexistant avec une para-
lysie faciale périphérique de l'autre côté. Une seconde variété,
316 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
désignée sous le nom de syndrome de Weber, est caractérisée par
une hémiplégie commune, coexistant avec une paralysie de la
troisième paire, du côté opposé, c'est-à-dire du nerf moteur
oculaire commun.
. M. le professeur Raymond montre un exemple d'une variété rare
de paralysie alterne : il s'agit d'un cas d'hémiplégie droite,
coexistant avec une paralysie du moteur oculaire externe gauche.
- Pour qu'une lésion unilatérale produise une hémiplégie vulgaire,
coexistant avec la paralysie de l'abducens du côté opposé,' elle
doit répondre à l'une des deux localisations suivantes : ou bien
siéger en dehors du mésocéphale, à la base de l'isthme, de manière
à intéresser la sixième paire d'une part, et, d'autre part, le faisceau
pyramidal avant l'entre-croisement du faisceau géniculé ; ou bien
siéger dans l'épaisseur de la portion bulbo-protubérantielle du
mésocéphale. M. Raymond considère la première de ces hypo-
thèses comme plus vraisemblable.
Chez la malade qui fait l'objet de cette lecon, la lésion parait
devoir être due à la syphilis acquise. Or, comme la base de la pro-
tubérance est un lieu d'action des infiltrations gommeuses, il
suffirait qu'une pareille lésion entourât le tronc nerveux de la
sixième paire en comprimant ou altérant les faisceaux pyramidal
et géniculé avant leur entre-croisement, pour déterminer le syn- ? d ! 'on1 alterne en question. (Revue neurologique, avril 1895.)
.vîV-u ? E. B. ? ( ? 1
, ,r1>iIX. Hypertrophie DE la glande pituitaire ET acromégalie.
^y1 . Gygantisme ET acromégalie ; par le Dr nIASS.1LONG0. ? .
L'auteur rappelle qu'il a énoncé avant tout autre et trois ans
avant la communication du professeur Tamburini au Congrès
International de Rome, ainsi qu'avant l'article de MM. Brissaud et
Meige dans le Journal de Médecine et de chirurgie pratiques de
Paris, les conceptions nouvelles sur la pathogenèse delà maladie de
Marie de même que sur les relations nosographiques intimes entre
l'acromégalie et le gigantisme : la conclusion de ses publications
était la suivante : c l'acromégalie n'est autre chose qu'un gigantisme
tardif anormal. » (Revue neurologique, avril 1895.) E. B.
XXX. NOTE SUR UNE épidémie DE borborygmes ; par le Dr FËRÉ.
Dans le domaine de la neuropathologie, c'est surtout chez les
hystériques que les borborygmes sont communs. Le principal carac-
tère des borborygmes'hystériques est'd'être rythmiques, le rythme
étant en général sous la dépendance des mouvements respiratoires,
l'immobilité du thorax les suspend.
- La nature hystérique de ces borborygmes se déduit de leurs
associations symptomatiques.
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 317
Les faits sur lesquels l'auteur appelle l'attention semblent mettre
en lumière le rôle de la contagion dans leur étiologie.
En effet, sur neuf personnes travaillant dans un même atelier de
couture, cinq d'entre elles, présentant des phénomènes hystériques
plus ou moins marqués, sont atteintes de borborygmes hystériques ;
les quatre personnes qui ont échappé à la contagion sont exemptes
de troubles hystériques d'une autre forme. (Revue neurologique,
mai 1895.) E. B.
- XXXI. Hémianopsie avec hallucinations dans la partie abolie
DU champ DE la vision ; par le Dr LAME.
La superposition des hallucinations visuelles à certaines hémia-
nopsies est'un phénomène rare, car la littérature médicale n'en
renferme qu'un petit nombre de cas.
De l'observation intéressante qu'il en a recueillie et des quelques
cas publiés, l'auteur tire les conclusions suivantes : certaines hémia-
nopsies d'origine corticale s'accompagnent d'hallucinations visuelles
dans la partie du champ de la vision dont la fonction est abolie.
Ces hallucinations, ordinairement très précises et uniformes, ne
s'accompagnent.dans la règle, d'aucune idée délirante et consti-
tuent un trouble psychique isolé : elles peuvent se manifester sous
la forme clinique d'une épilepsie sensorielle surajoutée à'une ? '"
hémianopsie permanente. -'u ? -...
Il s'agit, sans nul doute, d'un phénomène d'excitation ayant *>,
pour siège la sphère visuelle du lobe occipital, comparable aux'plié- - -
nomènes d'excitation motrice de l'épilepsie jacksonienne, et'lià , .
la présence d'une altération localisée de la substance corticale, ?
(Revue neurologique, mars 1895.) E. B. -
XXXII. UN cas d'abcès DE la MOELLE ; par le professeur HoncEN.
A part les infiltrations purulentes de la moelle dues aux trau-
matismes, la littérature médicale ne contient que trois cas certains
d'abcès de la moelle, en dehors du cas très intéressant décrit par
l'auteur. - * ' '
Après deux jours de vives douleurs dans les jambes, la jambe
gauche du malade est subitement paralysée et insensible; le len-
demain c'est le tour de la jambe droite.
Anesthésie complète des membres inférieurs et de la moitié infé-
rieure du tronc ; un certain degré d'ataxie dans les mouvements
des membres supérieurs; troubles de la miction et de la défécation,
élévation de la température, foyer de broncho-pneumonie du côté
gauche. Mort six jours après le commencement de la paralysie du
côté gauche. '
L'abcès était complètement isolé à l'intérieur de la moelle dont
les enveloppes étaient intactes, à l'exception d'une légère- infiltra-
318 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
tion de la pie-mère et de l'arachnoïde aux endroits où le foyer
purulent touchait à la périphérie.
L'abcès s'étendait du quatrième segment cervical jusqu'au sixième
segment dorsal : il occupait en général les parties postérieures
centrales, et atteignait sa plus grande largeur dans la partie infé-
rieure du quatrième segment dorsal où il avait envahi aussi le
cordon latéral gauche presque tout entier et le cordon latéral droit.
(Revue neurologique, février 1895.) E. B.
XXXIII. Classification DES chorées arythmiques; par le D LANNOIS.
L'auteur divise les chorées arythmiques en trois groupes, laissant
de côté la chorée hystérique, qu'elle soit ou non rythmique : 1° la
chorée de Sydenham et ses formes ; a. chorée vulgaire ; 6. chorée
molle; c. chorée de la grossesse; d. chorée des vieillards. En
général dans ce groupe, la marche n'est pas progressive et la gué-
rison peut survenir. 2° Dans les faits qui constituent le second
groupe, la maladie est au contraire nettement progressive et incu-
rable, ce sont les chorées chroniques progressives : a, chorée
héréditaire ou de Huntington ; 6, chorée chronique progressive sans
hérédité similaire; 3° chorées symptomatiques de grosses lésions,
tumeurs, ramollissements, embolies, etc. : a. hémichorée et hémia-
théthose ; b. chorées généralisées, dans certains cas de lésions éten-
dues du cerveau, par exemple dans la paralysie générale ; c. chorée
congénitale et athétose double. (Revue neurologique, février 1895.)
E. B.
XXXIV. CONTRIBUTION A l'étude DE la FORME familiale
DE la paraplégie spasmodique spinale ; par le Dr Souques.
L'auteur a pu observer chez deux enfants, le frère et la soeur,
une paraplégie spasmodique typique caractérisée par une rigidité
pure et simple des membres inférieurs, accompagnée d'exaltation
des réflexes rotuliens et de clonus des pieds ; les troubles sensitivo-
sensoriels, trophiques, électriques, vésico-rectaux, cérébraux, etc.,
font défaut ; la motilité est intacte aux membres supérieurs et à
la face.
Après discussion des diverses hypothèses, l'auteur estime qu'il
s'agit ici de la paralysie spasmodique de Erb, c'est-à-dire du tabes
dorsal spasmodique de Charcot.
Les considérations cliniques et anatomiques tirées des cas de
Krafft Ebing et de Strumpell ainsi que de ces deux cas conduisent
à admettre l'existence d'une maladie caractérisée cliniquement
par une paraplégie spasmodique et anatomiquement par une sclé-
rose systématique primitive des faisceaux pyramidaux, soit isolée,
soit plutôt combinée avec la dégénération des cordons de Goll et des
faisceaux cérébelleux décrits : c'est l'ancien tabes dorsal spasmo-
REVUE DE pathologie nerveuse. 319
dique de Charcot, un instant condamné et auquel on tend à
revenir. Les travaux récents ont mis en lumière la fréquence de
son caractère familial ou héréditaire.
Quant à la cause de cette sclérose systématique, il est permis,
dans certains cas, de songer à une influence toxique ou infectieuse
et particulièrement à la syphilis. Mais cette influence pathogé-
nique de la syphilis ne suffit pas à l'interprétation des cas héré-
ditaires et familiaux : il semble dans ces cas indispensable de faire
intervenir la fragilité héréditaire d'un territoire nerveux et la
maladie infectieuse ne fait qu'accélérer la dégénération systéma-
tique. (Revue neurologique, janvier 1895.) E. B.
XXXV. Observation D'UN cas DE dualité cérébrale ;
. par Lewis BRUCE. (Brain, part. LXIX, 1895, p. 54.)
Homme de quarante-sept ans présentant des symptômes de
mélancolie avec stupeur, et périodes alternantes d'excitation et
d'abattement. On constate chez lui deux états, l'un dans lequel il
parle gallois et se souvient de ce qu'il faisait au pays de Galles,
l'autre où il parle anglais et ne se souvient que de ce qui se rap-
porte à ce qu'il a fait dans ce pays. Ecriture en miroir. Dans le
premier état il est gaucher, dans le second il est droitier. Varia-
tions du caractère et de la sensibilité générale et des sens spéciaux
dans les deux états. P. S.
XXXVI. SUR LES TROUBLES DE la sensation ET principalement la
DOULEUR dans LES affections viscérales; par Henry HEAD. (Brain,
part. LXVII, 1894, p. 339.)
Dans un article précédent l'auteur a établi que les affections
viscérales produisaient de la douleur dans certains points à la sur-
face du' corps et que cette douleur était fréquemment accompagnée
par des accès plus ou moins définis de sensibilité superficielle. Il
n'avait considéré ces phénomènes qu'au-dessous du cou. Aujour-
d'hui il les étudie dans la tête et le cou et montre les points sui-
vants : 1° chaque organe de la tête est en relation avec une ou
plusieurs zones superficielles, tels sont le nez, l'oeil, etc., etc., et
le cerveau lui-même; 2° les zones n'ont pas pour la plupart une
élendue qu'on puisse apprécier cliniquement ; 3° les résultats pro-
duits par la destruction des différentes branches du trijumeau
montrent que les zones de sensibilité ne correspondent pas à leur
distribution; 4° comme dans le reste du corps les cavités séreuses
et les tissus superficiels ne produisent pas une douleur réflexe à
distance, mais locale; 5° les phénomènes de vraie migraine sont
examinés et l'auteur démontre qu'il n'y a aucune relation entre
elle et les phénomènes de douleur réflexe; 6° l'auteur se propose
320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de montrer que les affections des viscères thoraciques et abdomi-
naux ne produisent pas seulement de la douleur et de la sensibilité
dans le corps, mais encore sur certaines parties du cuir chevelu ;
7° il cherche enfin à localiser les connexions centrales de ces zones
avec le système nerveux.
Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des nombreux cas
rapportés dans ce long travail. Le sujet est intéressant et parait
préoccuper assez les médecins anglais pour que de nouvelles
recherches soient faites, soit pour confirmer, soit pour infirmer les
faits avancés par l'auteur et en chercher le mécanisme.
. , P. SOLLIER.
XXXVII.. L'anesthésie localisée comme guide dans LE diagnostic DES
LÉSIONS DE la partie supérieure DE la MOELLE; par ALLEN STARR.
(Brain, part. LXVII, 1894, p. 481.)
L'auteur, s'appuyant sur neuf cas de lésions localisées à des
niveaux différents de la moelle, arrive a établir, en combinant les
différents diagrammes donnés par les auteurs pour lès zones anes-
thésiées dans des cas analogues, un diagramme schématique des
zones cutanées du bras qui sont en rapport avec les différents
segments de la moelle entre la seconde paire dorsale et la qua-
trième 'cervicale. Ces zones se présentent sous forme de bandes
longitudinales plus ou moins étroites de l'épaule au bout des
doigts et se différencient nettement des anesthésies hystériques
d'une part et de celles produites par des lésions des troncs ou
branches nerveux. D'accord avec Mme Déjerine Klumpke, il re-
marque que les lésions de la partie inférieure de la région cervi-
cale de la moelle produisent un certain nombre de symptômes dus
à une lésion du centre cilio-spinal. Ces faits servent en outre à
meltre en évidence la localisation des fonctions motrices de la
moelle. P. S.
XXXVIII. Traumatisme SUIVI DE phénomènes rares du côté
. DU SYSTÈME NERVEUX; par le D'' HARVEY. - ,
Cas d'hystéro-traumatisme chez un garçon de quatorze ans dont
la mère est hystérique, en même temps que le père et la mère sont
cousins germains. '
Ce garçon était placé sur un wagon chargé de tonneaux vides,
lorsque ce wagon fut bousculé par un train et l'enfant roula par
terre au milieu des tonneaux vides. Amené à l'hôpital, on ne lui
trouve aucune blessure du côté des membres ou de la poitrine,'
mais tout le côté gauche est contracturé, les membres étant en
flexion et la tête tournée fortement vers la gauche ; il existe une
aphasie complète et tout le côté gauche est hyperesthésié. Lé len-
demain, l'aphasie avait disparu et le malade commençait à-mou-
SOCIÉTÉS savantes. 321
voir légèrement la main gauche : l'amélioration s'accentue de jour
en jour, et un mois après l'accident le malade sortait, complètement
guéri, de l'hôpital. (Amerio. Journ. of insanity, oct. 1894.) E. BLIN.
XXXIX. Cas DE SCLÉROSE latérale AMYOTROPHIQOE AVEC dégénérescence
DU faisceau pyramidal DE l'écorce A la PÉRIPHÉRIE; par Fred..
Mort. (Brain, part. LXIX, 1895, p. 21.)
Il s'agit d'une femme de trente-neuf ans, qui fut prise un an avant
sa mort de faiblesse et d'engourdissement dans la jambe droite, qui
allèrent graduellement en augmentant et s'accompagnèrent d'a-
trophie des muscles et d'exagération des réflexes profonds. L'affec-
tion gagna le membre supérieur du même côté, avec atrophie
spéciale des éminences thénar et hypothénar et des interosseux.
Plus tard la jambe gauche fut atteinte comme la droite, puis le
bras gauche et le tronc. Des phénomènes bulbaires et probable-
ment une paralysie du diaphragme terminèrent la scène. L'exa-
men anatomique très soigné a été fait des pièces. Sur les planches
qui en sont données, on voit que le processus dégénératif sem-
blait avoir affecté simultanément et progressivement le tractus
moteur dans sa totalité, écorce, faisceau pyramidal, cornes anté-
rieures et fibres motrices avec état spasmodique et en même
temps atrophie progressive des muscles. Ce cas viendrait donc à
l'appui de l'opinion de Leyden et de Gowers opposée à celle de
Charcot, sur le rapport qui existe entre la sclérose latérale amyo-
trophique et l'atrophie musculaire progressive. P. S.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET DES NEUROLOGISTES ».
SIXIÈME SESSION : BORDEAUX.
Appendice ci la séance du 3 août.
Trois cas d'idiotie myæoedimateuse, traités par l'ingestion
thyroïdienne.
M. BOURNEVILLE (de Paris) fait une communication sur trois cas
types d'idiotie myxoedémateuse, c'est-à-dire présentant réunis tous
' Voir Archives de Neurologie, n° 103.
Archives, t. XXX. 21
J
322 SOCIÉTÉS savantes.
les symptômes qui caractérisent cette maladie : épaississement de
la peau, des mains, des pieds, de la langue; pseudo-lipomes; na-
nisme ; persistance de la fontanelle antérieure; absence de la
glande thyroïde; arrêt complet de la puberté, etc. Il montre les
photographies de ces malades prises d'année en année.
M. BOURNEVILLE rappelle qu'à la suite de sa communication, en
1889, à l'Association française, M. ARNAUD DE la JASSE lui adressa
une lettre dans laquelle il conseillait l'ingestion de la glande thy-
roïde. Après avoir constaté l'insuccès de la greffe thyroïdienne et
essayé en vain les injections sous-cutanées de liquide thyroïdien,
l'administration du suc thyroïdien en julep, il a eu recours à l'in-
gestion de la glande. C'est le résultat de ce mode de traitement
qu'il communique.
Les symptômes dus au médicament se sont succédés ainsi : dé-
gonflement des paupières, amaigrissement, élévation de la tempé-
rature rectale qui, au lieu de rester au-dessous de 37°, monte à
38° et au-dessus, tremblement, sueurs profuses remplaçant la séche-
resse habituelle de la peau, affaiblissement des jambes, augmenta-
tion du tremblement, tachycardie, vomissements, agitation, excita-
tion, diminution du volume de la langue et de la coloration vio-
lacée des lèvres, poussée plus rapide des ongles, disparition des
croûtes de la tête, desquamation des mains et des pieds, diarrhée
au lieu de constipation.
Au point de vue intellectuel, M. Bourneville relève l'excitation,
des accès de colère inhabituels, davantage de spontanéité, par pé-
riodes marche plus rapide. La voix s'est modifiée quant au timbre
et à la tonalité.
Il montre : 1° des photographies figurant les trois malades (deux
filles et un garçon) de semaine en semaine pendant les deux mois
de traitement; ils sont représentés ensemble et nus, ce qui permet
d'apprécier nettement les modifications; 2° des tracés indiquant :
a) la température rectale prise, matin et soir, pendant deux mois,
son élévation sous l'influence du traitement, son abaissement durant
les suspensions; indiquant : b) la diminution et le relèvement
du poids dans les mêmes conditions.
Tous les symptômes, en particulier la diminution du poids, l'élé-
vation de la température, la gravité des symptômes et partant la
nécessité de la suppression du médicament, ont été très accusés
chez la malade de trente ans, moins prononcés chez celle de vingt
ans et encore moins chez celle de quatorze ans. La dose a varié d'un
lobe à un demi-lobe de glande thyroïde. L'action de la glande thy-
roïde est donc évidente, et, en raison des accidents, il convient de
surveiller l'emploi avec soin afin d'éviter des accidents qui peuvent
devenir mortels'. 1.
1 Nous publierons ce travail complètement.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 323
M. Ballet fait remarquer qu'expérimentalement les jeunes
chiens sont plus sensibles à l'action du corps thyroïde, tandis que
les sujets dgés, dans les cas de M. Bourneville, paraissent avoir été
surtout influencés.
M. Bourneville répond qu'il n'a étudié que trois cas concernant
un garçon de trente ans, une fille de vingt ans, et une autre de
quatorze ans, et qu'il ne saurait avoir d'opinion ferme à cet
égard. Les tracés du poids et de la température montrent que la
diminution du poids, l'élévation theimique ont été très prononcés
chez le malade de trente ans, moyennement chez la fille de
vingt ans, et un peu moins chez la plus jeune. Parallèlement les
autres symptômes ont été plus ou moins accusés. Les trois malades
myxoedémateux continuent à suivre le traitement; d'autres ma-
lades, pour un état polysarcique,ont été mis au même traitement,
et bientôt, comme ils sont d'âge différent, nous verrons comment
ils se comportent.
Séance du lundi 5 août (matin et soir). - PUÉSIDENCE DE M. GILBERT,
Ballet ET GARNIER, vice-présidents, DE M. JOFFROY.
Mesure de la toxicité des alcools par les injections intm-veineuses,
M. Paul SOLLIER (de Paris) décrit une forme d'anorexie mentale,
primitive, spéciale, distincte de l'anorexie hystérique et de la dys-
pepsie nerveuse de Leube. Le pronostic en diffère ainsi que le trai-
tement bien plus délicat. Dans la moitié des cas, la mort survient
par cachexie ou tuberculose. L'étiologie est banale, peut-être y
a-t-il une influence dégénérative, dominante, initiale ? Le refus
d'aliment moins fort que dans l'hystérie est plus tenace, l'amal-
grissement rapide. L'état mental consiste en apathie aboulique et
dégoût de la vie, pas de délire proprement dit, ni de troubles neu-
rasthéniques, ni de troubles sensitivo-sensoriels. Constipation opi-
niâtre. Marche continue et progressive. Guérison rare.
M. Régis a remarqué plusieurs cas de ce genre qu'il se proposait
de réunir sous l'étiquette suivante : « Anorexie des jeunes filles à
la puberté. » La puberté serait une cause très importante pour la
production de ces états, en faisant intervenir des idées mystiques
génitales ou autres. Il cite l'exemple d'une jeune fille qui employa
tous les moyens possibles pour arrêter sa menstruation naissante
et l'augmentation de ses seins. M. Régis, tout en reconnaissant que
ces cas sont graves, ne considère pas le pronostic aussi sombre que
l'admet M. Sollier.
M. Charpentier croit voir dans ces cas l'anorexie des hypocon-
driaques décrite par les anciensauteurs.(
M. Tissié (de Bordeaux) présente une étude sur le traitement de
quelques phobies par la gymnastique médicale. Il s'agit de la peur
32ft, sociétés savantes.
qu'éprouvent certains malades à traverser une place, à passer sur
un pont, etc., etc. Ne pouvant user tout de suite de la gymnas-
tique, puisque les malades sont dans l'impossibilité de se rendre
au gymnase, il commence par les entraîner par la suggestion et
les rêves thérapeutiques qu'il provoque. Cette suggestion est ren-
forcée par un parfum qui agit sur l'odorat. Ce procédé nouveau est
basé sur la loi de l'association des mémoires. Quand le malade peut se
rendre au gymnase, il commence le traitement par la gymnastique.
La dose d'effort à produire doit être calculée sur le coefficient
de forces psycho-physiologiques de chaque sujet. Ce coefficient est
variable quotidiennement. L'application de la gymnastique chez
les nerveux est très délicate, aussi faut-il qu'elle soit appliquée
thérapeutiquement. - Discussion avec M. Doutrebente.
M. DE FLEURY. Pathogénie et traitement de la neurasthénie.
Pour l'auteur, la neurasthénie est caractérisée par une diminution
du tonus musculaire et de la sécrétion glandulaire. L'hypotonus se
révèle par l'amyosthénie, l'hypotension artérielle, la mollesse de
contraction 'du coeur, l'instabilité des jambes, la maladresse des
mains et les troubles digestifs (dilatation d'entéroptose, etc.). Ajou-
tons la sécheresse cutanée, les asthénies génitales, intestinales, etc.
La neurasthénie est donc une maladie du tonus. Le tonus est un
réflexe (Broudgeest), il faut donc provoquer ce réflexe par stimula-
tion méthodique, périphérique (frictions, douches, massages, élec-
tricité, etc.). La thérapeutique dynamique est donc le traitement le
plus rationnel et le plus efficace de l'épuisement nerveux.
M. DEVAY (de Lyon). De la mélancolie chez les syphilitiques.
Ce travail est basé sur quatre observations. Les malades ont pré-
senté de la mélancolie, soit avec stupeur, soit avec délire hypocon-
driaque, ou de négation, ils n'ont pas eu de troubles moteurs de
la paralysie générale. -
La première malade contracte la syphilis en juillet 1893, eu
mars 1894, elle est atteinte de mélancolie avec obnubilation intel-
lectuelle. Son état général est mauvais. Elle est soumise au traite-
ment mixte. L'amélioration, soit physique, soit intellectuelle,
se produit en quelques mois et se maintient. La deuxième ma-
lade contracte la syphilis et fait' plusieurs séjours à l'Antiquaille
pour les accidents de sa maladie. A son dernier séjour, en
février 1893, elle est atteinte de mélancolie anxieuse avec tendance
à la stupeur et pseudo-catalepsie. Son état s'est maintenu sans
modification aucune depuis son admission à l'asile. La troisième
malade contracte la syphilis à l'âge de dix-neuf ans. Les troubles
mentaux ont apparu vingt ans après et sont caractérisés par de la
mélancolie avec idées d'indignité et délire de négation. Elle prétend
qu'elle n'a pas de bouche, pas d'estomac, etc. Son état s'est aggravé
depuis quelque temps, il marche vers la démence.
sociétés savantes. 325
La quatrième malade a contracté la syphilis il y a dix ans, et
fut atteinte dès les premiers accidents d'hypocondrie, causée par
l'ennui d'être atteinte de syphilis. Cet état ne l'empêchait pas
d'exercer sa profession de chapelière : mais elle fut atteinte quelque
temps de métrite avec douleurs abdominales. Elle prit des injections
très chaudes et le délire commença, en même temps que le corps
thyroïde s'hypertrophiait légèrement. La malade disait que les
injections lui avaient brûlé les intestins, que son boyau était
remonté au cou, etc. Entrée en 1888, elle a eu des périodes de mé-
lancolie avec stupeur suivies de rémissions incomplètes de courte
durée. A partir de 1890, l'état mental s'est transformé, et actuelle-
ment la malade démente est devenue enfantine dans la parole,
les gestes, la démarche, etc.
Ces quatre observations se complètent les unes les autres et for-
ment une sorte de gradation dans l'état mélancolique qui aboutit
à la démence. Il se différencie de la mélancolie de ce qu'on a
appelé pseudo-paralysie générale, par l'absence de troubles mo-
teurs et se rapproche de l'obsurvation suivie d'autopsie et d'examen
microscopique publiée par M. le professeur Pierret et son élève
Paret. Ces auteurs ont montré que la mélancolie anxieuse peut
être infectieuse (dans un cas grippale) et due à la localisation dans
les cellules cérébrales et les espaces lymphatiques de l'écorce de
bacilles. Je considère cette mélancolie syphilitique comme de même
nature. Sa connaissance est utile, car le traitement spécifique
précoce peut être suivi de guérison, surtout lorsque le trouble
intellectuel est contemporain des poussées secondaires. Lorsque
la mélancolie apparaît à la période parasyphilitique, son résultat
est très douteux.
M. IIfARINESCO. La syringomyélie caractérisée par des troubles
de sensibilité et des amyotrophies du type Aran-Duchenne relève
de la prolifération progressive du canal épendymaire. A cette pro-
lifération s'ajoute un certain degré de tension dans le canal cen-
tral, ce qui explique sa dilatation. Le primum movens de cette affec-
tion n'est pas le bacille de la lèpre, ainsi que l'ont établi MM. Pitres
et Sahrazès et ainsi qu'il résulte aussi de nos examens : le bacille
de Hansen est absent de la gliose de la moelle. Le point de départ
de la syringomyélie secondaire est tantôt en dehors de la moelle,
tantôt en dedans de l'axe spinal lui-mênie, mais en dehors du canal
central.
Comme exemple de syringomélie du premier groupe, nous envi-
sagerons les cavités de la pachyméningite cervicale hypertrophique
décrite par Charcot et Joffroy. Dans ce cas, les cavités développées
dans la substance grise postérieure et antérieure sont secondaires
à la compression qu'exerce l'anneau fibreux pachyméningitique
sur la moelle épinière, Le tableau clinique diffère de celui de la
36 SOCIÉTÉS SAVANTES.
syringomyélie primitive, notamment par le fait que la dissociation
dite syringomyélique est précédée par des douleurs pseudo-névral-
giques. Enfin des tumeurs, ayant pris naissance dans la moelle
elle-même comme des sarcomes ou des glio-sarcomes, peuvent,
retentir par compression ou par tout autre mécanisme sur subs-
tance grise et sur le canal épendymaire et déterminer des cavités
.syringomyéliques secondaires. Mais, dans ces cas, aux symptômes
cliniques de la syringomyélie s'ajoutent des phénomènes insolites
comme des troubles paralytiques très intenses et la perversion de
la sensibilité tactile.
M. le professeur RoTa (de Moscou). Je tiens à faire deux
observations au sujet de la communication intéressante de M. Ma-
rinesco : 1° il me semble qu'au point de vue anatomo-patholo-
gique, ce serait faire une véritable confusion que d'appeler syrin-
gomyélie primitive les cavités produites par une distension du
canal central : il s'agit là d'hydromyélie et cela ne correspond nul-
lement aux faits cliniques que l'on s'accorde à classer sous le nom
de syringomyélie. Cette syringomyélie est d'ailleurs secondaire et
due au ramollissement de la névroglie néoplasiée; 2° quant à la
genèse des symptômes cliniques connus sous le nom de dissociation
syringomyélique de la sensibilité, elle n'a rien de commun avec la
cavité syringomyélique, ainsi que le démontrent les cas dans les-
quels on n'observe que de la gliose, sans cavité, des cornes posté-
rieures, et également des cas très nombreux où il y a participation
du trijumeau aux troubles de dissociation dite syringomyélique de
la sensibilité. Dans les cas de syringomyélie gliomateuse, c'est la
gliose de la racine ascendante du trijumeau et non la présence
d'une cavité dans le bulbe qui est le substratum anatomique de la
thermo-anesthésie et de l'analgésie.
Je dois encore faire remarquer que la dissociation dite syringo-
myélique, qui se voit souvent dans les autres processus provoquant
une compression de la moelle (dans l'hématomyélie de Minor, dans
la syringomyélie secondaire, dont les cavités sont creusées en
pleine substance blanche, indiquée par M. Marinesco, dans les
tumeurs d'ordres divers, dans la pachyméningite dont plusieurs
cas ont été rapportés, il y a plus de vingt ans, par M. Rosenthal),
dans tous ces faits, dis-je, les conditions anatomiques de la disso-
ciation dite syringomyélique de la sensibilité sont tout autres que
dans la gliomatose (avec ou sans cavité syringomyélique). Dans la
gliomatose, ce sont les fibres radiculaires qui sont atteintes dans
les cornes postérieures et les zones d'anesthésie se trouvent du
même côté que la lésion et correspondent aux racines dont les
prolongements intra-médullaires sont atteints. Au contraire, dans
les autres cas que j'ai énumérés l'anesthésie occupe le côté opposé
et se localise symptomatiquement dans la partie inférieure du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 327 Î
corps. C'est l'ensemble des fibres conductrices sensitives de la
moelle qui est atteint, après leur entre-croisement, comme dans le
syndrome de Brown-Séquard.
M. A. GIRAUD, directeur-médecin de l'asile Saint-Yoii. De
l'appel des jugements correctionnels frappant des individus reconnus
aliénés seulement après leur condamnation, - Il n'est pas rare de
recevoir dans les asiles des aliénés transférés de la prison, et
dont l'état mental avait été méconnu au moment de leur con-
damnation. M. Paul Garnier pour la période quinquennale 1886
à 1890 en a relevé 255 cas à Paris ; M. H. Monod pour la même
période en a relevé 271 cas en province. Dans la grande majo-
rité des cas ces condamnations sont prononcées par les tribu-
naux correctionnels, et le plus souvent avec la procédure des
flagrants délits. Ces condamnations ne seraient pas prononcées
si l'état mental de l'aliéné était reconnu à temps et le malade
subit une flétrissure imméritée. On doit s'attacher à effacer cette
flétrissure et M. le Dr Giraud rapporte la procédure très simple
suivie à Rouen pour faire appel d'un jugement condamnant une
vieille démente de soixante-douze ans à trois mois de prison.
L'appel fut porté par le procureur général à qui le fait avait été
signalé, et la Cour réformant le jugement prononça l'acquit-
tement. Il est à désirer que, dans la nouvelle loi sur les aliénés,
des dispositions soient prises pour annuler toutes les condam-
nations dues à ce que l'état du malade a été méconnu. Ce serait
peut-être actuellement possible en vertu de la loi du 8 juin 1895
sur la revision des procès criminels et correctionnels, mais, en
tout cas, ce qui vient d'être fait à Rouen pourrait être généralisé
pour les condamnations par les tribunaux correctionnels pendant
les délais d'appel du procureur général, délais qui, aux termes
de l'article 205 du Code d'instruction criminelle, sont de deux
mois après la condamnation. Le plus habituellement les aliénés
victimes d'une erreur judiciaire sont transférés de la prison à
l'asile moins de deux mois après leur condamnation, et la con-
damnation n'est pas encore définitive, puisqu'elle est susceptible
d'appel. A la suite de sa communication, l'auteur émet le voeu
suivant, qui est adopté par le Congrès :
» Le Congrès des médecins aliénistes et neurologistes réuni à Bor-
deaux en 1893 émet le voeu que, par suite d'une entente entre le
ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice, les aliénés
subissant une condamnation et transférés de prison dans un asile
soient mis sous la protection des procureurs généraux qui peuvent,
pendant deux mois, déférer les jugements des tribunaux correc-
tionnels à la Cour d'appel.
« Le Congrès émet le voeu que la flétrissure imméritée subie
par les aliénés dont l'état menlal a été méconnu au moment de la
328 SOCIÉTÉS SAVANTES.
condamnation soit effacée par l'appel, ce qui parait possible dans
la majorité des cas. »
M. DOOTREBE1VTE croit que l'excellente mesure préconisée par
M. Giraud pourrait être facilement et rapidement appliquée dans
les chefs-lieux d'arrondissement au voisinage desquels existe
presque toujours un asile d'aliénés, dont le médecin pourrait faire
.les expertises hebdomadaires ou journalières réclamées par M. Gi-
raud.
De la paralysie vaso-motrice dans ses rapports avec l'état affectif
des paralytiques généraux, par MM. KLIPPEL et Damas. - 1. Les
recherches de Piégu (1846), de Chelins, de Buisson, de Fich, de
Mosso, de Meynert, de François Franck, de Haillon, etc., ont établi
le changement de volume des membres dans les troubles circula-
toires ainsi que de la manière d'enregistrer, à l'aide d'appareils
spéciaux, la circulation périphérique ;
1° Lorsque à l'aide de l'appareil de F. Franck et Haillon, on étudie
sur un tambour de Marrey la circulation capillaire normale d'un
doigt, on constate une ligne onduleuse qui répond à l'ondulation
physiologique de la circulation capillaire;
2° Si pendant cette pratique on détermine chez le sujet en expé-
rience une douleur (piqûre à la main avec une épingle), on cons-
tate la transformation de la ligne onduleuse en ligne droite. Ceci
veut dire que, par l'intermédiaire des vaso-moteurs, la circulation
périphérique est modifiée au point de suspendre le graphique cir-
culatoire normal.
II. Ces deux faits étant posés, il était intéressant de rechercher
ce qui se passe dans les mêmes conditions chez le paralytique gé-
néral. Or voici ce qu'on observe :
Sous l'influence de la douleur provoquée la ligne onduleuse du tracé
persiste et ne se transforme pas en ligne droite comme à l'état phy-
siologique. Ainsi donc, contrairement à ce qu'on voit chez un sujet
normal, la circulation périphérique enregistrée n'est pas modifiée
par la douleur.
De là résulte un fait important qui est la caractéristique psycho-
physique de l'état mental affectif du paralytique général : la dou-
leur ne provoque pas, chez lui, le réflexe périphérique vaso-moteur.
Contribution à l'étude du chlorhydrate d'apocodérzie; par M. le Dr
Toy, chef de clinique des maladies mentales à la Faculté de Lyon.
Il résulte de quarante-huit essais faits chez des malades en
pleine période d'excitation maniaque (à la dose de 0,02 à 0,06 par
les voies digestive et hypodermique) que : 10 l'administration du
médicament a toujours diminué l'excitation des malades; souvent
même elle leur a procuré quelques heures de sommeil; 2° l'inges-
tion ou l'injection excite le péristaltisme intestinal et a toujours
SOCIÉTÉS SAVANTES. 339
été suivie d'une selle au moins, souvent deux, quelquefois trois ;
3" dans aucun cas elle n'a été suivie de vomissements. Ces résultats
concordent de tous points avec ceux obtenus par M. Guinard chez
les animaux.
Myxoedème et goitre simple traités par la médication thyroïdienne,
par MM. TATY et Guérin (de Lyon). Nous avons traité par l'inges-
tion de lobes de corps thyroïde un myxoedémateux de trente-deux
ans et une imbécile goitreuse par la thyroïdine de Merck. Les
effets obtenus ont été satisfaisants et conformes à ceux décrits par
la plupart des auteurs et rappelés avant-hier par M. Bourneville.
En rapprochant ces deux cas de l'observation de maladie de Base-
dow traitée de la même façon et rapportée par nous vendredi, il
nous semble permis de penser que le volume du corps thyroïde ne
signifie rien au point de vue de la tolérance pour la médication
thyroïdienne et qu'il faut surtout tenir compte de sa valeur fonc-
tionnelle. C'est cette notion qui nous paraît expliquer les effets en
apparence contradictoires de cette médication chez les basedo-
wiens et aussi les effets très différents chez les myxoedémateux dont L
les uns supportent très bien le médicament tandis que les autres
présentent des accidents avec de petites doses.
M. Bérillon (de Paris), dans une communication sur l'action
complémentaire de la suggestion hypnotique dans le traitement de
l'ataxie locomotrice, montre que la suggestion hypnotique peut
jouer un rôle important en rompant des habitudes fonctionnelles,
en rétablissant des fonctions disparues par une véritable réédu-
cation et surtout en dépistant les syndromes simulateurs qui
viennent fréquemment se surajouter aux symptômes des lésions
organiques. Elle contribue ainsi à faciliter le traitement en éclai-
rant à la fois le diagnostic et le pronostic.
M. Rooatrtovtxca (de Paris). Sur un cas de démence juvénile
avec athétose double. Les observations relatives à l'athétose sont
encore peu nombreuses. Depuis le travail du neuropatlhologue
américain Hammond, qui a donné en 1871 à cette forme convul-
sive spéciale une place déterminée parmi les autres troubles mo-
teurs, des cas intéressants ont été publiés en Angleterre par Gowers,
en France par Charcot, Oulmont, Proust, Landouzy, Grasset, Brousse,
Bourneville et Pillet, Richardière, Bloch, Brissaud ét IIallion, Ma-
bille, Ballet; en Allemagne par Bernhardt, Leube, Berger, Gnauck,
Ewald, Goldstein, Boyer, Kurella; en Russie, par Greidenberg,
Konovaloffs, Simonovitch, Blumenan.
Vingt-quatre ans nous séparent de la première communication
de Hammond et le nombre total des observations publiées atteint à
peine deux cents. Peut-être, voit-on décrire moins souvent l'athé-
.tose parce qu'on la confond fréquemment avec la chorée à laquelle
elle ressemble un peu en effet. D'ailleurs, dans la plupart des
330 sociétés savantes.
observations il s'agit de l'hémiathétose consécutive généralement
à une hémiplégie.
L'athétose double, plus rare, se développe de préférence d'une
façon primitive; jusqu'à présent on l'a observée principalement
chez les idiots et les imbéciles. 11N. Bourneville t et Pillet en ont
publié deux exemples très frappants. Dans l'observation qui suit,
l'athétose double s'est manifestée chez un individu atteint de
démence précoce, à l'âge de quatorze ans.
Observation. - Il s'agit d'un jeune homme R..., âgé actuellement
de vingt-cinq ans, originaire de Levallois-Perret (Seine). Voici
d'abord quelques renseignements relatifs à l'hérédité. Ligne pater-
nelle : le grand-père est mort à soixante-dix-huit ans au cours d'une
hémiplégie avec aphasie; le père est mort subitement à cinquante-
six ans; c'était un débauché, un alcoolique qui a été traité pour
un accès de délire hypocondriaque. Ligne maternelle : la grand'-
mère, morte à quatre-vingt-deux ans d'une congestion cérébrale, a
souffert toute sa vie de migraines. Plusieurs grands-oncles sont
morts de congestion cérébrale.
Notre malade est né à terme. A sept mois la mère a été émo-
tionnée par un accès de délire de son mari, débauché et alcoolique
comme nous venons de le dire. Élevé au sein par une nourrice,
sevré à quatorze mois, il a parlé et marché de bonne heure, mais
dès les premières années de sa vie il semblait timide et sauvage.
Il apprit très facilement à lire et à écrire. A l'âge de neuf ans il
contracte la scarlatine et consécutivement une affection cardiaque.
Vers la même époque il s'adonne à l'onanisme. Il paraissait très
intelligent et donnait des espérances aux professeurs du collège
Chaptal à qui il était confié.
A quatorze ans, sans cause apparente, ses facultés intellectuelles
faiblissent, il devient, comme dit sa mère, « indolente, oublie tout
ce qu'il a appris à l'école. En même temps, on note des mouve-
ments des doigts des deux mains, des épaules et des muscles de la
face. La physionomie, d'intelligente qu'elle était, devient petit à
petit niaise, puis béate et stupide.
Depuis l'âge de quatorze ans, époque du début de son affection,
jusqu'à présent, son état n'a fait que s'affirmer et s'accentuer.
Actuellement, au point de vue psychique, il présente un affaiblis-
sement notable de la mémoire. Le brillant élève du collège Chaptal
d'autrefois déclare aujourd'hui que deux fois six font trente-six; de
plus, au mois de juin il croit être en avril. Il n'a pas de conceptions
délirantes. Il est indifférent à tout et il n'a aucune conscience de
sa situation.
1 Une dizaine de nos observations ont été publiées dans les thèses de
nos amis Oulmont et Raymond, et dans la thèse plus récente de M. Mi-
chalslci. Voir aussi l'Iconogl', photogr. de la Salpêta·ière (1876-1880). (13.)
sociétés savantes. 331
Physiquement, il se présente ainsi queles photographies ci-jointes
le montrent, avec une musculature assez bien développée. La tête
est plutôt forte. La région occipitale est aplatie. Les bosses parié-
tales sont moyennement prononcées. Le front est large, grand, ce
qu'on appelle un beau front. Les arcades sourcilières sont saillantes.
Voici quelques mesures prises sur le crâne et qui montrent qu'à ce
point de vue R... ne présente rien de bien particulier.
3o2 sociétés savantes.
pas inactifs : des rides profondes se forment tantôt à droite tantôt
à gauche du front, le sourcil gauche et le sourcil droit se relèvent,
de même, le pli naso-lalnal s'accentue d'un côté ou de l'autre,
ainsi que le montre très nettement une des photographies ci-jointes.
Pas de mouvement au niveau des orteils.
Quand R... marche, on constate que cet acte s'accomplit assez
difficilement : son tronc est courbé ; la tête est inclinée et le corps
dans son ensemble est comme tortillé; en même temps, il fait t
continuellement des mouvements avec les muscles de la face et les
mains. Quand le malade est debout, il conserve la même attitude.
Il est incapable dese tenir sur un seul pied, même les yeux ouverts;
à plusieurs reprises il essaie, mais sans pouvoir y parvenir. La fai-
blesse constatée aux bras existe également aux membres inférieurs.
Assis, il se tient penché sur ses cuisses. Dans cette attitude il lui
est impossible de mettre une jambe sur l'autre; si nous l'aidons
jusqu'à ce qu'il y parvienne, il éprouve une certaine difficulté à
remettre ensuite la jambe dans sa première situation. On dirait
que les muscles se trouvent figés dans la position qu'on leur donne.
Pendant le sommeil les mouvements cessent, mais le malade garde
souvent des attitudes athétosiques des mains et des doigts. Le
sens musculaire est conservé.
La sensibilité cutanée est altérée sur toute la surface du corps :
à la piqûre, pas de réaction ou réaction très faible; au contact du
doigt, la sensibilité paraît conservée; les objets froids (comme un
verre rempli d'eau glacée) sont ressentis sur toute la surface du
corps comme une sensation de chaleur (perversion de la sensibilité
thermique pour le froid); pour les objets chauds, sensibilité
émoussée. La vue, l'ouïe, l'odorat, le goût semblent bien con-
servés. Les réflexes accommodateurs etlumineuxsont normaux. Pas
d'inégalité pupillaire. Pas de strabisme, pas de nystagmus. La
parole est normale; toutefois il est assez difficile de causer avecR...;
sa voix est nasonnée, gutturale; avant de parler, il hésite, fait des
efforts très grands. La parole s'accompagne souvent de sifflements,
résultant sans doute des contractions violentes de la langue qui
éprouve quelques difficultés à se mettre en train , mais l'articulation
est nette. Pendant qu'il parle ses lèvres se contractent, ont des
contorsions, les muscles de la face et du front jouent d'une façon
bizarre ainsi que le montre une des photographies annexées à cette
communication.
Pas de tremblement de la langue, ni des lèvres. Les réflexes
rotuliens sont conservés; les réflexes cutanés sont modérément et
également prononcés des deux côtés du corps. Tel est le cas. Au
point de vue mental, le diagnostic de « démence juvénile » nous
semble assez indiqué. On pourrait songer à la paralysie générale
juvénile, mais bien des symptômes importants manquent : pas de
signes oculaires, pas d'embarras de la parole, et comme d'autre
sociétés savantes. 333
part l'affection a commencé à l'âge de quatorze ans et que le ma-
lade en a actuellement vingt-cinq nous nous demandons, si dans
l'espace de onze ans une véritable paralysie générale ne se serait
pas déjà manifestée par des symptômes plus décisifs. Toutefois
nous croyons prudent de faire toutes les réserves jusqu'au moment,
où il sera permis d'examiner les choses de plus près.
Quant aux phénomènes moteurs que nous venons de décrire
chez R..., leur ensemble est tellement caractéristique que le dia-
gnostic de l'athétose double ne me semble pas douteux. En effet,
nous ne croyons pas qu'on puisse considérer ces mouvements
comme étant ceux de la chorée vulgaire : dans cette affection, les
troubles moteurs sont d'abord limités à un côté du corps, il y a des
mouvements brusques de la tête, des flexions et extensions égale-
ment brusques des membres, en un mot tous les mouvements de
la chorée sont essentiellement brusques et étendus, tandis que les
troubles moteurs de notre malade se caractérisent avant tout par
la lenteur et par leur localisation bien précise au niveau des doigts
ou au niveau de certains muscles de la face, ce sont des mouve-
ments, non seulement lents, mais circonscrits.
Les mouvements décrits chez R... ne pourront pas non plus être
confondus avec la chorée rythmée liée d'ordinaire à l'hystérie et
dont les mouvements se reproduisent avec une très grande régu-
larité imitant certains actes professionnels. Remarquons en passant
qu'outre l'athétose le malade présente de temps à autre des tics,
des contractions brusques du frontal figurant un mouvement coor-
donné qu'on exécute quand on veut attirer l'attention de quelqu'un.
La face offre aussi chez R... deux espèces de troubles moteurs :
l'athétose avec ses contractions excessivement lentes, incoordonnées,
et le tic avec ses contractions coordonnées et très rapides. Mais ce
qui constitue en somme la particularité de notre cas, c'est l'appa-
rition de l'athétose double tout à fait au début d'une affection
démentielle chez un enfant de quatorze ans : c'est ce fait que nous
avons cru intéressant de rapporter au Congrès.
M. le Dr FovEAU DE COURMELLES (de Paris). La Neurasthénie et
son traitement électrique. A la franklinisation, par douche et bain
statique combinés traitement de choix de l'état général il
faut ajouter pour les symptômes locaux de dépression ou d'excita-
tion la galvanisation ascendante ou descendante.
La durée de l'électrisation statique doit être longue, trente
minutes, mais il y faut arriver progressivement, sinon on peut avoir
de l'excitation, de l'amnésie, du délire comme j'en ai eu notam-
ment un cas ayant duré vingt-quatre heures. D'autres malades
sont fatigués, ont des éblouissements. La neurasthénie cède ainsi
lentement, par transitions insensibles de l'état morbide à l'état
sain. La galvanisation est réservée aux sympômes locaux à amen-
334 SOCIÉTÉS savantes.
der. La franklinisation doit se faire par courant descendant, douche
cérébro-statique positive et bain négatif, et à travers des peignes
métalliques variés, aluminium, nickel, argent.
M. A. Marie. Remarques sur l'état mental de quelques séniles.
A propos de trois cents séniles évacués des asiles de la Seine, et
hospitalisés à la colonie familiale de Dun-sur-Auron, l'auteur
signale la fréquence des psychoses mélancoliques tardives avec
tendance au suicide (mélancolie ab miseria). Il s'attache à montrer
l'extrême diversité des états mentaux catégorisés démence sénile :
il étudie ainsi les pseudo-démences des délires chroniques systéma-
tisés et termine en signalant le rapport possible de cause à effet
entre certaines lésions circonscrites tardives et certaines particula-
rités hallucinatoires.
M. A. Vigouroux (d'Evreux). Contribution à l'étude de la cépha-
lométrie chez les aliénés. Les recherches ont porté sur 300 ma-
lades. Les diamètres antéro-postérieurs maximum, iniaque trans-
verse maximum, transverse sus-auriculaire vertical, auriculaire,
frontal minimum ont été mesurés avec le compas de Bertillon. Les
courbes horizontale maximum, iniofrontale, transverse ont été
mesurées avec le ruban métrique.
L'auteur présente les résultats de ses recherches en deux ordres
de tableaux : dans les premiers il donne les moyennes, les maxi-
mums et les minimums ; et dans les seconds plus intéressants il
étudie à la manière de Bénédikt, les principales de ces mesures.
M. Descu9urs (de Paris). Note sur un projet de création d'asile
spécial pour alcooliques. L'auteur après avoir résumé l'évolution
suivie depuis un an devant les corps élus par la question du projet
d'asile spécial pour alcooliques, fait en quelque sorte la synthèse
des propositions particulières relatives aux adaptations propres à
cet établissement. Il conclut à la reprise du projet d'essai d'hospi-
talisation à part des buveurs d'habitude, dans des limites restreintes
à 50 malades par section comme cela se fait en Suisse. Il propose
enfin, dans le cas où la spécialisation du nouvel asile serait rejetée,
de tenter l'essai sans érection préalable de constructions coûteuses,
par simple appropriation de locaux existants, en attendant que les
données pratiques tirées de la tentative permettent de poser des
règles précises et définitives '.
M. PAILLAS (d'Albi). - Etats mono1nmÛaques liés aune déviation
de l'instinct de conservation de la propriété, étudiés au point de vue
1 M. D... s'est enfin rendu à l'évidence. Il en vient aux conclusions
que nous avons fait prévaloir à la Commission de surveillance des asiles
de la Seine : Faire le cinquième asile pour les aliénés (programme pri-
mitif), suivant les plans primés de M. Morin-Goustiaux, modifiés, s'il y
a lieu, dans les détails; - étudier la création, à titre d'essai, d'un petit
asile pour les ivrognes d'habitude. (B.)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 335
médico-légal. L'exaltation de l'instinct de conservation de la
propriété, distinct de la tendance à une excessive accumulation qui
est l'avarice, peut arriver à constituer des états morbides à la fois
embarrassants pour la justice et pour les médecins chargés d'en
apprécier la responsabilité.
Les hommes d'affaires, les magistrats, et parmi eux surtout les
juges de paix, sont fréquemment amenés à côtoyer cette série d'in-
firmes de l'esprit, recrutés particulièrement au sein des populations
rurales, chez les petits cultivateurs, amoureux jaloux de leurs
terres, et qui, en raison de cet attachement outré, se montrent t
récalcitrants devant la dépossession, révoltés contre la saisie, pro-
cessifs, réfractaires aux divers arrangements où leur sol est en jeu,
le disputant au voisin, au parent, avec une âpreté passionnelle,
parfois jusqu'au meurtre. Et dans l'espèce des cas auxquels il est
fait allusion n'intervient point ou n'intervient que très accessoire-
ment la pensée d'un accaparement illicite. Le besoin de donner
satisfaction à une propension impulsive semble peu à peu s'asso-
cier à la conviction d'un prétendu droit, et puis, à lasuite d'échecs
successifs subis à cette autre conviction « qu'on ne leur rend pas
justice » pour dominer et diriger des revendications tenaces qui,
si elles n'aboutissent qu'exceptionnellement au crime, entraînent
une série d'actes préjudiciables à autrui.
. Parmi ces actes, les uns, rentrant dans la catégorie ordinaire
des crimes et délits,'cèdent à la répression judiciaire. Les autres, au
contraire, sont entretenus, exaltés même, par la menace et l'ap-
plication des sévérités pénales, et la justice, après les avoir plus ou
moins longtemps poursuivis sans effets d'amendement, de guerre
lasse, les abandonne au médecin.
Sous la désignation de dégénérés conservateurs de la propriété,
le Dr Pailhas communique deux faits de ce genre, dont la longue
observation comprenant de multiples expertises médico-légales ne
saurait être rapportée ici. Il les fait suivre de la relation d'un cas
similaire, publié en 1841, dans les Annales médico-psychologiques,
par M. le Dr Girard de Cailleux.
En conclusion de son travail, le Dr Pailhas dit :
1° Il existe une variété de dégénérescence dont un syndrome
constitué par la déviation morbide de l'instinct de conservation de
la propriété est le caractère dominant sinon exclusif, 2° Cette
catégorie de monomanes conservateurs de la propriété, plutôt
défensifs qu'offensifs dans la revendication de leurs droits, semble
devoir être rapprochée d'une certaine autre variété de monomanes
processifs chez lesquels aussi est mis en jeu l'instinct de propriété,
mais où les revendications sont essentiellement offensives. 3° Il
est pratiquement important de différencier de bonne heure, parmi
cette classe de dégénérés, détenteurs du bien d'autrui :
336 SOCIÉTÉS savantes.
a) Ceux qui, irritables, insoumis et dotés d'une grande ténacité,
trouvent dans l'intervention de la justice, la persistance et surtout
l'aggravation de leur état morbide. 6) Ceux que l'appareil judi-
ciaire et les sanctions répressives amènent aux sages résolutions et
au redressement des actes incriminés. Aux premiers convient l'or-
ganisation des asiles, même dans son insuffisance actuelle. A la
deuxième catégorie doit être réservée la pénalité ordinaire.
4° C'est utilement que les magistrats connaîtront ces variétés
nosologiques. Loin de se mettre en lutte avec les obstinés irréduc-
tibles, ils sauront s'assurer à temps le concours du médecin alié-
niste, au bénéfice de ces mentalités défectueuses et aussi au béné-
fice personnel de leur tranquillité.
M. PAUL DELMAS. De l'intervention médicale en hydrothérapie
dans son application aux maladies nerveuses. Dans ce travail l'au-
teur, dont la compétence, reposant sur une longue pratique, est
incontestable, s'est proposé de démontrer les conditions essentielles
à la bonne application de l'hydrothérapie. Invoquant la nécessité
d'en diriger et surveiller les effets, surtout dans les maladies ner-
veuses, et rappelant combien l'eau froide a une action énergique
sur la tension artérielle et sur le rythme du coeur, il en arrive à la
conclusion générale suivante :
« En hydrothérapie, la direction doit toujours être médicale.
Son application est faite avec tout avantage par le médecin lui-
même. Mais ce dernier précepte ne saurait avoir rien d'absolu sauf
dans la thérapeutique des affections nerveuses, dans lesquelles le
traitement moral vient ajouter son action à celle d'une prescription
journalière soigneusement dosée. »
M. LARROUSSINIE (de Bordeaux) ? Communication sur la dissimu-
lation chez les aliénés. Il est de la plus grande importance, pour
les médecins et aussi pour les magistrats, de savoir que les aliénés
peuvent dissimuler, non seulement leurs idées délirantes, mais
encore leurs hallucinations.
Le plus souvent, cette dissimulation a pour but l'obtention de
l'exeat, dans les asiles. Il arrive aussi que des aliénés enfermés dans
des prisons cherchent à cacher leur mal pour ne pas être placés
dans des établissements spéciaux, dans lesquels ils pourraient res-
ter plus longtemps que dans les maisons pénitentiaires.
Il y a des femmes qui dissimulent par honte, ne voulant pas
avouer qu'elles se croient aimées d'un homme placé dans une
situation supérieure à celle qu'elles occupent, ou cherchant à
cacher des hallucinations de la sphère génitale.
Mais les dissimulateurs les plus dangereux sont lesaliénés atteints
du délire chronique de persécution à forme systématique.
En un mot les conclusions sont les suivantes : 1° La dissimula-
tion se rencontre fréquemment chez les aliénés. 2° Il est utile
sociétés savantes. 337
de diviser ces services, à ce point de vue, en malades non dange-
reux et en malades dangereux, tant à cause de là surveillance à
exercer sur eux dans les asiles, qu'à cause de leur mise en liberté,
ou de leur maintien dans un établissement. La plus grande cir-
conspection est imposée au sujet de la sortie des aliénés qui, par
leurs actes, leurs paroles ou leurs écrits, se sont montrés dange-
reux. Il ne saurait être apporté trop de prudence par les médecins
traitants et parles médecins légistes appelés à formuler une opinion
sur un aliéné de ce genre.
3° La dissimulation se voit surtout chez les persécutés; le plus
grand nombre de dissimulateurs se trouve chez les délirants systé-
matiques. Parmi les impulsifs, les pyromanes sont essentiellement
dissimulateurs. - 4° La dissimulation peut être partielle (c'est-à-
dire portant sur un ou quelques points seulement du délire), ou
totale, dans ce cas, tout est nié : conceptions délirantes, hallucina-
tions, etc...
5° La dissimulation reconnaît pour mobiles la honte et l'intérêt.
L'intérêt est de beaucoup le principal mobile (aliéné mentant pour
avoir sa sortie ; ou voulant se venger d'un persécuteur, et pour cela
désirant quitter l'asile ; enfin, pyromanes ne voulant pas avouer
leur crime).
6° Pour découvrir la dissimulation chez les aliénés, il est néces-
saire de capter leur confiance, et, si cela ne se peut, de les faire
surveiller par le personnel, et de les surveiller soi-même aussi
longtemps qu'on ne sera pas convaincu de l'existence ou de la
non-existence du mensonge. Dans beaucoup de cas, plusieurs mois
sont nécessaires au médecin expert appelé à juger de l'état mental
d'un individu. Il est aussi absolument utile d'avoir en mains soit
les lettres du malade, soit ce qu'il écrit en dehors de ses lettres,
quand ce dernier cas se présente. On ne saurait trop encourager
ces malades à écrire. '
7° En ce qui concerne les pyromanes, il faudra se préoccuper de
leur hérédité, savoir si l'accusé est un faible d'esprit, s'informer des
paroles qu'il a pu prononcer soit avant, soit après l'incendie, et voir
si ses paroles se rapportaient à l'acte dont il est soupçonné être
l'auteur. Enfin, il faut le presser de questions, et chercher ainsi (ce
qui est bieu difficile) à obtenir des aveux. » ,
8° Nous croyons qu'un médecin expert devrait être adjoint aux
juges quand ces derniers sont appelés à prononcer le maintien
d'un aliéné dans un établissement spécial ou sa sortie. Le médecin
traitant pourrait être entendu, et, en cas de dissentiment entre son
confrère et lui, un deuxième expert serait appelé à trancher la
question. C'est là, d'ailleurs, ce qui se fait souvent pour d'autres
questions de médecine légale.
M. BnnNnïs (de Bayonne). Un cas d'alhétose double débutant
Archives, t. XXX. 22
338, SOCIÉTÉS savantes.
chez l'adulte. La malade est une femme de trente-deux ans dont
le père était épileptique et la mère nerveuse. Elle a eu deux frères
morts d'affections cérébrales suspectes. Elle-même, à l'âge de dix-
neuf ans, contracte la syphilis avec son mari (1882) et, en 1886, à
la suite d'un avortement, elle voit apparaître des convulsions mus-
culaires de la face. Traitée sans résultat, nous la voyons pour la
première fois en 1895, et nous constatons les symptômes suivants :
contractions musculaires de la face exprimant les sentiments les
plus divers et les plus inattendus, nystagmus à oscillations lentes,
mouvements d'avant en arrière et de latéralité de la langue sans
hypertrophie.
Troubles de la parole, mouvements de rotation du cou, convul-
sions des doigts, des mains et des poignets, suivant la flexion, l'ex-
tension et le sens latéral, le tout sans rythme appréciable.
. Déformations phalango-phalangiennes simulant les nodosités
rhumatismales. Subluxation des articles métacarpo-phalangiens.
Aux mouvements désordonnés se joint une raideur notable dans
les actes volontaires. La maladresse augmente quand la malade se
sent observée. Aux pieds, mouvements de flexion et d'extension des
doigts et mouvements latéraux tibio-tarsiens. Toutes ces convul-
sions cessent pendant le sommeil. Elles sont plus marquées à droite
qu'à gauche.
Les facultés intellectuelles sont très médiocres, mais la malade a
toujours été de même; la maladie n'a donc aucune influence
fâcheuse sur elle au point de vue mental.
Comme cause déterminante de l'athétose, la multiplicité même
des faits qui ont pu présider à sa genèse rendent ce cas encore plus
embarrassant. L'hypnotisation a été tentée sans résultat; le traite-
mentspécifique n'a aucune action. On ne peut donc que constater
l'existence du syndrome athétose, sans en rapporter l'éclosion à
aucune lésion valable.
M. Verrier lit un travail sur l'aquapuncture dans le traitement
de l'anesthésie hystérique ou paralytique. `
M. LAGRANGE (de Poitiers) lit un travail sur l'étiologie de la para-
lysie générale progressive.
M. LANNOIS (de Lyon). Cécité verbale sans cécité littérale et sans
hémianopsie. Une femme de trente-deux ans, ayant contracté la
syphilis par allaitement et ayant^ présenté peu de temps après des
accidents cérébraux graves (apoplexie, hémiplégie droite, aphasie
motrice et cécité verbale), entre à l'hôpital avec une hémiplégie
droite accompagnée de contractures. Elle présente en outre une
cécité verbale très accusée, sans cécité pour les lettres ni pour les
objets et sans hémianopsie. Le champ visuel mesuré plusieurs fois
n'a jamais présenté ni rétrécissement du champ visuel ni hémia-
nopsie. C'est là un fait nouveau puisque la coexistence de ces
SOCIÉTÉS SAVANTES. '. 339
troubles oculaires a été signalée dans tous les cas où elle a été
recherchée jusqu'à présent.
M. LANNOIS (de Lyon). Hémianopsie hystérique chez un trépané
atteint de crises épileptiques jachsoniennes. Un homme frappé d'un
coup de canne plombée sur le côté droit de la tête deux ans aupa-
ravant et trépané pour l'ablation d'esquilles osseuses, présente dans
la suite des crises d'épilepsie jacksonienne. Après une série de ces
crises, on constate chez lui de l'hémianopsie et une anesthésie pro-
fonde avec perte du sens musculaire du côté gauche. Peu après,
l'anesthésie devient une anesthésie en segment qui disparaît brus-
quement après une séance d'électrisation, en même temps que
l'hémianopsie est remplacée par du rétrécissement concentrique
du champ visuel. :
Le malade est rentré récemment à l'hôpital avec les mêmes
symptômes d'anesthésie et d'hémianopsie qu'il y a probablement
lieu de rattacher à l'hystérie et de rapprocher des cas rapportés par
- Déjerine et Vialet (neurasthénie et névrose traumatique) et plus
récemment par P. Janet (hystérie). - ! II : CHARAN. Du traitement de l'épilepsie par l'opium et le bro-
mure (méthode de Flechsig).
Les indications données par l'auteur de cette méthode ont été
- exactement suivies : extrait d'opium à doses progressivement crois-
santes depuis 5 centigrammes jusqu'à un gramme, pendant six
semaines; suppression brusque de l'opium remplacé pendant deux
mois par le bromure de potassium à la dose de 7 grammes, pris à
doses décroissantes jusqu'à 2 grammes pendant deux autres mois.
L'action est beaucoup plus efficace que celle du bromure seul. Mais
ce traitement doit être indéfiniment continué.
- M. CHABBERT (de Bagnères-de-Bigorre.) Trois cas de chromi-
drose jaune chez trois membres d'une même famille (neurasthénie,
hystérie)... .
lli. MABILLE (de l'asile de Lafond). - Torticolis mental chez un
dégénéré héréditaire.
MM. BR1 ? ND et IscovEsco (de Paris). Sur le signe du cubital
(analgésie) dans la paralysie générale. Décrit par Biernacki, dans
le tabes, ce signe n'a qu'une importance diagnostique très relative
dans la méningo-encéphalite diffuse. On l'observe dans 50 p. 100
des cas.
M. A. REGNLER (de Paris). Traitement du goitre exophtalmique
par l'électricité.- Le courant galvanique est surtout actif. L'élec-
trisation du sympathique et du pneumogastrique du cou régularise
la sécrétion thyroïdienne. On observe à la suite une diminution
dans la toxicité des urines.
M. DUBREUILH (de Bordeaux), cite « un cas d'accidents hystéri-
340 « SOCIÉTÉS SAVANTES. : formes dans la paralysie générale ». C'est un cas assez rare d'asso-
ciation de la paralysie générale et de l'hystérie. Cette observation
' est intéressante à ce titre : il faut être très réservé à l'égard du pro-
,nostic. M. GARNIEIi dit que M. le Dl Rey a fait un travail sur
.cette question. M. Régis réclame la priorité; il a indiqué l'arrêt
de la paralysie générale par l'hystérie.
M. Piéchaud (de Bordeaux) cite à son tour quelques cas chirttrgi-
- caztx chez les aliénés. Il apporte des faits : il a opéré huit idiots par
Jaeraniectomie; il n'a eu qu'un mort. Les résultats n'ont pas été
excellents.Il a fait des trépanations du crâne dans l'épilepsiejackso-
'nienne, puis sur un enfant ayant reçu un choc sur le crâne : il
enlève le petit névrome sous-cutané. Il a opéré une aliénée atteinte
de manie chronique et de fibrome du sein : elle a guéri de sa
folie. '
Discussion avec 1\lI. Regnier, Laroussinie, Régis. On peut réveil-
ler des attaques d'hystérie chez les malades nerveux par les opéra-
tions chirurgicales. Les aliénés supportent très bien les opérations;
il y a des cas d'aliénation à la suite d'opérations chirurgicales..
A cinq heures et demie, la séance est levée pour que les congres-
sistes puissent assister à la conférence faite, avec projections de
coupes anatomo-pathologiques de la moelle épinière, par M. Mari-
nesco.
- t .
Le Congrès a voté la tenue de sa prochaine session (189G) à
Nancy. Notre ami, M. le professeur Pitres a été nommé président
.de cette session, M. LALLE ! 1ENT, l'un des médecins de l'asile de
Marévilie, a été désigné comme secrétaire général. La commission
chargée de préparer les questions au Congrès de 1896 a choisi les
questions suivantes : Des hallucinations auditives (M. Cliaslin,. rap-
porteur) ; Pathogénie du tremblement (M. Souques, rapporteur) ;
internement des aliénés, législation et thérapeutique (M. Garnier, rap-
porteur). B.
Mardi 6 août. Visite à l'asile de Cadillac.
Avant de se séparer, les membres du Congrès des aliénistes et
neurologistes étaient conviés à des excursions organisées en leur
honneur, et dont la première a eu lieu le 6 août. Le but était la
visite de l'asile public des aliénés de Cadillac.
Malheureusement un accident est venu attrister dès le matin cette
promenade. L'un des très sympathiques secrétaires du Congrès,
M. le docteur Tissié, voulant prendre place sur l'impériale d'un
omnibus, dans la cour de la gare de Cérons, a été, par suite d'un
mouvement des chevaux, précipité sur le sol, et dans sa chute s'est
fait des contusions qui, heureusement, n'ont pas eu de suites graves,
mais qui ont nécessité le transport immédiat de M. le IF Tissié à
sociétés savantes. 341
son domicile, après qu'il a eu reçu les soins empressés de ses con-
frères. ..
La visite de la colonie agricole de l'asile; où on s'est d'abord
rendu, a .été des plus intéressantes. Le directeur, M. Gauckler, a
reçu. des compliments bien mérités pour l'entretien des vignes et
des cultures maraîchères, dont sont exclusivement chargés des alié-
nés choisis parmi les convalescents et les chroniques.
A midi, un déjeuner de cent vingt couverts réunissait les invités
dans une des salles de l'Asile principal, coquettement décorée. <
M. Joffroy présidait, ayant à ses côtés, à la table d'honneur : .
MM. Berniquet, préfet de la Gironde ; Calmon, président du tribu-
nal civil ; Drouineau, inspecteur général de l'Assistance publique ;
Laffitte, professeur au collège de France, qui habite Cadillac pen-
dant les vacances; Gauckler, directeur de l'asile ; Dubourg, maire'
de Cadillac, président de la commission de surveillance; Guillemin
et Sauteyron, membres de la commission ; Caillau, médecin en'
chef de l'asile, et tous les délégués étrangers.
Le premier toast a été porté par M. Gauckler, qui a adressé la
bienvenue aux congressistes, et tout particulièrement aux dames
qui faisaient partie du voyage. En terminant, il a porlé la santé
des membres du congrès, de son président et enfin du président
de la République. ·
M. Joffroy a fait l'éloge de M. Berniquet, préfet de la Gironde, et
a adressé des compliments aux médecins des asiles. 11 a bu à la
santé du préfet, du directeur de l'asile, des membres de là com-
mission de surveillance et de M. le Dr Caillau.
A signaler le toast rempli de bonne humeur de M. Laffitte, pro-
fesseur au Collège de France, qui a porté la santé des dames.
M. Doutrebenle, médecin à Blois, a terminé la série en prononçant
un toast très applaudi.
Le déjeuner terminé, les invités se sont répandus dans les jardins
et ont visilé l'asile, dont ils ont constaté l'excellente tenue. ,
Avant de reprendre le train, les congressistes ont visité la
maison d'éducation pénitentiaire des jeunes filles, installée au' chii-.
teau du duc d'Eperon et où sont détenues en ce moment 133 jeunes
filles ayant moins de vingt ans, et envoyées là par décision de
justice. M. Pancrasie, directeur; M1™» Derué, inspectrice, et Lebel,
surveillante principale, ont dirigé cette visite, au cours de laquelle,
on a remarqué la construction du château et en particulier les.
cheminées monumentales, et' qui, aussi, a été d'un vif intérêt pour
tous les congressistes. -,Le retour à Bordeaux s'est effectué à six
heures'. ; ' '- , '
Ce compte rendu et le suivant sont faits d'après la Gironde des 8 et
9 août, avec quelques modifications. '. - i.' .
342 SOCIÉTÉS savantes.
Mercredi 7 août. Excursion de Royan.
C'est la municipalité de Royan qui avait frété le bateau de la com-
pagnie Gironde et Garonne, la France, qui a pris le matin, au pon-
ton des Quinconces, les congressistes pour les amener à Royan. Au
. départ, à 6 heures, le temps est brumeux ; mais, vers Pauillac,
les nuages se dissipent et le soleil brille, faisant miroiter les vagues,
jetant sa lumière d'or sur les rives, faisant resplendir les châteaux,
dont la blancheur éclate au' milieu des massifs de verdure. On
admire, et l'on arrive à Royan au milieu d'une allégresse générale.
Sur le quai, se trouvent : MM. Garnier, maire, MM. Barthe et
Rodanet, adjoints, de sympathiques connaissances que nous sommes
heureux de revoir, et le conseil municipal, venus pour recevoir les
congressistes. Les meilleurs souhaits de bienvenue sont échangés,
puis, aussitôt, prenant le tramway Decauville, retenu pour la cir-
constance, les voyageurs, accompagnés des édiles royannais, se
rendent à Pontaillac. La plage est splendide ; les étrangers qui
sont parmi nous sont fortement impressionnés. Après Pontaillac,
c'est le Casino, l'ancien on verra le nouveau bientôt qui
est visité. Les directeurs en font les l'honneurs. A midi, retour à
Royan et déjeuner à l'hôtel d'Orléans. Repas confortable, offert par
la municipalité.
Le moment des toasts arrive. ,
Aimable, prévenant, courtois exquisement, M. le maire de Royan,
se lève. Le plus affectueusement du monde, il remercie les congres-
sistes d'être venus à Royan. En paroles pleines d'autorité, il met
en relief les services que rend le congrès des aliénistes et neurolo-
gistes qui traitent de questions qui intéressent non seulement les
médecins, mais les législateurs, les conseils généraux et les adminis-
trateurs, puis il exprime l'espoir que les visiteurs emporteront de
Royan le meilleur souvenir. 11 termine en buvant galamment aux
dames présentes au banquet et en portant la santé du président du
congrès, M. Joffroy, et des autres notabilités qui l'entourent.
Au nom du congrès, M. Joffroy remercie la municipalité et la
ville de Royan. Dans un tableau habilement tracé, il peint la riche
station balnéaire, aux beautés naturelles complétées par les tra-
vaux de l'homme. Il boit à la prospérité de Royan, à son distingué
maire Garnier, et à tous les collaborateurs du congrès, sans
oublier le docteur Ph. Tissié, dont l'absence aujourd'hui a été tant
regrettée.
D'autres toasts sont ensuite portés à MM. le or Roux, au nom du
corps médical de Royan ; Drouineau, inspecteur de l'Assistance
publique ; Francotte (de Liège), buvant à la France en termes nobles
et élevés.
On part ensuite pour Saint-Georges. Promenade de nouveau char-
mante. Brise marine, senteur des-pins, se mélangent dans l'air pur.
bibliographie. 343
Mais une visite au nouveau Casino, le Casino municipal, est com-
prise dans le programme. Tout le monde veut le voir, d'ailleurs, ce
monument dont on parle déjà beaucoup. Il' est tout simplement
superbe. Et comme je comprends l'exclamation du Saintongeois qui,
derrière moi, s'écriait : Fi de madame, ol'ét une belle bâtisse !
Dans ce monument remarquable un concert est offert aux con-
gressistes. On l'a avancé d'une heure pour eux. Orchestre délicieux.
musique de choix, sous la direction de M. Ganne, l'auteur de cette
Marche lorraine qu'on applaudissait tant dans la revue d'Ernest
Laroche et de Victor l\1eusy : les Records de l'année. Comme à l'Olym-
pia, la Marche lorraine triomphe au Casino municipal. Son auteur
et elle ont été aujourd'hui acclamés. A 5 heures il a fallu repartir.
Au lunch qui a eu lieu après 6 heures, on a encore beaucoup toasté ;
du Bec-d'Ambès à Lormont, des flots d'éloquence ont coulé des
lèvres des orateurs.
Aussi le temps passe, les voyageurs devisant au milieu du silence,
devant la nuit qui vient assombrir le fleuve, tranquilles comme des
gens heureux. Ils justifient ainsi le mot d'un autre Saintongeois
qui, au moment où nous embarquions, demandait à un de ses
compatriotes : -
« Qu'étou qu'ol et, tout queu monde ! .
- In Congrès d'aliénés.
1 zavant l'air ben calme t
Tous les documents que nous avons mis sous les yeux de nos
lecteurs leur permettront d'avoir une idée exacte de la session
de Bordeaux, du Congrès des Aliénistes et Neurologistes de
langue française. Il a été très intéressant au point de vue des
discussions, des communications et des excursions. Ce succès
revient surtout au secrétaire général, notre collaborateur le
Dr Régis . BOURNEVILLE.
BIBLIOGRAPHIE.
Il. Contribution à l'étude de l'atrophie musculaire progressive (type
Duchenne-Aran); par J.-B. Charcot. In-8° de 159 pages, avec
4 planches en couleur. Bureaux du Progrès médical. Paris, 1895.
Dès les premières pages, M. J.-B. Charcot nous indique nettement
vers quel but ont tendu ses efforts. Ce n'est pas une monographie
344 bibliographie.
de l'atrophie musculaire type Duchenne-Aran qu'il a voulu écrire,
et de ce fait le lecteur ne trouvera dans son étude ni la bibliogra-
phie complète de cette question, ni l'analyse des principaux tra-
vaux sur la matière qu'il eût été en droit d'exiger. Sachant que,
dans ces dernières années, -l'affection qui porte le nom des deux
médecins français avait été fortement discutée en tant qu'entité
morbide, l'auteur a pensé qu'avant toutes choses il convenait d'éta-
blir si oui ou non la maladie de Duchenne-Aran devait être net-
tement différenciée des autres formes de l'atrophie des muscles.
. Dans ce but, M..J.-B. Charcot nous fait d'abord assister à l'évolu-
tion historique du type Duchenne-Aran. On lira avec fruit ce
çhapitre qui déroule devant nos yeux les étapes successives de nos
connaissances scientifiques dans la question des dystrophies mus-
culaires. Duchenne (1847), puis Aran (1850), décrivent l'affection
qui porte leur nom; Cruveilhier, Luys, en font l'anatomie patho-
logique que complètent Prévost et Vulpian, Charcot et Joffroy,
Duménil, Hayem, etc. Sous l'influence de ces divers travaux, l'atro-
phie musculaire type Duchenne-Aran règne en maîtresse, elle
régente pour ainsi dire les autres dystrophies myélopathiques.
Son domaine se trouve cependant diminué par la découverte de la
sclérose latérale amyotrophique. <" ' ' ) »
Mais si la maladie de Charcot, la pachyméningite cervicale
hypertrophique de Joffroy, étaient fautant de pierres enlevées à
l'édifice, celui-ci n'en restait pas moins solide. Le danger devait
venir d'ailleurs' : de là paralysie pseudo-hypertrophique dont les
formes ont été se multipliant jusqu'à ces dernières années; de la
syringomyélie dont alors on soupçonnait à peine l'existence et
qui a pris tant d'extension; enfin des névrites périphériques déjà
déplacées du rang qu'elles occupèrent momentanément.
Aussi lorsqu'en 1885, le professeur Charcot faisait une lumineuse
revision des atrophies musculaires, la maladie Duchenne-Aran ne
possédait-elle plus la première place qu'elle avait accoutumé
d'occuper jusqu'alors; toutefois elle existait encore à l'état indé-
pendant.
Si modeste qu'elle fût, cette place devait cependant lui être dis-
cutée. Gowers (1886) raye l'atrophie Duchenne-Aran de la noso-
graphie et l'identifie avec la sclérose latérale amyotrophique;
Hamond (1894) se range à son opinion; M. P. Marie ne la décrit
pas dans le Traité de médecine.
M. J.-B. Charcot s'inscrit en faux contre cette conception : l'atro-
phie musculaire type Duchenne-Aran ne reverra certainement plus
ses anciens jours de splendeur, elle, est beaucoup moins fréquente
qu'on'ne le pensait autrefois mais elle n'en existe pas moins. Cli-
chiquement, analomiquement, sa place est marquée à part dans le
cadre nosographique, soit que l'atrophie évolue chroniquement
(type Duchenne-Aran vrai), soit qu'elle marche avec plus de rapi-
bibliographie. 34b
dite (paralysie générale spinale antérieure subaiguë de Duchenne).
Et pour le démontrer l'auteur ne s'appuiera pas sur les cas anciens
qui pourraient être suspects, il publiera cinq observations recueillies
à la Clinique de la Salpêtrière dont deux furent suivies d'autopsies.
Il y joindra deux faits de M. Déjerine, aussi démonstratifs sous tous
les rapports que les siens propres.. -
C'est alors que l'on comprend combien l'entreprise tentée par
M. J.-B. Charcot aura été fructueuse, car non seulement le type
Duchenne-Aran va se trouver ^restauré, mais encore il surgira de
ses recherches une véritable découverte à la fois anatomo-patholo-
gique et physiologique.
En effet jusqu'à ces dernières années on pensait que dans l'alro-
phie musculaire progressive, les cellules des cornes antérieures et
les racines de même nom participaient seules au processus anato-
mique. Désormais à ces lésions il faudra ajouter la notion d'une
zone de sclérose occupant le pourtour de la corne antérieure dans
la région du faisceau fondamental. Cette zone dégénérée varie
d'aspect suivant les régions examinées, mais son étendue reste
proportionnelle à l'atrophie, des cellules de la substance grise. Elle
respecte les faisceaux avoisinants : pyramidaux, croisés et directs,
faisceaux de Gowers, cérébelleux directs, car elle est l'expression ana-
tomique de la dégénérescence des fibres des cellules de cordon
déjà décrites en 1866, par Charcot et son élève Bouchard, sous le
nom de fibres commissures courtes et longues.
Ce qui prouve bien que la dégénérescence est secondaire, qu'elle
est intimement liée à la disparition des cellules, c'est que non
seulement on l'observe dans le type Duchenne-Aran, mais encore
toutes les fois qu'il y a polyomyélite antérieure : dans la sclérose
latérale amyotrophique, la paralysie infantile, la syringomyélie. Les
coupes colorées au picro-carmin sont surtout favorables à sa cons-
tatation.
« Ainsi dit l'auteur (page 144), les lésions constatées dans la
substance blanche de nos cas de polyomyélite antérieure chronique
et subaiguë ne leur retirent absolument rien de leur valeur
.démonstrative pour la réhabilitation du type Duchenne-Aran; ces
lésions sont consécutives à la polyomyélite dont elles font pour
ainsi dire partie, elles ne ressemblent nullement aux lésions patho-
gnomoniques de la sclérose latérale amyotrophique. »
On voit par cet exposé rapide que non seulement M. J.-B. Charcot
a démontré, d'une façon irréfragable, que le type Duchenne-Aran
ne devait pas être rayé du cadre nosographique, mais qu'il a
apporté encore une contribution importante à l'étude des lésions
dégénératives des cordons blancs de la moelle épinière, nées sous
l'influence de l'atrophie des cellules ganglionnaires, de quelque
origine que soit cette dernière.
En écrivant sa thèse M. J.-B. Charcot, avait, obéi àun pieux
346 varia.
devoir. La question de l'atrophie musculaire, type Duchenne-Aran,
était une de celles que son illustre père avait le plus à coeur de voir
résolue, nous pouvons personnellement l'affirmer. Jamais il ne
laissait passer l'occasion de défendre cette entité, même contre
ceux qui voulaient en enrichir la sclérose latérale amyotrophique
qu'il avait le premier décrite. Son voeu se trouve' exaucé et s'il
pouvait lire le travail de son fils, il aurait tout lieu d'être satisfait,
car il y trouverait à chaque page la forte empreinte de son ensei-
gnement : la mise en oeuvre de cette méthode anatomo-clinique
qui le conduisit à tant de découvertes mémorables, jointe à la
clarté d'un style concis, et à cette interprétation des seuls faits
qu'il prisait si fort à rencontre du mirage trompeur des théories.
GILLES DE la TOUl\E1'f,
VARIA.
IMPULSIFS TRIMARDEURS.
Au cours de la discussion sur les impulsions des épileptiques,
au Congrès des aliénistes et neurologistes de Bordeaux, notre
ami, le professeur Pitres, a établi une sorte de classification
des individus qui font des fugues plus ou moins inconscientes.
Un certain Bort qui a été arrêté à propos de l'attentat anar-
chiste contre le banquier Rothschild, rentre dans la seconde caté-
gorie de M. Pitres Voici ce qu'ont publié sur lui les journaux
politiques :
Etienne Bort, qui vient d'être arrêté près de Saint-Flour, est
connu à la préfecture de police comme une espèce de déséqui-
libré, anarchiste à ses heures, capable, dans un moment d'exal-
tation, de commettre un mauvais coup. Cependant on ne croit pas
à la préfecture qu'il soit l'auteur de l'attentat contre M. de Roth-
schild. Il y a huit jours, il était encore à Paris, et il est venu boule-
vard du Palais demander un subside. Il était sans argent, mourant
presque de faim. On lui donna une petite somme.
Bort partit. C'est un individu qui constamment voyage. Il est
toujours par monts et par vaux et parcourt la France en tous sens,
allant à pied, un bâton à la main. : 1 Voir Archives de Neurologie, n° .103, p. 249.
VARIA. 347
Ces malheureux couchent tantôt dans les lits de voyageurs
qui existent encore dans un certain nombre de petits hospices
et qu'on fera bien de maintenir en améliorant leur installation;
ou bien dans les asiles de nuit; ou encore dans les postes ou les
violons. Ils servent naturellement de véhicules à la transmission
de toutes les maladies contagieuses. C'est en partie à eux qu'est
due la propagation de la dernière épidémie de typhus. L'étude
psychologique de ces impulsifs serait très intéressante.
UN simulateur : UN miracle A effacer..
Pierre Delanoy, que juge en ce moment la cour d'assises de la
Seine, n'est pas un type banal. Il a été, de 1877 à 1881, infirmier
dans différents hôpitaux parisiens, et là, au spectacle quotidien des
traitements qu'il voyait appliquer par les sommités médicales,
l'idée lui est venue de se procurer quelques années de repos en
simulant une bonne maladie. C'est ainsi qu'il s'est donné tous les
caractères de l'ataxie avec une perfection telle que les spécialistes
les plus renommés s'y sont mépris de 1883 à 1888, à la Salpêtrière,
à l'II8te1-Dieu, à Laënnec, à la Charité, à Necker, à Cochin, à
Lariboisière, à Beaujon, etc., à peu près partout, car il a fait des
stations plus ou moins prolongées dans la plupart des établisse-
ments hospitaliers de Paris.
Un des médecins qui le traitaient en dernier lieu lui ayant
appliqué nombre de cautérisations compliquées de « pendaisons »
prolongées, Delanoy finit par trouver trop dur le métier d'ataxique.
Un beau jour, il se déclara guéri et disparut.
On le retrouva il Lourdes, en 1889; il y arriva avec un pèle-
rinage national, se traînant .péniblement avec des béquilles. Il
paraissait dans l'impossibilité de se tenir debout. Mais, après avoir
communié et longuement prié à la grotte, devant l'image de la
Vierge, il se leva brusquement et, jetant ses béquilles, il marcha
avec une assurance qui arracha des cris d'admiration à la foule
des pèlerins.
C'était un miracle, bel et bien constaté ! Et le jour même,
l'archevêque de Cagliari, l'évêque d'Hébron,. auxquels se joignit le
médecin chargé de l'étude des guérisons, en dressèrent le procès-
verbal en bonne et due forme. Les annales de Notre-Dame de
Lourdes en firent mention avec enthousiasme, ainsi que des fêtes
d'actions de grâce qui suivirent.
Revenu à Paris, Delanoy émerveilla l'aumônier de la Charité, le
chanoine Petit, qui adressa aux pères de la Grotte ce télégramme :
« Médecins réunis pour examen de Delanoy. Je l'ai vu quatre fois
cette semaine. Marche comme un facteur rural. » . -
348 VARIA.
Le marquis de Villeneuve le prit à son service comme jardinier
et l'envoya dans une de ses propriétés du Var. Il adressait de là
aux pères de la Grotte des lettres édifiantes : « Je n'ai plus qu'une
chose en vue, écrivait-il : servir le bon Dieu, recourir à sa très
sainte Mère, qui m'a donné la santé. »
Les pères de la Grotte finirent par le prier d'accepter la garde
d'un chalet où sont soignés les pèlerins attendant leur guérison. Il
déguerpit moins d'un an après, nuitamment, après avoir fait main
basse sur 400 francs appartenant à ses protecteurs. C'est à Paris
qu'il revint encore. Cette fois, il se présenta à Sainte-Anne comme
atteint du délire des persécutions, puis à l'hôpital Broussais comme
alcoolique. " ' .
Il rentra finalement à Sainte-Anne avec un certificat de « débi-
lité mentale ». Il n'y resta que quelques jours. Une, nuit de
décembre, il s'en allait subrepticement, emportant 1,800 francs au
pharmacien en chef de l'asile, le Dr Quesneviile. Ce n'est que le
1°r mai 1894 qu'on parvint à l'arrêter. Il essaya bien de simuler la
folie. Mais, cette fois, personne ne s'y laissa prendre. Déclaré reis-
ponsable, il a été traduit devant le jury.
A l'audience, Delanoy proteste contre l'accusation de simulation
dont il est l'objet. Il affirme qu'il a été réellement alaxique et
qu'il doit sa guérison à la vierge. « Comment, s'écrie-t-il,
pourrait-on admettre qu'un ignorant comme moi ait pu tromper
si longtemps les princes de la science ? »
Pour les vols, il nie celui de Lourdes : « Je suis parti de Lourdes,
dit-il, parce qu'un père voulait absolument faire de moi un religieux
de la Grotte. Quant à la soustraction au préjudice de M. Quesne-
ville, voici ce qui s'est passé : Un matin en faisant la chambre de
M. Quesneville, j'ai trouvé une bouteille d'alcool, j'en ai bu plusieurs
verres, et sous l'empire de l'excitation alcoolique j'ai ouvert l'ar-
moire et j'ai pris un porte-monnaie. Le président. Combien
contenait-il ? R. Je n'en sais rien, je ne l'ai pas ouvert. »
Le président lui fait remarquer qu'il avait eu, cependant, le
temps de la réflexion, puisqu'il n'a élé arrêté que cinq mois après.
Il faut noter la déposition du D' Dubuisson, médecin en chef de
Sainte-Anne qui, malgré tous les certificats exhibés) n'a pas cru
à la réalité de la « folie » de Dalanoy et s'est refusé à l'admettre,
en fin de compte, dans son service, après quelques jours d'obser-
vation. On le garda comme domestique et il profita de cette
situation pour voler le pharmacien en chef. Delanoy est condamné
à quatre ans de prison. (Le Temps.)
Nous ne voulons pas insister sur le fameux miracle dont
Delanoy a été le héros. Il n'est pas le seul miraculé de son
genre, 11 appartient aune variété dont on pourrait citer d'autres
exemples. r ....
faits DIVERS. 349
THÈSES DE NEURO-P.1THGLOGIE ET DE Psychiatrie
DE la faculté DE Paris.
GAIINIER. Essai sur les écrits des aliénés. Jm. Contribution à
l'hystérie tardive (hystérie débutant chez le vieillard). HALl PRÉ.
La paralysie pseudo-bulbaire d'origine cérébrale. LEBL.is. De la
puberté dans l'hémiplégie spasmodique infantile. Mignon. Con-
tribution à l'étude de l'étiologie du syndrome de Basedow.
Vannier. Amyotrophie Charcot-Marie chez l'adulte. BOURGUI-
gnon. Des crises gastriques dans le tabes. l\IOUNDIC, Du délire
hypocondriaque chez les'épileptiques. GUERTIN. Essai sur le
rôle de l'infection dans les maladies du système nerveux central.-
BAU7.AN. Du traitement de l'alcoolisme et de la dipsomanie par la
strychnine : - BONNEMAISON. Contribution à l'étude du tatouage.
D'ANDRADE NEVES. Essai sur l'influence des états utérins sur le déve-
loppement de la folie. - MAUGUE. Contribution à l'étude de la
maladie de Raynaud. VAZELLE. Contribution à l'étude des frac-
tures chez les épileptiques. Marres. Les phobies. Etude de psy-
chologie pathologique. Bonnet. Le bilan de l'alcoolique. Etudes
sur les doses et les variétés individuelles dans l'intoxication par
l'alcool. Heroguelle. Contribution à l'étude du traitement de
l'état de mal épileptique. BÉZIAT. De la sciatique hystérique.
LE BECQ. Contribution à l'étude du traumatisme dans les attaques
d'épilepsie. Fayet. Les aponévroses cervicales. Amy. Essai sur
la maladie de Graves-Basedow. Ducroux. Contribution à l'étude
de la neurasthénie. Rapports de la maladie de Breard avec les mala-
dies infectieuses. LE Maître. Des états cataleptiques dans les
maladies mentales- Moricet. Contribution à l'étude des hyper-
trophies thyroïdiennes. - HODÉE. Contribution à l'étude des causes
de la prophylaxie etdu traitement de la morphinomanie.- CUARCOT.
Contribution à l'étude de l'atrophie musculaire progressive type
Duchenne-Aran ? AI"ILENOfF. Alauifestations oculaires de la syphi-
lis cérébrale.- M. LE FILLFATRE. Essai sur les troubles moteurs dans
l'alcoolisme aigu, subaigu et cérébro-spinal. - M. VIGNE. Relation
d'une épidémie de méningite cérébro-spinale. (Année scolaire 1894-
1895.)
FAITS DIVERS.
Hommage 9 la mémoire DE HACK 'I'UIE. Dans le but de perpé-
tuer le souvenir de HACK 'l'arc, le faire en conformité des idées
qui ont surgi toute sa vie, c'est-à-dire l'amélioration du sort des
350 faits DIVERS.
aliénés et les progrès de la neurologie et de la psycbiatrie, il a été
formé un comité, composé des aliénistes et des neurologistes les
plus distingués de la Grande-Bretagne. Ce comité a été d'avis que
le meilleur moyen d'honorer la mémoire de HACK TORE, était la
création d'un prix ou d'une médaille, destiné à encourager l'étude
de l'assistance des aliénés, de la psychiatrie ou de la neurologie.
Un appel est fait aux médecins de tous les pays. Les souscriptions
doivent être adressées au Irésorier du Comité le D'' Henry Rayner,
2, Harley Street, London, W. - ,
Alcoolisme. Le conseil général des Deux-Sèvres a adopté un
voeu déposé par M. Garran de Balsan, sénateur, demandant que le
.Parlement vote une loi rigoureuse contre les progrès de l'alcoolisme
et invitant les tribunaux à appliquer sévèrement les lois existantes
contre les falsifications ou altérations des boissons hygiéniques.
Asile d'aliénés DE la Roche-sur-Yon. Sur le rapport de
M. Albert Godet, différents devis supplémentaires, relatifs à l'asile
d'aliénés de la Roche-sur-Yon (Vendée); ont été approuvés au
conseil général de la Vendée; cependant le projet de' réfection
des bains de femmes a été ajourné à une date ultérieure.
Sorties prématurées DES aliénées. Le Petit Parisien du 15 sep-
tembre rapporte le fait suivant qui s'est produit à Agen : Une
femme âgée de quarante ans, nommée Zélie Delias, domestique
chez M. Soubirous, représentant de commerce rue Mirabeau, s'est
pendue hier soir dans sa chambre. La malheureuse était en proie
il une folie mystique intense; elle était sortie il y a quelques jours
de l'asile d'aliénés de Pulet.
- Souvent les journaux reprochent aux médecins aliénistes de
maintenir plus longtemps qu'ils ne le devraient les aliénés qui
sont confiés à leurs soins. Ce fait - et il serait bien facile d'en
citer d'autres montre que souvent, cédant aux instances des
familles, aux réclamations des conseils généraux qui trouvent
qu'on dépense trop pour les aliénés, et quelquefois par une
crainte exagérée des journaux, les médecins signent la sortie des
malades améliorés, mais dont l'amélioration estloindeserappro-
cher de la guérison. Les inconvénients de la sortie anticipée des
aliénés améliorés seraient considérablement atténués s'il exis-
tait des Sociétés de patronage ? Mais qui y songe maintenant ?
L'alcoolisme chez LES enfants. Les journaux politiques de
septembre ont rapporté le fait suivant : Le jeune Alphonse Ther-
rier, âgé de huit ans, demeurant à Verdigny (Cher), vient de
trouver la mort dans des circonstances singulières. Cet enfant, qui
avait un penchant pour l'alcool, se fit verser un demi-verre d'eau-
de-vie par un petit camarade. Therrier, l'ayant absorbé, rentra
. FAITS DIVERS. 351
ivre chez ses parents qui le couchèrent. Le lendemain matin, son
père trouva son fils inanimé. De l'avis du docteur, le malheureux
enfant a succombé à une congestion provoquée par l'ivresse. »
Plusieurs fois, nous avons noté dans l'histoire des enfants de
notre service des habitudes aussi déplorables qui, quelquefois,
ne sont point, par honte, signalées par les parents. Tous les ans
nous recevons des enfants ou des adolescents dont les troubles
intellectuels sont occasionnés par l'alcoolisme.
Assistance ET internement DES aliénés. Une vieille demoiselle
de soixante-dix ans, Jeanne Balangue, habitant Sauveterre (Pyré-
nées-Orientales), dont les facultés mentales laissaient beaucoup à
désirer, avait trompé la surveillance de sa famille et disparu de la
commune. Après de longues recherches, le cadavre de la pauvre
femme a été trouvé dans le gave d'Oloron, sur le territoire d'Oraas.
Toute idée de crime doit être écartée.
Une tentative de suicide, qui a failli coûter la vie à une mère
et à ses trois filleltes, a eu lieu hier soir, à 7 heures, dans le
faubourg du Pont-Neuf, à Poitiers. La dame C..., âgée de vingt-
huit ans, profitant de l'absence de son mari, a habillé de blanc ses
trois filles, âgées de sept, cinq et trois ans, puis, après avoir allumé
un réchaud garni de charbon et fermé sa porte à clef, elle fit cou-
cher ses enfants à ses côtés, sur le lit. L'asphyxie commençait à se
produire lorsque le mari arriva; trouvant la porte fermée, inquiet,
il s'informa. Rien, personne n'avait vu sa famille. Il enfonça une
vitre de la fenêtre et bientôt il pénétrait dans la chambre où le
terrible spectacle s'offrit à ses yeux. Il appela les voisins à son
secours ; les pauvres enfants et la mère, sans connaissance, furent
transportés dans une maison voisine où des soins énergiques leur
furent prodigués avec succès. Avant de mettre son funeste projet à
exécution, la femme C... avait laissé sur un meuble un billet annon-
çant sa fatale détermination. Cette malheureuse en est à sa troi-
sième tentative de suicide; elles sont attribuées à un trouble des
facultés mentales. (Petit Parisien, 31 août.)
La nuit dernière, vers deux heures du matin, la femme Jan-
vier, fermière aux Hautes-Brives, près de Mayenne, étant sortie
sans bruit du lit où elle se couchait avec sa fille, ses enfants se
mirent à sa recherche dès qu'ils s'aperçurent de sa disparition. Son
fils ayant eu l'idée de suivre la voie du chemin de fer voisine de la
ferme, ne tarda pas à découvrir le cadavre de sa mère en travers
des rails. La malheureuse avait été tuée par le train qui part de
Mayenne à quatre heures dix minutes ; les roues avaient passé sur
le cou et sur la face. La femme Janvier ne jouissait pas de toute sa
raison. On attribue sa mort à un suicide. (LePelit Parisien, 16 sept.)
3M faits divers.
La crainte de dépenser de l'argent pour se soigner, les résis-
tances des municipalités, des préfets qui. ajournent le plus
possible les placements, l'insuffisance des connaissances des
médecins en ce qui concerne l'étude la folie et qui leur fait trop
souvent croire à l'incurabilité, sont la cause des regrettables
accidents de ce genres Lorsque les aliénés sont traités comme
il convient, et l'un des meilleurs moyens de traitement est
l'isolement, c'est-à-dire le placement dans un asile, il y a sou-
vent de grandes chances, d'une amélioration sérieuse et même
d'une guérison, d'autant plus que le placement est fait à une
date plus rapprochée du début. On préfère dans notre pays
enregistrer des malheurs comme celui qui précède ou fabri-
quer des incurables.
- Le Petit Parisien du 15 septembre publie une dépêche en date
du 14 septembre, de Héricy ainsi conçue : M. Thierry Lemoine,
cultivateur, âgé de soixante-cinq ans, demeurant à Labrosse, com-
mune d'Héricy, s'est pendu hier dans sa grange, à la suite de pertes
d'argent. Ses facultés mentales s'étaient affaiblies et il avait déjà
tenté de mettre fin à ses jours par le même moyen :
Des faits de ce genre sont enregistrés quotidiennement par
les journaux politiques. Ils témoignent de l'insouciance des
familles, des administrations municipales et départementales
et même, hélas ! de l'ignorance des médecins. La grande majo-
rité de nos confrères ne sait rien ou à peu près rien des mala-
dies mentales. Sur quatre à cinq cents docteurs, reçus chaque
année il n'en est peut-être pas dix qui aient suivi durant
quelques semaines un service d'aliénés et ont pu acquérir
quelques notions sur la folie. ,
GARNIER (S.). Barbe Buvée. - En religion, soelll Sainte-Colombe et
la prétendue possession des Ursulines cl'rl u.a;otxe (1658-1663). Etude
historique et médicale d'après des manuscrits de la Bibliothèque natio-
nale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.' Préface de
M. Bourneville. - Volume in-8° carré de xvo-9G pages. - Papier vélin :
3 fr. ; pour nos abonnés, 2 fr. ; papier de Hollande : 5 fr. ; pour nos
abonnés, 3 fr. 75; papier Japon : 7 fr. ; pour nos abonnés, 5 fr.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
W reua, (;li. IIEwssev, imp. - 09 : i.
Vol. XXX. Novembre 1895. N° 105
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ASILES D'ALIÉNÉS.
NOTICE HISTORIQUE SUR LE DÉVELOPPEMENT
DE L'ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE;
, Par le D' PAUL SÉRIEUX,
Médecin adjoint à l'asile de Villejuif, chargé de mission en Allemagne.
On peut, pour en faciliter l'étude, distinguer dans l'histoire
du développement de l'assistance des aliénés en Allemagne
quatre périodes, sans prétendre d'ailleurs attacher à de pareilles
divisions, toujours plus ou moins arbitraires, une importance
qu'elles ne sauraient avoir. La première de ces périodes com-
prend le moyen âge : les fous sont justiciables des tribunaux,
de l'Église, et non de la science médicale. Dans la deuxième,
qui s'étend de la fin du xv° siècle aux premières années du
xix°, on ne voit dans les individus atteints de folie que des
sujets dangereux, et on les détient le plus souvent dans les pri-
sons. Les médecins commencent cependant à étudier les formes
diverses de la folie, mais l'assistance des aliénés reste encore
bien rudimentaire : c'est dans quelques villes seulement que
les hôpitaux ouvrent leurs portes à cette catégorie de malades.
Une troisième phase commence avec le début de ce siècle pour
finir vers l'an 1860 : les aliénés sont enfin considérés comme
des malades; on crée de tous côtés des établissements spéciaux
pour leur traitement et leur hospitalisation. La quatrième
période, qui se continue aujourd'hui, est caractérisée par le
développement et le perfectionnement de l'assistance des
aliénés. Celle-ci est complètement modifiée par l'application
Archives, t. XXX. 23
35 asiles d'aliénés.
des systèmes du non-restraint et de l'open-door, par l'exten-
sion donnée à la colonisation, à l'assistance familiale, etc., etc.
Nous ferons, au cours de cette brève étude, de nombreux em-
prunts aux travaux de M. Kirchhoff, de M. H. Laehr, de M. A.
Paetz, de M. Bothe1.
Pendant tout le cours du moyen àge, en Allemagne comme
ailleurs, les aliénés ne relèvent pas de l'art médical : il n'est
question ni d'assistance, ni de traitement. On laisse errer les
fous inoffensifs; ceux que les autorités estiment dangereux sont
jetés en prison. Le plus grand nombre, hallucinés, mélan-
coliques, hystériques, - considérés comme possédés du démon,
comme coupables de sorcellerie, sont livrés aux tribunaux.
Les exorcismes, les tortures, les flammes du bûcher, tel est
alors le sort de la plupart des aliénés. De pareils remèdes ne
font qu'activer le mal : de tous côtés éclatent de véritables épi-
démies de possession, de démonolàtrie, de démonopathie, de
sorcellerie. Les incubes, démons mâles, et les succubes, démons
femelles, jouent un rôle prépondérant dans le délire de ces
possédés. Vers la fin du xive siècle, dans le pays qui baigne le
Rhin, de Mayence à Cologne, quarante et une femmes, con-
vaincues d'être possédées du démon, sont condamnées au sup-
plice du fer 2. Dans le pays de Trèves, en quelques années, on
livre au supplice 6,500 fous3. Le contenu d'une bulle fulminée,
en 1484, par Innocent VIII, « indique que la démonolàtrie était
surtout enracinée alors à Cologne, Mayence, Trèves, Salzbourg,
Brème. Les frères de Saint-Dominique dressent des procédures
contre les hallucinées qui avouent se livrer à la copulation
avec des incubes, et les envoient au bûcher'' 1 i>.
1 Th. Kirchhoff. Grundniss einer Geschichle celer deulschezz Irren-
pflege. Hirschwald. Berlin, 1890.
IL Laehr. Gedenhlage der ]J,ychialrie, 4° éÙIt. Berlin, 1893.
Atbrticht Paetz. Die ]\olonisil'ltng der Geislesliranken in Verbizzdung
mit dem Offen-Thur System, Sprinter. Berlin, 1893.
Bothe. Die familiale Verpflegung Geislesliranken. Springer. Berlin,
1893.
' H. Dagonet. Traité des maladies mentales. Paris, 1894.
' V. Krafïl-Ebing. Lehrbztch der Psychiatrie, 3° édit. Stuttgart, 1888,
p. 42.
' Calmeil. De la folie considérée sous le point de vue pathologique,
philosophique, historique et judiciaire. Paris, 18î5.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 355
De 1484 à 1500, les a inquisiteurs d'rlllemaqne, dit Calmeil,
livrèrent au bras séculier une multitude d'indu indus qui avaient
la réputation de manger des enfants, et de rendre hommage
au prince des esprits nuisibles ». C'était chose rare de voir un
inquisiteur considérer un sujet inculpé de possession démo-
niaque comme en proie à des troubles cérébraux. Cependant
Nider (mort en 1440) est cité par Calmeil comme ayant admis
que certains individus, soumis à son examen, « étaient atteints
d'une manie provenant de l'état des instruments physiques ».
Dans ces cas exceptionnels, les fous échappaient au supplice ;
parfois ils trouvaient asile dans un couvent; on cite, entre
autres, le monastère des « Alexianer » , à Cologne, comme
ayant déjà recueilli quelques aliénés, dès la fin du xIn° siècle.
Les conceptions erronées sur la nature et les causes de la
folie se perpétuent encore au cours de la deuxième période;
mais déjà d'autres opinions commencent à se faire jour, et,
dans différentes villes, les aliénés échappent aux flammes plus
souvent que par le passé. Ils sont alors détenus dans les pri-
sons ; parfois même ils trouvent asile dans quelques établis-
sements hospitaliers. Au milieu du xvi° siècle, Jean de Wier
(1515-1588), célèbre médecin hollandais, adresse une requête
à l'Empereur pour lui demander qu'on cesse de répandre le
sang des ensorcelés et des possédés ; il défend la même thèse
dans son livre De proestigiis dsemonum et de lamiis. Ce n'est
pas cependant qu'il ose nier toute intervention diabolique dans
les manifestations de la folie. 11 fait, en effet, jouer un rôle aux
esprits dans la plupart des cas d'hallucinations, il croit encore
aux maléfices des démons ; mais il soutient que les fous, abusés
par Satan, ne doivent pas être crus quand ils s'accusent eux-
mêmes. Félix Plater (130-lGlr), qui a laissé d'importants tra-
vaux de pathologie mentale, qui a défini et décrit l'idiotie, le
crétinisme, les délires toxiques, la manie, la mélancolie, Félix
Plater admet cependant encore, en 1602, l'influence des démons
dans certains états de délire. Sennert (1572-1637), dont la
Pî,actica Medicina contient des vues exactes sur le pronostic
des maladies mentales, sur la manie et la mélancolie', dis-
' Laehr. Loc. cil. '
356 asiles d'aliénés.
tingue cependant, lui aussi, la folie ordinaire et la folie démo-
niaque. « Il reconnaît une variété d'extase provoquée par des
influences diaboliques, et croit que, grâce à l'intervention du
démon, les lycanthropes possèdent en réalité la forme d'un
loup » -
Si des médecins aussi distingués partageaient à ce point les
préjugés populaires, il n'y a pas lieu de s'étonner en voyant
encore instruire, jusqu'au xviu0 siècle, des procès de sorcel-
lerie.
Le sort des aliénés jetés dans les prisons n'était guère plus
enviable que celui des hallucinés, considérés comme possédés
du démon et livrés aux tribunaux. Confondus avec les crimi-
nels, entassés dans des loges étroites, dans de véritables
cachots, sans air, sans lumière, sans vêtements, parfois sans
nourriture suffisante, chargés de chaînes, les aliénés étaient
abandonnés à la brutalité de leurs geôliers. Souvent on les
enfermait dans des tours, faisant partie de l'enceinte fortifiée
des villes; on venait, à certains jours, visiter ces « tours des
fous » ( ? ari-enthii2,meîi) ; derrière leurs barreaux, ces malheu-
reux étaient livrés, comme les bêtes d'une ménagerie, à la
curiosité et aux risées de la foule.
Cependant, dans quelques villes, le sort des aliénés était
enfin devenu moins rigoureux. Déjà, en z1326, la ville d'Elbing
(Allemagne du Nord) aurait recueilli dans une section spéciale
d'une léproserie, quelques sujets atteints de folie; mais il faut t
arriver à la fin du xve siècle pour voir, en différentes villes, les
fous admis dans les hôpitaux. En 1460, à Nuremberg, on fonde
un bâtiment qui leur est spécialement consacré (Nal'ren/¡aÜs-
lein). En 1477, à Francfort-sur-le-Mein, un quartier spécial
leur est réservé dans l'hôpital. A Brunswick, en lëïi8, on
enferme quelques fous à l'hôpital Beatx illariæ Virginies; à
la fin du xvie siècle, on annexe à l'hôpital quelques cabanons
pour les aliénés agités ; ceux qui sont paisibles vivent en com-
mun. Il en est de même à Esslingen (·lG4lr), u Coblence, à
Lipplingen, où l'on réunit aliénés et incurables dans une
léproserie inoccupée par suite de la disparition de la lèpre
(Virchow). A Wurzbourg, le prince-évèque, fondateur de
l'hôpital Julius (1576), avait spécifié qu'aucune catégorie de
malades ne devait être exclue de cet établissement : aussi
1 Marcé. Traité pratique des maladies mentales. Paris, 1862.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 337 7
admet-on les aliénés au rez-de-chaussée d'un des bâtiments
de l'hôpital. On peut voir encore aujourd'hui les vastes salles
voûtées et solidement construites qui, depuis trois siècles,
servent de quartier d'aliénés pour une trentaine de malades :
c'est un des premiers établissements d'hospitalisation des
aliénés en Allemagne.
En z1608, à Hambourg, on garde les aliénés dans l'hospice
« Pesthof ». Au milieu du siècle, l'hôpital de Brunswick
est chargé, non seulement de recevoir les aliénés, mais de
subvenir aux besoins de ceux qui ne sont pas internés. En 1677,
dans la même ville, les fous sont soumis au travail comme les
détenus avec lesquels ils sont confondus.
Au cours du xvm° siècle, dans divers États allemands, des
règlements sont édictés en vue de pourvoir à l'hospitalisation
des sujets atteints de maladies mentales. En -170, d'après un
règlement d'assistance publique publié à Berlin, les aliénés
indigents doivent être gardés gratuitement; les fous non
furieux disposent d'un logement convenable; ils peuvent aller
et venir dans l'établissement. Le roi Frédéric 1er, en z1-109,
donne l'ordre d'interner les fous à l'hôpital Dorothée, mesure
qui fut appliquée en 1711. A Wurzbourg, le prince-évêque de
Schoenborn décrète (mai 1743) que les délirantes et simul
furiosi seront dorénavant internés dans un quartier spécial de
l'hôpital Julius, tandis que les placidi délirantes et non furiosi
resteront dans les hôpitaux des districts. Le sort des aliénés
s'améliore également dans le duché de Brunswick. A l'hôpital
Saint-Alexis de Brunswick, on semble s'être préoccupé de la
question du traitement. Les instructions de 1749 sont inspirées
'par des vues humanitaires, alors bien peu répandues : « Il y
a des exemples, y lit-on, qui montrent que par l'intervention
de la médecine et par d'autres mesures utiles, on est arrivé à
guérir des aliénés. » Le médecin est tenu de visiter les malades
deux fois par semaine; il lui est recommandé de consulter, en
cas de besoin, le Collège médical; il lui appartient de décider
si les aliénés sont ou non susceptibles de travailler. On recom-
mande la douceur aux gardiens,; des détenus sont employés à
habiller, à alimenter, à donner les soins de propreté aux
malades. Le médecin reçoit une gratification de 5 thalers par
guérison. Une fois celle-ci obtenue, le médecin délivre, sur la
demande du sujet guéri ou des parents de ce dernier, un certi-
ficat constatant l'absence de troubles intellectuels. Il rédige en
358 asiles d'aliénés.
outre un rapport qui est remis au directeur de l'établissement
afin d'être transmis, pour approbation, au gouvernement
ducal. A Rockwinkel, près Brème, des tentatives sont égale-
ment faites pour améliorer la situation des aliénés (1764). A
Halle, une instruction de 1787 défend aux gardiens de tour-
menter les mélancoliques, de les irriter ou de les frapper. A
Wurzbourg, on procède, de 1785 à 1790, à la séparation des
sujets curables et incurables. En 1798, un quartier spéciale-
ment consacré aux aliénés est organisé à l'hôpital de la Cha-
rité de Berlin.
Malgré ces tentatives, le sort de ces malades, à la fin du
siècle dernier, restait bien misérable, comme le révèlent les
protestations de Reil. La plupart étaient encore détenus dans
des établissements pénitentiaires. C'est alors que la réforme
opérée par Pinel en France, eut son écho dans tous les pays
civilisés et qu'un mouvement général se produisit en Alle-
,rniié : : eri faveur de l'assistance des aliénés.
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3's'qii'alors, les sujets atteints de folie avaient été générale-
" ment considérés comme incurables : sauf quelques exceptions,
on se contentait de les mettre hors d'état de nuire, de les
enfermer. La troisième période de l'histoire de l'assistance des
aliénés, période scientifique, ne commence qu'au début
du xixc siècle avec Langermann ('1768 ? 832) et Reil ('1759-1813).
C'est à ces deux médecins que l'on doit l'inauguration du trai-
tement rationnel des maladies mentales dans des asiles spé-
ciaux ; ils eurent aussi le mérite d'insister sur l'importance
thérapeutique du travail, si bien mise en évidence par Pinel
en 1801, dans son Traité médico-philosophique sur l'aliénation
mentale, traduit en allemand la même année par Wagner.
. Reil, en 1803, publie à Halle ses Rltapsodieen, travail
devenu classique, sur le traitement psychique des maladies
mentales. Il y trace une émouvante description de la condition
lamentable des aliénés et rapporte l'opinion de J. Franck :
'» Ceux qui ont visité les maisons d'aliénés en Allemagne, dit
Joseph Franck, se rappellent avec effroi ce qu'ils ont vu. On
'est saisi d'horreur en entrant dans ces asiles du malheur et de
l'affliction; on n'y entend que les cris du désespoir... C'est
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 359
une chose effroyable que de se voir assailli par des malheureux
couverts de haillons et dégoûtants de malpropreté, tandis
qu'il n'y a que les chaînes, les liens et la brutalité des gar-
diens qui empêchent les autres de s'approcher z maux
Andrée, ajoute Esquirol, dit la même chose, en 1810, des
aliénés et des établissements qui leur sont consacrés en Alle-
magne. »
Reil montre en outre l'importance du traitement moral, et
dès 1805, il entreprend avec Kaissler la publication d'une
Revue de thérapeutique des maladies mentales. Dans ses Iihap-
sodieen et dans son étude sur l'Organisation des établissements
destinés aux incurables (1811), Reil, alors professeur de clinique
interne à Berlin, déclare que ces asiles doivent posséder un
domaine agricole, des jardins, du bétail... : placés en dehors
des villes, ils seront organisés sous forme de fermes composées
d'un bâtiment principal et d'un certain nombre d'habitations
plus petites, disséminées dans le voisinage. Reil.recommande
pour les aliénés les occupations en plein air, les travaux agri-
coles : « le travail, dit-il, entretient la santé, favorise le som- ?
meil et amène l'oubli des idées délirantes 2. » Il est 'partisan de.,
faire bénéficier les malades de la plus grande liberlé : posiblè ?
de leur procurer des distractions par des concerts, dés rpré- . -' :
sentations théâtrales. Dans la deuxième édition de ses 7ajb-- '.
sodieen (1818), Reil crilique les murailles élevées dont on
entoure les asiles; il réclame des murs à hauteur de la poitrine,
surmontés d'une grille, afin que la vue ne soit point limitée.
A Langermann, déjà connu par sa thèse De methodo cognos-
cendi cli ? la71dique animi morbos stabilienda (Iéna, 1797), revient
l'honneur d'avoir le plus vigoureusement réagi contre le pré-
jugé de l'incurabilité de la folie, et d'avoir créé, en 1805, le
premier « établissement de traitement x (/7e</a) ! a/<) pour les
sujets atteints de maladies mentales curables. La renfermerie
de fous fondée en 1791, à Bayreuth, par le margrave Alexandre,
fut transformée par lui, de 1805 à 1810, en un véritable hôpital
d'aliénés. Tous les malades, sauf les agités, y furent occupés
à des travaux divers ; les moyens de contention, dont on avait
tant de tendance à abuser, ne furent plus employés qu'à titre
1 Esquirol. Des maladies mentales, t. II, p. 401.
1 En 1804, Glawnim directeur depuis 1784 de l'asile d'aliénés de
Brieg (Silésie), conseille d'installer les asilesNen pleine campagne, afin
de pouvoir employer les malades aux travaux agricoles.
360 asiles d'aliénés.
d'exception; un chirurgien résidait dans l'établissement; le
médecin y faisait une visite quotidienne; les bains, l'électricité
galvanique, la musique étaient parmi les procédés de traite-
ment. Les aliénés incurables furent hospitalisés dans un asile
spécial (P(legeal1stalt) à Schwabach. On avait enfin décou-
vert, comme le dit Griesinger, que les aliénés étaient curables.
Appelé en z1810 à Berlin, en qualité de directeur des affaires
médicales, Langermann usa de son influence auprès du
ministre du royaume de Prusse, pour organiser dans ce pays
l'assistance des aliénés. Il réclame, en 1812, la suppression du
quartier d'aliénés de la Charité, à Berlin, et son remplacement
par un asile de 120 malades, auquel seraient annexés un
domaine agricole et des jardins. On lui doit la fondation des
premiers asiles de traitement prussiens de Siegburg (182o);
dirigé par Jacobi ; et de Leubus (1830), dirigé par Martini. Des
asiles de traitement avaient déjà été créés en Saxe, à Sonnens-
tein (1811), et à Schleswij (1820). A Sonnenstein, Pienitz,
parent de Pinel, élève de ce maître et d'Esquirol, et partisan
convaincu de l'emploi du travail comme agent thérapeutique,
donnait tous ses soins à occuper le plus grand nombre possible
de ses malades.
L'exemple donné par Reil et Langermann fut suivi par un
certain nombre de médecins, entre autres par IIeinroth et par
IIorn. Ce dernier, médecin du quartier d'aliénés de la Charité
à Berlin, y enseigna la psychiatrie jusqu'en 1818. « Cette cli-
nique, dit J.-P. Falret, faite par ce médecin célèbre à une
époque où l'attention générale était encore si peu attirée sur
le sort des aliénés, servit puissamment la cause de ces infortu-
nés. » IIorn recommande le travail comme un des plus actifs
parmi les agents thérapeutiques à employer chez les malades
curables, et comme un moyen palliatif chez les incurables.
« Le travail, dit-il, doit être assidu, nécessiter toute l'atten-
tion du palient, être exécuté d'une façon régulière et sous une
surveillance constante ».
Heinroth, élève de Pinel, enseigna le premier la psychiatrie
en Allemagne (Leipzig, 1811-1843). Il fut le représentant le
plus célèbre de l'Ecole spiraYualiste ou psychologique pour
laquelle la folie n'était qu'une maladie de l'âme, engendrée
par le vice et la dépravation. Heinroth se montrait cependant
partisan de l'emploi du travail comme moyen thérapeutique.
« C'est, disait-il en 1825, la médication universelle des malades,
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 361
médication qui doit être instituée dès que l'agitation est cal-
mée. » Bergmann, en 1828, recommande également le travail
pour tous les aliénés quelles que soient leur situation sociale,
leurs habitudes antérieures. En même temps que s'organisait
à Leipzig et à Berlin l'enseignement clinique des maladies
mentales, Nasse fondait à Bonn en 1818, une Revue pour les
médecins aliénistes (Z eitsch1'1ft (UI' psychische Ael';le),
La grande réforme accomplie en France par Pinel, et en
Angleterre par Tuke, lorsqu'ils supprimèrent les chaînes des
aliénés, fut assez lente à se propager en Allemagne. L'influence
de conceptions erronées sur la nature de la folie se traduisit
pendant longtemps par l'emploi de moyens de contention, de
mesures de répression, de procédés d'intimidation. Les coups,
les douches, les machines rotatoires, les cages mobiles, ana-
logues à celles des écureils, les chaînes, les entraves, les col-
liers, les ceintures faisaient partie des moyens de traitement
et de l'arsenal de la plupart des asiles. Esquirol parle de la
i fécondité incroyable des Allemands, au point de vue de l'in-
vention d'instruments destinés à contenir les furieux* ». Dans
certains asiles (Sonnenstein) on se servait comme gardiens de
condamnés à de légères peines correctionnelles. 4 leil, Joseph
Franck, Andrée se plaignent de l'insuffisance et de la brutalité
des serviteurs » (Esquirol). Hayner, en 1S8 i, s'éleva énergi-
quement contre l'abus des moyens de contention et spéciale-
ment des chaînes et des fauteuils de force. Mais ce ne fut que
dans les établissements les mieux dirigés que ces moyens d'un
autre âge furent remplacés par l'emploi de la camisole.
De nouveaux asiles de traitement furent fondés en 1830, à
Sachsenberg (Mecklembourg), sous la direction de Flemming,
et en 1834 à Winnenthal (Wurtemberg) sous la direction de
Zeller.
En dehors des considérations théoriques qui présidèrent à la
création d'établissements spéciaux de traitement pour les alié-
nés curables, intervenaient des raisons d'un autre ordre.
Comme Griesinger le fait remarquer, on voulait n'appliquer,
les nouvelles tentatives de réforme, très coûteuses, que pour
les sujets curables : « on organisa donc pour eux des. asiles
1 Encoie au milieu du siècle, nous voyons le D' Picht, directeur de
l'asile de Stralsund, tout en réprouvant l'usage des coups, l'aire quelque-
fois appliquer en sa présence quelques coups d'une verge- de bouleau.
Ce châtiment produisait, païaîl-il, des miracles de propreté (Annal,
médico-psyciiol., 1817, p. 291).
362 asiles d'aliénés.
entièrement neufs, tandis que les asiles anciens qui parais-
saient tout à fait insuffisants pour que l'on pût y placer des
malades guérissables, furent transformés en hospices ou mai-
sons de refuge. On comprit que l'organisation des asiles où l'on
recoit des incurables doit être essentiellement différente sous
certains rapports de celle des établissements destinés au trai-
tement des cas récents... enfin c'est aussi dans le but d'ap-
prendre au public que l'on peut guérir la folie, que l'on créa
des hôpitaux actifs d'aliénés où l'on obtient des guérisons
relativement fréquentes et rapides. »
Bientôt l'augmentation du nombre des aliénés assistés ne
tarda point à rendre insuffisants, et les établissements récents
réservés aux cas aigus, et les anciens asiles transformés en
hospices pour les incurables. D'autre part, on s'aperçut de cer-
tains inconvénients résultant de l'existence de deux catégories
distinctes d'établissements, asiles de traitement et asiles d'hos-
pitalisation.
Roller et Damerow se prononcèrent catégoriquement contre
ce système, et luttèrent pour la réunion des hôpitaux de trai-
tement (Heilanstalt) aux asiles d'hospitalisation (Pflegeanstalt).
Les établissements d'aliénés mixtes prirent alors un nom
indiquant leur double destination, nom qu'ils portent encore
aujourd'hui : ce furent des Heil-und Pflegeanstalten, Ce n'est
pas à dire qu'on eût renoncé à la séparation des malades en
deux catégories distinctes : curables et incurables. Au con-
traire, l'asile d'aliénés, tel qu'on le concevait alors, était essen-
tiellement constitué par deux établissements plus ou moins
indépendants, mais situés sur le même terrain, possédant les
mêmes services économiques, la même direction médicale et
servant l'un d'hôpital pour les cas aigus, l'autre d'hospice pour
les chroniques. Les asiles deMarsberg(1835), d'Illenau (1842),
de Nietleben (1844), de Munich (lSÙ9) furent construits sur ce
plan.
Plus tard, une nouvelle transformation se produisit : la
séparation des deux parties de ces asiles devint plus fictive que
réelle (Griesinger), et par la force des choses, une association
plus étroite, la confusion même des deux éléments consti-
tuants de l'établissement finirent par se réaliser.
L'organisation matérielle des asiles était également en pro-
grès. Au début, on avait installé les aliénés dans de vieux cou-
vents, dans des châteaux adaptés tant bien que mal à leur
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 363
nouvelle destination. Puis on construisit de vastes bâtiments
de forme massive, se rapprochant plus des asiles anglais à
allures monumentales que des asiles français. Ces construc-
tions, rappelant en général la disposition d'une caserne à un,
deux ou trois étages, étaient plus ou moins étroitement réunies
les unes aux autres par des corridors fermés, des vérandas,
ou des galeries couvertes. « Au centre, dit Griesinger, se trou-
vent quelques bâtiments de deux ou trois étages, dans lesquels
sont réunis les parloirs, les bureaux, la chapelle, la cuisine,
la buanderie, les magasins, les logements des employés; de
chaque côté part une aile à deux étages, droite ou faisant
retour, contenant les différentes sections de convalescents, de
pensionnaires, de malades tranquilles... A l'extrémité de ces
ailes se trouvent de petits bâtiments à un seul étage, aussi
éloignés que possible du centre, qui renferment les cellules
pour les malades agités que l'on isole. »
Au point de vue du plan général de chaque quartier, un
vaste et large corridor, sur lequel s'ouvraient les chambres de
réunion et les dortoirs, occupait toute la longueur de chaque
bâtiment (Système du corridor).
Au milieu de ce siècle, l'assistance des aliénés avait donc
réalisé en Allemagne de réels progrès. La psychiatrie ne s'éga-
rait plus dans le domaine stérile des discussions philosophi-
ques. L'Ecole somatique s'élevait en face de l'école spiritua-
liste. Les travaux de Griesinger eurent, entre autres, un grand
retentissement. En 181, parut la première édition de son
Traité des maladies mentales, réédité ensuite en 1861'. Grie-
singer établit les conditions auxquelles doit satisfaire un éta-
blissement d'aliénés. Il veut que, dans la mesure où le permet
sa destination spéciale, l'aménagement intérieur de l'asile dans
son ensemble diffère aussi peu que possible d'une grande
maison particulière. C'est pour lui la loi fondamentale qui doit
présider à la création d'un établissement de ce genre. 11 recom-
mande d'éviter de prolonger l'isolement des malades ; il réclame
de grands ateliers, des jardins vastes, agréables, pourvus d'une
gymnastique, d'un jeu de quilles, etc.; il demande un infir-
mier pour six à dix aliénés. a On devra, dit-il, accorder aux
malades autant de liberté que leur état le permet..., on les
, 4
' Griesinger. Traité des maladies mentales. 1861. Trad. franc. Paris,
1865. .
364 asiles d'aliénés.
traitera avec bonté..., enfin on cherchera plutôt à les distraire
et à les égayer, en évitant avec soin les mesures trop sévères
ou les règlements qui rappellent la discipline de casernes. »
J. P. Falret, qui visita en 1845 l'asile d'Illenau dirigé alors
par Roller, un des représentants de l'école somatique, fait
ressortir dans sa description « l'excellence des principes qui
ont présidé à l'organisation de cet établissement ». Il loue la
façon dont sont organisés le service médical et le service admi-
nistratif ; il montre la part importante donnée aux travaux de
culture, aux exercices de l'intelligence, aux réunions hebdo-
madaires, à la musique, aux promenades dans les environs,
voire même à de véritables excursions. Il insiste sur le rôle
considérable accordé au traitement individuel, physique et
moral 1.
De même, Moreau (de Tours), à la suite d'un voyage en
Allemagne, en 1854, remarque « les soins éclairés, l'active
sollicitude dont les aliénés sont l'objet, l'émulation qui paraît
régner entre les divers États pour procurer à ces infortunés la
plus grande somme possible de bien-être 2. »
Depuis une trentaine d'années, grâce à une organisation
médico-administrative excellente, grâce à une connaissance
exacte des progrès réalisés à l'étranger, en France et en
Grande-Bretagne, grâce surtout à la vigoureuse impulsion
imprimée aux études de psychiatrie dans les nombreuses
Universités d'Allemagne, l'assistance des aliénés a subi dans
ce pays une transformation suffisante pour justifier la descrip-
tion d'une quatrième période. La conception de l'asile d'aliénés
s'est en effet modifiée à mesure que s'imposaient les systèmes
de l'open-door et du non-restraint, à mesure que se formu--
laient plus nettement les exigences, trop longtemps mécon-
nues du traitement rationnel des maladies mentales. Pour
donner satisfaction aux desiderata de la science psychiatrique
1 J.-P. Falret. Des maladies mentales et des Asiles d'aliénés. Paris,
186'r. ! Moreau de Tours. Réflexions sur la médecine psychiatrique en
Allemagne,. Annal, médico-psych., t85t, p. 'r28 et 615.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 365
moderne, pour appliquer ce traitement individuel que récla-
ment, au même titre que les autres malades, les sujets atteints
de psychoses,"d'importantes réformes furent réalisées ou sont
actuellement en voie de l'être. Citons rapidement la création
de petits hôpitaux de traitement et de vastes colonies agricoles,"
la grande extension donnée au traitement en liberté, à la colo-
nisation, à l'assistance familiale des aliénés, l'abandon presque
complet de tous les moyens de contention, la transformation
de la constitution matérielle des asiles, l'aménagement de
plus en plus perfectionné des pavillons de surveillance, la géné-
ralisation du traitement des psychoses aiguës par le lit, la
réaction contre l'isolement cellulaire, la création d'établisse-
ments spéciaux, sous forme de colonies, pour les épileptiques,
les buveurs, etc., etc.
En 1839, John Conolly, médecin anglais, donnant aux prin-
cipes émis par Pinel leur extension la plus large, supprima,
d'une façon systématique, tous les moyens de contention
(camisole de force, entraves), employés dans les asiles d'alié-
nés. Cette réforme mémorable connue sous le nom de système
du non-restraint, rompait trop ouvertement avec la routine
pour être acceptée d'emblée 'en Allemagne comme ailleurs'.
En 18o8, le D'' Brosius défendit la pratique du non-restraint
au Congrès de Carlsruhe; et il donna, en z1860, la traduction
de l'ouvrage de Conolly. Ludwig-Meyer appliqua le non-res-
traint d'une façon systématique à Hambourg, de 1861 à 1863.
Griesinger se prononça en sa faveur en 1861, l'adopta à l'asile
de Zurich en 1864 et l'introduisit, non sans difficulté, à la
Charité de Berlin (1867). Westphal, Gudden, Cramer, Zinn,
Koeppe, se déclarèrent également partisans de la suppression
des moyens de contention. Actuellement l'emploi de ces
derniers est tout à fait exceptionnel en Allemagne : on a même
cessé de discuter sur le non-restraint, partout mis en pratique.
Au cours de nos visites dans un grand nombre d'asiles publics,
nous n'avons point vu un seul malade qui fût revêtu de la
camisole de force.
A peu près vers la même époque (1861), Griesinger revenait
sur la question de la séparation des curables et des incurables.
On avait alors presque partout renoncé, en Allemagne, non
' llayner, en 1817, s'était déjà prononcé contre l'abus de la camisole
de force : il ne voulait pas qu'on l'employât plus de quelques heures.
366 asiles d'aliénés.
seulement aux asiles distincts pour ces deux catégories d'alié-
nés, mais encore à répartir les malades, dans chaque établis-
sement, d'après leur curabilité. Il existait en effet, en 1852, en
Allemagne et en Autriche, 47 asiles mixtes, 8 asiles de traite-
ment, et 27 hospices d'aliénés chroniques. Les établissements
de traitement contenaient d'ailleurs, et contiennent encore
maintenant, une forte proportion d'incurables 1. Les hospices
de chroniques ne servaient qu'à débarrasser les asiles mixtes
de l'excédent de leur population. Griesinger se déclara néan-
moins partisan d'établissements distincts pour les curables et
les incurables. D'après lui, « il était prématuré de vouloir
rejeter d'une manière absolue le système des hôpitaux actifs
proprement dits' ». « Un modo bien entendu d'assistance pu-
blique des aliénés, dit-il, doit satisfaire à deux conditions essen-
tielles ou, si l'on veut, doit comprendre deux espèces principales
d'asiles, qui doivent être absolument séparés parce qu'ils doi-
vent avoir une situation, une distribution et une organisation
complètement différentes, les malades devant faire dans les
uns un séjour exclusivement transitoire ; dans les autres, un
séjour prolongé3. »
Griesinger demandait en conséquence la création pour les
aliénés de trois catégories d'établissements : 1° un hôpital
urbain destiné à admettre le plus promptement possible les
cas aigus; 2" une colonie agricole pour les aliénés chroniques
capables de travailler et n'ayant pas besoin de soins médicaux
constants; 3° un hospice pour les aliénés infirmes.
L'hôpital de séjour transitoire pour les cas aigus devait,
d'après Griesinger, être situé aussi près que possible d'une
grande ville (Stadtasyl), n'avoir point l'aspect d'une caserne.
et pour cela être formé de pavillons détachés. Un grand
nombre d'aménagements indispensables aux asiles de chro-
niques, tels qu'ateliers, théâtre, salle de gymnastique, jeux
de boules, etc., étaient inutiles pour l'hôpital urbain. Le nom-
bre des lits, ne devait pas dépasser 100 à 120; et même, si le
mouvement était assez actif 60 à 80. « C'est en effet à peine,
' L'asile de traitement de Sonnenstein renfermait, en 1879, 48 p. 100
d'incurables.
' Griesinger. Loc. cit.
3 Griesinger. Uber J¡'l'enal/slatten und del'en 1Veite¡'-EntwicJ.'elung in
Deulschlancl. Arch. f. Psychiatrie 1, 18G7 (Annal, médic. psychol., 1868,
p. 45(;)..
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 367
dit Griesinger, si un seul médecin peut suivre exactement et
traiter activement d'une manière sérieuse un chiffre aussi
considérable ('100) d'aliénés. » (Traité des maladies mentales,
p. 578). Un pavillon spécial était réservé aux malades ayant
besoin d'une surveillance permanente, et aménagé en vue de
cette destination. Les autres pavillons devaient comprendre
des salles de réunion, des salles à manger gaies et bien déco-
rées, et un grand nombre de chambres à un lit. La durée du
séjour des aliénés dans l'asile urbain devait être courte, et-ne
pas dépasser un an. Dans les villes universitaires, cet hôpital
devait servir de clinique de psychiatrie '.
Les vues émises par Griesinger turent l'objet de nombreuses
critiques, de la part, entre autres, de M. H. Laehr. et de
M. Brosius. Dans ces derniers temps cependant, la thèse de
Griesinger a trouvé de nouveaux défenseurs. Le professeur
Kraepelin se base sur les exigences bien distinctes du traite-
ment médical des psychoses aiguës et de la colonisation des
formes chroniques, pour demander la création de deux sortes
d'établissements. Les uns, situés dans les villes, ne possédant
qu'un nombre de lits très restreint, serviraient de bureau
d'admission, d'hôpital de traitement, et, le cas échéant, de
clinique de psychiatrie. Les autres, plus vastes, installés en
vue d'un séjour prolongé, pourraient être placés à une cer-
taine distance des villes. L'asile urbain transférerait dans
rétablissement d'hospitalisation les malades pour lesquels le
séjour à l'hôpital de traitement ne serait pas, ou aurait cessé
d'être nécessaire.
Le professeur Meschede 3 est également partisan de la créa-
1 Le programme de Griesinger se rapproche sensiblement des concep-
tions formulées antérieurement par Esyuirol. « Peut-titre, dit Esquirol,
conviendrait-il de faire un petit nombre d'établissements dans chacun
desquels on pourrait téujir 150 il 200 aliénés mis en traitement; ces
établissements serviraient de modèle d'école d'instruction, et d'objet
d'émulation pour les autres maisons. On ne serait admis dans ces éta-
blissements qu'à des conditions particulières... : 1° l'aliéné, pour être
admis, ne devrait point avoir été traité ailleurs; 2° sa maladie ne devrait
dater que d'un an au plus; 3° aussitôt qu'il serait reconnu incurable, il
serait renvoyé; 4° il ne pourrait rester plus de deux ans dans l'hôpital
ou l'asile. Je dis deux ans, l'expérience m'ayant prouvé qu'il guérit
presque autant d'aliénés dans le cours de la seconde année depuis l'inva-
sion de la maladie, que dans la première. (Esquirol. Traité des maladies
mentales, t. il, p. 'r01. Paris, 1838.
2 Il. Laehr. Forlschril-Mcksclerill. Berlin, 1868. '
3 Meschede. Uber Errichlung gelrennler Anslallen sur heilbal'e und
unheilbare. Auget. Zeitsch. sur Psychiatrie, 1894, t. Ll, f. 1.
368 asiles d'aliénés.
tion dans les grandes villes de petits hôpitaux d'aliénés. Il
constate que dans les établissements de ce genre le nombre des
admissions de sujets curables est plus considérable que dans
les asiles ordinaires (59,79 d'aliénés curables à l'asile clinique
de Koenigsberg). Il en conclut que le public manifeste de la
répugnance à placer les aliénés dans les établissements ordi-
naires, encombrés d'incurables, tandis qu'il hésite moins long-
temps à les faire traiter dans une'clinique de malades curables.
Or on sait que ces atermoiements ont pour résultat d'entraîner
l'incurabilité. M. Meschede propose en conséquence la fonda-
tion d'établissements de traitement des maladies mentales.
Le principe des quartiers de surveillance continue, exposé
par Parchappe en '18531, ne fut appliqué que plus tard en
Allemagne. L'asile de Hambourg possédait en 1864 une sec-
tion de surveillance. Gudden, en 1867, fait allusion à la
nécessité de la surveillance continue des mélancoliques à idées
de suicide, ainsi que des sujets atteints de psychoses aiguës.
Griesinger, en 1868, déclare que 25 p. 100 des aliénés traités
dans l'hôpital urbain qu'il réclame auront besoin d'une sur-
veillance permanente et de locaux ad hoc.
Le pavillon d'admission et de surveillance devait comprendre,
d'après Griesinger, deux grandes salles (infirmerie et salle de
surveillance), des chambres d'isolement pourles agités, une cel-
lule matelassée, une salle de bains, une salle-lavabo. Chaque
malade nouvellement admis devait rester en observation dans
ce quartier spécial, au moins durant quelques jours. En 1869,
Gudden parle, dans son rapport annuel, de l'organisation
d'une salle de surveillance permanente où il réunit certaines
catégories de malades. Scholz installe, en 1876, un quartier de
surveillance continue à Brème, et L. Meyer organise en'1877,
à Marbourg, une section clinique de surveillance. Il en est de
même à l'asile de Nietleben, à la Charité de Berlin. En 1880-
1883, le Dr Paetz fait construire à Alt-Scherbitz le premier
pavillon de surveillance spécialement adapté à son but, avec
aménagement particulier en vue du traitement par le lit2 ; un
autre pavillon distinct est réservé aux aliénés atteints d'affec-
' Parchappe. Des principes à suivre dans la fondation et la construc--
tion des asiles d'aliénés. Paris, 1853.
z Nous avons donné une description de ce pavillon dans notre travail
sur l'Assistance des alcooliques en Suisse, en Allemagne et en Autriche.
àlontévraiii, 1894.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 309
tions somatiques (infirmerie). La question des pavillons d'ad-
mission et de surveillance fut étudiée de nouveau, en 1885, au
Congrès des médecins aliénistes de Baden-Baden par Gudden,
en z1887, par M. Paetz au Congrès de Wiesbaden, et tout
récemment par M. Kraepelin, qui a organisé à la clinique de
Heidelberg, une section de surveillance continue, comprenant
le tiers du chiffre total des lits, et affectée aux psychoses aiguës
nécessitant un traitement actif ou une surveillance perma-
nente (mélancoliques, malpropres, maladies incidentes). « C'est,
disait Parchappe en 1864, par le perfectionnement successif
du classement des aliénés et de l'appropriation des quartiers
de classement que s'exprime et se mesure le progrès '. Il faut
reconnaître que les asiles récemment construits en Allemagne
donnent une entière satisfaction aux desiderata formulés en
France par Parchappe. Ce ne sont plus les établissements de
rigoureuse détention, les « prisons médicales » (Pinel) de
jadis, mais bien des hôpitaux pour la guérison des maladies
mentales.
L'adoption du non-restraint, la réalisation des conditions
nécessairés au traitement méthodique des formes aiguës, furent
suivies de l'essai du traitement en liberté des malades chro-
niques ou convalescents.
Le traitement des aliénés en liberté, inauguré en Ecosse,
sous le nom de système de Yopen-door, ou des portes ouvertes,
eut en Allemagne un grand retentissement; mais on n'arriva
point du jour aulendemain à l'appliquer dans toute sa rigueur.
Les asiles construits d'après le système des pavillons servirent
de transition entre les anciens établissements fermés et les
colonies aménagées en vue du traitement en liberté. Par leur
segmentation en un grand nombre de pavillons détachés,
placés entre des jardins, on chercha à enlever aux établisse-
ments d'aliénés le fâcheux aspect de prison ou de caserne
qu'ils avaient encore conservé, à faire jouir les malades de
plus de liberté. Les asiles de Marburg (1876), de Dalldorf
(1880); la clinique de Halle (1891); l'asile de Herzberge (Ber-
lin, 1893) témoignent de cette préoccupation. Mais ces divers
établissements, qui présentent une certaine ressemblance
avec ceux du département de la Seine, ont encore tous, ou
presque tous, le caractère d'établissements « fermés ». Quel-
' Parchappe. Art. Aliénés. Dict. encycl. des scienc. méd.
Archives, t. XXX. 24
370 asiles d'aliénés.
ques-uns cependant, par certaines de leurs sections, peuvent
être considérés comme servant de transition avec les asiles-
colonies construits, sur un plan tout différent, en vue de
la pratique du traitement en liberté, de l'application des
systèmes de l'open-door et de la colonisation. Avant d'es-
quisser leur constitution matérielle donnons un historique
rapide de la question de la colonisation des aliénés en Alle-
magne.
C'est en France, comme le rappelle M. le Dr Paetz, qu'ont
été faites les premières tentatives de colonisation : en 1820 à
Bicêtre, en 1832 à la ferme Sainte-Anne, en aï à la colonie
de Fitz-James. Ces essais furent imités en Allemagne. Roller,
en 1858, déclare qu'un grand nombre de malades n'ont que
faire de séjourner dans un asile et qu'ils seraient susceptibles
de bénéficier de plus de liberté. En 1859, l'asile privé de Chris-
tophbad, à Goppingen (Wurtemberg), fonde le premier une
colonie d'aliénés à Freihof : quarante malades appartenant
aux classes travailleuses, et quelques-uns d'un milieu social
plus élevé, sont occupés à l'exploitation agricole d'un terrain
de 100 hectares. En 1862, Damerow défend aussi cette thèse,
qu'une forte proportion des sujets internés dans les asiles
seraient mieuxà leur place dans une colonie agricole. En 1864,
l'asile de Hildesheim, qui occupait depuis 1860 un certain
nombre de malades aux travaux des champs, loue un domaine
de 15 hectares qu'il fait exploiter par quarante aliénés. Les
résultatsfurent très satisfaisants, et actuellement quatre-vingts
malades, soit 19 p. 100 de l'effectif des hommes, sont em-
ployés à des travaux agricoles sur un domainedel73 hectares;
le rendement est de 310 francs à l'hectare. En 1865, l'asile
d'Iéna s'annexe la colonie de Kapellendorf, remplacée en 1880
par la colonie de Blankenhain : trente-six malades exploitent
un domaine de 42,7 hectares.
Griesinger, en 1868, se prononce en faveur du traitement
en liberté des aliénés et de la colonisation des chroniques.
« L'idée, dit-il, du traitement en masse, avec la discipline de
caserne, d'aliénés susceptibles encore d'une vie plus humaine,
a vécu et n'a plus d'avenir ». En 1868, l'asile de Colditz (Saxe)
emploie 329 malades hommes, soit 33 p. 100 de l'effectif de
la division des hommes, sur le domaine de Zchsadrass (91 hec-
tares) : le rendement est de 320 francs à l'hectare. Le Dl' Wah-
rendorf, crée en 1869 la colonie d'Ilten (Hanovre). L'asile'de
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 371
femmes de Ilubertusburg fonde en 1870 la colonie de Reil-
witz (90 hectares), où 104 femmes accomplissent tous les
travaux agricoles, sauf pour ce qui concerne la conduite des
attelages. En 1871, le D'' Snell se déclare aussi partisan de la
colonisation des aliénés.
Nous allons voir quelle vaste extension a reçue, dans ces
dernières années, le système de la colonisation, système que
Kraepelin considère comme excellent pour les invalides psy-
chiques incapables de se diriger eux-mêmes. « Ces sujets peu-
vent, gràce à l'influence favorable du travail, rester plusieurs
années dans un état de santé passable, alors que sans cette
mesure, ils seraient rapidement devenus déments. J'ai vu des
malades qui, après un séjour de nombre d'années dans un
asile fermé, ont pu, sous l'influence d'une liberté relative et
du travail dans une colonie, reprendre possession de leurs
facultés psychiques d'une façon surprenante 1. »
Ce fut seulement en 1876 que les systèmes de l'open-door
et de la colonisation des aliénés reçurent, grâce à Kceppe et
surtout à M. le D'' Paetz 2, tout le développement qu'ils méri-
taient. La création de l'asile-colonie d'Alt-Scherbitz, basée sur
ces principes, constitue un progrès considérable dans l'assis-
tance des aliénés en Allemagne ; une formule nouvelle y est
appliquée qui donne satisfaction aux exigences modernes de la
science et de l'humanité. Auparavant, on avait vu de grands
asiles s'annexer une petite colonie agricole. A Alt-Scherbitz
au contraire, les termes de la proposition furent pour ainsi
dire renversés : ce fut à une vaste colonie d'aliénés renfermant
près des deux tiers de la population totale de l'établissement,
qu'on adjoignit un hôpital pour le traitement des malades
atteints de psychoses aiguës, et pour l'isolement et la surveil-
lance de ceux auxquels leur état mental ne permettait pas de
bénéficier de la vie en liberté.
Les asiles-colonies construits sur le plan d'Alt-Scherbitz
sont donc essentiellement composés de deux parties bien dis-
tinctes : la colonie où l'on applique le système de l'open-door,
c'est-à-dire où les malades jouissent d'une certaine liberté, et
l'asile proprement dit, l'établissement central, où les aliénés
1 Kraepelin. Psychiatrie. Leipzig, 3'edit., p. 232.
* On doit à M. Paetz un important travail sur la colonisation des
aliénés dans ses rapports avec le système de l'open-door. (Berlin, 1893.)
La question y est traitée de la façon la plus complète.
372 1) asiles d'aliénés.
sont, non point, comme ailleurs, « détenus » derrière des murs
et des grilles, mais soumis à un traitement individuel sérieux,
et à une surveillance constante. Partout, aussi bien à la colo-
nie qu'à l'hôpital central, se manifeste la préoccupation d'écar-
ter ce qui pourrait rappeler une maison de détention, voire
même une caserne. On s'ingénie à procurer aux malades la
plus grande liberté possible : tout dans l'organisation maté-
rielle et morale de l'établissement tend à donner satisfaction
à ce principe. Point de ces quartiers, tous bâtis sur le même
modèle, symétriquement disposés, flanqués d'un préau rectan-
gulaire : rien de cette uniformité dont l'oeil se lasse et qui
donne à la plupart de nos asiles une physionomie si monotone;
point d'enceinte de clôture élevée; point de murs de séparation
entre les divers quartiers; point de galeries couvertes; point
de barreaux aux fenêtres, point de sauts de loup. Toutes ces
dispositions si pénibles, si inutiles aussi, des asiles fermés
sont remplacées par un classement soigneux des aliénés dans
des pavillons complètement isolés, ne renfermant que 25 à
40 malades, par une surveillance constante exercée à l'aide
d'un personnel nombreux et bien dressé, par un traitement
individuel que permettent d'instituer non seulement le nombre
des médecins, mais aussi l'utilisation intelligente de tout le
personnel médical.
Les pavillons composant l'asile central sont tous dissem-
blables, et cela se conçoit, puisqu'ils sont adaptés chacun à un
but différent : il y a des pavillons de surveillance, d'admission,
d'observation, deux pavillons d'agités, un pavillon d'infirmerie.
Les uns n'ont qu'un rez-de-chaussée (pavillons de surveillance);
la plupart possèdent un premier étage. Tous sont décorés de
vérandas, de balcons ; tous sont entourés de jardins clos par
une simple barrière de 1 ? 6 de hauteur (de 2 mètres dans
les pavillons de surveillance). Dans la colonie, ce sont de véri-
tables cottages disséminés en ordre dispersé dans un parc; la
façade de ces villas est ornée de vérandas que décorent des
plantes grimpantes; fenêtres et portes ne sont point fermées
à clef. Dans l'aspect extérieur, dans l'aménagement inté-
rieur, dans le mobilier même des divers pavillons et villas,
on cherche à se rapprocher autant que possible des habitations
ordinaires.
Nous n'avons pas le loisir d'insister ici sur cet établissement
modèle. Qu'il nous suffise de dire que l'asile-colonie d'Alt-
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN ALLEMAGNE. 373
Scherbitz réalise à nos yeux, le type de l'établissement d'alié-
nés moderne : c'est la formule définitive, s'il est permis en
pareille matière, d'employer ce mot. D'autres asiles construits
sur le même plan existent en Allemagne : ceux de Zchsadrass,
d'Untergoltzsch, de Gabersee, de Nietleben, de Wuhlgarten.
Des asiles-colonies analogues sont en voie de construction ou
sont projetés en Norvège, en Russie, en Suède, en Hollande,
en Amérique.
Nous serons brefs sur le développement en Allemagne de
l'assistance familiale des aliénés. On sait que certains malades
chroniques, tranquilles, ne retirent aucun avantage d'un séjour
prolongé dans un asile : le traitement de ces sujets dans des
familles étrangères qui se chargent, moyennant une rétribu-
tion assez faible, de leur entretien, est avantageux en ce qu'il
permet aux malades de bénéficier de la vie en liberté et de la
vie de famille. Ce mode d'assistance, pratiqué à Gheel (Bel-
gique) depuis plusieurs siècles, a été appliqué pour la première
fois en Allemagne, à la fin du siècle dernier, par le D'' Engel-
ken, directeur de l'établissement privé de Rockwinkel, près
Brème. La ville de Brème confia plus tard une certaine caté-'
gorie de ses aliénés à l'assistance familiale. En 1861, Griesin-
ger déclare, en s'appuyant sur l'exemple de Gheel, qu'un
grand nombre de malades n'ont pas besoin de rester internés
dans les asiles, qu'on peut leur accorder plus de liberté qu'on
ne le fait habituellement, et même les laisser vivre dans les
familles. Roller propose d'installer une colonie familiale dans
les environs de l'asile d'Illenau'. En il 8-18, le service de l'assis-
tance familiale fut complètement réorganisé à Brême. La
province de Hanovre eut recours également, en 1880, à ce
mode d'assistance ; la colonie d'Ilten est fondée par le Dr Wah-
rendorff. En 1885, la ville de Berlin adopta, elle aussi, l'assis-
tance familiale pour un certain nombre d'aliénés chroniques :
en 1893, 209 de ces sujets étaient assistés dans leur propre
famille, ou dans des familles étrangères, tout en restant sou-
mis aune surveillance médicale périodique. L'asile de Bunzlau
(Silésie) place, depuis 1886, un certain nombre de malades
chez des nourriciers du village de Looswitz. Des essais ana-
logues ont été tentés dans la Prusse orientale, en 1890, à
Kortau et à Allenbergh.
1 J. Falret. Les Aliénés et asiles d'aliénés. Paris, 1890.
374 asiles d'aliénés.
Nous avons, aussi rapidement que possible, esquissé l'histoire
du développement de l'assistance des aliénés en Allemagne.
Grande est la part qui revient aux idées françaises et anglaises
dans les progrès considérables qui ont été réalisés. L'influence
française est prépondérante dans la première moitié du siècle,
l'influence anglaise domine dans la seconde. Actuellement, par
l'application rigoureuse du non-restraint, par l'extension
de jour en jour plus généralisée de l'open-door, par la subor-
dination étroite du plan général et de l'organisation matérielle
des établissements aux exigences du traitement, par la segmen-
tation des asiles en un grand nombre de pavillons complète-
ment indépendants, ne renfermant chacun qu'un nombre très
restreint de malades, ayant chacun une organisation maté-
rielle et morale spécialement adaptées à leur destination ; par
le grand développement donné à la colonisation des aliénés
chroniques : par le traitement individuel des psychoses cura-
bles ; par le nombre, relativement considérable, des méde-
cins ainsi que du personnel de surveillance, par l'excellente
organisation du service médical, nombre d'asiles ont cessé
d'être des maisons de détention, pour devenir à la fois de véri-
tables hôpitaux pour le traitement des maladies mentales, et
des colonies pour la vie en liberté des sujets convalescents et
incurables 1.
Une question se présente maintenant à l'esprit, question
qu'il n'est point possible d'éluder. L'assistance des aliénés,
créée en France, a-t-elle, dans notre pays, et plus particuliè-
1 L'Allemagne possédait en 1890, pour une population de 40,855,701 ha-
bitants, 122 asiles publics d'aliénés avec 43,251 malades et 370 méde-
cins. Le nombre des établissements consacrés aux idiots était de 7;
celui des asiles et des colonies destinés aux épileptiques de 19, parmi
lesquels des établissements modèles (Iiielefeld, \ulilgarten, liocli-
weitschen). Les colonies d'alcooliques étaient au nombre de 8. Trois
quartiers étaient spécialement réservés dans les établissements péniten-
tiaires aux criminels devenus aliénés. L'enseignement des maladies
mentales est actuellement assuré dans 19 universités par autant de
chaires de psychiatrie. Treize sociétés de patronage s'occupent de procurer
du travail ot de recourir les aliénés guéris à leur sortie des asiles. Plu-
sieurs écoles spéciales sont chargées de l'instruction professionnelle du
personnel de surveillance. Il existe 6 revues spéciales des maladies
mentales et dix sociétés de psychiatrie. (Il. Laehr. nie lleil-uncl
]'(ter;ealls/allell {'iil' l'sychisch-]'l'al1{;e des (leiitscheii Sp¡' ! lc ! tgebie/es in
J. 1890. Berlin, 1891.) .)
REVUE DE thérapeutique. 375
rement dans le département de la Seine, suivi toujours une
marche parallèle à celle dont nous avons tracé les progrès en
Allemagne ? N'avons-nous rien à envier, pour ce qui est de la
constitution matérielle et morale de nos établissements, de
l'organisation du service médical, n'avons-nous rien à envier
à l'étranger ? Bref, possédons-nous dans nos asiles actuels ces
« instruments de guérison », que réclamait Esquirol au début
de ce siècle ?
Nous sommes trop respectueux de la vérité pour dissimuler
qu'il est loin d'en être,ainsi. C'est là, certes, un aveu pénible,
mais celer un état d'infériorité n'est point le faire disparaître,
c'est l'aggraver. Il n'est que temps d'aviser, il n'est que temps
de procéder et à une réforme radicale de la constitution maté-
rielle de nos asiles, et à une réorganisation sérieuse du service
médical, si nous voulons, pour ce qui est de l'assistance des
aliénés, reconquérir la place que nous n'aurions jamais dû
perdre.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. Sur l'effet hypnotique DU chloralose; parle Dr f3ascovEC.
Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : 1° le chloralose
à la dose de 0 gr. 2 à 0 gr.4 agit dans les maladies mentales et
nerveuses comme sédatif; à dose plus forte, 0 gaz à 1 gramme,
comme hypnotique. Il se recommande à ce titre chez les ma-
niaques, surtout jeunes, chez les épileptiques et chez les alcoo-
liques. On ne saurait l'employer sous peine de voir apparaître les
symptômes d'intoxication sous forme de convulsions, chez les
sujets âgés ou atteints d'une maladie organique du cerveau; 2° Les
malades s'accoutument au chloralose et celui-ci s'accumule; 3° La
marche de la maladie n'est pas influencée par le chloralose ; 4° Les
malades prennent très facilement le chloralose dissous. (Revue neu-
rologique, oct. 1894.) E. B.
Il. Note SUR un cas DE L.aII\ECT03f1E POUR paraplégie congénitale;
par le D' A. CIIIIIAULT.
Il s'agit d'un petit malade atteint de paraplégie congénitale
flasque sans atrophie, avec incontinence absolue de l'urine et des
376 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
matières fécales et anesthésie complète pour tous les modes de
sensibilité.
Pensant qu'il s'agissait d'une hydrorachis sans spina-bifida, le
diagnostic de tumeur congénitale des méninges, possible aussi,
rendant utile une intervention exploratrice, l'auteur enleva le
douzième arc dorsal, premier et deuxième lombaire, tout à fait
normaux. Une dissection attentive du contenu du canal rachidien
lui permit de constater, à sa grande surprise, qu'il ne renfermait
ni méninges, ni moelle, ni racines, mais seulement du tissu adi-
peux léger, analogue comme aspect et consistance au tissu grais-
seux normal de l'espace épidural. Le petit doigt, introduit sur une
longueur de plus de trois centimètres dans le bout supérieur du
canal rachidien, constata que, sur cette étendue, le canal ne con-
tenait aucun organe d'une consistance ou d'une résistance supé-
rieures à celles du tissu graisseux précité.
Naturellement, l'intervention n'eut aucun résultat thérapeutique.
(Revue neurologique, sept. 189.) E. 13.
III. Du traitement DE L'ACCOOLISME; par le Dr REED.
L'alcoolisme, en étendant de plus en plus ses ravages, attire en
tous pays l'attention 'du médecin et du législateur. Après avoir
énuméré les causes et les formes diverses de l'alcoolisme, l'auteur
indique quelles seraient les mesures à prendre contre les alcoo-
liques. Tout d'abord, lorsqu'un traitement dans une maison parti-
culière ou à domicile, serait incapable de réfréner les habitudes
de l'alcoolique, il faudrait mettre ce dernier, sur la demande d'un
parent responsable, accompagné de témoins dignes de foi, dans
une école militaire et industrielle dépendant de l'Etat. Quant aux
alcooliques incorrigibles, il faudrait les envoyer aussitôt que pos-
sible, par un jugement du tribunal, dans un asile d'aliénés crimi-
nels et d'ivrognes, leur faisant ainsi subir une sorte d'incarcération
préventive pour les conséquences criminelles qu'aurait plus tard
chez eux le développement de leur déplorable habitude. ( 1'he ccfie-
nist and neurologist., avril 1894.) E. B.
IV. Remarques SUR LE traitement médical DE l'épilepsie
chronique; par le D' ROUDURANT.
Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :
1° Le borate de soude, l'antipyrine, l'acélanilide, la phénacétine
et plusieurs autres corps présentés comme des agents antiépilep-
tiques sont, sauf de rares exceptions, sans influence sur la marche
de l'épilepsie chronique vers la folie;
2° Le naphtol peut rendre quelques services, mais pas beaucoup
plus que les purgatifs;
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 377
3° Les bromures retardent l'apparition des crises, mais dans la
plupart des cas font plus de mal que de bien;
4° En cas d'agitation maniaque, l'isolement peut être nécessaire :
peu ou point de sédatifs du système nerveux;
5° Le meilleur remède dans l'état de mal épileptique est la sai-
gnée. Comme médicament, le plus recommandable est le chloral.
(Amel'ican journal ofinsanity, 1894.) E. B.
V. Expériences A l'aide DE la CURAItINE (DE BOEHll) dans la
tétanie; par A. Hoche. (Neurolog. CeaztraL6l., Xllt, 1894.)
Observation de tétanie grave; jusqu'à trois accès de contracture
par jour, durant chacun près d'une heure, et s'étendant aux exten-
seurs des jambes, au dos, au larynx, au pharynx, aux muscles des
yeux, aux intercostaux. Dyspnée, stridor laryngien, atteinte pro-
bable du diaphragme. En présence de la gravité de ces accidents,
on a recours à la curarine, d'abord à doses minimes, en injections
hypodermiques de Om ? 25. Aux doses de 0mm,7 on obtient déjà de
la paralysie motrice des deux jambes, de l'affaissement des muscles
abdominaux, sans que disparaisse la contracture des mains. Mais
il y a amélioration générale, le pouls et la respiration sont moins
fréquents; il est évident que la résolution des contractures des
muscles respiratoires et la disparition des douleurs provoquées
par les contractures doivent être attribuées à la curarine P. K.
VI. Traitement DE L'ACROMÉGALIE par la POUDRE DE glande thyroïde;
par le D1' Salomon SOLIE-t.OIIEN
Chez un acromégalique cachectique et souffrant de violents
maux de tête, le traitement par la poudre de glande thyroïde amena
la cessation des maux de tête en même temps que la diminution
de la polyurie et l'augmentation du taux de l'urée.
De nouveau, la médication thyroïdienne amena chez le même
malade, quelque temps après, la disparition d'une sciatique très
douloureuse.
La poudre de corps thyroïde de mouton était donnée à la dose
de Os,25 chaque matin. L'auteur estime que le traitement précoce
de l'acromégalie, par la médication thyroïdienne s'opposerait à
l'hypertrophie du corps piluitaire. (The alienist and neurclogist,
juillet 1894.) E. B.
VII. LE CHLOItOBR03tE COMME hypnotique chez LES aliénés;
par le D1' PERCY WADE.
Le chlorobrome n'est pas un corps défini; c'est un mélange, à
parties égales, de bromure de potassium et de solution aqueuse
378 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
de chloramide. Donné à la dose de 30 grammes de la solution,
une heure avant le coucher, cet hypnotique donne un sommeil
tranquille, de cinq heures de durée en moyenne.
L'auteur estime que cette préparation représente, en somme, un
bon hypnotique, surtout recommandable dans la mélancolie : dans
la manie, son actionnerait aussi durable que celle de n'importe
quel autre hypnotique. (Ame1'ican journal of insanity, avril 1895.)
E. B.
VIII. SUR la chirurgie cérébrale dans LES aliénations mentales;
par le Il René Semelaigne.
Dans une étude d'ensemble aussi complète qu'intéressante, l'au-
teur passe en revue les divers cas d'intervenlion chirurgicale dans
les aliénations mentales à l'étranger, car, en France, sauf excep-
tions assez rares, on reste sur l'expectative. Et d'abord, quelles sont,
chez les aliénés, les indications de la trépanation ?
Les opérations ont été surtout préconisées dans les cas de folie
traumatique ou de pression intracrânienne, et ce sont, en effet, les
seules circonstances où l'intervention chirurgicale puisse être dis-
cutée.
D'après les partisans de la chirurgie cérébrale chez les aliénés,
on peut toujours, dans les cas désespérés, tenter une opération qui,
bien pratiquée, est absolument inoffensive. Négligeant les quelques
accidents qui se sont produits, et admettant, avec M. Lucas-Cham-
pionnière, que le danger ne provient pas de la trépanation, mais
de la lésion, il reste à savoir si l'opération présente quelque utililé.
Dans le cas de traumatisme récent, avec délire consécutif, elle peut
être indiquée, toutes circonstances dûment considérées et après
mûres réflexions.
Sur la question de l'opération dans le cas de pression intracrâ-
nienne, l'accord est loin d'être fait, même en Angleterre, et le
temps n'est pas encore venu de classer le trépan parmi les modes
de traitement de la paralysie générale.
Quant au grattage des circonvolutions, à l'excision plus ou moins
complète de telle ou telle partie de l'écorce cérébrale, cette pra-
tique parait inacceptable. (Annales médico -psychologiques , mai
1895.) E. B.
IX. Contribution a l'étude DE l'action sédative DU chloralose; '
par le Dr 1\IA RANDON deMontyel.
Si l'on s'est déjà beaucoup occupé du chloralose en tant qu'hyno-
tique, on n'a accordé qu'une attention dis frai te à sa vertu calmante, et
c'est précisément pour l'étude de ce point d'histoire que l'auteur
présente une série de vingt-trois observations personnelles. La cou-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 379
clusion qui découle de ces observations, c'est que le chloralose, en
dehors même des accidents d'hyperexcitabilité musculaire qu'il est
susceptible de déterminer, surtout chez les paralytiques, n'est à
conseiller ni dans la vésanie, ni dans la paralysie générale comme
calmant diurne. En effet, si son influence sédative est incontes-
table dans l'immense majorité des cas, elle est malheureusement
éphémère et ne se retrouve que difficilement, malgré l'élévation
des doses. C'est, du reste, la conclusion à laquelle M. Marandon de
Montyel, dans un précédent travail, était arrivé relativement à
l'emploi du chloralose comme hypnotique chez les aliénés.
Il faut ajouter que, sous son influence, les hallucinés auxquels le
chloralose a été prescrit, ont souffert d'une aggravation notable de
leurs troubles sensoriels, même visuels, malgré la propriété dont
est douée la substance de déterminer la cécité psychologique. (An-
nales médico-psychologiques, mai 189b.) E. B.
X. LES paralysies faciales OTITIQUES : UN cas traité par résection
DES PAROIS DU CANAL DE P.1LLUPE DANS SON TRAJET PÉTREUX; par les
Drs A. CHIPAULT et DALEINE.
La lésion otitique provocatrice d'une paralysie faciale, peut agir
sur le nerf en des points les plusdivers de son trajet pétreux et déter-
miner diverses variétés anatomiques de paralysie faciale otitique qui
sont parfois possibles à distinguer cliniquement les unes des autres,
comme les auteurs nous l'indiquent, soit par l'étude de la para-
lysie même, soit par l'examen de l'otite causale. La recherche de
la cause de la paralysie permet d'établir parmi les formes de la
paralysie faciale une véritable échelle de gravité ascendante : a. la
forme congestive bénigne et transitoire, due à une otite légère;
b. les formes dues au contact du nerf avec le pus, plus sérieuses
et de gravité variable suivant le point où se fait ce contact;
c. les formes dues à la nécrose d'une partie du canal de Fallope,
plus sérieuses encore, en général, que les formes dues au contact
du nerf avec le pus.
Le pronostic spontané des diverses variétés de paralysie otitique,
peut être notablement amélioré par un traitement méthodique,
ordinairement discret, parfois conduit avec une hardiesse néces-
saire. C'est ainsi que les auteurs ont eu l'occasion, récemment, de
pratiquer le dégagement du nerf facial dans toute l'étendue de la
traversée pétreuse, chez un malade atteint de nécrose labyrinthique
et mastoïdienne avec paralysie faciale complète. Le nerf ne fut nul-
lement. lésé au cours de l'intervention, que suivit une diminution
marquée de la paralysie. A propos de la relation de ce cas, MM. Chi-
pault et Daleine donnent une description précise du manuel opé-
ratoire délicat du dégagement du facial dans son trajet pétreux.
(Revue neurologique, mai 1893.) E. il.
380 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XI. Chirurgie DE la capsule INTERNE; par les Drs A. CHIPAULT
et A. DEmouLiN.
A propos d'une malade chez qui le diagnostic hypothétique
d'abcès de la capsule interne droite avait été porté, diagnostic non
justifié d'abord au moment d'une intervention chirurgicale, ensuite
à l'autopsie, les auteurs montrent qu'on peut, en se guidant sur
des points corticaux bien déterminés, atteindre la capsule interne.
Le rapport avec la surface cranienne de ces points corticaux est
bien connu : il sera donc facile, dans un cas donné, de les mettre
à découvert et d'introduire en se guidant sur eux le bistouri puis le
doigt jusqu'à la région cherchée; et de fait, dans le cas présent,
trois incisions faites s'étaient rencontrées au point voulu, à la partie
antérieure du bras postérieur de la capsule interne et si, au lieu
d'un foyer de ramollissement, il y avait eu un abcès, cet abcès eut
pu être évacué. (Revue neurologique, mars 1895.) E. B.
XII. Cas DE MYXOEDÈME traité avec succès par l'extrait thyroïdien;
par le Dr J. HAROLD.
Il s'agit d'un homme de cinquante et un ans, sans antécédents
héréditaires ou personnels chez qui un état myxoedémateux s'était
peu à peu développé : lorsqu'il entra à l'hôpital, il présentait l'ap-
parence caractéristique d'un cas avancé de my aoedème. Un premier
mode de traitement par des injections sous-cutanées extrait glycé-
riné de la glande thyroïde, ne donna pas de résultats et fut aban-
donné pour faire place à l'administration par voie stomacale de
tablettes contenant chacune 0 gr. 25 d'extrait sec de la glande. On
donna par jour de une à trois tablettes.
Bientôt se manifestèrent les effets favorables du traitement, tant
du côté de la peau, du tissu cellulaire, de la température, que de
l'état général et dans la sphère intellectuelle. Au cours du traitement
survinrent quelques névralgies de la face et quelques palpitations
de peu de durée, la guérison fut complète et le malade, revu par
l'auteur un an après sa sortie de l'hôpital, ne présentait aucun
signe de rechute. (The alienist and neurologist, octobre 1894.)
E. B.
XIII. Recherches PIIYSIOLOGIQUES ET thérapeutiques
SUR la pseudohyosciamine DE MEKCK; par le Dr GUICCI1RD1.
La pseudohyosciamine est un alcaloïde extrait par Merci : , de la
duboisia myoporoïdes, plante de la famille des solanées : il appar-
tient au groupe des poisons mydriatiques dont le prototype est
l'atropine. »
Les idiots et les déments résistent assez bien aux effets de cet
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 381
alcaloïde : alors qu'un jeune idiot supporte sans effets appréciables
une dose de il à 6 milligrammes, les autres aliénés sont sensibles
aux doses de 2 à 3 milligrammes et un homme actif et intelligent
à la dose de un milligramme.
Les phénomènes généraux déterminés par la pseudohyosciamine
sont semblables à ceux de l'atropine. A dose légère, elle donne de
l'ivresse gaie; à dose plus forte, surviennent de la faiblesse, de la
torpeur physique et intellectuelle, de la somnolence et rarement du
sommeil.
L'auteur a essayé la pseudohyosciamine chez certains maniaques,
dans quelques formes d'imbécillité et dans l'hystérie.
Il est encore difficile de se prononcer sur les effets curatifs de cet
alcoloïde, mais il paraît présenter des qualités sédatives. Il a paru
modifier avantageusement les convulsions hystériques. (The alienist
and neurologist, janvier 1895.) E. B.
XIV. Emploi thérapeutique DE l'extrait THYROïDIEN.
L'un des auteurs, M. Auld, l'a appliqué au traitement du psoriasis
et du goitre exophtalmique, il déclare s'en être bien trouvé (une
lettre ultérieure de H.-W. Mackenzie combat d'ailleurs ses conclu-
sions en ce qui concerne la maladie de Graves). M. Duncan Menzils
préconise le même médicament pour la cure de la syphilis maligne
des Indes, concurremment d'ailleurs avec le traitement mercuriel
ordinaire. (British Médical Journal, 7 juillet 1894.) A. M.
XV. L'épilepsie ET son traitement; par CROWLEY et HOI3HOLT.
(Occidental Médical Times; mars et avril 1894.)
I. Observation d'épilepsie idiopathique - datant de l'enfance chez
une femme de vingt-six ans. La plus grande fréquence des
attaques et un embarras croissant de la parole déterminèrent
l'auteur, D. Crowley, a faire la trépanation au niveau de la circonvo-
lution de Broca.
Le crâne épais fut perforé et la dure-mère adhérente dilacérée
au cours de l'opération, puis la plaie pansée et guérie en peu de
jours. La parole redevient facile peu à peu et trois mois après elle
n'avait encore eu aucune nouvelle attaque.
II. Observation d'épilepsie procursive type à propos de laquelle
l'auteur, P. Hoisholt, rappelle le cas de Bodius (1649) et ceux de
Bourneville et Bricon (Arch. neurol., 1887). Le malade était âgé de
dix-huit ans et malade depuis un an; le traitement bromure échoua
et une amélioration marquée sembla résulter de l'emploi du borax
et du chanvre indien. A. M.
382 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XVI. LE chloralose ET SES propriétés hypnotiques;
par le professeur R1CIlET. '
L'effet physiologique caractéristique du chloralose, c'est le
sommeil, mais ce n'est pas un sommeil analogue à celui que pro-
duisent les autres substances hypnotiques : c'est un poison psy-
chique, portant son action sur les parties de l'encéphale où siègent
la conscience et l'idéation et respectant les autres centres nerveux,
spécialement la moelle et le bulbe. Le chloralose respecte les fonc-
tions du coeur et les propriétés physiologiques du sang; son pouvoir
toxique est faible.
Après ingestion d'une dose moyenne de chloralose, soit Os ? 40,
nul phénomène apparent ne se montre pendant une demi-heure;
puis très brusquement survient un sommeil sans rêves qui dure
toute la nuit. Le réveil est facile et subit, sans nausées, sans pesan-
teur de tête, l'appétit n'est pas diminué. A côté de ces avantages,
le chloralose a des inconvénients.
Tout d'abord il ne produit pas l'analgésie; par conséquent il est
inefficace contre les névralgies. Mais le principal inconvénient
du chloralose est d'avoir une action variable. -
La dose moyenne de 06,40, donnée à une jeune femme ner-
veuse ou à un alcoolique font provoquer une série d'accidents peu
graves, mais désagréables. Il y a d'abord une sorte d'ivresse, puis
le sommeil est agité, presque convulsif; il existe une sorte de délire
musculaire se rapprochant plus ou moins d'une franche attaque
d'hystérie. Aussi devra-t-on prendre la précaution si on administre
pour la première fois le chloralose à une hystérique ou à un alcoo-
lique, de commencer par de faibles doses, 06,10 par exemple.
Le chloralose, à côté d'inconvénients, a donc deux avantages
sérieux : il ne trouble pas lqs facultés digestives et n'a pas d'action
sur l'appareil de la circulation : aussi constitue-t-il un bon médi-
cament en cas d'angoisse cardiaque, d'insomnie asystolique. Chez
les aliénés, les résultats n'ont pas été conformes aux espérances
qu'on avait pu fonder sur son emploi : il faut des doses de chlora-
lose un peu fortes pour amener le sommeil et, de plus, il n'agit
que comme hypnotique, sans aucune action spécifique sur le délire.
En résumé, le seul effet incontestable du chloralose, c'est son
effet hypnotique et c'est un excellent hypnotique donnant un
un sommeil qui ressemble au sommeil normal. (Revue neurologique,
1894.) E. BLIN.
XVII. LES bains EN PLUIE. UNE NOUVELLE méthode DE balnéation
POUR LES aliénés; par le Di' P. GEItH<111D.
Les avantages du bain en pluie sont nombreux : 1° la construc-
tion et l'installation sont beaucoup moins coûteuses en même
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 383
temps que l'entretien plus facile; 2° le bam en pluie est toujours
prêt à servir : il n'y a pas à remplir de baignoire, à nettoyer la
baignoire après chaque bain; 3° un plus grand nombre de per-
sonnes ne peuvent être baignées qu'avec des baignoires; 4° un des
principaux avantages du système est que le corps de la personne
baignée n'est pas en contact avec l'eau souillée du bain, comme
dans une baignoire.
5° Le bain en pluie possède une action mécanique et tonique ;
6° il y a, avec ce système, une déperdition bien moins grande
d'eau chaude; 7° il n'y a pas à craindre de transmission d'une
maladie contagieuse, comme avec une baignoire; le malade ne
peut être brûlé ou ne peut recevoir de contusions comme il peut
en recevoir en luttant pour ne pas entrer dans la baignoire. Enfin
il ne peut se noyer comme dans une baignoire. L'auteur donne
ensuite une bonne description avec gravures, de l'installation des
bains en pluie, telle qu'elle vient d'être faite à l'hôpital d'Etat
d'Ulica. (Amel'icanjou1'nal ofinsanity, juillet 1895.) E. B.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XXVI. Contribution A la CONNAISSANCE plU COMPLEXUS symptomatique
13ULBIRE. Type Erb Goldflam; par Fr. PINELES. (Iah1'bÜchel' fier
Psychiatrie und Neurologie, XIII, 2, 3.)
Décrite pour la première fois par Duchenne, 18GO, la paralysie,
labio-glosso-laryngée fut étudiée analomiquement par Leyden,
Charcot et Joffroy. Erb en 1879, décrivit une forme qui tout en res-
semblant beaucoup à la maladie de Duchenne s'en distinguait par
d'autres côtés et surtout par le résultat négatif des autopsies.
Goldflam, 1893, par plusieurs observations donne la description de
cette entité symptomatique caractérisée généralement par le tableau
suivant : des individus de vingt à quarante ans sont pris subitement
de paralysie dans le domaine des nerfs craniens ou de grandes fai-
blesses dans les extrémités. Rapidement et successivement appa-
raissent du ptosis, de la diplopie et des difficultés dans la mastication
et de la déglutition, ainsi que des troubles de l'articulation des
mots, donnant à la maladie une grande ressemblance avec la para-
384 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
lysie bulbaire progressive. Le signe le plus important est constitué
par les variations de l'intensité des symptômes paralytiques. Ainsi,
le malade est le matin bien mieux que le soir. De légères parésies
peuvent à la suite d'un certain exercice musculaire, arriver à cons-
tituer de véritables paralysies généralement passagères.
Dans un certain nombre de cas, les symptômes rétrocèdent en
totalité ou en grande partie pour reparaître ensuite de nouveau;
dans d'autres la mort est causée par des troubles respiratoires
subits.
Les autopsies qui ont pu être pratiquées n'ont douné aucune lésion
du système nerveux central ou périphérique.
Pineles donne quatre observations nouvelles prises à la clinique
de la faculté de médecine de Vienne. Les deux premiers cas pré-
sentent comme signes particuliers : le jeune âge des malades, le
développement rapide et progressif des symptômes, le caractère
particulier des paralysies, la faiblesse des extrémités, la variation
fréquente des symptômes, le ptosis, l'absence d'atrophie musculaire
et le dénouement fatal. L'ordre de l'apparition des signes paralyti-
ques était différent dans les deux cas. Dans le second les troubles
fonctionnels des nerfs crâniens avaient ouvert la scène, dans le pre-
mier le début eut lieu par une faiblesse particulière des membres.
Le cachet particulier, des paralysies si bien décrit par Goldflam se
retrouvait surtout dans le second cas. Chaque muscle qui se con-
tractait plusieurs fois fournissaient progressivement moins de travail
et il y avait un moment où il n'en fournissait plus du tout. C'est
ainsi que s'expliquaient les améliorations et même la disparition
complète des parésies après le repos de la nuit et leur aggravation
le soir. On notait un affaiblissement progressif des muscles, des
lèvres, de la mastication et de la déglutition allant jusqu'à empêcher
le malade de manger. Daps le premier il y eut une amélioration
notable pendant six mois suivie de récidive. De même que dans les
observations d'Erb les attaques dyspnéiques apparurent subitement
au milieu d'un bien-être 1 elatif. La troisième observation de Pineles
se rapporte à une malade de vingt-sept ans qui à l'âge de neuf ans
présenta à la suite d'une angine, de la diplopie et des troubles de
la déglutition et de l'articulation; depuis deux ans ptosis droit. Un
an après on constate des troubles de la parole, de la déglutition et
de la mastication, une faiblesse généralisée. Des rémissions plus ou
moins accentuées aboutissent à une amélioration qui dure jusqu'au-
jourd'hui. Dans le quatrième cas il s'agit d'une malade un peu ner-
veuse qui présenta en 1887, à la suite d'un typhus, des troubles de
la déglutition et de la parole qui rétrocédèrent complètement après
dix semaines. En 1890, second accès caractérisé par les mêmes signes
et d'une durée de quatre semaines. En 1892, troisième accès pendant t
lequel on nota des troubles de la parole et une faiblesse généralisée
le rétablissement du malade eut lieu après 3 mois. En octobre 1793,
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 385
parole nasonnée. En 1894, maux dé tête, grande faiblesse, insomnie.
- Février 1891, troubles de la déglutition, parésie des muscles
labiaux, ptosis double. Depuis avril amélioration persistante.
Paul Sérieux.
Xi\11. Contribution A l'anatomie du ruban DE REIL; par HOESEr ? i
(NelU'olog, Canlra6l., XIII, 1894.) ... '(
Étude minutieuse des altérations déterminées dans l'encéphale
par deux foyers hémorragiques; l'un sis dans la substance blanche
profonde de l'insula du côté gauche; l'autre, dans le segment pos-
térieur de la couche optique du même côté. z
Conclusion. 1. Le ruban de Reil de l'étage inférieur du pédon-
cule cérébral a bien le trajet que lui a assigné Flechisg à la suite de
ses recherches embryogéniques, mais il est très probable qu'il ne
se termine pas directement dansl'insula, qu'il ne s'y termine qu'après
passage dans les deux segments internes (globus pallidus) du noyau
lenticulaire qui, par suite, interrompent son trajet. 2. L'ana-
tomie pathologique confirme le trajet et la terminaison corticale
du ruban de Reil médiane, établis par l'embryogénie. -3. Le ruban
de Reil cortical a bien le trajet direct et ininterrompu que nous lui
avons décrit (Hoesel). - 4. Il existe avec les fibres déjà décrites une
quatrième partie constitutive des fibres du ruban de Reil de la
calotte, qui se termine dans la couche optique (ruban de Reilthala-
mique). ' P. Tli. - - z
XXVIII. De la situation du noyau du nerf pathétique;
par W. KAuscH. (Neztrolog. Centralbl., XIII, 189L)'
(Voyez le XIX. Congrès des neurologues et aliénistes de l'Alle-
magne du Sud-Ouést. Session de Bade-les-Bains, 2 juin 1891, in
Archives de Neurologie.) P. K.
XXIX. DE la transmission DU SON par LES os DU crâne ET DE la colonne
VERTÉBRALE ET DE LEUR PERCUSSION; NOUVELLE MÉTHOEE D'EXAMEN DANS
LES maladies nerveuses; par.\V. de Bechterew. (Nell1'olog. Cen-
trnl6l., XIII, 1894.)
D'après M. Okunew, les vibrations d'un diapason ; sont moins
intenses ou assourdies dans leur transmission à travers les parois
craniennes ou les os, si ces parois sont altérées; cette modification
des transmissions sonores indique un foyer de pus ou de carie, ou
bien un néoplasme; elle indique notamment la nécessité de tré-
paner l'apophyse mastoïde - A cette recherche, \t. Gal>rilschew ?
lova applique son pneumatoscope (1VI'a(sh, 1893, nO o2) et le sté-
thoscope américain biauriculaire.
ARCJ ! lVr.S, t. XXX. 25
386 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Or, en neuropathologie, voici ce que l'on remarque. Dans les
affections du cerveau, quand les méninges sont prises, la transmis-
sion du son par les endroits lésés est assourdie, moins claire que dans
les endroits sains. Dans un cas de maladie de 1\Iénière, il y avait
complète obnubilation au niveau de l'apophyse mastoïde affectée.
M. Bechterew a fait construire un diapason que l'électricité fait
vibrer et dont on ausculte les vibrations du côté opposé du crâne à
celui sur lequel il est appliqué, au moyen d'un stéthoscope ordi-
naire ou biauriculaire.
Il étudie parallèlement chez ses malades la percussion afin de
déterminer le degré de sensibilité locale delà tête et de la colonne
vertébrale. Il emploie la percussion faible, superficielle, au doigt ou
à de légers coups de marteau (de Skoda), la percussion forte ou pro-
fonde à l'aide du plessimètre. La percussion faible permet de
découvrir les lésions locales des vertèbres (tubercules, périostite,
sclérose osseuse syphilitique); la seconde révèle des lésions pro-
fondes (sensibilité pariétale des épileptiques, sensibilité occipitale
de certaines affections cérébrales), les syphilis locales anciennes de
la moelle et de ses enveloppes, des foyers myélitiques.
P.I{¡;;RAVAL.
XXX. Contribution A l'étude DE la dégénérescence descendante dans
LE CERVEAU ET LA MOELLE, AVEC REMARQUES SUR LA LOCALISATION ET
LES FAISCEAUX DE TRANSMISSION DES CONVULSIONS DE L'ÉPILEPSIE ABSIN-
TBIQUE; par R. BoYCE. (Neurolog. Cei7ti-albl., XIII, 1894.)
Expérimentation chez les chats. L'excitation produite par l'ab-
sinthe produit son maximum d'effet quand la zone motrice est
intacte, la décharge se fait par cette zone et est transmise par les
faisceaux pyramidaux. Quand l'irritation est extrême, il y a aussi
transmission du côté opposé à la zone excitée; l'uni ou la hilalé-
ratité des convulsions n'est donc que le résultat de la force de l'exci-
tation. Il en résulte que chez l'homme, un très petit nombre
d'attaques épileptiformes tiennent à une intoxication de ce genre.
P. K.
XXXI. LE COMPLEXUS symptomatique DE la paralysie spinale spasmodique
COMME ÉPIPHÉNOMÈNE D'UNE LÉSION SYPHILITIQUE HÉRÉDITAIRE DU SYS-
TÈME NERVEUX central; par J. HOFFMANN. (Neurolog. Centmlbl.,
XIII, 1894.)
Jeune homme de quatorze ans, ayant été atteint de syphilis héré-
ditaire dans les premiers mois de son existence. Il se développe
cependant bien; dans la seconde enfance, il apprend de moins en
moins bien et ne se développe plus avec la rapidité accoutumée. A
l'âge de douze ans, raideur et paresthésie dans les jambes. A treize
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 387 Î
ans et demi, parésie probable de l'accommodation. A quatorze ans,
immobilité réflexe des pupilles, mydriase, disparition de la réaction
des pupilles à laconvergence, parésie de l'accommodation, démarche
spasmodique avec exagération des réflexes tendineux malgré la
bonne conservation de la force des mouvements, pas de troubles
de la sensibilité, conservation des sphincters, anomalies psychiques,
ralentissement de l'accroissement physique. L'auteur conclut à
l'existence probable d'une sclérose méta ou para-syphilitique de
l'écorce du cerveau (toxine syphilitique), des tractus présidant à
la réaction des pupilles ou de leurs noyaux, des fibres de transmis-
sion motrices, des faisceaux pyramidaux ou des cordons latéraux.
En d'autres termes, fonds de syphilis héréditaire, arrêt de dévelop-
pement cérébral, affection spinale semblable à celle des observations
de Minkowsky ou de Strumpell (paralysie spinale spasmodique ou
forme spasmodique de la démence paralytique). P. X.
XXXII. Contribution A l'histologie DE la sclérose EN plaques
cérébro-spinale ; par M. PopOrr. (Neurolog. Centrabl., XIII,
1894.) -
D'après les recherches personnelles de l'auteur il y en a deux
formes : une forme subaiguu et une forme chronique. En tout cas
il ne s'agit pas du tout de la prolifération du tissu conjonctif
étouffant les fibres nerveuses. Ce que les auteurs ont pris pour des
travées du tissu conjonctif entre les fibres nerveuses, ce sont des
produits d'ulcération des fibres nerveuses mêmes. Cette erreur est
due à l'insuffisance des méthodes de coloration. Quand on soumet
les préparations à la triple action de la rubine, de l'orange et de
l'hématoxyline, on obtient une coloration : rouge des cylindraxes
dans les fibres à myéline, -jaune intense de la substance blanche,
- -violette tirant sur le rouge de la névroglie et des produits de
destruction inflammatoire.
.Ce sont les vaisseaux qui débutent. Ils forment le centre de
chaque foyer : la lésion marche ainsi pas à pas du centre à la péri-
phérie. Cette progression graduelle est remarquable dans la forme
chronique.
Voici comment dans l'ordre suivant les tissus se transforment.
D'abord les manchons de myéline : les contours perdent leur poli,
se tuméfient en certains points, et arrivent graduellement à se
laisser colorer par la rubine (en ce moment les manchons sont
comme saupoudrés de points et de raies rouges). Partie d'entre
eux subissent la dégénérescence graisseuse, les lavages enlèvent la
graisse, et à sa place il reste des crevasses; une autre partie des
gaines myéliniques prend un aspect finement grenu et est coloré
en violet intense par la rubine. C'est alors le tour des cylin-
draxes ; on y voit des gauchissements ronds ou fusiformes, plus
388 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
tard ils se dissocient en un détritus finement grenu, résorbé avec
les autres produits de décomposition. En quelques endroits au-
devant'de ces gauchissements il y a plusieurs replis serpenti-
formes d'une excessive minceur; en d'autres points le cylindraxe
d'une largeur anormale a perdu ses contours lisses; dépourvu
d'éclat, il subit graduellement la dissociation en une matière fine-
ment grenue.
Non seulement les cellules de la névroglie ne sont pas multi-
pliées mais elles se décomposent. S'agit-il d'une cellule actini-
forme, elle devient malle et prend un aspect grenu, ses prolon-
gements tombent et la voilà à l'état de cellule nue. Puis c'est
le noyau qui se liquéfie au sein du corps protoplasmique (l'hé-
matoxyline ne le colore plus) et n'est plus coloré que par la rubine,
finalement, à la place de la cellule, on ne trouve plus qu'un magma
composé d'un détritus finement grenu, sorte de grumeau à colo-
ration plus ou moins vive. Sur le tard, la partie fibrillaire de
la névroglie s'altère à son tour.
Quant aux lésions des parois des vaisseaux qui ouvrent la scène,
elles consistent en une infiltration de celles-ci par des cellules, avec
épaississement et, parfois, rétrécissement concentrique de la lu-
mière. Forte émigration de leucocytes dans le tissu circonvoisin ;
mais ces leucocytes n'augmentent pas de volume, ne se multiplient
pas, ne se transforment' pas en fibres du tissu conjonctif, ils dégé-
nèrent. Il est probable que leur présence entre les fibres nerveuses
exerce une influence nuisible sur les fonctions vitales de celles-ci,
mais ils ne sont pas la cause fondamentale de leur métamorphose.
. ! Ce qui distinguera forme subaiguë, de la forme chronique,
c'est que dans la première l'infiltration des parois vasculaires par
des cellules est plus dissymétrique que dans la seconde, les couches
des parois sont plus lâches, le nombre des leucocytes est plus
grand, les fibres et les cylindraxes présentent de plus grosses tumé-
factions, la marche du processus est .moins graduelle. Dans la
forme' subaiguë> la lésion s'étend uniformément à une distance
assez grande du vaisseau, la substance blanche est plus grenue, les
cylindraxes forment une série de renflements volumineux, ronds
ou fusiformes et se décomposent en un globule étrange,. le globule
conserve parfois à l'une de ses extrémités, voire aux deux, des
résidus de fibres qui ressemblent à de petites queues représentant
les deux pôles : lés foyers présentent, par suite, un dessin bizarre.
A côté de l'ensemble des décompositions de la substance ner-
veuse ; il y a aussi une régénération des fi6·cs nerveuses. En quel-
ques endroits de la préparation, on voit des trousseaux spéciaux
composés de fines fibres parallèles qu'il n'est guère possible de con-
sidérer comme autre chose que des cylindraxes régénérés. Ces
cylindraxes sans gaines sont des cylindraxes de nouvelle forma-'
tion. Celte régénération est due à ce fait qu'à la périphérie de
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 389
foyers il y a néoformation de vaisseaux sanguins, tandis qu'autour
du vaisseau lésé là destruction des tissus nerveux suit son cours
graduel. Mais on n'a pas vu la régénération totale, c'est-à-dire
jusqu'à formation de manchons myéliniques. Les cylindraxes nou-
veaux sortent des extrémités des nerfs à myéline, on les voit par-
fois très nettement se diviser eux-mêmes à leurs extrémités en
fibres fines (cinq à six), et ces fibres fines s'allongeant s'accolent
intimement pour former des trousseaux qui parcourent le foyer.
11l somme : 1° pas de prolifération du tissu conjonctif; 2° dé-
chéance et mort des fibres myéliniques et des cylindraxes; 3° des-
truction lente et progressive de tous les éléments du tissu qui
entoure le vaisseaù lésé; 4° simultanément et parallèlement au
processus dégénératif, régénération des cylindraxes, surtout dans
les pyramides ,et les cordons de Goll. P. KÉRAVAL.
XXXIII. Relevé statistique DES modifications .macroscopiques du SYS-
'l'i3lIE NERVWX CENTRAL DES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX; par Th. KAS
(de Hambourg). (Allg. Zeitsch. f. Psych., LI, f. 5, 1895.)
Les recherches de l'auteur portent sur 830 autopsies, dont
656 hommes el 174 femmes. Kroemer, sur 196 cas, n'en a trouvé
que 30 avec diminution de poids de la calotte crânienne. -L'auteur
l'a trouvée augmentée de poids dans 192 cas (140 hommes,
52 femmes), ce qui donne un total de 21,3 p. 100. Une diminution
de poids n'a été trouvée que dans 28 cas, ce qui donne une pro-
portion de 3,3 p. 100. La plupart des hommes étaient des alcooli-
ques. Le diploe a été examiné chez 31G sujets. Il était bien déve-
loppé dans 78 cas, complètement disparu dans 43 cas, ce qui
indiquerait que le diploe n'est normal que dans le quart des cas.
Pour les sutures, les résultats se rapprochent de ceux de Kroemer
qui, sur 104 cas, les constata complètement disparues dans 27,8
p. 100 et partiellement dans 35,5 p. 100. Dans 110 cas on trouva
des exosloses.
La dure-mère ne présenta des modifications macroscopiques que
dans la moitié des cas. La plus importante est la pachyméningite
interne.
L'oedème de la pie-mère a été trouvé dans une proportion de
28,1 p. 100 ; les femmes le présentaient plus fréquemment que les
hommes. La méningite chronique simple existait dans 85,9 p. 100-
des cas.
La lept01¡léningite purulente donne une proportion de 3,1 p.. 100.
Les adhérences généralisées des méninges à l'écorce furent trou=
vées dans 26,6 p. 100 des cas; les adhérences localisées dans 14,9
p. 100. La sclérose des vaisseaux de la base existait dans une pro-
portion de 12,6. p. 100. L'atrophie générale du cerveau dans 65,9
p. 10.0. L'épendyme put fournir des données positives dans 88,5 p. 100
390 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
des cas. Il était normal dans 23,6 p. 100 des cas; moyennement
granulé dans 20,3 p. 100; très granulé dans 24,4 p. 100. Les gra-
nulations étaient bornées au quatrième ventricule dans 0,2p. 100.
Les ventricules étaient très étroits chez 4 hommes, donc dans une
proportion de 0,4 p. 100, dilatés dans une proportion de 25,2 p. 100.
L'hydrocéphalie interne existait dans une proportion de 14,3 p. 100.
Des lésions localisées ont été trouvées dans 70 cas dont 54 hommes
et 16 femmes, dans une proportion ainsi de 8,2 p. 100 pour les pre-
miers et de 9,2 p. 100 pour les secondes.
- Au point de vue de la nature de la lésion, le ramollissement jaune
occupe la première place avec une proportion de 36,9 p. 100. Les
lésions sont plus souvent localisées chez les hommes dans les cir-
convolutions de la convexité droite que gauche. La localisation la
plus fréquente est celle du corps strié droit, qui présente une pro-
portion de 11,7 p. 100; viennent ensuite le corps strié gauche, la
protubérance et la moelle (10,8 p. 100), le noyau lenticulaire et le
cervelet (6,3 p. 100), le centre ovale, etc. Les tumeurs n'existaient
que chez 5 hommes, les cysticerques chez 14.
Le poids du cerveau a été examiné comparativement dans les
asiles de Friedrichsberg et de Stephansfeld. Le poids minimum à
Friedrichsberg a été de 842 grammes, le poids maximum de
1,765 grammes. Ceux de Stephansfeld étaient plus lourds. Par
rapport à celui des aliénés épileptiques, le poids du cerveau des
paralytiques généraux serait en moyenne inférieur de 84 gr. 65.
' La conclusion qu'on peut tirer des relevés statistiques des poids
est qu'en moyenne celui des aliénés atteint le poids normal s'il ne
le dépasse pas.
Les lésions des nerfs craniens sont relevées pour l'olfactif dans le
travail de Reinhard qui trouva une dégénérescence grise dans cinq
cas. La dégénérescence et l'atrophie du nerf optique sont une lésion
relativement fréquente, Kaes l'a trouvée dans 41 cas dont36hommes
et 5 femmes. La dégénérescence et l'atrophie du moteur oculaire
cranien ont été trouvées dans 8 cas.
L'atrophie du nerf acoustique dans 3 cas.
Les méninges rachidiennes ont été trouvées modifiées macrosco-
piquement dans une proportion de 38,5 p. 100, dont zip. 100
hommes et 36,2 p. 100 femmes.
Les pachyméningites spinales hémorragiques sont de beaucoup
moins fréquentes que les cérébrales, l'auteur ne les a vues que dans
une proportion de 0,7 p. 100. Kroemer a trouvé des lamelles
osseuses de l'arachnoïde dans une proportion de z8 p. 100, Kaes
dans une proportion de 10,2 p. 100. Les troubles et les épaississe-
ments des méninges existèrent dans 25,7 p. 100 des cas, la lepto-
méningite spinale purulente dans 0,7 p. 100. Hématomyélie dans
1 cas, dilatation du canal central chez 3 hommes.
' Paul SÉRIEUX.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 391
XXXIV. DE la structure DES artères cérébrales; par les Drs 111,,CER
et de 13OEK. (Bull. de la Soc.de Méd. ment. de Belgique, sept. 1891.)
- Les conclusions tirées par les auteurs, de leurs recherches
peuvent être formulées de la façon suivante :
11 existe dans les réseaux vasculaires des dispositions anato-
miques spéciales et caractéristiques qui leur donnent une certaine
autonomie. Souvent, et surtout dans les organes à fonctionnement
intermittent, le mode de ramescence des artères se trouve être tel
que des voies multiples sont offertes au sang arrivant par l'artère;
la résistance au passage du sang par ces différentes voies varie
selon le degré de contraction ou de béance des vaisseaux; la
distribution du sang dans les différentes parties de l'organe subit
des variations correspondantes.
Cette disposition anatomique est surtout manifeste dans le
cerveau; les artères cérébrales ne fournissent pas de branches
corticales distinctes, de telle sorte que la circulation dans l'écorce
est constamment placée sous la dépendance de la circulation dans
le mésocéphale.
La structure et le mode de distribution des artères cérébrales
ont pour conséquence d'assurer une circulation corticale continue
et régulière, tant que la pression carotidienne est suffisante et
que le tonus vasculaire se maintient : tel est le cas pendant l'état
de veille ou d'activité intellectuelle; au contraire, pendant le
sommeil, l'ischémie corticale existe et reconnaît pour causes
l'abaissement de la pression du sang et la dilatation des artères
dans tout le système vasculaire. '
Il n'existe pas de sphincters ou de disposition histologique
spéciale dans la musculature des artères cérébrales; l'allure
spéciale de la circulation encéphalique et les particularités de son
fonctionnement sont dues avant tout à la disposition des cerceaux
superposés non anastomosés entre eux. G. D.
XXXV. CONTRIBUTION A l'étude DE la DISPOSITION ET DES fonctions DES
CELLULES DE la MOELLE cervicale, avec UNE NOTE SUR LES altéra-
'l'IONS CENTRALES CONSÉCUTIVES AU NON FONCTIONNEMENT PROLONGÉ
D'UN MEMBRE; par Joseph CoLLINS. (The New-York Médical journal,
27 janvier 1894.) ,
Les conclusions des recherches de l'auteur et de son mémoire
sont les suivantes :
1° La grande majorité des cellules motrices de la moelle cervi-
cale présente une disposition bien définie;
2° Certaines de ces cellules sont disposées en colonne qui tra-
versent plusieurs segments de la moelle;
3° Des fonctions définies peuvent être assignées à certains
'392 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
groupes ou à une succession de groupes cellulaires formant une
colonne cellulaire.
4° Les groupes cellulaires qui donnent naissance au plexus bra-
chial sont au nombre de trois, et s'étendent de la portion supé-
rieure du quatrième segment cervical à la partie inférieure du pre-
mier segment dorsal. Les cellules de la portion supérieure de ce
territoire fournissent aux muscles de l'épaule et de la partie supé-
rieure du bras. Les cellules de la portion inférieure fournissent à
l'avant-bras et à la main. Le noyau qui fournit aux extenseurs est
en dehors et au-dessous de celui qui fournit aux fléchisseurs;
,5° Les cellules qui donnent naissance aux nerfs qui innervent les
muscles extenseurs sont situées plus près de la ligne médiane que
celles qui innervent les muscles fléchisseurs;
6° Le groupe des cellules qui innervent les muscles du dos est
situé à la partie interne des cornes antérieures;
7° La fonction motrice d'une partie ou d'une extrémité quel-
conque du corps est en rapport direct avec le nombre et l'état plus
ou moins sain des cellules ganglionnaires du segment médullaire
d'où part le nerf qui aboutit à cette partie ou à cette extrémité :
8° Dans les cas de non-fonctionnement prolongé ou d'impotence
ancienne d'une des extrémités, il se produit du côté opposé du
cerveau, au lieu qui correspond à la région corticale spéciale à
celte extrémité une atrophie .qui porte à la fois sur le volume et
sur les éléments constitutifs de cette zone. R. M. C.
XXXVI. LÉSIONS MAL DÉFINIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE, SUIVIES DE
PARALYSIE DE LONGUE DURÉE; AMÉLIORATION PAR LA SUSPENSION ET LE
CORSET DE plâtre; par l,eN is-A..5,yitu. (New-York Médical journal,
20 janvier 1894.) ,
L'auteur rapporte l'observation de quatre cas intéressants et
présentant entre eux des analogies sur lesquelles il désire insister
d'une manière spéciale : c'est ainsi que tous les malades dont il
s'agit étaient restés plus ou moins complètement paralysés très
longtemps après le traumatisme (plus de deux ans dans l'un des
cas) et qu'une amélioration un peu nette n'a commencé à se mani-
fester que lorsqu'on a eu recours à une traction sur la colonne
vertébrale. Dans tous les cas les malades'se sont trouvés mieux
pendant l'élongation de la colonne vertébrale ; ils commandaient
mieux à leurs membres, et leur sensibilité était moins obtuse.
Dans un des cas rapportés le malade ne pouvait; vider son intestin
et sa vessie que'lorsque les membres inférieurs n'avaient plus à
supporter le poids de son corps. Tous ces malades ont continué à
se trouver mieux tant qu'ils ont été convenablement soutenus par
le corset de plâtre convenablement adapté. Au contraire, lorsque
l'appareil de soutien venait à flécliir ou à se relâcher et n'assurait
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 393
plus l'élongation de la colonne vertébrale, l'amélioration disparais-
sait, pour reparaître avec une plus exacte adaptation de l'appareil.
R. M. C.
XXXVII. KYSTE cérébral D'ORIGINE traumatique, ayant provoqué DE
l'aphasie, DE l'hémiplégie, ETC. Évacuation, guérison complète ;
par C.-II. maya. (The 11-eIO-ï'orlc Médical journal, 7 août 1894.)
L'observation peut se résumer ainsi : Une enfant de onze ans est
précipitée hors d'une voiture au galop ; on la relève sans connais-
sance ; elle vomit pendant le transport chez ses parents. Petite
plaie du cuir chevelu à la partie antérieure du pariétal gauche.
Elle ne reprend pas connaissance. Alimentation par la voie rectale
durant une semaine; la semaine suivante, possibilité d'avaler des
aliments liquides. Hémiplégie droite complète, regard fixe dirigé
en haut; dilatation pupillaire surtout il gauche. Le cinquième
jour vingt-cinq attaques convulsives, qui persislent pendant une
semaine, mais en diminuant chaque jour de fréquence. Etat coma-
teux pendant environ six semaines : miction et défécation invo-
lontaires. Amaigrissement squelettique. Tout indique une lésion
grave à gauche, au niveau du sillon de Rolando, s'étendant jus-
qu'au centre du langage. On a recours à la trépanation et on met
il nu une surface de deux pouces sur un pouce. La dure-mère fait
hernie dans l'ouverture : on l'incise, et on donne issue à quatre
onces d'un liquide clair et aqueux; on l'ouvre plus largement et
on constate une dépression de tout le lobe frontal gauche : au ni-
veau du territoire rolandique, l'espace qui sépare le crâne du
cerveau dépasse un pouce. Le liquide était contenu entre l'arach-
noïde et la dure-mère. L'amélioration commença le lendemain
de l'opération, la guérison fut rapide. Au bout d'une semaine
l'enfant peut dire oui et non et elle remue le bras et la jambe du
côté droit. Au bout d'un mois elle quitte l'hôpital, et une lettre de
sa mère datée de six mois après l'accident la représente comme
parfaitement guérie. Elle ne se souvient absolument de rien de ce
qui s'est passé entre l'accident et l'opération et ses souvenirs rela-
tivement à la semaine qui a suivi la trépanation sont très indistincts.
R. M. C.
XXXVIII. Observations SUR LE développement IIISTOLOGIQUE DE
l'écorce cérébelleuse; par le D1' Aurelio Lui.
Les conclusions de l'auteur sont que chez les mammifères
l'écorce cérébelleuse n'acquiert son développement complet qu'au
moment où la station debout et la marche deviennent possibles.
Chez les oiseaux, qui marchent dès la naissance, dès la naissance
aussi l'écorce cérébelleuse est complètement développée.
394 REVUE d'anatomie ET DE physiologie PATHOLOGIQUES.
Le mode de développement des éléments moléculaires de
l'écorce est très complexe : les éléments qui se développent gra-
duellement au sur et à mesure que l'animal commence à marcher,
sont les cellules de Purkinje et les petites étoilées de la zone molé-
culaire : ces cellules ont donc bien la signification de cellules mo-
trices. Quant aux grains, leur degré de développement est déjà très
avancé à la naissance, que l'animal marche ou ne marche pas en
naissant. (The alienist and l1eUl'ologist, janvier 1895.) E. B.
XXXIX. ETUDE SUR la dégénérescence DES CELLULES NERVEUSES dans
UN cas d'atrophie cérébrale localisée; par le Dr PROUT.
Chez un épileptique de onze ans, mort en état de mal, l'auteur
trouva une atrophie marquée des circonvolutions frontales des
deux côtés. L'étude des cellules corticales des parties atrophiées,
faite par la méthode de coloration de Nissl, lui a permis d'étudier
les divers stades de la dégénérescence des cellules nerveuses. Tout
d'abord, les granulations de chromatine se répandent à la péri-
phérie du corps cellulaire, quittant la portion centrale qui reste
claire; puis ces granulations éclatent et répandent une coloration
homogène dans tout le corps cellulaire, le noyau se colore ensuite.
A un stade plus avancé, la coloration du corps cellulaire disparait,
îe noyau, toujours coloré, devient irrégulier dans ses contours :
puis la coloration disparait à son centre en même temps que le
nucléole devient lui-même irrégulier et se désagrège.
A la dernière période le noyau, complètement décoloré, ne se
distingue plus du restant du corps cellulaire. (American journal
of insanity, avril 1895). E. BLIN.
XL. Méthodes DE laboratoire; par le D'' COOK.
Exposé des divers procédés classiques de conservation et de pré-
paration des centres nerveux et des nouvelles méthodes de colo-
ration des cellules et des nerfs : méthode de Nissl, de Golgi-Cajal,
de Pal. (Amel'ican journal of insanily, avril 1895.)
XLI. DES relations DE l'urée avec l'épilepsie ;
par le D'' Nelson TEETER.
L'épilepsie idiopathique est-elle une auto-intoxication ou une
affection d'origine purement centrale ? N'est-elle pas plutôt une
auto-intoxication par un poison ayant une affinité élective parti-
culière sur la substance cérébrale, dont il déterminerait peu à peu
l'altération et l'atrophie ?
Les deux observations relatées par l'auteur paraissent en faveur
de celte hypothèse rationnelle, la quantité d'urée éliminée ayant
constamment été plus grande après la crise qu'avant.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 395
L'urée a-t-elle eu pour influence spéciale de produire cette auto-
intoxication ? Il est difficile de l'affirmer avant de nouvelles
recherches, mais un fait est certain c'est qu'avant les attaques l'urée
était éliminée en quantité insuffisante. (Ame1'ican journal of insa-
nul, janv. 1895.) E. B.
XLII. Anatomie pathologique DE la démence paralytique;
par le Dr BERKLEY.
Les recherches de l'auteur l'ont amené à établir les trois périodes
suivantes dans l'histoire anatomo-pathologique de la démence
paralytique : 1° les éléments nerveux reçoivent du sang un apport
insuffisant de matériaux nutritifs : les fonctions mentales com-
mencent, en conséquence, à faiblir en même temps qu'on constate
un certain degré d'irritation aussi bien musculaire que mentale;
2° à une seconde période, l'apport des matériaux de nutrition est
si faible que l'on constate du côté des cellules une sorte d'autopha-
gisme ; à cette période correspondent l'excitation motrice et les
idées de grandeur; 3° les matériaux de nutrition sont à ce point
diminués que l'on constate une désintégration de la cellule ner-
veuse, accompagnée d'accroissement des tissus de soutènement :
à cette période correspondent la démence terminale et la parésie
musculaire. Reste il déterminer la cause primitive des troubles
circulatoires du début : dans l'état actuel de nos connaissances, il
est difficile de démontrer qu'ils débutent par une perle du tonus
nerveux des artères. (Amer. joum. of insanity, janv. 1895.) E. B.
XLUI. QUELQUES observations SUR la préparation DU cerveau;
par la MÉTHODE DE BÉVAN LEWIS; par le Dr P. Clark.
Les coupes du cerveau faites sur des tissus congelés permettent t
un examen des pièces anatomiques aussitôt après l'autopsie.
L'auteur donne la description classique de cette méthode et
remarque qu'elle ne laisse pas que d'être délicate et de détruire
parfois les relations des cellules entre elles.
Néanmoins, lorsque cette méthode aura été perfectionnée, il est
probable que beaucoup de pi étendus désordres fonctionnels de
l'intelligence seront trouvés sous la dépendance d'une lésion orga-
nique et qu'une classification des maladies mentales pourra être
établie sur une base pathologique sérieuse. (rimericcclz journal of
insanity, oct. 1894.) E. B.
XLIV. DE la nomenclature anatomique DES CELLULES NERVEUSES ET DE
son but immédiat; par F. NISSL. (Neu1'olog. Cezlt·al6l., \IV, 1895.)
Les cellules nerveuses centrales se décomposent en :
a. Cellules nerveuses cytochromes. Grains. Le corps cellulaire
396 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
n'est qu'indiqué. Le noyau' coloré atteint le volume des noyaux
ordinaires des leucocytes, exemple ceux que l'on rencontre dans la
couche des noyaux du cervelet :
Type CI. , Cellules de la couche nucléaire.
Cellules périphériques de la couche nucléaire, presque
au niveau des cellules de Purkinje.
y. Noyaux du bulbe olfactif (renflement olfactif).
b. Cellules nerveuses kàryochromes. - Cellules noyaux. Le corps
cellulaire n'est qu'indiqué. Le noyau'coloré atteint le volume des
noyaux des cellules nerveuses, volume toujours supérieur à celui
des noyaux de la névroglie, exemple les cellules de la substance
gélatineuse de Rolando : :
Type a. Couche de Rolando.
Cellules du ganglion de l'habenula.
c. Cellules nerveuses somaiochromes. Cellules à corps cellulaire.
Le corps de la cellule entoure complètement le noyau de la cellule
et possède un contour net.
a. Arkyochromes. La partie constituante colorée de la cellule
est disposée en réseau («pxuç).
1. Type enarkyochrome ;
2. Type ampharkyochrome;
3. Type des cellules olfactives. :
j3. Sléchochromes. La partie constituante colorée de la cel-
lule a la forme de raies ayant 'la même direction.
1. Type des cellules nerveuses motrices ;
. 2. Type des grandes cellules de la corne d'Ammon ;
3. Type des cellules de l'écorce ;
i. Type des cellules nerveuses spinales.
(. Arl¡yostichoch1'omes. Un seul type, celles de Purkinje.
, Gl' ! Joclt1'01nes, La partie constitutive de la cellule colorée
se compose de petites granulations Nous n'en
. connaissons pas.
XLV. SUR UN nouveau principe DE DIVISION DE la surface DU CER-
veau; par P. FLECIISIG. CRITIQUES DE CETTE proposition; par
AD.1Vh11'sWICZ.- RÉPLIQUES; par P. FLECIISIG. (IYc2v'olor. Centt'albl.,
XHL 1894.)
M. Flechsig propose de distinguer : 1° des centres sensoriels;
2° des centres d'association.
. Les centres sensoriels sont ceux qui, outre des fibres d'association,
contiennent des faisceaux de la couronne rayonnante composés
de fibres sensitives, motrices et de fibres de la couche optique, et
qui paraissent avoir leur appareil moteur propre. Tels le centre
. REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 397 î
visuel (fissure calcarine), le centre auditif (partie postérieure de la
lro temporale, le centre olfactif (circonvolution de l'hippocampe
et partie postéro-inférieure du lobe frontal), les circonvolutions
frontales et ascendantes.
Les centres d'association ne possèdent pas du tout de fibres de la
couronne rayonnante ; on n'y trouve que des fibres d'association.
Ce sont : le lobe frontal antérieur, le lobe temporal, l'insula, le
lobe pariétal postérieur. Ils n'ont sur les mouvements qu'une action
indirecte.
La cerveau. de l'homme l'emporte sur celui de l'animal par
l'extrême développement des centres d'association qui constituent
finalement l'acquisition spéciale de l'homme et affluent de toutes
les parties du- cerveau. Les centres de la parole occupent, dans leur
ensemble, le territoire intermédiaire entre les centres sensoriels et
les .centres d'association.
Objections physiologiques d'Adamkiewicz : les centres sensoriels
de l'écorce sont, quant aux mouvements des appareils sensoriels,
dans le même rapport que les centres moteurs quant aux sensa-
tions des organes moteurs, et, par suite, des centres corticaux ne
sont pas des districts à fonctions abstraites. « Cela, réplique
M. Flechsig, n'exclut pas les divisions anatomiques, en attendant
des démonstrations physiologiques plus exactes et plus sûres. »
P. K.
XLVI. UNE TUMEUR dans la région DES TUBERCULES quadrijumeaux.
Relations DES TUBERCULES quadrijumeaux postérieurs avec LES
TROUBLES DE l'ouïe; par E. `ŸEINLAND. (A1'chiv. f. Psychiat.,
XXVI, 2.)' .
On 'constatait cliniquement : de la mydriase avec inégalité
pupillaire, des troubles de l'accommodation à la convergence du
côté droit avec conservation symétrique de la réaction à la lumière,
un affaiblissement de la motilité de la main gauche avec léger
tremblement aux mouvements intentionnels, une petite augmen-
tation des réflexes patellaires avec hyperexcitabilité idiomusculaire,
une légère diminution de la sensibilité à la douleur; en outre, signe
de Romberg, démarche ataxique, parole lente et embarrassée.
A l'autopsie, un gliome du volume d'une noix occupe le plan des
tubercules quadrijumeaux du côté fauche et la partie supérieure
des veines avec la commissure cérébelleuse antérieure; il y a alté-
ration du segment postérieur, du pédoncule cérébelleux supérieur
gauche, 'du ruban de Reil latéral de ce côté en rapport avec ces
tubercules quadrijumeaux, des fibres radiaires unissant les tuber-
cules quadrijumeaux du côté gauche à la substance grise centrale;
il y a deslructioll'parlielle du faisceau longitudinal postérieur et
des bras des tubercules quadrijumeaux du côté gauche.
398 REVUE d'anatomie ET DE physiologie PATHOLOGIQUES.
Cette observation, rapprochée de celles de Ferrier et des études
de Flechsig, Monakow, Bechterew, permet de rattacher l'ataxie à la
destruction des veines supérieures et de la commissure cérébelleuse,
la perte de l'accommodation à la convergence du côté droit, à la
destruction du tubercule quadrijumeau antérieur, la dysacousie
à la destruction du- tubercule quadrijumeau postérieur du côté
opposé; cet organe aurait pour fonctions d'établir une association
entre l'impression auditive et les mouvements des yeux, tandis que
le tubercule quadrijumeau antérieur permettrait une synergie
entre la convergence et les mouvements des pupilles. P. K.
XLVII. Contribution A l'anatomie pathologique DES cordons posté-
rieurs DE la MOELLE; par C. MAYER. (J'i/t)'6t<C/t ? Psychiat.,
XIII, 1.)
Dans la zone d'entrée radiculaire postérieure de Westpllal, il y
a des fibres ascendantes. Il faut donc dans les altérations avoir
soin de bien distinguer le point où la racine pénètre dans la
moelle, c'est-à-dire la vraie racine postérieure, et la fibre qui,
accolée contre la racine postérieure, se dirige en montant, par
exemple, vers les colonnes de Clarke. Tel ce cas de tumeur de la
base du cerveau caractérisé en particulier par la disparition des
réflexes patellaires. La moelle paraissait normale et cependant, par
la méthode de coloration de Marchi, on trouvait une dégénéres-
cence des racines postérieures lombaires et sacrées, et les fibres
ascendantes, dégénérées, présentaient une réduction considérable.
Dans la paralysie générale, l'étude des lésions des cordons posté-
rieurs confirme les vues de Flechsig (dix observations). Les fibres
de la zone radiculaire moyenne de la moelle lombaire et de la
moelle sacrée pénètrent surtout dans les colonnes de Clarke. Cette
zone radiculaire moyenne contient aussi des fibres longues qui
gagnent le bulbe, et aussi des fibres qui, après un court trajet, se
rendent dans la zone radiculaire postéro-médiane. Dans la moelle
dorsale, le segment externe des cordons postérieurs contient une
aire striée composée de fibres à court trajet qui ne tardent pas à
pénétrer dans la substance grise. Or, les altérations des cordons
postérieurs chez les paralytiques généraux sont une combinaison
du tabes classique et d'une dégénérescence précoce des fibres à
court trajet. Quant au tabes lui-même, il est la résultante de
troubles de la nutrition exerçant une action élective sur certaines
aires des racines postérieures de la moelle.
Telle est la manière de voir de l'auteur. P. K.
XLVIII. Contribution A L'ÉTUDE anatomo-clinique DES localisations
cérébrales; par James SHAW, (bain, part. LX1X, 1895, p. 74.)
L'auteur examine trente cas observés par lui de 1879 à 1880,
, REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 399
dans chacun desquels il y avait de la débilité mentale à des
degrés divers. Il se borne à indiquer aussi exactement que pos-
sible et, pour un certain nombre d'entre eux, à figurer les lésions
trouvées à l'autopsie du cerveau, sans préjuger d'aucune idée
théorique sur les localisalions. De l'examen comparé des symp-
tômes cliniques et des lésions, il tire les conclusions qui paraissent
s'en dégager tout naturellement. Nous ne pouvons que signaler
ce travail qui ne saurait être résumé, étant présenté sous une
forme déjà très concise et ne contenant que des faits précis qui
doivent être examinés un à un. P. S.
XLIX. SUR l'état DES réflexes dans la section TRANSVERSE totale DE
la MOELLE; par Ernest RENOLDS. (Drain, part. LXIX, 1895, p. 148.)
Revue critique très bien faite qui amène l'auteur à cette conclu-
sion : D'après les observations on peut voir qu'après une section
totale transverse de la région cervicale ou dorsale supérieure de la
moelle, il y a presque toujours une perte définitive des réflexes
profonds des jambes avec paralysie flasque, et quelquefois atrophie
peu marquée des muscles, peu d'altérations de la réaction élec-
trique, et pas d'altération de la substance grise dans les régions
inférieures de la moelle. On n'a pas encore d'explication satisfai-
sante de ces phénomènes, la théorie cérébelleuse de Bostian étant
peut-être la plus plausible. Un plus grand nombre d'observations
sont nécessaires sur cette question, qui touche à l'un des prin-
cipes les plus fondamentaux en neurologie. P. S.
L. Diagnose pupillaire; par le D1' Muni.
L'auteur estime avec raison que l'état de la pupille peut, dans
certains cas, donner des indications précieuses pour le diagnostic
et, dans un article intéressant, il passe en revue les diverses affec-
tions, tant locales que générales qui peuvent avoir leur retentisse-
ment sur la pupille. (1'lve, alienist and 71eurologist, avril 1895.) E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XXXVIII. CARL WiLHELM IDELER ET SON rôle dans le PROGRÈS DE la
psychiatrie; par KARL LuDWIG IDELER. (Allgemeine Zeitseh1'i(t (Iii'
Psychiatrie, 1890, LI, 5.)
L'auteur veut défendre la mémoire de son père contre les
400 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
reproches que Siemens adressait à sa doctrine, l'accusant d'avoir
introduit en psychiatrie un traitement qui rappelle celui des sor-
ciers au moyen âge. 11 veut aussi rectifier l'opinion de Siemesling
qui voitdans Ideler un partisan de la théorie d'lleinrolh, la fameuse
doctrine du péché, cause de la folie. Ideler montre que son père
n'était pas, ainsi que le lui a reproché Leidesdorf, un idéaliste etun
ennemi de la médecine exacte, qu'il était au contraire au courant
de tous les travaux même étrangers. Il explique le maintien des
anciens moyens de coercition par le fait qu'en ce temps les idées de
John Conolly étaient très discutées et rappelle qu'Ideler plaçait au
premier rang parmi les moyens de traitement des psychoses, le
travail. " " P. S.
XXXIX. SUR l'augmentation de fréquence de la paralysie générale,
SES RAPPORTS AVEC LES FACTEURS SOCIOLOGIQUES. 111'Q't-F.b212g,
Jah1'blichel' fUI' Psychiatrie und Neurologie, 1895, XIII, 2, 3.)
L'augmentation de fréquence de la paralysie générale, quoique
indiscutable d'après l'opinion générale doit cependant être provo-
quée scientifiquement. Certains auteurs, comme Mendel, sont, en
effet, d'un avis opposé et pensent que les statistiques régionales
indiquent plutôt une diminution du nombre des cas. Les statis-
tiques ne sont pas faciles. La comparaison entre les cas anciens
et récents ne peut porter que sur un petit nombre d'années. Le nom
de la maladie dans les tableaux de morbidité générale manque sou-
vent par suite de la difficulté du diagnostic au début et du décès
dans une bonne partie des cas, tout au commencement de l'affec-
tion. On est donc réduit.aux statistiques des asiles d'aliénés : on
se base soit sur le nombre des admissions ou des décès de para-
lysie générale par rapport à l'augmentation de la population dans la
région de l'asile, soit sur l'augmentation du nombre des paralysies
générales, par rapport aux sujets atteints d'autres maladies men-
tales. C'est à cette seconde manière d'évaluation qu'il faut s'arrêter
quoiqu'elle ne soit pas à l'abri de l'erreur. Les formes calmes de la
maladie peuvent, en effet, parfaitement échapper à l'asile public.
Dans une statistique d'Allhaus, de Londres, de 1838 à 1850, le
nombre des paralysies générales dans les asiles d'aliénés anglais
s'élevait à une proportion de 12,61 p. 100 de la population totale
alors que ce taux était de 18,11 p. 100 de 1867 à 1871. Cette aug-
mentation de 6 p. 100 est d'autant plus remarquable que pendant
le même temps le total des malades n'avait augmenté que
de 14 p. 100. D'après Mendel, on pouvait, en 1870, évaluer ainsi la
proportion des paralysies générales dans les asiles d'aliénés.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 401
Les recherches antérieures de Baillarger donnent pour les asiles
de France une proportion de 12,5 p. 100.
Krafft-Ebing donne la proportion suivante du nombre de para-
lysies générales pour cent admissions :
TABLEAU I
402 '1) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
. En 1860 le rapport entre le nombre des paralysies générales
hommes et femmes était dans les asiles d'aliénés de 8 contre 1.
Schüle l'estimait en 1880 à 7 contre 1. Depuis, cette proportion a
de beaucoup augmenté. ;
Récemment, Ivanoff (94), a donné les proportions suivantes :
Danemark, 3,41 pour 1. Italie 3,22 : 1. Russie 3,15 : 1. Angleterre
2,85 : 1. Betgique 2,77 : 1. France 2, 40 : 1.
Cette augmentation de fréquence indiquée par les statistiques
une fois établie, il faut en chercher les causes. Celles-ci sont mul-
tiples. Les changements économiques et sociaux de notre époque,
les inventions du siècle sont parmi les plus importantes. Moreau,
en 1850, constatait déjà la progression de la paralysie générale et
en rendait coupable le progrès de la civilisation. On ne peut signa-
ler toutes les différences entre l'état actuel de la civilisation et
celui du passé. Il faut tenir compte de l'état d'infériorité au point
de vue neurologique d'une bonne partie de la population par suite
de l'influence des fabriques, de la vapeur et de l'électricité.
L'abandon des professions agricoles par suite du développement
du commerce, l'augmentation de la population des villes, la con-
currence rendant plus difficile la vie matérielle, les exigences de
la vie augmentées par les progrès de la civilisation, un plus grand
désir de jouissances, le travail supplémentaire du cerveau comme
conséquence nécessaire de la satisfaction de ce besoin, l'usage crois-
sant des stimulants du système nerveux, l'abus surtout en fait
d'alcool, la nervosité héréditaire causée en partie par le surmenage
du cerveau, tous ces facteurs doivent entrer en ligne de compte
pour expliquer cette progression. Dans les classes élevées les causes
d'excitation et de dépense nerveuse sont encore plus actives. Enfin,
alors que jadis l'homme travaillait seul et la femme ne vaquait
qu'aux besoins du ménage, aujourd'hui ce rapport social des
sexes a beaucoup changé, les femmes se livrent en grand nombre à
des travaux intellectuels et corporels. Ce fait explique déjà pour-
quoi la femme de la société actuelleaperdu son immunité relative
pour la paralysie générale. Le même fait explique la différence de
fréquence de la maladie dans les classes élevéespour les deux sexes.
Alors que dans ces classes un fort contingent de paralytiques est
fourni pour les hommes par les officiers, les médecins, les ban-
quiers, celui que fournit la femme est très minime tant que la sy-
philis n'est pas en cause : cela se conçoit quand on réfléchit à la
vie facile et inactive de la femme dans la société élevée, par rap-
port à l'existence remplie d'activité de l'homme.
Il faut aussi tenir compte au point de vue de la paralysie géné-
rale de l'influence de la civilisalion européenne sur des peuples en-
core non civilisés. D'après Meilhon, médecin de l'asile d'Aix, sur
498 entrées d'Arabes de 1860 à 1890 il n'y eut jusqu'en 1877 au-
cun cas de paralysie générale. De 1877, sur 253 admissions il y eut
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 403
13 cas, soit une proportion de 5,13 p. 100. Il s'agissait dans ces
cas de malades qui avaient changé leurs occupations habituelles,
s'étaient portes vers la ville et avaient pris des métiers européens.
Ils présentaient presque tous la forme classique de la paralysie
générale, la forme maniaque. L'origine urbaine ou rurale des ma-
lades présente une certaine importance. Mendel a montré que dans
les asiles des provinces agricoles du Schlewig-Holstein et de Hanovre
la proportion des paralysies générales était de 4,56 p. 100 alors
que dans le Brandebourg elle était de 19,7 p. 100 et à Berlin de
26 p. 100. La syphilis étant parmi les causes les plus importantes
qui agissent dans les grandes villes, doit attirer particulièrement
l'attention. Une statistique de Rieger (VÜrzbourg) montre que sur
1000 aliénés non paralytiques généraux la syphilis peut être incri-
minée 39 fois alors que sur le même nombre de paralytiques géné-
raux, la syphilis se trouve 400 fois. Chez les paralytiques généraux
des classes élevées, il y a, d'après différents auteurs, une proportion
de 75 p. 100 pour la syphilis. Comme l'apparition de la paralysie
générale, dans la majorité des cas, a lieu cinq à quinze ans après
l'infection syphilitique et comme la majeure partie des hommes
contracte la syphilis de vingt à trente ans, on s'explique facilement
l'époque ordinaire du début de la paralysie générale. La syphilis,
en règle générale, étant contractée dans les rapports extra-conju-
gaux, tout ce. qui au point de vue sociologique augmentera les
difficultés du mariage contribuera à sa progression et, en consé-
quence, à celle de la paralysie générale. Dans sa statistique,OEbecke
trouve chez les paralytiques généraux des classes élevées, où les
mariages sont moins fréquents et plus tardifs, une proportion de
73,7 p. 100 alors que dans les basses classes la proportion n'est que
de iG,7 p. 100. De même pour les officiers qui se marient rare-
ment avant trente-cinq ans. Les données fournies par les prêtres
catholiques sont assez intéressantes. Sur 2,000 paralysies générales
observées par Iirafit-);bin, il n'y eut aucun prêtre catholique alors
que de nombreuses recherches sur la proportion des cas de paralysie
générale chez les officiers par rapport aux autres psychoses lui ont
donné 90 p. 100. Kundt (de Degendorf) eut sur 1,090 admissions
16 prêtres catholiques, dont aucun paralytique général et 13 mili-
taires dont 8 paralytiques généraux. L'immunité relative des prêtres
s'explique parla rareté de l'alcoolisme et de la syphilis.
L'alcoolisme mérite d'être aussi examiné. Il donne naissance à
un tableau qui rappelle souvent celui de la paralysie générale
dont elle est quelquefois plutôt le signe que la cause. Les auteurs
français exagèrent l'influence de l'alcool sur l'origine de la para-
lysie générale et ne tiennent pas assez compte de la syphilis.
OEbecke donne pour l'alcool une proportion de 44 p. 100. D'après
Stark, sur 185 paralytiques généraux on ne trouva que chez 42 des
excès d'alcool, donc une proportion de 22,70 p. 100. P. Sérieux.
404 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XL. Jean Wasilewttsch IV, surnommé LE Cruel. Étude psychiatrique ;
- par A. V. Rothe. (Jahi,b. f. Psych. u. Neurol., 1895, XIII, 2, 3.)
Les jugements des historiens russes sont partagés sur la person-
nalité de ce czar. Pour les uns, avec Solowief en tête, ce prince
réaliserait le modèle d'un roi de l'époque et serait un prédécesseur
de Pierre le Grand; pour les autres avec Karamsin, Jean ne serait
qu'un de ces tyrans sanguinaires qu'on voit quelquefois dans l'his-
toire des peuples. Dans cette étude documentée, Rothe cherche à
établir que ce prince, à hérédité chargée, présenta dans l'enfance
une neurasthénie marquée. Celle-ci dégénéra rapidement dans une
psychose proprement dite, une primxre Verrüclitheit qui dura jus-
qu'à sa mort. P. S.
XLI. DEL'AUGE; par Chr. HASCH. (Neurolog. Cent2,albl , XIII, 1894.)
C'est un trouble psychique propre à la race malaise de Sumatra,
Java, Bornéo, des Célèbes et de la péninsule, particulièrement fré-
quent à Macassar. Il s'en produit un à deux cas par mois, qui
coûtent la vie à une quinzaine de personnes chaque fois ou tout au
moins entraînent de graves blessures. Généralement c'est à la suite
de pertes faites au jeu que les indigènes sont brusquement pris
d'un accès de manie furieuse pendant lequel le malade, muni de
ses armes, frappe tout ce qui se présente. Puis, ou bien il se tue
lui-même, ou bien il est tué par la population comme un chien *
enragé, ou bien il tombe dans la stupeur. L'étiologie n'est guère
connue; on accuse les abus d'opium. En tout cas cette maladie n'a
été observée que chez les hommes. Amnésie consécutive. Durée :
quelques heures à quelques jours. Cette maladie ne saurait être
simulée, ni contagieuse en raison du fait que les Malais courent
sus au furieux et le tuent. P. K.
XLII. ETUDES statistiques ET CLINIQUES POUR SERVIR A la connaissance
DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ LA FEMME; par R. \VOLLEBEnG.
(Archiv f. Psychiat., XXVI, 2.)
Années 1881-1892, à la Charité de Berlin. Il est entré une para-
lytique femme pour 3,5 hommes atteints de la même maladie. En
quinze ans le nombre des femmes paralytiques a doublé, et cepen-
dant, le nombre des femmes mariées l'emporte; très peu de pros-
tituées.Age moyen de trente-six à quarante ans. Evolution analogue
à celle de la paralysie générale chez l'homme; la démence cepen-
dant domine. Durée moyenne deux ans. La syphilis est un prédis-
posant, elle a. été relevée chez 51 p. 100 des malades. L'hérédité
semble rendre la paralysie générale plus précoce, 50 p. 100 avaient
de l'immobilité réflexe des pupilles. P. K.
406 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
40 p. 100 d'entre eux mouraient après un séjour de 6 mois à
l'asile et 73,9 à la fin de la deuxième année de leur internement.
Sur un total de 892 décès, on put pratiquer 830 autopsies.
LÉSIONS CONSTATÉES
SOCIÉTÉS SAVANTES. 407
restreignant la durée, et prédisposant à des attaques congestives;
celles-ci ont été observées dans 59,33 p. 100 de cas chez l'homme
et 60,38 p. 100 des femmes. P. K.
XLVI. DE LA MANIÈRE D'ÊTRE DE LA CONSCIENCE DE LA MALADIE DANS LA
PARANOI ; par A. Mercklin. (Allg. Zeitschr. f. Psychiul., LI, 3.)
Au début de la folie systématique chronique, le malade peut
regarder ses conceptions délirantes comme des idées maladives; ce
sont alors des conceptions délirantes mobiles; il en est de même pour
les sensations somatiques et les phénomènes anxieux. Plus lard il
n'en sera plus ainsi; mais on pourra voir le délirant admettre que
les épisodes de confusion mentale qui le prennent de temps à autre
sont de la maladie, tandis qu'il ne conviendra pas de l'inanité de
ses idées fixes de grandeurs et de persécutions. P. Keraval.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXVIe RÉUNION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
ALLEMANDE DU SUD-OUEST.
SESSION DE CARLSRUHE.
Séances des 3 et 4 novembre 1894. Présidence du PROFESSEUR
tUBSTNE11 (de Strasbourg).
M. Sommer. Rapport sur la question de l'alcool. L'auteur se
place sur le terrain de la physiologie et de la clinique. C'est bien
la question de l'alcool qu'il entend étudier, et non celle des impu-
retés de l'alcool, car il'n'y a pas en réalité de différence entre
l'action de l'alcool éthylique pur et celle de l'alcool impur. Quel
est le rôle physiologique de l'alcool ? C'est un combustible qui se
transforme rapidement, dans l'organisme, en. acide carbonique et
en eau. Mais la production de chaleur due à celte combustion ne
détermine pas une épargne des éléments des corps combustibles :
elle est en effet compensée par une déperdition plus considérable
408 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de calorique due à la dilatation des vaisseaux cutanés, cette der-
nière étant elle-même sous la dépendance de la paralysie des vaso-
moteurs. L'alcool n'est donc ni un aliment d'épargne, ni un tonique
du système nerveux. Il détermine au contraire un cortège de
troubles nerveux par son action sur les nerfs périphériques. Il agit
de deux façons : 1°- par son action toxique sur le protoplasma
nerveux; 2 par l'inflammation qu'il produit dans les tissus voisins
de l'élément nerveux.
Pour ce qui est de l'influence de l'alcool sur le cerveau, Kraepelin
a montré qu'à la dose de 30 à 40 grammes les fonctions psychiques
s'accomplissent plus péniblement (lecture, calcul, association des
idées, etc.); chez certains sujets, cette action de ralentissement est
parfois précédée d'une phase d'allégement, surtout pour les fonc-
tions motrices. Ajoutons à cette double influence de l'alcool la
production d'un sentiment d'euphorie. Par l'action physiologique
de l'alcool s'expliquent une série de phénomènes cliniques : l'ivresse,
la fureur alcoolique, les actes criminels des alcoolisés, leur affai-
blissement intellectuel. Le delirium tremens est beaucoup plus rare
dans les pays à bière que dans les contrées où l'on boit le vin et
l'eau-de-vie.
Il faut distinguer les buveurs qui s'alcoolisent par suite de pré-
jugés, de leur profession (buveurs conventionnels), et les buveurs
psychopathes qui, en dehors des circonstances précédentes, ne
peuvent résister au besoin d'augmenter leur ration habituelle
d'alcool. Les buveurs conventionnels peuvent être guéris par l'abs-
tinence totale, mais non par la « tempérance ». L'action dégénéra-
tive de l'alcool sur la descendance n'est pas suffisamment prouvée.
Il faut limiter 'l'usage de l'alcool en thérapeutique aux cas dans
lesquels son action physiologique peut être utile (engourdissement
des fonctions psychiques, excitation des fonctions motrices, eu-
phorie). L'incurabilité des buveurs tient en général non pas à la
nature même de la maladie, mais à l'alcoolisation obligatoire qui
sévit dans le milieu social où ils vivent. -
Au. SMITII (Schloss-Marbach), Rapport sur la question de l'alcool.
- Grande est l'importance de la campagne menée par les aliénistes
suisses en faveur de l'abstinence totale de l'alcool. C'est la première
fois que celte dernière question fait l'objet d'une discussion scien-
tifique en Allemagne. L'alcool est un fléau social. Par suite du
préjugé qu'il nourrit, qu'il fortifie, qu'il réchauffe, la classe des
travailleurs dépense des sommes considérables sans augmenter sa
puissance de travail. De vastes étendues de terrain sont perdues
qui pourraient servir à l'alimentation du peuple. La criminalité est
augmentée de 100 p. 100 par suite de l'usage des boissons alcoo-
liques. Il meurt, dans certains pays, un habitant sur neuf, par l'abus
de l'alcool. La mortalité des sections d'abstinents des compagnies
anglaises d'assurance est moindre de.30 p. 100 que celle des non-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 409 19
abstinents. 25 à 30 p. 100 des cas d'aliénation mentale sont pro-
voqués par l'alcool. Le traitement des alcoolisés ne peut se faire
que dans des asiles spéciaux : la durée du séjour doit varier entre
six et douze mois. Il serait possible d'interner les buveurs contre
leur volonté, mais leur maintien, malgré eux, ne devrait pas être
autorisé. Une période d'observation de quinze jours suffit pour dé-
cider si le malade restera à l'asile : la plupart y séjourneront de
leur plein gré; les autres devront être traités dans un établissement
ouvert. L'abstinence totale est la règle. L'alcool doit être supprimé
brusquement.
L'auteur se déclare partisan de l'abstinence totale des boissons
alcooliques, non seulement pour les buveurs, mais pour tous. Il
s'appuie sur l'inutilité de l'usage de l'alcool - sur ses dangers -
sur la transition insensible qui mène le buveur, sans qu'il en ait
conscience, de l'usage modéré à l'abus, sur l'impossibilité où l'on
est de pronostiquer si tel sujet deviendra ou non un buveur d'habi-
tude.
Discussion. M. Furstner. L'admission dans les asiles d'aliénés
des sujets alcoolisés augmentera les difficultés déjà considérables
de la tâche des médecins aliénistes. En vertu de quelle loi main-
tiendra-t-on les nombreux psychopathes alcoolisés dans les'asiles ?
On a proposé d'interdire les alcooliques quand leur incurabilité sera
évidente. C'est imposer aux médecins une tâche très ardue et très
ingrate. L'opinion publique s'insurgera contre de pareilles mesures.
N'a-t-on pas actuellement de grandes difficultés à maintenir en
traitement de véritables aliénés ? La création d'asiles spéciaux d'al-
cooliques pour les indigents exigera en outre des sommes considé-
rables. -
L'épilepsie ne parait pas être, chez les buveurs, aussi fréquente
qu'on l'a dit. L'augmentation du nombre des alcooliques n'est pas
générale : à Strasbourg le nombre des psychoses alcooliques va en
diminuant, ce qui tient à ce que la bière prend la place de l'eau-
de-vie et des liqueurs. Il n'y a pas une forme unique de delirium tre-
mens. Il existe des variétés fort différentes, entre autres certaines
dans lesquelles les visions d'animaux, le tremblement, et d'autres
symptômes caractéristiques font défaut.
Au point de vue de l'usage de l'alcool en thérapeutique, on en
obtient des résultats très favorables pour combattre l'insomnie des
sujets chez lesquels les bains et les narcotiques sont contre-indiqués.
L'agitation des malades épuisés par l'inanition est rapidement
calmée par l'alcool, dont l'absorption est suivie d'un profond som-
meil.
M. KR,EPELlN. - Les dangers de l'alcoolisme sont moins pres-
sants dans l'Allemagne du Sud : le delirium tremens y est une
rareté. Il n'en est pas de même dans l'Allemagne du Nord. Berlin
410 SOCIÉTÉS SAVANTES.
est un foyer d'alcoolisation ; dans l'asile berlinois de IIerzberge
la proportion des alcooliques hommes s'est élevée à 70 p. 100. Au
point de vue thérapeutique, il est vrai que l'alcool est un excellent
hypnotique dans certains cas.
Il faut bannir complètement des asiles d'aliénés l'usage, même
modéré, des boissons alcooliques. La suppression de ces boissons a
donné d'excellents résultats à la clinique de Heidelberg, non seule-
ment dans l'épilepsie alcoolique, mais chez les dipsomanes, les
épileptiques. 11 est à désirer que tous les médecins aliénistes éclai-
rent l'opinion publique, et insistent sur ce point que. l'alcool, loin
d'être un agent inoffensif, est beaucoup plus dangereux que
l'opium.
M. Wildermuth ne croit pas que l'alcoolisme joue un rôle impor-
tant dans l'étiologie de l'épilepsie. Il est cependant d'avis de sou-
mettre les épileptiques au régime abstinent.
M. Sommer. - L'alcool doit être considéré comme un agent
provocateur des manifestations épileptiques.
M. BLEULER. - La suppression des boissons alcooliques a été des
plus favorables aux épileptiques. L'épilepsie alcoolique est rare,
mais beaucoup d'épileptiques sont fils de buveurs. Au point de vue
thérapeutique, l'alcool est un médicament très dangereux. Il ag-
grave nombre d'affections aiguës, telles que le typhus et la pneu-
monie. 11 n'est pas démontré qu'il soit un bon agent hypnotique
dans le delirium tremens.
M. Smith. - L'alcoolisme n'est pas moins répandu dans l'Alle-
magne du Sud que dans l'Allemagne du Nord, mais on y boit plus
de bière que d'eau-de-vie. Le delirium tremens est certes plus rare ;
mais il n'en est pas de même des maladies du coeur et du rein.
.
Séance du 4 novembre. - Présidence du Professeur KR.EPFLIN.
M. NISSL (rrancfort-sur-le-llfein). L'état actuel de l'anatomie et de
la pathologie des cellules nerveuses. - Les cellules nerveuses ne sont
pas toutes construites sur le même plan : il y a de nombreux types
de cellules nerveuses, bien caractérisés au point de vue morpho-
logique et en rapport avec des fonctions nerveuses spéciales. Grâce
à la méthode spéciale qu'il emploie, l'auteur a pu se convaincre de
l'inexactitude du schéma de Max Schullze sur la structure de la cellule
nerveuse et de l'existence de types variés d'éléments nerveux. L'ab-
sence de connaissances positives sur le rôle fonctionnel des diffé-
rents territoires du système nerveux est cause de notre ignorance
touchant les fonctions de tel ou tel type de cellules nerveuses. Dans
toute la série des vertébrés chaque territoire du système nerveux
renferme des cellules du même type. Si donc on arrive à connaître
SOCIÉTÉS SAVANTES. 411
les fonctions de ces territoires, on saura par là même quelles sont
les fonctions de tel type de cellules.
Le rapport qui existe entre la structure des éléments nerveux et
' leur fonction est bien établi pour les cellules qui, dans la série
entière des vertébrés, occupent des territoires dont les fonctions
motrices sont démontrées. Ces éléments sont nettement différenciés
des autres cellules nerveuses, et il est aisé d'en donner les carac-
tères anatomiques. Quand on les rencontre dans un point de
l'écorce, on peut admettre le rôle moteur de ce dernier. Nous ne
savons rien de précis sur les fonctions des cellules des ganglions
spinaux : mais nous savons que les cellules du noyau de la racine
descendante du trijumeau ont la même fonction que les éléments
des ganglions spinaux.
Les cellules nerveuses d'un même type, par exemple les cellules
motrices, peuvent se présenter sous différents aspectssuivant qu'elles
prennent plus ou moins la matière colorante : elles peuvent être
très colorées, très peu ou moyennement colorées. Ces différences
ne paraissent pas tenir seulement au rapport qui existe entre les
quantités des substances nerveuses colorée et non colorée de la
cellule. La dimension de celle-ci joue un rôle, car la coloration la
plus légère se rencontre dans les cellules les plus volumineuses et
vice versa. La différence de coloration des cellules nerveuses n'est
pas artificiellement produite : elle correspond à des modifications
de la nutrition de la cellule vivante, modifications encore inconnues,
et dont nous ignorons la permanence pour un même élément ner-
veux. Les différences constatées dans la coloration des cellules
nerveuses tiennent probablement à des états fonctionnels différents
de ces cellules (repos, activité); c'est ce que confirmerait l'examen
d'éléments nerveux excités faradiquement.
En outre des signes caractéristiques fournis par l'imprégnation
des matières colorantes, il faut noter la chromophilie. On rencontre
des cellules chromophiles dans les divers types de cellules. Elles se
distinguent par leur apparence homogène, la disparition des dé-
tails de structure, leur coloration intense par les matières colo-
rantes, et leur faible volume. La chromophilie est une manifestation
artificielle, plus rare sur les pièces traitées par l'alcool. L'auteur
insiste sur la nécessité de fixer d'une façon précise les types nor-
maux- des différents éléments nerveux (Aequivalent formen), en
tenant compte des altérations cadavériques, des modifications mé-
caniques et de la chromophilie. L'examen des éléments nerveux des
animaux pourra fournir d'utiles indications.
M. DEiIlO (de Ileidelberg). Démonstrations microphotographiques.
- Des expériences ont été faites sur des lapins afin de déterminer
les altérations des cellules ganglionnaires consécutives à l'intoxi-
cation alcoolique aiguë. Les recherches ont porté surtout sur les
cellules de Purkinje du cervelet. Dans l'empoisonnement aigu par
412 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'alcool, suivi de mort en quelques heures, on n'a pu observer des
lésions bien caractérisées. Lorsque la mort n'est survenue qu'après
six à trente-quatre heures, on a constaté des altérations des rami-
fications des cellules, des modifications dans la répartition de la '
matière colorante. Le noyau et les nucléoles traités par le bleu de
méthylène n'ont pas présenté de lésions. Ces altérations ne frap-
pent qu'un certain nombre des cellules de Purkinje. Chez un
chien, mort en trente heures, des lésions analogues, mais plus
accentuées, ont été constatées.
M. NISSL fait l'éloge des microphotographies de M. Dehio et
signale les services importants que la technique microphotogra-
phique a rendus et est appelée à rendre dans l'avenir quand elle sera
encore plus perfectionnée. '
M. Kreuser (de Schussenried). Des mesures disciplinaires dans les
asiles d'aliénés. - Il existe des malades, lucides le plus souvent, qui
sont de véritables fléaux pour les services d'aliénés, par leur tur-
bulence, leur méchanceté, leur indiscipline, leurs tentatives d'éva-
sion. La thérapeutique est désarmée en présence de ces sujets à
mauvais instincts : leur excitation ps3cho-motrice doit être autre-
ment réprimée. Ils doivent être placés dans des sections spéciales
et soumis à des mesures disciplinaires dont la plus énergique est
l'isolement. ,
M. SIOLI fait remarquer que les tentatives d'évasion d'un malade
ne doivent pas toujours être considérées comme un acte patholo-
gique. Bien souvent l'évasion d'un aliéné a montré que celui-ci.était
capable de vivre en libertés Les mesures disciplinaires dont on
parle doivent être employées aussi rarement que possible.
M. WILDERMUTIl. La presse réclame la création de commissions
analogues à celles qui fonctionnent en Angleterre. Celles-ci cons-
tituent une sauvegarde pour le médecin, dont la responsabilité est
ainsi à couvert.
M. Kreuser avoue que la durée de l'internement a peut-être jadis
été prolongée au delà du temps nécessaire. Il convient de faire
sortir les malades à titre d'essai. La création de commissions spé-
ciales est à désirer.
M. KRÆPELIN pense avec M. Sioli, qu'il faut être moins rigoureux
dans la prolongation de l'internement des aliénés. Les malades se
conduisent souvent au dehors bien mieux qu'on ne l'aurait cru. Il
faut tenir grand compte des conditions dans lesquelles se trouvera
le malade à sa sortie; or le médecin ne les connaît pas toujours
suffisamment.
M. Furer. Des cures d'abstinence. Les établissements destinés
au traitement des morphinomanes, buveurs et autres intoxiqués
doivent appliquer le principe de l'abstinence totale. La durée du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 413 il
traitement doit être de six à neuf mois. Ces établissements peuvent
être « ouverts », pour la majorité des alcooliques; mais pour les
morphinomanes, les cocaïnomanes, ils doivent être fermés, et soi-
gneusement isolés. La prophylaxie de ces diverses intoxications
peut être très efficace. L'administration doit activement surveiller
les pharmacies pour ce qui est de la vente des médicaments nar-
cotiques, interdire les réclames de la presse en faveur des mêmes
toxiques (solutions bromurées, eau de Levinstein, etc.). Les méde-
cins doivent être éclairés sur le danger des poisons narcotiques.
L'auteur signale le danger que les médecins morphinomanes font
courir à ceux qui les approchent. P. Sérieux.
CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNÂTES ALLEMANDS.
SESSION DE DRESDE.
Séance du 22 septembre 1894.
M. IIIEYER, Sur l'atrophie des fibres corticales chez les aliénés. -
Depuis les travaux de Tuczek sur l'atrophie des fibres à myéline
intra-corticales dans la paralysie générale (1884), cette lésion a été
constatée chez les épileptiques, les déments, les idiots. L'auteur l'a
rencontrée chez des sujets atteints de confusion, de mélancolie
chronique et de paranoïa hallucinatoire. Ses recherches ont porté
surtout sur les fibres corticales du lobe frontal. On sait que ces
fibres constituent trois couches : l'une externe, située sous la pie-mère,
composée de fibres tangentielles; l'autre moyenne, plus épaisse
formée de fibres rayonnantes et tangentielles; la troisième, corres-
pondant aux cellules ganglionnaires. C'est la couche moyenne qui
parait atteinte la première; puis viennent les fibres tangentielles
et enfin celles de la troisième couche. Parfois, surtout chez les
paralytiques généraux, les fibres intra-corticales ont totalement
disparu. L'atrophie des fibres externes et moyennes se rencontre
dans les psychoses chroniques avec terminaison par la démence
(mélancolie, délire de persécution). Jusqu'alors on avait mis les
lacunes de l'association des idées observées dans les psychoses chro-
niques sur le compte de troubles fonctionnels; il est probable que
souvent il s'agit en réalité de lésions dégénératives des fibres d'as-
sociation. Le groupe de symptômes qui constituent les démences
doit être considéré comme l'expression d'une atrophie diffuse des
414 r SOCIÉTÉS SAVANTES.
fibres d'association. Chez les idiots il s'agit d'un arrêt de dévelop-
pement de ces fibres. Les idées délirantes de la paranoïa peuvent
également être mises sur le compte de troubles dans l'association
des idées provoqués eux-mêmes par une dégénération partielle des
fibres d'association. De même cette lésion peut expliquer les hallu-
cinatiuns des persécutés.
En résumé un vaste groupe de psychoses, - les affections psy-
chiques secondaires, y compris l'idiotie - paraissent être sous la
dépendance d'une atrophie des fibres corticales. Pour ce qui est
des affections mentales primaires, l'apparition des symptômes dits
secondaires parait lié à la même lésion atrophique, quelque ait été
le processus initial de la maladie. L'atrophie des fibres corticales
n'est donc pas une lésion appartenant en propre à la démence
paralytique. Cependant cette dernière affection serait caractéri-
sée par la prédominance de la lésion dans les circonvolutions
rolandiques.
Discussion : M. TuczEK. La localisation de l'atrophie des fibres
corticales chez les paralytiques généraux est très variable; il en
est de même de la région primitivement intéressée par le processus
atrophique. Peut-être ces faits sont-ils en rapport avec certaines
variétés cliniques de la maladie. Si le fait se confirme de l'atrophie
des fibres dans les psychoses chroniques évoluant vers la démence,
il reste, comme caractérisant la paralysie générale, l'existence cons-
tante de la lésion et sa localisation habituelle aux régions anté-
rieures des hémisphères. Je n'ai jamais rencontré l'atrophie des
fibres de l'écorce en dehors de la paralysie générale, sinon dans
les intoxications, les arrêts de développement et peut-être les psy-
choses séniles. Les cas de paranoïa avec atrophie des fibres d'asso-
ciation ont besoin d'être confirmés. Il est prématuré de vouloir
rapporter un grand nombre de troubles psychiques à la lésion des
fibres corticales. Par exemple dans les pseudo-paralysies générales
qui simulent si complètement la démence paralytique, il n'y a pas
d'atrophie des fibres.
M. Iïa.> : eEtrar émet l'avis que les recherches anatomiques
devraient porter non seulement sur les fibres, mais sur les cellules
ganglionnaires.
M. ALZfait observer qu'il n'a pu, à l'aide des méthodes
d'Exner et de \issl, déceler aucune altération cellulaire chez des
sujets atteints de démence secondaire consécutive à la paranoïa.
M. MEYER a constaté dans un cas de paranoïa une atrophie des
fibres dans les couches externe et moyenne (méthode de Weigert).
Il est d'accord avec M. Tuczek : dans le cas qu'il a observé l'atrophie
était prédominante dans la région antérieure des hémisphères; la
lésion est plus accentuée, chez les paralytiques, dans les circonvo-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4t5
lutions rolandiques; chez les sujets non paralytiques, l'atrophie des
fibres de cette région est moins avancée.
M. LÜHRMANN (de Dresde). Rapports de l'alcoolisme et de l'hystérie.
L'Auteur rappelle les travaux de Dagonet et Magnan (1873-1874),
ceux de Charcot, qui ont montré que certains symptômes observés
chez des alcooliques (hémianesthésie, mutisme, contractures, etc.)
devaient être mis sur le compte de l'hystérie. L'hystérie toxique est
moins rare qu'on le pense, mais souvent ellen'estpas diagnostiquée,
ses stigmates pouvant rester dissimulés sous les symptômes de
l'alcoolisme ou du saturnisme. Sur 60 hommes hystériques, l'alcoo-
lisme a joué chez 18 d'entre eux, le rôle d'un agent provocateur.
L'hystérie se rencontre chez des alcooliques sous le coup d'une
intoxication chronique qui a déterminé des troubles graves de la
nutrition. L'hystérie alcoolique ressemble de tous points à l'hys-
térie ordinaire ; seuls certains troubles moteurs, sensitifs, visuels,
nécessitent quelques remarques. L'hémianesthésie alcoolique a été
fréquemment observée par Magnan. Parmi les troubles visuels, il
faute noter le rétrécissement concentrique du champ visuel, l'achro-
matopsie, le scotome. Au point de vue des accidents convulsifs
l'auteur a observé la combinaison des convulsions épileptiques dues
à l'alcool et d'attaques hystériques. Les premières disparaissent par
l'abstinence, tandis que les seconds persistent. Les crises hystériques
peuvent d'ailleurs être provoquées par l'intoxication alcoolique,
surtout chez les buveurs d'habitude. Des faits analogues se rencon-
trent dans la narcose provoquée par le chloroforme, dans l'intoxi-
cation par la morphine. L'auteur donne des exemples très nets de
l'influence provocatrice de l'alcool sur la production d'accès convul-
sifs hystériques.
L'hystérie traumatique paraît plus fréquente chez les' buveurs.
Chez les alcooliques chroniques atteints d'hystérie traumatique une
dose minime d'alcool parait faire avorter les attaques hystériques.
Au point de vue du traitement, on obtient parfois d'heureux
résultats par l'abstinence totale des boissons alcooliques : de graves
symptômes hystériques peuvent complètement disparaître.
Discussion : 111. H1TZIG demande si les malades observés par
l'auteur, souffraient d'un catarrhe chronique de l'estomac. Dans
ce cas il faudrait attribuer un rôle important aux troubles caslri-
ques dans l'étiologie des manifestations hystériques.
M. LuumiANN répond que nombre de ses malades étaient atteints
de gastrite chronique.
M. BuscHAu (de Stettin). De l'influence de la race sur la fréquence
cl la forme des maladies mentales et nerveuses. 4 Dans le groupe
de la race européenne, ce sont les éléments scandinaves et germains,
c'est-à-dire les représentants du type blond du nord, qui ont la plus
grande tendance aux psychoses dépressives et au suicide. Les Celles,
416 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les Ibères, les Ligures, les représentants du type brun de l'Alle-
magne du Sud, sont plus sujets aux états maniaques. L'auteur donne
sur ce sujet une statistique documentée; il rappelle l'observation de
Lusche sur la fréquence plus considérable, en France, des hommes
de génie dans les régions peuplées par la race germanique, par
rapport aux contrées où prédomine l'élément celtique. Les Celtes
(Français) sont très prédisposés à l'hystérie et à l'ataxie hérédi-
taire.
2° Le groupe sémitique se distingue par la prédisposition de ses
membres aux maladies mentales; cette prédisposition ne peut s'ex-
pliquer suffisamment par les facteurs sociaux; il faut admettre
l'intervention de l'influence ethnique. La fréquence des psychoses
a en effet été observée non seulement chez les Juifs modernes, mais
chez les anciens Hébreux, les Phéniciens, les Egyptiens, les Arabes
en un mot chez tous les représentants des races sémitique ethami-
tique. Les femmes sont plus souvent frappées que les hommes. Le
diabète est fréquent chez les Israélites; le tabes est rare.
3° La race mongole se distingue surtout par la fréquence des
psychoses à forme d'exaltation : accès de fureur chez les Sa-
moyèdes, les Ostjakes, Jakoutes, etc. L'épilepsie est fréquente dans
la race malaise.
4° Les races rougea sont peu exposées à la folie. L'alcoolisme y
détermine plus souvent l'épilepsie que le délire.
5° Dans les races noires psychoses et névroses sont rares, sauf
l'idiotie et l'hystérie. La manie est fréquente chez le nègre civi-
lisé.
M. NÆCJ(E (de Hubertusburg). La menstruation et son influence
sur les psychoses chroniques. - Les recherches de l'auteur ont porté
sur 99 femmes atteintes d'affections mentales chroniques, dont l'âge
variait pour la plupart entre trente et un et quarante-cinq ans. Les
psychoses observées chez les femmes étaient la paranoïa chronique
(17 cas), la même forme avec affaiblissement intellectuel (40), la
démence secondaire (10), la confusion chronique (23); il faut y
ajouter quelques cas d'idiotie, de' manie périodique. La durée
moyenne de la période mensuelle a varié entre 4 jours 1/2 et
5 jours 1/2. Les règles paraissent avoir une influence dans environ
20 ou 25 cas p. 100, et agissent en déterminant habituellement un
état d'excitation motrice ou psychique, accompagné de congestion
de la face, d'hallucinations de la vue. Les idées érotiques sont très
rares. En général la menstruation est normale. Dans les psychoses
aiguës, l'influence de la menstruation est plus considérable.
Paul SÉRIEUX.
SOCIÉTÉS SAVANTES. - 417 "1
Live RÉUNION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
' DE LA PROVINCE RHÉNANE.
. 10 novembl'e 1894, - BONN,
,NI. le Président, le professeur Pelman, ouvre la séance et résume
les travaux du Congrès des médecins aliénistes allemands' de.
Dresde (septembre 1894), ceux du Congrès pénitentiaire de Dus-
seldorf (octobre 1894) et en particulier la question des pénalités
applicables aux délits et crimes accomplis en état d'ivresse.
M. L ! EB6fANN. Une famille de quérulents. - Il s'agit d'une famille '
d'aliénés dont trois membres sont actuellement à l'asile de Bonn.
Cette famille, qui appartient à la classe des cultivateurs,-a, à l'oc-
casion d'un prétendu préjudice, épuisé toute la série des juridic-
tions : déboutée de ses revendications elle a réagi comme le font
les quérulents : requêtes, dénonciations, injures, actes de violence,
elle a tout employé. Déjà cinq ans auparavant le père, la mère et
une des filles. avaient dû être interdits. Devenus dangereux pour
la sécurité publique, ils furent internés. Chacun d'eux présente
une variété psychopathique spéciale ? '
L'un, Hubert G..., âgé de soixante-deux ans, sans stigmates de
dégénérescence, est un débile qui récite d'une façon pour ainsi
dire mécanique, ses récriminations contre les autorités-adminis-
tratives et'judiciaires. Le séjour à l'asile finit par amener le calme
et il se laisse, sinon convaincre de l'inanité de ses réclamations,
du moins persuader que son activité processive n'a fait que lui
porter le plus grand tort à lui et aux siens. Il est mis en liberté
après trois mois dé séjour et jusqu'ici s'est conduit convenable-,
ment au dehors.
Sa femme, âgée de'sbixanLe-six ans, passait pour intelligente et
active, mais d'un caractère très autoritaire. Sa mémoire est très t
développée. Elle développe son histoire avec une grande adresse
de dialectique; parrois.elle relève le réci't des persécutions qu'elle a
subies d'une note plaisante.. Elle est convaincue que toutes les
autorités y compris l'Empereur s'occupent 'de son affaire. Elle
considère son mari comme un homme borné qui doit lui obéir
en tout. Elle se reconnaît l'inspiratrice de toutes les requêtes et
- dénonciations. ' ' j `
La fille alliée, âgée de'.trente-cinq ans, reproduit d'une façon
quasi photographique, 'les idées délirantes de la mère. Mais- en
outre elle manifeste des idées de grandeur et a, de sa supériorité
une conviction profonde. Tout entière possédée par son délire elle
Archives, t. XXX. 27
418 SOCIÉTÉS SAVANTES.
le traduit dans ses écrits d'une façon qui révèle un état de débilité
mentale. -
Enfin deux autres enfants partageaient le délire des parents.
mais n'avaient point réagi, comme eux, en quérulents. C'est la
mère qui a été l'agent actif dans l'élaboration des idées délirantes;
c'est elle qui les a communiquées à toute la famille. Chez le mari
il s'agit de folie imposée : le délire s'est évanoui dès qu'il a été
éloigné de sa femme. Chez la fille c'est à proprement parler la
folie communiquée : en raison de sa prédisposition héréditaire cette
forme psychopathique a rapidement évolué vers l'affaiblissement
intellectuel et s'est accompagnée d'idées de grandeur.
L'auteur croit devoir admettre trois formes spéciales du délire
des persécutés-persécuteurs : 1° forme typique (chez la femme) :
apparition du délire sur le terrain d'anomalies du caractère, sans
faiblesse intellectuelle. Pas d'évolution vers les idées de grandeur
et la démence. Immobilité.
2° Débilité mentale avec délire des perséculés-perséculeurs (le
mari). L'apparition et l'évolution des idées délirantes, l'absence
d'esprit critique chez un sujet borné. Amélioration possible par le
changement d'entourage.
3° Délire des persécutés-persécuteurs comme symptôme se mon-
trant au cours d'une paranoïa chronique (la fille). Apparition
d'idées de grandeur. Terminaison par un état d'affaiblissement
intellectuel.
Discussion : M. Pelman considère ces observations comme fort
intéressantes, moins par la nature des idées délirantes que par
leur coexistence chez tous les membres d'une famille. C'est la
femme G... qui crée le délire, le systématise jusqu'au jour où la
fille prend la direction. Le mari subit les idées délirantes qui lui
sont imposées et les abandonne, une fois séparé de sa femme (folie
imposée des Français). La fille, une héréditaire, collabore active-
ment au délire de la mère, le développe : chez elle se produisent
des hallucinations (fait exceptionnel dans cette psychose) et de
véritables conceptions délirantes. Les autres enfants montrent
combien chez les quérulents symptômes maladifs et réactions nor-
males peuvent s'entremêler. Les tendances processive» ne sont pas
en elles-mêmes une manifestation maladive : on les constate chez
des sujets sains comme chez des aliénés. Parfois on les voit se
développer chez des malades atteints de paranoïa, à propos de
leur interdiction. D'autres circonstances sont nécessaires pour
qu'on puisse déclarer qu'il s'agit du délire des persécutés-persécu-
teurs. Le diagnostic est d'ailleurs toujours très délicat.
M. OEI3EKG cherche à fixer les signes qui permettent de distinguer
les persécuteurs et les processifs véritablement délirants des sujets
qui poursuivent des revendications légitimes quand bien même
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4l\ !
ceux-ci mettent dans leurs poursuites une obstination exagérée.
M. Nortel admet que chez les persécutés-persécuteurs réellement
aliénés on constate toujours un arrêt de développement intellectuel
et moral. Kroepelin, dans la première édition de son traité, avait
placé le délire des quérulents à côté de la folie morale. Dans les
éditions ultérieures il le range dans le groupe des paranoïa.
M. Thomsen insiste sur les rapports qui existent entre les inter-
mittents atteints de manie périodique et les persécutés-persécu-
teurs.
M. Hoestermann rapporte brièvement un cas de folie à deux dans
lequel la psychose se montrait chez le sujet contagionné sous une
forme différente de celle observée chez le délirant actif. L'évolution,
elle aussi, ne fut pas la même.
M. Longard : Sur une affaire criminelle intéressante. Le Dl' W...,
professeur à Cologne, vivait depuis longtemps en concubinage
avec sa domestique. Celle-ci étant devenue enceinte il lui conseilla
de se rendre à Amsterdam chezune femme X... Le jour du départ,
W... accompagne sa domestique à la gare et en route il lui fait
prendre un breuvage que celle-ci crache à caus e de sa saveur caus-
tique (sel d'oseille). Alors W... cherche à l'étrangler : sa victime
s'étant mis à pousser des cris, il lui introduit la main dans la
bouche, après l'avoir jetée à terre; puis il lui tire. quatre coups de
revolver, et convaincu qu'il l'a tuée se hâte de se rendre chez le
commissaire de police, afin de se créer un alibi et s'informe après
sa domestique. Celle-ci, transportée à l'hôpital, dénonce l'auteur du
crime qui est emprisonné.
La femme de l'inculpé ayant prétendu que celui-ci était atteint
d'une maladie mentale, M. Longard fut chargé de l'expertise.
L'accusé dit ne pas savoir ce que faisaient ses parents, ni où il avait
passé sa jeunesse, ni combien de temps il avait passé au service
militaire. Il se souvient cependant de tous les épisodes de sa vie
qui peuvent lui faire honneur, bien qu'il prétende avoir perdu la
mémoire depuis une maladie qu'il a eue au service et surtout
depuis un traumatisme crânien. W... est un homme intelligent, vif,
d'une grande mobilité : il se conduit normalement en prison et se
plie à la discipline de la maison. Il a conscience de sa situation.
Il ne présente pas d'idées délirantes, ni d'hallucinations. Il est
quelque peu déprimé. Dans tout le cours de son existence anté-
rieure, W... a fait preuve d'une méchanceté infernale, d'un besoin
de nuire à autrui qui s'est manifesté par des actes tout à fait
exceptionnels. Né en 18 ! il, W... dont on ne connaît pas la famille,
fut réformé, étant au service militaire comme atteint d'épilepsie.
Le médecin-major dans son rapport certifiait l'existence d'attaques
graves et fréquentes suivies d'une longue période d'obnubilation.
420 SOCIÉTÉS SAVANTES.
En 1883, après s'être procuré à'l'aide de faux, un diplôme de doc-
teur,W... fonde un Institut poui-l'enseignement des langues, autour
duquel il fait beaucoup de réclame, se donnant comme professeur
de onze langues. Ensuite il se marie et n'épargne pas rasa femme
les injures et les coups ; il entretient des relations avec sa domes-
tique pendant les couches de sa femme. Il enferme celle-ci et la
soumet à une surveillance étroite. Sa femme s'étant réfugiée chez
ses parents, W...va chez ces derniers, se répand en menaces, on est
force de recourir à l'intervention de la police. Plus tard, au cours
d'une discussion, W... est frappé à la tête par son beau-père et ce
traumatisme est exploité par l'accusé qui lui attribue l'apparition
de manifestations maladives et avant tout de vertiges. Sa femme
qui obtint la séparation, le considère comme un simulateur.
Plus lard, en 1889, W... a changé de résidence : il se fait passer
pour privai docent et officier du génie et poursuit une jeune fille 'de
famille honorable de ses obsessions ; il agit en persécuteur-amou-
reux et devient si compromettant que-la police dût intervenir. Il se
remarie en 1892. Sa principale préoccupation semble avoir été de
faire naître des discussions, de provoquer mille affaires pénibles
pour tous ceux qui l'entourent. Il dénonce les locataires de la mai-
son qu'il habite,'excite les gens les uns contre les autres, et n'est
jamais plus heureux que lorsque ses excitations les amènent devant
le commissaire de police ou devant la justice. Par exemple, le
samedi soir, quand tout a été nettoyé à fond, il répand des ordures
dans les escaliers de la maison, y compris celui qui dessert son
appartement, Le dimanche matin il fait venir la police et accuse
ses voisins de l'acte qn'il a commis. D'autres fois il cherche à frap-
per d'épouvante ses voisins : il se glisse dans les corridors, chaussé
seulement de ses bas, affuble de lunettes bleues et va écouter aux
portes. Un jour il met en pièces un vêtement de dames qui appar-
' tenait à une voisine et l'enduit de pétrole. Il persécute plus parti-
culièrement les bonnes; il les poursuit, leur lance de l'eau, met
des ordures à la porte de leur chambre, grimpe la nuit sur le toit
pour assister par la fenêtre à leur coucher. Ayant appris que la
fille des locataires de l'appartement situé au-dessous du sien était
malade, il se met à danser et à.sauter pendant plusieurs jours au-
dessus de sa chambre. :
W... est évidemment un sujet névropathe, facilement irritable.
Mais rien ne montre l'existence d'une affection mentale. L'absence
de mémoire constatée chez lui est simulée et contraste avec l'inté-
grité de toutes les autres facultés, et en particulier avec sa connais-
sance des langues étrangères. L'épilepsie qui a entraîné la réforme
de W..., alors qu'il était sous les drapeaux a été sans doute égale-
ment simulée. Le crime qui lui est imputé n'est pas l'acte d'un
épileptique, mais bien une tentative préméditée et accomplie avec
réflexion.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 421 1
W... est sans doute un être anormal, mais comme il ne présente
pas de troubles psychiques, comme il est intelligent et a la notion
du bien et du mal, il doit être déclaré responsable. Les Drs Pel-
man et Umpfenbach qui ont examiné l'inculpé sont arrivés à la
même conclusion. Il fut condamné à quinze ans de détention.
Discussion. M. PELMAM considère W... comme un simulateur.
L'amnésie toute particulière qu'il présentait ne peut s'expliquer
autrement. Rien ne peut faire penser à l'épilepsie ; les circons-
tances qui ont accompagné le crime doivent faire écarter l'hypo-
thèse d'un acte commis sous l'influence d'un état comitial.
M. STEINER a vu le sujet deux fois en 1892. Celui-ci était venu
le consulter pour des maux de tête et des vertiges; il présentait
au niveau de la tempe gauche une cicatrice qu'il attribuait à un
traumatisme. ' -
M. SCHULTZE se demande si certains aliénistes n'auraient pas été
d'avis de considérer W... comme atteint de moral insanity. Si pour
accepter la réalité de cette forme, l'existence d'un certain degré
de faiblesse intellectuelle parait nécessaire, ne peut-on voir dans
la simulation bizarre inventée par W....l'indice d'un état de débilité
mentale.
M. PELSIA1V.- Sans doute la vie deW... est riche en épisodes qui
sortent de l'ordinaire et qui doivent faire penser à une constitution
psychique anormale, mais que cet étal anormal soit nécessaire-
ment d'ordre pathologique; c'est ce qui n'est pas prouvé. Le con-
cept un peu mystique de la folie morale est loin d'apporler la
lumière dans l'interprétation de ce fait. t.
M. OEBEKE voit dans certains actes de l'accusé quelques traits
particuliers qui peuvent être rapportés à l'épilepsie. Il ne faut pas
oublier que celle-ci a été constatée alors que W... était au service
militaire.
M. FLUGGE. Sur certains états spéciaux d'affaiblissement intellec-
tuel (KR.EPGLIN) comme terminaison de la paranoia. - Le professeur
Kraipelin a décrit une forme particulière d'affaiblissement intel-
lectuel dans laquelle une incohérence très accusée du langage
s'accompagne d'un certain degré de cohérence dans la pensée. Les
malades ont la notion exacte du lieu, du temps, de l'entourage,
ils ont conservé la mémoice et un certain degré de jugement,
mais leur langage est dénué de tout sens et dans leurs discours
c'est à peine si certaines phrases sont compréhensibles. Nombreux
sont les néologismes, les mots étrangers, les tournures stéréotypées.
On ne constate point d'hallucinations, ni d'idées délirantes. Les
malades font volontiers des conversations longues et fréquentes,
ils écrivent dans un style ampoulé. Dans leurs actes- on ne relève
aucun trouble notable : ils se montrent laborieux, mais bizarres
422 SOCIÉTÉS SAVANTES.
parfois dans l'exécution de leurs travaux. D'après Kroepelin, cet
état psychopathique se développerait parfois dès la jeunesse, con-
sécutivement à une forme de dépression accompagnée d'idées de
persécution et suivie plus tard d'un état d'excitation avec idées de
grandeur. Les conceptions délirantes ne tardent pas à rétrocéder ;
alors se manifeste la forme spéciale précédemment décrite carac-
térisée par un certain degré d'affaiblissement intellectuel avec une
incohérence très accusée dans le langage. Cet état dure pendant
des dizaines d'années sans modifications.
L'auteur en a observé qui paraissent devoir rentrer dans la
forme décrite par Krajpelin. Chez quelques-uns cependant on a
pu noter la persistance de quelques idées délirantes etd'halluci-
nations, bien que peu actives. M. Flûgge laisse ces cas de côté et
donne deux observations qui présentent l'ensemble symptomatique
décrit plus haut.
Dans le premier cas il s'agit d'un malade, âgé de quarante-cinq
ans, ayant des tares héréditaires, et dont la vie, antérieurement à
son internement, a été celle d'un déséquilibré. A la suite de nom-
breux déboires il est pris d'excitation, se croit persécuté, accumule
les interprétations délirantes, s'imagine qu'il est marié avec une
personne très riche qu'il n'a d'ailleurs jamais vue. A l'asile, il croit
voir partout sa bien-aimée; il l'entend, il la sent : il reste toute la
journée assis près d'un mur qu'il couvre de baisers, il s'entretient
avec sa femme qui lui parle dans la langue universelle. Onanisme.
Ce délire ne tarde pas à disparaître et en 1877 les hallucinations
et les idées délirantes s'étaient effacées, et n'ont point reparu. Il
est employé aux bureaux de l'asile, il fait preuve de zèle et accom-
plit son travail avec exactitude. Il se distrait par la lecture, la mu-
musique, le théâtre. A ne considérer que sa façon de se conduire,
de travailler, il fait l'effet d'un sujet normal. Mais qu'on vienne à
lui demander son opinion sur des questions scientifiques ou poli-
tiques et l'on reste étonné de l'incohérence de ses discours, du
manque d'enchaînement de ses pensées, de l'illogisme de ses idées
(associations par assonnance). Il parle de centaines et de milles,
de la' quadrature du cercle, de l'unité allemande, des organes
génito-urinaires et mélange tous ces sujets différents. IL s'occupe
de la question de l'unification de l'heure. Dans ses écrits très pro-
lixes, même incohérence : de la question précédente il passe au
projet de monument commémoratif de l'empereur, à la Révolution
française, au service militaire de deux ans, à la question juive, au
volapuk, etc., etc. On le voit, ce malade présente les signes décrits
plus haut : absence d'idées délirantes, faculté d'orientation conser-
vée, ardeur au travail, exécution correcte de la lâche accoutumée,
conservation de la mémoire, incohérence énorme dans le langage
parlé ou écrit. Il est intéressant, d'ajouter que le malade peut con-
verser longuement d'une façon correcte sur ce qui a trait à sou
SOCIÉTÉS SAVANTES. 423
travail dans l'asile. La confusion n'apparaît que lorsqu'il aborde
ses thèmes favoris : politique, unification de l'heure, etc.
Au point de vue de leur contenu les discours et les écrits
du malade représentent un mélange d'hypologie et d'hgperlogie
(Arndt) : l'hypologie se caractérisant par l'impossibilité où est le
patient de se débarrasser d'une idée donnée, c'est-à-dire par une
indigence de pensées,- l'hyperlogie se traduisant par une pro-
duction exagérée de conceptions : une première idée provoquant
l'apparition d'une seconde, celle-ci d'une troisième; c'est une véri-
table chasse d'idées. L'incohérence, d'après Arndt, tient à la pro-
duction exagérée des idées mais peut aussi tenir à la lenteur
excessive et à l'indigence dans la formation des idées. '
Dans le second cas, il s'agit d'un sujet antérieurement condamné
pour escroquerie. En 1869, début d'un délire de persécution : on le
torture la nuit, ses parents se servent de lui comme d'un medium,
l'Empereur le tourmente, etc. Plus tard, le malade, qui faisait son
service militaire, déserte, est condamné et enfin reconnu comme
aliéné. A l'asile, il tient de longs discours, protestant contre ses
persécuteurs et parlant de la vengeance qu'il tirera d'eux ; il est
en proie à des hallucinations et à une foule de sensations pénibles,
qui entretiennent un état d'excitation. En 1876, les troubles sen-
soriels deviennent rares et faibles; le symptôme prédominant
consiste dans une incohérence très marquée du langage. Il parle
pendant des heures entières, sans se lasser, et son langage est
celui d'un dément. Actuellement, ce malade est tranquille, gai,
sans hallucinations,- ni conceptions délirantes; la mémoire est
bonne; l'aptitude à faire de petites opérations d'arithmétique con-
servée ; de même la lecture. Mais quand on l'interroge il répond
par des phrases complètement .incohérentes. C'est un exemple de
cette forme de confusion verbale que Fovel a appelée « salade de
mois » : chaque fois que le malade ouvre la bouche c'est pour
proférer, sans aucun ordre logique, des termes techniques, des
mots latins, allemands; malgré l'absence complète de sens du
discours, ce dernier est prononcé avec un grand sérieux et sur un
ton solennel. Pas trace dans les réponses de rapport avec les
questions, pas d'association d'idées dont on puisse retrouver le fil.
L'auteur admet que ces états d'affaiblissement psychique dans
lesquels il y a rupture des associations étroites qui unissent le con-
tenu des conceptions à l'expression verbale, agrammatisme et
paraphasie, se developpent sur un terrain de dégénérescence
psychique. Il n'est pas encore possible de dire si ces états sont
toujours secondaires à la paranoïa. Paul Sérieux.
- ? \ ? . ? . :
- y' ">'r' BIBLIOGRAPHIE. , , ? . - ? ' '
r ? c. ' ( -
III. Les maladies de la moelle èpiÎ71èl'c et du bulbe. Die Erkrankungene
- Goldscheider (t. X. fasc. 1 du Traité de pathologie et de thérapeu-
tique). -
Le livre très remarquable que MM. Leyden et Goldscheider pré-
sentent au public médical constitue la première partie d'un ouvrage
ayant.pour sujet les maladies de la moelle épinière et du bulbe. 11
renferme cinq chapitres qui sont une introduction générale aux
affections de l'axe bulbo-spinal. Le premier chapitre est consacré à
l'auatomie de la moelle et du bulbe. La structure fine de la.moelle
épinière y est traitée avec tous les détails que comporte cet organe
important. Chaque donnée nouvelle et qui présente un intérêt par-
ticulier au point de vue de. la neuropathologie y est exposée d'une
manière précise.- Plusieurs figures facilitent la compréhension du
texte.' , '
Le deuxième chapitre est un exposé complet de nos connaissances
actuelles sur la physiologie de la moelle. On y.trouvera traitée la
question de la transmission des impressions sensibles et motrices.
A propos de la transmission de la douleur, ils considèrent la subs-
tance grise comme un organe de summation plutôt que comme un
organe destiné à la conductibilité des impressions douloureuses.
Le croisement des voies conductrices de la moelle, l'hyperesthésie
et la conductibilité du sens musculaire sont exposés avec beaucoup
de sens critique. Le troisième chapitre renferme l'anatomie patho-
logique de la moelle épinière. Les diverses lésions de substance
blanche, de la substance grise et de la névroglie sont indiquées. Les
auteurs entrent dans des considérations intéressantes au sujet des
lésions de la moelle consécutives 'aux amputations, de la, régénéra-
tion de la moelle épinière et des scléroses systématisées et coni-
.binées. A noter que les auteurs nient l'existence de scléroses sys-
tématisées dans le sens que leur donne Flechsig. Us ont introduit
dans leur livre, avec beaucoup de raison d'ailleurs, la conception
du neurone comme base de la pathologie nerveuse, ,
La symptomatologie générale (quatrième chapitre) représente
une véritable monographie sur la séméiologie du système nerveux.
A signaler particulièrement la contracture, les troubles du sens
musculaire et l'ataxie qui permettent aux auteurs de développer
des vues originales et intéressantes.
BIBLIOGRAPHIE. , 425
- Le cinquième chapitre relatif à l'étiologie est peut-être un peu
court; on y trouvera le rôle du traumatisme, des infections et des
intoxications dans la production des maladies de la. moelle épi- J
nier.' . .1
. Le dernier chapitre, consacré à la thérapeutique générale. des
maladies de la moelle épinière, est fort instructif. La questionJili\;.
l'électrothérapie se recommande tout particulièrement par la jus
tesse de leurs vues et par les idées nouvelles qu'ils développent. Sans
nier le rôle de la suggestion dans l'électrothérapie, les auteurs
montrent que le courant électrique modifie l'excitabilité du nerf en
plus ou en moins. Toutefois, il ne faut pas penser que l'électricité
ait une action curative sur les processus anatomiques de la moelle
épinière.
. Le courant nerveux n'influence d'une façon favorable que les
troubles fonctionnels qui accompagnent ce processus. Une analyse
aussi courte que celle que nous venons de faire ne peut donner
qu'une idée incomplète de la valeur du contenu de cet important
ouvrage G. MARINESCO.
IV. Symptômes spasmodiques et contractures permanentes dans la
varalysie générale; par le D'' M. Tm ? OEL, (Th. P. 1891, Steinheil.)
C'est un travail de recherches, à la fois' cliniques et anatomo-
pathologiques. Etudiant la fréquence des symptômes spasmodiques
et contractures dans la paralysie générale, l'auteur les rapproche
des tremblements divers.- des mouvements choréoïdes et des acci-
dents analogues qu'on rencontre dans les paralysies spinales spas-
modiques, les scléroses et la syringomyélie. Il met en parallèle les
lésions nécroscopiques et l'étude histologique du centre nerveux,
de= paralytiques ayant présentés de tels symptômes.
La méthode analomo-clinique amène ainsi l'auteur à conclure à
la combinaison possible de la paralysie générale avec ces affections
spinales diverses et à l'existence fréquente de lésions centrales variées
variables réalisant le substratun organiqne de tel ou tel symp-
tôme, spasme ou contracture, commun aux affections spinales et à
la méninge-encéphalite - A. M.
V. Contribution à l'étude des caractères du délire dans leurs 1'Up-
ports avec l'intelligence du délirant; par le W Giroùdon. (Thèse
de Lyon, 1895.)
En 1890, la Société médico-psychologique mettait au concours la
question suivante : De l'état mental et du délire chez les imbéciles et
les idiots. 1\1. Legrain, analysant le mémoire de M. Sérieux émettait
cette proposition : le pouvoir délirant d'un aliéné est en raison
directe de ses moyens intellectuels. M. Giroudon développe cette
idée et apporte quelques faits d'observation à son appui ; mais il
426 BIBLIOGRAPHIE.
limite son travail à l'étude du délire chez les faibles d'esprit.
M. P. Sérieux a fourni à l'auteur quelques observations intéres-
santes de son mémoire encore inédit.
Les conclusions de ce travail sont les suivantes : le pouvoir déli-
rant d'un aliéné est en raison directe de ses moyens intellectuels ;
- pour faire les frais d'un délire aux idées larges et nombreuses,
il faut un cerveau suffisamment organisé; - les faibles d'esprit
auront toujours des troubles délirants élémentaires et peu compli-
qués, formés d'un nombre restreint d'idées niaises tournant dans
un cercle étroit et toujours exprimées de la même façon terne et
monotone.
La puissance de l'activité psychique supérieure chez certains
aliénés intelligents se traduit par une tendance à lancer des accu-
sations calomnieuses entourées d'une multitude de détails circons-
tanciés dont la correction apparente peut égarer la justice.
La diminution de l'activité psychique chez les faibles d'esprit,
entraîne une union plus étroite de l'idée et de l'acte, une tendance
toute particulière à réagir sous l'influence des conceptions dé-
lirantes par des actes violents, impulsifs. Dans tous les cas, il sera
possible et utile à l'aliéniste, au médecin légiste, de rechercher le
substratum intellectuel d'un délire pour mieux en apprécier les
dangers et Ja guérison. ' Dr DEVAY.
VI. Glycosurie et psychoses. Contribution à l'étude de la glycosurie
transitoire chez les aliénés; par le Dr Toy. (Thèse de Lyon, 1895.)
Guidé par l'enseignement de M. le professeur Pierret, l'auteur a
fait une étude, basée sur sept observations, des troubles de lasécré-
tion urinaire chez les aliénés, ou mieux chez un groupe d'aliénés,
les mélancoliques. En effet, toutes les observations apportées par
M. Toy intéressent cette maladie.
La glycosurie passagère non accompagnée de diabète se ren-
contre dans certaines formes d'aliénation mentale. Sa présence
précède ou accompagne des accès de délire; d'autres fois, etc'estle
cas le plus fréquent, elle n'apporte aucune modification dans l'état
physique ou mental du malade. La durée de cette glycosurie est
très variable, de quelques jours à un ou deux mois.
L'auteur a abordé un point très intéressant de la question, la
toxicité urinaire; malheureusement ses recherches n'ont porté que
sur un cas. Il a trouvé que les urines non sucrées étaient fortement
hypertoxiques, alors que les urines sucrées du même malade
étaient hypotoxiques. Cette hypotoxicilé coïncidant avec une amé-
lioration de l'état mental, l'auteur pense à une corrélation. Il
s'appuie sur les expériences de Roger qui admet que le glucose
diminue l'activité des substances toxiques.
Les malades qui font le sujet de cette étude doivent être rangés
BIBLIOGRAPHIE. 427 7
dans la classe des neuro-arthritiques, et la glycosurie qu'ils ont
présentée doit être rapportée à une excitation du système nerveux
par suite d'un vice de la nutrition, absolument comparable à une
intoxication. -
M. Toy conclut : aux troubles urinaires si fréquents chez les
aliénés, on doit ajouter la glycosurie transitoire.
Ce phénomène essentiellement passager ne s'accompagne d'aucun
autre signe de diabète. '
La glycosurie transitoire se voit de préférence chez les mélanco-
li'Iues à constitution neuro-artbritique. Elle n'aggrave nullement le
pronostic de la mélancolie. Elle ne se transforme pas en délire vrai
et n'amène à sa suite aucune des complications viscérales si fré-
quentes chez les diabétiques. Elle cède rapidement iL l'antipyrine.
or DEV.4Y.
VII. Fragments de pathologie rte·ue2cse (Frammenli di patologia
nervosa), par R. Mapsalongo. (Extrait du Traité italien de patho-
logie et thérapeutique médicales, 1895.)
Ce volume de plus de 400 pages est formé par la réunion d'articles
écrits par Massalongo pout le T1aité de médecine italien. Il s'agit
donc d'une oeuvre essentiellement didactique composée d'une
série de monographies, ayant chacune un développement aussi
ample que le cadre général de l'ouvrage le permettait. Les sujets
traités par l'auteur sont les suivants :
1° Tremblement. Ce symptôme est étudié d'une part dans son
ensemble, d'autre part dans les particularités diverses qu'il pré-
sente suivant les maladies dans lesquelles il se montre. On consultera
notamment avec intérêt les classifications auxquelles l'élude du
tremblement a donné lieu, ainsi que les pages consacrées à la
physiologie pathologique.
2° Pl ! 1'l ! l¡}sie'agitante. -l\Iassalongo, après en avoir tracé un tableau
très fidèle et très détaillé, émet des doutes sur les relations qu'on a
voulu établir entre cette affection et les lésions de sénilité du
système nerveux. Il déclare d'une façon très catégorique que ce
n'est pas une névrose, et émet l'opinion que des recherches chi-
miques donneront un jour la clef des difficultés en présence des-
quelles on se trouve pour en expliquer la physiologie pathologique.
3° Maladie de Thomsen. - Les pages consacrées à la symptoma-
tologie et au diagnostic sont particulièrement à signaler. L'ana-
tomie-patliologique est exposée d'une façon complète.
4° Paramyoclonus et myoclonies. - L'auteur fait la part qui
convient aux auto-intoxications. 11 pense qu'un certain nombre de
myoclonies sont en rapport avec des altérations minimes et fugaces
des cellules nerveuses.
428 BIBLIOGRAPHIE.
5° Maladie des tics convulsifs, - Cette maladie est traitée surtout
d'après les travaux dus à l'Ecole de la Salpêtrière, notamment
pour ce qui concerne les troubles mentaux multiples si singuliers
qui accompagnent celte affection, ,
6° Acromégalie. A propos de la nature et de la pathogénie de
cette maladie, Massalongo émet l'opinion qu'elle est « une variété
ou mieux une anomalie du gigantisme». L'hypertrophie constante
du corps pituaire, celle fréquente aussi du thymus, organes de
fonction foetale importante, nécessaires au développement de
l'organisme, lui font penser qu'il s'agit de la persistance dans la vie
extra-utérine de la fonction de ces glandes foetales. Tant que le
corps est en voie de développement les déformations ne se mon-
trent pas, mais lorsque la croissance 'est arrivée à son terme, la
fonction de ces glandes persistant, on voit survenir les déformations
de l'acromégalie.
. 7° Athétose double. On consultera avec profit la monographie
consacrée à cette affection qui a déjà fait l'objet de plusieurs con-
tributions importantes de la part de l'auteur. Il la considère moins
comme une entité morbide que comme un syndrome se montrant
dans diverses maladies cérébro-spinales, et surtout en rapport avec
des altérations des circonvolutions cérébrales. Elle n'est pour lui,
en résumé, « qu'une alhétose bilatérale ».
8° Névroses traumaliques. Dans cette étude, Massalongo fait
deux chapitres distincts, l'un consacré à 1'liysLéro-ti-aLtitialisiiie,
l'autre aux névroses traumatiques, adoptant ainsi une position
mixte entre les idées de Charcot et celles d'Oppenhein et autres
auteurs qui soutiennent ou ont soutenu l'autonomie du groupe des
névroses traumatiques.
9" Tétanie. L'auteur a mis à profit les notions actuellement en
cours sur les auto-intoxicalions et s'est également inspiré des
récents et importants travaux publiés sur ce sujet par les médecins
autrichiens, travaux grâce auxquels l'ancienne tétanie de Trousseau
s'est trouvée notablement modifiée.
Ces différentes monographies très remarquables à tous les points
de vue contiennent une bibliographie très étendue, ainsi qu'une
quantité de figures dont un bon nombre appartiennent à l'auteur.
- - Pierre Marie.
VARIA.
Séances publiques d'hypnotisme. Une interdiction
qui s'impose.
Nous empruntons au Républicain Orléanais du 4 octobre,
l'article suivant qui nous parait curieux à divers titres : !
Nous avons dit ce que nous pensions des séances' de M. Pickman
et autres hypnotiseurs, séances qualifiées d'essentiellement imino-
l'ales et dangereuses par M. le D' Gilbert Ballet, professeur agrégé
de la Faculté de médecine de Paris, un des maîtres les plus émi-
nents et les plus écoutés en matière d'hypnotisme et d'affections
nerveuses. '
La municipalité d'Orléans n'en a pas moins cru devoir autoriser
les séances de M. Pickman que celui-ci a représentées, à coup sûr,
comme absolument inoffensives, comme de simples exercices de
prestidigitation et de trucs plus, ou moins habiles. La représenta-
tion a eu lieu lundi soir - devant un public assez rare, d'ailleurs.
Or, on lisait hier dans,le Patriote Orléanais qui avait prêté sa publi-
cité à M. Pickman : -.
« Il y a quelques jours, nous insérions une réclame qui nous
avait été apportée par M. Pickman,. en ce moment de passage à
Orléans. Il devait, nous a-t-il dit, donner deux soirées dans les-
quelles il ferait de la prestidigitation et quelques expériences très
anodines de seconde vue, divination, etc.
« La première de ces soirées a eu lieu et les expériences préten-
dues anodines sont en réalité des scènes d'hypnotisme très trou-
blantes et qui peuvent devenir très dangereuses pour certaines
personnes.. , .
« Par exemple, M. Pickman avait suggéré à deux de ses specta-
teurs de se rendre aujourd'hui à midi chez M. Cribier, pliarnia-,
cien, place du nfartroi. Ils ont obéi tous les deux à la suggestion.
Sur leur passage, une foule énorme que leur allure, leurs gestes,
leur physionomie d'hallucinés et leurs yeux hagards ont pénible-
ment impressionnée. Pour l'un d'eux l'accomplissement de cette
suggestion a semblé constituer une véritable torture, une sorte de'
crise épileptique. L'un d'eux était tellement fatigué qu'il a dû aller
se mettre au lit.
« Il y a un danger public il laisser s'organiser de telles exhibi-
tions, et nous croyons que la municipalité agirait sagement en
L . l l..
430 VARIA.
retirant à M. Pickman l'autorisation de se servir, pour un pareil
spectacle, de la salle de l'Institut. Cette mesure serait unanimement
approuvée à Orléans. Les sévères critiques que M. Pickman a pu
entendre de la part de tous, s'il s'est trouvé sur la place du Mar-
troi au passage de ses suggestionnés, en sont une preuve cer-
taine. » -
Le Patriote Orléanais après avoir vu partage donc à présent
notre avis, qui est d'ailleurs celui de tous les médecins et de toutes
les personnes sensées. Il n'y a que le Journal du Loiret qui reste
fidèle à la cause ou plutôt à la réclame pickmanesque. Mais les
raisons qu'il donne pour vanter et justifier de telles exhibitions
nous paraissent au contraire constituer d'excellentes raisons pour
leur interdiction.
« Au regard de cette puissance de l'imagination, dit-il, l'homme
n'est plus qu'un automate, un pantin, dont la volonté tient les fils.
La science, encore une fois, ne saurait se désintéresser de pareille
question; à elle de contrôler les expériences pour en tirer telle
conclusion qu'elles comportent. »
Voyez-vous la science - c'est-à-dire des hommes de savoir, de
haute probité, de conscience élevée et de situations connues ?
allant « contrôler » les faits et'gestes d'un charlatan qui commence
par faire des tours de cartes et des escamotages ! ... Non, confrère,
la science n'a rien à voir là-dedans. Elle vit dans un autre milieu
et dans une autre atmosphère. Elle n'a pas besoin des tréteaux ;
ses laboratoires et ses hôpitaux lui suffisent. Elle n'a pas à corser
la figuration et la recette d'un industriel plus ou moins... indus-
trieux, qui mêle à dose inégale, pour intriguer et passionner le
public, les trucs et la réalité.
Le Journal du Loiret continue, en essayant de combattre l'idée
que de telles expériences sont dangereuses. Il croit s'en tirer ainsi :
« L'hypnotisme ne crée pas la névrose; il la révèle : ce n'est pas
du tout la même chose. »
Si l'auteur de l'article était atteint de névrose latente, de névrose
« larvée » connue disent les médecins, ou si l'un des siens en était
atteint - une femme ou un enfant - je me demande s'il serait
satisfait que les expériences de Pickman, dans la salle de l'Institut,
viennent révéler cette affection. D'autant plus que non seulement
l'hypnotisme la révèle, mais que manié par un empirique, sans
notions et sans souci de la thérapeutique, il l'aggrave - comme on
augmente la fêlure d'un vase, en le sondant du doigt, mal il pro-
pos ou maladroitement.
Nous réclamons donc à nouveau et énergiquement l'interdiction
de tels spectacles. Nous ne savons si nous serons entendus cette
fois et à temps par la municipalité. Mais il y a une autre interdic-
tion qui est toujours possible et non moins efficace que les actes
officiels : celle du public.
FAITS DIVERS. 431
Que le public reste chez lui et n'aille pas porter son argent à un
charlatanisme aussi prétentieux que dangereux et à des pratiques
ou dérisoires ou malsaines. L'abstention du public- qui doit être
aujourd'hui complètement édifié - sera une leçon bien placée. -
Mais il faut bien que je mange, dira l'autre, le « commandeur »
qui s'exhibe avec de pharamineuses rosettes à la boutonnière. Nous
répondrons comme le lieutenant de police de Louis XV à un folli-
culaire : Je n'eu vois pas la nécessité.
P.-S. - Dans les affiches d'un puffisme indécent de M. Pickman,
après les citations des noms des D™ Bernheim, Liébault, Lié-
geois, Engel, etc., qui ne se savent certainement pas invoqués à cet
effet, on lit les noms de M. le procureur de la RépubliqLe de Be-
sançon et d'un conseiller de préfecture, M. Gallois. Ils servent de
réclame ! Enfin, l'affiche ajoute : « A l3aume-les-Danies, M. Farre,
procureur de la République; M. Billard, juge'd'instruction, et M. le
Dl' Boiteux, de la Faculté de Paris, ont bien voulu servir de sujets
à M. Pickman. » - Ces messieurs seront évidemment flattés de
figurer sur ces affiches ! Enfin, M. Pickman se vante d'avoir fait
des expériences avec le concours de MM. Charcot, Luys, Iticliet,
Gilles de la Tourelle, etc. Nous signalons i'usage ou plutôt l'abus
fait ainsi de noms connus et nous demandons à nouveau si l'on ne
trouve pas qu'en voilà assez en fait d'exploitation de la crédulité
publique.
FAITS DIVERS.
ASILES d'aliénés. Nominations et promotions : M. le D'' Cue-
VALIER-LAVAURE, médecin-adjoint de l'asile d'aliénés d'Aix, est
promu à la classe exceptionnelle; M. le or GALLOPAIN, directeur
de l'asile public d'aliénés de Fains, est promu à la classe excep-
tonnelle ; - M. le D'' BILLOT est nommé directeur-médecin de
l'asile de 13reuly (Charente); - M. le D'' Chaussinaud est nommé
directeur-médecin de l'asile de Saint-Dizier; M. le Dol GARMER,
directeur-médecin de l'asile de Dijon, est nommé médecin-direc-
teur de l'asile de Dôle; M. le D'' MONESTlER est nommé médecin-
adjoint de l'asile de Lafoud; -11. le D'' Berbey est nommé médecin-
adjoint de l'asile de Uury (Somme) ; - M. le Dr Paris, médecin en
chef de l'asille de Mareville, est nommé à la il" classe du grade;
M. le D'' CamanT est nommé médecin-adjoint de l'asile de Saint-
Méens ; ;- Ai. le Dr C.11LL.1U, médecin en chef à Cadillac, est nommé
à la ils classe du grade; M. le D'' Ramadier, directeur-médecin
de l'asile de Rodez, est nommé à la 2° classe du cadre.
432 bulletin bibliographique.
LS sorcellerie aux te siècle. Sous le titre : Une tueuse d'en-
fants, 23 victimes, le Républicain Orléanais publie une dépêche de
Catane ainsi conçue : -
- « Une femme du nom de Gaëtana Stimoli attirait, en leur promet-
tant des bonbons et des jouets, les enfants qu'elle rencontrait et
leur faisait boire ensuite du vin mélangé à du phosphore. Les mal-
heureuses victimes mouraient dans d'atroces douleurs. Vingt-trois
enfants auraient été empoisonnés de cette façon. La femme Sti-
moli a été arrêtée ; elle a avoué ses crimes, disant qu'elle voulait
se venger, parce que deux de ses enfants, qui avaient été ensorce-
lés, étaient morts. La foule, indignée, voulait mettre la mégère à
mort. » .
\
Les aliénés. - Les journaux politiques ont publié le récit d'une
« horrible tragédie » qui s'est passée à Alllbersby (Angleterre.).
« Thomas Harfland, récemment interné dans un asile d'aliénés, a
parcouru le bourg armé d'un revolver. Rencontrant un ouvrier, il
l'a tué d'une balle dans la tête ; un peu plus loin, il a tué un men-
diant. Puis il s'est introduit dans une auberge, a tué l'aubergiste et
s'est ensuite brûlé la cervelle. » D'où la nécessité d'interner les
aliénés.
BARR (M. W.). The Influence of' lleneclily on Idiocy. Brochure in-8°
de 12 pages. l'ensylvanie, 1895. Chez l'auteur. School for fublemin-
dord.
BOURF.vILLF., Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie. (Compte rendu du service des enfants idiots,'
épileptiques et arriérés de Uicetre pendant l'année 1891, t. XV, avec la
collaboration de M. Noir. Volume in-8° de lmii-141 pages, avec 8 figures
et i planches. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 fr. 50. Aux
bureaux du Progrès Médical.
Chajicot (J.-li.). Contribution ci l'élude de l'atrophie musculaire
prollressiue. (Type 1W chenne-Aran.) - Un volume in-8° de 176 pages
aveu figures dans le texte et quatre planches en chromolithographie.
Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 3 fr. ou. Au Progrès Médical.
' FrAnkl-Hochwart. « lier Meniere'sche Symplomerz comple.LOlie el'/u'an.,
kuuqen cler ! '))) ! e)'e)to/))'c ? Voinme in-8°de VI-122pages.- Wten, 1895.
Librairie A. Hallier.
- Garmer (P.) Les fétichistes pervertis et invertis se.ruels. (Observa-
tions médico-légales.) Volume m-16 de 192 pages. Prix : 2 fr.
Paris, 189j. Librairie J.-B. l3aUlière et fils.
- - Le rédacteur-gérant : l3ouasevn ? a.
Evrew. Gli. IlémssR, il1lp. - 1193.
Vol. XXX. Décembre 1895. N° 106
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ASILES D'ALIÉNÉS.
DES QUARTIERS SPÉCIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS;
Par le D' E. MARANDON DE MONTYEL,
Médecin en chef 'illc-Evrard.
Dans un précédent mémoire j'ai étudié les éléments consti-
tutifs communs à tous les quartiers d'un asile d'aliénés, c'est-
à-dire ceux qui entrent de toute nécessité dans leur composi-
tion, quelle que soit la catégorie de malades qu'ils sont destinés
à hospitaliser et j'ai montré que ces éléments communs étaient
au nombre de seize. Nous allons aborder aujourd'hui l'étude
des éléments spéciaux, c'est-à-dire des dispositions particu-
lières que doivent présenter les quartiers selon le genre d'alié-
nés qu'ils hospitalisent, dispositions à ce point caractéristiques
qu'un homme du métier en les parcourant dira avec certitude :
ici sont soignés les agités, là les malpropres, de ce côté les ma-
ladies incidentes, de cet autre les suicidiques et les dangereux
paisibles, par ici les tranquilles et par là les semi-tranquilles.
Or, comment a-t-on procédé pour Ville-Evrard ? On a imaginé
un quartier type de cinquante malades et ayant trouvé qu'il
réalisait la perfection, nous avons montré dans notre premier
travail ce qu'il fallait en penser, on l'a répété douze fois, six
fois à droite et six fois à gauche. De cette façon le jour où on a
pris possession de l'établissement il n'y avait qu'à tirer au sort de
quel. côté seraient les femmes et de quel côté les hommes, qu'à
tirer également au sort les quartiers à affecter au diverses caté-
gories d'aliénés, tous les douze étant pareils.
Archives, t. XXX. 28
434 asiles d'aliénés.
Eh bien ! il est à souhaiter que de pareilles fautes soient
évitées dans le nouvel établissement. Un asile d'aliénés propre-
ment dit comprend de toute nécessité six sections différentes.
Ces six sections se rangent naturellement en deux groupes que
différencie ce fait capital de la présence ou non d'un premier
étage. En effet, les habitations de jour et-de nuit des agités et
des malpropres doivent être situées au rez-de-chaussée avec,
bien entendu, toutes les dispositions requises pour éviter l'hu- '
midité; de plus toutes les pièces doivent être de plain-pied.
Pour se convaincre de cette nécessité, il suffirait d'assister un
soir au coucher de ces malades à Ville-Evrard. Beaucoup d'agités
refusent énergiquement de monter à l'étage, il faut lutter et les
contraindre à gravir l'escalier de force. Avec les gâteux la scène
change : nombreux parmi ces infortunés sont les impotents
incapables de lever la jambe; ceux-là, il faut les porter à dos
d'homme et, comme ils sortent de table, cette opération, par
les secousses qu'elle détermine, a souvent pour effet d'amener
l'ouverture des sphincters de leur vessie et de leur rectum;
porteurs et parquets sont maculés ou arrosés quand ils ne le
sont pas l'un et l'autre à la fois.
Si les quartiers des agités et des gâteux offrent ce caractère
commun de n'être constitué que par un rez-de-chaussée et quel-
ques autres que nous signalerons plus loin, ils diffèrent sensi-
blement à d'autres égards au point que leur destination spé-
ciale saute aux yeux de qui les visite. Nous commencerons par
les premiers.
Les particularités qui font d'une division une section d'agi-
tés portent tout à la fois sur les dimensions des éléments
communs que nous avons étudiés précédemment et sur l'ad-
jonction de certains éléments spéciaux. Ceux-ci sont au
nombre de deux : une annexe cellulaire et une salle de bains.
La question de l'annexe cellulaire, malgré son importance
de premier ordre, ne nous arrêtera pas très longtemps, car elle
se trouve traitée avec une haute compétence et tous les déve-
loppements nécessaires dans la première partie du rapport de
M. Bourneville, De nos jours, la cellule n'est le plus souvent
qu'une habitation de nuit, et dans ces conditions elle rend des
services si précieux qu'à mon avis on n'en saurait trop avoir.
L'isolement nocturne est, en effet, un bienfait pour l'agité
qui, ainsi, n'est pas troublé par ses voisins qu'à son tour il ne
trouble pas. Mais, par contre, je la condamne absolument t
QUARTIERS SPECIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS. 435
comme habitation diurne. Voilà pourquoi j'estime qu'il doit
être possible de faire dormir dans des cellules ou des cham-
bres d'isolement un agité sur deux et qu'en conséquence l'an-
nexe cellulaire doit correspondre à la moitié de la population
du quartier.
Pourles dispositions et l'organisation de cette annexé, je ren-
voie au rapport du Dr Bourneville dont je partage les idées
sauf sur deux points de détail. Mon éminent confrère place
l'annexe cellulaire à proximité du quartier des agités, mieux
vaut qu'il y soit contigu, étant donné surtout que nous con-
damnons d'une manière générale la cellule comme habitation
de jour; il convient dès lors que les malades puissent s'y
rendre le soir et en revenir le matin sans avoir à sortir. Ensuite
pour la salle de bains, M. Bourneville indique 3 baignoires
pour une population générale de 700 femmes aliénées. C'est,
je le crains, insuffisant; j'estime que pour bien assurer-le ser-
vice des bains dans une section d'agités il faut au moins
1 baignoire par '8 malades; différemment on sera contraint
d'en amener chaque jour un certain nombre aux bains géné-
raux, ainsi que cela se pratique à Ville-Evrard. Or, il en résulte
les plus graves inconvénients, l'agité ne doit pas avoir à sortir
de sa section.
Ce quartier comporte en outre quelques particularités dignes
d'être signalées en ce qui concerne les éléments communs pré-
cédemment établis et que nous allons successivement passer
en revue; tous, sauf l'office et les cabinets d'aisance présen-
tant des modifications ou des cubages spéciaux. L'entrée,
avons-nous déjà indiqué, sera de plain-pied; le vestibule sera
dépourvu d'escalier puisque la section ne sera qu'un rez-de-
chaussée ; il conviendra dès lors de prendre certaines disposi-
tions pour masquer la vue du cabinet du soir que nous avons
placé sous celui-ci. Ce vestibule donnera accès, comme dans
les autres sections, d'un côté à la salle de réunion et de l'autre
au réfectoire et c'est à la suite de ces deux pièces que seront
placés à chaque extrémité les dortoirs qui se trouveront ainsi
très éloignés les uns des autres, disposition excellente à mon
avis pour mieux assurer le repos de la nuit. Ainsi une moitié
de la population couchera en des chambres d'isolement ou
cellules et l'autre moitié en commun, et cette deuxième moitié
sera elle-même partagée en deux, l'une à un bout de la sec-
tion et l'autre à l'autre bout, et encore, le dortoir de chacune
436 asiles d'aliénés.
de ces extrémités sera lui-même divisé par des chambres de
gardiens en sections de 10 lits au maximum. En adoptant cette
disposition fragmentée on entravera le plus possible la propa-
gation de l'agitation nocturne par excitation réciproque et on
diminuera dans de grandes proportions les chances d'insomnie.
Les agités n'ont pas besoin, la nuit, d'un cubage d'air plus
élevé que les tranquilles, car comme eux ils jouissent d'une
bonne santé et ne salissent pas, ceux qui salissent devront être
mis dans des chambres d'isolement, mais l'espace entre les lits
sera supérieur, un mètre au minimum est nécessaire entre les
lits, à cause de l'agitation des sujets.
La literie n'offrira rien de spécial et des objets de toilette
seront mis à la disposition de tous ceux qui en voudront, et ils
seront plus nombreux qu'on ne croit. Ceux qui se négligent
seront appropriés par les gardiens qui les laveront dans le
lavabo.
Le préau d'une section d'agités doit être bien plus vaste que
tout autre, par suite des allées et venues de ces malades, de
leurs grands mouvements et de leurs gesticulations continues.
La superficie sera calculée à raison de 35 mètres carrés par
aliéné au minimum. La galerie couverte sera aussi plus large
qu'aux tranquilles, elle mesurera 5 mètres de largeur et s'étendra
tout le long du bâtiment d'un bout à l'autre, ce qui permettra
aux malades de s'y tenir malgré leur excitation les jours de
mauvais temps. Au réfectoire, il convient de donner par agité
2 mètres carrés et un cubage de 6 mètres. Ici, les tables et la
vaisselle sont spéciales. Celles-là fixées sur des pieds en fer
scellés eux-mêmes dans le plancher seront disposées tout
autour de la pièce et les malades ne seront placés pour man-
ger que d'un côté, celui correspondant aux murs. Avec des
agités, cette mesure de précaution est bonne pour empêcher
les discussions avec les vis-à-vis, pour assurer le service au
milieu de cette population turbulente et en même temps pour
obliger les sujets à rester à table, mis qu'ils seront dans l'im-
possibilité de sortir facilement. Les bancs seront également
fixes. Les couverts et les verres seront en fer-blanc étamé,
tout à la fois solides pour n'être pas brisés et légers pour
n'être pas une arme; la viande sera servie coupée, car les
couteaux seront interdits ainsi que les fourchettes. L'espace
accordé à chaque malade sera de 80 centimètres au moins. La-
salle de réunion aura une étendue triple du réfectoire, en con-
QUARTIERS SPÉCIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS. 437
séquence chaque agité doit avoir là à sa disposition 6 mètres
carrés et '18 mètres cubes, avec seulement autour des bancs
fixés. Une autre pièce à laquelle il convient de donner, pour
une population identique, un développement plus considérable
qu'aux tranquilles, c'est le parloir, car si la presque totalité
de ceux-ci sortent avec leurs parents, il n'en est plus de même
des agités qui sont forcés de recevoir là leur famille et qui,
pour évoluer, ont besoin de plus d'espace. Il serait prudent
que la superficie de la pièce par rapport à la population du
quartier fût de 1 mètre carré par malade; ces dimensions suffi-
raient, car tous ne sont pas visités le même jour. En outre il
est indispensable que les meubles, bancs et tables tiennent au
parquet.
Beaucoup d'agités salissent énormément leur linge. En con-
séquence, la lingerie et la décharge du quartier auront là une
certaine importance, plus que dans les divisions de tranquilles,
c'est pourquoi celle-ci aura une superficie de 24 mètres carrés
environ et celle-là une de 16 mètres carrés. Enfin, là, il est
nécessaire que la fontaine soit solidement fermée.
Mais il ne suffit pas de savoir de quels éléments se compose
un quartier, ni même quelles sont les dimensions par aliéné
qu'il convient d'attribuer à chacun d'eux, il est indispensable
de connaître dans quelles limites variera sa population. A cet
égard il est bon de déclarer que la façon dont se répartit un
nombre donné d'aliénés, - nous n'avons à nous occuper ici ni
des épileptiques, ni des alcooliques, - varie d'après le milieu
qui le fournit, le sexe auquel il appartient et les conditions
hygiéniques de l'asile qui l'hospitalise. Dès lors, puisque nous
sommes dans la Seine et qu'il s'agit d'un établissement à
construire pour les aliénés de ce département, nous prendrons
pour terme de comparaison et fixer la population des quartiers
spéciaux les moyennes des deux services actuels d'indigents de
Ville-Evrard, mon collègue, le D'' Febvré, ayant eu l'obligeance
de me communiquer celles de sa section de femmes. Eh bien !
en ce qui concerne les agités, tandis que le sexe masculin
fournit une proportion d'environ 13 p. 100 (52 agités sur
395 vésaniqnes), le sexe féminin en fournit une de près da
1S p. 100 (85 agitées sur 446 vésaniqnes). Enfin, nous finirons
avec cette section en disant qu'elle sera placée au point le plus
éloigné; elle doit être la dernière sur la ligne des quartiers
afin que les autres malades soient le moins possible incommo-
438 asiles d'aliénés.
dés par les cris et les vociférations dont elle ne cesse guère de
retentir.
Après les agités, nous nous occuperons des gâteux ou mal-
propres qui sont avec ceux-ci les deux variétés d'aliénés dont
les habitations, tant de nuit que de jour, doivent être situées
au rez-de-chaussée et de plain-pied. Si tout à l'heure c'était
l'agitation des habitants de la section qui justifiait certaines
dispositions spéciales, maintenant ce sera la malpropreté qui
les commandera. Or, ces deux causes très dissemblables ont
pour effet d'entraîner certaines dispositions absolument iden-
tiques. Déjà nous savons que les deux quartiers n'ont pas
d'étage et sont de plain-pied, là c'était parce que les agités
opposaient souvent une résistance désespérée à gravir les
marches, ici ce sera à cause de la faiblesse des jambes. L'entrée
et le vestibule seront aux gâteux ce qu'ils sont aux agités ; les
dortoirs seront disposés de la même manière. Les précautions
prises contre le bruit peuvent être utilisées contre la mauvaise
odeur, seulement le cubage des salles de nuit sera très supé-
rieur ; il doit être au minimum de 35 mètres cubes par mal-
propre ; la distance de 1 mètre entre les lits sera la même que
pour le quartier précédent, afin d'aérer le plus possible en
éloignant les sources d'infection. ,
La literie des gâteux diffère, elle, du tout au tout de celle
des agités, et elle constitue un des problèmes les plus ardus de
l'assistance des aliénés. Le grand rapport de l'inspection
générale, sans se prononcer sur le meilleur mode de couchage,
en énumère cinq. En outre, ces temps derniers, M. leur Lhos-
pital (de Clermont-Ferrand) a préconisé la fibre de coco pour
le couchage des malpropres; on en remplit une caisse et on
étend dessus le malade. A Ville-Evrard, le coucher des gâteux
est le système n° 3 de l'Inspection générale, avec cette variante
que le lit a ses parois latérales constituées par des barres de
fer légères qui sont mobiles, ce qui permet de les abaisser pour
coucher le sujet, puis de les relever pour l'empêcher de tom-
berdurant la nuit. Je n'ai pas d'escarre dans mon service avec
ce système, mais aux trois conditions suivantes : 1° il n'y a pas
de chaise percée dans le quartier; cette condition est à mon
avis d'une importance capitale; on place les malades sur ces
chaises et on les y laisse pour n'avoir pas à les nettoyer et c'est
ainsi qu'ils s'entament. Le gâteux doit être libre de faire dans
son pantalon comme bon lui semble, seulement, et nous pas-
quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 439
sons au 2°, tout malade qui s'est mouillé ou maculé doit être
immédiatement changé et lavé; enfin, 3° le matelas du milieu
doit être rigoureusement enlevé tous les matins et la paille
jetée.
Je le répète, en procédant ainsi, je n'ai jamais d'escarre
dans mon service, même chez des paralytiques alités plus d'un
an, seulement ces précautions exigent un personnel dévoué et
en outre une consommation considérable de linge. Aussi est-il
indispensable d'avoir aux gâteux une lingerie et une décharge
encore plus importantes qu'aux agités. La première aura une
superficie minimum de 20 mètres carrés et la seconde de 25.
Néanmoins il est de toute rigueur que le linge sale soit enlevé
du quartier tous les matins; cette mesure doit s'appliquer sans
exception à toutes les sections, mais elle est plus indispensable
encore aux malpropres que partout ailleurs.
D'ordinaire, les gâteux ne prennent aucun soin de propreté;
il faut les laver et les habiller comme des enfants ; cependant il
en est quelques-uns chez lesquels l'affaiblissement physique
déterminant le relâchement des sphincters a marché plus vite
que l'affaiblissement psychique; au milieu de leur gâtisme ils
conservent encore quelques instincts de propreté. Pour cela il
serait bon qu'un ou deux des petits dortoirs fussent munis de
lavabos et des 'objets de toilette mis à la disposition de ces
infortunés tant que brillera en eux cette dernière lueur.
Pour les cabinets et les urinoirs de jour et de nuit, nous
répéterons ce que nous venons de dire à propos des lavabos.
En mettre dans la section réservée àceux qui lâchent tout dans
leur pantalon semble une inutilité, mais il y a gâteux et
gâteux comme il y a fagot et fagot; tel, qui salit la nuit, ne
salit pas le jour, et tel qui lâche sous lui ses urines, comman-
dera encore à son sphincter anal ; enfin, il en est d'autres qui
sont des irréguliers, malpropres un jour et propres un autre.
Donc, il faut des cabinets et des urinoirs de jour et de nuit aux
malpropres comme ailleurs, seulement on peut en réduire
considérablement le nombre et ne pas en mettre dans tous les
petits dortoirs. Un seul cabinet et deux urinoirs suffiront lar-
gement avec une population de 50 sujets et un cabinet dans
deux dortoirs seulement sur les cinq que comporte ce chiffre de
malades.
Sans être aussi vaste que le préau des agités, celui des mal-
propres sera plus grand qu'aux tranquilles. Ces malades, en
440 asiles d'aliénés.
effet, ne sortent guère et salissent beaucoup, double raison de
leur fournir plus d'espace qu'à ceux qui circulent au dehors et
ne dégagent pas de mauvaise odeur. La superficie de la cour
aura donc une trentaine de mètres carrés par gâteux.
Le réfectoire sera identique à celui des agités ainsi que la
vaisselle et l'espace à accorder à table à chaque individu ; la
malpropreté et l'inconscience justifiant ici les mêmes mesures
que l'agitation. Seulement loin d'être fixées les tables seront
mobiles, car c'est surtout aux gâteux qu'il est utile de faire
prendre les repas au grand air sous la galerie couverte ou à
l'ombre des grands arbres du préau toutes les fois que le temps
le permet. Quant à la salle de réunion et au parloir, ils auront
les mêmes développements que dans la section précédente avec
cette différence encore que les bancs fixes seront remplacés par
des fauteuils mobiles facilement portatifs comme les tables pour
être, eux aussi, placés le plus souvent possible sous la galerie
couverte et dans le jardin de la section; chaque gâteux devrait
avoir le sien; ces aliénés toujours affaiblis se tiennent mal sur
les bancs; ils ont besoin d'appuyer leurs bras, mais à la condi-
tion formelle que ces fauteuils ne seront pas percés.
Chez ces malades, comme ailleurs, sauf dans le vestibule et
l'office, tous les parquets seront en chêne ciré. Le carrelage des
pièces demandé par certains, comme plus facile à tenir propre,
est à repousser à cause de l'humidité. La galerie couverte aura
la même largeur que celle de la précédente section, et la fon-
taine sera soigneusement fermée à cause de l'inconscience des
habitants du quartier.
Telles sont les principales particularités à signaler relative-
ment aux éléments communs à toutes les divisions en ce qui
concerne celle destinée aux malpropres. Mais cette section se
distingue des centres par des éléments spéciaux. Elle a une pièce
exclusive à elle, qui la désigne comme l'habitation de ce groupe
d'aliénés, la chambre de lavage, ressource contre la malpro-
preté.
Cette chambre de lavage comprendra deux parties : un
déshabilloir où le gâteux sera dépouillé de ses vêtements sales
et qui seront immédiatement emportés à la décharge et la salle
de lavage proprement dite où il sera conduit nu. La disposition
doit être telle.que le malade soit rapidement lavé malgré lui.
A Ville-Evrard, rien n'a été prévu pour ces soins spéciaux.
La pièce de lavage dont le parquet à claire-voie laissera
quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 441
s'écouler l'eau sera munie d'un jet mitigé et mobile de telle
sorte qu'elle atteigne partout où il se réfugiera le gâteux qui
sera poussé nu du déshabilloir dans ce local. Les deux pièces
seront chauffées et le déshabilloir pourvu d'un chauffe-linge.
Enfin il sera utile d'annexer à celle-ci une petite salle de bains
de deux ou trois baignoires pour une population de cinquante
malades, un certain nombre d'entre eux étant trop faibles pour
se rendre aux bains généraux.
Un autre élément spécial à la section des malpropres per-
mettant immédiatement de la reconnaître est la disposition en
véranda, pour les grabataires, d'un des dortoirs, afin qu'ils
ne soient pas toujours privés de la vue de la campagne et du
soleil. A Ville-Evrard j'ai obtenu de vitrer une partie de la
galerie couverte; mais j'ai dû sacrifier ainsi une moitié de cette
galerie. Dans le nouvel asile il conviendrait qu'un des dortoirs
de dix lits fùt disposé de façon à permettre aux pauvres alités
de voir le ciel et les champs.
Quant à l'emplacement, il sera très éloigné, les mauvaises
odeurs comme les cris devant être relégués le plus loin possible.
Et quant à la proportion de malpropres par rapport au chiffre
total de la population; elle est comme il suit à Ville-Evrard
en ce moment : aux hommes de 13 p. 100 (tJ : 2 sur 395) faux
femmes de 16,5 p. 100 (77 sur 466).
Nous avons fini avec les deux quartiers constituant le premier
groupe, le groupe des quartiers à rez-de-chaussée, nous allons
aborder maintenant l'examen du second groupe, le groupe des
quartiers à un étage, plus nombreux puisqu'il comprend l'in-
firmerie, l'observation, les tranquilles, les semi-tranquilles ou
semi-agités. Nous commencerons leur étude par celle de l'infir-
merie, la plus spéciale de ces quatre sections.
Il importe de déclarer tout de suite que l'infirmerie comporte
tout comme les autres quartiers les éléments communs au
complet qui ont fourni l'objet de notre premier mémoire, car
elle n'hospitalise pas seulement les aliénés atteints de maladies
incidentes tandis qu'ils sont contraints de garder le lit, mais
encore durant leur convalescence et aussi ceux dont l'état de
faiblesse sans exiger un repos absolu nécessite néanmoins des
soins particuliers.
Des quatre quartiers à un étage, l'infirmerie est le seul dont
Ventrée doit être forcément de plain-pied et le seul qui peut et
doit même avoir un dortoir au rez-de-chaussée. Ces deux dis-
442 asiles d'aliénés. -
positions sont imposées par l'état maladif des gens qui y sont
conduits, le plus souvent couchés sur un brancard et auxquels
il ne serait pas prudent de faire gravir des marches d'entrée ou
d'escalier. Bien que le quartier soit muni d'un ascenseur ainsi
que nous le dirons plus loin, un dortoir en bas s'impose pour
des cas médicaux ou chirurgicaux où l'immobilité la plus grande
est de rigueur. L'inconvénient que nous avons signalé précé-
demment quand nous nous sommes inscrit contre les dortoirs
au rez-de-chaussée dans les quartiers à un étage, perd à l'infir-
merie presque toute son importance. En effet là un tiers
environ de l'effectif du quartier garde le lit et par conséquent
n'occupe pas les habitations de jour, il s'ensuit que la super-
ficie du réfectoire et du chauffoir peut être réduite d'un tiers de
la population totale.
Le vestibule, comme dans les autres quartiers à un étage,
aura l'escalier au fond et en face de l'entrée; d'un côté il
donnera accès à la salle à manger à la suite de laquelle sera
placée la salle de réunion ; de l'autre côté se trouvera le dortoir
du rez-de-chaussée. C'est en avant de ce dortoir, communiqua nt
directement avec le vestibule, qu'il conviendrait de placer le
parloir de la section, qui serait aussi en communication avec
celui-ci. Une superficie de 30 mètres carrés suffirait à ce parloir
pour une population de cinquante malades dont un tiers sera
alité. Pour cette dernière raison encore on pourra se contenter
de 4 mètres de largeur pour la galerie couverte. Le préau, moins
vaste sans doute que celui des agités, le sera autant que celui
des gâteux; il sera donc de trente mètres carrés par malade
levé, et par conséquent son étendue correspondra aux deux
tiers seulement de la population totale. Le réfectoire et la
salle de réunion seront calculés également par rapport aux
seuls aliénés levés; il conviendrait de donner à ces deux pièces,
à la salle de réunion surtout, les dimensions que nous avons
indiquées pour les agités et les gâteux; les malades de l'infir-
merie, tous affaiblis, ont besoin d'une grande quantité d'air
pur. L'office sera muni d'un réchaud, indispensable dans ce
quartier pour chauffer les tisanes et les potions; ce réchaud
n'est utile que là et encore aux malpropres, partout ailleurs
il doit être sévèrement proscrit pour les raisons que j'ai déjà
fournies dans mon précédent mémoire.
Lalingerie et 1 a décharge auront ici les mêmes développements
qu'aux malpropres. Il importe que cette section soit abondam-
quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 443
ment pourvue de linge de toute nature et que le dépôt des
pièces souillées soit largement aéré, précautions hygiéniques
sur lesquelles il est inutile d'insister. Le cubage d'air des dor-
toirs sera d'au moins 35 mètres par individu, quantité égale à
celle des gâteux. Il est bon d'avoir à l'infirmerie deux matelas
et un édredon; un seul matelas est insuffisant quand nuit et
jour il supporte et cela parfois durant des semaines le poids du
corps; l'édredon aura son utilité par les grands froids pour ces
malades affaiblis et frileux. Jadis il était d'usage de munir les
lits de rideaux blancs, coquets et gracieux, qui permettaient en
outre de soustraire les agonisants à la vue de leurs voisins. Ils
sont condamnés aujourd'hui comme nids à microbes. Pour
isoler le moribond, dans quelques établissements on entoure
le lit d'un immense paravent; malheureusement la plupart des
malades connaissent fort bien sa signification et en sont très
péniblement impressionnés. Il convient donc de ne se servir de
ce cache-agonie qu'avec précaution et discernement. Dans les
dortoirs de l'infirmerie la distance entre les lits devrait être
d'un mètre. Sauf la fontaine de la cour qui sera soigneusement
fermée, pour empêcher les aliénés relevant de maladie de se
mouiller ou de boire inconsidérément de l'eau, les autres élé-
ments communs ne présentent rien de spécial à relever.
Mais il est un certain nombre d'éléments spéciaux qui, dans
un asile bien organisé, permettent de reconnaître immédia-
tement l'infirmerie en dehors même du dortoir du rez-de-
chaussée. Ce quartier est, en effet, le seul où au premier étage
on trouve des chambres d'isolement, chambres d'isolement qui
n'ont rien de commun avec les cellules d'isolement des agités
mais qui sont de vraies chambres de malades. Il n'y aura donc
au premier étage qu'un seul dortoir d'un côté, l'autre étant
réservé tout entier à ces chambres. Elles mesureront un cubage
d'air d'au moins 40 mètres et ne recevront jamais qu'un seul
malade. Elles auront pour mobilier un lit complet avec deux
matelas comme tous ceux de la section, une descente de lit,
une table de nuit, une petite table pour recevoir les potions et
les tisanes et sur laquelle le malade pourra prendre ses repas
quand, trop faible encore pour descendre, il sera néanmoins en
état de se lever, un fauteuil confortable et une cuvette fixe en
faïence avec un robinet d'alimentation fermant à clef, précau-
tion nécessaire. Ces chambres seront destinées à recevoir les
aliénés atteints d'affections incidentes graves, quoique non
444 asiles d'aliénés.
contagieuses, susceptibles d'entraîner la mort. Leur nombre à
Ville-Evrard est de 7 pour une population de cinquante malades;
deux sont à un lit qui mesurent un cubage de 45 mètres, plus
que suffisant, Ces deux chambres sont une des meilleures ins-
tallations de l'asile. Les cinq chambres à deux lits n'ont qu'un
cubage de 51 mètres,-très insuffisant.
Pour une population de cinquante malades, huit chambres
individuelles suffiraient, soit environ la proportion d'une pour
six aliénés, plus une chambre de gardien et un petit laboratoire
où se feraient les analyses chimiques de la clinique courante et
où seraient déposés les appareils du service ainsi que les médi-
caments dangereux.
Une infirmerie comporte en outre une petite salle de bains de
deux baignoires, une salle d'opération, et aussi un ascenseur
pour monter du rez-de-chaussée au premier étage les malades
trop faibles pour gravir l'escalier. Enfin une annexe indispen-
sable de cette section est un pavillon de contagieux placé le
plus loin possible de toute agglomération. Cette annexe, d'une
importance capitale, aurait nécessité de très longs développe-
ments, si M. Bourneville ne s'était acquitté de ce soin dans la
première partie de son rapport avecune haute compétence. Notre
éminent confrère a traité la question avec toute l'ampleur
qu'elle demandait et a rapporté de nombreux spécimens de
pavillons de contagieux. A mon avis le meilleur de tous est
sans conteste celui qu'il a fait construire dans son service de
Bicêtre de concert avec M. Gallois, architecte, et M. Imard,
inspecteur général ; il est très simple, pas très coûteux et remar-
quablement bien aménagé. Je m'en rapporterai donc entiè-
remcnt sur ce point au travail de M. Bourneville, auquel je
renvoie le lecteur.
On est assez divisé, dans la spécialité, sur l'emplacement
qui convient le mieux à l'infirmerie. Dans tous les asiles que
j'ai visités elle était double, il en est ainsi à Ville-Évrard où il
n'y a pas de pavillon de contagieux. A Villejuif les deux infir-
meries réunies, sont placées sur la ligne centrale de l'asile et
font en quelque sorte partie des services généraux. C'est ce der-
nier système que propose M. Bourneville.
Il va même plus loin ; pour lui les deux infirmeries réunies,
les deux quartiers des agités placés en avant, le pavillon des
maladies infectieuses placé en arrière, ceux-là et celui-ci à une
distance suffisante pour éviter le bruit des agités et la contami-
quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 445
nation des infectieux constitueraient en quelque sorte l'hôpital
de l'asile, c'est-à-dire le centre principal de l'action médicale.
Je ne vois pas bien comment on réunirait deux sections dont
l'emplacement est réglé par des lois contraires; en principe le
quartier des agités doit être le plus' éloigné à cause du bruit
fait par ces malades et celui de l'infirmerie doit être le plus
central afin d'égaliser dans la limite du possible les distances
à parcourir pour s'y rendre des diverses divisions.
L'idée de réunir les deux infirmeries a moins d'inconvénient,
elle a même cet avantage que cette réunion permettrait d'avoir
un établissement hospitalier qui serait comme l'hospice de
l'asile.
Cependant tout compte fait, je me demande si les avantages
de leur réunion en compensent les inconvénients. M. Bourne-
ville croit que ce voisinage permettra aux médecins, aux sur-
veillants et surveillantes de se consulter et de s'aider facile-
ment ; le voisinage est une arme à deux tranchants, dont le
plus aiguisé n'est pas toujours le meilleur, il permet aussi, le
plus souvent, de se disputer et de se jalouser. En ce qui con-
cerne les appareils, l'expérience m'a démontré que dans les
services mixtes, il est bon que chacun ait les siens, du
moins en ce qui concerne ceux d'un usage un peu courant;
ne sauraient être communs que les appareils d'un emploi
exceptionnel. Le seul avantage sérieux et indéniable que pré-
senterait la réunion des infirmeries, serait de faciliter le ser-
vice de l'interne de garde qui pourrait avoir là une salle spé-
ciale, confortablement aménagée à sa disposition. Néanmoins,
je ne cacherai pas que mes préférences sont pour les infirme-
ries séparées, d'autant plus qu'il est prudent, je crois, de ne
pas trop rapprocher le personnel féminin du masculin ; fatale-
ment, ils arrivent à trop s'aimer ou à trop se détester; en ma-
tière de sexe, compter sur l'indifférence est une chimère.
Mais je suis, au contraire, un partisan convaincu de la réu-
nion sur un même point des pavillons de contagieux, car il est
indispensable de n'avoir qu'un seul foyer d'infection. M. Bour-
neville dit que la solution de l'emplacement double ou unique
est liée à celle de la question de l'infirmerie. Pour ma part, je
ne vois pas du tout de relation nécessaire entre les deux choses.
'La dualité des infirmeries est parfaitement compatible avec
l'unité des pavillons de contagieux; s'il en était différemment,
il faudrait vite réunir les infirmeries, car, je le répète, il est de
446 asiles d'aliénés.
toute nécessité, de mettre ceux-ci sur un point unique. Mais
puisque les infirmeries doivent être centrales, et le pavillon de
contagieux, au contraire, porté au loin dans la campagne, leur
réunion est parfaitement réalisable malgré la dualité des pre-
mières.
La population des infirmeries est très variable et cela pour
un même établissement. En ce moment, à Ville-Evrard, elle
est aux hommes de 6 p. 100 (24 sur 395), et aux femmes de
8 p. 100 (38 sur 466).
Parmi les quartiers à un étage, après l'infirmerie, la section
des tranquilles appelle notre examen. Cette section a ceci de
particulier qu'elle est munie de lavabos au rez-de-chaussée,
bien que celui-ci ne contienne que des habitations de jour. Ces
lavabos sont indispensables pour permettre un brin de toilette
aux aliénés, qui tous, dans cette catégorie, sont occupés au
dehors à des travaux plus ou moins propres. En rentrant du
travail, ces malades doivent pouvoir se laver les mains et s'ap-
proprier un peu avant de se mettre à table. Comme ce sont
tous des gens valides, occupés pour la plupart au grand air, les
pièces qu'ils habitent ne nécessitent pas les cubagea élevés, et
la superficie étendue des trois quartiers précédents. Par malade,
un mètre carré suffit au réfectoire et 60 centimètres de table;
à la salle de réunion, 3 mètres carrés sont largement suffi-
sants, de même que 16 mètres carrés pour la décharge et 9
pour la lingerie. La largeur de la galerie couverte peut être de
4 mètres et le préau n'aura par malade qu'une superficie de
25 mètres carrés. L'entrée, l'escalier, le vestibule, la clôture, le
parloir, l'office, les cabinets, n'offrent rien de spécial et seront
tels que nous les avons décrits dans notre précédent travail.
Pour les dortoirs 25 mètres cubes par individu seront suffisants
avec un intervalle de 80 centimètres entre les lits et la fontaine
de la cour pourra n'être pas fermée à clef. Ce quartier en réa-
lité n'a de spécial que ses lavabos au rez-de-chaussée.
Pour avoir dans un asile la proportion des tranquilles, il faut t
faire la somme des populations des cinq autres quartiers spé-
ciaux, la différence entre ce total et celui de la population géné-
rale hospitalisée la fournit. L'emplacement nous arrêtera un peu
plus longtemps. Si l'asile est un asile-caserne clôturé du genre
de ceux actuellement existants, il est de toute nécessité que le
quartier des tranquilles soit indépendant de l'asile fermé et
situé en pleine campagne afin que là au moins les malades
QUARTIERS SPÉCIAUX D'UN ASILE D'ALIÉNÉS. 447
aient l'illusion de la vie libre. Ils pourront tenter ainsi une
première épreuve d'une liberté au moins relative avant de
quitter définitivement la maison. Dans le principe, il n'en était
pas ainsi à Ville-Evrard, un des six quartiers de l'établissement
était affecté à cette catégorie d'aliénés. En 1880, on eut l'ex-
cellente idée de les en détacher et de construire pour eux une
section en dehors de l'asile munie d'ateliers et dite section des
travailleurs, malheureusement on la mit assez mal à exécution
et il est indispensable que sur ce point encore Ville-Evrard ne
serve pas de modèle pour le nouvel asile. En effet, on a eu
l'idée impardonnable de construire deux quartiers de 150 ma-
lades chacun ! et de réaliser ainsi l'idéal de la caserne au point
que quand on passe devant Pinel et Esquirol on est surpris de
ne pas voir un factionnaire à la porte et de ne pas entendre
résonner le clairon à l'intérieur ! Si encore cet intérieur avait
été convenablement aménagé, mais non, car ces immenses sec-
tions n'ont pas de salle de réunion, tous les lavabos sont au
rez-de-chaussée, il n'y en a pas dans les dortoirs, les cabinets
et les urinoirs sont situés au point le plus éloigné de la cour et
échappent complètement à la surveillance, il n'y a ni décharge,
ni lingerie, les chambres d'infirmiers sont au fond des dortoirs
dont toutes les portes s'ouvrent en dedans, que sais-je encore !
le préau est disposé de telle sorte que quand le gardien est
d'un côté il lui est impossible de voir ce qui se passe de l'autre
côté. Bref, l'intérieur est aussi défectueux que l'extérieur, mais
l'ensemble est d'un aspect monumental, on dirait une cita-
delle.
Quelques mots suffiront à caractériser le quartier des semi-
tranquilles ou semi-agités : sauf en moins les lavabos du rez--
de-chaussée, cette section comporte les mêmes dispositions
que celles des tranquilles. Les malades qui l'habitent, en effet,
sont dans un état intermédiaire qui ne comporte rien de spé-
cial. L'emplacement de ce quartier est à côté de celui des
agités avec lequel il a de fréquentes occasions d'échanger des
sujets selon les dispositions plus ou moins exaltées dans les-
quelles ils se trouvent. Sa population à Ville-Evrard repré-
sente en ce moment pour les hommes la proportion par rap-
port au chiffre total des vésaniques de 10 p. 100 (40 sur 395) et
pour les femmes de 11,8 p. 100 (55 sur 466).
Reste le quartier d'observation. Et tout d'abord quels sont
les malades à y mettre ? Ils appartiennent à trois groupes diffé-
448 . , asiles d'aliénés.
rents et offrent tous néanmoins ce caractère commun d'être des
tranquilles. Le quartier d'observation est destiné à recevoir les
arrivants paisibles, et en bonne santé, ceux dont les disposi-
tions psychiques peuvent prêter à contestation. Un second
groupe de ce quartier d'observation sera constitué par les ma-
lades qui demandent une surveillance spéciale parce que, sous
des apparences calmes, ils cachent des instincts pervers, le
désir bien arrêté de s'évader ou des intentions criminelles. A
Ville-Evrard où nous n'avons pas de quartier d'observation, je
suis obligé de placer ces deux catégories d'aliénés aux semi-
tranquilles où ils ne. sont pas à leur place. Enfin le quartier
d'observation recevra aussi les suicidiques.
Dans beaucoup d'établissements les aliénés à idées de sui-
cide sont hospitalisés à l'infirmerie ; il en est ainsi à Ville-
Evrard où il n'y a pas de quartier d'observation, comme nous
venons de le dire et partout où existe cette lacune on devrait
agir ainsi. Mais quand ce quartier existe je suis d'avis que là
est la place de ces malades. En effet ils nécessitent une sur-
veillance absolument continue de même que les aliénés atteints
de maladies incidentes réclament des soins de tous les instants;
il est bien difficile au personnel de faire face à la fois aux
besoins des uns et des autres. Je trouve qu'à l'infirmerie les
suicidiques absorbent trop les gardiens qui pour eux sont d'au-
tant plus portés à négliger les malades alités que la responsa--
bilité est plus lourde et plus directement engagée vis-à-vis de
ceux-là que vis-à-vis de ceux-ci.
Dans le quartier d'observation il n'y aura que des dortoirs et
au premier étage. Je ne saurais trop m'élever contre la coutume
de certains collègues de mettre en chambre d'isolement les
suicidiques. Que ces confrères dressent une statistique des
morts volontaires survenues dans les asiles et ils constateront
que ce grave accident s'est produit dans une chambre d'isole-
ment deux fois environ sur trois. Jamais, ni jour, ni nuit, un
aliéné qui attente à ses jours ne doit être laissé seul ; c'est
pourquoi il est indispensable qu'il couche en commun au milieu
d'autres malades qui n'ont pas comme lui le dégoût de la vie
et qui pourront à l'occasion soit l'arrêter dans une tentative,
soit donner l'éveil aux gardiens. Ils doivent donc être dissé-
minés au milieu des autres aliénés du quartier dans les dor-
toirs. Le seul suicide que j'ai à regretter depuis sept ans que
je dirige le service des hommes à Ville-Evrard s'est produit
quartiers spéciaux D'UN asile d'aliénés. 44
dans une chambre d'isolement où le malade avait été placé
parce que j'ignorais absolument qu'il voulait se détruire.
C'est la présence des suicidiques dans le quartier d'observa-
tion qui lui donne son cachet, si on peut ainsi dire car, là, tout
doit être combiné en vue d'enlever à ces malades toute facilité
d'exécuter leurs sinistres projets. Les dispositions générales
sauf les lavabos du rez-de-chaussée et la fermeture dela borne-
fontaine seront absolument les mêmes qu'aux tranquilles, seu-
lement au réfectoire la vaisselle sera celle des agités et des
gâteux, sans fourchettes ni couteaux. La strangulation et la
pendaison sont les deux genres de mort volontaire auxquels ont
recours les aliénés, privés qu'ils sont de tout autre moyen. En
çonséquence, onne laisseraà leur disposition ni longue cravate,
ni couteau, ni ceinture, ni bretelle et dans la disposition des
locaux on évitera toute saillie susceptible de servir de point
d'attache ou de support. Sans renoncer à clôturer la division
par une grille, il conviendra de la choisir telle qu'elle ne se
prête à aucune tentative de pendaison ou de strangulation.
Enfin, les lits des dortoirs où couchent ces malades sont pleins
dans certains établissements, et c'est là peut-être une bonne
précaution; sans doute ils sont plus difficiles à tenir propres
et demandent plus de soin, mais ils ont cet avantage de ne per-
mettre le passage d'aucun lien.
Le nombre des aliénés à idées de suicide est bien plus con-
sidérable du côté des femmes que du côté des hommes.. Ainsi,
en ce moment, à Ville-Evrard, la proportion de ces malades
pour le sexe masculin est de près de 4. p. 100 (15 sur 395) et
pour le sexe féminin de 8 p. 100, le double (40 sur 466). Mais
il est à noter que le nombre des dangereux paisibles, nécessi-
tant une surveillance continue, est bien plus considérable du
côté des hommes. Je crois donc qu'en comptant pour les deux
sexes une proportion de 10 p. '100 au minimum et de 12 p. 100
au maximum, on aura un quartier largement suffisant. Son
emplacement sera central, dans le voisinage de l'infirmerie ou
en face d'elle.
Un dernier mot. Si nous avons indiqué pour chacun des six
quartiers spéciaux le chiffre de la population qu'approximati-
vement ils comportaient soit pour les femmes, soit pour les
hommes, nous avons omis d'indiquer le nombre de chambres
d'infirmiers à prévoir. Actuellement il est d'usage d'accorder
un gardien par 10 malades aux agités, aux gâteux, à l'infirme-
ARCHIVES, t. XXX. 29
450 thérapeutique 111ÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
rie et au quartier d'observation; un par 15 aux semi-agités et
un par 20 aux travailleurs. La proportion d'un serviteur par
'10 aux gâteux, à l'infirmerie et au quartier d'observation,
ainsi que celle d'un par 15 aux semi-agités est très suffi-
sante, c'est donc d'après cela que sera calculé le nombre de
chambres à affecter aux gardiens dans ces quatre sections.
Celle d'un par '10 aux agités ne l'est en aucune façon pour
l'application du non-restraint absolu, système très utile à
la guérison de l'aliéné. Pour l'appliquer dans toute sa rigueur
et en obtenir tous les bons effets, il faut au minimum un gar-
dien par 5 agités. Enfin il est impossible à un seul serviteur
de surveiller efficacement 20 malades dispersés çà et là dans
un champ; le maximum à lui confier est de 12. En consé-
quence, nous estimons qu'à la section des agités le nombre de
chambres de gardiens doit être calculé en raison d'un serviteur
par 5 malades et aux tranquilles d'un par 12.
THÉRAPEUTIQUE 31ÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE PROBABLEMENT CONGÉNITALE ;
SPASMES MUSCULAIRES ET COPROLALIE;
PAR ft .
' BOURNEVILLE, et T J. BOYER,
Médecin de la section des Professeur à l'Institut médico-
enfants de Bicètre.. pédagogique.
Sommaire : Père, céphalalgies. Grand'mère paternelle migraineuse.
- Grand-oncle et grand'tante paternels atteints de débilité men-
tale. Mère, rien de particulier ; modification de la coulcw des che-
veux à chaque grossesse. - Tante maternelle morte d'un cancer du
sein. Pas de consanguinité. - Inégalité d'Age de six mois.
Gémella1'ilé. '
Émotion vive au cinquième mois de la grossesse : tremblement,
douleurs abdominales pendant huit jours. Première dent ci six
mois; dentition complète à vingt-huit mois; marche à seize mois ?
IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE; SPASMES MUSCULAIRES, ETC. 4SI l
Propre à deux ans. Début de la parole à dix-huit mois ? Jamais
de convulsions. - Constatation de l'arriération entre quatre à cinq
ans : défaut d'attention, etc. A sept ans, irritabilité creusante,
augmentée encore par les moqueries de ses camarades. - Début des
spasmes et des tics ci on : e ans. - Tendance à se l'approcher des
garçons.
Etat de la malade en février 1893.
Traitement médico-2)édagogique. Description des spasmes mus-
culczires, leur variété. - Evolution de la puberté; apparition des
règles en mai 1894. Début de la coprolalie (juin 189. - Limé-
lioration progressive : disparition des spasmes et de la coprolalie,
développement intellectuel progressif. - Amélioration remarquable.
Marie-Louise Tif ? née le 16 octobre 1879 dans la Loire, est
entrée à l'Institut médico-pédagogique le 11 février 1893.
Antécédents. (Renseignements fournis par le père et la mère le
23 avril 1893.) -Père bien portant, quarante-huit ans; assez grand,
fort; parfois céphalalgie; pas de maladie de peau; pas de rhu-
matismes ; marié à vingt-sept ans; pas de maladies vénériennes.
[Famille du père. Père. Mort d'une fluxion de poitrine à cin-
quante-sept ans, sobre, pas d'accidents nerveux. Mère. Migrai-
neuse, morte à cinquante-cinq ans de refroidissement; rien à signaler
dans la famille du père, sinon un oncle et une tante parternels peu
intelligents qui ont servi chez leurs frères et soeur, pas d'enfant.]
Mère, quarante-huit ans, bien portante, pas d'accidents nerveux,
physionomie intelligente. A son mariage, nous dit-elle, elle était
très blonde, à chaque couche, ses cheveux tombaient en abondance
et repoussaient vite et de plus en plus en plus bruns. [Famille de
la mère. Père. Mort écrasé par un mur, sobre, très intelligent;
pas d'accidents nerveux. Mère, soixante-douze ans, bien portante
pas d'accidents nervenx; deux frères : un mort de l'influeuza, a un
fils en bonne santé; l'autre, bien portant a un fils de même; deux
soeurs : une morte d'un cancer du sein, très intelligente, pas d'acci-
dents nerveux, pas d'enfants quoique mariée; l'autre soeur céliba
taire. Dans la famille de la mère, ils sont tous nerveux, mais ni
paralytiques, ni aliénés.]
Pas de consanguinité ; inégalité d'âge de six mois.
Six enfants et deux fausses couches : 1° et 2° jumeaux (garçon
qui mourut à trois mois faute de soins, fille morte à quinze jours;
était restée longtemps au passage; nés à sept mois ou sept mois et
demi); 3° et 4° deux fausses couches; 5° une fille qui a dix-
sept ans, pas de convulsions, très intelligente; G° une fille qui
a quinze an, boiteuse à la suite d'une chute dans l'escalier, bien
portante, intelligente, pas de convulsions; - 7° notre malade;
8° un garçon qui a neuf ans, bien portant, a perdu un oeil par
l'éclat d'une capsule, intelligent, pas de convulsions.
Il, 5 1- thérapeutique 111ÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
Notre malade. - Conception, rien de particulier. Grossesse,
forte émotion au cinquième mois : on vint annoncer à la mère que
son mari était écrasé, elle a tremblé dix minutes, elle a dû s'asseoir,
mais elle n'a pas perdu connaissance, fortes douleurs abdominales
qui ont duré huit jour ? Accouchement à terme, naturel, sans
chloroforme. ? 1. la naissance, belle enfant, pas d'asphyxie, a crié
de suite. Elevée au sein par sa mère, sevrée à treize mois, première
dent à six mois, dentition complète à vingt-huit mois sans acci-
dents, marche à seize mois (plus tard que ses frères et soeurs),
propre à deux ans, début de la parole à dix-huit mois. - Jamais de
convulsions. - C'est vers quatre ou cinq ans qu'on s'aperçut qu'elle
n'était pas comme les autres : c elle répétait souvent la même
chose et on ne pouvait pas la fixer ». Mise en pension vers l'âge
de sept ans, elle fut l'objet des moqueries de ses compagnes.
Elle devint de plus en plus nerveuse, « méchante », désobéissante,
paresseuse. C'est vers onze ans que les spasmes firent leur appari-
lion; l'enfant prenait à chaque instant un nouveau tic. - Pas de
bave, pas de succion, pas de grincement de dents, pas de balan-
cement. Elle aurait eu des vers (oxyures) à différentes reprises ;
pas de céphalalgie; sommeil bon, pas de cauchemars; pas d'ona-
nisme ; tendance à jouer avec les petits garçons. Rougeole à
sept mois, légère scarlatine, coqueluche à un an ; pas de bronchite,
pas d'ophtalmie, pas d'otite, pas d'adénites, pas d'abcès. Le père
attribue la maladie à la forte émotion de la mère durant la gros-
sesse : « Ça lui vient de naissance, dit-il, elle a toujours laissé à
désirer. »
Etat de la malade à son entrée le Il février 1893 à l'Institut
médico-pédagogique. a) Etat physique. - Physionomie peu
éclairée, les yeux, d'un gris bleu, ne sont pas vifs; les cheveux mal
plantés, grossiers, de diverses nuances, laissent le front découvert;
les sourcils sont abondants, sans solution de continuité, en ailes
de chauves-souris, comme les cheveux blonds et châtains. Le visage
est fatigué, vieillot; le front est presque toujours ridé, les sourcils
froncés, l'arcade sourcilière est saillante, le nez aquilin très fort,
les lèvres toujours closes sont minces, le menton est proéminent.
La peau est rude, d'un teint jaunâtre, desquamation.
L'habitude générale du corps ne présente rien de particulier, pas
d'asymétrie des membres; les seins ne sont .pas saillants, aisselles
et pénil glabres. Le buste est épais, les membres inférieurs sont
courts.
b) Etat physiologique. - Marie-Louise est d'une grande activité,
elle court sans cesse, bavarde continuellement en faisant de grands
gestes; très irritable; le moindre travail appliqué, la moindre ten-
sion de l'esprit l'énervent ; elle frappe du pied, elle pousse des cris
inarticulés; les mouvements des jointures se produisent normale-
IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE; SPASMES MUSCULAIRES, ETC. 453
ment. Organes des sens : vue, assez bonne, distingue les princi-
pales couleurs du spectre, ne confond que les tons neutres; ouïe,
ne présente rien de particulier, préfère les sons doux et traînants
aux sons éclatants et saccadés; toucher, assez délicat, aime beaucoup
à passer les mains sur tout ce qui est soyeux; odorat, normal,
flaire presque tout ce qu'elle mange; goût légèrement perverti, aime
les saveurs fortes, mettrait du sel partout; parole, léger défaut de
prononciation, zoli pour joli; sose pour chose. Spasmes fréquents :
lorsqu'elle cause, elle parle avec une volubilité extraordinaire; elle
s'arrête brusquement par moments pour lancer des éclats de voix
qui paraissent la fatiguer. Il semble que ces spasmes se produisent
surtout aux mots commençant par une dentale ou une labiale. Il
lui arrive même souvent d'intercaler dans ses phrases une expres-
sion à elle que l'on pourrait écrire tout en plein. Ces trois mots
paraissent lui servir à donner plus de foi ce à son idée et à faire plus
facilement des éclats de voix, elle les répète'jusqu'à trois fois et
toujours crescendo. C'est d'une voix sourde et fatiguée qu'elle pro-
nonce la deuxième partie (en plein). Lorsque ces spasmes se pro-
duisent au commencement d'une phrase ou d'un mot quelconque,
ils ne sont pas auszi accentués. A chacun de ces spasmes la physio-
nomie change : l'enfant baisse la tête, fronce les sourcils et
projette sa tête en avant en faisant éclater sa voix. A table les
spasmes se traduisent par des raclements dans le gosier accom-
pagnés de haussements d'épaules et de sourds aboiements de gros
chien.
Les fonctions digestives s'accomplissent régulièrement; selles quo-
tidiennes, tendance à la constipation. - Respiration, rien deparli-
culier.Contrairement aux renseignements fournis par les parents,
le sommeil n'est pas toujours tranquille. Il arrive à l'enfant, la
nuit, de bavarder sans qu'on puisse comprendre ce qu'elle dit.
c) Etat psychologique. - L'intelligence est peu développée.
Maiie-Louise ne parait pas être mailresse des idées, - Parfois, elle a
de véritables idées fixes. Quand elle entend parler d'un accident ou
de quelque chose qui l'impressionne, elle y revient à chaque ins-
tant, insiste, fait des questions de détail, demande si cela ne pour-
rait pas lui arriver. Voit-elle une voiture, par exemple, elle veut,
dit-elle, se faire écraser et lorsque la voiture passe près d'elle, elle
fait un mouvement, aussitôt réprimé, pour se précipiter sous les
roues. Elle s'est un jour coupée le doigt en mangeant une pomme;
elle demande aussitôt si le sang coulerait b en fort en se faisant au
cou la même blessure. On parle d'autre chose, mais Marie-
Louise Th... relient son idée et fait avec le couteau le simulacre
de se couper le cou. De peur d'accident on lui retire le couteau.
L'attention, bien que possible, est de très courte durée, la ré-
llexion est impossible. - Jugement naïf; dans la conversation, coq-
454 Il. THÉRAPEUTIQUE Mú : DICO-PÉDAGOGIQUE,
à-l'âne perpétuels; une véritable confusion préside à tous ses rai-
sonnements. Mémoire assez développée, récite sans y rien com-
prendre de petites fables apprises à la pension.
Ses parents prétendent qu'elle connaît ses lettres, mais nous
constatons bientôt qu'elle n'en connaît que les noms par ordre, mais
les confond toutes. Connaît imparfaitement les chiffres qu'elle
confond souvent encore. A la notion d'unité et de pluralité, ne sait
compter que jusqu'à dix.
d) Etat instinctif et moral.- Marie-Louise Th... a l'instinct de la
conservation personnelle; peureuse en gymnastique; ordonnée et
soigneuse; taquine et pas méchante; n'aime pas être grondée, ou
entendre gronder quelqu'un. A la notion de la propriété; très co-
quette; n'est pas égoïste; assez docile, ne désobéit qu'en parole;
très allectueusc; n'a pas la notion du bien et du mal. Volonté
active, veut toujours produire quelque chose. Aime la société, surtout
celle des petits garçons.
1'n.iTruwT.-l3ain d'un quart d'heure tous les huit jours; douche
complète en jet en éventail tous les jours; petite et grande gym-
nastique, exercice des aiguilles pour la préparer à la couture, tra-
vaux scolaires (lecture, écriture, calcul).
1893. Juillet. Les spasmes ont diminué, à table surtout ils ne
se produisent jamais devant un étranger. M. L. n'aime pas la gym-
nastique, fait bien cependant le mouvement des échelles jumelles
(système Pichery) et de l'échelle convexe; distingue toutes les
lettres, lit sans épeler (d'après la méthode Regimbaud) les mots
composés de syllabes simples (une consonne, une voyelle). Ecrit les
mots qu'elle lit. Imite de petits dessins sur papier quadrillé. Pas
de progrès ;en calcul, pourtant elle commence à compter sans se
tromper jusqu'à vingt; ne peut arriver à acquérir la notion du
temps, commence néanmoins à faire une différence entre hier et
domain. A la couture, elle travaille au canevas; fait des ourlels
ii réguliers.
Août. - Traitement. Deux douches par jour, élixir polybro-
muré d'Yvon. - L'éiixir est prescrit pour atténuer les bpasmes et
les périodes d'irritation. Les progrès continuent en lecture et en
écriture; écrit a ses parents des lettres qu'elle sait lire; les spasmes
persistent.
Octobre. Suspension de l'élixir. - Les spasmes paraissent avoir
pris une nouvelle expression. A tout bout de champ, l'enfant
pousse un cri que l'on pourrait écrire « péan » ; elle appuie sur-
tout sur la première syllabe.- Les progrès continuent en classe au
point de vue de la lecture et de l'éc1ÍlUl'e. Toujours en retard pour
le calcul.
11'ouemGre.- Au cri « péan » s'est substitué le cri « hirch » pré-
cédé d'une forte aspiration.
IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE; SPASMES MUSCULAIRES, ETC. 4te5
1894. Janvier. L'enfant se développe, elle épaissit, mais
ne grandit pas. La région pectorale devient saillante, les
seins commencent à se dessiner mais leur limitation est encore
difficile, l'aréole est rosée, le mamelon a quatre ou cinq milli-
mètres de diamètre. Sous les aisselles, bandes de poils de sept centi-
mètres sur un à deux centimètres. Au pénil, dans sa moitié infé-
rieure et dans la partie médiane, poils châtain foncé de quatre à
cinq centimètres de long, se prolongeant sur les grandes lèvres
dans leur moitié supérieure; poils blonds assez nombreux sur la
moitié inférieure des grandes lèvres. Les petites lèvres sont très
développées (plus d'un centimètre de large), le capuchon fait saillie
à la partie supérieure de la vulve. L'activité de Marie-Louise n'est
pas aussi débordante; elle est heureuse de s'occuper aux travaux
du ménage. Son jugement ne parait pas aussi naïf; par moments
on s'aperçoit qu'elle raisonne mieux.
En classe, elle lit mieux et copie mieux, pas de progrès en cal-
cul. - Les dessins d'après modèle sont plus réguliers, ne peut
encore reproduire un objet usuel d'après nature. En gymnas-
tique, ses mouvements sont réguliers, elle travaille au commande-
ment et commande elle-même.
Mars. - Même traitement, reprise de l'élixir polybromuré en rai-
son des retours des périodes d'excitation. Le développement de
la puberté continue : le sens génésique s'éveille; M.-L. préfère de
plus en plus la compagnie des petils garçons à celle de ses cama-
rades ; par moments, expressions risquées dont le sens paraît lui
échapper.- Très capricieuse à l'atelier de couture où l'on constate
cependant des progrès réels : fait sur son canevas, d'après modèles,
toutes les lettres de l'alphabet.
Progrès en lecture et en écriture, fait les lettres majuscules,
compte sans se tromper jusqu'à cinquante; ne peut encore com-
prendre l'addilion.
Avril. - Même traitement, élixir polybromuré, suspendu et
repris alternativement.
Nouveau tic singulier : elle lève successivement les deux bras,
l'avant-bras replié sur le bras et se frappe le nez de ses deux coudes;
elle accompagne ce mouvement d'un nouveau cri ouègne D, la
première partie est toujours plus accentuée. Elle s'amuse aussi
quelquefois à faire venir la salive en abondance entre les dents et
les lèvres, à la faire mousser et à s'en barbouiller toute la figure.
Durant ce mois, l'enfant a été très excitée, les spasmes sont fré-
quents, elle est jalouse des fillettes de son âge, effrontée avec les
infirmières. En classe, pas de progrès.
Mai. Même traitement. L'enfant se plaint de douleurs lom-
baires, de la sensibilité de ses seins, de lassitude dans les jambes.-
Caractère insupportable, on est même obligé de l'isoler à plusieurs
reprises.
- 456 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
Premières règles, le 9 mai, assez abondantes; durée, quatre jours.
La seconde moitié du mois a été beaucoup meilleure; Marie-
Louise compte, lit les nombres jusqu'à cent; commence l'addition.
J2cén.- Même traitement. Les spasmes se produisent sous la
forme d'un nouveau cri c pia D qu'elle accompagne d'un mouve-
ment particulier : elle projette brusquement le ventre en avant en
ramenant en arrière les bras et la jambe gauche.
Début de la coprolalie. - Les spasmes musculaires sont remplacés
par la coprolalie : M.-L. prononce tantôt à pleine voix, tantôt à demi-
voix dans le courant de la conversation le mot de Cambronne. Elle
sait qu'elle fait mal en disant des paroles grossières; quand elle
arrive à se retenir, sa conversation est hachée, saccadée, il lui
tarde d'être seule pour donner cours à la coprolalie. Si elle laisse
échapper une grossièreté, on s'aperçoit aussitôt qu'une détente
s'est produite, et que sa conversation est normale.
l8 juin, - Règles, durée cinq jours. Préférence marquée pour
les corvées dégoûtantes, par exemple vider et rincer en se cachant
les vases de nuit des gâteuses; elle comprend en effet qu'elle ne
doit pas faire celte besogne.
En classe, progrès à constater. Commence à mettre l'ortho-
graphe, comptejusqu'à mille.
Parait avoir le sentiment de la justice, reconnaît facilement
quand elle a tort.
YtM'Me ? Traitement douches, élixir polybromuré de une à deux
cuillerées avec suspension.- Le 10, règles, durée quatre jours.
On remarque qu'il y a rdterraunce entre la coprolalie et les
spasmes musculaires; lorsque la première s'atténue, les seconds
redoublent et réciproquement. Véritables poussées génitales qui
paraissent inconscientes. Elle nous appelle « son amoureux » et
voudrait que nous l'embrassions au lit.
Août. Traitement : douches, suspension de bromure, gymnas-
tique, etc. L'enfaut est réglée régulièrement. - Les spasmes
musculaires sont de moins en moins fréquents, mais la coprolalie
persiste.
Septembre. - fait très régulièrement tous les exercices
de la grande etde lâ petite gymnastique. Elle écrit sans faute etsous
la dictée les cent premiers nombres, fait des additions sans re-
tenue ; son écriture est régulière, mais elle écrit très gros, car elle
appuie trop sur sa plume; la mémoire scolaire parait se développer;
elle connaît la valeur de tous les termes géographiques, l'histoire
élémentaire des temps primitifs de la France, elle acquiert de
petites connaissances usuelles (aliments, tissus, éclairage et chauf-
fage) ; en grammaire, distingue le nom, l'adjectif et le verbe, sait
mettre au pluriel les noms et les adjectifs, les notions de forme se
précisent dans son esprit; dans les travaux manuels elle progresse :
IMBÉCILLITÉ PRONONCÉE ; SPASMES PSYCHIQUES, ETC. 457
elle fait bien le point de tricot et commence à raccommoder des bas.
Octobre. - Les cris redeviennent fréquents; ce sont des gnas
saccadés qu'elle accompagne de coups de poings sur sa poitrine; elle
fait aussi à chaque instant le simulacre de s'élancer sur quelqu'un
en inclinant le corps en arrière et projetant le corps en avant (arc
de cercle vertical).
Vouemrc.Recrudescence de la coprolalie, mots très grossiers
à l'adresse de ses parents. Les progrès se sont arrêtés en classe.
Décembre. - La coprolalie diminue, les cris se font entendre
rarement, les mouvements spasmodiques sont encore plus rares.
L'arrêt persiste dans les progrès scolaires.
1895. Janui'e) ? Marie-Louise devient de plus en plus calme, les
mouvements spasmodiques semblent avoir disparu. A l'école le
travail est plus assidu : elle connaît l'orthographe de tous les mots
usuels, fait des copies sans faute, conjugue à l'aide de la gram-
maire les temps principaux des verbes réguliers, fait de petites
additions avec retenue.
Février. L'enfant ne crie plus, les mois grossiers sont de plus
en plus rares; Marie-Louise aime la société de ses petites com-
pagnes auxquelles elle se plaît à rendre service. A l'école, progrès
dans l'orthographe d'usage, mais grande difficulté dans l'applica-
tion des règles grammaticales.
Mars. Les cris et les mots grossiers n'ont pas reparu. En classe,
bonne volonté à laquelle elle ne nous avait pas habitué.
Dura : iL ce mois on a constaté quelques mots grossiers.
Marie-Louise fait bien les ourlets des serviettes et des draps.
Mai, - Ni cris ni mots grossiers. L'enfant devient raisonnable et
même prévenante; ses manières sont beaucoup plus douces. Les
progrès à l'école et à la couture continuent; il n'y a que la gym-
nastique qu'elle ne fait pas avec plaisir.
Juin. - L'enfant est de plus en plus gentille, elle est sensible
aux reproches qu'on lui fait de plus en plus rarement. En classe
l'écriture est meilleure, l'enfant lit couramment, fait seule des
lettres à sa famille, l'orthographe est meilleure, elle fait de petites
soustractions, sait écrire les nombres de quatre chiffres. A la cou-
ture, fait les petites réparations d'entretien. C'et elle qui fait le
ménage de sa chambre qu'elle lient très propre.
Juillet. - Marie-Louise sort en congé avec ses parents le 1er juil-
let. Au bout de quelques jours d'observation et de promenades
en ville, ils la trouvent très améliorée, la considèrent comme
guérie et se décident à ramener chez eux (10 juillet).
Octobre, - Une lettre à nous adressée par les parents de Marie-
Louise, en octobre 1895, nous annonce que l'enfant « va de mieux
en mieux, et contente tout le monde. Ses parents et ses amis l'ont
trouvée bien changée».
458 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.
APHASIE ET TROUBLES CIRCULATOIRES. 459
caractérisés par de la coprolalie et des impulsions à accomplir,
malgré la défense, les besognes les plus répugnantes. Pendant
plusieurs mois, on a observé une alternance curieuse entre les
spasmes musculaires et les spasmes psychiques.
V. A partir du mois de décembre 1894, sous l'influence per-
sistante du traitement iiiédico-pédaqogiqtie, on note une amélio-
ration croissante de l'état général de la malade : les spasmes
musculaires et les spasmes psychiques s'éloignent de plus en
plus et cessent définitivement; l'intelligence se développe, l'en-
faut arrive à lire et écrire couramment, à compter jusqu'aux
nombres de quatre chiffres, qu'elle écrit et lit, à faire des addi-
tions et des soustractions, à acquérir des notions sur tout ce
qui l'entoure; le raisonnement n'est plus aussi naif; l'attention
et la réflexion sont possibles, ce qui lui permet d'apprendre et
de connaître l'orthographe, de rédiger elle-même des lettres
pour ses parents. Marie-Louise devient, en un mot, une enfant
presque ordinaire, se plaisant aux occupations de son sexe et
de son âge (travaux de ménage et de couture). Personnelle-
ment, nous estimons que la famille aurait mieux fait de laisser
cette jeune fille en traitement pendant plusieurs mois encore,
afin de consolider les résultats obtenus et d'en provoquer cer-
tainement de nouveaux.
RECUEIL DE FAITS.
CAS DE MALADIE DE LANDRY
D'ORIGINE INTLUENZIQUE SUIVI DE GUÉRISON.
APHASIE ET TROUBLES CIRCULATOIRES, LÉGÈRE RECHUTE;
Par le D' PAILHAS (d'Albi).
Tr..., vingt-quatre ans, militaire. Constitution sèche, nerveuse.
Père bien portant; mère impressionnable, sujette depuis quelque
temps à des douleurs articulaires siégeant de préférence aux doigts
des mains. .
Vers la fin de février iS95, Tr..., tout en faisant son service, est
460 RECUEIL DE FAITS.
pris de toux, de céphalalgie localisée surtout à la nuque, de sensa-
tions erratiques de froid dominant entre les épaules. Les jours
suivants, il sent ses jambes s'affaiblir, en même temps que sur-
viennent bientôt des impressions pénibles « du côté de l'estomac»,
lesquelles sont comparées par le malade à une piqûre et s'accom-
pagnent de défaillances. - En cet état, il entre au bout de quatre
ou cinq jours à l'infirmerie du régiment. - l'lois jours après, à la
faiblesse des jambes s'ajoutaient des douleurs articulaires particu- -
lièrement ressenties aux membres inférieurs et d'abord attribuées
à du rhumatisme. De plus, on remarquait dès ce moment une
difficulté notable de la parole.- Le malade pariait en scandantles
syllabes avec pauses entre les divers mots. - La langue ne parais-
sait pas déviée. - Le 9 mars, le malade entre à l'hôpital, et là, le '
voyant pour la première fois, nous constatons avec les symptômes
aphasiques déjà signalés, une très grande faiblesse de tout le corps
et principalement des jambes qui ne peuvent plus le supporter. -
En outre les réflexes rotuliens sont complètement abolis. Le coeur
participe à cette inertie motrice : ses battements sont, en effet.
ralentis au point de ne battre que de quarante-cinq à cinquante fois
par minute; les bruits cardiaques s'entendent affaiblis, mais sans
altération du rythme. Les mains sont violacées et chaudes. Les
pupilles largement dilatées réagissent mollement à la lumière. -
Douleurs ressenties dans les deux oreilles.
Le lendemain, il mars, le malade se sent plus dispos; il est
néanmoins très faible; toutefois les battements du coeur sont plus
fréquents (de cinquante-cinq à soixante environ).
Le 12 mars, l'état général parait s'améliorer; l'appétit renaît;
les impressions de défaillance liées, sans doute, à l'asthénie car-
diaque, sont moindres. Quant aux troubles de l'articulation et à la
parésie des membres inférieurs, peu de modifications.
Le 15, état général satisfaisant; mais le malade essaie vaine-
ment de marcher. Même état des réflexes tendineux. Les mains
restent violacées. - Mydriase. Intégrité des fonctions du rectum
et de la vessie. La sensibilité cutanée ne parait pas modifiée. -
L'articulation des mots devient plus aisée.
Le 17, faiblesse moindre, bien que le malade ait beaucoup de
peine à se tenir debout. Les muscles des jambes ne réagissent point
sous l'influence des excitations électriques.
Le 25, retour très marqué des forces dans les membres inférieurs,
permettant la marche. Absence totale du réllexe rotulien. Les
troubles de la parole ont à peu près disparu. - En cette voie
d'amélioration, le malade ne tarde pas à partir en congé. Chez
lui, il se rétablit assez promptement; néanmoins, dans les travaux
des champs qu'il partage avec les siens, il se sent inférieur en
vigueur à ce qu'il était avant sa maladie. Souvent les épaules et
les genoux sont le siège de douleurs.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 461
De retour au régiment, au commencement de juin 1893, notre
malade prend froid un jour qu'il est en sueur; dès lors réappa-
raissent des douleurs aiguës en différentes articulations, sans tumé-
faction ni rougeur. De nouveau il sent ses jambes s'affaiblir et sa
parole s'embarrasser. - De l'infirmerie Tr... passe le 16 juin à
l'hôpital où cet état, ébauche de sa précédente atteinte du mois
de février, s'améliore rapidement.
Le 24 juin, nous le voyons à peu près complètement rétabli. Il
est à remarquer cependant que les réflexes rotuliens restent abolis;
que la pression des mains traduit un amoindrissement de l'énergie
musculaire. Point d'atrophie.
Ce fait, survenu en pleine épidémie d'influenza, nous a
paru, en raison des premières manifestations du début (toux,
céphalalgie, froid entre les épaules), trouver là sa cause prin-
cipale. De sorte qu'à l'intérêt offert par la relative bénignité
de cette affection, rangeable parmi les cas de la maladie de
Landry, s'ajoute celui du rôle étiologique déjà signalé de la
grippe. Ajoutons que les douleurs articulaires observées ici
au début de la maladie, et volontiers attribuées par de nos
confrères à du simple rhumatisme,'ont été constatés aussi par
M. Mossé dans le premier des cas de maladie de Landry
d'origine influenzique que naguère il communiqua au Congrès
de médecine mentale et de neurologie de Bordeaux.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XL VII. La psychose POJ.Y ? ÉVRITIQUE; par R. COLETTA. (Annale di
neurologia, t89t, fasc. I, Il, III, IV, V, VI.)
Au cours de certaines intoxications, principalement l'alcoolisme
chronique, comme aussi dans le cours ou la convalescence des ma-
ladies infectieuses, on peut voir se développer des désordres psy-
chiques, associés aux symptômes de la névrite multiple. - Ce
syndrome neuro-psychopathique démontre non seulement que les
nerfs périphériques et la subtance cérébrale sont altérés en même
temps, mais permet encore d'expliquer, selon toutes probabilités,
l'origine du désordre psychique par l'influence des mêmes condi-
tions morbides ayant provoqué la polynévrite.
4G REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Ces conditions morbides sont représentées par des agents
toxiques ou infectieux. Il est difficile de déterminer le mécanisme
intérieur de leur action. Cependant en se fondant sur certaines
données, surtout de pathologie expérimentale, il est à retenir que
les substances toxiques exercent une action directe sur les éléments
nerveux, et que les agents infectieux, dans le plus grand nombre
-des cas n'agissent pas par influence directe, locale, du micro-
organisme sur le système nerveux, mais par une action chimique,
générale de produits solubles d'origine microbienne : les agents
infectieux fabriquent un poison et l'infection aboutit ainsi à l'in-
toxication.
Selon foute probabilité, les substances toxiques qui empoisonnent
le sang et le système nerveux, agissent de préférence sur les
diverses parties de l'arc neuro-musculaire : tantôt sur les fibres
périphériques (polynévrite), tantôt sur la substance cérébrale
(symptômes psychiques); quelquefois en lésant en même temps
l'un et l'autre système (psychose polynévritique), D'autres organes
centraux peuvent être simultanément atteints (moelle épinière,
bulbe, etc.) et aussi le système musculaire (polymyosite). Toutefois
pour que ces agents pathogènes s'attaquent ainsi aux éléments
nerveux, il est nécessaire que.d'autres facteurs (hérédité, antécé-
dents neuro et psychopathiques) aient préparé le terrain.
Les substances toxiques sont représentées soit par des pto-
maïnes ou des leucomaïnes venues du dehors ou développées dans
l'organisme même, soit par un métal, par l'alcool ou quelque autre
poison. Il semble que toutes les causes qui provoquent la névrite
n'aient pas la même tendance à déterminer la maladie mentale
en question.
Le syndrome psychique, indépendamment de sa combinaison avec
les phénomènes de la névrite multiple (paralysies, amyotrophies,
troubles de la sensibilité), présente une forme clinique bien définie.
Il est essentiellement caractérisé par un état menlal particulier, où
domine l'amnésie, accompagnée d'ordinaire, à différents degrés,
de désordres de la conscience et de l'association des idées, parfois
d'agitation, de délire. Dans une catégorie de cas le trouble de la
mémoire apparaît presque d'une façon aiguë : il peut être plus ou
moins profond, intéressant surtout les événements les plus récents ;
il peut se présenter presque à l'état isolé. Dans d'autres cas, en même
temps que l'amnésie grave, prédominent pour un temps des troubles
de la conscience, de l'incohérence, un rétrécissement du champ de
l'idéation. Enfin, chez une troisième catégorie de malades, sur les
troubles de la mémoire, de l'idéation et de la conscience prédo-
minent les symptômes d'une irritabilité psychique exagérée.
L'altération de la mémoire présente dans beaucoup de cas et
lorsqu'elle est bien prononcée, les caraclèies suivants : C'est une
amnésie quelquefois presque instantanée, étendue à toutes les caté-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 463
gories de souvenirs, circonscrite aux actes et aux impressions
récentes. C'est une amnésie ordinairement temporaire, inclure
entre deux périodes de mémoire normale, limitée aux faits récents
aussi bien antérieurs que postérieurs au début de l'affection. C'est
une amnésie isolée, parfois indépendante de tout autre trouble
intellectuel et déterminée par la perte de la faculté d'évocation des
souvenirs (amnésie d'évocation). Ces derniers sont toutefois fixés
et conservés dans l'inconscient et reparaissent au moment de la
guérison à mesure que se reconstitue la personnalité consciente.
Celte amnésie est conforme aux lois de régression de la mémoire.
La guérison, lorsqu'elle survient, s'accomplit aussi d'une façon
conforme aux lois de restauration des souvenirs. On peut admettre
que le complexus des symptômes psychiques dépend principale-
ment de troubles fonctionnels du système de fibres nerveuses
destinées à relier entre elles les cellules de la substance corticale
du cerveau.
Parallèlement aux troubles cérébraux se montrent les symptômes
de la névrite multiple. a). Paralysie amyotrophique des membres
inférieurs, plus ou moins grave et généralisée, suivie souvent de
celle des membres supérieurs. Dans les cas très graves peuvent
s'ajouter des paralysies des muscles du tronc, du diaphragme, des
muscles oculomoteurs, des troubles de la miction, de la tachycardie,
de la paralysie du coeur. L'évolution de la paralysie est variable,
tantôt lente, chronique; tantôt généralisée très rapidement en
revêtant l'apparence d'une affection spéciale aiguë, b). Désordres
de la sensibilité (fourmillements, hypoesthésie ou anesthésie,
hyperesthésie, hyperalgésie, retard dans la transmission des im-
pressions) ; d'ordinaire, abolition des réflexes. c). Troubles vaso-
moteurs et trophiques (cyanose, oedème, altération de la peau et
des ongles, escarres au sacrum, aux talons, etc.). d). Symptômes
généraux (troubles dyspeptiques, vomissements répétés, troubles de
la sécrétion urinaire, inappétence sexuelle, troubles menstruels,
amaigrissement excessif, e). Tout le syndrome neuro-psychopa-
thique est ordinairament précédé de vomissements, d'anorexie,
d'une faiblesse générale nolable, de symptômes sensilifs, sensibilité
des nerfs à la pression, hypereslhésie cutanée.
Les troubles cérébraux et les symptômes de la polynévrite
peuvent se trouver associés entre eux avec le même caractère de
gravité, ou prédominer les uns sur les autres.
Le début, la marche,, la durée et la terminaison de la psychose
polynévritique sont éminemment variables. Ils dépendent de l'inten-
sité de la maladie, des conditions dans lesquelles elle s'est déve-
loppée, de son étiologie.
Les éléments de diagnostic caractéristiques sont : le début la
plupart du temps aigu, avec des troubles de la sensibilité, désordres
de la mémoire, agitation, délire; l'apparition d'une paralysie
4G'l- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
amyotrophique plus ou moins diffuse. Dans les cas difficiles, il est
toujours possible de découvrir quelques symptômes de la polyné-
vrite et de l'amnésie, qui aideront utilement à établir le diagnostic.
La psychose polynévritique se montre presque toujours à la suite
de l'intoxication alcoolique, dans laquelle elle débute souvent par
des symptômes ressemblant au delirium tremens, suivis de para-
lysie et de troubles caractéristiques de la mémoire. Il est possible
que l'action toxique de l'alcool, prolongée ou intense, arrive à
donner à toute la symptomatologie un cachet assez caractéristique
pour permettre parfois d'établir un diagnostic étiologique.
Le pronostic des différentes variétés de psychose polynévritique
dépend, de l'intensité de la maladie, des conditions dans lesquelles
elle s'est développée, de son éliologie. Il est douteux mais pas
funeste d'ordinaire. Il est grave et fatal dans les formes plus
rapides et intenses, si la cause de la maladie ne peut être suppri-
mée si les phénomènes morbides se développent sur un organisme
profondément débilité. Il est, au contraire, généralement favorable
dans les formes chroniques alors que l'état général du patient est
relativement satisfaisant, et que la cause de la maladie peut être
éloignée. La guérison n'a lieu qu'après des mois et parfois des années.
Le traitement est, lui aussi, principalement déterminé par les
conditions étiologiques. C'est d'abord celui de toute infection ou
intoxication, et par la suite celui de toute atrophie musculaire.
L'anatomie pathologique de la psychose polynévritique n'a été
étudiée qu'incomplètement. La cause morbide agit non seulement
sur les fibres périphériques, mais aussi sur les centres. On rencontre
des lésions dégénératives des nerfs périphériques (névrite paren-
chymateuse), atrophie dégénérative des muscles, altérations du
cordon de Goll, vacuolisation des cellules ganglionnaires de la corne
antérieure de la moelle, ramollissement superficiel de l'écorce
cérébrale, et enfin dégénérescence colloïde de la glande thyroïde.
On peut admettre que les altérations de cette glande sont en corré-
lation avec des maladies dont le fondement est une toxémie.
Néanmoins les altérations matérielles profondes de l'arc ueuro-
musculaire appartiennent, sans ou presque sans exception, aux
formes subaiguës au chroniques des maladies infectieuses ou
toxiques.
Les lésions dégénératives des nerfs périphériques nous donnent
une explication de tous les symptômes physiques. En se fondant
d'autre part sur nos connaissances histotogiques ou de pathologie
expérimentale, et aussi sur les observations anatomo-cliniques et
les lésions de l'écorce cérébrale décrites dans certains cas d'intoxi-
cation grave chronique, il est probable que les différents degrés
d'altération des fibres nerveuses constituant le système d'associa-
tion de l'écorce, peuvent donner une explication suffisante des
différents degrés des désordres psychiques. J. SLGL.U.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 465
1LVIIf. Un cas d'amnésie partielle continue; par FER.RARI.
(rie. sp. di (l'en : , fase. 111-IV, 1891.)
Amnésie partielle, continue, des nombres, attribuable vraisembla-
blement à un trouble circulatoire de l'écorce chez un individu de
vingt-sept ans, porteur d'un arc sénile bilatéral, ayant des arlères
sinueuses et dilatée ? , fils et frère d'artério-scléreux, et comptant
dans sa famille plusieurs ascendants paternels et maternels morts
d'apoplexie cérébrale. J. SÉGL.as.
XLIX. Nouvelle contribution A la DOCTRINE DE l'origine INFEC-
TIEUSE du délire aigu; par Bianchi et PICCINI\0. (annale di neu-
1'olo(jia, fasc. VI, 1894.)
Parmi les formes psychopathiques qui simulent le délire aigu et
qui ont été jusqu'ici décrites comme délire aigu, il en est une à
laquelle on pourrait donner le nom de délire aigu bacillaire. Elle
se distingue de toutes les autres, cliniquement par une intensité
plus grande des symptômes, par la phase adynanuquequi succède
promptement à la phase d'excitation, par la durée plus courte et
l'issue fatale; bactériologiquement par la présence dans le sang et
les centres nerveux d'un bacille particulier que les auteurs ont
toujours rencontré dans les cas observés jusqu'ici.
Il y a des formes de délire sensoriel aigu qui peuvent s'accom-
pagner de fièvre, sans que celle-ci puisse reconnaître une autre
cause (pneumonie, bronchite, catarrhe intestinal...) que celle qui a
déterminé l'explosion du délire aigu. En d'autres termes : la fièvre
ne caractérise pas la nature bacillaire d'un délire aigu.
Le délire aigu bacillaire doit être considéré comme une maladie
infectieuse grave dans laquelle les symptômes d'excitation et de
trouble profond de la conscience sont suivis de symptômes de
dépression et d'un véritable état typhique grave. Il n'est vraiment
reconnaissable qu'au moyen de l'examen bactériologique du sang.
Dans les autres formes de délire aigu et de manie grave, l'examen
bactériologique donne également des résultats positifs. Mais si la
constatation de microorganismes presque toujours isolés et en
grande abondance révèle un rapport biologiqne entre la forme
clinique et leur présence dans le sang, en ce sens qu'ils disparaissent
ou diminuent beaucoup avec la chute de la maladie; cela ne nous
autorise pas encore à conclure à un rapport immédiat, de cause à
effet. Cetle constatation témoigne seulement à coup sûr d'un trouble
grave et profond de la nutrition, constituant un terrain propice au
développement des microorganismes, amenant comme consé-
quence une détérioration de tout l'organisme, avec déchéance
rapide de la nutrition, fièvre, et autres effets toxiques sur les fonc-
Arciiives, t. XXX. 30
466 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tions du système nerveux, dont le trouble maximum est le délire
hallucinatoire.
Les résultats bactériologiques, trouvés dans toutes les autres
formes de délire sensoriel qui ressemblent au véritable délire aigu
'sans en être, justifient les critiques de certains auteurs qui n'ont
pu trouver le bacille décrit par Hianchi, mais d'autres variétés de
microorgauismes; car ces formes de délire aigu sensoriel et de
manie grave sont beaucoup plus fréquentes que le véritable délire
aigu qui est très rare.
La stupeur organique doit être considérée presque toujours
comme une phase secondaire du délire hallucinatoire, même quand
il est de courte durée, non seulement parce que l'observation
clinique attentive montre toujours la préexistence d'une phase
hallucinatoire; mais aussi à cause des résultats de l'examen bacté-
riologique qui restent identiques soit dans la phase d'agitation
hallucinatoire, soit dans celle de stupeur. J. Séglas.
L. La SUGGESTION A l'état DE veille dans QUELQUES affections
oculaires; par P. SGROSSO. (Aîii2ali di rzevrologiv, fasc. Vl, 1891.)
LI. DE QUELQUES anomalies importantes dans LES mains ET les
PIEDS des DÉLINQUAN1'S ET DE LEUR signification réversive; par
PENTA. (Anrzali di nevrologia, fasc. VI, 189'r.)
LU. SUR LES PHÉNOMÈNES circumcursifs ET rotatoires DE l'épilepsie;
par Mingazzini. (Riv. sp. di fren., t. XX, fasc. III-IV.)
Les phénomènes circumcursifs de l'épilepsie peuvent se réduire
à deux catégories : ceux dans lesquels le phénomène circumcursif
précède l'accès convulsif (aura circumcursive); ceux dans lesquels
ce phénomène constitue tout ou partie de l'accès (accès circum-
cursifs).
Dans l'aura circumcursive, le nombre des tours est généralement
considérable; elle peut être remplacée quelquefois par d'autres
phénomènes; elle ne donne pas d'indicalion précise sur la gravité
ou la durée de l'accès convulsif.
La durée de l'accès circumcursif est en général de quelques mi-
nutes ; il est précédé souvent de phénomènes prodromiques variés.
La direction des tours a lieu de préférence de droite à gauche.
L'accès circumcursif est souvent accompagné d'actes variés tantôt
automatiques, tantôt conscients. Il ne semble pas que ce phéno-
mène, particulier influe sur la genèse de phénomènes post-pa-
roxystiques. Les accès circumcursifs ne conservent pas toujours cette
forme; on ne peut savoir s'ils provoquent plus tôt que d'autres
l'apparition de la démence. Les phénomènes rotaloires peuvent
aussi se présenter sous forme d'aura ou d'accès.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 467
L'aura rotatoire est presque toujours précédée ou accompagnée
d'autres phénomènes sensitissousensitivo-moteursqui transforment
l'aura motrice en une aura complexe. La direction de la rota-
tion va dans la plupart des cas de droite à gauche. La durée et la
gravité de l'accès convulsif n'ont aucun rapport avec la présence de
l'aura rotatoire, qui souvent peut être remplacée par d'autres
phénomènes. Les auras rotatoires nocturnes ne sont pas toujours
identiques aux diurnes. Comme pour l'épilepsie circumcursive, on
est fort embarrassé de savoir s'il existe quelque rapport entre les
accès précédés d'aura rotatoire et les altérations de la sphère psy-
chique. Les malades atteints d'accès avec aura rotatoire ne pré-
sentent aucun caractère spécial relativement aux tares dégénéra-
tives ou à des troubles nerveux spéciaux.
L'accès rotatoire est parfois précédé de phénomènes précurseurs.
Le sens de la rotation est très variable. Les accès ne gardent pas
toujours la même forme et sont souvent remplacés par des accès
de forme équivalente. Rien de précis sur leur influence au point de
vue de la démence. J. SÉGLAS.
LUI. SUR LES connexions DES éléments nerveux DE l'écorce
cérébelleuse; par E. LuGARO. (Riv. sp. di fi·e72., t. XX, fasc 11l-IV.)
LIV. La GLIOSE cérébrale chez les épileptiques; par TDESCI ! 1,
(Riv. sp. di f1'en" t. XX, fasc. 111-IV.)
Confirmation des recherches de M. Chaslin sur la gliose céré-
brale. J. S.
LV. Sur un phénomène d'automatisme chez LES aliénés qui rechutent;
par CRISELAN1. (Rev. sp. di (1'en" t. XX, fasc. IlI-IV.)
Certains aliénés, au moment d'une rechute, quelle que soit d'ail-
leurs la forme clinique de la psychose, seuls, à l'insu de tous, sans
aucun but même délirant, tantôt plusieurs fois correspondant à
plusieurs rechutes, tantôt plusieurs fois dans une seule et même
rechute, parfois en s'en rendant compte, d'autres fois dans un état
d'abolition complète de la conscience, mais toujours sans dévier de
leur chemin, retournent d'eux-mêmes directement à l'asile où ils
ont été internés dans leurs précédents accès. Alors même que ce
singulier retour aurait été suivi d'un internement d'urgence, cela
ne les empêche pas de recommencer à l'occasion. Lorsqu'une sur-
veillance assidue s'oppose à ce retour irrésistible à l'asile, on ren-
contre souvent comme un équivalent de l'acte empêché dans l'envoi
d'une lettre intempestive, sans but, sinon incohérente.
, L'auteur trouve l'explication psychologique de ce fait dans le
changement de la personnalité qui se produit dans tout accès de
468 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
folie. Alors que les malades, guéris d'un accès, sortent de l'asile,
ils ne manquent pas de manifester une horreur bien connue pour
les médecins, le directeur et tout ce qui, même de loin, leur rappelle
l'asile. Survient un nouvel accès, alors la personnalité change.
Dans le nouvel état morbide, le malade oublie la vie normale et
les sentiments, les idées, les actes qui l'éloignaient de ses souvenirs
d'internement, il reprend la personnalité qui s'était manifestée
dans les accès antérieurs, ayant déterminé le placement, et il tend
à continuer l'existence pathologique du premier accès. Ainsi fût-il
même matériellement au dehors et, loin de l'asile, il revit menta-
lement pour ainsi dire l'existence qu'il y avait menée précédem-
ment. Des séries de souvenirs se présentent il sa conscience plus
ou moins obnubilée, aboutissant en dernier terme au retour à
l'asile. J. Séglas.
LVI. Les réflexes superficiels ET PROFONDS comme moyen DE D1.\-
gnostic dans LES maladies mentales; par AGOS'rlNl. (Riv. sp. di
frein., t. 1, fasc. 111-1V.)
Dans la folie épileptique, la sensibilité à la douleur est la plupart
du temps diminuée, les réflexes cutanés et muqueux faibles, les
idio-musculaires et les tendineux accentués, le plantaire souvent t
marqué. Après l'accès, le réflexe plantaire est encore plus éner-
gique avec tremblement et trépidation épileptoïde; les tendineux
et idio-musculaires sont plus intenses; les cutanés et les muqueux
faibles ou nuls, la sensibilité à la douleur moindre.
Dans la folie paralytique, à la période initiale, la sensibilité à la
douleur est quelquefois abolie, les réflexes culanés sont affaiblis
ou font défaut; le plantaire l'est moins; les tendineux et idio-mus-
culaires sont exagérés, - A la seconde période, exagération du plan-
taire, affaiblissement de la sensibilité à la douleur. - A la troisième
période, la sensibilité à la douleur devient très faible, les réflexes
cutanés et muqueux nuls, les tendineux faibles ou absents, les idio-
musculaires énergiques.
Dans les accès épileptiques ou congestifs, la sensibilité à la dou-
leur est faible ou nulle, les réflexes cutanés ou muqueux manquent,
les tendineux et idio-musculaires exagérés, plus du côté intéressé.
En répétant les percussions, on obtient des tremblements fibril-
laires spasmodiques qui passent du membre au tronc et se diffusent
dans le membre de l'autre côté.
Dans la folie alcoolique, exagération fréquente de la sensibilité à
la douleur, des réflexes plantaire, idio-musculaire, tendineux; les
autres, culanés et muqueux, sont faibles. - Dans la folie pella-
greuse, hypoalgésie : atténuation des réflexes culanés ou muqueux,
exagération des tendineux, des idio-musculaires et souvent du
plantaire.-Dans la folie hypocondriaque, hyperalgésie; rapidité
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 469
des réflexes cutanés et muqueux, exagération des tendineux et
idio-musculaires. Dans la folie hystérique, faiblesse de la sensi-
bilité à la douleur, des réflexes cutanés ; les muqueux et idio-mus-
culaires sont normaux, le patellaire rapide.
Dans la manie, sensibilité à la douleur vive; réflexes cutanés et
muqueux normaux, ainsi que les idio-musculaires et tendineux.-
Dans la mélancolie, la sensibilité à la douleur est normale, ou
exagérée; les réflexes culanés et muqueux normaux, les tendineux
et idio-musculaires plus vifs. Dans la stupeur, les cutanés et mu-
queux s'affaiblissent : la réaction à la douleur, faible en apparence,
est bien conservée; les réflexes tendineux et musculaires sont
exagères. Dans la neurasthénie, hyperalgésie, exagération de
tous les réflexes.
Dans la paranoïa, les réflexes restent normaux, la sensibilité à la
douleur est parfois diminuée.-Dans l'imbécillité, la sensibilité à
la douleur est au-dessous de la normale; les autres réflexes ra-
pides, les tendineux vifs. - Dans l'idiotie, la sensibilité à la douleur
est faible, de même que les réflexes cutanés et muqueux; les idio-
musculaires et les tendineux rapides. Dans les démences secon-
daires, hypoalgésie, faiblesse ou absence des réflexes cutanés,
faiblesse des muqueux : les tendineux et idio-musculaires sont
normaux ou exagérés. ,
A remarquer la façon différente dont se comportent les réflexes
cutanés et tendineux représentés évidemment dans la substance
grise spinale par deux systèmes diastaltiques différents, si bien
que les uns peuvent être atteints, sans que les autres soient
troublés.
Dans les affections de l'écorce, les troubles de la sensibilité gé-
nérale confirment la théorie qui y fait résider, unis aux centres
moteurs, des centres pour la sensibilité générale : la diminution ou
l'abolition des réflexes cutanés prouve qu'il s'y trouve des centres
coordinateurs ou excitateurs correspondants; l'exagération des
réflexes tendineux, qu'il existe des fibres psychomotrices inhibi-
toires. J. Ségus.
LVII. UN cas DE démonopathie; par BONFIGLI, (Riv. sp, di, fl'8l2.,
t. XX, fasc. III IV.)
Il s'agit d'un fait de démonopathie rentrant dans le cadre des
idées fixes ou paranoïa rudimentaire L'auteur émet à ce propos les
considérations suivantes : les idées fixes ou paranoïa rudimentaire
naissent dans des cerveaux faibles originairement ou d'une façon
acquise, à la suite de sensations violentes, nouvelles ou adéquales
aux tendances de l'individu, agissant comme suggestion directe et
provoquant des processus d'autosuggestion. - Le même méca-
nisme psycho-pathologique s'applique en grande partie à l'origine
470 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
de la paranoïa; mais alors le cerveau des malades est encore plus
atteint.
Les choréiques du moyen âge, les démoniaques du XVIIe siècle et
des suivants, les convulsionnaires, les extatiques, les premiers
adeptes de presque toutes les sectes religieuses, et peut-être aussi
politico-sociales, n'étaient pas essentiellement et nécessairement
.des malades atteints de grande hystérie ou d'une autre névrose
mais étaient bien des individus énormément suggestibles, qui
selon les conditions originelles ou acquises de leur cerveau, à force
de suggestions intenses étaient devenus ou paranoïaques rudi-
mentairta ou paranoïaques vrais.
Parmi eux pouvaient certainement se rencontrer des hystériques
ou autres névropathes, aussi facilement suggestibles : et même les
paranoïaques hystériques devaient ainsi être ceux qui frappaient
le plus les observateurs et renforçaient les suggestions pour les
autres encore indemnes; mais la grande masse était des faibles
d'esprit sans trace aucune d'hystérie ou d'autres états voisins.
Le traitement de la démonopathie, lorsqu'elle n'a pas atteint le
degré de paranoïa proprement dite, et représente seulement une
idée fixe, une paranoïa rudimentaire, doit consister essentiellement
dans l'emploi des moyens hygiéniques et thérapeutiques qui peu-
vent raffermir l'organisme, en même temps que le cerveau ; et aussi
dans le traitement moral, visant à mettre un terme à la suggestion
point de départ de l'idée fixe (isolement) et à lui opposer de nou-
velles suggestions en opposition avec elle. J. Ségalas.
LVIII. MAL DE BRiGIIT ET folie; par le D'' BO : \DUIIANT.
Au cours des recherches faites depuis plusieurs années à l'asile
d'aliénés de l'Alabama, l'auteur a trouvé des signes de lésions
chroniques du rein chez 50 p. 100 des malades atteints de folie
chronique. Les faits recueillis lui permettent de soutenir cette opi-
nion que chez la plupart des malades atteints en même temps de
néphrite et de folie, c'est la néphrite qui est la cause de la folie,
cette dernière n'étant qu'un symptôme mental de l'intoxication
,rémique aiguë ou chronique. (American journal of insanily,
uillet 4895.) E. B.
LIX. CONTRIBUTION A la CRANIOLOGIE des aliénés; par IIIBTO,
(Annali di Nevrologia, III, IV, V, 1894.)
LX. SUR la rétinite DES paralytiques, NOTES lIlSl'OLOGlQUC5;
par CoLucci. (Annali di Nevrologia, 111, IV, V, 1894.)
LXI. Nouvelles recherches ET considérations sur LE champ visuel
DES fous moraux; par de Sanenis. (Riv. sp. di fi-ci ? t. XX,
fasc. Ill-IV.)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 471 L
LXII. Les arcades SOUBCILIi : ftES ET LES sinus frontaux chez les
aliénés; par GL11\1SLLL(l3ev. sp. di (l'en, V. XX., fasc. III1V.)
LtIII. Craniouétrie ET CÉPIL1L011CTBTE dans L'IDIOTIE
ET l'imbécillité ; par le Dr F. PETEIt50`I.
De nombreuses mensurations faites par l'auteur lui ont donné
les résultats suivants :
Dans tous les cas d'hémiplégie spasmodique infantile, le crâne
est plus ou moins diminué en volume du côté opposé à la para-
lysie. Il existe une tendance prononcée à la diminution de tous les
diamètres crâniens : elle est si marquée en général pour les dia-
' mètres transverses qu'elle permet de ranger ces crânes parmi les
leptocéphales. Alors que tous les crânes sont au-dessous des dimen-
sions moyennes, plus de -il p. 100 sont au-dessous des plus basses
limites des variations physiologiques, dans quelques-unes de leurs
dimensions. L'lI1té ! êt anthropologique de ces recherches est de
montrer les rapports de développement qu'il y a entre les diverses
portions du cerveau et les parois crâniennes adjacentes. (Aine-
rican journal of insanil, juillet 1895.) E. B.
LXIV. Paranoïa avec impuissance psychique ; par le Dr IIUGaES.
Intéressante observation d'un malheureux persécuté à qui «des
ennemis mystérieux et inconnus viennent, pendant le sommeil,
déloberson sperme », d'où la raison de son impuissance absolue.
11 n'existe, du reste, aucune malformation du côté des organes
génitaux. (The alienist and neurologist., juillet 1895.) E. B.
LXV. Paranoïa morale ; par le Dr W. BARR.
L'auteur divise la paranoïa en deux sortes : la paranoïa men-
tale dans laquelle l'intelligence est dominée par une ou plusieurs
idées fixes ou par des idées délirantes, sans que le sens moral soit
forcément atteint et la paranoïa morale dans laquelle le sens
moral est seul atteint, l'intelligence restant le plus souvent
indemne, quelquefois même étant très développée. Ces deux
variétés de paranoïa ont pour caractère commun une sorte d'exal-
tation', d'hypertrophie du « moi ».
Dans une première série la paranoïa morale, autrement dit la
folie morale, comprend ceux chez qui de mauvaises conditions
d'entourage, de développement, quelquefois un accident ou une
maladie, ont affaibli le sens moral, ce dernier restant encore
capable d'un certain développement.
.Une seconde série comprend ceux chez qui des tendances dégé-
nératives accumulées par plusieurs générations ont déterminé une
472 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
atrophie complète du sens moral : cet état de perle complète du
sens moral n'est pas sans être compatible avec une grande intelli-
gence, ce qui rend ces malades doublement dangereux.
Quelles sont les mesures à prendre pour sauvegarder la société ?
Tout d'abord, dès l'enfance les enfants devraient, aussitôt que
faire se peut, être divisés en différentes classes correspondant à
leur niveau moral. Les avantages de ce système seraient doubles :
'en effet, d'une part les enfants normaux ne seraient pas conta-
minés et d'autre part, chez les enfants atteints d'imbécillité morale,
l'émulation, le travail intellectuel poussé trop loin ne peuvent
qu'être nuisibles.
Pourquoi n'exigerait-on pas, pour accepter les enfants à l'école,
un certificat constatant l'absence de troubles nerveux ou moraux,
tout aussi bien qu'un certificat de vaccination ?
Quant aux mesures de défense à prendre contre des malheureux
chez qui le sens moral est totalement absent, elles sont aussi
nécessaires pour la société que délicates et difficiles à indiquer.
Isolera-t-on' rigoureusement dans quelque asile ou dans quelque
région perdue ces malheureux ou ulilisera-t-on l'innocuité relative
des opérations chirurgicales pour les empêcher de procréer ? L'au-
teurne se prononce pas. (The alienist and neztaoloist.; juillet 1893.)
LXVI. UN cas DE psychose polynévritique; par le Dr P. SOLLIER.
- Intéressante observation du syndrome clinique décrit par Kor-
sakoff sous le nom de psychose polynévritique.
Il s'agit d'une malade alcoolique. Les troubles psychiques furent
les premiers en date, sous forme d'affaiblissement de l'activité
intellectuelle, d'idées hypocondriaques, d'irritabilité, de con-
fusion mentale, d'amnésie, de cauchemars puis se développa brus-
quement une polynévrite très accentuée avec paralysie complète
des muscles des membres, du tronc et de la nuque et atrophie
seulement bien nette aux mains.
Les troubles délirants disparurent les premiers, mais l'amnésie et
les troubles névritiques ne disparurent que lentement et dans une
évolution parallèle qui montre qu'il y a entre ces deux phéno-
mènes primordiaux autre chose qu'une simple coïncidence mais
bien un rapport étroit dû vraisemblablement à une lésion unique
affectant l'ensemble du système nerveux. (Revue neurologique,
août 1895.) E. B.
LXVII. ETUDE sur un cas DE tabès U1>IRADICULAIRE CHEZ un
paralytique général ; par le D1' Nageotte
L'auteur a déjà attiré l'attention sur une lésion de névrite inters-
titielle transverse qui siège, chez les tabéliques, sur le nerf radie
culaire, au voisinage du ganglion et qui lui a paru être la caus-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 473
immédiate de la dégénérescence secondaire du système radicu-
laire extérieur, en un mot de la lésion essentielle du tabes. Le
nouveau cas dont il donne la description complète, met bien en
relief le rôle et le mode d'action de la névrite radiculaire trans-
verse et montre bien l'origine radiculaire, exogène par consé-
quent, du tabes qui complique si souvent la paralysie généralepro-
gressive. Dans une moelle de paralytique général quelques filets
radiculaires ont subi une dégénérescence ascendante; puis, dans
les nerfs radiculaires, on trouve du haut en bas une lésion légère-
ment ébauchée qui subitement s'exagère au niveau des racines
précisément qui contiennent ces filets : cette névrite radiculaire
transverse atteint les deux racines antérieure et postérieure.
En résumé, il paraît exister, dans les portions de racines com-
prises entre la sortie du canal durai et le ganglion, une sorte de
point faible où, en vertu de dispositions physiologiques que nous
ignorons encore, se développerait une lésion spéciale, névrite
radiculaire transverse, antérieure à toute dégénérescence paren-
chymateuse et constituant la première étape du processus tabé-
tique. (Revue neurologique, juillet 1895.) E. B.
LXVIII. LES sentiments ET LES passions dans LEURS rapports avec
l'aliénation mentale; par le Dr H. Dagonet.
Ramenant avec Henaudin les divers sentiments à trois chefs
principaux, le sentiment de la personnalité, les sentiments affectifs
et le sentiment religieux, l'auteur montre, avec des exemples à
l'appui, l'influence que les sentiments et les passions viennent
exercer non seulement pour développer l'aliénation mentale mais
encore pour en déterminer la forme particulière, suivant qu'ils
sont exagérés, affaiblis ou pervertis.
Aussi, pour être rationnelle, la classification des maladies men-
tales, envisageant J'individu atteint d'aliénation mentale et au
point de vue de l'altération de l'intelligence, et à celui îles facultés
morales, devrait comprendre tous les éléments pathologiques qui
caractérisent non seulement la folie mais aussi la forme spéciale
du délire.
C'est ainsi qu'à côté des folies mentales et impulsives et de cer-
taines formes de délire systématisé à caractère affectif, les troubles
de la personnalité pourraient de leur côté constituer une forme
principale d'aliénation mentale.
Si la classification des maladies mentales semble difficile à mo-
difier dans l'état actuel de la science, il ressort nettement du tra-
vail de l'auteur que l'élément passionnel est un signe clinique dont
il faut tenir plus grand compte, lorsqu'il s'agit de déterminer
nettement la forme particulière que revêt l'affection mentale.
(Annales médico-psychologiques, août 1893.) E. B.
474 l1 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
LTI1. Considérations cliniques SUR l'étiologie ET la nature
DE l'épilepsie tardive chez l'homme; par le D"' nlAU1'.1TÉ.
L'auteur considère comme tardive l'épilepsie qui débute après
trente ans : sur 120 épileptiques il n'en a rencontré que 20 pouvant
rentrer dans cette catégorie. L'épilepsie tardive n'est qu'une simple
; variété de la grande épilepsie qui emprunte à l'âge auquel elle
survient et aux causes qui la provoquent, quelques caractères spé-
ciaux. Elle ne se manifeste pas en dehors d'une prédisposition
héréditaire, toujours dégénérative; mais elle est néanmoins symp
tomatique, si on entend par là qu'elle est consécutive à une désor-
ganisation du cerveau par des agents bien connus, et liée dans
une certaine mesure à l'évolution de ces agents.
Les manifestations sont sensiblement celles de l'épilepsie vul-
gaire : une fois déclarée, elle peut, soit s'améliorer rapidement,
quand disparaissent ses agents producteurs, soit rester station-
naire : dans ce cas, la démence précoce qui est la règle, semble,
comme les troubles mentaux surajoutés, devoir être attribuée
moins à l'épilepsie qu'à ses agents producteurs. Le traitement
sera celui de l'épilepsie en général, combiné avec la suppression
ou la guérison des causes. (Annales médico- psychologiques,
août 1895.) E. BtIN.
LXX. L'inversion sexuelle; par )-L1VELOCIC ELUS.
(iliedico-lpgitl journal, septembre 189r.)
C'est une revue de la question où l'auteur rappelle sommai-
rement les travaux allemands de lVestplal, Casper, Ulrichs, Krafi't
Ebing, illoll, Moritz, ceux de Ritti, Tomassio, Lombroso, Moreau,
Magnan, Charcot, 1'arnowsh;y, Lacassagne et ses élèves. Il rappelle
es procès américains récents d'Alice Milchell et Guy Olmstead.
A. Marie.
LXXI. Folie dlennorriiagique ET PYOPIIRÉNOES ; par le professeur
S. Venturi.
Dans la première partie de son travail, l'auteur apporte de nou-
veaux faits cliniques à l'appui de ses idées sur la folie blennorrha-
gique. Les malades dont l'histoire est rapportée n'appartiennent
plus à la catégorie des hébéphréniques, .parmi lesquels se recru-
taient les dix-sept observations relatées dans une première publi-
cation, d'où la déduction que, quoique la blennorrhagie soit plus
fréquemment en raprort avec la folie hébéphrénique, elle est
capable aussi de provoquer des troubles mentaux chez des sujets
adultes.
La forme de folie observée a élé dans un cas un délire mélan-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. j5 5
colique ; dans un autre un état d'excitation maniaque : dans ces
deux cas, la blennorrhagie a servi peut-être seulement de cause
occasionnelle au développement de la maladie mentale préparée
déjà par l'hérédité ou la dégénérescence. Dans un troisième cas,
l'infection blennorrhagique a déterminé une véritable démence
paralytique, faisant ainsi faire un pas de plus à cette idée que la
paralysie générale n'est qu'une maladie d'origine infectieuse.
Si de la blennorrhagie ordinaire il peut résulter des arthrites,
péricardites, névrites, méningites par migration de l'élément infec-
tieux spécifique, y a-t-il quelque fondement à accepter que cela
peut arriver aussi par suite de la migration de l'élément infectieux
des écoulements purulents non gonococciques ? La clinique répond
affirmativement, car elle est bien connue, la migration des cocci
en général et, en particulier, celle des staphylocoques pyogènes
et des streptocoques. Dans cet ordre d'idées, l'auteur rapporte deux
cas démonstratifs comme preuve de l'existence d'une folie consé-
cutive à des écoulements vaginaux purulents et contagieux, bien
quc n'élant pas liés au gonocoque de Neisser, et propose, en con-
séquence, d'accepter dorénavant l'existence non seulement de la
folie blennorrhagique, mais d'une classe de folies, que l'on pour-
rait appeler pyophrémes, dont la folie bJennol'l'hagique serait une
espèce, en rapport direct avec un élément infectieux spécifique ;
les folies puerpérales, celles qui sont dues à des écoulents puru-
lents des intestins, des bronches, des poumons, du nez, etc., cons-
titueraient autant d'espèces différentes, en rapport avec d'autres
cocci pathogènes. (Annales médico-psychologiques, oct. 1895.) E. B. ,
LXXII. GLIOS.1BCOIE du CERVRLET ; par PASQUALE de MICHELE,
(Annali di Nevrologia, fasc. III, IV, V, 1894.)
Les gliosarcomes peuvent réellement quelquefois, revêtir l'allure
d'un processus inflammatoire chronique. Ils ont alors plutôt l'aspect
de foyers multiples, comme la syphilis et la tuberculose des centres
nerveux, que de véritables néoplasmes. Leur allure clinique, leur
structure histologique font soupçonner une origine infectieuse. Les
symptômes les plus importants pour le diagnostic de siège des
processus intéressant le vermis inferior sont l'incurvation latérale
de la colonne vertébrale, l'allaiblissement progressif des membres
jusqu'à la paralysie, l'hypotrophie générale, l'émission de cris
inconscients. Les données anatomo-cliniques sont en accord com-
plet avec les résultats obtenus par l'expérimentation physiologique.
J. SÉGLA.
LXXIII. Sur L4 topographie DU LOBULE DE BROC\. Contribution A
la topographie CR 1,N[O-CLRÉ13R.Lr; par FALCOXE, (Annali di Ne¡;"o-
logia, III, IV, V, 1891.)
476 sociétés savantes.
LXX1V. L'ataxie héréditaire; par G. Fornario.
(Annali di nevrologia, fasc. VI, 1894.)
Observations d'ataxie héréditaire chez trois individus d'une même
famille. La discussion de ces observations amène l'auteur à conclure
qu'il n'est pas possible cliniquement de différencier d'une façon
cerlaine l'ataxie héréditaire spinale ou simplement cérébelleuse
de l'ataxie cérébelleuse et spinale; que l'absence du réflexe rotulien
peut être un signe important en faveur de l'affection spinale sans
en être toutefois exclusive; que de légers troubles psychiques ne
sont pas incompatibles avec le tableau typique deFriedreich; que ce
tableau de la maladie de Friedreich même circonscrit aux formes
absolument spinales, correspond précisément au tableau des expé-
rimentations sur les ablationsdu cervelet; qu'anatomiquement on ne
peut méconnaître l'existence de formes essentiellement spinales et
de formes cérébelleuses et spinales. J. SGL.15.
L1V.SUR LA SIGNIFICATION ONTO-PH7LOGÉNIQL : E DU PROCESSUS FRONTAL
chez l'homme; par pE\T.1. (Annali di nevl'ologia, fasc. I, 189L)
LXXV1. Sur LE tabès traumatique Er la pathogénie du TADES EN
général; par Hitzig. (Annali di nevrologia, fasc. I, 1891.)
LXXV11. SUR LES lésions DE L4 base DE l'encéphale D4NS LE tabès;
par l'ACEf11. (Riv. sp. di flein., t. XX, fasc. Ill-IV,)
LXXVIII. RECHERCHES expérimentales SUR la fatigue des muscles
de l'homme sous l'action des poisons nerveux, par Rossi. (Riv. sp.
di '7'e72., t. XX, fasc. 111-IV.)
SOCIÉTÉS SAVANTES.
LXIH<= SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES
DE L'ALLEMAGNE ORIENTALE.
Breslau, 25 novembre 1893.
M. FUEUND (de 13reslau). Sur les troubles psychiques de la névrose
traumatique (avec présentation de malades). - Cette communica-
tion sera publiée ultérieurement in extenso.
SOCIÉTÉS savantes. 477
Discussion : M. PICK (de Prague) fait remarquer que l'on connaît
depuis longtemps des cas d'hallucinations se produisant par accès
et d'une façon toujours identique : Baillarger a rapporté l'histoire
d'une femme qui, ayant été blessée au crâne par la chute d'un pot
de fleurs, voyait se produire par accès une hallucination reprodui-
sant la scène de l'accident. On connaît bien également les obser-
vations de filles hystériques qui,à lasuite d'un viol, voient au cours
de leurs attaques se dérouler la scène du viol.
M. Pick rappelle qu'à une époque où la névrose traumatique
n'avait pas encore attiré l'attention générale, ni été l'objet d'une
étude particulière, il avait déjà publié un grand nombie de cas de
folie traumatique. (Prager JIedie. Wochensch¡ ? 187\), 1880.) 11 a
insisté sur ce fait que dans ces cas l'affaiblissement intellectuel
s'accompagne de la conscience de l'état maladif. On voit les sujets
atteints de névrose traumatique conserver, même dans les stades
avancés de l'affection, la conscience de leurs défectuosités psy-
chiques, tandis qu'au contraire, dans la paralysie générale, la perte
de la conscience de l'état maladif est caractéristique, dès la période
de début.
M. H.411N (de Breslau). Examen anatomo- pathologique du cas de
cécité corticale, publié par Lissauer dans le tome XXI des Archiv
f. Psychiatrie. Le malade est mort de pneumonie deux ans après
l'examen clinique de Lissauer. Aucune modification ne s'était pro-
duite dans les symptômes de cécité.
Autopsie. Hémisphère gauche. Oblitération par embolie de
l'artère cérébrale postérieure, au niveau des tubercules quadriju-
meaux ; ramollissement consécutif du cunéus, du précunéus et du
lobule lingual. La lésion s'étend jusqu'au ventricule largement
dilaté, et en avant gagne, en diminuant d'étendue, le bourrelet du
corps calleux. Le bourrelet est intéressé, surtout dans sa partie
inférieure et a perdu les deux tiers de son volume; on y trouve des
corps granuleux en quantité. Atrophie des circonvolutions voisines
des lobes occipital, temporal et pariétal.
Hémisphère droit. Pas de lésions en foyer, mais une atrophie
manifeste du lobe occipital.
Les coupes des deux hémisphères ont montré les lésions suivantes
des faisceaux d'association (méthode de Pal) : à gauche, dégéné-
rescence des fibres du corps calleux, diminution notable des fibres
du faisceau sagittal interne, dégénérescence complète du faisceau
sagittal externe, disparition du faisceau transverse du cunéus.
A droite, dégénérescence presque totale des fibres du corps calleux
dans le lobe occipital; tapetum droit plus pauvre en fibres que le
gauche.
En résumé : lésion en foyer du centre visuel du côté gauche et
rupture des faisceaux d'association des deux lobes occipitaux; dégé-
478 sociétés savantes.
nérescence des faisceaux optiques du côté gauche, des voies reliant
le centre visuel au centre acoustique du côté gauche, et de celles
unissant le centre visuel droit intact au centre acoustique gauche.
De telles lésions sembleraient n'avoir dû déterminer que de l'a-
phasie optique : (perte de la possibilité de dénommer les objets
vus, tout en les reconnaissant). Aussi Lissauer dans son étude cri-
tique sur la lésion qui pouvait être admise comme cause du syn-
drome clinique, avait-il supposé l'existence d'un foyer situé à la
face interne du lobe occipital de l'hémisphère gauche et celle
d'un second foyer dans la substance blanche de l'hémisphère
droit. On peut expliquer le désaccord apparent entre les lésions et
les symptômes observés par les altérations profondes du bourrelet
du corps calleux. Le bourrelet renferme probablement les fibres
commissurales qui relient la surface interne et la convexité des
lobes occipitaux, les deux circonvolutions temporales, les deux lobes
occipitaux. De ces faisceaux un grand nombre ont été détruits par
la dégénérescence primitive du bourrelet. Consécutivement à l'alté-
ration des fibres d'association, les cellules qui leur correspondent
ont dû dégénérer, comme le prouve l'atrophie des circonvolutions
des deux lobes occipitaux. La dégénérescence accusée du bourrelet
du corps calleux paraît correspondre à la cécité corticale observée
en même temps qu'à l'aphasie optique.
Lxn° SÉII\CE - Breslau, 3 mars 18894.
1\1. HAH11 (de Breslau). Recherches anatomo-pat1wlogiq¡¡es sur un
cas d'absence d'un hémisphère cérébelleux. - Il s'agit d'un idiot âgé
de dix-sept ans, fils de buveurs. Convulsions trois jours après la
naissance. Au onzième jour, attaque apoplectiforme avec paralysie
du côté droit. Les convulsions continuent ensuite à se manifester.
Contracture et atrophie des muscles des extrémités droites. Niveau
mental d'un enfant de deux ans. A seize ans on constate les sienes
suivants : à gauche, ptosis de moyenne intensité, obtusion de la
sensibilité à la douleur dans la pallie supérieure du territoire
innervé par le trijumeau, légère parésie du facial, déviation de la
langue à droite. A droite, atrophie musculaire et contracture des
extrémités, légère obtusion de la sensibilité. Les mouvements du
globe de l'oeil gauche sont limités, surtout en dehors. Troubles de
la convergence.
Autopsie. L'hémisphère gauche du cervelet est réduit au quart
de son volume ordinaire; il renferme deux foyers de dégénéres-
cence : l'un, gros comme un noyau de prune, dans la substance blan-
che ; l'autre situé dans la partie sensitive de la moitié gauche du pont.
La pyramide gauche et le faisceau pyramidal du côté droit sont
moins volumineux, mais ne contiennent pas de fibres dégénérées
L'olive droite est atiophiée; les cellules en sont en majeure partie
SOCIÉTÉS savantes. 479
dégénérées. Les fibres arciformes externes gauches sont plus
rares qu'à droite; il en est de même des faisceaux du pont. Un des
foyers de ramollissement s'étend jusqu'au noyau de l'oculo-moteur
commun. L'auteur pense que les troubles de coordination des mus-
cles de l'oeil peuvent s'expliquer par la rupture des voies d'associa-
tion entre le cervelet et les noyaux des muscles des yeux.
M. VERNICâE, est d'avis de rattacher les troubles des mouvements
volontaires des globes oculaires aux lésions intéressant le raphé.
Il a observé un cas dans lequel une altération du raphé a déterminé
des troubles dans les mouvements des yeux.
M. FREUND (de Breslau). Démol1st ! o.tion d'un cas de surdité cor-
ticale (aphasie sensorielle sous-coilicale ? ) Sera publié in extenso
dans les Arcle. f. Psychiat.
M. ADLER (de Breslau) fait connaître un cas de vertige unilatéral. Le
malade, un homme de trente-un ans, est devenu dur d'oreilles à la
suite d'une chute sur la tête, et éprouve en outre des phénomènes
vertigineux d'une nature spéciale. Lorsqu'il tourne la tête ou qu'il
penche le corps du côté de la blessure, il chancelle, il croit voir
tourner les objets qui l'entourent du même côté et éprouve une
sensation de vertige. L'auteur cherche à donner l'explication de ce
cas par la théorie d'Ewald sur les fonctions du labyrinthe.
LXv° séance. - Breslau, 1er juillet 1894.
M. Pieu (de Prague). Communication sur la pathologie du système
nerveux central. L'auteur communique d'abord un cas de
tumeur des nerfs optiques dans lequel, à part un oedème double
des papilles suivi d'atrophie, aucun autre symptôme ne pouvait
faire supposer l'existence de la lésion trouvée à l'autopsie (il n'y
avait pas d'exophtalmie). Les nerfs optiques étaient infiltrés d'une
production myxo-sarcomateuse qui les avait englobés depuis les
globes oculaires jusqu'au chiasma, sans déterminer la formation
d'une tumeur proprement dite.
M. Pick montre des préparations d'un myome développé à la
partie postérieure de la moelle lombaire. Cette néoplasie avait
pris naissance aux dépens des fibres lisses des tuniques moyenne
et adventice des artérioles. Dans un autre cas, M. Pick a montré de
semblables myomes dans les parois musculaires des artérioles
médullaires d'un sujet atteint de démence sénite.
M. NEISSER (de Leubus). Paralysie progressive avec atrophie muscu-
laire, spinale progressive. L'auteur a déjà publié un cas de ce genre
(Allg. Zeilsch. f. Psychitit., t. XLIX). Dans l'observation qu'il commu-
nique actuellement il s'agit d'un homme de trente-huit ans, sans
antécédents syphilitiques, qui a présenté des troubles psychiques
depuis février 1893 : insomnie, incohérence, inertie, irascibilité,
480 sociétés savantes.
hypochondrie. Il entre à l'asile cinq mois après : on ne constate pas
d'atrophie musculaire. Les symptômes intellectuels consistent en
une perte très accusée de la mémoire, des alternatives d'hypochon-
diie et d'euphorie, des hallucinations de tous les sens survenant
par intervalles. Inégalité pupillaire, abolition du réflexe pupillaire
à droite, parésie faciale, troubles de la parole, tremblement] des
- lèvres et de la langue, exagération des réflexes rotuliens, démarche
à la fois spastique et parétique, A la fin de 1893, le malade entre en
rémission. En janvier suivant on constate une atrophie de l'émi-
nence thénar de la main gauche. Depuis lors l'atrophie muscu-
laire a suivi une marche progressive. Les interosseux, les muscles
de l'éminence thénar de la main droite, les muscles du pouce, le
triceps du côté gauche sont intéressés, ainsi que le deltoïde droit.
Les muscles atrophiés ne réagissent pas sous l'influence des cou-
rants faradiques ou réagissent faiblement. L'examen avec le
courant galvanique a fourni la réaction de dégénérescence pour
un certain nombre de muscles. Pas de tremblements fibrillaires.
Pas de troubles de la sensibilité aux membres supérieurs. Dans ce
cas, contrairement aux faits connus actuellement, la paralysie
progressive a précédé l'apparition de J'atrophie musculaire pro-
gressive.
M. Bonhoffer (de Breslau) veut prouver en s'appuyant sur un
cas de psychose aiguë qu'il a observée, qu'il n'est pas rare de
constater dans certaines psychoses, à forme de confusion et de per-
plexité, des manifestations qui se rapprochent de la cécité corticale
et de l'asymbolie et qui seraient le substratum de l'affection.
La malade dont il s'agit, après une période prodromique de
mélancolie anxieuse ayant duré un mois se trouvait depuis quel-
ques jours dans un état de profonde confusion. Elle ne s'orientait
plus dans sa chambre, ne retrouvait plus son lit, ne savait plus se
servir des objets usuels, se servait de sa chaise comme cabinet
d'aisances, se coiffait de sa robe, mordait à même un morceau de
savon et ne crachait ce qu'elle en avait pris qu'avertie par la sen-
sation gustalive.
La lecture et l'écriture étaient devenues impossibles. La malade
comprenait les paroles qui Lui étaient adressées. Tandis que les
troubles de nature sensitive s'amendèrent rapidement, les symp-
tômes moteurs persistèrent plus longlemps. Tous les mouvements
des extrémités, de la langue, etc., étaient exécutés à faux. La déglu-
tition était entravée, la parole embarrassée. Par intervalles un
élat de légère confusion se surajoutait à ces manifestations d'asym-
bolie motrice.
M. Heilbronner (de Breslau). Un cas d'asymbolie. - Il s'agit
d'un homme de quarante-trois ans, buveur. Le début de la maladie
est brusque : maux de têle, impossibilité de se tenir debout; puis
sociétés savantes. 481
paralysie du moteur oculaire externe droit, ptosis bilatéral, inéga-
lité pnpillaire (pupille droite plus large), léger degré de paralysie
du facial droit. Au point de vue psychique : état de confusion;
la station et la marche sont possibles; mouvements compliqués
des mains, pas de signes d'hémiplégie, ni d'aphasie, mais symp-
tômes très nets d'asymbolie : ce malade tient énergiquement
ce qui lui est donné, sans paraître avoir notion de l'usage de
l'objet. Avec la disparition de la confusion, les symptômes d'asym-
bolie deviennent plus nets; on constate des réactions erronées;
parfois il semble que le patient ait d'abord l'intention d'exécuter
un mouvement normal, puis une erreur se produit secondairement,
au cours de l'exécution de l'acte. A diverses reprises les objets
présentés furent correctement dénommés, mais le patient n'en
comprenait pas l'usage ou se méprenait sur la façon de s'en servir.
A ce moment on put constater des symptômes d'aphasie de con-
duclibilité. L'auteur rejette l'hypothèse soit d'une asymbolie sensi-
tive, soit d'une asymbolie motrice; il admet l'existence d'une
asymbolie de conductibilité.
Discussion. lI. Pick. Il parait vraisemblable que ce malade
doit avoir des lacunes dn champ visuel. La façon dont il écrit
tendrait à le faire croire.
M. HEILBRO : '1NER, - On n'a pu pratiquer un examen complet du
champ visuel, mais il est possible d'affirmer qu'il n'y a pas d'hé-
miopie.
L'VIO SCANCE. - Breslau, 24 nOI'em ? 'e 1891..
M. Petersen (de Brieg) donne l'observation du malade qui a
récemment commis sur lui un attentat. C'est un homme de vingt-
huit ans qui, employé dans le bureau de la direction de l'asile, s'élança
sur M. Petersen, et lui porta un coup de canif dans le dos « afin
de maître un terme à l'hypnotisme que l'on pratiquait sur lui ».
Ce malade a des antécédents héréditaires : mère nerveuse, père
morphinomane. Rachitisme dans l'enfance. Instabilité et déséqui-
libralion mentales; onanisme. Il y a trois ans, début des idées de
persécution : la police le fait surveiller ; on le regarde, dans la rue,
comme un voleur.
Il en vint enfin à considérer sa mère comme associée à la bande
de ses persécuteurs, et son attitude envers elle devint si menaçante
qu'elle dut renoncer à la vie commune. Le malade fut interné en
juillet 1892. Il est hydrocéphale : son intelligence est normalement
développée; il présente les symptômes habituels de la paranoïa.
En outre il a manifesté à diverses reprises du refus d'aliments; des
états cataleptiformes furent constatés; plus tard il prétendit que
diverses personnes, entre autres le directeur de l'asile, l'hypnoti-
saient, qu'on l'accusait d'avoir commis un crime. A côté de ces
Archives, t. XXX. 31
482 SOCIÉTÉS savantes.
manifestations délirantes se montraient des lacunes morales pro-
fondes. C'est à celles-ci, aussi bien qu'aux conceptions délirantes
proprement dites du malade, qu'il convient de rattacher la tentative
de meurtre commise par ce dernier à la suite d'une longue prémé-
ditation. Cette observation met en évidence combien sont dange-
.reux les aliénés et en particulier les délirants syslémaliques, qui
ont, depuis l'enfance, présenté des défectuosités du sens moral :
ces dernières s'ajoutent en effet plus tard aux idées délirantes.
M. Heilbronner (de Breslau) fait une communication sur la
méthode de Nissl, appliquée à la coloration des cellules des cornes
antérieures de la moelle et des cellules de Purlcinja du lapin et de
l'homme. Présentation de préparations : chez un alcoolique chro-
nique qui avait présenté des symptômes de névrite multiple,
l'examen des cornes antérieures a montré, à côté d'un grand
nombre de cellules normales, d'autres éléments présentant diffé-
rents états de dégénération. Dans les premiers stade5, les altéra-
tions ne se révélaient que dans les parties centrales de la cellule :
au lieu des corpuscules bleu foncé caractéristiques qui se ren-
contrent à l'état normal, on voyait les parties entourant le noyau
présenter un aspect terne. Dans les stades plus avancés la lésion,
au lieu de se limiter à la partie de la cellule entourant le noyau,
s'étendait aux régions périphériques, et certaines cellules parais-
saient remplies d'une masse poussiéreuse. Au stade terminal les
éléments cellulaires avaient perdu leur forme extérieure normale et
se présentaient sous la forme de corps polygonaux ou arrondis. Le
noyau n'avait plus sa situation centrale, mais avait gagné la zone
périphérique. La présence d'altérations des cellules ganglionnaires
de la moelle dans les cas de névrites est d'accord avec ce que nous
savons aujourd'hui de la constitution histologique des névroses.
Si différents observateurs sont arrivés à des résultats négatifs, la
faute en est aux méthodes dont ils disposaient. De nouvelles
recherches doivent être entreprises à l'aide des méthodes d'examen
modernes.
M. Sacns (de Breslau). Observation de ramollissement dans les
deux hémisphères. - Sera publiée ultérieurement in extenso.
M. Wernicke (de Breslau). Sur les psychoses à forme anxieuse. z
La clinique exisie la description d'un groupe spécial de psychoses
à forme anxieuse : dans ce cas le symptôme dominant est l'anxiété,
et c'est lui qui donne la clé de tout l'ensemble symptomatique. Les
idées délirantes associées sont tantôt de simples conceptions,
tantôt elles se manifestent sous la forme d'hallucinations auditives.
Le contenu de ces dernières a trait soit à des dangers qui menacent
l'existence, soit à des attaques contre l'honneur du patient, soit à
des idées d'infériorité, d'auto-accusation, de désespoir. Toutes ces
manifestations sont caractérisées par l'anxiété qui tourmente le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 483
patient, que cet état d'anxiété ne survienne que par accès ou
qu'il s'exagère au cours de paroxysmes. La mélancolie avec agita-
tion doit rentrer dans le groupe des psychoses à forme anxieuse,
et n'a rien à voir avec la mélancolie. Les cas nets de psychose
anxieuse non compliquée ont un pronostic favorable.
Les cas compliqués sont plus fréquents, tantôt ce sont les mani-
festations motrices qui s'exagèrent; tantôt la psychose à forme
anxieuse n'est que le premier stade d'une autre forme clinique
qui se greffe sur la première au cours de la convalescence. La
durée de ces psychoses anxieuses est en général brève. L'auteur a
observé un cas qui n'a pas duré plus de quatre jours. Le diagnostic
différentiel doit être fait avec : 1° l'hallucinose aiguë, forme assez
vosine de la psychose anxieuse et ayant également un pronostic
favorable. Les hallucinations et l'anxiété paraissent, dans cette
forme clinique, être dans un rapport de dépendance inverse par
rapport à celui observé dans la psychose anxieuse ; 2 la mé-
lancolie affective ; 3° les psychoses aiguës avec confusion (Allg.
Zeitschr. f. Psychiat., t. LI, fasc. 5, 1895). P. Sérieux.
LE Ve CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE L'ABUS
DES BOISSONS ALCOOLIQUES.
Session de Baie : les 20, 21, 22 août 1895.
Le Congrès a été inauguré lu lundi 19 août, par une réunion
familière des adhérents dans la belle salle de l'Abbaye de la Clef.
Un grand nombre d'étrangers s'y sont déjà trouvés, nous y avons
rencontré plus d'une figure connue; nommons entre autres d'An-
gleterre, MM. Wakely, Fielden, Thorp, Gl'1lnt-Mtlls, Malins, chanoine
Leigh et l'infatigable Miss Gray ; de France, MM. les Drs Magnan,
Legrain, Lucien Puteaux; de Hollande, le ministre d'État
de Heemskerke, Ruysch, Goeman Borgesius, etc. ; de Suède,
M. Kiaer; du Danemark, Mad Selmer; d'Allemagne, MM. Bode,
Tienken, Cirer, Brendel, etc. Nous reçûmes un chaleureux accueil
de la part de nombreux Suisses, parmi lesquels nous avons été
heureux de retrouver le Dr Forci, \111. Bovet, Rochat, Byse, Jules
Denis, llitliet, Naef, etc.
Un abondant buffet était dressé dans la salle, il est à peine
nécessaire de dire que toute boisson enivrante en était strictement
exclue. La réunion se prolongea jusque fort tard dans la soirée.
484 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La première séance s'ouvrit le mardi 20 août à 8 heures du matin a
dans la belle et vaste salle de concerts du Casino. Plusieurs cen-
taines d'auditeurs y étaient réunis. M. Burckhardt (do Bâle) prési-
dait ; à ses côtés siégeaient au bureau le vénérable ministre d'Etat
hollandais, M. de Heemskerke, puis MM. Martin, pasteur à Genève,
miss Charlotte Gray,111. le.D1' Ruysch, tll. Goeman Borgesius, etc.
- Le Président ouvre la séance en souhaitant la bienvenue aux
nombreuses personnes qui assistent au Congrès et notamment aux
étrangers venus de tous les coins du monde. Il montre que toutes
les opinions, politiques, philosophiques et religieuses, sont repré-
sentées dans l'assemblée. Il souhaite que cette union persiste pour
le plus grand bien de la cause de Ja tempérance et il formule le
voeu que les travaux du Congrès de Bâle aient un grand retentis-
sement au dehors et qu'ils exercent une puissante influence sur
la marche de la lutte contre le fléau de l'alcoolisme. Il annonce
que quatre cent soixante personnes ont adhéré au Congrès et que
plusieurs gouvernements ont envoyé des délégués officiels. L'admi-
nistration fédérale des alcools est représentée par 1V711. Milliet,
Cuttat, De Lang; le gouvernement de Bàle-Ville par son représen-
tant, M. Iselin; celui de Lucerne, par M. Virieux ; celui de Fribourg,
par M. Bise, président du tribunal, et le Dr Engelhard. Le Saint-
Siège s'est fait représenter par monseigneur Egger, évêque de
Saint-Gall; le Ministère de l'Instruction publique de France, par le
I)r Lancereaux, membre de l'Académie de médecine; la Ilollande,
par MM. de Heemskerke et Ruysch; la Norwège, par M. Kiaer; la
Russie, par M. Minzlolf, conseiller d'État. Enfin un très grand
nombre de sociétés engagées dans le combat antialcoolique ont
envoyé des délégués; la Ligue patriotique belge contre l'alcoo-
lisme était représentée par MM. Frank, Merzbach, Castiaux, et le
D Moeller.
M. de ICEE31S&ER6C, à qui l'assemblée donne, par acclamation, la
présidence de la première séance, lit un long rapport sur l'histoire
de la lutte contre l'alcoolisme depuis le dernier congrès (La
Haye, 1893). Son discours fut malheureusement peu compris, par
suite de la faiblesse de la voix du vénérable orateur. Résumons,
pays par pays, les faits saillants que nous avons pu saisir : Amérique
maintien des lois prohibitives dans plusieurs États; vaste pétition
pour la prohibition au Canada; Angleterre, présentation du projet
de loi sur l'option locale; chute du ministère libéral qui l'a pré-
senté ; Norwège, attribution au vote populaire (hommes et femmes)
dans chaque commune du droit de supprimer tout débit de bois-
son ; Finlande, disposition analogue; Suède, loi refusant l'action en
paiement des dettes de cabaret; Daraemcrls, vaste pétitionnement
en faveur de l'option locale et de la prohibition de la vente des
spiritueux le samedi soir et le dimanche; Allemagne, proposition
d'un projet de loi sur l'ivresse; France, élévation des droits d'ac-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 485
cise, abolition du privilège des bouilleurs de cru; Belgique, nomi-
nation d'une commission officielle chargée d'élaborer un projet de
loi contre l'alcoolisme; Pays-Bas, activité des sociétés de tempé-
rance ; appui du gouvernement à la lutte contre l'abus des boissons
alcooliques.
Après cette lecture et quelques formalités usuelles, telles que la
nomination des vice-présidents d'honneur, le Congrès aborde son
ordre du jour. En tête figuraient trois communications d'un carac-
tère éminemment scientifique qui ont causé une vive impression et
ont été le vrai clou du Congrès. Nous regrettons de ne pouvoir les
analyser que très sommairement.
M. le Dr Gaule, professeur de physiologie à l'Université de
Zurich, parle de l'usage de l'alcool au point de vue de la physiologie.
Il esquisse l'histoire de l'évolution du mouvement de réaction qui
s'est manifesté contre l'alcoolisme. Au début, dit-il, on considérait
l'alcool comme une boisson inutile ou tout au moins inoffensive.
Si elle produisait des inconvénients, c'est que l'homme en abusait.
De là est venue la doctrine de la modération dans l'usage des
boissons enivrantes. Mais plus tard la science a montré que l'alcool
est toxique en lui-même, qu'il exerce une action délétère sur les
éléments organiques du corps humain et que l'usage, même mo-
déré, était nuisible. De là, la doctrine de l'abstinence totale de
toute boisson forte, doctrine dont les progrès sont très remar-
quables.
L'orateur entre dans des détails anatomiques pour prouver
comment l'alcool exerce une action fâcheuse sur l'organisme vivant.
Il faudrait, conclut-il, que chaque homme se convainquit person-
nellement des dangers de la consommation de l'alcool pour sa
propre individualité; le problème de l'alcoolisme sera vite résolu.
Deux autres communications très remarquables furent présentées
ensuite par le Dr Smith, directeur d'un asile pour buveurs sur le lac
de Constance, et par le Dr Fùrer, assistant à la clinique psychia-
trique de Heidelherg. Ces deux travaux roulaient sur le même
sujet, à savoir l'action de l'alcool sur les phénomènes psychiques.
Nous pouvons les résumer ensemble. Ces deux orateurs ont institué
des expériences psychologiques tout à fait nouvelles.
Ils ont observé les effets de l'alcool sur eux-mêmes, sur un ad-
versaire de l'abstinence et sur d'autres personnes indifférentes. Ils
ont mesuré l'activité cérébrale et la force musculaire de l'individu
à l'aide des méthodes si ingénieuses actuellement en usage (psycho-
physiologie); ils ont traduit graphiquement le résultat de ces
observations au moyen de courbes dessinées sur des planches,
qu'ils ont exhibées au Congrès. Le premier enseignement de ces
expériences c'est que l'alcool peut diminuer à l'insu de celui qui
l'absorbe la capacité de travail de l'homme; deux décilitres de bière
suffisent déjà pour déprécier l'effort intellectuel de l'individu qui a
486 SOCIÉTÉS SAVANTES.
commencé à travailler en dehors de toute influence alcoolique. Des
doses plus fortes agissent encore sur le sujet à un moment où rien
ne lui en révèle les effets. La chute des courbes accuse la chope du
malin ou du soir pendant plus de vingt-quatre heures après son
ingestion. Le dynamomètre enregistre aussi la diminution de force
qui suit infailliblement toute absorption d'alcool. Ici, toutefois, une
- courte augmentation de l'activité physique en précède le ralentis-
sement, mais cette excitation, dont la durée ne dépasse pas vingt
minutes, trahit sa nature anormale par une application plus mala-
droite de l'effort. Les opérations intellectuelles purement machi-
nales présentent aussi, sous l'influence de l'alcool, une recrudes-
cence passagère de rapidité.
Après que les physiologistes eurent décrit les troubles fonction-
nels produits par l'alcool dans le corps humain, il restait à montrer
les conséquences pathologiques de ces troubles, c'est-à-dire à faire
connaître les maladies qui ont l'alcool pour cause. Trois médecins
ont traité cette question : le D'' LEGRAIN, médecin en chef de l'asile
de Ville-Evrard à Paris, le Dr FOREL, médecin-directeur de l'asile
de Burghoelzli en Suisse, et le Dr LANCER EAUX, médecin à l'ilâtel-
Dieu de Paris.
. L'ivresse est une folie passagère; aussi l'alcool est-il le grand
pourvoyeur du groupe des affections mentales. D'après M. Legrain,
le tiers à peu près des cas d'aliénation mentale survenant à Paris
est imputable à l'alcool. Celui-ci est actuellement la principale des
causes qui font sombrer l'intelligence. Quand il ne produit pas
diieclenient la folie, il en prépare et facilite l'éclosion par l'état
d'excitation dans lequel il entretient l'écorce cérébrale. Les descen-
dants d'alcoolisés sont des candidats à la folie, et c'est parmi ces
malheureux que la faute des pères se manifeste le plus lamenta-
blement. Clémente jusque dans ses répressions, la nature limite
cependant elle-même le nombre des victimes en refusant aux pires
alcoolisés la faculté d'avoir des enfants. L'accroissement des cas
d'aliénation mentale a souvent été mis sur le compte de la fiévreuse
activité imposée à tant de cerveaux par la vie moderne. Ce qu'il y
a de vrai, c'est que, travaillant davantage, le cerveau doit être
ménagé et préservé encore plus soigneusement qu'autrefois contre
l'action néfaste de l'alcool. Le Dr Legrain dessine la silhouette du
buveur; il le montre envahi d'abord par l'obésité, passant ensuite
à la maigreur qui présage la fin prochaine d'une vie mal dirigée.
L'autopsie révèle des faits plus instructifs encore. Qu'on vienne à
disséquer le corps d'un de ces hommes jeunes, auxquels l'alcool
donne les apparences d'une surabondance de santé, on ne trouve,
sous cette peau colorée et cette graisse accumulée, que des organes
de vieillard. Un buveur de trente ans a déjà affaibli, modifié son
corps autant que pourrait le faire une vie double de longueur.
C'est M. 1\ ! ILLrET, le directeur de la régie fédérale des alcools,
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 487
qui a attaché le grelot en se déclarant sceptique à l'endroit des
arguments invoqués en faveur de l'abstinence. Reprenant une sta-
tistique américaine, qui a fait beaucoup de bruit, mais qui n'a
jamais été contrôlée, l'orateur prétend que les Etals américains
vivant sous le régime de la prohibition absolue de l'alcool, ont plus
de crimes que les autres. En outre, la population des prisons des
Etats-Unis compterait autant d'abstinents que de buveurs. Les Chi-
nois remplissent l'idéal des conditions rêvées par les abstinents,
car ils se privent de viandes comme d'alcool; et cependant ils vien-
nent encore de se livrer à des massacres qui prouvent leurs ins-
tincts criminels. Qu'on ne parle pas non plus, ajoute l'orateur, de
la supériorité intellectuelle des peuples abstinents. Les anciens
Grecs buvaient, les Américains sont abstinents ; comparez leurs
littératures. Enfin les Grecs ont été battus et asservis par les Macé-
doniens qui buvaient plus encore.
Comme on le comprend, ce plaidoyer en ;faveur de l'alcool sus-
cita de vives protestations et de nombreux orateurs ont répondu à
M. llrlliet. Les Drs Forci, f ürer, Gaule et Smith insistèrent pour
maintenir les conclusions que l'on peut déduire des travaux com-
muniqués le matin. Ils ont un caractère de précision impossible à
contester; ils ont été faits avec toute l'objectivité désirable; on peut
affirmer que le mouvement d'abstinence a désormais'une base
scientifique qu'on ne lui enlèvera plus; ce n'est plus une doctrine
de fantaisie, due à l'empirisme et au fanatisme; c'est une pratique
qui s'appuie sur la physiologie la plus moderne.
D'autres orateurs encore prirent la parole pour répondre à
M. Millietque les comparaisons n'étaient concluantes qu'entre pays
placés dans les mêmes conditions ou entre les diverses phases tra-
versées par un même pays. Ainsi il est prouvé que l'aliénation
mentale est en forte diminution en Norwège depuis que la con-
sommation de l'alcool y est notablement réduite. Voilà un fait pa-
tent vérifié et concluant, qui l'emporte de beaucoup sur les slatis-
tiques tirées de l'Amérique. 11 est vrai que les Chinois ne s'enivrent
pas; mais ils s'adonnent à l'opium; et d'ailleurs les massacres dont
on a parlé ne constituent pas à leurs yeux des actes criminels,
puisque les chrétiens seuls en sont victimes dans la circonstance
que l'on sait. Enfin les Grecs ont pu s'enivrer; mais ils n'ont pas
l'alcoolisme sou= sa forme moderne, la plus pernicieuse de toutes.
En somme ce débat tourna complètement en faveur des absti-
nents qui ont, il faut bien le dire, la logique pour eux. Ce n'est
pas que quelques-uns d'entre eux ne poussent les choses trop loin;
mais quelle est la doctrine qui n'ait pas ses exagérés ? Quel est
le parti qui n'ait pas ses avancés ? La conclusion de cette pre-
mière séance du Congrès de Baie fut, de l'avis de tous, que l'abs-
tinence totale est en voie de faire des progrès rapides et consi-
dérables. Ses partisans deviennent de plus en plus nombreux et
488 SOCIÉTÉS SAVANTES.
on en trouve dans toutes les classes de la société, même parmi
les hommes de science et de haute culture intellectuelle.
La seconde journée était principalement consacrée à l'exposé de
l'activité des associations anti-alcooliques. Mais avant d'aborder
l'ordre du jour, le Président donne la parole au représentant du
pape Léon XIII, Mr Egger, évêque de Saint-Gall, dont l'apparition
a-la tribune et le discours ont été accueillis par des applaudisse-
ments prolongés, « J'étais venu, dit le vénérable prélat, dans l'in-
tention d'écouter. Mais je dois me faire l'interprète des sentiments
de Sa Sainteté Léou XIII, qui m'a chargé de vous exprimer l'inté-
rêt qu'il porte à la lutte contre l'alcoolisme. On peut se demander
ce qu'il y a de commun entre cette lutte et le pape; le trait qui
nous unit est la protection de la société et la résistance à un
même ennemi : l'alcool. On peut étudier la question à des points
de vue bien différents; on aboutit toujours à conclure que l'alcoo-
lisme est l'ennemi qu'il faut terrasser. Le pape vous ofire sa coopé-
ration, en sa qualité de chef de l'Eglise catholique et de gardien
des intérêts moraux de ses fidèles. Léon XIII est d'accord avec
vous sur les moyens à employer; déjà en 1887, dans une lettre
qu'il écrivait à Mgr Irelan, évêque de Saint-Paul, il recommandait
l'abstinence totale, dont il reconnaissait tous les avantages. Votre
congrès, ajoute Mgr Egger, fait abstraction de toute propagande
religieuse. Ce n'est certes pas là mon point de vue ; mais je dois
reconnaître la stricte neutralité confessionnelle que vous observez
et le soin que vous mettez à écarter de vos publications tout ce qui
pourrait en restreindre la diffusion. Sur notre champ de bataille
il y a place pour tous, pour le bon templier comme pour le catho-
lique, pour la croix bleue comme pour les sociétés de modération.
L'entente s'impose entre nous tous en vue du but à atteindre.
Vous ne vous découragez pas malgré la lenteur du succès que
vous espérez, vous faites preuve de persévérance et je vous en féli-
cite. Nous avons deux grands obstacles à surmonter : les préjugés
et les moeurs (die T211zksille).
« Le peuple est encore la victime de préjugés, qui lui font croire
à l'action fortifiante et salutaire des boissons alcooliques. Cette
erreur, réfutée d'une manière magistrale par la science, est par-
tagée même par les classes éclairées. Le second obstacle réside
dans les moeurs, qui rendent la tempérance si difficile ; il faudra
les modifier, secouer leur joug. Les abstinents ne doivent pas fuir
les réunions où leur place est marquée ; ils doivent s'y rendre en
s'émancipant de la coutume en vogue. Les cafés de tempérance
sont un excellent refuge pour les faibles, mais les forts ne doivent
pas se retirer dans leur intérieur ; il leur incombe de modifier le
caractère actuel de l'auberge, d'obtenir qu'elle devienne un lieu
de réunion où l'abstinent soit aussi bien accueilli que les autres
clients.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 489
Dans tous les cas, l'abstinent, doit avoir le courage de s'afficher
comme tel. Son exemple hâtera le dénouement de la crise 1. »
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.
Séance du 2 février 1895.' - PRÉSIDENCE DE M. Laiir.
MM. Boedeker et FALKENBERG, Note sur le signe du cubital (131C1'-
nacki) dans lu parulysie générale. - Cramer a récemment attiré
l'attention (Munchener Aled. Wochenscïzrifl, 1894, nos 28 et 29) sur
un signe observé pour la première fois par Biernacki dans le tabes
et qu'il a étudié chez les paralytiques généraux. Ce signe consiste
dans l'analgésie du tronc du cubital à la pression. Cramer pensait
que ce symptôme se rencontrait chez les trois quarts des paraly-
tiques et manquait presque constamment chez les non paraly-
tiques. Pour vérifier l'assertion de Cramer,les auteurs ont entrepris
des recherches sur 100 paralytiques hommes, et 25 paralytiques
femmes, d'une part, et sur 300 aliénés non paralytiques, d'autre
part. Sur les 100 paralytiques hommes, la réaction à la douleur a
suivi la pression du cubital chez 35 sujets ; elle a fait défaut dans
58 cas. Résultat douteux dans 7 cas. Pour les paralytiques femmes
on a obtenu les chiffres suivants :
490 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sujet chez lequel il avait constaté l'existence, d'un seul côté, du
signe de Biernacki. Le tronc nerveux était intact ce qui prouve que
l'analgésie du cubital peut exister sans lésions des nerfs périphé-
riques (et aussi sans lésions de la moelle).
Il n'a jamais présenté l'analgésie du cubital comme un signe
caractéristique pouvant servir au diagnostic dillérentiel, mais il a
"au contraire spécifié que son expérience était encore trop courte
pour lui permettre d'affirmer aussi nettement la valeur du signe
en question.
MM. BOEDEKCR et F.1L6ENBEAG ont à la vérité trouvé que l'anal-
gésie du cubital était moins fréquente chez les paralytiques et
moins rare chez les non paralytiques qu'il ne résultait des propres
recherches de l'auteur. Mais il n'en résulte pas moins de leurs
examens que l'analgésie du cubital se rencontre dans plus de la
moitié des cas (58 p. 100) chez les paralytiques, tandis que chez les
non paralytiques on constate la rection douloureuse dans 64 cas
p. 100. Pour expliquer les différences entre les résultats obtenus
par MM. Boedeker et Falkenberg et ceux auxquels il a abouti lui-
même, l'auteur fait remarquer que les cas de paralysie générale
qui lui ont servi étaient des cas anciens, contrairement à ce qui
a eu lieu pour Boedeker et Falkenberg. Parmi les sujets non para-
lytiques qui ont été examinés par ces derniers auteurs se trouvaient
en proportion assez considérable des idiots, des épileptiques et
d'autres individus chez lesquels les troubles psychiques n'étaient
que l'expression d'une maladie organique des centres ne) veux. Il
n'en était pas de même à l'asile où M. Cramer a fait ses observations.
Quoi qu'il en soit, le signe de Biernacki n'est pas dénué de valeur,
malgré son inconstance. L'absence du phénomène du genou n'a-
t-elle pas une signification importante dans le diagnostic de la
paralysie générale, bien que ce signe ne se rencontre chez les
paralytiques que dans 20 cas p. 100 et que d'autre part j'ai pu le
rencontrer douze fois sur cent aliénés non paralytiques. Associé
aux autres symptômes de la paralysie progressive, le signe du
cubital aura donc une certaine signification, puisqu'il se rencontre
dans plus de la moitié des cas chez les paralytiques et qu'il fait
défaut dans plus de la moitié des cas chez les non paralytiques. Sans
doute ce n'est pas un symptôme pathognomonique, mais combien
y a-t-il de symptômes pathognomoniques ? Enfin le signe du
cubital permet de mettre en évidence d'une façon rapide et sûre
l'analgésie des paralytiques.
M. Mendel a fait faire, dans sa polyclinique, des recherches sur
le signe de Biernacki dans le tabes, la paralysie générale et diverses
névroses. L'importance de ce signe ne lui semble pas démontrée.
Sa valeur sera d'ailleurs étudiée prochainement dans une thèse.
Il convient de signaler ici un autre symptôme de la paralysie
SOCIÉTÉS SAVANTES. 491
générale au début : l'analgésie des jambes. Dans les cas étudiés il
s'agissait de paralytiques qui n'étaient ni tabétiques, ni déments,
mais chez lesquels l'analgésie par son degré accentué ne paraissait
pas en rapport avec l'étal psychique, les troubles moteurs et les
auties modifications de la sensibilité.
M. M\x LAEHR a recherché le signe du cubital chez trente tabé-
tiques de la clinique de la Charité. Il ne l'a constaté que dans la
moitié des cas. Il est à noter que dans ces cas, il existait en outre
des troubles de la sensibilité dans le territoire du cubital ; chez
quelques-uns il y avait perte de la notion de situation.
M. BOEDEKER. Sur un cas de polioencéphalite hémorragique aiguë
d'origine alcoolique (avec présentation de préparation,,), - Il s'agit
d'un homme âgé de cinquante-deux ans, buveur, qu'un état de
« faiblesse » générale rendait depuis deux années incapable de
travailler. Peu de jours avant son admission à l'asile il est pris de
maux de tête, de tremblement et de délire. Tout en se présentant
avec les dehors d'un état d'euphorie, il se plaint de céphalée, de
vertiges, de crampes dans les extrémités. Paralysie survenue brus-
quement des deux moteurs oculaires externes et parésie mani-
feste, mais d'intensité variable, des deux oculo-moteurs communs
(pas de ptosis) ; signe d'Ai,g,1 : -Robeitsoi), tremblement des extré-
mités supérieures, démarche incertaine. Mort le trente-deuxième
jour après une période de stupeur. L'examen microscopique a
porté sur les muscles des yeux, les nerfs périphériques des yeux
et des extiémités, la moelle, le bulbe et le cerveau moyen. Hémor-
ragies dans le voisinage du troisième ventricule (ces foyers peu-
vent être suivis jusque dans les ganglions de la base) ; dans le
domaine de la commissure antérieure, dans le voisinage de l'aque-
duc et du quatrième ventricule. Les lésions maxima siègent au
niveau de la partie antérieure du noyau de l'oculo-moteur com-
mun. Des foyers hémorragiques récents existent en outre dans la
moelle lombaire, dans la pie-mère, dans le tissu conjonctif des
nerfs cruraux. Ce processus hémorragique était partout en rapport
avec des altérations importantes des parois vasculaires (épaississe-
ment, infiltration calcaire) ; il existait en outre des foyers d'hyper-
hémie, des thromboses, etc.
M. Boedeker. Sur un cas d ophtalmoplégie chronique (avec présen-
tation de préparations). Un paralytique général tabétique pré-
sentait une paralysie du moteur oculaire commnn droit coïnci-
dant avec la perte du réflexe pupillaire du côté gauche. A l'au-
topsie on trouva une dégénérescence accusée du tronc du moteur
oculaire commun droit. Des coupes en série de la région des noyaux
du pathétique et du nerf moteur oculaire montrèrent l'intégrité
des fibres et du noyau du pathétique et la dégénérescence des
noyaux, des nerfs de la troisième paire, plus accentuée au niveau
492 BIBLIOGRAPHIE.
du noyau du côté droit. Les fibres émanées de ce dernier sont t
complètement atrophiées; celles du noyau gauche sont saines.
L'examen de la moelle a révélé l'existence des lésions typiques du
tabes (lesions asymétriques). .
Discussion. -11. ICorrEN présente des préparations d'un cas de
Rolioencéphalite observé à la clinique de la Charité. En outre des
hémorragies habituellement observée dans la substance grise cen-
trale, il existait un foyer de ramollissement dans la région de
l'oculo-moteur droit. Les vaisseaux grands et petits présentaient
partout des altérations (artérile déformante). De nombreux foyers
de ramollissement existaient dans le ce; veau. Ce cas montre comme
les observations rapportées par Thomsen, Eisenlohr et Boedeker que
la polioencéphalite peut être étroitement en rapport avec des alté-
rations vasculaires. Ces dernières paraissent provoquées par l'alcool.
M. 1\oNIG. - Quelques réflexions sur l'état actuel de l'assistance des
aliénés en Angleterre et en Ecosse. (Sera publié ultérieurement.)
(Allg. Zeitschrift sur Psychiatrie, t. 52, f. 1, 1895.) Paul Sérieux.
BIBLIOGRAPHIE.
VIII. Les causes de la folie. Prophylaxie et assistance; par Edouard
TOULOUSE. (Société d'édit. scientif., 1890.)
M. Ed. Toulouse, chef de clinique des maladies mentales de la
Faculté de médecine, chargé par M. le professeur Joffroy de faire
une série de conférences sur l'étiologie de la folie, a réuni ces der-
nières et les a complétées dans un ouvrage important qui fait
honneur à l'érudition et à l'excellente méthode de l'auteur.
Le livre I étudie surtout la question de l'hérédité. Certes on ne
saurait nier l'importance de ce facteur étiologique surtout dans les
maladies mentales, mais il est essentiel de ne pas tout rejeter sur
lui et de ne pas le donner comme explication trop facile à toute
maladie. Il faut songer qu'un grand nombre de causes congéni-
tales telles que les troubles de nutrition durant la grossesse, les
émotions, les intoxications de la mère pendant la gestation, etc.,
peuvent prédisposer aux troubles mentaux; que l'enfant, par l'édu-
cation, les habitudes que lui font prendre les parents, se trouve
dans un milieu identique à celui de ses ascendants et que par con-
séquent il doit fatalement en subir la funeste influence. Un cha-
pitre expose les théories de la dégénérescence telle que la comprend
BIBLIOGRAPHIE. 493
M. Magnan, l'auteur montre combien il est difficile de définir net-
tement cette tare profonde pour laquelle on n'a pas de mesure; il
avoue néanmoins qu'au point de vue clinique les types de
M. Magnan diffèrent nettement des autres types d'aliénation et
qu'ils méritent d'être conservés.
Le livre II étudie les causes directes de la folie. Les causes
sociales comprennent : 1° la civilisation, qui, si elle produit de salu-
taires modifications par l'hygiène et le bien-être, a une influence
nocive par le surmenage intellectuel et les excès qu'elle excite;
2° le régime politique, qui peul, en provoquant de violentes émo-
tions, ébranler la raison des prédisposés; 3° la religion, dont les
pratiques poussées à l'excès, conduisent au mysticisme et à la
folie ; 4° l'état civil (mariage, célibat, veuvage, etc.) qui modifie
le genre de vie des individus; 5° la profession, dont l'action étio-
logique est en rapport aves les fatigues et les secousses morales
qu'elle détermine; 6° enfin le régime pénitentiaire que l'auteur
aurait pu ranger dans les causes dues aux modifications de l'état
civil.
Les causes biologiques : longévité, natalité, vitalité, morbidité,
âge, sexe, donnent lieu à d'intéressantes constatations. Les causes
physiologiques comptent d'abord les excès et défaut d'exercice, les
fonctions sexuelles dont le rôle a peut-être été exagéré. Le sur-
menage de ces fonctions est souvent l'effet et non la cause d'une
maladie mentale. On pourrait faire la même remarque sur le som-
meil et les rêves. La menstruation, la grossesse et la ménopause
mettent aussi indiscutablement la femme dans un état psychique
anormal. Les causas morales ont été considérées comme les plus
importantes et on classe parmi elles les passions et les émotions.
La contagion mentale doit être rattachée à ce genre de causes et
M. Toulouse cite des cas de contagion tels que les épidémies, le
suicide, les imitations de crimes, la propagation des idées et l'en-
gouement en politique, enfin les cas intéressants de folie imposée,
de folie simultanée et de folie communiquée. Les causes physiques
ont un rôle plus restreint. L'influence du pays, du climat, de la
lune, des saisons, de la température, de la lumière et des couleurs,
de la nuit a été constatée plus qu'expliquée jusqu'alors. Les
influences traumatiques sont mieux connues et outre les lésions
des centres nerveux eux-mêmes, le shock émotif produit fréquem-
ment des troubles psychiques. Les causes pathologiques compren-
nent d'abord les intoxications. Parmi ces dernières les unes sont
volontaires (intoxications par l'alcool, le thé, le haschisch, le tabac,
la morphine, la cocaïne, le chloral, l'éther, etc.); les autres sont
médicamenteuses (intoxication par la digitale, l'arsenic, la qui-
nine, l'iodoforme, l'atropine, etc.), d'autres sont professionnelles
(intoxication par le plomb ou saturnisme, par le mercure, le sul-
fure de carbone, l'acide carbonique. l'oxyde de carbone, la nitro-
494 BIBLIOGRAPHIE.
benzine), d'autres encore sont alimentaires (pellagre, botulisme,
etc.). Les maladies infectieuses (fièvres éruptives, érysipèle, oreil-
lons, fièvre typhoïde, influenza, impaludisme, choléra, rage, tu-
berculose, syphilis, blennorrhagie, rhumatisme, etc.) provoquent
des troubles psychiques qui rentrent dans les cadres ordinaires;
les maladies générales et cutanées, les diathèses (rachitisme, gra-
velle, diabète, goutte, obésité, scrofule, cancer, etc.) sont encore
parmi les causes pathologiques les plus fréquentes. En somme,
toutes ces causes sont assimilables et se réduisent à des empoison-
nements qui sont bactériens dans les maladies infectieuses et pro-
viennent d'auto-intoxication dans les diathèses. Les maladies vis-
cérales forment une classe de causes très artificielles. Ces maladies
entrent soit dans les infections, soit dans les auto-intoxications,
quand le viscère malade ne remplissant plus ses fonctions ordi-
naires ne transforme plus les poisons ou ne permet plus leur ex-
crétion (urémie, etc.). Un dernier article sur les causes patholo-
giques a trait aux maladies nerveuses donnant lieu dans leur cours
à des troubles mentaux (goitre exoplUalmique, tabès, chorée, épi-
lepsie, hystérie, etc.). '
Le livre 111 traite de la prédisposition vésanique et des causes
directes ou occasionnelles dans leurs rapports et donne à chacune la
part qui lui revient en pareil cas. La folie est le plus souvent le
produit de facteurs nombreux et complexes.
Le livre IV est intitulé : prophylaxie et assistance Les mesures
prophylactiques consisteraient à mettre une entrave à l'hérédité en
empêchant les mariages des aliénés et des dégénérés. M. Toulouse
propose la création d'un livret sanitaire pour chaque individu. Il
considère ce désir comme « bien loin d'être réalisé ». Nous croyons
en effet que cette mesure draconienne est logique, mais aussi inap-
plicable que la ca,tration proposée par quelques psychiatres pour
les criminels. La bonne direction de l'éducation, l'extinction du
paupérisme, la lutte contre les intoxications volontaires, l'amélio-
ration de l'hygiène seront aussi utiles et plus réalisables.
Les mesures d'assistance forment le dermier chapitre. L'auteur,
imbu des idées qui, depuis Pinel, ont fait de rapides progrès en
Europe, fait l'éloge du système du no-restraiut et préconise le
placement des aliénés dans les familles autant que possible.
En résumé, le livre de M. Toulouse sur les causes de la folie, la
prophylaxie et l'assistance des aliénés est un ouvrage d'érudition
dont une analyse même détaillée ne peut donner qu'une faible
idée. Ce sujet difficile et complexe a dû nécessiter de la part de
l'auteur un travail considérable. -.\1. Toulouse a réussi à donner
à son livre, avec une netteté et une précision scientifiques, toute
la clarté nécessaire pour en rendre la lecture agréable. J. Nom.
VARIA.
L'enseignement DE LI psychiatrie.
Sur le développement de la psychiatrie et sur l'importance de connais-
sances psychiatriques pour l'éducation scientifique et professionnelle
des médecins. (Dr F. Meschlde. Leçon d'ouverture faite ci la clinique
psychiatrique de l'Université de Konigsberg, 29 octobre 1892. Ana-
lysé par Baostus. Allg. Zeitsclc. f. Pyc7ai«7., t. Lll, fol. 1.)
L'auteur étudie de près la question trop controversée de l'intro-
duction de la psychiatrie dans le programme des examens d'Etat
que doivent subir les médecins pour obtenir-le droit d'exercer.
Il se déclare partisan d'un examen obligatoire portant sur les
maladies mentales. Déjà dans les temps les plus reculés, Pythagore
et llippocrate peuvent être invoqués comme démontrant la néces-
sité pour les médecins de posséder des notions de psychiatrie; ils
se sont occupés, en effet, de questions qui relèvent de cette science
et font enseignée. Au moyen âge, la décadence de la psychiatrie,
l'ignorance où l'on était des maladies mentales, ont conduit aux
pires errements et aux condamnations pour sorcellerie. De nos
jours encore, dans les domaines juridique et pédagogique et aussi
dans le domaine médical, nombre d'erreurs sont commises qui
tiennent aux notions imparfaites que l'on a des choses de la psy-
chiatrie.
En faveur de l'enseignement obligatoire des maladies mentales,
on peut encore invoquer les projets considérables qu'a réalisés l'as-
sistance des aliénés, la notion aujourd'hui parlout admise de la
nature organique des psychoses, l'importance de la question de la
dégénérescence qui ne peut être résolue sans le concours de la
psychiatrie, etc. En terminant, Fauteur critique l'opinion du pro-
fesseur Schullze (d'Iéna), qui s'est élevé contre l'utilité d'un examen
spécial de psychiatrie. P. Sérieux.
LE MAL DU S1'ÉCL1L1S31Ej
Par le Dr IIUGIlES.
L'auteur s'élève contre la tendance que présentent certains mé-
decins à concentrer leur attention sur un organe ou un groupe
496 VARIA.
d'organes, sans tenir assez compte des relalions étroites, des in-
fluences exercées par la maladie locale sur l'organisme et récipro-
quement.
En particulier, on ne saurait, en aucun cas, laisser de côté l'in-
fluence du système nerveux, car le système nerveux est partout :
son étude permet à l'oculiste de voir, dans bien des cas, au delà
.de toit le p1 onostic de l'affection, comme un gynécologiste de
soigner la femme en même temps que l'utérus.
De même, le neuro-pathologiste ou le praticien en général de-
mont rechercher dans chaque maladie, s'il n'y a pas un facteur
toxique quelconque, albumatisme, intoxication, syphilis, malaria
ou autre. (The ulienist and neurologist, juillet 1895.) E. B.
LE SERVICE DES aliénés EN hollande.
Mouvement de la population des asiles d'aliénés des Pays-Bas dans
l'année 1893; par le Dr voN ANDEL, inspecteur général des asiles
d'aliénés des Pays-Bas.
Le 1er janvier 1893, il existait, dans les asiles d'aliénés néerlan-
dais, G,SS` ? malades (3,269 hommes et 3,313 femmes). Le nombre
des admissions s'est élevé à 1,444 (741 hommes et 703 femmes).
Le chiffre des guérisonsa été de 504 (hommes : 260; femmes : 30r).
La proportion des guérisons, par rapport au nombre des admis-
sions, a été de 39 p. 100 (hommes : 35 ; femmes : 43,2).
Total des malades soignés : 8,026 (hommes : 4,010 ; femmes :
4,016).
Décès : 519 (hommes : 272; femmes : 247). Proportion des décès,
sur lOD malades traités : 6,4 (hommes : 6,7; femmes : 6,1). Sorties
de malades non guéris : 210 (hommes : 10'r; femmes : 106).
Etat de la population le 1er janvier 1894 : 6,733 (homm es : 3,374 ;
femmes : 3,359). (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., t. LU, fol. 1.)
P. sérieux.
Création d'une colonie d'épileptiques EN ANGLETERRE. z
Le 14 novembre 1894 a été posée la première pierre d'un bâti-
ment, destiné à recevoir des épileptiques, et qui sera le centre
d'une colonie de plusieurs centaines de ces malades. Un comité
s'occupe de recueillir des fonds pour mener cette oeuvre à bien. Il
existe, à Londres, dans les dépôts de mendicité, plus de 600 épilep-
tiques valides et non aliénés qui, pour la plupart, ont dû y être
internés, faute de pouvoir trouver du travail à cause de leurs accès.
(Allg. Zeistch. f. Psych., t. LU, fol. 1.) P. S.
varia. 497 Î
Des MOYENS A EMPLOYER POUR s'emparer des aliénés dangereux.
Sous le titre : La Folle et les Pompiers, le Petit Troyen
du 27 septembre publie le fait ci-après :
Hier, vers trois heures, les habitants de la rue Pierre-Levée
étaient mis en émoi par l'arrivée des pompiers. Ils crurent un ins-
tant leur rue en flammes. Il s'agissait simplement de maîtriser
une folle. Une dame V... habitant au numéro 10 de cette rue, en
face le commissariat de police, atteinte depuis plusieurs jours d'une
fièvre de lait, s'était enfermée chez elle et jetait son mobilier par
la fenêtre. M. Dnltroff, commissaire de police, avait essayé vaine-
ment de pénétrer chez elle. Force lui avait été de requérir les
pompiers de l'avenue Parmentier. Et ce n'est pas sans mal que les
braves sapeurs parvinrent à se rendre maîtres de 111 ? V... Elle les
reçut à coups de projectiles, leur lançant à la tête tout ce qui lui
tombait sous la main. Enfin, on put l'entraîner au commissariat,
d'où elle a été envoyée à l'infirmerie spéciale du Dépôt.
Le même journal, dans son numéro du 8 octobre, relate un
autre fait analogue :
111 ? veuve Marie Guéry, âgée de trente-quatre ans, demeurant
rue Thiers, qui donnait depuis quelque temps des signes d'aliéna-
tion mentale, était prise, samedi, vers onze heures du soir, d'un
accès de folie furieuse. Armée d'une broche à rôtir, elle se mettait
en chemise à parcourir la maison', s'arrêtant à chaque porte
qu'elle criblait de coups avec la pointe de son arme improvisée,
menaçant de tuer qui l'approcherait.
Quelques locataires tentèrent de s'approcher de la malheureuse
pour la désarmer; mais celle-ci se réfugia chez elle, s'y barricada,
puis, ouvrant sa fenêtre, se mit à jeter son mobilier dans la rue.
M. Rémougin, commissaire de police, aussitôt prévenu, accourut
avec des agents, qui enfonçaient la porte et s'emparaient de l'alié-
née qui fut immédiatement dirigée sur l'infirmerie spéciale du
Dépôt.
Les faits de ce genre sont très communs. Souvent, la police
est très embarrassée pour savoir comment elle doit s'y prendre
pour s'emparer des aliénés dangereux qui se livrent à des actes
de violence comme ceux que nous venons de relater. L'utilisa-
tion des pompiers en pareille circonstance est certainement
préférable à celle des agents de police. A notre avis, il y aurait
mieux à faire : c'est de cerner la maison habitée par l'aliéné,
de garder sa porte et de patienter. Il arrivera presque toujours,
qu'au bout de quelques heures l'accès de fureur aura diminué.
Archives, t. XXX. 32
498 FAITS DIVERS.
Que la nuit et.la faim, faisant leur oeuvre, l'aliéné deviendra
moins violent et qu'il sera facile de s'en emparer sans danger,
on éviterait ainsi les scènes de violence toujours pénibles et
surtout on éviterait de voir les agents blessés ou tués.
FAITS DIVERS.
Les aliénés EN Russie. - D'après une dépêche de Saint-Péters-
bourg, 16 octobre, une enquête ordonnée par le gouvernement a
amené la découverte de faits scandaleux qui s'étaient passés dans
l'asile des aliénés de Bourachevo, gouvernement de Tver. Les pen-
sionnaires étaient soumis à un véritable régime de tortures, et plu-
sieurs d'entre eux se sont suicidés. Ayant appris qu'un malade
avait été trop hâtivement enterré, les autorités ont ordonné son
exhumation. Il a été alors constaté que la mort était due à la vio-
lence. Le corps du malheureux était couvert de meurtrissures et
portait dix-sept fractures de côtes et plusieurs fractures du crâne.
On s'attend à d'autres révélations retentissantes. (Le Républicain
Orléanais, 21 octobre.)
La PSYCHOLOGIE des FOULES. - « La foule, dit Louis Desnoyers l,
s'était attendue à un pugilat : elle fut déçue et mécontente. C'est
toujours ainsi. Quand deux hommes se menacent du geste, de la
parole ou de la plume, la foule s'amasse autour d'eux, les agace,
les pousse, et trouve qu'ils mettent trop de lenteur à passer à
l'action; puis quand l'action est faite, la foule les blâme énergi-
quement d'avoir cédé à ses instigations. Il est difficile, comme on
le voit, de satisfaire ses mobiles caprices. Le mieux est de n'y pas
prétendre. »
Les aliénés. - Sous le litre : une Disparition, le Républicain
Orléanais du 25 août, relate le fait suivant : Dans la nuit du 22 au
23 courant, vers 2 heures, Madame veuve Poignard, domiciliée rue
de l'Empereur, a quitté son domicile. Elle est parlie à peu près
nue ; tous les effets qu'elle portait habituellement ont été relrouvés
chez elle. Elle est âgée de 60 à 65 ans. Depuis quelque temps,
paraît-il, elle donnait des signes d'aliénation mentale. Cette femme
vivait seule; elle paraissait être dans une certaine aisance.
' It. Chaparte. Les Mésaventures de Jean Paul, p. 692
FAITS DIVERS. 499
Un ouvrier peintre, âgé de trente-deux ans, nommé Théodore
Fort, qui déjà a été plusieurs fois interné dans divers asiles d'alié-
nés d'où il a toujours réussi à s'échapper, est entré, hier, dans la
cour de la maison qu'habite le docteur Chaulet, médecin municipal,
à Agen et, armé d'un énorme couteau de cuisine, ne parlait rien
moins que de l'éventrer. On a eu beaucoup de peine à le désarmer
et à le conduire au poste de la mairie. Ce n'est pas la première
fois que Fort cherche à frapper le docteur Chaulet, coupable
d'avoir signé un certificat constatant le dérangement de ses facultés
mentales et concluant à son internement dans un asile d'aliénés.
On s'étonne qu'aucune mesure ne soit prise pour mettre ce fou
dangereux hors d'état de nuire. (Le Petit Parisien, 19 septembre.)
Dans un accès d'aliénation mentale, le premier-maître du tor-
pilleur embarqué sur l'Iphigénie, a tiré avant-hier, heureusement
sans l'atteindre, sur un gendarme maritime qui voulait s'assurer
de sa personne. Depuis quelque temps, en raison de troubles céré-
braux, le premier-maître avait été gardé à vue dans une chambre ;
mais, profitant d'un moment où son gardien élait occupé, il réussit
à quitter le bord et alla se réfugier dans une chambre meublée, où
il s'enferma. La gendarmerie, aussitôt prévenue, se rendit sur les
lieux afin d'arrêter le maître, et c'est au moment où le gendarme
ouvrait la porte que le coup de revolver fut tiré par le fou. Par un
hasard providentiel, la balle rasa la tempe gauche du gendarme.
A peine le coup était-il parti que le premier-maître fut terrassé,
ligoté et transporté à l'hôpital maritime, où il a été placé dans un
cabanon. (Le Petit Parisien, 19 septembre.)
Suicide D'UN enfant. Le Journal de Rouen dit qu'un enfant de
treize ans, le jeune Albert Bailleul, demeurant chez ses parents au
hameau de Beausoleil, s'est suicidé ces jours-ci en se pendant au
domicile de ses parents. D'une intelligence faible et d'un caractère
sombre, cet enfant avait déjà tenté de se suicider. (A7A'° Siècle,
9 septembre.)
Ces faits montrent, la nécessité d'interner les aliénés dès
le début de la maladie : 10 dans l'intérêt de la sécurité publique;
2° dans l'intérêt des malades eux-mêmes qui ont aussi plus
de chance de guérison. Ils montrent aussi dans quelle situation
difficile se trouve le médecin qui signe la sortie des malades
aliénés.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
LADAME (P.). - Le nouvel asile des aliénés 1a Genève et les questions
qui s'y rattachent. (Historique de la création de l'asile de Bel-Air). -
Brochure m-8° de 110 pages. Genève, 1895. Librairie Georg et CI*.
Lçl'DEY und G01.DSCfIEIDBR. - Die kl'(wklll1,gen des RÜckel1mw'ks und
der Medulla oblongata. Volume 111-8" de 212 pages. Wiener, 189. -
Librairie A. Halder.
HABREL (P.). Les phobies. Essai sur la psychologie pathologique
de la peur. Volume in-8o de 72 pages. - Paris, 1895.-Librairie F. Alcan.
AVIS A NOS ABONNÉS.-L'échéance du 1er JJNYIER
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera
à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-
tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, à partir du
20 janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer de
suite leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations, la bande de leur journal.
Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif
des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.
Le rédacteur-gérant : BOU11EVtLLE.
TABLE DES MATIÈRES
AilSINTIIIQUE. Transmission des con-
vulsions de l'épilepsie -, par
Royce, 386.
Abstinence. Cure d' -, par Furer,
412.
Accessoire. Relations centrales du
glosso-pharyngien, de l ? et de
l'hypoglosse, par Turner et Bul-
loch, 154.
Accidents. Troubles morbides consé-
cutifs il des -, par S. \Ieyer 59.
Accroissement. Sur le prétendu
- des cas de folie, par H. Tul : e, 87.
Acoustique. Trajet central du nerf
- , par Kwilizew, 141.
Acromégalie par Brissaud, 307.
Hypertrophie de la glande pi-
tuitaire ; et gigantisme par
Massalongo, 316. Traitement de
Il-, par la poudre de glande thy-
roide, par Solie Cohen 377.
Affaire Feldmann, par Ilitzig, 263.
Agoraphobie, par M. Tavlor, 157.
Alcool. Mesure de la toxicité de
par les injections intravei-
neuses, par Jotfroy, 256. han-
port de la question de l ? par
Sommer, 407.
Alcoolique. Troubles délirants de
nature - chez deux soeurs par
Zenner 164. Asile pour les , par
Deschamps,331.
Alcoolisme. Campagne contre Il-,
91. chez les enfants par Mo-
reau , 162. Lutte contre l'-
176. Traitement de l ? par lleed,
376. Rapports de Il-, et de l'hys-
térie, par Luhrmann, 415.
Alexie avec hémianopsie homo-
nyme, par Bruno, 60.
Aliénation. Les sentiments et les
passions dans leurs rapports avec
1 ? par Dagonct, 473.
Aliénés. Etudes anatomiques sur
les cerveaux d ? par Scliloess,
138. - criminels par Falret, 170.
dans le projet du Code civil de
l'empire allemand par Mendie),
262. Maisons d ? en Allemagne,
271. Appel des jugements frap-
pant les -, par Giraud, 327.
MOlens il employer pour s'emparer
des- dangereux, ! ¡(J8. -en Hussie,
499. Les - , 500.
Amnésie partielle et continue par
Ferrari, 465.
Aalol : . De l ? par Rasch, 104.
A111'OTIiOPIIIC primitive avec réac-
tions électriques anormales et
troubles de la sensibilité par Sa-
ville, 67.
Analgésie du tronc cubital cons-
tituant un symptôme de tabes
par llel'l1acki, 62.
Anesthésie. Rapports réciproques
de l ? ordinaire et de l'-
sensorielle, par Bechterew, 143.
localisée dans les lésions de
la moelle par Starr, 320.
Anomalies. Rapports des mor-
phologiques avec les maladies
nerveuses et mentales endogènes
par Sommer, 40.
Anorexie hystérique, par Sollier,
323. par Régis, 323.
Aphasie. Migraine ophtalmique et
- par J.-M. Charcot,71. Contri-
bution à l'étude de l'- par He-
bold, 312.
Apocodeïne. Du 'chlorhydrate d'
par Toy, 328.
Artères. Structure des- cérébrales
par Heger et Boek, 391.
A RTII RO P,\TIII ES tabéliqnes, bilatérales
et symétriques, par Souques et
Charcot, 71. - syrmgomyéliques,
par Londe et Serrez, 71. - trio-
phiques au point de vue chirur-
gical par Cllipatilt, 73. Pathogénie
des - neurospinales, par .Mari-
nesco, sous. de l'ataxie, par
Syms, 313.
Asile de Ledenhof par Pierson, 85.
Des quartiers spéciaux d'un -
d'aliénés par Marandon de Mon-
tyel, 43S. Tncendie de l ? du comté
d'Oxford 269. de Brème, 270.
Assistance des épilepliques, S9.
des aliénés en Allemagne, par
' Sérieux, n3.
Asimbolie motrice, par Bonhoffer et
lleilbronner, 4S0.
Atwie héréditaire, par Fornario 1-16.
Athétose. Un cas de démence juve-
nile avec - double, par Roubino-
witch, 329. - double débutant
chez l'adulte pat Brandeis, 337.
Atrophie infantile unilatérale des
502 TABLE DES MATIÈRES.
muscles de laface, par Bernhardt
59. - nerveuses et troubles de la
sensibilité, par Brissaud, 68. -
musculaire progressive, type Aran-
Duchenne, par ,T.-B. Clarcot, 313.
- artérioscléreuse du cerveau par
Alzheimer , 260. Dégénérescence
des cellules nerveuses dans l ?
-.cérébrale localisée par Prout, 39t.
des fibres corticales chez les
aliénés par Ieyer, 413. - muscu-
laire spinale progressive par
Neisser, 479.
Automatisme chez les aliénés qui
rechutent, par Cristiani. 467.
BiiNs en pluie par Gerhard, 382.
Basedow. Contribution il la maladie
de -, par Grube, 61. Corps thy-
roide et maladie de -, par Bris-
saud, 225; Renaut, 231 ; Joffroy,
234; Gley, 234; Ballet et Lnnquez
235; Verrier, 238; Tatv et Guérin
238; J. Voisin, 239; Pons, z0 ;
Trenel, 241 ; Habille, 242 ; Ba-
binsky, 242 ; Maillon, 242.
Bestialité. Zoophilie érotique, et
zoérastie par Krafft Ebing, 44.
Bidactylie de la main droite par
amputation congénitale par Le-
clerc, 152.
B.cwoaea.uae. Accidents cérébraux
dans la , par Pitres 209.
Blennorriugique. Folie -, et pyo-
phrémes par Venturi, 47>. i.
BLÉI'H.1ROPTOSE. Mouvement associé
particulier de la paupière supé-
rieure dans la-, unilatérale con-
génitale par Bernhardt, 144.
Borborygmes. Note sur une épidémie
de , par Féré, 316.
Brsu.ur. Mal de - et folie, par Bon-
durant, 470.
Bulbaire. Complexus symptomatique
- , par Pineles, 383.
Bulbe. Les maladies de la moelle
et du -, par Leyden et Golds-
chelder, 424.
Causes. Prédispositions et - occa-
sionnelles par Toulouse, 168.
CAPSLLE interne. Chirurgie de la ,
par Chipault et Detnoulin, 480.
Cécité verbale sans - littérale ,
par Lannois, 358. corticale ;
anatomie pathologique par Hahn,
477. corticale par Bonhoffer,
480.
Cellules nerveuses. De la nomen-
clature anatomique des -, par
Nissl, 395, 410.
CÉPII \LALGlf- dans les maladies men-
tales par Cullerre, 37.
CÉI'II.\L011É1 RIf- chez les aliénés par
Vigouroux, 331.
Cérébelleuse. Développement histo-
logique de l'écorce -, par Lui,
393. Sur les connexions des élé-
ments nouveaux de l'écorce -,
par E. Lugaro, 467..
Cérébelleux. Absence d'un hémis-
phère -, par Hahn. 478.
CI : RCnao-srmel.ES. Affections -, à
hémiparésie spasmodique des ex-
trémités par Hirsch, 312.
Cerveau. Sarcome volumineux du
, par Galavielle et Villard, 1.
Considérations médico-légales sur
les traumatismes du -, par
Schoefer, 54. Préparation du -,
par la méthode de Bewan Lewis,
par Clark, 395.
Cervelet. Dégénérations consécuti-
ves à la lésion expérimentale du-
par Russel et Campell, 155. Gliosar-
come du -, par de Michèle, 475.
Chirurgie cérébrale dans les aliéna-
tions mentales par Semelaigne,
379.
CIII.OR,\LOSf-. Effets hypnotiques du
- , par Hascovec, 375. et ses
propriétés hypnotiques par Ri-
chet, 382.
CIiLORODR011E. Le -, comme hyp-
notique chez les aliénés par P.
Wade, 377.
Chorées. Classification des ary-
thmiques par Lannois, 318.
Colonne vertébrale. Lésions mal
définies de la traitées par la
suspension et le corset de plâtre
par Sayre, 392.
Coloration. Nouvelle méthode de
de l'ensemble du système
nerveux par Nissl et Rosin, Hl.
Commotion cérébrale, blessure du
cerveau ou névrose, par Thomsen
306.
Congrès annuel des médecins alié-
nistes allemands par Kéraval, 78;
par Sérieux, 258, 413. de Bor-
deaux, 171, 2l l, 321. interna-
tional contre l'abus des boissons
alcooliques. 483. - psychiatrique
de Berlin, par Sérieux, 489.
Conscience dans les crises épilepti-
ques, par Rombarda, 38.
CItA-,10.IÉTRIE et céphalométrie dans
l'idiotie et l'imbécillité par Peterson
471.
TABLE DES MATIÈRES. §03
Craniologie des aliénés, par Mirto,
470.
Crétinisme. Influence du - sur la
forme des cavités nasales par
Allen, 313.
Criminelle. Affaire - intéressante
par Uongard, 419.
GUItARIriE dans la tétanie par Hoche,
377.
DécÉW nés. Troubles mentaux chez
les ? par Dombluth, 42.
Dégénérescence. Difformités os-
seuses de la tête et la -, par
Cullerre, 39.
DÉLINOUAXTS. Anomalies des mains
et des pieds chez les -, par Penta
466.
Délires associés et transformation
du -, par Il. Dagonet, 38. - de
maigreur chez une hystérique par
Brissaud et Souques, 48. Sur le
aigu, par SouchanofT, 165.
hallucinatoire par llberg, 263. Ca-
ractères du dans leurs rapports
avec l'intelligence, par Giroudon,
425. Doctrine de l'origine infec-
tieuse du aigu par Bianchi et
I'iccinino, 465.
DBLIfIU\f TIlI : \IEKS, Une modalité de
tremblement dans le -, par Os-
termayer, 43.
Démence juvénile avec athétose dou-
ble par Iloubmowitch, 329. Ana-
tomie pathologique de la para-
lytique, par Berkley, 395.
DÉVOVOe.tTtua. Un cas de -, par
Bonfigli, 469,
Diagnostic à faire par Moott, 162.
Dissimulation chez les aliénés par
Larroussinie, 336.
Dualité. Deux cas de cérébrale
par Bruce, 319.
Ecorce. Fibres nerveuses à myé-
linedel'-du cerveau de l'homme,
par Kaes, 144.
Electrique. Excitabilité - du sys-
tème nerveux périphérique par
Westphall, 135.
Encéphale. Affections multiloculaires
de l ? par Koeppen, 137.
Epelage. Théorie de 1·- pour la lec-
ture et l'écriture par Sommer, 40.
Epilepsie. De l'intoxication dans
l ? par J. Voisin et Il. Petit, 14,
120. Un cas ci'- alléguée et si-
mulée par S. Garnier, 57. 250 cas
d ? par Macalester, 156. Traite-
ment médical de l'- chronique,
par Bondurant, 376. et son
traitement par Crowlev et Hois-
holt, 381. Relations de l'urée avec
l ? par Teeter, 394. Phénomènes
circumcursifs et rotatoires de l'-
par Mingazzini, 466. tardive
chez l'homme par Maupâté, 474.
Epileptiques. La conscience dans
les crises -, par Bombarda, 38.
Gliose cérébrale chez les par
Tedeschi, 467.
Etat mental de S... Clément par
Sieraccmi, 51 .
Faisceau OLIVIIRE de la portion cer-
vicale de la moelle par Bechterew,
144.
FA 1 IGur; des muscles sous l'action des
poisons nerveux parRossi,466.
Folie. De la induite par Roller,
44. La augmente-t-elle en
Amérique ? par Sanborn, 88.
mystique, 89. Drame de la , 92.
Causes de la -, prophylaxie et
assistance par Toulouse, 492,
Fou assommé, 90.
Frontal. Processus -- chezl'homme
par Penta, 476,
Génital. Inversion du sens , par
Kraft Ebing, 'r3.
Genou. Phénomène du et équili-
bration de la jambe par Sommer,
' 135.
GLOSSO-PII \P.YliGOEN. Relations cen-
trales du , de l'accessoire et de
l'hypoglosse, par Turner et Bul-
loch, 154.
Glycosurie et psychoses,parToy,i2G,
Goitre. Myxoedème et traites par
la médication thyroïdienne par
Taty et Guérin, 329. Traitement
du exophtalmique par l'élec-
tricité par Régnier, 339.
IIÉBÉPI113É';IE. Observation il ? par
Lane, 165.
Hémianopsie. Méthode simple de
constater 1 ? par Axenfeld 145.
avec hallucinations dans la partie
abolie du champ de la' vision par
Lamy, 317. hystérique chez un
trépané, par Lannois, 339.
III : w ? rs.rÉGlc spinale avec anes-
thésie croisée par Jorand, 65.
IIÉRÉDG-.1T.lSfE. Sur deux cas fami-
liaux il'- cérébelleuse, par Londe
310.
HÉREUO-Sl'PIIILIS dans la maladie de
Littl, par Fournier et Gilles de la
Tourette, 76.
D04 TABLE DES MATIÈRES.
Hermaphrodisme. Deux cas d'- anti-
- que par 11leige, 153. 1
HYDROTHÉRAPIE De l'intervention mé- I
dicale en -, par Delmas, 336.
Hypnotisme et troubles mentaux
par Jolly, 45. Séances publiques
d ? 429.
HYPOGLOSSE. Relations centrales du 1
glosso-pharyngien, de l'accessoire
et de l ? par Turner et Bulloch,
154.
HYSTÉRIE. Traité clinique et théra-
peutique de l ? par Gilles de la
Tourette, 81. Infanticide et- par
Cullerre, 97.
IDELER. Carl Wilheim , par L. Ide-
ler, 399.
Idiots. Traitement et éducation des
z. Rapports de Ferius sur l'éta-
blissement privé d'Ed. Séguin 261.
Nécessité de l'assistance des -,
par Bourneville, 268.
Imbécillité prononcée probablement
congénitale, spasmes musculaires
et coprolalie, par Bourneville et
Boyer, 450.
Impulsifs trimardeurs, 346.
Impulsions chez les épileptiques par
Parant, 242; J. Voisin, 216; Ver-
rier, 246; Vallon, 247; Challan de
Belleval, 247; Régis, 247; P. Gar-
nier, 247 ; Charpentier, 248 ; Tissié,
218; Larroussinie,2.i8; Pitres, 249;
Doutrebente, 250; Pailhas, 251.
Infanticide et hystérie, par Cullerre,
97.
Inversion du sens génital, par Kraffl
Ebing, 43. - sexuelle chez la
femme, par Ellis, 163, 474.
Kleptomanie chez une choréique, par
Kurella, 58.
KYSTE cérébral d'origine trauma-
tique, par Mayo, 393.
Laboratoire de l'hôpital Mac Lean,
il Sommerville par Stanley Hall, 87.
Méthodes de-, par Cook, 391.
Labyrintiiique . Le nerf -, par
Bounier, 151.
L.1\f\ECTOIIE pour paralysie congé-
nitale, par Chipault, 375.
LAUDHY : Maladie de , d'origine
influenzique avec aphasie, par
Pailhas, 459.
Lèpre. Maladie de Morvan et -,
par Fraenkel, 62.
Localisations. Contribution à l'étude
des cérébrales, par Shaw, 398
Médecine mentale. Origine et pro-
grès de la -, par Régis, 87.
Mélancolie sur la -, par Fargu-
harson, 158. - chez les sypl1l11-
tiques, par Davay, 321.
MÉNING011YÉLlTG. Etude sur la z
diffuse dans le tabes, la paralysie
générale et la syphilis spinale par
Nageotte, 273. "
Ménopause. Folie de la -, par
Goodhall et Crain, 159. ,
Menstruation et son influence sur
les phychoses chroniques, par
Noecke, 416.
Migraine ophtalmique et aphasie,
par J.-Di. Charcot, 74.
Moelle épinière. Tubercule di, la -
par Hascovec, 177. Un cas d'abcès
de la , par llomen, 317. Dispo-
sitions et fonctions des cellules
de la cervicale, par Collins,
391. Cordons postérieurs de la-,
par C. illayer, 398. Etat des réflexes
dans la section transversale totale
de la -, par Renolds, 399. Les
maladies de la - et du bulbe par
Leyden et Goldscheider, 424.
Monomames liées à une déviation de
l'instinct de conservation de la
propriété, par Pailhas, 334.
IORPIIIN0 : 11AN1E. Un cas de , par
Seulecq, 39.
Morvan. Maladie de et lèpre, par
Frenkel, 02.
Myopathie primitive généralisée, par
Londe et 61. - primitive
progressive, par Souques, 66.
NYOP.1T111QUE5. De la station et de
la marche chez les -, par P. ni-
cher, 148.
Myxoedème infantile amélioré par le
traitement thyroïdien, par Régis,
239. par Wessiuger, 311, - et
goitre exophtalmique traités par
la médication thyroïdienne, par
Taty et Guérin, 329. traité par
l'extrait thyroïde, par Harold, 380.
Myxoedémateuse . Trois cas d'idio-
tie -, traités par l'ingestion thy-
roïdienne, par Bourneville, 321.
Nerfs crvniens. Connexions centra-
les des -, par 'fumer, 155.
Nerfs rs.lcmness. Rapports de l'ori-
gine des -, avec les apophyses
épineuses, par Chipault, 150.
Neurasthénie. Pathogénie et traite-
ment de la -, par de Fleury,
32f, -, et son traitement élec-
trique, par Foveau de C., 333.
Nruelamomur et neurasthénie, par
Huâlles, 311.
TABLE DES MATIÈRES. sous
Nelropsychoses, par Prend,45.
Névralgie du grand nerf occipital,
par Johnson, 314.
Névrite périphérique consécutive il
l'influenza, par Macphail, 311.
Névrose traumatique troubles psy-
chiques de la -, par Freud, 476.
Obsessions et phobies, par Freud, 46.
Opiitalmoplégie chronique, par Boe-
deker, 491.
Onc. Sur une sensation subjective
de l ? dans l'état hypnogogique
par Daraskewicz, 45.
Pachyméningite cervicale syphilitique
par Lamy, G3.
Paralysie AGITA : 1TE et ses rapports
avec certaines maladies nerveuses
de vieillesse par liedlich, 139.
Paralysie générale. Statistiques sur
les anomalies somatiques les plus
importantes dans la-, par Kaes,
35. -, à forme tabétique par
Jo11roy, 46. Sur la période de
développement physique de la -,
par Middlemass, 161. Syphilis et
- , par Kovatewsky, 163 Symp-
tômes oculaires pl écoces dans la
- , par Hepburn, 164. Délimita-
tion de la -, par Binswanger,
258. Paralysie vaso-motrlce dans
' ses rapports avec l'état affectif de
la -, par Klippel et Dumas, 328.
Modifications macroscopiques du
système nerveux dans la -, par
Kaes, 389. Sur l'augmentation de
fréquence de la , par Kraft
Ebing, 400. , chez la femme par
YVollenberg, 404. Etiologie et
svmptômes de la-, par Gudden,
405. Explosion , marche, durée,
terminaison de la , par Kaes,
405. Durée de la maladie et
causes de la mort dans la -, par
Heilbronner, 406. Symptômes
spasmodiques et contractures
permanentes dans la , par
Trenel, 425. Signe du cubital
dans la , par lloedeker et Fal-
kenberg, 189.
PARALYSIE bilatérale du deltoïde
par élongation des deux neifs
circonflexes, par Raymond, 75.
bilatérale du facial, par Mon-
joushko,315,sur une variété parti-
culière de-alterne, par tlaymond,
315. - faciales otitiques, par Chi-
pault et Dalerne, 3î9 ? spinale,
épiphénomène de syphilis hérédi-
taire, par Hoflmann, 386.
Paranoïa . Manière d'être de la
conscience de la maladie dans
la -, par Mercklin, 407. Affai-
blissement intellectuel dans la
, par Flugge, 421. -, avec im-
puissance psychique par Hughes,
471, -, morale, par Barr, 471.
Paraplégie spinale spalmodique par
Souques, 318.
Parole. Traitement et éducation de
la -, chez les enfants idiots, par
Bourneville et Boyer, 108.
Pathétique. Situation du noyau du
nerf -, par Kaush, 385.
Pathologie. Fragments de ner-
veuse, par ilassalono, 427.
Peaucier. Un cas de défectuosité
congénitale du du cou, par
Remak, tî3.
Pédoncule. Un tubercule solitaire
dans le -, cérébral droit par
Grelwe, 141.
Percussion du crâne et de la
colonne vertébrale, par Betche-
rew, 385.
Phobies. Obsessions et -, par
Freud, 46. dans un cas d'in-
suffisance mitrale, par Boubi-
nowitch. 166. Traitement des -
par la gymnastique médicale, par
Tissié, 323.
Pituitaire. Anatomie fine de la ré-
gion mfundibulaire du cerveau
comprenant la glande ? par
l3erl;ley, 154.
Plexus brachial . Suture osseuse
dans les fractures fermées de la
clavicule avec lésions du , par
Chipault, 308.
POLIOE\C5Pn.ILITE hémorragique aï-
gué d'origine alcoolique, par
Bcelie6er, 491.
Polynévrite récidivante et diplégie
faciale par Targowla, 310.
POLYNÉVRITIQ1;E. La psychose -,
par Coletta, 461. Un cas de psy-
chose , par Sollier, 472.
Possédés. Les de P. Brouzet,
par Richer et Meige, 91.
PRÉDISPOSITIONS et causes occasion-
nelles des maladies mentales par
Toulouse, 168.
Processus. Parallélisme des -,
psychiques et somatiques, par
Bernhardt, 49.
PSEUDO-IIYOSCIAMINE de nlerch, par
Guicciardi, 380.
Psychiatrie et localisations céré-
brales par Mini, 163.
1 - (,ï 1 TABLE DES MATIÈRES.
. ? V.I
'PSYCIl : 'i1"é.1E criminelle, -par Som- ? 78,
ose sur un fond de dégéné-
/tescence mentale chez le vieillard
- par Trenel, 201 ? de la vieillesse
par Ritti, Vallon, Vergely, Ma-
belle, Cnllerre, Régis, Gliristian,
- 220. Glycosurie et -, par Toy,
426. - à forme anxieuse, par
Wernicke, 482.
J'L PILLAIRE. Diagnose -, par Munk,
399.
PyopiiÉ,;iEs. Folie blennorrhagique
et -, par Venturi, 474.
Quérulants. Une famille de -, par
Liebmann, 417.
Race. Influence de la . sur les 1
maladies mentales et nerveuses,
par Buschan, il5.
Raretés d'un asile d'aliénés, par
>'oecke, 41.
Rétlexes superficiels et profonds
comme moyens de diagnostic,
' par Agostini, 468.
Responsabilité. Critérium de la -
dans la folie, par Brainerd, 58.
Rétinite des paralytiques, par Co-
Iticci, 170.
Ruban de HEIL, Anatomie du -, par
Iloesel, 385.
Sang chez les aliénés, par Vorster,
43 ; par Burton, 164.
Sarcome volumineux du cerveau,
ayant débuté dans la substance
blanche de la région frontale gau-
che par Galavielle et Villard, 1.
Sclérose latérale amyotrophique
avec de générescence d faisceau
pyramidal, par Mott, 321. ilisto-
logie de la en plaques céré-
bro-spinale, par Popoff, 387.
Séniles. Etat mental de quelques
par A. Marie, 334.
Sensation. Troubles de la-et prin-
cipalement de la douleur dans
les affections viscérales, parllead,
319.. .
SI31LLATCU11. Un ; un miracle à
effacer, 347.
Sinus frontaux chez les aliénés, par
Gianeli, 471. 1
Société medico-psycbologique, par
Briand, 81,166,258. - de patro-
nage pour les aliénés et le doc-
teur Ilaok Tuke, 172. contre
l'abus des boissons alcooliques.
175. psychiatrique de la pro-
vince rliénane, par Serieux, 417.-
des médecins aliénistes de l'Alle-
magne orientale, 476.
Sourcilières. Les arcades , et les
sinus frontaux chez les aliénés
par Gianeli, 471.
Station. Des différ. modes de chez
l'homme sain, par P. Bicher, 146.
SUGGESTION à l'état de veille dans
quelques affections oculaires, par
Sgross, 466.
Suicide d'un aliéné, 175. - d'un
enfant, 501. 1.
Surdité corticale, par Freund, 479.
Syndrome de Weber, par Souques
et Londe, 77.
Syphilis et paralysie générale, par
Kovalewsky, 163.
Syphilitiques. Mélancolie chez les-,
par Devay, 324,
Syringomyélie Un cas de - aty-
pique par Targowla, 73. -, par
Marinesco, 325 ; par Both, 326.
Syringomylliques. Arthropathies -,
par Londe et Serrey, 71.
Tabès. Analgésie du tronc du cubi-
tal constituant un symptôme de
- , par Biernacki, 62, -, unira-
diculaire chez un paralytique
général, par Nageotle, 47`3. -
traumatique, par llitzig, 476.
Lésions de la base de l'encé-
phale dans le -, par Pacetti,
476.
TAiOETtQUE. Arthropathie -, bilaté-
rale et symétrique, par Souques
et Charcot, 71.
Thyroïde. Corps - et maladie de
Basedow, par Brissaud, 225 ; Re-
naut, 231 ; JofTrov 234 ; Gley,
234, Ballet et Enriquez, 235;
Verrier, 238 ; Taty et Guérin, 238.
Thyroïdien. Emploi thérapeutique
de l'extrait , 381.
Topographie cranio-cérébrale par
Falcone, 475.
Traumatismes suivis d'accidents ner-
veux rares, par llarvey, 320.
Tremblement. Une modalité du ,
dans le delirum tremens par Os-
termayer, 43.
Tubercules quadrijumeaux. Une
tumeur dans la région des ,
par Weinland, 397.
Tumeur cérébrale. Lésions anato-
miques de la moelle dans les cas
de -, par Mayer, 1 10.
Vertébrale . Commotion de la
colonne - par Freuud, 62.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 507 li
VIol CI. champ. -, des fous moraux,
par Saneiiis, 470.
Wassiliewitch. Jean , surnommé
le Cruel, par Rothe, 40L
' ZoH : a.asTe Zoopnlie érolique, Bes-
tialité et -, pal' KI'afI'L Euing, 44.
ZoopHt ! .n;ërotiqnc-bfSUat ! )Éetzo6-
rastie, par Krafl't Ebing, 44.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Agoslini, 468.
Allen, 313.
Alzheimer, 260.
Axenfeld, 1SD.
13abimky, 242.
Ballet, 235.
Barr, 471 t
Bechterew, 143, la,
385. -
Berkley, 154, 395.
Bernhardt, 49, 59, 144.
llerniqiiet, 214.
Blanchi, 405.
Itierltachl, 62.
Binsvvanger, 258.
Boek (de), 391.
Bombai da, 38.
l3onduraut, 376,470.
13on(ighi, iG5.
Bonholler, 480.
Bonnier, 151.
Bourneville, 108, 368,
321, fez0.
Boyce, 386.
Boyer, 108, 450.
Brainerd, 58.
BI'andeY, 337.
Briand, 81, 166.
Brissaud, 48, 68, 225,
307.
Bruce, 319.
Bruno, 60.
Bulloch, 154.
Burtoii, 161.
Buscliau, 415.
Campell, 155.
Challan de Belleval,
247.
Charcot (J.-B.), 71, rf3.
Charcot (J ? 11.), 74.
Charpentier, 248.
Chipault, 73, 150, 308,
Christian, 225.
Clark, 395..
Coletta, 461.
Collius, 391. ,
Collucci, 470.
Cools, 394.
Craie, 159.
Cristiani, 4G7.
Crowley, 381.
Cullierre, z7, 39,97,224.
Dagonet, 38, 473.
Daleine, 379.
Daraskiewicz, 45.
Dehio, 411.
Uelmas, 336.
Demoulm, 380.
Deschamps, 33L
Devay, 321.
Uornbluth, 12.
Doutrebente, 250.
Dumas, 328.
Ellis, 163, 47l.
Enriquez, 235.
Falcone, 175.
Falret, 170.
liai-guharson, 158.
Férié, 316.
Ferrari, 465.
Fleury (de), 324.
Flugge, 421.
Coruario, 476.
Fournier, 76.
Foveau de Courmelles,
333.
Freud, 45, 46.
Frenl.el, 62.
Freund, 62, 476, 479.
Furer, 412.
Flll'stner, 409.
Galavielle, 1.
Garnier (P.), 247.
Garnier (S.), 57.
Getltard, 382.
Gianelli, 471.
Gilles de la Tourette,
76, SI.
Giraud, 327.
Giroudon, 425.
Gloy, 234.
Goldscheider, 424.
Goodhall, 159.
Greave, 1 il.
Griibp, 61.
Gulden, 405.
Guérm,.238, 329.
Guicciardi, 380.
Hahn, 477, 478.
Hall, 87. '
II arold, 380.
llarvey, 320.
Iliscovec, 177, 375.
flead,, 319.
Hebold, 312.
Heger, 391.
Ileilbronner, 406, 480.
Hephurii, 164.
Hirsch, 312.
Hitzig, 263, 476.
Hoche, 377.
lloesel, 385.
Hoffmann, 386.
Hoisholt, 381.
Homen, 317.
1 311, 471.
Ideler, 399.
Hem,263.
JolTroy, 47, 215, 234,
256.
Johnson, 314.
Jolly, 45.
.IOI'and, 65.
[%,ils, 35, 1 FL, 389, 405.
Kausch, 385.
1{PI'aVal, 78, 407.
Kirilizeff, 141.
Klippel,328.
508 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Koepen, 137.
Kovalewsky, 163.
Krafft-Ebing, 43,44,400.
Creuser, 412.
Kroepelin, 409.
Ku relia, 58.
Lamy, 63, 317.
Lane, 165.
Lannois, 318, 338, 339.
Larroussinie, 336.
Leclerc, 152.
Liebmann. 417.
Londe, 61, 71, 77, 310.
Longard, 419.
Lugaro, 467.
Luhrmann, 115.
Lui, 393.
Mabille, 222, 242.
Macalester, 156.
Macphail, 310.
Marandon de Montyel,
378, 433.
Marie (A.), 33L
Marll1esco, 308, 325.
llassalono,316, 42î.
]\]atton,242.
1\Iallpâté, 474.
Mayer, 140, 398.
maya, 393.
lleiâe, 6=, 91, 153.
11lendel, 262.
hlerclclin, 407.
Meyer, 59, 413.
Michele (de), 475.
Aliddlemass, 161.
Mingazzmi, 4G6.
mins, 163.
Mirto. 470.
Monousblto, 315.
Moott, 162.
Moreau de Tours, 162.
Motet, 321.
blunh, 399.
Nageotte, 273, 472.
Neisser, 479.
Nissl, 141, 393, 4l0.
Noecke, 41, 416.
OEbecke, 418.
Ostermayer, 43.
Pacetti, 476.
Pailhas, 251, 334,459.
Parant, 212.
Pelman, 418.
Penta, 466,'rî6.
Peterson, 471.
Petit (R.), 14, 120.
Piccinino, 465.
Pick, 479.
Pierson, 85.
Pineles, 383.
Pitres, 219, 309.
Pons, 2 ÍÜ.
Potoir. 387.
Prou t, 39 Í.
Rase ! ), 404.
Raymond, 75,315.
Redlich, 139.
Beed, 376.
Régis, 87, 224, 239, 247,
323.
Régnier, 339.
Remak, 143.
Renaul, 231.
Renolds, 399.
Richer (l'.), 91, 14G,1 18.
Richet, 382,
Bittai, 2'20.
RoUet,4t.
Rosin, 141.
Rossi, 476.
Roth, 326.
Rothe, 401.
Rotibiiiowitcli, 166, 329.
Russel, 155.
Sanborn, 88.
Sanenis, 470.
Saville, 67.
Sayre, 392.
Schoefer, 54.
Schloess, 138.
Sémelaigne, 378.
Sérieux, 258.
Serrey, 71. 1.
Seulecq, 39.
Sgrosso, 406.
Shaw, 398.
Sieraccini, 51.
Smith, 408.
Solie Cohen, 377.
Solller, 323, 472.
Sommer, 40, 78, 138,
407.
Souchanow, 165.
Souques, 48, 66, 71, 77,
318.
Starr, 320.
Svms, 313.
'l'arnowla, 73, 310.
Taty, 238, 329.
Taylor, 157.
Tedeschi, 467.
Teeter, 391.
Thomsen, 306.
Tissié, 248, 323.
Toulouse, 168,492.
Toy, 328, 426.
Trenel, 201, 2'rl, 423.
Tllke (IL), 87.
Turner, 154,155
Valon, 221.
Venturi, 474.
Vergely, 222.
Verrier, 238, 216.
Vigouroux (A.), 33t.
Villard, 9.
Voisin (J.), 14,120,239,
246.
Vorster, 43.
Wade, 377.
Wallon, 247.
lVeinland, 397.
Wessinger, 314.
Westphall, 135.
Wollenberg, 404.
Zenner, 164.
Éucu : \, Cit. Ilémssr.r, imp. - 1 9à